Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Tuesday, October 3, 2023
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Vol. 47 N° 45
Special consultations and public hearings on Bill 34, An Act to modernize the notarial profession and to promote access to justice
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10 h 30 (version non révisée)
(Dix heures quarante et une minutes)
Le Président (M.
Bachand) :Alors, bonjour, tout le monde.
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 34, Loi visant à moderniser la profession notariale et à favoriser l'accès
à la justice.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président, Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) est remplacée par Mme Cadet
(Bourassa-Sauvé) et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche
Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Ce matin, vous
nous allons entendre, après les remarques préliminaires, l'Association
professionnelle des notaires du Québec et l'Union des notaires du Québec, mais
on commence par les remarques préliminaires. M. le ministre, pour six minutes,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
M. le Président, content de vous retrouver. Salutations aux collègues également
qui nous accompagnent.
Donc, rendre la justice plus accessible
pour toutes les Québécoises et tous les Québécois, c'est le principe qui guide
une grande partie de nos décisions et de nos actions. La population québécoise
doit avoir accès à des services de justice qui sont efficaces, modernes et
abordables.
Le 14 septembre dernier, nous
présentions le projet de loi n° 34 pour moderniser la profession notariale
et pour favoriser l'accès à la justice. Et aujourd'hui nous entamons une étape
importante des consultations particulières.
Rappelons qu'il y a environ 4 000 notaires
actifs au Québec et que les citoyennes et citoyens seront assurément appelés à
en consulter un ou une pour l'achat d'une maison, un mariage, un divorce, un
testament ou pour affaires.
Nous entendrons aujourd'hui plusieurs
experts, organismes et groupes et nous sommes très heureux de pouvoir
bénéficier de leur contribution pour offrir aux justiciables et aux
professionnels un projet de loi qui répondra à leurs besoins.
D'abord, nous proposons une modernisation
de la profession notariale. Rappelons que celle-ci est encore en grande partie
régie par un régime qui date de la fin des années 60. Au début des années 2001
nouvelle loi sur le notariat a été adoptée, mais, plus de 20 ans plus
tard, nous constatons que la majorité de cette réforme n'a jamais été mise en
oeuvre et surtout qu'elle était déjà en retard sur l'évolution technologique.
Il y a lieu de faire un rattrapage.
Avec le projet de loi n° 34, nous
faisons entrer la profession notariale au XXIe siècle et donc à l'ère du
numérique. Désormais, les actes notariés seront sur support numérique, sauf
exception, cela signifie que vous signerez vos actes notariés tels que votre
testament, votre contrat d'achat de maison ou votre contrat de mariage sur une
tablette ou un ordinateur en présence du notaire. L'objectif est de simplifier
à la fois le travail des notaires et la vie des citoyens et des citoyennes qui
les consultent. Une fois l'acte signé, il sera possible d'obtenir une copie
papier ou numérique de vos actes notariés, selon votre préférence. Un greffe
numérique sera créé et géré par la Chambre des notaires et tous les actes
notariés y seront colligés. Ce registre central sera soumis au plus haut
standard de sécurité et à un audit de sécurité à intervalles réguliers. Il
importe également de mentionner que les actes seront ainsi plus facilement
accessibles, et, surtout, nous éviterons leur perte, comme en cas de sinistre,
comme ce fut le cas lors de la tragédie de Lac-Mégantic.
Soulignons également que, dans certaines
circonstances, les actes notariés pourront être signés à distance.
Une partie de ces avancées et façons de
faire plus modernes a été implantée par la nécessité durant la pandémie, et,
aujourd'hui, nous en faisons des mesures permanentes.
Ensuite, un meilleur accès à la justice
passe notamment par une plus grande contribution des notaires. Premièrement,
certains actes notariés pourront devenir exécutoires, cela signifie que deux
parties pourraient convenir chez le notaire de ce qui se passerait si l'une d'elles
ne respectait pas sa part du contrat, cela leur éviterait donc de devoir, le
cas échéant, aller devant le tribunal. Cela aura aussi pour effet de réduire le
nombre de dossiers en matière civile à la Cour du Québec, en plus d'offrir aux
citoyens et aux citoyens un règlement de leurs litiges beaucoup plus rapide et
sur lequel ils se seraient mis d'accord préalablement devant un notaire.
Par ailleurs, le présent projet de loi
reconnaîtra un nouveau statut aux notaires à la retraite. Désormais, ceux-ci,
tout comme les avocats et les avocates à la retraite, pourront oeuvrer au sein
d'organisme sans but lucratif. Ces notaires à la retraite pourront ainsi
contribuer à la mission de ces organismes qui oeuvrent pour un meilleur accès à
la justice.
Finalement, le projet de loi propose de
modifier les règles de financement du Fonds d'études notariales administré par
la Chambre des notaires et son pendant au Barreau du Québec, le Fonds d'études
juridiques, afin qu'il puisse servir au financement d'initiatives visant à
favoriser l'accès à la justice. Cela permettra de financer des initiatives
comme les cliniques juridiques qui ne pouvaient pas jusqu'ici bénéficier de l'un
ou de l'autre de ces fonds.
Vous l'aurez compris, ce projet de loi s'inscrit
en continuité avec les efforts que nous menons pour rendre la justice plus
efficace et plus accessible pour la population.
Comme vous le savez, le système de justice
connaît son lot de défis et tous les gains que nous pouvons faire en matière d'efficacité
et d'accessibilité au bénéfice des citoyens sont importants.
Ces engagements dans le système de justice
québécois entraîneront des répercussions concrètes et positives à la fois pour
les Québécois et les Québécoises et pour le travail des notaires. Et sachez que
tout ce travail se fait en collaboration avec l'ensemble des partenaires, en
particulier la Chambre des notaires du Québec.
Alors, nous sommes heureux aujourd'hui, M.
le Président, d'accueillir les différents témoins qui vont venir en
consultation. Et je tiens à remercier les gens qui nous accompagnent du
ministère de la Justice. Donc, ça fait plusieurs années qu'on travaille sur ce
projet de loi, M. le Président, et c'est un aboutissement. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député d'Acadie pour une période d'une durée de 3 min 36 s. M. le député,
s'il vous plaît.
M. Morin : Merci.
Bonjour, M. le Président, M. le ministre qui est accompagné de vos collègues
députés, mais aussi...
M.
Morin :...des membres de votre ministère, collègues également
de l'opposition. J'étais très, très heureux de lire ce projet de loi, M. le
Président, parce qu'effectivement les notaires jouent un rôle très important
dans la société québécoise et ils occupent une place importante dans le domaine
du droit, et ce, depuis, je dirais, quelques siècles. Parce que, même en
Nouvelle-France, les notaires agissaient sur le territoire du Québec, de la
Nouvelle-France de l'époque. Et évidemment leur travail a continué au fil des
siècles. Maintenant, on arrive, aujourd'hui, en 2023. Puis évidemment, avec
l'essor de la technologie, il est bon de vouloir modifier pour permettre aux
notaires d'agir en utilisant, notamment, des outils technologiques.
Cependant, qui dit outils technologiques
dit également sécurité de l'information. Et moi, j'ai hâte d'entendre des
groupes, ce matin, qui vont venir nous parler de la mise en œuvre. Parce
qu'évidemment il est... le principe est là, c'est clair. Maintenant, comment cela
va se manifester dans le quotidien? Comment, éventuellement, on pourra protéger
ses données? Ça, c'est un élément qui m'intéresse tout particulièrement, M. le
Président. Et je demeure convaincu que les groupes que nous entendrons en
consultations particulières vont nous aider à bien saisir la portée de tout
cela. Donc, ça, c'est effectivement un volet important.
Bien sûr, il y a des modifications au
Fonds d'études juridiques qui va permettre de financer certains projets. Là
aussi, j'ai hâte d'en apprendre davantage. Parce que, bien sûr, si ce sont des
initiatives qui permettent un meilleur accès à la justice pour l'ensemble des
citoyens et citoyennes du Québec, c'est évidemment quelque chose que nous
accueillons favorablement.
Je vous dirais, malheureusement... en tout
cas, je ne sais pas pour mes autres collègues, mais moi, j'ai reçu plusieurs
mémoires, ce matin, et, évidemment, je comprends que le gouvernement est pressé
d'agir, mais c'est un peu malheureux, parce qu'évidemment c'est un projet de loi
qui est hyperimportant, avec des concepts qui sont très pertinents. Et donc,
malheureusement, ça nous ne laisse pas beaucoup le temps, n'est-ce pas, de lire
pour pouvoir, après ça, interagir avec les groupes. Mais je suis convaincu que
les groupes que nous allons entendre vont quand même nous aider à bien saisir
la portée de leurs documents. Peut-être qu'à l'avenir ce serait préférable
qu'on ait un peu plus de temps.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député
d'Acadie. Maintenant, le député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour une minute
30 secondes. M. le député, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Bonjour, collègues. Bonjour, M. le ministre, qui n'est plus là, mais
bon, un bonjour à vous. Bonjour, M. le Président. Bonjour, collègues de
l'opposition. Content d'être devant vous aujourd'hui de retour devant la
commission. Un projet de loi très important, mais je dois le souligner aussi,
avec lequel on a eu très peu de temps pour se familiariser avec la
documentation, les mémoires, évidemment, reçus dans les derniers instants.
Alors, je dois le souligner aussi.
Très hâte d'entendre les groupes
aujourd'hui. Je note des belles choses dans le projet de loi, notamment l'acte
notarié sur support numérique, le greffe numérique pour rendre le tout plus
accessible et facile, la signature à distance. Donc, je vois qu'il y a des
belles choses. On a beaucoup travail, alors allons-y. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Alors, je vais suspendre
quelques instants, parce que notre premier groupe est en visioconférence, donc,
pour vérifier la connexion. Alors, je suspends quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 49)
(Reprise à 10 h 50)
Le Président (M. Bachand) :...travaux. Il nous fait plaisir de recevoir les
représentants de l'Association professionnelle des notaires du Québec. Alors,
merci beaucoup d'être avec nous. Comme vous savez, vous avez une période de
10 minutes de présentation. Après ça, on aura une période d'échange avec
les membres de la commission. Alors, je vous invite à commencer, d'abord à vous
présenter et à débuter votre présentation. Merci beaucoup d'être avec nous
encore une fois.
M. Houle (Kevin) : Merci.
Donc, M. le Président, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés,
bonjour. Tout d'abord, permettez-nous, en mon nom, et celui de mon collègue, et
de tous les membres notre association, de vous remercier de nous avoir invités
à participer à ces consultations particulières sur le projet de loi n° 34,
loi visant à moderniser la profession notariat et à favoriser l'accès à la
justice. Donc, je m'appelle Kevin Houle, je suis notaire et président de
l'association professionnelle...
M. Houle (Kevin) : ...notaires
du Québec, l'APNQ. Et je suis accompagné aujourd'hui de Me François Bibeau,
notaire émérite et directeur général de l'APNQ.
Notre association est un organisme à but
non lucratif fondé en 1997 qui est dédié à la défense des intérêts sociaux et
économiques de ses membres, et nous regroupons quelque 1 820 notaires
répartis sur l'ensemble du territoire québécois et nous oeuvrons au rayonnement
du notariat.
Permettez-moi, en mon nom et au nom de
l'APNQ, de commencer par saluer et féliciter le législateur pour le projet de
loi n° 34 visant à moderniser la profession notariale au Québec. Il s'agit
d'une pièce législative qui était demandée, attendue et nécessaire. Le projet
de loi exprime, quant à nous, la ferme volonté du législateur à mettre à
contribution activement le notaire et le notariat dans l'amélioration et la
modernisation de notre système de justice et dans son accès. Rappelons que les
notaires ont la confiance du public. L'exécution forcée de l'acte notarié,
l'introduction du concept de notaires à la retraite, les actes notariés en
minute sur support technologique et l'introduction d'un greffe central
numérique, eh bien, ce sont là des concepts au cœur de ce projet de loi, des
concepts importants et structurants pour l'avenir.
Donc, je cède à ce stade-ci la parole à
mon collègue, Me Bibeau, pour vous partager nos premiers commentaires.
M. Bibeau
(François) :Merci, Me Houle. J'aimerais
d'abord réaffirmer le fait que nous saluons et félicitons le dépôt du projet de
loi n° 34.
Nous sommes heureux que les législateurs
du Québec aient choisi d'emboîter le pas à plusieurs pays de tradition
civiliste ayant implanté depuis plusieurs années le concept de l'exécution
forcée de l'obligation contractuelle constatée par acte notarié. Ainsi, suite à
l'adoption de ce projet de loi, il ne sera plus nécessaire de mobiliser les
cours de justice pour traiter de certains manquements à une obligation
constatée par acte notarié. De ce fait, les officiers de la cour, qu'on parle
des juges, greffiers, huissiers de cour ou autres, pourront être affectés à des
dossiers demandant toute leur attention plutôt qu'à des dossiers qui conduiront
à un jugement par défaut de comparaître, par exemple. Cet apanage de l'acte
notarié, présent dans plusieurs pays de droit latin, qu'on pense à la France,
l'Espagne, l'Italie, le Mexique, la Belgique, la Suisse et j'en passe, était
jusqu'à présent absent du système notarial québécois. Certes, l'acte notarié
québécois est un acte authentique qui est l'autre apanage des actes notariés
rencontrés dans les pays que je viens de mentionner, c'est-à-dire qu'il
comporte la force probante faisant donc preuve de son contenu. Cependant, sans
le concept de l'exécution forcée, l'acte notarié ne pouvait être utilisé ici,
au Québec, à sa pleine mesure. Avec cet ajout à notre système de droit,
l'action des notaires pourra véritablement joindre les efforts de toute la
collectivité juridique afin d'œuvrer de façon concrète à un meilleur accès à la
justice et au désengorgement des tribunaux.
Dans un esprit constructif, l'APNQ
souhaiterait néanmoins soumettre quelques recommandations afin de contribuer à
améliorer la pièce législative à l'étude, dont voici en rafale une liste non
exhaustive.
Tout d'abord, nous nous interrogeons sur
l'utilisation du terme «contrat» ou «catégorie de contrat» à l'article 3
du projet de loi. En effet, un contrat peut contenir plusieurs types
d'obligations. Il serait ainsi préférable que le texte du second alinéa de
l'article 1603.1 du Code civil soit... libellé, pardon, de façon à faire
référence à des types d'obligation plutôt qu'à des types de contrat. Cela
éviterait donc tout risque de confusion.
Nous souhaitons aussi porter quelques
propositions concernant les questions reliant l'exécution forcée d'une
obligation notariée et la date d'entrée en vigueur de la loi.
Tout d'abord, un article devrait être
ajouté dans la section des règles transitoires du projet de loi afin de
permettre aux citoyens qui le souhaiteraient de bénéficier des règles
d'exécution forcée par acte notarié même pour une convention signée avant
l'entrée en vigueur de la loi. Cela pourrait être fort utile dans certaines
situations, comme par exemple concernant les obligations contenues dans des
déclarations de copropriété, de condo, ou encore dans des baux commerciaux notariés.
Nous proposons ensuite que le texte de
l'article 74 du projet de loi soit modifié afin d'inclure une date ultime
de mise en application des dispositions de l'article 3. Ce délai devrait
être établi en évaluant le temps requis habituellement pour l'adoption d'un
règlement d'application. Puisqu'aucune date n'a été établie et que le tout est
reporté à la mise en vigueur du règlement prévu par l'article 3 du projet
de loi. Nous pensons que celui-ci devrait prévoir une date précise et cela afin
d'assurer que ce beau concept soit rapidement mis en œuvre dans l'intérêt des
justiciables. De plus... C'est-à-dire, de plus amples détails quant à nos
propositions sont fournis dans notre mémoire.
Je cède à mon tour la parole à mon
collègue, Me Houle, qui vous partagera d'autres grandes recommandations que
nous souhaitons faire.
M. Houle (Kevin) : Oui,
merci, Me Bibeau. Donc, l'APNQ reconnaît haut et fort depuis plusieurs années
l'apport des notaires retraités, donc les notaires à la retraite, à la
collectivité notariale et par ricochet à la société québécoise. Donc, il va
sans dire que...
M. Houle (Kevin) : ...nous
saluons et approuvons les efforts du législateur afin de reconnaître cette
force vive du notariat québécois.
Si nous avons quelques commentaires
présents dans notre mémoire concernant la manière d'identifier un notaire à la
retraite par son nombre d'années et la présence d'un titre avant son nom, nous
souhaitons aussi vous partager deux recommandations pour améliorer les
dispositions du projet de loi les concernant.
Premièrement, il serait utile que le
projet de loi permette aux notaires à la retraite de poser certains gestes
juridiques simples qui pourraient s'avérer fort utiles pour la population
québécoise et aux nouveaux membres de la profession aussi. Pensons, par
exemple, à la possibilité de faire prêter serment à un individu.
Et, surtout, deuxièmement, nous
recommandons que le projet n'exclue pas les notaires à la retraite de la
supervision des étudiants dans les cliniques juridiques universitaires. Nous
émettons l'idée qu'il serait important de pouvoir faire une place à ces
notaires à la retraite dans ces cliniques, du fait de l'expérience qu'ils
pourraient offrir aux étudiants, surtout dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre.
Au sujet de l'acte technologique...
notarié technologique, ou dématérialisé, ou numérique, bref, comme vous l'avez
entendu lors de mon introduction, l'APNQ est concernée par les questions
d'accès à la justice. La transformation de la profession vers l'acte
technologique permise par ce projet de loi ne peut qu'être saluée bien haut et
fort par notre regroupement. Nous avons là aussi quelques commentaires et
recommandations.
Tout d'abord, nous recommandons d'exclure
le caractère d'exception de l'acte notarié reçu à distance dans les
modifications apportées à l'article 46 de la Loi sur le notariat par l'article
45 du projet de loi no 34. Nous devons avouer que nous trouvons cela trop
strict d'en faire un caractère d'exception dans le texte d'une loi, surtout
dans la section traitant des formalités des actes notariés. Nous ne voudrions
pas voir un acte notarié... attaqué quant à sa validité uniquement parce qu'il
fut signé à distance. Nous considérons que la signature à distance offre
néanmoins tellement de possibilités pour faciliter l'exercice de la profession
notariale selon le cadre de pratique du notaire et selon son type de clientèle,
que le caractère d'exception devrait être retiré de la loi elle-même pour être
prévu plutôt dans un règlement d'application, lequel pourrait davantage être
modulé et y prévoir des situations ou des contextes particuliers où l'acte
pourrait être signé, effectivement, à distance et ainsi être adapté à la
réalité de tous. Cela entraînerait une meilleure expectative, tant pour les
notaires eux-mêmes que pour les justiciables, tant que la sécurité juridique
demeure.
L'APNQ salue aussi ouvertement la
reconnaissance du législateur dans les fonctions importantes du notaire à titre
d'officier public par les articles 23 et 36 du projet de loi no 34. Ces
articles définissent plus largement les responsabilités du notaire dans la
préparation d'un dossier impliquant notamment un acte notarié ou un immeuble.
L'article 23 précise que nul autre qu'un notaire ne peut, pour le compte d'autrui,
notamment, préparer ou rédiger des actes notariés. Et ces mots sont importants.
Bien que cela puisse paraître évident, ces termes reflètent enfin dans la loi,
à notre avis, la réalité du travail d'un notaire. Effectivement, l'APNQ
rappelle que, dans son rôle d'officier public, le notaire a un très fort devoir
de conseil vis-à-vis toutes les parties qui signeront l'acte notarié. De ce
fait, il doit donc, le notaire, intervenir à différents niveaux avec les
parties impliquées afin de leur divulguer les avis de manière diligente, et ce,
tout au long de la préparation de l'acte notarié. Ce devoir de conseil ne se
réalise pas uniquement lorsque le notaire reçoit l'acte notarié, à la toute
fin, il s'agit d'un devoir continu. Pour terminer, je cède à nouveau la parole
à Me Bibeau.
M. Bibeau
(François) :Merci, M. le Président. Donc,
ces recommandations et l'ensemble des commentaires, que vous pouvez retrouver à
la lecture de notre mémoire, font partie, sont faites, donc, dans un esprit de
collaboration. Aux yeux de l'APNQ, le projet de loi no 34 apparaît comme un
remède à plusieurs préoccupations notariales contemporaines de notre société et
amène aussi des solutions à des enjeux de taille pour toute la communauté
juridique. Nous ne pouvons que le saluer.
Par la réaffirmation du statut d'officier
public du notaire, par la concrétisation de l'avènement de la révolution
technologique notariale, par la création d'une catégorie de notaires à la
retraite et le nouvel attribut qu'est l'exécution forcée à une obligation
contractuelle constatée par un acte notarié, ce projet de loi ne peut que
participer à l'amélioration de la confiance en la justice et en son accès. Les
justiciables québécois seront donc avantagés par les solutions mises de l'avant
par vous, les législateurs. Nous vous remercions de votre attention.
• (11 heures) •
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, période
d'échange qui va débuter avec M. le ministre, pour une période de 16 min 30 s,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Me Houle, Me Bibeau, merci de votre présence en
commission parlementaire, c'est apprécié. Donc, je comprends que l'association
professionnelle des notaires accueille positivement le projet de loi. Vous nous
faites des suggestions. J'ai quelques questions pour vous puis je vais céder la
parole à mes collègues par la suite.
Dans un premier temps, là, le financement
de la transition technologique des greffes notariaux, on a mis dans le projet
de loi une disposition qui fait en sorte que la Chambre des notaires, qui aura
la responsabilité d'établir le greffe central numérique, pourra le financer
avec le fonds d'études notariales. Donc, on vient ajouter aux dispositions du
fonds que ça va être possible d'utiliser les...
11 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...les
sommes pour pouvoir le financer. Est-ce que, pour les notaires de votre
association, ça les rassure du fait que la Chambre va pouvoir utiliser le fonds
d'études notariales pour financer la transformation numérique?
M. Houle (Kevin) : Je pourrai
céder la parole à Maître Bibeau à ce niveau-là, mais pour commencer, je
pourrais effectivement confirmer que oui, les notaires étaient quand même...
nous questionnaient à savoir de quelle manière les notaires pourront et/ou
devront-ils numériser les actes notariés qu'ils ont dans leur greffe, et
quelques-uns d'entre eux possèdent des milliers d'actes notariés.Donc, dans ce
cas-ci, d'abord, ce qui est intéressant, c'est d'avoir accès aux FEN, au fonds
d'études notariales pour les dossiers ou les projets d'accès à la justice, mais
aussi pour les notaires qui désireraient numériser les actes notariés. Je ne
sais pas si, Me Bibeau, vous avez des éléments de plus à ajouter.
M. Bibeau
(François) :On comprend effectivement que
c'est un projet colossal de transformation de la société. On va le dire, là, c'est...
les actes notariés sont des actifs qui font partie du patrimoine commun. Et le
fait de vouloir transférer tout ça dans un... central, bien, c'est quelque
chose d'énorme. À l'époque où j'étais même président de la Chambre, c'était un
dossier qui nous... qui nous faisait travailler beaucoup et on se demandait
comment on allait être capable, quand on viendrait au moment de le faire, pour
financer tout ça. Et, bien évidemment, les notaires voyaient difficilement la
possibilité pour eux, par des cotisations spéciales, d'y arriver. Alors,
honnêtement, nous voyons ça d'un très, très bon oeil et on pense que le fonds d'études
notariales est un fonds qui est justement constitué pour ce genre de projet de
société qui, dans le fond, est de retourner à la population, là, les sommes qui
ont été générées par ce fonds-là.
M. Jolin-Barrette : Une autre
question, relativement à l'acte notarié exécutoire, je comprends que vous êtes
en faveur de l'acte notarié exécutoire. Vous vous invitez cependant à modifier
le vocabulaire qui est utilisé dans le projet de loi. Plutôt que d'utiliser le
mot contrat, d'utiliser le terme obligation. Juste, rapidement, nous expliquer
pourquoi vous voulez cette modification du libellé.
M. Bibeau
(François) :Si je peux me permettre, Me
Houle, dans le fond, ce qu'on a constaté, c'est qu'un contrat comme tel peut
constituer plusieurs obligations. Par exemple, on pourrait avoir une convention
entre deux voisins avec des obligations de faire ou de ne pas faire certaines
choses. Par exemple, ne pas construire une clôture de plus de 30 pieds de
haut et aussi l'obligation de payer une redevance à son voisin selon des
moments ou des événements qui seraient convenus. Alors, ici, dans le même
contrat, on a deux types d'obligations, soit une obligation de faire et de ne
pas faire puis une obligation d'ordre pécuniaire. Alors, le concept d'exécution
forcée va peut-être plus s'attacher à des obligations pécuniaires, en tout cas,
dans notre conception des choses, qu'à une obligation de faire ou de ne pas
faire. Ça serait plus difficile à exécuter à ce moment-là, quoi que... tout
dépendamment des situations. L'exemple que je vous ai donné démontre, là, que,
dans un même contrat, il peut y avoir, donc, plusieurs types d'obligations et c'est
la raison pour laquelle on invite le législateur à revoir le libellé de l'article 1603.1.
M. Jolin-Barrette : O.K. Pour
ceux qui seraient craintifs, là, que l'acte notarié exécutoire vient s'opposer
dans notre droit, parce que c'est un nouveau concept au Québec. À ceux qui
disent : Bien, écoutez, la façon traditionnelle de faire les choses, c'est
d'aller devant le tribunal, de faire une demande au tribunal, de se présenter à
la cour avec les délais inhérents. Ceux qui... qui vont nous mettre en garde,
de dire : Bien, écoutez, c'est dangereux, on ne sait pas si ça va marcher,
on ne sait pas comment ça va s'exécuter. Il y a quand même des gens qui sont
inquiets, là. Qu'est-ce que vous diriez pour les rassurer?
M. Bibeau
(François) :Bien, d'entrée de jeu, ce qu'on
pourrait mentionner, c'est que c'est normal d'avoir des craintes. On comprend
parce qu'on fonctionne avec un système qui est basé, pour le droit civil, sur
ce qui nous provient du droit français, puis, pour le reste, de ce qu'on a dans
la conception britannique des choses. Et, dans la conception britannique des
choses, de la force exécutoire de l'acte, qui existe dans les autres pays, n'existe
pas, mais, par contre, les exemples de pays que l'on vous a donnés, la France,
entre autres, est un cas très, très facile à comprendre, ce n'est même pas
remis en question, pour eux, c'est normal de fonctionner comme ça. Et, en plus,
la beauté de la chose, c'est que ça vient désengorger les tribunaux des petits
cas, des petits dossiers qui, normalement, n'auraient pas dû se retrouver là.
Cela dit, dans la façon dont on comprend
comment ça devrait se passer, c'est que ça devient une option. Il n'y a rien
qui empêcherait un créancier d'y aller par la voie normale que nous connaissons
présentement pour réclamer son dû ou pour aller de l'avant dans une action,
proprement parler. Par contre, ça risque de lui coûter pas mal plus cher de
fonctionner comme ça, parce qu'on...
M. Bibeau
(François) :...il y a des délais, que les
coûts d'avocats, etc., c'est plus lourd. Et aussi dans notre conception des
choses, c'est qu'à partir du moment où un débiteur d'obligations va dire :
Non, non, non, c'est faux, moi, je n'ai pas fait défaut de paiement, bien, je
vais contester cette demande là qui est faite selon la formulation de 1603.1,
puis je vais contester tout ça. Alors là, nécessairement, il va falloir que ce
soit entendu par un juge, par un tribunal, par une cause. Mais pour tous les
autres cas, puis là, on peut penser à d'innombrables cas où tout ça finit par
un défaut de comparaître, puis le jugement est fait à l'encontre du débiteur,
bien, on vient éviter toute cette lourdeur-là ici.
M. Houle (Kevin) : Mais
j'aurais des éléments à ajouter aussi. Entre autres, par exemple, il ne faut
pas oublier que l'acte notarié, il faut revenir à la base, l'acte notarié est
un acte qui a une force probante. Donc ici, les débiteurs, par exemple, auront
toujours la possibilité de venir contester ce que le créancier prétend,
c'est-à-dire qu'il n'a pas payé l'obligation pécuniaire en soi, le
remboursement d'un prêt par exemple. Mais là, on revient à la base, le notaire
officier public, l'acte à la source est un acte notarié, a donné les
explications aux parties à l'acte. Donc, il sert à quoi? Qu'est-ce qui s'en
vient? Ils auront accepté, dans un projet de loi comme celui-là, par exemple,
le fait d'accorder ou d'assujettir l'exécution forcée par acte notarié, donc la
force probante, l'explication donnée, la confirmation de l'identité. Donc,
l'officier public remplace, ou du moins on ne peut pas dire remplace, mais aura
réalisé certaines conditions que le greffier aurait dû... aurait pu faire
lui-même que la cour aurait pu le faire elle-même, par exemple.
M. Jolin-Barrette : O.K.
M. Houle (Kevin) : C'est un
cas de non-contestation, évidemment, toujours.
M. Jolin-Barrette : O.K. Deux
questions en terminant, avant de céder la parole à mes collègues. La première
étant relativement à l'acte notarié reçu à distance, parce qu'il y a deux
choses, là, bon. Il y a la numérisation de la profession. Dans le fond,
désormais, les notaires, leur acte va être sur support numérique. On rassure
les gens également, ceux qui vont vouloir avoir leur copie papier comme moi, je
vais pouvoir avoir une copie papier pour y toucher, puis je vais pouvoir la
signer papier puis par la suite ça sera numérisé.
Cependant, il y a la question de la
signature à distance. Dans le cadre du projet de loi, on a déterminé que c'était
le notaire qui déterminait est-ce que la signature peut être faite à distance
et qu'il y a un caractère exceptionnel. Vous semblez avoir certaines réserves
sur le caractère exceptionnel à ce niveau-là. Je vous explique la démarche qui
nous amène vers le caractère exceptionnel. On ne souhaite pas qu'en matière
d'aptitude de la personne, testaments, mandats ou des situations plus
particulières, bien, que ça devienne un automatisme. Il faut que le notaire
puisse toujours évaluer l'aptitude de la personne à donner un consentement
libre et éclairé. Mais j'aimerais ça vous entendre sur quels sont les enjeux,
selon vous, sur le fait que ce soit un caractère exceptionnel.
M. Houle (Kevin) : Bien, ici,
ce qu'on mentionne, c'est que ces genres d'éléments là ou de contextes
pourraient être clairement dits dans un... plus dans le contexte, un règlement.
Par exemple, si moi, personnellement, je suis un notaire qui fait du droit des
affaires par exemple, donc je rencontre plusieurs fois un client par année. Donc,
cette personne-là, ce n'est pas une thèse, ce n'est pas un mandat de
protection, c'est une transaction commerciale, immobilière ou autre. Dans un
contexte comme celui-là, moi, notaire, je pourrais considérer que l'acte est
suffisant. La personne est une personne d'affaires, comprend bien le contexte,
etc. Donc, par contre, si dans le corpus d'une loi on vient rendre exceptionnel
ce genre de situation là, moi, je ne serais peut être pas en mesure d'être
assez confiant de considérer que oui, ça, c'était exceptionnel avec ce
client-là ou exceptionnel dans ma pratique. Vous comprenez? Et là, en plus, la
façon que c'est rédigé, c'est dans le contexte des formalités de l'acte
notarié. Donc si moi, je décide d'avoir un acte notarié signé à distance et
que, là, finalement on décide de le contester ou de l'attaquer et qu'on
dise : Aie, il elle a été signée à distance, ça aurait dû être de manière
exceptionnelle. Tu n'as pas respecté les conditions, le formalisme du
formalisme de l'acte notarié. Donc là, on vient arrêter, peut-être, pas quelque
chose qu'on ne voulait pas réellement qui se produise.
• (11 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Une
sous-question par rapport à ça. Est-ce que le devoir du conseil du notaire, il
est aussi bien rempli en toutes circonstances, que ça soit dans le bureau du
notaire physiquement avec lui? Est-ce que c'est la même chose pour vous si
c'est à distance?
M. Houle (Kevin) : Le devoir
de conseil, bien, oui, c'est sûr. Le devoir de conseil, c'est dans le sang des
notaires, on n'a pas le choix de donner et, comme je le disais dans la
présentation, c'est tout au long du dossier. Donc, le devoir de conseil ne va
pas se faire uniquement qu'à la signature, ça va être par téléphone, par des
courriels, par des rencontres préalables des fois. Donc, le devoir de conseil
est vraiment le même. Et encore une fois, moi-même et plein d'autres notaires
l'ont vécu, moi-même, je l'ai vécu, à partir du moment où on fait une signature
à distance et qu'on se rend compte que la personne est peut-être... entend mal
ou j'ai de la difficulté à confirmer...
M. Houle (Kevin) : ...sa
capacité ou sa... bref, le fait qu'elle comprenne bien ce qui s'en vient, bien,
j'ai cessé le rendez-vous, et la personne s'est présentée à mon bureau. Donc,
c'est le rôle du notaire de décider en bout de piste, même si c'est
permis : bien, aujourd'hui, ça ne signera pas comme ça, vous devrez venir
à mon bureau, et on va... Là, je vais être... Parce que, là, je ne le dirai pas
comme ça, mais moi, je le sais que je vais être davantage plus confiant,
effectivement, j'aurai confirmé sa capacité.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Je...
M. Bibeau
(François) :En fait, si je peux me
permettre d'ajouter, M. le ministre, je trouve que c'est intéressant aussi, les
éléments que vous avez visés par rapport à des actes plus précis comme le
testament, le mandat et des actes où... un caractère plus personnel, mais,
comme Me Houle le précisait, nous, on verrait beaucoup plus ces caractères
d'exception là intégrés dans un règlement pour permettre, à ce moment-là,
d'être plus précis sur ce que l'on veut dire au niveau de l'application comme
telle de ces contextes d'exception là.
M. Jolin-Barrette : ...pour
votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la parole à mes
collègues. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Charlevoix-Côte de Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Oui, bonjour,
Me Bibeau, Me Houle. Ça va bien?
Des voix : ...
Mme Bourassa : Je vais poser
juste une question pour laisser le temps à mes collègues de parler, mais, en
parlant autour de moi, là, du projet de loi, il y a des gens qui
disaient : Bon, bien, un greffe numérique, tout ce qui est technologique,
ça peut avoir des failles, mais, d'un autre côté, on a vu, à Lac-Mégantic, à
quel point ça peut être problématique de juste avoir des documents papier.
Parlez-nous un peu des risques de perdre des données précieuses en cas
d'incendie, de catastrophe ou, dans le cas de Lac-Mégantic, d'un train qui a carrément
brûlé toutes les archives.
M. Houle (Kevin) : Me
Bibeau...
M. Bibeau
(François) :Si je peux me permettre, oui.
Au moment où la tragédie de Lac-Mégantic est survenue, moi, j'étais en fonction
comme administrateur de l'ordre, par la suite à titre de président de l'ordre,
et je vous avoue que ça, c'est quelque chose qui nous a hantés pendant
plusieurs années. Vous savez pour certains que, dans la tragédie du
Lac-Mégantic, plus de 100 000 actes notariés ont été détruits lors de
cette tragédie-là. Donc, des situations affreuses pour la famille qui était
souvent déjà dans une situation endeuillée. Donc, par exemple, de rédiger une
succession sans testament retrouvé parce que la personne décédée était à
quelques portes voisines de l'étude de notaires, alors on n'a pas retrouvé ni
la copie conforme du testament ni l'original du testament. Alors, on s'est
dit : Oui, on pensait qu'on avait une solution très, très sécure avec nos
voûtes anti-feu dans nos bureaux, mais on se rend compte que ce n'est pas du
tout le cas.
La Chambre des notaires, à ce moment-là,
n'est pas restée inactive. En 2016, on a fait une délégation en France pour
aller voir comment ils fonctionnaient, comment ils avaient prévu des méthodes
de sécurité pour pallier à toutes éventualités. Le MICEN, qu'ils appellent en
France, ils n'ont rien inventé, là, c'est un acronyme Minutier central, donc le
MICEN, le siège du MICEN est situé à Lyon. On est allés visiter ça, c'est
vraiment impressionnant, vraiment tout à fait moderne, avec un point de backup
dans la région de Paris, mais ça, ils ne nous ont jamais dit où est-ce que
c'était. Un peu comme on a ici, par exemple, pour le RDPRM, qui est un registre
au Québec, où on a un point central à Montréal puis un point de backup dans une
autre région du Québec pour éviter des problèmes comme un incendie majeur, un
tremblement de terre.
Alors, au niveau de la sécurité, je pense
que les minutiers centraux, on va l'appeler comme ça, ou les greffes
centralisés, il y a des exemples, dans le monde, qui ont fait leurs preuves et
sur lesquels le notariat québécois pourrait s'inspirer pour organiser les
choses de façon sécure.
Mme Bourassa : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :...27 secondes. Mme la
députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être parmi nous. Quel est le niveau de
littératie numérique des notaires? On parle de transition technologique.
M. Houle (Kevin) : Bien,
d'abord, on n'a peut-être pas de statistiques à vous donner officiellement,
mais d'abord, pour moi, comme association, depuis déjà certains... D'abord, il
faut retourner en arrière, hein, depuis, quoi, deux, trois ans déjà, on fait
facilement des actes notariés à distance. Donc, les notaires ont pris... ont
participé activement, une bonne partie déjà font des actes numériques, entre
guillemets. Mais l'APNQ, comme association, donne aussi des formations. Déjà
cette année, on lance aussi une formation, ne serait-ce que pour aller aider
les notaires dans leur bureau, les aider, effectivement, pour ceux qui n'ont
pas encore emboîté le pas, ou qui sont en train de, ou qui ne le font pas tout
le temps, ou pas assez, pour pouvoir les aider activement pour, effectivement,
être en mesure de bien connaître les outils et, par ricochet, aider la
population en conséquence. Parce que la population demande aussi des actes
numériques mais aussi à distance pour certains d'entre eux.
M. Bibeau
(François) :Il faut savoir aussi que,
depuis plusieurs années, mais là on parle en termes de dizaines, dizaines
d'années, les notaires ont intégré beaucoup de technologies dans leur façon de
faire. Ça, c'est peu connu. Les gens pensent qu'on dactylographie encore tous
nos contrats, là, mais... Alors, il n'y a pas beaucoup de choses qui ne sont
pas faites avec l'aide de la technologie dans les bureaux de notaires,
logiciels de gestion, etc. Et souvent c'est seulement la partie finale, lors de
la signature, où là on retombe sur le papier puis on fait signer les gens.
Il faut savoir aussi qu'à l'APNQ, l'année
dernière, on a dédié notre congrès à tout ce qui s'appelle technologie de
pointe. Alors, on a eu des experts qui sont venus nous parler de blockchain et
de technologies de pointe au niveau des...
M. Bibeau
(François) :...actes numériques. Alors,
les notaires, on essaie de les tenir à jour par rapport à tout ça.
Le Président (M.
