Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Tuesday, March 28, 2023
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Vol. 47 N° 7
Special consultations and public hearings on Bill 12, An Act to reform family law with regard to filiation and to protect children born as a result of sexual assault and the victims of that assault as well as the rights of surrogates and of children born of a surrogacy project
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10 h (version non révisée)
(Dix heures deux minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite la bienvenue.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de
filiation et visant la protection des enfants nés de la suite d'une agression
sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que le droit des
mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Non, M. le
Président, aucun remplacement.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Alors, nous entendons
aujourd'hui Me Michel Tétrault, l'Association des jeunes... des juristes
progressistes, mais nous allons d'abord commencer avec Me Kirouack, de l'Association
des avocats et avocates en droit de la famille... en droit familial du Québec,
pardon. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Grand plaisir. Alors, vous
connaissez les règles, un petit 10 minutes de présentation puis après ça
on aura un échange avec les membres de la commission. Me Kirouack, la parole
est à vous.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Alors,
merci à tous. Vous devez avoir reçu tant le mémoire de l'association que le
tableau comparatif qui se trouve comme être la suite de ce que l'association
avait pondu en regard du projet de loi n° 2. Avant que j'oublie, la présidente
de l'association s'excuse, elle a été demandée devant la Cour supérieure ce
matin, donc elle ne peut pas être présente par voie de vidéoconférence. Je n'entends
pas couvrir tous les points du mémoire, mais je vous dirais ce qui est le plus
important, vu le temps relativement court.
Donc, on va commencer par l'article 113.1
qui prévoit... qui extrait dorénavant une obligation à la mère qui a donné
naissance de déclarer la filiation à l'égard de son enfant avec égard. On
comprend mal la discrimination d'une telle disposition. Si tant est qu'il doit
y avoir une obligation à la loi, pourquoi est-ce que ce n'est pas à l'égard des
deux parents et juste à l'égard des mères?
Et on va recouper immédiatement avec le
nouvel article 523 que vous trouverez à la page 12 du mémoire. Puisque le
législateur entend ainsi insérer toute une série de nouvelles règles... Et je m'attarde
à la première proposition, c'est-à-dire que la filiation, désormais, s'établirait
à l'égard de la mère gestante, soit la mère qui a donné naissance, O.K.,
indépendamment de la réalité juridique. Et je vais recouper tout de suite,
parce que le projet de loi, effectivement, couvre la question des grossesses
pour autrui.
Cas de figure numéro un... parce qu'on
sait que le projet de loi permet, n'est-ce pas, à la mère porteuse de changer d'idée
jusqu'à la 30e journée suivant la naissance, cas de figure numéro un, elle
est enceinte suite au don de sperme du père prospectif, O.K., ou par
insémination artificielle. Donc, dans ces cas-là, on va se ramasser avec la
règle de la filiation par le sang, qui sera la mère légale, la mère porteuse
qui a donné naissance et le père prospectif par le biais des règles de la
filiation.
Scénario numéro deux, toujours en vertu de
523 qui est devant vous, la mère porteuse porte l'ovule, n'est-ce pas, et le
sperme qui ont fait l'embryon, qui ont été implantés de la part du couple
prospectif. La mère porteuse n'a donc aucun lien génétique avec l'enfant, et
pourtant, 523 vient nous dire que la mère légale sera la mère qui a accouché,
donc la mère porteuse. Et on se ramasse avec le même scénario, le père
prospectif pourra lui établir sa filiation puisque cela aurait été son sperme.
Scénario numéro... Et la mère prospective dont c'est l'ovule n'aura aucun
statut légal.
On pousse le raisonnement. Troisième
scénario, la mère porteuse devient...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...suite
à un embryon, effectivement, qui a été implanté de l'ovule de la mère
prospective et du sperme d'un donneur. Et on se ramasse dans la situation où la
mère porteuse sera la seule mère légale puisque la mère prospective n'a pas
donné naissance, et pourtant, c'est son enfant génétique, la mère porteuse
n'ayant aucun lien génétique directement ou indirectement avec la filiation.
Je comprends que, dans tout temps, la
filiation légale ne recherche pas nécessairement la réalité biologique, mais je
vous soumets que c'est impensable d'avoir un enfant qui est né des gamètes du
couple prospectif avec laquelle la mère porteuse n'a aucun lien et c'est la
mère porteuse qui va devenir la mère légale. On a le même problème ici. 113.1
et 523, c'est la mère prospective ou c'est la mère, à 113.1, à qui on donne des
obligations qui ne semblent pas s'appliquer à l'autre membre du couple.
Par ailleurs, et toujours en lien avec
l'article 523, l'autre question, c'est : Si l'article 523 nous
dit qu'effectivement la filiation se prouve, et je sais qu'il est au deuxième
rang après l'acte de naissance, mais là qu'est-ce qui se passe des filiations
en matière d'adoption? L'acte de naissance en fera foi. Mais on a quand même un
article 523 où le bât blesse en matière d'adoption.
Pour ce qui est de l'autre parent,
c'est-à-dire, il y aurait l'insertion d'une nouvelle règle. Et je dois vous
dire que l'association est un peu embêtée. Le législateur viendrait insérer,
n'est-ce pas, la déclaration par l'autre parent, n'est-ce pas, la déclaration
de naissance qui n'est, avec égard, qu'un simple formulaire administratif qui
est envoyé au directeur de l'état civil pour que celui-ci dresse sans délai, et
c'est ce que prévoit l'article, n'est-ce pas, l'acte de naissance. Au surplus,
lors de l'adoption du projet de loi n° 2, le législateur a, et avec
raison, on s'en réjouit, permis désormais, n'est-ce pas, aux conjoints de fait
de déclarer la naissance à l'égard de l'autre parent dans la déclaration de
naissance.
Donc, d'une part, on a toute une série de
déclarations de naissance où l'autre parent n'aura pas effectivement reconnu
et, deux, on comprend difficilement l'insertion, pour une très courte période,
dans un mode de preuve, d'un formulaire administratif dont le seul objectif est
de dresser l'acte de naissance. Il y a une difficulté. Et je soumets au
législateur qu'effectivement il y aurait lieu de réfléchir sur cette question.
Pour ce qui est de la possession d'état,
qui fait en sorte que la possession d'état et l'acte de naissance... je vais
vous dire, l'association n'est pas nécessairement en accord avec le fait qu'on
a choisi le 24 mois de la fourchette jurisprudentielle, qui est du 16 au
24, 16 mois permettait aussi aux tribunaux, je vous dirais, selon les
faits. Parce que 24 mois, ça veut dire que le père génétique pourrait arriver
la veille du deuxième anniversaire et réclamer sa filiation à l'égard d'un
enfant qu'il n'a jamais vu, que l'enfant n'a jamais vu, qu'il n'y aucun lien de
quelque nature que ce soit, ça nous semble une période longue, et on eut
préféré que le législateur garde ce qui a été développé en jurisprudence, et
permettant ainsi une espèce de discrétion à l'égard de quels sont les faits au
dossier.
Section II, de la filiation des
enfants issus d'une procréation impliquant la contribution d'un tiers.
L'article 13 du projet de loi viendrait modifier l'article 538, et
avec égard, le fait que le législateur veut remplacer l'expression actuelle de
«force génétique» par «matériel reproductif» crée problème. D'une part... Et je
vous dirai, M. le ministre, là, je ne pense pas qu'il est l'intention du
législateur d'écarter le don d'embryons puisque c'est permis spécifiquement au
règlement québécois. Mais il faut comprendre que l'article 3 sur la procréation
assistée définit ce qu'est du matériel reproductif et le matériel reproductif
n'inclut pas les embryons congelés. Or, on sait qu'il y a effectivement des
dons d'embryons surnuméraires et cette expression-là peut ou pourrait, à tout
le moins, créer problème.
• (10 h 10) •
On constate aussi que le législateur
inscrit une présomption à l'égard des naissances gémellaires et on croit que,
dans ces cas-là, c'est pour pouvoir couvrir tous les cas de superfécondation
hétéropaternelle. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, je vais vous
expliquer qu'il arrive parfois que la nature fasse en sorte qu'une femme
produise deux ovules, n'est-ce pas, lors de son cycle qui sont fécondés par
deux hommes différents, O.K.? Donc...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...À
ce moment-là, ce que je comprends, c'est qu'à partir du moment où la règle
s'applique, on ne pourrait pas ouvrir le débat quant à une disparité au niveau
de la paternité.
Le don par relations sexuelles. Écoutez,
je félicite le projet de loi de finalement écarter l'espace, là, la zone floue,
le flou artistique qu'on avait, à savoir qu'en matière de don par relations
sexuelles, chacune des parties pouvait comme changer d'idée durant la première
année. On pense que c'est à bon escient que cette portion-là de l'article va
disparaître, et on s'en réjouit parce que, sans ça, on n'est pas certains de
qui effectivement sont les parents de cet enfant-là, passé une certaine
période.
De la même façon que, si vous allez... Les
articles 539.1 à 541 sont abrogés. Je dois vous dire que, de... sur la
même idée, l'abrogation de 539.1 de 578.1, on félicite le législateur. On avait
toujours trouvé difficile d'essayer de comprendre la portée et l'application de
cet article, qui ne s'applique, je vous le répète, qu'en matière de conjoints
de même sexe. O.K.
Pour ce qui est maintenant du projet
parental impliquant une grossesse pour autrui... Et au risque de répéter
certains des propos que nous avons obtenus lors du projet de loi n° 2,
mais, depuis ce temps-là, on a eu plus de temps, donc j'ai fait plus de
recherches, je remercie d'ailleurs qu'on ait eu plus de délais pour savoir
quand aura lieu la commission parlementaire, ça permet d'organiser nos fins de
semaine. O.K. Vous savez, les données réelles sur combien on a de mères
porteuses sont difficiles à trouver, OK, qui effectivement fait quoi. On sait
par ailleurs qu'il y a plusieurs articles dans les journaux, récemment. J'ai
appris qu'apparemment des gens de l'étranger venaient ici effectivement pour
faire des enfants par grossesse pour autrui, O.K. Par contre, ce qu'on sait,
c'est qu'il y a des risques inhérents à toute femme, effectivement, de mener à
bien une grossesse, un certain pourcentage de dépression effectivement
prénatale, c'est-à-dire durant la grossesse, 10 à 20 % qui auront une
dépression post-partum. Cette proportion augmente à 30 % quand on parle
des jeunes femmes qui ont moins de 25 ans. Et 1 à 2 femmes sur 1000
feront une psychose post-partum, 15 % des femmes ont des symptômes de
bipolarité, alors qu'en... Dans la population générale, c'est 1 à 2 %. Et
à cela s'ajoute que le taux de mortalité périnatale chez les femmes augmente et
ne diminue pas.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Me Kirouack. On
est maintenant rendus à la période d'échange.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Nous
devons donc tenir pour acquis qu'il y a effectivement des contrats, des
conventions de grossesse pour autrui où la mère porteuse va décéder, c'est
statistiquement...
Le Président (M.
Bachand) :Merci, maître. On est déjà
rendus à la période de change. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, Me Kirouack.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bonjour.
M. Jolin-Barrette : Merci de
venir en commission parlementaire. Vous êtes une habituée maintenant. Merci
également pour le mémoire fort volumineux, on va le... prendre analyse. Merci
d'avoir fait l'analyse, article par article, que vous avez jointe, également,
donc ça va nous aider là-dedans.
Juste pour continuer sur ce que vous
disiez par rapport aux conditions des mères porteuses, là, vous disiez :
il y a des risques, notamment, à la grossesse pour autrui, notamment, des
risques de mortalité plus grande, risque de dépression post-partum, des impacts
aussi. La position de l'association, est-ce que vous préféreriez qu'on ne
permette pas la conclusion de contrats de grossesse pour autrui, connaissant le
risque et connaissant aussi le fait que ça se fait? Nous, on a pris l'approche
où est-ce qu'on veut l'encadrer, mais pas l'encourager, en mettant des règles
très strictes.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : La
position de l'association, c'est que le projet de loi ne va pas assez loin,
O.K. Pour nous, les parents prospectifs, qui, par ailleurs, ne courent aucun
risque de quelque nature que ce soit, devraient être tenus de prendre une
assurance vie au bénéfice des enfants et ou du conjoint ou de la conjointe de
la mère porteuse, et devraient être tenus de prendre une assurance invalidité
sur leurs propres deniers. Il y a lieu de garantir cette femme-là que, si elle
devient invalide, partiellement, complètement, de façon temporaire,
qu'effectivement elle puisse bénéficier de prestations d'invalidité.
M. Jolin-Barrette : Et cette
prestation-là d'invalidité ou cette assurance vie là, vous la chiffreriez à
quel montant? Parce qu'on sait qu'en matière d'assurance on analyse la santé de
la personne, on analyse les facteurs de risques également puis le montant est
corrélatif de la... en fait, de la prime... bien, pas de la «prime», mais du
montant versé de l'assurance, donc...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : je
n'en ai aucune idée, M. le ministre. Mais je vais vous dire, à la limite, ce
n'est pas terriblement pertinent à partir du moment où j'ai...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...partie
qui signe une convention qu'une personne va subir tous les risques, qu'il en
assume financièrement ces risques-là.
M. Jolin-Barrette : Mais il y
a un enjeu financier aussi pour les parents d'intention si, supposons, c'est
assuré pour 2 millions de dollars.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Je
comprends ce que vous dites, M. le ministre, mais moi, moi, O.K., probablement
mes réflexes de juriste, je vais perdre la partie, effectivement, qui va avoir
à assumer ces risques-là. Si les parents prospectifs, O.K., n'ont pas les
moyens de payer ça, bien, il faudra trouver une autre solution, O.K., que ce
soit un régime étatique, que ça soit quoi que ce soit, mais je ne vois pas
pourquoi c'est la mère porteuse à qui on devrait dire : Bien, c'est vous
qui allez prendre les risques et, si vous êtes invalide, bien, vous assurez. Je
m'excuse, là, mais je n'irai pas là.
M. Jolin-Barrette : Sur la
question, justement, de la convention de grossesse pour autrui, l'association
est contre le fait que ça soit une convention notariée. Pourquoi?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Absolument.
Et l'association, en plus, est à l'effet que non seulement ça ne devrait pas
être une convention notariée, mais il devrait être obligatoire, comme le
demande d'ailleurs le Centre de reproduction de McGill, que chacune des parties
ait des conseillers juridiques indépendants vu l'ensemble des enjeux.
M. Jolin-Barrette : Et
pourquoi pas la convention notariée? C'est quoi... c'est quoi, l'enjeu avec le
fait d'avoir un tiers neutre?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Écoutez,
les avocats qui font des conventions en matière de procréation assistée depuis
des décennies, alors je ne vois pas pourquoi on perdrait un champ de compétence
qu'on a toujours eu. Et, par ailleurs, je juge important que chacune des
parties, c'est-à-dire le couple prospectif et la mère porteuse, ait les
conseils de conseillers juridiques indépendants.
M. Jolin-Barrette : Mais il
n'y a rien qui empêche les parties d'aller conseiller... d'aller chercher un
conseil juridique indépendant aussi, même dans le cadre de la convention. Mais
parce que là vous me donnez un argument corporatiste de la part du fait que les
avocats...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : C'est
bizarre, hein, M. le ministre...
Le Président (M.
Bachand) :S'il vous plaît, s'il vous
plaît, s'il vous plaît! Parce que, juste, il faut vous entendre
individuellement. M. le ministre, oui, allez-y.
M. Jolin-Barrette : Allez-y.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Avec
égard, M. le ministre, O.K., vous avez un projet de loi où on décréterait que,
du jour au lendemain, je ne peux plus faire des conventions. Je ne suis pas
sûre que c'est corporatif de soulever le fait : Comment se fait-il que je
suis compétente aujourd'hui puis que je ne le serais plus si le projet de loi
passe? Je le flippe, là, je veux dire, l'argument contraire, c'est que c'est
très corporatiste pour les notaires de demander que ça soit un acte notarié. Je
ne suis pas sûre que...
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, il y a des garanties juridiques en lien avec l'acte notarié, notamment
l'âge de la femme, le fait que la déclaration ne puisse pas être antidatée non
plus. Il y a certains arguments qui militent en faveur d'une convention
notariée aussi.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Vous
présumez qu'on ne vérifie pas l'âge des clients qu'on a, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est
pas ça que j'ai dit, mais, au Québec, théoriquement, le contrat est nul
présentement. Donc, vous me dites : On a développé une expertise de
convention entre les parties pour la grossesse pour autrui sur des contrats qui
n'étaient pas exécutoires. C'est ça que je comprends.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Ce
que je vous dis, ce qu'effectivement on a une expertise, effectivement on en
fait. Me Bram, qui est ici, en fait depuis les années 80. Et je ne vois
pas pourquoi, tout à coup, on perdrait une compétence. Et le fait de soulever
ça n'est pas corporatiste pour moi, par ailleurs. Et, pendant qu'on est sur la
convention, qu'elle soit notariée ou sous seing privé, on se pose sérieusement
la question de savoir pourquoi il faut que ça soit envoyé au directeur de
l'État civil. Ça inclut des informations terriblement sensibles et
confidentielles aux parties. Quant à nous, effectivement, là, la déclaration
comme quoi que la mère porteuse reconnaît, n'est-ce pas, que son lien de
filiation ou acquiesce à ce que son lien de filiation soit présumé n'avoir
jamais existé est suffisant?
M. Jolin-Barrette : L'autre
aspect sur la convention notariée, c'est qu'il y a une force probante en
matière de preuve aussi, ce qui n'est pas le cas avec une convention entre deux
parties uniquement lorsque ce n'est pas notarié.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui,
mais là vous parlez d'un débat devant les tribunaux, et là on va se ramasser
une inscription en faux à savoir ce qui relève de... n'est-ce pas, ce que le
notaire a mission de constater et ce qui ne relève pas de sa mission.
M. Jolin-Barrette : Mais essayons
d'éviter de se retrouver devant les tribunaux. Je voulais vous entendre sur la
question des agressions sexuelles menant à la naissance d'un enfant issu d'une
agression sexuelle. Votre... votre opinion entre la rupture du lien de
filiation versus la déchéance de l'autorité parentale, qu'est-ce que vous
privilégiez?
• (10 h 20) •
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Écoutez,
il est clair que nous privilégions, c'est ce qui est retenu par beaucoup de
forums, effectivement, et beaucoup de législatures, c'est-à-dire qu'il y ait
une reconnaissance du lien de filiation et qu'il y ait du même coup, n'est-ce
pas, le retrait de l'ensemble... une déchéance de l'autorité parentale complète
et non révisable, et je vais plus loin, et une ordonnance de protection en
vertu de 509 et de non-communication. D'ailleurs, il y aurait lieu de modifier
509 qui permet juste une durée de trois ans de telles ordonnances. Ça a
l'avantage d'être simple...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...de
donner à l'enfant immédiatement tous les droits liés à sa filiation. Ça ne
reconnaît au père aucun droit en termes d'accès, de garde, d'information ou de
quelque nature que ce soit, parce qu'on a une déchéance d'autorité parentale
complète. On a des difficultés avec ce qui est proposé, notamment, parce que,
là, on propose une indemnité auquel l'agresseur devrait contribuer au besoin
à... Est-ce que c'est une pension alimentaire? Non, ce n'en est pas une. Est-ce
que, donc, ça disparaîtrait avec la faillite? Oui. Est-ce que ça implique
l'indemnité, qu'elle soit versée de façon forfaitaire? Dans son libellé actuel,
oui, si je fais un pendant avec les autres indemnités qu'on trouve au Code
civil.
Par ailleurs, pour ce qui est de la
capacité d'hériter ab intestat de l'enfant, vous savez, un des devoirs du
liquidateur en vertu du Code civil, c'est de chercher les... Avec égard, M. le
ministre, si cet article-là rentre en vigueur tel quel, tous les liquidateurs
au Québec d'une succession d'un... mâle devront faire un avis public cherchant
ses enfants dont le lien de filiation n'est pas reconnu parce que ça fait
partie de leurs obligations. Dans de vastes cas, n'est-ce pas, les proches de
la famille ou le liquidateur ne sait pas si Monsieur a ou n'a pas agressé
quelqu'un et si un enfant est ou n'en est pas né. Ça me semble compliqué, tout
l'ensemble des règles en matière de liquidation successorale, inutilement,
alors qu'on aurait pu faire directement quelque chose de très simple. Parce
que, l'obligation alimentaire, on sait comment ça se calcule, parce qu'en plus,
à la limite, c'est révisable sur toute forme de changement et non pas ce qui
est prévu au projet de loi, là, s'il y a un changement important et ce type de
choses là.
M. Jolin-Barrette : Mais, en
fait, je vous dirais deux choses. Actuellement, là, lorsqu'il y a une
succession, là, par dévolution légale, là, bien, on ne sait pas, les messieurs,
s'ils ont eu d'autres enfants. C'est le cas d'un liquidateur actuellement...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui.
M. Jolin-Barrette : ...on ne
sait pas si Monsieur avait des activités extraconjugales, puis les enfants...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Je
vous l'accorde, mais en ce moment il y a des secrets d'alcôve.
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
je vous dirais que chaque cas est un cas d'espèce, puis ça dépend de chaque
famille, puis, comme on dit, tout le monde a sa réalité, ça fait que ce n'est
pas tant différent.
Sur la question de la filiation puis de la
pension alimentaire, il y a beaucoup de groupes qui nous ont dit :
Écoutez, ce qu'on veut éviter, c'est qu'il y ait le maintien d'un contact ou
d'un contrôle entre le violeur et la femme qui est agressée sexuellement. Donc,
on est partis notamment de là pour faire en sorte justement d'éviter qu'il y
ait une récurrence au niveau de la pension... si on utilisait la pension
alimentaire avec montant qui est versé, supposons, aux deux semaines. Donc,
l'indemnité vise justement à faire ça. Par ailleurs, il y a l'IVAC également
qui verse un montant, une somme pour un enfant qui est issu du viol.
Puis ce qu'on nous disait aussi, c'est
que, dans cette situation-là, on voulait laisser le choix aux femmes de
dire : Est-ce que, oui, je maintiens la filiation avec déchéance
d'autorité parentale, où est-ce qu'on facilite le recours, là, il pourrait y
avoir ouverture à la pension alimentaire, ou on lui donne le choix aussi de
dire : Bien, écoutez, non, je ne veux pas qu'il y ait de lien de filiation
puis je veux que ça soit complètement coupé aussi? Tu sais, on vient donner une
certaine autonomie à la femme qui a été violée relativement à ça. Donc, elle
aura le choix de prendre la voie qui lui convient le mieux en fonction de sa
situation particulière. Parce que moi, je les comprends aussi de dire : Bien,
je ne veux plus aucun contact puis je ne veux pas juste la déchéance d'autorité
parentale.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien,
c'est-à-dire qu'à partir du moment où il y a déchéance complète d'autorité
parentale puis qu'en plus il y a 509 il n'y en a pas, de contact, et madame
pourra toujours décider qu'elle ne retourne pas devant le tribunal pour faire
modifier la pension alimentaire. Vous... Vous me direz que, dans l'autre sens,
ce sera toujours partir... possible au père de le faire s'il y a un changement
de circonstances. Oui, effectivement. Mais, vous savez, le code prévoit aussi
qu'une pension alimentaire, ça peut être payé par sommes... Et or, dans le
cadre, à ce moment-là, puis ça s'est fait par le passé, on peut faire un calcul
actuariel et dire : Voici, c'est le quantum que ça prend pour mener cet
enfant-là à terme.
M. Jolin-Barrette : O.K. J'ai
des collègues qui veulent vous poser des questions. Alors, merci beaucoup,
maître Kirouack, pour votre présence aujourd'hui.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Donc, il reste cinq
minutes. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Bonjour. Et
merci de votre présence en présentiel, toujours plaisant. J'aimerais qu'on
parle de l'état psychologique, peut-être, des parents. Est-ce que vous croyez
qu'une évaluation psychosociale des parties pourrait être suffisante plutôt que
des séances d'information, comme certaines personnes le suggèrent?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien,
écoutez, si vous regardez au mémoire, je me suis posé la question à force de
réfléchir sur l'incongruité suivante : si je...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...adopter
un enfant au Québec, que ce soit une adoption québécoise ou que ce soit une
adoption, n'est-ce pas, à l'international, le code prévoit que je devrai,
effectivement, avoir une évaluation psychosociale. À partir du moment où le
code permettrait que, par convention, n'est-ce pas, je puisse obtenir la
filiation d'un enfant avec lequel je n'ai aucun lien génétique... O.K., on se
comprend, là, on ne soulève pas la question, là, où il y a un lien,
effectivement, génétique, là, ce n'est pas là qu'on va... on s'est posé la
question : Comment se fait-il? C'est deux poids, deux mesures, alors que
c'est la même chose. Dans les deux cas, on va confier, effectivement, à des
tierces parties un enfant avec lequel ils n'ont aucun lien et, dans les deux cas,
on a des parents prospectifs qui voudraient vraiment, effectivement, devenir
parents.
Par ailleurs, pour ce qui est de la séance
d'information, effectivement, qui est prévue, au mémoire, vous verrez qu'on
recommande plutôt ce qui est prévu au Centre de reproduction de McGill, qu'on a
trouvé fort intéressant, où, effectivement, il y a une espèce de deux
rencontres où, effectivement, il va y avoir toutes sortes de discussions, c'est
quoi, vos attentes, c'est quoi, vos attentes, par rapport à la mère porteuse, par
rapport à cet enfant-là. Il va y avoir des discussions de même nature avec la
mère porteuse, quant aux conséquences, pour elle, de ce choix-là par rapport
aux enfants qu'elle peut déjà avoir. Et dans certains cas, leur guide,
effectivement, prévoit qu'il va y avoir une troisième rencontre, où les trois
principaux acteurs seront en présence, pour pouvoir, effectivement, discuter,
là, de l'impact et comment ils voient ça. Tu sais, je vais vous donner un
exemple, là : Est-ce que les parents prospectifs s'entendent d'être à tous
les rendez-vous médicaux, tu sais?
Mme Bourassa : Et j'ai des
questions concernant le consentement de la mère porteuse. En fait, qu'est-ce
que vous pensez du délai pour changer d'avis après la naissance?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Écoutez,
le 30 jours nous va. C'est plutôt dans le cas où elle change d'idée, où je
trouve que, là, on a un sérieux problème, parce qu'on permet, effectivement, à
quelqu'un de mettre au monde un enfant qui n'est pas le sien, dont elle sera,
dans certains cas, la seule mère, et le bât blesse, là.
Mme Bourassa : Puis, dans
votre expérience, est-ce que ça arrive souvent qu'il y a des personnes qui
changent d'idées, des parents d'intention ou des mères porteuses?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Alors,
ça, ce sera plus Me Brown qui va être capable de vous répondre à ça.
Mme Bourassa : Parfait,
merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Jean, pour deux minutes, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Me Kirouac, j'avoue que c'est en entendant le
ministre vous dire qu'on essayait, dans ce projet de loi là, d'encadrer de
façon très stricte que j'ai réécouté ce que vous étiez en train de dire et ce que
le ministre était en train de dire et, à cet égard, j'ai hâte qu'on en arrive à
l'étude détaillée pour comprendre les ramifications de tout ça, puis,
là-dessus, votre mémoire est plus que détaillé. Merci de nous aider.
Je voulais vous demander... Ça n'a rien à
voir avec ce que vous avez dit jusqu'ici. Les mères porteuses... Puis c'est
parce qu'on en avait parlé dans le projet de loi n° 2. Finalement, ça a
été scindé, puis on n'a pas conclu là-dessus. Il y avait un argument, je ne me
souviens pas qui l'avait fait, pour dire : une mère porteuse ne devrait
pas en être à son premier enfant, elle devrait avoir déjà accouché avant d'être
mère porteuse. Puis il y avait une discussion aussi sur le nombre maximal de
projets de grossesse qu'on pouvait avoir. Pouvez-vous, dans le temps qui nous
reste, nous donner un peu votre vision de ça?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Sur
la question de... c'est une des recommandations, le Centre de reproduction de
McGill. Parce qu'on se comprend, hein, il n'y a pas énormément de
documentation, là, à travers le monde, mais effectivement, c'est une de... Ils
soulignent très fortement que, la mère porteuse, sa famille devrait déjà être
finie, genre, elle a fait les enfants qu'elle voulait avoir et/ou qu'elle a...
effectivement, en ait eu au moins un, pour, je vous dirais, s'engager en toute
connaissance de cause, ça, qu'est-ce que vivre une grossesse, qu'est-ce
qu'émotivement ça peut être, effectivement, là, de sentir la vie dans son
ventre, et ce type de choses là. Donc, oui. Est-ce qu'on pense que ça devrait
être une des recommandations? Je pense que oui. Est-ce qu'il devrait y avoir un
nombre maximal? Oui aussi, mais de la même façon qu'il devrait y avoir un
nombre maximal de donneurs de sperme.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Kirouack. M. le député d'Acadie, s'il
vous plaît.
• (10 h 30) •
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour, Me Kirouack, merci pour le mémoire que votre association a
produit, qui est très exhaustif, et votre témoignage ce matin. M. le ministre a
déjà abordé certains thèmes que je voulais aborder avec vous. Je vais commencer
par le premier, parce que ça, vous en parlez dans votre mémoire. Mais, écoutez,
je vais être très transparent, un des avantages qu'on a, dans l'opposition,
suite aux témoignages qu'on entend en commission...
10 h 30 (version non révisée)
M. Morin : ...Éventuellement
de proposer les amendements pour bonifier un projet de loi, s'assurer qu'il est
conforme à ce qui va être le mieux pour la population, finalement. Et vous
soulignez, puis effectivement, dans le projet de loi, il n'y a rien. Le
contrat, la convention de grossesse, elle est... c'est à titre gratuit, sauf
que... Oui. Puis là, je vois que vous avez... Mais théoriquement c'est ça. Mais
je comprends qu'il peut y avoir une compensation pour certaines dépenses
engagées. Puis il y a toute la question aussi des agences. Et je voudrais vous
entendre là-dessus, parce que, le projet de loi, ça n'en parle pas. Puis,
évidemment, on comprend toute la sensibilité de tout cet exercice-là, on essaie
de protéger tout le monde. Donc, avez-vous des recommandations sur l'encadrement,
par exemple, qui devrait être fait des agences? Est-ce que ça devrait
continuer? Est-ce qu'on devrait les interdire? Est-ce que c'est bon, pas bon? J'aimerais
ça si vous pouviez nous éclairer là-dessus.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien,
écoutez, j'ai lu les journaux des derniers jours comme vous, là, on a appris
toutes sortes de choses intéressantes. Je constate que, comme en matière d'adoption
internationale, il semble que les tierces parties, n'est-ce pas, sont ceux qui
font de l'argent, alors que les principaux intervenants, effectivement, là, n'y
trouvent pas, on va être clairs.
Par ailleurs, la loi fédérale interdit de
rétribuer les mères porteuses, O.K.., en termes d'espèces sonnantes, là. Oui,
les dépenses, oui, la perte de salaire. Est-ce que de facto il y a des sommes
occultes qui sont versées parfois, j'en suis certaine, O.K. J'ai eu à régler,
moi, des débats de filiations après coup, où il était évident qu'il y avait des
sommes qui avaient été échangées.
L'autre question que je me suis posée hier
soir, c'est : à partir du moment où la mère porteuse n'a aucun lien
génétique avec l'enfant... Parce que je vais vous faire deux catégories, là. C'est
l'enfant biologique de la mère porteuse, catégorie numéro un, la mère porteuse
n'a aucun lien biologique avec l'enfant. N'est-il pas possible qu'à partir du
moment où elle a jusqu'à 30 jours pour dire oui, que peut-être qu'il y a
une demande de : Ça va coûter 50 000 ou ça va coûter 100 000, que je dise
oui, puisque je suis la seule qui a le pouvoir, soit de mettre fin au contrat
ou d'y donner suite. Donc, est-ce que, ça, ça peut ouvrir effectivement la
porte, je vous dirais, à des demandes illégales que des sommes soient
inversées, ça me semble clair.
