To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, April 27, 2021 - Vol. 45 N° 140

Ministère de la Justice, volet Justice


Ministère de la Justice, volet Lutte contre l'homophobie et la transphobie


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Justice

Discussion générale

Adoption des crédits

Lutte contre l'homophobie et la transphobie

Discussion générale

Adoption des crédits

Documents déposés

Intervenants

M. André Bachand, président

M. Simon Jolin-Barrette

M. Marc Tanguay

M. Gabriel Nadeau-Dubois

Mme Véronique Hivon

M. Guy Ouellette

M. Gregory Kelley

Mme Jennifer Maccarone

M. Mathieu Lévesque

Mme Manon Massé

*          M. Philippe-André Tessier, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

*          M. Patrick Michel, Directeur des poursuites criminelles et pénales

*          M. Yvan Niquette, Commission des services juridiques

*          Mme Line Drouin, ministère de la Justice

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Avant de débuter, je vous rappelle que le port du masque de procédure est obligatoire en tout temps, hormis au moment de prendre la parole.

Justice

La commission est réunie afin de procéder à l'étude du volet Justice des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2021-2022. Une enveloppe de trois heures est allouée pour l'étude de ces crédits.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme D'Amours (Mirabel) est remplacée par M. Lefebvre (Arthabaska); Mme Lachance (Bellechasse), par M. Lévesque (Chauveau); M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), par M. Kelley (Jacques-Cartier); M. Zanetti (Jean-Lesage), par M. Nadeau-Dubois (Gouin).

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. L'étude de ce portefeuille sera divisée en parties pour permettre la présence en salle des représentants et des organismes visés par cesdits crédits. Ce matin, de 9 h 30 à midi, le ministre sera accompagné des représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, de la Commission des services juridiques et de la direction des poursuites criminelles et pénales. Et, cet après-midi, de 15 h 30 à 16 heures, il sera accompagné des représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Ce matin, nous allons procéder aux échanges entre les groupes d'opposition et le ministre par blocs d'environ 20 minutes pour permettre à chaque groupe d'écouler graduellement son temps de parole. Je vous rappelle que la mise aux voix de ces crédits sera effectuée à la fin du temps qui leur est alloué, cet après-midi, donc vers 16 heures.

Discussion générale

Donc, je suis maintenant prêt à reconnaître une première intervention. M. le député représentant l'opposition officielle, M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Pour 21 min 14 s, je crois?

Le Président (M. Bachand) : Exactement, 21 min 14 s.

M. Tanguay : Merci beaucoup. Bien, d'abord, vous saluer, merci de présider nos travaux, saluer le ministre et les collègues également, et toutes les personnes qui accompagnent, qui gravitent autour du ministère de la Justice. Merci d'être là, pour votre présence pour cet important exercice ce matin.

Décembre 2020, rapport Rebâtir la confiance, rapport extrêmement important en matière d'agression sexuelle et de violence conjugale, recommandation 178 : Bureau de l'ombudsman québécois des victimes d'actes criminels. 23 mars 2021, le premier ministre : On va appliquer les 190 recommandations. Une porte... une fenêtre d'opportunité était disponible au ministre pour mettre en application cette importante recommandation-là, parmi les 190. J'aimerais savoir, parce qu'il n'a pas saisi l'occasion à ce moment-là, quand... pas savoir si... À moins qu'il me détrompe. Est-ce que le ministre en est à l'étape de la question s'il va le mettre en application? Mais moi, j'aimerais savoir quand, dans la prochaine année, parce qu'il reste deux sessions parlementaires, va-t-il mettre cette importante recommandation-là en application.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, bonjour, M. le Président. Salutations à mes collègues également. Salutations également au député de Chapleau qui m'accompagne pour l'étude des crédits. M. le Président, d'entrée de jeu, je voudrais faire quelques remarques en lien avec l'intervention du député de LaFontaine. Juste vous souligner que m'accompagnent Me Drouin, qui est sous-ministre à la Justice, ainsi que les quatre sous-ministres associés, les représentants de la Commission des droits de la personne, du Directeur des poursuites criminelles et pénales ainsi que de la Commission des services juridiques ce matin.

Alors, M. le Président, l'exercice des crédits, c'est un moment qui est important. C'est un moment où les oppositions peuvent poser des questions en lien avec l'ensemble des crédits budgétaires qui sont consacrés au ministère de la Justice. On parle de plus d'un milliard de dollars par année, avec différents organismes.

Et donc, sur le point précis du député de LaFontaine relativement au rapport Rebâtir la confiance, M. le Président, 190 recommandations et nous sommes déjà, M. le Président, en action. Le député de LaFontaine fait référence aux travaux que nous avons eus dans le cadre du projet de loi n° 84, donc, qui vise à réformer le programme... la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Alors, on a terminé l'étude détaillée jeudi dernier, et je remercie mes collègues. Et, dans le cadre de ce projet de loi là, M. le Président, on a eu l'occasion de discuter d'un ombudsman. Et ce que j'ai dit, c'est que... Et ça venait de la députée de Joliette, cette intervention-là relativement au fait est-ce qu'il va y avoir un ombudsman. Alors, j'ai dit que, présentement, on étudiait le rapport Rebâtir la confiance et que j'avais l'intention de donner suite aux 190 recommandations, comme le premier ministre l'a dit.

Dans le cadre du projet de loi n° 84, M. le Président, ce que nous avons fait, c'est donner davantage de droits aux personnes victimes, et surtout dans la première partie de la loi qui reprenait la loi sur l'aide aux victimes. Et, alors là, ce qu'on a fait pour l'instant, M. le Président, c'est qu'on a créé, à l'intérieur du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels... on a élargi son mandat, actuellement, pour pouvoir accompagner et soutenir les victimes. Et, par les amendements que nous avons effectués, ça vise à faire en sorte que, maintenant, tous les organismes publics et privés qui offrent des services aux personnes victimes vont devoir se doter de déclarations de services et de processus de plaintes, toujours dans l'optique de servir le mieux possible les personnes victimes, notamment d'agression sexuelle, de violence conjugale, pour faire en sorte qu'elles soient accompagnées dans le cadre de leurs démarches à travers la justice.

Et, M. le Président, je dois vous dire que notre gouvernement est fortement mobilisé pour les victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale, parce que, depuis qu'on est arrivés au gouvernement, M. le Président, on a aboli la prescription en matière civile pour les victimes en matière d'agression sexuelle, de violence conjugale, violence subie pendant l'enfance, on a déposé le projet de loi n° 84, M. le Président, un quart de milliard de dollars qu'on a consacré, un projet de loi que ça faisait 50 ans qu'il était en place, 30 ans qu'on demandait sa réforme. Alors, on l'a fait, et j'ose espérer qu'il sera adopté par l'Assemblée au cours des prochaines semaines.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. On ne pourra pas continuer de même. Puis je ne veux pas me chicaner avec le ministre, là. J'ai appris... Je l'ai découvert durant le 84. Je pense, ça va bien, mais on ne pourra pas continuer de même. Ma question était à peu près une minute, puis ça a pris trois minutes pour me faire... me vanter le projet de loi n° 84. Je l'ai déjà entendu, ça. Ma question... Puis, je l'en remercie, en toute franchise, il dit : On a l'intention de donner suite aux 190 recommandations. Parfait. Ça, c'est le bout clair. Le reste, je l'avais déjà entendu.

Il doit le faire par loi. Il lui reste deux sessions. Va-t-il déposer un projet de loi pour mettre en application la recommandation 178, créer un bureau de l'ombudsman? Va-t-il déposer un projet de loi à la session d'automne ou à la dernière session d'hiver prochain?

M. Jolin-Barrette : Mais, M. le Président, vous savez, le député de LaFontaine, souvent, me critique parce que je vais dans la précipitation. Donc là, il m'invite à agir de façon précipitée, à me commettre déjà, d'entrée de jeu, à quelle session parlementaire un éventuel ombudsman se retrouverait dans un véhicule législatif. M. le Président, ce que je peux vous assurer, c'est que le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité publique, de la Santé et des Services sociaux, tous les ministères qui sont interpelés par le rapport Corte-Desrosiers, le rapport Rebâtir la confiance, M. le Président, tous les ministères sont à l'oeuvre pour donner suite aux recommandations.

Alors, comme je l'ai dit dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 84, certaines mesures vont devoir être mises en vigueur par voie législative, M. le Président. On en a déjà fait une partie avec le projet de loi n° 84. Écoutez, on a donné suite à plusieurs recommandations de Rebâtir la confiance. La semaine dernière, M. le Président, la vice-première ministre, ministre de la Sécurité publique, a annoncé du financement additionnel pour les maisons d'hébergement. Et, notamment, ça faisait suite à certaines recommandations du rapport Rebâtir la confiance, M. le Président. Il y a des volets administratifs... En fait, il y a des recommandations qu'on peut donner suite par voie administrative. Et là-dessus, M. le Président, ce qu'il est important de savoir, c'est que, parmi les 190 recommandations qu'il y a dans le rapport, il y en a plusieurs qui étaient déjà en vigueur et déjà en fonction à travers différents organismes, notamment le DPCP et le ministère de la Justice. Alors, on va continuer, M. le Président, de travailler pour les personnes victimes.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Justement, M. le Président, le ministre nous habitue à agir dans la précipitation. Donc, quand il n'agit pas dans la précipitation : drapeau jaune, c'est justement sur ce point-là où on a des préoccupations. Alors, je n'ai pas eu de réponse claire. Je vais passer à une autre recommandation, deux recommandations importantes du tribunal spécialisé, recommandations 156 et 157 : «Instaurer un Tribunal spécialisé en matière d'agressions sexuelles et de violence conjugale au sein de la Cour du Québec» et «déployer le tribunal spécialisé à l'échelle provinciale pour desservir toutes les régions...» Pour faire ça, question très précise, le ministre a-t-il besoin d'un projet de loi, oui ou non?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, M. le Président, oui, ça prend un projet de loi pour modifier la Loi sur les tribunaux judiciaires. Et, M. le Président...

M. Tanguay : ...déposer à l'avant-dernière ou à la dernière session?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, déjà, dès le 8 février dernier, j'ai annoncé la création d'un groupe de travail pour voir de quelle façon est-ce qu'on peut mettre en oeuvre un tribunal spécialisé, M. le Président. Alors, il y a plusieurs partenaires qui sont sur le comité, notamment le Directeur des poursuites criminelles et pénales, le ministère de la Justice, la Commission des services juridiques, le ministère de la Sécurité publique ainsi que la Cour du Québec. M. le Président, il est de la volonté ferme et claire du gouvernement du Québec d'instaurer un tribunal spécialisé en matière de violence conjugale et sexuelle. Il ne fait aucun doute pour les parlementaires élus du gouvernement de cette volonté.

Il va falloir, M. le Président, que tous les acteurs du système de justice, tous les acteurs sans compromis, mettent du sien, M. le Président, et s'assurent de répondre à la volonté du comité d'experts, du rapport Corte-Desrosiers, des victimes de violence conjugale et sexuelle d'appuyer et de mettre en oeuvre... et d'avoir l'ouverture d'esprit de changer nos façons de faire, M. le Président. Et ça doit passer notamment, M. le Président, par un tribunal spécialisé pour les victimes de violence conjugale et sexuelle.

Alors, à la question précise, oui, j'ai l'intention de mettre en place un tribunal spécialisé. Et je demande le concours de tous les acteurs du système de justice pour mettre en oeuvre un tribunal spécialisé. Et l'État québécois accompagnera, à juste titre, les victimes de violence sexuelle et conjugale.

• (9 h 40) •

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Ah tiens! Une folie, je vais essayer la question. Qui, dans le système de justice, est le plus réfractaire? C'est délicat de répondre à ça. Vous pouvez ne pas répondre, mais il y a des gens visiblement qui sont réfractaires à ça.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ma volonté en tant que ministre de la Justice, c'est de mettre en oeuvre ce tribunal-là. Et je vais demander le concours et j'aurai besoin du concours des collègues de LaFontaine, de Joliette et de Gouin de nous appuyer dans cette démarche qui, je pense, est hautement importante pour la société québécoise, pour, notamment, les victimes d'agression sexuelle qui ne se sont pas senties à l'aise à travers le système de justice. Alors, il faut moderniser nos institutions, et il va falloir travailler ensemble pour le mettre en place.

M. Tanguay : J'ai devant moi, donc, le communiqué de presse du 8 février 2021 par lequel le ministre constituait le groupe de travail. Quel est son échéancier? Vous vous attendez à avoir le rapport quand?

M. Jolin-Barrette : J'ai demandé, je crois, un rapport préliminaire au mois de mai, si je ne me trompe pas. Donc, je devrais avoir un rapport préliminaire au mois de mai.

M. Tanguay : Et en vue d'avoir un rapport final autour de?

M. Jolin-Barrette : Écoutez, dépendamment de l'avancement des travaux relativement à ce groupe de travail là. Je vais prendre acte du rapport préliminaire. C'est possible qu'uniquement avec le rapport préliminaire le travail soit bien engagé et qu'on puisse donner suite assez rapidement.

Mon objectif — et je pense que ça fait part du rapport Corte-Desrosiers : de dire quelle est la mesure la plus structurante qui va influencer sur l'accompagnement des personnes victimes, quelle est cette mesure-là. Et je crois que ce qui a été identifié dans le rapport, c'est la mise en place d'un tribunal spécialisé. Alors, pour arriver au tribunal spécialisé, il y a toutes sortes de mesures à mettre en place dans les différentes organisations, de l'accompagnement. On parle beaucoup d'accompagnement, mais, ultimement, ce que le rapport nous dit, c'est il faut avoir un lieu pour les personnes victimes d'agression sexuelle et conjugale.

M. Tanguay : Le ministre s'engage-t-il à rendre public le rapport préliminaire puis, le cas échéant, le rapport final?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, je ne sais pas si je peux le rendre public. Je vais en prendre connaissance. Et vous comprendrez que ça va guider l'action gouvernementale, notamment, mais je vais en prendre connaissance dans un premier temps, puis je vais évaluer si je peux le rendre public.

M. Tanguay : Oui, oui. Mais j'invite le ministre, il fera ce qu'il voudra, là, dans le sens où on ne peut pas l'obliger, là, par un subpoena duces tecum, là, mais à le rendre public, parce que, je veux dire, il n'y aura pas de renseignements personnels là-dedans, c'est des acteurs centraux, puis, je pense, ça participerait, justement, au débat public. Alors, je l'invite évidemment, dans les jours qui suivront le préliminaire et, le cas échéant, le final à nous rendre ça public, qu'on puisse en débattre.

Autre recommandation importante, M. le Président, et ma question est sous l'angle : Est-ce qu'actuellement les crédits alloués au ministère de la Justice permettent la mise en oeuvre des mesures suivantes — alors, j'en aurai trois — la recommandation 25 du rapport Rebâtir la confiance : «Octroyer à toutes les personnes victimes d'agressions sexuelles ou de violence conjugale le droit à quatre heures de conseils juridiques gratuits, dans tous les domaines du droit, et ce, indépendamment de leur revenu.» Alors, est-ce qu'actuellement les crédits alloués au ministère de la Justice lui permettent de donner suite à cette recommandation?

M. Jolin-Barrette : En fait, pour pouvoir donner suite à cette recommandation-là, je vais devoir obtenir des sommes supplémentaires dans le cadre du budget de la Justice. Et on a passé le premier cycle budgétaire et on travaille présentement à donner suite à chacune des recommandations du rapport. Alors, ça fera partie des demandes budgétaires que j'aurai, M. le Président.

M. Tanguay : Est-ce que le ministre a en sa possession une évaluation de ce que représente cette somme supplémentaire là, nécessaire?

M. Jolin-Barrette : Pas, à ce stade-ci, en termes de montant. Mais, vous savez, on travaille sur chacune des mesures. Donc, au fur et à mesure... Vous savez, on a passé beaucoup de temps ensemble, avec bonheur, dans le cadre du projet de loi n° 84, de nombreuses heures ici. Donc, je me suis concentré sur l'IVAC, et à partir de maintenant je vais me consacrer sur le rapport Rebâtir la confiance pour donner suite à chacune des recommandations.

M. Tanguay : Est-ce que le ministre a une sorte de tableau, parce qu'on ne peut pas lui faire grief de ne pas tous les faire d'une seule journée, toutes en même temps, un tableau de son échéancier des 190 recommandations? On vient d'en parler... On vient de parler de quatre recommandations. Est-ce que le ministre a un tableau, dire : O.K., ça, on pourrait faire exécution par voie législative, tel calendrier, par voie administrative, demande de budget pour celle-là? Est-ce que le ministre a un tableau qu'il pourrait nous partager quant à carte routière pour la mise en application des 190 recommandations?

M. Jolin-Barrette : Bien, il faut comprendre, dans un premier temps, dans le rapport Rebâtir la confiance, la majorité des recommandations relève du ministère de la Justice, mais il y en a plusieurs aussi qui relèvent du ministère de la Santé et des Services sociaux ou du ministère de la Sécurité publique. Donc, on travaille en collaboration avec les collègues ministres, et notre objectif est de donner, le plus rapidement possible, suite aux recommandations.

Je donne un exemple. J'ai annoncé, peut-être il y a un mois ou un mois et demi, avec Mme Dufour, je crois, du CAVAC de l'Outaouais, Mme Kathleen Dufour, le Programme enfant témoin qui allait être élargi à la grandeur du Québec. Alors, dès que j'ai le financement requis et que la mesure est complète et travaillée, je peux annoncer la mesure, elle est financée. Alors, ce que ça fait, ce programme-là, c'est que, dans toutes les juridictions, les victimes d'agression sexuelle mineure, notamment, vont avoir un soutien, un accompagnement d'une trentaine d'heures pour être préparées à aller témoigner par rapport à des agressions sexuelles, notamment, par des enfants... qui ont été commises sur des enfants. Alors, on a donné suite à ça.

Et aussi on a donné le mandat, justement, de développer le même type de programme, et le financement est attaché également, pour faire en sorte que les personnes vulnérables qui ont à témoigner dans des contextes de violence sexuelle ou de violence conjugale puissent le faire, de la même façon que les enfants ont ce programme-là, le Programme enfant témoin. Donc, on est train de... les CAVAC sont en train de développer ce programme pour faire en sorte qu'une personne qui a un handicap physique ou mental ou une personne qui a des dépendances ou une personne qui a été victime d'agression sexuelle, ça soit adapté, qu'on puisse l'outiller pour bien... bien, en fait, que son environnement à la cour, elle connaisse l'environnement et qu'elle puisse être à l'aise pour le processus judiciaire.

M. Tanguay : On va revirer ça de bord. Les 190 recommandations, est-ce qu'il y en a, que le ministre pourrait nous identifier, ou peut-être la réponse... dire : Non, il n'y en a aucune, qu'il trouverait très difficile de mettre en application d'ici la fin du mandat, peu importe la raison?

M. Jolin-Barrette : Est-ce qu'il y en a qui sont très difficiles?

M. Tanguay : ...à mettre en application techniquement, sur le plan législatif, administratif, budgétaire, ou, aujourd'hui, il peut nous affirmer que non, avec... d'ici la fin du mandat, il n'y a pas d'écueil majeur pour certaines recommandations quant à leur mise en application?

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous dirais, pour celles qui relèvent du plan législatif, M. le Président, je retournais la question au député de LaFontaine : tout dépendamment de la collaboration que j'aurai des collègues des oppositions lorsque je déposerai un projet de loi pour donner suite aux recommandations qui nécessitent un aspect législatif. À ce moment-là, ça ne relève pas de moi ni de ma précipitation, M. le Président, ça relève de la précipitation des collègues. Il y a certaines recommandations, exemple la recommandation 64 relativement au Code criminel, ça, c'est de juridiction fédérale. Alors, il y a des enjeux relativement à ça, parce que, modifier le Code criminel, supposons, ça relève du fédéral. Mais, d'entrée de jeu, notre objectif est de donner suite le plus rapidement possible à toutes les mesures prévues dans le rapport.

Je voudrais juste faire un point également. J'ai annoncé, avec mon collègue le ministre responsable des Affaires autochtones, au mois de février ou mars, également des mesures, M. le Président, pour les communautés autochtones, notamment davantage d'intervenants, des parajudiciaires autochtones, davantage de personnes pour faire des rapports Gladue aussi, qui font suite également aux recommandations du rapport, aussi, dans le contexte autochtone, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. Tanguay : En rafale, deux recommandations. La 28 : «Assurer dans les organismes d'aide aux victimes, une présence régulière et suffisante d'avocats, avocates dédiés de l'aide juridique et de procureurs dédiés du DPCP afin de combler les besoins de formation des intervenants et de répondre à leurs questions juridiques spécifiques, de même qu'à celles des personnes victimes.» Cette recommandation-là... Le ministre a-t-il l'intention de mettre tout son poids derrière cette recommandation-là afin qu'elle voie le jour de façon substantielle, partout au Québec, rapidement?

• (9 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Oui. La réponse à cette question-là, c'est oui. On est déjà en discussion avec le Directeur des poursuites criminelles et pénales ainsi qu'avec la Commission des services juridiques. Notre objectif, là, c'est vraiment d'outiller les personnes victimes, qu'elles se sentent le plus à l'aise possible à travers le processus judiciaire. Donc, ça signifie, dès le moment, là, où elles ont été victimes d'une infraction criminelle, qu'elles puissent consulter un avocat, qu'elles puissent être accompagnées par le Directeur des poursuites criminelles et pénales pour faire en sorte qu'elles sachent dès le départ qu'est-ce que représente le système de justice, quelles sont les règles, démystifier aussi les opinions qu'on peut avoir par rapport au système de justice.

Et ça, je tiens à le dire et à faire un point, M. le Président, ce n'est pas parce qu'une victime de violence conjugale ou d'agression sexuelle ou de violence sexuelle ne porte pas plainte à la police, M. le Président, qu'elle n'est pas sans ressources. La démonstration, c'est qu'on a fait le projet de loi n° 84 et le fardeau de preuve n'est pas le même. Alors, j'encourage toutes les victimes de violence sexuelle et conjugale à... dans un premier temps, de consulter les ressources qui leur sont offertes, notamment par l'IVAC, notamment d'être indemnisées, d'obtenir le soutien pour qu'elles puissent retrouver une vie normale, M. le Président. Dans un deuxième temps, aussi, M. le Président, les acteurs du système de justice, les avocats au DPCP, les techniciens juridiques, les membres du personnel judiciaire sont là pour accompagner les personnes victimes à travers le processus. Il y a de l'excellent travail, déjà, qui est fait. Je pense que c'est important de le souligner.

Il y a de l'amélioration à faire. Il y a eu des vagues de dénonciation au cours des dernières années. Le fardeau de preuve en matière criminelle et pénale, il est élevé, c'est hors de tout doute raisonnable. Il arrive que des personnes victimes soient déçues des résultats. Cela étant dit, l'État québécois est là pour soutenir les personnes victimes.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Et la dernière recommandation à laquelle j'aimerais attirer l'attention du ministre, 29 : «Constituer une section spécialisée en matière d'agression sexuelle et de violence conjugale au sein des bureaux d'aide juridique.» J'imagine, à moins qu'il dise le contraire, que ses réponses précédentes vont aller dans le sens également de son application.

Et le ministre a raison quand il dit : Les victimes d'agression sexuelle, violence conjugale ne sont pas totalement sans ressource. Mais l'on voit, encore une fois, jusqu'à tout récemment, qu'il manque des outils, qu'il manque des leviers, que la confiance, là, rebâtir la confiance... Elles ne sont pas sans ressource, mais on a énormément de choses à faire. Le temps nous est compté, et j'invite le ministre, donc, à y aller de façon la plus diligente possible, parce que, visiblement, on est très loin d'être parfaits quant à l'accompagnement et à rebâtir cette confiance-là.

Le Président (M. Bachand) : Très rapidement, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, on est en action depuis qu'on est arrivés au gouvernement : projet de loi n° 55, projet de loi n° 84. On a consacré des centaines de millions de dollars pour les personnes victimes, chose qui n'a été pas faite par les gouvernements successifs. Puis, à ce que je sache, M. le Président, les vagues de dénonciation ne datent pas de cette année. Alors, nous, on agit, M. le Président. On va continuer à agir pour les victimes de violence sexuelle et conjugale. Puis, M. le Président, vous le savez, c'est un dossier qui me tient particulièrement à coeur, et j'ai bien l'intention, M. le Président, de continuer à travailler dans cette ligne.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de justice, M. le député de Gouin, pour 21 min 9 s. M. le député, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Salutations au ministre, aux collègues députés, à l'ensemble de nos invités, au personnel politique également.

Il y a quelques sujets que je souhaite aborder aujourd'hui. J'ai une vingtaine de minutes. Je vais y aller en rafale. D'abord, pour le ministre, lors de sa nomination comme ministre de la Justice, il s'est montré particulièrement enthousiaste, voire empressé de réformer le droit de la famille. On avait eu un échange lors des crédits budgétaires du mois d'août dernier. Il était... il nous disait être... il nous plaçait ce projet de loi ou ces projets de loi en haut de sa liste des priorités. On est au mois d'avril. Comme l'indiquait le député de LaFontaine, il reste deux sessions parlementaires, deux périodes de travaux. J'aimerais... Et, depuis ce temps-là, en fait, le 1er avril dernier, il y a la loi fédérale sur le divorce qui est entrée en vigueur. Ça comporte des avancées, des protections supplémentaires pour les enfants qui sont exposés à la violence conjugale, par extension, leurs mères aussi, dont les parents divorcent. Tout ça, ça représente une occasion, là, un momentum, là, d'harmoniser le Code civil avec la loi fédérale notamment. J'aimerais connaître l'échéancier de travail du ministre, savoir quand est-ce qu'il entend déposer les projets de loi visant à modifier le droit de la famille au Québec.

M. Jolin-Barrette : Bon, c'est une question importante, M. le Président. J'ai l'intention de déposer deux projets de loi, donc, en deux phases distinctes. Le premier projet de loi, M. le Président, que j'ai l'intention de déposer sera sur la filiation, la gestation pour autrui, la connaissance des origines, M. le Président, et pour donner suite également au jugement sur le Centre de lutte contre l'oppression des genres qui nous impose de modifier la loi d'ici décembre 2021. Ça, c'est le premier volet.

Le deuxième volet, la deuxième loi que j'ai l'intention de déposer sera sur la conjugalité, qui fait suite, notamment, au rapport sur le droit de la famille qui a été déposé en 2015. Alors, quand je suis arrivé comme ministre de la Justice, M. le Président, j'en ai fait une priorité, et on travaille activement sur la réforme du droit de la famille.

Et mon objectif, et pourquoi est-ce que je débute par la filiation, M. le Président, et par la gestation pour autrui, la procréation assistée, M. le Président, c'est parce qu'on veut s'assurer que tous les enfants soient égaux devant la loi, et on ne veut pas qu'il y ait de vide juridique, M. le Président, en termes de protection des enfants. Et ça va de pair, M. le Président, avec, éventuellement... Vous savez que le rapport Laurent va sortir, éventuellement, M. le Président. Je pense qu'au Québec on doit s'assurer que, peu importe, pour un enfant qui naît sur le territoire québécois, qu'il soit né en mariage, hors mariage ou qu'il soit issu d'une gestation pour autrui, M. le Président, il faut que cet enfant-là ait les mêmes droits. Et c'est la première des priorités en matière de droit de la famille. C'est l'intérêt de l'enfant qui va guider nos actions.

Alors, pour savoir à quel moment je vais le déposer, écoutez, je travaille activement là-dessus. J'ai été pris sur le projet de loi n° 84 un bout de temps, mais c'est ma prochaine priorité.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Donc, le ministre s'engage à déposer ces deux projets de loi avant la fin du mandat.

M. Jolin-Barrette : Oui, certainement.

M. Nadeau-Dubois : Donc, il y aura dépôt de deux projets de loi de réforme du droit de la famille avant qu'on s'en aille tous en élection en 2022.

M. Jolin-Barrette : Bien, je ne peux pas vous dire que les deux projets de loi seront déposés. Dans le fond, présentement, je travaille sur la phase I de la réforme du droit de la famille qui touche la filiation, qui touche la connaissance des origines, qui touche la procréation assistée.

M. Nadeau-Dubois : Donc, ça, donc, la phase I sera déposée assurément avant la fin du mandat. Pour ce qui est de la phase II, c'est encore à voir. Est-ce que je comprends bien?

M. Jolin-Barrette : Bien, mon souhait, ça serait de faire les deux phases avant la fin du mandat, mais, matériellement, je vais commencer par la phase I, tout dépendamment la rapidité et la vitesse à laquelle les travaux se déroulent ici, en cette Assemblée.

M. Nadeau-Dubois : Oui. On sait que ça tient beaucoup au leader au gouvernement, la rapidité avec laquelle les travaux se déroulent. Bien, merci, ça répond à mes questions. Avec le consentement des collègues, j'aurai des questions pour M. Tessier de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

Le Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a consentement? M. le ministre, est-ce que vous êtes...

M. Jolin-Barrette : Sous réserve de la question, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : O.K., merci. Alors donc, M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Toutes mes questions sont pertinentes. Le leader du gouvernement, ministre de la Justice le sait bien. Donc, je n'ai aucun doute qu'il va consentir à ce que j'interroge notre invité sur un sujet qui est important.

On est en pleine crise sanitaire. Il y a un état d'urgence sanitaire à l'heure actuelle qui a été mis en place par décret par le gouvernement du Québec. C'est un décret qui donne au gouvernement des prérogatives assez importantes. La Loi sur la santé publique permet au gouvernement de prolonger cet état d'urgence par décret ou par vote de l'Assemblée nationale.

Il y a des voix qui se sont élevées dans la communauté juridique, dans les réseaux de défense des droits et libertés, des gens qui s'intéressent à l'État de droit puis à l'importance du respect des droits et libertés dans la société québécoise qui ont questionné, des gens très crédibles, très sérieux, là, on va placer les affaires tout de suite, là, pas des gens qui nient l'existence d'une pandémie ou qui pensent que ce n'est pas grave, que c'est une grippe, des gens très sérieux, très compétents, qui ont exprimé certaines inquiétudes à l'égard de la manière de fonctionner du gouvernement, c'est-à-dire de prolonger ce décret d'état d'urgence strictement par des votes au Conseil des ministres plutôt que de passer par un vote de l'Assemblée nationale.

