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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, June 1, 2021 - Vol. 45 N° 152

Clause-by-clause consideration of Bill 86, An Act respecting the demise of the Crown


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Sonia LeBel

M. Marc Tanguay

M. Sol Zanetti

M. Pascal Bérubé

Étude détaillée

Remarques finales

M. Sol Zanetti

M. Marc Tanguay

Mme Sonia LeBel

Autres intervenants

M. André Bachand, président

Mme Lise Lavallée

M. Frantz Benjamin

*          M. Hubert Cauchon, Secrétariat du Québec aux relations canadiennes

*          Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte.

Je vous rappelle que le port du masque de procédure est obligatoire en tout temps, hormis au moment de prendre la parole.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude du projet de loi n° 86, Loi sur la dévolution de la couronne.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par M. Benjamin (Viau); Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).

Le Président (M. Bachand) : Merci. Avant de débuter, je vous informe que les votes pour ce mandat devront se tenir par appel nominal, et ce, jusqu'au 11 juin 2021.

Remarques préliminaires

Donc, nous sommes maintenant rendus aux remarques préliminaires. Alors, Mme la ministre responsable des Institutions démocratiques de la réforme électorale, vous disposez d'une période de 20 minutes. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Oui. Bien, ce sera, M. le Président, assez bref. C'est un projet de loi qui est fort important, on a eu l'occasion d'en parler à l'adoption de principe, un projet de loi qui est petit, hein, quatre articles, mais qui pourrait... qui a la valeur de nous protéger, parce que c'est un projet de loi pour nous protéger des impacts potentiels d'une dévolution de la couronne qui pourrait survenir, je le répète, M. le Président, par... soit par le décès du souverain actuel ou par son abdication.

Donc, je pense qu'il est important de comprendre que le projet de loi n° 86, c'est un projet de loi qui… Bon, le projet de loi concernant la dévolution de la couronne vient… est très ciblé, hein? C'est un projet de loi autoportant qui a un but, et un objet, et une portée extrêmement précise, qui a effectivement pour effet de venir clarifier et élargir la portée de l'article qui a été adopté lors de l'adoption de la Loi sur l'Assemblée nationale en 1982 et qui est venu remplacer le précédent article qui apparaissait dans la Loi sur la Législature, qui, d'ailleurs, était l'article qui était en vigueur, si je ne m'abuse, lors de la dernière dévolution de la couronne.

Donc, cet article a été adopté. Certains juristes, certains constitutionnalistes pensent que cet article-là est suffisant, mais je pense que, compte tenu des impacts potentiels qu'une telle dévolution pourrait avoir sur le pouvoir législatif, sur le pouvoir exécutif, qui est naturellement notre Assemblée nationale, on parle du gouvernement, et sur le pouvoir judiciaire, on parle de tout ce qu'il se passe présentement devant les tribunaux, le serment qui a été prêté par nos juges, les causes qui sont présentement pendantes et les conséquences qu'il pourrait y avoir devant les tribunaux, je pense qu'il est de bon augure. Et ce n'est pas moi qui le dit, là, c'est le Pr Binette, si je ne me trompe pas, ou Chevrier qui disait qu'il serait négligent de ne pas le faire. Et naturellement la nature même du contexte actuel nous amène à procéder avec diligence, pour ne pas dire avec urgence.

Et c'est pour ça que je salue, présentement, mes trois collègues de l'opposition qui sont présents avec moi, avec qui on a eu l'occasion de faire la première… les premières étapes, c'est-à-dire la consultation, qui s'est faite rondement, avec des questions très pertinentes de part et d'autre, et… Bon, je viens de m'inclure là-dedans. C'est un peu… mais, quand même, je pense que je peux dire que ça s'est fait rondement. Et on a procédé également à l'adoption de principe avec diligence, et je suis convaincue qu'on pourra procéder à cette adoption en faisant notre travail respectif, et ça, pour moi... il faut être respectueux du travail des parlementaires, mais je pense qu'on peut le faire en ayant toujours à l'esprit, en toile de fond, M. le Président, la nécessité et l'urgence d'agir compte tenu du contexte actuel que nous vivons.

On parle de la pandémie, mais on parle aussi de l'âge avancé de la reine Elizabeth II, qui, naturellement, sur le plan humain, serait tragique, mais, sur le plan, en plus, législatif, exécutif et juridique, pourrait avoir des conséquences concrètes et réelles. Ce n'est pas qu'un principe théorique que nous voulons écarter, le principe de common law, aujourd'hui, M. le Président, mais c'est un concept qui aurait et qui pourrait potentiellement avoir des conséquences extrêmement concrètes et réelles sur toutes les activités de l'État québécois.

Et je pense qu'on peut faire consensus ici, autour de la table, qu'on ne veut pas subir les conséquences de ce qu'il se passe à Londres, et je pense que la volonté de beaucoup de parlementaires autour de la table est de s'éloigner, sinon de se défaire de cet État monarchique, mais le fait est que les bases et le fondement de notre État québécois sont basés sur cette structure et que, dans l'immédiat, dans le court terme, je pense qu'une des choses les plus nationalistes à faire, c'est de, justement, s'assurer qu'il n'y a pas d'effet sur notre système et notre État québécois par le fait de la dévolution de la couronne. Alors, sur cet aspect, je pense qu'on peut trouver consensus autour de la table sans problème.

Et je vais terminer là mes remarques parce que je suis bien… compte tenu de ce que je viens de dire, de l'urgence et de la nécessité d'agir avec diligence, j'ai bien hâte qu'on commence la lecture de l'article 1. Donc, ce sont mes remarques, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député de LaFontaine, pour 20 minutes.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, vous saluer, saluer Mme la secrétaire et celles et ceux qui travaillent avec la commission, saluer la ministre, et mes collègues des oppositions, et saluer celles et ceux qui accompagnent Mme la ministre.

Nous sommes en faveur du projet de loi. Il s'agit, pour nous, d'une police d'assurance advenant le cas où décès de la reine Elizabeth II ou abdication. Nous avons des institutions au Québec. Nous nous sommes dotés, avec le temps, dans le cadre fédératif, incidemment, d'institutions législatives, exécutives et... législatives, exécutives et judiciaires qui ont leurs modalités de fonctionnement. Par exemple, l'Assemblée nationale fait des élections à date fixe, et ainsi de suite. Alors, oui, la couronne est un fait canadien, mais, advenant la dévolution de celle-ci, qu'elle n'ait pas un impact sur les institutions dont nous nous sommes dotés, nous, au Québec, avec les années. Quand je dis : On s'est dotés de telles institutions, je parle, entre autres, des modalités de fonctionnement qui ne sont pas des détails, mais qui sont importantes, et j'inclus, là-dedans, évidemment, le côté administratif, entre guillemets.

Alors, effectivement, M. le Président, hâtons-nous lentement, mais c'est important, ce que nous allons faire, et nous allons acquérir collectivement cette police d'assurance pour ne pas qu'il y ait d'impact négatif si d'aventure il y avait dévolution de la couronne. Voilà, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. M. le député de Jean-Lesage, pour 20 minutes, s'il vous plaît.

M. Sol Zanetti

M. Zanetti : Merci. Pour combien de temps?

Le Président (M. Bachand) : 20 minutes.

M. Zanetti : 20 minutes?

Une voix :

• (10 h 10) •

M. Zanetti : Oui, ce n'est pas une obligation. Oui, alors, j'étais content d'entendre, dans les remarques préliminaires de la ministre au sujet du projet de loi, son intention ou son souci de faire aujourd'hui la chose qui est une des choses les plus nationalistes à faire, pour reprendre ses termes exacts. J'espère qu'on va avoir un débat sur quelle est la chose la plus nationaliste à faire dans... en cas de dévolution de la couronne. Moi, je doute que la chose la plus nationaliste à faire, ce sera simplement de dire : On fait comme s'il n'y avait pas de monarchie. Dans un contexte, par exemple, où le peuple québécois, lorsque sondé sur son intérêt de préserver la monarchie, dit, à plus de 95 % : On serait plutôt favorables à son abolition, je pense que ça veut dire que la chose la plus nationaliste à faire, ce serait d'aller plus loin que ça, ce serait d'écouter ça et de suivre cette volonté d'affirmation puis d'affranchissement d'un cadre politique qui, bien sûr, a déterminé l'ensemble de nos institutions politiques, mais, en même temps, n'a aucune légitimité et n'a jamais été véritablement choisi. Tu sais, de quelle façon est-ce que le cadre monarchique... on est a été choisi? Il a été choisi un mousquet sur la tempe, si vous me permettez l'expression, au sens où c'est le fruit, ultimement, d'une conquête armée par les armes de, à l'époque, le plus grand empire, et le plus puissant empire, et la plus grande armée du monde.

Alors, essentiellement, ce qui mène à 1867, c'est la Conquête. C'est, de façon plus rapprochée, l'Acte d'Union de 1840. L'Acte d'union de 1840, c'est une réaction, dans l'urgence ultraconservatrice et monarchiste, aux espoirs et à la rébellion des Patriotes. Donc, c'est quelque chose, l'État canadien qui a été fait, qui a été déclenché en réaction à une volonté plus que nationaliste, là, vraiment souverainiste et indépendantiste des peuples québécois, je dirais du peuple québécois, mais du peuple québécois au sens large, au sens où pas exclusivement les Canadiens français, mais plus que ça. On sait que la première déclaration d'indépendance du Bas-Canada a été écrite et déclarée par Robert Nelson, qui est un fils de loyalistes américains, et on sait qu'il habitait au... qu'il a grandi au Bas-Canada et on sait que son frère aussi, Wolfred Nelson, donc, était à la tête de la seule bataille victorieuse des Patriotes à Saint-Denis. Donc, il y avait, dans cet élan, quelque chose, vraiment, qui dépassait même le cadre des aspirations des Canadiens français conquis par la couronne britannique.

On est dans un système, donc, et j'ai posé la question à un des professeurs de droit qui est venu nous présenter son avis sur le projet de loi, le professeur Taillon, et je lui ai demandé : Quelle est la légitimité de la monarchie? Sur quoi elle repose? Il a dit : Bien, en droit, on ne se questionne pas sur la légitimité parce que la légitimité est une question qui est en dehors du droit, qui est plus philosophique, on se questionne sur la cohérence, sur l'intérieur du système. Mais, essentiellement, il nous a dit : Bien, sa légitimité vient de la force et de la conquête. Elle vient de la violence. La violence, c'est moi qui le rajoute, là, c'est une conséquence nécessaire.

Donc, est-ce que, vraiment, on trouve ça important de préserver ça? Est-ce que c'est important de préserver, de continuer à maintenir, en s'en accommodant toujours de façon... de façon, disons, partielle, là, un système qui n'a aucune légitimité démocratique, et qui est issu vraiment d'une autre époque, et qui force, encore aujourd'hui, toutes sortes de choses antidémocratiques? Alors, évidemment, je pense que non et je pense qu'on a, ici, une opportunité importante avec ce projet de loi, si court soit-il, de poser un geste fondamental pour l'avenir des peuples du Québec.

Et je parle ici des peuples parce que je parle évidemment du peuple québécois, mais je parle des peuples autochtones aussi, qui vivent, en ce moment, des moments extrêmement tragiques qui sont directement en lien avec le colonialisme qu'ils ont subi et avec les régimes monarchistes qui se sont implantés ici pour leur soutirer absolument tout et les faire disparaître. On est dans un moment historique où il est plus que jamais pertinent de faire reculer les institutions colonialistes dans la pratique, dans les institutions, dans les règles et aussi dans les symboles. Et je pense qu'aujourd'hui on pourrait envoyer un signal positif intéressant qu'il y a une volonté, au Québec, de changer de cadre, qu'il y a une volonté, au Québec, de changer, de sortir d'institutions coloniales qui ont toujours été construites de façon opposée à la souveraineté des peuples et à leur liberté de choisir leur avenir.

