(Quatorze heures)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des institutions ouverte.
La commission
est réunie virtuellement afin de procéder aux consultations particulières et
aux auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi visant à aider les personnes victimes d'infractions criminelles et à
favoriser leur rétablissement.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M.
le Président. M. Martel (Nicolet-Bécancour) est remplacé par Mme Hébert (Saint-François);
M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Cet après-midi, nous allons entendre les
différents groupes suivants, donc l'Association
des juristes progressistes; Mme Rochon, Me Langevin et
Mme Rachel Chagnon; la Fondation Marie-Vincent; et le Groupe d'aide
et d'information sur le harcèlement sexuel au travail.
Remarques préliminaires
Mais d'abord,
nous allons débuter par les remarques
préliminaires. Alors, j'invite maintenant
le ministre de la Justice à
faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de
six minutes. À vous la parole.
M. Simon Jolin-Barrette
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Salutations à l'ensemble des collègues qui sont présents avec nous en ces consultations
particulières en mode virtuel. Donc,
vous le savez, M. le Président, nous avons déposé, le 10 décembre dernier, un important projet de loi visant à réformer le régime actuel de l'IVAC afin d'améliorer les
services d'aide et d'indemnisation offerts aux personnes victimes
d'infractions criminelles.
Au cours des
années, au cours des derniers mois, nous avons tous été émus et choqués par les
nombreuses histoires bouleversantes
de ces personnes. Ces événements
vécus par des personnes victimes d'infractions criminelles reflètent
bien tristement les nombreuses lacunes du système de l'IVAC. Nous ne pouvons
plus tolérer que de telles situations se perpétuent. C'est notre devoir d'agir,
et cette action doit être guidée par un profond sentiment de solidarité et de
compassion. Grandement attendu, ce projet de loi propose des modifications
législatives dont le besoin se faire sentir depuis
plus de 30 ans. Le processus est enfin enclenché. Effectivement, les
consultations sont rapides, mais les victimes ont longuement attendu.
Nous entamons aujourd'hui l'étape des consultations particulières.
Je tiens, d'entrée de jeu, à remercier tous les
groupes et experts qui se joignent à ces travaux pour nous présenter leurs
points de vue sur les changements et bonifications que nous proposons. Votre
participation est essentielle. Votre
expertise et vos recommandations bonifieront certainement notre réflexion afin
d'atteindre nos objectifs, soit d'assurer
une plus grande reconnaissance des personnes victimes, de remettre la personne
victime au coeur du processus,
d'offrir un meilleur accès à l'aide psychosociale adaptée et puis d'assurer un
soutien plus équitable en vue d'aider les personnes victimes à reprendre le cours de leur vie. Nous voulions qu'il n'y ait plus de victime abandonnée
par le système.
Je tiens aussi à remercier toutes les personnes
qui sont passées par l'IVAC et qui ont accepté de nous partager les épreuves
qu'elles ont dû surmonter à travers le régime actuel. C'est grâce à vos
témoignages et en raison de votre force, de
votre ténacité, que l'État québécois amorce aujourd'hui une transformation
de son approche vis-à-vis les
personnes victimes. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, bien résolus à
remédier à la situation et à mettre les victimes au coeur du processus.
L'un des
principaux objectifs de cette réforme étant de mener à une plus
grande reconnaissance des personnes victimes, nous prévoyons donc revoir
la notion de victime. Nous proposons aussi d'abolir la liste des infractions
prévues à la loi pour couvrir toutes les infractions contre la personne, sans
exception.
Les demandes d'indemnisation concernant les
actes commis en contexte de violences sexuelle, conjugale ou subis dans leur
enfance seront dorénavant imprescriptibles.
On ne décide pas de subir une infraction et
encore moins l'endroit où cela se produit. Nous proposons donc que les
personnes ayant subi une infraction à l'étranger soient maintenant admissibles
au régime d'indemnisation.
Avec cette réforme, nous voulons également
remettre les personnes victimes au coeur de leur processus de réhabilitation et de guérison. Ainsi, les mesures
permettront une prise en charge immédiate et systématique de celles-ci
avant même que leur demande d'indemnisation ne soit acceptée. Elles pourront notamment
bénéficier d'une aide financière d'urgence pour couvrir leurs besoins de base
afin de leur permettre de quitter une situation où leur vie ou leur intégrité
physique est menacée.
Les personnes ayant
présenté une demande à l'IVAC pourront également bénéficier de certaines aides immédiates dans l'attente d'une décision de
l'admissibilité au régime. Pour reprendre le cours de leur vie, les
personnes qui ont subi une infraction criminelle ainsi que leurs proches ont,
dans la vaste majorité des cas, besoin de soutien psychologique et psychosocial afin de surmonter leurs traumatismes. Il
s'agit d'ailleurs d'une lacune du régime actuel.
En conséquence, nous prévoyons accroître l'accès
à l'aide psychologique, notamment pour les parents d'enfants assassinés. Nous
offrirons aussi l'accès à une plus large gamme de professionnels, comme des
travailleurs sociaux ou des sexologues. Ces services sont essentiels au rétablissement
des personnes ayant subi une infraction criminelle. Il est crucial qu'elles y
aient accès plus facilement et plus rapidement.
Cette réforme en profondeur de l'IVAC favorisant
une conception plus humaine de l'indemnisation orientée vers le rétablissement
est fondée sur l'accompagnement. Par ces différentes initiatives, nous voulons
nous assurer d'offrir aux personnes victimes les outils ainsi que tout le
soutien et l'accompagnement nécessaires pour les aider à reprendre une vie
normale lorsque cela est possible.
En terminant, je réitère ma profonde
reconnaissance à tous les participants de ces consultations particulières qui
débuteront sous peu. Votre apport est primordial à cette réforme tant attendue.
Notre gouvernement est déterminé à améliorer le sort des personnes victimes, et
cette volonté que nous partageons, j'en suis sûr, avec les différents collègues
des oppositions. Je vous invite donc à travailler ensemble dans l'optique de
bonifier ce projet de loi, mais également de le faire cheminer. Les personnes
victimes ont assez attendu. Ensemble, nous pourrons faire un réel changement
dans la vie de ces personnes, et ce, rapidement. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre.
J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de LaFontaine
à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de
quatre minutes. M. le député, s'il vous plaît.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Est-ce que vous m'entendez bien? Merci beaucoup.
Alors, écoutez, on débute aujourd'hui, c'est une première pour moi, là, des consultations
sur un projet de loi excessivement important... donc, des consultations, c'est
une première pour moi, sous l'aspect virtuel. Alors, on va essayer d'avoir, je
pense, des échanges tout à fait efficaces et tout de même, je vous dirais,
chaleureux avec les personnes, même si nous sommes à distance, sur un projet de
loi excessivement important, le projet de loi n° 84, Loi visant
à aider les personnes victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur
rétablissement.
Le projet de loi comporte 190... Nous aurons aujourd'hui,
mardi, mercredi, jeudi, l'occasion d'entendre plusieurs intervenants. Ils sont
des acteurs de premier plan quant à l'indemnisation des victimes d'actes
criminels et également des femmes et des hommes acteurs de premier plan pour
qu'une personne qui est victime ou qui est dans l'entourage proche d'une
victime puisse reprendre contrôle d'une partie ou d'entièrement de sa vie.
Alors, projet de loi excessivement important. On le sait, le régime actuel date
de 1972, la réforme est donc nécessaire. Nous saluons le dépôt du projet de loi.
Mais il faut également rappeler, entre autres,
la prise de conscience que d'ores et déjà avait Stéphanie Vallée, la
prédécesseure du ministre de la Justice. Elle avait déposé, en 2016, à
l'époque, un plan d'action afin d'ajouter des ressources à l'IVAC, dans le but
d'améliorer rapidement les services offerts à l'IVAC. Puis, en 2017,
Stéphanie Vallée avait également mis sur pied et publié la Déclaration des
droits des victimes d'actes criminels à l'égard du régime public
d'indemnisation. Et, en 2018, pour ne citer que ces
trois exemples-là, et je terminerai là-dessus, sur des exemples de ce que
Stéphanie avait fait, elle avait mis sur pied le programme de soutien pour les
proches de personnes victimes décédées à la suite d'actes criminels.
Vous voyez donc, M. le Président, que ces
avancées tangibles ne participaient pas d'une réforme complète du projet de loi.
Là, la réforme complète du projet de loi, on l'a devant nous. Je le salue, et
nous aurons l'occasion, l'opposition officielle, de faire part de nos propositions.
Nous voulons discuter de façon complète, parce que la réforme, elle est là,
elle est devant nous, elle est possible, et c'est un rendez-vous qu'il ne faut
pas manquer.
Vous avez entendu récemment, M. le Président,
des organismes qui ont dit, et je les cite, vouloir retarder l'étude de la
réforme afin qu'il n'y ait pas d'analyse dans la consultation. Vous avez
entendu des personnes telles que Louise Riendeau du Regroupement des maisons
pour femmes victimes de violence conjugale, Arlène Gaudreault de l'Association
québécoise Plaidoyer-Victimes, qui ont à coeur... bien évidemment, au premier
titre, ils ont à coeur l'intérêt des victimes, le bien-être des victimes, et de
faire en sorte que les personnes qui gravitent autour d'un acte criminel, bien,
malheureusement, qu'ils puissent avoir accès à un encadrement, à une aide qui
soit adéquate. Et ça, ça passe, entre autres, par le fondement qui est la loi.
Alors, ils disent ne pas... lequel qui est
devant nous, M. le Président, c'est de vouloir aller trop vite. Vite, vite,
vite, la précipitation est mauvaise conseillère. On va faire le travail. On
aura, entre autres, l'occasion d'entendre une personne comme Marc Bellemare,
qui récemment avait des propos très durs à l'encontre du projet de loi, puis ça
participe du débat démocratique. J'ai hâte d'entendre M. Bellemare, j'ai hâte
d'entendre tous celles et ceux qui vont apporter leur contribution.
Comme disait Boileau, M. le Président : Hâtons-nous
lentement. On veut bien et on va prendre le temps, pour les 190 articles,
de bien faire les choses et sur des éléments fondamentaux tels que la
définition d'une victime et quelle devrait être la forme et le fonds d'une
aide, puis on fera le débat de façon constructive. Prenons le temps qu'il faut.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup, M. le député de LaFontaine. J'invite maintenant la députée de Sherbrooke
à faire ses remarques préliminaires pour une minute. Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme Christine Labrie
Mme Labrie :
Merci, M. le Président. Je me suis alloué également la volonté du ministre de
la Justice de moderniser cette loi-là qui était franchement due pour une mise à
jour.
Le projet de loi
corrige certaines lacunes, mais évidemment pas toutes. Je pense, par exemple, à
l'injustice envers les prestataires d'aide sociale qui est maintenue dans le
projet de loi. Il y a également d'autres problèmes qui sont mis en lumière déjà
dans les mémoires qu'on a commencé à recevoir, par exemple, le recul pour les
victimes sans emploi, la limite dans la durée maximum de remplacement de
revenus. Il y en a d'autres, puis on sait que le stress financier n'est pas de
nature à favoriser le rétablissement des victimes.
Donc, certainement
qu'on va souhaiter prendre notre temps et s'assurer de corriger toutes ces
lacunes dans le projet de loi. Puis je remercie à l'avance toutes les personnes
qui vont être entendues en commission ou déposer un mémoire pour nous aider à
le faire consciencieusement.
• (14 h 10) •
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée de Sherbrooke.
J'invite maintenant la porte-parole du troisième groupe d'opposition et
députée de Joliette à faire ses remarques préliminaires pour une minute.
Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Véronique Hivon
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. Bonjour à tous les membres de la commission et à nos
invités. Donc, à mon tour de me réjouir, d'entamer l'étude de cet important
projet de loi, cette réforme que nous attendons depuis un bon moment et qui,
oui, comporte des éléments intéressants, mais d'autres sur lesquels des
questions importantes demeurent. Et donc nous aurons beaucoup de questions. Et
déjà, à voir la qualité des mémoires qui nous sont soumis, je pense que c'est un éclairage fondamental dont
vont pouvoir bénéficier le ministre et les membres de la commission.
Et je veux inviter le
ministre à vraiment faire preuve de la plus grande écoute, de la plus grande
ouverture et surtout de donner le temps de bien faire les choses.
Comme plusieurs groupes ont exprimé, ils se sont sentis
bousculés par le peu de temps pour préparer leurs remarques face à une réforme
aussi significative, qui change de fond en comble le régime. Donc, j'espère que
c'est ce qui va l'animer, de ne pas faire ça à toute vitesse, mais de plutôt
bien faire les choses, parce que, quand ça fait aussi longtemps qu'on attend
une réforme, il faut bien la faire.
Et parallèlement
j'inviterais le ministre à faire une consultation en ligne des victimes
elles-mêmes, qui ont beaucoup de choses à dire et ce qui pourrait être un
éclairage vraiment percutant pour nous. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Cela met fin à la
rubrique remarques préliminaires.
Auditions
Nous allons maintenant
débuter les auditions. Donc, il me fait donc plaisir d'accueillir les représentantes
de l'Association des juristes progressistes. Alors, je vous invite à, bien sûr,
prendre la parole. Vous avez 10 minutes de présentation, et, après ça, on
aura les échanges avec les membres de la commission. Donc, la parole est à
vous, en vous demandant, bien sûr, préalablement de vous présenter. Merci
d'être avec nous cet après-midi.
Association des juristes
progressistes
Mme Descoteaux
(Catherine) : Merci, M. le Président. Merci, M.
le ministre, pour l'invitation. Mmes,
MM. les députés, bonjour. Nous vous
remercions d'avoir invité l'Association des juristes progressistes pour cette
Commission des institutions sur les consultations particulières portant sur le projet
de loi n° 84.
Nous nous sommes déjà
présentées à la commission plus tôt, mais, par souci d'informer les personnes
qui nous écoutent, je me présente à nouveau,
Catherine Descoteaux, je suis avocate et administratrice de l'Association
des juristes progressistes, que j'appellerai dorénavant l'AJP. Je suis
accompagnée aujourd'hui de ma collègue Romane Bonenfant,
qui est elle aussi membre de l'association, afin de vous présenter la position de l'AJP sur
le projet de loi n° 84.
Donc, l'AJP, c'est un
organisme à but non lucratif qui unit des avocats, des avocates, des étudiants,
des étudiantes en droit, des travailleurs, travailleuses du domaine du
juridique et des juristes de divers horizons. L'AJP se veut une force politique
qui est vouée à la promotion des droits politiques socioculturels au Québec. La
mission de l'organisme est de mettre en lumière le rôle producteur et
reproducteur du droit en matière d'inégalités afin d'agir concrètement sur
celles-ci.
Donc, depuis sa
fondation en 2010, l'AJP a pris publiquement position dans le cadre de plusieurs
débats de société au Québec, tant auprès de la société civile qu'auprès des
instances gouvernementales, notamment par la présentation de mémoires dans le
cadre des projets de loi n° 32 et, plus récemment,
l'été dernier, n° 45. C'est parce que les membres
de notre association se sentent concernés par les enjeux
sociojuridiques soulevés par le projet
de loi n° 84 que nous vous soumettons respectueusement notre mémoire.
Donc, dans l'écriture
de ce mémoire-là, l'AJP s'est particulièrement intéressée aux personnes
victimes de violences sexuelle et conjugale,
parce qu'il s'agit d'un fléau au
Québec, mais aussi parce qu'en tant que grandes oubliées de l'IVAC leurs luttes s'inscrivent dans la mission de notre
association. Je tiens également à mentionner que la majorité des personnes qui
sont victimes de violence conjugale et de violence sexuelle sont des femmes
et/ou des personnes issues de communautés marginalisées.
Donc, les députés en
ont parlé plus tôt, le régime actuel de l'IVAC est très vieux et comporte
plusieurs lacunes qui ont été soulignées à plusieurs reprises par divers
intervenants au fil des dernières années, dont, en 2016, par la
Protectrice du citoyen dans son rapport. Certaines de ces lacunes ont été
corrigées dans le projet de loi n° 84, mais
nous vous soumettons respectueusement que ce projet de loi maintient et
même, selon nous, ajoute tout de
même un grand nombre de problématiques que nous avons expliquées en détail dans
notre mémoire.
Aujourd'hui, par but
d'être concises, nous allons vous soumettre seulement trois points dans le
cadre de notre présentation, mais je vous invite à nous poser des questions, si
vous avez des questions sur d'autres enjeux soulevés dans notre mémoire. Donc,
premièrement, nous allons parler du régime d'indemnisation que nous vous
proposons concernant les infractions criminelles. Ensuite, nous allons parler
de rétroactivité et de l'abandon de la rente viagère.
Donc, premièrement,
nous saluons le retrait de l'annexe de l'IVAC qui limitait le nombre
d'infractions criminelles qui étaient admissibles au régime. Il s'agit d'une
belle avancée pour indemniser plus de victimes d'actes criminels. Par contre,
nous avons encore des problématiques par rapport à la définition d'infraction
criminelle telle qu'elle est définie actuellement dans le projet de loi
n° 84. Donc, par exemple, pensons à une personne qui serait victime d'une
agression sexuelle et dont l'agresseur pourrait, devant un tribunal criminel,
faire valoir le fait qu'il n'avait pas l'intention de commettre cette
infraction criminelle là.
Donc, dans le régime
actuel de l'IVAC, c'est un problème qui mène parfois à des refus sur la
question et c'est une question qui n'a pas été adressée actuellement dans le projet
de loi n° 84. Donc, pour cette raison, nous vous proposons de retirer
l'élément d'intention, donc ce qu'on appelle en droit criminel la mens rea, de
l'agresseur du régime parce que c'est difficile à prouver pour la personne qui
a été victime, mais également parce que nous considérons
que ça ne s'inscrit pas dans l'objectif du régime d'indemnisation qui est mis
en place par le projet de loi
n° 84. Donc, pour cette raison, nous vous proposons d'élaborer d'abord,
dans un premier temps, un régime principal qui serait basé sur le geste
criminel seulement, donc l'actus reus.
Dans un deuxième
temps, nous vous recommandons de mettre en place un deuxième régime qui, lui,
serait secondaire et supplétif dans les cas particuliers de violence sexuelle
et de violence conjugale. Donc, M. le ministre l'a mentionné plus tôt,
l'objectif du projet de loi n° 84 est clairement de soutenir les personnes
qui sont victimes de violence sexuelle et de violence conjugale. Or, on sait
qu'il y a beaucoup de gestes violents, qui s'inscrivent dans ces
deux spectres-là, qui ne sont pas nécessairement considérés comme des
infractions au sens du Code criminel.
Je pense, par
exemple, au harcèlement sexuel en matière de violence sexuelle ou à la violence
économique en matière de violence conjugale. Il ne s'agit pas, en ce moment,
d'infractions qui sont libellées dans le Code criminel, mais, puisque le droit
criminel évolue constamment, nous pouvons nous dire que peut-être que ces
gestes-là qui posent des conséquences qui sont importantes sur les personnes
qui les subissent pourraient éventuellement en faire partie. Donc, nous vous
recommandons d'être proactifs dans l'indemnité de ces gestes-là. Et donc, au
final, nous vous proposons de... que si les gestes sont de nature de violence
sexuelle ou de violence conjugale et qu'ils n'ont pas pu se qualifier dans le
premier régime, donc ils n'entrent pas dans la description du libellé d'une
infraction criminelle, d'utiliser plutôt un
critère de l'atteinte violente à l'intégrité pour les indemnités... pour les
indemniser, pardon.
Sur ce, je vais laisser
la parole à ma collègue Mme Bonenfant.
Mme Bonenfant (Romane) : Merci beaucoup, Me Descoteaux. Donc, moi, je
vais enchaîner sur la rétroactivité. Nous
proposons une modification de l'article 171 et 175, qui offrent actuellement une rétroactivité très limitée. Donc, les personnes qui sont aujourd'hui
victimes de pornographie juvénile, de traite de personnes, de leurre
informatique et de plusieurs autres violences sexuelles et autres infractions
qui n'étaient pas dans l'annexe de la LIVAC ne seront pas indemnisées, si on
adopte le projet de loi n° 84 tel quel. Il en est de même pour les
proches. Donc, on peut penser aux parents, aux conjoints, aux enfants, aux
témoins qui n'étaient pas indemnisés sous la LIVAC dans certains cas, donc ne
pourraient pas non plus se faire indemniser.
Donc, nous proposons
d'élargir les effets rétroactifs à ces victimes, parce que cette injustice-là,
d'une victime de traite aujourd'hui versus celle après l'adoption du projet de
loi, n'est pas... bien, c'est une injustice et elle va à l'encontre de l'objet
du projet de loi qui est de favoriser le rétablissement des victimes. C'est
pourquoi nous proposons un effet rétroactif sans limite temporelle pour les
infractions qui n'étaient pas à l'annexe ainsi que pour les proches qui ne se
qualifiaient pas sous la LIVAC. Subsidiairement, comme la LIVAC, lorsqu'elle a
été adoptée, permettait de retourner dans le passé pour six ans, nous
proposons une rétroactivité pour six ans. Et, subsidiairement, nous
pensons que les victimes d'infractions qui sont passées devraient au moins aujourd'hui
être indemnisées pour les séquelles qu'elles vivent encore.
Et ce qui nous mène à
notre troisième point de critique que nous aborderons aujourd'hui :
l'abandon de la rente viagère. Donc, nous
déplorons évidemment l'abandon de cette rente-là, ce qui permettait
aux victimes de toucher à des indemnisations pendant toute leur vie. Et
nous proposons, comme modification, de remplacer l'indemnité pour le revenu,
donc de modifier les articles 37 et 40.
• (14 h 20) •
En effet, dans un
contexte de violence conjugale, il est fréquent que les femmes n'occupent pas
d'emploi. C'est des choses qui arrivent. Et il y a aussi des cas d'étudiants ou
de jeunes enfants qui sont victimes d'infractions, qui, si on adopte le projet
de loi tel quel, ne seraient pas indemnisés du tout. Donc, c'est pourquoi nous
proposons d'annuler la limite de trois ans pour la perte de revenus, donc
de la rente sans limite temporelle, et de permettre aux personnes sans lien
d'emploi de recevoir une aide palliant à la perte de revenus.
Également, il est
primordial de modifier le Règlement d'aide aux personnes et aux familles afin
de permettre aux prestataires d'aide financière de dernier recours de toucher à
leurs prestations de dernier recours ainsi qu'à leurs prestations qui leur sont
accordées à titre de victimes d'infractions criminelles. C'est une injustice
qui a d'ailleurs été déplorée par la Cour supérieure, qualifiée d'injustice
sociale, et la Cour supérieure a interpelé le législateur pour remédier à cette
situation-là. Nous soulignons encore une fois que ce problème touche
particulièrement les femmes.
Donc, pour conclure, nous portons à votre
attention que notre mémoire, il fait 85 pages mais, dans le corps du
texte, nous avons mis les modifications qui sont principales. Nous ne les avons
pas énumérées au complet, là, dans notre
présentation de 10 minutes, mais elles sont dans le corps du texte, et
nous avons une annexe d'une cinquantaine de pages avec plusieurs autres modifications qui sont très, très
importantes. Ce n'est pas des modifications de forme, c'est des modifications qui servent à favoriser le
rétablissement des victimes, et nous vous invitons à les lire et à les
considérer.
Nous sommes d'ailleurs disponibles, si vous avez
des questions subséquentes à notre présentation à la commission... de nous
écrire par courriel à l'adresse courriel de l'AJP.
Finalement,
nous déplorons, comme plusieurs de nos collègues, le manque de temps que nous
avons eu. Nous avons été invités quelques jours avant les fêtes et nous
avons consulté plusieurs intervenants du milieu. Le milieu est surchargé, on
est en pandémie en ce moment. C'est un projet de loi qui propose de modifier
complètement le régime, donc c'est d'une grande ampleur. Donc, c'est pourquoi
nous vous proposons de rallonger le temps des consultations.
Et finalement nous soulignons... en
réfléchissant au projet de loi, nous nous sommes rendu compte, évidemment, ce projet
de loi ne peut pas régler toutes les injustices sociales. Certains enjeux sont
transversaux et nécessitent une réponse sur plusieurs... dans plusieurs
secteurs, donc dans l'éducation, la santé, les services sociaux. Donc, nous
recommandons, évidemment, d'investir massivement dans ces services.
Et nous vous remercions beaucoup pour votre
écoute et nous allons prendre vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment pour votre exposé. Nous allons
d'abord commencer avec le ministre pour la période d'échange. M. le ministre,
vous avez la parole pour 16 min 30 s. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Me Descoteaux, Mme Bonenfant, merci de participer aux
travaux de la présente commission parlementaire. Merci également pour votre
mémoire fort volumineux.
D'entrée de
jeu, je voudrais vous poser une question. Est-ce que vous considérez que la
proposition de réforme que nous faisons, quoiqu'elle ne soit pas
parfaite, ça constitue une avancée pour les personnes victimes au Québec?
Mme Descoteaux (Catherine) : Bien,
tel que j'ai mentionné, en fait, durant la présentation, je pense que pour
certains points, effectivement, ça peut être considéré comme une avancée. Je
pense que, comme ça a été mentionné plus tôt, par contre, par d'autres députés,
c'est important de prendre le temps de le faire pour ne pas tourner les coins
ronds, en fait, donc s'assurer de vraiment pondérer chacun des éléments puis
chaque impact qu'ils pourront avoir, en fait. Puisqu'on fait carrément table
rase, je pense que c'est vraiment important de prendre le temps d'analyser
chacun de ces 190 articles là et de se demander quels impacts ils auront.
Donc, pour certains points, comme je l'ai mentionné, par exemple, le fait
d'élargir, de retirer l'annexe, par exemple, c'est une avancée.
Par contre, je pense que c'est important aussi
de se dire que... En ce moment, il y a un engouement pour ce qui est du support pour les violences sexuelles,
les violences conjugales, et, par exemple, on a applaudi le fait qu'il
n'y ait plus de délai de prescription pour ces cas-là. Mais on ne voudrait pas
non plus laisser de côté d'autres personnes qui pourraient avoir vécu des
événements traumatiques de nature criminelle. Donc, je pense que c'est
important de faire ce travail-là d'une façon qui inclut tout le monde, en fait,
et qui va permettre de vraiment être une avancée pour tout le reste du Québec.
Mme Bonenfant (Romane) : Oui, puis,
si je peux me permettre, notre analyse a permis de se rendre compte que, comme
on a dit, il y a certaines avancées, il y a d'autres reculs. Si le projet de loi
est adopté tel quel, nous constatons des
reculs très, très, très importants, surtout au niveau de l'indemnisation,
comme on ouvre l'indemnisation à plusieurs personnes. Mais, dans les
faits, l'indemnisation nous semble substantiellement limitée. Donc, si c'est adopté
tel quel, selon nous, ça représente un recul.
M. Jolin-Barrette : Peut-être,
Mme Bonenfant, en réponse à votre intervention, simplement vous rappeler
que le régime que nous avons au Québec est déjà le plus généreux dans tout le Canada,
en fait. Et surtout on a rajouté de l'argent, on a rajouté 200 millions
sur cinq ans, donc environ 40 millions par année supplémentaires justement
pour élargir la gamme de services, mais l'indemnisation aussi pour davantage de
victimes.
Donc, tout à l'heure, vous avez dit, dans votre
intervention préliminaire, que, bien, dans le fond, les victimes maintenant ne
seraient plus indemnisées. Donc, il est vrai que la rente viagère est abolie,
mais par contre elle est remplacée par un montant forfaitaire, comme ça se fait
avec les autres régimes d'indemnisation québécois, celui de la CSST et celui de
la SAAQ, notamment. Donc, on était le seul régime au Québec et au Canada à
toujours avoir une rente viagère. Donc, nécessairement, l'objectif du projet de
loi est de faire en sorte de couvrir davantage de victimes mais faire en sorte
que la victime qui subit l'infraction soit mieux outillée, mieux accompagnée.
C'est pour
ça, dès le départ, qu'on change la façon de travailler avec la Direction de
l'indemnisation des victimes d'actes
criminels. On veut, dès le départ, qu'il y ait du soutien psychologique. Même
si la demande n'est pas accueillie encore,
n'est pas étudiée complètement, on veut que, dès le départ, le premier réflexe,
ça soit de donner de l'aide à la victime. Il ne faut pas que ça dure
durant des mois, avant qu'elle soit acceptée à l'IVAC, pour qu'elle puisse
bénéficier de ces aides-là.
Donc, on change la façon
dont on travaille, vraiment dans un souci de réhabilitation de la personne
victime. On veut aussi faire en sorte que l'ensemble du noyau familial puisse
être couvert. Je pense aux frères, aux soeurs, aux personnes significatives,
aux proches. On leur donne davantage de soutien, davantage d'aide également de
réhabilitation. Je suis d'accord avec vous qu'on transforme la rente viagère,
on transforme également l'indemnité d'incapacité de travail lorsqu'il n'y avait
pas de revenu, mais cela fait en sorte qu'à terme plus de
4 000 bénéficiaires annuellement vont pouvoir bénéficier d'une
indemnisation du soutien supplémentaire de l'IVAC. Donc, le verre n'est pas plein, mais on essaie de travailler dans
la direction pour faire en sorte de vraiment couvrir le plus de
personnes victimes possible aussi.
Je voudrais
peut-être vous entendre sur le volet que nous avons mis pour les victimes hors
Québec. Maintenant, on a décidé de faire en sorte de couvrir toutes les
infractions criminelles, et j'ai en tête, notamment, des homicides qui sont
survenus au cours des dernières années, des mères de famille qui ont été
assassinées, notamment, dans le Sud, tout ça. Maintenant, on va venir couvrir
les victimes. Qu'est-ce que vous en pensez de ça?
Mme Bonenfant (Romane) : Si je peux
me permettre, juste pour revenir, comme vous l'avez abordé, la somme
forfaitaire, effectivement, ça peut être une belle avancée. C'est juste que, si
on lit le libellé du projet de loi, on manque un peu de détails pour pouvoir
l'analyser, nous, en profondeur. Donc, c'est pour ça qu'on proposait de
renforcer la rente viagère comme c'était, comme, un peu plus évident et concret
à modifier.
Pour ce qui est de la territorialité, on trouve
que c'est des vraiment belles avancées. On a proposé quelques modifications.
Les plus importantes, c'est le critère de 183 jours du paragraphe...
pardon, à l'article 63, l'alinéa 1, paragraphe 3°, en fait, pour
l'élargir afin que les personnes qui étaient en voyage de coopération
internationale ou en voyage depuis... quelque moment, qu'ils puissent y
toucher, donc de créer une exception à ce niveau-là.
Et également l'obligation de l'article 63,
alinéa 1, paragraphe 5°, de dénoncer l'infraction criminelle auprès
des autorités dans l'État étranger nous semble très problématique, parce que
c'est connu que, pour plusieurs raisons, les victimes dans ces... surtout quand
elles peuvent être à l'étranger, dans un autre pays, il peut y avoir une
multitude de raisons pour lesquelles on ne peut pas dénoncer une infraction
dans le pays. Donc, ça, on demanderait de le retirer, mais sinon on trouve que
c'est une très belle avancée et nous la saluons.