M. Morin : O.K. Et, selon
vous, ça, c'est un cas de figure qui pourrait survenir. Donc, en fait, d'une
certaine façon, la mère porteuse pour dire : écoutez, mon... Le fait que
je redonne l'enfant, parce qu'elle peut le garder aussi, là, mais elle va le...
elle pourrait le monnayer, finalement?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui.
En fait, tout ça... Et je comprends que le projet de loi a une espèce de phare,
balance plus en faveur de la mère porteuse pour toutes sortes de bonnes
raisons. O.K. Mais ce que je vous soulève, c'est qu'à partir du moment où 523
serait modifié, tout à coup j'ai une mère porteuse, qui n'est pas la mère
biologique, j'ai deux parents prospectifs, OK, et, tout à coup, bien, elle va
pouvoir faire juste : c'est le mien, je le garde, je l'ai vu, il est
mignon. Et donc on a ce problème-là ici, O.K., et à cela s'ajoute qu'effectivement,
à partir du moment où je pourrais monnayer, ah, pas officiellement, on se
comprend, O.K.
M. Morin : Non, non, bien
sûr.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : O.K.
Mais il y a eu des dossiers où ça s'est vu.
M. Morin : Donc, est-ce qu'il
serait... Parce que ma compréhension du projet de loi, à 523, c'est qu'il y a
une présomption en faveur, en fait, de la mère porteuse. Est-ce que c'est
quelque chose qu'on devrait modifier, renverser? Est-ce qu'il devrait y avoir
une... en fait, une Présomption en faveur des parents comme tels? Qu'est-ce qui
serait le mieux?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : En
fait, je vais vous dire, là, la position, ma position, la position de l'association,
c'est qu'on devrait écarter du projet de loi toute la modification prévue à
523, O.K. Et on devrait garder effectivement, là, l'acte de naissance fait foi,
à défaut de quoi c'est la possession constante de l'état. Ça aurait l'avantage,
je vais vous dire, que faire en sorte que : oh! La présomption en faveur
de la femme qui accouche n'existe plus. Ça veut dire que dans mon cas de figure
où elle refuse de consentir, et elle a complètement le droit de le faire, bien,
où est-ce qu'on se ramasse : filiation par le sang, possibilité pour le
couple prospectif effectivement de demander un test d'empreintes génétiques. Et
on aurait, à ce moment-là, comprenez-vous, dans le cas où j'ai la mère
prospective, dont c'est l'ovule, ou le couple...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...dont
c'est, effectivement, et l'ovule et le sperme, bien, il n'y a pas de problème,
O.K. Puis ça éviterait tout le problème où on écarte, tout à coup, la mère
prospective qui est aussi la mère génétique du résultat final. Il y a quelque
chose d'un peu incongru alors que je porte un enfant pour autrui et
qu'effectivement j'ai signé une convention, si je n'ai pas de lien génétique
avec l'enfant qui n'est pas mon enfant, que je puisse, par le biais du nouveau
523, faire : C'est le mien.
M. Morin : C'est ça. Parce
qu'en fait ma compréhension, puis, je pense, vous l'avez très bien exprimé,
c'est que la mère porteuse pourrait ne pas avoir aucun lien génétique, mais...
et donc signe, évidemment, une convention. C'est l'idée du projet de loi, donc
elle sait dans quoi elle s'engage, mais, à la toute fin, même si elle n'a aucun
lien génétique, elle dit : Bien, écoutez, moi, finalement, je le garde,
puis je l'enregistre, puis il n'y a pas... il n'y a pas de souci, le projet de
loi va permettre ça. Puis là les deux parents vont rester, woup, complètement à
l'extérieur.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien,
soit juste le père va être reconnu soit... et, auquel cas, la mère ne le sera
pas, là.
M. Morin : C'est ça. Exact.
Merci, merci bien. Est-ce qu'il y aurait lieu d'encadrer plus à fond la
convention ou insérer, par exemple, dans la convention, certains... certains
éléments qui pourraient être d'ordre public? Vous avez parlé de l'assurance ou
de l'assurance vie qui pourraient être prises, mais moi, il y a d'autres
éléments qui me viennent en tête. Si, par exemple, il y a des parents qui ont
des employés ou des domestiques à la maison puis qui font des pressions pour
qu'une de ces personnes-là devienne une mère porteuse, là, ça devient très
difficile parce que vous avez une espèce de lien d'autorité puis, en plus,
surtout si la personne... encore pire, n'a peut-être pas un statut de citoyen
canadien, là ça devient hypercomplexe.
Est-ce que ce ne serait pas approprié
d'insérer, dans le projet de loi, un énoncé clair à l'effet que ça, ça ne
serait pas permis?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : En
fait, c'est soulevé spécifiquement dans notre mémoire, cette question-là,
notamment à l'égard, n'est-ce pas, des aides domestiques, en vertu, là, du
programme spécial de l'immigration qui permet à ces femmes-là de demander,
effectivement, leur résidence permanente par la suite. Nous sommes d'opinion
qu'il ne devrait jamais y avoir de lien d'emploi ou un lie... et on va aller
plus loin que ça, là, un lien contractuel de travail, c'est sûr, O.K., on va la
payer comme travailleuse autonome, là, O.K. Donc... Et ça, ça devrait être très
clair, les personnes ne devraient pas pouvoir être liées à de cette façon-là.
Et j'irais plus loin que ça, pas non plus la fille ou la sœur de la dame qui
travaille là, en vertu... O.K.
Donc, on devrait s'assurer qu'il ne puisse
pas y avoir effectivement de pression, et notamment si je pense à la catégorie,
effectivement, des gens qui viennent travailler comment aide domestique. Leur
possibilité de rester ici et d'avoir un avenir meilleur dépend effectivement de
ce lien-là. Alors, oui, il y a toute une possibilité de chantage.
M. Morin : Excellent. Donc,
ça, je vous remercie. Vous avez pris, votre association, une position très
claire et, en fait, je trouve ça intéressant, et je vais me sortir du
corporatisme, là, on y a fait référence tantôt, notaire ou avocat. Moi, je suis
avocat, mais je ne suis pas ici comme avocat, je suis ici parce que je veux que
la législation soit meilleure.
La convention doit être notariée. Quand
j'ai lu le projet de loi, bon, c'est très clair, pas la question du
consentement, ça, ça va être sous un privé. Puis on a entendu plusieurs groupes
qui, dont l'Ordre professionnel des notaires, qui nous disaient : Oui,
c'est un acte authentique, il n'y a pas de problème de preuve. C'est sûr que le
document ne sera pas antidaté. Et vous, avec votre association, vous prenez une
position, puis vous l'avez exprimée tantôt, ferme à l'effet que, non, ça
pourrait être fait sous un privé. On nous disait : Écoutez, ça va être
plus facile pour établir l'âge de la personne puis... le fait que ce n'est pas
antidaté. Mais j'ai une question pour vous, ça peut vous paraître étonnant,
mais, tu sais, dans votre pratique ou en général, faites-vous ça souvent, des
actes antidatés?
• (10 h 40) •
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Bien,
c'est parce que je pense que... un, je commettrais une faute professionnelle si
je faisais ça. Ça fait que la question ne se pose pas, là, je n'antidaterai
jamais un document.
M. Morin : Merci, c'est ce
que je souhaitais entendre, parce qu'il me semble qu'on soit notaire...
M. Morin : ...ou avocat, là,
il n'y a pas de différence, on ne fait pas des actes antidatés, là, mais...
O.K. Parfait. Donc, au fond... Puis qu'est-ce que... Comment contourner toute
la question? Parce que c'est sûr qu'un acte notarié, c'est un acte authentique,
là. Un acte sous seing privé, bien là, ce n'est pas les mêmes règles de
preuve, on s'entend là-dessus. Est-ce que, pour vous, ça pose un problème
majeur?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Pour
nous, ça ne pose pas de problème majeur de quelque nature que ce soit, là,
c'est la convention des parties. Et, on se comprend, là, c'est dans les cas où
ça va être soumis en déclaration judiciaire.
M. Morin : D'accord. Je vous
remercie. J'aimerais aussi attirer... Puis j'aurais une ou deux questions pour
vous en lien avec l'article 542.33 du projet de loi, qui traite de la
responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression
sexuelle. Je comprends l'idée, le sens du projet de loi. Maintenant, et
dites-moi si vous êtes d'accord avec ma lecture de cet article-là,
présentement, une dame qui a été victime d'un viol, qui garde l'enfant,
l'enfant vient au monde, donc, dans l'état de 542.33, c'est elle qui va devoir
s'adresser aux tribunaux et qui va devoir faire la preuve, évidemment, qu'elle
a été victime d'un viol. Je comprends que ça peut être prouvé par la production
d'un jugement. Mais ça va être à elle, donc, de s'adresser à la cour, et de
faire la preuve... et de faire la preuve de l'indemnité, et puis après ça,
bien, être capable d'éclairer le tribunal quant au montant qui va être accordé.
Est-ce que ma lecture est correcte?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Votre
lecture est tout à fait correcte.
M. Morin : Trouvez-vous que
c'est juste pour la femme, ou si on ne devrait pas penser à un mécanisme autre
où l'État interviendrait pour la soulager de ce fardeau-là? Est-ce que, par
exemple, l'enfant pourrait être une victime... reconnu victime d'un acte
criminel, et donc recevoir une indemnité par exemple de l'IVAC, ce qui
aiderait, plutôt que d'imposer ce fardeau-là à la mère?
Le Président (M.
Bachand) :Très rapidement, Me Kirouack,
le temps file. Merci.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Écoutez,
il est certain que d'avoir une indemnité de la part de l'IVAC, là, pourrait
être des plus intéressants par rapport à ça, et, oui, je trouve que, quand je
lis cet article-là, le fardeau de la preuve est extrêmement élevé. Ce que je
tiens pour acquis est que la vaste majorité des femmes ne réclameront pas ça et
n'iront pas devant nos tribunaux, également, O.K. Je tiens aussi pour acquis
que, dans la vaste majorité des cas, et on le sait, c'est... connaissance
d'office, la majorité des femmes ne vont pas à la police, pour toutes sortes de
raisons, O.K. Alors...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Vaudreuil, pour 4 min 18 s, s'il vous plaît.
M. Morin : Parfait. Merci, M.
le Président.
Mme Nichols : Continuez, Me
Kirouack, là. Alors?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Donc,
statistiquement, on le sait, O.K., la majorité des agressions sexuelles ne sont
pas dénoncées aux autorités policières, pour toutes sortes de considérants
sociaux. Donc, ça veut dire qu'on demanderait à une mère, effectivement,
d'aller devant les tribunaux, de déclarer qu'elle a été agressée sexuellement,
de subir un contre-interrogatoire des plus serrés, d'avoir à avoir un actuaire
pour pouvoir prouver quel type d'indemnité. Je trouve qu'on en demande beaucoup
à la victime d'agression sexuelle.
Mme Nichols : Oui, puis je
pense que l'intention, entre autres, du ministre, c'est d'éviter tout ça, là,
d'éviter tout ça. Donc, merci de le porter à notre attention. Merci, là, Me
Kirouack, d'être ici aujourd'hui.
J'avais aussi plusieurs questions qui ont
été abordées entre autres avec 523, l'assurance-vie, les conventions. Je suis
plus restreinte dans le temps, mais je voulais juste revenir sur... Le ministre
avait parlé... Entre autres, à un moment donné, on arrivait avec la
différence... donner le choix à la mère, là, une mère qui est victime d'un
viol, puis on lui avait... on voulait lui donner le choix entre la pension
alimentaire ou d'aller chercher l'indemnité. Par rapport à l'indemnité, avez-vous
des recommandations à nous faire? Parce qu'évidemment ce n'est pas les tables
qui peuvent nécessairement s'appliquer, puis on ne sait pas non plus...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : La
difficulté, quand on veut insérer au code quelque chose qui est totalement
nouveau, O.K., et parce que j'ai été en pratique privée beaucoup d'années, vu
mes cheveux blancs, c'est qu'on sait qu'on en a pour 10 ans de jurisprudence
avant de savoir effectivement où commence l'article, où finit l'article, quelle
est la nature de, comment ça devrait ultimement se calculer. Parce qu'il est
clair que, oui, on parle d'une contribution à cause d'un enfant, là, mais on ne
parle pas de pension alimentaire. Donc, les barèmes, que ce soient les barèmes
provinciaux ou les barèmes fédéraux, n'est-ce pas, ne s'appliqueraient pas. Ça
implique aussi que... Je veux bien, là, condamner quelqu'un à une indemnité
globale, là, mais... capacité de payer n'y est peut-être pas, puis à ce
moment-là, même si la personne, elle ne fait pas faillite, on va se ramasser
sur la portion des...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : ...sommes
saisissables, effectivement, sur les revenus de quelqu'un. Tout ça semble
lourd, alors qu'on aurait pu juste aller clairement dans des règles qu'on
connaît et qu'on sait déjà comment appliquer.
Mme Nichols : Puis, quand
vous parlez des règles qu'on connaît, vous parlez des...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : En
matière de filiation puis de tout ce qui découle.
Mme Nichols : Oui, en effet,
en effet, il y avait une... il y a une Problématique à cet effet-là, là, si on
convient d'une indemnité, même pour aller chercher, là, le montant, le
paiement, puis s'il y a un changement dans les revenus aussi.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Oui,
puis je vais vous dire, l'avantage d'aller par là, là, O.K., c'est que je suis
victime d'agression sexuelle, je ne suis pas obligée de m'en aller à la cour,
hein, pour demander qu'on reconnaisse effectivement que l'agresseur, il est le
père de mon enfant, de quelque nature que ce soit, je n'ai pas besoin d'aller
devant le tribunal. Je ne suis pas tenue, O.K. Par contre, ici, on regarde
vraiment, là, le dossier, mais d'une grande tristesse de... qu'on... De l'été
dernier, à partir du moment où la loi dirait clairement à un agresseur :
oui, vous pouvez venir devant le tribunal pour faire reconnaître votre
filiation. Et le résultat final va être : oui, vous allez être sur l'acte
de naissance, deux, vous n'aurez aucune autorité parentale, donc ça n'implique
pas de garde, pas d'accès, pas le droit de savoir ce qui se passe avec
l'enfant, pas de contact, et vous allez payer une pension alimentaire. J'ai le
sentiment que dans les cas de certains de ces agresseurs plus caractériels que
d'autres en termes de... parce que, tu sais, il y a une espèce de recherche,
là : je vais te faire souffrir, je ne t'ai pas juste agressée. À partir du
moment, ultimement, ça va te coûter des sommes, vas présenter ça devant les
tribunaux, puis, au bout du compte, tu vas payer une pension alimentaire et tu
n'auras rien du tout. J'ai tendance à penser que le message fera en sorte que
le nombre diminuerait ou deviendrait inexistant.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Ça va?
Mme Nichols : Oui. Merci.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Kirouack. Merci beaucoup d'avoir été
avec nous, ça a été un grand privilège. Merci beaucoup.
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Je suspends les travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 48)
(Reprise à 10 h 51)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît, la commission reprend
ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les représentant et
représentantes de l'Association des juristes progressistes. Bienvenue à vous
quatre. Merci beaucoup d'être avec nous. C'est un grand plaisir.
Alors, avant de débuter, je vous
inviterais à vous présenter et commencer votre exposé d'une dizaine de minutes
et après ça on aura un échange avec les membres de la commission. Alors, la
parole est à vous.
Gauvin-Joyal (Laurence) : Merci,
M. le Président. Bonjour, Mesdames et Messieurs les députés. Merci au ministre
pour l'invitation. Nous représentons ce matin l'Association des juristes
progressistes qui est un OBNL voué à la défense des droits, déterminés à mettre
le juridique au service des luttes pour la justice sociale.
À titre de représentant, représentantes,
j'ai le plaisir de vous présenter Maître Joey Hanna, avocat et enseignant à
l'École du Barreau du Québec et au Département des sciences juridiques de
l'UQAM, maître Valérie P. Costanzo, également avocate et actuellement
doctorante en droit à l'Université d'Ottawa, et qui sera professeure, dès le
1er juin, au Département des sciences juridiques de l'UQAM, Céleste
Trianon, étudiante en droit à l'UdeM, coordinatrice de la clinique juridique et
également administratrice de l'AJP, et moi-même, Laurence Gauvin-Joyal,
également administratrice de l'AJP et étudiante inscrite au Barreau du Québec.
Maître Hana, je vous cède la parole.
M. Hanna (Joey) : Merci, M.
le Président, M. le ministre. Je vais faire écho aux propos de ma collègue. Je
vous remercie à mon tour pour l'invitation. Mon exposé va se décliner en deux
points. D'abord, je vais traiter de notre proposition de reconnaissance de la
pluriparenté, ensuite, je vais aborder les propositions en lien avec
l'accessibilité à la GPA, et ce, davantage sous forme de questionnement.
Je vais commencer par vous dire que les
configurations familiales fondées sur le désir d'élever un enfant en dehors du
schéma biparental, elles existent et elles s'imposent d'ailleurs dans la
réalité sociale actuelle. On n'a qu'à penser aux parties prenantes d'un projet
de GPA, à une personne seule qui va adopter avec l'intention d'élever son
enfant avec des amis ou aux trouples et j'en passe. L'idée, ici, là, ce n'est
pas de vous dresser un portrait exhaustif de l'ensemble des configurations qui
sont possibles, mais bien de sensibiliser le législateur à, d'abord et avant
tout, l'existence sociale des projets pluriparentaux et ensuite à traduire
cette existence sociale en réalité juridique. Ce qu'on soutient
essentiellement, c'est que la reconnaissance et l'encadrement légal de la
pluriparenté, c'est nécessaire et c'est en harmonie avec la recherche du
meilleur intérêt de l'enfant.
À l'heure actuelle, l'absence de
reconnaissance légale de la pluriparenté, bien, ça va priver les enfants d'une
protection contre les conséquences d'une possible séparation ou d'un décès. On
peut penser à la situation où les parents civils, donc les parents qui ont un
lien de filiation qui est reconnu, vont couper les liens avec le parent de
fait. Ici, l'enfant serait privé du support affectif, social, économique,
alimentaire de son parent de fait qui, quant à lui, serait tenu à l'écart des
décisions découlant de l'autorité parentale qui, elle, s'articule par les
parents reconnus.
Bref, vous avez le portrait, là, d'un
besoin de protection auquel le législateur peut répondre, et, à défaut de le
faire, bien, ça a pour conséquence de placer des enfants et par ailleurs des
parents en situation de vulnérabilité puisqu'ils ne peuvent pas pleinement
jouir des protections offertes par le Code civil en raison de leur
configuration familiale.
Je tiens à souligner qu'on a considéré la
question, voire les inquiétudes soulevées par certains, certaines quant à
l'articulation pratique et pragmatique de la pluriparenté. En gros, comment
est-ce qu'on va gérer les litiges concernant la garde ou l'autorité parentale
en contexte pluriparentale? Bien, ce qu'on vous soumet, respectueusement,
aujourd'hui, c'est que le code contient déjà des outils qui sont tout à fait
transposables et suffisants pour permettre aux tribunaux de trancher un litige
en matière pluriparentale et que le critère de la recherche du meilleur intérêt
de l'enfant, bien, ce n'est pas incompatible avec la pluriparenté.
Permettez-moi donc de conclure notre
première proposition en invitant le législateur à réfléchir à la question de la
pluriparenté en considérant les quatre facteurs suivants : premièrement,
le besoin de protection des enfants; deuxièmement, le besoin de reconnaître une
réalité sociale déjà existante; troisièmement, le besoin d'accorder à cette
réalité sociale les outils juridiques nécessaires pour s'articuler et
s'inscrire dans ce besoin de protection; et, finalement, le besoin de
préserver, là, le principe d'égalité entre les enfants, et ce, sans égard au
contexte, aux circonstances de leur naissance. Et, pour toutes ces raisons-là,
on vous invite à reconnaître la pluriparenté.
Tout ceci m'amène à notre deuxième
proposition, à savoir une GPA accessible...
M. Hanna (Joey) : ...D'une
part, il faut souligner que dans la mouture actuelle du projet de loi, l'accès
à la GPA est réservé aux personnes seules ou aux conjointes, ce qui a pour
effet de laisser derrière, bien, des coparentalités platoniques, des couples
qui refusent de faire vie commune ou qui ne peuvent pas être juridiquement
qualifiés de conjoints, conjointes. Encore une fois, ces réalités-là, elles
existent, et on doit en prendre compte afin que tous les parents puissent
accomplir le projet de GPA en conformité avec la loi et non pas dans la
clandestinité. Ainsi, on se pose la question, s'il ne vaut pas mieux d'offrir
un soutien législatif plutôt que de maintenir des parents, des familles dans la
marginalité.
Sur un tout autre ordre d'idée, notre
mémoire soulève plusieurs angles morts et des questionnements quant aux
dispositions relatives à la GPA. Je pense à l'absence de définitions, de
détails des enjeux qui vont être discutés lors de la rencontre préalable au
projet de GPA, aux implications psychosociales, éthiques qui découlent de ces
rencontres-là, à la manière dont l'État va assurer l'accessibilité de ces
rencontres-là, notamment, à l'accessibilité financière.
Toutes ces questions-là habitent notre
mémoire et justifient les recommandations qu'on vous fait et que vous
trouverez, là, plus amplement à la page 17. Mais, vu le temps qui m'est
imparti, je vais céder la parole à ma collègue.
Gauvin-Joyal (Laurence) : Merci.
On aimerait également attirer votre attention sur l'expression «la femme ou la
personne qui donne naissance», qui est largement utilisée dans le projet de loi
n° 12. Donc, puisque les femmes sont juridiquement incluses dans la
catégorie de personnes, sa mention expresse semble a priori redondante, voire
inutile. Or, s'il advenait que les tribunaux aient à interpréter ladite
expression, il y aurait une présomption selon laquelle l'intention législative
était de produire un effet au regard du principe d'interprétation de...
Rappelons-nous que chaque terme, chaque
phrase, chaque alinéa doit être présumé avoir été rédigé délibérément en vue de
produire un effet. Partant du constat qu'il ne semble pas encore possible pour
les femmes trans d'incuber avec succès un foetus, la catégorie femmes ne peut
que signifier les femmes cisgenres au regard du contexte législatif. Par
conséquent, les autres personnes désignent la diversité des personnes trans qui
ont la capacité biologique de porter un enfant. Ainsi, de par cette
distinction, on voit que le projet de loi a pour effet de créer deux catégories
juridiques distinctes de personnes pouvant donner naissance, les femmes cis et
les femmes trans.
La grossesse est avant tout une expérience
de corps, un fait biologique qui concerne toute personne pouvant donner
naissance. Alors, comment justifier ce besoin de les distinguer au regard de
leur identité de genre, si ce n'est pas pour produire un traitement
différentiel et par le fait même discriminatoire à l'égard des personnes trans?
Par conséquent, nous vous invitons à ne conserver que l'expression «personnes
qui donnent naissance», puisqu'elles incarnent à la fois la posture inclusive
recherchée et permet d'éviter une mise en œuvre discriminatoire. Je cède la
parole à Céleste.
Trianon (Céleste) : Parfait.
M. le ministre, il me paraît également important de soulever quelques remarques
quant à... aux futurs articles 541.12 et .13. Les obligations
linguistiques prévues par le projet de loi pourraient constituer un obstacle
pour les personnes non francophones qui désirent porter un enfant pour autrui.
Le législateur devrait s'abstenir de légiférer dans ce sens si son désir est de
protéger... naissances, sinon afin d'assurer un accès équitable à toutes les
personnes visées par la loi, des coûts relatifs à l'obtention de traductions
certifiées, voire même l'obtention de la traduction elle-même devraient
également être couverts par la RAMQ ou autrement par le gouvernement.
J'aimerais également souligner nos
préoccupations quant à l'invitation de Pour les droits des femmes du Québec aux
présentes auditions. Ce groupe qui s'autoréclame féministe dépense plus de son
temps à... des personnes trans, de leur famille et de la grossesse pour autrui
que toute autre chose. Le groupe qui réclame que, dans... un débat contagieux
et dangereux qui viole à répétition le droit à la dignité de certaines de nos
membres et de nos administratrices... avec... nous trouvons ça impensable
qu'une place leur a été réservée dans le cadre des présentes auditions. Je vous
cède la parole.
• (11 heures) •
Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors,
le dernier point qui est abordé dans le mémoire qui vous est présenté, c'est
celui de la filiation des enfants nés d'une agression sexuelle, avec des
propositions qui vont plus loin dans la mesure où on est en train de créer du
droit nouveau. D'ailleurs, on salue une initiative de vouloir assurer une
meilleure protection des personnes victimes d'agressions sexuelles et des
enfants qui en sont issus.
Les propositions qu'on apporte sont celles
de protéger davantage et d'aller plus loin. Et nous sommes ici aujourd'hui,
notamment, pour réfléchir ensemble. On l'a entendu dans... à travers les
interventions de plusieurs personnes dans les dernières journées de
consultations, qu'en créant des droits nouveaux, il y a également des... il y a
des questions nouvelles, il y a des éléments qu'on n'a pas encore définis. Et
on est disposés à le faire ensemble aujourd'hui, que ce soit par rapport à la
pluriparentalité, mais également dans un contexte de filiation d'enfants issus
d'une agression sexuelle...
11 h (version non révisée)
Mme Costanzo (Valérie P.) : ...on
cherche à faciliter le rejet d'un recours de l'agresseur en réclamation de
paternité, notamment en créant un rejet de plein droit, en facilitant l'accès à
l'information par le Directeur de l'état civil, qui pourrait faire enquête pour
faire ce rejet, et non pas mettre le fardeau sur les épaules des personnes
victimes. Il y a plusieurs présomptions qu'on vous suggère, que ce soit dans un
contexte d'opposer une réclamation de filiation, de demander le retrait de la
filiation, ou encore, de demander la déchéance de l'autorité parentale. On
pourra vous donner des exemples plus en détail. En créant des présomptions, on
va permettre à des victimes de ne pas avoir à faire une démonstration à nouveau
quand il y a un jugement criminel qui existe déjà, de présumer qu'un contexte
de violence conjugale qui donne lieu à une conception d'un enfant est également
une agression sexuelle au sens de la loi. Et on estime que, si on est largement
d'accord sur le fait qu'en contexte d'agression sexuelle la honte doit changer
de camp, on pense aussi que le fardeau judiciaire doit changer de camp.
Alors, merci encore de l'invitation. Au
plaisir d'échanger avec vous, nous sommes disposés, là, pour vos questions.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Laurence Gauvin-Joyal, Me Hanna, Mes Costanzo, Céleste
Trianon, bonjour, merci d'être présents en commission parlementaire pour l'Association
des juristes progressistes. D'entrée de jeu, j'aurais envie de continuer, Me
Costanzo, sur les recommandations que vous faisiez relativement au cas où une
femme a été violée et qui a un enfant qui est issu de ce viol-là. Vous dites :
Il faut faciliter le recours de la mère. Je suis d'accord avec vous. C'est ce
qu'on tente de faire dans le cadre du projet de loi. En fait, le premier
élément, c'est de lui laisser le choix, donc, est-ce que, s'il y a
établissement de la filiation, le recours en déchéance soit dans le même
véhicule procédural. Donc, on l'inclut de cette façon-là également. Même chose,
le jugement en matière criminelle peut être versé pour faire preuve dans le
cadre de l'instance civile, le fardeau de preuve est moins élevé en matière
civile. Ça, c'est s'il y a rupture du lien de filiation. Quels éléments
supplémentaires vous rajouteriez pour faciliter la vie de la femme qui a été
violée?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors,
quelques-unes... D'ailleurs, c'est vrai, vous avez tout à fait raison, on va
dans la même lignée que le p.l. n° 12 et on salue, là, déjà les
propositions qui sont faites. Dans un contexte où il y a un jugement criminel,
et il n'y a pas encore de filiation établie à l'égard de l'agresseur, et que l'agresseur
fait une démarche pour établir cette filiation, ce qu'on propose, par exemple,
c'est qu'en intentant le recours il y ait l'obligation de mettre en cause le
Directeur de l'état civil, que le Directeur de l'état civil doit faire enquête,
pourrait rechercher, dans le plumitif criminel de l'agresseur, le mur, la
culpabilité qui a été reconnue, informer le tribunal, déposer au greffe ces
jugements pour rejeter, de plein droit, la demande. Alors, on vise surtout à
faciliter pourquoi que la personne victime ait à faire des démarches supplémentaires,
encore une fois, judiciaires pour faire... pour créer ce rejet. Alors, on veut,
disons, opérationnaliser, sur le plan procédural, cette initiative.
Dans la mesure...
M. Jolin-Barrette : Mais j'aurais
une question là-dessus : Qu'est-ce qui arrive si jamais madame veut,
supposons, qu'il y ait établissement de la filiation? Dans le fond, il n'y a
pas eu établissement de la filiation. Il y a un jugement criminel, puis là on
est dans le flou, là. Actuellement, il n'y a rien. Mais que, finalement, quand
la demande émane du violeur, finalement, madame dit : Bien oui, je le
veux, parce que... je veux une déchéance, mais je veux avoir les aliments puis
je veux avoir les droits successoraux. Qu'est-ce que vous faites, dans ce
modèle-là, avec ce que vous nous proposez?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Bien,
il y aurait peut-être un devoir de conseil à faire, à ce moment-là, c'est-à-dire,
la femme en question va être... va faire partie des personnes qui reçoivent les
procédures. On pourra également prendre la parole. Mais dans le devoir de
conseil, on prévoit d'autres mesures qui sont possibles dans le projet de loi
n° 12, notamment une indemnité. On pourra en rediscuter plus tard, là, qu'est-ce
que cette indemnité spécifiquement, comment est-ce qu'on en fait la demande. Si
une femme ne s'y oppose pas, bien, elle pourra signifier, effectivement, là,
son consentement, mais, à ce moment-là, s'il y a consentement, les démarches
judiciaires, s'il y a... bon, c'est une déclaration tardive, finalement, de
filiation. Alors, bon, on peut laisser cet espace... à une femme,
éventuellement, d'indiquer qu'elle accepte. Je veux bien y croire
hypothétiquement.
Dans ce qu'on peut voir, et dans la
pratique, puis Me Hanna, aussi, aura des exemples à donner, ce qu'on voit
souvent, c'est que les femmes qui ne veulent pas avoir un lien avec l'agresseur,
qui seraient probablement heureuses d'obtenir un soutien économique, un soutien
social pour la chose, sans qu'il y ait un partage de l'autorité parentale, qui
découle du lien de filiation, bien honnêtement, et sous toutes réserves, je
serais...
Mme Costanzo (Valérie P.) : ...curieuse
et je serais étonnée de savoir qu'il y a des femmes qui veulent que le lien de
filiation soit établi. Ce n'est pas impossible, prévoyant effectivement que
cela soit et qu'on laisse une certaine... un pouvoir décisionnel à ces
femmes-là. Mais, sinon, je pense que les autres alternatives répondent
davantage aux besoins.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis
vous disiez, Me Hanna avait des exemples.
Une voix : ...
M. Hanna (Joey) : ...
Une voix : Allez-y.
M. Hanna (Joey) : Pardon,
excusez-moi, je m'invite dans la question ici. Là, je n'ai pas d'exemple
concret. Cela dit, je peux... je peux vous dire qu'en pratique, essentiellement,
c'est plus l'inverse qui arrive essentiellement, donc les femmes victimes vont
vouloir couper tous les liens plutôt que de vouloir reconnaître ces liens-là.
C'est ce que j'ai reçu dans mon bureau à l'époque où je pratiquais à l'aide
juridique en matière familiale. Donc, je ne vous dis pas que la question est
théorique, je la prends, je pense que l'agentivité de la femme, bien, c'est un
concept qui est très important, cela dit, j'ai plus l'impression que c'est
l'effet inverse ou du moins c'est la situation inverse qui risque d'arriver
plutôt que la reconnaissance, le désir de reconnaissance par une femme.