Je vais, donc, proposer, évidemment, aujourd'hui, des amendements qui vont en ce sens-là et qui visent à nous donner... à donner l'opportunité à ce gouvernement qui se dit nationaliste de faire des pas en avant et de véritablement faire quelque chose. Parce qu'il y a beaucoup de promesses nationalistes qui ont été abandonnées en cours de route, là : le rapport d'impôt unique, c'en est une qui est vraiment dommage; transferts en santé, on a essayé quelque chose, aucun résultat durable. Il y a toutes sortes de choses qu'ils se sont dites : Ah oui! On va le faire, etc. Abolition de la fonction du lieutenant-gouverneur, finalement, quand ça va adonner. Ça, ça veut dire jamais.

Donc, il y a ici une occasion. J'espère vraiment sincèrement que la ministre va la saisir et que les autres parlementaires aussi vont voter en faveur. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le député de Matane-Matapédia, s'il vous plaît.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, M. le Président. La monarchie britannique au Québec, c'est un vestige archaïque et colonial issu de la conquête par les armes. C'est ça, la monarchie. Ce n'est rien d'autre que ça. Et, comme parlementaire québécois qui a prêté serment au peuple du Québec, d'avoir à légiférer, aujourd'hui, pour poursuivre cette occupation de la monarchie, il y a quelque chose d'humiliant là-dedans. Bien sûr, on peut vouloir éviter que, par l'absurde, les lois du Québec, la justice et les usages soient bouleversés par le décès ou l'abdication de la souveraine, mais on ne peut pas faire l'économie d'une réflexion urgente et nécessaire sur ce lien avec la monarchie britannique.

Quand la ministre nous dit, sans blague, que le geste nationaliste à faire, c'est de voter pour ce projet de loi là, ça ne peut pas être sérieux, là. Mettre fin aux liens avec la monarchie britannique, ça, c'est nationaliste.

D'ailleurs, j'indique que, dans son projet nationaliste, en 2015, la CAQ dit la chose suivante : «Lorsque le contexte le permettra, cette archaïque institution devrait être abolie ou réformée pour mieux représenter les intérêts du Québec, de même que la fonction de lieutenant-gouverneur.»

M. le Président, je vous soumets respectueusement que ce moment est venu. Je n'attends pas avec grand enthousiasme l'arrivée du souverain Charles. La population du Québec est avec nous là-dessus.

Je ne m'insurgerais pas si le gouvernement de la CAQ décidait d'ajouter à ses multiples sondages une question qui porte sur la monarchie au Québec. Il me semble que c'est la façon de procéder. Je ne dirais pas un mot. Moi, je suis convaincu depuis longtemps. Les gens qui animent cette formation politique qui est le Parti québécois en sont convaincus depuis toujours.

C'est grave, en 2021, d'avoir à légiférer pour perpétuer cette institution. La question de la légitimité se pose, bien sûr. Moi, je peux y répondre, d'où ça provient, ce lien-là. Ça provient par une conquête, pas loin d'ici. Puis nous, on accepte ça, puis il y a même des Québécois qui sont en admiration devant ça. Heureusement, c'est une minorité. Pas moi.

On est obligés de prêter serment à la reine Elizabeth II. Je ne l'ai jamais rencontrée, je ne pense pas que ça arrive non plus, mais les citoyens du Québec pour qui j'ai prêté serment, je les connais, eux, ils sont dans ma circonscription, ils sont partout, ils sont ici. Le Commonwealth, nous, on devrait être fiers de ça. Mais, si on nous répond, au gouvernement, que c'est non, que faites-vous? Bien sûr, on va l'adopter, ce projet de loi, puis on ne fera pas obstacle, mais le moment est venu, c'est là. Ça, c'est nationaliste. Qu'est-ce qu'il se passe? Pas un mot là-dessus. Lieutenant-gouverneur, pas un mot.

D'ailleurs, c'est assez fascinant de voir systématiquement, lorsqu'il y a une adoption de loi par un ministre de la CAQ, cette mise en scène suivante. On leur dit : Réveillez le lieutenant-gouverneur, on s'en vient avec toute notre équipe puis le photographe. Ils font ça systématiquement. Même les libéraux ne faisaient pas ça, M. le Président. Ils font ça depuis le début du mandat. Des fois, c'est tard dans la nuit. C'est très important, la photo avec le lieutenant-gouverneur.

Bien, moi, ça me dépasse. Moi, j'ai de la fierté, M. le Président, puis j'ai de la dignité comme parlementaire. Je veux bien, là, qu'on ait à légiférer, là, puis la ministre veut que ça se passe le plus rapidement possible, ça va être le cas, mais je ne comprends pas pourquoi, aujourd'hui, il n'y aurait pas ne serait-ce qu'un mot d'espoir en disant : Le gouvernement de la Coalition avenir Québec pense que le moment est venu, pense que ce n'est pas Charles qui va nous réconcilier avec une monarchie qui se retrouve de l'autre côté de l'Atlantique, une monarchie qui est à la tête de l'Église anglicane, dans une société, la nôtre, qu'on voudrait laïque? On a enlevé le crucifix du salon bleu de l'Assemblée nationale, mais on conserverait une institution qui est à la tête de l'Église anglicane, à travers tous ses symboles qu'on retrouve dans cette pièce et dans le salon bleu voisin.

• (10 h 20) •

Puis c'est plus que ça, la couronne britannique. C'est un lien très concret. La reine Elizabeth II est la cheffe de l'État canadien. Il a fallu lui demander la permission pour rapatrier la Constitution. Il faut lui prêter serment. Il faut payer pour elle et ses descendants. Ce n'est pas rien. Et, même si j'étais fédéraliste, je demanderais au moins l'indépendance du Canada. Les livres d'histoire et les séries dramatiques sont pleins d'histoires, vraies ou améliorées, pour les amateurs de dorures et puis de symboles ostentatoires, mais nous, on n'est pas obligés de vivre ça, en réalité.

Alors, je veux le dire aujourd'hui, M. le Président : de légiférer sur le projet de loi n° 86 sur la dévolution de la couronne, c'est profondément humiliant pour le parlementaire que je suis. Quand je suis arrivé ici, en 2007, et puis on m'a demandé de prêter serment à la reine, j'ai été catastrophé. Je savais que ça existait, mais je me suis dit : Ça va être la dernière fois. On n'a pas parlé du serment à la reine non plus. On pourrait en parler. Je lui dois quoi, moi, à la reine Elizabeth II? Ce n'est pas elle qui m'a élu, ce n'est pas elle qui m'a envoyé à l'Assemblée nationale avec 70 % d'appui populaire, c'est les fiers citoyens, citoyennes de la circonscription de Matane-Matapédia. Alors, aujourd'hui, je veux rappeler un certain nombre d'éléments comme ceux-là.

La population du Québec est avec nous pour rompre définitivement le lien avec la monarchie britannique, et ce, avec raison. Cette institution est archaïque et coloniale. Il faut dire les choses. D'ailleurs, au moins un des deux mots est dans le projet nationaliste de la CAQ. C'est écrit, là. J'ai l'impression qu'il est loin dans la tablette maintenant. Cette institution est remise en cause ailleurs dans le monde. On ne sera pas les premiers. C'est le cas en Australie. C'est le cas dans d'autres pays souverains, qui, eux, considèrent que c'est anachronique.

Je veux dire, on peut bien se féliciter en disant : Écoutez, là, on a trouvé un espace dans la Constitution de 1867 qui nous permet de dire ce qu'on est, ça va changer quoi? Je veux dire, quand le Parti libéral du Québec, Justin Trudeau puis Stéphane Dion sont en faveur, je ne suis pas sûr que c'est très engageant. Je demande à être convaincu. C'est… J'ai des doutes. Je ne suis pas convaincu. Je demande à vérifier… je demande à être convaincu. Il doit y avoir quelque chose que je n'ai pas vu. Ce n'est pas très engageant.

Rompre avec la monarchie britannique, ah! là on parle de quelque chose, là c'est quelque chose de significatif. Qu'on arrête de quémander notre reconnaissance, qu'on pose des gestes, notamment des gestes de rupture. Et, si le gouvernement en veut un qui est populaire, il est là.

Alors, j'espère que ceux qui décident autour du premier ministre, à son cabinet, écoutent ce que je dis ou que ça va se rendre à eux, parce que j'appuierais avec enthousiasme cela, moi, comme parlementaire, et je suis convaincu qu'une majorité de parlementaires, pas l'unanimité, mais une majorité de parlementaires serait prête à procéder. Et peut-être que ça fera l'objet de discussions au Conseil de la fédération canadienne que préside le premier ministre, quand il rencontrera les premiers ministres des autres provinces, mais, si on est en droit de s'affirmer au Québec, ça ne devrait pas faire exception.

Alors, la monarchie britannique, quant au Parti québécois, bien, il nous importe d'en finir le plus rapidement possible, et c'est la même chose avec ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Est-ce que d'autres membres désirent faire des remarques préliminaires?

Donc, nous allons passer aux motions préliminaires. Est-ce qu'il y a des motions?

Étude détaillée

S'il n'y a pas de motions, nous allons, d'abord, débuter l'étude détaillée. Donc, je prends en considération l'article 1 du projet de loi. Mme la ministre, s'il vous plaît, la parole est à vous.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Article 1 :

«La dévolution de la couronne n'a pas pour effet de mettre un terme aux activités du Parlement du Québec, du gouvernement et des tribunaux, ni de les interrompre de quelque manière que ce soit.

«Elle n'a également pas pour effet de mettre un terme à une charge ou à un emploi.»

Commentaires. L'article 1 du projet de loi vise à préciser que la dévolution de la couronne n'a pas pour effet de mettre un terme aux activités du Parlement du Québec, du gouvernement et des tribunaux ni de les interrompre de quelque manière que ce soit, pas plus qu'elle n'a pour effet de mettre un terme à une charge ou à un emploi.

Donc, dans notre régime monarchique actuel… constitutionnel actuel, ce sont les trois pouvoirs, le législatif, l'exécutif et le judiciaire de l'État qui émanent, justement, de cette souveraine, M. le Président. Pour l'instant, ça complète mes commentaires.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais poser la question à Mme la ministre. On a eu l'un des professeurs, le tout premier, je crois, qui est venu nous voir et qui soulevait le point qu'il y aurait peut-être lieu d'ajouter ce que lui qualifiait, professeur de sciences politiques, qualifiait, entre guillemets, là, de pouvoir administratif, après le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Qu'en est-il?

Et aussi, par rapport à, deuxième alinéa, là, «une charge ou à un emploi», est-ce que ça, ça vise de façon spécifique les emplois dont touche la Loi sur les employés publics un peu plus bas? Alors, j'aimerais avoir la vision de la ministre par rapport à ça, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Effectivement, ça a été soulevé, la question de savoir… D'ailleurs, on a même eu le commentaire, là, de… par… bon, j'oublie, j'ai un blanc, Patrick Taillon, le Pr Taillon, à l'effet que ce n'était pas nécessaire sur le plan juridique. Je pense que c'est important de préciser que les trois pouvoirs qui découlent, justement, de la couronne et donc de l'État québécois, ce sont les pouvoirs administratifs… c'est le pouvoir, pardon, exécutif, législatif et judiciaire. L'administration publique, l'Administration gouvernementale n'est pas un pouvoir, c'est une façon d'exercer ces pouvoirs-là.

Ce qui vient… Ce qui est couvert par… pour qu'il n'y ait pas d'effet, justement, soit sur l'administration publique au sens plus précis… l'administration publique, pardon, au sens large ou l'Administration gouvernementale, c'est le deuxième alinéa, qui dit qu'«elle n'a également pas pour effet de mettre un terme à une charge ou à un emploi». Donc, ce n'est pas nécessaire de le couvrir. Parce qu'on pourrait penser aussi à l'administration des tribunaux. À ce moment-là, on pourrait penser à l'administration de l'Assemblée nationale. Et tout ça est couvert par des gens… par le fait que les gens qui occupent une charge ou un emploi, ce n'est pas interrompu par la dévolution de la couronne.