• (14 h 30) •
Mme Descoteaux (Catherine) : Si je
peux me permettre également de rebondir sur ce que M. le ministre avait dit précédemment concernant la somme forfaitaire aussi, comme ma collègue
l'a mentionné, en fait, effectivement, il n'y a pas de définition claire
de ce qu'est la somme forfaitaire et dans quelles circonstances elle
s'applique, ni le montant qui sera accordé. Et ça, c'est une inquiétude qu'on
a, en fait, puisqu'elle sera déterminée par règlement, on n'a pas... évidemment,
les règlements ne sont pas écrits actuellement, et, pour nous, c'est une chose
qui nous inquiète puisque, par exemple, quelqu'un qui recevait la rente viagère
avec le régime précédent de l'IVAC, qui recevait, par exemple, 900 $ par
mois durant... pour une infraction, mais, disons, vécue à 30 ans et jusqu'à la fin de ses jours, disons, jusqu'à
80 ans, donc durant 50 ans, ça faisait un montant de
540 000 $ qui était versé à cette personne-là. Et on se
questionne sur le montant de cette somme forfaitaire là qui va être versée
parce que si une personne...
On doute fortement, en fait, que ce ne sera pas
de ce niveau-là, le montant qui va être versé à la personne. On soupçonne que
ça risque d'être probablement beaucoup moins élevé que ça, et, pour nous, c'est
un gros enjeu, parce qu'effectivement, si on élargit le régime et qu'on permet
une plus grande admissibilité à plus de personnes au régime, mais qu'on réduit
largement les indemnités qui sont versées, au final, on ne rencontre quand même
pas l'objectif d'indemnisation du régime qui est mis en place par le projet de
loi.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
M. le Président, je comprends bien ce que vous nous dites, mais on se retrouve
dans une situation aussi où il faut faire en sorte d'accompagner toutes les
victimes aussi. Et les ressources, elles sont tout de même limitées, malgré le
fait que l'État québécois investit plusieurs centaines de millions de dollars,
avec un 200 millions supplémentaire. Donc, c'est sûr que, dans certaines
circonstances, il y a certains choix à faire. Et le régime des rentes viagères,
comme je le disais, c'était le dernier régime au Canada à avoir... et déjà, je
pense que la CSST, la SAAQ ont aboli, en 1985, les rentes viagères, peut-être
en 1980... un petit peu plus tardivement pour l'autre régime. Mais je vous
entends bien sur votre préoccupation de le préserver.
Mais la construction du... La réforme que nous
faisons aussi, c'est pour faire en sorte aussi que les gens retournent...
puissent retrouver une vie normale le plus possible. Donc, c'est pour ça qu'on
veut les accompagner avec de l'aide pour de
la réinsertion professionnelle, de la réorientation. Dans certains cas, ça va
être des changements de carrière,
donc on prévoit, pour la victime qui a subi l'infraction directement, donc,
qu'elle pourrait avoir cinq ans pour l'aider à son accompagnement
au niveau de sa réintégration dans le cours de sa vie.
Peut-être une
question pour vous. Tout à l'heure, vous avez dit : Écoutez, vous visez à
indemniser les infractions de nature
criminelle. Maintenant, toutes les infractions contre la personne vont être
visées, mais vous donnez un exemple, vous dites : Certains gestes, qui
ne sont pas des infractions criminelles, devraient être également indemnisés.
Vous donnez l'exemple, là, du harcèlement, mais le harcèlement est couvert et
dans la liste. J'ai peut-être manqué... tout ça, mais vous voudriez qu'on crée
un autre régime aussi pour toutes sortes de situations autres qui ne seraient
pas couvertes par la liste d'infractions criminelles. Bien, en fait, l'absence
de liste, si je peux dire, là, bien, maintenant, c'est tous les crimes visant
la personne.
Mme Descoteaux (Catherine) :
Effectivement, et c'est quelque chose qui a nécessité beaucoup de jus de cerveau, je vous dirais, de notre côté, parce qu'on se questionnait, en fait, quel était le meilleur moyen
d'accompagner les personnes qui ont vécu des violences
sexuelles ou de la violence conjugale, et effectivement le harcèlement criminel
se retrouve dans les infractions qui seraient indemnisées. Par contre, le
harcèlement sexuel ne se qualifie pas souvent de harcèlement criminel au sens
du Code criminel.
Et j'ajouterais aussi qu'en fait, l'idée, c'est vraiment...
Ça pourrait être une liste qui serait définie. Par exemple, on a proposé, dans
notre annexe, à l'article 13, une définition pour les agressions sexuelles
et pour la violence conjugale, et ça pourrait être des listes qui... des gestes
qui seraient posés dans le cadre de cette liste-là. Je pense, entre autres, au sextage non sollicité, et là j'en perds
probablement, le voyeurisme, je pense que c'est infraction criminelle,
mais, en tout cas, il y a plusieurs gestes qui sont de nature à être blessants,
à être violents, qui ne sont quand même pas considérés comme des infractions
criminelles, donc cette liste pourrait être limitative.
Et, ceci étant dit, j'apprécierais, en fait, même,
si vous étiez intéressé à discuter avec nous sur ces enjeux-là au-delà de cette
rencontre-ci parce que 35 minutes, c'est très peu. Mais nous avons voulu,
en fait, c'est ça, aller dans une optique qui était de permettre, et
d'accompagner correctement, et de vraiment assister les personnes dans leur
rétablissement pour des actes de nature sexuelle ou de violence conjugale
qu'ils auraient pu vivre.
Mme Bonenfant (Romane) : Oui, puis,
si je peux me permettre, il y a aussi la violence économique et psychologique
qui a lieu des fois dans les contextes de violence conjugale, donc, sans
nécessairement qu'il y ait des voies de fait ou des actes physiques. C'est pour
ça qu'on cherchait à être un peu plus larges et un peu plus englobantes, puis
on pensait à la réalité que beaucoup de victimes tombent un peu dans une
catégorie qu'elles ont vécu des séquelles,
mais que ce n'est pas nécessairement quelque chose que le DPCP pourrait
prendre, aller poursuivre... bien, aller mener ses poursuites. Donc,
c'est ça.
M.
Jolin-Barrette : Parfait.
Donc, Me Descoteaux, Mme Bonenfant, je vous remercie pour votre
intervention. Je vais céder la parole à des collègues qui souhaitent vous poser
des questions également. Merci beaucoup pour votre participation aux travaux de
la commission.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Alors, j'ai le député
de Chapleau, s'il vous plaît, il reste 3 min 50 s. M. le député.
M. Lévesque (Chapleau) : Parfait. Merci
beaucoup. Je tâcherai d'être prompt. Bonjour, Me Descoteaux, Mme Bonenfant.
Je salue également l'ensemble des collègues pour cette première expérience
entièrement virtuelle.
J'aimerais peut-être une clarification sur un
point que vous avez abordé, notamment en lien avec la définition d'un acte
criminel. Vous avez parlé de l'actus reus et la mens rea. Comment ça se déroule
actuellement? Donc, il faut... ça prend la mens rea dans les situations
actuelles pour l'IVAC, c'est bien ça?
Mme Descoteaux (Catherine) : Bien,
en fait, c'est que ce n'est pas clair. Donc, actuellement, en fait, le régime
actuel de l'IVAC exclut l'identité, qui est un autre élément à prouver dans le
cadre d'un processus criminel, et exclut également d'avoir à démontrer la
capacité de la personne, de l'agresseur à se faire poursuivre en vertu d'un
processus criminel. Par contre, il n'y a rien qui est mentionné par rapport à
la mens rea.
Par contre, quand on regarde les décisions qui
sont rendues par le Tribunal administratif du Québec, il y a des décisions...
il y a des demandes d'indemnisation qui sont refusées sur la base que
l'agresseur pouvait, justement, ne pas avoir eu l'intention de commettre le
geste, alors qu'on sait que, dans le cas d'une personne qui a vécu une
agression sexuelle, si elle n'avait pas le consentement, ce n'est pas
vraiment... c'est indépendant, en fait, de ce que l'agresseur a pu en croire,
alors qu'on sait qu'en droit criminel le but d'avoir cette intention coupable
là, c'est de ne pas condamner des personnes qui sont moralement innocentes. En
fait, donc, c'est deux objectifs complètement différents, et on croit qu'il
s'agit, selon nous, d'une erreur, d'une confusion par rapport au droit qui ne
devrait pas s'insérer, en fait, dans le droit administratif, qui est le régime
couvert par l'IVAC actuel.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K. Donc,
le fameux cas, là, du somnambule, qu'on voit justement dans nos cours de droit,
qui commet un acte criminel envers une personne, mais n'est pas conscient ou,
du moins, n'a pas le mens rea, donc ça serait tout de même inclus dans
l'indemnisation pour la victime qui aurait subi, du moins, un acte criminel de
ce somnambule-là. C'est bien ça que je comprends?
Mme Descoteaux (Catherine) : Bien,
pas exactement, en fait, parce que, dans notre mémoire, on a rédigé aussi une
exception, on propose une exception qui serait pour les cas qui seraient
fortuits. Donc, vraiment, justement, le cas de l'agresseur qui est somnambule
ou, disons, même moi, je suis en train de cuisiner, j'ai mon couteau dans les
mains, je me retourne et je poignarde mon conjoint, clairement, c'est un cas
qui est fortuit, donc on propose une exception dans ces cas-là.
Là où ça s'applique beaucoup plus, c'est en
matière, par exemple, d'agression sexuelle où il y a souvent un flou sur la
notion de consentement. Donc, on l'a vu, juste cet été, il y avait encore une
vague de dénonciations, #metoo l'a mis aussi en lumière aussi, que des fois,
une même perception... un même événement n'est pas perçu de la même façon par
la personne victime et par son agresseur, et ça ne... Selon nous, en fait, un
régime d'indemnisation devrait pouvoir indemniser la personne qui considère
avoir vécu une agression sexuelle, peu importe, en fait, ce qui se passait dans
la tête de l'agresseur. Donc là, on parle vraiment plus de cas qui sont de la
nature d'agression sexuelle et qui ne rentreraient pas dans le cas du fortuit,
là.
M. Lévesque
(Chapleau) : O.K. Puis, en terminant, là, rapidement, bon, vous
voudriez, notamment en lien avec certaines infractions, notamment violence sexuelle
et conjugale, vous aimeriez peut-être étendre cela à d'autres actes, donc, que
vous avez mentionnés tout à l'heure. Est-ce qu'il y a d'autres infractions, qui
sortent peut-être du domaine de la violence
conjugale ou des infractions sexuelles, que vous aimeriez ajouter, que vous
avez peut-être abordées?
• (14 h 40) •
Mme Descoteaux (Catherine) :
Voulez-vous dire des infractions ou des gestes?
M. Lévesque (Chapleau) : Ou des
gestes. Un ou l'autre.
Mme
Descoteaux (Catherine) :
Oui, en fait, il y a beaucoup de choses... j'ai vraiment ma liste, là, je
pourrais vous la lire. Donc...
Le Président (M.
Bachand) : ...
17859 Le Président (M. Bachand) : On peut y aller…
Mme Descoteaux (Catherine) : Oui,
O.K., je vais faire ça très...
Le Président (M.
Bachand) : Il reste 15 secondes.
Mme Descoteaux (Catherine) : O.K.
Donc, vraiment, tout ce qui est exploitation sexuelle, tout ce qui touche à la
pornographie juvénile, par exemple la sextorsion, la diffusion d'images intimes
sont des gestes qui sont de nature sexuelle qui ne rentrent pas nécessairement
dans l'agression sexuelle.
M. Lévesque (Chapleau) : Mais, hors
de toute la notion sexuelle, y avait-tu d'autres éléments?
Mme Descoteaux (Catherine) : Dans la
violence conjugale, oui, mauvais traitement...
Mme Bonenfant (Romane) : Hors de
violence sexuelle et conjugale...
M.
Lévesque (Chapleau) : Hors de violence conjugale et sexuelle, est-ce
qu'il y a autre chose, hors des deux?
Mme Descoteaux (Catherine) : En
violence conjugale, il y en a, mais pas en dehors des deux qu'on a vus ou qu'on
a réfléchis, actuellement.
M. Lévesque (Chapleau) : D'accord.
Parfait.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député de Chapleau. Je cède maintenant
la parole au député de LaFontaine pour 11 minutes. M. le député, s'il vous
plaît.
M. Tanguay : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous remercier et de vous
saluer, Me Descoteaux et Mme Bonenfant. Merci beaucoup de prendre le temps
d'être avec nous aujourd'hui.
J'ai 11 minutes, alors je vais y aller
rapidement, mais évidemment, il sera utile de souligner d'entrée de jeu... puis
vous avez fait une analyse, là, qu'on voit rarement dans nos commissions
parlementaires, en mettant en annexe... vous
avez même rédigé les amendements, alors ça va nous être d'un précieux secours.
J'entends bien votre message, dans un projet de loi qui modifie
23 lois, qui abroge trois lois et qui modifie 18 règlements,
vous nous dites : Ça se peut qu'on ait d'autres réflexions. Puis peut-être
même que depuis la production de votre mémoire, vous avez déjà eu d'autres
éléments ajoutés, et je vous en prie, et je vous ai fait l'invitation, au nom
de notre président, n'hésitez pas à envoyer des compléments de réflexion au
secrétariat de la commission, parce qu'il est possible que l'on embarque très,
très rapidement sur l'analyse article par article, et là ça va débouler.
Alors, bravo, un mémoire excessivement étoffé,
étayé et réfléchi. J'aimerais vous attirer, donc, sur l'amendement que vous proposez à l'article 13, la définition «actes
à caractère sexuel non consensuel». Vous y mettez une liste, «y compris
notamment»... J'aimerais vous entendre sur cette rédaction-là qui est la vôtre.
C'est une liste qui n'est pas limitative.
Est-ce que vous croyez toujours aujourd'hui que cette définition-là serait la
bonne? Et y a-t-il d'autres éléments de définition? Parce que lorsque
l'on définit les termes d'une loi, tout le reste, quant à l'application, en découle. Est-ce qu'il y a d'autres... Au-delà de
ça, j'aimerais vous entendre, est-ce qu'il y a d'autres définitions,
auxquelles vous aimeriez attirer notre attention, qui mériteraient d'être
peaufinées?
17859 Le Président
(M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le député de Chapleau. Je cède maintenant la parole au
député de LaFontaine, pour 11 minutes. M. le député, s'il vous plaît.
11789 M.
Tanguay : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon
tour de vous remercier et de vous saluer, Me Descoteaux<V> et Mme
Bonenfant<V>. Merci beaucoup de prendre le temps d'être avec nous
aujourd'hui. J'ai 11 minutes, alors je vais y aller rapidement. Mais,
évidemment, il sera utile de souligner d'entrée de jeu, puis vous avez fait une
analyse, là, qu'on voit rarement dans nos commissions parlementaires, en
mettant en annexe… Vous avez même rédigé les amendements, alors ça va nous être
d'un précieux secours. J'entends bien votre message, dans un projet de loi qui
modifie 23 lois, qui abroge trois lois et qui modifie 18 règlements, vous nous
dites : Ça se peut qu'on ait d'autres réflexions. Puis peut-être même que
depuis la production de votre mémoire vous avez déjà eu d'autres éléments à
ajouter. Je vous en prie, je vous ai fait une invitation au nom de notre
président. N'hésitez pas à envoyer des compléments de réflexions au Secrétariat
de la commission, parce qu'il est possible que l'on embarque très, très
rapidement sur l'analyse article par article, et là, ça va débouler.
Alors,
bravo : un mémoire excessivement étoffé, étayé et réfléchi. J'aimerais
vous attirer, donc, sur l'amendement que vous proposez à l'article 13, la
définition «acte à caractère sexuel non consensuel». Vous y mettez une liste, y
compris, notamment… j'aimerais vous entendre sur cette rédaction-là, qui est la
vôtre, c'est une liste qui n'est pas limitative. Est-ce que vous croyez,
toujours aujourd'hui, que cette définition-là serait la bonne et y a-t-il
d'autres éléments de définition, parce que lorsque l'on définit les termes
d'une loi, tout le reste, quant à l'application, en découle. Est-ce que
d'autres… au-delà de ça j'aimerais vous entendre, et est-ce qu'il y a d'autres
définitions auxquelles vous aimeriez attirer notre attention, qui mériteraient
d'être peaufinées?
Mme
Descoteaux (Catherine) : C'est une excellente question. En fait, déjà,
pour le terme, on s'était penchés sur la
question, à savoir est-ce qu'on préférait parler de violence sexuelle ou d'acte
à caractère sexuel non-consensuel.
On s'est dit qu'il allait y avoir la notion de non-consentement... permettrait
d'aller restreindre la question quand même et s'assurer qu'il y avait un...
parce que s'assurer qu'il y ait vraiment un aspect qui était... qui visait
l'indemnisation, là.
Je vous avouerais que
cette liste-là a été rédigée en ayant une vision très large, en pensant à peu
près à tout ce qu'on pouvait envisager qui était de nature des violences
sexuelles où une personne aurait pu ne pas consentir. Rapidement, comme ça,
moi, je ne vois pas d'autre chose qu'on pourrait y ajouter. Par contre, ça ne
veut pas dire que c'est limitatif, puis
c'est pour ça qu'on a mis le «notamment», en fait. Donc, c'était vraiment
dans cette optique-là, parce qu'on avait eu un
mois pour le rédiger puis on avait d'autres choses à traiter dans le mémoire.
Donc, je ne sais pas si ma collègue Mme Bonenfant veut rajouter quelque
chose.
Mme Bonenfant
(Romane) : Oui, mais, si je peux me permettre, on utilise le mot
«acte» à la place de «violence». Ça fait un peu partie des réflexions, ce n'est
pas nécessairement parfait, mais on se disait que le mot «violence», c'est un
peu connoté comme quelque chose de, tu sais, très violent et qui choque, tandis
que «acte», on se disait que c'est un peu plus englobant. Puis comme on veut aussi que cette loi soit idéalement comprise
par les victimes, là, on avait un
genre de souci d'intelligibilité puis on trouvait que, oui, c'est une longue expression,
là, «acte à caractère sexuel non consensuel», mais, en même temps, ça
peut aller rejoindre un peu tout le monde qui peut comprendre, là, à quoi on fait référence. Puis en listant des
exemples, bien, les victimes peuvent voir : Ah oui! moi, ça rentre là-dedans. Puis on voulait le simplifier, mais ce n'est pas une expression qui est parfaite. On en a discuté avec
quelques intervenantes et quelques intervenants comme Michaël Lessard,
qui va parler plus tard et... Il y a des gens qui sont pour, il y en a des gens
qui sont contre, mais c'est notre proposition.
M. Tanguay :
Merci beaucoup. Pages 19 et 20 de votre mémoire, j'en suis sur le délai...
suppression totale du délai pour présenter une demande ou, au moins, qu'il
passe de trois ans à 10 ans. J'aimerais vous entendre sur l'importance de
ça et j'aimerais également vous entendre sur «tout motif valable» plutôt que
«impossibilité d'agir». En quoi, ça, c'est majeur?
Mme Bonenfant
(Romane) : Oui, en fait, c'est majeur parce que le Tribunal
administratif du Québec a une jurisprudence qui penche des fois... des fois,
qui est très large et englobante puis, des fois, qui vont être plutôt
restrictifs sur l'utilisation du terme...
M. Tanguay :
«Impossibilité».
Mme Bonenfant
(Romane) : Oui, merci beaucoup, d'«impossibilité d'agir». Donc,
c'était pour être le plus englobant
possible, tout en ayant un temps qui est quand même raisonnable, là. On ne veut
pas ouvrir l'indemnisation à tout le monde, dans ces circonstances-là où
est-ce qu'il y a eu un retard.
Également, bien, à la
page 20, on liste les raisons pour lesquelles la prescription existe habituellement.
Donc, c'est, un, assurer la stabilité des
patrimoines et les relations juridiques garantissant une certaine paix
d'esprit; deux, éviter le dépérissement de la preuve; et trois,
sanctionner la négligence des créanciers et des créancières.
Pourtant, dans un
contexte d'indemnisation des victimes, ça n'a pas vraiment rapport, ces
points-là. Donc, c'est pour ça... puis ça serait très, très, très important
pour les victimes de violence sexuelle et conjugale, mais également pour toutes
les victimes. Donc, c'est pour ça, puis on trouvait que c'était raisonnable de
proposer ces modifications-là, surtout en raison de la définition... bien, de
la raison même d'un délai de prescription. Et on note que, même pour le
tribunal administratif, ça coûte de l'argent de refuser une demande, que ça
aille en appel ou en révision, puis tout ça. Donc, voilà.
M. Tanguay :
Merci beaucoup. J'aimerais vous entendre... puis excusez-moi, je suis un petit
peu télégraphique, mais c'est le peu de temps puis la matière, là, vous
m'excusez. La rente viagère, je veux vous entendre là-dessus. Vous soulevez
qu'il s'agit d'un recul. Est-ce que vous croyez que l'abandon de la rente
viagère va vraiment favoriser la réintégration, comme le prétend le ministre?
Mme Bonenfant
(Romane) : Bien, tout dépendamment de la somme forfaitaire puis de...
C'est que, dans le projet de loi, il n'y a presque pas de montants. On détaille
très, très peu les montants, donc c'est difficile pour nous de critiquer. On ne
voudrait pas être trop dures et dire : C'est un projet de loi terrible. On
n'a pas les détails. Donc, quand on n'a pas les détails, ça peut être positif,
ça peut être négatif, mais on doute, comme Me Descoteaux l'a expliqué avec son
exemple d'une personne qui recevait un certain montant par mois, on doute
qu'une somme forfaitaire va aller toucher des 200 000 $,
300 000 $, ce qui est, des fois, le cas... Dans certains cas, il y a
certaines victimes qui peuvent toucher à ces montants-là, si on compte, au bout
du fil, là, au bout de 50 ans...
M. Tanguay :
Et même, puis corrigez-moi si j'ai tort, puis peut-être que j'emprunte une
analogie qui ne tient pas la route, puis vous allez me le dire, mais, même dans
l'économie de notre droit civil, vous n'êtes pas forclos de parfaire votre
réclamation pour des dommages corporels. Alors, c'est une situation qui peut
évoluer dans le temps.
Alors, il est un peu
peut-être antinomique de dire : Bien, on vous a offert une somme
forfaitaire, puis ça règle l'entièreté du reste de votre vie. Sachant que, dans
l'économie de notre droit, pour des dommages corporels, je peux parfaire la
preuve au fur et à mesure que d'autres effets négatifs d'un acte fautif ne
sont... Alors, il y a peut-être une logique là qui... tu sais, somme
forfaitaire, peut-être que ça ne rime pas... bien, je vous lance la réflexion
pour commentaire, là.
Mme Bonenfant
(Romane) : Oui, bien... Puis l'article 2926.1 du Code civil, on
l'a mis à la page 20, également, il garantit au moins 10 ans. Donc,
ça serait un peu absurde de créer un régime d'indemnisation qui est dans le but
d'aider les victimes, mais qui soit plus strict à certains égards que le Code
civil, donc...
M. Tanguay : J'aimerais...
Mme Bonenfant
(Romane) : Oui, et si je peux me permettre...
M. Tanguay : Oui, je vous en
prie.
Mme Bonenfant (Romane) : ...sur la
rente, le remplacement de revenu, on proposait également de se baser sur le
salaire moyen plutôt que le salaire minimum, ce qui serait un peu plus juste,
parce qu'en fait ce qui était souligné, c'est que même le régime de l'IVAC
actuel donne 90 % du salaire minimum. C'est vraiment, vraiment très peu,
c'est sous le seuil de la pauvreté. Donc, on a détaillé ça dans notre mémoire.
M. Tanguay : Oui, tout à fait.
Ça, c'est un point important, et ça aurait comme effet de maintenir aussi des
gens dans une situation de pauvreté et de ne pas favoriser le rétablissement.
Or, c'est toujours un objectif aussi que la personne reprenne contrôle de sa
vie.
Mme Bonenfant (Romane) : Absolument.
M. Tanguay : Puis lorsque
l'on veut réellement que la loi soit là pour vous épauler de façon
substantielle, pour vous rembarquer puis que vous preniez le contrôle de votre
vie, bien, on vous maintient ici indirectement, puis je sais que ce n'est pas
l'intention du ministre, mais dans une situation de pauvreté.
Vous dites également : On le sait... Ça,
c'est moi qui le dis, le diable est dans les détails. Puis vous le savez,
beaucoup, beaucoup de choses seront prévues par règlement, puis on vient
d'entendre le ministre qui nous dit : Bien, Québec, oui, c'est un système
généreux, mais ce n'est pas un puits sans fond, l'argent. Alors, ça, c'est le
genre de commentaire, puis j'aimerais vous
entendre là-dessus, là, où il y aura un travail de vigilance au niveau des
règlements qui vont tous nous aider à dire : Bien, quelle forme ça va
prendre dans la vraie vie, ça? J'aimerais vous entendre.
• (14 h 50) •
Mme Descoteaux (Catherine) :
Effectivement, c'est une des craintes qu'on a soulignées aussi dans notre mémoire. On pense que c'est vraiment important
d'encadrer la réglementation qui va surgir du projet de loi parce que, justement, on n'a pas accès à ça. On ne sait pas
l'état des finances du Québec actuellement, quelles elles seront, en
plus, après une pandémie qui va avoir duré
quelques années, dans quelques années. Donc, on pense que c'est vraiment
important d'aller fixer des balises, puis
c'est pour ça qu'on suggère d'aller vraiment délimiter quelles sont ces
indemnités-là, quels seront les montants minimaux et à quoi ils
correspondent.
Et pour ce qui est des chiffres, pour nous,
c'est vraiment difficile de nous pencher parce qu'on n'est pas des actuaires,
ce n'est pas du tout notre domaine d'expertise. Par contre, on recommande
vraiment de faire affaire avec des personnes qui travaillent sur le terrain
avec ces victimes-là pour évaluer quelles sont les indemnités dont elles ont
besoin, quels sont les montants dont ces personnes-là ont besoin, parce que,
sinon, en fait, c'est ça, nous, c'est une crainte qu'on a, que ce régime-là
pourrait, en fait, ne pas remplir les objectifs qu'il s'est fixés initialement.
M. Tanguay : Bien, écoutez,
M. le Président, combien il me reste de temps?
Le Président (M.
Bachand) :
...
M. Tanguay :
20 secondes? Je ne vous ai pas entendu, mais je vous ai vu, j'ai lu sur
vos lèvres, 20 secondes.
Le Président (M.
Bachand) : 20 secondes.
M. Tanguay : 20 secondes. Alors, il me reste une chose,
vous remercier très chaleureusement, Me Descoteaux, Mme Bonenfant. Merci
beaucoup. Encore beaucoup de nourriture, pour nous, intellectuelle, puis on
aura l'occasion de se reparler. Chapeau! Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Je
passerais maintenant la parole à la députée de Sherbrooke pour
2 min 45 s. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le Président.
Merci à vous, Mmes Descoteaux et Bonenfant, pour votre mémoire. Votre
association porte très bien son nom. On voit l'effort que vous avez fait de
vouloir non seulement réagir au projet de
loi mais de faire des propositions qui l'amènent plus loin également. Il y a
toute une section de votre mémoire qui porte sur la notion de faute
lourde. J'aimerais ça entendre ce que vous avez à dire là-dessus.
Mme Descoteaux (Catherine) : Oui. En
fait, c'est sûr que, pour la faute lourde, je vais vous inviter aussi peut-être, si on n'a pas le temps à rentrer dans
les détails, à poser les questions aussi à la coalition... je ne me
souviens plus du nom, pour la CLES qui va
venir parler, en fait, dans deux jours, parce qu'elles vont se pencher sur cet
enjeu-là, mais on a remarqué, en fait, qu'il y a une... ce qu'on pense
être une erreur de rédaction, en fait, dans la faute lourde. Donc, la personne
qui est victime elle-même n'est pas admissible actuellement sous le régime
actuel de l'exception.
Donc là, je reforme ma phrase, donc si une
personne a vécu une violence sexuelle ou a vécu... elle a subi de la violence,
elle est admissible à une exception pour certaines catégories de personnes
admissibles au régime. Par contre, la personne elle-même qui a subi de la
violence ou des menaces n'est pas admissible à cette exception-là. Donc, si elle a commis
une faute, elle n'est pas admissible à ça. Pour nous, ça nous semble un peu
étrange, considérant qu'on essaie de ne pas blâmer la victime pour les
situations dans lesquelles elle se retrouve, on essaie d'être conscients de la violence qu'elle a subie. Et
également, donc, après ça, de lui reprocher qu'elle a subi cette violence-là
et qu'elle a commis une faute qui l'empêcherait d'être indemnisée, au final, pour
nous, c'est une aberration.
Et on a
également un problème... en fait, ce n'est pas un problème parce qu'on sait que
ça existe actuellement sous le régime de l'IVAC que les personnes qui
ont vécu des violences sexuelles ou de la violence conjugale peuvent aussi
faire l'objet d'une autre exception et ne peuvent donc pas faire... ils ne
peuvent... Excusez, je sais que je manque de temps, ça fait que j'essaie de
tout dire en même temps, mais donc elles ne peuvent donc pas... Elles
pourraient se retrouver, en fait, accusées d'avoir commis une faute lourde et
ne pas se faire indemniser, même si elles ont vécu de la violence sexuelle et
violence conjugale, et on pense que c'est problématique, notamment en ce qui
touche les travailleuses du sexe.
Donc, c'est pour ça que je vous réfère à la CLES
parce que ces personnes-là se sont parfois fait reprocher d'avoir un travail
qui fait en sorte qu'elles se placent dans des situations qui sont dangereuses
pour elles, alors que ces personnes-là devraient, au contraire, être protégées.
Si elles ont signé... elles ont accepté de faire du travail du sexe, ça ne veut
pas dire qu'elles ont accepté de se faire agresser sexuellement. Donc, pour
nous, c'est essentiel que cet élément-là se retrouve inscrit dans le projet de
loi parce qu'autrement, en fait, on ne protège pas les personnes qu'on est
censé protéger avec ce projet de loi là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la parole à
la députée de Joliette pour 2 min 45 s. Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme
Hivon : Oui, bonjour à vous
deux. Merci de votre excellent mémoire et de votre très bonne présentation
aussi.
Deux sujets,
donc, juste pour continuer là-dessus. Plusieurs demandent donc que ce soit
clairement inscrit dans le projet de loi que la faute lourde n'est pas
un principe qui peut s'appliquer quand on parle d'infraction de violence sexuelle, violence conjugale, leurre, exploitation
sexuelle. Donc, vous êtes du même avis, on doit carrément l'exclure?
Mme Descoteaux (Catherine) : Effectivement.
Mme
Hivon : Oui? O.K.
L'autre fait, c'est sur l'indemnisation. Donc, vous soulevez, je pense, fort à
propos, qu'il n'y aura plus de rente viagère. On est complètement dans le néant
à savoir la hauteur, donc, des compensations et des indemnisations qui vont
être données parce que tout ça va relever des pouvoirs réglementaires du
ministre. Vous pouvez être certaines qu'on va poser beaucoup de questions et
qu'on va demander de savoir à l'avance vers quoi s'enligne le ministre parce
que ces pouvoirs-là sont vraiment très, très, très larges dans le projet de loi.
Moi, je veux comprendre, est-ce que vous nous
recommandez de garder un régime mixte qui pourrait avoir des rentes viagères et des indemnisations
forfaitaires ou est-ce que vous nous dites plutôt : Allons-y vers
l'indemnisation forfaitaire, mais en s'assurant que les victimes ne perdront
pas au change?
