(Quatorze heures seize minutes)
Le
Président (M. Benjamin) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions
ouverte.
Je souligne que cette séance se déroulera à la
fois dans la salle salle Louis-Joseph-Papineau, où je me trouve, et dans la salle
Louis-Hippolyte-La Fontaine.
La commission est réunie afin d'entreprendre
l'étude détaillée du projet de loi n° 16, Loi
modifiant diverses dispositions législatives afin de mettre en oeuvre les Conventions
complémentaires n° 22 et n° 27
à la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Boutin (Jean-Talon) remplace M. Martel
(Nicolet-Bécancour); M. Rousselle (Vimont) est remplacé par
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé
par Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques).
Remarques
préliminaires
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Nous en sommes maintenant aux remarques préliminaires, pour lesquelles
vous disposez de 20 minutes chacun. Je cède tout de suite la parole à M.
le ministre. M. le ministre.
M. Ian
Lafrenière
M. Lafrenière : Merci beaucoup,
M. le Président. Alors, bonjour, chers collègues, collègues de l'opposition,
très heureux de vous retrouver aujourd'hui pour le projet de loi n° 16,
collègues de la banquette ministérielle, les équipes
qui sont avec nous aujourd'hui. Merci beaucoup. M. le Président, aujourd'hui,
on fait quelque chose de différent, là. On va commencer différemment, en
disant : «Kwe», «wachiya», bonjour, tout le monde.
C'est un projet de loi qui va toucher les
communautés cries. Vous allez voir, M. le Président, c'est un projet de loi qui
est hautement technique. Peut-être, pour les gens à la maison, ça va demeurer
difficile parfois dans certains articles parce que c'est hautement technique,
mais je ne veux juste pas qu'on perde de vue que c'est un projet de loi qui est tellement important pour la communauté
d'Oujé-Bougoumou, communauté crie. Et pourquoi? Parce que, je vais faire
un petit rappel historique, M. le Président, on se rappellera qu'en 1975 il y a
la Convention de la Baie James qui a été
faite. Par la suite, à ce moment-là, on avait Oujé-Bougoumou et Mistissini qui
étaient ensemble. Pour une première fois, en 1989, Oujé-Bougoumou est
reconnue administrativement. En 2011, on a eu un premier document qui a été
fait, où on a pris l'engagement de reconnaître Oujé-Bougoumou. Les fédéraux
l'ont reconnue en 2014, et ce que je nous invite à faire aujourd'hui, c'est de
reconnaître la communauté d'Oujé-Bougoumou dans notre corpus législatif.
La communauté existe, elle est bel et bien
vraie, je l'ai visitée l'été passé avec la famille. Je dois vous avouer que
c'est une communauté qui est merveilleuse. Et l'architecture est très
particulière, M. le Président. On a mis vraiment une énergie incroyable sur
l'architecture. Les bâtiments se ressemblent beaucoup, c'est une architecture
qui est de toute beauté. D'ailleurs, je vous invite, M. le Président, si vous
ne l'avez pas déjà fait, d'aller sur des moteurs de recherche pour aller voir
des images aériennes d'Oujé-Bougoumou, et vous allez voir...
Une voix : ..
M.
Lafrenière : Moi, je ne suis
pas allé pêcher là-bas, non. J'aurais dû, mais, en période de COVID, ils
m'ont dit : Tu es le bienvenu, mais pas trop longtemps. Alors, je n'ai pas
pu visiter le musée, parce qu'il y a un très beau musée. Mais ce que je vous
invite à faire, c'est d'aller voir les images aériennes d'Oujé-Bougoumou. Et on
peut voir un animal. Bon, ça dépend qui, à quelle journée. Certains vont voir
une tête d'oiseau, c'est mon cas. D'autres vont plutôt voir une tortue. Mais
l'architecture de la communauté a été très bien faite. C'est la dernière
communauté qui a été créée. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui on veut l'impliquer
dans nos lois, faire en sorte que, dans huit de nos lois québécoises, on
reconnaisse la communauté d'Oujé-Bougoumou.