Le problème ou la difficulté, c'est qu'on ne peut pas le préciser au premier alinéa parce que ce n'est pas un pouvoir qui en découle. Et, si on le précise au deuxième alinéa, bien, il faudrait aller… tous les types d'administration qui… à l'intérieur desquels quelqu'un occupe une charge ou un emploi. Donc, le deuxième alinéa vient couvrir toutes les personnes qui occupent une charge ou un emploi, donc tous les types d'administration publique, y… d'administration publique, donc, y compris l'Administration gouvernementale ou celle devant les tribunaux. Donc, ça… de le préciser, pardon, pourrait créer l'ambiguïté inverse, le fait que, si on n'a pas été très exhaustifs, on pourrait en échapper, alors que, là, la définition est suffisamment couvrante.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Donc, on ne peut pas lire charges et emplois du deuxième alinéa comme étant exclusivement des charges et emplois liés aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. On est plus large dans charges ou emplois du deuxième alinéa?

Mme LeBel : Voilà. Ça couvre ceux-là, naturellement, mais ce n'est pas exclusif à ça, et ça couvre tous les charges et emplois qu'il pourrait y avoir, là, qui pourraient être touchés par ça. Donc, on s'est assurés de tous les couvrir. Et, si on vient en préciser une catégorie, même par un «notamment», vous êtes juriste comme moi, là, ce n'est pas exclusif, mais on pourrait donner une interprétation pourquoi on est venus préciser cette catégorie-là, même s'il y a un «notamment», et qu'on n'est pas allés dans toutes les administrations où il y a un potentiel d'avoir des gens qui occupent une charge ou un emploi.

M. Tanguay : Dernière question que j'avais, M. le Président, je l'ai soulevée lors des auditions, «Parlement du Québec», en vertu de l'article 1 ou 2, là, de la Loi sur l'Assemblée nationale, se définit comme étant ou est constitué légalement de l'Assemblée nationale et du lieutenant-gouverneur. Comme l'on ne veut pas que la dévolution de la couronne ait un impact sur l'Assemblée nationale, qu'on reparte en élections, par exemple, pourquoi avoir choisi «Parlement du Québec» et pas uniquement «Assemblée nationale», d'autant plus qu'on ne peut pas lier le lieutenant-gouverneur par une loi?

Mme LeBel : D'après moi, c'est plus large que juste l'Assemblée nationale, mais, si vous permettez peut-être qu'on suspende, je pourrais avoir une réponse plus précise, parce que c'est quand même des concepts extrêmement pointus, ou on peut donner à monsieur…

M. Tanguay : Je ne sais pas si monsieur… Consentement.

Mme LeBel : Oui, de consentement, on peut peut-être permettre…

Le Président (M. Bachand) : Donc, consentement? Oui?

M. Tanguay : Oui.

Le Président (M. Bachand) : Veuillez vous identifier, s'il vous plaît, pour prendre la parole.

• (10 h 30) •

M. Cauchon (Hubert) : Alors, bonjour. Mon nom est Hubert Cauchon, avocat constitutionnaliste au Secrétariat du Québec aux relations canadiennes. Pour répondre au… M. le Président, pour répondre à la question, je dirais trois points.

Le premier point, c'est vrai que le lieutenant-gouverneur possède des pouvoirs que l'on… qui découlent des prérogatives royales, et ce sont les prérogatives royales qui sont uniquement constitutionnalisées qu'on ne peut pas toucher, qu'on ne peut pas altérer par loi.

Ici, dans le projet de loi, on vise à la fois le lieutenant-gouverneur et l'Assemblée nationale parce que les deux exercent des fonctions. D'abord, l'Assemblée nationale exerce une fonction législative lorsqu'elle adopte des projets de loi, et le lieutenant-gouverneur exerce aussi une fonction législative lorsqu'il sanctionne les projets de loi. Alors, il serait un peu curieux d'exclure le lieutenant-gouverneur en voulant maintenir uniquement les fonctions de l'Assemblée nationale, mais pas celles du lieutenant-gouverneur. Par ailleurs, le projet de loi ne vise pas non plus à jouer sur la discrétion du lieutenant-gouverneur, ce qu'on ne peut pas faire avec une loi, parce que ce sont des prérogatives royales constitutionnalisées.

Enfin, pour répondre au troisième élément à la question, je soulignerais que... l'ancien article 3 de la Loi sur la législature, qui se lisait comme suit : «Aucune législature de la province n'est dissoute par le décès du souverain; mais elle continue, et peut se réunir, s'assembler et siéger, procéder et agir de la même manière que si ce décès n'avait pas eu lieu.» Alors, le mot «législature» était employé à l'article 3 de la Loi sur la législature, et, à l'article 1, on définissait la législature de la manière suivante : «La législature [...] de la province de Québec [se compose] du lieutenant-gouverneur et de deux Chambres appelées le Conseil législatif de Québec et l'Assemblée législative de Québec.» C'est dire, donc, qu'auparavant le Parlement avait adopté une loi qui visait à la fois le lieutenant-gouverneur et les deux autres composantes qui existaient à l'époque.

Mme LeBel : Donc, on vient agir sur la portion concernant le lieutenant-gouverneur qui fait partie de la législature.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Alors, j'aurais une proposition à l'amendement pour l'insertion d'un préambule juste avant l'article 1, qui se lirait comme suit...

Le Président (M. Bachand) : ...M. le député de Jean-Lesage?

M. Zanetti : Alors, oui, je l'ai, là, pardon. C'est parce que j'ai erré puis là je retrouve mon chemin. Alors, ça se lirait comme suit, donc :

Le projet de loi est modifié par l'ajout du préambule suivant :

«Attendu que les peuples du Québec souhaitent l'abolition de la monarchie;

«Attendu que le Québec n'a jamais adhéré à la Constitution canadienne».

Le Président (M. Bachand) : Donc, vous allez le faire parvenir au secrétariat, s'il vous plaît?

M. Zanetti : Oui.

Le Président (M. Bachand) : Puis on va suspendre quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

(Reprise à 10 h 58)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Alors, j'ai examiné la proposition d'amendement du député de Jean-Lesage. D'abord, je dois dire que la commission étudie présentement l'article 1 du projet de loi. Or, à l'article 197 de notre règlement… prévoit que les amendements doivent se rapporter au même sujet que la motion principale. Ainsi, un amendement portant sur un préambule est irrecevable à ce stade-ci.

D'autre part, j'ajouterai qu'en vertu de la jurisprudence parlementaire une motion proposant de joindre un préambule à un projet de loi qui n'en contient pas est irrecevable. L'ajout d'un préambule à un projet de loi est une prérogative qui relève de son auteur. Je vous renvoie à la décision 197/11 du recueil des décisions de nos commissions parlementaires. Donc, l'amendement est irrecevable.

Nous sommes toujours à l'article 1. Interventions? M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

• (11 heures) •

M. Zanetti : Merci beaucoup, M. le Président, pour ces remarques éclairantes. Vous voyez, moi, en tout cas, j'ai appris quelque chose aujourd'hui. Je ne suis probablement pas le seul. C'est intéressant. Étant donné que je ne peux pas présenter de préambule, je pourrais présenter des amendements sur un préambule, s'il était existant, et la ministre, qui est l'auteure du projet de loi, pourrait déposer un amendement pour ajouter un préambule que nous pourrions amender.

Étant donné tout ça, bien, j'aimerais sonder l'intérêt de la ministre à déposer un préambule à la fin de l'étude des quatre articles. Et là je sais que, bon, elle doit se dire non, peut-être, mais j'aurais une proposition à faire que je pense qu'elle pourrait refuser, mais qui serait, somme toute, intéressante, quelque chose qui ne serait pas très engageant et, en même temps, qui amènerait quelque chose de nationaliste — clairement, on augmenterait, là, sur l'échelle de la chose la plus nationaliste qu'il y a à faire aujourd'hui — et ça serait de simplement ajouter la phrase, qui était la deuxième de mon amendement, là, tu sais, «attendu que les peuples du Québec» n'ont jamais signé la Constitution canadienne.

Juste mettre ça en préambule, ça expliquerait un peu aussi dans quel esprit ce projet de loi là est fait. Puis l'esprit de ce projet de loi là, tel que la ministre l'avait dit, c'est vraiment de dire : Bien, il n'est pas question qu'un enjeu de dévolution de la couronne vienne ici bouleverser nos institutions, vienne faire en sorte qu'on doive retourner en élections, prêter serment à nouveau, etc.

Alors, je fais cette proposition-là, même si ce n'est pas un dépôt d'amendement formel, à la ministre pour sonder son intérêt à déposer, à la fin des quatre articles, un préambule qui mentionnerait cette proposition.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Je vais décliner la proposition si gentiment faite, M. le Président. Il n'y aura pas de préambule.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Donc, on est sur l'article 1. Interventions?

M. Zanetti : Est-ce que, disons… Juste pour le Journal des débats, là, est-ce que la ministre pourrait quand même nous dire… même si elle ne compte pas le faire, de dire si elle pense que c'est une bonne idée?

Mme LeBel : Non, je n'ai pas l'intention de discuter d'un préambule inexistant. Je pense qu'on a donné l'importance d'agir rapidement. On est à l'article 1, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions?

M. Zanetti : C'est clair comme de l'eau de roche. Bon, bien, je pense que je vais passer la parole à mes autres collègues de l'opposition pour le moment.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Matane-Matapédia, oui.

M. Bérubé : À la bonne heure, M. le Président. L'intention du législateur, c'est toujours une donnée qui est importante, mais j'ai indiqué dans mes notes introductives que je souhaitais en savoir plus sur les intentions du gouvernement. Alors, c'est mon occasion d'échanger avec la ministre.

Tout à l'heure, j'ai évoqué le plan pour le nationalisme de la CAQ. Je comprends qu'aujourd'hui, là, on légifère sur cette pièce-là, là, législative, mais on aurait besoin d'avoir un peu de précision. Est-ce que la ministre peut nous indiquer qu'il est toujours dans l'intention de ce gouvernement, de cette formation politique, de mettre fin aux liens avec la couronne britannique?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Alors, M. le Président, pour les fins du projet de loi qu'on étudie, l'intention du législateur est de s'assurer de contrer les effets qui pourraient découler, potentiellement, d'une dévolution de la couronne, dans les trois pouvoirs que nous avons mentionnés, que ce soit l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Et, pour la question beaucoup plus large de mon collègue, j'ai eu l'occasion d'y répondre pendant une belle interpellation qui s'est produite un mercredi après-midi, alors je vais le référer à mes propos qui ont eu lieu à ce moment-là.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : M. le Président, pour le bénéfice de tout le monde, je ne pense pas demander un trop grand effort à la ministre de nous réitérer ce qui est dans un document qui fait office de référence en matière de nationalisme pour la CAQ, que cette même formation politique a écrite. Je repose ma question : Est-ce que la ministre peut nous indiquer qu'il est toujours dans l'intention de son gouvernement de mettre fin aux liens avec la couronne britannique?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Je pense que ce n'est pas l'objet actuel du projet de loi, M. le Président. Mais j'ai eu l'occasion d'y répondre, là, longuement, pendant une interpellation qui a été faite, où j'ai expliqué qu'effectivement la CAQ n'était pas monarchique, la CAQ n'avait pas l'intention d'écarter cet engagement, mais qu'au moment où on se parle c'est beaucoup plus compliqué que le fait simple d'abolir le lieutenant-gouverneur. Ce n'est pas l'objet du projet de loi ici, je l'ai dit : À très court terme, il a un objet juridique et une portée très spécifique. Et je ne veux pas qu'on… je ne discuterai pas de façon beaucoup plus large, et ça a été fait dans une autre instance, M. le Président. Et mes propos étaient très clairs, à ce moment-là, on peut aller les lire, d'abord, dans le Journal des débats.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : M. le Président, en tout respect, je suis un parlementaire qui est présent aujourd'hui, ce n'est pas vrai qu'on va me référer à une déclaration, de la ministre, passée. Aujourd'hui, en juin 2021, dans le cadre de ce projet de loi, qu'est-ce qui fait peur à la ministre de réitérer que le gouvernement de la CAQ souhaite toujours rompre le lien avec la couronne britannique? Est-ce que ça a changé? Si c'est le cas, moi, c'est important de le savoir. Alors, ce n'est pas plus long pour la ministre de me dire ça que de me redire qu'elle a déjà dit ça.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Je viens de le dire, M. le Président. Peut-être que je n'ai pas été assez claire, ce n'est pas dans… La CAQ ne change pas de position, mais ne change pas de position non plus à l'effet que ce n'est pas le bon moment pour le faire et qu'il n'est pas opportun de le faire. Présentement, j'aimerais qu'on ramène le débat sur le projet de loi comme tel, qui a une portée extrêmement spécifique, chirurgicale, je dirais même, au niveau juridique, et qu'il a… et qu'il peut avoir un potentiel d'effet concret et réel sur le terrain. Alors, je ne nie pas les propos que j'ai eus, je dis juste que ce n'est pas l'objet aussi de les répéter. Mais je pense que j'ai été très claire, on n'a pas changé de position puis on n'a pas non plus changé de position à l'effet qu'il n'est pas opportun, au moment où on se parle, d'engager un processus vers cet objectif.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Oui, bien sûr. D'abord, les interventions… M. le Président. À moins que vous décidiez que ça soit hors propos, j'entends continuer sur cet enjeu, c'est important. Je veux bien, là, qu'on contribue à adopter ce projet de loi, mais je veux savoir c'est quoi, la suite. Ce n'est pas trop demander. Et, bon, j'apprends… Au moins, j'ai appris que le moment n'est pas opportun, de la part de la ministre. Je ne sais pas quand ça va être opportun, mais il semble que ce n'est pas le cas. Moi, je pense que oui, je pense qu'on est en bonne compagnie de ceux qui pensent que ce n'est pas prématuré d'avoir cette réflexion. Je présume que, si ça avait été le cas, on en aurait su plus. La ministre me réfère à ses déclarations passées. C'est ici que ça se passe, là, aujourd'hui. Alors, j'aurai au moins appris ça.

