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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Wednesday, April 5, 2023 - Vol. 47 N° 10

Special consultations and public hearings on Bill14, an Act to amend various provisions relating to public security and to enact the Act to assist in locating missing persons


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin à tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance la Commission des institutions disant ouverte.

Je vous souhaite encore une fois la bienvenue. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques du projet de loi numéro 14, Loi modifiant diverses dispositions relatives à la sécurité publique et édictant la loi visant à aider et à retrouver des personnes disparues.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président, Monsieur Lemieux (Saint-Jean) est remplacé par M. Lamonthe (Ungava); Monsieur Zanetti (Jean-Lesage) par M. Fontecilla (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Bachand) :Merci. Ce matin, nous débuterons les auditions avec les représentantes de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues. Mesdames, merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Alors, je vous invite d'abord à vous présenter, puis faire votre exposé. Après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la commission. Merci beaucoup d'être ici.

Mme Carretta (Christine) : Merci. Alors. Bonjour, mon nom est Christine Carretta. Je suis la sœur d'une victime d'homicide, Cathy Carretta, qui a été victime d'un féminicide en 1998. Et je suis aussi P.D.G. de l'AFPAD.

Mme Béchard (Andrée) : Bonjour, mon nom, c'est Andrée Béchard. Je suis la mère de Marilyn Bergeron qui est portée disparue depuis 15 ans. Je ne fais pas partie de l'administration de l'AFPAD, mais je suis membre à l'AFPAD.

Mme Carretta (Christine) : Alors, je vais pouvoir vous présenter l'Association des familles de victimes... pardon, l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues de l'AFPAD. Donc, l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues AFPAD est un organisme à but non lucratif qui intervient à travers le Québec et dont la mission principale est de soutenir et accompagner les familles ayant vécu l'assassinat ou la disparition d'un proche. Depuis 2005, l'AFPAD reconnaît que les proches de victimes d'homicides ou de disparitions vivent des souffrances sans nom qui doivent être impérativement reconnues au même titre que leurs droits. Nous sommes témoins au quotidien des ravages dévastateurs et des traumatismes profonds que vivent les proches de victimes d'actes criminels. De toute évidence, au nom de notre mission, notre mandat vise à déployer les efforts nécessaires dans le but de soutenir professionnellement cette partie de la population affligée qui reste trop souvent sans réponse et qui se sent parfois oubliée.

L'AFPAD offre à plus de 1300 familles au Québec, membres, une ouverture de dossier, des rencontres, de l'écoute active, diverses ressources et publications adaptées à leur besoin, du soutien lors d'un procès ou de libérations conditionnelles, de l'aide à la rédaction et à la déclaration de la victime, de la documentation adaptée et constructive, des ateliers, des conférences et de l'accompagnement auprès des corps policiers. Nos interventions sont nécessaires du fait que plusieurs de nos familles sont à risque de se retrouver en situation d'isolement social et de solitude. Pour éviter des répercussions sur leur santé, une de nos priorités est donc de briser l'isolement pour qu'ils ne se sentent plus seuls dans cette épreuve de vie difficile.

Dans un premier temps, l'AFPAD souhaite remercier la famille Bergeron et Béchard...

Mme Carretta (Christine) : ...de Marilyn Bergeron, disparue en 2008, de nous avoir recommandé à la Sécurité publique en tant qu'organisme intervenant en matière de disparitions d'adultes au Québec. Il est aussi important pour nous de souligner la participation et la collaboration de cette famille ainsi que tant d'autres ayant vécu une disparition, pour leurs recommandations au processus d'élaboration de cette loi. Dans le même ordre d'idées, l'AFPAD remercie la Sécurité publique de nous faire participer aux présentes réflexions collectives et au développement des meilleures pratiques en matière de disparitions. Votre geste est considérablement apprécié. De par la reconnaissance et le soutien crucial que nous offrent la Sécurité publique et le ministère de la Justice, il est de notre devoir de respecter les valeurs qui nous guident au quotidien, à savoir l'intégrité, l'équité, l'honnêteté, la transparence, le respect et l'entraide.

Un de nos objectifs principaux est la prévention. En raison de ce fait, il est important pour nous de développer un vaste réseau de soutien auprès d'organismes et corps policiers avec lesquels nous avons tissé des liens. Par conséquent, il est de notre rôle, en matière de disparition, de contribuer à la sensibilisation, à la prévention et l'éducation auprès des divers partenaires et grand public.

Pour faire suite aux documents présentés concernant le projet de loi n° 14 dans l'axe de la Sécurité publique, nous saluons la diligence du ministre d'avoir effectué des changements de procédure. Nous reconnaissons la volonté du gouvernement d'améliorer les moyens pour retrouver les personnes disparues. De ce fait, l'AFPAD a pris connaissance du projet de loi n° 14 et des amendements que le ministre a déposés à l'Assemblée nationale. C'est à la lumière des recommandations de la déposition de l'article 17, faisant référence aux personnes disparues, que nous observons une démocratisation de la loi, c'est-à-dire un avancement prometteur qui se traduit par un véritable espoir pour l'avenir. À cette fin, les éléments techniques apportés à l'article 117 serviront à de meilleures pratiques, qui seront de toute évidence plus efficaces en matière de communication, de renseignements, permission, recherche, collaboration, attentes et visibilité.

L'importance de l'ajout de l'article 117 est majeure, et il représente pour l'AFPAD et ses familles une avancée. Nous pensons, après plusieurs lectures, que les recommandations apportées font preuve d'une réflexion rigoureuse dans le but de faciliter le travail de recherche des enquêtes dans les cas de disparition. Chacun des points de l'article 117 fait preuve d'une percée inédite que nous appuyons. L'AFPAD est donc en accord avec les changements proposés.

Par conséquent, nous soutenons les interventions élargies des corps policiers. Puisqu'ils sont au cœur de l'action, l'article 117 leur permettra dès lors de progresser de manière efficace et stratégique sur le terrain. De plus, ils seront en mesure de développer des collaborations et des relations transversales. Le partage d'informations, de connaissances et d'expertises est crucial au sein des différents corps policiers. Dans un cas de disparition, l'échange et le travail conjoint dès le début du signalement entre les corps municipaux et provinciaux sont essentiels. Il devient par conséquent impératif de réduire les délais de communication et d'intervention en matière de recherche. L'équipe de recherche terrain doit être composée de personnes ayant reçu une formation professionnelle reconnue pour protéger, le cas échéant, les indices et les scènes de crime. Les corps policiers doivent être connectés avec différents intervenants, tels que travailleurs sociaux, travailleurs de rue, maisons d'hébergement ou refuges pour femmes battues, centres pour les itinérants, intervenants en santé mentale, DPJ, hôpitaux, Enfants Retour et autres. De là l'importance de soutenir les différents organismes en matière de disparition et aussi de matières récurrentes.

• (11 h 30) •

Aussi, le fait de recevoir des suivis de la part des corps policiers diminue les craintes que peuvent éprouver les familles. Celles-ci ressentent le besoin de rester informées dans la progression de l'enquête. Le tout reste dans l'objectif de minimiser un éventail d'émotions négatives et parfois même dévastatrices.

Selon l'AFPAD, l'article 117 contribue à l'émergence d'un souhait de société en matière de disparitions. De toute évidence, l'accroissement des procédures déployées concrétise le fait d'offrir le meilleur service auprès de la population. Ce virage nous montre l'engagement du gouvernement ainsi que sa capacité d'adaptation et d'action. Les données et les structures spécifiques présentées définissent...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Carretta (Christine) : ...bien les attentes de l'AFPAD et de ses membres familles.

Je ne sais pas s'il me reste encore un peu de temps. Deux minutes? Alors, j'aimerais juste peut-être souligner rapidement les recommandations. L'AFPAD invite les personnes concernées à l'étude et à la rédaction de l'article 117 à prendre en considération nos recommandations, telles que, donc, le chapitre I, Dispositions des interprétatives. Nous approuvons chacun des points mentionnés. Cependant, le point 2, «et fort raisonnable», peut-être que la clarification du terme «raisonnable» serait nécessaire. Ce terme laisse libre choix à la police de le définir eux-mêmes lors que les premières heures sont critiques. L'article 2, nous l'approuvons dans sa totalité, nous l'appuyons. Chapitres II, Ordonnances de communication visant les tiers et autorisation de pénétrer dans un lieu, à l'article 3, nous apprécions que l'ordonnance, en vertu de cet article, offre une énumération exhaustive et précise. Elle semble couvrir l'ensemble des informations pertinentes aux recherches. Aussi, au quatrième paragraphe, nous appuyons et accordons un nouveau délai. L'article 4, au point 1, nous pensons que le mot «statut» pourrait être rajouté. Au point 4, nous pensons que «et des écrits» pourrait être rajouté aussi. Au point 8, nous pensons que le mot «stage» pourrait être ajouté. Au point 10, nous pensons que les mots «renseignements testamentaires» pourraient être aussi rajoutés. Au point 11, nous pensons rajouter un s à «autre» et un s à «renseignement» parce qu'il y en a, donc, plusieurs. Articles 5 et 6, nous les appuyons. Chapitre III, Communication publique, articles 8 et 9, nous les appuyons également. Chapitre IV, pour Dispositions modificatives et finales, l'article 10, 11, 12, nous sommes favorables aux mesures de concordance. Nous appuyons le tout. De plus, à la page 9, l'article 4, nous l'appuyons dans sa totalité.

Pour l'AFPAD, une de nos préoccupations, au-delà de tout ce qui précède, serait l'affichage unique. Nous aurions aimé qu'il soit réalisable et qu'il y ait une base de données d'affichage des personnes disparues. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. Peut-être rappeler aux membres de la commission que le mémoire de l'association vient d'être déposé sur Greffier. M. le Ministre, s'il vous plaît.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Mme Béchard, Mme Carretta, c'est un honneur de vous recevoir ce matin. Merci d'être là encore une fois. Vous savez, je reste convaincu qu'avec l'adoption de cette loi, l'édiction de cette loi pour les personnes disparues dans la loi 15, si un jour on réussit à retrouver une personne ou à sauver une vie, ce sera une réussite, cette loi. Est-ce qu'elle est parfaite? Peut-être pas. Vous amenez certains petits points, là, qui méritent une attention particulière.

Ma première question, je voulais juste que vous clarifiiez un peu plus, là, à l'article 4, là, où vous dites... au point 1, au point 4, vous dites : Nous pensons que le mot «statut» pourrait être rajouté et «des écrits», on pourrait ajouter. Pouvez-vous élaborer sur ces deux mots que vous souhaitez... Je vous laisse...

Mme Carretta (Christine) : Attendez, je le cherche, article quatre, dans le chapitre deux... L'article quatre, c'est ça, un... c'est le point quatre, c'est ça, monsieur?

M. Bonnardel : Bien, vous avez indiqué dans l'article 4.1 et 4.4.

Mme Carretta (Christine) : Oui.

M. Bonnardel : Vous nous dites : Il faudrait ajouter "statut" et "des écrits".

Mme Carretta (Christine) : Alors, au point un, oui, des renseignements relatifs à l'identité, son statut. Moi, je parlais au niveau du statut, le statut de la personne. Est-ce qu'elle est par exemple un immigrant? Est-ce que c'est quelqu'un qui... son statut, pas dans le sens, est-il marié ou divorcé, célibataire, mais le statut au niveau de... C'est ça, est-ce que la personne est déjà... Peut-être que je n'ai pas utilisé le bon terme, mais est-ce que la personne, c'est ça, elle vient d'un autre pays? Est-ce que c'est un immigrant? Est-ce que c'est quelqu'un qui est recherché? On voudrait juste savoir au niveau du statut, que ça soit peut-être un peu petit plus clair de ce côté-là.

Pour ce qui est du point quatre, des écrits. Alors, des photos et des vidéos, y compris des images de télévision en circuit fermé. Des écrits. Oui, parce que peut être qu'il pourrait y avoir des écrits qui ont été laissés aussi. Donc, on pensait que ça pouvait être important.

M. Bonnardel : O.K., j'ai bien reçu votre...

Mme Carretta (Christine) : Des écrits, lorsque je parle d'écrits...

Mme Carretta (Christine) : ...peut être un journal que quelqu'un aurait écrit, ça peut être des papiers, un mémoire, peu importe.

M. Bonnardel : Bien reçu. Quel est votre avis aussi sur l'ajout... On a souvent l'impression, une personne disparue, on veut géolocaliser, on veut avoir ses renseignements, mais la personne qui... qui accompagne une personne disparue, votre avis sur ce concept additionnel qu'on... qu'on a ajouté dans la loi, là, donc sur l'ajout du concept de personne qui accompagne une personne disparue. Croyez-vous que c'est un... c'est un élément important pour être capable d'aller chercher de l'information? Exemple, quelqu'un qui enlève un enfant, cet ajout, comme tel, pour moi... pour vous, j'imagine que c'est un point positif.

Mme Carretta (Christine) : Je suis désolé, ce n'est pas clair pour moi, ce que vous êtes en train de...

Mme Béchard (Andrée) : Je peux y répondre.

Mme Carretta (Christine) : Oui, allez-y.

Mme Béchard (Andrée) : Là, vous voulez dire que, s'il y a quelqu'un qui accompagne la personne disparue, dans n'importe quelles circonstances, c'est un ajout essentiel parce qu'on ne sait pas à qui on a affaire exactement. Et je pense que ça peut donner vraiment des pistes aussi aux enquêteurs. Alors, c'est essentiel de l'avoir, ça. Parce qu'il y a souvent, surtout au niveau des enfants, une personne qui accompagne, ça, c'est certain. Dans le cas d'adultes, ça peut être quelqu'un du milieu criminalisé aussi, alors il y a beaucoup de choses qui peuvent ressortir sur ce point de vue là. Je trouve que vous avez fait une bonne chose de l'ajouter. Parce que nous, on s'est posé la question aussi à savoir si notre fille était accompagnée de quelqu'un. Et ça, ça joue énormément. Ça peut être aussi quelqu'un qui va prendre sa place dans un guichet automatique, qui va sortir de l'argent à sa place. Alors, il y a toutes sortes d'exemples qui peuvent arriver, alors je trouve que c'est essentiel de l'inscrire.

M. Bonnardel : Comment vous trouvez la mesure... l'ajout de la communication du renseignement... du renseignement au public? Comment tout ça serait... Bien, j'imagine que vous allez me dire que c'est bénéfique de donner tous les renseignements possibles au public pour être capable de retrouver, mais cet aspect-là, est-ce qu'on devrait l'améliorer encore plus ou vous trouvez que c'est... ça touche précisément, là, les informations que le public devrait recevoir quand on...

Mme Béchard (Andrée) : Bon, le public... et c'est un atout essentiel. D'abord, le public, là, qu'est-ce qui arrive? Quand les policiers donnent des renseignements, il faut qu'ils soient précis. Il faut que la photo paraisse. Il faut que ce soit clair pour le public, pour identifier d'abord la personne. Les renseignements qui sont à donner, c'est si on peut craindre pour sa sécurité. Ça, c'est important de le dire, parce qu'une disparition c'est souvent une question de vie ou de mort et de délais. Alors, es délais sont extrêmement importants aussi au moment où c'est diffusé au niveau de l'information, parce que c'est prouvé que même un enfant, après 3 heures, il peut être décédé. Et un adulte, bon, on ne le sait pas, dans sa vulnérabilité, etc. Alors je pense que les policiers au public doivent donner des renseignements qui ne peuvent pas nuire à l'enquête. Pas trop en dire, mais dire vraiment ce qu'il faut pour faire en sorte que le public soit ouvert et ouvert à ce drame-là d'une disparition et qu'il faut la retrouver, la personne. Alors les mots choisis par les policiers... il y a un langage pour les disparitions. Alors les mots choisis par les policiers sont essentiels, mais de garder certaines choses pour l'enquête. Mais il y a comme une nuance à faire entre les deux. Alors moi, c'est...

• (11 h 40) •

M. Bonnardel : Dernière question avant de laisser les questions à mes collègues. Votre opinion sur le fait de lever le secret professionnel pour obtenir certaines informations précises, précises sur la capacité d'établir une piste x sur une recherche x qui serait importante. Parce que, bon, c'est quand même... le secret professionnel, vous le savez, là, c'est quand même protégé, important, là.

Mme Béchard (Andrée) : Bon, là, écoutez, moi, ce que je pense, c'est que les personnes disparues, c'est des cas d'exception. Vous n'avez pas de scène de crime, vous n'avez pas la personne, ce n'est pas palpable. La personne disparue peut se retrouver n'importe où. La famille qui arrive puis qui signale une disparition, c'est une famille qui est angoissée parce que la personne, ce n'est pas son comportement normal. Ce n'est pas quelque chose qui est dans sa routine de vie. Donc le secret professionnel... Il y a un équilibre à avoir. Je pense que cet équilibre-là, il n'est pas nécessairement... il n'est pas là. Vous avez les droits de la personne que c'est comme ça. Il y a une définition et vous avez par la suite le drame de la disparition, jusqu'où on va. C'est qu'il y a un... Il y a quand même un équilibre parce qu'on parle d'une question de vie ou de mort. Alors, je pense qu'en ce qui concerne le secret professionnel, si...

Mme Béchard (Andrée) : ...qui alors peut permettre de sauver une vie, il y a des choses qui doivent être dites. À ce moment-là, ce que je dirais, que si la personne est retrouvée vivante, ces informations-là doivent être détruites par la suite, mais si la personne est décédée ou quoi que ce soit, bien, le but, c'est de retrouver la personne.

Alors, je pense qu'il y a un équilibre à avoir pour les cas de disparition. Ce sont des cas d'exception parce qu'on ne sait rien. C'est comme je vous ai dit, ce n'est pas palpable, on cherche. Et le temps compte aussi. Alors, je pense que le secret professionnel, s'il peut sauver une vie, alors, pourquoi pas? Je pense qu'il y a des limites aussi. On est rendu en 2023, là. Alors, je pense que ce qu'on avait comme comme recherche, je pense qu'on a besoin d'actualiser le traitement des disparitions parce qu'il faut oublier les années 70. Là, on est rendus plus loin que ça. Alors, je pense que c'est une question d'équilibre, d'aller chercher de l'information.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Ungava, s'il vous plaît.

M. Lamothe : Bien, tout d'abord, félicitations pour être ici. Alors, vous avez vécu, là, ce que vous dites, dans le sens que vous avez vécu des expériences que je n'aimerais pas vivre, puis de vous engager comme vous le faites dans l'organisme, je tiens à vous féliciter. Vous avez parlé, vous êtes pas mal affairé au niveau policier. Vous nous avez parlé de faciliter les recherches d'enquêtes. La collaboration et le partage d'informations avec les corps policiers est crucial. Dans le projet de loi, il y a différents intervenants qui sont venus ici, puis qui ont... On a une place à un certain moment dans le projet de loi pour les interpellations policières, les contrôles de routine. Il y en a qui sont contre ça. Moi, ce que je dis, c'est qu'à un certain point, c'est nécessaire. Lorsqu'on pense qu'il y a quelque chose de pas normal qui se passe, il faut faire des vérifications. Vous pensez quoi de ça, vous?

Mme Carretta (Christine) : Bien, moi, je suis tout à fait d'accord avec vous. J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion, donc, d'être en communication avec les corps policiers, et c'est sûr que les corps policiers ont besoin d'avoir... d'avoir cette... cette amplitude-là, de pouvoir aller chercher des renseignements. Le pouvoir... Pour eux, ça... ça les guide, ça leur permet de... ça leur donne une ouverture dans leur travail. Et j'ai l'impression que ça rend aussi le travail beaucoup plus satisfaisant pour eux, mais aussi lorsqu'ils rencontrent après ça les familles pour pouvoir les guider un petit peu, pour pouvoir leur donner certaines informations. Ces familles-là ont besoin d'avoir des informations. Ils se sentent complètement oubliés, tellement oubliés que leur vie prend une autre dimension.

Ce n'est pas du tout comme un homicide. Ces gens-là sont continuellement dans l'attente et, pour pouvoir fonctionner, ils font semblant. Presque des fois, ça n'existe pas, donc on continue de... Vous comprenez ce que je veux dire? Et ce qu'on reproche beaucoup aux corps policiers, nos membres, ce qu'ils leur reprochent, c'est ce manque d'ouverture là, ce manque de communication, d'information. Donc, pour nous, c'est très important. Et les corps policiers, lorsqu'ils font appel à l'AFPAD, ils nous donnent de l'information qui est précieuse. Et nous, on peut aussi faire un peu l'intermédiaire entre les corps policiers et le membre, ce qui rassure les gens beaucoup.

Alors, nous aussi, des fois, on a de l'information qu'on peut... qu'on peut donner aussi aux corps policiers qui leur viennent en aide aussi. Je me souviens, entre autres, d'un cas en particulier, là où est-ce qu'on les a mis sur une piste, en particulier, pour un cas de disparition, qui était vraiment pertinente. Donc, oui, c'était important qu'il y ait une collaboration. Oui, c'est important que les policiers puissent avoir cette ouverture-là sur le terrain, de pouvoir aller chercher de l'information qu'ils ont besoin en tout temps.

M. Lamothe : Juste vite... les réponses.

Mme Carretta (Christine) : Mme Béchard voulait répondre aussi quelque chose.

Mme Béchard (Andrée) : ...ajouter quelque chose, monsieur. La formation d'agents communautaires, je trouve que c'est essentiel parce que ce sont des gens qui sont capables de bien communiquer. Comme je vous dis, il y a un langage pour les familles de personnes disparues. Ce sont des agents qui peuvent aussi faire le lien entre la famille et le corps policier. Ces gens... Ces personnes là, sont vraiment, sont vraiment capables et formées pour une bonne approche dans ce cas là. Alors c'est ce que je suggère, moi.

M. Lamothe : ...que l'idéal, c'est que tous les policiers pourraient faire cette job-là, tu sais, au niveau communautaire.

Mme Béchard (Andrée) : C'est sûr, mais...

M. Lamothe : Mais souvent... Je suis d'accord avec ce que vous dites, c'est juste une réflexion, j'ai fait ce métier-là, mais souvent, on tague trop des gens. Ah! Toi, tu vas t'occuper de ça. Ah! Toi, tu vas t'occuper de ça. Tandis qu'un policier devrait faire plusieurs tâches connexes, entre autres prendre le temps de communiquer, mais je comprends ce que vous dites. Peut-être juste un dernier point, vite fait. Quand vous... Juste à titre informatif. Collaboration, il y a le partage. Vous parlez de la collaboration des corps policiers sur le partage d'informations. Vous avez sûrement vécu des expériences négatives. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Béchard (Andrée) : Ce qui arrive, c'est que c'est nous-mêmes qui a été chercher un lien...

Mme Béchard (Andrée) : ...une personne lien entre le corps de police qui s'occupait de l'enquête et le... Bon, je ne sais pas si je dois nommer les corps de police, là, mais ce qui arrive, c'est que notre fille demeurait dans un autre endroit que celui où... que Québec. Puis, ce qui est arrivé, c'est que nous, on voulait vraiment transférer... faire transférer le dossier parce que sa vie était ailleurs et elle a été 24 heures à la maison seulement. Alors on trouvait qu'il y avait quand même une enquête qui aurait pu se faire directement dans son milieu et c'est... Notre difficulté, elle a été là. Alors on a amené le corps de police de la ville en question à faire un lien et de s'unir les deux corps policiers ensemble. Et ça a pris quelques années. Ça nous a pris... Ça a été très, très ardu. Et, bon, souvent, on nous répondait : Bien, c'est à nous autres cette enquête-là, là. Alors nous, ce qu'on disait, c'est qu'une personne disparue peut se retrouver n'importe où. Alors, on a été partout, on a été en Ontario, on a... On a donné des... On a rencontré beaucoup de corps de police, alors c'est pour ça que je vous dis que... C'est la communication entre corps de police, là, il faut vraiment qu'elle soit présente parce qu'il faut qu'ils fassent confiance aussi en leur profession, en leurs collègues qui sont d'ailleurs. Alors, moi, je trouve que c'est faire confiance en la profession.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vimont, s'il vous plaît. Il reste moins de trois minutes.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci. M. le Président. Bonjour, Mesdames, bonjour, madame Carretta. Je voulais... En fait, on a répondu déjà un petit peu à ma question... pardon, c'est que j'aurais aimé connaître justement le rôle d'intermédiaire que vous jouez entre vos membres, le corps policier. Parce que je pense que l'échange d'information, c'est important. Je... de ce que j'ai cru comprendre, là, par par le fait que vous pouvez souvent apporter aussi de l'information aux corps policiers, rassurer aussi à la fois vos membres. Et puis j'aurais aimé un petit peu que vous détaillez ce rôle-là, mais on a un petit peu répondu quand même là-dessus. Je ne sais pas s'il y avait quelque chose d'autre que vous auriez aimé ajouter.

Mme Carretta (Christine) : Bien, écoutez, c'est sûr que la relation entre les corps policiers et les membres, c'est quand même une relation qui est excessivement importante. C'est ce qui fait que les membres qui se sentent complètement démunis et dévastés peuvent aussi se raccrocher en fin de compte, hein, au corps policier. Je pourrais vous citer un exemple comme ça qui me vient à brûle-pourpoint à l'esprit. J'avais eu un cas justement de disparition, où on a eu une personne qui nous a... le conjoint de la personne qui nous avait demandé, donc, d'enlever de sur notre site le nom de cette personne-là en tant que personne disparue. Il y avait tellement d'insistance que j'ai trouvé ça quand même particulier, et donc j'ai communiqué tout de suite avec un des corps de police au niveau des crimes majeurs, avant ça aussi les corps de police, et on m'a dit : Bien, écoutez, madame Carretta, vous venez de lever justement un flag, là, parce qu'on avait un doute, et là on va pouvoir faire des vérifications et en fin de compte, ça a débouché sur autre chose que les corps de police soupçonnaient, mais que nous on a pu valider avec eux.

Mme Schmaltz : Les corps police vous appellent souvent, ils vous reconnaissent, ils savent qui vous êtes?

Mme Carretta (Christine) : Ah! oui, oui, c'est sûr, c'est sûr, c'est sûr, on travaille en partenariat, d'accord? Des fois, par exemple, si un corps de police... je vais vous donner un autre exemple, si par exemple, j'ai des membres qui n'en peuvent plus d'être dans l'attente, dans l'attente, dans l'attente, qu'ils vont aller aux corps de police. Puis, à un moment donné, les corps de police vont nous appeler, me dites : Pouvez-vous, madame Carretta, s'il vous plaît, à l'AFPAD, vous occupez de cette personne-là parce qu'on est envahis. Puis je leur dis : Oui, mais c'est compréhensible, si vous ne leur donnez pas d'information, ces gens-là sont à la recherche de la personne chère et ils veulent avoir des réponses. Alors, automatiquement, nous, on les prend. Et si on juge qu'effectivement on a besoin de rentrer en communication, c'est plus facile des fois de communiquer avec... à travers l'AFPAD que directement avec le membre qui lui, est excessivement émotionnel et qui a aussi des exigences auxquelles, des fois, le corps de police ne peut pas toujours répondre. Donc, on est un peu comme l'effet tampon en fin de compte.

• (11 h 50) •

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Westmount–Saint-Louis, s'il vous plaît.

Mme Maccarone : Oui, merci beaucoup. Bonjour, madame Carretta, Madame Béchard, merci beaucoup pour les deux mémoires, dans le fond que nous avons reçus, c'est grandement apprécié et je veux d'emblée partager mes sincères condoléances et beaucoup de compassion pour ce que vous avez vécu.

Mme Béchard (Andrée) : ...

Mme Maccarone : Bien, condoléances, peu-être pour madame Carretta. Oui, tout à fait, puis, pour vous, madame Béchard, sache que je pense qu'on a tous des pensées pour vous et votre famille en espérant que c'est un cas qui sera résolu. Puis je veux vous remercier aussi pour ce que vous faites parce que votre témoignage ici, les informations que vous partagez avec nous, c'est sûr, ça va faire avancer les cas pour plusieurs autres familles qu'on espère qu'on a...

