Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Tuesday, September 12, 2023
-
Vol. 47 N° 39
Special consultations and public hearings on Bill 32, an Act to establish the cultural safety approach within the health and social services network
Aller directement au contenu du Journal des débats
9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-six minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour, tout le monde. Très content de vous retrouver. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions...
Le Président (M. Bachand) :...Je vous souhaite, bien sûr, encore la bienvenue.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet
n° 32, Loi instaurant l'approche de sécurisation culturelle au sein du
réseau de la santé et des services sociaux.
Avant de débuter, j'aimerais vous
présenter notre nouveau secrétaire, M. Philippe Brassard, donc. Et Sabine n'est
pas malade, elle n'a pas rien, elle relève de nouveaux défis, alors c'est
Philippe qui va être avec nous.
Alors, M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Bourassa
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré) est remplacée par M. St-Louis
(Joliette).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Nous allons
d'abord débuter, ce matin, par les remarques préliminaires puis nous
entendrons, par la suite, les organismes suivants, soit le Collège des médecins
du Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse. Donc, on débute maintenant
les remarques préliminaires. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole pour
une période de six minutes. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Lafrenière : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Comme on fait de la sécurisation culturelle, ce
matin, puis on fait les choses différemment, j'aimerais vous demander la
permission de laisser mon adjointe gouvernementale pour ouvrir cette période de
remarques, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :...alors, M. le député de
Joliette, s'il vous plaît.
M. St-Louis : Merci, M. le
Président. Merci, M. le ministre. Permettez-moi d'abord de saluer nos collègues
des oppositions ainsi que mes collègues de la banquette gouvernementale. En
fait, ce que je souhaitais faire, c'est souligner le travail et la
collaboration des 22 députés membres du Caucus autochtone. Le caucus est un des
outils qui nous permet d'entretenir de bonnes relations avec les 55
communautés. Ça nous permet de cultiver et de nourrir le vivre-ensemble. Donc,
au-delà des 22 députés, naturellement, il y a le Conseil des ministres, qui
entretient aussi des relations avec nos 11 nations et nos 55 communautés. Tous
ensemble font tout près de 50 % du caucus gouvernemental, là, qui travaillent
en collaboration avec nos communautés. Donc, c'est ce que je souhaitais
souligner ce matin, d'entrée de jeu. M. le ministre.
Le Président (M.
Bachand) :Merci...
M. Lafrenière : Est-ce que je
peux conclure?
Le Président (M. Bachand) :Oui, il reste 4 min 50 s.
M. Lafrenière : Je vais faire
ça turborapide. Merci, M. le Président. Avant de commencer l'étude... bien, la
consultation sur notre projet de loi ce matin, mes premières pensées vont aller
à Joyce Echaquan, à Carol, son conjoint, à sa famille, les enfants. C'est ce
qui nous a amenés ici aujourd'hui. Oui, c'est des recommandations de la
commission Viens, c'est ce qu'on va tenter de répondre avec notre projet de
loi, M. le Président, mais, avant tout, on le sait, on sait ce qui a
propulsé... ce qui a remis en évidence l'importance d'agir. C'est la mort
tragique de Joyce Echaquan, et ça, personne n'est resté insensible, au Québec,
suite à ce qui est arrivé.
Alors, on va recevoir plusieurs groupes,
déjà, notre premier groupe qui est avec nous, ce matin, dans nos consultations.
Mais je vais vous dire, M. le Président, avant même de faire les consultations
ici, à l'Assemblée nationale, tout en respectant le processus de l'Assemblée
nationale, nous avons rencontré 13 groupes, 13 groupes autochtones pour nous
guider, pour nous aider dans notre choix, pour voir où on pouvait aller avec
cette promesse-là, parce que c'est une promesse importante que moi et mon
collègue ministre de la Santé, Christian Dubé, on avait fait ensemble lors de
la dernière législation. On avait dit : On va déposer un projet de loi
pour inclure la sécurisation culturelle dans la Loi sur la santé et services
sociaux. Et, M. le Président, on avait cette ferme intention, mais on n'y
arrivait pas dans le processus législatif, il aurait fallu l'inclure dans un
autre projet de loi, et ça, après avoir consulté quelques groupes autochtones,
ça ne convenait pas, mais pas du tout. Ils voulaient avoir un projet
autoportant, qui parlait uniquement de sécurisation culturelle. Alors, on s'est
ravisés, en disant : On va faire nos devoirs, on va revenir avec un projet
de loi. Puis c'est là où on est aujourd'hui. C'est ça qui s'appelle procéder de
façon différente, M. le Président.
Puis, vous allez voir, on va parler beaucoup,
beaucoup de sécurisation culturelle, puis, des fois, on se creuse la tête, en
disant : Ça veut dire quoi? Ça veut dire d'arrêter de demander aux gens de
s'ajuster au système, puis demander au système de s'ajuster à eux. Et ça, ça
tient tout son sens quand on parle de recevoir des soins de santé, quand on se
présente à l'hôpital, dans un système qu'on veut être traité, on veut être
soigné. On s'attend à ce que le système réagisse, s'ajuste à nous, alors c'est
ce qu'on va vous démontrer dans les consultations.
• (9 h 50) •
Je vous l'ai dit tantôt, on répond à des
appels de la commission Viens, parce que, pour nous, c'est sans équivoque, tout
le monde doit avoir accès à des soins de santé qui ne sont pas biaisés, ou que
les soins soient donnés de la bonne façon, et c'est pour ça qu'on y va avec des
exemples très concrets. Puis, M. le Président, je suis allé récemment, entre
autres, au CHUL, à Québec, et de voir que, dans leur cas, ce qu'ils ont fait
ils ont adapté une chambre, une chambre pour les membres des Premières Nations,
quand ils reçoivent des soins de santé. C'est un exemple qui est concret. Je
peux vous parler de Joliette aussi, M. le Président, où, au CIUSSS de Joliette,
l'adjoint de la P.D.G. est un membre des Premières Nations, c'est lui qui
traite les plaintes. Alors, oui, il a été mention... on pouvait parler d'un
ombudsman, d'un système de plaintes plus administratif, mais là c'est une
personne, un humain, à qui les membres de la nation attikamek peuvent lui
parler dans leur langue et peuvent être reconnus de cette façon-là. Le CIUSSS a
même rajouté des employés attikameks, qui proviennent de la nation, entre
autres, de Manawan.
Alors, ce sont des exemples, et la raison
pour laquelle j'ai fait cette nomenclature, M. le Président...
M. Lafrenière : ...on ne veut
pas aller dans le mur-à-mur. On veut s'assurer que, dans le réseau de la santé,
quand ils sont à proximité d'une communauté, qu'ils puissent développer
ensemble des solutions qui conviennent à cette région-là. Le danger, quand on
fait du mur-à-mur, c'est : des fois, on ne s'adapte pas bien. Et il y a
plus qu'une nation au Québec, mon collègue le sait très bien, on a
55 communautés, incluant les 14 villages nordiques. Il n'y a pas une
seule solution pour tout le Québec, M. le Président.
Alors, j'ai bien hâte d'entendre les
groupes, j'ai bien hâte qu'on puisse entendre les recommandations qu'on
souhaite dans cet esprit positif. On nous avait reproché, l'an passé, de ne pas
avoir déposé notre projet de loi. Ça m'a fait beaucoup de peine de ne pas y
avoir réussi, mais là on le fait aujourd'hui, c'est un grand moment. C'est un
grand moment pour donner suite aux recommandations de la commission Viens.
C'est aussi un grand moment pour donner suite à ce drame horrible qui est le décès
de Joyce Echaquan, où on avait dit, on s'était promis qu'il y aurait des
changements dans le système de santé, puis c'est ce qu'on va vous confirmer
avec notre projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député de l'Acadie pour quatre minutes 30 secondes. M. le député.
M.
Morin :Merci, merci, M. le Président. M. le ministre,
collègues, écoutez, je suis très heureux, ce matin, de revenir au Parlement et
de commencer avec l'étude de ce projet de loi dans le cadre de consultations,
projet de loi important.
Oui, la sécurisation culturelle, c'est
quelque chose qui est fondamental, mais je vous dirais que d'emblée... Et je
prends un peu la balle au bond, le ministre parlait du drame de Mme Joyce
Echaquan et ce qu'elle a vécu à l'hôpital de Joliette. Moi, je vous dirais
qu'un des éléments que je veux soulever dès le départ, c'est que ce projet de
loi là, à mon avis, ne va pas assez loin. Dans le préambule, on parle du
principe de Joyce, et je pense que ce que les gens veulent, c'est que ce soit
inclus dans la législation comme telle, principe, d'ailleurs, qui tire son
origine de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples
autochtones. Donc, si on veut parler véritablement, si on est sérieux, quand on
veut parler de sécurisation culturelle, on a un outil, on a un mécanisme, il y
a des textes fondamentaux qui en parlent, bien, je pense qu'on ne devrait pas
avoir peur si on veut faire les choses autrement.
Puis, pour citer un peu le docteur
Vollant... Moi, je vais en parler, de l'éléphant dans la pièce, le principe de
Joyce ne se retrouve pas dans le projet de loi comme tel, ce n'est pas
articulé. C'est, pour moi, un manque important. Et je tenais à le souligner
d'emblée, parce que moi, je vais continuer à marteler que ce principe-là doit
être inclus dans notre législation et que, par la suite, il va en découler, en
consultation avec les peuples autochtones, une mise en œuvre qui va
véritablement apporter un changement notable dans les soins, dans les services
de santé qui peuvent leur être donnés. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Jean-Lesage pour une minute 30 secondes. M. le député.
M. Zanetti : Oui, merci, M.
le Président. Alors, évidemment, on va être à l'écoute des différents membres
qui vont venir témoigner pour nous dire comment améliorer ce projet de loi là.
Par contre, clairement, on peut être sceptique, là, que la question de la
sécurisation culturelle dans le réseau de la santé et des services sociaux va
être réglée en cinq articles. Je déplore aussi le fait que c'est un autre
projet de loi qu'on va faire qui est supposé être au service des autochtones
mais qui se fait dans un contexte colonial qui nuit à l'efficacité, finalement,
législative de ces mesures-là. Alors, voilà, on va quand même participer à
l'étude et voir ce que ça va donner.
Le Président (M.
Bachand) :On va débuter les auditions. Il
me fait plaisir d'accueillir les gens du Collège des médecins. Alors, je vous
inviterais à vous présenter. Mais comme vous savez, vous êtes des habitués ici,
alors vous avez 10 minutes de présentation. Après ça, nous aurons un
échange avec les membres de la commission. Donc, M. le Président, la parole à
vous.
M. Gaudreault
(Mauril) :M. le ministre, Ian Lafrenière,
M. André Bachand et membres de la Commission des institutions, bonjour. Je
m'appelle Mauril Gaudreault, je suis président du Collège des médecins du
Québec et médecin de famille. Ancien doyen associé à la Faculté de médecine de
l'Université de Sherbrooke, j'ai mis en place le programme de formation
médicale à Chicoutimi où j'ai exercé pendant 40 ans. Je suis accompagné, à
ma droite, de la vice-présidente du collège, Nathalie Saad, pneumologue,
vice-doyenne adjointe aux affaires étudiantes de la faculté de médecine de
l'Université McGill, et, à ma gauche, de Nathalie Duchesne, médecin-conseil au
Collège des médecins, radiologue et anthropologue médicale, qui se consacre
particulièrement à l'amélioration des soins de santé aux populations
vulnérables.
Nous remercions la commission de nous
avoir invités à commenter le projet de loi n° 32, car l'intérêt du Collège
des médecins est entier sur la question de la sécurisation culturelle et est
empreint d'humilité. D'ailleurs, avant d'aller plus loin, je vais procéder à la
lecture de l'énoncé de reconnaissance territoriale du collège. Reconnaissant
les faits historiques et culturels, le Collège des médecins du Québec souligne
que ses bureaux sont situés sur un lieu de rencontre et d'échanges entre les
peuples autochtones. Le Collège s'engage à saisir les opportunités de
rapprochement avec tous les peuples autochtones pour favoriser un...
M. Gaudreault
(Mauril) :...enrichissement réciproque et
un meilleur équilibre entre l'environnement et la santé. Nous reconnaissons
donc que nous sommes aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, sur des terres
wendates.
Le mémoire que nous présentons à la
commission souligne que le gouvernement fait un premier pas dans la bonne
direction, mais il devra aller plus loin s'il veut sincèrement, avec humilité
et une véritable volonté de changement, instaurer la sécurisation culturelle en
santé pour toutes les clientèles fragilisées, partout au Québec. La
sécurisation culturelle ne concerne pas que les autochtones. Elle doit englober
toutes les personnes qui vivent des inégalités et de l'oppression reliées à
leur identité. Mais avant de s'attaquer au problème, il faut d'abord le
reconnaître, ce que ne fait pas ouvertement le gouvernement, en refusant
d'admettre que le racisme systémique existe en santé. Reconnaissons que les
soignantes et soignants, de même que les gestionnaires, ont parfois des biais.
C'est dans cet esprit que le collège a
déjà posé une série d'actions concrètes sur l'enjeu de la sécurisation
culturelle. En décembre 2020, le collège tenait une journée de réflexion sur le
racisme systémique en santé et nous signions, quelques semaines plus tard, une
lettre ouverte avec les chefs autochtones Ottawa et Awashish. À la suite du
décès tragique de Mme Echaquan, il y aura bientôt trois ans dans quelques
jours, nous avons reconnu et dénoncé publiquement le racisme systémique dans le
réseau de la santé et des services sociaux. Notre conseil d'administration a,
de plus, pris une position sans équivoque en adhérant au principe de Joyce.
Nous nous attaquons présentement concrètement au racisme systémique et à
combattre le colonialisme en santé.
Deux exemples. Le collège a mis sur pied
un groupe de travail du conseil d'administration pour élaborer un plan d'action
sur la question des interruptions de grossesse et des stérilisations non
consenties de femmes autochtones. Nous co-élaborons actuellement aussi une
formation de base en sécurisation culturelle des soins de santé pour les 26 000
médecins du Québec et créons un comité, un groupe consultatif permanent composé
de membres des communautés fragilisées.
J'ai exercé pendant des années à l'Hôpital
de Chicoutimi. Quand une personne nous arrivait à l'urgence, confuse et perdue,
le premier réflexe, souvent, que nous avions était de soupçonner qu'ils étaient
en état d'ébriété. Pourtant dans les faits, un état confusionnel aigu, c'est
bien souvent autre chose. Ça peut être une infection, un accident vasculaire
cérébral, une tumeur cérébrale ou encore les effets d'un médicament
inapproprié. J'avais un biais, oui, tout comme bien de mes collègues.
Les choses doivent changer, et pas
seulement avec de la sensibilisation, car, à ce moment-là, on parle plus
d'accommodements. C'est ce que nous reprochons au projet de loi. Il ne va pas
assez loin, il n'est pas suffisamment contraignant. Et, principalement, il est
écrit «pour» les personnes fragilisées et non pas «avec» elles. Le gouvernement
continue de penser qu'il sait ce qu'il faut faire pour sécuriser ces personnes.
En comptant la page titre, le texte du
projet de loi ne fait que quatre pages et, à l'inverse des autres documents
gouvernementaux, le mot «autochtone» y est écrit avec un petit a, comme si les
autochtones n'étaient pas une nation à part entière.
Notre mémoire compte 13 recommandations
qui formulent comment le projet de loi pourrait aller plus loin dans ce premier
pas. D'abord, la future loi doit être élaborée avec des autochtones, pas à leur
place. Autrement, c'est du colonialisme. Pendant sa rédaction, notre mémoire a
été co-créé avec quatre experts de la question autochtone avant sa diffusion.
Nous recommandons donc que le gouvernement reconnaisse enfin le racisme
systémique, qu'il adhère au principe de Joyce, qu'il reconnaisse le savoir
autochtone et ses expériences en matière de santé, que les structures de soins
soient décolonisées et co-construites, que des soins sécurisants soient
introduits partout, dans et hors des établissements, que la formation sur les
réalités culturelles et historiques des autochtones soit co-créée et révisée
avec eux, les autochtones, que la reddition de comptes annuels sur les avancées
de la sécurisation culturelle inclue également une instance autochtone, que
soient clarifiées aussi les dispositions sur l'autorisation accordée à des
autochtones de pratiquer des activités professionnelles réservées, et
finalement que le projet de loi englobe la santé mentale et physique dans
l'ensemble du réseau.
• (10 heures) •
Le dicton dit que les bottines doivent
suivre les babines. Si ce qui sort de la bouche du gouvernement est timide, les
pas vers la sécurisation culturelle seront d'emblée courts et hésitants. Le
projet de loi prévoit que les établissements devront, et j'ouvre les
guillemets, «adapter, lorsque possible, l'offre de services de santé et des
services sociaux». Je ferme les guillemets. On conviendra tous ensemble que
c'est un peu mou.
Au printemps, dernier, je suis allé au
Nunavik pendant plusieurs jours. Là-bas, des médecins de famille, des
infirmières soignent des autochtones, mais il n'y a pour ce faire ni bloc
opératoire, ni lits de soins intensifs, ni de...
10 h (version non révisée)
M. Gaudreault (Mauril) :...ni médecin d'autres spécialités à temps plein, ni
laboratoire d'analyses spécialisées. L'espérance de vie est une douzaine d'années
sous la moyenne québécoise, le taux de mortalité infantile est près de huit
fois plus élevé, le taux de suicide est 10 fois supérieur à la moyenne et les
cas de tuberculose sont jusqu'à 300 fois plus nombreux. Je suis revenu tout à
fait découragé de l'offre de soins et de services sociaux fournis à cette
population autochtone et des conditions dans lesquelles le personnel soignant
exerçait. Il y a clairement dans ce territoire des inégalités en soins de
santé. Et on sait aussi que, partout au Québec, des autochtones hésitent à
consulter et à se déplacer, car ils se méfient de la manière dont ils seront
accueillis. Entre-temps, leur état de santé se détériore. L'égalité d'accès aux
soins, c'est lorsque les gens ne craignent pas de consulter et qu'ils ne
craignent pas d'être discriminés, que leur méfiance envers notre système de
santé n'aggrave pas, pendant ce temps, leur condition physique, mentale.
Le Collège des médecins reconnaît et salue
l'intention du gouvernement vraiment de s'engager dans une démarche de
sécurisation culturelle. Si les personnes fragilisées, dont les autochtones,
sont exclues de l'élaboration de la loi et des processus d'implantation et de
reddition de comptes, le colonialisme sera perpétué. Si on ne reconnaît pas
leur apport, leur savoir, si on ne les forme pas davantage pour soigner ou
accompagner les membres de leurs communautés, collectivement nous ferons du
surplace. La sécurisation culturelle doit se faire main dans la main. Nous
tendons la nôtre au gouvernement et aux autochtones pour apporter les
amendements requis à son projet de loi pour qu'il soit une réussite.
Je tiens de nouveau à remercier les
experts qui ont cocréé notre mémoire : Marjolaine Sioui et Karine
Millaire, de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières
Nations du Québec et du Labrador, Pierre Picard, pilote du Groupe de recherche
et d'intervention psychosociale en milieu autochtone, Alexandre Bacon,
formateur et facilitateur dans les rencontres entre des organisations
canadiennes et les Premières Nations, et la docteure Louise-Josée Gill, médecin
de famille au Centre de santé de Mashteuiatsh.
Mes collègues et moi sommes prêts à
répondre à vos questions. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le Président.
Donc, on va débuter la période d'échange du côté gouvernemental pour 16 minutes
30 secondes. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Lafrenière : Merci
beaucoup, messieurs les présidents. Là, ça va devenir mélangeant aujourd'hui. M.
le Président, M. le Président du Collège des médecins. Merci d'être avec nous
aujourd'hui.
Je vous l'ai dit tantôt quand je vous ai
serré la main, à première vue, ce matin, quand j'ai vu l'article, je l'ai
trouvé fort en café, mais j'ai entendu vos commentaires. Puis je vais vous dire
que vous avez fait plusieurs bons commentaires, M. le Président, puis entre
autres un commentaire de révision linguistique. Vous avez parlé de «autochtone»
avec un petit A, puis malheureusement, souvent, quand on envoie les textes, on
met un S à «Inuit» et on met un petit A à «autochtone». Ça fait que ça, on va
pouvoir y travailler rapidement. Vous avez un bon point.
Quand vous avez parlé de révision avec des
groupes autochtones, M. le Président, vous avez dit que vous avez consulté
quatre personnes. Je veux juste vous rassurer. Moi, avant de m'asseoir ici
aujourd'hui, j'ai fait la tournée des 55 communautés au Québec, et on a
rencontré 13 groupes avant même de penser à rédiger un projet de loi. Je sais
que c'est... ce n'est pas une coécriture, je le comprends, mais on est allés
plus loin que ce que normalement on faisait. Normalement, on l'aurait fait en
consultation comme on fait là, puis c'est ce qu'on fait aujourd'hui, on
consulte les groupes qui veulent bien venir nous voir pour le bonifier, avec
les collègues des oppositions, pour trouver la meilleure loi. Et il ne faut pas
juger... Tantôt, vous allez dire : Les bottines doivent suivre les
babines, et vice versa. Je veux juste corriger un petit point pour vous.
La loi 79, quand on l'a présentée, on n'a
pas mesuré l'importance de la loi par le poids du papier sur lequel on l'a
imprimée. Ça amène des changements qui sont visibles sur le terrain, puis ça,
je veux vous rassurer là-dessus. Et j'imagine... parce que je ne sais pas, puis
c'était une des premières questions que j'avais pour vous, puis ça va me
permettre de comprendre comment vous travaillez au Collège des médecins, suite
à la loi 79... je sais qu'il y a des médecins qui nous donnent un coup de main,
ils travaillent avec nous puis les groupes d'opposition pour faire le suivi,
pour comprendre les rapports, et tout, mais ça a été quoi, le positionnement du
Collège des médecins là-dedans? Puis je vais vous dire pourquoi je vous pose
cette question-là, pour être bien transparent, parce que je veux savoir par la
suite, quand on regarde un projet de loi comme celle qu'on a aujourd'hui, de
quelle façon... Parce que j'entends la critique, mais moi, je vais un pas plus
loin, je veux voir comment on peut travailler ensemble là-dedans.
Alors, si on se base sur 79, où on n'a pas
eu la chance de beaucoup travailler ensemble... (panne de son) ...comment on va
réussir à travailler ensemble? Parce que, bien honnêtement, ce projet de loi
là, on le porte avec la Santé, mais tous seuls, on n'y arrivera pas. Puis, avec
des joueurs comme vous, si on vous a comme partenaires, c'est... Le gage de
réussite, il est là.
M. Gaudreault (Mauril) :Bien, tous seuls, on n'y arrivera pas non plus. On est tout
à fait d'accord pour travailler avec vous, comme on le fait avec la Santé, avec
M. Dubé et compagnie, avec les autres partenaires, avec les autres ordres
professionnels, avec le public également, par rapport à voir tous ensemble
comment on pourrait améliorer le réseau, comment on pourrait améliorer le
système de santé.
Je veux juste revenir avec le fait qu'on n'a
pas consulté ces personnes-là, on a écrit notre mémoire avec elles. C'est ça qu'on
veut dire par...
M. Gaudreault
(Mauril) :...et co-construire, coécrire,
donc faire ça ensemble et non pas pour eux, mais avec eux. Et pour l'ensemble
des... je dirais, des mémoires que nous présentons par rapport aux différents
projets de loi, on essaie toujours de fonctionner de cette façon-là par rapport
à... évidemment avec nos membres, c'est ça, notre vision. C'est le collège qui
pose les actions et prend des décisions pour se rapprocher du public et lui
assurer des soins de qualité. Donc, c'est toujours par rapport à améliorer les
soins au public et à la population autochtone, plus particulièrement celle qui est
visée aussi aujourd'hui.
M. Lafrenière : Merci
beaucoup, M. le Président. Quand vous avez parlé de personnes fragilisées,
j'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus, ce que vous voulez dire par
là. Parce que vous avez dit qu'on semblait adresser notre projet de loi
vraiment juste aux autochtones, vous auriez aimé qu'on l'élargisse à une plus
grande clientèle. Ça, j'imagine que les personnes qui ont co-écrit le mémoire
avec vous sont d'accord qu'il faudrait élargir ça, pas laisser ça juste aux
autochtones. C'est bien ça?
M. Gaudreault
(Mauril) :Oui. L'ensemble des
personnes... Bien, en fait, nous... là, aujourd'hui, on parle d'autochtones,
puis c'est parfait, là, je veux dire... mais cette communauté-là est insécure
lorsqu'elle consulte dans notre système de santé. Et ce n'est pas la seule
communauté qui est insécure dans de telles situations. Quand on parle de
personnes fragilisées, c'est également d'autres communautés qui se sentent
insécures à consulter, de peur de préjugés dans notre système de santé. Mais,
là-dessus, peut-être que je donnerais la parole à notre experte au collège, la
Dre Duchesne.
Mme Duchesne (Nathalie) :
Bonjour. En fait, c'est important pour nous aussi que l'intersectionnalité soit
incluse dans votre projet de loi, parce que, dans une personne, il n'y a pas
qu'une sorte de discrimination et qu'une sorte de fragilisation. Alors, par
exemple, un exemple pratique, pour les femmes autochtones, elles ont à la fois
le fait d'être fragilisées parce qu'elles sont des femmes et aussi parce
qu'elles sont autochtones. Et ces deux types de fragilisation peuvent se
potentialiser, se multiplier. Alors donc, c'est pour ça qu'on trouve que c'est
important d'élargir à tous les types de fragilisation, tous les types de
discrimination qui existent pour pouvoir considérer, donc, tout ce qui peut
arriver à l'intérieur d'une même personne, parce qu'il ne faut pas stéréotyper
et chaque personne est différente. Merci.
M. Gaudreault
(Mauril) :C'est pour ça qu'on parle de
savoir autochtone, partir de ce qu'est l'autochtone, partir de ce qu'il sait,
de ce qu'il vit, des idées qu'il a sur son problème, des sentiments qu'il vit
par rapport à ça. Donc, partir du savoir autochtone, pour nous, c'est ça. Mais
c'est la même chose pour tout patient aussi... Mais là, plus particulièrement
pour la population autochtone, je pense qu'il faut plus considérer leur savoir,
leurs façons de faire, leurs valeurs.
M. Lafrenière : Merci. Merci
pour votre réponse. Ça permet de bien comprendre ce que vous voulez nous
envoyer un message puis je l'apprécie. Je vais vous avouer que je reste encore
sur mon appétit quand vous avez dit que les personnes avec qui vous avez
travaillé étaient d'accord pour élargir autre qu'autochtone, mais on va y
revenir tout à l'heure.
J'imagine que vous connaissez la clinique
Menowé, parce que vous parlez de considérer le savoir autochtone. Vous savez
qu'on l'a déjà mis en place, entre autres à Val-d'Or et dans deux autres
cliniques. C'est exactement un exemple de sécurisation culturelle que vous
amenez là.
M. Gaudreault
(Mauril) :Oui.
M. Lafrenière : Lorsqu'on a
écrit «lorsque possible», puis ça, je veux vous entendre là-dessus parce qu'une
des... quand je vous ai dit qu'on a rencontré 13 groupes, un des points
qui nous est revenu, c'est qu'on ne peut pas l'imposer. Tantôt, je disais aux
collègues, quand j'ai fait le début de cette présentation-là, qu'on ne voulait
pas faire du mur-à-mur. On voulait laisser une chance aussi au réseau,
c'est-à-dire disait localement, avec les communautés qui les entourent, de
travailler ensemble, de développer des choses qui conviennent. On a écrit
«lorsque possible», parce qu'on s'est fait dire de ne pas imposer la même chose
à tout le monde. Et c'était la crainte que certains avaient sur le terrain, que
ça soit, excusez l'expression bien anglaise, un «check in the box». On l'a
fait, c'était dit de le faire, on l'a fait. On voulait laisser l'initiative
au... Mais je comprends que vous avez parlé d'un effet pervers là-dedans avec «le
lorsque possible». J'aimerais vous entendre là-dessus.
• (10 h 10) •
M. Gaudreault
(Mauril) :...«lorsque possible», pour
nous, on aimerait que ce soit plus contraignant pour tous les établissements.
D'ailleurs, je le dis également, hors des établissements de santé et pas juste
les établissements hospitaliers de santé, mais aussi les CHSLD et autres
résidences intermédiaires, etc. Donc, pour nous, pour que ça change, il
faudrait utiliser des termes de façon plus contraignante et non pas seulement
«lorsque possible». Alors, c'est pour ça qu'on parle de lors de la révision de
reddition de comptes annuels, de le faire avec une instance autochtone. On peut
poursuivre avec l'idée, puis je comprends très bien, là, ce que vous dites, M.
le ministre, puis que ce n'est pas évident de contraindre tous les
établissements, mais il faut quand même viser cela, que ce soit plus
contraignant éventuellement.
M. Lafrenière : Et, selon
vous, M. le Président, le fait de rendre ça public... Parce que vous avez compris
aussi qu'annuellement, sur notre site Web, on veut démontrer, dans un effort...
M. Lafrenière : ...de
transparence, comme on fait, justement, pour les actions de la commission
Viens, de démontrer ce qui a été fait. De notre côté, ce qu'on croyait, je veux
vous entendre là-dessus, c'est qu'il y avait deux effets à ça. Le premier,
comme vous avez dit, c'est d'être transparent que les gens voient ce qui a été
fait, puis ça, c'est l'effet plus coercitif, mais l'effet positif entraînant de
partager des bonnes pratiques, moi, j'avais... on avait comme l'impression que
ça pourrait donner... ça pourrait partager ces bonnes pratiques là à d'autres
groupes, d'autres hôpitaux, d'autres centres de santé. Puis j'ai bien compris
de l'élargissement de la définition, ça aussi, je l'ai pris en note. Mais ça
pourrait avoir un effet positif pour entraîner d'autres centres de santé à
faire mieux. Je vous ai donné l'exemple de Joliette tantôt, qui était un
précurseur, mais je pense que ce qui a été fait à Joliette, d'autres centres
sont tentés de faire la même chose.
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, encore une fois, je vais
me répéter, là, peut-être que vous allez finir par nous trouver tannants, mais
faire avec les communautés autochtones et non pas pour elles. Donc, si on fait
ça avec les communautés autochtones par rapport à élargir cela dans tous les
établissements de santé, à mon sens, on a plus de chances de bien réussir cela
que si les autochtones ou les populations autochtones ne se sentent pas à part
entière dans ce projet.
M. Lafrenière : ...on vise la
même chose, je n'arrive juste pas à mettre le doigt sur le comment vous le
proposez. Parce que vous l'avez dit, vous avez coécrit votre mémoire avec
quatre personnes, qui, je suis persuadé, ont amené leur vision à eux, puis je
ne suis pas sûr qu'ils sont d'accord avec tout ce qui a là, c'est normal. Au
même titre que nous, on a rencontré 13 groupes avant même de s'asseoir ici.
Vous parlez de coécriture. À part de tenir le crayon ensemble ou avoir les
doigts sur le clavier en même temps, je ne vois pas comment ça prendrait forme,
bien honnêtement, en tout respect.
M. Gaudreault
(Mauril) :Moi aussi, en tout respect,
puis là aussi je ne veux pas être tannant, mais je vais revenir avec la
reconnaissance du problème, tu sais. En médecine, après évaluation, on pose des
diagnostics et, par après, on propose aux patients un traitement, une conduite
à tenir, etc. Donc, dans le diagnostic, pour moi, il y a la reconnaissance d'un
problème. Et la reconnaissance d'un problème, je le sais que ça vous met mal à
l'aise. Souvent, je l'ai dit quelques fois, nous, on est mal à l'aise avec la
situation, mais vous, vous semblez mal à l'aise avec le mot. Donc, je pense
qu'il faut d'abord reconnaître ce racisme systémique dans le réseau de la
santé. On l'a fait au collège après avoir sondé plusieurs médecins. On n'est
pas arrivé tout à coup puis on a dit : Il y a du racisme systémique dans
le système de santé.
Donc, pour corriger une situation, il faut
d'abord la reconnaître en toute humilité. C'est dans le sens de notre mémoire,
dans le sens de mon propos de ce matin. Ce n'est pas pour vous faire avaler de
mauvaise façon votre gorgée de café, mais c'est pour que tous ensemble, on
reconnaisse la situation puis qu'on s'y attaque.
M. Lafrenière : Juste mettre
de quoi au clair, je ne suis aucunement mal à l'aise de reconnaître qu'il y a
du racisme qu'il y a des gens qui sont intolérants, qu'il y a des médecins, du
personnel soignant qui sont racistes et qui donnent des mauvais services, je
suis totalement d'accord avec vous, M. le Président. Ça, je suis avec vous. Là
où j'ai de la difficulté avec ma gorgée de café ce matin, c'est : je
regardais les commentaires et je me suis posé la question, parce que c'est
Picard de l'APNQL qui amenait ce point-là avec la Commission royale d'enquête
en 1996, puis je me disais : Aujourd'hui, j'ai comme l'impression que, vu
qu'on a fait un premier pas, on se fait dire par tout le monde : Tu aurais
dû en faire 10. Parce qu'aujourd'hui c'est clair, ce qu'on fait, ce n'est pas
parfait, on fait un premier pas.
Puis je me disais, a contrario, le Collège
des médecins, depuis 96, depuis la Commission royale d'enquête, depuis tout ce
qui a été demandé, quel apport ils ont fait pour changer ça? Parce que vous
avez raison que la sécurisation culturelle, c'est important, mais, honnêtement,
ça peut partir des médecins aussi. Je ne pense pas qu'on a besoin d'un projet
de loi. Là, ce qu'on vient faire, c'est envoyer un message clair à tout le
monde. Mais j'ai lu les infirmières, j'ai lu les différents groupes qui veulent
collaborer, trouver une solution. On l'a dit tantôt, là, puis je pense qu'on
est sans équivoque là-dessus, si on ne le fait pas ensemble, on n'y arrivera
pas. J'ai beau écrire une loi de 400 pages, si les gens sur le terrain ne
font pas les changements, on n'y arrivera pas. Moi, j'ai besoin de vous comme
partenaire, j'ai besoin de message fort. Je l'avais souligné pour la
stérilisation forcée, un beau message fort qui avait envoyé, mais il y a
d'autres choses qui auraient pu être faites par le Collège des médecins avant
aujourd'hui. C'est là-dessus que mon café a mal passé, ce n'est pas sur le
reste.
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, de notre côté... Puis là
je peux peu passer la parole à Nathalie Saad. De notre côté, on a qu'on a posé
des actions, on a pris des décisions pour se rapprocher de la communauté
médicale à ce sujet mais aussi du public, évidemment. Donc, il y a une série de
choses qu'on a faites. Je vous ai lu, tout à l'heure, l'énoncé de
reconnaissance culturelle notamment. Le groupe que j'ai eu l'honneur de
présider par rapport aux stérilisations non consenties chez les femmes
autochtones, qui est actuellement à réfléchir sur un positionnement qu'on va
adopter de façon officielle au conseil d'administration de décembre. Le
principe de Joyce, on a adhéré, etc. On a fait des choses à l'intérieur de nos
possibilités à nous et à l'intérieur de la communauté médicale aussi pour
continuer, continuer vraiment à rendre les gens de plus en plus conscients de
biais, puis je l'ai dit, même moi-même, là, puis je n'ai pas de problème à
dire, puis je n'étais pas le seul, ce biais inconscient-là par rapport à la
personne confuse, autochtone qui arrive à l'urgence, et plusieurs situations
comme ça. Et peut-être Nathalie pourrait...
M. Gaudreault
(Mauril) :...en ajouter.
Mme Saad (Nathalie) : Je
pense qu'une des choses que le collège a faites qui a permis de faire avancer
les choses, c'est de reconnaître le racisme systémique, reconnaître le principe
de Joyce. Ça a peut-être l'air un peu banal, dit comme ça, puis être des mots.
Mais, en fait, bon, je suis vice-présidente, mais je suis aussi médecin qui
travaille et qui enseigne, en particulier, et je peux vous dire que ça a forcé
une prise de conscience au niveau de l'enseignement aux étudiants en médecine,
aux résidents. Donc, si on veut changer les choses, c'est une bonne place pour
commencer. Quand le collège a reconnu le problème, je pense que ça a forcé
l'ensemble de la communauté médicale à se poser des questions puis à se
dire : Oui, on le savait.
Mais c'est peut-être plus que de le
savoir, puis il faut faire avancer les choses. Alors, je pense que dans le milieu
de l'enseignement il y a eu vraiment une prise de conscience sur la façon de
faire, le vocabulaire à utiliser, les approches à considérer, le contexte de
sécurisation culturelle dans lequel il fallait commencer à pratiquer. C'est
vrai pour le milieu autochtone, c'est vrai aussi pour l'ensemble des
populations. Je travaille dans un milieu où on a une forte population
immigrante, à Montréal. On en voit plusieurs, des populations fragilisées, que
ce soient des problèmes de langue, quand ils sont... quand on ne les comprend
pas et qu'on assume de la raison de la visite. Ça se fait encore, Dr Gaudreault
y a fait allusion dans son exemple. Malheureusement, je dois dire que j'ai
probablement fait les mêmes faux pas, quelquefois.
Alors, je pense que cette humilité-là et
cette reconnaissance-là font partie des choses qui ont été faites récemment par
le collège qui permettent d'amorcer la création d'un environnement qui met de
l'avant la sécurisation culturelle.
Le Président (M.
Bachand) :Il reste 1 min 50 s, M. le
ministre.
M. Lafrenière : Je vais y
aller rapidement, ça va tellement vite. Je suis désolé. Mais je veux vous
remercier de votre rapport. Je l'ai dit tout à l'heure, je le pense encore une
fois, malgré le fait que vous ayez consulté quatre personnes, je suis persuadé
que les gens avec qui vous avez travaillé seraient mal à l'aise qu'on élargisse
à «autres qu'autochtones», parce que les 13 groupes ont été sans équivoque pour
nous. Mais, encore une fois, on verra. Puis je suis heureux de la main tendue
que vous avez aujourd'hui.
On n'a aucune prétention que c'est
parfait. On a une prétention, c'est qu'on «improvient», on agit. C'est le
troisième projet de loi qui est déposé en matière autochtone depuis 25 ans.
Alors, c'est sûr que ce n'est pas parfait, mais on agit, on avance. Moi, je
m'attends à travailler ensemble.
Puis il y a un point que je veux mettre au
clair. Quand on a corédigé le guide de sécurisation culturelle, ça a été fait
avec des autochtones. Et aujourd'hui, ce qu'on présente comme projet de loi, ce
n'est pas une loi qu'on impose aux autochtones, c'est un projet de loi qu'on
s'impose à nous, comme gouvernement, et, par le biais... bien, à vous, à vos
membres, je suis persuadé qu'ils vont tous adhérer puis nous donner un coup de
main quand on a trouvé la bonne formulation ensemble. Je le dis encore une
fois, sans le personnel soignant, on peut avoir le plus beau projet de loi du
monde, ça ne va donner absolument rien. Dans quelques années, il y a d'autres
personnes qui auront pris notre place, en disant : Peut-être qu'on a
reconnu des choses à l'époque, mais on n'a pas fait l'effort supplémentaire
pour changer la donne. C'est sûr qu'on a besoin de vous. Alors, M., mesdames,
merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Je me tourne
maintenant vers l'opposition officielle. Pour 12 min 23 s, M. le
député d'Acadie, s'il vous plaît.
M.
Morin :Merci, M. le Président, Merci, M. le Président du
Collège des médecins, pour votre exposé, ainsi que les membres du collège qui
vous accompagnent. J'ai lu avec attention votre mémoire, c'est... En fait,
c'est très bien fait, c'est très intéressant. Ma première question est la
suivante. Vous l'avez mentionné, M. le Président, vous avez... l'ordre, le
Collège des médecins a reconnu le Principe de Joyce, et Mme a commencé un peu à
répondre à la question. Mais pourquoi c'était si important pour le Collège des
médecins de reconnaître ce principe-là?
• (10 h 20) •
M. Gaudreault (Mauril) :Un début de réponse, puis après ça une suite pour Nathalie
Duchesne. O.K. C'était important d'écouter, d'écouter cette population-là,
d'écouter, d'écouter... d'être empathique par rapport à ce qu'ils vivent, cette
communauté-là. Pour nous, c'était important de reconnaître ça. Ça faisait suite
à.... Ce n'est pas arrivé tout d'un coup comme ça, là, ça faisait suite à une
longue journée de réflexion sur le racisme systémique en santé que nous avions
tenue, au collège, avec l'ensemble des administrateurs et certains membres de
la permanence. Donc, c'était dans le début, je dirais... Bien, c'était comme la
suite d'une évolution de réflexion puis de sensibilisation de notre ordre
professionnel à ce sujet-là, raison pour laquelle, dans les semaines qui avaient
suivi - c'était en janvier 2021 - j'avais signé une lettre ouverte avec les
chefs Awashish et Ottawa à ce moment-là, et, quand est arrivée, en... cette
situation-là déplorable de Mme Echaquan, c'était clair pour nous qu'il fallait
prendre position.
C'est dans le sens d'un nouveau collège
aussi, un collège qui est maintenant plus près des gens, un collège qui est
devenu un acteur social plus important, soucieux de se prononcer...