Le projet de loi dit, l'article, que «la dévolution de la couronne n'a pas pour effet de mettre un terme aux activités du Parlement du Québec, du gouvernement et des tribunaux, ni de les interrompre de quelque manière que ce soit». Est-ce que la ministre peut nous expliquer pourquoi ça serait le cas?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre.

Mme LeBel : Oui. C'est en vertu d'un principe… Et peut-être que Me Cauchon pourra préciser, si mes propos ne sont pas assez clairs, mais c'est en vertu d'un principe de common law qui existe, à moins qu'on ne l'écarte spécifiquement par un projet de loi, par une disposition législative qui dit que, quand il y a... Et je pense que ça a été expliqué, beaucoup mieux que je pourrais le faire ici aujourd'hui, par les trois constitutionnalistes qui sont venus en consultations, M. le Président.

Je ne suis pas moi-même une constitutionnaliste, donc je vais faire attention à mes propos, parce que les termes sont extrêmement importants, l'exactitude des termes est importante en matière constitutionnelle. Mais la common law est ce qui est... Ce sont les principes de droit ou le droit qui existe quand on ne légifère pas de façon spécifique dans un domaine. Dans le domaine de la dévolution de la couronne, ce principe-là qui veut que, quand il y a un changement de souverain, il y ait une interruption quelconque et qu'on reparte sous un nouveau régime... ce ne sont peut-être pas les bons termes... existe en common law, à moins qu'on l'écarte expressément par une disposition législative.

Jusqu'en 1982, donc lors des dernières dévolutions de la couronne, particulièrement celle qui nous occupe aujourd'hui, qui a eu lieu, je pense, en 1952, là — on me corrigera, mais je pense que c'est ça, oui, on opine de la tête, ça m'aide — il y avait cet article-là dans la Loi sur la Législature qui venait, effectivement, dire que la dévolution… en d'autres termes, mais, grosso modo, en effet, que la dévolution n'avait pas d'effet. Donc, c'est pour s'assurer d'écarter un principe de common law qui vient, lui, préciser que la dévolution a des effets. Je pense que...

Le Président (M. Bachand) : ...

M. Bérubé : M. le Président, lorsque George VI est décédé, de ce moment jusqu'au moment où la reine Elizabeth II devient notre souveraine, en 1952, sous le gouvernement de Maurice Duplessis, est-ce qu'on peut m'indiquer qu'est-ce qu'il s'est passé? Est-ce qu'il a fallu redéclencher une élection? Est-ce que les serments ne tenaient plus? Est-ce que les lois étaient... en fait, étaient bouleversées? Est-ce que les tribunaux étaient arrêtés? Qu'est-ce qu'il s'est passé entre le décès de George VI et l'arrivée de la souveraine Elizabeth II?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre.

Mme LeBel : Bien, moi, le mieux que je peux faire pour y répondre, c'est de vous dire qu'à cette époque-là l'article sur la Loi de la Législature, donc, qu'on précise qui a été remplacé par un autre article par la Loi sur l'Assemblée nationale, en 1982, existait. Et, écoutez, on me donne l'information, et je n'étais pas là, naturellement, mais ce qu'on me dit, c'est que, de toute façon, il y a eu des élections quelques mois après.

Je pense que, dans… bon, dans ce qu'il s'est passé dans la séquence, mais, dans les faits, l'article, le problème qui a été identifié actuellement, c'est quand qu'on a adopté la Loi sur l'Assemblée nationale en 1982. On a remplacé l'ancien article de la Loi sur la Législature qui disait… je n'ai pas l'article sous les yeux, là, mais qui disait, justement, spécifiquement, que ça n'a pas d'effet sur le pouvoir législatif.

D'ailleurs, Me Cauchon en a fait la lecture tantôt et a parlé de la définition qu'on avait de législature à l'époque, pour parler sur le commentaire de mon collègue précédent, pour… bon, sur l'inclusion du Parlement du Québec. Mais l'article qu'on a aboli en 1982, il était là en 1952, et on l'a modifié pour un article… à notre sens, présentement, est peut-être pas assez clair et pas assez large dans sa portée. Donc, il fallait le clarifier. Et, pratico-pratique, je pense que la question non plus ne s'est pas posée sur le plan pratique, parce qu'il y a eu, de toute façon, des élections générales quelques mois après.

• (11 h 10) •

M. Bérubé : Mais, écoutez…

Mme LeBel : Donc, l'article n'a pas été testé non plus, celui sur la législature.

M. Bérubé : M. le Président, j'aurais envie d'entendre un historien comme Gaston Deschênes ou une référence en la matière qui pourrait quand même nous indiquer ce qu'il s'est passé en 1952. Je veux dire, on parle ici d'impacts, notamment sur les tribunaux, ça m'apparaît un peu court d'indiquer qu'il y a eu une élection peu de temps après. Si on veut légiférer sur une telle chose, moi, j'aimerais qu'on nous dise ce qu'il s'est passé la fois précédente. Il me semble que ça serait le minimum pour pouvoir comprendre ce qu'il s'est passé et ce qu'il pourrait se passer, nonobstant ce qui est survenu en 1982, dans le cadre d'un rapatriement, où, je tiens à le rappeler, et là-dessus je trouve que c'est opportun de la part de mon collègue de Québec solidaire de le dire, une constitution qu'on n'a pas signée. Et, ça, il n'y a aucune intervention, aucune passe du coyote possible qui va nous sortir de ça, à moins de vouloir, collectivement, y arriver.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : …répondre à ce qu'il s'est passé, là, j'ai répondu ce qu'il s'est passé par rapport au pouvoir législatif, les élections, ce qui existait comme article dans la législature. Mais, vous avez raison, à cette époque-là, 1952, le 7 février, les audiences des cours de justice ont été ajournées, et je lis, là, je lis parce que je pense que c'est important d'être précise : « Le Lieutenant-gouverneur Gaspard Fauteux, le premier ministre Maurice Duplessis, tous les ministres, les juges de la Cour du banc de la Reine, de la Cour supérieure, de la Cour des sessions de la paix ont dû prêter serment d'allégeance à nouveau à la nouvelle souveraine, la reine Elizabeth II.»

Donc, ce qu'on veut ne pas faire aussi aujourd'hui, puis on comprendra, sans diminuer ce qui existait en 1952, que la portée aujourd'hui sur nos tribunaux de 2021 risque d'être beaucoup plus complexe et beaucoup plus large, et c'est pour ça qu'on voulait s'assurer, également, d'élargir la portée de l'article actuel aux cours de justice. Donc, on précise le pouvoir également judiciaire, mais il y a eu un effet, effectivement, en 1952, là.

M. Bérubé : Pour une période de plus ou moins quelques mois, c'est ça?

Mme LeBel : Bien, l'élection... Écoutez, là, on s'entend que je vous rapporte ce qu'on m'a… ce dont on m'a informé, là, mais l'élection... Le pouvoir législatif était couvert par la Loi sur la législature.

M. Bérubé : L'ancienne.

Mme LeBel : L'ancien. O.K.? Et donc il n'y a pas eu d'effet, mais, en plus, de façon pratique, il y a quand même eu une élection par la suite, quelques mois après. Donc, s'il y avait eu un effet potentiel à plaider, il n'a pas eu lieu, là. Bon, sur le judiciaire, il y a eu un effet réel, tout le monde a dû être réassermenté, mais on comprendra que la taille de l'ampleur de la tâche et des conséquences, en 1952, versus les tribunaux actuels, en 2021, ce n'est pas la même chose, là. Mais il y eu effet sur le pouvoir judiciaire en 1952.

M. Bérubé : Comprenons-nous bien, M. le Président, l'objectif n'est pas d'en faire un débat, c'est une curiosité d'en savoir plus. Puis ça n'a même pas besoin d'être à la faveur de cette commission. Je suis intéressé à en savoir plus sur comment ça s'est passé autrefois. Je ne doute nullement de la nécessité de faire ce qu'on fait là, mais ça me permet d'avoir un comparatif. Évidemment, les pratiques ont changé, notamment pour ce qui est des tribunaux, mais je trouve intéressant et pertinent, pour le bénéfice de la commission, d'en savoir plus. Alors, s'il y a une quelconque façon de nous acheminer, en marge de la commission, des informations sur ce contexte historique de 1952, sachez que je serais un lecteur avisé.

Je termine mes interventions là-dessus en disant que je veux que les citoyens du Québec, qui nous écoutent ou qui nous écouteront, comprennent bien que, si on fait ça, ça tend à démontrer que la couronne britannique, ce n'est pas juste un symbole, ça a un impact sur, écoutez, les activités du Parlement du Québec, du gouvernement, des tribunaux et que ça pourrait les interrompre. Ce n'est pas rien. La ministre conviendra avec moi que ce n'est pas qu'un symbole. Donc, voir mon intervention précédente, il y a quelques minutes, c'est vraiment engageant sur toutes les dimensions de notre vie collective. Alors, ça me permet de... Puis j'espère qu'elle conviendra avec moi que ce projet de loi témoigne que le lien avec la monarchie britannique est réel dans des considérations très pratiques et cruciales de notre vie collective et de l'État québécois. Et je pense que, sur cet enjeu-là, elle peut le concéder.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Bien, c'est, justement, la raison d'être du projet de loi, M. le Président. La juriste en moi est capable, effectivement, d'affirmer aujourd'hui que, compte tenu que l'État québécois… Et le fondement est basé sur le modèle monarchique, et personne ne le nie, on peut le décrier, on peut ne pas l'accepter, mais le fait est que les fondements de l'État et de toutes nos institutions sont basés là-dessus. Donc, nécessairement, effectivement, il y a des conséquences qui en découlent. Et, d'ailleurs, le projet de loi, dans mes explications, je l'ai bien expliqué, c'était pour s'assurer de ne pas subir les effets de cette dévolution.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Ça sera tout.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions sur l'article 1? M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui. En fait, sur la question de la possibilité d'ajouter un préambule qui spécifierait ici le fait que nous n'avons pas signé la Constitution, je me questionne par rapport aux hésitations de la ministre. Je me demande pourquoi est-ce qu'au fond la CAQ hésite. Est-ce que c'est parce que mettre ce préambule-là, ça constituerait un obstacle à un gouvernement qui voudrait, par exemple, signer la Loi constitutionnelle de 1982?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Non, ce n'est pas du tout ça, là. Je suis très juridique dans mon approche. J'ai un projet de loi qui a une portée très spécifique et ici un préambule n'est pas nécessaire et on n'en ajoutera pas, M. le Président. Et je pense que je n'ai pas non plus à continuer à débattre sur un préambule inexistant.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Alors, de façon pour comprendre un peu le motif derrière, je comprends l'argument juridique, mais est-ce que la ministre trouve important de ne pas mettre d'obstacle à une éventuelle signature de la Loi constitutionnelle de 1982 par le gouvernement du Québec?

