(Neuf heures cinquante minutes)
Le Président (M. Benjamin) : Alors,
ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte.
La commission est réunie afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi n° 92, Loi visant la création d'un
tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale et
portant sur la formation des juges en ces matières.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Bachand (Richmond) est remplacé par Mme Boutin
(Jean-Talon); Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac); M. Rousselle (Vimont) est remplacé par
Mme Melançon (Verdun); et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par
Mme Labrie (Sherbrooke).
Mémoires déposés
Le
Président (M. Benjamin) :
Merci. Avant de débuter, je dépose les mémoires reçus depuis la fin des
consultations particulières.
Remarques préliminaires
Nous en
sommes maintenant aux remarques préliminaires, pour lesquelles vous disposez de
20 minutes. M. le ministre de la Justice, la parole est à vous.
M. Simon Jolin-Barrette
M.
Jolin-Barrette : Oui, merci,
M. le Président. Salutations aux collègues qui accompagnent la partie
gouvernementale ainsi que les oppositions. On a fait deux jours complets
de consultations, la semaine dernière, M. le Président, en lien avec le projet de loi n° 92 visant la
création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de
violence conjugale.
M. le Président, ce que j'ai retenu des
consultations et ce que j'ai entendu des consultations, c'est que ce tribunal, il est souhaité et il est voulu par les
différents groupes. Et on a vu, M. le Président, peu ou pas, M. le Président,
d'opposition à la création de ce tribunal-là. Il y a certains irritants, M. le
Président, qui ont été constatés par certains individus,
mais on est en mode solution, M. le Président. Et c'est pour ça que, ce matin,
j'ai fait parvenir aux collègues une proposition d'amendements pour
faire en sorte de diminuer ces irritants-là, et surtout de bonifier le projet
de loi, et j'aurai l'occasion de le faire avec les collègues ici présents de la
partie gouvernementale et des oppositions, pour trouver des voies de passage, mais surtout pour penser aux victimes,
dans un premier temps, et pour que le tribunal se fasse, se mette en place le plus rapidement
possible, dans les meilleurs délais. Je crois que nous devons ça aux victimes,
M. le Président.
Il y a une chose qui est importante, M. le
Président, de dire également, c'est que de nombreuses victimes, au cours des
dernières années, ont témoigné, ont dit qu'elles craignaient de passer à
travers le processus judiciaire parce qu'il
n'était pas suffisamment adapté à leur réalité, à leurs besoins, et c'est ce
qu'on doit changer, M. le Président. Et ce qu'on fait avec le tribunal spécialisé, c'est qu'on vient apporter un
changement de culture, mieux accompagner les victimes, les mettre au
centre du processus, M. le Président, de façon à faire en sorte qu'aucune
victime au Québec n'hésite à dénoncer, n'hésite à porter plainte.
Et le message que l'État lance aux personnes
victimes, c'est qu'il y aura du support pour vous accompagner du début de la dénonciation jusqu'au prononcé de
la sentence, et même au-delà, M. le Président, et ça, ça s'appelle écouter les
personnes victimes, écouter les groupes de victimes, écouter les différents
intervenants, quand je pense au Directeur des poursuites criminelles et
pénales, quand je pense au Barreau du Québec, M. le Président. Alors, le
tribunal doit se faire et il va se faire
pour faire en sorte, justement, M. le Président, de répondre et d'actualiser
notre système de justice et d'apporter un changement de culture, M. le
Président.
Une chose que
je souhaite dire, M. le Président, comme leader du gouvernement, un de mes rôles est d'assurer le respect et la défense des droits des
parlementaires. Et tous et chacun des parlementaires ici ont la même conviction.
Ces gens qui sont autour de la table ont été élus par leurs pairs, par la
population. Ils sont représentants. Ils sont dotés d'un mandat, d'une légitimité démocratique, d'une légitimité
démocratique, M. le Président, et rien, M. le Président, rien, M. le
Président, ne saurait entraver le rôle fondamental, dans notre démocratie, dans
notre Assemblée nationale, dans notre
Parlement, du rôle que chacun des élus, en tant que législateurs, doit jouer,
M. le Président. Et mes collègues, et je l'ai constaté depuis
quelques années, depuis que je suis élu, le font avec sérieux à la fois du côté
gouvernemental, à la fois du côté des oppositions,
M. le Président, et c'est important de le rappeler. L'exécutif va jouer
son rôle et les parlementaires, sur le plan législatif, vont jouer leur rôle.
M. le Président, les lois doivent être
changées, les lois doivent être améliorées, les lois doivent être modernisées,
et, M. le Président, c'est ce qu'on est en train de faire tous ensemble.
Il y a une motion unanime qui a été votée à l'Assemblée nationale pour voir la
création de ce tribunal spécialisé, pour faire en sorte d'appuyer ce
changement. Le principe du projet de loi a été voté à l'unanimité, M. le
Président, et ça va se faire, et ça doit se faire. M. le Président, je
mets en garde, je mets en garde toute personne qui ne considérerait pas
l'importance fondamentale, la nécessaire nécessité, si je peux dire, de ce
tribunal pour les personnes victimes. Les Québécoises et les Québécois nous
regardent. Les Québécoises, et les Québécois, et les personnes victimes
particulièrement, veulent du changement. Il doit y avoir du changement et il va
y avoir du changement.
Alors, M. le Président, c'est dans un
esprit d'ouverture que j'ouvre cette étude détaillée du projet de loi avec mes
collègues, et c'est pour ça que j'ai proposé des bonifications au projet de loi.
J'ai écouté les différents groupes. J'ai essayé de diminuer, M. le
Président, les irritants dans les amendements que je propose, que j'aurai
l'occasion d'expliquer. Mais, une chose est sûre, je souhaite compter sur la
collaboration de tous les collègues afin que nous puissions adopter rapidement
ce projet de loi au bénéfice des personnes victimes.
Et, je le répète, M. le Président, rien,
M. le Président, rien, M. le Président, n'entravera la marche et
l'adoption de ce projet de loi. Et, même au-delà, lorsqu'il sera adopté, l'Assemblée
nationale et le gouvernement du Québec défendront ce projet de loi si... dans
l'éventualité que ce projet de loi était contesté. Je peux garantir que tous les
efforts de l'État québécois seront mis en application et seront utilisés pour
faire en sorte de permettre aux personnes victimes d'avoir un processus qui
leur permettra d'être bien accompagnées, d'être bien entendues, en tout respect, M. le Président, des droits des accusés,
en tout respect de l'indépendance judiciaire, en tout respect des règles
de droit et de la présomption d'innocence.
Et c'est pour ça, M. le Président, que j'ai déposé des amendements aujourd'hui, pour trouver des voies de passage, M. le
Président. Alors, je vous souhaite à tous une bonne étude détaillée.
Le
Président (M. Benjamin) : Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Verdun,
à vous, maintenant, de faire vos remarques préliminaires.
Mme Isabelle Melançon
Mme Melançon : Merci
beaucoup, M. le Président. Je suis, à mon tour, très heureuse de retrouver le ministre et les collègues de la banquette ministérielle,
bien entendu, aussi, mes collègues de la deuxième et de la troisième opposition.
Je tiens à vous rappeler, M. le Président, que
l'étude du projet de loi que nous entamons, donc, l'article par article...
Il y a plusieurs victimes, actuellement, qui sont probablement à l'écoute, et on fonde beaucoup de... Ils ont beaucoup d'espoir à nous écouter, ici, améliorer le projet de loi
qui est devant nous, mais je tiens quand même à rappeler, M. le Président, d'où
on part.
Vous savez, on a eu des vagues de dénonciations
au Québec. Il y a des femmes qui se sont insurgées, qui ont décidé de briser le silence et qui ont dit haut et
fort qu'elles n'avaient plus confiance en notre système au Québec.
Tout ça a secoué, bien sûr, les législateurs que nous sommes, et il y a
eu la mise en place, donc, d'un comité transpartisan qui a travaillé pendant
des mois, voire même des années, pour pouvoir arriver, en décembre 2020, avec
le rapport Rebâtir la confiance. Ce ne sont pas les élus qui ont écrit ce rapport,
ce sont des experts, un comité d'experts reconnus par le milieu.
• (10 heures) •
Plusieurs personnes ont, donc, travaillé très
dur, très fort, pour arriver avec 190 recommandations, et, bien sûr, le
tribunal spécialisé ou la division spécialisée faisait partie de ces recommandations. Et j'invite, encore une
fois, le gouvernement à se
rappeler qu'il y a 189 autres recommandations à l'intérieur de ce projet
de loi, et qu'on doit les mettre sur pied rapidement, ces recommandations, parce
que ça devient un tout. Il y a, bien sûr, le tribunal spécialisé, je vais l'appeler ainsi jusqu'au moment où le
ministre déposera ses amendements, mais il y a, bien sûr, aussi, toutes les
autres recommandations.
Je tiens à
remercier, à ce moment-ci, les groupes qui sont venus devant nous, qui sont
venus se faire entendre, qui ont été
très éclairants. Je sais que, pour plusieurs, là, il y a des groupes qui nous
ont amené des nouvelles perspectives. Je
pense notamment aux femmes itinérantes que, trop souvent, on oublie et qui sont
des parfaites victimes, malheureusement, pour les violences sexuelles et
la violence conjugale. Je pense notamment à Juripop, à Me Roussel, qui
sont venus nous parler justement de la division entre le droit pénal, la Cour
supérieure, la chambre de la jeunesse, qui vont pouvoir... qui devraient mieux,
justement, transmettre les informations reçues parce qu'il y a là un danger de revictimisation, justement, des victimes de
violence sexuelle et de violence conjugale. Il y a eu des idées de
coordonnateur judiciaire aussi.
Bref, les groupes que nous avons entendus... Et,
là-dessus, je suis d'accord avec le ministre, tout le monde est d'accord avec
la mise en place... il y a unanimité quant à la mise en place d'un tribunal
spécialisé ou d'une division spécialisée, et c'est à ça qu'on va travailler,
tout le monde, ici, pour l'étude article par article.
On a donc reçu, ce matin, les amendements que le
ministre compte déposer. On voit qu'il avait une écoute pour les groupes entendus, et je le félicite en ce sens, parce que ça
prend de la souplesse si on veut justement arriver à nos fins, si on veut
justement que le tribunal spécialisé ou la division spécialisée puisse voir le
jour le plus rapidement possible pour les victimes. On leur doit bien
ça. Je suis d'accord, là aussi, avec le ministre.
Cependant, il reste encore
des enjeux à régler. Et j'ai entendu le ministre dire : Bien, s'il y a
consultation, on va mettre toutes les
ressources nécessaires, là, de l'État québécois. Bien, il faut éviter ça.
Savez-vous qu'une... Lorsqu'on parle d'une contestation, on parle de trois à
cinq ans, actuellement, de contestation judiciaire, là, c'est un... On prolonge, donc, de trois à cinq ans. C'est pour ça que le ministre
a un devoir de s'entendre avec les groupes qui peuvent être réticents.
Dans ces
irritants-là, j'y viens rapidement, mais il y a notamment le pouvoir que se
donne le ministre de déterminer les districts judiciaires
dans lesquels la division spécialisée pourrait siéger et aussi le pouvoir de
déterminer le type de poursuite. Ça, ce
n'est pas moi qui le dis, c'est Me Elizabeth Corte, qui est l'ancienne juge en
chef, qui est venue nous dire ici, à l'Assemblée nationale, que nous devions faire... rester prudents face à
ces irritants-là pour éviter les contestations.
Et, sur les
contestations, M. le Président, je tiens à vous rappeler une chose, je ne suis
pas la seule à être inquiète des possibles contestations. J'ai posé la question
aux groupes que nous entendions, et tout le monde était très inquiet des
possibles contestations et des chicanes entre la juge en chef et le ministre de
la Justice.
Une voix : ...
Mme
Melançon : Si, M. le ministre, vous voulez prendre la parole, je peux vous la laisser quelques
instants, mais j'aimerais ça pouvoir terminer sans que vous ayez à me faire des
gestes ou sans m'interrompre, s'il
vous plaît. Ce serait la
moindre des choses à ce moment-ci.
Donc, Me Corte nous disait que la division qui
va siéger à tel endroit ou à tel autre endroit, bien, on force, en quelque
sorte, l'assignation des juges, et nous disait : Faites attention, c'est
un irritant. Et elle pense que c'est une problématique. Il y a Julie
Desrosiers, aussi, qui nous a dit que, là où on en est, il faut éviter les
irritants, faire preuve de souplesse, comme je vous disais, pour assurer la
mise en place du tribunal, parce que c'est pour ces personnes victimes qu'on veut ces changements, et on ne veut
pas justement prolonger inutilement, disons-le, le processus
par une contestation. Je le répète, là, s'il y a une contestation, la division
ou le tribunal spécialisé pourrait voir le jour uniquement dans trois ou
dans cinq ans, et il faut éviter cela.
Il y a aussi
toute la notion d'iniquité. Il y a des groupes qui nous ont dit qu'ils étaient
d'accord avec le projet pilote de
deux ans. Il y a des groupes qui nous ont dit : Bien non, on peut faire ça
en moins de deux ans. Et il y a des groupes qui nous ont dit qu'ils
étaient totalement mal à l'aise avec un projet pilote parce que, selon là où on
se retrouve dans un district judiciaire,
bien, il y aurait malheureusement, malheureusement, iniquité pour les victimes. Alors, on va certainement proposer au ministre
différentes pistes lors de l'étude article par article, mais, déjà, de
s'engager à pouvoir déployer des projets pilotes, une base dans toutes les
régions, le plus rapidement possible, je pense que ça, ce sera nécessaire.
Ce qu'il
faut, donc, éviter ici aujourd'hui, c'est que les victimes soient au coeur d'une
bataille entre le ministre de
la Justice et la juge en chef. C'est les victimes qui doivent d'abord être au
coeur de nos discussions. C'est à elles à qui nous devons penser dans chacune
des discussions que nous aurons dans l'article par article. Puis, on l'a toujours
dit, hein, un projet de loi, c'est fait pour
être amélioré, et je dis et je redis ici au ministre toute ma volonté
d'aller en ce sens-là. Durant la fin de semaine, j'ai eu de nombreux échanges avec des victimes qui nous demandent justement
d'éviter toute forme de contestation possible. Elles ont suffisamment
souffert. Elles ont suffisamment attendu. Le moment est venu que nous puissions
nous entendre, et ce, rapidement, pour pouvoir avoir un projet de loi devant
nous.
Puis, je tiens à le redire ici, M. le Président,
c'est le ministre de la Justice qui a décidé d'y aller par voie de projet de loi, ce qui est, en toute transparence, très bien pour pouvoir justement
aller rapidement puis s'assurer que, dans le temps, ça puisse
demeurer, que ce ne soit pas juste un projet
pilote envoyé comme ça dans les airs
puis, deux ans après, dire : Bien, ça n'a pas fonctionné, on s'en
lave les mains, puis que ça disparaisse, là. Mais c'est aussi la volonté du ministre,
donc, d'aller par projet de loi. Ce devrait aussi être la volonté du ministre
de s'entendre avec la juge en chef, d'enlever les irritants qui ont été ciblés
par de nombreux intervenants ici, à l'Assemblée nationale. Puis, avec les amendements
que le ministre dépose aujourd'hui, moi, quand je vois que le ministre met de
l'eau dans son vin, bien, moi, je pense que
ça prend vraiment quelqu'un qui va venir enlever le noeud complètement, parce que ce n'est pas en mettant de l'eau dans son vin puis en
espérant qu'il n'y ait pas de contestation qu'on va faire avancer la cause des
victimes, M. le Président.
Alors, moi, je suis ici pour, justement,
améliorer le projet de loi avec ce qu'on a entendu des différents groupes, avec les échanges que j'ai eus aussi,
durant la fin de semaine, avec différentes personnes. Je suis très sérieuse
dans ce travail et j'espère que le ministre sait à quel point les gens du côté
de la banquette des oppositions... Bien, on faisait partie de ce comité
transpartisan, hein? Je vois la députée de Sherbrooke, la députée de Joliette
qui sont là, moi-même. Nous faisions partie,
donc, du groupe transpartisan qui n'est plus, M. le Président. On doit aussi le
rappeler. Peut-être qu'avec un groupe transpartisan on aurait pu aider
le ministre à dénouer l'impasse. Mais, cela étant dit, aujourd'hui, j'arrive ici avec une volonté de pouvoir faciliter la mise
en place du projet de loi, améliorer celui-ci pour les victimes. Merci,
M. le Président.
• (10 h 10) •
Le
Président (M. Benjamin) :
Merci. Merci, Mme la députée. Collègues, je vous avise que le cahier du député
est maintenant disponible sur Greffier. En attendant, il est au tour de la députée
de Sherbrooke de nous faire ses remarques préliminaires.
Mme Christine Labrie
Mme
Labrie : Merci, M. le Président. Très brièvement, comme mes collègues,
je pense qu'on n'est tous ici pas juste pour adopter un projet de loi
sur les tribunaux spécialisés, pas juste pour créer des tribunaux spécialisés,
mais pour s'assurer
que ces tribunaux-là vont perdurer dans le temps, être efficaces, donner les
résultats attendus au niveau du rétablissement de la confiance des
victimes envers le système de justice. Donc, moi, c'est ça que je vais avoir à
l'esprit tout au long de nos travaux pour l'étude de ce projet de loi là, de
m'assurer que chaque mot qui se retrouve dans le projet de loi nous permet
d'avoir des résultats concrets à long terme pour les victimes et de rétablir
cette confiance-là.
J'accueille positivement que le ministre ait
déjà soumis quelques amendements pour bonifier son projet de loi, qu'il ait mis
de l'eau dans son vin, comme il l'a dit. Je pense qu'il y aura d'autres
ajustements à faire. Je pense qu'on va avoir
des discussions assez intéressantes sur la question des projets pilotes,
comment les implanter. Mais, pour ma part, j'aborde l'étude de ce projet
de loi là dans un esprit vraiment de collaboration puis de m'assurer que
l'esprit du tribunal spécialisé qui se trouvait dans le rapport transpartisan,
sur lequel plusieurs de mes collègues ont travaillé comme moi, va se retrouver
vraiment dans les tribunaux spécialisés qu'on est en train de vouloir créer. Ce
sera tout.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
Mme la députée de Sherbrooke. J'invite maintenant la porte-parole du troisième
groupe d'opposition et députée de Joliette à faire ses remarques préliminaires
pour une durée maximale de 20 minutes. Mme la députée.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de saluer tous les collègues, le
ministre et toute son équipe très dédiée,
comme on l'a vu par le passé et qu'on va continuer de le voir, et, bien sûr,
mes collègues des oppositions, avec qui c'est quand même assez rare, mais nous
avons travaillé vraiment étroitement sur l'élaboration de
recommandations avec le comité d'experts. Le mérite revient beaucoup au comité
d'experts, mais une partie du mérite nous revient, d'avoir créé ce comité
d'experts et d'avoir voulu que les choses changent pour les victimes de
violence sexuelle et conjugale au Québec. Donc, ça me fait vraiment plaisir de
les retrouver pour que l'on puisse, je dirais, continuer ce travail-là,
essentiel, qui nous a habités, là, pendant plus de deux ans. Donc, c'est à
souligner.
Moi, je veux juste, sur une note plus
personnelle, dire que la première fois que j'ai évoqué cette idée d'un tribunal
spécialisé, ça fait maintenant trois ans et demi. C'était le 8 mars 2018,
pour la journée des femmes. On était en plein dans la foulée du mouvement
#moiaussi, et je me sentais, comme élue, une énorme responsabilité de me dire, avec tout ce courage, tous ces gestes,
toutes ces dénonciations qui ont été portés par les victimes de violence
sexuelle, qu'est-ce que, moi, comme élue,
qu'est-ce que nous, comme Assemblée législative, on peut faire. Donc, avec ce
pouvoir-là qu'on a entre nos mains d'être élus par la population, nous
avons un rôle à jouer pour rebâtir la confiance.
Alors,
j'avais vraiment creusé. J'avais regardé comme... dans mes dossiers justice,
comment on pouvait s'inspirer, peut-être, de ce qui se faisait ailleurs, parce
que je me disais : Je ne peux pas croire qu'on n'est pas capables
d'adapter notre système à cette réalité-là des victimes de violence sexuelle et
conjugale, qui sont des crimes, puis on le dit souvent, mais je pense qu'il
faut le répéter, qui sont extrêmement différents de la grande majorité des
crimes. Ce n'est pas une fraude. Ce n'est
pas un vol. Ce sont des crimes très complexes, très intimes, et qui font appel
à l'intégrité d'une personne dans ce
qu'elle a de plus profond. Et c'est comme ça, en faisant des recherches, que
j'ai vu que certains qui se comptent... certains endroits, qui se comptent sur
les doigts d'une main, avaient mis de l'avant des tribunaux spécialisés, et, en
creusant, je me suis dit : Je ne vois pas pourquoi, au Québec, on n'est
pas capables de faire ça.
Et ce qui est formidable... parce que, des fois,
les oppositions ont un rôle constructif, et je pense que ça a été le cas du travail qui a été fait autour du rapport
Rebâtir la confiance. Je pense qu'elles ont toujours un rôle constructif,
mais, des fois, le gouvernement les entend plus que d'autres. Et, pour la
première fois, on a travaillé... non seulement les oppositions, mais les
oppositions avec une ministre. Donc, on a jumelé l'expertise de l'exécutif et
du législatif pour travailler ensemble, s'adjoindre un comité d'experts.
Et, quand
j'avais... Juste pour la petite histoire, c'était le jour où... On se
rappellera les... Dans l'affaire Rozon, beaucoup de plaintes n'avaient
pas été retenues. Et j'étais sortie à nouveau pour rappeler que je pensais
qu'il fallait faire du travail pour les victimes et sur la question du tribunal
spécialisé, et j'avais tendu la main à la ministre de la Justice de l'époque,
Sonia LeBel. On s'est parlé. On s'est tournées vers nos collègues des
oppositions. Et c'est formidable, ce qui s'est passé, après ça. On a vraiment
mis toute considération partisane de côté puis on a travaillé ensemble. Il y a eu des changements. La ministre
de la Justice de l'époque, qui est, aujourd'hui, présidente du Conseil
du trésor, a été remplacée par la ministre de la Condition féminine. La
collègue de Verdun avait aussi pris la relève de sa collègue de Marguerite-Bourgeoys.
La députée de Sherbrooke et moi, on est restées. Et donc on a vraiment créé une
synergie.
Puis je suis vraiment heureuse, parce qu'on peut
trouver que c'est long, des fois, les changements, mais, quand on regarde le
chemin qu'on a parcouru, je trouve que ça s'est quand même fait avec une bonne
efficacité. Et je trouve que c'est une
occasion plus large, aussi, de rappeler l'importance du travail des
oppositions, et du travail transpartisan, et à quel point ça peut
vraiment contribuer à des changements de société significatifs. Donc, c'est un
message plus global, je pense, qu'il est important de rappeler.
Je me réjouis que le ministre ait fait le choix
de déposer un projet de loi. Ce n'est pas quelque chose qui avait été nommément
précisé dans le rapport Rebâtir la confiance. Je pense qu'il y a toutes
sortes de voix qui nous permettraient d'aboutir au tribunal spécialisé, mais ce
qui est certain, c'est que ça prend une volonté commune de tous les acteurs
impliqués. Et les avantages d'avoir une loi sont, évidemment, qu'on vient
donner des assises très claires, pérennes, qui vont durer dans le temps. Donc,
ça ne pourra pas changer au gré des aléas de gouvernements ou d'orientations
différentes des différents acteurs qui sont impliqués.
Donc, je suis heureuse
qu'on procède par loi. Je pense que c'est aussi une manière forte d'inscrire
les principes qui sont à la base de cette volonté-là d'instaurer un tribunal
spécialisé comme une mesure forte pour rebâtir la confiance. Mais, tant qu'à
avoir un projet de loi, je pense qu'il faut en faire le meilleur projet de loi
possible et vraiment mettre de la chair autour de l'os pour qu'il y ait
vraiment un esprit, qu'il y ait une vision puis qu'il y ait des mesures très
claires qui vont vraiment pouvoir faire la plus grande des différences
possibles pour les victimes.
Alors, dans cet esprit-là, je trouve qu'on a eu
d'excellentes consultations, vraiment, avec des propositions très
constructives. Je me réjouis que le ministre en ait déjà tenu compte en partie
puis qu'il nous dépose des amendements aujourd'hui. Je le remercie aussi de
nous les déposer en bloc ce matin, le travail qu'il a fait jusqu'à ce jour, parce que c'est aidant, là, pour pouvoir
progresser le mieux possible. Donc, je pense que, oui, on a eu d'excellentes
consultations, beaucoup de propositions, beaucoup de consensus qui en sont
ressortis et, déjà, certains changements qui sont amenés. Je pense qu'il va y
avoir d'autres changements qui vont être requis.
Nous, de notre côté, je peux dire que les objectifs
et les principes, c'est quelque chose qui est fondamental de voir apparaître.
C'est fondamental aussi de voir dans le projet de loi toute la notion de l'accompagnement
des victimes, des plaignantes. On aura beau
créer la meilleure division au monde, si la notion d'accompagnement, si la notion d'avoir une
instance centrée sur la réalité des victimes échappe au contenu du projet de loi, je pense qu'on va échapper un gros morceau. Donc, ça, c'est quelque
chose qui nous préoccupe.
Aussi, je
pense que, comme l'a suggéré, notamment... l'ont suggéré notamment Elizabeth Corte et
Julie Desrosiers, qui sont, on le
rappelle, les deux coprésidentes du rapport, du chantier Rebâtir la
confiance, ce serait vraiment un plus, dans le projet de loi, de voir
les responsabilités décrites de chacun des partenaires qui sont au coeur de
l'instauration du tribunal spécialisé, notamment les ministères. Et nous, on le
sait, là, il y a autant le ministère de la Justice, que le ministère de la
Sécurité publique, que le ministère Santé et Services sociaux, via, notamment,
de l'accompagnement psychosocial, qui sont interpelés. Donc, je pense que ce
serait vraiment une avancée de pouvoir retrouver ça dans le projet de loi, même
chose, bien sûr, pour la formation de tous les intervenants et la coordination.
• (10 h 20) •
Donc, ça, c'est quelques-uns des éléments qui,
je pense, ont retenu notre attention pendant les consultations, mais qui, pour
nous, sont vraiment fondamentaux. Et c'est certain qu'on va être très
intéressés à entendre le ministre sur les
préoccupations qui ont été soulevées en lien avec l'indépendance judiciaire,
avec l'indépendance institutionnelle. Moi,
j'ai vraiment hâte d'entendre le point de vue du ministre sur ces irritants qui
ont été soulevés et j'espère qu'on va être capables de trouver un
maximum de voies de passage pour diminuer un maximum d'irritants pour maximiser
les chances d'avoir un tribunal qui va s'implanter de manière très solide et
pérenne.
En terminant, je veux dire que c'est bien de travailler
sur un projet de loi, c'est bien d'adopter un projet de loi, mais ce qui est
encore mieux, c'est de s'assurer qu'on va vraiment avoir un tribunal spécialisé
qui va s'inscrire dans le temps, qui va se
faire concrètement. Alors, c'est ça qui est aussi notre responsabilité. Je
pense que notre responsabilité, ce
n'est pas de dire : O.K, projet de loi fait, adopté. C'est de dire :
Projet de loi fait dans le but d'avoir un
tribunal spécialisé qui va s'instaurer et qui va être là sans... qui va pouvoir
se déployer pleinement, avec le concours de tous ceux qui sont
interpelés par cette institution-là, parce qu'en terminant à chaque...
Et je pense que c'est ce qui nous habite tous et
toutes, mais, à chaque moment de nos travaux, il ne faudra pas perdre de vue
que l'on fait ça pour les victimes, pour les plaignantes, pour ces personnes
qui ont besoin que nous, on se retrousse les manches, que tous les acteurs du
milieu judiciaire et du milieu psychosocial se retroussent les manches pour dire que, toutes ces voix qui se
sont manifestées, on les a entendues, qu'on prend nos responsabilités et
qu'on va tout faire, tout faire, pour que ce tribunal-là atteigne ses objectifs
et contribue à rebâtir la confiance. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) : Merci.
Merci, Mme la députée. Donc, maintenant, au tour du député de Chomedey de nous
faire ses remarques préliminaires. Vous disposez de 20 minutes, M. le
député.
M. Guy Ouellette
M. Ouellette : Merci, M. le
Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue et de saluer M. le ministre,
son équipe, mes collègues de tous les partis de l'opposition.
J'entendais les remarques de mes collègues de
Verdun, de Sherbrooke et de Joliette et je ne me répéterai pas. Il y a une chose qui est très importante.
Aujourd'hui, on débute l'étude détaillée du projet de loi n° 92.
Aujourd'hui, les législateurs, c'est-à-dire nous, avons de la pression,
parce qu'aujourd'hui il y a beaucoup de monde qui nous regarde. Les victimes
sont en attente. Les acteurs du système sont en attente à différents degrés.
J'entendais mes collègues parler du comité
transpartisan qui les a réunis pendant deux ans, qui a amené un document
extraordinaire, qui s'appelle Rebâtir la confiance. J'entendais
plusieurs des groupes venir nous dire... venir
se situer dans le débat tout en ayant une petite crainte ou tout en ayant une
insécurité de voir le projet de loi être étudié et déboucher sur les
meilleures dispositions possibles. Autant le rapport Rebâtir la confiance,
M. le Président, s'est fait de façon transpartisane, autant le projet de loi
n° 92, M. le Président, doit être un projet de loi de consensus, doit être
le meilleur projet de loi et doit faire en sorte qu'il n'y ait pas d'oubli,
qu'il n'y ait pas de grands oubliés.
On en a eu dans les consultations. Ça va être un
projet de loi pour l'ensemble des victimes au Québec, mais on n'a pas eu
personne des Premières Nations puis on n'a pas eu personne de la grande famille
des autochtones qui sont venus nous partager leur réalité. Il ne faudrait pas
qu'on leur impose encore une fois un projet de loi. Je pense qu'il aurait été
très important qu'on les entende et qu'on puisse nourrir notre réflexion.
Je l'ai souvent dit, M. le Président, c'est nous, les législateurs. Je comprends qu'on veut aller vite. Je
comprends qu'on veut mettre le projet de loi en application le plus tôt
possible, mais on doit bien le faire, parce que, si on manque notre coup, ou si
on ne va pas assez loin, ou si le système n'est pas capable de suivre, bien, on
aura donné un grand coup d'épée dans l'eau, et, à la fin de la journée, ce
seront les victimes qui seront pénalisées.
Quand je mentionnais
qu'on a de la pression, M. le Président, c'est qu'on a la responsabilité de
transposer dans un projet de loi, dans les articles qui sont là, dans les amendements
que le ministre nous a soumis hier soir, là, qu'on
a pu lire dans le journal à matin, dans les autres amendements
que nous allons lui proposer pour faire
en sorte que les policiers sur le terrain, les intervenants
sociaux, les gens qui auront à... les agents de probation, les agents de
services correctionnels, les avocats de défense, les avocats de la couronne,
bien, que tout le monde soit à la même page.
Il y a beaucoup
de choses qui sont écrites, dans le projet
de loi, sur les juges, de toute
nature. On aura sûrement de suggestions ou des propositions à faire au ministre,
voir si on est à la bonne place pour les mêmes choses. Je pense qu'on est tous animés, à différents degrés... Mes collègues
ont participé, comme j'ai mentionné, aux rencontres d'experts pour en arriver au rapport Rebâtir la confiance.
J'ai, dans une vie précédente, M. le
Président... Je ne vous apprendrai
pas... J'ai une expertise de terrain. Mon collègue
d'Ungava a une expertise de terrain, une très grande
expertise de terrain, puis, lui, en plus, c'est en milieu autochtone.
Donc, il connaît nos réalités.
Puis je me souviens
d'une question de ma collègue de Verdun qui demandait à l'inspecteur Guertin de
la Sûreté : Oui, mais, dans la majorité
des endroits au Québec, en dehors de Montréal, ou de Québec,
ou des grands centres, là, des neuf
villes de 100 000 et plus, il y a juste un char de patrouille puis deux
polices, bien, comment ça va marcher, comment le système va se faire?
J'ai senti, dans la réponse du représentant de la Sûreté du Québec, un certain
inconfort, madame... M. le Président, parce qu'en partant du moment où on aura
un projet de loi ce sont des premiers intervenants, ce sont les gens qui auront
à bien débuter... Si l'accompagnement de la victime ne débute pas bien, bien,
on risque de souiller tout le processus. Donc, la formation de tous ces
intervenants-là, c'est important. Puis, si on prend la peine de faire un projet
de loi, bien, il va falloir s'y attarder puis il va falloir effectivement
l'enchâsser dans le projet de loi.
Ce
n'est pas tout d'avoir de la formation. Ça va prendre de la coordination aussi,
parce que, si tout le monde fait ses petites affaires à gauche et à droite...
Puis je le disais, puis je l'ai rappelé aux représentants policiers, et
eux-mêmes le disaient dans leur mémoire, l'uniformité des processus,
l'uniformité des interventions, c'est ce qui va être la clé, toujours en prenant pour acquis l'accompagnement
de la victime. Et, on nous l'a dit, on nous l'a écrit, on nous l'a répété,
les services d'aide et d'accompagnement sont la responsabilité du gouvernement.
• (10 h 30) •
On va devoir... M. le
Président, en partant du moment où on décide de légiférer, on espère que le
ministre aura cette ouverture de discussion pour inclure au projet de loi ces
dispositions-là, mais je pense qu'on est tous animés des meilleures intentions.
Il faut qu'aujourd'hui les législateurs que nous sommes, alentour de la
table... Nous représentons toutes les citoyennes et citoyens du Québec, toutes
les victimes du Québec, et je pense qu'on est tous animés des meilleures
intentions pour faire le meilleur projet de loi possible.
À la fin de la
journée, si c'est un projet de loi de consensus, tout le monde va avoir
confiance. Si c'est un projet de loi de
division, on aura manqué notre coup, on aura manqué notre coup, et ce sera
encore les victimes qui hésiteront avant de dénoncer. Parce que je peux
vous en parler longtemps, quand tu dénonces de comment le système ne te traite pas bien puis comment le système... comment
tu es tout seul au système puis qu'à la fin de la journée tu es victimisé
par le système, doublement.
Donc, je vais avoir
besoin, moi, personnellement, comme législateur, d'être rassuré, M. le
Président. Je sais que le ministre est capable de me rassurer, je souhaite
qu'il soit capable de me rassurer. Et je lui ai souvent dit puis je le dis
encore, j'espère qu'il aura cette ouverture-là, parce que, s'il me rassure,
moi, là, il va rassurer bien du monde, M. le
Président, je vous le dis. Parce qu'on aura, à l'ensemble des législateurs qui
sont ici, pas mal couvert tous les aspects pour faire en sorte que le système, à toutes ses étapes, puisse accompagner
les victimes pour qu'ils se sentent en confiance.
Et, puisqu'on vit
dans un pays démocratique, puisqu'on devrait normalement croire en notre
système de justice avec ses bons et ses
mauvais côtés, j'aborde l'étude détaillée avec les meilleures intentions, avec
une très grande ouverture. J'ai déjà
annoncé mes couleurs et je vais avoir besoin de mon collègue d'Ungava, tantôt,
pour faire entendre la voix des autochtones, qu'on n'a pas entendus en
consultations, parce qu'ils ont une réalité qui est très importante dans le
projet de loi que nous étudions présentement. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de Chomedey. Maintenant, au
tour du député de Saint-Jean. Vous disposez de 20 minutes, M. le
député.
M. Louis
Lemieux
M.
Lemieux : Merci, M. le Président. Très rapidement, pour d'abord saluer
les collègues et rajouter quelques mots dans les circonstances. Parce
que ce p.l. n° 92, j'avoue que le travail du
comité d'experts, je le surveillais, comme tout le monde, à distance, mais, au
contact des collègues qui y ont participé d'une manière transpartisane et à la lecture du rapport, moi, j'aurais été tenté
d'appeler... je sais que ça ne serait pas parlementaire de le faire, mais
j'aurais quand même baptisé le projet de loi n° 92 le projet de loi
de rebâtir la confiance parce que c'est un travail immense qui a été accompli. Oui, c'est... le projet de loi
a une recommandation sur 190, mais c'en est une bonne, et ça va probablement
permettre aux autres de s'installer aussi.
Bref,
je voulais seulement dire que c'est une étude détaillée un peu particulière que
celle du projet de loi n° 92 après les deux jours d'audience qu'on
a eus. Et je pense que le geste du ministre, ce matin, qui a déposé en liasse
ses amendements, doit être salué. Il y a beaucoup de
sagesse là-dedans, une grande sagesse malgré son jeune âge, mais de l'ouverture. Et ça, c'est la beauté de ce qu'on
est en train de faire. Parce que les audiences qu'on a vécues, les consultations
qu'on a eues, s'il y a une chose qui était unanime, consensuelle, choisissez le
mot que vous voulez, c'est que ça le prenait, le tribunal, même s'il n'aura
peut-être pas le nom de tribunal, ça prenait ça. Tout le monde était non
seulement convaincu, mais voulait absolument qu'on en arrive là.
Et c'est ce qu'on va
commencer à faire ce matin. Et, en ce qui me concerne, c'est particulièrement
beau de voir qu'on commence avec ces
amendements du ministre, qui sont de bonne foi, de bonne volonté et de bon aloi
aussi dans les circonstances. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Y a-t-il
d'autres députés qui souhaitent faire des remarques préliminaires? S'il
n'y a pas de motion préliminaire... Ah! Mme la députée de Verdun.