La commission, comment dire, s'est vu confier, à sa création, le mandat d'examiner les différentes lois, les différents règlements au Québec puis d'examiner leur conformité ou non avec la charte des droits et libertés. Puis la question plus générale du respect des droits et libertés, c'est au coeur du mandat de la commission. J'aimerais savoir : Est-ce que la commission a un avis sur la situation actuelle? Est-ce qu'elle se pense sur les modalités de prolongation de l'état sanitaire? Est-ce que ça fait partie de vos préoccupations?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Juste, un premier temps, avant de céder la parole à Me Tessier, la Loi sur la santé publique, à l'article 123 notamment, prévoit que l'état d'urgence peut être déclaré soit par un vote à l'Assemblée nationale pour une période de 30 jours, soit par un décret renouvelable aux 10 jours. Le gouvernement a fait le choix de renouveler par décret l'état d'urgence, M. le Président. Et cette décision-là a été contrôlée par les tribunaux judiciaires, notamment la Cour supérieure dans l'arrêt Bricka, M. le Président. Et je crois que c'est le juge Riordan qui a rejeté les arguments relativement à la contestation du fait qu'on aurait dû passer par l'Assemblée nationale, par un renouvellement à l'Assemblée. Et le juge confirme la légalité de l'utilisation des décrets aux 10 jours pour renouveler l'état d'urgence sanitaire. Alors, je voulais juste placer ça, M. le Président.

• (10 heures) •

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Donc, Me Tessier.

M. Tessier (Philippe-André) : Merci, M. le Président. Merci pour la question. Effectivement, la question de la situation sanitaire a occupé beaucoup la commission dans la dernière année. Dans un premier temps, peut-être juste rappeler, ça fait déjà un an, mais, au début de la crise pandémique, la commission a mis sur pied un comité de veille stratégique présidé par la vice-présidente charte de la commission, Mme Myrlande Pierre, qui m'accompagne aujourd'hui. Et, dans le cadre de ce comité, la commission a émis une quantité assez importante de lettres, d'avis tant... publics, également auprès du gouvernement, pour s'assurer puis bien baliser, parce que ce qu'on avait constaté à l'origine de la pandémie, c'est que les personnes en situation de vulnérabilité étaient doublement vulnérables, les aînés, les populations marginalisées, les... donc, et certaines communautés aussi qui occupent des... qui font du travail dans le milieu de la santé, des communautés racisées. Donc, la commission était initialement très préoccupée par ça, et on a fait beaucoup, beaucoup de démarches en ce sens-là.

Par la suite, si vous vous souvenez, l'été dernier, le débat, c'était sur le port du masque obligatoire. La commission a émis un avis de conformité, au sens de l'article 9.1 de la charte, de l'obligation du port du masque. Donc, et puis là, depuis l'automne et dernièrement, c'est sûr et certain que nos représentations... Vous vous souviendrez également qu'il y a eu contestation judiciaire du décret par rapport à l'application du couvre-feu sur les personnes en situation d'itinérance. La commission a interpelé directement le premier ministre à cet égard-là, lui a demandé de modifier le décret pour le rendre conforme à la situation de vulnérabilité des personnes en situation d'itinérance. Évidemment, cette lettre-là a trouvé application dans le jugement qui... et le fait que le Procureur général n'a pas appelé de cette décision-là. Donc, la situation s'est régularisée de ce point de vue là. La recommandation de la commission a été suivie, mais par la voie des tribunaux. Donc, c'est sûr et certain que tous ces éléments-là, nous, on est en... on travaille là-dessus.

Maintenant, c'est toujours la même chose en situation pandémique, en situation de crise sanitaire, puis ça a été l'exercice qu'on a fait dans la dernière année, c'est de concilier, oui, les droits prévus à 1 à 9 de la charte, les balancer avec 9.1, qui est la disposition qui fait en sorte que l'intérêt public, l'intérêt collectif doit aussi être pris en compte quand on regarde ces éléments-là puis ces dispositions-là, pour s'assurer, évidemment, que les gens ne décèdent pas de la COVID-19.

M. Nadeau-Dubois : Je me demandais si la commission avait un avis spécifique sur la question des modalités de prolongation de l'état d'urgence sanitaire. Parce qu'il y a un débat actuellement, et ce n'est pas un débat juridique, hein, par ailleurs, les tribunaux ont été clairs, c'est un débat politique du point de vue de la légitimité entre des modalités de reconduction strictement au Conseil des ministres ou à l'Assemblée nationale.

M. Tessier (Philippe-André) : Je vais répondre très simplement à votre question. Lors de l'adoption de la Loi sur la santé publique, c'était en 2000-2001 si ma mémoire est bonne, je n'étais pas là, mais il me semble que c'est à peu près ça, la commission n'avait pas pris de position. Donc, on a regardé à l'intérieur de la commission, là, dans les avis, dans les mémoires, la commission n'avait pas pris position sur cet élément spécifique. Alors, je vous dirais que c'est un élément qui nous préoccupe pour la suite. Dans la mesure où la Loi sur la santé publique serait révisée, c'est sûr et certain que la commission regardera cette question-là attentivement.

M. Nadeau-Dubois : J'aimerais vous entendre sur le couvre-feu, parce que vous venez de parler de l'impact de la pandémie sur les populations plus vulnérables ou marginalisées. Vous aviez pris position. J'allais... Bien, vous en avez vous-même parlé quand est venu le moment d'appliquer ou non le couvre-feu aux personnes en situation d'itinérance. Vous avez pris une position courageuse et juste, celle de dire : On ne peut pas demander à des gens qui n'ont pas de chez-soi de rester chez soi après 20 heures. Les tribunaux et l'opinion publique, je pense, vous ont donné bien raison là-dessus. Le couvre-feu est une mesure, et les voix commencent à se lever du côté des organismes de défense de droits, qui a des conséquences différenciées selon le statut socioéconomique.

Bon. Moi, par exemple, j'ai une petite maison à Montréal, assez confortable, j'ai une petite cour, le couvre-feu ne m'incommode pas trop, je peux sortir à l'extérieur. Il y a des gens en situation de vulnérabilité, en situation de pauvreté qui n'ont pas de balcon, pas de cour, peuvent être dans des appartements surpeuplés, il y a des gens qui ont des problèmes de toxicomanie, il y a des gens en situation de marginalité. Il y a des organismes en réduction des méfaits, par exemple, qui ont témoigné à l'effet que la fréquentation de leurs organismes a considérablement diminué depuis l'imposition d'un couvre-feu. Donc, il y a vraiment, encore une fois, des gens très respectables, là, on est dans ce domaine-là, qui émettent des préoccupations sur les conséquences du couvre-feu sur les populations vulnérables ou marginalisées.

Je sais que, le 22 janvier dernier, vous aviez demandé au gouvernement de collecter plus de données sur les conséquences de la pandémie sur les catégories de la population les plus vulnérables au Québec. Avez-vous obtenu ces données-là? Avez-vous des données sur l'impact du couvre-feu sur les populations plus marginalisées? Est-ce que c'est un enjeu qui vous interpelle? Est-ce que vous travaillez là-dessus? Est-ce que vous avez l'intention de prendre position sur cette question-là?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, simplement rappeler, M. le Président, sur la question du couvre-feu, là, les questions du député de Gouin sont légitimes, mais ça serait important, M. le Président, que toutes les formations politiques appuient les mesures qui sont mises en place, M. le Président, pour s'assurer de limiter la propagation de la pandémie. Et le couvre-feu est une des mesures, M. le Président, qui permet de s'assurer de faire en sorte qu'on réduit le nombre de cas au Québec, qu'on réduit la transmission. Alors, mettre en doute les mesures de santé publique qu'on met en oeuvre, M. le Président, pour s'assurer de protéger la population du Québec, M. le Président, je vous le soumets, c'est un terrain glissant. Mais je peux céder la parole.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Gouin, allez-y, oui.

M. Nadeau-Dubois : Bien, je vais profiter de mon temps. Moi, j'essaie d'avoir une conversation intelligente, ici, avec quelqu'un d'intelligent, au sujet de l'impact des mesures sanitaires sur les populations les plus vulnérables. Si le ministre souhaite faire descendre le débat dans le caniveau, je ne le suivrai pas. Ça fait que j'aimerais avoir une discussion intelligente avec une personne très intelligente dont l'expertise et le rôle dans la société québécoise, c'est de se pencher sur l'impact des décisions gouvernementales sur les populations les plus vulnérables. Moi, je crois que, dans une institution comme la nôtre, on est capables d'aspirer à ces débats-là sans faire redescendre le débat dans les plus bas étages. Ça ne me tente pas d'aller là. On appuie toutes les mesures sanitaires à Québec solidaire, on invite tout le monde à les respecter. On pense juste qu'il y a des choses dont il faut discuter, notamment l'impact de ces mesures-là sur certaines parties de la population québécoise. Je suis sûr que le ministre est capable, avec nous, d'avoir cette conversation-là.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, ça dépendra de l'évaluation que le député de Gouin fait de mon intelligence, mais je vais essayer de m'insérer dans le débat quand même, M. le Président. Tout au long de l'année qu'on a connue, au niveau de la pandémie, M. le Président, les collègues des oppositions ont soulevé des doutes à de multiples reprises, M. le Président, sur les règles demandées par la Santé publique pour limiter la propagation de la pandémie. Alors, mon propos, M. le Président, va en ce sens : Nous souhaitons la collaboration et l'adhésion de chacun des parlementaires ici, en cette Chambre, pour faire en sorte, M. le Président, de soutenir les mesures qui sont mises en place pour limiter la propagation de la pandémie et surtout pour lutter efficacement. Mais, d'entrée de jeu, je laisse la discussion au niveau intellectuel entre le député de Gouin et Me Tessier.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Me Tessier, s'il vous plaît.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Alors, pour ce qui est de la question du couvre-feu et de son impact, il est certain que, et je pense que c'est une des préoccupations de notre commission, on voulait... vous avez fait référence à certaines démarches que nous avons entreprises, nous avons effectivement demandé à la Santé publique, à M. Arruda, Dr Arruda, le directeur national, de procéder à une collecte de données, parce qu'effectivement il est très difficile présentement de savoir quel est l'impact et s'il y a impact disproportionné non seulement de la pandémie mais également des mesures visant corriger la pandémie sur certaines populations plus vulnérables. Ça, c'est pour ce qui en est.

Maintenant, peut-être ajouter un élément qui est, je pense, important dans la considération. Puis je l'ai dit d'entrée de jeu, l'exercice qui est celui de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, comme fiduciaire de la charte, est aussi de s'assurer que le débat se fasse de façon sereine dans la population. Et un des éléments que nous avons trouvé malheureux, comme commission, c'est que certaines personnes — puis ce n'est pas celle dont vous parliez, M. le Président, ce n'est pas celle dont le député parlait, évidemment — se sont approprié un discours en disant : C'est mes droits ou mes libertés, et en faisant, disons, une interprétation quelque peu exagérée des principes prévus à la charte, qui, eux, étaient... mettait à mal, si on veut, les protections et les garanties. Parce que, quand on exagère un droit, bien, on vient nuire à l'équilibre et à l'ensemble de ces droits-là, et c'est aussi de la préoccupation de notre commission de s'assurer de ne pas jouer non plus dans ce discours et de jouer un rôle équilibré, ce qu'on a tenté de faire tout au long de la dernière année.

Et, en conclusion, ce que je voudrais juste ajouter, c'est que c'est sûr et certain que, la question du couvre-feu, il y a plusieurs exceptions qui sont prévues par décret, il y a plusieurs modalités qui sont prévues par décret. Ces modalités-là méritent d'être bien connues. Le parallèle que je fais, c'est pour le port du masque. À la commission, puis je le soumets à l'attention des députés, je pense que c'est important que vous le sachiez, la plupart des plaintes que nous avons reçues dans la dernière année en lien avec l'application des mesures sanitaires sont celles avec le port du masque, parce qu'il y a une incompréhension, chez plusieurs dans la population, sur les exceptions prévues au décret même. Et donc on a un... nous, on fait un travail, à la commission, lorsque les plaintes rentrent, pour dialoguer avec les mis en cause, donc les personnes qui refusent l'accès, pour leur expliquer les exceptions qui sont prévues noir sur blanc au décret. Donc, on a aussi ce travail-là qu'on a fait dans la dernière année.

• (10 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Est-ce que vous trouveriez pertinent que la Direction générale de la santé publique et/ou l'INSPQ documentent les impacts du couvre-feu sur les populations plus, disons, marginalisées ou vulnérables dont on discute vous et moi?

M. Tessier (Philippe-André) : C'est une de nos demandes.

M. Nadeau-Dubois : O.K. C'est aussi une demande de ma formation politique. Je suis content de savoir qu'on partage cette proposition-là. Mais combien de temps est-ce que je dispose, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : Un peu plus de trois minutes.

M. Nadeau-Dubois : Un peu plus de trois minutes. Bien, merci d'avoir... pour vos réponses à mes questions. Je pense qu'en effet c'est important qu'on documente l'impact d'une mesure quand même musclée comme le couvre-feu sur les gens les plus vulnérables de notre société.

J'aurais une question pour le ministre de la Justice. Il y a, au Canada et au Québec, une épidémie de surdoses, et ça a fait prendre position beaucoup de gens en faveur d'une décriminalisation de la possession simple de drogues. Je sais que c'est un enjeu... le Code criminel est de compétence fédérale, mais le ministre est un nationaliste, donc je suis sûr qu'il a des opinions quand même sur ces choses-là. Il y a la Direction de la santé publique de Montréal, le SPVM, l'Association canadienne des chefs de police, l'OMS qui ont fait cette proposition d'aller vers une décriminalisation de la possession simple de drogues. Qu'est-ce que pense le ministre de la Justice du Québec de cette question-là puis de cette proposition-là qui vient de ces acteurs-là?

M. Jolin-Barrette : Bien, dans un premier temps, M. le Président, je crois que l'on doit être prudents relativement à la possession de stupéfiants, M. le Président, parce que, oui, il y a certaines organisations qui font des recommandations relativement à la déjudiciarisation et par rapport à certaines substances, il faut aussi garder en tête, M. le Président, qu'il y a une multitude de substances aussi pour lesquelles les gens sont accusés, et tout dépendamment, notamment, M. le Président, de la nature de la substance aussi. Alors, c'est un travail qui mérite réflexion, et on réfléchit, au ministère de la Justice, relativement à ce sujet, mais je pense que, comme dans tout débat aussi fondamental que celui-là, il faut qu'il y ait un débat de société. Il faut que la population réfléchisse aux conséquences d'amener une décriminalisation ou une déjudiciarisation. Il y a certains États dans le monde qui l'ont fait, et c'est à géométrie variable, les résultats rattachés à la décriminalisation de la possession simple aussi, M. le Président. Alors, c'est un sujet très sérieux, et je pense qu'on doit être prudents avec ce sujet.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : L'équivalent au fédéral du DPCP a déjà, lui, donné une directive de ne plus entamer de procédures pour possession simple de drogues. Je suis sûr que le ministre de la Justice ne qualifie pas le DPCP au fédéral d'imprudent. Est-ce que c'est quelque chose que le ministre de la Justice envisage au Québec?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : De décriminaliser, non. De déjudiciariser, peut-être que c'est une avenue qui pourrait être envisagée éventuellement. Mais il faut toujours se rappeler, M. le Président, qu'il y a plusieurs composantes à cette problématique qui est complexe : il y a des questions de dépendance, il y a des questions de personnes vulnérables qui consomment, il y a des questions de crime organisé, il y a la question de la santé de la population aussi. Alors, c'est un dossier fort complexe qui mérite une réflexion approfondie, et je suis présentement dans le cadre d'une réflexion, le ministère de la Justice travaille sur cette réflexion-là, mais je crois que... et ça devient une question de société, aussi, fort importante. Alors, certains États l'ont fait, certains États également...

Le Président (M. Bachand) : ...s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : ...durcissent la possession, la criminalisation aussi. Alors, ça mérite une réflexion approfondie.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Merci beaucoup, M. le ministre. Merci, M. le député de Gouin. Maintenant, le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Pour combien de temps déjà?

Le Président (M. Bachand) : C'est 21 min 10 s.

M. Tanguay : 21 min 10 s, parfait. Merci beaucoup. J'aimerais que le ministre puisse peut-être nous redonner, s'il vous plaît, la phase I, droit de la famille, quels sont les sujets. Je vais vous laisser les dire, phase I.

M. Jolin-Barrette : Donc, dans la phase I, j'ai l'intention de traiter de la filiation relativement à l'intérêt de l'enfant, la connaissance des origines, la gestation pour autrui, et notamment de donner suite au jugement de la Cour supérieure relativement au jugement, là, centre de l'oppression des genres, qui nous invite... en fait, qui oblige le législateur à modifier son corpus législatif. Et ce dossier-là, d'ailleurs, il y a un des points qu'on a portés en appel, relativement aux enfants de plus de 14 ans de consulter un professionnel.

M. Tanguay : Ça, ce sera l'entièreté de la phase I. La phase II, est-ce qu'il peut répéter les sujets, phase II?

M. Jolin-Barrette : Donc, au niveau de la phase II, c'est la conjugalité, donc tout ce qui concerne les rapports entre conjoints.

M. Tanguay : O.K. Là, je parle au ministre de la Justice, je parle au leader, puis j'interpelle mes collègues également, qui ont beaucoup d'expérience, autour de la table. Je dis une chose excessivement importante au ministre. Il y a une obligation de donner suite au jugement de la Cour supérieure d'ici décembre prochain. Ne mettez pas... Cet impératif, ce couperet-là, ne le mélangez pas avec des questions qui touchent tous les Québécois — puis je vous vois avec votre sourire de leader efficace : filiation, gestion pour autrui, connaissance des origines. Je ne veux pas — je vous envoie le signal, c'est clair — qu'on soit pressés, avec fusil sur la tempe, pour adopter tout ça en décembre, parce qu'il y a x nombres d'articles que l'on doit absolument adopter d'ici décembre. Je vous le dis, là, ça, on n'achètera pas ça. Alors, si vous voulez déposer un projet de loi qui donne suite au jugement, on va l'adopter de façon excessivement efficace et efficiente, mais ne mettez pas cet ingrédient-là pour après ça nous dire : Ah! bien, vous êtes... vous retardez l'adoption de toute cette enveloppe-là. Puis je vois mon collègue de Chomedey qui a déjà présidé quelques heures, là, des commissions parlementaires. Je vous le dis, là. Comment vous recevez mon commentaire? N'allez pas mélanger les deux choses, parce qu'on ne veut pas d'échéancier puis de «gun» sur la tempe d'ici décembre pour des questions qui touchent tous les Québécois. Alors, j'aimerais savoir comment vous recevez mon commentaire.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, M. le Président, je prends le commentaire du député de LaFontaine comme une mise en garde. Alors, je vais tenter de me gouverner en conséquence, M. le Président. Mais, vous savez, mon travail n'est pas de faire plaisir au député de LaFontaine. Mon travail est de répondre aux demandes des Québécois d'avoir une réforme du droit de la famille, réforme qui aurait dû avoir lieu sous l'ancien gouvernement libéral, parce que le rapport date de 2015. Et, je me souviens, on lisait dans les journaux qu'au bureau du premier ministre, le premier ministre Couillard, on disait : On ne sait pas par quel bout le prendre, la réforme du droit de famille, M. le Président.

Alors, durant des années, il y a des enfants qui n'ont pas eu la même protection juridique parce qu'ils étaient nés hors mariage. Et on va s'assurer que tous les enfants au Québec, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage ou qu'ils soient nés en gestation pour autrui, M. le Président, ils puissent bénéficier des mêmes droits, d'avoir notamment droit à la filiation, d'avoir notamment droit à la connaissance de ses origines aussi. Et surtout je crois que c'est important de donner suite au jugement de la Cour supérieure aussi.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.

M. Jolin-Barrette : Alors, la mécanique, le véhicule législatif, le député de LaFontaine pourra la critiquer. Je ne dis pas qu'on va aller là, mais on travaille tellement bien ensemble, M. le Président, que les délais, pour moi, je ne pense pas que ça va être un enjeu.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup. Alors, effectivement, heureux de souligner qu'on travaille très bien ensemble. Ne mettez pas cette épée de Damoclès là au-dessus de nos têtes pour qu'on ait le temps. Puis, être le ministre, je prendrais garde, à la place du ministre, de comparer les délais de l'administration précédente. Le rapport Roy est de 2016, ce qui laissait deux ans au mandat. Le rapport Roy, il a cinq ans, ce qui fait en sorte qu'il y a déjà trois ans de passés sur leur mandat, alors... puis là on va y aller en phase I, phase II dans les deux dernières sessions parlementaires. Puis là j'invite le ministre à faire en sorte que, la phase I, là, on ne bâcle pas ça, qu'on ne bâcle pas ça d'ici décembre.

M. Jolin-Barrette : Juin 2015, M. le Président, juin 2015, le rapport d'Alain Roy.

M. Tanguay : Bon, il a raison, trois ans-trois ans. Trois ans-trois ans, un, de deux, ça fait six ans.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, M. le Président, moi, je sais que je suis ministre de la Justice depuis juin, et ça va être déposé.

M. Tanguay : Ah! O.K. Ce n'est pas gentil pour sa prédécesseure, mais c'est correct. M. le Président, avec le sourire dans la voix et sur les lèvres, j'aimerais maintenant me tourner vers le nouveau DPCP, Me Patrick Michel. Félicitations pour votre... Est-ce qu'il y a consentement à lui adresser la parole, M. le Président?

• (10 h 20) •

Le Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a consentement?

M. Jolin-Barrette : Sous réserve de la question, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Il y a consentement, et, M. le ministre...

M. Tanguay : Ça fait la première fois que j'entends ça : Sous réserve de la question.

Le Président (M. Bachand) : M. le député.

M. Tanguay : O.K. Alors, j'étais en train de féliciter Me Michel. Félicitations... votre nomination à l'unanimité de l'Assemblée nationale. Vous avez des défis, évidemment, importants.

J'aimerais vous entendre au niveau de l'importante présence médiatique du DPCP. Le DPCP, je crois, on peut le reconnaître, doit être davantage présent. Je ne suis pas en train de dire... Vous le savez mieux que quiconque, on le voit à votre C.V., vous connaissez l'historique du DPCP, la nécessité d'avoir une juste réserve, mais aussi de faire oeuvre pédagogique, d'expliquer les choses. Comment, Me Michel, vous comptez faire en sorte que le DPCP soit plus présent, toujours en gardant, évidemment, son rôle, mais plus présent dans les médias, puis qu'un matin on vous entende à la radio, vous ou votre représentant, représentante? Puis, dans des cas... puis on a eu des cas récents, là, où on aurait aimé que le DPCP vienne expliquer certaines choses, remette en contexte, ainsi de suite. Alors, comment vous allez mettre en application ce désir-là?

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Me Patrick Michel, s'il vous plaît.

M. Tanguay : C'est-u correct? Il peut-u répondre?

Le Président (M. Bachand) : C'est beau. Me Michel.

M. Michel (Patrick) : Merci, M. le Président. Merci, M. le député de LaFontaine, pour votre question. Je prends un petit deux secondes pour remercier tous les représentants des différentes formations politiques qui ont appuyé ma nomination. J'en suis honoré, et je vous remercie de votre confiance.

Pour ce qui est de votre question... de la question, pardon, de M. le député de LaFontaine, M. le Président, évidemment, j'étais bien conscient, en postulant sur le poste, en soumettant ma candidature, qu'il y a des attentes élevées, plus élevées que jamais en matière d'imputabilité personnelle, de façon générale, à l'égard des dirigeants d'organisme en général, en particulier, peut-être, à l'égard du DPCP. Alors, j'en ai la pleine conscience, j'en prends la pleine mesure.

Et, oui, il y aura... il y a certainement des situations dont, disons, la gravité ou l'importance va commander que le Directeur des poursuites criminelles et pénales s'adresse à la population. Maintenant, la direction du Directeur des poursuites criminelles et pénales, dans mon esprit, ce n'est pas seulement moi seul qui incarne cette direction-là. Cette direction-là est incarnée aussi par le directeur adjoint, par les différents procureurs en chef du Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui seront aussi appelés à prendre la parole lorsque la situation le commandera. Alors, oui, j'ai l'intention d'être plus présent dans les médias, et je le serai dans les prochains jours d'ailleurs.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui. Bien, heureux de savoir, effectivement, que vous allez être, dans les prochains jours... Effectivement, peut-être une petite tournée des médias, ce n'est pas à moi à vous dire comment remplir votre mandat, mais ça pourrait déjà établir les bonnes lignes de communication. Donc, heureux de vous entendre que, dans les prochains jours, vous aurez l'occasion, peut-être, de faire une petite tournée des médias pour qu'on vous connaisse mieux, «on» étant la population en général, et que les médias aient le réflexe DPCP. Puis il y a des fois que vous ne pourrez pas du tout commenter, mais des fois que vous pourrez faire oeuvre pédagogique. Ça, je suis heureux de vous l'entendre dire.

Deuxième volet que j'aimerais aborder avec vous : la nécessité d'améliorer — c'est moi qui parle, là, c'est de même que je le qualifie — les relations, la collaboration entre le DPCP, les procureurs et les corps policiers. Quelle est votre évaluation de ce défi-là? Et comment entendez-vous modifier la situation, bonifier cette collaboration-là?

Le Président (M. Bachand) : Me Michel.

M. Michel (Patrick) : Oui. Alors, merci, M. le Président. Je vous dirais que c'est clairement une priorité, en fait, pour moi, d'établir, disons, les ponts, les relations avec les directeurs des différents corps de police. J'ai commencé à le faire. Malheureusement, en 72 ou 80 quelques heures, je n'ai pas encore réussi à m'adresser à chacun des directeurs de corps de police. Le message que j'envoie, en fait, c'est que le DPCP est dans un esprit de collaboration avec eux. Il a pu y avoir des tensions qui ont surgi dans les rapports entre les corps de police et les procureurs. Je tiens à voir, à explorer cette situation-là, à comprendre quelles sont les origines de ces tensions-là et... parce qu'au bout du compte nous avons des rôles différents, des responsabilités différentes à assumer, mais nous faisons équipe ultimement. Si on ramène les choses à leur plus simple expression, nous faisons équipe avec nos partenaires policiers dans la lutte au crime.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Donc, de façon un peu plus tangible, comment vous abordez ce défi-là dans les prochains jours, semaines? Comment vous allez réaliser ça de façon un peu plus tangible?

M. Michel (Patrick) : Bien, il faut que je commence par établir des contacts. J'ai commencé à le faire avec des collaborateurs que j'ai fréquentés, ou, disons, avec lesquels j'ai eu l'occasion de travailler, la Sûreté du Québec, au SPVQ, dans mon passé. Je n'ai pas eu le temps d'établir cette communication-là avec tout et chacun des corps de police. Je ne pourrai probablement pas le faire avec tous les corps de police, mais j'ai l'intention de communiquer avec le nouveau président de l'ADPQ prochainement.

Et, très concrètement, je crois qu'on est dus, entre la police et la couronne, pour, je dirais, un lac-à-l'épaule, une réflexion, une mise au point sur l'état des relations, bien comprendre. Nous, on a des choses à expliquer aux corps de police quant à nos exigences. Il y a une perception que nos exigences sont plus importantes en termes de qualité de dossiers, qualité d'enquêtes, qualité de preuves. Il y a des raisons. Je vous en... Ça serait fastidieux de toutes les exposer. Il y a des raisons juridiques et opérationnelles qui justifient ces nouvelles exigences-là. Il faut peut-être les expliquer. Les expliquer davantage, c'est déjà un début pour atténuer les perceptions qu'il y aurait tension entre nous et la police.

M. Tanguay : O.K. On pourrait peut-être même dire que les effets de l'arrêt Jordan se font sentir en amont aussi, parce que, quand vous déposez un dossier, l'horloge part. Donc, jadis, j'imagine qu'on pouvait avoir un petit peu plus de lousse, si vous me permettez l'expression, puis parfaire la preuve, mais là, dans notre jeu, là, si l'atout est en coeur, il faut avoir l'as, la dame, le 10, puis un chien de coeur, là. Autrement dit, je comprends qu'il peut y avoir, là aussi, une certaine frustration chez les corps policiers, dire : Bien, c'est le fruit de mon travail, puis tu me renvoies à mes... Donc, il y a ça aussi. Je pense qu'en ayant une discussion honnête et franche sur cela... je pense que ça va être important. Puis j'aime votre expression, lac-à-l'épaule, et j'imagine aussi — j'aimerais vous entendre là-dessus — qu'il n'y a pas juste dans les hautes sphères, mais dans tous les niveaux hiérarchiques des organisations également.

Le Président (M. Bachand) : Me Michel, oui.

M. Michel (Patrick) : Oui, merci. Bien, tout à fait. Comme vous le dites, alors, la collaboration, ça se manifeste et ça se vit au quotidien sur le terrain entre les procureurs et entre les policiers qui oeuvrent en première ligne, mais il faut comprendre que l'esprit de ces communications-là et de cette collaboration-là, bien, ça doit être convenu entre les dirigeants, et les messages doivent descendre dans les organisations.

Par rapport à la question des exigences, oui, il y a la qualité du dossier, ou, en fait, ce que nous, on appelle le dossier complet, là, pour éviter qu'on s'enlise dans des débats de divulgation de la preuve avant d'arriver au coeur du procès puis à la détermination de la crédibilité, mais on tente aussi, autant que faire se peut, d'anticiper et d'éviter des débats juridiques par rapport... en matière d'admissibilité de preuve, débats dans lesquels on pourrait s'enliser inutilement. Alors, il est possible aussi que, dans nos conseils auprès des corps de police, on soit, disons, plus prudents, pas parce qu'on craint de plaider une requête ou d'affronter une requête à la cour, mais parce qu'idéalement on souhaiterait l'éviter pour bien contrôler nos délais et s'assurer que le procès soit toujours focussé sur la question ultime : la culpabilité.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Quelle est votre réflexion au niveau du rassemblement de plusieurs causes, là, des procès, là, avec un intimé, deux intimés, trois intimés, 20 défendeurs... pas des défendeurs, mais des parties poursuivies, les mégaprocès, et tout ça? Est-ce qu'on a une réflexion... Avez-vous une réflexion à avoir là-dessus, sur l'efficacité de la justice quand on veut regrouper différentes causes ensemble et qu'on va toujours à la vitesse de la plus lente? Je ne sais pas quelle est votre réflexion là-dessus.