Mme LeBel : C'est un… On a un débat beaucoup plus large, M. le Président, qu'on ne fera pas ici aujourd'hui. Je l'ai dit d'entrée de jeu : On aura probablement l'occasion d'en discuter de façon... ailleurs, mais ici, présentement, là, ce n'est pas l'objet de notre débat.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Bien, j'ai le sentiment que c'est un peu l'objet de notre débat, parce qu'on est en train de parler de la forme des institutions dans lesquelles on est, de la dévolution de la couronne, de la souveraine, de la souveraineté et de la légitimité, à quelque part, de tout ça. Parce que, si on fait une loi sur la dévolution de la couronne pour éviter que ce phénomène-là ait des impacts sur nos institutions, c'est parce qu'on constate qu'à quelque part ce ne serait pas légitime que la dévolution de la couronne ait des conséquences sur nos institutions. Et, si on considère que ce n'est pas légitime, bien, c'est en quelque sorte parce qu'on considère qu'on est en opposition, on maintient l'opposition traditionnelle du Québec envers ce cadre constitutionnel là. Et ça me rassurerait d'entendre la ministre confirmer, par exemple, que son gouvernement n'a pas l'intention de signer la Loi constitutionnelle de 1982.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Ce n'est pas une opposition que j'entends débattre aujourd'hui, M. le Président.

M. Zanetti : Oh! Alors, la ministre ne ferme pas la porte à l'idée de signer la Loi constitutionnelle de 1982.

Mme LeBel : J'ai simplement dit que ce n'était pas une position que j'entends discuter et débattre aujourd'hui. Je pense que ça ne prête pas à interprétation, ni dans un sens ni dans l'autre.

M. Zanetti : Bien, ce que ça dit et ce que j'entends, puis je vais passer à un autre sujet, c'est que la ministre ne ferme pas la porte à cette possibilité-là en n'en débattant pas. L'opportunité aurait très facile de dire : Nous n'avons absolument pas l'intention, à la Coalition avenir Québec, de signer la Loi constitutionnelle de 1982, mais là je comprends qu'en évitant le débat on laisse la porte ouverte, on ne la ferme pas. Sans dire qu'ils vont avoir l'intention de la faire, quand même, ils sont en train de ne pas fermer la porte. Alors, c'est… je prends acte de cette position. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 1? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à sa mise aux voix. Mme la secrétaire.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Benjamin (Viau)?

M. Benjamin :

La Secrétaire : M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Abstention.

La Secrétaire : M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Abstention.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'article 1 est adopté. Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Article 2 :

«Un serment d'allégeance ou d'office n'a pas à être souscrit à nouveau en raison de la dévolution de la couronne.»

L'article 2 du projet de loi, donc, prévoit que ce serment d'allégeance ou d'office n'a pas à être souscrit à nouveau en raison de la dévolution de la couronne. En ce qui concerne, vous savez, les titulaires de charges publiques, la Loi sur les employés publics prévoit présentement qu'il n'est pas nécessaire de renouveler, au décès du souverain, les commissions ou nominations en vertu desquelles les fonctionnaires ou les employés publics exercent leurs fonctions. Un décret devrait toutefois être adopté à la suite du décès du souverain. Donc, on veut même éliminer cette possibilité-là. Donc, l'article 2 du projet de loi supprime cette obligation-là qui apparaît présentement dans la Loi sur les employés publics.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Je crois que vous avez peut-être…

Mme LeBel : Oui, mais absolument, et j'ai même un amendement. Mon Dieu! M. le Président, vous me tenez à l'ordre. Et j'ai même un amendement, je pense qu'il est déjà rendu sur Greffier, naturellement, si vous avez une copie. Maintenant, c'est une question de précision qui a été soulevée qui ne change pas la portée de l'article ou sa signification.

Donc, amendement, article 2 : Remplacer, dans l'article du projet de loi, «souscrit» par «prêté».

Donc, au lieu de souscrire un serment, on prête serment.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Donc, il y avait interventions sur l'amendement? S'il n'y a pas d'intervention sur l'amendement, nous allons procéder… Oui, M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Question. C'est quoi, le verbe qui est changé? J'imagine, de toute façon, on va l'avoir…

Mme LeBel : Souscrire au lieu de prêter. Ça a été soulevé, là, au niveau de la sémantique, on ne souscrit pas à un serment, on prête serment. Donc, c'est simplement pour être capable de… Mais, au final, c'est la même chose, là, mais…

• (11 h 20) •

M. Zanetti : O.K. Je comprends.

Mme LeBel : C'est un meilleur français.

Le Président (M. Bachand) : …nous allons procéder à la mise aux voix. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Sur l'amendement, pour.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Benjamin (Viau)?

M. Benjamin : Pour.

La Secrétaire : M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Abstention.

La Secrétaire : M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Abstention.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'amendement à l'article 2 est adopté. Donc, on revient à l'article 2 tel qu'amendé. Interventions? S'il n'y a pas d'intervention, nous allons procéder à la mise aux voix… M. le député de Jean-Lesage, oui.

M. Zanetti : …cet amendement-là?

Le Président (M. Bachand) : L'amendement est adopté. Là, maintenant, on revient à l'article 2 tel qu'amendé.

M. Zanetti : Oui. Alors, moi, j'aurais un amendement à proposer sur l'article 2. Alors, ce ne sera pas long, je vais simplement le retrouver.

Mme LeBel :

M. Zanetti : Ça va me prendre 35 secondes, mais on peut suspendre.

Le Président (M. Bachand) : Bon, puis, en attendant, peut-être le faire parvenir au secrétariat, mais, en attendant, on pourrait passer la parole au député de Matane-Matapédia, cependant.

M. Zanetti : Bien sûr, bien sûr.

Le Président (M. Bachand) : Oui.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Alors là, le serment d'allégeance : «Un serment d'allégeance ou d'office n'a pas à être souscrit à nouveau en raison de la dévolution de la couronne.»

Donc, notre serment tient toujours au début de chaque législature, c'est une des conditions. Bien, bonne nouvelle, il tiendrait encore, mais, encore une fois, j'aimerais utiliser cette tribune, qui est opportune, pour demander à la ministre si on ne peut pas plancher sur une autre forme de serment qui ferait en sorte qu'on prêterait serment uniquement au peuple du Québec. Je suis convaincu que ses juristes, qui, semblerait-il, sont très imaginatifs, pourront trouver une formule… qui vont nous permettre de s'éviter ça, collectivement, et surtout comme parlementaires. Alors, est-ce qu'elle partage mon espoir qu'on arrête de prêter serment à la reine Elizabeth II ou à ses successeurs?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre.

Mme LeBel : Deux choses. C'est une réflexion qui est beaucoup plus complexe que celle qu'on pourrait prétendre, qui n'est de… que simplement modifier le serment d'allégeance pour ne prêter serment qu'au peuple québécois, ce que nous faisons, d'ailleurs, déjà présentement. Il faut s'assurer d'analyser tous les tenants et aboutissants d'un tel serment et quelle pourrait être l'alternative pour s'assurer que, dans notre système actuel, il tienne la route.

Présentement, l'objet du projet de loi est de s'assurer que non… on n'a pas à le renouveler quand il y a un changement de souverain entre deux serments, si je peux le dire comme ça. Mais c'est effectivement une réflexion qui peut avoir lieu, qui est pertinente d'avoir lieu, mais qui ne pourra pas se faire dans le cadre du projet de loi actuel. Mais c'est fort intéressant, parce que les trois constitutionnalistes en ont parlé, aussi, de d'autres avenues, à plus… C'est à très, très court terme, ce projet-là, de loi, on le comprend, mais à moyen… je vais dire : Moyen et long terme, le long terme étant changer notre système monarchique pour un système républicain, ce qui est autre chose, là. Mais c'est une réflexion qu'on peut avoir, effectivement, une discussion qui est pertinente et intéressante, mais je ne veux pas fermer… Mais elle n'aura pas lieu ici, dans le cadre d'un amendement, pour moi, c'est clair.

Le Président (M. Bachand) :

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Je suis heureux d'entendre les mots de la ministre, que cette réflexion est opportune, qu'elle est souhaitable, qu'elle est envisageable. Je ne veux pas aller trop loin dans ce qu'elle a dit, c'est… En tout cas, pour notre groupe parlementaire, ça cause problème. J'ai l'impression que c'est le cas aussi dans le groupe parlementaire de mon voisin de droite et j'ai l'impression que pour certains membres du groupe parlementaire du gouvernement aussi.

C'est un tel malaise, M. le Président, que je vous révèle une façon d'y arriver. Vous savez que le serment à la reine, celui que vous avez prêté vous-même, là, tant à Ottawa qu'ici à Québec, il est possible de le chuchoter à l'oreille du secrétaire général et que personne d'autre ne l'entende, et il est valide. Alors, vous voyez dans quelle contorsion on se retrouve pour ne pas avoir à prêter allégeance à une reine qui nous est étrangère à tous égards.

Donc, ça me satisfait, ce que la ministre a dit, qu'elle trouve que cette réflexion est opportune, ça me satisfait qu'elle s'inspire de ce que les juristes nous ont dit lors des échanges qu'on a eus avec eux aussi. Je sens qu'elle a pris bonne note de cela et qu'il est possible qu'à la prochaine législature les parlementaires qui seront élus n'aient plus à prêter ce serment. Alors, j'ai confiance, j'ai espoir, et c'est possible de le faire.

Ça sera moins compliqué pour la ministre de mettre ça en place que d'honorer leur engagement sur la réforme du système électoral. Ça, au moins, on a le temps de le faire à temps. La réforme électorale, grâce à plusieurs mesures dilatoires, ça n'a pas été possible, mais là on a le temps de le faire. Je dis à la ministre, là, puis je ne voulais pas l'interrompre dans ses discussions, mais, dans ce cas-ci, là, on a le temps de faire les modifications pour que ce soit valide pour la prochaine élection, contrairement à la réforme électorale. Voilà.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui, alors j'ai retrouvé mes amendements. J'ai deux amendements et j'avais promis à la ministre que, ce matin, j'allais la surprendre. Et je pense vraiment que c'est ce qu'il va se passer, parce que je vais vous faire une proposition, proposition que vous ne pourrez pas refuser. En fait, vous allez pouvoir, là, mais…

Mme LeBel : …demander qu'on les transmette sur le Greffier puis qu'on les ait avant que mon collègue les lise, habituellement, sinon… Pas parce que je ne veux pas que vous les lisiez, mais c'est parce que…

M. Zanetti : Oui, oui, oui, ils ont été transférés déjà.

Mme LeBel : O.K., parce que…

M. Zanetti : Non? Pas encore? Bien alors, je vais les transférer.

Le Président (M. Bachand) : Ce qu'on va faire, c'est qu'on va suspendre quelques instants, le temps que tout le monde…

Mme LeBel : Juste pour qu'on ait tout ça avec nous pour être capable de vous répondre adéquatement.

Le Président (M. Bachand) : Parfait. Alors, on suspend quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

(Reprise à 11 h 37)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Alors, bon, je vais déposer deux amendements, là, un après l'autre, mais qui vont, en quelque chose sorte, ensemble, puis je vais me permettre de les présenter ensemble. Et, quand je disais… En fait, j'ai quand même… je les ai rédigés puis je les présente ce matin en pensant au souci d'efficacité de la ministre, qui veut que…

Le Président (M. Bachand) : …peut-être les lire avant, juste pour… s'il vous plaît.

M. Zanetti : Ah! O.K. Parfait. Si vous voulez. Alors, le premier se lit comme suit, donc :

L'article 2 du projet de loi est modifié par l'insertion, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant :

La Loi sur l'Assemblée nationale (chapitre A-23.1) est modifiée par le remplacement de l'article 15 par le suivant :

«15. Un député peut siéger à l'Assemblée après avoir prêté un seul serment, soit celui prévu à l'annexe I.»

Et cet amendement-là va avec un deuxième, dont on pourra débattre après. Ce sont deux amendements qui ont besoin l'un de l'autre pour exister.