Mme Maccarone : ...en plus des cas de disparition, mais merci beaucoup pour ce que vous faites. Dans le mémoire que vous avez partagé avec nous, Mme Béchard, vous avez parlé de la proposition d'un fichier unique, pourriez-vous élaborer là-dessus parce que ça n'a pas fait partie de la présentation que nous avons eue? Puis je pense que la proposition est assez intéressante, puis ça peut amener des amendements à ce projet de loi.

Mme Béchard (Andrée) : Bon, j'ai présenté un travail à la Sécurité publique pour démontrer de quelle façon les disparitions étaient... les personnes disparues étaient affichées. Vous avez 31 corps de police, vous en avez à peu près huit qui affichent correctement les personnes disparues, vous en avez à peu près cinq qui sont vraiment par des liens, et vous avez 18 corps de police qui ne les affichent pas, peut-être qu'ils n'en ont pas non plus. Bon. Moi, j'ai répertorié 408 personnes portées disparues au Québec, mais, en réalité, il y a 1 200 personnes de portées disparues au Québec. Alors, nous, ce qu'on a besoin, c'est des yeux. Les yeux, c'est le public, et le public, il ne sait pas où aller. Moi, à chaque fois que je rencontre des gens, ils me disent : Bien, comment ça se fait que Marilyn n'est pas affichée à la Sûreté du Québec? Parce que c'est un corps municipal qui s'occupe de la disparition, ce n'est pas la Sûreté du Québec qui s'occupe de toutes les disparitions au Québec, ça va avec les... chacun des corps policiers. Alors, c'est là que vous voyez que c'est à la discrétion des corps policiers de faire des affichages. Et toutes nos personnes disparues au Québec qui sont 1 200, je pense qu'au Québec, maintenant, en 2023, il est temps qu'on les affiche et que les Québécois puissent avoir accès à un seul affichage, quitte à mettre le lien qui va avec le corps de police qui s'occupe de l'enquête. Alors, les gens, s'ils ont des informations à donner, pourront, à ce moment-là, communiquer avec le corps de police en question. Il me semble que ça ne doit pas être si compliqué que ça à faire parce que ça, c'est du respect pour les familles de personnes disparues que d'afficher leur personne qui est disparue parce que c'est des drames au quotidien, c'est des vies bouleversées et ce n'est plus... notre vie n'est plus la même. Alors, le public, comme je vous dis, c'est un atout essentiel pour les retrouver parce qu'une personne disparue, je le répète, peut être n'importe où. Puis entre nous, est-ce que c'est normal de disparaître? Alors, c'est ce que j'ai à vous dire là-dessus, ça en prend un disparu. Disparus-Canada, ça en est un, mais Disparus-Canada, je sais que la Sûreté du Québec travaille actuellement pour pouvoir afficher toutes les personnes disparues du Québec là-dessus, mais sauf que ça nous en prend un quand même au Québec, pour notre province, parce que vous avez des provinces qui sont sur Disparus-Canada et vous avez des provinces qui ont leur affichage unique aussi au Québec.

Mme Maccarone : Puis, selon vous, Disparus-Canada, c'en est un outil que... dont nous pouvons s'en inspirer ici. On peut tirer des leçons de ceci.

Mme Béchard (Andrée) : Oui, absolument. Oui, oui, oui.

Mme Maccarone : Oui. Hier, j'ai posé, il y a... Merci. C'est... dans le fond, je ne comprends pas pourquoi que ce n'est pas déjà le cas, ça fait que c'est la question qu'on se pose parce que je trouve que c'est... c'est logique, c'est logique puis c'est une recommandation que, je présume, on va pouvoir poursuivre avec.

Hier, j'avais posé une question à la Sûreté du Québec pour voir s'ils pensaient que nous devrons ajouter quelque chose dans la loi pour aider les policiers en ce qui concerne la recherche des personnes disparues, puis eux ils trouvaient que c'était complet. J'ai posé la même question à SPVM, puis eux ils ont dit que nous devons permettre l'accès aux applications comme Facebook Messenger, Instagram. Votre avis là-dessus?

Mme Béchard (Andrée) : Oui, c'est une collaboration, c'est certain. C'est... ce sont des réseaux sociaux. Pour les personnes disparues, plus on les voit, mieux c'est. Alors, c'est un réseau... ce sont des réseaux qui s'étendent un peu partout dans le monde parce que, vous savez, une jeune fille, par exemple, qui a fugué et qui... je ne le sais pas moi, qui est pris par le crime... les gangs de rue, ou n'importe quoi, au bout de 24 heures, elle peut être complètement rendue dans l'Ouest canadien, et je pense que les réseaux sociaux peuvent vraiment aider, là...

Mme Carretta (Christine) : ...

Mme Béchard (Andrée) : Oh, oui, oui, ça facilite, ça... ça facilite, il faut s'en servir, mais s'en servir à bon escient, c'est ça qui compte, c'est dans le respect puis à bon escient. Je pense qu'il y a comme toute une définition à refaire des personnes disparues. De quelle façon on doit les chercher? Qu'est-ce qui peut être efficace? C'est un travail de partenariat, on a besoin...

Mme Béchard (Andrée) : ...organismes. On a besoin du public. On a besoin des policiers, les policiers sont les piliers. Au départ, les familles vont vraiment se concentrer sur les policiers parce qu'eux ont nécessairement l'expertise pour retrouver les personnes disparues. Alors, ce sont les piliers au départ, et ça, il faut que les familles aient confiance tout de suite. Vous savez, quand vous entrez dans un hôtel puis vous êtes mal reçu, on ne veut plus y retourner, hein?

Une voix : Non.

Mme Béchard (Andrée) : Bien, c'est la même chose, la façon qu'on est reçu par le corps policier, la façon qu'ils prennent en enquête, tout ça, c'est des piliers. Alors par la suite, ça s'étend, comme je vous le dis, avec du partenariat un peu partout.

Mme Maccarone : Et en basant sur le partenariat, je vous ai entendu dans vos derniers échanges. Est-ce que, selon vous, nous devrons aussi apporter des modifications à cette loi pour avoir des suivis obligatoires d'une base régulière avec la famille? Parce que si... à moins que je n'ai pas bien saisi vos points, mais il y a un manque d'informations reçues par les membres de la famille, c'est très important. Alors, si on mettait ça dans la loi pour s'assurer que ça devient un fait, est-ce que, ça, ça serait bienvenu?

Mme Béchard (Andrée) : Moi, je pense que oui. C'est sûr que nous les suivis, je peux dire que peut être qu'on est gâtés parce qu'on en a vraiment... on a vraiment appuyé là-dessus. On est une famille qui s'est beaucoup débattue pour avoir des suivis et on les a, et le corps de police nous respecte beaucoup là-dedans. Bon. Mais ce n'est pas le cas de toutes les familles qui ont de la difficulté au niveau des communications. Je pense que vous pouvez apporter quelque chose.

Mme Carretta (Christine) : Je vous dirais qu'on a des familles qui sont vraiment exceptionnelles dans le sens où on a des gens qui sont instruits, on a des gens qui sont bien soutenus par des amis, par le restant de leur famille aussi, et qu'ils arrivent à développer en fin de compte des moyens de pouvoir aller chercher l'information comme ils peuvent. Mais ce n'est pas la grande majorité, ce qu'il faut.... ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que la majorité, nous de nos membres, nos familles, sont des gens qui sont démunis, qui ont perdu leur emploi du fait du choc post-traumatique qui engendré par la suite et cause... Donc, il y a un manque financier, il y a un manque technologique. Il y a... Et on a beaucoup de gens qui n'ont même pas encore Internet. On est obligé de leur donner toute la documentation...

Mme Béchard (Andrée) : Un très bon point.

Mme Carretta (Christine) : D'accord. Par la poste. Ça nous coûte une fortune de frais de poste. On n'a pas le choix, il faut répondre à ces gens-là. Donc, est-ce que toutes les familles sont habilitées à? Je ne crois pas et ce n'est pas de la mauvaise volonté, c'est juste qu'ils sont tellement anéantis et éprouvés, et pour eux, ils n'ont tellement pas... ils n'ont pas de statut, ils n'ont pas eu de reconnaissance, ils n'ont pas de soutien, c'est difficile. De là l'importance des organismes comme l'AFPAD ou comme Enfant-Retour. Et ça, je voudrais juste les mentionner, c'est la deuxième année, là, qu'on est vraiment subventionné en partie par la Sécurité publique et c'est vraiment grandement apprécié parce qu'on a été capable d'aller chercher, nous, tous nos membres et de leur offrir toute la documentation nécessaire : des guides, des dépliants qu'on a fait exprès pour les cas de disparition. Ils sont soutenus, ils ont des groupes de soutien. Alors nous, avec ces groupes-là, on est capable aussi de les inciter à aller faire des démarches auprès des policiers. On est capable, nous, de s'ils n'ont pas de courriel, s'ils n'ont pas... de faire ça pour eux et d'écrire aussi à leur employeur et à leur médecin. Vous comprenez?

Mme Maccarone : Oui.

Mme Carretta (Christine) : Donc, c'est important.

Le Président (M. Bachand) :...

Mme Maccarone : Ah! bien, peut-être votre définition de «raisonnable», vous l'avez soulevée, on a besoin d'avoir une clarification, sur le mot «raisonnable», dans le chapitre 1.2. Quelle est votre définition de «raisonnable»?

Le Président (M. Bachand) :Très, très, très rapidement, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) :Attendez, il faut juste que je le trouve. Alors, vous me dites c'est quel chapitre?

Mme Maccarone : C'est... Bien, moi, je l'ai ici, là, les dispositions interprétatives : «raisonnable de craindre pour sa sécurité».

Le Président (M. Bachand) :Je ne le vois pas. Je ne le vois pas. Je ne le vois pas.

Mme Maccarone : Puis vous nous demandez de clarifier, alors je voulais savoir c'était quoi votre définition.

• (12 heures) •

Mme Carretta (Christine) : «Raisonnable», je m'excuse. Est-ce que vous pouvez juste me dire c'est dans quel chapitre?.

Le Président (M. Bachand) :Pas de souci. Je vais passer la parole à la députée de Laurier-Dorion? Oui? Alors, la parole est à vous, donc allez-y.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président, on va continuer sur cette question-là. Mais avant, je voulais vous saluer, vous remercier de collaborer à cette commission et vous remercier de tout le travail que vous faites, là, depuis des années. Je suis étonné d'apprendre que ça fait juste seulement deux ans que vous êtes financés, et vous avez fonctionné pendant plusieurs années. Je vous connais parce que des membres de ma famille, ma mère en particulier, étaient très intéressés à votre travail, donc, voilà, je vous ai suivi un peu depuis de longues années, donc je vous félicite et je vous remercie pour tout le travail que vous avez fait,là. Et vous avez acquis en plus un très haut niveau d'expertise dans cette matière-là. Donc, c'est très intéressant, là...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Fontecilla : ...justement, pour continuer sur la même la même veine, la question du raisonnable. Donc, c'est au chapitre un, paragraphe deux, qui est... une personne disparue, s'entend d'une personne à la fois qui est introuvable malgré les efforts raisonnables ayant été faits par un corps de police. Et tantôt vous avez dit aussi, là, que les familles ont des fois des attentes démesurées, là, par rapport au travail des corps policiers, des choses que les corps policiers ne sont pas en mesure de faire. Donc, il y a comme une... Le raisonnable est au cœur de cette... de ces dossiers-là, c'est-à-dire qu'est-ce qu'on peut faire pour retrouver les personnes disparues. Et vous dites : Il faudrait le clarifier davantage. Donc, le terme "raisonnable". Est-ce que vous pourriez nous donner des éléments supplémentaires, là, pour clarifier qu'est-ce qui pourrait être raisonnable?

Mme Carretta (Christine) : Bien, parce que, selon nous, le terme raisonnable, c'est une question aussi de perception pour chacun. Qu'est-ce qui est raisonnable pour vous n'est peut-être pas raisonnable pour moi. Ce qui est raisonnable pour un policier n'est peut-être pas raisonnable pour une proche de victime. Donc, c'est le point, c'est comment on pourrait clarifier ce mot-là pour qu'il soit compris de tous au même niveau et non interprété. Je ne sais pas si je réponds à votre question, mais je trouve que c'est un mot qui est tellement vague. Et, comme je vous dis, c'est une question de perception, le raisonnable.

M. Fontecilla : Vous avez fait aussi mention, là, de la question des... mais tout l'enjeu de la coordination, la collaboration entre corps policiers, là, vous avez mentionné qu'une personne disparue, rapidement, peut se retrouver à des centaines, voire des milliers de kilomètres. Est-ce que vous pensez que le projet de loi 14 répond à cet enjeu-là de meilleure coordination des corps policiers?

Mme Carretta (Christine) : Bien, en fait, moi, je pense que oui., hein?

Mme Béchard (Andrée) : Bien, je vais vous dire oui, oui, parce que, si on veut vérifier, par exemple chez un transporteur, peu importe, si on veut vérifier des choses qui peuvent amener la personne à aller à l'extérieur, qui pourrait se rendre à l'extérieur, oui, parce que ça donne le pouvoir aux policiers de pouvoir vérifier et avec des hauts niveaux de... je ne sais pas, moi, d'un aéroport, ou de vérifier au niveau d'une gare ou de niveau ou de... ça amène les policiers à vérifier si la personne est sortie à l'extérieur du territoire. Alors, je pense que c'est essentiel. Ce qui est dans cette loi-là, ça touche en fait tout ce qui peut arriver à une personne disparue, toutes les circonstances. Elle peut se retrouver à l'hôpital, elle peut se retrouver ailleurs. Elle peut se retrouver prise avec un groupe organisé. Elle peut... je veux dire, c'est une loi qui donne vraiment une flexibilité, si je pourrais dire, aux policiers de vérifier des zones où ça a été impossible. Écoutez, moi, ça fait 15 ans. Je ne sais même pas si ma fille est passée dans un hôpital du Québec.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je dois céder la parole à la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci. Bien, merci d'être parmi nous pour partager votre expérience. Ce n'est pas évident, là, ce que vous avez vécu et ce que vous vivez encore. J'ai deux petites questions. Ma première, tantôt on parlait des réseaux sociaux, les ordinateurs, ces choses-là. Moi, je ne voulais pas savoir... En fait, ma question, c'est à savoir si... pas à permettre à la police, là, de diffuser sur les réseaux sociaux parce que plus qu'on voit l'image, plus ça aide, pas cette partie-là, mais est-ce que les parents, ou des personnes recherchées ou les proches, est-ce qu'elles seraient d'accord pour que... donner accès à l'appareil... de la personne disparue pour aller voir sur Internet, aller voir l'historique de navigation sur Internet, allez voir les messages textes, les messages entrants, sortants. Plus cette partie-là, est-ce qu'il y aurait... est-ce que vous voyez ça comme une entrave un peu trop loin, ou vous dites : Non, c'est correct?

Mme Carretta (Christine) : Bien, moi, écoutez, je vais parler par expérience, là. Ce que je peux vous dire, c'est que moi, je pense qu'une personne qui a perdu un être cher est prête à tout mettre sur table, ce qui pourrait aider en fin de compte les policiers à pouvoir retrouver cette personne-là. Parce qu'on n'est pas dans le jugement. On est vraiment en mode solution, on est en mode proactif et il faut que les choses bougent vite. Donc, téléphone cellulaire, écrits, comme j'ai dit, manuscrit, peu importe, agenda, tout ce que c'est qu'on pourrait avoir à déployer, réseaux sociaux, à mon avis, c'est nécessaire et ça serait même fortement apprécié.

Mme Nichols : Parfait. Donc, de donner accès, pour vous, c'est...

Mme Carretta (Christine) : Donner accès totalement.

Mme Béchard (Andrée) : Je peux ajouter même : Donner un délai. Un délai dans...

Mme Béchard (Andrée) : ...la loi aussi, un délai, c'est-à-dire 72 heures, pour avoir officiellement un document d'une institution ou quoi que ce soit. Parce qu'une disparition, ça presse, hein, parce que ce n'est pas dans... Il n'y a pas de délai d'inscrit dans la loi, mais moi, je pense qu'un délai devrait être inscrit dans la loi aussi.

Mais vous avez raison, particulièrement, là, je pense qu'une famille est prête même... C'est tellement dangereux que ça... on peut se mettre en situation de dangerosité aussi lorsqu'on cherche une personne disparue parce que les polices n'ont pas accès à certains endroits. Et nous, on l'a fait. Et puis c'est parce qu'on veut vraiment trouver la personne, alors on est sur l'adrénaline à ce moment-là.

Mme Carretta (Christine) : Juste pour ajouter aussi. Le fait que... le fait qu'on puisse, justement, déployer tout ça, tous ces outils-là, je pense que ça fait preuve aussi d'une grande collaboration de part et d'autre. Donc, de là aussi l'importance qu'il y ait une collaboration en pouvant divulguer toute l'information.

Mme Nichols : Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, Mme Carretta, Mme Béchard, merci infiniment d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est très apprécié.

Sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 07)

(Reprise à 12 h 11)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir la Commissaire à la déontologie policière. Merci beaucoup d'être avec nous. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, après ça on aura un échange avec les membres. Alors, la parole est à vous, s'il vous plaît. Merci.

Mme Hillinger (Mélanie) : Merci beaucoup. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, M. le Président. Bonjour, membres de la commission...

Mme Hillinger (Mélanie) : ...il me fait plaisir aujourd'hui d'être présente à cette consultation particulière et je vous en remercie, de cette invitation. Mon allocution portera sur les modifications législatives proposées au régime de déontologie policière, particulièrement au regard de celles qui relèvent de notre compétence. Mais permettez-moi, dans un premier temps, de vous présenter brièvement mon organisation. Le Commissaire à la déontologie policière est une organisation gouvernementale indépendante composée de civils dont la mission est d'assurer la surveillance des agents de la paix sur le plan déontologique. Nous avons le mandat de recevoir, d'examiner et de traiter les plaintes déposées à l'endroit des policiers, des agents de protection de la faune, des constables spéciaux, des contrôleurs routiers, des dirigeants et enquêteurs de l'Unité anticorruption permanente, l'UPAC, de même que les dirigeants et enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes qui n'auraient pas respecté le Code de déontologie des policiers du Québec.

Par notre action, nous nous assurons que les agents de la paix adoptent une conduite professionnelle dans le respect des droits des citoyens en vue de maintenir, voire renforcer le lien de confiance entre eux et la population qu'ils desservent. L'analyse du projet de loi no 14 s'est réalisée à travers le spectre de trois postulats : offrir à la population et aux agents de la paix un mécanisme de surveillance civil indépendant qui soit juste, impartial, accessible, efficient et transparent; veiller à une utilisation judicieuse des ressources dans un contexte où ces ressources ne sont pas illimitées; et concourir par notre action à une saine administration de la justice.

Sur la base de ces formes-là, nous accueillons favorablement les intentions du projet de loi no 14. Tout d'abord, l'ajout de nouvelles responsabilités en matière de prévention et d'éducation en matière de déontologie policière suscite particulièrement notre intérêt. En plus de s'inscrire en parfaite adéquation avec les orientations de notre plan stratégique 2021-2025, nous croyons à l'importance de prévenir les manquements déontologiques avant que ceux-ci ne surviennent et à la nécessité de mieux informer les citoyens de leurs droits et de leurs recours lorsqu'ils interagissent avec les agents de la paix.

Plus concrètement, il nous apparaît fondamental de sensibiliser les agents de la paix sur les comportements à risque des manquements déontologiques et de les soutenir par le renforcement de bonnes pratiques. En corollaire, les citoyens doivent être au fait des pouvoirs et des devoirs dévolus aux agents de la paix afin de pouvoir adopter un comportement sécuritaire et réagir promptement aux comportements s'écartant des pratiques établies. Dans la mesure où le projet de loi était adopté sur cet aspect, la commissaire entend offrir une offre de services adaptée pour mieux répondre aux besoins diversifiés de sa clientèle, mettre en place un programme de prévention comportant des outils de sensibilisation et d'information destinés au public et aux agents de la paix, et accompagner son personnel dans le développement de ses compétences sur des enjeux d'importance tels que le profilage racial et social.

De plus, la commissaire souscrit à la volonté d'accroître l'accessibilité aux recours déontologiques, mais juge essentiel que des balises soient définies et permettent d'assurer le traitement des plaintes avec plus d'efficience et donc plus rapidement. En ce sens, nous saluons l'introduction d'un deuxième mode de dénonciation d'un événement, en l'occurrence le signalement qui nous apparaît le véhicule le plus adapté au degré d'implication de la personne par rapport à l'événement dénoncé et le plus respectueux de la préservation des renseignements personnels des personnes impliquées.

Cette proposition nous apparaît également la plus optimale au regard d'une utilisation judicieuse des ressources et d'une saine administration de la justice, particulièrement dans le contexte où nous sommes conscients que les délais de traitement des plaintes sont présentement une source d'irritants. Sur cet enjeu de taille, je tiens à mentionner que nous sommes en action et que les différentes mesures qui sont proposées par le projet de loi pourraient soutenir l'atteinte de cet objectif.

Enfin, cette mesure est complémentaire à la possibilité qui serait désormais accordée à la commissaire d'analyser des événements qui n'auraient peut-être pas été soumis à son examen autrement, lui permettant ainsi d'assurer une meilleure protection du public.

Nous désirons également porter à l'attention des membres de la commission quelques aspects sur lesquels une vigilance est de mise. Alors...

Mme Hillinger (Mélanie) : ...que la conciliation s'avère le premier mode de règlement des plaintes en déontologie policière, le projet de loi suggère d'introduire la conciliation sur une base facultative au plaignant alléguant la conduite discriminatoire d'un agent de la paix. Consciente que la conciliation puisse s'avérer une démarche exigeante pour certains plaignants, nous sommes néanmoins convaincus qu'il s'agit d'une étape essentielle au rétablissement du lien de confiance et une occasion unique de s'exprimer sur les événements, de rapprocher les parties et d'en tirer des apprentissages pour le futur. La conciliation doit être vue comme une mesure de prévention en ce qu'elle vise à faire évoluer les comportements et les pratiques en vigueur. Bien au-delà de la situation pour laquelle les parties sont réunies, elle a comme objectif d'amener le citoyen et l'agent de la paix à prendre du recul sur les événements et à identifier la façon d'intervenir dans le futur pour éviter qu'une situation ne s'envenime. Il s'agit d'une démarche dont les bénéfices surpassent, plus souvent qu'autrement, les appréhensions exprimées au départ, et nous en sommes conscients.

De plus, l'introduction d'un parcours différencié pour une partie de notre clientèle n'est pas sans risque et pourrait avoir pour effet de discréditer, pour l'autre partie, ce véhicule d'échange qui a pourtant fait ses preuves au cours des années. Partant du fait que l'enquête déontologique ne puisse systématiquement conduire à la citation d'un policier devant le comité en raison des règles de droit applicables, il apparaît opportun de laisser le soin à la commissaire de déterminer, parmi la conciliation ou l'enquête, lequel des deux modes s'avère le plus approprié dans les circonstances. Le maintien de l'exercice de cette discrétion permettrait de préserver l'équilibre entre les attentes du citoyen et les réelles chances d'obtenir une sanction au terme d'une audience devant le comité. Ce précepte est également en adéquation avec la tendance observée dans d'autres systèmes de justice qui prônent les modes alternatifs de règlement des différends à la judiciarisation des litiges. De surcroît, il est important de retenir que la commissaire n'exerce pas une discrétion arbitraire en favorisant la conciliation dans certaines situations. Sa décision repose plutôt sur sa conviction de pouvoir ou non faire la preuve prépondérante d'un manquement déontologique devant le comité.

• (12 h 20) •

Persuadés des retombées positives de la conciliation, nous recommandons son maintien comme premier mode de règlement des plaintes dans les situations, bien évidemment, qui le requièrent. De plus, advenant une indécision du plaignant, nous suggérons de maintenir la conciliation comme première étape du processus déontologique. Le projet de loi n° 14 ouvre la porte à la tenue de conciliation adaptée aux nouvelles technologies. En sus des conciliations virtuelles, nous estimons essentiel de pouvoir tenir des conciliations par voie de conférences téléphoniques dans les cas où les plaignants n'auraient pas accès à des outils technologiques. Bien que les conciliations en présentiel, et je tiens à le mentionner, doivent demeurer le mode privilégié, ces nouvelles modalités permettraient la souplesse nécessaire pour répondre à des besoins particuliers en plus d'assurer une conciliation contemporaire aux événements et de répondre aux besoins de certains plaignants souhaitant une conclusion rapide de leur dossier.

Enfin, s'il advenait que le législateur confère au comité le pouvoir d'établir une mesure de réparation au chapitre des sanctions possibles, nous suggérons que la mesure de réparation préconisée fasse l'objet d'une recommandation conjointe entre la commissaire et la partie policière à la suite de représentations faites au préalable par les parties.

En terminant, je tiens à souligner l'engagement exceptionnel et le dévouement de chacun des membres de mon équipe. Durant la pandémie, un travail colossal a été réalisé pour mettre en place de nouveaux processus et maintenir notre offre de services. De plus, je tiens à remercier mes partenaires que sont les organisations représentant les citoyens, les organisations policières, de même que les organisations représentant les agents de la paix, mes partenaires du ministère, le ministre, qui travaillent chaque jour avec nous pour faciliter la conduite du processus déontologique dans le respect, bien évidemment, de nos rôles et de nos juridictions respectives. Toutes ces actions combinées aux intentions du projet de loi n° 14 constituent, à notre avis, la voie à suivre pour...

Mme Hillinger (Mélanie) : ...pour améliorer, voire moderniser la déontologie policière. Néanmoins, il m'importe d'insister sur le fait que des ressources additionnelles seront nécessaires au commissaire pour assurer l'implantation des nouveautés qui découleront des travaux législatifs et afin de préserver la confiance de nos parties prenantes qui sont en droit de s'attendre à un traitement des plaintes qui soit efficient, diligent et bienveillant. La mobilisation de tous les acteurs intéressés s'avère un incontournable dans la réussite de ce projet de modernisation. Et je tiens à souligner que mon organisation sera au rendez-vous pour répondre aux orientations législatives que les parlementaires détermineront.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme la Commissaire. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Mme Hillinger, merci d'être là aujourd'hui. Vous avez un mémoire, un exercice qui est important pour... qui est partie prenante de notre... bon, de notre projet de loi qui a été déposé. Puis mon premier point, puis j'en ai plusieurs, mais je sais que mes collègues vont vouloir imposer aussi, mais on va essayer de faire ça de façon succincte, là : Êtes-vous capable de nous exposer, pour la gouverne de tous, la distinction ou les distinctions entre le signalement et les plaintes? Certains nous ont dit hier que ça pourrait être une perte en termes de droits pour les citoyens. Est-ce que, pour vous, c'est un gain en efficience d'aller là? Donc, rapidement sur ce premier point, qu'est-ce que vous pouvez nous exposer et nous expliquer entre un signalement, une plainte et des changements qu'on a apportés dans la loi, là?

Mme Hillinger (Mélanie) : Peut-être mentionner tout d'abord qu'il s'agit effectivement de deux véhicules distincts mais qui ont le même objectif, à savoir porter à la connaissance du commissaire une situation qui pourrait s'avérer un manquement déontologique. Donc, premièrement, l'objectif est le même. Deuxièmement, l'analyse qui sera faite du signalement et de la plainte seront au même effet, ils auront la même considération, le même égard. Nous allons effectivement nous baser sur les mêmes critères et les mêmes règles de droit pour juger ou non de l'admissibilité. À titre d'exemple : Est-ce qu'il s'agit d'une situation qui relève de la compétence du commissaire? Est-ce qu'il s'agit effectivement d'une situation où un policier était dans l'exercice de ses fonctions? Est-ce qu'il s'agit d'une situation où le policier était dans le cadre d'une intervention avec le public? Est-ce que la force utilisée dans les circonstances était raisonnable ou non? Est-ce qu'il y a un droit d'un citoyen qui a pu être compromis? Donc, toute l'analyse de l'admissibilité de départ sera au même effet.