Le Président (M. Bachand) : Me Michel.

M. Michel (Patrick) : Oui, merci, M. le Président. Alors, bien, on a fait une grande réflexion sur cette question-là, et le mérite ne m'en revient pas, mais à mes prédécesseurs, suite à l'arrêt des procédures dans le procès... dans le dossier SharQc. Vous le savez, il y a eu un examen conduit par Michel Bouchard, un ancien sous-procureur général qui a été procureur de la couronne, qui nous a fait des recommandations. On a intégré la plupart de ces recommandations-là dans nos pratiques. Je vous dirais que la formule des mégaprocès classiques, là, comme on a pu le concevoir à l'époque de SharQc, même à l'époque de Printemps 2001, au début des années 2000, c'est un peu révolu. On s'enligne vraiment autrement depuis quelques années.

Maintenant, on ne peut pas écarter que certains dossiers... On ne peut pas écarter complètement, là, les dossiers à multiples accusés, parce que, des fois, on peut imaginer que la preuve est tellement interreliée, c'est vraiment une aventure commune. Ça va être difficile de dissocier l'intervention de tout un chacun des intervenants et, au contraire, ça pourrait être de nature à multiplier les procédures puis l'utilisation des ressources judiciaires que de diviser de multiples procès... de créer de multiples procès pour un dossier qui repose essentiellement sur la même preuve. Alors, c'est vraiment une analyse de coût-bénéfice qu'on doit faire au moment où on élabore l'acte d'accusation, notre stratégie d'accusation.

• (10 h 30) •

M. Tanguay : Merci beaucoup. On va parler, évidemment, de votre... de la force de travail, qui sont les procureurs. Vous avez pris connaissance de la lettre du 22 mars 2021 du président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, qui parle, évidemment, de problèmes de santé mentale criants, d'un manque de ressources, tenir le système de justice à bout de bras, mais à bout de force, approche budgétaire un peu pas mal rigide qui participe à ça également, on parlait du temps supplémentaire, et ainsi de suite. Bref, santé mentale, procureurs aux poursuites criminelles et pénales ne sont pas désincarnés de la population en général, où on voit qu'il y a des problèmes de santé mentale.

Mais une fois qu'on a dit ça, c'était déjà, même avant la pandémie, un enjeu. J'ai devant moi, ici, le rapport d'avril 2019, Enquête sur la santé des procureurs de la couronne du Québec. 45 % ont signalé des niveaux élevés d'épuisement professionnel. Ça, c'est un an avant la pandémie. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Quel est votre plan de match, à l'interne, pour que l'on ait des procureurs qui puissent être évidemment moins sous la pression et moins en détresse psychologique? Mais il y a un épuisement professionnel, et la santé mentale... leur santé mentale en est clairement affectée, et la lettre de mars dernier était un cri du coeur, là. Alors, à court, moyen terme, j'aimerais savoir comment vous abordez cet enjeu interne là, majeur.

Le Président (M. Bachand) : Me Michel.

M. Michel (Patrick) : Merci, M. le Président. Merci pour votre question. J'ai déjà, d'entrée de jeu, en fait, communiqué avec un représentant de l'association, de l'exécutif de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales pour convenir qu'il fallait s'asseoir assez rapidement pour faire le point sur le contenu de cette lettre-là. Je me garde une réserve, je ne voudrais pas m'engager dans un débat public, là, point par point, sur le contenu de cette lettre. Je la prends très au sérieux.

Évidemment, lorsqu'on parle de santé mentale, en général, dans la société, mais chez nous, au DPCP, c'est une priorité, cette priorité-là, elle se manifeste dans nos programmes d'aide aux employés, elle se manifeste aussi dans les formations que nous demandons à nos gestionnaires de suivre en matière de santé mentale pour être capables d'identifier en temps opportun et intervenir en temps opportun auprès des employés qui en souffrent. Alors, ça va... c'était une priorité et ça va demeurer une priorité.

Maintenant, sur l'ensemble de ce qui se trouve exposé, des problématiques qui se trouvent exposées dans la correspondance de l'association, je vous dirais que, personnellement, pour avoir dirigé un bureau de 25 procureurs — c'est sûr que c'est un petit échantillon, mais c'est quand même un échantillon assez représentatif — en tout respect, la situation ne m'apparaît pas aussi sombre et aussi généralement sombre qu'on le dépeint dans cette correspondance-là. Alors, c'est pour ça que je veux prendre le temps de faire le point avec l'association, point par point. Moi aussi, j'ai des choses à leur dire sur certaines perceptions qu'ils peuvent avoir de la charge de travail, de la santé des procureurs.

Et je profite aussi de l'occasion pour vous exprimer que, disons, la personne que l'on dépeint dans cette correspondance-là, en la personne de mon collègue, Me Martinbeault, je le fréquente, comme gestionnaire, depuis huit ans, nous avons été collègues, il a été mon patron, nous sommes à nouveau collègues, et ce qui est dépeint par l'association, en tout respect, ça ne correspond pas à la perception que j'ai de Me Martinbeault.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Et je vous réfère encore une fois au rapport d'avril 2019 de Dre Nathalie Gagnon et Dre Lisa Kitt, là, qui donnait des statistiques, là : 28 % des participants remplissaient les critères de dépression, 61 % ont des résultats élevés concernant au moins la dépression, l'anxiété généralisée, symptômes de stress post-traumatique et épuisement professionnel. Donc, avant la lettre, avant la pandémie, il y avait ça. C'est votre défi aujourd'hui.

Pour les quelques secondes qui restent, computation des requêtes Jordan, le DPCP collabore avec le ministère de la Justice. On va-tu avoir un jour l'information quant au nombre de requêtes d'accusés libérés à la suite d'une requête Jordan? Est-ce que les statistiques seront disponibles bientôt?

Le Président (M. Bachand) : Me Michel.

M. Michel (Patrick) : Oui. Merci, M. le Président. Alors, on parle bien des arrêts de procédures judiciaires?

M. Tanguay : Exact. Autrement dit... Je croyais... je vais... il me reste une minute, je croyais qu'il restait quelques secondes, je vais prendre le temps de formuler comme du monde ma question. Statistiques sur le nombre d'accusés libérés à la suite d'une requête Jordan, requête en arrêt des procédures, ce n'était pas disponible, c'était compliqué pour avoir les chiffres, tout ça. À la fin de la réponse, page 86, là, des renseignements particuliers : «Le DPCP collabore à des travaux menés par le ministère de la Justice Québec, qui devraient lui permettre à terme de colliger cette information relative aux arrêts Jordan.» Donc, on parle, à terme, de quand on va avoir cet outil-là? Et jusqu'où sera-t-il fiable et complet pour tout le Québec?

Le Président (M. Bachand) : Rapidement, Me Michel, s'il vous plaît.

M. Michel (Patrick) : Quelques secondes, oui. Alors, je ne veux pas vendre la mèche de mes collègues du ministère de la Justice qui vont probablement me suivre, mais nous avons effectivement collaboré à des travaux avec le ministère de la Justice pour que des modifications soient apportées au plumitif afin qu'on soit en mesure de compiler les arrêts de procédures prononcés suite à une requête. On m'informe que ces travaux-là aboutissent prochainement. Ils vont permettre la compilation des arrêts de procédures, mais pas nécessairement la compilation des requêtes, mais uniquement... En fait, on va savoir combien il y a eu d'arrêts de procédures prononcés par le juge pour un motif de délai suite à une requête de la défense.

M. Tanguay : O.K. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour de saluer le ministre, toute son équipe, les dirigeants d'organismes et mes collègues.

Donc, je vais y aller sur le rapport Rebâtir la confiance, je pense que c'est un enjeu extrêmement important. Depuis quelques années, on entend à quel point il y a une désaffection des victimes à l'égard du système de justice, du système policier, donc, dans son ensemble, particulièrement dans les crimes d'agression sexuelle et de violence conjugale.

Donc, première question en lien avec différentes recommandations du rapport : Est-ce que le ministre peut nous dire... Tantôt, je l'ai entendu affirmer, donc, qu'il allait commencer sa réforme du droit de la famille avec la filiation plutôt que la conjugalité. Mais est-ce qu'il peut tout de suite prendre l'engagement de faire en sorte que, dans sa réforme du droit de la famille, l'élément de la violence, de la présence de violence conjugale va être pris en compte quand on parle du meilleur intérêt de l'enfant, notamment dans les ordonnances de garde?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Dans le cadre de l'intérêt de l'enfant, à l'article 33 du Code civil du Québec, j'ai l'intention de faire référence à la violence familiale. Alors, on veut donner suite aux recommandations du rapport. Et, vous savez, ça constitue un enjeu bien souvent dans le cadre de la garde des enfants, dans le cadre d'un litige entre parents, entre conjoints qui se divorcent ou des conjoints de fait qui se séparent. Alors, très certainement, on va faire écho aux recommandations du rapport à l'article 33, l'article qui fait part de l'intérêt de l'enfant.

Mme Hivon : Puis juste pour être certaine, quand le ministre parle de violence familiale, il inclut bien sûr de la violence entre conjoints, qui, évidemment, se répercute sur la vie des enfants, et non pas uniquement de violence à l'égard des enfants.

M. Jolin-Barrette : Effectivement, parce que ça fait part, dans le fond, de l'environnement familial. Donc, on veut... Et on a entendu toutes sortes de situations que, à titre d'exemple, certaines femmes victimes de violence conjugale qui étaient en instance de séparation, supposons, disaient : Bien, je ne veux pas alléguer la violence conjugale que j'ai subie parce que je ne veux pas que ce soit retenu contre moi par le tribunal pour ne pas avoir la garde de mes enfants. Ça, c'est horrible, et il ne faut pas que ça se produise.

Dans le fond, si une personne est victime de violence conjugale, il faut qu'elle puisse dénoncer. Il ne faut pas que ça ait d'impact sur la garde des enfants dans l'évaluation du juge pour consacrer la garde, et, au contraire, ça devrait être pris en considération dans le portrait général. Je crois qu'il ne doit pas y avoir d'éléments qui doivent être cachés au tribunal. Et je pense que nos règles... puis l'intérêt de l'enfant doit militer en faveur du fait que ça soit pris en considération pour le juge et où l'enfant est en sécurité et où va son intérêt.

Mme Hivon : Dans cette même foulée là de la question, je dirais, de la prise en compte de toute cette réalité-là liée notamment à la violence conjugale, il y a un chapitre complet qui est dédié, le chapitre 11, qui est d'assurer la cohérence du système judiciaire. Parce qu'on sait à quel point quelqu'un qui est aux prises avec de la violence conjugale, il peut y avoir des impacts en chambre criminelle, en chambre de la jeunesse, et il y a deux recommandations très précises. Donc, l'idée d'un projet pilote «une famille, un juge», pour faire en sorte que le même juge puisse s'occuper autant des aspects de jeunesse, protection de la jeunesse, que criminelle, puisque c'est à l'intérieur de la Cour du Québec, est-ce que le ministre entend avoir des discussions pour un tel projet pilote et, si oui, dans quel échéancier?

Et la deuxième, c'est la recommandation 153 qui recommande, de manière, selon moi, centrale, de créer des postes de coordonnateurs pour faire la liaison, non seulement à l'intérieur des chambres de la Cour du Québec, mais avec les instances de la Cour supérieure pour les litiges familiaux, le cas échéant, dans ces circonstances-là de violence conjugale. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il va donner suite et avec quel échéancier?

• (10 h 40) •

M. Jolin-Barrette : La réponse à la question, c'est oui, j'ai l'intention de donner suite. En ce qui concerne l'échéancier, écoutez, ça, ça fait part de discussions qu'on doit avoir notamment avec la cour, avec la magistrature. Alors, tout le monde travaille dans la... bien, en fait, le ministère de la Justice, et je travaille dans la direction de donner suite aux recommandations du rapport.

Et il faut comprendre qu'une personne, là, qui vit une séparation avec des enfants, là, là, on est dans une situation, M. le Président, où, si vous êtes marié, vous vous retrouvez à la Cour supérieure. Si vous êtes... S'il y a la DPJ, vous vous retrouvez à la chambre de la jeunesse à la Cour du Québec. Puis si, en plus, il y a des voies de fait ou de la violence conjugale, vous vous retrouvez à la Cour du Québec chambre criminelle et pénale. Donc, voyez-vous, il faut simplifier.

Mme Hivon : C'est exactement le sens de la demande, donc, c'est d'être sûr que le ministre va agir. Et je veux savoir si ces dispositions-là, ces recommandations-là ont fait l'objet, à ce jour, de discussions avec la cour.

M. Jolin-Barrette : Dans le fond, ça va faire partie notamment du tribunal spécialisé, parce que ça fait part de ça. Il y a l'aspect également en droit de la famille aussi. Il faut se pencher sur la recommandation du rapport Corte-Desrosiers, qui fait part du tribunal unifié en droit de la famille. Moi, j'envisage positivement une telle instance pour simplifier le processus judiciaire des familles, notamment, mais il faut s'assurer qu'un tribunal unifié se fasse à la Cour du Québec et ne se fasse pas à la Cour supérieure. Ça, c'est fondamental.

Mme Hivon : On se comprend toutefois, M. le Président, que c'est deux choses très différentes, tribunal unifié versus tribunal spécialisé, bien qu'il puisse y avoir des liens, là. Un tribunal spécialisé, on parle bien d'un tribunal spécialisé violence conjugale, violence sexuelle, qui pourra avoir des liens, et donc une meilleure circulation de l'information, mais ce sont deux choses différentes. Je veux juste un oui ou non, là, pour être sûre qu'on se comprend bien sur ça.

M. Jolin-Barrette : Bien, oui, ce sont deux choses distinctes, sauf... ce sont deux recommandations distinctes du rapport Corte-Desrosiers, et là on me demande, M. le Président, de donner suite à toutes les recommandations. Alors, j'ai l'intention de donner suite à toutes les recommandations. Puis, dans le fond, la recommandation 149, c'est un tribunal unifié en droit de la famille. Alors, oui, c'est deux choses distinctes, mais je souhaite donner suite à tout ça.

Mme Hivon : Oui. Le défi, M. le Président, c'est d'essayer d'avoir des échéanciers. Alors donc, je vais continuer. Le tribunal spécialisé, vous savez que c'est une idée pour laquelle je milite depuis maintenant plus de trois ans. Et donc j'entends ce que le ministre nous dit ce matin, mais j'ai quand même été déçue de lire, quand il a émis son communiqué, qu'il allait former un comité de travail sur la question, de lire que c'est une idée qui mérite d'être étudiée. Donc, ça ne donnait pas du tout le caractère d'engagement auquel on aurait pu s'attendre de la part du ministre de la Justice. Donc, je veux comprendre pourquoi ce choix de mots et est-ce que les choses, depuis, ont changé. Donc, quand il s'y engage aujourd'hui, est-ce à dire que ça a évolué depuis deux mois? Et par ailleurs est-ce qu'il peut nous dire, ce comité-là, combien de fois il s'est réuni depuis sa création en février?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Pour le nombre de fois — on va me donner la réponse — il y a eu cinq rencontres, M. le Président, depuis la formation du comité, je crois, qui a... qui s'était formé le 8 février dernier, je crois. Pour ce qui est de votre deuxième question...

Mme Hivon : «Mérite d'être étudiée», dans le communiqué, au lieu de dire «s'engage à implanter».

M. Jolin-Barrette : Moi, j'ai l'intention de donner suite à la recommandation. Donc, la volonté ministérielle, elle est claire, nette et présente. Ceci étant dit, ça prend le concours de tous les intervenants du système de justice, parce que je crois... et le gouvernement croit que le tribunal spécialisé pour la violence sexuelle et conjugale doit être mis en place. Alors, tous les acteurs doivent se rallier au rapport Corte-Desrosiers. Et, comme je l'ai dit, je crois qu'il s'agit de la recommandation-phare du rapport Corte-Desrosiers.

Alors, si on veut être en mesure d'accompagner tout au long du processus les victimes de violence conjugale et sexuelle, bien, on les accompagne à travers le système. Mais l'institution que représentera le tribunal spécialisé, c'est la colonne vertébrale de la démarche d'accompagnement. Donc, je pense que si on a le tribunal spécialisé, ça va permettre de mobiliser tous les acteurs du système de justice à travers ça.

Mme Hivon : Est-ce que le ministre peut nous dire pourquoi il n'est pas prêt à dire que ça va voir le jour? D'où vient cette résistance qu'il semble indiquer sans la nommer?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a une volonté ferme ministérielle de mettre en place un tel tribunal. Puis moi, à titre de ministre de la Justice, je trouve ça important de mettre en oeuvre un tribunal spécialisé pour les victimes de violence conjugale et sexuelle. Alors, je travaille dans cette direction-là et puis je sollicite le concours de tous les partenaires. Et donc je peux vous assurer que le ministère de la Justice... Et les directives que j'ai données sont très claires, c'est la mise en vigueur d'un tribunal spécialisé.

Mme Hivon : Si le ministre nous dit qu'il sollicite le concours, c'est qu'il n'a pas encore le concours de tout le monde, et je pense que ce serait important, d'un point de vue transparence, parce que, oui, comme il l'a dit lui-même, c'est une recommandation, selon moi aussi, la recommandation-phare, parce que ça amène toute une philosophie et un changement de regard sur la place des victimes dans le système. Donc, est-ce qu'il est en train de nous dire qu'il ne sera pas en mesure de le faire du manque du concours de certains partenaires? Et, si oui, lesquels?

M. Jolin-Barrette : Moi, je pense qu'on travaille bien avec le groupe de travail. Il y a un rapport préliminaire qui va m'être déposé au mois de mai. C'est important de partager une vision commune. C'est important de prendre en considération les visions des différents partenaires du système de justice. C'est important de prendre en considération aussi les commentaires des organisations qui défendent les victimes. Donc, vous savez, il y a plusieurs... on en a entendu, dans le cadre du projet de loi n° 84, plusieurs organisations qui sont là pour les personnes victimes, alors on va prendre tous leurs points de vue en considération.

Mais, moi, mon objectif, il est clair : de mettre en place un tribunal spécialisé. Alors, on travaille bien avec les différents acteurs du système de justice, et il va falloir que tous les acteurs du système de justice se rallient à la proposition du ministère de la Justice de mettre en place un tribunal spécialisé.

Mme Hivon : Je pense que je n'aurai pas ma réponse, M. le Président, mais je vais continuer à suivre ça avec beaucoup d'intérêt. Et j'invite le ministre à déployer toutes ses énergies. Et je peux l'assurer, pour avoir été partie prenante du travail Rebâtir la confiance, que tous les partenaires qui étaient autour de la table, tous les représentants étaient convaincus de l'opportunité de la mise en place d'un tribunal spécialisé, ce qui en a fait une recommandation unanime, même si c'est une idée très novatrice.

Je voulais par ailleurs revenir sur le fait que, dans le dernier budget, il n'y a pas eu d'argent comme tel de déployé, de prévu pour la mise en place du rapport Rebâtir la confiance. On a vu vendredi les deux collègues du ministre sortir pour la question des fonds pour les maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Elles ont laissé entendre qu'il y avait des annonces qui s'en venaient pour les ressources pour les hommes et quelques autres éléments en lien avec la violence conjugale.

Mais on sait que le rapport est très large, il touche aussi toute la question de la violence sexuelle, le tribunal spécialisé, les formations, la spécialisation. Je ne ferai pas le tour de tout ce qui est contenu dans les 190 recommandations. Mais il y a une grande inquiétude, à savoir, c'est beau d'entendre le ministre nous répéter qu'il va mettre en place les recommandations, mais, s'il n'a pas de moyens, peut-être que c'est dans 10 ans qu'il espère les mettre en place, même si, M. le Président, je ne gagerais pas qu'il va toujours être ministre de la Justice pendant 10 ans, mais ça, on pourra en redébattre un autre jour.

Alors, je veux juste savoir si le ministre peut nous dire comment expliquer qu'il n'y a pas de sommes dédiées aux aspects justice du rapport Rebâtir la confiance dans le dernier budget. Est-ce qu'on doit comprendre que, dans la prochaine année, il n'y aura rien, dans le fond, d'implanté des recommandations, outre ce qui a été annoncé par ses collègues vendredi?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : La réponse à cette question-là, c'est non. Il va y avoir... au fur et à mesure qu'on avance, qu'on est capables de répondre à une des recommandations, les mesures vont être annoncées. La démonstration de cela, c'est le Programme enfant témoin, puis le fait de bâtir également un programme pour les victimes vulnérables, qu'on a annoncé au mois de mars dernier. Mais, déjà, ça, je pense, c'était 3 millions ou 2 point quelques, on l'a annoncé. Donc, c'est une des recommandations, je pense, ça répondait à deux recommandations, on l'a annoncé, on l'a fait.

Également, il y a des recommandations qui se font à l'interne également, qu'on met en place aussi. Ça fait que, parfois, ça ne nécessite pas des sommes supplémentaires. Lorsque ça nécessite des sommes supplémentaires, je donne un exemple, avec l'IVAC, dans le cadre de la réforme de l'IVAC, bien, on a répondu à plusieurs des recommandations du rapport Rebâtir la confiance. Donc, ça, on l'a fait, on a investi un quart de milliard, ça ne touche pas juste Rebâtir la confiance, mais c'est en grande partie, notamment.

Puis il faut le rappeler, là, maintenant, toutes les femmes qui ont été agressées sexuellement dans le passé, après 1972, n'auront pas de délai pour présenter leur demande et être indemnisées et soutenues, M. le Président. Alors, ça, je pense, c'est important. Alors, ce que je veux dire, c'est qu'au fur et à mesure qu'on va avoir des mesures, bien, on va pouvoir les faire financer, et le gouvernement va donner suite au rapport.

• (10 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Donc, même s'il n'y a pas de sommes prévues dans le budget de cette année, le ministre est en train de nous dire que, finalement, ce n'est pas vraiment si fondamental. Le budget, on l'a vu vendredi dernier, il y a eu un 200 millions qui est sorti comme ça, puis ça va être la même chose pour les autres recommandations, donc il va y avoir des dizaines de millions nécessaires à l'implantation, probablement des centaines de millions qui vont pouvoir être déployés dès cette année.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez...

Mme Hivon : Même s'ils n'apparaissent pas au budget, là. Je veux juste comprendre comment on marche, maintenant, en termes de finances au gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, l'État québécois dépose un budget, mais, en cours d'année, vous savez, c'est comme un budget familial, il y a certaines situations qui arrivent. Donc, le ministre des Finances et la présidente du Conseil du trésor administrent le budget, M. le Président, et, lorsqu'il y a des besoins, bien, il y a des ajustements qui sont faits, comme on a fait la semaine dernière, où est-ce qu'il y a plus de 200 millions qui ont été annoncés pour répondre aux besoins des maisons d'hébergement pour femmes violentées, et on s'ajuste, M. le Président.

Alors, il faut comprendre aussi qu'afin de pouvoir mettre dans le budget certaines mesures, il faut que la mesure soit livrable au moment de constituer le budget, notamment. Alors, on est dans un travail constant pour donner suite au rapport. Il a été déposé en décembre. On a déjà répondu à plusieurs recommandations. On continue de travailler là-dessus et, au moment opportun, on dépose le tout au Conseil du trésor qui nous accorde les sommes.

Mme Hivon : Je vais maintenant avoir des questions sur le même rapport, mais pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales, que je félicite à mon tour de sa toute récente nomination. Vous ne pouviez pas demander un meilleur début de mandat avec l'étude des crédits, j'en suis certaine.

Donc, vous savez qu'il y a plusieurs recommandations qui vous concernent. Il y en a une qui parle... donc, aux recommandations 55 et 56, c'est toute la question, et on a eu énormément de témoignages à cet effet-là, que les victimes, souvent, ne sont pas rencontrées avant le jour même de leur témoignage dans des causes de violence conjugale, d'agression sexuelle. Est-ce que c'est quelque chose qui va être changé? Et quelle est la perspective de l'accompagnement qui est vu en amont du jour du procès? Parce que c'est quelque chose qui, selon nous, ne tient pas la route qu'une victime ne puisse pas, donc, être préparée en conséquence avant même la journée de son procès.

Le Président (M. Bachand) : Me Michel, s'il vous plaît.

M. Michel (Patrick) : Oui. Merci, M. le Président. Merci, Mme la députée de Joliette, pour votre question. Alors, il y a lieu de... je vais essayer de faire court, mais il y a lieu de distinguer, vous le savez, les victimes de violence conjugale des victimes de violence sexuelle.

En matière de violence conjugale, ce qu'on fait déjà, en fait, ce qu'on s'efforce de faire, c'est une rencontre postautorisation qui arrive le plus tôt possible après le dépôt des accusations pour créer le lien de confiance avec la victime puis, évidemment, le maintenir jusqu'au procès.

En matière de violence sexuelle, alors on parle d'une rencontre préautorisation où on a établi ce premier contact là. En matière de violence sexuelle, vous le savez, nous sommes en poursuite verticale, pour les gens qui nous écoutent, donc ça signifie essentiellement que c'est le même procureur qui va suivre le dossier à toute et chacune des étapes des procédures jusqu'à la fin. Et on impose, en fait, on souhaite qu'il y ait une rencontre préparatoire au procès qui vienne s'ajouter à la rencontre initiale. Et on souhaite que cette rencontre-là, c'est notre volonté — nos directives, nos politiques sont élaborées de cette façon-là — que cette rencontre-là survienne avant, évidemment, le matin même du procès, alors, en fait, le plus tôt, le plus près du procès, mais idéalement pas le matin même du procès ou la veille du procès.

On est conscient que, bon, c'est un objectif qui est louable qu'on poursuit. On est conscient, parce que j'ai entendu, comme Mme la députée de Joliette, que ce n'était peut-être pas toujours possible d'y arriver dans tous les cas à cette rencontre préparatoire avant la journée du procès, mais c'est un objectif qu'on poursuit. On se le donne dans notre plan stratégique 2019-2023 avec des indicateurs clairs qu'on va mesurer. Alors, voilà, un début de réponse.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : J'entends que c'est un objectif, que c'est un souhait, mais est-ce que le directeur peut prendre l'engagement d'en donner la directive claire à tous ses procureurs et que lui s'engage à ce que ce soit une pratique obligatoire, pas juste une volonté?

Le Président (M. Bachand) : Me Michel.

M. Michel (Patrick) : Oui. Merci, M. le Président. Alors, je suis prêt à prendre cet engagement, mais dans la mesure où j'aurai eu un petit moment pour faire, disons, l'état des troupes, l'état des ressources pour m'assurer que... et là je ne parle pas nécessairement en termes de ressources au DPCP en général, mais, disons, dans l'organisation des ressources, dans la distribution des ressources, il y a peut-être un point à faire là avant de prendre cet engagement-là. Et, si jamais je réalise que nous ne sommes pas en mesure d'y arriver et de le garantir, bien, j'aurai des représentations à faire en matière de ressources.

Mme Hivon : O.K. Moi, je veux juste rappeler au directeur, puis je pense qu'il en est conscient, mais à quel point on a eu des témoignages qui arrachent le coeur de victimes qui étaient terrorisées à l'idée de leur journée de procès et qui n'ont pas réussi à voir le procureur avant d'être amenées devant la cour, et je pense que c'est complètement inadmissible. Je suis sûre que le directeur va être d'accord avec moi. Donc, si on veut rebâtir la confiance, c'est le cas de le dire, c'est quelque chose qui m'apparaît absolument incontournable. Alors, j'espère que le directeur va pouvoir, dans sa tournée médiatique à venir, dire qu'il en prend formellement l'engagement après avoir fait le tour de ses équipes.

Je veux continuer aussi sur le rapport Rebâtir la confiance qui parle beaucoup de l'importance de la spécialisation... de la formation et de la spécialisation. Ça procède aussi de la philosophie d'un tribunal spécialisé. On comprend qu'il y a certaines équipes spécialisées dans les grands centres. Les défis peuvent être plus importants à l'ensemble du Québec. Ceci dit, ça ne veut pas dire que parce qu'un procureur est formé et spécialisé qu'il ne va faire que des crimes de violence sexuelle ou de violence conjugale, mais au moins les victimes sauraient que ces personnes-là, ces procureurs-là sont spécialisés. Ça ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas faire 25 % d'autres choses.

Est-ce que c'est un engagement que le nouveau directeur est prêt à prendre que tous les procureurs qui vont, donc, faire des dossiers de violence conjugale et de violence sexuelle vont être formés et spécialisés dans le domaine? Parce que la formation, ce n'est pas juste de la formation juridique, c'est de la formation sur le trauma, sur la connaissance des conséquences sur la victime de ce type d'agression. Est-ce que c'est un engagement qu'il peut prendre?

Le Président (M. Bachand) : En 20 secondes, Me Michel. 20 secondes, s'il vous plaît.

M. Michel (Patrick) : En 20 secondes, oui, dans la mesure où on fait, comme Mme la députée de Joliette le fait, la distinction entre spécialisé, qui passe par la formation, et dédié. Oui, on s'y attarde déjà depuis un moment, et ça va rester un objectif que tous nos procureurs qui font de la violence conjugale ou de la violence sexuelle reçoivent des formations spécialisées. On a continué à en donner au cours de la pandémie, à distance, même si on était plus limités, mais, oui...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Michel. Merci beaucoup à la députée de Joliette. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : ...35, quelque chose comme ça, 20, 35.

Le Président (M. Bachand) : 35, oui.

M. Tanguay : Parfait. Merci beaucoup. C'est mon dernier bloc. Triste de l'apprendre au ministre. Je vois dans ses yeux derrière son masque la tristesse, mais qu'il se fasse une raison, nous avons déjà rendez-vous dans les prochains jours, semaines, et nous pourrons renouveler ce bonheur-là.

Je devrai quitter parce qu'il nous reste deux blocs, M. le Président, et j'aurai... vous aurez l'occasion d'échanger, M. le ministre, et les personnes autour de la table, avec notamment le collège de Jacques-Cartier dans le dernier bloc ce matin et cet après-midi avec la collègue de Westmount—Saint-Louis, qui aura des questions plus particulières, entre autres, à la CDPDJ.