Le Président (M. Bachand) : Juste peut-être... de ne pas le lire, mais le mettre en contexte, tout simplement, s'il vous plaît.

M. Zanetti : O.K. Alors, dans le fond, il vient dire… il vient modifier la loi n° 99 pour spécifier que c'est nous qui décidons des modalités du serment qui est prêté à l'Assemblée nationale.

Alors, essentiellement, ce que ça vise, ces deux amendements-là, c'est à venir modifier, en quelque sorte, la constitution interne du Québec pour faire en sorte qu'il soit clair qu'on peut, si on veut, lever l'obligation de prêter serment à la reine ou à ses descendants. Actuellement, on est obligé de le faire, et c'est grave pour la liberté de conscience parce que, pour beaucoup de personnes, faire ça, c'est vraiment à l'encontre de tout ce qui les a amenés en politique — et je suis de ceux-là — et c'est un exercice vraiment humiliant, d'humiliation coloniale, là, qui n'a pas rapport, aujourd'hui, je veux dire, moi, je suis bien d'accord que quelqu'un qui tripe sur la monarchie puisse prêter serment à la reine d'Angleterre tant qu'on n'est pas indépendant puis qu'on est une monarchie, ça me va, mais qu'on force tout le monde à le faire, alors qu'ils sont justement allés en politique pour, entre autres, s'affranchir de ça, ça m'apparaît être grave, du point de vue de la liberté de conscience. Il y aurait peut-être même un cas à plaider là, c'est peut-être anticonstitutionnel, il faudrait vérifier, il faudrait voir, il faudrait aller tester ce que les juges en pensent.

• (11 h 40) •

Mais on pourrait faire plus efficace, et, comme j'entendais que la ministre, justement, voulait... était ouverte à se questionner sur l'opportunité d'abolir l'obligation de prêter serment à la reine, bien là, on pourrait, justement, là, faire ça, ce matin. D'une façon qui est très économique, en termes de temps parlementaire, parce que c'est deux amendements, et d'une façon qui ne déclencherait pas... Parce que je comprends, on sait aussi que c'est l'appréhension de la ministre, elle ne veut pas, puis on l'entend bien, déclencher une espèce de négociation constitutionnelle complexe avec, tu sais, des branle-bas de combat avec Ottawa, puis tout ça, mais ça ne déclencherait pas ça, dans la mesure où on amènerait cette nouveauté-là simplement en modifiant notre constitution interne, ce qui est une démarche très similaire, en fait, à celle que son collègue le ministre... bien, de plusieurs choses, fait avec le projet de loi n° 96, qui vise à aller inscrire dans la Loi constitutionnelle de 1867 le fait que le Québec est une nation, etc.

Alors, ce que je propose là, c'est encore... disons, ce n'est même pas d'aller modifier quoi que ce soit dans notre chapitre, disons, de la Constitution du Canada, c'est simplement de faire une modification à la loi de l'Assemblée nationale puis à la loi n° 99. Et évidemment je n'ai pas sorti ça de mon chapeau, c'est une démarche que j'ai présentée dans un projet de loi en début de législature, un projet de loi sur l'abolition du serment à la reine — je ne me souviens plus du numéro par coeur, mais je pourrais vous le retrouver — et c'est quelque chose, évidemment, que j'avais fait suite à des consultations avec des constitutionnalistes, à qui j'avais demandé : Comment est-ce qu'on pourrait faire ça, un projet de loi qui accomplit cette mission-là, mais qui serait rédigé de telle façon... qu'un gouvernement qui ne vise pas à faire l'indépendance du Québec pourrait quand même adopter? Alors, c'est dans cette optique-là que j'ai rédigé le projet de loi, parce que je ne voulais vraiment pas, et je ne veux toujours vraiment pas, reprêter serment à qui que ce soit à part le peuple québécois, les peuples du Québec, mais certainement pas à un monarque ou une monarque britannique. Alors, voilà.

Puis, étant donné que, bon, la ministre a dit aussi que la CAQ n'était pas monarchiste, je pense que ça serait tout à fait pertinent d'adopter ces amendements. Un des deux amendements vient dire ce que vous avez dit, là, bien, ce que j'ai lu : «Un député peut siéger à l'Assemblée [nationale] après avoir prêté un seul serment, soit celui prévu à l'annexe I», et ça, c'est le serment au peuple du Québec, O.K.? Et l'autre amendement vient préciser, dans la loi n° 99... ladite loi n° 99, elle vient préciser le fait que nous sommes les seuls habilités à décider de ces choses-là, et, ce faisant, bien, ça marcherait. Alors, voilà. Je peux répondre à vos questions si vous en avez là-dessus.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Oui. M. le Président, sans vouloir entrer dans la question de la pertinence ou de l'opportunité de se pencher sur le serment actuel... Et je comprends tout à fait à quelle enseigne mon collègue loge, et j'ai beaucoup de respect, effectivement, pour ses convictions et ce que ça représente pour lui de prêter allégeance au souverain actuel ou non. Et j'ai même eu l'occasion de le faire avec le député de Matane-Matapédia, de concéder que c'est une réflexion, effectivement, qu'on peut avoir sur la façon dont on peut s'assurer de prêter serment pour qu'il y ait une valeur juridique à ce serment-là. Parce qu'on veut s'assurer qu'il n'y ait pas de conséquence.

D'ailleurs, une des raisons pour lesquelles, dans le projet de loi actuel, on s'assure de dire que le serment d'allégeance n'a pas à être souscrit de nouveau par la dévolution à la couronne, etc., c'est parce qu'il y a des raisons d'être à ce serment-là, il y a des obligations qui en découlent, donc des conséquences et des effets juridiques à prêter serment. Je pense que c'est une réflexion, M. le Président, qu'on doit avoir de façon beaucoup plus large, qui doit amener à des consultations officielles pour s'assurer également que ce n'est pas... que les effets, que les aménagements potentiels d'un serment, du serment actuel, continuent à poursuivre la finalité qui est rencontrée par le serment...

Donc, le modifier de cette façon-ci dans le projet... un, premièrement, pour moi, ce n'est pas l'objet du projet de loi, mais, malgré tout, je pense que, de façon beaucoup plus large, M. le Président, il serait dangereux de procéder à cette modification-là sans que ça ait fait l'objet de consultations particulières, qu'on ait pu faire... s'assurer que les aménagements proposés n'ont pas des conséquences inverses, c'est-à-dire, à faire en sorte que ce serment-là n'a pas son plein effet et sa pleine validité, que ça ne soit pas remis en question.

Donc, mon objectif n'est pas de dire que c'est opportun ou non de le faire, au sens philosophique, au sens de nos croyances, au sens de la pertinence de se pencher sur la nature de notre serment, d'ailleurs, c'est un peu ce qu'on vient de dire, avec le député de Matane-Matapédia, mais, dans le projet de loi actuel, M. le Président... et je ne mets pas en doute le fait que mon collègue a eu une réflexion sur ce sujet-là, mais, dans le projet de loi actuel, procéder par un tel amendement, pour moi... la juriste en moi trouve que ce serait dangereux de le faire, et ce n'est pas dans le projet de loi.

Donc, je n'étonnerai pas mon collègue en disant que je vais voter contre l'amendement pour ces raisons-là, et, sur le second, également, même s'il n'est pas présenté, je pense que je vais y répondre quand même, vu qu'on l'a présenté.

À ce stade-ci, toucher au serment actuel de quelque façon que ce soit dans le cadre de ce projet de loi sans faire des consultations qui doivent être faites et sans faire les vérifications et les analyses qui doivent être faites pour s'assurer que, sur le plan juridique et constitutionnel, ça tient la route, je pense que ce serait dangereux de le faire à ce stade.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Alors, je serais curieux, quand même, d'en apprendre sur les raisons d'être de ce serment, essentiellement. Par rapport à ce que la ministre dit quant à l'objet du projet de loi, ça m'apparaît tout à fait, quand même, dans l'objet du projet de loi, parce que, justement, l'article 2 dit… ce qui est proposé, c'est : «Un serment d'allégeance ou d'office n'a pas à être prêté à nouveau en raison de la dévolution de la couronne.» Alors, on est clairement en train de dire, avec ce projet de loi là... de baliser quand un serment doit être fait. Puis, à quelque part, on le fait par notre propre législation et de façon unilatérale. Donc, je pense que ça démontre quand même que c'est vraiment dans le sujet.

J'entends l'argument de la ministre, qui trouve risqué d'adopter ces amendements sans que ça ait fait l'objet de consultations particulières. C'est effectivement… on peut dire que c'est prudent, je veux dire, de sa part. Je comprends sa position. J'aimerais… ce serait quand même extraordinaire, par exemple, si la ministre disait… bien, moi, je pourrais abandonner tout ça ici, là, si on me disait : Ah bien, regardez, on va appeler votre projet de loi sur l'abolition de l'obligation de prêter serment à la reine, et puis il y aura des consultations particulières, on verra, puis, si on est capable de le faire… C'est un projet de loi très, très court, là, qui a, à ma connaissance, deux ou trois articles, peut-être, avec celui qui dit à quel moment ça entre en vigueur.

Alors, moi, j'invite la ministre à envisager sérieusement, disons, avant la fin de l'année, parce qu'il faut toujours mettre une date à ces choses-là, ça ne semble jamais être des urgences, mais ce serait urgent de le faire avant la prochaine élection, d'adopter ou d'appeler le projet de loi que j'ai proposé pour l'abolition de l'obligation de prêter serment à la reine ou un projet de loi qui a les effets similaires mais qui serait, selon ses recherches, disons, plus efficace encore. Alors, c'est une proposition que je fais à la ministre.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre.

Mme LeBel : Oui, bien, plusieurs choses. D'où découle l'obligation de prêter serment? Ça découle de l'article 128 de la Constitution, de la loi de 1867. Donc, c'est l'obligation de prêter serment. Maintenant, la forme du serment, pour s'assurer de la validité, je pense qu'il faut avoir un débat beaucoup plus large. Et, pour ce qui est d'appeler le projet de loi, bien, nos leaders respectifs pourront se parler.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Matane-Matapédia, s'il vous plaît.

M. Bérubé : M. le Président, c'est la ministre qui décide de la portée de son projet de loi, qui décide jusqu'où on peut aller. Et puis, évidemment, on y retrouve le minimum pour assurer la saine conduite de nos activités, nos aventures, mais il m'apparaît que c'est tout à fait opportun, particulièrement dans l'article qui traite du serment, d'y intégrer ce que pourrait être le prochain serment. Moi, je pense que c'est approprié.

Je ne me fais pas d'illusion sur le fait que la ministre va me répondre que ce n'est pas le moment. Je lui suggère humblement... le moment étant l'étude de ce projet de loi, mais je lui suggère bien humblement qu'il serait opportun et totalement faisable d'arriver avec une nouvelle formule avant la prochaine élection. Et, si d'aventure elle souhaitait nous indiquer que c'est à considérer et c'est possible, ça serait une source, chez moi, de bonheur.

Mme LeBel : ...commentaire sur ce point-là, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Bérubé : Je n'ai pas entendu la réponse de la ministre.

Mme LeBel : Non, je signifiais que je n'avais pas d'intervention.

M. Bérubé : Ça, ce n'est pas une source de bonheur, c'est une source de déception. Vous savez, il y a des moments, là, tu sais, on peut afficher, là, de façon ostensible, son nationalisme, mais le vrai, là, pas celui des symboles. C'en était un. C'est dommage. Le nationalisme, pour nous, c'est tous les jours, ce n'est pas juste le 24 juin, ce n'est pas juste quand on l'a décidé, ce n'est pas juste dans des publicités, c'est un état d'esprit. Je porte ça, moi. Je sais que ce n'est pas partagé à la même intensité par tout le monde, mais c'est un minimum.

Serment à la reine, on est capable de rester Canadiens, on ne va pas retirer le titre de président du Conseil de la fédération au premier ministre du Québec. On peut-tu au moins faire ça, faire en sorte que les prochains députés qui seront élus n'aient pas à prêter serment à la reine Elizabeth II? J'aimerais juste entendre que c'est un objectif qu'on poursuit, juste ça, est-ce que c'est possible?

• (11 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la ministre.