M. Jolin-Barrette : Parce
que, dans le fond, vous, vous militez davantage à ce qu'il y ait une rupture
d'une filiation dans ce cas-là plutôt qu'une déchéance d'autorité parentale.
Parce que, voyez-vous, on reçoit des membres du Barreau, certains nous
disent : Non, on devrait aller vers la déchéance uniquement, ne faites pas
de rupture du lien de filiation. Vous, vous êtes à l'opposé également. Donc, je
constate qu'il y a plusieurs situations, puis l'ensemble des membres du
Barreau, ils n'ont pas une solution unique et une opinion unique là-dessus.
Peut-être une question sur... Et j'ai été
un peu surpris que, dans le cadre de la grossesse pour autrui, vous
recommandiez de rendre facultative la séance d'information pour les parents
d'intention et pour la mère porteuse. Pourquoi voulez-vous rendre facultative
cette séance d'information là?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Je
vous dirais que cette proposition a été formulée dans la mesure où on était
beaucoup en posture d'attente par rapport à telle serait cette séance
d'information spécifiquement. Alors, dans l'attente d'avoir plus d'information,
on a soulevé cette idée d'avoir une séance qui était facultative. On comprend
et on reconnaît tout à fait la nécessité que des informations soient données,
que les gens comprennent, soient en connaissance de cause, qu'il y ait un
consentement libre et éclairé, mais peut-être qu'à ce stade on pourrait renverser
la situation et se placer en posture d'écoute pour avoir un peu plus
d'information sur ce qu'est-ce qu'est cette séance, qui est réfléchie par
rapport à l'information psychosociale et éthique de cette rencontre-là. Parce
que, dans le flou, on se pose des questions.
M. Jolin-Barrette : Mais
parce qu'un des objectifs, c'est justement de préparer les gens aux
conséquences puis aux impacts du projet parental, puis aux questions, de
pouvoir répondre aux questions de la mère porteuse, puis que la décision soit
prise, lorsque je fais une convention de grossesse pour autrui, que je puisse
le faire d'une façon éclairée, puis que j'aie toutes les réponses à toutes mes
questions, puis que je puisse savoir dans quoi je m'embarque aussi.
Puis, voyez-vous, il y a le parallèle
aussi, on s'est questionné à savoir... Quand vous êtes en matière d'adoption,
notamment adoption internationale, vous avez une évaluation psychosociale. On a
décidé, dans le cadre du projet de loi n° 2 puis dans le cadre du projet de loi
n° 12, de ne pas aller vers l'évaluation psychosociale des parents, parce que
certains nous disent, bon, il y a une grande différence entre l'adoption et la
grossesse pour autrui, considérant qu'en matière d'adoption, théoriquement,
l'enfant, il y a une rupture avec son parent, c'est une situation qui est
particulière. Bon, la grossesse pour autrui, on pourrait dire la même chose
aussi parce que, bon, l'enfant était avec la mère porteuse durant l'ensemble de
la grossesse. Mais on a décidé quand même d'aller vers la séance d'information,
qui est une exigence moins élevée que l'évaluation psychosociale.
Qu'est-ce que vous pensez de ça? Parce
que, là, vous vous êtes comme en attente de voir qu'est-ce qu'il y aurait
dedans. L'idée, c'est que chaque partie puisse savoir qu'est-ce que ça...
qu'est ce que ça a comme impacts psychologique, physiques, notamment, pour la
mère porteuse. Alors, comment vous voyez ça par rapport à l'adoption?
Mme Costanzo (Valérie P.) : On
est favorables à cette avenue qui a été retenue, c'est-à-dire ne pas en faire
une évaluation, mais bien une séance d'information. Absolument, tout à fait
d'accord avec ça.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Parlons de la pluriparenté. Vous, vous êtes en faveur qu'il y ait plus de deux
parents.
M. Hanna (Joey) : Tout à
fait. C'est notre proposition.
M. Jolin-Barrette : Expliquez-moi
ça.
• (11 h 10) •
M. Hanna (Joey) : Bien, en
fait, je pense qu'il y a plusieurs arguments qu'on peut soulever ici. Je les ai
articulés de la manière suivante, d'abord, un besoin de protéger les enfants,
deuxièmement, un argument subsidiaire qui découle de ce besoin de protection,
c'est d'éviter de placer des parents ou des enfants dans une situation de
vulnérabilité, donc de les priver, là, de droits qui sont prévus au code, de
lien affectif, psychologique...
M. Hanna (Joey) : ...physique,
matériel et monétaire, et, troisièmement, pour consacrer le principe d'égalité
entre les enfants, et ce, sans égard aux circonstances de leur naissance. Donc,
pour ces trois grands arguments là, on milite en faveur de la reconnaissance de
la pluriparenté ici.
M. Jolin-Barrette : Puis...
Mme Costanzo (Valérie P.) : Je
vais aller plus loin, si vous me permettez. Alors, on veut permettre que la
pluriparenté soit reconnue en droit. Ce n'est pas nécessairement en faire la
promotion. Il y a d'autres États qui ont reconnu l'existence de pluriparenté,
et la réalité, c'est qu'il n'y a pas tant de familles qui font appel à ce type
de configuration familiale, mais c'est reconnu, et c'est encadré, et ça répond
à un besoin réel. Ça créé une certaine résistance, on le reconnaît, mais de la
même manière qu'il y a 20 ans, dans un contexte d'une réforme qui était
absolument progressiste, qui permettait, par exemple, à des couples
homoparentales de devenir parents, il y avait une grande résistance dans la
population. Et une des idées ou une des questions qu'ils avaient soulevées,
c'est : On n'a pas fait la démonstration que c'était dans l'intérêt de
l'enfant et, 20 ans plus tard, on ne regrette pas de l'avoir fait. C'est
effectivement dans l'intérêt des enfants, leurs besoins sont répandus d'une
manière qui est différente, mais qui est tout à fait adaptée, et on pense que
c'est le même principe qui devrait s'appliquer avec la pluriparenté
aujourd'hui.
M. Jolin-Barrette : Mais je
vous dirais que j'émets certains doutes par rapport à ça, parce que je me
demande, on répond aux besoins de qui, est-ce qu'on répond vraiment aux besoins
de l'enfant ou aux besoins des gens qui forment ce projet parental là? Alors,
si tout va bien, je suis d'accord avec vous, c'est plein de gens qui s'occupent
de l'enfant, mais quand la chicane, elle pogne, là, s'il y a quatre parents,
l'enfant, là, il va avoir quatre maisons. Qui va décider du consentement
médical, les sorties à l'école? Il va avoir huit... de grands-parents. Il n'y
aura pas assez de journées de Noël dans le temps des fêtes, là.
Mme Costanzo (Valérie P.) : ...mais,
cela étant, puis on reconnaît qu'il y a cette inquiétude qui existe, ça veut
dire plus... pour la traduction, on reconnaît des inquiétudes. Ceci étant,
c'est vrai qu'il y a une configuration qui est nécessaire. Les parents...
Alors, dans les propositions que vous avez dans notre mémoire, on a réfléchi à
des manières d'anticiper des enjeux. Alors, si dans le cas d'une GPA, il y a un
couple et une amie qui a accepté de porter l'enfant d'autrui, qui décide de
faire un projet triparental, par exemple, dans l'aménagement de ce projet qui
doit être notarié, selon le pl 12, pourrait également prévoir l'aménagement, de
comment va s'exercer l'autorité parentale et comment est-ce que l'autorité
parentale s'exercerait en cas de rupture, en cas de séparation? On pourrait
prévoir à l'avance.
Je reviens aussi à votre question
initiale, c'est-à-dire c'est pour les besoins de qui, ça, est-ce c'est les
parents ou c'est les enfants? Mais c'est le même genre de question qu'on posait
aussi il y a 20 ans, puis qu'on posait il y a 50 ans dans un contexte de
divorce. L'un n'est pas nécessairement opposé à l'autre, il peut y avoir une
interrelation entre les deux, on pense qu'il y en a une. Et, oui, ça fait plus
de parents, mais ça fait aussi plus de parents qui se soucient d'un même
enfant. Ce n'est pas exclu, puis on ne veut pas nécessairement avoir un
discours angélique que tout va toujours bien aller, au contraire, comme on le
voit dans les cours supérieures du Québec, même juste à deux, ça peut faire de
grands conflits, mais on pense quand même que les règles qui existent peuvent
répondre aux besoins.
Et, si on reprend l'exemple de quatre parents
avec un enfant qui va être à quatre endroits en même temps, ce n'est pas
nécessairement ça qu'on dit. Le critère de l'intérêt de l'enfant pourrait
prévoir qu'il y ait deux parents ou qu'il y en ait quatre, qu'un des parents
ait une garde exclusive de cet enfant, et que les autres parents aient des
accès, aient des droits de visite, aient un regard sur certaines décisions qui
sont prises, mais le noyau va rester l'enfant et le droit actuel peut répondre
à ça aussi.
M. Jolin-Barrette : Mais c'est
une discussion qui mérite d'être faite. Écoutez, mes collègues veulent poser
des questions. Alors, je vous remercie grandement pour votre présentation à la
Commission des institutions aujourd'hui. C'est apprécié.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Bonjour à vous
quatre. Merci pour votre temps. Merci d'être là. Vous disiez un peu plus tôt
que vous proposiez de renforcer l'article 606, déchéance de l'autorité
parentale. Est-ce que vous pouvez développer là-dessus, nous en parler de votre
proposition? Merci.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Oui,
avec plaisir. Bonjour. Alors, une des avenues que nous avons, alors on pense
que, d'abord, pour le contexte, actuellement, il y a la possibilité de demander
une déchéance de l'autorité parentale. C'est un chemin de croix, c'est très
difficile, et, pour ça, Me Hanna aurait des exemples à donner. On veut prévoir,
par exemple, une présomption simple qu'une agression sexuelle, ou qu'un contexte
de violence qui a mené à une agression sexuelle soit retenu d'emblée comme un
motif qui justifie...
Mme Costanzo (Valérie P.) : ...de
l'autorité parentale et qui est dans l'intérêt de l'enfant. Alors, il n'y
aurait pas une démonstration qu'il y aurait à faire. Parce que sachez que la
déchéance de l'autorité parentale est un motif qui est considéré comme
exceptionnel par la loi et par les tribunaux. La Cour d'appel a dit que c'était
une mesure qui est draconienne, alors le fardeau à surmonter, le fardeau de
preuve est très élevé. Et on veut faciliter, en créant une présomption
justement que l'agression sexuelle est un motif grave et est dans l'intérêt de
l'enfant, s'il y avait une demande de déchéance de l'autorité parentale. C'est
ce qu'on prévoit, notamment.
M. Hanna (Joey) : Et je me
permets de rajouter, si vous me permettez, que, pour nous, l'intérêt de
l'enfant et l'intérêt de la mère, la mère victime, notamment, c'est interrelié.
Et le fardeau de preuve en matière de déchéance, bien, essentiellement, il faut
prouver deux notions, c'est-à-dire le motif grave, et c'est dans l'intérêt de
l'enfant. Ce qu'on voit, il y a des courants jurisprudentiels qui viennent
distinguer, là, la violence faite à l'enfant versus la violence faite à la mère
ici. Et pour nous, bien, tout ça, c'est interrelié, donc la mère victime, la
mère victime d'agression sexuelle, bien, c'est l'enfant également qui en est
victime. Et donc, tout ça, c'est interrelié ensemble. Et on ne cherche pas à
distinguer ces deux cas de figure là. Donc on veut simplifier la vie des
personnes victimes ici et leur éviter justement ce chemin de croix que j'ai vu
dans ma pratique en accompagnant des femmes dans le cadre de cette demande-là,
qui est un fardeau, ma foi, assez important puisqu'elle est une mesure
draconienne, une mesure un peu de «last resort», de dernier recours en droit.
Voilà.
Une voix : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Oui. Merci, merci,
M. le Président. Bonjour, merci, merci d'être là. Merci pour votre mémoire
également.
Il y a plusieurs éléments, mais il y en a
un, entre autres, dans votre mémoire qui a attiré mon attention. Mais
j'aimerais vous donner l'opportunité, peut-être, de développer davantage. Et
c'est à la page 22 de votre mémoire, quand vous parlez de la
reconnaissance de l'existence du contrôle coercitif dans un contexte de
violences sexuelles et conjugales. Et la recommandation que vous faites, c'est,
en fait, ce serait donc de faire en sorte qu'on ajouterait une disposition et
reconnaître l'existence... Est-ce que pour vous, on le reconnaîtrait ou on
l'ajouterait pour faire échec à la filiation? Ou si c'est un concept qu'on
pourrait également ajouter à 542.33, quand on parle... Du projet de loi, quand
on parle de responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une
agression sexuelle? Donc, je trouve votre... En fait, c'est un concept, bon,
qui est connu, votre proposition est superintéressante, mais, d'une façon
pratique, comment on pourrait finalement bonifier le projet de loi puis comment
pouvez-vous nous aider là-dessus?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Merci
pour cette question. Je pense effectivement que c'est une bonne idée. Alors,
c'est une présomption qu'on soumet, là, dans un contexte de violence conjugale,
de contrôle coercitif qui mènerait, là, dans ce contexte-là, à la conception
d'un enfant, on prévoit une présomption simple, que ce soit une agression
sexuelle au sens d'une demande de retrait de la filiation ou d'une demande de
déchéance d'autorité parentale. Ça pourrait transposable aussi à d'autres
égards, dans la mesure où ça sert l'intérêt des personnes victimes et des
enfants, absolument.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. J'aimerais également vous entendre, parce qu'on a eu plusieurs
mémoires, plusieurs témoins. Dans le projet de loi présentement, la convention
de grossesse, elle doit être faite par acte notarié, et plusieurs personnes
nous ont dit : Bien, l'acte notarié, c'est parfait, ça permet de...
évidemment, c'est un acte authentique. D'autres nous ont dit : Non, ça
pourrait être fait sous seing privé, il y a déjà des avocats qui rédigent ce
genre de clauses là. Est-ce que vous pouvez nous éclairer là-dessus? Pour vous,
est-ce que ça fait une différence, ça ne fait pas de différence? Avez-vous une
préférence? Parce qu'à un moment donné, bien, peut-être qu'on aura des
recommandations à faire à M. le ministre là-dessus.
Mme Costanzo (Valérie P.) : C'est
une autre bonne question. Je vais vous dire que ce n'est pas un sujet dont on a
abordé dans le détail avec l'Association des juristes progressistes. Par
contre, la discussion, on la connaît. Un des enjeux des actes notariés, c'est
notamment le niveau de formalité, l'accès à cette possibilité-là. On pense que
les actes sous seing privés pourraient être plus accessibles pour d'autres
types de familles, avec des réalités socioéconomiques qui sont différentes. Ils
devraient être considérés effectivement dans la réflexion, là, autour du projet
de loi n° 12.
• (11 h 20) •
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Autre élément. Dans la convention de grossesse, dans le projet de loi
actuel, si j'ai bien lu, il y a... il n'y a pas beaucoup d'éléments qui
pourraient éventuellement, par exemple, protéger la mère porteuse. Est-ce que
vous pensez...
M. Morin : ...y a des choses
qu'on devrait ajouter, qui devraient être incluses obligatoirement, par
exemple, dans la convention de grossesse, et je vous donne certains exemples,
qu'arrive-t-il si la mère porteuse tombe malade, qu'elle ne peut plus
travailler après? Devrait-elle avoir eu un enfant avant ou pas? Est-ce qu'on
devrait interdire certains, si vous me permettez l'expression, choix de mère
porteuse, c'est-à-dire qu'une personne qui travaillerait pour un couple, par
exemple, dans son domicile, est-que ça devrait être interdit que cette
personne-là devienne la mère porteuse du couple? J'aimerais ça si vous pouviez
nous éclairer là-dessus. Puis qu'est ce que vous pouvez partager avec nous à ce
sujet-là?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors,
à ce stade, j'ai envie de dire qu'on veut bien réfléchir à voix haute avec
vous, que ça n'a pas fait l'objet d'une discussion étendue, puis on serait même
limité à parler en mon nom personnel plutôt que de parler au nom de
l'association. C'est sûr qu'il y a plusieurs enjeux de rapports de force qui
doivent être pris en considération. Il faut faire attention au contrôle du
corps des femmes. Tu sais, s'il y a un contexte... en fonction du niveau de vie
d'une femme, on ne va pas se mettre à contrôler ce qu'elle consomme, ce qu'elle
ne consomme pas, au même égard qu'on ne le ferait pas pour une femme qui
porte... ou une personne qui porte un enfant hors le contexte d'une GPA, alors
je pense qu'il y a des choses qui sont transversales, peu importe le contexte
de cette grossesse. Pour... pour les autres enjeux, on veut bien... vous avez
accès à nos courriels, on veut bien poursuivre cette réflexion-là, mais, pour
l'instant, je pense qu'on s'en tiendrait à ça.
M. Morin : Je vous remercie.
J'aimerais aussi que vous puissiez nous éclairer en lien... et là c'est avec
l'article 542.33 du... du projet de loi qui s'intitule De la
responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression
sexuelle. On comprend... on comprend l'idée. Maintenant, ma compréhension,
c'est que, présentement, ce serait à la mère qui a été victime d'un viol, qui a
eu l'enfant... pardon, de s'adresser aux tribunaux. D'abord de faire la preuve,
sauf s'il y a déjà eu, évidemment, un jugement qui en reconnaît l'existence,
mais, après ça, d'établir le paiement d'une indemnité. Est-ce que, selon vous,
c'est trop demander à une femme qui a déjà été victime d'un viol? Est-ce que
l'État ne devrait pas prévoir un mécanisme de compensation automatique, ou
est-ce qu'il ne devrait pas y avoir des grilles de compensation qui feraient en
sorte que ça pourrait éclairer le tribunal puis venir en aide, au fond, à la
femme qui a été victime de l'agression sexuelle? Puis si vous pouviez nous donner
quelques paramètres ou vos réflexions là-dessus, moi, j'apprécierais
grandement.
Mme Costanzo (Valérie P.) : Avec
plaisir. Alors, pour réfléchir à voix haute à cette question, c'est sûr qu'on
est... on est en train de créer du droit nouveau et ça fait partie justement de
qu'est-ce qui est soulevé, et l'intérêt des commissions, d'identifier les
angles morts, puis de pouvoir, ensuite de ça, les préciser et apporter, là, des
solutions qui sont concrètes. Quand, dans un contexte où est-ce qu'il y a un jugement
criminel qui... qui reconnaît l'agression sexuelle, ce sera effectivement plus
facile. On pense que l'article 542.33 tel que proposé est une alternative.
On pourrait penser à d'autres alternatives, comme vous nous avez soulevés, par
exemple qu'on reconnaisse la femme comme victime d'acte criminel, qu'elle
bénéficie d'une immunité en son nom personnel, mais qu'on reconnaisse
également, par exemple, l'enfant qui est issu de l'agression sexuelle,
également comme une victime en vertu de cette même loi, et qu'on puisse établir
des barèmes en fonction de ça. C'est sûr qu'on pourrait regarder... hein, il y
a des personnes qui vont défendre, et c'est un peu ce que le ministre soulevait
tout à l'heure, il y a des personnes, notamment des juristes, qui défendent encore
que le mécanisme de déchéance est suffisant parce que le lien de filiation est
présent, donne un droit alimentaire, permet d'obtenir une pension alimentaire
pour l'enfant. À notre avis, ce n'est pas suffisant et c'est bien d'avoir
d'autres... d'autres avenues possibles pour s'adapter aux désirs des... besoins
des enfants puis à l'agentivité ou le choix que les personnes victimes, les
parents victimes auront fait.
M. Morin : Je vous remercie.
Je ne sais pas si ma collègue la députée de Robert-Baldwin a des questions ou
des précisions.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de
Robert-Baldwin, s'il vous plaît.
Mme Garceau : Oui. Merci.
Merci beaucoup. C'était fort intéressant. J'aimerais revenir au niveau de vos
recommandations et la reconnaissance de la pluriparenté et les enjeux pratiques
de cette reconnaissance-là. Nous savons très bien que quand tout va bien, c'est
merveilleux, mais là on se retrouve dans le contexte quand les choses vont mal.
Et d'où vient l'importance de qu'est-ce qui est dans l'intérêt de l'enfant
lorsqu'il y a un conflit entre non seulement juste deux parents, mais si on
reconnaît la pluriparenté, on est en train de regarder plusieurs parents.
J'aimerais...
Mme Garceau : ...vous entendre
là-dessus, au niveau de l'intérêt de l'enfant lorsqu'il y a plusieurs parents
dans un conflit devant les tribunaux?
M. Hanna (Joey) : Oui, je
vais me permettre, si vous me permettez, Me Costanzo. Je ne vais pas répéter
tout ce qui a déjà été dit, puis je pense que c'est... c'était très sagement
souligné par ma collègue, là. L'intérêt de l'enfant, c'est un concept qui est
transposable en matière de pluriparenté. Et oui, en matière de litiges, là, en
matière de conflits, on pourrait en venir ultimement à une déclaration
judiciaire, à un octroi d'une garde exclusive à un parent ici.
Je vais peut-être vous... mettre mes
lunettes de praticien ici, là, et de vous dire que j'ai entendu les mêmes
réserves quant à l'articulation, le pratico-pratique de comment ça va se passer
en cas de conflit. Et j'aimerais peut-être vous soumettre trois objections ou
trois nuances, trois commentaires. D'abord, en vous disant que les avocats, les
avocates, un peu comme les médecins, bien, quand on pratique un litige
familial, qu'est-ce qu'on entend? Qu'est-ce qu'on voit? Ce sont les bobos. Les
gens qui se rendent dans nos bureaux, dans... c'est parce que ça va mal, c'est
rare que c'est l'inverse. Donc, on est peut-être un peu, là, biaisés par notre
perception du litige et du caractère acrimonieux et cette espèce d'usure de la
pratique. Donc, je pense qu'il faut être prudents, un peu, avec le raisonnement
de la pente fatale qui nous dit que, bien, si avec deux parents, ça va... ça
peut être acrimonieux, imaginez trois, quatre, cinq. Donc, ça, c'est l'argument
de prudence.
À cette... À ce premier commentaire-là, je
vais nuancer mon propos en vous disant que, moi, dans ma pratique, pour un
dossier que j'amenais devant le tribunal à procès, bien, j'en réglais neuf. Et
puis je ne vois pas pourquoi est-ce qu'avec... dans un contexte de
pluriparenté, ça ne serait pas applicable également. Je pense qu'avec un bon
accompagnement juridique et psychosocial, monsieur et madame Tout-le-monde
finissent par comprendre les tenants et aboutissants d'une séparation et
arrivent à faire des compromis dans le meilleur intérêt de leurs enfants. Et je
pense, avec égard pour l'opinion contraire, que, bien, les familles
pluriparentales seraient à même de considérer ces mêmes méthodes là et en venir
à des règlements en matière de litiges et de conflits. Donc, essentiellement,
ce sont mes commentaires ici.
Et, comme a dit tantôt ma collègue, je
pense que le contexte de la GPA, ça se prête très bien à la reconnaissance de
la pluriparenté. Et à lire le projet de loi, je constate qu'on s'enligne vers
un régime de GPA qui est formalisé, qui va être conventionnel ici. Donc, on
invite les gens à prendre au sérieux le projet dans lequel ils vont... ils vont
se lancer. Bien, tant qu'à faire, on pourrait très bien prévoir également
l'après-projet, s'il y a rupture, s'il y a conflit. Que va-t-il advenir de la
garde, des démembrements de l'autorité parentale? Et je pense que, bref, le
contexte de GPA, ça se prête bien à articuler, là, concrètement,
pratico-pratique, qu'est-ce qu'on fait en suivant la rupture... je ne veux pas
dire du couple, là, mais de l'union ici ou de la famille, bref.
Mme Garceau : Donc, on irait
plus loin, si vous me permettez, dans le cadre de la convention de GPA, un
petit plus comme des... des contrats, je ne veux pas dire un contrat de
mariage, mais des... des contrats comme on appelle le «prenup», dans le fait où
on va détailler qu'est-ce qui se passe au niveau de l'autorité parentale,
l'exercice de l'autorité parentale, les droits d'accès, et tout ça, dans le
cadre de la convention GPA. C'est votre suggestion?
M. Hanna (Joey) : C'est-à-dire,
ce n'est pas notre suggestion principale, c'est une suggestion subsidiaire
qu'on vous fait et qu'on détaille dans le mémoire à la page 12. Et ce
qu'on vous dit essentiellement, c'est que le contexte de GPA pourrait se prêter
à une reconnaissance de la pluriparenté. Et, bien, on a, dans le cadre de ce
contexte de GPA là, cette convention qui pourrait prévoir les aménagements de
l'autorité parentale pendant le contexte familial mais également
postérieurement à la rupture. Donc, ça serait une avenue à envisager si jamais
on voulait faire un pas vers la reconnaissance de la pluriparenté selon nous.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Vaudreuil, s'il vous plaît.
• (11 h 30) •
Mme Nichols : Oui, merci, M.
le Président. Merci beaucoup. Merci d'être parmi nous. Merci pour votre mémoire
aussi. Petite question par rapport au consentement de la mère porteuse, il y a des
délais qui sont prévus dans le projet de loi n° 12. Supposons, là, la mère
porteuse qui change d'idée ou... Que pensez-vous, là, du délai, là, qui est
prévu dans le projet de loi?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Alors,
le délai prévu n'a pas fait l'objet...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Costanzo (Valérie P.) : ...un
immense débat dans la mesure où on considère que c'est raisonnable le délai qui
est prévu. On sait que certains intervenants, intervenantes qui ont suggéré un
plus long délai. On n'a pas tendance à aller dans cette voie-là dans la mesure
où éventuellement il y a un enfant qui est né et qui a besoin de stabilité, de
créer un lien d'attachement, et ainsi de suite. Alors, on considère que le
délai qui est suggéré est raisonnable.
Mme Nichols : Parfait, Merci.
Puis j'avais une autre question aussi en lien avec l'indemnité puis la
prescription. Puis je ne pense pas non plus... je ne sais pas si vous l'avez...
si vous avez élaboré un... ou s'il y a une position plus précise, là, mais...
Parce qu'on voit que le législateur, il entend imposer une prescription plus
courte pour la succession. Je me demandais si vous aviez une position ou des
recommandations à faire à cet effet-là.
Mme Costanzo (Valérie P.) : En
toute humilité, pas à ce stade. Mais on serait, évidemment, disponibles, là, à
pouvoir en discuter davantage dans le futur, mais, pour l'instant, là, on n'aurait
pas de commentaire à faire à ce sujet.
Mme Nichols : Parfait. Puis
avez-vous regardé les dispositions testamentaires? Aviez-vous certains avis,
là, quand on rentre dans la partie successorale, là? Parce que... Et c'est
quand même une partie aussi importante, suite à une certaine reconnaissance?
Est-ce que vous aviez un avis à nous soumettre?
Mme Costanzo (Valérie P.) : Mais,
écoutez, peut-être Me Hanna aurait plus à dire que moi, on considère que les
dispositions testamentaires ont un objectif qui est tout à fait louable, là, et
on... Sur le principe, on est d'accord avec la chose. Dans l'articulation, on n'a
pas de commentaire spécifique à faire, Me Hanna, à moins que vous ayez un ajout
à ce sujet.
M. Hanna (Joey) : Je n'ai pas
d'ajout malheureusement, pas à ce stade-ci, en tout cas.
Mme Nichols : Parfait. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Alors, à mon tour de
vous remercier d'avoir été avec nous. Ça a été très, très, très apprécié. Et,
cela dit, on se dit à bientôt.
Et, en attendant, on accueille nos
nouveaux invités, Maître Tétrault et Maître Brown. Alors donc, vous connaissez
les règles, on a 10 minutes de présentation et, après ça, période d'échanges
avec des membres. Mathieu Tétrault, la parole est à vous.
M. Tétrault (Michel) : Merci,
M. le Président. M. le ministre, membres de la Commission, merci de l'invitation.
Si vous allez à la page 3 de notre mémoire, je vais tenter, une obligation
de moyen, de passer au travers des points saillants, effectivement, là, qui me
semblaient importants de soulever.
Sur la filiation se prouve par l'acte de
naissance, j'endosse totalement les commentaires de Maître Kirouack, à savoir
que c'est ce qui est reconnu par la jurisprudence, par la doctrine et surtout
par la loi, si elle n'est pas modifiée, et on devrait s'en tenir à ça,
effectivement, au lieu d'un formulaire administratif. Je vous souligne, et ça va
aussi en lien avec l'obligation de déclarer la filiation, est-ce qu'on va
demander au personnel médical, au moment de l'accouchement ou ailleurs, dans un
autre moment, de contraindre? Quant à moi, ce n'est pas leur travail d'aucune
façon. Il est très possible que la dame qui accouche dise : Effectivement,
ce n'est pas mon enfant, j'agis à titre de femme porteuse et je ne le
déclarerai pas. Je pense que le personnel médical, je n'ai pas besoin de vous
faire une longue démonstration, on va l'employer à d'autres choses actuellement
qu'à tenter de remplir un formulaire administratif qui, ensuite, servira au
DEC, je n'en disconviens pas, mais ce n'est pas de cette façon-là qu'on devrait
préparer ou qu'on devrait présenter une preuve, effectivement, relativement à
la filiation.
Autre élément, le projet parental et la
nécessité d'un écrit. On parle beaucoup de... de procréation assistée et plus
particulièrement le fait des femmes porteuses, mais les autres situations où il
peut y avoir un projet parental, par exemple par l'apport de relations
sexuelles, par rapport de ce qu'on appelait à l'époque de l'insémination de
cuisine, ça, il n'y a pas de document, il n'y a pas d'écrit pour ça. On dirait
qu'on a mis tout l'accent, et je peux le comprendre, sur la question des femmes
porteuses, mais il me semble que quand on a un projet parental, ce qui permet d'éviter
la situation suivante où vous avez une dame qui dit : Non, non, j'ai eu
une relation sexuelle, mais c'était pour mon projet à moi, et monsieur qui dit :
Bien, non, non, c'était mon enfant aussi, c'était... Bon. Donc, il me semble qu'un
écrit, aussi simple soit-il, permettrait d'éviter les litiges que nous avons
actuellement devant les tribunaux. Et ça m'apparaît tout aussi important pour
un projet parental qui n'implique pas nécessairement une femme porteuse que
pour les autres.
Je passe ensuite aux dispositions
relatives... Ah! la nécessité de l'écrit notarié. Écoutez...
M. Tétrault (Michel) : ...vous
avez à ma gauche, géographiquement parlant, Me Doreen Brown, avocate émérite et
qui est vraisemblablement, au Québec, celle qui a fait le plus de conventions
relativement à des grossesses pour autrui. Donc, je vous inviterai lors de la
période des questions... j'entendais tout à l'heure le ministre qui m'a dit :
Oui, mais quel montant d'assurance? Elle va pouvoir vous dire c'est quoi. Donc
ça, c'est dans un premier temps.
Par rapport à la... je reviens à ma
nécessité de l'écrit notarié. Il y a une question de cohérence, hein, parce que
j'entends les mots «corporatistes, corporatistes». Là, nous avons une personne
ici qui est une avocate qui depuis - je ne veux pas trahir son âge - depuis
plusieurs dizaines d'années, fait des conventions pour... de grossesses pour
autrui, et effectivement on se rend compte qu'il y a une compétence. Peut-on se
priver d'une compétence? Pour moi, la réponse vient de soi, ce qui
n'empêcherait pas les notaires d'en faire, ceux qui ont des compétences. Mais
je ne vois pas pourquoi on doit retirer, entre guillemets, du marché, surtout
qu'il y en a certains dans les journaux, ou certaines, qui disent que le Québec
va devenir un lieu industriel pour les femmes porteuses, je ne suis pas
convaincu qu'on peut se permettre ça.