Mme
Melançon : Il y aura donc une motion préliminaire, M. le Président.
J'imagine que je dois vous en faire lecture pour vous la déposer puis la
plaider par la suite?
Le Président (M.
Benjamin) : Alors, on va devoir suspendre, parce qu'il faudra la
transmettre par copie... par courriel.
Mme
Melançon : Bien sûr. Suspendons, alors.
Le Président (M.
Benjamin) : Donc, on suspendra la séance, le temps de transmettre la
motion.
(Suspension de la séance à
10 h 35)
(Reprise à 10 h 38)
Le Président (M.
Benjamin) : Alors, nous allons reprendre nos travaux, donc, collègues.
Donc,
j'ai en main, donc, la motion déposée par la députée de Verdun. Mme la députée de Verdun, vous disposez de 30 minutes.
Mme
Melançon : Est-ce que je dois vous lire la motion préliminaire, d'abord?
Le Président (M.
Benjamin) : Oui, je vous invite à la lire...
Mme
Melançon : Oui, n'est-ce pas?
Le Président (M.
Benjamin) : ...et ensuite à commenter ou argumenter.
Motion
proposant d'entendre Mme Lucie Rondeau
Mme
Melançon : Parfait. Merci, M. le Président. Alors, conformément
à l'article 244 du règlement
de l'Assemblée nationale, je
fais motion afin :
«Que la Commission des
institutions entende dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 92,
Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle
et de violence conjugale et portant sur la formation des juges en ces matières,
la juge en chef de la Cour du Québec, Mme Lucie Rondeau. Que cette
audition se tienne dans les meilleurs délais.»
• (10 h 40) •
Le Président (M.
Benjamin) : ...
Mme
Isabelle Melançon
Mme
Melançon : Alors, je dépose cette motion préliminaire, M. le Président,
sans trop de surprise puisque, je vous le rappelais tout à l'heure, on a eu une
vague de dénonciations, au Québec, avec le #moiaussi. Il y a des femmes qui
nous ont dit haut et fort qu'elles voulaient... qu'elles n'avaient plus
confiance en notre système de justice quant aux violences sexuelles et à la
violence conjugale, qu'il y a eu la création de ce comité transpartisan, dont
nous avons parlé et dont la députée de Sherbrooke, la députée de Joliette et
moi-même faisions partie, avec des gens vraiment très ferrés en la matière, là,
des experts qui sont venus, justement, éclairer les travaux. Et ça a donné le
rapport Rebâtir la confiance, avec 190 recommandations.
Je le disais lors de
mes premiers mots tout à l'heure, il y a 189 autres recommandations qu'on
doit mettre en application le plus rapidement possible. Mais bien sûr que
l'idée du tribunal spécialisé faisait office de beaucoup de visibilité, parce
que, lorsqu'on parle de ce tribunal spécialisé, on parle d'un accompagnement
pour les victimes, donc c'est vraiment vers les victimes qu'on se tourne. Et, tout
à l'heure, la députée de Joliette le mentionnait avec justesse lorsqu'elle a
soumis cette proposition de tribunal spécialisé. Et, voyant que ça se faisait
ailleurs dans le monde, on peut espérer qu'au Québec on puisse avoir un
meilleur accompagnement pour les victimes.
On a une obligation de
résultat aujourd'hui. Nous tous, là, autour de la table, comme législateurs,
comme législatrices, on a cette obligation de résultat pour les victimes. Je le
disais tout à l'heure, là, les attentes sont élevées. Les victimes nous
regardent et elles espèrent. Celles qui n'ont pas eu l'accompagnement nécessaire
pourront dire : Bien, ça aura servi à quelque chose. Et celles qui entament ou qui sont dans la réflexion d'entamer un processus,
bien, vont pouvoir, justement, fonder leurs espoirs à savoir qu'il y aura
meilleur accompagnement, au Québec, pour les victimes grâce à ce tribunal ou
cette division spécialisée.
S'il y a une chose qui a été dite par tous les
groupes que nous avons entendus, c'est qu'il y a nécessité de s'entendre avec
tous les acteurs, tous les intervenants puis de réduire les irritants, parce
que personne ne veut de contestation judiciaire. Je le disais tout à l'heure,
s'il fallait... et la juge en chef l'a évoqué, s'il fallait qu'il y ait une
contestation judiciaire, on vient de prolonger de trois à cinq ans la mise
en place du tribunal ou de la division spécialisée que nous souhaitons étudier
ici, chers collègues.
L'inquiétude est grande. Je partage cette
inquiétude-là avec les différents groupes qui sont venus se faire entendre
devant nous, M. le Président. Il y a différents irritants. Il a été question du
nom du tribunal spécialisé. On voit ce matin que le ministre a entendu. Il y a
le respect des droits des accusés. On voit que le ministre dépose un préambule.
On pourra se poser la question, quant au préambule, s'il fait partie de la loi.
Est-ce qu'un préambule fait partie exactement de la loi ou ça donne seulement
une orientation? On pourra en discuter un peu plus tard, de toute façon,
lorsqu'on sera rendus à cet amendement. Il y a les objectifs. Ça aussi, on
pourra en discuter un peu plus tard, parce que le ministre a signifié certains
objectifs, mais je pense qu'il en manque quelques-uns. Mais il en demeure, des
irritants, des irritants qui sont assez importants quant aux types de
poursuites qui pourront être entendues par cette division spécialisée ou ce
tribunal spécialisé. Il y a aussi un irritant quant aux districts judiciaires
qui seront visés par les projets pilotes.
Puis ma vraie question, M. le Président, c'est
qu'avec les amendements que le ministre nous dépose est-ce qu'il y a des choses que les législateurs que nous
sommes pourrions ne pas voir et susciter de nouveaux irritants? Moi, comme
législatrice, j'ai envie d'offrir le meilleur projet de loi possible, évitant,
évitant le plus possible les contestations. Puis celle qui,
actuellement, dit qu'elle pourrait aller en contestation judiciaire, bien,
c'est la juge en chef, la juge en chef qui n'a pas été consultée pour le projet
de loi, la juge en chef qui n'a pas été entendue et qui a demandé à être
entendue par la commission. Elle nous a déposé un mémoire. Mais, avec les
nouveaux documents qui nous sont déposés aujourd'hui, très honnêtement,
j'aimerais beaucoup pouvoir entendre la juge en chef venir nous dire... puis on
pourra ensemble dénouer le problème.
Parce que ce qu'on n'a pas besoin actuellement,
justement, c'est d'une confrontation entre le ministre de la Justice puis la
juge en chef, qui va faire complètement dérailler le projet de loi, qui est
attendu, je le rappelle, par les victimes qui nous écoutent, qui fondent
beaucoup d'espoir sur les travaux qu'on va faire dans les prochains jours, dans
les prochaines heures. Et d'entendre la juge en chef va pouvoir, justement,
nous permettre, comme législateurs, comme législatrices, d'aller plus loin,
d'améliorer le projet de loi puis d'aider le ministre à dénouer le problème.
Je pense que c'est à ça que servirait la motion
préliminaire que je dépose d'entendre la juge en chef. Puis je veux juste
rappeler, là, on ne va pas lui envoyer un subpoena, à la juge en chef. Elle
demande à être entendue par la commission, elle le demande. La moindre des
choses, c'est de l'entendre, parce que je pense qu'elle pourrait aussi nous
aider dans la réflexion puis d'enlever cette épée de Damoclès au-dessus de
notre tête, qui est d'aller dans une contestation judiciaire. Les victimes ont
assez souffert, les victimes ont assez attendu. Les victimes ont envie d'avoir,
le plus rapidement possible, une division
spécialisée pour mieux les accompagner. Ce n'est pas pour rien que le rapport
s'appelait Rebâtir la confiance. Mais, aujourd'hui, ce n'est pas de la
confiance, là, tout le monde est sur les dents. Les groupes que nous avons
entendus sont sur les dents. Et je pense qu'on doit aussi garder ça en tête.
Je le rappelais tout à l'heure, le ministre a
décidé de procéder par la mise en place d'un tribunal spécialisé ou d'une
division spécialisée par projet de loi. Bien, justement, moi, comme
législatrice dans ce projet de loi là, j'ai envie
d'avoir le meilleur éclairage possible par tous les groupes. Et ce n'est pas
parce qu'une personne n'est pas en accord complet avec le ministre qu'il faut la laisser de côté, au contraire.
Moi, je pense qu'on doit l'entendre, puis, ensemble, comme législateurs, bien, on prendra les décisions
nécessaires pour nous assurer que le projet de loi pourra voir le jour
le plus rapidement possible.
On doit le faire pour les victimes, je le
rappelle. Moi, aujourd'hui et dans les prochains jours, comme c'était le cas
quand nous étions dans le comité transpartisan, c'est toujours ce qui a guidé
ma réflexion, M. le Président. Et je vais
continuer en ce sens-là parce qu'une contestation judiciaire, je le répète,
c'est entre trois et cinq ans. Est-ce que les victimes ont le luxe d'attendre trois à cinq ans parce que le
ministre ne s'entend pas avec la juge en chef? La réponse, c'est non. Pour moi, là, on est mieux de bien
faire le projet de loi, actuellement, que de le faire semi, d'aller en
contestation, d'attendre, de lancer des projets pilotes, de voir :
Si ça ne fonctionne pas, un autre deux ans. On est rendus à sept ans,
M. le Président, si c'est ça qui arrive, sept ans. Puis on veut rebâtir la
confiance?
Moi, je pense que, si on veut chercher et
trouver la meilleure voie de passage possible, c'est en entendant la juge en chef, qui demande, je le répète, à être
entendue, pour pouvoir faire le meilleur projet de loi possible. J'ai entendu
le ministre dire qu'il voulait fédérer tous
les acteurs du système de justice pour envoyer un message clair aux victimes.
Bien, s'il est sérieux dans cette
citation-là, bien, il faut qu'on puisse entendre la juge en chef. Et je vous le
répète, M. le Président, on n'a pas besoin d'envoyer un subpoena à la
juge en chef, puisque c'est elle-même qui demande à être entendue devant la
commission. Alors, M. le Président, ce que je souhaite, c'est que nous puissions
entendre la juge en chef pour pouvoir tenter de dénouer le problème plutôt que
d'avoir des chicanes dans les journaux entre la juge en chef et le ministre de
la Justice, puis là on va perdre encore plus la confiance de ceux et de celles
qui nous écoutent, qui regardent le travail que nous tentons de faire du mieux
possible.
Puis
ce que je veux éviter, M. le Président, c'est une contestation. Puis j'ai
entendu le ministre, dans ses remarques préliminaires, nous dire que, s'il y a
contestation, on va mettre toutes les ressources nécessaires. Donc, le ministre
nous dit ce matin qu'il s'attend à ce qu'il y ait des contestations puis qu'il
va tout mettre en marche, en branle pour qu'on puisse aller se faire entendre
devant la justice. Mais ça, c'est un trois à cinq ans plus les projets pilotes. Donc, je vous le répète, là, ça veut dire
qu'une victime, aujourd'hui, qui nous écoute, qui est craintive, s'il y a
contestation plus le projet pilote, si elle n'est pas choisie dans son district
judiciaire à elle, pourrait attendre sept ans avant qu'il y ait un tribunal spécialisé ou une division spécialisée
pour les victimes de violence sexuelle et de violence conjugale. Ça,
pour moi, c'est inacceptable.
Alors,
je souhaite entendre la juge en chef pour qu'on puisse justement voir comment
est-ce qu'on peut organiser le projet de loi pour éviter toute forme de
contestation. Voilà, M. le Président.
• (10 h 50) •
Le Président (M. Benjamin) : Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée de Joliette.
Mme
Véronique Hivon
Mme Hivon :
Merci, M. le Président. Alors, simplement dire que je vais appuyer cette motion
préliminaire. Pourquoi? Parce que c'est
extrêmement exceptionnel, c'est le cas de le dire, de pouvoir envisager
d'entendre les représentants de la Cour du Québec via la voix de la juge
en chef. On connaît bien le principe de l'indépendance des pouvoirs, bien sûr,
qui sont au coeur de notre fonctionnement démocratique.
Ceci dit, il y a deux
raisons qui, je pense, nous permettent, dans ce cas-ci, de l'envisager. On est
dans un cas exceptionnel de rencontre des trois pouvoirs. On en est un exemple.
On a le pouvoir exécutif qui dépose un projet de loi, le pouvoir législatif qui
travaille pour son adoption, pour sa bonification, mais il interpelle au
premier chef les tribunaux et la Cour du Québec.
Et il y a un
précédent. En 1996, les représentants, donc, juge en chef, juge en chef
adjoint, sont venus en commission parlementaire, à la Commission des
institutions, c'était le 13 février 1996, dans le cadre du projet de loi
sur la réforme de la justice administrative. Et ce qui avait été dit alors par
le juge en chef, c'est : «Malgré ce devoir de réserve, les juges peuvent,
et doivent même, dans certaines situations, intervenir lorsqu'un projet de loi
[a trait à] la compétence de leur cour...» Et donc il y a ce précédent.
Et je pense qu'on est
tous d'accord qu'on ne se mettrait pas à inviter la juge en chef... et je pense
que la juge ne voudrait pas être invitée
pour se faire entendre sur à peu près tous les projets de loi dont on peut
discuter à l'Assemblée nationale ou à la Commission des institutions.
Mais là on est vraiment au coeur d'un moment particulier de cette rencontre-là
entre les pouvoirs qui sont en cause.
Et
l'autre élément, je pense, qui milite pour cette procédure exceptionnelle,
c'est que la juge en chef elle-même le demande, donc ma collègue l'a dit
abondamment. Mais ça, ça change la donne, ça veut dire qu'elle estime... Et on l'a entendu beaucoup parler de l'importance du
principe de l'indépendance judiciaire et de l'indépendance institutionnelle.
Les irritants qu'elle fait ressortir, de son
point de vue, et les préoccupations qu'elle a et qu'elle veut nous communiquer
ont trait précisément à ce principe-là de
l'indépendance. Donc, si elle, qui plaide autant le principe de l'indépendance, par ailleurs, indique son
intérêt, sa volonté d'être entendue ici, je pense qu'on doit en tenir compte.
Et quel serait le
bénéfice de ça? Je pense que ça donnerait plus de sérénité au débat, là, qui a
cours, là, depuis quelques semaines et qui
retient, oui, beaucoup l'attention médiatique, d'ailleurs, au détriment
du fond du dossier, qui est tellement important. L'attention médiatique
a beaucoup porté sur cette controverse ou cette divergence de vues entre le
ministre et la juge en chef, et il me semble que, si on avait l'occasion
d'entendre la juge en chef, de poser des questions,
d'aller au fond des choses, ça permettrait de donner un peu de sérénité à ce
débat-là qui, malheureusement, a cours
dans les médias et qui n'a pas d'autre forum pour être, je dirais, approfondi.
Alors, c'est dans ce contexte-là très exceptionnel que je pense que ce
serait une bonne chose.
Et, une fois cette
audition-là faite, justement, au nom du principe de l'indépendance, ensuite,
bien sûr, on légifère ici en toute indépendance, avec notre rôle. Ce n'est pas
la Cour du Québec, ce n'est pas la juge en chef qui a la responsabilité d'écrire un projet
de loi, c'est notre responsabilité.
Mais on pourrait le faire en toute connaissance de cause et avec, je dirais, un petit supplément de
sérénité qui, je pense, serait bienvenu dans le dossier. Merci, M. le
Président.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, Mme la députée de Joliette. Maintenant, le député
de Chomedey.
M.
Guy Ouellette
M. Ouellette : Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je veux vous dire, M. le
Président, que j'appuie la demande de
ma collègue de Verdun. Et je suis très frileux, M. le Président, quand on parle
du pouvoir législatif, l'exécutif puis le judiciaire. Chacun a son champ d'expertise, son champ de compétence. Il
m'est arrivé à quelques reprises, M. le Président, alors que j'étais assis dans votre chaise à titre
de président de la Commission des institutions, de rendre des décisions pour
nous rappeler cet état de fait.
Et je me souviens
fort bien, il y a cinq ans de ça, il était question... et le député de Borduas,
à l'époque, avait bien saisi les subtilités de
chacun des pouvoirs et avait même recommandé aux membres de la Commission des
institutions, à l'époque, d'inviter
une juge, pas de la convoquer, mais de l'inviter à venir fournir des
explications aux parlementaires dans
le but, effectivement, d'éclairer les parlementaires. Parce que,
je l'ai dit tantôt, M. le Président, à la fin de la journée, là, c'est nous
alentour de la table.
Il y a deux avenues possibles,
c'est : le projet de loi n° 92, c'est le projet du gouvernement qui est majoritaire, qui va faire
à sa tête puis qui va décider de nous imposer ses vues ou, comme il est
souhaité par l'ensemble des victimes et l'ensemble des acteurs du système,
un projet de consensus, à même titre que la commission Rebâtir la confiance,
qui s'est faite de façon transpartisane.
Et j'ajouterais même
à la motion de ma collègue de Verdun, si d'entrée de jeu il y avait
consentement ou qu'il y avait réception de cette motion par le gouvernement, ça
pourrait même se faire à huis clos, M. le Président. C'est les parlementaires qui ont besoin d'aller chercher cette information-là. L'article 160 de notre
règlement, M. le Président, nous le permet, de recevoir des gens qu'on a
invités à huis clos pour obtenir les informations qu'on a besoin pour faire le travail que les citoyens du
Québec attendent de nous puis, dans ce cas-ci, que les victimes attendent
de nous.
• (11 heures) •
Présentement, là, les
articles répétés quasiment quotidiens insécurisent beaucoup de gens. On a
besoin de savoir, M. le Président, on a besoin de savoir ce que la juge en chef
pense. Pas on a besoin qu'elle vienne nous dire : Voici, il y a des amendements, telle chose. Non. On a besoin de savoir,
on a besoin de savoir quel est le meilleur véhicule pour atteindre
l'objectif qu'on veut, qui est d'avoir un projet de loi qui sera le plus
effectif et le plus efficient pour les victimes de violence conjugale puis
d'agression sexuelle. On ne peut pas passer à côté.
Quand je parlais
d'ouverture, tantôt... Puis je sais le ministre très sensible à tous ces sujets-là
et je pense que c'est un domaine qui est important. La juge en chef, c'est
important. J'aurai une autre motion, moi, pour un autre domaine tantôt. Mais,
dans ce cas-là, puis je nous le dis, je nous offre la possibilité, si, d'entrée
de jeu, mon collègue était d'accord, pour en faire un enjeu de consensus, bien,
la suggestion que je vous ferais : qu'on puisse rajouter, sur la motion de
ma collègue de Verdun, les notions de l'article 160, qu'on invite la juge
en chef de la Cour du Québec à venir rencontrer les parlementaires afin de les
informer. C'est nous qui a besoin de savoir, pas le journal, pas la télévision.
C'est nous qui a besoin de savoir, parce qu'à la fin de la journée c'est nous
qui faisons les lois, qui votons les lois pour faire en sorte que nos
victimes... pour rassurer tout le monde.
C'est
un test, ça, pour nous autres, M. le Président. Si on n'est pas capables de
s'entendre, bien là les opinions vont se braquer, vont dire : Bon, encore
un projet de loi du gouvernement qu'il veut nous passer à toute vapeur dans
ce qu'il pense. Je ne prête pas d'intention à personne, M. le Président, parce
que ce n'est pas ça que je ressens et ce n'est pas ça que je veux. Si je
pensais ça, là, je ne serais pas assis avec vous, M. le Président, ce matin, et
je laisserais le gouvernement passer le bulldozer puis dire : Bon, faites
ce que vous avez à faire, faites vos affaires, sachant fort bien que, si ça se
fait unilatéralement, ça ne fonctionnera pas.
Par expérience, M. le
Président, je vous dirai, pour avoir travaillé dans un autre domaine avant de
faire de la politique, le système... le crime organisé a toujours profité de la
désorganisation du système. Ils ont toujours été plus organisés que le système.
La journée que le système et tous les acteurs du système se donnent la main,
travaillent en équipe, arriment leurs interventions, on est imbattables, M. le
Président.
Le projet de loi
n° 92, je terminerai là-dessus, il ne faut pas que ça soit un projet de
loi politique, mais il faut que ça soit un projet de loi citoyen. Il faut
s'élever, là, pour être en mesure de répondre aux aspirations des victimes.
Parce que, si on veut qu'ils aient confiance dans notre système, il faut avoir
le meilleur système avec les meilleures balises, les meilleures supervisions
possibles. S'il y a des failles, en quelque part...
Parce qu'on ne se
contera pas de peurs, M. le Président, avant que ça se ramasse à la cour devant
un juge, là, bien, il y a pas mal de millage
de fait, il y a beaucoup de gens qui sont intervenus dans le système. Le côté
judiciaire, là, c'est
l'avant-dernière étape avant de gérer la sentence, après, c'est
l'avant-dernière étape. Avant de
régler l'avant-dernière étape ou de penser que c'est là qui est l'os,
là, il y a beaucoup de fusions puis il y a beaucoup d'améliorations qu'on doit
faire à toutes les autres étapes du système, à commencer par nos
deux policiers dans un véhicule pour un grand territoire, l'intervention des enquêteurs, l'intervention des spécialistes, l'intervention des travailleurs
sociaux, psychologues, etc. Si on n'arrime pas ça, puis si on ne fait
pas cette formation-là, puis si on n'a pas de coordination de cette
formation-là, on aura bien beau penser qu'on aura le meilleur système rendus au
bout de la ligne, mais, si on ne l'utilise pas, le système, parce qu'on n'a pas
de cause, parce que les victimes n'ont pas confiance au système puis les
victimes disent : Bien, ils font encore de la politique sur notre dos...
On
en voit, si vous lisez les médias sociaux, là, chacun des projets de loi, on a toutes sortes de commentaires : Ah! vous avez oublié ci, vous avez
oublié ça, vous n'avez pas pensé à tel genre de victimes. C'est une des raisons
pourquoi ma collègue de Verdun a mentionné : Est-ce que le projet de loi
va toucher les victimes d'exploitation sexuelle? La réponse du ministre, ça a
été oui. Bien, M. le Président, c'est parce qu'on a eu une tonne de courriels. Les gens veulent être rassurés, les gens ne
demandent pas mieux que d'avoir confiance puis les gens se disent : Est-ce qu'ils vont faire une loi qui va vraiment
nous aider ou est-ce qu'ils vont faire une loi politique pour eux autres? C'est
ça que le monde pense.
Donc, la motion aujourd'hui...
Puis, quand je dis «pour eux autres», je ne vise pas personne, M. le Président,
je ne prête pas d'intention à personne. Le ministre me connaît bien trop pour
ça, O.K.? J'appuie la motion de ma collègue de Verdun puis je rajoute, au
besoin, l'article 160. On pourrait inviter la juge en chef à huis clos, parce
que c'est les parlementaires qui ont besoin d'avoir des réponses avant l'étude
du projet de loi n° 92.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, M. le député de Chomedey. Donc, j'aime bien le ton
de nos travaux, donc, et je suis persuadé que nous allons poursuive en ce sens.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention...
Ah! il y a le député de LaFontaine.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit, et propos auxquels je
souscris à 100 %, je les fais
miens, tous les propos prononcés dans le contexte du débat sur la motion
déposée par la collègue de Verdun
pour entendre la juge en chef du Québec, Mme Lucie Rondeau. Je vais
tenter, en quelques minutes, d'ajouter quelques autres éléments à la
réflexion du ministre.
La juge en chef de la Cour du Québec, présidente
du Conseil de la magistrature, veut être entendue sur un projet de loi qui est
au coeur de ses fonctions. Elle a déposé un mémoire qui n'a pas été jugé
irrecevable. Alors, son mémoire, qui est le mémoire pas juste d'elle, mais des
institutions qu'elle représentante, la Cour du Québec et le Conseil de la magistrature
du Québec, a été bien reçu par le ministre, il ne l'a pas contesté sur son
irrecevabilité. Donc, le témoignage de la juge Rondeau est recevable en cette
commission.
Elle veut être entendue pour trouver un terrain
d'entente. On pourrait nous dire : Bien, écoutez, on va la lire, puis ce
sera suffisant. Non, vous le savez, M. le Président, d'être entendu, c'est
d'aller au-delà de ce qui est écrit et d'essayer
de trouver aussi, par les questions et les réponses, un terrain d'ententes qui
vont se traduire, espérons-le, en des amendements à un projet de loi.
C'est la valeur ajoutée d'une audition qui ne sera jamais remplacée par un
mémoire, aussi bien écrit soit-il. Et c'était le cas du mémoire. Il y a
nécessité, donc, de l'entendre.
Le ministre est responsable de la justice,
procureur général du Québec, gardien des sceaux depuis juin 2020. Il a, je vous
dirais, à ce titre-là... il est le premier diplomate judiciaire, je le dirais
comme ça, il doit faire en sorte de s'assurer qu'il y a toujours une coopération,
collaboration entre les différents intervenants. Et moi, je qualifie cela de
diplomatie judiciaire, qui est une nécessité.
En vertu de la Loi sur les tribunaux
judiciaires... Et je vais vous donner quelques exemples, M. le Président, qui démontrent la nécessité pour tous de coopérer
et de collaborer. En vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires, que vise notamment à modifier le projet de loi
n° 92, l'article 96 nous précise, et qui n'est pas modifié par le
projet de loi n° 92... l'article 96 dit la chose
suivante :
«Le juge en chef...» Vous allez me permettre de
citer la loi en féminisant l'expression : «[La] juge en chef est [chargée]
de la direction de la Cour.
«[Elle] a notamment pour fonctions — je
vais vous donner les deux premières :
«1° de voir au respect, en matière
judiciaire, des politiques générales de la cour; et
«2° de coordonner, de répartir et de
surveiller le travail des juges et de voir à leur formation complémentaire;
ceux-ci doivent se soumettre à ses ordres et directives.»
Ça, en vertu de la Loi sur les tribunaux
judiciaires, article 96, ce sont les impératifs, les fonctions, les
responsabilités de la juge en chef, et elle doit en répondre. Ça, ce n'est pas
modifié par le projet de loi. Et le projet de loi
vient chasser sur ces terres-là. On est pour le projet de loi, mais, quant à sa
rédaction, il faut faire avec la juge
en chef.
Autre élément, l'article 105.6 de la Loi
sur les tribunaux judiciaires. 105.6 se lit comme suit : «[La] juge en chef désigne parmi les juges de la cour, avec
l'approbation du gouvernement, un juge responsable du perfectionnement
des juges de la cour pour un mandat n'excédant pas trois ans.» Alors, on voit
ici qu'à l'article 105.6, article de la Loi sur les tribunaux judiciaires, loi qui est amendée par le projet de loi n° 92, mais cet article-là ne l'est pas, il
met en mots l'obligation de
coopération. Parce que la juge en chef, c'est elle qui désigne mais avec
l'approbation du gouvernement,
donc il faut qu'ils fonctionnent ensemble, main dans la main.
Je vais vous
donner un autre exemple, à l'article 107, M. le Président :
«L'affectation d'un juge à une chambre est déterminée par la juge en
chef.» Ça, ça relève de ses prérogatives et, je dirais même, de ses
responsabilités en vertu de la loi. Cet article 107
là n'est pas modifié. Alors, on voit, M.
le Président, dans la Loi sur les
tribunaux judiciaires même, il y a d'inscrite la nécessité de travailler
avec la juge en chef.
• (11 h 10) •
Je vais terminer, quant à cette Loi sur les
tribunaux judiciaires, en vous parlant du Conseil de la magistrature, qui est constitué en vertu de la Loi sur les
tribunaux judiciaires. À l'article 248, le Conseil de la magistrature, M. le Président, excusez du peu, est formé de 16 membres, et la juge en chef de
la Cour du Québec en est la présidente d'office. Il y a quatre autres juges associés de la Cour du Québec, quatre autres juges
adjoints, et également un juge président d'une cour municipale, et d'autres juges qui représentent,
notamment, le Tribunal des droits de la personne, Tribunal des professions,
Cour du Québec et cour municipale. Ça, c'est le Conseil de la magistrature.
La juge Lucie Rondeau représentait cette
institution et elle représente toujours le Conseil de la magistrature lorsqu'elle écrit et qu'elle parle. Il n'y a qu'un
seul mémoire, et c'est le mémoire du Conseil de la magistrature et de la
Cour du Québec. Donc, ce qu'elle dit, ce
qu'elle avance, ce qu'elle demande dans le mémoire, et là, maintenant, dans
les médias, d'être entendue, elle ne parle pas uniquement en son nom, mais elle
parle au nom de l'institution.
Le Conseil de la magistrature, je vais juste
vous dire le premier élément, a pour fonction, article 256, d'«organiser,
conformément au chapitre II de la présente partie, des programmes de
perfectionnement des juges». Alors, non
seulement la juge en chef de la Cour du Québec, à ce titre, a intérêt et doit
avoir voix au chapitre pour ce qui est, notamment, de la formation des
juges, mais le Conseil de la magistrature également doit être autour de la
table.
Il y a un
élément... autre élément excessivement important, et ça, c'est la prédécesseure
du ministre qui l'a vécu, et moi, comme porte-parole de l'opposition
officielle, je l'ai vécu indirectement parce qu'on a eu des rencontres
téléphoniques avec la prédécesseure du ministre dans le contexte de la COVID-19.
Je vais vous donner
un autre exemple de l'obligation de marcher main dans la main.
L'article 28 du Code de procédure
civile dit la chose suivante : «Le ministre de la Justice peut, par
règlement, après avoir pris en considération les effets du projet sur
les droits des personnes et obtenu l'accord du juge en chef du Québec ou du
juge en chef de la Cour
supérieure ou de la Cour du Québec, selon leur compétence», et ainsi de suite,
dans un contexte d'état d'urgence. Dans un contexte d'état d'urgence, la
prédécesseure du ministre a dû s'asseoir avec les juges en chef des cours du
Québec, notamment de la Cour du Québec, pour modeler les règles quant au délai
impératif, dépôt des procédures, prescription. Ils ont dû appliquer un pouvoir
extraordinaire, oui, mais qui existe et qui fait en sorte que l'obligation de
collaborer puis de se parler, elle est là aussi. Je vous ai cité plusieurs
articles de la Loi sur les tribunaux judiciaires quant à leur autorité, et
quant à leurs compétences, et quant à l'exemple de nomination d'un juge, une
collaboration nécessaire qui doit en découler. Là, je vous en donne un autre,
l'article 28. Il faut qu'ils se parlent, ils n'ont pas le choix de se parler. Ils sont des institutions
excessivement importantes, ils représentent l'exécutif. Ici, on est le
législatif. Bien, la juge Rondeau, elle représente le judiciaire. Et
l'article 28 est un exemple patent.
Comment s'est
traduite cette coopération-là? J'ai devant moi le plan d'action 2020‑2021
de la Table Justice. La Table Justice réunit tout ce beau monde là, notamment,
et bien d'autres. Dans cette présentation-là, il y a, sous le titre, M. le
Président, ça ne s'invente pas, «déclaration des partenaires». La juge
Rondeau... et je la cite, donc : «La crise pandémique a aussi mis en
lumière la capacité d'action et d'adaptation de tous les intervenants du
système de justice, comme l'illustre ce plan d'action. Les mesures qui y sont
proposées sont le fruit de ces efforts concertés qui doivent se poursuivre...»
J'arrête là la citation. Ça, c'est la juge Rondeau. Je n'y vois pas une juge
réfractaire à collaborer et à faire en sorte de faire avancer la justice.
Puis je vais citer le
ministre, il m'excusera de le citer, dans le contexte de cette déclaration des
partenaires : «Précieux partenaires qui
se sont joints à nous afin de bâtir ce plan d'action, je tiens personnellement
à vous remercier pour votre important travail et votre collaboration
essentielle en ces temps difficiles.» Fin de la citation. Pour les victimes,
c'est toujours des temps difficiles. Et cette précieuse collaboration-là
demeure aussi dans ce contexte-là et elle
est nécessaire, pas pour l'adoption du projet de loi, M. le Président, on peut
faire ce qu'on veut, tout seuls dans notre coin, mais pour la mise en
application de ce projet de loi là. Elle est essentielle, elle est névralgique.
Alors,
M. le Président, je vous ai donné, j'ai soumis au juge... pas au juge, mais au
ministre, qui, en ce contexte-là, est
juge, pour qu'on puisse entendre la juge Rondeau pour toutes les bonnes raisons
soumises. Et les victimes nous écoutent.
Quand on dit rebâtir la confiance, c'est la confiance de qui, là? Ce n'est pas
la confiance du député de LaFontaine,
de la collègue de Verdun, du ministre de la
Justice ou ce n'est pas la confiance de la juge Rondeau qu'il faut regagner,
c'est la confiance des victimes. Puis, laissez-moi dire une chose, M. le
Président, ça participerait, je pense, beaucoup à rebâtir la confiance des
victimes en le système, de voir le ministre de la Justice et la juge Rondeau se
parler. Ça participerait de cela. Et qu'ils
ne se parlent pas, et qu'elle dit : J'aimerais ça être entendue, et que le
ministre... Même, elle n'est pas entendue, comment, les victimes,
pourrions-nous prétendre, suite à l'adoption de ce projet de loi là :
Faites-vous-en pas, vous serez entendues? La juge elle-même ne serait pas
entendue.
Alors, je ne peux pas
croire que le ministre va voter contre cette motion-là qui permettrait de
bonifier le projet de loi et surtout de faire en sorte que la Cour du Québec,
qui sera le fer de lance de la mise en application de cela, et le Conseil de la magistrature également, les deux institutions
qu'elle représente, bien, soient dans le coup et puis qu'on puisse s'assurer... Parce qu'il y a eu des
contestations judiciaires, on va les avoir, M. le Président, contestations
judiciaires, là, on va les avoir, c'était écrit dans le ciel, puis la juge le
laisse planer. Alors, je pense que rebâtir la confiance, ça commencerait ce
matin en acceptant la motion de ma collègue de Verdun. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, M. le député de LaFontaine. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons
procéder à la mise aux voix...
Une voix :
...
Le Président (M. Benjamin) : Alors, nous allons procéder à la mise aux voix.
Est-ce que la motion est adoptée?
Des voix :
...
Mise aux voix
Le Président (M.
Benjamin) : La motion... Vote par appel nominal demandé par le député
de LaFontaine. Alors, Mme la secrétaire.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. Mme Melançon (Verdun)?
Mme
Melançon : Pour.
La Secrétaire :
M. Tanguay (LaFontaine)?
M. Tanguay :
Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M.
Jolin-Barrette : Contre.
La
Secrétaire : M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Contre.
La Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac)?
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Contre.
La Secrétaire :
Mme D'Amours (Mirabel)?
Mme
D'Amours : Contre.
La Secrétaire :
Mme Lachance (Bellechasse)?
Mme
Lachance : Contre.
La Secrétaire :
M. Martel (Nicolet-Bécancour)?
M.
Martel :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lamothe (Ungava)?
M. Lamothe :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Labrie (Sherbrooke)?
Mme Labrie :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Hivon (Joliette)?
Mme
Hivon :
Pour.
La Secrétaire :
M. Ouellette (Chomedey)?
M.
Ouellette : Pour.
La Secrétaire :
M. Benjamin (Viau)?
Le Président (M. Benjamin) : Abstention. Donc, la motion est donc rejetée.
Alors, j'ai... Oui. Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, M. le Président, avant de débuter l'étude du projet de loi, j'ai proposé un plan, M. le Président, détaillé aux collègues.
Alors, je vous explique, M. le Président...
Le Président
(M. Benjamin) : ...
M. Ouellette :
...M. le Président, je vous avais mentionné que je viendrais probablement avec
une autre petite motion, là, qui ne prendra pas énormément de temps, parce
qu'on n'a pas entendu... Si vous me permettez.
Le Président (M. Benjamin) : D'accord. On va suspendre quelques instants, le temps de
pouvoir transmettre l'information.
M. Ouellette :
Ah! bien oui, mais mon texte, il est là, il n'est pas...
M. Jolin-Barrette :
...peut-être qu'on pourrait faire photocopier la motion du député de Chomedey
et la distribuer aux membres de la commission.
Le Président
(M. Benjamin) : On va suspendre un instant. On suspend.
(Suspension de la séance à
11 h 19)
(Reprise
à 11 h 30)
Le Président (M.
Benjamin) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos
travaux.
M. le député de Chomedey,
vous avez déposé une motion préliminaire. Donc, je vous invite à donner lecture
de votre motion, à commenter et à argumenter. Allez-y.
M. Ouellette : Merci, M. le Président. Comme vous pouvez le voir, M. le Président, j'ai un ordinateur calligraphique. Donc, n'ayant pas un service
de recherche aussi étoffé que mes collègues, je vous ai écrit une motion, M. le
Président.
Motion proposant d'entendre Femmes autochtones du Québec
et
l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador
Conformément à l'article 244
du règlement de l'Assemblée nationale, je fais motion afin :
«Que la Commission
des institutions entende [avant d'entreprendre] l'étude du projet de loi
n° 92, Loi visant la création d'un
tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et violence conjugale et
portant sur la formation des juges en
ces matières, deux personnes : Mme Viviane Michel, [de l'association des] femmes autochtones
du Québec — avec
l'acronyme FAQ; M. Ghislain Picard, [de l'assemblée] des premières nations
Québec-Labrador (APNQL).»
Le Président (M.
Benjamin) : ...
M. Guy Ouellette
M.
Ouellette : Pourquoi, M. le Président, je fais motion... j'en fais une
motion préliminaire? Bien, je suis conséquent avec les démarches que j'ai
faites dans les consultations du projet de loi n° 92. J'avais demandé...