Bachand) :Alors, là-dessus, je cède la
parole au député de l'Acadie pour 12 min 23 s. M. le député de l'Acadie.
M.
Morin :Merci, M. le Président. Bonjour, Me Bibeau, Me Houle.
Merci d'être là. Évidemment, j'ai lu rapidement votre mémoire, parce que...
puis c'est... Je vous comprends, là, vous l'avez fait rapidement, j'imagine,
puis nous, on l'a reçu rapidement, mais bon, on a la chance, ce matin, de
pouvoir discuter un peu puis de m'éclairer sur certains aspects.
J'ai quelques questions pour vous. La
première, c'est en lien avec l'obligation contractuelle et son exécution
forcée, l'article 3 du projet de loi, qui va ajouter, finalement, au Code
civil, l'article 1603.1. Je comprends que vous suggérez, au fond, que... au
deuxième alinéa, au lieu de référer à des catégories de contrat, vous trouvez
que ce serait plus approprié de référer à des catégories d'obligations? Est-ce
que je vous ai bien compris?
M. Bibeau
(François) :C'est bien ça. Comme, par
exemple, on pourrait dans un règlement, exclure l'application de cette
notion-là à des obligations de faire ou de ne pas faire, par exemple.
M.
Morin :Parfait. Et le projet de loi dit qu'au fond c'est le
règlement qui peut exclure l'application du présent article de certains, bon,
contrats ou obligations. Avez-vous des idées ou des suggestions de ce qui
devrait être exclu?
M. Bibeau (François) :Bien, encore une fois, comme on mentionne, nous autres, on
voyait ça beaucoup plus applicable à des obligations pécuniaires, des
obligations où il y a un montant d'argent, par exemple, qui doit être transmis
ou fait, par exemple, qu'à une obligation de ne pas faire certaines choses,
donc, de ne pas construire ou de ne pas parler de telle, telle chose, ou de
garder secret, parce que, là, c'est plus difficile à mettre en application et
en oeuvre, à ce moment-là.
M.
Morin :Très bien.
M. Houle (Kevin) : Il faut
rappeler que, dans un contexte comme celui-ci, le notaire ne remplace pas le
juge, le notaire demeure l'officier public qui doit constater ce qu'un
créancier, dans un exemple comme celui-ci, prétend, c'est-à-dire que le
paiement n'a pas été fait. Donc, il faut garder ça en tête. Donc, certaines
obligations sont plus simples à constater que d'autres aussi.
M. Bibeau
(François) :Si, par exemple, on avait
besoin d'un témoignage devant le juge d'une personne qui va venir nous expliquer
que les choses n'ont pas été faites, bien... tandis que si on a déclaré devant
un notaire que telle obligation n'a pas été faite, souvent, on va avoir besoin
d'un complément, puis là c'est un juge qui peut apprécier ça en cour.
M.
Morin :Parfait. Bien, je vous remercie. Je vous remercie
beaucoup, c'est très clair, très très aidant. Bien sûr, dans le projet de loi,
on va maintenant avoir un greffe numérique, n'est-ce pas? Il y a une chose que
je voudrais vérifier avec vous. Quand vous avez parlé de la numérisation,
est-ce que je dois comprendre que ce sont les actes qui seront rédigés à partir
de l'entrée en vigueur du projet de loi, qui seront numérisés, ou même tous les
actes qui ont été faits antérieurement dans le greffe d'un notaire?
M. Houle (Kevin) : Non, mais
il y a deux aspects. C'est-à-dire que l'aspect de numérisation, c'est à partir
du moment où la loi serait entrée en vigueur. Un acte qui serait signé sous
format papier sera effectivement une exception. On pense à un testament à l'hôpital
avec une personne, tu sais... bon. Rapidement, le notaire, selon le projet de
loi actuel, devra numériser cette minute-là pour qu'elle soit sous forme
numérique. Ça, c'est une chose, mais la numérisation de toutes les autres
minutes dans le greffe d'un notaire, bien, effectivement, là, il pourrait, avec
un projet comme celui-là, puis on le saluait tantôt, aller faire une demande au
fonds d'études notariales pour avoir les fonds requis. Il ne faut pas oublier
que les notaires sont quand même, en moyenne, des petites et moyennes
entreprises, là, donc c'est quand même du temps, beaucoup de temps pour
procéder à la numérisation de facilement 20000, 30000 40000, 60 000 minutes,
peut-être, là, pour certains notaires. Donc, c'est faramineux.
• (11 h 20) •
M.
Morin :Oui. Puis je vous remercie de spécifier parce
qu'effectivement, je veux dire, un notaire qui est en exercice depuis de
nombreuses années, va se ramasser, dans son greffe, avec des milliers et des
milliers de documents. Donc, est-ce que vous croyez, avec votre association,
avec les membres que vous consultez, que le fonds d'études va être suffisant,
parce que... pour payer tout ça? Parce qu'effectivement il va falloir que les
notaires s'équipent. S'ils veulent numériser des milliers de documents, ça va
prendre des employés pour le faire, ce ne sera pas automatique. Je comprends
que l'État ne va pas payer pour ça.
M. Bibeau
(François) :Dans notre compréhension des
choses, si je peux me permettre, le mot «peut» est important dans l'article...
M. Bibeau
(François) :...ce qui est proposé. Alors,
par exemple, un notaire qui serait détenteur de son propre greffe, du greffe de
son père puis de celui de son grand-père... puis ça, c'est très, très fréquent,
là, dans les régions, puis même à Montréal, là, dans les grands centres...
bien, il n'est pas obligé de numériser les vieux actes. De toute façon, on sait
qu'à un certain moment donné il devra aller déposer ces actes-là à la Chambre
des notaires, avec le nouveau projet de loi, et qu'ultimement ces actes-là vont
se retrouver aux archives, banques et archives du Québec, là, la BAnQ. Donc,
techniquement, il n'y serait pas obligé.
Par contre, pour un notaire qui serait en
début de pratique, par exemple, qui aurait peut-être 2 000 contrats dans
son greffe, puis que lui, il se dit : Bien, pour moi, ce serait plus
facile d'avoir tout ça de façon technologique, plutôt que d'avoir à supporter
une partie de mon greffe en format papier puis une autre partie en format
numérique, technologique, donc moi, j'aime mieux numériser tout ça, bon, est-ce
que ça veut dire qu'il va avoir une subvention du fonds d'étude? Est-ce que ça
veut dire que sa demande va être autorisée, dépendamment des situations? Ça,
j'ai compris, moi, que la Chambre des notaires aurait, par règlement, à venir
établir comment le financement de tout ça va pouvoir être fait, puis comment
les demandes vont devoir être présentées, puis dans quels cas on les acceptera
ou non.
Alors, ça, il y a encore bien des
questions que nous avons, nous aussi, par rapport à cette question-là. Mais je
dois vous avouer, M. le député de l'Acadie, que c'est une préoccupation très
importante de nos membres. On s'est fait souvent poser cette question-là, et ça
fait partie d'une certaine anxiété, entre guillemets, de nos membres, surtout
ceux qui ont des dizaines de milliers de copies dans leurs contrats, dans leurs
dossiers.
M.
Morin :Oui, bien, écoutez, je vous remercie, puis c'est
d'ailleurs... c'est la raison pour laquelle je vous posais la question. C'est
très éclairant, votre témoignage. Puis, évidemment, la Chambre des notaires va
venir, éventuellement, donc j'aurai aussi des questions pour la chambre. Mais
je comprends que c'est un enjeu de taille, mais ce serait géré, véritablement,
par la chambre et les notaires, et pas le gouvernement en tant que tel.
M. Bibeau
(François) :C'est ce qu'on en comprend à
l'heure actuelle, oui, c'est ça.
M.
Morin :O.K. Je vous remercie. Autre élément, j'avais une
question pour vous là-dessus, dans votre mémoire, et je réfère à la page 13 de
votre document, vous abordez la question de l'usurpation de la fonction de
notaire, et ce que vous décrivez est particulièrement important. Mais
j'aimerais vous entendre davantage à ce niveau-là. Est-ce qu'il y a des inquiétudes
plus significatives que d'autres? Est-ce qu'il y a de vos membres qui
rencontrent des enjeux qui devraient être corrigés? Si vous pouviez m'éclairer,
ce serait grandement apprécié.
M. Houle (Kevin) : Bien,
cette modification-là, bien, on la salue, effectivement, parce qu'elle est
venue élargir ou, du moins, préciser comment... c'est quoi, le travail,
exactement, du notaire, quand on nous dit de préparer un acte notarié, d'avoir
un devoir de conseil, etc. L'ancienne loi était plus spécifique ou plus
précise, mais excluait, donc, le travail de préparation de l'acte notarié, en
parlant, par exemple, de dresser l'acte notarié, de recevoir un acte notarié.
Dans ce cas-ci, on parle de préparer et... j'oublie l'autre terme, là, je suis
désolé, là.
Mais donc, à partir de là, ce que je
disais tantôt, dans la présentation, c'est que le devoir de conseil du notaire
commence dès l'ouverture du dossier, dès qu'on prend connaissance des
différents documents. Et là, si le notaire, entre le moment où il signe,
reçoit, hein, l'acte notarié, à la toute fin du dossier, et le moment où il
reçoit les premiers documents pour l'ouverture du dossier, entre les deux, si
un tiers s'immisce, pour la préparation, qui n'est pas sous le contrôle du
notaire, qui n'est pas... ce n'est pas ses employés, ce n'est pas d'autres
notaires, le devoir de conseil n'est pas possible, à moins d'exceptions, ou, du
moins, il va se faire en même temps, pas nécessairement au bon moment.
Et là on parle à titre d'officier public,
mais aussi comme personne qui veut servir correctement une clientèle, les
justiciables. Donc, le client va devoir avoir... ou, plutôt, recevra un conseil
du notaire, alors qu'il aurait pu le recevoir, peut-être, deux, trois jours
avant, quatre, cinq jours avant. Là, le tiers qui s'immisce entre les deux ne
donnera pas ce devoir de conseil là, parce que c'est le notaire qui doit le
faire lui-même, vous comprenez? Donc, ici, le projet de loi, tel que rédigé,
confirme et élargit le contexte à partir duquel le travail du notaire commence
et se termine. Le notaire, en bon québécois, là, n'est pas uniquement qu'un
«rubber stamper», pardonnez-moi l'expression. Ce n'est pas ça qu'on fait, O.K.
Donc...
M.
Morin :Non, non, mais... Et vous avez raison, puis c'est d'ailleurs...
c'est aussi le but de ma question. Un notaire, c'est beaucoup plus que ça.
M. Houle (Kevin) : C'est ça,
c'est beaucoup plus. Parce qu'à la fin, quand le sceau est apposé, avec la
signature du notaire, c'est parce qu'on a très, très, très bien saisi et
contrôlé tout le dossier en amont, les conseils ont été donnés, et, à la fin,
ça complète, effectivement, ce qui a été expliqué pendant, des fois, deux,
trois mois, des mois et des semaines, là, vous comprenez? Donc là, on va être
capables, comme notaires, de...
M. Houle (Kevin) : ...venir
compléter... l'acte à titre d'acte authentique.
M. Bibeau
(François) :Vous savez qu'à l'heure
actuelle, beaucoup de... beaucoup d'organisations s'immiscent dans certains
domaines du droit entre le client et le notaire. Et c'est ça qui est navrant.
Je vais juste limiter mes commentaires à ce qui suit. Alors que j'étais
président de l'ordre, on a eu à débattre en justice contre un de ces... une de
ces organisations-là. Malheureusement, la chambre des notaires a été déboutée
dans son action et même en appel. Je vais juste attirer votre attention, si
jamais le temps vous le permet, d'aller lire l'arrêt de jurisprudence qui est
donné en note de bas de page numéro cinq à la page 13. Donc , c'était
chambre des notaires contre compagnie d'assurance FCT illimité, où toute la
question était justement sur ces mots-là, dresser, recevoir et par rapport à
arrêt... donc il y a eu tout un débat. Et notre avocat a eu beau faire valoir à
ce moment-là au juge la distinction de ce que ça voulait dire de dresser un
acte, le juge n'a pas suivi sa recommandation là-dedans. Et malheureusement
encore aujourd'hui, dans les centres de traitement de dossiers, ces
organisations-là s'immiscent de façon éhontée entre le client et le notaire qui
doit recevoir l'acte.
M. Morin : Et, d'après vous,
le projet de loi tel qu'il est rédigé va avoir pour effet de corriger cette
situation-là?
M. Bibeau
(François) :Selon moi, oui, en tout cas,
en grande partie... ça donnerait beaucoup...
M. Houle (Kevin) : Oui, c'est
ça... interprétation soit complètement autre du mot préparation.
M. Morin : Oui, oui, non, je
vous comprends, mais c'est parce que, là, on a l'opportunité comme législateurs
de vous entendre, de vous écouter et de pouvoir corriger, donc, si vous avez
des suggestions quant au libellé pour s'assurer que ça va bien remplir
l'objectif qui est visé. Évidemment, vos recommandations pour moi sont très
importantes.
M. Bibeau
(François) :...la mémoire est une faculté
qui oublie, hein? Alors, mais je me souviens très bien d'avoir eu, lors de...
caucus avec notre avocat à l'époque, toute l'importance de dresser, recevoir.
Mais je ne sais pas ce que la Chambre des notaires aura à vous dire sur ce
genre de point là, mais vous pourrez peut-être leur poser la question à ce
niveau-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup.
M. Morin : C'est bien.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri–Sainte-Anne, pour quatre minutes huit secondes, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci à
vous deux pour cette belle présentation. Il y a quelques recommandations sur
lesquelles on n'est pas revenu, notamment celle de retirer la possibilité que
le greffe soit établi hors Québec. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Bibeau
(François) :Qu'est-ce que vous voulez
dire?
M. Cliche-Rivard : Recommandation 8...
M. Houle (Kevin) : Oui. Non,
mais ce que je veux dire, c'est que nécessairement, on appuie le fait que de
le... outil central soit accueilli au Québec.
M. Cliche-Rivard : Donc,
c'est ça, vous ne voulez pas... parce que le projet de règlement prévoit que
sur décision du gouvernement, le greffe pourrait être hébergé hors Québec.
Vous, vous demandez qu'on retire cette possibilité-là à l'effet que ce soit
impossible et il faille absolument que ça soit toujours établi, sans aucune
exception, au Québec. Pourquoi?
M. Bibeau
(François) :Notre recommandation numéro
huit, je m'excuse, là, mais ça ne semble pas viser ce point-là, à moins qu'on
se soit mal exprimé.
M. Cliche-Rivard : ...ah!
bon, c'est moi qui avais le mauvais document..
M. Bibeau
(François) :...peut-être celui de la
chambre.
M. Cliche-Rivard : J'ai celui
de l'union, mes excuses. Alors, vous voyez, tout est arrivé très vite ce matin,
alors on a fait quelques petites erreurs, évidemment. Je voudrais vous entendre
sur la question. Vous avez dit tout à l'heure, sur le caractère d'exception,
quand on a des signatures électroniques, des signatures numériques, jusqu'à ce
jour, vous faites des signatures numériques et ça fonctionne bien. Et vous
n'avez...
Une voix : ...
M. Cliche-Rivard : Et vous
n'avez pas à définir ou à démontrer quelconque caractère d'exception?
• (11 h 30) •
M. Houle (Kevin) : Bien, pour
ma part, à partir du moment où la pandémie est arrivée et que le décret a été
mis en vigueur, effectivement, comme notaire, le praticien et les notaires de
mon bureau, on a emboîté le pas comme bien des notaires au Québec. Je vous
évite la poutine interne, comme on dit, c'est-à-dire qu'effectivement l'outil
est arrivé rapidement. Donc, effectivement, il y a des dédoublements de
données. C'est plus complexe des fois à certains niveaux d'être capable
d'amarrer notre logiciel interne d'étude avec le logiciel de signature. Mais
dans un avenir très rapproché, tout ça va être plus simple. Donc, ce que j'ai à
dire, c'est qu'au final, ça va très bien. Les clients le demandaient, mais,
pour ma part, je dois vous avouer que je suis peut-être un petit peu biaisé. Je
ne fais que du droit des affaires, droit commercial, donc, mais j'ai des
collègues qui font effectivement d'autres types de pratiques, mais qui font, à
certains... peut-être à moindres niveaux, les actes à distance, par contre,
vous comprenez?
Donc, au niveau des exceptions, on pense
toujours aux actes de libéralité, c'est-à-dire testaments, donations ou
nécessairement on... pensons au testament, où des contestations peuvent arriver
plusieurs années, ensuite où le notaire a le très fort devoir de vérifier la
capacité de la personne. Donc, c'est à ces niveaux-là que nous sommes d'avis
que, dans un règlement, peut-être, effectivement il va y avoir cette...
11 h 30 (version non révisée)
M. Houle (Kevin) : ...exclusion-là,
mais que dans un corpus d'une loi, c'est peut être restrictif. Me Bibeau.
M. Bibeau
(François) :Je voulais rajouter qu'à
l'article 46 de la Loi sur notariat tel que proposé, bien que nous pensions que
ça devrait se retrouver dans un règlement plutôt que dans une loi, oon salue
quand même tout ce qui est inscrit au troisième paragraphe de l'article où on
donne les critères qui devraient venir déterminer comment le notaire pourrait s'assurer
que l'acte peut être... à distance, donc que les conditions lui permettent, que
la bonne compréhension des gens est là.
Et je dois vous soulevez qu'on aime aussi
lire que ça ne va pas à l'encontre de l'honneur et la dignité de la profession.
Je ne veux pas entrer dans les détails parce que ce n'est pas digne des
oreilles et du statut de cette commission. Mais si vous saviez toutes les
histoires d'horreur qu'on a entendues, depuis les trois dernières années, de
nos notaires sur le terrain, dans certaines situations où la personne s'est
présentée en visio pour la signature d'un acte notarié, et que ça n'avait pas
le décorum requis et que le notaire a été obligé de dire : On va mettre une
pause à ça, on va refixer un autre rendez-vous. Là, tout le monde n'était pas
content. Vous êtes le premier qui n'accepte pas de faire ça comme ça. Puis là,
le notaire se retrouve avec l'odieux de dire non, ça ne peut pas fonctionner.
Alors que ce soit précisé un peu comme ça, avec des critères qui vont donner
des outils et des armes aux notaires pour venir justifier que, là, on ne va pas
aller de l'avant parce que vous êtes sur le bord de la piscine, monsieur, puis
ça ne peut pas se faire comme ça, tu sais. Alors, voyez-vous? Ou vous êtes dans
une file d'attente, madame, puis ça ne peut pas fonctionner comme ça.
Voyez-vous? Et là, ça, c'est des critères qui devraient normalement se
retrouver dans un règlement, mais qui sont tout à fait salués par nous ici.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci beaucoup. Alors, Me Houle et Me
Bibeau, merci infiniment d'avoir été avec nous ce matin. Alors, je vais
suspendre quelques instants les travaux pour écrire notre prochain groupe.
Merci.
M. Houle (Kevin) : Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 32)
(Reprise à 11 h 37)
Le Président (M.
Bachand) :...d'accueillir l'Union des
notaires du Québec. Alors, merci beaucoup d'être avec nous. Alors, je vous
invite d'abord à vous présenter et à débuter votre présentation. Et, encore une
fois, merci d'être avec nous ce matin. Alors, la parole est à vous. Merci.
M. Aspri (Roberto) : Alors,
Mesdames et Messieurs députés, M. le ministre, bonjour. J'aimerais vous remercier,
M. le Président ainsi que cette Commission des institutions de l'Assemblée
nationale, de nous avoir invités à cette commission. Alors, je me présente, mon
nom est Roberto Aspri, je suis notaire et président de l'Union des notaires du
Québec, ou l'UNQ. Je suis accompagné, aujourd'hui, par ma collègue, Me Giovanna
Scotti, notaire, vice-présidente de l'UNQ, et mon collègue, Me François
Dostaler, trésorier de notre association, de notre organisme, l'UNQ.
L'UNQ est le syndicat national
professionnel des notaires, qui a été créé sous la Loi sur les syndicats
professionnels afin d'étudier, promouvoir et défendre des intérêts
socioéconomiques, légaux et moraux des notaires. Alors, dans notre
présentation, nous allons vous exposer nos commentaires concernant le projet de
loi n° 34. Et, sur ce, j'aimerais passer la parole à mon collègue, Me
Dostaler.
M. Dostaler (François) : Alors,
bonjour. D'abord, bravo au notaire général pour l'introduction de l'acte
notarié avec force exécutoire. L'accès à la justice suivant la vision notariale
consiste à prévenir, autant que faire se peut, qu'une partie subisse une
injustice. L'authenticité, c'est le socle du produit. Le notariat l'apporte
dans les sept points suivants : l'assurance de la vérification de
l'identité des parties dans la nature du document requis pour circonscrire
l'objet de l'entente, dans les contenus de l'acte, dans l'exécution du
formalisme des procédés, dans la vérification de la compréhension éclairée,
dans la liberté de l'engagement puis dans les signatures.
L'exécution notariale, pour arriver à la
force exécutoire, a besoin de cadres, de procédés dédiés, convenus et arrêtés
avec le notaire général pour en circonscrire les contours. La force exécutoire,
certes, mais ne faudrait-il pas aussi doter l'acte notarié d'une certaine... Le
notaire aura exécuté le protocole bien circonscrit, convenu avec l'équipe du
notaire général, aura exécuté et vérifié toutes les authentifications requises
telles que ci-devant évoquées, le tout au bénéfice des parties et de l'État, le
produit notarial ayant, autant que faire se peut, prévenu que l'une ou l'autre
des parties ne subisse une injustice. Vu, sous cet angle, n'y aurait-il pas
lieu d'étendre le nombre d'actes réservés des notaires?
• (11 h 40) •
Autre sujet, le greffe central, les
compétences, les ressources, sujet délicat. Les notaires ont toujours été les
détenteurs de leur greffe. Nous comprenons que l'arrivée de l'acte
dématérialisé puisse amener une approche différente. La fonction des ordres
professionnels consiste en l'assurance de la protection du public. Il s'agit
donc d'une obligation, d'un rôle, de contrôle, de surveillant, de l'exécution
des services et produits que les membres de la profession ont pour mission de
délivrer, un contrôleur, un surveillant qui délivre d'une certaine façon l'un
ou l'autre des produits et services de la profession. Peut-il, dès lors,
devenir à risque dans sa fonction principale? Le conseil d'administration de...
M. Dostaler (François) : ...professionnel
a-t-il les compétences requises, les ressources financières requises pérennes
pour assumer de faire des choix technologiques en matière de technologies de
l'information? Les ressources financières de la Chambre des notaires sont-elles
suffisantes et pérennes? Nous sommes 4 000 notaires. C'est peu pour
assumer les imprévus financiers de toutes natures pouvant découler de cette
charge qui serait confiée à la Chambre des notaires.
D'autre part, le notaire général, en tant
que représentant de l'État, a accès, lui, aux compétences requises en matière
de technologies de l'information, bien plus, croyons-nous, qu'un ordre
professionnel, et peut accéder à de bien plus grandes ressources, notamment
financières.
En conclusion, l'ordre professionnel des
notaires peut-il se mettre à risque? Nous pensons que le notariat... Le
notariat étant au premier chef l'affaire du notaire général, ne lui revient-il
pas d'être dès lors le détenteur du greffe numérique central, en collaboration
avec ses notaires, par l'entremise de l'organisme de représentation de ces
derniers, en mutualité administrative avec l'ordre professionnel pour en faire
la gestion et voir à ce que la qualité et la sécurité ne soient pas
compromises?
M. Aspri (Roberto) : Je vais
passer maintenant la parole à Me Scotti.
Mme Scotti (Giovanna) : Bonjour.
Bonjour à tous. Merci de nous recevoir aujourd'hui. En fait, tout le projet de
loi... nous sommes très excités de voir les changements, ce que ça va apporter.
Pour aller droit au but, on va... on a
choisi deux points. Notamment, évidemment, l'acte sera maintenant sous support
numérique. On applaudit ça. Mais où on a plus de... en fait, on s'inquiète
plus, c'est des technologies qui seront utilisées pour faire la signature à
distance. On comprend que, pendant la pandémie, le notaire général et les
notaires... on les applaudit fortement d'avoir pu réagir si rapidement et de
s'adapter, mais on était en situation d'urgence, il fallait faire un choix, et
on a fait le bon choix, on était tous au rendez-vous. Maintenant, aujourd'hui,
avec le... nous voyons que les risques reliés à la sécurité des technologies
numériques, où on pourrait manipuler en temps réel tant l'image, le son, la
voix, la signature, la pièce d'identité... Je sais que ça fait James Bond, mais
c'est juste l'expectative que ça puisse arriver. Et ça arrive, on l'a vu, des
attaques dans des plus grosses organisations qui ont la sécurité et les moyens
pour la sécurité à coeur. Ça peut arriver.
Alors, cette expectative est elle-même un
problème à la confiance du public. Et on considère que... tant et aussi
longtemps que ces technologies-là ne sont pas à la fine pointe pour nous donner
la sécurité nécessaire, qu'il faudra faire la signature à distance un cas
d'exception, mais un cas d'exception codifié dans la loi pour que le notaire
n'ait pas à choisir ni avoir la responsabilité, en cas d'échec, d'avoir choisi
ce cas-là plutôt qu'un autre.
Alors, évidemment, on voit par exemple un
cas de proximité. Le notaire, le bureau de notaire le plus près est à
100 kilomètres. Évidemment, un cas de mobilité réduite. Ça, ça serait des
cas d'exception qui pourraient être facilement codifiés. Aussi, la présence
d'un témoin... un contrat qui n'est pas une partie essentielle à l'acte
pourrait se faire à distance. Donc, on pourrait clairement codifier et faire
ces cas d'exception là et une règle générale que la... bien que l'acte soit
dématérialisé, le notaire doit être en présence du client pour limiter ces
potentiels risques de la technologie, tant et aussi longtemps que cette technologie-là
n'est pas à point. De toute façon, on ne va pas chez le notaire à tous les
jours. On y va... pas assez souvent à mon goût, mais on comprend que c'est des
actes importants, quand on se déplace chez le notaire.
Il y a aussi évidemment les actes du droit
de la personne, les testaments en mandat. Eh bien, on se rend compte que, quand
le client est captif dans nos bureaux, on a une plus grosse proximité. On a...
Tous les sens sont là. On est éveillé. Il n'y a pas de captation. En fait, on
limite la captation.
Je profite de l'occasion pour dire
qu'effectivement, même dans nos bureaux, il pourrait y avoir des fraudes, on
l'a vu, de cartes falsifiées de... falsifiées d'identité. Mais, à l'UNQ, on
croit que, compte tenu qu'on a l'obligation et que c'est une des très grandes
obligations, d'identifier les parties, nous devrions aussi avoir plus d'outils
pour le faire, exemple un accès limité mais direct aux données de...
Mme Scotti (Giovanna) : ...la
personne qui me présente sa carte, en fait, son permis de conduire, est-ce que
c'est le même qui a été classifié à la SAAQ? Un peu comme des policiers, on est
des officiers publics, on devrait avoir la possibilité d'avoir accès à ces
données pour réduire les risques de fraude, même dans nos bureaux.
J'aimerais apporter, donc, en
conclusion... on aimerait que la règle générale soit la présence entre... de la
rencontre entre le notaire et son client, et que l'exception soit bien
codifiée, et ça, tant et aussi longtemps qu'on n'ait pas une... qu'on ne soit
pas rassuré avec les technologies qui nous sont... qui sont à notre
disposition.
J'aimerais aussi proposer ou suggérer un
ajout comme deuxième point, à l'article 15, et y ajouter l'article 2.1. Ça se
lirait ainsi :
Pour les actes notariés décrits aux
paragraphes 1 et 2 de l'article 15, le notaire instrumentant doit en tout temps
pouvoir démontrer que tous les actes et gestes requis dans la préparation et la
publication de ceux-ci ont été faits entièrement sur son contrôle.
En fait, c'est l'élément de contrôle du
notaire instrumentant. Le contrôle ne se fait pas juste à la signature de
l'acte, mais il y a plein de contrôles pendant tout le dossier. Il y a aussi
des... évidemment, on prodigue des conseils pendant tout le dossier. Alors,
s'il y a une partie de ce dossier-là qui est contractée à l'extérieur, même si
c'est fait par un notaire, on perd un peu le contrôle de ce qui se fait. Alors,
évidemment, on ne veut pas dire que les notaires n'a pas le droit à avoir un
soutien externe à son bureau, exemple, un notaire fiscaliste qui peut venir
m'aider dans mon dossier, mais toujours faut-il que le dossier au complet, si
c'est moi qui l'instrumente, que c'est moi qui aie le contrôle de tout le
dossier.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président.
Une voix : ...
Le Président (M.
Bachand) :Oui, on est rendu à la période
d'échange. Le 10 minutes, ça passe très rapidement. Alors, M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Me
Aspri, Me Dostaler, Me Scotti, bonjour. Merci d'être présents en commission
parlementaire. Je vais continuer sur vos propos que vous aviez, Me Scotti, tout
à l'heure, relativement à la signature de l'acte à distance. Nous, dans le
cadre du projet de loi, on a inséré le caractère exceptionnel, avec une voie
réglementaire pour la Chambre des notaires pour définir les modalités, puis on
a mis certains critères. Donc, vous, vous êtes à l'aise que ça demeure un caractère
exceptionnel, la signature à distance, notamment pour assurer que le
consentement est constaté par le notaire d'une façon libre et éclairée.
Qu'est-ce qui motive cet élément-là que vous voulez que ça soit exceptionnel?
Vous m'avez parlé de la technologie? Mais est-ce que durant la pandémie, durant
les trois ans, là, où c'est possible de le faire à distance, vous avez vu des
situations problématiques?
Mme Scotti (Giovanna) : Bien,
peut-être qu'il y a eu beaucoup de situations problématiques au niveau du
décorum, là. On voyait que les gens, ça faisait partie d'une activité comme une
autre dans la journée. Est-ce qu'à ce moment-là... Je suis certaine que les
notaires ont tous fait pour s'assurer de leur consentement. Mais je pense qu'il
ne faut pas vraiment prendre la situation de la pandémie, où on a... c'était un
élément, une situation d'urgence où il fallait faire un choix entre est-ce
qu'on arrête de donner le service ou est-ce qu'on le donne dans le meilleur du
monde, ce qu'on pouvait faire à ce moment-là?
Alors, aujourd'hui, on est ailleurs, on
est à codifier, on est à rendre permanente cette solution. Et, pour moi, ce
n'est pas parce que quelque chose n'est pas arrivé que ça ne peut pas arriver.
Les technologies ne sont pas perfectionnées, et je crois qu'il en va de
l'authenticité de l'acte, et il ne faut pas mettre la facilité de l'exécution
de la transaction au-dessus de la sécurité de la transaction et de
l'authenticité de l'acte.
M. Jolin-Barrette : Donc,
vous nous invitez à être très prudents pour l'acte à distance.
Mme Scotti (Giovanna) : Absolument.
• (11 h 50) •
M. Jolin-Barrette : D'accord.
Votre sixième recommandation, c'est relativement au fait que pour le greffe
central numérique, ça soit assujetti aux plus hauts standards de sécurité.
C'est déjà le cas dans le cadre du projet de loi. Vous vous invitez également à
ce que ça soit hébergé au Québec, pour les données. C'est le cas,
effectivement, aussi déjà dans le projet de loi. Donc, on répond à ces
recommandations-là, votre recommandation 8.
J'aimerais ça que vous me parliez, et ça,
je pense que c'est une demande récurrente que vous avez en tant que syndicat
des notaires, là, d'imposer un tarif minimum obligatoire.
Mme Scotti (Giovanna) : Je
cède la parole à Me Aspri.
M. Aspri (Roberto) : J'allais
justement en parler tantôt. C'est que, nous, on s'aperçoit, tout d'abord, qu'il
y a une convergence en voyant les projets de loi, dont le projet de loi no 8,
le numéro...
M. Aspri (Roberto) : ...34, il
y a... on retient l'importance du notariat dans la société québécoise. Donc,
c'est un officier public qui est voué à l'impartialité, qui doit donner... il y
a une obligation de résultat. Donc, c'est très important, puis il accompagne
les citoyens dans les moments les plus importants de leur vie.
Maintenant, il faut que le notaire
conserve cette indépendance aussi, cette intégrité. Et nous croyons fermement
que le fait de revenir à un tarif obligatoire minimum permettrait aux notaires
de pouvoir, premièrement, quantifier mais aussi donner l'heure juste au public
qui serait d'avance à quoi s'attendre. Parce qu'il y a une disparité dans les
honoraires que les notaires chargent. Dans une même transaction, avec les mêmes
parties, ce ne sont pas les mêmes montants. Et nous, on pense que le travail du
notaire est un travail d'officier public qui doit avoir la plus haute qualité
au niveau de sa prestation. Il doit avoir les meilleurs outils de pointe pour
le délivrer, ce notariat-là, et s'entourer aussi d'une équipe motivée pour
l'aider à faire son travail.
Maintenant, dans ce contexte-là, nous
pensons que c'est crucial que ce ne soit pas une philosophie en réalité
marchande qui est en arrière de tout ça mais plutôt une philosophie de... de
professionnels. Et donc, à ce moment-là, c'est pour ça qu'on l'avait déjà, ce
tarif, dans le passé, il a été retiré en 1991 pour des problèmes de contrôle,
là. Et on s'aperçoit que la profession a beaucoup de difficultés à s'en
remettre. Et c'est dommage parce que la profession de notaire est une
profession qui est très noble et qui a vraiment sa place dans la communauté,
dans la société québécoise. Et on craint, nous, pour sa pérennité, parce qu'à
un moment donné il faut que ce critère-là de la qualité, du professionnalisme
qu'on retrouve chez le notaire... il faut faire attention de ne pas le perdre.
Et c'est pour ça qu'on revient toujours sur ce principe-là.
Et, dans les années qu'on a eu le tarif,
ça fait quand même des centenaires, la profession allait bien, sauf qu'il y
avait un problème de contrôle, puis c'est ça qui nous a empêchés... qui a
finalement fait en sorte que le gouvernement l'a retiré en 1991. Mais la
réalité, c'est que le notariat, ils ont... d'après nous, en tout cas, d'après
l'union, aurait besoin du retour de tout ça. Évidemment, ce sera un tarif qui
serait bien balancé, bien étudié, ça, c'est sûr. Il faut que ça soit juste et
raisonnable, ça, c'est normal. Mais je crois que c'est important qu'on ait ça,
ça sauverait la profession.
Le Président (M.
Bachand) :M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends les revendications de vos membres sur cet élément-là, mais, sans
refaire l'histoire aussi, les notaires eux-mêmes, à l'époque, ne respectaient
pas le tarif. Donc, les membres de la profession, eux autres mêmes, ne
respectaient pas ça. Puis là je vois dans votre mémoire aussi qu'il y a des
exemples de tarifs qui sont indiqués, que, supposons, en 1976, un acte de vente
hypothèque coûtait plus cher qu'aujourd'hui dans certaines situations, là. Je
pense, vous référez à 1976 où est-ce que ça coûtait 1 200 $, puis,
aujourd'hui, vous pouvez avoir acte de vente hypothèque pour 850 $. Puis
là, depuis ce temps-là, bien, les frais ont augmenté, ça fait que la part en
honoraires qui revient au notaire est beaucoup plus faible.
Cependant, il y a moins de
4 000 notaires au Québec. Il y a eu des années plus difficiles pour
le notariat dans les années 90. Là, c'est un petit peu moins le cas par
rapport au volume de transactions. Je me pose la question : comment se
fait-il que, dans un libre marché où les notaires ont un monopole sur certains
actes, les tarifs ne suivent pas les coûts normaux? Donc, je vous laisse la
parole.
M. Aspri (Roberto) : Je
pourrais vous répondre, M. le ministre. C'est qu'il y a eu l'avènement,
justement, comme d'ailleurs Me Bibeau en faisait référence... il y a eu des
centres de traitement de dossiers qui sont venus prendre le monopole des
refinancements. Alors, vous faites référence à un acte protégé, qui est l'acte
d'hypothèque. Or, l'acte d'hypothèque s'en sont approprié, justement, ces
centres de traitement de dossiers là, qui sont des sociétés qui ne sont pas des
notaires mais qui préparent les dossiers et prennent en sous-traitance le
notaire pour finaliser, c'est-à-dire recevoir la signature des parties. Très
souvent, les clients ne sont même pas au courant de ce qu'ils signent, ils ne
savent pas qu'ils ont signé une hypothèque, ils savent qu'ils ont fait un prêt
avec une banque, mais ils ne sont pas au courant que c'est un acte d'hypothèque
qui affecte un immeuble. Nous, fréquemment, on passe des transactions où il y a
eu ce genre de financement là, et là les clients sont tout surpris, ils
disent : Bien, non, je n'ai pas d'hypothèque, moi, c'est un prêt
personnel. Bien, non, vous avez une hypothèque, c'est inscrit au registre
foncier. Alors donc, le public n'est...
M. Aspri (Roberto) : ...n'est
pas protégé. Les sociétés qui font ça, un exemple, ils vont donner un montant
au notaire pour seulement clore la transaction. Ils leur enlèvent complètement
la responsabilité, donc ils n'ont pas à vérifier les titres, ni les taxes, ni
les certificats de localisation. Donc, ils ont complètement dénudé tout, tout,
tout l'aspect professionnel du notaire dans ces transactions-là pour une
question commerciale. C'est une question marchande.
Alors, ils ont baissé les prix. Et donc
ils ont ruiné, ils ont... vers eux. Ils avaient commencé par une banque. Ils
sont rendus avec toutes les banques, que ça soit Desjardins, que ça soit la
BMO. Ils sont tous avec ces centres de traitement de dossiers là. Et c'est ça
d'ailleurs... Quand qu'on parlait de 2.1, ça aussi... pour venir contrer ce
genre de travail là parce que le notaire, au lieu d'être le sous-traitant,
devrait être, lui, le maître d'oeuvre et donner peut-être en sous-traitance à
des centres de traitement, s'il a besoin d'aide. Mais si c'est l'inverse, c'est
le centre de traitement qui reçoit le mandat de la banque et prend en
sous-traitance le notaire. Le notaire n'a pas le contrôle du dossier, et c'est
lui qui amène à la baisse les prix, parce qu'il arrive avec des prix ridicules.
Parce que c'est comme une machine, ils ont je ne sais pas combien d'hypothèques
par année, 150 000, je crois.
Alors, ces contrats-là ne sont plus chez
les notaires. Ils vont chez les centres de traitement et ils sont signés par la
suite par le notaire.
M. Jolin-Barrette : ...ultimement,
ils ont besoin du notaire.
M. Aspri (Roberto) : Voilà.
Mais le notaire devrait prendre sa place puis dire : Nous, on n'en prend
plus de ce genre de mandat là. C'est nous qui contrôlons le dossier.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Écoutez, je veux céder la parole à mes collègues pour la suite des questions.