Alors, c'est pour ça que, depuis tout à l'heure,
je fais l'introduction en vous disant : Bien que ça soit hautement
technique, on a des gens qui nous écoutent, on a la communauté crie, le grand
conseil cri, la communauté crie
d'Oujé-Bougoumou, qui nous ont écrit, d'ailleurs, M. le Président, en disant
qu'ils étaient heureux qu'on ait ce projet de loi et qu'enfin on puisse
les reconnaître dans le corpus législatif québécois. C'est un moment qui était
très attendu.
Mais, M. le
Président, je ne pourrais pas être avec vous aujourd'hui, on ne pourrait pas
parler du projet de loi n° 16 s'il n'y avait
pas eu de l'ouverture de la part des oppositions. Et je pense que c'est le
message qu'on envoie, aussi, aux Premières Nations et aux Inuits, qu'on est capables, en matière
autochtone, de travailler ensemble. On l'a démontré dans le passé avec des collègues que je retrouve
aujourd'hui, projet de loi n° 79, qui était extrêmement important, pour
le bien-être des enfants, on l'a travaillé
ensemble pour envoyer un message fort qu'on pouvait faire les choses
différemment pour les Premières Nations. Et c'est dans cet esprit-là qu'on se
retrouve aujourd'hui avec les collègues.
Alors, M. le
Président, j'avais prévu ne pas parler très, très longtemps, parce qu'il y a
des gens d'Oujé-Bougoumou qui attendent depuis déjà très longtemps,
quant à eux, pour être reconnus, mais j'ai le goût de terminer sur une petite
phrase, M. le Président, qui est : (s'exprime en cri), qui vient dire à la
communauté crie d'Oujé-Bougoumou : Vous êtes les bienvenus, vous êtes les
bienvenus dans notre corpus législatif. Et c'est cette démarche que je nous
invite à faire aujourd'hui, de reconnaître la communauté d'Oujé-Bougoumou dans
nos huit différentes lois. Je vous remercie, M. le Président.
• (14 h 20) •
Le Président (M. Benjamin) : Merci.
Merci, M. le ministre. Donc, je cède tout de suite la parole au représentant de
l'opposition officielle, M. le député de d'Arcy-McGee.
M. David Birnbaum
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président, M. le ministre, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
J'ai l'honneur de remplacer mon collègue de
Jacques-Cartier, qui est actuellement devant un contretemps et qui est notre
porte-parole pour les affaires autochtones. Alors, moi, j'ai l'honneur d'avoir
ces mêmes tâches pour quelques années, et ça m'a touché d'avoir l'opportunité de contribuer à avancer cette cause
primordialement importante et trop souvent négligée.
Je crois que mon collègue a eu... je sais qu'il
a eu l'opportunité de s'entretenir avec le grand chef Mandy Gull-Masty
(s'exprime en cri) et à comprendre que, voilà, comme le ministre l'a dit, nous
sommes devant un geste trop long attendu mais concret et clair, et je crois que
nous serons en mesure de souligner l'importance de ce geste qui va s'exprimer, comme le ministre l'a dit, de
façon un petit peu technique, mais de faire honneur à notre
responsabilité, en quelque part, de travailler ensemble.
Nous avons chacun, je n'ai pas le moindre doute,
surtout le ministre et son équipe, fait tout le travail nécessaire pour assurer
que tout ce qui est devant nous est bouclé de la bonne façon, que la communauté
a été au centre, j'ose croire, et dont j'ai pleine confiance, au centre de ces
discussions-là. Donc, je nous invite et je crois que je reflète les souhaits de
mes collègues qu'on se permet de discuter de ce projet de façon générale. Et
évidemment on compte sur l'expertise de M. le Président pour assurer que, s'il
y a des interventions sur un mot, ici et là, ça peut se faire, évidemment.
Mais je crois que nous sommes devant un projet
important, nous sommes devant une volonté de démontrer que la façon de faire,
dans un dossier tellement important, devrait être la concertation, la
collaboration, et je crois qu'on veut être au rendez-vous aujourd'hui pour
faire comme ça.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le député. La parole revient maintenant à la représentante de la deuxième
opposition, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Manon Massé
Mme Massé : Oui. Bonjour, bon après-midi,
tout le monde. À mon tour de saluer aussi les gens de... bien, la communauté
crie, des différentes communautés cries. «Wachiya».
I will speak in French because it's easier for
me, but I know that a lot of you speak a mother language that I'm not speaking,
so... except «wachiya», so...