Mme LeBel : Je n'ai pas d'intervention, j'ai dit ce que j'avais à dire tantôt, dans le débat précédent, là.

M. Bérubé : J'ai visé trop haut, M. le Président. Je vais abaisser mes espoirs de nationalisme du gouvernement. Je vais les abaisser. Au niveau actuel, là, je suis peut-être naïf un peu, M. le Président. À tout le moins, j'aurai exprimé ce qui m'apparaît de l'élémentaire décence, que les parlementaires... parce qu'on en parle, là, du serment, là, de rappeler que les parlementaires, soit plusieurs parlementaires, l'ensemble des parlementaires de ma formation politique, l'ensemble des parlementaires de Québec solidaire et une partie des parlementaires de la Coalition avenir Québec, partagent, je crois, avec moi, un inconfort.

Et c'est vrai que l'enjeu d'un problème de conscience, c'est sérieux, là. Parce que, si on avait plus de temps entre le moment où on est élu puis le moment qu'on prête serment, c'est une cause qui mériterait d'être testée, hein? Tu sais, liberté de conscience, ça a le dos large, parfait, mais moi, j'en ai un, problème de conscience, de devoir prêter serment à une leader religieuse qui est la chef de l'Église anglicane. Tu sais, si on est laïque, on l'est comme il faut, hein? Moi, je le suis pour vrai, alors pourquoi je prêterais allégeance à cette leader-là? Alors, j'exprime à la ministre mon malaise et j'espère qu'elle saura convaincre ceux qui décident de ces enjeux-là dans ce gouvernement que ce serait une bonne chose de mettre fin à ce serment-là, parce que, si on n'y met pas fin, c'est qu'on est en accord avec lui, c'est qu'on s'en accommode. Ça dit de quoi, ça aussi. Alors, voici ce que j'avais à dire là-dessus, M. le Président, aujourd'hui.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Autres interventions sur l'amendement du député de Jean-Lesage? M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : ...passer au vote. Question excessivement intéressante, puis je reconnais, moi, également, là, toute la bonne foi avec laquelle les amendements sont présentés par mes collègues, donc je respecte tout à fait ça, on n'a pas la même opinion, mais je respecte tout à fait ça, et leur droit de le faire est tout à fait légitime.

Nous, on va voter contre parce que le débat sur le projet de loi n° 86 ne s'y prête pas, et il aurait fallu entendre, je pense, il aurait fallu avoir des auditions, notamment, plus avancées. Même si on a entendu des gens, tel le Pr Taillon, tout à fait pertinents, il aurait fallu creuser davantage puis avoir un débat. Alors, le débat, ayons-le, mais ça ne sera malheureusement pas ici, je crois, M. le Président, avec les auditions qu'on a tenues et l'objectif très précis du projet de loi n° 86. Alors, c'est pour ça que je vais voter contre, mais ce n'est pas un rejet d'une opinion, par ailleurs, tout à fait légitime de mes collègues des oppositions.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions sur l'amendement du député de Jean-Lesage? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix de l'amendement. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Pour.

La Secrétaire : Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Contre.

La Secrétaire : M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Abstention.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'amendement est rejeté. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Alors, c'est le deuxième amendement de la série, qui est une... qui se lit comme suit :

L'article 2 du projet de loi est modifié par l'insertion, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant :

L'article 5 de la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec (chapitre E-20.2) est modifié par l'insertion, après le deuxième alinéa, du suivant :

«L'Assemblée nationale établit le serment que doivent prêter les députés afin de siéger et elle est seule compétente pour désigner la personne qui peut recevoir ce serment.»

Alors, effectivement, ici, il s'agit de clarifier quelque chose dans la constitution interne du Québec pour dire, essentiellement, bien : C'est nous qui décidons des modalités du serment. Alors, voilà. Je pense que, même, cet article-là... même si le précédent amendement a été rejeté, cet article-là pourrait très bien être adopté. Ce serait un bel ajout très nationaliste, très intéressant à la constitution du Québec. Ce serait une belle contribution.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre.

Mme LeBel : Oui. Bien, avec beaucoup le respect, je vais réitérer mes commentaires. D'ailleurs, tantôt, j'ai pris la peine de dire que mes commentaires étaient pour les deux articles. Même s'il n'avait pas été effectivement officiellement lu par mon collègue, il avait été quand même présenté, là, donc, pour les mêmes raisons, je pense que ce n'est pas… il ne serait pas opportun dans ce projet de loi là, compte tenu aussi que ça prend un débat, je pense, et des consultations beaucoup plus ciblées sur cette question-là du serment, comme tel, et de ses effets, et comment on pourrait potentiellement le modifier. Je pense que ça doit faire l'objet, là, d'un débat qui est autre que celui qu'on a eu jusqu'à présent sur ce projet de loi là. Donc, pour les mêmes raisons, je ne suis pas en accord avec cet amendement, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Pour.

La Secrétaire : Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Contre.

La Secrétaire : M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Abstention.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'amendement est rejeté.

Donc, on revient à l'article 2 tel qu'amendé. Interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Pour.

La Secrétaire : M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Abstention.

La Secrétaire : M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Abstention.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'article 2, tel qu'amendé, est adopté. Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Oui. Article 3 : Les articles 7 et 8 de la Loi sur les employés publics (chapitre E-6) sont abrogés.

Donc, l'article 3 du projet de loi prévoit, donc, l'abrogation de ces deux articles, 7 et 8, de la Loi sur les employés publics. Je dirais que ce sont des articles que je pourrais qualifier comme étant des articles de concordance, compte tenu que les articles 1 et 2 du présent projet de loi reproduisent essentiellement les mêmes effets que les articles 7 et 8 voulaient avoir, de la Loi sur les employés publics, là, donc, à l'exception de l'obligation, naturellement, du lieutenant-gouverneur d'émettre un décret. Donc, c'est pour autoriser les employés à poursuivre leurs fonctions. Compte tenu de l'article 1, qui dit, je pense, au deuxième alinéa, j'essayais de le lire correctement, là, qu'elle n'a également pas d'effet de mettre un terme à une charge et à un emploi, donc, on n'a pas besoin de renouveler une charge à un emploi comme le prévoient 7 et 8. Donc, ce sont des articles, à toutes fins pratiques, de concordance.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions sur l'article 3? M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Bien, en fait, je comprends l'intention des articles, mais, en même temps, quand je lis le texte puis que je vois comment ils sont soutirés je ne comprends pas exactement comment ça réalise l'objectif. Je ne sais pas si la ministre pourrait expliquer plus en détail, exactement, comment abroger ces deux articles-là sert l'objectif du projet de loi.

Mme LeBel : Bien, une question... Ce n'est pas de servir l'objectif du projet de loi, c'est qu'à l'article 1 du projet de loi, quand on vient mentionner, au deuxième alinéa de l'article 1, que la dévolution de la couronne n'a pas pour effet de mettre un terme ou une charge à un emploi, les articles 7 et 8 deviennent maintenant inutiles parce que ça dit qu'au décès du souverain ce n'est pas nécessaire de renouveler les commissions et les nominations. Mais là ce qu'on vient dire... on vient dire la même chose, à toutes fins pratiques, avec l'article 1, donc c'est un article de concordance qui fait en sorte que 7 et 8 ne sont plus nécessaires, donc, parce que l'article 1 vient bien dire… vient dire la même chose, là, à toutes fins pratiques.

M. Zanetti : O.K. Parce que, justement, je lisais ça puis je me disais : Bien, il me semble que ça va dans le même sens que l'objectif du projet de loi.

Mme LeBel : Bien là, ce serait redondant de l'avoir à deux endroits, vu que le projet de loi est autoportant et qu'il vient dire la même chose, mais il le précise de façon beaucoup plus large que «les fonctionnaires [et] les employés [...] du Québec»... L'article 1 est plus large, mais disons que 7 est moindre et inclus, donc ce n'est plus nécessaire.

M. Zanetti : Donc, il est plus large, mais plus succinct.

Mme LeBel : 1 est plus… oui, plus succinct dans ses mots, mais plus large dans sa portée.

M. Zanetti : Bon. Ça va. Non, j'ai… bien, en fait, c'est ça, j'ai des amendements, mais là je vois que la…

Le Président (M. Bachand) : …compte tenu de l'heure, M. le député, on suspend les travaux. Merci beaucoup. À plus tard.

(Suspension de la séance à 11 h 59)

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. La Commission des institutions reprend ses travaux.

Nous poursuivons l'étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi concernant la dévolution de la couronne.

Lors de la suspension de nos travaux, cet avant-midi, nous étions rendus à l'étude de l'article 3. Alors, M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Alors, j'ai un amendement à proposer, alors peut-être qu'on peut suspendre. Je vous l'envoie, s'il n'est pas déjà rendu, et puis...

Le Président (M. Bachand) : Alors, vous avez fait... Il a été envoyé au secrétariat, présentement?

M. Zanetti : Il est en train.

Le Président (M. Bachand) : Il est en train? O.K., alors on va suspendre quelques instants, le temps de faire la distribution. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 36)

(Reprise à 15 h 38)

Le Président (M. Bachand) : La commission reprend ses travaux. M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui. Alors, je déposerais un amendement qui se lit comme suit, à l'article 3, donc :

L'article 3 du projet de loi est modifié par l'insertion, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant :

«En cas d'abdication ou de décès de la reine Élizabeth II, il s'ensuit automatiquement un référendum sur l'appartenance du Québec à la monarchie britannique.»

Alors, je me suis dit que... C'est un amendement, évidemment que je le présente, parce que je me dis vous pourriez l'adopter, vous pourriez le vouloir. C'est un amendement qui, en fait, offre l'opportunité démocratique au peuple du Québec de se questionner là-dessus, et l'amendement pourrait clairement faire partie, à mon avis, du projet de loi sans que ça ralentisse son adoption, sans que ça mène à, je ne sais pas, une discussion constitutionnelle avant la prochaine élection ou même… Parce qu'essentiellement il y aurait dévolution et là il y aurait un référendum, et, si je ne me trompe pas, dans le régime constitutionnel canadien, les référendums populaires sont consultatifs, et non exécutoires, alors il n'est même pas certain, par exemple, que ce référendum-là oblige le gouvernement à agir et à sortir de la monarchie.

Donc, c'est pour ça que je me dis : C'est un amendement que vous pourriez accepter, qui est peu engageant et, en même temps, ça nous montrerait l'heure juste sur la volonté des peuples du Québec par rapport à leur appartenance à la monarchie. Et voilà, je vois mal comment on pourrait, par exemple, s'opposer à une telle consultation démocratique, et je pense qu'elle serait parlante puis qu'elle donnerait une occasion à beaucoup de monde de pouvoir s'exprimer sur le sujet. Alors, voici l'intention derrière cet amendement.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme LeBel : Avant de faire un commentaire quelconque sur le fond, quant à la forme, je pense que cet amendement-là est irrecevable, M. le Président, et je vais vous demander de…

Le Président (M. Bachand) : Vous me demandez…

Mme LeBel : Je vous le demande.

Le Président (M. Bachand) : …une décision écrite là-dessus?

Mme LeBel : Bien, écrite, non, mais une décision.

Le Président (M. Bachand) : Non, mais vous demandez une décision sur la recevabilité?

Mme LeBel : Une décision. Pas obligée d'être écrite, là, mais…

Le Président (M. Bachand) : Alors, je vais suspendre. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 40)

(Reprise à 15 h 45)

Le Président (M. Bachand) : Alors, Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Alors, M. le Président, je pense que, pour les fins de faire progresser le débat, là, je n'irai pas en demande formelle en irrecevabilité, mais je considère quand même que ce n'est pas l'objet du projet de loi, l'amendement est hors de la portée du projet de loi, et que, pour l'instant, on a eu déjà l'occasion de débattre, là, sur l'appartenance du Québec à la monarchie britannique dans d'autres forums.

