(Onze heures trentre-trois minutes)
Le Président (M.
Bachand) : Bon matin. À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte en cette
belle journée de neige.
Alors, la commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 75, Loi visant à améliorer
l'accessibilité et l'efficacité de la justice, notamment pour répondre à des
conséquences de la pandémie de la COVID-19.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Fontecilla (Laurier-Dorion) sera remplacé par M. Nadeau-Dubois
(Gouin) et M. LeBel (Rimouski), par Mme Hivon (Joliette).
Le Président (M.
Bachand) : Y a-t-il des droits de vote par procuration?
La Secrétaire : Oui.
M. Lévesque (Chapleau) pourra voter pour Mme Lachance (Bellechasse),
M. Lamothe (Ungava) et M. Lemieux
(Saint-Jean) et M. Tanguay (LaFontaine) pourra voter pour Mme Weil
(Notre-Dame-de-Grâce).
Auditions (suite)
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Ce matin, nous débutons avec l'Association
des étudiantes et étudiants en droit de
McGill conjointement avec l'Association des étudiantes et étudiants en droit
civil de l'Outaouais, auxquels je souhaite
la bienvenue. Alors, je vous invite à débuter votre présentation. Vous avez un
total de 10 minutes, et, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Merci beaucoup de
participer aux travaux. La parole est à vous.
Association des étudiantes et étudiants en droit civil de
l'Outaouais (AEEDCO) et Association des étudiantes et
étudiants en droit de McGill (AÉD—Université McGill)
(Visioconférence)
M. Monastiriakos (George) : Merci,
M. le Président. Merci également au ministre de la Justice, mesdames et
messieurs, et aux députés distingués. Je me présente : George
Monastiriakos, président de l'Association des étudiantes et étudiants en droit
civil de l'Outaouais, un gouvernement étudiant reconnu par le Syndicat étudiant
de l'Université d'Ottawa. Nous représentons plus de 600 étudiants inscrits
à la licence en droit à la section de droit civil de la Faculté de droit de
l'Université d'Ottawa.
Aujourd'hui, l'AEEDCO tient à souligner son
soutien pour la modification de la Loi sur le Barreau et de la Loi sur le
notariat afin de permettre aux étudiants de jouer un rôle plus important dans
l'accès à la justice au Québec.
Premièrement, nous soulignons que la plupart des
personnes consultant des cliniques juridiques ne peuvent pas se permettre de payer des frais juridiques
notoirement dispendieux. Pourtant, nous constatons qu'un marché existe pour les services juridiques à coût abordable
ainsi qu'une main-d'oeuvre capable de fournir ces services
susmentionnés.
Deuxièmement, étant donné que le but ultime des
cliniques juridiques est de favoriser l'accès à la justice, la manière dont
elles opèrent en ce moment n'est aucunement efficace. D'une part, les étudiants
ont de la difficulté à naviguer autour de la mince ligne distinguant
l'information juridique du conseil juridique. D'autre part, les étudiants ne
peuvent pas répondre à des questions juridiques qui, autrement, auraient des
réponses très claires et ne nécessiteraient aucune analyse approfondie. En
fait, laisser à des personnes n'ayant aucune formation juridique le soin
d'interpréter des principes juridiques et appliquer le droit à leur situation
personnelle est absurde et ne contribue en rien à l'accès à la justice.
Troisièmement, et je... le deuxième critère des
articles... de 128.1, excusez-moi, de la Loi sur le Barreau et
l'article 15.1 de la Loi sur le notariat diminuent de façon importante la
portée du projet de loi et ses retombées quant à l'accès à la justice. Étant donné que les étudiants travaillent également dans des cliniques juridiques communautaires,
dans des cabinets d'avocats ainsi que dans
des bureaux de notaires et qu'ils sont tous supervisés par des avocats ou
des notaires, pourquoi ne pas les laisser accomplir les mêmes... que leurs
collègues en clinique juridique universitaire?
Quatrièmement, les étudiants en droit civil
rejoignent un ordre juridique professionnel à un plus jeune âge que leurs
homologues canadiens. Ayant souvent moins d'expérience personnelle et
professionnelle, cela peut avoir des conséquences lorsqu'ils se trouvent en
pratique, peu importe leur réussite académique. Or, les étudiants en droit au
Québec sont non seulement les plus jeunes et les moins expérimentés au Canada,
mais également les plus limités dans leurs opportunités
de mettre en oeuvre leurs apprentissages théoriques. Je vous invite de
consulter le tableau aux pages 8 et 9 de notre mémoire, qui résume la
façon dont chaque province et territoire traite certaines des questions clés
liées à la prestation de services juridiques par les étudiants en droit.
Cinquièmement, plusieurs ordres professionnels
québécois, où les enjeux ont une importance égale ou même supérieure,
permettent aux étudiants d'accomplir des actes réservés aux professionnels sous
supervision. À titre d'exemple, la première fois que j'ai eu une luxation
d'épaule, en 2010, c'était un étudiant de la Faculté de médecine de
l'Université de Montréal, travaillant à l'hôpital Sacré-Coeur, qui a remis mon
bras dans mon épaule. Dans le cas où il aurait commis une faute, cela aurait
été une atteinte à mon intégrité physique qui aurait engagé la responsabilité
civile de l'étudiant, du médecin superviseur ainsi que de l'hôpital, tout
dépendamment de leur police d'assurance et le conseil de mon avocat. Bref, en
ce qui concerne les activités permises par certains ordres professionnels et
organismes réglementaires pour les étudiants au Québec, je vous invite de
consulter le tableau à la page 10.
Ayant considéré tout cela, et avec égard pour le
ministre de la Justice et l'Assemblée nationale du Québec, nous tenons à
souligner que le projet de loi n° 75 ne va pas assez
loin pour favoriser l'accès à la justice, raison pour laquelle l'AEEDCO
recommande que le deuxième critère de l'article 128.1 de la Loi sur le
Barreau proposé par l'article 3 du projet de loi n° 75
soit modifié pour inclure : «Il pose ces actes au sein d'un cabinet
d'avocats, d'une clinique juridique communautaire ou d'une clinique juridique d'un
établissement d'enseignement de niveau universitaire.»
De même, nous recommandons également que le
deuxième critère de l'article 15.1 de la Loi sur le notariat proposé par
l'article 52 du projet de loi n° 75 soit modifié
pour inclure : »Il pose ces actes au sein d'un bureau de notaire, d'une
clinique juridique communautaire ou d'une clinique juridique d'un établissement
d'enseignement de niveau universitaire.»
Merci d'avance pour votre considération. Et je
passe la parole à ma collègue, Beatrice Mackie, la présidente de l'association
des étudiants en droit de McGill.
• (11 h 40) •
Mme Mackie (Beatrice) : Merci
beaucoup, George. Bonjour, je m'appelle Beatrice Mackie et je voudrais,
premièrement, remercier la commission pour nous avoir invités aujourd'hui.
En tant que présidente de l'association des
étudiants et étudiantes en droit de McGill, j'appuie les articles 2, 3,
51, 52 et 56 de la loi n° 75 pour les raisons
suivantes. Premièrement, ces articles ont pour but d'améliorer l'accès à la
justice. Ce principe est fondamental dans notre système de droit, comme
priorisé dans la disposition préliminaire du Code de procédure civile. Donc,
cette valeur devrait encore une fois être priorisée par l'Assemblée nationale.
En effet, le Forum canadien sur la justice
civile a établi que 48,4 % des adultes canadiens éprouvent au moins un problème juridique, civil ou familial,
pendant une période triennale. Cependant, bien que beaucoup de personnes
sont confrontées à des problèmes juridiques, plusieurs individus n'ont pas les
moyens financiers pour recevoir de l'aide. Le projet de recherche intitulé
Accès au droit et à la justice, fondé par l'Université de Montréal, a trouvé
qu'une majorité des avocats au Québec
demandent aux alentours de 200 $ par heure pour de l'aide juridique. Par
conséquent, les parties n'ont pas toujours les outils pour bien défendre leur
position en conflit.
Si le projet de loi n° 75 est adopté, la population
aurait une meilleure chance à recevoir de la véritable justice. Au-delà de
l'accessibilité financière, le projet de loi aiderait les gens à naviguer le système
juridique, qui est souvent compliqué pour ceux qui n'ont pas une formation
juridique. Recevoir de l'aide d'une étudiante en droit ferait en sorte que le système
judiciaire soit moins intimidant pour le profane.
Deuxièmement, la COVID-19 a posé plusieurs
nouveaux problèmes pour notre système judiciaire. Il y a maintenant des
nouvelles disputes entre les locateurs et les locataires, entre les parties
dans le contrat et entre les patrons et les
employés. L'accroissement de la COVID a aussi apporté des changements au taux de
chômage au Québec, démontrant que l'emploi est particulièrement
instable. En conséquence, c'est même plus difficile pour les Québécois de
financer l'aide juridique.
En outre, il faut reconnaître que la COVID pose
plusieurs obstacles pour la santé mentale aussi. Les procès et les problèmes
juridiques sont déjà assez stressants, donc avoir des services qui sont
accessibles et gratuits pourrait promouvoir la tranquillité d'esprit. Bien que
la pandémie ne fera pas partie de notre vie perpétuellement, les effets de la
pandémie sur notre système de droit et sur notre société vont être visibles à
long terme. La COVID a mis au clair le fait que du changement à notre système
existant est nécessaire.
En troisième lieu, la loi n° 75
donne l'opportunité aux étudiants en droit d'appliquer leurs connaissances
juridiques. Cela leur donnerait de l'expérience concrète et réelle en
promouvant l'importance de la responsabilité et de la confidentialité. Ceci
représente une occasion d'apprentissage enrichissante pour les étudiants et
ferait en sorte que les gradués seront plus
prêts pour leur future carrière. À McGill, les étudiants sont bien préparés pour
ce nouveau défi. Dans la première année du programme, les élèves
prennent un cours pratique pour apprendre la recherche juridique, la rédaction
de mémoire et la plaidoirie.
Maintenant,
je vais parler du contexte de la clinique d'information juridique de McGill, ou
CIJM spécifiquement. La majorité des dossiers traités par la clinique
sont des dossiers de bail résidentiel, de contrat, de famille ou d'emploi. La
CIJM ne traite pas de dossiers dans des domaines de droit qui sont ce que
j'appellerais de risque élevé, comme le droit pénal, le droit fiscal et le
droit de la construction. Lorsque j'étais une bénévole, les dossiers étaient
souvent très simples, avec des réponses noir ou blanc, et j'avais reçu une
formation robuste, soulignant l'importance de mes responsabilités et de
l'éthique.
Les services de la CIJM sont très populaires.
Et, dans le mois de septembre, ils ont accepté 230 nouveaux dossiers après
le triage, mais, parce que les bénévoles peuvent seulement donner de
l'information et non des avis, il faut souvent référer les clients à d'autres
cliniques qui ont des ressources d'avis juridiques pour répondre à leurs questions, même si les
réponses étaient simples. Cela provoque une surcharge sur ces autres cliniques
communautaires et, de plus, complique les pistes que les clients doivent
suivre.
En dernier lieu, je voudrais ouvrir la
discussion de comment la loi n° 75 pourrait aller
plus loin pour les buts énumérés. Nous pensons que le projet de loi devrait
s'appliquer à toutes les cliniques juridiques communautaires. Si l'Assemblée se sent confortable à donner cette
nouvelle responsabilité aux étudiants en droit dans les cliniques
universitaires, pourquoi faudrait-il limiter le type de clinique où les
étudiants peuvent utiliser ce pouvoir? Si le véritable but du projet, c'est
l'accès à la justice, élargir les contextes où les étudiants en droit peuvent
donner des avis juridiques est dans le meilleur intérêt de la population. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment pour votre présentation. M. le
ministre, vous avez la parole pour un maximum de 15 minutes. Merci.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M.
le Président. Bonjour. Merci beaucoup de participer à la commission
parlementaire sur le projet de loi n° 65, les deux
associations étudiantes de McGill et de l'Outaouais. On a séparé... Bien, le
secrétariat de la commission a séparé les associations en trois blocs de deux
associations étudiantes. Je pense que vos propos sont très pertinents et je
tiens à vous remercier.
Donc, je comprends que vous êtes en faveur du
projet de loi n° 75, mais que vous souhaiteriez qu'on
aille encore plus loin, notamment au niveau de la justice communautaire, les
cliniques communautaires, également même dans les bureaux d'avocats. Je lisais,
là, le mémoire de l'association des étudiants en droit civil de l'Outaouais.
Même dans les bureaux d'avocats, les étudiants en droit devraient pouvoir
donner des avis et des conseils juridiques, le tout dans un souci d'avoir
davantage d'accès à la justice. Je pense que vous l'avez bien dit tout à
l'heure, de dire, bien, que, pour les citoyens, ça donne davantage accès à des
conseils, à des avis.
Je vais vous poser la question suivante, parce
qu'hier on a entendu les doyens des facultés de droit civil, et ils nous ont
dit : Nous, écoutez, ce qu'on souhaite, pour l'instant, là, ce qu'on est
prêts à faire, ce sur quoi on est prêts à travailler déjà, dès maintenant,
c'est vraiment sur les cliniques juridiques universitaires. Ils nous ont
dit : On n'exclut pas éventuellement le communautaire, mais, nous, où on
est prêts présentement, là, c'est le juridique universitaire, et, ça, on est prêts à mettre ça de l'avant vraiment
rapidement. Comment recevez-vous ces commentaires-là de la part des doyens, qui
disent : Bien, peut-être qu'on devrait y aller dans un second temps sur
des cliniques communautaires?
Mme Mackie (Beatrice) :
Personnellement, je comprends complètement le sentiment des doyens. Je dirais
que ça ferait du sens de faire comme un mouvement en deux parties, mais il
faudrait quand même faire une promesse que ça arriverait dans le futur juste
pour s'assurer que, vraiment, le but de l'accès à la justice est priorisé.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, pour
vous, ça vous satisferait que le gouvernement et les parlementaires prennent un engagement de dire : Bien, dans
un premier temps, on se concentre sur les cliniques juridiques
universitaires et, dans un deuxième temps, éventuellement, on pourrait revenir
pour élargir peut-être la définition en fonction de voir comment ça se déroule,
les avis, les conseils juridiques dans le cadre d'une clinique juridique
universitaire. Et, par la suite, éventuellement, peut-être l'année prochaine,
on pourrait revenir pour dire... en fonction de l'expérience qu'on a vécue. Ça,
ça vous conviendrait.
Mme Mackie (Beatrice) : Pour moi
personnellement, je pense que ça me convient, parce qu'on pourra voir les
effets, dans un premier temps, de comment ça va aux cliniques juridiques
universitaires et voir les conséquences avant d'aller plus loin.
M. Jolin-Barrette : Dans votre
mémoire, là, je remarque que vous avez fait un comparatif avec les autres
ordres professionnels. Et puis votre collègue, aussi, de l'Université McGill
nous le disait tout à l'heure, il disait : Moi, quand je me suis fait soigner à l'hôpital pour ma luxation de
l'épaule — j'espère, d'ailleurs, que c'est bien
réparé puis que tout fonctionne très bien — c'était un étudiant, à
l'hôpital, sous la supervision d'un médecin, qui a procédé à cet acte médical
là. Donc, vous relatez, dans votre mémoire, dans le fond, les différentes
situations où il y a d'autres ordres professionnels qui délèguent ce genre
d'acte réservé là pour des étudiants qui sont très bien encadrés. Donc, vous
faites le comparatif dans votre mémoire.
M. Monastiriakos (George) : Oui.
Donc, nous, l'Association des étudiantes et étudiants en droit civil, à la
page 10... qu'on a relaté ces faits. Donc, il y a les psychologues, l'Ordre
des pharmaciens du Québec, le Collège des médecins du Québec, les sciences
infirmières et le travail social, donc, avec tous les règlements cités dans le
tableau. Et nous, on a... Pardon?
M. Jolin-Barrette : Allez-y,
allez-y.
M. Monastiriakos
(George) : Ah non! C'est tout.
M. Jolin-Barrette : C'est ça. Donc,
vous donnez des exemples que, dans d'autres ordres professionnels, eux, ils
permettent de faire des actes qui sont réservés à la profession, pour les
étudiants, mais avec encadrement. Puis, à la page 9, aussi, de votre
mémoire, vous faites le comparable où les autres provinces et les autres
territoires, eux, offrent des cliniques juridiques et
permettent, dans les autres juridictions canadiennes, de donner des conseils et
des avis juridiques. C'est bien ça?
M.
Monastiriakos (George) :
Oui, absolument. Bien, ça dépend de la province en question.
Donc, en Ontario, c'est différent qu'en Manitoba ou en Saskatchewan.
Donc, en Ontario, les étudiants peuvent se faire déléguer toutes les tâches
qu'un avocat ou un parajuriste... qu'ils croient qu'ils sont compétents à
accomplir. Donc, ça, c'est une grande marge de manoeuvre quant à la
responsabilité et l'indépendance qu'ils donnent aux étudiants, comparé à nous,
qui... On travaille dans une clinique à justice à proximité ou un bureau
d'information juridique. Donc, c'est très limitant. C'est très limitant, à mon
avis.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends de votre propos que le Québec est en retard par rapport aux autres
juridictions canadiennes par rapport aux étudiants pour l'accès à la justice,
pour offrir des services juridiques aux justiciables?
M. Monastiriakos (George) : Nous
sommes absolument d'accord. Je suis absolument d'accord. Je ne peux pas... pour
l'association des étudiantes et étudiants en droit civil, mais, moi, en tant que
président, personnellement, je pense que je suis absolument d'accord avec vous.
M. Jolin-Barrette : J'aurais une
question. Je ne sais pas si vous avez suivi les consultations hier, mais on a
des associations d'avocats qui sont venues nous dire : Attention, c'est
très, très dangereux de permettre à des étudiants
en droit de donner des conseils et des avis juridiques même s'ils sont sous la
supervision bien encadrée d'un avocat en exercice ou d'un notaire en
exercice. Les étudiants en droit ne disposent pas des connaissances
suffisantes, et ça serait dangereux pour le public. Qu'est-ce que vous leur
diriez si je vous laissais la parole pour répliquer à cela?
• (11 h 50) •
Mme Mackie (Beatrice) :
Personnellement, je répondrais que les étudiants en droit sont prêts. La
manière dont les cours fonctionnent... Aux facultés, il y a vraiment un élément
pratique qui est priorisé. Puis on peut aussi penser que, si la loi n° 75
passe, les facultés vont peut-être changer comment les cours se vont dérouler
pour avoir même plus de pratique. On a vu
que, dans les autres provinces comme l'Ontario et la Colombie-Britannique...
que ça a fonctionné d'avoir des lois similaires. Donc, pour moi, je n'ai
pas cette même peur. Les responsabilités qui viennent avec donner des avis
juridiques, comme la confidentialité, c'est quelque chose que les étudiants en
droit doivent apprendre que c'est à leur profession, que c'est en cours
d'éthique, que c'est au Barreau. Donc, pourquoi ne pas leur donner une autre
opportunité de pratiquer ces responsabilités dans le contexte où ils sont
supervisés et ils sont dans une clinique qui est administrée par l'université?
M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous
pensez que, si on permet aux étudiants en droit de donner des conseils et des avis
juridiques, il y a beaucoup de citoyens qui vont pouvoir en bénéficier, de ces
services-là, à faible coût ou gratuitement? Quel... si on permet ce pouvoir-là
aux étudiants?
Mme Mackie (Beatrice) : Pour moi personnellement,
je pense que ça aurait un vraiment bon effet sur la population. Quand moi,
j'étais une bénévole à la clinique d'information juridique de McGill, souvent,
je dirais, à peu près 95 % des gens voulaient avoir plus que juste de l'information.
Ils voulaient avoir des avis juridiques, mais ils n'avaient pas les moyens de
recevoir des avis. Donc, je pense que ça aura un bon effet sur la population,
c'est sûr.
M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être
une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Le fait de
pouvoir donner des avis et des conseils, pensez-vous que ça va permettre aux
étudiants en droit d'améliorer, un, leurs connaissances, mais aussi d'être de
meilleurs avocats dans le cadre de leur... lorsqu'ils seront gradués et de
permettre aussi de comprendre davantage la réalité des justiciables puisqu'ils
les rencontreront préalablement?
M. Monastiriakos (George) : Oui. Tout
d'abord, nous avons abordé ce point comme le... au paragraphe 14 de notre
mémoire. Donc, comme le conseil des doyens de droit du Québec, nous sommes
d'avis qu'un apprentissage fondé sur l'expérience rendrait les avocats beaucoup
plus qualifiés... Ça, c'est sûr et certain. Et je pense, personnellement, que
c'est démontré par les autres provinces du Canada et les territoires surtout.
Donc oui.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Bien,
je souhaite vous remercier grandement pour la présentation et la qualité de la présentation
pour l'association en droit des étudiants de l'Université McGill et celle des
étudiants en droit civil de l'Outaouais. Un grand merci. Je sais que j'ai des collègues
qui veulent vous poser des questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Monastiriakos, également
Mme Mackie. Je dois vous avouer, d'entrée de jeu, que mon coeur balance
entre vous deux, étant un représentant de la très belle région de l'Outaouais,
mais également étant un gradué de McGill, de la Faculté de droit. Donc, fort...