Alors, bien, oui, effectivement, cet après-midi,
on va, en fait, faire en sorte que, dans les lois du Québec, cette
communauté-là très active, très présente puisse avoir des reconnaissances
légales. Je pense, c'est la moindre des choses,
après que ces gens nous aient accueillis à bras ouverts, nous, Européens, que,
pendant plusieurs années, on ne les a pas reconnus, on a même nié leurs
droits, leur existence, on a même tenté de les assimiler, parfois encore un
peu.
Ceci étant dit, je pense qu'aujourd'hui c'est la
moindre des choses qu'on puisse dire : Bien, on va travailler ensemble, on
va faire ça rondement, mais on veut que vous entendiez que, pour nous, c'est
important que cette erreur historique... Parce que M. le ministre disait, tu
sais : Ça fait déjà des années que l'autre palier de gouvernement les a
reconnues, donc il est temps qu'on y arrive.
Et, dans ce sens-là, je ne parlerai pas plus
longtemps, sinon que, si vous allez dans le coin, allez à la pêche, parce que
le doré, là, il est vraiment bon.
Étude
détaillée
Le
Président (M. Benjamin) :
Merci, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Je comprends qu'il y a consentement pour étudier simultanément
les articles 1 à 23 du projet de loi? M. le ministre.
M. Lafrenière : Consentement.
Le Président (M. Benjamin) : Alors,
j'aimerais... Et nous avons aussi les collègues qui sont dans la salle
Louis-H.-La Fontaine. Est-ce qu'il y a consentement aussi pour les
collègues dans Louis-H.-Lafontaine?
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Benjamin) :
Consentement. Merci beaucoup. Donc, alors, y a-t-il des interventions sur ces
articles?
Mme Massé : Oui, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) :
Allez-y, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : En fait, je pense que,
quand mes collègues disaient, pour les gens qui nous écoutent, que c'est un
projet de loi qui est très technique, ce qu'il faut comprendre, c'est que la Convention
de la Baie James a déjà donné le cadre nécessaire pour reconnaître à un certain
nombre de communautés cries... bien, à la nation crie mais à un certain nombre
de communautés l'existence légale dans le corpus législatif québécois. Alors,
le cadre général est déjà là. Alors donc, c'est pour ça, quand on dit que c'est
un projet qui est technique, comme l'ont dit mes collègues, ce n'est pas que
c'est une banalité, c'est juste que le cadre général est là. Les autres
villages cris sont nommés, mais il manquait toujours Oujé-Bougoumou, et c'est
ça qu'on vient faire. Ça fait que moi, dans ce sens-là, M. le Président,
puisque, comme le dit bien le projet de loi, ça vient modifier huit lois mais
ça vient modifier les lois pour inscrire Oujé-Bougoumou, moi, en soi, sur la
base de ça, je n'ai pas vraiment de questions.
Ceci étant dit, j'avais besoin, comme peut-être
certains et certaines d'entre nous, de comprendre un certain nombre de choses.
Et j'attirerais l'attention du ministre, dans un premier temps, à l'article 16,
où, à ma surprise, on voit apparaître une assemblée générale des membres de la
Corporation foncière d'Oujé-Bougoumou. Alors, bien, j'aimerais ça qu'on
m'explique pourquoi, tout d'un coup, on ne parle plus de la communauté
Oujé-Bougoumou, mais bien d'une corporation foncière. Alors, ce serait ma
question.
Le Président (M. Benjamin) : Merci.
M. le ministre.
M.
Lafrenière : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Je vais commencer l'explication et, avec le
consentement, je vais permettre à un professionnel de nous expliquer le terme
très technique. Mais la collègue l'a bien évoqué, et ce qu'on doit
comprendre... Pour refaire l'histoire, tout à l'heure, je vous ai parlé de
Mistissini, d'Oujé-Bougoumou, qui étaient deux communautés qui étaient
ensemble. Maintenant, aujourd'hui, l'exercice qui s'est fait, c'est qu'il y a
des terres, puis là, je n'irai pas trop loin dans cet exercice qui est
complexe, on pourrait même sortir une carte, il y a des terres qui
appartiennent à l'État, il y a des terres qui sont gérées par le gouvernement
fédéral, des terres I-A, il y a des terres I-B qui sont gérées par le
gouvernement provincial. Il y a une certaine quantité de terres qui
appartenaient à Mistissini, ça a été négocié, encore une fois, ont été remises
dans le domaine de l'État, et là on doit les transférer à Oujé-Bougoumou pour
leur permettre... tout à l'heure, je faisais allusion à un animal qu'on peut
voir, là, du haut des airs, à compléter, si vous voulez, l'établissement de la
communauté.