M. Gaudreault
(Mauril) :...sur des grands enjeux
sociétaux liés à la santé, dont celui-ci. Nathalie.
Mme Duchesne (Nathalie) : C'est
important de reconnaître ce qui existe, parce que c'est de faire une
réflexivité, donc, de penser et de revoir notre position. Si on ne reconnaît
pas ce qui existe, on ne peut pas établir un lien de confiance. Si on n'a pas
de lien de confiance, malheureusement, on se retrouve avec des gens qui,
n'ayant pas confiance au système, ne consulteront pas et vont souvent se
retrouver avec des problèmes de santé, là, qu'on a décrits tout à l'heure. Alors
donc, que de faire la reconnaissance, c'est de faire un pas vers l'humilité, de
reconnaître d'où on arrive, de quel type de médecine qui est en cours,
malheureusement, encore souvent. Et on dit «malheureusement» parce qu'on
discute avec les membres, on sonde, on entend beaucoup d'histoires et on est
conscients que ça existe présentement. Nous avons beaucoup d'exemples.
Et donc c'est important aussi de
reconnaître avec le principe de Joyce... de reconnaître le trauma que ces
personnes-là ont eu dans le passé et, malheureusement, qu'elles vivent encore.
Alors donc, c'est de... la sécurisation culturelle, elle passe d'abord par
l'humilité, la reconnaissance des faits, le racisme systémique, le colonialisme
qu'il y a encore et aussi la reconnaissance du fait qu'il y a des traumas, il y
en a eu puis il y en a encore, et tout ça, ça empêche, malheureusement, un
accès aux soins à tout le monde. Donc, c'est pour ça que c'est important pour
nous.
M.
Morin :Donc, je comprends de votre intervention, de votre
témoignage que ce serait, finalement, bénéfique pour l'ensemble du Québec si le
projet de loi reconnaissait spécifiquement le principe de Joyce. Ça nous
permettrait de, finalement, comprendre un État. Puis, après ça, de trouver des
moyens pour essayer de le solutionner. Est-ce que je me trompe? Êtes-vous
d'accord avec moi?
M. Gaudreault
(Mauril) :...dans le sens... bien sûr,
dans le sens de reconnaître le problème, mais je le répète, là, l'existence de
racisme systémique dans le milieu, donc de reconnaître le problème, mais avec
le principe de l'adopter, ça va encore plus loin, dans le sens de faire en
sorte de travailler plus avec les communautés autochtones, de les intégrer dans
nos façons de faire aussi. C'est ce que nous visons également, au collège, par
rapport à intégrer des médecins autochtones. On a parlé de Stanley Vollant,
tout à l'heure, il est intégré dans le fonctionnement avec un comité,
particulièrement, au collège. Donc, ça aussi, adhérer au principe de Joyce,
c'est également participer... faire intégrer, faire travailler, co-créer,
co-construire avec eux, les autochtones, le système de santé plus sécurisant
pour eux.
M.
Morin :Alors, êtes-vous d'accord avec moi si, quand on parle de
sécurisation culturelle, le principe de Joyce, c'est un minimum?
M. Gaudreault
(Mauril) :Ça passe d'abord et avant tout
par cela, je veux dire, la reconnaissance, et l'appui, puis, je dirais,
l'accord avec ce qu'il y a à l'intérieur de ce principe-là.
M.
Morin :Que le projet de loi ne fait pas.
M. Gaudreault
(Mauril) :À notre sens, oui.
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. Vous avez parlé, tout à
l'heure, Mme, de l'intersectionnalité. Il y a effectivement des groupes, dans
notre société, qui sont doublement, triplement défavorisés malheureusement.
Donc, cette... en fait, cette méthode d'analyse là permet de reconnaître ces
groupes-là et de corriger le problème. Est-ce que vous trouvez que le projet de
loi va assez loin dans ce sens-là?
Mme Duchesne (Nathalie) : En
fait, on trouvait, justement, qu'il fallait que ce soit mentionné qu'il y aura
une perspective intersectionnelle dans le projet de loi, tant dans l'évaluation
des actes qu'ils vont être posés... Il ne faut pas les évaluer seulement d'une
façon, mais il faut, justement, pouvoir évaluer... Ce sont des nouvelles
méthodes, l'intersectionnalité, il y a des nouvelles méthodes pour évaluer la
performance des programmes qu'on met en place, etc., avec la lentille
intersectionnelle justement pour ne pas évaluer qu'une seule partie d'un
individu mais un individu dans son entier. Alors, tout à fait, c'est pour ça
qu'on disait que c'est important que ce soit dans le projet de loi.
M.
Morin :Parfait, je vous remercie. On a parlé, à
l'article 1 du projet de loi, le paragraphe 4, en fait :
«adapter lorsque possible». Je vous ai bien entendu, ça ne semble pas,
effectivement, être très contraignant. Auriez-vous des pistes de réflexion pour
le législateur pour s'assurer que ce qui est écrit après, qui est effectivement
important, «embauche le personnel autochtone», «formation obligatoire»...
D'ailleurs, ça me semble un peu contradictoire...
M.
Morin :...lorsque possible, une formation obligatoire, bref, et
tenir en compte des réalités propres aux femmes et aux filles. Donc, d'après
vous, le projet de loi, est-ce qu'il devrait être plus... en fait, plus...
obliger le gouvernement à faire... J'ai un autre élément sur lequel j'aimerais
que vous puissiez m'éclairer. On dit : «prise en compte des réalités propres
aux femmes et aux filles autochtones», ce qui est un enjeu, mais on parle aussi
beaucoup des enfants autochtones. Donc, est-ce qu'on devrait l'élargir à
l'ensemble des enfants autochtones ou juste le laisser comme ça?
M. Gaudreault
(Mauril) :Je ne reviendrai pas sur
«lorsque possible», là, je pense que tantôt j'ai bien exprimé notre pensée puis
notre désir, je pense qu'il faut être plus contraignant, et tout en respectant
tout le monde à l'intérieur des établissements de santé au Québec, évidemment,
là, mais en visant plus haut que cela, un.
Deuxièmement, c'est toutes les clientèles,
c'est à la fois les enfants, les adultes, etc., les... On a parlé beaucoup de
santé mentale, il faut parler de santé physique aussi par rapport à tout ça.
Pour nous, c'est un tout. Quand on parle du savoir autochtone, c'est la même
chose, de toute façon, pour vous, un patient qui consultez un médecin, il va
partir de ce que vous savez, de ce que vous êtes, de vos croyances, de vos
idées par rapport à votre problème de santé puis des sentiments que vous vivez
par rapport à ça. Donc, on veut insister là-dessus pour ce qui est du savoir
particulier qu'ont les autochtones.
M.
Morin :Et au niveau de... Parce que le projet de loi parle
également de formation puis de modifications au Code des professions. Qu'est-ce
qui pourrait être fait pour assurer qu'on va inclure le savoir autochtone dans
le milieu médical tout en s'assurant de la protection du public?
M. Gaudreault
(Mauril) :Je demanderais au Dre Saad de
répondre, qui est, parmi nous, la clinicienne encore active.
M.
Morin :Parfait, merci.
Mme Saad (Nathalie) : Alors,
bien sûr, la formation, j'y ai fait allusion un peu plutôt, c'est sûr que c'est
une partie importante. Je pense qu'il faut faire attention, quand on parle de
formation, de ne pas tomber dans quelque chose qui pourrait perpétuer des biais
ou mettre en lumière certains biais mais dépasser ce niveau-là de formation.
Et, pour y arriver, c'est là qu'on revient un peu sur un des principes qu'on a
discuté un peu plus tôt de co-création de ces formations-là où, justement, des
des autochtones sont impliqués, des représentants potentiellement de d'autres
communautés, populations fragilisées pour arriver avec des formations où il y a
des solutions, où il y a une compréhension qui va permettre la sécurisation
culturelle et pas juste des formations où on fait une réalisation de problèmes
actuels. Oui, c'est important, puis on l'a dit, il faut reconnaître le
problème, ça peut faire partie de la formation, mais il faudrait que les
formations dépassent ça, qu'on arrive à y amener des solutions et une
compréhension pour amener la sécurisation culturelle, amener à comprendre les
différences qui sont si importantes et ces nuances-là qui vont permettre une
meilleure accessibilité aux soins par la suite dans un environnement où
c'est... où les populations vont se sentir accueillies et comprises, ou
respectées à tout le moins.
M.
Morin :Et, au Collège des médecins, est-ce que ces
formations-là sont déjà en place? Est-ce que vous avez complété le cursus ou
vous êtes en train de le faire?
M. Gaudreault
(Mauril) :On est en train de le faire,
O.K., pour assurer aux 26 000 médecins du Québec une formation en ce
sens qui sera prête pour 2024 afin que tout le monde... plus que sensibiliser à
la question, là, mais comprenne bien et intègre ça dans leur dans leurs
activités quotidiennes.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Il vous reste
1 min 40 s, M. le député d'Acadie.
• (10 h 30) •
M.
Morin :Vous avez parlé de la situation au Nunavik, situation
qui est déplorable. J'ai eu à quelques reprises à questionner le gouvernement
là-dessus, à ce sujet-là, entre autres l'envoi d'un CT scan, parce que ça a de
l'air qu'ils n'en ont toujours pas. Est-ce que vous avez des recommandations
particulières pour la population inuite dans le cadre de ce projet de loi, sur
la façon dont on pourrait le bonifier ou accorder davantage, finalement, de
ressources ou de solutions pour qu'ils soient considérés dans leur réalité?
Le Président (M.
Bachand) :En une minute. M. le président,
s'il vous plaît.
M. Gaudreault
(Mauril) :Je l'ai dit, j'ai été découragé
à la suite de cette visite-là, j'en ai parlé à M. Dubé. On va s'en reparler
très certainement. Je pense que ça prend un plan global pour cette communauté,
pour ce territoire-là notamment, pour faire face à la situation puis aux défis
qui sont immenses et qui dépassent sans doute également le ministère de la
Santé, mais un plan global que gouvernement devra travailler...
10 h 30 (version non révisée)
M. Gaudreault
(Mauril) :...avec lequel nous allons
collaborer, pour changer la situation, parce que ça n'a vraiment pas de bon
sens ce qui se passe là-bas. Je vais me limiter à cela.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, merci. M. le député
de Jean-Lesage, pour quatre minutes 8 secondes. M. le député, s'il vous
plaît.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre mémoire, votre présentation, que j'ai
trouvé tous les deux très courageux et clairs. L'article 3 du projet de
loi parle d'activités professionnelles réservées, puis on se dit, dans le fond :
Le gouvernement pourrait, par règlement, élargir un peu ça, assouplir dans le
but que des activités professionnelles puissent être faites par des autochtones
sur... dans un certain territoire, etc. Donc, est-ce qu'au Collège des médecins
vous avez de l'ouverture par rapport à ça, permettre au gouvernement de faire
ça par règlement, en collaboration, en copartenariat avec différentes
communautés autochtones, par exemple?
M. Gaudreault
(Mauril) :D'abord, bonjour, M. Zanetti.
Je suis en train de vous revoir. Bien, je pense que oui, oui, on va être... on
est tout à fait d'accord pour voir ensemble comment on pourrait clarifier ça.
Parce que, bien sûr, il y a des choses réglementaires là-dedans, puis ce n'est
pas une porte ouverte à n'importe quoi, là, mais je pense que ça fait partie
aussi de responsabiliser les communautés autochtones ensemble, de faire en
sorte que... Vous savez, le problème, il est de x générations, là, hein, par
rapport à tout ce qu'on appelle la conduite, là, colonisatrice, là, de nos
populations antérieures, de nos façons de faire. Donc, de voir à faire en sorte
avec les autochtones comment on pourrait améliorer les choses, notamment pour
ce qui est d'accompagner des patients autochtones qui ont consulté notre
système de santé, mais aussi la possibilité qu'il y ait des autochtones qui
puissent agir d'une façon additionnelle par rapport à la prise en charge par
rapport, je dirais, à la conscientisation de ce problème-là, mais aussi de
faire en sorte, là, d'assumer des responsabilités qu'actuellement ils ne
peuvent pas. Mais cela, il va falloir regarder ça comme il faut, mais nous, on
est d'accord pour participer à des discussions pour voir comment on pourrait
élargir ça.
M. Zanetti : Merci. Puis
est-ce que vous trouvez que, dans sa forme actuelle, disons, le projet de loi,
là, instaure une description, une définition de la sécurisation culturelle qui
est opérationnalisable, c'est-à-dire que, dans le système de santé, on va
pouvoir dire : Ça marche, ça répond aux critères; ah! non, là, il n'y a
pas la sécurisation culturelle? Trouvez-vous que c'est opérationnalisable de la
façon dont c'est formulé, dont c'est?
M. Gaudreault
(Mauril) :...tout est perfectible, puis
on va participer avec vous, avec les gens du gouvernement pour le rendre plus
perfectible, mais je le redis, je le redis, c'est un premier pas dans une bonne
direction. On est là pour travailler avec vous afin de l'améliorer, travailler
avec les autochtones aussi et non pas pour eux. Ça, c'est clair pour moi, c'est
des conditions essentielles à respecter avant, puis c'est pour ça qu'on parle d'assise
essentielle pour faire en sorte que le tout s'améliore.
M. Zanetti : Puis une
dernière question rapidement sur votre recommandation 3 : «Que le projet
de loi n° 32 adopte une approche intersectionnelle envers toutes les
personnes autochtones englobant tous les types d'inégalités et d'oppression et
non seulement le racisme et le colonialisme.» Pouvez-vous nous l'expliquer un
peu plus, et en 30 secondes? Ce n'est pas... En tout cas, faites comme
vous pouvez.
M. Gaudreault
(Mauril) :Dre Duchesne.
Mme Duchesne (Nathalie) : Oui,
bien... Oui, c'est ça. Alors, bien, ça revient à ce que je disais tout à l'heure,
donc de ne pas considérer seulement le fait qu'il y a le colonialisme, c'est-à-dire
qu'on essaie d'imposer nos façons de faire et qu'on essaie d'imposer notre
savoir, mais aussi d'essayer de regarder toutes les autres façons qu'on essaie
d'imposer sur les communautés autochtones, entre autres, par exemple sur les
femmes, un sexisme, il y a un paternalisme aussi médical, etc., il y a de l'âgisme
qui, parfois, intervient. Donc, c'est de regarder toutes ces autres façons d'opprimer,
qu'on impose, parfois, sur les... parfois et souvent, trop souvent, sur les
communautés autochtones. Donc, tu sais, de regarder tout ça, c'est ça, l'approche
intersectionnelle.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, Dre
Duchesne, Dre Saad, Dr Gaudreault, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce
matin. Très, très, très apprécié
Je suspends les travaux quelques instants
pour accueillir nos prochains invités. Merci. Tantôt.
(Suspension de la séance à 10 h 36)
(Reprise à 10 h 42)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir d'accueillir
l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Alors, vous connaissez les
règles, un 10 minutes de présentation, après ça on fait une période
d'échange avec les membres. Alors, merci d'être ici. Je vous invite d'abord à
vous présenter, s'il vous plaît, et débuter votre intervention. Merci.
M. Mathieu (Luc) :
Bonjour. Alors, bien, M. le Président, M. le ministre, Mesdames et Messieurs
les parlementaires, alors, à titre de président de l'Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec, je vous remercie de l'invitation à émettre nos
commentaires et recommandations sur le projet de loi n° 32 concernant la
Loi instaurant l'approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la
santé et des services sociaux. Alors, je suis Luc Mathieu, je suis accompagné
de ma collègue Caroline Roy, qui est directrice à la Direction du développement
et soutien professionnel à l'ordre.
L'ordre tient à souligner que nous avons
eu l'occasion de bénéficier des commentaires de membres de communautés
autochtones lors de notre rédaction de notre mémoire. Alors, on les remercie
pour leur contribution et leur générosité.
D'entrée de jeu, nous accueillons
favorablement le projet de loi qui s'inscrit dans la foulée des recommandations
de la Commission Viens et reconnaît la volonté du gouvernement de présenter un
projet de loi qui prévoit, entre autres, des mécanismes de reddition de
comptes, sans oublier qu'il est dans la lignée du rapport du comité sur
l'application du projet de loi n° 21 au sein des communautés autochtones.
Toutefois, l'ordre souhaite présenter son point de vue et ses recommandations
pour améliorer les liens de confiance et de partenariat avec les membres des
Premières Nations et les Inuits.
C'est dans cet esprit, mais aussi dans une
vision empreinte de respect et dans une perspective d'assurer la protection du
public que nous vous énonçons aujourd'hui les cinq recommandations de notre
mémoire. Ces recommandations visent, d'une part, à bonifier le projet de loi
entourant l'approche de sécurisation culturelle et, d'autre part, à exprimer
nos préoccupations quant à la réglementation des activités professionnelles
réservées et relatives au domaine de la santé mentale et des relations
humaines.
L'ordre reconnaît l'intention d'implanter
des pratiques sécurisantes dans le réseau de la santé en estimant qu'il est
primordial de considérer les facteurs contribuant à favoriser l'accès équitable
à l'ensemble des soins et services pour les membres des Premières Nations et
les Inuits. Il s'avère essentiel de mettre de l'avant les concepts d'humilité,
d'antiracisme, d'équité et d'accès à un continuum de soins et de services
efficaces, et ce, dans une perspective contextuelle autochtone unique.
À juste titre, les consultations que nous
avons menées en vue de sa mémoire ont mis en lumière des lacunes sur le plan du
langage utilisé, du manque de transversalité dans le continuum de soins et de
services et, finalement, par rapport à la création d'une formation obligatoire.
À plusieurs endroits dans les textes législatifs, nous avons constaté
l'utilisation de termes flexibles tels que «lorsque possible» ou restrictif comme
«femmes et filles autochtones», qui pourraient être remplacé par «femmes et
enfants autochtones», ainsi que l'omission de thématiques importantes telles
que l'équité en matière de santé et d'accès aux services de santé. Nous sommes
d'avis que ce langage minimise la teneur et la portée du projet de loi, alors
que l'approche de sécurisation culturelle se veut être un incontournable. En ce
sens, l'ordre recommande que le projet de loi utilise un langage clair, fort et
inclusif afin de renforcer l'aspect incontournable de l'approche de
sécurisation culturelle.
La deuxième recommandation, qui est
incontournable du point de vue de la protection du public, concerne la
transversalité des soins et l'accès à des ressources langagières.
Effectivement, la complexité de l'organisation des soins dans le système de
santé de même que les défis liés à l'étendue géographique limitent nos
capacités à fournir des soins équitables, accessibles et culturellement
sécuritaires. Tous ces enjeux réunis soulèvent un manque criant de continuité
de soins pouvant nuire à la sécurisation culturelle, entre autres, lors des
transferts interétablissements d'une personne autochtone et en l'absence de
communication ou de ressources d'accompagnement dans la langue de la personne.
Or, sans l'obligation d'avoir des ressources langagières appropriées...
M. Mathieu (Luc) :...des soins risquent de ne pas être effectués en raison
d'une évaluation erronée engendrée par des barrières de langue. Pour ce faire,
il est essentiel d'établir une trajectoire de soins optimale entre les réseaux
de santé et des services sociaux et les centres de santé des communautés
autochtones afin de permettre un continuum de soins.
Nous recommandons donc que le projet de
loi soit ajusté pour assurer une meilleure accessibilité aux soins et services
et éviter un bris dans la continuité des soins et services sociaux qui
contribuerait à accentuer la vulnérabilité des membres des communautés. Plus
particulièrement, il faudrait que toute mention des établissements du réseau de
la santé et des services sociaux dans le projet de loi soit modifiée pour
mentionner les établissements du réseau de la santé et des services sociaux et
centres de santé des communautés autochtones et ainsi garantir une
transversalité et un continuum de soins. Il faudrait aussi que l'accès à des
ressources langagières soit renforcé.
De surcroît, si ce projet de loi veut
considérer les valeurs, les réalités culturelles et le contexte historique des
communautés autochtones, les formations obligatoires offertes aux employés se
doivent d'être co-construites avec les membres de ces communautés. Il s'agit
d'une condition gagnante pour arrimer les savoirs autochtones aux savoirs
occidentaux en tenant compte de leurs perspectives et de leur réalité. Dans ce contexte,
nous recommandons que toutes les formations obligatoires sur la sécurisation
culturelle destinées à tous les employés soient coconstruites avec des membres
des Premières Nations et des Inuits.
L'article 3 nous apparaît être une
réponse à l'appel à l'action 106, mettre en œuvre le plus rapidement
possible les recommandations du comité sur l'application du projet de loi au
sein des communautés des Premières Nations et des villages inuits, présentées
en 2016 dans le rapport final sur la Commission d'enquête sur les relations
entre les autochtones et certains services publics Écoute, réconciliation et
progrès. Celui-ci, le rapport, prenait appui sur des travaux réalisés afin de
faire état de l'impact du projet de loi n° 21 sur les communautés des Premières
Nations et des villages inuits. L'ordre est d'avis que le statu quo ne peut
plus durer. Des solutions pérennes et novatrices doivent être mises de l'avant
tout en s'assurant que l'accessibilité compétente demeure le fondement
incontournable.
Tel qu'il est structuré actuellement, le
système professionnel vise à régir les activités à risque de préjudice en
raison de la complexité qu'elles comportent et des connaissances et compétences
qu'elles requièrent pour leur exercice. Les activités visées à l'article 3
du projet de loi constituent des activités pouvant causer des préjudices à la
clientèle. Nous sommes évidemment sensibles aux contraintes et enjeux que
peuvent vivre les communautés autochtones dans l'accessibilité à des soins de
santé et services sociaux. De ce fait, nous sommes soucieux aussi de collaborer
à trouver une solution innovante à des enjeux d'accessibilité de taille pour
les communautés concernées.
Soulignons que le Code des professions
permet déjà d'autoriser, par la voie réglementaire, des professionnels ou des
non-professionnels à exercer, en fonction de certaines conditions et modalités,
des activités qui, autrement, seraient réservées aux membres de la profession
d'exercice dits exclusifs. En ce sens, l'Ordre considère que l'autorisation par
voie réglementaire constitue une voie intéressante. Toutefois, certaines
conditions ou modalités restent pour nous incontournables et nécessitent une
réflexion en partenariat avec les communautés concernées et avec les ordres
professionnels intéressés. Les ordres demeurent des acteurs clés relativement à
l'exercice d'activités à risque de préjudices, notamment lorsqu'il s'agit de
conjuguer différents enjeux pour établir un cadre qui permet d'assurer la
qualité et la sécurité des soins offerts.
• (10 h 50) •
Nous sommes d'avis que le projet de loi
demeure silencieux quant aux mécanismes qui permettront d'assurer un exercice
sécuritaire des activités. Pour ces raisons, les ordres doivent donc faire
partie de la solution en amont, et nous offrons toute notre collaboration en ce
sens. Dans un souci de préservation et de respect du principe d'accessibilité
compétente et peu importe le cadre législatif ou réglementaire dans lequel
cette solution s'inscrit, l'Ordre recommande que l'article 3 du projet de
loi prévoie la consultation préalable de l'ensemble des parties prenantes, dont
les communautés autochtones concernées et les ordres intéressés par les
activités professionnelles autorisées par règlement du gouvernement.
En sus des éléments mentionnés
précédemment, notons un des principes sous-jacents au système professionnel. La
notion d'accessibilité compétente demeure vitale dans une perspective de
protection du public afin d'assurer le contrôle des activités professionnelles.
Ce principe présuppose l'acquisition de compétences et de connaissances
essentielles à un exercice de qualité... un exercice sécuritaire et de qualité
qui puisse répondre aux besoins des communautés autochtones concernées où les
enjeux liés à l'accès et au continuum de soins représentent un...
M. Mathieu (Luc) :...défi majeur qui s'ajoute à bien d'autres déjà présents.
En ce sens, nous souhaitons porter à l'attention des parlementaires certaines
démarches mises en place en 2021, notamment grâce aux travaux d'un groupe d'experts
constitué de membres des communautés autochtones concernées et des ordres
intéressés.
Dans un souci de cohérence systémique et
considérant les recommandations émises dans le rapport du comité sur
l'application du projet de loi au sein des communautés autochtones, l'ordre
recommande finalement que le groupe de travail constitué d'experts soit
réactivé, et ce, dans le but d'identifier les conditions et modalités requises
en ce qui concerne les compétences essentielles attendues et, d'autre part, d'identifier
les mécanismes de contrôle pertinents en vue d'émettre des recommandations
visant à répondre aux principes de l'accessibilité compétente et assurer la
protection du public.
Alors, je vous remercie pour votre écoute.
Nous sommes maintenant prêts à accueillir vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Mathieu. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Lafrenière : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, merci beaucoup à nos invités d'être avec nous
aujourd'hui. Merci de votre approche en mode solution. Vous avez proposé
beaucoup de points qui sont très précis. Je pense qu'ils vont nous aider dans
nos travaux, dans cette commission. Alors, je veux vous remercier. Merci
beaucoup. Et, même tout à l'heure, vous avez mentionné avoir fait des
consultations, d'avoir consulté des groupes autochtones avant même de venir
nous voir. Alors, bravo!
Ceci étant dit, j'ai quelques points,
questions pour vous, et un qui m'apparaît vraiment important... Quand on vous a
parlé de ressources langagières, on est tous d'accord... c'est ce que l'on
souhaiterait. Vous comprenez très bien qu'on a certaines limites, entre autres,
je vous donne un exemple comme ça, au hasard, avec la communauté Wolastoqiyik
Washipekuk qui sont présentement cinq locuteurs. Je pense qu'ils seraient très
occupés dans le monde de la santé.
Alors, ce n'est pas une excuse en
disant : Ça ne fonctionnera pas, on ne le fait pas. Ce qu'on a plutôt proposé,
avec l'exemple de Joliette, c'est d'avoir des navigateurs, donc des gens qui
sont issus de la communauté qui ne sont pas nécessairement du personnel
soignant mais qui agissent comme navigateurs. La raison pour laquelle je vous
le mentionne, c'est parce que le point que vous amenez, il est extrêmement
important. La solution qu'on a trouvée, en plus d'ajouter du personnel soignant
qui parle la langue, qui connaît la culture... Parce que c'est ce qu'on veut à
Joliette. On a la chance d'avoir du personnel qui est embauché qui est
d'origine attikamek. On a des brancardiers, des navigateurs. L'adjoint à la
P.D.G. du CIUSSS est lui-même un Attikamek, c'est lui qui reçoit les plaintes.
Ça, c'est vraiment ceinture et bretelles. On est très heureux, mais dans d'autres
exemples, parce qu'on ne veut pas y aller avec une approche mur à mur, puis
j'aimerais vous entendre là-dessus... Parce que, d'un centre hospitalier à
l'autre, il n'y a pas les mêmes réalités. Dans les centres de soins, déjà là,
je vais élargir la façon que je vous ai présenté le mot, centre de soins, j'ai
bien compris la façon de l'élargir, puis on va y travailler, je trouve ça
intéressant, mais l'approche mur à mur, de ce que j'ai entendu des
13 groupes qu'on a rencontrés, ce n'est pas ce qui est préconisé. Ils
voulaient qu'on laisse vraiment plus d'initiatives sur le terrain pour réagir à
des réalités qui soient soit géographiques ou soit avec des différentes
cultures. J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
M. Mathieu (Luc) :Bien, on est pas mal à la même place là-dessus, c'est que
l'idée, c'est qu'on se donne des obligations de moyens dans le contexte que
l'on a. Alors, ce qui s'est fait à l'hôpital de Joliette, vous l'avez
mentionné, moi, je suis allé rencontrer les gens, là, dans le cadre de la
tournée des régions que j'ai faite au printemps dernier, et on voyait, là,
comment c'était apprécié de la part des autochtones eux-mêmes. Et puis l'impact
que les... les navigateurs, excusez-moi, j'ai de la misère avec le mot,
l'impact qu'ils ont au niveau des autochtones, que ce soit pour la prise de
rendez-vous... Par exemple, il y a une navigatrice qui me disait : Bien,
moi, je les contacte par Messenger. C'était la façon de faire, ce que moi, je
n'aurais pas pensé, mais c'était... Et vous avez un... Je suis d'accord avec
vous, aussi, sur le fait que les communautés autochtones, ce n'est pas un bloc
monolithique, tu sais, il y en a 11 communautés, là, autochtones, là, au
Québec, puis le défi, c'est de les nommer, déjà ça, ça serait bon qu'à peu près
tout le monde puisse faire ça, et ils ont leur approche spécifique puis leur
culture...
Alors, qu'on se dote de ressources
langagières. Mais, selon le contexte, moi, je pense, c'est l'approche à donner.
Mais il faut se donner... Il ne faut pas juste dire : Si... bien, «lorsque
possible», tu sais, il faut faire des efforts. À Joliette, là, il y a une
crise, ils ont fait les efforts. Il y a... Peut-être, dans certaines
communautés, c'est plus difficile. Mais je suis sûr que, si on met les communautés
dans le coup, souvent ils vont trouver les solutions, là, ou les idées à mettre
de l'avant.
M. Lafrenière : Vous avez
mentionné «lorsque possible», puis je comprends que c'est un terme qui est
faible, hein, qui ne donne pas vraiment d'engagement, puis, dans le fond, vous
avez dit : Lorsqu'on en a. C'est un petit peu le terme qu'on cherchait,
c'était de dire : Il faut être conscient que ça ne s'appliquera pas
partout. Je vous ai donné l'exemple avec une communauté, je pourrais vous dire
Montréal, à l'inverse, où les 11 nations visitent Montréal aussi. Alors,
quelle langue on devrait privilégier? Bref, c'était plus une réflexion, en vous
disant : Je comprends très bien quand vous parlez de ressources
langagières. C'est un point qui est extrêmement important.
Avant de laisser la parole à mon collègue,
M. le Président, il y a un autre point qui est important pour moi, quand vous
avez parlé de coconstruction. Je veux vous rassurer parce que le guide de
sécurisation culturelle a été coconstruit avec les Premières Nations, c'est
vrai. La formation qui a été faite, elle a...
M. Lafrenière : ...fait avant
les événements de la tragédie de Joyce Echaquan. On le savait, là, on doit
remettre ça à jour. Alors, votre point très bon, de développer avec des
communautés et des communautés locales aussi avec des réalités qui sont
différentes, ça, on l'a bien reçu.
Et l'autre point, quand vous avez parlé
des... de rencontrer les ordres, de l'importance d'impliquer les ordres dans la
troisième partie de l'article, c'est très vrai. Je vais les rencontrer avec ma
collègue, Sonia LeBel. On doit le faire. J'ai compris votre message, là, pour
la façon de le phraser dans notre projet de loi, alors merci beaucoup. M. le
Président, je présente, j'ai un collègue de la banquette ministérielle qui a
une question.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
Joliette.
M. St-Louis : Merci, M. le
Président. M. Mathieu, bonjour, Mme Roy. Le projet de loi parle de consulter
les communautés concernées. Vous proposez de consulter toutes les parties
prenantes. J'aimerais que vous puissiez nous éclairer un peu plus là-dessus,
là, sur le comment, en fait.
M. Mathieu (Luc) :...je vais vous donner l'exemple que nous, on a fait, à
l'ordre, là, suite aux événements de l'hôpital de Joliette, là, au décès de Mme
Echaquan. On a créé un groupe de travail composé majoritairement d'autochtones
pour développer un énoncé de position au niveau de l'ordre. Alors, il y avait
des gens... des autochtones, il y avait des allochtones, il y avait des gens du
milieu de l'enseignement, il y avait quelqu'un qui est titulaire d'une chaire
de recherche, là, sur les communautés autochtones à l'Université de Montréal.
Alors, les parties prenantes, tu sais, autrement dit, c'est les personnes
concernées par un enjeu, un projet, quoi que ce soit. Alors, c'est d'avoir...
dépendamment du sujet qui est à l'étude, ce qu'on veut mettre de l'avant, c'est
de réunir ces gens-là. Je ne sais pas si c'est le sens de votre question.
M. St-Louis : Oui, ça répond
en partie à ma question. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :M. le ministre.
M. Lafrenière : M. le
Président, depuis tout à l'heure, M. a fait le lien avec communiquer de façon
différente avec les gens des Premières Nations. J'ai reçu justement un message
pendant qu'on se parlait sur Messenger, quelqu'un me dit de corriger, on ne dit
pas «navigateur» à Joliette, on dit des agents de sécurisation culturelle.
Alors, on nous écoute, M. le Président, soyons avertis.
Blague à part, je voulais vous entendre
aussi, tout à l'heure vous avez parlé de formation, et je trouve que c'est
important. Je voulais savoir à quel point l'ordre des infirmières était disposé
à travailler avec nous pour bâtir une formation pour ses membres. Parce que,
tantôt, je l'ai dit à vos prédécesseurs, on peut avoir, comme législateur, les
meilleures meilleures intentions du monde, si on ne le fait pas ensemble, on
n'y arrivera jamais. Vous êtes des personnes extrêmement importantes, c'est
vous qui êtes sur le terrain. Alors, est-ce que vous avez cette ouverture-là à
développer une formation ensemble.
M. Mathieu (Luc) :Tout à fait, avec les gens, là, au premier chef les
communautés autochtones. D'ailleurs, dans le cadre d'un projet de recherche...
Puis je vais te laisser répondre, tu as plus l'information que moi, Caroline,
qu'est-ce qui est en train de se faire, là, puis comment un projet de formation
peut en découler.
Mme Roy (Caroline) : Parce
que, justement, c'était un fondement très important de notre énoncé de
position, de s'assurer que nos membres, les infirmières et infirmiers,
soient... aient une formation pour... qui soit vraiment une formation qui vise
la sécurité culturelle. Donc, on a travaillé de concert avec eux, on a fait des
liens aussi avec la chaire de recherche, là, qui est menée par Mme Amélie
Blanchet Garneau, le but étant de s'assurer que c'est une approche qui va
vraiment déconstruire les mythes et s'assurer qu'on apporte les bons éléments
pour que nos infirmières et infirmiers puissent soigner de manière inclusive et
de ne pas faire preuve de discrimination. Donc, on travaille activement avec
une chercheure pour, justement, s'assurer qu'il y ait une formation qui soit
disponible à l'ensemble de nos membres pour qu'on puisse avoir une approche
antiraciste et s'assurer que, dans nos interventions de soins, on prenne
conscience des éléments qui peuvent influencer les soins et donc de s'assurer
de se mettre à la place de la personne, de travailler en fonction de ses
valeurs, ses croyances. Donc, pour nous, c'est essentiel. Au courant de la
prochaine année, on travaille aussi avec un groupe de concertation, là, pour
s'assurer qu'on est en phase et que tous nos membres aient la formation et les
compétences requises pour exercer auprès des communautés autochtones et les
Inuits.
M. Mathieu (Luc) :En complément, si vous me permettez, M. le ministre, c'est
que, dans la foulée des événements du décès de Mme Echaquan, on a demandé au
comité de formation de l'Ordre de faire un inventaire de ce qui se fait dans
les programmes de formation initiale. Parce que, oui, la formation continue,
mais il faut que les différents professionnels de la santé, dont les infirmières,
les infirmiers, puissent être non seulement sensibilisés, mais apprennent des
connaissances, développent des compétences comment aborder les communautés
autochtones puis les autres communautés fragilisées. Alors, il y a un constat
qui a été fait, il y a un avis qui a été déposé au conseil d'administration
puis qu'on a envoyé aussi aux maisons d'enseignement. Alors, nous, c'est un
avis. Et là ça serait peut-être plus à votre collègue, là, de l'Enseignement
supérieur de voir qu'est-ce que les maisons d'enseignement, que ce soient les
cégeps ou les universités, ont fait avec ces recommandations-là.
• (11 heures) •
M. Lafrenière : Merci
beaucoup à vous deux. Puis vous avez raison, la formation initiale, elle est
importante, la formation continue, elle l'est extrêmement aussi. Parce que
souvent, après cinq ans, 10 ans, on peut développer des biais, on peut
développer des façons de travailler. Puis on a cette ouverture-là aussi d'aller
avec des exemples concrets de ce qu'on vit puis comment on peut agir
différemment, ça fait que je suis d'accord avec vous.
Dernière question pour moi, M. le
Président, avant de passer la parole à quelqu'un de la banquette ministérielle.
Est-ce que vous nous demandez qu'on impose ce projet de... ce projet de loi là,
pardon, aux établissements autochtones? Est-ce que c'est bien ce que je
comprends de vos recommandations? Parce que je vous avouerais que, sur le
terrain, la réception était plutôt tiède...
11 h (version non révisée)
M. Lafrenière : ...on parlait
des établissements de santé de façon générale, ça passait. Quand on allait en
communauté, établissements autochtones, donc sous régime fédéral, c'était plus
tiède comme réception. Je veux savoir quelle est votre vision là-dessus.
M. Mathieu (Luc) :Le mot «imposer» est peut-être fort, à notre sens, là, où
on en est rendus. C'est que dépendamment... Puis là la commission parlementaire
vise ça, à bonifier le projet de loi. Alors, dans la mesure où les communautés
autochtones vont se reconnaître dans les modifications qui seront
éventuellement apportées au projet de loi, là, oui, ça pourrait les concerner.
L'idée, c'est de les mettre dans le coup, dans la rédaction, la bonification du
projet de loi puis aussi dans son application.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Pour combien de
temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) :Tout le temps que vous voulez
ou presque, 6 min 40 s.
M. Lemieux : Six?
Le Président (M.
Bachand) :6 min 40 s.
M. Lemieux : Parfait. J'en
prendrais toujours plus, vous le savez. Bonjour. Je ne sais pas si vous étiez
avec nous tout à l'heure, lorsque le ministre, à un moment donné, a dit :
La sécurisation culturelle, c'est un énorme pas en avant, et, quand on arrive
avec, on se fait dire : Bien, vous auriez dû en faire 10 fois plus. Je
caractérise et je synthétise l'expression du ministre à ce moment-là, mais,
moi, ça m'a frappé. De tout ce que vous nous avez dit et de ce que vous nous
donnez dans le mémoire, il y a des choses très positives, des choses qui
viennent rajouter aussi à la réflexion du ministre par rapport à comment finir
et comment on va travailler ici, en commission, pour aboutir avec cette
première loi sur la sécurisation culturelle. Mais, juste sur ça, là, juste sur
l'idée de... et le pas qui est franchi, ça doit être, pour vous et les vôtres
dans le monde des infirmières, soulageant. C'est comme une espèce de bouffée d'air
frais, non?
M. Mathieu (Luc) :Bien, on s'active, là, tu sais, c'est un processus qu'on
amorce. Dans les discussions qu'on a eues avec les communautés autochtones, la
sécurisation culturelle, c'est un processus. La résultante, c'est la sécurité
culturelle. Tu sais, tantôt, il y avait une question qui était posée :
comment vous voyez ça, la sécurisation culturelle, comment l'évaluer? Bien, il
faudrait évaluer auprès des communautés autochtones. Est-ce qu'ils se sentent
en sécurité en agissant avec... dans le cadre du réseau de la santé? C'est
comme ça qu'on peut évaluer. Parce que la sécurisation culturelle, oui, puis c'est
un premier pas, puis on le dit dans notre mémoire, oui, c'était plus que temps
qu'on fasse ça.
Et puis, en amont du projet de loi, au
niveau de la société en général, tu sais, nos liens avec les communautés
autochtones, il y a plein de choses à défaire, d'abord, des a priori. Pas
seulement des a priori, mais, moi, ce que j'ai appris dans l'histoire du
Canada, ce qu'on appelait dans le temps, il y a plein de choses là-dedans
que... Moi, j'ai lu certains volumes, dont les écrits de M. Serge Bouchard,
anthropologue, bien, il y a des choses à réviser. Les a priori qu'on a dans le
système de santé, là, une affaire que vous savez, un exemple que je donne
souvent, une personne autochtone qui rentre dans une salle d'urgence puis qui
titube un peu, bien, souvent, les gens vont penser qu'elle est en état d'ébriété,
mais cette personne-là peut simplement avoir des troubles neurologiques, mais
ça fait partie des a priori qui ont... qui sont encrés. Alors, il y a beaucoup
de déconstruction à faire, de la construction, mais, oui, le projet de loi va
dans le bon sens. Un projet de loi... Au fil des années, on le voit, hein, il y
a des... le projet de loi n° 15, là, sur la loi... de santé, ça se révise,
ça se bonifie, tout ça. Alors, nous, on le voit dans ce sens-là.
M. Lemieux : Merci beaucoup
de rappeler à notre mémoire le regretté Serge Bouchard. Effectivement, il a
fait énormément pour nous aider à comprendre ce qu'on ne comprenait pas à l'époque
puis ce qu'on ne savait pas, à la limite. Mais revenons à la sécurité...
sécurisation culturelle. Dans le monde infirmier, dans l'Ordre des infirmières,
comment est-ce que vous pourriez nous décrire des pratiques de sécurisation
culturelle qui n'avaient pas besoin d'une loi pour être faites? Je veux dire,
la loi nous encadre, nous amène, petit peu par petit peu, avec un premier bon
pas, mais, au-delà de ça, dans la vie de tous les jours et dans la vision
infirmière de la sécurisation culturelle, pouvez-vous me parler de ce qu'on a
déjà, de pratiques qu'on s'est dit : Bien oui, on va faire ça, ça va de
soi? On parle de quoi quand on parle de sécurité?