Cependant, je constate que vous êtes fortement en accord avec le projet de
loi...
M. Aspri (Roberto) : Oui.
M. Jolin-Barrette : ...et que
vous trouvez que c'est une avancée significative.
M. Aspri (Roberto) : Une
grande avancée.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
cède la parole à mes collègues. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. M. le
député de Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Six minutes, à peu près, sept minutes?
Le Président (M.
Bachand) :6 min 45 s
exactement.
M. Lemieux : Merci. Bonjour,
Me Aspri, Me Scotti, Me Dostaler. Merci d'être des nôtres. Ça a
été une grosse année pour les notaires cette année. On vous a vu passer
régulièrement. Je voudrais recommencer... Vous étiez bien engagé dans une
conversation avec le ministre, mais je voudrais reculer un peu pour le bénéfice
de ceux qui payent ces factures-là, dont on parle, c'est-à-dire les citoyens,
les ayants droit, les bénéficiaires, les justiciables. Dans le titre du projet
de loi n° 34, il y a le mot «modernisation». Bon, on a compris qu'avec la
technologie numérique et tout le reste, on modernisait. Est-ce qu'il y a autre
chose qu'on modernise là-dedans? De votre point de vue à vous, de ce que vous
espériez de l'avenir... Quand vous dites : Ça se réduit un peu à une peau
de chagrin, puis on a peur à la pérennité de la profession, tout ça. Est-ce
qu'il y a d'autres choses qu'il faudrait qu'on modernise là-dedans? Puis
qu'est-ce qu'il y a qu'on modernise à part le numérique?
M. Aspri (Roberto) : Bien,
finalement, je pense que... Tout d'abord le numérique, je crois que c'est... on
l'a expliqué. Me Scotti et Me Dostaler, tantôt, ils ont mentionné que
nous ne sommes pas contre du tout l'aspect de la... de limiter l'acte à
distance non plus que la signature numérique, tout ça. Au contraire, nous
sommes en faveur. Mais malheureusement, avec les technologies que nous
connaissons, nous ne pouvons pas certifier ou garantir au public qu'ils vont
être protégés adéquatement par ce genre de technologie là, surtout celle de
l'acte à distance, par exemple. Alors, évidemment, ça a été fait dans un
contexte de pandémie. Alors, c'est sûr qu'on avait le choix entre la santé
publique et la sécurité des actes. Alors, le moindre mal, c'était... il fallait
faire attention à la santé publique plus qu'à la sécurité de l'acte, donc ça
justifiait. Et nous sommes contents que le ministre en a fait autant d'accepter
l'acte à distance. Mais dans un contexte actuel, ça ne s'applique plus. Donc il
faut faire attention, la prudence est de mise.
Mais la modernisation, ça ne veut pas dire
seulement les technologies. C'est aussi le fait pour le notariat d'être capable
de reprendre ses lettres de noblesse. Puis c'est pour ça qu'on parlait tantôt
de tarification parce qu'effectivement les notaires ne le respectaient pas.
Mais à l'époque, il n'y avait pas de technologie qui pouvait nous permettre de
contrôler les notaires qui le respectaient ou pas. Aujourd'hui, on les a ces
technologies-là. Vous comprenez? C'est là qu'il y a une grosse différence avec
le tarif... de 2023 comparativement à celui d'avant 1991.
• (12 heures) •
M. Lemieux : Là, avec votre
réponse, vous me forcez à revenir sur le caractère exceptionnel de
l'utilisation de la signature numérique. Parce qu'avant vous il a été question
aussi de... avec un autre témoin puis des oppositions, tout le monde
s'intéresse à comment caractériser l'exception. Là, vous venez d'élargir. En ce
qui me concerne, c'est l'exception qui confirme la règle, donc ça devrait être
exceptionnel. Quand on met le mot «exceptionnel» dans la loi et qu'on n'en
cherche pas un autre pour définir une autre sorte de catégorie, quels que
soient les règlements associés... parce que forcément, il y a des règlements
qui sont associés au mot qu'on veut utiliser. Mais je comprends que pour
vous...
12 h (version non révisée)
M. Lemieux : ...exceptionnel,
c'est très exceptionnel, c'est vraiment l'exception qui confirme la règle. C'est
ça?
M. Aspri (Roberto) : Mais c'est-à-dire,
c'est très circonscrit avec des barèmes, des balises. Mais ce n'est pas si
exceptionnel que ça dans le fin fond, là, c'est-à-dire qu'on va être capable de
délimiter c'est quoi qu'on entend par l'exception qui sera acceptable.
M. Lemieux : Oui. Parce que
je prends un exemple, puis je ne suis pas dans ce milieu-là, mais c'est des
exemples qui circulent. Un contracteur qui a 150 condos, il ne retournera
pas 150 fois, il l'espère bien, en tout cas chez le notaire, puis il va
pouvoir pour pouvoir faire sa signature électronique. On l'espère. Parce que,
depuis trois ans, je vous avoue, on ne s'est pas juste habitué, je vous avoue
qu'on est un petit peu gâté, ceux qui ont...
M. Aspri (Roberto) : Bien
oui.
M. Lemieux : Bon. Et à
quelque part, je ne suis pas sûr que le citoyen puis que les justiciables
apprécieraient qu'on ne retourne pas à l'âge de pierre parce qu'on modernise le
notariat, mais qu'on retourne derrière sans prendre ce qu'il y avait de bon
dans ce qu'on a rajouté pendant la pandémie, on s'entend.
M. Aspri (Roberto) : Oui,
oui.
Mme Scotti (Giovanna) : Nous,
on fait la différence entre l'efficacité et la facilité de la transaction, et
la sécurité, et s'assurer de l'authenticité de l'acte. Alors, en fait, ce qu'on
dit, c'est qu'il faut pencher entre les deux maux, et que le client se déplace
une fois par année chez le notaire, c'est peut-être un moindre mal pour s'assurer
de la sécurité de la transaction, tout au moins autant que possible.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. J'aurais la
députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci pour votre temps. Quel est le niveau de littératie
numérique des notaires? On parlait de transition technologique.
Mme Scotti (Giovanna) : ...de
base, on a pas mal tous les logiciels d'études dont on fait affaire. On a une
signature électronique. On se sert de ces choses-là. Évidemment, on transfère
des fonds par voie électronique. Les outils qui nous sont donnés, la plupart
nous sont imposés. Alors, il y a très peu de logiciels d'étude qu'on peut
utiliser. La signature numérique, il y a une seule signature numérique. Alors
ce n'est pas une question. C'est que nous, nous avons choisi... on nous a
imposé ces choix-là et on souhaite qu'ils soient bons et qu'ils soient les
meilleurs. On n'en est pas certain, mais que je pense que le notaire a appris à
utiliser ces outils, mais il n'est pas l'expert de savoir de quel outil est le
meilleur ou pas.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a
d'autres questions du côté ministériel? S'il n'y a pas d'autre question, nous
allons passer la parole au député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M.
Morin :Merci, M. le Président. Alors bonjour, merci, merci d'être
là. Merci pour votre mémoire.
À la page 8 de votre mémoire,
parmi vos premières recommandations, vous soulignez que les actes notariés
ayant une force exécutoire soient étendus et précisés à même la loi sur le
notariat et donc... puis que, par la suite, la Loi sur le notariat confie au Notaire
général du Québec la responsabilité de définir les conditions et modalités d'encadrement
des actes ayant force exécutoire. Pouvez-vous élaborer davantage là-dessus, s'il
vous plaît?
M. Dostaler (François) : Bon.
Alors, à cet effet-là, puisque l'acte notarié doit délivrer une force
exécutoire, plutôt que de modernisation, bien humblement, j'utiliserai l'avancement
du notariat. Alors là, il ne faut pas que je me perde dans mon explication.
Comme on aura à délivrer un produit qui offre la force exécutoire, il ne faut
pas que le procédé pour amener à la force exécutoire soit contestable.
Conséquemment, il faut qu'il soit convenu pour que, justement, il n'y ait pas
de doute à l'effet que les clients ou les parties qui ont comparu à l'acte ou
qui vont signer l'acte ont bien compris chacune des obligations auxquelles il s'engageait,
les déclarations qu'ils font sont bien les bonnes.
La façon pour le mandataire de vérifier si
le consentement a été correctement donné. Il ne faut pas que ça se passe n'importe
comment, n'importe comment. On voudrait en convenir avec l'autorité qui, au
premier chef, est le notariat, c'est le Notaire général. À ce point-là... À cet
effet là, vous soulevez la particularité. Alors, il n'y a pas, par exemple, de
ministre qui soit le médecin général. Il n'y a pas de ministre qui est le
comptable général. Il n'y a pas le ministre, le psychologue général, mais il y
a un notaire général...
M. Dostaler (François) : ...parce
que le notariat a pour mission et fonction de participer à l'administration de
la justice. Alors, le notaire général ne peut pas en lui-même, en sa seule
personne, délivrer le notariat. Le rôle d'un ordre professionnel, c'est de
surveiller et de contrôler, si vous voulez, la façon dont l'exécution se fait.
Mais ceux qui exécutent, ce sont les notaires. Donc, ont une lourde
responsabilité à cet égard, peuvent se faire poursuivre, font contester leur,
disons, autorité de fonction, si vous voulez. Et, pour ne pas mettre à mal le
résultat final, l'efficience, si vous voulez, du produit notarial, on voudrait
que ce soit convenu avec le notaire général. Les choses se feront de la façon
suivante. L'étape un, l'étape deux, en tout cas, tout le protocole à suivre. Un
peu, si vous voulez, comme l'exemple des directives médicales anticipées. C'est
boiteux comme exemple, là, mais je vous le donne quand même. L'idée des
médecins, c'est que l'euthanasie n'est pas permise, hein? Alors, quand on
laisse décéder quelqu'un parce qu'il est Alzheimer avancé... je vais donner cet
exemple-là, est-ce qu'il participe à une euthanasie quelconque et pourrait se
faire poursuivre? Tu sais, parce que l'euthanasie n'est pas permise. Ils ont
exigé que le document au terme duquel les gens donnent leur... font...
préparent leurs directives médicales anticipées, advenant qu'ils arrivent à un
moment donné dans un état de maladie qui fait qu'on ne me soigne plus. Alors,
c'était... pour les médecins, c'était important que le consentement soit
incontestable, que personne ne puisse venir dire que ce n'était pas compris.
Donc, le ministère a mis en place toute
une équipe. Là-dedans, il y avait des avocats, il y avait des notaires, il y
avait des psychologues, il y avait des médecins, enfin, tous... des
travailleurs sociaux. Et chaque mot contenu dans le document, qui s'appelle les
directives médicales anticipées, parce qu'il a été sanctionné par l'organisme
qui décide, à ce moment-là, en utilisant ce document-là, celui qui le livre est
à l'abri, il a suivi les normes, a donné les explications, n'a pas changé les
mots, a utilisé les bons mots. Et le médecin, lui, quand il est face à la
situation où la personne a dit : Moi, on ne me soigne plus à partir de tel
moment, le médecin exécute. Puis il n'a absolument aucune crainte d'être
poursuivi parce qu'il aurait fait une quelconque participation à un… une
euthanasie... par exemple, je ne sais pas si masculin ou féminin.
M. Morin : Est-ce que je dois
comprendre... bon, évidemment, c'est sûr qu'il y a des normes pour l'aide
médicale à mourir, mais sortons de cet exemple-là. Est-ce que vous souhaitez
que l'État, par un texte législatif, encadre la formalité de certains actes
notariés, qui ferait en sorte que le notaire aurait une immunité de poursuite
par la suite? C'est... J'avoue que j'ai un peu de difficulté à vous suivre,
mais je suis désolé, là.
• (12 h 10) •
Mme Scotti (Giovanna) : Ce
n'est pas tant l'immunité du notaire, mais l'irréfragabilité de l'acte. Si on
s'en va pour dire que l'acte est exécutoire, il ne faut pas être... il ne faut
pas que, d'un autre côté ou indirectement, on puisse l'attaquer facilement.
Alors, ce qu'on se dit, c'est l'idée d'avoir un acte exécutoire, c'est une
question de justice pour les notaires... pour les Québécois, pour qu'ils
puissent avoir accès à leur droit, à une justice facile et rapide et peu
coûteuse. Donc, on se dit : Oui, c'est un acte exécutoire, mais il faut
aussi qu'il soit encadré d'un certain formalisme ou de certaines balises pour
faire en sorte qu'il devienne aussi irréfragable, pour qu'indirectement, on ne
vienne pas en fait contrer l'objectif principal de l'acte exécutoire.
M. Morin : O.K., je vous
remercie. Dans le mémoire de l'Association professionnelle des notaires du
Québec, il y a une référence aux articles 23 et 36 du projet de loi
n° 34 en ce qui a trait à l'usurpation de la fonction de notaire.
J'aimerais vous entendre là-dessus. Pour vous, est-ce que ça pose un problème?
Est-ce que le projet de loi répond à des...
M.
Morin :...étroitement à cet enjeu-là. Avez-vous des conseils
là-dessus?
Mme Scotti (Giovanna) : Bien,
évidemment que le notaire étant un professionnel qui, en fait... envers qui les
Québécois ont beaucoup de confiance, on l'a vu dans différents résultats
d'études, oui, le notaire, en fait... On a vu des cas d'usurpation, on voit
aussi, même si ce n'est pas de l'usurpation comme telle... mais on voit que
beaucoup de fonctions ou de sphères d'activité des notaires sont prises par
d'autres personnes ou d'autres institutions, comme, par exemple, les banques,
dans leurs règlements des succession. Et, malheureusement, parfois, bon, ça a
un effet néfaste sur les droits des clients. Un client qui va à la banque, qui
ouvre... qu'on lui dit : Bien là, tu as juste à ouvrir un compte de
succession et puis, par la suite, va voir le notaire, mais il se rend compte
qu'il aurait dû ne pas... ne rien faire et... pour pouvoir refuser la
succession qui est déficitaire. Alors, il y a d'usurpation, mais il y a aussi
diverses formes, qui soit par l'effet des règlements internes de l'institution,
par exemple, une procuration générale où un client... on se déplace chez un
client parce qu'il est handicapé et il a besoin de se faire représenter par
quelqu'un par procuration générale, qu'on l'amène à une institution financière
par la suite, et que la banque dit : Non, moi, je ne peux pas accepter ça,
il faut que le client se déplace, parce que, selon nos règles, on n'accepte pas
la procuration générale, à cause, bon, de choses qui les importent.
Alors, oui, on voit que la fonction de
notaire est diminuée, le rôle est mal compris. Les institutions anglophones ou
sous des chartes fédérales nous connaissent mal, et sans usurper notre
identité, mais... viennent faire une brèche à ce que le notaire pouvait
apporter au client.
M.
Morin :Et puis, d'après vous, est-ce que le projet de loi
répond suffisamment à ces enjeux-là ou si vous avez des modifications à
suggérer?
Mme Scotti (Giovanna) : Ce
n'est jamais assez. On pourrait vous envoyer des choses. Peut-être que je ne
pourrais pas faire ça aujourd'hui, mais effectivement on pourrait vous faire
parvenir des choses.
M. Aspri (Roberto) : D'ailleurs,
quand on a parlé d'ajouter le 2.1 à l'article, c'est justement en réponse à ce
que vous dites, c'est-à-dire que le notaire doit conserver le contrôle du
dossier. Et c'est d'ailleurs ce que c'est qui a manqué dans ce que j'ai
mentionné tantôt, où les centres de traitement de dossiers, ils prennent des
dossiers de financement, mais malheureusement ils ne respectent pas, en
réalité, ce que le notaire aurait fait, c'est-à-dire son devoir de conseil, de
bien montrer au client qu'est-ce qu'il est en train de faire. C'est une
question de rapidité, d'efficacité, mais, par contre, le client n'est pas au
courant de ce qu'il est en train de faire, ce que le notaire aurait pu
facilement expliquer au client. Donc, encore là, question... C'en est une,
usurpation du notariat, parce que, finalement, le notaire, comme je l'ai
mentionné tantôt, il est devenu le sous-contractant qui ne fait qu'exécuter une
petite partie de ce que c'est qu'il aurait dû faire.
M.
Morin :Merci. Dernière question, le temps file. Bien sûr, avec
la numérisation, avec le greffe numérique, avez-vous des suggestions, des
conseils quant à la sécurité qui doit entourer un tel greffe numérique?
Mme Scotti (Giovanna) : Bien,
en fait, on n'est pas des experts, hein, puis comme mon confrère, Me Dostaler,
disait, on ne sait pas si la Chambre des notaires non plus, les
administrateurs, ont cette compétence-là. Et c'est une responsabilité lourde à
donner à quelqu'un, et c'est pour ça qu'on disait que le notaire général, lui,
a bien des meilleures ressources et les capacités pour pouvoir... Évidemment,
on connaît un peu la technologie, mais on pense que, pour préserver l'acte authentique,
il y va du maximum de sécurité, dans la fine pointe des technologies.
M.
Morin :Puis vous ne pensez pas que... la Chambre des notaires,
qui est là pour protéger le public mais qui est un organisme indépendant, n'aurait
pas plus de facilité, de marge de manœuvre pour mettre en place un greffe?
Parce que, bien, je peux vous dire que je suis aussi le porte-parole en matière
de transport, et puis ça ne clique pas beaucoup à la SAAQ. Donc, ça, c'est une
initiative gouvernementale, alors, quand vous me dites que le gouvernement
devrait peut-être s'en mêler, j'ai un peu de réticence. Alors, j'aimerais vous
entendre là-dessus.
Mme Scotti (Giovanna) : En
fait, ce n'est pas tant... en fait, c'est prendre la responsabilité de, O.K.,
si jamais il y avait une attaque sur le greffe central numérique, O.K.? Et qui
va payer pour tout ça, on ne... Le ministre l'a dit, tantôt, on est à peu près
4000 notaires. Oui, il y a le fonds d'études notariales, mais il a quand même
un fond. Alors, peut-être une coresponsabilité entre les deux, avec une...
Mme Scotti (Giovanna) : ...portée
limitée de la chambre. Alors, tu sais, on peut... on croit que la
responsabilité principale doit être du notaire général, il a les ressources,
mais il peut donner des mandats aussi à la Chambre des notaires.
M. Morin : Donc le notaire
général serait un peu comme l'assureur ou l'assurance qui viendrait
éventuellement protéger ou indemniser, si jamais il y avait une attaque, c'est
ce que vous dites.
Mme Scotti (Giovanna) : Oui.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup.
M. le député de Saint-Henri Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation. Vous parlez aussi, dans votre mémoire,
d'élargir aux notaires à la retraite le droit d'exercer en OSBL, OBNL. Pourquoi
c'est empêché dans le projet de loi, selon vous, pourquoi ce n'est pas
possible?
Mme Scotti (Giovanna) : Mais
c'est permis maintenant. C'est permis.
M. Cliche-Rivard : C'est ça,
c'est ce que vous dites à la page 12, vous dites : «Or, si les
notaires actifs peuvent exercer leurs activités dans de tels OSBL, force est de
constater que, contrairement aux avocats retraités, les notaires retraités s'en
voient actuellement exclus».
Mme Scotti (Giovanna) : Non,
ils n'en seront... ils étaient exclus, ils étaient exclus.
M. Cliche-Rivard : Puis là
ils ne le seront pas.
Mme Scotti (Giovanna) : C'est
ça.
M. Cliche-Rivard : Pourquoi est-ce
qu'ils étaient exclus avant ça, selon vous?
Mme Scotti (Giovanna) : Bien,
c'est comme un peu, je pourrais dire, avec le projet de loi n° 8, pourquoi
est-ce que les notaires étaient exclus de la magistrature avant? Je pense qu'il
était temps de mettre à jour cette loi-là.
M. Cliche-Rivard : Donc ça,
c'était une de vos demandes historiques. Ça fait longtemps que vous demandiez
ça ou...
Mme Scotti (Giovanna) : Non,
nous, on ne demandait pas ça, mais on est d'accord et heureux de voir cette
modification.
M. Cliche-Rivard : Et là vous
sentez que les notaires vont activement pouvoir participer dans ce genre
d'organisations là?
Mme Scotti (Giovanna) : Je
pense... En fait, il y a une richesse chez le notaire de connaissances,
d'expériences, et c'est sûr qu'un notaire qui prend sa retraite peut donner
beaucoup, redonner à la communauté, et c'est important que cette
modification-là ait lieu.
M. Cliche-Rivard : Vous
parlez aussi de vouloir étendre la portée de vos actes réservés, vous parlez de
ventes, de servitudes, de baux commerciaux pour des actes qui sont inscrits au
registre foncier, pouvez-vous nous expliquer un peu plus le fondement de votre
demande?
Mme Scotti (Giovanna) : Oui.
En fait, c'est un peu aussi, pour revenir à ce qu'on a dit tantôt, il y a
beaucoup d'usurpation, il y a beaucoup de parties qui viennent prendre... même
si ce sont nos actes réservés, directement ou indirectement, viennent toucher à
ça. Et on pense qu'ultimement, c'est la population qui en souffre. Alors, si le
notaire est un officier public, si le notaire est aussi évidemment un juriste
chevronné, il devrait être capable d'accompagner son client dans ces sphères
importantes d'activité. Et c'est pour ça qu'on pense que si ça vient être
codifié, et surtout en espérant que ces actes réservés vont se multiplier avec
aussi des actes... exécutoires, excusez-moi, et donc on pense que c'est
important de le codifier pour que la population soit bien servie et qu'il y ait
moins de recours sur les tribunaux.
M. Cliche-Rivard : Mais ça va
être un travail considérable, là, d'ajouter tout ça, si ça doit passer par les
notaires, vous allez... je veux dire, on va doubler ou tripler les actes devant
vous.
Mme Scotti (Giovanna) : Bien,
écoutez, c'est... Bien, c'est pour ça que c'est... Oui, et c'est pour ça que
nous, avec un tarif minimum obligatoire, on pense que la profession va être
plus attrayante pour les jeunes, on va être capable d'avoir plus de jeunes qui
vont rentrer dans la profession et on va être capable surtout de les retenir.
Parce que, présentement, ce qu'on voit, c'est que les obligations se
multiplient toujours, ça grandit, notre obligation de résultat, elle n'est pas
du tout amoindrie et ça fait que les dossiers deviennent de plus en plus
lourds. Alors, c'est important de pouvoir se réserver des actes, être bien
rémunérés pour pouvoir... en fait, tout au moins pour respecter la sécurité
que... moins de risques puissent arriver parce qu'on soit bien rémunérés.
M. Aspri (Roberto) : Je
pourrais ajouter.
M. Cliche-Rivard : Oui,
allez-y.
• (12 h 20) •
M. Aspri (Roberto) : Ça,
c'est que les actes dont on parle, comme les ventes, servitudes, ces actes-là,
sont des actes qui sont appelés à être enregistrés, inscrits au registre
foncier. Alors, le notaire, en réalité, il est comme le gardien de ce registre
foncier là et il faut faire attention de ne pas contaminer le registre. Donc,
c'est important pour nous, si on avait ces actes-là qui se... pourquoi on a l'acte...
on n'a pas la vente. Alors, c'est clairement peut-être encore plus important
d'après nous, que l'hypothèque parce que, finalement, c'est lui qui crée le
droit initial aux clients d'avoir cette propriété-là. Alors, on protège
l'hypothèque, mais on ne protège pas l'acte de vente, il peut être fait...
privé, il peut être fait tout simplement sur un bord de table, puis on
enregistre...
M. Cliche-Rivard : Mais ça,
c'est une demande que vous faites, récurrente, ce n'est pas la première fois
que vous faites cette demande-là?
M. Aspri (Roberto) : Non,
non, non, c'est sûr...
M. Cliche-Rivard : Ça fait
longtemps.
M. Aspri (Roberto) : Oui.
Puis nous, je pense, que c'est... ça serait important, puis d'autant plus que
ça viendrait solidifier la profession, parce que là les gens peuvent contourner
le système, dire : O.K., fais tes hypothèques, mais nous, on s'occupe du
reste. Puis là, bien, ils vont tout bousiller le.... C'est un tout, là, ça.
M. Cliche-Rivard : Je
comprends.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, encore
une fois, merci d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est très, très, très
apprécié.
Cela dit, la commission suspend ses
travaux jusqu'après les avis touchant les travaux des commissions. Merci. À
tantôt.
(Suspension de la séance à 12 h 21)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 24)
Le Président (M.
Bachand) :Bonjour, tout le monde. La Commission
des institutions reprend ses travaux. On poursuit donc les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 34, Loi
visant à moderniser la profession notariale et à favoriser l'accès à la
justice.
Cet après-midi, nous allons recevoir,
entre autres, l'Association du Barreau canadien, division du Québec, le Barreau
du Québec, la Chambre des notaires du Québec et la Chambre des huissiers de
justice du Québec, mais nous allons débuter, d'abord, avec M. François Brochu,
directeur de programme de maîtrise en droit notarial, accompagné de Mme
Brigitte Roy. Alors, merci beaucoup d'être ici avec nous. Alors, comme vous
savez, vous avez la parole pour une dizaine de minutes. Après ça, on aura une
période d'échange avec les membres de la commission. Alors, M. Brochu, la
parole est à vous. Merci beaucoup.
M. Brochu (François) : Merci,
M. le Président, M. le ministre, sénateur général, Mmes et MM. les députés,
merci de nous avoir invités à nous exprimer concernant cet important projet de
loi, projet de loi n° 34. Nous nous excusons d'avoir produit un peu
tardivement notre mémoire. On est conscients que vous n'avez probablement pas
eu le temps d'y jeter un coup d'oeil, mais on va insister, là, sur les points
principaux. Mais, globalement, je tiendrais à vous dire que le projet de loi
répond entièrement... répond à des besoins importants. Nous sommes,
globalement, là, en accord avec son contenu, mais on va plutôt insister sur des
petits détails, des petites corrections qui, selon nous, là, s'imposeraient ou
seraient importantes pour peaufiner un projet qui est déjà très bien.
Donc, je suis professeur à la faculté de
droit de l'Université Laval, je dirige le programme de maîtrise en droit
notarial, donc, professeur titulaire. Ma collègue Brigitte Roy est directrice
associée du programme de maîtrise en droit notarial, notaire émérite, et s'intéresse,
là, à toute la déontologie notariale, notamment. Donc, nous allons intervenir,
à tour de rôle, pour vous parler, d'abord, de toute la question relative à la
déjudiciarisation de l'exécution forcée, qui est la première partie de notre
mémoire, et, ensuite, la question relative à l'acte notarié technologique.
Donc, en ce qui concerne la
déjudiciarisation de l'exécution forcée, tout est contenu dans un article, l'article
3 du projet de loi, qui vise à insérer, au Code civil, un article 1603.1. C'est
un article qui est très bien, sauf, peut-être, quelques petits détails...
M. Brochu (François) : ...j'ai
l'impression qu'en prévoyant, à la deuxième ligne de l'article 1603.1, les mots
«obligation contractuelle», ça vient un peu restreindre la portée de la
déjudiciarisation d'exécution forcée. Beaucoup d'obligations sont prévues dans
des actes qui ne sont pas de nature contractuelle, je pense, par exemple, aux
déclarations de copropriété. Une déclaration de copropriété, c'est un acte
unilatéral. Les copropriétaires ne signent pas la déclaration de copropriété,
les... ne comparaient que le propriétaire, le promoteur de l'édifice, de la
copropriété en question. Mais cette déclaration de copropriété, c'est
l'article 1062 du Code civil qui le précise, elle lie les copropriétaires
et elle produit ses effets envers eux à compter de son inscription au registre
foncier. Donc, pour nous, la déclaration de copropriété est un bon exemple
d'acte notarié, la déclaration doit obligatoirement être faite devant notaire,
qui mériterait, là, de bénéficier d'une possibilité d'exécution forcée, même
s'il ne s'agit pas d'obligation à proprement parler contractuelle.
À la deuxième... dans le deuxième
paragraphe... au deuxième alinéa, plutôt, de l'article 1603.1, on fait
référence à un règlement qui pourrait exclure de l'application de cet article-là
certains contrats ou catégories de contrats. Comme l'ont dit des intervenants
qui sont passés avant nous ce matin, je pense qu'il serait plus juste de parler
d'exclure de l'application de l'article certaines obligations ou catégories
d'obligations, parce que «contrats», c'est trop large, à notre sens. On peut
penser, par exemple, que les obligations de faire ou de ne pas faire
mériteraient d'être exclues, alors que l'article 1603 vise plutôt
l'exécution des obligations d'ordre pécuniaire.
Peut-être une chose qu'on pourrait ajouter
à un autre article du projet de loi qui est un peu en lien avec l'article 1603,
l'article 16 du projet de loi n° 34 modifie l'article 7 de la
loi sur le notariat en disant que «la chambre des notaires peut établir un tarif
d'honoraires payables pour les actes notariés qui constatent des obligations...
qui constatent certaines procédures non contentieuses devant notaire». Donc, il
me semble qu'on pourrait peut-être, à l'article 16 du projet de loi
n° 34, élargir un petit peu la portée de l'article 7 de la loi sur le
notariat en prévoyant que la chambre des notaires pourrait prévoir un tarif
pour les actes notariés qui constatent des obligations dont l'exécution peut
être forcée. Étant donné que le notaire va agir comme auxiliaire de justice
pour ces nouveaux actes, là, pour les actes... pour que les actes notariés
puissent bénéficier d'une exécution forcée, la possibilité pour le notaire de
bénéficier d'un tarif, là, minimal plancher pourrait être importante puisque ça
existe déjà pour d'autres actes notariés, cette possibilité qu'à la chambre de
prévoir un tarif existe pour d'autres actes notariés.
Donc, on comprend que c'est plus facile de
modifier un règlement puis d'adopter un règlement que de modifier le Code de
procédure civile. Donc, je comprends que c'est la raison pour laquelle on a
prévu, à l'article 1603.1, que c'est un règlement qu'on va venir un peu
préciser toute la portée de l'exécution forcée. Peut-être que c'est plutôt au
code de procédure civile qu'on aurait dû prévoir tout le régime qui va
s'appliquer, là, à l'exécution, qui va régir l'exécution forcée. On n'en fait
pas une objection, là, on comprend qu'on est en train de mettre en place
quelque chose qui nécessite réflexion et qui demande de la souplesse, mais on
tenait quand même à préciser cet aspect.
Je vais maintenant céder la parole à ma
collègue, Brigitte Roy, pour la suite.
• (15 h 30) •
Mme Roy (Brigitte) : M. le
Président, M. le ministre, Mesdames, Messieurs les députés. Alors,
j'enchaînerai, pour ma part, avec les propositions du projet de loi n° 34
sur l'acte notarié technologique. Alors, est-il besoin de rappeler que l'acte
notarié technologique qu'on connaît aujourd'hui, là, présentiel ou à distance,
tous genres confondus donc, a été autorisé par le gouvernement temporairement,
par un premier décret le 31 mars 2020, pour permettre aux notaires de
continuer à rendre leur service essentiel en la matière, et ce, pendant la
pandémie? Alors, les notaires ont pu alors recevoir les actes notariés à
distance par vidéoconférence, c'est-à-dire sur un support autre que papier et
hors la présence physique, donc, du notaire, et ce, pour éviter,
rappelons-nous, les contacts et les déplacements des citoyens. Alors, la
solution admise en était une de nécessité en raison et pour la sécurité
sanitaire. Il est...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Roy (Brigitte) : ... été
alors convenu que cette solution-là, temporaire, devait être revue, réexaminée
et bonifiée afin de s'assurer que l'acte notarié technologique ait la plus
grande sécurité juridique. Alors, le décret de 2020 a ensuite été renouvelé
quatre fois, d'année en année, le dernier l'étant jusqu'au 31 août 2024. Alors,
nous en sommes là.
Mon propos s'articulera autour des
articles du projet de loi no 34 qui encadrent l'acte notarié technologique,
sous deux aspects. D'abord, son support, puis sa conclusion à distance. Ce sont
deux choses qu'il faut distinguer, parce qu'il y a confusion, des fois, là,
dans les genres.
Alors, l'article 39 du projet de loi no 34
propose que l'acte notarié sur support technologique devienne la norme en
introduisant l'article 35.1 de la Loi sur le notariat. Alors, les actes
notariés doivent être reçus et conservés sur un support technologique, mais,
exceptionnellement, un acte pourrait être reçu temporairement, conservé sur un
support papier si le notaire juge que sa réception sur un support technologique
n'est pas possible ou peu commode et qu'il est dans l'intérêt des parties de
procéder promptement à la signature d'un acte.
Donc, on comprend que l'acte notarié
technologique sera la norme, celui sur support papier, la petite exception, et,
encore là, quand l'acte sur support papier sera admis, il devra être
promptement versé vers un support technologique, bon. On comprend que le
support technologique permet d'assurer la pérennité des actes notariés et leur
intégrité. On a rappelé ce matin la tragédie du lac Mégantic, où des greffes
ont disparu. Quant à l'intégrité de l'acte notarié technologique, bien, il faut
comprendre que les informations qui y sont contenues deviennent inaltérables du
fait qu'elles sont transférées directement, donc, au greffe numérique des
notaires. Il n'y a pas de retour en arrière, bon.
Comme on a mentionné, l'acte notarié
pourra être encore reçu sur papier, notamment lorsque le support technologique
n'est pas possible ou peu commode. Alors, on souligne cette exception-là puisqu'elle
nous apparaît soucieuse de l'accommodement des personnes en situation de
vulnérabilité ou des citoyens inhabiles numériquement... donc, alors ceux qui,
par exemple, n'ont pas d'adresse courriel, n'ont pas de téléphone cellulaire
pour recevoir un code d'accès pour une signature numérique d'un acte notarié.
Donc, la chaire de recherche Antoine
Turmel sur la protection juridique des aînés, en collaboration avec la Chaire
de recherche sur les contrats intelligents et la chaîne de blocs Chambre des
notaires du Québec, ont documenté le phénomène et ont produit, en 2022, un
rapport intitulé La transition numérique du notariat; comment mitiger l'inhabilité
numérique des citoyens? Ce rapport est annexé, là, à notre mémoire.
Alors, première chose, donc, cette
préoccupation-là à l'égard de la protection des personnes plus vulnérables, qui
devra être omniprésente, là, dans les prochaines exceptions qui seront
reconnues, donc, en la matière.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, vous êtes juste
parfaite sur votre 10 minutes. Bravo! Alors donc, on va débuter la période d'échange.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Brochu, Me Roy, merci de participer aux travaux de la
commission parlementaire. Donc, je comprends que, globalement, vous êtes en
accord avec le projet de loi.
J'aurais peut-être des questions, pour
débuter, avec Me Roy, relativement à l'acte notarié conclu à distance. Donc,
vous avez fait, là, aux pages 12 et 13 de votre mémoire, la nomenclature de ce
qu'il y avait dans le projet de loi n° 40, le libellé. Puis, dans le cadre du
projet de loi no 34, donc, on a resserré les dispositions avec un caractère
exceptionnel. Donc l'objectif, c'est de permettre toujours au notaire d'évaluer
si un acte notarié peut être conclu à distance. Cependant, on lui confère un
caractère exceptionnel, dans un souci que le consentement libre et éclairé soit
donné, mais surtout aussi, il y a eu... bon, à quelques occasions... on nous a
relaté certaines situations particulières qui sont survenues durant les trois
dernières années. Mais on veut quand même que le notaire puisse rencontrer le
plus souvent possible le justiciable et qu'on lui confère un caractère exceptionnel,
tout en permettant de conclure des actes notariés à distance. Donc, vous, vous
êtes à l'aise avec ça?
Mme Roy (Brigitte) : En fait,
on se réjouit de la faveur accordée à l'acte...
Mme Roy (Brigitte) : ...technologique
en présentiel, là.
Maintenant, en ce qui concerne l'acte
notarié technologique à distance, on peut comprendre qu'il y aura des
règlements adoptés pour venir encadrer l'exception, là, prévue. Et ça,
l'article 46, alinéa quatre permet donc, notamment, à la Chambre des
notaires, par règlement, d'interdire ou de limiter, dans certains cas ou pour
certains types d'actes ou certains actes, la signature à distance.
Alors, on veut mettre le halo là-dessus
parce que, bien sûr, c'est pour éviter les dérives. Il y a des notaires qui
reçoivent des actes notariés à distance en une certaine quantité. Il y a des
notaires qui s'apprêtent à recevoir des actes notariés hors Québec 182 jours
sur 365 puisque le support... la possibilité de le faire par visioconférence
donne cette latitude-là, alors qu'on peut se questionner sur... effectivement,
sur le plan déontologique, le notaire doit s'assurer de l'identité, la qualité,
la capacité, le consentement libre et éclairé, la compréhension, donc, de
l'acte par les parties. Ça fait beaucoup de choses à distance sur une base
régulière. Alors, il faudra que l'exception soit assez bien encadrée.
M. Brochu (François) : ...si
je peux me permettre, pendant la pandémie, évidemment, tous les notariats du
monde ont dû faire face à la musique puis adopter des mesures particulières,
mais la majorité des pays ont ensuite restreint une fois la pandémie passée. En
France, par exemple, on avait ouvert la porte pendant une très courte période à
ce que tous les actes puissent être reçus à distance, ça a été seulement
d'avril à août 2020, mais, depuis novembre 2020, en France, ce sont uniquement
les procurations qui peuvent être reçues à distance, pas les autres actes.
Donc, l'exception prévue ici dans le projet de loi nous semble bonne. Si on
n'avait pas cette exception, on ferait à peu près cavalier seul ou on serait
une des rares juridictions, là, permettant de manière large la comparution à
distance.
M. Jolin-Barrette : Puis,
Maître Brochu, vous dites : Bon, bien, il y a la France qui a resserré le
tout. Les autres pays de tradition civiliste, avez-vous d'autres exemples où
ils ont resserré...
M. Brochu (François) : Bien,
l'Union internationale du notariat latin, on a produit le rapport en annexe de
notre mémoire, a prévu 10 règles pour encadrer justement la réception des actes
à distance puis elle prévoit des conditions pour que ça puisse bien
fonctionner, les actes à distance. Puis la première de ces conditions-là, c'est
qu'on ait un bon système d'identification des parties.
À l'heure actuelle, quand quelqu'un
comparaît à distance, la personne nous montre à distance son permis de
conduire, sa carte d'assurance maladie, on n'est pas capables de contrôler la
véracité. Déjà, quand on touche à un permis de conduire, c'est parfois
difficile, on suit des formations là-dessus, mais ce n'est pas toujours facile
de savoir si c'en est un vrai ou un faux. Donc, à défaut, au Québec, de système
de vérification de l'identité qui soit véritablement fiable à distance, bien,
c'est bien de restreindre un peu les comparutions à distance.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de l'acte notarié exécutoire, vous nous invitez, tout comme un
groupe précédent ce matin, à... plutôt que de parler de contrat, de parler
d'obligation. Également, vous dites : Bon, ça devrait être offert aux
actes notariés déjà conclus, donc antérieurement à la loi aussi. Donc, je vous
pose... je vous pose ces deux questions-là. Pourquoi les obligations puis
pourquoi viser les contrats notariés antérieurs?