Alors, les terres, on veut les verser, et pour
les verser, c'est une démarche que notre professionnel va bien vous expliquer,
mais on doit les mettre dans une... on doit les verser de cette façon-là dans
une corporation foncière, et c'est l'exercice qu'on s'apprête à faire. Donc,
les terres de l'État, on les reverse avec ce groupe foncier là. Et là les gens
vont se demander : Est-ce que ça vient changer quelque chose? Est-ce que
l'ensemble des terres cries gardent la même proportion? Absolument. Donc, si
vous regardez le découpage des terres cries, ça demeure pareil. C'est vraiment
juste entre deux communautés qu'on a fait un versement, donc, de la communauté
de Mistissini au gouvernement du Québec, et on s'apprête à les reverser dans
une communauté qui va être Oujé-Bougoumou, et, pour faire ça, ça prend une
corporation foncière.
Et pour encore mieux comprendre ça, j'aimerais
le consentement de tous mes collègues pour laisser notre professionnel vous
expliquer de façon très brève ce que ça veut dire exactement. Est-ce qu'il y a
consentement?
Le Président (M. Benjamin) : Alors,
est-ce que j'ai le consentement?
Une voix : Consentement.
Le
Président (M. Benjamin) :
Collègues de la salle
Louis-H.-La Fontaine, est-ce que
j'ai votre consentement aussi?
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Benjamin) :
Parfait. Merci. Alors, monsieur, je vous inviterais à nous indiquer votre nom
et votre titre avant de commencer.
• (14 h 30) •
M.
Desrosiers (Frédéric) : Merci, monsieur. Je m'appelle Frédéric Desrosiers.
Je travaille pour le Secrétariat aux affaires autochtones au Pôle
d'expertise sur les gouvernances en milieu nordique.
Alors,
pour expliquer la distinction que vous faites, Mme la députée, partant du
régime des terres prévu par la Convention de la Baie James et du Nord
québécois, comme c'est notre point de départ, tel qu'expliqué par le ministre,
dans ce régime-là, pour les terres de la catégorie I, ce sont des terres à
usage et au bénéfice exclusif des nations
autochtones signataires. Dans les terres de la catégorie I, il y a
deux types de terres, des terres de catégorie I-A, de compétence
fédérale, sur laquelle la communauté, elle est établie. Le lieu... Dans le
fond, les terres I-A sont le lieu d'habitation
de la communauté. Les terres de la catégorie I-B sont des terres que le
gouvernement du Québec va transférer... dont le gouvernement du Québec va transférer la propriété à une
corporation foncière, qui est l'administration locale des terres de la catégorie I-B. C'est une corporation
qui va être créée. Il faut, pour ce faire, l'habiliter par une des lois
qu'on modifie. Puis, dans le fond, cette
corporation-là, à titre collectif, va devenir propriétaire, pour les Cris
d'Oujé-Bougoumou, des terres de la catégorie I-B en question. Ils
pourront y donner... y accorder des droits d'usage ou des droits d'accès pour
le développement de la communauté.
M. Lafrenière :
En complément, si je peux me permettre, M. le Président?
Le Président
(M. Benjamin) : Allez-y, M. le ministre.
M. Lafrenière :
Alors, en complément, parce que c'est une autre question qui pourrait arriver,
parce qu'on voit, dans le texte de loi, qu'on écrit qu'ils doivent se réunir
dans les six mois, et je pense qu'on est tous conscients d'une période
extraordinaire qu'on vit de façon mondiale avec la COVID. Le ministre
responsable, qui est le ministre des Ressources naturelles, peut prolonger ce
délai. Alors, bien qu'il soit écrit «six mois»... Parce que c'est la première
chose qu'on a regardée quand on étudié le projet de loi, en se disant :
Écoutez, avec la COVID, s'il y a des problèmes à se rencontrer, tout ça, est-ce
que ça va causer des problèmes administratifs? Ça a été prévu. Alors, mon
collègue le ministre des Ressources naturelles peut prolonger ce délai-là si,
justement, on voit qu'avec la COVID, avec la situation présente, on ne peut pas
faire de rencontre. Alors, je trouvais que c'était un point qui était important
de mentionner à ma collègue.