M. Mathieu (Luc) :Ma collègue va vous répondre.
Mme Roy (Caroline) : Oui,
bien, encore une fois, dans l'énoncé de position, c'est un volet important qu'on
a voulu adresser avec le comité d'experts, la pratique professionnelle, comment
on s'assure que la pratique professionnelle vise la sécurité culturelle. Donc,
c'est par l'adaptation, justement, des interventions dans le contexte unique
des communautés autochtones, donc de s'assurer d'adapter ses interventions au
niveau du langage, on le nommait, mais aussi au niveau de toute la pharmacopée
qu'ils peuvent utiliser. Donc, nous, on a publié, également, un énoncé de
position pour que les approches complémentaires soient considérées dans l'exercice
infirmier. Donc, c'est un pas de plus de sensibiliser nos membres par rapport à
nos...
Mme Roy (Caroline) : ...tente
sur l'utilisation d'approches complémentaires, entre autres auprès des
communautés autochtones. Donc, on a travaillé des situations de cas pour
s'assurer que nos membres s'appropriaient ça et qu'ils en tenaient compte dans
leurs interventions. Donc, pour nous, c'est vraiment dans la vision infirmière,
s'assurer que la pratique infirmière déconstruit certains mythes d'une part,
ait une approche antiraciste, mais qu'elle s'assure aussi d'adapter ses
interventions à la clientèle quand elle intervient auprès des communautés
autochtones.
M. Lemieux : Merci,
Mme Roy. Merci, M. le Président. Je vois M. le ministre qui me regarde, il
doit avoir quelque chose à dire.
Le Président (M.
Bachand) :Oui, il reste
1 min 50 s, M. le ministre.
M. Lafrenière : Ça va être
très rapide. Bien, merci. Tantôt vous avez fait un commentaire que j'ai
beaucoup aimé quand on parle de sécurisation culturelle, et vous avez
dit : C'est aux autochtones de nous dire si eux se sentent en sécurité.
Puis je vous dirais, dans les consultations qu'on a menées, le message qu'on a
bien entendu aussi, c'est le dilemme qu'on a entre être assez précis, mais être
assez flexible aussi. Je vais vous donner un exemple bien précis, mais
j'aimerais vous entendre là-dessus. Je m'excuse, il doit rester quelques
secondes, j'imagine. Quand on parlait de la définition de sécurisation
culturelle, ce qu'on s'est fait dire, c'est que c'est aux autochtones de nous
dire ce que ça leur prend pour se sentir en sécurité. Puis ça ne veut pas dire
que la réponse va être la même chose à Joliette qu'elle pourrait être à
Val-d'Or ou à Montréal. Ça fait que je pense qu'il faut essayer de se donner un
petit peu de flexibilité, tout en donnant... puis j'ai bien compris le message,
là, être assez coercitif, il faut passer un message clair qu'on veut des
changements. Il faut être assez flexible quand même. C'est ce que j'ai entendu.
M. Mathieu (Luc) :Oui, il faut être flexible, puis dans la mesure que les
communautés autochtones et les Inuites s'y retrouvent dans la flexibilité, là,
je vais reprendre votre propos, oui.
M. Lafrenière : C'est pour ça
que, quand on parle du Nunavik, on garde la flexibilité, l'autonomie à la
régie, qui est présentement au Nunavik, avec tous les défis qu'on connaît,
d'avoir du personnel et de le garder. Ça aussi, j'imagine qu'on aura de l'aide
de votre part. C'est un beau défi qu'on a.
M. Mathieu (Luc) :Tout à fait.
M. Lafrenière : M. le
Président, Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député d'Acadie,
s'il vous plaît.
M.
Morin :Merci. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, merci
d'être là. Merci pour votre mémoire. Au tout début, dans votre mémoire, vous
souhaitez que le projet de loi utilise un langage clair, fort, inclusif.
Maintenant, dans le projet de loi, dans aucun article, on ne reconnaît comme
tel spécifiquement le Principe de Joyce. Alors, j'aimerais vous entendre
là-dessus. Pour vous, est-ce que c'est un manque? Est-ce que c'est quelque
chose qu'on devrait ajouter pour bonifier le projet de loi, compte tenu,
évidemment, de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples
autochtones?
M. Mathieu (Luc) :Oui. Bien, le gouvernement a tous les leviers, hein, pour
reconnaître le Principe de Joyce dans son application. Nous, comme ordre, là,
on n'a pas tous les leviers, comme, par exemple, dans le Principe de Joyce,
c'est dit qu'il y a un membre d'un ordre professionnel ou conseil d'administration
devrait avoir un membre d'une communauté autochtone. Mais nous, on n'a pas ce
pouvoir-là, c'est une élection. Alors, il y a certains éléments, nous, comme
ordre, où on n'a pas ces leviers. Mais le gouvernement. S'il y avait la volonté
de modifier les lois ou les règlements pour permettre... Ce qui se retrouve
dans le Principe de Joyce, oui, ça ferait du sens parce que les communautés
autochtones sont en attente de ça. C'est un besoin pour eux. La même chose pour
la reconnaissance du racisme systémique.
Quand on a travaillé suite aux événements
du décès de Mme Echaquan sur les travaux pour développer notre énoncé de
position, on s'est mis en action avec le comité de travail qui était composé
majoritairement d'autochtones, puis ils nous ont dit : Ça nous aiderait...
bien, ça nous aiderait... On a le besoin que, comme ordre, vous reconnaissiez
le racisme systémique. Nous, on pensait le faire à l'intérieur des travaux
qu'on démarrait avec eux, mais on s'est vite rendu compte que c'était... pour
eux, c'était un préalable. Alors, c'est ce qu'on a fait. On a déposé un projet
de résolution des conseils d'administration puis ça n'a pas été compliqué.
Alors, moi, quand je dis d'être sensible,
pas seulement sensible, mais comprendre, si on veut que les autochtones se
sentent en sécurité, oui, le Principe de Joyce, parce qu'au niveau du
gouvernement, il y a les leviers, la reconnaissance... nous, on a reconnu, là,
le racisme systémique, là, parce qu'on le sait qu'il y en a dans notre
profession. Puis je ne parle pas pour le reste de la santé, là, je vais parler
pour nos membres. Alors, il y a des efforts à faire, puis tous ces efforts-là,
il faut qu'ils s'inscrivent, je vais profiter de votre question, dans la
continuité. Parce que c'est bien beau dire tu reconnais le risque systémique,
check, tu reconnais le principe, check, mais après, qu'est ce qu'on fait? Tu
sais, toutes les actions, là, de formation initiale, formation continue dans le
réseau de la santé avec nos partenaires du réseau de la santé, il faut rester
vigilant à ça puis viser une... il faut apprendre à connaître, reconnaître,
puis ça, ça vaut pour les communautés autochtones, mais toutes les autres
communautés fragilisées aussi.
• (11 h 10) •
M.
Morin :Oui, merci. Donc, évidemment, on parle de sécurisation,
de sécurité. Donc je comprends que... puis c'est une question de volonté, là,
vous l'avez souligné. Donc, si le gouvernement avait cette volonté, on pourrait
carrément l'inclure dans le projet de loi, ce qui va... Puis, évidemment, vous avez
raison, c'est un continuum, là, évidemment. Ce qu'on ne veut pas, c'est qu'on
dise : Ah, bien, on l'a écrit dedans. Bonjour, c'est fini. Non, ce n'est
pas ça. Ça, c'est le début d'une démarche, et donc ça pourrait
éventuellement...
M.
Morin :...amener à dialoguer avec les nations autochtones pour
voir si, ultimement, ils se sentent en sécurité, mais ça, c'est une question de
volonté, et de volonté gouvernementale. Est-ce qu'on s'entend bien là-dessus?
M. Mathieu (Luc) :Oui, volonté gouvernementale, puis après ça volonté de
toutes les autres... comme les ordres, par exemple, ou d'autres groupes aussi,
qui... de qui découlent, là, certains des principes qu'on trouve à l'intérieur
du principe de Joyce.
M.
Morin :Oui, sauf qu'on s'entend que, si ça part du
gouvernement, donc de la loi qui est adoptée par l'Assemblée nationale, après
ça, bien, évidemment, pour les ordres professionnels et les autres instances,
elles vont devoir s'y conformer, on est d'accord, on est d'accord là-dessus.
M. Mathieu (Luc) :Oui.
M.
Morin :Parfait. Merci beaucoup. On a parlé, un peu plutôt ce
matin, avec le Collège des médecins de l'intersectionnalité. Le projet de loi
n'en fait pas état. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que ce serait un
avantage pour éviter que des personnes issues de nations autochtones soient
doublement ou triplement discriminées?
Mme Roy (Caroline) : Effectivement,
l'approche ne peut pas être unique, on doit avoir plusieurs perspectives. Donc,
c'est important de voir tous les acteurs autour de la table, y compris le
système de santé, le gouvernement, comme vous le dites, mais aussi les
municipalités. Comment on s'assure d'assurer que tous les filets de sécurité
sont mis? Donc, ce n'est pas une approche unique, je pense qu'il faut avoir une
perspective beaucoup plus large pour s'assurer que tous les acteurs sont autour
de la table puis qu'on répond à ce besoin d'amener la sécurité culturelle. Je
pense que c'est dans plusieurs secteurs, il faut le regarder plus largement,
effectivement.
M.
Morin :Parfait. Donc, ça serait un avantage, finalement.
Mme Roy (Caroline) : Oui.
M.
Morin :Très bien. Je vous remercie. Il y a une disposition du
projet de loi, l'article 2, qui parle, en fait, du rendre compte. On dit
que «tout établissement doit informer le ministre des pratiques sécurisantes»,
puis qu'après ça, bien, il y a une diffusion annuelle d'une liste de pratiques.
Sauf que la façon dont c'est rédigé, ça donne une obligation au ministre, mais il
n'y a pas de mécanisme de consultation. On ne fait pas référence aux nations
autochtones, on ne fait pas référence aux ordres professionnels. Est-ce que ce
serait un élément qui améliorerait le projet de loi si on prévoyait un
mécanisme de consultation et un dépôt éventuellement, par exemple, à
l'Assemblée nationale, de l'ensemble de ces pratiques, et comment, évidemment,
on les a mises en place?
M. Mathieu (Luc) :Ça pourrait être ça, mais l'autre chose, je vous écoutais,
ça pourrait être aussi dans le règlement, là, qui va découler de la loi, là, où
ça pourrait être spécifié, ces choses-là. Parce qu'on le sait, hein, un projet
de loi, c'est plus long à modifier qu'un règlement, puis après ça des lignes
directrices, c'est plus facile qu'un règlement, etc. Alors, c'est de trouver le
bon véhicule pour... si je peux dire ça comme ça, là, pour aller dans le sens
de ce que vous venez d'énoncer.
M.
Morin :Parfait. Et on parle, évidemment, de diffuser une liste
des pratiques, mais je n'ai pas vu, dans le projet de loi, après ça, un suivi
qui pourrait être fait. Donc, c'est comme si on diffusait les pratiques, puis
après ça, bien, une fois que c'est diffusé, on arrête là. Est-ce qu'on
gagnerait à ce qu'il y ait une disposition, par exemple, qui parle des suivis,
de la mise en œuvre, évaluation des résultats? Parce qu'évidemment tout ça, ça
doit être fait, mais il faut être capable, à un moment donné, si vous me
permettez, de le mesurer. Est-ce que c'est quelque chose qui, d'après vous,
bonifierait le projet de loi?
M. Mathieu (Luc) :Oui, sans être dans le trop spécifique, parce que, si on
change le... ne pas rentrer trop dans le moyen, là, mais, dans l'objectif, ça
pourrait faire du sens de le faire. Puis là le moyen pourrait rentrer plus dans
le règlement, un peu comme je le disais dans la... votre question précédente.
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. L'article 3 traite,
justement, du code des professions et de la possibilité, par règlement, de
modifier, en fait, certains articles puis de prévoir, j'imagine, d'autres actes
qui pourraient être posés dans le domaine médical. Il n'y a pas comme tel de...
il ne semble pas y avoir de mécanisme prévu pour une consultation avec les nations
autochtones et l'ordre professionnel visé. Dans votre cas, ça serait de l'ordre
des infirmières, des infirmiers. Le fait d'avoir un processus de consultation
plus spécifique inclus dans le projet de loi, est-ce que c'est quelque chose
qui aiderait les ordres professionnels, selon vous?
M. Mathieu (Luc) :Bien, c'est ça qu'on dit dans une de nos recommandations,
là, que toutes les parties prenantes, dont les communautés autochtones et les
ordres intéressés, là, à ces actes-là... qu'on pourrait donner... Parce que
c'est beaucoup aux non-professionnels, hein, c'est souvent ça, l'enjeu. Puis,
dans les non-professionnels, bien, s'ils sont appelés à poser des actes qui...
puis que, dans le système professionnel, c'est un peu à la base qu'ils sont à
risque de préjudice, parce que ça prend des connaissances, des...
M. Mathieu (Luc) :...mais là il faut jauger puis il faut assez être innovants
entre le préjudice de ne pas avoir les connaissances puis les compétences puis
les préjudices de ne pas avoir accès aux soins et aux services. Alors, c'est
pour ça que c'est en mettant à contribution les différentes personnes, groupes
concernés, là, qu'on peut trouver un... en tout cas, nous, on s'offre aussi en
collaboration pour trouver des façons de faire qui vont... où tout le monde va
y trouver son compte, je vais dire ça comme ça.
M. Morin : Puis j'imagine que
la meilleure façon... évidemment, parce que l'ordre professionnel, c'est
d'assurer, en bout de piste, la protection du public, donc c'est de faire en
sorte qu'il y ait une évaluation, par exemple, entre la pratique comme telle et
l'ordre pour que le public, en bout de piste, n'en subisse pas de préjudice,
évidemment.
M. Mathieu (Luc) :Oui, puis un encadrement aussi, tu sais, un suivi des personnes
pour lesquelles, par règlement, là, on autoriserait à pratiquer certains actes.
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. J'aimerais qu'on parle du
Nunavik, donc des Inuits. Est-ce qu'il y a des éléments, d'après vous, dans le
projet de loi qui, d'une façon particulière, vont... ou si vous avez peut-être
des suggestions, mais qui vont aider particulièrement les Inuits qui vivent, en
plus, dans des situations qui sont, malheureusement, au niveau de la santé,
très, très précaires? Est-ce que le projet de loi, quant à vous, va répondre à
plusieurs de leurs besoins, qui sont souvent spécifiques, ou s'il faudrait
autre chose?
M. Mathieu (Luc) :Bien, c'est dans l'application que va découler du projet de
loi, puis tu pourras compléter Caroline, là... Parce qu'on le sait, hein, ils
font partie des communautés, là. Ce n'est pas... Quand on parle des communautés
autochtones puis les Inuits, ce n'est pas... puis ce n'est pas homogène, hein?
Un, je... c'est une situation vraiment particulière. Nous, on pense qu'au
niveau de la loi, de façon... si on regarde de façon macro, il y a ce qu'il
faut. Dans l'application puis les efforts qui devront être mis, là, pour cette
communauté-là particulièrement, là, on n'a pas fait... on ne l'a pas regardé,
le projet de loi, particulièrement pour cette situation-là, mais on pense qu'il
y a ce qu'il faut, là, à ce moment-ci, là, pour agir, là, ou pour améliorer la
situation dans cette communauté-là.
M. Morin : Parfait, je vous
remercie.
Le Président (M. Bachand) :Alors, il vous reste une minute 50, M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Oui, dernière
dernière question, M. le Président. Depuis la tragédie de Joyce Echaquan,
est-ce que vous, au niveau de l'ordre professionnel, vous avez mis en place
différents mécanismes pour reconnaître et éliminer, évidemment, le racisme
systémique? Puis qu'est-ce que vous avez fait pour vos membres?
M. Mathieu (Luc) :Oui, il y a l'énoncé de position, là, qu'on a coconstruit
avec les communautés autochtones, qu'on a rendu public, diffusé auprès de
l'ensemble de nos membres. On l'avait diffusé ici, là. On a... Il y a l'avis,
là, notre comité de formation, dont je parlais tantôt, qui a été émis, qui est
envoyé au... déposé au conseil d'administration, envoyé aux maisons
d'enseignement, là, dans le milieu collégial et universitaire aussi. Et là on
prend... il y a des travaux d'un groupe de travail en suivi de notre énoncé de
position qui va commencer ses travaux bientôt. Alors, tu peux peut-être donner
le sens des travaux qui vont se faire...
Mme Roy (Caroline) : Oui. Le
27 septembre, on aurait déjà une première rencontre avec un groupe de
concertation constitué de personnes autochtones qui vise à mettre... à faire un
suivi, justement, sur les recommandations qui découlent de notre énoncé de
position pour faire vivre cette posture-là, donc de voir comment on peut faire
plus d'actions pour s'inscrire en continuité puis offrir de la sécurité...
finalement, des interventions sécuritaires d'un point de vue culturel. Donc, on
va poursuivre ces travaux-là de manière continue avec ce groupe qui va être un
groupe qui va nous donner des recommandations pour qu'on puisse aller plus
loin, y compris avec les maisons d'enseignement, avec les établissements de
santé. Et on continue de voir aussi comment on peut influencer la pratique. Je
vous disais tout à l'heure, là, qu'on avait adopté un cadre de référence pour
les approches complémentaires. Donc, on essaie d'avoir toutes les stratégies
qui peuvent être utilisées pour sensibiliser les infirmières et les infirmiers
à développer cette compétence culturelle là, mais ça va passer aussi beaucoup
par le groupe de concertation qui a été constitué.
M. Morin : Parfait, merci
beaucoup. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
Jean-Lesage.
• (11 h 20) •
M. Zanetti : Oui, merci, M.
le Président. Merci beaucoup pour votre mémoire et votre présentation. Une des
questions, moi, qui me taraude, disons, c'est : Comment est-ce qu'on va
mesurer l'application des pratiques sécurisantes, par exemple, dans le système
de santé? Je sais qu'il y a déjà des établissements, des endroits où on
applique certaines pratiques sécurisantes. Est-ce que, selon ce que vous en
savez, il est possible, à l'heure actuelle, dans ce qui se fait, de mesurer,
disons, l'application de pratiques sécurisantes? Puis comment est-ce que ça
pourrait s'opérationnaliser dans un projet de loi, cet objectif-là?
M. Mathieu (Luc) :Une vaste question. Dans un projet de loi, je ne sais pas,
peut-être faire allusion au fait qu'il faut évaluer les mesures, des mesures
qui sont mises en place, là...
M. Mathieu (Luc) :...partout, là, quand... des programmes sociaux, de la
santé où, peu importe les programmes que le gouvernement met de l'avant, on
devrait se soucier d'évaluation. Quant à la façon de le faire, bien, il y a
différentes choses. Au niveau des établissements du réseau de la santé, il y a
des gens qui sont spécialisés dans l'évaluation des pratiques puis tout ça,
alors ça, il y aura des choses à évaluer. Il y a, je pense, à la chaire de
recherche qui existe à l'Université de Montréal, là, il y a des travaux de
recherche qui pourraient être faites, mais là, de façon plus systématique, pour
avoir des gens indépendants à ce qui se fait dans le réseau de la santé. Alors,
il y a différentes modalités qui peuvent... puis celle que j'explique, il
pourrait y en avoir d'autres, là. Je ne sais pas si tu veux compléter,
Caroline. Mais il faut avoir ce souci-là parce que... Puis le groupe de travail
dont ma collègue a fait mention tantôt, ils vont commencer, là, le
27 septembre leurs travaux, bien, vont aller, entre autres, dans ce sens
là.
Mme Roy (Caroline) : Bien, je
pense aussi qu'il faut s'assurer d'implanter des pratiques sécurisantes et de
s'assurer que ces pratiques-là sont implantées partout et de s'assurer qu'il y
a un impact. Donc, je pense que ça passe par l'implantation de pratiques
sécurisantes. Ça passe aussi par la décolonisation de certains actes qui sont
posés, donc de vraiment se poser la question comme professionnel aussi quand on
intervient. Donc, ça passe par la formation, par la diffusion de cadre de
référence, entre autres, pour que les gens s'approprient, mais je pense
qu'après il faut mesurer l'impact de tout ça puis s'assurer qu'il y a un suivi,
puis qu'on le fasse vivre aussi à travers le temps et non pas juste comme une
liste, comme on le mentionnait, mais vraiment aller avec les interventions puis
qu'il y ait des outils de mesure qui soient déployés pour s'assurer qu'on a des
pratiques qui sont sécurisantes.
M. Mathieu (Luc) :Puis, en complément, je peux juste dire... Hier, il y a une
journaliste qui me demandait : Pensez-vous que les infirmières et
infirmiers vont avoir du temps pour la sécurisation? J'ai dit : Ce ne sais
pas d'avoir du temps. Il faut que ce soit incarné dans leur pratique. Un peu
comme un collègue vient de dire, dans le tous les jours, là, tenir compte de,
bien : C'est une personne autochtone. O.K. Quelle communauté? Bien, c'est
quoi ses référents culturels? Comment il voit la santé, la maladie, la mort?
C'est quoi, la pharmacopée qu'il utilise? Alors, c'est incarné. Ce n'est pas
une chose à part, parce que, d'avoir des activités, ça, c'est dans le
processus, mais après ça, c'est d'évaluer le résultat, ce qu'on parlait tantôt
la sécurité. Puis là c'est les autochtones qu'il faut mettre à contribution.
M. Zanetti : Merci. Puis j'ai
combien de temps?
Le Président (M.
Bachand) :Une minute.
M. Zanetti : Une minute.
Est-ce que c'est arrivé, disons dans le passé, jusqu'ici, même si le concept de
sécurisation culturelle n'est pas dans une loi, puis tout ça, pour l'instant
que, comme ordre professionnel, vous auriez vous ayez reçu des plaintes liées à
des pratiques, bien, coloniales, mettons, ou non sécurisantes de la part
d'autochtones? C'est-u arrivé que le monde nommait ça comme ça en faisant une
plainte à l'Ordre des infirmiers et infirmières?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
c'est certain qu'on n'a pas de données sur toutes les voix au niveau du syndic,
mais on peut vous dire que... bien, entre autres, au niveau de Mme Echaquan, il
y a eu des interventions qui ont été prises et ça a été pris très au sérieux,
donc d'où l'amorce d'une démarche systématique qui inclut. Mais c'est certain
qu'on n'est pas à l'abri de ça au niveau des membres, des infirmières et
infirmiers. Donc, je pense que c'est de rester à l'affût. On sait qu'il y a
encore des épisodes de racisme, donc c'est pour ça qu'on se mobilise puis qu'on
veut s'assurer que nos membres soient formés, qu'elles aient la compétence,
qu'elles aient des guides de pratique pour s'y référer. Mais, malheureusement,
c'est certain que ça peut encore arriver. Mais c'est ce qu'on veut, que ça
n'arrive plus. C'est ce qu'on souhaite.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Alors, Mme Roy,
M. Mathieu, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin. Très, très
intéressant. Sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci, à
tantôt.
(Suspension de la séance à 11 h 24)
11 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 11 h 32)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Alors, merci
beaucoup d'être avec nous. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de
présentation. Alors, je vous cède la parole d'abord, peut-être, en vous
présentant. Alors, encore une fois, merci beaucoup de travailler... De
participer aux travaux de la commission. Merci.
Mme Pierre (Myrlande) : Alors,
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Myrlande
Pierre, Vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse, responsable du mandat charte. Je suis accompagnée de
Maître Suzanne Arpin, vice-présidente et responsable du mandat charte, ainsi
que de Maître Karina Montminy, conseillère juridique, et de Mathieu Forcier,
chercheur, tous deux à la Direction de la recherche. Alors, je tiens à
souligner l'apport particulier de nos collègues commissaires à l'analyse, qui
nous amènent sur une base continue une perspective croisée à l'ensemble de nos
travaux.
Alors, la Commission a pour mission d'assurer
le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et
libertés de la personne. La Commission assure aussi la protection de l'intérêt
de l'enfant ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont
reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse. Elle veille également à l'application
de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics.
La Commission accueille favorablement l'instauration
d'une approche de sécurisation culturelle en santé dans les milieux de la santé
et des services sociaux. Cependant, nous tenons à souligner que la Commission
commente le projet de loi à l'étude, mais que, dans le respect du droit à l'autodétermination
des peuples autochtones et suivant un esprit de réconciliation, les autorités
des Premières Nations et Inuits devraient être les premières interlocutrices du
législateur dans toute mesure visant les personnes autochtones. La mise en
œuvre de ces recommandations nécessiterait des discussions préalables avec ces
autorités.
Conformément à leur droit à l'autodétermination,
le projet de loi devrait reconnaître le rôle prépondérant des peuples
autochtones pour déterminer comment ils veulent recevoir les services de santé
et les services sociaux dont ils ont besoin. Il serait donc nécessaire de
mentionner explicitement, dans le préambule de la loi envisagée, que les
peuples autochtones sont les mieux placés pour déterminer les besoins et
pratiques sécurisantes.
Plus largement, la Commission croit
nécessaire d'insister sur l'importance, pour le gouvernement du Québec, de
prendre les mesures appropriées pour concrétiser son adhésion aux principes de
la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones,
auxquels le droit à l'autodétermination participe.
La Commission souhaite ensuite porter
votre attention sur un autre des éléments essentiels qui devrait être au cœur
de l'approche de sécurisation culturelle, soit la collaboration avec les
peuples autochtones. S'il est vrai que le projet de loi réfère au partenariat
des établissements avec les autochtones, il n'est pas clair de quel type de
partenariat il est question. Il serait donc nécessaire de préciser la notion de
partenariat afin qu'elle soit comprise au sens du droit à la participation des
peuples autochtones aux décisions qui les concernent.
Dans une même logique, la sécurisation
culturelle doit être entendue comme un moyen qui vise à décoloniser les
pratiques institutionnelles, à corriger et à prévenir les situations de
discrimination. Cette approche met l'accent sur l'effet des structures, des
préjugés et des relations de pouvoir...
Mme Pierre (Myrlande) : ...Sur
les inégalités de santé et les expériences de soins des patients et usagers.
Alors, pour corriger la situation actuelle, marquée par le sentiment
d'insécurité des personnes des Premières Nations et des Inuits dans leurs
relations avec les services publics, il est nécessaire d'en reconnaître les
facteurs sous-jacents que sont le colonialisme, la discrimination et le
racisme. À cet égard, la Commission recommande au législateur d'inscrire dans
le projet de loi les éléments que le ministère de la Santé et des Services
sociaux a retenus dans le guide récemment publié sur la sécurisation culturelle
concernant les inégalités de santé et de traitement vécues par les autochtones.
Alors, dans cette perspective, la
Commission réitère l'importance de mettre en place une politique québécoise de
lutte contre le racisme et la discrimination systémique tenant compte des
particularités des Premières Nations et des Inuits. Alors, une telle politique
pourrait notamment servir de point d'ancrage à l'élaboration et au déploiement
de toute mesure visant à éliminer les manifestations de ces phénomènes, comme
celle actuellement sous étude.
Alors, je cède la parole à ma collègue,
Mme Arpin.
Mme Arpin (Suzanne) : Alors,
la commission juge d'ailleurs que le projet de loi élude complètement les
obligations légales qui concourent à l'adoption de pratiques culturellement
sécurisantes. Le Québec a pourtant des obligations précises à respecter en
matière de prestation des services de santé et des services sociaux, tant en
droit interne qu'en droit international. Le droit à la santé des peuples
autochtones devrait guider le recours à l'approche de sécurisation culturelle.
La Commission recommande depuis plus de
20 ans d'inscrire explicitement le droit à la santé à la Charte. Cette
recommandation prend tout son sens dans le contexte du projet de loi. C'est
pourquoi la Commission la réitère.
Dans cet esprit, la Commission est d'avis
que le préambule proposé devrait reconnaître clairement les obligations
juridiques sous-jacentes à l'approche de sécurisation culturelle... pardon, en
référence à la Charte. Il est ici entendu que la mise en œuvre des droits qui y
sont consacrés participe au respect du droit des personnes autochtones de jouir
en toute égalité du meilleur état possible de santé physique et mentale.
Dans l'optique de favoriser l'exercice du
droit à l'égalité, la Commission estime qu'il est nécessaire de prendre en
compte les réalités et besoins individuels des personnes autochtones qui
reçoivent des services de santé ou des services sociaux, pensons aux femmes et
aux filles autochtones, aux personnes bispirituelles et LGBT, aux enfants et
leurs familles, ainsi qu'aux aînés et aux personnes en situation de handicap.
Sur un autre sujet, la Commission juge
qu'il faudrait modifier le projet de loi afin qu'il y soit précisé que
l'embauche du personnel autochtone relève d'une obligation légale pour les
établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Cette mesure est
présentée dans le projet de loi comme «devant être adoptée lorsque possible»,
alors qu'en vertu de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans les
organismes publics... pardon, les établissements doivent œuvrer activement à
atteindre les objectifs de représentation en emploi des personnes autochtones.
Pour rester dans le domaine de l'emploi,
la Commission est d'avis que la formation obligatoire du personnel devrait
porter explicitement sur la sécurisation culturelle et être élaborée en
collaboration avec les autorités autochtones. Elle devrait aborder le cadre des
droits de la personne de façon à favoriser une bonne compréhension des enjeux
de discrimination. Enfin, la formation devrait être continue et soumise à une
évaluation des acquis.
• (11 h 40) •
De façon complémentaire, la Commission
croit que la formation initiale est un facteur clé du succès de l'adoption
d'une approche de sécurisation culturelle en santé et en services sociaux.
C'est pourquoi elle recommande que les programmes éducatifs en santé et en services
sociaux comportent une formation antiraciste axée sur la sécurisation
culturelle et les droits des peuples autochtones, incluant l'éducation aux
droits et libertés prévus à la Charte.
La Commission remarque par ailleurs que le
projet de loi ne prévoit aucun mécanisme d'évaluation des pratiques et de
reddition de comptes. Cela est étonnant considérant que la sécurité culturelle
doit être définie par la personne qui entre en relation avec le réseau de la
santé et des services sociaux. Il est donc nécessaire de prévoir, en
collaboration avec les autorités autochtones, des mécanismes pour mesurer la
qualité des services et leur sentiment de sécurité.
En terminant, la Commission est d'avis que
la modification proposée au Code des...
Mme Arpin (Suzanne) : ...contribuerait
à lever certains obstacles à la prestation de services culturellement
sécuritaires en territoire autochtone. Cependant, elle déplore que les
conditions et les modalités suivant lesquelles des personnes autochtones
pourraient exercer certaines activités professionnelles réservées ne seraient
pas prévues à la loi. Il est alors difficile de se prononcer quant à la
conformité des conditions et modalités d'exercice au droit de la Loi sur la
protection de la jeunesse et de la charte. Dans ce contexte, la commission
invite le gouvernement à s'assurer de préserver l'équilibre entre la prestation
des services de santé et des services sociaux de qualité et les besoins à
combler en termes de ressources humaines dans les communautés autochtones pour
poser certains actes réservés.
Nous vous remercions de votre attention et
nous sommes tous les quatre disponibles pour répondre à vos questions. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Lafrenière : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Merci à vous quatre d'être ici aujourd'hui. Merci
énormément. Ça nous aide, ça nous aide comme législateurs, parce que c'est ça,
le but, hein, c'est de vous entendre, d'améliorer ce qu'on a fait, et, sans
aucune prétention, aujourd'hui on fait un premier pas, je le dis depuis ce
matin. La sécurisation culturelle, on en parle depuis des années. Là, on fait
le premier pas, on le fait. Est-ce que c'est parfait? La réponse, c'est non.
Est-ce que vous allez nous aider à l'améliorer? La réponse, c'est oui.
Mme Arpin, j'ai bien aimé quand vous avez
parlé de formation tantôt, puis je suis totalement d'accord, ce n'est pas un
vaccin. Alors, la formation, on peut la recevoir, oui, quand on commence une
profession, mais c'est important, la formation continue. Alors, j'ai bien reçu
ce que vous avez parlé pour la formation et je suis totalement d'accord avec
vous. C'est ce que je parlais tout à l'heure avec les infirmières, avec les
médecins. Oui, la formation initiale, c'est bien, mais, après cinq ans, 10 ans,
on peut développer des biais parfois, et la formation peut nous aider à
partager des meilleures pratiques. Alors, ça, je vous suis là-dessus.
Pour ce qui est de la reddition de
comptes, j'aimerais ça vous amener un petit point parce qu'à l'article 2, ce
qu'on dit, c'est que les établissements doivent rendre compte au ministre, moi
en l'occurrence, qui va le mettre sur son site Web pour que ça soit
transparent, pour que les gens puissent le commenter, puissent apporter leurs
commentaires sur comment c'est fait. Et croyez-moi, on a fait la même chose
quand on a mis en place l'approche dans la commission Viens, pour répondre aux
demandes de la commission Viens, ça a été mis public. On sait très bien que le
Protecteur du citoyen fait son suivi par la suite. Notre prétention, en tout
cas ce qu'on pensait, puis je veux vous entendre là-dessus, on se disait qu'en
le mettant public sur un site Web, les gens pourraient, un, le commenter, voir
ce qui est fait. Ça, c'est l'effet plus coercitif. L'effet plus entraînant, je
vous dirais, c'est qu'à l'opposé, je me disais que... on se disait que les
centres de santé, les établissements de santé pourraient voir les meilleures
pratiques ailleurs et être tentés de les importer ou de voir de quelle façon ça
peut s'ajouter à eux. Ça fait que ça, c'est une première question que j'avais
pour vous.
Mme Pierre (Myrlande) : ...alors
je vais proposer quelques éléments de réponse, M. le premier ministre... M. le
ministre, pardon. Alors, selon les informations qui circulent, la formation
offerte actuellement en ce moment n'aborderait pas le concept spécifique de la
sécurisation culturelle. Et ça, c'est important de nommer ce dont on parle lors
d'une formation, non seulement pour avoir une compréhension commune de ce
qu'est la sécurisation culturelle et l'aborder dans toute sa complexité.
Vous parliez aussi de toute la question de
la reddition de comptes. Ça nous apparaît un élément vraiment prépondérant pour
mesurer la portée et l'évaluation des acquis. Alors, l'évaluation apparaît une
composante, là, intrinsèque à toute formation pour mesurer la portée à court,
moyen et long terme et surtout mesurer, hein, l'évaluation des acquis. Et la
commission formule aussi, par exemple, la recommandation 11, qui vise la
formation initiale des étudiants dans des programmes des secteurs de la santé
et des services sociaux également. Donc, c'est vraiment sur une base continue,
et cette formation, inévitablement et fondamentalement, devrait comprendre une
composante évaluative, comme tout projet de loi. Et il est impliqué... il est
important aussi d'impliquer les peuples autochtones dans la conception même des
paramètres d'évaluation, des indicateurs d'évaluation. Donc, tout au long de ce
processus, l'implication et la contribution substantives des peuples
autochtones doivent se faire de manière intrinsèque et de manière continue.
M. Forcier (Mathieu) : Si je
peux me permettre, sur la question de la reddition de comptes, donc,
effectivement, le projet de loi prévoit déjà que les établissements devraient
partager, là, avec le ministre les pratiques qui seront adoptées. C'est
effectivement un premier pas. Par contre, nous, ce qu'on dit, ce qu'on vient
démontrer dans le mémoire, c'est que, considérant le fait que la sécurisation
culturelle est une approche qui vise à changer les pratiques pour que les
personnes autochtones elles-mêmes se sentent en sécurité et que la sécurité
culturelle, elle est subjectivement définie...
M. Forcier (Mathieu) : ...les
personnes autochtones qui reçoivent les services, mais à ce moment-là, c'est
important de mesurer le sentiment des patients, des usagers autochtones dans
leur relation avec les services. Et, pour ce faire, bien, selon nous, c'est
important de développer des mécanismes en collaboration avec les autorités
autochtones pour mesurer le sentiment de sécurité. À cet égard- là, la
commission Viens avait d'ailleurs soulevé le problème d'un manque de données
sur l'identité autochtone collectées dans les organismes publics, donc on... La
Commission a déjà formulé plusieurs recommandations à cet effet, là, de
collecter des données désagrégées, selon les motifs de discrimination, dans une
optique claire de lutte contre la discrimination, donc ici, on revient sur
cette recommandation, mais vraiment sur les personnes autochtones. Puis on
spécifie aussi, dans... Que cette collecte de données là, elle doit être faite
dans le respect des protocoles de recherche et dans le respect de la
gouvernance autochtone sur les données, donc vraiment en collaboration avec les
autorités autochtones.
M. Lafrenière : Oui. Merci,
M. le Président. Écoutez, vous m'amenez plein de questions dans votre réponse,
ça fait que merci beaucoup, ça veut dire que c'est intéressant, puis on va être
capables de cheminer ensemble.
Vous avez parlé des données, puis ce n'est
pour la première fois que j'échange avec la CDPDJ, vous le savez, c'est un
sujet que j'aime beaucoup, et à chaque fois, je me pose la même question :
comment le faire d'une façon qui est culturellement sécuritaire, qui est
adaptée, où on ne donne pas l'impression de faire un profilage? Puis juste pour
tout le monde qui nous écoute à la maison, parce qu'en passant on nous écoute,
tantôt, on m'a même corrigé en direct sur mon cellulaire, alors imaginons qu'on
a un soin de santé qui est donné dans un établissement X, et à la fin, on passe
un questionnaire à la personne en disant : Vous vous identifiez de quelle
communauté? Je le sais qu'on a déjà eu des échanges dans un autre monde, qui
était le monde policier à l'époque, où on se disait : comme on peut le
faire sans que ça ait l'air du profilage? J'ai encore le même petit drapeau qui
sort dans ma tête. Parce que j'ai lu votre recommandation 12 puis je comprends
très bien ce qu'il y en arrière de tout ça. Puis, de façon bien pragmatique, ma
question pour vous, c'est : comment le faire sans que les gens aient cette
impression-là? Exemple, s'ils ont un mauvais soin ou il arrive quoi que ce
soit, ce n'est pas parce qu'ils ont déclaré qu'ils étaient issus d'une
communauté autochtone. Ça peut avoir l'air large comme question, mais, je
pense, ça se pose. C'est de façon pragmatique qu'on veut le faire.
Mme Pierre (Myrlande) : Oui.
Bien, écoutez, comme par exemple dans le programme... La loi sur l'accès à
l'égalité en emploi, par exemple, c'est aussi par l'auto-identification. Donc,
ce sont les personnes elles-mêmes qui s'auto-identifient comme appartenant à un
groupe spécifique. Donc, cela peut se faire déjà sur cette base-là. Donc, la
question de la discrimination, finalement, on l'occulte, mais on l'occulte mais
on prend en compte, par exemple, différents motifs de discrimination qui sont
déjà prévus à la Charte des droits et libertés. Donc, c'est une façon de procéder.
Et puis la loi, par exemple, sur l'accès à l'égalité, comme je le mentionnais,
prévoit justement différentes catégories dans la manière pour les personnes
d'elles-mêmes s'autodéfinir.
M. Lafrenière : Merci, merci.
C'est une piste.
Mme Pierre (Myrlande) : Est-ce
que ça répond?
M. Lafrenière : En partie.
Mme Pierre (Myrlande) : C'est
une piste quand même, oui.
M. Lafrenière : En partie.
Parce que, de façon pragmatique, je me le demande. Pour le vivre sur le
terrain, j'imagine la personne qui part de Manawan pour recevoir des soins à
Joliette, où il y a... puis là, on va parler de la langue, c'est clair, langue,
culture, il y a un petit blocage, puis elle entend qu'on lui demande de quelle
communauté elle s'identifie, honnêtement, il y a un potentiel de déraper. Mais
je pense qu'en travaillant avec vous, on pourra trouver quelque chose
là-dessus.
Ma question pour vous : ce projet de
loi là, est-ce que ça va vous aider dans votre quotidien, vous, la CDPDJ, dans
votre travail que vous avez à faire pour tenir nos organismes comme redevables,
de voir ce qui est fait sur le terrain? Est-ce que c'est un outil qui peut vous
aider?
• (11 h 50) •
Mme Arpin (Suzanne) : En
fait, le projet de loi qui est présenté est un est un début, est une amorce,
mais il faut toujours se rappeler que cette amorce-là doit être faite... Avant
de servir à quiconque, elle doit être faite par les autochtones, avec les
autochtones. Alors, ce projet de loi là doit garder en tête que c'est d'abord avec
les communautés et les nations autochtones qu'il faudra travailler ce projet de
loi là. S'il peut servir, ultimement, oui, parce qu'il y aura reconnaissance
des droits des personnes dans le cadre de ce projet de loi là en termes de
charte et de loi de la protection de la jeunesse. Et ultimement, si le
gouvernement en venait à la conclusion d'insérer dans la Charte le droit à la
santé, ce serait une reconnaissance, ce sera un outil appréciable pour la
Commission afin de... Dans le cadre des plaintes qui sont à traiter, de... oui,
et dans notre mandat jeunesse également, le fait de reconnaître
l'autodétermination, par exemple, dans les mandats jeunesse, dans le mandat
Charte, viendrait aider la Commission, bien sûr, dans son rôle de promotion des
droits auprès de tous les toutes les personnes au Québec, dont les nations,
dont les Premières Nations et les Inuits...