Mme Bonenfant (Romane) : Ce qui est
important, en fait, c'est que les victimes puissent toucher à des indemnisations
pendant toute leur vie, si c'est nécessaire. Donc, que ça soit sous le terme
«sommes forfaitaires», ou «remplacement de revenu», ou... tu sais, on
pourrait... on n'a pas vraiment étudié plus en détail le dossier, comme on
manquait d'information par rapport aux détails sur les sommes forfaitaires,
mais, dans tous les cas, ce qui est important, c'est que les victimes puissent
toucher... pas avoir un gros chèque le lendemain de leur agression, puis
s'attendre à ce qu'elles l'utilisent pour payer leurs séances de psychologue
pendant toute leur vie, mais de donner...
C'est une très bonne idée de faire une somme
forfaitaire, si le but, c'est de donner de l'argent directement, rapidement,
pour l'aider à se remettre sur pied puis ensuite d'avoir quelque chose qui est
plus à long terme. Ça ressemble un petit peu à... tu sais, l'incapacité
totale... c'est tout le régime qu'il y avait avant, mais je pense que, si ce
principe-là est respecté, peu importe, un peu, tu sais, le nom qu'on lui donne,
tant que l'argent est donné le plus rapidement possible et ensuite pendant une
bonne durée de temps, c'est ça qui serait important.
Mme
Hivon : Parfait.
Donc, c'est vraiment la hauteur, puis ce qui vous préoccupe, c'est de
dire : Puisqu'on augmente le nombre de victimes qui pourront
potentiellement être dédommagées, ce qui est évidemment une bonne chose et une
avancée, c'est que celles qui pouvaient bénéficier du régime, en ce moment,
perdent au change parce qu'elles vont être compensées à une hauteur moins
importante. C'est bien ça?
Mme Bonenfant (Romane) : Oui, puis
Rachel Chagnon va vraiment très bien expliquer cet enjeu-là. C'est bien
qu'on élargisse, mais l'État a quand même un peu les mêmes montants, là, ce
n'est pas infini, donc d'élargir puis de permettre à plein de gens de recevoir
l'indemnisation. Tandis qu'une personne peut être très, très, très gravement
blessée, puis qu'on coupe dans ces indemnités-là, ce n'est pas...
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Sur ce, Me Descoteaux,
Mme Bonenfant, merci infiniment de votre participation aux travaux.
Sur ce, on suspend les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 14 h 58)
(Reprise à 15 h 03)
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Nous souhaitons, bien sûr, la bienvenue, maintenant, à Mme Rochon, accompagnée
de Me Mongeon. Bienvenue à la commission. Comme vous savez, vous avez
10 minutes de présentation, puis, après, nous aurons un échange avec les
membres de la commission.
Donc, Mme Rochon, la parole est à vous, et, encore une
fois, merci d'être avec nous cet après-midi.
Mmes Lili Rochon et Sophie Mongeon
(Visioconférence)
Mme Rochon (Lili) : Tout d'abord,
c'est moi qui vous remercie. C'est un honneur, c'est une chance d'être avec
vous aujourd'hui dans le cadre du projet de loi n° 84.
Je trouvais ça extrêmement important qu'une personne, ayant fait tout le
chemin, les parcours de la DPJ et IVAC, puisse se faire entendre.
Alors, pour faire un résumé, pour commencer, si
on veut, moi, je suis une enfant de la DPJ. J'ai été adoptée et ensuite, la
famille qui m'a adoptée, j'ai subi des sévices sexuels, psychologiques et
physiques durant 15 ans. Donc, ça, c'est la partie de... la raison pour
laquelle je suis ici. Toutefois, par la suite, j'ai rencontré, selon moi, à mon
humble avis, beaucoup plus grave, si on veut, c'est-à-dire notre système,
comment il est conçu pour les victimes d'actes criminels. J'aimerais mettre de
l'avant que, tout d'abord, je trouve que les délais entre la déposition d'une
victime et puis le moment où est-ce que, finalement, IVAC accepte cette
demande-là, je crois que le délai est trop long puis je crois que le traitement
psychologique devrait commencer immédiatement, aussitôt.
Je pense aussi que... je pense, qu'est-ce qui
serait important de préciser, c'est que moi, au courant de mon parcours, je
suis allée à l'école, j'ai travaillé. Je suis tombée, je me suis relevée. Je
suis encore tombée puis je me suis encore relevée. Moi, je crois que ce qui
serait utile pour les victimes d'actes criminels, ce serait un meilleur support
dans la réinsertion, si on veut. Moi, j'aurais voulu avoir un orienteur, un
orienteur qui prend compte de mes faiblesses, mais qui est capable de
reconnaître qu'à travers ces faiblesses-là il en découle aussi des forces, que
ces forces-là peuvent être utiles, faire de moi une bonne contribuable, parce
que, lorsqu'on devient victime d'acte criminel, c'est comme si on avait un
titre, dans le fond. Et puis ce qu'il y a de plus difficile, c'est de perdre
toute fierté parce que les victimes... en fait, victime d'acte criminel ou...
post-traumatique, il n'y a personne qui comprend ça, là, absolument personne.
Donc, je trouve ça difficile.
Aussi, je m'excuse, là, je regarde, une fois de
temps en temps, mes notes, oui, ça, c'est le point que je juge le plus
important... bien, à mes yeux à moi. Oui, je comprends, il y a l'argent et
tout, là. Comme j'ai dit, l'orienteur, ensuite de ça, le psychologue, il
devrait être fourni à vie. Tu sais, je veux dire, qu'on donne, à la limite, un
peu moins d'argent, O.K., aux victimes, mais qu'on leur assure un suivi
psychologique à vie, parce qu'on n'est pas victime d'acte criminel durant une semaine
ou un an, on l'est toute notre vie, on a besoin d'aide toute notre vie.
Aussi, je veux dire, j'aimerais sincèrement...
Excusez-moi, je regarde mes notes. Oui, lorsqu'on est victime d'acte criminel,
là, O.K., la procédure, c'est sûr que la bureaucratie, là, ça n'a juste aucun
bon sens. Sincèrement, là, ça n'a aucun bon sens, c'est du martyr, O.K., parce
qu'à chaque fois, à chaque fois, il faut aller se présenter comme... Moi, en
exemple, je suis allée au TAQ trois fois, à chaque fois devant trois juges. À
chaque fois, j'ai dû répéter toute mon histoire, j'ai dû répéter tous les
sévices que j'ai vécus. Puis, à chaque fois, on me replonge encore plus dans
mon cauchemar, parce que c'est comme si, au fond, j'étais devenue celle qui
devait se défendre. Ce n'est pas moi qui a commis quelque chose d'illégal, ce
n'est pas moi qui a posé un préjudice à quelqu'un, mais, malgré tout, il faut
que je me présente à la cour puis que, tout à coup, c'est comme si c'était moi,
la coupable. Et ça, là, je ne le comprends pas. Je veux dire, tous les
événements sont écrits dans des documents médicaux, sont écrits dans des
documents de travailleurs sociaux, sont écrits dans les documents de
psychiatres, sont écrits même par des bureaux d'avocats. Pourquoi, à chaque
fois, nous faire répéter, même si on n'est pas capable, ce qu'on voudrait
par-dessus tout oublier? C'est martyriser quelqu'un qui est déjà
post-traumatique, selon moi.
Aussi, j'aimerais parler au niveau monétaire,
c'est sûr. Moi, là, j'ai vérifié, là, le projet de loi, là, O.K. Moi, je fais
partie de l'ancien régime, vous comprenez? Donc, moi, je vais avoir droit à une
rente pour le reste de mes jours, O.K. Mais si on pense à nos voisins, à notre
famille, à nos cousins, à nos propres enfants, O.K., qui peuvent, par malheur,
subir une agression quelconque, puis que, par la suite, on lui dit :
Écoute, on va te donner un montant d'argent,
O.K., puis rentre chez toi, il est où, le support? Qu'est-ce qui va arriver
avec cette personne-là? Puis je m'excuse, mais le salaire minimum, là,
je ne sais pas si vous savez, là... parce que moi, personnellement, O.K., j'ai
des études. Me Mongeon, elle s'est
battue bec et ongles, O.K., bec et ongles pour moi. J'ai des études, j'ai
travaillé. Actuellement, je suis payée au salaire minimum malgré mes
efforts.
Me Mongeon, j'aimerais ça vous entendre,
vous aussi, s'il vous plaît, si vous êtes là encore.
• (15 h 10) •
Mme Mongeon (Sophie) : Oui,
effectivement, là, je suis présente avec vous. Écoutez, moi, je dois vous avouer que j'ai su vendredi que je serais ici
aujourd'hui. Donc, on vous a fourni un ordre du jour un peu en
catastrophe, qui sont les points principaux qui sont ce que les victimes
allèguent généralement comme difficultés, sous l'ancienne Loi de
l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Donc,
les délais de procédure et les traitements de dossier, effectivement, ça a été
très difficile avec Mme Rochon. Une fois que tu fais une
réclamation à l'IVAC, les traitements de dossier sont extrêmement longs, sont
extrêmement longs parce que la loi est difficile à
appliquer, O.K., et aussi parce que la loi est un peu... est complexe. Puis, si
je comprends bien, des fois, les agents qui sont en charge de rendre des
décisions au niveau de l'indemnisation sont, plus ou moins, au courant de cette
loi-là qui est extrêmement complexe.
Donc,
ça, c'était le point 1, les délais de procédure et traitement de dossier.
On sait que le Protecteur du citoyen a fait beaucoup de rapports en
disant que les délais doivent être accélérés. Mais c'est bien beau que les
délais... s'ils sont accélérés, mais si, en bout de ligne, les indemnités sont
toujours refusées parce que la loi n'est pas adéquate,
donc le délai de traitement, à un certain moment donné, ce n'est plus ce qui
est vraiment important comme tel.
Donc, le point 2
que Mme Rochon voulait discuter avec vous, c'est les indemnités de
remplacement de revenu pour les victimes d'abus et de violence conjugale.
Effectivement, notre problématique actuellement, c'est que moi et
Mme Rochon, on n'a pas les mêmes souvenirs de jeunesse. Moi, j'ai été
appuyée dans mes études, alors que Mme Rochon ne l'a pas été, et la façon que
la loi a été construite actuellement, avant les modifications proposées, c'est
qu'une personne qui est sans emploi va être indemnisée au salaire minimum.
Nous,
les objectifs... Moi, je suis spécialiste en régime d'indemnisation depuis
25 ans. Les raisons qu'on demandait des modifications à la Loi sur
l'IVAC, c'était pour bonifier ce salaire minimum là, parce que c'est des gens
qui n'ont pas eu l'occasion de faire des
études. Tu sais, je veux dire, quand tu es abusé quand tu es jeune, tu ne vas
pas... tu as de la difficulté à finir
ton secondaire, tu as de la difficulté à aller au cégep. Donc, c'est clair que,
quand tu fais une réclamation, ce n'est pas un salaire.
Donc, à ce moment-là,
les gens sont indemnisés au salaire minimum. Et actuellement quelqu'un qui reçoit
des ITT, des incapacités totales temporaires, va recevoir approximativement
1 400 $ par mois. Si on compare qu'actuellement
le train de vie minimum a été jugé environ 500 $ par semaine, on voit que
c'est vraiment en dessous d'un moyen
raisonnable pour gagner sa vie. Donc, ça, c'était un point qui était inadéquat
dans l'ancienne loi, mais qui, en plus, qui vient d'être amputé gravement dans la nouvelle loi. Donc, je
pourrais discuter avec vous. Et effectivement, l'IVAC refuse
assez souvent des réclamations et, au lieu d'aider dans la réintégration, va
mettre fin aux indemnités. Ça fait
qu'en bout de ligne, qu'est-ce que tu fais,
c'est que tu négocies hors cour pour des montants forfaitaires, et la personne
n'a pas vraiment eu de suivi. Et
effectivement, dans toutes les lois administratives, quand la lésion est
souvent considérée comme consolidée,
ça veut dire plus de traitement... Est-ce que vous êtes... Est-ce que je suis
encore là? Parce que là, ça a arrêté.
Le
Président (M. Bachand) : Alors, on vous entend très, très, très
bien, oui.
Mme Mongeon
(Sophie) : Oui. O.K. Parfait. Donc, effectivement, quand les séquelles
sont évaluées, il n'y a pas vraiment de
support... traitement de support qui est accordé à une victime. Aussi, ce qui
est difficile, c'est qu'à chaque fois devant les médecins puis devant
les tribunaux, même si l'acte criminel est accepté, la victime se doit de refaire le témoignage, ce qui est extrêmement
lourd. Donc, c'est plus au niveau procédural ou réglementaire, ça serait
d'éviter, une fois que l'acte criminel... elle est acceptée, que la dame ou la
personne victime soit obligée de répéter constamment.
Et notre autre point,
c'était la nouvelle loi, la diminution des bénéfices. Donc, il y a des points
majeurs en ce qui concerne les victimes par ricochet ou les proches. Ca, je
vais laisser l'AFPAD en discuter. Me Bellemare aussi va en discuter demain. Il y a toute la section de faute lourde aussi que
je vais laisser l'AFPAD, Me Bellemare, discuter. Mais moi, mon cheval de
bataille aujourd'hui, c'est vraiment l'indemnité de remplacement de revenu qui,
dans la nouvelle loi, fait en sorte que des dames comme Mme Rochon n'auraient
droit à aucune prestation, zéro puis une barre.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, Me Mongeon... parce qu'on est
déjà rendu à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
m'excuse de vous interrompre. Alors donc...
Mme Mongeon
(Sophie) : Non, non, allez-y, allez-y. Allez-y avec vos questions.
Le
Président (M. Bachand) : Parfait. Alors,
je cède la parole au ministre. M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Mme Rochon,
Me Mongeon, merci beaucoup de participer aux travaux de la commission.
Si vous me permettez,
je vais revenir à vous vers la fin de mes questions, Me Mongeon, mais, tout
d'abord, avec Mme Rochon. Merci beaucoup, Mme Rochon, de témoigner à la
commission aujourd'hui. C'est un geste qui est courageux. On apprécie grandement... Je pense que je vais pouvoir...
l'ensemble des membres de la commission pour vous remercier du courage
que vous faites preuve aujourd'hui, et surtout de nous avoir aussi informés,
d'avoir discuté avec nous, avec notre cabinet préalablement, pour nous raconter
votre histoire. Je pense que ça permet de bien faire comprendre à la population
ce par quoi les victimes sont passées puis surtout de votre expérience avec
l'IVAC.
Et c'est justement ce
qu'on veut faire avec le projet de loi, d'améliorer notamment le service à la
clientèle avec l'IVAC. Et vous dire, un des objectifs du projet, là, puis on
l'a inscrit, c'est de faire en sorte, dès le départ, que, dès qu'une personne
appelle à l'IVAC, maintenant, pour avoir de l'aide, bien, on puisse lui offrir
des séances, notamment de soutien, de psychothérapie dès le départ, donc de ne
pas attendre que son dossier soit consolidé ou qu'elle soit admise à l'IVAC
pour en avoir aussi. Et je voudrais vous rassurer aussi, à ce niveau-là, dans
le fond, les séances de psychothérapie vont être sans limite pour les victimes
qui subissent les infractions criminelles.
Mais j'aimerais ça
vous entendre davantage, là, sur comment est-ce que... les points d'amélioration
qu'on pourrait avoir relativement avec la Direction de l'indemnisation des
victimes d'actes criminels. Vous nous avez parlé de vos témoignages, ça, c'est
lorsque c'est contesté, puis que vous souhaitez contester la décision de
l'IVAC, mais avant ça, là, quand vous vous adressez à l'IVAC...
Mme
Rochon (Lili) : J'ai déjà quelques
idées qui me viennent en tête. Tout
d'abord, sincèrement, lorsqu'une victime d'acte criminel traite avec l'IVAC, je ne
sais pas si vous avez déjà entendu ça dans les commentaires, mais il arrive très,
très, mais très souvent qu'on nous
change d'agent. À chaque fois, tout le temps, on nous change d'agent.
Donc, déjà que lorsqu'on est dans une procédure où c'est important, de notre
vie, c'est-à-dire qu'on a choisi de se battre, si on veut, de se défendre, il y
a un lien de confiance qui doit se
créer avec la personne, mais là, si... On nous change, puis ça, c'est
fréquent, là. Tu sais, sincèrement, c'est fréquent, on nous change d'agent sans
cesse.
Aussi, ce que je trouve dommage, c'est que, je
ne sais pas si vous savez, mais moi, en tant que victime d'acte criminel, contacter l'IVAC, là... Ça a été moins
difficile de contacter M. Jolin-Barrette que de contacter l'IVAC, à
l'époque, sincèrement. L'IVAC, là, les lignes téléphoniques, laisser un
message... non, ce n'est pas la bonne personne, non, c'est à la directrice qu'il faut parler, non, votre agente n'est pas là,
elle est partie en congé de maternité. Ça ne finit plus, ça ne finit
plus, ça ne finit plus.
Aussi, il y a une chose que j'aimerais vous
mentionner, c'est que ce n'est pas une bonne idée de faire des menaces à une
victime d'acte criminel. Puis là vous vous demandez où est-ce que je m'en vais
avec tout ça, là. Écoutez, moi, durant mon parcours... ce n'est pas
compliqué, il a duré 39 ans. 39 ans, d'accord. Durant mon
parcours, il est arrivé un temps où est-ce que ma situation faisait que je
n'avais plus comme de... je n'avais plus de garde-fou. Je cherche le bon terme, là, mais j'étais complètement désemparée, j'avais besoin d'aide. Au lieu de m'appeler puis de
me dire : Madame, on va couper vos indemnités maintenant... Pourquoi? Bien
là, c'est parce que la semaine passée, vous ne
nous avez pas appelés. Oui, mais, attendez un instant. Est-ce que vous avez
vérifié pourquoi je n'ai pas pu appeler? Est-ce que vous étiez au
courant que mon fils était dans un coma diabétique? Tu sais, c'est le manque
d'humanisme que je crois qui fait défaut.
Et puis j'ai... Pour m'adresser à vous
aujourd'hui, je ne le fais pas en mon nom, sincèrement, là. Moi, j'attends une greffe de pancréas, sincèrement,
O.K., et, en plus de ça, moi, je suis 100 % de séquelles. Donc, moi, là,
c'est plate un peu, là, mais, pour moi, c'est fini. Je le fais, je le fais...
J'ai récolté des témoignages, là, O.K. J'aurais voulu en recevoir plus, mais,
avec le délai que j'avais, là, c'était impossible. Parce que ça, c'est une
autre chose aussi, les victimes d'actes criminels ont peur. Les victimes
d'actes criminels ont peur de parler...
(Interruption)
Mme Rochon (Lili) : Non... Je
m'excuse, j'ai un petit chien. Je suis désolée. C'est ça, les victimes d'actes criminels, ils ont peur de parler. Il faudrait
qu'ils soient mieux encadrés, plus soutenus puis, au fond aussi,
simplement de se faire dire une fois :
Je te crois. C'est une petite phrase toute simple, mais qui peut tellement
aider une victime d'acte criminel...
ou juste demander : Comment vas-tu? Parce que c'est tellement de la
bureaucratie, c'est de la paperasse, c'est : Remplis tel formulaire, après
ça, appelle ton avocate, ton avocate te rappelle.
Me Mongeon, elle a été extraordinaire avec
moi. Ça fait au-dessus de 10 ans, 10 ans qu'elle me défend, O.K. Elle
a été patiente mais patiente, parce qu'il y a une chose aussi qu'il faut
reconnaître, les victimes d'actes criminels peuvent être très harcelantes...
bien, du moins, moi, d'accord? Mais Me Mongeon, elle a toujours été
patiente, elle m'a toujours parlé, elle m'a
toujours dit : Là, Mme Rochon, je vous l'ai dit, on attend, on
attend. Oui, mais c'est long. Je le
sais, Mme Rochon, mais on n'a pas le choix. Donc, elle, elle était comme
prise, si on veut, en sandwich, là. Mais moi, tout ce que je voulais... Au fond, là, je tapais du pied, là, tu sais,
quand j'ai fait des demandes de rechute, O.K. Lorsque j'ai fait des demandes
de rechute, j'ai dû rembourser mes études, O.K., mais pas juste ça. Lorsque je
le faisais, là, la demande de rechute, tout
ce que je voulais, c'est un psychothérapeute. C'est tout ce que je demandais,
un psychothérapeute.
Je ne comprends pas. Je ne comprends pas
pourquoi c'est si compliqué. Tu sais, il y a trop... C'est de l'acharnement, c'est de l'acharnement. Tu sais,
c'est comme si on te disait : Tu vas tellement pédaler, là, tu vas
t'épuiser puis tu vas abandonner. Moi, c'est comme ça que je l'ai vécu, puis
j'ai trouvé ça vraiment très frustrant. Voilà.
• (15 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Mais je vous
remercie, Mme Rochon, de parler au nom des victimes aujourd'hui. Je pense
que votre voix porte le message de plusieurs personnes. Ça nous permet aussi de
voir concrètement c'est quoi, les conséquences du régime qu'on avait. Puis un
des objectifs qu'on a avec la réforme qu'on propose, c'est justement de le
rendre plus humain, de rendre l'IVAC beaucoup plus humain, plus flexible et surtout
aussi d'offrir davantage de soutien, d'accompagnement. Je vous dirais que le projet
de loi, il n'est pas parfait. On
essaie d'en faire le plus possible. Il
y a certaines critiques relativement au projet de loi, j'en suis conscient. Cela étant dit, vous pouvez
être certains qu'on essaie le maximum de faire en sorte que les victimes
soient plus accompagnées. Puis je veux vous remercier pour votre témoignage aujourd'hui.
Je vais céder la parole à mes collègues.
Peut-être juste un commentaire que j'aurais relativement
à la somme forfaitaire. Dans le fond, la somme forfaitaire n'empêche pas le
soutien qu'on va offrir aux victimes. Dans le fond, on a construit la réforme
que nous proposons en ayant l'argent.
L'indemnisation, c'est une chose, mais tout le soutien qu'on va offrir, en termes de suivi psychologique sans limite pour la personne victime, également,
la réinsertion professionnelle, l'accompagnement, donc tout
ça aussi, c'est pensé relativement à ça. Puis c'est vrai qu'il y a
des éléments qui vont venir par voie réglementaire, mais je souhaitais
apporter cette précision-là.
Donc, un grand merci, Mme Rochon, d'avoir
été présente aujourd'hui, puis j'ai des collègues qui vont vouloir vous poser
des questions.
Mme Rochon (Lili) : ...juste un
petit truc qui m'échappait, là, ça fait que... je trouvais important de vous
mentionner. Tantôt... oui, c'est vrai, les victimes d'actes criminels, ça donne
des faiblesses, mais ça serait important d'en reconnaître les forces. C'est-à-dire, moi, je
ferais n'importe quoi, sincèrement, pour aider auprès des organismes ayant... traitant avec des victimes d'actes
criminels, mais, à chaque fois, je me fais rétorquer : Il est où, ton
papier? J'ai de l'expérience de vie.
Ça fait 39 ans que je suis dedans. Donc, tu sais, juste... Je voulais
juste faire une petite parenthèse à ce sujet-là, parce que moi, je veux
encore, là... je veux encore, vous comprenez. C'est tout. Voilà.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Je cède maintenant
la parole à la députée de Les Plaines. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup, M. le Président. Mme Rochon, je joins ma voix à celle du
ministre pour vous féliciter de votre courage aujourd'hui, vous féliciter
d'être la voix des victimes. Votre témoignage est
très sensible. Nous en sommes tous enchantés d'avoir ce son-là, parce qu'on va
avoir évidemment beaucoup de gens qui vont venir lors de ces
consultations particulières. Mais vous, vous l'avez vécu sur le terrain, vous
le vivez encore sur le terrain. Votre
expérience de vie nous est très importante à nous pour prendre des décisions
éclairées. Donc, merci d'être là. Merci de le faire avec toute la verve
que vous avez, la voix, l'efficacité dans votre témoignage aussi.
J'aimerais ça
vous parler de... Vous dites, dans votre témoignage, que vous auriez aimé avoir
un meilleur support dans votre
réinsertion. Comment vous l'auriez... Comment vous l'avez vécu et comment vous
le verriez différemment?
Mme Rochon
(Lili) : O.K.
Comment je l'ai vécu? En fait, ça a été des papiers, de la bureaucratie, c'est-à-dire qu'on te demande, lorsque tu tentes de te trouver un emploi, de remplir une
feuille avec tous les emplois que tu as contactés afin d'avoir un éventuel travail, d'accord?
Moi, ce que j'aurais aimé, comme je disais tout à l'heure, c'est... Vous devriez offrir
un service d'orienteur qui va prendre en considération les forces, les
faiblesses et les aspirations de cette personne-là. Puis par la suite...
la ou le, je m'excuse, parce qu'il y a autant d'hommes que de femmes victimes
d'actes criminels. Là, je dis «la» parce que
c'est la victime, mais de l'orienter
dans une direction afin qu'elle devienne une fière contribuable.
Et c'est ça qui manquait, c'est ça qui manque,
c'est-à-dire le support avec un orienteur puis, par la suite, une évaluation
professionnelle qui dit : Bon, O.K., bon, elle, elle a ça, elle a ça, elle
a ça. Ah! non, elle n'a pas de diplôme universitaire, c'est plate, hein? O.K.
Elle a ça, elle a ça, elle a ça, tu sais, puis qu'on tienne compte de tout le bagage aussi, parce que le bagage en tant que
tel... Les personnes comme moi, sincèrement, tout ce qu'ils veulent, là,
c'est éviter leur parcours aux autres. Les personnes comme moi, là, ce qu'elles
veulent, c'est les aider. Ce serait tellement bien
qu'on puisse reconnaître, une fois pour toutes, l'expérience personnelle un
tant soit peu pour pouvoir aider, guider les personnes qui sont à peine
entrées dans ce cauchemar-là. Voilà.
Mme Lecours (Les Plaines) : Donc, si
je vous comprends bien, à partir du moment où on reconnaît les événements vécus, qu'il y ait non seulement un
support psychologique, parce qu'il est essentiel, le support
psychologique, mais qu'en soutien aussi, parce qu'on appelle ça une réinsertion,
qu'il y ait cette portion d'aide là. C'est ce que je comprends bien?
Mme Rochon (Lili) : Oui, oui, Mme
Lecours.
Mme Lecours (Les Plaines) : O.K. Et
parlez-moi aussi... Dans les délais, à partir du moment où... Puis je ne veux
pas vous replonger dans votre passé, ce n'est pas ça du tout, là. Je veux
juste... À partir du moment où vous avez été prise en charge, dans les délais,
combien ça a pris de temps entre, par exemple, le moment où est-ce qu'on a
reconnu votre situation et les premières prises en charge, là, avec les
traitements en psychologie, et tout ça? Quelles ont été les étapes que vous
avez franchies?
Mme Rochon (Lili) : O.K. Bien, pour
commencer, moi, j'ai 39 ans puis, lorsque j'ai décidé que c'était assez, ce qui se passait à la maison, j'ai fait
une fugue à 15 ans, O.K. Mais je suis parvenue à avoir mon premier
support. La première fois, j'ai reçu de l'aide avec l'IVAC en 2001. J'étais une
enfant. J'étais une enfant, mais la DPJ ne m'a pas soutenue. La DPJ n'a pas pris soin de se questionner à savoir si
j'aurais besoin d'une thérapeute, d'une travailleuse sociale. Moi, j'ai eu un travailleur social, oui,
mais le seul souvenir que j'ai d'un travailleur social, c'est celui qui
t'arrache des gens que tu aimes le plus puis qui te trimballe de famille
d'accueil en famille d'accueil ou foyer de groupe. Ça, c'est l'image que j'ai,
parfaite, d'un travailleur social.
Mais quand... Toute petite, je n'ai jamais eu de
support psychologique. Ça a été en 2001, lorsque j'ai mis au monde mon premier enfant. Là, la... tout ça,
j'avais peur, extrêmement peur pour mon enfant. Ça a
pris tout ce temps-là. Donc, je veux dire, s'il y a quelqu'un qui est
bon en mathématiques aujourd'hui, et je vous invite... mais 2001, là.
Mme
Lecours (Les Plaines) :
Donc, je comprends que dans... Ça a pris quand même des délais trop
longs. Et le fait qu'on aurait, avec
le projet de loi, un programme d'aide d'urgence serait, à votre sens à vous,
bienvenu, c'est ça?
Mme Rochon (Lili) : Oui, oui, Mme
Lecours, définitivement. Oui, je suis entièrement d'accord.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup, Mme Rochon. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de
LaFontaine, s'il vous plaît. M. le député.
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. De combien de temps je dispose?
Le Président (M.
Bachand) : 11 minutes, M. le député.
• (15 h 30) •
M. Tanguay :
Parfait. Merci beaucoup. Écoutez, Mme Rochon, merci beaucoup d'être présente
virtuellement avec nous aujourd'hui et de nous partager votre témoignage, là,
ce que vous avez vécu. Et, vous savez, quand on est législateurs, les projets de
loi doivent s'ancrer dans la réalité du vrai monde, si vous me permettez
l'expression, de ce que vous avez vécu ici, en instance, puis ça, c'est très
certainement... ça aide énormément notre réflexion.
Et je me plais à dire qu'en politique la
pertinence vient, découle de la proximité. Vous ne pourrez pas être pertinent
si vous n'êtes pas proche du monde, puis votre témoignage va nous aider à être
encore plus pertinents puis, oui, à bonifier le projet de loi.
Je pourrais déchirer la chemise que j'ai sur le
dos en disant que ça va trop vite. Le rythme aura été imposé par le gouvernement.
On est avec vous aujourd'hui, on va faire le travail qu'il faut, mais effectivement
c'est trop important pour faire les coins
ronds. Je ne dis pas que personne autour de la table n'a l'intention de faire
les coins ronds, mais, pour obtenir un véritable impact puis d'avoir la
meilleure loi, il faut prendre le temps, puis la précipitation est très
mauvaise.
Alors, merci pour votre témoignage,
Mme Rochon. Me Mongeon, merci aussi pour le document que vous avez
été capable de bâtir avec les témoignages, notamment, de Mme Rochon. Vous
vous étiez fait un ordre du jour, j'aimerais
vous entendre, Me Mongeon. Peut-être en rafale, j'ai 11 minutes, puis je m'en
veux d'avoir pris 1 min 30 s, là, mais je pense que ce
que je devais dire était important.
Me Mongeon, les délais... votre premier
point... Le premier point que vous avez mis, là, les délais de procédure et de
traitement de dossier, j'aimerais vous entendre sur cette réalité-là. Je vais
avoir essentiellement trois questions. Alors, j'aimerais ça vous entendre
sur cette réalité-là et en quoi le projet de loi n° 84 va venir aider ou
améliorer les délais de procédure et les traitements de dossiers ou pas.
Mme Mongeon (Sophie) : Bien,
pour répondre à votre première question, je ne sais pas si ça va vraiment
améliorer les délais de procédure et de traitement de dossier, parce que ça,
c'est quelque chose qui n'est pas législatif,
qui est plus sur le terrain, donc c'est plutôt d'entreprendre des procédures.
Tu sais, vous savez, en civil, on a des protocoles d'instance, là, tu
sais, avec des délais obligatoires, etc. Ça fait que peut-être qu'en règlement
on pourrait mettre des délais, des échéanciers, c'est-à-dire, au moment où la
réclamation est faite, dans un délai de trois mois, une première décision
doit être rendue.
Mais effectivement, là, en CNESST puis en SAAQ,
quand quelqu'un est victime d'un accident de travail ou d'un accident d'auto,
on va autoriser, souvent, les traitements avant que la décision d'admissibilité
ne soit rendue. Ça fait que ça, c'est un très bon point. Ça ferait au moins en
sorte que les gens ont des traitements en attente d'une décision. Ça ferait
moins mal, donc, d'attendre pour le traitement de dossier. Est-ce que ça...