Où la distinction se trouve, c'est lorsqu'il s'agit, pour le commissaire, d'en effectuer son suivi. La plainte est un véhicule qui vise une personne qui est plus directement visée par l'événement, donc qui a subi l'intervention ou qui en a été témoin, tandis que le signalement serait davantage réservé à une personne tierce à l'événement, qui n'était pas présente sur les lieux et qui ne peut pas en attester, qui ne peut pas, malheureusement, contribuer à l'analyse du commissaire en apportant des faits qui pourraient effectivement venir amener un éclairage qui est nécessaire au traitement et à la conduite.

M. Bonnardel : Donc, rapidement, un signalement peut amener une... ou des signalements sur un cas x peut amener, de votre côté, une plainte.

Mme Hillinger (Mélanie) : Le signalement pourrait déboucher effectivement sur une enquête.

M. Bonnardel : Une enquête, c'est ça.

Mme Hillinger (Mélanie) : Une enquête, effectivement, puisque la conciliation ne serait pas le véhicule opportun étant donné que la personne n'était pas partie ou témoin de cet événement-là. Puis je pense que ce qui est important aussi de mentionner... C'est qu'hier j'ai entendu le fait que le signalement pourrait amener une perte de droits de la personne qui le formule. Dans les faits, ce qu'il faut comprendre, c'est encore une fois le droit de révision à la suite de la décision qui pourrait être portée sur le signalement de l'accepter ou de le rejeter, c'est acquis sur la base de faits ou d'éléments nouveaux. Donc, lorsque le commissaire exerce sa discrétion en révision d'une décision initiale, c'est pour des éléments nouveaux. Le signalant qui n'a pas été partie à l'événement ne serait probablement pas en mesure d'amener ces faits et éléments nouveaux puisqu'il n'a pas été partie à l'événement, puisqu'il n'a pas été témoin de cet événement-là. Donc, à toutes fins pratiques, ce recours-là de révision serait, bon an mal an, plus théorique qu'autre chose.

M. Bonnardel : J'aimerais aussi vous entendre davantage sur le fait de remplacer l'appel de plein droit par un appel de permission. Certains nous ont dit que c'était un recul.

Mme Hillinger (Mélanie) : Je pense que...

Mme Hillinger (Mélanie) : ...c'est une question d'opportunité, qui relève de vous, les législateurs. Mais, pour vous apporter un éclairage, je vous soulèverais certains éléments. Il faut comprendre que l'appel de plein droit est ouvert tant au commissaire qu'à la partie policière. Donc, s'il y avait des changements à ce niveau-là, autant le commissaire que la partie policière en seraient, effectivement, là, les gens qui, je vous dirais, devraient s'adapter à la nouvelle situation.

Il ne s'agit pas de retirer, encore une fois, le droit d'appel, il s'agit de l'encadrer et de l'assujettir à, effectivement, une permission. Ce qu'on disait tout à l'heure, c'est dans un contexte de ressources limitées, dans un contexte où on souhaite la saine administration de la justice. Il faut comprendre que l'appel de plein droit peut amener, encore une fois, une forme de systématisme, où, chaque fois qu'on n'est pas nécessairement, je vous dirais, en accord avec la décision on pourrait décider d'aller, effectivement, au niveau de la Cour d'appel et lui demander une nouvelle appréciation des faits. Ce que l'appel sur permission viendrait apporter, c'est d'amener une forme de filtre, permettant, encore une fois, à la Cour d'appel d'apprécier, à sa face même, si le dossier comporte une erreur manifeste et déterminante qui justifie son action. Donc, si, effectivement, à sa face même, il y a cette erreur-là, ces motifs sérieux là sont mis en évidence, à ce moment-là, la Cour d'appel se saisirait de la situation.

Ce qu'il faut aussi comprendre, c'est qu'actuellement on peut assister à un certain débalancement dans l'exercice du droit d'appel. Bon an mal an, je vous dirais que la partie policière peut exercer son droit d'appel de plein droit à peu près dans 65 % des dossiers pour lesquels le policier a un manquement déontologique reconnu, alors que le commissaire, c'est plutôt dans 10 % des situations où le policier voit le comportement non dérogatoire reconnu par le comité. Actuellement, au niveau des tribunaux spécialisés en matière administrative, je vous dirais que le droit sur permission est davantage la norme. Il y a un seul... en tout cas, selon l'évaluation qu'on en a faite, un seul tribunal administratif, qui est le Tribunal des marchés financiers, qui aurait, effectivement... ou dont ses décisions seraient assujetties à l'appel de plein droit, alors que tous les autres tribunaux administratifs sont assujettis à un appel sous permission ou, encore, ne sont assujettis à aucun droit d'appel, donc seulement un pourvoi en contrôle judiciaire, du côté de la Cour supérieure.

• (12 h 30) •

Donc, encore une fois, l'idée n'est pas d'empêcher le recours à la Cour d'appel, mais plutôt de circonscrire sur des motifs sérieux, pour éviter qu'il y ait une forme d'automatisme, qui pourrait avoir pour effet d'engendrer des coûts, d'engendrer la mobilisation des ressources, d'engendrer des délais, aussi, supplémentaires. Combien de fois les parties nous disent que les processus déontologiques sont longs et amènent une charge émotive importante sur les parties? Bien, il faut comprendre que, lorsqu'on exerce un droit d'appel, bien c'est sûr que la situation s'allonge et a pour effet de perdurer dans le temps. Alors, le fait de peut-être mettre un filtre et de s'assurer que les motifs, à sa face même, sont sérieux pourrait amener, encore une fois, un usage, là, qui pourrait, encore une fois, s'avérer davantage, là, équilibré dans une société de droit.

Certains experts pourraient peut-être même vous dire que ce débalancement entre l'exercice du droit d'appel du côté de la partie policière et du côté du commissaire pourrait avoir une incidence sur l'évolution du droit, sur l'évolution de la jurisprudence. Je m'explique. On arrive dans un contexte où, pour tel manquement déontologique, on a une fourchette de sanctions qui est de l'ordre de cinq jours à 10 jours, à titre d'exemple. Le commissaire souhaite, effectivement, faire évoluer la fourchette de sanctions à la hausse. Du côté de la partie policière, bien, ce serait peut-être l'inverse, de vouloir, encore une fois, à la baisse... diminuer cette fourchette-là, jugeant les manquements trop sévères. Bien, c'est sûr que, si une des parties va tout le temps en appel, elle demande, effectivement, à ce que la fourchette aille vers le bas, bien, c'est sûr qu'à un moment donné on peut se retrouver dans une situation où, à long terme, l'équilibre s'en trouve rompu. Alors, c'est la raison pour laquelle l'exercice doit demeurer, mais l'exercice pourrait avoir un avantage, et être mieux encadré, et mieux circonscrit.

M. Bonnardel : On souhaite... Vous souhaitez, on souhaite...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Bonnardel : ...d'accompagner les plaignants. On s'est fait dire plus d'une fois que les plaignants se sentaient bien seuls face aux policiers et à ceux qui les accompagnent. Vous souhaitez former et accompagner, donc, ces plaignants. On s'est fait dire aussi que... comment on va s'assurer de la neutralité ou de l'indépendance de ceux qui accompagnent le plaignant, c'est un peu une inquiétude que certains avaient hier. Pouvez-Vous nous exposer rapidement ce que vous pensez faire?

Mme Hillinger (Mélanie) : Oui. La personne qui pourrait accompagner, effectivement, les personnes issues de la minorité visible serait éminemment une personne qui assumerait un rôle neutre. Elle n'aurait pas le rôle de prendre fait et cause sur le plaignant. Son rôle serait davantage d'assurer une sécurisation sur le plan culturel, d'être quelqu'un qui vient l'appuyer dans la conduite du processus et qui est bien au fait de ce qu'elle vit, de ses impacts, des conséquences qui peuvent, effectivement, découler de la situation qu'elle a vécue.

On a déjà une expérience similaire au Commissaire à la déontologie policière lorsqu'il est question de notre clientèle autochtone. Nous avons, depuis deux ans, un agent de liaison autochtone qui a, effectivement, la possibilité d'accompagner la clientèle autochtone dans le processus, mais, encore une fois, non pas dans la perspective de prendre fait et cause, mais plutôt dans la perspective de démystifier le processus, de l'accompagner, encore une fois, dans le parcours et de la sécuriser à chacune des étapes, effectivement, du processus.

Donc, oui, ce serait une personne du commissaire, mais une personne qui, dans un contexte de conciliation, est neutre et tente de rapprocher les parties en vue de la conclusion d'une entente.

M. Bonnardel : Rapidement, comment vous allez vous assurer... Vous en avez parlé dans votre préambule, la conciliation à distance, c'est un exercice que vous souhaitez faire pour maximiser le temps, et tout. Mais on nous signalait aussi, hier, comment on va s'assurer de la confidentialité, que personne ne pourra enregistrer cette conciliation à distance, avez-vous déjà pensé à ça?

Mme Hillinger (Mélanie) : Oui. Actuellement, nous avons une entente de confidentialité qui est signée, systématiquement, par tous les plaignants et les policiers qui participent à la conciliation. C'est, effectivement, une entente, je vous dirais, là, qui est relativement étoffée et qui fait état, encore une fois, de toutes les conditions qui gouvernent la conciliation et l'étanchéité parfaite qu'il doit y avoir entre les propos qui y sont tenus et la suite des choses. Donc, pas de possibilité de visionnement, pas de possibilité de mettre ça sur les médias sociaux, pas de possibilité d'amener ça devant des cours de justice. Il y a vraiment, encore une fois, une très grande préoccupation qui est mise de l'avant-plan pour s'assurer du respect de cette confidentialité-là. Et les plaignants ont la responsabilité aussi d'en informer leur personne accompagnatrice, qui, elle-même, devient assujettie à cet engagement-là.

Et, ce que je pourrais vous dire, c'est que, même dans le contexte de conciliation en «préventiel», en vertu maintenant des nouvelles technologies, des téléphones intelligents, il pourrait y avoir malgré nous un enregistrement, effectivement, de conversations. Mais, après vérification, depuis la création du commissaire, aucune telle situation n'aurait été portée à notre connaissance. Et, s'il y avait, effectivement, bris de confidentialité, il pourrait y avoir des recours, là, qui soient pris pour, encore une fois, là, demander réparation.

M. Bonnardel : Une dernière question avant de... que le député d'Ungava vous en pose une. Vous signalez, dans votre... dans vos sommaires des conclusions, à la page cinq, le dernier picot, que la mesure de réparation fasse l'objet d'une recommandation conjointe des parties au comité. C'est un ajout, ça, que vous souhaiteriez voir apparaître?

Mme Hillinger (Mélanie) : Oui, oui. On a entendu, hier, des intervenants. Je souscris, effectivement, aux préoccupations qui ont pu être témoignées. Les mesures de réparation, ce sont des mesures qui sont relativement très personnelles et qui appellent au caractère propre de la personne dans une situation donnée. Je suis d'avis que ces mesures-là devraient normalement relever au premier chef de l'employeur, qui a, effectivement, un lien plus étroit et privilégié avec les personnes en cause, qui connaissent leur situation, leur état d'esprit, leurs besoins. Donc, pour moi, ce devrait être au premier chef un rôle qui est dévolu à l'employeur.

Par contre, s'il y avait éventuellement de telles mesures, ma recommandation, la recommandation de mon organisation serait qu'il y ait d'abord et avant tout une recommandation entre les parties, donc entre la partie policière et le commissaire, en vue d'en faire la présentation au comité, le cas échéant.

Le Président (M. Bachand) :M. le député d'Ungava, 2 minutes, questions et réponses, 2 minutes, maximum.

M. Lamothe : Il y a des représentants syndicaux qui se sont présentés hier, trois, puis ils sont tous unanimes à dire que les nouvelles règles déontologiques...

M. Lamothe : ...augmenter le désintéressement du policier face au travail qu'il a à faire. Vous en pensez quoi?

Mme Hillinger (Mélanie) : C'est une préoccupation, effectivement, qu'on doit tous savoir. Ce que je vous dirais par rapport à ça, c'est que le volet prévention qui serait ajouté, effectivement, la mission du commissaire, va, à mon avis, changer la donne. Ce qu'on veut travailler en prévention, c'est éviter justement qu'il y ait des manquements déontologiques et qu'il y ait des plaintes qui soient déposées. Comment le faire? À partir de l'expérience, de l'expertise qu'on a développées au cours des années par le traitement de milliers de plaintes au fil du temps, donc identifier les comportements à risque de manquements déontologiques et renforcer les bonnes pratiques par des exemples, effectivement, qui sont heureux et dont les dénouements sont, effectivement, salutaires. Donc, prévenir en amont et venir sensibiliser le policier en l'accompagnant et en le soutenant serait, encore une fois, à notre avis, une porte positive, là, pour qu'ils se sentent, encore une fois, là, soutenus dans la réalisation de leur travail.

Et le Commissaire en déontologie a un rôle, effectivement, d'assurer la protection du public. Et c'est sûr qu'on est conscients de l'insatisfaction qu'on peut générer. Lorsqu'on refuse une plainte pour une preuve insuffisante, à titre d'exemple, c'est sûr qu'on crée, effectivement, des insatisfactions. Il faut les expliquer, il faut communiquer, il faut que les gens comprennent le rôle. Du côté des policiers, c'est la même chose. Quand on parle d'une plainte au niveau de la société, chaque plainte est une plainte de trop. C'est à nous, comme société, de mettre en place toutes les conditions gagnantes pour faire en sorte que les manquements soient le plus limités possible et qu'au global toute la sécurité du public soit assurée.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Désolé, je vais passer la parole à la députée de Westmount — Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre témoignage ainsi que votre mémoire. Je pense que ça va nous aider à élaborer la prochaine étape dans cette loi. Nous avons entendu en commission hier la Ligue des droits et libertés et eux, ils nous proposent... Quand même des craintes, ils disent qu'il y a beaucoup, beaucoup de discrétion laissée au commissaire. Que répondez-vous à eux? Comment pouvons-nous rejoindre leurs préoccupations ainsi que... Comme le collègue vient de dire, on a aussi l'accord des policiers qui disent que les mesures déontologiques qui sont comprises dans cette loi sont des pénalités qui sont très sévères, les plus sévères que nous n'avons jamais vues. Comment voyez-vous votre rôle de gérer les deux, les deux considérations? Les deux côtés disent qu'ils sont préoccupés.

Mme Hillinger (Mélanie) : Vous avez effectivement soulevé un bon point, et ce que nos partenaires nous disent, nous le considérons au premier chef. Nous avons un rôle d'éducation, nous avons un rôle de formation, nous avons un rôle d'accompagnement. Dans notre planification stratégique, c'est un élément qu'on a mis en exergue, il faut mieux communiquer et avoir une force de frappe plus importante. Donc, c'est important, encore une fois, que les gens comprennent l'exercice de notre rôle et sur quels paramètres ce rôle-là est établi. Nous ne jugeons pas en équité selon ce qu'on a envie de faire dans la journée, nous sommes assujettis à un cadre strict, à des règles, à des principes qui sont dégagés par la jurisprudence, et c'est sur la base de cet encadrement-là que nous nous gouvernons, à partir d'aide... d'outils d'aide à la tâche, de critères, de grilles qui nous permettent d'assurer un traitement uniforme, un traitement juste, un traitement équitable.

• (12 h 40) •

Mais maintenant c'est de rendre la décision et d'expliquer correctement, dans un langage clair, dans un langage accessible et digestible, les raisons qui ont motivé nos choix. Et ça, on a du travail à faire, on est conscients et c'est la raison pour laquelle nous essayons de mettre sur notre site Internet notre intégration sur les médias sociaux, la participation dans des salons, dans des événements qui permettent aux citoyens de communiquer avec nous et des événements qui nous permettent de former aussi des policiers recrus, des agents de la paix.

Donc, plus les gens vont comprendre notre rôle, plus les gens vont comprendre notre action, mieux on sera capables de rendre ce que l'on fait. Nous croyons que ça va aider à la transparence, à légitimer l'exercice de notre juridiction et à apaiser, possiblement, certaines personnes qui peuvent se questionner, à juste titre, sur nos façons de faire et les décisions que nous prenons.

Mme Maccarone : Merci. Alors, vous avez beaucoup parlé de la conciliation, vous êtes d'avis que la conciliation devrait être obligatoire. On a aussi entendu la Ligue des droits et libertés qui nous disent que ça devrait être facultatif, parce que, dans certains cas, ça se peut qu'on ait des plaignants qui ne voudront pas poursuivre avec de la...

Mme Maccarone : ...et on a aussi entendu la même préoccupation des policiers qui ont passé en commission hier. Que répondez-vous à eux? Puis pourquoi ça doit être obligatoire et non facultatif? Il y a quand même des cas, peut-être, qui devront être pris comme exceptionnels.

Mme Hillinger (Mélanie) : Merci de la question. La conciliation est un véhicule, effectivement, qui est engageant, qui est exigeant. Moi, je parle souvent de la conciliation comme premier mode ou comme première étape du processus déontologique, parce qu'elle n'est pas systématiquement obligatoire, tu sais, dans tous les cas, il peut y avoir une enquête qui soit décrétée au terme de l'analyse préliminaire d'une plainte. Donc, il faut comprendre qu'il y a certaines situations d'intérêt public, de blessures graves, il peut y avoir effectivement des cas de récidive, des considérations de droits fondamentaux qui auraient été effectivement compromis qui vont justifier le décret d'une enquête.

Par contre, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'encore une fois, tous les dossiers ne peuvent pas se rendre en enquête, parce qu'encore une fois c'est une question de preuve, nous ne pourrions pas faire la preuve devant le comité de déontologie des éléments constitutifs d'un manquement déontologique. Donc, le véhicule qui demeure à ce moment-là pour permettre à un citoyen de se faire entendre - il a vécu quelque chose de difficile, il veut l'exprimer, il veut faire valoir sa voix - bien, la conciliation est la bonne étape pour lui permettre de le faire. Et, si j'avais des conciliatrices et des conciliateurs aujourd'hui de mon équipe qui étaient devant vous, ils vous diraient que, malgré les appréhensions de départ, au terme des conciliations, les gens sont tellement contents.

Je regardais les derniers chiffres : 79 % de taux de succès. Les gens ne rentrent pas en conciliation nécessairement bien, apaisés, paisibles et heureux, mais il y a de belles histoires qui se terminent. Et, encore une fois, comme je le mentionnais, au-delà de la conciliation pour l'événement pour lequel les parties sont réunies, le citoyen va devoir continuer de cohabiter avec les forces de l'ordre, il va devoir composer au fait que, dans la société, il y a des agents de la paix qui assurent la sécurité publique. Donc, il est important de leur donner un véhicule d'échange dans un cadre respectueux, balisé avec le concours d'un conciliateur neutre, équitable et impartial pour les faire grandir dans la situation, pour les informer, les sensibiliser.

Et même les représentants syndicaux nous disent, au commissaire, que c'est bon, effectivement, pour les policiers, c'est un rafraîchissement. Hier, on parlait du consensus sur la formation, la formation continue. Bien, la conciliation, c'en est une forme de formation continue. Quand le policier est dans la pratique, dans le feu de l'action, bien, il y a bien des choses qui se passent, mais parfois, de venir en conciliation et de se faire rappeler certaines choses, ça peut l'aider dans sa pratique, ça peut l'aider sur ses prochaines interventions. Donc, on voit les bénéfices réels de ce véhicule-là.

Mme Maccarone : Merci. J'ai vu dans votre mémoire que vous êtes contente avec la modification législative proposée qui va permettre à votre organisation d'accompagner... encore plus personnalisée les plaignants. Vous avez eu un échange préliminaire avec le ministre. Mais, quand je lis votre mémoire, je vois aussi que le nombre de plaintes reçues par vous sont en croissance : si on parle de 2017-2018, 1818, puis là, en 2021-2022, ça augmente à 2493. Comment allez-vous rejoindre ce nouveau critère? Malgré que je le salue puis je trouve que c'est une bonne idée, comment allez-vous rejoindre maintenant ce nouvel indice, qui me semble très nécessaire puis très utile? Mais, si vous êtes en manque d'effectifs, comment allez-vous réaliser?

Mme Hillinger (Mélanie) : Au cours des cinq dernières années, nous avons vu le nombre de plaintes augmenter de 37 %. À l'instar des autres organisations, c'est vrai qu'il y a des enjeux de ressources, on a effectivement une rareté d'expertise. Quand on a un joueur qui quitte l'organisation, ça fait mal. Dans une organisation comme la mienne, où on est environ 39 personnes, c'est un concentré d'une expertise très spécialisée.

Alors, c'est sûr que durant la pandémie, on a eu, encore une fois, des plaintes, je vous dirais, qui se sont ajoutées par rapport à ce qu'on a connu dans les années précédentes, et ça a créé une pression. Donc, je ne vous cache pas, et je l'ai dit dans mon mot d'ouverture et je l'ai écrit dans le mémoire, on a fait de l'optimisation à l'interne, on a révisé nos processus, on a regardé chacun des endroits où on pouvait gagner en efficience. Mais j'ai été très claire, et je pense avoir reçu une belle écoute de M. le ministre quand je lui ai dit que, là, je ne pouvais plus aller plus loin dans la situation actuelle, que mon équipe avait impérativement besoin de ressources pour que je puisse préserver la confiance de mes...

Mme Hillinger (Mélanie) : ...et que je puisse décharger les plaignants et les policiers de cette charge-là qui fait que mon processus, quand il est long, amène sur leurs épaules une charge émotive qui, à un moment donné, n'est plus saine dans les circonstances, donc un processus déontologique. Il faut, pour que la force de frappe arrive, que le dénouement soit le plus contemporain possible à l'événement qui a donné lieu, effectivement, à cette rencontre-là. Donc, oui, ça n'en prend, des ressources. Ce n'est pas que des ressources, il y a une multitude, effectivement, de mesures qui doivent être mises en place. Mais chaque petit élément de souplesse... On parlait tantôt des conciliations virtuelles. Bien, encore une fois, je l'ai dit, c'est un mode privilégié, le présentiel. Mais, si, à un moment donné, on se retrouve à avoir des conciliations en région que l'on doit regrouper pour effectivement tenter d'utiliser judicieusement les ressources, bien, ça peut faire en sorte que je vais allonger mon délai, alors que, dans d'autres circonstances, par une conciliation virtuelle ou téléphonique, je peux rapprocher le moment d'échanges entre les parties.

Donc, il faut humaniser le processus de déontologie et mettre nos parties prenantes au cœur de ce processus-là et que nous soyons des facilitateurs pour qu'il y ait un début, une fin, mais que ça se fasse selon les plus hauts standards et selon les règles de l'art, parce qu'il n'y aura pas de justice à rabais au Commissaire à la déontologie policière, c'est sûr.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup... J'aurais besoin d'un petit cinq minutes, d'un consentement pour rajouter un petit cinq minutes à la séance. Consentement? Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Bonjour, madame Hillinger. Merci beaucoup d'être ici avec nous, là. Très intéressant ce que vous nous apportez. Écoutez, j'aimerais soulever quelques préoccupations, là, qu'on a entendues, là. Ici, concernant les processus de signalement, on nous rapporte qu'il y a eu une étude en 2002, toute récente, là, comme quoi, les signalements... pas les signalements, les plaintes d'un... les plaintes provenant d'une personne tierce qui n'a pas assisté aux événements, c'est tout de même très minoritaire dans l'ensemble des plaintes, 3,2 %, là. On est loin des... comment dire, d'une vague de plaintes qui pourraient être frivoles. Mais pourtant, là, ces plaintes-là provenant d'un plaignant tiers aboutiraient à 22,6 des dossiers amenés devant le Comité de déontologie policière et constituent 20, 27, presque 28 % des plaintes qui donnent lieu à une sanction par ces comités. Donc, une petite minorité des plaintes qui amène quand même un grand... à une prise en considération très importante. Est-ce que vous ne croyez pas que ça pourrait... l'élimination de cette possibilité-là pourrait vous priver de rendre justice?

• (12 h 50) •

Mme Hillinger (Mélanie) : C'est un très bon point. Les plaignants tiers ont un rôle fondamental à jouer au niveau du commissaire et nous sommes très reconnaissants de toutes les situations qu'ils ont portées à notre connaissance parce que nous n'avons pas actuellement, dans le cadre de la loi actuelle, la possibilité de nous saisir de nous-mêmes d'une intervention. Donc, toutes les plaintes qui ont été formulées par des plaignants tiers, effectivement, ont reçu la considération. Et, vous l'avez dit, on conduit dans bon nombre de dossiers à des stations. Le signalement va conférer la même possibilité pour le plaignant tiers de porter ces situations-là à notre connaissance. Le seul élément qui va effectivement changer, c'est la façon dont nous allons effectuer le suivi auprès de ce plaignant-là en termes de confidentialité des informations qui entourent un événement pour lequel ils ne sont pas parties.

Donc, le principe va demeurer entièrement le même, ils vont continuer d'avoir une tribune pour sensibiliser le commissaire, le dossier va être analysé de la même façon qu'actuellement, selon les mêmes critères, avec les mêmes paramètres, les mêmes règles de droit. Mais, au moment où on aura pris la décision, ce que l'on demande, c'est d'avoir une souplesse additionnelle pour être, peut-être, un peu moins éloquent dans les motifs qui pourraient générer telle ou telle décision afin de préserver la confidentialité d'informations sensibles qui concernent des personnes à l'événement et pour lequel cette personne-là n'était pas partie.

Donc, c'est vraiment dans une perspective d'assurer la protection de la vie privée des gens qui étaient parties à l'événement, mais ce n'est d'aucune façon une façon détournée de les empêcher d'exercer la légitimité, encore une fois, de l'apport qu'ils faisaient au commissaire. Mais c'est vraiment, peut-être, de prévoir une façon d'y répondre qui est différente. On parlait de ressources, on parlait de délais, on parlait de saine administration...

Mme Hillinger (Mélanie) : ...De la justice, mais c'est une façon de livrer, encore une fois, le suivi.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour.

Avec les différentes modifications législatives, ça ferait beaucoup de chapeaux, on parle, entre autres, de l'accompagnement, de la prévention, du tribunal. Vous avez sûrement entendu les différents groupes, là, qui sont passés. On se disait : est qu'il n'y a pas un conflit d'intérêts ou est- ce qu'on ne devrait pas plutôt confier la prévention à une autre entité ou... Moi, j'aimerais vous entendre, là, sur l'ensemble des chapeaux. Puis on en a parlé, là, il y a des collègues qui en ont parlé, les effectifs, c'est sûr que ça va prendre plus d'effectifs, mais il y a des... Il y a l'argent aussi, là, en arrière de tout ça, le financement.

Mme Hillinger (Mélanie) : Vous avez une très bonne question. Pour nous, et ça, on l'a mentionné, notre équipe de prévention serait vraiment étanche de l'équipe qui traite les plaintes. Il y aurait vraiment deux secteurs distincts du côté du commissaire, qui auraient, effectivement, des fonctions et des rôles propres qui leur seraient dévolus, parce qu'on n'est pas à l'intérieur du même environnement. Donc, la prévention, on est plus en amont des plaintes ou des signalements, alors que, lorsqu'on arrive au niveau de la plainte, on est en aval. Donc, à ce moment-là, il faut vraiment qu'il y ait une étanchéité. Mais, par contre, il y aura nécessaire communication entre ces deux entités-là parce que c'est le traitement des plaintes, c'est la mine d'informations qu'on va aller rechercher.

Mme Nichols : Puis comment vous allez faire, comment vous allez faire ce mur-là? Comment vous allez... C'est avec des équipes séparées? Comment vous allez y arriver?

Mme Hillinger (Mélanie) : Ça va être des équipes séparées mais qui vont avoir, effectivement, quand même le rôle de communiquer de manière à aller chercher la matière première pour identifier les manquements déontologiques potentiels. Le traitement des plaintes nous amène à voir certains comportements à risque, ça va être important en fonction du traitement des plaintes, d'aller communiquer avec l'équipe de prévention pour dire : on voit beaucoup de plaintes, actuellement, de tel ordre, qui amènent tel risque dans le comportement, donc il serait bien de travailler des outils, une information, une formation qui portent sur ces éléments-là. Donc, c'est sûr que ce sont des équipes distinctes, comme on voit souvent dans les organisations, mais qui doivent se parler pour assurer la cohérence, encore une fois, du livrable qui va en résulter.