M. Brochu (François) : O.K.
Bien, on pense que ça pourrait l'être pour les actes déjà conclus parce que,
finalement, cette exécution forcée, on reconnaît... ça s'appuie sur une force
qu'a déjà l'acte authentique, hein? Toutes les vérifications que fait le
notaire, le notaire a reçu par l'État une... s'est vu déléguer par l'État
certains pouvoirs. Donc, les actes notariés, lorsque le projet de loi aura été
adopté et sera sanctionné, ne changeront pas véritablement, là, les... Le
devoir de vérification du notaire ne changera pas beaucoup. Donc, nous, on
pense que ça devrait s'appliquer aux actes reçus avant la loi, mais ça vaudrait
la peine de le préciser, on l'indiquait, là, dans des mesures transitoires, que
ça soit clair, parce qu'actuellement, quand on lit le projet de loi, on ne le
sait pas trop si on ne vise que les actes qui auront été faits après l'adoption
de la loi ou non.
En ce qui concerne les... la question des
obligations plutôt que des contrats qu'il vaudrait la peine de préciser de manière
réglementaire, bien, c'est que ce qu'on vise à permettre, là... on
déjudiciarise l'exécution forcée d'obligation, pas de contrat. Donc, ça vise à
faire en sorte que les obligations soient respectées. Il faudrait préciser par
règlement de quelle obligation il s'agit et non pas de quel contrat il s'agit.
• (15 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Parce
que, dans un contrat, ça peut comprendre plusieurs obligations.
M. Brochu (François) : Effectivement.
M. Jolin-Barrette : Pour
certains, il s'agit d'une révolution, le fait de permettre des actes notariés
exécutoires. Certaines personnes, certains groupes sont craintifs...
M. Jolin-Barrette : ...mais je
comprends de votre expérience que vous avez constaté que ce genre d'actes
notariés exécutoires là se produisent ailleurs dans les autres pays de
tradition civiliste. Puis ça, c'est un peu notre particularité au Québec. On a
le Code civil, on a une tradition civiliste par rapport au reste du Canada, des
États-Unis également. Alors, comment ça s'opérationnalise dans les autres
États, supposons, continentaux ou de tradition civiliste?
M. Brochu (François) : Bien,
on n'a pas fouillé, là, toute la procédure, mais vous avez raison de dire que
ce qui fait que le Québec est une société distincte, c'est le Code civil et le
notariat. Donc, il faudrait peut-être donner un peu plus de force à... ou
reconnaître une force plus importante à l'acte notarié, puisque c'est reçu par
un officier public. Donc, dans les autres pays qui ont un système de notariat
latin, les systèmes... ça a différentes modalités, là, les systèmes d'exécution
forcée fonctionnent bien.
Je pense que, face à la pénurie de
main-d'oeuvre, face à l'accroissement, là, des demandes devant les tribunaux,
les citoyens ont besoin d'un accès rapide à la justice. Tous les moyens sont
bons pour faciliter l'accès à la justice, on bénéficie déjà d'un acte notarié
qui est doté d'une force probante, lui reconnaître, reconnaître à cet acte
notarié, la possibilité qu'il puisse bénéficier d'une exécution forcée, c'est
un tout petit pas, mais qui va faire une grosse, grosse différence. Ce n'est
pas révolutionnaire, là, c'est... ça fait longtemps qu'on y pense, on en parle,
on est un peu l'exception de l'exception en n'ayant pas déjà... en ne reconnaissant
pas déjà à l'acte notarié, une certaine force, une possibilité d'exécution
forcée.
M. Jolin-Barrette : Je serais
curieux de vous entendre, à savoir... parce que vous vous dites : C'est un
petit pas, dans le fond. Pourquoi ça n'a jamais été fait dans la législation
québécoise? Pourquoi on n'a jamais permis au notaire d'avoir l'acte notarié
exécutoire? Parce que ça fait longtemps qu'on parle d'accès à la justice, là.
Puis pourquoi est-ce que ça n'a jamais été fait par les législateurs précédents?
M. Brochu (François) : J'aimerais
pouvoir vous répondre sincèrement. Je ne le comprends pas pourquoi ça ne s'est
jamais fait avant.
M. Jolin-Barrette : Mais je
comprends qu'aujourd'hui vous êtes à l'aise de dire on est rendu là?
M. Brochu (François) : Tout à
fait. On est en 2023, c'est le temps.
M. Jolin-Barrette : C'est
sécuritaire, il n'y aura pas de préjudice pour la population, il y a une
prévisibilité?
M. Brochu (François) : Oui.
Puis ça n'empêche pas... si on n'est pas d'accord, ça n'empêche pas d'avoir
recours à la procédure actuelle, aller devant le tribunal s'il y a une
contestation, si on n'est pas d'accord, là, ce n'est pas... ce n'est pas tout
ou rien, là, ça ne nous empêche pas de continuer comme on le faisait avant pour
d'autres obligations s'il y a une contestation. C'est : on offre une
opportunité de plus.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Je vous remercie grandement pour votre présence en commission parlementaire. Je
vais céder la parole à mes collègues, un grand merci.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de
Charlevoix–Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Oui. Bien, en
fait, j'aimerais aller... bonjour, tout d'abord, bon après-midi. J'aimerais
aller juste un petit peu plus loin dans la réponse que vous avez donnée à M. le
ministre. Vous parliez effectivement des bienfaits d'un acte exécutoire. À
quel.... vous fréquentez ou vous connaissez comment les tribunaux fonctionnent,
comment est-ce que ça pourrait désengorger? Est-ce que vous croyez que ça va
désengorger les tribunaux, notamment les petites créances?
M. Brochu (François) : Bien,
le fait de ne pas avoir à s'adresser devant le tribunal pour qu'un acte, que
les obligations soient exécutées, c'est un pas dans la bonne direction. Combien
d'actes ou combien d'obligations feront l'objet d'une exécution forcée,
déjudiciarisée, plutôt que devant le tribunal? C'est difficile à dire, là, il
va falloir qu'on s'habitue à la formule. La réglementation n'est pas sortie
encore, là, le diable est dans les détails, hein? Donc, il va falloir voir
comment tout ça va s'articuler.
Pour l'instant, on a un grand principe qui
est prévu dans le projet de loi. Puis ce qu'on espère, c'est que le règlement
sera adopté sans trop tarder puis on aimerait que le projet de loi prévoie
peut-être une date butoir, là, pour que... pour montrer toute l'importance
qu'on accorde à cette nouvelle formule, à cette nouvelle force qu'auraient...
dont bénéficieraient les actes notariés. Donc, ne connaissant pas le contenu du
règlement puis ne sachant pas s'il sera adopté ou non, on espère que oui, puis
qu'une date sera précisée. C'est difficile de répondre plus précisément à votre
question.
Mme Bourassa : Et les
clients, les gens avec qui vous faites affaire, eux, sont prêts à ce que ce
soit mis en branle? Vous pensez qu'ils vont respecter, effectivement, cette...
M. Brochu (François) : Bien,
je pense qu'ils apprécieront l'opportunité de ne pas avoir à se présenter
devant le tribunal.
Mme Bourassa : Et on ne vous
a pas entendus sur le statut du notaire à la retraite. Est-ce que vous aviez
quelque chose à dire par rapport à ça?
M. Brochu (François) : Pas
précisément.
Mme Roy (Brigitte) : Bien, en
fait, c'est une reconnaissance de la part de nos plus anciens notaires qui
décident de prendre leur retraite sans y être forcés. Peut-être que je reviens
sur un propos du mémoire. Vous savez, plusieurs notaires ont adopté l'acte
notarié technologique, mais d'autres n'y sont pas passés et ne le feront pas.
Et ce qui amène des notaires à dire qu'ils vont cesser de pratiquer, et donc, à
ce titre-là, quand on parle d'accès à la justice, on voit des notaires,
souvent, qui sont soit en région, soit en plus petite étude ou...
Mme Roy (Brigitte) : ...en
étude solo, qui vont simplement décider de ne plus faire leur offre de service.
Ça pourrait avoir cet effet pervers là. Mais donc, sur le notaire à la
retraite, bien, c'est une reconnaissance, bien sûr, là, pour continuer à avoir
un statut après toutes ces années de bons et loyaux services.
Mme Bourassa : Une
reconnaissance et, en terminant, aussi une façon de lutter contre la pénurie de
main-d'oeuvre. Parce qu'il y a certaines choses qui vont pouvoir être faites,
là, si je ne me trompe pas. Je crois que les mariages ou les unions pourront
continuer à être célébrés?
Une voix : ...
Mme Bourassa : Conseils
juridiques dans les cliniques aussi. Donc, ça va faire en sorte que ceux avec
un statut actif vont pouvoir s'occuper à d'autres tâches?
Mme Roy (Brigitte) : Absolument.
Et ce matin, je pense que l'APNQ faisait des représentations pour qu'on
élargisse, justement, ce que le notaire à la retraite peut faire. On ne s'est
pas penchés nécessairement là-dessus, mais on adhère certainement à leur
proposition.
M. Brochu (François) : Pour
poursuivre là-dessus, ça serait peut-être bien que l'article 35.1, qu'on
veut introduire, là, que veut introduire l'article 39 du projet de loi,
prévoit peut-être une règle transitoire qui permettrait aux notaires qui
approchent la retraite et qui ne veulent pas se lancer dans la numérisation de
leurs actes, puissent être libres de le faire ou non. Finalement, que... qu'on
oblige la numérisation de leurs greffes lorsqu'ils auront pris leur retraite,
parce qu'on craint que certains notaires, comme le disait ma collègue, là,
cessent de pratiquer, alors qu'ils ont encore beaucoup à donner à leurs
clients, à la population, là, de leur secteur.
Mme Roy (Brigitte) : Alors,
on pourrait avoir des dispositions transitoires, reconnaître des droits acquis
à une certaine catégorie, donc, de notaires qui en ont peut-être pour à peine
quelques années, mais devant l'introduction de l'acte notarié technologique
obligatoire, décident plutôt de fermer boutique.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci
beaucoup, M. le Président. Bien, justement, sans le nommer, on a parlé de
littératie numérique des notaires. J'aimerais qu'on y revienne.
À la lumière de tout ce qu'on vient de
dire, et vous êtes probablement bien placé, M. Brochu, pour nous parler de
la relève. Je ne veux pas que vous portiez le poids tout seul de la relève,
mais quand même, vous avez une perspective assez particulière sur le sujet de
la relève. Parce qu'il en a été question ce matin avec d'autres groupes qui
disaient : bien, on voudrait que ce soit... en tout cas, que la pérennité
soit assurée, puis ça n'avait pas l'air clair, ça n'avait pas l'air assuré.
Donc, ça va tout ensemble, ça, c'est comme une espèce de moyeu de la roue, là,
puis on est en train de tourner autour. Et je commence... je finis ma question
en vous demandant de commencer par pénurie : est-ce qu'il y a ou il n'y a
pas de pénurie, en ce moment, de notaires?
M. Brochu (François) : Pénurie
de notaires, peut-être un peu, mais en tout cas, pénurie d'étudiants, oui. Les
étudiants, les effectifs sont en baisse, là, il faut le dire. Probablement que
la reconnaissance que le projet de loi veut accorder à l'acte notarié en
permettant une... De déjudiciariser l'exécution forcée, ça va jeter un coup de
projecteur sur les actes authentiques et sur la profession dans son ensemble,
mais ça va peut-être inciter certains... Certaines personnes à voir que le
notaire a un rôle, finalement, assez important, là, qu'on prend au sérieux son
rôle. Évidemment, on ne sauvera pas une profession avec ça, ce n'est pas
l'objectif non plus, mais ça montre l'importance qu'on accorde à l'acte notarié
et au rôle du notaire.
M. Lemieux : Et donc,
pour ce qui est de la littératie, que vous avez évoquée sans la nommer, c'est
un couteau à deux tranchants, ce qu'on est en train de discuter pour l'avenir.
En tout cas, il y a un mauvais moment à passer, s'il y a un creux de notaires
qui partent plus vite à la retraite, là. Vous êtes... Non?
Mme Roy (Brigitte) : Oui.
Mais, en fait, je voulais simplement dire que les notaires qui ne veulent pas
prendre ce virage technologique là, en fait, ce n'est pas par... pas parce
qu'ils sont rébarbatifs au changement. Ils ont fait la transition avec le
registre foncier, le RDPRM, la signature numérique des notaires, les
inscriptions en ligne, ils en ont... Ils ont beaucoup donné. Mais le notaire
qui est... bien, pas assis, mais qui a 20 000, 30 000, 40 minutes...
40 000 minutes, qui va en faire peut-être 100, 200, 300 en numérique,
là, on est ailleurs, on est dans un autre monde. Alors, c'est peut-être ça qui
risque de provoquer un petit exode.
• (15 h 50) •
M. Lemieux : Ce qui me
pousse à vous... À revenir avec vous sur la signature électronique. Moi, je
l'appelle comme ça, là. Et je comprends que le caractère exceptionnel qu'on y
met dans la loi contente certaines personnes, mais pas toutes. Et pourtant, le
client du notaire, celui qui achète une maison de temps en temps, un testament
peut-être une deuxième fois, la signature numérique, c'est un cadeau de la
technologie et de la numérisation pour le client. Depuis trois ans, puis vous
avez bien expliqué qu'on s'en va vers la quatrième année, depuis trois ans, on
a l'impression d'avoir gagné quelque chose avec l'expérience malheureuse de la
pandémie à cet égard-là. Et je sens depuis ce matin un gros pied sur le brake
puis un autre pogné après le volant, là. Je ne comprends pas.
M. Brochu (François) : Bien,
c'est que l'objectif est de protéger un peu la partie vulnérable, la personne
qui n'est pas habituée de conclure des actes...
M. Brochu (François) : ...qui
va voir un notaire deux fois dans sa vie, je pense que c'est important qu'elle
bénéficie de toute l'information dont elle a besoin puis qu'on s'assure qu'elle
comprend puis qu'elle puisse poser ses questions et qu'elle soit à l'aise. Le
fait de procéder à distance, ça ne l'empêche pas, mais ce n'est pas... les
conditions gagnantes ne sont pas toutes réunies. Je comprends que le promoteur
immobilier qui, lui, signe des centaines de contrats par année, c'est autre
chose. Donc, quand on vient... Quand viendra le temps de prévoir le caractère
exceptionnel, je peux comprendre que le promoteur immobilier ça va, lui, il n'a
pas besoin d'énormément d'explications de la part du notaire, mais M. et Mme
tout le monde peut-être.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour, Me Brochu, Me Roy. Merci d'être là. J'ai
quelques questions pour vous. Il y a des groupes un peu plus tôt aujourd'hui
qui dans leurs mémoires, par ailleurs l'Association professionnelle des
notaires du Québec, qui parlait de l'usurpation de la fonction de notaire que
le projet de loi tente évidemment de restreindre, parce qu'on ne veut pas que
ça arrive, là. Est-ce que vous pensez que le projet de loi va assez loin?
Est-ce que c'est suffisant? Est-ce qu'il faudrait faire plus?
M. Brochu (François) : Bien,
on trouve que le projet de loi décrit assez bien la fonction du notaire puis
modifie la loi sur le notariat de manière à être plus précis, donc je trouve
que c'est bien. Il y a des choses qui allaient de soi, mais, quand on regardait
la loi sur le notariat, ce qui allait de soi ne se trouvait pas dans les
textes. Alors, maintenant, on a le mérite... le projet de loi a le mérite de
mettre noir sur blanc dans la loi sur le notariat ce que fait réellement le
notaire depuis toujours.
M. Morin : Je vous remercie.
J'ai quelques questions sur le greffe numérique. Je comprends que,
présentement, il y a des notaires qui vont évidemment rédiger des actes et qui
vont les conserver, j'imagine, d'une façon numérique, donc pas nécessairement
de papier ou si c'est toujours sur un format papier à un moment donné?
M. Brochu (François) : Actuellement,
c'est toujours papier.
M. Morin : Toujours papier.
Mme Roy (Brigitte) : ...les
actes notariés technologiques sont sur le support technologique...
M. Brochu (François) : Oui,
mais...
Mme Roy (Brigitte) : ...oui.
M. Morin : Pardon?
Mme Roy (Brigitte) : Bien, en
fait, l'acte qui a été reçu papier est papier, mais l'acte notarié
technologique est sur le support technologique.
M. Morin : D'accord. Et il a
des mécanismes présentement pour éviter que le document sur support
technologique soit altéré.
Mme Roy (Brigitte) : Oui,
voilà.
M. Morin : O.K. Puis, à ce
niveau-là, à votre connaissance, il n'y a pas de documents qui ont été altérés
ou il n'y a pas eu de fraude ou...
Mme Roy (Brigitte) : On n'est
pas au courant.
M. Morin : Vous ne le savez
pas.
Mme Roy (Brigitte) : Je n'ai
pas de données là-dessus du tout, du tout.
M. Morin : O.K. Je vous
remercie. Maintenant, avec le greffe numérique qui est prévu par le projet de
loi, je comprends que pour les actes qui seront faits dans le futur, ils seront
déposés dans le greffe numérique, et je comprends que le projet de loi demande
à la Chambre des notaires de gérer le tout. Il y a des groupes un peu plus tôt
aujourd'hui qui nous ont dit que ce n'était peut-être pas suffisant, en tout
cas, qu'il y avait des craintes et qui disaient que peut-être que la
responsabilité, en tout cas, à tout le moins, devrait être partagée avec
l'État. Donc, si jamais il y a quelqu'un qui entrait dans le système, était
capable avec une cyberattaque d'attaquer le registre, donc qu'est ce qui
arriverait s'il y avait une fuite de documents, perte de documents? Est-ce que
ce serait uniquement les notaires qui devraient évidemment être responsables ou
si l'État ne devrait pas assurer ou enfin partager la responsabilité? Le projet
de loi ne prévoit pas ce mode hybride là, mais j'aimerais vous entendre
là-dessus. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Brochu (François) : Bien,
honnêtement, on a aucune idée combien peut coûter la mise en place d'un greffe
centrale, là, numérique. Est-ce que le Fonds d'études notariales sera suffisant
pour financer ça? Est-ce que la chambre bénéficie de tout le soutien ou du
financement nécessaire pour mettre en place la structure... une structure
sécuritaire? Donc, c'est un peu une question de coût. Je n'ai aucune idée.
C'est très difficile de répondre à votre question. Est-ce que le ministère de
la Justice contribuera, ou sera associé, exercera des contrôles? Ça serait
possiblement une bonne chose, mais c'est difficile de répondre à votre
question.
M. Morin : En fait, je
comprends que le projet de loi va permettre au fonds, donc, de financer ce
greffe numérique. Et puis, évidemment, la Chambre des notaires, nous allons
l'entendre un peu plus tard, donc vous pouvez penser que j'aurai des questions
aussi pour la chambre à ce sujet là. Mais compte tenu de votre expérience,
compte tenu du rôle que vous jouez dans l'enseignement et la formation des
futurs notaires, est-ce que ce...
M. Morin : ...la formation des
futurs notaires, est-ce que ce sont des questions que vous avez débattues avec
la chambre, est-ce que vous en avez parlé? Est-ce qu'il y a un plan, ou si,
même au niveau des universités et des facultés, ça n'a pas été abordé?
M. Brochu (François) : Bien,
honnêtement, ça n'a pas été abordé.
M. Morin : O.K.
Mme Roy (Brigitte) : C'est
sûr qu'on sensibilise déjà nos étudiants à toute la sécurité de l'information,
la confidentialité, mais on n'entre pas dans le détail, là, sur les garanties
de sécurité juridique, là, des organisations.
M. Morin : D'accord. Je vous
remercie. Vous avez souligné un peu plus tôt que... enfin, je pense,
«craignez», le mot n'est pas trop fort, mais que vous craignez que certains
notaires qui ont pratiqué pendant plusieurs années, quand la nouvelle loi
entrera en vigueur, et donc qu'ils devront utiliser le greffe numérique, qu'il y
en a qui pourraient fermer finalement leur étude, leur greffe. Est-ce que vous
avez une idée du nombre? Est-ce que vous croyez que ça pourrait entraîner une
pénurie de notaires, compte tenu évidemment du rôle important que les notaires
jouent au Québec? Est-ce que, pour vous, c'est un enjeu? Est-ce que vous avez
des statistiques ou des données là-dessus?
Mme Roy (Brigitte) : Non, on
n'a pas de statistiques ou de données, et c'est peut-être parce que je
fréquente beaucoup ceux qui ont plus de 40 ans, là, de pratique que je suis en
mesure de dire qu'il y a des gens qui songent très sérieusement à ne pas
prendre ce virage-là. Puis l'échéance, c'est à peu près dans une année, hein,
de ce qu'on entend, là, alors ils commencent à se faire une tête autour de ça.
Mais je n'ai pas de données probantes.
M. Morin : D'accord. Mais
croyez-vous que dans certaines régions, ça pourrait être un problème d'accès à
des notaires?
M. Brochu (François) : Bien,
peut-être, parce que dans certaines régions les notaires cherchent
désespérément de la relève, sont débordés. Donc, si, dans cette région-là...
dans ces régions où il y a déjà une pénurie de notaires ou pas beaucoup de
notaires, on en perd, ça ne facilitera pas les choses, là, pour l'accès à la
justice pour les citoyens.
M. Morin : C'est ça, parce
qu'évidemment, le projet de loi, en plus de modifier la Loi sur le notariat,
parle d'accès à la justice, et on comprend très bien la volonté du gouvernement
pour ça, mais à condition que dans les faits, c'est quelque chose qui puisse
évidemment véritablement exister. Alors, vous, vous n'avez pas de... vous
n'avez pas non plus de statistiques, s'il y a des régions par exemple au Québec
qui sont plus en péril de manquer de notaires que d'autres?
M. Brochu (François) : Malheureusement,
non.
M. Morin : Parfait.
Évidemment, avec la technologie, vous
l'avez très bien souligné, les notaires peuvent recevoir des actes à distance.
Est-ce que c'est un enjeu, parfois, de s'assurer de l'authenticité ou de...
évidemment, de la personnalité du client? Parce qu'évidemment, quand vous le
recevez dans votre bureau, c'est facile de parler avec le client, vous lui
demandez des documents, il peut vous les présenter. En pratique, vous le faites
uniquement sur écran ou vous demandez des pièces d'identité avant pour les...
s'assurer que c'est bien la bonne personne? Comment faites-vous?
Mme Roy (Brigitte) : Il y a
en effet la question, là, de l'identité, où les clients vont envoyer les pièces
d'identité, de façon plus ou moins sécuritaire, probablement, et vont aussi,
là, les montrer à la... au notaire, là, qui est en visioconférence.
M. Brochu (François) : À la
caméra.
Mme Roy (Brigitte) : À la
caméra, voilà. Maintenant, il est bien sûr que le contact humain et tout ce
qu'on peut avoir, là, sur peut-être, jusqu'à un certain point, la
déshumanisation de la relation professionnelle, où on a un client, alors que
souvent, hein, les gens qui viennent nous consulter, ce n'est pas tant pour le
produit de l'acte notarié final que tout le rôle-conseil qu'on va déployer
aussi... Et ça, quand on est en présence de personnes, on peut sentir un besoin
peut-être différemment que derrière un écran, où on a une séance Teams, par
exemple, là, qui est ouverte pendant une heure.
• (16 heures) •
Donc, le rôle... il ne faudrait pas que le
rôle change avec l'acte notarié à distance. C'est pour ça qu'un article a été
rajouté. Le notaire qui reçoit un acte à distance doit s'assurer de la
compréhension, doit s'assurer donc de l'expression du consentement libre et
éclairé. On insiste, parce que probablement qu'il y en a un enjeu, là, en
effet, et c'est pour ça d'ailleurs qu'on est aussi favorables à l'acte
technologique en présentiel plus qu'à distance pour aller chercher cette qualité
de rapports professionnels là aussi.
M. Morin : Oui, parce
qu'évidemment, on s'entend, l'acte peut être fait sur support informatique et
storé dans un greffe numérique alors que les gens sont dans votre cabinet. Ça,
c'est une chose. Mais il y a aussi le fait...
16 h (version non révisée)
M. Morin : ...mais il y a
aussi le fait où quelqu'un peut carrément être à distance, donc sur visio. Puis
je comprends que, dans certains cas, ça peut être utile. Tout à l'heure, mon
collègue parlait d'un entrepreneur, bon, qui signe des contrats, c'est une
chose, mais quelqu'un qui vient vous voir pour un traitement ou un mandat d'inaptitude,
c'est autre chose. Donc, peut-être, à ce moment-là, est-ce que ce serait
préférable que la personne soit dans votre cabinet, que vous puissiez parler
plutôt que d'avoir uniquement par visio?
M. Brochu (François) : Bien,
tout à fait, on pense que oui, on pense que oui.
M. Morin : O.K. On parle,
évidemment, d'un greffe numérique, donc d'une transition numérique. Vous nous
avez donné un rapport, mais vous êtes aussi responsable du programme notarial à
l'Université Laval. Comment est-ce que vous préparez les futurs notaires à
fonctionner, éventuellement, avec tous ces outils technologiques là?
M. Brochu (François) : Bien,
l'apprentissage de ces outils se fait beaucoup au moyen des stages que... nos
étudiants ont un stage à faire. On les sensibilise aux actifs numériques qu'ont
leurs clients. De plus en plus, on dématérialise certaines possessions, là, les
gens ont beaucoup d'actifs numériques. On les... oui, on les initie un petit
peu à la technologie, mais on enseigne le droit actuel, on ne peut pas non plus
faire trop du droit fiction avec eux, donc on enseigne plutôt le droit positif,
le droit actuel.
M. Morin : Très bien. Sauf
que, là, ça, ça risque... avec la majorité du gouvernement en Chambre, ça
risque de devenir du droit positif dans un avenir plus ou moins rapproché.
Alors, comment vous vous préparez? Comment vous préparez les étudiants pour s'assurer
qu'ils seront capables, évidemment, de fonctionner avec la législation qui sera
adoptée?
M. Brochu (François) : Bien,
on les sensibilise, évidemment, au rôle du notaire, à l'importance du contact
et de la relation avec le client. Finalement, ça ne change pas grand-chose en
ce qui concerne le rôle du notaire, parce que la technologie, ça ne transforme
pas le rôle du notaire. Le notaire va s'adapter à de nouveaux outils, mais, à
la base, le rôle du notaire demeure le même. Donc, on s'assure du consentement
de la partie pour un acte qu'on va signer papier ou de manière électronique, ça
ne change pas grand-chose finalement.
M. Morin : Très bien. Oui?
Mme Roy (Brigitte) : ...dans
le cadre de toute leur formation, nos étudiants sont en stage pendant 16 semaines
dans des études notariales que l'université accrédite. Et également leur
formation est complétée par le programme de formation professionnelle de la
Chambre des notaires, qui aborde, là, toutes les questions de droit
professionnel et peut-être, là, de tout ce qui entourera aussi les
technologies. Alors, c'est une responsabilité partagée, alors nous en sommes,
mais il y aura d'autres instances aussi, là, qui devront être interpelées, là,
à ce niveau-là.
M. Morin : Parfait. Merci
beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Me Brochu, Me Roy. Très intéressant. On en parle depuis quelque temps
mais j'aimerais que vous vous puissiez nous illustrer concrètement, là, en quoi
l'accès à la justice est vraiment favorisé par l'exécution forcée de l'acte
notarié. Le lien entre les deux, concrètement, peut-être l'avant et l'après,
comment ça peut vraiment favoriser l'accès à la justice?
M. Brochu (François) : Bien,
actuellement, pour faire exécuter un contrat, on a souvent besoin de recourir
au tribunal. Si on a une voie parallèle, une voie d'évitement, par la force des
choses, ça va permettre aux tribunaux de consacrer leur temps à des cas qui
nécessitent vraiment leur intervention.
M. Cliche-Rivard : Mais, si
on n'est pas capable de l'exécuter, est-ce qu'on peut penser qu'il y a un
litige puis donc que ça va finir devant les tribunaux de toute façon? Est-ce qu'on
peut penser ça ou pas vraiment?
M. Brochu (François) : Oui,
évidemment que, lorsqu'il y aura une contestation de l'acte, bien, le tribunal
demeurera l'instance ultime pour trancher, mais ça ne sera pas tous les cas. Si
on peut en échapper un peu, là, si on peut se dispenser d'avoir recours au
tribunal, dans certains cas, ce sera déjà ça de gagné d'une certaine manière.
M. Cliche-Rivard : Parce que,
là, l'autre partie refuse d'exécuter son obligation, donc, vraisemblablement,
il m'apparaît qu'il y a une probable base de litige ou ça se peut qu'elle est
juste en défaut, elle ne comparait pas, elle ne répond pas. Il y a des
certaines situations, mais ça va souvent peut-être finir quand même devant le
tribunal.
M. Brochu (François) : Peut-être
que oui, peut-être que parfois ça va finir devant le tribunal parce qu'il y
aura contestation, mais, dans bien d'autres fois, il n'y aura pas contestation,
on reconnaît qu'on est en défaut, puis on va procéder.
M. Cliche-Rivard : O.K., et
là on n'aura pas besoin... Mais, si on reconnaît qu'on est en défaut... je fais
l'avocat, un peu, du diable, si on reconnaît qu'on est en défaut, on n'a pas
besoin non plus d'exécuter l'acte pour nous dire : Bon, bien, je vais
obtempérer finalement, je vais rencontrer mon obligation. On n'a pas besoin que
ça soit nécessairement exécuté avec un huissier. Je pose la question, hein?
Pour moi, le lien me semble clair dans la théorie. Dans la pratique, quand on
va arriver au cas par cas, je me pose la question, là, le lien, vraiment, avec
l'accès à la justice, mais j'entends que c'est l'avenir nous le dira.
M. Brochu (François) : Bien,
un peu, puis un peu le règlement aussi. Parce que, là, on a un énoncé d'intention,
là, à l'article 1603.1, mais il y a tellement de choses à venir et à
préciser par règlement que c'est un peu difficile de... tu sais, c'est une
nouvelle bibitte, là, qu'on est en train de créer, un nouveau monde, donc il va
falloir...
M. Brochu (François) : ...s'y
adapter puis il va falloir le créer, là, c'est quelque chose qu'on est en train
de bâtir.
M. Cliche-Rivard : Je
comprends. On parle de... vous avez donné l'exemple du promoteur immobilier qui
va passer 100 fois par année devant le notaire, on parle de l'exception.
Il me semble, pour moi, que le mot exception devient quand même relativement
large, là. Pour moi, «exception», «exceptionnel», c'est très, très, très
limité. Cette personne-là qui passe 100 fois devant le notaire par année, est-ce
que ces 100 actes vont finalement être électroniques? Duquel cas, est-ce
que ça reste encore exceptionnel? Je me demande à quel point est-ce que c'est
le bon mot qu'on utilise là puis est-ce qu'on n'est pas finalement en train
d'élargir un peu la portée de ce qu'on qualifie comme une exception.
M. Brochu (François) : Bien,
ce qu'on veut, c'est vraiment protéger les personnes vulnérables, on veut
s'assurer de la qualité du consentement des personnes qui...
M. Cliche-Rivard : Ce que
vous devez toujours faire de toute façon.
M. Brochu (François) : Qu'on
doit toujours faire. Mais on comprend que quelqu'un qui est un professionnel de
l'immobilier et qui signe à longueur de journée des actes de vente, parfois,
certains contrats s'approchent... le contrat d'adhésion, bien, cette
personne-là n'a pas besoin de se faire expliquer longuement par un notaire
ou... C'est assez facile pour le notaire de voir si la personne comprend ce à
quoi elle s'engage, alors que, pour d'autres clients, M. et Mme Tout le monde,
qui n'est pas un professionnel de l'immobilier ou de certains secteurs, là, le
notaire a un devoir de conseil qui est plus important.
M. Cliche-Rivard : Mais, du
moment où, là, on va être dans le commercial, où la personne qui a l'habitude, ou
qui connaît, ou dont on est certain du fait que c'est un consentement éclairé,
ou... on n'est quand même plus... puis vous permettez, là, l'exception, ça
demeure excessivement vaste dans ce cas-ci. Essentiellement, on est en train de
dire que, tout ce qui est du domaine des affaires, à la limite, là, ou tout ce
qui est immobilier ou un contracteur, lui va pouvoir le faire électroniquement.
Je soumets qu'on est moins dans l'exception que dans une perspective où, de
toute façon, vous avez à vérifier que la personne connaît ses droits, que la
personne est bien informée. C'est plutôt ça, le cœur de votre recommandation,
plus que de maintenir l'exception.
M. Brochu (François) : Oui,
on pourrait remplacer «exceptionnellement» par «le notaire peut, dans les cas
prévus par règlement» ou «dans les cas prévus» si le mot «exception» vous...
M. Cliche-Rivard : Ça me
semblerait plus juste avec ce que vous avez l'intention de dire ou ce que vous
présentez comme type d'exception.
M. Brochu (François) : Peut-être.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, merci
beaucoup d'avoir été avec nous.
Alors, je suspends les travaux pour
accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 08)
(Reprise à 16 h 12)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les
représentants et représentantes de l'Association du Barreau canadien, division
du Québec. Alors, merci beaucoup d'être avec nous. Alors, je vous invite
d'abord à vous présenter puis à débuter votre présentation. Merci beaucoup.
M. Sévéno (Louis) : Oui,
alors, bonjour à toutes et tous, merci beaucoup de cette invitation. Je
m'appelle Louis Sévéno, je suis le président de la division du Québec de
l'Association du Barreau canadien. Donc, aujourd'hui, je vais parler de l'ABC
Québec. Je suis accompagné aujourd'hui de Me Sevgi Kelci, qui est notaire. Elle
est également membre de notre conseil d'administration, elle est également la
présidente de notre section Testaments, successions et fiducies et, comme si ce
n'était pas assez, elle est également professeure à l'Université d'Ottawa, dans
le domaine immobilier et des successions.
Donc, écoutez, l'ABC Québec, premièrement,
est un syndicat professionnel regroupant des étudiants et professeurs en droit,
des notaires, des avocats et des juges. Une des grandes valeurs de l'ABC Québec
a toujours été l'indépendance judiciaire et la promotion de la règle de droit.
Donc, nos commentaires d'aujourd'hui vont aller dans ce sens.
Dans son ensemble, l'ABC Québec salue le
projet de loi n° 34 et les diverses mesures visant à moderniser la
pratique notariale et à accroître la protection du public. Cela dit, nous avons
relevé trois articles quant auxquels l'ABC Québec a certaines réserves et
commentaires. Pour ma part, je vais traiter des articles 3 et 7 du projet de
loi, et Me Kelci va vous traiter de l'article 46.
Donc, premièrement, ce qui risque d'être
un peu plus court, en ce qui concerne l'article 7, nous avons ici une
indication que les notaires pourraient, dorénavant, agir dans toute demande
pouvant être traitée suivant la procédure non contentieuse. Il s'agit peut-être
ici, peut-être, d'une rédaction non voulue, mais, à l'heure actuelle, les
notaires agissent dans des matières qui sont non contentieuses exclusivement,
pas seulement des matières qui peuvent être non contentieuses ou pourraient
être considérées comme non contentieuses. Je vais donner un exemple. Par
exemple, lorsqu'on parle d'aller faire nommer un arbitre en matière d'arbitrage
conventionnel, c'est une procédure qui opère selon la procédure non
contentieuse dans le Code de procédure civile, mais qui, bien sûr...
habituellement, si on se ramasse à la cour, c'est parce que c'est contesté, et
là, à ce moment-là, en temps normal, les notaires n'agissent pas dans ce type
de mandat, et, à ce moment-là, ce sont des avocats, puisqu'on parle de matières
contestées. Donc, en ce qui concerne l'ABC Québec, on devrait clarifier que ça
ne vise pas à changer le droit antérieur, à moins que ce ne soit le cas, auquel
cas, nous aurons certainement d'autres commentaires.
En ce qui concerne l'article 3, qui, lui,
vise à insérer un nouvel article 1603.1 au Code civil du Québec, c'est celui
qui va permettre l'exécution forcée du paiement d'une créance résultant de
l'inexécution d'une obligation contractuelle constatée dans un acte notarié. On
parle ensuite d'une procédure qui sera établie par règlement et, ensuite, on
prévoit qu'on pourra y exclure, donc par exception, certains contrats et
catégories de contrats ou certaines personnes ou catégories de personnes. Pour
l'ABC Québec et, je crois, pour tout juriste, il va s'agir ici d'un changement
majeur, non pas seulement de droit procédural, mais de droit substantif. Alors,
on cherche ici à l'insérer dans le Code civil, et non pas dans le Code de
procédure civile, et on considère que c'est un changement majeur, qui mérite
d'être étudié davantage et approfondi.
Selon notre association, il serait
beaucoup plus judicieux que ce soit du ressort législatif, plutôt que du
ressort de la réglementation, que d'établir les types de contrats, les types
d'obligations ou les types de personnes qui seront assujetties à...
M. Sévéno (Louis) : ...nouvelle
règle ou à cette nouvelle procédure. Et il serait beaucoup plus judicieux de
procéder de façon positive, c'est-à-dire en nommant et en discutant en
commission parlementaire et devant tout l'appareil législatif les types de
contrats qui seront sujets à cela, plutôt que de créer une règle générale
visant à ce que cela soit exécutable de façon forcée et ensuite de prévoir des
exceptions par règlement.
La procédure qui est applicable à
l'exécution de telles obligations, qui serait forcée, devrait également faire
l'objet d'une loi, selon nous, et non être établie par un règlement. On vise
ici ni plus ni moins, là, à passer outre ou à remplacer, dans certains cas, le
recours aux tribunaux qui, lui, est prévu dans le code de procédure civile, qui
est une loi et qui d'ailleurs prévoit également la procédure pour les matières
non contentieuses. Donc, on voit difficilement comment ou pourquoi on voudrait
établir l'entièreté de la procédure qui va s'appliquer à ce genre de système
purement par réglementation, par rapport à quelque chose qui pourrait être
discuté ici, devant l'appareil législatif.
L'ABC-Québec appelle à la prudence
concernant le choix des paiements dont on voudrait permettre l'exécution
forcée. Les tribunaux ont toujours pu exercer un pouvoir de revisiter les
contrats tels qu'ils sont conclus et de pouvoir regarder les contrats non
seulement ce qu'on appelle in abstracto, dans l'abstrait, quand ils ont été
signés, mais au moment où on cherche à appliquer l'obligation en question. Les
tribunaux sont les mieux placés pour pouvoir établir quand et comment une
obligation doit être exécutée au moment où on en demande l'exécution. Je vais
penser... Il y a d'autres gens qui ont discuté aujourd'hui de la différence
qu'il y aurait lieu d'appliquer entre les obligations de faire ou les
obligations de ne pas faire qui pourraient mener à des paiements, et nous
adhérons, bien sûr, à ce genre de commentaires.