Le Président
(M. Benjamin) : Merci. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé :
Bien, on va continuer d'essayer de le bien saisir. Merci pour les explications.
Donc, cette corporation-là qui, et c'est une question, est la même ou est
différente du conseil de bande, a la compétence sur non pas la
portion I-A, mais bien sur l'ajout qu'on va faire, qui est la
portion I-B, je vais l'appeler comme ça. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Desrosiers
(Frédéric) : Oui, c'est exact, la corporation foncière est dirigée par
les mêmes membres que le conseil de la première nation crie, mais à des titres
différents. Le chef a le chapeau de président de la corporation. Il est
également maire, parce que les terres de la catégorie I-B de compétence
québécoise seront reconnues comme municipalités de villages cris par un des
articles du projet de loi. Puis donc, sur ces terres I-B là, l'autorité
locale responsable, c'est la corporation foncière, qui agit comme une
municipalité, avec un président de corporation qui a le chapeau de maire, qui
est le même que le chef Curtis Bosum, élu, sur les terres de la
catégorie I-A.
Le Président
(M. Benjamin) : Oui, Mme la députée.
Mme Massé :
Je trouve ça vraiment instructif, je vous remercie, ça... peut-être parce que
le ministre vient de nous dire que, dans le fond, la corporation devra... Bien,
le projet de loi dit : Devra se rencontrer, devra être convoqué dans les six
mois. Le ministre a piqué ma curiosité en disant : Bien, le ministre des
Ressources naturelles a le pouvoir d'extensionner ce délai. Ah oui? Parce que
c'est le ministre des Ressources naturelles qui est responsable de la Loi sur
le régime des terres dans les territoires de la Baie-James?
M. Desrosiers
(Frédéric) : Oui, c'est exact. Le régime des terres de la Convention
de la Baie James et du Nord québécois est mis en oeuvre par la loi spécifique,
là, la loi sur le régime des terres de la Baie-James... sur les territoires de
la Baie-James et du Nouveau-Québec, dont c'est le ministre responsable... et le
ministre responsable, pardon, est le ministre de l'Énergie et des Ressources
naturelles.
Mme Massé :
Bien, merci. Encore là, je vais me coucher plus intelligente ce soir.
Le Président
(M. Benjamin) : M. le ministre.
M. Lafrenière :
...en ajouter un peu à la complexité de tout ça pour ma collègue. Tout à
l'heure, on faisait justement la
nomenclature des différentes lois. Il y a une loi qui est d'application du
ministre responsable des Affaires autochtones, mais il y a tellement de
mes collègues dans tout ça, oui, Ressources naturelles, Forêts, Faune et Parcs,
on a aussi l'Éducation et on a la Santé. C'est juste pour rendre ça encore plus
agréable.
Une voix :
...
M. Lafrenière :
L'Environnement, bien oui, vous avez raison. Alors, vous voyez, c'est pour ça
qu'on vient faire des changements dans... Mais je vais laisser ma collègue
poursuivre. Par la suite, je ferai peut-être une petite mise au point sur
l'article 5 pour nous aider à réfléchir, collègues.
Mme Massé : Oui. J'ai encore une... Je suis désolée, j'ai
encore une petite question, et là c'est ma méconnaissance. C'est-à-dire que, lorsqu'on dit que le
gouvernement local va avoir, à travers la corporation foncière, la
responsabilité, la... En fait, ça va... Il va devenir... pas propriétaire,
puisque les autochtones ne sont pas propriétaires de la terre, mais, je veux
dire, va devenir... Ça va être sous leur juridiction. Ça veut donc dire que,
désormais, dans cette pointe de terre là
qu'on donne à la corporation, le gouvernement du Québec a... Je veux dire,
le... Je vais clarifier ma question. Sur le terrain, avec ce transfert-là de responsabilité de la catégorie I-B du
gouvernement du Québec à la communauté... bien, en fait, à la, voyons, Corporation foncière
Oujé-Bougoumou, c'est cette corporation foncière là qui a l'entière
autonomie de décider ce qui se passe là,
comment ils vont... la coupe forestière, les mines, ils deviennent responsables
de ça. Merci.