M. Lafrenière : ...quand vous
parlez du traitement des plaintes, M. le Président, on avait eu un échange à ce
sujet-là, et avec plusieurs membres des Premières Nations, on nous a dit que ce
n'était pas nécessairement de culture d'aller soit sur un site Web, d'aller
même appeler un ombudsman pour se plaindre, juste comme complément
d'information. C'est pour ça qu'on est allés avec une approche un peu
différente dans des services de santé, en s'assurant qu'il y ait des gens
qui... soit qui sont des navigateurs, des agents de sécurisation culturelle, je
l'ai bien dit, soit qu'on y va avec des gens de la communauté attikamek, dans
le cas de Joliette, qui ont été embauchés, qui travaillent dans le centre
hospitalier. Pourquoi je vous dis tout ça? C'est que souvent, ce qu'on s'est
fait dire, c'est que c'est la transmission par la parole. Alors, souvent, la
personne, la première... la première personne à qui elle va pouvoir se confier
dans sa langue, elle va porter plainte, et non pas nécessairement par un
formulaire officiel. Ça fait que c'est un petit peu en élément de réponse.
Mais, avant de passer ma... la parole à ma
collègue de Laval-des-Rapides, j'avais une petite réflexion que j'aimerais vous
entendre. Parce que tantôt vous avez dit : C'est important de le
développer avec les Premières Nations. Je suis totalement d'accord avec vous.
Le Guide de sécurisation culturelle, qui est l'amorce de ce qu'on présente
aujourd'hui, il faut se rappeler qu'il a été coécrit avec des Premières
Nations. Avant d'être devant vous aujourd'hui, on a rencontré 13 groupes
différents. Puis ça, on ne fait pas ça d'habitude, mais on l'a fait en tout
respect avec cette institution. On a quand même rencontré des groupes au
préalable pour les entendre, pour voir de quelle façon on pourrait le
travailler. Mais, quand vous parlez de coconstruire, bien, c'est un terme qu'on
a beaucoup entendu aujourd'hui. J'aimerais ça savoir comment ça se matérialise
pour vous, la CDPJ, coconstruire. Parce que moi, honnêtement, comme
gouvernement, qui a 55 communautés, incluant 14 villages nordiques, 11 nations,
réalité urbaine, réalité en communauté, quand on parle de coconstruction, oui, on
a des consultations comme on fait, c'est notre exercice parlementaire habituel,
mais on le bonifie parce qu'on se rend bien compte que c'est peu adapté, mais
peut-être partager votre vision, quand vous parlez de coconstruire les choses à
la CDPDJ, comment vous le faites. Parce que, c'est clair, je vais vous donner
un exemple, on fait des consultations, il y a un organisme important... vous
avez parlé des autorités autochtones, il y a l'APNQL qui n'est pas avec nous,
qui a décidé de ne pas être présent. On fait quoi à ce moment-là?
Mme Pierre (Myrlande) : D'accord.
Bien, surtout dans une perspective de sécurisation culturelle, donc qui vise
aussi à corriger... puis ça, on le... on développe cet aspect-là dans notre
mémoire, de corriger les rapports de pouvoir inégaux qui sont hérités par le
colonialisme. Et le colonialisme invite à quoi exactement? Bien, ça invite
aussi à un changement de paradigme, à une façon de repenser les processus qui
sont en place pour justement qu'il y ait une place en toute égalité pour les
peuples autochtones de participer à la conception même, c'est-à-dire lorsqu'on
réfléchit un projet de loi, qu'on pense un projet de loi ou une politique
publique, c'est de les impliquer dès la conception même du projet de loi. Donc,
c'est ce qui nous apparaît, là, fondamental lorsqu'on parle de corriger les
rapports de pouvoir inégalitaires, de repenser les structures. Et la
collaboration est d'ailleurs au centre des appels à l'action de la commission
Viens. Alors, c'est aussi dans cette perspective-là qu'on invite le
gouvernement à impliquer les peuples autochtones, à repenser les structures qui
sont en place et à avoir une approche décoloniale. Et ça implique vraiment une
manière d'aborder les enjeux dans toute leur complexité et permet aussi à l'action
gouvernementale de pérenniser ses actions et... de manière durable également et
d'aborder les questions, les enjeux à la source même des problèmes.
M. Lafrenière : J'ai bien
entendu ce que vous avez dit. Je suis persuadé que vous avez bien entendu ce
que j'ai dit aussi. On a rencontré 13 groupes avant même d'être ici
aujourd'hui. Quand vous parlez d'une approche différente, c'était dans notre
vision. Mais, encore là, on ne pouvait pas rencontrer tout le monde. Il y a des
gens qui ont décidé de participer, d'autres non. Et c'est pour ça que je
voulais vous entendre, parce que vous dites : Vous auriez dû le faire en
amont. C'est ce qu'on a fait. Mais, encore là, je veux... j'essaie de
m'améliorer dans tout ça, puis, à chaque fois qu'on présente un projet de loi,
ça n'arrive pas souvent aux Affaires autochtones, mais on essaie de rencontrer
les groupes avant pour faire différemment. Les gens nous disent : Écoutez,
en commission, ce n'est pas notre habitude, ce n'est pas comme ça qu'on fonctionne.
On veut le faire différemment. Alors, c'est ce qu'on a fait avant. On a lancé
une table politique aussi avec l'APNQL. Je pense qu'on a lancé plusieurs... Ce
n'est pas parfait, en passant, hein, je n'ai aucune prétention que c'est
parfait, mais on veut le faire différemment. C'est pour ça... Je vous ai
entendue, mais je vais laisser ma collègue de Laval-des-Rapides, je crois, qui
avait une question pour vous.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Merci à toutes et à tous de votre présence, de votre temps. Est-ce
que vous pouvez nous aider à comprendre comment on pourrait légalement,
juridiquement rendre obligatoire l'embauche de personnel autochtone comme vous
l'avez suggéré un peu plus tôt?
Mme Pierre (Myrlande) : Bien,
écoutez, nous avons, hein, une loi au Québec, la Loi sur l'accès à l'égalité en
emploi dans des organismes publics, et les milieux des services santé et
sociaux sont assujettis à cette loi-là. La loi, la commission a le mandat,
justement, d'assurer l'application de cette...
Mme Pierre (Myrlande) : ...Alors,
nous faisons des suivis auprès des organismes qui sont assujettis à la loi. Il
y a les groupes qui sont visés par la loi, donc ce qu'on appelle les groupes
historiquement discriminés dans le domaine de l'emploi, dont les femmes, les
minorités visibles, les personnes... Les autochtones, les personnes handicapées
et les personnes d'origine ethnique. Donc, il y a cinq groupes actuellement qui
sont visés par la Loi sur l'accès à l'égalité.
Et ce que l'on constate clairement, c'est,
en ce qui concerne les autochtones, ça stagne. Donc, les organismes n'arrivent
pas à atteindre les objectifs visés par la loi. Donc, on invite, et c'est le
travail que l'on fait au quotidien... C'est qu'on fait les suivis de manière à
ce que l'application de cette loi soit optimale pour atteindre une
représentativité beaucoup plus équitable des personnes autochtones, et ce, pas
seulement dans des postes d'entrée, mais dans toute la hiérarchie des
organisations, incluant aussi les lieux décisionnels, les lieux stratégiques où
l'on prend des décisions, que les personnes autochtones soient représentées de
manière équitable.
Mme Haytayan : Merci.
Combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) :...Une minute.
Mme Haytayan : Une
minute. Non, je vais laisser mon collègue continuer.
Une voix : ...
Mme Haytayan : Donc,
peut-être, depuis que vous assurez ces suivis, qu'est-ce que vous voyez comme
amélioration dans l'embauche de personnel autochtone, concrètement?
Mme Pierre (Myrlande) : Je...
D'ailleurs, nous allons sortir notre rapport triennal, qui est une obligation,
hein?, pour la Commission, de rendre publiques les données qui sont.... dans le
contexte de la loi sur l'accès à l'égalité en emploi. Et ce que l'on constate,
c'est que bon an mal an, il y a une sous-représentation que moi j'appelle
chronique des personnes autochtones à l'emploi. Donc, il nous faut vraiment...
L'ensemble des institutions qui sont assujetties à la loi Puisse faire des
efforts continus pour améliorer cette représentativité des personnes
autochtones à l'emploi. Et ça concerne aussi la progression en emploi. Il est
important d'avoir les personnes non seulement en emploi, mais aussi dans les
corps décisionnels de ces organismes. Donc, énormément de travail reste à faire
à cet égard, parce qu'on le constate, ça stagne depuis plus de 20 ans de
l'application de la loi sur l'accès à l'égalité en emploi pour les personnes
autochtones. Il reste énormément de travail à faire pour pouvoir atteindre les
cibles et les objectifs.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup. M. le
député de l'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Pierre, Me Arpin, Me Montminy et M. Forcier,
d'être là avec nous. Ça nous éclaire dans nos travaux, je vous remercie.
J'ai lu votre mémoire avec attention. Il y
a des éléments que j'aimerais discuter avec vous parce qu'on en a parlé aussi
avec d'autres groupes un peu plus tôt ce matin. Le projet de loi, dans son
préambule, fait référence au Principe de Joyce mais il n'en parle pas dans le
texte même de la loi. Et le Principe de Joyce, il y a un parallèle à faire avec
la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones,
notamment, l'article 24. Et, quand on parle de sécurisation culturelle, je
pense que, si on veut avoir un résultat, il faut prendre tous les moyens à
notre disposition. Selon vous, quels sont les avantages d'inclure directement
le Principe de Joyce dans la loi plutôt que de l'insérer comme il est dans le
préambule?
• (12 heures) •
Mme Pierre (Myrlande) : Bien,
écoutez, en ce qui concerne le Principe de Joyce, la Commission embrasse
clairement les principes et les valeurs du Principe de Joyce. La Commission
s'est positionnée plusieurs fois dans le même sens que plusieurs éléments
contenus dans le Principe de Joyce, par exemple la reconnaissance du droit à la
santé, le droit à l'accès sans aucune discrimination, et ça, on insiste, sans
aucune discrimination à tous les services sociaux et de santé, et également la
reconnaissance du racisme systémique, qui permet, là, justement, d'aborder les
questions complexes de sécurisation culturelle, de discrimination à la source,
donc la reconnaissance, donc, du racisme systémique, la lutte contre le racisme
et l'appui à la sécurisation culturelle dans les services sociaux et de santé,
Et bien sûr, comme nous l'avons mentionné plus d'une fois, la reconnaissance du
droit à l'autodétermination, qui est un principe fondamental dans toute action
gouvernementale, mais que ce soit de la société civile...
12 h (version non révisée)
Mme Pierre (Myrlande) : ...donc,
cette Reconnaissance du droit à l'autodétermination, c'est quelque chose qui
nous apparaît fondamental dans toute approche qui serait préconisée par le
gouvernement.
Mme Montminy (Karina) : Oui.
J'ajouterais, c'est pour ça qu'on... nous avons formulé plusieurs
recommandations, là, mais... dont la recommandation qui reprend... bien, plusieurs
de nos recommandations, là, sont directement en lien avec les... Le Principe de
Joyce. Bon, effectivement, votre question vient sur : est-ce qu'on devrait
aussi le mentionner dans la loi? Bien, c'est ce que nous, on vient préciser. Ce
qu'on demande, c'est de référer exactement aux concepts qui sont nommés dans le
Principe de Joyce, les concepts de discrimination, décolonisation, racisme et
toutes les inégalités qu'on retrouve, qui sont reconnues, qui sont inscrites
dans le Guide, là, du ministère de la Santé et des Services sociaux. Donc, l'importance
de les retrouver dans la loi, bien qu'un préambule puisse servir aussi, là, d'interprétation,
bien, évidemment, dans l'application de la loi, mais de le retrouver dans le
corps même, là, de la législation, ça viendrait renforcer, là, selon nous. C'est
ce qu'on dit dans notre mémoire.
M. Morin : merci. Parce
qu'évidemment, bon, le préambule, vous l'avez très bien souligné, c'est un
texte qui permet de cerner les paramètres, d'interpréter la loi, mais ce n'est
pas la loi comme telle. Donc, quant à faire un premier pas vers la
sécurisation, bien, pourquoi ne pas en faire un bond et l'inclure directement
dans le projet de loi? Ça permettrait de régler ça puis, après ça, bien,
peut-être... Évidemment, on a entendu le Collège des médecins un peu plus tôt
aujourd'hui, de cerner tous les paramètres et d'employer, par la suite, des
moyens qui vont nous permettre d'avancer. Donc, ce serait un avantage
finalement de l'inclure comme tel dans le texte législatif, le principe de
Joyce?
Mme Montminy (Karina) : Ça, sans
qu'on se soit prononcé directement sur cette question-là, bien, ça va dans le
sens de ce qu'on vient recommander là.
M. Morin :
O.K. Merci. Merci beaucoup. J'aimerais
aussi bien comprendre. Parce que, Maître Arpin, vous avez fait référence à la
Loi sur l'accès à l'égalité en emploi, et cette loi-là, évidemment, impose des
obligations aux employeurs, notamment, au gouvernement. Et dans le projet de
loi, le gouvernement nous dit à l'article 1, alinéa 4, «adapter,
lorsque possible, l'ordre des services de santé et des services sociaux par des
moyens comme l'embauche de personnel autochtone». On nous a dit un peu plus tôt
aujourd'hui que, «lorsque possible», ce n'était pas très, très... En fait, pas
assez fort, ça ne donnait pas une véritable obligation. Mais est-ce qu'en
utilisant cette rédaction-là, le gouvernement ne vient pas affaiblir les
dispositions de la loi sur l'accès à l'égalité en emploi?
Mme Montminy (Karina) : C'est
ma collègue qui est spécialisée.
Mme Pierre (Myrlande) : Oui.
Bien, en fait, alors... En fait, c'est parce qu'à la Commission j'ai la responsabilité
d'assurer, là, le suivi de cette loi-là, bien sûr, avec les membres du
personnel de la direction de l'accès à l'égalité, qui a le mandat,
effectivement, d'assurer ce suivi-là auprès des organismes qui sont assujettis
à la loi.
Puis pour peut-être... En termes d'indicateurs,
en 2019, le taux des personnes autochtones était de 0,3 %, alors que la
cible était de 0,9 %. Alors, la loi, il y a une obligation légale, donc
moi, je pense que c'est là la prise que nous avons comme institution. C'est qu'il
y a une obligation légale pour les organismes qui sont assujettis à la loi d'appliquer
la loi. Alors, «lorsque c'est possible», bien, ça vient, quelque part, un peu
diluer cette obligation d'appliquer la loi sur l'accès à l'égalité en emploi.
Alors, je vous dirais, comme étant
responsable de la loi, la Commission, par exemple, est en mesure de dire que
les autochtones, comme je le mentionnais, sont sous-représentés dans toutes les
catégories d'emploi et dans tous les secteurs d'activité, également. Alors, ce
que vous soulevez comme question, bien, je vous dirais, c'est par le principe d'application
de la loi sur l'accès à l'égalité en emploi que l'on peut parvenir à corriger
les discriminations historiques en emploi pour les personnes autochtones.
M. Morin : Je vous remercie.
Et pour moi, c'est très important, je vais vous expliquer pourquoi. Évidemment,
le législateur...
M.
Morin :...quand il adopte, quand on travaille un projet de loi,
il est censé savoir ce qu'il fait, il a une connaissance de l'ensemble du
corpus législatif. Et donc ma crainte, c'est comme si, au lieu de venir
renforcer la loi sur l'accès à l'égalité en emploi, on venait diminuer son
application dans une autre loi du même Parlement. Or, pour moi, ça m'apparaît
quelque chose qui n'est pas cohérent. Donc, si on veut qu'il y ait une
cohérence entre les différents textes législatifs, ne devrions-nous pas
modifier la disposition pour qu'elle ait une force beaucoup plus obligatoire,
pour qu'il y ait une cohérence entre les différents textes législatifs?
Mme Pierre (Myrlande) : ...est-ce
que cela se pose en termes dichotomiques? Je ne pense pas. La loi sur l'accès à
l'égalité en emploi existe, puis, comme je le mentionne, il y a une obligation
légale pour les organismes qui sont assujettis à la loi d'appliquer cette loi.
Donc, il faudrait peut-être renforcer cet élément-là en s'appuyant sur une loi
qui existe depuis plus de 20 ans au Québec et qui a été adoptée à l'unanimité
par l'Assemblée nationale du Québec.
M.
Morin :Et évidemment la loi vise tous les établissements du
réseau de la santé et des services sociaux.
Mme Pierre (Myrlande) : C'est
exact. Oui, tout à fait.
M.
Morin :Donc, ils sont déjà inclus.
Mme Pierre (Myrlande) : Exactement,
oui.
M.
Morin :Donc... Et là j'écoute votre témoignage, et c'est très
intéressant, donc, parce qu'on sait que cette loi-là existe depuis longtemps.
Malgré les objectifs, les cibles à atteindre, vous confirmez qu'on n'est pas
là.
Mme Pierre (Myrlande) : En ce
qui concerne les autochtones, clairement les données stagnent, et ce, dans
toutes les catégories, dans tous les secteurs d'emploi, les progrès ne sont pas
au rendez-vous, donc les cibles ne sont pas au rendez-vous. Et c'est à ce titre
que la commission fait des suivis soutenus auprès de ces organismes qui ont la
responsabilité d'appliquer la loi de manière à ce qu'on puisse atteindre cette
représentativité en toute égalité pour les personnes autochtones.
M.
Morin :Et ça, je comprends que ça touche également les
Premières Nations et les Inuits.
Mme Pierre (Myrlande) : Tout
à fait. Tout à fait.
M.
Morin :D'accord. Je vous remercie. Dans le projet de loi,
toujours au même article, on traite évidemment de la prise en compte des
réalités propres aux femmes et aux filles autochtones. Je comprends très bien
pourquoi ça a été rédigé de cette façon-là, mais je pense que la commission a
aussi un mandat fort, un mandat important en ce qui a trait à la jeunesse, donc
à tous les enfants. Est-ce qu'il y aurait moyen de bonifier le projet de loi en
le modifiant pour inclure visiblement tout le monde?
Mme Arpin (Suzanne) : ...le
projet de loi... le projet de loi devrait s'adresser à toute personne
autochtone, Premières Nations, Inuits, que ce soient les enfants, les aînés,
toutes populations... toutes populations confondues. D'ailleurs, à la...
justement, à la recommandation 8, on recommandait de modifier la loi de façon à
ce que les établissements visés soient tenus d'adopter des pratiques
sécurisantes qui tiennent compte des réalités et besoins spécifiques de la
personne autochtone qui reçoit les services de santé et les services sociaux,
donc les enfants, les aînés et toute personne qui se décrit comme une personne
des Premières Nations, Inuits.
M.
Morin :Merci. J'ai une autre question. Dans... Le projet de loi
ne semble pas faire référence à l'intersectionnalité, et vous savez que, dans
certains cas, pour certaines personnes, tout dépendant de notre état, bien, on
peut vivre de la double ou de la triple discrimination. Est-ce que l'inclure
comme tel, obliger le gouvernement à en tenir compte quand il s'agit des
Premières Nations et des Inuits, ce serait un avantage et ça viendrait bonifier
le projet de loi?
• (12 h 10) •
Le Président (M.
Bachand) :En quelques secondes, 40
secondes.
M. Forcier (Mathieu) : Je
vais y aller brièvement. Ça va vraiment dans le sens de la recommandation dont
on vient de traiter à l'effet de prendre en compte les besoins spécifiques de
la personne autochtone qui reçoit les services et de tenir compte du fait que
cette personne-là peut se situer à l'intersection de différents axes
d'oppression et qu'elle n'est pas seulement une personne autochtone, mais de
vraiment tenir compte de ses réalités et besoins spécifiques.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre présentation et votre contribution au
débat qui est fondamental. Je ne sais pas si... Je vais vous poser une
question. Je ne sais pas si vous avez déjà...
M. Zanetti : ...puis, si vous
avez besoin de le faire plus tard, bien, on aura d'autres correspondances. Mais
je me questionne, si... Bon, par rapport à la Déclaration des Nations unies et
les droits des peuples autochtones. Le Québec, en 2019, par motion, a comme
reconnu ces principes, mais on ne l'a jamais légiféré, là-dessus, on ne l'a pas
intégré encore pour l'instant. Et c'est peut-être dans les plans, on va voir,
je vous relancerai là-dessus. Mais je me demande est-ce que ce projet-là, par
exemple, là, respecte le principe que nous reconnaissons au Québec, là,
d'autodétermination des Premières Nations et des Inuits, compte tenu du fait
que, bien, il n'a pas été fait par et pour les autochtones, là, les nations
autochtones, il a été fait à la place de, pour, là? J'entends bien le ministre
qui dit : en consultant 13 organisations, et tout ça, mais quand
même, il n'A pas été coécrit. Alors, est-ce que, selon l'analyse que vous en
faites, ça ne viendrait pas, ce projet-là de loi, comme il est rédigé
actuellement, en contradiction avec le principe d'autodétermination des peuples
autochtones?
Mme Montminy (Karina) : Bien,
je pense que, dans notre mémoire, on l'aborde à plusieurs reprises. On vient
rappeler, hein?, au gouvernement, au législateur, là, les engagements du
Québec, hein?, face à la... En vertu de la Déclaration de l'ONU sur les droits
des peuples autochtones, mais également en vertu de d'autres conventions,
Déclarations. Et sans entrer, là, dans... est-ce qu'on n'a pas fait ce type
d'analyse là dans le cadre du projet de loi, là, mais évidemment, on est venu
se... on a fait des analyses pour dire qu'il faut intégrer, il faut intégrer les
principes, le principe du droit à l'autodétermination, c'est notre première
recommandation, hein? Notre première recommandation vise spécifiquement à
s'assurer qu'on travaille, que le... ça soit fait en collaboration avec les
peuples autochtones. Donc, la question de... votre question de dire :
bien, est-ce que ça répond aux engagements? Bien, nous, on vient les rappeler à
plusieurs endroits, là, dans notre mémoire, on vient les souligner. Puis, il y
a plusieurs des droits qui sont spécifiquement, là... dont le droit à la santé
des personnes autochtones, qui est au centre du projet de loi, bien évidemment.
M. Zanetti : Puis
l'inscription du droit à la santé dans la charte, au Fond, qu'est-ce que,
concrètement, ça viendrait amener comme outil de plus, par exemple, pour la
sécurisation culturelle? Vous en avez parlé, là, mais si vous pouviez élaborer
un peu plus?
Mme Montminy (Karina) : Bien,
c'est sûr que c'est une recommandation qu'on porte de longue date à la
Commission, le droit à la santé, de l'inscrire spécifiquement, donc d'avoir un
droit qui est reconnu, qu'on peut... Donc un droit positif, hein? C'est plus...
C'est beaucoup plus facile par la suite à faire valoir, à le rendre effectif,
et ça permet aussi sa reconnaissance, hein? C'est... Quand on inscrit un droit
dans nos lois, c'est qu'on reconnaît, on reconnaît tout ce qu'il signifie,
sa... L'interprétation qui est donnée tant par le droit international, il
est... C'est... Comme on l'explique dans notre mémoire, on est déjà liés à ces
interprétations, mais de le reconnaître spécifiquement, bien, on endosse. Ça
vient endosser, et on peut s'y appuyer, là, par la suite de façon beaucoup plus
concrète.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup
d'avoir été avec nous aujourd'hui, ça a été très, très, très apprécié.
Sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'après les avis touchant à travers les travaux des commissions. Merci. Bon
lunch.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 50)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
début d'après-midi. La Commission des institutions reprend ses travaux. Nous
poursuivons donc les consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n° 32, Loi instaurant l'approche de sécurisation culturelle au
sein du réseau de la santé et des services sociaux. Tout d'abord, je tiens à
nous excuser, c'est la rentrée parlementaire, on a pris du retard. Mais, par
respect pour l'ensemble des groupes qui sont ici puis qui vont suivre, si vous
êtes d'accord, on réduirait d'une façon proportionnelle l'ensemble des temps
des parlementaires pour pouvoir respecter le plus possible l'horaire qu'on s'était
donné. Est-ce qu'il y aurait consentement?
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. Donc, on
débute cet après-midi avec le Regroupement des centres d'amitié autochtones du
Québec. Alors, merci d'être ici. Encore une fois, désolé pour le retard. Alors,
je vous laisse débuter, vous avez 10 minutes de présentation, et je vous laisse
aussi vous présenter. Merci beaucoup.
Mme Lainé (Amélie) : Kwe.
Bonjour. Amélie Lainé, membre de la première nation de Wendake et directrice du
développement stratégique au Regroupement des centres d'amitié autochtones du
Québec. Le regroupement est une association provinciale des centres d'amitié
autochtones, c'est une organisation qui se porte à la défense des droits et
intérêts des citoyens autochtones dans les villes au Québec et qui soutient l'action
des centres d'amitié. Les centres d'amitié sont présents dans 13 villes au
Québec et les centres ont une politique portes ouvertes et desservent l'ensemble
des citoyens autochtones, qu'importe la nation d'appartenance, le lieu de
résidence.
Mme Cloutier (Édith) : Kwe.
Bonjour. Édith Cloutier, membre de la première nation anishnabe, directrice
générale...
Mme Cloutier (Édith) : ...du
Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or, également membre du conseil
d'administration du Regroupement des centres d'amitié autochtones.
Alors, nous remercions la commission de
cette invitation à contribuer à ces travaux d'étude du projet de loi n° 32, la
Loi instaurant l'approche de la sécurisation culturelle au sein du réseau de la
santé et des services sociaux.
Si de nombreuses initiatives entourant le
déploiement de la démarche de sécurisation culturelle ont pris place en
Ontario, en Alberta ou en Colombie-Britannique ces dernières années, aucune
province canadienne n'a encore inscrit ses intentions dans un projet de loi. Le
Québec fait un pas important dans la bonne direction.
Dans un premier temps, nous sommes d'avis
que la vision de la sécurisation culturelle telle que proposée dans le projet
de loi n° 32 est nettement insuffisante. Il faut se rappeler que la démarche de
sécurisation culturelle originale a été le chemin choisi par le peuple maori de
la Nouvelle-Zélande pour combattre la discrimination et le racisme. Au Québec, la
sécurisation culturelle a été documentée et recommandée par la commission
Viens, qui, par le fait même, a reconnu que la discrimination systémique
existe. Le Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec est en phase
avec ce constat qui découle de centaines de témoignages de personnes
autochtones invitées à partager leurs expériences dans les services publics
québécois ainsi que de nombreuses présentations provenant d'instances
autochtones, de chercheurs et d'experts autochtones et non autochtones.
Donc, ce que le regroupement propose dans
son mémoire aujourd'hui, c'est d'optimiser, de bonifier et de renforcer le
projet de loi n° 32 et de faire en sorte que ses dispositions puissent
s'incarner dans des actions, des mesures et des pratiques concrètes permettant
au gouvernement, en étroite collaboration avec les partenaires autochtones
concernés, de consolider sa responsabilité populationnelle à l'égard de la
population autochtone. Notre mémoire propose une feuille de route avec ses
pistes de solutions, ses moyens et ses stratégies pour justement transformer de
manière durable un système qui fait défaut.
La population autochtone en milieu urbain
croît deux fois plus rapidement que celle des communautés territoriales ou les
réserves. Selon les données recensées par Statistique Canada en 2021, 61 %
des membres des Premières Nations et du peuple inuit détiennent une résidence
permanente dans les villes, ce qui représente trois personnes autochtones sur
cinq, et les femmes sont plus nombreuses que les hommes.
Donc, au sein du mouvement des centres
d'amitié autochtones du Québec, la sécurisation culturelle est une démarche qui
est à l'oeuvre depuis plus d'une décennie, notamment par l'implantation de
cliniques en santé autochtone. Ces cliniques, codéveloppées avec le réseau de
la santé et des services sociaux du Québec, ne sont pas une finalité, mais
plutôt un moyen de décolonisation et un levier de transformation systémique.
Le projet de loi n° 32 est perfectible et
doit aller au-delà d'une intention. Légiférer en matière de sécurisation
culturelle signifie s'engager ensemble comme société à apporter des changements
réels et mesurables en matière de réduction des écarts et d'amélioration de la
qualité de vie des autochtones du Québec. Ce que nous proposons, c'est un
véritable chemin de réconciliation, et la réconciliation requiert d'abord de
s'instruire de la réalité. Ce que le regroupement offre pour ces travaux, c'est
la voie du dialogue, de l'ouverture et de l'éducation. Les centres d'amitié sont
sur le terrain au quotidien, riches d'une histoire de plus de 50 ans au Québec.
Nous rencontrons à chaque jour des personnes abîmées par tous les types d'abus,
toutes les portes fermées, et nous marchons à leurs côtés en quête de solutions
tangibles.
Pour contrer la discrimination systémique,
il faut des avancées systémiques. Le premier signe de...
Mme Cloutier (Édith) : ...du
gouvernement en matière d'avancée systémique a été donnée en 2019 au moment de
la présentation des excuses de l'État québécois en réponse à l'appel à l'action
numéro un du rapport de la Commission Viens. Mais ces excuses prennent un sens
véritable par l'action.
Également, l'investissement d'importantes
ressources par le gouvernement dans le développement de cliniques en santé autochtones,
un modèle de coresponsabilité et d'innovation sociale, est un pas concret vers
une transformation systémique et la reconnaissance égalitaire des apports de
chacune des parties au mieux-être de la population autochtone.
L'exemple du présent projet de loi
s'inscrit aussi à l'enseigne d'une avancée systémique. Bien que plusieurs de
ses dispositions doivent être amendées, il offre néanmoins une opportunité
inédite de prendre la mesure du chemin parcouru mais aussi du chemin à
parcourir quant à une transformation des façons de faire au sein du Réseau
québécois de la santé et des services sociaux.
Dans sa mouture actuelle, le projet de loi
ne permettra pas une réduction significative des écarts. La sécurisation
culturelle est fondée sur une relation à renouveler. Il n'y a pas de
sécurisation culturelle unilatérale. Elle ne peut pas venir du gouvernement
seul ou des Premières Nations seules de leur côté. Une démarche de sécurisation
culturelle se construit sur les bases d'une relation et une volonté commune de
réconciliation fondée sur l'ouverture, la compréhension et le dialogue.
Et donc, en conclusion, nous avons quatre
recommandations, présentées dans notre mémoire, qui tracent la voie en ce
sens : la recommandation numéro un, que le projet de loi n° 32
conduise à l'amélioration tangible des conditions de vie et de santé de la
population des Premières Nations et du peuple inuit par une réduction
significative des écarts entre la population québécoise et la population
autochtone, la recommandation, deux que le projet de loi reconnaisse la
contribution unique du regroupement des centres d'amitié et de ses centres
affiliés à la mise en œuvre d'une démarche de sécurisation culturelle
communautaire et culturellement ancrée pour le bénéfice de l'ensemble de la
population autochtone, troisièmement, que le projet de loi n° 32 inclue
des mécanismes et des mesures afin de combattre la discrimination et le racisme
en consolidant ses avancées systémiques en matière de réconciliation avec les
membres des Premières Nations et du peuple inuit, et enfin la recommandation
quatre, que les dispositions du projet de loi n° 32, à partir du réseau de
santé et services sociaux, se déploient dans tous les ministères et que ses
principes et orientations fassent l'objet d'une harmonisation au sein de l'État
québécois. «Meegwetch». Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. Alors, en
période d'échange, on débute avec M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Lafrenière : Merci
beaucoup, M. le Président. «Kuei, kuei».Très heureux de vous recevoir
aujourd'hui. Encore une fois, à mon tour de présenter mes excuses pour le
retard. Désolé, mais, vous voyez, quand on avec les oppositions, on trouve une
belle solution. On va couper dans notre temps pour vous permettre d'être ici
avec nous. Merci. Merci de votre présentation.
• (16 heures) •
J'imagine que les oreilles vous ont silé
ce matin parce que j'ai parlé, j'ai fait référence à des belles choses que vous
faites. Le réseau des centres d'amitié autochtones du Québec est très
innovateur dans son approche, entre autres, avec les cliniques, que j'ai le
plaisir d'appeler «minowé», mais que je devrais appeler «mino pimatisiwin». Je
m'excuse, je suis moins bon dans celle-là. Mais effectivement, on en a... j'ai
eu la chance de les visiter, de les voir sur le terrain, puis c'est une belle
approche. C'est un bel exemple de comment on peut faire différemment, puis
c'est ce que je passais comme message ce matin aussi au Conseil des médecins.
Il y a des belles choses qui se font sur le terrain. Quand on allie le savoir
autochtone avec la médecine, on peut arriver quelque chose de bien.
Et j'ai bien aimé ce que vous avez dit
aussi quand vous avez dit : On doit travailler ensemble, si on fait ça
chacun de notre bord, on n'arrivera absolument à rien. C'est l'autre message
que j'ai passé aussi au Conseil des médecins en disant : si les gens de
première ligne ne sont pas impliqués avec nous, on peut passer les règles ici,
là, ensemble, même avec les oppositions, on peut passer le plus beau projet de
loi, il n'y aura pas de changement, puis, dans quelques années, nous serons
assis à la même place en se disant : Mon Dieu! On n'a pas réussi.
Ça fait que Merci pour vos
recommandations. J'ai quelques petites questions bien techniques. Puis la
première, c'est votre recommandation 1. Quand vous dites que le projet de
loi... Conduise à l'amélioration tangible des conditions de vie, moi,
j'aimerais ça savoir comment on pourrait traduire ça dans le texte de loi.
Est-ce que vous avez déjà une suggestion à nous faire, si on va un petit peu
plus loin avec ce que vous avez proposé...
16 h (version non révisée)
M. Lafrenière : ...dans votre
recommandation 1?
Mme Cloutier (Édith) : Bien,
vous avez fait référence à ce qu'on appelle maintenant nos cliniques en santé
autochtones. Ce sont des cliniques qui se retrouvent dans les murs du centre...
d'un centre d'amitié. On en a plusieurs en déploiement dans le réseau. Ces
cliniques sont codéveloppées, codirigées sous une coresponsabilité avec les
centres de... les CISSS et les CIUSSS. Donc, cette démarche-là vise à
renouveler et à diversifier l'offre de services de soins, santé et services
sociaux pour les autochtones en milieu urbain. Concrètement, des services sont
donnés à travers une équipe médicale et professionnelle, mais qui interagit
avec l'équipe élargie du centre d'amitié autochtone. Donc, l'approche se veut
une approche participative collective où les cliniques ne sont pas des silos à
l'intérieur d'un centre, et ce n'est pas le réseau qui s'implante à l'intérieur
d'un centre d'amitié, c'est vraiment une approche renouvelée avec des
perspectives autochtones du mieux-être et de la santé, et ces cliniques-là
viennent cohabiter et même interagir avec des approches culturelles de guérison
traditionnelles.
Donc, c'est quand même novateur, parce que
ça n'existe pas ailleurs. Même à l'échelle du Canada, le modèle que nous avons,
c'est un modèle unique au Canada. Et d'ailleurs, l'innovation dans la relation
qui s'est coconstruite avec le réseau de la santé et les centres d'amitié, c'est
sous l'égide d'une entente de coresponsabilité qui est une avancée en soi
systémique qui met de l'avant un partage du réseau de la santé et de la
gouvernance d'un centre d'amitié pour mettre en place ces services.
M. Lafrenière : Oui. Je
laisserais la parole à mon collègue de Joliette, s'il vous plaît.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Joliette.
M. St-Louis : Merci, M. le
Président. Bonjour, mesdames. Ma question, moi, est en lien avec la
recommandation numéro 4, où vous suggérez l'harmonisation dans tous les
ministères de ce que le projet de loi n° 32 vise à faire pour les services
sociaux... la santé et les services sociaux. Alors, que penseriez-vous d'une
approche plus étapiste, là, qui toucherait d'abord la santé et les services
sociaux sur la base de l'expérience acquise et qui prévoirait par la suite, là,
subséquemment, des interventions adaptées pour les autres secteurs de l'action
de l'État québécois?
Mme Cloutier (Édith) : Merci
de votre question. En fait, la vision du mieux-être autochtone déborde du cadre
strict de la santé physique, on englobe les composantes de... plus larges et on
parle même de déterminants de la santé autochtones qui sont spécifiques aux
peuples autochtones. C'est pour ça qu'une approche transversale, plus globale,
plus intégrée répond, est arrimée et harmonisée de façon beaucoup plus efficace
et efficiente dans le contexte autochtone.
Il faut dire aussi que le racisme et la
discrimination ne sont pas spécifiques à un domaine en particulier qu'est la
santé et services sociaux. L'exposition... les traumatismes ne tiennent pas
compte que d'un seul secteur. On peut penser qu'une approche globale en matière
de mieux-être, d'habitation, d'éducation, de différentes... de l'employabilité
dans toutes ses sphères contribue globalement à un mieux-être. Donc... Mais je
comprends que le Québec fait un premier pas. D'ailleurs, je l'ai mentionné dans
mon introduction, dans nos recherches, le Québec est la première province à
légiférer sur la question de la sécurisation culturelle, malgré qu'il y a
beaucoup d'avancées dans d'autres provinces, et je pense qu'on est en mesure de
comprendre la démarche et également, évidemment, d'y participer et d'y
contribuer.
M. St-Louis : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :M. le ministre.
M. Lafrenière : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. À la recommandation 2, je vois que vous voulez qu'on
reconnaisse ce que le Regroupement des centres d'amitié autochtones fait. Moi,
je le reconnais à tous les jours. Mais, de façon concrète, comment ça prendrait
forme? Parce que, vous comprenez, puis ce matin j'en parlais avec d'autres
groupes, on a 55 communautés au Québec, si on inclut les 14 villages nordiques,
on a des réalités qui sont propres à chacune de ces communautés-là, on a...
Vous représentez très bien une réalité urbaine qu'on a tendance à oublier quand
on parle des...
M. Lafrenière : ...des
réalités autochtones, et non pas de la, mais des réalités autochtones. Alors,
quand je lis votre recommandation, je me demande de quelle façon on pourrait
aller là, parce que ça pourrait être une liste exhaustive. Est-ce que vous avez
déjà une autre idée?
Mme Lainé (Amélie) : Bien,
c'est certain qu'une reconnaissance... Édith le mentionnait, il y a déjà eu des
avancées qui ont été faites, il y a quand même une reconnaissance du MSSS qui a
été faite des cliniques qu'Édith vous a... le Mino Pimatisi8in de Val-d'Or,
mais aussi, à Québec, il y a Nitnat, à La Tuque, il y a la clinique Acokan.
Dans la majorité des centres d'amitié autochtones au Québec en ce moment, il y
a des cliniques en santé autochtone qui accueillent les citoyens, qui sont une
porte d'entrée, là, pour des services culturellement pertinents et sécurisants,
là, en santé et services sociaux.
Dans notre mémoire, vous pourrez le
constater, on en parle de façon plus exhaustive, on parle de l'importance de
cette reconnaissance-là. On comprend que, dans un projet de loi, on ne peut
peut-être pas tant nommer le regroupement et les centres. Ça, on en est
conscients. Vous l'avez dit, M. le ministre, il y a des réalités. Par contre,
les centres d'amitié tombent dans la juridiction provinciale, au Québec, on
n'est pas sous juridiction fédérale. On est à l'extérieur des communautés. On
interagit avec tous les réseaux du gouvernement québécois, que ça soit en
santé, en éducation, en justice. On a des ententes, des collaborations pour
développer des services et s'assurer, justement, que les citoyens autochtones
aient une équité de services, comme tous les citoyens québécois.
Bien, vient avec ça du financement, tu
sais, on va appeler ça... on va dire les vraies choses. Une reconnaissance, on
en a eu une. Ça serait bien que ça se perdure dans le temps et, si c'est
possible, peut-être de pouvoir l'indiquer dans un projet de loi, que le
financement des cliniques qui sont coconstruites, codirigées par le réseau de
la santé, en ce moment, et les centres d'amitié soit un modèle reconnu et mis
de l'avant.
Mme Cloutier (Édith) : Si je
peux juste me permettre un petit ajout, on avait présenté à votre... pardon,
mon mot, le fait que les centres d'amitié peuvent très bien être la porte
d'entrée du réseau de la santé et des services sociaux auprès des autochtones
en milieu urbain, donc l'accessibilité, rétablir la relation de confiance. Les
centres d'amitié et l'offre de services des centres d'amitié, et donc des
cliniques en développement, pourraient s'inscrire formellement dans l'offre de
services publics et dans l'écosystème des services de santé et services sociaux
du Québec, non pas comme un partenaire, mais vraiment en coresponsabilité pour
soutenir cette responsabilité populationnelle, mais de se faire à travers la
reconnaissance formelle et, comme la commission Viens l'a recommandé également,
avec un financement qui n'est pas morcelé, qui n'est pas par projet, qui n'est
pas par programme déterminé, mais bien de manière pérenne.
• (16 h 10) •
M. Lafrenière : ...autre
question pour vous, puis je veux être très transparent avec vous, je vais vous
avouer que j'ai certains mémoires qui ont été déposés qui me laissent croire
qu'il y a urgence d'agir, d'autres me demandent de lever le pied sur la pédale
un petit peu, de prendre un pas de recul. Alors, en toute transparence, je veux
avoir votre opinion là-dessus. Vous savez, on devait le présenter dans
l'ancienne législature. On s'est fait reprocher de ne pas l'avoir fait. C'est
une... C'était un engagement qu'on avait pris à ce moment-là suite à la
tragédie de Joyce Echaquan. Et c'était quelque chose qui était important. Et là
je veux savoir aujourd'hui votre position à vous, du regroupement. Puis je ne
veux pas faire une généralisation, là, je parle vraiment pour le regroupement.