Alors, merci. Et, après mon dernier bloc, quand je quitterai, n'y voyez pas là un mécontentement... l'expression d'un mécontentement sur la dernière réponse qui m'aura été donnée. Ce n'est pas le cas, mais il faut qu'on se partage. Puis, vous voyez, il y a beaucoup de dossiers, ça fait qu'on essaie d'être efficaces là-dedans.

J'ai quand même une question pour Me Tessier, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Puis je trouve ça intéressant, des fois, dans les crédits, on trouve des petites choses intéressantes. Alors, page 347 des renseignements particuliers de l'opposition officielle, il y a une lettre écrite le 24 février 2021, 24 février 2021, page 347, à la toute fin : lettre relative à la réforme parlementaire et — ça, c'est un sujet, là... je vois le ministre — aux délais accordés pour la préparation des auditions dans le cadre de consultations parlementaires. Serait-ce possible d'avoir copie de la lettre, Me Tessier? Et j'aimerais savoir quelle a été jusqu'à maintenant la réponse accordée par le ministre, incidemment leader du gouvernement, quant à cette lettre-là.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Juste avant de passer la parole à Me Tessier...

(Interruption)

Le Président (M. Bachand) : On est en train de rénover le parlement, on entend le marteau cogner. Juste informer qu'effectivement il y a eu consentement pour que la députée de Westmount—Saint-Louis remplace la députée de Laporte pour le volet Justice cet après-midi. Juste pour...

M. Tanguay : ...

Le Président (M. Bachand) : Me Tessier, pardon, allez-y.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, merci. La réponse est très simple, c'est une lettre qui visait... parce qu'il y a eu des dépôts, tant par le président de l'Assemblée nationale que par le leader parlementaire, de projets de réforme, et donc c'était pour indiquer l'intérêt de la commission à travailler et à collaborer à ces questions-là et par le fait même, également, sensibiliser les parties au fait que les délais en situation aussi pandémique, pour les commissions parlementaires, imposent aussi des contraintes pour les organismes qui passent en commission parlementaire et qu'il faut tenir compte de ça quand on fait ce genre de réflexion sur le parlementarisme québécois.

M. Tanguay : Est-ce qu'on pourrait avoir copie de ladite lettre?

M. Tessier (Philippe-André) : Moi, je n'ai pas de problème à vous fournir copie de la lettre.

M. Tanguay : Ça vous appartient.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, tout à fait.

M. Tanguay : Oui, vous allez la transmettre au secrétariat?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, sans problème.

• (11 heures) •

M. Tanguay : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : ...à faire parvenir la lettre à la commission?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Je m'excuse. Je ne vous entendais pas bien. Oui, oui, tout à fait, je m'engage.

Le Président (M. Bachand) : Parfait. Merci beaucoup.

M. Tanguay : Merci.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Est-ce que vous avez une réponse à cette lettre-là? Avez-vous une réponse? Avez-vous eu une réponse?

M. Tessier (Philippe-André) : Il y a eu des échanges, mais il n'y a pas eu de réponse formelle. Ce n'était pas une lettre qui appelait une réponse formelle.

M. Tanguay : Je comprends. Parfait. Bien, merci, Me Tessier. Donc, ma collègue, entre autres, cet après-midi, aura beaucoup de questions pour vous. Puis je vous remercie de votre passage ce matin.

J'aimerais maintenant me retourner, M. le Président, avec le consentement de la commission, vers Me Niquette, de la Commission des services juridiques.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Est-ce qu'il y a consentement? M. le ministre, vous consentez?

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Bachand) : O.K. Me Niquette, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Me Niquette, merci d'être là. Bonjour. Avec le temps qui m'est imparti, il y a une question au niveau budgétaire qui m'interpelle. Et j'aimerais connaître la raison, en 2019-2020, donc pas le dernier budget mais le précédent, le budget total de la Commission des services juridiques est passé de 180 millions à 175, donc une réduction de 5 millions. J'aimerais savoir pourquoi cette réduction-là. Il y a sûrement une explication. Et, dans le dernier budget, vous êtes passés... plus 1 million, 175 millions à 176 millions. Vous pouvez m'expliquer les deux variations, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bachand) : Me Niquette, s'il vous plaît.

M. Niquette (Yvan) : Merci. Merci, M. le Président. Merci pour la question.

Dans un premier temps, je bénéficierais de la tribune rare qui m'est offerte en cette période de pandémie pour féliciter tous les avocates et les avocats d'aide juridique pour leurs efforts, leur talent et leur créativité en cette période de pandémie où ils offrent les services, et maintiennent les services de qualité, juridiques, auprès des plus démunis, des plus vulnérables de la société. Salut à ces 400 quelques personnes là.

Vous savez, M. le Président, que le budget de la Commission des services juridiques se décline non seulement en termes de crédits, mais en termes également de revenus autonomes et de recours aux surplus accumulés, donc une année donnée, les crédits peuvent être d'un certain montant. Et la variation peut s'expliquer du fait qu'on est en mesure d'anticiper des revenus autonomes plus importants, sans tomber dans le détail, là, des chiffres que le député de LaFontaine vient d'avancer. Et aussi on peut avoir recours à nos surplus accumulés d'une année à l'autre, qui fait en sorte que... Et ça, c'est rare dans... Ça fait depuis sa création que la Loi sur l'aide juridique prévoit que la Commission des services juridiques et les centres communautaires juridiques ne peuvent, dans une année financière, accuser de déficit. Et, à chaque année, le défi est relevé grâce à ces trois composantes là.

M. Tanguay : Ah bon. Parfait. Donc, il n'y a pas, malgré la variation, aucun impact sur le niveau de service?

M. Niquette (Yvan) : Il n'y a pas des compressions budgétaires, si vous voulez...

M. Tanguay : C'est ça.

M. Niquette (Yvan) : ...M. le Président, si je peux répondre à la question du député.

M. Tanguay : Parfait. Bien, merci beaucoup, Me Niquette. Au niveau du nombre de procureurs, au niveau de votre organisation, Commission des services juridiques, quels sont vont principaux défis, là, dans la prochaine année, là? On espère, on touche du bois, comme la personne derrière moi depuis tantôt, sortir de la pandémie dans les meilleurs délais, mais on est encore pris avec. Et quels sont vos principaux défis, dans la prochaine année, en termes, notamment, peut-être d'effectifs, de qualité de services? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Niquette (Yvan) : Il est évident qu'on reconnaît, puis je l'ai fait d'entrée de jeu, là, dans mon introduction, la charge de travail qu'ont les procureurs à l'aide juridique, les avocats de l'aide juridique. Il y a aussi des enjeux ponctuels, et vous en avez fait mention aujourd'hui, là. On est fiers d'être interpelés dans les grands enjeux d'actualité, là, en matière de communautés autochtones. Il y a des défis grandissants pour nous, là, de déployer le nombre d'effectifs suffisants pour que les services soient améliorés et accélérés, surtout principalement dans le Grand Nord.

Il y a toute la composante jeunesse. On attend, nous aussi, le dépôt du rapport Laurent, là. Vous savez qu'en matière jeunesse les avocats de l'aide juridique ont la référence automatique des jeunes de 14 ans et moins. Donc, tous les dossiers qui se judiciarisent pour les enfants de 14 ans et moins sont des bénéficiaires du système d'aide juridique. Nous sommes donc les procureurs qui y sont affectés, la voix de ces enfants-là. Et le rapport Laurent viendra sûrement concrétiser les besoins qu'on constate déjà, là, en matière de ressources. Pendant la période de pandémie, là, on a constaté, nous, statistiquement, que, dans l'ensemble des champs de pratique que nous couvrons, il y a eu une baisse qui était de 24 %. Selon une lecture, là, statistique qui a été faite avant-hier, on est rendus à pas loin de 18 %, mais, en matière jeunesse, en période de pandémie, 0,6 % de variation, uniquement. Ça fait que vous comprenez que la charge de travail est énorme, qu'en termes de ressources en matière jeunesse c'est clair que la Commission des services juridiques, au bénéfice des centres communautaires, va faire des demandes à cet effet-là.

En matière de violence sexuelle, violence conjugale, tant le plan d'action du Secrétriat de la condition féminine, là, le groupe transpartisan, a fait une recommandation, l'action 1, qui concerne l'aide juridique, et il y en a sept, dans le rapport Corte-Desrosiers ou Rebâtir la confiance, où nous sommes directement interpelés. Et on travaille là-dessus, actuellement. Nécessairement, encore là, il y aura des ressources supplémentaires qui devront être allouées pour qu'on puisse faire l'exercice avec le professionnalisme qu'on reconnaît aux avocats d'aide juridique.

M. Tanguay : Et, pour mettre en application, quel est votre échéancier? Au niveau des ressources supplémentaires, vous allez les chercher où, ces ressources supplémentaires là?

M. Niquette (Yvan) : C'est des démarches qui sont près... qui sont faites auprès du ministère de la Justice afin que soient reconnus, là, selon le budget qui est alloué au ministère, les besoins spécifiques à la Commission des services juridiques. Mais il faut comprendre, là, il y a un élément central dans l'exercice. Et, quand on nous demande de préciser à quelle hauteur sont les besoins en ressources au niveau du système d'aide juridique, nous ne sommes pas les initiateurs des recours, nous sommes, nous, en fin de parcours. C'est-à-dire que, s'il y a ajout de juges, il y a ajout de termes, il y a ajout de salles d'audience ouvertes, s'il y a ajout de poursuivants, tant chez le DPCP que chez la Direction de la protection de la jeunesse, nous, on arrive à la toute fin où on est devant le fait accompli qu'il y a une nouvelle contrainte de temps pour notre personnel, qu'on doit, à ce moment-là, acheminer directement au ministère de la Justice pour avoir l'écoute nécessaire à jouer le rôle qui revient aux avocats d'aide juridique.

M. Tanguay : O.K. Alors, vous allez avoir l'occasion, dans les meilleurs délais aussi, j'imagine, donc, de chiffrer et d'exprimer vos demandes budgétaires. Est-ce qu'il pourrait y avoir, là, dans notre État québécois... Jusqu'à quel point cette discussion-là pourrait être transparente? Ça, ça va se faire derrière des portes closes avec vos discussions avec le ministère de la Justice, mais, pour les crédits supplémentaires, la mise en application des recommandations, comment vous abordez ça? On va avoir le fruit final, mais le processus? Il n'est pas dans votre intention ou même dans votre mandat, puis vous pouvez me le préciser, de faire des demandes publiques, là, ça va se faire réellement à l'interne, puis vous allez vous déclarer satisfaits de ce qu'on vous aura donné, là. Je ne veux pas être réducteur mais j'essaie d'aller au plus court, là.

M. Niquette (Yvan) : Il faut comprendre encore l'organisation du système d'aide juridique au Québec. L'aide juridique, au Québec, est dirigée par 12 conseils d'administration composés de 12 membres qui offrent leurs services gratuitement, là, des administrateurs dans chacun des centres communautaires juridiques, qui, eux, sont nommés sur ces conseils d'administration là, justement, pour leurs connaissances spécifiques des régionalités. Ça fait que, nous, à la commission, notre premier rôle, c'est de consulter ces gens-là en toute discrétion et faire le départage des besoins qui sont plus prioritaires d'une région à l'autre. Et là, il faut distinguer aussi des centres urbains puis des régions un peu plus éloignées, là, les composantes sont différentes. Par la suite, on achemine le résultat de notre analyse et de nos travaux dans des revendications, des demandes qui sont faites au ministère. Mais sachez que, lorsque les ressources sont insuffisantes, on ne devient pas muets pour autant, là, et qu'on doit quand même manifester notre désapprobation ou notre incapacité de donner suite à certains mandats qui pourraient nous être confiés.

M. Tanguay : Et, le cas échéant, on accueillera vos commentaires, qui pourront être tantôt très... ils sont toujours constructifs, tantôt glorifiants, mais tantôt inquiets. On accueillera toujours, évidemment, vos commentaires. Votre voix est importante pour donner suite, entre autres, à ces nombreux rapports là. Vous parliez du rapport qui s'en vient. Alors, bravo, merci pour ce que vous faites.

Je me tourne vers le ministre maintenant. On parlait, justement, que vous étiez davantage en aval qu'en amont. En matière civile... J'en suis à la page 306 des renseignements particuliers de l'opposition officielle, 306. En matière civile, on voit l'évolution du nombre de dossiers ouverts. Oui, il y a la pandémie, l'éléphant dans la pièce. 2019‑2020, en chambre civile, Cour du Québec, c'était, j'arrondis, 57 000 dossiers, 2019‑2020, 57 000 dossiers, 2020‑2021, 34 000 dossiers. Alors, il y a eu une baisse majeure du nombre de dossiers, ce qui n'a pas empêché les délais d'augmenter. On comprend le contexte, mais, écoutez, de 57 000 à 34 000, baisse du nombre de dossiers, mais les délais sont passés de 169 jours, pour une cause d'un jour, à 195 jours, et ainsi de suite, là. Les causes de deux jours et les causes de plus de deux jours, il y a une augmentation.

Le ministre, dans la page E-46, parle d'un objectif de rattrapage judiciaire, parle de 15,7 millions de dollars. Ici, j'en suis en matière chambre civile. J'aimerais savoir quel est son plan de match, quelles sont les sommes, spécifiquement, ou s'il peut me le ventiler pour toutes les chambres, là, en matière de budget et en matière de juges suppléants. On semble approcher la stratégie d'y aller par juges suppléants, comment va-t-il répondre à cela, là? Quel est le plan de match?

• (11 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, dans un premier temps, c'est vrai de dire qu'on fait face à des défis relativement aux délais. Et, au fur et à mesure qu'on avance il faut toujours être vigilants par rapport aux délais dans les trois volets, là, autant en jeunesse, en criminel et pénal qu'en civil. Alors, on a accordé un budget pour avoir 30 juges suppléants, donc, pour, justement, aider à diminuer les délais pour que ces juges soient affectés.

Les juges suppléants, il faut comprendre, c'est des juges qui sont désormais à la retraite. Et donc, contrairement aux juges surnuméraires de la Cour supérieure ou de la Cour d'appel, dans le fond, c'est des juges qui sont payés à la journée qu'ils vont siéger. Donc, lorsqu'ils atteignent... à la Cour du Québec, lorsque vous atteignez l'âge de 70 ans, c'est la retraite obligatoire. Puis la juge en chef peut nous faire une demande pour des juges suppléants. Donc là, on a débloqué un budget pour avoir 30 juges suppléants pour, justement, rattraper le retard, qui est dû notamment à la pandémie.

Autre point aussi, on est en train de transformer le système de justice. Modernisation, donc davantage de recours aux outils technologiques. Et on travaille avec les partenaires sur la Table Justice-Québec, également, pour faire en sorte de réduire les délais. Vous savez, on a certains enjeux au niveau des petites créances, en matière de la jeunesse, également, dans certains districts, alors, notre objectif, c'est de réduire le plus possible les délais. Mais, c'est une coordination, que ça nécessite, entre les différents acteurs, parce que, vous savez, les délais, ils sont causés parfois, bon, par la disponibilité des parties, par la disponibilité des avocats en matière civile, en matière criminelle et pénale, parfois, c'est les avocats de la défense, parfois, c'est la disponibilité du juge aussi. Donc, c'est complexe, les délais, mais on travaille sur plusieurs mesures.

M. Tanguay : Est-ce qu'il serait possible, si ce n'est pas déjà disponible, par engagement, au ministre de communiquer au secrétariat de la commission une ventilation puis un échéancier par rapport à l'action de ces 30 juges suppléants là? Autrement dit, quand vont-ils être en fonction, en termes de nombre, là? Je ne sais pas s'il y en a présentement, si les 30 juges... Est-ce que les 30 juges sont déjà en action?

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : C'est ça. Dans le fond, les juges suppléants, j'ai déjà autorisé le...

M. Tanguay : Les fonds?

M. Jolin-Barrette : Les fonds. Donc, à partir du moment où les juges sont autorisés, c'est la Cour du Québec qui les assigne, donc...

M. Tanguay : Quel est le délai, selon le ministre, qu'il s'est fait dire?

M. Jolin-Barrette : Qu'ils peuvent siéger?

M. Tanguay : Oui, qu'ils seront effectifs? Est-ce qu'ils sont identifiés, les 30 juges?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, oui. Dans le fond, la façon que ça fonctionne, c'est que la juge en chef nous fait une demande par rapport à des besoins, on a accordé le financement pour les 30 juges. Alors, moi, j'ai signé les autorisations, ils peuvent être assignés à n'importe quel moment.

M. Tanguay : Ils sont déjà identifiés, là? Il n'y a pas de recrutement, entre guillemets, à mettre en place?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, annuellement, je resigne, dans le fond, les demandes qui sont effectuées par la juge en chef. Donc, il y a un bassin de... Combien de juges environ on a, de juges suppléants qui sont à la retraite, annuellement?

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Donc, c'est un bassin de juges. Dans le fond, c'est à la discrétion... La majorité, je vous dirais, acceptent de prolonger leur carrière et, dans le fond, poursuivent, et, à partir de ce moment-là, ils sont assignés. Donc, dans le fond, vous comprendrez qu'en vertu de l'indépendance judiciaire je n'ai pas de pouvoir d'assigner les juges, M. le Président, donc ça relève de la Cour du Québec et donc c'est la cour qui assigne dans les matières où elle voit des besoins.

M. Tanguay : Je ne lui demanderai pas il y en a combien qui sont bilingues là-dessus.

Quel est l'échéancier, dans les discussions qu'il a avec la juge en chef, quel est l'échéancier de rattrapage, je dirais, du retard? On peut espérer quand?

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous dirais, ça dépend des chambres. Mais, le plus rapidement où on peut réduire les délais, ça, c'est avantageux. Le premier élément qu'on doit dire, supposons en chambre criminelle et pénale, les partenaires sont guidés, notamment, par les délais de Jordan, entre autres. Ça fait que, l'idée, c'est de ne pas échapper de dossiers. Moi, mon objectif, c'est d'avoir une justice efficace et efficiente. On a fait ensemble le projet de loi n° 75, qui a donné des outils, notamment, technologiques, qui a donné... qui a modifié aussi des façons de faire pour rendre ça plus efficace. Donc, ça, c'est une chose qu'on a faite ensemble, vous vous souviendrez sûrement, au mois de décembre. Et ça demande une vigilance constante, les délais judiciaires. Donc, en matière criminelle et pénale, on reste à l'intérieur des dossiers, il n'y a pas eu beaucoup de nolle l'année passée ni de requête en arrêt des procédures. Là, en matière civile, vous savez, la pandémie, ça a fait en sorte que ça a suspendu, donc il y a du retard à reprendre. En jeunesse aussi, c'est important aussi de mettre les efforts en jeunesse pour faire en sorte qu'avec la DPJ, bien, les dossiers procèdent rondement devant les tribunaux, mais encore faut-il fédérer l'ensemble des partenaires, notamment la Direction de la protection de la jeunesse, sur les différentes mesures. Puis, vous savez, dans des dossiers comme ça, vous avez la DPJ, des fois, vous avez le PG, vous avez l'avocat du parent, l'avocat de l'enfant, le juge, donc, des fois, c'est des questions de disponibilité.

L'autre point que je pourrais dire aussi, on met en place, là, des programmes de prémédiation, de médiation pour, justement, essayer de régler des dossiers qui peuvent être réglés avant d'aller devant le juge.

Le Président (M. Bachand) : ...

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Le ministre pourrait-il nous... prendre l'engagement, parce que ça a été refusé par Accès à l'information, de rendre publique la correspondance qu'il a avec la juge en chef? On a soulevé l'article 34 : «Produit pour le compte d'un membre de l'Assemblée nationale». Mais pourrait-il prendre l'engagement, en toute transparence, de rendre publique sa correspondance avec la juge en chef?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non. Les discussions que j'ai avec la juge en chef sont confidentielles. Et, entre le ministre de la Justice et la juge en chef de la Cour du Québec, je crois que les discussions que nous avons sont confidentielles et doivent le demeurer ainsi pour la bonne marche des deux institutions.

M. Tanguay : On aura essayé, M. le Président.

Rapport Lise Verreault, Autorité centrale du Québec, quel suivi tangible a été apporté à l'ACQ? Il y a combien d'employés, puis quel est l'état des lieux à l'heure où on se parle?

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, suite au rapport Verreault, il y a plusieurs mesures qui ont été mises en place. Et peut-être je pourrais céder la parole à Me Drouin, comme sous-ministre de la Justice, parce que ça relève vraiment d'un aspect administratif sur les mesures qui ont été mises en place suite au rapport Verreault.

M. Tanguay : Il ne nous reste que quelques secondes. On avait fait une question au feuilleton. Puis là, on avait toutes les questions. On va entendre Mme la sous-ministre, mais, si on peut donner suite, par engagement, à toutes les questions, on l'apprécierait, via le secrétariat, oui. Puis maintenant entendons, écoutons Mme la sous-ministre.

Le Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Bachand) : Consentement, M. le ministre. Mme la sous-ministre, quelques secondes. Je suis désolé.

Mme Drouin (Line) : Oui. Effectivement, à la suite de... voyons, des faits qui ont été rendus publics, on comprend que le ministère a mandaté Mme Lise Verreault pour mener une enquête au sein du ministère. Et elle a rendu des recommandations afin d'élaborer et adopter un cadre de gestion, ce qui a été fait, clarifier les rôles et responsabilités en regard de l'ACQ, ce qui a été fait aussi en grande partie, respecter les champs de compétence reliés à ces fonctions et mettre en place des mécanismes de contrôle. Donc, plusieurs des activités et des mesures ont été mises en place, et la réorganisation, en conséquence, a été faite en très grande partie.

M. Tanguay : ...l'engagement, de répondre aux questions au feuilleton, du ministre?

M. Jolin-Barrette : Oui.

M. Tanguay : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Chomedey, s'il vous plaît.

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Être quasiment un des derniers, il faut avoir la perspicacité de... Parce qu'il y a beaucoup de questions que j'ai cochées. Bienvenue au ministre. Merci, Mme Drouin, pour les réponses aux questions que j'avais l'an dernier et les réponses qui ont été données par le ministère avec célérité dans les jours qui ont suivi. J'aurai des questions, si vous le permettez, M. le Président, cet après-midi pour M. Tessier et, ce matin, j'ai quelques questions pour le ministre. Mais je voudrais me concentrer sur le nouveau Directeur des poursuites criminelles et pénales, concentrer, dans le bon sens du mot, M. le Président, vous conviendrez.

Ma première question pour le ministre. On a beaucoup parlé d'agression sexuelle puis de violence conjugale. Dans les demandes de renseignements particuliers, on retrouve, à la page 195 des demandes du troisième groupe d'opposition... On voulait savoir le nombre de victimes d'agression sexuelle puis de violence conjugale dont les dossiers ont été rejetés par l'IVAC. Je comprends qu'on vient de faire l'étude détaillée du projet de loi n° 84, mais on donne comme réponse : «Cette information n'est pas disponible.» Je me suis posé des questions. Puis est-ce que ça peut être changé, cette réponse-là, les demandes qui sont faites par les victimes d'agression sexuelle et violence conjugale, que les dossiers ont été rejetés par l'IVAC? Et, si on ne l'a pas immédiatement, bien, peut-être que le ministre pourrait nous faire suivre au secrétariat? Mais je pense que vous l'avez.

• (11 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Votre question, elle est uniquement sur les victimes de violence sexuelle et conjugale?

M. Ouellette : C'est violence conjugale et agression sexuelle, victimes d'agression sexuelle. C'est page 195 du cahier des renseignements particuliers, troisième groupe d'opposition.

M. Jolin-Barrette : Je n'ai pas l'information précise. On pourra vous revenir sur le site du secrétariat.

Par contre, l'année passée, on a accepté... il y a eu 8 779 demandes, puis on en a accepté 7 400. Donc, 84 % des demandes ont été acceptées à l'IVAC. Et, à mon souvenir, violence conjugale, violence sexuelle, c'est environ, je pense, 60 % des cas, là, mais on me corrigera. On va pouvoir vous détailler ça de façon plus approfondie.

Le Président (M. Bachand) : ...fournir l'information, M. le ministre, à la commission? Oui?

M. Jolin-Barrette : On va le déposer au secrétariat.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.

M. Ouellette : Merci. Dans le cahier des renseignements particuliers de l'opposition officielle, à la page 373, j'avais une interrogation. Toujours par rapport à l'IVAC, ils ont 50 dossiers qui sont à l'extérieur du Québec puis à l'extérieur du Canada. Puis je pense qu'il y a beaucoup de gens que ça les intéresse de savoir dans quel cas est-ce que notre loi s'appliquerait à des gens à l'extérieur du Québec et à l'extérieur du Canada.

M. Jolin-Barrette : Dans le fond, avec l'ancienne loi sur l'IVAC, il n'y avait aucun dossier à l'extérieur du Québec qui était couvert. Désormais, à partir du moment de la mise en vigueur de la loi, donc, qui va arriver à la date de la sanction, plus, maximum, cinq mois, toutes les infractions criminelles relativement à une infraction contre la personne vont être désormais couvertes. Donc, agression sexuelle, voie de fait, leurre d'enfant, tout ce type d'infraction là va être couvert désormais après l'entrée en vigueur de la loi.

M. Ouellette : Merci. Je me suis aussi posé une autre question, toujours dans les mêmes cahiers des renseignements particuliers. 1 429 employés occasionnels au ministère de la Justice, je pense, c'est beaucoup. Il y a-tu quelque chose de particulier qui s'est passé en 2020 pour avoir un chiffre aussi élevé d'employés occasionnels au ministère de la Justice?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Donc, on m'indique que c'est le personnel des services judiciaires. Donc, c'est en fonction des besoins des... du fonctionnement. Donc, on me dit que ce n'est pas différent, là, de normalement.

M. Ouellette : Bien, vous comprendrez qu'en partant du moment où je le soulève, et que vous avez pris la peine de l'indiquer, je trouvais que c'était un chiffre... je trouvais que c'était un gros chiffre quand on parlait de 37 %.

M. Jolin-Barrette : On me dit qu'on a des employés sur appel, des huissiers audienciers, notamment.

M. Ouellette : Merci. M. le Président, si vous permettez, j'irais au nouveau Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Je dois reprendre mon collègue de LaFontaine, il ne m'en voudra pas. Il a dit que votre nomination a été acceptée à l'unanimité. Mais je suis obligé de lui dire qu'il y a eu deux abstentions, et pas parce qu'on ne voulait pas, mais parce que le gouvernement, et particulièrement le ministre de la Sécurité publique, dans l'étude du projet de loi n° 1, n'a pas considéré l'apport des indépendants dans les... dans trois nominations qui sont faites aux deux tiers, puis vous êtes une de ces trois nominations-là. Donc, je me suis abstenu contre mon coeur, Me Michel. Et vous avez toutes mes félicitations, et je suis très heureux de vous voir prendre la tête de cette institution. Je comprends que vous êtes en poste seulement depuis le 23 avril. Je vais avoir des petites questions pointues pour vous.

Mon collègue de LaFontaine en a parlé quand on parlait d'études scientifiques : 45 % de procureurs en épuisement professionnel, 28 % en dépression, 31 % avec des problèmes d'anxiété, 24 % en syndrome post-traumatique. On a parlé du climat de travail qui était «so-so». Vous comprendrez que, dans une institution comme le DPCP, le climat de travail est une des choses les plus importantes, parce qu'on parle de confiance de la population, on parle de... on a besoin de sentir que la personne qui est le directeur est vraiment en charge et vraiment le leader de cette organisation-là. Et ça me préoccupe puis ça préoccupe beaucoup de gens quand on entend parler de climat de travail. Je ne ferai pas la petite histoire des dernières années mais c'est un mot qui a été bien à la mode, il y a quelques années, le climat de travail, ça a fini par toutes sortes de choses qui, espérons-le, ne se reproduiront pas. Comment... Est-ce que c'est... Je comprends que vous êtes là depuis le 23 avril, officiellement, vous êtes quand même dans la boîte depuis quand même une vingtaine d'années, là, et est-ce que c'est quelque chose que vous aviez pu percevoir? Et comment vous allez vous y prendre pour, je vous dirais, rétablir cette confiance nécessaire de la population à l'égard de l'institution qu'est le Directeur des poursuites criminelles et pénales?

Et j'ajouterais, il y a eu une demande qui a été faite dans les renseignements particuliers, il y a huit procureurs qui ont démissionné en 2020. C'est rare, ça. En tout cas, moi, je pense que c'est rare que des procureurs démissionnent. Est-ce que ça a un rapport avec le climat de travail ou c'est des raisons qui sont complètement autres?

Le Président (M. Bachand) : ...s'il vous plaît.

M. Michel (Patrick) : Merci, M. le Président. Merci, M. le député de Chomedey, pour vos questions, et je vous remercie aussi d'avoir la délicatesse de souligner, en fait, mon entrée en fonction. Je vous en remercie.

Il y a plusieurs aspects à votre question. Je sais que le temps nous manque. Au niveau des démissions, je ne connais pas, je n'ai pas le détail des motifs de ces démissions. Ce qu'on me disait, bon, vous l'avez dit, je suis là depuis quatre jours mais, ce qu'on me disait, c'est que, huit démissions, ça ne représentait pas une augmentation anormale ou ce n'était pas un chiffre anormal par rapport à ce qu'on a connu les années précédentes.

Il y a un aspect de votre question, en fait, qui porte sur la confiance, comment rétablir la confiance ou maintenir la confiance de la population à l'égard de l'institution du DPCP. Et vous liez cette question-là, si je comprends bien, au climat de travail et à la santé psychologique des procureurs. Évidemment, je l'ai dit, la santé psychologique de nos procureurs, comme de tout le personnel du DPCP d'ailleurs, c'est une priorité. C'était une priorité avant moi, ce n'est pas moi qui en fait une, là, c'est une priorité traditionnelle de l'institution.