Dans un deuxième temps, celui-là plus
juridique, on ne me reproche pas... on ne me reprochera pas d'être
corporatiste. Quand vous passez à travers le projet de loi, si vous allez à
541,9 541.14, 541.8. Vous vous rendez compte que, mais là, dans ces
situations-là, même si on est en matière de femmes porteuses, ah! bien, ça peut
être notarié ou une déclaration assermentée devant témoins. Pourquoi pour
certains documents, ça doit être notarié, pour d'autres pas? Et j'ajoute à
541.8, si ma mémoire est bonne, quand une mère porteuse, femme porteuse décide
en cours de grossesse de mettre fin, dire : Non, moi ça fonctionne plus,
c'est un simple papier sous seing privé. Je trouve que ce n'est pas moins
important que d'autres documents. La convention, c'est important. À la fin,
quand elle donne son consentement, c'est important. Quand elle décide de
transférer l'autorité parentale aux parents à la fin ou à l'aboutissement du
processus, pourtant, dans ces cas-là, on a dit : Bien, oui, ça peut être
une déclaration assermentée avec deux témoins. Là, je ne sais pas s'il y a des
trucs moins importants que d'autres. On pourra probablement m'en informer.
Mais, quant à moi, je ne vois pas pourquoi.
Troisièmement, les dispositions relatives
à la gestation pour autrui, je dirai deux choses, connaissant les limites de ma
compétence : Un, un membre de la commission a soulevé la question des
agences. Bien évidemment, on n'en parle pas du tout dans le projet de loi. Les
agences, ça existe dans d'autres provinces et c'est essentiel. Je vais vous
rappeler de mauvais souvenirs et je vais trahir mon âge. Vous vous rappellerez
peut-être de la belle époque de l'adoption à l'international quand il y avait
des agences privées. Ça allait tellement bien que nous avons créé le
Secrétariat international à l'adoption qui chapeautait tout ça et qui chapeaute
évidemment toujours, mais là, il n'y a à peu près plus d'agences privées au
niveau de l'adoption, je parle à l'international. Si on ne veut pas que ça
devienne quelque chose qui ressemble au Far West, je pense qu'on doit les
contrôler, qu'on doit les surveiller, que ce serait une très bonne idée que cet
organisme-là, qui supervise les agences, peu importe qui il soit, bien, qu'il
ait des pouvoirs justement d'intégrer et d'inclure, dans les conventions, ce
qu'on doit avoir. On parlait d'assurance tout à l'heure. L'assurance, c'est
prévu dans les dépenses qu'on peut prévoir dans la convention, mais si on ne
rattache pas à ça une obligation et un montant ou un quantum, là, ça devient de
la négo, et je ne suis pas convaincu que pour ce type de questions là, c'est-à-dire
la protection directe de la femme porteuse et de l'enfant qu'elle porte, ça
peut donner lieu à une dérive dans certains cas. Donc s'il y a des agences, on
devrait les surveiller.
• (11 h 40) •
Ensuite. Il y a la question du dépôt
auprès du DECQ de toutes les conventions aux fins de procréation avec femmes
porteuses. Est-ce nécessaire? Et là, je mets en opposition toute la question de
la vie privée parce que...
M. Tétrault (Michel) : ...qu'on
dit que même si le processus ne se rend pas à la fin, la convention doit quand
même être déposée auprès du DEC. Là, je me dis : Bien oui, mais on fait
quoi avec ça? Le projet n'a pas abouti, il n'a pas de raison qu'on dépose,
parce que, dans ces conventions-là, pour ceux et celles qui ont eu la chance de
les consulter, il y a tout, il y a tout, bien, il y en a où il y a tout, il y
en a d'autres où il y en a moins tout, mais il y a tout.
Donc, à partir de ce moment-là, est-ce
qu'il n'y a pas moyen de dire : Parfait, vous allez déposer un document,
et voilà ce qu'on va retrouver. Je joins à ça la question du profil que l'on
doit ajouter. Vous savez, il est question de mettre le profil des gens dans la
convention. Bien, si ce qu'on veut, c'est permettre qu'en cas de recherche des
origines, on puisse avoir des détails, bien, calquons-nous sur l'adoption. En
adoption, écoutez, il y a 40 ans, en adoption, les infos qu'on avait dans
les formulaires, on va s'entendre, là, on n'était pas là, mais maintenant, il y
a moyen d'avoir... Mais est-ce qu'il y a moyen de faire en sorte... Parce que
je vous rappellerai que si, surtout, il y a eu un refus de contact au niveau du
parent qui... la femme qui a servi comme mère porteuse, bien, si on donne
beaucoup, beaucoup, beaucoup d'information, là, dans le profil, bien, écoutez
quelqu'un qui est un peu habile avec les réseaux sociaux ou qui va contacter
Ancestry va être capable de retracer. Et ce refus de contact là vaut quoi?
Voilà. Donc, la question de la convention auprès du DEC, dans tous les cas,
j'aurais tendance à nuancer.
L'intérêt de l'enfant et... Non, la
possibilité de consulter un procureur indépendant. Écoutez, ça me semble
évident qu'on doit vérifier à la base s'il n'y a pas... Quand on parlait tout à
l'heure : Bien, il ne faudrait pas qu'il y ait de lien d'emploi avec la
femme porteuse, il ne faudrait pas qu'il y ait un lien d'autorité, il n'y a pas
27 façons de le vérifier. Et, en droit, souvent, quand on a de telles
situations, où les intérêts des deux parties peuvent être conflictuels, c'est
quoi, notre solution? On renvoie. Et c'est comme quand on représente deux
clients. Quand on fait une représentation conjointe, si, à un moment donné, on
se rend compte qu'il y a un différend, qu'est-ce qu'on fait? Vous allez voir
votre avocat, vous allez voir votre avocat. Et ça, bien...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Tétrault. On
doit... on est rendu à la période d'échange, alors sûrement que vous allez
pouvoir continuer sur d'autres sujets. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
alors, merci, M. le Président. Me Tétrault, Me Brown, merci d'être en
commission parlementaire, de venir témoigner à la commission des institutions.
Quelques éléments en lien avec ce que vous avez dit, notamment sur la... que la
convention doit être transmise au directeur de l'état civil lorsqu'il n'y a
pas... en fait, lorsque le projet parental n'est pas mené à terme. Mais ce
n'est pas la convention qui est transmise, c'est la déclaration, à
l'article 1, alinéa 2. Donc, oui, il y aura la déclaration avec les
renseignements, mais la convention ne sera pas transmise.
Autre point, à 523, là, quand on parle de
la filiation, là, on est dans le régime de la filiation par la reconnaissance
ou par le sang. On n'est pas dans le régime de la gestation... bien, de la
grossesse pour autrui, qui est vraiment un autre régime complètement distinct.
M. Tétrault (Michel) : Totalement.
M. Jolin-Barrette : Donc,
pour la grossesse, pour autrui, c'est l'autre régime qui va s'appliquer, et non
pas celui-là.
Sur la question, vous dites du formalisme
rattaché à l'acte notarié, pour la conclusion de la convention, vous nous avez
dit tantôt : Il y a des situations... Je ne vois pas dans quelle situation
pour quoi est-ce qu'on ne devrait pas à repasser devant le notaire, si, à
l'origine, on passe devant le notaire. Prenons l'exemple dans l'éventualité où
la mère porteuse met fin à sa grossesse pour des questions urgentes ou des
questions de santé. On attend qu'elle soit sur le lit d'hôpital, puis on ne
l'opère pas, on n'intervient pas tant que le notaire n'est pas arrivé? Ça
n'aurait pas de sens de dire qu'on oblige à passer devant le notaire absolument
sur certaines situations. Je ne sais pas comment vous voyez ça, là, mais je
comprends l'argument, tantôt, que Me Kirouack nous disait, pour dire :
Bien nous, on en fait, tout ça, mais le notaire, c'est un tiers neutre qui est
là pour conseiller les deux parties aussi. Alors, il est où l'enjeu sur le fait
de confier ça au notaire?
M. Tétrault (Michel) : Encore
une fois, c'est de se priver d'une compétence, d'une large compétence. Me Brown
pourra en dire plus que moi là-dessus. Au moment où on se parle, bien, il n'y a
pas beaucoup...
M. Tétrault (Michel) : ...en
termes de notaires, de gens qui font cela. Et là nous avons des gens compétents
et ça me permet d'arriver à un autre point qui m'apparaît important, on a
discuté tout à l'heure de la possibilité qu'il y ait une formation, ça ne
devrait pas être une possibilité. Écoutez, on va demander à la personne qui reçoit
ces gens-là de parler de psychosocial, de... il faut qu'il y ait une formation.
Ça se fait, par exemple, en médiation. Il faudrait qu'on ait la même chose. Et
je vous suis quand vous nous dites : Bien là, peut-être que l'expertise
psychosociale, on va une coche plus loin. Et je pense qu'effectivement, il y a
moyen, avec une formation adéquate, que les personnes, notaires, avocats soient
en mesure de fournir aux gens quelles sont... et si jamais il y a une
mésentente ou une incompréhension, on les envoie... on les envoie voir un
procureur indépendant ou une personne... je pense à ce que disais Me Kirouac au
centre de l'Université McGill, où il y a des gens qui ont étudié la question,
mais je pense qu'on ne peut pas se reposer uniquement sur nos connaissances. Ce
n'est pas dans notre cursus, là, on va s'entendre, à l'université, là, il n'y a
pas de cours sur l'intérêt de l'enfant et sur ce qui arrive et ce qui se
produit par rapport à l'enfant, à la mère porteuse et aux parents.
M. Jolin-Barrette : Mais j'ai
deux questions, juste pour éclaircir, la première, donc vous, vous êtes en
faveur d'une formation psychosociale pour les parents d'intention et pour la
mère porteuse, pas d'une évaluation psychosociale.
M. Tétrault (Michel) : Voilà.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Deuxième question, puis là je fais peut-être appel à Me Brown, pouvez-vous me
décrire le type de convention que vous faisiez... comment ça fonctionne dans la
mécanique actuelle, là, considérant que ce n'est pas un contrat qui est
exécutoire?
Mme Brown (Doreen) : Oui, ce
n'est pas exécutoire. Ce que je sache, le contrat n'a jamais été contesté nulle
part au Canada. Ça, c'est numéro un. Dans les autres provinces, je pense que
c'est exécutoire, mais on ne sait jamais. Comme vous savez, il y a quatre
parents dans une province en Ontario, six en Colombie-Britannique, qu'est-ce
qui va se passer si c'est contesté? Normalement, je reçois des clients... si je
représente le couple, les parents d'intention ou la femme porteuse, je donne un
avis légal, on parle du fait que... et tout le monde est au courent qu'ici au
Québec, le contrat n'est pas exécutoire, mais je dois vous dire que je rédige
les contrats depuis 1984, je n'ai jamais eu un problème avec les contrats, je
n'ai jamais eu une femme porteuse qui a changé d'idée, et c'est toujours la
femme porteuse qui me pose la question qu'est-ce que je ferais si les parents
d'intention ne prennent pas l'enfant? C'est très clair. Et ils rencontrent des
psychologues chacun. Et je sais que la question était soulevée même dans le
contrat, pendant la grossesse, si la femme porteuse ou ses enfants ont besoin
de parler à un psychologue, c'est les parents d'intention qui vont payer pour
ce... un service qui est là, ainsi que l'assurance-vie qui est normalement
alentour de 500 000 $ pour protéger la famille de la femme porteuse
si elle décède, et ce sont les parents d'intention qui paient pour, et ça dure
deux ans, une année après la grossesse, après la naissance.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Qu'est-ce que vous leur dites comme avis légal aux clients que vous servez
quand ils viennent vous voir, justement, pour ce type de contrat là?
Mme Brown (Doreen) : Je dis
que ce n'est pas... au Québec, ce n'est pas exécutoire au Québec, mais il y
avait la cause, le jugement où j'ai plaidé devant la Cour d'appel en 2015, et
c'est tout à fait légal, le contrat est légal, mais pas exécutoire. Et
j'explique tout de suite à mes clients, si ce sont des parents d'intention, que
si la femme porteuse change d'idée, elle décide de garder l'enfant, on va aller
à la cour, mais, effectivement, on a... on ne pourrait pas gagner à cause du
fait que le contrat n'est pas exécutoire. Mais la femme porteuse n'est pas la
mère biologique de l'enfant. Normalement, ça peut être l'épouse, si c'est un
couple hétérosexuel ou une donneuse d'ovules qui est la mère. Ça veut dire
quoi? De porter un enfant, est-ce que ça fait une mère? C'est pour cette raison
que moi j'utilise toujours le mot femme porteuse. Ce n'est pas une mère.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends. Est-ce que, dans le cadre de votre pratique, vous nous avez dit
ça... Combien de contrats vous avez faits, supposons, depuis 1984, vous diriez?
Mme Brown (Doreen) : Beaucoup,
beaucoup.
M. Jolin-Barrette : On parle
de dizaines, de centaines?
Mme Brown (Doreen) : Non,
plus que ça, beaucoup plus que ça.
M. Jolin-Barrette : Des
milliers?
Mme Brown (Doreen) : Oui, au
moins.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis
toujours en lien avec de la procréation assistée?
Mme Brown (Doreen) : Oui.
Bien, en 1984, c'était une insémination. Alors, en 1984, c'était vraiment une
mère porteuse parce que c'était...
Mme Brown (Doreen) : ...les
ovules de la mère porteuse.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que vous avez fait, comme on dit, amicalement assisté?
Mme Brown (Doreen) : Il y a
toujours un autre avocat. Quand comme vous dites : Amicalement, je ne
comprends...
M. Jolin-Barrette : Bien, je
voulais dire : Sans avoir recours, supposons, à de l'insémination...
Mme Brown (Doreen) : Ah! ils
ne m'ont pas dit, mais des fois je pense que peut-être des fois oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et
donc sur l'ensemble des dossiers que vous avez traités, ce n'est jamais arrivé
qu'une mère porteuse garde l'enfant?
Mme Brown (Doreen) : Jamais.
• (11 h 50) •
M. Jolin-Barrette : O.K.
Donc, qu'est-ce que vous pensez du délai de sept, 30 jours qu'on a mis
dans le projet de loi?
Mme Brown (Doreen) : Pour une
adoption, la femme porteuse a toujours... quand le nom de la femme porteuse
était inscrit sur le certificat de naissance, et on va à la cour pour faire
l'adoption, il faut qu'elle signe un consentement et elle a 30 jours de
retirer le consentement et avant l'ordonnance de placement. Je sais que, dans
les autres provinces, ça peut être à l'intérieur... je pense que c'est sept
jours. Pour moi, les femmes avec qui je travaille, les femmes porteuses avec
qui je travaille, ils ont déjà pris une décision. Et même pendant la grossesse,
il y a toujours une relation entre la femme porteuse et les parents
d'intention. Et pour moi, ce n'est pas nécessaire de garder un délai de
30 jours. Pour moi, sept jours est assez long. Et je dois vous dire qu'il
y a plusieurs femmes porteuses qui veulent voir l'enfant... de tenir l'enfant
dans ses bras au moins une fois. Et je n'ai jamais eu de problème. Je n'ai
jamais eu une femme porteuse ou un autre avocat qui représente la femme
porteuse, qui disent : Elle veut garder l'enfant, elle veut voir l'enfant,
elle veut partager la garde. Jamais.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Sur
la question de la rupture du lien de filiation, là, lorsqu'il y a une agression
sexuelle, puis que l'enfant en est issu, où vous situez-vous là-dessus?
M. Tétrault (Michel) : Bien,
écoutez, il y a deux... Un, je tiens à souligner la rapidité avec laquelle ça a
été amené suite au témoignage que, vraisemblablement, tout le monde a pu lire.
Écoutez, ça dépend de la victime. Il m'apparaît difficile de dire : Ça, ça
va être mieux et ça, ça va être pire ou ça va... Si la victime et je considère
que l'enfant qui naît est aussi la victime de ça, parce que je vais arriver à
une autre... un complément de réponse. Si c'est le choix, bien, écoutez, il n'y
aura pas de filiation, il n'y en aura pas. S'il n'y a pas de filiation, il n'y
a pas d'autorité parentale. Parfait, beau choix. Si la mère, la victime de
l'agression, décide qu'il y aura un lien de filiation, il n'y aura pas
d'autorité parentale d'aucune façon, non réversible. Je pense qu'il y a moyen
d'écrire ça dans deux paragraphes... et ça donne à la victime le choix.
L'autre élément, pour ceux et celles,
parce que j'ai réfléchi un peu à la question, là, ceux et celles qui
disent : Oui, mais là, si l'enfant veut retrouver ses origines, et tout le
reste, il n'y a pas de lien de filiation. Écoutez, retrouver ses origines, puis
le lien de filiation, c'est deux trucs qui sont différents. Et ce n'est pas parce
que je n'aurai pas de lien de filiation établi que je ne pourrais pas retrouver
qui serait le père, évidemment en ayant quelques informations. Donc, moi, je
pense que pour respecter la victime dans le processus, on doit laisser deux
options. Et si vous en choisissez une, c'est facile, il n'y a pas d'autorité
parentale. Si vous choisissez l'autre, avec filiation, c'est une déchéance non
réversible.
M. Jolin-Barrette : Bien là,
dans le projet de loi, il y a les deux, actuellement.
M. Tétrault (Michel) : C'est
pour ça que...
M. Jolin-Barrette : O.K.
M. Tétrault (Michel) : Sauf
qu'il y a une question qui... que je soulève, la question de... en fonction de
l'intérêt de l'enfant. Je rappelle que normalement, en matière de filiation,
l'intérêt en matière de filiation par le sang et autres, l'intérêt de l'enfant,
ce n'est pas un enjeu. En adoption, c'en est un, mais en matière de filiation
régulière, l'intérêt de l'enfant... Et je m'en voudrais qu'en plus d'avoir à
passer par un procès et tout le reste, que le tribunal dise : Bien,
écoutez... parce que des collègues qui ont passé avant ont dit : Vous
savez qu'il y a une frange de la jurisprudence où on dit que, si l'enfant n'a
pas subi la chose, n'en a pas eu connaissance, ce n'est pas vraiment de la
violence. Je m'en voudrais énormément de lire un peu la même chose à propos de
cet article-là puis que le tribunal dise : Écoutez... et le père s'est
réhabilité, l'agresseur est mieux, c'est... Ça...
M. Jolin-Barrette : Là, on
est dans un cas où...
M. Jolin-Barrette : ...la
filiation avait été établie. Puis on est dans un cas où est-ce que l'intérêt de
l'enfant est considéré, que, supposons, ça arrive cinq ans plus tard, le père
s'est occupé de l'enfant, supposons, pendant cinq ans, puis là ensuite, donc,
c'est un personnage qui est présent aussi.
M. Tétrault (Michel) : C'est
un personnage qui est présent, mais ça n'enlève pas le reste.
M. Jolin-Barrette : Ah! bien,
je suis d'accord avec vous.
M. Tétrault (Michel) : Et
l'autre élément déchéance, c'est la même chose. Écoutez, si vous regardez les
décisions des tribunaux au niveau de la déchéance, on se rappelle que la
déchéance, là, la Cour suprême l'a dit, c'est la peine capitale pour un parent,
O.K., c'est la peine capitale. Bien, considérant les conséquences et les actes
qui ont été posés par rapport à l'autorité parentale, ce n'est pas une mauvaise
idée, ce n'est pas une mauvaise idée.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci. Mme la
députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, il reste un peu plus de trois minutes.
Mme Bourassa : Merci
beaucoup. J'aimerais revenir sur une partie de votre témoignage, notamment
quand vous parlez des agences. Vous avez dit : Elles sont essentielles,
mais ça peut devenir le Far West qu'il faut surveiller pour éviter qu'il y ait
des dérives. Je veux juste bien comprendre. Est-ce que vous voulez qu'on les
interdise ou qu'on les encadre?
M. Tétrault (Michel) : Non,
non, qu'on les encadre. Ça existe dans d'autres provinces, mais ce qu'on veut
éviter, c'est exactement ce qui s'était passé en adoption internationale alors
qu'il y avait des agences un peu partout et qu'il n'y avait pas vraiment de
contrôle. Et là, bien, vous aviez des gens qui se rendaient à des places qui
n'avaient pas le bon enfant qu'ils devaient avoir, bon, bref, qui devaient
rester. Ce qu'on veut éviter, c'est ça. Et, quant à moi, c'est une garantie
supplémentaire par rapport au pouvoir qu'on donne à cette agence-là de vérifier
des choses et de s'assurer...
Mme Bourassa : Est-ce que ça
serait une obligation de passer par une agence ou on pourrait aussi...
M. Tétrault (Michel) : Non,
non, absolument pas, on n'est pas obligé. Dans les autres provinces, on y va si
on veut, mais on sait que, si on va voir une agence... Parce qu'une agence,
bon, en Ontario, c'est entre 10 000 $ et 20 000 $. Et eux,
ce qu'ils font, c'est qu'évidemment ils font, on me passera l'expression, un
tout compris, hein? Donc, ils s'occupent de toutes sortes de choses et ils
font... Bon. Donc, oui, ce n'est pas une obligation de passer par les agences.
Sauf que... D'autant plus qu'auparavant, il y a des mesures qui sont mises en
place pour que les gens soient bien informés, pour qu'ils puissent avoir accès
à un procureur indépendant, par exemple. Donc, ce n'est pas, effectivement, une
nécessité que, parce que sans ça, bien, écoutez, ouvrant un secrétaire... un
secrétariat à... tout simplement. Mais, non, je ne veux pas contraindre les
gens.
Mme Bourassa : J'ai encore un
petit peu de temps. Donc, j'aimerais juste revenir sur le bout, dans votre
mémoire, où vous parlez, effectivement, des... de l'assurance vie, notamment,
en cas d'invalidité de la mère porteuse, de la femme porteuse ou en cas de
décès même, la responsabilité des parents d'intention envers la progéniture de
la mère. Est-ce que vous aimeriez que ce soit obligatoire, l'assurance vie?
M. Tétrault (Michel) : Absolument,
absolument.
Mme Bourassa : Puis, dans les
autres provinces, ça ressemble à quoi?
Mme Brown (Doreen) : C'est la
même chose. Je travaille avec des avocats partout au Canada et c'est inclus
dans tous les contrats, une assurance vie et invalidité, c'est toujours là.
Mme Bourassa : Et ce serait
pour deux ans, donc un an après la naissance.
Mme Brown (Doreen) : Oui,
oui. Normalement, oui.
Le Président (M.
Bachand) :Parfait. Merci beaucoup. M. le
député de l'Acadie.
• (12 heures) •
M. Morin : Merci beaucoup
d'être là. Merci pour votre... votre mémoire. J'ai quelques questions. À
l'article 8 du projet de loi, à l'article 523, on veut changer,
finalement, certains principes de filiation en favorisant la mère ou le parent
qui donne naissance, donc, ça pourrait être la femme porteuse. Avez-vous... Ce
n'est pas le cas présentement. Est-ce qu'on devrait aller dans cette
direction-là ou si on devrait rester comme on est puis qu'il n'y ait pas,
finalement, une espèce de... d'être en faveur de la femme porteuse mais plutôt
que ce soit les parents d'intention?
M. Tétrault (Michel) : Bien,
effectivement, c'est parce qu'évidemment, le législateur ne parlant pas pour ne
rien dire, si on met une présomption, ça pourrait être interprété comme
disant : On avantage ou on interprète dans ce sens-là. Donc, par rapport
aux présomptions, là, je n'ai pas... pas tendance à y aller, en tout cas, à
523, là, pas tendance à y aller.
M. Morin : D'accord, je
vous... je vous remercie. Puisque vous êtes là, Me Brown, merci, merci
beaucoup, puis on bénéficie de votre grande expérience là-dedans. Bon, je
comprends qu'un contrat ou une convention pour grossesse, ce n'est pas
exécutoire au Québec présentement, mais ça n'empêche pas que la pratique est
très répandue. Vous avez témoigné à cet effet-là. Donc, dans votre pratique,
comme un contrat type, comment... comment vous... vous procédez? Est-ce que
vous suggérez, par exemple, aux parents qui ont...
12 h (version non révisée)
M. Morin : ...projet d'aller
consulter un avocat, d'avoir un avis juridique autre, même chose pour la femme
porteuse. Est-ce que vous incluez obligatoirement des clauses d'assurance, vous
le recommandez, etc.? Comment... Comment ça fonctionne? Puis compte tenu de
votre pratique, de votre expérience, est-ce qu'il y a des choses dans le projet
de loi qui manquent ou on rate carrément la cible?
Mme Brown (Doreen) : Normalement,
très souvent, je reçois des clients qui sont référés par une agence. Il y a
plusieurs agences au Canada et il y a des agences qui me réfèrent des clients.
Ça peut être des parents d'intention, ça pourrait être une femme porteuse.
Normalement, les clients que j'ai reçois sont domiciliés au Québec ou il y a
des clients qui viennent d'ailleurs, qui viennent de la France. Et la femme
porteuse peut être d'ici. Alors, c'est possible que je représente une ou l'autre.
Je veux ajouter aussi qu'il y a deux
agences qui remboursent la femme porteuse et ils ont un système de comptabilité
qui, vraiment, est excellent parce que la femme porteuse doit produire des
reçus pour qu'elle soit remboursée de certains frais. Moi, je ne paie jamais.
Je ne touche pas l'argent. Ce n'est pas à moi à le faire.
Dans tous les contrats, on insiste que les
clauses d'assurance-vie invalidité soient dans le contrat. Je dois vous dire
que j'ai déjà eu des clients qui me disent : Mais pourquoi est-ce qu'il
faut mettre ça dans un contrat? Je dis : Parce qu'on le met, et c'est
obligatoire. Et si, moi, je ne le mets pas, l'avocate de la femme porteuse va
le mettre. Ou si, moi, je reçois un contrat d'une autre avocat, et ce n'est pas
dans le contrat, j'insiste que ce soit là. C'est déjà arrivé, et ça arrive même
encore aujourd'hui où une femme porteuse décède ou elle vient invalide. Donc,
il faut avoir ça dans le contrat.
M. Morin : Et est-ce que
vous prévoyez des clauses où il n'y aurait pas de lien d'emploi ou d'autorité...
Mme Brown (Doreen) : Oui,
oui.
M. Morin : ...entre les
parents et la femme porteuse?
Mme Brown (Doreen) : Oui.
Bien, il y a un lien d'emploi. Non, non, on ne le met pas. Excusez-moi, je n'ai
pas compris au début. Maintenant, ça ne m'est jamais arrivé, mais je pense que
c'est une très, très bonne idée de l'inclure dans... dans un contrat. Et dans
le futur je vais le faire.
M. Morin : Merci. Dans
le projet de loi, ma compréhension, c'est qu'un couple, qu'ils vivent à l'extérieur
du Québec ou qui ne sont pas citoyens canadiens, s'ils veulent concevoir ce
projet-là au Québec, devront être domiciliés au Québec depuis un an. Par
ailleurs, l'inverse ne semble pas être vrai, c'est-à-dire qu'un couple de
Québécois pourrait avoir un contrat avec une mère porteuse à l'étranger.
Mme Brown (Doreen) : Oui.
M. Morin : Il y aurait
une liste, semble-t-il, de pays qui sont reconnus. Est-ce que vous pensez que c'est
une bonne idée? Est-ce qu'on ne devrait pas limiter ça uniquement aux gens qui
sont au Canada? Est-ce que ça ne risque pas d'engendrer des conflits de droit
international privé...
Mme Brown (Doreen) : Non.
M. Morin : ...abondamment?
Mme Brown (Doreen) : Non.
Et je pense, par exemple, pour la France où j'ai déjà reçu plusieurs fois des
couples de même sexe de la France. Je m'informe tout de suite auprès des avocats
en France comment ça fonctionne? Et je suis la loi. Je suis les avis des
avocats en France. Normalement ça fonctionne que l'enfant est né et le nom du
papa génétique apparaît sur le certificat de naissance, et il n'y a pas de
mère. Sur le certificat de naissance, c'est marqué... Et depuis 2017, ici au
Québec, il y avait un jugement rendu par la Cour d'appel. Ce n'est plus
nécessaire de mettre le nom de la femme qui a accouché. On met simplement :
«Mère non déclarée». On envoie au DEC, avec la déclaration de naissance, un
document signé par la femme porteuse disant : Je ne veux pas que mon nom
apparaisse. Et avec une photo de son passeport.
M. Morin : Très bien.
Bien, écoutez, je vous remercie beaucoup. Ma collègue, la députée de
Robert-Baldwin a peut-être des questions pour vous. Merci, et merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :...
Mme Garceau : Oui,
merci. Compte tenu que vous avez cette grande expérience, les deux en droit de
la famille, merci beaucoup d'être ici et pour votre mémoire. Me Brown, je
voulais savoir, au niveau des clauses, une clause pénale, si jamais... si vous
en avez eu dans vos conventions, si jamais les parents d'intention décident de
mettre un...
Mme Garceau : ...terme au
contrat. Est-ce que vous vous avez déjà prévu des clauses où les parents vont
devoir indemniser la mère porteuse?
Mme Brown (Doreen) : S'ils
décident de ne pas continuer avec le contrat.
Mme Garceau : Oui, oui,
exactement, oui.
Mme Brown (Doreen) : Oui. Eh
bien, c'est dans le contrat si elle ne tombe pas enceinte, si le transfert ne
fonctionne pas, et ils peuvent mettre un terme au contrat après, normalement,
ça peut être trois ou quatre essais, ou ils peuvent continuer le contrat eux-mêmes.
Ils peuvent se dire : Bon, on va continuer.
Mme Garceau : Dans le cas où
la femme porteuse est enceinte et les parents décident quelques mois plus tard,
on n'est plus intéressé.
Mme Brown (Doreen) : Ça ne
m'est jamais arrivé.
Mme Garceau : O.K. Donc, vous
ne voyez pas, dans la convention, une clause concernant le retrait de
consentement des parents lors de la grossesse.
Mme Brown (Doreen) : Non,
parce que, quand ils signent, ils sont responsables de toutes les dépenses jusqu'à
la naissance, et c'est une autre raison pour laquelle j'aime travailler avec
des agences parce que les agences, ils ont, comme j'ai dit, un système de
comptabilité et ils prennent l'argent en fidéicommis, et c'est l'agence qui
rembourse la femme porteuse jusqu'à la naissance de l'enfant.
Mme Garceau : Si vous me
permettez, Me Tétreault, concernant l'indemnité, la question n'est pas
pension alimentaire, mais l'indemnité en cas, là, d'agression sexuelle au
niveau de demandes concernant l'enfant, c'est quoi votre opinion à ce sujet?
M. Tétrault (Michel) : Bon,
dans un premier temps, je vous remercie de la question. Écoutez, je lis lu
plusieurs fois, c'est peut être mon problème, mais je ne sais pas ce qu'on veut
dire.
Mme Garceau : C'est pour ça
que je vous pose la question.
M. Tétrault (Michel) : Je
comprends que nous devons couvrir les besoins de l'enfant. Or, pour moi, quand
on me parle de besoins de l'enfant, est-ce que ce sont des aliments? Puis là,
on me parle un peu plus loin de contribution, puis là, on parle d'indemnités.
C'est de quoi qu'on me parle? Est-ce qu'on veut me parler de l'obligation
alimentaire? Est-ce qu'on veut me parler du préjudice? 1457, dommages et
intérêts. Est-ce que c'est un melting pot? Bon.
Si on y va avec les besoins ordinaires,
là, et nécessités... pas les... oui, les nécessités de la vie pour l'enfant, je
retiens la LIVAC. Je retiens la LIVAC pour une raison fondamentale, la
solvabilité. Parce que je peux bien fixer, moi, une pension alimentaire avec
les meilleurs critères, mais si mon débiteur alimentaire ou l'agresseur, bon,
n'a plus de capacité de payer... bon. Évidemment, l'autre avantage qu'il ne
faut pas oublier, c'est qu'évidemment ça fait en sorte que la victime n'est pas
obligée d'aller plaider. Là où j'ai une petite difficulté, c'est qu'évidemment
je comprends et nous comprenons tous que l'enfant serait une victime, donc tout
le monde aurait des indemnités. Bon. Est- ce que les.... est-ce que
l'indemnisation par la LIVAC est suffisante? C'est comme pour la CNESST, la
SAAQ, ce n'est pas toujours suffisant, mais on est sûr qu'on va recevoir
quelque chose, et ça, ça vaut quelque chose.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. On doit
continuer, le temps rapidement. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour vos présentations. Sur le critère du fait que
les gens doivent habiter... les parents d'intention doivent habiter au Québec
depuis plus d'un an, qu'est ce que vous en pensez?