Donc, bienvenue à cette commission.J'aimerais peut-être vous
demander de me décrire respectivement comment ça se passe les activités actuellement
dans les cliniques juridiques d'information qui ont lieu dans vos facultés respectives, donc, un peu le portrait, qui vous supervise,
qui est, bon, votre clientèle, pour me donner, là, une bonne idée à ce
niveau-là.
M. Monastiriakos (George) : Si vous
me permettez de commencer, donc, à Ottawa, la plupart des étudiants, ils
travaillent dans les cliniques à justice à proximité. Donc, c'est un bureau qui
fournit des services juridiques sans donner des avis juridiques, surtout. Donc,
ils fournissent des informations. Ils sont supervisés par des avocats et, je
pense, même des notaires. Je n'ai jamais travaillé... de cette clinique.
Par contre, il y a beaucoup d'étudiants, à
l'Université d'Ottawa, qui s'impliquent dans d'autres cliniques juridiques communautaires. Donc, si je vous invite
de regarder le paragraphe 8 de
notre mémoire, c'est le témoignage d'un étudiant qui a travaillé dans
une clinique, dans la Clinique de droit notarial de l'Outaouais. Et donc lui,
il nous a dit que, dans les cliniques juridiques communautaires, ils leur
demandent... pour des avis juridiques, et eux, ils doivent les détourner,
n'est-ce pas, donc, parce qu'ils ne peuvent pas fournir des avis juridiques.
Dans le... au paragraphe 9, de plus, il y a
un autre étudiant qui nous a témoigné que, parfois, le client les... leur demande
pour un avis juridique. Ensuite, l'étudiant prend l'information. Il leur
dit : Je vais te rappeler dans un temps...
en temps et lieu. Et ensuite il vérifie auprès de l'avocat et, après, rappelle
le justiciable ou le client potentiel pour ne lui fournir que de
l'information juridique. Donc, ça, c'est, à notre avis... À mon avis, ce n'est
pas efficace du tout.
De plus, il y
a même d'autres étudiants... une étudiante, au paragraphe 11, je crois,
qui nous a raconté que, parfois, il y a des questions qui sont assez
simples de répondre. Ensuite, ils ne peuvent pas le répondre, «right, so»... Je
ne pense pas que c'est efficace en ce
moment. Et j'espère que ça a bien répondu à votre question et je cède la parole
à Beatrice.
Mme Mackie (Beatrice) : Donc, chez McGill,
à la clinique d'information juridique, c'est vraiment un service populaire dans
la communauté de McGill, mais aussi dans la communauté montréalaise et
québécoise.
La manière dont ça fonctionne, il y a souvent
quatre étudiants ou cinq étudiants par quart, puis ils sont supervisés par les
dirigeants de la clinique. Il y a une première étape de triage où les étudiants
prennent les appels, puis, après les appels, ils doivent décider si on peut
prendre le cas ou non. Si c'est un cas qui est assez simple, quelque chose de
bail résidentiel ou quelque chose de famille, la clinique est capable de le
prendre. Si c'est quelque chose de droit pénal, droit fiscal, droit de
construction, ils ne le touchent pas. Ce qui arrive souvent, par contre, après que les bénévoles donnent l'information, c'est
normal que les gens veuillent plus d'information, ils veulent plus
d'avis, puis souvent on doit les référer à une autre clinique.
Donc,
souvent, les clients sont référés à la clinique communautaire Mile End parce
qu'eux, ils ont des avocats qui peuvent donner des avis juridiques, mais
ce qui arrive, c'est que ces cliniques juridiques, comme Mile End, sont
débordées, parce qu'ils reçoivent plein de cas de leur communauté, mais aussi
ceux des communautés universitaires. Donc, je pense que, vraiment, ce qui est
vraiment fort de la loi n° 75, c'est qu'il y aurait moins de surcharge sur
ces autres cliniques communautaires aussi.
M. Lévesque (Chapleau) : Et donc
parce que mon point... Donc, il y a des enjeux d'efficacité, de simplicité également. Le Barreau nous disait que, bon, il
avait certaines craintes par rapport à la protection du public. Pensez-vous
que les procédures actuellement mises en place ou qui pourraient être négociées
par la suite pourraient être satisfaisantes dans la protection du public?
Est-ce que c'est une crainte que vous partagez ou vous êtes confiants qu'on
pourrait arriver à quelque chose de positif pour le public?
Mme Mackie (Beatrice) : Pour moi
personnellement, je n'ai pas vraiment cette peur, parce que, déjà, il y a vraiment des manières robustes, qui sont en place,
de supervision, de confidentialité, aux cliniques juridiques
universitaires. Maintenant, il faudrait juste vraiment y penser puis faire de
la consultation de comment on pourrait changer ça puis rendre ça même plus
robuste dans ce nouveau contexte. Donc, je ne pense vraiment pas que c'est une
crainte pour nous. Il faudrait juste vraiment bien le planifier.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : ...député de Chapleau. M. le député de LaFontaine,
s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup,
M. le Président. Bien, à mon tour de vous saluer, Mme Mackie, également
M. Monastiriakos. Merci beaucoup de répondre à nos questions.
Dans le
document que l'Association des étudiantes et étudiants en droit civil de
l'Outaouais nous a remis, il y a un bout qui a attiré mon attention,
puis j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, c'est la page 6, où
vous disiez, puis j'aimerais mettre le focus
là-dessus puis vous entendre, les deux, «...la formation des jeunes juristes et
futurs avocats [serait] beaucoup plus complète», autrement dit, que ça
participe, cet exercice-là... puis on va revenir, dans nos discussions, sur l'accès à la justice pour les
justiciables, mais ça participe également d'une façon de toucher à la
pratique.
Puis je lisais un peu plus en avant, dans le
mémoire, que certains étudiants, où ils avaient l'obligation uniquement de donner l'information, devaient se
mordre les lèvres, ne pouvaient pas parler, mais connaissaient la
réponse. Puis, comme on sait, quand on est étudiant en droit, puis que la
question est claire, puis qu'on connaît la réponse, la première chose qu'on
veut faire, c'est l'écrire puis aller chercher nos points, mais bref...
Alors,
j'aimerais vous entendre là-dessus, sur l'aspect formation pratique plus
complète... que, nonobstant cela, même sous la forme seulement
d'information juridique, nonobstant cela, du pratico-pratique, durant les trois
ans du bac, quatrième année si vous faites common law et
le Barreau, on touche... à toutes fins pratiques, on ne touche pas à l'aspect
pratique, et, quand on commence, on a encore un monde à apprendre là-dessus.
J'aimerais vous entendre sur cette complétude-là qu'on va chercher dans la
formation des futurs juristes.
• (12 heures) •
Mme Mackie
(Beatrice) : Je peux débuter d'abord. Donc, je pense que ce qu'il est vraiment
important de travailler avec une clinique juridique puis de donner des
opinions, c'est vraiment apprendre l'importance de la confidentialité, puis
c'est vraiment une expérience que tu peux seulement avoir lorsque tu rentres...
la profession, mais je pense que c'est une des obligations les plus importantes
en tant qu'avocat. Donc, je pense que, de cette manière-là, vraiment, appliquer
la théorie de la classe puis avoir de la vraie responsabilité, c'est vraiment important
puis c'est vraiment un gros plus de la loi n° 75,
mais aussi, je pense, c'est important parce que ça donne l'expérience aux
étudiants en droit de donner à leur communauté, ce qui est, pour moi, une
morale puis une éthique qui est vraiment importante de notre profession.
M. Tanguay :
Est-ce qu'on peut entendre M. Monastiriakos?
M. Monastiriakos
(George) : Oui, merci. Oui, donc, nous partageons le même avis que la
présidente de l'association des étudiants en droit de McGill, tel qu'on a déjà
démontré au paragraphe 13. Donc, c'est sûr et certain que ça rend la
formation beaucoup plus pratique et beaucoup plus complète, et c'est pour cette
raison qu'on a comparé à la formation que... Les étudiants en droit des autres territoires
et provinces canadiens ont tout à fait une formation beaucoup plus complète que
nous. Ça, c'est abordé aux paragraphes 17 et 18.
Ensuite, on a même
comparé ça à la formation professionnelle que les autres étudiants des autres
professions d'ordres professionnels... même au Québec, tant les étudiants en
pharmacie, ou médecins, ou travail social, ou psychologie, etc. Donc, nous
soutenons ce point à 100 % que, vu que c'est une profession professionnelle
et c'est la pratique... Tout à fait, l'apprentissage théorique, ça ne fait
pas... ça nous aide... c'est 50 % ou même 40 % de la réalité qu'on va
suivre lorsqu'on se rend au marché de travail ou en pratique de droit.
M. Tanguay :
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je dois vous avouer, la première
semaine où j'étais stagiaire en droit, en litige commercial, c'était une
relation de vente régulière sur plusieurs années, de vente de pièces, et l'avocat m'a dit : Bon, bien,
Marc, il faut avoir tous les documents. Puis j'avais dit : Ah! O.K. Qui,
chez le client, va me donner... va me
dire les documents que j'ai de besoin? Puis là il m'avait regardé puis il
m'avait dit : Bien, c'est toi qui vas lui dire ce que tu as de
besoin. Alors, c'est là que j'avais dit : Wow! O.K., on fait une sorte
d'enquête.
Alors, tu dis au
client : J'ai besoin du contrat initial, le contrat-cadre, depuis 10 ans,
est-ce qu'il y a eu des «purchase orders», des bons de commande? Oui, je veux
tous les bons de commande. Est-ce que vous avez des bons de livraison? Est-ce
que c'est signé ou pas signé? Avez-vous des factures? Je veux avoir les dates,
l'échéancier, le document Excel des paiements, et ainsi de suite, parce que,
là, on apprend aussi une notion qu'on voit rapidement en théorie, c'est que
l'exécution que les parties font du contrat vaut contrat... Alors, ce n'est
plus juste de dire : Allez relire le contrat d'il y a 10 ans, mais, si
vous avez toléré que je vous payais dans les 50 jours après 10 ans, ne venez
pas me taper sur les doigts puis réclamer quand vous l'avez accepté pendant 10
ans.
Alors, c'est plein de
choses que l'on apprend du point de vue pratique, puis l'élément très
pratico-pratique d'avoir une personne devant soi puis de poser les questions, parce
que, quand on s'assoit puis qu'on est dans un examen de droit pénal, on sait
que ça va être des questions de droit pénal, mais, souvent, dans la vraie vie,
une question en faillite va déboucher sur d'autres questions en matière
d'obligations, de succession ou même de droit familial, et ainsi de suite. Je
trouve très, très intéressant le tableau comparatif que vous avez fait. Dans
les autres universités, on peut voir qu'il y a différentes approches, puis
merci pour cette analyse-là.
Au niveau de la
rémunération, j'aimerais revenir là-dessus, évidemment, quand on dit :
L'accès à la justice... il coule de source que le justiciable n'aurait pas à
payer pour ça. J'aimerais peut-être que vous me détrompiez si j'ai tort,
peut-être paiement d'une somme minimale... Je veux savoir où vous, vous logez
là-dessus, mais, selon moi, il n'aurait pas à payer, de un.
Et, de deux, l'aspect
de la rémunération, est-ce qu'on peut très clairement envisager ça? Parce que,
dans d'autres provinces, parfois, il y a une rémunération des étudiants. Est-ce
que, ça, vous, vous ne le demandez pas, puis ce serait peut-être même mieux,
même, que ça ne le soit pas, ou peut-être oui? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Monastiriakos
(George) : Bien, je peux commencer. Moi, je pense que ça dépend... À
mon avis, d'ici, peut-être, une quinzaine d'années, on va voir, dans le domaine
du droit, que ça va changer d'un taux horaire de l'heure à un droit comme
service, «law as a service». Je pense que ça va changer totalement. Donc, les
étudiants doivent... vu qu'ils ont leurs propres dépenses, il faut les payer,
mais on peut fournir ces conseils juridiques sous la supervision étroite et la responsabilité
d'un avocat pour un coût de moins que... Je pense que c'est au paragraphe 7
qu'on a dit que ça coûtait entre 195 $ à 380 $ de l'heure. Donc, on
peut le payer 20 $, 25 $ de l'heure pour fournir ce service
juridique, donc, le payer comme un technicien juridique ou un parajuriste.
Donc, ça dépend, et je cède la parole également à Beatrice.
M.
Tanguay : Oui, peut-être juste pour finir avec vous sur cet
aspect-là. Par contre, si ça participe d'un cours qui est crédité,
évidemment, là, il n'y aurait pas l'aspect de la rémunération, là, dans la
réglementation, n'est-ce pas?
M. Monastiriakos
(George) : Oui, ça, ça dépend, ça reste à combler. Moi, je ne me
prononce pas sur cela en ce moment.
M. Tanguay : C'est bon.
M. Monastiriakos (George) : Je tiens...
M. Tanguay : Mme Mackie?
Mme Mackie (Beatrice) : ...
M. Monastiriakos (George) : Je
voulais également vous... La quatrième colonne du tableau à la page 8, ça
dit, et à la page 9... Dans certaines provinces, ce n'est pas seulement
les étudiants en droit qui ont le droit de donner des conseils juridiques sans rémunération.
Dans certaines provinces, c'est même tout non-pratiquant de droit qui peut
fournir les conseils juridiques. Donc, ça, c'est... Je ne pense pas qu'il faut
suivre cette démarche, mais c'est juste une observation que j'ai faite au cours
de nos recherches. Donc, je cède la parole à Beatrice.
Mme Mackie (Beatrice) : Dans le
contexte de chez McGill, pour répondre à votre question, je pense que les
services devraient rester gratuits à la population et aux clients juste parce
que, je pense, c'est vraiment toujours ce que notre communauté a fait. Puis, je
pense, d'une manière... moralement, si on veut vraiment parler d'accès à la
justice, c'est la meilleure manière de procéder. En tant que... la rémunération
des étudiants qui donnent des avis juridiques, à mon avis, ce n'est pas nécessaire.
Il y a déjà certains bénévoles qui reçoivent des crédits pour... comme cours,
un peu, vers leurs programmes. Mais aussi je pense que nous avons beaucoup de
bénévoles, parce que les gens veulent aider, puis je pense qu'avoir cet esprit
de vouloir aider les autres devrait rester même si on commence à donner des
avis juridiques et non juste de l'information. Je ne suis pas fermée à l'idée, par
contre.
M. Tanguay : Bien compris. Et
l'aspect, maintenant, d'essayer de couvrir le plus largement toutes les régions
du Québec, considérant que le pôle serait des pôles universitaires, des universités...
Évidemment, lorsqu'on inclut Ottawa, on en dénombre six, facultés de droit. Il
y a Sherbrooke qui est plus en région, trois à Montréal, Laval, à Québec.
Comment on fait pour que les autres régions aient accès aussi à cela? Avez-vous
une réflexion par rapport à l'accès pour les résidents des autres régions non
couvertes par une faculté de droit?
Mme Mackie (Beatrice) : Oui. Donc,
chez McGill, avec notre clinique juridique, on prend des appels de partout au Québec.
Donc, ça pourrait être intéressant de peut-être faire... vraiment, comme,
promouvoir nos services aux régions qui n'ont pas ces services, travailler avec
les municipalités. Peut-être, ça serait une bonne idée. Mais aussi, je pense,
c'est pour ça que George, mon collègue, et moi, on recommande vraiment que le
projet de loi va plus loin, parce qu'on est en train de couvrir un certain
territoire, mais il y a plein d'autres, comme, cliniques juridiques
communautaires qui peuvent servir d'autres régions aussi.
M. Tanguay : Merci. Est-ce
que, monsieur, vous avez d'autres commentaires à ajouter à ce chapitre-là?
• (12 h 10) •
M.
Monastiriakos (George) :
Oui. Je pense que, comme Beatrice nous a dit, c'est pour cette raison qu'on
souhaite étendre ou élargir la portée du deuxième critère pour inclure les
étudiants travaillant dans des cliniques juridiques
communautaires ou même des cabinets d'avocats, oui. Donc, nous sommes
absolument, entièrement d'accord avec la position de la présidente de
McGill.
M. Tanguay : Et j'aimerais...
Une dernière question, dernier point que j'aimerais aborder avec vous si vous
pouvez l'étayer. Vous avez dit qu'il serait peut-être pertinent et justifié de
classer les types de dossiers qui pourraient faire l'objet de conseils
juridiques selon certains facteurs de risque, soit des risques très élevés ou
des risques très faibles, et peut-être de se tenir loin, peut-être, comme vous
avez mentionné, je pense, Mme Mackie, des dossiers qui relèvent du droit pénal. On peut même envisager le
droit criminel, mais là c'est, comme on dit, «handle with care», là,
comme vous avez dit. Il y a des dossiers qui sont excessivement risqués. J'aimerais
vous entendre élaborer là-dessus, sur, peut-être, la nécessité de peut-être
limiter les risques en faisant une analyse initiale sur le type de dossier qui
serait accepté, donc, certains qui ne seraient pas acceptés, là.
Mme Mackie (Beatrice) : Oui. Donc,
c'est une vraiment bonne question. Quand j'ai parlé de ça dans mon discours, je
voulais vraiment mettre au centre le fait que, déjà, à la clinique juridique de
McGill, ils ne touchent pas le droit pénal, le droit fiscal ni le droit de
construction. Et la majorité des gens qui viennent à la clinique, c'est pour le
droit familial, le bail résidentiel et les contrats. Je pense que ce qui serait
vraiment fort, c'est que chaque clinique universitaire devrait avoir un
mouvement de triage au début pour voir si c'est vraiment un bon cas qui est
assez simple et non trop de risque élevé pour les étudiants. Mais, si on fait
ça, on est un peu dans, comme, un territoire compliqué où il faut choisir qu'est-ce
qui est trop difficile puis qu'est-ce qui est trop risque élevé. Donc, je pense
que ça ferait du sens de limiter un peu, mais il faut considérer que ce n'est
pas trop... ce n'est pas assez facile de dire quels cas sont assez simples et
quels cas sont assez difficiles.
M. Tanguay :
M. Monastiriakos.
M. Monastiriakos (George) : Je pense
que ça, ça pourrait également favoriser notre point d'étendre ou d'élargir la
portée du deuxième critère, parce que, si on a un cabinet qui se spécialise en
droit fiscal, peut-être, dans ces circonstances, ce cabinet peut s'occuper des
cas de droit fiscal. Dans les cabinets de droit de... qui portent sur le droit
du divorce ou du droit de la famille, ils se consacrent sur ça. Donc, je
partage le même avis que Beatrice et je pense que c'est un appui de plus sur
nos deux mémoires.
M. Tanguay : En tout cas,
merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Monastiriakos et Mme Mackie, pour
votre temps puis vos éclairages. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : À mon tour de vous remercier. Ce fut très
intéressant et très inspirant. Alors, merci beaucoup de votre participation à
la commission. Très apprécié.
Et je suspends les travaux quelques instants.
Merci à vous deux encore.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
(Reprise à 12 h 14)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les représentants et
représentantes de l'Association des étudiantes et étudiants en droit de
l'Université de Montréal et l'Association des étudiants en droit de l'UQÀM.
Alors, je vous invite à débuter votre présentation, mais d'abord en vous identifiant, s'il vous plaît, et merci d'être avec nous aujourd'hui. Alors, je
ne sais pas qui débute.
Association des étudiantes et étudiants en droit de
l'Université de
Montréal (AED—Université
de Montréal) et Association des
étudiants en droit de l'UQAM (AÉDUQAM)
(Visioconférence)
M. Ammari (Issa) : Merci beaucoup, M.
le Président, M. le ministre et Mmes et MM. membres de la commission. Je
m'appelle Issa Ammari. Je suis le président de l'association étudiante de droit
de l'Université de Montréal. Sont présents avec moi Dalia Mihai, présidente
de l'association étudiante de droit à l'UQAM, et mon collègue Patrick Cajvan.
Nous sommes extrêmement reconnaissants d'être parmi vous aujourd'hui et nous
vous remercions à l'avance pour votre écoute.
En ce qui concerne le projet de loi n° 75,
nous sommes particulièrement interpelés par ses articles 2, 3, 51, 52 et
56, qui apporteront une modification nécessaire à la Loi sur le Barreau et à la
Loi sur le notariat. Dès notre entrée au baccalauréat en droit, en tant
qu'étudiants, on se fait souvent dire que le droit mène à tout. Bien que nous
aurons plusieurs opportunités de carrières qui s'offriront à nous en tant
qu'étudiants, il est important de se poser où est-ce que le droit mènerait le
justiciable.
À l'heure actuelle, force est de reconnaître que
le justiciable moyen, souvent dans une situation précaire, est confronté à des
obstacles réels d'inaccessibilité à la justice, notamment à la lumière de la
crise sanitaire actuelle, qui l'empêchent de connaître concrètement ses droits.