Ça me permet de revenir, peut-être, brièvement. Les résultats de ce sondage ou de cette étude à laquelle on fait référence, et sans aucunement diminuer l'importance de la situation, les chiffres qui sont là, comme dirigeant, je veux dire, on ne peut pas laisser ça lettre morte, je dois m'en occuper, je dois m'enquérir de cette situation-là, mais, si on compare ces chiffres-là... sans diminuer l'importance de la situation, si on compare ces chiffres-là à l'état, disons, de la santé psychologique de la profession d'avocat en général, on voit que c'est des... on est dans des eaux, des chiffres à peu près comparables. Alors, le travail de l'avocat est anxiogène, le travail des procureurs l'est tout autant et surtout, dans le contexte qu'on vit actuellement, comme toutes les personnes qui sont en service de première ligne auprès de la population, la situation est encore plus difficile à vivre.

Maintenant, ce que j'ai... si j'ai encore un peu de temps, M. le Président? Merci. Ce que j'ai l'intention de faire, concrètement? En fait, vous disiez, il y a un aspect de votre question : Est-ce que vous le percevez? Moi, je suis au... je suis gestionnaire depuis huit ans au DPCP et, si je me fie à l'expérience de mon bureau à moi, j'ose dire, puis on pourra me contredire si ce n'est pas le cas, mais j'ose dire que le climat de travail était plutôt bon, plutôt, même très bon au bureau, chez nous. Alors, j'ai été un peu surpris, comme je vous le disais, comme je l'expliquais plus tôt en réponse à la question du député de LaFontaine, de lire cette lettre-là et de voir la situation qu'on y dépeignait comme vraiment une situation générale au DPCP. Alors, quand je vous dis, quand je répondais à la question du député de LaFontaine qu'il faut que je m'assoie avec l'association puis qu'on fasse le point, je me demande, bon, où est-ce qu'il y a des surcharges de travail, distinguer la surcharge de travail du climat de travail. Moi, climat de travail, pour moi, dans ma conception des choses, quand on parle, je ne sais pas, moi, d'abus de pouvoir, d'incivilité, de situation de harcèlement, ça interpelle ça, moi, la notion de climat de travail. Je ne sens pas ça ni au bureau chez moi ni de mes discussions que j'ai avec les différents procureurs en chef.

Mais je reçois ce message-là, je le prends très au sérieux et je vais m'asseoir avec l'association pour faire le point là-dessus.

• (11 h 30) •

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Mais je me permettrai, Me Michel, un petit complément. Probablement qu'au niveau de la branche des services juridiques, la direction, le climat de travail devait être excellent, vous étiez responsable.

Si on parle de la branche des procureurs spécialisés en crime organisé, en agression sexuelle, en violence conjugale, en grande criminalité, je comprends, et je pense que vous me suivez là-dedans, la barre est haute pour le bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Et, peu importe le secteur dans lequel... si la majorité ou quelques-uns des problèmes qui sont spécifiés dans la lettre dont a fait part le député de LaFontaine ou dans les dossiers que les citoyens voient plus régulièrement, qui touchent les 200 procureurs qui sont en spécialité organisée... les gens ne font pas la différence. Et la Commission des institutions, normalement, doit recevoir le Directeur des poursuites criminelles et pénales, je dirais, régulièrement, mais c'est arrivé une fois. Probablement que vos réponses d'aujourd'hui, on pourra, suite au rapport de gestion, les regarder et juger de l'évolution.

Quand je vous parle de vos procureurs spécialisés, on regarde les renseignements particuliers et on voit que vous avez huit procureurs qui sont affectés aux gangs de rue. On pose la question s'il y a eu des dossiers de gangs de rue en 2020. Il n'y en a pas eu. Bien, je vais avec les réponses des renseignements particuliers. Et donc on nous dit qu'il y a des procureurs en crime organisé et en grande criminalité. Je ne suis pas sûr qu'on a toute l'information dans les renseignements particuliers qu'on a demandés.

Et vous avez parlé de perception tantôt. Vous s'avez qu'en politique il y a beaucoup de choses qui sont jugées par les perfections. Puis, présentement, il y a comme cette perception-là que, un, le climat n'est peut-être pas à son maximum. Il y a comme la perception qu'il y aurait peut-être lieu de rebrasser des cartes, de regarder est-ce que j'ai assez de procureurs en violence conjugale, en agressions sexuelles, parce que c'est la nouvelle saveur, si on veut, là, ou, en tout cas, c'est la saveur qui est d'actualité beaucoup.

Est-ce que... On parle beaucoup d'armes à feu. On regarde dans les renseignements particuliers qu'on a demandés. Bien, il y a 55 dossiers qui ont été déjudiciarisés qui touchent les armes à feu. Ça aussi, bien, c'est dans les cahiers. Je ne vous amènerai pas à la page, je vous donne le bénéfice du doute pour notre première rencontre, là, puisqu'en trois jours vous auriez dû prendre connaissance de tout ça. Et je me dis qu'il y a 2 400 dossiers qui sont déjudiciarisés à l'intérieur de la province de Québec. Le quart, 25 % de tous ces dossiers-là s'est déjudiciarisé à Longueuil puis à Saint-Jérôme. Je me pose des questions, puis je me dis : Il y a-tu quelque chose de particulier dans certaines régions du Québec qui se passe? Donc, ça m'amène à vous poser la question. Quand vous aurez fait l'état des lieux, peut-être qu'un rebrassage de cartes pourrait être envisageable ou envisagé dans le but de mieux s'adapter à la criminalité de 2021, ou vers où on s'en va, là.

M. Michel (Patrick) : Oui. Merci, M. le Président. Bien, il y a plusieurs aspects à votre question. Je ne sais pas si je vais être en mesure de tous les aborder. Mais effectivement, bon, il y a un enjeu de répartition des ressources. Je l'ai abordé en réponse à une question de Mme la députée de Joliette. Les dossiers de violence conjugale et de violence sexuelle, ça représente, bon an mal an, maintenant, 20 % du volume de dossiers au DPCP. C'est des dossiers... Bon, si on prend les dossiers de violence conjugale, c'est des dossiers peut-être, à une certaine époque, et je le dis, là, une époque qui est révolue, qu'on pouvait considérer comme des dossiers peut-être moins complexes. Mais, compte tenu des enjeux sociaux, psychologiques et d'accompagnement nécessaire dans le traitement de ces dossiers-là, ce sont devenus des dossiers importants, ils l'étaient avant, mais des dossiers qui comportent peut-être une plus grande complexité, pas tant sur les éléments factuels ou de la preuve, mais qui demandent plus en termes d'accompagnement. Alors, on a peut-être effectivement une réévaluation à faire de la répartition de nos ressources. Ça représente un cinquième de tous nos dossiers. Est-ce qu'un cinquième de toutes nos ressources sont accordé au traitement de ces dossiers-là? Je ne sais pas. Je devrai faire un état de situation, comme vous le suggérez d'ailleurs dans votre question.

En matière de non-judiciarisation, malheureusement, je ne maîtrise pas encore tous les cahiers, mais en matière de traitement non judiciaire de certaines infractions, vous avez fait référence à des dossiers d'armes à feu. Là, de mémoire, je n'ai pas le programme en tête, mais je sais qu'il y a des infractions d'entreposage non réglementaire, là, des armes à feu, une infraction qui est criminelle, mais qui chevauche le criminel puis le réglementaire, là. Alors, on parle peut-être de ce type de dossiers là qui ont été traités en non-ju.

Vous en parliez, bon, le traitement non judiciaire de certaines infractions, ça s'inscrit dans une tendance vers la recherche de mesures alternatives à la judiciarisation traditionnelle, parce qu'on veut que les ressources de nos tribunaux, les ressources de nos procureurs soient consacrées aux vrais criminels. Et il y a moyen de sortir du système de justice criminelle par ces recours-là, la non-judiciarisation, les mesures de rechange, de sortir des gens qui ne devraient pas s'y retrouver, qui font un écart de conduite mineur ou dont l'écart de conduite est dû à une problématique sous-jacente qu'on devrait traiter pour les sortir du système de justice. Alors, ça, ça va être une de mes priorités dans l'évolution de la culture au DPCP pour les prochaines années.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Juste pour vous aider, c'est dans le deuxième cahier, mais non vous n'avez pas besoin de le regarder immédiatement, c'est à la page 268. Il y a une mine d'informations là-dedans. Puis, comme je vous ai dit, Me Michel, l'important, ce n'est pas de tout le savoir, c'est qu'en partant du moment où on nous le souligne et que... La période des crédits budgétaires, ça nous amène à souligner certaines choses, mais on est ici pour s'améliorer aussi puis faire en sorte d'être en mesure de répondre aux citoyens du Québec.

D'autres choses, parce que j'en ai regardé, à la page 280 — faites juste le prendre en note : aucun constat cette année par rapport à la loi sur la transparence puis sur le lobbyisme. C'est assez particulier, ça aussi.

Je regardais, le ministre serait très content... On parle beaucoup de langue française, de ce temps-ci, et de la Charte de la langue française. Bon, on a très peu de poursuites. Ça va probablement changer quand on aura vu la nouvelle mouture d'une nouvelle loi potentielle à un moment donné. Puis ce n'est sûrement pas parce que tout le monde est très... tout le monde suit la loi à la lettre, là. C'est des petits points, effectivement, qu'on note. On parle en perception.

On parle bien perception. On a beaucoup entendu parler des élus municipaux cette année dans différentes municipalités, dans différentes villes, on a beaucoup entendu parler des affaires municipales, la Commission municipale, mais il n'y a aucune enquête, il n'y a aucun constat d'infraction qui a été émis par le DPCP qui touche des élus, même s'il y en a certains dans certaines villes qui ont été... qui ont quitté ou qu'on a forcé à quitter en vertu d'autres lois. Ça fait partie des petits détails qu'on remarque. Quand je vous mentionnais que le...

Le Président (M. Bachand) : ...il reste 10 secondes.

• (11 h 40) •

M. Ouellette : Bon, bien, la meilleure des chances pour la prochaine année, Me Michel. Et on aura sûrement l'opportunité de retravailler ensemble.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. C'est une belle finalité. M. le député de Jacques-Cartier, s'il vous plaît.

M. Kelley : Merci beaucoup, M. le Président. Je veux, aujourd'hui, juste poser des questions sur l'administration de la justice en lien avec les peuples autochtones, les Premières Nations et les Inuits de Québec. Je sais que le ministre des Affaires autochtones et le ministre de la Justice a posé des questions... excuse-moi, a annoncé 19 millions dollars pour améliorer les services pour les Premières Nations et Inuits du Québec. Dans le communiqué de presse, le ministre a dit qu'il répond à certains appels à l'action dans le rapport de la commission Viens, mais aussi dans le rapport des femmes assassinées et disparues. C'était bien reçu, mais des gens ont aussi dit que c'est juste un premier pas vers une plus grande réforme.

Alors, je veux juste savoir, selon le ministre, c'est quoi, les prochaines étapes. Parce que l'argent qui a été annoncé, c'est des sommes qui sont importantes pour les différents groupes, mais certains experts ont souligné que ça prend toujours une réforme plus importante du système de notre côté. Ce n'est pas nécessairement des groupes qui travaillent en collaboration avec les Premières Nations et les Inuits, mais, des fois, c'est plus une question d'une meilleure adaptation de notre système envers les peuples autochtones.

Alors, je veux juste savoir, selon le ministre, c'est quoi, les prochaines étapes, c'est quoi, le prochain suivi, pour lui, qui est le plus important, selon les appels à l'action qui ont été déposés par la commission... excusez-moi, le rapport de la commission Viens.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Salutations au député de Jacques-Cartier. Écoutez, justement, à juste titre, le 5 mars dernier, le ministre des Affaires autochtones ainsi que moi-même, on a annoncé 19,2 millions de dollars sur cinq ans, ça répondait à des appels à l'action, notamment, de la commission Viens, donc : 5,5 millions pour des interprètes, donc, au niveau judiciaire, pour permettre que le système de justice soit adapté et de faire en sorte que les justiciables puissent être compris; ensuite, les conseillers parajudiciaires, 6 millions sur cinq ans également — ça, c'est des gens qui accompagnent les personnes autochtones dans le système de justice, à la fois les victimes, à la fois les contrevenants, pour leur expliquer la démarche, donc si elle fait des rappels, la cour, les procédures également — et les intervenants auprès des victimes, 7,7 millions sur cinq ans, M. le Président. Alors, vraiment, on se mobilise, avec le ministre des Affaires autochtones, pour adapter le système de justice. Donc, on va continuer de travailler en collaboration.

Vous savez, il y a plusieurs éléments à mettre en place avec le système de justice, notamment l'amélioration des ressources qui sont là-bas, mais aussi, vous savez, présentement, avec la COVID, il y a des enjeux notamment avec la cour itinérante, mais la question notamment des délais de comparution. Vous vous souvenez, à une certaine époque, les détenus autochtones étaient transférés par Montréal, ensuite étaient transférés à Amos. Donc, souvent, le délai de trois jours n'était pas respecté. Alors, on a corrigé ça. Maintenant, les comparutions... pardon, pas les comparutions, les enquêtes sur remise en liberté sont faites, à hauteur de 87 %, par visioconférence. Donc, on a adapté sur place en donnant les outils technologiques pour faire en sorte que les enquêtes sur Verbmise en liberté soient effectuées rapidement dans le Nord.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Oui. Et, M. le ministre, juste une question sur les interprètes. J'ai une demande qui vient pour la famille de Joyce Echaquan, la famille Dubé. Bien, ils veulent juste être rassurés qu'un interprète va être présent dans l'enquête et la partie publique avec le coroner. Je sais que vous êtes le ministre de la Justice, mais je passe le message que c'est très important pour eux autres d'avoir quelqu'un qui est présent qui peut faire la traduction du français vers la langue attikamek. Alors, c'est juste si le ministre peut regarder ça. C'est une question précise. Et, comme j'ai dit, je sais que c'est le coroner, mais, quand même, si lui peut s'assurer, avec le ministre des Affaires autochtones et la vice-première ministre du Québec, juste que cette personne ou personnes qui sont présentes pour le processus... excusez-moi, pour la partie qui est publique et pour aider la famille dans la suite de trouver la vérité à qu'est-ce qui a passé à Joyce Echaquan.

Mais juste une autre question, parce que le ministre...

Le Président (M. Bachand) : ...sur ça, M. le ministre? Oui. Allez-y, M. le ministre.

M. Kelley : O.K., M. le ministre, vous pouvez répondre. Vas-y.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, avec... on va donner suite à la recommandation du député de Jacques-Cartier. Donc, on va s'assurer qu'il y ait quelqu'un pour faire la traduction.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Parfait. Merci beaucoup. Puis je reviens un petit peu sur, oui, avec la COVID, on a eu des délais, ça arrive, mais aussi qu'est-ce que le ministre parle, le processus à Amos. Puis, dans le rapport de la commission Viens, c'est bien indiqué qu'il faut faire des investissements dans l'administration de la justice dans le Nord. Et c'est sûr que, dans les petites communautés, qu'on pense à des petites communautés inuites, ce n'est pas toujours évident.

Les stations de police, ça sert à plusieurs services communautaires. Alors, je comprends que c'est des investissements énormes. Mais je veux juste voir, là, c'est quoi, les démarches que le ministre de la Justice et le ministère de la Justice ont prises cette année ou depuis deux ans, depuis le dépôt du rapport de la commission Viens, pour regarder comment on peut mieux investir dans les services communautaires, puis aussi, quand même si c'est par visioconférence, qu'on sait une réalité, que des juges et tout le monde autour du processus de quelque chose qui passe par visioconférence soient bien formés. Parce qu'ils parlent aussi, dans le rapport de la commission Viens, de cet élément, qu'il y a une formation qui est donnée à plusieurs personnes qui travaillent dans l'administration de la justice au Québec.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Deux choses l'une, c'est sûr qu'après la pandémie l'objectif est de reprendre la cour itinérante, notamment, parce que je crois que c'est opportun. Malgré toute la technologie que nous pouvons avoir, en termes d'efficacité aussi, je crois que c'est important que la cour itinérante maintienne ses activités et aille dans les différentes communautés. Les solutions technologiques, c'est un outil qui améliore le processus judiciaire, sauf que ça ne remplace pas le fait d'avoir le juge qui est présent, d'avoir le procureur de la couronne, d'avoir l'avocat de la défense, à la fois pour l'accusé, mais à la fois aussi pour la personne victime qui doit se sentir soutenue sur les lieux.

En ce qui concerne les bâtiments, vous savez, le ministère de la Justice, la cour itinérante va dans plusieurs communautés. Elle va plus régulièrement dans certaines communautés, moins souvent dans d'autres. Et, bien souvent, il arrive que les installations sur place, effectivement, ne sont pas tout à fait adaptées. Donc, on travaille en collaboration avec les communautés pour louer des espaces qui vont être adaptés, notamment pour s'assurer, un, que les personnes victimes puissent être rencontrées dans des locaux séparés, que les accusés aussi puissent consulter leur avocat dans un local séparé aussi. Ça soulève des enjeux dans le Nord relativement à la disponibilité. Il y a un autre... Ça, c'est justice au niveau de la cour itinérante.

Il y a un autre aspect, qui relève de la Sécurité publique, relativement à la détention. Donc, quand il n'y a pas de mise en liberté, bien, à ce moment-là, en fait... puis le délai pour la mise en liberté, il est restreint, donc, il y a les blocs cellulaires aussi, des différents corps de police autochtones, qui doivent être mis à niveau. Donc, c'est paramétrique, mais, déjà, le fait qu'on ait développé les outils technologiques pour faire en sorte que l'enquête sur mise en liberté se fasse plus rapidement et à distance pour éviter que le prévenu ait besoin d'aller dans le Sud, c'est déjà une nette amélioration. Mais on va continuer, puis ça, ça demande de collaborer avec le DPCP, avec l'aide juridique, avec la Cour du Québec également.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Merci, M. le ministre, pour votre réponse. Je veux revenir un petit peu sur la question aussi de la surreprésentation des peuples autochtones et des Premières Nations, des Inuits au sein de nos institutions, et ça, c'est les chiffres qui viennent du ministre de la Justice du Québec qu'on trouve dans le rapport de la commission Viens, que 4,8 % des chefs d'accusation portés au Québec concernent des personnes ayant déclaré une adresse dans une communauté ou dans un village autochtone. Pour le reste de la population, c'est 1,4 %.

Quand on regarde, le taux de judiciarisation des autochtones a doublé entre 2001 et 2017, passant de 31,1 membres des Premières Nations ou Inuits judiciarisés sur 1 000 habitants à 62. Puis, en comparaison, quand on prend l'exemple des allochtones, c'est 55,1 sur 1 000 habitants, et maintenant c'est 55,3. Alors, on a vu une petite augmentation avec les allochtones, mais, avec les autochtones, on a vu une croissance malheureusement très importante.

Puis je regarde aussi des chiffres établis... excusez-moi, juste regarder ici, un autre que j'ai trouvé très triste comme chiffre, mais une moyenne de 6,7 % des accusations portées visent des personnes résidant dans une communauté ou un village autochtone, et c'était de 2001 à 2017. C'est vraiment une disproportion touchant particulièrement les Inuits et... que les autres. Alors, il y a clairement un enjeu qui vient particulièrement dans le Nord. C'est tout dans le rapport de la commission Viens.

Mais, je veux juste savoir, est-ce que le ministre a des cibles et des plans d'action en place pour essayer d'attaquer cette question, la surreprésentation des autochtones? Si c'est dans une prison du Québec, ou quand même juste des chiffres des accusations qui sont portées contre les autochtones, des Inuits, je veux juste savoir s'il y a des cibles pour réduire ça, des approches avec d'autres ministères pour s'assurer qu'il y a quand même des plans d'action en place qui sont sur le côté social, et tout ça. Mais c'est juste : En bout de la ligne, c'est quoi, le plan de match du ministre et ministère de vraiment attaquer cette question de la surreprésentation des Premières Nations et des Inuits dans des prisons du Québec?

• (11 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Bien, en fait, ce qui est soulevé par le député de Jacques-Cartier, c'est un très bon point. Puis souvent on a tendance à voir, supposons, le système de justice comme étant... Il y a des enjeux avec le système de justice, il y a des condamnations par rapport aux personnes autochtones, mais ce qu'il faut regarder entre autres, c'est la genèse de tout ça, parce que le système de justice arrive en bout de piste. Il y a beaucoup de travail à faire, et c'est ce qui est fait par mes collègues de la Santé et des Services sociaux et mon collègue des Affaires autochtones, sur les conditions, dans le fond, le soutien qui est offert aux personnes autochtones dans les différentes communautés. Et, vous savez, il y a plusieurs défis à répondre sur le plan social, et c'est sûr qu'en travaillant sur cet aspect-là, ça va notamment réduire la criminalité, M. le Président, en lien avec les condamnations qu'il y a.

Mais déjà, d'entrée de jeu, M. le Président, il y a plusieurs collaborations qui sont faites par le ministère de la Justice, notamment avec le Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or dans le programme d'accompagnement judiciaire et d'intervention communautaire. Il y a un soutien similaire qui est accordé aussi au Centre de justice des premiers peuples de Montréal, pour la délivrance d'un programme à Montréal, et pour le centre d'amitié Eeyou de Chibougamau. Il y a 15 initiatives de justice communautaire représentant 28 communautés et trois milieux urbains qui sont financés par le MJQV à l'heure actuelle, et on va développer des nouveaux projets également pour 2021‑2022.

Alors, ce qu'on veut faire, c'est vraiment outiller les communautés. Et également, en termes de justice alternative aussi, M. le Président, je pense que c'est important d'adapter la réalité en fonction des communautés autochtones. Alors, on travaille là-dessus, M. le Président. Mais, vous savez, ce n'est pas uniquement le système de justice, il faut regarder ça dans son continuum. Puis je pense que la commission Viens, c'est ce qu'elle énonçait aussi. Donc, le ministère de la Justice participe à améliorer le tout, mais il faut travailler sur plusieurs axes aussi.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jacques-Cartier, s'il vous plaît.

M. Kelley : Merci beaucoup. Je vais poser une question qui est juste... c'est un petit peu précis, puis c'est en lien avec la réponse du ministre. C'est l'appel à l'action... excusez-moi, j'ai juste perdu... c'est l'appel à l'action 49 : «Financer de façon pérenne les programmes d'accompagnement à la justice, d'intervention communautaire pour les personnes vulnérables en situation d'itinérance ou à risque de le devenir.» Je pose la question sur les autochtones à risque d'itinérance, parce qu'on a vu, à Montréal, et je prends l'exemple de Montréal malgré le fait qu'on sait que c'est une clientèle très vulnérable, qu'ils se font donner des amendes par les forces policières, des amendes qu'ils ne sont pas capables de payer. Alors, encore, je reviens un petit peu sur cette partie-là. Le système de la justice, comment on peut encore s'assurer qu'on ne donne pas des amendes à des personnes autochtones ou des Premières Nations, Inuits, des infractions qu'ils ne sont pas capables à payer, puis ils sont maintenant forcés d'avoir une dette lourde? Je veux juste savoir c'est quoi, les pensées du ministre sur cette situation au sein de notre population itinérante autochtone à Montréal.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, je suis bien au fait de cette réalité-là, et le député de Jacques-Cartier fait bien de le souligner. Il y a notamment des programmes de mesures de rechange aussi qui existent pour faire en sorte que, lorsqu'une personne en situation de vulnérabilité reçoit un constat d'infraction, M. le Président... Et, vous savez, parfois, on se retrouve avec une multitude de constats d'infraction, puis, un, les gens ne sont pas capables de les payer, et, deuxièmement, on se retrouve dans une situation où, pour payer les constats d'infraction, bien, on se retrouve dans une situation où, ultimement, la personne ne s'en sortira pas. Donc, il y a des mesures de rechange qui existent déjà. Et on valorise l'utilisation de ces programmes de mesures de rechange et d'accompagnement pour faire en sorte de régulariser les dossiers judiciaires des personnes, donc que ça soit adapté à la réalité, puis surtout de prendre en charge les personnes, de les outiller pour qu'elles puissent faire face aux défis qu'elles doivent surmonter.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jacques-Cartier, s'il vous plaît.

M. Kelley : Merci beaucoup. Je vais poser une question maintenant sur un autre sujet, et ce n'est pas notre formation politique qui pose la question, c'est plusieurs chefs et élus autochtones qui demandent que le gouvernement abandonne sa contestation judiciaire de la loi fédérale C-92 et trouve une solution hors cour. Alors, je veux juste savoir, je comprends l'argument des compétences, mais est-ce que c'est quelque chose que le ministre examine présentement, de peut-être juste mettre ça à côté, laisser des avocats à côté puis trouver une façon, avec le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et les différentes nations concernées, une façon de travailler ensemble, de respecter toutes les lois et des compétences qui existent sur notre territoire, mais aussi au sein du Canada?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous le savez, M. le Président, il y a un enjeu présentement avec le projet de loi C-92, et c'est devant la cour, M. le Président, et on a exprimé notre position devant la cour, M. le Président, et ça fait... On va toujours continuer le dialogue, mais le législateur fédéral décide d'empiéter sur les compétences québécoises, M. le Président. Alors, il y a des discussions qui ont cours avec les nations autochtones, comme il y en a toujours eu, M. le Président. Là, on est véritablement dans un enjeu fédéral-provincial, M. le Président, et je ne peux pas faire davantage de commentaires, M. le Président, parce que le dossier est devant la cour, et l'audition est prévue le 13 septembre prochain.

Cela étant, vous savez, pour le Québec, les nations autochtones, c'est extrêmement important, notamment, de respecter leurs droits, leur culture, et on va toujours se gouverner ainsi, M. le Président, comme les gouvernements successifs du Québec l'ont toujours fait. Cela étant, ce n'est pas au gouvernement fédéral à venir empiéter dans les compétences du Québec. Et le gouvernement du Québec négocie de nation en nation avec les communautés autochtones, mais le tout étant en fonction du partage des compétences. Et le gouvernement du Québec défendra toujours ses compétences, M. le Président, et le gouvernement fédéral doit, dans ce contexte-là, céder le pas à la prérogative de l'État québécois.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Merci, M. le Président. Une question maintenant sur l'accès à la justice pour la communauté d'expression anglaise. Encore, on parle un petit peu de l'administration, le système. C'est très important, c'est un droit pour les anglophones du Québec, puis, on sait, c'est un droit très important envers les francophones hors Québec. C'est dans notre Constitution. Et je veux juste savoir quelles ressources le ministre a mises en place pour s'assurer que notre système respecte les droits constitutionnels de la communauté d'expression anglaise.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : En fait, M. le Président, le système de justice respecte les droits consacrés, M. le Président, par la Loi constitutionnelle qui gouverne le Canada, M. le Président, et les tribunaux ont toujours respecté les droits de la communauté anglophone et continueront de les respecter.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Merci, M. le Président. Ça, c'est pourquoi je pense que c'est important que le ministre adopte mon projet de loi n° 590, pour s'assurer que, quand même, tout le monde a au minimum une bonne compréhension de la langue française. Et peut-être on va inspirer le prochain juge qui va être hyperbilingue dans la langue française et dans la langue anglaise pour travailler sur un banc de la Cour supérieure, ou quelque chose comme ça. Alors, encore, je vais interpeller le ministre d'adopter mon projet de loi. Mais merci pour les réponses.

Puis je veux juste savoir si le ministre a pris la relève du dossier que sa prédécesseure a travaillé sur, en collaboration avec le Barreau anglophone de Montréal, et ça, c'est concernant la traduction de nos lois ici, à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas juste le ministère de la Justice qui a la responsabilité, il y a aussi une question qui touche plus l'Assemblée nationale. Mais, bref, c'est juste... le point qui était toujours soulevé par le Barreau de Montréal, c'étaient juste les questions que les deux lois, en anglais et en français, s'appliquent sur notre territoire, et, des fois, il y a des lacunes dans les versions anglaises. Puis ça, ça peut créer un problème pour un juge quand il y a une différence entre les deux lois. Alors, je veux juste savoir si le ministre a continué de travailler sur le dossier pour embaucher plus des gens qui travaillent sur la traduction des lois, en avant qu'elles sont déposées, pour s'assurer qu'on a une bonne qualité de loi dans les deux langues.

Le Président (M. Bachand) : 30 secondes, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, deux choses l'une, le Barreau, l'Assemblée nationale ont travaillé avec le MJQ, justement, pour aller dans le sens du député de Jacques-Cartier, et, pour ce qui est du projet de loi du député de Jacques-Cartier, écoutez, je l'ai dit, c'est une bonne idée qui a été reprise de mon collègue le député de Sainte-Rose, et, très certainement, ça pourra faire l'objet de débats dans le projet de loi qu'on va déposer sur la Charte de la langue française. Et j'aurai le plaisir de travailler, je l'espère, avec le député de Jacques-Cartier.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, soit vers 15 h 30. Merci beaucoup. Bon lunch.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 29)

Le Président (M. Bachand) : Bon après-midi à tous et à toutes. Nous reprenons nos travaux. Nous allons reprendre, donc, les travaux, car la commission est réunie afin de poursuivre l'étude du volet Justice des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2021-2022.

Cet après-midi, 30 minutes seront allouées à l'étude de ce volet. Les blocs d'échange seront d'une durée d'environ quatre minutes à 17 minutes.

Donc, nous commencerons avec un bloc d'intervention de l'opposition officielle. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, pour une période de 18 min 40 s. Bienvenue.

• (15 h 30) •

Mme Maccarone : Merci beaucoup, M. le Président. C'est un plaisir pour moi d'être parmi vous aujourd'hui et un plaisir de pouvoir échanger avec mes collègues ainsi que les représentants de la CDPDJ. Bonjour. J'ai plein de questions, alors je vais débuter tout de suite, profiter du temps que nous avons ensemble.

D'emblée, je veux mentionner que, pendant la période d'été, après que j'ai été confié avec grand plaisir le dossier de diversité et inclusion par ma cheffe, j'ai commencé tout de suite à rencontrer des groupes qui représentent ces communautés qui sont visées par la discrimination, la racisation, etc. Puis à l'intérieur de ces rencontres, la majorité de ces personnes, surtout des groupes racisés, les personnes noires, les personnes autochtones, les personnes arabes, les personnes chinoises ou asiatiques, ils ont mentionné que beaucoup de difficultés dont ils font face, c'était lié avec le processus de plainte par rapport à la CDPDJ. Ce n'est pas un reproche, c'est plus de dire : C'était complexe, souvent, il se trouvait qu'il y avait des gens au bout de la ligne qui soit ne connaissaient pas la cause, ne connaissaient pas leur situation, ou c'était très, très long avoir des réponses ou très, très long de traiter la plainte. Alors... Puis comme j'ai dit, ce n'est pas un reproche, ce n'est pas une critique, on ne peut jamais nier la perception de la victime, je pense que c'est très important de reconnaître leur situation.