Parce que mon statut d'indépendant me permet de participer, M. le Président,
aux négociations entre leaders des différents partis d'opposition et du
gouvernement pour arriver à une motion pour nos travaux, et j'avais déjà
demandé, dans le cadre de ces discussions-là, d'entendre Mme Viviane
Michel, de l'association des femmes autochtones du Québec, et M. Ghislain
Picard, de l'assemblée des premières nations Québec-Labrador.
Vous comprenez
qu'avec ma motion préliminaire de ce matin ma suggestion n'avait pas été
retenue. J'en fais une motion ce matin parce
que, dans le comité transpartisan Rétablir la confiance, déjà, au
chapitre 4, M. le Président, donc, c'est une des premières choses
qu'on a regardées, et qui est inscrite dans le rapport du comité d'experts,
auquel ont participé les ministres du
gouvernement, et les porte-parole des oppositions, et la majorité des personnes
qui sont ici, d'ailleurs, là, ma
collègue de Joliette, ma collègue de Sherbrooke et ma collègue de Verdun, et,
le chapitre 4, c'était de répondre aux agressions sexuelles et
violence conjugale en contexte autochtone.
Vous me permettrez, M.
le Président, parce que c'est très important, de vous lire les conclusions du
comité, puis ça a six lignes : «Le comité
note le manque de services dans les communautés
autochtones, de même que le manque
de services psychosociaux adaptés aux autochtones vivant en milieu urbain.
«L'implantation
d'un tribunal spécialisé en matière
d'agression sexuelle et de violence conjugale, recommandé par le comité dans le
cadre du chapitre 12, vise à améliorer l'accompagnement de toutes les
personnes victimes. Il faut donc développer une offre de service pour
les victimes autochtones au sein du tribunal spécialisé en créant un centre intégré de services holistiques des Premières
Nations et Inuit en matière d'agression sexuelle et de violence conjugale
qui offrira des services intégrés adaptés
aux autochtones, proposera des options de justice réparatrice aux victimes
adultes et offrira un accompagnement à travers le système judiciaire
traditionnel.»
Je vous l'ai
mentionné, M. le Président, nous avons une responsabilité, comme législateurs.
Nous avons la responsabilité de faire le meilleur projet de loi et nous avons
la responsabilité, M. le Président, de faire en sorte qu'on n'a pas laissé personne derrière ou qu'on n'a pas laissé personne
dont on n'aura pas tenu compte. Trop souvent, M. le Président, au Québec et au Canada, on oublie. Ça va faire bientôt
15 ans que je suis à l'Assemblée nationale, M. le Président, et, dans
plusieurs projets de loi, on légifère pour l'ensemble des citoyens du Québec,
des fois, et souvent sans consultations avec les Premières Nations et avec les
autochtones du Québec, pas juste les autochtones qui vivent à
5 h 30 min d'avion de Québec, mais tous ceux aussi qui vivent en
milieu urbain.
Vous êtes un député
de Montréal, M. le Président. Vous êtes le député de Viau, et je n'ai pas
besoin de vous rappeler que, souvent, en prenant des marches dans votre comté de
Viau, il y a une présence autochtone. Il y en a une dans plusieurs comtés de la
province, de gens qui sont déracinés ou de gens que le système, le système dont
je parlais tantôt, n'aura pas été adéquat pour leur donner l'accompagnement
recherché ou l'accompagnement nécessaire à ce que
ces victimes puissent être traitées adéquatement dans le système, et on en arrive à toutes sortes d'autres situations
qui ne devraient pas être.
Donc, je fais cette
motion pour être conséquent avec les démarches que je fais depuis le début du projet
de loi n° 92 et aussi être conséquent parce que je veux qu'on entende... Je
veux entendre, comme législateur, le point de vue des autochtones. J'ai mentionné, tantôt, dans mes
remarques préliminaires, qu'il y a un de mes collègues députés... On
a été dans le même genre de travail avant d'être députés, et, s'il y en a un
qui, aujourd'hui, est au courant des réalités
des Premières Nations puis des autochtones, c'est mon collègue
d'Ungava. Et puis je sais mon collègue d'Ungava très sensible à la réalité...
comme tous les députés de l'Assemblée nationale sont sensibles à la réalité des
citoyens de leurs comtés, mais je le sais particulièrement sensible aux
réalités des Premières Nations, des autochtones, des Inuit de son territoire.
Et le rapport Rétablir
la confiance, en plus de traiter de la situation au paragraphe 4, nous
donne plusieurs recommandations, puis, de la recommandation 16 à 24, si je
compte bien, là, ça fait neuf recommandations sur 189, et c'est... Les recommandations 16 à 24 sont dans les premières recommandations du rapport. Donc, c'est très important. Je ne voudrais pas, à
la fin, que ça soit encore quelque chose qu'on va imposer et qu'on n'aura pas
prévu ou qu'on n'aura pas été sensibilisés à la réalité de terrain vécue par
les Premières Nations et les autochtones du Québec.
Donc, c'est le pourquoi de cette motion
préliminaire, M. le Président. On avait deux choix, là. On pouvait se mettre la
tête dans le sable puis dire : Non, non, on va faire comme d'habitude notre
projet de loi, puis ça va être bon pour tout le monde, puis il va falloir
qu'ils s'en accommodent. Trop souvent, par le passé... Puis là on a plusieurs événements,
plusieurs circonstances. On a plusieurs... On parle de réconciliation. On parle
de vérité. On parle de principe de
Joyce. On parle de plein de choses. Je pense qu'il serait souhaitable que nous
puissions entendre la réalité des femmes autochtones du Québec et la
réalité des Premières Nations.
Je nous le
soumets. Je le soumets respectueusement à M. le ministre et aux membres du
gouvernement. Je pense qu'il va de soi qu'on ait cette préoccupation-là. Et je
vous dirais aussi : Si on veut vraiment que ce soit un projet pour
toutes les victimes, toutes les victimes, j'insiste sur le mot, toutes les victimes,
pas certaines victimes et, d'autres, on ne
s'en occupe pas, ou on s'en occupe moins, ou on n'a pas besoin de savoir ce
qu'ils pensent... Ça fait que ce seront mes remarques, M. le Président,
pour cette motion préliminaire.
• (11 h 40) •
Le
Président (M. Benjamin) :
Merci, M. le député de Chomedey. Est-ce que nous avons... Oui, Mme la députée
de Verdun.
Mme
Isabelle Melançon
Mme Melançon : Merci, M. le
Président. Je serai très, très brève. Cependant, ce que propose le collègue, d'entendre Vivianne Michel et Ghislain Picard...
Je pense qu'avec la lecture des projets pilotes, auxquels semble tenir
le ministre... On aura des discussions un peu plus tard. Je pense qu'avec les
projets pilotes on va devoir s'assurer qu'il y ait une forme de déploiement
aussi auprès des autochtones.
Et le député de Chomedey, mon collègue de Chomedey,
fait bien de rappeler qu'à l'intérieur du chapitre 4 il est justement question de la façon dont on peut
aussi rebâtir la confiance avec les communautés autochtones, et on devra,
bien sûr, porter une attention particulière
de savoir comment est-ce que ce sera fait. À la lecture et à la compréhension
que j'ai, le député de Chomedey avait demandé à ce qu'on puisse entendre ces
gens pour venir parler justement de l'application
du projet de loi sur, justement... en territoire autochtone. Bien, moi, je
pense qu'on ne peut que gagner à les entendre. Alors, je vais appuyer le
député de Chomedey dans sa demande. Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
Mme la députée de Verdun. Mme la députée de Joliette.
Mme
Véronique Hivon
Mme
Hivon : Merci, M.
le Président. Simplement pour dire, à mon tour, que je pense que ce serait d'un
grand intérêt de pouvoir entendre ces
représentants des nations autochtones, compte tenu de l'importance de ces
enjeux en matière de justice pour les communautés autochtones et aussi
de la place qui leur est réservée dans le rapport Rebâtir la confiance.
Le
Président (M. Benjamin) :
Merci, Mme la députée de Joliette. Est-ce que nous avons d'autres interventions
sur cette motion? S'il n'y a pas d'autre... M. le député...
M. Jolin-Barrette : Un mot rapide,
M. le Président, simplement rassurer les membres de la commission qu'il y a déjà des discussions avec les
communautés autochtones, et, bien entendu, on va donner suite au
chapitre 4 pour faire en sorte
notamment qu'un des projets pilotes puisse se faire avec les communautés,
alors... mais la liste des groupes a été convenue, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le ministre. M. le député de Chomedey.
M. Ouellette : Je vais demander le
vote par appel nominal, M. le Président.
Mise
aux voix
Le
Président (M. Benjamin) :
D'accord. Donc, nous allons procéder à la mise aux voix. Une demande de vote
par appel nominal a été faite par le député de Chomedey. Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Ouellette (Chomedey)?
M. Ouellette : Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M.
Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire :
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Contre.
La Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac)?
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Contre.
La Secrétaire :
Mme D'Amours (Mirabel)?
Mme D'Amours :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Lachance (Bellechasse)?
Mme
Lachance : Contre.
La Secrétaire :
M. Martel (Nicolet-Bécancour)?
M.
Martel :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lamothe (Ungava)?
M. Lamothe :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Melançon (Verdun)?
Mme
Melançon : Pour.
La Secrétaire :
M. Tanguay (LaFontaine)?
M. Tanguay :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Labrie (Sherbrooke)?
Mme Labrie :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Hivon (Joliette)?
Mme
Hivon :
Pour.
La Secrétaire :
M. Benjamin (Viau)?
Le Président (M.
Benjamin) : Abstention. Donc, la motion est donc rejetée.
Étude
détaillée
Donc, pour la suite
des travaux, donc, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, j'ai proposé un ordre de... bien, une façon de
procéder aux différents collègues, donc, le bloc A, Mesures relatives à la
formation des juges, ensuite le bloc B, Mesures portant sur le tribunal
spécialisé, bloc C, Dispositions d'entrée en vigueur. Alors, je propose, par
souci de cohérence, de fonctionner de cette
façon-là. Nous avons eu des discussions hors micro avec les collègues. Alors,
est-ce que... On a discuté de débuter par le préambule.
Le Président (M.
Benjamin) : Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie :
Oui, effectivement, il a été question de débuter par l'étude du préambule parce
que c'est quand même le coeur des objectifs du projet de loi dont il est
question ici. Je pense que ça va clarifier beaucoup de choses pour la suite de
l'étude du projet de loi.
M.
Jolin-Barrette : Donc, M. le Président, je n'ai pas d'enjeu à débuter
par le préambule parce que ce qu'on veut faire, c'est avancer au bénéfice des
victimes et de pouvoir répondre aux collègues des oppositions.
Le Président (M.
Benjamin) : Alors, merci, M. le ministre. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
De mon côté, M. le Président, je suis tout à fait d'accord à commencer par le
préambule, mais je nous suggérerais de
procéder dans l'ordre du projet de loi, tout simplement. On pourra rediscuter de l'ordre si le ministre veut
commencer tout de suite après le préambule, mais moi, je veux juste dire tout de suite que je ne suis pas confortable avec l'ordre qui nous est
présenté par le ministre, de commencer par un élément très précis, qui est la
formation, et pas la formation non plus de
tous les intervenants, mais uniquement la formation des juges. Je
trouve que ce serait plus logique d'y
aller dans l'ordre du projet de loi, mais, si le ministre veut, plus tard,
expliquer pourquoi il tient à commencer par la formation des juges, on
pourra le faire ou il peut me l'expliquer tout de suite s'il le veut. Mais moi,
je voulais juste marquer tout de suite que je suggère que nous procédions tout simplement dans l'ordre, parce
que je pense que la formation des juges est un élément très précis dans
l'ensemble de l'oeuvre du tribunal spécialisé puis je m'explique mal pourquoi on commencerait par cet élément-là
sans savoir où on s'en va globalement dans l'étude du projet de loi.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, je vous le dis, je n'ai pas d'enjeu.
On peut y aller dans l'ordre, mais, dans
l'ordre, ça voudrait dire commencer par l'article 1 et non pas
par le préambule, en fonction de nos règles. Alors, les collègues,
j'ai un amendement pour faire le préambule. Je peux introduire le
préambule. Alors, ce n'est pas dans l'ordre parce qu'on étudie le préambule à la fin, généralement. Alors, allons-y
avec le préambule, dans un premier temps, mais je souhaite juste dire aux collègues
qu'après ça l'article 1, c'est sur la formation des juges. Alors,
c'est pour ça que je vous le proposais par blocs, mais faisons le
préambule en premier, puis, un coup qu'on aura fait le préambule, on s'ajustera
tous ensemble.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie :
...juste dire au ministre que, notamment, parmi les choses qu'on veut discuter,
concernant le préambule, c'est qu'à mon avis, puis mes collègues s'exprimeront
là-dessus si elles les souhaitent, les objectifs du projet de loi devraient se
trouver dans l'article 1 du projet de loi et non pas dans
un préambule. Donc, on aura l'occasion d'en
discuter, mais c'est probable que l'article 1 ne doive pas être celui que le ministre
nous a présenté jusqu'à maintenant.
Le Président (M.
Benjamin) : Une autre intervention, celle de la députée de Verdun.
Mme
Melançon : Bien, très rapidement, j'abonde dans le sens et à la fois
de la députée de Joliette et à la fois de la
députée de Sherbrooke. Je crois que, dans le préambule, il va y avoir une
discussion, mais... discussion hors micro que nous avons eue tout à
l'heure, j'ai posé la question au ministre, à savoir pourquoi est-ce qu'on ne
peut pas en faire un article et non pas un
simple préambule pour que ce soit bien imbriqué à l'intérieur de la loi. Ça,
c'est concernant le préambule.
Et je suis d'avis
aussi qu'on pourrait y aller article par article, selon le projet de loi qui
nous est proposé actuellement, qu'on puisse
l'étudier ainsi pour pouvoir justement mieux voir venir aussi les... Bien, dans
le fond, on a plein de questions pour le ministre puisqu'on a de nouveaux
amendements ce matin. Alors, je pense qu'en y allant dans l'ordre tel
que proposé dans le projet de loi on pourra ainsi mieux voir venir, M. le
Président.
Le Président
(M. Benjamin) : Alors, dans un premier temps, pour ce qui est du
préambule, est-ce qu'il y a consentement pour permettre au ministre de
présenter un amendement visant à introduire un préambule? Est-ce qu'il y a
consentement? Consentement. Parfait. Oui, allez-y.
M. Ouellette : Question de directive. L'étude du préambule va se faire comment? Parce
qu'il y a sept considérants dans le
préambule, et c'est un amendement. Normalement, un amendement nous donne une
période de temps de parole de 20 minutes pour sept considérants.
Est-ce que... Vous suggérez quelle façon de procéder? Est-ce qu'on procède
considérant par considérant? Est-ce qu'on procède par l'ensemble de
l'amendement, M. le Président? Parce que c'est un préambule qui est très
costaud. Et je comprends la rapidité avec laquelle M. le ministre semble
vouloir discuter du projet de loi, là, très,
très, très rapidement, mais je pense qu'il faut prendre le temps de faire les
choses comme il se doit. Donc, je veux avoir la réponse de la
présidence.
Le Président
(M. Benjamin) : Merci. Si vous permettez, on va suspendre
quelques instants, le temps que je vous revienne.
(Suspension de la séance à
11 h 50)
(Reprise à 12 h 04)
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Donc, je comprends qu'il y a une entente pour que le temps
de parole soit de 20 minutes par alinéa
de l'amendement. C'est bien ça?
M. Jolin-Barrette :
Effectivement, M. le Président. Considérant que c'est une situation qui est
particulière, on ne vous demande pas de décision là-dessus. Et ça ne fait pas
office de précédent, mais on consent à ce que chaque collègue ait 20 minutes par alinéa, le tout pour que, notamment, le
député puisse s'exprimer adéquatement sur chacun des considérants.
Comprenez-moi bien, M. le Président, je souhaite
faire preuve de cette ouverture afin que nous avancions bien et que les
parlementaires puissent s'exprimer, mais ça ne veut pas dire non plus
d'utiliser nécessairement le 20 minutes si ce n'est pas nécessaire de
l'utiliser. Alors, si je peux lire le préambule, M. le Président...
Une voix : ...
Le Président (M. Benjamin) :
Attendez un moment. Donc, je comprends qu'il y a deux interventions souhaitées,
une du député de Chomedey, suivi de la députée de Joliette. Député de Chomedey.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais...
M. Ouellette : ...le ministre
terminer son intervention, M. le Président, là, puis je...
Le Président (M. Benjamin) :
Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Je voudrais juste dire, M. le Président, j'ai
communiqué les amendements et le préambule aux collègues et j'aimerais ça qu'ils soient déposés publiquement pour
le bénéfice des citoyens également qui suivent la commission.
Document déposé
Le Président (M. Benjamin) :
Parfait. Donc, c'est déposé. Je les dépose. C'est beau, M. le ministre? Vous
avez complété?
M. Jolin-Barrette : Oui, oui,
tout est beau.
Le Président (M. Benjamin) :
Parfait. M. le député de Chomedey.
M. Ouellette : Donc, M. le
Président, il y aura probablement consentement, là, je ne peux pas parler au
nom de mes collègues, pour qu'on puisse
regarder le préambule considérant par considérant. Et je vous avais demandé une
décision là-dessus parce que je sais qu'il y
a déjà de la jurisprudence, parce que, comme j'ai mentionné, M. le Président,
ayant déjà occupé le siège de la Commission des institutions, de la présidence,
Mme la députée de Taschereau, j'ai frais à
la mémoire que, régulièrement, dans les projets de loi, on étudiait les projets
de loi alinéa par alinéa. Ça fait que, puisque
le préambule, je pense que c'est le coeur du projet de loi, puis qu'on besoin
de voir les différents intervenants et le cheminement passé du ministre là-dessus, je n'aurai pas
d'autre commentaire à ce stade-ci.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le député de Chomedey. Comme il y a consentement, j'inviterais maintenant le
ministre à lire le premier... le préambule.
M. Jolin-Barrette : Alors, M. le
Président, préambule.
Insérer, après le titre du projet de loi, ce qui
suit :
«Considérant
la prévalence importante et la complexité des problématiques de violence
sexuelle et de violence conjugale dans la société;
«Considérant l'importance d'agir ensemble pour
prévenir et contrer ces problématiques;
«Considérant les besoins particuliers des
personnes victimes d'infractions criminelles qui impliquent un contexte de
violence sexuelle ou de violence conjugale;
«Considérant que l'accompagnement des personnes
victimes doit impliquer des intervenants spécialisés et dédiés et que la
spécialisation de ceux-ci est assurée par une formation continue;
«Considérant
l'importance de travailler à rebâtir la confiance des personnes victimes envers
le système de justice;
«Considérant que l'offre de services
psychosociaux et judiciaires intégrés et adaptés, l'adaptation de lieux
physiques sécuritaires et sécurisants et l'effort soutenu pour réduire les
délais de traitement des dossiers contribuent à redonner confiance aux
personnes victimes envers le système de justice;
«Considérant
que le respect des droits d'un accusé, dont la présomption de son innocence,
est un des fondements du système pénal et criminel.»
Commentaire. Cet amendement vise à ajouter un
préambule à la loi exposant le contexte social et judiciaire dans lequel
s'inscrivent les modifications législatives proposées. Or, peut-être quelques
explications, M. le Président. J'ai entendu les groupes, la semaine dernière,
j'ai entendu les collègues des oppositions, également, qui souhaitaient avoir
un article général sur les objectifs du projet de loi et la volonté à savoir
pourquoi est-ce qu'on met en place un tribunal spécialisé, M. le Président.
C'est important de dire que le préambule fait partie intégrale d'un projet de
loi. Il a la même valeur légale.
Notamment,
l'article 40 de la Loi d'interprétation nous indique : «Le préambule d'une
loi en fait partie et sert à en expliquer [l'objectif] et la portée.
«Les lois doivent
s'interpréter, en cas de doute, de manière à ne pas restreindre le statut du
français.»
Donc,
ça, c'est l'article 40 de la Loi d'interprétation. Et ce qu'il faut comprendre,
c'est que le projet de loi n° 92, ce qu'il vient faire, c'est un
projet de loi annuel autoportant. Et donc, lorsque les gens se référeront à la
loi... bien, au projet de loi n° 92,
qui portera un autre titre lorsqu'il deviendra une loi annuelle, ça, ça va
demeurer en intégralité. Alors, le lecteur, ce qu'il constate, c'est
quels sont les objectifs et qu'est-ce qui est voulu.
Par la suite, vous
savez que nos lois sont refondues, M. le Président. Alors, dans le projet de
loi, il y a certaines sections... certains articles du projet de loi qui vont
venir modifier d'autres lois, notamment la Loi sur les tribunaux judiciaires.
Alors, on met le préambule en entrée, qui vient établir clairement qu'est-ce
que c'est.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, M. le ministre. Alors, dans un premier temps, j'ai Mme
la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie :
Merci, M. le Président. J'ai bien entendu ce que le ministre nous a dit. J'ai quand
même un problème avec le fait que, pour moi,
la façon dont c'est présenté en ce
moment, dans le préambule qui nous est proposé, les considérants, c'est
plus comme une mise en contexte. Moi, je ne lis pas ici une liste d'objectifs.
Je ne vois aucun endroit où il est mention
d'objectifs. Donc, si le ministre veut que ce soit clair pour les personnes,
notamment les victimes qui vont lire le projet de... bien, la loi, une
fois qu'elle sera adoptée, je pense qu'il faut adopter une formulation beaucoup
plus claire, comme on le voit dans d'autres lois, en nommant précisément les
objectifs visés par la création des tribunaux spécialisés. Puis d'ailleurs il y
a des groupes qui nous ont fait des recommandations en ce sens-là, là, en identifiant
déjà des propositions d'objectifs.
M.
Jolin-Barrette : Bien, là-dessus, M. le Président, moi, je suis très
ouvert à entendre les différents collègues. Alors, peut-être qu'on peut faire
un tour de table et écouter les collègues, savoir quelle est leur position, ce
que... en quoi un objectif qui devrait être inscrit dans le cadre du préambule
pourrait l'être. Alors, je suis ouvert à entendre
les suggestions. Peut-être, je serais curieux d'entendre la députée de Verdun
et la députée de Joliette là-dessus pour savoir à quoi vous pensez.
• (12 h 10) •
Le Président (M.
Benjamin) : Alors, j'ai la députée de Verdun.
Mme
Melançon : Bien, je vais me permettre juste une parenthèse avant au
ministre. J'aimerais bien qu'il puisse nous présenter qui sont les personnes
qui l'accompagnent, aujourd'hui, du ministère de la Justice. Moi, je ne suis
pas une habituée, donc, de la Commission des institutions. Donc, ce serait très
bien de voir qui accompagne le ministre aujourd'hui, dans un premier
temps. Puis, par la suite, je reviendrai avec les objectifs, parce que,
justement, on avait eu une discussion, la semaine dernière, à ce sujet-là, et il
y avait des propositions qui avaient été faites. Donc, voilà.
M. Jolin-Barrette : Alors, à ma droite, M. le Président, m'accompagnent Me Patrick-Thierry
Grenier, sous-ministre associé au ministère de la Justice, Me Hélène
Dumas-Legendre, qui est juste ici à ma droite, ainsi que Me Jade Cabana — bonjour — qui
est également au ministère de la Justice.
Mme
Melançon : Alors, M. le Président, la semaine dernière, bon, il avait
été question justement de pouvoir introduire des objectifs assez clairs à
l'intérieur du projet de loi, puis moi, je ne pensais pas que c'était pour être
fait par préambule. Je pensais vraiment que c'était pour devenir un article. Il
y a une différence entre un préambule et un article, on le sait, puis, si ce
n'était pas le cas, bien, on n'aurait pas eu à suspendre tout à l'heure, à
savoir si on peut le traiter comme un préambule ou comme un article, aussi
particulier que ça puisse paraître. On l'a dit tout à l'heure, et je pense que la collègue de Sherbrooke l'a bien
mentionné aussi, la distinction, c'est vraiment dans... Quand ce n'est
pas un article, je pense que c'est moins fort qu'à l'intérieur d'un préambule,
dans un premier temps.
Et, concernant les
objectifs, je veux juste rappeler au ministre deux choses. Moi, je ne sais pas
qu'est-ce qui a guidé le ministre à l'intérieur de ce préambule, comment est-ce
qu'il a fait pour décider des différents considérants, surtout lorsque je
regarde les principes directeurs, par exemple, d'un rapport, qui s'appelle le
rapport Grenier. Donc, hein, surprenant, M.
le sous-ministre, que je puisse vous citer aujourd'hui, mais, à l'intérieur du
rapport Grenier, il y avait des
principes directeurs qui ne sont pas tout à fait les mêmes que ce qui est ici,
à l'intérieur du projet de loi
n° 92. Et je tiens à rappeler,
je tiens à rappeler qu'il y avait des notes de présentation qui avaient été
déposées par Julie Desrosiers et Me
Corte, qu'ils avaient déposées directement à la commission, dans lesquelles il
y avait, bien entendu, des objectifs clairement énoncés qui ne se
retrouvent pas non plus à l'intérieur des considérants dans le préambule que le
ministre nous propose.
C'est pourquoi je
pense que d'avoir plus qu'un tour de table... Je pense que ça va prendre un
échange un peu plus long pour voir... pour
faire concorder les objectifs qui avaient déjà été élaborés, qui ne se
retrouvent pas... Mais, moi, ce que
j'aimerais entendre, c'est de savoir comment est-ce que le ministre en est
arrivé avec ses différents considérants, juste savoir qu'est-ce qui l'a
guidé à l'intérieur de ce préambule.
Le Président (M.
Benjamin) : Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
J'ai la même question. Donc, moi, je veux souligner que je pense qu'il y a vraiment
une avancée significative avec les éléments
qui se retrouvent là. Donc, moi, il y en a plusieurs que je suis vraiment
heureuse de voir. En fait, je suis
heureuse de tous les voir. Il y en a peut-être d'autres que j'aimerais voir aussi. Ça fait qu'on va en discuter. Ça fait que je
suis curieuse d'entendre ce qui fait que le ministre a retenu ceux-là par
rapport, effectivement, à d'autres qu'on a retrouvés dans d'autres documents,
dont, par exemple, la question de la victimisation secondaire, qui, notamment,
est dans les notes de présentation de Me Julie Desrosiers, puis d'autres
éléments sur lesquels on pourra revenir.
Donc, oui, moi, ça m'intéresse de savoir ce qui
a guidé le ministre pour choisir ces éléments-là et aussi, question
préliminaire, pourquoi il a fait le choix d'insérer ça dans un préambule plutôt
que dans le cadre de la loi. Ça fait que moi, je veux voir, là, avec son équipe
de légistes... Eux autres, ils ont des réflexions très poussées, j'imagine, sur
la structure du projet de loi puis pourquoi ils estimaient que c'était plus
opportun de le mettre en préambule.
Et je rejoins ma collègue sur la question des
objectifs versus les considérants. Il y a quand même une nuance importante, et
je pense que de se donner des objectifs va faire en sorte qu'on va savoir ce
qu'on poursuit pour... dans l'instauration du tribunal spécialisé, alors que
des considérants, c'est plus un contexte général. Ce n'est pas sans intérêt,
mais je pense que, d'avoir des objectifs clairement établis, c'est encore plus
éloquent.
Donc, je voudrais comprendre aussi si le
ministre a fait cette analyse-là et ce qui fait en sorte qu'il a opté pour des considérants. Puis je veux juste... Il y
a plusieurs projets de loi qui parlent d'objectifs, là. Donc, on pourra
donner des exemples, mais il y a
plusieurs projets de loi qui parlent d'objectifs dans des articles et non
pas dans un préambule.
Le Président (M. Benjamin) : Merci.
M.
Jolin-Barrette : Alors, M.
le Président, ce n'est pas parce qu'il est écrit «considérant» au début de la
phrase que ce n'est pas un objectif,
M. le Président. Ça, c'est la première chose, au niveau de la sémantique. Moi,
je suis bien ouvert à ce que... si les collègues souhaitent rajouter des
éléments, notamment sous forme d'objectifs, mais ça prend la forme dans le
cadre d'un préambule de considérants. Alors, ça peut être «considérant
l'objectif de». Alors, que les collègues me fassent des propositions, mais,
lorsqu'on dit : «Considérant que l'accompagnement des personnes victimes doit impliquer des intervenants
spécialisés dédiés et que la spécialisation de ceux-ci est assurée par une
formation continue», en soi, c'est un objectif.
Alors, lorsque j'entends, lorsqu'on me
dit : Bien, des considérants, ce n'est pas des objectifs, non, attention, les considérants peuvent être des objectifs, M. le
Président. Alors, un considérant, c'est de la façon dont c'est écrit dans
les lois, mais ce sont également des objectifs. «Considérant l'importance
d'agir ensemble pour prévenir et contrer ces
problématiques», ça, M. le Président, vous allez convenir avec moi que c'est un
objectif, l'objectif d'agir ensemble et de contrer ces problématiques.
«Considérant l'importance de travailler à rebâtir la confiance des personnes
victimes envers le système de justice», ça
aussi, c'est un objectif, M. le Président. «Considérant que l'offre de services
psychosociaux et judiciaires intégrés et adaptés, l'adaptation de lieux
physiques sécuritaires et sécurisants et l'effort soutenu pour réduire les délais de traitement des dossiers
contribuent à redonner confiance aux personnes victimes envers le système
de justice», ça aussi, c'est un objectif, M. le Président.
Donc, tous les considérants constituent des
objectifs. Et, dans le fond, pourquoi est-ce que je les ai indiqués? Bien, c'est pour faire en sorte, à la demande des
collègues, d'expliquer pourquoi on met en place un tribunal spécialisé
en matière de violence sexuelle et conjugale, parce que, malgré... Ce
préambule, qui n'était pas présent au départ et qui, de mon avis, rajoute et
vient spécifier, mais qui n'est pas essentiel, M. le Président, bien, ça vient
préciser la portée et la pensée du
législateur, à savoir pourquoi est-ce qu'on fait un tribunal spécialisé en
matière de violence sexuelle et de violence conjugale. Et pourquoi on le
fait, M. le Président, ce sont pour ces différents motifs et ces différents
objectifs-là, sur lesquels on s'est basés dans le cadre de Rebâtir la
confiance, sur lesquels on s'est basés sur les recommandations du groupe du
travail, qui nous recommande des projets pilotes dans un premier temps.
Alors, voici, M. le Président, moi, si les collègues
veulent le bonifier, je suis ouvert à le bonifier. L'autre élément qui est
important, par contre, le préambule fait partie intégrante de la loi, mais je
donne un exemple à la députée de Verdun relativement au dernier considérant. Le considérant relativement au respect des droits d'un accusé, de la présomption de son innocence,
qui est un des fondements du système pénal et criminel, ça ne se retrouve pas à
l'article, parce que ça serait un peu particulier que ça se retrouve
dans l'article, parce
que ça fait partie intrinsèquement
des principes qui sont prévus à notre Charte des droits et libertés de la
personne, la charte québécoise, qui édicte ce principe-là.
Alors, ça va de
soi dans le système de justice. Donc, ça fait partie du préambule, de
l'explication, de l'objectif que, bien
entendu, on met en place un tribunal
spécialisé pour les victimes de violence
sexuelle et conjugale, mais ça ne
vient pas porter atteinte au principe de la présomption d'innocence, parce que
les règles du droit criminel, telles qu'elles le sont, ne changeront pas dans le cadre du projet de loi. Et, ça, j'ai eu l'occasion de le réitérer à de multiples reprises,
le droit d'être entendu, le droit à une défense pleine et entière, la
présomption d'innocence demeurent.
Alors, je voudrais juste faire quelques commentaires,
aussi, M. le Président, de façon globale, pour situer le projet de loi en lien
avec le préambule, là. Un des objectifs, là, du projet de loi, là, c'est de
mieux accompagner les plaignantes dans le processus judiciaire avec des
intervenants, essentiellement, hors des salles d'audience, dont les policiers, les enquêteurs, les procureurs, les travailleurs
sociaux. Et la réalisation de cet objectif ne sera pas sous la supervision
des juges, ne sera pas sous la supervision de la cour, mais de la part des
différents intervenants, hein?
Ça, c'est
très clair, je l'ai dit dès le départ, et je le réitère, la cour s'occupe de
ses juges, l'État, le gouvernement... Bien, je ne devrais pas dire
l'État, je devrais dire le gouvernement, parce que le judiciaire fait partie de
l'État, hein? Ils ne sont pas désincarnés de l'État,
c'est une branche de l'État, M. le Président. Alors, tout ce qui est service à
la population, aux personnes victimes, ça
relève du gouvernement, hei? L'accompagnement avec les victimes, les
intervenants, les policiers, le DPCP,
ça relève de l'État. Ce qui se passe dans la salle de cour relève de la cour,
en toute indépendance, je l'ai toujours dit.
• (12 h 20) •
Alors, l'autre point,
dans le cadre du projet de loi, c'est qu'il y a de la formation aussi,
formation pour les juges. Puis j'ai déposé
un amendement également pour formation tous les acteurs du système de justice.
Bien entendu, M. le Président, le
Conseil de la magistrature du Québec organise beaucoup de formations pour les
juges et encourage à en faire rapport aux élus et au public annuellement afin de
signaler que les juges suivent déjà des formations, et que la formation par le Conseil de la magistrature, la
formation continue des juges, est encouragée par cette instance-là, et les
juges souhaitent recevoir des formations, et ils le font déjà, d'entrée de jeu.
Ce que le législateur
vient faire ici, c'est venir spécifier davantage, M. le Président, quel type de
formation on souhaite qu'ils suivent, mais en tout respect, M. le Président, de
l'indépendance judiciaire. Et c'est pour ça que c'est le Conseil de la magistrature
qui va choisir et déterminer quelles sont les modalités relativement aux types
de formations qui sont suivies en matière de violence sexuelle et conjugale,
mais le contenu relève de l'indépendance, en
tout respect, M. le Président, mais le législateur vient le dire, tout comme le
législateur fédéral l'a fait avec les juges de la Cour supérieure, de la Cour d'appel, la cour fédérale, la Cour
d'appel fédérale, qui doivent suivre une formation, notamment en matière
de violence sexuelle et de violence conjugale.
Autre point, M. le
Président, qui est fondamental, le gouvernement, l'État, finance la formation
des juges et les opérations du Conseil de la magistrature, hein? Les Québécois,
collectivement, donnent plusieurs millions de dollars au Conseil de la magistrature pour exercer cette
formation-là, hein, pour offrir aux magistrats cette formation-là, mais le gouvernement laisse au Conseil de la magistrature la façon de déterminer quelles
sont les formations, en tout respect de la séparation des pouvoirs.
C'est ce qu'on fait également dans le cadre du projet de loi parce qu'on est
soucieux de l'indépendance judiciaire.
Alors, le Conseil de la magistrature obtient des millions pour, notamment,
faire de la formation des juges, mais c'est eux qui déterminent quelle
est la nature de cette formation.
Autre point qui est important,
M. le Président, avec le projet de loi, la Constitution, la Loi constitutionnelle
de 1867, reconnaît à l'Assemblée nationale la responsabilité d'organiser la
structure des tribunaux, ce qui inclut la création ou l'abolition de tribunaux
spécialisés ou de chambres spécialisées, comme différentes chambres au sein de
la Cour du Québec, Tribunal du travail antérieurement, Tribunal des droits de
la personne, chambre de la jeunesse, et ça inclut notamment la désignation du
nom du tribunal, division, chambre. Alors ça, c'est important que... de faire
en sorte que ça soit dit clairement.
L'autre point qui est
fondamental en lien avec le préambule et avec le reste du projet de loi, c'est
le fait qu'il ne faut pas confondre l'organisation des tribunaux, tel que nous
le faisons aujourd'hui en créant une division spécialisée en matière de
violence sexuelle et conjugale, un tribunal spécialisé, et la gestion des
salles d'audience, la gestion des rôles, et la gestion des juges, et les juges
en autorité également. Alors, on va venir créer également des projets pilotes
qui impliquent la participation de beaucoup d'intervenants, et ce n'est pas le
gouvernement du Québec qui va assigner les juges, déterminer les juges qui
seront présents, et ça, c'est très important de le dire. Nous, il y a l'encadrement, hein, les intervenants, tout ça,
mais ce qui relève du judiciaire appartient au judiciaire, et ça va se faire
en toute indépendance.
Alors, je reviens au
dernier considérant, là. La présomption d'innocence demeure, et rien,
strictement rien, dans le projet de loi, M.
le Président, ne remet en question l'obligation des juges de la Cour du Québec
d'être impartiaux et d'apparaître impartiaux en tout temps. D'ailleurs,
c'est expressément prévu dans le code de déontologie des juges, dans le code de
procédure, dans les chartes, et ce sont des principes constitutionnels reconnus
que le gouvernement du Québec soutient
également. Alors, il y a une nette séparation et il n'y a pas d'atteinte à la
présomption d'innocence dans le cadre du projet de loi.
Alors, vous savez, M.
le Président, c'est pour ça qu'on fait le préambule. Au fil des années, les
tribunaux ont évolué, hein? Il y a eu des améliorations. Il y a de la formation
continue qui est donnée, notamment, aux cours. Les cours font partie de la
solution, M. le Président, pour adapter le tout à la réalité d'aujourd'hui.