Est-ce qu'il y a urgence d'agir? Est-ce que, pour vous, c'est pressant? Vous
avez dit qu'on est la première province à y aller. J'en suis très heureux.
Est-ce qu'il y a urgence d'agir?
Mme Cloutier (Édith) : Bien,
vous parlez à des gens qui viennent d'un mouvement communautaire ancré sur le
terrain. On l'a mentionné, on est à tous les jours avec des membres de notre...
de nos communautés. Nous sommes un mouvement en action, et donc c'est sûr que,
pour nous, nous avons des solutions. Nous en proposons plusieurs, nous avons
établi plusieurs champs d'intervention avec différents ministères, que ce soit
dans le domaine... comme Amélie l'a mentionné, en justice, en éducation, en
habitation, en santé, en services sociaux. Donc, pour nous, passer à l'action,
c'est au cœur de notre démarche et de notre mission...
Mme Cloutier (Édith) : ...Donc,
pour nous, il ne s'agit pas de rejeter l'approche, telle que définie dans le
projet de loi, mais c'est la vision de la sécurisation culturelle proposée qui
est nettement insuffisante. La sécurisation culturelle n'est pas une question
d'individus ou de personnes, c'est une question de collectif, et ça implique la
mise en relation, et ça implique le dialogue, la compréhension et la
co-construction.
M. Lafrenière : ...Rapide. Je
pense que je connais la réponse, mais je vais y aller quand même : est-ce
que c'est un défi, pour vous aussi, de faire l'embauche de personnel
autochtone? Parce qu'on l'a mis dans les actions à poser, puis on y croit. Des
fois, on a des solutions comme des navigateurs, mais, je veux dire, même au
sein de mon cabinet, quand j'en embauche, je me les fais voler par la suite. Je
ne visais pas personne en particulier, mais c'est une réalité. Alors,
j'aimerais savoir, de votre côté, est-ce que vous avez la même réalité?
Le Président (M.
Bachand) :Très rapidement, parce que...
Mme Lainé (Amélie) : ...il y
a une pénurie de main-d'œuvre, là. Je veux dire, tout le monde la vit au
Québec, le milieu autochtone doit être encore plus... Veux veux pas, on a moins
de population, on a de la difficulté. Par contre, les... on a plusieurs
ressources autochtones formées, mais oui, c'est un défi. Par contre, elles
choisissent de venir travailler dans nos services à nous.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci. Merci
beaucoup. M. le député de l'Acadie, pour neuf minutes 54 secondes, s'il
vous plaît. Merci beaucoup.
M.
Morin :parfait. Merci. Merci, M. le Président. Merci beaucoup,
mesdames. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire. C'est, en fait,
superintéressant de vous écouter. Et j'ai eu la chance de visiter un des
centres d'amitié autochtones, celui de Trois-Rivières, où vous avez une
clinique juridique et même un... en fait, une Clinique médicale qui est en
train... en fait, qui était en train d'être créée, là je pense que c'est
terminé. Moi, je... Il y a quelques éléments que j'aimerais explorer avec vous.
Vous avez fait un peu allusion à ça tout à l'heure, quand on parle évidemment
de toute la sécurisation culturelle. Est-ce que le projet de loi pourrait être
bonifié, si le gouvernement reconnaissait formellement, pas dans le préambule,
mais dans un des articles, le Principe de Joyce, qui est en partie inspiré de
la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, plutôt
que de le mettre dans un préambule, donc pour que ça ait un impact, finalement,
et que le gouvernement s'engage davantage à faire la promotion de la
sécurisation culturelle, mais dans un continuum?
Mme Cloutier (Édith) : Notre
recommandation numéro trois, qui met de l'avant des... qui exigent des
mécanismes de mesures pour combattre le racisme et la discrimination en
consolidant des avancées systémiques... En fait, nous recommandons que, dans un
premier temps, l'adoption formelle du Principe de Joyce et de ses dispositions
soit faite par l'État québécois, solidaire avec l'ensemble de nos frères et
sœurs au Québec. Également, nous proposons l'élaboration d'une stratégie de
mise en œuvre du Principe de Joyce pour l'ensemble de la population autochtone
au Québec.
Également, on n'a pas eu l'occasion, mais
vous me donnez l'occasion aussi de proposer l'adoption de la Déclaration des
Nations unies sur les droits des peuples autochtones, considérant que le Québec
ne l'a pas encore endossée, à l'instar de nombreuses autres provinces et du
Canada. Donc, nous, nous croyons qu'effectivement il faut faire un pas dans ce sens-là.
M. Morin : Je vous remercie.
Écoutez, ça m'éclaire, parce que, vous savez, dans le cadre du travail d'un
député de l'opposition, comme parlementaire, bien, c'est entre autres de
bonifier et d'améliorer des projets de loi. Donc, en ce sens-là, votre
témoignage aujourd'hui est très utile parce qu'évidemment j'ai à cœur le fait
que les projets de loi soient bonifiés. Et je suis convaincu que le député
ministre ici écoute bien ce que je suis en train de lui dire, il sait que j'y
tiens particulièrement. Voilà. Donc, ça, je tenais à faire ce point-là puis je
vous remercie évidemment de... du Témoignage que vous rendez à ce sujet-là.
J'aurais aussi d'autres questions pour
vous. À l'article un particulièrement, et ça, il y a d'autres groupes qui en
ont parlé avant vous aujourd'hui, on parle d'adopter des pratiques sécurisantes
qui visent tous les établissements du réseau de la santé et des services
sociaux. Et là, après ça, bien il y a un «notamment», donc on en décrit
quelques-uns. Et on dit «adapter...
M.
Morin :...lorsque possible l'offre des services de santé, comme
l'embauche de personnel autochtone.» Est-ce que, pour vous, «lorsque possible»,
ce n'est pas assez, c'est trop faible? Est-ce qu'on devrait carrément dire
«adapter l'offre de services pour embaucher du personnel autochtone»? Je
comprends, vous y avez fait allusion, il y a une pénurie de main-d'oeuvre.
Mais, à un moment donné, si on veut faire changer des choses, bien, des fois,
il faut des correctifs un peu plus sévères, si vous me permettez l'expression.
Mme Cloutier (Édith) : Bien,
on a eu la question précédente. On comprend que c'est un défi à l'échelle plus
large du Québec, partout, le recrutement de main-d'oeuvre, on le vit également.
Mais, dans notre mémoire, vous aurez, à la page 9, suite à la recommandation
numéro 1, les propositions du Regroupement pour la mise en œuvre de plusieurs
pratiques institutionnelles, notamment dans le but de rejoindre la population,
parce qu'il y a une diversité, il y a un déploiement géographique, il y a aussi
comment travailler à des nouveaux protocoles de soins, des moyens
d'intervention, d'accroître la fréquentation du réseau, et donc d'arriver à une
transformation significative, là, des conditions de vie.
Ça fait que je pense que ça passe par
différentes stratégies, certes, qu'une personne autochtone soit présente dans
les murs d'un hôpital, par exemple. Mais ce que, nous, on a proposé aussi,
c'est de travailler ensemble à l'instauration de navigateurs culturels dans les
centres d'amitié qui pourraient interagir avec le réseau québécois. Des
navigateurs culturels, l'exemple se voit en Nouvelle-Zélande, c'est un réseau
de navigateurs à l'échelle... à une plus grande échelle qui participent
ensemble à accroître les accès. Donc, je pense qu'il y a aussi à regarder les
moyens et les méthodes avec lesquelles on veut justement augmenter les
pratiques institutionnelles.
M.
Morin :Merci. Vous avez mentionné un peu plus tôt que les
centres d'amitié autochtones pourraient être la porte d'entrée des autochtones
dans le service de santé, particulièrement en milieu urbain, parce
qu'effectivement vous êtes situés en milieu urbain puis que, vous l'avez très
bien dit, il y a un nombre important d'autochtones qui vivent en milieu urbain.
Donc, il y a un besoin qui est là. Est-ce que vous pouvez préciser ou peut-être
me donner des exemples davantage de ce que ça pourrait être et comment vous
pourriez faciliter cette entrée?
Mme Cloutier (Édith) : Bien,
merci de votre question. On a parlé évidemment des cliniques en santé
autochtones. Ça devient vraiment des portes d'entrée importantes. Vous donner
un exemple, à Val-d'Or, c'est à l'oeuvre depuis une douzaine d'années, là, ça
ne date pas d'hier, et nous sommes... Aujourd'hui, on compte cinq médecins, une
psychiatre, une orthophoniste, trois infirmières qui s'ajoutent à la grande
équipe du centre d'amitié, formée d'intervenants sociaux, d'éducateurs
spécialisés, d'organisateurs communautaires, et même des conseillers en
employabilité, des avocates qu'on a au centre d'amitié. Donc, vous voyez qu'à
travers les portes d'un centre d'amitié, on est capables d'assurer une liaison,
ou une coordination, ou un accès plus grand aux services.
• (16 h 20) •
Parce qu'on ne peut pas vivre de façon
distincte et en vase clos. Ce n'est pas le but des centres d'amitié
autochtones, mais c'est plutôt d'agir comme cette interface qui facilite
l'accès aux services publics québécois. Donc, on a plusieurs exemples. Il y a
des modèles de cliniques en justice, également, où les personnes autochtones
peuvent avoir un lieu sécurisant pour rencontrer des juristes, des avocats, des
avocates pour leur permettre d'agir sur leurs droits. Donc, il y a d'autres
exemples. Évidemment, je pourrais vous parler de l'employabilité, je pourrais
vous parler de tout le réseau d'habitations communautaires, les logements
sociaux qui sont en train de se développer, à travers les centres d'amitié
autochtone, le regroupement à une société immobilière. Donc, je pense qu'on est
bien positionnés pour agir comme une porte d'entrée, mais on va même plus loin,
d'inscrire l'offre de services du réseau des centres d'amitié de façon formelle
dans l'offre de services publics québécois, tout en maintenant évidemment notre
autonomie, notre gouvernance et notre capacité d'agir comme institutions.
M.
Morin :Merci. Rapidement, parce que le...
M.
Morin :...à l'article deux du projet de loi, on dit que
"dans les trois mois suivant la fin de l'exercice financier, tout
établissement doit informer le ministre des pratiques sécurisantes qu'il a
mises en œuvre". Pour vous, est-ce que c'est suffisant en termes de rendre
compte ou s'il faut aller plus loin, ou s'il faut également qu'il y ait une
évaluation de ces pratiques qui soit faite, puis collaborer, travailler avec
les peuples autochtones qui reçoivent des services pour voir si ça correspond à
leurs besoins, et ça, ça semble être absent du projet de loi présentement?
Mme Lainé (Amélie) : Vous
avez la réponse. En effet, au-delà de faire état... un état des lieux, ça prend
une évaluation, un suivi qui doit être fait avec les Premières Nations, les
Inuits concernés, parce que, sinon, je me permets de dire : C'est facile
de se taper dans le dos et de dire qu'on a embauché une ressource autochtone,
puis ça finit là. Tu sais, je veux dire, à un moment donné, on l'a dit, c'est
de la coconstruction, de la coresponsabilité, ça doit être une évaluation de
qu'est-ce qui est mis en place et une évaluation qui est construite avec les
Premières Nations, les Inuits, là, dans ce cas-ci.
M.
Morin :Oui, ça, je pense que c'est aussi très important, là
puis merci pour votre réponse. Effectivement, il faut que ça soit fait en
collaboration...
Mme Lainé (Amélie) : Tout à
fait.
M.
Morin :...ce n'est pas juste une liste en disant : On a
donné une formation, bonjour, puis on ne sait pas ce que ça donne.
Mme Lainé (Amélie) : Exactement.
M.
Morin :D'accord. Très bien. Là, je pense que mon temps est
écoulé.
Le Président (M. Bachand) :Oui, merci beaucoup. M. le député de Jean-Lesage, pour 3
minutes 18 secondes. M. le député.
M. Zanetti : Oui, merci. Bon.
Alors, j'ai deux questions, je vais y aller vite pour vous laisser le temps de
répondre. Première question : Est-ce qu'un hôpital, dans le réseau de la
santé québécois, ça peut être sécurisant si on y applique, disons, un protocole
de pratique sécurisante, ou ça prend plus que ça? Puis ma deuxième question,
bien, je vais la poser après.
Mme Cloutier (Édith) : Je l'ai
mentionné... pardon, je l'ai mentionné dans la discussion qu'on a, que la
sécurisation culturelle ne peut pas être limitée qu'à un bon accueil
bienveillant des personnes dans les murs d'un hôpital par une infirmière. La
sécurisation culturelle ne peut se déployer sur les bases... sur une base
d'individu. C'est une démarche collective qui doit être systémique et avoir des
impacts systémiques. On comprend que, dans les hôpitaux, il y a une prise de
conscience. On apprécie que l'environnement physique puisse permettre
d'aménager des lieux où on a des repères culturels.
Mais, ceci étant dit, ce n'est pas de la
sécurisation culturelle, ce n'est pas une démarche de sécurisation culturelle.
Une démarche prend action et agit directement pour changer les systèmes.
L'approche, parce que c'est le titre, une approche pour nous, c'est plus une
intention d'agir, mais il faudrait qu'elle... qu'on inscrive ce projet de loi
là davantage comme une démarche de sécurisation culturelle. Et ça, il y a de la
documentation pour, vraiment, je vais le dire en anglais, faire le
"statement" qu'on a une... on n'a plus qu'une intention. On veut
directement agir de manière systémique dans la transformation des services
publics auprès des autochtones.
M. Zanetti : Merci. Et ma deuxième
question : Est-ce qu'il y a, des fois, des problèmes, par exemple, dans,
disons, le référencement d'une personne qui arrive en première ligne dans une
clinique de santé d'un centre d'amitié autochtone, puis que là il doit être
référé à un hôpital pour quelque chose, est-ce que, des fois, il y a des
problèmes d'arrimage qui fait que la personne doit tout réexpliquer son
histoire à nouveau, ou il y a-tu des choses qui là devraient être plus
arrimées?
Le Président (M.
Bachand) :...s'il vous plaît. Merci.
Mme Cloutier (Édith) : Oui,
rapidement, je vais vous parler d'un exemple très concret, le modèle de la
clinique en santé du centre d'amitié autochtone, avec l'entente de
coresponsabilité, qui est assez novateur, fait en sorte qu'on a implanté le
système de la plateforme Omnimed à l'intérieur de la clinique, donc du centre
d'amitié, où notre personnel, autant le personnel médical, que le personnel de
première ligne, avec des accès limités évidemment, interagissent sur
l'interface du réseau public québécois de santé. Nos médecins inscrivent leurs
notes, nos infirmières inscrivent leurs notes sur cette plateforme qui se
traduit dans le dossier médical, dans le DME, qui permet donc, aussi, que le
réseau puisse avoir un accès sur les interventions qui sont faites à
l'intérieur de nos cliniques.
Alors, ça, pour moi, c'est concret, ce
sont des avancées. Et évidemment transformer les systèmes, ça prend du temps.
Je vous ai dit, ça fait 12 ans qu'on est en coconstruction...
Mme Cloutier (Édith) : ...Maintenant,
on a des ressources qui nous ont été données par le gouvernement du Québec pour
agir, mais il y a une pérennisation dans un an, du financement pour poursuivre
ces avancées systémiques en coconstruction avec le réseau.
Donc, évidemment, il faudra faire les
démonstrations nécessaires. Mais la pérennisation, tel que Viens l'a mentionné
dans son rapport, la pérennisation d'un financement est une clé, évidemment,
aussi pour assurer un continuum de services qui agit concrètement pour le
bénéfice des autochtones?
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci,
Mme Cloutier. Merci, Mme Lainé d'avoir été avec nous. C'est très,
très, très apprécié. Cela dit, je suspends les travaux quelques instants pour
accueillir notre prochain groupe d'invités. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 27)
(Reprise à 16 h 31)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci. La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir
d'accueillir M. Flamand, chef du conseil des Atikamekw de Manawan,
accompagné, alors donc, merci beaucoup d'être ici. Désolé du petit retard. On
s'en excuse. Alors, chef, vous avez la parole. Je vous inviterais à débuter,
mais d'abord à présenter qui vous accompagne, s'il vous plaît. Alors, la parole
est à vous. Merci.
M. Flamand (Sipi) : (S'exprime
dans une langue autochtone)...
16 h 30 (version non révisée)
M. Flamand (Sipi) : ...salutations
à la présidence de la Commission des institutions, ministre, députés, membres
de l'Assemblée nationale. Nous sommes honorés d'être ici... nous sommes honorés
d'être présents à cette commission, aujourd'hui, afin que nous puissions
exprimer nos préoccupations concernant le projet de loi n° 32 en matière
de la santé. Nous formulons des recommandations au gouvernement et à l'ensemble
des députés de l'Assemblée nationale dans le cadre de ces discussions que nous
avons aujourd'hui et demain, et ce, pour les prochains prochains jours,
prochains mois et même pour les prochaines sept générations. Je suis accompagné
de la conseillère Claudia Newashish, conseil... membre du conseil de Manawan,
puis Jolianne Ottawa, directrice du Centre de santé Masko-Siwin. Elles vont
pouvoir s'exprimer elles aussi dans notre intervention.
Je dois constater que le projet de loi,
tel qu'il est écrit actuellement, ne répond pas aux besoins pour rétablir la
confiance des autochtones dans les institutions hospitalières, car manque la
vision autochtone dans ce projet. C'est dans cette ligne directrice que je veux
orienter notre intervention aujourd'hui. Si nous voulons travailler
conjointement, c'est dans le respect de nos juridictions, de nos gouvernances
et c'est dans cette approche que nous pourrions intégrer la vision autochtone
de la sécurisation culturelle et ainsi sera évité une autre forme d'imposition
colonialiste dans nos relations. J'y reviendrai de cette position un peu plus tard
dans mon intervention. Afin de faire un survol rapide de notre mémoire, nous
aborderons le «miro pimatisiwin», décoloniser le système de la santé, le
principe de Joyce et la sécurisation culturelle, plus qu'une action pour la
dignité humaine.
«Miro pimatisiwin», décoloniser le système
de la santé. Premièrement, je voudrais d'abord vous mettre en perspective ce qu'est
la philosophie, la cosmologie, le mode de vie des Atikamekw Nehirowisiwok en
matière de santé. La santé est de ce qui est le plus précieux dans nos vies en
tant qu'être humain. Nous parlons de «miro pimatisiwin», qui signifie
mieux-être ou bien vivre dans nos langues, en anishinaabemowin... eeyou. Le
«miro pimatisiwin», c'est une renaissance continue, nous en aurons les uns les
autres, les femmes, les jeunes, les aînés, two-spirit. Le «miro pimatisiwin»
implicite est une habitation continue d'un lieu, une compréhension intime de la
relation entre les humains et l'écosystème et la nécessité de maintenir cet
équilibre. Le mieux-être chez les peuples autochtones, ce n'est pas seulement
un aspect physique, mais également mental, émotionnel et spirituel. La santé
est là où il y a un équilibre entre tous ces états d'être.
Dans cette philosophie, nous parlons de la
roue de la médecine, qui représente également la guérison basée sur les
systèmes de croyances traditionnels autochtones. L'importance du cercle est
évidente pour les peuples autochtones à bien des égards. Le cercle est un
symbole sacré de l'interdépendance de toutes les formes de vie.
Repenser la santé globale dans une
perspective autochtone. Afin d'aller un peu plus loin dans une nouvelle
relation avec le gouvernement du Québec, commençons par réfléchir comment nous
pourrions établir cela dans une perspective décolonisée. Je rappelle que les
peuples autochtones ont décidé de leur propre citoyenneté, un système de
gouvernance complexe respectant les valeurs et les principes relationnels et
écosystémiques au sein des groupes et des collectivités. Le projet de loi en
question ici en est un bon exemple dans laquelle nous pourrions... où nous
pourrions commencer à redéfinir et surtout repenser nos relations politiques,
ce que nous pourrions appeler de relations de nation à nation où le respect
mutuel y est de mise, chose qui n'est pas encore au point dans nos relations
actuellement.
Prenons nos responsabilités collectivement
en main, maintenant, en déconstruisant les inégalités, les iniquités, les
injustices, de même que les failles existantes dans le système de la santé en
nous impliquant davantage dans la rédaction du projet de loi et dans les prises
décisionnelles en partant de la reconnaissance de nos juridictions respectives,
de nos gouvernances et de nos droits inhérents à l'autodétermination, tel qu'indiqué
en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Gardez en
tête ces éléments fort importants afin que vous puissiez comprendre dans quelle
direction ce projet de loi doit être rédigé et ainsi repenser la santé globale
comme un mouvement en transformant votre conception de nos modes de pensée et
de nos modes de vie en tant que peuple autochtone.
En général, afin de changer les
perspectives sociales et sociétales au sein du Québec, l'Assemblée nationale
doit œuvrer dans la sensibilisation sur les enjeux et les réalités autochtones
afin de diminuer le niveau de préjugés au sein de son administration mais aussi
dans la société...
M. Flamand (Sipi) : ...en
général. Cela doit alors se faire sur tous les plans au sein de la société, que
ce soit au niveau de l'éducation, de la sécurité publique, dans le
développement des ressources naturelles, de même qu'au niveau médiatique, afin
que tout individu ou collectivité autochtone qui bénéficie des services publics
puissent se sentir en sécurité culturellement et en confiance envers les
institutions. La sécurisation culturelle passe également par la résurgence
culturelle autochtone, en faisant référence à la récupération et à la
régénération des langues et traditions autochtones, ainsi qu'au lien avec les
terres et plans d'eau ancestraux. La résurgence culturelle s'inscrit dans un
vaste mouvement visant à se réapproprier les lois, identités, systèmes de
savoir autochtones, tout en décolonisant les infrastructures, les
communications et les moyens technologiques qui représentent de puissants
outils d'autonomie gouvernementale.
Dans le mémoire que nous avons déposé,
nous indiquons 11 recommandations qui vont dans le sens sur la... sur une
nouvelle relation de nation à nation, sur la reconnaissance de nos modes de
gouvernance et sur l'adoption du principe de Joyce puis de prendre des mesures
concrètes et immédiates telles qu'énumérées dans la mémoire du principe de
Joyce puis j'invite ma collègue Claudia à continuer.
Mme Newashish (Claudia) : Bonjour,
Kwe. (S'exprime dans sa langue) Bonjour, je me nomme Claudia Newashish, je suis
membre élue du Conseil des Atikamekw de Manawan. Je vais vous parler du
principe de Joyce. Nous voudrions rappeler l'importance que nous portons en
lien avec le principe de Joyce. Le Conseil des Atikamekw de Manawan et
l'ensemble de la nation atikamekw... avaient déposé le mémoire de principe de
Joyce auprès des deux paliers gouvernementaux, soit auprès du Canada et du
Québec, réclamant une meilleure qualité de soins pour les populations
autochtones. Ce principe vise à garantir à tous les autochtones un droit
d'accès équitable sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de
santé, ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique,
mentale, émotionnelle et spirituelle. Le principe de Joyce requiert
obligatoirement la reconnaissance et le respect des savoirs et connaissances
traditionnelles et vivantes des autochtones en matière de santé. Nous dénonçons
et déplorons par ailleurs la position politique du gouvernement actuel en ce
qui concerne l'absence d'appui et de reconnaissance limitée au principe de
Joyce, exprimant par le fait même un débat sémantique par rapport au racisme
systémique, un enjeu qui est réel pour les peuples autochtones du Québec et au
Canada.
Les Atikamekws de Manawan, comme la
plupart des nations autochtones du Québec, s'inscrivent dans une relation
asymétrique colonialiste, encore bien présente avec État, impliquant par le
fait même la présence du racisme systémique qui contraint la dignité, les
droits humains et surtout le droit à l'autodétermination. C'est dans ce contexte
que nous nous positionnons afin d'apporter des changements concrets dans nos
relations avec les gouvernements, tant au niveau fédéral et au provincial, bien
que certains fonctionnaires soient ouverts à notre réalité.
• (16 h 40) •
Comprenons que le racisme systémique,
c'est la production sociale d'une inégalité fondée sur la race dans les
décisions, dont les gens font l'objet et le traitement qui leur sont dispensés.
L'inégalité raciale est le résultat de l'organisation de la vie économique,
culturelle et politique d'une société. Le racisme systémique désigne un rapport
social inégal et constitué de dynamiques d'infériorisation, de subordination et
d'exclusion issues de l'organisation sociale qui impose aux groupes racisés,
notamment aux communautés noires et aux peuples autochtones, un cumul de
désavantages dans différentes sphères de leur existence. Afin de créer un
dialogue sur cette réalité, la confiance des membres de la communauté de
Manawan a été gravement affectée lors de la médiatisation mondiale d'un cas de
racisme systémique avec la diffusion en direct du décès tragique de notre soeur
Joyce Echaquan, où on l'entend subir des comportements et des paroles
manifestement empreints d'un racisme profond, affirmé, toléré et même banalisé.
Depuis, la communauté de Manawan milite
pour la reconnaissance du racisme. Le...
Mme Newashish (Claudia) : ...conseil
des Attikameks de Manawan, en collaboration avec le Conseil de la nation
atikamekw, avait l'espoir que les gouvernements fédéral et provinciaux puissent
être en mesure de passer rapidement, entamer le changement de raisonnement
nécessaire à l'éradication du racisme systémique.
Le mémoire fournit des solutions
concrètes, et rapides, et réalisables afin d'apporter des changements
intersectionnels; concrets au sein des instances gouvernementales, mais surtout
dans les relations entre les peuples autochtones et la société québécoise.
L'adoption du principe de Joyce permettrait de faire valoir les droits des
autochtones en matière de santé et de services sociaux. Le mémoire du principe
de Joyce constitue un rappel et une demande d'engagement formel pour les
gouvernements ainsi que pour leurs institutions envers le respect du droit
autochtone et des droits des autochtones en matière de santé et services
sociaux.
Nous recommandons trois... reconnaître,
adapter et mettre en œuvre l'intégrité et l'intégralité du principe de Joyce en
l'insérant dans le cadre d'un projet de loi spécifique. Recommandation
deux : créer des tables de travail ou des comités de réconciliation avec
les communautés des différentes régions et les institutions hospitalières afin
d'améliorer les perspectives relationnelles entre les patients autochtones et
les professionnels de la santé. Trois : mettre en place un comité
d'experts et professionnels de la santé autochtone au niveau... en vue du suivi
de la mise en œuvre du projet de loi et de ses réalisations, ainsi que de la
mise en place d'une mesure d'évaluation sur les craintes, les peurs, l'absence
de confiance qu'ont les autochtones en matière de système de la santé...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, on a
dépassé un peu plus le 10 minutes, alors le ministre a consenti, laà, à vous
donner plus de temps. Alors, M. le ministre, il vous reste, grosso modo, 11
minutes.
M. Lafrenière : Parfait.
Merci. Kwe, kwe... à vous trois. Merci d'être avec nous aujourd'hui, on
l'apprécie beaucoup. Merci d'avoir accepté de participer à l'exercice, on sait
que ce sont des procédures qui sont plus strictes, un petit peu, puis,
rapidement, avec le président, on a réussi à compenser le temps, que vous ayez
tout le temps pour présenter ce que vous avez à faire. C'est ce qu'il y a de
plus important aujourd'hui, alors, merci d'être là.
Avant même de parler de ce que vous avez
déposé, je pense qu'on ne peut pas parler aujourd'hui de sécurisation
culturelle sans faire de référence à Joyce Echaquan, et, dans quelques jours,
on aura ce devoir de mémoire, ça va faire trois ans que Joyce nous a quittés dans
des circonstances incroyables, que vous avez mentionnées tantôt. On a tous ce
devoir de mémoire aujourd'hui.
M. le Président, avant de passer à
d'autres questions, je voulais souligner quelque chose, parce qu'ils me l'ont
rappelé tout à l'heure puis... ce sont des gens qui aiment bien se moquer de
moi, ce sont des gens extrêmement accueillants, quand un ministre se déplace
dans leur communauté puis qu'il y a un hasard routier qui le guette, ils sont
là pour l'aider. Alors, c'est soit le côté très accueillant, ou des mauvaises
langues pourraient dire qu'ils voulaient être sûrs que je m'en aille par la
suite, mais, bref, merci beaucoup pour cet accueil-là. C'est une communauté au
complet qui s'est mobilisée. Puis quand je dis : Ça a un lien, ce qu'on
dit aujourd'hui... pourquoi? Vous avez une façon de voir complètement
différente, puis on a beaucoup à s'inspirer de vous. Ce jour-là, tout le monde
a mis l'épaule à la roue tout le monde cherchait, était en mode solution, chose
qu'on a peut-être perdu, des fois, dans des milieux plus urbains où on est
moins habitué comme ça. Puis j'ai beaucoup appris ce jour-là, je tenais à vous
le dire.
Dans ce que vous avez présenté, moi, la
première question, qui va être très courte, mais, la réponse, je suis persuadé
qu'elle va être plus longue, chef Flamand, vous avez dit : Ça aurait dû
être fait différemment. Moi, je me rappelle d'avoir fait une première
présentation à la table des chefs à l'APNQL, on a rencontré 13 groupes avant
d'arriver ici aujourd'hui. Puis ce n'est pas ce qu'on fait, d'habitude, dans
notre système parlementaire, puis c'est loin d'être parfait, hein, en passant,
c'est un changement qu'on tentait de faire. Qu'est-ce qu'on aurait pu faire de
différent pour nous aider à s'améliorer dans tout ça?
M. Flamand (Sipi) : Je pense
que ce que le gouvernement aurait pu faire, surtout la CAQ, qui est un nouveau
parti politique au Québec, qui veut apporter du pragmatisme dans sa
gouvernance, dans son approche de travailler dans la société québécoise, ça
aurait été de travailler de concert avec les communautés autochtones. C'est un
principe de base. C'est à ce moment-là qu'on aurait pu créer un début d'une
nouvelle relation de nation à nation. Mais il n'est pas encore tard, il faut
que votre gouvernement avance davantage auprès des communautés.
M. Lafrenière : Donc, vous
voulez dire via les chefs, via la table des chefs, via l'APNQL? Excusez, je...
M. Flamand (Sipi) : Toutes
les toutes les instances de gouvernance autochtones...
M. Lafrenière : O.K....
M. Lafrenière : ...l'approche
bilatérale, les 13 rencontres qu'on a tenues, mais plus dans une
approche... Vous visez plus large comme une grande messe, une grande table?
M. Flamand (Sipi) : Une
grande messe? Moi, je ne suis pas catholique, là, mais...
M. Lafrenière : Une grande
table, une grande table, vous connaissez l'expression, une grande table.
M. Flamand (Sipi) : Une
grande table, puis effectivement dans un grand cercle où tout leader autochtone
puisse prendre parole puis prendre le crayon et faire des recommandations...
quel texte proposé dans ce projet de loi.
M. Lafrenière : Comme vous
faites aujourd'hui.
M. Flamand (Sipi) : Ça peut
être long, mais, en même temps, c'est dans cette manière-là que votre
gouvernement pourrait travailler s'il veut travailler dans une relation de
respect mutuel avec les communautés.
M. Lafrenière : Justement,
vous parlez de recommandation, dans une de vos recommandations, vous parlez des
tables, des tables de concertation, ou la présence sur les tables, est-ce que,
ce qui existe présentement, c'est approprié? Est-ce que ça fonctionne bien pour
vous? Parce qu'il existe des tables en santé, mais je me demande est-ce que
c'est vraiment le bon outil qu'on a mis en place?
M. Flamand (Sipi) : Je dirais
que ce n'est pas assez démocratique. Ça prend des gens, des professionnels,
oui, mais ça prend aussi que les gens puissent être sur le terrain, ceux qui
n'ont pas eu la chance d'aller chercher de l'expérience académique,
professionnelle, c'est ceux qui ont vraiment besoin de l'expertise au niveau de
la santé.
M. Lafrenière : Autre
question. Puis J'apprécie beaucoup, hein, ça nous permet... puis depuis tout à
l'heure, on prend beaucoup de notes, ça nous permet assez de bonifier ce qu'on
présente aujourd'hui, et on a on inclus dans le préambule, puis les collègues
vont sûrement vous en parler, dans le préambule, on a inclus des références au
Principe de Joyce, et moi, je... ma question va paraître très directe, mais
elle très franche, très honnête, puis je sais que c'est comme ça que vous allez
répondre aussi, c'était notre volonté d'y faire référence, on trouvait ça
important, est-ce que, pour vous, c'est un faux pas d'y faire référence dans le
préambule?
M. Flamand (Sipi) : Je pense
qu'un préambule, c'est un préambule, ça n'a pas de pouvoir juridique. Si on
travaille de concert vers l'adoption du Principe de Joyce, c'est d'abord créer
un dialogue pour qu'on puisse établir comment on peut amener ensemble ce projet
de loi là, que le Principe de Joyce soit adopté au niveau de l'Assemblée
nationale.
M. Lafrenière : Et, dans le
Principe de Joyce, il y a plusieurs recommandations, puis je ne veux pas vous
demander... parce que ça va être un exercice très difficile pour vous, de dire
quel qui est le plus important, mais juste de nous aider dans ce qu'on devrait
prioriser un petit peu parmi ces recommandations-là.
M. Flamand (Sipi) : Dans le
Principe de Joyce, il y a des recommandations qui sont adressées auprès du
gouvernement du Québec, puis je pense que ça aurait pu être intégré dans ce
projet de loi, celles qu'on est en discussion actuellement.
M. Lafrenière : Pour ce qui
est du mécanisme qu'on met en place pour avoir de la transparence, puis c'est
important, hein, c'est important que les gens puissent voir ce qui est fait ou
ce qui n'est pas fait aussi, à l'article 3, ce qu'on vient dire, c'est
qu'il y aura cette obligation-là de présenter au ministre, de la part du
système de santé, de ce qui a été fait. Je le disais ce matin, il y a le côté
plus coercitif où on vient dire : Regardez, vous devez, vous avez
l'obligation de nous rendre compte au ministre, à mon collègue ministre de la
Santé. Mais je pense qu'il y a peut-être un effet aussi mobilisateur de venir
dire ce qu'il se fait de bien dans le monde de santé parce qu'il y a des belles
initiatives, je pense, à plusieurs endroits. Raison pour laquelle je vous en
parle, c'est du côté de Joliette, cet événement tragique a amené une
mobilisation, a amené certains changements, entre autres pour l'adjoint de la
P.D.G. qui est responsable des plaintes, entre autres pour un membre sur le
conseil d'administration, entre autres pour des brancardiers qui viennent... Bref,
il y a plusieurs initiatives, et je pense que ces initiatives-là pourraient
peut-être venir contaminer positivement l'ensemble du réseau, donner des
indicatifs sur ce qui est intéressant.
• (16 h 50) •
Ma question a deux volets, est-ce que le
fait de rendre compte au ministre, que ça soit publié sur un site Web, que
l'ensemble des gens, l'ensemble des communautés autochtones puissent voir ce
qui a été fait et ce qui a été pas fait, est-ce que ça mène une coercition? Et,
de l'autre côté, est-ce que vous croyez que ça a une valeur positive pour
inciter les gens à faire plus, à faire mieux? On dirait que j'ai sorti un
slogan, là, je m'excuse.
M. Flamand (Sipi) : Je vais
laisser ma directrice répondre.
Mme Ottawa (Jolianne) : Kuei.
Moi, c'est Jolianne Ottawa...
(S'exprime dans sa langue)
...directrice des services de santé Masko-Siwin...
(S'exprime dans sa langue)
...à Manawan. Par rapport à la question, ministre
Lafrenière, j'ai... tu sais, ce qui a été mis en place au niveau du CISSS à
Lanaudière, les postes qui y ont été mis... comme P.D.G., oui, il y a de la
relation, il y a beaucoup de communication, ça, c'est un...
Mme Ottawa (Jolianne) : ...c'est
un point positif. Je crois que maintenant l'écoute est là, mais on est
davantage... on a davantage à aller vers... de comprendre, d'entendre et de
comprendre les besoins de la communauté. Ça fait plusieurs rencontres qu'on
fait. Beaucoup de rencontres ont été faites pour faire l'adoption du principe
de Joyce. Et puis on n'est pas entendus, on n'est pas compris. Et c'est ça qui
va répondre à la sécurisation culturelle.
C'est ça qui va nous ramener le sentiment
de sécurité dans les établissements, en commençant par le CISSS Lanaudière. Je
vais apporter aussi, tu sais, l'attention... Ici, on avait la recommandation 6
du CISSS par rapport à la... d'évaluer, les moyens d'évaluer que la
sécurisation culturelle est vraiment intégrée et implantée dans le système de
la santé québécois. Ce n'est pas vraiment spécifié dans le projet de loi
comment ça va être mesuré, comment va être mesurés, c'est quoi l'outil qui va
être utilisé pour mesurer la sécurité, le sentiment que... de peur que nos...
que nos gens, que moi, que le chef, notre élu, a, tu sais, quand on va dans les
services de santé, dans les établissements, la peur qu'on a, la peur d'aller
mourir. Ça existe encore en 2023. Voilà pas longtemps encore, malgré que Joyce
est décédé, on a encore des gens qui ont peur d'aller mourir à l'hôpital de
Joliette ou même dans d'autres hôpitaux. Fait que comment, comment vous allez
mesurer le sentiment de peur? Comment vous allez pouvoir éradiquer aussi le
sentiment de peur, de répondre à ce besoin-là d'être en sécurité dans les
établissements puis dans le système. C'est un besoin de base.
Ce que je veux aussi amener, c'était la
recommandation 7. Tu sais, tantôt on a parlé d'avoir de la création de postes
de direction distincts puis vraiment avec des pouvoirs clairs de décision,
d'amener des postes de direction au niveau d'agence Santé Québec, également
dans les agences de santé au niveau régional, qui va amener un sentiment...
qu'il va avoir des gardiens qui vont être là pour s'assurer qu'on n'ait plus
peur d'aller dans les établissements et de se faire soigner. Parce que c'est
ça, le système de la santé, c'est d'avoir... d'être pris en charge quand on a
besoin de soins. Présentement, ce n'est pas ça que ça amène.
Le Président (M.
Bachand) :Un dernier commentaire, M. le
ministre? Rapidement.
M. Lafrenière : Le
commentaire, là, va se terminet en disant que ce n'est pas la dernière
rencontre qu'on aura la chance d'échanger ensemble. J'ai trois autres questions
qu'on pourra discuter... Merci d'être avec nous aujourd'hui. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre témoignage et votre mémoire. Je vous ai
évidemment écouté attentivement. Comme vous le savez, je me suis rendue à
Manawan dans votre communauté. Vous avez dit dans votre témoignage que dans ce
projet de loi là il manque la vision autochtone. Quand le gouvernement a décidé
de rédiger le projet de loi, est ce que vous avez été consulté? Est ce que vous
avez participé à sa rédaction parce qu'on parle de sécurisation des peuples
autochtones?
M. Flamand (Sipi) : Je pense
qu'une consultation, ce n'est pour envoyer des questions par courriel. C'est
convoquer, c'est inviter les leaders, les professionnels de la santé pour
réfléchir ensemble comment on pourrait amener un projet de loi. Au tout début,
je pense que ça aurait pu être l'approche qui devait être préconisée pour
rédiger un projet de loi et même le fondement même de ce qu'est la sécurisation
culturelle.
M. Morin : Je comprends que
ça, ça n'a pas été fait.
M. Flamand (Sipi) : Par
courriel seulement.
M. Morin : Oui, c'est ça.
Donc, vous avez reçu un courriel. Mais véritablement s'asseoir avec vous, avec
vos gens, dire : Écoutez, là, le gouvernement, là, on veut régler une
situation, on veut travailler ensemble pour en arriver à éventuellement à un
texte législatif puis s'asseoir, comme vous l'avez dit, puis ça peut prendre du
temps, puis parler, ça, ça n'a pas été fait.
M. Flamand (Sipi) : Malheureusement,
cela n'a pas été fait.
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. J'ai lu, et évidemment on
comprend, vous implorez le gouvernement du Québec dans votre...
M.
Morin :...et le terme, le mot est fort, vous implorez. Je peux
vous dire que... aidez-moi parce que moi aussi, j'implore le gouvernement du
Québec, puis mes mots sont bien pesés, à adopter le principe de Joyce. Je pense
que la sécurisation culturelle va passer d'abord par un geste concret du
gouvernement du Québec, qui va le reconnaître dans une loi, pas dans un
préambule, et vous l'avez dit très clairement. Aidez-moi à les implorer puis
expliquez-nous pourquoi c'est si important puis ce que ça fait de néfaste, au
niveau de l'absence de sécurisation culturelle, si ce n'est pas adopté.
M. Flamand (Sipi) : Si le
principe de Joyce n'est pas adopté, c'est qu'on a failli à nos responsabilités,
tant dans nos communautés, tant le gouvernement du Québec et tant la société
québécoise. La société québécoise n'a pas évolué entre l'époque de Duplessis
puis maintenant. Il y a eu des cas, des situations qui se sont déroulés,
notamment des propos racistes, des préjugés qui sont encore bien présents dans
la société, malgré que certains partis politiques ne veulent rien reconnaître
de cette réalité-là. Je pense que, si on veut apporter des changements, c'est
en reconnaissant cette réalité-là, le racisme systémique, la discrimination
systémique, pour qu'on puisse apporter des solutions. Déjà, reconnaître un
enjeu, une réalité, c'est déjà reconnaître à trouver des solutions ensemble.