• (12 h 10) •
M. Tétrault (Michel) : Bien,
écoutez, il n'y a pas longtemps, et c'est ce qui avait amené le projet de loi n° 2, vous vous souviendrez peut-être du jugement du juge
Morrison. Le juge Morrison... on exigeait deux choses quand venait le temps de
changer des noms, puis tout le reste, c'était la citoyenneté et le domicile.
Lui, il a dit : La citoyenneté, ce n'est pas une nécessité. Le domicile,
ça me semble raisonnable, ça me semble raisonnable.
M. Zanetti : O.K. Et aussi
est ce qu'il y a des façons, selon vous, par lesquelles on pourrait éviter le
fait qu'il y ait comme une rémunération irrégulière, là, qui se ferait de façon
informelle? Est-ce qu'il y a une façon légalement d'empêcher ça, par exemple?
M. Tétrault (Michel) : Ah,
bien, écoutez, on peut toujours prévoir que si on le découvre, on prendra des
recours. Mais vous savez ce qu'on appelle là les revenus non fiscalisés, là,
comment on fait pour les découvrir? Quand on groupe, quand on attrape, parfait,
on va cotiser. On peut prévoir après le fait et, dans un deuxième temps, qui va
être intéressé à le faire si, comme le souligne Me Brown, il n'y a pas beaucoup
de plaintes ou...
M. Tétrault (Michel) : ...problèmes
dans ce que j'appelle, moi, le service après vente. Tout le monde est heureux.
Qui va aller divulguer... Écoutez, je pense que les gens de l'Agence du revenu
seraient probablement mieux équipés que moi pour vous répondre, voir s'ils ont
des techniques. On peut sanctionner après le fait, mais, encore une fois,
comment découvrir ça?
M. Zanetti : Merci. Je n'ai
pas d'autre question.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Vaudreuil,
s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui. Merci, M.
le Président. Merci beaucoup, merci d'apporter votre oeil... votre expertise.
Merci, Me Brown. C'est vraiment enrichissant pour nous autres de savoir que
vous avez déjà fait plusieurs... des milliers de contrats dans ce domaine-là
précisément? J'ai deux questions. On en a parlé un petit peu plus tôt, la
reconnaissance de ces ententes-là à l'extérieur du Québec. Je me demande,
c'est... tu sais, c'est reconnu, ce n'est pas reconnu. Où est la difficulté?
C'est souvent nos tribunaux qui sont appelés à les interpréter, mais est-ce que
des fois ils sont appelés aussi à l'étranger à interpréter un contrat qui a été
passé ici, si c'est un parent à l'étranger? Il a été passé ici, je le sais, là,
mais est-ce qu'il y a des clauses qui prévoient que...
Mme Brown (Doreen) : Comme je
vous ai dit, je consulte toujours l'avocat du pays. Normalement, c'est la
France. Ce qui est surprenant, que c'est... ils ne peuvent pas passer un
contrat avec une femme porteuse en France, mais ils peuvent adopter l'enfant et
de recevoir une adoption plénière en France, si c'est deux hommes ou...
Alors, je consulte toujours les avocats du
pays. Et, comme je vous dis, c'est normalement la France. Autrement, non.
Partout au Canada, c'est la loi fédérale qui... et les lois provinciales aussi.
Et la plupart des autres provinces, ça devient très facile. Je sais que
récemment, il y a même eu un jugement du Nouveau-Brunswick où il n'y avait
aucun lien génétique entre ni la femme porteuse ni les parents d'intention, et
le juge a rendu un jugement favorable en déclarant que les parents d'intention
sont les parents de l'enfant en disant : C'était l'intention des parties
quand ils ont conclu le contrat.
Mme Nichols : Droit successoral.
Est-ce que c'est prévu dans les ententes? Est-ce que c'est... Est-ce que dans
les ententes, il y a des clauses à cet effet-là?
Mme Brown (Doreen) : C'est
une bonne question. Normalement, non, parce qu'ici, au Québec, on n'a... Même,
ce matin, j'ai passé avec une adoption, et c'est l'enfant des parents
d'intention, d'une adoption... c'est votre enfant. Ils ont les mêmes droits,
les mêmes obligations.
M. Tétrault (Michel) : J'ajouterai
juste une chose par rapport à... L'insémination post mortem, c'est prévu dans
le... Il n'y a pas moyen d'avoir un écrit quelque part de la part du défunt
comme quoi, si jamais, bon... Parce que c'est une question, là, on le sait
qu'en jurisprudence, maintenant, on se bat parfois pour des ovules ou du
matériel génétique. Est-ce que ce n'est pas possible, que ce soit dans le
testament ou ailleurs, qu'on ne se base juste sur... Bien, il faudra démontrer
son intention.
Je reviens à ce que je vous disais sur le
projet parental, là, 538.1, c'est tellement plus simple. Donc, on devrait
avoir... parce que c'est un élément important si on sait qu'on a déposé, entre
guillemets, des choses, là, et que ce matériel-là est là, bien, il faut qu'on
prévoie. Est-ce qu'on ne pourrait pas le mettre dans le contrat? Peut être,
mais qu'on ait un écrit au lieu de se baser... Parce que ça a des conséquences,
pas juste sur le fait qu'on va utiliser le matériel, mais si ça ajoute des
enfants au niveau de la succession, tu sais, des questions qu'il faut se poser.
Mme Nichols : C'est pour ça
que je me demandais si c'était déjà prévu dans certains cas, là. Parfait.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, Me Brown,
Me Tétrault, merci beaucoup d'avoir été avec nous.
La Commission suspend ses travaux quelques
instants avant de se réunir en séance de travail. À Tantôt.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 37)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
après-midi à tout le monde. Nous poursuivons les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi portant sur la réforme
du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des
enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de
cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et les enfants issus d'un
projet de grossesse pour autrui.
Alors, on débute notre après-midi avec des
représentants de la Fédération du Québec pour le planning de naissances. Merci
beaucoup d'être avec nous. Comme vous le savez, vous avez 10 minutes de
présentation. Après ça, on a un échange avec les membres. Alors, la parole est
à vous. Merci.
Mme Legault (Jess) : Merci
beaucoup. Donc, pour commencer, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités
aujourd'hui pour vous présenter la position de la FQPN sur le projet de loi n° 12,
surtout en ce qui concerne le droit des femmes et des personnes gestatrices et
les enfants issus d'un projet de gestation pour autrui. Donc, moi, je m'appelle
Jessica Legault. Je suis la coordonnatrice générale de la FQPN et responsable
du dossier avortement. Et je suis ici avec ma collègue Gwendoline Lüthi, qui
est responsable du dossier AcSexe+ à la FQPN.
Donc, la Fédération du Québec pour le
planning des naissances est un regroupement féministe de défense de droits et d'éducation
populaire en matière de santé sexuelle et reproductive. Notre mandat est de
sensibiliser, d'informer et d'encourager la réflexion critique en santé
sexuelle et reproductive et de promouvoir le libre choix dans une perspective
de l'intersectionnalité et de justice reproductive.
Je vous présenterai les réflexions de mon
équipe ainsi que notre conseil d'administration, mais le court délai entre
notre invitation et ma présence aujourd'hui ne m'a pas permis de consulter tous
nos membres. Donc, notre position se restreint vraiment à l'équipe et notre
conseil d'administration. Heureusement, on peut aussi compter sur l'expertise
de quelques-uns de nos membres qui ont aussi reçu l'invitation pour participer
à cette commission, donc le RQCALACS, et la Coalition des familles LGBT+, pour
offrir leur riche perspective sur le projet de loi. La FQPN se penchera
particulièrement aujourd'hui sur les enjeux autour des femmes et personnes
gestatrices, car nous faisons confiance à la Coalition des familles LGBT+ de
bien représentées dans des enjeux spécifiques aux parents d'intention.
Avant de commencer vraiment, j'aimerais
noter que nous reconnaissons que la GPA est un sujet délicat, qui ne fait pas l'unanimité
ni dans la société ni dans les cercles féministes plus restreints de la santé
sexuelle et reproductive. Nous apprécions le soin avec lequel cette loi a été
développée pour encadrer une pratique qui existe depuis le début des temps, et
même lorsqu'il existe des restrictions légales ou sociétales. Nos réflexions et
questionnements sont ancrés dans une approche centrée sur l'agentivité des
femmes et des personnes gestatrices, en prêtant une attention au déséquilibre
de pouvoir qui peut exister entre elles et les parents d'intention. Dans cette
perspective, cette présentation est divisée en trois parties pour partager, premièrement,
les éléments du projet de loi sur lesquels nous sommes d'accord, ensuite, les
éléments qui, selon nous, devraient être bonifiés, et enfin les éléments qui
nous préoccupent.
• (15 h 40) •
Pour commencer, nous soulignons l'importance
de l'article qui permet à la femme ou la personne gestatrice de mettre fin
unilatéralement à la convention de gestation pour autrui à n'importe quel
moment avant la naissance de l'enfant. L'autonomie de la personne qui décide de
vivre une grossesse pour autrui n'est pas complète sans la possibilité d'interrompre
cette grossesse sans pénalité. Par ailleurs, nous apprécions l'absence de
précision et de spécificité reliés aux frais qui peuvent être remboursés dans
le cadre d'une convention de GPA. Ceci permet une plus grande flexibilité,
accommodant les différents contextes des personnes gestatrice et des parents d'intention.
Ensuite, la possibilité d'accéder à une
indemnisation pour les pertes de revenus pendant la grossesse ainsi que les 18 semaines
de congés payés par le RQAP sont deux autres éléments qui permettront de
diminuer le risque que la personne gestatrice soit indûment laissée par le
processus.
Enfin, le fait que l'enfant soit confié
directement aux parents d'intention dès la naissance et que l'autorité parentale
leur soit accordée immédiatement reconnaît que le rôle parental appartient
uniquement à ces derniers.
Le projet de loi, tel qu'il existe,
comprend quelques éléments que la FTQ aimerait voir bonifier pour le bien être
des personnes impliquées.
Mme Legault (Jess) : ...dans
le projet de GPA. Dans l'article 541.11, le projet de loi exige que les
parents d'intention et la personne gestatrice rencontrent séparément un ou une
professionnel habilité à les informer sur les implications psychosociales du
projet de GPA et sur les questions éthiques que cela implique. Nous souhaitons
avoir des précisions quant à la formation requise pour dispenser ces services
ainsi que la liste des ordres professionnels désignés par le ministère de... le
ministre de la Justice pour entreprendre ce rôle de conseil. La FQPN recommande
que le suivi psychosocial soit accessible et disponible tout au long du
processus, et que ce ne soit pas limité à une seule rencontre avant la
signature de la convention, et que la santé mentale de la personne gestatrice
soit une préoccupation centrale au processus. Considérant le bilan physique et
mental tout au long de n'importe quelle grossesse, il est important de
s'assurer que la personne qui entreprend une grossesse pour autrui avec tout ce
que ça peut impliquer ait accès à un accompagnement psychosocial avant, pendant
et après la grossesse. Il s'agit d'une façon de réduire et de prévenir les
situations de coercition des parents d'intention envers la personne gestatrice.
Dans la même veine, l'absence d'un article
indiquant clairement que la personne enceinte dispose d'une autonomie
corporelle complète tout au long de la grossesse et de l'accouchement nous
préoccupe. Considérant la forte probabilité que les parents d'intention aient
des préférences concernant l'alimentation, le niveau d'exercice ou les
décisions médicales de la personne gestatrice, il semble extrêmement important
de clarifier qu'une convention de gestation pour autrui ne peut pas légalement
inclure des restrictions quant aux habitudes de vie de la personne gestatrice.
En effet, il semble pertinent de réitérer le jugement de la Cour suprême
canadienne qui affirme que, je cite : «La femme enceinte et l'enfant à
naître ne forment qu'une seule personne et rendre une ordonnance visant à
protéger le foetus empiéterait radicalement sur les libertés fondamentales de
la mère, tant en ce qui concerne le mode... le choix d'un mode de vie que sa
manière d'être et l'endroit où elle choisit de vivre.» Fin de la citation. La
FQPN recommande donc qu'un article soit ajouté au projet de loi pour clairement
interdire la présence de restrictions dans la convention de gestation pour
autrui qui pourrait brimer la pleine autonomie de la femme ou de la personne
gestatrice avant ou pendant la grossesse et l'accouchement.
Le dernier élément nous préoccupant est la
couverture RAMQ de la personne gestatrice domiciliée au Québec. Comme vous le
savez, il existe plusieurs scénarios dans lesquels une personne peut résider
légalement au Québec pour plus d'un an sans avoir accès à l'assurance maladie
provinciale, notamment les étudiantes internationales ou les personnes avec un
visa de programme vacances-travail. Bien que le ministère de la Santé et des
Services sociaux étudie la question de la gratuité des soins périnataux pour
les femmes et personnes sans RAMQ... sans accès à la RAMQ au Programme fédéral
de santé intérimaire, il existe des séquelles de traitements de fertilité et de
grossesse qui manifestent sur le court, moyen et long terme. Que ce soit, par
exemple, pour les traitements de physiothérapie ou les taux plus élevés du
cancer du sein, il est possible que la personne gestatrice ait besoin d'une
couverture de santé... de soins de santé au-delà de la grossesse. La présence
de ce fardeau médical doit faire partie des rencontres psychosociales avant la
signature de la convention de GPA pour que la personne gestatrice ait tous les
éléments afin de prendre une décision éclairée. La FQPN recommande aussi que la
personne gestatrice soit accordée une couverture RAMQ tout au long du processus
de la GPA et tant qu'elle vivra au Québec.
Au coeur du débat sur la GPA se trouve la
question de l'agentivité de la femme ou de la personne gestatrice. Le projet de
loi n° 12 inclut un grand nombre d'articles qui reconnaissent cette
agentivité tout en cherchant à minimiser la possibilité de coercition ou
d'exploitation de la personne gestatrice domiciliée au Québec. Ces éléments
perdent de l'ampleur ou disparaissent complètement dans les articles sur la GPA
hors Québec. Par exemple, la rencontre psychosociale pour la personne
gestatrice n'est plus un prérequis pour la signature de la convention de GPA si
elle vit à l'étranger. Bien que le projet de loi stipule que les projets de GPA
peuvent seulement être reconnus si la personne gestatrice réside dans un État,
et je cite : «Étrangers ou... les... Un État étranger où les règles de la
pratique et les pratiques en matière de grossesse pour autrui ne contreviennent
pas à l'ordre public.» Fin de la citation. Et assure que la sécurité et
l'intégrité de toutes les parties impliquées dans le projet. Il nous semble
impossible que les mêmes protections contre l'exploitation des femmes et
personnes gestatrice soient garanties à l'étranger. Sans le cadre et les lignes
directrices adéquates autour de la pratique de la GPA, cette loi risque de
reproduire involontairement les dynamiques de pouvoir et de participer à
l'exploitation des femmes à l'étranger. L'histoire de la GPA nous indique que,
dans les dernières décennies, les intermédiaires ont profité du désir parental
profond et ont créé des situations misérables pour les femmes dans leur pays.
On pense... on pense entre autres au pensionnat pour gestatrice en Inde, bien
qu'elles soient maintenant accessibles... inaccessibles aux parents québécois.
L'article du projet de loi...
Mme Legault (Jess) : ...qui
réitère le droit à l'interruption de grossesse pour la personne gestatrice
domiciliée au Québec ne se retrouve pas dans les articles sur la GPA à
l'étranger puisqu'évidemment une loi québécoise n'a aucune juridiction sur le
droit à l'avortement à l'étranger. Nous nous demandons donc comment assurer que
la personne gestatrice à l'étranger détienne une... équivalente à sa consœur au
Québec si elle ne peut pas, elle aussi, mettre fin unilatéralement à la
convention de grossesse pour autrui.
Nous ne souhaitons pas participer à la
création d'un système de hiérarchisation de la vie et de la santé des personnes
gestatrices. Nous pensons que toutes les personnes qui décident de s'engager dans
un processus de gestation pour autrui à titre de personnes enceintes méritent
le même traitement sans restriction quant à leur lieu de domicile. La FQPN
recommande donc que l'accès à l'avortement sans restriction sur la raison ni le
stade de la grossesse soit un des critères d'évaluation des États étrangers si
la GPA hors Québec est maintenue.
Pour conclure, j'aimerais réitérer
l'appréciation de la FQPN pour l'encadrement que ce projet de loi offre autour
de la pratique de la gestation pour autrui pour permettre une protection et une
valorisation de toutes les personnes impliquées dans ces projets. Nous
demeurons actives dans notre lutte pour l'autonomie et le respect des droits
sexuels et reproductifs, la reconnaissance du droit de choisir d'avoir ou de ne
pas avoir d'enfants, de les élever dans un environnement sain, sans violence et
avec les ressources nécessaires, et pour favoriser la prise de pouvoir et
l'autonomie de chacun et chacune face à leur santé sexuelle et reproductive.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Vous êtes bonne, honnêtement
vous êtes parfaite. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, Mme Legault, Mme Lüthi. Bonjour, merci d'être en commission
parlementaire aujourd'hui sur le projet de loi n° 12.
D'entrée de jeu, sur le dernier point, là,
que vous avez soulevé relativement à l'interruption volontaire de grossesse,
c'était notre intention justement d'avoir sur la liste des États accrédités
ceux qui ont des règles entourant la grossesse pour autrui équivalentes à
celles du Québec. Donc, c'est sûr que ça va faire partie du critère d'analyse
pour faire en sorte que, justement, la mère porteuse en tout temps puisse avoir
le plein contrôle et l'autonomie de son corps. Donc, ça fait partie des
détails. Puis l'objectif du projet de loi, c'est justement de faire en sorte
qu'on évite la marchandisation du corps de la femme et qu'on s'assure de
protéger les mères porteuses également, les enfants aussi.
Est-ce que, dans le cadre du projet de
loi, il y a des éléments particuliers que vous nous dites : Vous devriez
aller plus loin pour protéger la femme qui porte l'enfant?
Mme Legault (Jess) : Bien, je
pense que la question de l'avortement, c'est comme assez central pour nous, ça
fait vraiment partie de l'optique à travers laquelle on examine la loi, surtout
qu'il y a très peu d'autres pays où le droit à l'avortement est aussi bien
protégé qu'au Canada. Donc, ça serait très difficile pour nous de trouver un
pays où les gestatrices auraient les mêmes protections que les femmes au Québec
étant donné qu'au Québec on n'a pas de restriction sur la raison ou le stade de
grossesse pour interrompre une grossesse. Et on a fait... on a cherché puis on
n'a pas trouvé un autre pays qui...
M. Jolin-Barrette : Donc, ce
que vous nous dites, c'est que s'il n'y a pas exactement le même équivalent
qu'au Québec, supposons... Supposons, prenons un État américain qui aurait...
qui permettrait l'interruption volontaire de grossesse, mais avec certains
paramètres, vous, ce que vous nous dites, c'est qu'on ne devrait pas permettre
la grossesse pour autrui. Dans le fond... au fond, on ne devrait pas permettre
la reconnaissance de la grossesse pour autrui dans cet Éta-là. Je ne parle pas
d'un État... supposons un État plus... comment je dirais ça?
Mme Legault (Jess) : Je ne le
sais pas. J'attends pour voir ce que vous allez dire.
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Plus
libéral que certains autres États.
Mme Legault (Jess) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Je dirais
ça comme ça, pas au sens libéral, pas au sens de mes estimés collègues, là, au
sens de libéral, libéral.
Mme Legault (Jess) : J'ai
bien compris. Non, je pense que la FQPN, notre position c'est non, aucune
restriction autour de l'avortement. Donc, c'est aussi une façon de s'assurer
que la personne qui entre dans un contrat est capable de sortir d'un contrat,
que si on la met dans une situation où la personne a le plein contrôle et...
dans cette situation-là, l'avortement et tous les... Il y a d'autres éléments
aussi, le suivi psychosocial, accès au régime....
Mme Lüthi (Gwendoline) : D'assurance
maladie.
Mme Legault (Jess) : L'assurance
maladie, mais aussi l'assurance parentale par après les 18 semaines, là,
c'est incroyable, on adore ça. Mais la personne à l'étranger ne va pas avoir
accès à ça.
M. Jolin-Barrette : C'est sûr
qu'on a un régime intéressant au niveau...
M. Jolin-Barrette : ...ou des
congés parentaux au Québec. Puis je suis heureux que vous le soulignez puis que
vous soulignez que dans le projet de loi également, on met ça d'une façon
également si généreuse. Tout à l'heure, vous avez abordé la question, là, de la
RAMQ, là. Il est où, votre questionnement par rapport à la RAMQ? Parce que
normalement, tout le monde est couvert par la RAMQ, là, lorsqu'ils sont
domiciliés au Québec, là.
Mme Legault (Jess) : Non, ils
ne le sont pas, pas nécessairement, si tu es ici en statut d'étudiants ou en
PVT, ou il y a plein de scénarios où les personnes qui sont domiciliées au
Québec légalement, qui n'ont pas accès à la RAMQ.
M. Jolin-Barrette : Mais dans
un cas, supposons d'étudiant, dans le fond, c'est une résidence, ce n'est pas
domicilié théoriquement, là.
Mme Legault (Jess) : Ah!
bien, moi je voyais dans la... Moi... c'est peut-être une compréhension
différente dans le sens qu'ils sont ici pour...
M. Jolin-Barrette : Parce que
quand vous êtes, supposons, étudiants étrangers, là vous résidez, supposons,
vous venez étudier, là, je ne sais pas, à l'Université de Sherbrooke, là, à
Sherbrooke, vous résidez au Québec durant la période de vos études, mais la loi
fait en sorte que vous devez être domiciliés.
Mme Legault (Jess) : O.K.
Parfait.
M. Jolin-Barrette : Donc,
dans le fond, le domicile, supposons, de la femme... de l'étudiante qui serait
est à Sherbrooke, supposons que c'est une étudiante anglaise, bien, son
domicile demeure en Angleterre, mais sa résidence durant le moment où elle est
au Québec, elle a un statut de résident, mais son domicile...
Mme Legault (Jess) : Demeure.
M. Jolin-Barrette : ...demeure
dans son pays d'origine aussi. C'est différent. Puis, dans le fond, c'est une
des conditions pourquoi est-ce qu'on a mis la notion de domicile puis pendant
un an aussi. C'est pour être certain que la personne veuille demeurer ici, au
Québec, on n'a pas pris le critère de la citoyenneté, on a pris le critère du
domicile. Cependant, l'objectif est le suivant. Ça fait que, théoriquement, les
gens devraient être couverts par la RAMQ, à moins que vous me souleviez
d'autres exceptions, qu'ils quittent avec l'encadrement qu'on a mis dans le
projet de loi.
Mme Legault (Jess) : On ne va
pas parler de frontières en ce moment. Donc, on ne va pas... Je pense qu'il n'y
en a pas d'autres, là.
Mme Lüthi (Gwendoline) : Non.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
tout cas, vous pourrez écrire à la Commission pour nous dire également. Je sais
que j'ai des collègues qui veulent poser des questions. Je vais leur céder la
parole. Merci beaucoup pour votre passage en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Charlevoix–Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Oui. On va
commencer avec une question plus pour faire connaissance, je sais que ça date
quand même de plusieurs années, mais dans la Gazette des femmes, votre ancienne
coordonnatrice générale, donc, mentionnait que vous aviez des sérieuses
réserves à l'égard de la procréation assistée. J'aimerais savoir, à la base,
avant de parler du GPA, votre position sur la procréation assistée.
Mme Legault (Jess) : Donc,
c'est vrai que ça date, je pense que je sais... je ne sais pas si c'est la
publication de 2014 ou de 2006, mais c'est vrai que ça nous prédate à nous
deux. On a des... encore... je pense que la procréation assistée, on a des
sérieuses questions à se poser sur la surmédicalisation et les taux de réussite
qui sont assez bas comparés à le... l'effet que ça peut avoir sur le corps de
la personne qui subit les traitements. Et on défend toujours le libre-choix de
chaque personne et le droit d'avoir ou de ne pas avoir d'enfant. Donc, à
l'individu, on défend le choix, absolument, mais on a des questionnements et
des réserves vis-à-vis la science qui est... tu sais, à ce moment-là où,
certainement, qui n'était pas aussi avancée qu'aujourd'hui et qu'on n'avait pas
nécessairement les études qui démontraient l'efficacité de ces traitements-là.
Mais c'était comme présenter aux familles comme une panacée et ça donnait des
faux espoirs. Donc, c'est... Je pense qu'on continue dans cette, peut-être,
lignée là de penser... de questionner puis de permettre l'autonomie de chaque
famille, de faire leur choix, de personnes individuelles ou... Mais je pense
que c'est surtout dans cette veine-là.
Mme Bourassa : Donc, vous
comprenez que pour des personnes en situation soit médicale, des personnes
stériles, ça peut sembler une des seules issues, la procréation assistée,
parfois.
Mme Legault (Jess) : Absolument.
Mme Bourassa : Parfait. Parce
que, dans le fond, cette pensée-là venait avec le fait que vous ne vouliez pas
qu'il y ait une marchandisation du corps de la femme. Alors, la question des
agences, la dame qu'on a vue ce matin, on a vu quelqu'un ce matin qui nous
disait avoir assisté près de 1000 dossiers de procréation assistée.
J'aimerais savoir vous, est-ce que les agences, on les garde, on les interdit,
on réglemente? Quelle est votre position face à ça?
Mme Legault (Jess) : Les
agences?
Mme Bourassa : Les agences
entourant la GPA?
Mme Legault (Jess) : Je ne
connais pas assez... oui, je ne connais pas...
Mme Legault (Jess) : ...assez
pas pour me prononcer là-dessus.
Mme Bourassa : Vous n'avez
pas statué.
Mme Legault (Jess) : Oui.
Mme Bourassa : Parfait. Désolée,
j'ai plein de questions. Vous parlez de la pluriparenté, j'aimerais savoir
est-ce que vous des études qui mentionnent que c'est dans l'intérêt de l'enfant
d'avoir une pluriparentalité.
Mme Legault (Jess) : Est-ce
que, moi, j'ai mentionné la pluriparentalité?
Mme Bourassa : Mais dans
votre... encore une fois, c'est une publication qui date du
7 février 2023 de votre organisation où vous défendiez un peu cette
position-là.
Mme Legault (Jess) : Ah!
c'est sur Facebook. Nous autres, on se rallie à la position de notre membre...
de nos membres, à la coalition des familles LGBT. Donc, on soutient leur
position sur ce point-là.
Mme Bourassa : Puis, selon
vous, est-ce que vous avez, c'est ça, des documents qui montrent que c'est dans
l'intérêt de l'enfant? Parce que pour l'instant, bon, ce n'est pas dans dans
les projets justement parce que ce n'était pas dans... Il n'y a rien qui
prouve...
Mme Legault (Jess) : Ah! nous
autres, on ne revendique pas que ça soit inclus dans le projet de loi n° 12. Donc ça ne fait pas partie de ce qu'on avait préparé
pour aujourd'hui. Oui.
Mme Bourassa : Parfait,
merci.
Le Président (M.
Bachand) :Du côté gouvernemental, M. le
député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour, Mmes Legault et Lüthi. Vous étiez en train de faire
le portrait de votre réaction très, on peut le dire «féministe».
Mme Legault (Jess) : Ah! vous
n'avez pas besoin de mettre des...
M. Lemieux : Non. Mais je les
mettais pour montrer que c'est, bon, sur l'ensemble du projet de loi. Nous, ça
fait déjà un petit bout de temps qu'on est, qu'on est là-dedans, et il y a des
positions fondamentales, on dirait même philosophiques, sur certains aspects
qui ont plus d'écho dans la population. Évidemment, quand on regarde l'ensemble
de l'oeuvre, l'ensemble du projet de loi, c'est pondéré, c'est modéré, c'est
modulé, mais il y a quand même des choses qui frappent. Une des choses qui
frappe, c'est... et vous, avez dit la femme porteuse parce que j'ai appris, ce
matin, qu'il faut pas dire mère porteuse, c'est femme porteuse, peut décider de
se faire avorter si elle en a besoin. Elle peut aussi décider de garder
l'enfant...
Mme Legault (Jess) : Oui.
M. Lemieux : ...jusqu'à
30 jours après la naissance. Ça, pour vous, c'est un peu, beaucoup,
parfait, pas correct?
Mme Legault (Jess) : Moi,
j'enlèverai le moratoire de sept jours, mais là si on parle pour parler.
M. Lemieux : Oui, on est là
pour jaser, là. Vous enlèveriez le moratoire de sept jours?
Mme Legault (Jess) : Parce
que je pense que c'est d'avoir le droit de renoncer dès la naissance et d'en
finir avec la chose devrait être une option, mais je ne l'ai pas inclus dans
mes revendications. On ne l'a pas inclus parce que ça ne nous semblait pas...
On voulait garder ça plus court, donc qu'on ne voulait pas non plus... Il y a
d'autres choses qu'on rajouterait, mais pour le 30 jours, on n'a pas
d'objection au 30 jours d'avoir le.... Mais j'enlèverais le moratoire.
M. Lemieux : Aidez-moi à
comprendre le comment ou le pourquoi du comment. Vous enlèveriez le sept jours,
ça donnerait quoi de plus ou de moins?
Mme Legault (Jess) : Bien,
moi, je me mets dans la place de quelqu'un qui vient d'accoucher, ce que j'ai déjà
fait. Donc, je me dis qu'il y a d'autres choses... tu sais, il y a plein... Tu
sais, j'avais lu le projet de loi n° 2 et je vois
qu'il y a eu des changements avec lesquels j'ai été très d'accord depuis. Donc
félicitations! Mais, oui, mais le sept jours est resté, et pour moi, je me dis
si j'étais dans cette situation-là, il y aurait plein d'émotions, il y aurait
plein de, disons, ton corps vient de faire quelque chose d'extraordinaire, tu
as besoin de te reposer et tu n'as peut être pas le goût de ressortir après
sept jours, je ne sais pas. Moi, je me dis que si c'était possible de le faire
à l'hôpital ou à la maison de naissance, ou à la maison, ou elle, elle veut,
quand est ce que tu accouches, je pense que ce serait une option qui pourrait
être bénéfique pour certaines personnes. Mais d'avoir l'option d'attendre
aussi, c'est... Oui?
Mme Lüthi (Gwendoline) : Dans
le fond, c'est pour donner plus de choix à la personne. Au lieu... pourquoi
attendre sept jours alors qu'elle pourrait le faire tout de suite si elle le
désire? C'est juste pour étendre le choix en fait.
Mme Legault (Jess) : Oui.
M. Lemieux : Le faire au sens
de garder l'enfant?
• (16 heures) •
Mme Lüthi (Gwendoline) : Non,
au sens de...
Mme Legault (Jess) : Résilier,
oui.
Mme Lüthi (Gwendoline) : Oui,
donner...
M. Lemieux : D'accord. Donc,
si... Mais justement elle est dans... elle n'est pas en choc parce que ce n'est
pas un état de choc, mais elle est bouleversée comme vous dites, son corps
vient de faire quelque chose d'exceptionnel, ce n'est pas une bonne idée de
dire : On va prendre sept jours, là, pour se calmer, puis on va y penser.
Mme Lüthi (Gwendoline) : Si
elle est accompagnée par un intervenant ou une intervenante psychosociale tout
au long de la grossesse et à la fin à l'accouchement, peut-être que ça peut
être une très bonne idée de faire intervenir une personne à ce moment-là.
M. Lemieux : Il me reste
combien de temps pour jaser, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) :...