Alors, je souligne leur travail de modernisation, notamment, au fil des ans. Et
le projet de loi n° 92 est notamment pour répondre à une demande des
personnes victimes qui souhaitent être mieux accompagnées, mieux encadrées,
alors d'où l'objectif du préambule. Un coup que j'ai énoncé ces principes, j'ai
expliqué pourquoi est-ce que ça se retrouvait dans le cadre du préambule. Ça
m'apparaît important, à la lumière de ce que j'ai entendu des oppositions et
des groupes qui sont venus en commission parlementaire, de proposer ce
préambule-là justement pour faire en sorte de venir établir les objectifs du
tribunal.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie :
J'ai bien entendu ce que le ministre dit. Moi, je ne vais pas faire une
bataille pour enlever le mot «considérant» du préambule, mais par contre le
fait de dire que des choses sont importantes, pour moi, ça ne constitue pas
nécessairement un objectif. Puis d'ailleurs le quotidien de l'actualité
politique nous le rappelle constamment. Donc, moi, j'ai besoin qu'on rajoute le
mot «objectif». Je vais préparer, dans les prochaines heures, après la
suspension, un amendement à cet effet-là, mais j'ai besoin qu'on rajoute la
question d'objectifs au moins dans les trois considérants, là, les trois
avant-derniers, qui concernent l'accompagnement des personnes victimes, Rebâtir
la confiance puis la liste, là, services psychosociaux, tout ça. Ces trois
considérants-là, pour moi, nécessitent de nommer que c'est un objectif. Donc,
j'invite le ministre à le faire.
Celui...
Le considérant que l'accompagnement des personnes victimes doit impliquer,
blabla, juste... J'essaie... Je tente une formulation juste pour donner
un aperçu de ce que ça pourrait avoir l'air, là : «Considérant l'objectif
de mieux accompagner les personnes victimes en assurant la présence
d'intervenants spécialisés et dédiés dont la spécialisation est assurée par une
formation continue», c'est le genre de formulation que j'aimerais qu'on puisse trouver. Ça permet de laisser «considérant» pour respecter la
formulation habituelle d'un préambule. Ça permet de clarifier que c'est un objectif.
Moi, c'est le genre de formulation que je veux voir. On peut travailler
ensemble là-dessus en revenant
ou je peux proposer un... Peut-être que ce serait mieux qu'on travaille tous ensemble
là-dessus que d'essayer de rédiger toute seule un amendement,
là, parce que mes collègues vont avoir des propositions aussi, mais c'est le
genre de formulation auquel je veux qu'on aboutisse.
M. Jolin-Barrette : Moi, je suis
très ouvert, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
Mme la députée de Sherbrooke. La députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci, M. le
Président. Je crois aussi qu'on va devoir les travailler, dans le fond,
conjointement, là, peut-être, tout le monde ensemble, pour pouvoir arriver avec
une proposition, pour ne pas allonger inutilement... Il y a quelque chose qui
m'apparaît aussi nécessaire, à ce moment-ci, à l'intérieur... Julie Desrosiers,
dans les objectifs qu'elle nous avait proposés et déposés dans ses notes de
présentation... Je pense qu'on doit indiquer
rapidement la réduction de la victimisation secondaire, parce que c'est ce qu'on
visait avec Rebâtir la confiance, notamment, et ce n'est pas pour
rien non plus que c'était le premier objectif que Mme Desrosiers nous
avait déposé.
Donc, il en manque quelques-uns, et c'est là où
je pense qu'on peut faire un travail conjoint là-dessus. Je pense que le
ministre comprend très bien notre volonté de vouloir ramener ce qu'il y avait à
l'intérieur de Rebâtir la confiance. On est assez bien placés pour
pouvoir l'amener sur ce terrain-là. Et je pense qu'un peu de travail conjoint
des quatre collègues là-dessus pourrait nous aider pour pouvoir avancer à la
vitesse que le ministre souhaite nous voir avancer.
Mais je veux quand même rappeler une chose, M.
le Président, je pense que le fait que ce soit dans un préambule et non pas dans un article... je crois sincèrement que ça
enlève de la force, parce que, lorsque les objectifs sont clairement
élaborés à l'intérieur d'un article, et on a des exemples concrets qu'on pourra
échanger avec le ministre à ce sujet-là, là, on a eu des discussions tout à
l'heure, je pense que ça démontre encore plus de force qu'un préambule qui nous donne tout simplement un... Je vais
reprendre les mots de la députée de Joliette, là, c'est plus éloquent dans des
objectifs ciblés dans un article que des considérants qui mettent un contexte
autour du travail législatif que nous sommes à faire actuellement, M.
le Président.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
Mme la députée de Verdun.
Compte tenu de l'heure, nous allons suspendre
les travaux.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise à 15 h 41)
Le Président (M. Benjamin) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des institutions reprend ses travaux. Nous poursuivons l'étude détaillée du
projet de loi n° 92, Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en
matière de violence sexuelle et de violence conjugale et portant sur la
formation des juges en ces matières.
Lors de la suspension de nos travaux, cet
avant-midi, nous en étions à l'étude de l'amendement proposé par le ministre.
Mais je crois, M. le ministre, que vous avez de l'information nouvelle à nous
donner.
M.
Jolin-Barrette : Tout à
fait, M. le Président. Vous êtes bien renseigné. Alors, avec votre permission,
je vous demanderais de retirer la proposition d'amendement que j'ai
faite en termes de préambule.
Le Président (M. Benjamin) : Est-ce
que j'ai le consentement de tous pour le retrait de l'amendement? Consentement.
Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Donc, avec votre
permission, M. le Président, je déposerais un nouveau préambule, suite aux
consultations des collègues des oppositions, notamment, et également je vous
ferais la lecture de l'article 0.1 également,
qui suivrait le préambule. Alors, je vous lirais les deux, M. le Président, et
les deux pourraient être déposés, mais, bien entendu, on va étudier le
préambule dans un premier temps.
Le
Président (M. Benjamin) :
Merci, M. le ministre. Est-ce que j'ai le consentement de tous pour procéder
ainsi? Parfait. Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, le
préambule, M. le Président : Insérer, après le titre du projet de loi, ce
qui suit :
«Considérant
la prévalence importante et la complexité des problématiques de violence
sexuelle et de violence conjugale dans la société;
«Considérant
l'importance d'agir ensemble pour prévenir et contrer ces problématiques;
«Considérant les
besoins particuliers des personnes victimes de violence sexuelle ou de violence
conjugale tout au long de leur cheminement;
«Considérant que
l'offre de services psychosociaux et judiciaires intégrés et adaptés,
l'adaptation de lieux physiques sécuritaires et sécurisants et l'effort soutenu
pour réduire les délais de traitement des dossiers contribuent à redonner
confiance aux personnes victimes envers le système de justice;
«Considérant
que le respect des droits d'un accusé, dont la présomption de son innocence,
est un des fondements du système pénal et criminel.»
Donc, ça, ça va être
pour le préambule.
Et,
pour l'article 0.1, M. le Président, donc article 0.1 : Insérer,
avant l'article 1 du projet de loi, l'article suivant :
«0.1. La présente loi
vise à rebâtir la confiance des personnes victimes de violence sexuelle et de
violence conjugale envers le système de justice.
«Elle
vise à assurer un cheminement particulier des poursuites qui impliquent un
contexte de violence sexuelle et de violence conjugale ainsi que le
perfectionnement des intervenants en ces matières afin que les personnes
victimes ne soient pas soumises à des situations de minimisation ou
d'insensibilité en regard de la violence dont elles ont préalablement
été victimes.
«Elle vise à ce que
soient considérés les besoins particuliers des personnes victimes de violence
sexuelle ou de violence conjugale tout au long de leur cheminement.
«Elle vise à ce que
l'accompagnement des personnes victimes implique des intervenants spécialisés
et dédiés et que la spécialisation de ceux-ci soit assurée par une formation
continue.
«Elle vise à ce que l'accompagnement
des personnes victimes tienne compte des réalités culturelles et historiques
des personnes victimes, dont les personnes victimes autochtones.
«Elle vise finalement
à soutenir les efforts pour réduire les délais de traitement des dossiers judiciaires.»
Donc, cet amendement
vise à ajouter une disposition énonçant les objectifs poursuivis par les
modifications législatives proposées.
Donc, M. le
Président, si je reviens sur le préambule... Si vous permettez, on pourrait
peut-être étudier le préambule mais avoir une discussion un petit peu plus
large avec les deux. L'objectif est de répondre aux objectifs, de répondre également aux considérants dans le
contexte dans lequel la loi, elle s'inscrit, pourquoi est-ce qu'on adopte
une loi pour créer un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et
conjugale, et donc ce sont tous des facteurs qui indiquent pourquoi est-ce
qu'on fait ça et la finalité, l'objectif rattaché à cela.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, M. le ministre. Donc, alors, nous allons commencer
avec l'étude de l'amendement relatif au préambule. Est-ce que j'ai des interventions?
Alors, j'ai la députée de Verdun.
Mme
Melançon : J'ai simplement un petit souci avec Internet actuellement,
donc, pour pouvoir voir les amendements correctement, là. Le temps de me
brancher, si les collègues veulent débuter, je n'ai pas de problème.
M.
Jolin-Barrette : ...
Mme
Melançon : Merci beaucoup, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, je vous le réitère, ce qui est fondamental
dans le cadre de ce projet de loi, c'est de mettre et de s'assurer qu'il y ait
un parcours pour les personnes victimes et qu'elles seront accompagnées tout au
long du processus. Donc, bien entendu que l'accompagnement, dès le moment du
dépôt de la dénonciation jusqu'à la fin du processus et même au-delà... Parce
que lorsqu'on parle du processus judiciaire, bien entendu, il y a la question
de l'enquête préliminaire, s'il y a enquête préliminaire, il y a la question du
procès, il y a la question de la sentence en matière criminelle et pénale, ça,
c'est un volet du tribunal spécialisé, mais ce n'est pas uniquement que ça.
C'est vraiment à
partir du moment de la dénonciation, hein, à la police, avec les enquêteurs de
police, ensuite avec la rencontre du
procureur de la Couronne, du procureur aux poursuites criminelles et pénales,
ensuite les différentes démarches, les intervenants avec le CAVAC, avec
les organismes communautaires dans chacune des régions, qui vont être là pour accompagner la personne victime.
Et, à la suite du procès, bon, il y a la représentation sur sentence, la
sentence, mais par la suite, également, ça
ne se termine pas là pour la personne victime, elle a besoin d'accompagnement.
Donc, c'est un continuum de services durant le processus judiciaire.
Et il ne faut pas
oublier qu'on a adopté le projet de loi n° 84 aussi en ce qui a trait aux
services de soutien psychologique, de
soutien financier également, qui viennent englober le tout. Et, c'est important
de le rappeler, ce n'est pas nécessaire, pour avoir accès à l'aide de
l'IVAC, de faire la dénonciation. Parce que la dénonciation, il n'y a pas de
prescription en matière criminelle, ça, c'est important de le dire. Alors,
l'IVAC, c'est un programme étatique qui est là pour soutenir les victimes, que
la personne décide d'aller dans le processus judiciaire ou non. Ça, c'est un
investissement majeur qui a été fait. Donc, désormais, tous les crimes contre
la personne sont couverts, notamment en
matière de violence sexuelle et violence conjugale. Et, c'est important de le
dire, à l'IVAC, il n'y a pas de prescription en matière de violence sexuelle
et de violence conjugale pour demander du soutien.
Donc,
il y a l'IVAC, et on rajoute le tribunal spécialisé dans le continuum pour
l'aspect où il y a dépôt de plainte à la police et dans le
continuum de services.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le ministre. Est-ce que j'ai des interventions?
Mme
Hivon :
...intervention. Je ne sais juste pas si ma collègue de Verdun...
Mme Melançon : ...
Mme
Hivon : Oui, c'est
ça.
Le Président (M. Benjamin) : Oui. À
ce moment-là, est-ce qu'on peut peut-être, le temps de permettre, suspendre...
une courte suspension?
On va suspendre quelques instants.
Mme Melançon : Merci, M. le
Président.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 16 heures)
Le Président (M. Benjamin) : Alors,
à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Et nous en
étions au point des interventions. Y a-t-il des interventions sur le préambule?
Mme la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci, M. le
Président. Alors, d'abord, je tiens à remercier le ministre pour son ouverture
à revoir, donc, un préambule et à revoir un article, parce que je pense que
c'était nécessaire que nous puissions le faire.
D'abord, j'aimerais simplement poser la question
au ministre. Le deuxième considérant : «Considérant
l'importance d'agir ensemble pour prévenir et contrer ces
problématiques», sur le «agir ensemble», il parle de tous les acteurs,
j'imagine.
M. Jolin-Barrette : Effectivement, M.
le Président, c'est important que tous les acteurs du milieu judiciaire soient
mobilisés et que tout le monde pousse dans la même direction, parce que, s'il y
a quelque chose qu'on a appris, au cours des
dernières années, c'est que tout le
monde dans le système
judiciaire a une responsabilité. Et ça, ça signifie du policier, au premier moment où il accueille une victime d'agression sexuelle, aux intervenants, aux intervenantes, aux procureurs, aux
greffiers, aux juges également, le tout en tout respect de l'indépendance
judiciaire.
Mais je crois que, comme société, on doit
dire : Ces comportements-là sont inadmissibles, intolérables dans notre société.
Et il faut surtout envoyer un signal très clair, M. le Président, que, dans nos
palais de justice, les victimes ont une place importante. Ce n'est pas vrai, M.
le Président, que la place de la victime, c'est dans un petit local isolé.
Et vous savez, au fil des ans, des années, de la
façon dont s'est construit le système de justice, notamment relativement au
fait que... de la façon dont est construit le système criminel et pénal, hein,
entre l'État, la Reine, qui poursuit et les accusés, bien, la place de la
victime, elle était moins grande. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que la place
de la victime doit être importante. La victime à des droits et elle soit avoir
la place qui lui revient au sein du processus judiciaire, parce que ce n'est
facile, M. le Président, témoigner d'une infraction criminelle qu'on n'a pas
choisie, qu'on est victime. Et ça nous arrive parce qu'on a tiré un mauvais
numéro, il n'y a personne qui choisit d'être victime d'une infraction
criminelle, M. le Président. Alors, c'est pour ça, le «ensemble».
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée de Verdun.
Mme Melançon : Oui. Merci, M. le
Président. J'ai regardé, et, dans l'article 0.1 — à
laquelle on pourra revenir parce que, là, tout est dans tout, là — on a
fait une séparation entre le préambule puis l'article 0.1, il y a un truc
qui manque... bien, c'est-à-dire deux trucs qui manquent. On ne prononce pas le
mot «victimisation secondaire». Il y a des définitions qui sont là, mais on ne
prononce pas ce mot-là. Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle on ne
retrouve pas «victimisation secondaire»?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
le terme comme tel, «victimisation secondaire», là, c'est un calque de
l'anglais, mais on l'a placé au... Si vous allez à 0.1, au deuxième alinéa,
donc : «Elle vise à assurer un cheminement particulier des poursuites
[qu'implique] un contexte de violence sexuelle et de violence conjugale ainsi
que le perfectionnement des intervenants en ces matières afin que les personnes
victimes ne soient pas soumises à des situations de minimisation ou
d'insensibilité en regard de la violence dont elles ont été préalablement
victimes.» Donc, ces termes-là viennent
décrire la victimisation secondaire, si je puis dire. Parce que l'utilisation
de ces termes-là fait en sorte de
référer à la victimisation secondaire, qui, selon l'OQLF, du... grand
dictionnaire de terminologie, lorsqu'on parle de victimisation
secondaire, c'est ce qu'ils nous disent, c'est un calque de l'anglais. Donc,
avec les juristes, ils sont venus le définir
clairement pour dire : «...à des situations de minimisation ou d'insensibilité en regard de
la violence...» Donc, on vient définir le concept même dans l'article.
Mme Melançon : Toujours... Merci, M.
le Président. Toujours dans les... Là, c'est mes remarques de ce qui manque,
puis après ça on pourra entrer peut-être plus dans le vif du sujet et des
échanges, là. Il y a le taux d'attrition. J'ai vu, M. le
ministre, qu'à l'article 0.1, il
est indiqué : «Elle vise finalement à soutenir les efforts pour réduire
les délais de traitement des dossiers
judiciaires.» Mais, pour moi, le taux d'attrition, c'est plus que le délai. Et
on en a parlé assez longuement, là, avec des intervenants qui étaient
venus nous rencontrer lors des consultations particulières, je me demande s'il
n'y a pas une façon de pouvoir intégrer, justement, le taux d'attrition, qui ne
veut pas nécessairement parler de réduire les délais, mais c'est d'éviter, justement,
d'échapper des victimes, là, tout au long du processus.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Alors,
la députée soulève un bon point, M.
le Président, en ce qui concerne
l'attrition. Alors, ça peut se passer
à différents moments, l'attrition, notamment au départ, où la personne victime elle-même, elle
hésite à porter plainte. Donc, première
attrition, si on peut dire. Parce qu'on sait qu'il y a peu de dossiers d'agressions
sexuelles, notamment de violence conjugale — mais parlons d'agressions
sexuelles — qui
sont dénoncées. Donc, il y a une première attrition. Deuxièmement, le manque de
confiance dans le système fait en sorte que ça peut créer une barrière puis une
attrition pour faire en sorte que la personne dise : Bien, je n'ai pas
envie d'y aller.
Mais l'objectif à la fois du préambule et de 0.1
est de lutter contre cette attrition-là. Mais on ne peut pas vraiment identifier le concept, parce que c'est
une kyrielle de mesures qui vont faire en sorte de changer cette attrition-là.
Parce que l'objectif premier est d'offrir tout ça, et la conséquence de tous
ces objectifs-là, de tous les considérants, de la finalité, va avoir une
résultante sur l'attrition. Donc, oui, les délais, c'en est un, le souhait des
délais, mais le fait d'être accompagné, d'être soutenu, le fait qu'il n'y ait
plus de prescription, c'est un...
Puis ce n'est pas dans le projet de loi actuel,
mais c'est ailleurs, le fait d'avoir une poursuite verticale, le fait d'être
mieux accompagné, mieux soutenu, qu'il y ait de la formation, tous ces
éléments-là vont nous amener vers une diminution de l'attrition.
Mme Melançon : Si je peux me
permettre, M. le Président, je comprends qu'on ne souhaite pas indiquer dans un projet
de loi qu'on veut avoir plus de condamnations, parce qu'on l'a dit puis on l'a
nommé lors des consultations particulières,
mais je crois qu'il est important qu'on puisse nommer, justement, qu'on veuille
un meilleur taux, quand même, pour...
Oui, c'est vrai, là, c'est plein de mesures
ensemble qui vont faire que les victimes vont rebâtir leur confiance puis
qu'elles vont porter plainte. Le ministre fait bien de rappeler que, par
exemple, pour les violences sexuelles, on est à 5 % seulement, c'est le
taux que les groupes nous rapportent à chaque fois, là, des femmes,
majoritairement, qui vont venir vers les corps policiers puis qui vont porter
plainte officiellement. Qu'on est à 5 %, je pense vraiment qu'on doit le
dire haut et fort. Puis je pense que c'est la volonté du législateur d'avoir,
justement, plus de femmes qui vont rebâtir la confiance. Parce qu'on le nomme,
là, on le nomme que le but, c'est pour rebâtir la confiance, puis rebâtir la
confiance va permettre un meilleur taux.
Donc, je pense qu'on doit nommer le tout,
peut-être est-ce qu'on pourra faire des propositions au ministre, mais, pour
moi, c'est vraiment une distinction que nous devons faire entre le délai de
traitement... Parce que c'est aussi vrai qu'on peut ne pas traiter les délais
de traitement parce qu'il peut y avoir différentes autres causes qui vont faire
changer les délais de traitement.
Donc, je crois vraiment qu'il y a une petite omission
que je verrais ici venir s'insérer, là, à l'article 0.1, au dernier
alinéa, où on parle de viser, justement, à soutenir les efforts pour réduire
les délais de traitement. Je pense que, pour
le taux d'attrition, là, on a un endroit spécifique où on peut en parler, parce
que, si on le traite différemment que du délai... Parce que le délai de
traitement va dans le même sens, dans le fond, que ce que le ministre vient de
dire, là. Ça aussi, il peut y avoir plusieurs autres facteurs qui vont jouer en
la faveur ou en la défaveur des délais de traitement. Bien, pour moi,
l'attrition, c'est quelque chose que nous visons. Puis trop souvent, trop
souvent, les victimes l'ont dit, nous l'ont répété, et, si on veut arrêter les
vagues de dénonciations avec le «hashtag» #moiaussi, si on veut que les femmes
puissent revenir... C'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui, notamment. Donc,
je vois très bien une possibilité d'introduire, à ce moment-ci, la définition
du taux d'attrition.
Le Président (M. Benjamin) : M. le
ministre.
• (16 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors,
juste là-dessus, il faut être prudent, hein, parce qu'au niveau du taux
d'attrition l'objectif est de faire en sorte que les personnes puissent
dénoncer, et c'est un ensemble de mesures qui vont
faire en sorte que les personnes vont dénoncer. Mais chacune des plaintes est
analysée aussi. Et, comme objectif, comme législateurs, il faut juste
garder à l'esprit que l'objectif n'est pas d'avoir plus de condamnations. Ce
n'est pas ça, l'objectif du projet de loi.
Alors, la réduction du taux d'attrition, là,
elle peut être favorisée par trois mesures, notamment la réduction des délais,
c'est ce qu'on propose à 0.1. L'application de meilleures pratiques dans la
gestion des dossiers, alors on propose un cheminement particulier en matière de
violence sexuelle conjugale, ça, c'est prévu à 0.1, on propose la coordination
des dossiers puis de privilégier la poursuite verticale, également, à toutes
les étapes de la poursuite, ça, on l'a à l'article 3, à l'article 11,
donc à la fois dans le tribunal permanent puis dans le projet pilote pour le
tribunal. Puis on a une approche, troisièmement, centrée sur la personne
victime. Donc, on considère les besoins particuliers des personnes victimes tout au long de leur cheminement. À 0.1, on
propose l'accompagnement des personnes victimes qui tienne compte des
réalités culturelles, historiques des personnes victimes puis des personnes
autochtones, et on propose des services adaptés aux besoins des personnes
victimes à l'article 3 puis à l'article 11.
Ça fait que je comprends le désir de la députée
de Verdun, mais, dans le fond, comme je le disais, c'est un ensemble de
mesures, donc, de venir dire, exemple : Le taux d'attrition, ce qui va
permettre d'avoir un effet, ce sont ces mesures-là. Donc, en termes d'objectif, c'est...
L'objectif n'est pas tant le taux d'attrition, mais toutes les mesures
entourant cela.
Mme
Melançon : Mais, si je peux me permettre, M. le Président, toutes les
mesures sont là pour viser un taux
d'attrition. Donc, je pense qu'on doit
nommer le taux d'attrition. Moi, je veux juste qu'on se rappelle que, dans un
projet de loi qui va, on le souhaite, là, nous...
M.
Jolin-Barrette : Juste une question à la députée de Verdun, là. Il ne
faut pas parler de taux d'attrition. Tu sais, ce n'est pas le taux d'attrition,
on ne mettra pas ça comme objectif, le taux d'attrition. Alors, je comprends la
députée de Verdun, qu'elle veut qu'on nomme le concept...
Mme
Melançon : Exactement.
M.
Jolin-Barrette : ...mais ça n'a pas nécessairement besoin de s'appeler
attrition.
Mme
Melançon : Je souhaiterais qu'on puisse voir le concept être intégré,
parce que, comme le projet de loi va durer dans le temps, nous, nous ne sommes
que de passage, bien, je crois qu'on doit rappeler à ceux et à celles qui vont
passer après nous l'un de ces concepts que nous souhaitons, justement... sur
lesquels on veut une amélioration. Puis je
pense que toute la société souhaite aussi que les femmes, plutôt que de ne pas
avoir confiance dans le système de justice, aient confiance et
souhaitent porter plainte plus facilement. Puis ça va devenir plus simple,
elles vont avoir un meilleur accompagnement, et c'est ce que nous visons.
Donc, moi, je propose
au ministre d'y aller avec une définition de concept. Je pense qu'on doit quand
même l'intégrer ici. Il y a plusieurs, plusieurs groupes qui nous ont relaté
l'importance, justement, de ce concept-là, puis c'est pour ça qu'elles
souhaitent avoir un tribunal spécialisé mis en place au Québec. Et là je vais
arrêter de parler de tribunal spécialisé, on va commencer à utiliser le vocable
qui est utilisé aussi par le ministre, donc une division spécialisée qui serait
peut-être privilégiée.
M. Jolin-Barrette : Moi, j'encourage la députée de Verdun à continuer d'utiliser le terme
«tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et conjugale»,
parce que le tribunal demeure, et c'est dans la proposition législative que je
fais. Le tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et conjugale,
c'est du dépôt de l'accusation jusqu'à la
fin du processus, donc c'est tout l'accompagnement. Les victimes ont le droit
de s'identifier au tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et conjugale, parce que c'est tout le
processus. Là où il y a une nuance, c'est relativement à l'instance
judiciaire, la salle de cour dans laquelle les dossiers vont procéder. Là, à ce
moment-là, ça va s'appeler, comme l'ex-juge
Corte nous le disait, la division spécialisée en matière de violence sexuelle
et conjugale. Alors, le tribunal est
instauré à la grandeur, mais, pour ce qui est des préoccupations de la Cour du
Québec, on trouve une voie de passage à ce niveau-là.
Alors, pour
l'attrition, je comprends que la députée de Verdun souhaiterait, sans venir
indiquer «attrition» ou «taux d'attrition», elle souhaite qu'il soit indiqué quelque
chose qui dirait comme : L'objectif n'est pas de faire en sorte
de... En fait, l'objectif : il ne faut pas avoir un découragement — je
réfléchis à voix haute — il
ne faut pas avoir de découragement à utiliser le processus judiciaire, notamment.
Parce que vous avez l'ensemble des mesures, la réduction
des délais, l'accompagnement est là, la personne victime est au centre du processus, toutes les mesures sont là.
Mais le souhait de la députée de Verdun relève de... je ne veux pas utiliser le
terme «encouragement», mais qu'il n'y ait pas de barrière rattachée au fait
d'aller porter plainte. Est-ce que la députée de Verdun peut me dire si...
Mme
Melançon : Bien, très honnêtement, M. le Président, je crois que les
termes... le terme était utilisé et à la fois par Me Corte et par
Julie Desrosiers. Si le ministre dit : Bien, je ne suis pas vraiment à
l'aise avec ça, moi, qu'on définisse le
concept, qu'on me fasse une proposition, là, avec les légistes, il est bien
accompagné, le ministre, et qu'on fasse une proposition. Mais je crois que nous
devons retrouver ce concept-là, parce que c'est d'ailleurs pour ça que Rebâtir
la confiance, à l'intérieur des 190 recommandations et dont le
tribunal spécialisé... c'est pour ça qu'on a travaillé avec le comité d'experts aussi, et c'était nommé à
chaque moment. Donc, peut-être je peux me tourner aussi vers mon recherchiste qui m'accompagne, qui est Carl Filion,
qui est extraordinaire, et on pourrait peut-être vérifier, à l'intérieur
du rapport Rebâtir la confiance, si on avait défini le concept. De
mémoire, là, on l'avait défini, je ne l'ai simplement pas en mémoire à ce
moment-ci, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, que penserait la députée de Verdun,
et je souligne... le recherchiste de la députée de Verdun également, si on y
allait par l'élimination du découragement?
Mme
Melançon : Je réfléchis à haute voix moi aussi, là, mais, si on
parlait surtout de réduire le taux d'attrition? Parce qu'on ne veut pas
le nommer comme ça, hein? C'est ce que je comprends.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, c'est surtout sur une question de
taux.
Mme
Melançon : Ah! oui, c'est ça. Pardon. Pardon.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas...
Ce n'est pas mesurable comme tel. Puis les objectifs, bien...
Mme Melançon :
Peut-être, j'ai des collègues aussi, là, qui veulent bien réfléchir avec nous,
là, pour ne pas qu'on soit...
Le Président (M. Benjamin) : C'est
ce que j'allais proposer. J'allais proposer de permettre peut-être aux autres
collègues de pouvoir intervenir aussi, un tour de parole à chacune. Et je
commencerais avec la députée de Joliette, qui avait levé la main depuis tantôt.
Mme
Hivon : Oui. Sur
ce point-là spécifique, je ne sais pas si le ministre veut qu'on lui donne
l'ensemble de nos commentaires, puis après on les reprend un par un, ou il veut
qu'on aille spécifiquement sur ça. Sur ça, moi, je ne saisis pas, là. Si le ministre
peut réexpliquer pourquoi on ne peut pas parler...
Voici, par exemple, ce que j'avais en tête, là,
dans l'article 0.1. Je comprends quand le ministre nous dit que l'attrition, dans le fond, c'est un peu comme la
somme de tout. C'est pour ça que je me disais que, dans le dernier alinéa
de l'article 0.1, on aurait pu dire : Elle vise finalement a soutenir
globalement les efforts de réduction de l'attrition et des délais de traitement
des dossiers judiciaires. Quelque chose comme ça. Donc, on vient, comme en
conclusion de tout ce qu'on a mis, dire qu'il y a
un effet global recherché qui est la réduction de l'attrition. Donc, on a notre
mot clé, en tout cas, le concept clé que je pense qu'il est quand même important de
retrouver, puis on a aussi les délais de traitement qui sont aussi un
effet, mais il est peut-être moins global que l'attrition.
Si on veut faire deux alinéas, je ne suis
pas fermée à ça. Mais je veux juste voir si le ministre a une ouverture à ça puis comprendre pourquoi qu'il y a une
réserve. Taux d'attrition versus attrition, pour lui, c'est-tu la même chose,
et il a une fermeture à mettre un ou l'autre des termes?
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
ce que je vous propose, c'est qu'on va travailler sur une proposition qui va en lien avec le découragement, l'objectif étant
de faire en sorte... Les différentes mesures vont redonner confiance,
vont permettre, notamment, d'agir sur le fait que les gens vont s'adresser au
tribunal. Il y a toujours un enjeu, également, d'objectifs en termes de
poursuite, hein? Le fait de mesurer le nombre de poursuites, le fait de mesurer
le nombre de condamnations, ce n'est pas
l'objectif désiré. Et il faut être prudent en ce qui concerne la question
judiciaire pour faire en sorte que la discrétion du procureur demeure, dans
notre système, relativement aux poursuites, relativement également au
juge qui siège dans la salle de cour et qui prend sa décision en toute
indépendance, en fonction de la preuve qu'il a entendue, en fonction du doute
raisonnable, en fonction de la présomption d'innocence. Mais je comprends où
les collègues souhaitent aller. Ce qu'on va faire, c'est qu'on va réfléchir à
ça puis on va vous proposer quelque chose.
• (16 h 20) •
Mme
Hivon : En fait,
c'est que le ministre a une réserve avec le mot parce que, selon lui, ça donne
une pression ou un objectif qu'il ne veut pas inclure, de voir plus de plaintes
puis ensuite de voir potentiellement plus de dossiers qui vont procéder. Parce
que j'essaie de suivre...
M. Jolin-Barrette : La question,
M. le Président, ce n'est pas plus de plaintes. Dans le fond, moi, je souhaite
que chaque personne qui est victime d'une infraction criminelle n'hésite pas à
dénoncer et qu'elle puisse, en son âme et conscience, là, ne pas hésiter et
dire : Je dépose une plainte. Mais, lorsqu'on parle d'attrition ou de taux
d'attrition, ça nous amène nécessairement vers la prise de poursuite. C'est
juste là-dessus, la prise de poursuite puis ensuite la condamnation. Alors, il
faut juste être prudent là-dessus, sur ces concepts-là. C'est pour
ça que je saisis un peu où vous souhaitez aller. Dans le fond, c'est le
non-découragement rattaché au processus judiciaire, et là l'ensemble des
mesures vont permettre d'enlever ça. Mais je pense qu'on peut le nommer qu'un
des objectifs c'est d'éviter le découragement rattaché au fait de porter plainte.
Mais, comprenez-moi bien, moi, je veux que chacune des personnes n'hésite pas à
dénoncer et à porter plainte. Mais c'est sur l'après, sur l'impartialité du
tribunal, notamment sur tout ce qui suit.
Mme Hivon : Je
pense juste que je ne suis peut-être pas 100 % à la même place que le ministre
dans son analyse. Puis je comprends son analyse, mais je ne suis pas certaine...
Moi, je ne suis pas sûre que c'est juste le découragement dont on veut parler.
Je pense que c'est le fait qu'entre aller porter plainte puis le bout du processus
c'est vraiment le parcours de la combattante, et, oui, il y a une attrition.
Je comprends que le ministre dit : Il ne
faut pas aller mettre une pression pour que le tribunal dise : Il
faut que je condamne, parce que c'est juste comme ça qu'on va réduire
l'attrition. Mais l'attrition, elle se fait avant même d'aller porter plainte parce
qu'il y a déjà une attrition, parce qu'il y a beaucoup de victimes qui ne vont
pas porter plainte. Ensuite, elle se fait parce qu'il y a des policiers qui
n'enverront pas les plaintes. Il y a une recommandation, d'ailleurs, dans Rebâtir
la confiance, que toutes les plaintes en ces matières s'en aillent au DPCP.
Je pense que c'est quelque chose qui est reflété, si on parle d'attrition. Je ne
sais pas c'est quoi, l'intention du gouvernement par rapport à ça. Nous, on
pense que c'est une avancée importante de dire : Ces plaintes-là vont se
rendre au DPCP.
Je comprends après que ça ne fait pas en sorte
que le DPCP doit retenir toutes les plaintes et que le tribunal doit mener...
doit automatiquement donner des condamnations, mais je ne suis pas... En tout
cas, moi, de mon point de vue, attrition ne veut pas dire qu'il y a cette
pression-là et qu'à chaque étape il faut que ce soit réduit, mais que,
globalement, une victime qui décide, qui songe à porter plainte, on va voir
qu'il y a effectivement plus de plaintes qui sont déposées, plus de plaintes
qui cheminent. Puis je pense que ça, c'est un objectif qu'on devrait avoir et
qui, selon moi, ne vient pas s'ingérer dans le processus de chacun des acteurs.
Ça
fait que peut-être qu'on a une différence de vues là-dessus, là, mais, pour
moi, on peut parler de ça sans être en train de dire qu'on veut forcer la main
à un tribunal de faire des condamnations ou à un DPCP d'absolument déposer des
accusations dans chaque dossier.
M.
Jolin-Barrette : Je comprends, M. le Président, ce que la députée de Joliette
dit. Je vais vous proposer quelque chose. Mais, comme je vous dis, je veux
juste être prudent pour être certain que, dans les objectifs légitimes du projet de loi, il n'y ait pas l'objectif,
justement, qui pourrait être interprété comme une augmentation des
condamnations. Alors, on agit sur
tout ce qui amène la personne victime à porter plainte et surtout, je vous
dirais, l'aisance à porter plainte, l'accueil, comment est-ce qu'elle
est accompagnée dans ce dépôt de plainte là et surtout d'envoyer un message
clair de dire : Écoutez, là, ça va bien se passer dans le processus
judiciaire, là, ne vous inquiétez pas, vous allez être bien accompagnée, vous
faites ce choix-là, quand vous allez être prête de déposer une dénonciation à
la police et vous serez prise en charge, vous serez accompagnée. Alors, tout
ça, ça va avoir un impact, notamment, sur le fait que les personnes vont
décider de porter plainte.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci...
Mme
Hivon :
Là, je comprends qu'on a le débat uniquement sur cet élément-là, parce que...
M.
Jolin-Barrette : Bien, vous pouvez y aller, puis on... Ayons le débat
sur tout, puis...
Mme
Hivon : Bien, en
fait, on va le faire alinéa par alinéa éventuellement, de ce que je comprends,
mais là on fait comme nos commentaires généraux? O.K. Un, je vais faire mes
commentaires sur... à moins que... Je ne sais pas si ma collègue voulait
parler spécifiquement de la question de l'attrition. O.K. C'est beau.
Le Président (M.
Benjamin) : À vous la parole.
Mme
Labrie : Oui. Merci. C'est
ça, je veux m'exprimer là-dessus aussi parce que c'est quand même mentionné
dans... il y a deux mentions, là, de la question d'attrition dans le
rapport Rebâtir la confiance. Puis, d'emblée, ça a été vraiment clair, là, je me rappelle, quand on
travaillait avec l'ancienne ministre de la Justice, la députée de Champlain, c'est ça, ça avait été nommé vraiment explicitement qu'en aucun cas on
n'évaluerait le succès d'un tribunal spécialisé au taux de condamnations. C'était superclair que ça ne pouvait pas être
un critère d'évaluation du succès des différentes mesures dans le
rapport des tribunaux spécialisés. Ça fait que ça, je pense, ce n'est pas ça
qu'on vise ici. Mais le taux d'attrition, pour moi, c'est autre chose.
D'ailleurs, c'est nommé, dans le rapport, que ça fait partie... Notamment, en
Nouvelle-Zélande, là, un des objectifs des tribunaux spécialisés là-bas, ils
nommaient la question des taux d'attrition. Il y a la réduction des délais,
mais il y a aussi la réduction des taux d'attrition, c'était nommé.
Là, on a un problème
au Québec, parce que ce qui est aussi nommé dans le rapport Rebâtir la
confiance, c'est qu'on n'en a pas, de
données sur l'attrition au Québec. C'est ça qui est écrit. C'est écrit :
«Le phénomène d'attrition des causes
d'agressions sexuelles au sein du système de justice pénale est plus marqué que
pour les autres crimes. Il n'existe pas
de données spécifiquement québécoises sur cette question.» Les seules données
qu'on a sont canadiennes, puis elles excluent le Québec parce que le Québec
n'avait pas participé à l'étude là-dessus. Donc, je comprends que, même
si on écrivait dans le projet de loi qu'on
veut réduire les taux d'attrition, on n'est même pas équipés en ce moment pour
le vérifier.
