Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Tuesday, May 25, 2021
-
Vol. 45 N° 150
Special consultations and public hearings on Bill 86, An Act respecting the demise of the Crown
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
-
-
Bachand, André
-
LeBel, Sonia
-
Tanguay, Marc
-
-
LeBel, Sonia
-
Bachand, André
-
Tanguay, Marc
-
Zanetti, Sol
-
Bérubé, Pascal
-
-
LeBel, Sonia
-
Bachand, André
-
Lévesque, Mathieu
-
Tanguay, Marc
-
Zanetti, Sol
-
Bérubé, Pascal
-
-
Bachand, André
-
LeBel, Sonia
-
Lévesque, Mathieu
-
Tanguay, Marc
-
Zanetti, Sol
-
-
Zanetti, Sol
-
Bachand, André
-
Bérubé, Pascal
-
LeBel, Sonia
-
Tanguay, Marc
-
-
Tanguay, Marc
-
Bachand, André
-
Zanetti, Sol
-
Bérubé, Pascal
16 h (version révisée)
(Seize heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M. Bachand) :
Bon après-midi, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission des institutions ouverte.
La commission est réunie virtuellement
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
le projet de loi n° 86, Loi concernant la dévolution de la couronne.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président. Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
Le Président (M. Bachand) :
Cet après-midi, nous allons débuter par les remarques préliminaires puis nous
entendrons, par visioconférence, le Pr Marc Chevrier, professeur au Département
de science politique de l'Université du Québec à Montréal, et également le Pr
Patrick Taillon, professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval, et
M. André Binette, juriste en droit constitutionnel.
Remarques préliminaires
Donc, on va débuter par les remarques
préliminaires. J'invite maintenant la ministre responsable des Institutions
démocratiques et de la Réforme électorale à faire ses remarques préliminaires.
Mme la ministre, vous disposez de six minutes, s'il vous plaît.
Mme Sonia LeBel
Mme LeBel : Merci. Merci, M.
le Président. Bonjour, chers collègues. Alors, c'est un plaisir d'entamer avec
vous aujourd'hui les consultations particulières sur ce projet de loi, petit
projet de loi dans le nombre d'articles, mais fort important dans ses effets.
Et il s'agit donc du projet de loi n° 86, Loi concernant la dévolution de
la couronne, nom, peut-être, qui peut sembler un peu ambigu, alors je pense que
c'est le bon moment, le début des consultations, pour faire un bref survol, là,
à l'égard de ce projet de loi là, de ses effets, de son objectif. Et on pourra,
par la suite, entendre les différents intervenants, qui viendront très
certainement nous apporter un éclairage de leur point de vue, et avec leurs expertises,
et leurs expériences en droit constitutionnel.
La dévolution de la couronne est un
principe de common law qui entraîne, donc, des conséquences sur les activités
des trois pouvoirs de l'État qui sont le pouvoir législatif, qui est le
Parlement; le pouvoir exécutif, qui est le gouvernement; et le pouvoir
judiciaire, qui sont les tribunaux. Comment la dévolution de la couronne peut
se produire? C'est soit par le décès du souverain actuel, la reine
Elizabeth II, ou par le fait qu'elle pourrait abdiquer, là, son pouvoir au
prochain dans la lignée sur la dévolution de la couronne.
C'est important, donc, d'adopter des
dispositions qui vont venir établir sans aucune ambiguïté qu'une dévolution de
la couronne n'entraîne pas, en droit québécois, des conséquences juridiques et
constitutionnelles particulières, mais on doit se prémunir des effets d'une
telle dévolution de la couronne, et, pour plus de clarté et de certitude, il
est important aussi de regrouper dans un même projet de loi l'ensemble de ces
dispositions.
Il existe actuellement... on avait, avant
la Loi sur l'Assemblée nationale de 1982 qui a été adoptée, qui a remplacé la
Loi sur la Législature, il y avait, à l'intérieur de cette <loi-là...
Mme LeBel : ...doit se
prémunir des effets d'une telle d
évolution de la couronne, et, pour plus
de clarté et de certitude, il est
important aussi de regrouper dans un
même
projet de loi l'ensemble de ces
dispositions.
Il existe
actuellement... on
avait, avant la Loi sur
l'Assemblée nationale de 1982 qui a été adoptée,
qui a remplacé la Loi sur la
législature, il y avait,
à
l'intérieur de cette >loi-là, la précédente, une disposition très claire
pour contrer les effets de la dévolution de la couronne, qui semble avoir été
abolie et remplacée par une autre disposition qui, quant à nous, est beaucoup
plus ambiguë dans ses effets, à tout le moins, sur les trois pouvoirs, particulièrement
sur le pouvoir juridique. Donc, autrement dit, le projet de loi viendrait dire clairement...
vient dire clairement que les activités des trois pouvoirs de l'État ne
seraient pas interrompues de quelque manière que ce soit lorsque surviendra la
prochaine dévolution de la couronne.
Je l'ai dit tantôt, il est important, je
pense, il est important en tout temps de se prémunir contre les effets d'une
dévolution de la couronne. Il n'y a pas eu de dévolution de la couronne depuis
1952, donc c'est sûr que ça fait longtemps qu'on n'a pas eu l'occasion d'en
avoir ou de ne pas en avoir les effets ici, au Canada et au Québec. La reine
Elizabeth est quand même âgée présentement de 95 ans, elle a entamé sa 70e
année de règne. Donc, je pense que c'est encore... c'est toujours important,
mais je pense qu'on peut comprendre ici qu'il y a une certaine urgence, là,
pour notre Parlement, de légiférer pour se prémunir des effets juridiques qui
sont justement liés à cette dévolution. Je l'ai dit, un projet de loi très
court, quatre articles, mais avec des objectifs et des effets importants de
préciser le droit pour éviter que les trois pouvoirs que j'ai mentionnés soient...
se retrouvent dans des situations ambiguës. Je pense que c'est important de le
dire.
D'autres Parlements, au Canada ou
ailleurs, ont d'ailleurs déjà légiféré à cet égard. Le dernier est la province
de Terre-Neuve, qui l'a fait en décembre 2019. Elle avait, elle aussi, là, dans
l'adoption d'une autre loi, sur les élections à date fixe, je crois, aboli
l'article qu'elle avait précédemment dans son corpus législatif pour se
prémunir également des effets d'une dévolution. En outre, ailleurs dans le
monde, également, parmi les États régis par la common law britannique et qui
ont également la reine Elizabeth II comme chef d'État, on peut noter que la
Nouvelle-Zélande possède une disposition claire visant à neutraliser tous les
effets juridiques de la dévolution de la couronne. Dans la fédération
australienne, c'est important, c'est intéressant de le savoir, chacun des six États
possède également des dispositions visant à contrer certains ou l'ensemble des
inconvénients, et le Parlement de l'Australie-Occidentale a d'ailleurs été le
dernier à légiférer à cet égard en 2017.
Alors, je suis persuadée que les trois
intervenants qui ont accepté notre invitation pourront apporter, je l'ai dit
tantôt, un éclairage sur la nécessité d'agir et pour éviter, justement, qu'il y
ait un effet et qu'on puisse continuer, là, à exercer nos activités dans les
trois pouvoirs qui pourraient, selon le principe de la common law, être mis en
péril ou, à tout le moins, interrompus par cette dévolution de la couronne.
Donc, merci, et j'ai bien hâte de poursuivre la conversation avec vous. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition
officielle et député de LaFontaine à faire ses remarques préliminaires pour une
durée de quatre minutes. M. le député, s'il vous plaît.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay
: Merci beaucoup,
M. le Président. Vous m'entendez bien?
Le Président (M. Bachand) :
Très bien, oui.
• (16 h 30) •
M. Tanguay
: Super. Merci
beaucoup. Alors, <à mon tour, M. le Président, de vous...
>
16 h 30 (version révisée)
<17847
Mme
LeBel : ...interrompues par cette dévolution de la couronne. Donc,
merci, et j'ai bien hâte de poursuivre la conversation avec...
Merci, M.
le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci
beaucoup,
Mme la ministre.
J'invite
maintenant le
porte-parole de
l'opposition
officielle et
député de
LaFontaine à faire ses
remarques
préliminaires pour une durée de quatre minutes. M. le député, s'il vous
plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Vous m'entendez bien?
Le Président (M.
Bachand) :
Très bien, oui.
M. Tanguay
: Super.
Merci beaucoup. Alors, >à mon tour, M. le Président, de vous saluer,
saluer Mme la secrétaire et les personnes qui travaillent également avec vous.
Heureux de vous retrouver, quoiqu'en virtuel. Je me rappelle, on avait fait
beaucoup de virtuel, notamment, sur le projet de loi visant la réforme de
l'IVAC. Alors, heureux de vous retrouver, M. le Président, heureux de retrouver
également Mme la ministre, même si c'est virtuellement, et mes collègues de la
banquette ministérielle et des autres oppositions.
Je n'ai pas l'intention de prendre tout
mon temps, M. le Président, si ce n'est qu'effectivement je partage, nous
partageons l'objectif du gouvernement avec le projet de loi n° 86, qui
vise à nous sortir, le cas échéant, évidemment, le cas échéant, de ce qui
pourrait être des discussions, des imbroglios, des imprécisions quant à la
dévolution éventuelle de la couronne. Lorsque l'on dit que ça touche le
législatif, l'exécutif, le judiciaire et même les personnes en poste au service
de l'État, bien, ça touche toutes les sphères de l'État, alors d'où
l'importance et le paradoxe du projet de loi, aussi succinct soit-il, aussi
important il est. Et vous pourrez compter sur notre diligence et sur notre
volonté de vouloir voir cette pièce législative adoptée. Ceci étant dit, ça ne
nous empêchera pas, et au contraire, on a même l'occasion, puis, là-dessus, je
fais un clin d'oeil à mon collègue de Matane-Matapédia, de parler de Constitution,
puis de parler de royauté, puis de parler de la couronne. Je sais que c'est
un sujet qui lui touche particulièrement à coeur.
Alors, on aura l'occasion d'entendre
trois personnes qui viendront nous en parler cet après-midi et l'occasion
d'échanger sur des principes constitutionnels qui sont le socle, à toutes fins
pratiques, de notre société de droit, de notre démocratie. Alors, je nous
souhaite de très bons travaux, M. le Président, et je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :
Merci, M. le député de LaFontaine. J'invite maintenant le porte-parole du
deuxième groupe d'opposition et député de Jean-Lesage à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale d'une petite minute. M. le député de
Jean-Lesage.
M. Sol Zanetti
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Alors, on va parler, dans les prochains jours, d'une constitution,
la Constitution canadienne, qui est illégitime, qui est le fruit d'une annexion
par la force écrite sans la participation des autochtones, des femmes, des
classes populaires, de l'élite souverainiste et progressiste, pendue ou exilée.
J'espère que ça va être au moins l'occasion de réfléchir au système politique
dans lequel on est, dans le but de l'améliorer.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le député de Jean-Lesage. J'invite maintenant le
porte-parole du troisième groupe d'opposition et député de Matane-Matapédia à
faire ses remarques préliminaires pour une durée aussi maximale d'une petite
minute. M. le député de Matane-Matapédia.
M. Pascal Bérubé
M. Bérubé : Merci, M. le
Président. Salutations à la ministre, à tout le monde.
Le Parti québécois considère que la
monarchie est archaïque et coloniale. Et le seul fait qu'on doit se réunir
démontre le ridicule de la situation, bien sûr, pas pour nos institutions, mais
d'avoir à travailler à la <poursuite...
Le Président (M.
Bachand) :
M. le député de
Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, M. le
Président. Salutations à la ministre, à tout le monde.
Le Parti québécois considère que la
monarchie est archaïque et coloniale. Et le seul fait qu'on doit se réunir
démontre le ridicule de la situation, bien sûr, pas pour nos institutions, mais
d'avoir à travailler à la >poursuite de notre démocratie en fonction
d'une institution qui fait partie, quant à nous, des oubliettes de l'histoire.
C'est profondément ridicule.
Alors, je le dis d'entrée de jeu, ces
travaux devraient être accompagnés d'une déclaration très forte des
parlementaires à l'effet de se débarrasser de la monarchie britannique. C'est
notre objectif, et je demande particulièrement au gouvernement du Québec de se
faire une tête là-dessus et d'indiquer une fois pour toutes, comme il l'a déjà
fait dans un document, qu'il souhaite la fin du lien avec la couronne
britannique.
Alors, on va participer avec intérêt pour
adopter ce projet de loi, pour ne pas que personne soit pénalisé au Québec, mais
le moment est pas mal venu pour la Coalition avenir Québec d'indiquer si elle
souhaite préserver le lien avec la monarchie britannique ou pas. Chez nous,
c'est plutôt clair, et il me tarde de connaître l'opinion du gouvernement
là-dessus.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député.
Afin de bien accueillir notre invité, je
vais suspendre les travaux quelques instants pour faire des petites
vérifications techniques. O.K.? Ça ne sera pas tellement long. À tantôt.
(Suspension de la séance à 16 h 34)
<(Reprise à 16 h 36)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission
reprend ses travaux. Alors, au nom de la
commission, il me fait plaisir
d'accueillir le Pr Marc Chevrier. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé et je rappelle que le Pr Chevrier est
professeur au Département de science politique de l'Université du Québec à
Montréal. Donc, Pr Chevrier, la parole est à vous pour 10 minutes. Après
ça, nous aurons une période d'échange avec les membres...
>
(Reprise à 16 h 36)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Auditions
Alors, au nom de la commission, il me fait
plaisir d'accueillir le Pr Marc Chevrier. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé et je rappelle que le
Pr Chevrier est professeur au Département de science politique de l'Université
du Québec à Montréal. Donc, Pr Chevrier, la parole est à vous pour
10 minutes. Après ça, nous aurons une période d'échange avec les membres de
la commission. Encore une fois, merci d'être avec nous aujourd'hui.
M. Marc Chevrier
M. Chevrier (Marc) : Merci,
M. Lafontaine. Donc, alors, je vais essayer, en 10 minutes, MM., Mmes
les députés, Mme la ministre, donc, d'essayer de résumer ma pensée sur un
sujet, bon, qui mériterait sans doute de longs développements.
Alors, le problème qui nous réunit aujourd'hui
est celui de la réponse appropriée à la fin du règne inévitable d'Elizabeth II,
souveraine du Canada, du Royaume-Uni et de nombreux autres royaumes. Alors, je
vois deux réponses possibles appropriées à ce changement qu'on appelle...
qu'on peut appeler la dévolution de la couronne. Il y a une réponse technique
et ce que j'appellerais la réponse générale.
La réponse technique consiste à faire en
sorte que la mort de la souveraine ou son abdication en faveur du
prince Charles, qui deviendra alors Charles III, n'interrompe en
aucune manière le fonctionnement régulier des institutions québécoises. Donc,
ça, c'est ce que j'appelle la réponse technique. La réponse générale regarde
plutôt la réaction adéquate à la possibilité que la mort ou l'abdication de la
souveraine suscite au Royaume-Uni, dans d'autres royaumes de Sa Majesté, une
désaffection à l'égard de l'institution monarchique même et même un mouvement
de réforme pour la république dans ces pays. Alors, je vais surtout regarder
rapidement avec vous la réponse technique et, si le temps le permet, dire
quelques mots de la réponse générale.
Pour la réponse technique, nous touchons
au coeur, donc, de l'institution monarchique dans la tradition britannique.
Suivant cette tradition, le roi a deux corps, un corps mortel et un corps
immortel, ces fameuses deux personnes du roi, et l'Angleterre a emprunté à
ce langage médiéval, et l'État, comme tel, n'est pas vraiment un concept
utilisé par les juristes ou par les politiciens. Le concept qui en tient lieu,
c'est celui de couronne. Donc, la couronne est à la fois une personne physique
et une personne perpétuelle, en droit, et l'État, sous la forme de la couronne
dans le système britannique, se construit notamment par des liens sous la forme
d'un serment qui lie la personne du souverain à ses serviteurs, ses vassaux. Aujourd'hui,
on dirait peut-être «les parlementaires», les officiers qui remplissent des
fonctions au nom de Sa Majesté.
Donc, en théorie, si la personne de la
souveraine ou du souverain meurt, tous les serments qui ont été faits et qui
construisent la toile de la <couronne...
M. Chevrier (Marc) :
...serviteurs, ses vassaux.
Aujourd'hui, on dirait peut-être «les
parlementaires», les officiers qui remplissent des fonctions au nom de Sa
Majesté.
Donc, en théorie, si la personne de la
souveraine ou du souverain meurt, tous les serments qui ont été faits et qui
construisent la toile de la >couronne, tous ces serments sont défaits. Donc,
il faut les renouveler, et toutes les actions judiciaires qui ont été intentées
au nom du roi ou de la reine, tous les contrats scellés en son nom, en théorie,
sont interrompus, de même que le Parlement est dissous. Ça, c'est ce que
j'appellerais la théorie. C'est un principe de common law, qui a été, bon,
dégagé par les tribunaux anglais, par la doctrine anglaise.
Cela dit, les Parlements qui sont
souverains en régime britannique ont quand même corrigé ce principe de common
law. Ils ont plutôt rétabli une espèce de continuité du fonctionnement des
institutions en faisant en sorte que la dévolution par la mort, abdication du
souverain, n'interrompe pas, donc, le fonctionnement des institutions et ne
dissolve pas, par exemple, le Parlement. Le Royaume-Uni a adopté plusieurs lois
en ce sens. Je n'en ferai pas l'histoire. Quand le Canada s'est créé,
en 1867, le Parlement fédéral y a pourvu, plusieurs États provinciaux ont
adopté des lois en ce sens, et même le Québec, je pense, l'ancienne loi...