Le Président (M. Bachand) :dernier commentaire, Mme la députée de Vaudreuil?

Mme Nichols : En deux secondes, j'imagine?

Le Président (M. Bachand) :Ah! une Minute.

Mme Nichols : Ah! quand même, quand même, quand même. O.K. Oui, je vais y aller. Les recommandations qui pourraient s'appliquer... En fait, là, suite aux dossiers, le tribunal pourrait faire des recommandations qui seraient appliquées par une organisation différente. Et, ça, ça serait, quoi, via la formation?

Le Président (M. Bachand) :En 30 secondes.

Mme Hillinger (Mélanie) : Je ne suis pas sûre de saisir. Quand vous dites : par une organisation différente, vous voulez dire quoi? Je ne suis pas sûre de saisir votre question.

Mme Nichols : Bien, en fait, c'est vous qui allez offrir aussi ce service-là?

Mme Hillinger (Mélanie) : Oui, c'est l'équipe de prévention. Donc, il pourrait y avoir de la formation, effectivement, qui est donnée par l'équipe, effectivement, qui est dédiée à ce secteur d'activité.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la commissaire, merci beaucoup d'avoir été avec nous, sincèrement.

Mme Hillinger (Mélanie) : Merci à vous.

Le Président (M. Bachand) :Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 h. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 54)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, tout le monde, en ce magnifique après-midi du 5 avril à Québec. Alors, la Commission des institutions reprend ses travaux.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant diverses dispositions relatives à la sécurité publique et édictant la Loi visant à aider à retrouver des personnes disparues.

Alors, on débute, cet après-midi, avec l'Association des directeurs de police du Québec. Merci beaucoup d'être avec nous, grand plaisir. Alors, je vous invite d'abord à vous présenter et à débuter votre exposé. Merci beaucoup, encore.

M. Brochet (Pierre) : Très bien. Donc, Pierre Brochet, président de l'Association des directeurs de police du Québec et directeur de la police de Laval.

M. Deramond (Didier) :Didier Deramond, directeur général de l'Association des directeurs de police du Québec.

M. Brochet (Pierre) : On y va?

Le Président (M. Bachand) :Oui, allez-y.

M. Brochet (Pierre) : Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les commissaires, l'ADPQ remercie la Commission des institutions de lui donner l'occasion de se prononcer sur le projet de loi n° 14. Pour notre présentation, bien, évidemment, je suis accompagné de M. Didier Deramond.

M. le Président, l'ADPQ salue les efforts du gouvernement afin de faire évoluer la loi de police et reconnaît certains ajouts à la loi actuelle, qui sont des plus pertinents. Toutefois, l'ADPQ tient à émettre certaines réserves et doit avouer qu'elle est préoccupée en ce qui concerne le rôle de gestion élargi que le gouvernement veut donner au Tribunal administratif, qui, selon elle, remet en question le rôle de gestionnaire des directeurs de police du Québec. De plus, notre association tient à préciser qu'elle est préoccupée en lien avec la gestion par lignes directrices et par règlement.

Mais avant d'aller plus loin et de vous faire part de nos observations, réserves et inquiétudes, voici la mission de l'association. La mission première de l'ADPQ est de représenter les dirigeants policiers et leurs partenaires afin de contribuer à l'amélioration de la sécurité publique du Québec.

Comme je vous l'ai mentionné précédemment, notre compréhension du projet de loi n° 14 est qu'il offre des pistes de solutions innovantes et efficaces en sécurité publique. Toutefois, notre association remarque que ce projet de loi propose également des modifications qui, selon notre humble avis, nécessitent non seulement des précisions, mais également des ajustements...

M. Brochet (Pierre) :  ...afin que les changements proposés ne nuisent pas au rôle de gestion des directeurs de police et que la sécurité publique et l'indépendance des corps de police ne soient en aucun temps compromises par quoi que ce soit ou par qui que ce soit.

Comme vous l'avez sûrement constaté, nous avons structuré notre mémoire en deux catégories, soit les réserves qui regroupent les changements proposés dont l'ADPQ éprouve un malaise et une inquiétude au niveau du projet de loi et les observations qui font état des préoccupations, d'ajustements souhaités ou encore d'appuis au projet de loi.

Pour les besoins de cette présentation et compte tenu du temps qui nous est alloué, nous allons nous concentrer sur, évidemment, les réserves. À ce sujet, nous avons soulevé quatre éléments : l'absence de reconnaissance des fonctions du rôle de directeur de police; la gestion par règlement et lignes directrices qui ouvrent la voie à des règlements plus politisés ou de l'ingérence potentielle; la gouvernance, sujet qui n'a pas été abordé dans le projet de loi; et la reddition de comptes demandée, qui peut devenir une surcharge de travail et représenter des coûts additionnels. Je présenterai donc les deux premiers enjeux et laisserai Monsieur Deramond vous expliquer les deux derniers points avant de faire la conclusion.

Débutons avec l'absence de reconnaissance des fonctions du rôle du directeur de police. Il s'agit d'un enjeu majeur. L'ADPQ a un malaise en ce qui concerne le rôle de gestion élargie que le gouvernement veut attribuer au Tribunal administratif au point 65, article 234, en lui confiant, par exemple, la possibilité d'évaluer... d'imposer une évaluation médicale ou une thérapie à des policiers. En faisant de la sorte, le gouvernement remet en question le rôle de gestionnaire du directeur de police et le travail quotidien qui est fait par ce dernier pour former, encadrer et assurer la pertinence de leurs actions.

L'ADPQ tient donc à rappeler au gouvernement que les policiers sont déjà encadrés non seulement par des lois et des normes professionnelles, mais qui y sont également d'avis... ils sont également suivis, évalués par leur propre organisation, dont le directeur en est le haut responsable.

Je dois vous avouer que l'association se questionne quant aux objectifs de ces insertions. Pourquoi le gouvernement désire-t-il que le Tribunal administratif fasse la... fasse de la gestion des ressources humaines au détriment du rôle de directeur de police? Ne serait-il pas mieux d'assurer une saine gestion de la sécurité publique, que le rôle du Tribunal administratif n'entre pas en conflit avec le rôle de gestion des directeurs de police?

L'association enjoint donc le gouvernement de réviser le mandat qu'il veut attribuer à son nouveau Tribunal administratif et lui demande de faire confiance aux directeurs de police en laissant les compétences en gestion des ressources humaines, dont la formation et l'encadrement à ceux-ci.

Toujours en lien avec la reconnaissance des fonctions du rôle de directeur de police. L'association est surprise et perplexe sur le rôle élargi que le gouvernement veut attribuer au commissaire. En effet, au point 47, à l'article 187, le projet de loi semble à nouveau faire fi des responsabilités qui incombent aux directeurs de police quant à la gestion du personnel. Comment pourrait-on expliquer autrement le fait que le commissaire, lorsqu'une plainte est rejetée, pourrait communiquer directement, par sa propre initiative, à la demande du ministre, avec un policier ses observations sur la nature des conduites à améliorer?

D'ailleurs, l'ADPQ se demande comment un ministre pourrait être au courant d'une plainte rejetée par le commissaire et lui demander de partager ses observations avec un policier. Est-ce que l'association doit comprendre que le commissaire se devra de partager l'information qu'il possède au niveau du ministre?

L'ADPQ est en désaccord avec l'idée de permettre au ministre de communiquer avec le commissaire concernant le dossier des policiers, alors qu'il se doit de garder une distance afin d'éviter toute ingérence politique potentielle.

L'APPQ propose donc un nouveau texte de loi à l'article 187 qui oblige le commissaire à communiquer directement et uniquement aux directeurs de police ses observations.

• (15 h 10) •

Enfin, l'association est d'avis d'éviter toute ingérence potentielle, qu'il est nécessaire de retirer du texte de loi «ou à la demande du ministre».

Passons maintenant à la gestion ou par lignes directrices qui ouvrent la voie, selon nous, à de la réglementation plus politisée ou à de l'ingérence potentielle. Nul besoin de vous dire que nous sommes inconfortables avec cette approche. Par exemple, la gestion par règlement proposé au point 14, à l'article 116 préoccupe l'association, car il est impossible d'entrevoir les changements qui seront éventuellement souhaités lors de la formation continue des policiers.

Il est primordial, selon nous, de s'assurer que ce genre de formations ne deviennent pas plus politisées ou dépendantes d'événements médiatisés, et ce, au détriment des coûts et de la capacité organisationnelle du service et des citoyens.

L'ADPQ souhaite donc qu'il soit précisé, dans l'article de loi, que ledit règlement devra, en tout temps, être rédigé en...

M. Brochet (Pierre) : ...avec les parties prenantes, soit l'ADPQ et l'École nationale de police.

Enfin, bien que l'ADPQ accueille favorablement les ajouts proposés au point 86, à l'article 263.4, l'association tient à rappeler que plus souvent qu'autrement il est facile de tomber dans les opérations lorsqu'on détermine des priorités d'action ou des directives. Donc, il est risqué de tomber rapidement dans la gestion des opérations, ce qui doit être, à notre avis, évité à tout prix. De même, il arrive trop souvent que les réalités terrain qui sont différentes d'une région à l'autre ne soient pas prises en compte lors de l'élaboration de lignes directrices. À nouveau, ceci doit être évité à tout prix.

L'Association recommande d'ajouter à l'article 263.4 que le gouvernement doit assurer que, dans l'élaboration de ses priorités d'action et de ses directives, ces dernières n'aient pas d'influence directe sur les opérations, qu'elles tiennent compte des réalités terrain de chaque région et qu'elles soient faites en concertation avec l'ADPQ.

L'ADPQ ne peut également que réitérer son malaise envers la proposition de lignes directrices que le gouvernement propose au point 96, article 307, qui ouvre la voie, selon nous, à une ingérence potentielle et à l'élaboration de lignes directrices potentiellement politisées. L'ADPQ recommande donc de ne pas changer l'article 307. Toutefois, si le gouvernement décidait de ne pas suivre cette recommandation, il est essentiel que ces lignes directrices soient élaborées avec la collaboration de l'Association des directeurs de police du Québec.

M. Deramond (Didier) :Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames et Messieurs les Commissaires, bonjour.

Alors, l'ADPQ est préoccupée par la présence de certains vides juridiques dans le projet de loi, et ce, bien qu'elle ait émis des pistes de solution dans son mémoire qu'on a déposé au Comité consultatif sur la réalité policière en 2020. Cela fait maintenant plus de cinq ans que l'association réclame que la gouvernance soit traitée dans la loi sur la police.

Cela étant dit, bien que l'association soit en accord avec l'insertion, au point 100, à l'article 354.1, elle recommande d'inclure des éléments de gouvernance afin que ces règles communes à l'ensemble des services de police soient mises en place pour la nomination, la suspension ou la destitution des directeurs de police. Il va de soi que ces règles devraient être élaborées en concertation avec notre association.

En ce qui concerne la reddition de comptes, l'association se doit de mentionner son inconfort avec certains ajouts. Alors, L'Association croit que la modification apportée au point 89, à l'article 267, au premier paragraphe, est louable. Toutefois, l'ADPQ est inconfortable avec l'ajout du deuxième et troisième éléments, qui se lisent ainsi, là : des états, des données statistiques et d'autres renseignements nécessaires afin d'évaluer l'état de la criminalité et l'efficacité de l'action policière et des renseignements et des documents nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou de sa charge, là. Alors, l'ADPQ se demande pourquoi le gouvernement désire évaluer l'efficacité des actions policières, alors que ces dernières relèvent dans la majorité des cas des municipalités.

De plus, permettez-moi de mentionner que cette nouvelle demande de reddition de comptes créera une pression supplémentaire sur les services policiers. Les organisations policières ont des ressources limitées, le gouvernement se doit d'être conscient que pour être en mesure d'effectuer ce genre de reddition de comptes, de nouvelles ressources seront nécessaires. Et, à quel prix? L'ADPQ craint fortement que, si les paragraphes trois et quatre ne sont pas retirés, cette reddition de comptes alourdira les responsabilités des directeurs et des organisations policières. L'ADPQ recommande donc de retirer les ajouts des paragraphes trois et quatre de l'article 267.

En terminant, M. le Président, M. le ministre et Mesdames et Messieurs les Commissaires, le respect des citoyens et la confiance mutuelle qui doit exister entre les policiers et la population sont le fondement de la légitimité du travail policier. C'est pourquoi l'ADPQ soutient les efforts du ministre visant à contrer la discrimination dans les activités policières et la reddition de comptes qui y est associée.

Toutefois, comme les directeurs de police doivent maintenir le juste équilibre entre l'encadrement du travail policier et la marge de manœuvre nécessaire pour assurer la sécurité des citoyens, nous croyons qu'il est important de rappeler au gouvernement que c'est dans un contexte d'augmentation de la violence et d'enjeux en santé mentale de plus en plus présents que les directeurs de police doivent en tout temps s'assurer de la mobilisation des policiers au Québec. À ce sujet, l'ADPQ tient à être claire, les directeurs de police de la province ont le leadership nécessaire pour relever ces défis, et le gouvernement doit leur faire confiance.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. On est rendus à la période d'échange. Désolé, 10 minutes en bonne compagnie, ça passe tellement rapidement. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Merci, monsieur Deramond, M. Brochet, d'être là cet après-midi. Votre apport et votre mémoire sont importants pour la suite des choses. Puis je tiens compte puis que je vais aller sur différents... deux, trop petits points, là, qui...

M. Bonnardel : ...qui me reviennent en tête sur ce que vous avez dit.

Bon, les lignes directrices, vous n'êtes pas sans savoir... Un des points les plus importants que j'ai mentionné lors du dépôt de ce projet de loi, c'est de répondre aux situations de profilage que l'actualité a amenées de l'avant, que les situations ont amené de l'avant, que vous êtes bien au fait, aussi... Vous travaillez avec... Vous êtes en contact avec vos collègues aussi, puis les différents corps de police, pour être capables de... Quand il y a une interpellation ou une interception, il y a trois quarts des corps de police, présentement, là, qui remplissent une fiche, comme telle, là, que je souhaite toujours assez succincte, pour ne pas, non plus... On a souvent parlé de désengagement, puis, pour moi, ce n'est pas d'alourdir le travail des policiers, mais c'est de leur rendre ça le plus simple possible, puis que ça prenne une ou deux minutes à cocher les informations, pour que, par la suite, pour la première fois, où un ministère soit capable, dans une reddition de comptes... vous n'aimez peut-être pas le mot, mais reddition de comptes annuelle, pour qu'on soit capables d'avoir et de colliger des infos, pour la première fois, au ministère, qui vont nous donner... qu'on puisse connaître un peu nos façons de faire, nos façons de travailler et d'avoir des informations qui, je crois, vont être importantes.

Donc, est-ce que vous y voyez un enjeu, comme tel, d'être capables de nous fournir ça? Même si le travail se fait déjà, où vous vous situez là-dessus? Parce que, veux veux pas, c'est un point pour nous, pas juste pour moi, je pense, pour l'ensemble de la société civile, surtout ceux qui, malheureusement, ont subi certains cas, là. Puis je ne veux pas nommer personne ni aucun corps de police, mais ça a été d'actualité, puis, pour nous, il fallait trouver un équilibre, qui n'est pas simple non plus, là, dans tout ça. Puis je pense que ça, c'est un outil, un outil qui va être important pour autant votre travail à vous, que pour vos policiers, policières, que pour nous.

M. Brochet (Pierre) : Non, bien, en réponse à ça, M. le ministre, les directeurs de police sont sensibilisés comme jamais, au cours des dernières années, à la notion de racisme, de discrimination, de profilage racial, et on a beaucoup évolué, au cours des dernières années, à mettre en place, par exemple, des pratiques policières et des nouvelles politiques d'intervention. Par exemple, présentement, pour faire une intervention sur un piéton, une interpellation, ça prend des motifs et des soupçons, donc on ne peut pas y aller de façon aléatoire. Donc, nous...

Et d'ailleurs, nous, on est très, très à l'aise avec la reddition de comptes, M. le ministre, ça fait partie de nos fonctions. Comme directeurs de police, comme service public, un des éléments importants dans la gouvernance, c'est d'être capables de rendre compte de nos actions de façon transparente. Et ça, on n'a pas aucun problème avec ça.

Notre préoccupation, c'est dans l'ampleur que pourrait prendre la notion de lignes directrices, et là certaines lignes directrices... En fonction, par exemple, de pressions médiatiques ou de crises médiatiques, certains gouvernements pourraient être tentés de mettre en place rapidement des actions en fonction des lignes directrices. Il faut bien comprendre que... puis, tu sais, ça fait 38 ans que je suis policier... c'est quand même un changement qu'il ne faut pas négliger. Donc, pour la première fois, on étend les pouvoirs du ministère de la Sécurité publique à donner des lignes directrices, alors la préoccupation que j'ai, c'est qu'on rentrerait soit dans les enquêtes ou les opérations policières en dictant aux directeurs et aux services policiers québécois... en dictant la façon de faire les choses, donc. Mais avec la reddition de comptes, parfaitement à l'aise avec ça.

• (15 h 20) •

M. Bonnardel : À l'article 86 du projet de loi, on modifie l'article 263.5 de la Loi sur la police puis on dit : «Prévoir que le directeur ou un membre d'un corps de police doit refuser de communiquer ou de confirmer l'existence d'un renseignement dont la divulgation pourrait avoir des incidences sur l'administration de la justice et de la sécurité publique, notamment lorsqu'il serait susceptible de nuire à une enquête ou une intervention policière, de révéler une méthode d'enquête ou de mettre en danger la vie ou la sécurité d'une personne». D'accord avec ça?

M. Brochet (Pierre) : Ah! tout à fait d'accord. Bien, je pense que c'est un élément positif du projet de loi. C'est de régir, si on veut, les relations, au niveau municipal, entre les directeurs de police, et les élus, et l'administration municipale. Donc, ça a été une recommandation dans le livre vert, et on est très, très à l'aise avec ça. À ce niveau-là, pas de problème.

M. Bonnardel : Du côté des... Il y avait certaines inquiétudes, hier, là, de certains policiers, je pense que c'était la Fraternité des policiers provinciaux, l'embauche de policiers, là, enquêteurs qui viennent du milieu civil, donc une entrée parallèle pour les enquêteurs, là, qui ont une expertise très nichée, là, très nichée. Puis le but de cet article, encore une fois, ce n'était pas d'empêcher les policiers, là, qui ont de l'ambition, là, d'aller, un jour... Puis vous en avez eu, puis bravo, bravo, bravo pour votre travail puis l'expérience que vous avez aujourd'hui. Mais est-ce que vous êtes d'accord avec cette entrée parallèle, je vais l'appeler ainsi, là, qu'on souhaite mettre en place pour aller chercher... Puis on va... je le disais hier au... je pense que c'était à M. Painchaud... on va travailler avec vous là-dedans, là, pour qu'on dicte de façon...

M. Bonnardel : ...les postes ou les... l'expertise, je veux dire, l'expertise précise qu'on souhaite avoir dans ce dans ce contexte, là?

M. Brochet (Pierre) : En fait, oui, on est à l'aise avec ça. Ça va être dans les paramètres qu'on va identifier. Et je... Et vous l'avez bien dit, hein, autant les policiers à travers le Québec, c'est un cheminement de carrière qui est reconnu. Tu passes cinq, 10, 15 années sur la patrouille, là, tu deviens enquêteur, et là, tu profites de toute ton expérience terrain pour être un meilleur enquêteur. C'est pour ça que, nous, malgré cela, on est ouverts pour certaines fonctions spécialisées, on n'a qu'à penser à la cybercriminalité et aux fraudes où c'est de plus en plus complexe. Et ce n'est pas tous les policiers qui veulent faire ce type d'enquête là, pour être bien honnête, donc, si on pouvait aller chercher une expertise dans ces domaines-là, par exemple, on aurait des enquêteurs, même avec des entrées parallèles, qui seraient probablement beaucoup plus motivés et mieux équipés, mieux formés pour faire ce type d'enquête là.

M. Deramond (Didier) :Au niveau des articles de loi, par contre, là, il y a peut-être des éléments à regarder, à rephraser, quand on parle de poste spécifique ou poste particulier, là, parce que c'est vraiment ouvert, très largement, dans la loi, présentement. C'est autant au niveau des enquêtes que des enquêtes spécifiques, là, alors il y aurait peut-être des choses à travailler là-dedans, justement, pour s'assurer d'avoir vraiment l'intention qu'on souhaite, là. Mais on était pour les entrées parallèles, justement, là, pour les corps de police spécialisés et les postes spécialisés, là.

M. Bonnardel : Ça peut être un besoin, je pense, vous en convenez, là?

M. Deramond (Didier) : Tout à fait, tout à fait.

M. Bonnardel : Que, pour une spécialisation très nichée, là, cybercriminalité ou x, y, là, je pense qu'on peut répondre à ça.

À l'article 14, qui modifie l'article 116 de la loi sur la police, on dit : «prévoir que le gouvernement peut, par règlements, déterminer les qualités minimales requises, dont la formation, pour exercer dans un corps de police autre qu'un corps de police spécialisé les fonctions d'enquête, de gestion ou toute autre fonction qu'il détermine.» Vous vous situez où dans cette...

M. Deramond (Didier) :Bien, c'est de la gestion par règlements. Encore une fois, là, comme on le dit, là, il faut vraiment qu'on soit partie prenante là-dedans, justement, pour regarder les normes minimales, qu'elles ne soient pas abaissées, ces normes minimales là, parce qu'on est quand même la province avec la meilleure formation canadienne et, je pense, nord-américaine, là, au grand complet, là, au niveau de l'Amérique, donc il faut garder ça, c'est très important. Puis monsieur St-Antoine est ici, il pourra vous le dire, là, tout à fait, les normes que l'on a mises en place. Donc, il faut vraiment qu'on soit partie prenante, encore une fois, dans le cadre des règlements. Quand on parle des inconforts qu'on a par la gestion par un règlement, il faut juste s'assurer qu'on soit assis, que les parties prenantes soient assises alentour de la table, qu'on puisse élaborer ça ensemble.

M. Bonnardel : Deux dernières questions rapides avant que mon collègue d'Ungava puisse en poser une. La formation continue, ça a été un sujet, depuis hier, êtes-vous à la même place que nous, qu'on doit mieux accompagner nos policiers? Puis là, au-delà de la requalification, là, de la vraie formation continue, là, dans leur rôle, dans leur travail. J'ai souvent dit : le policier d'aujourd'hui versus celui de voilà 25 ans versus celui dans 25 ans, le rôle évolue, change, le policier doit toujours s'améliorer, je crois, comme dans n'importe quelle profession. Êtes-vous à la même place que nous pour...

M. Brochet (Pierre) : Bien, soyez assurés que nous sommes tout à fait conscients qu'une fois que tu es rentré comme policier au cours des années, tu devrais avoir une formation minimum, un maintien des compétences. L'enjeu qu'on vit à travers ça, bien, premièrement, ça va être de définir ensemble ce que sera ce maintien des compétences là. Mais, vous savez, les... avec à peu près toutes les recommandations du coroner, les commissions d'enquête, on nous... On recommande de former les policiers. Et je vous dirais que ça met une pression énorme sur le système. Les jours de formation s'accumulent, s'accumulent, donc il va falloir réfléchir à l'impact économique, l'impact financier, parce que, quand tu formes des policiers, bien, tu les sors des opérations, la plupart du temps, il faut que tu les remplaces, ça fait qu'il y a des impacts. Dès que tu décides de donner tant de jours de formation par année pour un maintien des compétences, il y a des coûts puis il y a des impacts, mais, en même temps, ce n'est pas pour rien qu'il y a... Dans chaque rapport d'étude, qu'on revient à la formation, c'est essentiel, de bien former.

M. Bonnardel : Bien, si je vous en pose une un petit peu plus précise, là... Excuse, Denis, je...

Une voix : ...

M. Bonnardel : Vous représentez les corps de police comme tels. Hormis la requalification dans la majorité de vos corps, vous diriez que, quoi, il y a-tu un 3 h, 4 h, 5 h, annuellement, là, qui est une moyenne pour vos policiers, là, qui sont... qui reçoivent une formation ou c'est aléatoire, ça varie selon...

M. Brochet (Pierre) : Bien, ça varie, oui. Ça varie beaucoup d'un corps de police à l'autre. Je vous dirais, par exemple, le Service de police de Laval, c'est cinq jours par année.

M. Bonnardel : O.K., cinq jours.

M. Brochet (Pierre) : Cinq jours, oui, c'est cinq jours, et c'est dans la convention collective, donc... Et c'est exigeant, là, ça nous prend toute une équipe. Puis c'est... Ce qui est exigeant, les requalifications parce qu'on a implanté une arme longue, entre autres, une arme, qui, qu'on appelle le 223. Donc, ça, c'est très exigeant, c'est cinq jours par année, à part les formations. Par exemple, quand qu'on a reformé tout le monde sur le profilage racial, la discrimination, on a reformé tout le monde, donc ça a été...

M. Brochet (Pierre) : ...en dessus des cinq jours. Mais ça varie beaucoup d'un service de police à l'autre.

M. Deramond (Didier) :Mais on est en mouvement, M. le ministre. D'une façon ou d'une autre, on est avec le DPCP, aussi, on est en train de revoir notre partenariat avec le DPCP, ne serait-ce qu'on puisse participer aussi à des journées de formation sur toutes les jurisprudences à partir de l'École des poursuivants, etc., avec avec les procureurs de la Couronne. Donc, on est vraiment en mouvement là-dedans puis c'est... Le «one-size-fits-all» est difficile pour toutes les organisations policières parce que les besoins sont différents, les réalités... La réalité policière et la carte policière au Québec, mais on ne l'a pas adressée encore, là, mais on... ça viendra un jour, là, mais ça nous amène certaines disparités à gauche et à droite.

M. Bonnardel : Oui. Personnes disparues, avec votre expérience, là, on oublie-tu quelque chose ou c'est...

M. Brochet (Pierre) : On est très... tu compléteras, Didier, mais on est très, très heureux de tout ça, évidemment. Les personnes disparues, c'est des drames pour les familles, pour les personnes disparues, pour les proches, donc de nous donner des moyens supplémentaires parce que ce n'est pas un événement criminel, ça nous manquait. Donc, on apprécie énormément cette initiative-là.

M. Deramond (Didier) :Tout à fait. Et puis le fait d'avoir des outils aussi lorsqu'il n'y a pas nécessairement des enquêtes criminelles, bien sûr, avec tous les outils que les enquêtes criminelles nous donnent, là... Donc, d'avoir ces outils-là aussi en matière de disparitions, c'est vraiment apprécié. Bon, l'élément, je pense qu'on en a fait mention dans les mémoires, l'élément urgence serait peut-être à regarder, mais je ne suis pas sûr qu'on doit le regarder dans le cadre de ce projet de loi ou de l'adresser beaucoup plus, peut-être, au niveau des modifications de la loi d'accès à l'information, là, et permettant justement le transfert d'informations lorsqu'il y a urgence.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député d'Ungava.

M. Lamothe : ...

Le Président (M. Bachand) :Quatre minutes...

M. Lamothe : Ma collègue a une question, je vais aller vite. Bon, j'ai fait votre métier pendant 30 ans. Au niveau des lignes directrices, je comprends très bien que le politique ne se mêle pas aux enquêtes, que le politique ne fait pas en sorte des opérations. Mais je trouve fortement, par exemple, que la politique peut arriver à un certain... à un moment donné dire : Voici la ligne directrice concernant les communications des corps policiers, voici une ligne directrice concernant les informations que les corps policiers doivent transmettre sur différents corps. On a eu un exemple à matin, là, d'une madame qui est venue, puis deux corps de quatre policiers qui ne se parlaient pas sur une disparition.

Ça fait que ce que je dis, à certain moment donné, administrativement parlant, je pense que le gouvernement peut arriver pour uniformiser la formation. Bon, il y a-tu moyen que les formations... au détriment des coupures budgétaires, au détriment, tu sais, des formateurs. Mais, au niveau administratif, moi, je crois fortement à ce que le gouvernement du Québec puisse arriver avec des lignes directrices parce que... Vous-même, vous l'avez mentionné tantôt, c'est une question de sécurité publique, c'est une question des gens qui sont sur le terrain, qu'ils ont le droit d'avoir un service uniforme sur certains points. Mais, par contre, au niveau des enquêtes, puis des opérations spéciales, puis les médias, comme je vous disais, je comprends très bien. Vous en pensez quoi?