M. Tanguay : Et
diriez-vous... Oui, oui, c'est parfait, puis je trouve ça très tangible, puis,
voyez-vous, vous me donnez des suggestions qu'on pourrait même, le cas échéant,
mettre dans la loi. Alors, on pourrait même mettre des délais puis on pourrait
même mettre, justement, ce que vous dites, des traitements en attendant que le
dossier soit en état et que l'on ait une décision sur le fond.
Diriez-vous également qu'on pourrait le faire au
niveau de l'indemnisation aussi? On verra si le montant global doit être plus
grand que cela, mais d'avoir une indemnité de secours de façon un peu plus
étayée que ce qui est devant nous aujourd'hui, peut-être, aussi.
Mme Mongeon (Sophie) : Oui, ça
serait une excellente idée d'avoir un montant forfaitaire d'entrée de jeu, un
peu comme un montant forfaitaire de frais funéraires, là, tu sais, qui est un
montant, par exemple, où les accidentés de la route ou du travail... puis on
sait exactement, ça, c'est le montant. Ça pourrait être effectivement un
montant, d'entrée de jeu, pour permettre aux gens d'avoir un peu de liquidités
pour payer leurs traitements et leurs... la médication, si nécessaire. Parce
qu'on le sait que les traitements, souvent, vont être limités, mais en bout de
ligne, les accidentés finissent par payer une franchise. Ça veut dire que les
montants qui sont donnés par règlement, les traitements, par exemple, de
psychothérapie, des fois, vont tourner alentour de 86,80 $, que l'État va
payer, bien... mais il n'y a pas beaucoup de psychologues qui vont accepter de
travailler à 86,80, donc, dollars. Ça fait que, tu sais, peut-être, c'est de s'assurer que le montant soit
approprié puis qu'il est représentatif de la réalité, là, du
professionnel.
M. Tanguay : Tout à fait. Merci. Deuxième des trois questions
que... puis n'hésitez pas, Mme Rochon, si vous voulez sauter dans la conversation. Je m'excuse encore une fois, je suis
un petit peu directif, mais on manque de temps.
Mme Rochon (Lili) : Non, je vous
laisse le temps, tout le monde, voyons... juste un petit 30 secondes
tantôt pour remercier quelques personnes importantes, c'est tout...
M. Tanguay : ...je vais m'en
assurer de le prendre sur mon temps, Mme Rochon.
Me Mongeon, manque d'accompagnement pour
réintégration sur le marché du travail. Est-ce que ça, ça pourrait être mis dans un article du projet de loi n° 84 de façon plus spécifique? Et pouvez-vous étayer
à quoi faites-vous référence en termes d'accompagnement pour le marché
du travail?
Mme Mongeon
(Sophie) : Bien, la façon qu'on procède, quand on est victime d'un
événement quelconque, on a la période qu'on
appelle postconsolidation. Ça veut dire les traitements, etc., où l'objectif,
c'est d'améliorer la personne pour
les amener à un point où, même si on continue les traitements ad
vitam aeternam, il n'y aura pas d'amélioration, ce qu'on appelle la
consolidation.
Actuellement, la façon qu'elle est bâtie, toute
la section de réadaptation est extrêmement complexe par la stabilisation
économique, stabilisation sociale. C'est toutes des notions qui sont tellement
difficiles que, même moi qui exerce dans le métier depuis plus de 20 ans,
je ne suis pas capable de vous dire tous les tenants et aboutissants de ces
programmes-là.
Moi, je vais tenter de vous dire que toute la
loi, la modification pourrait être copiée un peu sur la Loi sur l'assurance
automobile. Donc, c'est-à-dire, à partir du moment où on a des séquelles qui
nous sont accordées, tout de suite, il y a un conseiller en réadaptation qui
nous dit : O.K. Mme Rochon, tu n'es plus capable d'exercer l'emploi,
par exemple, de technicienne juridique, mais vous êtes capable d'exercer un
autre emploi, puis les aider dans ce recyclage-là. Est-ce que ça répond à votre
question?
M. Tanguay : Oui. Non, tout à
fait, ça répond très, très bien. Et vous avez effleuré ce à quoi faisait
référence Mme Rochon, l'importance d'avoir une stabilité quant à
l'interlocuteur ou l'interlocutrice qui parle à la victime, donc d'avoir une stabilité, de connaître... de
développer, je dirais même, une relation professionnelle avec cette
personne puis de connaître son dossier plutôt que de toujours être obligé de
raconter son histoire. Parce que ça aussi, puis message bien reçu, Mme Rochon, ça participe aussi de la lourdeur
de la chose, de dire : Bon, il faut encore que je reparte à zéro
dans le dossier avec un nouvel interlocuteur. Ça n'aide pas, ça ajoute aux
tracas, puis des tracas, justement, l'État est là pour vous aider à en avoir le
moins possible.
Dernier point, Me Mongeon, manque de
support psychologique postconsolidation, j'aimerais vous entendre là-dessus et
en quoi on pourrait y faire écho dans le projet de loi n° 84.
Mme Mongeon (Sophie) : Bien, effectivement,
dans tous les régimes d'indemnisation actuels, à partir du moment où il n'y a
plus d'amélioration possible, on appelle ça une consolidation, et c'est là que
les séquelles vont être abordées. Donc, à ce
moment-là, c'est un peu une petite lacune que... je me posais comme question, à
savoir : Quel barème qui
pourrait être utilisé? Alors, j'en profite pour glisser un mot que le barème
adéquat, ce soit la Loi sur l'assurance automobile. C'est un barème qui
a été élaboré depuis 2000, qui tient compte de toutes les... quasiment toutes
les fonctions, psychiques, endocriniennes,
déplacement et maintien de la tête, du tronc. Ça fait que je me permets
d'aborder ça, alors je vous le dis, ça pourrait être quelque chose.
Donc, à
partir du moment où la compagnie d'assurance, l'organisme gouvernemental arrive
à la détermination des séquelles, elle paie rarement des traitements de
support. Donc, il faudrait absolument instaurer des traitements de support qui
pourraient être prévus par règlement, c'est-à-dire quelque chose d'un par mois
aussi pour maintenir la personne en capacité aussi de travail. Parce que, si
vous me le permettez, dans le nouveau projet de loi, actuellement, des gens
comme Mme Rochon n'auraient aucune indemnité, zéro, parce qu'au moment de
la rechute ou au moment de l'événement elle
est considérée sans emploi, parce qu'elle a été victime d'abus sexuel dans sa
jeunesse, donc elle n'a pas pu se
créer une carrière, vous comprenez. Donc, lorsqu'elle fait une réclamation,
elle est sans emploi, elle n'aurait aucun salaire dans le dossier
actuellement, et, même si elle en avait, disons, ça serait maximum
trois ans. Elle, elle a une rente viagère, et c'est difficile pour elle
d'arriver, là.
M. Tanguay : Non, exactement,
et c'est là où vous trouvez... Puis vous soulignez bien l'illogisme, à cause de
l'acte criminel, vous n'avez pas pu vous bâtir une carrière, et donc vous ne
serez pas indemnisé. Donc, je veux dire, on fait le tour, là, on fait le tour
de cette...
Dans la nouvelle loi, j'aimerais vous entendre,
Me Mongeon, sur ce que vous appelez la diminution des bénéfices. J'aimerais vous entendre, parce que,
là, on arrive vers la fin puis, s'il y a des choses, là, que vous dites :
Ah! ça, j'ai oublié d'en parler ou je n'ai pas pu en parler, allez-y, je vous
en prie. Et, Mme Rochon, je suis convaincu qu'à la toute fin notre
président vous accordera évidemment une enveloppe de temps, vous parlez d'un
30 secondes, pour pouvoir, là, faire des remerciements. Mais j'aimerais
entendre Me Mongeon aussi sur la diminution des bénéfices. Puis allez-y,
là, il me reste 1 min 30 s, là... des choses que vous aimeriez
dire.
Mme Mongeon (Sophie) : Merci. Donc,
effectivement, souvent, là, les personnes qui sont... ils ont eu de la violence sexuelle quand ils étaient jeunes ou des
personnes qui sont en violence conjugale, c'est souvent des personnes
qui ne travaillent pas.
Déjà, une de
mes revendications pour les victimes était qu'ils étaient indemnisés sur le
salaire minimum. Alors, quand on
faisait les revendications pour qu'il y ait amélioration de la loi, c'était
pour les payer un petit peu plus que
le salaire minimum et peut-être tenir compte du salaire moyen du Québécois, surtout
quand c'est des jeunes de moins de 25 ans.
Tu sais, je le sais que moi, par exemple, mes
enfants, ils ont 16, 17, 18 ans, ils sont au cégep. À l'heure actuelle,
si mon fils se faisait tabasser alors qu'il attend l'autobus, il n'aurait
aucune indemnité. O.K.? Et, même s'il avait un emploi, par
exemple, à temps partiel chez Costco, il serait payé sur les indemnités de
Costco, mais un maximum de trois ans, O.K.? Donc, ce qui est...
Déjà, les revendications qu'on voulait, c'est
que les personnes qui sont victimes de violence sexuelle ou d'abus sexuels en jeunesse soient indemnisées
d'une façon différente étant donné qu'ils ne sont pas capables d'exercer un vrai travail sur le... un
emploi sur le marché du travail. C'est là qu'il y a une diminution
importante. Donc, tout ce qui est retraité, femme au foyer, etc., ces
gens-là sont vraiment pénalisés.
Donc, en bout
de ligne, on n'aide pas les victimes comme telles, on les met dans un état
encore pire qu'ils étaient. Dans
l'heure actuelle, j'ai le goût de vous répondre, je suis spécialiste en régimes
d'indemnisation, j'aime autant laisser la loi telle quelle. J'aime
autant qu'on ne la modifie pas, parce que ça fait en sorte que les victimes
sont vraiment pénalisées par la loi, puis vous comprenez pourquoi. Maximum
trois ans, et on met de côté toute une catégorie de victimes qui... dont c'est eux, au départ, qui ont
besoin de cette loi-là. C'est ces victimes-là, ce n'est pas ceux qui
sont nécessairement au travail, qui ont des assurances, qui ont d'autres
choses. C'est vraiment ceux-là, et ceux-là sont totalement mis de côté. Ça fait
que moi, si vous... clairement, j'ai le goût de vous dire...
• (15 h 40) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Me Mongeon.
Mme Mongeon (Sophie) :
...j'aimerais autant qu'on ne la change pas.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède la parole à...
M. Tanguay : Merci beaucoup.
Merci à vous.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci, M. le député de LaFontaine. Mme la
députée de Sherbrooke,
s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, toutes les
deux. Vos témoignages sont très, très explicites sur ce que vous pensez du projet de loi puis qu'on devrait ajouter. Merci, Mme Rochon, en particulier pour
ce que vous nous dites sur les besoins d'accompagnement en insertion ou
en réinsertion professionnelle, en orientation, et pour les pistes de solution
que vous apportez aussi.
Vous avez nommé aussi que repasser devant le
tribunal, c'était comme un martyr. C'est quelque chose que j'entends souvent de la part des victimes, qu'elles sont
revictimisées à travers ce processus-là de relation avec l'IVAC. J'aimerais ça
que vous parliez un petit peu plus de ça, puis qu'est-ce qui devrait être fait,
puis est-ce que c'est réglé dans le projet de loi actuel.
Le Président (M.
Bachand) : ...le micro de...
Une voix : Votre micro,
Mme Rochon.
Le Président (M.
Bachand) : Votre micro est fermé, Mme Rochon.
Mme Rochon (Lili) : C'est parce
que j'ai écouté les règlements. Quand on parle, on...
Le Président (M.
Bachand) : C'est très bien.
Mme Rochon (Lili) : Donc, ce
que j'allais vous dire, c'est... Au fil du temps, je me suis comme construit
une petite phrase toute simple... c'est-à-dire que, si on regarde aux
États-Unis, O.K., on est coupable jusqu'à preuve du contraire, d'accord? Lorsqu'on arrive au Québec, on est innocent
jusqu'à preuve du contraire, il faut démontrer hors de tout doute. Mais
lorsqu'on est victime d'acte criminel, il faut démontrer que nous sommes
victimes d'acte criminel. C'est comme si nous devenions le coupable, puis moi, c'est
dans ce sens-là que ça me gêne.
Parce que d'expliquer... Parce qu'encore une
fois, comme je vous ai mentionné tout à l'heure, un lien de confiance, c'est hyperimportant pour une victime
d'acte criminel. En tout cas, du moins, si je me prends pour exemple, je
n'en ai pas eu, de lien de confiance dans ma
vie, donc c'est hyperimportant. Puis à chaque fois, de me présenter à la
cour devant trois juges, puis de répondre aux questions, puis de déclarer
toute mon histoire, puis après ça d'être, si on veut, contre-questionnée, entre
parenthèses, oui, c'est un cauchemar. Ça ne devrait même pas se faire. En plus
de ça, ça coûte beaucoup trop cher aux contribuables de façon inutile. Les
dommages ont été reconnus par un paquet de spécialistes, de psychiatres
psycholégaux ou... C'est de l'argent jeté par les fenêtres, puis, en plus de
ça, ça fait du tort, ça fait du mal aux victimes. Oui.
Le Président (M.
Bachand) : ...députée de Sherbrooke, il reste très peu de
temps. Mme la députée, il vous reste quelques secondes.
Mme Labrie : Oui, bien, je vous
remercie. Je pensais que Mme Mongeon allait compléter, mais je vous
remercie. C'est assez clair sur le fait qu'on devrait éliminer ces procédures.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon : Oui,
bonjour. Merci beaucoup à vous deux. Mme Rochon, je suis vraiment heureuse
que vous puissiez être devant nous
aujourd'hui. C'est quand même incroyable, vous êtes la seule représentante des
victimes. Puis je vous remercie parce
que vous avez pris ça à coeur. Et, dans le document que vous nous avez remis,
il y a énormément de témoignages que vous avez recueillis, qui sont très, très pertinents.
Donc, j'espère que tout le monde va les lire de a à z. Et vous faites un
duo de feu avec Mme Mongeon... avec Me Mongeon.
Donc, je réitère au ministre que je pense qu'il
devrait faire une consultation en ligne pour que toutes les victimes puissent
s'exprimer. On ne réforme pas le régime à tous les jours, donc ce serait
important d'avoir des voix et que vous ne portiez pas à vous seule tout le
fardeau de toutes les expériences des victimes au fil des décennies.
L'aspect du soutien psychologique, de l'aide
psychologique, c'est fondamental. Et donc vous nous dites qu'évidemment c'est
un combat puis que ça devrait être à vie, ça devrait effectivement suivre les
besoins. Le projet de loi veut être plus
souple par rapport à ça. Mais j'aimerais ça comprendre, vous, à quel moment on
vous a dit que, non, il y aurait une limite, parce qu'en théorie on est
supposé suivre les besoins de la victime.
L'autre
chose, c'est : Est-ce que vous craignez que, si on y va que par
forfaitaire, on demande donc aux personnes de choisir entre certains besoins qu'elles ont par rapport à d'autres
pour savoir qu'est-ce qu'elles vont se payer avec, donc, ce montant-là,
y compris de l'aide psychologique thérapeutique dont elles pourraient avoir
besoin? Peut-être, pour Me Mongeon,
dans mon court trois minutes, juste nous dire les éléments desquels on
devrait s'inspirer de la Loi de la SAAQ.
Le Président (M.
Bachand) : Il reste une minute.
Mme Mongeon (Sophie) : O.K.
Mme Rochon, je vais prendre la relève, O.K.? Donc, ce qui est bien
important, c'est que toute la section, Mme Hivon, sur la détermination du
salaire, elle tient compte de toutes les possibilités : ceux qui sont à
l'école, ceux qui ne sont pas à l'école, ceux qui ont un emploi, ceux que leurs
activités... Par exemple, la loi a été mise sur pied dans les années 78,
quand les femmes étaient au foyer. Donc, c'est prévu que, si ton activité,
c'est de t'occuper de tes enfants, il y a une indemnité de frais de garde.
Donc, toute la section sur la détermination du salaire, on devrait s'inspirer
de la Loi sur l'assurance automobile, O.K.?
Au niveau des
séquelles également et au niveau du processus de réadaptation, quand même, elle
a des lacunes, là. Parce que, moi aussi, il y a certaines choses de la
loi que je ne suis pas d'accord, mais généralement on pourrait s'inspirer de
cette ligne de temps là de la Loi sur l'assurance automobile pour
l'appliquer à l'IVAC. Le langage est déjà connu devant le Tribunal
administratif du Québec et devant le Tribunal administratif du travail. C'est
un langage qui serait harmonisé avec les autres régimes d'indemnisation, donc
ça serait... Au contraire, c'est qu'au lieu de travailler en silo, finalement,
on commencerait à travailler en... parce que les organismes, ils font tous référence
un à travers l'autre, là. La Loi sur l'assurance automobile va référer à
l'accident de travail, l'accident de travail va référer à l'IVAC, vous
comprenez?
Ça fait que ça serait une belle occasion
d'harmoniser au lieu de créer quelque chose qui est nouveau, puis qui est distinct, puis qui va donner lieu à des
contestations devant les tribunaux pour arriver avec des nouvelles
interprétations, là. Ça fait qu'on devrait s'inspirer de ce qu'on a déjà, puis
on a déjà des beaux programmes qu'on pourrait juste améliorer. Donc, moi, ça
serait l'entièreté, quasiment, de la Loi sur l'assurance automobile.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Me Mongeon. Je laisse la parole à... le
mot de la fin à Mme Rochon, tel que l'avait prévu le député de LaFontaine.
Mme Rochon.
Mme Rochon
(Lili) : Écoutez, la raison
pour laquelle je voulais faire des remerciements, c'est que, si je suis
avec vous aujourd'hui, là, c'est que j'ai eu du support puis j'ai eu de l'aide.
Je vois Mme Hivon, bonjour, Mme Lecours, bonjour, M. Pascal Ferland.
Je pourrais en nommer plein, Arlène Gaudreault. Je voudrais mentionner aussi
Lise Ravary, mon avocate, mon avocate que j'adore. Je voudrais remercier aussi
Alain Racicot, qui m'a beaucoup aidée pour recueillir, si on veut, tous les
témoignages, et ainsi que Catherine Paquette qui a travaillé très fort avec
moi. Et puis un petit mot, je remercie la patience de mon conjoint, d'être
encore avec moi au bout de 11 ans. C'est tout.
Le
Président (M. Bachand) :
Bien, sur ce, à vous deux, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi.
Merci infiniment.
La commission suspend ses travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Il me fait plaisir d'accueillir Me Louise
Langevin et Mme Rachel Chagnon. Alors, bienvenue à vous deux. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes de présentation, et, par après,
nous aurons un échange avec les membres de la commission.
Donc, encore une fois, bienvenue, et la parole
est à vous.
Mme Chagnon (Rachel) : Oui, bonjour.
On nous avait dit 10 minutes chacune.
Le
Président (M. Bachand) :
C'est 10 minutes total. Alors, désolé de la mauvaise... ça va être très
concentré. Puis, après ça, on va échanger avec les membres de la commission.
Mmes Rachel Chagnon et Louise
Langevin
Mme
Chagnon (Rachel) : Nous
allons être très efficaces. Alors, tout
d'abord, merci beaucoup
à la commission de l'invitation. Ma collègue Louise Langevin et moi-même
sommes heureuses d'être avec vous aujourd'hui. Je vais donc aller rapidement
dans les premiers points de notre mémoire et Louise ira sur certains points
plus particuliers.
Nous tenons d'emblée à exprimer notre
satisfaction par rapport à la décision du présent gouvernement de procéder à
cette réforme importante du régime de l'IVAC, qui était une réforme très
nécessaire. Nous sommes particulièrement contentes de voir disparaître la fameuse annexe
et de voir que les délais de prescription s'améliorent, qu'ils
s'harmonisent avec ceux du Code civil en ce qui concerne les victimes de
violence conjugale, les victimes de crimes à caractère sexuel et les victimes
de crimes durant l'enfance et nous sommes aussi très satisfaites de voir s'élargir
le concept de victime.
Nous voulons,
par ailleurs, attirer
l'attention des commissaires sur certains éléments pour lesquels nous
voudrions voir peut-être un peu plus d'attention. Tout d'abord, nous voulons
porter votre attention sur le caractère assez spécifique des bénéficiaires de
l'IVAC qui mérite d'être souligné. En 2019, le rapport annuel de l'IVAC
montre en effet que 75 % des
bénéficiaires de l'IVAC sont des femmes, pour être exact, 75,5 %. On
remarque qu'une bonne part des demandes émanant de ce groupe sont des
demandes en lien avec des crimes à caractère sexuel, mais que, dans les autres demandes, on retrouve beaucoup de
caractéristiques qui rejoignent les crimes basés sur les violences
conjugales, violences dans l'enfance,
exploitation sexuelle. Donc, on remarque, par exemple, qu'une majorité de
victimes connaissaient leur agresseur, une majorité de victimes ont été
agressées dans leur résidence. On pense qu'il est important de souligner ces
éléments, parce qu'on doit en tenir compte dans la façon qu'on a de construire
le régime, parce que ces victimes-là ont des
caractéristiques particulières, bon, tout d'abord, le fait qu'elles soient très
majoritairement des femmes.
En ce qui concerne les enjeux économiques, les
indemnités plus principalement, ça a un impact. Les femmes sont dans les rangs
percentiles plus pauvres, elles sont toujours en moyenne moins rémunérées que
les hommes. On remarquera qu'au Québec,
en 2019, les hommes ayant un diplôme secondaire gagnaient en moyenne
873 $ par semaine, alors que les
femmes avec un diplôme collégial gagnaient 737 $ par semaine. Donc, nous
pensons que, dans la façon de construire
le régime, on doit prendre en compte ces inégalités-là, ne serait-ce que pour
ne pas participer à les reproduire ou à les prolonger indûment.
Le genre est aussi une composante importante,
hein, des crimes qui sont les plus largement indemnisés. Le fait que les victimes connaissaient leur agresseur
est un détail important, surtout en ce qui concerne certains éléments,
comme, par exemple, la capacité pour la victime de dénoncer son agresseur, les
enjeux liés à la faute lourde. Il faut souligner les liens socioéconomiques
très complexes qui lient souvent ces types de victimes là à leur agresseur et
qui doivent être pris en compte quand vient
le temps, par exemple, de qualifier la personne comme étant une victime ou
pas.
Je vais donc, dans les deux minutes qui me
restent, simplement souligner qu'en ce qui concerne le régime des indemnités et
particulièrement l'indemnité forfaitaire nous avons beaucoup de questions.
Beaucoup de choses nous paraissent... mériteraient d'être clarifiées. La nature
de l'indemnité forfaitaire, sa qualification — est-ce un revenu, n'est-ce
pas un revenu — pourrait
avoir des incidences importantes pour les bénéficiaires du régime. Et aussi le
fait de passer à une indemnité forfaitaire, de mettre fin à la rente pourrait
avoir des incidences importantes sur ce dont pourraient bénéficier les
bénéficiaires du régime, une incidence négative sur les bénéficiaires du
régime. Puis il convient de poser la
question : Dans quelle mesure un montant forfaitaire pourrait s'avérer
aussi réparateur et bienfaisant qu'une rente à vie? Le Protecteur du
citoyen avait déjà soulevé ces éléments-là dans son rapport en 2016, lorsqu'il
faisait des comparatifs sur les montants
forfaitaires versus les rentes. Ce questionnement, pour nous, se pose toujours.
De façon plus
générale, nous soulevons l'idée qu'un régime qui axe une part importante
de ses indemnisations sur le remplacement de revenus devrait prendre en considération les inégalités et les
iniquités de revenus dont sont victimes les femmes et devrait prévoir des mécanismes de compensation, surtout en partant du principe
que 75 % des bénéficiaires du régime
sont en fait des femmes. Les femmes victimes de violence conjugale — d'autres groupes reviendront là-dessus plus que nous, j'en suis convaincue — sont particulièrement affectées, par
exemple, par une certaine impossibilité d'avoir accès au marché de
l'emploi. Elles sont souvent victimes d'un contrôle coercitif qui fait en sorte
que, lorsque viendra le temps de les indemniser, elles en seront d'emblée
pénalisées.
C'est une réflexion qu'on voudrait voir un peu
dans l'architecture des indemnités, puis nous invitons, par exemple, le ministère à s'intéresser à ce que fait
le Secrétariat à la condition féminine en termes d'analyse différenciée
selon les sexes. Nous pensons que ce sont des outils qui pourraient s'avérer
utiles, voire importants pour trouver des mécanismes de compensation efficaces.
Et je cède la parole à ma collègue dans les temps.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
• (16 heures) •
Mme Langevin (Louise) : Merci.
Merci, Rachel. Je vous remercie de l'invitation, là, qui nous est lancée de
nous adresser à vous. Dans les minutes que j'ai, je voudrais parler de la faute
lourde. La loi actuelle mentionne la faute lourde comme limite d'indemnisation,
et il y a, depuis 2017, dans l'IVAC, dans l'administration de l'IVAC, une politique qui dit qu'on ne doit pas utiliser la faute
lourde pour limiter l'indemnisation de femmes victimes de violence sexuelle,
de violence conjugale. Donc, il y a une politique actuellement qui dit qu'on ne
va pas utiliser le concept de faute lourde pour limiter l'indemnisation.
Mais là, dans
le projet de loi, on retrouve, à l'article 16, le principe de
faute lourde. On peut se demander pourquoi, spécialement, là, dans le nouveau projet de loi, le proxénétisme
et puis la traite des femmes vont faire partie des actes criminels pour lesquels des femmes pourront être
indemnisées. Il ne faudrait donc pas reprocher à ces femmes-là leur mode de
vie.
Je le sais qu'à
l'article 16 il y a des exceptions, mais je vous lance le défi, essayez de
comprendre la portée de l'article 16. C'est très mal écrit et je ne
comprends pas quel est l'objectif d'avoir adopté ce style de rédaction. À notre
avis, ce serait beaucoup plus simple de mettre un principe, de dire que, pour
les victimes de violence sexuelle, violence conjugale et violence pendant
l'enfance, qu'on ne peut pas leur refuser une indemnisation en raison de
comportement qui pourrait, dans d'autres circonstances, ressembler à une faute
lourde ou à une situation de légitime défense. On peut finir par comprendre
qu'est-ce qu'on vise par toutes les exceptions à l'article 16, mais il y a
une façon de faire beaucoup plus simple, beaucoup plus élégante et surtout
beaucoup plus claire. En d'autres termes, il ne faut pas que la faute lourde
soit appliquée à des femmes qui sont en situation, qui ont été en situation de
violence sexuelle, de violence conjugale. Donc, ça, c'est notre recommandation
au sujet de la faute lourde. Ce n'est pas nécessaire dans la nouvelle mouture
de l'IVAC.
J'aimerais aussi vous parler de
l'imprescriptibilité. On peut saluer l'effort de concordance avec le Code civil
depuis juin dernier. Il n'y a plus de prescription pour les actions civiles
pour la violence sexuelle, violence conjugale et violence pendant l'enfance.
C'est imprescriptible. Donc, il fallait que la nouvelle version de l'IVAC soit
en phase avec le Code civil. Donc, on peut saluer cet effort-là, mais je me
demande : Pourquoi limiter l'imprescriptibilité aux évènements, aux infractions criminelles perpétrées
après le 1er mars 1972? Après le 1er... Donc, il faut que
l'infraction ait eu lieu après le 1er mars 1972. Pourquoi cette limite? Est-ce
qu'il y a tant de victimes qui pourraient demander une indemnisation? Il y en a peut-être, des femmes âgées, et, dans ce
cas-là, ces femmes-là ont le droit à une indemnisation. D'ailleurs, le
Code civil n'a pas mis de limite au moment où cette violence est perpétrée,
donc pourquoi avoir limité l'imprescriptibilité après le 1er mars 1972?
Il y a aussi la question de la coopération.
L'article 7 du projet de loi prévoit une obligation de coopération, dans
la mesure du possible — c'est
bien écrit — pour
les personnes qui vont avoir... qui auront été blessées. On se demande :
Pourquoi une telle coopération alors qu'il n'y a pas d'obligation qui pèse sur
le citoyen de coopérer avec les autorités
policières? Dans le projet de loi, on dit très bien que l'auteur des infractions
n'a pas à être connu, identifié, accusé,
poursuivi, et ça, c'est tout à fait en lien avec le fait que les femmes
violentées ne portent pas plainte et qu'elles n'ont pas de contrôle sur
la suite de leur plainte. Mais donc pourquoi imposer... c'est une obligation de
moyen, je le comprends bien, mais pourquoi imposer une obligation de
coopération? Quel est l'objectif ici avec cette opération... avec cette
obligation de coopération?
Je veux aussi parler du fardeau de la preuve, le
fardeau de la preuve qui pèse sur le statut de la victime. Il faudrait
s'assurer que le projet de loi mentionne clairement qu'il s'agit, pour la
victime, de faire la preuve par prépondérance
et pas hors de tout doute raisonnable. La victime n'a pas à faire la preuve de
l'intention, du «manslayer» dans
l'infraction criminelle. On pense évidemment aux agressions sexuelles. Donc, il
faudrait préciser, dans le projet de loi,
que la preuve qui pèse sur la victime est une prépondérance des probabilités et
qu'elle n'a pas à faire l'intention... la preuve de l'intention de
l'auteur des gestes.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Langevin. Je dois vous
arrêter malheureusement puis je m'excuse. On est rendu à la période d'échange.
Mme Langevin (Louise) : Merci. Oui.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci,
M. le Président. Mme Chagnon, Mme Langevin, merci beaucoup
d'être présentes pour les travaux de la commission parlementaire que nous avons
présentement. Écoutez, d'entrée de jeu, je crois comprendre que vous soulignez
qu'il s'agit d'une avancée, le projet de loi qu'on a présenté. J'en conviens,
il n'est pas parfait, mais, cela étant, ça constitue une avancée, notamment
pour les femmes.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Chagnon, oui.
Mme Chagnon (Rachel) : Bien, en
effet, on est très satisfaites, tout d'abord, parce que plus de femmes vont
pouvoir être indemnisées. Je pense ici aux femmes victimes d'exploitation
sexuelle qui, jusqu'à maintenant, étaient exclues du régime, ce qui était
vraiment injuste et très dommage. On pense à la traite, par exemple,
proxénétisme. Et nous sommes aussi très,
très satisfaites de voir cette harmonisation avec le Code civil, c'est-à-dire
l'imprescriptibilité, pour certaines
victimes, la possibilité de déposer des demandes, bien que la fameuse date de
1972 nous questionne, et on se demande c'est quoi, l'histoire derrière
cette limite à l'imprescriptibilité.
Mais de ces deux... sur ces deux questions-là,
on est très satisfaites puis on salue aussi les efforts qui sont faits pour
simplifier la loi puis simplifier le régime, parce qu'on le sait c'est une des
choses qui a été... où le régime a été le plus critiqué, c'est son extrême
complexité, qui le rend d'ailleurs, à toutes fins pratiques, inhumain, là, pour
les bénéficiaires. Donc, ça, c'est clair qu'on... c'est des avancées
importantes. Comme vous le dites vous-même, M. le ministre, toute chose
étant perfectible, nous vous proposons d'aller vers un régime encore plus
parfait qu'il ne l'est en ce moment.
Mme Langevin (Louise) : Est-ce que
je peux me permettre de rajouter deux petits points?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, allez-y.