(panne de son)...en place, malgré, donc, la mort du souverain.
• (16 h 40) •
Alors, si nous sommes réunis aujourd'hui,
j'ai l'impression, cela est dû au fait qu'une réforme est intervenue en 1982.
On a adopté une loi sur l'Assemblée nationale qui a écarté l'ancienne règle
prévue dans la Loi sur la Législature, et on a prévu que le
lieutenant-gouverneur seul pouvait dissoudre la Chambre. Mais est-ce suffisant
pour dissiper toute ambiguïté? Certains pensent que non ou, du moins, pensent
que le risque n'en vaut pas la peine de laisser les tribunaux statuer sur la
validité ou non d'un parlement qui n'aurait pas été dissous à la mort, à
l'abdication de la reine.
Donc, le projet de loi, de toute évidence,
répond à ce besoin, et donc il cherche à maintenir la continuité des activités
du Parlement, du gouvernement, des tribunaux, ainsi que les serments
d'allégeance ou d'office déjà prêtés en abolissant la nécessité même de
recourir à un décret du lieutenant-gouverneur pour le maintien des commissions
et des nominations existantes.
Sur le projet de loi comme tel, j'aurais
peut-être quatre remarques à faire. La première, c'est sur le libellé même
du projet de loi. On vise, en fait, trois institutions : le Parlement, le
gouvernement et les tribunaux. Or, la loi sur les services publics, dont on
abroge deux articles, vise essentiellement des <fonctionnaires de...
M. Chevrier (Marc) :
...
du projet de loi. On vise, en fait, trois institutions : le
Parlement, le gouvernement et les tribunaux. Or, la loi sur les services
publics, dont on abroge deux articles, vise essentiellement des >fonctionnaires
de l'administration, c'est-à-dire les ministères, les organismes. Et donc on
abroge ces articles et on remplace ça, ou on croit remplacer ça, par le concept
de gouvernement. Or, selon la Loi d'interprétation, le «gouvernement», en bon
français, d'ailleurs, désigne strictement l'exécutif, c'est les ministres et le
lieutenant-gouverneur.
Donc, si vous voulez vraiment couvrir,
membres de la commission, toutes les possibilités, vous aurez peut-être
intérêt, à mon avis, à nommer l'administration, parce que, pour moi, l'administration
ne se déduit pas du concept de gouvernement. Ce sont... D'ailleurs, en science
politique, on distingue maintenant les quatre pouvoirs : exécutif,
législatif, judiciaire et l'administratif. Et je remarque que, dans plusieurs
lois québécoises, on emploie le concept de l'administration. Alors, peut-être
que, pour plus de sûreté, il pourrait être judicieux d'ajouter l'idée de l'administration.
Et il faut aussi remarquer que le
législateur, souvent, québécois, prend une grande liberté. Par exemple, dans le
projet de loi sur la réforme de la Charte de la langue française, le projet de
loi n° 96, on dit que l'administration inclut le gouvernement et les
ministères. Donc, vous voyez, il y a des définitions très variables. Je
pourrais donner d'autres exemples, mais peut-être que, pour les fins de ce
projet de loi, il pourrait être utile, donc, de nommer l'administration.
Deuxième remarque. J'observe que ce projet
de loi est un projet de loi de nature constitutionnelle, constitutionnelle dans
le sens où il touche à la constitution matérielle de l'État du Québec. Il ne
touche pas, comme tel, à la Constitution fédérale ou... suprême du pays mais il
touche de toute évidence à la Constitution interne du Québec. C'est ce qu'on
appelle la Constitution matérielle, donc toutes les lois qui touchent
l'organisation de l'État. Et, au Québec, la Constitution matérielle n'a pas été
formalisée dans ce qu'on appelle une constitution écrite.
Ce que je constate, c'est qu'au cours des
dernières années on a tendance, au Québec, à multiplier les lois de nature
constitutionnelle, qui touchent à la Constitution matérielle du Québec, donc on
en ajoute sans cesse. On va même jusqu'à les reconnaître comme lois
fondamentales, et j'ai comme l'impression que ce projet de loi en rajoute une
autre.
Et, bon, par exemple, les tribunaux ont
reconnu que la loi n° 99, la loi sur l'exercice des droits fondamentaux et
des prérogatives du peuple québécois et de l'État québécois, eh bien, c'est une
espèce de loi fondamentale qui regarde la Constitution interne du Québec. Je
pourrais donner d'autres exemples. La Loi sur la laïcité de l'État semble
revêtir les traits d'une loi fondamentale, et j'ai l'impression qu'on veut
faire de la Charte de la langue française <également...
M. Chevrier (Marc) :
...
et des prérogatives du peuple québécois et de l'État québécois, eh
bien, c'est une espèce de loi fondamentale qui regarde la Constitution interne
du Québec. Je pourrais donner d'autres exemples. La Loi sur la laïcité de
l'État semble revêtir les traits d'une loi fondamentale, et j'ai l'impression
qu'on veut faire de la Charte de la langue française >également une
telle loi, sans compter qu'on voudrait même étendre la Constitution interne du
Québec à la partie V de la Loi constitutionnelle de 1867.
Donc, c'est une simple observation. Évidemment,
le législateur peut faire ce qu'il veut. Il peut décider d'ajouter une loi de
nature constitutionnelle, mais je me demande si, par exemple, il pourrait...
plutôt que d'ajouter une loi avec ses propres articles, est-ce qu'il ne
pourrait pas tout simplement ajouter des articles, mais à des lois déjà
existantes, donc, et... bon, c'est une des possibilités qu'il pourrait
envisager.
Troisième remarque, je constate que, bon,
le projet de loi, évidemment, réintroduit dans la législation québécoise la
notion de couronne. Il est rare que le Québec légifère à l'égard de la
couronne. Au cours des dernières années, le législateur québécois a eu tendance
à vouloir gommer, à biffer toute mention de la couronne ou de la monarchie dans
ses lois. On pourrait donner plusieurs exemples. L'expression «couronne du chef
du Québec»... le Québec est la...
Le Président (M. Bachand) :
Il vous reste quelques secondes. Je m'excuse de vous interrompre... parce que
le temps passe très rapidement.
M. Chevrier (Marc) : Ah! bon,
parfait.
Le Président (M. Bachand) :
Mais écoutez, il reste beaucoup de temps d'échange avec les membres de la
commission.
M. Chevrier (Marc) : Je vais
conclure rapidement.
Le Président (M. Bachand) :Alors donc, je vais passer la parole à la ministre, alors ce
sera à elle... si elle veut vous donner du temps, bien sûr, pour compléter. Mme
la ministre, pour une période de 16 min 30 s, vous avez la
parole.
Mme LeBel : Bien, absolument,
M. le Président. Pr Chevrier, ça me fait plaisir de vous donner le temps de
compléter. On a suffisamment de temps pour ces échanges, donc continuez. Vous
étiez à votre troisième point, où vous disiez qu'entre autres, dans le titre,
qu'on réintroduit la notion de couronne ou de monarchie. Alors, je vous laisse
compléter, vous aviez quatre points, d'ailleurs, à faire valoir, donc,
allez-y.
M. Chevrier (Marc) : Oui.
Bien, écoutez, je serai bref pour permettre les échanges. Donc, ce que je
voulais simplement dire, c'est que, oui, on réintroduit, dans la législation,
la notion de couronne. Or, depuis de nombreuses années, au Québec, on tend à
vouloir effacer toutes les mentions de l'institution monarchique et les
désignations du Québec comme une couronne. Par exemple, l'expression «couronne
du chef du Québec» ou «couronne du chef de la province du Québec», qui a déjà
existé dans notre législation, cette expression-là a été retirée. Et, souvent,
on va la remplacer par la mention «État» dans notre législation.
Ce que je constate, cependant, c'est que
cette tendance à vouloir effacer l'institution monarchique peut quand même nous
jouer des vilains tours, c'est-à-dire qu'il y a peut-être le risque de rendre
illisible la manière dont l'État québécois tient son autonomie, ses
prérogatives de la Constitution canadienne. C'est-à-dire que la monarchie
canadienne, peu importe ce qu'on peut en penser sur le plan politique, c'est
l'instrument par lequel, finalement, les <États...
M. Chevrier (Marc) :
...
illisible la manière dont l'État québécois tient son autonomie, ses
prérogatives de la Constitution canadienne. C'est-à-dire que la monarchie
canadienne, peu importe ce qu'on peut en penser sur le plan politique, c'est
l'instrument par lequel, finalement, les >États provinciaux ont pu
obtenir une autonomie, une forme d'indépendance vis-à-vis du pouvoir fédéral.
Parce que la monarchie est conçue comme une, au Canada, mais elle a
11 incarnations institutionnelles qui sont indépendantes et autonomes les
unes par rapport aux autres. Et donc le Canada... le Québec exerce donc, par
exemple, de grandes prérogatives exécutives, notamment, dont profitent
plusieurs organismes mandataires, et ce sont toutes des prérogatives de la
couronne. Et, tant et aussi longtemps que le Québec vivra dans ce système
monarchique, il peut quand même être utile de laisser visible dans notre
législation un lien entre l'État québécois et, justement, la couronne. Et, à
l'heure actuelle, je constate que ce lien est en train de disparaître dans la
législation.
Par ailleurs, je constate que les lois
québécoises utilisent, dans huit lois différentes, l'expression «la
couronne du chef du Canada» pour désigner le gouvernement fédéral, donc c'est
encore utilisé dans nos lois. La convention de la Baie James utilise encore
l'expression «la couronne du chef du Québec». Donc, ça, c'est un texte que le
Québec ne peut pas changer unilatéralement. Bref, tout ça pour vous dire que ce
n'est pas mauvais, évidemment, de faire une loi sur la dévolution de la
couronne, mais, pour rendre compréhensible et lisible notre législation, ne
faudrait-il pas faire apparaître quelque part que l'État du Québec ou l'État
qu'on affirme dans plusieurs de nos lois a un lien quelconque avec cette
couronne dont on tire des pouvoirs et des prérogatives?
Et enfin, quatrième remarque, très simple,
je constate que le projet de loi, d'une certaine façon, vient modifier la
portée du serment d'allégeance prévu à l'article 128 de la Loi
constitutionnelle de 1867, puisqu'il en précise, finalement, la portée lorsque
survient une dévolution de la couronne. Donc, c'était ma quatrième remarque.
• (16 h 50) •
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Oui. Merci,
Pr Chevrier. Donc, juste peut-être pour... Je comprends que vous
considérez, là, que le projet de loi est une réponse plus technique, là, à
l'effet de la common law, du principe de common law, qui entraînerait des
conséquences, là, sur nos trois pouvoirs de la dévolution à la couronne.
Simplement pour préciser, si je comprends
bien... Et donc je vais me permettre d'être plus technique dans notre échange
pour les quelques minutes qui vont suivre, parce que dans l'immédiat, ce qui
m'intéresse, naturellement, c'est le projet de loi qui est déposé, pour être
capable de, à très court terme, pouvoir se prémunir contre les effets d'un
décès de la reine Elizabeth ou de son abdication, qui est quand même assez
pertinent, là, compte tenu qu'elle est de l'âge avancé auquel elle se <trouve...
Mme LeBel : ...
m'intéresse,
naturellement, c'est le projet de loi qui est déposé, pour être capable de, à
très court terme, pouvoir se prémunir contre les effets d'un décès de la reine
Elizabeth ou de son abdication, qui est quand même assez pertinent, là, compte tenu
qu'elle est de l'âge avancé auquel elle se >trouve... d'autant plus
pertinent. Je ne dis pas que c'est toujours pertinent de s'en prémunir, mais je
pense que c'est d'autant plus... je dirais, le caractère d'urgence est plus
présent, disons-le.
Donc, si je comprends bien, à l'article 1,
dans le fond, vous nous proposez... l'article 1 qui dit : «La
dévolution de la couronne n'a pas pour effet de mettre un terme aux activités
du Parlement, du gouvernement et des tribunaux.» C'est à cet article-là que vous
ajouteriez la notion d'administration publique, celle-ci n'étant pas, selon
votre interprétation, moindre et incluse dans la notion de gouvernement. C'est
exact? Je veux être sûre d'avoir bien compris votre premier commentaire.
M. Chevrier (Marc) : Oui, c'est
une observation que j'ai faite, si vous appliquez strictement la notion de
gouvernement telle que définie par la loi d'interprétation.
Mme LeBel : O.K. Donc, pour
s'assurer de se prémunir de tous les effets dans tous les secteurs qui
pourraient être concernés, c'est votre proposition. Écoutez, elle est très bien
notée.
Quant à votre troisième... bon, votre
deuxième commentaire, si je comprends bien, c'est de dire que vous pensez qu'on
aurait pu... parce qu'on peut prendre le chemin d'un projet de loi autoportant,
mais vous dites qu'on aurait pu intervenir plutôt par des dispositions à
l'intérieur d'autres... de plusieurs lois, au lieu de le faire de cette
façon-là. C'est un peu votre propos par rapport au chemin choisi?
M. Chevrier (Marc) : Oui, c'est
ça. Et c'est-à-dire qu'au fond l'idée, c'est, plutôt que de créer, comme vous
dites, une nouvelle loi autoportante, qui serait, quant à moi, une loi de nature
constitutionnelle au sens de la Constitution matérielle, on pourrait insérer,
dans des lois existantes, les dispositions pertinentes. Et le but aussi, c'est
de faire en sorte de renforcer les lois qui sont déjà là plutôt que de les
consolider, plutôt que d'ajouter une strate de plus à la Constitution
matérielle. Mais, bon, c'est une question, je dirais, de philosophie
législative.
Donc, on peut penser que, sur le plan
technique, la loi qui est proposée est parfaite et qu'on peut passer à autre
chose, mais une simple observation... de philosophie législative, c'est-à-dire
que, si on veut plutôt construire à partir de l'existant, on pourrait plutôt
insérer les dispositions qui sont ici proposées dans des lois, telle ou telle
loi existante.
Mme LeBel : Toujours dans le
but, dans le fond, de répondre au même objectif, on se comprend... propos? O.K.
M. Chevrier (Marc) : Oui, et donc
dans le but de répondre au même objectif et peut-être dans le but de répondre à
un autre objectif, qui serait peut-être de renforcer une ou deux lois qui,
pour nous ou pour vous, revêt le caractère d'une loi constitutionnelle qui
touche à l'organisation de l'État dans ce qu'il a de plus central.
Mme LeBel : Peut-être encore
plus dans l'objectif, Pr Chevrier, est-ce que vous... vous avez, d'ailleurs...
vous y avez fait d'ailleurs mention, à la Loi sur l'Assemblée nationale, qui a
été adoptée en 1982 et qui a pour effet, de façon délibérée ou non, là, de
peut-être nous rendre plus... mon terme est peut-être mal choisi, mais plus <vulnérables...
M. Chevrier (Marc) :
...dans ce qu'il a de plus central.
Mme LeBel : Peut-être
encore plus dans l'objectif, Pr Chevrier, est-ce que vous... vous avez, d'ailleurs...
vous y avez fait d'ailleurs mention, à la Loi sur
l'Assemblée nationale,
qui a été adoptée en 1982 et qui a pour effet, de façon délibérée ou non, là,
de peut-être nous rendre plus... mon terme est peut-être mal choisi, mais plus
>vulnérables, si on veut, aux effets qui pourraient être entraînés par
une dévolution de la couronne.
Est-ce que vous avez eu l'occasion
d'examiner l'article ou... l'article qui se trouve à l'intérieur de la Loi sur l'Assemblée
nationale de 1982, là, qui dit que, en gros, seul le lieutenant-gouverneur peut
dissoudre le Parlement? Est-ce que vous... Et, dans le fond, dans un deuxième
temps, ma question est... et je pense que vous l'avez mentionné, si je ne me
trompe pas, d'entrée de jeu dans votre propos. Ma question est sur la
nécessité d'agir, compte tenu du fait qu'en 1982 on semble avoir évacué la
protection ou le rempart que nous avions, là, pour nous prémunir des effets
contre la dévolution de la couronne. Est-ce que vous avez eu l'occasion
d'examiner la...
M. Chevrier (Marc) : Bien,
j'ai lu l'opinion de Gaston Deschênes à ce sujet, j'ai vu un peu les vieilles
dispositions qui régissaient la question avant 1982. Évidemment, on est dans
une question qui est très interprétative, c'est-à-dire que ceux qui ont fait
les changements en 1982 pensaient peut-être que le libellé proposé qui réserve
au lieutenant-gouverneur seul de pouvoir dissoudre l'Assemblée... ces gens-là
pensaient peut-être qu'ils obviaient au problème de la succession. «Dévolution
successorale», c'est un autre terme qu'utilisait, je pense, Deschênes pour
parler de la dévolution de la couronne.