Ça
fait que j'aimerais ça savoir : Est-ce que le ministre peut au moins
s'engager à documenter cette question-là pour qu'on puisse essayer de savoir
c'est quoi, le taux d'attrition? On sait que c'est plus élevé que pour les
autres types de causes. Je pense qu'on a besoin de savoir, quand même, c'est
quoi, le taux d'attrition pour des causes en violence sexuelle ou
conjugale puis aussi c'est quoi, les facteurs d'attritions, c'est quoi, les
raisons pour lesquelles les causes sont
abandonnées en cours de route. Parce que ça peut être toutes sortes de choses,
là, ça peut être les délais, ça peut être la peur de subir des représailles, d'une victime, ça peut être la peur du
contre-interrogatoire, ça peut être vraiment toutes sortes de
situations.
J'émets des
hypothèses en ce moment parce qu'on ne le sait pas, mais je pense qu'on ne
ferait pas erreur si on discutait de cette question-là dans le projet de loi
puis qu'on l'ajoutait. Pour moi, ça cadre tout à fait avec l'autre mention, là,
de réduire les délais de traitements. En Nouvelle-Zélande, ils l'on dit
clairement que ça faisait partie des objectifs de leurs tribunaux spécialisés
puis... Par contre, là, pour voir si ça marche, il va falloir le documenter.
Là, on n'est pas équipés pour savoir quoi que ce soit par rapport à ça en ce
moment, on n'a même pas de point de départ sur l'état des lieux actuels.
M.
Jolin-Barrette : Bien, écoutez, M. le Président, c'est sûr que c'est
une bonne idée relativement au fait de documenter. Même chose en termes de
statistiques. Au Directeur des poursuites criminelles et pénales, ils ont également
commencé à documenter parce que les outils informatiques qu'ils avaient
n'étaient pas adaptés à avoir des statistiques, aussi. Alors, il y a des choses
qui changent à ce niveau-là. Mais je retiens la suggestion de la collègue de
Sherbrooke. Notamment, ce qu'il est important de savoir, c'est les raisons, les
raisons associées au fait de pourquoi est-ce que la personne victime décide,
supposons, de ne pas porter plainte. Bien, c'est sûr qu'en agissant de façon paramétrique sur les délais, l'accompagnement, la
mise au centre de la victime dans le cadre du processus, nécessairement,
on va agir de façon paramétrique aussi.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci. Donc, vous voulez poursuivre, Mme la députée de
Sherbrooke?
Mme Labrie :
Bien, juste pour être claire...
Le Président (M. Benjamin) :
Allez-y.
• (16 h 30) •
Mme Labrie : Parce que, là, je sais
que l'équipe du ministre travaille en arrière de lui en ce moment puis qu'il
nous dit : Je vais travailler là-dessus, sur une formulation. Je pense
qu'on est toutes les trois ici à vouloir que le mot «attrition» se retrouve. On
n'est peut-être pas obligés de parler de taux, mais je pense qu'on peut viser
une réduction de l'attrition. Puis, en arrière de ça, il va falloir le
documenter. Ça fait que je suis heureuse de voir que le ministre a de
l'ouverture à ça. Je ne sais pas s'il peut s'engager formellement à le
documenter. Je sens que c'est son intention,
mais je ne l'ai pas entendu explicitement. Mais c'est clair, ici, qu'on veut
retrouver la question de l'attrition explicitement dans les
objectifs.
M. Jolin-Barrette : Je comprends, M. le Président. J'ai très bien
entendu que c'est ce que souhaitent mes collègues. Entre les
souhaits et, parfois, ce à quoi on arrive, il y a peut-être une marge. Alors,
je vais vous revenir avec une proposition pour tenter de fédérer tout le monde.
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, j'ai Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui.
Pour la discussion plus générale, on va les reprendre un par un, là. Donc, pour
les détails, on pourra revenir, mais, pour ce qui est du préambule, le deuxième
considérant, je pense qu'il pourrait être plus précis. Donc, je dis ça comme
ça. D'ailleurs, dans le rapport Grenier, on parlait vraiment de... tous les
acteurs du système de justice et psychosociaux doivent collaborer et agir de
manière concertée. Donc, je trouve que ce serait plus... On va y revenir dans le détail, là, mais je vous donne mes
impressions de manière générale parce
que l'importance d'agir
ensemble... C'est qui, le «ensemble»? Ça fait intervenir quels acteurs? Ma collègue
de Verdun en glissait un mot tantôt, là. Quels acteurs sont concernés, puis
tout ça? Donc, je pense qu'on devrait être plus précis là-dessus. Ensuite, le...
M. Jolin-Barrette : ...une question
là-dessus pendant qu'on est dedans, là. Lorsque la députée de Joliette, au deuxième alinéa, dit : L'importance d'agir
ensemble pour prévenir et contrer ces problématiques, le «ensemble», vous
ne le trouvez pas assez englobant?
Mme Hivon : Je ne le trouve pas précis, «ensemble». Tu sais,
moi, j'aime mieux, personnellement, qu'on cible tous les acteurs.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est parce que, M. le Président, ce
qui arrive là-dedans, là, exemple, là, supposons qu'on mettait
«ensemble, tous les acteurs du système judiciaire», là...
Mme Hivon : Et
psychosociaux, c'est écrit, dans le rapport Grenier, comme ça.
M. Jolin-Barrette : Le rapport
Grenier, c'est le rapport du sous-ministre associé?
Mme Hivon : C'est
le rapport du groupe qui a été déposé par le sous-ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le
Président, je tiens à féliciter Me Grenier pour son rapport public. C'est du très
bon travail qui a été fait.
Mme Hivon : C'est
pour ça qu'on s'y réfère aussi. Donc, en fait, c'est vraiment... Je comprends
l'intention...
M. Jolin-Barrette : Ça fait
autorité.
Mme Hivon : Non,
mais je comprends l'intention du ministre, mais c'est juste que moi, je... Puis
je pense qu'on est tous de cet avis-là, que
ça pourrait être un gros plus d'être précis, parce qu'ensemble c'est
comme : La société, ensemble, va travailler. Moi, je pense qu'il
faut cibler qui doit collaborer et agir de manière concertée. Puis je pense que, si on parle des acteurs du système de justice
et psychosociaux, comme c'est écrit dans ce rapport-là, ça serait un plus.
Donc, je voulais juste dire ça en passant.
Et puis le quatrième considérant, moi, je le verrais plus
dans les objectifs. Donc, offrir des services psychosociaux et
judiciaires intégrés et adaptés, je dirais, d'ailleurs, à toutes les étapes du processus,
l'adaptation des lieux physiques sécuritaires et sécurisants, là, moi, je... Il
me semble que c'est plus de la nature de l'objectif que du considérant, parce que je ne pense pas qu'on est rendus là.
Donc, ils ne sont pas intégrés. Ils ne sont pas offerts. Puis les lieux
physiques sécuritaires, vous-mêmes, vous donniez l'exemple, là, assez
éloquent, la semaine dernière, que vous avez fait une tournée puis que vous aviez vu que les victimes étaient face aux
accusés. Donc, je ne pense pas qu'on est rendus là. Donc, je pense, ça
devrait plus faire partie des objectifs. Donc, ça, c'était en termes
d'organisation des choses.
Puis, globalement, j'ai le même questionnement
sur la victimisation secondaire. J'entends, là, l'argument de l'anglicisme,
mais je voudrais être certaine qu'en parlant de minimisation et d'insensibilité
on couvre vraiment toute la réalité. Il y a aussi cette idée que... Je suis allée voir des
définitions, là, pendant que le ministre discutait, là. Il y a aussi cette idée
que c'est comme si on ramenait la victime dans sa situation de victime, de
traumatisme, le retraumatisme aussi, là.
Donc, je ne le sais pas, s'il y a moyen de le dire autrement, mais, bref, vous
comprenez la préoccupation là-dessus.
L'autre chose, c'est que je ne vois pas nulle
part apparaître l'idée d'avoir une approche centrée sur la victime. On parle de
considérer les besoins particuliers des personnes victimes, mais, pour moi, ce
n'est pas la même chose qu'avoir une approche qui est centrée sur la victime.
Et c'est une expression qui revient autant dans le rapport Rebâtir la
confiance, dans les notes de Julie Desrosiers et Elizabeth Corte et dans le
rapport du groupe de travail qui vous a été soumis par votre sous-ministre,
M. Grenier. Donc, ça, je pense qu'aussi ça serait important que ça soit
là. D'ailleurs, c'est au coeur des approches en Nouvelle-Zélande, en Afrique du
Sud. Je pense que cette expression-là, on devrait la retrouver.
Ça fait que ça, c'est mes commentaires généraux.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Le Président (M. Benjamin) : Si vous
permettez, M. le ministre, je comprends qu'à ce stade-ci nous sommes encore dans les commentaires généraux.
Après, nous reviendrons dans le préambule. On pourrait y aller alinéa
par alinéa, préambule par préambule... considérant par considérant, pardon.
Donc, ça convient pour tout le monde comme manière de faire? M. le ministre,
allez-y.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, sur
le dernier commentaire, là, la façon que c'est écrit, là, c'est qu'on encadre
la personne victime tout au long du processus. Il faut faire attention, parce
que, dans le cadre du projet de loi, la
cour, la division, elle ne peut pas mettre la personne victime au centre du
processus. Alors, quand on vient créer un tribunal spécialisé en matière
de violence sexuelle et conjugale, c'est l'accompagnement. La personne, elle
est soutenue à toutes les étapes du processus. On vise à faire en sorte que,
dès le dépôt de la dénonciation, elle ait tout l'accompagnement requis aux
différentes étapes, avec le procureur, avec les greffiers, avec les
intervenants, intervenantes. Mais il faut juste être sensible à l'indépendance
judiciaire, à la présomption d'innocence, aux règles de preuves qui
s'appliquent. Et ce n'est pas le rôle du tribunal de placer la victime au
centre du processus. Bien, quand je dis «du tribunal», de la cour, de la
division spécialisée en matière de violence sexuelle et conjugale.
Alors, voyez-vous, c'est un fin équilibre. Je
constate et je sais ce que... Je comprends ce que nous dit la députée de Joliette,
mais, moi, ce que je vous dis, c'est qu'avec les termes que nous avons, avec le
libellé que nous avons, ça fait en sorte de bien soutenir la victime, de bien
l'accompagner, oui, de la mettre au coeur du processus, sauf que, quand on a l'énoncé, l'objectif, à ce
moment-là, il faut juste apporter les
nuances requises. Alors, c'est pour ça que ce n'est pas là, l'approche
centrée sur la victime comme telle.
L'autre
point, relativement au considérant sur les lieux, les services
intégrés, bien, comme je l'ai dit tout
à l'heure, le préambule fait partie du projet de loi. Donc, il est
énoncé, c'est un objectif, en soi, qui est repris au troisième alinéa de l'article 0.1 : «Elle vise
à ce que soient considérés les besoins particuliers des personnes victimes de violence sexuelle
ou de violence conjugale tout au
long de leur cheminement...» Donc,
les deux doivent être lus en concordance ensemble.
Le Président (M. Benjamin) :
D'autres interventions? Mme la députée.
Mme
Hivon : Là, il n'y
a pas... Le ministre n'a pas répondu, mais on pourra le faire quand on va le
faire par considérant. Mais le quatrième, que j'estimais être plus un objectif
qu'un considérant sur toute la question... C'est ça qu'il vient de dire, mais...
M. Jolin-Barrette : Lequel, là?
Mme
Hivon : Le
quatrième considérant.
M. Jolin-Barrette : Oui, c'est ça,
mais, dans le fond...
Mme
Hivon : En fait,
ce que le ministre dit, c'est qu'il un peu aux deux endroits.
M. Jolin-Barrette : Mais, dans le
fond, quand vous lisez le quatrième alinéa du préambule, ça fait partie de la
loi, mais... C'est un objectif en soi, mais il est repris également dans le
troisième alinéa de 0.1 : «Elle vise à ce que soient considérés les
besoins particuliers des personnes victimes de violence sexuelle ou de violence
conjugale tout au long de leur cheminement...»
Mme
Hivon : Mais, en
tout cas, on fera le débat. Moi, j'estime qu'il serait mieux... On peut le
dédoubler, là, mais il serait mieux au
complet dans l'objectif que dans le considérant parce qu'il y a
des choses qui relèvent vraiment, selon moi, plus de l'objectif
que du considérant. Puis, aussi, je me demande... En termes de rédaction, mais le ministre pourra
nous le dire, là, il y a quand
même des éléments qui se retrouvent
aux deux endroits, effectivement, puis est-ce
que ça, ce n'est pas un peu une redite? Donc, il pourra nous éclairer là-dessus,
mais c'est un questionnement que j'avais aussi.
Le Président (M.
Benjamin) : Mme la députée de Verdun.
Mme
Melançon : Merci, M. le Président. Simplement pour voir, juste pour la bonne démarche, parce que,
là, on fait un tour de table, puis là j'imagine que le ministre va
revenir avec des propositions à la suite du tour de table ou on va y aller considérant par considérant, objectif
par objectif, puis c'est à ce moment-là que le ministre
et l'équipe qui l'accompagne vont nous faire les propositions? Comment
on va se gérer à ce moment-ci?
M. Jolin-Barrette : Alors, bien,
comment on va se gérer...
• (16 h 40) •
Mme Melançon : Bien non, mais c'est important
qu'on puisse savoir... pour la suite des choses, là.
M. Jolin-Barrette : Ça, je le sais,
mais je ne voudrais pas vous gérer, là. Vous comprenez? Dans le fond, ce que je veux dire, c'est qu'on est en train de travailler sur l'amendement, sur... Vous souhaitez qu'on parle de l'attrition.
Moi, je vous ai dit : On va utiliser des termes différents. Ce que vous je
suggère... Je vous ai entendu sur chacun des éléments.
Il y a certains éléments, moi, je
pense qu'on doit y aller article
par... bien, alinéa par alinéa pour voir est-ce que... les étudier
chacun dans le détail, et on ajoutera, au fur et à mesure, ce qu'il y a à
ajouter. Je pense que c'est ce qu'il y a de plus efficace et de plus
simple.
Le Président (M. Benjamin) : Alors,
dans ce cas, nous allons procéder à l'étude du premier considérant. Est-ce
qu'il y a des interventions sur le premier considérant? Mme la députée de
Verdun.
Mme Melançon : Oui, bien, c'est
parce qu'à partir du moment où on veut aussi déplacer certains articles... On y viendra. Quand on parle de la prévalence
importante... Bon, la complexité des problématiques, je pense que ça va,
là, mais, dans la prévalence importante...
Je voudrais juste comprendre où allait le ministre avec la prévalence
importante. Est-ce que c'est pour la cour? Est-ce que c'est pour...
Qu'est-ce qu'il voulait signifier avec la prévalence importante?
M.
Jolin-Barrette : ...notre
société, il y a beaucoup d'infractions de nature sexuelle. Il y a beaucoup
d'infractions de nature conjugale également. C'est un enjeu de société et ce sont
des infractions criminelles que l'on voit souvent. Et, comme on le disait tantôt, il y en a peu qui sont
dénoncées également. Alors, selon les études, 5 % à 10 % sont
dénoncées. Alors, ça démontre qu'il y en a beaucoup dans notre société.
Et il faut le lire avec l'alinéa deux également, et là ça revient sur un
commentaire de la députée de Joliette : «Considérant l'importance d'agir
ensemble pour prévenir et contrer ces
problématiques», c'est tous les acteurs du système de justice, mais ce n'est
pas limitatif non plus, c'est l'ensemble de la société. On a tous une
responsabilité pour contrer les infractions en matière de violence conjugale et
sexuelle.
Alors, c'est pour ça qu'on ne mettait pas
«intervenants judiciaires et psychosociaux», parce que, quand vous lisez, ça touche tout le monde, ça touche
l'ensemble des acteurs. Puis je pense que, surtout depuis janvier dernier, il y
a une prise de conscience collective rattachée à ces infractions-là, de dire
qu'on a tous une responsabilité. Alors, c'est sûr que ce type de crime
là existe beaucoup. Puis je crois me rappeler... Quand on a fait l'IVAC, il me
semble que c'était entre 45 % puis 60 %, je crois, des infractions
criminelles qui touchent des crimes contre la personne en matière de violence
sexuelle et de violence conjugale. Donc, la moitié des dossiers à l'IVAC, ce
sont ce type de dossier là. Donc, c'est pour
ça, les deux ensemble. Donc, il y a une prévalence importante dans la société
puis il faut se rassembler pour lutter contre ça. Donc, c'est pour ça
que c'est... il n'y a pas «judiciaires et psychosociaux» quand on parle
d'ensemble.
Mme Melançon : D'accord.
Le Président (M. Benjamin) : Merci, Mme
la députée de Verdun. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur le premier
considérant? Sinon, s'il n'y a pas d'intervention, nous procéderons à l'étude
du deuxième considérant. Est-ce que j'ai des interventions sur le deuxième? Mme
la députée de Verdun.
Mme Melançon : Décidément, la
députée de Joliette et moi, là-dessus, on est d'accord, là, pour l'importance d'agir ensemble. Il est vrai qu'à l'intérieur du
rapport Grenier, et on va le citer à quelques reprises, et ça fera
probablement toujours sourire le ministre, mais c'était écrit noir sur
blanc. On avait défini clairement le «ensemble» et à qui on s'adresse. Et, s'il faut qu'on ajoute quelque chose pour dire : Il en va aussi de l'ensemble de la société, bien,
qu'on l'ajoute. Mais je pense que nous devons nommer, à ce moment-ci, comme
c'est fait à l'intérieur du rapport Grenier, dans les principes
directeurs, au sixième picot, là : «Travailler en collaboration et
concertation [avec tous] les acteurs du système [judiciaire] et psychosociaux.»
Je pense que c'est là où s'en allait la députée de Joliette et c'est pourquoi
j'avais posé la question, tout à l'heure, en question plus générale. Je pense
que, si on peut nommer, à ce moment-ci, et ajouter que c'est... qu'il en va
aussi de l'ensemble de la société, moi, je n'ai pas de problème, mais je pense
qu'on doit nommer, à ce moment-ci, de qui il est question puisqu'on va les
nommer tout au long de ce projet de loi, à qui est-ce que... à qui on
s'adresse.
M. Jolin-Barrette : O.K., M. le
Président?
Le Président (M. Benjamin) :
Allez-y.
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que je peux faire un appel à tous? Alors, la
députée de Verdun, les termes exacts qu'elle veut qu'on utilise, «intervenants
judiciaires et psychosociaux», la députée de Joliette aussi...
Mme Hivon : ...les
termes du rapport Grenier...
Mme Melançon : Oui, c'est ça.
Mme Hivon : ...qui était «acteurs du système de justice», et
ça disait juste «psychosociaux». Ça fait que je présume que c'étaient les acteurs psychosociaux, mais on
pourrait dire «et intervenants psychosociaux». Mais moi, je n'ai pas de
problème, «acteurs» ou «intervenants», mais j'aimais bien «acteurs».
M. Jolin-Barrette : Acteurs
psychosociaux...
Mme Hivon :
Acteurs du système de justice.
M. Jolin-Barrette : Acteurs du système
de justice...
Mme Hivon : Et
psychosociaux.
Mme Melançon : Et intervenants
psychosociaux.
M. Jolin-Barrette : Bien, pourquoi alourdir... Est-ce qu'on peut faire «acteurs du système de justice et psychosociaux»?
Mme Hivon : Tout à
fait. C'est écrit comme ça dans le rapport.
M. Jolin-Barrette : Mme la
députée de Sherbrooke?
Mme Labrie : ...
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc,
ce que je vous suggère, c'est qu'on va les prendre un par un, on note tout ce
qu'on ajoute, puis on va arriver avec un amendement pour tout au lieu de
modifier à la pièce. Est-ce que ça vous convient?
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, Mme la députée de Verdun, c'est bon?
Mme Melançon : Bien oui, à ce
moment-ci, c'est bon pour le deuxième considérant, c'était pour définir... Est-ce que le ministre, à ce moment-ci, veut aussi
introduire la notion de... Dans le fond, c'est un fardeau qui est aussi sur
les épaules de l'ensemble de la société parce que c'est un problème social, on
l'a dit souvent, puis ce n'est pas uniquement soit à la cour, à la justice,
mais à l'ensemble de la société à travailler pour prévenir et contrer cette
problématique-là. Est-ce qu'il veut aller en ce sens-là aussi?
M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je pense qu'on peut le mettre parce
que c'était le souhait qu'on exprimait quand on parlait d'«ensemble».
Mme Melançon : On l'ajoute,
alors.
M. Jolin-Barrette : Alors, on va rajouter «acteurs du système
judiciaire et psychosociaux, incluant la société». On va vous trouver un
libellé adéquat.
Mme Melançon : Tout à fait.
Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Benjamin) :
Merci. Alors, j'ai la députée de Joliette, suivie du député de Chomedey. Mme la
députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui.
Alors, je comprends que le ministre est ouvert à notre proposition. Je veux
juste lui dire que j'allais lui faire la suggestion
d'ajouter tout simplement un considérant, parce que je comprends la
nuance qu'il fait entre l'importance d'agir ensemble... veut dire toute
la société, donc, que tout le monde soit plus sensibilisé à ces enjeux-là. Puis
là je me disais qu'on aurait pu tout simplement ajouter un considérant pour
parler spécifiquement du travail des acteurs
du système de justice. Je pense qu'on le voit, par les temps
qui courent, que cette collaboration-là, elle est essentielle, et qu'on
la souhaite. Donc, je pense qu'elle devrait être inscrite dans le projet de
loi.
Donc, c'est
ça, le... ce que je proposais là-dessus, c'était : «Considérant
l'importance que tous les acteurs — on
l'a dit, là — du
système de justice et psychosociaux collaborent — parce que l'autre, ce n'est pas vraiment
"collaborent", là, c'est que toute la société, dans le fond,
se mobilise, mais moi, je trouve que toute l'idée de la collaboration entre ces
acteurs-là est importante — et
travaillent de manière concertée — puis on aurait pu dire "dans cet
objectif" parce que c'est le même objectif,
j'imagine — pour
prévenir et contrer ces problématiques.» Mais je voulais juste lui soumettre ça
parce que j'avais commencé à travailler sur un amendement à cet effet-là.
Donc, c'est mes commentaires pour le deuxième
considérant.
Le Président (M.
Benjamin) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, on le prend en délibéré, comme on dit, puis on vous revient. Le
troisième considérant...
Le Président (M. Benjamin) : Non, on est encore au deuxième considérant
puisqu'il y a le député de Chomedey.
M.
Jolin-Barrette : Ah! excusez, j'avais omis le député de Chomedey, M.
le Président. Comment l'oublier?
M.
Ouellette : Oubliez-moi pas, M. le Président. Je voudrais juste
attirer l'attention du ministre, parce qu'on nous a beaucoup parlé d'uniformité
dans les actions qui vont être posées, et c'est probablement le meilleur
endroit... Quand on dit : «Considérant
l'importance d'agir ensemble», là, il va falloir avoir une uniformité. Peut-être
qu'on pourrait rajouter le mot «uniformément» dans la phrase, parce
qu'on peut bien agir ensemble, mais, si tout le monde fait ses affaires dans
son coin, à sa façon, bien, on n'aura pas un très bon résultat. Et je pense
qu'on a un endroit, là, où l'uniformité, ou le mot pourrait être libellé de la
façon que les légistes... Puis je ne sais pas si le mot «uniformément» est dans
le rapport Grenier, on va faire une recherche, parce que c'est une autorité,
selon le ministre, M. le Président. Mais je le souligne et je le soumets
respectueusement au ministre, que, si on veut avoir du succès, il faut être
ensemble, je suis d'accord, mais il faut avoir cette uniformité-là.
• (16 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : Bien, j'entends bien ce que le député de Chomedey
nous dit, M. le Président. Par contre, ça va prendre de la flexibilité dans les
différents projets. Donc, pour ça, j'aurais certaines réticences à indiquer
«uniformément», parce qu'on a les objectifs, mais ça va arriver à la fois dans
les projets pilotes puis à la fois dans le tribunal permanent qu'en fonction
des réalités régionales, en fait, je vous dirais même, en fonction des palais,
en fonction de la clientèle, en fonction d'où c'est situé, il y a des éléments
qui vont être différents d'un endroit à l'autre. Donc, vous allez avoir,
globalement, les mêmes services, mais ça va arriver que, dans certains
districts, il y ait des façons de faire qui vont être un peu distinctes et
adaptées à la réalité.
Exemple, supposons
que, dans certains districts, là, il y a des... je pense à un exemple en
particulier, là, il y a beaucoup de dossiers d'inceste, O.K.? Dans ce palais de
justice là, bien, la façon dont ils vont traiter les dossiers avec les
intervenants, il va y avoir une approche en fonction de la nature de
l'infraction criminelle reprochée, puis il y a une approche particulière. Donc,
toute l'approche, elle est centrée sur la victime. L'accompagnement, il est là
aussi. Mais, si c'est uniformisé à la grandeur du Québec, on s'entend que le
cadre va être la même chose, mais il faut laisser une marge de manoeuvre pour
faire en sorte d'avoir des particularités locales, là.
M.
Ouellette : J'entends le ministre, M. le Président, et j'entends sa
préoccupation, mais je reprendrais les paroles d'une autre autorité, mais aux
affaires municipales, qui nous parlent souvent d'une recette et des ingrédients
de la recette. On aura, dans l'implantation, que ça soit des projets pilotes ou
autre chose, une grille où on aura une façon
de faire. L'application de la façon de faire sur le terrain va définitivement
être en fonction des réalités régionales, va définitivement être en
fonction des spécificités qu'on rencontrera dans les différents districts
judiciaires.
Et le plus bel
exemple, je vais le donner, M. le Président, les interventions policières à Montréal,
à Québec, dans les grands centres, dans les
33 services de police, et à la Sûreté du Québec, en région, sont
différentes en fonction de l'appel ou en fonction de la réalité terrain,
mais le cadre, lui, doit être uniforme partout, le cadre de la façon d'intervenir ou... C'est-à-dire, la recette doit
être la même partout, elle doit être uniforme. Les ingrédients qu'on prendra
à Chandler, ou au Nunavik, ou à Montréal, ou à Beloeil vont être différents en
fonction de la réalité terrain, mais la recette
doit être uniforme. Il faut que l'intervenant psychosocial, que le procureur à
Saint-Hyacinthe, celui de Saint-Jérôme, celui de n'importe où ailleurs,
ait les mêmes critères d'intervention, ait la même recette à suivre pour
s'assurer que la victime va être au centre de... mais, après ça, ça sera
applicable.
Et je donnerais
l'exemple... M. le Président, je donnerais l'exemple, au ministre, d'une norme...
des normes internationales. Que ça soit les normes du BNQ, au Canada, ou les
normes ISO, c'est une recette, c'est des ingrédients.
C'est une recette qui est uniforme, mais appliquée localement, régionalement, en fonction des réalités, des cas, des interventions qui auront à être
faites, mais c'est pour ça que le mot «uniformément», ce n'est pas l'uniformité
de l'intervention, parce
qu'elle doit être adaptée. Puis
j'entends bien ce que le ministre me dit, mais la recette pour l'appliquer
ou la recette de l'intervention doit être uniforme partout, et c'est pour ça
que je suggérais au ministre d'en tenir compte dans sa réflexion de
modification à ce considérant, à cet endroit-là.
Le Président (M.
Benjamin) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Ça fera partie de ma réflexion. Par contre, je ne
suis pas sûr que je vais donner suite à la proposition,
justement pour les motifs que je vous ai exposés. Ça prend
de la flexibilité, puis c'était une des recommandations également du
fameux rapport Grenier.
Le Président (M. Benjamin) : Y
a-t-il des interventions sur le deuxième considérant? Sinon, on irait au
troisième considérant. Mme la députée de Verdun.
Mme
Melançon : Merci, M. le Président. Quand on se remet... parce que, là,
on a travaillé rapidement, là, sur l'heure du dîner, puis tout le monde était
sur plein de choses en même temps, mais, quand on le lit, le préambule, à ce moment-ci, on n'a toujours pas amené la
notion de rebâtir la confiance. Et, dans les considérants, dans le préambule,
je pense qu'on doit arriver, on doit
atterrir rapidement avec cette volonté-là, donc, de rebâtir la confiance, parce
qu'on n'a pas en aucun moment, là...
À ce moment-ci, on parle de redonner la confiance dans le quatrième
considérant, mais moi, je pense qu'on
doit apporter un considérant supplémentaire ou l'introduire, de rebâtir la
confiance, à ce moment-là. En voulant rebâtir la confiance, on a besoin
d'apporter...
Dans le fond, des
besoins... Les personnes vont avoir des besoins particuliers. On les entend. Je
pense qu'on doit introduire, à ce moment-ci,
l'idée de rebâtir la confiance dans le troisième considérant, sans quoi on...
parce que, là, on a bâti, débâti, dans le fond, le préambule puis le premier
article. Je pense qu'on doit l'entendre, à ce moment-ci, pour bien
mettre la table pour la compréhension aussi de ce préambule-là. J'aurais même...
En tout cas, je le soulève ici, là, mais à la lecture... parce que j'ai fait
une lecture plus globale du préambule, et il y a quelque chose qui me dit qu'on
a besoin de l'introduire, peut-être, à ce moment-ci.
M. Jolin-Barrette :
M. le Président, on est venus segmenter le préambule à la demande des
oppositions. Or, ça se retrouve à 0.1, au premier alinéa : «La présente
loi vise à rebâtir la confiance des personnes victimes de violence sexuelle et de violence conjugale envers le système de justice...» Il est là,
«rebâtir la confiance», là. Avant, là, il
était dans le préambule, mais on l'a mis comme objectif parce que vous m'avez
demandé de le mettre comme objectif.
Mme Melançon :
Oui, oui, tout à fait.
M. Jolin-Barrette : Puis là il est à 0.1. Puis je vous réitère que ce
qui est dans le préambule fait partie de la loi. Bien là, on l'a mis à
0.1. Bien, comme... il ne faut pas tout répéter dans le préambule puis à 0.1.
Mme Melançon :
Non, c'est juste pour la compréhension d'une personne qui va le lire pour une
première fois, c'était juste en ce sens-là. Si, pour trois mots, on n'est pas à
l'aise, écoutez, je n'en ferai pas, ici, une bataille impossible. C'est surtout quand on remet en lecture globale,
là, pour la lecture, de se rappeler la volonté, ici, du législateur et, bien
sûr, de l'amener... Moi, j'ai toujours pensé qu'on pouvait répéter quelque
chose qui était la base. Si le ministre souhaite y aller différemment, moi, je n'ai pas de problème à le laisser
tomber, c'était surtout pour la bonne compréhension, là, dans l'ordre de
lecture, tout simplement.
Le Président (M. Benjamin) : Est-ce que j'ai d'autres interventions sur le
troisième considérant? Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Oui, bien, ça fait une suite logique avec ce que ma collègue vient de dire,
parce que, le troisième considérant, il est aussi le troisième objectif.
Donc, je me questionnais à savoir pourquoi ce choix de calquer cet élément-là
aux deux endroits. Moi, à tout choisir, je l'aime mieux dans les objectifs,
mais je n'ai pas de mal à ce qu'il soit aux deux endroits. Mais la seule raison
pour laquelle je soulève ça, c'est que... Est-ce qu'on veut de la redondance? S'il y a des éléments qui sont aux
deux endroits, est-ce que ça veut dire que les autres sont moins importants
parce qu'ils sont aux deux endroits? Enfin, bref, ça fait que je soulève ça.
Puis l'autre...
M. Jolin-Barrette : Non, bien, M. le Président, moi... On va
l'enlever dans le préambule puis on va le laisser dans les objectifs.
Mme Hivon :
O.K. Je ne sais pas ce que mes collègues en pensent, mais moi, je l'aime mieux
dans les objectifs.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Ça fait qu'on va supprimer le troisième considérant.
Mme Hivon :
C'est bon. Puis le seul autre commentaire sur le troisième considérant, c'est
que moi, j'aurais aimé que...
M. Jolin-Barrette :
Mais il n'est plus là. On le supprime, là.
• (17 heures) •
Mme Hivon :
Bien, il va être... O.K., bien, j'en discuterai
quand on va être rendus. C'est parce que, si vous êtes pour le prendre
puis le mettre exactement... j'aurais fait mon commentaire.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Je vous écoute. On va y aller efficacement.
Mme
Hivon : O.K.
Merci. Je pense que ça va être plus efficace comme ça. «...tout au long de
leur cheminement», j'aurais mis «et
du processus judiciaire». Je comprends que le ministre va peut-être dire : Oui, mais son cheminement
peut inclure le processus judiciaire. Moi,
je trouve, ça vaut le coup de le dire nommément, parce que son cheminement,
je trouve que ça peut être un petit peu subjectif ou général, alors que le
processus judiciaire, on comprend vraiment ce dont on parle. Puis je pense que
les besoins particuliers, on veut qu'ils soient tenus en compte dans le
processus judiciaire. Et là je le regarde là puis je le regarde dans les
objectifs, puis on parle vraiment juste du cheminement de la victime. Donc, je
pense qu'il y aurait une plus-value à vraiment l'inscrire.
M.
Jolin-Barrette : Sauf que le projet de loi, là, il s'inscrit dans le
cadre du processus judiciaire, là. Ce processus judiciaire là débute à partir
du moment où il y a dénonciation, là. Pour ce qui est de l'accompagnement des
victimes par rapport... dans le fond, ça s'applique dans le cadre de la
dénonciation, puis Rebâtir la confiance, c'était là-dessus, c'est dans
le cadre du processus judiciaire, ça fait que c'est nécessaire dans le cadre de
son cheminement. Si elle n'est pas dans le cadre de ce cheminement-là du
processus judiciaire, ça va être avec le n° 84, avec
le projet de loi n° 84, avec l'IVAC, avec le soutien des CAVAC, avec ces
différents éléments là des organismes.
Mme
Hivon : Je
comprends ce que le ministre dit, mais je pense quand même que, quand on
regarde le préambule et l'article 0.1, on voit qu'on met des idées plus
larges que le seul processus judiciaire. D'ailleurs, le deux, le ministre vient nous plaider, le considérant numéro deux, qu'on
devait parler de la société dans son ensemble, parce que c'était une tâche qu'on devait tous relever
ensemble. Donc, pour suivre sa logique, si on regarde les considérants,
on n'est pas juste, strictement parlant, dans le processus judiciaire, on est
dans une tâche plus large pour rebâtir la confiance. C'est pour ça que je pense
qu'il y aurait une plus-value à inscrire «cheminement et processus judiciaire».
Le Président (M. Benjamin) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais, encore une
fois, il faut être prudent avec le processus judiciaire. On m'a invité beaucoup
à prendre en considération les avis de certaines personnes, et c'est notamment
ce que je fais. Alors, «cheminement» est bien indiqué, ça inclut globalement
tout.
Mme
Hivon : Vraiment,
j'ai un questionnement, là, ça fait que le ministre va m'éclairer. Si on ne
peut pas parler, dans le projet de loi, de processus judiciaire, mais qu'on
peut parler de district judiciaire, de projet pilote, de détermination des infractions,
j'ai vraiment un questionnement, là, sur où le ministre trace la ligne, là. Parce
que le processus judiciaire, on se comprend que ce n'est pas juste la partie
cour.
M. Jolin-Barrette : Effectivement,
ce n'est pas juste la partie cour. Mais, quand on parle du cheminement dans son
intégralité, ça le couvre également. Mais je prends note de votre commentaire,
que vous souhaitez que soit rajouté «processus judiciaire».
Le Président (M. Benjamin) : Alors,
merci. Si vous permettez, le député de Chomedey, ensuite la députée de Sherbrooke.
M. Ouellette : Merci, M. le
Président. Je me questionne et j'aimerais ça que le ministre m'explique. Parce
que je me pose la question : Pourquoi on a besoin de rajouter, pas dans le
préambule, parce que, semblerait-il, il va disparaître par enchantement, mais
dans le 0.1, à ce considérant qu'on regarde, là, pourquoi on n'inscrirait pas
tout simplement : «Elle vise à ce que
soient considérés les besoins des personnes victimes de violence sexuelle»?
Quelle est, M. le Président, pour le ministre, la signification des besoins
particuliers des personnes? Est-ce
qu'on a besoin d'insister sur la particularité des besoins?
Ce qu'on veut puis ce qu'on vise par le projet
de loi, c'est s'assurer que les besoins des victimes... Je me dis : De
rajouter le mot «particuliers», j'ai comme l'impression qu'on peut les
stigmatiser, là, ou on peut les mettre à part. Je me pose la question puis
j'aimerais ça savoir, M. le Président, qu'est-ce qui peut avoir amené le
ministre et ses légistes à inscrire des «besoins particuliers», parce que je me
dis que ce n'est peut-être pas nécessaire.
M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je
vous dirais, M. le Président, oui, les victimes ont des besoins particuliers, parce que
ce n'est pas comme n'importe quel autre témoin. Donc, quand on va dans un
palais de justice avec des personnes victimes, elles ne réagiront pas
comme n'importe quel autre témoin.
Pensons,
supposons, je vous donne un exemple, pour aller aux salles de bain, O.K.? Bien,
un témoin ordinaire, c'est stressant, oui, aller à la cour puis livrer
un témoignage, tout ça, mais ça n'a pas de commune mesure avec quelqu'un
qui a été agressé sexuellement. Ça fait que ça se peut que, dans le cadre du
besoin particulier de la personne victime,
bien, ça serait approprié d'avoir un local de victimes avec une salle de bains
attenante où est-ce que la personne n'aille pas à la même salle de bains que tout le reste du palais de
justice, aussi, considérant le contexte intime de la nature de
l'agression.