Puis le principe de Joyce, c'est une solution que la nation attikamek propose à
la société québécoise, au gouvernement, à l'Assemblée nationale. Puis c'est à
vous maintenant, parlementaires, de faire l'effort de discuter. Je pense que
vous êtes ici tous des bons parlementaires, des députés qui veulent apporter
des changements dans la société. C'est votre autorité, c'est votre pouvoir.
M.
Morin :Donc, en fait, si je vous comprends bien, ce principe,
il faut l'inclure dans la loi, pour que ça soit reconnu, et pas dans le
préambule...
M. Flamand (Sipi) : Assurément.
M.
Morin :...que ça fasse partie intégrante de la loi.
M. Flamand (Sipi) : Assurément.
M.
Morin :Je vous remercie. C'est très clair. J'ai aussi une autre
question pour vous, vous lui avez fait allusion, et c'est en lien avec une de
vos recommandations, la recommandation sept. Parce que, dans l'article 1
du projet de loi, quand on parle d'adopter des pratiques sécurisantes, on
dit : «lorsque possible, l'offre de services de santé et de services
sociaux, par des moyens comme l'embauche de personnel autochtone...» Donc, je
comprends que vous, vous voulez que le législateur aille plus loin. Ce n'est
pas : lorsque c'est possible, c'est : il en faut. Est-ce que je vous
comprends bien?
M. Flamand (Sipi) : Effectivement.
Je pense qu'il y a des autochtones qui ont des compétences, malgré qu'il y a
une difficulté de recruter, effectivement, c'est une réalité, mais, je pense,
ça serait bien que le gouvernement fasse en sorte pour reconnaître les
compétences culturelles des autochtones, pour améliorer le système de la santé.
Ils ont des connaissances culturelles, ils ont des connaissances relationnelles
avec les membres de leurs communautés, puis je pense qu'ils peuvent contribuer
à améliorer les services.
• (17 heures) •
M.
Morin :Je vous remercie. Et puis finalement, parce que
l'article 2 du projet de loi parle d'une forme de rendre compte, mais je
pense que, madame, vous y avez fait allusion. Moi, ce que je lis de
l'article 2, c'est que, bon, à la fin de l'exercice financier, un
établissement va devoir informer le ministre de pratiques sécurisantes qu'il a
mises en œuvre, et le ministre va diffuser une liste de pratiques mises en
œuvre. Bon, ça appelle à la transparence, mais ce que je lis là-dedans, c'est
que c'est une liste qu'on va publier, c'est-à-dire que je ne vois pas, dans le
projet de loi, d'éléments qui vont faire en sorte qu'il y aura une consultation
auprès des nations autochtones pour voir si la sécurité ou le sentiment de
sécurité des peuples autochtones augmente quand ils vont, évidemment, se faire
soigner dans des centres de santé. Ce volet-là me semble absent de
l'article 2...
17 h (version non révisée)
M. Morin : ...j'aimerais d'abord
savoir si vous avez la même lecture que moi. Puis, par la suite, qu'est-ce qu'on
pourrait faire pour bonifier le projet de loi, pour assurer un sentiment... et
une sécurité, pas seulement un sentiment, mais une sécurité pour... chez les
peuples autochtones qui vont aller se faire soigner?
Mme Ottawa (Jolianne) : Bien,
en fait, tu sais, tantôt, on a parlé de comment mesurer. Parce qu'en ce moment,
je ne sais pas c'est quoi, la vision. Ce que j'ai entendu, ce que j'ai compris,
ce serait plus une compétition qui serait instaurée au niveau des
établissements qui vont mettre des éléments... mais je ne sais pas c'est
lesquels, là, qui va avoir été listé par le... dans le projet de loi. Les
meilleures personnes qui vont pouvoir évaluer leur sentiment, c'est les
personnes eux-mêmes, ça fait que... pour Manawan... Obedjiwan et pour les
Innus, pour les différentes régions, vont être les meilleures personnes pour
pouvoir participer à construire, à co-construire les outils d'évaluation, pour
pouvoir mesurer que la peur est diminuée puis que la sécurité, elle est bien
instaurée.
M. Morin : Évidemment, ça va
devoir se faire dans un dialogue, assis à la même table, parce que, je veux
dire, si on parle en matière de rendre compte, comme par exemple des
indicateurs, bien, il va falloir que vous soyez présents pour développer des
indicateurs avec le gouvernement. On ne peut pas juste avoir une liste qui est
publiée. Est-ce que on s'entend là-dessus, et puis c'est ce qui manque dans le
projet de loi?
Mme Ottawa (Jolianne) : Absolument,
absolument. C'est exactement ça. C'est il faut être là, il faut être à la
table, il faut être des décideurs. Il faut être là pour pouvoir décider,
choisir. Puis c'est nous qui le vivons, c'est nous. Je ne suis pas certaine qu'il
y a des personnes ici, quand ils vont à l'hôpital, ils se posent la question :
Comment je vais être traitée? Moi, quand j'y vais, c'est ça qui me plane tout
le temps, ça fait que ça, c'est nous qui allons pouvoir répondre à ça.
M. Morin : Ça poursuit l'objectif
du projet de loi qui est d'amener une sécurisation, c'est le titre même du
document.
Mme Ottawa (Jolianne) : Absolument,
puis avoir une définition claire aussi, également, parce que, là, on fait... on
est dans la traduction. Normalement, on devrait probablement avoir une sécurité
culturelle plutôt que de la sécurisation. Ça glisse mieux, sécurité, c'est là,
c'est instauré, c'est là.
M.
Morin :
Exact.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :...
M. Morin : Pardon?
Le Président (M.
Bachand) :40 secondes.
M.
Morin :40 secondes. Dernière question. L'article trois,
Code des professions par règlement donc, pour permettre finalement au savoir
médical autochtone d'être considéré, c'est une bonne chose? Ça va assez loin,
pas assez loin, avez-vous des suggestions là-dessus?
Mme Ottawa (Jolianne) : Bien,
en fait, je me dis que peu importe que tu sois première nation allochtone, tu
as le droit d'avoir des évaluations des personnes qui vont te prendre en charge
puis qui vont avoir des lignes directrices, un code... un code de déonto, tu
sais, des balises pour pouvoir t'évaluer. Ce n'est pas parce que je suis autochtone
que n'importe quel autochtone peut agir en tant qu'évaluateur. Je pense que j'ai
le droit à ça, d'avoir de la sécurité puis d'avoir de la rigueur. Même s'il n'y
a pas d'institution, la rigueur doit être là pour assurer une sécurité.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup.
M. Morin : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Kwe Kwe, merci, chef Flamand, Mme Ottawa, Mme Newashish, c'est
vraiment important pour nous que vous soyez là. J'ai une question à vous poser
par rapport au processus de l'écriture du projet de loi, parce qu'il y a
beaucoup d'insatisfaction. C'est... la sécurisation culturelle, c'est énorme,
puis il y a cinq articles, cinq articles, c'est... pour changer un système, ce
n'est pas beaucoup, disons. Puis j'entends aussi votre insatisfaction par
rapport à la façon d'être consulté. Un courriel, ce n'est pas une consultation.
Je comprends tellement ce que vous voulez dire. Pensez-vous qu'il ne serait pas
mieux, par exemple... parce que le ministre pourrait faire ça, il pourrait
dire, mettons : O.K., on recommence, le PL 32, là, on le met de côté puis
on en fait un de la façon dont vous l'avez proposé tantôt... vous avez esquissé,
là, tu sais, il faudrait en discuter plus, mais avec toutes les nations
représentées. Et qui... Tout le monde y va avec les principes, formule des
choses, puis après ça, on envoie ça aux juristes de l'Assemblée nationale, de
toute façon, là, ce n'est jamais les députés ou les ministres qui écrivent les
articles d'un projet de loi. Ils disent ce qu'ils veulent faire, puis c'est les
juristes qui le font après ça, puis après ça, on revient à cette table-là, on
regarde : Est-ce qu'il y a des... est-ce que ça convient à tout le monde?
Puis, quand tout le monde est content, après ça, on amène ça dans le processus
de l'Assemblée nationale, puis... tu sais, est-ce que vous trouveriez
intéressant cette idée de dire... Même si c'était pour prendre un peu plus de
temps, là, bien, probablement pas mal plus de temps, mais on disait : On
le refait, mais là, il serait vraiment co-écrit?
M. Flamand (Sipi) : C'est
mieux de prendre plus de temps pour faire mieux...
M. Flamand (Sipi) : ...c'est
ce que je peux répondre.
M. Zanetti : O.K. Merci. Puis
dans votre recommandation 2, par exemple : «Reconnaître nos modes de
gouvernance et nos conceptions philosophiques et cosmologiques en matière de
santé autochtone en insérant dans le projet de loi...» Bon, évidemment, ce
n'est pas des concepts qu'on maîtrise. Là, ici, il n'y a personne qui maîtrise
ça. Vous le verrez comme une référence? Mettons, y référer, puis après... mais
sans les décrire parce qu'on ne peut pas vraiment. Mais juste dire que, là, ça
doit être pris en compte dans l'application. Par exemple, comment vous, vous
verriez ça?
M. Flamand (Sipi) : Bien,
j'ai apporté cette réflexion à cette commission, c'est pour pouvoir réfléchir,
là, par exemple, le... c'est un concept, un mode de vie. Il y a également ce
qu'on peut appeler la roue de la médecine, où on intègre le plan émotionnel,
physique, sentimental et spirituel, tous ces éléments-là qui font un être, un
être humain qui puisse vivre sa bonne vie, son mieux-être. Je pense que c'est
ce qui manque dans la société présentement. Je sais qu'on est dans une société
laïque, mais il y a aussi genre... Comment je pourrais expliquer ça? On est des
êtres humains, puis pour être un être humain, il y a des choses auxquelles on
doit aller chercher pour être un équilibre, et c'est cet équilibre-là qui nous
maintient en vie.
M. Zanetti : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Sur ce, merci beaucoup d'avoir
participé. C'est très très très apprécié et je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup. À très bientôt.
(Suspension de la séance à 17 h 08
)
(Reprise à 17 h 11)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les
représentants de la Société Makivik. Alors, merci beaucoup d'être avec nous
aujourd'hui, c'est très, très apprécié. Donc, vous connaissez la procédure,
10 minutes de présentation. Alors, je vous cède la parole puis je vous
inviterais, bien sûr, en débutant votre présentation, à vous présenter
vous-mêmes, s'il vous plaît. Merci.
M. Arteau (Jean-François) : Bien
sûr, merci beaucoup. Merci à vous. Merci à la commission de nous recevoir, M.
le Président. Alors, oui, nous représentons la société Makivik. On va vous dire
quelques mots sur la société Makivik mais peut-être d'abord présenter la
personne qui m'accompagne. Il s'agit de Fabien Pernet, Fabien qui est
conseiller stratégique senior auprès du président de la Société Makivik et de
Makivik l'institution tout entière. Et je suis Jean-François Arteau, je suis
avocat et je suis conseiller stratégique et juridique auprès du président de la
société, Pita Aatami, qui d'ailleurs salue le ministre et vous salue tous
aujourd'hui. Il ne pouvait pas être avec nous, il est malheureusement retenu à
Kuujjuaq. Il arrive du Groenland, alors c'est un peu compliqué, des fois, les
voyages. Bon, c'est ça, il est retenu à Kuujjuaq.
Quelques mots sur Makivik, qui est, ma
foi, une organisation assez mal connue au Québec. Makivik est née par une loi
refondue du Québec, donc c'est une loi du Québec qui a créé la Société Makivik.
La Société Makivik représente, bien sûr, les Inuits du Grand Nord, les Inuits
du Nunavik, donc 14 communautés pour l'essentiel, mais il y a aussi des
Inuits à Chisasibi, qui techniquement ne fait pas partie du Nunavik, qui est
au-dessous du 55e parallèle, et aussi une communauté qui est maintenant
abandonnée qui s'appelle Killiniq. Donc, Makivik représente les Inuits, gère,
bien sûr, le fonds de compensation qui a été donné aux Inuits par la Convention
de la Baie-James en 1975. On va d'ailleurs bientôt fêter le
50e anniversaire de la Convention, ce n'est quand même pas rien. Et
Makivik, donc, c'est une organisation politique à but non lucratif. Makivik a
succédé en 1978, donc ce n'est pas Makivik qui a négocié la Convention de la
Baie-James, c'est l'Association des Inuits du Nord du Québec, la Northern
Quebec Inuit Association, qui a négocié la Convention de la Baie-James.
Bon, Makivik a, bien sûr, une
représentation politique importante, c'est-à-dire qu'en fait... on est
l'interface, pour ainsi dire, entre les Inuits, le gouvernement du Québec et le
gouvernement du Canada, mais on a aussi beaucoup d'éléments de développement
économique. Makivik, et c'est mal connu, encore une fois, Makivik et ses
filiales, puis je vais arriver aux filiales dans quelques instants, c'est
6 700 employés, c'est des dizaines d'avions, c'est des
Boeing 737 300, c'est des bateaux énormes de transport de
marchandises, c'est la pêche aux crevettes, par exemple, qui est vendue
massivement au Japon, c'est une compagnie de thés, de tisane, une compagnie de
géomatique. Donc, Makivik, c'est énorme. C'est un moteur économique extrêmement
important au Québec et même au Canada, je vous dirais.
Donc, Makivik, comment ça fonctionne, la
gouvernance de Makivik? C'est un conseil d'administration qui est composé de
21 personnes, donc une personne élue localement dans chacun des
16 endroits que je vous ai nommés tout à l'heure, plus un exécutif au
nombre de cinq qui, lui, est élu, l'exécutif, au suffrage universel. Donc, le
président de Makivik, ce sont des mandats de trois ans, le président de
Makivik, qui est Pita Aatami, a été élu par l'ensemble des Inuits du Nunavik, à
peu près 13 000 Inuits, je vous dirais. Donc, Makivik a ce double mandat,
si on veut. C'est différent des autres. Chez les Cris, par exemple, ça ne
fonctionne pas comme ça, mais, chez les Inuits, on a décidé de joindre à la
fois le mandat de représentation politique et le mandat de développement
économique.
La raison pour laquelle on est ici
aujourd'hui, bien sûr, c'est pour vous parler du projet de loi n° 32, pour
réagir à celui-ci. On peut d'emblée mentionner qu'on aurait aimé que le
principe de Joyce, à l'instar de ce que vous a mentionné le chef Flamand, soit
intégré directement dans le projet de loi n° 32. On aurait aimé qu'à tout
le moins ses principes soient repris. On aurait aimé, justement, que ses
recommandations soient suivies, qu'on y fasse référence peut-être de façon plus
directe, encore une fois pour reprendre un peu les mots du chef Flamand, pas
nécessairement seulement dans le préambule, mais véritablement dans le corps de
la loi. Alors, c'est un... pas un reproche, mais c'est un commentaire qu'on
aimerait vous faire d'emblée.
Quant à la coécriture du projet de loi,
c'est toujours un peu embêtant. D'abord, parce que c'est compliqué
techniquement, je pense, de coécrire des projets de loi. Évidemment, toutes les
nations ne sont pas les mêmes. Les Inuits non plus ne sont pas des Premières
Nations, les Inuits ont un régime juridique différent, c'est celui de la
Convention de la Baie-James dont je viens de vous parler. Ils ont un régime
fiscal qui est différent aussi. Donc, il n'y a pas beaucoup de points de
jonction, je vous dirais. Il y en a, il en existe, bien sûr, mais les points de
jonction entre les Premières Nations et les Inuits ne sont pas si nombreux
qu'on pourrait le croire au premier abord. Donc, de coécrire un projet de loi
comme celui-ci ou n'importe quel projet de loi, à ce compte-là, c'est une
entreprise qui est quand même difficile, c'est une entreprise hasardeuse. Ça ne
veut pas dire pour autant qu'il ne faut pas le faire, qu'il ne faut pas essayer
de le faire, mais de trouver les bons représentants, d'y consacrer le temps
nécessaire, c'est difficile.
Bien sûr que la sécurisation culturelle
dans les établissements de santé du Nunavik ne ressemble pas à celle qu'on
exige, par exemple, à l'hôpital de Joliette. C'est complètement différent,
parce que, d'abord, les hôpitaux sont sur le territoire. Donc, il y a un
hôpital à Kuujjuaq, qui s'appelle Tulattavik, et un hôpital à Puvirnituq, qui
s'appelle Inuulitsivik, qui sont tous...
M. Arteau (Jean-François) : ...eux,
ces hôpitaux-là, gérés dans leur direction générale par des Inuits. Alors, on a
Larry Watt à Kuujjuaq et Sarah Beaulne à Puvirnituq. Donc, la gouvernance des
hôpitaux, si vous voulez, bien sûr, leur conseil d'administration, mais aussi
leur direction générale est attribuée à des Inuits. Il y a donc une forme de
reconnaissance, à tout le moins, dans le fonctionnement quotidien des hôpitaux,
pour ne prendre que l'exemple des hôpitaux, dans lequel les Inuits se
reconnaissent. Bon, il y a des problèmes, je ne vous dis pas que tout est
parfait dans les centres de santé, ce n'est pas ça du tout, mais la
sécurisation culturelle qui est demandée, qui est requise par les Inuits,
lorsqu'ils se présentent à Tullatavik ou à Inuulitsivik n'est très certainement
pas la même que celle de l'hôpital de Joliette. Donc de vouloir coécrire un
projet de loi tous ensemble, ça me paraît difficile. Ça ne veut pas dire, encore
une fois, qu'on ne veut pas s'essayer, y consacrer les efforts nécessaires,
mais les réalités sont tellement différentes d'un endroit à un autre que ce
n'est pas facile.
Un autre élément sur lequel je veux
insister, avant de laisser la parole à mon confrère sur les ordres
professionnels, c'est l'exclusion de ces deux hôpitaux, Tulattavik et
Inuulitsivik. Les articles 1 et 2, je vous avoue que, chez Makivik, on est
un peu étonnés de ça, parce que c'est presque la troisième fois de suite que le
Nunavik est exclu. Le projet de loi 15 sur la réforme de la santé, par
exemple, le Nunavik aussi est exclu. Le programme d'aide financière sur les
billets à 500 $, le Nunavik aussi était exclu. Finalement, on a réussi à
régler la situation, tout va très bien de ce côté-là, mais on était, au premier
abord, exclu. Les droits de traité qui se retrouvent en 1975, il n'y en a pas
tant que ça, des traités au Québec, quand même, là, les droits qui ont été
consacrés par le traité, qui est la Convention de la Baie James et du
Nord-du-Québec, octroient aux Inuits des droits particuliers, des privilèges et
imposent au Québec des obligations qui sont aussi particulières. Ça ne veut pas
dire qu'il faut nous ignorer, ça ne veut pas dire qu'il faut nous mettre de
côté parce qu'on nous comprend mal, parce qu'on a peur de nous blesser, on a
peur de nous insulter. Les Inuits reconnaissent l'autorité de l'Assemblée
nationale du Québec, les lois du Québec qui s'appliquent au Nunavik. Le projet
de loi n° 32 ne s'appliquera pas à Manawan, il ne s'appliquera pas dans
une réserve indienne. Alors, c'est étonnant que les deux hôpitaux du Nunavik
soient exclus des articles un et deux. Et on voulait justement vous soulever
cet imbroglio un petit peu ou cette espèce d'incongruité, je vous dirais.
Fabien, tu peux continuer avec les ordres professionnels.
M. Pernet (Fabien) : Oui,
merci beaucoup. Les ordres professionnels, c'est l'article trois du projet de
loi. Alors, évidemment, on accueille positivement les modifications qui sont
proposées au Code des professions. C'est quelque chose qui a été demandé de
très longue date, je pense ici au rapport sur l'application du pl 21 dans
les communautés autochtones. Alors, de voir ces éléments inclus dans un projet
de loi, c'est un pas dans la bonne direction.
Ceci dit, ce qu'on ce qu'on souhaite
souligner, encore une fois, c'est que ce rapport de 2016, auquel des
représentants du Nunavik ont participé et continuent de... avec un groupe de
travail sur lequel les représentants du Nunavik continuent de travailler, c'est
un pas intéressant, mais c'est insuffisant. Il y avait d'autres recommandations
dans ce rapport de 2016, et c'était souligné dès le début par les coauteurs de
ce rapport, à quel point c'était important de saisir et de prendre toutes ces recommandations
ensemble. Il y a plusieurs de ces recommandations dans ce rapport qui ne sont
pas encore mises en œuvre, et c'est dommage de se limiter à ce seul élément
dans la modification au Code des professions.
• (17 h 20) •
Avant l'application du pl 21, au
Nunavik, on avait la chance d'avoir une cohorte de travailleurs communautaires
inuits qui étaient capables d'oeuvrer dans les communautés et de performer un
certain nombre d'actes, aujourd'hui, réservés et dont ils sont exclus. Cette
main-d'oeuvre a été en bonne partie éliminée par le pl 21 et, 10 ans
après, on n'a pas été capable de reconstituer cette main-d'oeuvre. Ces
modifications sont, encore une fois, un pas dans la bonne direction, mais on
souhaite vraiment s'assurer que l'ensemble de ces recommandations, qui étaient
dans ce rapport de 2016, soit mises en œuvre dans le cadre de ce rapport pour
permettre de reconstituer une main-d'oeuvre inuite.
Et je terminerais là-dessus, la
sécurisation culturelle, en particulier au Nunavik, ne vise pas tant à avoir
une main- d'œuvre non inuite, compétente culturellement, elle vise à dispenser
des services par une main-d'œuvre inuite. Et c'est la priorité, et c'est ce à
quoi le Code des professions a posé un certain nombre d'obstacles au cours des
dernières années. Alors, je terminerais là-dessus. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci... Alors, M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Lafrenière : Oui, merci,
merci beaucoup. Premièrement, merci beaucoup pour votre présentation. Merci
pour vos recommandations dans un mode où on cherche des solutions ensemble,
alors on l'apprécie beaucoup. Puis vous l'avez dit tantôt, puis j'ai bien aimé
quand vous avez souligné votre incompréhension...
M. Lafrenière : ...à savoir
pourquoi on ne vous a pas inclus. Ce n'est pas par oubli. Vous savez qu'il y a
un régime qui est totalement différent. À l'inverse, on ne voulait pas imposer
un système mur à mur, et je dois vous avouer qu'on avait invité aussi la régie
dans notre série de rencontres. Tout à l'heure, le collègue de l'opposition
demandait comment ça s'était passé les consultations. La Régie, la CSSSPNQL ont
été invités comme des gens qui donnent des services de santé pour parler au
nom, exemple, des Premières Nations pour la CSSSPNQL et la Régie pour les
Inuits.
Ceci étant dit, je vous entends bien puis
je me demande aujourd'hui à l'étape où en est rendus, comment on pourrait
faire... Quand on se demande comment faire pour que ça s'applique. Parce que
vous parlez, là, de la proposition de loi sur la santé et les services sociaux
des Inuits du Nunavik. De quelle façon on pourrait l'inscrire de façon bien
concrète pour que ça fonctionne, sans l'imposer?
M. Arteau (Jean-François) : Non,
effectivement puis on avait bien compris aussi M. le ministre que vous ne nous
aviez pas oublié.
M. Lafrenière : Jamais.
M. Arteau (Jean-François) : Non,
on ne s'inquiétait pas de ça. Maintenant, c'est l'après aussi qui nous
intéresse, comme vous le dites. Comment intégrer tout ça? Comment intégrer bien
sûr le régime juridique qui est différent? On parle ici d'un chapitre d'une
convention de la Baie-James, le chapitre 15. Il y a des dispositions
ailleurs sur la santé, mais principalement, c'est le chapitre 15. Et il y
a aussi cette particularité au Nunavik. Vous faisiez référence à la Régie de la
santé et des services sociaux du Nunavik. Ce n'est pas un hasard si elle
s'appelle encore régie, là. Elle ne s'appelle pas CISSS puis elle ne s'appelle
pas CIUSS parce qu'elle est protégée par la Convention de la Baie-James, en
quelque sorte, et, par voie de conséquence, par la Constitution canadienne.
Ceci étant dit, la Régie, comme vous
l'avez bien souligné, donne des services de santé à travers les établissements
de santé. Elle ne s'exprime pas au nom des Inuits du Nunavik. Seul Makivik fait
ça. Et Makivik est prêt. C'est le message que le président m'a chargé de vous
porter. Il est prêt à travailler avec vous pour améliorer ce projet de loi là,
y participer et il est surtout prêt à ce que le projet de loi s'applique chez
nous. Donc, les exclusions qu'on retrouve aux articles un et deux, nous, si
vous nous disiez : Bien, on est prêts à vous inclure dans le projet de loi
puis on est prêt à travailler avec vous dans le respect du chapitre 15 des
Inuits, puis tout ça. Bien, on embarque là-dedans à pieds joints, c'est sûr.
M. Lafrenière : Merci. Quand
vous dites que l'approche de sécurisation culturelle qu'on propose, là, s'est
morcelée, s'est diluée, qu'est-ce que vous voulez dire par là?
M. Arteau (Jean-François) : Bien,
c'est-à-dire que c'est... Les Inuits ne se retrouvent pas dans ce projet de loi
là. Et là, évidemment, vous allez me dire vous êtes exclus, puis on aurait un
régime particulier pour vous. Bon, évidemment. Mais dans l'hypothèse où on n'était
pas exclus et on faisait partie d'un projet de loi, celui-ci ou un projet de
loi semblable, ce que j'essayais d'exprimer à travers le mémoire, c'est de dire
exactement ce que je disais tout à l'heure, c'est-à-dire que les Inuits, comme
les autres nations, j'imagine bien, ont une façon ou des attentes à l'égard de
la sécurisation culturelle qui sont différentes. Quand on arrive à l'hôpital à
Kuujjuaq, bien, on ne se sent pas tellement dans un hôpital de Kuujjuaq. Je ne
parle même pas de l'hôpital inuit, là, bon. Ça se passe beaucoup en français.
Les travailleurs sont beaucoup blancs. La signalisation est en français. Puis
je ne lance pas la pierre à personne, certainement pas à l'hôpital. Il y a des
obligations qui doivent être respectées par les employés d'hôpitaux. C'est
syndiqué ce milieu-là, bon, tout ça. Les choses ne sont pas aussi simples
parfois qu'elles y paraissent, mais certainement qu'on peut changer les choses
et certainement que les Inuits peuvent se sentir plus à l'aise. Et mon collègue
Fabien en parlait, entre autres, quant aux ordres professionnels. C'est
difficile, M. le ministre, de faire bouger les ordres professionnels. Ils sont
à cheval sur leur corporatisme, et c'est extrêmement difficile de dire :
Bien, est-ce qu'on ne pourrait pas faire place à quelqu'un qui ne parle pas
français par exemple? Bon, ça, ça a l'air... de la dernière chance, là. Je ne
sais pas pourquoi, là. Mais si quelqu'un parlait inuktitut et anglais, pourquoi
ne pourrait-il pas œuvrer à l'hôpital et aider justement les patients inuits?
Parce que c'est bien de ça dont il s'agit. À 95, 96 %, c'est des patients
inuits. Bien, ces gens-là, lorsqu'ils se présentent devant un médecin, c'est un
peu normal qu'ils sachent de quoi ils souffrent. Ça paraît facile à dire comme ça,
mais quand on dit : Vous souffrez de telle, telle, telle maladie dans une
langue seconde, et que c'est reçu par la personne qui souffre de cette
maladie-là aussi dans une langue seconde, c'est difficile.
Donc si on avait ce qu'on appelle des
navigateurs qui parlent inuktitut et qui sont facilement reconnus et intégrés à
l'hôpital avec des conditions de travail qui se comparent à leurs collègues
blancs, ça aiderait beaucoup, beaucoup les choses.
M. Lafrenière : Le principe
des navigateurs qu'on a vu à d'autres endroits, exemple à Joliette pour ne pas
le nommer.
M. Arteau (Jean-François) : Exactement.
M. Lafrenière : Sur les
dispositions sur le p.l. no 21 que vous avez fait référence,
qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aller plus vite là-dedans? Je trouve ça
important, vous savez le pourquoi, hein?
M. Arteau (Jean-François) : Oui.
M. Lafrenière : Si dans
d'autres articles, vous n'étiez pas sûrs d'être ciblés, je suis persuadé que
vous comprenez que dans trois, vous êtes complètement ciblés.
M. Arteau (Jean-François) : Absolument.
Mon collègue Fabien va répondre à votre question, M. le ministre.
M. Pernet (Fabien) : Oui.
Merci. Excusez-moi. Au niveau des recommandations, la question du mécanisme
réglementaire, c'est ce qui est touché dans le cadre du projet de loi. Je
dirais tout de suite du côté des mesures incitatives aux conditions d'emploi,
c'est ce que mon confrère vient de mentionner, le fait que les Inuits qui
doivent travailler dans les établissements de santé du Nunavik n'ont pas les
mêmes conditions de travail que les non-Inuits qui viennent y travailler, c'est
un enjeu. Autant, il y a quelques décennies, ils se sentaient déjà dévalorisés
dans le cadre...
M. Pernet (Fabien) : ...de
leurs conditions de travail. Aujourd'hui, les conditions de travail ne se sont
pas améliorées. Alors, il y a cet élément qui devrait être mis en œuvre.
Les mesures adaptées de formation
qualifiante, de reconnaissance, de rehaussement des compétences, il y a eu des
travaux, et c'est probablement là-dessus que les travaux du p.l. 21 se sont
focalisés... Il y a besoin, dans le cadre d'un projet de loi, d'éléments qui
viennent faire bouger les ordres professionnels pour l'ensemble des mesures, en
réalité, qui permettraient justement d'augmenter la main-d'œuvre inuite. Donc,
on est vraiment dans ces mesures, inscrire dans le projet de loi des mesures
qui permettent, finalement, de faire bouger complètement les ordres sur
l'ensemble de ces mesures-là.
M. Lafrenière : Merci. Je
sais que mon collègue de Joliette avait une question.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Joliette.
M. St-Louis : Merci, M. le
Président. Messieurs, merci d'être ici. Dans votre mémoire, vous indiquez que
l'objectif de la sécurisation culturelle est de faire en sorte que les
résultats de santé des usagers autochtones soient comparables à ceux des
usagers non autochtones. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette vision
de sécurisation culturelle?
M. Pernet (Fabien) : Bien,
effectivement, là, je pense que ça rejoint la question des iniquités de santé.
Les résultats de santé... Je suis un peu plus technique, mais je pense que
votre question l'est, les résultats de santé, c'est de quelle manière,
lorsqu'on va bénéficier d'un soin ou d'un service dans un établissement de
santé, un hôpital, le résultat est comparable. Le résultat de santé peut être,
très techniquement : survie après une chimiothérapie, cinq ans après. Le
résultat de santé d'une personne autochtone est statistiquement beaucoup plus
faible que celui d'une personne non autochtone. Et les résultats de santé, le
service rendu, le résultat du service rendu est moins bon. Il y a toutes sortes
de raisons pour ça, mais la question de la sécurisation, la qualité du soin, la
peur d'aller recevoir le service qui fait recevoir le service plus tard,
finalement, qu'il aurait dû être reçu, tous ces éléments font en sorte que,
techniquement, statistiquement, ces résultats de santé sont moins bons. Ça,
c'est une approche individuelle, puis on peut prendre une approche
populationnelle, là, je vous donne juste un indicateur : l'espérance de
vie, au Nunavik, c'est 15 ans en dessous de celle du Québec.
M. St-Louis : Merci.
M. Arteau (Jean-François) : Et,
si je peux me permettre d'ajouter là-dessus aussi, parfois, ce sont de petits
détails auxquels on ne fait pas nécessairement attention, mais, par exemple, la
gêne de demander de la traduction. Un patient inuit va se présenter à... à
Kuujjuak ou à... et on va lui demander : Est-ce que tu as besoin d'un
traducteur, est-ce que... On est tous pareils : Non, non, je vais
comprendre, c'est correct. Mais, parfois, de petits détails sur notre état de
santé, ça peut faire une très, très grande différence.
Et ce que Fabien mentionnait sur la durée
après, par exemple, une opération ou un traitement de cancer, il y a une
différence notable chez les populations autochtones, en termes de durée, par
rapport aux populations non autochtones. Et ce sont tous ces petits gestes là
qui relèvent, en quelque sorte, de la sécurisation culturelle, lorsqu'on se
présente dans un établissement de santé, qui font une grande différence à la
fin.
Le Président (M.
Bachand) :M le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : ...combien de
temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) :4min 56s...
M. Lemieux : Oui, d'accord.
Oui, merci, M. le Président. Messieurs, j'avoue mon ignorance du Nunavik. Je
suis allé dans presque toutes les communautés et dans les institutions et
établissements des communautés de la Baie-James et un peu partout sur le
territoire, mais pas le Nunavik. Ça manque à ma culture. Et vous m'avez amené,
vous m'avez ouvert les portes avec les annonces en français dans l'hôpital à...
puis à Kuujjuak puis là vous m'avez frustré, vous êtes passé à autre chose puis
vous avez négocié avec le ministre. Ramenez-moi dans les corridors. Je
comprends qu'au final c'est une belle image pour dire : Bien là, c'est
parce que, si vous insistez pour parler français puis, nous autres, on n'est
pas capables de traduire du français... ça passe par l'anglais, on a comme un
problème... bien, pas... l'inuktitut, merci. C'est une belle image, quand même,
en termes de compréhension de la réalité. Il n'y a pas juste ça, là.
M. Arteau (Jean-François) :
Non.
M. Lemieux : Bon. Qu'est-ce
qu'il y a d'autre?
• (17 h 30) •
M. Arteau (Jean-François) : Bien,
il y a beaucoup de choses. D'abord, l'impossibilité d'accéder aux professions.
J'en ai parlé, Fabien en a parlé aussi. Ça, c'est un élément important, quand
même, cette espèce de barrière qui nous est imposée lorsqu'on est un Inuk, un
Inuk, des Inuits, d'accéder à ces professions-là. C'est quand même assez
étonnant. D'abord, bien sûr, iil y a la distance pour aller étudier et, bien sûr,
il y a le grand éloignement. Bien sûr, il y a tout ça, mais au-delà de ça, il y
a la capacité, la simple capacité intellectuelle, mentale de faire ça. C'est
comme si les Inuits se disaient : Ce n'est pas pour nous, ces
professions-là.
Moi, M. le député, je suis tanné de ça. Ça
fait 25 ans qu'on dit ça : Ça, ce n'est pas pour nous, ça, c'est pour les
autres, ça, ça. Ça ne prend pas grand-chose, puis ça pourrait aller pas mal
mieux. Puis comment ça pourrait aller mieux... dans le respect des uns et des
autres. Le dialogue commence, le dialogue s'installe, mais il y a certainement
une façon de faire beaucoup mieux que ça. Et ce n'est pas qu'une question de
langue. Vous avez vu juste, évidemment, j'ai pris l'image, bon, mais ça va bien
au-delà de la langue. C'est que, quand on entre à l'hôpital, on se sent chez
soi quand on est un Inuit, d'abord, parce qu'on est chez nous. Ils étaient là
bien avant nous, bon, ils étaient là depuis des milliers d'années, selon
certaines personnes, plus...
17 h 30 (version non révisée)
M. Arteau (Jean-François) : ...depuis
quelques centaines d'années, si on fait abstraction des... et tout ça, bon, je
n'entrerai pas dans le détail de tout ça, mais très certainement avant nous.
Et, quand ces services de santé là ont été imposés tantôt par l'armée
américaine, tantôt par l'armée canadienne, tantôt par le fédéral, tantôt par le
Québec, il y a une forme de désappropriation, et c'est ça qu'il faut qui
arrête. La sécurisation culturelle, ça doit mettre fin à la désappropriation.
Je vous parle dans le cas du Nunavik. Chez les Premières Nations, c'est
complètement différent. Dans le cas du Nunavik, il faut que cet élément-là,
cette situation-là cesse.
M. Lemieux : Merci de me l'avoir
expliqué. M. le ministre a d'autres questions, je pense, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Oui, M. le ministre. Deux
petites minutes.
M. Lafrenière : ...beaucoup.
Puis merci. En début d'échange, vous avez évoqué la difficulté, vous n'avez pas
dit l'impossibilité, mais la très grande difficulté de faire une corédaction
ensemble, et je le comprends. Puis vous comprenez que notre principe... on a
tenté de le faire, on a tenté de trouver une solution, de le faire différemment
de ce qu'on fait d'habitude ici, c'est-à-dire les consultations avec les
groupes. On a tenté de le faire en amont, différemment, et notre approche, ça a
été, comme je l'ai dit tantôt, avec la régie et la CSSSPNQL, qui, par la suite,
j'imagine, ont écrit aux communautés en disant : Donnez-nous votre feed-back.
Ça n'a pas été notre approche. C'était dans des rencontres qui étaient en
personne, pendant 90 minutes.
Mais, une fois qu'on dit tout ça, moi, je
veux avoir votre opinion puis je veux avoir l'opinion de Makivik, là, pas pour
les autres... pour les Premières Nations, mais du côté de Makivik. Est-ce qu'on
arrête tout? Est-ce qu'on recule? On a une fenêtre d'opportunité pour avancer.
En aucun moment on ne dit que c'est parfait, mais on veut faire un premier pas.
Il y a un autre groupe qui était assis juste avant vous qui nous disait :
Écoutez, c'est la première province à légiférer. On fait un premier pas. Est-ce
que c'est parfait? La réponse, c'est non. Mais est-ce qu'on doit tout arrêter?
Est-ce qu'on doit prendre un pas de recul ou on continue dans quelque chose qui
est imparfait mais qui est un pas vers l'avant?
M. Arteau (Jean-François) : Bien,
évidemment, comme vous l'avez mentionné, moi, je représente Makivik, donc je
représente les Inuits du Nunavik. Ce que les Inuits du Nunavik vous disent, c'est
qu'il ne faut pas arrêter, il faut aller de l'avant. On veut être soumis à ce
projet de loi là, donc on veut développer des éléments de sécurisation
culturelle qui vont faire en sorte qu'on va se réapproprier notre système de
santé. C'est le choix qui avait été fait il y a près de 50 ans, en 1975. Le
chapitre 15 n'est pas arrivé dans la Convention de la Baie-James par hasard.
Vous le savez, M. le ministre, il n'y a pas de hasard dans la vie. Donc, les
Inuits, déjà à l'époque, voulaient s'approprier les services de santé qui
arrivaient tantôt par bateau, avec toutes sortes d'histoires horribles, tantôt
par avion, tantôt par les fédéraux, tantôt par la GRC. Bon, on n'ira pas là,
mais les Inuits veulent se réaccaparer ça. Mais, si on met un stop à cet effort
de sécurisation culturelle, tout imparfait soit-il, je pense qu'on fait fausse
route.
M. Lafrenière : ...bilatéral
pour avancer ce dossier-là, vous pouvez être sûr. Vous pouvez transmettre le
message au président qu'on ne l'a jamais oublié.
M. Arteau (Jean-François) : Je
vais faire ça avec plaisir.
M. Lafrenière : On voulait
justement s'assurer de ne pas imposer la même chose mur à mur, mais là on
travaillera ensemble avec la régie aussi.
M. Arteau (Jean-François) : Parfait.
Oui, avec plaisir.
M. Lafrenière : Merci
beaucoup. Nakurmiik. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie.
M.
Morin :Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour, d'abord,
votre mémoire et votre exposé, très, très éclairant. Ma première question, c'est
celle-ci, vous en avez parlé, c'est... d'ailleurs, c'est dans une de vos
recommandations, j'en ai parlé plus tôt aujourd'hui, c'est de mettre en œuvre
le principe de Joyce dans son intégralité, ce que ne fait pas le projet de loi.
Bien, en fait, il est dans le préambule. Pourquoi c'est important que ce soit
dans la loi elle-même et qu'est-ce que ça va changer de le mettre dans la loi?
Je vous pose la question. Je suis un convaincu, mais je veux juste que vous m'aidiez
à convaincre le gouvernement. Puis ça, c'est plus compliqué.
M. Arteau (Jean-François) : La
raison pour laquelle c'est si important, en ce qui concerne Makivik, que le
principe de Joyce se retrouve dans son intégralité au projet de loi, c'est
parce qu'il a fait l'objet d'un consensus, ce principe de Joyce là. Puis je
vais tout de suite vous dénoncez mon conflit d'intérêts, là, j'ai participé à l'écriture
du principe de Joyce, tout comme Fabien Pernet d'ailleurs. Donc, on était aux
premières armes du principe de Joyce. Ça aussi, c'est imparfait, là. Il n'y a
rien de parfait dans la vie. Maintenant, il fait consensus à travers les
Premières Nations et les Inuits aussi, qui ont fait sien... fait leur, plutôt,
le principe de Joyce.