Et donc, en fait, c'est plus, je dirais,
une question de sûreté législative, judiciaire, c'est-à-dire qu'on pourrait se
satisfaire de l'existant et dire : Voilà, seul le lieutenant-gouverneur
peut dissoudre la Chambre, donc ça veut dire que la mort de la reine ne peut
pas la dissoudre, mais on pourrait dire que ce n'est peut-être pas assez clair ou
alors ça pourrait ne pas satisfaire. Puisque les lois sont interprétées par
tous les citoyens et les citoyennes, donc on pourrait ne pas satisfaire
certaines personnes estimant que la loi... l'Assemblée nationale, finalement,
contrevient au vieux principe de common law, et peut-être qu'on pourrait être
sage, donc, de légiférer à cet égard pour éviter toute contestation, judiciaire
ou autre.
Donc, je ne crois pas qu'on... je n'ai pas
l'impression qu'à l'époque on ait oublié la question, mais peut-être qu'à
l'époque on pensait, comment dire, un peu trop rapidement à la possibilité que
le libellé retenu allait résoudre le problème.
Mme LeBel : O.K. Et peut-être,
pour la dernière, le troisième point que vous avez mentionné, puis excusez-moi,
Pr Chevrier, si je n'ai peut-être pas bien compris votre propos, là, mais,
quand vous parliez du fait que, dans ce projet de loi là, entre autres, on
semble vouloir réintroduire la notion de couronne, alors que vous avez
mentionné — et c'est moi, je paraphrase, naturellement, n'hésitez pas
à me corriger, là —qu'on semble avoir eu une tendance à vouloir évacuer
cette notion de nos lois dans les dernières <années...
Mme LeBel : ...votre
propos, là, mais, quand vous parliez du fait que, dans ce
projet de loi
là,
entre autres, on semble vouloir réintroduire la notion de couronne,
alors que vous avez mentionné,
— et c'est moi, je paraphrase,
naturellement,
n'hésitez pas à me corriger, là
— qu'on semble avoir eu une
tendance à vouloir évacuer cette notion de nos lois dans les dernières >années,
j'avoue que je vois mal comment on aurait pu faire un projet de loi qui contre,
parce qu'on veut vraiment contrer les effets de la dévolution de la couronne, autrement
qu'en y référant.
Et peut-être que je simplifie à outrance
votre propos, et excusez-moi, là, si c'est le cas, mais je vais vous donner peut-être
l'occasion de clarifier le fait que... Je pense que, pour contrer les effets,
il faut toujours bien nommer le phénomène en question. Donc, est-ce que c'est
plutôt le fait que... ou bien je simplifie, ou bien vous disiez plutôt qu'on
devrait éviter, peut-être, quand on est dans ce régime, naturellement, et qu'on
n'est pas dans une autre catégorie comme un régime de république, d'évacuer
cette notion à outrance pour justement ne pas créer d'ambiguïté sur le fait que
nous sommes dans ce régime? Est-ce que c'est plus ça, le sens de votre propos?
M. Chevrier (Marc) : Bien, c'est-à-dire
que je ne suis pas contre le fait qu'on réintroduise la notion de la couronne
sur le plan technique. Sur le plan philosophique, ça, c'est autre chose.
Sur le plan technique, d'une certaine
façon, il faut parler le langage du droit effectif, et le langage du droit
effectif, qui est celui de la common law d'origine britannique, ne nous donne
pas le choix que de parler de couronne. Donc, qu'on le fasse, en soi, ce n'est
pas un mal, bien au contraire, mais, comme je vous l'ai dit... je faisais simplement
la remarque que ce projet de loi, au fond, ce n'est pas qu'il est à
contre-courant, mais c'est-à-dire qu'il fait apparaître un concept qui, lui,
disparaissait progressivement de la législation québécoise.
Donc, pour moi, c'est plus une question
d'intelligibilité de l'ensemble de la législation, c'est-à-dire qu'on fait
apparaître une idée que le législateur tendait à vouloir faire disparaître.
Donc, peut-être qu'on estime que ça suffit et que c'est assez clair, mais, sur
le plan constitutionnel, l'État du Québec ou l'État tout court qu'on utilise
dans nos lois, il a des prérogatives, des immunités, et possède des pouvoirs
législatifs, mais qui sont aussi la dérivation du fait qu'il est, en droit
constitutionnel, une couronne, donc. Et ce lien-là, peut-être, à mon avis, s'est
perdu dans la législation québécoise. Et évidemment, ça dépasse les problèmes
ou ça dépasse les dimensions de ce projet de loi qui comporte deux ou trois
articles seulement, mais c'est une simple remarque, ce n'est pas nécessairement
une observation sur un défaut, comme tel, du projet de loi.
• (17 heures) •
Mme LeBel : Bien, c'est pour
ça que je voulais bien le clarifier, puis j'ai bien... J'ai pris la peine,
effectivement, Pr Chevrier, de situer la discussion sur le plan technique.
Je suis convaincue que, sur le plan philosophique, on pourrait avoir une
discussion tout aussi intéressante, mais, comme on est sur le projet de loi,
comme tel, je voulais circonscrire.
Je vois que mon collègue, M. le Président,
le <député de Chapleau a levé la main...
>
17 h (version révisée)
< M. Chevrier (Marc) :
...comme tel du
projet de loi.
Mme LeBel : Bien, c'est
pour ça que je voulais bien le clarifier. Puis j'ai bien... j'ai pris la peine,
effectivement, Pr Chevrier, de situer la discussion sur le plan
technique.
Je suis convaincue que, sur le plan philosophique, on pourrait avoir une
discussion tout aussi
intéressante, mais, comme on est sur le
projet
de loi comme tel, je voulais circonscrire.
Je vois que mon
collègue,
M.
le Président, le >député de Chapleau a levé la main. S'il a une question,
il me reste quelques minutes, je suis prête à lui céder la parole pour pouvoir
discuter avec le Pr Chevrier. Merci, professeur, si je ne vous reparle
pas, merci de votre rapport.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Chapleau, il reste
2 min 50 s.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, Mme la ministre. J'en profite pour
saluer tout le monde. Pr Chevrier, merci de vos interventions.
J'aimerais peut-être revenir sur le
premier concept, d'entrée de jeu, que vous nous aviez présenté, là, le concept
de common law, justement, de la fameuse personne perpétuelle et la personne
physique dans la couronne, d'où la fameuse maxime, là : Le roi est mort,
vive le roi, ou la reine est morte, vive le roi ou vive la reine, c'est selon. Il
n'y a pas une certaine, justement, continuité de l'État dans la deuxième personne,
disons, la personne perpétuelle? J'aimerais peut-être clarifier, là, ce dont
vous nous parliez par rapport à ça, justement, et nous dire la nécessité de ce projet
de loi.
M. Chevrier (Marc) : C'est-à-dire
il y a une... il y a évidemment... on joue avec des fictions. Alors, les deux personnes
du roi, c'est la personne physique et là, ensuite, la personne juridique
perpétuelle. Mais le roi ou la reine meurt un jour, et, lorsque survient la
mort ou l'abdication, il y a une interruption, évidemment, dans la vie du
souverain, mais la couronne, comme personne juridique, continue d'exister.
Mais, en common law, même si la couronne
continue d'exister, comme la couronne se construit par des serments, eh bien,
il faut renouveler les serments. Donc, oui, il y a une couronne perpétuelle,
mais on pourrait dire que la mort du souverain la paralyse. Et donc, pour
sortir la couronne de sa paralysie, bien, il faut renouveler les serments ou il
faut reconvoquer le Parlement par des élections. Ça, c'est l'ancienne doctrine
du common law.
Mais évidemment, par la suite, d'une
certaine façon, on a renforcé le caractère perpétuel de la couronne, justement,
par des lois particulières qui prévoient la non-interruption des activités
de...
M. Lévesque (Chapleau) : D'où
la loi. D'où la loi.
M. Chevrier (Marc) : C'est
ça. Donc, d'une certaine façon, le projet de loi en question contribue à
renforcer le caractère perpétuel de la couronne.
M. Lévesque (Chapleau) : Un
autre principe, rapidement. Vous avez parlé que la couronne, le fait que...
dans le corpus législatif, n'était plus là, il y a une certaine illisibilité de
notre autonomie. Puis vous avez parlé... vous avez fait le lien avec le
fédéral. Je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps, là. Peut-être que ce
sera pour une autre occasion.
Le Président (M. Bachand) :
En quelques secondes, professeur.
M. Chevrier (Marc) : Oui.
Bon, écoutez, je constate tout simplement qu'il y a une asymétrie de
traitement, c'est-à-dire que le Québec, dans sa législation, reconnaît qu'il y
a une couronne fédérale mais ne le fait pas pour lui-même, et il préfère parler
d'État ou d'État du <Québec...
Le Président (M.
Bachand) : ...
quelques secondes, professeur.
M. Chevrier (Marc) :
Oui. Bon, écoutez, je constate tout simplement qu'il y a une asymétrie de
traitement, c'est-à-dire que le Québec, dans sa législation, reconnaît qu'il y
a une couronne fédérale mais ne le fait pas pour lui-même, et il préfère parler
d'État ou d'État du >Québec. Et je ne suis pas nécessairement contre le
fait qu'on emprunte tel langage, bien au contraire, mais on a peut-être perdu
le lien, comme je l'ai dit tout à l'heure, entre cet État, son autonomie et le
fait qu'il ait dérivé comme une couronne.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine
pour une période de 11 minutes. M. le député, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Pr Chevrier.
Très heureux de vous parler, surtout que ça me rappelle une formation que j'ai
eue en sciences politiques, à l'Université Laval, par contre, je n'ai pas fait
sciences politiques à l'Université de Montréal, mais à l'Université Laval, mais
ça me rappelle aussi, pour l'Université de Montréal, les cours de droit constitutionnel,
et c'est là où on se repose la question, quand on se remet là-dedans. O.K.,
donc, un principe constitutionnel, puis vous pourrez confirmer, de common law
va céder le pas à une loi du Québec ici.
M. Chevrier (Marc) : Oui,
c'est ça, en quelque sorte, puisque notre droit public, au Québec, est encore
régi par la common law. La common law, en fait, les juristes la pensent un peu
comme le corps du roi et la pensent comme perpétuelle, c'est-à-dire que les
principes de common law ne meurent jamais. Ils peuvent être écartés par des
lois, mais, quand les lois se retirent, les vieux principes reviennent. Alors,
c'est un peu comme ça qu'on pense le droit public en common law et c'est encore
comme ça qu'on l'enseigne.
M. Tanguay
: C'est bon.
Je vous écoutais parler de la couronne et de la portée potentiellement exiguë
du terme «couronne». J'aimerais savoir... Puis, pendant que je vous écoutais attentivement,
je faisais des recherches, je suis tombé sur l'article 61 de la Loi d'interprétation
du Québec. Et là... Est-ce que vous me voyez toujours si... Vous me voyez toujours,
M. le Président?
Le Président (M. Bachand) :
Oui, oui, ça va, oui.
M. Tanguay
: Parfait.
Alors, l'article 61 de la Loi d'interprétation du Québec... puis
j'aimerais savoir jusqu'à quel point, selon votre compréhension,
Pr Chevrier, ça viendrait diminuer beaucoup peut-être l'écueil d'une
portée limitée de couronne où on dit : «Dans toute loi, à
moins qu'il n'existe des dispositions particulières à ce contraire : les
mots — donc 1°, paragraphe 1° de 61, Loi d'interprétation du
Québec — «Sa Majesté», «roi», «souverain», «reine»,
«couronne», signifient le souverain du Royaume-Uni, du Canada et des autres
royaumes et territoires, et chef du Commonwealth.»
Alors, j'aimerais savoir si
vous aviez pu jeter un oeil sur cet article d'interprétation là et jusqu'à quel
point il viendrait nous réconcilier avec l'ampleur, la pleine plénitude que
prend le terme «couronne», là, dans le projet de loi n° 86.
M. Chevrier (Marc) : Bien, cet article, cet alinéa, donc, de l'article 61 de la Loi
d'interprétation vise, en fait, la couronne britannique, et, en ce sens-là,
l'article est <clair...
M. Tanguay
:
...
dans le projet de loi n° 86.
M. Chevrier (Marc) :
Bien, cet article, cet alinéa, donc, de l'article 61 de la Loi
d'interprétation vise, en fait, la couronne britannique, et, en ce sens-là,
l'article est >clair.
Ce qui n'est pas clair, c'est plutôt
l'incarnation institutionnelle de la couronne vis-à-vis du Québec, parce que ce
qui est un peu compliqué, c'est que la couronne, oui, elle est incarnée par le
souverain, qui est déterminé par une loi de succession du Parlement britannique.
Ça, bon, c'est ce qui est visé dans la Loi d'interprétation, mais il y a aussi
une couronne au Canada, et la reine est reine du Canada. Elle règne sur le Canada
et sur le Royaume-Uni, comme sur d'autres royaumes. Et la reine du Canada,
donc, est cheffe du Canada, qui est pensé comme une couronne, mais qui est
démultiplié par 11, c'est-à-dire les 10 États provinciaux plus l'État
fédéral canadien. Et c'est pour cette raison-là qu'est apparu dans le langage
du droit ces formules qu'on appelle la couronne du chef du Canada, ou la
couronne au droit du Canada, ou la couronne en droit du Québec, ou de la
province de Québec, des expressions qui se sont multipliées, mais qui
essayaient, finalement, de nommer cette articulation institutionnelle de la
couronne mais vis-à-vis du Québec, ou de l'Ontario, ou de l'État fédéral.
Donc...
Et ce que je constate, c'est que cette
expression particulière de la couronne vis-à-vis du Québec, qu'on nommait
avant, on ne le nomme plus, même s'il y a des textes qui utilisent encore la
vieille expression, comme la Convention de la Baie James ou plusieurs
règlements, par exemple, de la ville de Montréal, utilisent encore cette
expression.
M. Tanguay
: O.K.
Est-ce que... Donc, en termes plus précis, est-ce que vous auriez une
appellation autre à nous suggérer ou additionnelle à celle de couronne?
M. Chevrier (Marc) :
Bien, c'est-à-dire que, pour l'instant, je ne vois pas trop qu'est-ce qu'on
pourrait utiliser puisque le concept est quand même reçu en droit canadien et
dans le langage politique canadien. Donc, si on inventait un concept que
personne ne comprend, on ne s'aiderait pas.
Donc, je ne dis pas qu'il faut le
réintroduire dans le projet de loi n° 86, mais je voulais simplement
souligner un peu la portée de ce projet de loi par rapport au travail du
législateur québécois au cours des dernières années.
M. Tanguay
: J'aimerais
maintenant vous poser une question, puis ça a été effectivement ma première
source de questionnement en lisant le projet de loi, aussi court soit-il, là, sur
ce que vous appelez, vous, puis c'est votre premier point de catch, je crois
déceler que c'est... en tout cas, moi, je le perçois comme étant le principal
défi, de s'assurer de ne pas manquer la cible, le quatrième pouvoir,
l'administration publique.
J'essayais de comprendre, tel que libellé,
une personne ayant une charge ou <un...
M. Tanguay
: ...sur
ce
que vous appelez, vous, puis c'est votre premier point de catch, je crois
déceler que c'est... en tout cas, moi, je le perçois comme étant le principal
défi, de s'assurer de ne pas manquer la cible, le quatrième pouvoir,
l'administration publique.
J'essayais de comprendre, tel que
libellé, une personne ayant une charge ou >un emploi... et c'est ce
que l'on vise à assurer... c'est ce à quoi on vise à assurer une continuité,
celles et ceux qui ont charge et emploi, et comment ça, ça va de pair... et c'est
tout à fait similaire et comparable, avec la loi, les deux articles de loi que
l'on veut abroger ici, qui se trouvent à être la Loi sur les employés publics.
Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
À la question suivante : Croyez-vous
qu'il y a identité parfaite entre, d'une part, les concepts de fonctionnaires
et employés publics du Québec, et, d'autre part, «charge» ou «emploi» tels
qu'utilisés dans le projet de loi n° 86... est-ce que, selon vous, c'est
clair qu'il y a adéquation ou il y a un drapeau rouge pour vous, là?
• (17 h 10) •
M. Chevrier (Marc) : Bien,
écoutez, vous parlez ici de l'article 1 du projet de loi n° 86. Donc,
il y a deux éléments, le premier alinéa, qui... donc qui est une clause de
continuité qui concerne les activités du Parlement du Québec, du gouvernement,
des tribunaux, et, deuxième alinéa, on dit que la dévolution de la couronne ne
met pas un terme à une charge ou à un emploi.
Alors, la question, c'est plus de savoir
comment construire l'interprétation de cet article. Est-ce qu'un deuxième
alinéa ne fait que reprendre des éléments qui sont nommés dans le premier, c'est-à-dire
qu'on vise le Parlement, le gouvernement, les tribunaux, à l'intérieur desquels
il y a des emplois et des charges, ou alors est-ce que le deuxième alinéa, en...
par les termes «emploi et charge», viserait plus que le Parlement, le gouvernement
et les tribunaux, et là il viserait implicitement l'administration? Pour ma
part, bon, si vous voulez vraiment être sûr de bien couvrir, peut-être qu'il
serait utile d'ajouter l'administration au premier alinéa.
M. Tanguay
: O.K. Donc,
vous ajouteriez : Elle n'a... pour effet de mettre un terme à une charge
ou à un emploi et, par ailleurs, à tout lien conféré dans un contexte d'emploi
visant l'administration publique, là, le... mettre le concept d'administration
publique. Parce qu'effectivement, moi... Oui?
M. Chevrier (Marc) : Je le
mettrais dans le premier alinéa.
M. Tanguay
: Dans le
premier alinéa de l'article.