En effet, dans l'ouvrage de Pierre Noreau, professeur titulaire au Centre de recherche
en droit public de l'Université de Montréal, il est souligné qu'environ
80 % des Québécois et Québécoises estiment ne pas avoir accès aux services
d'un avocat, et ce pourcentage ne cesse d'augmenter.
Imaginez-vous ce justiciable, M. et Mme Tout-le-monde,
qui se trouve victime d'un abus de pouvoir par son locateur, d'un congédiement
injustifié ou de l'écroulement de sa petite entreprise dû à tous les
changements associés à la COVID-19. Ce même justiciable se présente à la
clinique juridique. Pourquoi? Parce qu'il n'a pas les moyens d'aller consulter
un avocat et il ne répond pas au seuil pour se prévaloir de l'aide juridique.
Arrivé à la clinique, tout ce qu'il reçoit en échange est un article de loi qui
comporte souvent des alinéas et des sous-alinéas remplis de virgules et
d'exceptions à ne plus en finir. C'est ce qu'on appelle la simple compilation
d'informations juridiques, qui,
rappelons-nous, est le seul acte permis par les étudiants en droit au Québec en
ce moment, même sous supervision. Donc, il est sans surprise que la
simple compilation d'informations juridiques est souvent mal comprise par le
justiciable. Ici, on se pose la question : Le droit l'a mené où? Et
malheureusement la réponse, c'est : Pas très loin.
À la suite d'un sondage effectué par le Comité
Accès à la justice de l'UdeM, plus de 94 % des étudiants expriment qu'ils
se sentent limités dans leurs fonctions et que cela nuisait fondamentalement au
bon déroulement du dossier du client. Nous
tenons également à souligner que les modifications apportées au projet de loi
n° 75 vont permettre de conscientiser et ancrer en nous, jeunes
juristes, des enjeux d'accès à la justice qui gouvernent notre domaine.
Bref, en ayant comme fil conducteur la
protection du public, et ce, à tous les niveaux, nous sommes confiants qu'il est grand temps de s'allier aux autres
provinces du Canada afin de permettre aux étudiants d'offrir des
consultations et des avis juridiques au
public sous la supervision, bien sûr, étroite d'un avocat ou d'un notaire, et
ce, tel qu'annoncé dans le projet de loi.
Sur ce, je cède la parole à Dalia Mihai, mon
homologue uqamienne.
Mme Mihai
(Dalia) : Donc, merci. Tel qu'énoncé précédemment, je me nomme Dalia
Mihai. Je suis la présidente de l'association des étudiantes et des étudiants
en droit de l'UQAM.
Le projet de loi répond, certes, à des enjeux
réels auxquels il était grand temps de s'attarder. Toutefois, nous considérons,
mes collègues et moi, que la portée du projet de loi, dans sa forme actuelle,
est plutôt limitative et ne permet pas d'exploiter pleinement le potentiel de
la relève juridique québécoise, relève qui pourrait notamment jouer un rôle
majeur dans l'enjeu d'accessibilité à la justice au Québec. Un élargissement de
la portée de la loi est, quant à nous, nécessaire afin de bien répondre à la
réalité des programmes universitaires et des besoins des justiciables.
En effet, de notre point de vue, les étudiantes
et les étudiants en droit devraient avoir la possibilité d'effectuer des avis et des consultations juridiques dans
un cadre beaucoup plus large que les simples cliniques juridiques universitaires, concept qui reste, d'ailleurs, encore à définir. Les étudiantes et les étudiants devraient aussi avoir
la possibilité d'émettre des
avis et d'effectuer des consultations juridiques dans le cadre de leurs
implications pro bono ainsi que dans le cadre des cliniques juridiques dites communautaires,
sujet auquel mon collègue s'attardera davantage.
En effet, à notre avis, les projets étudiants
menés dans le cadre des activités des sections pro bono des universités
devraient impérativement être inclus dans le projet de loi. Il faut comprendre
que les sections pro bono desdites universités ont comme principal mandat de
jumeler des étudiantes et des étudiants en droit à, notamment, des organismes
communautaires ayant des besoins de nature juridique.
Il faut noter
aussi que tous les projets pro bono menés par les étudiants en droit sont
obligatoirement supervisés par un ou une professionnelle du droit, que
des coordonnateurs étudiants sont engagés dans chaque faculté afin de chapeauter les projets et que des professeurs
désignés participent au contrôle et au bon fonctionnement des
partenariats. Les projets pro bono ont une place de choix dans les universités,
et nous pensons sincèrement que cette place devrait se refléter dans le projet
de loi. En nous permettant d'effectuer des avis et des consultations juridiques
dans le cadre de ces implications, vous réaliserez une réelle différence en
matière d'accessibilité à la justice au Québec, différence qui,
malheureusement, ne pourrait pas s'effectuer par la simple inclusion des
cliniques juridiques universitaires.
• (12 h 20) •
En effet, les sections pro bono des universités
réalisent principalement des partenariats avec des organismes communautaires
qui sont bien ancrés dans leurs collectivités et qui entretiennent de très
bonnes et de très fortes relations avec la
clientèle qu'ils desservent. Nombreux sont les individus qui ont recours à ces
organismes et qui auraient besoin
d'avis ou de consultations juridiques. Toutefois, ces derniers ne font pas
appel aux services des cliniques juridiques étudiantes, et ce, soit par manque de temps, par manque de confiance ou
par manque de connaissance de tels services.
Ainsi, en donnant la possibilité aux étudiants
d'émettre des avis et des consultations d'ordre juridique dans le cadre de
leurs implications pro bono, vous leur permettrez de répondre aux besoins des
justiciables qui n'iraient pas chercher de
l'aide en clinique. De surcroît, vous permettrez à plus de justiciables
d'obtenir de l'aide sur le plan juridique, et ce, dans un milieu qui
leur est familier et dans lequel ils se sentent confortables.
Par ailleurs, cet élargissement consoliderait
des partenariats plus solides entre les sections pro bono des universités et
les organismes communautaires, qui sont avides de tels services juridiques.
Mentionnons également que de nombreux étudiants s'impliquent dans les projets
pro bono au Québec et que de renoncer à leur permettre d'offrir des services
juridiques similaires à ceux qui pourraient s'effectuer en clinique juridique
reviendrait à négliger une aide considérable, voire nécessaire.
De plus, cette inclusion permettrait non
seulement d'offrir aux étudiants une meilleure formation pratique, mais
favoriserait aussi une meilleure formation citoyenne chez les étudiants, qui
seraient alors plongés dans l'univers de l'organisme promouvant des causes
sociales. Cette insertion au coeur des organismes communautaires serait
grandement bénéfique pour les étudiants, qui seraient alors exposés à la vie
réelle de justiciables qui proviennent parfois de milieux sociaux très éloignés
des leurs. C'est une chose de former des juristes de tête, c'en est une autre
de former des juristes de coeur.
Soulignons que nos homologues canadiens ont la
chance d'émettre des avis et de poser certains actes juridiques dans le cadre
de leurs implications pro bono. Donc, nous, on croit sincèrement que l'infusion
des sections pro bono des universités dans le projet de loi devrait être prise
en considération. Vous avez beaucoup à gagner à croire en votre relève
juridique. Vous avez une relève juridique brillante, déterminée et remplie de
ressources, qui n'attend qu'à pouvoir aider, et ce, sans, pour autant,
compromettre la protection du public.
Sur ce, je laisse la parole à mon collègue
Patrick Cajvan.
M. Cajvan (Patrick) : Merci
beaucoup. Et, tel qu'énoncé par mes collègues, mon nom est Patrick Cajvan et je
suis membre du collectif Étudiants en droit d'aider. Ce regroupement de la
Faculté de droit de l'Université de Montréal a été créé il y a environ trois
ans pour encourager le gouvernement à mettre sur la table un projet de loi
comme celui-ci. Vous pouvez comprendre qu'on était vraiment ravis quand ce projet
de loi a été déposé.
Maintenant, mon rôle, aujourd'hui, et notre
rôle, sera de vous convaincre que le projet de loi devrait être élargi aux
cliniques juridiques et organismes communautaires qui ne sont pas affiliés aux
universités. C'est une position qui a déjà été mise de l'avant, notamment par Mme
la députée de Joliette et M. le ministre de la Justice, hier. Ces cliniques ou
organismes juridiques font vraiment partie de la communauté qu'ils desservent
et servent une population vraiment en besoin et très vulnérable. Je pense notamment
à la Clinique juridique itinérante, qui se déplace de refuge en refuge pour
améliorer l'accès à la justice des itinérants à Montréal.
À chaque année, le gouvernement du Québec
supporte ce genre d'organismes, comme Juripop, Éducaloi, la Clinique juridique
du Mile End, le Y des femmes, et j'en passe. Mais ces organismes ont déjà des
étudiants et des étudiantes en droit qui se portent bénévoles chez eux, mais il
faut comprendre que leur rôle est sévèrement limité, comme l'ont mentionné mes collègues.
Un simple élargissement de ce projet
de loi permettrait à ces cliniques
juridiques d'aider plus de personnes en ayant des étudiants bénévoles qui
peuvent faire, par exemple, la première rencontre avec le client, faire la recherche juridique et leur offrir une
solution, solution, bien sûr, qui a été approuvée par l'avocat ou le notaire. Ceci permettrait vraiment de
désengorger ces cliniques ou organismes juridiques et aider plus de
justiciables qui n'ont pas accès à la justice.
La réalité, c'est que les cliniques juridiques
universitaires, qui sont peu nombreuses au Québec, oui, elles améliorent
l'accès à la justice, mais ce n'est pas suffisant pour avoir un impact majeur
sur les Québécois et les Québécoises. Pour vous donner un exemple
concret, une personne qui habite à Montréal-Nord doit prendre l'autobus
et le métro pour 1 h 30 pour se
rendre à la Clinique juridique de l'UQAM, quand il y a une clinique juridique
juste à quelques pas, la Clinique
juridique de Montréal-Nord, mais cette clinique ne peut pas donner un réel
pouvoir aux étudiants en droit.
J'aimerais
aussi prendre un moment pour souligner que les facultés de droit au Québec
se retrouvent seulement dans les grands centres : Montréal, Québec,
Sherbrooke, Gatineau. Notre problème d'accès à la justice s'applique tout
autant aux grands centres qu'aux régions du Québec. Le projet de loi, dans sa
forme actuelle, ne permettrait pas aux étudiants d'offrir leurs services
gratuits, par exemple, dans les centres de justice de proximité, qui se
trouvent vraiment partout au Québec. Bref, c'est une question de
proportionnalité, une question d'échelle. Si le gouvernement veut vraiment
avoir un impact concret, là, sur l'accès à la justice en entier, nous croyons
qu'il faut vraiment élargir ce projet de loi, comme c'est le cas dans la
plupart des provinces canadiennes.
Merci beaucoup, et, bien sûr, nous sommes à
votre disposition si vous avez des questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci à vous trois. Alors, on va débuter la période
d'échange, mais je vous invite à intervenir
comme bon vous semble. Lorsque vous prenez la parole, la caméra va suivre.
Alors, on a une équipe de techniciens formidables ici, à Québec. Alors,
M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui,
bonjour à vous trois. Merci d'être présents, donc, les associations en droit de
l'UQAM ainsi que de l'Université de Montréal. Vos propos sont très pertinents.
Écoutez, j'aurais un peu envie de vous poser les
mêmes questions que j'ai posées à vos prédécesseurs de McGill et d'Ottawa. Et
je vois, chez vous, par vos allocutions, que vous souhaitez vraiment qu'on
aille vers les centres de justice de
proximité ou vers le communautaire plutôt que de se limiter uniquement aux
cliniques juridiques universitaires.
Comment est-ce que vous recevez ce que les doyens de facultés de
droit civil nous ont dit hier relativement au fait où ceux-ci étaient
prêts à débuter avec les facultés de droit universitaires et que, peut-être,
dans le futur, ils seraient prêts, par la suite, à aller vers le communautaire?
Comment vous recevez cela?
M. Ammari (Issa) : Si je peux me
permettre, comme vous l'avez mentionné, M. le ministre,
le Québec est en retard par rapport aux autres provinces du Canada, et le faire
en deux temps ne fait que retarder tout le processus et l'enjeu de l'accès à la
justice. Le limiter aux cliniques juridiques universitaires n'est pas assez
pour avoir un impact majeur auprès des Québécois et Québécoises. On a un réel
besoin au Québec. Et les doyennes et les doyens, leurs enjeux, c'est leurs
facultés. Pro Bono, c'est un autre centre qui a ses propres réalités.
Donc, en laissant à tout le monde la discrétion
de faire qu'est-ce qui est émis par le projet de loi ou les modifications qui
vont y être apportées, ils vont pouvoir avoir un réel impact sur les Québécois.
Puis je tiens aussi à dire qu'il faut avoir
confiance dans notre relève juridique. On est les futurs leaders, engagés,
sensibles, et ces étudiants se trouvent autant dans les cliniques
juridiques que dans les cliniques communautaires.
Je ne sais pas si les autres voudraient ajouter
quelque chose.
M. Cajvan (Patrick) : Non, ça va.
Le Président (M.
Bachand) : Ça va?
Mme Mihai (Dalia) : Non, ça résume
bien.
Le Président (M.
Bachand) : O.K., merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : ...et j'ai
pleinement confiance dans la relève juridique et j'y compte bien que vous soyez
les leaders de demain. Je compte sur vous, d'ailleurs, sur ce point-là.
Bon, vous avez probablement entendu les
associations d'avocats, hier, qui sont venues nous dire : Surtout,
surtout, enlevez ça de votre projet de loi, c'est dangereux, ce que vous êtes
en train de faire, le gouvernement du Québec, de permettre à des étudiants en
droit qui sont près d'avoir leurs diplômes... On parlait de plus de
45 crédits, peut-être, avant de pouvoir donner des conseils ou des avis
juridiques. Donc, j'aimerais vous entendre sur le nombre de crédits juridiques.
Est-ce que vous êtes en accord avec... À partir de quand on devrait permettre
les avis et les conseils juridiques?
Et, deuxièmement, est-ce que vous considérez que
ça constitue un danger pour le public s'il y a des balises qui sont claires, si
c'est encadré par un avocat en exercice ou un notaire en exercice, versus,
notamment, les autres provinces canadiennes où, même, il y a certains étudiants
en droit qui peuvent faire de la représentation devant les tribunaux? Comment
vous voyez ça par rapport aux arguments qui sont amenés par les associations
d'avocats?
• (12 h 30) •
Mme Mihai
(Dalia) : Donc, si je peux me lancer, moi, je suis persuadée que la
relève juridique veut... Et le but principal, c'est d'aider sans, pour autant,
nuire au justiciable. Donc, notre but, en tant qu'étudiants, c'est d'aider et
de contribuer au problème d'accès à la justice qui est présent au Québec, et
ce, sans, pour autant, compromettre la protection du public, qui constitue,
veux veux pas, un enjeu majeur.
Donc, moi personnellement, concernant le nombre
minimal de crédits, j'ai un certain malaise du fait que je comprends que cela
découle du fait de vouloir protéger le justiciable, mais je crois aussi qu'il
faut prendre en considération que c'est différent dans les différentes cliniques.
Je vais prendre l'exemple de la Clinique juridique de l'UQAM. Chaque dossier
est fait en équipes de trois, où des étudiants de première année sont jumelés
avec des étudiants de deuxième et de troisième année, et ce, afin que, dès leur
première année, les étudiants soient... aient une formation qui est plus
pratique et plus humaine, puis ces étudiants-là, dès leur première année, ils
peuvent devenir des personnes clés au sein
des cliniques. Donc, dès leur deuxième et leur troisième année, ils deviennent
des personnes clés. Ils ont déjà fait
beaucoup de recherches. Ils savent mieux comment gérer
aussi les usagers qui viennent nous voir.
Donc, moi, je pense qu'il faut vraiment faire
confiance à sa relève juridique. Je pense que les personnes seraient surprises
de la qualité des rapports qui sont émis, du professionnalisme qu'on retrouve
dans les cliniques juridiques. Faites confiance à votre relève juridique. Puis
je crois aussi qu'il y a beaucoup d'étudiants de première année qui ont des bagages importants, que ce
soient d'autres bacs, des expériences professionnelles qui sont
pertinentes, des expériences aussi de représentation syndicale. Donc, moi,
mettre un nombre de crédits un peu arbitraire, qui viendrait limiter l'accès à une formation pratique, moi, je trouve que
ça serait quand même très limitatif comme ajout.
M. Ammari (Issa) : Puis j'aimerais
ajouter à mon homologue uqamienne qu'en général, en fait, les étudiants veulent
être encadrés. Les étudiants ne veulent pas être laissés à eux-mêmes. À l'Université
de Montréal, on est prêts. La structure est
établie. La seule chose qui changerait, c'est l'information qui est donnée
aux étudiants. Dans les cliniques juridiques universitaires, notamment,
les dossiers qui sont reçus par les étudiants sont dits de basse intensité.
Donc, ce n'est pas des dossiers compliqués. C'est des dossiers qui sont très
facilement répondus auprès des étudiants.
Et l'enjeu, ici, avec le nombre de crédits,
c'est la protection du public. Et, tant et autant que c'est supervisé par un
notaire ou un avocat, l'enjeu de la protection du public est... ce n'est pas un
problème vu que c'est approuvé par un professionnel. Donc, nous, on aimerait
juste vous conscientiser de ne pas trop mettre des balises sur le nombre de
crédits pour ne pas limiter la portée de la loi. Et, encore une fois, en ce qui
concerne le danger pour le public, il n'y en aura pas, vu que c'est supervisé, encore
une fois, étroitement par des professionnels du domaine du droit.
M. Cajvan (Patrick) : Oui, si je
peux finalement rajouter, M. le ministre, en faisant de la sensibilisation pour
ce projet de loi, c'est un argument qu'on a entendu souvent, les avocats qui
disent : Bien, c'est dangereux, on ne peut pas permettre les avocats de...
pardon, les étudiants en droit de faire ça. Mais ils se basent sur la prémisse
que, les étudiants en droit, ils prendraient des clients des avocats, et c'est
une fausse prémisse. Comme l'a mentionné mon collègue, M. Ammari, 80 %
des Québécois et des Québécoises ne peuvent pas se payer un avocat, et
plusieurs d'entre eux ne tombent pas dans les seuils de l'aide juridique. Donc,
c'est vraiment des clients qui n'ont pas accès à la justice qui vont voir les
étudiants, et les étudiants, comme l'ont mentionné mes collègues, sont toujours
supervisés par un avocat et un notaire... ou un notaire.
Si je peux me permettre une petite tranche de
vie personnelle, l'année dernière, j'étais bénévole dans une clinique juridique
à Toronto, en Ontario, une clinique juridique des aînés, et cette clinique
n'était pas affiliée à une université, et je pouvais proférer des avis
juridiques aux clients, mais, toujours, ces avis juridiques étaient approuvés
par un avocat, et il n'y a jamais eu de danger de ce côté-là. En Ontario, ça se
fait depuis plusieurs années et c'est vraiment très bien encadré.
M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord
avec vous lorsque vous dites : Bien, l'étudiant en droit va toujours être
supervisé par un avocat ou un notaire en exercice. Ça, je pense, c'est
fondamental pour s'assurer de la protection du public. Où j'aimerais vous
entendre... Je donne un exemple concret. Quelqu'un qui rentre à la Faculté de
droit de l'Université de Montréal, à sa première session, pensez-vous qu'on
devrait lui offrir l'opportunité de suivre un cours crédité de clinique
juridique à sa première session, à sa première semaine? Parce que, là, peu
importe le profil passé de la personne, les notions juridiques n'ont pas du
tout été acquises. Est-ce que vous êtes d'accord que ça prend un certain nombre
de sessions ou de crédits accumulés avant de pouvoir donner des avis et des
conseils juridiques? Parce que, bien sûr, on est supervisés par l'avocat, par
le notaire, mais, aussi, il faut avoir un certain bagage aussi pour avoir ces
notions-là pour bien renseigner le justiciable qui se présenterait à la
clinique juridique universitaire.
Mme Mihai (Dalia) : Oui, je
comprends tout à fait votre point. Cependant, je pense qu'il faut aussi prendre
en considération qu'un certain filtre s'effectue quand on reçoit des cas dans
les cliniques juridiques. Donc, c'est sûr qu'on
a des cas qui sont, si je pourrais me permettre, plus faciles que d'autres.
Donc, oui, il faudrait un bagage, mais je pense que l'aspect de pouvoir
donner des avis ou des consultations juridiques pourrait se faire dès notre
première semaine en droit. Je pense que vous
seriez étonnamment surpris des connaissances des personnes dès leur première
entrée au bac.
Je peux comprendre aussi qu'il y a tout l'aspect
de la protection du public, puis je la comprends vraiment beaucoup, puis aussi
l'aspect des connaissances. Mais je pense que, oui, dès une première session,
ça serait possible, pour un étudiant, de pouvoir se débrouiller, effectuer des
recherches, rencontrer les usagers, et ce, sous la supervision de personnes
qualifiées. Rien n'empêche l'étudiant de demander à d'autres personnes. Dans
les cabinets, il y a des politiques de portes ouvertes. Donc, les avocats
travaillent ensemble, en coopération, selon les forces et les
faiblesses.