Alors, je voulais savoir un peu comment que la CDPDJ voit ceci, avec la permission du ministre qu'on intervienne avec M. Tessier et son équipe, mais pour voir un peu comment qu'ils voient ça, s'il y a une façon d'améliorer le processus pour les victimes qui dénoncent.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je vous inviterais, par exemple, de vous réidentifier de nouveau, avec votre nom et votre titre, s'il vous plaît. Merci.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Alors, merci, M. le Président. Bonjour. Philippe-André Tessier, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Alors, merci à la députée pour sa question très intéressante.

Effectivement, la question du traitement des plaintes est une préoccupation de tous les instants de la direction puis de l'équipe de gestion et de l'ensemble du personnel de la commission, parce que c'est une responsabilité quand même importante. Parce qu'on peut avoir des droits, ils sont dans notre Charte des droits et libertés de la personne, la Loi sur la protection de la jeunesse, la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi, mais encore faut-il s'assurer de l'effectivité de ces droits-là. Puis pour s'assurer de l'effectivité de ces droits-là, bien, il faut que le système de plainte, et ultimement le recours au tribunal, soit le plus efficient possible.

Donc, c'est sûr et certain qu'à mon arrivée à la commission, il y a déjà trois ans, on a mis en place plusieurs mesures pour s'attaquer à ces questions-là. Juste un petit pas de recul aussi puis juste pour rappeler aussi qu'il y a quatre domaines d'activité dans lesquels la commission agit. Premier domaine, c'est la question liée à la discrimination et harcèlement, donc les articles, si on veut, 10 à 19 de la charte, les questions aussi en lien avec l'article 48 de la charte, les dossiers d'exploitation, personnes âgées ou personnes handicapées, les dossiers en accès à l'égalité, en vertu de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi, et le mandat que nous avons en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, donc les droits de l'enfant, qui sont garantis par la loi et la charte.

Dans ces quatre volets d'activité là, on s'assure d'avoir des pratiques qui sont adaptées. Donc, c'est sûr et certain qu'au niveau de la jeunesse on a une équipe spécialisée, une équipe Enquêtes jeunesse qui va s'occuper spécifiquement de ce genre de dossier là.

On a également, en accès à l'égalité, une équipe spécialisée pour traiter des questions d'accès à l'égalité pour les cinq groupes visés : les femmes, les autochtones, personnes en situation de handicap, les minorités visibles et les minorités ethniques.

Même chose pour ce qui est de l'exploitation, donc on a une équipe qui s'occupe vraiment, avec beaucoup de talent, de la question de l'exploitation des personnes âgées et handicapées. C'est sûr que je le précise puis je le dis à chaque année, la charte prévoit une protection spéciale pour les personnes handicapées et les personnes âgées, à 48 de la charte, mais plus de 90 % de nos plaintes, c'est vraiment les personnes âgées. Donc, c'est vraiment un mandat qui est spécifique aussi pour les personnes âgées.

Donc, encore une fois, on est partenaires dans le cadre de la loi sur la maltraitance, dans le cadre du plan d'action sur la maltraitance qui est mis en place sous la gouverne de la ministre Blais. Donc, ces éléments-là... Et on est en concertation avec un ensemble d'organismes, le Curateur public, l'Autorité des marchés financiers, les services policiers, dans le cadre de plans d'intervention concertés pour contrer la maltraitance dans l'ensemble des régions du Québec. Donc, ça, c'est le volet maltraitance.

Et le dernier volet, puis c'est celui sur lequel je termine parce que je veux répondre à votre question plus précisément, la question du mandat sur la discrimination et harcèlement, c'est les articles 10 à 19 de la charte, c'est un peu ce qu'on a dans notre imaginaire, quand on pense souvent à la commission, on pense à ces causes-là de discrimination.

Mais c'est sûr et certain qu'une des problématiques à laquelle on s'est attaquée, comme équipe de gestion, c'est la question des délais à la commission. Puis je suis très content de pouvoir vous dire que cette année, pour la première fois, moi, depuis que je suis président, le délai moyen à la commission a baissé. Et ça, je vous dirais que c'est un effort collectif de l'ensemble de la commission.

Nous avons également eu un effort budgétaire qui a été consenti par le gouvernement actuel pour nous donner un petit coup de pouce pour, disons, reprendre un petit peu du retard budgétaire que la commission avait eu dans les 15, 20 dernières années. Il faut appeler un chat un chat, c'est quand même ça qui est arrivé. Et ça fait en sorte que notre délai moyen est passé de 651 jours à 527 jours. C'est 124 jours de moins, ça, on se comprend, c'est quatre mois de moins en termes de délai moyen. Évidemment, c'est un délai moyen.

L'autre chose aussi qui était problématique, puis vous y avez fait référence, dans les délais de traitement, c'était le fait qu'il y avait, malheureusement, certains dossiers plus complexes qui avaient des durées qui allaient au-delà de trois ans d'enquête, et de processus, et de tout. Alors, je suis très content de vous dire encore une fois qu'en date d'aujourd'hui des dossiers en enquête de plus de trois ans, il n'y en a plus, à la commission, on les a tous sortis, O.K.? Donc, on a fait un effort particulier comme équipe pour vraiment s'attaquer à ces longs délais là puis s'assurer que ce n'était plus la réalité, là, la façon de fonctionner de la commission. Donc, ça, c'est pour ce qui est de la question des délais plus spécifique.

Maintenant, pour ce qui est de l'approche individualisée auprès des différents groupes dont vous parlez, c'est sûr et certain qu'avec ma collègue Myrlande Pierre, vice-présidente charte, on a mis... Mais je vais vous laisser peut-être me poser d'autres questions.

Mme Maccarone : Oui, mais...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, Mme la députée.

Mme Maccarone : ...juste avant de répondre à la question, parce que j'aimerais vous entendre plus élaborer par rapport à la question aussi... parce qu'on n'a pas mentionné la communauté des personnes qui font partie de LGBTQ2. La raison que je le nomme, c'est parce qu'aussi à l'intérieur des débats que nous avons eus ici, à l'Assemblée nationale, on a entendu, par exemple, les personnes trans qui disent que, exemple, souvent, elles font face à la discrimination. Elles vont appeler au CDPDJ pour placer une plainte, puis on a eu des témoignages des gens qui ont dit : Bien, la personne au bout de la ligne ne connaissait pas c'était quoi, une personne non binaire, ne connaissait pas c'était quoi, une personne trans, une personne trans féminine, trans masculine.

Alors, à l'intérieur de votre réponse, si vous pouvez aussi préciser qu'est-ce que vous faites par rapport à la formation aussi pour s'assurer que les intervenants comprennent c'est quoi, la réalité des personnes... les victimes de la discrimination, intimidation, et autres.

M. Tessier (Philippe-André) : Un des grands défis pour la commission, évidemment, c'est de pouvoir répondre avec toute l'attention puis toute la délicatesse nécessaires lorsqu'une personne porte plainte chez nous. Parce que la personne qui porte plainte chez nous, elle vit une situation qui l'a rendue vulnérable, elle se trouve dans une situation de vulnérabilité, que ce soit en matière de logement, en matière d'emploi, en... donc, en matière d'accès aux services.

Donc, c'est sûr et certain que, déjà, en partant, il y a des éléments de la charte qui sont des éléments qui sont beaucoup travaillés par nos équipes en formation puis il y a des éléments plus nouveaux. Vous faites référence à la communauté LGBT puis aux questions liées aux personnes trans. Il faut comprendre que l'identité de genre aussi, c'est le dernier motif, c'est le petit nouveau de l'article 10, ça a été adopté sous le gouvernement précédent par l'Assemblée nationale comme nouveau motif.

Et c'est sûr et certain que nous, on s'est employés à former l'ensemble des employés sur la question. On a eu la chance et on a la chance d'avoir deux membres de la commission, je les nomme, Martine Tremblay puis Marie Laure Leclercq, et les deux sont des formatrices et sont des personnes reconnues dans la communauté LGBT pour faire avancer les droits des lesbiennes et des trans, des personnes trans et pour faire des formations. Marie Laure, puis je la salue si elle écoute, forme l'ensemble des juges de la Cour d'appel, la Cour supérieure, la Cour du Québec. Et on a la chance d'avoir une personne comme Marie Laure qui fait bénéficier à l'ensemble du personnel de son expérience puis de son regard.

Donc, oui, c'est sûr que ce genre de choses là se font auprès du personnel, puis on met à contribution aussi les membres de la commission. C'est un peu pour ça aussi que c'est bien d'avoir ce collège-là de membres à temps partiel, ça amène cette expertise-là à la commission, ces regards-là.

Mme Maccarone : Merci. Je vais poursuivre maintenant, on va parler un peu de la publicité pour faire reconnaître un peu qu'est-ce qu'ils font, la CDPDJ, tous les services qui sont offerts pour l'accompagnement des victimes puis les gens de la communauté.

La raison que je pose la question, c'est parce que, quand on a fait la demande dans les crédits, on a demandé comment que ça fonctionne par rapport à la publicité, puis pas pour dire que ce n'est pas bien, beaucoup de publicité est gérée et générée pour la DPJ, secteur jeunesse. C'est très important, on ne nie pas ça, on veut que ça continue. Mais est-ce qu'il y a aussi un plan par rapport à la publicité, par rapport aux communautés qui sont racisées, qui font partie de la discrimination, les personnes handicapées, par exemple, LGBT, mais pour s'assurer qu'on rejoigne aussi les besoins de ces personnes? On en parle vraiment beaucoup, par rapport aux communautés qui sont racisées, dernièrement. Puis ça se peut que ce n'est pas tout à fait bien connu, les services qui sont offerts. Puis, quand on regarde qu'est-ce qui est vraiment fait sur le terrain, c'est vraiment beaucoup secteur jeunesse, pas beaucoup pour les autres communautés concernées.

• (15 h 40) •

M. Tessier (Philippe-André) : O.K. Bien, peut-être que mon regard à moi est peut-être un petit peu indirect. Je vous dirais qu'on a fait un travail important, à la commission, avec les ressources dont on dispose, pour faire des campagnes de communication. Premier principe, puis je l'ai déjà dit à vos collègues dans les crédits précédents, les budgets de la commission ne lui permettent pas de faire des campagnes grande échelle, des campagnes grand public. Nous n'avons pas, contrairement à d'autres organismes de l'État, des budgets qui nous permettent, par exemple, de faire une publicité à la télé. Une publicité à la télé, c'est des sommes de centaines de milliers de dollars. Pour nous, ça, c'est le budget global pour une année, et même plus, de toutes nos campagnes. Donc, on est obligés d'être un petit peu plus agiles, un petit peu plus innovants. Donc, ce qu'on fait, c'est qu'on utilise beaucoup les médias sociaux qui coûtent moins cher, on utilise aussi les médias régionaux.

Alors, récemment, on a fait une campagne dans les médias régionaux, Mythes et réalités sur les peuples autochtones, pour diffuser... c'est un outil-phare de la commission, qui a été fait en collaboration avec l'Institut Tshakapesh d'Uashat-Maliotenam, et donc cet outil-là, donc, on a fait en sorte que, dans des journaux régionaux où il y a des présences de communautés autochtones... des publicités ciblées dans les médias régionaux sur les questions autochtones.

Vous parlez de groupes racisés, on a une campagne spécifique, À louer sans discrimination, parce que, dans le logement, on constate qu'il y a beaucoup de discrimination encore sur des refus de louer. Bon, évidemment, il y a toujours l'état civil, donc, conditions sociales, les personnes qui sont à faibles revenus, où des mères monoparentales avec des enfants se font refuser des logements, mais on a aussi des groupes racisés qui vivent de l'exclusion dans le contexte du logement. Donc, notre campagne À louer sans discrimination ciblait spécifiquement les communautés racisées et les deux autres groupes que j'ai mentionnés.

On a fait également une campagne à grande échelle pour nous dans le métro, puis là on était superfiers de cette campagne-là, et là la pandémie est arrivée. Et donc, c'est ça, donc, lieu de haute fréquentation, de grande diffusion sur les 14 motifs de discrimination de la charte. Il faut se rappeler que, sur les 14, il y en a trois qui sont... on les appelle les cousins, donc race — je mets des guillemets — couleur, origine ethnique nationale, donc trois sur 14 qui sont liés, justement, à l'enjeu des groupes racisés, des minorités ethniques, minorités visibles. Et donc c'est sûr et certain que, pour nous, cette campagne-là... on a eu beaucoup de félicitations, on met en valeur 14 bédéistes québécois, québécois et québécoises, donc on a... qui illustrent à leur façon chacun des motifs de discrimination pour faire connaître au grand public c'est quoi un peu, ces motifs-là.

Puis, bien — merci de donner l'occasion d'en parler — je vous avoue honnêtement qu'on était très, très, très déçus... bien, pour d'autres raisons, de la pandémie, mais celle-là aussi en particulier, ça nous a fait mal parce qu'on avait mis beaucoup d'efforts sur cette campagne-là. Puis là, ce qu'on a fait, c'est qu'on l'a gardée précieusement, puis, quand il y aura peut-être un peu plus d'affluence, bien, on pourra revenir là-dessus.

Mme Maccarone : Je suis contente de savoir, en espérant que tous les députés vont aussi faire diffusion de cette campagne, que ça ne soit pas uniquement dans les métros puis de la publicité «outdoor», comme on dit, pour nous donner aussi l'occasion de partager ce que vous faites puis ce que vous... pour quoi vous militez et pour qui vous militez, parce que je pense que ça va être très important qu'on y participe.

Changement un peu de volet. Là, je parle... Vous avez fait des recommandations dernièrement dans le rapport... le Bilan de la mise en oeuvre des recommandations du Rapport de la consultation sur le profilage racial et ses conséquences. Alors, je vous amène à la recommandation n° 3, qui lit comme suit : «La commission recommande que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour augmenter la représentation des minorités ethniques et des minorités visibles dans l'administration publique et que, concurremment, l'article 92 de la charte soit modifié afin — "sorry" — d'assujettir les programmes d'accès à l'égalité en emploi de la fonction publique aux mécanismes de reddition de comptes et de contrôle de la commission.»

Savez-vous où est-ce qu'on en est avec cette recommandation? Parce que c'est sûr, actuellement, on sait que c'est important, on sait que nous avons des cibles, on sait qu'il y a quand même le document qui a été déposé, actions et recommandations du groupe contre le racisme. Ça fait que je sais que c'est quand même quelque chose qui est visé par le gouvernement, mais on ne sait pas si ça va s'appliquer au secteur public, par exemple. Pouvez-vous nous élaborer un peu sur ce que vous faites, vous, comme CDPDJ, pour s'assurer que ça s'applique vraiment partout, incluant le secteur public?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, tout à fait. Puis juste souligner pour les députés, là, que, ça, c'est un travail que je fais en collaboration avec ma collègue Mme Pierre, qui est à mes côtés. Donc, je veux juste la saluer parce que c'est un dossier qu'on porte étroitement ensemble. J'ai confié le mandat à Mme Pierre de voir à la supervision du mandat que la commission s'est vu donner en vertu de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi. Donc, j'ai la chance d'avoir quelqu'un qui est une experte sur ces questions-là et qui accompagne la commission, évidemment, comme vice-présidente, mais aussi les organismes publics, et qui participe à de nombreuses rencontres avec l'ensemble de l'appareil gouvernemental et différents organismes, dont notamment — puis c'est pour ça, vous y faites référence dans votre question, j'allais y venir en réponse — le Groupe d'action contre le racisme.

Donc, on a eu, évidemment, la chance de rencontrer le nouveau ministre responsable de la Lutte contre le racisme, M. Charette, et on a également rencontré évidemment, donc, d'autres acteurs pour les sensibiliser à cette recommandation-là de la commission. Je dirais qu'il y a une convention historique, là... puis je ne veux pas exagérer le mot «historique», mais ce n'est pas nouveau, cette recommandation-là, ça fait quand même un certain temps que la commission le recommande, parce que, lors de l'adoption de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi, en 2000, et sa mise en vigueur en 2001, effectivement, la fonction publique s'est retrouvée non assujettie au rôle de supervision de la commission, alors que tout le reste de la fonction publique élargie, donc les centres de services scolaires, le réseau de la santé et services... les municipalités, le réseau de l'éducation, eux, sont assujettis. Et donc la commission a, depuis les 20 dernières années, rappelé aux gouvernements successifs que ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée d'assujettir aussi la fonction publique.

Évidemment, quand on a vu le rapport du Groupe d'action contre le racisme, qui mettait cette question-là aussi de la diversité dans la fonction publique, bien, on a pris un peu la balle au bond puis on a dit : Bien, regardez, voici peut-être une façon pour vous d'accomplir et de... Parce que le rapport... puis je ne me rappelle pas c'est quel numéro de recommandation, mais c'est dans... d'ici cinq ans, d'atteindre un objectif. On dit : Écoutez, une façon pour nous de vous aider aussi à accomplir ces objectifs-là, ça serait d'assujettir la fonction publique au regard de la commission sur ces questions-là. Donc, le tout a été encore une fois réitéré auprès des autorités.

Mme Maccarone : O.K., c'est très bon, c'est une très bonne nouvelle. Je vais aussi... je continue sur les recommandations, puis là ce serait vraiment dans la section 1.5, la définition d'indicateurs et de la collecte de données. Je reviens un peu à la pandémie. On sait que ce qui est demandé par les communautés, c'est d'avoir des données qui sont ventilées un peu, puis je pense que vous avez eu des échanges un peu plus tôt aujourd'hui par rapport à... les statistiques avec le collègue de Gouin.

Ce que je veux savoir, parce qu'évidemment je n'étais pas présente, mais je veux mieux savoir qu'est-ce qui est recommandé par la CDPDJ par rapport à la COVID puis le nombre de personnes affectées dans les régions, mais surtout des données qui soient ventilées par rapport aux communautés qui font partie des communautés qui ont subi de la discrimination, qui sont racisées, etc., parce qu'actuellement ce n'est pas le cas. Alors, est-ce qu'il y a des recommandations qui vont venir du CDPDJ pour s'assurer que ça soit le cas, pour qu'on comprenne mieux l'impact de la pandémie sur les communautés minoritaires, culturelles ou autres?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, tout à fait. Bien, écoutez, c'est tout à fait le sens de nos recommandations, comme je le disais plus tôt, là, au député de Gouin, ce matin en commission parlementaire. Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'objectif poursuivi par cette recommandation-là de la commission ou par ces recommandations de la commission sur la collecte de données... elles visent à venir documenter un phénomène pour mieux le comprendre et pouvoir faire des réponses adaptées à la réalité des faits. Parce qu'en politique publique c'est sûr que pour pouvoir prendre une bonne orientation, encore faut-il pouvoir savoir et le documenter.

Alors, je vous donne un exemple... je donne un exemple aux membres de la commission, M. le Président, très simple. Cette recommandation-là de collecte de données, on la trouve aussi dans notre bilan sur le profilage racial, hein, qu'on a déposé et qui était une recommandation qu'on avait faite lors du dépôt du rapport de consultation sur le profilage racial en 2011. Pourquoi? Parce que ce qu'on disait là-dedans, c'est que pour pouvoir corriger ce phénomène-là systémique de profilage racial, il faut pouvoir savoir qui au juste est visé, dans quel contexte. Donc, on disait... une des recommandations-phares de...

Le Président (M. Bachand) : En terminant, Me Tessier. Il reste quelques secondes.

M. Tessier (Philippe-André) : ...bien, c'était de faire de la collecte de données, et donc on a juste réitéré la même recommandation récemment dans le cas de COVID en disant : Pour pouvoir comprendre les phénomènes en présence, il faudrait avoir de la donnée.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît, pour 4 min 40 s. Le temps passe très vite.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Je veux revenir sur la question de la violence conjugale. Le ministre, ce matin, m'a dit qu'il était disposé, donc, à inclure l'élément de violence conjugale pour être pris en compte dans les ordonnances de garde en matière familiale pour déterminer le meilleur intérêt de l'enfant. Mais il nous a aussi dit ce matin que ce volet-là de sa réforme serait le second volet, avec un échéancier beaucoup moins clair, parce que c'est lié à la question de la conjugalité. Il me dit non. Donc, ma question, c'est : Est-ce que ça va pouvoir être inclus dans le premier volet, donc, de sa réforme du droit de la famille, et donc nous assurer que ça va être déposé pendant son mandat?

• (15 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : ...ce matin, je n'ai pas été assez clair, mais, dans le fond, ce qui touche l'intérêt de l'enfant, ça va être dans la partie 1 de... dans le premier projet de loi sur le droit de la famille, donc ce qui est filiation, ce qui est intérêt de l'enfant. Donc, ce qui touche la conjugalité au sens pur entre conjoints, ça, ça va être la phase deux. Donc, j'ai l'intention de mettre ça dans la phase un.

Mme Hivon : J'ai ma réponse. Parfait. Je veux maintenant arriver sur la question de la reconnaissance de la violence conjugale comme infraction criminelle. On a eu un long débat, le ministre et moi, M. le Président, pendant le débat sur la réforme de l'IVAC, parce que je lui plaidais l'importance de reconnaître la violence conjugale comme un crime alors que nous avions l'opportunité de le faire. Il n'a pas voulu le faire.

Et je l'ai amené sur toute la question de la violence psychologique et du contrôle coercitif, à quel point c'était fondamental de reconnaître que ça faisait partie intégrante d'un crime de violence conjugale. À l'heure où on se parle, il n'y a non seulement pas de reconnaissance que la violence conjugale, nommément, est un crime, on doit passer par voie de fait, ou menace, ou harcèlement criminel, et les victimes disent que c'est extrêmement difficile parce que, quand elles se présentent à la police, il n'y a pas de bleu, on ne reconnaît pas vraiment. Et on peut pourtant voir les ravages que ça fait, et on a vu un témoignage assez percutant de Mme Laurence Jalbert, notamment, cette semaine à cet effet. Et sa collègue la vice-première ministre a dit, pas plus tard que vendredi dernier, que la violence psychologique était aussi grave que la violence physique.

Alors, je veux savoir ce que le ministre de la Justice du Québec, qui a refusé d'inclure ça dans la réforme de l'IVAC, va faire pour que le crime de violence conjugale, avec sa composante de contrôle coercitif et de violence psychologique, soit reconnu et soit sanctionnable au Québec.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Alors, plusieurs éléments qui méritent d'être nuancés parce que, d'entrée de jeu, on a beaucoup de débats là-dessus dans le cadre du projet de loi n° 84 sur l'IVAC. Il faut comprendre que le projet de loi n° 84, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, la nouvelle loi puis, en fait, tout le régime, il est basé pour indemniser les personnes victimes d'une infraction criminelle. Donc, auparavant, sous l'ancien régime, il y avait une liste de 42 infractions. Maintenant, on va être à plus de 80, puis ça a fait débat, M. le Président. Alors, ce sont des infractions contre la personne.

Mme Hivon : M. le Président, si vous me permettez, je ne veux pas qu'on refasse le débat de 84, justement, le ministre a refusé dans 84, ça fait que je veux entendre ce qu'il va faire, par ailleurs, puisqu'il n'a pas voulu le faire dans le cadre de l'IVAC.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, je pense que la députée de Joliette a fait une mise en contexte qui manque de nuances. Alors, je pense que c'est important que je puisse réponde avec les nuances requises puis d'indiquer ce que j'ai fait depuis le projet de loi n° 84. Alors, pour poser bien les choses, le régime d'indemnisation vise à faire en sorte d'indemniser une victime qui est une personne victime d'infraction criminelle.

L'infraction de violence conjugale n'existe pas, ce sont des voies de fait dans un contexte conjugal, ce sont... une agression sexuelle dans un contexte conjugal. Donc, dans le Code criminel, l'infraction n'existe pas. Par contre, ce à quoi on s'est engagés à travailler, puis c'est déjà ce que j'ai fait, j'ai communiqué avec le ministre Lametti, le ministre fédéral, tel que je m'y étais engagé dans le cadre du projet de loi n° 84, c'est d'indiquer notamment, maintenant, d'élargir et de créer de nouvelles infractions criminelles qui vont pouvoir prendre en compte le contrôle coercitif, et notamment que la notion de violence conjugale soit reconnue dans le Code criminel.

Alors, j'ai discuté à deux reprises avec le ministre Lametti, je lui ai écrit également pour que le législateur fédéral bouge à cet effet-là, parce que l'objectif étant de faire en sorte que la loi québécoise qui, dans le fond, venait indemniser une personne relativement à une infraction criminelle... puisse être indemnisée. Je pense que c'est important de spécifier les choses, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Chomedey, s'il vous plaît. Quatre minutes, ça passe très vite. M. le député de...

Mme Hivon : Je n'avais pas cinq minutes presque?

Le Président (M. Bachand) : C'était 4 min 40 s. M. le député de Chomedey, pour 4 min 40 s.

M. Ouellette : Effectivement, M. le Président, vous nous surprenez cet après-midi, là, mais c'est correct. J'avais mentionné, M. le Président, ce matin, que j'aurais quelques questions pour la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Je vais d'abord débuter en réponse à une de vos réponses à ma collègue de Westmount—Saint-Louis. Vous avez une baisse de délai, on en convient. Vous êtes très contents d'avoir baissé d'une centaine de jours. Votre objectif, à vous, ça serait quoi, le délai idéal? Parce que vous passez, je comprends, de 631 jours à 520. Pour les gens qui portent plainte, c'est excessivement long. Donc, avez-vous un délai idéal ou une cible que vous voulez atteindre qui pourrait être... pour les gens qui portent plainte, là, qui pourrait être quelque chose qu'ils pourraient considérer? Parce que déjà, 520 jours, puis je ne critique pas, mais je vous dis tout simplement que c'est excessivement long. Vous avez sauvé quatre mois, on est encore à deux ans, là.

Le Président (M. Bachand) : Me Tessier, oui.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, tout à fait. Bien, merci beaucoup pour la question, ça me permet de compléter ma réponse de tout à l'heure puis de venir dire une chose très claire. La déclaration de services aux citoyens que la commission a adoptée il y a 10 ans déjà parlait d'un objectif d'un délai moyen de 15 mois. Ça, c'est 457 jours. Donc, déjà, en partant, vous me demandez ce serait quoi, un objectif à court terme, bien, ce serait de respecter notre déclaration de services aux citoyens, et c'est le mandat que nous nous sommes donné, moi et l'équipe de présidence, depuis mon arrivée à la commission, pour rattraper et revenir à ce délai-là moyen.

Dans un deuxième temps, maintenant, et c'est très important de comprendre une chose, c'est un délai moyen. Et il faut comprendre que, dans la très vaste majorité de nos cas, on est capables d'agir plus rapidement que le délai moyen dont il est question ici, parce qu'évidemment c'est un délai moyen. Donc, il y a beaucoup de nos dossiers... en médiation, on a présentement un projet pilote de médiation anticipée, disons, de devancer, parce que ce qu'on se rend compte aussi, c'est que beaucoup de dossiers qu'on reçoit, ce sont des dossiers dans lesquels les gens ne sont pas à la recherche d'une journée à la cour, «their day in court», là, comme on dit dans les films, là, ils veulent vraiment avoir quelqu'un qui va les entendre, les écouter puis participer à une résolution de problème, puis aussi souvent de faire prendre conscience aux mis en cause du tort subi.

Alors, nous, ça, vraiment, on a mis beaucoup d'emphase là-dessus dans notre plan stratégique puis dans les actions qu'on met. Puis moi, je fonde beaucoup d'espoir pour ça, pour aller plus bas encore que le 457 jours, puis aller vraiment avec des délais qui vont faire en sorte que les gens vont se sentir à l'aise de déposer une plainte puis de savoir qu'ils sont traités avec toute la diligence nécessaire.

Le Président (M. Bachand) : ...le temps va rapidement. M. le député de Chomedey, vous avez la parole.

M. Ouellette : Merci. Dans les avis et recommandations de la commission, je veux aller là-dessus, parce que vous avez écrit 30 fois en 2020. Huit de ces 30 fois là, avis ou recommandations ont été suivis. Ça vaut-u la peine d'écrire? Allez-vous continuer à écrire ou vous écrivez pour rien?

M. Tessier (Philippe-André) : Non, je ne pense pas qu'on écrit pour rien. Je vais vous donner un exemple très simple, M. le député... M. le Président, je vais donner un exemple très simple aux membres de la commission. Premièrement, il faut comprendre que l'article 71 de la charte prévoit que la commission doit faire des avis et des recommandations au gouvernement et à l'Assemblée nationale sur la conformité des projets de loi à la charte. Donc, en partant, c'est une obligation qu'on a en vertu de la charte, et on s'y conforme.

Dans un deuxième temps, notre travail en commission parlementaire... Je vous donne l'exemple de p.l. n° 83. J'étais en commission parlementaire virtuelle la semaine dernière, Santé et Services sociaux, sur la couverture des enfants pour les personnes à statut migratoire précaire, hein, donc un projet de loi où les droits de l'enfant étaient mis à mal par une couverture déficiente de l'assurance maladie. Nous sommes venus en commission parlementaire, nous avons plaidé pour une couverture plus étendue par la RAMQ de ces enfants, souvent... des fois même citoyens, qui ne sont pas couverts. Et les quatre partis, le parti gouvernemental et les trois partis d'opposition ont salué notre mémoire et ont dit que ce mémoire-là aidait dans la préparation, dans leur travail de législateur, pour s'assurer que la solution qui était mise de l'avant était optimale. Alors, la réponse, c'est : Oui, on va continuer à écrire.

Le Président (M. Bachand) : 10 secondes, M. le député... Ça va? Merci beaucoup.

Adoption des crédits

Donc, le temps alloué à l'étude du volet Justice des crédits budgétaires du portefeuille Justice étant presque écoulé, conformément à l'entente du 13 avril 2021, nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de ces crédits par appel nominal.

Pour la mise aux voix du programme 2, intitulé Activité judiciaire, Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis)?

Mme Maccarone : Pour.

La Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Contre.

La Secrétaire : M. Ouellette (Chomedey)?