Donc, ça, c'est un exemple sur pourquoi est-ce
qu'une victime, notamment, a des besoins particuliers, puis, je pense, il faut le reconnaître, il faut avoir...
Il y a des besoins particuliers puis il va y avoir des situations adaptées,
puis c'est aussi ça. Puis je tiens à saluer également les gens du CAVAC,
là, dans les palais de justice, qui jonglent avec plusieurs situations, qui
réussissent à accompagner les victimes adéquatement en vertu... en fonction de
la réalité de chacune des personnes, en vertu du traumatisme qu'elle a subi
quand elle vient témoigner. Alors, ils essaient de l'accommoder le plus
possible. Alors, c'est le sens des... Pourquoi les besoins particuliers doivent
être considérés? Parce que ce n'est pas comme un témoin ordinaire. C'est ça que
je veux dire.
Le Président (M. Benjamin) : M. le
député de Chomedey.
M. Ouellette : M. le Président,
j'entends ce que le ministre me dit puis je pense qu'il y a effectivement une différence entre les victimes et des témoins. Mais
les victimes, quelles qu'elles soient, que ça soit de violence conjugale
ou de violence
sexuelle, une victime, c'est une victime, une victime doit avoir un encadrement,
elle a des besoins. Puis je comprends qu'un témoin c'est totalement
différent, je comprends tout ça, mais je me dis : Est-ce qu'on a besoin de
particulariser juste ces deux catégories-là?
Et c'est pour ça que je voulais entendre, M. le
Président, la réflexion du ministre. Parce que toutes les victimes ont des besoins, toutes les victimes de
notre système judiciaire qui doivent venir témoigner vont avoir des besoins.
Qu'on particularise... Puis je n'en fais pas
un cas de sémantique, je vous l'amène uniquement pour réflexion, M. le
Président, à savoir : Est-ce que c'est absolument nécessaire qu'on
ait besoin d'avoir ce mot-là? Parce qu'on dit souvent que le législateur ne
parle pas pour ne rien dire, mais... Et je pense que c'est sûr qu'on est sur un
projet de loi qui parle de violence sexuelle puis de violence conjugale, mais
une victime, c'est une victime, puis une victime va devoir avoir de
l'accompagnement, va devoir avoir de l'encadrement, quelle qu'elle soit et
quelque crime que ce soit.
Un témoin, c'est totalement différent, et je
suis... j'entends l'explication du ministre, mais je voulais tout simplement
lui soumettre pour réflexion puis pour que ses légistes aussi prennent en
considération : Est-ce que c'est nécessaire
de rajouter le mot «particuliers»? Parce qu'une victime va avoir un
accompagnement et va avoir un encadrement.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le député de Chomedey. Donc, Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci. Je vais me
permettre d'essayer de répondre à mon collègue de Chomedey là-dessus. Parce que j'entends, dans le fond, qu'il a une
préoccupation à l'effet qu'il ne faudrait pas non plus ostraciser les victimes
en utilisant ces mots-là, mais je pense que ça répond à une demande des
victimes de reconnaître qu'elles ont des besoins particuliers. Ça, c'est une
demande que les victimes font. Elles nous demandent de reconnaître leur
situation particulière et le caractère particulier des crimes qu'elles ont subis,
leurs besoins particuliers dans le système de justice. Puis c'est pour ça qu'on
met en place des tribunaux spécialisés.
Donc, moi, pour ma part, je le laisserais, ce
mot-là. Je pense que c'est vrai que ça vient les placer à part de d'autres
types de victimes, mais c'est l'effet recherché. En fait, c'est exactement
l'effet recherché puis ça fait partie des demandes que nous ont formulées les
victimes. Donc, voilà.
Sur une discussion qu'on avait plus tôt sur la
formulation puis le fait de nommer le processus judiciaire, quand on parlait du cheminement, j'ai peut-être
une proposition de formulation. On pourrait inscrire... Là, je comprends
qu'on va en parler dans l'article 0.1., donc c'est là que je fais ma
proposition de formulation : «Elle vise à ce que soient considérés les
besoins particuliers des personnes victimes de violence sexuelle ou de violence
conjugale tout au long de leur cheminement, y compris au cours du processus
judiciaire.» Moi, je proposerais de l'inclure comme ça, parce qu'effectivement
le cheminement commence avant et se continue après le processus judiciaire,
mais il en fait partie, puis c'est important de le nommer ici.
• (17 h 10) •
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
Mme la députée de Sherbrooke. M. le député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, M. le
Président. Merci à ma collègue de Sherbrooke de nous rappeler les explications qui nous ont été données par les différents
groupes qu'on a eus en consultation. Et j'en suis, je suis tout à fait d'accord
avec ma collègue de Sherbrooke. Quand j'ai
posé la question, M. le Président, c'est que je voulais voir le cheminement
des légistes et du ministre par rapport à l'écriture de ce considérant. Je n'y
voyais peut-être pas l'obligation, mais, en partant
du moment où c'est une demande des différents groupes puis que c'est l'effet
recherché, que ça soit particulier, le traitement qu'on demande
spécifiquement pour la violence sexuelle et la violence conjugale, on ne peut
qu'être d'accord.
Et, comme j'ai mentionné puis comme je le dis
souvent, M. le Président, c'est important que les gens qui nous suivent
aujourd'hui, qui vont revenir voir les... nos discussions et ce qui va s'être
échangé, qui vont revenir voir nos débats,
voient qu'on a clarifié ce besoin, cet effet recherché, et qu'on est très
sensibles, parce qu'on est législateurs, on est très sensibles à leurs
besoins, qu'ils soient particuliers ou autres, mais on est très sensibles à
leurs représentations.
Le
Président (M. Benjamin) : ...nous
sommes toujours sur le troisième considérant. Mme la députée de Verdun.
Mme Melançon : Bien, je vais
redemander juste un éclaircissement. Parce qu'habituellement on y va par amendement,
on dépose l'amendement, on... Parce que, là, ça fait quelques fois que le ministre
nous dit : Bien, je vais regarder ça,
je vais vous revenir, on va voir. Puis, quand il va tout redéposer, s'il manque
certaines choses, est-ce qu'on
réouvre à une discussion considérant par considérant? Comment ça fonctionne?
Parce que, là, on vient de changer juste la façon de faire, là. Juste
pour bien me gouverner, parce que je prends beaucoup de notes, puis je ne
voudrais pas qu'on échappe quelque chose à l'intérieur de la discussion, puis
je ne voudrais pas non plus qu'on se fasse dire : Bien, on ne veut pas y
revenir parce qu'on l'a fait tout à l'heure.
M. Jolin-Barrette : Ce qu'on va
faire, là, dans le fond, on les passe un par un, là, idéalement, si on pourrait
arriver... On prépare les amendements
au fur et à mesure, puis on va les déposer, puis on va revenir sur l'amendement. Cela étant, ça ne veut pas dire, parce que je ne donne pas
suite à tout ce que vous avez demandé, que... C'est une discussion, là, donc ce
n'est pas 100 % des propositions qui vont être acceptées, c'est ça que je
vous dis.
Mme Melançon : Bien, ce n'était pas
en ce sens-là du tout, mon commentaire, M. le Président, je veux rassurer le ministre,
là, loin de là. Puis je comprends qu'il veut y arriver, là, mais je pense qu'on
chemine, là, puis je pense
que ça va plutôt rondement. Donc, j'invite le ministre à continuer avec son
ouverture et son enthousiasme débordants. Puis nous autres, de notre
côté, on va continuer à étudier de ce projet de loi là avec tout le sérieux
qu'on a mis à ce travail-là depuis les deux dernières années, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) : Merci, Mme
la députée de Verdun. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur le troisième
considérant? Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Bien, moi,
je l'ai dit tout à l'heure, je pense que ce serait bien de lire quelque part
une approche centrée sur la victime. Je comprends que le ministre voulait nous
faire la nuance que la cour ne pouvait pas elle-même être centrée sur la
victime, mais je me réfère à la page 11 du rapport maintenant nommé
rapport Grenier où on dit : «Principes
directeurs proposés dans "Rebâtir la confiance"», qui sont
renommés ici, puis on dit : «La personne victime doit être mise au centre
du processus judiciaire.» Donc, ça me ramène à mon argument de tantôt, que je
soumets humblement, que le processus judiciaire, c'est plus large qu'uniquement
ce qui se passe dans la salle de cour.
Et moi, je ne suis pas attachée nécessairement à
l'endroit où ça devrait se trouver, mais je me demande si ce n'est pas dans le
troisième considérant, qui va se ramasser dans l'article 0.1. Mais,
puisqu'on fait le débat global ici, je me
demande si ce n'est pas à ce moment-là qu'on devrait dire : «Considérant
les besoins particuliers des personnes victimes de violence sexuelle ou
de violence conjugale tout au long de leur cheminement — et
moi, j'espère — et
du processus judiciaire et l'importance
d'avoir une approche centrée — on pourrait dire — sur la réalité de ces personnes
victimes.» Je trouve que ça coulerait bien.
Ça fait que je voulais juste le soumettre. Je
pense qu'on n'est pas, là, dans cet élément-là, spécifiquement dans ce qui se
passe dans la salle de cour et on est plus... Parce que le ministre insiste sur
le cheminement qui est global, donc je pense que ce serait un bon endroit pour
le mettre, sans être en train de dire que c'est la division, la salle de cour,
le travail du juge qui doit être centré sur la victime.
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
j'entends bien la députée de Joliette. Par contre, je maintiens ma position,
notamment, à ce niveau-là, parce qu'il n'y a pas juste la cour, il y a
également le Directeur des poursuites criminelles
et pénales également. Donc, le Directeur des poursuites criminelles et pénales,
dans son rôle quasi judiciaire, également, il n'a pas une approche
uniquement centrée sur la victime, il a une responsabilité d'intérêt public
aussi dans le cadre de son rôle. Donc, ça ne veut pas dire que les victimes ne
seront pas accompagnées. Mais le chapeau, également, des procureurs de la
couronne, ce n'est pas non plus l'avocat de la personne victime, aussi. Donc,
il y a ces considérants-là aussi.
Mais moi, je trouve qu'avec les libellés qu'on a
actuellement on fait bien le travail relativement à l'ensemble des choses. Et
il faut distinguer aussi, dans le célèbre rapport Grenier, vous avez...
Mme
Hivon : ...
M. Jolin-Barrette : Je vous taquine.
C'est un très bon rapport, par ailleurs, très, très bon rapport, excellent
rapport. Vous avez le rapport, donc, sur la mécanique, mais là on est vraiment
avec la loi et la force légale aussi. Donc,
c'est important qu'en termes juridiques ça représente également la réalité des
faits aussi. Donc, c'est pour ça que je n'irai pas avec votre
suggestion.
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée de Joliette.
Mme
Hivon : Je vais
juste essayer une dernière fois. Je ne pense pas que «centré sur la victime»
veut dire : excluant toutes les autres réalités. De toute façon, on vient
nommer d'autres principes, et ces principes-là existent, et le travail du DPCP,
on le connaît, puis le travail qui se fait dans toutes les étapes. Mais c'est
vraiment quelque chose qui ressort des tribunaux spécialisés, d'avoir cette
approche-là, pour que la victime soit au centre. Je veux dire, le fait d'être au centre ne veut pas dire que ce n'est
qu'elle qui compte, ça veut juste dire qu'on s'adapte à sa réalité, une phrase
que j'ai répétée souvent, plutôt que de lui demander à elle de toujours
s'adapter au système. Ça fait que je voulais soumettre ça comme ultime argument
au ministre.
Et puis, enfin, s'il rejette ça complètement, je
pense que ça ne serait pas mauvais puis ça pourrait répondre aussi à une partie de ce que le collègue nous disait,
de Chomedey. Peut-être qu'on devrait dire : «Considérant la réalité
et les besoins particuliers des personnes victimes...» Donc, je veux dire, ça
serait plus global aussi, sa réalité qui fait en sorte qu'elle a pu vivre un
traumatisme, les risques de... Donc, je pense que ça pourrait être plus
englobant.
Voilà, c'étaient mes commentaires, mes derniers
commentaires sur le troisième considérant.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
Mme la députée de Joliette. Alors, j'ai...
M. Jolin-Barrette : Mais, juste pour
faire ça clair...
Le Président (M. Benjamin) : Oui.
Allez-y.
M. Jolin-Barrette : ...il n'y a plus
de troisième considérant, et les commentaires de la députée de Joliette sont
versés dans le troisième objectif, à 0.1.
Mme
Hivon : Exact. Feu troisième considérant.
Le Président (M.
Benjamin) : Feu troisième considérant. Mme la députée de Verdun.
Mme
Melançon : Bien, juste pour le feu troisième considérant, qu'on va
retrouver dans les objectifs, simplement rappeler au ministre qu'il y a des
groupes qui sont venus, puis je me rappelle que le ministre était très, très,
très content de les entendre parler de tribunal spécialisé. Et je me rappelle
que le ministre a même posé la question en disant : Oui, mais eux autres,
ils utilisent le mot «tribunal spécialisé», et il ne faut pas se gêner pour
utiliser le mot «tribunal spécialisé». Et je me rappelle, là, c'est maître...
pardonnez-moi, Me Cloutier, là, qui faisait justement des liens avec d'autres
tribunaux spécialisés à travers la planète et qui répétait à chaque fois que
c'était pour mettre la victime au centre des décisions. Donc, juste peut-être
pour le garder en mémoire, là, à chaque fois où on parlé des tribunaux
spécialisés, partout sur la planète, c'était avec cette même volonté là. Donc,
je ne vois pas pourquoi on se gênerait pour pouvoir tout simplement l'ajouter à
l'objectif trois quand on sera rendus là.
• (17 h 20) •
Le Président (M.
Benjamin) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Moi, M. le Président, j'essaie, entre autres, de
satisfaire plusieurs personnes, incluant la députée de Verdun, qui m'a invité à
éliminer les irritants, à aplanir les angles, à ne pas se chicaner. D'ailleurs,
je ne suis en chicane avec personne, M. le Président. Alors, ça, je tiens à le
dire à la députée de Verdun. S'il y a chicane, elle est unilatérale en ma
direction, et ce n'est pas quelque chose de bilatéral, M. le Président. Ça, je
tiens à le dire et à le prononcer haut et fort.
Alors, M. le
Président...
Une voix :
...
Mme
Melançon : Oui, c'est ça.
M. Jolin-Barrette :
Avec qui?
Mme Labrie :
...même chose avec le fédéral.
M. Jolin-Barrette :
Bien, moi, ça va très bien.
Le Président
(M. Benjamin) : M. le ministre, vous avez complété?
Mme
Melançon : Ah! ce n'est pas tout le monde qui est d'accord de l'autre
bord.
M. Jolin-Barrette :
Ah! vous parlez du troisième lien, vous?
Mme Labrie :
Entre autres.
M. Jolin-Barrette :
Est-ce que c'est à ça que vous faisiez référence?
Mme Labrie :
Entre autres choses.
M. Jolin-Barrette : Bon, tout ça pour dire que l'objectif,
il est là. Bien, vous comprenez, avec les explications que j'ai données
à la députée de Joliette, pourquoi je choisis ces termes.
Le Président (M. Benjamin) : Merci, M. le ministre. Est-ce que j'ai d'autres
interventions? Mme la députée de Verdun? Non.
Mme Melançon :
Pour le quatrième considérant. Je pensais que vous étiez rendu là, M. le
Président.
Le Président (M. Benjamin) : Ah! d'accord. Parfait. Donc, on irait donc au
quatrième considérant. Est-ce que j'ai des interventions pour le
quatrième considérant? Mme la députée de Verdun.
Mme Melançon :
Tout à l'heure, j'ai, bien sûr, la collègue de Joliette qui en a fait mention,
et je vais me permettre de commencer à faire du pouce, puis je vais la laisser
poursuivre. Deux choses.
La toute première
chose : je pense que le quatrième considérant devrait devenir un objectif.
En effet, parce que, là on va spécifiquement nommer l'offre de services
psychosociaux, judiciaires intégrés, adaptés, l'adaptation des lieux physiques
sécurisants, l'effort soutenu pour réduire les délais de traitement — ici,
je vous souligne qu'il y a un doublon, alors, puisque c'est la volonté du
ministre d'éviter les doublons, peut-être est-ce qu'on pourra éviter ce
doublon-là avec les objectifs — des dossiers qui contribuent à redonner
confiance aux personnes victimes envers le système de
justice. Je pense qu'il s'agit là beaucoup plus qu'un considérant. Je pense que
c'est vrai qu'il s'agit tout à fait d'un objectif, à ce moment-ci, avec les
discussions...
(Interruption)
Mme
Melançon : Est-ce que ça va, M. le ministre? Oui. Je ne veux pas vous
faire perdre pied, là.
M. Jolin-Barrette :
C'est parce qu'il faut avoir un certain poids pour avancer les chaises. Ça fait
que...
Mme Melançon :
Ça va?
M. Jolin-Barrette :
Bien, j'ai un manque de poids, mais je travaille là-dessus.
Mme Melançon :
Continuez à manger les raisins. C'est bon.
M. Jolin-Barrette :
Plus ceci.
Mme Melançon :
Ah! avec un peu de chocolat. Mais, tout simplement, revenons aux choses
sérieuses, M. le Président. Je pense que ce quatrième considérant devrait
devenir un objectif pour l'article 0.1, puisqu'on nomme directement, là,
ce vers quoi on s'en va. C'est beaucoup plus pointu qu'un considérant général.
Voilà.
Le Président
(M. Benjamin) : Merci, Mme la députée. Mme la députée de
Joliette.
Mme Hivon :
Oui. Je suis tout à fait d'accord. C'est ce dont on parlait tantôt, de
l'envoyer dans l'article 0.1.
Et l'autre
commentaire que j'aurais, c'est que je pense que ce serait une bonne idée de
dire que «l'offre de services psychosociaux et judiciaires intégrés et adaptés
à toutes les étapes du processus judiciaire»... Je reviens avec mon «processus
judiciaire.» Si le ministre aime mieux autre chose... Mais je lui soumets quand
même que, dans l'article 0.1, il parle même, dans le dernier alinéa, des
dossiers judiciaires. Selon moi, les dossiers judiciaires, c'est certainement
aussi précis, sinon plus, que le processus judiciaire. Donc, si on peut parler
de ça dans le projet de loi, il me semble qu'on doit pouvoir parler du processus
judiciaire.
Mais tout ça pour
dire que le but de mon propos, c'est juste de dire que je pense que de préciser
l'offre de services psychosociaux et judiciaires intégrés et adaptés
à toutes les étapes du processus judiciaire serait un plus, parce que, justement, on veut montrer que ce n'est pas juste à un
moment x. Et d'ailleurs ça faisait partie des recommandations de la présentation des deux coprésidentes du comité Rebâtir la
confiance.
Le Président (M.
Benjamin) : D'autres interventions? Mme la députée de Sherbrooke.
Mme
Labrie : Oui. C'est simplement
pour appuyer mes collègues, là. Je pense aussi que ce considérant-là
devrait se retrouver parmi les objectifs. Ça fait partie des choses, d'ailleurs,
que je me souviens avoir soumises au ministre ce matin, là. Donc, je
l'encouragerais à l'inclure dans les objectifs.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, Mme la députée de Sherbrooke. J'ai le député de Chomedey.
M.
Ouellette : Oui, M. le Président. Effectivement, je souscris aux commentaires
de mes collègues pour que ce considérant puisse être fusionné déjà dans le 0.1,
dans les objectifs, parce qu'il y a répétition. Dans ce dernier considérant là,
à la dernière ligne, on contribue à redonner confiance aux personnes victimes
envers le système de justice. On les définit
dans le 0.1, dans le premier paragraphe. Ça
fait qu'il y aurait certainement possibilité de fusionner ou de remettre un paragraphe, dans le 0.1, qui
tiendrait compte des commentaires de mes collègues et qui ferait disparaître
comme par magie le considérant du préambule.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, M. le député de Chomedey. Mme la députée de
Joliette.
Mme
Hivon : Oui. Puis c'était juste pour vous dire que je ne
suis pas certaine que, si on le transfère dans la partie «objectifs», qu'il faut garder les éléments de
redonner confiance, parce qu'il apparaît dans le premier, puis «les délais»
apparaît dans le dernier alinéa. Donc, il y aura moyen aussi de resserrer.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bon, alors, on va supprimer le quatrième considérant, on va l'envoyer
l'autre bord. D'accord?
M.
Ouellette : En l'ajustant?
M.
Jolin-Barrette : En l'ajustant sur?
M. Ouellette : Bien, en l'ajustant sur ce que Mme la députée de Joliette... C'est parce
que, déjà dans les objectifs,
on parle de réduire les délais de traitement.
M. Jolin-Barrette : Oui, oui.
Non, mais ça, c'est sûr, il est au dernier alinéa, là. Ça fait qu'on va faire
de la concordance.
M. Ouellette : O.K. Alors, c'est de la concordance? O.K., on
pourrait dire «les adaptations nécessaires» aussi.
M. Jolin-Barrette : «Les
adaptations nécessaires»...
M. Ouellette : Oui. Non, non,
mais c'est correct.
Le Président (M. Benjamin) :
Parfait. Merci. D'autres interventions sur le quatrième considérant? Sinon, on
irait avec le cinquième considérant. M. le député de Chomedey.
M. Ouellette : Pour le
cinquième considérant, j'aurais une suggestion à faire, M. le Président.
Madame... Me Corte, l'ancienne juge en chef, puis Mme Desrosiers nous
ont fortement suggéré, dans leurs notes d'allocution, d'affirmer dans le projet
de loi que le tribunal spécialisé va appliquer le droit dans le respect des
droits fondamentaux des accusés. Je suggérerais, M. le Président, de biffer ce
considérant et de rajouter dans les objectifs le paragraphe qui se lirait comme
suit, là : «Elle vise à assurer l'application du droit dans le respect des
droits fondamentaux des accusés», qui est...
C'est une demande expresse de Me Corte, dans les
notes de présentation de Mme Desrosiers, qui nous a indiqué, à la
page 4 de leur mémoire : «Selon nous, le p.l. n° 92
doit clairement affirmer que le tribunal spécialisé applique le droit criminel
dans le respect des droits fondamentaux», dans le respect de tous les droits
fondamentaux des accusés. C'est que, dans le
considérant, je pense que ça aurait plus de force s'il était à
l'article 0.1. Et j'ai suggéré, M. le Président, le... j'aurais
rajouté, là : «Elle vise à assurer l'application du droit dans le respect
des droits fondamentaux des accusés.» Et je ferais disparaître le
dernier considérant, M. le Président, respectueusement soumis.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, M. le député.
• (17 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Alors, je
comprends la proposition du député de Chomedey. Par contre, le tribunal
spécialisé, là, le continuum, là, de services, il est là pour les personnes
victimes, et le dernier considérant dit tout ce qu'il y a à dire pour rassurer tout le monde, donc le respect des droits
d'un accusé et, on est venus le dire, la présomption de son innocence...
des fondements du système pénal et criminel... dont la présomption d'innocence.
Alors, ça dit ce que ça dit. Alors, moi, je pense qu'on est corrects avec le
libellé qu'on a actuellement.
Le Président (M. Benjamin) :
M. le député de Chomedey.
M. Ouellette : Dans ma
suggestion, M. le Président, on serait beaucoup plus global et on ne
tiendrait pas juste compte de la présomption d'innocence, mais on tiendrait
compte des droits, de l'application du droit.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est
pas ça que ça dit. Ça dit : «Considérant que le respect des droits d'un
accusé, dont la présomption de son
innocence, est un des fondements du système pénal et criminel.» On dit «le
respect des droits». Donc, ça inclut tous les droits rattachés à
l'accusé.
M. Ouellette : Donc, on dit
deux affaires complètement différentes, M. le Président. Je comprends,
dans les considérants, que le ministre nous dit : «Considérant que le
respect des droits d'un accusé, dont la présomption d'innocence, est un des
fondements du système pénal...» Moi, je suggère, M. le Président, à
M. le ministre d'inclure dans les
objectifs que la loi, le projet de loi vise à assurer l'application du droit.
Le droit qu'on applique au Québec, là, c'est la présomption d'innocence
et toutes les autres obligations dans le respect des droits fondamentaux des
accusés. C'est deux affaires totalement différentes, là, et enchâssées à 0.1.
Puis c'est une demande des gens qui ont signé le rapport, Me Corte et
Mme Desrosiers, puis je pense qu'ils ont insisté pour que ça soit enchâssé
dans le projet de loi. C'est pour ça que je vous ai, respectueusement,
M. le Président, fait la suggestion.
M. Jolin-Barrette : Je n'irais
pas là, M. le Président, parce que c'est déjà prévu par les chartes, puis
on n'a pas besoin de répéter ça non plus. C'est dans la Constitution puis c'est
déjà connu des tribunaux. Alors, l'objectif de le mettre... Dans le fond, ce
n'est pas un objectif de la loi, respecter la présomption d'innocence ou les
droits. Notre système fonctionne de cette
façon-là. Donc, c'est de l'acquis. On n'a pas besoin de la loi pour le faire.
C'est déjà avéré.
M. Ouellette : Je comprends, M. le Président, que ce n'est
pas un objectif de respecter la présomption d'innocence, mais c'est un
objectif de s'assurer de l'application du droit dans toutes ses facettes.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais ça, là, ça signifie, là, qu'exemple en
chambre criminelle et pénale, là, ça voudrait dire que, s'il n'est pas
écrit dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, dans la section sur la chambre
criminelle et pénale,
ça veut dire qu'il n'y aurait pas de présomption d'innocence si on ne vient pas
le spécifier. Le principe général, il
est déjà dans la Constitution. C'est une obligation de le
respecter. On ne vient pas le mettre dans une loi particulière pour
dire : Vous devez respecter les droits fondamentaux. Par cohérence
légistique, ça ne marche pas, là.
M. Ouellette : M. le Président,
j'entends les explications du ministre. Je sais qu'il tient à ce que ce soit
dans le considérant, que la présomption
d'innocence, c'est un des fondements du système pénal, et je sais qu'il y
tient. Je lui suggère bien respectueusement d'inscrire, dans les
objectifs de la loi, que le projet de loi assure l'application du droit dans le respect des droits, de tous les droits
fondamentaux des accusés. Je lui suggère puis je ne suis pas tout seul à lui
suggérer. Ma collègue... Mes collègues de Joliette, de Verdun puis de
Sherbrooke ont mentionné... Puis il y a des considérants qui touchent
expressément les demandes faites par les groupes qui sont venus en
consultations. Mais cette demande que je fais respectueusement au ministre a
été faite par les gens qui ont fait le rapport Rebâtir la confiance puis
qui nous ont expressément demandé à ce que ça soit dans le projet de loi. Ça
fait que c'est pour ça que je vous le
soumets respectueusement. Je comprends ce que le ministre me dit, mais c'est
important aussi que j'exprime la préoccupation de Mme Desrosiers et
de l'ancienne juge en chef, Me Corte.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le député de Chomedey.
M. Jolin-Barrette : C'est bien noté,
M. le Président. Je le prends en délibéré.
Le
Président (M. Benjamin) :
Merci. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur le cinquième considérant?
Sinon, M. le ministre, comment vous souhaitez en disposer?
M.
Jolin-Barrette : Bien, je
vous dirais, tant qu'à faire, M. le Président, faisons 0.1, comme ça on va
pouvoir ajuster les deux en même temps, donc, au fur et à mesure, parce que,
là, dans le fond, il y a des éléments du préambule qui s'en vont dans 0.1. Ça fait qu'on suspendrait,
je comprends bien, le préambule, puis là on ferait 0.1. Donc là, ça va
nous permettre d'ajuster puis d'arriver avec les deux amendements par la suite,
si vous êtes en accord.
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée de Joliette.
Mme
Hivon : Moi, je
n'ai pas d'objection de principe. La seule chose, c'est que je veux juste être
sûre, là, dans quoi on s'embarque pour la
suite. Donc là, on passerait chacun des alinéas de l'article 0.1. Là, j'imagine
qu'après le ministre retirerait ses amendements, déposerait de nouveaux
amendements pour le préambule et le 0.1, et là on recommencerait, parce
qu'évidemment, là, la difficulté qui a été soulevée aussi par ma collègue, là,
c'est qu'on risque d'être parfois d'accord,
parfois pas d'accord. Là, on va avoir des nouveaux textes globaux qui vont nous
être déposés. Puis là on va vouloir rediscuter, quand même, considérant
par considérant, alinéa par alinéa, en ajustant parfois, en présentant des
amendements parfois.
Donc, je veux juste être sûre que c'est un peu
ça que le ministre a en tête, mais là on va recommencer, puis je veux
comprendre aussi avec vous, M. le Président, comment notre temps de parole va
être considéré par rapport à ça. Donc, si on
retire et on redépose, est-ce qu'on repart le compteur, pas que l'objectif est
de faire du temps, mais l'objectif est d'être capable de s'exprimer sur
chaque point? Ça fait que c'est ça, là, que... Je veux juste m'assurer du bon
fonctionnement de la suite, là.
Le Président (M. Benjamin) : En
fait, en principe, dès qu'on... Avec votre consentement, donc, si on retire, si on redépose, on repart le compteur. Donc, vous
avez la totalité de votre droit de parole lorsqu'on repart le compteur. Donc, ce que le ministre vient de proposer, c'est
qu'on puisse, avec votre consentement, donc, retirer le préambule, amener
le 0.1. C'est ce que je comprends?
M. Jolin-Barrette : En fait, vous me
devancez, M. le Président. Vous me devancez. Alors, ce que je vous propose de
faire... Dans le fond, la façon dont on l'a fait, plutôt que d'arriver par
amendement avec le préambule et 0.1 qu'on a
déjà déposés, on va les retirer de nouveau, O.K.? Je vais vous redéposer une
version avec les amendements que...
bien, avec les modifications que je suis prêt à faire. Donc, ça va devenir le
nouveau préambule et le nouveau 0.1, et là on va les adopter. Alors,
bien entendu, on va l'étudier alinéa par alinéa, à la fois le préambule, à la
fois 0.1, mais je vous dis... Là, dans le
fond, moi, je vous donne ce que je suis prêt à vous donner en termes
d'amendements. Ça n'empêche pas que vous puissiez soumettre des
amendements également, puis je vais être ouvert à les étudier puis à les
regarder.
Le Président (M. Benjamin) : M. le
député de Chomedey.
M. Ouellette : Donc, je comprends
que, M. le Président, M. le ministre va nous donner le «work in progress» des
discussions que nous avons eues jusqu'à date. Et, comme moi, je suis vieux, je
suis visuel, lui, il est techno, puis il est devant son iPad, et tout est écrit,
j'ai besoin de voir. Ce n'est pas une question de confiance, c'est juste une question d'habitude. Et je vais me
permettre, avant qu'il termine sa réflexion de la version qu'on va avoir, je
lui... Je me permettrais de lui... de soumettre pour sa réflexion...
Dans 0.1, son premier paragraphe dit : «La présente loi vise à rebâtir la
confiance des personnes victimes de violence sexuelle et de violence conjugale envers
le système de justice...» J'ai l'impression, M. le Président, que les légistes
pourraient être imaginatifs et imbriquer le premier considérant
dans le premier paragraphe de 0.1, parce que ça pourrait se lire : «La
présente loi vise à rebâtir la confiance des
personnes victimes de violence
sexuelle et de violence conjugale envers le système de justice en reconnaissant la prévalence
importante et la complexité des problématiques.»
M. Jolin-Barrette : Ce que je vous suggère, M. le
Président, c'est de suspendre le
préambule, puis là d'ouvrir 0.1, puis d'avoir les commentaires des collègues
sur 0.1.
Le Président (M.
Benjamin) : J'ai l'impression... Oui, absolument, c'est ce que je
m'apprêtais à faire. Donc, vous proposez
votre consentement pour suspendre le préambule. Est-ce que
j'ai votre consentement pour suspendre le préambule, dans un premier
temps? Oui? Parfait. Donc, on y va avec 0.1. Donc, alors, M. le ministre, dans un premier temps.
• (17 h 40) •
M.
Jolin-Barrette : Alors, j'ai entendu la suggestion du député de Chomedey,
mais, non, on ne mélange pas les choses, là. Là, on est venus radier des alinéas
dans le préambule, et là ça va être distinct, là. Donc, on ne viendra pas
répéter, dans 0.1, alinéa, ce qu'il y a dans le premier considérant. Et, je
vous réitère, ce qui est dans le préambule fait partie de la loi. Donc, la personne qui va lire la loi, ça en fait
partie, le préambule, aussi. Donc, est-ce
qu'il y a d'autres commentaires
sur le premier alinéa de 0.1?
Le Président (M.
Benjamin) : Je prends les premières interventions. Il y a la députée
de Joliette qui voulait intervenir, non?
Mme
Hivon :
Non, je voulais juste m'assurer... Il y a des gens qui suivent nos travaux, et
qui m'ont écrit, et je veux juste être sûre,
là, pour leur bénéfice... c'est d'ailleurs quelqu'un qui était membre du comité Rebâtir la confiance.
Donc, on est suivis avec assiduité. Est-ce que ce sur quoi on travaille en ce
moment a été déposé officiellement et est,
donc, accessible aux gens qui nous suivent — c'est une question générale que j'ai — le nouveau préambule et le 0.1? Donc, je
vous soumets ça parce que c'est une question qui nous est posée.
Le Président (M.
Benjamin) : On fait les vérifications tout de suite. Merci.
Mme
Hivon :
Parfait, merci. Mais je n'ai pas de commentaire sur le premier alinéa.
Le Président (M. Benjamin) : ...ça n'a pas encore été déposé. C'est seulement
les premières versions qui ont été déposées.
Mme
Hivon :
...pourrait être déposé pour le bénéfice des gens qui nous suivent?
M.
Jolin-Barrette : Certainement, M. le Président, certainement, mais on
va les retirer, par exemple.
Mme
Hivon : Éventuellement, pour la troisième version, mais, puisque, là, on va les prendre
un par un... mais je suis quand même perplexe, M. le Président.
Document déposé
Le Président (M.
Benjamin) : Alors, j'autorise, donc, le dépôt.
Mme
Hivon :
Quand on discute d'un amendement, il me semble qu'il est automatiquement
déposé, non?
M.
Jolin-Barrette : Bien, pas...
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est parce que, là...
Mme
Hivon :
Ils ont été déposés comme documents de travail? O.K.
M.
Jolin-Barrette : Oui, c'est ça, on a une nouvelle façon de faire à
cause qu'on est... on a des outils informatiques. D'ailleurs, le député de
Chomedey aussi a des outils informatiques devant lui, mais, dans le fond, quand
on était comme dans le bon vieux temps, juste avec du papier, bien, il était
rendu public au moment du dépôt du rapport de la commission, il me semble.
Mme
Hivon :
En tout cas, juste si on peut les déposer officiellement comme documents de
travail ou autres, mais officiellement...
Le Président (M. Benjamin) : Donc,
le dépôt est en cours. Donc, ça devrait être accessible sous peu. Donc,
toutefois, sur le 0.1, on pourrait continuer à discuter. Allez-y, M. le
ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bien, s'il n'y a pas d'autre intervention,
j'irais sur le deuxième alinéa.
Le Président (M. Benjamin) : Alors, Mme
la députée de Verdun.
Mme Melançon : Ce n'est pas tant sur
le premier alinéa... Vous allez me permettre, mais c'est parce qu'à chaque fois...
En tout cas, depuis tout à l'heure, là, tu sais, on a déplacé des choses, puis
il va y avoir l'ordre aussi. Donc, je comprends que l'ordre, on va le voir
lorsqu'on va retirer puis qu'on va se voir redéposer les amendements à ce
moment-là. Je veux...
M. Jolin-Barrette : Pour le bénéfice
de la députée de Verdun, là, exemple, quand on transfère le quatrième alinéa du considérant puis qu'on l'amène de
l'autre côté, on va avoir la fusion, probablement, là, de certains éléments
qui sont dans les derniers alinéas, là. Donc, c'est sûr que, le fait de
déplacer du texte, ça amène... mais ça n'empêche pas, déjà, que, s'il y a des
enjeux sur les alinéas actuels, de nous les partager. Comme ça, on va pouvoir
arriver avec un texte clair.
Mme Melançon : Parfait.
Le Président (M. Benjamin) : On va
suspendre deux minutes, s'il vous plaît.
Mme Melançon : Oui, parce que, oui,
le temps qu'on échange.
Le Président (M. Benjamin) : On va
suspendre deux minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 44)
(Reprise à 17 h 50)
Le
Président (M. Benjamin) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Alors, nous en
étions à l'étude de l'article 0.1. Donc, nous allons le faire alinéa par
alinéa. Donc, alors, allez-y, Mme la députée de Verdun.
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
pour les fins des gens qui suivent nos travaux, lorsqu'on fait référence au rapport Grenier, c'est le rapport du groupe de
travail qui a donné suite aux recommandations de Rebâtir la confiance
pour la mise en place d'un tribunal spécialisé. Alors, c'est le rapport qui a
été rendu public, je crois, le 19 août 2021.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le ministre. Mme la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci, M. le
Président. Encore une fois, pour ma gouverne, pour celle des collègues aussi et
pour le ministre, moi, je suis bien prête à laisser travailler tout le monde,
là, pour le préambule. Je suis prête aussi qu'on aille article par article pour
l'article 0.1. Cependant, ce que je vous demanderais, M. le Président...