M. Brochet (Pierre) : Ah! bien, écoutez, c'est là, je pense qu'il aurait lieu... Je comprends ce que vous dites, je suis d'accord avec vous et... Il y a une énorme différence entre les activités, les opérations et l'administration. Et notre préoccupation avec le libellé de la loi, c'est que ce n'est pas précis comme ça, ça ouvre la porte à des réactions, si on veut, à certains événements, et là on serait facilement portés à émettre une directive pour calmer le jeu. Et ça, ça nous préoccupe grandement parce que, tu sais, ça peut nous faire... puis, tu sais... Ça va dans les deux sens, hein, c'est important de le dire. Mais les services de police, là, ça fait partie d'une démocratie. Puis l'indépendance, ce n'est pas parce qu'on veut être indépendants, hein, c'est la crédibilité d'un système de justice puis de système de police. Et, si tu ne réussis pas à garder ça en vie, bien, c'est... on est à risque au niveau de la crédibilité. Ça fait que c'est extrêmement important pour nous, là. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Vimont, s'il vous plaît.

Mme Schmaltz : Merci, M. le Président. Bonjour...

• (15 h 30) •

M. Brochet (Pierre) : Bonjour.

Mme Schmaltz : Vous avez soulevé à plusieurs reprises le mot «ingérence», à l'ingérence politique dans votre mémoire.

M. Brochet (Pierre) : Oui.

Mme Schmaltz : Ma question est la suivante : Est-ce que vous ne pensez pas que, dans le rôle d'un ministre, il y a quand même une part de responsabilité, il y a une part d'intervention qui doit être faite et que, peut-être, le mot «ingérence» n'est peut-être pas nécessairement approprié?

M. Brochet (Pierre) : Bien, écoutez, j'ai mis «ingérence potentielle», parce qu'on est toujours, là... Présentement, on a un gouvernement x, la situation est calme, ça va bien, mais regardez à... Et on l'oublie souvent, puis l'indépendance des services de police, ça ressort souvent dans des grandes commissions d'enquête. Par exemple, la tuerie de masse qu'il y a eu à Portapique. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance du rapport, mais il y a une grande section, celle sur l'indépendance des services de police. On a eu la commission Chamberland il n'y a pas si longtemps ici, au Québec. Donc, je ne dis pas qu'il y a des gens en place ici, ou dans le gouvernement actuel, ou quoi que ce soit, qui serait porté à le faire, mais il reste que ça va des deux côtés. Il pourrait y avoir des décisions... qu'un gouvernement dise : Écoutez, ça, telle action, on ne veut plus que vous le fassiez sur le terrain parce que ça crée des impacts négatifs puis on subit une certaine pression ou le contraire, ou le contraire... Pour donner un autre exemple...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Brochet (Pierre) : ...exemple, on a eu une série de manifestations en 2008... bien, le... 2012, le printemps érable, par exemple. Alors, j'ai eu à gérer ça au niveau du Service de police de Montréal, j'étais directeur des opérations. Donc, il y avait une énorme pression sur le gouvernement. Donc, est-ce qu'un gouvernement, à ce moment-là, aurait pu être tenté d'émettre des lignes directrices pour calmer le jeu en termes de manifestations? Donc, c'est une... tu auras une vision globale, puis d'encadrer ce qu'un gouvernement peut donner comme lignes directrices ou non à un service de police. Ça peut s'appliquer à l'usage de la force, par exemple. Il pourrait y avoir un événement dramatique où on a utilisé une technique d'usage de la force, et un gouvernement pourrait dire : Là, cessez d'utiliser cette technique-là immédiatement, alors qu'on doit consulter les comités d'experts, la formation, etc. Donc, c'est des exemples que je veux vous donner pour illustrer le risque, puis je pense que c'est notre responsabilité de vous montrer ce portrait-là de risque potentiel.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Westmount-Saint-Louis, s'il vous plaît.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Brochet...

M. Brochet (Pierre) : Bonjour.

Mme Maccarone : ...un plaisir de vous revoir. Bonjour, M. Deramond, à vous également. Merci beaucoup pour votre présentation. Je vais prendre la balle au bond en ce qui concerne les lignes directrices, parce qu'on comprend que c'est quand même un outil, comme aussi de la gestion par règlement. Je suis d'avis comme vous qu'on cherche une transparence puis on cherche évidemment une concertation puis le travail avec vous en ce qui concerne les lois que nous allons adopter ici.

Dans cette loi, le ministre a dit qu'il avait besoin d'avoir cette ligne... les lignes directrices, parce que dans le fond, il faut combattre le profilage racial, le profilage discriminatoire. Selon vous, est-ce que les lignes directrices qui sont incluses dans cette loi vont avoir un effet positif pour combattre le profilage racial?

M. Brochet (Pierre) : Bien, clairement, oui, parce qu'on parlait de reddition de comptes tout à l'heure. Ça amène l'obligation, puis c'est un grand pas en avant, il ne faut pas l'oublier, là. Ça veut dire que, moi, comme directeur de police, et l'ensemble des directeurs de police au Québec devons mettre en place un système et dire à chacun des policiers qui font une interception aléatoire en fonction de 636 de colliger de l'information dans un système, et là il va y avoir une série d'informations, il va y avoir des données.

Vous savez, quand c'est sorti, le jugement Yergeau, on a fait une sortie le lendemain pour dire qu'on est préoccupés par ça, et on avait malheureusement peu de données sur l'article 636. Depuis ce temps-là, on a fait sortir des données. Vous savez, dans certaines régions du Québec, on atteint le 40 %... il y a 40 %, 50 %, 60 % des arrestations pour facultés affaiblies qui sont initiées grâce à un 636. On n'avait pas ce type de données là. Donc, on doit... C'est l'équilibre, hein, on doit préserver certains outils pour... et, en même temps, on doit éviter le profilage racial.

Mais je peux vous dire qu'il y a une très grande, je le répète, une très grande prise de conscience de tous les policiers au Québec, des directeurs de police. On a des énoncés de direction dans la plupart des services de police où... tolérance zéro à la discrimination, des contrôles, il y a des dossiers qui vont en déontologie à la Commission des droits de la personne. Donc, je pense qu'il y a une prise en charge actuellement, là.

Mme Maccarone : Serez-vous à l'aise de partager ces informations avec les membres du comité, parce que... de la commission? Parce que je pense que ça serait utile. Une des choses qu'on entend souvent, c'est qu'on a très peu de données en ce qui concerne l'article 636. Alors, si vous serez à l'aise, je pense que ce serait une information qui serait bienvenue.

M. Brochet (Pierre) : Avec plaisir. Oui, on les a au niveau de l'association...

Mme Maccarone : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Alors, je comprends qu'officiellement, vous allez faire parvenir tout ça au secrétariat de la commission?

M. Brochet (Pierre) : Oui.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée.

Mme Maccarone : Merci. Puis, si les lignes directrices faisaient partie d'une consultation, vous serez plus à l'aise?

M. Brochet (Pierre) : Oui. Bien, c'est ce qu'on dit, si on va de l'avant, parce qu'il y a l'élément lignes directrices pour le profilage racial, mais il ne faut pas oublier qu'il y a un article qui dit, de façon très large, des lignes directrices dans les activités policières. C'est là que la porte est ouverte très large. Ça fait que, nous, on dit : Ça nous inquiète. En même temps, si le gouvernement décide d'aller de l'avant, il faut absolument que les directeurs de police soient consultés, et que ce soit intégré dans la loi pour protéger cette indépendance-là.

Mme Maccarone : Merci. Je veux revenir à votre témoignage ainsi que votre mémoire. Quand vous parlez du rôle élargi du BEI puis le rôle du commissaire, vous utilisez à deux reprises... vous êtes surpris et vous êtes perplexes. Pourriez-vous nous guider d'abord de la façon que, vous, vous voyez, mettons, un amendement à la loi pour rejoindre vos préoccupations puis aussi de rejoindre ce que le ministre souhaite accomplir en ce qui concerne la réforme pour la police?

M. Brochet (Pierre) : Dans l'allocution que j'ai faite, j'ai parlé de ce qui a vraiment un impact négatif actuellement. Bien, premièrement, déjà, on change le nom, on parle d'un comité de déontologie, un tribunal administratif. Alors, déjà, c'est un message qui est passé aux policiers du Québec, mais, en plus, quand on ajoute des sentences qui... je dois dire, des sanctions qu'on intègre dans le projet de loi qui s'apparentent beaucoup plus à des sanctions qui sont données dans des procès criminels. Je ne sais pas si... Ça fait que, là, moi, écoutez... Puis, quand je dis qu'il faut garder les policiers engagés, mobilisés, c'est un enjeu. Il faut vraiment s'assurer que les gestes qu'on fait soient réfléchis, qu'on aille dans la bonne direction, et, quand je vous dis ça, ce n'est pas pour seulement...

M. Brochet (Pierre) : ...protéger les policiers pour faire en sorte que... Puis je peux en parler, je peux en témoigner, à Laval, le nombre de fusillades est en augmentation, etc. Donc, il faut toujours que l'on contrôle les gestes des policiers et qu'en même temps on s'assure qu'il y ait une liberté puis une confiance d'agir sur le terrain. C'est vraiment avec ça qu'on doit évoluer comme services de police. Ça fait que c'est vraiment au niveau des sanctions que ça nous préoccupe, on pense que ça va trop loin puis on pense que c'est notre responsabilité. Si on pense qu'un employé a des problèmes psychologiques, on doit prendre des mesures d'encadrement, bien, c'est notre responsabilité, c'est, on doit prendre et on les prend, ces responsabilités-là.

Mme Maccarone : Surtout quand on parle du dossier médical par exemple.

M. Brochet (Pierre) : Oui, surtout. Bien, il y a travaux communautaires, dossiers médicaux, ça, c'est... À la limite, tu sais, souvent, c'est presque, comme, humilier le policier, tu sais, c'est comme... Là, ce n'est pas un criminel, hein, il a été en déontologie puis... Tu sais, c'est ce qu'on dit, puis c'est important... puis j'ai une grande confiance à la commission, au comité de déontologie, c'est important parce que, si on a confiance à ces institutions-là, puis on... ça donne confiance à la population. Puis, si le policier a fait des erreurs, il a mal agi, bien, il y a des conséquences. Puis des journées de suspension, c'est ce qu'il y a actuellement puis je pense que ça devrait demeurer.

Mme Maccarone : Parfait.

M. Deramond (Didier) :C'est une très belle orientation aussi que la commissaire a prise... la nouvelle commissaire a prise en matière de prévention des comportements des policiers sujets à y avoir des plaintes, là. Bref, c'est vraiment... Et il faut vraiment continuer dans ce sens-là, à mon humble avis, là, de continuer à faire de la prévention. Alors, on voit mal comment... en matière de prévention, en rajoutant des mesures, comme Monsieur Brochet le dit très bien, là, comment ça viendrait... Ça viendrait aider peut-être les orientations qu'on souhaite prendre, le changement qu'on souhaite amorcer en matière de déontologie policière au Québec, pour le BEI.

Pour le rôle élargi du BEI aussi, Pierre en a parlé, effectivement, il y avait la transmission de documents de façon systématique aussi à différents organismes qu'on trouvait un peu particulier, là, la façon de faire, de transmettre des documents, là, à partir du BEI, que ce soit la déontologie, que ce soit un peu partout, de donner l'opportunité, du moins, dans un article de loi, de le faire. Alors, il y a des éléments confidentiels là-dedans, il y a plein de choses, là, qui nous préoccupent là-dedans.

Puis le rôle élargi du commissaire, bien, Pierre en a parlé, effectivement, c'est préoccupant par rapport aux mesures additionnelles et vraiment l'apport aussi de donner de l'information au ministre, qu'on puisse passer directement aux policiers, alors qu'on esquive un peu le directeur de police dans son rôle de gestion des ressources humaines.

Mme Maccarone : Et le vide juridique, les éléments de gouvernance que vous faites référence.

M. Deramond (Didier) :Oui, bien, c'est parce qu'il n'y a rien au niveau de la loi qui donne un processus uniforme dans les municipalités, notamment, là, quant aux allégations, aux suspensions, aux nominations des directeurs de police au Québec.

Mme Maccarone : Oui, parlez-nous un peu de la sélection de directeurs de police de la SQ. Vous avez souligné vos préoccupations dans votre mémoire.

M. Brochet (Pierre) : Bien, écoutez, c'est que ce que ça disait dans le projet de loi, c'est qu'en l'absence d'un sous-ministre, il pouvait être remplacé, mais nous, on pense que c'est une sélection extrêmement importante pour la province de Québec, évidemment, pour les citoyens, ça fait que ça devrait être précisé dans la loi, au moins que ce soit un niveau équivalent à un sous-ministre qui puisse remplacer le sous-ministre qui est absent, c'est... C'est tout aussi simple que ça.

M. Deramond (Didier) :Parce qu'on parle de personne désignée mais «désignée», ça peut vouloir dire plein de gens.

Mme Maccarone : Ça peut être large. Oui, oui, tout à fait. O.K. Puis, s'il me reste juste un tout petit peu de... un deux minutes, j'aimerais vous entendre parler en ce qui concerne l'éducation, sensibilisation de la population. Parce que, quand on parle de profilage racial, on a aussi entendu, par exemple, la Ligue des droits et libertés qui dit que la grande partie de la population ne sont pas au courant de leurs droits. Comment voyez-vous cet élément? Comment devons-nous le traiter aussi dans la lutte contre le racisme?

• (15 h 40) •

M. Brochet (Pierre) : Bien, écoutez, c'est un bon point et je pense que c'est vrai. Moi, j'ai lancé une démarche sondage. On a fait une démarche, je pourrais donner mon exemple, là, Nouveau regard, ce qu'on appelle un sondage avec une firme spécialisée au niveau de la perception des citoyens lavallois en lien avec la discrimination, puis effectivement on s'apercevait, à l'intérieur des démarches puis les «focus groups», qu'ils connaissaient très peu les moyens pour porter plainte. Ça fait qu'on avait des comités consultatifs qui nous disaient : Vous devriez illustrer davantage. Entre autres, on l'a fait. Sur notre site internet, on dit comment aller porter plainte. Ça fait que c'est vrai.

Puis là on parle de plus en plus de multiethnique. Puis là, des fois, on prend pour acquis que les gens des différentes communautés écoutent les mêmes stations de télévision que nous autres, mais ce n'est pas ça du tout, là, ils ont leur réseau à eux. Ça fait que c'est un défi de communication. Puis je dirais, pour un directeur de police dans un milieu multiethnique, c'est un défi de communication de rejoindre tout le monde quand tu veux vraiment te rapprocher des gens, te rapprocher des minorités. Ça fait que c'est... Le défi va demeurer constant.

M. Deramond (Didier) :Je siège aussi sur le comité de liaison avec la Commissaire à la déontologie. Donc, on a un plan d'action qui a été élaboré suite à l'arrivée de la nouvelle commissaire et puis on traite des communications...

M. Deramond (Didier) :...Justement, quand on parle de prévention, quand on parle de communication publique, c'est un point saillant du plan d'action.

Mme Maccarone : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion, s'il vous plaît.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Bonjour, Monsieur Brochet, Monsieur Deramond. Merci beaucoup d'être ici avec nous.

Écoutez, je vous entends, je vous entends....

(Interruption)

M. Fontecilla : ce projet de loi, un des principes qui président ce projet de loi, c'est d'accentuer l'indépendance des corps policiers. Et, vous, dans votre mémoire, vous ouvrez, vous affirmez que certains articles ouvrent la porte à l'ingérence politique. C'est un peu paradoxal. Et vous précisez que, si, en particulier l'article 307, qui est un des articles centraux du projet de loi visant à enrayer le phénomène du profilage racial, que... vous recommandez le retrait, s'il est appliqué, qu'il soit élaboré et... les lignes directrices en collaboration avec vous, là. Quelle forme ça pourrait être, cette collaboration? Est-ce que vous pensez que ça devrait être inscrit dans le texte de loi ou ça pourrait être fait par règlements? Expliquez-nous.

M. Brochet (Pierre) : La première partie de votre question, effectivement, ça peut sembler ambigu, mais ce que je constate dans le projet de loi, c'est qu'effectivement au niveau municipal, on a fait des grands pas en avant. Tu sais, là, il y a les relations entre les maires, le D.G., le directeur de police, puis ça avait été un enjeu direct de la commission Chamberland, on s'en souvient, ça fait que c'est un pas en avant. Mais, en même temps, de l'autre côté, on a... Puis c'est écrit textuellement dans l'article, là, on élargit le pouvoir du ministère de la Sécurité publique. Et là, ce n'est pas en raison des individus qui sont en place ou quoi que ce soit, mais il reste qu'on donne plus de pouvoirs à un autre niveau. Ça fait que, là, les directeurs de police, on va se retrouver, parce que, nos patrons immédiats, hein, c'est les villes aussi, comme, moi, c'est le maire, le D.G., là, c'est... Puis là, en même temps, bien, on va recevoir des priorités aussi du ministère de la Sécurité publique, selon la nouvelle loi, on peut recevoir des priorités, des directives, ça fait qu'il y a comme même un peu une ambiguïté à ce niveau-là.

Puis, écoute, je pense qu'on devrait être prudents, tu sais, je le répète, c'est pour ça qu'on... je pense qu'on devrait être prudents sur... Puis, je l'ai dit d'entrée de jeu, ça fait 38 ans que je suis policier, c'est quand même un changement majeur qu'on est en train de faire. Donc, on donne beaucoup, beaucoup de marge de manœuvre à un... Au gouvernement en fonction de cet article-là. Et, à moins qu'on, vraiment, qu'on le... mette des paramètres précis pour pas que ce soit dans les activités policières, si c'est au niveau administratif, je comprends mieux, mais ça peut facilement rentrer dans les activités policières, dans les opérations.

M. Fontecilla : Et comment éviter cela?

M. Brochet (Pierre) : Bien, on a parlé, si le gouvernement va de l'avant, bien, évidemment, c'est de le faire en consultation, en consensus avec l'Association des directeurs de police du Québec. Puis on le dit sans prétention : veux, veux pas, on est les experts en sécurité publique, tu sais, c'est notre métier, ça fait des années qu'on fait ça, puis en... Quand qu'on se regroupe, on a un conseil d'administration, on échange, on se challenge sur différents enjeux, on développe une expertise. C'est pour ça qu'on dit que cette... ces directives-là devraient être faites avec nous et que ça devrait être dans la loi.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Oui. Merci, M. le Président. Merci d'être parmi nous aujourd'hui avec la belle météo.

M. Brochet (Pierre) : Oui.

Mme Nichols : Petite question. Vous parlez, là, au niveau de la gouvernance, dans votre mémoire, qu'il y a des pistes de solutions, que vous avez des pistes de solutions, dans le mémoire, au Comité consultatif sur la réalité policière. Vous mentionnez que ça fait cinq ans, entre autres, là, que vous demandez que la gouvernance soit traitée par la loi sur la police. Dans le rapport final du comité, est-ce que c'est vos recommandations qui ont été retenues?

M. Deramond (Didier) :Tout à fait, au niveau du CCRP, oui, il y a plusieurs de nos recommandations qui ont été retenues dans les recommandations du CCRP, oui, tout à fait.

Mme Nichols : Parfait. Puis est-ce qu'il y en a une plus qu'une autre, là, que vous voudriez porter à notre attention puis qu'on devrait retenir?

M. Brochet (Pierre) : Bien, écoutez, l'enjeu, c'est qu'actuellement il y a des... puis c'est directement relié à l'indépendance, hein? Il y a des sélections, actuellement, de directeurs de police au Québec, au niveau municipal, qui se font sans processus connus à tout le moins, donc, d'un coup, on apprend que c'est untel qui est nommé directeur. Et, même s'il y a un processus, bien, il n'y a pas d'uniformité et une apparence d'impartialité dans le processus. C'est pour ça qu'il faut vraiment s'asseoir sur... dire : comment on sélectionne les directeurs de police au Québec pour aller accentuer l'indépendance, et qu'est-ce qui fait qu'on suspend, qu'est-ce qui fait qu'un maire ou un D.G. pourrait suspendre un directeur de police au Québec? Et, ça, ce n'est pas encadré non plus. Donc, est-ce qu'on mettrait des pares-feux ou des paramètres qui disent : c'est tellement important comme décision, si vous voulez aller de l'avant, suspendre votre directeur de police, il doit y avoir, par exemple, un comité de travail ou différentes mesures qui font en sorte que ça ne peut pas se faire de façon unilatérale par exemple.

M. Deramond (Didier) :Vous savez, une fois qu'un directeur est suspendu, le mal est fait, hein? La légitimité est attaquée...

M. Deramond (Didier) :...fortement, alors il est très difficile... Par la suite, on ne peut pas remettre le dentifrice dans le tube, c'est impossible, là. Alors, c'est pour ça qu'on dit... Tout à fait. Notamment, dans l'autre législature, là, qu'on a adressée, dans l'autre assemblée auparavant, le projet de loi n° 1 faisait état de la nomination du directeur de la Sûreté du Québec, de l'UPAC, et on s'est inclus dans ce projet de loi là. Donc, dans tout le processus de nomination, ça prend un directeur de police ou ancien directeur de police, dépendamment, là, de la nomination, l'endroit où on a un processus de sélection. Donc, on est inclus dans la loi pour s'assurer vraiment d'une transparence, avec des objectifs qui sont clairs, qui sont clairs, qui sont donnés lors de l'affichage de poste. Alors, on est capables, en toute transparence...

Puis on ne veut pas se substituer au choix final. Ce n'était pas là notre intention. C'est vraiment de s'assurer que les gens ont la compétence, ont la légitimité, que le processus est transparent, parce qu'on sait très bien... Comme Pierre le disait tantôt, quand ça va bien, tout est correct, mais c'est quand il commence à y avoir de l'orage, quand il commence à y avoir du mauvais temps, là, entre parenthèses, là. C'est là que la légitimité est remise en question, puis c'est là que l'absence de processus fait mal.

Mme Nichols : Je comprends très bien votre position. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci. À moi de vous remercier infiniment d'avoir été avec nous aujourd'hui. Très constructif, merci infiniment.

Sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

(Reprise à 15 h 51)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission continue ses travaux...

Le Président (M. Bachand) :...Alors, il nous fait plaisir de recevoir les représentants de l'École nationale de police du Québec, quand on parle de formation, formation, formation, alors donc, on a déjà avec nous... Donc, Mme Deschênes et M. St-Antoine, merci beaucoup d'être ici. Alors, comme vous le savez, la parole est à vous pour 10 minutes, après ça, on aura une période d'échange. Merci beaucoup d'être ici, encore une fois.

M. St-Antoine (Pierre) : Merci, M. le Président. Je me présente, Pierre St-Antoine, directeur général de l'École nationale de police du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui...

Mme Deschênes (Andréanne) : ...d'Andréanne Deschênes, directrice de l'innovation, des affaires académiques et institutionnelles.

M. St-Antoine (Pierre) : Alors, en quelques minutes, pour résumer notre mémoire de l'École nationale de police du Québec, lorsque le législateur a créé l'École nationale de police du Québec en 2000, trois mots clés qu'on a à se rappeler, pertinence, qualité, cohérence, et je pense que c'est ce qu'on veut encore par le dépôt de ce projet de loi là, c'est ce que je note. C'est qu'on veut, entre autres, en formation continue, assurer qu'il y ait pertinence, qualité et cohérence.

L'École nationale de police du Québec, c'est de la formation initiale de tous les policiers québécois. C'est également du perfectionnement professionnel. C'est un centre de recherche, c'est des expertises, mais c'est également de la formation dans le domaine de la sécurité publique. L'école nationale joue un rôle clé en matière de perfectionnement professionnel au Québec, et sa grande particularité, en plus de ses partenariats avec le réseau collégial et universitaire et les corps de police, c'est clairement son approche expérientielle. Donc, on ramène le policier, l'apprenant dans l'action, et c'est ce qui fait la grande différence ENPQ.

L'école déploie ses formations de différentes façons. Naturellement, on a beaucoup développé de nouvelles approches au cours des dernières années, que l'on pense au présentiel, en ligne, hybride, en campus, à Nicolet, hors campus bientôt, à Montréal, par une antenne, qu'on déploie à compter de janvier 2024. Mais tout ça se fait, naturellement, comme je le mentionnais, en concertation avec les acteurs du milieu.

Rappelons quelques éléments, si vous me le permettez, que le législateur avait intégrés dans la Loi sur la police en 2000, qui influencent un peu les règlements qui seront à venir au cours des prochains mois, là, si le projet de loi est adopté. Entre autres, l'aspect qu'annuellement, un plan de formation et un bilan de formation sont remis à l'École nationale de police du Québec, annuellement, par les corps de police québécois. Donc, ça, c'est un élément important, où l'école dispose déjà des données en matière de plans et de bilans de formation des organisations policières québécoises.

Rappelons qu'en 2000 la formation policière québécoise était classée en trois grandes catégories : la formation en patrouille gendarmerie, l'enquête et la gestion policière. Rappelons également que l'école peut confier à des établissements d'enseignement de niveau collégial et universitaire, des partenariats ou à des corps de police... donc, peut établir des ententes pour avoir des partenariats et de la collaboration, puis elle peut également homologuer des programmes de formation qui proviennent d'autres instances universitaires ou collégiales au Québec, ce qui, donc, la place dans un lieu central pour favoriser la concertation et la collaboration. Également, nous avons, dans notre institution, une commission de formation de recherche, qui lui permet de suivre le bilan du perfectionnement professionnel et d'en faire des constats.

Je souligne... Et l'école appuie cette démarche réglementaire là, tout particulièrement dans le domaine de la formation continue. Nous croyons, comme École nationale de police du Québec, que c'est un gain important que la réglementation, entre autres, en formation continue, qui est une nouveauté proposée... et qui va faire de l'école une... qui va faire du système québécois une amélioration par rapport à ce qu'on avait déjà.

Encore, la semaine passée, vous l'avez noté, le fédéral a sorti un rapport sur les pertes... en lien avec les pertes massives à Portapique, puis un des éléments... J'avais hâte de voir les grands constats, et, rapidement, en lisant ces constats-là, il y a une grande recommandation non seulement pour la GRC, mais pour l'ensemble des corps de police canadiens et des écoles de police canadiennes, qui disait : Rehaussez les programmes de formation, allez plus loin, on a besoin, au Canada, de rehausser les systèmes, à l'exception du Québec. Et quand j'ai vu le «à l'exception du Québec», j'avais une grande fierté, mais, en même temps, une humilité, parce qu'on a encore des choses à améliorer. Puis je suis très heureux de constater que l'élément qu'on a amélioré, c'est la formation continue, parce que, là-dedans, nos partenaires canadiens sont, effectivement, plus en avance que nous. Et là c'est un constat que l'on a, et que vous avez noté dans le mémoire de l'école.

Quelques points à considérer, sur la formation continue, qu'on désire faire noter. On pense, naturellement, que l'école peut jouer un rôle clé dans l'offre de formation, en collaboration avec ses partenaires collégiaux et universitaires, ainsi que les corps de police. L'école ne veut pas faire seule, veut faire avec. Le futur règlement devra également définir clairement la différence entre la...

M. St-Antoine (Pierre) : ...Formation continue et la requalification. Je pourrai vous en... aborder ces éléments-là, si vous voulez bien, tantôt.

Nous pensons qu'il devrait y avoir assurément une commission de formation continue qui devrait questionner les thématiques à couvrir en formation continue, le nombre d'heures et la périodicité des spécificités associées à cela avec les parties prenantes importantes pour que ces lignes-là, directrices, soient données en concertation.