M. Lemieux : Parfait. Deux
autres trucs, vous avez dit... puis je reviendrai à la décision de garder
l'enfant. Vous avez dit : Il y a beaucoup de détails... ou, en tout cas,
il y a des détails dans le projet de loi n° 2 qui ont
été modifiés. Qu'est-ce qu'il y a d'autre dont vous ne nous avez pas parlé puis
avez fait...
16 h (version non révisée)
M. Lemieux : ...yes.
Mme Legault (Jess) : Ah! là,
je ne sais plus, là. Attends. Je n'avais pas... je n'ai pas comparé les deux
lois, mais il y avait des points qu'on avait ressortis quand on avait étudié le
projet de loi no 2, que... quand on est retourné pour relire le projet de
loi n° 12, qui n'étaient plus là. Donc, il y avait des... mais là, je ne me
rappelle plus, là.
M. Lemieux : Mais ce n'est
pas grave. Je voulais juste savoir s'il y a quelque chose en particulier qui
vous avait intéressé. Et êtes-vous de celles qui pensaient que... parce que,
justement, le projet de loi deux a été scindé, puis là on recommence, que ça a
fait du bien dans le débat... pas le débat mais dans le public. Il y a eu comme
une espèce de... ça a percolé un petit peu. On s'est fait à l'idée, parce qu'il
y a des choses là-dedans qui ne sont pas évidentes, là.
Mme Legault (Jess) : Ah non!
Nous autres, on a trouvé ça super évident. Non. Ah! c'est possible, je n'y
avais pas pensé. Mais c'est sûr que, nous, ça fait depuis octobre 2021 qu'on en
parle dans l'organisation puis qu'on essaie de trouver un moment pour aller
chercher nos membres pour en discuter. Mais, vous voyez, nos positions d'il y a
10 ans datent... 10, 15 ans, ça date. Donc, c'est un débat...
M. Lemieux : Mais la science
aussi...
Mme Legault (Jess) : Et la
science a évolué...
M. Lemieux : Voilà.
Mme Legault (Jess) : ...la
situation internationale a évolué, donc c'est comme... Nous, on voit ça comme
un moment... un enjeu extraordinaire autour duquel on peut vraiment venir
réfléchir et pas juste s'appuyer sur qu'est-ce qu'on a déjà fait, mais de
vraiment, à la lumière d'aujourd'hui, remettre les choses en question.
M. Lemieux : Il me reste très
peu de temps, une dernière question. Marchandisation, qui a été évoquée tout à
l'heure pour quelque chose dans le passé, là, est-ce que c'est une question qu'il
faut se poser quand on pense au nombre de fois qu'une femme pourrait être une
femme porteuse?
Mme Legault (Jess) : Oh là
là! Vous avez dit que vous n'avez pas beaucoup de temps...
M. Lemieux : Non, mais vous
êtes ici pour répondre à des questions difficiles.
Mme Legault (Jess) : Non,
mais vous avez dit que vous n'avez pas beaucoup de temps.
M. Lemieux : Bien, je ne sais
pas, vous regarderez le président, là, il va vous dire ça.
Mme Legault (Jess) : Non,
mais je pense que la question se pose. Mais c'est une raison pour laquelle on a
de la difficulté avec la GPA à l'étranger. C'est qu'on n'a pas... il y a
certains éléments qu'on ne peut pas contrôler à l'étranger de la même façon qu'on
peut contrôler ici, justement, de s'assurer que la personne fait un choix
éclairé et fait un choix...
Mme Lüthi (Gwendoline) : Libre,
éclairé.
Mme Legault (Jess) : ...libre.
Oui. Elle est bien informée, donc... La marchandisation, c'est une question qui
ne fait même pas l'unanimité à l'intérieur de... sur laquelle que, même moi, j'ai
de la difficulté, mais je reconnais... des femmes et des personnes qui vont
choisir ce choix et qui n'ont pas besoin d'être rémunérées pour le faire ou
qui, justement, aimeraient être rémunérées. Donc, c'est un débat qui va
continuer, j'ai l'impression.
M. Lemieux : Merci, mesdames.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député.
M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Bonjour, mesdames. Merci d'être là. J'aurai quelques questions...
une question un peu plus générale. On en a parlé, mais, pour vous, dans l'ensemble,
est-ce que, dans ce projet de loi, la loi devrait encadrer davantage la
convention de grossesse pour la femme porteuse pour la protéger davantage, pour
ne pas qu'elle soit exploitée? On a parlé, par exemple, question d'assurance,
si ça se fait par contrat, peut-être qu'il y en a qui vont le prévoir, il y en
a qui ne vont pas le prévoir. Est-ce qu'il faudrait aussi empêcher qu'il y ait
un lien, par exemple, d'emploi entre le couple qui veut avoir, en fait,
éventuellement un enfant puis la mère porteuse, plus pour la protéger? Parce qu'il
peut y avoir des situations où la femme porteuse, évidemment, va se sentir...
surtout si elle vient de l'étranger puis elle n'est pas citoyenne canadienne.
Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Est-ce que vous avez des recommandations, des suggestions qu'on pourrait
éventuellement, dans le cadre d'amendements à proposer au gouvernement, mettre
en place pour la protéger davantage?
Mme Legault (Jess) : Bien,
moi, je vais parler un peu, puis...
Une voix : ...
Mme Legault (Jess) : Oui.
Pour moi... bien, on... j'en avais glissé un mot tantôt, c'est tout ce qui
concerne l'agentivité de la personne ou la femme gestatrice au... avant, durant
et après la grossesse, donc vraiment toutes les questions médicales, les
questions de son alimentation, de son taux de... niveau d'exercice et toutes
les questions autour des saines habitudes de vie. On a de la misère, dans notre
société, de laisser n'importe quelle personne enceinte faire ses propres choix.
Tout le monde a une opinion sur tout tout le temps. Une fois que tu as un
bedon, voilà, tu es... c'est place à l'opinion publique. Donc, c'est...
Mme Legault (Jess) : ...et
c'est très... c'est fort probable que les parents d'intention aient une volonté
de vouloir que leur enfant soit en pleine santé, tu sais, de mettre toutes les
chances de leur côté, que les choses aillent bien et... mais... mais on ne peut
pas mettre une situation où la personne enceinte ait des restrictions autour de
ses activités qu'elle n'a pas décidées elle-même. Donc, c'est là où, dans la
convention de GPA, j'aime... on aimerait voir qu'il y ait... qu'il y ait plus
de... que ce soit clairement écrit que ces restrictions-là ne pourraient pas
être incluses dans la convention.
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. Si on revient à la GPA, mais
à l'étranger, est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait permettre ou
interdire tout simplement? Parce que quand on regarde la liste des autres
États, bon, que ce soit aux États-Unis, en Europe, ailleurs, bon, très, très,
très peu, je n'ai pas fait une liste exhaustive, mais j'ai besoin de votre
conseil là-dessus, très, très, très peu offrent les mêmes avantages qu'au
Québec. Donc, une fois que la personne... le projet a commencé, la convention
est signée, la femme est enceinte, ça devient quasiment impossible. Je
comprends que le but, c'est que le ministère va dresser une liste, mais
l'équivalent n'existerait à peu près pas nulle part, donc c'est-u quelque chose
qu'on devrait permettre parce qu'évidemment, il y a peut-être des femmes qui
vont se faire exploiter, ou simplement l'interdire?
Mme Legault (Jess) : Ça,
c'est dur, mais, pour l'instant, je ne vois pas comment on peut faire la GPA à
l'étranger en s'assurant qu'il ne va pas y avoir d'exploitation. Donc, c'est là
la difficulté parce qu'il y a... il y a plein de critères qui sont dans la loi
qui sont des critères qui pourraient, tu sais, aller jusqu'à la capacité d'une
loi québécoise qui pourrait protéger à l'étranger, mais il y a... il y a des
limites à qu'est-ce qu'on peut faire avec une loi québécoise et c'est pour ça
qu'on... je ne vois pas d'issue qui nous permet de dire : Voilà, dans ces
états-là ou dans cette situation-là, on va être certaine que les personnes ne seront
pas exploitées. Et de la même façon qu'on ne peut pas absolument garantir à
100 % que les femmes et les personnes ici ne vont pas être exploitées,
mais j'ai l'impression qu'on a... la loi réduit assez les chances
d'exploitation...
Mme Lüthi (Gwendoline) : ...
Mme Legault (Jess) : ...les
risques d'exploitation. Merci.
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. Et puis ça ne traite pas
directement de la GPA, mais le projet de loi veut aussi tenter de résoudre
toute la question de la responsabilité financière visant les besoins d'un
enfant issu d'une agression sexuelle, c'est l'article 542.33, là, du
projet de loi. Sauf que, dans le projet de loi, la loi dit que ça va être
finalement à la mère qui a été victime d'un viol, qui a gardé l'enfant de
demander finalement le paiement d'une indemnité, et puis il faut évaluer les
besoins de l'enfant, de sa naissance jusqu'à l'atteinte de son autonomie. Je
comprends que la loi mentionne que si c'est prouvé par la production d'un
jugement, bien, on en reconnaît l'existence, mais ce n'est pas toujours le cas
parce qu'on sait que ce n'est pas toutes les femmes qui vont dénoncer qu'elles
ont été victimes d'un viol. Est-ce que vous pensez que ça impose un fardeau...
je comprends ce que le législateur veut faire, mais est-ce que ça impose un
fardeau trop lourd sur les épaules de la femme, et est-ce qu'il n'y aurait pas
moyen peut-être de la compenser autrement, que ce soit par une action étatique,
plutôt que de l'obliger à faire toute cette preuve-là à la cour?
Mme Legault (Jess) : Je ne me
sens pas équipée pour répondre à cette question-là. On est... c'est vraiment
hors de notre champ d'expertise. Je suis vraiment désolé.
• (16 h 10) •
M. Morin : O.K. Parfait. Puis
je vous remercie. Merci beaucoup. Moi, M. le Président, je n'ai pas d'autres
questions. Je ne sais pas si ma collègue de Robert Baldwin a des questions.
Mme Garceau : Non, ça va.
Le Président (M.
Bachand) :Ça va pour l'instant. Merci.
Alors, M. le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci pour votre présentation, c'est vraiment apprécié.
Vous dites, dans votre deuxième recommandation, qu'il faudrait qu'un article
soit ajouté au projet de loi pour clairement interdire la présence de
restrictions dans la convention de gestation pour autrui qui pourrait brimer la
pleine autonomie de la femme ou de la personne gestatrice avant ou pendant la
grossesse et à l'accouchement. À quel... à quel scénario, par exemple, vous
pensez, puis comment est-ce qu'on pourrait, disons, réduire cette
possibilité-là?
Mme Legault (Jess) : Bien,
nous autres, on pensait justement comme dans une conversation... convention de
GPA qui pourrait y avoir... que les parents d'intention voudraient que la
personne mange bio pendant toute la grossesse, ou que la personne à
l'accouchement...
Mme Legault (Jess) : ...on va
avoir un accouchement sans médicaments ou avec une sage-femme versus un médecin
ou... tu sais, comme, il pourrait avoir ce genre de choix là, qui serait de
préférence selon certaines études ou... tu sais, comme, il pourrait amener de
la science pour décider si c'est ça qu'ils veulent pour leur enfant. Et, si la
personne est d'accord, tant mieux. Mais ça... Ça ne peut pas être inclus dans
un... dans une convention étant donné que seule la personne enceinte a le droit
de l'autonomie sur son corps.
M. Zanetti : O.K., parfait,
je comprends bien. Est-ce qu'il y a d'autres choses dont vous n'avez pas eu
l'occasion de parler ou que vous... sur lequel vous n'avez pas pu développer
suffisamment et que vous voudriez... sur lequel vous aimeriez développer
davantage?
Mme Legault (Jess) : Moi,
j'ai une question à propos des... les prestations de RQAP pour les parents
d'intention. En comparant le nombre de semaines pour les parents qui font une
adoption versus les parents d'intention dans la GPA, il y a un 13 semaines
de moins qui est qui donné aux parents d'intention, à la GPA. Et je sais qu'il
y a le 18 semaines qui sont accordées à la mère, à la personne gestatrice,
mais c'était un questionnement pourquoi les parents d'intention ont moins de
semaines.
M. Zanetti : Bien, je ne peux
pas vous répondre, mais je suis content quand même...
Mme Legault (Jess) : Je fais
juste lancer ça.
M. Zanetti : Je vais
transmettre votre question. Puis on aura les échanges à ce sujet-là. Je vous
remercie beaucoup. Si vous avez d'autres choses à ajouter, allez-y, sinon,
bien, moi, ça va être... Ça va faire le tour.
Le Président (M.
Bachand) :Alors, écoutez. Merci beaucoup.
Merci infiniment d'avoir été avec nous.
Alors, je vais suspendre les travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 13)
(Reprise à 16 h 17)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre s'il vous plaît! la Commission reprend ses
travaux. Alors, il me fait plaisir d'accueillir les représentantes de
l'organisation Pour les droits des femmes du Québec. Merci beaucoup d'être avec
nous cet après-midi. Alors, je vous cède la parole. Comme vous savez, c'est
10 minutes de présentation, et je vous invite d'abord à vous présenter.
Alors, la parole est à vous. Merci.
Mme Houle (Alexandra) : Parfait,
merci. Nous vous remercions pour cette invitation. Je me présente, je m'appelle
Alexandra Houle. Je suis accompagnée de Michèle Sirois et d'Athena Davis.
La question des mères porteuses nous tient
à cœur, car la mission principale de Pour les droits des femmes du Québec,
aussi appelée PDF Québec, est la défense de la dignité des droits des femmes.
Avec les grossesses pour autrui, auxquelles nous nous référons avec l'acronyme
mieux connu de GPA, c'est aussi la défense des droits des enfants qui nous
préoccupe.
Nous avons tous vu ces articles dans les
médias qui se plaisent à raconter les histoires de couples populaires ayant
choisi la GPA plutôt que l'adoption. Le journal La Presse révélait cette
semaine que cette industrie génère des milliards de dollars et est en
expansion. L'industrie de la GPA est un commerce international qui rémunère des
mères porteuses influenceuses sur les réseaux sociaux. Celles-ci font la
promotion d'un soi-disant mode de vie très glamour des mères porteuses auprès
d'un public de jeunes femmes influençables au Québec et ailleurs.
Rares sont les médias qui vont voir la
réalité des mères porteuses géorgiennes, ukrainiennes, colombiennes ou
kényanes. Elles n'ont pratiquement pas le droit de critiquer ou de dénoncer les
problèmes de l'industrie, elles sont réduites au silence par des clauses de
leur contrat. C'est sur les réseaux sociaux qu'elles prendront la liberté de
documenter leur vie de mère porteuse. Elles s'exprimeront sur les ravages des
traitements médicaux qui leur sont imposés, de l'impact psychologique de
l'abandon de leur bébé et sur les situations de harcèlement qu'elles vivent au
quotidien de la part des clients qui commanditent le bébé à naître.
Pourquoi le marché de la GPA existe-t-il?
La réponse réside dans le désir d'avoir des enfants qui ont un lien génétique
avec le père. C'est en réalité une idée aussi vieille que le patriarcat. On
désire des enfants pour assurer sa descendance. C'est la même idée que la série
télévisée des Servantes écarlates, mais avec l'aide de la technologie. Du désir
d'enfant, on glisse facilement vers le droit à l'enfant, même si tout le monde
s'en défend. En effet, les gens ressentent une véritable compassion envers les
personnes ou les couples qui souffrent du fait de ne pas avoir d'enfants. Le
lobby de la GPA milite actuellement pour faire reconnaître le concept
d'infertilité sociale, de cette façon, la GPA serait le remède à cette
infertilité.
• (16 h 20) •
L'article 541 du Code civil du Québec
a été inscrit dans la loi par Gil Rémillard, ministre libéral de la Justice et
juriste reconnu. Il disait : «Ce que nous voulons faire respecter comme
principe, c'est qu'on ne peut pas vendre son corps pour la gestation, pour
faire un enfant.» Présumer un droit à l'enfant est porteur de dérives vers une
marchandisation des êtres humains.
Nous sommes nous aussi touchés par
l'infertilité et les souffrances que celles-ci peuvent causer. Cependant, le
désir des uns, aussi valide qu'il soit, ne peut pas avoir comme conséquence la
transformation de l'enfant en objet plutôt qu'en sujet.
Nous vous invitons à voir la réalité de la
GPA en visitant le site Web d'une agence de procréation assistée. On peut y
passer une commande d'un enfant dont les caractéristiques sont choisies, une sorte
d'enfant à la carte, et on ajoute le produit sélectionné au panier comme une
marchandise.
Nous vous invitons aussi à prendre
connaissance d'exemples réels des dérives de la GPA dans les pays qui ont tenté
de l'encadrer. Les cas d'enfants commandés et remis à des criminels et des
pédophiles. Des exemples de commandes de multiples enfants 12, 21, voire
plus. Des cas d'enfants abandonnés en orphelinat parce qu'ils ne sont pas
conformes aux attentes des clients...
Mme Houle (Alexandra) : ...d'ailleurs,
en 2018, la moitié des enfants en orphelinats en Ukraine étaient des enfants
rejetés de la GPA.
Si nous inscrivons dans la loi le principe
d'un contrat notarié pour obtenir un enfant, nous acceptons que l'enfant soit
un objet de contrat. Il faut maintenir la nullité de tout contrat qui tenterait
d'établir, par une entente entre adultes, l'obtention d'un enfant. PDF Québec
se propose d'inscrire clairement dans la loi québécoise que le droit à l'enfant
n'existe pas, n'a jamais existé et ne souffre d'aucune exception.
PDF Québec propose de maintenir l'article
541 actuel, propose des bonifications de cet article pour protéger les enfants
et les femmes des dérives les plus flagrantes de la GPA et propose un moratoire
sur toute disposition législative ouvrant la porte à la GPA. Nous sommes
convaincus que le ministre a véritablement l'intérêt de l'enfant à cœur.
Malheureusement, dans le cas de la GPA, il nous semble qu'il considère
l'intérêt de l'enfant seulement quand celui-ci a été remis à ses commanditaires,
ces étrangers qui se disent ses parents.
Notre mémoire expose la réalité de
l'industrie de la GPA. C'est une industrie transnationale qui met de l'avant
une gestation qui n'aurait rien à voir avec la maternité. Les liens entre le
fœtus et la mère sont niés. Les psychologues des agences aident les femmes à se
dissocier du bébé, au mépris de toute considération pour leur santé
psychologique et de l'effet de cette dissociation sur l'enfant à naître. Où est
l'intérêt de l'enfant d'être séparé de sa mère à la naissance? Des recherches
menées par... sur 150 000 enfants séparés de leurs mères célibataires, en
Australie, dans les années 50 à 80, font un constat de la souffrance vécue par
les enfants brutalement privés de leur mère. Un enfant ne comprend pas un contrat,
mais il ressent l'abandon. Gabor Maté, un médecin spécialiste dans le
traitement des addictions et du trauma, déclare qu'avec l'adoption à la
naissance vous ressentez une peine immense, même si les parents adoptifs sont
dans la salle d'accouchement. Comment en sommes-nous arrivés là? Comment
arriver à glorifier la capacité d'une mère de donner son enfant après avoir
vécu les années où l'Église, au Québec, séparait les bébés des filles-mères?
Le projet de loi n° 12 adopte le
point de vue de l'industrie de la GPA. D'autres pays ont choisi de se battre
contre la marchandisation des femmes et des enfants, comme la Suisse, qui a
simplement inscrit dans sa Constitution fédérale : le don d'embryons et de
toutes les formes de maternité de substitution sont interdits. Le Comité
consultatif sur la réforme du droit de la famille présente la GPA comme un
phénomène inéluctable, notamment pour répondre au problème d'hommes gays qui ne
peuvent pas avoir d'enfant par un autre moyen. La juriste Suzanne Guillet a
posé sa dissidence. Elle voyait clairement, il y a presque 10 ans de cela, les
problèmes posés par le commerce international. Elle écrivait :
«Il apparaît que, peu importe les
circonstances, le contrat de mère porteuse serait au-dessus de toutes les lois,
vu le droit absolu de l'enfant à sa filiation. La recommandation de l'ajout de
"sans autre considération ni toute autre considération éthique",
notamment la commercialisation qui a présentement cours, et... permettra
l'aveuglement de la communauté juridique sur tout ce phénomène de
commercialisation. On érige en droit absolu pour tous le désir d'avoir un
enfant, par tous les moyens mis à leur disposition, car, peu importe les
circonstances, la filiation de l'enfant sera reconnue à l'égard des parents
d'intention.»
Nous sommes d'accord avec Me Guillet et
nous regrettons que le comité ait choisi la voie de l'encadrement de la
pratique, encadrement extrêmement souple, qui va ouvrir la voie aux GPA
commerciales.
Le projet de loi n° 12 permettrait à
des étrangers d'obtenir des bébés faits au Québec et aux Québécois de se faire
faire des bébés à l'étranger, ce qui va ouvrir la porte à tous les abus du
commerce de la GPA. Nous regrettons que le ministre ait choisi d'ouvrir la voie
à la GPA transfrontalière. Nous ne sommes pas rassurés par l'affirmation que
seuls les États qui auront reçu l'aval du gouvernement du Canada ou d'un
ministre québécois pourront être acceptés. Malgré les nombreux scandales
rapportés dans des pays comme l'Inde, la Thaïlande ou le Népal, le ministère
canadien des Affaires étrangères collaborait pour aider les citoyens canadiens
à obtenir des enfants par GPA dans ces pays. Les organisations internationales,
les chercheurs et journalistes d'enquête qui travaillent sur ce sujet écrivent
que la GPA transnationale est la négation de toute tentative de régulation et
d'encadrement de la GPA par les États. Le Québec et le Canada n'ont, en
réalité, aucun contrôle sur les conditions de production des enfants qui
seraient destinés à leurs citoyens.
Le projet de loi n° 12 impose la
gratuité, alors que ce concept n'est pas applicable, en réalité. Les agences
encouragent les femmes à demander des remboursements pour une multitude de
choses. Le remplacement du revenu est très large. Des sommes d'argent transitent
par des comptes étrangers. Des cadeaux sont faits, et, bien sûr, il y a des
paiements au noir. Le projet de loi...
Mme Houle (Alexandra) : ...Le
consentement de la mère lorsqu'elle a une rencontre d'information avec un
professionnel et qu'elle signe un contrat. La mère porteuse de l'étranger n'a
évidemment pas droit à cette rencontre, mais elle signe aussi un document pour
indiquer son consentement. Aucune réflexion n'est offerte sur la possibilité
qu'une femme puisse participer à sa propre exploitation ou la possibilité
qu'une femme puisse consentir pour l'enfant, un autre être humain pourtant
porteur de droits.
PDF Québec formule plusieurs propositions
pour condamner fermement la GPA commerciale et pour établir des sanctions pour
les contrevenants à ce principe. PDF Québec propose de faire une analyse
complète de la pratique de la GPA, incluant l'analyse du commerce, une analyse
différenciée selon les sexes, une analyse de l'intérêt de l'enfant à être
produit sous un tel contrat, et cetera. Nous pensons qu'il existe, en réalité,
un consensus au Québec contre l'exploitation des femmes et la marchandisation
des enfants. Ceci n'est pas une question partisane, mais une question de droits
humains.
M. le ministre, membres de la Commission
et députés du Québec, vous êtes le dernier rempart pour la protection des
enfants et des femmes du Québec. Nous vous demandons instamment de compléter
l'analyse du comité consultatif et de ne pas précipiter le Québec dans les bras
d'une industrie qui exploite la vulnérabilité des femmes et ignore totalement
la vie des enfants. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Madame Davis, madame Houle, madame
Sirois, bonjour. Merci d'être présentes à l'Assemblée nationale pour
exposer le point de vue de PDF Québec sur le projet de loi 12.
De ma compréhension, c'est qu'idéalement
vous souhaiteriez qu'on interdise complètement la grossesse pour autrui. C'est
bien ça?
Une voix : ...
Mme Sirois
(Michèle) :Si... Est-ce que vous
croyez... Je vais vous renvoyer une autre question à votre question :
est-ce que vous êtes sûrs que vous allez contrôler qu'il y aura vraiment... Vous
avez mis «gratuité» et «consentement» : Est-ce que vous allez pouvoir
garantir aux citoyens que, oui, vous avez tous les instruments en main pour
garantir la gratuité et le consentement éclairé? Alors, nous, si vous pouvez
garantir ça pour les années à venir, on va réfléchir à ça. Mais, pour
l'instant, M. le ministre, on ne voit pas comment vous allez pouvoir le faire,
quand, actuellement, le gouvernement canadien a une loi depuis 2004 et il ne
peut pas la faire appliquer ou il ne veut pas, on ne le sait pas, mais on
constate qu'elle n'est pas appliquée. Donc, on a des garde-fous, des
clignotants jaunes et orange qui disent : danger.
Mme Houle (Alexandra) : On a
aussi...
M. Jolin-Barrette : Oui,
allez-y, allez-y.
Mme Houle (Alexandra) : Oui.
Parfait. On a aussi constaté que, dans les pays qui ont tenté de légiférer la
GPA, ça n'a pas plus fonctionné, il y a quand même des dérives. Par exemple, la
Géorgie ont... C'est légal, la GPA, là-bas, mais la qualité de vie des mères
porteuses est horrible, là. C'est des femmes qui sont devenues mères porteuses
par défaut. Oui, elles consentent à devenir mères porteuses, mais est-ce
qu'elles ont d'autres options? Ce sont des femmes qui sont victimes de
violences conjugales, qui ont plusieurs enfants à charge, qui fuient un mari
violent. Puis les agences de GPA là-bas leur proposent un logement, puis tout
le kit, là. Donc, c'est sûr que, même si on essaie de légiférer, il n'y a rien
qui empêche à cette industrie-là de... de se poser comme dans d'autres pays,
là.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Un des
objectifs que nous avons, c'est véritablement l'encadrement puis, justement,
éviter ce que vous souhaitez éviter vous aussi, soit la marchandisation du
corps de la femme. Mais, moi, je me retrouve comme ministre dans une situation
où, actuellement, au Québec, j'ai des enfants à chaque année qui naissent issus
d'un projet parental, d'un... d'un Projet de grossesse pour autrui. Les enfants
qui naissent de ces projets-là se retrouvent à ne pas avoir les mêmes droits
que les enfants issus de la procréation naturelle. On est dans une situation où
ça existe, soit qu'on se ferme les yeux puis qu'on laisse les choses aller
depuis des années et des années... Vous faisiez référence au fait que Gil
Rémillard a mis dans le Code civil, en 1991, le... le fameux article qui fait
en sorte que les contrats sont nuls de nullité absolue, mais la réalité a
changé aussi, parfois. À l'époque, on ne reconnaissait pas les familles
homoparentales, maintenant, c'est reconnu dans notre droit. Alors, la situation
change, et je pense que le droit doit s'adapter aussi pour protéger les mères
porteuses puis protéger les enfants.
Puis je suis d'accord avec vous, on ne
veut pas des situations qui se produisent comme dans d'autres états dans le
monde, où est-ce que les femmes sont considérées comme de la marchandise, comme
uniquement un récipient, et c'est pour ça qu'on essaie de mettre un encadrement
qui fait en sorte, justement, que, le consentement, il est libre et éclairé,
que ça va être présent devant...
16 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...un
notaire. C'est lui qui va faire la convention notariée pour s'assurer qu'il y
ait absence de vulnérabilité de la mère porteuse, puis qu'elle puisse avoir l'entière
autonomie de son corps.
Alors, moi, je suis ouvert aux suggestions
pour, justement, protéger les mères porteuses, mais je pense que, si on ne
vient pas encadrer, si on ne vient pas légiférer... C'est un phénomène qui
existe présentement. Alors, lorsque vous me dites : Pouvez-vous garantir
qu'il y aura... que vous serez en mesure d'évaluer le consentement?, bien, je
vous dirais, les deux chemins que nous utilisons, la voie légale, qui est, par
convention, notariée, et la voie judiciaire, subsidiairement, si ce n'est pas l'un,
si ce n'est pas l'autre, ce qui se passe, actuellement, avec le consentement
spécial, ça ne se pourra plus, là, il y a un verrou des deux côtés. Ça fait que
tout le monde, au Québec, qui vont vouloir avoir recours à la grossesse pour
autrui vont savoir que, si vous ne respectez pas ces paramètres-là d'ordre
public, bien, vous ne pourrez pas avoir l'enfant issu de votre projet parental
aussi. On essaie d'encadrer le plus possible, justement, pour éviter la
vulnérabilité des femmes. Mais je suis ouvert aux suggestions pour encadrer
davantage.
Mme Sirois (Michèle) :Vous parlez d'une situation où l'industrie... Parce qu'on
voit, pour l'instant, seulement des projets individuels, des parents qui rêvent
d'enfants qui s'en vont, éventuellement, chez un notaire. Mais ce qu'on ne voit
pas, c'est l'industrie qui est derrière, et qui est à l'oeuvre depuis de
nombreuses années. C'est-à-dire que, depuis au moins une dizaine d'années,
sinon plus, la stratégie du fait accompli et, je dirais, le manque de courage
des juges, qui ont accepté de reculer sur les lois puis dire : Bon, cet
enfant, il ne devrait pas avoir à reconnaître la filiation, ils ont cédé... Et
il y avait une stratégie, c'était évident, la stratégie du fait accompli. Et je
trouve dommage qu'à cause de ces cas, qui se sont multipliés et que les juges
ont laissé se multiplier, que le gouvernement n'ait pas mis la fin de... une
fin de non-recevoir à cette pression d'une industrie, qui existe à travers le
monde, et pour dire non à la GPA.
Là, on est pris avec, effectivement, des
enfants. Nous, vous avez vu, c'est dans notre mémoire, on avait une solution. C'est-à-dire
que les parents qui commandent... des clients, plutôt, qui commandent des
enfants, ils n'ont jamais eu d'évaluation de leur capacité parentale, comme c'est
le cas pour les enfants... les parents pour adoptifs. Mais les seules
évaluations qu'il y a, c'est une évaluation financière. Ont-ils les capacités
de payer? Ah! s'ils ont les capacités de payer, c'est O.K. Nous, on dit que,
oui, l'enfant a droit à une filiation. Comme tous les enfants, ils ont le
droit, ils ne peuvent pas rester comme orphelins. Mais qui sont les meilleurs
parents? Les parents qui ont des sous ou les parents qui ont été évalués pour
leurs capacités financières? Eh bien, ça en serait une, des solutions. Cet enfant,
au lieu de dire : Vous avez contourné la loi qui disait de ne pas payer de
mère porteuse, et à l'étranger et ici, il y a des moyens aussi, eh bien, au
lieu de ça, au lieu de les récompenser, de dire : Bien, O.K, d'abord, vous
avez fait un enfant, c'est la stratégie du fait accompli. Eh bien, l'intérêt
supérieur de l'enfant, c'est d'être avec la personne qui l'a commandé, comme
un... qui a passé un contrat. Même si le contrat est notarié, et qu'on veut
appeler ça une convention, c'est quand même un contrat. Et est-ce que c'est l'intérêt
supérieur de l'enfant? Et... Bien, moi... nous, nous disons que non, et ce n'est
surtout pas l'intérêt des femmes, qui deviennent un instrument de production.
Alors, le consentement éclairé, là, eh
bien, on pourrait en reparler, mais il y a beaucoup d'éléments qui montrent que
les femmes disent une chose officiellement et, quand elles sont sur leur
Facebook, elles montrent qu'elles sont déprimées, qu'elles ont eu un gros choc
émotif à laisser l'enfant. Alors, où est le... le consentement éclairé?
M. Jolin-Barrette : Je...
je... je comprends votre appréhension, puis c'est pour ça... Puis c'est un
sujet très sensible, puis au niveau éthique, également, j'en conviens. Sauf qu'on
cherche une voie de passage, justement, pour faire en sorte qu'on puisse
répondre à la réalité aussi. Qu'est-ce qu'on fait avec un enfant qui naît?
Supposons, là, que les contrats sont...