M. Chevrier (Marc) : Lorsqu'on
parle des activités du Parlement, du gouvernement et des tribunaux...
M. Tanguay
: Je
comprends.
M. Chevrier (Marc) : ...bien,
on pourrait ajouter l'administration à cette énumération.
M. Tanguay
: Parfait. Parce
que...
M. Chevrier (Marc) : Là, ça
couvre tout.
M. Tanguay
: C'est
intéressant, ce que vous apportez comme réflexion, parce qu'effectivement, moi,
je faisais l'adéquation, mais, voyez-vous, vous ouvrez une autre perspective entre
le second alinéa de l'article 1 et l'article 3. Moi, je faisais une
adéquation. Moi, je me disais que l'article 3, une fois que vous avez
adopté <l'article 1...
M. Chevrier (Marc) :
...ça couvre tout.
M. Tanguay
: C'est
intéressant, ce que vous apportez comme réflexion, parce qu'effectivement, moi,
je faisais l'adéquation
, mais, voyez-vous, vous ouvrez une autre
perspective entre le second alinéa de l'article 1 et l'article 3.
Moi, je faisais une adéquation. Moi, je me disais que l'article 3, une
fois que vous avez adopté >l'article 1, y incluant, bien évidemment, son
deuxième alinéa, moi, je disais... mon interprétation était de dire : Ah!
bien, à ce moment-là, j'ai besoin de l'article 3 pour aller, parce qu'ils
n'ont plus d'oeuvre utile, aller abroger les articles 7 et 8, qui
prévoyaient, justement, pour les fonctionnaires et les employés publics, une
continuité dans un contexte de dévolution. Mais vous dites : Il n'y a
peut-être pas adéquation puis peut-être qu'il y aurait un débat, le cas
échéant, sur l'intention du législateur. Puis vous apportez l'autre piste
d'interprétation : Non, non, non, le deuxième alinéa de 1 concerne toutes
celles et ceux qui gravitent autour des institutions du premier alinéa.
M. Chevrier (Marc) : En
effet.
M. Tanguay
: Alors, en
mettant «administration publique» là ou, en tout cas, un vocable... puis
l'invitation est lancée à Mme la ministre et celles et ceux qui travaillent
avec elle peut-être de considérer, le cas échéant, un amendement. Puis ça,
c'est intéressant, ce que vous soulevez.
Écoutez, moi, ça fait... ça fait
réellement le tour. Je vous remercie beaucoup pour l'éclairage que vous avez
apporté. C'est une loi qui n'est pas anodine et qui nécessite, justement, que...
L'objectif de la loi, c'est de s'éviter tout écueil ou interprétation. Alors,
assurons-nous que ce soit bien rédigé. Alors, je vous remercie beaucoup,
Pr Chevrier.
Le Président (M. Bachand) :
Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Lesage pour
une période de 2 min 45 s. M. le député de Jean-Lesage, s'il
vous plaît.
M. Zanetti : Oui. Merci, M. le
Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation, Pr Chevrier.
Ma question est moins technique ou... bien,
peut-être qu'elle l'est, technique, mais... si on n'adopte pas ce projet de loi,
là, par exemple, selon vous, là, qu'est-ce qui va se passer? Est-ce que les
craintes du gouvernement sont fondées, là, à savoir qu'il faudrait partir en
élection, etc.? Est-ce que ça créerait vraiment ce phénomène-là ou personne
n'oserait nous... venir dire à l'Assemblée nationale : Écoutez, il
faudrait que vous arrêtiez de siéger, par exemple?
M. Chevrier (Marc) : Bien,
écoutez, il n'y a pas, de toute façon... il n'y a pas, comment dire, de
mouvement profond au Québec qui tiendrait mordicus à ce que la mort de la
souveraine entraîne la dissolution de la Chambre. Donc, je ne vois pas de gens
ou d'organisations qui défendent avec rage ou conviction ce vieux principe de
common law.
Au fond, à mon avis, j'ai l'impression que
le projet de loi répond à un souci de prudence. Est-ce que ce souci est
excessif? Ça, je laisse ça à votre <interprétation...
M. Chevrier (Marc) :
...qui
défendent avec rage ou conviction ce vieux principe de common
law.
Au fond, à mon avis, j'ai l'impression
que le projet de loi répond à un souci de prudence. Est-ce que ce souci est
excessif? Ça, je laisse ça à votre >interprétation. Parce que, bon, à la
limite, effectivement, si le gouvernement n'adopte pas ce projet de loi, laisse
les choses en l'état, arrive la dévolution de la couronne, peu importe
comment... Au fond, si personne au gouvernement, ni personne dans l'Assemblée
nationale, personne dans la société civile ne réclame la dissolution de la
Chambre, à mon avis, les choses vont continuer sur l'horaire.
Donc, au fond, c'est un projet de loi qui
essaie de parer à la possibilité peut-être théorique que quelques personnes
dans la société se plaignent du non-respect du principe de common law que nous
avons considéré. Et, pour ce faire, donc, on essaie de parer, donc, à cette possibilité
et on adopte ce projet de loi en s'inspirant de projets de loi similaires qui
ont été adoptés ailleurs au Canada, et qu'on trouve un peu l'équivalent dans
les constitutions internes des États fédérés en Australie.
M. Zanetti : Est-ce qu'il
reste du temps?
Le Président (M. Bachand) :
Il reste cinq secondes, M. le député de Jean-Lesage. Peut-être, si vous voulez
faire un dernier commentaire, allez-y.
M. Zanetti : Au prochain coup.
Merci à vous.
Le Président (M. Bachand) :
Merci de votre compréhension. M. le député de Matane-Matapédia, pour
2 min 45 s, vous avez la parole. Votre micro, M. le député.
M.
Bérubé
: ...
Le Président (M. Bachand) :
Non. Repèse... Parfait.
M.
Bérubé
: Vous
m'entendez?
Le Président (M. Bachand) :
Oui, parfaitement.
M.
Bérubé
: Oui,
M. le Président. Je n'ai pas de question.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, écoutez, là-dessus, M. Chevrier,
j'aimerais vous remercier d'avoir participé aux travaux de la commission. Ça a
été très apprécié.
Et, cela dit, afin d'accueillir nos autres
invités, nous allons suspendre les travaux quelques instants. Merci beaucoup. Et,
aux membres de la commission, restez en ligne. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 17)
>
(Reprise à 17 h 21)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Il nous fait plaisir d'accueillir notre deuxième témoin, M. le professeur Patrick
Taillon, professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval. Et il est
accompagné, bien sûr, d'un invité.
Alors, Pr Taillon, vous avez, bien
sûr, 10 minutes de présentation, et, après ça, on va procéder à la période
d'échange. Donc, la parole est à vous pour 10 minutes.
M. Patrick Taillon
M. Taillon (Patrick) : Merci,
M. le Président. Merci aux membres de la commission. Merci pour cette invitation
à discuter d'un projet de loi important, du moins, les risques qu'il tente
d'atténuer sont considérables. Je suis accompagné aujourd'hui de Me Julien
Fournier, avocat et doctorant en droit constitutionnel à la Faculté de droit de
l'Université Laval, qui a beaucoup... de nombreuses réalisations, mais dont je
ne mentionnerai qu'une seule, d'avoir fait un mémoire de maîtrise sur les questions
liées à l'évolution de la couronne au Québec et au Canada, et un mémoire qui a
été primé par un prix Jean-Charles-Bonenfant, prix de l'Assemblée nationale et
de la fondation pour l'excellence de ce mémoire.
Alors, dans ce court mot introductif, je
vais suivre un peu l'ordre de présentation du court mémoire qu'on vous a... qu'on
a préparé pour les membres de la commission, M. le Président, et qui se résume,
au fond, à trois constats : le premier, un projet de loi nécessaire; le
deuxième, un projet de loi bien construit; et le troisième, un projet de loi à
compléter ultérieurement par bien d'autres réformes.
Donc, premier constat, ce projet de loi
est nécessaire. Ce n'est pas simple à vulgariser, mais, grosso modo, il y a,
dans le fonctionnement, à l'origine de nos institutions, hein, l'idée que le
Parlement, c'est la reine dans son Parlement. Et donc il y a une règle de
common law qui veut que, lorsque la reine meurt, bien, il faut dissoudre les
Chambres, faire des élections, prêter à nouveau serment.
Cette règle de common law, elle s'est
appliquée au Québec, du moins au Bas-Canada, durant le XIXe siècle. Donc,
on a des précédents très clairs qui montrent que cette règle, elle fait... elle
en fait partie, du droit québécois. Et cette règle, on l'a par la suite abriée
d'une disposition législative qui est venue, en quelque sorte, résoudre le
problème, donc nous dispenser de tenir de telles élections. Cette règle a
existé un certain nombre de temps.
Et puis, à l'occasion de la réforme de la
Loi sur l'Assemblée nationale, en 1982, la manière de formuler la règle a
soudainement changé. Si on est optimistes, on dit que, maintenant, c'est... La
règle est toujours là, mais ce n'est pas très clair. Si on est plus pessimistes
et qu'on veut être un peu plus alarmistes, on peut se demander si la règle n'a
pas tout simplement disparu, et donc, dans ces circonstances-là, le Québec
était exposé à un risque, un <risque...
M. Taillon (Patrick) :
...dit que,
maintenant, c'est... La règle est toujours là, mais ce n'est
pas très clair. Si on est plus pessimistes et qu'on veut être un peu plus
alarmistes, on peut se demander si la règle n'a pas tout simplement disparu, et
donc, dans ces circonstances-là, le Québec était exposé à un risque, un >risque
qui n'est pas nécessaire, soit un risque d'être obligé de tenir des élections
ou de voir les lois du Québec adoptées après l'absence d'élections contestées
devant les tribunaux, avec toutes les incertitudes que cela comporte, dans un
contexte où il y a probablement un très fort consensus social et politique sur
le fait qu'il n'y a pas lieu de faire d'élections lors de la dévolution de la
couronne.
Donc, une loi nécessaire, une loi bien
construite, bien construite parce qu'elle règle les trois problèmes. Si on
l'adopte, il n'y aura pas d'élection à la suite de la dévolution de la
couronne. Deuxièmement, les députés n'auront pas à prêter un nouveau serment au
prochain roi qui, vraisemblablement, serait le prince Charles. Si certains le
souhaitent, peut-être qu'une cérémonie pourra être organisée, mais l'obligation
de prêter serment, ça va résoudre ce problème-la, et il n'y aura pas lieu
d'adopter un décret concernant, là, les fonctionnaires qui poursuivent
l'exercice de leurs fonctions.
Donc, trois problèmes qui sont réglés, pas
juste pour la prochaine dévolution de la couronne, mais pour les suivantes
aussi, et c'est ce qui nous amène à souligner que, sur le plan légistique, les
choix qui ont été faits dans la conception du projet de loi nous semblent
plutôt astucieux, c'est-à-dire d'avoir mis ce remède dans une loi distincte de
nos lois générales. On aurait pu inscrire ça dans Loi sur l'Assemblée
nationale, par exemple, comme ça l'était jadis, mais, en inscrivant ça dans une
loi un peu isolée, je pense qu'elle a toutes les chances de ne jamais être
modifiée, cette loi, et donc elle a toutes les chances de perdurer.
Et deuxième choix qui a été fait par ceux
qui ont préparé le projet de loi, qui nous semble judicieux, bien, ça me semble
très respectueux aussi d'un choix politique qui a été fait au Québec, depuis la
Révolution tranquille, d'éviter de multiplier les références à la couronne dans
nos lois générales... et donc, en traitant de la question dans une loi isolée,
on reste un peu fidèles à ceux qui ont écrit la Loi sur l'Assemblée nationale
en 1982 et à la manière dont ils voulaient le faire. Et donc je pense que ces
choix légistiques, si je peux dire, sont tout à fait judicieux.
Dernier constat, et je m'arrête après deux
ou trois minutes là-dessus, c'est un projet de loi qui reste, évidemment, à
compléter ultérieurement, hein? Je ne crois pas que c'est le moment de se
lancer dans des réformes qu'on ferait un peu trop rapidement, supplémentaires,
mais il est important d'attirer... il est important pour nous, M. le Président,
d'attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que, lorsqu'il
est question de nos institutions monarchiques, ce n'est pas vrai qu'on ne peut
pas les améliorer. Il y a des changements qui sont possibles. Certains sont
très compliqués à faire, et donc il est peut-être plus sage de ne pas aller
dans cette direction-là, mais il y a un certain nombre de changements qui
pourraient être faits sans engager de grandes négociations constitutionnelles
avec le reste du Canada, donc des changements que le Québec peut faire seul,
s'il le <souhaite...
M. Taillon (Patrick) :
...qui sont possibles.
Certains sont très compliqués à faire, et donc il
est peut-être plus sage de ne pas aller dans cette direction-là, mais il y a un
certain nombre de changements qui pourraient être faits sans engager de grandes
négociations constitutionnelles avec le reste du Canada, donc des changements
que le Québec peut faire seul, s'il le >souhaite.
Et la Révolution tranquille est, à cet
égard, très instructive. Je recense rapidement, dans le petit mémoire, quelques
grandes... quelques familles d'exemples de réformes qui ont été faites depuis
la Révolution tranquille. Ça va des changements de vocabulaire jusqu'à
l'abolition de la deuxième chambre. Bon, vous avez une petite liste énumérative
de ces réformes, mais je pense que le grand chantier de la Révolution
tranquille pourrait encore être complété. Ce qui m'amène à la dernière page du
mémoire, donc quelques chantiers possibles. Je ne les présenterai pas tous,
mais, pour chaque chantier, vous avez ensuite, entre crochets, la voie
procédurale à suivre, si je peux dire.
Un mot sur deux changements qui, personnellement,
me tiennent particulièrement à coeur. Le premier, qui est un grave problème
dans une fédération, ce n'est pas normal que ce soit l'Exécutif de l'entité
fédérale qui choisisse le chef d'État de l'entité fédérée. Et, à cet égard, du
point de vue de l'idéal du fédéralisme, c'est un irritant que le
lieutenant-gouverneur soit choisi par Ottawa, et c'est le premier changement
que l'on présente dans la liste.
Ce serait bien que l'Assemblée nationale,
les élus du Québec soient davantage proactifs dans le choix de leur lieutenant-gouverneur.
Évidemment, on n'a pas le pouvoir de le nommer, mais on a le pouvoir de
s'exprimer. On a le pouvoir de dire : Voici la personne que nous voudrions
avoir comme lieutenant-gouverneur, de le dire publiquement, et ensuite de
laisser à ceux qui ont le pouvoir de le faire le fardeau d'accepter ou de
refuser cette recommandation-là, donc, donner au Québec, en pratique, par de
nouveaux usages, une capacité de choisir notre chef d'État. Bon, ensuite, on
pourrait rebaptiser l'institution. Je vous épargne.
Mais dernier exemple avant de conclure
cette présentation introductive, je voudrais aussi attirer l'attention des
membres de la commission, M. le Président, sur l'importance, à certains égards,
de prendre la monarchie au sérieux, dans la mesure où elle est au coeur de nos
institutions. Dans un Québec qui se préoccupe souvent de manquer de pouvoir
dans la fédération, bien, le peu de pouvoirs dont on dispose, il faut en
maîtriser les tenants et les aboutissants. Et, à bien des égards, la couronne est
au coeur des institutions, et ce qui la limite, ce qui l'encadre, c'est souvent
ou presque tout le temps des usages, des conventions, donc des règles non
écrites, des règles floues, des règles méconnues. Et ce flou, parfois,
lorsqu'il y a des crises parlementaires, ça fait en sorte qu'au lieu d'atténuer
la crise, parfois, le flou accentue la crise.
• (17 h 30) •
L'exemple de la crise parlementaire
d'Ottawa de décembre 2008 est un parfait exemple. Et c'est pour ça que, dans
les pistes, dans les chantiers à compléter sur le front de la monarchie au
Québec à court terme, bien, de <travailler à une...
>
17 h 30 (version révisée)
< M. Taillon (Patrick) : ...des
crises
parlementaires, ça fait en sorte qu'au lieu d'atténuer la crise,
parfois, le flou accentue la crise. L'exemple de la crise
parlementaire
d'Ottawa,
de décembre 2008, est un parfait exemple. Et c'est pour ça que, dans les
pistes, dans les chantiers à compléter sur le front de la monarchie au
Québec
à court terme, bien, de >travailler à une meilleure codification de ces
règles non écrites, floues, conventionnelles, de ces usages qui organisent la
monarchie, ça pourrait être une occasion de faire un grand pas en avant.
On n'est pas les seuls à... On ne serait
pas les premiers à le faire. La Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni ont adopté des
«cabinet manuals», donc des codifications pratico-pratiques de ce qui organise
la couronne. Et, en travaillant habilement, ça peut être une occasion de
permettre au Québec de vivre son parlementarisme à sa manière et d'encadrer le
plus possible le rôle que doit jouer, dans nos institutions, le
lieutenant-gouverneur, mais en maximisant le plus possible le rôle des élus.