Mme
Langevin (Louise) : Il faut
souligner que la notion de victime a été élargie. On a la victime directe,
celle qui subit l'atteinte, mais il y a aussi ce qu'on appelait les victimes
par ricochet, les victimes indirectes, c'est-à-dire les proches qui aussi
subissent, par ricochet, une forme... des préjudices. Donc, la notion de
victime est élargie, et ça, on peut... on doit saluer ça, ce qui, évidemment,
va demander des budgets en conséquence parce qu'il y aura donc plus de
personnes qui vont cogner à la porte pour être indemnisées.
Je veux aussi souligner les mesures de
rétroactivité en lien avec le Code civil tel qu'il a été modifié cet été. Donc,
les victimes qui ont... dont l'indemnisation a été refusée, les victimes de violence
sexuelle, violence conjugale, violence pendant l'enfance, ces victimes, dont l'indemnisation
a été refusée pour la seule question des délais, ont trois ans, à partir de l'entrée
en vigueur de la loi, pour représenter une nouvelle demande. Donc, ça, on doit
aussi saluer ça, c'est en lien avec le Code civil.
Donc, comme ma collègue disait, il y a des
points forts dans ce projet de loi, on doit les saluer. Mais on doit aussi
travailler à ce que le projet... est-ce que je pourrais dire, à aplanir
certaines difficultés dans le projet de loi pour... L'objectif, c'est atteindre
une réelle indemnisation des victimes de violence, puis, comme on l'a souligné,
ce sont des femmes, à 75 %, et des enfants, ces victimes-là et
demanderesses. Merci.
M. Jolin-Barrette : Je vous remercie
pour vos réponses. Je voudrais vous poser une question relativement, justement,
à la question de la faute lourde. Je vous entends bien, Mme Langevin, sur la...
en matière de crimes de nature...
d'infractions criminelles de nature sexuelle, où une victime d'exploitation
sexuelle, ou de traite de personnes, ou tout ça, pourrait se retrouver dans une situation particulière, bien
qu'il y ait une directive à l'IVAC, présentement, qui fait en sorte
qu'elles sont indemnisées puis qu'on n'invoque pas la faute lourde. Bien, vous
êtes... Par contre, on ne doit pas permettre d'invoquer la faute lourde pour
d'autres types de crime.
Donc, ce que vous nous invitez à faire, là,
c'est nommément l'indiquer clairement, noir sur blanc, dans la loi qu'on ne
pourrait pas refuser d'indemniser en matière d'infractions à caractère sexuel.
Vous nous invitez à le faire concrètement, là.
Mme Langevin (Louise) : Oui. C'est
facile à faire, un principe, une ligne pour les trois sortes de victimes, violence sexuelle, violence conjugale et violence
pendant l'enfance, pas de faute lourde. Je comprends ce que vous visez
par la faute lourde, on le comprend, mais 75 % de la clientèle de l'IVAC
actuelle sont des femmes et des enfants dans les trois cas que je vous ai
mentionnés. Donc, c'est plus que la majorité, hein, de la clientèle de l'IVAC.
C'est facile de faire un principe, une phrase qui le dit clairement. Et je vous
lance au défi, M. le ministre, de m'expliquer l'article 16. Je vous lance
au défi. On était trois juristes, hier, à essayer de s'expliquer l'une l'autre
l'article 16. Oh là là! Donc, on peut faire simple, élégant et clair...
• (16 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Mais je vous
entends...
Mme Langevin (Louise) : ...sans
utiliser la méthode de common law. Là, vraiment, là, la méthode de common law
où il faut prévoir l'exception de l'exception, non, ça ne marche pas.
M. Jolin-Barrette : Mais je vous entends bien, j'aurai l'occasion de
l'expliquer lors des travaux en commission parlementaire. Sur la
question de la prescription, là, revenons à 1972, là. Il faut comprendre
qu'avant 1972... bien, en fait, la création du régime date de 1972. Donc, c'est
pour ça qu'on a remonté jusqu'à cette date, mais je comprends que vous nous
invitez, là, à faire fi de cette date-là, malgré le fait que le législateur ne
prévoyait aucune indemnité au moment, en 1972, donc c'était pour le futur. Mais
vous nous dites : Faites un pas supplémentaire et faites... enlevez le
plafond de 1972. Donc, c'est déjà bien d'avoir la rétroactivité, c'est déjà
bien de le rendre imprescriptible, mais vous nous invitez à aller au-delà de
1972.
Mme Langevin (Louise) : Oui, parce
que je le sais pourquoi cette date-là est là, parce que la première loi est
entrée en vigueur à ce moment-là. Mais n'oubliez pas qu'avant 1972, pensez aux
tabous qui pèsent et qui pèsent encore sur
les victimes d'inceste, les victimes d'agression sexuelle d'avant 1972. Il n'y
aura pas des masses de personnes, c'est 50 ans et plus. Donc, ce
sont des femmes âgées, des femmes âgées qui, peut-être, vont se présenter et
qui vont demander une indemnisation. Il n'y aura pas des tonnes de personnes,
mais ces femmes-là âgées, qui vont se présenter, ont le droit à une
indemnisation comme toutes les autres victimes.
Donc, il n'y
a pas d'utilité sociale à mettre ça. En fait, ça crée une injustice. Pensez
avant 1972, le tabou sur les femmes qui ont été victimes d'inceste. Par
exemple, je pense à des affaires devant les tribunaux où des petites filles
avaient été victimes d'inceste puis qui ont intenté une action lorsqu'elles
avaient 75 ans. Je pense, entre autres, à une affaire. Donc, il n'y a pas
d'objectif social à garder cette date-là, mais ça va permettre à quelques
femmes âgées d'obtenir une indemnisation.
M. Jolin-Barrette : Vous l'avez
abordé... Allez-y, Mme Chagnon.
Mme Chagnon (Rachel) : Bien, je vais
me permettre de faire un peu de renforcement sur ce que vient de dire ma
collègue puis je pense que ce serait d'autant plus intéressant et généreux de
la part du régime, que l'objectif ultime du régime de l'IVAC est d'être un
régime de justice sociale et de solidarité sociale. C'est vrai que le régime
remonte à 1972, mais cet objectif plus général de solidarité sociale, on peut
qualifier qu'il est intemporel. Et on pourrait ouvrir
quand même le régime à une quantité de personnes, somme toute, très limitée,
qui ont vécu de grandes injustices à l'époque où elles ont été victimes des
crimes dont elles ont été victimes. Voilà.
M. Jolin-Barrette : Peut-être juste
une dernière question avant que je cède la parole à mes collègues. Vous disiez,
bon, la proposition de réforme que l'on fait vise à simplifier le processus à
l'IVAC. C'est quoi, les difficultés que vous avez pu observer, dans le cadre de
vos recherches, relativement au système actuel?
Mme Langevin (Louise) : Est-ce que
je peux rajouter un point? Je sais que Rachel veut en parler aussi. Le manque
de transparence, ça, c'est un problème. Ce qu'on sait du fonctionnement de
l'IVAC, outre les directives qui sont publiques, ce sont les décisions qui sont
publiées par le TAQ. À part de ça, on ne le sait pas vraiment comment ça
fonctionne. Est-ce qu'on l'applique, la faute lourde? Est-ce qu'on ne
l'applique pas? Bon. Pour quelles raisons est-ce que des demandes sont
refusées? Donc, il y a le manque de transparence. Mais, Rachel, je te laisse la
parole.
Mme Chagnon (Rachel) : Bien, ça a
été un de mes constats, dans une autre vie très ancienne, dans un autre
millénaire, alors que j'étais jeune stagiaire à l'aide juridique, j'ai été
appelée à accompagner des victimes dans leur demande à l'IVAC. Ce qui était
frappant, c'était la lourdeur du système, ce qu'on demandait aux victimes de
faire en termes de formulaire à remplir, de rapport de médecin à déposer, etc.
Puis ensuite c'était justement... et c'est un problème qui perdure dans le
temps, depuis il y a un certain temps — je dois dire, je n'ai plus
20 ans — et
que je constate encore aujourd'hui. Parce qu'en étant à l'écoute, en
travaillant avec différents organismes qui sont avec des victimes qui font des
demandes à l'IVAC, les problèmes que moi, j'avais à 20 et quelques années comme
jeune stagiaire, on les retrouve encore aujourd'hui : des décisions dont
on ne comprend pas le sens, des rapports médicaux qui contredisent le rapport
déposé par la victime, mais qui n'offrent aucune réelle explication.
Le Protecteur du citoyen avait déjà, en 2016,
mis le doigt sur plusieurs des éléments, et l'IVAC... On nous annonçait, dans
les différents rapports annuels de l'IVAC, qu'il y avait des places... des
choses qui avaient été mises en place pour améliorer les choses, parce que le
traitement administratif de l'IVAC était vraiment considéré sans empathie, sans
chaleur, extrêmement défavorable à ceux qui faisaient des demandes, et très
opaque, et la reddition de comptes demeure un problème. C'est un problème
récurrent, et, bon, la loi, peut-être, est mal placée pour nous dire comment
elle va régler ce problème-là, mais si je prends, par exemple, simplement le
processus de révision, je ne vois pas de différence par rapport à ce que le
régime futur nous propose et ce qu'on a actuellement. Et le processus de
révision fait partie du problème, entre autres, la possibilité d'une révision
par des agents qui font... qui prennent, par ailleurs, des décisions en
première ligne.
Donc, le manque... c'est ça. Ce manque de
transparence là et le poids administratif qu'on fait trop souvent peser sur les
victimes sont des choses qui sont vraiment... qu'il faut qu'elles soient prises
en compte, et ça, je le vois un peu moins. On voit les efforts, bon, la fusion
entre la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, l'IVAC, pour assurer
une meilleure protection des droits des victimes, mais je pense que, sur le
plan de la gestion, là, il va falloir quand même nous... être plus pédagogique
dans ce qui s'en vient. Même si vous n'avez pas l'obligation, en vertu de nos
règles, de déposer les projets de règlement qui vont être associés à l'IVAC, je
pense qu'il va y avoir un exercice de clarification pédagogique qui va être
intéressant à faire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au
député de Chapleau. M. le député, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mmes Chagnon et Langevin. Plaisir de vous
entretenir cet après-midi. Peut-être une petite question, là, en lien avec ce
dont nous discutions précédemment. Madame... Nous avions eu une intervenante
précédente qui parlait justement de la froideur, et, bon, des intervenants à
l'IVAC, et également de la lourdeur bureaucratique qui se retrouvait là.
Lorsqu'elle était, là, une victime, elle devait aller voir son agent.
Je ne sais pas si vous avez des commentaires sur
cette affirmation-là. Est-ce que vous avez noté les mêmes préoccupations? Et
qu'est-ce que vous envisageriez en tant que solution par rapport à ça?
Mme Chagnon (Rachel) : J'y vais?
Mme Langevin (Louise) : Oui, vas-y.
Mme Chagnon (Rachel) : Il n'y a pas
de solution miracle, hein? Il ne faut pas perdre de vue que, peu importe ce
qu'on va... ce qu'on cherche à faire pour améliorer le régime, le régime de
l'IVAC reste ce qu'il est, c'est un régime d'indemnisation de type assurantiel.
Et, si on regarde les différents secteurs d'indemnisation, on ne peut pas... il
n'y aura pas de simplification extrême du régime, parce que, bon, il va y
avoir... Il y a les trois grands postes, il y a le montant forfaitaire, il y a
le remplacement de revenu puis il y a ce que je pourrais appeler tout le reste.
Donc, l'indemnisation, par exemple, l'aide à la
réinsertion sociale, l'aide à la réinsertion professionnelle, l'aide
psychologique, qui sont... qui est davantage une aide qui demande un suivi
d'agent. Donc, il va falloir que... C'est des dossiers qui restent ouverts.
C'est des gens qui envoient des factures. Elles ont vu leur psy. Elles ont pris
des cours professionnels pour faire un changement de carrière. L'IVAC prend les
factures, on gère ça au jour le jour. Ça reste des régimes laborieux, je pense
qu'on ne pourra pas éviter une certaine lourdeur.
Mais je pense que plus de
transparence, et plus d'imputabilité, et peut-être plus de ressources dans le
régime, avec des agents qui ont le temps de vraiment s'investir dans chaque
dossier des bénéficiaires, pour prendre le temps de bien faire le travail, de
prendre le temps de... ne pas refuser des factures de façon intempestive, ne
pas faire un calcul à rabais, par exemple, pour les indemnités forfaitaires
serait extrêmement aidant, puis ça répondrait aux principales récriminations
des victimes qui sont vraiment, pour l'essentiel, de ne pas être traitées avec beaucoup
d'humanité. Puis il ne faut pas perdre de vue qui sont ces victimes-là. Les
bénéficiaires de l'aide sociale sont des victimes de crimes vraiment... bon, de
crimes dont elles connaissaient leur agresseur. On parle de crimes à caractère
sexuel, on parle de typologie de crime qui font qu'on parle de personnes
amochées et fragilisées.
Donc, je pense que, peut-être aussi, ce qui
serait aidant puis ce qui a été souligné par beaucoup de groupes et par le Protecteur
du citoyen, une formation des agents pour leur permettre de mieux comprendre
avec qui ils transigent, une sensibilité plus grande aux caractéristiques
propres aux bénéficiaires qui leur permettrait de mieux rentrer en contact avec
ces bénéficiaires-là. Mais c'est ça, puis ça va rester...
M. Lévesque (Chapleau) : Ce serait
ça, oui. D'accord, merci. Peut-être un autre point, vous avez abordé
l'indemnité forfaitaire tout à l'heure, vous sembliez mi-figue, mi-raisin.
J'aimerais peut-être que vous clarifiiez votre positionnement par rapport à
cette indemnité et qu'est-ce que vous verriez dans cette indemnité-là ou
comment vous la moduleriez.
• (16 h 20) •
Mme Chagnon (Rachel) : Bien, j'ai
deux questions par rapport à l'indemnité forfaitaire. Bon, dans la mesure où
elle remplace les rentes, est-ce que c'est vraiment un gain pour les bénéficiaires?
On a souvent reproché aux rentes de ne pas être extrêmement généreuses, mais le
fait est que, pour une personne qui, par exemple, devient... est victime d'une
incapacité à 30, 35 ans... ça, c'est l'âge de la majorité, hein, des bénéficiaires
du régime, la majorité ont 35 ans et moins. Donc, il y a une incapacité
permanente qui vous tombe dessus à cet âge-là, vous allez être impacté le reste
de votre vie jusqu'à votre mort. La rente rendait compte de ça. Elle donnait un
soutien financier aux personnes pour les accompagner pour le reste de leur vie,
en prenant en compte que le reste de leur vie était changé de façon
irrémédiable par le geste dont elles avaient été victimes.
L'indemnité forfaitaire suit une autre logique,
hein? On donne une compensation à la personne, la personne peut prendre cette
compensation-là puis en faire un peu ce qu'elle veut. Mais si, par exemple, on
prend quelqu'un qui, à cause des préjudices
dont elle a été victime, reçoit une prime, reçoit une rente de... aujourd'hui,
reçoit une rente d'à peu près 800 $, 900 $ par mois pour le
reste de sa vie, vit jusqu'à 80 ans, ce qu'elle va recevoir de l'IVAC à la
fin de sa vie, ça va avoir été plus de
300 000 $, 350 000 $, 375 000 $. Est-ce qu'on va
donner des montants aussi importants en sommes forfaitaires? Comment on
va les calculer?
Puis aussi, pour les personnes, comment on va
s'assurer d'une certaine équité entre les personnes qui vont aussi avoir des
indemnités pour le remplacement de leurs revenus et les personnes qui sont sans
salaire? Parce que la rente prenait quand même en compte cette réalité-là en
posant le principe du salaire minimum reconnu. Maintenant, qu'est-ce qui arrive aux victimes à qui... qui
n'étaient pas sur le marché du travail? Est-ce qu'on va leur accorder une
valeur aussi importante? Qu'est-ce qui arrive aux femmes qui sont dans le
«care», qui sont des aidantes naturelles, qui ont décidé de rester à la maison, s'occuper des enfants? Comment on va
évaluer leur contribution sociale? Je pense que... Oui.
M. Lévesque (Chapleau) : ...merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup,
M. le Président. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Merci,
Mme Chagnon, Me Langevin, d'être avec nous et de répondre à nos
questions.
Et je reprends la balle au bond,
Mme Chagnon, sur ce que vous disiez. Avec tous ces bons exemples-là que vous venez d'étayer et de mentionner, vous
recommandez donc que la loi qualifie explicitement la nature de
l'indemnité forfaitaire et donne un cadre qui servira à le calculer... à la
calculer, pardon. Donc, vous demandez, à la fin de cette analyse-là, qu'il y
ait un cadre dans la loi ou un cadre réglementaire.
J'aimerais vous entendre sur quelle forme...
Avez-vous un exemple de cadre? Quelle forme... exemple législatif ou quelle
forme ça pourrait prendre, là, dans les travaux qui sont devant nous?
Mme Chagnon (Rachel) :
Malheureusement, je n'ai pas d'exemple sous la main, parce que les principaux
régimes d'indemnisation qu'on connaît sont des régimes qui sont basés sur le
revenu, si on pense à la SAAQ, si on pense à
la CSST et à l'assurance chômage. Un régime qui se distingue à ce niveau-là,
c'est le régime de l'Aide financière aux études, où là la prise en
compte des besoins devient un facteur important dans la détermination de ce
qu'on va offrir aux personnes. Peut-être que l'IVAC pourrait s'inspirer, en
partie, de cette logique-là.
Bon, moi, ceci dit, mon champ d'expertise, c'est
le droit. Je ne suis malheureusement ni comptable, ni actuaire, ni très forte, de façon générale, sur les chiffres. Ce n'est
pas la réputation des gens en droit. Mais j'inviterais, par contre, les
parlementaires à, par exemple, utiliser les outils issus de... vous
m'excuserez, là, mais les outils d'ADS qui nous permettent justement de
réfléchir sur les impacts différenciés que peuvent avoir certaines mesures sur
les femmes versus sur les hommes pour voir s'il n'y a pas des mécanismes
compensatoires.
Est-ce qu'on ne
pourrait pas, par exemple, trouver une façon de chiffrer la contribution en
«care»? Qu'est-ce que ça... Un proche aidant qui décide de prendre un travail à
temps partiel pour devenir la personne qui va prendre en charge une personne âgée puis qui va permettre, de
ce fait-là, à la société de bénéficier de ce travail bénévole là, est-ce
qu'on ne pourrait pas le chiffrer, en quelque part, pour ensuite prévoir des
ordres de compensation qui pourraient rendre justice à la contribution sociale
de cette personne-là, même si cette contribution-là n'est pas calculable à
travers un salaire ou un revenu?
M.
Tanguay : Et c'est pourquoi... Puis je suis content que vous
reveniez avec cet élément-là, Mme Chagnon. Vous parliez, entre autres, des travaux du Secrétariat
à la condition féminine, et vous
prévoyez... c'était votre avant-dernière... «prévoir des mécanismes de
modulation des inégalités». Puis vous l'avez bien dit, il est important que,
justement, dans l'indemnisation des victimes d'actes criminels, que l'on ne
vienne pas reproduire les inégalités, mais qu'on soit véritablement, je vous dirais, progressiste dans son application. Est-ce qu'on va les éliminer, les combler? Et ça,
ça doit être pris en compte. Puis il
faut lire vos deux dernières recommandations comme un tout, comme une approche
globale, notamment se donner des mécanismes, puis vous nous invitiez à
aller voir les travaux du Secrétariat à la condition féminine, des mécanismes, justement, pour qu'il y ait des analyses
différenciées selon les sexes, là. C'est très important.
Mme Chagnon (Rachel) :
Oui, puis on a une belle expertise, au Québec, à ce sujet-là, puis je pense que
c'est... on peut en être fiers. C'est une expertise qui a été développée par
l'État québécois, entre autres, puis je pense qu'on peut en tirer profit.
M. Tanguay :
Bien, merci beaucoup. Avec le temps qu'il me reste, j'aimerais maintenant... je
ne sais pas si vous avez entendu les juristes progressistes qui passaient un
peu plus tôt cet après-midi. J'aimerais vous entendre si vous avez une
réflexion qui a été... si vous avez une réflexion à ce sujet-là, où il était
soumis que, quant aux victimes de violence
sexuelle ou conjugale, dans des situations qui ne sont parfois pas évidentes,
qui sont un peu plus complexes, difficiles à déterminer, ils proposaient
peut-être, là, à propos, d'avoir un régime particulier. Est-ce que vous, vous
iriez jusque-là, d'avoir un régime particulier pour les victimes de violence
sexuelle et conjugale?
Mme Langevin
(Louise) : Si je peux prendre la parole, qu'est-ce qu'elles voulaient
dire, ces avocates, avec un régime particulier?
M. Tanguay :
Bien, en substance, prendre en compte les situations toutes particulières qui
découlent des violences sexuelles et conjugales, avoir un encadrement
différencié, justement, avoir une approche différenciée par rapport à ces
dossiers, si je peux dire, à ces cas qui sont particuliers, pour qu'en bout de
piste l'objectif soit atteint, qu'il y ait une véritable indemnisation.
Quand on pense, entre
autres... puis on revient à cet exemple-là, on parle de faire la preuve de la
mens rea, bien, à quelque part, ça ne tient
pas la route, là. Puis vous aviez une recommandation, en ce sens-là, sur la
prépondérance des probabilités. Puis
peut-être qu'on peut bifurquer là-dessus, si vous voulez, l'obligation de
préciser que l'infraction criminelle doit être prouvée selon la
prépondérance des probabilités, mais si vous voulez ajouter à cette approche
différenciée là aux violences sexuelles et conjugales, n'hésitez pas, là.
Mme Langevin (Louise) : Oui. Bien, 75 % des demandes à l'IVAC
découlent de violences sexuelles, violences conjugales, violences subies durant l'enfance. Donc, je ne sais pas si
on a besoin d'un régime particulier pour 75 % des demandes, hein?
C'est la très grosse majorité. Donc, l'imprescriptibilité s'applique à ces
trois demandes, les mesures de rétroactivité s'appliquent à ces trois demandes.
Tout à l'heure, j'ai
parlé de la faute lourde et j'ai dit qu'il ne faut pas que la faute lourde soit
prise en considération pour ces trois situations.
J'ai parlé de l'obligation de coopération, l'obligation de coopération, imposer
ça à des femmes qui sont déjà traumatisées.
Donc, il me semble que, dans le projet de loi, il y a des améliorations à y
apporter. On prend déjà beaucoup en compte cette réalité-là.
Et je veux aussi
ajouter qu'il ne faut pas que le processus d'analyse de la demande soit plus
traumatisant que le traumatisme subi. Il ne faut pas que le dépôt d'une demande
d'indemnisation... on en a parlé tantôt du manque d'humanisme, des longs délais, des difficultés administratives, mais il
ne faut donc pas que la demande d'indemnisation soit elle-même une autre
source de traumatisme imposée par l'appareil étatique.
Et je veux rajouter
aussi que les victimes de violence sexuelle, violence conjugale et violence
durant l'enfance doivent être traitées avec le même respect que l'on traite des
travailleurs blessés, que l'on traite des accidentés
de la route, nos deux autres régimes étatiques, là. Donc, les victimes dont on
parle aujourd'hui, pour des raisons de justice sociale, comme ma
collègue l'a soulevé, doivent être traitées avec le même sens d'humanité, de
justice et d'équité que d'autres victimes qui sont indemnisées par un régime
étatique.
M. Tanguay :
Et vous avez... Merci beaucoup. Et vous avez précisé, un peu plus tôt, aussi
une certaine obscurité quant à l'application
de certains principes dans la loi. Alors, oui, on a, dans certains cas, évidemment,
les décisions du Tribunal administratif du Québec, du tribunal, mais
vous nous invitez donc à préciser, justement, parce que, quand il
y a place à l'interprétation, des fois, l'interprétation sera heureuse et, des fois, l'interprétation sera malheureuse, et on fait une double victime, là, ou on fait
d'une personne une victime d'un traitement administratif. Alors, préciser
donc... C'est pour ça. Et puis vous le dites bien, retirer l'article 7,
parce que qu'est-ce que ça veut dire l'obligation de coopération, puis comment
ça pourrait être interprété : Ah! monsieur, madame n'a pas coopéré. Ah
bon! De un.
De deux, vous dites : Bien, préciser, à
l'article 2, le préjudice psychique ou psychologique. Effectivement, je révisais l'article 2, on parle d'une atteinte
à son intégrité ou une perte matérielle. Alors, c'est important de le
préciser, et finalement, bien, préciser que c'est la
preuve selon la prépondérance des probabilités. Tout ça, vous nous invitez,
puis j'aimerais vous entendre là-dessus, donc, à préciser. Puis il y a trois
exemples tangibles, mais l'exercice... Il y a 190 articles, là. Vous avez
parlé d'abondance de l'article 16, mais vous nous invitez, nous, les
législateurs, à mettre ça clair au départ. Après ça, ce sera interprété de
façon claire et juste.
• (16 h 30) •
Mme Langevin (Louise) : Exact. Oui,
oui, je suis d'accord avec ce que vous avez soulevé, il faut revoir certains articles
pour que ce soit plus clair. Et l'objectif... le projet de loi met la victime
au centre de ces préoccupations, et donc l'objectif de la loi, c'est
une indemnisation, je dirais, juste, équitable des victimes
d'infractions criminelles, et on sait qui sont ces victimes-là, et on sait
aussi qui est la clientèle de la LIVAC actuellement.
M. Tanguay : Et vous nous
invitez à ce défi d'être simples, élégants et clairs, alors ce sera notre défi
lors de l'article par article.
J'aimerais vous entendre puis je ne sais pas...
ou corrigez-moi si j'ai tort, mais je ne pense pas que vous en avez... vous l'ayez abordé directement, l'abolition des rentes viagères et la limitation d'une
indemnité pour pertes de revenus à
trois ans. J'aimerais vous entendre là-dessus, si vous avez fait
une analyse plus étayée sur l'abolition des rentes viagères.
Mme Langevin (Louise) : Je laisse la
parole à ma collègue Rachel, mais on n'a pas eu beaucoup de temps. Vas-y,
Rachel.
Mme Chagnon (Rachel) : C'est
difficile de mesurer l'impact de l'abolition des rentes viagères à l'heure
actuelle parce qu'on n'a pas énormément d'information, par exemple, sur c'est
quoi, les coûts sur le système. C'est sûr qu'il faut... La rente viagère impose
plus de coûts au système que le montant forfaitaire. Quand on regarde la situation
actuelle de l'IVAC, où la... bien, en fait, le basculement vers le montant
forfaitaire se fait déjà à l'intérieur de
l'IVAC. Lorsque la rente viagère est sous un certain seuil, là, à ce moment-là, on va remettre le montant forfaitaire au bénéficiaire, mais le
bénéficiaire pourrait éventuellement décider de capitaliser son montant à l'intérieur
de l'IVAC puis d'opter pour la rente viagère.
La rente viagère, c'est vraiment... c'est un accompagnement,
c'est une reconnaissance que vous allez être affecté jusqu'à la fin de vos
jours. C'est un petit montant qu'on vous donne à tous les mois, c'est une
garantie, c'est une sécurité financière qu'on vous accorde jusqu'à la fin de
vos jours parce qu'on considère que ce qui vous est arrivé, qui a fait basculer votre vie, qui a altéré le cours de votre
vie à jamais, bien, ça mérite une certaine compensation. Puis aussi,
c'est qu'on veut vous aider, dans la mesure du possible, à rester une personne
fonctionnelle à l'intérieur de la société.
Il y a une fonction, bien, de solidarité
sociale, de répartition des risques, de répartition... aussi de s'assurer
de la paix sociale en veillant à ce que les personnes les plus fragilisées
conservent quand même une certaine autonomie financière. La rente viagère
remplit toutes ces fonctions-là.
Par contre, le fait que ce soit une rente à vie,
c'est sûr que ça impose un coût important au système, et, dans la mesure où on
veut accueillir plus de victimes, là, il va y avoir des questions à se poser
sur quels sacrifices on doit faire pour permettre à un plus grand nombre de
personnes d'être indemnisées. Il y a des choix difficiles qui doivent être faits lorsqu'on veut rendre le régime plus
généreux, bien, en fait, lorsqu'on veut rendre le régime plus
accueillant à l'égard d'un plus grand nombre, comment on préserve la générosité
du régime.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme Chagnon. Je dois...
M. Tanguay : Merci à vous
deux.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je dois céder la parole à la députée
de Sherbrooke. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci,
Mme Chagnon, Mme Langevin pour votre présentation.
Je veux discuter, moi aussi, de la question des
indemnités. Ça a été nommé par les groupes qui vous ont précédés que... le fait
de réduire à un maximum de trois ans, la possibilité d'avoir un remplacement
de revenus puis le fait aussi qu'il y ait
possibilité d'avoir un remplacement de revenus seulement si on avait un revenu
avant de subir un crime. Ça a été
identifié comme des lacunes majeures dans le projet de loi au point où ça a
fait dire aux autres intervenants qu'il ne valait mieux pas changer le projet
de loi que d'adopter celui-là, que c'étaient des reculs plus importants que les
gains du projet de loi.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, en
particulier, dans une perspective d'analyse différenciée selon les sexes, parce
qu'on sait que les femmes sont plus souvent susceptibles d'être en situation de
ne pas avoir de revenus au moment de subir une...
Mme
Langevin (Louise) : Si je
peux simplement rajouter, poser une question : Est-ce que
l'analyse différenciée a vraiment été menée? C'est juste la question que
je pose. Rachel, si tu veux compléter.
Mme
Chagnon (Rachel) : Bien,
écoutez, c'est sûr que la logique... Si on regarde d'autres régimes d'indemnisation,
le remplacement de revenus a aussi une date de fin, parce que l'un des
objectifs du régime, puis c'est marqué dans le nouveau régime, c'est de
permettre à la personne de retrouver sa vie normale d'avant, en autant que possible. Donc, le remplacement de revenus, on le met
pour un temps limité parce qu'on estime qu'au bout d'un certain temps la victime va être en mesure de retrouver une vie normale,
qu'elle n'aura pas besoin d'un remplacement de revenus au-delà d'un
certain seuil.
Ceci dit, c'est vrai
que cette logique-là, qui permet par ailleurs d'éviter qu'il y ait une trop
grande pression sur le régime puis qui permet aussi de garder certaines de nos
ressources pour un plus grand nombre de bénéficiaires, a ses limites en termes
d'accompagnement qui... fait à chacun de ces bénéficiaires-là. Puis c'est
toujours... en fait, c'est toujours le... On a ces discussions-là par rapport à
l'aide juridique, on a ces discussions-là par rapport à l'aide financière aux
études, c'est... On a des ressources finies. Comment on les attribue si on veut
en donner à un plus grand nombre? Et ça, c'est le dilemme.
Moi, j'appuie dans...
bien, en fait, j'essaie de rester réaliste par rapport à ce que le régime peut
faire, mais je pense que les groupes ont
raison de poser la question à comment on va veiller à toujours bien accompagner
des personnes qui demeurent avec des séquelles importantes, permanentes
des suites de leur agression? Dans une mesure où, maintenant, on a opté pour des formes d'indemnisation qui ont toutes des
périodes de temps définies, que ce soit le montant forfaitaire, que ce
soient les indemnités de remplacement de revenus, ce qu'on voit, c'est que
toutes ces formes d'indemnisation là finissent un jour dans le temps.