Je vais vous donner quelques exemples de
choses qui, selon nous, ne seraient probablement pas appropriées dans le cadre
d'une procédure d'exécution forcée extrajudiciaire. Je vais vous donner un
exemple qui est l'exemple de la clause pénale. Une clause pénale, pour ceux qui
ne le savent pas, c'est une clause qui indique que, lorsqu'il y aura une
exécution d'une obligation contractuelle, l'autre partie s'engage à payer un
montant x ou un montant qui va être évalué de façon x, y. Eh bien, ces
clauses-là, bien que les parties aient pu y consentir, bien que les parties
aient pu comprendre ce qu'elles signaient au moment qu'elles l'ont signé, les
tribunaux ont toujours établi que ces clauses-là doivent être regardées au
moment de leur application et qu'on doit regarder non seulement si la clause
était raisonnable versus abusive au moment où elle a été contractée, mais également
au moment où elle est appliquée. Et la Cour d'appel, l'an dernier, est même
venue rappeler, dans le dossier... qu'il est également possible qu'une clause
pénale soit abusive de façon circonstancielle, c'est-à-dire que même si, sur
papier, elle paraît tout à fait légale et raisonnable, une fois appliquée, dans
les faits, elle est abusive.
On peut parler également de l'exception
d'une exécution. On voit mal comment une partie qui pourrait excuser un
non-paiement par l'inexécution par l'autre partie d'obligations contractuelles
pourrait se voir exécuter une obligation de payer, alors qu'elle peut réclamer
des défenses valables en droit.
On peut également penser à la compensation
légale, c'est-à-dire, si l'autre partie doit à la première partie de l'argent
pour une autre raison, on doit pouvoir opérer compensation sans que les
contrats agissent comme une hache qui vient couper sans qu'on puisse regarder
et justifier.
Il en va de même en ce qui concerne tout
ce qui a trait à attaquer la validité du contrat, non pas en ce qui concerne si
c'était la bonne personne, si elle était au bon endroit, si elle a
véritablement compris ce qu'elle signait, mais en ce qui concerne les raisons
pour lesquelles la personne est entrée dans le contrat, c'est-à-dire y a-t-il
pu avoir des fausses représentations, y a-t-il pu avoir dol, fraude civile?
Tout ça, ce sont des éléments qui peuvent être soulevés en défense lors d'une
demande de paiement.
• (16 h 20) •
Je vais vous parler également de l'exemple
tout simple de l'abus de droit, que ce n'est pas parce qu'un contrat prévoit
qu'on a le droit à une... au paiement d'une obligation qu'on n'abuse pas de nos
droits en exigeant ce paiement-là au moment où on l'exige. Donc, le droit n'est
pas manichéen, il n'est pas noir et blanc, et les tribunaux sont là pour
assurer l'interprétation appropriée en matière de cette zone grise là.
Et puis finalement on peut penser à tout
ce qui a trait... en fait, tout ce qui donne matière à interprétation en
matière contractuelle. Je pourrais vous dire que 99 % de ma pratique se
situe dans cette zone grise là, où on... où les parties ont bien voulu prévoir
toute une série de choses au départ, et puis, si elles passent devant...
M. Sévéno (Louis) : ...notaire,
elles n'auront jamais pu tout prévoir et c'est à ce moment-là que les partis
vont vouloir que les tribunaux puissent interpréter leur contrat.
Finalement, je vous rappelle et je préfère
rappeler que la loi prévoit déjà l'homologation judiciaire pour deux modes
importants de résolution des conflits qui aident à désengorger déjà les
tribunaux, à savoir les règlements, c'est-à-dire les transactions, au sens de
2631 et les sentences arbitrales. Donc, on appelle au même genre de prudence en
ce qui concerne les actes notariés, bien qu'on puisse concevoir qu'il existe
plusieurs genres actes notariés pour lesquels on voudrait prévoir l'exécution
forcée automatique. Je vais passer la parole à Me Kelci.
Mme Kelci (Sevgi) : Nous
saluons la volonté du gouvernement de moderniser le notariat et de développer
des procédés électroniques et de contribuer à une justice plus rapide et moins
productrice de différends. À la suite du décret adopté pendant la pandémie,
nous avons pu pratiquer sans difficulté majeure la signature à distance
électronique fondée sur le consentement unanime des parties et du notaire
instrumentant. Cela constitue la démonstration que les notaires et les parties
sont habiles technologiquement. Dans le présent projet de loi, il nous semble
qu'il y a un certain retour en arrière puisque les signatures électroniques à
distance deviennent une exception. Elles ne reposent plus sur le consentement
unanime des parties et du notaire instrumentant. Instrumenter électroniquement
en présentiel peut être source de conflits entre le notaire et le client en
matière disciplinaire, surtout.
Aujourd'hui, en 2023, les parties
réclament la possibilité de signer à distance, sans que ce soit une situation
exceptionnelle, sans justification, mais de leur plein consentement. Ainsi, le
distanciel ou le présentiel devrait être un choix librement consenti pour
respecter l'accès à la justice du contribuable.
Le rapport avec la technologie s'exprime à
l'inverse lorsqu'on aborde la question du notaire délégué. La notion est utile
dans les rapports avec le notaire étranger, où le notaire délégué s'avère un
appui indispensable au notaire instrumentant. Toutefois, dans le contexte de
rapports juridiques au Québec, la notion d'une pluralité de notaires ajoutés à
la signature électronique à distance, plutôt que d'accélérer les procédures,
s'avère une source de lourdeur et d'éventuelles erreurs, surtout en matière de
règlement de successions internationales. La signature électronique à distance
rend quasi de facto le recours du notaire délégué obsolète ou source de
lourdeurs inutiles s'il est mis en œuvre.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Me Sévéno,
Me Kelci, bonjour, merci d'être présents en commission parlementaire. C'est
apprécié que l'Association du Barreau canadien, division Québec, à laquelle mon
confrère a été grandement impliqué, se joignent à nous pour les travaux de la
commission.
J'aimerais ça qu'on discute de l'acte notarié exécutoire.
Vous nous invitez à la prudence, je l'ai bien senti dans vos propos, peut-être
pour vous rassurer, bien entendu, dans la procédure pour la gestion de l'acte
notarié exécutoire, il y aura toujours la possibilité d'avoir recours aux
tribunaux, ultimement, pour contester. Alors, ça, je pense que c'est important
de le dire. On n'enlèvera pas de droits au citoyen, mais je pense que c'est
important quand même de donner une alternative. Parce que, tout à l'heure, on
parlait d'accès à la justice, mais d'efficacité puis aussi de délais par
rapport aux tribunaux. Vous savez, on est en... on est dans une situation où,
autant en matière civile qu'en matière jeunesse, qu'en matière criminelle, je
ne pense pas qu'on peut se passer d'utiliser d'autres outils que le recours
traditionnel aux tribunaux. Alors, pour le citoyen, ce qui est important, c'est
que ces litiges se règlent rapidement, à peu de frais et qu'il y ait de la
prévisibilité juridique aussi.
Puis le fait que les citoyens puissent
aller ensemble devant un notaire, qui est un officier public, convenir de quels
sont leurs obligations l'un envers l'autre... j'aimerais ça vous entendre
aussi, les groupes avant vous ont indiqué dans l'article qu'on devrait plutôt
écrire "obligation" plutôt que "contrat", ça fait que ça
sera ma sous-question. Mais, dans le fond, les citoyens, ils doivent pouvoir
avoir accès à la justice rapidement. Puis, une des critiques qu'on a, c'est
beaucoup ça. Donc, on travaille sur différentes alternatives, notamment des
outils comme l'acte notarié exécutoire.
Alors, si je vous dis que ça va toujours
être possible tout de même... supposons, dans un contrat d'une action sur
compte, le débiteur va pouvoir s'adresser aux tribunaux. Est-ce que ça vous
rassure, ultimement, si jamais il conteste la créance?
M. Sévéno (Louis) : Bien,
écoutez, je vous dirais que...
M. Sévéno (Louis) : ...je
pense que, d'abord, on doit se poser la question à qui ça bénéficie. Donc,
quand on dit que les contribuables aimeraient pouvoir aller devant un notaire
pour pouvoir régler leurs affaires, il y a un coût à ça. Il y a une lourdeur
qu'on va rajouter au début du processus, incluant un coût. Donc, on s'entend,
ce n'est probablement pas M. Mme Tout le monde qui vont aller pour un contrat
de 500 $, 1 000 $, on parle surtout de sociétés, probablement
d'institutions financières, qui vont vouloir avoir recours à ce service-là et
qui vont probablement aussi refiler ce coup-là ultimement à la partie moins
puissante avec qui elle cocontracte, donc probablement en situation de prêts.
Il va y avoir toute une série de circonstances où les gens vont préférer aller
vers l'acte notarié. Et puis là on est en train de dire qu'on voudrait que,
bien, ces personnes-là qui ont eu accès à cette deuxième forme de justice, que
ces gens-là puissent recevoir leurs paiements, finalement, plus rapidement. Et,
si je comprends bien, on aurait aussi, à ce moment-là... plutôt que ce soit la
partie qui va chercher son argent, qui va devoir poursuivre, ça risquerait,
puisqu'on ne l'a pas vu, mais ça pourrait risquer que ce soit la débitrice qui
doive s'adresser aux tribunaux, encourir des frais, être la demanderesse, ce
qui n'est probablement pas du ressort de M. et Mme Tout le monde.
Donc, c'est sûr qu'à la base on... à
l'ABC-Québec, on prône tout ce qui peut améliorer l'accès à la justice, pourvu
que ce soit quelque chose qui puisse, bien, véritablement adresser une
particularité ou un problème. Donc, par exemple, à l'ABC, on peut très, très
bien concevoir que divers actes notariés qui n'ont pas nécessairement rapport
avec le paiement d'une somme d'argent, on peut en... Il y a de toutes sortes.
On a entendu nos membres nous dire que... les membres notaires, nous dire
qu'avec des actes notariés en matière non contentieuse ils doivent ensuite
passer huit mois devant un tribunal avant de faire ouvrir, par exemple, une
mise sous-tutelle. Ça, c'est le genre de choses où on prônerait plus un accès
plus rapide. Mais le paiement d'une somme d'argent, ça va devoir... ça va
nécessairement bénéficier à un certain groupe de personnes, disons, de façon
plus prépondérante qu'à d'autres. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on a tendance
à encourager la prudence, d'autant plus que c'est principalement dans ce genre
de cas là que les autres parties pourraient vouloir soulever des défenses comme
celles que j'ai mentionnées.
M. Jolin-Barrette : Mais, par
contre, on laisse le choix au justiciable. Dans le fond, dans le cadre d'une
relation d'affaires, là, vous, vous faisiez référence à des financières du bancaire
qui pourraient avoir recours à ça, pourquoi ne pas laisser le choix à ces
institutions-là ou à ces personnes-là, qu'elles soient personnes physiques ou
personnes morales, de dire : Bien, écoutez, nous, soit un contrat
normalement, supposons, sous seing privé, ou on décide d'aller faire un contrat
notarié, puis on prévoit les modalités d'exécution notamment, puis on sait
qu'il va pouvoir? Moi, je trouve que de donner des alternatives aux citoyens
puis qu'il va pouvoir se gouverner comme ils le souhaitent, c'est intéressant.
On parle de plusieurs dossiers.
Supposons qu'on est en matière d'action
sur compte, on parle de plusieurs milliers de dossiers par année qui se
retrouvent devant la cour. Puis, parmi ça, il y a beaucoup de défauts aussi,
des par défaut. Alors, moi, j'ai en tête, là, quand vous allez à la cour, puis
là que le juge est là, puis qu'il entérine des par défaut, qu'il constate, ça
prend du temps de cour.
Alors, on est à la recherche, notamment,
de mesures qui vont avoir un impact sur un plus faible coût. Parce qu'un acte
notarié on est en bas de 1 000 $ bien souvent, tu sais, c'est le marché
qui le déterminera, mais généralement, c'est en bas de 1 000 $, versus des
vacations à la cour, versus du temps juge, du temps greffier. Il y a un coût
aussi pour le système à ça.
Alors, si on peut permettre aux acteurs du
système de justice de se concentrer véritablement sur les dossiers, je vous
dirais, d'une plus grande importance, non pas que je ne veux pas dire qu'une
créance de x milliers de dollars n'est pas importante, mais, en termes de
complexité juridique, il y a des dossiers, j'imagine, dans votre pratique, que
vous voyez qui sont plus complexes que ceux-là. Alors, moi, je me dis : Je
veux offrir des outils aux citoyens, au système de justice pour faire en sorte
d'avoir le choix, dans le fond, puis, ultimement, que le citoyen puisse en
bénéficier.
Sur la question de... On a indiqué
«contrat». Les autres groupes avant vous, nous ont dit : Vous devriez
peut-être utiliser le terme «obligation». Qu'est-ce que vous en pensez?
• (16 h 30) •
M. Sévéno (Louis) : Bien, en
ce qui nous concerne, je pense qu'on doit... Qu'on appelle ça un acte notarié,
un contrat ou une obligation, on va devoir prévoir... Selon nous, ça devrait
être prévu non pas par règlement, mais dans une loi, on devrait être en mesure
de nous dire exactement ce qu'on a en tête. Et puis, oui, je constate... je
concède que, pour certains éléments, ça va être un certain type d'obligation
qu'on ne va pas vouloir. Par exemple, on pourrait très bien déterminer qu'une
clause pénale, ce n'est pas quelque chose qui puisse être... qui puisse faire
l'objet. Donc, ça, ce serait une obligation. On pourrait très bien aussi dire
un contrat. Il y a beaucoup de contrats...
16 h 30 (version non révisée)
M. Sévéno (Louis) : ...Nommés
dans le code. On pourrait exclure certains contrats, par exemple un bail
résidentiel. J'ai entendu des notaires ce matin nous parler du fait que les
baux commerciaux devraient être exécutoires. Mais un bail commercial, j'en ai
rarement vu en bas de 40, 50 pages. J'en ai... j'en révise régulièrement
dans les 150, 200 pages. Il y a beaucoup d'obligations de paiement dans un
bail qui ne sont pas nécessairement le genre d'obligations qu'on voudrait
rendre exécutoires de façon automatique. Il y a toutes sortes de
remboursements, il y a des... Tout ce qui est contrat à exécution successive,
ça devient très, très compliqué. On n'est pas au stade d'une simple transaction
synallagmatique, avec des obligations très, très bien définies, où est-ce que,
clairement, il y a un défaut d'exécution d'une partie.
Donc, dans les cas les plus simples, les
plus limites, j'ai tendance à être d'accord avec vous, qu'il y aurait de la
place pour ça. Mais c'est précisément le genre de chose qu'on voudrait voir
déterminée dans un projet de loi versus dans la réglementation ultérieure, qui
pourrait être de ce gouvernement-ci, d'un gouvernement ultérieur, majoritaire,
minoritaire, indépendamment de la situation. Donc, on préfère que ce soit
quelque chose qui puisse être discuté dans l'appareil législatif lorsque va
venir le moment de fixer les balises de tout ça.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends. «Synallagmatique» étant bilatéral pour les non-juristes qui nous
écoutent aujourd'hui...
M. Sévéno (Louis) : Bien sûr.
M. Lemieux : ...
M. Jolin-Barrette : M. le
député de Saint-Jean. Alors, c'est clair, vous souhaitez que ça... qu'on soit
plus prudents puis qu'on restreigne le tout puis qu'on étudie ça ici, en
commission parlementaire, par voie législative. C'est votre souhait, je l'entends.
Sur la question des actes notariés à
distance, c'est vrai que, durant la pandémie, on a eu trois années, il y a eu
certaines situations non souhaitées, non désirées. Un des objectifs que nous
avons, c'est de faire en sorte véritablement que le consentement libre et
éclairé puisse être donné. Bon. Tout à l'heure, on a eu d'autres intervenants
qui sont venus nous dire : Bien, vous devriez continuer avec l'exception.
Je comprends que, pour vous, ça va trop loin, vous souhaiteriez qu'on demeure
comme c'est le cas actuellement, pour l'Association du Barreau canadien, et qu'on
n'arrive pas avec un critère d'exception.
Je vous explique la démarche que nous
avons, là, avec le caractère d'exception. C'est de laisser le choix aux
notaires, mais que ça ne se fasse pas systématiquement, parce qu'il y a quand
même un net avantage en termes d'évaluation du consentement libre et éclairé de
la personne lorsqu'il y a du présentiel, entre autres, parce que ce sont des...
Je vous dirais, des actes qui sont importants dans la vie des gens.
Mme Kelci (Sevgi) : avec
respect pour l'opinion contraire, moi, j'ai eu la possibilité de pratiquer à
distance pendant les... le décret gouvernemental. Donc, je fais beaucoup de planification
successorale, donc les testaments, testaments fiduciaires, les règlements de
succession, j'en ai fait beaucoup. Pour moi, ce qui est important, c'est de
respecter la volonté des parties. C'est sûr que si l'une des parties n'est pas
habile technologiquement, cette possibilité s'efface, automatiquement. On n'est
pas dans un... dans ce cadre-là. Mais imaginez-vous un professionnel qui est
très, très occupé, un notaire, hein?, on est occupés, ou un autre type de
professionnel...
M. Jolin-Barrette : ...que les
notaires sont occupés, là.
Mme Kelci (Sevgi) : Et y a d'autres...
Donc, et ces personnes-là, souvent, bien, elles viennent nous consulter en
couple. Donc, c'est un couple de professionnels qui sont... Qui travaillent
beaucoup, qui sont occupés, qui me demandent si c'est possible de signer à
distance. Donc, on n'a pas un problème d'habileté technologique ou de
compétence technologique, les deux fonctionnent de cette façon-là.
Et honnêtement, au niveau des inquiétudes
par rapport à la captation ou la vérification du consentement ou les volontés
testamentaires, on a cette même peur ou inquiétude dans le monde réel. Quand je
reçois les clients dans mon bureau, je ne peux jamais garantir à 100 % qu'il
n'y a pas de captation ou il n'y a pas de... C'est un peu la même chose dans le
monde virtuel.
Et je pense qu'un bon moyen ça serait de
mélanger les deux modes. Donc, moi, ce que j'ai fait pendant la pandémie, si c'était
un nouveau client, la première relation, je préfère la rencontre en personne, à
moins que le client insiste pour une rencontre virtuelle. Le point ici, c'est
de dire : si le client insiste et lui, c'est sa volonté, il veut une
rencontre virtuelle, moi, je ne peux pas l'obliger à venir en personne au
cabinet.
Donc, cette réalité s'adresse à un groupe
de clientèle, également, de jeunes professionnels ou de professionnels qui sont
occupés et qui ne peuvent pas nécessairement se déplacer...
Mme Kelci (Sevgi) : ...c'est
des personnes qui ont une excellente compréhension des notions, ce n'est pas
Mme, M. Tout-le-monde, mais je pense que les inquiétudes que nous pouvons avoir
dans le monde physique pourraient également s'appliquer, c'est vice versa. On
ne peut jamais avoir un risque zéro ni dans le monde numérique ni dans le monde
physique. Donc, c'est pour ça, d'où l'importance d'accorder... de tenir compte
du consentement des parties. Donc, c'est... Moi, je pense que c'est le
consentement des parties qui devrait guider le notaire dans sa prise de
décision, à moins qu'il y a des problèmes technologiques. Donc, ça, c'est des
compétences technologiques.
M. Jolin-Barrette : Mais ça
ne sera pas impossible de conclure des actes notariés à distance, là, avec le libellé
qu'on a, là. C'est possible de le faire, sauf de façon exceptionnelle.
Mme Kelci (Sevgi) : Mais le
problème, c'est que le mot «exceptionnel», donc, ça vient limiter. Donc, par
exemple, j'ai en tête cette clientèle-là, alors moi, je... le client demande,
je lui dis : Non, vous n'entrez pas dans le cadre d'application de la loi,
l'exception, alors vous devez venir en personne. Et le client, il ne sera pas
content. Et il y aura beaucoup de clients qui ne seront pas contents. Et cette
réalité-là, elle existe pour d'autres collègues, également, qui ont pratiqué à
distance pendant la pandémie. Moi, je n'ai pas entendu de problématique ou
d'inquiétude par rapport à cette réalité-là de mes collègues. J'ai un peu sondé
partout, je n'ai pas eu un son de cloche que c'était un problème majeur. Parce
que les notaires ont le jugement, peuvent décider, dans ce cas-là, c'est une
rencontre en personne, c'est impossible de tenir une rencontre... on est
capables de voir cette zone rouge là. Mais, quand on est dans le cas d'une
relation où c'est des professionnels qui veulent...
M. Jolin-Barrette : Mais, des
professionnels, il y en a au Québec, mais là on fait les lois pour tout le
monde, là. Puis votre client, là, il vous dit : Non, je ne veux pas venir
en personne la première fois. Est-ce que le notaire va perdre son client ou va
lui accorder? Parce que c'est ça, la question, aussi. Ça met... Si on y va au
gré uniquement du jugement du notaire, bien, il y a un aspect commercial de
revenus, il faut protéger aussi le notaire à l'encontre de ça aussi.
Mme Kelci (Sevgi) : Également,
le client a le droit de choisir. En fait, c'est ça, moi, c'est le point ici.
Lui, il est plus à l'aise en mode virtuel, je pense qu'il faut concéder à... il
faut tenir compte de... c'est un besoin de ce client-là, il faut tenir compte
pour également entrer dans le cadre de l'accès à la justice, pour lui donner la
possibilité d'être servi à distance.
M. Jolin-Barrette : O.K.
M. Sévéno (Louis) : Si je
peux me permettre d'ajouter quelque chose à ce sujet, on ne propose pas du tout
ici de biffer ou d'éliminer quelconque portion du texte actuel. Ce qu'on
propose, c'est de créer une deuxième situation dans laquelle ça peut être
permis, et là c'est lorsqu'il y a consentement de toutes les parties. Et je
proposerais, bien sûr, que ce consentement-là soit constaté par écrit. Ça ferait,
bien sûr, partie du devoir de conseil du notaire de s'assurer que toutes les
parties comprennent ce que ça veut dire. Je pense que ça va éliminer beaucoup
des circonstances où, par exemple, il y avait fraude sur l'identité de la
personne ou quelque chose du genre. Je vois mal... Quand toutes les parties
sont d'accord, normalement, c'est probablement parce qu'elles se connaissent,
parce qu'elles ont affaire à déjà travailler ensemble. Les cas de fraude de
type d'identité, je pense, risquent d'être très, très, très limites. Et, dans
ce contexte-là, c'est plutôt d'ajouter une deuxième possibilité qui existe
lorsqu'il y a le consentement de tout le monde et que le notaire juge que ça
peut se faire de façon correcte. Donc, ce serait un ajout au texte.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député
d'Acadie, pour 16 minutes.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Alors, Me Sévéno, Me Kelci, merci beaucoup d'être là. Vos propos
sont éclairants. J'aimerais revenir avec vous, Me Sévéno, quand vous avez parlé
de l'article 7 du projet de loi et du libellé actuel. Quand on lit le code
de procédure civile, à l'article 86, on dit présentement que «les notaires
peuvent cependant agir dans une procédure non contentieuse et dans les autres cas
prévus à la Loi sur le notariat». Le projet de loi suggère : «toute
demande pouvant être traitée suivant la procédure non contentieuse». Alors,
est-ce que vous craignez que cela peut apporter un flou entre ce qu'un notaire
et un avocat peuvent faire?
• (16 h 40) •
M. Sévéno (Louis) : C'est la
crainte, là. Je veux dire, notre présomption, c'est que ce n'était pas voulu,
là. L'idée, ce n'est pas de dire que puisque quelque chose est dans le livre
des matières non contentieuses... qu'un notaire pourrait agir même lorsqu'il
s'agit, dans les faits, d'une procédure contestée. Donc...
M. Sévéno (Louis) : ...présumait
que c'était juste une question de rédaction, puis, à ce moment-là, on ne
comprenait pas pourquoi on était passé d'une procédure non contentieuse à
«toute demande pouvant être traitée suivant la procédure non contentieuse»
donc, parce que la procédure non contentieuse s'applique, même quand c'est
contesté. Et là, à ce moment-là, ça demeure applicable et ça demeure selon ce
chapitre-là, ce livre-là du Code de procédure civile, même si, ultimement, ce
n'est pas du tout réglé de la même façon, on est fixé et, par la suite, on va
plaider de façon contestée. Donc, c'est vraiment plus, je pense, une question
de rédaction.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Il y a des groupes, plus tôt aujourd'hui, qui nous ont parlé des
articles 23 et 36 du projet de loi, en ce qui a trait à l'usurpation de la
fonction de notaire. On nous a expliqué des situations où certaines
institutions financières ou autres utilisaient, finalement, un notaire
uniquement pour, comme, conclure un acte, mais le notaire ne pouvait pas
nécessairement donner un conseil pendant toute la durée de la transaction avec
le client. Est-ce que vous pensez que le projet de loi actuel va assez loin,
que ça clarifie et que ça va faire en sorte qu'évidemment les notaires pourront
voir leurs actes réalisés, mais tout en étant protégés?
M. Sévéno (Louis) : Écoutez,
je dois vous aviser, là, que ça excède un peu le mandat qui m'a été accordé par
le conseil d'administration. Nous sommes venus vraiment pour parler de certains
articles du projet de loi. C'est sûr que j'ai entendu, par exemple, des
commentaires partout, aujourd'hui, qui, disons, rajoutent à certains des
arguments que j'ai faits, par rapport à 16.03, par exemple, est-ce qu'on va
devoir établir c'est quoi un acte notarié, c'est quoi le genre d'acte notarié
qu'on va vouloir rendre exécutoire? Donc, si, finalement, l'objectif c'est de
dire : Bien, les actes notariés, finalement, c'est tout ce qu'on pourrait
dire qui est notarié, puis c'est seulement le notaire qui peut être impliqué du
début à la fin dans la transaction, puis tout le monde doit travailler sous
lui, je pense que ça déforme un peu une certaine réalité, là. Je peux penser,
par exemple, là, si le Capitole de Québec était vendu, il n'y aurait
probablement pas un notaire et son équipe de parajuristes, mais probablement
toute une équipe d'avocats aussi qui travaillerait sur le dossier de près ou de
loin. Puis ça ne va pas changer, je l'imagine, et je ne pense pas que c'est ce
dont on parle, donc puis... Donc, je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre
question, mais, de façon concrète, je ne peux pas commenter, là, le projet de
loi en tant que tel, dans son article 23.
M. Morin : Parfait. Revenons
à l'article 3 et à l'exécution forcée. Je comprends que vous, vous êtes d'avis
que, s'il y a des types d'obligations, ça devrait être prévu dans la loi, et
non pas par règlement.
M. Sévéno (Louis) : C'est
exact.
M. Morin : C'est votre
position, exact. Donc, comme ça, on pourra débattre, évidemment, en commission
parlementaire, voire avec le ministre, poser des questions. Évidemment, on sait
tous qu'une loi, c'est un peu plus difficile à modifier qu'un règlement, là,
ça, c'est clair, là, mais vous préférez que ce soit dans une loi plutôt que
dans le règlement.
M. Sévéno (Louis) : Bien,
regardez, je peux peut-être juste faire un commentaire sur l'objet et l'utilité
du Code civil, puis, je veux dire, c'est ce qu'on apprend, là, à notre entrée à
la fac de droit et c'est ce qui nous différencie de nos provinces de common
law. Ça se veut un livre où on peut retrouver l'ensemble des obligations
substantives de base qui gèrent notre société. Donc, par exemple, c'est dans le
Code civil qu'on va voir quels sont les actes qui... quels sont les contraintes
qui doivent être constatées par acte notarié. Je pense à la donation, je pense
à une transaction immobilière. Donc, il y a ce lien-là qui se fait, mais le
Code civil est précis par rapport à ces choses-là.
Le renvoi vers un règlement, je suis
conscient que ça existe dans certains articles, puis on le sait aussi, là, il y
a eu plusieurs amendements récents qui font aussi des renvois vers de la
réglementation éventuelle ou à venir, mais je ne pense pas, et l'ABC-Québec ne
pense pas, que ce soit du ressort du gouvernement de produire par règlement
quelque chose d'aussi important qu'une liste de contrats-obligations qui vont
être sujettes à ce dont on parle et qui, de surcroît, vont créer la procédure
qui va entourer cela et l'ensemble des modalités.
Puis l'autre élément, c'est qu'on ne croit
pas que ça... on croit que ça devrait être... la loi devrait préciser ce qui
est exécutoire, automatiquement, et plutôt que de dire : C'est exécutoire,
on va permettre de faire des exceptions. Puis probablement qu'à la fin les exceptions
vont être plus grandes que la règle, mais néanmoins...
M. Sévéno (Louis) : ...on
pense que de la façon que le code est fait, ça doit se faire de cette façon-là.
Puis je tiens à préciser ici qu'on parle
d'une modification au droit substantif. On a parlé... On n'en a pas parlé dans
ma présentation, mais en France, par exemple, c'est par une... c'est par un
article du code de procédure civile. Donc, c'est une question procédurale,
l'exécution, alors qu'ici on cherche à en faire une question substantive. C'est
une notion qui peut-être peut échapper à certains, mais je pense qu'elle est
relativement lourde de sens et puis... Bien, enfin, je ne rentrerai pas dans
toutes les distinctions entre le système français et notre système.
M. Morin : Non, mais c'est
quand même intéressant. Donc, est-ce que vous pensez qu'il serait préférable
d'inclure cette disposition-là dans le Code de procédure civile plutôt que dans
le Code civil?
M. Sévéno (Louis) : Bien, à
mon sens, puisqu'il s'agit réellement d'une... Je veux dire, de la façon qu'on
cherche à le faire, c'est une question substantive, donc ça devrait être
probablement dans le Code civil. Dans cette mouture actuelle, je pourrais
concevoir qu'elle serait dans le code de procédure civile parce que c'est le même
genre... Il faudrait vérifier, mais j'ai donné deux exemples, la transaction et
la sentence arbitrale, qui doivent être homologuées par les tribunaux. Ensuite,
je sais que le Code de procédure civile parle des deux. Il faudrait voir si le
code... Je présume que le Code civil en parle également, là. Je n'ai pas la
science infuse à ce sujet, là, mais ce sont deux outils qui se parlent. Mais je
tenais à faire la mention parce qu'en France il y a toute une procédure
distincte et puis il y a tout un appareil judiciaire distinct, qui est distinct
du nôtre et qui est distinct de ce que notre constitution a prévu, là, depuis
1867. Donc, pour faire des rapprochements, on peut puiser dans les idées de ce
qui se passe à l'étranger. Mais faire le copier-coller parfois peut mener à des
situations qu'on n'aurait pas voulues.
M. Morin : Merci. Est-ce que
vous avez eu l'opportunité de regarder ou d'évaluer avec, par exemple, le
conseil d'administration de l'ABC toute la question du greffe numérique?
M. Sévéno (Louis) : Je vous
dirais que non. Mais, de façon générale, je pense que nul ne pas être contre la
vertu et, puis le fait qu'il y ait un greffe numérique versus quelque chose qui
peut tout simplement brûler, ça nous paraît sensé. Maintenant, je pense qu'il y
a des questions de financement et de responsabilité qui, à mon sens, dépassent
un peu le mandat de l'ABCQuébec.
M. Morin : O.K. Très bien. Je
vous remercie. M. le Président, ma collègue, la députée de Bourassa-Sauvé
voudrait...
Le Président (M.
Bachand) :Oui. Merci. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Cadet : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Je veux peut-être revenir
sur l'acte... Bien, enfin, pas peut-être, je vais revenir sur l'acte notarié
technologique reçu à distance. Donc, vous disiez... Vous terminiez dans votre
période d'échanges avec le ministre sur le libellé du projet de loi, donc, sur
la nature exceptionnelle, puis ce que vous disiez c'est que votre
recommandation, donc, ce ne serait pas nécessairement, donc, de modifier, donc,
le terme, donc, d'exception, mais d'ajouter une... donc, une portion, là, qui
comprendrait, donc, le consentement des parties. Je veux juste bien saisir
votre proposition là-dessus puis vous entendre.
M. Sévéno (Louis) : Oui.
Donc, bien, ce serait probablement, là, de s'arrêter à... Lorsqu'on dit :
«et des intérêts des parties». Ensuite, il y a une virgule. Avant de parler
d'autoriser, on pourrait mettre «ou encore» et là exposer la situation que Me
Kelci présentait, c'est-à-dire, lorsqu'il y a un consentement unanime des
parties, constaté par écrit, et que le notaire estime que c'est approprié dans
les circonstances, donc... Et ensuite le reste, autoriser... qui en fait la
demande, à signer l'acte. Donc, je pense que c'était ça.
Donc, c'est de dire : Bien, on
n'empêche pas qu'exceptionnellement, si les circonstances l'exigent, que le
notaire puisse décider de son propre chef de le faire. Mais dans les autres
circonstances, je pense que quiconque ne veut pas par la suite se faire
reprocher quelque chose. Si c'est les parties qui l'ont demandé, les parties
qui l'ont constaté, les parties qui, après conseil du notaire, ont de façon
éclairée, choisi de procéder de cette façon-là et que le notaire le constate
par écrit, à notre sens, ce serait suffisant. Puis je peux laisser Me Kelci
compléter.
• (16 h 50) •
Mme Kelci (Sevgi) : Oui. Oui.
Je pense notamment à des plaintes disciplinaires. Par exemple, si on laissait
le libellé tel quel et que le client qui veut absolument signer à distance, qui
est compétent technologiquement et que tout va bien, il a un niveau de
connaissance également, rien ne m'empêche d'acquiescer à sa demande. Il
pourrait me reprocher de ne pas avoir respecté sa volonté, ça fait partie des
volontés aussi. Quand on parle des volontés testamentaires, le mode de
signature, ça en est une volonté aussi. C'est l'importance...
Mme Kelci (Sevgi) : ...de
respecter son consentement.
Mme Cadet : Merci, Me Kelci.
Puis je vous entendais plus tôt que vous aviez l'air, donc, particulièrement,
donc, préoccupée par cet aspect-là. Vous venez de le mentionner. Donc, il y a
toute la question, donc, de la responsabilité professionnelle, puis, donc ça
suscite, donc, une certaine crainte, une certaine crainte, donc, sur le
terrain, puis de votre expérience... bien, en fait, à quel point vous constatez
le recours à l'acte notarié technologique reçu à distance évidemment. Donc, ça,
c'est... il y a la situation par décrets aujourd'hui, donc, qui est en cours,
donc en vigueur jusqu'au 31 août 2024, mais est ce que vous voyez, donc,
une certaine réticence terrain à revenir à l'ancienne ou, selon vous, donc, les
manières de procéder, donc, ont été changées, en fait, ont évolué de façon
substantielle?
Mme Kelci (Sevgi) : Moi, je
pense que c'était un acquis ces trois années. Moi, j'ai eu... j'ai fonctionné à
95 % à distance. Le 5 %, c'était parce que la personne soit n'était
pas habile technologiquement, soit voulait absolument me rencontrer en personne
ou moi je voulais ou ou j'ai jugé que c'était dans cette optique-là. Je trouve
que c'est un acquis et ça a permis une mobilité géographique des clients. Les
clients, ils pouvaient se déplacer facilement. Et c'est sûr qu'il faut au début
s'assurer d'un décorum dès le début, envoyer un email clair en indiquant :
Bien, nous avons une rencontre telle date. Assurez-vous que vous êtes dans une
salle fermée, que la confidentialité est respectée. Lorsque les consignes sont
posées et qu'on explique bien, je ne vois pas d'enjeux majeurs de signer à
distance.
Mme Cadet : Est-ce que vous
pensez que le retour à la norme en présentiel, donc, pourrait constituer un
irritant pour le professionnel? Pour les parties, je pense que vous l'avez
mentionné, mais pour le professionnel?
Mme Kelci (Sevgi) : Moi, je
vois plus que ça serait un irritant pour le client. Le client qui est habitué
et qui est à l'aise aussi depuis trois ans, il signe à distance, il est à
l'aise avec ça, il serait très mécontent. Si je lui disais : Il faut venir
en personne signer électroniquement, c'est une incompréhension pour ce client.
C'est là qu'on ne permettrait pas l'accès à la justice. C'est là qu'on ne
respecterait pas son consentement.
Mme Cadet : Donc, si je vous
entends bien, donc votre préférence ici, donc, c'est d'avoir un modèle
flexible, en fait, puisque le terme... donc, exceptionnellement, donc, vous
comprenez, donc, le...
Mme Kelci (Sevgi) : Donc,
comme on veut tenir compte de droit de l'ensemble de la population au Québec,
donc il y a plusieurs profils de clients, donc il faut également être capable
d'accueillir l'idée suivant laquelle le client consent. Il veut, c'est lui qui
veut, il réclame, il veut. Donc, il faut acquiescer à cette demande-là.
Mme Cadet : D'accord, merci.
Puis j'imagine aussi... que vous dites qu'essentiellement, donc, les pratiques
ont évolué de façon à ce que le retour à l'acte en présentiel, donc, pourrait,
donc, constituer un irritant pour le client. Donc, sur le terrain, donc, de
façon générale, donc, vous ne voyez pas, donc, d'appétit, là, pour...
Mme Kelci (Sevgi) : Et c'est
vraiment... ça dépend du client. Exemple, je vais avoir un profil de client un
peu plus... moins à l'aise technologiquement, qui aime plus la rencontre en
personne. Pour cette personne-là, la rencontre en personne, ça sera parfait.
Donc, je vais rencontrer cette personne en.... Donc, l'idée, c'est de s'adapter
aux besoins des clients en 2023.
Mme Cadet : Est ce qu'il y a
des modèles d'affaires qui se sont justement adaptés à la technologie? Je
pense... Évidemment, si, bons, c'est un partenaire avec une institution
financière en particulier, mais je pense à la Coop des notaires qui, donc... à
des signatures à distance. Mais, bon, est-ce que, donc, il y a des modèles
d'affaires qui se sont adaptés?
Mme Kelci (Sevgi) : Oui. Moi,
je pense qu'il faut s'adapter à la volonté des clients. Si le client veut me
rencontrer en personne, je vais acquiescer à sa demande. Je ne fais pas
référence aux cas d'exception où... c'est toujours sous réserve de respecter le
cadre des principes fondamentaux. Mais dans un dans un cas où le client veut,
moi je serais portée à donner... Parce qu'imaginez... Le contexte 2023,
c'est quoi? Les jeunes professionnels qui ont des enfants en bas âge ont... les
aînés également.... Il y a beaucoup de charges, il y a le travail également, et
le déplacement... le fait de pouvoir avoir une visioconférence sur Teams, ça
aide.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, je vous
remercie...