Et on pense, également, il faut toujours penser... On m'a toujours dit : dans la vie, quand on pose une question, il faut être prêt à... Il faut connaître déjà la réponse ou il faut savoir comment gérer la réponse. Et, quand je vois le règlement qui s'en vient, est-ce que l'École nationale de police du Québec est en mesure d'assurer le suivi de cette reddition-là? Parce que, l'ensemble des corps de police, s'ils ont à faire de la formation continue obligatoire, bien, l'école est déjà un système de gestion des dossiers scolaires, a les outils, qu'on va devoir adapter, mais qui vont nous permettre de dresser le portrait et de mettre à jour ce portrait-là, de formation continue, québécois de ce qui se fait.

Parlons maintenant un peu de réglementation en gestion. Encore une fois, toutes les recherches, les rapports d'enquête du coroner, etc., des 20, 25 dernières années, pour les avoir lus dans mes 33 dernières années à l'École nationale de police du Québec, parlent de formation initiale en gestion. Et, déjà, c'est une capacité de réglementation qui se faisait. Et il n'y avait pas encore de consensus québécois, je pense, pour qu'il y ait une réglementation dans le domaine de la gestion. Et là, effectivement, je sens, comme directeur général de l'école, que le fruit est mûr au Québec, également, au-delà de la formation continue, pour qu'il y ait des réglementations en gestion au niveau du superviseur de premier niveau, du cadre intermédiaire et du cadre supérieur, et que ça peut vraiment faire une différence, ce qui a été, entre autres, noté dans le dernier rapport, de la semaine passée, du fédéral, en lien avec les événements de Portapique mais dans de multiples rapports québécois, là, et commissions, dont le Comité sur les réalités policières d'il y a quelques années au Québec.

Sur le plan de la gestion, encore une fois, la loi dit que l'école a l'exclusivité en matière de gestion, en formation initiale en gestion. Donc, on pense qu'on pourra y jouer, en partenariat, un rôle central. On pense que, cette formation-là, on ne veut pas la faire seule, je le réitère. Il y a des expertises-écoles, par exemple pour un superviseur de premier niveau, que l'École nationale de police du Québec a en gestion critique des événements, par exemple, mais, par la suite, il y a des ajouts en matière de formation universitaire qui pourraient se faire dans plein de domaines comme la gestion de conflits, les relations de travail, la gestion des ressources humaines, etc., et, entre autres, des formations d'intégration, à la fin d'un programme de gestion, qui pourront permettre d'allier toutes les expertises universitaires, collégiales et écoles pour que le nouveau gestionnaire puisse gérer adéquatement ces ressources. Encore une fois, tout ne doit pas se faire à Nicolet, hors Campus. Nicolet, antenne de Montréal, à compter de 2024, en ligne, et cetera.

Et, pour permettre d'implanter de façon réaliste un programme de formation qui viserait les trois niveaux, bien, clairement, le niveau de superviseur auprès de nos patrouilleurs et enquêteurs est clairement un niveau à prioriser, selon l'École nationale de police du Québec parce que ça permet tellement une belle intégration des recrues dans le métier de policier et de policière. Et ce désengagement-là, qu'on entend beaucoup parler et que vous avez, dans les derniers jours, entendu parler à la commission, également, bien, le superviseur de premier niveau peut y faire toute une différence dans l'intégration d'une recrue dans le cadre de son emploi.

Alors, globalement, c'étaient nos propos et notre introduction, École nationale de police du Québec.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment, M. St-Antoine. M. le ministre, s'il vous plaît.

• (16 heures) •

M. Bonnardel : M. le Président, M. St-Antoine, Mme Deschênes, merci d'être là... (panne de son) ...merci pour le travail que vous faites et de bien former. Vous l'avez dit, humblement, mais vous l'avez dit, puis je vous le... je ne suis pas gêné de le dire devant tout le monde pour le travail que vous faites depuis d'innombrables années pour former de très bons, très, très bons policières et policiers au Québec. Donc, là-dessus, un énorme merci. Et je sais que vous êtes entourés de très, très bonnes personnes...

Le Président (M. Bachand) :...

Des voix : ...

M. Bonnardel : Alors... Oui, c'est ça, alors, merci, encore une fois.

Mais vous avez évoqué, tantôt, dans le rapport sur Portapique, bon, oui, la reconnaissance du Québec est là, là, avec son école, mais j'ai retenu quelque chose. Vous avez dit : nos partenaires canadiens sont plus avancés que nous pour ce qui est de la formation continue. Puis C'est un point névralgique, je pense que tout le monde en convient, la formation continue, on l'a entendu assez souvent depuis hier, là. Pourquoi on est en retard, sur quelle base nous sommes en retard, et comment on peut aller chercher ce retard, d'ici les deux, trois prochaines années, on le souhaite, là?

M. St-Antoine (Pierre) : Effectivement, qu'on pense aux provinces de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, par exemple, et également le fédéral, avec la GRC, qui ont déjà plus de normes et d'obligations...


 
 

16 h (version non révisée)

M. St-Antoine (Pierre) : ...réglementaires ou législatives en matière soit de requalification, ou de formation continue, ou de perfectionnement des policiers une fois qu'ils ont leur formation initiale, puis peut-être que les autres instances provinciales, je vous dirais, sont plus avancées que nous là-dedans, puis mon interprétation, mon analyse de cela, c'est qu'ils sont peut-être un petit peu moins concentrés sur les formations initiales au cours des dernières décennies, et, étant donné que leur formation initiale est un peu plus courte, puis eux n'ont pas le privilège et la chance d'avoir un système collégial qui prépare les futurs policiers, policières, bien, ils se sont concentrés, pour regagner en compétence rapidement, dans leur système de perfectionnement policier et de maintien des compétences, de requalification et de formation continue.

Ils sont donc plus avancés parce qu'ils ont, au fédéral, par exemple, ce qu'ils appellent des entraînements en bloc où, annuellement ou aux deux ans, il y a des obligations pour des agents de la GRC d'avoir un certain nombre d'heures avec des thématiques qui sont décidées. C'est la même chose en Colombie-Britannique, c'est la même chose en Ontario. Il y en a au Québec, que l'on pense par exemple à l'obligation annuelle, en vertu du Guide des pratiques policières, d'être requalifié en tir ou sur une arme longue, sur l'arme électrique également. Mais c'est quand même assez succinct, comme obligation québécoise, que ce que l'on a, quand on se compare à nos collègues d'à travers le Canada.

M. Bonnardel : Comment, selon vous, on devrait articuler cette formation continue? Parce qu'on a entendu M. Brochet tantôt, il disait : À Laval, nous... Puis tantôt je vous poserai la question sur la requalification versus la formation, là, parce que c'est deux choses qu'il faut départager complètement, là. Mais de quelle façon, selon vous, on devait articuler ça, à savoir... Bon. Si Laval me dit : Moi, je fais cinq jours, la Sûreté du Québec fait x nombres d'heures, Laval... Montréal me dit : Moi, je fais un nombre d'heures x, donc, est-ce qu'on y va avec un mur-à-mur ou on laisse une certaine autonomie puis on prend vous, là, l'École nationale, puis on dit : Bien, c'est ça, là, qu'il faut être capable d'aller, minimalement, minimalement, chercher comme formation, selon l'évolution du travail des policiers dans le temps? Parce que je l'ai souvent dit, là, entre le policier d'aujourd'hui puis l'exercice qu'il aura, son travail qu'il aura dans 15 ans, versus celui qui est là depuis 15, 20 ans, vous le savez mieux que moi, ça a évolué, ça a changé, là.

Donc, comment vous pensez articuler cette formation, de quelle façon on devrait l'articuler?

M. St-Antoine (Pierre) : La première étape, dans toute étape de formation, M. le ministre, c'est d'établir les besoins. Puis on pense que la création, appelons-le, d'une commission de formation continue où il y a, naturellement, le ministère de présent, l'École nationale de police du Québec, l'ADPQ, l'Association des acteurs de police du Québec, SQ, SPVM sont les grands acteurs, les syndicats pourraient être présents également. Et cette commission-là pourrait permettre d'évaluer le besoin. Donc, si on y va avec une périodicité que, pour les deux prochaines années, voici le x heures de formation continue requise, établissons, premièrement, le quoi, quelle est cette catégorie de formation là.

Maintenant, dans le développement de l'offre, pour répondre à cela dans les deux prochaines années, c'est de dire qu'est-ce que l'école a déjà en stock, comme formation, qui répond à ces thématiques-là qui ont été sélectionnées, déterminées, un; deux, qu'est-ce qu'on peut développer, comme école de police, pour répondre à ces nouveaux besoins de la société, deux; appel à communication et à formation de la part de nos partenaires collégiaux, universitaires pour dire qu'est-ce que vous pouvez remplir dans cette offre-là de x heures, au cours des deux prochaines années, pour répondre aux besoins des policiers, policières au Québec; trois, appels aux services de formation, les corps de police également, parce qu'ils font également d'excellentes formations.

Une fois qu'on a tout ce bloc de formation, là, disponible, bien là, on offre aux corps de police la possibilité de remplir le x heures en allant avec certaines formations en ligne, certaines formations à distance, hors campus, mais également des formations avec des nouveaux modèles. Un modèle qui était présent à Montréal, au SPVM il y a quelques années, on appelle ça, le modèle des appels simulés, M. le ministre, c'est-à-dire que l'enjeu que les corps de police ont, c'est l'investissement qu'ils ont à faire en formation.

On peut également, dans certaines formations, permettre que le policier, dans une journée de travail de patrouille, on le retire de sa patrouille lors d'un appel de l'après-midi, on lui enlève son arme, on lui met une arme bleue. On dit : Dans la prochaine heure et 30, tu t'en vas faire une mise en situation avec un comédien sous la responsabilité d'un formateur ENPQ de ton corps de police qui était accrédité par l'école. Et là ça va être une mise en situation en matière d'interception, de profilage racial, d'interpellation, de pouvoir et devoir. Il va vivre cette mise en situation là, un débriefing de 15, 20 minutes avec un formateur accrédité. On lui remet son arme réelle, il s'en retourne sur le terrain.

Donc, il y a moyen de trouver autrement des façons de faire pour permettre que l'intégration des heures de formation requises en formation continue ne soit pas seulement un déplacement du policier, de la policière vers Nicolet, mais qui se fasse de différentes façons au cours des deux années, par exemple, qu'il aurait à remplir l'ensemble de son expertise. Ça...

M. Bonnardel : M. St-Antoine, c'est des pratiques qui se font déjà ailleurs?

M. St-Antoine (Pierre) : À Montréal...

M. St-Antoine (Pierre) : ...on faisait ça il y a quelques années et je sais qu'il recommence à intégrer ces éléments-là. Je vous dirais que c'est assez novateur au Québec, là, de... par l'expertise, puis nos équipes, justement, préparent des éléments comme ceux-là pour qu'on puisse déployer des activités de formation comme ça, pour que ça se fasse en cours d'emploi. Je donne un autre exemple de pratique novatrice en profilage racial, nous pourrons lancer bientôt des nouvelles capsules de formation d'une durée de 15, 20 minutes à compter... juste avant l'été, et ces capsules-là pourront être diffusées sur un briefing du matin, le rassemblement des patrouilleurs, des patrouilleuses, durent 15, 20 minutes, un répondant formé par l'école va faire une rétroaction pour faire un suivi de la capsule, 30 minutes avant qu'ils partent sur leur journée de patrouille, ils ont reçu une sensibilisation puis une formation en matière de profilage racial qui n'a pas exigé un déplacement, une connexion Internet, etc., etc. Donc, c'est... naturellement, il y a aussi des formations complètes, parfois, ça demande la présence, ça prend les mises en situation, mais il y a... Il faut avoir cette diversité-là et que ce ne soit pas juste de l'école, mais également de nos partenaires collégiaux, universitaires et du corps de police lui-même parce que si, SPVM, par exemple, ou SQ ont déjà une formation du même niveau homologué par l'école, mais pourquoi est-ce que ça ne serait pas possible qu'elle soit créditée dans ce programme de formation continue là mais homologuée par l'école, d'où la présence du rôle-clé et neutre de l'école et indépendant pour nous assurer d'une qualité, pertinence, cohérence, les trois mots que je vous ai parlé tantôt au début dans le projet de loi. Au... à la fin, il y a le déploiement de tout ça, donc de se laisser une périodicité suffisante pour que ça fasse sur deux ans ou sur trois ans, ne pas mettre un nombre d'heures sur un an, il y a des corps de police qui ont moins de flexibilité puis d'agilité dans le déploiement des programmes de formation, je pense que ça prend un certain temps. Et naturellement la reddition, et c'est là que l'école aussi peut jouer un rôle parce que, naturellement, vous allez nous demander des suivis, M. le ministre, et c'est tout à fait normal, mais nous, il faut avoir le suivi qui est global Québec et nous... nous comme institution centrale, bien, on va être en mesure, en s'outillant puis en adaptant nos systèmes, d'intégrer l'ensemble des acquis de formation en lien avec la formation continue et le «redditer» adéquatement sur le plan québécois. Ça fait que, globalement, c'est comment on voit que ça pourrait être articulé sur le plan québécois.

M. Bonnardel : Oui... l'école a la capacité de répondre à cette demande, à cette l'obligation qu'on... qu'on... qu'on va se donner tous ensemble?

M. St-Antoine (Pierre) : Naturellement, on va se donner, M. le ministre, des délais réalistes et on a... Tout est en place comme système à la base, il va falloir adapter des choses, mais il y a 10 ans, comme école de police, je vous aurais répondu : M. le ministre, nous allons tout faire et faire seuls. Aujourd'hui, en 2023, on va tout faire, mais en partenariat. Les trois éléments que je vous ai parlé, les éléments école, des éléments collégiaux et universitaires, des éléments des corps de police eux-mêmes, et c'est ce qui va faire qu'on... nous avons ensemble la capacité de répondre à ce... à cette réglementation.

M. Bonnardel : Dernière, une dernière, requalification, formation continue, rapidement.

M. St-Antoine (Pierre) : Et pour avoir lu vos travaux, je pense que c'est important d'en faire une différente, puis je vais laisser Mme Deschênes aborder ces... cette différence-là entre requalification et formation continue, si vous le voulez bien, M. le ministre.

Mme Deschênes (Andréanne) : En fait, nous, à l'école, on parle de requalification lorsqu'on est dans un domaine spécifique où on va vraiment établir des obligations de formation avec une périodicité obligatoire, puis ça... ça nous permet de maintenir un titre, une fonction, par exemple, en tir, on doit faire une requalification à chaque année pour pouvoir être en mesure d'utiliser son arme de service, même chose en sécurité routière, lorsqu'on parle des techniciens qualifiés en alcootest, bien, pour exercer, pour être en... reconnus, reconnus à la cour, ils doivent se faire requalifier pour maintenir cette certification-là. Donc, au niveau de la certification, c'est la requalification, c'est vraiment sous cet angle-là.

• (16 h 10) •

La formation continue, elle est plus... beaucoup plus large, c'est-à-dire qu'elle est... elle est différente, c'est-à-dire que ça peut être... elle pourrait devenir de la requalification, mais pas nécessairement, c'est-à-dire que là, vraiment, on va enrichir les compétences professionnelles avec différentes thématiques, donc ça peut être du légal, ça peut être des thématiques sociales, santé mentale, violence conjugale. Donc, on va être un petit peu plus large. Donc, on peut avoir une périodicité de formation et on n'est pas obligé d'aller dans de la requalification, c'est-à-dire que je ne suis pas obligé de mettre une obligation de dire : Je suis requalifié à chaque... à chaque trois ans sur la santé mentale. Ce n'est pas ça l'idée. L'enrichissement, c'est de se maintenir à jour, rester contemporain dans les nouvelles réalités qu'on doit vivre. Donc, c'est un peu la distinction qu'on fait, formation continue, beaucoup plus englobante, même à la limite pourrait englober la partie de requalification. Requalification beaucoup plus restrictive, je dirais. Je ne sais pas si ça... ça... ça vous éclaire un peu, là.

M. Bonnardel : Oui

M. St-Antoine (Pierre) : Puis si on prend un exemple, en ce moment en conduite d'urgence au Québec, il n'y a pas d'obligation d'être requalifié après la formation initiale en patrouille gendarmerie sur le... la conduite d'un véhicule d'urgence, donc par une ligne directrice, par un guide des pratiques policières, par une directive, on pourrait obliger un policier à tous les cinq ans d'être... d'avoir une formation de requalification en conduite d'urgence qui ne devrait pas, à notre avis, faire partie du bloc de formation continue, c'est vraiment un...

M. St-Antoine (Pierre) : ...une autre façon de voir les choses. En formation continue, par exemple, si on veut améliorer les interpellations, les pouvoirs et devoirs, bien, clairement, c'est en formation continue qu'on pense que ça pourrait être abordé. Mais après deux cycles de formation continue, ça pourrait devenir une requalification à refaire aux trois ans, aux quatre ans, si on le juge à propos.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. J'aurais le député d'Ungava, puis après ça, j'aurais le député de Vanier-Les Rivières. 

M. Lamothe : Bonjour. Vite fait. Bon. Formation continue à distance, décentralisation, quant à moi, c'est le secret, c'est le secret. Que ce soit d'embaucher des formateurs régionaux, locaux, peu importe, avec une base, ça évite les déplacements, ça réduit les coûts. Il n'y a pas d'excuse pour les corps de police, les villes, ou qui que ce soit, dire : Bien là, les budgets achèvent, on ne peut pas former. La formation des policiers, en 2023, elle est importante, puis il faut qu'elle soit uniforme, hein, on dit le mot "uniforme". J'ai-tu encore une minute...  je ne veux pas prendre le temps de la collègue, là. C'est de l'innovation, puis ça, c'est... on est là, on est vraiment là. Si on parle d'innovation, moi, ce que je parle au niveau formation des corps policiers autochtones en anglais. Je pense qu'à un moment donné il faut que l'École nationale de police se penche là-dessus. C'est la réalité. Je comprends tout ce qu'il en est de la loi 96, je comprends ce qu'il en est du français. Mais il y a des places chez nous en trop, les corps policiers cris. Il y a des Cris qui peuvent devenir policiers, mais quand il arrive, à un moment donné, de la formation, que ce soit... terminé... cégep ou peu importe, il y a un bogue. Je pense qu'un moment donné... les PQ, dans le temps que j'étais là, c'était les PQ. Mais je pense que l'École nationale devrait avoir une flexibilité autant qu'au niveau de la formation décentralisée.

Puis, en terminant, les normes d'acceptabilité à Nicolet, je reviens encore avec des autochtones, ce n'est pas nécessairement d'être avec les normes provinciales partout. Je comprends que c'est important, la condition physique puis rencontrer ces normes-là, mais chez les Cris, c'est un problème ça aussi, parce que tu as des Cris qui ne rencontrent pas ces normes-là, qui feraient de très bons policiers. Puis, moi, je crois aux corps policiers autochtones dans leur milieu. Ils ont la sensibilité, ils ont l'écoute, puis c'est plus facile pour tout le monde, que ce soit les résidents, pour eux-mêmes. Je pense qu'il y a une flexibilité qu'il devrait y avoir là. Mais au niveau formation, décentralisation régionale, félicitations parce que ça va être accessible à tous, puis je pense que c'est le but de tout le monde qu'il y ait  la même vision, la même façon de faire.

Le Président (M. Bachand) :M. St-Antoine, peut-être rapidement, parce que j'ai un autre député qui veut poser une question. Allez-y.

M. St-Antoine (Pierre) : Vous dire, M. le député, que, depuis 2012, les corps de police autochtones nous ont tous demandé d'avoir la même formation que tous les policiers québécois. On peut vous assurer qu'ils l'ont depuis 2012. On n'a plus de programme de constable spécial, ils peuvent juste travailler en communauté. La formation qui est donnée par l'école en anglais et en français leur donne l'accessibilité à tous, à toutes les communautés. Lorsqu'on n'est pas capable en anglais de répondre en formation initiale, on a des partenariats avec l'Ontario Police College en Ontario, qui nous permet de collaborer avec eux, et en formation en enquête également.

Et une forte partie de notre perfectionnement professionnel est également offerte par des policiers formateurs autochtones en anglais et en français dans les communautés policières. Mais il y a des enjeux, effectivement, en lien avec le recrutement, et on travaille fort pour améliorer cela, je vous le confirme. Merci de votre propos.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Rapidement, M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Asselin : Oui, rapidement. Monsieur St-Antoine, madame Deschênes, merci beaucoup pour votre intervention. Je voudrais vous entendre sur le pourquoi est-ce que la formation l'École de police neutre, en quoi le caractère neutre de votre institution fait que vous avez duré dans le temps et que vous êtes devenus... disons que vous avez une expertise particulière à ce niveau-là, parce que l'École de police est renommée au Québec?

M. St-Antoine (Pierre) : Je pense que c'est par nos partenariats, par le fait que la particularité, c'est que le futur policier québécois y est formé et par les collèges, dans des milieux ouverts sous le ministère de l'Éducation, et par l'école sous le ministère de la Sécurité publique, avec des partenariats avec les universités, ont été les premiers à faire un bac en sécurité publique, en partenariat avec l'Université du Québec à Trois-Rivières. C'est assez exceptionnel, depuis les années 70, quand mes partenaires canadiens me regardent, ils nous envient bien sincèrement. Ils regardent le Québec pour... D'ailleurs, j'avais des appels, depuis la semaine passée, suite à Portapique, pour me dire : Donne-nous ton modèle québécois, parce qu'on veut l'importer puis on veut voir comment ça fonctionne. Dis-nous quel est ce partenariat-là.

Ça fait que je pense que c'est le partenariat qui fait cette différence-là, mais humblement c'est parce qu'aussi il faut se laisser influencer, grandir, puis changer, puis modifier notre programme de formation pour suivre la société. Et c'est ce qu'on tente de faire avec le maximum de flexibilité, mais ce n'est pas toujours facile, parce qu'on veut grandir de l'intérieur dans le même temps de formation, d'où l'importance de faire autrement, puis c'est ce qu'on fait en ce moment.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

M. St-Antoine (Pierre) : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Westmount-Saint-Louis...

Le Président (M. Bachand) :...s'il vous plaît.

Mme Maccarone : Bonjour, M. St-Antoine.

M. St-Antoine (Pierre) : Bonjour,

Mme Maccarone : Bonjour, Mme Deschênes. Un plaisir de vous avoir avec nous. Vous êtes tellement passionnés, j'ai envie de suivre des cours. J'aime ça. Je trouve ça bien. Qu'est-ce que vous offrez présentement comme formation pour combattre le profilage racial?

M. St-Antoine (Pierre) : Alors, naturellement, dans tout le programme collégial en techniques policières, il y a 1 800 heures de formation, dont autour de 150 heures, dans les collèges, qui touchent plus spécifiquement tout ce qui est l'ouverture à la diversité, dont le profilage racial.

Quand on parle de profilage racial et d'interpellations, il ne faut pas oublier tous les pouvoirs et devoirs, toutes les formations en matière de juridique qui donnent la confiance aux policiers, et la connaissance, et la compétence aux policiers de savoir quand agir, comment agir et avec quels droits et quels pouvoirs il peut agir. Ça, ça fait une extrême grande différence. À l'école, il y a des rappels là-dessus, des mises en situation, des scénarios qui sont accordés pendant le 500 heures, École nationale de police du Québec. Puis, sur le plan du perfectionnement, suite à une collaboration entre la CDPDJ, le ministère, l'École nationale de police du Québec et les corps de police, à compter de l'été prochain, nous avons un nouveau programme de perfectionnement que je parlais tantôt qui va être offert sur les lieux de formation sur l'ensemble du Québec - de cinq ou six capsules, Mme Deschênes?

Mme Deschênes (Andréanne) : Cinq capsules.

M. St-Antoine (Pierre) : Cinq capsules qui vont traiter, sur un an et demi ,de profilage racial pour que ça puisse être maintenu comme élément de compétence dans les corps de police, mais avec des rappels sur le plan des pouvoirs, devoirs, des interpellations avec des notions de qu'est-ce que le racisme, les biais, l'ouverture à diversité. C'est couvert de différentes façons et ça va être couvert. Donc, en gros, là... Et naturellement on a des partenariats avec les universités. Dans le bac en sécurité publique, il y a des formations que les policiers peuvent s'inscrire en matière d'ouverture à la diversité dans différents domaines. Il y a des formations ouverture autochtone, et sur le site de l'école même, le rapprochement de nos formations initiales autochtones avec nos formations allochtones fait une grande différence. Quand j'accueille nos aspirants autochtones et que je vois qu'ils sont entremêlés beaucoup avec nos formations régulières, ce rapprochement là des dernières années fait toute la différence dans l'ouverture vers l'autre. Quand tu as un ami autochtone puis tu as un collègue autochtone et allochtone, à partir de tes débuts de formation, tu vois plus l'autre de la même manière jamais, et puis je pense que ça, ça peut faire une grande différence.

Mme Maccarone : Les rappels vont être obligatoires?

M. St-Antoine (Pierre) : En ce moment, non. En perfectionnement, non. C'est-à-dire que nous, on offre la formation à l'ensemble des corps de police québécois, d'où l'importance d'un programme de formation continue avec des thématiques réglementées. Si vous lancez ça dans l'univers, Mme la députée, bien, il n'y aura pas de réponse, nécessairement.

Mme Maccarone : Même question, sauf que je change pour l'état mental perturbé, quelle formation offrez-vous?

M. St-Antoine (Pierre) : Alors, encore une fois, sur le plan collégial, la santé mentale, encore il y a quelques années, le ministère de l'Enseignement supérieur a rehaussé d'une trentaine d'heures le programme de formation collégiale. À l'école. On est en train de réviser notre programme parce que vous savez qu'on passe de 650 aspirants policiers annuellement à 1 000 grâce à un financement gouvernemental qu'on vient de recevoir dans le dernier budget. Et en plus, on fait une révision où on ajoute des plateaux, des mises en situation en matière de santé mentale. Donc, le futur policier est clairement bien préparé.

• (16 h 20) •

En perfectionnement maintenant, depuis déjà quelques années, on a une formation en communication, en désescalade, en l'intervention auprès d'un individu qui a des problématiques de santé mentale. On a eu une nouvelle offre de services en collaboration avec la SQ. La SQ nous a offert son programme qui s'appelle Réponse état mental perturbé, REMP appelé dans le milieu. Nous avons des formateurs NPQ qui sont en finalisation d'être formés. Ça va être déployé sur l'ensemble du territoire, non seulement pour former d'autres corps de police municipaux, mais également pour aider la SQ dans son déploiement auprès de ses propres unités à travers le territoire québécois.Mais on a également, de notre côté, une formation en ligne sur la communication, désescalade, intervention en santé mentale et des formations pratiques qui sont associées. Mais, encore une fois, elles sont offertes, ça ne veut pas dire qu'il y a des inscriptions, et nous, l'offre est prête. La question c'est : Y a-t-il des inscriptions? Et cette formation-là continue et la réglementation peut faire une différence.

Mme Maccarone : Bien, tout à fait, puis on a entendu hier avec l'APPQ qui nous ont dit je pense que c'est à peu près un tiers des policiers qui ont cette formation de REMP. Alors, est-ce qu'il y a un moyen d'offrir cette formation pour que ça soit plus facilement accessible pour eux aussi? Je vous ai entendu, pas nécessaire de toujours se déplacer à Nicolet, on peut faire des choses en ligne. Mais, étant donné que c'est tellement particulier, est-ce que ça, on a un moyen d'offrir aussi cette formation au sein de notre réseau de santé et services sociaux? Parce qu'on comprend qu'eux, ils font partie de la problématique.

Vous savez probablement que j'ai déposé un mandat d'initiative. Je souhaite sincèrement étudier ce phénomène et cette cause, car on voit une augmentation assez importante en ce qui concerne la violence à travers la province, depuis 2005, de 21 %. Puis quand on parle de l'état mental perturbé, les fameuses portes tournantes, ça varie, les interpellations en neuf...

Mme Maccarone : ...et 127 %. Alors, est-ce qu'on a moyen d'encapsuler ça pour que ça soit plus facile pour nos policiers ainsi que le réseau de santé de recevoir la formation de vous aussi?