Donc,
je ne vois pas pourquoi un étudiant de première année, dès sa première session,
qui n'a pas nécessairement le même bagage juridique qu'un étudiant de deuxième
ou de troisième année, ne pourrait pas aller voir ses collègues pour leur
demander. Donc, je pense que c'est aussi des aspects à prendre en considération
quand vient le temps de regarder le nombre de crédits universitaires.
M. Ammari (Issa) : Puis juste
ajouter... Encore une fois, si c'est une question de protection du public, ce
n'est pas un enjeu, parce que l'avis ou la consultation ne va pas être émis
sans l'approbation d'un notaire ou d'un avocat, que l'étudiant soit en première
session ou en sa dernière. Par la suite, je trouve que ça revient à une
question opérationnelle propre à chaque faculté, de voir qu'est-ce que qui est
propre à leur réalité. À l'Université de Montréal, encore une fois, nous sommes
prêts. Les étudiants, dès leur rentrée, ils ont un cours d'habilité de juriste
pour apprendre comment faire des recherches et écrire des avis juridiques puis
ils n'ont pas accès aux cliniques juridiques universitaires
en leur première année. Mais chaque université ont leur réalité. Je pense que
ça devrait être à leur discrétion.
M. Jolin-Barrette : ...votre propos
est très intéressant. Écoutez, je vous remercie de l'échange qu'on vient d'avoir. C'est très enrichissant. Et je vais céder
la parole à mes collègues qui, eux aussi, ont des questions. Donc,
merci beaucoup à l'Association des étudiants en droit de l'UQAM ainsi que celle de l'Université de Montréal, un grand merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Les Plaines,
s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci à vous trois. Vous avez fait une présentation
très dynamique, passionnée, et c'est encourageant pour nous. Alors, oui, on a
foi en vous, les futurs avocats de chez nous. Moi, je veux juste attirer votre
attention sur le titre du projet de loi. On parle évidemment d'accessibilité et d'efficacité de la justice,
mais on rajoute : Notamment pour répondre aux conséquences de la
pandémie. J'aimerais, avec l'expérience que vous avez, depuis le mois de mars
dernier, avec les cliniques... Bon, on n'émet pas d'avis, mais on a quand même
de l'information juridique. Est-ce que les besoins des justiciables, c'est un
terme que je viens d'apprendre... des justiciables, est-ce qu'ils sont remplis avec
le projet de loi? Est-ce qu'il y a des choses qu'il faudrait ajouter? Puis je
vous parle aussi au niveau de la façon de travailler en clinique.
M. Cajvan (Patrick) : Oui, donc,
peut-être, je peux commencer. Donc, certainement, avec l'impact de la pandémie,
l'accès à la justice a été plus difficile. Les tribunaux qui ont été fermés
pendant plusieurs mois... L'accès aux cliniques juridiques n'est pas toujours
facile pour les personnes. Mais, pour répondre à votre question, il faut certainement
ajouter... À notre avis, il faut élargir le projet de loi pour y inclure les
cliniques juridiques communautaires, les organismes
juridiques communautaires, qui ont des avocats à leur emploi, mais qui
bénéficieraient beaucoup au fait de donner aux étudiants en droit le pouvoir de
donner des avis juridiques tout en étant supervisés par un avocat.
Je vais vous donner un exemple. Un organisme
communautaire qui a un avocat à son emploi peut engager, par exemple, 10 étudiants en droit. Les 10 étudiants en droit vont aller
rencontrer les clients, d'habitude, des rencontres qui prennent
plusieurs minutes. L'étudiant en droit peut aller voir l'avocat avec sa
recherche puis dire : Maître, c'est ça, ce que je propose au client, qu'est-ce
que vous en pensez? L'avocat peut dire oui et, après ça, peut passer au
prochain étudiant, prochaine étudiante. L'étudiant va aller proférer cet avis
juridique aux personnes qui viennent demander avis à la clinique. Donc, ça
permet à la clinique, avec un avocat, de répondre aux besoins de plusieurs, plusieurs
clients. Donc, on pense sincèrement que l'élargissement, ça va améliorer
l'accès à la justice.
• (12 h 40) •
M. Ammari (Issa) : Puis, pour être un
peu plus pointu également, on a un besoin qui était réel et urgent avant la
pandémie. Comme le souligne le Pr Pierre Noreau à l'Université de Montréal,
plus de 80 % des Québécois et Québécoises estiment ne pas avoir accès aux
services d'un avocat, et ça, c'est avant la pandémie, et ce pourcentage ne
cesse d'augmenter. Que ça soit des congédiements injustifiés, des problèmes
avec des locateurs, des petites entreprises
qui sont en train de s'écrouler, les Québécois et les Québécoises ont besoin
d'avis juridiques, et, en le limitant...
le projet de loi n° 75, on n'aura pas un impact réel et majeur dans
nos communautés. Donc, il faut... On vous encourage d'élargir le projet
de loi tout en gardant des balises et des conditions de supervision pour
pouvoir pallier au problème.
Mme Mihai (Dalia) : Et puis, si je
peux me permettre de faire du pouce de mon côté aussi, c'est ça, nous, on conçoit que le système de justice était
relativement malade même avant la pandémie, mais c'est sûr qu'avec la
pandémie je vous dirais qu'il y a eu une éclosion de demandes auprès de nos
cliniques juridiques. Avant, on recevait environ 150 demandes par session. Cette session-ci, selon les statistiques
que j'ai reçues de mes coordonnateurs de la clinique, il y a eu environ
350 demandes, qui est presque le double des demandes qu'on recevait
auparavant. Donc, je pense qu'il y a un réel besoin auquel on doit pallier, et
ce, le plus rapidement possible. Les usagers, les justiciables québécois ne
savent plus où s'orienter. Ils se retournent vers les cliniques. C'était rendu
qu'on devait les orienter vers d'autres organismes pour essayer de les aider,
parce que la demande est là, puis il faut vraiment y répondre.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer,
M. Ammari, Mme Mihai et M. Cajvan. Merci beaucoup pour la
discussion que vous nous permettez d'avoir sur les dispositions 2, 3, 51,
52 et 56 du projet de loi.
On a parlé... et j'aimerais vous entendre
peut-être davantage sur l'aspect régionalisation, accès à la justice, donc, faire en sorte que ce modèle qui permet à
des justiciables d'avoir accès à des étudiants, étudiantes en droit,
avoir des conseils juridiques, bien, ce ne
soit pas tributaire d'un lieu physique qui est une faculté de droit, quand on
sait qu'il y en a trois à Montréal, une à Québec, puis une à Ottawa,
puis une à Sherbrooke. Donc, qui dit région, on pourrait, à la limite, dire...
Si on exclut Québec, et Montréal, et Ottawa, on pourrait dire que c'est
Sherbrooke seulement.
Alors,
j'aimerais vous entendre sur... Vous avez dit : Bien, en permettant que
les étudiants, étudiantes puissent donner des conseils juridiques dans
des organismes communautaires déjà prévus à cet effet-là... J'aimerais que...
vous entendre davantage, comment vous imaginez que ça pourrait se décliner, ça.
Comment ça pourrait se décliner? Concrètement, l'étudiant, l'étudiante ferait
ça à distance, pourrait, physiquement, de temps en temps, se déplacer sur
place? Comment vous l'imaginez?
M. Cajvan (Patrick) : Oui, merci
pour votre question. En fait, c'est une excellente question, parce que, d'après
nos recherches, il n'y a pas nécessairement de clinique juridique, au même sens
que celles à Montréal ou à Québec, qui se trouve vraiment en région, mais il y
a des centres de justice de proximité. Donc, ce qu'on conçoit ici, c'est que
les étudiants en droit puissent aller aider dans des cliniques juridiques qui
se retrouvent partout au Québec et pas seulement dans les grands centres,
Montréal, Québec, Sherbrooke, où on retrouve les facultés de droit.
Maintenant, pour que ça soit mis en place, c'est
sûr qu'un étudiant va pouvoir y aller pendant la session, mais aussi on conçoit
ça pendant l'été aussi. Si un étudiant, il veut avoir un emploi d'été ou de
manière bénévole, là, passer du temps dans une clinique juridique, on aimerait
que ça soit possible, parce qu'il y a beaucoup d'étudiants qui reçoivent une
éducation juridique, une éducation juridique qui n'est pas accessible à tout le
monde, mais qui voient vraiment le besoin d'aider de manière... d'aller faire
du pro bono, et ça, ce n'est pas nécessaire pour obtenir un emploi, là. Les
gens le font vraiment de la bonté de leur coeur. Donc, on aimerait que ça soit
possible de le faire hors du contexte universitaire, que ça soit dans les
grands centres ou autres.
Mme Mihai (Dalia) : Oui, exactement...
M. Tanguay : Oui, je vous en
prie, allez-y, je vous en prie.
Mme Mihai (Dalia) : Oui, je
m'excuse.
M. Tanguay : Non, je vous en
prie.
Mme Mihai (Dalia) : Je pense aussi
qu'avec la pandémie on a dû mettre sur pied des moyens originaux afin de
continuer de communiquer avec nos usagers. Donc, en parlant avec les directeurs
de nos cliniques juridiques, on m'a fait part que le fait de faire ça avec des
moyens technologiques, ça aidait notamment à rejoindre le client, que ça avait
aussi plusieurs... pas le client, l'usager, pardonnez-moi, mais que ça avait
aussi plusieurs aspects bénéfiques, notamment de mettre une certaine barrière
entre le futur juriste et le client du fait que, souvent, les usagers qui
viennent nous voir, il y a un certain aspect émotionnel associé à la cause.
Puis, en tant que futurs juristes, on n'est pas psychologues non plus.
Donc, on est là pour écouter, comprendre
l'usager et voir ses besoins, mais je pense qu'il y a aussi des aspects
bénéfiques, notamment une certaine... entre le client et l'usager qui peut
s'avérer bénéfique. Aussi, ça permet d'aller plus vite. Ça évite de faire déplacer
l'usager. Nous, parfois, on a des usagers en clinique juridique qui partent de
très loin de Montréal, qui font une heure. Parfois, ils prennent des
après-midis pour venir nous voir en clinique. Donc, le fait de pouvoir le faire
avec des moyens technologiques intéressants, ça évite aussi justement de faire
déplacer de... et que le justiciable prenne beaucoup de temps afin d'obtenir,
bien, présentement, de l'information juridique, mais, on l'espère aussi, des
avis, des consultations.
M. Tanguay : Oui,
M. Ammari?
M. Ammari (Issa) : Moi, ça va pour
moi.
M. Tanguay : Parfait. Et déjà...
Pour relancer puis pour poursuivre la réflexion là-dessus, il y a déjà, donc,
comme vous l'avez souligné, un réseau qui est déjà en place, qui s'appelle les
Centres de justice de proximité, plus certaines cliniques communautaires qui
sont déjà en place. Alors, on n'a comme pas à réinventer la roue, mais on peut
imaginer, si on le déploie...
Et peut-être aussi...
Qui sait, peut-être que nous pourrions être victimes de notre succès dans les
différentes facultés. Ça ne veut pas dire que tous les étudiants, étudiantes
vont donner six heures, huit heures, 10 heures par semaine là-dessus.
mais, si vous avez un bon volume d'étudiants, étudiantes qui dit : Bien,
moi, je suis prêt à donner un deux heures par semaine, ce qui est tout à fait
envisageable dans un horaire déjà chargé... Bien, si on est victimes de notre
succès, bien, peut-être qu'on pourrait dire : O.K., les facultés, ils
n'ont peut-être pas tous les locaux, ils n'ont peut-être pas tout le support
technique non plus si on veut faire du... visioconférence. Alors, peut-être
que, collectivement, on pourrait peut-être se dire :
Bien, si on est victimes de notre succès, puis on pourra évaluer au fur et à
mesure... mais donner accès à ces centres, à ces services-là aux étudiants,
étudiantes, pour qu'ils puissent, eux aussi, pouvoir oeuvrer là-dedans puis
faire oeuvre utile.
Et il y a l'aspect
également, vous l'avez abordé... l'aspect très complémentaire d'une formation
juridique, et là on touche à la pratique. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Moi, j'aurais aimé, peut-être, lors de mon bac en droit, de toucher peut-être davantage
à la pratique. Je le sais, puis on le fait toujours, hein, durant les... mais
là on se voit moins... durant les fêtes, on va moins se voir à cause de la COVID,
mais souvent on est le conseiller juridique de nos parents, de nos proches,
puis qu'est-ce que t'en penses. Puis c'est ça, la pratique, dans le fond, qu'on
a, puis ça nous fait très plaisir. Ça nous fait très plaisir parce que c'est
valorisant. Mais j'aimerais vous entendre aussi sur l'aspect qu'on répondrait à
un besoin d'avoir accès à une pratique, pas juste de la théorie, durant nos
trois ans de bac, nos quatre ans si on fait common law.
Mme Mihai
(Dalia) : Non, exactement. Je pense que, présentement, on forme de
bons théoriciens du droit, et que c'est le moment de former de bons praticiens
du droit. Sincèrement, moi, je constate que c'est fou qu'en trois ans d'études
au baccalauréat je n'ai jamais, peut-être, essayé de rédiger que ce soit une
mise en demeure... que certains, aussi, après trois ans de bac, ne comprennent
pas encore comment gérer une relation avec les usagers qui viennent les voir, comment monter un dossier,
comment obtenir l'information, cerner quelle information est pertinente.
Donc, moi, je vois ça d'un très bon oeil d'apporter un aspect pratique au droit
parce que, souvent, on se le fait dire, la profession d'avocat, c'est quelque
chose qui s'apprend quand on l'exerce. C'est une chose de connaître le Code civil,
c'est autre chose de le pratiquer et de l'appliquer. Donc, je vois vraiment
cette avancée-là d'un très bon oeil.
M. Ammari
(Issa) : Puis je tiens à rajouter également que l'enjeu actuel, c'est
un enjeu d'accès à la justice. Nous, on est ici pour essayer de pallier à ce
problème-là, et, intrinsèquement, ça vient aussi avoir un avantage positif sur
notre apprentissage en tant qu'étudiants en droit. Donc, c'est intrinsèque,
notre apprentissage, mais l'enjeu ici, c'est l'accès à la justice, et il ne faut
pas l'oublier, mais, encore une fois, on essaie d'élargir le plus possible tout
en ayant un impact sur notre parcours étudiant.
• (12 h 50) •
M. Tanguay :
Bien, merci beaucoup et merci à vous trois d'avoir participé à nos débats. M.
le Président, je vais vous donner l'occasion
évidemment de saluer nos invités, mais, après ça, si vous me le permettez,
j'aimerais reprendre la parole pour quelques secondes.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, avec plaisir. Alors, merci beaucoup à vous trois. Effectivement, vous avez transmis beaucoup
de votre enthousiasme à la commission.
C'est très, très, très apprécié. Alors, merci beaucoup et à très
bientôt. M. le député de LaFontaine.
Hommage à la mémoire de M. Marc-André
Bédard, ex-ministre de la Justice
M. Tanguay :
...et on vient d'apprendre la nouvelle du décès de l'ancien ministre de la
Justice du Québec, M. Marc-André Bédard, puis je voulais juste prendre le
temps, M. le Président, là... Je voudrais juste prendre le temps... parce qu'on parle d'un projet de loi d'accès à la justice, et Marc-André Bédard aura été, donc, élu à
l'Assemblée nationale en 1973, ministre de la Justice de 1976 à 1984, a, entre
autres, participé à des débats, fait avancer le Québec, notamment sur
l'interdiction, en modifiant la charte québécoise des droits et libertés, de la
discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Ça, c'est un legs de
Marc-André Bédard.
Donc, il a été un ministre
de la Justice au coeur de l'histoire du Québec. Et, pour la petite histoire, M.
le Président, la fois où j'ai rencontré M. Bédard, très impressionnant, c'était
lors d'un débat lors de la dernière campagne électorale, et le collègue,
l'actuel ministre de la Justice, était là. Nous étions, tous les deux,
candidats. C'était sur le droit de la famille, et autre legs de Me Bédard
lorsqu'il était ministre de la Justice, c'est qu'il avait, en quelque sorte,
mis le dernier grand pan d'une réforme du droit de la famille en modifiant le Code
civil du Québec.
Alors, pour ma part,
puis j'imagine que le ministre aura l'occasion également de souligner cela,
merci de nous permettre de saluer ce grand homme, ce grand juriste, et de nous
permettre de communiquer nos plus sincères condoléances à la famille et aux
proches de Me Bédard.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M.
le député de LaFontaine. M. le ministre de la Justice, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Bien, je vais joindre ma voix à celle du député
de LaFontaine, qui, à juste titre, fait bien de souligner
et d'offrir ses condoléances à la famille de Me Bédard, à ses enfants, à
ses proches, et particulièrement à notre ex-collègue le député
de Chicoutimi, avec qui nous avons eu l'occasion de siéger,
Stéphane Bédard.
Écoutez, il faut
rendre hommage à Me Bédard. C'est vrai, ce que le député de LaFontaine a
dit relativement à la dernière réforme du droit de la famille. Nous aurons
l'occasion fort probablement de poursuivre le travail qui avait été amorcé en
1980 par Me Bédard et de souligner aussi ses années de service public que
Me Bédard a données pour le Québec : ministre de la Justice pendant
près de huit ans, aussi vice-premier ministre du gouvernement du Québec en 1984‑1985,
si je ne me trompe. Alors, c'est un grand serviteur de l'État, quelqu'un qui
avait l'intérêt public à coeur, et surtout un grand juriste, et quelqu'un qui
voulait s'assurer de, notamment, réformer et de faire avancer le droit au Québec,
ce qu'il a réussi à faire au cours des années 70 et 80.
Alors, nous le saluons et
nos pensées sont avec la famille et les proches. C'est une épreuve qui est
difficile. Alors, nous vous souhaitons beaucoup
de courage là-dedans. Et je pense faire miennes les pensées de tous les collègues
parlementaires de la commission, mais aussi je pense qu'on aura l'occasion de
rendre un hommage à la hauteur de la dignité de M. Bédard au salon bleu en
bonne et due forme également. Alors, M. le Président, nous transmettons nos
sincères condoléances.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup pour vos interventions.
Effectivement, Me Bédard a marqué l'histoire politique du Québec de façon
marquée et mémorable.
Sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
(Reprise à 15 h 07)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. La Commission des institutions reprend ses travaux.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des
consultations particulières sur le projet de loi n° 75,
Loi visant à améliorer l'accessibilité et l'efficacité de la justice, notamment
pour répondre à des conséquences de la pandémie de la COVID-19.
On débute nos auditions cet après-midi avec
l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense, avec Me Michel Lebrun, que je salue. Alors,
Me Lebrun, comme vous connaissez les règles, 10 minutes de
présentation, et après nous aurons un échange avec les membres de la
commission. Merci beaucoup de participer à nos travaux, et la parole est à
vous. Merci.
Auditions (suite)
Association québécoise des
avocats et avocates de la défense (AQAAD)
(Visioconférence)
M. Lebrun
(Michel) : Merci, M. le
Président. M. le ministre de la Justice, distingués membres de la
Commission des institutions, je me présente, Michel Lebrun. Je suis avocat de
la défense en matière criminelle et président de l'Association québécoise des
avocats et avocates de la défense.
Permettez-moi de vous remercier de l'invitation
qui nous est faite de présenter nos observations sur le projet de loi n° 75, dont l'objectif déclaré concerne l'amélioration de
l'accessibilité et de l'efficacité de la justice. D'autre part, nous déplorons, comme ça a été signalé dès
le début des travaux de la commission, la précipitation avec laquelle
les changements importants qui sont proposés à la culture juridique québécoise
sont amenés.
L'accessibilité à la justice et l'efficacité de
celle-ci ont été, depuis plus d'un an, la principale, sinon la seule
préoccupation des activités de notre association, composée exclusivement
d'avocats bénévoles. Les problèmes criants d'accessibilité à la justice ont été
enquêtés, documentés et dénoncés par nos associations d'avocats de la défense,
l'AQAAD, et aussi les associations de Montréal, Québec et Gatineau, qui siègent
dans nos instances, et avec l'appui d'associations d'avocats pratiquant au
service des populations les plus vulnérables de la société, notamment en droit
carcéral, de la jeunesse, de l'immigration et du droit familial.
Ce qui fait consensus chez tous les partis
représentés ici, c'est le caractère absolument inadéquat du tarif d'aide juridique toujours en vigueur au Québec.
L'entente actuelle en vigueur quant aux tarifs d'aide juridique est
échue depuis 2017, et les négociations entre le Barreau et le ministère de la
Justice n'ont, à ce jour, pas permis d'apporter des changements dont tous
reconnaissent la nécessité si on a un tant soit peu à coeur l'accessibilité à
la justice.