Donc, en travaillant sur une codification, en travaillant sur le règlement de
l'Assemblée, il y a des grands pas en avant qui peuvent être faits. Pour en
savoir plus, évidemment, je vous suggère à tout moment la lecture de
l'excellent mémoire de Julien Fournier ou encore d'une récente étude que j'ai
publiée pour l'IRAI sur tous ces chantiers, toutes ces questions de réformes
possibles en lien avec la monarchie. Voilà.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Pr Taillon. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre,
s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci, Pr Taillon, pour ce bel exposé. D'ailleurs, ça va me
permettre de vous demander... Moi, ma compréhension... Naturellement, je ne
suis pas constitutionnaliste et j'ai eu l'occasion de travailler et de potasser
le droit constitutionnel, surtout eu égard aux applications de la Constitution
en droit criminel, naturellement, là. Donc, je vous dirais que l'exclusion de
la preuve, etc., c'est les... le droit à une fouille, les choses comme ça, ce
sont plutôt les portions de la Constitution avec lesquelles je suis la plus
familière, mais, ceci étant dit, j'ai toujours, malgré tout, trouvé ça fort
intéressant.
Ma compréhension était... parce qu'on en
parle, avec votre... l'intervenant précédent également, on a beaucoup parlé du
pouvoir législatif qui était affecté ou pouvait être affecté par la dévolution
de la couronne, selon le principe de common law et selon la façon dont on
interprète la disposition qui est demeurée dans la loi sur l'Assemblée
législative... nationale, pardon, en 1982, là, qui disait que seul le
lieutenant-gouverneur pouvait dissoudre le Parlement. Je paraphrase,
naturellement, mais j'avais comme compréhension aussi qu'il pouvait y avoir des
effets sur le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, donc les tribunaux,
parce qu'on parle d'éviter des élections. Mais je pense qu'il est bon de
recadrer ici que la... ce n'est pas parce qu'on veut éviter des élections dans
cette législature, mais c'est de faire en sorte que les élections au Québec ne
soient pas tributaires de l'abdication ou de la mort du souverain en
Angleterre. Je pense que c'est important, démocratiquement, que l'on fasse le
choix du moment de nos élections ici, au Québec.
Et là, maintenant, c'est sûr que, comme il
ne s'est rien passé en matière de dévolution de la couronne depuis 1952, on a
peut-être l'impression que c'est farfelu d'agir maintenant, mais, bon, il y a
l'âge de la souveraine actuelle, mais il y a aussi la possibilité qu'un souverain
qui n'a pas <cette...
Mme LeBel : ...
ici,
au Québec.
Et là, maintenant, c'est sûr que, comme
il ne s'est rien passé en matière de dévolution de la couronne depuis 1952, on
a peut-être l'impression que c'est farfelu d'agir maintenant, mais, bon, il y a
l'âge de la souveraine actuelle, mais il y a aussi la possibilité qu'un
souverain qui n'a pas >cette même... disons, qui est moins fragile au
niveau de l'âge, pourrait abdiquer pour des raisons quelconques. Et, à ce
moment-là, si on n'intervient pas, ma compréhension, bon, au niveau du pouvoir
législatif, c'est qu'on serait tributaires de ce qui se passe à Londres par
rapport à nos élections et le maintien de notre pouvoir législatif. Pour moi, c'est
bien compris, et je pense que la nécessité d'agir est bien comprise.
Mais parlez-moi du pouvoir judiciaire.
J'avais l'impression qu'il y avait un effet également sur le pouvoir judiciaire,
peut-être que c'est ma compréhension qui est erronée. Et, bon, maintenant, je
verrais... je pourrais penser à d'anciens collègues qui seraient tentés, si on
n'intervient pas et qu'il y a un effet sur le pouvoir judiciaire, de présenter
certaines requêtes dans plusieurs dossiers pour dire que la dévolution de la
couronne a eu un effet sur la cause qui est présentement entendue. Donc, il n'y
a pas juste une question d'éviter des élections, là, mais je pense qu'il y a
des effets beaucoup plus profonds à cette dévolution, potentiels, à tout le
moins, en vertu du principe de common law. Est-ce que je me trompe ou...
M. Taillon (Patrick) : Oui,
bien, avec votre permission, je vais faire une amorce de réponse et laisser mon
collègue Julien Fournier compléter. Mais, grosso modo, le principe, là, on peut
parler le langage de l'État québécois tel qu'on le connaît, mais on peut parler
aussi le langage de la monarchie. C'est comme des équivalents. Et donc la
couronne, c'est l'État, c'est le pouvoir, et le pouvoir... partout où il y a du
pouvoir, il y a donc de la couronne. Nos juges rendent justice, la justice est
rendue au nom de Sa Majesté, si je parle le langage de la monarchie.
Mme LeBel : J'ai d'ailleurs
été, jusqu'en 2005, avant qu'on forme le DPCP, un procureur de la couronne,
donc...
M. Taillon (Patrick) : Oui,
exactement. Et donc les juges, avant d'entrer en fonction, prêtent serment.
Donc, la couronne, elle est partout. Sur la question précise de la dévolution,
je laisse mon collègue Julien Fournier ajouter un complément.
Le Président (M. Bachand) :
M. Fournier, s'il vous plaît.
M. Fournier (Julien) :
Bonjour, M. le Président. Et, Mme la ministre, merci pour votre question. C'était,
en quelque sorte, une anomalie dans la législation québécoise. Il n'y avait pas
de disposition précise sur cette question de l'effet de la dévolution de la
couronne sur les procédures devant les tribunaux. Quand on compare avec les
autres provinces du Canada, quand on compare aussi avec la législation
fédérale, l'article 46 de la Loi d'interprétation fédérale prévoyait cette
situation-là. Et donc on a, avec ce projet de loi qui est proposé maintenant,
une garantie que ce genre de plaidoirie là n'aurait pas de succès devant les
tribunaux.
Mme LeBel : O.K. Donc, vous
êtes d'accord avec moi, parce que ce que je faisais, je faisais le comparatif
entre la Loi sur la Législature, qui a été abrogée en 1982, et la nouvelle disposition
qui a été introduite dans la Loi sur l'Assemblée nationale en 1982. Et, même
dans la précédente disposition, qui était beaucoup plus claire, à mon sens, que
l'actuelle disposition, on parlait de... «aucune législature de la province
n'est dissoute par le décès du souverain». Donc, on ne faisait pas référence au
pouvoir... aux tribunaux.
Donc, est-ce que je peux comprendre,
M. Fournier, Pr Taillon, de par votre commentaire, qu'il est fort
approprié de couvrir également les tribunaux, là, dans... quand on parle de
contrer les effets de la dévolution de la couronne?
M. Taillon (Patrick) : Bien,
moi, ma <compréhension...
Mme LeBel : Donc, on ne
faisait pas référence au pouvoir... aux tribunaux.
Donc,
est-ce que je peux
comprendre, M. Fournier, Pr Taillon, de par votre
commentaire,
qu'il est fort approprié de couvrir
également les tribunaux, là, dans...
quand on parle de contrer les effets de la dévolution de la couronne?
M. Taillon (Patrick) :
Bien, moi, ma >compréhension, c'est que le projet de loi qui est devant
nous, il règle le doute interprétatif qui résulte de la réforme de 1982, mais
il va un peu plus loin, notamment sur cette question du décret pour les
fonctionnaires et éventuellement, peut-être, sur la question du serment aussi.
Donc, c'est peut-être un mal pour un bien, tant qu'à régler le problème...
Effectivement, il me semble qu'on s'attaque plus largement à l'ensemble des
incidences associées à la dévolution de la couronne.
Mme LeBel : Je ne veux pas
vous mettre en porte-à-faux avec la personne précédente, puis ce n'est pas le
cas du tout, mais il semblait... Le Pr Chevrier — c'était Chevrier, c'est
ça? — semblait nous dire que, dans l'article premier, là, moi, je pense,
qui est le coeur du projet de loi... D'ailleurs, ce n'est pas difficile d'être
le coeur quand il y a quatre articles. Quand on parlait de la... bon,
effectivement, on allait plus large, quant à moi, parce qu'on parle des
activités du Parlement du Québec, du gouvernement et des tribunaux, nous...
semblait dire que, dans la notion de gouvernement, la notion d'administration
publique n'était pas nécessairement couverte, et nous demandait de le préciser,
ce...
Et j'ai bien compris, là, mon collègue de
LaFontaine, qui me demandait... Donc, je suis en train de rédiger un potentiel
amendement comme... au moment où on se parle, clin d'oeil. Mais est-ce que vous
êtes d'accord avec cette interprétation-là qu'on serait mieux de préciser la
notion d'administration publique, qui n'est pas nécessairement, dépendamment
comment on la regarde, moindre et incluse dans la notion de gouvernement?
M. Fournier (Julien) : Deux
choses. D'abord...
Mme LeBel : C'est M. Fournier?
M. Fournier (Julien) : Oui.
Deux choses. D'abord, les politologues séparent l'administration du
gouvernement et les juristes ont tendance à moins le faire. À mon sens, dans le
gouvernement, dans le contexte de cette loi-là, ça encadre toute
l'administration publique.
Et puis, deuxième point, la solution à la
question du Pr Chevrier, bien, elle se situe dans le deuxième alinéa, hein, «la
dévolution de la couronne n'a également pas pour effet de mettre un terme à une
charge ou à un emploi.» Et là, donc, on vise toutes les charges, tous les
emplois au Québec, toutes les professions, les commissions, les... n'importe
quel fonctionnaire ou personnage qui a un pouvoir de l'État, qu'il soit, donc,
délégué. À mon sens, c'est couvert par l'alinéa 1°, 2°, et donc je ne partage
pas cette préoccupation de Pr Chevrier.
M. Taillon (Patrick) : Moi, je
vois mal comment un juge pourrait arriver, après l'adoption de cette loi-là,
puis dire : Vous avez oublié quelqu'un, vous avez oublié une charge, vous
avez oublié... Je pense que l'intention du législateur qui semble se dessiner à
travers ce projet de loi, c'est vraiment d'encadrer l'ensemble des situations
liées à la dévolution de la couronne.
Mme LeBel : Donc, à votre
sens, là, puis vous l'avez mentionné d'entrée de jeu, Pr Taillon, tel que... le
libellé de l'article 1, parce que c'est le coeur vraiment de ce projet de
loi. Par la suite, il y a certains articles de concordance, là, quand on abolit
les articles 6 et 7 de la Loi sur l'Assemblée nationale, je pense, ou l'administration
publique, peu importe... fait le travail, là, et semble couvrir toutes les
sphères d'un... qui pourraient être... potentiellement subir un impact de cette
dévolution de la couronne, là.
M. Taillon (Patrick) : Oui, et
il fait <plus que...
Mme LeBel : ...
quand
on abolit les articles 6 et 7 de la Loi sur l'
Assemblée nationale,
je pense, ou l'
administration publique, peu importe... fait le travail,
là, et semble couvrir toutes les sphères d'un... qui pourraient être...
potentiellement subir un impact de cette dévolution de la couronne, là.
M. Taillon (Patrick) : Oui,
et il fait >plus que réparer le doute qui s'est créé en 1982, et ça, ça
lui donne quand même un certain mérite. Je pense, notamment, à la question du
serment, là, parce que, bon, ça serait... Autant il y a un vrai risque pour
l'élection, autant on s'imagine mal le juge qui arriverait puis qui défendrait...
qui achèterait ce risque. Et donc, sur l'élection, le verre à moitié vide, le
verre à moitié plein, et se discute...
Mais moi, je pense qu'il y avait quand
même un risque auquel on ne veut pas s'exposer, et, je pense, c'est une bonne
chose de... Quant à l'exigence du serment, bien, elle est moins exorbitante que
celle d'imaginer tout le Québec plongé dans une élection générale. Et donc, sur
cette question précise, le projet de loi, il me semble d'une très grande
utilité. C'est maintenant très, très clair que le serment ne sera pas requis. Et,
dans les travaux de l'historien Gaston Deschênes, qui ont été mentionnés
précédemment et qui le seront probablement jusqu'à la fin de cette séance, il a
bien montré que, sur la question du serment, les usages ou l'histoire nous
montrent qu'il y a eu prestation de nouveaux serments beaucoup plus longtemps
que l'usage de la dissolution.
Bref, je ne veux pas prendre trop de
temps, mais je trouve qu'il s'agit d'un remède qui a été conçu pour vraiment
essayer d'englober toutes les facettes possibles du problème, des problèmes que
pourrait susciter la dévolution.
• (17 h 40) •
Mme LeBel : Bien, merci beaucoup.
Quant à moi, M. le Président, c'est tout le temps dont j'avais besoin. Je crois
qu'il y a une main de levée, mais...
Le Président (M. Bachand) :
Oui. M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui.
Merci, beaucoup, M. le Président. Bonjour, Pr Taillon, Me Fournier, merci de
votre présentation. Peut-être deux questions, là. Une première, Pr Chevrier
nous parlait, justement, du fait que le législateur québécois avait décidé de
s'éloigner du terme «couronne» dans la législation. Vous soulignez cela de
façon positive, là, le fait que ce soit dans une loi isolée et non pas dans
d'autres lois. Il faisait un lien avec la possibilité de... l'éligibilité de
l'autonomie provinciale, du moins, il mettait un certain bémol à ce niveau-là.
Je ne le sais pas qu'est-ce que vous en pensez, là, de cette situation-là
proposée par Me Chevrier.
M. Taillon (Patrick) : Je vais
essayer une réponse courte au cas où Julien voudrait ajouter.
Moi, ce que j'entends de ce message de mon
collègue, ou, en tout cas... et que je fais mien, c'est qu'il ne faut pas
tomber dans le piège... Le choix de masquer par le vocabulaire la nature
monarchique de nos institutions est un choix politique qui se défend
parfaitement, pas de problème avec ça, mais il ne faudrait pas que ça se
combine à l'endroit d'un désintérêt à l'endroit du fonctionnement réel et de la
nature profonde de nos institutions. Et donc <prendre...
M. Taillon (Patrick) : ...de
masquer par le vocabulaire la nature monarchique de nos institutions est un
choix politique qui se défend parfaitement, pas de problème avec ça, mais il ne
faudrait pas que ça se combine à l'endroit d'un désintérêt à l'endroit du
fonctionnement réel et de la nature profonde de nos institutions. Et donc >prendre
la monarchie au sérieux, ne pas en faire une espèce d'angle mort, à mon avis,
c'est indispensable pour que le Québec puisse bien jouer ses cartes, bien
maîtriser la défense de ses intérêts dans l'organisation de sa constitution
interne, mais aussi dans ses rapports avec le reste du Canada, parce que cette
couronne, elle est partagée à l'intérieur de la fédération. Et donc c'est le
message que j'entends.
Pendant plusieurs années, Julien Fournier
et moi, on s'est impliqués dans une longue saga judiciaire sur une réforme des
règles de succession au trône dans cette optique-là, c'est-à-dire que ce n'est
pas parce que la monarchie... Qu'on soit pour ou contre, elle existe et elle
doit être prise au sérieux parce que sur ce terrain se jouent des enjeux de
pouvoir, et le Québec a à défendre des intérêts, a à jouer ses cartes sur ces
questions-là.
Et le projet de loi le montre. Imaginez
une interprétation la plus alarmiste possible, imaginez le Québec plongé dans
une élection parce qu'on ne s'est pas suffisamment intéressés à la monarchie,
parce qu'on considère que ce n'est pas un sujet passionnant. C'est ce genre de
piège dans lequel il ne faut pas tomber. Puis c'est un peu ce que j'entendais
du message de mon collègue Marc Chevrier, du moins, c'est ma compréhension.
M. Lévesque (Chapleau) : Et
parlons, justement, des fameuses, quoi, 11 couronnes au Canada, là. Il y a
un certain irritant là. Elles sont censées, normalement, être égales entre
elles. Vous parlez d'un irritant en lien avec la nomination du
lieutenant-gouverneur. Que pensez-vous de l'affirmation que le fédéral serait
la fille des provinces et non pas l'inverse, et non pas les provinces, donc les
autres entités fédérées seraient les filles du fédéral? Il y a une espèce de
débat, là, c'est assez théorique, là, mais tout simplement pour avoir votre
opinion par rapport à ça.
M. Taillon (Patrick) : Bien, précisément
sur la couronne, c'est très... À l'origine, dans le texte de 1867, c'est mal
organisé et ça crée une impression de subordination, comme si le représentant
de la couronne à Québec était un fonctionnaire fédéral choisi, nommé et
rémunéré par Ottawa, sauf que... Et Julien Fournier maîtrise ça beaucoup mieux que
moi, mais la jurisprudence du comité judiciaire du Conseil privé est vite venue
un peu corriger le tir et venir dire : Ce n'est pas parce que c'est écrit
comme ça dans le texte qu'il n'y a pas une logique du fédéralisme qui doit
s'appliquer. Et donc on a essayé de désamorcer ce côté-là.
Après, je comprends de votre question
que... Mais peut-être que c'est une erreur, que, oui, il y avait des colonies
qui préexistaient en 1867, ces colonies se sont unies pour créer le fédéral...
M. Lévesque (Chapleau) : ...
M. Taillon (Patrick) : Donc,
une espèce de créature... Évidemment, ça fait partie de la dynamique. En même
temps, d'autres provinces ont été créées par ce pouvoir, cette entité commune.
Donc, il y a des dynamiques qui vont dans les deux sens.
Mais, pour le thème qui est le nôtre
aujourd'hui, sur la monarchie, c'est un irritant <profond que...
M. Taillon (Patrick) : ...
ces colonies se sont unies pour créer le fédéral...
M. Lévesque (Chapleau) : ...
M. Taillon (Patrick) :
Donc, une espèce de créature... Évidemment, ça fait partie de la dynamique. En
même temps, d'autres provinces ont été créées par ce pouvoir, cette entité
commune. Donc, il y a des dynamiques qui vont dans les deux sens.