Or, il faut
reconnaître que certaines catégories de victimes vont, elles, subir des
contrecoups permanents, comme on voit, par exemple, aux personnes en matière
d'accident de travail, où là on reconnaît à un accidenté du travail que, s'il a perdu un bras au travail,
bien, son bras, il ne repoussera pas puis il va toujours être dans cette
condition-là. Et là les personnes vont nous dire : Bien oui, mais c'est
parce que les accidents de travail, c'est utilisateur-payeur, les travailleurs
et les employeurs contribuent au régime. Donc, c'est un régime assurantiel
qu'on peut traiter comme tel, ce n'est pas le cas de l'IVAC. Mais l'IVAC, c'est
un régime où c'est l'ensemble de la société qui contribue puis c'est un geste
de solidarité sociale.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme Chagnon. Je
dois vous interrompre. Je dois passer la parole à la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme
Hivon : Oui. Bonjour à vous deux. Merci pour votre excellent
mémoire. Toujours un plaisir de vous entendre.
Je veux continuer
dans la même veine. On a eu, juste avant, une victime, donc, qui a été victime
de violence sexuelle en milieu familial pendant une dizaine d'années et ensuite
de violence conjugale, et donc elle est incapable d'avoir un emploi. Elle nous
expliquait aussi tous les besoins en réinsertion. Mais cette personne-là
aujourd'hui qui bénéficie d'une rente viagère n'aurait plus rien parce qu'elle
n'a aucun revenu. Et, quand vous parlez d'analyse différenciée selon les sexes,
je pense que c'est pile sur le type de réalité qu'on doit bien faire ressortir
quand on regarde comment les femmes vont être impactées et les hommes.
Je voulais savoir si,
dans votre réflexion... Je comprends que vous avez manqué de temps, c'est une
base générale des intervenants aujourd'hui, mais est-ce que vous pensez qu'on
devrait maintenir un régime, par exemple, hybride,
donc d'avoir un maintien de rente dans certaines situations, mais d'avoir le
forfaitaire ou l'indemnité plus globale dans d'autres? Par exemple, un
geste isolé qui va être arrivé, qui va avoir créé une conséquence x à un
moment x versus des violences qui vont s'être étendues sur le long terme
puis avoir affecté la capacité d'une vie de quelqu'un.
Mme Langevin
(Louise) : Juste un mot, la réponse, c'est oui. Il faut donc
distinguer entre les sortes de victimes, les victimes directes, les victimes
indirectes et sur la gravité des gestes qui ont été posés. Donc, à votre
question, la réponse me semble évidente, oui. Rachel, est-ce que tu veux
compléter?
Le
Président (M. Bachand) : Il reste une minute,
Mme Chagnon. Désolé.
Mme Chagnon
(Rachel) : Les victimes qui sont... Souvent, les personnes qui vont
subir des dommages les plus importants sont les femmes. Compte tenu de la
typologie des crimes dont elles sont victimes, les personnes qui vont subir des
contrecoups puis des séquelles plus importantes sont majoritairement des
femmes. Si un nouveau régime tend à moins
indemniser les gens dans la durée, les personnes qui vont être surreprésentées
parmi les personnes les plus impactées négativement, là, pour employer
un québécisme, ça va être les femmes. Donc, une analyse différenciée selon les
sexes nous permet de dévoiler ça puis de réfléchir à ça.
Et, à partir de là,
en effet, il faut se poser la question : Est-ce qu'on ne pourrait pas
penser à des formes d'indemnisation qui durent plus longtemps pour reconnaître
l'impact plus profond que le crime a pu avoir sur certaines personnes, dans une
mesure où certaines typologies de crimes, c'est des crimes multiévénementiels,
c'est des crimes à répétition, c'est des
personnes qui ne pourront jamais retrouver une vie normale? C'est des personnes
dont les impacts psychologiques,
physiologiques des crimes sont tels qu'elles ne pourront sans doute jamais
travailler, jamais retrouver une vie normale, et ce n'est pas de leur
faute. Et la solidarité sociale ne nous commanderait-elle pas de veiller sur
ces personnes-là avec un soin particulier? Je pense que oui.
Le
Président (M. Bachand) : Sur ce, Mme Chagnon et Mme Langevin,
merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi.
Sur ce, je suspends
les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 40)
(Reprise à 16 h 41)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux.
Bon, alors,
nous souhaitons la bienvenue aux représentantes de la Fondation Marie-Vincent.
Alors, bienvenue. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes de
présentation, et, après ça, nous aurons une période d'échange avec les membres
de la commission. Je vous cède la parole, et, encore une fois, merci d'être
avec nous aujourd'hui.
Fondation Marie-Vincent
Mme Gareau (Stéphanie) : Alors,
bien, merci beaucoup, merci aux parlementaires, la commission, pour
l'invitation que vous avez faite à la Fondation Marie-Vincent. Alors, je suis
Stéphanie Gareau, directrice générale de la fondation, et je suis accompagnée
de ma collègue Élodie Bergeron qui, elle, est directrice des services
cliniques.
Alors, nous
sommes heureuses de vous entretenir aujourd'hui sur nos commentaires sur le
projet de loi. Au niveau de la fondation, ça fait plusieurs années, là,
qu'on demande que l'IVAC reconnaisse, et indemnise, et aide les jeunes victimes
d'exploitation sexuelle. Donc, on est heureuses de constater que cette
recommandation-là a été entendue.
Peut-être, avant de commencer sur les
commentaires sur le projet de loi, une rapide présentation de qui nous sommes, la fondation. Alors, nous sommes un centre
d'appui à l'enfance. Ça veut dire que
nous, du dévoilement jusqu'à la fin du suivi thérapeutique, on
accompagne les enfants, les adolescents qui sont victimes de violence sexuelle,
sous un même toit, donc ça veut dire services policiers, médicaux,
psychosociaux, thérapeutiques. C'est une expertise qui est relativement unique
au Québec.
Ce qu'on constate, c'est qu'en regroupant tous
les services sous le même toit, à Marie-Vincent, bien, ça permet de minimiser les traumatismes secondaires
qui pourraient être vécus par les enfants dans le cadre du processus
après un dévoilement. Ça permet de réduire le stress, de réduire l'anxiété,
puis c'est aussi une meilleure coordination des services avec tous nos
partenaires. Donc, à Marie-Vincent, évidemment, nous, on offre des services
psychosociaux, psychothérapeutiques, avec
l'intervention de nos thérapeutes, qui sont basés sur les meilleures pratiques
issues notamment des études et des recherches de la chaire qui collabore
avec Marie-Vincent.
On offre
aussi des services aux parents et aux adultes significatifs protégeants autour
des enfants, parce qu'on peut... On le constate, là, le dévoilement
d'une agression sexuelle est un événement qui affecte toute la famille. Donc,
les parents non agresseurs ont aussi besoin de soutien pour mieux accompagner
leurs enfants dans la thérapie, puis il est reconnu
que la présence et la protection des parents est essentielle et favorise le
rétablissement chez l'enfant.
Donc, à la fondation, on fait des traitements,
mais on fait aussi de la prévention et de la formation. Donc, au-delà des
services psychosociaux, psychothérapeutiques, on est fiers d'avoir élaboré des
programmes de prévention qui sont novateurs autant pour les enfants, les
0-5 ans, que les programmes de prévention en cyberviolence sexuelle, par
exemple, qui pourraient s'adresser davantage aux adolescents. Et, au niveau de
la formation, bien, on a des formations qui sont offertes aux intervenants du
réseau de la santé et des services sociaux, au niveau de l'éducation, au niveau des centres de la petite enfance, des
organismes communautaires et sociojudiciaires, les médecins, les
policiers, avec lesquels on peut aussi former... qu'on peut former. La chaire
universitaire... bien, ce qui distingue la Fondation Marie-Vincent, c'est que
nous sommes le seul centre d'appui aux enfants au Canada qui soutient sa propre
chaire de recherche, qui va développer une expertise de pointe tant en
prévention, en dépistage qu'en intervention.
Bien, la Fondation Marie-Vincent,
depuis 2017, on a vu une explosion, là, des demandes de services au niveau des agressions sexuelles, des violences
sexuelles envers les enfants et les adolescents, notamment tout ce qui a
entouré, là, le mouvement #moiaussi. On fait
face, malheureusement, à une liste d'attente de 500 jeunes, une
moyenne de deux ans avant de les servir. Donc, pour nous, c'est un
problème important. C'est un des grands défis auxquels on fait face et on doit mettre tout en oeuvre pour
pérenniser les services, pour recruter les professionnels qui vont les
aider.
J'aurais le goût, avant qu'on commence, juste
pour vous donner un petit peu l'état de ce qu'on observe au niveau de la
violence sexuelle envers les enfants... Ça existe au Québec, puis on pense
souvent que ce n'est pas ici que ça se passe. Donc, quelques petites
statistiques qui pourraient vous intéresser. Une fille sur cinq, un garçon sur
10 rapportent avoir été victimes d'agression sexuelle avant 18 ans,
50 % des victimes d'abus sexuels ont moins de 18 ans. 99 % des
victimes qui reçoivent des services à la Fondation Marie-Vincent connaissent
leur agresseur. Puis, au niveau du bilan des DPJ, on a constaté une
augmentation de 6 % des signalements qui sont retenus pour abus, au risque
d'abus sexuel, en 2020.
Donc, ça, c'était la rapide présentation de qui
nous sommes, ce que nous faisons. Sur le projet de loi n° 84, de manière générale, on tient à souligner la
volonté de mieux accompagner, soutenir et aider les victimes ainsi que
leur famille en ajoutant la notion de rétablissement. Pour nous, en allant
au-delà de l'indemnisation, on intègre aussi... on prend acte du rôle et de la mission des organismes comme le nôtre, qui
accompagne les jeunes victimes et qui les aide à surmonter les épreuves
pour qu'ils puissent, éventuellement, grandir et développer leur plein
potentiel.
Alors, évidemment, la modification qui est la
plus importante que nous, on a constatée, évidemment, c'est l'ouverture à
l'aide aux victimes de toutes formes de violence sexuelle. Dans le fond, ce
changement-là va permettre d'indemniser puis
d'offrir des services aux jeunes victimes que nous, on recevait de toute façon,
qu'on accompagnait de toute façon. Mais ce qu'on se rendait compte, c'est que la
non-reconnaissance du statut de victime, ça représentait, pour eux, une
deuxième victimisation. Donc, cette ouverture-là, on la salue. Et on constate
aussi qu'il y a, bon, tu sais, au niveau des actes criminels qui seront
dorénavant... dont les victimes seront couvertes, qu'il y a, bon, l'incitation
à des contacts sexuels, l'exploitation sexuelle, la publication non
consensuelle des images intimes, pornographie juvénile. Donc, tout ça, ça
devient... ça a un impact important pour les jeunes que nous, on voit dans nos
services.
La cyberviolence sexuelle,
c'est une réelle problématique au Québec, donc c'est important d'aider les
jeunes. On a fait une rapide étude auprès de certaines écoles, on s'est rendu
compte que près de... un jeune sur quatre qui a déjà eu une relation amoureuse
a partagé des images intimes, qu'il y a 18 % des jeunes qui ont reçu des
photos à connotation sexuelle de quelqu'un d'autre qui circulaient sans sa
permission. 36 % des filles rapportent s'être fait demander d'envoyer des
photos à connotation sexuelle d'elles-mêmes. Donc, on voit qu'il y a un impact
important.
Le drapeau jaune qu'on voudrait lever, c'est au
niveau de l'exploitation sexuelle et de la perpétration d'une infraction
criminelle. Évidemment, on aimerait attirer votre attention sur le fait que
souvent les jeunes victimes d'exploitation sexuelle sont manipulées ou sont
amenées par leur proxénète à commettre certaines infractions criminelles,
comme, par exemple, le recrutement. Donc, l'article 16.1, qui limite la
couverture ou l'admissibilité d'une victime qui a été partie à la perpétration
de l'infraction, pour nous, est un peu inquiétant. On ne voudrait pas, dans le
fond, que l'ouverture qui est apportée avec le projet de loi n° 84 soit
refermée par l'effet de l'article 16, par rapport à la faute lourde et la
participation à une infraction criminelle.
Aussi, on souhaitait vous dire que la
reconnaissance des personnes victimes de toute forme de violence sexuelle est importante, parce que les
conséquences sont aussi dévastatrices pour les jeunes que les abus sexuels où
il y a un contact, là, entre la
victime et son agresseur. Ça a des conséquences importantes sur les victimes,
les problématiques, les enjeux qui sont vécus tout au long de leur vie
par la suite.
Enfin, on voudrait aussi attirer votre attention
sur le fait que les problématiques qui sont vécues par les jeunes qui sont
victimes d'exploitation sexuelle sont plus complexes et beaucoup plus longues à
traiter. Donc, on constate, par exemple, que le nombre moyen de séances
thérapeutiques peut aller de 40 à 45 séances plutôt que le 12 à 15 quand
on parle des enfants. Donc, c'est important de tenir compte de cette
réalité-là. Il est important pour les victimes
de toutes formes d'exploitation sexuelle que l'on reconnaisse au sens de la loi
qu'elles ont connu une situation de violence sexuelle. Tu sais, ça
leur... le sentiment d'être cru et entendu, de comprendre qu'est-ce qui est
arrivé n'est pas de leur faute, cette reconnaissance-là, pour eux, c'est un
premier pas vers le rétablissement.
On souhaite... on se déclare aussi satisfaits de
l'abolition de la prescription, là, parce que, pour nous, c'est important que,
peu importe le temps que les jeunes prendront pour dévoiler, ou demander de
l'aide, ou reconnaître qu'elles ont été victimes, on pourra les rendre
admissibles à une protection... une indemnisation en vertu du projet de loi n° 84. Des fois, les victimes, on le
constate, là, ça peut prendre du temps avant de reconnaître qu'elles ont été
victimes et qu'elles ont besoin d'aide. Donc, l'abolition de la prescription a
un impact important pour ces jeunes-là.
Pour ce qui est des infractions criminelles qui
sont commises à l'extérieur du Québec, bien, pour nous aussi, ça, c'est une
modification qui est importante.
Donc, en
conclusion, on salue le dépôt du projet de loi n° 84 qui répond aux
préoccupations de notre organisme. On
pense qu'avec ce projet de loi là on reconnaît à juste titre les victimes de
crimes liés à toute forme de violence sexuelle. Pour nous, c'est une
avancée significative pour les jeunes et c'est important qu'elles puissent
comprendre qu'elles ne sont pas responsables de ce qui leur est arrivé et qu'on
peut les aider à surmonter cette épreuve. Je vous remercie.
• (16 h 50) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup pour votre présentation. Je cède la
parole au ministre. M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Merci,
M. le Président. Mme Gareau, Mme Bergeron, bonjour.
Merci d'être présentes aujourd'hui en commission
parlementaire. Merci également du
travail que vous effectuez à la Fondation Marie-Vincent. Je pense
que c'est assez éloquent, avec les données, les statistiques, que vous
démontrez à quel point il y a beaucoup de jeunes filles et de jeunes garçons
qui sont victimes d'infractions à caractère sexuel. Donc, je pense que votre institution est reconnue puis je tiens à souligner
le travail que vous faites ainsi que des gens qui y travaillent à la
formation des intervenants et des intervenantes.
D'entrée de
jeu, nous, notre objectif, c'est de faire en sorte, supposons, pour les séances
de psychothérapie, les rencontres
avec le psychologue, que, la personne qui subit l'infraction, il n'y ait pas de
limite à ça. Et dans votre propos, tout à l'heure, vous nous
disiez : Écoutez, parfois, ça dépassait. Donc, qu'est-ce qui arrivait, là,
pour vous? Vous financiez vous-mêmes le recours à même vos services, lorsqu'une
personne était victime, lorsque ça dépassait le nombre de séances psychologiques?
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, oui, parce
que de toute façon, si là, présentement, les jeunes sont des jeunes qui sont
victimes d'exploitation sexuelle, ils ne sont pas reconnus, là. Donc, nous, peu
importe qu'il y ait une indemnisation ou pas de l'IVAC, la Fondation
Marie-Vincent fournit les services gratuitement, là, aux personnes qui font
appel à nous, là.
Tu sais, c'est le principe de la fondation,
c'est qu'on offre les services gratuits. Ça fait qu'évidemment, nous, l'impact,
il est beaucoup plus grand pour la victime. Le fait qu'on reconnaisse que cette
personne-là est une victime, il y a là une avancée significative, mais, sur la
prestation de services, sur l'offre de services, concrètement, ça ne change
rien parce qu'on les offrait, les services.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la
question du noyau familial, là, j'aimerais que... si vous pouvez nous en
parler, l'impact que ça a lorsque, supposons, un jeune garçon ou une jeune
fille est agressé sexuellement. C'est quoi, l'impact sur la cellule familiale
que ça amène? Puis là je vous dirais que, dans le projet de loi, on a essayé
d'inclure aussi la cellule familiale au sens large pour qu'eux aussi soient
considérés comme des personnes victimes, mais c'est quoi, l'impact concret pour
les proches quand un enfant est agressé?
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, je peux répondre de façon globale, puis, après ça, peut-être que ma collègue pourrait répondre un peu plus du côté
clinique, là, mais globalement, l'impact, c'est... tu sais, un
dévoilement d'agression sexuelle dans une
famille, c'est comme une bombe, là, qui explose. Donc, c'est un peu à ce
niveau-là que je soulignais l'importance de reconnaître aussi les
parents comme victimes, parce qu'ils font partie de la solution, ils
accompagnent les jeunes. À Marie-Vincent, on a le service de psychothérapie
pour les enfants qui en ont besoin, mais on a aussi des services
d'accompagnement psychosocial pour les parents ou les adultes significatifs,
là, dans la vie des enfants. Donc, c'est
clair que plus le parent va être impliqué dans la thérapie, va comprendre ce
qui se passe avec son enfant, va comprendre l'impact de son
accompagnement, bien, plus ça va être facilitant, là, au niveau de l'impact sur
le jeune puis la facilité à reconnaître puis à avancer dans sa thérapie, là.
Mme Bergeron (Élodie) : Je pense que
Mme Gareau l'a bien mentionné, on utilise vraiment l'expression : Ça
fait l'effet d'une bombe, hein, dans le sens où la vie de la famille, elle est complètement
chamboulée quand elle apprend, là, que
l'enfant a été victime d'une infraction, là, à caractère sexuel. Je vous dirais
que le premier volet, là, si on pense
vraiment à l'accompagnement des parents, le premier volet,
hein, c'est que, quand un genre de situation
comme ça arrive, les parents vont rentrer dans toutes sortes de démarches,
hein, dans un système. Il va y avoir, des fois, bon, l'implication des
policiers, la DPJ, tous les services, là, qui viennent après le processus
judiciaire.
Ça fait que c'est sûr qu'il y a, dans un premier
temps, un grand besoin d'information pour les parents pour arriver à se démêler
dans tout ça, à comprendre puis à se sentir, là, un peu plus sécures, là, sur
ce qui s'en vient. Sinon, ce qu'on va voir
aussi, c'est un grand sentiment de culpabilité, donc : Comment ça se fait
que je n'ai pas vu ça? Comment ça se fait que je n'ai pas pu prévenir
ça? Qu'est-ce que j'aurais pu faire autrement?, donc le parent qui va se
culpabiliser par rapport à la situation, et évidemment, ça va entraîner toutes
sortes de problématiques au niveau de la
gestion de ses émotions, et tout ça. Et c'est sûr qu'il va y avoir beaucoup
de questionnements sur : Mais maintenant comment j'interviens
auprès de mon enfant? Comment je peux soutenir mon enfant à travers cette situation-là?
Donc, je
pense qu'il y a vraiment deux volets. Il y a le volet soutien aux
parents et il y a aussi le volet
implication du parent pour qu'il puisse soutenir son enfant. Ça fait que c'est
de là l'importance d'impliquer le parent, oui, dans l'intervention, mais
l'importance d'être présent pour le soutenir lui aussi, là.
M. Jolin-Barrette : Tout à l'heure,
vous avez abordé la question de la faute lourde. Donc, comme les intervenantes
qui vous ont précédées, comme les Pres Chagnon et Langevin, donc, vous
souhaiteriez qu'on l'inscrive clairement dans la loi également que la faute
lourde en matière de crimes à caractère sexuel ne peut pas être utilisée. Même
s'il y a déjà une directive, là, je pense que vous formulez la même demande,
là.
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien oui,
puis je pense qu'ailleurs dans... par exemple, l'exemple de l'abolition de la prescription, on la fait, la distinction. Ça fait
que je pense que, comme il y a un précédent de faire une distinction, je
pense que ce serait bienvenu si la précision était intégrée dans le texte de
loi.
M. Jolin-Barrette : O.K. Avec l'abolition
de la prescription que nous faisons, puisqu'il y a beaucoup de jeunes victimes,
ça va leur permettre d'accéder éventuellement à l'indemnité au niveau du
forfaitaire pour l'IVAC et aussi de recevoir des services. Donc, j'imagine,
vous êtes en... vous approuvez la démarche qu'on fait d'abolir la prescription au niveau des crimes de violence sexuelle, de violence faite pendant l'enfance puis de violence conjugale?
Mme Gareau (Stéphanie) : Oui, absolument.
Comme je le disais, tu sais, souvent, il y a un délai entre le crime, ou
l'infraction qui est commise, ou l'agression, la violence puis la reconnaissance
du statut de victime. Ça fait que l'abolition de la prescription permet que,
quand la personne va être prête, va le reconnaître, va faire la demande... tu
sais, quand on dit «prend connaissance de l'infraction», là... Ça fait que
je pense que c'est important puis c'est bienvenu à ce niveau-là aussi.
M.
Jolin-Barrette : Parfait.
Bien, je vous remercie grandement pour votre passage en commission parlementaire. Je sais que j'ai des collègues
qui veulent poser des questions, donc je vais leur céder la parole. Et puis un
grand merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci,
M. le Président. Merci, M. le ministre. Tout d'abord, je veux vous saluer à
nouveau. On s'est vues, il y a quelques mois à peine, en commission spéciale.
Alors, comme le ministre, je salue votre travail à nouveau. Je reconnais toute l'importance
de votre organisation dans le milieu.
Et un peu... Je ne reviendrai pas sur la faute
lourde. Je pense que l'avez bien spécifié, le drapeau jaune que vous avez levé.
Par contre, vous avez une expertise qui est hyperintéressante, hyperimportante
avec le type de clientèle que vous avez. Et, dans les derniers témoignages
qu'on a eus, notamment celle d'une victime, où elle a soulevé le côté, je vais dire, inhumain de certains des services, est-ce qu'on pourrait peut-être penser qu'un organisme comme le vôtre
pourrait donner des formations aux agents, à savoir comment intervenir avec les
victimes?
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien,
j'aurais tendance à vous dire oui parce qu'on fait ces genres de formation là. Par
exemple, là, quand je disais qu'on formait au niveau du système d'éducation,
bien, tu sais, avec l'arrivée des cours
d'éducation à la sexualité, bien, arrive une meilleure connaissance, donc un
plus grand nombre de dévoilements. Donc, nous, on
fait des formations pour aider les professeurs à comment répondre à un
dévoilement, comment gérer un enfant qui nous parle d'une situation comme ça,
quelles questions poser, comment bien poser les questions. On fait le même
genre de formation aussi auprès des policiers.
Donc, absolument, là, c'est le genre de
formation qui pourrait être développée par les intervenantes puis les
professionnelles à Marie-Vincent.
• (17 heures) •
Mme Lecours (Les Plaines) : O.K.
Parce que c'est sûr que ça, ce n'est pas législatif, là. Je comprends qu'au
niveau du projet de loi vous êtes contentes, c'est une avancée. On reconnaît
les victimes d'exploitation sexuelle, ce que vous aviez d'ailleurs demandé,
c'était une de vos premières demandes. Et toute la notion de rétablissement,
j'aimerais ça que vous reveniez là-dessus parce qu'il y a aussi, dans le projet
de loi, le programme d'aide urgente. Donc, ça, c'est une avancée également,
mais toute la notion de rétablissement, vous la voyez comment?
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien,
j'aurais le goût de demander à ma collègue, Mme Bergeron, de répondre à
cette question-là.
Mme Bergeron (Élodie) : Oui, bien,
en fait, je pense que, quand on fait référence au rétablissement, c'est vraiment
de reconnaître qu'il y a un besoin de soutien, hein, au-delà de... Souvent, ce
qu'on entendait, si on parle juste d'indemnisation... mais c'est comme si on ne
reconnaît pas, en arrière de ça, le besoin de soutien, le besoin d'aide puis aussi le besoin, comme on disait
tantôt, dans certains cas, que c'est un cheminement. C'est un
cheminement puis, des fois, ça ne se fera pas tout d'un coup.
Ça fait que, tu sais, l'idée de moins limiter, justement,
de s'assurer qu'on arrive à un rétablissement, qu'on arrive à retrouver un fonctionnement, je ne vais pas dire normal, mais
quasi normal, malgré le traumatisme qu'on a vécu, je le vois comme ça,
là, à ce niveau-là, donc de s'assurer que les victimes sont accompagnées
jusqu'à ce qu'elles arrivent à un point où on a un fonctionnement, on est
fonctionnel, où l'on considère qu'on est rétabli, là.
Mme Lecours (Les Plaines) : Est-ce
que ça peut être, pour le cas des victimes avec lesquelles vous faites affaire, entre guillemets, là, ce n'est peut-être
pas le bon terme, là, mais est-ce que ça peut être long ou moins long? Parce qu'en élargissant l'IVAC, avec le
projet de loi qui est sur la table actuellement, on va aller chercher plus de
victimes, on va aider plus de victimes, mais
l'idée derrière ça, c'est de les aider à redevenir, ou devenir, parce que vous
faites affaire avec des jeunes victimes, donc devenir fonctionnel dans
la société, d'où l'importance qu'on ait un solide programme de rétablissement.
Mme Bergeron (Élodie) : Oui, vous
posiez la question à savoir si ça peut être long, c'est sûr que nous, on a des
services aux enfants, donc une clientèle moins de 18 ans. Nous, ce qu'on
voit avec notre programme... je veux juste me permettre de faire une petite
parenthèse pour les enfants. Un des éléments qui va avoir le plus d'impact sur
le rétablissement, c'est la précocité des services.
Donc, de
notre côté, pour un enfant, plus on va agir rapidement, plus le rétablissement
va être rapide et complet. Donc,
c'est sûr que, pour nous, c'est un enjeu. On parle d'enfants, on parle de
petits êtres encore en développement, on parle de cerveaux qui sont encore en développement. Donc, plus tôt on peut
agir là-dessus, mieux c'est pour le rétablissement.
C'est sûr que nous, bon, bien, évidemment, on a
une situation de liste d'attente, comme on vous disait, mais le plus tôt on est
capables d'intervenir, nous, on va observer qu'avec notre programme puis avec
nos interventions, on arrive à un fonctionnement pour un enfant. Là, après, de
vous dire est-ce que ces enfants-là, quand ils dépassent le 18 ans, qu'ils arrivent à l'âge adulte, est-ce qu'il y a des récidives, j'ai de la misère à me prononcer là-dessus, mais
j'insiste sur le fait que plus on est capables d'intervenir tôt, plus les
impacts vont être minimisés et plus le développement va se faire de façon
harmonieuse et fonctionnelle, là.
Mme Lecours (Les Plaines) : O.K. Si
j'ai le temps, une dernière question, M. le Président. Si vous aviez une chose à modifier dans le projet de loi, quelle serait-elle? Tout projet
de loi étant perfectible, on
s'entend, le ministre l'a dit, donc si vous aviez quelque chose... La
priorité, selon vous.
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, pour
nous, ce qu'on a souligné, là, c'est la faute lourde, là. Je pense que c'est important
que... parce que souvent, là, les victimes d'exploitation sexuelle qui en font
du recrutement, pour elles, elles ne font
pas de crime, ce n'est pas un problème, donc il y a une reconnaissance de qu'est-ce qu'elles... Tu
sais, quand on parle, là, en criminel, là, la mens rea puis l'actus reus, bien,
souvent, la mens rea, elles ne l'ont pas parce qu'elles sont manipulées, là. Ça
fait que je pense que c'est à ce niveau-là que c'est le plus important pour
nous.
Mme Lecours (Les Plaines) : Bien,
merci beaucoup. Merci de votre présence.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté
ministériel? S'il n'y a pas d'autre question, je vais céder la parole au député
de LaFontaine.
M. Tanguay : Merci beaucoup,
M. le Président. Bienvenue, bonjour. Merci, Mme Gareau, Mme Bergeron,
de prendre le temps d'avoir cette conversation-là avec nous. Merci aussi pour
le mémoire que vous nous avez communiqué et que nous avons lu avec attention.
Avant
d'aborder des éléments du projet de loi un peu plus techniques, j'aimerais vous
entendre puis vous donner l'occasion d'étayer un peu ce à quoi vous faites
référence en page 6 de votre mémoire, Défis et solutions novatrices. Parce
que vous êtes un organisme phare, vous êtes un organisme extraordinaire, puis
je me permets de souligner le travail que vous faites, et vous avez un impact
très tangible dans la vie de plusieurs, plusieurs personnes et, au premier
titre, les jeunes... des jeunes.
Il y a quelque chose
qui m'a frappé, premier paragraphe, sous le titre Défis et solutions
novatrices : «...depuis l'apparition du mouvement #moiaussi au Québec à
l'automne 2017, le volume de demandes de services à Marie-Vincent a
augmenté de manière importante. La liste d'attente ne cesse de s'allonger et
compte désormais plus de 500 jeunes qui doivent attendre en moyenne deux
ans pour obtenir les services dont ils ou elles ont besoin.» Ça, d'une part, c'est une bonne chose, que les
victimes sortent davantage, mais on voit que l'on ne répond pas
suffisamment à la demande, et vous avez dit, Mme Bergeron, l'importance,
toute l'importance d'agir tôt.
Alors,
on pourrait s'enorgueillir d'avoir le plus beau projet de loi et la plus belle
loi au monde, projet de loi n° 84,
mais, dans les faits, est-ce que l'offre est là? J'aimerais vous entendre
pour... sur une base, là, tout à fait constructive et positive, comment on
pourrait mieux répondre à ce besoin-là. Puis c'est plus qu'hier moins que
demain, puis c'est une bonne chose que les victimes sortent, mais l'offre
aussi, c'est important qu'elle soit présente, puis dans un délai inférieur de
deux ans, j'aimerais vous entendre là-dessus, comment on pourrait mieux
faire, socialement.
Mme Gareau
(Stéphanie) : Bien, écoutez, c'est sûr que nous, la liste d'attente,
c'est la chose... tu sais, je veux dire, c'est le dossier prioritaire à la
fondation, parce que c'est inacceptable, là, qu'il y ait une liste d'attente de
deux ans. Puis il y a plus de demandes qui entrent que de capacité
d'offrir des services. Ça fait que le nerf de la guerre, c'est toujours le
financement, là, puis le financement de la fondation n'est pas exclusivement un
financement qui provient d'indemnisations de l'IVAC ou de financement public,
là. On est à peu près financés 50-50 public-privé puis on a des donateurs
privés qui jouent un rôle important.
Donc, comment on peut
faire? Bien, c'est sûr que nous, on s'est posé la question. Ça fait que comment
on peut faire? Bien, ils viennent d'où les
enfants sur notre liste d'attente, on s'est posé la question. Parce
qu'évidemment, nous, on est à Montréal puis on dessert la grande région
métropolitaine, là, si je peux me permettre. Il y a 25 % à 30 % des
enfants qui viennent de la Montérégie sur notre liste d'attente, ça fait que,
là, nous, on a développé un projet pour offrir des services en Montérégie.