M. Jolin-Barrette : ...demeurent
nuls, de nullité absolue, puis qu'on interdirait complètement... on
interdisait. On le remettrait à la Protection de la jeunesse, l'enfant?
Alors... Bien, c'est une question que je pose. Je vous donne des cas
d'exemple : des gens qui ont des cancers, qui deviennent infertiles et qui
ont recours à une mère porteuse, et même, dans l'éventualité, il y a différents
scénarios où c'est de la procréation amicalement assistée. Est-ce que ça
aussi...
C'est beaucoup des valeurs éthiques. Je
comprends votre sensibilité par rapport à la marchandisation du corps de la
femme, j'en suis, et c'est ce qu'on essaie de faire le plus possible dans le
projet de loi. Mais la réalité, c'est que... Me Brown, qui est venue tantôt,
nous a dit : J'ai fait des milliers de contrats depuis 1984, des milliers
à elle seule. Alors, il y a plein d'enfants qui se retrouvent avec pas le droit
à la connaissance de leurs origines, pas leur filiation, puis nous, on est là,
on sait que le phénomène se produit. Notre capacité d'intervention, elle est
légale. Alors, en dirigeant vers des voies bien verrouillées pour dire que
l'adoption spéciale, maintenant, sur consentement spécial, ne sera plus
possible, bien, ça force les parents d'intention à avoir un projet parental qui
va être encadré.
Dans le fond, on est en train non pas de
favoriser, non pas d'encourager la grossesse pour autrui, mais on vient la
baliser, dans le souci qu'à la fois la mère porteuse et l'enfant, si c'est un
projet qui va de l'avant, ça soit fait d'une façon qui soit éthique, qui soit
au vu et au su de tous et que la mère porteuse ne se retrouve pas dans une
situation isolée. C'est ça, notre objectif que nous avons. Mais je comprends
que vous avez des suggestions pour nous.
Mme Davis (Athena) : Oui.
Alors, deux choses pour l'encadrement. Il semble y avoir plusieurs modèles dans
le monde : il y a un modèle d'interdiction - la France, l'Italie,
l'Espagne, la Suisse, etc., les pays nordiques - il y a un modèle
d'interdiction qui existe; il y a un modèle d'encadrement, ces modèles
d'encadrement sont plus ou moins souples; et il y a aussi des États qui ne
disent rien, tout simplement.
Le Québec semble faire le choix d'un
encadrement, et de surcroît un encadrement très souple qui, par exemple,
consacre la possibilité d'avoir des mères porteuses à l'étranger. Dès lors - on
a entendu les intervenantes avant - dès lors que vous avez des mères porteuses
à l'étranger, soyons clairs, nous perdons le contrôle. À l'étranger, ce sont
des mafias locales, ce sont des cliniques étrangères, ce sont des groupes
étrangers, ce sont des intérêts étrangers. Il y a des femmes migrantes, il y a
des femmes prostituées qui sont prises pour les GPA, il y a toutes sortes de
cas de figure, et, avec toute la bienveillance qu'on peut avoir au Québec et
notre volonté de protéger les femmes, il est impossible de protéger une mère
porteuse à l'étranger pour un législateur québécois. Dès lors que vous ouvrez
le projet p.l. n° 12 à la mère porteuse à l'étranger, on est dans le commerce.
C'est pour ça que je dis «souple». Si vous vouliez vraiment avoir un modèle
d'encadrement restrictif, la première des choses à faire, c'est de ne pas avoir
de mères porteuses à l'extérieur du Québec, c'est aussi de ne pas avoir de
clients à l'extérieur du Québec. Déjà, ça mettrait un encadrement beaucoup plus
strict.
Pour revenir à votre question initiale, M.
le ministre, PDF Québec, comme organisation, pense effectivement que la GPA, le
concept même de la GPA, qui nie la maternité et qui nie les droits de l'enfant,
n'est pas une bonne chose et qu'on devrait l'interdire.
• (16 h 40) •
Ce n'est pas, cependant, ce que nous vous
proposons dans ce mémoire. Nous vous proposons de garder l'article 541, qui, on
le sait, c'est le statu quo actuel, donc il y a des GPA qui se font au Québec
sous 541. Nous vous proposons tout de même... Il y a trois de nos
recommandations qui proposent de bonifier un petit peu 541, et surtout nous
vous proposons de faire un moratoire et de faire des analyses réelles de la
situation dans le monde du commerce, une analyse éthique et non pas juste
juridique, parce que nous... Probablement que le comité consultatif avait le
mandat de faire une analyse essentiellement juridique. Nous pensons qu'il faut
faire une analyse éthique, à la limite philosophique, sociale sur le phénomène
de la GPA.
Un mot sur les familles homoparentales,
parce que j'en suis. J'ai adopté ma fille avec ma conjointe à l'époque, elle
est arrivée d'Haïti dans les premiers avions après le tremblement de terre.
J'ai bien connu, et je suis tout à fait empathique vis-à-vis du désir d'enfant
d'une famille qui ne peut pas en avoir. Bon. Pour tout vous avouer, j'étais un
peu trop vieille aussi pour en avoir moi-même, donc on était... on ne pouvait
pas en faire, même si on était un couple de femmes. Et donc je...
Mme Davis (Athena) : ...tout
à fait le désir, je comprends tout à fait la souffrance de renoncer à... à... à
avoir un enfant, ça aurait été très difficile. Nous avons choisi l'adoption. Et
je peux vous dire sincèrement, et je ne suis pas la seule de la... de... enfin,
je dis de la Communauté homosexuelle, je ne suis pas sûre qu'il y ait une
communauté homogène, mais, bon, je ne suis pas la seule à dire que je suis
contre la GPA. Vous verrez dans notre mémoire que nous vous citons Gary Powell,
qui est un... un Homosexuel anglais qui lutte contre la GPA, Suzan... qui écrit
contre également, donc ce n'est pas vrai que c'est un... un... une demande
universelle de la communauté homosexuelle. On... Nous reconnaissons que
certains d'entre nous le... oui, font du lobby, et d'autres reconnaissent que
c'est une exploitation de la femme et que ce n'est pas acceptable pour
l'enfant.
Je connais tout du syndrome d'abandon
parce que j'ai adopté une fille. Elle a été séparée de sa mère, donc j'ai été
formée et informée là-dessus par Dr Jean-François Chicoine, que probablement
beaucoup de gens connaissent ici, Joanne Lemieux aussi, qui est une sommité
québécoise sur l'adoption. Je n'aurais jamais voulu imposer une GPA à un
enfant. L'adoption est un... est un... un mécanisme humain pour sauver des
enfants de crimes, de catastrophes, de guerres, et cetera, C'est normal. La
GPA, c'est un crime organisé. C'est la... C'est l'abandon organisé, programmé
d'un enfant par contrat. Et effectivement, là, nous serons contre.
Mais, si nous faisons un moratoire et un
vrai débat dans la société québécoise et de vraies analyses, nous aurons
notre... notre... notre... nous présenterons nos... notre point de vue,
d'autres groupes présenteront leurs points de vue, et nous pourrons, je pense,
prendre une décision beaucoup plus éclairée à l'avenir, entre interdiction
totale, encadrement, type d'encadrement. La suite, on verra. C'est ça qu'on
vous propose, de refaire nos devoirs.
Je... Je finis en vous disant que le... le
Rapport du comité consultatif date déjà d'il y a 10 ans. Et je pense que
les intervenantes qui ont parlé tantôt disaient : Il y a beaucoup de
choses qui ont changé depuis 10 ans, des gens, des... des Pays qui ont
fermé à la GPA, des abus qui ont été découverts. Tout le monde sait ce qu'il
s'est passé en Ukraine. Je pense qu'on devrait peut-être refaire nos devoirs
avant de plonger dans une... dans... dans un projet de loi pour changer toute
la loi de la filiation au Québec.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Il reste quelques
secondes, commentaires?
M. Jolin-Barrette : Bien. Je
vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Vous m'aviez
dit, madame Sirois : on n'a pas été invités sur le projet de loi deux,
mais maintenant vous l'avez été sur le projet de loi 12, alors vous avez
pu vous exprimer.
Une voix : ...vous remercie.
M. Jolin-Barrette : Ça fait
plaisir.
Le Président (M.
Bachand) :Bon. Merci. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le...
Le Président (M.
Bachand) :Oui, m. le...
M. Zanetti : ...J'aurais
juste une intervention, un point d'ordre, là, en vertu de l'article 35. Je
voudrais juste savoir. J'ai l'impression que dire : la GPA est un crime
organisé est quelque chose comme prêter des intentions indignes à des gens, ça
fait que, peut-être, si on pouvait juste...
Le Président (M.
Bachand) :Oui. Mais je pense que
c'était... c'était quand même un commentaire général. On n'a pas associé à un
groupe très, très, très spécifique, alors je vais laisser aller.
M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui. Bien, très
brièvement, la position de... de PDF Québec a été exprimée très clairement. Je
vous remercie d'avoir été là, c'est très clair. Donc, je n'ai pas de questions,
M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Alors, M. le député de
Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Oui. Merci.
Merci pour votre présence. Votre point de vue, je pense, est, par, disons, son
originalité, important au débat. Vous parlez souvent de l'intérêt de l'enfant
comme étant la chose qui est, au fond, le socle, hein, puis je suis
parfaitement d'accord avec vous là-dessus puis je pense que tout le monde est
d'accord, l'intérêt de l'enfant est l'affaire la plus importante au monde.
Comment le définissez-vous?
Des voix : ...
Mme Sirois
(Michèle) :première chose, je ne
qualifierais pas la position de PDF Québec d'originale. Mais on est conscients
qu'on est à contre-courant, O.K. Il y a une différence. On ne cherche pas
l'originalité, on cherche à... justement, que les droits des enfants.
L'article 35 de la Convention
internationale des droits de l'enfant dit que, sous aucune forme, un enfant, il
ne peut pas y avoir de traite, de vente d'enfants, et cetera, sous quelque
forme que ce soit. C'est pour ça, nous autres, entre autres, cet article, il
est si important et se retrouve dans notre mémoire. Je pensais que, tout à
l'heure, c'était à ce à quoi vous faisiez référence par l'article 35. Eh
bien, on s'aperçoit que ce ne sont pas les personnes qui sont remplies de
bonnes intentions, en plus de désirs et de rêves. On comprend la situation.
Sauf que, derrière ça, il existe un marché qui est prévu pour 2030,
c'est-à-dire...
Mme Sirois
(Michèle) :...30 milliards de
dollars. Il y a des intérêts énormes en arrière, qui sont prêts à aller
partout. Et on voit que tous les pays qui ont ouvert la porte aux étrangers qui
sont venus faire des GPA, exemple, en Inde ou en Thaïlande, au Népal, et
autres, eh bien, ça a dérivé. Et les portes se ferment. Quand on dit :
oui, la porte se ferme parce que les scandales arrivent. Et, et, moi, là, je me
dis : est-ce que j'aimerais être associée aux scandales qui s'en viennent,
parce que pourquoi on ferait exception? L'intention est bonne, d'encadrer, je
suis sûre de la bonne foi de toutes les personnes qui y ont pensé. Mais, quand
on sait les rapports de pouvoir, les rapports, une industrie qui peut être
prédatrice et qui... prenons l'exemple de l'Inde, quand les scandales sont
arrivés, qu'est-ce qu'on fait? Ils ont dit : On ferme l'accès aux
étrangers. Et, qu'est-ce qu'elles ont fait, les entreprises qui faisaient les
cliniques, et autres? Elles sont allées au Kenya. Elles vont déménager. Mais,
entre-temps, il va y avoir beaucoup de personnes qui vont souffrir.
Et je pourrais finir avec le dicton qui
dit : L'enfer est pavé de bonnes intentions, mais pire que ça...
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci. Je vais céder la
parole, parce que le temps va très rapidement.
Mme Sirois
(Michèle) :Est-ce que je pourrais juste
finir ma phrase?
Le Président (M.
Bachand) :Rapidement, oui.
Mme Sirois
(Michèle) :Mais, l'enfer... Le problème,
avec les bonnes intentions du projet de loi 12, c'est que c'est l'enfer des
autres qu'on est en train de paver. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci. M. le député de
Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Je comprends. Je
réitère ma question parce que je pense qu'elle va être cruciale dans le débat
de société qu'on va avoir. Parce que vous affirmez, tu sais, assez solidement,
à plusieurs reprises, mettons : Ça, c'est dans l'intérêt de l'enfant; ça,
ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant. Qu'est-ce qu'est l'intérêt de l'enfant
pour PDF?
Mme Houle (Alexandra) : Bien,
je vous répondrais par cette question : Quel est l'intérêt de l'enfant à
être séparé de sa mère à la naissance?
M. Zanetti : Une question
n'est pas une réponse. Quel est l'intérêt de l'enfant?
Le Président (M.
Bachand) :...s'il vous plaît, on... dans
le respect.
M. Zanetti : Oui.
Le Président (M.
Bachand) :Oui, allez-y, M. le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Exact. Bien, je
veux juste... Une question ne sera pas utile pour nous dans nos débats. Donc si
vous avez une définition de l'intérêt de l'enfant, j'aimerais ça.
Mme Davis (Athena) : Écoutez,
je vous invite à lire les écrits de Dr Chicoine, de Johanne Lemieux. Un enfant
n'a aucun intérêt à être séparé de sa mère à la naissance, à 10 jours, à
20 jours, à 30 jours, à deux ans, aucun intérêt. Cela crée un choc
d'abandon, ça a des conséquences sur l'adulte tout au long de sa vie. Nous
avons d'innombrables études sur ce sujet. Nous n'avons pas besoin de recréer
ces blessures et ces chocs d'abandon à des bébés québécois pour savoir ce que
ça va donner. Tout est déjà documenté dans la littérature, en psychologie, dans
la littérature sur l'adoption médicale, etc.
Donc, vous avez des gens qui sont beaucoup
plus susceptibles de se suicider. Au Danemark, une étude danoise va dire que
17 % de ces enfants-là... il y a 17 % de plus de suicides des
adolescents séparés de leurs parents, de leur mère. Parce que, bon, c'est sûr
que le père, il a toujours une présomption, mais on va dire séparés de la mère.
Il y a des problèmes médicaux extrêmement importants. Ils ne vivent pas à
l'abandon de la même manière que les autres personnes parce qu'ils ont déjà été
abandonnés. En plus, ces bébés de la GPA sont souvent abandonnés plusieurs fois
parce qu'ils sont abandonnés à la naissance, mais il y en a beaucoup qui
restent dans les limbes, coincés, que ce soit en Géorgie, en Ukraine, au Kenya,
ici. Il y a... Je pense qu'il y a un bébé de la GPA qui était destiné à des
clients français, qui est resté au Québec pendant deux mois, donc il a été
abandonné plus tard. Il y a des enfants qui sont en crèche et en orphelinat qui
sont abandonnés à plusieurs reprises. La littérature va nous dire encore une
fois que plus un enfant subit... nombre d'abandons, plus le traumatisme est
grand.
Alors, oui, l'intérêt de l'enfant, il
n'est jamais d'être séparé de sa mère qui l'a porté.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup.
Mme Davis (Athena) : Et,
comme disait Michèle...
Le Président (M.
Bachand) :M. le député, oui.
Mme Davis (Athena) : ...il
n'est certainement l'intérêt d'être vendu...
Le Président (M.
Bachand) :Le temps va rapidement. Désolé.
Il faut que les réponses soient plus courtes, s'il vous plaît.
Mme Davis (Athena) : Excusez-moi.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Jean-Lesage.
Mme Davis (Athena) : Allez-y.
• (16 h 50) •
M. Zanetti : Est-ce que...
Les études auxquelles vous faites référence qui montrent les conséquences
négatives d'un point de vue psychologique sur le développement de l'enfant, qui
sont issus de GPA, est-ce que vous pourriez les déposer à la commission par
exemple?
Mme Davis (Athena) : Alors,
ce ne sont pas des études sur des cas de GPA, les enfants sont trop petits. Ce
sont des bébés actuellement, parce que c'est une technologie tout à fait
récente. Les études sont faites sur des enfants qui ont été séparés de leur
mère, ce qui est exactement la même chose. Un enfant de la GPA, il est séparé
de sa mère. Est-ce qu'on s'entend là-dessus? Non?
M. Zanetti : Bien, vous
faites référence à des cas, par exemple, d'adoption...
Mme Davis (Athena) : Bien...
mères porteuses. Je voulais... Je veux dire l'enfant... GPA. Est-ce qu'on
s'entend au moins sur les faits qu'un enfant produit par GPA est séparé de sa
mère porteuse?
M. Zanetti : Oui, je
comprends.
Mme Davis (Athena) : D'accord.
M. Zanetti : Mais les études,
dans le fond, ne portent pas sur ça, celles dont vous...
Mme Davis (Athena) : Elle
porte sur la séparation mère enfant.
M. Zanetti : Dans quel
contexte?
Mme Sirois
(Michèle) :Moi, j'aimerais...
Mme Davis (Athena) : Quel
que soit le contexte...
Le Président
(M. Bachand) :Une petite minute 30
secondes si vous voulez y aller, oui.
Mme Sirois
(Michèle) :J'aimerais que vous... Vous
avez sûrement consulté l'étude du Conseil du statut de la femme qui dit :
Nous n'avons tellement pas... tellement pas de données. Et c'est là qu'on
demande principe de précaution parce que vous parlez des droits des enfants. On
parle des droits des enfants, mais souvent individuellement. Mais le droit des
enfants, collectif, de ne pas devenir des marchandises, il suffit. Dans notre
mémoire, vous allez trouver une adresse de Canam et tout le restant, là. Vous
irez voir. Eh bien, si vous allez voir, vous allez voir que vous allez pouvoir
commander un bébé et l'ajouter au panier comme un produit d'Amazon. C'est
là-dedans qu'on s'en va. Et la moindre question éthique devrait questionner le
droit collectif et la dignité, le droit à la dignité des enfants de l'ensemble
des enfants. Est-ce qu'on peut en faire un produit, une marchandise? Non, nous
disons.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup.
Mme Sirois
(Michèle) :Et la même chose,
instrumentaliser le ventre d'une femme. Parce qu'on n'a pas vu de cas de femmes
riches qui portent des enfants, mais on voit des femmes qui ont des besoins
économiques et qui portent des enfants, de sorte que s'illusionner que c'est le
consentement éclairé et gratuit, c'est un leurre.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci
beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Oui.
Merci, M. le Président. J'ai pris connaissance de votre mémoire ou de recommandations.
J'ai entendu aussi, là, les... vos points de vue, les propos que vous avez, là,
pour compléter... compléter, là, les différentes réponses. Moi, tout est clair
pour moi. Donc, je n'aurais pas de... Je n'airais pas d'autre question. Je vous
remercie d'être... d'être passé parmi nous. Je vous remercie d'avoir partagé
l'expérience aussi au niveau de l'adoption. Ça fait que merci...
Le Président
(M. Bachand) :Alors, à mon tour de
vous remercier d'avoir été avec nous cet après-midi. Sur ce, je suspends les
travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 53)
(Reprise à 16 h 57)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Juste avant d'aller plus loin, j'aurais besoin d'un consentement pour ajouter un
cinq minutes à la séance.
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) :Consentement. Merci beaucoup.
Alors, on accueille nos invités, qu'on
connaît bien, Me Michael Lessard et Me Suzanne Zaccour. Alors, merci beaucoup
d'être ici. Alors, je vous laisse la parole pour un exposé de 10 minutes.
À vous la parole. Merci.
Mme Zaccour (Suzanne) : Merci.
Bonjour. Je m'appelle Suzanne Zaccour. Je suis chercheuse en droit de la
famille et responsable de la réforme féministe du droit pour l'Association
nationale femmes et droits. Et aujourd'hui je suis ici pour m'exprimer autant
en mon nom personnel que pour l'association. Et, par ailleurs, notre mémoire a
été également appuyé par le regroupement des maisons pour femmes victimes de
violence conjugale. Alors, je suis accompagnée de mon collègue maître Michael
Lessard, qui est avocat et doctorant en droit et qui entrera en fonction à
titre de professeur de droit à l'Université de Sherbrooke en juin prochain. Et
nous sommes vraiment honorés d'être ici et d'avoir été invités à commenter le
projet de loi. Donc, merci pour votre temps et votre attention.
J'aimerais commencer, si vous me le
permettez, là où tout a commencé. Commençons avec Océane. Le cas d'Océane a
choqué tout le Québec. Mais pourquoi? Pourquoi, alors qu'Océane peut toujours
demander une garde complète, peut demander la déchéance du père? Pourquoi
avons-nous tous et toutes été frappés par son histoire, au point, dans votre
cas, de vouloir modifier le Code civil pour répondre à la situation? C'est, en
fait, je vous le soumets parce qu'on ne veut pas voir Océane obligée de
retourner en cour pour débattre avec son violeur de l'intérêt de l'enfant à
avoir un père agresseur. Ça, c'est le problème qu'on cherche à résoudre. Or, le
projet de loi amène le critère de l'intérêt de l'enfant pour retirer la
filiation à l'article 544.22. Donc, au lieu de débattre des qualités du
père... des qualités de père de l'agresseur d'Océane à l'étape de la déchéance
ou de la garde, on fait le même débat, mais pour déterminer la filiation. En
d'autres mots, on ne règle pas le problème, on le déplace.
• (17 heures) •
Je vous invite à réfléchir à la question
suivante : Qu'est ce qu'on protège? Qu'est-ce qu'on gagne en tant que
société en invitant un tribunal à forcer un lien père-enfant malgré une
conception par agression sexuelle? Je dis «forcer le lien père-enfant» parce
que le recours ne sera entrepris que si la mère et l'enfant ne veulent pas de
l'agresseur dans leur vie. D'ailleurs, ça a fait l'objet de beaucoup de débats
dans les derniers jours. C'est le choix de la mère, donc respectons cette
demande. Je comprends, on l'a entendu aussi, que vous craignez peut-être que
l'enfant perde un parent significatif. Or, souvenons-nous que l'enfant peut, à
tout moment et pour n'importe quelle raison, demander à rétablir le lien de
filiation. En ce sens, la discrétion judiciaire de refuser de retirer le lien
de filiation est, à notre avis, une précaution inutile.
Mais c'est pire que ça, c'est que cette
disposition aura des conséquences néfastes. D'une part, les agresseurs vont
aller à procès systématiquement parce que le résultat de la demande n'est pas
prévisible. La première conséquence de la discrétion, c'est la contestation.
D'autre part, des victimes et des enfants seront forcés de côtoyer des pères
violents, ça, c'est sûr. Il y a des juges qui vont...
17 h (version non révisée)
Mme Zaccour (Suzanne) : ...dire :
Un enfant a besoin d'un père. Ils vont dire : Le père, il ne lui a rien
fait à l'enfant. Ils vont dire : C'était juste une agression sexuelle une
fois. Est-ce que la mère ne peut pas passer à autre chose? C'est sûr qu'on va
entendre ce genre de discours explicite ou implicite. Donc, ce projet de loi, c'est
une belle idée, mais il ne fonctionne, il ne sauve Océane que si le retrait de
la filiation est tout simplement à la demande de l'enfant. Donc, c'est la
recommandation que vous nous... que nous vous soumettons.
J'aimerais maintenant parler d'un deuxième
problème, un deuxième obstacle auquel Océane va faire face. Donc, supposons qu'elle
perde son recours soit en retrait de la filiation ou si elle décide de laisser
la filiation. Supposons qu'elle perd son recours en déchéance. À sa sortie de
prison, le père demande la garde de l'enfant. Océane s'y oppose, mais il y a un
problème, et peut-être que vous me voyez venir, ce problème, c'est que le juge
trouve qu'Océane est aliénante. En effet, non seulement Océane a-t-elle dit à
son enfant que monsieur était un agresseur, ce que les juges punissent
sévèrement, en plus, elle a essayé de lui faire retirer la filiation. Elle a
essayé de priver l'enfant de son père. Le tribunal leur donne la garde
partagée. Océane voit son violeur toutes les semaines.
Si vous pensez, devant ce cas fictif, que,
voyons, un tribunal ne donnera pas la garde à un homme qui sort de prison pour
violences sexuelles, je vais vous dire : Poursuivez vos consultations. Les
mères perdent la garde même quand la violence du père est prouvée, même quand
le père est condamné au criminel et même quand le père n'a jamais pris soin de
l'enfant ou été en contact avec l'enfant. C'est des cas qu'on voit et c'est des
cas qui vont se produire.
Ce projet de loi encourage les mères à
deux choses, entre autres, un, parler à l'enfant de la violence du père, et c'est
le recours de l'enfant, il faut qu'il soit au courant, et deux, exercer des
recours : filiation, déchéance, indemnité. Et c'est pourquoi nous
proposons dans nos mémoires une addition très concrète au projet de loi pour
empêcher les tribunaux de tirer des inférences négatives, autrement dit de
punir les mères qui font exactement ça, donc parler à l'enfant de la violence
du père ou exercer un recours. Les décisions sur l'enfant doivent être prises
selon son intérêt et non pas pour punir un parent qui exerce ses droits.
M. Lessard (Michaël) : Le
cas d'Océane a permis de révéler de graves... de graves problèmes que vivent
les victimes d'agressions sexuelles en droit de la famille. Pourtant, il faut
faire attention aussi, on a parlé du cas d'Océane en détail, mais il faut faire
attention aussi à ne pas se limiter aux faits du cas d'Océane lorsqu'on vise à
dessiner les grands traits d'une loi qui va s'appliquer à l'ensemble du Québec.
Et donc il faut permettre aux victimes d'agressions sexuelles d'avoir accès aux
mêmes protections, peu importe leur situation.
Et là je pense surtout au contexte de la
violence conjugale. Dans le contexte de la violence conjugale, il pourrait être
difficile pour une victime d'agressions sexuelles de demander le retrait de la
filiation et l'indemnité, selon l'état actuel du projet de loi no 12.
Comment peut-elle démontrer au tribunal que l'enfant issu d'une agression
sexuelle provient bien de l'agression sexuelle de son conjoint violent si, au
sein de la relation, il y a certaines relations qui seraient consentantes,
alors que d'autres seraient des agressions sexuelles?
Nous considérons qu'il s'agit là d'imposer
à la victime un fardeau trop élevé. En même temps, nous considérons aussi que,
dans le contexte de la violence conjugale, on peut présumer qu'une vaste part
des relations sexuelles sont des agressions sexuelles que ce... que le consentement,
s'il y en a un, a été souvent vicié par des menaces ou par le contrôle qu'exerce
le conjoint sur sa victime.
Nous proposons donc d'établir dans la loi
une présomption selon laquelle une relation sexuelle qui a lieu au sein d'une
relation violente est une agression sexuelle. Donc, si la victime démontre au
tribunal l'existence de la violence conjugale, le conjoint violent pourrait
alors être entendu pour tenter de renverser la présomption. Et ce devrait être
au conjoint violent de prouver que malgré la situation de violence, de
contrôle, de coercition, la victime a tout de même consenti pleinement aux
relations sexuelles.
Pour conclure, vous trouverez dans nos
mémoires plusieurs propositions intéressantes pour bonifier le projet de loi no 12.
D'ailleurs, considérant les récents articles de Patrick Lagacé sur la déchéance
de l'autorité parentale que vous avez sûrement vus hier et avant-hier...
M. Lessard (Michaël) : ...j'aimerais
souligner que nous proposons tous deux des mécanismes de suspension de
l'autorité parentale en cas d'accusations criminelles. Vous trouverez ces
recommandations à la page 17 de nos mémoires respectifs. Il nous fera
aussi plaisir d'en parler avec vous.
Nous sommes maintenant à votre disposition
pour toute question, que ce soit sur ce qui nous a occupés dans notre
présentation, soit l'enfant issu d'un viol, que tout autre élément soulevé dans
nos mémoires.
Le Président (M.
Bachand) :Merci à vous deux. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Me Zaccour, Me Lessard, merci d'être présents en
commission parlementaire. C'est un plaisir de vous retrouver. Je débuterais
peut-être sur le cas d'Océane, justement, parce que, Me Zaccour, vous avez dit
tout à l'heure, bon, en détaillant la situation, il faut que l'enfant soit au
courant, tout ça. Avec le projet de loi, là, un cas qui surviendrait... qui
survenait, comme ça a été le cas d'Océane suite à l'adoption du projet de loi.
Monsieur est en prison, fait... a violé madame et réclame la paternité. Un coup
que le projet de loi est adopté, lorsque la demande en reconnaissance de
filiation, elle rentre, automatiquement, Madame, elle peut s'objecter puis,
dans le cadre de ce recours-là, peut demander l'indemnité. Ça fait que, ça,
c'est le premier cas de figure. Ça fait que, dans le fond, ça se termine là, ou
madame accepte la filiation, mais dans la même requête, dans la même demande de
Monsieur, fait une demande... facilitée, on l'a mis dans l'article, avec
déchéance de l'autorité parentale, si jamais elle voulait avoir une pension
alimentaire. Ça fait qu'on laisse le choix à madame de soit bloquer la
filiation complètement, soit de faire en sorte d'accepter la filiation, mais
avec déchéance de l'autorité parentale.
Dans l'autre cas qui s'applique, l'autre
cas de figure, si jamais il y avait eu, dans le fond, la naissance de l'enfant
dans le cadre d'un contexte conjugal, puis c'est un couple et que là Madame
était sous l'emprise de monsieur, violences sexuelles, violence conjugale,
l'enfant est issu du viol, mais qu'à l'hôpital monsieur est là et force madame
à signer les papiers, puis tout ça, puis que madame s'extirpe finalement de la
relation deux, trois, quatre, cinq ans plus tard, là on vient permettre à
madame, encore une fois au nom de l'enfant, de venir couper la filiation, mais
avec le critère de l'intérêt de l'enfant, parce que, bon, monsieur a été en
contact avec l'enfant durant plusieurs années.
Ça fait que là, j'aimerais vous entendre
sur ce critère-là de l'intérêt de l'enfant. Est-ce qu'une... Puis là je dis
deux, trois, quatre ans, ça peut être pendant 10 ans, là. Est-ce que ce
critère-là, qui doit être évalué par le tribunal, vous considérez que c'est
un... le critère de l'intérêt de l'enfant... Puis là je vous réitère... je vous
réfère aussi à l'année passée au projet de loi deux ou dans... on a modifié
l'article 33, où on est venu définir que l'intérêt de l'enfant, ça prenait
en compte la violence familiale, incluant la violence conjugale. Ça fait que
j'aimerais ça vous entendre sur cette notion-là de l'intérêt de l'enfant suite
au deuxième cas de figure, là, que je vous ai présenté.
Mme Zaccour (Suzanne) : Oui.
Merci pour la question. Effectivement, maintenant, l'intérêt de l'enfant tient
compte de la violence familiale, y compris conjugale. Donc, une violence
sexuelle qui n'est pas conjugale, Océane par exemple, n'est pas forcément
couverte, mais ça, c'était peut-être un...
M. Jolin-Barrette : Bien,
non... mais c'est couvert. C'est couvert. Ça rentre dans la violence familiale.
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien,
c'est-à-dire, ce n'est pas une violence ni envers l'enfant ni envers la
conjointe. Donc, il pourrait y avoir des enjeux d'interprétation. Ce n'est pas
une violence... On avait demandé à définir la violence familiale, ça n'a pas
été fait. Donc, ça sera peut-être à débattre devant les tribunaux.
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est un «y compris».
Mme Zaccour (Suzanne) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Mais de
la violence... Supposons une agression sexuelle envers madame dans le cadre
d'un couple...
• (17 h 10) •
Mme Zaccour (Suzanne) : Oui,
si c'est un couple. Mais si ce n'est pas un couple. Océane, c'était, je pense,
son colocataire.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends.
Mme Zaccour (Suzanne) : Donc,
ça ne serait pas familial. Mais je veux répondre plus précisément, là, sur la
question de l'intérêt de l'enfant et du parent significatif.