Mais, pour le thème qui est le nôtre
aujourd'hui, sur la monarchie, c'est un irritant >profond que le chef de
l'État du Québec, le lieutenant-gouverneur ou le représentant de Sa Majesté en
territoire québécois ne soit pas choisi par le Québec lui-même. Et ça, ça
pourrait se changer par de simples usages. Il suffit que l'Assemblée nationale
dise haut et fort : Voici notre candidat. Moi, je pense que ça créerait un
momentum politique qui ferait que ce serait irrésistible pour les autorités
fédérales et le gouverneur général de s'opposer à cette volonté forte du Québec
de dire : Voici la personne que nous voulons à ce poste.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, je comprends mieux. Merci, Pr Taillon et Me Fournier. Merci, M.
le Président. Ce sera tout pour moi.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci beaucoup,
M. le Président. Alors, à mon tour de saluer M. Julien Fournier et plus particulièrement,
également, Pr Patrick Taillon. M. le Président, je me dois de dénoncer un
conflit, peut-être, d'intérêts. Je suis allé sur les bancs d'école avec
Me Taillon, Pr Taillon, faculté de droit à l'Université de Montréal, je
pense, même section d. On était dans la même section.
M. Taillon (Patrick) : Absolument.
M. Tanguay
: Et on
avait eu, comme prof constitutionnel, José Woehrling, si
mon souvenir est toujours bon.
M. Taillon (Patrick) : C'est
juste.
M. Tanguay
: Je
voudrais juste savoir quelle note vous avez eue et quelle note j'ai eue.
J'espère que la vôtre était nettement meilleure que la mienne, parce qu'aujourd'hui
vous êtes rendu le... un spécialiste de la question.
M. Taillon (Patrick) : Mon
souvenir, c'est que vous aviez d'excellentes notes à l'époque. Je ne sais pas
pour la suite de vos études, mais, à ce moment-là, vous étiez un étudiant particulièrement
brillant. Donc, je n'oserais pas comparer ma note de l'époque à celle d'aujourd'hui.
J'ai peut-être fait des cours de rattrapage plus tard.
M. Tanguay
: Ah! non,
non, je ne suis pas inquiet pour vous, puis il faudrait voir, en ce qui me
concerne, à quel moment ça s'est gâté, mais ça, c'est un autre débat. Je suis
sûr que la ministre aurait peut-être une théorie là-dessus. Puis je remercie la
ministre qui dit... Elle dit oui, je ne veux pas la partir là-dessus, c'est mon
temps avec M. Taillon et M. Fournier. Puis j'invite la ministre, oui,
à continuer à réfléchir à des amendements. C'est bien, ça, puis j'aime ça quand
elle travaille en direct également.
Dites-moi, question théorique, mais c'est toujours
intéressant de... J'aimerais vous lancer la première question. Est-ce que, dans
les autres provinces, ils ont cette certitude-là? Et, dans la mesure où une
province aurait fait cavalier seul avec une telle pièce législative, j'imagine
qu'il y aurait eu un débat d'interprétation d'une province à l'autre, à ce
moment-là, une province qui l'a, la loi n° 86, et
l'autre qui dit : Non, moi, je roule les dés, je ne l'ai pas.
Est-ce qu'à l'heure où on se parle, au
Canada, dans les autres provinces, elles ont toutes de telles pièces
législatives? Et sinon je pense que ça va leur mettre de la pression, parce
qu'on ne fait pas ça pour rien non plus, là. J'aimerais vous entendre
là-dessus,
M. Fournier (Julien) : M. le
Président, le fédéral a ces dispositions-là. C'est l'article 2 de la Loi
sur le Parlement du Canada et l'article 46 de la Loi d'interprétation.
Notre compréhension, mais on n'a pas la recension complète ici, devant nous, c'est
que, l'essentiel des provinces, c'est réglé. D'ailleurs, il restait
Terre-Neuve. Terre-Neuve a réglé ce problème-là en 2019. Et donc le <Québec...
M. Fournier (Julien) :
M. le Président, le fédéral a ces dispositions-là. C'est
l'article 2 de la Loi sur le Parlement du Canada et l'article 46 de
la Loi d'interprétation. Notre compréhension, mais on n'a pas la recension
complète ici, devant nous, c'est que, l'essentiel des provinces, c'est réglé.
D'ailleurs, il restait Terre-Neuve. Terre-Neuve a réglé ce problème-là en 2019.
Et donc le >Québec... Notre compréhension complète, il y a donc une
espèce d'uniformité à l'échelle canadienne.
M. Tanguay
: Parfait.
Merci pour cette précision-là. On a eu, dans le contexte du débat, les
élections à date fixe. Alors, élections à date fixe, c'est intéressant parce
que c'est là où on voit le rôle du lieutenant-gouverneur. L'Assemblée nationale
ne peut pas lier le lieutenant-gouverneur, le lieutenant-gouverneur peut...
Puis on a vu que c'est arrivé, je veux dire, c'est sous Pauline Marois,
projet de loi de 2013, il n'y a pas eu de vote, puis on me détrompera si j'ai
tort, de non-confiance. Mme Marois a décidé de traverser la rue, puis
d'aller voir le lieutenant-gouverneur, et on est partis en élection nonobstant
le fait qu'il y avait une élection à date fixe, mais il y avait un gouvernement
minoritaire. Autrement dit, une loi qui n'est pas une loi théorique, parce que
c'est une affirmation claire qu'au Québec on a des élections à date fixe, prochaines
élections en octobre 2022, mais on ne peut pas lier le lieutenant-gouverneur, ce
qui fait que le lieutenant-gouverneur peut constater, vote de non-confiance, et
nous faire partir en élection. Et un premier ministre peut toujours traverser
la rue puis dire... Puis Stephen Harper l'avait fait également pour une
loi similaire.
Une fois que l'on a dit ça, qu'une loi de
l'Assemblée nationale ne peut pas lier... Et, tel que rédigé, les élections à
date fixe, c'est bien rédigé parce qu'on dit que ça n'a pas pour effet,
évidemment, de diminuer le pouvoir du lieutenant-gouverneur, et ainsi de suite.
L'article 2 de la Loi sur l'Assemblée nationale définit le Parlement du
Québec comme étant la jonction de l'Assemblée nationale et du lieutenant-gouverneur.
Tel que rédigé, l'article 1, qui se veut lier le Parlement du Québec,
est-il bien rédigé en ce qu'il aurait prétention aussi de lier, bien évidemment,
l'Assemblée nationale, mais de lier le lieutenant-gouverneur?
• (17 h 50) •
M. Taillon (Patrick) : Oui.
Deux choses. D'abord, la loi sur les élections à date fixe, c'est un formidable
exemple qu'on peut faire des réformes, même s'il y a la contrainte qu'est la
charge de lieutenant-gouverneur. Et le Québec s'est démarqué par rapport à son
équivalent fédéral et à d'autres provinces, parce que, justement, au lieu
d'aller jouer trop directement sur la charge de lieutenant-gouverneur, ce qu'on
a... ce qui a été fait par, je crois, à l'époque, le ministère du Conseil
exécutif, à travers certains secrétariats, c'est de jouer plutôt sur la date de
fin de la législature. Donc, une législature, ça meurt au bout d'un certain
temps. Et donc le modèle québécois d'élections à date fixe, ce n'est pas
d'aller jouer dans la charge de lieutenant-gouverneur, mais c'est de dire :
Après telle date, c'est fini. Et donc, en créant un délai maximum, ça devient
la date fixe.
Sur la question précise que vous soulevez,
moi, je n'ai pas cette inquiétude. Peut-être que Me Fournier l'a, mais à
lui d'intervenir, si c'est le cas. Mais je crois qu'au contraire il y a, dans
la charge de lieutenant-gouverneur, des caractéristiques essentielles, si je
peux dire, qui ne peuvent pas être modifiées par une simple loi, mais il y a
ensuite toutes sortes d'autres considérations qui peuvent l'être.
<Donc...
M. Taillon (Patrick) :
...
que Me Fournier l'a, mais à lui d'intervenir, si c'est le cas.
Mais je crois qu'au contraire il y a, dans la charge de l
ieutenant-gouverneur,
des caractéristiques essentielles, si je peux dire, qui ne peuvent pas être
modifiées par une simple loi, mais il y a ensuite toutes sortes d'autres
considérations qui peuvent l'être.
>Donc là, ici, là, le Parlement
du Québec comme un tout, comme un organe qui est composé de plusieurs organes,
qui établit une nouvelle règle, ça ne me semble aucunement remettre en question
cette part constitutionnellement protégée, difficile à modifier, qu'on appelle
la charge de lieutenant-gouverneur. C'est ses aspects essentiels. Pas du tout,
je n'ai pas cette inquiétude.
M. Tanguay
:
M. Fournier, vouliez-vous ajouter? Vous...
M. Fournier (Julien) :
Je n'ai pas d'inquiétude non plus. Les aspects accessoires qui sont liés à la
fonction de lieutenant-gouverneur peuvent être régis par des lois du Parlement
du Québec. Je pense que ça tombe dans cette catégorie-là.
M. Taillon (Patrick) :
Juste pour donner un exemple, là, le lieutenant-gouverneur, il nommait les
membres du Conseil exécutif, il nommait les sénateurs québécois. Quand on a
aboli la deuxième Chambre, ça a donc été contesté en disant : Vous avez
enlevé un pouvoir considérable au lieutenant-gouverneur, celui de nommer ses
sénateurs québécois, là. Je le dis pour qu'on se comprenne facilement. Et les
tribunaux ont dit : Non, non, ça, ce n'est pas dans le coeur essentiel de
sa charge, c'est des éléments sur lesquels les élus du Québec, le Parlement du
Québec peut intervenir... peut intervenir unilatéralement, pardon.
M. Tanguay
: Si
vous me permettez, je vais passer... je vais passer à la dernière section de
votre mémoire que moi, j'ai nommée la section du beau risque. Parce qu'on le
sait, le beau risque de René Lévesque, c'était de dire : Bien, on embarque
avec Brian Mulroney. Puis le beau risque, c'est, si jamais ça fonctionne, bien,
l'option souverainiste va en prendre pour son rhume parce qu'on aura fait
fonctionner ça, cette fédération-là. Alors, je le vois comme étant des pas
davantage vers le beau risque, ce qui est une bonne chose.
Le premier point, puis je trouvais
intéressant, là, «recommander publiquement aux autorités fédérales le choix du
Québec quant à l'identité du prochain lieutenant-gouverneur...» Il y a le vote
par résolution de l'Assemblée nationale. Est-ce que ça, ça pourrait, dans l'ordre
constitutionnel, être liant, ou ce serait uniquement l'expression d'un souhait
de l'Assemblée? Est-ce que ça pourrait constitutionnellement être liant pour le
gouvernement fédéral? Et là on réfère au gouverneur général, là, si j'ai bien
compris la mécanique de la chose, là.
M. Taillon (Patrick) : Bien,
ça dépend comment on le fait, mais, pour moi, c'est clair que la seule manière
de le faire, c'est dans un outil où le Québec exprime son choix, mais qui ne
serait pas une loi, qui ne serait pas une norme. Donc, par exemple, une
résolution de l'Assemblée nationale qui dirait... transpartisane, avec un très
large appui, qui dit : Bien, cet homme ou cette femme est notre choix pour
le prochain lieutenant-gouverneur. Bien, ça, c'est inattaquable parce que ça ne
produit en soi aucun effet, mais c'est l'expression d'un choix politique très
fort qui est difficile ensuite... qui est politiquement irrésistible.
Et on fêtait hier la Journée nationale des
patriotes. Bien, leur combat pour le gouvernement responsable, il a été gagné
un peu de la même manière. Ils se battaient pour un gouvernement responsable,
inscrit dans le droit, qui s'officialise. Ça, ils ne l'ont pas eu, <mais...
M. Taillon (Patrick) : ...
difficile
ensuite... qui est politiquement irrésistible.
Et on fêtait hier la Journée nationale
des patriotes. Bien, leur combat pour le gouvernement responsable, il a été
gagné un peu de la même manière. Ils se battaient pour un gouvernement
responsable, inscrit dans le droit, qui s'officialise. Ça, ils ne l'ont pas eu,
>mais, dès les années qui ont suivi, s'est mis en place des usages qui
consistent à nommer au poste de premier ministre la personne qui a gagné les
élections, et cet usage perdure jusqu'à aujourd'hui. Donc, l'usage qui veut
qu'Ottawa choisisse notre chef d'État ou notre représentant de Sa Majesté. Ce
n'est qu'un simple usage que je crois qu'on pourrait faire évoluer en
introduisant un autre usage préalable, qui consisterait à l'expression d'un
choix politique fort par les élus québécois.
Et vous avez raison de parler de beau
risque, parce qu'il est vrai qu'à force de moderniser nos institutions, donc
moderniser notre monarchie à nous, il y a effectivement le paradoxe que, si
elle fonctionne mieux, peut-être qu'elle pourra durer plus longtemps. Mais moi,
je ne suis pas dans les scénarios du pire, je vois qu'il y a des progrès
possibles pour le Québec, pour que ses institutions, son pouvoir fonctionnent
mieux. Alors, à partir de là, je me dis : Ces changements-là, on a intérêt
à les faire.
M. Tanguay
: Autre
élément, puis avec le peu de temps qu'il nous reste, j'aimerais vous entendre
sur modifier le serment d'allégeance. On sait qu'en vertu de la loi il y a deux
serments. Il y a le serment envers le peuple du Québec et le serment envers Sa
Majesté, le dernier qu'on a fait, c'est Sa Majesté la reine Elizabeth II.
Modifier, qu'entendez-vous par modifier le serment, le dire autrement, mais
avoir un deuxième serment lié à la couronne, ou l'abolir carrément?
M. Taillon (Patrick) : Bien,
vous voyez, on n'a pas mis le mot «abolir» parce que je pense qu'une... Même
dans les institutions totalement républicaines, les députés prêtent serment
avant d'entrer en fonction. Donc, il me semble beaucoup plus logique d'être
dans une dynamique de réécriture, ce que le Québec a déjà fait en partie. Du
moment où nos tribunaux ont déjà concédé que couronne, c'est synonyme d'État,
bien, je crois qu'il y a moyen d'utiliser un vocabulaire différent. Mais
oublions, là, qu'on soit pour ou contre la monarchie, que des députés qui
entrent en fonction, que des juges qui entrent en fonction prêtent un serment,
ça me semble nécessaire et indispensable. Puis après c'est les mots, c'est plus
cet espace-là, moi, que je suggère de travailler.
M. Tanguay
: C'est ça,
je... puis je ne proposais pas indirectement de l'abolir, évidemment, le fait
qu'il y ait deux serments, le premier, évidemment, envers le peuple du Québec...
et en est un qui ne soulève aucun questionnement. Puis vous disiez, j'aimerais
vous entendre, avec les quelques secondes qui restent, M. le Président va nous
rappeler à l'ordre, rebaptiser l'institution du lieutenant-gouverneur. Vous
avez quoi en tête et qu'est-ce que ça donnerait?
M. Taillon (Patrick) : Ah! là,
là, ça va être difficile, tout est possible, mais là il y a un grand dilemme.
Soit on assume que c'est notre institution puis on lui donne un certain
prestige... Partout en Amérique du Nord, par exemple, le terme «gouverneur»
veut dire quelque chose. Donc, supprimer le lieutenant, qui l'infériorise par
rapport à Ottawa, c'est d'ailleurs une idée défendue par André Binette, votre
prochain invité. Moi, je suis plutôt en accord avec ça, gouverneur, pour des <réunions...
M. Taillon (Patrick) : ...notre
institution puis on lui donne un certain prestige... Partout en Amérique du
Nord, par exemple, le terme «gouverneur» veut dire quelque chose. Donc,
supprimer le lieutenant, qui l'infériorise par rapport à Ottawa, c'est
d'ailleurs une idée défendue par André Binette, votre prochain invité. Moi, je
suis plutôt en accord avec ça, gouverneur, pour des >réunions protocolaires
avec des homologues américains. C'est quelque chose qui dit quelque chose.
Si, à l'inverse, on est plutôt dans une
stratégie d'isolement du lieutenant-gouverneur, où on veut le garder mais on
veut le limiter à un rôle de sanctionneur de loi, un rôle très administratif,
bien là, il faut aller vers une terminologie un peu moins prestigieuse sur le
plan protocolaire. On pourrait imaginer «secrétaire général du Québec», ou je
ne sais trop quoi. Personnellement, je lui donnerais une importance
protocolaire parce que ça peut être utile dans nos relations extérieures.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Oui, merci.
J'aimerais vous entendre sur la question suivante : D'où vient, selon
vous, la légitimité de la monarchie?
M. Taillon (Patrick) : D'abord,
la légitimité, ce n'est pas juridique, là, ça vient... Donc, dans notre cas,
elle vient de la Conquête, elle vient de la force des armes. C'est une couronne
qui s'est affirmée par un geste de conquête. Dans le cas du Québec, c'est comme
ça qu'historiquement ça s'est fait.
Après, on pourrait essayer de faire un
trait d'union sous le fait qu'on a vécu sous deux couronnes, là, mais la
légitimité, ça se puise dans des réalités qui sont en dehors du droit. Ça peut
être une légitimité politicodémocratique, ça peut être une... Là, ici, on est
dans un état de fait qui découle d'une conquête militaire.