M. Ouellette : Contre.

Le Président (M. Bachand) : Donc, c'est adopté. Merci beaucoup. Pour la mise aux voix du programme 3, intitulé Justice administrative, Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis)?

Mme Maccarone : Contre.

La Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Contre.

La Secrétaire : M. Ouellette (Chomedey)?

M. Ouellette : Contre.

Le Président (M. Bachand) : Donc, c'est adopté. Merci. Pour la mise aux voix du programme 4, intitulé Indemnisation et reconnaissance, Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis)?

Mme Maccarone : Contre.

La Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Contre.

La Secrétaire : M. Ouellette (Chomedey)?

M. Ouellette : Contre.

Le Président (M. Bachand) : Donc, c'est adopté. Merci beaucoup. Pour la mise aux voix du programme 6, intitulé Poursuites criminelles et pénales, Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis)?

Mme Maccarone : Contre.

La Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Contre.

La Secrétaire : M. Ouellette (Chomedey)?

M. Ouellette : Contre.

Le Président (M. Bachand) : Donc, c'est adopté. Merci beaucoup.

La commission suspend ses travaux quelques instants, environ 10 à 15 minutes, puis elle va entreprendre l'étude du volet Lutte contre l'homophobie et la transphobie des crédits budgétaires du portefeuille Justice. Merci. À tantôt.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 15)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Avant de débuter, je vous rappelle que le port du masque de procédure est obligatoire en tout temps, hormis au moment de prendre la parole.

Lutte contre l'homophobie et la transphobie

La commission est réunie afin de procéder à l'étude du volet Lutte contre l'homophobie et la transphobie des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2021-2022. Une enveloppe d'une heure a été allouée pour l'étude de ces crédits.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme D'Amours (Mirabel) est remplacée par M. Lévesque (Chauveau); Mme Lachance (Bellechasse) est remplacée par M. Lefebvre (Arthabaska); M. Birnbaum (D'Arcy-McGee) est remplacé par Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis); et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques).

Discussion générale

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Cet après-midi, nous allons aux échanges entre les groupes d'opposition et le ministre par blocs de 10 à 20 minutes pour permettre à chaque groupe d'écouler graduellement son temps de parole. La mise aux voix de ces crédits sera effectuée à la fin du temps qui leur est alloué cet après-midi, donc vers 17 h 15. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, vous avez la parole.

Mme Maccarone : Merci beaucoup, M. le Président. Je vais débuter à parler de la question des personnes intersexes. Ça a été un sujet qui a été soulevé lors de nos débats sur la loi n° 70, la loi qui interdit les pratiques de conversion. Alors, juste pour que ce soit clair, les personnes intersexes, c'est des personnes qui naissent avec les caractéristiques des deux sexes biologiques. Alors, on sait que, souvent, puis c'est très courant, ce qui arrive, lors de la naissance de ces bébés, c'est : le médecin prend des décisions très tôt puis il décide ça va être quoi... il désigne ça va être quoi, le sexe de l'enfant en question. Puis on comprend que ça se peut qu'il y ait aussi des mesures de santé qui sont prises en considération pour protéger les enfants, mais il y a aussi des situations, des enfants qui sont nés intersexes qui n'ont pas des problèmes de santé.

Et c'est quand même une communauté qui milite pour être reconnue. Ils ont déposé un mémoire lors des auditions de la loi n° 70, et ce qui... ils aimeraient savoir si on peut avoir une loi qui protège les personnes intersexes pour avoir la liberté de choisir, lors d'un âge où ces personnes peuvent déterminer, peuvent militer pour eux-mêmes, de dire : Moi, mon identité de genre, c'est homme, mon identité de genre, c'est femme, mon identité de genre, c'est non binaire. Alors, on sait que c'est une question qui est très importante pour eux.

Et, lors de nos échanges, le ministre a quand même dit, en commission parlementaire, qu'il était pour regarder cette situation plus tard, parce qu'il ne voulait pas l'adresser à l'intérieur du projet de loi en question, quand nous étions en train de le débattre. Alors, je voulais savoir c'était quoi, la position du ministre aujourd'hui. Et compte-t-il encadrer davantage la question des personnes intersexes pour les protéger dans une loi future?

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. J'avais oublié, Mme la députée, de vous dire que votre premier bloc d'intervention, c'est 20 minutes.

Mme Maccarone : 20 minutes. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Alors donc, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Alors, merci, M. le Président. Salutations à la députée de Westmount—Saint-Louis. Bien, oui, effectivement, je réfléchis toujours à cette réalité-là, parce qu'on a été sensibilisés fortement, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 70, à la réalité des personnes intersexes. Et c'est une réalité qui, jusqu'à ce jour, n'a pas été beaucoup abordée, M. le Président, et, de plus en plus, les personnes intersexes font entendre leur voix. Mais c'est surtout aussi pour les enfants qui naissent avec deux sexes à la naissance. Bien souvent, dans le passé, M. le Président, le corps médical faisait en sorte de, et les parents, choisir le sexe rapidement, de l'enfant, avec une opération. Alors, ça posait plusieurs questions pour la personne intersexe elle-même, qui parfois se retrouvait avec des organes génitaux qui n'étaient pas en conformité avec son identité de genre, notamment, M. le Président.

Alors, présentement, on est en train de regarder comment est-ce qu'on peut reconnaître la notion de personne intersexe dans notre corpus. Ma réflexion n'est pas terminée, mais, très certainement, comme je m'y étais engagé, M. le Président, je suis en train d'y réfléchir. Et, dans le projet de loi n° 70, on avait notamment modifié le libellé, en collaboration avec la députée de Westmount—Saint-Louis, également avec la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, pour inclure également les personnes intersexes. Alors, on soutient des initiatives également du Centre Interligne et du Conseil québécois LGBTQ sur, notamment, un guide de sensibilisation pour les professionnels de la santé et des services sociaux. Mais la réflexion se poursuit, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

• (16 h 20) •

Mme Maccarone : À l'intérieur de cette rédaction, est-ce que le ministre s'engage à déposer un projet de loi prochainement, ou, par contre, mettons, de rencontrer Janik Bastien-Charlebois, qui est quand même un expert à ce sujet?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, comme je vous le dis, pour l'idée d'un projet de loi, j'y réfléchis. Il y a beaucoup de dossiers présentement sur lesquels on travaille, mais c'est un des dossiers parmi lesquels on travaille. Il faut documenter le tout, et les gens au ministère de la Justice vont certainement rencontrer tous les experts dans le domaine.

Mme Maccarone : Merci. Je reste toujours à l'intérieur des travaux que nous avons faits dans ce qui concerne le projet de loi n° 70, le projet de loi qui va bannir les pratiques de conversion dans la province du Québec. Puis là je vais parler de l'article 14 que nous avons adopté : «Afin d'assurer la mise en oeuvre de la présente loi, le gouvernement doit, au plus tard le 11 décembre 2021, adopter et rendre public un plan d'action gouvernemental pour lutter contre les thérapies de conversion en y précisant les activités qu'il prévoit réaliser pour atteindre les buts poursuivis.» Alors, on sait que ça prend du temps pour faire ce type de travaux, on sait que ça prend des consultations, du travail d'équipe, des consultations entre les autres ministères. Alors, je veux entendre le ministre, de savoir quels avancements ont été réalisés jusqu'ici en ce qui concerne le plan d'action gouvernemental pour lutter contre les thérapies de conversion.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Donc, M. le Président, on travaille activement à l'élaboration du plan d'action gouvernemental pour lutter contre les thérapies de conversion. Il y a un comité formé de 14 ministères et organismes qui est chargé de mettre sur pied le plan d'action d'ici son adoption le 11 décembre 2021. Alors, présentement, les ministères travaillent en collaboration avec... tous ensemble pour être en mesure de déposer le plan d'action avant la date anniversaire du projet de loi que nous avons adopté l'année passée, bien, c'est ça, le 11 décembre 2020.

Mme Maccarone : Alors, 14 experts, mais est-ce qu'il y a des rencontres qui ont eu lieu?

M. Jolin-Barrette : Donc, on a eu une rencontre à ce jour, M. le Président, et on va... il va y avoir d'autres rencontres pour faire en sorte de peaufiner le plan d'action.

Mme Maccarone : Et est-ce qu'il y a un budget qui est associé à ce plan d'action?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, pour la question du budget, dans le fond, déjà, les fonctionnaires du ministère de la Justice et des autres ministères travaillent en collaboration avec eux, et, lorsque le plan d'action sera mis en oeuvre, s'il y a nécessité d'avoir des sommes qui y seront rattachées, elles y seront. Donc, on va se donner les moyens de mettre en oeuvre le plan d'action.

Mme Maccarone : O.K. Merci. Toujours à l'intérieur des engagements qui ont été pris par rapport au projet de loi n° 70, le ministre, c'est sûr, ne sera pas surpris que je veux aborder la question par rapport à l'amendement que j'avais déposé à son projet de loi pour insérer, après l'article 3.2, l'article suivant : «Nul ne peut offrir une aide financière favorisant la dispense de thérapies de conversion, et ce, qu'elle soit faite à partir de fonds public ou privé ou qu'elle résulte de mesures fiscales.» La raison pour le dépôt de cet amendement, qu'évidemment j'étais très déçue que ce n'était pas adopté... mais la raison, c'est parce qu'on sait actuellement qu'il y a 25 millions de dollars qui sont versés annuellement en crédit d'impôt aux organismes qui font des pratiques de conversion. Alors, l'amendement en question, qui a été refusé, visait à empêcher la pratique.

Alors, pendant qu'on a eu des échanges, le ministre a dit qu'il était quand même d'accord avec le principe, mais il dit que ce serait vraiment un omnibus fiscal à régler la question d'empêcher les crédits d'impôt pour les organismes qui peuvent continuer à offrir de telles thérapies. Comme nous avons dit en commission parlementaire, ce n'est pas comme si on a une grosse pancarte avec des néons qui dit : Pratique de conversion ici. On le sait, souvent, ça peut être les églises, les personnes qui font des pratiques religieuses qui vont offrir ceci. Puis on sait aussi que ça peut être complexe en ce qui concerne la façon que les crédits d'impôt sont offerts par les municipalités.

Alors, je comprends tout ça, sauf que le ministre s'est engagé de discuter de ce sujet et de cette problématique avec le ministre des Finances, puis il a dit que c'était important et que c'était pertinent. Alors, c'est clair, j'aimerais entendre le ministre, de savoir où il en est pour trouver une solution pour empêcher ces organismes de bénéficier de 25 millions de dollars, qui pourraient être très bien utilisés pour le plan dont on vient tout juste de parler ou de venir en aide aux organismes qui luttent contre l'homophobie, la transphobie dans les territoires de toute la province.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Avec le projet de loi n° 70, on avait eu plusieurs discussions relativement, un, à la fiscalité municipale, à la Loi sur la fiscalité municipale, mais également, il y a une partie qui relève du ministère des Finances, relativement à la fiscalité et aux crédits d'impôt en général, notamment aux corporations religieuses, qui, parfois, offrent des services thérapies de conversion, ce qui est totalement répréhensible. Alors, j'étais et je suis en accord avec la collègue de Westmount—Saint-Louis de frapper là où ça fait mal, notamment au niveau des subventions, M. le Président, des crédits d'impôt.

Et donc la première réunion du comité interministériel s'est tenue le 12 avril, la prochaine est prévue le 5 mai prochain, et c'est discuté dans le cadre de ce forum interministériel là. Et le ministère des Finances y est présent également. Donc, en vue du plan d'action, on discute également de comment est-ce qu'on peut mettre en place des mesures qui vont venir corriger les crédits d'impôt et le soutien fiscal effectué par la Loi sur la fiscalité municipale.

Mme Maccarone : Quels ministères seront impliqués à l'intérieur de cette réforme fiscale? Je comprends que le ministre des Finances, mais aussi, comme j'ai évoqué, je sais qu'il y a une préoccupation par rapport aux municipalités par exemple. Alors, c'est quels ministères qui feront partie des discussions et ainsi que des solutions?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, sur le comité, il y a 14 ministères et organismes. C'est sûr qu'en matière de fiscalité, c'est le ministère des Finances, les Affaires municipales, mais parmi les autres groupes qu'il y a, là, il y a la Commission des droits de la personne, le ministère du Conseil exécutif, le Secrétariat aux affaires autochtones, le ministère de l'Éducation du Québec, le ministère de l'Enseignement supérieur, le ministère de la Famille, le ministère des Finances, le ministère de l'Immigration, le MJQ, le ministère des Relations internationales et de la Francophonie également. Donc, voyez, cet enjeu-là, il est paramétrique au sein de l'État québécois, puis c'est pour ça qu'on a mis tous ces ministères-là ensemble pour travailler pour le plan d'action, et notamment aussi traiter de la question de la fiscalité.

Mme Maccarone : Donc, d'ici le plan d'action, le ministre s'engage à éliminer tout soutien financier aux organismes qui continuent à offrir des pratiques de conversion qui reçoivent encore les crédits d'impôt, le 25 millions de dollars que nous savons? C'est déjà chiffré, c'est déjà dénoncé dans les médias.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, la question, M. le Président, comment elle est formulée, la députée de Westmount—Saint-Louis dit : Le 11 décembre 2021, il n'y aura plus de crédits d'impôt, il n'y aura plus de... la Loi sur la fiscalité municipale, elle sera changée. Ça, je ne peux pas vous affirmer ça, M. le Président, parce que ça ne relève pas uniquement de moi. Ça relève de l'Assemblée elle-même, parce que, si on doit modifier la législation, ça va prendre le concours des collègues aussi.

Donc, moi, mon objectif, c'est d'arriver avec un plan, justement, gouvernemental, et éventuellement peut-être dans un omnibus fiscal qui va faire en sorte de corriger ces éléments-là, parce que je pense que c'est un message de société que nous devons envoyer pour faire en sorte de lutter contre ce phénomène. Puis il y a déjà, avec le projet de loi n° 70, le fait de protéger les personnes contre les thérapies de conversion. Donc, il y a des amendes élevées, il y a des poursuites pénales. Mais l'autre aspect sur lequel la députée de Westmount—Saint-Louis et moi, on est d'accord, c'est sur l'aspect financier. Si, comment on dit, on frappe là où ça fait mal, c'est là qu'il va y avoir le plus de changements de comportement.

Mme Maccarone : Je suis contente que, oui, on est sur la même page vis-à-vis enlever les crédits d'impôt, sauf que ce que je ne comprends pas, c'est que le ministre a dit qu'il y a quand même eu des rencontres vis-à-vis le plan d'action, puis, à l'intérieur du plan d'action, on vise ces organismes qui reçoivent les crédits d'impôt, mais le ministre ne prend pas d'engagement soit de déposer un projet de loi pour empêcher ceci ou de... Dans le fond, ce que je cherche, c'est un engagement ferme. On fait des rencontres à l'intérieur du plan d'action, mais on dit que ça se peut que ça ne va pas être révisé d'ici le 11 décembre puis ça se peut qu'au-delà du 11 décembre les organismes vont continuer à fonctionner, vont continuer à offrir des thérapies de conversion ou des pratiques de conversion, et, en plus de ça, ils vont être subventionnés.

Alors, ce que je cherche vraiment, c'est un engagement ferme. Évidemment, je pense que la communauté s'attend à ça, parce que ça fait une secousse depuis qu'on a discuté de ceci à l'intérieur du projet de loi. Puis, si ça fait partie des discussions pour le plan d'action, bien, pourquoi pas que ça fait partie aussi des engagements à être réalisés d'ici le 11 décembre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

• (16 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Bien, l'enjeu, comme je l'ai dit, M. le Président, est à l'effet que, pour modifier les crédits d'impôt, pour modifier la Loi sur la fiscalité municipale, ça nécessite notamment un projet de loi. Alors, je ne peux pas vous garantir, monsieur le projet de loi... M. le Président, qu'il y aura adoption d'un projet de loi d'ici le 11 décembre prochain, et ça demande le concours des collègues de l'opposition. Mais, aussi, on travaille au gouvernement pour faire en sorte de réformer le tout, M. le Président.

Et j'en profite, M. le Président, de la tribune qui m'est offerte pour réitérer, s'il y a des organisations qui offrent des thérapies de conversion, c'est important de les dénoncer. Il y a des recours de nature pénale, donc une poursuite avec plusieurs milliers de dollars d'infraction... de pénalité en cas d'infraction à la loi, mais il y a également le fait qu'une personne qui est victime de ce genre de thérapie peut poursuivre au civil, également. On est venus interdire le tout, M. le Président.

Mme Maccarone : Oui, mais ce n'est pas la même chose. Je comprends ça.

M. Jolin-Barrette : Alors, c'est important de dénoncer ce genre de personne morale qui offrirait ce genre de thérapie, M. le Président.

Mme Maccarone : Bien, évidemment, je compte sur le ministre de faire preuve de leadership. C'est pour ça qu'on a un ministre contre l'homophobie et la transphobie, dans le fond, c'est de prendre, d'être à l'action puis d'avancer la cause pour ces personnes qui, souvent, qui sont victimes, souvent, qui n'ont pas de voix. Je trouve qu'on a fait des belles avancées à l'intérieur de l'adoption du projet de loi n° 70, alors, évidemment, la communauté a des attentes que le ministre va prendre le leadership en ce qui concerne les crédits d'impôt, parce que, sans que ça soit réglé, on sait que ça va continuer. Alors, vraiment, c'est quand même une action assez majeure à mettre en place, alors je compte sur le ministre de poursuivre. Et on espère, je croise mes doigts, qu'il y aurait quelque chose qui serait actualisé puis en place d'ici le dépôt du plan d'action.

En parlant toujours du projet de loi n° 70, on a aussi parlé beaucoup d'une campagne de promotion, de c'est quoi, que ça soit les pratiques de conversion, les thérapies de conversion. Mais ça faisait partie beaucoup de nos échanges et nos discussions, de qu'est-ce que nous allons faire pour sensibiliser la population, de c'est quoi et pourquoi que c'est interdit maintenant, pourquoi que c'est non, au Québec, les pratiques de conversion, mais, à date, on n'a rien vu et on n'a pas vu du budget qui était mis de côté pour cette cause, spécifiquement. Alors, est-ce que ça fait partie du plan du ministre d'aller vers l'avant avec une campagne de publicité, prochainement? Et pourquoi que ce n'est pas fait à date?

M. Jolin-Barrette : Bien, d'entrée de jeu, moi, ce que j'envisage, M. le Président, c'est en lien avec le plan d'action pour lui donner de la force. Ce serait à ce moment-là qu'il serait opportun de faire une campagne aussi. Alors, c'est sûr que les différents partenaires ont été informés de l'adoption du projet de loi n° 70. Le bureau de lutte aura les outils nécessaires pour faire la promotion de son plan d'action. Et on va s'assurer, M. le Président, de diffuser cette information-là.

Mais, déjà, avec le projet de loi, je pense que les partenaires du milieu, je pense que les organismes ont appuyé positivement et ont accueilli positivement l'adoption du projet de loi, et donc ça donne des outils dans le milieu aussi. Mais on va s'assurer également de continuer à sensibiliser et, éventuellement, on aura, en lien avec le plan d'action, fort probablement, une campagne, qui appuiera le plan d'action à partir du moment où on l'aura lancé. Mais, dans le fond, on est allés chercher l'assise législative, donc on a fait le projet de loi.

Puis ça, je dois le dire, M. le Président, en tant que ministre de la Justice, j'ai voulu que ça soit mon premier projet de loi, M. le Président, pour démontrer toute l'importance que j'accorde à la communauté puis surtout pour envoyer un message de société pour dire qu'on ne choisit pas notre identité de genre, on ne choisit pas notre orientation sexuelle. Puis je pense que c'est important que les gens ou les organisations qui font des thérapies de conversion soient punis, et qu'on soutienne les gens qui en sont victimes. Et c'était pour ça que ça a été le premier projet de loi que j'ai déposé, M. le Président, et qu'on a fait adopter.

Mme Maccarone : Moi aussi, c'était mon premier projet de loi que j'ai déposé, parce que, moi aussi, c'est important. Alors, je suis contente qu'on partage la cause, M. le ministre.

Puis, si je continue, vous avez mentionné aussi le renouvellement du plan d'action pour lutter contre l'homophobie. On sait que ça se termine l'an prochain, alors je veux savoir, il nous reste très peu de temps, quelles démarches ont été effectuées pour commencer le prochain plan? Et, à l'intérieur du prochain plan, est-ce que c'est visé de revoir le mode de financement des organismes?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la question est relativement au financement des organismes rattachés...

Mme Maccarone : Pas seulement le financement, c'est vraiment pour le plan d'action, le plan d'action pour lutter contre l'homophobie parce que, bientôt, ça va... ça termine l'an prochain. Alors, qu'est-ce qui a été fait, à date? Puis, à l'intérieur des démarches aussi, est-ce qu'on est en train de regarder le financement des organismes?

M. Jolin-Barrette : Pour mieux financer?

Mme Maccarone : Pour mieux financer ou financer d'une autre façon. Mais, c'est sûr, on va renouveler le plan, alors quelles mesures est-ce que le ministre est en train de regarder dans le renouvellement du plan?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, on est à l'écoute des organismes puis on va s'assurer de bien les financer en fonction de leurs demandes, de leurs besoins. Il y a des appels à projets, annuellement, qui sont faits. D'ailleurs je pense qu'il y a plus de 600 000 $ qu'on a octroyés dernièrement, M. le Président. Alors, je pense que c'est important de faire en sorte d'outiller. Mais, déjà, le ministère de la Justice, avec le Bureau de lutte à l'homophobie, finance les initiatives qui sont soumises par les organismes, également.

Le Président (M. Bachand) : 30 secondes dans ce bloc.

Mme Maccarone : Mais la difficulté, dont ils font face, c'est souvent qu'ils sont épuisés. Parce que, je comprends que c'est financé par projet, mais vous savez que ce n'est pas pérennisé, alors c'est très difficile pour eux de survivre. Alors, c'est pour ça que je posais la question de qu'est-ce qui est visé pour s'assurer qu'on a une pérennité pour ces organismes, pour s'assurer qu'ils peuvent militer, ils peuvent faire la promotion. Ils sont quand même les sous-traitants du gouvernement en ce qui concerne la sensibilisation de la cause des personnes qui font partie de la communauté LGBTQ2, alors je pense que c'est très important de revoir le financement.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Merci beaucoup. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, s'il vous plaît.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Bonjour. Bon après-midi, tout le monde.

En fait, ma première question, je vais aller, parce que je crois que j'ai 10 minutes...

Le Président (M. Bachand) : 9 min 40 s, exactement

Mme Massé : 9 min 40 s. Alors, il en reste neuf, donc allons à l'essentiel. Donc, succinctement, le plan d'action dont on vient de faire état a, dans sa mesure n° 9, la nécessité de soutenir l'action communautaire en matière de lutte contre l'homophobie et la transphobie. L'année qu'on vient de passer a été difficile pour tout le monde, y compris pour les gens qui interviennent auprès des personnes de nos communautés. Et donc ce que j'ai vu, c'est qu'il y avait du financement, du financement par projet. Est-ce qu'il y aura, dans le prochain plan d'action, une majeure en ce qui a trait au financement à la mission, puisque c'est ça que les groupes demandent, du financement à la mission?

Et, deuxième question sur le même thème. On apprend donc qu'il y aura encore cette année 52 subventions accordées à 27 organismes, alors je me demandais si c'étaient les mêmes organismes qui ont été financés en 2019? Peut-être ne pas me lire la liste complète, mais, mon inquiétude, c'est qu'il y avait des groupes qui, en 2019, n'avaient pas eu d'argent.

Alors donc, voilà mes deux questions pour ce premier point.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Alors, le programme, annuellement, là, finance plusieurs organismes. Depuis que le programme a été créé, il y a 168 initiatives pour une aide financière totale de 4,1 millions de dollars qui a été accordée à des projets d'organismes communautaires.

Je voudrais juste émettre un commentaire, là. Je n'entrevois pas les organismes communautaires comme des sous-traitants, comme l'a dit la députée de Westmount—Saint-Louis. Je pense qu'à la fois les organismes communautaires sont là pour offrir des services à la communauté puis, dans le fond, ce sont des partenaires aussi.

Bon, en ce qui concerne cette année, il y a 660 211 $ qui ont été accordés pour la réalisation de 20 projets à 19 organismes provenant de neuf régions administratives différentes à la suite de l'appel à projets via le Programme de lutte contre l'homophobie et la transphobie. Donc, en 2019-2020, le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale a doublé le financement à la mission — donc, ça, l'an passé, ça a été une avancée majeure — et celui des organismes qui relèvent du ministère de la Santé et des Services sociaux a été indexé également cette année. Alors, au niveau du financement à la mission, ceux qui ont relevé du MTESS, ils ont été financés, il y a eu un rehaussement du financement, et ceux du ministère de la Santé et des Services sociaux sont indexés, également.

Alors, je pense que l'État québécois fait sa part pour bien soutenir à la fois la mission... Parce qu'on le sait, que c'est un enjeu, hein, dans le domaine communautaire. C'était un enjeu où on disait : Bien, écoutez, nous, on dépose des projets parce qu'on vise à financer les activités courantes de notre organisme. Mais là en rehaussant le financement à la mission, comme le fait le MTESS, ça donne un coup de main.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Bachand) : ...Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Et, concernant le plan d'action qui se termine en 2022, est-ce que vous prévoyez faire le bilan avec les groupes? Et est-ce que... Quel sera le processus que vous allez entamer pour le nouveau plan?

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est sûr qu'en prévision du nouveau plan il y a également la politique, également, là, que ça fait un bout de temps, il va falloir mettre à jour. Ça fait que j'envisage, dans le fond, de renouveler le tout, de faire des consultations, éventuellement, pour mettre à jour le plan, mettre à jour, également, la politique. Je pense qu'après plusieurs années on devrait se rasseoir avec les organisations, avec les membres de la communauté pour actualiser le tout. Je pense que, vous savez, une politique, ça dure plus longtemps qu'un plan, mais là, je pense, ça fait 10 ans, 10 ou 12 ans environ.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : 2009. Bon, voyez-vous, ça fait 12, 13 ans. Donc, je pense qu'il va falloir entamer les travaux, également, et le plan aussi, donc actualiser le tout.

Mme Massé : Bien. 2022, pour le plan, arrive très tôt. On sait qu'arrive bientôt... On sait que les plans s'appuient sur la vision d'une politique. Vous parlez de revoir la politique, je pense que les gens de la communauté vont être contents.

Ceci étant dit, et je vais... que, faire un... Les gens, là, ils ne s'attendent pas à être consultés à la dernière semaine, M. le ministre. Les gens ont besoin d'être partie prenante. Il y a eu beaucoup de changements dans les 10 dernières années dans nos communautés. Il y a des prises de conscience qui ont été faites, il y a de la solidarité entre les différentes communautés qui s'est faite. Alors, je pense que... si vous voulez entamer sérieusement ce projet-là, je pense que ça vaut vraiment la peine de le faire dans ce sens-là. Vous avez avantage à impliquer, très tôt dans le processus, les gens des différentes communautés tant, je dirais, des grands centres que partout à travers les régions parce qu'on sait que c'est un défi.

Et d'ailleurs ma prochaine question va exactement dans ce sens-là. C'est-à-dire qu'on le sait, puisque la réalité des personnes trans, je dirais, est une réalité qu'on prend de plus en plus conscience comme société, on chemine là-dedans, il y a des questions qui ont déjà été posées, je ne veux pas revenir là-dessus. Mais on voyait dernièrement, dans un sondage transcanadien, mais qui parle beaucoup aux gens des communautés trans ici, qu'en fait le défi, là, souvent, quand tu es une personne trans, c'est d'avoir des services de santé, pas des services de santé pour ta transition, quoique là aussi, il y a aussi des besoins, mais juste d'avoir accès à la santé. Alors, ce que je me demandais, c'est : Puisque notre réseau de la santé, qui est grandement impacté actuellement, j'en suis consciente, à cause de la pandémie, mais, ceci étant dit, il demeure qu'il y a toujours le défi de la formation auprès de nos professionnelles de la santé et les médecins inclus pour accueillir les personnes trans dans le respect puis dans l'ouverture face à leur identité de genre et leur expression de genre, et tout, alors, est-ce que vous entrevoyez, dans l'année qui vient et dans votre vision à long terme, que la formation des gens, du personnel soignant, c'est quelque chose qui est fondamental et qu'on doit y mettre l'argent nécessaire pour qu'ils soient formés sur les réalités trans?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, sur le premier volet de votre question, relativement aux consultations pour la politique et le plan, j'en suis. Donc, on se prépare, au ministère, à faire une consultation, notamment, au niveau des grands centres, notamment, aussi au niveau des régions, parce que la réalité n'est pas la même des personnes de la communauté en fonction des deux. Ça fait que je pense que c'est important de tout mettre, tout le monde ensemble pour avoir une discussion sur les différentes réalités régionales au Québec. On va consulter, bien entendu, les personnes, les partenaires, les chercheurs du milieu, également.

Pour ce qui est de votre seconde question sur la formation, je suis d'accord, plus les gens vont être formés en lien avec les différentes réalités dans le domaine, dans le système de santé, mieux que ça sera. Juste pour votre information, en janvier 2021, le ministère de la Justice, conjointement avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, a mis en place un comité national sur l'adaptation et l'accès aux services de santé et aux services sociaux pour les personnes de la diversité sexuelle et de genre. Le mandat du comité est de produire des avis qui alimenteront la rédaction, par le ministère de la Santé et des Services sociaux, de lignes directrices ministérielles sur la santé et le bien-être des personnes de la diversité sexuelle et de genre. Et la première rencontre s'est tenue le 19 février 2021. Donc, il y a 23 personnes qui composent le comité, provenant du ministère de la Santé, du réseau de la santé et des services sociaux, du Bureau de lutte contre l'homophobie et la transphobie, d'organismes LGBTQ, du milieu de la recherche ainsi que d'usagers LGBTQ. Et donc le comité va pouvoir faire appel, également, à l'expertise spécifique de chercheurs, de médecins et d'autres professionnels pour établir des lignes directrices.

Mme Massé : C'est parfait. Il ne restera plus qu'à mettre de l'argent pour être certaine que la formation pourra avoir lieu, et j'ai confiance en vous. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bachand) : 50 secondes.