Le Président (M.
Bachand) :...infiniment d'avoir été avec
nous cet après-midi, c'est très, très, très apprécié.
Et, sur ce, je vais suspendre les travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 56)
(Reprise à 16 h 59)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir le
Barreau du Québec, avec la bâtonnière, Me Claveau, ainsi que Me Champagne,
secrétaire de l'Ordre et directrice des affaires juridiques. Merci beaucoup
d'être avec nous cet après-midi, très, très apprécié. Vous connaissez les
règles des commissions parlementaires, ce n'est pas la première fois qu'on vous
accueille, et c'est toujours avec plaisir. Donc, la parole est à vous, et,
après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la commission.
Mme Claveau (Catherine) : Alors,
merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je vous
remercie d'avoir invité le Barreau du Québec à participer aux consultations
entourant le projet de loi n° 34. Il nous fait plaisir de partager avec
vous nos observations et commentaires. De prime abord, nous tenons à réitérer
que le Barreau du Québec est favorable à toute initiative en matière d'accès à
la justice. Ça fait d'ailleurs partie de notre mission. Ce faisant, nous
appuyons le dépôt du projet de loi qui vise à moderniser la profession
notariale et à favoriser l'accès à la justice par l'adoption de mesures
concrètes en ce sens.
Il nous importe de rappeler que nous
collaborons souvent avec la Chambre des notaires sur des initiatives en matière
d'accès à la justice. Récemment, nous avons piloté les dossiers de cliniques
juridiques universitaires, permettant aux étudiants en droit et aux étudiants
de l'École du Barreau de donner des avis juridiques à des citoyens qui n'ont
pas les moyens d'aller consulter un avocat ou un notaire pour que soient pris
en charge leurs problèmes juridiques.
• (17 heures) •
Nous avons également mis en place un cadre
réglementaire permettant aux avocats et aux notaires d'offrir des services
juridiques gratuits ou à coût modique au sein de personnes morales sans but
lucratif. Les avocats à la retraite sont également invités à offrir leurs
services dans ces organismes. Nous saluons d'ailleurs la disposition du projet
de loi qui crée une catégorie de notaires à la retraite, ce qui leur permettra,
comme pour les avocats à la retraite, de redonner...
17 h (version non révisée)
Mme Claveau (Catherine) : ...à
la communauté en offrant des services juridiques gratuits.
Nous saluons également les modifications
apportées aux finalités d'utilisation du Fonds d'études juridiques du Barreau
et du Fonds d'étude notariale de la Chambre des notaires, qui pourront
désormais servir à financer des mesures visant à favoriser l'accès à la
justice. Nous avons hâte de voir quelles synergies pourront être créées en
collaborant sur ce même objectif important. Cependant, bien que le projet de
loi ait pour objectif de moderniser la pratique notariale et d'améliorer l'accès
à la justice, nous devons émettre quelques commentaires, car plusieurs
modifications proposées pourraient avoir un impact sur le droit civil
substantif et sur les actes réservés aux avocats.
Notre premier commentaire porte sur l'article 3
du projet de loi, qui modifie le Code civil pour permettre à un créancier d'obtenir
l'exécution forcée d'une obligation contractuelle constatée dans un acte
notarié. Plus précisément, nous attirons votre attention sur le fait que les
modalités d'application ainsi que les contrats visés et les personnes pouvant s'en
prévaloir seront fixés par règlement du gouvernement. Bien que le Barreau du
Québec ait toujours favorisé de nouvelles mesures visant à améliorer l'accès à
la justice, notamment en matière d'exécution de contrats pour les citoyens,
nous souhaitons mettre en garde le législateur puisque la nouvelle disposition
aura pour effet de modifier le fondement du droit des obligations. Nous soumettons
qu'une telle proposition doit faire l'objet d'une réflexion approfondie, d'autant
plus que les éléments essentiels de ce nouveau mécanisme, comme le champ d'application
et les modalités d'exécution, ne se retrouvent pas au projet de loi. Ces
éléments essentiels devraient donc être définis dans le Code civil. De plus,
nous sommes d'avis que des propositions aussi majeures affectant le droit civil
devraient être soumises aux membres de l'Assemblée nationale et bénéficier d'un
débat public. C'est pourquoi nous demandons une consultation plus complète sur
les modalités de l'exécution forcée des contrats, incluant les actes notariés.
Le projet de loi propose également des
modifications à la loi sur le notariat en y précisant qu'aucune personne autre
qu'un notaire ne peut poser des gestes intrinsèquement liés à la mission d'officier
public de notaire. Nous comprenons que ce changement est proposé, du moins en
partie, à la suite d'un arrêt de la Cour d'appel du Québec qui a permis que des
non-notaires puissent effectuer certains actes sous la supervision d'un notaire
en exercice. Nous soumettons cependant que la rédaction actuelle proposée par
le projet de loi est ambiguë et laisse entendre qu'elle pourrait viser les
avocats dans l'exercice de la profession. En effet, si le libellé proposé par
le projet n'est pas modifié, cette restriction pourrait s'étendre à l'objet
même des contrats pouvant être notariés, comme le sont les contrats de mariage,
les consentements relatifs à une grossesse pour autrui, les testaments, les
déclarations de copropriété et les hypothèques. Or, les avocats du Québec
exercent dans ces domaines de droit et participent à la négociation, la
rédaction et la contestation de ces contrats. Interdire aux avocats d'exercer
dans ce domaine risque de réduire l'accès à la justice en limitant les juristes
pouvant conseiller les citoyens sur ce sujet. Pour ces raisons, cette
modification doit être revue.
En outre, nous notons que plusieurs
modifications sont prévues à la Loi sur le notariat, alors que le Barreau du
Québec avait demandé des modifications similaires à la Loi sur le Barreau
depuis longtemps et à plusieurs reprises. Plus particulièrement, la création du
greffe central numérique pour la détention des actes notariés sur le support technologique
est similaire à une demande de longue date du Barreau du Québec de pouvoir
mettre sur pied un registre numérique des testaments et des mandats de
protection reçus par les avocats où une copie de tout acte serait versée dans
une voûte numérique. De plus, le projet de loi propose l'insaisissabilité des
supports technologiques qui sont reliés à l'exercice de la profession
notariale. Pour plus de clarté, la loi sur le barreau devrait être modifiée,
comme la loi sur le notariat, pour confirmer l'insaisissabilité des supports
technologiques requis pour l'exercice de la profession, puisque ceux-ci sont
sur ces supports depuis de nombreuses années. Par ailleurs, le projet de loi
vient codifier les règles applicables en matière de communication de copies d'extraits
de testaments en précisant que cela ne peut être fait que sur ordre d'un
tribunal. Ces modifications visent notamment les recherches d'historiques
testamentaires. Une telle précision à la Loi sur le Barreau aurait permis d'offrir
des balises plus claires quant à la marche à suivre pour les avocats en ces
circonstances.
Avant de terminer, nous tenons à spécifier
que ces demandes ne sont pas exhaustives. Il nous importe également de vous
rappeler que, dès 2019, le Barreau du Québec a demandé à l'Office des
professions et au ministère de la...
Mme Claveau (Catherine) : ...justice,
des modifications significatives à la Loi sur le Barreau afin d'offrir une plus
grande agilité de l'ordre dans le cadre de l'exercice de sa mission de
protection du public. Malgré des rappels répétés, ces demandes sont restées
lettre morte. Le projet... le présent projet de loi serait une opportunité
parfaite pour y inclure ces modifications. Nous offrons donc toute notre
collaboration pour que les modifications nécessaires au projet de loi soient
apportées rapidement, notamment celles à la Loi sur le Barreau. Nous vous
remercions encore une fois pour cette invitation et sommes maintenant
disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, période
d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui, M.
le Président. Merci, Maître Claveau, Maître Champagne, bonjour, merci de
participer aux travaux de la commission. Peut-être juste une question de compréhension,
Me Claveau, relativement au registre, notamment des dispositions testamentaires
pour les avocats. De ma compréhension, c'est que le Barreau avait déjà le
pouvoir d'adopter un règlement, puis de le faire... de créer justement ce
support-là par voie technologique et de verser les testaments qui auraient été
rédigés par avocat. Donc, du côté du ministère de la Justice, c'est notre
compréhension que c'est déjà possible pour le Barreau de le faire. Je comprends
qu'actuellement c'est uniquement supposons le nom rattaché au bénéficiaire du
testament, supposons, lorsqu'on fait la recherche testamentaire, que ce soit à
la Chambre ou que ce soit au Barreau du Québec. Mais je comprends qu'il n'y a
rien qui empêcherait, dans la Loi sur le Barreau, actuellement, que le Barreau
puisse se doter d'une telle plateforme technologique. Je veux juste voir si on
est au... on a la même compréhension de la chose.
Mme Champagne (Sylvie) : En
fait, M. le ministre, pour le registre, vous avez raison, mais on voulait aller
un pas plus loin. On n'a pas d'habilitation à l'article 15 de la Loi sur
le barreau pour demander aux avocats, comme ce sera le cas pour les notaires,
de verser soit le testament, une copie électronique ou le mandat de protection.
Donc, on voulait aller une étape plus loin.
M. Jolin-Barrette : Mais je
croyais comprendre que vous aviez le pouvoir réglementaire de le faire. Bien,
en tout cas, on éclaircira ça d'une autre façon, là, mais écoutez, moi, je suis
ouvert à régler cette question-là. Donc, on verra si on s'entend sur la
compréhension commune. Bon, parlons... vous êtes d'accord avec le Fond d'études
juridiques pour la modification afin que le Fonds d'études juridiques puisse
servir à financer notamment les cliniques juridiques universitaires, les OBNL,
l'accès à la justice. Ça, vous êtes d'accord avec ça?
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
effectivement, parce que nous comprenons que la loi sur le barreau va être
modifiée également pour nous permettre de faire cela également.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
excellent. Sur la question de l'acte notarié exécutoire, je comprends un peu
comme l'Association du Barreau canadien que vous nous invitez à la prudence.
Votre inquiétude résulte surtout du fait qu'il s'agit, bien, en fait, je
dirais, de droits nouveaux, de la possibilité pour les citoyens d'utiliser une
nouvelle formule. Votre crainte réside où précisément?
Mme Claveau (Catherine) : Bon,
ce n'est certainement pas parce que c'est du droit nouveau. On est toujours en
faveur d'améliorer l'accès à la justice puis de permettre de réduire les effets
procéduraux. Notre crainte, c'est vraiment que cette disposition-là modifie
quand même le droit substantif. Et je fais miens les propos du président de
l'ABC Québec tout à l'heure. C'était d'importance et ce genre de modification
là devrait se retrouver dans une loi, donc notre Code civil, avec peut-être
même quelques dispositions dans le code de procédure civile. Mais ça ne devrait
pas être décidé par règlement.
• (17 h 10) •
Puis, si vous me permettez aussi, la
façon... et je réfère ici à la page deux de notre lettre, la façon dont
l'article est rédigé nous porte à nous poser beaucoup de questions. Quels
contrats sont visés? Sur quelle base aurait lieu l'exécution forcée? Quels
moyens vont devoir être évoqués pour prouver le défaut du débiteur? Comment le
débiteur sera-t-il informé de la procédure? À quel moment? Comment pourra-t-il
faire valoir ses moyens de défense? À quel moment? Est-ce que les tiers
pourront intervenir? De quelle manière? Qu'en est-il des obligations
conditionnelles d'exécution partielle des dommages et intérêts? Est-ce que le
notaire qui a rédigé l'acte pourra agir dans l'exécution? Comment sera-t-il
rémunéré? Comment l'indépendance du notaire sera-t-elle protégée?
Alors, il y a beaucoup, beaucoup de
questions comme ça, en voyant cette disposition-là... autrement, telle qu'elle
est... qu'on voit le libellé, bien, ça nous fait poser plusieurs questions, des
questions fondamentales, et encore je reviens avec le fait que ça a quand
même...
Mme Claveau (Catherine) : ...notre
droit substantif relié aux obligations. Donc, ça mériterait une réflexion plus
approfondie, d'y travailler de manière plus approfondie puis aussi passer par
le véhicule d'une loi plutôt que par règlement, donc le mode législatif plutôt
qu'exécutif.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, c'est législatif délégué dans les faits.
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Mais,
juste pour être clair, vous préféreriez que l'on verse directement dans la loi
un code de procédure civile, supposons, dans le Code civil, toutes les
différentes modalités. Cependant, le précédent groupe nous invitait à la
prudence. Mais ce qui signifie qu'il y a... Un coup que c'est dans la loi, c'est
beaucoup plus difficile de venir ajuster par la suite les modalités qui
fonctionnent ou qui ne fonctionnent pas. Alors, l'objectif de passer par voie
réglementaire notamment, c'est de répondre à toutes les questions que vous avez
soulevées. Cependant, d'y aller progressivement aussi pour faire en sorte,
justement, d'ajouter, puisqu'il s'agit d'une... l'introduction d'une innovation
juridique, si je peux dire, de faire en sorte d'y aller d'une façon qui est
planifiée et programmée, justement, et pour ajuster aussi. Parce que, si tous
les contrats sont couverts... Puis d'ailleurs j'aimerais ça... je vous pose la
question aussi parce qu'il y a plusieurs groupes qui nous ont dit : Vous
devriez changer le vocabulaire de «contrat» par «obligation», j'aimerais ça savoir
ce que vous en pensez aussi. Mais, un des objectifs d'y aller par voie
réglementaire, c'est justement de prévoir les différentes modalités d'exécution
puis d'y aller progressivement.
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
je vais laisser Me Champagne compléter la réponse.
Mme Champagne (Sylvie) : En
fait, on pense que, pour justement des contrats qui seraient visés... et, pour
nous, ça serait des contrats plutôt que les obligations, je pense que ce serait
plus clair, parce qu'il peut y avoir différentes obligations dans un contrat.
Donc, je pense qu'on devrait déterminer quels contrats seraient visés par cette
possibilité au niveau de l'exécution plutôt que les obligations. Et aussi, dans
le Code civil, vous mentionnez quelles seraient les personnes. Est-ce que ce
serait juste les personnes physiques, par exemple, qui pourraient se prévaloir?
Et on pense que, dans le Code civil, si... Par exemple, j'ai entendu ce matin
que ce seraient des choses qui seraient discutées au moment de la confection du
contrat, de permettre cette option-là au niveau du défaut et de voir comment on
peut exécuter par le créancier. Mais on pense que toutes ces questions-là
devraient être régies par le Code civil plutôt que de se retrouver dans un
règlement d'application.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Juste avant de céder la parole à mes collègues, je veux juste éclaircir un
point, là, parce que, par voie contractuelle, il peut y avoir plusieurs
obligations dans un contrat. Là, maître Champagne, vous me dites : Nous,
on préfère que ce soit par contrat, comme c'est le cas présentement. Cependant,
dans le cadre d'un contrat, il peut avoir plusieurs obligations dans le
contrat. Ça veut dire, le contrat, c'est encore plus large que... supposons,
qu'on vise les obligations parce que, théoriquement, on pourrait exclure
davantage d'obligations que de contrats. Je veux juste être sûr de bien saisir
le point de vue du Barreau, là. Donc, vous voulez qu'on conserve «contrat»?
Mme Champagne (Sylvie) : Bien,
on croit que oui, mais effectivement, on pourrait réfléchir, là, plus avant à
cette question. Mais, pour cette après-midi, je vous dirais que, pour nous, si
on y va graduellement, ce serait de voir, justement, les contrats qui sont...
qui ont plus des obligations claires de paiement d'une créance que de prendre
des contrats qui auraient, justement, cette obligation-là, mais qui auraient
des obligations d'exécution, par exemple, en nature... ou il y a des
obligations hybrides.
Donc, je pense que, si on veut y aller
progressivement, effectivement, on devrait y aller par des contrats où on
constate que l'exécution de paiement d'une créance plutôt que d'avoir des
contrats hybrides où là... Dans le fond, si on veut avoir une mesure d'accès à
la justice, une partie, on pourrait y aller avec la voie, je vous dirais,
allégée, ne pas saisir les tribunaux pour une autre partie du même contrat, on
devrait se retrouver... Et je ne suis pas sûre qu'on simplifierait
nécessairement la procédure pour les citoyens si on permettait cette voie-là
hybride. Mais, comme on vous disait, on n'a pas tous les détails et, comme on
n'a pas tous les détails, c'est difficile de réfléchir le plus avant. Mais, si
on veut y aller avec une...
Mme Champagne (Sylvie) : ...qui
facilite l'accès à la justice, peut-être de le restreindre à ces contrats-là,
des contrats plus simples, où la seule créance, c'est le paiement d'une somme
d'argent.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Donc, juste pour résumer, on ne s'entend pas actuellement sur le chemin à
prendre, mais vous, vous êtes d'accord avec l'exécution, l'acte notarié
exécutoire. Vous souhaiteriez que ce soit dans le Code civil, code de procédure
civile. Mais, sur le fond, pour faire en sorte d'amener moins de volume à la
cour, pour l'accès à la justice, pour les coûts associés, vous êtes d'accord
sur le fond, mais c'est le chemin pour y arriver que vous avez des bémols.
Mais, sur le fond, vous êtes d'accord?
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
mais aussi, tu sais, il faut se poser toutes les questions par rapport aux
droits du débiteur versus droits du créancier. Parce qu'on s'entend que, s'il y
a une exécution contre un débiteur, alors que le créancier ne remplit pas
lui-même ses obligations, bien, tu sais, il y a quand même des questions à se
poser. Mais, si tout ça est précisé puis c'est pour des contrats simples, comme
disait ma collègue tout à l'heure, puis si ça a pour effet, finalement, de
désengorger les tribunaux, bien, on va être en faveur. Mais la manière dont
c'est écrit, puis on ne connaît pas non plus ce que le règlement va prévoir, ça
nous questionne. Puis on recommande vraiment que ce soit davantage précisé,
puis à l'intérieur du Code civil plutôt que par règlement.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. C'est fort
apprécié. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Je veux continuer sur les actes notariés exécutoires, mais, si
vous voulez bien me suivre, on va sortir de la salle d'audience du droit puis
on va aller dans le grand public, juste pour être sûr que les citoyens qui,
d'aventure, nous écoutent vont comprendre ce qu'on veut dire quand on
affirme... En tout cas, on a tous l'air d'accord pour dire que c'est bon pour
l'accès à la justice, ce qu'on est en train de faire, parce que ce qu'on essaie
de faire, c'est de limiter les présences devant les tribunaux, qui créent des
engorgements.
Ce que je comprends... et vous êtes la
bâtonnière, Me Champagne, vous êtes la spécialiste, vous allez me dire si je
suis dans le champ ou si je suis encore sur mon bicycle... ce que j'en
comprends, c'est qu'on va, forcément, limiter un peu, parce qu'il va y avoir
des automatismes qui vont s'enclencher, sans jamais priver qui que ce soit de
ses droits et de sa capacité de se présenter devant les tribunaux, avec avocat,
et tout le reste. Je me trompe ou on peut simplifier ça jusque là? N'importe
quelle des deux, là. Celle qui se garroche à l'eau, moi, je la suis.
Mme Claveau (Catherine) : Non,
non, non. Ce que je veux dire, c'est que je pense qu'on parle encore de façon
abstraite. Il faudrait peut-être, tu sais, donner un exemple de quel contrat on
parle, quelle exécution on parle. De façon... On pose la question, puis la
façon que c'est libellé, c'est difficile pour nous de répondre avec précision à
cette question-là.
M. Lemieux : Est-ce que,
théoriquement, on est capable de faire un bout de chemin dans l'accès à la
justice, dans le travail qu'on est en train de faire, en théorie? En pratique,
vous réglerez ça avec le ministre, là.
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
en théorie, oui, mais encore faut-il qu'on soit précis puis que les droits du
justiciable, qu'il soit créancier ou débiteur, soient observés et que...
M. Lemieux : Mais ils vont
toujours pouvoir se présenter devant le tribunal, là, on s'entend, là. Ça ne
finit pas là. L'acte notarié exécutoire, c'est le début puis, au besoin, on se
présente devant le tribunal.
• (17 h 20) •
Mme Champagne (Sylvie) : Mais
je vous dirais, M. le député, qu'on n'a pas ces précisions-là et on ne sait pas
non plus... Ça dit «le créancier peut obtenir», mais, comme l'a dit la
bâtonnière tout à l'heure, de quelle façon le créancier va exercer ce choix-là?
Donc, on est vraiment un peu devant... On n'a pas les modalités d'application
et on ne connaît pas à qui il va s'adresser : Est-ce qu'il va s'adresser
au notaire pour avoir un constat de défaut? Est-ce que... C'est ça.
Alors, c'est difficile, pour nous, de vous
donner un feu vert complet parce qu'on a des préoccupations. On pense que les
droits des deux parties doivent être protégés dans le Code civil et, dans le
Code de procédure civile, il y a aussi le débat contradictoire. Donc, ça nous
pose des questions sérieuses, mais c'est une idée intéressante.
M. Lemieux : Oui, merci
beaucoup. On va rester au feu jaune. Je laisse la parole à quelqu'un d'autre de
la manchette ministérielle, en disant que ce sont les joies des règlements
quand on fait des législations.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Laval-des-Rapides, pour 1 min 46 s, question, réponse.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Est-ce que vous...
Mme Haytayan : ...vous pouvez
nous parler de l'apport des avocats à la retraite dans l'accès à la justice,
partager rapidement votre expérience là-dessus?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
tout comme c'est le cas pour la... nous, nous avons des avocats à la retraite
qui sont tout à fait heureux, là, des dernières modifications qui leur
permettent d'accompagner les OBNL pour donner des avis juridiques, parce
qu'autrement ils ne pouvaient pas émettre d'opinions juridiques. Et ça... ils
étaient malheureux de ça, parce que, même s'ils ne désirent plus pratiquer
activement, ils souhaitent que leur titre puis tous les acquis qu'ils ont eus
pendant leur carrière puissent servir, justement, au public le plus vulnérable.
Alors, c'est quelque chose qui était souhaité puis bien accueilli par nos
avocats à la retraite. Puis probablement que ça va l'être... ça va être le cas
également pour les notaires à la retraite.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M.
Morin :Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la
bâtonnière. Bonjour, Me Champagne.
Une voix : Bonjour, M. le
député.
M.
Morin :Heureux de vous accueillir à nouveau en commission parlementaire.
On a parlé beaucoup de l'article 3. Je comprends... Bien, puis évidemment
on est tous pour l'accès à la justice, là. Mais si vous aviez à le rédiger
l'article, quelles seraient les modalités? Puis vous êtes... Tu sais, c'est
peut-être difficile pour vous de répondre maintenant, là. Vous pouvez toujours
continuer à communiquer avec la commission, mais quelles seraient les modalités
que vous verriez? À quel endroit on devrait le mettre dans le Code civil, dans
le Code de procédure civile? Parce que, comme député puis évidemment comme
porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, c'est sûr que
l'accès à la justice, j'y tiens. C'est super important. Par ailleurs, je ne
veux pas que des droits des débiteurs ou des créanciers soient évidemment
affectés. Je comprends la proposition de M. le ministre, mais je comprends
aussi que c'est perfectible.
Alors, vu qu'on a un rôle important de
législateur, enfin, je vous donne cette opportunité-là. Si jamais vous voulez
continuer de communiquer avec la commission, moi, en tout cas, ça me ferait
plaisir, tu sais, de recevoir davantage de vos commentaires sur cette
disposition-là. J'ai aussi une question pour vous en ce qui a trait à
l'article 7 du projet de loi, qui est une modification au Code de
procédure civile. L'article 86 présentement indique que les notaires
peuvent cependant agir dans une procédure non contentieuse et dans les autres
cas prévus au paragraphe 7 de l'article 15 de la Loi sur le notariat.
Le libellé prévu au projet de loi utilise plutôt la formulation, toute demande
pouvant être traitée suivant la procédure non contentieuse. Alors, j'aimerais
avoir vos commentaires là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Champagne (Sylvie) : Excusez-moi,
j'avais de la misère à ouvrir mon micro. Je vous dirais que nous, quand on a lu
le projet de loi, ce n'est pas quelque chose qui... On le lisait, on le
comprenait à l'effet que les notaires vont pouvoir continuer à agir dans les
matières... dans la procédure non contentieuse. Mais, quand la procédure va
devenir contentieuse, évidemment, les notaires ne pourront plus agir. On a
entendu nos collègues de l'ABC soulever une ambiguïté dans la rédaction en
disant : Si ce n'était pas... Si on ne voulait pas changer ce qui existe
actuellement, bien, il y aurait peut-être lieu de revoir cette disposition-là.
Alors, je vous dirais qu'on s'inscrit dans la même lignée qu'eux, parce que
pour nous, quand on l'a lu, on ne voyait pas d'ambiguïté. Mais si d'autres
personnes le lisent et voient une ambiguïté, ça serait peut-être mieux de le
rédiger de façon plus claire pour s'assurer qu'on ait une compréhension
commune.
M.
Morin :O.K. Mais je comprends qu'avec les différents comités,
là, quand vous produisez un mémoire, puis je comprends aussi que vous n'avez malheureusement
pas eu beaucoup de temps pour produire un document, ce n'est pas quelque chose
sur lequel vous vous êtes nécessairement attardé ou... plus qu'il faut, là.
Très bien. Je vous remercie. Vous avez évoqué au début des demandes que le
Barreau avait faites pour une modification à la Loi sur le Barreau. Et
j'aimerais... Si vous pouviez revenir là-dessus puis peut-être nous donner plus
d'indications ou quelles modifications vous songez, puisque, bon, il semblerait
qu'avec le projet de loi, il y aura des modifications à la loi sur le notariat
qui seront bénéfiques. Puis parce que le projet de loi parle aussi de l'accès à
la justice, bien, c'est bon pour tout le monde, n'est-ce pas? Donc, pouvez-
vous nous donner...
M.
Morin :...plus d'informations là-dessus.
Mme Champagne (Sylvie) : En
fait, la bâtonnière, dans son allocution, vous a parlé, je vous dirais, des
dispositions miroirs que nous souhaiterions obtenir dans la Loi sur le Barreau.
Il y a la possibilité, comme je le disais à M. le ministre, d'avoir une voûte
électronique pour le dépôt des testaments et des mandats de protection. On
souhaite aussi avoir une modification au niveau de l'insaisissabilité des
supports technologiques qui sont utilisés par les avocats dans l'exercice de leur
profession. Et finalement il y arrive, malheureusement, des fois, des litiges
par rapport à savoir quel est le dernier testament qui devrait être mis en
œuvre au niveau des héritiers. Et ça entraîne qu'il y a des recherches au
niveau des registres au Barreau du Québec et à la Chambre des notaires.
Et les notaires et les avocats attendent
pour, justement, savoir s'ils peuvent, dans le fond, divulguer un testament qui
serait... qui ne serait pas le dernier inscrit au registre. Et il y a eu une
modification proposée, c'est le nouvel article 91 de la Loi sur le notariat,
qui est proposé par l'article 45 du projet de loi. Donc, nous souhaiterions
avoir la même disposition dans la Loi sur le Barreau.
M.
Morin :Très bien. Je vous remercie. Et je comprends que
l'article six du projet de loi qui va modifier l'article 15 de la loi sur le
Barreau, quant au Fonds d'études juridiques, c'est quelque chose que vous
recevez d'une façon favorable, et ça va donc vous aider dans votre mission,
évidemment, d'accessibilité à la justice et de protection du public.
Mme Claveau (Catherine) : Effectivement,
c'est dans cette optique-là, donc, que nous saluons cette modification-là qui
va nous affecter directement.
M.
Morin :Parfait. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires que vous
avez en lien avec le projet de loi et que vous voulez partager avec nous?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
je pense que c'est à la fin de notre court mémoire, on mentionne qu'il serait
intéressant également que d'autres modifications à la Loi du Barreau soient
également considérées par le gouvernement... par le législateur, excusez-moi.
Il y a, depuis 2019, quand même, qu'il y a des modifications, là, qui sont
assez importantes qui sont demandées. Donc, on profite de l'occasion pour
demander l'attention du législateur par rapport à ces demandes-là qui datent et
qui feraient en sorte qu'on aurait une profession plus moderne et qu'on
protègerait davantage le public.
M.
Morin :Parfait. Bien, je vous remercie, je vous remercie
beaucoup. Merci, M. le Président... ma collègue.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, M. le
Président. Bonjour, maître Claveau. Bonjour, Me Champagne. Enchantée! Bien,
peut-être revenir sur l'exécution forcée d'une obligation contractuelle
constatée dans un acte notarié. Dans votre mémoire, donc, rapidement, donc,
vous soulevez de nombreuses questions quant à l'application de cette
disposition. Donc, peut-être... En fait, il y en a plusieurs. Donc, je vous
laisserais... peut-être nous dire, donc, quelles sont les questions les plus
préoccupantes, selon vous, ici? Comment nous, comme législateurs, nous devrions
être outillés lors de l'étude détaillée du projet de loi sur ces sections?
• (17 h 30) •
Mme Champagne (Sylvie) : Donc,
évidemment, les contrats qui seraient visés... Je pense que le Code civil
devrait le préciser, quels contrats sont visés et également quelles personnes
ou catégories de personnes peuvent s'en prévaloir. Est-ce que ce ne sera que
les personnes physiques? Est-ce que les personnes morales seront exclues? Nous
pensons que le Code civil devrait le préciser.
L'autre chose qu'on croit essentielle et
fondamentale, c'est au niveau du défaut, parce que c'est une chose d'avoir un
acte notarié qui prévoit l'obligation contractuelle de verser une somme
d'argent, mais on peut passer ce contrat-là, par exemple, aujourd'hui, et être
en défaut dans cinq ans. Donc, qui et de quelle façon on va constater ce
défaut-là, est-ce que ça va être le notaire qui a reçu l'acte? Est-ce que ça va
être d'autres notaires? Est-ce que... Donc, ça, pour nous, c'est aussi
fondamental. Et les droits du débiteur, comment le débiteur va pouvoir
s'inscrire dans cette procédure pour faire valoir, finalement, qu'il n'est pas
en défaut ou qu'il a des...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Champagne (Sylvie) : ...un
moyen de défense à faire valoir. Puis on disait : On n'exclura pas les
tribunaux. Donc, à quel moment cette option-là aussi serait faite? Est-ce que
ce serait au moment où, le contrat initial notarié, on prévoit une clause que
les parties consentent à utiliser cette option procédurale là, un peu comme on
le fait quand on opte pour une clause d'arbitrage? Mais, quand on lit l'article
1603.1 proposé par le projet de loi, on n'a pas ces détails-là. Donc, pour
nous, ça, c'est fondamental.
Et, je vous dirais aussi, la question de
la rémunération. Alors, s'il y a... ce défaut-là est constaté par un notaire,
bien, qui va rémunérer? Est-ce qu'il y a des problèmes au niveau de l'impartialité?
C'est toutes des questions que nous avons. On n'a pas de réponse avec la
disposition qui est proposée. Donc, c'est pour cette question-là qu'on pense qu'il
faut vraiment avoir un débat puis avoir réponse à ces questions-là avant d'introduire
ce nouveau droit là dans notre Code civil du Québec.
Mme Cadet : Merci, Me
Champagne. Donc, si je comprends bien, donc, ce que vous recommandez, c'est que
l'article 1603.1 soit plus exhaustif, donc, dans sa mouture finale, pour
pouvoir répondre à ces questionnements-là, qui vont demeurer, s'il est adopté,
dans le texte initial qui nous est soumis.
Mme Champagne (Sylvie) : Tout
à fait. Et les aspects procéduraux pourraient se retrouver dans le Code de
procédure civile, là. Je sais que... Et il y a des dispositions. On a parlé,
aujourd'hui, de l'homologation de transaction ou de sentence arbitrale, donc il
est possible de prévoir des aspects plus procéduraux des délais de
contestation, et tout ça, dans le Code de procédure civile, mais je pense que
les fondements essentiels à la marche à suivre pour que le créancier puisse
mettre en œuvre cette option-là soient précisés dans le Code civil du Québec.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
très apprécié.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, Me
Claveau, Me Champagne, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi.
Alors, on se dit : À très bientôt. Merci beaucoup.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 34)
(Reprise à 17 h 38)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît. La
commission reprend ses travaux. Ça nous fait plaisir d'accueillir les
représentants et représentantes de la Chambre des notaires du Québec. Merci
beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Alors, je vous invite d'abord à vous
présenter puis à débuter votre présentation. Merci beaucoup.
Mme Potvin (Hélène) : Bonjour.
Mon nom est Hélène Potvin. Je suis notaire, présidente de la Chambre des
notaires du Québec. Alors, aujourd'hui, je suis accompagnée de Me Marc
Boudreau, notaire émérite et professeur titulaire retraité de la faculté de
droit, section de droit civil de l'Université d'Ottawa, et Me Nicolas
Handfield, notaire et directeur responsabilité sociale et innovation à la
Chambre des notaires en charge des dossiers d'évolution de la pratique
notariale.
Alors, M. le Président, M. le ministre de
la Justice et Notaire Général du Québec, Mmes et MM. les députés, alors je vous
remercie de nous accueillir aujourd'hui. Alors, je voudrais d'abord vous
préciser que notre mémoire vous sera acheminée cette semaine. Il contiendra des
commentaires et des recommandations détaillées. Bien entendu, nous serons
disponibles pour répondre à vos questions après la réception du mémoire, alors
n'hésitez pas à communiquer avec nous.
Ce projet de loi est très significatif
pour notre profession et nous accueillons favorablement les grands principes
qui s'y trouvent. Il modernise notre loi et la pratique des notaires afin de
les adapter à l'évolution technologique et aux besoins des Québécoises et des
Québécois. Nous félicitons le ministre d'avoir présenté plusieurs mesures
innovantes, efficaces et efficientes. C'est avant tout la population du Québec
qui en bénéficiera. C'est donc avec une immense joie que nous accueillons le
dépôt de ce projet de loi qui reconnaît également l'important apport des
notaires à notre système de justice.
En effet, le projet de loi vient consacrer
le rôle essentiel d'officier public du notaire à un système de justice qui se
veut moderne, accessible et qui cherche à désengorger les tribunaux. Or,
puisqu'il en est de l'essence même du notaire, nous proposons que son rôle
prédominant et crucial d'officier public soit priorisé dans les articles qui
traitent de ce sujet. C'est d'ailleurs à ce titre que le notaire reçoit des
actes authentiques qui offrent les plus hautes garanties de sécurité juridique.
• (17 h 40) •
Maintenant, quelques mots sur le mécanisme
d'exécution forcée de l'acte notarié. L'introduction au Code civil du nouvel
article 1603.1 est une avancée majeure en matière d'accessibilité à la
justice. On le sait, les citoyens faisant face à un système de justice qui
comporte de longs délais et des coûts importants hésitent à faire valoir leurs
droits. Ils hésitent à forcer l'exécution des engagements de l'autre partie. La
Chambre des huissiers pourrait certainement en témoigner. Les citoyens
s'attendent également à ce que l'acte notarié qu'ils ont signé et qui a une
haute valeur juridique à leurs yeux les aide à faire valoir leurs droits. Par
le p.l. n° 34, le législateur vient ainsi offrir aux
citoyens une option supplémentaire. Ils auront dorénavant le choix de faire
exécuter leurs obligations, soit en recourant aux tribunaux, comme c'est le cas
présentement, ou, maintenant, par l'entremise d'une procédure totalement déjudiciarisée,
avec le concours du notaire. Mais pourquoi le notaire? Parce qu'ici il n'est
pas uniquement question de la nature de l'acte, mais bien du statut de son
auteur. Le notaire, officier public, est...
Mme Potvin (Hélène) : ...le
délégataire de l'autorité publique de l'État. Il agit dans l'intérêt de toutes
les parties et il est soumis à des obligations strictes. Le notaire est le seul
professionnel qui possède ce titre, une spécificité propre au droit civil qui
est mise ici au service de la population. Cette nouvelle option s'inscrit
parfaitement dans un système de justice qui prône la déjudiciarisation des
rapports civils entre les justiciables. En l'absence de contestation, il est
tout indiqué de privilégier un processus des tribunaux pour permettre
l'exécution forcée d'une obligation.
Les avantages sont nombreux. Pour le
créancier, il pourra obtenir l'exécution de sa créance de manière beaucoup plus
rapide et à moindre coût, sans avoir à obtenir un jugement du tribunal. Ce qui
allégera significativement sa procédure. Pour le débiteur, il facilitera la
négociation d'un arrangement de paiement avec son créancier avant qu'il n'y ait
ouverture d'un dossier de nature judiciaire. Ceci représente pour lui un
bénéfice non négligeable. Il ne verra pas son dossier judiciaire ou de crédit
entaché par l'ouverture d'une procédure au tribunal pour cause de défaut de
paiement. Et enfin pour l'État, il y aura une diminution du nombre de dossiers
ouverts à la Cour. Elle pourra ainsi se consacrer à entendre des dossiers
contestés. Ainsi, les justiciables auront dorénavant une option plus simple et
plus rapide que la voie judiciaire et tout aussi sécuritaire. La Chambre des
notaires ne peut que s'en réjouir, applaudir cette nouveauté et remercier le
législateur pour la confiance qu'il accorde aux notaires du Québec.
Notre mémoire vous fera part des
recommandations visant à s'assurer d'une interprétation plus juste du nouvel
article 1603.1 du Code civil. Il est notamment recommandé de ne pas
limiter son application à une obligation contractuelle et qu'une date limite
pour l'entrée en vigueur du règlement d'application soit mentionnée à
l'article 74. Le législateur enverrait ainsi un message clair qu'il
priorise les mesures déjudiciarisées d'accès à la justice au bénéfice des
justiciables.
Nous sommes très satisfaits de constater
la volonté du législateur de moderniser les pratiques notariales en faisant
appel à la technologie et en pérennisant certaines mesures prises pendant la
pandémie. D'ailleurs, plusieurs notaires ont déjà entamé la transition, et ces
nouvelles dispositions, qui s'inscrivent, selon nous, en parfaite continuité
avec le grand chantier qui vise à améliorer le système de justice par
l'adoption de mesures innovantes et plus efficientes au bénéfice de tous les
citoyens. Nous souhaitons vous indiquer notre intention de mettre en œuvre les
solutions technologiques permanentes d'ici la fin de 2025.
Avec le projet de loi n° 34, les
actes notariés technologiques deviendront la norme. Or, il est important de
préciser que l'acte notarié technologique ne veut pas nécessairement dire
clôture à distance de cet acte. D'ailleurs, nous sommes d'avis que les deux
avenues clôture de l'acte notarié en présence des parties ou à distance doivent
cohabiter. Il est certain que le numérique offre une grande accessibilité aux
clients et s'inscrit dans les nouvelles façons de faire, voire même les
nouvelles attentes des citoyens. Mais les rencontres de conseil en présentiel
avec le notaire sont à prioriser. L'un ne doit pas substituer l'autre, car peu
importe le mode utilisé, l'objectif central est de préserver le lien de
confiance privilégié entre la profession et la population tout en promouvant
directement auprès de chaque individu la protection de ses droits.