M. Zanetti : Merci. Et est-ce
que ça pourrait être l'occasion, par exemple, ce projet de loi là, de penser à,
disons, questionner les peuples du Québec sur leur volonté de continuer à être
sous un régime monarchique?
M. Taillon (Patrick) : Bien,
moi, j'espère que ce projet de loi là va nous faire réaliser collectivement que
la monarchie doit être prise au sérieux, parce que sinon ça peut générer,
parfois, certains problèmes. Et, si ensuite cette prise de conscience là amène
à élargir, là, on propose, dans notre mémoire, quelques pistes de réformes
faciles à conduire. Mais, même si ça mène à un débat sur des réformes plus
fondamentales, moi, je n'ai pas de problème avec ça.
Mais je serais réticent, personnellement,
à conditionner l'adoption du problème urgent à régler. Parce qu'il faut être
réaliste, là, il y a quelque chose de complètement inimaginable de voir que le
Québec soit plongé dans une élection ou soit de voir ses lois contestées devant
les tribunaux sous prétexte que cette élection-là n'a pas eu lieu. Donc,
j'aurais tendance à ne pas conditionner l'urgent remède précis qu'est ce projet
de loi là avec le grand débat.
Mais il faut... Une société normale doit
mener ce grand débat, le mener parfois par étapes sur certaines réformes
partielles ou aussi discuter de réformes plus ambitieuses. Il n'y a rien de...
C'est tout à fait souhaitable.
• (18 heures) •
M. Zanetti : Je vous remercie.
Ça va être tout pour moi.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de <Matane-Matapédia, s'il vous plaît...
>
18 h (version révisée)
< M. Taillon (Patrick) :
...mais il faut... une société normale doit mener ce grand débat, le mener
parfois par étapes, sur certaines réformes partielles, ou aussi discuter de
réformes plus ambitieuses. Il n'y a rien de... C'est
tout à fait
souhaitable.
M. Zanetti : Je vous
remercie. Ça va être tout pour moi.
Le Président (M.
Bachand) : Merci
beaucoup.
M. le député de >Matane-Matapédia,
s'il vous plaît.
M. Bérubé : Merci. Je n'ai pas
de question. Je vous remercie.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Donc, sur ce, messieurs, merci beaucoup d'avoir participé à la
commission, c'était très intéressant.
Et, là-dessus, je vais suspendre les
travaux quelques instants pour accueillir nos autres invités tantôt. Encore une
fois, Me Taillon, Me Fournier, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Au
plaisir.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants.
(Suspension de la séance à 18 heures)
>
(Reprise à 18 h 12)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir d'accueillir
M. André Binette et M. Pierre Dubuc, qui vont s'identifier plus formellement,
avec nous. Alors, bienvenue à la commission. C'est un grand plaisir de vous
accueillir. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation.
Après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Alors, je vous
laisse la parole et, encore une fois, merci d'être avec nous.
M. André Binette
M. Binette (André) : Je vous
remercie de votre invitation. Je vais livrer une version courte de mon mémoire.
Je serai heureux ensuite de répondre à vos questions.
J'interviens devant vous à double titre, d'abord,
comme juriste et ancien avocat qui a développé une expertise sur les questions
relatives à la monarchie, et comme président fondateur de la Coalition pour la
république du Québec, la COREQ. La raison d'être de la coalition est de donner
une voix aux trois quarts des Québécois, dont 81 % des francophones, qui,
selon un récent sondage, favorisent l'abolition de la monarchie
canado-britannique et la mise en place d'une république du Québec. Je suis
accompagné aujourd'hui par un membre cofondateur, Pierre Dubuc, directeur de L'Aut'journal.
Nos remarques auront deux volets. Le
premier portera sur le projet de loi proprement dit. Le second tentera d'ouvrir
un débat plus large sur le statut de la monarchie au Québec, un sujet majeur qui
a été rarement évoqué en cette Assemblée depuis les années 60, mais qui nous
parait maintenant à l'ordre du jour de notre nation.
Le projet de loi n° 86 a pour but de
corriger deux anomalies juridiques. La première est l'existence continue
d'une ancienne règle du droit britannique, dont nous avons hérité à la Conquête.
Cette règle s'appliquait automatiquement dans tout l'empire et s'applique
toujours au Québec, à moins qu'elle ne soit écartée par une loi. La règle est à
l'effet que la fin du règne d'un roi ou d'une reine, que ce soit par un décès
ou abdication, entraîne immédiatement la dissolution de l'Assemblée nationale
et de nouvelles élections, de même que la fin instantanée de la charge des
juges et autres représentants de l'État qui ont prêté serment à Sa Majesté.
Cette règle a pris naissance à une époque
où l'État était considéré une émanation de chaque monarque individuel. La vie
de ce dernier était le fondement de l'existence de l'État. Le droit
constitutionnel moderne fait plus nettement la distinction entre la personne et
l'institution. Il demeure vrai que Sa Majesté incarne l'État, mais on ne
confond plus, de nos jours, le roi ou la reine du moment avec la couronne, qui
jamais ne meurt, mais la règle demeure, et il faut toujours que le pouvoir
législatif compétent intervienne pour l'empêcher de renaître par défaut. Au
Québec, comme vous le savez, il existait des dispositions législatives qui
écartaient l'ancienne règle, mais l'adoption d'une nouvelle Loi sur l'Assemblée
nationale en 1982 les a omises, ce qui est la deuxième anomalie. Certains
juristes ont soulevé la possibilité de difficultés sérieuses, si elle n'était
pas à nouveau mise de côté explicitement par une loi. Cela dit, le projet de
loi me semble bien rédigé et paraît couvrir tous les angles d'une contestation
éventuelle.
Il est toutefois malheureux qu'en 2021 des
ressources législatives et gouvernementales du Québec doivent être consacrées à
se pencher sur les inconvénients de l'ancien droit britannique. Cela n'est
possible que parce que le rapatriement de la Constitution n'a pas eu lieu pour
la monarchie. C'est la grande exception. Sur ce plan, le Canada n'a pas encore
atteint l'indépendance constitutionnelle. Nous le constaterons à nouveau à la
fin du règne d'Elizabeth II qui, inévitablement, surviendra <bientôt...
M. Binette (André) :
...
sur les inconvénients de l'ancien droit britannique. Cela n'est
possible que parce que le rapatriement de la Constitution n'a pas eu lieu pour
la monarchie. C'est la grande exception. Sur ce plan, le Canada n'a pas encore
atteint l'indépendance constitutionnelle. Nous le constaterons à nouveau à la
fin du règne d'Elizabeth II qui, inévitablement, surviendra >bientôt.
À ce moment, la succession royale sera instantanée. Le cadre législatif applicable
ne sera ni canadien ni québécois, il sera fourni par des lois anglaises
poussiéreuses qui datent de 1689 et de 1701. Ces lois sont en contradiction
avec le principe de laïcité et le droit à l'égalité garanti par la charte québécoise.
La monarchie est, bien sûr, le plus grand symbole de l'inégalité, du
colonialisme et de la Conquête. Le peuple québécois ne l'a jamais choisie.
Les membres de l'Assemblée nationale
seront prochainement appelés à inscrire dans la constitution provinciale, qui
est reconnue par la Constitution canadienne depuis 1867, le fait indéniable que
le Québec est une nation. Si elle pouvait librement exercer son droit à
l'autodétermination interne dans le cadre canadien, il est certain que la
nation québécoise choisirait de former une république. Cela va de soi depuis
longtemps.
Je laisse ici la parole à M. Dubuc.
M. Dubuc (Pierre) : Les Québécois
ne veulent ni de Charles III ni de William V. Ils croient que le moment est
venu d'abolir la monarchie au Québec. Le peuple québécois est républicain, l'idée
républicaine est une caractéristique profonde de notre nation, comme
l'attachement à la langue française ou à la laïcité. Les Québécois veulent
enterrer dans la normalité... entrer dans la normalité. La normalité, c'est que
les trois quarts des États de la terre, environ 150 sur 200, sont des
républiques, et cette tendance est nettement à la hausse depuis plus d'un
siècle. En 1900, il y avait un empereur en Chine, en Allemagne et en Autriche,
un tsar en Russie, un sultan en Turquie, des rois en Égypte, en Grèce, en
Italie, au Portugal, et nous en passons. Tout cela a disparu. Loin d'être dans
le camp de la normalité, le Canada est un retardataire constitutionnel.
La COREQ n'a pas à convaincre nos
concitoyens que le moment est venu d'agir, elle a seulement à convaincre les
membres de l'Assemblée nationale. Deux questions peuvent légitimement être
posées : Comment faire et par quoi remplacer la monarchie?
Je cède à nouveau la parole à M. Binette.
M. Binette (André) : La
réponse à la deuxième question, par quoi remplacer la monarchie, est évidente.
La monarchie ne peut être remplacée que par la république du Québec. Dans le
cadre canadien actuel, le lieutenant-gouverneur représente la couronne
canadienne. Il doit être remplacé par un gouverneur qui représente la nation
québécoise. Il n'est pas nécessaire d'attribuer à ce gouverneur des pouvoirs
plus importants que ceux du lieutenant-gouverneur actuel. L'important est de
rapatrier la fonction de chef de l'État fédéré québécois. Il faut donc que ce
gouverneur soit désigné par l'Assemblée nationale ou élu au suffrage universel.
Ce changement, à lui seul, accroîtra la visibilité et la puissance symbolique
de l'État québécois et renforcera notre identité nationale. De plus, le Québec
pourra s'autodésigner comme république associée dans la Constitution
canadienne. Rien, en principe, n'empêche le Québec de devenir une république
dans le cadre canadien, et ce, même si le Canada devait choisir de conserver la
monarchie.
Comment faire? L'abolition de la monarchie
sera le plus important changement constitutionnel depuis <1982...
M. Binette (André) :
De plus, le Québec pourra s'autodésigner comme république associée dans
la Constitution canadienne. Rien, en principe, n'empêche le Québec de devenir
une république dans le cadre canadien, et ce, même si le Canada devait choisir
de conserver la monarchie.
Comment faire? L'abolition de la
monarchie sera le plus important changement constitutionnel depuis >1982.
Il importe de bien le préparer. Certains changements peuvent avoir lieu sans
modifier la Constitution canadienne. Ces changements devraient être lancés
immédiatement. La priorité première devrait être la sélection, par l'Assemblée
nationale, du prochain et dernier lieutenant-gouverneur du Québec. L'Assemblée
nationale pourrait faire connaître son choix dès cet automne en votant à la
majorité des deux tiers, comme elle le fait déjà pour plusieurs autres
fonctions. Une telle façon de faire serait tout à fait valide, puisque, sur le
plan constitutionnel, il s'agirait d'une simple suggestion. Certaines
suggestions sont cependant difficiles à ignorer. Il faut être proactif pour
abolir la monarchie. La fonction de lieutenant-gouverneur a été conçue en 1867
pour placer les provinces dans un état de subordination. Cet état est
incompatible avec le respect et l'identité de la nation québécoise. L'Assemblée
nationale doit construire et renforcer notre identité nationale en abolissant
ce reliquat d'un passé colonial.
Plus fondamentalement, la Constitution
canadienne ne doit pas être vue comme un obstacle à l'abolition de la
monarchie, mais plutôt comme une manière de procéder. Dans le renvoi sur la
sécession du Québec de 1998, une affaire dans laquelle j'ai été profondément
impliqué, la Cour suprême a indiqué comment l'Assemblée nationale pouvait
initier un changement constitutionnel majeur. Elle a créé ce qu'elle a appelé
«l'obligation de négocier», une notion empruntée au droit du travail. La Cour
suprême n'a nullement exigé la tenue d'un référendum pour déclencher
l'obligation de négocier. Elle s'est appuyée sur la souveraineté parlementaire,
puisque la souveraineté du peuple n'existe pas en droit canadien. Il suffit
donc d'une simple résolution de l'Assemblée nationale pour déclencher
l'obligation de négocier.
La Cour suprême a étendu cette obligation
bien au-delà du cas de l'accession à la souveraineté. Elle peut s'appliquer à
toute modification de la Constitution du Canada. Elle est unique au monde, à
notre connaissance. Pour s'en prévaloir, il suffit d'avoir la volonté de donner
suite à celle du peuple québécois. L'obligation de négocier n'est pas une
obligation de résultat, mais, encore une fois, certaines propositions qui
s'appuient sur un vaste consensus démocratique ont un très grand poids
politique.
• (18 h 20) •
Aucune province ne s'est prévalue
jusqu'ici de l'obligation de négocier. L'Alberta pourrait être la première à le
faire dans les prochains mois. Le gouvernement albertain a choisi d'employer
l'outil référendaire à cette fin ce 18 octobre, même s'il n'est pas requis
sur le plan juridique. Si cette démarche se confirme, la Constitution
canadienne sera rouverte sans l'intervention du Québec. L'obligation de
négocier s'appliquera cependant à lui comme au gouvernement canadien et à ceux
des autres provinces. Le mode d'emploi de l'obligation de négocier sera alors
inventé. Ce précédent sera déterminant pour la suite de l'histoire
constitutionnelle canadienne et québécoise.
Le Québec ne sera nullement tenu de se
limiter à l'ordre du jour de l'Alberta. La Constitution sera rouverte en
totalité. Le gouvernement devra obtenir de l'Assemblée nationale un mandat de
négocier. Ce mandat devrait inclure l'abolition de la monarchie et la mise en
place de la république du Québec sans se limiter à ces questions. Que la nation
québécoise soit dignement représentée à ce <moment...
M. Binette (André) :
...
se limiter à l'ordre du jour de l'Alberta. La Constitution sera
rouverte en totalité. Le gouvernement devra obtenir de l'Assemblée nationale un
mandat de négocier. Ce mandat devrait inclure l'abolition de la monarchie et la
mise en place de la république du Québec sans se limiter à ces questions. Que
la nation québécoise soit dignement représentée à ce >moment, que vive
longuement la république du Québec. Je vous remercie.
Le Président (M. Bachand) :
Mme la ministre, s'il vous plaît. Vous avez la parole.
Mme LeBel : Oui, merci. Merci,
M. le Président. M. Binette, M. Dubuc, merci beaucoup pour votre
présentation.
Écoutez, je comprends tout à fait votre
position, qui est très claire sur le principe même d'être dans une monarchie, mais
présentement, si je m'intéresse particulièrement au projet de loi n° 86,
on pourrait... Bien, on peut être pour ou contre le principe d'une monarchie. On
peut penser, à l'instar de ce que vous présentez, de ce que votre coalition
présente et pense, qu'on devrait plutôt se retrouver dans une république. Et
ça, c'est une discussion que je serais très intéressée à avoir avec vous et qui
est très intéressante. Honnêtement, même sur le plan personnel, je ne suis pas
en désaccord avec la majorité de vos propos, mais qu'on soit pour ou contre la
monarchie, on peut déplorer également les raisons qui nous amènent à avoir à
légiférer dans les circonstances actuelles de notre état de situation. Mais
vous considérez, donc, qu'à court terme ce projet de loi n'est pas superflu,
là, qu'il va nous... il va, à tout le moins, je pense que vous le dites dans
votre mémoire, corriger l'omission de la Loi sur l'Assemblée nationale, qui a
été... qui est survenue en 1982, quand on n'a pas reproduit la disposition
précédente, là, de la Loi sur la Législature, que j'avais sous la main il y a
deux secondes, qui disait qu'aucune législature de la province n'est dissoute
par le décès du souverain, mais continue, peut se réunir, s'assembler, siéger,
etc.
Donc, vous êtes d'accord quand même qu'à
très court terme — pour ou contre, là, je vous dis, le principe de l'état
dans lequel on se trouve par notre système — qu'il est impératif, là,
d'agir sur cette omission-là qui a été introduite, bon... on pourrait se poser
la question pourquoi, là, mais peut-être qu'on pensait que l'article qui s'y
trouve présentement était suffisant, c'est possible, mais qu'il est nécessaire
de légiférer à cet égard.
M. Binette (André) : C'est
une mesure de prudence qui est justifiée. Si des avocats, par exemple, en
défense, en droit criminel, invoquent couramment l'arrêt Jordan pour arrêter
les procédures, ils n'hésiteront pas un instant pour soulever cette ancienne
règle de common law pour contester, par exemple, le mandat d'un juge qui entend
une cause devant eux. Donc, même si on peut sourire, même si on peut s'étonner,
c'est un réflexe de prudence qui est nécessaire.
Et il me semble que la rédaction du projet
de loi couvre les différents angles. J'ai pu consulter, donc, les lois de
différentes provinces, la loi fédérale, j'ai constaté que le Parlement fédéral
a adopté une loi semblable dès sa création, en 1867. Donc, pour lui, c'était
une considération importante dès le départ, et que toutes les provinces l'ont
fait de différentes manières.
Je dirais que l'approche retenue dans le
projet de <loi...
M. Binette (André) :
...
provinces, la loi fédérale, j'ai constaté que le Parlement fédéral a
adopté une loi semblable dès sa création, en 1867. Donc, pour lui, c'était une
considération importante dès le départ, et que toutes les provinces l'ont fait
de différentes manières.
Je dirais que l'approche retenue dans le
projet de >loi n° 86, c'est une bonne synthèse. Il rassemble en un
seul lieu l'ensemble des questions qui peuvent se soulever, ce qui n'est pas le
cas ailleurs nécessairement.