Le 11 juillet 2019, le Barreau du Québec
rappelait au public les problèmes structurels du tarif actuel. Notamment, la
tarification est la même pour un accusé qui plaide coupable que pour celui pour
lequel on tiendrait un procès. Les négociations et la préparation adéquate des
avocats ne sont pas reconnues, puisqu'ils ne sont pas rémunérés. Sauf pour les
mégaprocès, il n'y a pas de condition spéciale allouée à l'avance, ce qui fait
que les avocats doivent financer eux-mêmes des recours longs et complexes sans
savoir s'ils seront compensés convenablement.
• (15 h 10) •
Ces problèmes
sont à la source du désengagement grandissant des avocats envers l'aide
juridique et à l'augmentation importante de dossiers où des avocats
doivent se... où des accusés doivent se représenter seuls, faute de pouvoir
trouver un avocat, particulièrement dans des dossiers complexes. Cette
situation compromet à chaque jour un peu plus l'accessibilité et l'efficacité
du système de justice.
Le 2 octobre dernier, le ministre de la
Justice et le bâtonnier du Québec étaient heureux d'annoncer la conclusion
d'une entente sur la bonification des tarifs d'aide juridique ainsi que sur la
création d'un groupe de travail indépendant qui devra formuler des
recommandations quant à la réforme de la structure tarifaire de l'aide
juridique. Dans un esprit de collaboration et de confiance, malgré notre
opinion à l'effet que les solutions étaient évidentes et largement documentées,
c'est avec enthousiasme que les criminalistes ont accepté, en substance, le tarif
rejeté en 2019 en raison de leur perception que leurs constats quant aux
problèmes structurels étaient maintenant reconnus par le
gouvernement et que la demande du ministère, qui estimait avoir besoin de
l'avis de la commission indépendante, qui, elle-même, demandait 18 mois
pour pouvoir livrer ses recommandations...
Présumant de la bonne foi de la démarche, vu la
compétence exceptionnelle des membres du groupe de travail, les avocats ont non
seulement accepté ce nouveau délai, mais aussi le fait que les recommandations
du groupe ne lieraient pas le gouvernement. Vous comprendrez notre étonnement
de voir arriver, le 3 novembre dernier, l'article 3 d'un projet de
loi dont l'adoption est présentée comme une urgence nationale justifiant son
adoption à toute vapeur sans, cette fois-ci, que quelque étude que ce soit de
la question ne soit nécessaire, et ce, au nom de l'accessibilité à la justice.
Jamais, à travers les multiples interventions
qui ont été faites au cours des dernières années, par exemple ici, au
Parlement, le 18 février dernier, les cliniques juridiques d'étudiants
n'ont été présentées comme des solutions au problème grave et urgent que tous
reconnaissent en matière d'accessibilité à la justice. Les échanges entendus à
l'occasion de cette présente commission démontrent, de plus, la confusion que
génère ce projet, dont la teneur réelle est interprétée différemment qu'on soit
des ordres professionnels, des universités ou des députés ici présents.
Le mémoire produit par les doyens de facultés de
droit, c'est une étude du comité d'action de l'accès à la justice en matière
civile et familiale, présidé par l'honorable Thomas A. Cromwell. Ce rapport
rappelle l'importance d'une approche d'ensemble pour remédier au problème
sérieux d'accès à la justice auquel le public fait face dans notre système de
justice, et ce, en matière civile et familiale.
Or, ce qui saute aux yeux malgré le flou
entourant ce projet, c'est l'absence de réflexion sur l'impact de ces
dispositions sur les ressources déjà offertes au public par des organismes
communautaires, par exemple Juripop, ou les Centres de justice de proximité,
qui viennent tout juste d'être établis par le ministère de la Justice dans les
régions, notamment chez moi, à Trois-Rivières, et qui emploient des avocats
dans leur objectif officiel de démystifier les institutions et les procédures
judiciaires et, plus encore, de faciliter leur accessibilité à tous et à
toutes.
L'annonce de l'Université Laval, dont j'ai pris
connaissance dimanche dernier, de vouloir consacrer des ressources importantes
pour établir des cliniques juridiques étudiantes dans toutes les régions du
Québec, tout en cherchant à laisser aux étudiants une certaine marge
d'initiative, nous laisse perplexes. La démonstration de ce besoin pour améliorer
l'accessibilité à la justice reste à faire.
Toutes les interventions entendues à date
révèlent les véritables enjeux du présent projet, c'est-à-dire offrir une
expérience utile à la formation des étudiants et protéger le public grâce à une
supervision étroite par un membre du Barreau ou de la Chambre des notaires,
qu'il soit avocat, notaire ou conseiller en loi... n'a été apporté afin de
démontrer en quoi la législation actuelle limite l'atteinte de ces objectifs
louables.
Bien au contraire, la nécessité qu'une opinion
juridique soit donnée par une personne ayant rempli les exigences de
qualification minimale est une garantie que le travail des étudiants impliqués
atteigne ses objectifs. Le contraste entre la précipitation avec laquelle le
présent projet de loi est présenté et le report de la réforme urgente et
nécessaire de la Loi sur l'aide juridique sape, d'une certaine façon, la
confiance des praticiens du droit que nous sommes de voir une volonté réelle de
s'attaquer aux problèmes concrets.
Une perception semblable résulte de la volonté,
exprimée cette fois au nom de l'efficacité de la justice, de permettre aux
tribunaux d'imposer la tenue d'audiences par voie technologique à
l'article 38 du projet de loi, qui modifie l'article 2.2 du Code de
procédure pénale. Le 13 mars dernier, le gouvernement décrétait le
confinement de la population en raison de la pandémie dont nous sommes toujours
victimes. Les associations des avocats de défense criminelle, dont l'AQAAD, évidemment, ont, dès le début, été confrontées
à la révolution que constitue l'implantation des moyens technologiques,
notamment, et surtout, la visioconférence, dans les instances vouées à trancher des litiges sérieux impliquant la
confrontation des points de vue et l'appréciation de la crédibilité des
parties.
Notre Cour suprême rappelait, en 2012,
ceci : «En règle générale, dans les cours de common law de juridiction
criminelle, les témoins sont tenus de déposer en audience publique et d'exposer
leur visage au regard des avocats, du juge et du jury. La confrontation de
l'accusé avec les témoins est la norme...»
Ces concepts, traditionnellement, étaient
nécessairement servis par la comparution en personne des témoins et des
accusés. La pandémie nous a forcés à réfléchir sur la façon de préserver ces
valeurs fondamentales.
Plutôt que de se retrancher derrière ces
principes pour bloquer les activités judiciaires, les avocats de la défense et
leurs associations ont choisi de s'asseoir avec la magistrature, le DPCP, les
cours municipales et le ministère de la Justice pour participer avec
enthousiasme à l'implantation et à l'utilisation de la visioconférence dans la
mesure du possible. Notre position était et demeure qu'avec le consentement des
parties impliquées cette implantation se ferait harmonieusement et éviterait de
s'enliser dans des débats stériles qui accapareraient des ressources déjà
lourdement hypothéquées par l'urgence sanitaire. Cette approche a été couronnée
de succès, il faut le dire. Les tribunaux fonctionnent actuellement à un rythme
et dans des délais semblables à ceux d'avant la pandémie.
Dans ce contexte, c'est avec une certaine
déception que nous prenons acte de la volonté du gouvernement de modifier l'article 2.2 du Code de procédure pénale, adopté en juin 2020, pour ajouter les termes,
j'ouvre les guillemets, «sans leur consentement» au pouvoir déjà octroyé
aux tribunaux d'imposer d'office l'utilisation de la technologie. Les avocats
de défense ne voient pas l'utilité d'ajouter ces termes, si ce n'est que
d'envoyer le message que le système a besoin d'une approche autoritaire pour
conférer aux tribunaux une discrétion absolue, exempte de toute balise, afin
d'imposer la tenue de procès par visioconférence.
Ce message perpétue, à notre avis, un stéréotype
voulant que les avocats de la défense soient le problème. Nous soumettons que
cette perception va à l'encontre de la réalité et que les défis rencontrés ces
dernières années, suite à l'arrêt Jordan, par exemple, et, actuellement, dans
le contexte de la pandémie, ont été à la hauteur de notre vocation non
seulement de défenseurs des libertés individuelles, mais également d'officiers
de justice.
La
réalité de l'implantation urgente et massive de la technologie dans les salles
de cours, c'est que tous les partenaires du système de justice ont été en
mesure d'en apprécier les très grands avantages, mais aussi les limites. La
conversation en cours doit se poursuivre. La recherche du consentement est la
seule avenue pour qu'elle se poursuive sereinement. Merci de votre attention.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Lebrun. On
débute la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Me Lebrun, bonjour.
Merci de participer aux travaux de la commission parlementaire sur le projet de
loi n° 75.
Dans un premier
temps, je vous dirais, Me Lebrun, il ne faudrait pas mélanger les
dossiers. Présentement, on est sur le projet de loi n° 75.
Je comprends que, lors du début de votre allocution, vous faisiez référence aux
tarifs d'aide juridique qui... en fait, qu'on a réglés. Après mon arrivée à la
tête du ministère de la Justice, au mois de juin, on a eu une entente, je
crois, au mois de septembre, 35 millions sur cinq ans, 14,7 %
d'augmentation, un rattrapage, une rétro, et le gouvernement a mis en place un
groupe de travail indépendant sur la réforme de la structure tarifaire.
Donc, écoutez, moi,
je pense qu'on travaille dans le bon sens. Je croyais que les avocats qui
faisaient de l'aide juridique en pratique privée, qui prenaient des mandats,
avaient souligné cette entente-là. C'est ce que je percevais dans le communiqué, d'ailleurs. Alors, je croyais
que c'était une bonne nouvelle. D'ailleurs, je le crois, moi personnellement,
que c'est une bonne nouvelle, parce qu'on avance. C'est une entente que... Ça
faisait trois ans que les tarifs n'avaient pas été actualisés, et, 14,7 %
d'augmentation, je crois que c'est une bonne augmentation. Est-ce qu'il y a des
améliorations à apporter par rapport à la structure des tarifs? Bien sûr, et
c'est pour ça qu'on va pouvoir discuter avec des gens qui sont indépendants,
puis ils vont nous recommander une structure.
Je ne pense pas qu'il
faut opposer la réforme des tarifs de l'aide juridique avec le fait que des
étudiants en droit pourraient donner des conseils et des avis juridiques.
Alors, je me pose la question. Est-ce que votre intervention, aujourd'hui, de
la façon dont elle est menée, est une position qui vise à défendre l'intérêt de
vos membres en lien avec, comment je
pourrais dire, les clients, le marché ou les revenus associés à vos membres?
Est-ce que c'est ça, votre inquiétude? Parce que le but du projet de loi
n° 75 est de faire en sorte de permettre à des justiciables d'avoir accès
à de l'information, à des conseils et à des avis juridiques dans les cliniques
juridiques universitaires.
• (15 h 20) •
M. Lebrun
(Michel) : Si c'était notre intention, évidemment, on se contenterait
de chiffres comme ceux que vous mentionnez. 14 %, effectivement, c'est
mieux que zéro. Si j'étais ici pour parler des intérêts financiers des avocats,
on pourrait se limiter à ça.
Il faut comprendre
que notre mouvement et nos revendications qu'on a amenés au Parlement l'année
dernière ne visaient pas à aller chercher un pourcentage. Je pense qu'il y a
des négociations qui ont eu lieu, de bonne foi, sur ce sujet-là entre le
Barreau et le ministère de la Justice. Des considérations de cet ordre-là
étaient déjà sur la table en 2019 quand le bâtonnier du Québec a rejeté l'offre
parce qu'elle ne comprenait pas la modification de la structure,
fondamentalement, de l'aide juridique.
Le problème... Notre
première considération, notre première préoccupation, c'est de modifier la
structure du tarif d'aide juridique pour éviter que les gens continuent de se
représenter seuls devant les tribunaux et que les avocats refusent, en fait...
ou fassent des choix de carrière différents ou refusent tout simplement des
mandats, particulièrement lors de dossiers complexes. C'est une préoccupation
que nous soulevons, historiquement, je vous dirais, depuis longtemps, les
associations d'avocats et le Barreau, et c'est ce qui achoppait en 2019, lorsque
les négociations avaient été, somme toute, rompues. Lorsqu'elles ont repris,
pour nous, clairement, l'engagement que le gouvernement a pris de modifier
cette structure-là... La reconnaissance du fait que cette structure-là était
inadéquate était la condition première de notre acceptation de l'entente et de
notre adhésion au processus de consultation qui est commencé à ce moment-là.
Mais là on parle d'accessibilité à la justice.
Donc, pour nous, le
dossier est sur la bonne voie, mais il n'est pas réglé. Il sera réglé lorsque
ces revendications-là qu'on fait au nom des citoyens, au nom des gens qui se
représentent seuls, et qui n'ont que pour but d'assurer l'accessibilité réelle
à la justice devant les cours de justice, et l'efficacité, également, parce que
les coûts engendrés par les accusés non représentés... Je pourrais vous donner plusieurs
exemples de dossiers qui se sont retrouvés devant la Cour d'appel, bon, et tout
ça. Donc, dans ce contexte-là, parler de... Oui?
M.
Jolin-Barrette : Si vous me parlez, Me Lebrun, là, du projet de
loi n° 75, là, parce que c'est un autre dossier, puis
j'ai commencé comme ça...
M. Lebrun
(Michel) : Bien oui, bien, le projet de loi n° 75...
Le
Président (M. Bachand) : Juste un à la fois, Me Lebrun. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Parlons du projet de loi n° 75.
On comprend que vous avez des... vos membres ont des intérêts financiers dans
le cadre de la réforme des structures d'aide juridique. Ça, c'est un autre
dossier. Si on parle, là, aujourd'hui, du projet de loi n° 75,
vos commentaires sur le 75...
M. Lebrun (Michel) : Le titre de la
loi, c'est l'accessibilité et l'efficacité de la justice. Donc, en quoi, de
permettre... Les structures actuelles qui existent, là, les services
communautaires, les cliniques juridiques dans les universités,
qui fonctionnent, comme les doyens vous l'ont dit, très bien, en quoi
l'accessibilité... que le public va être mieux servi par le changement qui est
proposé? Pour nous, il n'y a aucune démonstration qui est faite de ça. Il n'y a
aucun exemple qui est donné de... en termes de services juridiques,
actuellement, dans la mesure où il... que, si un étudiant... une opinion
juridique, bien, il devra être supervisé par un avocat.
Et c'est ce qu'on dit un peu dans... que j'ai
dit, d'emblée, dans ma présentation, c'est le... S'il y a un avocat de présent
qui cautionne l'opinion qui sera donnée au public, bien, on n'a pas besoin de
changer la loi. S'il n'y a pas d'avocat, bien là on a dilué la qualité du
service qui a été offert, mais en quoi on a augmenté l'accessibilité? En quoi non
plus les centres de proximité qui ont été créés par le ministère de la Justice
ne remplissent pas cette fonction-là? En quoi on a besoin de multiplier les
cliniques dans chaque ville, l'Université Laval qui nous l'annonce dimanche
dernier, pour dédoubler ce service-là avec celui qui est déjà offert par les
Centres de justice de proximité?
M.
Jolin-Barrette : Bien, la
première des choses, Me Lebrun, c'est que, dans un centre de justice de
proximité, ils donnent de l'information juridique comme dans les
cliniques juridiques universitaires. Au début de votre allocution, vous
avez dit : Écoutez, on n'a jamais entendu parler de ça, les cliniques
juridiques universitaires. Or, depuis le 11 mai 2017, il y avait un projet
de loi qui avait été déposé, le projet de loi n° 697.
Moi, j'essaie d'être constructif un peu. Je
comprends que, de votre association, les membres ne souhaitent pas avoir de
cliniques juridiques universitaires dans lesquelles les étudiants en droit vont
pouvoir donner des conseils et des avis juridiques sous la supervision d'un
avocat ou d'un notaire en exercice. Et c'est le Barreau qui va s'occuper de
venir encadrer les conditions au niveau de l'assurance responsabilité, au
niveau aussi du parcours requis par l'étudiant en droit pour le faire.
Donc, je dénote que vous vous opposez au fait
qu'on permette à des justiciables québécois d'aller chercher davantage
d'information, davantage de conseils et davantage d'avis par rapport à leur
situation juridique dans le cadre d'une clinique juridique universitaire qui
permettrait à des justiciables québécois d'être mieux renseignés sur leurs
droits. Ça, je comprends, vous souhaitez, là, que le gouvernement, là, n'aille
pas dans ce sens-là et qu'il retire cette partie-là du projet de loi n° 75. C'est la position de votre association.
M. Lebrun (Michel) : Notre position...
Effectivement, on ne voit pas la nécessité de ce changement-là. On considère
que ça peut générer même de la confusion en termes de ressources disponibles par
rapport aux centres de proximité, par rapport aux organismes communautaires. On
ne voit pas le besoin et on se retrouve... et on ne voit pas le besoin, nous,
surtout de précipiter cette adoption-là, et surtout dans un contexte où... Je
vous parlais de la Loi sur l'aide juridique qui est le moteur de
l'accessibilité à la justice.
Dans la situation actuelle, on va se retrouver
devant la situation, qui m'apparaît un peu absurde, qu'un stagiaire dans mon
bureau, qui a passé ses examens du Barreau, qui a le droit de donner des conseils
au gouvernement du Québec, qui a le droit de donner des conseils à la Banque
Royale, si vous voulez, n'a pas le droit de faire une comparution pour un
dossier d'alcool au volant sur l'aide juridique et de donner un conseil à un
citoyen, alors qu'il a le droit d'en donner à tout... à des bénéficiaires de
l'aide juridique, mais qui a le droit d'en donner à tous les autres citoyens
qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide juridique. En quoi les préoccupations
d'accessibilité à la justice sont rencontrées dans un contexte comme celui-là?
Et qu'on commence à donner... On va dire à la personne... Le stagiaire qui est
formé, qui a le droit de pratiquer, va dire à son client, bien, d'aller dans
une clinique pour aller rencontrer des étudiants s'il veut avoir une opinion
juridique.
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
j'entends vos propos, mais je suis en profond désaccord avec ce que j'entends aujourd'hui.
Quand vous dites, là : Il n'y a pas de besoin, ça va semer la confusion,
honnêtement, dans ce que j'entends aujourd'hui, vous plaidez pour une
augmentation des tarifs d'aide juridique ou de la réforme de la structure
d'aide juridique. J'en suis. Ça vous appartient. Puis le gouvernement est en
train de faire un groupe de travail, et des questions comme celles-là seront
abordées.
L'exemple que vous avez donné avec votre
stagiaire, actuellement, c'est parce qu'il ne peut pas avoir de mandat d'aide
juridique. Alors, ce que vous voulez dire... Dans le fond, vous voudriez, dans
le fond, qu'un avocat puisse avoir 10 stagiaires et qu'il puisse facturer
l'aide juridique pour des services qui seraient donnés pour les stagiaires.
C'est un peu ça, la proposition, pour expliquer à la population.
Si on revient sur le 75, là, au contraire, moi,
je pense que, si on multiplie les offres pour les citoyens québécois d'avoir
accès à des avis, à des renseignements, à de l'information juridique, à des
conseils juridiques, au contraire, ça va améliorer le système de justice. Ça va
permettre à des gens, même, peut-être, d'aller voir vos membres. Peut-être
qu'ils vont aller à la clinique juridique universitaire, puis ils vont avoir
une première consultation, puis ils vont se dire : Ah bien! Peut-être que
je devrais me prendre un avocat, effectivement. Puis ils vont aller cogner à la
porte d'un membre de l'association des avocats de défense. Ça se peut, ça, que
ça arrive, parce qu'il va avoir été mieux renseigné, parce que l'avocat...
l'étudiant en droit ne pourra pas faire de représentation.
Mais moi, je
vous dis... Lorsque je vous entends, vous dites : Ça va semer de la
confusion parce qu'il va y avoir des cliniques juridiques
universitaires. Pensez-vous que nos compatriotes canadiens, dans les autres
provinces canadiennes, où c'est permis de faire des avis et des conseils
juridiques dans des cliniques universitaires et même faire de la
représentation, pensez-vous que, les autres Canadiens, ils sont confus par
rapport à l'offre de services?
M. Lebrun (Michel) : Les autres
Canadiens bénéficient... Si les autres... Si on pouvait bénéficier de la même
qualité de loi d'aide juridique que les autres provinces canadiennes, on serait
déjà éminemment satisfaits, mais on serait satisfaits de
l'accessibilité globale à la justice. Ce que je vous dis, c'est qu'isoler...
prendre... Cette initiative-là ne s'inscrit
pas dans un programme d'ensemble, une vision globale de l'accessibilité à la
justice. Et, pour nous, il n'y a pas d'urgence, versus une situation qui
nous apparaît beaucoup plus urgente, parce qu'il y a des citoyens qui sont emprisonnés actuellement. Il y a des procès qui se
tiennent dans des conditions qui ne sont pas acceptables. Pourquoi... Et
c'est ce que l'étude qui est citée par les
doyens dit, ça prend une approche globale en termes d'accessibilité à la
justice.