C'est aussi l'avis des citoyens, un
sondage réalisé à l'été 2021 par la firme Léger indique qu'aucune
différence n'est perçue dans la relation de confiance avec le notaire, que le
service soit donné à distance ou en personne. Par contre, certaines personnes ont
dit préférer pouvoir poser des questions en présentiel ou d'autres ont
mentionné avoir éprouvé de la difficulté à suivre la complexité des échanges en
ligne. Il faut donc respecter le choix de chaque personne tout en respectant
également nos exigences de formalisme, car signer un acte notarié, c'est un
geste solennel qui nécessite attention et décorum. Sur ce point, la Chambre
recommande au législateur de retirer certaines modalités déontologiques prévues
à l'article 46 et que ces dernières soient faites, comme il est d'usage,
par règlement adopté par la Chambre mais approuvé par le règlement... le
gouvernement, pardon.
Alors, quant à la sécurité informatique,
nous avons noté les préoccupations énoncées durant l'étude de principe du
projet de loi à propos, notamment, de la protection des renseignements
personnels et du maintien par la Chambre de hautes normes de sécurité de
l'information au sein du greffe central numérique...
Mme Potvin (Hélène) : ...sachez
que nous avons toujours ces préoccupations en tête. Nous travaillons déjà avec
les équipes technologiques du ministère de la Justice afin de valider les
normes de sécurité envisagées ainsi qu'avec Bibliothèque et Archives nationales
du Québec à propos du versement des greffes de façon sécuritaire, autant sur
support papier que technologique. Vous trouverez dans notre mémoire les normes
de sécurité envisagées,ainsi que la liste des besoins identifiés pour le
développement des solutions. Et toujours en lien avec les greffes des notaires,
nous réitérons qu'il n'était pas du souhait de la Chambre des notaires de
s'occuper de la gestion du dépôt des greffes sur support papier. Nos travaux,
depuis les dernières années, se sont concentrés uniquement sur le support
technologique. Nous en sommes préoccupés, car la gestion à long terme du
support papier est une activité complètement nouvelle et différente pour la
Chambre des notaires. Mais, si le choix du législateur est maintenu, des coûts
importants sont à prévoir et nous devrons travailler bien sûr en collaboration
étroite avec l'État pour nous supporter dans ce chantier.
En terminant et en matière d'accès au
droit à la justice, la Chambre des notaires est satisfaite des ajouts effectués
aux objets du fonds d'études notariales. Ceci permettra d'élargir sa portée et
améliorer son impact sur la société. Aussi, l'apport possible des notaires à la
retraite représente également une excellente nouvelle pour la population
québécoise. L'expérience que possèdent nos professionnels à la retraite ne peut
qu'être un plus pour tous. D'ailleurs, nous suggérons dans notre mémoire
certains ajouts pour accroître leurs actions pour l'accès à la justice. Alors,
voilà l'essentiel de mon propos. Je vous remercie de votre attention et nous
sommes disponibles pour vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Maître Potvin.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Potvin, Me Handfiled, Me Boudreault, bonjour, merci de
participer aux travaux de la commission. On est très heureux de vous
accueillir. Donc, globalement, je comprends que la Chambre des notaires
accueille favorablement le projet de loi. Je pense que c'était attendu depuis
un certain temps. Je pense qu'il est de bon aloi aussi de rassurer les gens et
certains notaires aussi qu'il ne faut pas qu'ils voient ça comme la fin de leur
pratique actuelle aussi. Il y aura un délai d'entrée en vigueur avant. Puis il
y a un groupe avant vous qui est venu pour dire : Bien, il ne faudrait pas
que ça pousse les notaires à la retraite. On est sensible à ça aussi pour faire
en sorte que, dans toutes les régions du Québec, bien, les notaires continuent
à pratiquer, et les notaires plus expérimentés aussi. On est à une époque où on
a besoin de travailleurs expérimentés, donc on ne veut pas qu'ils quittent la
profession. Donc, on a ce souci-là. Même chose pour la population, malgré le
fait que, désormais, les actes notariés vont être signés sur support
technologique, les gens pourront obtenir leur copie papier certifiée conforme
aussi par les notables. Donc, ça, je pense que c'est important de le souligner.
Parlant de papier, vous disiez :
Nous, on ne souhaite pas, à la Chambre des notaires, gérer les dépôts de
greffe. Donc, pour les gens qui nous écoutent, les dépôts de greffe, c'est la
voûte du notaire avec toutes les minutes en arrière. Lorsqu'il n'y avait pas de
cessionnaire de greffe, ça veut dire supposons qu'il n'y avait pas un nouveau
notaire qui reprenait le greffe du notaire, bien, tous les greffes étaient
envoyés à la Cour supérieure. Donc, le projet de loi prévoit que, puisque la
chambre des notaires va gérer maintenant le greffe central numérique, la
Chambre des notaires va gérer également les greffes antérieurs. Je comprends
que vous avez un souci financier rattaché à cela. Par contre, le projet de loi
prévoit que la Chambre des notaires pourra utiliser le fonds d'études
notariales afin de financer justement la conservation de ces actes-là. Donc, je
tenais à vous rassurer à ce point là que je crois que le fonds est actuellement
bien doté. Donc, il permettra de sûrement soutenir cette mission.
• (17 h 50) •
Je voulais vous entendre peut-être sur
l'acte notarié exécutoire. Certains ont des craintes par rapport à l'acte
notarié exécutoire. J'aimerais vous entendre, et je pense que vous les avez
entendus, comment peut-on rassurer les gens qui... ou les organisations qui ont
des craintes par rapport à l'acte notarié exécutoire?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
pour nous, c'est sûr que c'est nouveau ici, au Québec. Mais comme l'ont dit
certains groupes effectivement, où... d'autres pays où le notariat est présent,
on est... donc, c'est une réalité qui existe là-bas, alors ce n'est pas
nouveau. Alors, pour nous, c'est certain que ça va bénéficier à la population.
Je l'ai dit dans mon allocution. Et on vient aussi, donc, utiliser le statut
d'officier public du notaire. Alors, c'est vraiment intéressant. Je vais
laisser mon collègue maître Boudreault compléter la réponse parce qu'il a... il
est au cœur vraiment de cette réflexion-là de l'exécution forcée, alors.
M. Boudreault (Marc) : Bien,
exactement. Merci, Mme...
M. Boudreault (Marc) : ...la
présidente, je pense qu'on vient effectivement régler une lacune par rapport au
notariat québécois quand on se compare aux autres notariats dans le monde, en
permettant justement qu'un acte notarié puisse donner accès à une exécution
forcée déjudiciarisée.
Alors ça, c'est un excellent point. Mais
je ne me permettrais peut-être d'ajouter aussi que la façon dont on le fait,
c'est quand même une façon innovatrice. Parce que quand on regarde la façon
dont on procède, on n'est pas venu dire que l'acte notarié donne accès à
l'exécution, ou l'acte notarié devient exécutoire, c'est-à-dire automatiquement
l'acte notarié et toutes les obligations qui sont dedans deviennent
exécutoires. Ce n'est pas ce qu'on dit. On vient dire plutôt qu'on crée un mode
d'accès, déjudiciarisé à l'exécution forcée. Et ce mode d'accès là repose
évidemment sur l'acte notarié, sur les attributs de l'acte notarié qui est un
acte authentique et opposable à tous et, évidemment, sur le fait qu'on ait un
officier public impartial qui est chargé de recevoir cet acte-là sous des
conditions rigoureuses.
Alors, ça, oui, on le met en place, mais,
en même temps, quand il s'agit de déterminer quels sont les types d'obligations
qui vont être visés, quand il s'agit de déterminer quelles sont les modalités
d'application, tout ça relève du législateur. Alors, c'est vraiment... La
source, c'est le législateur. Alors, je préfère d'une certaine façon dire que
c'est un mode d'accès déjudiciarisé à l'exécution forcée, en s'appuyant sur
l'acte notarié et sur le statut d'officier public impartial. Alors, c'est comme
ça que je lis, en tout cas, ou qu'on lit l'article 1603.1. Puis à ce moment-là,
bien évidemment, ça permet de pouvoir... ça permet au législateur de pouvoir
choisir quelles sont les obligations qui pourront avoir accès à des discussions
forcées. Alors, ce n'est pas aux parties, ce n'est pas au notaire, avec les
parties, de déterminer quelles sont ces obligations-là. Ça, c'est le
législateur qui va le faire.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que vous êtes craintifs relativement à une perte de droit? Que ça soit,
supposons, dans un... dans un contrat qui serait assujetti, supposons un
contrat de... une action sur compte ou un contrat de créances de prêt, est-ce
que vous êtes craintifs que, que ça soit le débiteur ou le créancier, parce
qu'on utiliserait l'acte notarié exécutoire, en fonction des modalités qui vont
être déterminées par voie réglementaire, là, est ce que... est ce que vous avez
une crainte qu'il pourrait y avoir une perte de droits par l'une des parties?
M. Boudreault (Marc) : Personnellement,
je ne vois pas de perte de droits. On revient toujours au même principe, c'est
qu'au départ on a un acte notarié qui est venu constater l'obligation. Cet acte
notarié là, il est authentique, il est opposable à tous puis il a été fait par
un officier public impartial. Alors ça veut dire que, comme il est opposable à tous,
il fait preuve à l'égard de tous. Ça fait que quand le créancier arrive
ensuite à exécuter son obligation, il ne devrait pas être nécessaire pour le
créancier d'avoir à faire la preuve à nouveau de ces obligations-là, puisque ça
a déjà été fait au départ.
Est-ce que c'est nécessaire qu'il y ait
une intervention du tribunal pour constater l'existence de la créance? Encore
là, la réponse est non. Parce que si, au départ, ça a été fait dans un acte
authentique, opposable à tous et devant un officier public impartial, il n'est
pas nécessaire qu'on ait ensuite un autre officier impartial qui vienne faire
le même boulot puisque ça a déjà été fait.
Alors, je ne pense pas qu'il va y avoir
perte de droits parce qu'au contraire le créancier va trouver que la façon
d'arriver à l'exécution forcée devient plus facile, plus efficace, plus rapide,
moins coûteuse. Pas d'intervention judiciaire requise. Pour le débiteur, ça
demeure toujours la possibilité que le débiteur puisse contester à tout moment
le recours du créancier. Alors, pour lui, il pourra évidemment faire valoir ses
motifs de contestation.
M. Jolin-Barrette : O.K.
est-ce que la Chambre des notaires a un malaise avec le fait que l'acte notarié
exécutoire soit énoncé dans le Code civil du Québec, mais que les modalités
d'application soient prévues dans un règlement du gouvernement?
M. Handfield
(Nicolas) :Écoutez, par rapport à cela,
il faut comprendre que le mécanisme qui est créé est lié au statut d'officier
public du notaire. Donc, le fait que la technique de rédaction législative qui
a été utilisée, qu'il y ait le principe dans le Code civil et un règlement
d'application qui vient expliquer en détail avec un processus de consultation
publique, comme les règlements du gouvernement, ait lieu, nous convient
totalement.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Pour ce qui est de la question des notaires à la retraite, vous aviez certaines
recommandations. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Potvin (Hélène) : Écoutez,
pour nous, c'est une très belle, très belle nouveauté. Alors, vous l'avez
énoncé dans le contexte du maintien des postes de... en poste des travailleurs
d'expérience dans un cadre de pénurie de main-d'œuvre. Alors, nous, on est très
contents que nos notaires à la retraite puissent continuer de jouer un rôle.
Alors, nous, on...
Mme Potvin (Hélène) : ...On
trouve ça tellement positif qu'on aimerait élargir leur rôle.
On le sait, M. le ministre, que vous avez
des projets, vous avez déposé d'autres projets, donc on pense que les notaires
retraités pourraient superviser les étudiants dans des cliniques juridiques,
pourraient être médiateurs, pourraient être arbitres, alors... En matière de
petites créances. Alors ça, c'est vraiment aussi un rôle qu'ils pourraient
jouer puis qui serait vraiment très significatif pour la société.
Alors donc, pour nous, on va plus loin, on
propose même qu'ils puissent célébrer des mariages, faire prêter serment. Alors
donc, pour nous, là, c'est vraiment très intéressant.
Et les notaires qui ne voudraient pas
passer à la technologie, comme le soulevait Maître Roy tout à l'heure, bien, ça
pourrait être aussi une occasion pour eux de terminer leur carrière en étant
médiateurs, arbitres et en supervisant des étudiants. Alors, il y a vraiment
beaucoup de choses intéressantes à faire à ce niveau-là.
M. Jolin-Barrette : Et
l'avantage de... supposons, d'établir une liste d'actes pour les notaires par
voie législative ou de confier ça par voie réglementaire à la Chambre des
notaires versus un notaire régulier, c'est qu'on vient cerner le champ
d'activité du notaire à la retraite pour que ça soit très clair de ce qu'il
peut faire ou ce qu'il ne peut pas faire?
Mme Potvin (Hélène) : Pour
nous, c'est très important. Parce qu'il y a une question aussi d'assurance
professionnelle et de modifier toute une réglementation en fonction des
pouvoirs et du rôle que ces notaires-là pourront jouer, alors pour nous, c'est
important, là, de bien saisir ça.
M. Jolin-Barrette : Et là, je
vous dirais, un mariage, c'est important que ce soit bien célébré parce que...
Je laisse le tout en suspens.
Mme Potvin (Hélène) : Mais,
M. le ministre, si je peux me permettre, on ne parle pas non plus de conseils
juridiques par rapport à la célébration... Au mariage, aux effets du mariage,
simplement la célébration.
M. Jolin-Barrette : Oui, oui,
juste l'acte. Parce que les notaires, tout comme les maires, sont d'office
célébrants.
Mme Potvin (Hélène) : Tout à
fait.
M. Jolin-Barrette : Ils ne
sont pas obligés de demander l'autorisation pour... afin de...
Mme Potvin (Hélène) : C'est
bien ça.
M. Jolin-Barrette : Une
expérience très agréable, d'ailleurs, de célébrer un mariage. Ça peut vous
amener certains enjeux par la suite, par contre.
Sur l'acte notarié à distance, puis
ensuite je vais laisser passer... Parler mes collègues là-dessus, vous, vous
dites... On a mis le caractère exceptionnel, vous dites : c'est trop
restrictif, le caractère exceptionnel. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
avant de passer la parole à Me Handfield, je veux juste vous dire qu'au niveau,
nous, de nos... depuis l'instauration des mesures de l'acte à distance, alors
nous n'avons eu aucune réclamation ni à notre fonds d'assurance ni à notre
fonds d'indemnisation sur ces questions-là. Alors donc, ça, ce n'est pas, pour
nous, un enjeu.
Et concernant l'acte à distance, alors je
vais demander mon collègue.
M. Handfield
(Nicolas) :Depuis le début de la journée,
la commission parlementaire a entendu beaucoup parler du critère exceptionnel.
Et vous voyez que les différents groupes qui sont passés devant vous ont eu
souvent des définitions qui étaient toutes différentes du critère exceptionnel
de la chose. Et c'est ça qui nous inquiétait et que, finalement, on voit qui se
réalise. C'est pour ça qu'on préfère qu'il y ait des actes précis qui soient
inscrits dans la réglementation que de toute façon on doit prévoir en vertu de
l'article 46 et que ce règlement-là est aussi approuvé par le gouvernement
avec le même protocole, et tout ça.
• (18 heures) •
On ne veut pas remettre en doute
l'importance du formalisme entourant un acte notarié. Il est essentiel.
D'ailleurs, il est réaffirmé par le projet de loi, et nous sommes heureux de
ça.
On est aussi heureux de comprendre
l'intention du législateur à l'effet que la signature à distance ne doit pas
être érigée en système, c'est-à-dire qu'un notaire ne fait que du à distance.
On est heureux également qu'il y a un message à l'effet que le client doit
avoir le dernier mot. S'il est plus confortable avec une signature en
présentiel, il doit avoir accès, et le notaire doit lui accorder. On considère
toutefois qu'on pourrait, par règlement, prévoir qu'à la demande du client et
dans l'exercice du jugement professionnel du notaire qui détermine si ça
respecte les droits et intérêts des parties, il puisse permettre la clôture à
distance.
Les cas d'horreur qu'on parle depuis le
début de la journée...
18 h (version non révisée)
M. Handfield (Nicolas) :...de la journée étaient souvent liés à un manque de
décorum provenant d'une personne sur la visioconférence. Le notaire a des
obligations déontologiques, qui sont d'ailleurs reprises dans l'article 46
tel que proposé dans le projet de loi, et ces obligations déontologiques là
sont déjà présentes dans notre Code de déontologie des notaires.
Finalement, on voit quand même que l'évolution
technologique de la profession nécessite qu'on fasse évoluer aussi notre code
afin qu'il réponde à l'ensemble des besoins des justiciables. Puis c'est
pourquoi qu'on était déjà dans un processus de modification de ce code-là.
Donc, pour terminer, c'est un élément qu'on prend très au sérieux. On veut
mettre certaines limites, certaines balises, mais on croit que ça devrait être
par règlement.
M. Jolin-Barrette : Merci
beaucoup pour votre présence à la commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de
Charlevoix-Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Oui. Alors, je
vais essayer d'être brève. Vous avez parlé tout à l'heure de la transition
numérique, technologique qui est déjà amorcée. Est-ce que, parmi ceux et celles
qui l'ont déjà faite, vous avez déjà ciblé des enjeux ou des préoccupations?
Mme Potvin (Hélène) : Nous
avons un grand chantier qui est commencé, c'est ça, depuis déjà plusieurs
années. Alors, je vais laisser Nicolas vous en...
M. Handfield (Nicolas) :En effet, sur l'élément de la vérification de l'identité,
nous avons déjà des travaux en cours afin d'améliorer cet aspect-là de la
vérification d'identité. Vous comprendrez que le notaire, en plus de son rôle d'officier
public ou qu'il doit, justement, s'assurer qu'il a la bonne personne qui signe
l'acte, a aussi des obligations au niveau de la lutte contre le blanchiment d'argent
et le financement des activités terroristes. Et on doit un peu calquer aussi
les mécanismes technologiques qui sont présentement déployés partout au pays
pour accélérer, pour, justement, faire que cette vérification d'identité là
soit plus optimale. Présentement, les lignes directrices prévoient qu'il peut
avoir une vérification des pièces d'identité à distance. Sauf que, dès qu'il y
a un doute, un minime doute, le notaire doit exiger de les voir en présence.
Mme Bourassa : On poursuit un
peu dans la même lignée. Comment est-ce que vous pourriez assurer la sécurité
des données qui se trouveraient dans ce fameux greffe central? Comment être à l'abri
des hackeurs ou...
M. Handfield (Nicolas) :Il faut comprendre que, quand que la Loi sur le notariat,
chapitre N-3, a été établie pour la première fois au début des années 2000,
il y avait déjà les possibilités de faire une conservation sur un support
technologique de l'acte, et la Chambre n'est pas allée de l'avant parce qu'elle
considérait que les outils technologiques étaient alors en place ne
permettaient pas, justement, une sécurité informatique, la pérennité de l'information,
la conservation de l'intégrité.
Depuis 2017, on considère maintenant que
ces technologies-là sont en place, il y a des normes internationales qui sont
en place qui déterminent, selon le type de données et selon la durée de
conservation, quels éléments de sécurité on doit mettre en place. On a des
travaux avec le ministère de la Justice par rapport à ces éléments-là, où qu'on
fait des échanges aussi d'informations, parce qu'il faut qu'on s'assure d'une
interopérabilité également entre les différents utilisateurs des actes notariés
et notre greffe centrale. Notamment, on pense au projet de transformation
numérique Lexius présentement, où que les notaires, avec la procédure non
contentieuse, ont été dans les premiers à utiliser les grands services de
Lexius. Donc, c'est par la collaboration constante avec l'État qu'on y arrive.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Alors, bonjour, Maître Potvin, Maître Handfield et Maître
Boudreault. D'ailleurs, je suis heureux de vous revoir, Maître Boudreault,
parce que vous avez été mon professeur à l'Université d'Ottawa il y a quelques
années, vous étiez un excellent professeur. Très content de vous revoir.
J'aimerais brièvement parler à nouveau de
1603.1. Quand on a commencé la journée... bien, en fait, j'avais lu bien sûr le
projet de loi, l'article, mais je ne pensais pas que ça susciterait autant d'interventions
passionnées, n'est-ce pas, de la part des gens qui sont intervenus. Je
comprends l'importance de l'accès à la justice et, évidemment, je pense qu'on
comprend aussi l'importance de respecter les droits des créanciers et des
débiteurs, donc comment essayer de trouver une voie de passage qui ferait en
sorte que tout ça serait respecté tout en permettant, évidemment, aux notaires
d'agir conformément à 1603.1? Et plusieurs nous ont dit qu'il serait préférable
de...
M. Morin : ...une liste dans
la législation, pas par règlement. Certains nous ont dit que ce serait
préférable de parler d'obligations et non pas de contrats. Il faudrait
peut-être exclure certains types d'obligations. Vous avez fait référence, Me
Boudreault, à ce qui existe ailleurs, donc peut-être en France. Est-ce que les
dispositions sont semblables? Est-ce que ça couvre moins d'obligations, autant
d'obligations? Est-ce que vous pouvez nous éclairer là-dessus?
M. Boudreault (Marc) : Bien,
c'est justement, quand je parlais tantôt de la façon innovatrice dont on
procède, c'est qu'ailleurs on est venu reconnaître que l'acte notarié donnait
droit à l'exécution forcée. Et ça, c'était... ça descendait d'une prérogative
royale, certains diront d'un statut professionnel, corporatif. Mais il n'en
reste pas moins que ça a été associé à l'acte notarié, puis, évidemment, ça
soulève des questions, parce que c'est l'acte notarié comme tel qui donne droit
à l'exécution forcée. Puis là, bien, dans l'acte, on peut retrouver toutes
sortes d'obligations, ce qui fait que là, les parties choisissent un peu quel
genre d'obligations... les obligations pour lesquelles il pourrait y avoir une
force exécutoire en créant une copie exécutoire, une copie exécutoire qui sera
émise au moment où il y aura défaut.
Alors, il y a comme des choix qui doivent
se faire, puis il y a un certain flou par rapport aux obligations que pourrait
couvrir effectivement l'acte notarié. On évite ces discussions-là. De la façon
dont on a procédé, on a déconstruit la force exécutoire, qui est connue dans
les autres pays, et on l'a reconstruite. Autrement dit, on est revenu à la même
finalité, c'est-à-dire qu'il va y avoir des obligations qui vont donner droit à
l'exécution forcée déjudiciarisée, mais en laissant le soin au législateur de
prévoir ces obligations-là. Puis, à ce niveau là, à l'article 16.03.1,
c'est effectivement essentiel qu'on parle seulement d'obligations non pas
contractuelles, mais d'obligations. Parce que le principe à la base d'une
exécution forcée déjudiciarisée, c'est un rapport avec des obligations qui sont
contenues dans un acte notarié sous la supervision, évidemment, sous le
contrôle d'un officier public impartial. C'est ça la règle.
Alors, je pense que la façon dont on
procède actuellement avec les règlements qui vont venir expliquer le reste, ce
qu'on doit retrouver à 16.03.1, c'est juste le principe, le principe qu'effectivement
une obligation qui se retrouve dans un acte notarié peut donner droit à
l'exécution forcée déjudiciarisée. Maintenant... Puis le 16.03.1,
alinéa 2, indique bien... comme le 1 aussi, les modalités d'application,
indique bien qu'il y aura des restrictions, que ça sera le législateur qui va
ensuite déterminer par règlement, c'est quoi le type d'obligation visé.
Alors, je pense qu'à ce moment-là on met
juste le principe essentiel à l'article 16.03.1, puis ensuite dans le
règlement, c'est clair qu'on va venir prévoir quelles sont les obligations qui
sont visées. On peut s'attendre à ce que ça soit dans un premier temps que des
obligations monétaires par exemple, que ça soit des obligations présentes
déterminées, que ça soit des obligations futures, à la condition que ces
obligations-là soient déterminables et qu'on retrouve dans l'acte les
conditions, etc., que ça soit des conditions qui sont en lien avec l'obligation
principale. On peut mettre comme ça certaines règles qui vont venir préciser quels
types d'obligations vont être assujettis ou pas assujettis, quel type
d'obligations vont pouvoir bénéficier de ce mode d'accès à l'exécution forcée.
• (18 h 10) •
M. Morin : Et donc, je
comprends que, selon vous, en fait, l'endroit où mettre 16.03.1, ce serait dans
le Code civil plus que dans le Code de procédure civile?
M. Boudreault (Marc) : Bien,
écoutez, on retrouve une place au Code civil comme on l'a fait à 16.03.1. C'est
certain que quand on parle de modes d'exécution forcée ou d'exécutions forcées,
on trouve des règles dans le Code de procédure civile aussi. Alors, je vous
avoue bien franchement qu'au niveau législatif, j'aurais peut-être retourné la
question à ceux qui sont plus spécialisés dans le domaine de dire :
Quelle est la meilleure place pour le mettre? Mais ce qui est clair, c'est
qu'on doit retrouver des dispositions quelque part qui vont indiquer à 16.03.1
quel est le principe, ou ailleurs, puis ensuite on doit retrouver d'autres
dispositions qui vont nous dire comment le système fonctionne et à quel genre
d'obligation ça s'applique.
M. Morin : ...là, on devrait
les retrouver dans la loi ou dans le règlement?
M. Boudreault (Marc) : Ça, je
pense que Nicolas est mieux placé que moi pour répondre.
M. Handfield (Nicolas) :La technique utilisée ici est une technique qui a été
utilisée dans d'autres projets de loi que l'Assemblée nationale a adoptés. Je
pense notamment au niveau de la grossesse pour autrui où qu'on est venu
dire : On autorise le contrat de grossesse pour autrui. Les modalités de
qu'est-ce qui doit être inclus dans le contrat sont inscrits dans le règlement.
Il va y avoir un règlement...
M. Handfield
(Nicolas) :...il va y avoir un règlement
qui va être adopté dans les prochains mois.
En matière de copropriété, par exemple, au
niveau de l'assurance de copropriété, dans la différente... la législature
précédente, il y a eu un projet de loi qui modifiait le Code civil par rapport
à l'assurance obligatoire à détenir en copropriété, en disant que les modalités
allaient venir en règlement. Donc, on voit que la technique d'utilisation du
règlement par la... dans le Code civil n'est plus nouvelle, et c'est un choix
totalement valide.
M. Morin : D'accord. Je vous
remercie. Donc, ça, à ce niveau-là, quand on fera l'article par article...
Parce que, dans certains des projets de loi que vous avez mentionnés,
effectivement, nous, dans l'opposition officielle, on a demandé à ce que ce
soit dans la loi, et non par règlement. Alors, on verra l'ouverture de M. le
ministre éventuellement là-dessus.
M. Jolin-Barrette : L'ouverture
légendaire.
Le Président (M.
Bachand) :Allez-y, M. le député.
M. Morin : Je vais continuer,
M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Oui, oui, oui!
M. Morin : Autre question, et
là c'est plus en lien avec le greffe numérique, parce que ma compréhension du
projet de loi, c'est que le fonds d'études juridiques, parce que la Loi sur le
notariat va être modifiée, va vous permettre de financer le greffe, qui sera
évidemment géré par la Chambre des notaires, et bien sûr, dans ce greffe-là, on
va retrouver éventuellement une foule de documents parfois très sensibles,
parfois très confidentiels notariés, et c'est sûr qu'il n'y a aucun système de
parfait. On nous a dit un peu plus tôt que c'était un avancement, parce que,
malheureusement, à cause de la tragédie du Lac-Mégantic, et on se rappelle
cette tragédie, il y a effectivement des greffes de notaires qui ont été
complètement perdus. Heureusement, c'est rare.
Maintenant, on sait que dans le numérique,
il y a des gens qui font des cyberattaques, il y en a systématiquement,
continuellement. Donc, sans évidemment dévoiler toutes les méthodes
sécuritaires qui protègent, parce que ce ne serait pas une très bonne idée de
publier ça dans le grand public, mais est-ce que c'est des éléments auxquels
vous avez réfléchi? Comment vous naviguez là-dedans? Est-ce que vous avez de
l'aide, par exemple de... vous avez des compagnies, le gouvernement, etc.?
Alors, ça, j'aimerais en apprendre davantage, et vous êtes évidemment l'ordre
qui est concerné par ça, Alors, j'apprécierais.
M. Handfield
(Nicolas) :Bien, en fait, je vais
commencer par le début de votre intervention, puis je vais redescendre, tu
sais. En effet, les ajouts au fonds d'études notariales permettent de financer
les travaux par rapport à l'instauration du greffe central numérique, mais
aussi à l'ensemble de la numérisation de la profession, et «numérisation», ici,
nous l'interprétons comme étant... comme la définition de l'Office québécois de
la langue française, c'est-à-dire l'ensemble des étapes pour faire évoluer vers
le numérique les pratiques vers le numérique des notaires. Donc, ça va nous
permettre justement d'y parvenir.
Par rapport à la sécurité, il faut
comprendre que la Chambre des notaires gère déjà un registre contenant des
informations extrêmement sensibles, qui est le Registre des testaments et
mandats et des dons d'organes du Québec, donc trois données très sensibles contenant
les derniers testaments qui ont été faits ou le dernier mandat de protection,
chez quel notaire, etc. D'ailleurs, il y a des éléments par rapport à ce
registre-là qui sont prévus dans le projet de loi n° 34. Donc, en matière de
sécurité, c'est déjà quelque chose qu'on a continuellement depuis les années 70
qu'on gère un tel registre informatique...bien, même plus que ça, là, ça fait
plus que 50 ans. Et donc on a toujours en tête... On a des assurances
cyberrisques, s'il arrive un bris, pour qu'on puisse aussi être accompagnés
d'un assureur pour indemniser les clients, etc. On est accompagnés par des
firmes externes, en matière de sécurité informatique, qui nous informent
toujours des meilleures pratiques et qui nous emmènent à faire des changements justement
pour nous assurer de respecter ces nouvelles pratiques-là.
Je parlais tantôt au niveau des normes
internationales qui ont été développées au cours des dernières années en
matière de sécurité. On peut penser notamment à la norme ISO 27 001 ou au SOC 2
Type 2, qui sont des normes qui sont instaurées par les grandes organisations,
ou même les plus petites, qui veulent avoir un processus standard de sécurité
selon les données qu'elles conservent. Donc, c'est quelque chose qu'on connaît
déjà par les registres qu'on gère. C'est sûr que, là, il y a un gros plus qui
s'ajoute, c'est-à-dire la notion de conservation, parce qu'on doit conserver
des documents pour une très longue période...
M. Handfield
(Nicolas) :...documents pour une très
longue période avec... en assurant une disponibilité à ces documents-là, une
intégrité de l'information qui est inscrite, donc c'est quelque chose qu'on
travaille déjà avec le... en collaboration avec le ministère de la Justice, et
on a beaucoup d'échanges d'informations là-dessus.
Le Président (M.
Bachand) :...
M. Morin : ...merci. Dans le
projet de loi, il y a une disposition qui prévoit que le greffe numérique doit
être au Québec mais qu'il pourrait aussi être hors Québec. Est-ce que vous
pouvez m'expliquer l'intérêt d'avoir un greffe hors Québec quand on parle des
notaires au Québec, en droit civil, au Québec?
M. Handfield
(Nicolas) :...l'infonuagique, il y a des
grands joueurs qui peuvent garantir des critères de sécurité qui existent. Il y
en a plusieurs de ces joueurs-là qui ont un serveur au Québec, mais ils peuvent
avoir une redondance, donc, au cas où qu'il y a un problème aux serveurs du
Québec, une redondance pour continuer l'accès, la disponibilité à la donnée
hors Québec. Il faut qu'on s'assure, en vertu des lois d'accès, qu'ils offrent
les mêmes protections qu'au Québec. Donc, c'est pourquoi qu'on croit que cette
mesure-là doit demeurer pour cette redondance-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci. Je
n'ai pas eu le bénéfice de vous entendre très longtemps. On est de commission
en commission ce soir, mais quand même j'aurais une petite question. Est-ce
que, selon vous, le caractère exécutoire serait automatique parce que la loi ou
le règlement l'aura prévu ou si c'est seulement dans le cas où la volonté des
parties serait exprimée antérieurement?
Mme Potvin (Hélène) : Donc,
la disposition transitoire, vous parlez de la disposition transitoire? Donc,
pour les actes qui existaient avant l'entrée en vigueur?
M. Cliche-Rivard : Exactement,
exactement.
M. Boudreault (Marc) : Pour
les actes qui existaient auparavant, il faut bien constater qu'à ce moment-là
le débiteur n'a pas été informé, à ce moment-là, qu'il y aurait une exécution
forcée déjudiciarisée qui serait possible. Alors, la meilleure façon de
procéder, parce qu'il reste quand même que c'est un acte notarié qui était fait
au départ, et on a toutes les qualités de l'acte notarié qui se retrouvent là
et de la façon dont ça a été faite, ça serait probablement de proposer que le
débiteur puisse, dans un acte subséquent, reconnaître tout simplement
l'existence de son obligation, ce qui donnera, à ce moment-là, à une exécution
forcée déjudiciarisée.
M. Cliche-Rivard : Et ça, il
faudrait le faire dans chaque cas.
M. Boudreault (Marc) : C'est
ça. Alors, à ce moment-là, on ne pénalise pas le débiteur qui n'a pas été
informé. Celui qui est d'accord avec ce mode d'exécution là, le nouveau mode
proposé, à ce moment-là, deviendra... acceptera d'être assujetti à ce nouveau
mode là. Alors, c'est l'essentiel de la disposition transitoire.
M. Cliche-Rivard : Puis
évidemment, comme vous l'avez dit, en cas de refus, bien, on demeure avec le
régime tel qu'il l'était avant la mise en vigueur et/ou l'adoption de mesures
transitoires.
M. Boudreault (Marc) : Exact,
mais là ça signifie, évidemment, qu'il va y avoir une intervention judiciaire,
il va y avoir quelque chose qui va apparaître au dossier de crédit du débiteur.
Parce qu'il ne faut pas oublier qu'avec le nouveau système tout ça se fait en
dehors d'une intervention judiciaire. Alors, il n'y a rien qui apparaît dans le
dossier de crédit du débiteur tant et aussi longtemps... s'il paie, s'il décide
de payer ou s'il décide de conclure un arrangement, il n'y a rien qui va
apparaître. Alors, le nouveau système peut avoir des effets bénéfiques pour le
débiteur.
M. Cliche-Rivard : Et vous
êtes d'avis qu'il va y avoir plusieurs scénarios ou situations dans lesquels on
va réussir à éviter d'aller devant les tribunaux avec cette nouvelle procédure.
Vous ne le savez pas, bien, on ne le sait pas, mais il y a beaucoup de... on se
présente que c'est... ça va favoriser l'accès à la justice, mais on ne le sait
pas.
• (18 h 20) •
M. Handfield
(Nicolas) :...seulement que les cas de...
par défaut, d'obligation par défaut qui ont été nommés, justement, durant les
premières.... premiers débats à l'Assemblée nationale, ils disent qu'il y a
au-dessus de 2 000 cas déjà juste de jugements par défaut. Déjà là,
ça va en régler là-dedans.
Mme Potvin (Hélène) : Les
gens ne se présentent pas, donc il y a un jugement par défaut. Alors, ça, c'est
un mode qui serait... qui éviterait, justement, la tenue de toutes ces
audiences-là.
M. Cliche-Rivard : Et on
devine donc que ce n'est pas exclusivement mais quasi exclusivement ça que ça
va viser finalement. Parce que sinon, dès qu'il y a litige ou dès qu'on refuse
l'exécution de l'obligation, les tribunaux vont s'en mêler, puis là on n'a pas
vraiment de résolution simple.
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
c'est une gradation. Comme l'expliquait Me Boudreault, je pense qu'on peut y
aller petit à petit et on va pouvoir voir comment... On commence petit, et on
le fait bien, on voit les résultats, et après on peut travailler ensemble pour
voir comment on peut faire évoluer et encore plus utiliser ces modes-là si
c'est significatif pour toutes les parties qui sont impliquées, incluant l'État,
bien entendu.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup d'avoir été avec
nous. C'est très, très, très apprécié. Puis on se dit à bientôt, bien sûr.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 21)
(Reprise à 18 h 25)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission continue ces travaux. Alors, il nous fait plaisir de recevoir M.
François Taillefer, président de la Chambre des huissiers de justice du Québec.
Alors, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui, c'est très apprécié. Alors,
je vous cède la parole, et, après ça, on aura une période d'échange avec les
membres de la commission.
M. Taillefer (François) : Excellent.
M. Bachand, président de la Commission des institutions, mesdames et Messieurs
membres de la Commission des institutions, la Chambre des huissiers de justice
du Québec souhaite d'abord remercier les membres de la Commission des
institutions de l'intérêt manifesté à connaître l'opinion de la Chambre des
huissiers de justice du Québec à l'égard du projet de loi visant à moderniser
la profession notariale et à favoriser l'accès de la justice.
D'emblée, la chambre en appuie l'approche
innovatrice et assure sa collaboration tout au cours du processus d'adoption du
projet de loi. Permettez-moi de préciser que mes responsabilités à la
présidence de la Chambre des huissiers de justice motivent la présentation
d'aujourd'hui, concernant particulièrement un aspect du projet de loi no 34,
soit l'exécution forcée. Il nous apparaît que le projet de loi favorise
l'innovation au bénéfice des justiciables, et il nous semble important de
partager la réalité de l'exercice de la profession d'huissier de justice sur la
question.
La Chambre des huissiers de justice du
Québec est un ordre professionnel à exercice exclusif dont la mission première
vise la protection du public. La Loi sur les huissiers de justice et le Code
des professions sont les lois-cadres définissant l'exercice de la profession.
Les huissiers de justice accomplissent principalement leur mandat selon les
dispositions du Code civil du Québec et du Code de procédure civile, ainsi que
les lois connexes. Ainsi, selon les dispositions des articles 8 et 9 de la loi
sur les...
M. Taillefer (François) : ...de
justice du Québec. Constitue l'exercice de la profession d'huissier, tout acte
qui a pour objet de signifier des actes de procédure émanant de tous tribunaux,
de mettre à exécution les décisions de justice ayant force exécutoire et
d'exercer toute fonction qui est dévolue à l'huissier en vertu de la loi ou par
un tribunal. De plus, l'huissier peut effectuer des constatations purement
matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences des faits ou de
droits qui peuvent en résulter. Ces constatations n'ont que de valeur que de
simples renseignements.