Donc, on travaille avec les partenaires du CISSS, les trois CISSS en
Montérégie, on travaille avec la DPJ, avec les services policiers, et on a pour
objectif d'aller s'établir, dans un monde idéal, d'ici la fin de l'année, en
Montérégie. On a bon espoir que ça va fonctionner. Ça fait que ça, ça va
nous... aider 125 enfants à peu près,
puis après ça, bien, ça va créer un besoin en Montérégie. Tu sais, il y a plus
d'enfants victimes qu'il y a d'opportunités d'offrir des services.
Ça fait qu'ensuite de
ça, bien, comment, on s'est posé la question, bien, ça veut dire embaucher
davantage de personnel, ça fait qu'on a identifié combien ça pouvait coûter. Tu
sais, on pense à... nous, pour vider la liste d'attente, c'est
700 000 $, là, ça fait que c'est majeur comme impact. Il faut aussi
aller les recruter, ces gens-là, parce que
des intervenants qui veulent travailler à temps plein avec des enfants victimes
de violence sexuelle, tu sais, c'est quand même une problématique qui
est lourde.
Puis ensuite de ça,
bien, on peut aussi se poser la question sur la définition, sur la bonification
de notre offre de services. Tu sais, tantôt, on parlait d'accompagnement
psychosocial puis de suivi psychothérapeutique, ça fait qu'on peut aussi rencontrer davantage de jeunes, au début, faire une
évaluation plus rapide des besoins de ces enfants-là. Certains n'auront
pas nécessairement besoin de psychothérapie, donc est-ce qu'on peut offrir
davantage de services avec d'autres types de thérapeutes?
Ça fait que, tu sais,
on est toujours en réflexion, on est toujours à la recherche de solutions.
Évidemment, le défi, il est double, il est financier et... c'est des ressources
financières et humaines, dans le fond, puis une capacité à rencontrer... à
répondre aux besoins des enfants qui nous demandent de l'aide.
• (17 h 10) •
M. Tanguay :
Mme Bergeron, voulez-vous compléter sur cet aspect-là?
Mme Bergeron
(Élodie) : Bien, en fait, je pense que Mme Gareau l'a très bien
résumé. C'est sûr que nous... puis moi, je suis directrice des services
cliniques, hein, donc ces 500 enfants là, là, c'est les intervenants de
mes équipes, là, qui s'en occupent. C'est sûr que nous, à l'interne, on se
questionne beaucoup sur l'offre de services, donc de toujours se réinventer,
est-ce qu'il y a des modalités différentes, là, avec lesquelles on peut voir
les enfants.
Donc, c'est sûr que
nous, on se disait : Pour le moment, on est beaucoup axés vers la
psychothérapie. Là, on veut bonifier notre offre avec un volet psychosocial.
Donc, on accueillait aussi très favorablement, dans le projet de loi, là, ce
volet-là qui veut aussi élargir, là, au niveau des services. C'est sûr que
nous, ça nous permet d'augmenter la capacité puis ça nous permet de faciliter
le recrutement avec différents types de professionnels. Donc, on pourrait parler de psychoéducateurs, de travailleurs
sociaux, de sexologues, donc vraiment de venir élargir le type de professionnels
qui travaillent à Marie-Vincent. Mais
évidemment, je répète ce que Mme Gareau disait, c'est le financement, pour
nous, qui est le gros défi, parce que, oui, nous, on peut et on veut offrir des
services à ces enfants-là, on est en mesure de trouver des solutions, on est
créatifs, on est innovants, mais reste que tous ces beaux projets là doivent
trouver du financement. Donc, c'est sûr que c'est le défi majeur, là.
M. Tanguay :
Bravo! Bravo, merci pour ce que vous faites.
J'aimerais
vous entendre, de façon un peu plus précise, sur l'article 16. Lorsque
vous faisiez mention, je pense que
c'est Mme Gareau, de la perpétration d'actes criminels, autrement dit,
pour vous, l'importance... parce qu'il y a la notion
de manipulation, vous en faites état à la page 8 de votre mémoire,
l'importance de ne pas faire deux fois une personne victime... autrement dit,
victime d'un acte criminel, mais, parce qu'elle a participé elle-même à la
perpétration d'un acte criminel, elle n'a pas d'aide, alors l'importance, pour
vous, dans un contexte bien particulier, là, d'exploitation sexuelle, la notion
de manipulation, bien souvent, est au coeur de la relation toxique et
occasionne de telles victimes, et victimes par ricochet également, donc
l'importance pour vous de s'assurer que l'on retire, dans le fond, ou que l'on
amende, là, 16.1.
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, c'est
exactement ça, dans le fond, parce que... Bien, ce que l'on constate, nous, de
notre côté, c'est que souvent ces jeunes... je vais dire «jeunes filles» parce
que c'est principalement... mais les jeunes
victimes d'exploitation sexuelle, elles vont être amenées à commettre des
infractions, puis ce serait dommage que, dans le fond, l'ouverture qui
est manifestée, avec le projet de loi n° 84, de couvrir, justement, ou
d'indemniser ces victimes-là, bien, que la porte se referme automatiquement par
l'effet, là, de l'article 16.1.
Donc, pour nous, s'il y avait mention d'une
exception, au même titre que c'est fait, là, par exemple, comme je le disais,
pour la prescription, je pense que ça pourrait aider à clarifier peut-être la
lecture puis assurément l'esprit, là. Ça serait conforme à l'esprit du projet
de loi tel qu'on le comprend.
Mme Bergeron (Élodie) : Est-ce que
je peux juste compéter?
M. Tanguay : Je vous en prie.
Mme Bergeron (Élodie) : En fait,
j'ai juste envie de dire, là, pour peut-être qu'on comprenne l'importance de
notre propos, ces jeunes-là ont un parcours très complexe, hein, puis ça prend
du temps avant qu'ils décident d'aller chercher de l'aide pour s'en sortir.
Donc, quand ils arrivent à ce constat-là et quand ils arrivent à dire : Je
suis rendu là, j'ai besoin d'aide, j'ai besoin de soutien, c'est parce que
réellement ils veulent se sortir de ce milieu-là. Puis se sortir de ce milieu-là, ça veut dire, oui, se sortir du milieu de
l'exploitation sexuelle, mais de la délinquance dans son sens large. Ça
fait que moi, je veux juste souligner cette importance-là. Ça fait que c'est
sûr que, s'ils arrivent à nous dire : Je veux m'en sortir, et que là on a
un article qui vient fermer la porte, ça n'arrive pas au bon moment puis ça va
venir les décourager pour la suite des choses, là.
M. Tanguay : Et là-dessus,
Mme Bergeron et Mme Gareau, corrigez-moi si j'ai tort, mais je ne
pense pas que votre mémoire en fait spécifiquement mention, mais
l'article 7, même si vous n'avez pas écrit ça dans votre mémoire, vous ne
l'avez pas abordé, je pense qu'on peut réfléchir tout haut ensemble, où la
victime doit, dans la mesure du possible, coopérer avec les personnes chargées
de l'application de la loi, bien, j'y vois là aussi une autre raison de se
questionner très sérieusement sur un jeune qui dit : Oui, je veux m'en
sortir. Comme vous le dites bien, Mme Bergeron...
puis dire : O.K., puis j'aimerais ça, oui, participer à un régime
d'indemnisation parce que je suis une victime
d'acte criminel. Mais d'alourdir ce cheminement-là en disant : Mais tu
sais que tu devras coopérer... Oui, coopérer, mais, comme on dit, que
c'est ça veut dire? Puis ça peut être un déterrant majeur, là. Alors, un autre
petit drapeau que je mettrais, rouge, moi, cette fois-là, peut-être.
Mme Gareau (Stéphanie) : Oui. Bien,
on n'a pas souligné... Bien, tu sais, il faut comprendre aussi qu'à la
fondation, on n'est pas des juristes, là, a contrario de certaines personnes
que vous aurez entendues ou que vous entendrez,
là. Ça fait que nous, on a souligné plus à grands traits l'impact de certains
articles, mais je pense qu'il y aurait une
lecture ou, en tout cas, peut-être une réécriture pour préciser que ce n'est
pas ce qui est recherché comme objectif.
M. Tanguay : Bien, merci
beaucoup à vous deux puis félicitations pour ce que vous faites. Merci.
Mme Gareau (Stéphanie) : Merci.
Mme Labrie : Votre micro ne serait
pas ouvert, M. le Président, mais est-ce que c'est à mon tour?
Le Président (M.
Bachand) : C'est à ton tour... c'est à votre tour, pardon.
Mme Labrie : Merci, M. le Président.
Vous avez... Il a été question, tout à l'heure, de la question de l'absence
presque totale des services pour les victimes auxquelles vous répondez dans
plusieurs régions du Québec. Évidemment, vous faites dans la mesure de votre
possible dans la région où vous êtes présentes, mais c'est un constat quand
même important que, dans plusieurs régions, ces services-là n'existent pas. Et,
dans la mesure où, jusqu'à maintenant, les enfants concernés n'étaient pas
reconnus comme victimes par le régime, bon, ça posait certains problèmes, mais là, maintenant que ces enfants-là vont être
reconnus comme victimes et vont, techniquement, être indemnisés pour des
services, l'absence de services disponibles dans plusieurs régions va être un
problème majeur. Qu'est-ce que le gouvernement ou le ministère devraient faire,
de votre point de vue, pour pouvoir vraiment permettre de concrétiser, là,
l'intention d'offrir des services à ces victimes-là dans toutes les régions du
Québec?
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, peut-être une petite correction, ce n'est
pas tous les enfants, là, qui n'étaient pas reconnus victimes. Il y a
certaines infractions... Bien, qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire?
Bien, en tout cas,
nous, de notre côté, ce qu'on essaie de faire, c'est de déployer nos services à
l'extérieur de Montréal, là. Tantôt, j'ai parlé de la Montérégie,
évidemment, il y a plusieurs régions qui nous... apprenant un peu ce qu'on
fait, connaissant mieux l'expertise de Marie-Vincent, souhaitent qu'il y ait un
Marie-Vincent dans leur région. On a beaucoup d'appels de phares à cet
égard-là.
Ça fait que qu'est-ce
que le gouvernement pourrait faire? Bien, je pense que ça va être d'investir
dans les services, je pense que c'est ça que
j'ai le goût de vous répondre, là, puis de donner à des organismes comme Marie-Vincent
le moyen de nos ambitions. Jusqu'à maintenant, bon, nous, on reçoit un
financement du ministère de la Justice.
Après ça, on est à projet avec plein d'autres ministères, là. On sent qu'il y a
une ouverture, on sent qu'il y a une écoute, en tout cas, à la Justice,
pour accompagner davantage Marie-Vincent pour qu'on puisse déployer nos
services.
Donc, je pense que
c'est ça, je pense que c'est de reconnaître l'importance, la spécificité de ce
qui est fait, l'impact de l'investissement, quand les enfants sont jeunes, à
long terme, à moyen et long terme, puis, à ce moment-là, bien, de mettre... de
nous donner les outils pour pouvoir déployer nos services partout au Québec,
là.
Mme Labrie :
Donc, par cohérence, il y a une invitation à soutenir financièrement des
services comme les vôtres, ailleurs.
Mme Gareau
(Stéphanie) : Bien, je pense que ça répond à un besoin, oui.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme
la députée de Joliette, vous avez la parole. Merci.
Mme
Hivon :
Oui. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup. Heureuse de vous retrouver.
Deux questions, une
plus technique. Je ne sais pas si vous avez eu une réflexion là-dessus, sur
toute la question des rentes versus une indemnisation forfaitaire. Donc, on a
eu une victime, tout à l'heure, qui, justement, a fait l'objet d'abus sur une
longue période d'abus sexuel dans son enfance. Ça l'a amenée... et elle a
rapporté aussi des exemples d'autres
victimes à avoir beaucoup de difficulté à se trouver un emploi, à conserver un
emploi. Et donc est-ce que vous avez réfléchi à ça, l'impact de changer
les rentes viagères pour certaines personnes pouvant avoir de la difficulté à
manoeuvrer dans leur vie et avoir des revenus, versus l'idée, donc, d'avoir une
seule somme forfaitaire?
Puis l'autre chose
que j'aurais aimée, c'est que, pendant nos travaux du comité d'accompagnement
des victimes de violence sexuelle et conjugale, on a souvent parlé de vous
comme d'un modèle qu'on aimerait transposer pour les victimes adultes, d'avoir
tous les services en un lieu, du dévoilement, comme vous l'avez bien dit,
jusqu'à la fin des suivis psychosociaux. Donc, j'aimerais juste que vous nous
rappeliez tout ce qui est offert sur vos lieux quand on prend en charge quelqu'un
qui vient faire un dévoilement.
• (17 h 20) •
Mme Gareau
(Stéphanie) : O.K. Bien, dans un premier temps, au niveau de la rente
viagère, là, on ne s'est pas penché sur cette question-là. Honnêtement, les
victimes qu'on rencontre, les gens qu'on aide, c'est des enfants. Ça fait que
ça se pose moins ou, en tout cas, ça s'est moins posé jusqu'à maintenant, donc
on ne s'était pas attardé à ce volet-là. Ça fait que ça fait une réponse plutôt
courte, je suis désolée.
Pour le volet des
services, bien, Marie-Vincent, c'est un centre d'appui à l'enfance, donc
l'idée, c'est que les services viennent aux enfants plutôt que les enfants
doivent se déplacer partout pour... d'une liste d'attente à une autre, de
trouver son chemin à travers les dédales des services qui sont offerts par les
établissements, par les organismes communautaires, par différents partenaires.
Donc, par exemple, s'il y a un dévoilement, il y a un enfant qui va être référé à Marie-Vincent, bien,
l'entrevue d'investigation policière, les policiers viennent au centre à
Montréal, il y a une salle où on enregistre le témoignage pour éviter que
l'enfant ait à le répéter à plusieurs reprises. Ensuite de ça, s'il y a un
nécessaire suivi... examen médical à faire, des fois, les enfants... les
victimes, après une agression, vont avoir des questions par rapport aux ITS,
par rapport aux risques de grossesse.
Il y a des médecins de l'Hôpital
Sainte-Justine, du Children's, qui viennent dans les locaux de Marie-Vincent
pour faire les examens. Ensuite de ça, bien, les intervenants de la direction
de la protection de la jeunesse, par exemple, peuvent venir à Marie-Vincent
pour accompagner des enfants dans le cadre de leur thérapie. Puis évidemment,
tout ce qui est l'accompagnement, aussi, sociojudiciaire, là, s'il y a lieu, il
y a des avocats qui peuvent les accompagner, les gens peuvent venir dans notre
centre.
Ça
fait que l'idée, c'est d'éviter à l'enfant et à sa famille de se promener d'un
endroit à l'autre, c'est d'offrir... Puis
c'est aussi beaucoup plus facile pour un enfant de faire une entrevue
avec un policier dans une salle qui est beaucoup plus accueillante, beaucoup
plus chaleureuse qu'un poste de police. Ça va dédramatiser, dans la mesure où
c'est possible, l'événement, là, l'entrevue. Donc, c'est un peu... c'est la
nature des services qu'on offre.
Puis peut-être, si je
peux ajouter, parce que ça fait partie de nos projets, évidemment, on va
constater, par exemple, avec une clientèle adolescente que les jeunes,
ils vont nous arriver avec pas juste un bagage de victime de violence sexuelle,
mais il y a aussi une dépendance, il y a
une problématique de santé
mentale. Donc, nous, on souhaite
bâtir des passerelles, des ententes
avec des partenaires qui vont offrir ces services-là, qui viendraient à
Marie-Vincent rencontrer les adolescents,
faire l'évaluation, déterminer le meilleur service pour leurs
besoins puis, ensuite de ça, offrir ce service-là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Sur ce, Mme Gareau, Mme Bergeron, merci infiniment d'avoir été avec
nous cet après-midi.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 23)
(Reprise à 17 h 25)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux.
Juste un petit rappel pour les participants de
garder votre caméra ouverte, s'il vous plaît. Merci beaucoup.
Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les
représentants du Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel au
travail. Donc, Me Masson et M. Morin, bienvenue à la commission. Vous
avez 10 minutes de présentation, comme vous savez. Après, on échange avec
les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, la parole est à vous.
Encore une fois, merci d'être avec nous aujourd'hui.
Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement
sexuel au travail (GAIHST)
M. Morin (Yann) : Bien, merci
beaucoup pour l'invitation. Donc, bonjour, M. le Président, M. le ministre, toutes et tous les députés. Donc, effectivement, Yann Morin, criminologue, responsable du département de relation
d'aide du groupe d'aide, et Me Masson, avocate au département des
plaintes.
Alors, en fait, notre organisme communautaire
est établi depuis 40 ans avec le mandat vraiment d'assister des victimes de harcèlement sexuel et
psychologique au travail. Donc, c'est sûr que notre clientèle, plusieurs ont
subi des infractions criminelles comme voies de fait, agressions à
caractère sexuel. Donc, nous, on est vraiment un organisme de plancher, au jour
le jour, avec les victimes : soutien, écoute, soutien technique,
formulaire de plainte, recours à la CNESST, à l'IVAC, etc.
Donc, c'est
sûr qu'aujourd'hui, en fait, on aurait pu se pencher sur plusieurs
points du projet de loi, 190 articles, mais dans le temps
imparti, comme c'était un petit peu court et qu'on aurait pu prendre beaucoup
plus de temps pour travailler tout ça, on a décidé vraiment de se pencher sur
notre expertise, quelques points qui ne seraient peut-être pas nécessairement
abordés par tous les organismes, toutes les personnes qui viennent vous rencontrer
lors des auditions. Donc, on va vraiment se
pencher sur les victimes en milieu de travail et tout spécifiquement, en fait,
sur l'article 59 au chapitre XI sur l'aide financière et
autres sommes perçues en vertu d'un autre régime ainsi que, dans le fond,
l'expérience directe des personnes avec qui on travaille au jour le jour.
Donc, moi, je
vais vraiment commencer, en fait, sur l'article 59, au volet, plus
spécifiquement, de la LATMP, la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles. Dans le fond, nous, ce qu'on aimerait recommander à
la commission, c'est d'offrir le choix aux victimes, dans le milieu de travail,
de pouvoir soit utiliser l'IVAC, présentement, ou la nouvelle loi qui sera
instituée par le nouveau projet de loi, ou la LATMP, selon ce qu'elle désire. Dans le fond, pourquoi on vous arrive avec,
vraiment, cette recommandation-là aujourd'hui? C'est pour divers points.
Le premier, en fait, c'est pour s'assurer que
les victimes d'infractions criminelles, que ça soit fait dans le milieu du travail ou à l'extérieur, aient les
mêmes droits. Présentement, en fait, quelqu'un qui vit un acte criminel
comme ça, dans le milieu de travail, doit se prévaloir de la LATMP, donc doit
vraiment aller à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la
sécurité du travail pour obtenir une indemnisation, au besoin.
Donc, la façon que ça fonctionne, en fait, à ce
régime-là, c'est qu'il faut expliquer en long et en large, donner un exposé des
faits complet de notre accident de travail, de ce qui nous a rendu malade.
Donc, il faut vraiment mettre par écrit, en
détail, ce qu'on a vécu, et, une fois que ça, c'est fait, une copie est envoyée
à l'employeur. Donc, nous, ce qu'on voit beaucoup chez notre clientèle,
c'est que l'employeur, c'est la personne qui a commis les agressions, les actes
criminels. Donc, on demande à la victime de mettre par écrit ce qu'elle a vécu
et de le redonner, dans le fond, à son agresseur. Donc, c'est déjà un premier
frein pour notre clientèle.
Le deuxième est vraiment basé sur le fait qu'une
fois que ça, c'est fait, l'employeur donne une réponse. Donc, il répond par
écrit, la victime va en avoir une copie, et, si cette réponse-là n'arrive pas à
la même chose, en fait, la CNESST n'est pas en mesure de faire une enquête
approfondie. Et ce qu'on voit dans notre quotidien, c'est, si les récits sont
différents, ne pouvant pas faire d'enquête, ce qu'on voit, c'est des refus.
Donc, on a des attentes, un, deux, trois,
quatre mois pour un refus. Pendant ce temps-là, la personne n'obtient
aucune indemnisation, ne reçoit aucune aide,
et c'est ce qu'on voit dans le projet de loi, entre autres, et dans l'IVAC,
tout ce mouvement administratif là qui peut prendre très long et qui est
très demandant. Ça serait peut-être plus adapté aux victimes, même en milieu de
travail, en fait, vu que le fardeau de preuve pour être indemnisé n'est pas du
tout le même.
Aussi, on le voit aussi dans le projet de loi,
on le voit dans l'IVAC, il y a une aide d'urgence qui peut être accordée sous
forme d'indemnisation, sous forme d'aide psychologique, au besoin. J'entendais
aujourd'hui... Oui, la LATMP offre aussi un article pour ça. Moi, ce que je
peux vous dire par contre, c'est, en 40 ans d'expérience, on n'a pas
réussi à voir ça au niveau de la LATMP, se faire mettre en place dans un de nos
dossiers, tandis que, dans certains dossiers de l'IVAC, oui. Donc, pour nous,
vraiment pour faciliter l'adhésion et l'aide aux victimes, on croit vraiment
que de pouvoir leur offrir le choix d'aller soit selon le nouveau projet de loi
ou la LATMP serait une avancée importante. Et, en fait, nous, ce qu'on voit, c'est
que déjà, dans l'article 59, il y a un tel paragraphe pour choisir entre la SAAQ et le nouveau projet de loi. Donc, nous, on proposerait déjà, pour favoriser l'aide aux
victimes, d'inclure un paragraphe semblable au niveau de la LATMP.
Donc, moi, je vais maintenant passer la parole à
Me Masson pour l'expérience terrain de notre clientèle.
• (17 h 30) •
Mme Masson (Mélisande) : Donc, le
deuxième volet qu'on veut souligner, nous, c'est l'accueil du soutien des personnes
victimes. Donc, ce projet de loi reprend et répète des droits déjà entérinés dans
la charte des victimes sans pour autant articuler ou préciser comment ce
nouveau régime verra leur mise en oeuvre.
Donc, il existe, en ce
moment, des manquements à des obligations essentielles de justice
administrative, soit la qualité, la célérité
et l'accessibilité des services. On se retrouve avec un manque d'harmonisation
et de collaboration entre des régimes qui devraient plutôt se
complimenter. Par exemple, à l'article 4 du projet de loi, on stipule
qu'une personne victime a le droit d'être informée de ses droits, ses recours
et les mesures d'aide disponibles. Par contre, sur le terrain, la réalité est
toute autre.
Donc, pour illustrer un peu, on va vous
présenter un exemple. Dans un dossier récent, une de nos clientèles avait été
victime d'une agression sexuelle au travail. Elle a appelé la police, a déposé
une plainte formelle et a été accompagnée à l'hôpital pour recevoir des soins.
Tout au long de ce processus, elle n'a jamais été informée de ses droits en tant que personne victime d'une infraction
criminelle ni des services qui existent, comme l'accompagnement avec le CAVAC ou la possibilité d'obtenir une aide
financière pour couvrir ses frais, les frais associés à
l'hospitalisation ou les médicaments. C'est
juste une fois qu'elle s'est rendue chez nous qu'elle a appris qu'un régime
comme l'IVAC existait.
Suite à ça, elle a déposé une plainte en
harcèlement sexuel. Là, on s'est rendus en médiation devant la CNESST, organisme qui veille à l'application de la
LATMP et l'IVAC. Nous tentions de régler le dossier à l'amiable, mais on était quand même conscients que cette
cliente avait des séquelles importantes et avait besoin de soins thérapeutiques
et une indemnité de remplacement de revenus.
Donc, lorsqu'on... On a demandé au médiateur si, malgré un règlement
quant à la plainte en harcèlement et à un retour au travail, si on pourrait
quand même avoir un soutien pour les besoins thérapeutiques de la cliente par
l'entremise de l'IVAC. Le médiateur n'avait aucune connaissance sur les droits
ni les lois qui s'appliquent aux victimes d'infraction criminelle. Donc, on a
dû mettre terme à cette médiation-là et
vérifier auprès de l'IVA, et, quand on a appelé l'IVAC, ça s'est également
avéré non conclusif, parce que l'agent n'avait pas la réponse puis nous
a référés au site Web pour trouver les informations.
Donc, tous ces manques d'information entraînent
des retards significatifs dans le processus de rétablissement d'une personne
victime, et souvent nos clients ne sont pas en mesure de travailler suite aux
événements vécus et ont besoin d'un revenu pour subvenir à leurs besoins, mais
aussi les besoins de leur famille. Donc, les institutions qui sont chargées de
garantir les droits des victimes, leur compréhension, leur accompagnement ne
sont pas en mesure de répondre au questionnement.
On recommande que le projet de loi encadre et
articule davantage comment nous allons réellement garantir les droits des
personnes victimes puis que les institutions et les personnes mandatées à
appliquer à loi soient en mesure de nous guider et de nous informer sur la mise
en oeuvre concrète de cette loi. À cet effet, on trouve aussi que les modalités
de mise en oeuvre ne se retrouvent pas dans le projet de loi. Donc, on fait
plutôt référence à des règlements qu'on n'a
pas eu l'occasion de voir ni évaluer pour voir ce qui en est de leur portée, et
souvent les plus gros obstacles
auxquels font face nos clients sont précisément liés à ces modalités-là, comme
les délais puis les suivis opportuns.
On reste avec plusieurs enjeux, comme la portée
de l'aide financière, le montant, quelle institution qui sera chargée de
l'application, qui ne sont pas nécessairement adressés. Donc, on recommande
aussi que les règlements soient déterminés de concert avec les organismes
spécialisés en la question afin d'ouvrir une aide et un soutien adaptés aux
besoins de toutes les personnes victimes.
Pour conclure, nous tenons à vous remercier
encore une fois, la commission, pour cette invitation et aussi à souligner les
avancées qui ont été proposées par ce projet de loi, comme l'élargissement du
concept de personne victime puis l'inclusion des personnes victimes à
l'extérieur du Québec. Par contre, on souligne que c'est primordial de
permettre aux travailleurs victimes d'infractions criminelles le choix au
niveau du régime et qu'également il faut s'assurer que le projet apporte une
amélioration au système actuel au niveau de l'accueil et le soutien des
personnes victimes. Les règlements qui
encadrent plusieurs, sinon la majorité des modalités du régime doivent prendre
en compte les principes qui
sous-tendent une loi à vocation sociale et être élaborés en consultation avec
les organismes intervenants de première ligne afin de mieux répondre aux
besoins des Québécois. Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Me Masson, M. Morin. Nous allons débuter la période
d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci,
M. le Président. Me Masson, M. Morin, bonjour. Merci de
participer aux travaux de la commission.
Vous apportez un éclairage qui est intéressant relativement aux différents
régimes d'indemnisation que nous avons, relativement à celui de la Loi
sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et celui de
l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Donc, ce que je retiens, notamment, de votre
propos, c'est qu'il y a une difficulté pour les deux régimes de
fonctionner et de collaborer ensemble. Je comprends qu'il y a certaines
victimes qui se retrouvent un peu dans une situation particulière et, si je
pourrais dire, le bec à l'eau un peu, là.
M. Morin (Yann) : Oui,
effectivement, c'est exactement ça. Donc, on peut vraiment avoir des gens qui
ont vécu un acte criminel sur le milieu du travail, vont commencer par
contacter l'IVAC, vont se faire dire : Bien, ce n'est pas nous, les
premiers payeurs, ce n'est pas nous à contacter, c'est la CNESST, faites une
demande avec eux. Et ensuite, à la CNESST, en fait, recevoir une réponse prend
plusieurs, plusieurs mois.
Pendant ce
temps-là, on n'a aucun contact, aucune réponse. On ne reçoit pas d'aide, on ne
reçoit pas de suivi. Ça prend des mois avant d'avoir un agent attitré au
dossier. Donc, on a des gens qui tombent un peu entre deux chaises. Et, dans le fond, à la CSST, la majorité des gens,
malheureusement, sont refusés quand on n'a pas une blessure physique, quelque chose à démontrer physiquement qui nous
est arrivé, comme dans le cas, par exemple, d'un stress post-traumatique.
Donc, à la CSST, se voir refuser une fois, se voir refuser en révision, aller
au tribunal dans un an et demi, deux ans, toujours pas de réponse... Donc, effectivement, on
a des gens qui attendent très longtemps, sans support, sans pouvoir se
retourner vers, entre autres, potentiellement, la nouvelle loi ou l'IVAC, qui
pourrait les aider plus rapidement aussi.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous
voulez ajouter quelque chose, Me Masson?
Mme Masson
(Mélisande) : Non, je crois
que mon collègue a bien soulevé les enjeux, mais, tu sais, peut-être qu'on peut souligner, par exemple,
l'importance des mesures d'urgence. Donc, nous, comme on sait que la préséance
de la LATMP sur l'IVAC, c'est vraiment un frein... Par exemple, quand on a un
travailleur qui a son logement chez l'employeur, par exemple, dans un dossier
où un travailleur avait été victime de voies de fait, il se faisait renvoyer de
son logement et de son emploi. Donc, on a comme une intersection de différents
enjeux qu'on ne peut pas venir pallier, qu'on n'a jamais vu palliés avec la
LATMP, et que, si ce client-là s'était adressé à l'IVAC, selon les protocoles
et les articles dans l'IVAC, se verrait également refusé chez l'IVAC, il
faudrait qu'il se retourne vers la LATMP. Et tout ça, ça engendre des gros
délais, puis ce monsieur-là se retrouve dans la rue, entre-temps. Donc, je
pense que c'est ce genre d'enjeux là qu'on veut essayer de pallier et
souligner.
M. Jolin-Barrette : Donc, les
deux régimes semblent aider les gens, mais, par le fait qu'il y a une
certaine rigidité, ça fait en sorte que, bon, les personnes se retrouvent entre
les deux. Mais je note, vous dites : Dans le fond, le régime d'urgence que
vous mettez en place directement dans l'IVAC, il pourrait bénéficier à certains
travailleurs. Donc, vous nous invitez à faire le pont entre les
deux régimes et à ce que ça fonctionne mieux pour les travailleurs.
J'avais une question en regardant votre mémoire.
Est-ce que vous avez un estimé... bien, enfin, pas un estimé, mais votre organisation,
là, selon votre expertise, combien de personnes, vous pensez, sont victimes
d'une infraction criminelle sur les lieux de travail qui pourrait être
indemnisable par l'IVAC? Avez-vous une idée, un aperçu dans les données que
vous récoltez chez les gens qui sont membres de votre organisation?
• (17 h 40) •
M. Morin (Yann) : Oui. Bien, je n'ai
pas une donnée spécifique sur la question, malheureusement, de préparée, vite comme ça. Ce que je pourrais... Je
pourrais faire peut-être une sorte d'estimation de mes connaissances,
de ma clientèle au jour le jour. Si je dis que j'ai environ 400 nouvelles personnes dans une
année, qu'environ 30 %
d'entre elles, c'est du harcèlement sexuel au travail — la
majorité, il y a eu au moins des attouchements — je pourrais quand même
calculer, un bon 30 % de notre clientèle pourrait potentiellement en
bénéficier.
M. Jolin-Barrette : Mais vous, vous
avez 400 nouvelles demandes annuellement. Et, selon votre expérience, les
gens qui font appel à vous, vous nous dites : La majorité des crimes, des
infractions criminelles sont de nature sexuelle, principalement du harcèlement
sexuel.