M. St-Antoine (Pierre) : Bien, déjà, REMP, ou notre formation sur la santé mentale, est déjà partiellement en ligne. Mais je vous rappelle, l'expertise ENPQ, c'est aussi de l'approche expérientielle. Il vient un moment, comme futur policier, ou policier actif, ou policière active, vous devez avoir des pratiques, des scénarios, des mises en situation qui amènent de la communication. L'interaction avec un comédien professionnel de l'école... Vous savez, quand je vois une scène de violence conjugale à l'école, je vous rassure, c'est simulé, ça fait 30 ans que je les vois, j'ai encore les émotions, parce que nos comédiens sont exceptionnels. Puis ça, il n'y a pas une vidéo qui va remplacer ça. Et je tiens à le rappeler. Ça coûte cher, la formation policière. Il faut avoir un juste équilibre entre le «en ligne», le «hors campus» et le «en présence», mais il y a des moments où ça prend quelqu'un qui va interagir avec notre policier et qui va faire la différence dans l'acquisition de sa compétence.

Mme Maccarone : Une dernière question que je pourrais vous poser. Je souhaite vous entendre... Je sais que vous faites, quand même, des études en ce qui concerne le désengagement policier, puis vous êtes... à la troisième phase, si je ne m'abuse. Je souhaite vous entendre là-dessus, surtout en ce qui concerne les nouvelles mesures déontologiques qui font partie de cette loi. Est-ce que... Parce que là vous êtes en train de former des nouveaux policiers qui n'ont pas d'expérience, nécessairement, sur le terrain. Ça fait que ce n'est pas un changement de procédure pour eux. Ça va être une insertion dans une position où ça va être une première expérience. Est-ce que ça, ça va engendrer plus de désengagement ou est-ce qu'il va y avoir un effet plutôt positif en ce qui concerne le contrôle puis... de comportement?

M. St-Antoine (Pierre) : La troisième phase de l'étude sur le désengagement que l'école a faite était une phase qui suivait une rencontre de 21 policiers, policières québécois pour évaluer : c'est quoi, pour vous, le désengagement, comment vous le voyez, est-ce que vous voyez des actes, des actions de désengagement dans votre environnement policier au quotidien, et cetera. De ça, on a fait un questionnaire qu'on a envoyé dans le milieu policier par les médias sociaux, on a validé la gestion de qui répondait à ce sondage-là, et 3 000 policiers, policières au Québec nous ont répondu.

Là, en ce moment, on est dans l'analyse de ces 3 000 policiers là. Déjà, on sait que... Par le 3 000, sur 15 000 policiers québécois, on voit qu'il y a un intérêt d'entendre parler de cette thématique-là. Dans l'échantillonnage, de façon préliminaire, ce qu'on sait en ce moment, c'est qu'il y a clairement un mouvement de désengagement au Québec, mais, en ce qui a trait la hauteur et la spécificité, bien, notre chercheur va revenir de son congé de maternité bientôt, puis on va pouvoir finir les éléments d'étude et analyser les 8 000 commentaires qu'on a eus des 3 000 policiers dans l'ensemble des éléments de réponse pour justement évaluer comment... quel est l'état de situation sur le désengagement, mais surtout comment est-ce qu'on doit l'adresser, comment est-ce qu'on peut ramener l'engagement policier. C'est ça, le rôle de l'école, c'est de faire le point sur une problématique qu'on vit puis dire : En formation, en action, en intervention, qu'est-ce qu'on peut faire de mieux?

Clairement, ce qui se dégage, c'est le soutien de la part de l'organisation elle-même ou ou politiquement qui est extrêmement important de la part du policier sur le terrain, de sentir qu'il est soutenu dans ses interventions policières. Sur le plan de la formation, clairement, la gestion du stress au quotidien, d'avoir un climat de travail harmonieux avec ses collègues de travail, de sentir qu'il a une écoute de ses collègues de travail et fait vraiment une grande... une grande différence. Un problème associé au désengagement, c'est souvent l'impact médiatique, les caméras qui les... qui filment tout, la crainte d'être sur les médias sociaux pour une petite bourde qu'ils viennent de commettre. Ça, ça crée vraiment des actions de désengagement. C'est ce qu'on constate en ce moment. Mais clairement, on peut se trouver... trouver grâce à cette étude-là, qu'on va avoir les conclusions dans les prochains mois, des nouvelles pratiques puis des façons de faire pour ramener un meilleur engagement policier. Donc, il vaut mieux agir en prévention tout de suite avant que cette problématique-là s'aggrave.

Mme Maccarone : ...avec les mesures déontologiques qui sont comprises dans cette loi, est-ce que ça, ça va engendrer plus de désengagement, moins...

M. St-Antoine (Pierre) : Bien, un peu comme mes collègues l'ont abordé, de l'ADPQ et des corps de police, ce n'est pas évident, là, le fragile équilibre entre responsabiliser le policier et le suivre sur le plan déontologique versus lui laisser sa capacité d'action sur le terrain. Alors, il est clair, selon ma perception de l'étude que j'ai devant... avec les travaux préliminaires que j'ai devant moi, que l'ajout de certains éléments de... punitifs ou de sanctions pourrait amener un impact sur le désengagement policier au Québec, oui.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Avant de passer la parole... Laurier-Dorion, donc, on parle d'une étude qui va être partagée publiquement, M. St-Antoine?

M. St-Antoine (Pierre) : Vers le premier trimestre de 2024, absolument, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion, s'il vous plaît.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. M. St-Antoine, Mme Deschênes, merci beaucoup d'être ici avec nous, là. Votre expertise est essentielle à nos travaux.

Écoutez, vous parliez tantôt de, comment dire, la présence...

M. Fontecilla : ...de vos élèves d'origine autochtone avec des élèves blancs, là- on va les appeler comme ça- et c'était très prolifique, ça. Ça m'a amené à vouloir aborder avec vous un sujet, là, qui a été... qui n'a pas été mentionné, là, c'est la question du recrutement. Certains disent, là, et affirment que nos services de police sont trop blancs. Il n'y a pas assez de diversité. Et certains disent qu'il est très difficile de recruter dans les communautés racisées, communautés noires, arabes et latinos, etc. Et quels sont vos... quelles sont votre réflexion sur ce... Est-ce que c'est vrai qu'on a de la difficulté à recruter? Est-ce qu'il y a des efforts? Est-ce qu'il y a des choses qui peuvent être faites?

M. St-Antoine (Pierre) : Alors, déjà pour avoir 1 000 aspirants policiers en formation à compter de septembre dernier, le ministre a autorisé 240 attestations d'études collégiales. C'est-à-dire qu'il y a deux moyens de devenir policier au Québec : trois ans de techniques policières, 15 semaines à l'École de police, diplôme, accès à la profession; deuxième moyen, attestation d'études collégiales après un autre DEC dans un autre domaine, avec une promesse d'embauche d'un corps de police. Donc, l'option d'aller chercher des gens, par exemple de la diversité et par la suite, 15 semaines à l'école et embauche. Habituellement, les attestations d'études collégiales étaient au nombre d'environ une trentaine par année, et là, grâce au fait... aux besoins importants de sécurité publique au Québec, il y a une hausse à 240 à compter de septembre prochain. Donc ça, ce sera une belle occasion d'aller accéder à la diversité.

Naturellement, les collèges sont pleinement sensibilisés à faire du recrutement des admissions en ouvrant la diversité, que ce soit beaucoup à Montréal. Maisonneuve, Ahuntsic, John-Abbott sont des collèges qui travaillent, entre autres, eux, là, très, très fort à ouvrir à cette diversité-là. Les corps de police, par leurs services de recrutement, vont dans les petites... c'est au niveau des écoles secondaires qu'il faut aller chercher cette diversité-là. Nous, l'école, on est au bout de la machine à saucisses puis on n'est pas au début.

Il ne manque pas d'intérêt à devenir policier, policière au Québec. Je vous le dis, là, clairement, mais clairement, quand vous venez d'un milieu racisé, ce n'était peut-être pas historiquement valorisé comme métier, d'où l'importance... On peut prendre l'exemple de M. Fady Dagher, directeur du Service de police de Montréal, d'origine libanaise, et qui a vécu en Côte d'Ivoire, qui a eu la piqûre de la police lorsqu'il est arrivé au Québec à 17 ans puis que, là, il a décidé de s'en aller comme futur policier. Mais cette piqûre-là, il faut la donner. Puis, l'école accueille des gens annuellement des institutions primaires et secondaires de Montréal qui viennent nous visiter, puis parfois on voit dans les yeux, l'étincelle, puis on les revoit trois ans après, quatre ans, après arriver à l'école. Ça fait que c'est des petits gestes, mais qui vont faire la différence pour avoir cette diversité-là dans notre communauté policière au Québec.

M. Fontecilla : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Allez-y, M. le député, en terminant.

M. Fontecilla : En ce moment, est-ce que vous arrivez à atteindre les objectifs? Est-ce que vous vous placez des objectifs?

M. St-Antoine (Pierre) : Nous n'avons pas d'objectif à l'ENPQ, mais bien clairement, en ce moment, il y a des difficultés à atteindre les objectifs. Nous espérons entre autres par le 240 de cette année que le Service de police de la Ville de Montréal, qui a 130 aspirants policiers dans ce groupe de... là, sur les 24, auront toute la liberté d'aller recruter des gens de la diversité puis d'être dans l'action pour justement hausser ce pourcentage de diversité, bien entendu, à Montréal.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci d'être parmi nous. Félicitations! C'est vrai que l'école de police a une belle réputation puis ça rayonne, ça rayonne partout. Donc, je pense qu'on est bien fier, bien fier de ça au Québec aussi.

J'avais une petite question. Il y avait plusieurs commentaires là, parce qu'on parlait, là, que des civils pourraient devenir enquêteurs. On le sait, là, vous êtes une institution qui croyez beaucoup en la formation, qui sort des policiers, là, avec une formation extraordinaire de votre école. Qu'est-ce que vous pensez de tout ça? Vous avez sûrement un avis à nous donner.

M. St-Antoine (Pierre) : Mme Deschênes. 

Mme Deschênes (Andréanne) : Bien, nous, on pense... en fait, on se positionne un peu comme comme nos partenaires policiers, c'est-à-dire qu'on pense que c'est pertinent ,dans des domaines très nichés de formation, en cyberenquête entre autres. Donc, on pense..., on croit à ça, ce mariage-là, entre les civils et l'expertise policière, puis d'ailleurs, c'est ce qui fait notre force à l'école, c'est ce mariage entre nos civils et nos policiers. Donc nous, de permettre cet accès-là à des civils dans des fonctions très nichées, particulières, on y croit, on pense que c'est pertinent, puis on le vit, là, avec d'autres, avec l'UPAC, avec le BEI. Entre autres, on voit que ça amène une valeur ajoutée, là.

Mme Nichols : Mais un civil qui ne va pas peut-être à devoir faire des opérations typiquement policières, est-ce qu'on ne devrait pas lui demander justement de bifurquer puis d'aller faire un peu de formation à l'École nationale police?

• (16 h 30) •

Mme Deschênes (Andréanne) :  Oui, tout à fait.

Mme Nichols : Est-ce que ça ne pourrait pas être une suggestion?

Mme Deschênes (Andréanne) : Bien, présentement, c'est un peu ce qu'on vit avec les enquêteurs de l'UPAC, entre autres, là, qui viennent vraiment faire une formation complète, formation initiale avec nos partenaires, un bout au collégial et, par la suite, ils viennent à l'École nationale de police, donc une formation initiale qui est vraiment complète, qui s'inscrit dans un corpus similaire. Donc, ils vont chercher un bagage, là, de base puis, par la suite, ils vont s'inscrire dans le même cheminement des policiers...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Deschênes (Andréanne) : ...donc, oui, c'est tout à fait... c'est essentiel, je pense, là, de pouvoir aller...

M. St-Antoine (Pierre) : Et, si vous me permettez, c'est extrêmement important, parce que ce n'est pas parce que vous avez un bac en droit, en informatique, en technologie, ou peu importe quel autre domaine, que vous avez cette expertise-là d'enquête, par exemple. Et cette formation-là préparatoire en enquête ramène, en 15 semaines, tout ce qu'il n'a pas fait pendant son trois ans de techniques policières, 15 semaines à l'École nationale du Québec, et sept, huit ans de patrouille. Rapidement. Donc, on réinvestit ses expertises universitaires comme futur employé, et par la suite il rentre dans le même créneau de formation initiale en l'enquête que tous les policiers québécois.

C'est ce qu'on fait, en ce moment, pour l'UPAC et le BEI. On pense que ça pourrait être un itinéraire qui pourrait être extrêmement identique ou similaire, là, pour les futurs enquêteurs spécialisés des corps de police réguliers.

Mme Nichols : C'est parce que ce sera une formation moins longue ou...

M. St-Antoine (Pierre) : Tout à fait. Absolument. 

Le Président (M. Bachand) :Rapidement.

Mme Nichols : Oui, rapidement. Vous ajustez votre cursus, là, vous ajustez votre formation aux réalités policières sur le terrain. J'ai vu, là, qu'il y a des sondages qui sont faits. Vous l'adaptez aussi en fonction des sondages et des experts que vous consultez. Est-ce qu'il y a d'autres... Tu sais, le pouls vient d'où, pour ajuster, mettons, votre plan de cours, ajuster les formations que vous donnez? Est-ce que ça vient des différents corps policiers, de l'Association des directeurs? Ça vient d'où, en gros?

M. St-Antoine (Pierre) : L'école fait partie... On a fait un décompte, il n'a pas longtemps, Mme la députée, de 53 comités différents, nationaux, internationaux. On fait partie d'un réseau international qui s'appelle Francopol, qu'on a fondé que la Sûreté du Québec en 2008, qui est le réseau international francophone de formation policière. On fait des appels à collaboration pour demander des thématiques particulières, voir qu'est-ce qui se fait de mieux dans ces pratiques-là. C'est les comités, c'est les rapports du coroner, les rapports d'enquête, tout est analysé. Nos experts vont eux-mêmes témoigner dans des rapports d'enquête et du coroner.

Naturellement, les rapports, comme le CCRP, nous amènent beaucoup d'apports aussi, la réalité policière, les nouveaux outils, tout ce qui existe dans le milieu policier, on était... vraiment d'être en vigie, en veille. On a un centre de recherche qui va chercher de meilleures pratiques également. On est en collaboration avec les réseaux policiers québécois nationaux. On essaie vraiment...

Mme Nichols : ...de vous mettre...

M. St-Antoine (Pierre) : Effectivement, puis d'où l'importance d'être flexible, d'être agile. Ce n'est pas toujours facile, mais on le fait avec les autres.

Le Président (M. Bachand) :Sur ce, madame Deschênes, monsieur St-Antoine, de notre École nationale de police du Québec, merci infiniment d'avoir été avec nous cet après-midi. Je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

(Reprise à 16 h 38)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir de recevoir les représentants du Bureau des enquêtes indépendantes du Québec. Alors, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi, alors, monsieur Goulet, madame Plourde. Alors, vous connaissez les règles de la commission, une petite présentation de 10 minutes, après ça on échange avec les membres. Merci encore, et la parole est à vous.

M. Goulet (Pierre) : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je me présente, Pierre Goulet, directeur du Bureau des enquêtes indépendantes depuis 2020, avocat de formation depuis 1989. Je suis accompagné par Maître Amélie... Mélissa Amélie Plourde, excuse-moi...

Mme Plourde (Mélissa Amélie) : Bonjour.

M. Goulet (Pierre) : ...qui est avocate depuis 2003. Elle est au bureau depuis 2018 et elle garde son statut d'avocat... d'avocate, mais elle est superviseure aux enquêtes au bureau. C'est la première civile à occuper une fonction du genre.

Alors, je remercie la commission d'avoir invité le BEI à partager ses réflexions sur le projet de loi. Comme vous l'avez vu dans notre mémoire, on s'est attardé surtout aux points qui avaient un impact particulier sur notre travail. Si vous me permettez, je vais suivre le mémoire en vous indiquant à quelle page je me trouve présentement. Je vais vous inviter à vous trouver en page 5. Je voudrais juste rappeler quelques faits pour présenter le BEI pour ceux qui ne le connaîtraient pas.

Alors, le BEI a été fondé, créé et institué en vertu de la Loi sur la police en 2013 et a débuté les opérations en juin 2016. Nous sommes un corps de police spécialisé, comme l'UPAC, et les membres du BEI sont des agents de la paix et détiennent des pouvoirs et des devoirs, évidemment, qui découlent de leur statut. Quand on dit corps de police spécialisé, ça veut dire que les cas où le BEI peut enquêter doivent être définis par la loi. C'est ainsi qu'en page 5 vous allez voir notre mission, qui est décrite de façon plus précise.

• (16 h 40) •

Mais laissez-moi juste vous dire qu'au départ le BEI enquête surtout sur ce qu'on appelle les enquêtes indépendantes, des événements où une personne décède, a subi des blessures graves lors d'interventions policières. Ce n'est pas une enquête sur une infraction criminelle commise par un individu, mais sur un événement. Par contre, nous avons deux autres mandats qui nous ont été confiés au fil du temps, dont un qui été ajouté à la Loi sur la police, qui nous permet d'enquêter sur toute allégation relative à une infraction à caractère sexuel commise par un policier en fonction. Et, plus récemment, en 2018, suite aux événements de Val-d'Or, la commission Viens, on a confié au BEI la mission d'enquêter toute allégation relative à une infraction criminelle commise par un policier, en fonction ou pas, lorsque le plaignant ou la victime est autochtone. Une précision importante, le BEI ne dépose pas d'accusations criminelles. Tous ses dossiers sont soumis au Directeur des poursuites criminelles et pénales, à qui il revient de décider ou pas si des accusations criminelles doivent être portées.

Au niveau de la composition de notre bureau, on parle de 52 ressources présentement, huit personnes dans l'équipe d'administration, mais au niveau des enquêtes, ce qui est intéressant, qui a été remarqué par certains groupes dans leur représentation à la commission, c'est le fait que l'équipe d'enquête est composée d'ex-policiers et je vais les appeler des ex-civils. D'ailleurs, Monsieur Saint-Antoine vient de vous parler de la formation poursuite avec l'UPAC... on est engagés dans cette voie-là. Et nous avons au total 41 enquêteurs et superviseurs. Puis, parmi ceux-ci, 18 sont des ex-policiers et 23 sont des civils. Il faut comprendre que le règlement qui gouverne le BEI oblige le directeur à favoriser la parité, donc à 23, 18, c'est...

M. Goulet (Pierre) : ...à l'équipe qui s'occupe des enquêtes et de la supervision des enquêtes. Vous allez remarquer, en page 6, la diversité de formation et de provenance des membres du bureau. Ça vous démontre la richesse dans notre équipe en expérience civile et aussi en expérience policière provenant de divers corps de police.

Statistiquement, je voulais en parler très, très brièvement, le BEI a fait l'objet de critiques dans le passé sur le délai de traitement de ses dossiers d'enquête, autant les enquêtes allégations criminelles, mais surtout les enquêtes indépendantes. Et je vais... Pour vous démontrer l'amélioration, vous avez, en page 7 et 8, les statistiques, là, que je veux souligner très rapidement. En allégations criminelles, en 2019, on avait traité 68 dossiers avec un délai moyen de transmission au DPCP de 6,2 mois. En 2022, le même nombre de dossiers, 68, mais dans un délai de 2,4 mois. Et, en enquêtes indépendantes, la progression est importante. En 2017, 49 dossiers, 13,7 mois. En 2022, 56 dossiers traités, soumis au DPCP en 3,7 mois.

À la page suivante, depuis le... en décembre 2020, le BEI doit préciser le nombre et la durée moyenne des enquêtes qui impliquent un membre d'une communauté. Donc, vous allez constater que les délais sont sensiblement les mêmes pour les deux, les deux types de statistiques. On parle, en 2022, pour quatre enquêtes indépendantes, de 3,5 mois. Et les enquêtes criminelles, la plus grande majorité de nos enquêtes proviennent du... autochtone, on a 45 dossiers qui ont été traités par... en 2,5 mois.

Maintenant, en page 9 de notre document, on vous parle de la formation. Je suis content que M. St-Antoine ait été là avant nous parce qu'il connaît ça beaucoup mieux que nous tous. Mais on est embarqués, comme je le disais, dans le même type de programme. Il faut comprendre que le Bureau des enquêtes indépendantes, la formation est régie par un règlement sur la sélection, de la formation des enquêteurs et on doit suivre le programme de formation des enquêteurs du BEI qui est donné par l'École nationale de police. Mais nous avons décidé, avec l'UPAC, de nous engager dans la voie de la formation de 15 semaines, formation collégiale à l'École nationale de police, et, je pense, au mois d'août, nous aurons cinq ou six enquêteurs qui vont débuter, des civils, qui vont débuter cette formation-là, ce qui va nous permettre par la suite d'avoir accès à la formation professionnelle en enquêtes et en perfectionnement.

En page 10, je vais sauter les autres points pour vous parler essentiellement de la modification qui est prévue à l'article 289.1, qui est la nature de l'enquête à indépendante. Il faut comprendre que cette modification-là ne change absolument rien à la mission du BEI lorsqu'il mène une enquête indépendante et elle précise la vraie nature de l'enquête qui porte sur un événement qui implique des policiers. Donc, puisque... En principe, à ce moment-là, il n'y a pas d'infraction criminelle sous enquête par le bureau. Le statut des policiers que nous allons rencontrer va être déterminé par le règlement sur le déroulement des enquêtes indépendantes. Donc, il va avoir le statut de policier témoin, qui est un policier qui est présent lors de l'événement, et un policier impliqué, qui est un policier dont les actions ou les décisions pourraient avoir contribué au décès ou aux blessures graves. Comme vous le constatez, les décisions pourraient avoir... et donc c'est un critère qui est quand même assez large. Et le BEI espère, si jamais cette modification-là est adoptée par l'Assemblée nationale, de permettre aux personnes concernées dans une enquête indépendante de mieux comprendre le rôle du BEI lors de nos enquêtes.

Ensuite, en page 11. Évidemment, il y a une modification importante pour la mission du bureau. Cette modification-là est proposée par le projet de loi n° 14 qui s'inspire de la recommandation numéro 9 de Me Giauque, qui est une ancienne première directrice du BEI, qui avait publié en 2019 des recommandations à cet effet-là, et aussi à la recommandation 113 du comité consultatif, la réalité policière. Actuellement, le BEI ne peut pas mettre fin à une enquête. Lorsqu'une enquête indépendante est déclenchée, on doit la compléter, donc faire une enquête complète, tous les témoins, la scène, rédiger un rapport et le soumettre au DPCP. Et ça, ça arrive assez souvent que le BEI fait face à des situations...

M. Goulet (Pierre) : ...même si ça présente les caractéristiques d'une enquête indépendante, c'est-à-dire un décès dû à cette grave intervention policière, il apparaît évident au début ou en cours d'enquête que l'intervention policière n'a pas contribué au décès aux blessures graves du citoyen, le tout évidemment basé sur une preuve crédible et indépendante.

Nous avons sorti des exemples, mais juste peut être pour fin de discussion, pour dire que, dans la majorité des cas, on se retrouve dans ces situations dans des cas de suicide ou tentatives de suicide, d'abus de substances, de surdoses, parfois des conditions médicales préexistantes, des cas de perte de conscience qui sont prévus dans un guide et qui caractérisent la perte de conscience comme étant une blessure grave, donc qui impliquent des interventions policières pour lesquelles le BEI doit faire enquête.

À titre indicatif, en 2022, sur 56 enquêtes, les superviseurs ont identifié neuf dossiers potentiels qui auraient pu faire l'objet d'une telle mesure. Et disons qu'on considère que cette mesure-là va permettre de conclure plus rapidement sur les événements au bénéfice des personnes concernées, que ce soit les citoyens ou les familles en cas de décès, ainsi que pour les policiers impliqués et témoins et, évidemment, en cas de décès, nous sommes les yeux et...

Mme Plourde (Mélissa Amélie) : ...les bras aussi.

M. Goulet (Pierre) : Et les bras, excusez-moi, du coroner. Donc, on va quand même aviser le coroner que l'enquête indépendante est terminée, mais on va poursuivre quand même notre collaboration avec ce dernier, ce qui va permettre au coroner, ici, évidemment, de pouvoir conclure son enquête et son rapport plus rapidement. Et évidemment, dans un cas de semblable, comme dans d'autres, là, juridictions, quand le directeur prend une décision qui met fin à une enquête qui n'est pas cautionnée par une décision du DPCP ou autres, alors, dans ce cas-là, il y aura une communication publique qui sera exigée du directeur pour expliquer les motifs de la décision de mettre un terme à l'enquête.

4bacEn terminant, peut-être, Me Goulet.

M. Goulet (Pierre) : Oui, oui... Je voulais juste rajouter qu'en page 12 on parle de la communication de dossier... entendu tantôt. En ce qui concerne le Protecteur du citoyen, je veux juste préciser que les dossiers d'enquête indépendante ne sont pas transmis au Protecteur du citoyen lorsque ça vise des policiers. C'est dans les situations où un constable spécial serait impliqué dans un événement... lors d'un événement dans un milieu correctionnel. Donc, dans ces cas-là, vu que ces gens-là ne sont pas visés par l'enquête indépendante, ne sont pas non plus gouvernés par le commissaire à la déontologie, c'est la raison pour laquelle on aurait la permission de... au Protecteur du citoyen.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. On va débuter la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.

• (16 h 50) •

M. Caire : Merci, M. le Président, M. Goulet et Mme Plourde, merci d'être là. Puis c'est important de vous entendre. Puis je vais sur le point que vous venez juste de terminer, là, sur l'article 91 et l'article 94, là, le pouvoir de mettre fin à une enquête indépendante, là. Vous en avez parlé assez rapidement, là. Donnez-nous... Donnez-nous des exemples concrets, là, des cas de figure. Là, vous dites, tantôt, en 2022 il y avait 56 enquêtes. Si ce pouvoir avait été disponible pour vous, de mettre fin à une enquête, il y aurait eu neuf enquêtes de... Vous auriez mis fin à neuf enquêtes. Juste pour notre gouverne à nous tous, qu'on comprenne bien, là, concrètement, là, quand le policier arrive, il constate ceci ou cela, donnez-nous des exemples concrets pour qu'on puisse bien comprendre votre... ce point-là.

M. Goulet (Pierre) : Je vais vous donner, évidemment, le plus anonymisé possible, là, pour éviter que les personnes se reconnaissent. Bien souvent, dans un cas, ici, on a un appel au 911 dans un cadre de rassemblement de COVID, une personne agressée avait été arrêtée et transportée au poste. La personne était désorganisée, se frappait la tête. À la sortie du véhicule, elle a perdu conscience et a été transportée à l'hôpital. À l'arrivée du BEI, la personne avait reçu son congé de l'hôpital et son état était causé, selon les autorités de l'hôpital, par une intoxication au GHB. Donc, c'était un cas qui fait que par le temps qu'on réagisse puis qu'on intervienne dans l'événement, on constate qu'à ce moment-là, la blessure grave est difficilement en lien avec l'intervention policière. J'ai un autre cas, ici, encore une fois un appel 911 pour un cas de violence conjugale. La plaignante informe les policiers que son conjoint est armé d'un couteau. Il est aperçu par les policiers à l'intérieur de la maison avec une blessure au cou et il continue de s'infliger des blessures au cou avec le couteau. Les policiers interviennent. Le sujet est transporté par ambulance. Le citoyen est rencontré et indique... qu'il s'est blessé avant l'intervention policière. Et on a un enregistrement vidéo dans la cuisine qui confirme cet état de fait là. Donc c'est un cas où, encore une fois...

M. Goulet (Pierre) : ...l'intervention policière n'est pas en lien avec la blessure grave, donc c'est des cas où on aurait pu mettre fin à l'enquête, dans les deux cas, à des moments différents. J'ai d'autres... On pourrait...

Le Président (M. Bachand) :...juste faire attention sur les... aussi, là.

M. Bonnardel : Oui, oui. Non, non, c'est ça, c'est... Merci, là, on n'ira pas plus loin. Je pense qu'on a compris, on a compris... Mais, dites-moi, là, la confiance du public peut être affectée, vous l'avez mentionné un petit peu tantôt, là, quand vous décidez de mettre fin à une enquête, de quelle façon vous croyez être capables d'exposer ou de donner l'information, puis des motifs, surtout, qui amènent votre décision, là, de mettre fin à cette enquête? Quel sera le modus operandi ou vos façons de faire?