M. Desrosiers (Frédéric) : En effet,
j'utilisais à dessein le terme «propriété des terres». C'est une propriété à
titre collectif. C'est une forme particulière. Ce n'est pas une pleine
propriété parce que le régime des terres de la Convention de la Baie James et
du Nord québécois prévoit que le sous-sol demeure la propriété de l'État, mais
la propriété foncière, elle est transférée sous forme de lettres patentes à la
corporation foncière. Cette corporation-là aura effectivement des pouvoirs
d'administration locale pour décider de l'utilisation des terres en donnant
accès à qui elle veut, en donnant des droits d'usage à qui elle veut. Il se
peut cependant que certaines de ces opérations-là requièrent quand même des permis.
Par exemple, pour exploiter les ressources forestières, il y aurait des permis
à aller chercher au ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs, mais la
corporation, comme administration locale, pourra agir comme propriétaire des
terres en question.
Mme Massé : ...qu'à l'inverse les
compagnies, à partir de maintenant, devront absolument avoir le consentement
libre et éclairé de la communauté pour être capables d'agir sur la portion I-B
qu'on leur cède?
M. Desrosiers (Frédéric) : Tout à fait,
c'est exact. Puis c'est la même chose ou presque, là, en termes de la
catégorie I-A. Il y a une... Les administrations locales ont leur mot à
dire, si vous me permettez l'expression.
Mme Massé : Bien, je vais vous
permettre peut-être, M. le ministre, de répondre. Ça m'éclaire beaucoup. Merci.
Et juste pour ma simple gouverne, qu'est-ce... quelle est la différence,
donc... parce qu'à l'article 19, premier alinéa, on voit, on parle de
catégorie II. Alors là, on n'est plus dans le I, on est dans le II. Alors,
qu'est-ce qui est différent avec ce nouveau projet de loi là, avec cet
article-là modifié? Ça vient faire quoi?
M. Desrosiers (Frédéric) : En termes
de la catégorie I, donc, I-A ou I-B, on est dans un régime où les
autochtones ont des droits... bien, les terres leur sont transférées pour leur
usage et leur bénéfice exclusif. En termes de la catégorie II, une
sélection qui est majoritairement dans l'entourage des terres de la
catégorie I, c'est une assise plus large qui demeure en terres publiques,
dans le domaine de l'État, mais ce sont des terres, les terres de la
catégorie II, sur lesquelles les autochtones ont des droits exclusifs de
chasse, de pêche et de piégeage puis certains droits à compensation en cas de
développement de ces terres si leurs activités traditionnelles de chasse, de
pêche et de piégeage sont affectées. Ça fait que ça, c'est les dispositions du
régime des terres de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Mme Massé : Merci, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
Mme la députée. M. le ministre.
M. Lafrenière : ...les
catégories II et III sont des terres de l'État.
Le Président (M. Benjamin) :
D'autres interventions? Donc, s'il n'y a...
• (14 h 40) •
M. Lafrenière : À
l'article 5... Est-ce qu'on va vite? On regarde tout ça ensemble. On avait
un seul but, c'était de vraiment livrer pour les gens d'Oujé-Bougoumou, mais je
veux qu'on prenne un instant, pour les gens qui sont à... qui nous écoutent
aujourd'hui, parler de l'article 5 qui est sur la Loi sur l'Office de la
sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris. L'article 5, ce qu'il
vient faire, on vient changer le nom. Et là vous allez vous dire : Bon,
pourquoi on change de nom? C'est une demande des communautés cries. Déjà, dans
les règlements, ça a été changé, M. le Président. Là, on profite de cette
loi-là aujourd'hui pour changer officiellement le nom de la loi et on passe
d'un régime de sécurité du revenu à un régime de sécurité économique. Vous
allez me dire : Ça ressemble drôlement à la même chose. Absolument pas.