M. Morin (Yann) : Oui. Bien, en
fait, on est le groupe d'aide sur le harcèlement sexuel et psychologique. Donc, c'est ça, on a un très grand volet harcèlement
sexuel, avec vraiment plus crimes à connotation sexuelle. Au niveau du
harcèlement psychologique, en soi, ce n'est pas criminel, donc, ça dépend des
personnes. Donc, si quelqu'un se fait insulter et crier après, c'est
potentiellement du harcèlement psychologique, ce n'est pas criminel. Mais par contre, des fois, il y a des voies de fait, crimes
contre la personne, contre les biens aussi. On a vu des dossiers... des
gens s'en prendre à la voiture de la
personne, vraiment... J'ai déjà eu quelqu'un, en fait, que ce qui est arrivé,
c'est qu'elle s'est quand même fait donner un coup de ciseau dans le
dos. Donc, on a quand même des crimes qui peuvent aller très graves contre la
personne, agressions à caractère sexuel. Généralement, on tourne dans ces eaux-là,
quand on parle d'actes criminels dans notre... pour notre organisme.
M. Jolin-Barrette : Mais ça, ça
signifie... je note, là, avec l'élargissement de la liste que nous faisons au
projet de loi, notamment au niveau du harcèlement, ça ferait en sorte que, si
on réussit à trouver un arrimage entre le régime
de la LATMP puis celui de l'IVAC, bien, le fait qu'il y ait l'élargissement de
la liste, ça répondrait principalement aux types de cas que vous avez
dans votre organisation.
M. Morin (Yann) : Je crois, oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Actuellement, l'indemnisation des victimes d'actes criminels se retrouve à la
Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui est à la CSST.
On a prévu une disposition, dans le projet
de loi, qui fait en sorte qu'à titre de ministre de la Justice, maintenant, je
vais avoir le contrôle à ce niveau-là pour déterminer à quel endroit est-ce que ça va... mes services vont être
donnés. Puis aussi, pour pouvoir faire des ententes de services, ça va
devenir la responsabilité du ministère de la Justice.
Comment est-ce que... Vos utilisateurs, là, quels
sont leurs commentaires par rapport aux services qui sont donnés à la DIVAC
puis par rapport aux deux... bien, à la direction qui est à l'intérieur de la
CSST? C'est quoi, je vous dirais, les commentaires service à la clientèle que
vous recevez?
M. Morin
(Yann) : Oui, bien, en fait,
je crois que je vais pouvoir rejoindre un peu des propos de Mme Rochon de cet après-midi, en fait. On
arrive exactement aux mêmes conclusions, un manque d'humanisme flagrant
au niveau de l'IVAC particulièrement. Comme, par exemple, on a des gens qui,
après plusieurs, plusieurs mois, nous contactent pour obtenir de l'aide. Ça
fait des mois qu'ils tentent de contacter l'IVAC, ils laissent des messages,
ils laissent des messages et ils ne se font jamais
rappeler. Et c'est nous, une fois qu'on a laissé des messages, nous, on va se
faire rappeler pour la personne. Sinon, la victime n'a jamais de retour
d'appel. Ça nous arrive quand même régulièrement.
Au niveau de la CNESST, je vais me concentrer
volet santé et sécurité, je vais oublier volet normes, avec lequel on travaille
aussi beaucoup, là. Mais, au niveau SST, on voit sensiblement les mêmes
difficultés, tant que le dossier n'est pas accepté. Donc, quand on a besoin
d'une information, notre dossier est en enquête, réussir à parler à quelqu'un, c'est difficile, réussir à parler
deux fois à la même personne, c'est quasiment impossible. Mais c'est vrai
qu'au niveau de la santé et sécurité du travail, une fois que notre dossier est
accepté et qu'on commence à recevoir des soins, des indemnisations, on a des
agents attitrés avec qui on est capables de créer un lien de confiance et on
voit déjà une amélioration rendus à ce moment-là. Mais, tant que le dossier
n'est pas accepté, effectivement, c'est très, très, très difficile pour les
personnes victimes.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Bien,
dans le fond, M. Morin, je vous remercie. J'ai des collègues qui veulent
vous poser des questions. Merci pour votre présentation en commission
parlementaire.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, Me Masson, M. Morin, un plaisir
de m'entretenir avec vous cet après-midi.
Une petite question, peut-être en lien avec ce
que le ministre demandait tout à l'heure, là, en lien avec, bon, toute la question du harcèlement. Nous avons eu,
cet après-midi, un groupe qui nous a parlé
de la possibilité d'élargir, d'étendre la liste des infractions... mais
pas nécessairement des infractions, mais également des actes qui ne seraient
pas criminels en tant que tels mais qui pourraient être admissibles à l'IVAC.
Je sais que vous en avez mentionné, là, un peu. Est-ce que vous avez certains
actes ou, à votre connaissance, là, certains points que vous aimeriez ajouter
ou, du moins, dans votre expérience, que vous voudriez nous partager?
Mme Masson
(Mélisande) : Bien, peut-être, je peux m'avancer, Yann. Nous,
dans le fond, si on peut étendre puis ajouter le harcèlement, ça a des
séquelles... et non seulement le harcèlement sexuel, mais aussi discrimatoire
et psychologique. Ça a des très, très grosses séquelles sur nos clients. Et,
dans le fond, en ce moment, comme mon collègue a souligné, quand on va vers la
LATMP, et on doit rédiger toute une version des faits, puis on explique, puis
on... Il y a une revictimisation aussi quand on partage ces propos-là, puis ces
propos-là sont également partagés avec le potentiel ou l'allégué harceleur
plusieurs fois. Donc, élargir, puis inclure, donner accès aux travailleurs
victimes de harcèlement psychologique et discriminatoire aussi, bien, ça
permettrait aussi d'éviter cette revictimisation puis aller chercher cette
compensation ou cette indemnité pour permettre qu'ils reviennent puis qu'ils se
rétablissent, sans nécessairement être confrontés à des situations difficiles
ou des représailles sur le milieu du travail.
Une voix : Parfait, merci.
M. Morin, oui, allez-y.
M. Morin (Yann) : Si je peux me
permettre de compléter, je suis tout à fait d'accord avec ma collègue. Dans un
monde parfait, où est-ce qu'on pourrait offrir ça à toute notre clientèle, de
pouvoir être indemnisé sans être obligé d'aller devant un juge, se battre
pendant des années, ça serait tout à fait génial ou peut-être... parce que je comprends que c'est quand même dans un monde
parfait qui serait peut-être un peu difficile à mettre en place, ou
peut-être un moyen, justement, d'arrimer les deux programmes, d'avoir un
programme qui fait comme : D'accord, c'est le monde du travail, ce n'est
pas un crime, mais peut-être que, tu sais, vous avez besoin d'aide maintenant,
pendant que vous faites vos démarches avec la CSST, peut-être qu'on pourrait
vous fournir un psychothérapeute pour vous aider à remonter la pente, des
choses comme ça. Ça serait déjà, je pense, un pas énorme par en avant aussi...
si je ne me permets pas d'être 100 %, je vais demander tout ce que je veux
dans le monde parfait.
M. Lévesque (Chapleau) : Excellent.
Merci, bien noté. Vous avez parlé d'accueil et de soutien aux victimes. Vous avez dit : qualité, célérité
et diligence, Me Masson. Puis vous avez fait mention, là, M. Morin,
également, de toutes les problématiques qu'il y a à l'IVAC avec, bon, le retour
des appels pour les victimes.
Comment on pourrait outiller les agents qui sont
là? Comment on pourrait améliorer le service à la clientèle? Qu'est-ce que...
Avez-vous des pistes de solution pour que ça aille mieux? Parce qu'en fait on
veut qu'il y ait un service à la clientèle qui soit rendu, là, puis que les
victimes aient accès à ce dont elles ont droit.
M. Morin (Yann) : Oui. Bien, moi, je
crois, la base... Tu sais, je suis criminologue, mon travail, c'est de l'intervention
directe avec les victimes. Je suis spécialisé en victimologie. Donc, on a quand
même une excellente formation sur comment intervenir en première ligne. Donc,
je crois que déjà les gens qui doivent les accueillir... de suivre une
formation comme ça, de savoir un peu qu'est-ce qu'ils doivent dire, ce qu'ils
doivent faire, au-delà de : J'ai besoin de votre information, voici ce que
j'ai de besoin, ce que je vais faire.
Les victimes, si je pars de la base, de la base,
juste de se faire dire : Je vous crois, je suis là pour vous donner de l'information,
vous soutenir, même si, en bout de ligne, on n'est pas capable de répondre à
tous leurs besoins, c'est déjà un pas en avant qui permet d'améliorer les services
grandement.
Généralement, quand
je vois quelqu'un, je prends deux personnes, quelqu'un... comme
dire : J'ai appelé la CNESST, je suis vraiment content de leurs services
puis je leur demande pourquoi, la première chose qu'ils vont me dire : Bien, la
personne m'a écouté, m'a laissé parler, m'a donné les informations puis m'a dit : Bien, tu sais, si vous avez besoin de plus d'aide, de quelque chose, tu sais, recontactez-moi ou contactez le groupe d'aide, contactez un
CAVAC, contactez-ci, versus la personne qui va me dire : J'ai eu les pires
services du monde, va me dire : La personne, elle était froide, elle ne
voulait pas m'écouter, elle a été directe avec moi. Des fois, c'est juste ça
qui fait un changement.
M. Lévesque
(Chapleau) : Tout à fait, tout à fait. Ça revient... D'ailleurs, là,
la notion, la question de la formation, vous n'êtes pas les premiers à nous en
parler, puis également, évidemment, l'écoute active, puis reconnaître la
victime dans ce qu'elle vit, je pense que ça a un impact, ça a de l'importance,
c'est revenu.
Merci beaucoup. M. le
Président, je crois que mon collègue de Saint-Jean aurait des questions.
• (17 h 50) •
Le Président (M. Bachand) : M. le
député de Saint-Jean,
pour deux minutes, deux petites minutes, s'il vous plaît.
M. Lemieux :
Vous devancez ma question, M. le Président. Merci beaucoup. Ma question, pour
nos invités, que je salue, M. Morin, Me Masson... Vous êtes très
terre-à-terre, et j'apprécie ça, parce que c'est votre réalité et c'est ce que
vous venez nous présenter.
Reculez avec moi un
petit peu pour regarder l'ensemble du projet de loi, même s'il y a
190 articles qui vont dans toutes les
directions. C'est quand même 50 ans de poussière, là, sur laquelle il
faut travailler. Est-ce qu'il y a un
pan de mur, là-dedans, qui vous agace plus qu'un autre? Est-ce qu'il y a
quelque chose, là-dedans, qui vous heurte, pour commencer, ou si on y va page
par page, puis vous trouvez à redire? Mais essentiellement qu'est-ce qui vous
heurte? Puis je suis un ancien journaliste, donc je pose tout le temps la
question. Puis qu'est-ce que vous appréciez en particulier là-dedans, à part le
dépoussiérage, là?
M. Morin
(Yann) : Bien, si je peux me permettre — je vais te laisser
compléter, Mélisande — je
vais y aller en deux points sur ce qui me chicote un peu plus. Je vais y
aller comme ça. C'est une loi mise en place pour des victimes, donc quelqu'un
de fragilisé, qui a vécu quelque chose de très difficile, souvent qui veulent
reprendre le contrôle sur leur vie suite à
ce qu'il s'est passé. Donc, souvent, les gens vont essayer de se renseigner par
eux-mêmes, et je peux déjà vous dire que cette loi, même pour nous,
Me Masson, moi, qui travaillons là-dedans à tous les jours, les 190 articles, qui sont très volumineux, sont
très compliqués. Je ne sais pas comment les gens vont réussir à
comprendre quand ils vont tomber à l'utilisation au niveau plancher.
Moi, ensuite, maintenant
que j'ai fait cette parenthèse-là, là, la réponse deux, c'est surtout le volet,
peut-être, aide, qui est très abordé, mais très en surface, qui... pour moi,
oui, l'indemnisation peut être inquiétante, là. On parle de chiffres, là, on sort totalement de... Moi, ce
qui me tient à coeur, c'est les personnes sur le plancher. Je ne sais pas,
avec ce qui est écrit à l'intérieur, suite à... au temps que j'ai pris, dans
les deux dernières semaines, pour essayer de tout bien comprendre, le niveau aide, est-ce qu'il va être suffisant? Est-ce
qu'il va... vraiment bien en place? On n'est pas tout à fait... Je n'ai
pas l'impression qu'on est tout à fait arrimés entre le volet aide, là-dedans,
versus la charte de droits des victimes au Canada. J'ai l'impression qu'il
pourrait manquer des choses.
Je ne suis
malheureusement pas prêt à vous en parler pendant une demi-heure aujourd'hui,
mais moi, je pense que c'est peut-être là qu'il y a un bât qui pourrait blesser
aussi, particulièrement, mais qu'on oublie peut-être d'en parler, vu que je
suis sûr que tout le monde se préoccupe pour l'indemnisation...
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Je dois céder la parole au député de LaFontaine. Désolé, M. Morin. M. le
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Vous
allez avoir d'autres occasions.
M. Tanguay :
Oui. Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Me Masson
et M. Morin. Merci beaucoup de prendre le temps d'être avec nous et de
répondre à nos questions.
J'aimerais ça que
vous étayiez, justement, ce sur quoi vous avez terminé auparavant sur la charte
des victimes. Pouvez-vous nous en parler? La charte des victimes, d'où
vient-elle et quelle est son utilité? J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce
que, justement, vous nous invitez à avoir une réflexion quant au potentiel
arrimage à faire et questionnements que nous devrions avoir avec la charte des
victimes.
M. Morin
(Yann) : Est-ce que je peux te lancer la balle, Mélisande, ou...
Mme Masson
(Mélisande) : Bien, en fait, je te laisserais peut-être plus, vu que
tu es spécialiste en victimo, puis moi, ce n'est pas une charte que je
travaille principalement avec.
M. Morin (Yann) : Donc, j'avoue que ça fait un petit moment que je n'ai pas révisé en
profondeur, mais on a vraiment une charte canadienne qui vient baliser toute
l'aide qu'on peut apporter, l'importance de la victime, ses droits en tant que victime à travers... Et quand j'ai lu le projet de loi hier, j'ai vraiment mis un à côté de l'autre, un petit peu, puis je retrouvais des paragraphes, mais je ne les
retrouvais pas nécessairement en entier, je ne les retrouvais pas
nécessairement avec toute l'idée à l'intérieur.
Donc, c'est sûr, pour
bien répondre à votre question, j'aurais besoin de les ouvrir devant moi,
les deux, vous passez point par point.
Mais j'ai l'impression... Non, je vais y aller dans le sens inverse. Je crois
que l'important, c'est de ne pas
oublier la victime derrière et l'aide qu'elle a de besoin et de ne pas juste
penser au monétaire qu'elle a de besoin.
M. Tanguay :
Oui. Et puis merci pour cette précision, puis on fera le travail nécessaire. Et
vous venez justement de toucher un point important : pas juste le
monétaire, mais les besoins spécifiques de la victime. Pouvez-vous nous en parler? Parce que
vous, dans un contexte de travail, vous êtes un groupe d'aide et d'information. Pouvez-vous nous traduire votre réalité? Les victimes, au-delà
du monétaire, là, de quoi on parle comme besoins à combler?
M. Morin
(Yann) : Je vais faire un
survol très rapide. Donc, c'est sûr, quelqu'un qui nous appelle, les besoins qu'on a, premièrement,
être écouté. Donc, la personne, elle arrive, elle a vécu quelque chose, ça fait
peut-être une journée, ça fait une semaine,
ça fait trois mois. Malheureusement, ça a besoin de ressortir puis souvent ça a
besoin de sortir plus qu'une fois. La famille est tannée, les médecins
sont tannés, tout le monde alentour sont tannés. Ils ont besoin d'avoir une
écoute.
La deuxième chose qu'ils ont besoin, c'est de l'information,
une information complète et compréhensible, de se faire dire : Bien, dans votre situation, bien, oui — si je reprends mes volets à moi — vous pouvez aller aux normes du travail, c'est la santé et sécurité.
L'indemnisation possible, ça, c'est au niveau juridique, mais peut-être que
vous avez besoin effectivement d'un psychothérapeute. Malheureusement,
moi, je ne peux pas aller plus vite que la CSST pour vous en fournir un, mais
je peux vous en trouver un qui demande moins cher dans le coin où est-ce que
vous habitez. Donc, offrir la psychothérapie, trouver les services nécessaires.
Moi, si quelqu'un a besoin de parler pendant
une heure, puis après ça on ne se reparle plus jamais, bien, c'est
merveilleux. Mais, si elle a besoin de me parler cinq fois une heure
dans ma semaine, bien, je l'invite à m'appeler cinq fois une heure,
puis c'est ça qui fait la différence. Selon moi, c'est de montrer qu'on est
disponible puis qu'on s'en préoccupe.
Mme Masson (Mélisande) : Puis, si je
peux me permettre aussi, dans la ligne de ce qu'on a discuté avec les autres questions, c'est aussi s'assurer que les
personnes qui écoutent, elles sont en mesure d'expliquer la loi aux
personnes qui appellent. Parce qu'en plus d'avoir le volet intervention puis
écoute active, c'est aussi de savoir vulgariser ce qui est dans la loi.
Comme mon collègue a soulevé, on a une loi de
190 articles qu'on essaie de comprendre, puis on avait déjà une loi avec très peu d'articles qu'on a de la
difficulté à expliquer, puis qu'on se fait référer au site Web, puis là on
n'est pas sûrs, ce n'est pas clair, puis l'ancienne loi de l'IVAC est déjà
très, très, très courte. Donc, tu sais, cette capacité de prendre les articles
qui sont dans le projet de loi ou dans l'ancien régime puis le vulgariser pour
que les clients et les victimes comprennent un peu comment on va procéder,
c'est quoi, la portée de leurs droits puis des recours qui sont disponibles, je
pense, c'est très, très important au niveau du pratico-pratique aussi.
M. Tanguay : Et on réfère...
précisément sur ce que vous mentionnez, on réfère aussi au besoin, qui était
exprimé cet après-midi, d'établir un lien avec le ou les agents de l'État et en
espérant que les agents de l'État, bien, ça ne sera pas une multitude auxquels
il faudra toujours repartir ou avoir l'impression de repartir de la case zéro.
Parce que j'imagine... puis corrigez-moi si j'ai
tort, mais, quand vous dites «besoin d'écoute», ce n'est pas uniquement
besoin d'écoute pour besoin d'écoute, mais c'est le besoin d'écoute qui va se
traduire dans : une personne qui est un agent de l'État m'a écouté, a
compris ma situation, l'importance de se faire écouter, mais de se faire
comprendre puis d'avoir le sentiment pas juste dans la perception, mais, dans
les faits, d'avoir été compris, puis là on est en mode solution. Mais donc
l'importance, oui, de la formation, à laquelle vous faites référence à la
page 5 de votre mémoire, de la
formation pour que les intervenantes, intervenants soient corrects dans ce
cheminement-là, mais également au niveau de l'État dans la gestion d'un
dossier, que ce soit fait de façon à ce point respectueuse ici, là. Alors, je
vois que ça résume. Si vous avez d'autres commentaires, n'hésitez pas.
J'aimerais vous entendre également... et puis
j'aimerais savoir, parce que vous êtes, en quelque sorte, des experts,
expertes, là, pour ce qui est de la CNESST puis de la loi sur les accidents de
travail, est-ce que... J'aimerais vous
entendre là-dessus, puis vous allez commenter si ça s'applique ou pas, mais
trouvez-vous qu'en matière d'accidents de travail... et peut-être de ce
que vous savez également, pour avoir joué un peu avec l'indemnisation des
victimes d'actes criminels, trouvez-vous que, jour 1 d'une personne qui se
lève et parle, il y a des ressources d'urgence qui sont en nombre suffisant et
avec la bonne nature de ressources?
Vous parlez des psychothérapeutes.
Trouvez-vous — oui,
en milieu de travail, mais peut-être de votre expérience
en matière d'indemnisation des victimes d'actes criminels — qu'il y a suffisamment de possibilités
d'avoir des ressources, là, à très, très court terme, là, pour aider une
personne?
M. Morin (Yann) : J'adorerais
répondre oui, mais malheureusement je ne peux pas. Puis je ne parle même pas du
volet monétaire. Si je prends juste le volet psychothérapie, SST n'en offre...
en tout cas, je n'ai jamais vu ça, depuis que je suis au groupe d'aide, on n'a
jamais... une histoire en 40 ans. Je n'ai jamais vu un psychothérapeute
pouvoir rentrer avant que le dossier ne soit accepté dans trois, quatre,
cinq mois ou après les audiences.
Donc, nous,
la majorité du temps, bien, on a des gens qui... bien, ils sont en arrêt de
maladie, ils ne travaillent pas, ne reçoivent pas d'argent. Donc, la
démarche qu'on utilise généralement, s'ils n'ont pas de revenu, c'est de passer
par CLSC, CIUSSS avec file d'attente, donc ça prend plusieurs mois quand même.
Donc, réussir à leur offrir tous les services qu'ils ont de besoin dans un
délai court, voire raisonnable, malheureusement, ça n'arrive pas très souvent.
• (18 heures) •
Mme Masson
(Mélisande) : Et même si ça revient à passer par l'IVAC, mais c'est un
peu ce qu'on a soulevé aussi, c'est qu'il n'y a personne qui leur dit que ça
existe. Donc, ils sont dans le besoin, mais ils ne savent pas
que, par exemple, dans les cas de violence conjugale, on peut changer de loyer.
Donc, c'est des mesures... mais vu que les victimes ne le savent pas, ils ne se
font pas dire pendant tout le processus : On ne peut pas aller chercher,
donc on ne peut même pas... C'est difficile de commenter à quel point c'est
disponible en ce moment.
M. Tanguay :
Et l'importance de ce que vous nous dites là nous invite, nous, législateurs, à
se poser la question, justement : Est-ce
qu'à travers les 190 articles, ne pourrions-nous pas prévoir, justement,
un élément législatif qui pourrait permettre cette aide, notamment
psychothérapie d'urgence, rapidement, en attendant que le dossier soit en état?
Alors, peut-être que, législativement, il y a là un principe que l'on pourrait
mettre dans la loi. Puis moi, j'entends bien, c'est comme ça que je reçois ce
que vous nous dites, une invitation à y réfléchir pour que de là découle, dans
l'application de la loi, en partant de ce principe-là, bien, une aide
d'urgence, une aide à très court terme. Et puis, oui, le dossier va suivre son
cours, et on va le parfaire.
Mais ça, c'est
important, parce qu'effectivement j'imagine aussi, tant en matière d'accident
de travail, que comme on le voit dans victimes d'infractions criminelles, il y
a toute une étape personnelle de : Est-ce que je sors et je parle? Et,
quand je sors et je parle, on n'est pas convaincu, j'imagine, on n'est pas
convaincu qu'on a fait la bonne chose. On est inquiet, on est stressé et puis
là, si on a une montagne devant nous... Écoutez, on dit aux victimes de parler,
mais il faut bien les accueillir puis il faut bien s'en occuper.
J'aimerais également
vous entendre sur les modalités de règlement. Ça, c'est important, je veux le
souligner à double trait, beaucoup de modalités mises en oeuvre seront prévues
par règlement. Beaucoup de règlements, vous, vous devriez être partie, faire
des représentations de concert avec les organismes et les intervenants. Ça,
c'est un message très important que je me permets de souligner. C'est important
pour vous parce que vous le vivez sur le terrain. Le diable est dans les
détails, là.
M. Morin
(Yann) : Oui, c'est exactement ça. Si je reprends un peu l'exemple de
LATMP, il y a plusieurs montants qui sont déjà inscrits dans la loi. On sait où
est-ce qu'on s'en va, on sait les délais... Quand même, il y a certains délais qui sont inscrits, tandis que,
présentement, tout va être par règlement. Donc, on ne peut pas vous
aiguiller sur quoi préparer, quoi faire, on ne sait pas déjà quelles sont vos
réflexions. Donc, effectivement, nous, on trouverait ça très important que,
pour nous, les organismes, de pouvoir quand même tenter de vous soutenir dans
les décisions à prendre dans ce sujet-là.
M. Tanguay :
Et ce bout-là est important, parce que, souvent, on s'est fait dire... quand on
essaie d'amener ça comme amendement, on se fait dire : Bien, il y a déjà
un processus réglementaire qui permet des consultations. Mais là ce que vous
demandez, c'est quelque chose de plus, là, une réflexion qui pourrait
peut-être, à la limite, être collective
que... oui, il y a un processus réglementaire, il y a une prépublication, mais quelque chose de plus. Moi, je vous entends
là-dessus, parce que ce processus réglementaire là, il serait insuffisant en l'espèce, dans l'importance
de la loi, là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M.
le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
Merci à vous. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie :
Merci, M. le Président. Vous faites état, dans votre mémoire, que vous êtes
appelés à interagir puis à exercer des recours légaux auprès de différents
types d'instance. Vous en avez nommé quelques-unes. Est-ce que l'incapacité, je
vais nommer ça comme ça, des gens sur le terrain qui répondent au téléphone, par
exemple, à répondre aux questions sur l'application de la Loi sur l'indemnisation
des victimes d'actes criminels, est-ce que c'est particulier pour l'IVAC, ou
vous voyez ça dans d'autres organisations aussi, par exemple, CNSST, CDPDJ?
Est-ce qu'eux sont en maîtrise de leur loi,
ou c'est plutôt généralisé, ce problème-là, que vous nous
décrivez, de vous référer au site Web, alors que, techniquement, ça
devrait être eux... référence?
M. Morin
(Yann) : Bien, moi, je dois vous avouer qu'au niveau normes du
travail, santé, sécurité, quand j'ai appelé pour des questions, parce que, veux
veux pas, chaque cas est différent, on n'est jamais sûr de quelque chose. Je ne
me suis jamais fait référer à un site Web pour répondre à ma question, j'ai toujours
eu quelqu'un soit qui a réussi à répondre, ou qui a pris mes coordonnées, puis
qui a été voir des supérieurs, des avocats de leur cabinet pour réussir à bien
répondre à la question, contrairement à l'IVAC, que là je me fais
particulièrement répondre : Allez voir notre site Web, appelez CAVAC, ils
vont pouvoir vous répondre.
Donc, effectivement,
je ne vois pas exactement la même chose. C'est sûr, c'est aussi variable sur
qui on tombe. Il y en a des meilleurs que d'autres aussi, on ne se le cachera
pas.
Mme Masson
(Mélisande) : Mais je confirme un peu ce que mon collègue a dit, dans
mon expérience, généralement, les personnes avec qui j'ai interagi à la CNESST
ont eu la capacité à vulgariser et à mettre l'expérience à la lumière
des articles puis des droits de manière un peu plus aisée que me dire :
Bon, allez lire les articles, ou allez voir
le site Web, ou, en fait, appelez le CAVAC. Donc, je vous
dirais que c'est plus dirigé vers l'IVAC que...
Mme Labrie : Il y a des lacunes dans
leur formation, vraiment, qui sont évidentes par rapport à d'autres organismes,
là, qui ont aussi des lois complexes à administrer. Merci.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la
députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon : Oui, merci
beaucoup. J'ai beaucoup appris en vous entendant et en vous lisant, donc c'est
très intéressant, je veux continuer là-dessus. Vous nous dites qu'il y a un
volet qui est vraiment fondamental, c'est le premier contact, c'est d'être
capable d'être bien informé. C'est aussi quelque chose, avec Chistine
notamment, qu'on a beaucoup entendu avec le rapport sur l'accompagnement des
victimes de violence sexuelle et conjugale, à quel point le premier contact est fondamental. En même temps, vous nous dites des choses assez inquiétantes,
que, souvent, on va se cogner, autant les citoyens eux-mêmes, que même
vous qui êtes des professionnels, à des réponses un peu inadéquates, des gens
qui... pas nécessairement bien au fait de la loi.
Là, vous nous dites que vous avez une crainte — je
veux juste être sûre de bien le formuler — qui est un peu double. La
loi, telle qu'elle est devant nous, la nouvelle loi, vous la trouvez très
complexe dans sa structure, dans ce qu'elle
amène, puis vous trouvez aussi qu'il manque de chair autour de l'os pour savoir
quels vont être les besoins auxquels on va répondre avec les mécanismes
d'aide, puisque tout ça va être dans les règlements. Est-ce que je comprends
bien que votre inquiétude est comme deux niveaux? Oui. Parfait.
M. Morin (Yann) : Oui,
effectivement, oui.
Mme
Hivon : O.K. Puis
là je continue. Sur la fameuse option entre les deux régimes, là, vous nous
dites : Quand ça se passe sur les lieux du travail, un acte criminel,
c'est sûr qu'il faut renvoyer vers le régime du travail. Et vous, ce que vous
souhaitez, c'est le choix. Mais est-ce que vous pensez qu'il y aurait encore
des cas qui resteraient dans la loi du travail ou, en fait, dès qu'il y a un
acte criminel sur les lieux du travail, on devrait les envoyer à l'IVAC, ou
vous, votre demande, c'est vraiment de garder le choix? Parce que je suis
curieuse de savoir dans quels cas ça serait avantageux de rester dans la
situation actuelle.
M. Morin
(Yann) : Oui. Bien, ça, j'ai
une réponse à cette question-là. On préférerait le choix parce qu'il n'y
a pas deux cas pareils. Donc, je vais vous prendre deux cas : actes
criminels, milieu de travail.
Donc, le
premier, dépanneur, holdup, acte criminel qui se passe là. Utiliser la LATMP
n'est pas un problème, ça va même super bien aller, ça ne sera pas
particulièrement long. L'employeur a des très bonnes chances de dire la même chose, il y a potentiellement une caméra qui
a vu quelque chose, on va s'entendre. Le régime de la LATMP est quand
même généreux, on ne se le cachera pas. Donc, c'est sûr, il y a ce volet-là qui
existe, qui fonctionne très bien.
Là où le bât blesse un petit peu plus, c'est...
Admettons, je prends... agression sexuelle de la part d'un supérieur. Donc, ce
qui est demandé présentement avec la LATMP, c'est de dénoncer à l'interne, quand
même... bien, au niveau normes du travail plus, mais de dénoncer, parce qu'il
faut que l'employeur soit mis au courant qu'il est arrivé quelque chose dans
son entreprise. On fait une demande, à la CNESST, d'indemnisation. On produit
un document qui explique tout. On donne ça à l'employeur dans tous les détails,
quand, dans les faits, c'est lui qu'on met en cause.
Donc là, je n'embarque même pas dans la
potentielle difficulté que ça pourrait causer, au niveau criminel pour une
poursuite pénale, d'avoir redonné toute sa version des faits directement à la
personne qui pourrait être poursuivie. Donc, dans ce cas-ci, peut-être que la
personne, effectivement, pour réussir à s'en sortir, utiliser la LATMP
serait... l'inverse, utiliser l'IVAC serait beaucoup plus approprié, tandis
que, dans l'autre cas, la LATMP s'applique tout à fait et peut bien
fonctionner.
Donc, compte tenu de la diversité potentielle de
ce qui peut arriver, nous, on proposerait vraiment de donner le choix à ce qui
s'applique le mieux dans la situation.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Morin, Me Masson. Merci
infiniment d'avoir participé aux travaux de la commission, c'est fort apprécié.
Cela dit, la commission ajourne ses travaux
jusqu'à mercredi 20 janvier, à 9 h 30, où elle va poursuivre son
mandat. Merci beaucoup, tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 10)