M. Goulet (Pierre) : Bien, évidemment, le fait que présentement nos dossiers sont soumis au DPCP puis on a une décision du DPCP, ça donne une double garantie d'indépendance. Donc, dans la mesure où le DPCP n'aura pas été consulté, ou il pourrait avoir été consulté, mais la décision est prise par le directeur du BEI de mettre fin à l'enquête, bien, évidemment, ça va prendre une communication qui soit très transparente pour permettre de justifier cet événement-là. Là, on ne pourra pas partir avec la situation originale dans laquelle on a eu un déclenchement, comme on le fait présentement. Et ensuite, à l'aide d'éléments d'enquête, comme je l'ai dit tantôt, ça va prendre des éléments crédibles, indépendants de la police qui vont nous permettre d'expliquer aux citoyens pourquoi l'enquête indépendante a été terminée, parce qu'il n'y avait pas de lien avec l'intervention policière. Alors, on pense être en mesure de le faire. Il y a d'autres juridictions qui le font, on parle de la Colombie-Britannique, entre autres, souvent, leurs communications qui sont assez extensives... Évidemment, il faut faire attention à la protection des renseignements personnels dans la situation des personnes. Mais je pense qu'on est en mesure de faire un travail qui va être assez convaincant pour la population dans ces cas-là.

M. Bonnardel : Autre question, à la page 10, là, de votre mémoire, à l'article 90 qui modifie l'article 289 de la Loi sur la police : Pourquoi c'est important de préciser la nature de l'enquête indépendante du BEI dans la loi?

M. Goulet (Pierre) : Bien, il y a des gens qui... des organismes, des organisations qui considèrent que l'intervention au sein du BEI devrait systématiquement permettre, obliger le BEI à aviser les gens de leurs droits constitutionnels comme un prévenu ou un détenu. Ça s'est discuté beaucoup lors d'un recours devant les tribunaux de la Cour supérieure. Je ne veux pas aller plus loin que ça, on est en appel, mais on a pensé qu'autant pour la population que pour d'autres ça serait important de préciser la situation. Parce que, souvent, on va critiquer le BEI en disant : Ils enquêtent, mais il n'y a jamais d'accusations criminelles qui sont portées. Bien, c'est normal parce que ce n'est pas une enquête à partir de motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction criminelle est commise, c'est parce que la loi nous dit d'enquêter lorsque les circonstances d'enquête indépendante sont réunies, donc blessures, graves, décès, interventions policières. Alors, c'est pour ça qu'on pense que c'est important de démystifier, dans la Loi sur la police, quelle est la vraie nature de cette enquête.

M. Bonnardel : Bien reçu. Dernière question. Formation des enquêteurs, page 9, vous... Bon, j'ai la réponse, mais je vous la pose quand même, là, la réponse... pas la réponse, la question sur l'École nationale de police qui supporte dans la formation. Est-ce qu'on est à la bonne place présentement ou on peut encore faire mieux pour répondre aux besoins des enquêteurs civils, là, qui souhaitent être recrutés par vous puis qui vont être formés nécessairement par la suite? J'ai vu, là, les différents corps de métier. Là, je me réjouis de voir, là, qu'il y a différents corps de métier, là, de personnes qui ont... qu'on pense aux... des gens dans la psychologie, enquêteur civil, coroner, travailleur social, directrice d'une école secondaire, journaliste, agent de relations humaines en toxicologie. Donc, c'est intéressant de voir la diversité de ces gens, là.

M. Goulet (Pierre) : C'est une grande richesse pour le bureau que ces gens-là apportent. Mais effectivement ils n'ont pas d'expérience en enquêtes criminelles ou policières. Donc, avant ça, avec le règlement, la formation qu'on avait était bien spécifique au bureau, puis ça pouvait être difficile aussi de créer des cohortes assez grandes pour pouvoir justifier une formation à des coûts importants. Puis aussi mon constat quand je suis arrivé, c'est que nos enquêteurs civils, même nos enquêteurs policiers qui suivaient des formations, étaient isolés des autres policiers. Nous... Moi, mon souhait, c'est que mes gens soient formés comme tous les enquêteurs au Québec. Et je pense qu'ils gagnent... Les enquêteurs civils gagnent à être connus par la fréquentation avec d'autres policiers qui sont formés à l'École nationale de police.

Donc, c'est la raison pour laquelle on est un peu des pionners puis on embarque avec l'UPAC, avec l'École nationale de police pour que des gens, des...

M. Goulet (Pierre) : ...de milieux civils puissent suivre une formation professionnelle collégiale assez importante pour pouvoir par la suite s'investir dans les programmes en enquêtes criminelles, en spécialisation.

Donc, on pense que c'est très important. Je dois dire que c'est quand même assez lourd au niveau des horaires de se priver de cinq, six personnes pendant 15 semaines, mais je pense que ça vaut le coup pour faire du BEI une équipe qui va être, premièrement, crédible auprès de la population et aussi crédible auprès des policiers qu'on a à enquêter.

M. Bonnardel : ...une dernière question. Vous avez dit tantôt, là,  que votre possibilité... la possibilité pour le BEI de mettre fin à une enquête, là. Il y aurait eu neuf enquêtes de moins sur les 56 de 2022. Avez-vous fait le même exercice pour les années avant 2022 ou vous n'avez pas eu...

M. Goulet (Pierre) : Je veux juste préciser, potentielles, potentielles.

M. Bonnardel :  Oui, oui, potentielles.

M. Goulet (Pierre) : ...va me le dire. Attendez-moi une seconde. C'était un peu plus nombreux. Je m'excuse de ne pas l'avoir...

M. Bonnardel : Vous nous le donnerez plus tard si vous ne l'avez pas là. Ce n'est pas grave, là.

M. Goulet (Pierre) : ...

M. Bonnardel : Ce n'est pas grave.

Le Président (M. Bachand) :C'est beau. Merci beaucoup. M. le député d'Ungava.

M. Lamothe : ...

Le Président (M. Bachand) :Huit.

M. Lamothe : Huit. Bonjour. Vous avez amené beaucoup de statistiques tantôt, ça fait que je vais poser des questions sur les statistiques. Vous avez 18 ex-policiers, 23 civils. De ces 18 ex-policiers-là, combien de la Sûreté du Québec et combien des corps policiers municipaux?

M. Goulet (Pierre) : Je l'ai... j'ai réponse à cette question-là. On a trois enquêteurs qui proviennent de la Sûreté du Québec; du SPVM, trois superviseurs, pas d'enquêteur; de la GRC, on a un membre... un enquêteur du... plus un de la GRC, puis il nous en manque un de Longueuil... on a aussi un superviseur de Longueuil.

M. Lamothe : La dynamique est bonne entre les policiers, oui?

M. Goulet (Pierre) : La dynamique... très bonne.

M. Lamothe : La dynamique est très bonne, oui?

M. Goulet (Pierre) : Bien, selon selon moi...

M. Lamothe : Pardon?

M. Goulet (Pierre) : Selon moi, oui, entre les policiers, la dynamique est bonne, mais elle est bonne aussi avec les civils. Vous seriez surpris de voir à quel point des enquêteurs d'expérience de crimes majeurs peuvent trouver une vertu des avantages à côtoyer des enquêteurs civils lorsqu'on aborde une enquête.

M. Lamothe : Vous avez trois équipes d'enquêteurs, de ce que je sais.

M. Goulet (Pierre) : Oui

M. Lamothe : C'est trois équipes... vous avez trois équipes de...

M. Goulet (Pierre) : Deux équipes divisées en deux pour avoir des périodes de garde où on peut... Il faut toujours prévoir avoir deux déclenchements dans la même journée, malheureusement, ça arrive. Donc, on a une première équipe qui est en première garde. Lorsque celle-ci est déployée, la deuxième équipe tombe en première garde.

M. Lamothe : O.K. Puis les responsables d'équipe, c'est des ex-policiers ou il y a des civils là-dedans?

M. Goulet (Pierre) : J'ai présenté tantôt Me Mélissa Amélie Plourde, qui est à côté de moi, qui est avocate. Elle n'a jamais été agente de la paix et elle a été promue superviseure aux enquêtes, là, au début de l'année.

M. Lamothe : Félicitations. Puis un une autre question, a dernière : Le nombre d'enquêtes 52, 56 pour 2022?

Mme Plourde (Mélissa Amélie) : C'est 56.

M. Lamothe : 56, hein?

M. Goulet (Pierre) : ...

M. Lamothe : Je m'excuse. C'est 56?

M. Goulet (Pierre) : Oui.

M. Lamothe : Combien de mises en accusation sur les 56 enquêtes?

• (17 heures) •

M. Goulet (Pierre) : Il y a eu une seule mise en accusation dans toute l'histoire du BEI pour un événement qui était survenu sur l'autoroute à Drummondville, et c'est un policier de la Sûreté du Québec. Il a été acquitté cette année.

M. Lamothe : Il y a eu 56 dossiers d'ouverts, mais une mise en accusation, pas... personne reconnu coupable, là, mis en accusation.

M. Goulet (Pierre) : Mise en accusation par le directeur des poursuites criminelles et pénales.

M. Lamothe : J'ai entendu aussi que les dossiers autochtones vous tiennent occupés pas mal.

M. Goulet (Pierre) : Bien, en fait, c'est une grosse partie de notre mandat parce que l'autre volet d'allégations criminelles qu'on a, ce sont les infractions à caractère sexuel commises par un policier en fonction, donc c'est moins fréquent. Tous les événements qui impliquent un plaignant, une victime autochtone en lien avec un policier, une infraction criminelle, tous les corps de police de la province nous les réfèrent. On reçoit aussi des plaintes de la part des citoyens, des membres des communautés autochtones.

Donc, oui, effectivement, ça nous tient occupés, pas parce qu'il y a plus de criminalité, c'est parce que le mandat est beaucoup plus large que l'autre. Les autres situations où on fait des enquêtes en allégation criminelle, c'est lorsque le ministre nous confie une enquête particulière qui ne rentre pas dans le cadre de notre mandat prévu par la....


 
 

17 h (version non révisée)

M. Goulet (Pierre) : ...donc le ministre a le pouvoir de nous confier de ces enquêtes-là qu'on fait avec diligence, évidemment.

M. Lamothe : Vous avez des policiers autochtones dans le groupe, dans...

M. Goulet (Pierre) : Je n'ai pas... autochtones, mais... ni d'enquêteur autochtone, mais on a procédé cette année à un recrutement pour un agent de liaison autochtone et aussi pour un policier autochtone. Le concours vient à échéance bientôt. J'ai été agréablement surpris de voir qu'au niveau de la liaison autochtone, j'ai sept membres des communautés autochtones qui sont appliqués sur le poste. Donc, on va procéder aux entrevues la semaine prochaine. Et je sais qu'il y a des personnes qui ont signifié leur intérêt d'être enquêteur autochtone. Ça fait que, si on pouvait avoir un ou deux enquêteurs ou même... qu'un agent de liaison autochtone, au sein de notre équipe, ce serait vraiment une très grande plus-value pour notre organisation puis aussi une plus grande transparence auprès des communautés qu'on dessert.

M. Lamothe : Peut-être que je me trompe, mais vous aviez une agente de liaison autochtone antérieurement?

M. Goulet (Pierre) : Oui. On avait une excellente agente de liaison autochtone, de la nation innue, mais qui nous a quittés pour l'Université du Québec au Témiscamingue. D'ailleurs, c'est une personne avec qui on est encore en contact pour nous suggérer de nouvelles formations pour continuer d'alimenter nos enquêteurs sur la réalité autochtone.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Westmount–Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci beaucoup pour votre témoignage et votre mémoire. J'aurais quelques questions pour vous. Alors, vous avez sans doute suivi la commission puis aussi les autres groupes qui ont passé avant vous. Alors, vous avez sans doute remarqué qu'il y a plusieurs regroupements des policiers, incluant l'Association des directeurs de police de Québec qui vient tout juste de passer avant vous, qui disent qu'ils sont surpris de constater que le gouvernement souhaite rendre responsable le BEI de signaler à des tierces parties des renseignements qui peuvent être confidentiels avec l'insertion de la proposée... article 289.3.1 qui stipule qu'une fois une enquête terminée, "le directeur du BEI doive transmettre le dossier au Directeur des poursuites criminelles et pénales et, s'il y a lieu, au coroner, au commissaire de la déontologie policière, aux affaires internes du corps de police dont est membre le policier impliqué ou au protecteur du citoyen pour... ceux-ci en fassent le traitement.".

Vous savez sans doute que ce serait le seul ordre... ordre ou regroupement des professionnels qui seront assujettis à un tel règlement. Alors, même pas le Collège des médecins, puis vous, vous êtes des avocats, même pas au Barreau que nous sommes assujettis à des telles mesures déontologiques. Alors, comment voyez-vous ça? Puis c'est quoi, votre réponse envers ces organisations qui s'inquiètent sincèrement de cette nouvelle mesure qui est proposée dans le projet de loi 14?

M. Goulet (Pierre) : Oui. C'est une préoccupation importante, mais la grande distinction entre la façon dont j'interprète l'article et l'Association des directeurs de police du Québec, c'est qu'on sous-tendait que c'était une transmission systématique, alors que moi, je l'interprète comme étant discrétionnaire par le Bureau des enquêtes indépendantes. Parce qu'on dit, bon, transmettre au DPCP, on voit clairement que, oui, on doit le faire. Et, s'il y a lieu, au coroner, au commissaire déontologie, aux affaires internes du corps de police et au protecteur du citoyen. J'ai expliqué tantôt dans quelles circonstances. Donc, nous, ce n'est pas de façon systématique qu'on transmettrait le dossier. Ça sera simplement dans les cas où on pense qu'il y aurait lieu pour le commissaire ou les affaires internes de se pencher sur ce qui s'est passé dans un événement particulier.

Ce qu'il faut comprendre dans la mécanique, si je peux me permettre de l'expliquer, c'est que, quand on complète un dossier, le DPCP dit : Bon, il n'y a pas d'accusation contre... dans telle enquête indépendante. On ne reçoit pas systématiquement, mais très souvent des demandes en accès de l'information par le commissaire déontologie qui nous demande de lui transmettre le dossier afin d'exercer ses fonctions. Et ça, c'est causé par le fait que dans toute et chacune de nos enquêtes qu'on fait, on a l'obligation de faire l'avis au citoyen du fait qu'il peut porter plainte au commissaire en déonto. Donc, dans les faits, c'est la même chose pour les cas des affaires internes. Quand il y a une allégation criminelle, entre autres, puis il n'y a pas d'accusation, on avise le directeur de police de la situation puis pratiquement systématiquement on va nous demander de transmettre, par l'accès à l'information, ce dossier-là aux affaires internes du corps de police consulté pour qu'ils puissent prendre position s'il y a des sanctions à prendre ou pas. Donc, dans les faits, ça se passe de façon... je ne veux pas dire : Systématique, je n'ai pas de chiffres pour justifier ça, mais...

M. Goulet (Pierre) : ...la mécanique est celle-ci. Là, on aurait une mécanique différente où ce serait le directeur qui dirait : Bien, ce cas-là, on pense que, même s'il n'y a pas eu d'accusation par le Directeur des poursuites criminelles et pénales, il y aurait lieu que les affaires internes de son corps de police ou du commissaire de déontologie se penchent sur la conduite du policier. C'est comme ça que je verrais.

Mme Maccarone : Ça fait que, d'abord, selon vous, nous aurons besoin d'avoir un amendement à la loi pour dire que... C'est parce que, selon vous, ce n'est pas à chaque fois, c'est selon la discrétion, alors, ça prend probablement une précision. Parce que, moi, ma la lecture de la loi, c'est chaque cas.

M. Goulet (Pierre) : Bien, je suis... Peut-être qu'une précision serait la bienvenue puisqu'il semble de toute évidence qu'il y a deux personnes qui ne pensent pas comme moi, mais c'est correct. Puis je pense qu'effectivement, peut-être, il y aurait lieu de préciser dans quels cas il y a lieu de faire une transmission. Donc... Pour dissiper la confusion, je pense que oui.

Mme Maccarone : Parfait. Merci. Puis en ce qui concerne le BEI... Puis merci de faire l'explication de qui vous êtes, votre mission ou comment les groupes sont formés puis comment vous fonctionnez, vos valeurs. Parce qu'on a quand même entendu plusieurs groupes, puis on lit la revue de presse, puis... Exemple, celle en 2021, puis vous allez m'excuser que... je veux être transparente avec vous, on comprend que la Cour supérieure du Québec a rendu une décision renforçant les constats de dire que le BEI n'a pas été indépendant et impartial dans les communications avec le public. Vous connaissez sans doute Fannie Lafontaine, qui est une observatrice civile indépendante, puis elle, elle vous critique férocement en termes du manque d'opacité et transparence, même qu'elle vous qualifie de cancres au Canada en matière de transparence dans un rapport rendu public en octobre 2020. Ce qui est inclus dans le projet de loi n° 14, est-ce que vous pensez que ça va vous aider à améliorer le niveau de transparence puis la réputation envers la société civile et les gens qui suivent vos travaux, hein, pour assurer que... Dans le fond, il y a un manque de confiance. Alors, que répondez-vous à ça? Puis est-ce que la loi répond à un besoin d'avoir plus de transparence et plus d'opacité en ce qui concerne le BEI, vos travaux puis vos enquêtes?

• (17 h 10) •

M. Goulet (Pierre) : Bon, la première des choses que j'aimerais préciser, la cause à laquelle vous faite référence, cette cause-là est présentement en appel, donc je ne la commenterai pas malheureusement. Quand vous parlez de Me Fannie Lafontaine qui parle de cancres en matière d'opacité puis de transparence, on pourrait en discuter longuement. Ce que je dois dire, premièrement, c'est que Maître Lafontaine, quand elle a fait l'étude des dossiers qui concernaient des plaignants victimes autochtones, elle n'a étudié aucun dossier du BEI, c'étaient des dossiers du SPVM qui avaient été faits avant. J'ai eu des discussions avec elle à mon arrivée en fonction et je ne crois pas qu'on puisse nous traiter de cancres, on fait des communications publiques qui nous sont permises par la loi. Donc, quand on déclenche l'enquête indépendante, on dit ce qui s'est passé, pourquoi on le fait, puis, quand le dossier est terminé, le DPCP produit un résumé des faits, une explication juridique, pourquoi il porte accusation ou pas, et nous, on fait un bilan des mesures qu'on a entreprises dans ce dossier-là en particulier. Le fait que vous nous soulignez l'événement judiciaire de 2021 démontre un peu à quel point c'est sensible le fait de communiquer des informations sans démontrer une apparence de parti pris par rapport soit aux policiers ou par rapport aux familles des victimes. Donc, c'est une situation qui est très délicate. Je pense qu'il faut y aller tranquillement.

Ce que je pourrais dire par rapport au fait qu'on serait des cancres au Canada, il faut comprendre quelque chose, c'est que les... Premièrement, on ne l'est pas, je peux vous le dire. Mais les organismes qui communiquent plus que nous ont souvent un statut juridique différent. Par exemple, là, à la... Independent Investigations Office de la Colombie-Britannique va à chaque enquête produire un rapport assez exhaustif. Mais il faut comprendre qu'eux, ils ne déposent pas systématiquement au DPCP, donc il n'y a pas une justification du réseau de poursuite de la Colombie-Britannique qui va venir combler ce qu'on vit nous autres ici, au Québec. Donc, dans ce cas-là, le directeur vient dire à la population : Je n'ai pas soumis le dossier au DPCP parce que je ne crois pas avoir des motifs raisonnables et probables qu'il y ait une infraction du... Et c'est la même chose en Ontario.

Mme Maccarone : Mais de ça, c'est...

Mme Maccarone : ...vous demande de fournir des rapports détaillés... fait à l'anonyminat. Quand on parle des enquêtes, lorsque le DCP... je comprends que le... le DCPI, excusez-moi, DPCP ne porte pas accusation. Il n'y a pas un moyen d'avoir un mi-chemin, là-dedans, pour s'assurer qu'il y a quand même une transparence au niveau des travaux qui sont entamés?

M. Goulet (Pierre) : Oui, certainement, mais tout ça demande des ressources, compte tenu des obligations légales auxquelles on est... Ça prend des ressources juridiques puis des ressources de communication pour pouvoir éplucher, entre guillemets, les rapports d'enquête puis voir qu'est-ce qui peut être transmis au public. Ça fait qu'on n'est pas contre ça, on n'est pas contre ça, mais ça prend des ressources, puis que ça aille dans un cadre plus global d'enquête criminelle. Donc, c'est un petit peu ça, la situation dans laquelle on se trouve. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas communiquer.

Mme Maccarone : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Laurier-Dorion, s'il vous plaît.

M. Fontecilla : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, Messieurs, dames, merci beaucoup d'être ici avec nous, là, je vais continuer sur la même veine, je veux bien comprendre par rapport à la demande de rendre public le rapport détaillé, exhaustif et anonymisé des enquêtes indépendantes lorsque le DPCP décide de ne pas porter d'accusation. Je veux bien comprendre ce que vous nous dites. Est-ce qu'il y a un empêchement, comment dire, légal, là, à procéder de cette façon-là, donc de publier des rapports détaillés, exhaustifs anonymisés, ou il y a une question de ressources qui est impliquée, là, dans cette façon de faire?

M. Goulet (Pierre) : Bien, premièrement, si vous me permettez. nous, sur notre site web, on va publier un communiqué de déclenchement d'enquête indépendant au conditionnel, pour que la population sache qu'on va scruter un événement, on va faire la lumière sur un événement qui implique une intervention policière parce qu'une personne est décédée ou il y a eu des blessures graves ou un événement qui est survenu en détention. Après ça, le DPCP, on va émettre un communiqué comme quoi on a soumis notre dossier et par la suite, le DPCP va émettre un communiqué dans lequel il va expliquer son résumé des faits tels que lui les perçoit à partir de la preuve qui était présentée, puis des justifications légales de l'accusé ou pas, en analysant le droit en lien avec les faits qui sont là. Cette décision-là se retrouve sur notre site web lorsqu'elle est publiée par le DPCP et par la suite, le BEI produit ce qu'on appelle le bilan. Donc, le bilan va mentionner essentiellement qu'on a rencontré, mettons, trois, quatre témoins civils, cinq témoins policiers. On a procédé à des expertises, on a saisi des caméras de surveillance. Donc, ça va être un résumé sommaire des démarches d'enquête qui ont été faites.

Donc, si on prend les deux communications, elles sont quand même bonnes. Est-ce que ça peut être plus que ça? Bien, je suis bien d'accord avec vous, mais avec la limite de protection des renseignements personnels, puis éviter, par la description qu'on fait, d'identifier les acteurs de l'événement, ça, c'est très important aussi. Donc, oui, on peut toujours être plus transparents, mais il y a toujours une limite de protection des renseignements personnels qui doit être respectée dans ces cas-là. Donc, c'est un... ce n'est pas un enjeu de mauvaise foi, c'est un enjeu d'avoir les moyens de pouvoir s'assurer que ce qu'on va faire ne résultera pas en une poursuite par une des parties qui va se sentir lésée par notre compte rendu, voyez-vous?

M. Fontecilla : Combien de temps il me reste?

Le Président (M. Bachand) :Une trentaine de secondes.

M. Fontecilla : Une trentaine de secondes. Est-ce que... Seriez-vous d'accord avec le fait que n'importe quelle personne puisse informer le bureau d'enquête indépendante sur une blessure grave, ou vous pensez que ça doit continuer à être comme c'est le cas actuellement, seulement le directeur du service de police impliqué?

M. Goulet (Pierre) : Bien, on n'aurait pas de difficultés avec ça. Sauf qu'avant de faire un déclenchement, on a besoin d'avoir des informations. Donc, à ce moment-là, je ne pense pas qu'un citoyen soit aussi bien outillé qu'un corps de police pour produire des cartes d'appels, des appels audios, des horaires de policiers, avant qu'on détermine de déclencher ou pas, puis il y a la nature des décès, quelle est l'identité de la personne qui a été blessée. Des fois, ça peut-être le plaignant, ça peut-être quelqu'un qui se plaint d'un événement... qui n'est pas le plaignant... j'ai perdu mon fil. Donc, à ce moment-là, on va avoir une enquête en validation importante à faire. Ça va demander énormément de ressources. On n'aura pas des chiffres... enquête indépendante, on va... bien avoir quand même encore juste 70, 71, puis on va peut-être en avoir validé 20, 30, sans...

M. Goulet (Pierre) : ...Comprenez-vous? Ça fait que...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

M. Goulet (Pierre) : ...les ressources.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Il y en a plusieurs, là, qui doutent de l'indépendance du BEI, parce que souvent on dit que c'est des policiers qui enquêtent sur des policiers puis qui sont soumis à la même loi puis qui relèvent du même ministre. C'est comme ça, hein, on est portés à se dire : Bien... ou il peut y avoir un conflit d'intérêts. Ou où est l'indépendance dans tout ça? Mais, quand vous enquêtez, vous présentez vos dossiers aux procureurs, puis c'est souvent aussi les mêmes procureurs qui travaillent probablement avec les mêmes enquêteurs que vous enquêtez. Ça fait que ça fait... Encore là, on arrive avec un autre aspect où on se dit : oui, mais là, ça ne fonctionne pas plus. Selon vous, est-ce que ça ne serait pas plus approprié que les avocats qui travaillent avec vous soient retirés du DPCP puis qu'ils soient dédiés à vous le temps de l'enquête? Ou une autre suggestion que vous pouvez peut-être...

M. Goulet (Pierre) : Je voulais juste... Avant de vous répondre, je voulais juste valider quelque chose.

Bon, premièrement, évidemment, ça sera au Directeur des poursuites criminelles et pénales de juger dans quel cas ses procureurs sont en conflit d'intérêts avec des policiers. Dont on soumet un rapport. Ça, c'est le premier point.

Donc, je ne veux pas m'immiscer là-dedans, mais je dois vous dire que nos rapports sont transmis au bureau du service-conseil du DPCP. Donc, ce n'est pas nécessairement des procureurs en région qui travaillent avec ce policier-là. C'est des procureurs, qui sont basés à Québec ou à Montréal qui ne font que du service-conseil, qui font l'analyse de nos dossiers. Ça fait que la situation que vous proposez risque peu d'arriver. Mais moi, ayant passé ma carrière... si une telle situation arrivait, c'est sûr que je dénoncerais le conflit d'intérêts potentiel.

Quant à l'autre question que vous soumettez, là, il y a deux volets importants. Le premier, c'est législatif. La loi oblige... empêche le directeur de nommer un policier enquêteur principal pour son ancien corps de police, donc il ne peut pas être enquêteur principal.

L'autre volet, c'est dans le règlement sur le déroulement des enquêtes indépendantes. Le policier ou même le civil se doit de dénoncer un conflit d'intérêts potentiel lorsqu'il est assigné à une enquête, donc on est informés de ces situations-là. On garde un registre de ça.

Puis vous avez le volet aussi de la parité dans laquelle vous avez des civils qui sont en mixité avec des enquêteurs, qui fait que, selon nous, ça représente une garantie d'indépendance dans la conduite de nos enquêtes. Donc ça crée un climat, un contexte différent.

Puis il ne faut pas oublier non plus que les enquêteurs, chez nous, policiers, sont là depuis cinq, six ans. Je ne vous dis pas... que ça ne va pas faire un an, mais il y a quand même un certain détachement puis, on va appeler ça, un «commitment» aux valeurs du Bureau des enquêtes indépendantes qui, selon nous, garantit une indépendance.

Et je peux aller plus loin si vous voulez comparer avec les autres BEI, entre guillemets, au Canada. Il y en a qui embauchent des policiers actuels, en fonction. En Ontario, c'est plus de policiers que de civils. Donc, on n'est pas si mal quand même. ...garanties, selon moi.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

Mme Nichols : ...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Plourde, Me Goulet. Merci infiniment d'avoir été avec nous.

Cela dit, la Commission ajourne ses travaux au jeudi 6 avril 2023 après les avis touchant les travaux des commissions. Belle soirée dans la tempête. Merci. À demain.

(Fin de la séance à 17 h 20)


 
 

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