Pour les membres des communautés cries avec un système de sécurité du revenu, il y a certaines autres aides gouvernementales
auxquelles ils ne pouvaient pas avoir droit parce que c'était une sécurité
du revenu. Là, on s'en va dans un système
qui est complètement différent. On a profité de notre projet de loi
aujourd'hui pour venir changer le nom.
Puis je veux rassurer mes collègues. Depuis
2020, ça a été voté pour les règlements mis en place en 2021. Encore une fois,
c'est de la concordance. On vient le régler. Mais, pour les yeux aguerris de
mes collègues qui ont passé au travers le projet de loi, vous avez vu qu'on
fait un changement dans un nom de projet qui est si important, là, l'office de
la sécurité du revenu des chasseurs et des piégeurs cris. Tout à l'heure,
Frédéric nous a bien expliqué que, justement, il y avait des compensations qui
étaient données pour certaines choses, et là, aujourd'hui, on vient juste
l'officialiser. On change le nom de cette loi.
Le Président
(M. Benjamin) : Merci, M. le ministre. D'autres interventions?
Non? Donc, si je n'ai plus d'autre intervention, nous allons donc procéder à la
mise aux voix des articles 1 à 23 du projet de loi. Ces articles sont-ils
adoptés? Adopté. Merci. Et, pour ce qui est de mes collègues dans la salle La
Fontaine, ces articles sont-ils adoptés? Adopté. Merci.
Alors, nous sommes maintenant à l'étape...
Attendez, est-ce que le titre... Est-ce que le titre du projet de loi est
adopté?
M. Lafrenière : Adopté.
Le Président (M. Benjamin) :
Mes collègues de La Fontaine, est-ce que le titre de projet de loi est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M. Benjamin) : Merci.
Je propose aussi que la commission adopte une motion d'ajustement des
références. Cette motion est-elle adoptée?
Des voix : Adopté.
Le Président (M. Benjamin) : Collègues
de La Fontaine, cette motion est-elle adoptée?
Des voix : Adopté.
Remarques finales
Le Président (M. Benjamin) : Merci.
Nous sommes maintenant rendus à l'étape des remarques finales, pour lesquelles
vous disposez de 20 minutes chacun. Et, pour commencer, M. le ministre.
M. Ian Lafrenière
M. Lafrenière : Merci beaucoup,
M. le Président. Ça ne me prendra vraiment pas 20 minutes. Je veux
remercier mes collègues. Vraiment, on a fait quelque chose que je n'avais
jamais fait depuis mon arrivée en politique,
c'est-à-dire de le faire de cette façon-là, notre projet de loi, et je suis
content quand on fait les choses différemment. Je pense, c'est justement
ce que nous demandent les Premières Nations et les Inuit, de s'adapter et de
faire les choses différemment, puis vous le prouvez encore une fois, chers
collègues. Aujourd'hui, j'en suis vraiment fier, vraiment, vraiment fier, et je
suis persuadé que les communautés cries qui nous écoutent — tout
à l'heure, ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques en a parlé, du chef Bosum, qui est du côté d'Oujé-Bougoumou, la grande
cheffe Mandy Gull, de la communauté crie...
I know they've been looking for
that law for so long, and this is important. Today, this is extremely
important, what we're doing, and I'm extremely happy to do this.
M. le Président, autre hasard de la vie, lundi
prochain, ce sera le 20 ans de la «Paix des Braves». Et aujourd'hui
ce qu'on fait ensemble, de permettre à la communauté d'Oujé-Bougoumou d'entrer
dans notre corpus législatif, bien, c'est un moment qui est très important, qui
est très symbolique.
Alors, encore une fois, je veux remercier les
gens qui sont avec nous, de la banquette ministérielle, les équipes qui ont
travaillé extrêmement fort. Et ne vous méprenez pas, collègues des oppositions,
ce n'est pas parce que ça s'est passé très rapidement aujourd'hui qu'il n'y a
pas eu beaucoup de travail fait par les équipes. Alors, je veux les remercier,
parce que, oui, c'était hautement technique, mais tellement important. J'aurais
pu laisser le légiste nous adresser la parole parce que je lui avais promis que
ça se ferait, mais finalement je vais rompre ma promesse. Mais, sérieusement,
l'équipe a travaillé extrêmement fort pour vous apporter ce projet de loi là
aujourd'hui, qui vient régler un petit point qui était en suspens dans le
passé.