Mme Massé : Les personnes intersexes, vous avez dit votre ouverture. Je ne sais pas si vous le savez, on a fait une demande d'accès à l'information, 838 enfants de moins de deux ans ont subi une intervention chirurgicale dans les cinq dernières années, 547 enfants de 13 à 14 ans. Donc, ce qu'on a écrit dans le projet de loi n° 70, que ça devait être de façon consentante que les interventions devaient se faire, je pense que, dans le cas qui nous occupe, ce n'est pas le cas. S'il vous plaît, M. le ministre, ne tardez pas à mettre ce comité-là sur pied, de réflexion, si vous voulez réfléchir, et les gens qui sont impactés, pas les médecins, les gens qui sont intersexes seront vos meilleurs alliés dans cette réflexion-là, j'en suis certaine.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, pour 18 min 40 s.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Moi, je veux retourner, juste pour clarifier, quand j'ai dit «sous-traitant». Peut-être c'est une question de langue, mais, tu sais, on peut imaginer, ce n'était pas pour attaquer de rien par rapport à la façon que ça fonctionne au niveau du gouvernement. Mais on sait qu'on ne peut pas demander à un organisme dans les régions, par exemple dans l'Outaouais ou dans l'Estrie ou dans le Saguenay, qui a peut-être une personne pour couvrir un territoire qui est vraiment immense, de mettre en oeuvre un plan d'action du gouvernement tout seul. Alors, c'est clair, la façon, l'esprit de ce que je voulais partager avec le ministre, c'est qu'ils sont un type de sous-traitants dans le sens qu'ils viennent et ils sont des partenaires du gouvernement, mais ils travaillent très, très fort puis ils sont souvent sous-financés. Ils ne peuvent pas réaliser et répondre aux besoins des personnes concernées dans leurs territoires. Alors, c'est vraiment un cri de demande d'aide, c'est un cri d'au secours, parce qu'il faut vraiment faire quelque chose pour changer la façon qu'ils sont financés. Alors... en espérant qu'à l'intérieur du prochain plan pour lutter contre l'homophobie et la transphobie on va revoir un peu la façon qu'ils sont financés pour s'assurer qu'il y ait une pérennité et aussi pour revoir la façon que, dans les régions, les organismes sont financés. Parce que ce n'est pas du tout la même réalité, quand nous sommes dans une région plus urbaine, métropole, que dans les régions qui sont plus éloignées, la collègue vient de le mentionner, accès à des soins de santé et services sociaux, par exemple, mais aussi accès à des programmes, accès à la sensibilisation, accès à des mesures de l'éducation.

Alors, je veux savoir si le ministre a quand même un plan à l'intérieur de de son plan d'action, qui sera déposé d'ici l'année prochaine, quand on va faire le renouvellement, si on vise à regarder peut-être un peu différemment les organismes dans les régions au lieu de seulement dans les régions montréalaises ou dans la région de Québec, comme par exemple TransEstrie, par exemple, parce qu'on sait qu'ils ont beaucoup, beaucoup, beaucoup de difficultés.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Alors, oui. Bien, en fait, M. le Président, c'était déjà le cas, la mesure 38, qui visait à favoriser le plein déploiement des activités du Bureau de lutte contre l'homophobie. Alors, dans le cadre de cette mesure, le bureau de lutte a réalisé une tournée virtuelle des régions au cours de laquelle il a rencontré 33 personnes de 29 groupes ou organismes qui luttent contre l'homophobie et la transphobie dans 11 régions du Québec. Depuis 2017, le bureau de lutte a tenu neuf rencontres régulières du comité consultatif, il a aussi publié un bilan annuel de son plan d'action 2017‑2022.

M. le Président, je crois que c'est important d'avoir le pouls de toutes les régions et de tous les partenaires. Alors, c'est ce que s'emploie à faire le bureau de lutte, M. le Président, qui consulte en région, mais aussi qui finance des organismes en région aussi. Alors, dans les projets qui ont été approuvés, puis dans les organismes qui sont financés à la mission aussi, il y en a dans les différentes régions du Québec. Puis, ça, je pense que c'est important de le dire, M. le Président, parce que, bien souvent, pour les personnes issues de la communauté en région, parfois, c'est plus difficile pour elles. Alors, c'est important de dire qu'il y a des ressources, qu'il y a des gens qui sont là pour les accompagner, pour les soutenir, et de ne pas hésiter à avoir recours aux organismes qui sont présents sur le territoire. Je pense que le gouvernement les finance justement pour offrir des services.

Puis, je me souviens, on a eu des bons témoignages au projet de loi n° 70, notamment d'un organisme au Saguenay—Lac-Saint-Jean, je ne me souviens plus du nom de l'organisme, mais...

• (16 h 50) •

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Diversité 02. Excusez-moi, avec les plexiglas, ce n'est pas évident, M. le Président. Alors, puis c'est un organisme fort dynamique et qui offre des services à la population. Alors, je pense que c'est en finançant comme ça, sur l'ensemble du territoire québécois, qu'on va s'assurer de faire en sorte d'offrir du soutien, M. le Président.

Mme Maccarone : C'est intéressant. Puis, c'est sûr, j'ai d'autres sujets à aborder avec le ministre, mais, c'est parce que, moi aussi, j'ai rencontré Diversité 02, moi aussi, j'ai rencontré des organismes de la Mauricie, de La Tuque, dans le Saguenay, et ce n'est pas la même réponse que je reçois. Entre autres, il y a beaucoup de groupes régionaux qui ne reçoivent aucun financement, ou on reçoit seulement 28 000 $, par exemple, pour aider une région en entier. Alors, ça, ce n'est même pas le salaire d'une intervenante ou un employé, ça ne comprend pas le transport qui est nécessaire pour être sur la route pour rejoindre les personnes qui sont peut-être vulnérables ou, comme j'ai dit, d'offrir des mesures de l'éducation.

Alors, ma question était : Est-ce qu'on peut revoir la façon qu'on finance les organismes dans les régions, pas que : Est-ce qu'il y en a qui sont financés? Je comprends qu'il y en a qui reçoivent des petites, petites sommes, mais peut-être revoir la façon que c'est financé. Parce que je pense qu'il y a une autre manière, si on pense «outside the box», là, pour venir en aide, pour avoir des sommes qui sont plus importantes, bonifiées, pour qu'ils puissent vraiment réaliser leur mission. Cela étant dit, je ne sais pas si le ministre peut répondre rapidement à ça, mais, parce que j'ai vraiment autres questions à poser.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Rapidement, juste regarder le financement de chacun des organismes. Parce qu'il y a le bureau de lutte, oui, qui finance, puis on rajoute de l'argent à chaque année, mais il y a aussi le financement à la mission, souvent, qui est fait par le ministère de la Santé et des Services sociaux ou par le ministère de l'Emploi et du Travail aussi. Ça fait que chaque cas est un cas d'espèce, M. le Président, disons ça comme ça.

Mme Maccarone : O.K. Je veux changer un peu de sujet puis je veux parler des suites de la décision de la Cour suprême. Alors, dans la décision du 28 janvier du juge Moore, qui invalide certains articles du Code civil... à la Cour supérieure, excusez-moi. Je ne sais pas si je n'ai pas dit «suprême». Désolée, Cour supérieure, dans le jugement de la décision du 28 janvier, le juge Moore invalide certains articles du Code civil. Principalement, le jugement conclut qu'il est discriminatoire de ne pas donner une autre option que femme ou homme, ou mère ou père — on se comprend — sur les documents de l'état civil. Il ordonne aussi que les personnes non canadiennes... citoyennes canadiennes puissent procéder à ces changements.

Alors, rien, dans la décision, n'indique qu'il ne sera plus possible... — juste pour que ça soit clair, parce que je sais qu'il y a quand même des personnes qui sont préoccupées par ceci — qu'on ne peut plus être identifié comme mère ou père. Ça, je pense que ce n'est pas ça, le sens de... le «Judge» Moore, ce qu'il voulait partager. Mais ce que le jugement dit, c'est que de n'offrir aucune autre option pour les personnes non binaires, dont le genre n'est ni complètement homme ni complètement femme est discriminatoire. Puis il faut noter qu'en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta, une personne peut choisir mâle, femelle ou x.

Alors, moi, je veux entendre le ministre, d'expliquer pourquoi la décision de porter en appel certaines conclusions suite à ce jugement.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, dans le fond, dans un premier temps, ce qui est important de souligner, c'est qu'on n'a porté qu'une seule partie du jugement en appel. Donc, on a porté uniquement la partie sur l'obligation, pour un enfant entre 14 et 18 ans, de consulter un professionnel au niveau de la modification pour sa transition. Alors, c'est la seule partie qu'on a portée en appel à la Cour d'appel.

Pour les autres modalités du jugement, relativement à ce qui a été énoncé par la députée de Westmount—Saint-Louis, on a l'intention de modifier le corpus législatif qui... bien, en fait, que la cour nous impose de modifier d'ici le mois... bien, en fait, c'est en décembre, je crois, donc d'ici le mois de décembre. Donc, on a l'intention de déposer des modifications législatives pour adapter le corpus en fonction du jugement de la Cour supérieure, donc on aura l'occasion, très certainement, de travailler ensemble sur ce point-là. Et c'est jusqu'au 31 décembre, dans le fond, que... d'ici le 31 décembre qu'on doit modifier la loi.

Mme Maccarone : C'est parce que ça ne répond pas à la question. Ce que je voulais savoir, c'est d'expliquer pourquoi aller en appel. Pourquoi, pour les 14 ans, pourquoi aller en appel pour cette conclusion?

M. Jolin-Barrette : En fait, le dossier est présentement devant les tribunaux, donc, pour moi, vu que je porte plusieurs chapeaux, vous comprendrez que je dois réserver certains commentaires. Mais on considère que c'est fondamental que les personnes mineures puissent consulter un professionnel lorsqu'il s'agit d'une décision importante. Et je pense que c'est bon que les personnes mineures puissent consulter un professionnel de la santé externe, qui puisse les accompagner dans cette démarche-là. Donc, d'où l'importance associée pour les enfants, pourquoi nous allons en appel sur cette disposition-là du juge Moore... du jugement du juge Moore.

Mme Maccarone : J'entends le ministre, mais, si on peut faire une motion pour la communauté des personnes trans, on sait qu'elle attend avec beaucoup d'impatience, hein? C'est un jugement qui va vraiment changer la vie de plusieurs personnes non binaires, plusieurs personnes de la communauté trans, transféminine, transmasculine. Alors, si on peut «plaidoyer» pour une adoption rapide, j'ai hâte d'avoir la décision puis le projet de loi pour faire en sorte des changements pour les communautés qui sont visées. Parce que, vraiment, de reconnaître les mesures, les dispositions proposées par le ministre, actuellement, je pense qu'il faut faire ça en collaboration avec les groupes concernés. Évidemment, ça va prendre une consultation pour qu'ils puissent s'exprimer. Alors, je comprends l'inquiétude du ministre, mais, évidemment, ça va être important d'avoir ces personnes qui participent dans les décisions. Parce que, c'est sûr, ce qu'on veut faire, c'est d'aller rapidement.

Ça fait que la raison pour tous les mots que je viens de partager, c'est parce que j'ai entendu, dans les autres échanges que le ministre a eus ce matin... c'est que le ministre a l'intention d'aller vers l'avant avec la réforme de droit de la famille et il a l'intention de déposer deux projets de loi. Mais, le projet de loi dont il va modifier, il va aller vers l'avant avec les recommandations de la Cour supérieure, le jugement de «Judge» Moore. Ça aussi, ça va être jumelé avec la filiation, la coparentalité, la gestion par autrui, puis j'ai des inquiétudes par rapport à ceci. Alors, je veux mieux comprendre pourquoi tous les regrouper, si on sait qu'on a des groupes qui sont en attente, impatiemment, parce que ça va retarder le processus, quand on a déjà un accord par rapport à ce qu'on veut faire, par rapport à, exemple, mâle, femelle ou x. Pourquoi ne pas aller plus rapidement et déposer un petit projet de loi qui peut être très efficace, au lieu de le mettre à l'intérieur d'un omnibus, à l'intérieur de Justice, qui peut avoir 200 articles, dont ça va faire partie des heures puis des heures de débats, parce que ça va retarder une adoption d'un changement majeur pour la communauté concernée?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, deux choses. À la suggestion qui m'est faite par la députée de Westmount—Saint-Louis, de consulter les personnes et les différents groupes qui sont touchés par le jugement puis l'adaptation du corpus, ça, c'est fait. On a demandé aux différents groupes de nous revenir d'ici le 30 avril 2021, donc, c'est-à-dire d'ici jeudi ou vendredi cette semaine. Donc, ça, le travail de consultation est déjà fait pour prendre leurs commentaires par rapport aux suites à donner avec le projet de loi qu'on va déposer, en lien avec le jugement du juge Moore.

Pour ce qui est du véhicule législatif que nous allons utiliser, je l'ai énoncé ce matin, que, notamment, dans le premier volet du droit de la famille, j'avais l'intention d'inclure ces dispositions-là. Et ça va de pair nécessairement aussi avec le droit de la famille aussi. Et lorsque vous lisez le jugement aussi, c'est rattaché notamment à la famille. Alors, je crois que c'est approprié que, lorsqu'on va aborder ces questions-là, on ait l'optique aussi globale du droit civil et du droit de la famille.

Alors, je comprends que la députée de Westmount—Saint-Louis et le député de LaFontaine me disent : N'allez pas là, ne faites pas ça, mais c'est la décision que j'ai prise d'aller dans ce sens-là.

• (17 heures) •

Mme Maccarone : Ce n'est pas une question d'aller ou n'allez pas là. Je veux mieux comprendre, honnêtement. Parce que, exemple, quand on a parlé des personnes intersexes, on a dit que ce n'était pas le moment d'aborder ce sujet à l'intérieur du projet de loi n° 70 parce que c'était deux cas complexes, puis là on voulait vraiment donner une attention importante aux deux communautés, les besoins de chacun, mais ça, c'est quelque chose que je veux comprendre, parce qu'on peut aller rapidement faire quelque chose de bien pour la communauté. C'était un gain tellement important pour eux. Ils ont des attentes, alors... C'est ça, je comprends, le ministre a pris une décision parce que, oui, O.K., c'est tout ce qui concerne le Code civil, mais, depuis que je suis ici puis je pose des questions par rapport au Code civil, je comprends que c'est complexe, puis on ne peut pas faire ci parce que ça va changer mille choses dans le Code civil, alors pourquoi pas avoir... si déjà on va avoir deux projets de loi, pourquoi ne pas avoir trois? Ça peut être efficace, ça peut être rapide. C'est clair, la communauté sera contente, vous aurez des alliés derrière une adoption d'un projet de loi, qui peut être 10 articles, très rapide. Et là on va pouvoir se concentrer sur les autres sujets qui sont majeurs, très importants, la filiation, la gestion par autrui, c'est très, très important, mais là ça va prendre vraiment beaucoup de discussions en commission parlementaire, qui va retarder une adoption d'une loi et des changements pour les communautés, qui sont en attente depuis des années, et des années, et des années.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mais je vous dirais, M. le Président, c'est quand même des situations qui sont complexes. Et ça s'imbrique également avec le droit de la famille, donc, ça s'imbrique également avec la connaissance des origines. Alors, ça, je pense que c'est important de traiter ça ensemble. Et, je pense, c'est important, lorsqu'on va faire le débat, d'avoir un point de vue global par rapport à l'ensemble du droit de la famille rattaché, notamment, aussi à l'identité de genre. Ça, je pense que... Puis vous allez le voir dans le cadre du projet de loi. Et, dans le cadre du projet de loi, nécessairement, il y a des choses qui vont se regrouper avec la communauté également. J'ai bien l'impression que des organisations de la communauté ou des membres de la communauté vont vouloir témoigner également sur l'aspect filiation du droit de la famille ou sur l'aspect connaissance de leurs origines.

Ça fait que moi, je pense que, pour être efficaces, on va faire ça dans le cadre du même projet de loi, parce que, vous savez, la réforme du droit de la famille, ça fait des années et des années aussi. Et là on se retrouve dans une situation où, nécessairement, on va aller jouer dans des articles du Code civil qui ont un impact aussi sur le droit de la famille en lien avec les articles qu'on doit modifier en fonction du jugement à la Cour supérieure. Alors, pour être cohérents et logiques, on va utiliser le même véhicule législatif.

Mme Maccarone : À l'intérieur des changements qui sont proposés, de la Cour supérieure... puis le ministre a dit... puis je sais que c'était une question qu'on avait déposée au feuilleton, que le ministre a dit, puis il l'a répété ici, en commission, en crédits, qu'il a consulté à peu près 40 organismes. Les consultations vont être faites de quelle façon? Puis est-ce qu'il y a un échéancier? Parce que, là, vous avez dit : La fin... je pense que le ministre a dit : La fin du mois. Mais est-ce qu'il y a un échéancier sur les travaux? Puis est-ce que ça se fait, mettons, en ligne? Est-ce que c'est juste qu'on demande aux organismes de soumettre un mémoire? Les consultations, elles vont se faire de quelle façon?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, on leur a écrit, aux organismes, pour les questionner sur les suites à donner au jugement. Donc, on leur a demandé de nous répondre par écrit sur comment ils envisageaient les modifications à apporter au Code civil du Québec. Donc, on leur a écrit, je pense, au mois de février, mars... au mois de février. Donc, on leur a écrit au mois de février pour qu'ils nous donnent une réponse jusqu'au 30 avril. Puis le bureau de lutte, il est en contact avec les différents organismes aussi, donc, s'ils ont des questions supplémentaires. Mais l'idée, c'est de pouvoir orienter le tout en fonction de leurs commentaires sur le libellé des dispositions qu'on va mettre de l'avant.

Mme Maccarone : O.K. Il me reste combien...

Le Président (M. Bachand) : 1 min 40 s.

M. Jolin-Barrette : Et ils peuvent transmettre des avis et des mémoires, des courriels. On prend tous les commentaires.

Mme Maccarone : O.K. Merci. Je vais lire la Déclaration des droits des femmes fondés sur le sexe biologique. Alors, je vais le lire rapidement : «Les États devraient reconnaître que l'inclusion d'hommes revendiquant une "identité de genre" féminine dans la catégorie des femmes dans la loi, les politiques gouvernementales et les pratiques constitue une discrimination à l'égard des femmes en nuisant à la reconnaissance des droits des femmes fondés sur le sexe biologique.

«Les États devraient reconnaître que l'inclusion d'hommes revendiquant une "identité de genre" féminine dans la catégorie des femmes entraîne leur inclusion dans la catégorie lesbienne, ce qui constitue une forme de discrimination à l'égard des femmes en nuisant à la reconnaissance des droits humains fondés sur le sexe biologique des lesbiennes.

«Les États "devront, dans tous les domaines, en particulier politiques, sociaux, économiques et culturels, prendre toute mesure appropriée, y compris législative, afin d'assurer le développement et la promotion des femmes, dans le but de leur garantir l'expression et la jouissance des libertés fondamentales sur la base de l'égalité avec les hommes".

«Ceci devrait inclure la restriction, dans la loi, les politiques gouvernementales et les pratiques courantes de la définition de la catégorie femme comme être humain de sexe féminin, la catégorie lesbienne comme être humain et sexe féminin dont l'orientation sexuelle se porte sur les autres êtres humains de sexe féminin, et la catégorie mère comme parent de sexe féminin; et l'exclusion des hommes revendiquant», etc. Je peux continuer. Est-ce que le ministre pense que ce genre de déclaration est transphobe, homophobe?

Le Président (M. Bachand) : Malheureusement, ça met fin au bloc. Alors, je dois céder la parole à la députée de Joliette pour 9 min 40 s.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, je voulais commencer à la question 69 qu'on a posée dans nos demandes de renseignement. On a demandé combien d'argent avait été investi pour la mise en oeuvre de la politique, donc, de lutte contre l'homophobie. Et, quand on compare 2020-2021 à 2019-2020, on constate une diminution de 700 000 $ d'investissement pour la mise en oeuvre de la politique, ce qui nous a surpris parce qu'il nous semble que les besoins continuent à être très importants. Donc, on aimerait ça que le ministre nous explique la différence, donc, entre 2020-2021 et 2019-2020, cette baisse de 700 000 $. Et on est passés, en fait, de 2,5 millions à 1,8 million.

Et on a demandé le chiffre pour cette année, quel investissement était prévu pour 2021-2022. On ne l'a pas reçu. Donc, je ne sais pas si le ministre pourrait nous donner le chiffre qu'il entend investir pour la mise en place de la politique.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, en 2019-2020, il y a une campagne sociétale de 650 000 $. Votre deuxième question, c'est : Cette année, combien est-ce qu'on va investir par rapport...

Mme Hivon : C'est : Pourquoi il y a une baisse de 700 000 $?

M. Jolin-Barrette : Pourquoi il y a une baisse de 700 000 $? Si vous permettez, je vais prendre votre question en délibéré puis on va me répondre.

Mme Hivon : C'est bon. Et puis, oui, le deuxième volet de ma question, c'était : En 2021-2022, quel est le montant prévu d'investissement pour l'application de la politique, puisqu'on est passés de 2,5 millions à 1,8 million? Et là j'espère qu'on ne baisse pas encore.

M. Jolin-Barrette : Alors, en 2020‑2021, il n'y a pas eu de campagne. C'est pour ça qu'il y a eu une baisse. Et là, pour cette année, 2021-2022, est-ce que la somme sera... est-ce qu'elle baissera, est-ce qu'elle sera la même, tout ça, je vais pouvoir vous revenir très bientôt, j'imagine.

Mme Hivon : Je veux juste souligner au ministre que je pense qu'il y a toujours un besoin aussi important de sensibilisation et d'investissement, et on constate que ce ne sont pas des sommes faramineuses pour l'application de la politique. Donc, je suis surprise de cette baisse-là, mais il pourra me l'expliquer. Je veux dire, si, cette année, on décide de ne pas refaire une campagne, il doit y avoir pas mal d'autres actions qui pourraient se déployer sur le terrain. Donc, pourquoi cette baisse? Et puis il va me revenir avec le chiffre de l'investissement qui est prévu pour cette année. Parfait.

En attendant, je veux parler des crimes contre... des crimes haineux, en fait, qui ciblent l'orientation sexuelle. Il y a eu une sortie de faite, au début du mois, par la directrice générale du Conseil québécois LGBT, Mme Marchand-Labelle, qui disait qu'on voyait une hausse de ce type de crime là. Et elle parlait qu'en 2019 il y aurait eu 29 crimes haineux du genre recensés au Québec. Donc, je ne sais pas si, eux, c'est par le réseau, donc, qu'ils sont capables d'arriver à ce chiffre-là. Et je me demandais si le ministère de la Justice recensait ces types de crimes, qui, donc, seraient basés sur l'orientation sexuelle, crime haineux, voies de fait, où il y aurait eu une divulgation de la personne agressée que c'est en lien avec son orientation sexuelle. Est-ce qu'on a ce genre de statistique?

M. Jolin-Barrette : Au Bureau de lutte contre l'homophobie, ce qu'on me dit, c'est que c'est des données stables au cours des dernières années. Mais est-ce qu'on recense... On nous dit également : 41 % de hausse pour le Canada. Mais, au Québec, ça serait quand même stable. Donc, je comprends que le bureau de lutte collige et regarde ces informations-là relativement au nombre de crimes annuellement.

Mme Hivon : Puis je suis curieuse de savoir, le bureau de lutte, comment il fait pour colliger. Donc, est-ce qu'il a une entrée? Est-ce qu'on a une collaboration avec les forces policières pour qu'il y ait un répertoire de ce type de crime haineux là, basé sur l'orientation?

M. Jolin-Barrette : C'est le ministère de la Sécurité publique qui nous informe des types de crime, au Bureau de lutte contre l'homophobie, relativement à ce genre de crimes haineux là.

Mme Hivon : O.K. Et le ministre est conscient qu'évidemment il peut y avoir une sous-divulgation de ces crimes-là parce qu'il y a des gens qui vont porter plainte sans divulguer la raison pour laquelle elles pensent qu'elles ont été agressées. Donc, je me demandais s'il y avait une sensibilisation qui était faite par rapport à ça. Parce qu'on peut se réjouir de voir qu'il y en a moins au Québec, j'espère que c'est fondé sur le fait qu'on est une société ouverte, mais ça pourrait être aussi peut-être parce qu'il y a une sous-divulgation. En fait, c'est dur d'évaluer. Est-ce que cette sensibilité-là est présente? Et est-ce qu'on en a informé les corps policiers? Je comprends que le ministre n'est pas responsable des corps policiers, mais est responsable de la politique. Est-ce qu'on a une idée et des hypothèses sur ça?

• (17 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, vous savez, le bureau de lutte, avec ses différents partenaires, très certainement, fait la promotion, divulgue également, dans le fond, le plan d'action, s'assure que les partenaires sont au courant. Je ne peux pas parler pour les corps de police, pratico-pratique, comment ça fonctionne, mais un des objectifs de l'État québécois, c'est de faire en sorte que des crimes de nature haineuse... bien, en fait, premièrement, qu'il n'y ait pas de crime, mais, deuxièmement, de sensibiliser également la population au fait qu'il y a des ressources lorsque les personnes sont victimes de ce genre de crimes haineux là.

Mme Hivon : Je ne sais pas si le ministre a mon information à ma première question, mais, sinon, je vais continuer. Je veux juste être sûre de l'avoir avant la fin de notre temps.

M. Jolin-Barrette : ...également que le Centre d'Interligne recense l'information aussi relativement aux crimes haineux.

Mme Hivon : Oui. Et donc tout ça est basé sur ce qui est donné comme information par les forces policières, je présume.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, dans la mesure 26, là, du plan d'action, c'est : «Outiller les policiers, les policières afin d'assurer une intervention adéquate et adaptée en matière d'homophobie et de transphobie.» Donc, ça fait part, notamment, de la sensibilisation qu'il y a auprès des corps de police relativement... plus largement, pas uniquement aux crimes haineux, mais également avec la sensibilisation rattachée aux questions de la communauté.

Mme Hivon : Bien, ça m'amène, justement, à ce point-là. Je voulais parler de la question, donc, parce que, cette année, ça retient beaucoup l'attention, notamment, de la Fondation Émergence, qui va baser sa campagne de sensibilisation au mois de mai, dans la journée de lutte, donc, contre l'homophobie et la transphobie, sur les violences à l'égard des personnes LGBTQ+, donc je pense que c'est important de recenser et de suivre ça avec beaucoup d'attention, et la question aussi du manque de confiance des membres de la communauté à l'égard des forces policières qui pourrait expliquer aussi une sous-divulgation.

Puis ça m'amène au fait qu'en parcourant le plan d'action, j'ai juste vu la mesure 24 qui parle de renforcer la sensibilisation des intervenants. Puis là ils parlent de tous les secteurs et des services publics. Je présume que les policiers sont là-dedans, mais, comme tel, précisément pour les forces policières, là, donc, la recommandation... en fait, la mesure à laquelle le ministre fait référence, en fait, c'est beaucoup lié à la question des fouilles, et je me demandais si, plus globalement, il y avait vraiment de la formation qui était donnée. Parce que la formation a l'air très générale quand on regarde la mesure 24, c'est la même que tu sois policier ou santé, services sociaux. Est-ce qu'il y a une formation spécifique donnée aux forces policières? Et je rappelle que j'attends ma réponse sur les investissements.

M. Jolin-Barrette : Oui, on va me revenir sur les investissements. La mesure... Bien, en fait, premièrement, Nicolet, à la formation des policiers, ils offrent de la formation relativement à l'interaction avec les personnes issues de la communauté. Puis la mesure 24, également, du plan, c'est : «Renforcer la sensibilisation des intervenantes et des intervenants de la santé et des services sociaux, de l'enseignement et des services publics ou communautaires sur les réalités des personnes de minorités sexuelles.» Donc, depuis 2017, 3 143 intervenants et intervenantes de 13 régions administratives ont reçu gratuitement les formations sexe, genre et orientation sexuelle.

Mme Hivon : ...quelque chose qui est adapté à la réalité des policiers, parce que, là, ils sont tous dans le même bateau, que tu travailles en santé, services sociaux ou policiers. Je comprends que c'est une bonne formation de base sans doute, là, mais...

M. Jolin-Barrette : Depuis l'automne 2020, l'Institut national de santé publique du Québec a amorcé des travaux en vue d'adapter au format virtuel la formation qui pourra être partagée aux différents partenaires.

Mme Hivon : Oui, mais ça ne répond pas à ma question à savoir s'il y a quelque chose de ciblé. Moi, j'invite le ministre à ce qu'il y ait vraiment une formation précise, en continu, pour les forces policières, parce qu'il y en a beaucoup qui ne sont pas passés à Nicolet dans le temps où c'était une réalité puis une préoccupation, et je pense qu'ils devraient avoir une formation très spécifique.

Et, si, donc, le ministre n'a pas les chiffres, j'aimerais qu'il les transmette à la commission pour savoir les investissements prévus en 2021-2022, et l'explication de la baisse entre 2019-2020 et 2020-2021. Parce que je veux juste lui souligner que je pense qu'il y a encore énormément de travail à faire dans la lutte contre l'homophobie, et je m'explique mal qu'on puisse passer de 2,5 millions à moins que ça quand ce n'est quand même pas un montant faramineux.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Donc, M. le ministre, vous en prenez l'engagement?

M. Jolin-Barrette : Oui, je vais transmettre le tout à la commission.

Adoption des crédits

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Le temps alloué à l'étude du volet Lutte contre l'homophobie et transphobie des crédits budgétaires du portefeuille Justice étant presque écoulé, conformément à l'entente du 13 avril 2021, nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de ces crédits par appel nominal. Pour la mise aux voix du programme 1, intitulé Administration de la justice, Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis)?

Mme Maccarone : Contre.

La Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Contre.

Le Président (M. Bachand) : Donc, c'est adopté. Merci beaucoup.

Documents déposés

En terminant, je dépose les réponses aux demandes de renseignements de l'opposition.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au mercredi 28 avril, à 11 h 45, où elle va entreprendre l'étude du volet Réforme des institutions démocratiques des crédits budgétaires du portefeuille du Conseil exécutif. Merci beaucoup. Supersoirée! Merci.

(Fin de la séance à 17 h 15)

Document(s) related to the sitting