Puis on demanderait... Puis je laisserai le
soin à mes collègues de se faire entendre, mais, lorsqu'on aura fini l'alinéa
par alinéa à l'article 0.1, ce qui va être important, c'est qu'on puisse
avoir les deux en même temps pour savoir, bon, ce sur quoi le ministre a pris le temps de réfléchir, ce avec quoi il
revient comme proposition, parce
que, si on revient juste avec
le préambule puis qu'on n'a pas l'article 0.1, là, on va continuer à jouer au
ping-pong puis on ne s'en sortira malheureusement pas, et ce n'est pas notre
volonté, loin de là. On l'a exprimé à de nombreuses reprises au ministre, dans
le fond, c'est de s'assurer qu'on recevra, à ce moment-là, à la fois le
préambule et l'article 0.1 pour pouvoir, par la suite, nous nous assurer qu'il
n'y a rien qui a été échappé par l'équipe du ministre et pour pouvoir, bien
sûr, faire entendre la voix des oppositions quant à chacun des alinéas, ce qui
pourrait peut-être manquer, ou ce qu'on pourrait ajouter, ou ce sur quoi on ne
serait pas d'accord avec une formulation faite par l'équipe du ministre.
Le Président (M. Benjamin) : Merci. M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, ma
réponse, c'est : Oui, c'est ce qui est convenu. Cela étant dit, comme je
l'ai dit, avec la proposition que je vais vous faire, c'est la proposition que j'accepte eu
égard à vos suggestions. Alors, c'est sûr qu'il y a des éléments
qui... On essaie de trouver des formulations, des voies de passage, mais c'est
sûr que ça...
Mme Melançon : On dit la même chose.
M. Jolin-Barrette : Il n'y
aura pas l'intégralité de ce que vous
avez énoncé dans le cadre de vos propositions.
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée de Verdun.
Mme Melançon : Bien, c'est
exactement pour ça que je demande, dans le fond, qu'on ait et le préambule et
l'article 0.1...
M.
Jolin-Barrette : Vous allez avoir les deux.
Mme Melançon : ...pour que nous
puissions plaider, si nécessaire, de notre côté, ce que le ministre aura laissé
de côté ou ce qu'il aura ajouté ou trop bien bonifié.
M. Jolin-Barrette : Je doute que ce
soit nécessaire de plaider par la suite.
Le Président (M. Benjamin) : Merci. Est-ce
que j'ai des interventions? Donc, on commence avec le 0.1. Donc, est-ce que
j'ai des interventions sur le premier alinéa?
M. Jolin-Barrette : On l'avait fait,
M. le Président. On était rendus au deux.
Le
Président (M. Benjamin) : On
l'avait fait, effectivement, vous avez raison, M. le ministre. Deuxième
alinéa, Mme la députée de Verdun.
Mme Melançon : Bien, tout à l'heure,
lors du premier tour de table, c'est à ce moment-ci où on parlait de nommer la
victimisation secondaire. Le ministre nous a expliqué que, selon l'OQLF, là,
c'était de la traduction un peu libre, puis
on voulait, cependant, faire... être prudents. Je tiens à rappeler, à ce moment-ci, aussi au ministre qu'il était question à ce moment-ci
d'ajouter le concept de l'attrition. Je ne sais pas si c'est à celui-ci, mais
je tiens quand même à le redire, là, parce que je ne veux pas refaire toutes
les discussions, mais, comme on était dans le tour de table, tout à l'heure,
moi, j'ai pris différentes notes, et je veux simplement aider, à ce moment-ci,
les légistes.
Mais la
première chose... Puis j'ai entendu le ministre sur la revictimisation ou la victimisation
secondaire, mais je continue à croire... parce qu'on le définit sans le
nommer, et loin de moi de croire que Julie Desrosiers et que Me Corte voulaient faire une mauvaise
traduction, mais réduire la victimisation secondaire, soit... et la définition...
Je pense que la victimisation secondaire, c'est l'explication
qui est là, mais je pense que le concept doit être apporté, à ce moment-ci, au deuxième alinéa.
M. Jolin-Barrette : Bien, comme je
l'ai dit, M. le Président, c'est clairement indiqué en venant définir ce que constitue de la victimisation secondaire.
Donc, quand on prend la fin de l'article, «afin que les personnes victimes ne soient pas soumises à des situations de
minimisation ou d'insensibilité en regard de la violence dont elles ont
préalablement été victimes», ça vient dire ce que constitue de la
victimisation secondaire.
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée de Verdun.
Mme Melançon : En tout respect pour
le ministre, dans les deux dernières années, à chaque fois qu'il a été question...
Avec les groupes, avec les experts, ça a toujours été... Moi, je veux juste
qu'on s'entende à ce moment-ci, parce que ça a toujours été utilisé. Et je veux
que les gens puissent suivre, et, du côté de Rebâtir la confiance jusqu'au projet
de loi, qu'on comprenne bien le
cheminement de tout ça. Et je pense qu'il est intéressant de renommer
les choses telles que nous l'avons vécu, et avec les victimes, parce qu'on a
rencontré des victimes aussi, et aussi, bien entendu, avec le comité d'experts.
Donc, je n'en
ferai pas une bataille complète, mais c'est important, quand même, de rappeler les deux dernières années de travaux que nous
avons faits avec le comité d'experts, et ça a toujours été nommé ainsi, la
revictimisation ou la victimisation secondaire. Défini comme ça, c'est comme si...
parce qu'on parle de minimisation — mon Dieu que c'est difficile
à dire — et
insensibilité en regard de la violence dont ont été préalablement... été les
victimes, là, mais, pour moi, à chaque fois, à chaque fois qu'on a entendu les
victimes dire : Quand je dois me présenter à la cour et je vis une
revictimisation... Je ne suis pas certaine que, de la façon dont c'est inscrit
là, elles vont comprendre exactement le cheminement, la voie de passage que le ministre
veut apporter. Je pense que c'est important de nommer les choses comme
ça a été fait au cours des deux dernières années de travaux.
Le Président (M. Benjamin) : Merci. Mme
la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Je suis
100 % d'accord avec ce qui vient d'être dit. J'ai vraiment du mal à
m'expliquer qu'on rejette cette
expression-là, là. J'ai fait un petit tour d'horizon. Il y a plein d'articles
d'écrits sur la victimisation secondaire. C'est un terme consacré. Je vois même ici Le grand dictionnaire
terminologique. En tout cas, ce n'est pas un dictionnaire anglais,
là, tout est en français. Donc, je ne remets pas en cause que le ministre a pu
avoir des commentaires à l'effet que c'était
peut-être un anglicisme, mais cette expression-là...
Écoutez, cette expression-là est tellement consacrée, là, je suis même
sur Office québécois de la langue française, «victimisation secondaire»,
domaine «criminologie», avec une définition.
Je n'ai aucune... Je ne vois pas de note qui me
dit qu'on ne peut pas utiliser ça, là, puis je plaide vraiment pour que ça se
retrouve dans la loi. On fait une loi pour répondre à la réalité des victimes,
à leurs besoins, pour rebâtir la confiance, et c'est au coeur de tous les
éléments qui sont reprochés au système actuel, de dire que, trop souvent, il y a des expériences de victimisation
secondaire. Donc, j'insiste beaucoup sur l'importance, selon moi, de donner
vraiment une place à cette expression-là et je pense que le bon endroit,
évidemment, parce que c'est en partie ce à quoi on fait référence dans
le deuxième alinéa, là... Donc, je pense que c'est vraiment là dont on devrait
en parler.
Et je me demande aussi...
je pense aussi : Est-ce que c'est là ou c'est quand on va parler que tout
le monde doit être... implique des intervenants spécialisés, là, au quatrième
alinéa, là, par une formation continue, mais je pense qu'il va aussi falloir
mentionner à quelque part l'élimination des mythes et des stéréotypes. Donc,
est-ce qu'on veut le mettre dans le deuxième alinéa lorsqu'on parle du concept
de victimisation secondaire puis de parler aussi de l'importance d'éliminer l'utilisation
des mythes et des stéréotypes ou on veut plus l'associer à l'importance de la
formation continue, notamment pour éliminer l'utilisation des mythes et des
stéréotypes? Mais je pense que ça, c'est deux éléments qui doivent apparaître,
là, dans le projet de loi, assurément.
• (18 heures) •
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
Mme la députée. Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Oui. Je vais poursuivre
exactement sur la même chose, là. Moi, je voudrais qu'on inscrive soit «revictimisation»
soit «victimisation secondaire» dans le projet de loi. Je pense que ce sont des
mots qui réfèrent à des expériences concrètes, ce sont les mots que les
victimes utilisent. Ma collègue vient de faire la démonstration que l'Office
québécois de la langue française reconnaît l'usage de cette formulation-là.
Puis quelque chose que je n'aime pas non plus
dans la façon dont c'est formulé en ce moment, c'est qu'il y a une tentative
d'énumérer des situations problématiques, puis, notamment, il manque la question
des stéréotypes ou des préjugés, là, là-dedans.
Donc, je pense qu'on pourrait résoudre cette situation-là en parlant plutôt de
revictimisation et de victimisation secondaire. On pourrait inscrire, par
exemple : «Afin que les personnes victimes ne soient pas soumises à des situations
pouvant entraîner une victimisation secondaire», puis ça nous dispenserait
d'avoir à donner des exemples qui sont
incomplets. Parce que, sinon, il va falloir commencer à faire une liste, là,
des choses qu'on veut omettre, là. Il n'y a pas juste les minimisations, les
insensibilités, il y a aussi la question des stéréotypes, des préjugés,
il y en aurait peut-être d'autres.
Donc, je pense que ce serait plus englobant
d'inscrire directement soit «revictimisation» soit «victimisation secondaire».
Puis tout le monde sait à quoi ça fait référence, là, c'est un terme qui est
consacré, pour reprendre les mots de ma collègue.
Le
Président (M. Benjamin) :
Merci, Mme la députée. Est-ce que j'ai d'autres interventions? Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Puis moi,
je veux juste plaider qu'à travers les travaux du comité, là, d'experts il a
été beaucoup question de victimisation secondaire, et puis ça fait référence à
une notion qui est quand même plus large que
les seules idées, ici, de minimisation ou d'insensibilité. C'est toute l'idée
de dire que de passer dans le système de justice
peut augmenter la douleur et le traumatisme, voire causer un nouvel acte, une
nouvelle source de traumatisme, donc comme une nouvelle... comment dire, une
nouvelle atteinte à l'intégrité. Donc, c'est aussi plus large que ce
qu'on lit dans le deuxième alinéa.
Le Président (M. Benjamin) : Merci. M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Pouvez-vous
suspendre, M. le Président, s'il vous plaît?
Le Président (M. Benjamin) : Nous
allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 18 h 02)
(Reprise à 18 h 06)
Le
Président (M. Benjamin) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Donc, nous en
étions à l'intervention de Mme la députée de... c'était Mme la députée
de Joliette, je crois.
Mme
Hivon : Oui. Bien, tout à fait. Donc, j'invite le
ministre à peut-être dire ce qu'il vient de nous exposer hors
micro pour les...
M. Jolin-Barrette : ... pour que
tout soit bien attaché.
Mme
Hivon : Oui. O.K.
Donc, nous, ce qu'on demande, je pense, d'une seule voix, c'est que le terme «victimisation secondaire» puisse apparaître dans
le deuxième alinéa, parce que c'est une réalité qui est bien documentée.
Donc, c'est la demande qu'on formule et qu'on espère voir entendue.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
Mme la députée de Joliette. Mme la députée de Verdun.
Mme
Melançon : Ça allait exactement dans le même sens que ce que la députée
de Joliette vient de dire. Donc, juste de rappeler que notre volonté,
c'était de pouvoir parler de victimisation secondaire, et le ministre, je
crois, nous a entendues sur cet important terme, qui est... avec lesquels nous
travaillons depuis maintenant deux ans pour assurer que
les victimes puissent bien suivre, dans le fond, l'évolution jusqu'au projet de
loi. On trouvait important de reprendre ce
terme-là et on voit que le ministre avait une ouverture, finalement, avec ce
terme. Alors, on verra, lorsque ce sera le temps de déposer les
amendements, mais, jusqu'à présent, ce qu'on comprend, c'est qu'il y a cette
possibilité, à ce moment-ci, avec un possible amendement.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
Mme la députée de Verdun.
Est-ce que j'ai d'autres interventions? Sinon, j'irai au troisième
alinéa. Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie :
Oui. Sur le troisième alinéa, je veux juste rappeler quelque chose que j'avais
nommé tout à l'heure, mais je sais que, parfois, le ministre prend des notes en
même temps ou est en train de discuter avec des collègues, donc je le répète. Ce serait d'ajouter, à la fin, «tout au
long de leur cheminement, y compris au cours du processus judiciaire»,
donc, pour répondre aux discussions qu'on a eues tout à l'heure.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, Mme la députée de Sherbrooke. D'autres
interventions?
Mme
Hivon :
...parfaitement d'accord, on l'a plaidé tout à l'heure, donc on le replaide.
Le Président (M.
Benjamin) : Est-ce que j'ai d'autres interventions sur le troisième
alinéa? Sinon, nous irons au quatrième alinéa. Est-ce que j'ai des
interventions sur le quatrième alinéa? M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette : Juste avoir une précision du ministre. Les intervenants
spécialisés dédiés, donc, je présume que ça va être... Je comprends que c'est
une demande aussi, mais je pense à toutes les forces policières, là. Ça va être
des gens qui ne vont faire que ça?
Le Président (M.
Benjamin) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, ce qui est souhaité, c'est que les
gens qui vont accompagner dans le tribunal spécialisé, effectivement, ce soient
des équipes qui soient spécialisées, des équipes qui sont dédiées. On ne peut
pas garantir, par contre, que, dans 100 % des cas en tout temps, ça va
être quelqu'un qui est membre de l'équipe dédiée. Parce que, vous le savez, que
ce soit dans les corps de police, que ce soient les procureurs, ça peut arriver
qu'il arrive des défis de ressources humaines, qui fait en sorte que...
Prenons un cas, là, dans le cas... dans la poursuite verticale, là.
Bien, le procureur qui avait le dossier, je ne sais pas, est absent pour cause
de maladie ou est absente pour un congé de maternité. On ne rappellera pas la
procureure qui est en congé de maternité pour faire le dossier, là. Donc,
l'objectif, oui, c'est d'avoir des équipes.
Puis déjà, tu sais,
au DPCP, il y a la poursuite verticale, ils ont déjà, dans certains districts,
des gens qui sont spécialisés en matière, supposons, de violence conjugale,
violence sexuelle, mais c'est sûr que, dans des plus petits districts, les gens qui vont faire ça vont avoir
la formation. Mais des fois ça arrive qu'exemple il y a un procureur dans un
district, dans un petit district... Supposons, il y a quatre procureurs. Ça
arrive qu'il y en ait un que ses dossiers, ce n'est
que ça, mais ça arrive des fois que le volume, après ça, le deuxième procureur,
supposons, bien, lui, 50 % de ses dossiers,
c'est ça, mais, à cause que le volume n'est pas suffisant, il y a un autre
50 % qu'il va faire autre chose, tout ça. Mais l'objectif étant la
spécialisation, puis tout ça... Mais c'est la même chose pour les corps de
police, là.
• (18 h 10) •
M.
Ouellette : Effectivement, M. le Président. Je suis content d'entendre
les explications de la ministre. Puis ma préoccupation est au niveau des corps
de police. Je comprends que, dans des grandes villes comme Montréal, Québec et
plusieurs des corps de police des villes plus populeuses, c'est peut-être plus
facile, même si, dans certains cas, on semble bien avoir des préoccupations. Ma
préoccupation est au niveau de la Sûreté du Québec, de la façon que la structure de la Sûreté du Québec est faite.
Et c'est pour ça que je demandais ces éclaircissements-là à M. le ministre,
c'est qu'idéalement il faudrait que ce soient des gens dédiés.
Mais, je reprends son
exemple de tantôt, quand je lui parlais des droits fondamentaux ou que je lui
parlais des victimes avec des besoins particuliers. Il doit y avoir une
uniformisation dans le système, il faut tendre pour avoir des gens dédiés
partout dans la province pour que, justement, on ne fragilise pas nos victimes
qui ont des besoins particuliers. Parce que vous... ce n'est pas à vous, M. le
Président, que je vais apprendre qu'une victime qui est dans le processus, si
elle change de procureur quatre fois ou qu'elle change de policier deux, trois,
quatre fois avant qu'on aille à la cour... je vous dirai qu'on ne s'avance pas,
là.
M.
Jolin-Barrette : Et là-dessus c'est important aussi de dire :
Malgré le fait que, tu sais, les équipes soient dédiées, ça prend une rotation de personnel, aussi, pour éviter la
fatigue compassionnelle, aussi,
rattachée aux dossiers, aussi. Ça fait qu'il y a ça, dans la gestion des
équipes, à mettre en place aussi. Puis il ne faut pas non plus qu'en raison de
la nature des dossiers, aussi, que ça soit les policiers, que ça soit les
procureurs aussi, que ça soit difficile à vivre aussi pour eux de n'avoir que
ce type de dossier là tout le temps aussi, parce que c'est très prenant, aussi.
Je vous donne un exemple : Des dossiers d'agression sexuelle, il faut
faire en sorte qu'aussi il y ait une rotation à un moment donné, aussi, pour faire en sorte que les procureurs, les
policiers qui accompagnent les personnes victimes, aussi, aient un
équilibre, aussi, psychologique aussi là-dedans, là.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le député de Chomedey. J'ai Mme la députée de Verdun.
Mme
Melançon : J'aurai deux
interventions sur cet alinéa... bien, peut-être plus, selon les réponses du ministre. Ici,
on dit qu'«elle vise à ce que l'accompagnement des personnes victimes implique
des intervenants spécialisés», sans jamais les définir. Qui sont-ils? Et je
pense qu'à ce moment-ci on va devoir définir les intervenants spécialisés, de
qui on parle. Je pense qu'on est un peu trop général, je pense qu'on doit
revenir. Puis on l'a élaboré lors des consultations particulières, on en a parlé.
Je pense que c'est le moment précis où on doit parler de ces intervenants
spécialisés, qui sont-ils, et dédiés. «...que la spécialisation de ceux-ci soit
assurée par une formation continue.» De qui
on parle et de quoi on parle? Moi, je pense qu'ici on va devoir être plus
pointus. Ça, c'est mon premier commentaire. Je pourrais peut-être
revenir après, là, selon ce que le ministre...
M. Jolin-Barrette : Bien, il y a
plusieurs enjeux, parce que c'est l'ensemble des gens qui vont être en lien
avec le tribunal spécialisé. Alors là, on est dans les objectifs, on n'est pas
sur le détail précis de qui est formé, qui est spécialisé là-dessus, là. On est
sur l'objectif général, c'est à ça que ça sert, 0.1, sur l'objectif, alors...
Et l'autre point aussi, au-delà, là, des
intervenants qu'on pourrait nommer dans le cadre du tribunal, là, ça va être
évolutif, aussi. Ça fait que, tu sais, aujourd'hui, les ressources qui sont...
C'est sûr, un policier, pas mal certain que, dans tout... dans l'avenir, il y
aura toujours des policiers dans le processus judiciaire; même chose, il y aura
toujours des procureurs de la couronne. Par
contre, pour les intervenants, ça se peut qu'il y ait une bonification des
services, sur des services qu'on ne connaît pas aujourd'hui, mais qui vont être greffés au tribunal spécialisé dans le futur, aussi.
Alors, tu sais, l'objectif, c'est que les
gens... les équipes soient dédiées, que les gens soient accompagnés, soient
spécialisés, soient formés, mais on ne viendra pas définir pour dire :
Toi, toi, toi, là. C'est ceux qui ont un lien avec le tribunal. D'ailleurs,
dans l'amendement que je vous ai suggéré, qu'on n'a pas encore étudié, en ce
qui concerne l'offre de formation, vous allez le voir, le libellé qu'on a
utilisé, je crois, c'est : Toute personne qui offre... ou qui a à
interagir avec le tribunal spécialisé. Donc, c'est assez large pour venir
couvrir tout le monde.
Mme Melançon : J'entends le ministre.
Je pense qu'on aurait pu afficher, déjà, quand même, nos couleurs avec un
«notamment», puis, s'il y en a qui ont à être ajoutés au fil des années, s'il y
a des nouveaux services qui ont à être ajoutés, ils pourraient être ajoutés. Je
pense qu'on devrait envoyer un signal, ici, qu'on ne s'adresse pas uniquement
aux juges, comme le voulait la première mouture de ce projet de loi.
Cela étant dit, est-ce que j'ai compris, de la
part du ministre, lorsqu'il répondait au député de Chomedey, que, selon les
districts judiciaires, il est possible qu'à certain moment donné, puis j'avais
posé la question aux gens de la Sûreté du Québec lorsqu'ils sont venus en
consultations particulières, que, dans certaines régions du Québec, disons
qu'on a terminé le projet pilote, on est après deux ans, puis j'espère qu'ils
n'ont pas eu de contestation, parce que, là, on serait après sept ans, mais
disons qu'après deux ans il serait donc possible qu'une victime, selon son
district judiciaire, n'ait pas le même accompagnement selon là où elle va
vivre, selon là où elle aura vécu une agression?
M. Jolin-Barrette : Non, ce
n'est pas ça que j'ai dit. Et d'ailleurs je vous invite à la Commission des institutions, aux prochains crédits, pour les délais en matière de poursuite, qui
sont beaucoup plus courts que les cinq ans qui sont
énoncés par la députée de Verdun. Donc, on est en train de rendre le système
efficace et accessible.
Cela étant dit, non, ce que j'ai dit au député
de Chomedey, j'ai dit que ça prenait de la flexibilité en fonction de certains
districts judiciaires. Et j'ai donné le cas... dans certains districts, dans un
district en particulier, auquel je pense, il y a beaucoup de cas d'inceste.
Alors, l'approche qui va être amenée, dans ce district-là, en fonction des
organismes qui sont présents, de la façon dont la victime va être accompagnée,
il faut avoir une flexibilité en raison de la nature du type d'infraction.
Alors, globalement, il y a le cadre, mais il ne
faut pas que ça soit du mur-à-mur. Et c'est ce que les membres du groupe de
travail ont recommandé, qu'il y ait une flexibilité dans l'application des
choses puis qu'il y ait des modalités différentes en fonction des districts, de
la grosseur de la population. Mais l'accompagnement pour la victime est toujours le même, accompagner
chacune des victimes dans le processus. Mais la façon de le faire, il y a
des réalités régionales différentes et, surtout, il y a des réalités
locales qui font en sorte que les intervenants connaissent leur milieu.
Alors, moi, je pense, il faut vraiment travailler avec les
intervenants locaux dans chacun des districts. Et, à l'intérieur d'un district
judiciaire parfois, vous avez plusieurs palais. Donc, ça aussi, en fonction des
palais, ça peut changer.
Le Président (M. Benjamin) :
Allez-y, Mme la députée de Verdun.
Mme Melançon : Simplement pour
rappeler au ministre que la contestation des juges sur le plafond de la Cour
supérieure à 85 000 $, jusqu'à la Cour suprême, a pris cinq ans.
Je voulais juste qu'on puisse le dire.
M. Jolin-Barrette : ...suprême, oui,
mais vous parlez de la Cour suprême.
Mme
Melançon : Oui, bien, c'est
une contestation. Donc, je veux juste rappeler au ministre
que le cinq ans n'est pas sorti de nulle part.
Le Président (M. Benjamin) : M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Je n'ai pas
d'autre commentaire.
Le
Président (M. Benjamin) : Parfait. Mme la députée de Joliette.
• (18 h 20) •
Mme
Hivon :
Oui. Alors, je veux d'abord dire que je suis très heureuse de retrouver cet
alinéa. Le ministre m'a entendue pendant les
consultations, mes collègues m'ont entendue pendant qu'on a travaillé sur le
rapport, je pense que c'est vraiment
fondamental de voir les notions de spécialisation et de... je ne sais pas c'est
quoi, le nom, avec «dédié», là, ce n'est pas dédication, mais, en tout cas, que
les gens soient spécialisés et dédiés.
Et moi, je veux juste
renchérir, là, je pense que c'est vraiment important que tout le monde
comprenne qu'avec la philosophie de
l'instauration d'un tribunal spécialisé ce qu'on veut, ce n'est pas des
généralistes qui ont eu une petite
formation une fois dans leur vie. On veut des gens à toutes les étapes du
processus, intervenants psychosociaux, policiers, procureurs, juges,
greffiers, même. On voit que, dans... on nous le disait, là, les juristes nous
rappelaient ça, que tous les intervenants soient formés mais qu'ils développent
une spécialisation. Pourquoi? Parce que ce n'est pas d'avoir une formation une
fois dans ta vie qui va faire en sorte que tu vas rester toujours à jour,
autant dans les développements, je dirais,
du droit qu'aussi dans les développements reliés à la réalité des victimes, à
la traumatologie, à tous les impacts sur la victime, psychosociaux,
médicaux.
Donc, pour moi, c'est
une notion qui est vraiment fondamentale. Et je dois dire qu'on va y revenir
quand on va aborder le reste du projet de loi, mais la première mouture du
projet de loi m'inquiétait beaucoup parce que la seule notion qui était
présente en lien avec toute cette idée de formation, spécialisation de
personnel dédié, c'était la formation des juges, qui était donnée à tous les
juges, qu'importe qu'ils soient juges de paix, magistrats, juges en chambre criminelle, juges municipaux, mais on ne
parlait pas du tout de spécialisation. Et moi, je pense que cette notion-là,
elle est vraiment très importante.
Et, juste pour
renchérir, encore une fois, tu peux être spécialisé et dédié sans que
100 % de ta tâche... Parce que, par exemple, tu oeuvres à Sept-Îles ou que
tu oeuvres en Gaspésie et que le volume ne justifie pas que tu fasses une tâche à 100 % dans ces dossiers-là...
fait quand même en sorte que tu es une personne spécialisée et que la personne
qui va venir demander des services, que ce soit avec un policier, avec
un procureur, devant un tribunal, devant une division avec un juge, va savoir
que la personne qui la reçoit ou qui l'entend est une personne spécialisée et
que, de la perspective de la victime, elle va toujours être avec quelqu'un qui
est spécialisé, même si la personne spécialisée ne fait pas que ça.
Donc, pour moi, c'est
vraiment important de rappeler ça, parce qu'on a entendu toutes sortes de choses,
et je pense que, si on veut être cohérents
avec l'approche qu'on veut mettre de l'avant, ce n'est pas une formation
générale donnée à tout le monde une fois dans leur vie qui va faire la
différence. C'est vraiment d'avoir des gens qui sont complètement formés mais
en continu et spécialisés de par leur formation et de par leur expérience sur
le sujet.
Donc, je suis
heureuse de lire ça ici, dans l'article 0.1. Mais, pour moi, il va falloir
que ça, cette volonté-là, se traduise aussi à travers le projet de loi. Donc,
je donne un petit préavis au ministre. Je trouve que les autres articles
demeurent très généraux par rapport à cet objectif-là, où on ne parle jamais de
la spécialisation. Donc, je pense qu'il va falloir y revenir.
Et moi aussi,
j'aurais aimé qu'on énumère avec un «notamment» le type d'intervenants qu'on a
en tête. Mais, si le ministre préfère, parce
que je comprends que, là, on est dans l'énoncé général des objectifs à 0.1, on
pourra y revenir dans l'amendement
qui nous amène à l'article 3.6° quand il parle des personnes
susceptibles. Je pense que ça pourrait être éclairant d'avoir une idée
de qui on parle, en termes d'intervenants et d'acteurs du milieu.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, Mme la députée. Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie :
Merci. Je ne répéterai pas tout ce que ma collègue a dit sur l'intérêt d'avoir
cet alinéa-ci, mais je veux quand même nommer que c'était un irritant, je
pense, de la juge en chef, le fait que c'étaient seulement les juges qui étaient ciblés par le projet de loi. Donc, je pense qu'avec cet alinéa-là on vient aussi adoucir cette
question-là, et ça nous permet de réitérer l'objectif, qu'on partageait déjà
de toute façon, mais qui n'était pas nommé dans le projet de loi, que tout le
monde au sein d'un tribunal spécialisé soit formé. Donc, voilà.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, Mme la députée. Nous sommes au quatrième alinéa de l'article 0.1
proposé par l'amendement. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
M. Jolin-Barrette :
...on est rendus au cinquième.
Le Président (M.
Benjamin) : Nous sommes maintenant, effectivement, rendus au cinquième
alinéa. Donc, est-ce qu'il y a des commentaires, des interventions sur le
cinquième alinéa? M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette : À ce stade-ci, pour une première ronde de commentaires sur
0.1, je veux remercier le ministre de son ouverture, parce qu'effectivement de
préciser des réalités culturelles et historiques des personnes victimes, ça va
amener un ajustement dans nos personnes spécialistes, dans nos personnes
dédiées, dans nos personnes qui auront à intervenir. Et je le remercie d'avoir
spécifiquement mentionné les personnes victimes autochtones, même si ma motion n'a pas été retenue, pour entendre les autochtones, mais, qu'on l'enchâsse dans la loi, il y aura un accompagnement.
Donc, on est très... Je remercie le ministre de son ouverture. Il en a été
question, dans le rapport Rebâtir la confiance, il y a neuf recommandations,
et on aura après ça à le... à faire en sorte, en partant du moment où on le
mentionne, d'avoir, en
fonction des besoins particuliers, des réalités culturelles historiques et des autochtones,
modélisé ou organisé l'intervention
en fonction de ces grands principes. Ça
fait que je remercie le ministre
de son ouverture pour cet alinéa.
Le Président (M. Benjamin) : Merci, M.
le député de Chomedey. Mme la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci, M. le
Président. Loin de moi de vouloir prétendre que je suis une experte, là, pour
les affaires autochtones, cependant, je pense qu'à ce moment-ci on... Parce
qu'à l'intérieur, donc, du chapitre 4, à chaque
fois, on parlait des Premières Nations
et inuites. Et, à ce moment-ci, on ne parle pas... on parle seulement des
réalités culturelles des personnes victimes, dont les victimes autochtones. Je
pense qu'on pourrait... ça inclut les deux à ce moment-ci? O.K. On
est... Bon, parfait. Moi, je veux juste qu'on soit certains qu'on n'oublie
personne. Donc, je voulais simplement... puisque le libellé était
différent. Je vous remercie, M. le ministre.
Le Président (M. Benjamin) : Merci, Mme
la députée. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui. Je veux juste comprendre pourquoi le
ministre a opté pour cette rédaction-là qui est plus large que juste sur
les personnes victimes autochtones. Donc, à quelle autre réalité culturelle et
historique, donc, il veut... qu'est-ce qu'il veut englober, autre que les
personnes victimes autochtones, en choisissant ce libellé-là?
M. Jolin-Barrette : Bien, le
chapitre 4 était basé sur la réalité des personnes victimes autochtones.
Alors, ce qu'on avait en tête, c'était la
réalité des personnes victimes autochtones qui... en prenant compte leur
réalité culturelle et historique.
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée.
Mme
Hivon : Donc,
est-ce que, dans ce cas-ci, si on ne veut traiter que la réalité culturelle et
historique des personnes victimes
autochtones, on devrait libeller comme ça pour ne pas donner l'impression que
c'est un groupe parmi tant d'autres?
M. Jolin-Barrette : Bien, on peut le
retravailler si c'est nécessaire.
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée de Verdun.
• (18 h 30) •
Mme
Melançon : D'ailleurs, je
pense qu'on fait référence au libellé qui était dans l'excellent
rapport Grenier et qui visait,
justement, à «tenir compte des réalités culturelles [...] historiques des
autochtones [...] dans l'accompagnement des victimes issues des
Premières Nations et Inuits». Je pense que de les nommer, là, clairement comme
ça... «ainsi que [...] la conception autochtone de la justice», c'est
exactement comme ça qu'il était nommé à l'intérieur du rapport Grenier. J'invite le ministre peut-être à tout simplement
revoir le libellé. Comme ça on est plus pointus puis on ne fait pas
semblant de parler de quelque chose, d'une réalité qui pourrait incomber à
plusieurs autres groupes, là. On parle vraiment des autochtones et des Inuits à
ce moment-ci.
Le
Président (M. Benjamin) :
Est-ce que j'ai d'autres interventions? Tout simplement rappeler aux députées
de Joliette et de Verdun qu'il vous reste 10 minutes, donc,
d'intervention.
Mme
Hivon : ...sur cet
alinéa-là?
Le Président (M. Benjamin) : Sur l'amendement.
Mme
Hivon : Ce n'est
pas alinéa par alinéa?
Le Président (M. Benjamin) :
Normalement, c'est 20 minutes.
M. Jolin-Barrette : Là, on n'est pas
sur... Là, on est sur le... On a fini le cinquième alinéa. On s'en va sur le
sixième alinéa?
Le Président (M. Benjamin) : Là, on
s'en va sur le dernier alinéa, si je n'ai pas d'intervention sur le cinquième alinéa. Est-ce que j'ai des
interventions sur le cinquième? Donc, on irait sur le dernier alinéa. Mme la députée de Sherbrooke.
Mme
Labrie : Oui. Donc, je
reviens avec la question de l'attrition. Je propose qu'on écrive : «Elle
vise finalement à soutenir les efforts pour réduire l'attrition et les
délais de traitement des dossiers judiciaires.»
M.
Jolin-Barrette : Là-dessus,
ce que je vais faire, je vais vous... Bien, en fait, bonjour, M. le député de Laval-des-Rapides, un plaisir de vous voir. Sur l'attrition,
on va y aller, comme je vous ai dit, avec des termes qui vont venir rejoindre
ce que vous souhaitez, mais on va venir l'insérer dans le premier alinéa, par
contre, donc, avec la proposition que je vais vous faire.
Mais là vous ne l'avez pas vu parce qu'il n'est pas encore imprimé, mais je vous dis... Bien, j'ai bien noté ce que vous
souhaitiez. Alors, je vais vous faire une proposition, mais il ne sera pas en
bas, il va être en haut.
Le Président (M. Benjamin) : Est-ce
que j'ai d'autres interventions sur le dernier alinéa? Mme la députée de
Joliette.
Mme
Hivon : Bien,
juste pour dire dans le même sens... Tantôt, on en avait parlé, puis j'avais
dit que ça pourrait s'inscrire là avec un «soutenir globalement les efforts».
Donc, on va voir ce que le ministre nous propose, mais, personnellement, je
pense que c'est plus de la nature d'un objectif que d'un considérant. Mais on
pourra refaire le débat si le ministre tient à mettre ça dans les considérants.
Le
Président (M. Benjamin) :
Est-ce que j'ai d'autres interventions sur le dernier alinéa? Non, je n'ai pas
d'autre intervention. Donc, maintenant que nous avons vu le 0.1,
maintenant, M. le ministre, je ne sais pas comment vous souhaitez procéder...
M. Jolin-Barrette : Bien là, moi, ce
que je vous suggérerais, c'est peut-être d'aller à l'article 1 en
attendant que... parce que, d'ici la fin de
la... En fait, dès que l'amendement va être prêt... dès que les deux
amendements vont être prêts, on va revenir avec le préambule et avec
l'article 0.1, mais, en attendant, on pourrait discuter de
l'article 1.
Le Président (M. Benjamin) : Donc,
allez-y, Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Écoutez, M. le
Président, je pense que j'ai fait la démonstration depuis ce matin que je ne
suis pas ici pour ralentir les choses, là,
mais je préférerais demander une suspension pour qu'on nous remette le
préambule et l'article 0.1 avant qu'on passe à l'article 1. Je
pense que c'est très important. Il y a beaucoup de choses qu'on veut essayer
d'inscrire dans le préambule et dans l'article 0.1. Moi, je veux être
certaine que ça va être fait avant qu'on passe à la suite du projet de loi. Je
suis certaine que l'équipe du ministre est déjà avancée, et probablement que le
préambule est déjà rédigé. Il peut commencer par nous distribuer celui-là. Je
suis certaine que ça ne sera pas très long comme suspension. Je préférerais
considérablement qu'on fasse ça.
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée de Verdun.
M. Jolin-Barrette : ...avant, là, M.
le Président.
Le Président (M. Benjamin) :
Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : On a suspendu
jeudi dernier, O.K.? On n'a pas siégé jeudi dernier pour faire en sorte qu'on
puisse préparer les amendements, tout ça. Moi, ce que je vous dis, il reste
quelques trucs à finaliser sur les amendements. La députée de Verdun m'a
demandé d'avoir les deux en même temps. Donc, le préambule est prêt, mais je
veux vous soumettre les deux en même temps. Alors, il reste 45 minutes.
Moi, je ne trouve pas déraisonnable la demande que je fais de commencer à... si
vous avez des questions sur un article de nature technique à l'article 1.
Je trouve ça approprié. Puis, je vous le dis, dès qu'il est prêt, on revient
puis on retire le préambule, on retire 0.1, puis je vous soumets les
deux autres. Ça va dans les deux sens.
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée de Verdun.
Mme Melançon : En tout respect, M.
le Président, là, on nous demande de naviguer un peu à l'aveugle. Moi, je ne
sais pas qu'est-ce qui aura été retenu du préambule. Je ne sais pas qu'est-ce
qui aura été retenu de l'article 0.1. On travaille à vitesse grand V.
On a envoyé nos propositions et pour le préambule et pour l'article 0.1 au
ministre. On a travaillé avec lui. Loin de nous l'idée de vouloir ralentir,
mais là on nous demande tout de suite d'aller à l'article 1. On n'aura pas
vu vers quoi on veut s'en aller. S'il y a des ajouts à avoir, puis qu'on est
rendus dans l'article 1, puis qu'on va
vouloir revenir encore à l'article 1, ça n'a juste plus de bon sens, là.
Il faut pouvoir travailler. Puis moi, j'invite, donc, le ministre à ce
moment-ci... Puis, honnêtement, j'entends le ministre dire : On n'a pas
siégé jeudi. O.K., mais, clairement, on
n'aurait pas plus été prêts puisqu'on a reçu les amendements tout à l'heure.