Alors, je vais le redire une autre fois, parce
qu'on va être bons, on va même être capables de le dire ensemble :
Oujé-Bougoumou, (s'exprime en cri). Bienvenue à Oujé-Bougoumou dans notre
corpus législatif. Et merci aux collègues. Merci à tout le monde. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le ministre. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. David Birnbaum
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. À mon tour de saluer notre travail ensemble.
I think it's an important bit
of appropriate symbolism that we've done this in a way that I've not seen in my
eight years of parliamentary work either. I
permit myself a memory, as a young kid, at a time when our understanding
and sensibilities about living with, respecting and honouring our First Nations
and Inuit neighbors was not where it is today — on a quand même du chemin à faire — but I
was... I remember being a young child in elementary school and being so
intrigued to learn about the long house, and maybe today is just a modest way
of remembering how much we have to learn, in so many ways, from your communities
and about the very democratic process as well.
En tout cas, ça me fait
honneur d'être ici au nom de mon collègue de Jacques-Cartier, de remercier à
notre tour aussi l'équipe qui, j'imagine, aura eu à faire un travail de grande
rigueur et détails, et de noter notre satisfaction de participer dans les
délibérations aujourd'hui, et notre façon de les avoir faites. Merci. Thank
you.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le député. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Manon Massé
Mme Massé : Oui, merci. Bien, voilà,
hein, je n'aurai jamais travaillé aussi rapidement pour arriver à l'adoption
d'un projet de loi, en plus sans aucune modification. Je pense que ça témoigne,
un, de la maturité où nous étions rendus comme législateurs québécois, et,
deux, bien, je pense à la grande patience et persévérance des gens
d'Oujé-Bougoumou pour nous rappeler qu'il fallait faire... il fallait arriver,
finalement, à cette étape-là. Donc, moi aussi, je suis contente. Merci, tout le
monde.
C'est sûr que, dans mon grand rêve et mon grand
souhait, je souhaite que le cadre... Le cadre qui nous a permis ça... Il ne
faut pas oublier ça, M. le Président, le cadre qui nous a permis ça, c'est
qu'il y a déjà plusieurs années le gouvernement du Québec avait négocié, avec
les Cris, avec les Naskapis, avec les Inuit, un cadre général qui nous permet
aujourd'hui, de façon plus aisée, je dirais, de reconnaître l'existence, par
exemple, du village et de la communauté d'Oujé-Bougoumou. J'appelle de tous mes
voeux un grand souhait, c'est que, comme État québécois, nous arrivions — et le
ministre le sait, je lui en parle régulièrement — que nous arrivions à
définir un cadre comme ça pour les huit autres nations avec lesquelles nous
cohabitons sur le territoire québécois, sur le territoire du Québec. Je le
souhaite. Je pense qu'eux autres le souhaitent encore plus que moi.
Mais je pense qu'aujourd'hui on témoigne que ça
vaut la peine de le faire, parce qu'après ça, ça rend beaucoup plus facile
d'arriver à des ententes... bien, à des reconnaissances comme celles-là, mais,
voilà quelques années, ça a été une entente, parce que le cadre général sur les
terres, le partage des terres, les catégories permettent, donc, d'atterrir plus
rapidement. Ça fait que je nous le souhaite collectivement. Je le souhaite pour
mes frères et soeurs autochtones. Et je suis très heureuse de voir
qu'Oujé-Bougoumou... Puis d'ailleurs je suis en train de regarder le... et,
pour moi, ça ressemble un peu, peut-être, à un caribou vu de côté avec les
cornes, mais je n'ai pas idée c'est quoi, le I-B. Alors, j'irai regarder ça
quand ça paraîtra sur les cartes.
Alors, merci, tout le monde, puis bonne fin de
semaine.
Le Président (M. Benjamin) : Merci.
M. le ministre a parlé tout à l'heure de faire les choses différemment. Donc,
du côté de la présidence, on a fait les choses différemment aussi puisque j'ai
inversé l'ordre de parole. Donc, j'aurais dû commencer par, donc... mais, tout
compte fait, la collaboration était au rendez-vous. Je vous remercie pour cette
collaboration.
La commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 14 h 49)