Protection du public. À l'instar de
l'ensemble des ordres professionnels, les missions de la Chambre des huissiers
de justice du Québec portent sur la protection du public. Nous en assurons la
mise en œuvre selon les différentes dispositions prévues. En ce sens, la CHJQ
salue particulièrement une disposition du projet de loi n° 34. Il s'agit d'une
nouvelle procédure qui devient une alternative innovante et favorise le respect
des droits.
Alors, au niveau de la mission protection
du public, la Chambre des huissiers de justice du Québec voit un respect de sa
mission de protection du public par l'encadrement et la surveillance de
l'exercice de la profession, le programme de formation continue, l'information
publique et l'application des règles disciplinaires. Dans la perspective de
l'application de protection du public et du respect des droits, il nous
apparaît important de sensibiliser les membres des commissions, à savoir les
huissiers agissent, à titre d'officier de justice, sous l'autorité du tribunal.
Notre mission protection du public impose
une recherche constante d'innovation. À titre d'exemple, la perception à
l'amiable, la remise volontaire sont en force, depuis plusieurs années, par des
huissiers de justice et s'avèrent des actes professionnels qui se démarquent
par leur efficacité, la réduction considérable des coûts et des procédures
présentables devant les tribunaux.
Une nouvelle procédure, une alternative
innovante. Nous souhaitons ainsi partager la réalité de l'exercice de la
profession d'huissier de justice concernant l'exécution forcée, comme le
précisent les notes explicatives du projet de loi n° 34. Le projet de loi
attribue au gouvernement le pouvoir de prévoir par règlement une procédure
d'exécution forcée du paiement d'une dette résultant de l'inexécution d'une
obligation contractuelle constatée dans un acte notarié en minute et des
modalités d'une telle exécution forcée.
Globalement, la Chambre des huissiers
souhaite que cette procédure améliore la pratique actuelle, autant en raison de
son efficacité, de la diminution des coûts et du désengorgement des tribunaux.
Dans la pratique actuelle, de façon sommaire et non exhaustive, la procédure
comprend les étapes suivantes : notification d'une mise en demeure,
signification d'un acte introductif d'instance, obtention d'un jugement par
défaut ou une audition devant le tribunal dans les cas de contestation.
Avec le projet de procédure d'exécution
forcée, tel que décrit au projet de loi n° 34, la chambre souhaite que les
parties s'entendent a priori sur les modalités d'exécution en cas de défaut.
Dans cette optique, nous recommandons les dispositions suivantes à l'endroit
des parties prenantes qui auront choisi cette nouvelle procédure. Au niveau des
créanciers, entente entre les parties concernant les modalités d'obligation;
entente sur les modalités d'exécution en cas de défaut; et, selon l'acte
notarié, les mesures d'intervention de l'huissier en exécution forcée ou en
paiements échelonnés. Ainsi, le créancier pourra couvrir les montants en
souffrance à l'intérieur des délais plus rapides et à moindre coût,
comparativement à la procédure actuelle.
Au niveau des débiteurs, entente entre les
parties concernant les modalités d'obligation; entente sur les modalités
d'exécution en cas de défaut; et, selon l'acte notarié, les mesures
d'intervention de l'huissier en exécution forcée ou en paiements échelonnés.
Ainsi, le nom du débiteur n'apparaîtra pas au plumitif de la cour. Au niveau
des tribunaux, la diminution des dossiers non contestés, conséquente de la
nouvelle procédure; la diminution des dossiers contestés, également conséquente
de la nouvelle procédure.
• (18 h 30) •
En conclusion, notre réflexion sur la
protection du public présente un lien entre la mission de la Chambre des
huissiers de justice du Québec et le projet de loi n° 34, dont les objectifs se
situent en adéquation avec une raison d'être comme ordre professionnel et nos
valeurs organisationnelles de respect des lois et d'efficacité. La contribution
des huissiers de justice à l'efficacité du système judiciaire demeure une
priorité de la Chambre des huissiers de justice du Québec. Nous rappelons ici
l'importance d'innover dans une perspective d'efficacité, de réduction des
coûts et des procédures, comme la perception à l'amiable et la remise
volontaire, mises en œuvre par la Chambre des huissiers.
Nous saluons, par ailleurs, la volonté
d'amélioration, de transparence et d'efficacité du projet de loi visant à
moderniser la profession notariale et à favoriser l'accès à la justice. Nous
recommandons... Nos recommandations, pardon, concernant les modalités
d'exécution en cas de défaut, s'appuient sur l'expertise terrain de la
profession d'huissier.
M. Bachand, président de la Commission des
institutions, mesdames, messieurs les membres de la Commission des
institutions, soyez assurés de la collaboration de la Chambre des huissiers de
justice dans la poursuite de cette importante...
18 h 30 (version non révisée)
M. Taillefer (François) : ...réflexion.
Nous vous remercions de votre attention.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. Taillefer.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bonjour,
M. Taillefer, merci de venir en commission parlementaire avec nous pour
représenter la Chambre des huissiers de justice du Québec. Donc, je comprends
que vous accueillez favorablement le projet de loi, notamment avec l'acte
notarié exécutoire, qui concerne davantage les huissiers de justice, parce que
ceux-ci seront appelés à jouer un rôle important, notamment lorsque viendra le
temps de faire exécuter l'acte notarié. Pouvez-vous nous illustrer un peu, là,
comment ça fonctionne, le travail d'un huissier, à partir du moment, là, où il
doit exécuter... supposons, il y a un acte notarié exécutoire, là, puis il
devrait exécuter cet acte-là? Ou, supposons, prenons l'exemple... puisque c'est
nouveau, là, mais prenons l'exemple d'un jugement. Quand vient le temps d'exécuter
un jugement, comment ça se passe ou... quand vient le temps de signifier une
procédure?
M. Taillefer (François) : Bien,
essentiellement, présentement, de la façon que ça fonctionne, évidemment, quand
l'huissier reçoit le jugement, premier réflexe, vérifier si le délai d'appel
est respecté ou pas. Par la suite, on va demander à notre créancier, notre
client, souvent, qui est un avocat... ça peut être un notaire, ça peut être un
particulier... selon les dispositions du Code de procédure civile, de compléter
un bordereau d'instructions. C'est le créancier qui va décider les mesures
exécutoires qu'il désire employer. À partir de ce moment-là, l'huissier va
ouvrir un avis d'exécution avec la plateforme SOQUIJ et va se déplacer chez le
débiteur pour tenter de collecter, évidemment, le maximum de la dette, là, ou
de la totalité de la dette, devrais-je dire. Et, sur place, bien, l'huissier
est, en même temps, un expert sur le terrain. En tout cas, moi, de la façon que
j'ai toujours pratiqué mon travail, c'est de, dans le meilleur des mondes, dire
au débiteur : Débarrassez-vous de moi, arrangez-vous pour que je ne
revienne pas chez vous, voici les possibilités.
Si je pense que je ne suis pas capable de
couvrir les frais de la dette et des intérêts en faisant une saisie... Parce qu'au
bout de la ligne, après la saisie, c'est la vente, et on sait pertinemment qu'une
vente par huissier, règle générale, si on est chanceux, 0,25 $, 0,30 $
dans la piastre, ce n'est pas l'idéal. L'idéal, c'est de régler pendant qu'on
est là, en exécutant une saisie, mais, sur papier, à essayer de convaincre le
débiteur de s'arranger soit avec nous... maintenant, avec la nouvelle loi, les
paiements échelonnés, c'est prévu dans le code, c'est souvent appliqué par les
huissiers, et tant mieux, parce que ça donne des bons résultats... ou, tout
simplement, prendre des arrangements directement avec les créanciers pour
suspendre la saisie, pour éviter qu'on revienne.
Alors, dans la pratique, c'est, grosso
modo, ce que la plupart des huissiers font, parce qu'on essaie, le plus
possible, d'éviter une vente, qui, au bout de la ligne, ne rapporte pas
beaucoup de sous.
M. Jolin-Barrette : Selon
votre expérience, là, le taux de recouvrement, là, que vous réalisez, c'est d'à
peu près combien, supposons, lorsque vous avez le mandat d'exécuter un
jugement?
M. Taillefer (François) : Je
vous dirais que, dans ma pratique, le taux est assez élevé, parce que...
dépendamment des montants. Quand les montants sont minimes, entre guillemets,
règle générale, le taux est à peu près à 90 %, 95 %. Quand c'est des
gros montants... 50 000 $ et plus, c'est assez rare qu'on revienne
faire une vente, parce que, souvent, ils vont avoir une entente soit avec nous
ou soit avec le créancier directement, et, rendu là, bien, l'avocat me demande
de suspendre, je suspends, et, si l'entente se fait directement avec l'avocat,
c'est lui qui est le maître du dossier, alors, s'il ne me rappelle pas, je
prends pour acquis que le dossier s'est réglé, puis tous les sous sont rentrés
à son bureau. Sinon, maintenant, avec la possibilité d'avoir le paiement
échelonné, c'est l'huissier qui gère ça à son bureau directement, et, à partir
de ce moment-là, il a plein contrôle. Règle générale, c'est une période maximum
de 12 mois, signée entre les parties, une entente signée entre les parties, de
consentement avec le créancier, puis, si c'est une personne qui est très
autonome, ça peut échelonner plus que 12 mois.
Je vous dirais que le taux est assez
élevé. Malheureusement, on ne peut jamais avoir un taux à 100 %. Ça fait
que ça arrive, malheureusement, que, des fois, il faut aller à la vente, puis c'est
là que... Tu sais, c'est assez exceptionnel qu'on fait une vente qui va couvrir
tous les frais et les intérêts, ça arrive rarement, à moins que ce soient des
petits montants.
M. Jolin-Barrette : O.K. L'acte
notarié exécutoire, là, le fait d'introduire ça, là, vous pensez que ça va
améliorer les délais, en matière de justice, pour les citoyens? Supposons, dans
le cas d'une créance, là, ça va simplifier la vie au créancier?
M. Taillefer (François) : Oui,
nous sommes d'avis, absolument, parce qu'on salue l'efficacité de cette
procédure-là. On sauve les délais d'attente devant les tribunaux, que ce soit
contesté ou pas. Mais même si ce n'est pas contesté, il y a — je
parle d'un district que je connais bien, le district de Montréal — beaucoup
de volume, et les délais sont assez longs, on parle de délais en mois, puis,
après ça, tout ce qu'il faut compter avant, les démarches des avocats, les
procédures, l'huissier qui doit signifier... je ne parle pas... il y a-tu des
oppositions, il n'y en a-tu pas, il y a-tu des démarches...
M. Taillefer (François) : ...alors,
vous êtes avocat, vous le savez aussi bien que moi comment ça fonctionne.
Alors, oui, je pense que votre projet de loi, si ça fonctionne comme on pense
que ça va fonctionner, si les gens sont de bonne foi, quand c'est le temps
d'emprunter puis les parties sont d'accord sur les modalités de l'entente
notariale, bien, les modalités comprennent la suite. Si tu fais... parce que
95 % des... en tout cas, dans ma pratique, quand les gens sont de bonne
foi, les dossiers se règlent. C'est pour ça qu'on a mis en œuvre la perception
à l'amiable il y a quelques années et je vous dirais que ça va relativement très
bien. Puis, une fois, bien là, il n'y a pas de procédure, il n'y a pas de... Tu
sais, nous, on reçoit le mandat du créancier, peu importe que ce soit une
caisse ou une banque ou un crédit bailleur, ça n'a pas d'importance au moment
où est-ce qu'on a un contrat qui nous autorise à percevoir à l'amiable, mais
c'est sans la présence d'avocats ou de notaires, ou c'est sans présence des
tribunaux. Et la moyenne est à peu près de 95 % quand il y a un gain en
garantie. La moyenne est plus basse quand il n'y a pas de gain en garantie.
Mais c'est du cas par cas. Mais je vous dirais qu'on a à peu près entre
30 % et 40 % de collection sans aller aux tribunaux, devant les
tribunaux.
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
question pratique. Je voyais, dans votre rapport annuel, vous avez
435 huissiers inscrits au tableau de l'ordre au 31 mars, là, je
pense, c'est 2022. Je n'ai pas votre rapport annuel 2023. La capacité pour
les huissiers d'opérationnaliser ça, ils vont être capables de prendre la
charge de travail, les huissiers?
M. Taillefer (François) : Absolument.
Tout à fait. Oui, tout à fait.
M. Jolin-Barrette : Dans
toutes les régions du Québec?
M. Taillefer (François) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Excellent. Bien, écoutez, je vais céder la parole à mes collègues,
M. François. Alors, je vous remercie grandement d'avoir été présent
aujourd'hui.
M. Taillefer (François) : Ça
fait plaisir, M. le ministre.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonsoir. Merci
d'être là à une heure aussi tardive. M. le ministre a abordé beaucoup de points
que je voulais aborder, mais j'aimerais vraiment être très clair. Vous, cet
acte exécutoire, ça va faciliter votre travail, là?
M. Taillefer (François) : Pas
nécessairement parce que c'est une exécution d'un jugement, c'est l'exécution
d'un jugement, que ce soit par un jugement ou par un acte notarié, dépendamment
de ce qu'il va y avoir dans le règlement, à partir du moment où ce qu'on doit
exécuter, la façon d'exécuter ne changera pas, là. Alors, ce qui va changer au
niveau de cette procédure-là, je me répète, c'est l'efficacité, la diminution
des coûts puis le désengorgement des tribunaux. Parce que l'entente est réglée,
le débiteur ne paie pas, peu importe la raison, on reçoit le mandat de
collecter avec ou sans instruction, parce que je n'ai pas lu le règlement, mais
un jugement, c'est un jugement et la façon d'exécuter va toujours demeurer la
même. Mais c'est quoi que le règlement va dire? C'est quoi la possibilité que
l'huissier aura? Si c'est selon le code actuel, le code de procédure actuel,
le... bien, pas mal de possibilités sont là. Encore une fois, ce n'est pas
l'huissier qui décide. C'est le créancier qui va donner ses instructions :
Voici ce que j'aimerais que tu fasses. Et puis toutes les possibilités sont
établies dans le code présentement.
Mme Bourassa : Et le fait que
les modalités d'exécution soient connues d'avance dans le contrat, est-ce que
ça pourrait diminuer des tensions possibles au niveau du bon déroulement des
procédures?
• (18 h 40) •
M. Taillefer (François) : Moi,
je pense que oui, parce que le créancier est avantagé. Si ça se fait comme je
pense que ça va se faire, s'il y a une entente, je suis de bonne foi,
j'emprunte x nombres de montants à mon créancier et je m'engage à payer, puis,
par défaut, je ne paie pas, mais voici, je possède une maison, je possède un
chalet, j'ai un salaire à tel endroit, je vous annonce d'avance qu'est-ce que
je mets, entre parenthèses, en garantie pour l'exécution en cas de défaut,
bien, le créancier sauve des pas. Il n'a pas besoin d'engager un détective pour
aller vérifier les actifs pour faire un interrogatoire après jugement.
D'avance, je parle toujours des gens de bonne foi, d'avance, ici, il a les
actifs de son débiteur. Ça fait que c'est sûr que ça facilite la tâche du
créancier qui va donner les instructions à l'huissier. Ça fait que, dans ce cas-ci,
j'aimerais que tu ailles voir le débiteur dans le contrat notarié, mais il y
avait ça, ça, ça comme actifs, veux-tu aller vérifier si c'est encore valable.
Si c'est le cas, bien, il procède à la saisie. Mais, comme j'expliquais tantôt,
la saisie sur papier, après ça, il y a un délai minimum de 30 jours pour
procéder à la vente dans le code actuel, mais ça peut être 60 jours, ça
peut être 90 jours, ça peut être suspendu s'il y a une entente de
paiement. Ça fait que, tout ça, c'est du cas par cas. Le but d'un huissier,
c'est d'éviter la vente puis de collecter 100 cennes dans la piastre.
Mme Bourassa : Et, bon, je
sais que vous n'êtes pas notaire, mais est-ce que vous croyez que ça risque
d'être populaire, qu'il y a beaucoup de gens qui vont se tourner vers cet acte
exécutoire pour avoir plus de prévision?
M. Taillefer (François) : Bien,
selon moi, oui. Oui, tout à fait. C'est une procédure... une belle alternative.
Il y a la façon traditionnelle que tout le monde connaît. Il y a cette façon-là
qui est qui est carrément nouvelle...
M. Taillefer (François) : ...je
pense que le créancier, mais il y aura le choix d'y aller de façon
traditionnelle ou d'y aller avec le notaire, puis au bout de la ligne si le
résultat est le même, c'est plus efficace et moins coûteux. Moi, si ca serait
moi, personnellement, j'y vais avec la solution la plus rapide, la moins
coûteuse.
Mme Bourassa : Parfait. Bien,
merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Combien de
temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) :6 minutes.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
M. Taillefer, non seulement c'est plus rapide, mais en fait ça permet à tout le
monde d'éviter de se rendre en cour pour aller directement à l'action où vous
entrez en scène après que le notaire ait fait ce qu'il avait à faire, si j'ai
bien compris, là. Et...
M. Taillefer (François) : C'est
ce que je comprends aussi.
M. Lemieux : Et j'ai entendu
deux choses tout à l'heure le député de 3Shsa, en jasant avec les témoins
précédant la fin de la comparution, il parlait d'un paquet de monde qui se ne
présentait pas en cour. Donc là, on avait étiré des délais pour aboutir à
mobiliser une cour qui finalement ne donnait rien. Et l'autre affaire que j'ai
entendue, c'est le ministre, parce que ce n'est pas pour rien qu'il vous
demandait si vous savez si vous aviez assez d'huissiers, parce que ça va donner
moins d'ouvrage aux cours, puis plus d'ouvrage aux huissiers. Vous êtes capable
de suivre le rythme quand ça va se présenter comme ça?
M. Taillefer (François) : Bien,
pas nécessairement parce qu'il les jugements par défaut, de toute façon, les
huissiers vont les avoir. C'est sûr que c'est plus long parce que les greffes,
en tout cas je me répète, à Montréal, ils sont débordés. Alors, c'est dossier
par dossier, par dossier, puis on passe au dossier suivant, le lendemain. Tout
ça, c'est des délais. Mais au bout de la ligne, ça résulte par un jugement qui
s'il n'est pas payé par le débiteur, bien, l'avocat a le choix d'envoyer ça à
son huissier ou pas, dépendamment des circonstances. De toute façon, c'est...
théoriquement ça devrait aboutir chez l'huissier.
M. Lemieux : Oui.
M. Taillefer (François) : Ça
fait que ça, ça va être juste, selon moi, plus rapide. On va avoir les
jugements plus rapidement si le créancier décide de faire affaire avec la
notaire parce qu'au bout de la ligne, on va en résulter avec une force
exécutoire, et ça va sauver beaucoup de sous aux créanciers puis beaucoup de
temps.
M. Lemieux : Le beau côté de
ça, c'est là où je voulais en venir, le beau côté de ça, c'est que le créancier
n'est pas... en fait l'atmosphère n'est pas pourrie avec le temps que ça prend.
Si on passe par cette voie-là qui va maintenant s'ouvrir, le créancier et le
débiteur vont être appelés à se parler beaucoup plus vite et arriver
probablement plus... sinon facilement au moins de façon plus rapide, à un
certain accord avec l'intervention et du notaire, dans un premier temps, et de
l'huissier, dans un deuxième temps, pour arriver à quelque chose. Donc ça
pourrit moins longtemps. Tout ce qui traîne se salit, là. Alors, ne serait-ce
que pour ça, vous allez, vous allez pouvoir intervenir parce qu'on a vu des
émissions de télé où on comprend que pas une job de tout repos. Aussi, si je me
fie aux séries qu'on a vues à la télé, c'est rock and roll. On le disait comme
ça. Alors à.
M. Taillefer (François) : À
l'occasion.
M. Lemieux : Oui. Et c'est
quand ça pourrit justement que ça se rend là. Mais si vous intervenez avant, ça
va être encore peut-être plus simple à régler, là.
M. Taillefer (François) : Bien,
je pense que oui, parce que je me répète, l'efficacité, ça englobe tout là, la
réduction des coûts, désencombrement des tribunaux. Mais plus vite qu'on
intervient dans le dossier, plus vite qu'on a des chances de régler selon moi,
parce que si ça s'accumule, s'accumule, ça s'accumule, alors le créancier a
plus de chances de se faire payer s'il intervient plus rapidement qu'un autre.
Mais au bout de la ligne, c'est que l'entente préalable entre le créancier et
le débiteur devant notaire, tout le monde s'entend, au bout de la ligne on
s'entend jusqu'à la fin. Tu ne le paies plus, peu importe la raison, nous on
arrive là, puis je me répète, le but de l'exercice, c'est de collecter. Tu ne
respectes plus ton engagement. Bon, tu as une raison. C'est quoi la raison?
Blablabla. On écoute. En tout cas, moi, j'ai toujours écouté dans ma carrière.
Voici, je peux faire rapport à mon client, dire : Écoute, je te suggère
d'aller avec une entente échelonnée parce que monsieur est accoté, monsieur ou
madame, là, peu importe le débiteur, mais c'est plus prudent de ta part d'y
aller sur quatre, cinq mois, six mois qu'on se ramasse une faillite dans deux
semaines. Alors, c'est tout du cas par cas. Puis l'huissier sur le terrain,
mais il est en mesure de voir à qui il a affaire. Est-ce que le débiteur de
bonne foi? Est-ce qu'il veut entendre? Est-ce qu'il veut collaborer? Si la
réponse est oui, mais c'est une espèce, nous autres, d'officier justice neutre
et impartiale. Évidemment que le but, c'est de collecter 100 cents dans la
piastre, mais toujours respecter les dispositions du code, puis notre code de déontologie.
M. Lemieux : Oui.
M. Taillefer (François) : Ça
fait que c'est... on est les oreilles et les yeux du créancier, puis on est en
mesure de lui de faire un beau topo de voici l'état de la situation de ton
débiteur. Il veut te payer, mais il a besoin d'un peu de temps, ou il ne veut
pas te payer, puis là, bien, à partir de ce moment-là, on va saisir ce qu'on
peut bien saisir parce que la situation financière du débiteur peut avoir
changé, là, puis il y a une raison pour laquelle il ne paie plus. C'est-tu
parce qu'il a perdu son emploi? C'est-tu parce qu'il est malade? C'est tout du
cas par cas. Mais c'est sûr...
M. Lemieux : C'est ce que
j'avais...
M. Taillefer (François) : ...plus
vite qu'on intervient, mieux c'est.
M. Lemieux : C'est ce que
j'avais compris. Merci, M. Taillefer.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Il reste un peu plus
d'une minute. Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonsoir, merci pour votre temps. Actuellement, comment un débiteur
peut contester une exécution forcée de jugement?
M. Taillefer (François) : Bien,
il y a plusieurs façons. Il peut faire opposition. Si les biens saisis ne lui
appartiennent pas, le tiers peut faire une opposition. Si, pour une raison ou
pour une autre, il y a une irrégularité dans le jugement, il peut faire une
rétractation de jugement. Si la personne n'a pas été convoquée devant les
tribunaux, peu importe la raison, alors une requête en rétractation de jugement
avec un avis de surseoir, l'huissier n'a pas le choix, il arrête tout. Ça peut
être la faillite aussi à partir de... ou la proposition au consommateur, à
partir du moment où est-ce que le syndic avise l'huissier qu'il y a faillite,
mais évidemment qu'on est obligé d'arrêter, la loi est très claire à ce
niveau-là. Grosso modo, c'est les possibilités, sinon, bien, il y a toujours
moyen de s'entendre avec les gens de bonne foi, ça n'arrêtera pas la saisie,
mais ça peut la suspendre.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député
d'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Taillefer, Merci. Merci pour votre témoignage devant la
commission en fin de journée aujourd'hui. J'aimerais vous poser quelques
questions en lien avec votre pratique au quotidien puis le volume aussi que
vous avez à rencontrer dans votre travail. Je comprends qu'aujourd'hui, quand
un débiteur ne remplit pas ses obligations, qu'il y a un contrat. Bon, bien,
évidemment le créancier peut le forcer. Il va obtenir un jugement. Et c'est à
ce moment-là que vous, vous allez entrer en scène, une fois que le jugement est
rendu par le tribunal, pour que vous puissiez évidemment signifier le jugement
au débiteur. Est-ce que je me trompe?
M. Taillefer (François) : Non,
vous ne vous trompez pas.
M. Morin : Parfait. Et, à ce
moment-là, vous avez un jugement. Donc évidemment, le débiteur peut toujours
faire une demande en rétractation de jugement, mais il y a quand même une
décision d'un tribunal indépendant. Et, à ce moment-là, l'huissier travaille,
j'imagine, sous l'autorité du tribunal ou pour le tribunal.
M. Taillefer (François) : Tout
à fait.
M. Morin : Excellent. Et ce
qu'on dit, et ce qu'on a entendu aujourd'hui, c'est qu'il y aurait plusieurs
cas où finalement le défaut est constaté, c'est-à-dire que le débiteur n'est
pas là et le juge va rendre jugement séance tenante. Parce que, bon, bien, il
n'y aura pas de litige, et donc ça, c'est votre quotidien maintenant?
M. Taillefer (François) : Bien,
écoutez, ça fait partie de notre quotidien. C'est plus les greffiers spéciaux
qui rendent les jugements par défaut, parce qu'il n'y a pas eu de contestation
devant les tribunaux. Règle générale, ces gens-là ne se présentent pas à la
cour, ça fait qu'il faut passer la période de délai, il y a quand même des
délais à respecter. Par la suite, bien là, on fait... l'avocat va faire une
demande d'inscription par défaut. Ça s'en va sur le bureau du greffier spécial
qui lui les prend un par un, puis à la fin de la journée... puis ça retourne au
lendemain. Ça fait que tout ça en moyenne peut prendre quelques mois, mais
c'est un automatisme, là, le greffier, je ne connais pas son travail par cœur,
parce que je ne suis pas avocat puis je ne suis pas greffier. Mais...
évidemment va regarder la procédure, puis il va mettre sa signature, puis il va
dire... il va rendre son jugement par défaut, il n'y a pas de contestation,
mais là il faut quand même faire la preuve qu'il a été... que le jugement a
lieu d'en avoir lieu. C'est-tu par un prêt qui n'a pas été respecté ou d'autre
chose, c'est tout du cas par cas.
Mais à partir de ce moment-là, il y a
encore un délai à respecter, un délai d'appel, qui est moindre, parce que... un
jugement par défaut, mais il y a encore un délai à respecter. Puis, par la
suite, le créancier, c'est son choix de le faire exécuter ou pas. Il peut tout
simplement envoyer le jugement par le poste ou notifier par huissier et
attendre voir s'il peut y avoir une possibilité de paiement. Puis, si ce n'est
pas le cas, bien là il envoie ça à son huissier ou il procède à un
interrogatoire après jugement ou il engage un détective privé pour trouver les
actifs. Parce que, je me répète, c'est beau d'avoir le jugement, mais il faut
l'exécuter, il faut trouver des actifs pour l'exécuter.
• (18 h 50) •
M. Morin : Effectivement...
M. Taillefer (François) : Tout
ça, c'est lourd, ça coûte cher, ça retarde les procédures, mais ça fait partie
de la tradition présentement. C'est comme ça que le système fonctionne
présentement.
M. Morin : Puis est-ce que
vous avez... Est-ce que vous avez des statistiques? Savez-vous c'est quoi, le
volume des jugements qui sont rendus par défaut, par exemple dans le district
judiciaire de Montréal?
M. Taillefer (François) : Malheureusement,
je n'ai pas de statistiques avec moi pour le moment.
M. Morin : O.K. Avec la
procédure qui est prévue au projet de loi, là, évidemment, ça va être un acte
notarié, mais l'acte notarié, ce n'est pas un jugement. Donc, une fois qu'il y
aura une inexécution du contrat, que... ou une des obligations du contrat, et
que c'est un contrat notarié, à ce moment-là, on pourra vous demander de
signifier le contrat notarié...
M. Morin : ...est-ce que ma
compréhension est bonne?
M. Taillefer (François) : Bien,
je pense que oui. Là, je n'ai pas vu le projet de règlement, mais je pense que
les discussions qu'on a eues avec les notaires, c'est sensiblement ça, le
défaut est constaté par le notaire, alors l'huissier intervient et... Bien, la
première question qu'on va poser : Est-ce que vous êtes en mesure de
régler votre dépôt? Parce que souvent, je me répète, quand c'est des petits
montants ou des montants un petit peu plus gros, ça peut arriver que la
personne dise : Très bien, je vais te payer immédiatement. Bravo, le
dossier est réglé, on n'en parle plus.
Quand c'est des plus gros montants... bon,
là, des fois, c'est juste une question de deux ou trois mois, la personne peut
se retourner de bord, aller dans sa famille, un ami, par un emprunt à la
banque, peu importe, tous les moyens sont bons, mais l'huissier est sur place,
constate, voit la... oui ou non, si le débiteur est de bonne foi. Ça, c'est
superimportant, qu'en mesure de rendre compte à son client : Dans ce
dossier-là, voici ce qu'il risque d'arriver. Parce qu'on n'est pas devin. Moi,
si, l'huissier, je te suggère de prendre le temps qu'il faut pour régler à
l'amiable par paiements échelonnés, ou ententes, ou appelez ça comme vous voudrez,
ou, parce que, si on va plus loin avec la saisie, voici ce qui risque
d'arriver : M., les meubles sont à Mme ou, Mme, les meubles sont à M., ou
c'est financer au RDPRM, et il est accoté au niveau du crédit.
Ça fait que tout ça, quand même qu'on ferait
une saisie, il faudrait monter les coûts. Au bout de la ligne, on va recevoir
des oppositions des banques ou des autres créanciers. Ça fait que ça, règle
générale, on le voit sur les lieux. Quand je vais demander à un débiteur :
Je peux-tu voir les enregistrements de ton véhicule?, si je vois que c'est une
location, je ne ferai pas exprès pour faire des coûts, saisir une auto qui ne
lui appartient pas, peut-être... puis la loi prévoit qu'il faut laisser un
minimum dans les maisons. Alors là, bien, c'est... En théorie, ça a de l'air
très facile, mais ça ne l'est pas. Ce n'est pas tout le monde qui...
M. Morin : Ce n'est pas
simple toujours, effectivement.
M. Taillefer (François) : Non,
non.
M. Morin : Mais je comprends
que la modification qui est apportée par le projet de loi ne va pas diminuer
votre charge de travail à vous. Ça va peut-être enlever des dossiers au greffe,
mais vous, vous allez signifier autant de procédures qu'avant, sauf qu'au lieu
de finaliser un jugement vous allez signifier un acte notarié, un contrat.
M. Taillefer (François) : J'imagine
que ça va être comme ça. Que ça se passe par le tribunal, ou par le greffier
spécial, ou par le notaire, c'est... le résultat est le même : au bout de
la ligne, il y a huissier qui va se déplacer pour aller collecter le montant en
souffrance. C'est le but de l'exercice.
M. Morin : Puis, évidemment,
quand vous avez un jugement, bien, vous le signifiez, c'est un jugement de la
Cour, que ce soit le greffier ou le juge, puis là, j'imagine, vous dressez un
procès-verbal de votre signification.
M. Taillefer (François) : Oui.
M. Morin : Mais, quand c'est
un contrat notarié ou l'inexécution d'un contrat, là, vous n'avez pas un
jugement, et donc est-ce que c'est vous qui avertissez le débiteur qu'il peut
contester, ou vous lui suggérer d'aller voir un avocat, ou... Parce que, là, la
procédure n'est pas nécessairement finie, le débiteur, il peut contester, puis
il n'y a pas de jugement.
M. Taillefer (François) : Bien,
oui. Je n'ai pas vu, comme je vous disais tantôt, le projet de règlement, mais,
si ça devient exécutoire... Parce que les parties s'entendent sur la façon de
rembourser la dette et, la façon en cas de défaut, tout le monde est
consentant, ça fait que, là, à mi-chemin, tu dois encore la moitié de ton... Le
montant que tu as emprunté, tu ne paies pas. Peu importe la raison, le notaire
constate le défaut, et est-ce que, là, ça devient exécutoire? Là, je ne le sais
pas, là. Je ne veux pas devancer les travaux de la commission puis du
gouvernement, mais, une fois que le règlement ou la loi va avoir passé, bien,
nous autres, on va savoir exactement quels sont les tenants et aboutissants de
cette loi-là puis les règlements.
Ça va se faire de quelle façon? Pour le
moment, je ne peux pas vous le dire, mais, si... La façon que je comprends ça
au niveau d'efficacité puis de la réduction des coûts, si on veut être
efficace, c'est qu'une fois que le dépôt est constaté qu'on puisse passer
directement à l'exécution. C'est... Est-ce que... Contester quoi, en bon
français? Il peut accepter d'emprunter, il peut accepter de rembourser puis ne
le fait plus. C'est pour ça qu'on dit que, souvent, les jugements par défaut...
Tu vas aller dire quoi au juge? M. le juge, je ne rembourse plus parce que ça
ne me tente plus ou j'ai été malade, j'ai perdu ma job. Toutes les raisons sont
bonnes, mais vous avez un engagement initial. Alors, c'est pour ça que je pense
que cette procédure-là est... au niveau de l'efficacité, la réduction des coûts,
je pense que c'est une très bonne idée.
M. Morin : Parfait. Bien,
merci beaucoup, M. Taillefer, et merci d'avoir partagé votre expérience avec
nous. C'est terminé, M....
M. Taillefer (François) : Ça
me fait plaisir.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de
Saint-Henri--Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, M. Taillefer, pour votre présentation. Donc, je veux continuer sur la
discussion qu'on avait. Justement, vous étiez en train de dire, donc, ce n'est
pas vous qui allez constater le défaut, là, c'est le notaire qui constate le
défaut, qui vous appelle après. C'est ça?
M. Taillefer (François) : Bien,
c'est la façon que je comprends, oui, tout à fait. Mais, sur les lieux, quand
on va avoir le mandat de tenter de percevoir ou d'exécuter, bien, la personne à
qui on va parler, c'est sûr, on va lui poser la question : Est-u en moyen
de nous payer? Parce que le défaut est constaté, tu dois x sommes d'argent.
Débarrasse-toi de moi le plus vite possible. Qu'est-ce que je peux faire pour
t'aider à te débarrasser de moi? Tu as besoin de deux ou trois mois? Parfait,
je vais appeler mon client. S'il accepte, on signe une entente...
M. Taillefer (François) : ...tu
ne peux pas, bon, bien, très bien, je vais procéder à...
M. Cliche-Rivard : Puis le
notaire va vous... Pardon. Le notaire va vous donner copie de l'acte notarié?
Vous allez pouvoir constater les clauses?
M. Taillefer (François) : Oui,
c'est sûr que ça va nous prendre ça, c'est comme un jugement. Nous, avant
d'aller sur la plateforme SOQUIJ faire... à l'époque, on appelait ça un bref de
saisie, maintenant, on appelle ça un avis d'exécution, bien, évidemment, il
faut que j'aille le jugement, il faut que je constate, pas que je ne fais pas
confiance à mon client, mais, je veux dire, la responsabilité professionnelle
de m'assurer premièrement que le délai d'appel est respecté puis deuxièmement,
le jugement dit quoi, le montant, avec tant d'intérêts, tel montant. Il faut
qu'on le sache, nous, avant de partir.
M. Cliche-Rivard : Là, il n'y
aura pas de délai d'appel, il n'y aura pas de jugement. Il y a un notaire qui
vous appelle, qui vous dit : Moi, là, j'ai quelqu'un qui est en défaut,
allez exécuter la saisie, c'est ça? Là, vous allez dire : envoie-moi donc
une copie de ça, je vais vérifier?
M. Taillefer (François) : Avec
un état de compte. Je ne sais pas ce que le règlement va prévoir, bien, autant
que possible avec un état de compte, oui.
M. Cliche-Rivard : Vous, vous
vous attendez à une certaine vérification de votre part, vous vous attendez à
ce que vous constatiez, du moins, ou confirmiez le défaut?
M. Taillefer (François) : Non,
je ne confirme pas le défaut, je pense que c'est les notaires qui vont le faire.
Mais à partir du moment où est-ce que nous, huissiers, on reçoit instruction de
procéder à la perception ou l'exécution, bien évidemment que ça me prend une
preuve qui... soit un jugement ou soit un acte notarié qui prévoit les clauses
d'exécution. Je présume que ça va être fait au préalable, quand les gens vont
s'entendre sur le paiement... pas «le paiement», mais sur le prêt : Voici
ce qui arrive si tu ne paies pas, tout le monde est d'accord, tout le monde
signe. Mais l'huissier doit regarder ça, dire : très bien, ça correspond à
ce que vous me demandez, M. le notaire, c'est carrément ça qui est dans le
contrat, maintenant, vous me dites qu'il doit x montant, j'ai un état de compte
signé de votre main à l'effet que c'est vraiment le bon montant, bien, je pense
qu'avec ça on est capables de partir puis aller faire notre travail.
M. Cliche-Rivard : O.K. Puis
quand c'est des sommes d'argent, c'est plus facile, là. Mais quand on discutait
de clauses pénales ou de choses à faire ou à ne pas faire, là, c'est plus
compliqué dépendamment du type d'obligation?
M. Taillefer (François) : Oui,
c'est tout du cas par cas, là, ça, c'est sûr c'est... Si vous parlez
d'injonction ou de perquisition ou selon la procédure là, ce n'est pas du tout
la même chose. Encore une fois, c'est exactement le même principe, quand on
exécute une ordonnance de type Anton Piller, par exemple, bien, on va la lire
trois, quatre, cinq fois, pour être bien certains de respecter intégralement
toutes les dispositions de l'ordonnance du juge. C'est superimportant parce que
ce genre de procédure là, on n'a pas droit à l'erreur. Alors, c'est sûr que
c'est notre obligation. Puis tout l'huissier professionnel va s'assurer, avant
d'aller faire l'exécution de son mandat, qu'il a tout maîtrisé les conclusions
du jugement. C'est un must. C'est superimportant.
Mais là, on est rendus dans les... des
Procédures beaucoup plus compliquées, mais des procédures de... comme
celles-là, d'un jugement, c'est simple, on s'en va dans les conclusions :
c'est quoi, le montant, c'est quoi, le taux d'intérêt, et c'est quoi, la date
de jugement. Alors, Première chose, est-ce que le délai d'appel est passé?,
oui, c'est parfait. Maintenant, c'est quoi mes instructions?, j'ouvre mon avis
d'exécution et je m'en vais faire mon travail. Est-ce que ça va être comme ça
avec les notaires? Je ne le sais pas.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, M. Taillefer. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :M. Taillefer, merci beaucoup
d'avoir été avec nous à la commission. C'est très, très, très apprécié. Merci
beaucoup. Cela dit, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des
organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.
Et, compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 19 heures)