Les cliniques de... Je ne suis pas contre les
cliniques juridiques dans les universités. Au contraire, elles existent et
elles remplissent sûrement une fonction utile. Par contre, les cliniques... Là,
on va décaler... Les cliniques communautaires...
Les cliniques gouvernementales, qui sont celles de justice de proximité, auront
un rôle, des pouvoirs différents de ceux des cliniques universitaires,
et ça a été... plusieurs intervenants vous l'ont dit. C'est ça qui, à mon avis,
génère une certaine confusion dans le public. Et, lorsqu'on parle de gens qui
ne sont pas sophistiqués... Ce n'est pas les universités qui font affaire avec
leurs étudiants pour avoir des avis juridiques. Eux, ils ont des avocats à
temps plein, et qui sont... et ils obtiennent des opinions dans un contexte, je
dirais, traditionnel.
• (15 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Pour plus de
cohérence, là, Me Lebrun, là, est-ce que vous m'invitez, dans le fond, à
élargir mon projet de loi aux Centres de justice de proximité ainsi qu'aux organismes
communautaires pour être certain que les étudiants en droit, dans toutes les
formes de cliniques juridiques au Québec, puissent donner des conseils et des
avis juridiques? Est-ce que, par là, pour diminuer la confusion que vous portez
à notre attention, ça serait préférable
d'élargir le projet de loi, puis d'aller dans les centres de justice de
proximité puis dans les organismes communautaires, puis de permettre aux
étudiants en droit de donner des conseils, des avis juridiques, là aussi?
M. Lebrun
(Michel) : Moi, je pense que les étudiants en droit... J'ai engagé des étudiants en droit, personnellement,
dans mon bureau. Ils ont tout à gagner d'une expérience pratique du travail,
et, de contribuer à l'élaboration d'une opinion juridique, je pense que c'est peut-être
un apprentissage qui est fort louable. Par contre, que cette opinion-là soit
donnée directement d'un étudiant au public, je pense que c'est le public qui y
perd un peu à ce moment-là. Si on parle d'une supervision étroite, que le
professionnel, l'avocat, le notaire ou le conseiller en loi donne finalement
l'opinion juridique à laquelle aura travaillé l'étudiant, bien, on n'a même pas
besoin de modifier la loi, et les services peuvent être donnés de façon très
efficace et de façon compréhensible pour le public.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Bien, écoutez,
Me Lebrun, je vous remercie pour votre intervention à la commission. Je
vais céder la parole à mes collègues s'ils ont des interventions. Merci,
Me Lebrun.
Le Président (M.
Bachand) : Est-ce qu'il y a d'autres
interventions du côté ministériel? S'il n'y a pas d'autre intervention, M. le
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Combien de temps...
Le Président (M.
Bachand) : ...
M. Tanguay : Merci beaucoup.
Alors, à moi de vous saluer, Me Lebrun. Merci beaucoup de prendre le temps
de participer à nos débats cet après-midi.
J'aimerais, donc, revenir, parce que vous en
avez parlé avec le ministre, là, sur le comité qui a été constitué pour
revisiter... pour proposer une réforme tarifaire qui viserait, donc, à identifier
les besoins nouveaux et les réalités actuelles,
qui doit remettre son rapport au plus tard dans un an et demi, le
1er avril 2022. Donc, de ce que je comprends, c'est que vous, vous auriez aimé, plutôt qu'un
comité, que le ministre et le Barreau s'entendent sur ce que devaient être ces
besoins et ces réalités actuelles et agissent dès maintenant. Vous auriez aimé
mieux, donc, que ça se fasse maintenant et ne pas attendre au
1er avril 2022, si je vous comprends bien.
M. Lebrun (Michel) : Bien, écoutez,
M. Tanguay, on aurait voulu que ça se fasse hier, je dirais, parce que les
problèmes qu'on soulève génèrent à tous les jours des problèmes, à notre avis,
des injustices et taxent aussi le système judiciaire. J'aimerais... Si la
magistrature était ici, je ne sais pas quelle opinion elle pourrait vous donner
du nombre croissant d'accusés qui se représentent seuls devant eux, des défis
que ça représente et de... notamment, pour, simplement, l'utilisation des ressources
judiciaires, le temps de cour qui...
Les avocats, il faut bien comprendre qu'on n'est
pas, contrairement à certaines idées qui semblent véhiculées, uniquement là
pour faire de l'argent et uniquement là pour compliquer les choses. Les avocats
font des admissions. On règle des dossiers. On évite à des témoins d'être
entendus parce qu'on s'entend sur des bases factuelles à tous les jours. Donc,
on est le premier outil de l'accessibilité et de l'efficacité de la justice.
C'est des mots que je reprends parce que c'est le titre de la loi.
Et donc on a fait des représentations. On aurait
aimé avoir un résultat. Maintenant, l'engagement... je ne veux pas minimiser
l'engagement du gouvernement à cet égard-là. Et la qualité des membres du
comité qui fera cette étude-là est extraordinaire. Et j'ose espérer qu'un jour
je serai ici, peut-être, à la commission ou ailleurs, à remercier le
gouvernement d'avoir finalement porté et réalisé, en fait, la réforme qui est
attendue depuis longtemps.
M. Tanguay : Juste pour
terminer là-dessus, vous disiez que, pourtant, il y avait des solutions
évidentes. Vous faites référence à quoi? À quelles solutions évidentes
faites-vous référence?
M.
Lebrun (Michel) : Bien,
écoutez, pour nous, il y a des choses qui... Je ne veux pas... Encore une fois,
il y a des choses qui sont priorisées même au niveau de la commission.
Il y a des... Par exemple, j'ai parlé du fait que, dans les dossiers complexes, les avocats devront... Un dossier complexe, là,
par exemple, un dossier d'homicide involontaire, c'est un des grands
exemples qui ont été amenés sur la place publique, pour lequel le tarif prévoit
550 $, O.K., ça, c'est le prix global auquel l'avocat a droit pour faire
tout le procès, il y a une disposition qui permet de demander une considération
spéciale vu la complexité du dossier. Cette demande-là, elle doit être faite à
la fin du dossier, lorsque le dossier est facturé, et il sera facturé une fois,
c'est-à-dire à la toute fin du dossier.
Pour nous... Et, je tiens à le souligner, la
Commission des services juridiques, une fois que ces demandes-là sont faites, généralement, peut rendre des
décisions qui sont... qui peuvent générer des honoraires qui sont
acceptables, dans le fond, et qui permettent une représentation adéquate. Le
problème, c'est qu'il y a un avocat qui devra, pendant un an, deux ans,
financer ce dossier-là sans savoir quelle sera la réponse éventuelle de la
Commission des services juridiques à sa
demande qu'on appelle de considération spéciale. Bien, cette situation-là fait
en sorte que plusieurs avocats vont refuser d'accepter des mandats pour
des dossiers complexes, et particulièrement des avocats plus expérimentés, plus vieux.
Et, en termes de qualité des représentations qui
peuvent être faites et d'accessibilité à la justice, ça, c'est quelque chose
qui ne coûte rien, en fait, de permettre à cette négociation-là d'avoir lieu au
début du dossier plutôt qu'à la fin. Ça, ça serait quelque chose... ça aurait
été quelque chose qu'on aurait... qu'on considère qui pourrait être fait
rapidement, en fait, qui ne nécessite pas une grande étude. Et je pense que
c'est même reconnu que le projet de la commission prévoit que cette
disposition-là, cette possibilité-là va être étudiée en priorité dans les
premiers six mois. Donc, j'ose espérer qu'en début d'année je pourrai vous
dire, bien, mission accomplie là-dessus et remercier, en fait, le gouvernement
d'avoir été sensible à cette préoccupation-là.
M. Tanguay : Excellent. Puis
effectivement je vous le confirme, donc, deux sujets prioritaires verront un
rapport dans les six premiers mois de l'annonce qui a peut-être un mois et
demi, deux mois, soit les irritants liés à la délivrance des mandats d'aide
juridique ainsi que ceux liés au paiement des considérations spéciales. Mais je
vous entends. Je vous comprends bien puis je
pense que vous avez voix au chapitre et droit au chapitre. Avec les
600 membres que vous représentez, bien, les cas d'espèce, d'exemples que
vous nous donnez, bien, vous l'avez vécu puis vos membres l'ont vécu. Alors,
c'est important pour vous de venir nous l'exprimer.
J'aimerais maintenant passer au deuxième point
de trois que je veux aborder dans le temps qui m'est imparti avec vous, cliniques juridiques. Vous disiez
craindre des impacts, vous demandiez : Y a-tu eu une étude, une analyse
d'impact? Vous proposiez, j'imagine, entre autres, pour endiguer
certains impacts potentiels, là, que ce soit supervisé par des avocats, donc, des praticiens, des praticiennes.
Quelle forme ça prendrait, ça, cette supervision-là, donc, des avocats qui offriraient leurs services tantôt aux
facultés de droit, tantôt... Si d'aventure le législateur va vers les
Centres de justice de proximité et/ou les cliniques communautaires, donc
comment vous imaginez ça, cette supervision-là par les avocats?
M. Lebrun (Michel) : Bien, je pense
qu'actuellement, lorsqu'il est question de donner de l'information juridique,
donc orienter quelqu'un vers les bonnes ressources ou des choses comme ça,
c'est ce que les cliniques d'information
juridique font, et les cliniques de proximité, là, les centres de proximité, et
les organismes communautaires. Donc,
je pense que c'est acceptable, et le fait qu'il y ait des avocats qui ont un
rôle de supervision, de mentorat là-dedans, je pense que c'est tout à
fait acceptable.
Lorsqu'on part d'une situation où le public a
droit pour recevoir une opinion, là, on change de domaine, une opinion sur ses
droits à lui... Les notaires parlaient de préparer des demandes de divorce
conjointes, là. On parle de choses qui ont des conséquences sérieuses, là, sur les droits des justiciables à ce moment-là. Actuellement,
le citoyen a droit à ce que ça lui provienne d'un avocat. Si on envisage de
faire participer... Et actuellement des bureaux engagent des étudiants. Des
étudiants travaillent avec des avocats dans divers contextes, peut-être même
dans ces cliniques-là. Tant qu'un étudiant participe à l'élaboration d'une
opinion, mais que cette opinion-là est ultimement donnée par un avocat... Je
pense que ça a toujours été considéré comme un minimum, et ça doit continuer de
l'être. Et je ne vois pas en quoi on devrait diluer la qualité de ce qui est
offert au public. Et c'est là-dessus que je prétends ou que j'affirme que les
études... Le besoin criant, à cet égard-là, n'a pas été démontré.
Et donc que la situation actuelle ou que le... L'évolution
de ces cliniques-là ne devrait pas se faire avec un changement législatif qui
aurait pour effet de permettre à des étudiants de donner directement des
opinions juridiques à des citoyens et que l'avocat qui supervise soit
simplement à distance ou intervienne en cas de problème. Ça, pour moi, est une question
de protection du public.
• (15 h 40) •
M. Tanguay : Voilà. Alors,
vous avez raison, il faut se préoccuper de ça puis il faut faire en sorte que
la manière dont ce sera déployé, bien, que l'on ne vive pas ces écueils-là puis
que le public soit protégé. Donc, c'est une obligation de résultats et de
moyens que l'on prendra comme législateurs.
Point important, 2.2, Code de procédure pénale.
Sur le projet de loi n° 32, qui a été adopté en juin
dernier, on vient rejouer, dans le fond, dans le nouvel article 2.2 du Code
de procédure pénale. Je me suis
donné, copié-collé, là, les deux articles, là, la mouture actuelle de
2.2 et celle qui est proposée par le projet de loi. J'aimerais vous entendre...
À l'article 38, là, donc, ce qui est actuellement le cas... c'est-à-dire, ce que l'on ajoute, c'est : «...lorsque
l'intérêt de la justice le requiert — donc on ajoute ce critère-là — ordonner
qu'il le soit...» On parle de : «Dans l'application du présent code, il y
a lieu de privilégier l'utilisation de tout moyen technologique...»
Alors : «...ordonner qu'il le soit par les parties, même d'office [...],
notamment pour la gestion de l'instance...»
Là, il serait ajouté, puis
j'aimerais vous entendre là-dessus, sur les griefs que vous avez contre le fait
que ça pourrait se faire sans le consentement des parties... et, qui plus est,
autre ajout : «...pour la tenue de l'audience ou pour la transmission et
[...] réception de documents sur un [support autre que du] papier.» Et il est
dit, par contre, puis ça, ça ne vous rassure
pas, point d'interrogation, j'aimerais vous entendre là-dessus : «Le juge
doit, avant d'ordonner [un] tel moyen [...], donner l'occasion aux
parties de [se] faire valoir...» J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Lebrun (Michel) : Écoutez, c'est
un nouvel article. C'était déjà un nouvel article en juin dernier. Il n'a pas
été testé. En fait, l'interprétation... Je soupçonne qu'on partage un peu les
mêmes... Pour moi, ce n'est pas tout à fait clair qu'est-ce qu'on veut ajouter
par le nouvel article, mais le message, par contre, qui est envoyé, et, moi,
c'est là où j'en suis et c'est là où nous en sommes comme association,
d'ajouter les mots «sans leur consentement», ça envoie un message. Ça envoie un
message qu'on doit, et je l'ai dit dans mon introduction, utiliser... agir, en
ces matières-là, de façon autoritaire, et ça
entraîne, à mon avis... Ça envoie un mauvais message, parce que,
sur ce point-là spécifique, les efforts ont été tellement importants, dans notre communauté des avocats de défense, mais également
chez les avocats du DPCP que je côtoie, et la magistrature également, et les
opinions divergent à l'intérieur de chacun de ces groupes-là. Notamment,
certains juges, certains procureurs, certains avocats de défense sont plus ou
moins favorables à l'utilisation de la technologie.
Par contre, plus on l'utilise, plus on
réalise... et, en privilégiant l'approche consensuelle depuis le début de la
pandémie, bien, le volume de travail qui s'est fait par technologie, par
consentement, a permis d'enlever la pression du nombre de personnes présentes
dans les palais de justice et de gérer efficacement toute la question de la
pandémie. Et, à travers cette utilisation-là, chaque avocat s'est fait son
opinion, et chaque juge s'est fait son opinion, et continue de la construire, son opinion, au moment où on se parle,
parce qu'il y a eu des ratés. Il y a eu des problèmes techniques au
niveau de certaines audiences, mais il y a eu aussi de nombreux gains, puis il
y a beaucoup de gens qui sont surpris, et qui sont même agréablement surpris,
de l'utilisation de la technologie.
Donc, lorsqu'on... Je ne comprends pas, en fait,
l'importance de vouloir ajouter cet élément-là et insister sur l'élément
d'imposer, d'ajouter la notion de «sans consentement». Pour nous, ça envoie le
mauvais message.
M. Tanguay : Me Lebrun,
il me reste une minute puis je veux, donc, mettre le point sur ça. On a beau
avoir «COVID» dans le titre du projet de loi n° 75, l'article 2.2, si
d'aventure on l'adoptait, il va être là bien après la COVID. Il va être là pour ad
vitam aeternam. Il n'y a pas de date de péremption, de un. Alors, vous
faites bien de dire : Point
d'interrogation, drapeau jaune. Et là on parle, en plus, pour les audiences, un
procès... vous dites : Nouveaux moyens technologiques ne font pas
encore consensus. Vous faites référence à quoi? Il y a eu des problèmes
techniques?
M. Lebrun (Michel) : Bien oui.
Surtout, je vous dirais, là où les réticences se manifestent le plus, c'est au
niveau des procès contestés, et des procès contestés qui impliquent souvent la
crédibilité des témoins. Lorsqu'il y a des... pour une raison ou pour une autre,
on doit contre-interroger quelqu'un ou lorsqu'il y a des versions
contradictoires, à ce moment-là, bien...
M. Tanguay : C'est sûr que ce n'est pas la même affaire, là. Ce n'est pas la même affaire pour vous puis ce n'est pas la
même affaire pour le juge qui doit regarder dans les yeux puis dire :
Est-ce que la cour accorde une crédibilité quelconque à ce témoignage-là? Puis
il va l'écrire dans ce sens-là. Alors, c'est clair que ce n'est pas un plus,
c'est un défi.
M. Lebrun (Michel) : Oui, puis ce
qui se dégage tranquillement, c'est un consensus à ce sujet-là, et je ne vois
pas l'intérêt de donner des outils comme ceux-là.
M. Tanguay : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de
LaFontaine. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président. Je veux juste dire un petit mot compte tenu de ce
qu'on a appris ce matin, le décès de Marc-André Bédard, et qu'on est à la Commission
des institutions, où il a siégé de nombreuses et nombreuses heures, juste que
je veux souligner le travail incroyable de cet homme-là, plus grand que nature,
pour la justice au Québec. Donc, je trouvais ça important puis d'offrir nos
condoléances à toute sa famille et, bien sûr, à Stéphane, que nous connaissons
bien.
Donc, sur ce, bonjour. Merci beaucoup de votre
présentation. Je veux poursuivre sur la question de l'article 2.2 du Code
de procédure pénale introduit par l'article 38. Donc, on disait déjà que
le juge pouvait l'ordonner d'office, et là on vient mettre «d'office et sans
[...] consentement». Moi, je veux votre opinion, à savoir, quand on dit
«d'office», est-ce que, déjà, ça ne veut pas dire qu'il peut le faire de son
propre chef? Donc, je voudrais comprendre pourquoi, selon vous, on a jugé qu'il
fallait ajouter le «et sans leur consentement».
M. Lebrun (Michel) : Bien, c'est un
peu ce que je disais : Est-ce que c'est un pléonasme? Je suis un peu comme
vous, là. Je ne suis pas un expert et je ne suis surtout pas un juge de la Cour
suprême qui pourrait l'interpréter un jour. Mais on en a plus contre le message
que ça envoie et ce que ça dégage comme intention, comme,
je dirais, constat que les justiciables et leurs avocats doivent être mis au
pas par le système et d'inciter les tribunaux à le faire. En fait, c'est un peu
ça qui... C'est la seule explication que je peux avoir pour l'ajout de cette
mention-là. Mais, je tiens à le dire, ça arrive à un moment où on n'est pas là.
Le système n'est pas là. Le système a découvert, cette année, de façon
renouvelée, les vertus de la collaboration et du consensus, et ça a fonctionné,
là.
Et, je tiens
à le dire, la première semaine après le confinement, les avocats de défense, bénévolement... Il y avait
un avocat de défense dans chaque salle d'audience au Québec en train de faire
les remises pour tout le monde et qui... On s'est mobilisés. Puis, devant
l'arrivée de la solution technologique qui s'en venait nécessairement, on
considère qu'on a relevé ce défi-là puis on a agi de façon positive. Donc, de
lire ça dans le projet de loi, joint aux autres remarques que je fais sur les
notions d'accessibilité à la justice, pour nous, c'est comme si on avait... il
y avait un rendez-vous manqué.
Mme
Hivon : Je vous ai
bien entendu et lu sur la question de la crédibilité, là, donc, que ça peut
poser un défi, là, pour évaluer la
crédibilité des témoins, mais vous ajoutez aussi que vous craignez que ça
pourrait enliser le système avec des
débats inutiles parce que les parties pourront se faire entendre avant que ça
puisse être imposé, donc, les moyens technologiques. Donc, c'est dire
que vous pensez que beaucoup d'avocats se prévaudraient de cette possibilité-là,
et donc contesteraient le fait que le juge ordonne, par exemple, de procéder
avec des moyens technologiques, parce que vous parlez d'un risque d'enliser le
système.
M. Lebrun (Michel) : Bien, en fait,
ce n'est pas... Je ne dénonce pas le droit d'être entendu. Ça, je pense que ça
existait indépendamment de la nouvelle mention qu'il peut y avoir au niveau de
l'article. Ce que j'ai constaté depuis le début de la pandémie, c'est qu'il n'y
a pas eu de recours extraordinaire, par exemple, des brefs ou des choses... des recours en vertu de la charte ou des
allégations pour dire : On nous impose des solutions
technologiques. Ça s'est fait dans le respect et ça s'est fait... Ce qui devait
se faire a été fait. Moi-même, j'ai fait même des procès contestés en
visioconférence, mais, en retour, on s'attendait à ce que notre préoccupation,
lorsqu'on voulait avoir une audience en personne, puisse être entendue, donc,
et c'est cette harmonie-là qui risque d'être brisée par l'appel à l'autorité,
l'autoritarisme dans un... Et là ça peut générer toutes sortes d'appels, toutes
sortes de recours obliques, de recours extraordinaires ou de requêtes qui
risquent d'avoir un effet contraire à celui qui est dans le titre de la loi,
c'est-à-dire l'efficacité des tribunaux.
Mme
Hivon : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Me Lebrun, merci beaucoup de votre
participation à la commission. Ça a été très apprécié.
Et la commission suspend ses travaux quelques
instants. Merci beaucoup, Me Lebrun.