Et, à ce stade-ci, sur cet amendement-là, je peux d'entrée de jeu informer mon collègue que j'entends me positionner contre, mais je n'aurai pas d'autre commentaire à faire. On est, d'ailleurs... à l'article 3, en plus, on est dans un article de concordance, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Bien, j'entends bien l'argumentaire, la position de la ministre, et je ne la ferai pas répéter ça. Par contre, ça m'amène une question. Depuis le début, bon, on propose des amendements, puis elle a répété à plusieurs reprises que ce n'était pas le moment d'avoir telle ou telle discussion : ce n'était pas le moment de discuter de notre appartenance à la monarchie, ce n'était pas le moment de discuter de la pertinence d'abolir l'obligation de prêter serment à la reine, que ce n'était pas le moment de dire, de réaffirmer qu'on n'a pas signé la Constitution de 1982. Mais, en même temps, puis, si je me réfère à avant, quand il y avait une motion, à un moment donné, une interpellation du Parti québécois par rapport à l'opportunité d'abolir le poste du lieutenant-gouverneur, ce n'était pas non plus le temps de le faire. Et puis là, bien, la formule qui a été retenue par la CAQ, c'est : on va le faire au moment où ça va adonner — en gros, là, disons que je reformule dans mes phrases, dans ma façon de comprendre.

J'aimerais savoir, mettons, ça serait quoi, un bon moment? Ça existe-tu, un bon moment pour questionner l'appartenance du Québec à la monarchie? Mettons, je ne demande même pas, comme, un calendrier d'ici à la fin des prochaines élections, mais ne serait-ce que théorique, pour qu'on sache un peu quand on va pouvoir amener des amendements là-dessus, ou, sinon, bien, qu'on nous ferme la porte complètement, là.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Est-ce qu'il y a des interventions? Il n'y a pas d'autre intervention. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement du député de Jean-Lesage?

Donc, nous allons procéder à la mise aux voix. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Bien, pour.

La Secrétaire : Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : On est sur l'amendement, hein? Contre.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Contre.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'amendement est rejeté. Merci beaucoup.

Donc, on retourne à l'article 3. Est-ce qu'il y a d'autres interventions à l'article 3? M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui. J'ai un autre amendement à proposer. Alors, est-ce qu'il vous a déjà été envoyé?

Le Président (M. Bachand) : Je le reçois à l'instant même.

M. Zanetti : O.K.

Le Président (M. Bachand) : Donc, on va faire la lecture, on va le mettre sur Greffier. Merci.

M. Zanetti : Excellent.

Le Président (M. Bachand) : Vous pouvez en faire la lecture, s'il vous plaît, M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui. Alors, l'amendement se lit comme suit :

L'article 3 du projet de loi est modifié par l'insertion, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant :

«D'ici la fin de l'année 2021, toutes références matérielles à la monarchie britannique seront retirées du salon bleu et du salon rouge.»

Alors, l'idée, bien, c'est de cheminer un peu vers une forme d'affranchissement symbolique. Je pense que le projet de loi vise un peu à faire ça. Le projet de loi vise à empêcher que la dévolution de la couronne entraîne des conséquences sur le bon fonctionnement de nos institutions. On veut faire en sorte que ça continue comme si de rien n'était, donc c'est, en quelque sorte... en tout cas, du moins, c'est présenté comme quelque chose de très nationaliste, quelque chose de très... on se tient debout, etc.

Et, comme l'écrasante majorité des Québécoises et des Québécois voudraient voir l'abolition de la monarchie, je pense que ce serait un bon moment pour insérer quelque chose d'au moins symbolique, qui n'aurait probablement aucune conséquence sur personne d'autre que notre agrément à ne pas être constamment, disons, exposés aux symboles de la monarchie de l'Empire britannique, qui ont déporté les Acadiens, exterminé les autochtones, soumis à la domination économique et culturelle les Canadiens français. Donc, ça serait, je pense... ça serait le moment. C'est un amendement qui ne coûte rien, qui peut être mis là tranquillement et qui, quand même, serait utile et ferait plaisir à beaucoup de monde. Alors, c'est dans ce sens-là que je présente cet amendement.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Est-ce qu'il y a des interventions sur l'amendement? M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Je veux juste répéter cet après-midi ce que j'ai dit cet avant-midi : Je respecte tout à fait le droit de mon collègue de Jean-Lesage de déposer ses amendements, c'est tout à fait légitime. Je vais voter contre, pour ma formation politique, parce qu'on pense que ce n'est pas le lieu avec le projet de loi n° 86. Et j'aimerais, dans le cas très précis de son amendement, l'inviter à formuler une telle demande au BAN, parce que ce serait, le cas échéant, le BAN qui pourrait, comme pour le crucifix, statuer là-dessus, et pas par projet de loi.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Interventions? M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui. Je retiens la suggestion de mon collègue, je la trouve intéressante. Et j'aimerais quand même réitérer ma question que j'ai posée il y a quelques minutes, à savoir : Ce serait quand, le bon moment, ou ce serait quoi, une conjoncture... à quoi ressemblerait une conjoncture où il serait possible de discuter, par exemple, de notre appartenance à la monarchie? C'est une question adressée, évidemment, à la ministre, là.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

Mme LeBel : ...sur l'article 3 du projet de loi, qui est un article de concordance. Alors, pour les mêmes raisons, je n'aurai pas d'autre commentaire et je suis prête à voter.

• (15 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement du député de Jean-Lesage? Alors, nous allons procéder à sa mise aux voix.

M. Zanetti : Bien... exprimer ma profonde déception, là. Je pense qu'on est ici quand même pour parler des fondements de la société démocratique dans laquelle on est. Je comprends que, là, l'article 3 est un article de concordance, mais, essentiellement, un projet de loi qui porte sur la dévolution de la couronne, s'il n'y a aucun article où c'est le bon moment de parler de nos institutions, s'il n'y a aucun article où c'est le bon moment d'apporter ce genre de réflexion là puis, si, même, on ne peut même pas discuter de quand est-ce que ce serait le bon moment de discuter de ça, je pense que ça exprime un désintérêt par rapport à la démocratie, à nos institutions, puis ça m'affecte.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement du député de Jean-Lesage? Donc, nous allons procéder à sa mise aux voix. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Pour.

La Secrétaire : Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Contre.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'amendement est rejeté. Merci beaucoup. Donc, interventions sur l'article 3? Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 3? Donc, nous allons procéder à sa mise aux voix. Merci beaucoup. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Pour.

M. Zanetti : Abstention.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'article 3 est adopté. Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Oui. Alors, je vais lire l'article 4 très lentement pour mon collègue le député de LaFontaine, pour sa compréhension, donc — c'est une blague :

La présente loi entre en vigueur le (indiquer ici la date de la sanction de la présente loi).

Commentaire. C'est la date d'entrée en vigueur de la sanction de... Je m'excuse de vous avoir piqué.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : J'aimerais suggérer à mon collègue de Jean-Lesage, peut-être, une possibilité d'amendement ici. Il pourrait peut-être ajouter «à la sanction qui sera faite par une personne autre que le lieutenant-gouverneur». Ça pourrait peut-être être un amendement.

Une voix : ...

Mme LeBel : ...

M. Tanguay : Oui, c'est ça, je le fournis.

Le Président (M. Bachand) : Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 4? Donc, nous allons procéder à sa mise aux voix. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Pour.

La Secrétaire : M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Abstention.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, l'article 4 est adopté.

Je vais maintenant procéder à la mise aux voix du titre du projet de loi, s'il n'y a pas d'intervention. Alors, nous allons procéder à l'appel nominal. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Pour.

La Secrétaire : M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Abstention.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, adopté.

Je propose que la commission adopte une motion d'ajustement des références. Mme la secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme LeBel (Champlain)?

Mme LeBel : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Tanguay (LaFontaine)?

M. Tanguay : Pour.

La Secrétaire : M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Abstention.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, adopté.

Remarques finales

Nous en sommes maintenant rendus aux remarques finales. Alors, je cède maintenant la parole au député de Jean-Lesage. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Sol Zanetti

M. Zanetti : Bien, je pense qu'on a manqué une occasion importante de s'affranchir de la monarchie britannique par petits morceaux, minimalement. J'ai présenté plein d'amendements qui étaient des amendements qui ne coûtaient absolument rien, qui auraient pu être faits par un gouvernement non indépendantiste, et puis, même là, on a un peu reculé devant, prétextant que ce n'était pas le moment. À la question : Quand est-ce qu'il sera le moment... Peut-être que, si je la pose une dernière fois dans le cadre des remarques finales... peut-être que j'aurai une réponse, mais, sinon, on devra conclure que, finalement, ça ne bougera pas, là, tu sais, qu'au fond la Coalition avenir Québec est parfaitement... s'accommode parfaitement du cadre dans lequel on est, qui est un cadre monarchique, colonial, vraiment très problématique à bien des égards du point de vue de la démocratie, et que ce n'est pas quelque chose qui va changer, jamais, sous un gouvernement caquiste. C'est l'impression que j'ai.

Ce n'est pourtant pas ce qui avait été promis, hein? Ce qui avait été promis, c'est le nationalisme, c'est aller chercher des nouveaux pouvoirs, etc. Ce n'est pas ce qu'il se passe, à part quand on défonce des portes ouvertes, là. On défonce des portes ouvertes, mais, dès que la porte est un petit peu fermée et qu'il y a un loquet, on ne s'en approche même pas. Je suis déçu par ça. Peut-être... À quoi je m'attendais, en même temps, là? Peut-être que je devrais modérer un peu mes espoirs, les investir à de meilleurs endroits. C'est peut-être ça, le problème. Ça fait que, sur ces remarques un peu déprimantes, je vais mettre fin à mes commentaires.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Non, M. le Président, je... extrêmement court, si ce n'est que de réitérer le fait qu'il s'agissait d'une police d'assurance importante dans le contexte que l'on connaît. Et heureux, donc, d'avoir mené à terme cette procédure, qui est technique, mais qui était nécessaire. Alors, voilà. Merci, M. le Président. Merci d'avoir présidé nos travaux, et ainsi qu'aux membres du secrétariat.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Oui. Bien, sur la portée plus spécifique du projet de loi, j'aurai l'occasion de m'exprimer lors des prochaines étapes, là, de façon plus extensive, mais, effectivement, mon collègue de LaFontaine l'a bien dit, c'est un projet de loi qui était technique mais très important, parce que le fait de ne pas procéder de façon diligente et avec de la rapidité comme on vient de le faire, en collaboration avec tout le monde, pourrait... peut... aurait pu avoir des conséquences — donc, il reste encore quelques étapes, mais on a quand même franchi les étapes principales — pourrait avoir des conséquences très concrètes sur le terrain.

Je vais prendre plutôt quelques minutes pour me permettre de vous remercier, M. le Président, remercier tous les gens de la commission, mes collègues, pour leurs remarques, leurs remarques et leurs commentaires, et la façon dont se sont déroulés... avec respect, là, de... nos positions, bien, quelquefois, peuvent sembler opposées, ce qui n'est pas toujours le cas, dans bien des dossiers. Je pense qu'on fait du bon travail en commission parlementaire, qu'on arrive à des résultats qui sont de bons résultats.

Mais je vais surtout prendre le temps de remercier les équipes du secrétariat, qui ont mis le doigt, d'ailleurs, sur cette difficulté-là qui apparaissait à l'intérieur de notre corpus législatif, là, depuis l'adoption de la Loi sur l'Assemblée nationale, en 1982, et même, je dirais, avant l'adoption de la Loi sur l'Assemblée nationale, même dans la Loi sur la Législature. On réalise qu'en 1952 il y avait eu des effets sur nos tribunaux, et je pense qu'il était de bon aloi de non seulement clarifier la portée de l'article actuel dans la Loi sur l'Assemblée nationale mais également de s'assurer d'en élargir la portée pour être certains que les trois pouvoirs qui découlent de l'État québécois... ils pourraient être affectés par la dévolution de la couronne...

(Interruption)

Mme LeBel : Je m'excuse, j'essaie de fermer, je n'y arrive pas... la dévolution de la couronne, je pense... qu'on soit bien parés de tous ces effets-là et qu'on continue à garder plein contrôle sur nos institutions dans ce sens-là. Alors, merci à votre travail et merci surtout d'avoir découvert cette faiblesse. Et merci à mes collègues de m'avoir... de m'aider à y parer le plus rapidement possible.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci de votre collaboration.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup, à bientôt.

(Fin de la séance à 15 h 59)

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