Donc, très honnêtement, M. le Président, moi, je préfère aussi recevoir
le préambule et l'article 0.1 avant d'entamer autre chose.
Le
Président (M. Benjamin) :
Merci, Mme la députée de Verdun. Mais j'ai la députée de Joliette qui souhaite
intervenir aussi.
Mme
Hivon : Moi, je
suis d'accord avec mes collègues que ce serait optimal. Par ailleurs, j'ai
juste une question de fonctionnement, là,
pour le ministre. Donc, ce qu'il nous propose... En fait, ensuite, quand on va
continuer à étudier le projet de loi, je comprends qu'il est d'accord avec ce
qu'on a suggéré tout à l'heure, là, d'y aller article par article plutôt que par blocs. Ça, ça lui va, parce
que le premier porte sur les juges, là, mais moi, je veux juste être sûre
qu'on les fait dans l'ordre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, moi, honnêtement, là-dessus, je vous ai proposé
de le faire... M. le Président, j'ai proposé aux membres de la commission d'y
aller par blocs parce que ça m'apparaît plus logique d'y aller par bloc, parce
que... Je vous donne un exemple. L'article 1 touche la formation des
juges. 2 ne touche pas la formation des juges. Alors, moi, ce que je
suggérerais, dans un premier temps, c'est un peu comme on va avoir fait le
préambule puis on va avoir fait 0.1. Quand on va tomber à 1, c'est les juges.
Ça fait qu'ensuite mettre tous les... de faire une par une... parce que ça
s'imbrique. Tu sais, dans le fond, il y a trois catégories de juges que l'on
vise par la formation. Alors, je regrouperais ces articles-là pour les étudier,
dans un premier temps, et ensuite on va revenir à l'article 2, puis là on
va y aller par cohérence avec les mesures qui touchent la division spécialisée.
Ça fait que
l'objectif est de faire en sorte de regrouper les thèmes, mais, écoutez, si
vous me dites : On veut y aller article par article, on va passer
1, 2, 3, sauf que ce n'est pas les mêmes thèmes, là. Ça fait qu'honnêtement
c'est pour vous, mais c'est juste qu'on va passer du coq à l'âne entre les
deux. Mais moi, je suis bien ouvert. Normalement, c'est article par article,
mais j'ai proposé des blocs pour que ça soit plus cohérent puis en logique.
Mais, si vous me dites : Non, non, on tient à ce que ça soit par article,
on va procéder de cette façon-là, mais je veux juste vous dire que... Bien, on
a fait le préambule. Ce n'est pas la façon habituelle de commencer par le
préambule aussi.
Alors, depuis le début, j'essaie d'accommoder le
plus possible, là. Ça fait que c'est pour ça que je vous dis... Puis je ne
trouve pas que ma demande est déraisonnable, de dire... sur un article
technique comme 33.1, à l'article 1, de commencer à l'étudier. Si on peut
l'étudier et l'adopter, vous n'avez pas de questions, puis, après ça, on
revient au préambule... Je ne trouve pas ça déraisonnable, ma demande,
considérant, depuis ce matin, 9 h 45, l'ensemble... l'ouverture que
l'on démontre à trouver des pistes de solution.
Le Président (M. Benjamin) :
Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Bien, en
fait, moi, ma proposition... Je comprends l'argument du ministre, de dire :
Tous les articles sur la formation des juges... Mais, s'il veut le sauter, moi,
j'aimerais mieux qu'on aille à l'article 2, à l'article 3, puis qu'on
fasse la formation des juges en dernier. Pourquoi? Parce qu'on sait que c'est
un irritant, là. Puis on ne se le cachera pas, que le projet de loi, à
l'origine, il était essentiellement sur la formation des juges, pas d'autres
éléments. Là, on est vraiment en train de le bonifier tous ensemble.
Et donc je pense que ça va être un signal
vraiment significatif à envoyer qu'il y a beaucoup d'autres éléments qui font
leur entrée dans le projet de loi, et qu'on va parler de formation des autres
acteurs avant de cibler : Voilà, c'est un projet de loi sur la formation
des juges, d'abord et avant tout. Je le sais, que c'est en train d'être
transformé et ça ne sera pas ça, mais c'est comme si on vote les articles sur
la formation des juges puis ensuite nous... En tout cas, moi, en ce qui me
concerne, je vais vouloir bonifier certains éléments qui concernent la formation
des autres acteurs pour envoyer justement un signal d'équilibre. Ce n'est pas
un projet de loi sur la formation des juges. C'est un projet de loi plus large.
Donc, je pense qu'il faut faire attention aussi dans la manière dont on aborde
notre travail pour envoyer les bons messages.
• (18 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je
vais vous dire, M. le Président, je suis en profond désaccord avec la députée
de Joliette là-dessus. Pourquoi? Parce qu'on a le droit de légiférer, hein? Il
y a un projet de loi, au fédéral, qui a été adopté, sur la formation des juges,
puis il n'y a pas eu de contestation. Puis, honnêtement, les juges, ils en
suivent, de la formation, hein, puis ils se mettent à niveau, puis tout le
monde se met à niveau.
Alors, moi, je pense que... Puis le projet de
loi n° 92, ce n'est pas uniquement sur la formation des juges, c'est également
la création d'un tribunal spécialisé. Puis je vous l'ai dit, également, pourquoi
est-ce que les autres intervenants du système judiciaire n'étaient pas ciblés
dans le projet de loi n° 92, c'est parce que, légalement, on n'a pas
besoin de cela pour qu'ils soient formés, parce que l'ensemble des intervenants
relève de l'État, généralement, et que la formation peut être imposée par voie
administrative.
Alors, moi, en toute bonne foi puis en toute
ouverture, dans le cadre des amendements que j'ai déposés, on vient offrir la formation à l'ensemble des acteurs
qui vont intervenir au tribunal spécialisé. Dans le projet de loi, il y a deux choses,
le tribunal spécialisé, hein, sur le continuum de services et également la
formation des juges. Si on veut faire en
sorte que les juges suivent des
formations en lien avec les violences
sexuelles et les violences conjugales, bien, c'est important que le législateur vienne indiquer que le
Conseil de la magistrature doit offrir ce type de formation là après avoir
consulté les différents groupes pour construire cette formation-là.
Puis, je le réitère, il est séparé en trois sur
la formation des juges, hein, trois catégories de juges.
Les candidats à être nommés juges, donc, les
avocats de 10 ans et plus de Barreau qui soumettent leur candidature pour
être sélectionnés à titre de juges de la Cour municipale, de la Cour du Québec,
de la... comme juges de paix magistrats, donc, eux devront s'engager
contractuellement, lorsqu'ils soumettent la candidature, à suivre une formation
sur les réalités en matière de violences sexuelles et conjugales, premier
groupe.
Deuxième groupe, ceux qui sont en exercice,
donc, les juges qui ont déjà été nommés, là, à ce moment-là, on ne peut pas les
obliger à suivre la formation en tout respect du concept d'indépendance
judiciaire. Et là, à ce moment-là, ce que l'on fait, c'est qu'on les invite à
suivre une formation qui sera déployée, qui sera construite par le Conseil de
la magistrature, parce que c'est le Conseil de la magistrature qui fait la
formation.
D'ailleurs, je réitère que le gouvernement du
Québec octroie au Conseil de la magistrature des sommes très importantes pour
la formation des juges. Et je sais que les juges souhaitent obtenir différentes
connaissances dans différents domaines, ce qu'ils font. Il y a une grande
partie du temps des juges qui est consacré à la formation, et c'est une bonne
chose également.
Alors, pour cette catégorie de juges
là, les juges, comme on dit, puînés, donc, les juges de la Cour du Québec,
devront... bien, en fait, sont invités à suivre cette formation-là. Et il y
aura un rapport annuel qui sera remis au ministre de la Justice et, par la
suite, à l'Assemblée nationale pour indiquer combien de juges ont suivi les
formations relativement aux violences sexuelles et aux violences conjugales et
également le contenu de la formation qui sera déposé ici, à l'Assemblée.
La troisième catégorie
de juges qui seront soumis à l'obligation de suivre cette formation-là sera les
juges suppléants, donc, les juges qui sont à la retraite, mais qui sont
désignés suppléants pour continuer à siéger à la Cour du Québec, parce qu'il
faut comprendre que l'âge de la retraite maximal à la Cour du Québec, c'est
70 ans, mais il arrive que certains juges qui ont pris leur retraite
siègent au-delà ou même avant, s'ils prennent leur retraite avant, lorsqu'ils
sont admissibles avant l'âge de 70 ans, et que, là, ceux-ci sont désignés
par le Conseil des ministres pour siéger à
titre de juges suppléants. C'est un peu différent d'au fédéral, où on parle de
juges surnuméraires, mais ceux-ci, s'ils veulent siéger à titre de juges
suppléants, devront avoir suivi la formation.
Donc, c'est les trois
catégories de juges. Donc, pour être nommé juge suppléant, vous allez avoir...
vous devrez avoir suivi la formation. Donc, il faut dire que les juges
suppléants, dans le fond, ils sont à la journée, si je peux dire. Donc, ils
n'occupent généralement pas une tâche complète. Donc, voyez-vous, je viens de
vous expliquer, sur la formation des juges, la façon dont le projet de loi est
construit. Puis je crois que le fait de pouvoir en discuter, bien, ça fait
qu'on optimise le temps pendant que les légistes travaillent sur le projet de
loi, les amendements.
Le Président
(M. Benjamin) : Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Je ne comprends juste pas pourquoi le ministre a commencé son intervention en
disant qu'il était fondamentalement en désaccord avec moi, parce que moi, je ne
suis pas en train de débattre du fond des choses, sur la formation des juges.
Je suis en train de débattre de l'opportunité de ne pas traiter cette
rubrique-là et ce bloc-là en premier parce que je ne pense pas que c'est
l'élément premier, central, fondamental du projet de loi. Je pense que c'est
une vision beaucoup plus large qui nous anime, tel qu'on vient de le débattre
avec le préambule et le premier article, et que, pour que ce soit cohérent de
s'arrêter sur la formation des juges, et même tous les juges, puis on va pouvoir y revenir, là, juges de paix magistrats,
cours municipales, bien, il faut voir d'où on part, comment on procède,
c'est quoi, la philosophie du projet de loi et la formation pour l'ensemble des
acteurs.
Là, c'est comme si on
part du prisme qui est ultime, qui est le juge... si la plainte est reçue, et
qu'on se rend... et que la cause est entendue, et qu'il y a un juge qui entend
l'affaire, mais il y a beaucoup d'intervenants autres, et même qui agissent avant, et je ne trouve pas ça
logique, et je ne trouve pas non plus que... Oui, c'est notre prérogative de
légiférer, c'est bien sûr. Il n'y a personne qui remet ça en cause. Mais, à
chaque fois qu'on décide dans quel ordre on étudie un projet de loi, on
fait des choix logiques pour qu'on débatte en premier des éléments centraux qui
vont déterminer la suite puis qu'on sache davantage où on s'en va. Moi, je
soumets respectueusement que je ne trouve pas que la formation des juges, c'est
l'élément le premier, l'assise, la base de toute la philosophie du projet de
loi.
Le Président (M.
Benjamin) : Merci, Mme la députée de Joliette. Est-ce que j'ai
d'autres interventions? Je vous rappelle qu'on n'a toujours pas statué sur le
0.1. Donc, allez-y, Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie :
Je demande la suspension jusqu'à ce que le ministre soit prêt à déposer le
préambule et l'article 0.1.
Le Président (M.
Benjamin) : Alors, à défaut d'avoir une entente... J'ai besoin d'avoir
une entente d'entre vous pour poursuivre. Donc, je dois... Alors, je viens
d'apprendre que le préambule est sur Greffier. Donc...
M.
Jolin-Barrette : ...avec le préambule, M. le Président, je vais en
faire la lecture, puis le deuxième article va s'en venir.
Le Président (M.
Benjamin) : Alors, M. le ministre, il faudrait préalablement que nous
suspendions l'article 0.1 avec le
consentement des collègues. Consentement? Parfait. Alors, le préambule étant
sur Greffier, allez-y, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, dans le préambule, insérer, après le titre du
projet de loi, ce qui suit :
«Considérant
la prévalence importante et la complexité des problématiques de violence
sexuelle et de violence conjugale dans la société;
«Considérant
l'importance d'agir ensemble pour prévenir et contrer ces problématiques et,
qu'à cette fin, les acteurs psychosociaux et ceux du système de justice doivent
agir de manière concertée;
«Considérant
que le respect des droits d'un accusé, dont la présomption de son innocence, est
un des fondements du système pénal et criminel.»
J'ai
oublié, M. le Président. Il faudrait retirer l'ancien préambule. Donc, avec
votre permission, je demanderais de retirer le précédent préambule qu'on
a étudié...
Le Président (M.
Benjamin) : Pour ajouter le... pour amener ce nouveau-là.
M. Jolin-Barrette : ...pour venir
déposer le nouveau préambule.
Le
Président (M. Benjamin) :
Consentement de la commission? Est-ce que j'ai le consentement? Consentement.
Allez-y.
M. Jolin-Barrette : Alors, je verse
les propos que je viens de faire relativement au nouveau préambule. Donc là, on a enlevé ce qui était demandé et on
conserve ces trois considérants-là dans le cadre du préambule actuel...
du nouveau préambule.
Le Président (M. Benjamin) : Est-ce
que j'ai des commentaires, des interventions sur le préambule qu'on a devant
nous? Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Je ne suis vraiment pas
sûre de la formulation du deuxième alinéa, là. Je la trouve boiteuse, je vais
dire ça comme ça, la formulation du deuxième alinéa. Je ne comprends pas.
Le Président (M. Benjamin) : Je ne
vous ai pas entendue, Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Je trouve la
formulation du deuxième alinéa boiteuse. Je pense qu'on peut l'améliorer. Je
vais y réfléchir, là.
M. Jolin-Barrette : Votre question,
c'est sur le deuxième alinéa?
Le Président (M. Benjamin) : Oui.
M. Jolin-Barrette :
«Considérant l'importance d'agir ensemble pour prévenir
et contrer ces problématiques et, qu'à cette fin, les acteurs psychosociaux et
ceux du système de justice doivent agir de manière concertée.»
Mme Labrie : Est-ce que ce ne serait
pas plus simple d'écrire : «Considérant l'importance que les acteurs psychosociaux et ceux du système de justice
agissent de manière concertée pour prévenir et contrer ces problématiques»?
M.
Jolin-Barrette : Non, mais
c'est parce que l'objectif de garder «ensemble»... C'est l'ensemble qui fait
référence à la société dans le premier alinéa :
«Considérant la prévalence importante de la
complexité des problématiques de violence sexuelle et [...] violence conjugale
dans la société;
«Considérant
l'importance d'agir ensemble pour prévenir et contrer ces [pratiques] et, qu'à
cette fin, les acteurs psychosociaux et ceux du système de justice
doivent agir de manière concertée.»
Parce que
vous m'avez demandé de rajouter «les acteurs psychosociaux et ceux du système
de justice», alors on est venus ajouter cela également.
Mme
Labrie : Est-ce qu'on
pourrait écrire : «Considérant l'importance que la société, les acteurs
psychosociaux et ceux du système de justice agissent d'une manière
concertée pour prévenir et contrer ces problématiques»? En tout cas, je trouve
que c'est vraiment...
• (18 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
parce que ce n'est pas la société qui agit avec les acteurs psychosociaux puis
ceux du système de justice, là.
Mme Labrie : Qu'est-ce que le
ministre veut que la société fasse quand il dit «agir ensemble»? Pourquoi c'est
dans le projet de loi, ça?
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est un
message commun. C'est un message, tantôt, comme je le disais, de dire :
C'est la responsabilité de tous, les violences sexuelles, les violences
conjugales. C'est l'objectif, mais, écoutez, moi, je ne suis pas marié, là, on
peut... avec mes mots. Donc, je pourrais dire : «Considérant l'importance
de prévenir et de contrer ces problématiques et, qu'à cette fin, les acteurs
psychosociaux et ceux du système de justice doivent agir de manière concertée.»
On peut enlever le «ensemble» parce que l'objectif que je crois qui est
partagé, c'est que ça soit ceux... ça soit les acteurs psychosociaux et de
justice qui travaillent ensemble, qui agissent de manière concertée.
Mme Labrie : Ça me semble déjà moins
pire, honnêtement. Moi, en tout cas, je vais laisser mes collègues s'exprimer, peut-être
qu'elles voient quelque chose que je ne vois pas, là, mais je pense que le mot
«ensemble» n'est pas si intéressant que ça, dans cette formulation-là, en ce
moment. Ça fait que j'aime mieux ce que le ministre vient de dire.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
Mme la députée de Sherbrooke. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Je vais
être cohérente avec moi-même, mais j'aime mieux ce que j'avais proposé tantôt.
Mais j'imagine qu'il y a une raison pour laquelle ça n'a pas été retenu. Ça
fait que j'aimerais juste ça qu'on... peut-être qu'on nous l'explique, là. Moi, j'avais dit que soit qu'on pouvait faire
deux considérants, si le ministre tenait à garder l'importance
d'agir ensemble pour prévenir et contrer ces problématiques, puis ensuite qu'on
en mette un sur les acteurs du système de justice et psychosociaux. Moi,
j'aurais commencé par les acteurs du système de justice, là, je dis ça comme
ça, parce que les psychosociaux sont importants, mais on est quand même au
coeur de quelque chose.
Une voix : ...
Mme
Hivon : Non, mais je fais juste expliquer... C'est ça
partout, là. Ça fait que le ministre peut soupirer, là...
M. Jolin-Barrette : Bien oui.
Mme
Hivon : ...mais on
fait une loi, hein, puis elle va être faite pour longtemps. Ça fait que je
pense que c'est important
de bien la faire. Si le ministre veut me dire que c'est vraiment
fondamental de mettre «psychosociaux» avant «justice», je vais être tout
à fait ouverte à entendre ses arguments, mais moi, je trouve...
M. Jolin-Barrette : Bien, le même
argument se plaide de l'autre côté, là.
Mme
Hivon : Oui, effectivement.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est ça,
à un moment donné, est-ce qu'on veut avancer ou non, là?
Mme
Hivon : Non, mais
là, M. le Président, je vais dire quelque chose, là. On avance sérieusement.
Puis le ministre a travaillé fort, je n'en doute pas, sur son projet de loi. Il
a montré de l'ouverture. Mais je veux juste que le ministre soit conscient
aussi que nous aussi, on a travaillé fort pendant des mois avec un comité
d'experts, et je salue le comité d'experts et toute l'équipe qui a travaillé
sur le rapport Rebâtir la confiance. Il y a eu toute une réflexion
derrière ça. Je pense que le ministre en est conscient.
Puis, aujourd'hui, là, ce n'est vraiment pas une perte de temps, ce qu'on fait. Je pense que chaque intervention
qui est faite, elle est pertinente, et la preuve, c'est qu'on avance ensemble
puis on fait des changements, puis je pense qu'on est satisfaits... En tout cas,
moi, je suis satisfaite de ce que je vois comme évolution du projet de loi. Et
je pense qu'on va tous être conscients qu'on n'est pas du tout au même point de
départ qu'on était, puis que les gens qui sont venus en auditions nous ont dit
que ça méritait une bonification. C'est ça qu'on est en train de faire.
Donc, il n'y a personne ici qui veut perdre du
temps. Tout le monde a le même objectif d'avoir un meilleur projet de loi, le
meilleur projet de loi possible, puis d'atterrir avec un tribunal spécialisé
qui va fonctionner puis qui va répondre aux besoins des victimes. Donc, moi,
ça, je veux juste dire qu'on pourrait faire la même chose, là. Nous aussi, on pourrait envoyer plein de petites
remarques pour dire : Comment ça se fait que le ministre n'a pas pensé à
ça avant puis comment ça se fait que le ministre ne nous a pas envoyé ça
avant? On ne fait pas ça. On veut collaborer. On veut que ça marche bien.
M. Jolin-Barrette : ...c'est de la
façon de l'écrire. Alors, je comprends que la députée de Joliette n'est pas
d'accord avec la façon que c'est écrit. Elle aurait préféré sa façon à elle de
l'écrire. Moi, il y a des légistes qui me disent
que c'est préférable de mettre l'adjectif avec le complément préalablement,
puis c'est pour ça que c'est écrit de cette façon-là.
Mme
Hivon : Bien, vous
voyez, M. le Président, quand on pose une question puis qu'on a une réponse...
au lieu d'avoir une réponse qui dit... qui laisse entendre qu'on veut perdre du
temps, c'est pas mal plus efficace. Moi, là, j'ai beaucoup de respect pour les
légistes, puis, quand on m'explique pourquoi on a décidé d'écrire les choses
d'une certaine façon, alors que, dans le rapport, ce n'était pas écrit comme,
mais que, là, on est dans une loi, donc, il faut l'écrire comme ça, je suis
très ouverte à les entendre, ces arguments-là. Mais, si je ne peux pas poser
mes questions, je ne comprendrai pas. Puis
je pense que j'ai fait un peu de législation. Ça fait que, si je trouve ça
pertinent de poser une question, il me semble que j'ai droit au bénéfice
du doute puis, comme parlementaire, de pouvoir m'exprimer sur toutes les
questions qui peuvent me sembler pertinentes pour qu'on ait le meilleur projet
de loi.
Donc, il y avait ça, et je n'étais pas en train
de dire au ministre que ça, c'était fondamental. J'ai soulevé la question en
disant que je pensais que ça pourrait être bien de mettre les acteurs du
système de justice avant. On me dit que, non, légistiquement, il ne faut pas
faire ça. Donc, j'entends ce que le ministre dit. Par ailleurs, ce que j'avais soumis tout à l'heure, c'était d'en faire soit
deux alinéas, pour pouvoir vraiment marquer la différence entre la société
puis ensuite de parler des acteurs psychosociaux et ceux du système de justice,
ou on aurait pu avoir deux notions, celle de
collaboration puis celle de travailler de manière concertée, parce que je pense
que la collaboration, c'est aussi important.
Je suis très ouverte à entendre les arguments du
ministre. Je lui soumets mon point de vue. Et j'aimerais comprendre pourquoi on
préfère mettre ça dans un seul alinéa, parce que, dernier élément, quand on dit
«et, qu'à cette fin, les acteurs psychosociaux», je trouve que ça peut
peut-être réduire la portée du début de la phrase. Mais, si le ministre nous
dit : Non, c'est parfait, je vais écouter ce qu'il a à nous dire. Je veux
juste comprendre pourquoi on a fait ce choix-là de ce libellé-là dans un seul
alinéa.
Le Président (M. Benjamin) : Merci, Mme
la députée de Joliette. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Moi, M. le Président, je suis très à l'aise avec le libellé que j'ai soumis. Alors,
«considérant l'importance d'agir
ensemble pour prévenir et contrer ces problématiques et, qu'à cette fin, les
acteurs psychosociaux et ceux du système de justice doivent agir de
manière concertée», ça va très bien, et surtout que ça se lit dans un tout,
l'ensemble du préambule, et que le fait d'agir ensemble, ça fait référence à
l'ensemble de la société. Alors, je suis à l'aise avec le libellé actuel.
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci, M. le
Président. On parlait tout à l'heure... parce que, lorsqu'on a discuté de ce
deuxième considérant tout à l'heure, on disait que l'importance d'agir
ensemble, c'est un appel à la mobilisation, dans le fond, là, pour l'ensemble
de la société, pour prévenir et contrer les problématiques. Je suis un peu d'accord.
Je pense que je préférerais tout de même le libellé, là... puis là je ne suis pas en train de parler des acteurs
psychosociaux et ceux du système de justice, mais du libellé de la députée
de Joliette.
Et, je tiens à le redire, parce que c'est arrivé
à plusieurs reprises, puis, à chaque fois, j'ai quand même voulu redire au ministre... On avance à grande vitesse. Puis, honnêtement, là, le travail des deux dernières années, on est dans
l'aboutissement. Donc, c'est normal que nous ayons des questions de ce côté-ci.
Je comprends mal l'impatience du ministre depuis le début de la journée, parce
que c'est comme ça depuis le début de la journée, M. le Président. Et là il
reste autour de 16 ou 17 minutes. Je pense qu'on peut les utiliser
justement à continuer à avancer, mais jamais, jamais, on ne doit laisser entendre
ici qu'on se traîne les pieds, du côté des oppositions, pour pouvoir continuer
à avancer. Puis le ministre, il sait ce que c'est, là, de légiférer, d'être ici
pour un projet de loi qui est d'une importance majeure. Et je tiens à vous rappeler qu'il y a des victimes qui fondent
énormément, énormément d'espoir dans le projet de loi qu'on est en train
d'étudier.
Donc, c'est certain qu'on va continuer à poser
des questions, à revenir... Puis, tout à l'heure, le ministre a voulu suspendre
pour nous expliquer qu'à l'intérieur des rapports bien sûr qu'il y a des
notions sociologiques puis d'autres de droit. On comprend tout ça. Je pense
qu'on a fait de la... On fait de la législation et on est là juste pour bonifier. Mais là, honnêtement, devant
l'impatience du ministre... Moi, je ne comprends pas pourquoi il a de
l'impatience. On est arrivés ici avec une volonté, celui d'étudier
correctement un projet de loi, et on va prendre le temps nécessaire pour le faire. Si le ministre de la Justice, qui
est aussi leader du gouvernement, a mis bien des choses dans son agenda pour
les prochains jours, bien, je veux juste lui rappeler que, très, très, très
respectueusement, on est ici pour étudier un projet de loi, puis, moi,
ce qui me préoccupe actuellement, c'est le projet de loi n° 92, puis là on
va continuer à faire notre travail.
Le Président (M. Benjamin) : M. le
ministre.
• (19 heures) •
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le
Président, moi, là, je vais vous dire une affaire. Je mets la priorité sur le projet
de loi n° 92 parce que je veux que le tribunal spécialisé voie le jour
dans les meilleurs délais, M. le Président. Moi,
constamment, je pense aux personnes victimes. C'est ce que j'ai fait avec le
projet de loi n° 84 puis c'est
ce que j'ai fait avec le projet de loi n° 92. Puis heureusement, M.
le Président, que je suis leader pour faire en sorte qu'on siège rapidement sur
le projet de loi n° 92. La preuve, M. le Président, c'est que je voulais
même qu'on siège jeudi dernier, sur le projet de loi, pour avancer.
Depuis le
début de ce matin, M. le Président, j'écoute les collègues des oppositions, je
prends en considération leurs propositions. La démonstration, c'est
qu'on est rendus à la troisième proposition, M. le Président, mais, à un moment
donné, je ne pense pas qu'il n'y a personne ici qui pense que je ne fais pas
preuve de patience avec les collègues d'opposition puis que je ne trouve pas
une voie de passage, M. le Président.
Alors, ce que je vous soumets, c'est que moi, je
suis à l'aise avec l'article... l'alinéa deux relativement au deuxième
considérant. J'ai entendu les collègues tout à l'heure, mais moi, de la façon
que c'est écrit, je suis assez à l'aise. Alors, je suis ouvert à entendre leurs
commentaires sur l'alinéa un et l'alinéa trois, mais, pour le deux, moi,
je le conserverais comme ça.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le ministre. Donc, merci. Donc, j'ai le député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, M. le
Président. J'entends le ministre et je pense qu'on n'a pas le droit de se
tromper. Je comprends que le ministre baigne dans son projet de loi, il en
discute tous les jours avec ses légistes, de toutes les possibilités, de tous les termes, etc. On a eu le cahier du projet de
loi hier, on a lu les amendements dans LeJournal de Montréal à matin et on les
a eus en mains propres au début du projet de loi. Je pense qu'on travaille de
façon constructive.
Je déteste ça me faire pousser dans le dos, je
déteste ça. Et je me dis : Quand tu te fais pousser dans le dos, des fois, tu fais des erreurs. Puis je ne veux pas
qu'on fasse d'erreurs. Parce qu'on a entendu les préoccupations de tous les
groupes, on a entendu les préoccupations des intervenants, il y a beaucoup qui
pensent qu'il va arriver quelque chose, puis que, finalement, ça ne marchera
pas, puis on ne s'entendra pas, etc. Ce n'est pas ça qu'on veut faire.
Je le relis, là — mon moyen
technologique, là, il n'a plus de batterie, ça fait que, donc, je copie sur ma
collègue de Joliette — je
relis le deuxième considérant, puis probablement que, si on parlait du projet
de loi n° 96 puis de la langue
française, je suggérerais aux légistes la rédaction suivante :
«Considérant l'importance d'agir ensemble et de manière concertée pour
prévenir et contrer ces problématiques et qu'à cette fin les acteurs
psychosociaux et du système de justice...» On devrait peut-être le rephraser
pour mettre «ensemble» et «de manière concertée», ensemble. Ça irait dans le sens que je mentionnais à
M. le ministre, qui nous a donné des explications sur les différentes
réalités de terrain et... quand je
voulais avoir le mot «uniformisée». On est rendus avec le mot «concertée». Mais
répéter deux fois «agir» dans la même phrase, je ne suis pas sûr que
c'est du bon français. M. le Président, vous qui avez des notions de «poèterie», vous pourriez sûrement mettre votre
grain de sel, là. Je me dis qu'on pourrait modeler la phrase pour que
«l'importance d'agir ensemble» et de façon... et «de manière concertée» soient
dans la première ligne. Et on pourrait la
remodeler pour que ça puisse contenir les acteurs psychosociaux et ceux du
système de justice. Parce que ça m'agace, en bon français, ça m'agace de
retrouver en trois lignes «agir» deux fois, alors qu'on pourrait sauver des
mots.
Puis on dit souvent... puis avec tout le respect
qu'on a pour les légistes, on dit que les législateurs ne parlent jamais pour
ne rien dire. Puis là j'ai de la répétition, j'ai un peu trop de répétition, ça
me... En tout cas, je ne suis pas à l'aise,
M. le Président. Puis je suggérerais, encore très respectueusement,
M. le Président, à M. le ministre peut-être de regarder
avec ses légistes s'il n'y aurait pas une formulation qui pourrait être encore
mieux que celle avec laquelle, présentement, il se dit à l'aise.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, M. le député de Chomedey. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Juste pour votre information, on a transmis
également au secrétariat le 0.1, M. le Président, le nouvel article
également. Donc, il pourra être communiqué aux membres de la commission
également.
Le
Président (M. Benjamin) :
Merci, M. le ministre. Donc, le nouvel article a été transmis, donc est
déposé au Greffier. Parfait.
M. Ouellette : ...M. le
Président, sur la suggestion que j'ai faite à M. le ministre de regarder
pour joindre «agir ensemble» et «de manière concertée», au niveau des légistes,
ça ne crée pas de...
M. Jolin-Barrette : Moi, je
suis très à l'aise, M. le Président, avec ce que j'ai proposé.
M. Ouellette : ...ça ne crée
pas d'inconfort?
Le Président (M. Benjamin) :
M. le ministre...
M. Jolin-Barrette : Moi, je
suis très à l'aise avec la proposition que j'ai faite relativement à
l'alinéa deux, M. le Président.
Le
Président (M. Benjamin) :
Est-ce que j'ai d'autres interventions, toujours sur le préambule, sur les
considérants?
M. Jolin-Barrette : Je pense
qu'on peut voter, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) : M. le
député de Chomedey.
M. Ouellette : Bien, je me
permettrai, M. le Président, un dernier commentaire sur le troisième
considérant, juste pour nous rappeler que j'ai fait la suggestion... c'est-à-dire,
j'ai attiré l'attention du ministre à la suggestion de Me Corte et de
Mme Desrosiers qu'on devrait mettre dans les objectifs que... d'affirmer,
là... d'assurer l'application du droit dans
le respect des droits fondamentaux des accusés. Et je comprends que ce n'est
pas l'intention du ministre d'aller là, mais je me dois de souligner et je me
dois de lui refaire cette suggestion-là au cas où son cheminement aurait
pu être différent dans les dernières minutes, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) : Merci,
M. le député de Chomedey. Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Oui. Tout à l'heure, le
ministre m'a proposé lui-même une autre formulation pour le deuxième alinéa,
que moi, personnellement, je trouvais de beaucoup plus intéressante que celle
qu'on a sous les yeux en ce moment, là. Je vais laisser mes collègues
décider ce qu'elles en pensent. Mais peut-être que ça viendrait résoudre, là, ce que mon collègue
nomme ici, là. Moi aussi, ça me dérange de voir le mot «agir» revenir
deux fois. Je trouve que c'est une formulation qui ne fait pas de sens,
là. Ça fait que j'invite le ministre à nous mettre par écrit ce qu'il a proposé
tout à l'heure, c'était beaucoup plus intéressant.
M. Jolin-Barrette : ...avec quoi
vous êtes à l'aise, Mme la députée la Sherbrooke?
Mme Labrie : Bien, ce que vous avez
dit tantôt. S'il faut aller retrouver la vidéo parce que vous ne vous en
souvenez plus, on va le faire, mais c'était bien mieux que ce que j'ai sous les
yeux en ce moment, là.
M. Jolin-Barrette : «Considérant l'importance
d'agir...»
Mme
Labrie : Si on peut juste
trouver le mot «agir» une fois dans la formulation, je pense que ça va être plus...
M.
Jolin-Barrette : Bon,
regardez ce qu'on va faire, on va supprimer «considérant»... on va enlever
«ensemble» : «Considérant l'importance pour prévenir et contrer ces
problématiques et, qu'à cette fin, les acteurs psychosociaux et ceux du système
de justice doivent agir de manière concertée.» Alors, on va supprimer les
termes «d'agir ensemble» et on va laisser «considérant l'importance pour
prévenir et contrer ces problématiques». Est-ce que ça...
Mme Labrie : Que les acteurs
psychosociaux et ceux du système de justice doivent... agissent de manière
concertée?
M. Jolin-Barrette : Exactement. Est-ce
que ça convient à tous?
Mme Labrie : Parfait. Moi, ça me
convient beaucoup, en tout cas, là. Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Benjamin) : Donc,
vous allez l'amener en...
M.
Jolin-Barrette : Oui. Alors,
M. le Président, ça va prendre une minute. Est-ce qu'on a d'autres commentaires relativement à l'alinéa un ou à l'alinéa
trois?
Le Président (M. Benjamin) : M. le
député de Chomedey.
M. Ouellette : ...m'excuse, M. le
Président, là, c'est parce que j'ai manqué ce petit bout-là parce qu'on
regardait si c'est mieux de la mettre dans la première ligne ou dans la
dernière ligne, là. Est-ce qu'on pourrait juste me partager ce qu'on a décidé
qu'on est en train de corriger dans la prochaine minute?
M. Jolin-Barrette : Donc, ce qu'on
est en train d'écrire, c'est... On va supprimer les termes «d'agir ensemble».
Alors, la phrase se lira ainsi : «Considérant l'importance pour prévenir
et contrer ces problématiques et qu'à cette fin les acteurs psychosociaux et
ceux du système de justice doivent agir de manière concertée.»
M. Ouellette : C'est «l'importance
de prévenir».
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée de Sherbrooke.
Mme
Labrie : Pour reprendre, il y a encore des petits accrochages, là,
dans ce que le ministre vient de dire, là, mais je pense qu'on va dire
la même chose, lui puis moi, ce serait plutôt : «Considérant l'importance
pour prévenir et contrer ces problématiques
que les acteurs psychosociaux et ceux du système de justice agissent de manière
concertée.»
M. Jolin-Barrette : Ça fait qu'on
enlève «qu'à cette fin».
Mme Labrie : Donc, je propose...
Le Président (M. Benjamin) : Mme la
députée de Verdun.
M. Jolin-Barrette : ...c'est bon.
• (19 h 10) •
Mme
Melançon : C'était tout simplement, M. le Président... On ne peut pas
commencer de... «pour prévenir», mais
c'est «de prévenir». Donc, «considérant l'importance de prévenir et contrer ces
problématiques» et non pas «pour».
Le Président (M. Benjamin) : On va
suspendre quelques instants...
M. Jolin-Barrette : Bien, juste, M.
le Président, avant de suspendre, est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur
l'alinéa un ou l'alinéa trois?
Le Président (M. Benjamin) :
D'autres commentaires sur l'alinéa un ou l'alinéa trois? Il n'y en a pas.
O.K. On va suspendre quelques instants, le temps
d'apporter les modifications, M. le ministre.
(Suspension de la séance à 19 h 11)
(Reprise à 19 h 14)
Le
Président (M. Benjamin) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Donc, l'amendement étant sur Greffier, donc
disponible, M. le ministre, il faudrait que, dans un premier temps, vous
retiriez le...
M. Jolin-Barrette : Oui, on retire
le préambule et on le remplace par le suivant : «Considérant la prévalence
importante et la complexité des problématiques de violence...»
Le Président (M.
Benjamin) : Ai-je le consentement pour le retrait du préambule?
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Benjamin) :
Parfait. Merci. Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Donc :
«Considérant la prévalence importante et la complexité des problématiques de
violence sexuelle et de violence conjugale dans la société;
«Considérant l'importance pour prévenir et
contrer ces problématiques que les acteurs psychosociaux et ceux du système de
justice agissent de manière concertée;
«Considérant
que le respect des droits d'un accusé, dont la présomption de son innocence,
est un des fondements du système pénal et criminel.»
Le Président (M. Benjamin) : Est-ce
que j'ai des interventions sur cet amendement?
M. Jolin-Barrette : Je pense qu'on
peut voter, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) : On peut
voter. Donc, alors, est-ce que c'est adopté?
M. Jolin-Barrette : Adopté.
Le Président (M. Benjamin) : Adopté.
Alors, on peut... considérant l'heure, nous
allons reporter nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 19 h 15)