Mme LeBel : Bien, vous savez,
M. Binette, vous avez touché à une corde qui est très chère à mon coeur, ayant
eu, je vais dire, l'opportunité, à défaut de vouloir employer un autre terme,
d'avoir à plaider comme ancien procureur de la couronne, parce que c'était le
terme qui était employé devant les tribunaux jusqu'en 2005, quand on a
formé le DPCP... d'avoir eu à plaider l'arrêt Jordan. Je comprends très bien,
d'ailleurs.
Et ça me permet de vous amener sur une
autre question peut-être plus précise encore, là, et pointue, des conséquences.
Parce qu'on parle beaucoup de vouloir éviter une élection, et je trouve que c'est
un peu simplifier la portée de ce projet et les conséquences éventuelles de ne
pas légiférer de penser que la seule raison de le faire, c'est de s'éviter une
élection. Vous avez mentionné, d'ailleurs, le mandat des juges, et je peux...
je suis certaine de pouvoir penser, je ne les nommerai pas, à plusieurs anciens
collègues qui se feraient une joie, justement, de plaider le fait que le juge
n'a plus la légitimité d'agir, compte tenu de la dévolution de la couronne et
s'il n'avait pas reprêté serment en conséquence.
Donc, il y a des conséquences, là, réelles
et très... j'allais dire très pratiques, là, sur le terrain, en bon français,
de ne pas légiférer, qui pourraient, d'ailleurs, même si on décide de continuer
comme si de rien n'était après la dévolution de la couronne, qui pourraient
être à tout le moins invoquées devant les tribunaux.
M. Binette (André) : Il y a des
conséquences réelles et très pratiques, très concrètes, dans différentes
sphères de l'action de l'État québécois, et ce serait de la négligence que de
ne pas y faire face dès maintenant. Donc, on pense aux juges, on pense
évidemment aux députés, à toute personne qui a prêté serment d'allégeance à Sa
Majesté. La règle traditionnelle voulait donc que ce serment prenait fin avec
la vie, l'existence du monarque et qu'il fallait reporter un nouveau serment
d'allégeance, quel que soit le fonctionnaire, quel que soit la fonction occupée,
et donc que toutes ces fonctions-là seraient mises en péril, potentiellement,
s'il n'y avait pas ce projet de loi.
Mme LeBel : Et peut-être une
dernière petite question de précision. Le Pr Chevrier est venu mentionner...
On parle de l'article 1 du projet de loi, qui est l'article, je vous
dirais, central, là, de ce projet de loi. Vous mentionnez, vous, que, selon
vous, il est bien rédigé et semble couvrir tous les angles d'une possible
contestation.
Comme l'objectif du projet de loi est de
s'assurer justement de couvrir tous les angles, un angle a été soulevé par le
Pr Chevrier à l'effet que la notion de gouvernement n'emporterait pas
nécessairement celle d'administration publique, alors que le Pr Taillon
est d'avis que, bon, sur le plan juridique, la notion de gouvernement emporte
la notion d'administration publique et que le deuxième alinéa vient, si on
veut, compléter le travail et fermer la boucle.
Je ne suis pas contre le fait de préciser
davantage l'article 1, si cela s'avère nécessaire, compte tenu que l'objectif
est bien de couvrir <tous les...
Mme LeBel : ...
d'avis
que, bon, sur le plan juridique, la notion de gouvernement emporte la notion
d'administration publique et que le deuxième alinéa vient, si on veut,
compléter le travail et fermer la boucle.
Je ne suis pas contre le fait de
préciser davantage l'article 1, si cela s'avère nécessaire, compte tenu
que l'objectif est bien de couvrir >tous les angles, mais, de votre
point de vue à vous, est-ce que vous pensez que cet angle est effectivement couvert
par la rédaction actuelle?
M. Binette (André) : Je
crois que c'est un choix de technique de rédaction législative plutôt qu'un
choix entre des règles de droit différentes. Je pense qu'on arrive, par les
deux formes de rédaction, au même résultat. Personnellement, je préfère l'approche
du Pr Chevrier, simplement parce que, sur le plan formel, elle me paraît plus
satisfaisante. De mentionner nommément l'administration avec un grand A, c'est
une distinction qu'on fait souvent en droit administratif et constitutionnel,
donc, mais je suis d'accord aussi avec le Pr Taillon pour dire que la
notion de couronne, ou de gouvernement, plutôt, emporte celle d'administration.
Mme LeBel : Bien, merci
beaucoup. Merci beaucoup à tous les deux pour votre rapport fort pertinent. Je
n'ai pas d'autre question, pour ma part, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Est-ce que j'ai d'autres questions du côté ministériel? Si je n'ai pas
d'autre question, je vais passer la parole au député de LaFontaine, s'il vous
plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, MM. Binette
et Dubuc. Merci beaucoup d'être là avec nous cet après-midi.
Dans un premier temps... je vais y
aller en deux volets. Dans un premier temps, tel que rédigé, là, projet de
loi n° 86, et on comprend que... et vous nous le dites, là, vous comprenez
l'à-propos, la nécessité du projet de loi n° 86, tel que rédigé, puis
corrigez-moi si j'en ai perdu un bout, là, mais il n'y a pas d'élément sur
lequel vous dites : Par contre, au niveau de la rédaction, dans les quatre
articles, faites attention à ça, ça, ça. Tel que rédigé, vous, vous n'y voyez
pas d'écueil, vous vous déclarez satisfaits, pour le projet de loi n° 86?
M. Binette (André) :
Pour la forme, j'ai exprimé une préférence pour la suggestion du
Pr Chevrier, mais je ne crois pas que c'est une différence sur le fond.
• (18 h 30) •
M. Tanguay
: Non,
c'est ça. O.K. Parfait. Je reprends la balle au bond parce que je pense qu'on
a... puis je reprends la balle au bond pour faire mon point, puis peut-être
vous taquiner un peu, puis vous dire que je ne suis pas d'accord, peut-être,
avec une de vos affirmations, en page 3 de votre mémoire, mais le fait de
vous poser la question va me permettre de faire cette démonstration-là de mon
désaccord avec vous.
Quand vous dites, deuxième paragraphe,
page 3, vous dites : «Il est toutefois malheureux qu'en 2021 des ressources
législatives et gouvernementales du Québec doivent être consacrées à se pencher
sur les inconvénients de l'ancien droit britannique», fin de la citation, je
vous dirais que le projet de loi n° 86, ce que vous décriez, puis je le
fais avec un sourire dans la voix, est un prétexte, ou une occasion, devrais-je
dire, pour qu'on puisse se rencontrer, MM. Binette et Dubuc, puis qu'on
puisse parler, justement, de ce que vous proposez, à savoir la république
autodésignée du Québec.
Alors, n'y voyez-vous pas là, un peu comme
le faisait le Pr Taillon, peut-être, une rampe de lancement, une sorte
d'occasion, justement, de dire : Bien, vous savez, il y a des outils qui
peuvent être... qui existent déjà? Puis vous, vous en proposez un, changement
fondamental, qui est la <république autodésignée, là, du Québec, là...
>
18 h 30 (version révisée)
<11789
M. Tanguay
:
...n'y voyez-vous pas là,
un peu comme le faisait le Pr Taillon,
peut-être
une rampe de lancement, une sorte d'occasion,
justement, de dire :
Bien, vous savez,
il y a des outils qui peuvent être... qui existent
déjà?
Puis vous, vous en proposez un, changement
fondamental, qui est la >république
autodésignée, là, du Québec, là.
M. Binette (André) : J'aime
beaucoup votre approche. Effectivement, on peut transformer un obstacle
constitutionnel en occasion d'avancement, et un projet de loi technique en une
ouverture pour discuter sur le fond. Alors, je pense que vous avez tout à fait
raison sur ce point et je pense que c'est... C'est pour ça que j'ai voulu
dépasser le cadre étroitement technique de la discussion, aujourd'hui, pour
ouvrir la porte à une réflexion plus large.
M. Tanguay
:
M. Dubuc, vouliez-vous ajouter quelque chose? Je vous ai vu réagir.
M. Dubuc (Pierre) :
Bien, je suis bien d'accord. Non, je suis d'accord avec lui. Je pense que cette
volonté-là de modifier les choses est appuyée par un consensus québécois très
large, comme nous l'avons souligné dans le mémoire. Donc, c'est important, dans
le cadre... surtout que, maintenant, avec le projet de loi sur la langue, où on
décide d'intervenir au plan de la Constitution canadienne, eh bien, pourquoi ne
pas élargir cette intervention-là et inclure l'abolition de la monarchie?
M. Tanguay
: O.K.
Et, selon vous, beaucoup pourrait être fait, puis j'aimerais vous donner
l'occasion de peut-être étayer cette affirmation-là, beaucoup pourrait être
fait sans être limité à avoir une modification à l'unanimité, par exemple, des
autres provinces. J'aimerais vous entendre là-dessus. Et est-ce que j'ai bien
compris que cette république autodésignée, donc, ça pourrait se faire sans modification
formelle de la Constitution canadienne, que ce soit la formule 7/50 ou celle de
l'unanimité?
M. Binette (André) :
L'autodésignation doit quand même correspondre à une réalité, et, à un moment
donné, il faudra ouvrir la Constitution pour discuter d'abolir la monarchie.
Ce que je dis cependant, c'est que, lorsqu'on
s'appuie sur un fort consensus québécois, que ce soit sur l'abolition de la
monarchie ou sur autre chose, je pense que le Canada devra prendre bonne note
de ce consensus.
Et nous avons maintenant un outil
juridique, comme je l'ai souligné, depuis 1998, l'obligation de négocier, qui
n'existait pas auparavant et que nous devons mettre à l'épreuve. Si c'est un
atout, je pense qu'on devrait s'en servir. Si c'est un mirage, il faut qu'on se
détrompe très rapidement.
Mais ce qu'on sait, c'est que l'Alberta a
l'intention explicite de l'utiliser pour la première fois dès cet automne,
donc, pour ouvrir la Constitution canadienne. Et donc le Québec sera non seulement
convié, mais obligé d'aller à la table, si l'obligation de négocier est bien
comprise. Donc, à ce moment-là, il devra apporter ses propres priorités, il
devra obtenir un mandat de l'Assemblée nationale et du peuple québécois, qui
devrait comprendre, à mon avis, en priorité mais pas seulement cela,
l'abolition de la monarchie.
M. Tanguay
: Et cette
obligation de négocier de 1998, qui découle, <là...
M. Binette (André) :
...négocier est bien comprise. Donc,
à ce moment-là, il devra apporter
ses propres priorités, il devra obtenir un mandat de
l'Assemblée
nationale et du peuple
québécois, qui devrait comprendre,
à mon
avis, en priorité mais pas
seulement cela, l'abolition de la monarchie.
M. Tanguay
: Et
cette
obligation de négocier de 1998, qui découle, >là, du renvoi
sur la sécession du Québec, ne peut... puis j'ai lu le jugement, mais je ne
l'ai pas lu récemment, je dois vous avouer... elle découlerait nécessairement
d'un référendum gagnant sur une question spécifique ou elle pourrait découler
d'une volonté exprimée par l'Assemblée nationale, par exemple, cette obligation
de négocier?
M. Binette (André) : Comme je
l'ai indiqué dans mon mémoire, la Cour suprême n'a nullement exigé la tenue
d'un référendum pour déclencher l'obligation de négocier. Le droit canadien ne
connaît pas la souveraineté du peuple. Le droit canadien connaît la souveraineté
parlementaire. Donc, ce que la Cour suprême a exigé, tant pour l'accession du
Québec à la souveraineté que pour toute autre modification de la Constitution,
c'est une simple résolution de l'Assemblée nationale ou d'une autre assemblée
législative.
L'Alberta se prépare à tenir un
référendum, qui sera suivi de résolutions d'appui dans quatre autres provinces,
semble-t-il, formées par des gouvernements conservateurs. Donc, vous aurez là cinq
provinces, la moitié de la fédération. Ce sera, à mon avis, un poids politique
irrésistible pour ouvrir la Constitution et déclencher l'obligation de négocier,
ce qui ne veut pas du tout dire qu'on sera liés par l'ordre des priorités des
autres, mais que notre résolution, c'est-à-dire la résolution de notre
Assemblée nationale, encadrera le mandat de notre gouvernement pour aller
négocier et s'asseoir à la table, ce qu'il devra faire, de toute façon.
M. Tanguay
: Ah! bien,
je trouve ça intéressant parce que, tout fédéraliste que je suis, évidemment,
nous sommes tous pour la société distincte, pour... Au Québec, nous avons notre
façon très, très distincte de nous gouverner et de voir les choses également. Donc,
tout fédéraliste que je suis, je vois la fédération canadienne comme pouvant
être, justement, un arbre vivant. Alors, je trouve ça intéressant.
Et peu importe que l'on ne se rejoigne pas,
peut-être, vous et moi, sur la finalité, peut-être, entre, par exemple, la
souveraineté ou l'appartenance canadienne, j'y vois quand même des
possibilités, justement, pour faire des pas, plusieurs pas, même, dans la bonne
direction, à savoir l'épanouissement du Québec, là, au sein de la fédération
canadienne ou, à tout le moins, des pas dans la bonne direction pour celles et
ceux qui ne l'imaginent peut-être pas dans la fédération canadienne, ce que je
ne suis pas. Mais, quand même, il y a des possibilités pour tout le monde, là,
autour de la table, là.
M. Dubuc (Pierre) : J'imagine
que le concept de république du Québec à l'intérieur du Canada vous plaît, dans
ce cas-là?
M. Tanguay
: Ah! bien
là, je ne me prononce pas sur cette question-là. Vous savez, on est convoqués
en vertu du projet de loi n° 86. Mais le concept de
la fédération canadienne me plaît beaucoup, vous l'avez compris d'entrée de
jeu, je pense. Mais un n'exclut pas nécessairement l'autre. Alors, à parfaire,
la discussion est à parfaire. Ne voyez pas là un chèque en blanc de ma part, je
vous en prie.
Mais je vous remercie beaucoup, M. Binette
et M. Dubuc. Ça a été une discussion très, très intéressante.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Merci pour vos présentations très inspirantes sur le
fond. J'ai beaucoup apprécié qu'on dépasse l'aspect technique.
J'ai très peu de temps, alors je vais
essayer d'aller droit au but, là. Si, par exemple, on adoptait un amendement, <dans...
M. Tanguay
: …très,
très
intéressante.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci beaucoup.
M. le député de
Jean-Lesage,
s'il vous plaît.
M. Zanetti : Oui.
Merci
beaucoup, M. le Président. Merci pour vos
présentations très inspirantes
sur le fond. J'ai
beaucoup apprécié qu'on dépasse l'aspect technique.
J'ai très peu de temps, alors je vais
essayer d'aller droit au but, là. Si,
par exemple, on adoptait un
amendement,
>dans le projet de loi, qui, d'une façon ou d'une autre, là, énonçait,
affirmait l'abolition de la monarchie, est-ce que, ça aussi, ça déclencherait
une obligation de négocier, comme une résolution de l'Assemblée nationale, par
exemple?
M. Binette (André) : Oui, je
crois. Je n'ai pas beaucoup réfléchi à cet aspect de la question. Tout ce que
je dis, c'est qu'une loi n'est pas nécessaire, qu'une simple résolution suffit,
que c'est une résolution qui aurait donc une portée très considérable, qui
aurait, en soi, une valeur constitutionnelle, puisqu'elle déclencherait une obligation
qui s'imposerait tant au fédéral qu'aux autres provinces, donc. Mais, de toute
façon, vous allez être le récipiendaire de l'obligation bientôt, si l'Alberta
donne suite à son référendum. Donc, c'est vous qui devrez gérer l'obligation
qui s'appliquera à vous comme Assemblée nationale. Mais j'imagine qu'on peut
procéder par une loi, mais ce n'est pas nécessaire.
M. Zanetti : Ce serait quand
même le bout du bout du gênant que ce ne soit pas nous, au Québec, qui ayons l'initiative
de changement pouvant mener à l'abolition de la monarchie ou à d'autres choses,
là. En tout cas, que ça parte de l'Alberta, ce serait quand même… il n'y aurait
pas de quoi être fier, hein? Mais on a des occasions, par exemple, que ça
n'arrive pas de même puis qu'on le fasse par nous-mêmes. Merci beaucoup, M.
Binette et M. Dubuc, pour vos interventions inspirantes.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Matane-Matapédia, s'il vous
plaît. Votre micro, s'il vous plaît.
M.
Bérubé
:
Bienvenue, M. Binette, M. Dubuc. Je suis heureux que vous soyez là. Je partage,
évidemment, là, l'ensemble de vos propos. Alors, c'était moins pour moi que je
souhaitais que vous soyez là que pour la ministre, qu'elle puisse entendre
votre propos, qu'elle puisse s'en inspirer, inspirer son gouvernement à
manifester davantage de nationalisme, notamment à travers une politique comme
celle-là qui est soutenue par le peuple. Le gouvernement est sensible aux
sondages, vous en avez un assez fort, alors je l'invite à faire cheminer ça.
Donc, je n'ai pas de question, et
j'apprécie la tribune que vous avez eue pour vous faire entendre auprès de la
ministre.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le député. M. Binette, M. Dubuc, merci beaucoup d'avoir été
avec nous aujourd'hui. C'est très, très, très apprécié. Puis on se dit
probablement à bientôt.
Alors, sur ce, la commission, ayant
accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup. À bientôt.
(Fin de la séance à 18 h 38)