(Suspension de la séance à 15 h 50)
(Reprise à 15 h 51)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir
Me Marie Christine Kirouack, de l'association des avocates et avocats
en droit familial du Québec. Me Kirouack, merci beaucoup encore une fois
d'être avec nous cet après-midi. Comme vous connaissez les règles, 10 minutes de présentation. Après ça, nous
aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
cède la parole, et, encore une fois, merci de votre participation.
Association des avocats et avocates en droit familial du
Québec
(Visioconférence)
Mme
Kirouack (Marie Christine) :
De rien. Alors, écoutez, juste rapidement, pour ceux qui ne connaîtraient pas
l'AAADFQ, on regroupe près de 500 avocats dont la spécialité est faire du droit
de la famille. Donc, on est très, très, très spécifiques, là, au niveau de
notre pratique.
D'entrée de jeu, vraiment, là, on félicite
certaines des dispositions qui sont au niveau du projet de loi, notamment la modification
proposée à l'article 14 du Code de procédure civile, qui permettra notamment
de rattraper la technologie, les téléphones intelligents qui ont fait effectivement
leur apparition dans nos salles de tribunaux, et éviter effectivement que les
gens puissent enregistrer des images ou les diffuser.
Probablement parce qu'on fait aussi du droit de
la famille et qu'on a finalement obtenu, il y a quelques années, après de
nombreuses représentations, la protection en matière des dossiers en matière
familiale, qu'ils soient à accès restreint, on félicite aussi le projet de loi pour
ce qui est des modifications proposées par les articles 5 et 6 aux articles 15
et 16, respectivement, et qui fera que, désormais, et le huis clos,
article 15, et l'accès restreint aux dossiers seraient élargis aux
demandes d'autorisation de soins, d'aliénation d'une partie du corps ou de
garde en établissement. On pense que ce sont des sujets tout aussi sensibles,
effectivement, et particuliers que les matières familiales et on se réjouit que
cela pourrait désormais faire partie du Code de procédure civile.
Autre modification, parce
que je débute d'abord ce que, je vous dirais, a l'aval avant d'aller à la
modification proposée à la Loi sur le Barreau, avec laquelle l'association a de
sérieuses, mais alors de très grandes réticences, la modification proposée par
l'article 14 à l'article 145 du Code de procédure, selon laquelle,
là, désormais, on retournerait, dans le fond, à l'ancienne règle, c'est-à-dire
que le demandeur devrait communiquer au défendeur, dans les plus brefs délais,
les pièces, effectivement, qu'il allègue, viendra codifier, je vous dirais, la
pratique qui s'est installée chez la majorité des praticiens. C'est-à-dire que
nous notifions effectivement les pièces en même temps que les procédures, mais
ça facilitera le travail dans le cas où les avocats peuvent être pris avec des
confrères ou des parties qui se représentent seules, qui sont peut-être plus
récalcitrantes dans certains cas, je vous dirais, O.K.?
Autre modification à l'article 152, qui
permettra que les propositions de protocole puissent être entérinées, là, sans
nécessiter d'intervention judiciaire, ce qui permettra de sauver du temps
d'heures-juge et du temps de la part des avocats également...
Une des modifications qu'on trouve, qui,
effectivement, je dois vous dire, est particulièrement constructive, c'est
l'obligation, pour une partie qui révoque le mandat de son avocat, d'annoncer
et d'afficher immédiatement ses couleurs, à savoir si elle entend se
représenter seule dans le futur ou si elle entend retenir les services d'un
nouvel avocat. Ça va solutionner, je vous dirais, le problème des parties qui
utilisent sciemment et volontairement le principe de leur non-représentation
pour pouvoir remettre le dossier... l'audition d'un dossier à une, à deux ou de
multiples reprises. L'association, vraiment, là, félicite le législateur pour
cette proposition-là afin d'éviter qu'on puisse, je vous dirais, jouer de la
procédurite et du droit d'être représenté, alors qu'on n'a pas l'intention de
l'être de toute façon, mais que ça permet d'étirer les délais et les auditions.
Là où l'association a de sérieuses réserves, et
à de multiples chapitres, c'est la modification qui est proposée à la Loi sur
le Barreau pour permettre désormais aux étudiants de donner des avis et
conseils juridiques, notamment à l'article 128, la proposition d'insertion
de l'article 128.1 de la Loi sur le Barreau, et, d'une part, parce que, pour
nous, ça ne correspond absolument pas à une question d'accès à la justice.
Deuxièmement, il y a une grave et une importante question de protection du
public.
Et on est en faveur des cliniques d'information
juridique, là. Je vous dirais que plusieurs d'entre nous travaillons
activement au niveau des cliniques d'information juridique dans les milieux
universitaires. J'enseigne moi-même à McGill. C'est moi qui ai refait le guide
d'information pour les étudiants qui font de l'information juridique en matière
familiale. Donc, je peux vous en parler de première main.
Ceci étant, si je regarde et si on regarde notamment
les obligations du code de déontologie pour ce qui est des avocats, qui ont un
devoir de compétence avant d'accepter de donner des conseils ou d'agir dans un
dossier, à l'article 29, on trouve difficilement conciliable qu'un
étudiant de première, de deuxième ou de troisième année puisse donner des
conseils de nature juridique. En outre, et on vous le soulève comme différent
problème, qu'en est-il du secret professionnel? Le secret professionnel est un
secret qui découle de la loi et qui ne va pas être juste allégué par quelqu'un.
Alors, qu'en serait-il, effectivement, de ce type de rencontre là? Et je vous
souligne qu'il y a aussi spécifiquement... puis ça, ça découle du Code des
professions, là, mais il y a spécifiquement, au niveau de la loi sur le Code de
déontologie des avocats... ait une obligation d'assurer la confidentialité.
Et ça, c'est sans entrer... entre autres, toute
la question du Règlement sur la comptabilité et les normes d'exercice
professionnel des avocats, qui oblige à ce qu'il y ait une liste de dossiers
actifs et de dossiers fermés qui soit tenue pour sept ans, et qu'il en est de
même pour les dossiers fermés, où on a une prescription de sept ans qui
s'applique pour conserver les dossiers. Après, à compter de la date de leur
fermeture, on voit difficilement comment les étudiants, effectivement,
pourraient faire ça.
Et dernière question, peut-être : Est-ce à
dire que, si on suit la proposition du gouvernement présentement, les
universités vont devoir prendre des assurances responsabilité pour les conseils
ou les avis juridiques que leurs étudiants pourraient, effectivement, donner,
fussent-ils, je vous dirais, puis si je regarde le libellé, sous la supervision
étroite et la responsabilité d'un avocat en exercice, ou est-ce à dire que ça
sera, à ce moment-là, la responsabilité professionnelle de l'avocat qui sera
engagé, ce qui, je vous le soumets, si tel est le cas, pourrait peut-être faire
en sorte que beaucoup d'avocats seraient très réticents à participer,
effectivement, à ces cliniques-là et, peut-être, ne seraient plus là non plus
comme personnes-ressources, en termes d'information juridique, une espèce
d'effet domino de la modification qui est proposée à l'article 128.1?
Nous avons, donc, d'importantes réserves. Si,
par ailleurs, l'objectif poursuivi par le législateur, c'est de faire en sorte
que les étudiants puissent pratiquer, je vous soumets que nos étudiants le font
dans nos classes, où ils sont soumis à des scénarios où ils font des fausses
consultations. Ils le font dans le cours de leurs examens également, et
personne... Aucun de mes étudiants n'obtient un A parfait quand il a à analyser
un scénario factuel. Donc, les conséquences, pour un justiciable, d'avoir des
conseils qui ne sont pas appropriés, des avis juridiques qui ne sont pas appropriés ou qui sont erronés, et
particulièrement dans mon domaine, c'est-à-dire où la multiplicité des
questions est extrêmement importante, où une première question en amène une
autre, me semblent un terrain extrêmement
glissant.
• (16 heures) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup,
Me Kirouack. On va débuter la période d'échange avec le ministre. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bonjour,
Me Kirouack. Merci de participer aux travaux de la commission.
Écoutez, ce que je vous propose, c'est qu'on
discute, dans un premier temps, des cliniques juridiques et que, par la suite,
on parle de vos autres commentaires sur le projet de loi, parce que je trouve
ça très intéressant. Et je vous remercie aussi du travail qui a été fait. Je
pense que le mémoire que vous nous avez présenté, c'est un mémoire qui est très sérieux, qui est fouillé, alors surtout les
dispositions au Code de procédure civile, que j'aimerais qu'on aborde par la
suite.
Mais, d'entrée de jeu, on va débuter par les
cliniques juridiques. Je comprends que les membres de votre association sont
contre le fait d'avoir des cliniques juridiques universitaires où est-ce qu'on
peut donner des conseils et des avis. Cela
étant, je vous dresserais le parallèle avec les autres juridictions
canadiennes. Pourquoi est-ce que, dans les autres juridictions
canadiennes, c'est quelque chose qui est possible? Et pourquoi est-ce qu'au
Québec, pour les justiciables québécois, on ne leur permettrait pas d'avoir
davantage accès à des conseils et des avis juridiques, le tout bien balisé par
le Barreau, par la Chambre des notaires? Il y a des modalités qu'il va falloir
travailler dans le cadre du règlement que le Barreau et la Chambre des notaires
vont adopter en collaboration avec les universités, mais pourquoi, au Québec,
est-ce qu'on ne serait pas capables de faire ça versus les autres juridictions
canadiennes?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Avec égard, M. le ministre, et à moins que je ne me sois trompée, là, la
Colombie-Britannique a ça, l'Alberta ne l'a pas. Quand on va lire
spécifiquement, quand on nous parle de «student», ce n'est pas un étudiant
universitaire, là, c'est un «articling student». Donc, je ne suis pas sûre
qu'il est totalement vrai de dire que toutes les juridictions l'ont. Par
ailleurs, ce n'est pas nécessairement, je vous dirais, l'argument qui me
convainc, quant à moi.
Et ce que je trouve toujours surprenant en
matière juridique, et c'est dit avec la plus grande politesse et le plus grand
égard, M. le ministre... Est-ce que le gouvernement irait dire que les
étudiants en électricité devraient pouvoir,
demain matin, donner des conseils juridiques à M. puis Mme Tout-le-monde,
comment mettre, effectivement, un disjoncteur dans leur boîte
électrique, alors qu'ils n'ont pas leurs papiers puis ils ne sont pas
certifiés? J'en doute. Pourquoi est-ce que,
quand on parle, effectivement, de justice, de juridique... que, tout à coup, on
dirait que les normes de compétence deviennent beaucoup plus laxes? J'ai
personnellement de la difficulté avec ça, d'autant qu'écoutez, là, les
conséquences sur la vie du justiciable sont extrêmement importantes s'ils n'ont
pas... s'ils ne reçoivent pas des conseils, effectivement, qui sont justes, qui
sont bien fondés, juridiquement, puis appropriés.
M. Jolin-Barrette : Je suis tout à
fait d'accord avec vous sur le fait qu'il faut que ça soit bien encadré, et ça
le sera par un membre en exercice de la Chambre des notaires ou du Barreau.
Mais est-ce à dire que tous les autres ordres professionnels qui ont des
cliniques universitaires, eux, ils mettent en péril la protection du public
dans tous les autres types de professions? Voyez-vous où ça nous amène? Et je
comprends votre point de vue, mais même le Barreau va collaborer avec nous.
Alors, je comprends que l'association souhaite aller plus loin encore que
l'ordre professionnel mandaté pour la protection du public.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Absolument,
définitivement, et c'est probablement parce que, vous savez, nous, on représente M. puis Mme Tout-le-monde. On représente
80 % des dossiers. Donc, oui,
c'est notre position.
M. Jolin-Barrette : Vous ne pensez
pas que les gens au Québec auraient intérêt à avoir accès davantage à des
conseils et à des avis juridiques et que ça ne peut pas constituer une piste de
solution d'avoir des cliniques juridiques universitaires bien balisées, bien
encadrées, comme dans d'autres juridictions canadiennes?
Mme
Kirouack (Marie Christine) : Je ne pense pas que la solution pour un
plus grand accès à la justice passe par des étudiants universitaires qui
donnent des conseils, non.
M.
Jolin-Barrette : Parfait,
c'est votre opinion. Je ne la partage pas. Bon, parlons maintenant des
modifications au Code de procédure civile
relativement... Vous avez parlé tout à l'heure des téléphones. Dans le fond, on
vient mettre la possibilité pour le
tribunal d'empêcher la captation à l'intérieur de la salle de cour. Pourquoi
est-ce que c'est important?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Ah!
écoutez, je veux dire, c'est... On va vous parler de ce qui se passe dans les
salles de tribunaux, là. À l'époque des téléphones intelligents, effectivement,
vous savez, puis même en matière familiale, là, parce que... où on bénéficie du
huis clos, les gens ont tendance à vouloir enregistrer dans le corridor, à vouloir enregistrer... Puis là je vous
parle... captation d'images, captation sonore aussi, et
particulièrement, effectivement, dans la salle, là.
Pour moi, la question, effectivement, puis pour
l'association, là, je pense que c'est extrêmement... c'est rattraper la
technologie. L'article 14, tel qu'il est libellé, là, vraiment, on
félicite le gouvernement de ça. C'est important que tout le monde et son voisin
puissent ne pas recouper ce qui s'est passé devant les tribunaux. Vous savez,
c'est facile présentement, là. Il y a plein de petites applications qui font en
sorte : Je vais pouvoir découper ce que quelqu'un dit, le remettre bout à
bout, et, tout à coup, on va donner l'impression que ce qui s'est passé n'est
pas ce qui s'est passé.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et, tout à
l'heure, vous avez abordé aussi la question du huis clos. On élargit le huis
clos, et vous êtes favorable à cette mesure-là. Pourquoi?
Mme Kirouack
(Marie Christine) : Parce que, vous savez, c'est beaucoup plus facile
pour les parties d'avoir à témoigner, O.K., et de pouvoir, effectivement, je
vous dirais, passer à travers des parties qui ne sont pas faciles dans leur vie
sans que, dans la salle, vous ayez six, sept personnes du vaste public, et qui
sont là, dans le fond, pour pouvoir écouter. Il y a une
partie de notre justice qui est publique, à laquelle les gens peuvent
effectivement assister, et je n'ai pas de problème avec ça, mais je pense qu'il
y a des matières sensibles où... Vous savez, une matière d'autorisation de
soins, pour la personne et par respect pour la personne, effectivement, qui est
visée par une demande d'autorisation de soins, on va avoir des gens qui vont
venir parler de sa santé mentale, de ses comportements, des médicaments qu'on
devrait lui donner, O.K., des mesures qu'on devrait lui appliquer. Ça me semble
effectivement des matières hautement personnelles, et je pense que notre rôle
par rapport à ça, c'est de protéger les parties.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Et puis votre prédécesseur, tout à l'heure, nous a dit relativement aux
audiences virtuelles, le président de l'association des avocats de défense nous
a dit : Écoutez, il faut faire attention, il ne faut pas permettre au
juge, unilatéralement, de pouvoir tenir des audiences virtuelles, ça prendrait
le consentement des parties. Est-ce que vous êtes d'accord avec ses
commentaires ou l'article, tel qu'il est rédigé, ça convient de façon à ce que
le juge puisse ordonner que l'audience va se passer de façon virtuelle?
Mme Kirouack
(Marie Christine) : Écoutez, moi, si on regarde, là... puis on s'est
penchés dessus au niveau de l'association, si on regarde le libellé que vous
avez proposé, là, au deuxième alinéa de l'article 26, O.K., on parle,
effectivement, là, de matière, notamment, de gestion à ce type de chose là.
De toute façon, à
compter du 5 janvier, en matière familiale, et, ne me citez pas, là, soit
le 30 novembre, soit le 1er décembre en matière civile, bien, il y a
une directive de la Cour supérieure qui fait en sorte que, désormais, tout
prend le virage dans tous les dossiers où il n'y a pas témoignage, O.K.? Tout
va se faire virtuellement à cause de la COVID. Je vais vous dire qu'en matière
de gestion d'instance je fais même partie de ceux qui espèrent qu'après la
COVID ça va continuer comme ça. C'est beaucoup plus efficace, beaucoup plus
efficace pour les tribunaux, beaucoup plus efficace pour les parties et les
avocats.
Là
où on a plus de réticences... C'est beaucoup plus difficile, vous comprendrez,
de faire un procès où il y a des témoins, et, à ce jour, je vous dirais
qu'on est tous en train de boiter un peu, là. Comment peut-on contre-interroger
un témoin, O.K., alors qu'on procède par vidéoconférence? C'est un peu plus
compliqué. Il est difficile... parce qu'on a le droit, entre autres, de
contredire un témoin sur la base, n'est-ce pas, de déclarations antérieures ou
de documents qui n'ont pas nécessairement été mis en preuve parce que, tout à
coup, ça ressort. Ça, on n'est pas encore, je vous dirais, très à l'aise par
rapport à cette question-là. Mais il est sûr que, pour tout ce qui relève de
gestion d'ordonnance intérimaire, de preuve par affidavit — bon,
puis je fais mes cheveux blancs, là — de déclaration assermentée,
on est tout à fait en faveur.
M. Jolin-Barrette : Mais, sur le libellé de l'article, sur le fait que le juge pourrait
l'imposer, votre prédécesseur nous
disait : Bien, écoutez, ça devrait être sur le consentement des parties.
Est-ce que vous avez un malaise à ce qu'on laisse ce pouvoir-là aux juges de l'imposer ou vous nous
dites : Bien, il faudrait que ce soit avec le consentement des
parties?
Mme Kirouack
(Marie Christine) : C'est-à-dire que notre position... O.K., on a une
position différente pour ce qui est du mérite et là où il va y avoir des
témoins, O.K., qui rend la chose beaucoup plus difficile et compliquée, y compris l'évaluation, je vous dirais, de la crédibilité d'un témoin, qui se fait beaucoup
plus en personne, mais, pour ce qui est du reste, on n'a pas de
problème. On a comme été les premiers de dire : Prenons le virage, là.
• (16 h 10) •
M.
Jolin-Barrette : O.K. Là, lorsqu'une partie fait défaut de collaborer
au protocole d'instance, là, on apporte une modification à l'article 152. Est-ce
que vous êtes d'accord avec la proposition? Parce que, dans le fond, le Barreau
nous dit : Vous ne devez pas rallonger le délai. Là, nous, on rajoute un
15 jours là-dessus, il me semble. Alors, est-ce que, ça, vous êtes à
l'aise avec cette proposition-là que nous faisons?
Mme Kirouack
(Marie Christine) : Bien, on est très... Non seulement on est à
l'aise, mais, si vous regardez dans notre mémoire, on se réjouit de cette modification-là,
parce que, notamment, ça va faire que, dans les cas de récalcitrants, bon, peut-être qu'il y
a une question de délai, là, mais,
au bout du compte, on va rattraper beaucoup
plus, et ça va être beaucoup plus efficace, effectivement, que le protocole
lui-même, enfin que la proposition de protocole devienne cristallisée comme
étant un protocole sans qu'il soit nécessaire qu'on perde le temps des juges ou
de tout le monde. Alors, oui, on n'a pas de problème avec ça. On trouve ça
constructif.
M.
Jolin-Barrette : O.K., parce qu'hier, quand le Barreau est venu, il
nous a dit : Nous, on est en désaccord avec ça, là. Il dit : Vous
rallongez le tout. Donc, je comprends que vos membres sont à l'aise avec ça.
Mme Kirouack
(Marie Christine) : Oui, parce qu'il y a une contrepartie.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Sur la question, dans le fond, de la séance d'information
en matière familiale avant que le dossier soit instruit, on nous a dit : Écoutez,
vous devriez prévoir exceptionnellement que, même si une partie n'a pas suivi
cette séance d'information là... vous devriez quand même permettre que le
dossier chemine devant la cour. Est-ce que vous êtes à l'aise avec ça ou on
continue comme dans le Code de procédure actuellement puis on dit : Vous
devez absolument avoir suivi la séance d'information?
Mme Kirouack (Marie
Christine) : Je m'excuse, M. le ministre, mais est-ce qu'il y avait
une proposition de modification à cet article-là puis...
M. Jolin-Barrette : C'est un
commentaire que nous avons eu.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
O.K., O.K., O.K., c'est beau. Avec... Si je me souviens bien, on peut fixer le
dossier même si la séance n'a pas été suivie. On ne peut pas être entendu, dit
l'article du code, et là j'y vais de mémoire, mais on peut fixer le dossier.
Ceci étant, je sais de première main qu'il y a des districts où ce n'est pas
l'interprétation, mais le libellé, c'est qu'on ne peut pas être entendu, pas
qu'on ne peut pas être fixé, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
M. Jolin-Barrette : Mais est-ce que,
selon votre expérience, ça arrive, dans certains districts, qu'il y a des gens
qui sont entendus quand même, même s'il n'y a pas eu la séance?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Oui, je pourrais vous envoyer de la jurisprudence, M. le ministre. J'ai écrit
un texte là-dessus il y a deux ou trois ans.