Donc, c'est important que ces éléments-là
se retrouvent, d'abord parce que le principe est intéressant, c'est-à-dire de
ne pas souffrir de discrimination sous quelque forme que ce soit et obtenir les
meilleurs services de santé possible. Ça, je pense qu'honnêtement c'est juste
normal. Vous avez vu que je n'ai pas mentionné «racisme systémique». Je vous
parle juste du principe du principe de Joyce, bon. Et il y a beaucoup de moyens
d'action qui sont identifiés, encore une fois, le chef Flamand y faisait
référence un petit peu plus tôt, qui s'adressent tantôt au gouvernement
fédéral, tantôt aux institutions, tantôt à la société civile, par exemple, et,
bien sûr, au gouvernement du Québec. Donc, ces moyens d'action là, je ne vais
pas vous les mettre dans une hiérarchie d'importance, là, je ne serais pas
capable de faire ça, puis ça ne m'appartient pas du tout de faire ça non plus,
mais c'est important de retrouver des éléments du principe de Joyce pour
rassurer, pour faire en sorte que les Premières Nations se disent : O.K.,
on a été entendues. Peut-être que tout n'est pas d'importance égale. Peut-être
que tout ne sera pas fait... On n'a pas construit Rome en trois jours, là. Tout
ne sera pas fait en même temps, mais on se retrouve là-dedans. Ça aussi, c'est
une forme de sécurisation puis c'est la raison pour laquelle Makivik insiste
tant pour que les principes et l'intégralité du principe de Joyce se retrouvent
au projet de loi...
M. Morin : ...vous êtes
probablement d'accord avec moi pour dire que justement, rassurer, c'est justement
un élément fondamental de la sécurisation parce qu'on veut éventuellement que
les gens se sentent en sécurité.
M. Arteau (Jean-François) : Oui,
tout à fait. Tout part de là. Donc, quand on parle de sécurisation, c'est parce
qu'on veut être rassurés. C'est qu'il y a un élément de peur qui nous tenaille
et on veut faire cesser cet élément-là. Donc le principe de Joyce répond à ces
peurs là en disant : Bien. voici, si dorénavant le système de santé du
Québec se comportait de la façon suivante avec les moyens d'action qui sont
identifiés aux principes, on fait le pari que ça irait pas mal mieux.
M. Morin : Et je comprends,
et corrigez moi si je fais erreur, que le principe de Joyce peut très bien
s'insérer dans les différentes dispositions de la Convention de la Baie-James
qui vont régir par exemple la société ou le territoire où sont les Inuits.
M. Arteau (Jean-François) : Oui.
Mais, M. le député, je dois être honnête avec vous, je suis juriste. Avec la
Convention de la Baie-James, rien n'est simple. Alors si on veut modifier la
Convention de la Baie-James, il faudra procéder par convention complémentaire.
Ça se fait, ça s'est fait à des dizaines de fois. C'est plus long, c'est plus
compliqué, mais tout est possible.
M. Morin : Donc, le meilleur
moyen législatif, au fond, ce ne serait pas d'avoir un addendum à la Convention
de la Baie-James, mais bien de l'inclure dans un projet de loi comme le projet
de loi qu'on regarde présentement.
M. Arteau (Jean-François) : Oui,
parce que l'ensemble des lois du Québec s'applique sur le territoire du
Nunavik, ce qui n'est évidemment pas le cas dans les réserves autochtones.
M.
Morin :Exact. Tout à fait. Excellent. Donc, ça... Donc, au
fond, pour reprendre le Dr Vollant, ne pas inclure le principe de Joyce, ou ne
pas en parler, c'est comme un peu ne pas parler de l'éléphant dans la pièce. Je
le cite. C'est ce qu'il a dit aux médias. Je trouvais que c'est une belle
image, mais c'est un peu ça. Donc, au fond, si on ne l'inclut pas dans la loi,
c'est comme si on faisait fausse route au départ.
M. Arteau (Jean-François) : J'ai
beaucoup de respect pour le Dr Vollant. Je partage pas mal ce qui est... Si
c'est fidèle à ce qu'il vous a dit, puis je n'ai pas de raison d'en douter.
M. Morin : C'est ce que j'ai
lu, là, et il va venir témoigner. Ça fait qu'il va pouvoir lui en parler.
M. Arteau (Jean-François) : Bon.
O.K. Maintenant, tout est dans la mesure des choses. Évidemment, c'est des
principes, c'est des moyens d'action qu'on retrouve au principe de Joyce, qui
sont importants. Peut-être pas chaque mot est important, mais ces éléments là,
sur lesquels des Attikameks, d'abord de Manawan, ont réfléchi à cause de la
tragédie de Joyce, bien, c'est important d'y faire écho. C'est important de
reprendre ces principes là, encore une fois, peut être pas mot à mot. Il y a
certainement une façon de dire les choses autrement, de viser les ordres
professionnels, entre autres, autrement. La gouvernance des institutions de
santé, peut-être qu'il y a une façon de faire qui est différente aussi, mais il
faut se retrouver quelque part parce que c'est le terrain de jeu auquel on est
conviés, là.
M. Morin : Et je comprends de
vous que, suite à une consultation et au travail de différentes communautés des
Premières Nations et des Inuits, le principe de Joyce fait consensus.
M. Arteau (Jean-François) : Absolument.
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. Quand on regarde, bon,
l'article 1 et 2, bon, je comprends que ça ne s'applique pas directement chez
vous, mais si on s'inspire en fait du principe de ce qui est énoncé, on dit
entre autres, lorsque possible, utiliser les moyens comme l'embauche de
personnel autochtone. Bon. Alors, j'imagine que si on obligeait ou si on
accélérait l'embauche de processus... de personnel autochtone, ça permettrait
aux gens d'avoir un sentiment de sécurité. Est ce que je me trompe?
M. Arteau (Jean-François) : Vous
avez raison. Évidemment, hormis cette responsabilité professionnelle, bien sûr,
qui est bien particulière dans le monde de la santé, personne ne voudrait se
faire traiter par un médecin qui va... qui n'est pas membre du Collège des
médecins. Ça, ça va de soi.
M. Morin : Oui, ça va de soi.
M. Arteau (Jean-François) : Au
delà de ça, de la responsabilité professionnelle, oui, vous avez tout à fait
raison. Je partage votre point de vue.
• (17 h 40) •
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. Et maintenant, pour embaucher
des gens et puis si, évidemment, éventuellement, je souhaitais très fortement
et rapidement que ce soit des gens des communautés qui soient embauchés, il
faudrait quand même qu'il y ait une parité en ce qui a trait aux conditions
salariales. Ça n'a pas été toujours le cas présentement. Est ce que je me
trompe?
M. Arteau (Jean-François) : Non,
vous vous trompez pas du tout. C'est loin d'être le cas. Ce sont des gens qui
travaillent, qui sont syndiqués pour la plupart, qui travaillent sous des
conventions collectives qui prévoient que, pour l'essentiel, vous obtenez des
bénéfices particuliers lorsque votre lieu de résidence est à 50 kilomètres de
votre travail. Autrement, non. Alors, l'effet de ça, c'est que les gens qui
viennent du Sud, on appelle ça le Sud, là, c'est... Bon, on est tous au sud de
quelqu'un, j'imagine, là. Les gens qui proviennent du sud du Nunavik, eux, ont
une maison, des billets d'avion pour retourner voir leur famille, des
allocations cargo, un certain nombre de privilèges dont les employés inuits ne
peuvent pas bénéficier. Donc, je ne vous cacherai pas que ça crée des tensions
parce qu'à peu près les mêmes activités, les mêmes fonctions sont exercées par
un Inuk et non Inuk, avec des conditions de travail qui sont bien différentes,
là. Fabien, tu veux ajouter...
M. Pernet (Fabien) : Ah!
Simplement ajouter que cette situation est spécifique, aujourd'hui, spécifique
au réseau de la santé au Nunavik. Ce n'est pas le cas dans les autres
institutions du Nunavik, actuellement.
M.
Morin :Uniquement dans le réseau de la santé.
M. Arteau (Jean-François) : Absolument,
c'est ça.
M.
Morin :D'accord. Je vous remercie. Autre... Autre question. Là,
c'est plus à l'article 2...
M.
Morin :...projet de loi. On parle évidemment que
l'établissement va devoir informer le ministre des pratiques sécurisantes qu'il
a mises en œuvre. On en a parlé avec d'autres groupes avant vous. Vous avez
peut-être entendu des questions que j'ai posées. Ça donne un peu l'impression
que les différents établissements vont faire une liste de ce qui était fait,
puis ça va être publié. Ce n'est pas en soi une mauvaise chose, sauf qu'au
niveau de la sécurité ou de l'évaluation de la sécurité de la personne qui va
recevoir les soins, il y a comme un indicateur, ou ça ne semble pas en tenir
compte. Est-ce que c'est une chose qu'on devrait ajouter dans le projet de loi
pour bonifier le projet de loi et évidemment avoir une meilleure sécurité pour
les usagers?
M. Arteau (Jean-François) : Oui,
je pense que oui. Ce à quoi vous faites référence du partage des bonnes
pratiques, je pense que c'est quand même intéressant d'avoir ces bonnes
pratiques là. Évidemment, toutes les bonnes pratiques ne s'appliquent pas de la
même façon partout. Ça va de soi. Ça rejoint un peu ce que je vous disais tout à
l'heure, chaque nation est particulière. Bon. On ne peut pas dire qu'on va
faire de la sécurisation pour les autochtones. Moi, je pense que ce serait une
erreur que de dire ça. La sécurisation culturelle chez les Attikameks n'est pas
la même que chez les Inuits, que chez les Algonquins. Bon, je vais arrêter la
liste, là, mais vous aurez compris que c'est différent d'un endroit à l'autre.
D'avoir des indicateurs, c'est
intéressant. Maintenant, il y a certainement une difficulté à les établir, ces
indicateurs-là parce que chacun n'a pas les mêmes attentes face aux services de
santé. Par exemple, les gens... les Inuits de Puvirnituq, là où il y a un
hôpital sur la côte de l'Hudson, ont des attentes particulières à l'égard de
leur hôpital. Bon. Les Inuits d'Umiujaq qui, somme toute, ne sont pas très
loin, mais qui ne sont pas dans le même village et les deux villages ne sont
pas reliés par par route, ont des attentes bien différentes. Probablement
qu'ils en ont une peur plus grande un peu d'aller à Puvirnituq que les gens de
Puvirnituq. La situation est la même à Kuujjuak. Les usagers de Kuujjuaks
inuits, bien évidemment n'ont pas vraiment peur d'aller à l'hôpital. Les gens
qui viennent d'ailleurs ont peut-être des réticences, des gênes, bon, tout ça.
Donc, comment établir, comment évaluer si
ces gens-là se sont sentis suffisamment sécurisés au plan culturel? Ça risque
d'être difficile. Mais sur le principe même des indicateurs, oui, moi, je
trouve que c'est une proposition intéressante.
M.
Morin :Parfait. Puis finalement, est-ce que vous l'avez eu,
votre site...
M. Arteau (Jean-François) : Oui,
oui.
M.
Morin :Vous l'avez eu?
M. Arteau (Jean-François) : Bien,
finalement, je pense que oui, hein? Non.
Une voix : ...pas encore.
M. Arteau (Jean-François) : Ah!
non, pas encore. O.K. Pas encore.
M.
Morin :Bien, moi, j'ai posé bien des questions au ministre de
la Santé là-dessus - je fais un aparté - mais vous êtes là, là...
M. Arteau (Jean-François) : Oui.
M.
Morin :...puis, tu sais, unissons-nous dans le combat. Ça fait
qu'il n'est pas encore rendu.
M. Arteau (Jean-François) : Non,
non,
M.
Morin :Il est-tu dans le bateau?
M. Arteau (Jean-François) : Non,
parce qu'il n'y a plus de bateau. Là, les glaces vont arriver avant le bateau.
M.
Morin :O.K. Merci beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup, M. Arteau, et vous aussi pour votre présentation. Je
voulais savoir, dans votre recommandation n° 3, vous
dites que le projet de loi n° 32 intègre et met en œuvre les
recommandations du comité sur l'application du p. l. 21. dans leur
intégralité. Pourriez-vous développer un peu plus sur ce point-là?
M. Pernet (Fabien) : Oui,
avec plaisir. Il y avait un certain nombre de recommandations qui avaient été
élaborées en 2016 puis publiées dans ce rapport. Il y a eu un certain nombre de
travaux qui ont eu lieu avec un comité conjoint. La régie dont parle le
ministre en fait partie. Une partie de ces travaux sont sur le point d'aboutir.
Dans les faits, les éléments de compétence culturelle et linguistique ont fait
l'objet de développement d'un guide. Ce guide doit faire l'objet ensuite d'une
pratique pour que des établissements, des maisons d'enseignement reconnaissent
finalement ces compétences. Alors, c'est beaucoup d'années, beaucoup de travail
technique pour aboutir à un résultat qui est somme toute assez mince par
rapport à ce qui faisait partie des recommandations initiales de ce rapport.
Donc, ce rapport identifiait des éléments
qui, finalement, devaient permettre de favoriser la pratique d'actes réservés à
des personnes qui ne se qualifieraient pas normalement. Je vous donne en
exemple la protection de la jeunesse. Faire de l'évaluation, ça prend des TS
qui parlent français. Évaluer des familles inuites sans être soi-même Inuit,
bien, il y a un risque de biais qui est là, quand bien même les personnes font
partie d'un ordre professionnel. Ça, c'est un des obstacles, et cet élément-là
n'est pas complètement résolu. Ça, c'est un élément qui pourrait être résolu
avec ce qui fait partie du p. l. 32.
D'autres mesures figuraient dans les recommandations.
Les conditions de travail, donc des incitatifs pour que des personnes viennent
travailler. Des Inuits, dans nous ce qui nous concerne, viennent travailler et
prendre ces postes de travailleurs communautaires, de travailleurs sociaux. Donc,
toutes ces mesures ont été pensées comme un faisceau, comme un ensemble qui
permettrait de résoudre les problématiques d'accès à ces services au Nord, et à
l'heure actuelle, donc finalement, sept ans après le dépôt du rapport, les
résultats, comme je l'ai mentionné, sont encore assez minces à l'heure
actuelle, et il y a très peu d'aménagements qui ont été réalisés. Et c'est ce
qu'on souhaite, c'est que les recommandations qui avaient été formulées en 2016
soient mises en œuvre, dans le cadre du projet de loi, ensemble...
M. Pernet (Fabien) : ...comme
considéré comme un tout, de manière, finalement, à donner un accès réel aux
Inuits à des services fournis par des professionnels inuits, en particulier
dans les relations humaines ou le travail social.
Le Président (M.
Bachand) :...M. le député de Jean-Lesage,
le temps passe vite.
M. Zanetti : Ça va. Ça fait
le tour de la question, merci.
Le Président (M.
Bachand) :Ça va? Merci beaucoup,
j'apprécie. Alors, sur ce, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi,
ça a été très, très, très apprécié.
Et je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 47)
(Reprise à 17 h 51)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci beaucoup. La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir
d'accueillir les représentantes de Femmes autochtones du Québec. Merci beaucoup
d'être avec nous. Vous connaissez les règles, 10 minutes de présentation, après
ça, une période d'échanges avec les membres. Donc, je vous cède la parole.
D'abord, vous présenter, et débuter votre présentation, s'il vous plaît. Merci.
Mme Étienne (Marjolaine) : Kwe,
bonjour. Marjolaine Étienne, présidente, Femmes autochtones du Québec.
Mme Rock (Laura) : Kwe,
bonjour. Mon nom est Laura Rock, je suis Innue de la communauté de Pessamit. Je
suis directrice générale par intérim...
Mme Rock (Laura) : ...chez
Femmes autochtones du Québec.
Mme Étienne (Marjolaine) : Je
peux maintenant commencer?
Le Président (M.
Bachand) :...
Mme Étienne (Marjolaine) : Oui,
merci beaucoup. Donc, merci beaucoup pour l'invitation à cette consultation,
audition. M. le ministre et les membres de la commission, tout d'abord, j'aimerais
au moins vous parler un peu de la mission de FAQ. Nous travaillons très fort
pour l'atteinte de l'égalité et de l'épanouissement des femmes et des filles
autochtones. Notre mission est de représenter et défendre les intérêts des
femmes autochtones à travers le Québec. Nous mettons en œuvre également toutes
les actions nécessaires au développement du plein potentiel des femmes
autochtones et, également, nous luttons contre les politiques, les pratiques et
les lois qui entretiennent les inégalités et la discrimination.
Donc, tout d'abord, nous avons... comme
organisation, nous avons répondu par écrit à certaines questions, nous avons
également participé à une séance, une courte séance de vidéo avec des
représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux, mais d'emblée
Femmes autochtones du Québec n'a jamais été invitée à participer aux travaux du
comité de mettre en place le guide de la sécurisation culturelle qui a été
rendu public en mars 2021. Donc, FAQ a été également informée à la veille du
dépôt du projet de loi, soit le 8 juin dernier.
La consultation et la participation, nous
trouvons que c'est des éléments très essentiels au processus d'obtention du
consentement libre, préalable et éclairé. La déclaration des peuples
autochtones exige des États qu'ils coopèrent de bonne foi avec les peuples
autochtones avant d'adopter et d'appliquer des mesures législatives ou
administratives.
Dans le projet de loi, nous avons,
effectivement, pris connaissance que, parmi un item, celle de la page deux, là,
à... de la lettre d, il est mentionné que la prise en compte des réalités
propres aux femmes et filles autochtones... Donc, à notre avis, comment on peut
faire en sorte de pouvoir y participer concrètement quand le service ou la
satisfaction que les femmes ou les filles autochtones utilisatrices de services
en santé ou aux services sociaux n'est plus ou moins documenté. On connaît,
effectivement, qu'aujourd'hui il y a des... il y a quand même des rapports qui
font mention, effectivement, de la stérilisation imposée à l'égard des femmes
et des filles autochtones. Donc, les autres rapports qui ont été consultés,
c'est... dont celui aussi, également, sur... en ce qui concerne les femmes des
enfants disparus en milieu hospitalier. Donc, FAQ considère que la situation
vécue et dénoncée relevant l'enjeu plus large du racisme et de la
discrimination systémique par les membres des Premières Nations et des élites
au sein des établissements de santé et, plus largement, auprès des services
publics québécois mérite plus de considération de la part du gouvernement du
Québec.
Le cadre juridique applicable, le
développement de la déclaration des peuples autochtones, la Charte des droits,
la Loi constitutionnelle et les nombreux rapports de recherche des différentes
commissions au cours des récentes années, la commission Viens, Laurent, femmes
disparues et assassinées, stérilisations imposées appuient clairement la
nécessité de privilégier, à l'égard d'un tel enjeu, une approche adaptée
développée en collaboration avec les Premières Nations et les Inuits, incluant
aussi également les femmes et les filles autochtones.
Cette collaboration doit particulièrement
inclure les femmes autochtones, en raison de leur position de première ligne.
Elles ont accès au réseau de la santé et des services sociaux pour elle-même,
pour accoucher, mais elles accompagnent aussi très souvent leurs enfants, les
parents, les grands-parents, les hommes. Elles sont également les plus grandes
victimes de la discrimination et du racisme systémique.
Pour ne nommer que quelques projets, à ce
moment-ci, de femmes autochtones du Québec, présentement il y a des formations
qui sont offertes aux femmes dans les communautés et les centres urbains afin
de leur permettre de s'exprimer sur leur vécu et de les former à reconnaître
les situations de racisme et de discrimination systémique qu'elles ont vécues
ou pourraient vivre.
Donc, dans le cadre de ma tournée
effectuée en 2022 et au tout début de l'automne, où est-ce que je vais y
retourner, c'est que j'entends, j'entends, j'écoute, je reçois des paroles, des
témoignages de femmes, de filles, dont une, une aînée me raconte qu'elle ne
parle pas français, elle s'est fait référée par le centre de santé de sa
communauté en urgence à l'hôpital pour qu'elle... parce qu'elle...
Mme Étienne (Marjolaine) : ...Des
symptômes d'infection sévère, température élevée, douleurs à un pied parce
qu'elle était aussi diabétique. Le personnel soignant a évalué que sa situation
n'exigeait pas de soins d'urgence et il a remercié... a remercié cette
dernière. Deux jours plus tard, cette aînée a été admise de nouveau pour une
infection au tibia. Elle est demeurée hospitalisée plusieurs semaines.
Donc, ces récits, que j'entends, que
j'écoute, je crois ces femmes et ces filles, qui me racontent aussi ces
témoignages qui non... ne sont non seulement localisés dans une partie
soi-disant géographique au niveau du Québec, mais je l'entends à travers, au
niveau du Québec, lorsque je rencontre des femmes et des filles dans leur
milieu.
FAQ considère également que les résultats
qui résultent de l'analyse des discussions tenues lors de cet événement
pourraient permettre de mieux définir les priorités et les pistes de solutions.
Ce que j'entends par ça, c'est qu'en
2024 FAQ va organiser des états généraux dans le cadre de son 50 ᵉ
anniversaire. FAQ va célébrer 150 ans d'existence, de fondation. Elle est
la source qui contient, qui a une richesse, une expertise sur les enjeux des
femmes autochtones. Et en 2024, elle va accueillir plus de 160 femmes
autour des états généraux et autour d'une thématique qui est celle de la santé.
Donc, nous serons en mesure effectivement de les entendre, d'entendre les
préoccupations à l'égard... Au niveau des... de leur santé, de leur propre...
De santé, mais aussi aller plus largement, et ce qui va nous permettre
effectivement de dégager avec elles des pistes de solutions.
Donc, sur ce, nous, ce qu'on recommande à
ce moment-ci, c'est que de reporter l'adoption du projet de loi après les états
généraux de Femmes autochtones du Québec, afin de nous permettre une réelle
consultation et de prise en compte des droits et intérêts, préoccupations des
Premières Nations, incluant ceux des femmes et des filles autochtones.
Nous croyons aussi qu'il sera important de
recommander... D'amender, excusez, le projet de loi pour inclure la
reconnaissance du racisme et de la discrimination systémique, la mise en œuvre
du Principe de Joyce, de même que l'article 24 de la Déclaration des
Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Il est important aussi de prévoir à la loi
un processus d'évaluation des impacts des pratiques sécuritaires dans les
différents établissements dont feraient partie des représentants des Premières
Nations. Nous recommandons aussi également de définir ce que signifie une
pratique sécuritaire pour les communautés autochtones plutôt que de proposer
unilatéralement une définition qui ne concorde pas avec notre vision et qui
n'est pas élaborée de concert avec les acteurs du milieu. Soutenir les
activités du bureau du Principe de Joyce afin d'assurer la cohérence de
l'amendement.
En conclusion, il est bien d'indiquer,
dans différents articles de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones, notamment l'article 15 : «les États prennent des
mesures efficaces, en consultation et en coopération avec les peuples
autochtones concernés, pour combattre les préjugés et éliminer la
discrimination et promouvoir la tolérance, la compréhension et de bonnes
relations entre les peuples autochtones et toutes les autres composantes de la
société», ou encore l'article 22, qui stipule que «les États prennent des
mesures en concertation avec les peuples autochtones pour veiller à ce que les
femmes et les enfants autochtones soient pleinement protégés contre toutes les
formes de violence et de discrimination et bénéficient des garanties voulues».
En ce sens, la présente consultation est
insuffisante en tant... tant dans sa forme que dans son contenu. Le
gouvernement du Québec aurait tout à gagner à travailler dans un esprit de
réelle collaboration, en amont, pendant et en aval d'un tel processus avant de
proposer des outils concrets, adaptés et efficaces.
• (18 heures) •
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Lafrenière : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, Mme, d'être là aujourd'hui. Bonjour à vous
deux. J'ai lu avec beaucoup d'attention votre... Vos recommandations, et je
l'apprécie beaucoup. Ça nous aide, nous, comme élus, à améliorer, justement,
les lois qu'on en présente.
Et d'ailleurs, je dois vous dire que même
dans le processus, tout à l'heure j'en parlais, de comment on a fonctionné,
comme on a décidé de... en aval, de rencontrer certains groupes, de choisir des
groupes qui étaient plus impliqués dans des soins de santé, qui donnaient des
soins de santé comme la CSSSPNQL, comme la Régie. Mais j'ai bien compris votre
message aussi dans votre volonté d'être impliqués, et ça, je l'apprécie pour la
suite des choses.
Par ailleurs, je vous dirais, quand je
regardais vos états généraux en mai 2024, il m'est venu une idée. Je me
disais...
18 h (version non révisée)
M. Lafrenière : ...comme on va
devoir définir des activités, comme on va devoir définir des façons d'apporter
de la sécurisation culturelle, et ce que j'ai entendu, depuis ce matin, la
sécurisation culturelle, de mettre ça mur à mur en disant : Voici comment
ça fonctionne, ce n'est peut-être pas la meilleure solution. On devrait
peut-être y aller... de mieux s'adapter d'une communauté à l'autre, d'un lieu à
l'autre. Alors, peut-être que vos états généraux seraient un bon momentum pour
faire la rencontre avec les gens du CISSS, avec les gens de la santé, pour
déterminer avec les gens que vous allez rencontrer, les femmes qui font partie
de votre regroupement, qu'est-ce qui est la meilleure façon.
L'autre point que je vais vous apporter,
parce qu'on ne fait jamais l'unanimité, puis c'est normal. C'est normal, il y a
plusieurs courants de vision. Puis je vais avoir votre opinion là-dessus. Quand
on va dans le point un, là, c'est plate quand je dis une affaire de même, 1, 4,
B... 1, 4, D, la prise en compte des réalités propres aux femmes et aux filles
autochtones, c'est comme ça qu'on l'a libellé. Il y a un groupe qui nous
suggérait plutôt de changer filles pour aux enfants autochtones. J'aimerais
avoir votre opinion là-dessus, encore là pour avoir une pluralité d'opinions.
Mme Étienne (Marjolaine) : ...me
permettre. Merci, M. le ministre. En fait, si je peux reprendre peut-être votre
première intervention, je pourrai répondre à la suivante, c'est que, oui,
effectivement que le fait de pouvoir consulter des groupes, c'est aussi
important. Mais, vous savez, au niveau... à travers du Québec, il y a
pratiquement presque... près de 50 000 femmes et filles autochtones. Donc,
moi, je pense qu'effectivement, la venue des états généraux, qui va se dérouler
en mai 2024, comme je le citais tantôt, c'est que c'est un moment effectivement
où est-ce que les femmes vont pouvoir faire en sorte de pouvoir partager leurs
préoccupations et de faire en sorte de voir aussi leur propre avenir. Donc, ce
qui est important pour nous, c'est d'avoir une approche tournée vers les
femmes, d'entendre encore plus davantage leurs préoccupations en matière de
santé et services sociaux, mais aussi de répondre réellement à leurs besoins.
Donc, c'est avec elles et pour elles que nous serons... que nous y serons, pour
pouvoir aller trouver des pistes de solutions dans la thématique, notamment, de
la santé. Et si je fais un peu de... si je comprends bien, c'est qu'effectivement
l'opportunité des états généraux versus au niveau d'une possibilité de pouvoir
inviter d'autres... d'autres... le CIUSSS ou d'autres organisations et
ministères, vous êtes les bienvenus. Mais est-ce que je comprends,
effectivement, que vous répondez à ma recommandation qui est celui de reporter
le projet de loi et attendre les préoccupations des femmes des Premières
Nations? Et, dans ce sens-là, dans les états généraux, il est certain que nous
allons inviter des acteurs importants qui vont graviter autour des thématiques,
dont celui de la santé. Et vous serez aussi également invité, M. le ministre.
Donc, de l'autre côté de votre... l'autre
intervention par rapport... changer filles pour enfants, bien, je pense
effectivement que l'idée est bonne, mais on pourrait peut-être penser aussi de
penser à femmes et familles. On rejoint à ce moment-ci l'aspect où est-ce que
les femmes ont un rôle important qui est celui de la transmission des savoirs
culturels, y compris nos langues. Donc, je pense qu'effectivement l'aspect de
toucher familles répond bien aussi également aux enfants, dont... on n'exclut
pas personne, on est plus dans une démarche inclusive. Donc, on inclut tout le
monde, donc femmes et famille, ça serait peut-être une autre... une autre
avenue aussi à regarder.
M. Lafrenière : Merci
beaucoup. Merci pour la clarification, ça va nous aider. Puis je vais répondre
à votre... On fait du ping-pong un peu ensemble, je vais répondre à votre
affirmation. Pour ce qui est de reporter après vos états généraux et plus tard,
je pense que, dans votre mémoire, vous mentionnez : Pourquoi il y a tant d'empressement
de la part du gouvernement d'agir et de changer les choses là-dedans? Je vais
vous répondre en deux temps.
Première des choses, à la page sept, dans
ce que vous nous avez présenté, c'est marqué : « Quelques récits entendus récemment lors des
visites de fac dans les communautés autochtones. »
En passant, j'ai eu le plaisir de faire la tournée des communautés, de voir les
villages nordiques, d'entendre des gens moi aussi, et ce que vous avez rapporté
là, je l'ai entendu moi aussi. Je prends un exemple. Vous avez dit : Une
aînée autochtone qui ne parle pas le français s'est fait référer dans un centre
de santé, vous l'avez dit tout à l'heure. Vous avez dit aussi : Deux
femmes nous témoignent avoir récemment subi une stérilisation forcée, et ce,
avant l'âge de 35 ans. Et vous avez fait un récit, donc, de plusieurs
choses que vous avez entendues sur le terrain, que j'ai entendues moi aussi. Ma
première réponse, c'est de vous dire que c'est un petit peu pour ça que je suis
empressé de bouger. C'est un petit peu pour ça que je réponds à cet appel à l'aide,
les gens qui nous disent : Il faut agir en sécurisation culturelle. Vous
savez, c'est un engagement qu'on avait pris. On l'a reporté une première fois.
On devait le faire dans le précédent mandat. On l'a reporté pour répondre
vraiment à une demande qui nous avait été faite de la part de certaines
autorités autochtones. J'entends ce que vous me dites quand vous dites :
On voudrait le reporter de peut-être deux ans dans notre législation, parce
que, normalement, de la manière qu'on siège, ça irait plus...
M. Lafrenière : ...à l'automne
et, après ça, adopté à l'hiver. J'entends tout ça, mais j'entends aussi des
groupes qui nous disent qu'ils sont pressés d'agir. Alors, ce que je vous ai
dit tout à l'heure, quand j'ai fait référence à vos états généraux, je suis en
mode solution. Je me disais : J'entends très bien ce que vous dites, d'un
autre côté, je sais que, lorsqu'on parle de sécurisation culturelle, c'est un
terme qu'on va devoir définir, on va devoir regarder comment on va le faire
d'une région à l'autre, et c'est là-dessus qu'on a besoin de votre aide. C'est
peut-être cette approche-là que je regarderais avec vous.
Mme Étienne (Marjolaine) : Bien,
en fait, en termes de définition de la sécurisation culturelle, effectivement,
je pense que c'est important de la définir en amont d'un projet de loi. C'est
important, effectivement, aussi, vous l'entendez dans les différentes
communautés, dans les visites que vous avez effectuées, je les entends, et puis
tout le reste. Est-ce que le fait, effectivement, de pouvoir précipiter le
projet de loi maintenant... Tu sais, c'est comme un peu... ma vision des
choses, c'est de mettre l'expression quand on dit de mettre les bœufs avant la
charrue. Je le cite, dans mon rapport, effectivement, que la consultation est
très importante en amont de toute démarche de projet de loi, ce que je n'ai pas
senti réellement au tout début. Parce que je suis rentrée aussi en décembre
2021, et je fais mention aussi, également, dans mon rapport.
Moi, je trouve, effectivement, que le fait
de pouvoir... Si on veut travailler un bon projet de loi, un projet de loi qui
va aussi faire en sorte de mettre une empreinte des femmes, des filles
autochtones, des familles autochtones, des Premières Nations, c'est de le
travailler en commun, c'est de le travailler en amont. Et ça, je pense,
effectivement, qu'on n'aura pas, d'après moi, si j'appréhende dans cinq ans,
dans 10 ans... Vous savez, les choses changent, les choses changent, puis
je pense, à mon avis, que la parole ou les préoccupations des femmes qui vont
s'exprimer en mai 2024 va être des éléments importants pour élaborer ou cocréer
un projet de loi ensemble. Et ça, je pense, c'est garant d'avenir, parce que je
trouve qu'effectivement ça vient mettre une table d'écriture entre entre nous
et d'inclure les femmes et les filles autochtones à travers le Québec.
Mais je pense, effectivement, que la
sécurisation culturelle... Puis, vous savez, M. le ministre, on a eu quand même
une discussion, vous êtes venu aussi à l'Assemblée générale des femmes
autochtones en décembre 2022. Tu sais, vous avez entendu aussi, également, là,
les préoccupations. On vous a envoyé aussi, également, une résolution de l'AGA
en ce qui concerne, effectivement, de travailler sur la reconnaissance de la
discrimination systémique. Je pense, effectivement, que ce qu'on entend, ce que
vous entendez, c'est important de pouvoir les documenter, hein? Les paroles
partent, les écrits restent. Je pense que c'est important, en amont, de pouvoir
faire en sorte de pouvoir, comme je le disais tantôt... Si on veut connaître
les vrais enjeux et les réalités des femmes et des filles autochtones, il faut
les documenter, vraiment les documenter en amont pour prévoir, effectivement,
que, dans le projet de loi, là... soit aussi bien encadré, centré sur les
besoins des Premières Nations, incluant les femmes.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. J'aurais la
députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci d'être là, merci de prendre le temps avec nous. Selon
vous, quels types de dispositions il faudrait... devraient être dans le PL,
dans le projet de loi afin d'intégrer les femmes et les filles autochtones
disparues et assassinées?
• (18 h 10) •
Mme Étienne (Marjolaine) : La
reconnaissance du racisme et de la discrimination systémique, d'inclure les
principes de Joyce. Il y a différentes études, rapports étudiés, surétudiés au
niveau des femmes autochtones de Premières Nations au Québec. Le rapport du
coroner le mentionne : reconnaissance du racisme, de la discrimination
systémique. Vous travaillez en amont avec ça. C'est la source pour pouvoir
faire en sorte de pouvoir travailler sur quelque chose pour faire en sorte,
effectivement, que ça puisse diminuer. On ne pourra pas l'enrayer, là, on va
être réaliste, là, on ne pourra pas l'enrayer, mais, si on fait en sorte,
effectivement, de travailler sur cet enjeu-là, je pense qu'on vient de
travailler sur quelque chose où que c'est drôlement intéressant puis qu'on fait
en sorte, effectivement, de pouvoir faire en sorte de minimiser aussi. Donc,
moi, je trouve, effectivement, que, dans l'aspect de cet enjeu de reconnaissance
discrimination systémique, c'est quelque chose à y travailler maintenant.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
peut-être, oui.
M. Lafrenière : Il me reste
un instant?
Le Président (M.
Bachand) :Deux petites minutes, oui.
M. Lafrenière : Deux petites
minutes. Merci beaucoup. Puis merci, merci de nous aider dans notre réflexion.
Je le disais tout à l'heure, ça nous...
M. Lafrenière : ...moi, je
tends encore la main, ce que j'ai dit tout à l'heure, parce que je sais qu'on
vous a rencontrées à l'été 2022, en vous annonçant qu'on avancerait dans ce
projet de loi là. Et moi, je tends encore la main, en disant qu'avec vos états
généraux je pense que c'est un bon moment, où on pourra voir comment ça se
passe sur le terrain.
Puis je veux vous amener sur un autre
point. Tantôt, on parlait de la définition stricte de la sécurisation
culturelle, de le définir, de le mettre plus clair. Je vous dirais, je suis déchiré
entre deux choses. D'un autre côté, j'entends les groupes, ici, qui me disent
d'être prudents, encore une fois, de laisser la flexibilité, que ça vienne des
groupes autochtones, qu'ils nous disent ce qu'ils veulent, et non pas nous à
dire ce qu'ils devraient avoir. Je pense que c'est ce qui nous anime. Je pense
que vous êtes à la même place. De quelle façon on peut donner voix...
Peut-être, vos états généraux vont nous aider là-dedans aussi, pour le
matérialiser. Parce que, n'oubliez pas, aujourd'hui, ce qu'on fait, on parle
d'un projet de loi, mais, par la suite, ça va prendre des actions, du concret,
sur le terrain, pour matérialiser ça, puis c'est là-dessus qu'on a besoin de
votre aide aussi.
Mme Étienne (Marjolaine) : On
a toujours été une organisation où est-ce qu'on a voulu apporter notre aide. On
a toujours été, je pense, effectivement, une organisation d'ouverture. Depuis
50 ans, Femmes autochtones du Québec défend les intérêts des femmes
autochtones, que ce soit dans les différents services qu'elles utilisent. Vous
le savez, le constat, comme moi, les enjeux que les femmes autochtones font
face. Tantôt, quand je vous disais que les femmes sont celles qui sont en
première ligne pour aller chercher des soins pour elles, pour accoucher... puis
que ce qu'on entend dans les différents rapports qui sont rendus publics,
notamment celui sur la stérilisation imposée, puis qu'on indique effectivement,
encore une fois, qu'il y a du racisme, de la discrimination systémique. Tu
sais, mettez-les, là, les rapports, là, qui concernent les femmes autochtones,
sur la table, regardons les recommandations qui sont là, regardons ce qui est
écrit sur la discrimination systémique, regardons-les, et mettons un projet de
loi, à mon avis.
Ce n'est pas parce que... Je n'ai rien
contre la sécurisation culturelle. C'est parce qu'il faut la définir avec nous,
et non sans nous. Il faut la définir aussi avec les femmes, les femmes des
Premières Nations, pour faire en sorte qu'on ait un projet de loi qui nous
rassemble et qui nous ressemble, aussi, également.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député
d'Acadie, s'il vous plaît.
M.
Morin :Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre
mémoire et votre témoignage devant la commission aujourd'hui. Vous y avez fait
référence, je vais partir de l'article 15 de la Déclaration des Nations unies
sur les peuples autochtones. Quand on y lit, à 15.2 : «Les États prennent
des mesures efficaces, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones
concernés, pour combattre les préjugés et éliminer la discrimination», donc,
est-ce que je me trompe en disant que quand le gouvernement dépose ce projet de
loi là, les mesures efficaces, la consultation, la coopération, en tout cas,
avec vous, femmes autochtones, on repassera? Donc, vous n'avez pas travaillé en
amont avec le gouvernement là-dessus, on vous a informées que ça s'en venait.
Est-ce que c'est exact?
Mme Étienne (Marjolaine) : Ce
que j'ai mentionné, c'est que nous n'avons pas été consultées ni impliquées
dans la démarche de préparation pour le guide de la sécurisation culturelle qui
a été rendu public, FAQ a été absente. Ce qu'on a eu par la suite, c'est,
effectivement, une rencontre d'échange, hein? Bon, j'ai eu une rencontre
d'échange aussi, également, là-dessus. On a eu quatre questions, hein, on a
exprimé, effectivement... sur ces quatre questions là. Et puis par la suite, le
8 juin, on apprenait, effectivement, que le projet de loi se déposait le
9. Je ne l'ai pas su, je l'ai su par des intermédiaires de mon réseau. Donc,
c'est un peu ça.
Ce que la loi... Ce que la déclaration des
peuples autochtones exprime, quand on parle de consultation libre,
préalablement éclairée, c'est, effectivement, si on a une intention, une
volonté «de». Je sais que, tout le monde, on est de bonne volonté, à quelque
part, mais ils doivent, effectivement, faire en sorte d'avoir le réflexe que,
quand c'est des questions ou des enjeux autochtones, incluant les femmes
autochtones, que les choses se fassent en amont, en amont, puis ça, ça demande,
effectivement, l'implication des Premières Nations. Ça demande aussi
l'implication de notre organisation. Nous, comme organisation, ça va faire 50
ans. On connaît les enjeux et les réalités, mais on doit davantage, aussi, être
plus... d'aller consulter nos femmes, qui utilisent les services de santé et
des services sociaux aussi, également.
Donc, dans ma tournée, j'ai entendu...
d'ailleurs, j'ai fait mon rapport de l'année passée, de ma tournée... ce que
j'ai entendu, c'est les préoccupations des femmes à l'égard, au niveau de la
protection des...
Mme Étienne (Marjolaine) : ...enfants,
les soins de santé, la langue, donc, c'est toutes des choses comme ça. Donc, je
m'apprête à faire la deuxième tournée, j'en ai déjà fait une, tout récemment,
et ce qui est revenu, c'est effectivement des témoignages en matière de
services de santé qu'ils reçoivent.
M. Morin : Merci. Donc, je
comprends, finalement, le réflexe, le gouvernement ne l'a pas. Alors là, vous
êtes très, très claire là-dessus : le gouvernement est là, il devrait
entendre. On espère que le réflexe va se développer, mais, évidemment, dans un
domaine aussi important, quand on parle de sécurisation pour arriver à une
sécurité, bien, évidemment, la concertation, la collaboration, l'écoute, le
partage en amont m'apparaît essentiel. Je vous remercie.
J'ai une autre question, et c'est en lien
avec vos états généraux. Vous demandez, dans vos recommandations, d'attendre,
qu'il y ait un délai pour que le législateur puisse bénéficier de l'apport,
évidemment, de ces témoignages, de ces faits vécus de femmes et puis de
situations que vous allez avoir lors des états généraux. Si j'ai bien compris,
M. le ministre veut agir assez rapidement, parce qu'il faisait référence à la
page 7, à des situations, dont une que vous nous avez partagée sur la
façon dont une aînée a été traitée, ce qui, quant à moi, est tout à fait
terrible. Non seulement cette femme-là a souffert davantage, mais, en plus,
elle a été hospitalisée plus longtemps. Moi, je vous pose la question suivante
Si on est pressé d'agir pour empêcher ça et pour éliminer le racisme
systémique, est-ce qu'on ne devrait pas être pressé d'inclure dans le projet de
loi le principe de Joyce et que ce serait un bon début? Ce que le gouvernement
ne fait pas. Puis j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Étienne (Marjolaine) : Parfois,
se presser, ce n'est peut-être pas la bonne solution parce qu'on risque
d'oublier certaines choses. On risque d'oublier des familles, des femmes autochtones.