Donc, je vous renvoie un petit peu les
réponses qui ont été données aujourd'hui, et dans les derniers jours, sur la
pluriparenté. Quand tout va bien, tout va bien. Donc, si le père, c'est un très
bon père, aimant, attentionné, significatif, il a changé des couches, et tout
ça, il n'y a pas de problème. L'enfant ne demandera pas le retrait de la filiation,
la mère non plus. Si la mère le demande contre la volonté de l'enfant, il y a
d'autres possibilités, là, quant à l'exercice des droits de tutrice. Donc, si
tout va bien, ils s'entendent, et les parents conviennent hors du tribunal,
comme c'est le cas pour la plupart des couples, donc se sépare, garde partagée
ou autre arrangement, tout va bien. Si la mère demande... ou l'enfant demande
plutôt à faire retirer la filiation, c'est généralement que tout ne va pas
bien, et, si on arrive devant les tribunaux, tout ne va pas bien. Donc on peut
présumer que le père est... le père...
Mme Zaccour (Suzanne) : ...qui
est agresseur sexuel et violent. Ce n'est pas... Ce n'est pas un très... une
très grande... Ce n'est pas «a stretch», mais donc on peut... C'est la
situation. Donc, la mère et l'enfant s'opposent pour se protéger. Et là on va
voir des juges qui disent, même si l'enfant ne veut pas, même si la mère ne
veut pas en fait, et on sait pourquoi ils vont dire ça, ils vont vous
dire : L'enfant est aliéné. Donc, il faut forcer le contact. Donc c'est là
que l'intérêt de l'enfant est un critère problématique.
Cela dit, si vraiment vous dites mais
imaginez, on retire le lien de filiation, mais c'était une erreur. L'enfant
peut ramener le lien de filiation lui-même à sa demande, mais même à ça, ça ne
nous rassure pas, ce n'est pas assez. Dans le cas où il y a vraiment un lien,
là, entre le père et l'enfant, le tribunal peut toujours ordonner du temps
parental à quelqu'un qui n'est pas père, donc un parent de fait. Donc ça serait
une autre échappatoire.
Donc, quand on a autant d'échappatoires et
qu'on sait à quel point la discrétion judiciaire sur l'intérêt de l'enfant,
c'est problématique, pourquoi rajouter ce débat? Si le but était d'épargner à
Océane de faire ce débat, pourquoi... pourquoi en faire de la discrétion? Le
principe derrière ce projet de loi, c'est : L'agression sexuelle ne fonde
pas la filiation. Donc, amenons ce principe jusqu'au bout. Et comme je le
disais, s'il y a un cas d'exception, rien n'empêche le tribunal d'ordonner du
temps parental. Mais peut être que les membres de la commission conviendront
qu'un père agresseur, un débat devant le tribunal, l'enfant ne veut pas, la
mère ne veut pas. Il y a peut-être une bonne raison pour ne pas vouloir ce lien
de filiation, et peut-être qu'on peut respecter cette demande.
M. Jolin-Barrette : Je
suis curieux de vous entendre, vous... ça fait deux fois que vous le dites dans
le cadre de votre intervention au niveau de la discrétion judiciaire, vous
semblez dire par vos propos qu'il y a un enjeu avec les décisions qui sont
rendues par les tribunaux. Est-ce que... C'est quoi l'enjeu? Est-ce que c'est
un enjeu de formation? C'est un enjeu de... Selon vous, quelle est la
problématique lorsque vous me parlez de... que ce sont les tribunaux,
ultimement, qui décident en fonction des faits qui sont devant eux. J'aimerais
ça vous entendre.
M. Lessard (Michaël) : Je...
Peut-être rapidement. Je pense qu'il y a un changement de culture judiciaire
qu'on voit présentement où il semble... Il semble difficile pour certains juges
de voir le lien entre la violence conjugale, ou dans le contexte qui nous
occupe, même la violence sexuelle et l'enfant. Donc, on voit beaucoup de
jugements, et fort heureusement de moins en moins, on va se dire : Oui,
mais la violence conjugale, c'est quelque chose qui occupe seulement le père
violent puis la mère victime, et ça n'a pas un impact sur les enfants. Et ça
peut sembler étrange de le souligner comme ça, mais on en voit beaucoup, des
jugements. On voit même des juges qui vont dire : Oui, l'enfant a été
témoin de la violence. Parfois, l'enfant a dû s'interposer pour empêcher le
père d'être violent envers la mère victime, mais on considère que le père,
somme toute, généralement, n'est pas un mauvais parent.
Donc, il semble difficile pour les juges
de faire le lien où, en fin de compte, la violence conjugale, c'est une
décision parentale. C'est exposer l'enfant à de la violence. C'est également...
c'est également priver la mère de ressources qu'elle pourrait donner à
l'enfant, soit une disponibilité émotive, une santé, une disponibilité
financière également. Donc, il semble difficile pour les juges de voir ça. Je
crois que c'est quelque chose que le projet de loi no 2 a permis de changer
en envoyant un signal clair vers les tribunaux. Mais quand on regarde
l'ensemble de la jurisprudence, on est quand même très inquiets, inquiètes par
la dissociation que les juges font entre la violence conjugale et la violence
familiale plus généralement.
M. Jolin-Barrette : Mais
là, dans le projet de loi no 2, on dit violence familiale, y compris
violence conjugale. Ça fait que ça répond.
Mme Zaccour (Suzanne) : Oui,
c'est un critère parmi beaucoup d'autres. Donc, ça, c'est le... C'est la préoccupation
qu'on avait au moment de l'adoption du projet de loi no 2. Donc, c'est un
critère, certes. Mais pour compléter aussi sur la réponse, on a une grande
culture du père à tout prix devant les tribunaux et de la garde partagée, même
si c'est un peu perçu comme le mécanisme par défaut et toute mère qui demande
une garde exclusive, qui demande à déménager, elle est immédiatement suspecte.
Donc, par exemple, je vous réfère à un
article de Fiona Kelly qui s'appelle Enforcing a parent-child relationship at
all costs. Ce sont des décisions canadiennes, mais qui montrent un peu... peu
importe ce que le père fait, condamnations criminelles, violence sur l'enfant,
condamnations répétées, répétées, répétées, le père a fait de la prison, les
juges ne vont à peu près jamais jusqu'à mettre fin au contact. On va dire, on
va superviser pendant 10 ans.
Donc, ça, c'est peut-être un autre
élément, la culture du père à tout prix. Donc, on va dire : Oui, il y a eu
de la violence conjugale, mais d'un autre côté un enfant a besoin de son père,
ou d'un autre côté il est repentant, ou d'un autre côté, il y a toutes sortes
d'autres critères, l'âge, la proximité géographique, etc. Et le troisième,
peut-être, élément...
Mme Zaccour (Suzanne) : ...ce
que vous demandez, c'est quoi, les causes de notre inquiétude. Les évaluateurs,
évaluatrices en matière de garde, c'est aussi documenté que ces personnes
perçoivent souvent les mères victimes de violence comme immédiatement
suspectes. Une mère victime de violence, on la soupçonne, peut-être qu'elle
veut évincer le père. Donc, ça, c'est les raisons qui nous font croire que la
discrétion judiciaire, dans un cas aussi clair, on n'est pas vraiment dans
les... beaucoup de nuances de gris, là, enfant conçu par agression sexuelle, on
est vraiment dans vraiment très, très précis, on n'a pas besoin de s'ajouter
tous ces débats. C'est notre proposition.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues qui
souhaitent vous poser des questions, là. Je dénote de vos propos que vous
semblez avoir peu confiance dans les tribunaux relativement à ce type de
dossier.
Mme Zaccour (Suzanne) : C'est
de l'expérience. Si vous parlez... Les femmes... les femmes sont tellement
désespérées qu'elles m'écrivent comme chercheuse et qu'elles me disent :
J'ai lu vos articles, et elles n'arrivent pas à se faire représenter. Et c'est
des femmes qui sont victimes de violence et qui n'ont pas vu leurs enfants
depuis des années. Donc, on n'est même pas à ce que les tribunaux vont accepter
de retirer la filiation d'un enfant, on n'est même pas là. On est : Est-ce
qu'on peut convaincre un tribunal de ne pas donner une garde complète au père
violent? Ça, c'est où est-ce qu'on en est avec les tribunaux. Et, comme je dis,
ce n'est pas seulement les juges, c'est les évaluations qu'ils et elles
reçoivent, qui sont souvent... c'est très médicalisant. Si cette enfant ne voit
pas son père, elle ne pourra jamais... elle ne pourra jamais être une femme
accomplie. Donc, c'est tout ça qui est largement documenté, mais,
effectivement, je suis assez sceptique.
Et, en matière de filiation, généralement,
ce n'est pas discrétionnaire. Le rôle de l'Assemblée, c'est de dire :
Voilà les règles qu'on considère dans l'intérêt de l'enfant en matière de
filiation, et elles sont appliquées. Donc, c'est... effectivement, vous avez
raison de dire que je suis sceptique. Je serais heureuse d'être convaincue
autrement, mais pour le moment... C'est pour ça que vous légiférez. Sinon, on
dirait... elle a juste à retourner parler de déchéance, et, de toute façon,
son... l'agresseur n'aura jamais la garde, mais on ne peut pas dire ça. C'est
pour ça qu'on a... qu'il faut intervenir.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vous remercie pour votre présence en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Donc, prochaine
intervenante, Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être ici, merci pour votre temps. Au
sujet de la GPA, sur la GPA, est-ce que vous considérez que l'autonomie
décisionnelle de la femme est respectée tout au long du projet?
Mme Zaccour (Suzanne) : Alors,
ce que je vais... je veux juste faire une préface qu'on n'a pas pu mettre
autant de temps sur les dispositions sur la GPA. Juste la filiation et
l'indemnité, plus on creusait, plus on avait de choses à dire, mais j'ai quand
même une... une modification proposée dans mon mémoire qui est de permettre la
mère porteuse de consentir à remettre l'enfant à un seul ou une seule des
conjoints. Donc, supposons que le couple de parents d'intention se sépare en
contexte de violence conjugale, alors là la mère porteuse, soit elle remet
l'enfant aux deux parents, sachant ce dont on vient de parler, ou elle le
garde. Donc... Et, bon, je note aussi d'autres préoccupations qui ont été
soulevées pendant les consultations sur les conseils juridiques indépendants,
etc.
Je me permettrais peut-être aussi, c'est
un peu hors de propos de ce projet de loi, mais la principale préoccupation en
matière de gestation pour autrui, je pense que c'est que des femmes le fassent
parce qu'elles n'ont pas... pas le choix, parce qu'elles n'ont pas de revenu et
qu'elles se fassent rémunérer ainsi. Donc, mon organisation avance également
aussi la position qu'un revenu minimum garanti permettrait d'assurer plus
d'autonomie, plus de choix aux femmes dans toutes leurs décisions, y compris les
décisions reproductives. Donc, je me permets ce petit aparté également.
• (17 h 20) •
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Charlevoix-Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Oui, bonjour.
J'aimerais vous entendre sur les indemnités. Parce que, bon, on comprend qu'il
n'y a pas de rémunération, mais est-ce que vous êtes en accord avec la
disposition concernant les indemnités?
M. Lessard (Michaël) : Bien,
par rapport aux indemnités, on pense que c'est une proposition qui est très
intéressante, avec laquelle on devrait aller de l'avant. Il y a certains
éléments qu'on soulève dans nos mémoires pour bonifier la proposition.
Notamment, on pense qu'il pourrait y avoir un seuil minimal pour le montant de
l'indemnité. Ça permettrait... bien, ça éviterait déjà aux victimes de faire
une preuve qui peut être assez coûteuse, assez impressionnante, notamment en
ayant des expertises actuarielles. Ça permettrait aussi un point d'ancrage pour
faire des négociations. Donc, il y a un seuil minimal plutôt que d'aller à
procès, peut-être qu'un agresseur voudra négocier puis en arriver à une
entente, donc ça évite du temps pour tout le monde. S'il n'y a pas de seuil
minimal, ça donne un incitatif à aller à procès puis tenter le plus possible de
diminuer le montant d'une indemnité.
D'autres intervenants, intervenantes l'ont
aussi soulevé, l'importance de s'assurer que l'indemnité soit payée mais aussi
s'assurer qu'il y ait une sorte d'intermédiaire pour ne pas que ça soit la
victime qui, une fois qu'elle a un jugement, en fait, elle court pour après...
M. Lessard (Michaël) : ...et
l'agresseur pour tenter de faire exécuter le jugement. Donc, nous pensons qu'on
pourrait imaginer un système comme celui de la loi facilitant le paiement des
pensions alimentaires pour faire des retenues à la source, et là où Revenu
Québec sert d'intermédiaire, en fin de compte, entre les parents, donc ici,
entre la victime et son agresseur. Mais un autre élément aussi qui semble
important de souligner, c'est que, pour nous, à la lecture du projet de loi, il
n'était pas clair de savoir quelle était la part qui était imputable à
l'agresseur au niveau de l'indemnité. Donc, on parle de contribuer aux besoins
de l'enfant. La notion de contribuer suggérait qu'il n'allait pas être
responsable à 100 % des besoins de l'enfant.
Donc, on se demande quelles seraient les
raisons derrière, peut-être qu'en fin de compte vous croyez que ça doit être à
100 %, ça pourrait être bien de le préciser. Si l'agresseur ne doit pas
payer à 100 % les besoins de l'enfant, c'est quoi, le message qu'on envoie
essentiellement? On dit que la mère est responsable pour payer pour les besoins
de l'enfant, mais pourquoi est-ce qu'elle l'est? Si elle a été victime d'une
agression sexuelle, et donc qu'elle a subi un acte qui n'a pas été consenti,
est-ce qu'en d'autres termes on la pénalise pour le fait de ne pas avoir
procédé à un avortement? Est-ce qu'on dit... Bien, en fait, on comprend que la
relation sexuelle n'était pas choisie, mais le fait de procéder à la grossesse,
de donner naissance serait son choix et donc on la punirait pour ce choix-là.
C'est quelque chose qui nous inquiète que
de voir, soit un incitatif pour l'avortement dans la loi ou une pénalisation
pour ne pas y avoir procédé. On pense qu'en fait la faute, elle est seulement
dans les mains de l'agresseur, donc c'est lui qui devrait être responsable
entièrement financièrement.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Merci beaucoup
à vous deux. Très, très important, et j'apprécie beaucoup vos mémoires, surtout
concernant l'aspect, Me Zaccour, parce que je comprends également, j'ai fait 30
ans en droit de la famille, donc la discrétion judiciaire en matière de garde
et surtout en matière de violence conjugale, je le connais très bien. On a eu
des interventions d'autres groupes, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, au
niveau de la déchéance d'autorité parentale. Et de préciser qu'un motif grave
serait la violence conjugale ou l'agression sexuelle, et donc qui ferait en
sorte que, dans l'intérêt de l'enfant, motif grave, il y aurait déchéance
d'autorité parentale. Et donc, pour répondre à votre... la problématique de la
discrétion judiciaire, j'aimerais vous entendre là-dessus, si vous croyez que
ça serait une bonne piste dans ce projet de loi... de solution.
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien
oui, bien, on comprend aussi qu'il y a déjà certains changements qui ont été
faits au niveau de la déchéance. C'est sûr que, déjà, on pourrait se demander
pourquoi il faut le motif grave et l'intérêt de l'enfant, et est-ce que ce
n'est pas un peu l'intérêt de l'enfant, là où le bât blesse? Encore une fois,
on n'arrive pas à convaincre des juges que ce n'est pas dans l'intérêt de
l'enfant d'avoir une garde complète chez le père violent. Donc, effectivement,
si on peut faciliter... Mais c'est ça, le critère de l'intérêt de l'enfant va
poser problème à tous ces niveaux. Et je pensais, quand ce projet de loi a été
annoncé : enfin, on a une solution pour y échapper, parce qu'on a, au
moins, dans certains cas très, très précis, un recours qui ne peut pas être
détourné un petit peu par le système en filiation, mais on reste encore avec
cette même idée.
Et, bon, des juges peuvent dire :
Oui, c'est grave, la violence, mais, mais il est repentant. Ce n'était pas si
pire, c'est juste arrivé une fois, et cetera. Et je vais laisser mon collègue
compléter aussi sur...
M. Lessard (Michaël) : Mais
un autre élément qui peut poser problème lorsqu'on regarde la jurisprudence,
c'est que la notion du motif grave, elle est, habituellement, comprise comme
étant un manquement parental au rôle de parent. Et donc nous, on craint que
l'agression sexuelle qui se ferait sur la mère ne soit pas conçue comme un
manquement au rôle de parent. Parce que, bon, comme on le disait un peu plus
tôt, on le voit qu'au niveau de la violence conjugale, ça n'a pas été perçu
comme un manquement au rôle parental. On voit une certaine évolution, mais
l'agression sexuelle pourrait être encore comprise comme étant distincte de la
notion de la violence conjugale ou de la violence familiale.
Par ailleurs, la violence conjugale
sous-entend qu'on est entre deux conjoints, conjointes, ce qui n'est pas le
cas...
M. Lessard (Michaël) : ...par
exemple, mais si je peux en profiter pour renchérir sur la notion de la
déchéance, on voit aussi des problèmes par rapport à la gestion de la déchéance
parentale, c'est que c'est un processus qui est très long, puis je parlais un
peu plus tôt des articles de Patrick Lagacé qui nous montre que ça peut prendre
plusieurs années, ça demande aussi une preuve importante et coûteuse pour
demander la déchéance de l'autorité parentale, et il y a tout un laps de temps
entre le moment de crise, où dans ce contexte-là, on apprenait que le père
avait fait des agressions sexuelles envers deux de ses enfants et le moment où
on peut obtenir la déchéance de l'autorité parentale, il peut se passer
plusieurs mois, plusieurs années. Et donc ce qu'on propose, c'est entre le
moment de crise et le moment où on peut avoir un débat, au fond, d'avoir une
suspension qui serait donc temporaire de l'autorité parentale dans des
contextes très précis, ce qui empêcherait aux parents allégués comme violents
d'avoir un certain contrôle puis une certaine surveillance de ses enfants, de
demander des accès, de savoir où l'enfant est, surtout si l'enfant est en...
par exemple en maison d'hébergement, et donc de tenter de retrouver sa
conjointe dans ce contexte-là, d'aller chercher l'enfant à l'école, de
communiquer avec l'enfant. Et donc pour éviter ces différents mécanismes de
contrôle, de surveillance, potentiellement de manipulation, on pourrait
suspendre temporairement l'autorité parentale lorsqu'on est face à une
situation de crise, par exemple, lorsqu'il y a des accusations criminelles qui
sont portées, ou lorsque la famille part pour aller en maison d'hébergement
pour victimes de violence, dans ce type de situation là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Oui, j'essaie
de comprendre, je suis en train de regarder toute cette question-là de suspension
temporaire l'autorité parentale. Donc, ça serait dans un aspect comme de
sauvegarde, c'est ça que vous voulez dire, en termes d'urgence?
M. Lessard (Michaël) : Exact.
On a... Ici, il s'agit d'appliquer un principe de précaution. Donc, on est face
à deux choix, soit... en fin de compte, soit on a le régime par défaut qu'on a
présentement, où on laisse les deux, conjoint, conjointe... ou les deux parents
plutôt, exercer ensemble l'autorité parentale, ou soit, lorsqu'on est face à
une situation de crise, on va suspendre temporairement l'autorité parentale
d'un des deux pour qu'on puisse... qu'ensuite on puisse avoir le débat au fond.
Donc, il s'agit ici de... Il va toujours y avoir soit trop de protection,
peut-être que ça s'appliquera à des personnes qui n'en ont pas besoin, auquel
cas on ira devant le tribunal puis on pourra demander le rétablissement des
accès, par exemple, en attendant le débat au fond, ou soit on n'aura pas assez
de protection, comme c'est le cas présentement, où il y a des personnes qui
sont dans des situations de crise, qui n'ont pas les protections. Avec le
projet de loi n° 2, on a déjà vu que l'Assemblée nationale était sensible
à la question en adoptant l'article 103.1 qui permet d'avoir accès à des
services de santé ou des services sociaux sans nécessiter d'avoir l'accord des
deux parents parce que, des fois, le parent violent refusait que l'enfant ait
accès à des services de santé, ou des services sociaux, ou des thérapies, par
exemple. Ici, on propose d'aller plus loin et donc de retirer d'autres
mécanismes de contrôle que le parent violent aurait.
• (17 h 30) •
Mme Garceau : Comment est-ce
qu'on diminue la discrétion judiciaire? Parce que je vous ai écouté tous les
deux, je ne pense pas, d'après vous, d'après ce que vous avez écrit et vos
représentations, que le projet de loi n° 12 répond à la problématique de
situations de violence, de... d'agression sexuelle et le droit de l'agresseur
d'avoir des droits d'accès, de prendre des décisions au niveau de l'enfant.
C'est quoi la solution au problème, d'après vous?
Mme Zaccour (Suzanne) : On a
publié l'un et l'autre divers mémoires, dans les dernières années, avec toutes
sortes de recommandations. On s'est concentré pour cette fois-ci sur ce qui
rentrait, là, dans le cadre de ce mémoire. Comme on l'a dit plus tôt, une...
bien, retirer le critère de l'intérêt de l'enfant pour la filiation et une
présomption qu'en contexte de violence conjugale, c'est probablement une
agression sexuelle. Il y a aussi d'autres éléments, au niveau de la preuve, qui
peuvent faciliter les choses, même si des problèmes, il en restera toujours,
mais on essaie toujours de prendre un morceau à chaque fois qu'on vient. Donc,
par exemple, en droit criminel, on a développé des protections spécifiques qui
disent... mais on ne peut pas poser des questions sur le passé sexuel de la
victime pour dire : Oui, mais toi, tu as beaucoup de relations sexuelles.
Comme... donc des... les preuves du passé sexuel de la victime. Donc, ça, c'est
un élément de protection qui pourrait être ajouté pas...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Zaccour (Suzanne) : ...juste
quand l'enfant est conçu par agression sexuelle, mais tous les recours civils
en matière d'agression sexuelle. Et j'ai aussi... on a aussi noté un élément
qui est assez spécifique. Mais supposons que la victime, elle a 14 ans,
elle est sous l'âge du consentement, et là le projet de loi dit : Il faut
absolument prouver l'agression sexuelle par témoignage et ensuite seulement on
peut faire un prélèvement. La victime de 14 ans, on fait le prélèvement,
on voit que c'est le géniteur de l'enfant, on sait qu'il y a eu agression
sexuelle parce que la victime était sous l'âge du consentement, bon, en
évidence, c'est le géniteur... était plus âgé. Donc, ce sont des morceaux pour
faciliter la preuve, réduire le problème de la discrétion judiciaire. Mais,
bien sûr, si vous demandez, généralement, est-ce qu'on a tout réglé, non, moi,
je pense que la violence conjugale devrait être un critère prépondérant. Tant
que ça va être un critère parmi 10, 15, 20 autres, comme sous l'article 33,
comme sur... sur le divorce, tant que c'est un critère parmi tant d'autres, on
ne règle pas le problème.
Le Président (M.
Bachand) :Merci.
M. Lessard (Michaël) : ...
Le Président (M.
Bachand) :Rapidement, Me Lessard, s'il
vous plaît.
M. Lessard (Michaël) : Oui,
parfait. Bien, juste, un autre point qui est important, en amont de tout ça, c'est
aussi celui de libérer la parole. Et on voit beaucoup de victimes de violences
conjugales qui ont peur de dénoncer la violence en raison des inférences
négatives dont on parlait. D'ailleurs, il serait intéressant, là, d'en parler
avec vos autres intervenants, intervenantes demain pour voir leur expérience
sur le terrain. Mais il y a des victimes qui, tout simplement, ne vont pas
dénoncer la violence conjugale au sein d'une instance en droit de la famille
parce qu'elles ont peur des inférences négatives et parfois même qu'elles se le
font recommander par leurs avocats, leurs avocates parce que trop difficile
parfois à prouver, il va avoir des inférences négatives. Donc, si on peut tout
simplement mettre dans la loi qu'on ne peut pas tirer d'inférences négatives du
simple fait de dénoncer la violence conjugale, ce serait déjà un grand pas pour
libérer la parole pour ces victimes-là et leur faire un chemin dans les
instances de droit civil.
Une voix : Intéressant. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Est-ce que vous trouvez que
le projet de loi ratisse assez large au point de vue du retrait de la
filiation?
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien,
je dirais que c'est sûr, c'est un projet qui est étroit, donc on parle
seulement de l'enfant conçu par agression sexuelle, c'est-à-dire si un enfant
est conçu par relation sexuelle et ensuite le père agresse la mère par la
suite. On n'est pas dans le domaine du projet de loi et on comprend que l'idée,
c'était de faire quand même une solution restreinte à un problème précis.
Par contre, je pense qu'il y a un scénario
qui a été oublié, c'est une grossesse forcée, donc un enfant qui est conçu par
relation sexuelle par accident, par exemple, et la mère veut avorter, et on
sait la coercition reproductive, c'est vraiment très, très important, très
présent, donc le conjoint force la mère à ne pas avorter et mener la grossesse
à terme. Donc, la logique, exactement la même, n'eût été de l'action du
géniteur, l'enfant n'existerait pas. Et, si on avait respecté l'autonomie
corporelle de la mère, l'enfant n'existerait pas. Donc, quant à moi, on est
dans le même cas de figure.
Donc, ça, on recommande de dire qu'en cas
de grossesse forcée, qui doit être démontrée... bien entendu, on est dans la
même situation, c'est pareil, donc droit au retrait de la filiation et droit à
l'indemnité, parce que cet enfant n'aurait pas vu naissance. Et peut-être que
la mère ne veut pas le placer en adoption pour toutes sortes de raisons qu'on
peut comprendre, mais au moins qu'elles auraient le droit aux mêmes
protections.
M. Zanetti : Merci. Puis,
pour ce qui est de... vous en avez un peu parlé, là, mais la question de la
déchéance d'autorité parentale, comment est-ce qu'il serait possible de rendre
ça, disons, plus... plus simple ou moins complexe?
M. Lessard (Michaël) : ...pardon.
Donc, ce qui serait intéressant, c'est d'avoir un mécanisme où l'autorité
parentale soit suspendue de manière automatique dans certains cas de figure, je
donnais quelques exemples quand un parent est visé par un acte... par une
accusation d'acte criminel, quand le parent est assujetti à des ordonnances
soit criminelles soit de protection en contexte civile, quand l'enfant réside
dans une maison d'hébergement. Donc, ce qui est intéressant dans ces
contextes-là, c'est qu'on pourrait avoir une suspension qui soit automatique,
qui soit temporaire juste par cet état de fait, ce qui n'empêcherait pas en fin
de compte à l'agresseur de réclamer ses droits-là et qui mettrait sur lui le
fardeau de s'adresser au tribunal. Donc, c'est là où ce qui est intéressant, c'est
que c'est sûr qu'il va y avoir un moment où on va devoir aller devant le
tribunal pour plaider au fonds pour avoir une déchéance d'autorité parentale.
Mais ce qu'on veut éviter, c'est mettre sur la victime le fardeau financier de
le faire autant pour le développement des expertises, mais aussi toute la
charge mentale de le trouver. Ce qui est intéressant dans les articles de
Patrick Lagacé, ce qu'on nous révélait, c'est, on...
M. Lessard (Michaël) : ...on
avait un cas de figure qui était classique... bon, pas classique, mais un cas
d'école en termes de déchéance de l'autorité parentale. Un parent agresse
sexuellement ses enfants, c'est sûr qu'on peut avoir une déchéance de
l'autorité parentale, ou presque, si on s'en fie à la jurisprudence.
Par contre, la victime n'était pas capable
de trouver d'avocat ou d'avocate pour la représenter avant un certain... avant
d'avoir fait plusieurs recherches pour en trouver. La victime aussi, ça lui a
pris un certain temps avant d'apprendre l'existence de la déchéance de
l'autorité parentale. Donc, tout le poids était mis sur elle pour les
démarches. Et ça a pris tant et tellement de temps que le père agresseur, qui
était condamné à trois ans de prison, a eu le temps de sortir de prison avant
qu'on ait pu avoir la déchéance.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. En terminant.
M. Lessard (Michaël) : Ici,
ce qu'on propose, c'est de renverser le fardeau financier et mental.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Vaudreuil.
Mme Nichols : Vous avez
terminé votre propos?
M. Lessard (Michaël) : Oui.
Mme Nichols : Parfait. Moi,
j'ai seulement qu'une question en lien avec l'article 542.37, on parlait
entre autres de la prescription. La prescription est... on dit que, dans le cas
du décès de l'agresseur, là, est été établie de six mois pour demander
l'indemnité. Moi, ce que je comprends, c'est que vous souhaiteriez que ça soit
la prescription de trois ans, là, qui s'applique.
M. Lessard (Michaël) : Oui,
tout à fait, et puis peut-être que ça sera un peu technique mon explication,
mais ce que je comprends de l'indemnité ici, c'est qu'on n'est pas en matière
alimentaire. Ça, ça me semble clair selon les différentes discussions que la
commission a eues et selon la rédaction du projet de loi où on voit qu'à
certains moments on oppose l'indemnité à tout ce qui est créance et dette
alimentaire. Si on n'est pas en termes alimentaires, on est selon moi en droit
des obligations, on est dans la responsabilité civile. L'agression sexuelle,
c'est une faute civile qui peut donner droit à des dommages, et on sait que
depuis l'adoption... la modification de 2926.1 du Code civil, toutes les
réparations de dommages pour agression sexuelle sont imprescriptibles. Mais,
quand l'agresseur décède, et après on a un trois ans pour demander la
réparation des dommages. Et donc, dans ce contexte-ci, il me semble qu'on
devrait appliquer la même logique. Si l'agresseur décède, on devrait avoir un
trois ans pour demander une réparation des dommages. Ici, le dommage étant
l'imposition d'un besoin financier de l'enfant plutôt que d'avoir un délai de
six mois. Moi, à mon sens, je m'explique mal la distinction. Pourquoi la
victime, elle, elle a un trois ans pour l'ensemble des dommages, mais
l'indemnité, elle, ce serait juste un six mois pour exactement la même faute
civile?
Mme Zaccour (Suzanne) : Est
ce que c'est possible de compléter?
Mme Nichols : Oui.
Mme Zaccour (Suzanne) : Je
pense que la volonté de ce projet de loi, c'est de donner plus aux victimes
d'agression sexuelle, et il y a deux endroits où on donne moins. Un, c'est
cette prescription, donc c'est un retrait de droit, et je ne pense pas qu'il
n'y a personne ici qui veut retirer des droits. Et l'autre, c'est la
contribution aux besoins financiers. Donc, dans un recours civil ordinaire,
l'agresseur paye tous ses dommages. Donc, c'est deux endroits qu'on a identifiés,
on a vraiment une perte de droits, et j'aimerais dire quelque chose, ce n'est
pas exactement sur la prescription, mais c'est dans cette même logique de dire
que, bon, on donne plus de temps, les actions sont imprescriptibles, le verrou
de filiation est atténué, cette idée qu'on peut changer d'avis sur la GPA.
Donc, toute cette direction et l'endroit où je vois vraiment qu'on dit non, ça,
ça doit être définitif, c'est le fait de remettre le lien de filiation à la
demande de l'enfant quand il a été enlevé. Donc ça, c'est aussi quelque
chose... dit : Pourquoi est-ce qu'on va vers plus de flexibilité? Pour
tout le reste, on enlève le lien de filiation, ce n'est pas définitif. Mais, si
on remet ça, ça doit être définitif. Donc c'est un autre endroit où peut-être
qu'on pourrait donner un petit peu de lousse pour rechanger d'idée, notamment
s'il y a eu des pressions ou si, finalement, le père est dangereux.
Mme Nichols : Un bon point.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup
à vous deux d'être venus nous voir aujourd'hui. Me Lessard, bienvenue dans les
Cantons-de-l'Est, en Estrie...
Alors, compte tenu de l'heure, la
commission ajourne ses travaux au mercredi 29 mars 2023, à
8 heures, où elle va se réunir en séance de travail pour un autre mandat.
Merci. Belle soirée.
(Fin de la séance à 17 h 40)