Le risque est là. Le risque de se presser est trop grand. C'est majeur. Moi, je
trouve qu'effectivement le fait de pouvoir travailler sur les vraies choses,
comme je le disais tantôt, sur la reconnaissance de la discrimination, du
racisme systémique, c'est justement un enjeu que, depuis un bout... que Femmes
autochtones du Québec travaille à faire entendre nos voix, la voix des femmes
des Premières Nations à travers le Québec, mais aussi d'adopter le plus
rapidement, hein, que je dis... rapidement le principe de Joyce avant de
s'empresser de faire un projet de loi. Je pense qu'en travaillant sur ces deux
choses-là, ces deux enjeux-là, on est en... Je pense qu'on est sur la route de
travailler sur quelque chose qui va ressembler aux femmes et aux familles des
Premières Nations, puis d'un projet de loi qui va être commun, qui va être
travaillé entre nous puis que... Je trouve que c'est une partie
gagnant-gagnant, hein... de travailler sur quelque chose. Parce que je trouve
qu'effectivement qu'il faut que les situations, à ce moment-ci, qu'on connait,
je vais en entendre encore. Puis je pense que le ministre va en entendre aussi,
probablement, dans le cadre de sa tournée, mais entendre, c'est une chose, mais
agir sur les vraies affaires, c'est encore plus meilleur.
• (18 h 20) •
M. Morin : Je suis d'accord
avec vous. Donc évidemment, si on incluait le principe de Joyce pour
travailler, pour éliminer le racisme systémique dans le projet de loi, non pas
dans son préambule, c'est quelque chose avec lequel vous seriez d'accord?
Mme Étienne (Marjolaine) : Je
serais d'accord d'inclure le principe de Joyce, d'inclure sur... de travailler
sur la reconnaissance du racisme, de la discrimination systémique.
M.
Morin :D'accord. Je vous remercie. À l'article deux du projet
de loi, parce que j'aimerais avoir votre votre expertise, si vous pouvez la
partager avec nous, on parle de publier des pratiques sécurisantes et puis que
le ministre va diffuser ces pratiques-là. Évidemment, ça fait appel à de la
transparence. C'est bien. Sauf qu'il n'y a rien qui indique qu'on va devoir
mettre en place des indicateurs pour nous donner si les gens se sentent plus en
sécurité ou pas. Quand on lit l'article deux, ça a l'air d'une liste qu'on va
publier. Bien, en soi, ce n'est pas une mauvaise chose, des gens peuvent
s'inspirer des bonnes pratiques d'autres institutions, mais on dirait qu'il n'y
a pas de véritable rendre compte, il n'y a pas d'évaluation puis il n'y a pas
de travail avec les peuples autochtones pour évaluer des critères qui vont
faire en sorte qu'ils vont être plus en sécurité. Est-ce que vous avez la même
lecture que moi? Puis est-ce que c'est quelque chose qui devrait être...
M. Morin : ...au projet
de loi?
Mme Étienne (Marjolaine) : J'en
fais une même lecture. Mais la grande question à se poser : qu'est-ce que
c'est, d'être en sécurité comme femmes, femmes autochtones, qui sont les seules
qui vont chercher les services pour avoir des soins pour elles dans des milieux
où est-ce que, bon, on dit sécurisants, soi-disant sécurisants? Puis qu'en bout
de ligne la sécurisation culturelle, c'est un peu le même terme de
développement durable, où est-ce qu'on sait, mais on ne le sait pas que c'est
que ça veut dire.
Moi, je trouve qu'effectivement le fait de
travailler sur la sécurisation culturelle, ça ne se fait pas en solo, là, ça se
fait avec nous, sur cette grande notion là, qui va déterminer, effectivement,
un aspect sécurisant. Mais l'aspect sécurisant, tu sais, c'est dans ce sens que
je rentre dans un milieu, je me sens en sécurité parce que, probablement, il y
a des choses qui me ressemblent, comme femme autochtone. Il y a des «dream
catchers», il y a des... Mais le bobo, il n'est pas là. Il est dans les soins
de clients, clientes, interventions médicales et clients.
Je pense que je n'ai pas besoin de nommer
des faits. Déjà, on a eu un fait. Déjà, ça va faire trois ans pour
Mme Joyce Echaquan, son décès. Est-ce que c'était un milieu sécurisant?
Est-ce que le fait de pouvoir faire en sorte d'avoir des soins par rapport...
Comme tout... Des droits d'accès à des soins comme... Je pense que c'est
important aussi également que les femmes des Premières Nations soient
sécurisées. Mais ce n'est pas là, il faut travailler en amont sur les politiques
coloniales des hôpitaux, et tout le reste. Il faut peut-être les revisiter, le
mettre à jour.
M. Morin : Et le
Principe de Joyce va aider à ça, évidemment?
Mme Étienne (Marjolaine) : Le
Principe à Joyce va aider à ça, puis ça va aider, effectivement, là, à... Au
niveau... Sur l'enjeu sur le racisme, la discrimination systémique.
M. Morin : Merci
beaucoup, Mme.
Le Président (M.
Bachand) :...M. le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M.
le Président. Merci beaucoup. J'ai l'impression que les obstacles auxquels font
face les nations autochtones pour obtenir la sécurisation culturelle puis le
Principe de Joyce, et tout ça, la reconnaissance du racisme systémique, les
racines de ces obstacles-là, c'est le système politique colonial dans lequel on
est, qui nie la souveraineté des peuples autochtones, finalement. Vous me direz
si vous partagez cette lecture-là.
Bon. C'est un gros problème, là, il
faudrait changer le système au complet. Moi, je veux bien faire ça, tu sais. À
un moment donné, on va le faire, mais là, en ce moment, bon, il y a un
gouvernement qui n'est pas sur cette voie-là. Puis là, il dit, bon... il fait
un projet de loi comme ça, en faisant une consultation très imparfaite, hein?
Puis ça, vous l'avez bien dit, et vous n'êtes pas les seuls. Comment ça
pourrait se faire, comment est-ce qu'on pourrait imaginer... Parce que... puis
je fais référence à votre recommandation un, là, reporter, suspendre l'étude du
projet de loi à après les consultations, les états généraux que vous ferez la
semaine prochaine. Comment ça pourrait se faire, recommencer à zéro, là, le PL
32, et puis coécrire ça? Comment ça pourrait se faire, la coécriture d'un
projet de loi comme ça?
Mme Étienne (Marjolaine) : Je
vous dirais qu'avant même de procéder à coécrire un projet de loi, je verrais
effectivement, en amont de toutes les recommandations qui ont été ressorties
dans... même dans la commission Viens... Il y en a, là, tu sais, c'est bien,
là, c'est correct, déjà là, en amont, une fois que les recommandations sont
sorties, je pense que ce qui aurait été bien, c'est de former un genre de
commission, de comité qui pourrait dégager, O.K., puis là j'inclus les femmes
autochtones, là, je parle pour mon organisation également, mais je n'oublie
pas, là, les familles autochtones non plus puis je n'oublie pas les autres
communautés autochtones, bien au contraire. C'est qu'on aurait pu effectivement
participer à une table où est-ce qu'on aurait pu dégager un plan à court, moyen
et long terme. Déjà là, on aurait pu effectivement probablement travailler sur
des choses. Mais il reste que, quand même, quand on voit la continuité, la
ligne de temps, hein?, c'est que, tout de suite, on s'est dit, sur deux
promesses de ministres, de travailler sur la sécurisation culturelle, est-ce
que c'était la bonne recommandation à travailler? Est-ce que c'était la bonne
recommandation, de travailler sur la sécurisation culturelle pour produire un
projet de loi? Et pourquoi ça n'aurait pas été la recommandation numéro deux au
lieu de celle de la sécurisation culturelle? C'est ça aussi...
Mme Étienne (Marjolaine) : ...et
puis comment on implique les communautés autochtones là-dedans? Comment on
implique aussi les femmes et les filles dans ça, considérant qu'elles sont,
elles aussi, les utilisatrices, les principales utilisatrices? Puis je ne veux
pas qu'on me fasse de l'interprétation, il y a aussi des hommes qui vont
chercher des services aussi également, mais la plupart du temps, les femmes
sont aussi en première ligne. Comment? Bien, moi, je pense effectivement dans
tout ça... Comme je disais tantôt dans toute bonne initiative, toute bonne idée
de projet qui touche des peuples comme les peuples autochtones, les femmes
autochtones, c'est on s'assoit, on s'en parle, on en discute et puis on
travaille ensemble. C'est ça.
Le Président (M.
Bachand) :O.K. Sur ce...
Mme Étienne (Marjolaine) : Moi,
je pense, c'est ce que je verrais.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, merci
beaucoup d'avoir participé aux travaux de la commission. C'est très apprécié.
Alors, on suspend quelques instants. Je vous rappelle que le prochain groupe,
ça va être en visioconférence avec interprétation simultanée. Merci. À tantôt.
(Suspension de la séance à 18 h 27)
18 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 18 h 32)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci beaucoup. La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir
d'accueillir les représentantes du Conseil des Mohawks de Kahnawake. Alors,
mesdames, merci beaucoup d'être ici, en espérant que la traduction simultanée
va continuer à bien fonctionner. Alors, on est très contents de vous avoir avec
nous. Alors, vous connaissez les règles, donc 10 minutes de présentation,
et après ça on aura un échange avec les membres de la commission. Donc, la
parole est à vous. Je vous invite d'abord à vous présenter individuellement.
Merci.
Mme Diabo (Valerie) :«Kwe». My name is Valerie Diabo, I'm the executive director of
Kateri Memorial Hospital here, in Kahnawake. I'm part of the turtle clan. «Nia:wen»
for having us.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) : Hi. My name
is Mendy Sananikone, I'm the associate executive director under Valerie Diabo
in Kahnawake.
Le Président (M.
Bachand) : You can start now, yes. OK.
Mme Diabo
(Valerie) : Alright. So, we'd to start of with
we feel that Bill 32 is incomplete. It has created more of prejudism, it
lacks consultation with Indigenous communities to define what culture safety is
for us. This bill was created for us, not with us, it shows lack of
partnership.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) : Again, too
many times the community has been told what to do and how to do things. This
bill shows again that the Administry has defined what cultural safety is for
the Indigenous people without getting their real input. Starting with the first
point, it really lacks substance, the poor wording does not concretize any meaningful
actions that will support health for the Indigenous community. Starting with
the first point where you say that «each institution must adopt safe practice and
considering values and cultural and historical realities of Indigenous people»,
the word «consideration» is not enough.
Mme Diabo
(Valerie) : And, for us, if you want to look
at the historical realities of Indigenous communities, it has to start at the
educational level, it has to start bringing our culture back into the education
system, starting from the elementary schools to the high schools, to the CEGEPs
so everybody is aware of the cultural realities. And so, when they do get into
the healthcare field, they're already aware of our historical realities.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) : You've also
talked about promoting partnership and an effective communication with Indigenous
people. It has to be beyond just communication, this bill should reflect a real
partnership that will sustain in time.
Mme Diabo
(Valerie) : In our reality right now is, you
know, we have a partnership with the CISSSMO and we
have a good partnership with them. And there's a lot of consultation that
happens. They develop projects. And again that's one of our issues, is that
they summit projects on behalf of our community which was not right. You know, if they're going to summit a project, they should be
consulting us. Just like this bill, there has to be some consultation with us,
as Indigenous communities. And also our relationship has improved with the
CISSSMO. Now, they consult with us, they get our realities of what our
challenges are, and we create a plan together. So, that's one of an example
where we've had bumps on the road, but we were able to get through, and they
now consult with. So, an example is : they consult with us what is our issues,
and speech pathology for children was one. And, in the CISSSMO, in the Montérégie, they just have it for French.
So, we were able to work with them, with Montréal... and create a corridor of
service for our children to get the speech pathology interventions that they
needed.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) : Another way
that lacks a lot of substance is that you talk about being welcoming and
inclusive for the Indigenous, however the Act respecting health and social
services already talks about that. So, it needs even more to support what
meaningful change should be.
You also talk about
adapting where possible health services should be, the «where possible» does
not... is not enough again, it weakens the whole purpose of this bill where our
CISSSes and CIUSSSes can just say it wasn't possible and sustain... and
maintain the status quo but still answer to the requirement you've asked.
Mme Diabo
(Valerie) : So, in this bill, it speaks to the
youth and mental health, but it is far more than this. We need to expand to
other... to include other healthcare professionals, and the bill needs to... it
lacks measures to support holistic care for First Nations communities.
Mme Sananikone-Thavonekham
(Mendy) : So, again, in your point 3, the
amendment should reflect the reality of the frontline challenges that seems
really misunderstood in this...
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
...and should be beyond what it states, which is mental health and
new services.
Mme Diabo
(Valerie) :
So,
when we talk about culture barriers for providing holistic care within First
Nation communities, indigenous communities, you know, the needs are completely
different. You know, there is different points in our lives that we need to do
ceremonies, an example is when a child is born. You know, the birth of the
child, it has to be complete silence so the child only hears the language that
they need to be spoken into whether it's kanien'kéha or Cree language. That's
the first language that they need to hear. So, taking consideration into all
these traditional and... ceremonies that need to be done, we need to look at
that as a holistic approach, and we feel this bill lacks that... looking at us
from a holistic point of view within our cultural needs. So, an example is just
last week. We had a family that was being treated in a... hospital outside the
community and was end-of-life care. In our community, in our culture, you know,
we all support families, so it's... we end up with a lot of people going to support
the families, and again they were confronted, security was... had to intervene,
and they didn't get the care that they needed for the end-of-life care to
provide that holistic approach for that individual that was in end-of-life
care.
Mme Sananikone-Thavonekham
(Mendy) :
So,
speaking to that, this bill really feels like a checkbox into saying: We're
doing this, but not thinking it through. Even, on the behalf of reporting
within the physical year, where is the concrete accountability of all the
healthcare professionals there of the network? You say that they have to report
all the ongoing improvement into a list, but how are you going to evaluate the
impact without the indigenous people? You are going to list them off, and then
what, celebrate "de bons coups", as we said, without real positive
results on the indigenous community?
Mme Diabo
(Valerie) :
And
this is where we feel partnership is so important. You know, you need to
have... You need to meet with First Nation, indigenous communities to see our
realities and to be part of the implementation and the evaluation process for
communities for... You know, an example is, you know, an evaluation... You
know... allow traditional ceremonies to happen, did they allow the person to go
to the process that they needed to do? That's an evaluation... which again, if
there is partnership and we are included in this bill, we could help you to get
those indicators to make sure that it's being implemented. So, consultation
with First Nation and communities is very important, to obtain their reality or
their challenges. And again, you know, looking at Joyce's principle, it's
mentioned in the bill, but how can you make it real, that it really happens,
that all these principles are met?
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
But again, this bill has been... seems to be develop without
assessing the real needs, and there is really a lack of consultation with the
real indigenous. People or health authorities that are... on behalf of the
indigenous people... So, too many times have been... they told again what was
good for them, and this time, it has to change. This bill will not answer or
correct any root causes of the discrimination or challenges that... where
historically embedded in the healthcare network. We fear that this bill will be
use as a crutch that has no value at it, no real impact on health of our
indigenous community in any meaningful ways. Therefore, we urge you to not miss
out on this opportunity to create a real partnership with indigenous health
authorities, and have this bill modified, changed to create this partnership
that is really needed, and create that meaningful change that we're... spoken
about for the indigenous community.
• (18 h 40) •
Mme Diabo
(Valerie) :
It's
already hard to navigate the system. And imagine trying to do... with all these
barriers put in place.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
Before we end, there are so much more we would want to say, hence
why this consultation should not just be 10 minutes in this panel. It's absolutely
crucial that we create something more meaningful to create that change.
Mme Diabo
(Valerie) :
Thank
you, «nia:wen».
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup pour votre
présentation. M. le ministre, s'il vous plait.
M. Lafrenière :
Thank you, «nia:wen kowa». Hello,
«shé:kon». Very happy to see you today. Unfortunately, it's from a distance,
but extremely happy that we can have you with us today. First of all, I want to
thank you for your brief, because you mentioned it's only 10 minutes of
discussion, but it way more than that because the brief talks by itself. It's
going to be extremely helpful for us.
That having been said,
if... I just want to correct a perception. First of all, I just want to be loud
and clear about it, we...
M. Lafrenière :
...no... we got no intention whatsoever
to impose or dictate how to do things for Indigenous. The purpose of the bill
for itself is to impose ourselves, as Government, some requirements, some obligations. So, I understand the perception,
and that's the reason why I want to clarify that. The purpose of that bill is,
first of all, to answer the Viens Commission call to actions, there are three important for us. And it's one step ahead.
It's not perfect, believe me, it's not perfect at all.
We've been consulting
today, we'll be consulting tomorrow, we did some consultations before that.
It's not perfect. We've tried something different, because normally, at the National Assembly, we don't do things like
that. It's only that... I'll call that the formal briefing like we do, we don't
do preconsultations. We did consult 13 groups, including the AFNQL health
authority, for about 90 minutes to get their feedback, to help us out to
propose a bill that we're proposing today. And believe me, having your brief,
having your presentation is going to help us out. And that's why I got some pretty important questions for you.
First of all, I heard
your... I want to thank it. What should be the indicators for us to establish,
to evaluate whether or not what was put in place answer the needs? I think
that's... Again, your proposition, it's well-accepted, I want to hear about it.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) : Thank you,
M. Lafrenière. First of all, I agree with you that it is an apologies, in
the most diplomatic way, not perfect. And our fears that it may become
misunderstood by our partner such as the CISSSes and CIUSSSes, where the
information will trickle down into the frontline team and be so misunderstood
that they will not implement something that will impact the change. Again, it's
like an accreditation standard where you check a box, and then you say you've
done what has been told, but how do you evaluate that it will give something
back in a positive result for the Indigenous people?
And, at this specific
moment, I believe that this question should be answer by each Indigenous community. They have similar
needs, but considering the location, considering their vulnerability, it will
change from one community to another. So, for us to speak on behalf of all
communities would not necessarily be the right thing to answer. So, again, it
speaks on the fact that we should and you should partner with those Indigenous
health authorities or health services that are already in place to know what
are their need so you can develop those indicators specifically to
evaluate : does the improvement has a point? Has it been improving the
health? And how do you measure health? Your definition of health may not be the
same definition of health as the Indigenous people.
M. Lafrenière : You're right, and that's totally the reason why I don't believe in
the wall-to-wall approach, because it's so different community to the other.
And you've been referring that, specifically in your community, you didn't have
to wait until a bill to do some improvement. And I want to say I'm extremely
happy to hear this... that's why we include local partnership because we
believe that it should be establish, the community and the CISSS, the CIUSSS,
together, because, again, this is different realities.
You're referring also, I
think it's in the first recommendation of your brief, that the bill doesn't use strong words. We're using
«history» and «culture», we're using «partnership», the importance of hiring
Indigenous people, the training, «women» and «girls». And we had the
discussion, a bit earlier, about whether or not we should keep «girls», or
«family», or «kids». Again, we do have some different recommendation. So, these words were chosen because it means something. But I want
to hear you about it if you get recommendation, we're more than happy.
And again what we're
doing now, it's composed. Consultation is the perfect timing to get that
feedback. And, if we need to do bilateral, we'll be more happy to do so.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) : So, to tie in
on the strong wording, I think I can tie in another recommendation that was put into the memoir, is that there's no actionable words,
there's concrete action that will bring that change. A lot of these are very
general, a lot of these are like... sorry for the... I'll switch to French, is
like a «parapluie» of everything that you would like to do but has no real
meaning. It says : I want to do good in the world...
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
...but how will you do good in the world? How will you put those
into something actionable? That's where the powerful wording has not… We talked
to you and we've said it in our speech, where you talk «consideration»,
considering something would not be enough. You need to partner, you need to
make, create that relation, you have to maintain that relation, because, let's
be honest, just like we've learned in… and in the healthcare network,
improvement is in a continuous process, it's a continuous process that will
continue to change within then the years, so it cannot just be done in a one
point in time. Therefore, it has to reflect that continuous change, but in a
more strengthening way. So, if you create that relationship with them, they
will tell you what they need.
M. Lafrenière :
And that's the reason why it's a one
step forward, it's… We don't believe that we're going to solve everything with
that bill, to be honest with you. We're just doing one step forward and putting
back just what you said about the importance of establishing whether or not it
answers the requirement of the local community. That's why we want to leave
that opened for a local partnership, not to dictate one way to see everything.
That having been said, just before my colleague will ask you a question about
it, that's the reason why, that's the purpose of putting all those actions on a
website. First of all, I want people to know about it, so that you can see, and
as first nation, you can comment about it. And I'm quite sure the Protecteur du
citoyen will look into it also to see whether or not those changes,
requirements were met. But the purpose of that, it's also to inspire different
groups, so it could be a different CISSS, CIUSSS that could see what happened
in Kahnawake, for an example, and they could decide to implement the same
thing. So, that's… I'm just trying to explain why it was proposed like that. I
strongly believe that there should be some corrective measures. We need to see
what was then, but also to… I'm a positive man, so I believe that's... When
people will see positive things, they could recreate that. So, that's the
purpose of it.
Mme Diabo
(Valerie) :
And
I think that's why it's important to have partnerships, right? Like we said, we explained our
partnership with the CISSSMO. You know, there are success stories that are out there that need to be
shared, you know. But I agree, you know, like «consideration», for me, and
I agree, like it's not strong enough, a consideration, like that word needs to
be stronger.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) : And, if I may
add, you just brought a good point, I think you can also offer support to our
partners, because right now, as
we said, we do have a partnership with the CISSS Montérégie-Ouest, and the reality is that, even in their reality, when they're
trying to help us, there are barriers for them to create that change with us.
So, if you're able to support our partners on our behalf even better, the
change will not just be on our hand, it will be on their hand. So, if they're
not supported in that change, again, this bill will just be a checkbox.
Le Président (M. Bachand) : M.
le député de Joliette, s'il vous plaît.
M. St-Louis : Merci, M. le
Président. Good evening. Thanks for being here, thanks for
sharing. You talked about best practices earlier. Could you be more specific,
tell us a little bit more about those practices?
• (18 h 50) •
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :Absolutely. I'll let my executive director
speak more, but I'll just introduce the subject. So, we've created a very
strong bond with our CISSS Montérégie-Ouest, which is the shared territory CISSS that we have with us, actually, and they have created a position
called «navigator». Their navigator has worked within the community, so it's
being paid on their behalf, from the CISSS Montérégie-Ouest, to work within the community of all the healthcare services
that we offer to assess all the obstacles the community has, how to link all
the right partners within her organization of the CISSS Montérégie-Ouest with our organization here,
in Kahnawake. She creates these spaces and instances to make sure that we have
actionable plans or an action plan to tackle all the obstacles that are… were
identified in the first point. So, that, for us, that partnership had created
something meaningful for the community, and we are at a point where we're
actually assessing if there is an impact, with the consulting firm, to see that
that partnership has created within the last years, few years.
Mme Diabo
(Valerie) : So, some of the examples that we
worked with her were to navigate, you know, everybody in short, long term care beds, same thing with us within
our community, so how can she… She helped us navigate the system to say where
we could go place our community members that need long-term care for a short
period until we have a vacant bed. So, she was able to help us navigate the…
Mme Diabo
(Valerie) :
...the
system to get better outcomes for our community members.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
On top of having the navigator from the CISSSMO, they are in the
process of trying to figure out an «agent de liaison» that will be someone from
the community that understand our services to be on the end of the CISSSMO. So,
whether we... whenever there is someone from the community using acute care,
tertiary care from the... our CISSS partners that do not... is not offered in
the community, there will be someone accompanying them to make sure that they
understand the system, they navigate the system well, that there is few of
those barriers that are not there. Well, these are the... of changes.
Le Président (M.
Bachand) :
Monsieur
le ministre. Merci.
M. Lafrenière :
...I just want to jump on what you said
about navigators, and this is a very good example, we were talking about that
this morning, the reference of Joliette, where they put in place a cultural
safety agent, I get to correct myself, because I was corrected this morning,
it's not navigator, it's a cultural safety agent. And the reason why I want to
talk about it, because... At page eight, you are mentioning the importance of
doing comments, suggestions or, you know, doing complaints about service. And I
heard, during my presence, my tour in the province, that, for indigenous, it's
not common to press... you know, to do a complaint by writing, it's... Most of
the time, it's verbally, and that's the reason why I strongly believe in having
navigators that could understand the language, the culture... And sometimes,
it's more appropriate to get... let's say more possible... to talk to someone.
In Joliette, for example, as you might know, the assistant of the... the person
in charge of the CIUSSS, he is a member of the Attikamek Nation, he is
receiving complaints. You get a member from the board, «conseil
d'administration», which is a member from the Attikamek Committee as well. You
get «brancardiers», you get navigators, you get liaison officers. So, this is
all different possibilities where someone could address, you know, an issue, a
problem. Because it's not a tendency to call up a number, to call up an
ombudsman, to fill up, you know, a form, it's more verbally. Is it the same way
that you perceive it?
Mme Diabo
(Valerie) :
It's
the same way within our community, and actually to the point where, like, our
doctors right now are doing the advocate for our community members. You know,
they don't like to make complaints, they don't verbalise it, but we are trying
to get them to verbalise, and, the majority of time, they will do it with their
physicians, to say that, you know, they didn't get a call back on this or they
were treated wrong. You know, we've had... You know, because other bills are...
right? So, we had one community member who went to see her oncologist and
refused to speak to her in English. You know, so, we're hitting all those
challenges, you know, and that makes it more difficult, and so a lot of
times... well, recently, our physicians have been advocate and making formal
complaints to the organisations that this is happening.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
I think all the points that you are bringing up are all great
suggestions and points that should reflect in the bill, actually, like
everything you said so far seems very concrete, that should be reflected in how
you want to promote and bring this purpose to life. Even linking all the
quality teams from the CISSS and CIUSSS with our quality teams within the
communities should be something that could be considered as well as they
already work with continuous quality improvement indicators, they know how to
identify gaps, or obstacles, or challenges, they know exactly how to develop...
action plan, it says the risk within the organization. So, these are the
parties that should be maybe concretized within the bill to make sure that we
sustain that link, we sustain that accountability for the community.
M. Lafrenière :
And that's...
Le Président (M.
Bachand) : Two minutes...
M. Lafrenière : ...that's the reason why I was hoping to put that on a website, to
create two things like I mentioned earlier. Because, first of all, you, as a
member of a committee, when you're meeting your partners, you can put pressure
on them, saying : You know what? We've been looking at the website and we just
figured out that you're not doing that much, there should be more. At the
opposite, talking about the example of Joliette, which I love, it could create,
you know, a movement, and people can inspire themselves about good practices,
and this is the purpose at the end of the day. Like you said, sometimes, yes,
it's to be corrective, and sometimes it's also to help them out, to provide
them some guidance and some help, because it's not easy.
Une voix : Yes...
M. Lafrenière : Just before we finish, because I'm running out of time, I heard, I
want to take that opportunity also to thank you because we got a doctor from
you committee working on Bill 79. As you know, Bill 79 was put in place two
years ago...
M. Lafrenière : ...to help out family to find out what happened to their kids. And
we do have a doctor from Kahnawake present, helping us out understanding the
medical report. And believe me, this is not easy to understand, medical report,
especially a medical report from 70s, for example. So, I just want to say this
a perfect example where, when we presented the bill, people were not to happy
about it, but now we're seeing result, and this is completely obligation on our
side. So, again, «nia:wen, nia:wen kowa». Thank you so much.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député d'Acadie. Et je vous rappelle qu'on est revenus au temps normal.
Donc, vous avez 12 minutes 23 secondes.
M.
Morin :Merci, M. le Président. Est-ce que vous avez la
traduction simultanée de votre côté si je vous parle en français? Oui? Ça
fonctionne? Est-ce que vous m'entendez?
Le Président (M.
Bachand) :Ça fonctionne?
Mme Sananikone-Thavonekham
(Mendy) : Are you talking to us?
M.
Morin :Oui, c'est ça, oui, on essaie de...
Des voix : Yes, yes.
M.
Morin :...on essaie de voir...
Mme Sananikone-Thavonekham
(Mendy) : Sorry. Oui, oui, on vous entend.
M.
Morin :Alors, si je vous parle en français, vous entendez avec
la traduction? Très bien. Je vous remercie. Ma première question est la
suivante. Je comprends qu'il n'y a pas eu de processus de consultation avec
votre communauté avant le dépôt du projet de loi, c'est exact?
Mme Sananikone-Thavonekham
(Mendy) : Exact.
Mme Diabo (Valerie) : ...correct.
M.
Morin :Donc, au fond, c'est un projet de loi du gouvernement
sur la sécurisation culturelle pour vous sans vous?
Mme Sananikone-Thavonekham
(Mendy) : Exact.
M.
Morin :D'accord. Je vous remercie pour cette précision. J'ai lu
attentivement votre mémoire et j'aimerais qu'on puisse discuter de votre
recommandation numéro six sur le principe de Joyce, parce que le projet de loi
ne l'inclut pas, et je pense que c'est important qu'on en parle parce qu'il me
semble, et je vous le soumets, que la sécurisation culturelle commence par la
reconnaissance de ce principe dans le projet de loi. Êtes-vous d'accord avec
moi?
Mme Sananikone-Thavonekham
(Mendy) : Tout à fait.
Mme Diabo (Valerie) : Yes.
M.
Morin :Et donc...
Mme Diabo (Valerie) : Very
much so.
M.
Morin :Merci. Alors, est-ce que le gouvernement fait fausse
route en ne l'incluant pas dans le projet de loi?
Mme Diabo (Valerie) : Yes.
Mme Sananikone-Thavonekham
(Mendy) : Il en fait mention mais pas assez en détail.
Mme Diabo (Valerie) : It
mentions it, but that's it.
M.
Morin :...que c'est... en fait, c'est mentionné dans le
préambule, qui sert à interpréter la loi, mais ce n'est pas dans la loi. Et je
comprends que, les communautés autochtones, chez vous, il y a un consensus
quant aux éléments du principe de Joyce, donc ça aiderait tout le monde si
c'était dans le projet de loi.
• (19 heures) •
Mme Diabo (Valerie) : Yes, I
agree.
Mme Sananikone-Thavonekham
(Mendy) : I also think, though, that... and your
point is that you were talking about consolidating and talking to other
communities member that, like us, was not necessarily part of this
consultation, maybe to be discuss of a Indigenous health authority figure just
like the one created in BC for First Nations health authority. Maybe that's
another way of thinking on how to facilitate that consultation with all the
communities out there, in the Québec territory. Should there be another organization created to be able
to discuss the element and represent the needs of each of this community to the
forefront?
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. Et ça, évidemment, c'est
absent présentement, mais ça aiderait pour la sécurisation culturelle.
Mme Diabo (Valerie) :But, in Kahnawake, we do have our... it's called
Onkwata'karitáhtshera, and it is... (panne de son) ...that looks at the health and social. So, if there was any
consultation that would be done, it would be through the Onkwata'karitáhtshera
committee, and that's where are the health and social, so our health director
is there, our... and different organizations are there. So, we would be the
body that would be consulted if anything needs to be changed. So, that's avenue
for you guys for Kahnawake.
M.
Morin :Absolument. Et donc, au fond, c'est une invitation que
vous faites au gouvernement d'entrer en dialogue...
19 h (version non révisée)
M. Morin : ...avec vous pour
que le projet de loi reflète votre réalité.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
Yes, that would be much appreciated.
M. Morin :
Parfait.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
It's a great opportunity to create a communication link, to
understand what already exists within the communities, and how can we really
work from there, and...
Mme Diabo (Valerie) :
Then, in a partnership, and a
consultation way, and supporting each other.
M. Morin : Parfait, merci
beaucoup. Quand on regarde votre recommandation n° 8, vous faites
référence à l'article 3 du projet de loi, et il est écrit dans votre
mémoire : «The scope of Section 3 should be expanded to provide
appropriate exemptions for all professions which contribute to service delivery
in health and social services.» Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage
quand vous dites «should be expanded to appropriate exemptions»? Alors, qu'est-ce
que vous avez en tête? Parce que vous parliez, tantôt, de solutions concrètes,
et, pour le législateur, ça pourrait être une façon d'améliorer le projet de
loi. Donc, avez-vous des exemples concrets que vous pouvez nous donner, qu'on
pourrait, éventuellement, inclure ou, en fait, suggérer au gouvernement d'inclure
dans le projet de loi?
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
So, you've mentioned here, about youth protection. When a youth is
being taken from their home to be placed in a home, it needs to be assessed,
let's say, it doesn't have the best nutrition, a nutritionist should be able to
do that type of assessment within the community, within the realms of their
needs, and their indicators of the cultural safety. That's one type of example.
There's many, many mores I can give you. Do you want to talk about it?
Mme Diabo (Valerie) :
Go ahead...
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
Another point is the speech pathology. We've talked about this one
already. As you know, in terms of speech pathology, the ones that speak English
are absolutely rare, the ones in our territory are all Francophones, therefore,
there was absolutely no corridor of service that was facilitated for us.
Another story that we can tell you, that we had a youth situation where it was
a crisis, where it was a suicide attempt, and, instead of going through a
direct corridor of service with our English partners, we were sent back and
forth to the GASMJ, or the guichet d'accès de santé mentale pour enfants, to be
sent... because of administrative processes, to be rejected, and told us that,
no, we do not offer that service of pédopsychiatrie in the CISSS,
Montérégie-Ouest, Centre or Est, therefore, we will send you to our partner.
That created a delay of service for that child that needed support of
pédopsychiatrie. This could have a been a sentinel event and it could have been
avoided immediately. Those are the kind of challenges that the community faces
on a daily.
Another example that I
can give you that can be... on professional codes, but we have what we call the
CRDS, which is a “centre de distribution de services”, therefore, our
physicians here will have, because, again, of policies and procedures, to send
their demand and their request through that center, the CRDS. That CRDS, then,
will find how and where to dispatch the service, according to your territory.
However, they will call the community members only in French. The community
members do not understand French, so they will pick up the phone, hear someone
speak French, and will not understand, or will just hang up and say : This
was not for us. So, they will wait a very long time, and never get served or
never receive the service, because the service was only offered in French.
Mme Diabo (Valerie) :
And they only will get that
notification when their physician knows… that the CRDS phones the physician and
says : Oh! We tried to get in touched with your client, and no luck. So,
again, it's another delay of treatment to see a specialist.
M. Morin : Avez-vous des
suggestions? Parce qu'évidemment, si la personne ne comprend pas la langue,
elle ne peut pas répondre, elle risque de rater un rendez-vous ou de manquer un
rendez-vous. Alors, avez-vous des recommandations concrètes pour que cela ne se
reproduise pas?
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
Absolutely. This recommendation will not... should not be limited to
what I'm going to suggest. I'm sure there will be more that can be...
Mme Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
...by other professionals out there. And I would say that even
my colleagues at the CISSS and CIUSSSs would be able to offer some suggestions
as well. One of them would be, if we can have a liaison that could, in advance,
help us create those... for any types of «rendez-vous», appointments, for the community members and then they can prepare
either in advance again to someone to accompany them to facilitate the
translation, to have someone who will be understanding the system and can
explain it to the community members, someone who can express themself in the
language if it needs to be. So just that type pf preparation for the community
members into a... service would be valuable.
Mme Diabo
(Valerie) : And again, like, you know, we
referenced earlier how our community is very verbal. So, like, if they have
someone to go with them, they're going to be able to access the services. But
again, when they hear a French message, they think it's a scam, they don't
understand it. So, they just ignore it.
M. Morin :
Merci. J'ai une question. Tout à
l'heure, vous avez parlé, entre autres, de la présence, par exemple, de
diététistes qui pourraient travailler avec la communauté. Si ma compréhension
est bonne, présentement, pour avoir accès à une diététiste, il faut avoir une
ordonnance médicale. Et donc est-ce que vous pensez avoir accès à une
diététiste directement qui pourrait travailler au sein de la communauté, qui
consulterait les gens sans référence médicale, ce qui n'est pas le cas
présentement, ou si vous voulez fonctionner avec le système tel qu'il est
aujourd'hui, puis donc vous allez voir un médecin, il vous réfère à une
diététiste puis, après ça, vous avez des soins?
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) : Actually,
it's not as simple as that. And, fun fact, the president of the Order of
nutritionists is actually someone who has worked 10 years in the community. So,
it's not a service that we lack where, as we're saying, we should amend and
expand it to other professions is that in this shortage of professionals that
we have already creating barriers to those professionals to be able to work
within the communities is a problem. These are the types of obstacles that some
professionals will face if they want to come and work within the community. So,
we would like that to be facilitated for them to be able to come and serve
community members either within the organization or
outside of the organization.
Mme Diabo
(Valerie) : Because some of the orders of
professionals do have exemptions for professionals to come work in a First
Nation community. But again, the way it's worded in the the order of nurses is
based on a remote community, so they have to live in that community and they
only service that community to be exempted from the French language. But again,
our situation is different. You
know, we're close to Montréal,
we're close to Chateauguay. So, the people don't have to live in our community.
And I'm not just... you know, it's different orders. Social workers are in the
same boat. So why can't we adapt the bill adapt to us to say : O.K., yes, they could come work in
Kahnawake, they don't have to reside here because they live 10 minutes from
here.
• (19 h 10) •
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) : So what she
wants to say on top that is that most of these exemptions actually speak more
on remote communities. Therefore, when you read the exemption and the criteria
that are basically are forced upon those professionals, it does not... it's not
appealing for them at all. For instance, a nurse that would like to work here
in Kahnawake, and would have to have the exemption of having, let's say, a
certain type of exam to be able to work here, well, she will be ale to get that
exemption only if she lives in the community or had like a physical home in the
communities which, for us here, it's not a reality, the community lives near by
the urban cities. So, they do not live within the communities, they will live
in their own home.
Mme Diabo
(Valerie) : ...it impacts our services.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Jean-Lesage pour
4 min 8 s, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Thank you very much. I hear very well your unsatisfaction about this
project and the p.l. n° 32.
And you're not alone to be dissatisfied with this. Do you think that this law
should be... «projet de loi, je
ne sais pas comment on dit ça», this bill, this bill should be put on hold and
that all First Nations and Inuits should be consulted on this…
M. Zanetti :
…And that it should be with cowritten
with everyone implied instead of just passing this bill as it is, like this?
Mme Diabo
(Valerie) :
I
think that there needs to be more consultation with First Nations communities,
Indigenous communities to reflect the bill. There has to be more consultation.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
Absolutely. And that's what we hope that is being promoted in the
memoir that was given to you.
M. Zanetti :
And how would you imagine that consultation?
Like the Minister consults everyone individually or should there be something,
a much wider process with multilateral discussions and reflections? How do you
see that, the way it should be done on a macroscopic level, let's say?
Mme Sananikone-Thavonekham
(Mendy) :
So, I
don't think one thrones the other. I think both can exist and coexist in this
process. I don't think that we have the right answer, but I think you can do
both, have it in our own group, so that they… we can all see, some of the
communities' representative can say like : Oh! We do have the same needs,
this should be a priority within the bill or not, and then, if there needs
further more detailing, they can go within the communities and understand even
the structure. As my executive director said before, she was talking about… (s'exprime dans une langue autochtone),
which is…
Mme Diabo
(Valerie) :(S'exprime
dans une langue autochtone), which is our one health
authority for health and social services within the community. So, that would
be a consultation body that you can consult, and it would be Kahnawake. But
there are other bodies that are out there that are more… you know, we have a
health directors' committee that could be consulted also, too.
Mme Sananikone-Thavonekham
(Mendy) : They can designate someone.
M. Zanetti : O.K., thank you. And I hear the Minister saying : Oh! This is…
this bill is not perfect, but it's a good first step, you know, toward the
solution. And others seem to think that making only one step will hurt more
than it will do good. I don't know what is your position on that. If we accept
the bill as it is, what kind of negative impact would that have, do you think,
on your community?
Mme Diabo
(Valerie) : I think it would lock the
partnership within the community that's needed. I think it's not strong enough
to really make the other organizations accountable to make sure that something
really gets done. And again, it's touching a handful of people within
organization ant it's not trickling down to the frontline workers that need to
have this culture-sensitive and to be aware of the cultural needs within the
organizations. So, I really feel that there still has to be a lot of work to be
done.
Mme
Sananikone-Thavonekham (Mendy) :
We fear, and I will say it again, is that this bill will… and we
hope it's not a stumbling step, is that it will maintain that status quo and
use it as a crutch and a checking mark of saying : We've done it, we've
helped the Indigenous communities, without really have a meaningful impact
within their health. So, this is what we're worried that the bill will propose.
If it's not concretized or done well as a first step, it shouldn't be a
stumbling step, it should be a solid step, and it should start from consulting
the right people for this bill, not for them, but with them.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. On that, thank you so much.
Alors, ceci étant
dit, compte tenu de l'heure, la Commission ajourne ses travaux au mercredi 13
septembre après les avis touchant les travaux des commissions. Have a great
evening. Merci pour... merci, tout le monde. Bye bye.
(Fin de la séance à 19 h 15)