M. Jolin-Barrette : Je comprends.
Donc, le législateur est à rebours, là. Si on fait la modification, c'est pour
venir confirmer la jurisprudence.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
je vous dirais que, oui, effectivement, il y a des... Je vous dirais que... Et
sans citer de cause, là, mais il y a des dossiers qui ont été mis hors délibéré
parce que, tout à coup, le tribunal avait comme réalisé que la séance
d'information n'avait pas eu lieu. Ceci étant, on a toujours une difficulté
avec cette séance d'information sur la coparentalité quand on a, entre autres,
des dossiers transfrontaliers ou transprovinciaux, là. Il devrait y avoir un
pouvoir discrétionnaire de pouvoir permettre effectivement aux parties d'être
exemptées, là, quand ça devient comme difficile.
M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être
une dernière question pour ma part. Ensuite, je vais céder la parole à mes
collègues. Mais, sur les modifications qui vont permettre au tribunal de rendre
certaines décisions sur le vu du dossier uniquement, ça, vous êtes d'accord
avec ça?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Absolument, absolument. D'ailleurs, écoutez, puis c'était un des commentaires,
là... Je veux dire, ça se trouve à être le pendant de ce qui existe déjà, par
exemple, en matière de demande de rejet d'appel en Cour d'appel. Désormais, ce
pouvoir-là, effectivement, existerait en première instance. On n'a aucun
problème. On n'a aucun problème, là. On trouve que ça, là, ça permet
effectivement d'être plus efficace et, si, à sa base même, au vu du dossier, il
n'y a pas de base, bien, que ça soit rejeté et qu'effectivement on passe à
autre chose.
M. Jolin-Barrette : O.K., parce
qu'il y a des groupes qui nous ont invité à retirer la disposition en
disant : Bien, il faut avoir la possibilité, là, d'aller plaider sa
requête.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Pas
toujours, si vous voulez l'opinion de l'association, pas toujours. Et, quant à
nous, on trouve que, si on regarde les dispositions en matière de Cour d'appel,
c'est déjà là. Ça existe déjà et le bât ne blesse pas, là. La Cour d'appel ne
rejettera pas, à sa face même, comprenez-vous, une demande de rejet d'appel
s'il n'y a pas de sérieux, mais, si... Effectivement, si, à sa face même, elle
est irrecevable, soit parce qu'elle n'est pas fondée en droit soit parce qu'il
n'y aucun motif sérieux, effectivement, ça nous semble être dans l'économie du
droit, là.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
C'est les articles 8 et suivants du Code de procédure civile, là, de la
réforme de la 2016.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie, Me Kirouack.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
D'accord.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Chapleau, s'il vous
plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, Me Kirouack. J'aimerais peut-être
faire appel à votre expertise. Bonjour. Donc, vous avez, bon, tout évalué
l'ensemble des modifications au Code de procédure civile. J'aimerais, d'entrée
de jeu, peut-être vous demander : Est-ce qu'il y aurait des ajouts ou des
bonifications que vous apporteriez à cela, là, que vous n'avez pas eu
l'occasion de nous entretenir, mais là, vu qu'on est là, on pourrait le faire?
Mme Kirouack (Marie
Christine) : Je vous remercie de me tendre la perche, parce
qu'effectivement j'avais oublié, et ça,
c'est ma faute. Écoutez, effectivement, l'association... Si on est pour prendre
le virage de faire des modifications
au Code de procédure civile, l'association est d'opinion que l'article 133
devrait être modifié. Et, dans un principe,
effectivement, de l'accès à la justice, l'article 133 du Code de procédure
civile, présentement, prévoit que la notification peut se faire à avocat
par une partie représentée, mais, dans le cas où la notification est par un
moyen technologique, n'est-ce pas, la partie n'est pas représentée, on ne peut
pas le faire, sauf si on obtient la permission du tribunal.
C'est comme deux poids deux mesures, fait en
sorte que, dans certains cas, ou il faut aller passer quelques heures à la cour
pour obtenir la permission ou, effectivement, on est pris pour payer un
huissier, alors que la partie adverse qui
choisit, certaines fois, de façon totalement stratégique... nous inonde de
notifications par voie technologique. L'association est d'opinion que la
règle devrait être la même, effectivement, pour tout le monde. À partir du
moment où la notification technologique est permise, et ce n'est pas un
phénomène nouveau, là, je vous le souligne, la notification par voie
technologique, bien, à ce moment-là, ça devrait être dans tous les cas et que
les parties soient représentées ou qu'elles ne le soient pas.
M. Lévesque
(Chapleau) : O.K. Est-ce qu'il y aurait d'autres éléments ou d'autres
points que vous aimeriez ajouter?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non, je vous dirais que c'était comme la principale, là, qui...
M. Lévesque (Chapleau) : La
principale.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Ça fait quelques années qu'on veut profiter...
M. Lévesque (Chapleau) : Que ça
traîne?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
...oui, qu'on veut pouvoir présenter cette proposition-là.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord, parfait. Bien, merci de nous l'avoir présentée. Maintenant,
j'aimerais peut-être revenir sur les cliniques juridiques. C'est un sujet plus
délicat, là. Vous avez parlé... Vous dites, bon, que ça n'aide pas l'accès à la
justice. J'aimerais ça que vous éclairiez davantage sur ce point-là, parce
qu'il me semble que, s'il y a plus de
personnes qui peuvent accueillir des citoyens puis, voyons, les appuyer de
façon, évidemment, supervisée par
avocats et notaires... il me semble... à mon sens, il y a davantage d'accès à
la justice, peut-être certains justiciables qui n'auraient pas soit les
moyens, ou l'occasion, ou l'opportunité, puis cette voie-là pourrait être
offerte à eux. J'essaie juste de voir, là, ce qui serait possible.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Présentement, là, moi, ce que vois autour de moi, c'est d'abord... Là, il y a
plein d'avocats qui donnent des premières entrevues pour donner des conseils
juridiques pour la chic somme de 25 $. Il y a plein d'avocats,
effectivement, qui font des cliniques où ils donnent des conseils juridiques.
Et nous sommes formés, hein? Nous sommes membres du Barreau. Nous sommes tenus
au secret professionnel. Le principe qu'un accès à la justice va permettre à
quelqu'un qui n'est pas compétent, avec égard, ils sont en train d'apprendre,
et c'est normal, qui donne de mauvais conseils et qui soit pris...
Puis, on se comprend, là, on est jeune, on est à
l'université. Je le vois chez mes étudiants, ils sont pleins, pleins, pleins d'enthousiasme, ce qui est une très
bonne chose. Le danger, c'est que, quand on est plein d'enthousiasme
comme ça, bien, des fois, on risque de dire des choses qui ne sont pas basées
tout à fait ou être pris de court et ne pas avoir le sentiment qu'on peut dire
à quelqu'un : Juste, juste, juste... il va falloir que j'aille revoir...
ou est-ce à dire que la seule façon dont pourrait s'articuler la proposition,
c'est que l'avocat soit assis au moment de la consultation, et auquel cas
qu'est-ce que c'est, ça, si ce n'est pas : Bien, on va aider les étudiants
à pratiquer avant qu'ils rentrent à l'École du Barreau?
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le député
de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Bien, merci beaucoup d'être avec nous, Me Kirouack. Merci
de répondre à nos questions.
J'aimerais me permettre l'outrecuidance... Si
vous avez, et libre à vous, mais je vous invite à le faire, écrit un article relativement
à l'article 417 du Code de procédure civile, n'hésitez pas, le cas
échéant, peut-être, de mettre en annexe, si le coeur vous en dit, des
précédents de la jurisprudence, mais je faisais référence davantage à l'article
que vous dites avoir écrit sur 417, les séances d'information sur la
parentalité, préalables à une audition. Je vous invite, si le coeur vous en
dit, à le communiquer au secrétariat de la commission, et nous aurons
l'occasion de le lire et d'être peut-être plus efficaces comme législateurs à
la lumière de ce que vous aurez soulevé dans cet article-là.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Et
ce que je ferai, c'est que je ferai un extrait, parce que c'était dans le cadre d'un article beaucoup plus fouillé, O.K.,
mais je pourrai vous faire, effectivement, un extrait, parce qu'il y avait une partie qui portait spécifiquement là-dessus.
Je l'enverrai.
• (16 h 20) •
M. Tanguay :
Oui, bien, merci à l'avance. J'aimerais revenir à l'article 26 du Code de
procédure civile, où il y aurait un ajout : «Le tribunal peut utiliser un
tel moyen — on
parle de moyen technologique — ou [...] ordonner qu'il le soit par les
parties, même d'office, notamment — et là on ajouterait — pour
la gestion des instances, pour la tenue des audiences [...] pour la
transmission et [...] réception de documents sur [...] autre support que le
papier;».
J'aimerais vous entendre, vous, praticienne,
tenue d'audience... Ce n'est pas théorique, là. Vous êtes sur le terrain.
Avez-vous déjà pratiqué ou avez-vous déjà été avocate dans une audience où il y
avait des témoins... C'était fait... Probablement, ça, c'était fait, à ce
moment-là, par consentement, mais avez-vous expérimenté ou entendu des
praticiens, praticiennes qui ont expérimenté des problèmes tangibles par
rapport à ça, là? Autrement dit, je vous donne l'occasion de peut-être nous
lever le drapeau jaune par rapport à une libéralisation qui pourrait prendre
une tangente préoccupante.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Écoutez, oui. D'abord, écoutez, comme tout le monde, là, nous avons vécu la
COVID et nous avons encore les deux pieds dedans, mais effectivement, là, si je
vous parle d'avril, mai, juin, là, où, tout à coup, il a fallu prendre, tout le
monde, à peu près, le virage très, très, très rapidement... O.K., là, ça fait
quand même plusieurs mois. On est... Je vous dirais qu'on a commencé à
s'adapter. Et, outre la question, je vous dirais, des restrictions
technologiques, là, parce qu'il y a eu des ratés au début, O.K., je veux dire,
la plateforme s'effondrait, tout à coup, on disparaissait, comme procureurs. On
essayait de rerentrer. Il y a eu des procès qui se sont terminés au téléphone.
Il y a eu des choses intéressantes de cette nature-là, je vous dirais, qui
étaient des ratés technologiques, O.K.?
Par ailleurs, je veux dire, les premières
semaines, j'ai plaidé par téléphone dans des salles alors que le juge mettait sur mains-libres pour qu'on puisse, effectivement, en
matière d'ordonnance intérimaire, où il n'y a pas de témoin et il n'y a
pas de témoignage, parce que ça se fait sur déclaration assermentée... J'ai été
partie aussi à des procès en personne, mais où on avait des témoins par vidéo.
Ce n'est pas l'idéal. Le témoin par vidéo, je vous dirais, ce n'est pas l'idéal. On a des difficultés pour ce qui est
d'interroger. On a des difficultés pour contre-interroger. Et il est
certain...
Et là je ne veux pas qu'on me taxe d'être
antitechnologique ou pas pour le progrès, O.K., mais, vous savez, en matière
d'évaluer non seulement la crédibilité, mais l'honnêteté d'un témoin, ne nous
leurrons pas, là. On peut être devant la caméra de son ordinateur et avoir
quelqu'un qui, sur un tableau blanc, derrière mon écran, est en train d'écrire
les réponses que je devrais donner. Il y a une limite, effectivement, à assurer
la probité d'un témoignage qui se fait par vidéo, et c'est la nature même de la
bête, là, et c'est là, je vous dirais, qu'on a comme plus de réticences.
Mais, par ailleurs, si je regarde le libellé
actuel de l'article, du deuxième alinéa de l'article 26, l'article tel que
libellé actuellement permettait déjà, je vous dirais, au tribunal de rendre
toute une série d'ordonnances de même nature, là, parce que le mot «notamment»
est au deuxième alinéa de l'article 26. Je pense que la modification
proposée vient rajouter au libellé, parce que, tout à coup, on a une énumération,
mais, de facto, je ne suis pas certaine, là, que ça amène une si grande
modification, si ce n'est que, tout à coup, on a une énumération qui peut
servir de suggestion pour ce qui est de trouver d'autres scénarios au niveau du
terme «notamment», là, en droit.
M. Tanguay : Quoique, là, en
le disant, ça veut dire... Là, c'est bar ouvert, là, puis je ne dis pas ça de
façon condescendante ou irrespectueuse. En le disant, ce sera d'autant plus
clair, parce que vous savez mieux que moi qu'il y a certaines dispositions du
Code de procédure civile, dans le temps où je pratiquais en litige commercial,
où on parlait des fameuses défenses orales. Je veux dire, c'était permis, mais
je n'ai jamais fait de défense orale. Les avocats, ils aiment ça écrire puis ils
font des défenses écrites. Je n'ai jamais vu une défense orale, là, tu te lèves
debout puis : Ce matin, M. le juge, je suis prêt à plaider ma défense,
alors je vais essentiellement avoir cinq arguments, premier argument... Non,
non, on veut que la juge ou le juge prenne notre plaidoirie, notre défense, la
lise, et, après ça, on va plaider.
Mais là, en le disant, là, on passe à la
prochaine étape très, très, très clairement. Je trouve ça intéressant.
Voyez-vous, vous donnez un exemple quant à la capacité, pour certaines
personnes, justement, d'orienter leur témoignage. Ça, c'est du vécu. Ça, c'est
du tangible. Je sais que vous ne parlez pas... On ne parle pas au nom de la
magistrature, mais j'imagine aussi que les juges, eux aussi, ils aiment ça voir
la personne qui est devant... qu'ils ont à déterminer... parce qu'avant que...
On lit dans des jugements, parfois, que la cour n'accorde aucune crédibilité au
témoignage de monsieur ou de madame. Bien, le ou la juge devra pouvoir aussi
avoir la même préoccupation de juger puis de regarder, comme on dit, dans le
blanc des yeux aussi, j'imagine.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Il
est certain que je vous dirais que, par rapport à ça, le témoignage par vidéo
est beaucoup plus problématique, là, en termes d'évaluation. Il y a tout... Il
n'y a pas juste ce que le témoin dit, là, il y a le comportement physique, effectivement,
du témoin, il y a le regard du témoin. Quand on évalue, effectivement, la
crédibilité d'un témoin, là, ce n'est pas juste, effectivement, ce que le
témoin va venir dire. Donc, c'est une difficulté qui est liée... y compris,
bien, est-ce que la personne est en train de se faire souffler les réponses aux
questions qui lui sont posées?
M. Tanguay : Et, dans l'article 38,
on a eu une discussion avec la personne qui vous a précédée par rapport au Code
de procédure pénale avec l'article 38. «Lorsque l'intérêt de la justice le
requiert», c'était un élément que l'on retrouverait à l'article 38 du projet
de loi, qui viendrait modifier, dans le Code de procédure pénale, 2.2. On
ajoute le critère : «...lorsque l'intérêt de la justice le requiert». Peut-être
que le ministre pourra me détromper si j'ai tort, mais je ne retrouvais pas ce
critère-là dans 26, Code de procédure civile.
Alors, il y aurait peut-être
lieu, si on décide d'aller dans ce cas-là, bien, d'ajouter des balises, des
critères pour aider justement la cour à statuer, selon des critères objectifs,
sur : O.K., est-ce que, même si d'office je peux l'ordonner, j'ai tenu
compte de ça, ça, ça, et notamment de la complexité d'un dossier, du nombre de
témoins et aussi peut-être du fait que les témoins peuvent être éparpillés, là?
Ça peut être un avantage si les témoins sont éparpillés partout au Québec, par
exemple. Alors, d'ajouter des critères, ça pourrait au moins baliser ça. Je
pense que vous serez d'accord avec cette...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Écoutez,
l'autre difficulté, parce que, oui, j'ai tendance à être d'accord avec vous...
mais l'autre difficulté aussi, c'est que cet article-là... Mettons que, demain,
on prenait le virage, là, et que tout se faisait par vidéo, un, ça tient pour
acquis que tous les justiciables ont accès à Internet, tous les justiciables
ont accès à un ordinateur relativement confidentiel, et on semble oublier qu'on
a un taux d'analphabétisme important au Québec. Alors, il faut faire attention
de penser que tout le monde est capable, effectivement, de lire d'une façon
constructive et d'utiliser des moyens technologiques ou de les avoir à sa
ressource, que ça soit financièrement ou autrement, là. Et là on ne parle pas
des régions qui ont des connexions Internet où là... alors là, particulièrement
difficiles, là, en région éloignée.
M. Tanguay :
Et là, voyez-vous, en vous écoutant, Me Kirouack, vous venez d'allumer une
lumière. Serait-ce possible dans les cas où le procès est à huis clos? Est-ce
qu'on devrait l'exclure? Parce que je n'ai pas de garantie technologique, moi,
que le huis clos va être respecté.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
C'est-à-dire que de ce que je comprends des échanges que j'ai eus, notamment
dans le cadre, c'est quoi, du comité de liaison avec la Cour d'appel, dont je
suis la présidente, il y a possibilité,
effectivement, de tenir par vidéo des auditions qui seraient à huis clos. Donc,
ce n'est pas que tout le monde ne peut pas accéder. On se comprend? Ça
demande, sans aucun doute, une sécurité accrue. Je sais qu'en Ontario, entre autres, pour avoir... le juge a la possibilité
d'éjecter quelqu'un, bon, il doit y avoir un terme plus élégant, là, mais,
tout à coup, faire : O.K., vous venez de sortir, vous vous en allez dans
une salle d'attente, là, je vous éjecte.
M. Tanguay : Bien, je suis
content, parce que notre président cherchait ce moyen-là hier, justement, lors
des auditions, en ce qui me concerne, je vous rassure, mais aujourd'hui ça va
bien.
Alors, Me Kirouack, dernier point avec le
peu de temps qu'il me reste, cliniques juridiques, je vous entends bien. Si d'aventure, cliniques juridiques, la
confidentialité des dossiers, on pouvait la garantir, l'assurance
responsabilité des universités pour protéger le public si, des fois, il y avait
des fautes qui auraient été commises et, je vous dirais, une formation de base
sur les principes déontologiques d'un avocat ou d'une avocate en devenir, si on
était capables, là, d'avoir des garanties très raisonnables de cela, je vous
entends qu'on pourrait élargir puis libéraliser un peu, non?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non.
M. Tanguay : Non?
Mme Kirouack (Marie-Christine) : Par
définition, quelqu'un qui n'a pas fini son baccalauréat, il n'a pas fini son
baccalauréat.
M. Tanguay : Aïe! ça, c'est
mauvais dans un procès, hein?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non, par définition, quelqu'un qui n'a pas fini son baccalauréat, il n'a pas
fini son baccalauréat. C'est une exigence minimale pour pouvoir se présenter,
n'est-ce pas, que ça soit à la Chambre des notaires, que ça soit,
effectivement, au Barreau.
J'avoue que je suis toujours un peu sidérée
qu'on me dise... Avez-vous une idée il y a combien de lois qui s'appliquent
dans un dossier en matière familiale? 40 quelque, facilement. Et là on va dire
à des étudiants de deuxième année : Bien oui, vas-y, vas-y. Ça fait que tu
vas te faire poser la question, par exemple : O.K., écoutez, là, est-ce
qu'on peut partager les régimes de retraite, ça serait-u une bonne idée que je
laisse aller, parce que, tous les deux, on a fait le même salaire toute notre
vie? Oui, bien, attendez, là, c'est parce qu'il faudrait voir la Loi sur les
régimes complémentaires de retraite. Il faudrait voir si c'est un régime à
prestations déterminées, à contribution déterminée.
C'est comme une hydre à 39 têtes. Et là ce
qu'on dit : Bien, l'étudiant, n'est-ce pas, à l'université pourra aller
répondre à cette hydre à 39 têtes. Je suis désolée, là, mais ça prend des
qualifications minimales pour donner des conseils juridiques. C'est la vie des
gens qu'on affecte directement. Notre position n'est pas corporatiste, là.
M. Tanguay : Non, non, je
comprends.
• (16 h 30) •
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Notre position est vraiment, strictement en termes de protection.
M.
Tanguay : Je vous
comprends. Et certains sont venus dire : Donc, sur cette lancée-là, vous
ajoutez deux volets, certains types de dossiers, peut-être, ne s'y
prêtent pas. Certains sont venus dire : Bien, peut-être qu'on ne devrait
pas permettre ça pour tous les dossiers, dont, entre
autres, ceux à haut risque en matière pénale. Et ça amène aussi le volet de
s'assurer qu'il y ait des avocats et avocates d'expérience qui chapeautent, qui
supervisent, qui aident. Ça, c'est deux autres volets, deux autres défis qui sont
devant nous.
Mais, Me Kirouack, je
m'attendais à ce que votre réponse ne soit pas tout simplement non. Ça a dû
vous arriver... Ça m'a fait penser... Vous
savez, quand on est dans un procès, puis que vous pensez que le témoin va vous
dire oui puis ça va aider votre théorie de
la cause, mais qu'il vous dit non, là, il y a comme... vous êtes comme... Vous
m'avez comme tiré le tapis sous les pieds, mais je vous entends très, très
bien, puis vous avez tout à fait raison. On est en faveur, mais, si d'aventure
le législateur va vers ça, il va falloir un encadrement minimum sous ces cinq
chapitres-là, là, entre autres, là. Je vous remercie, Me Kirouack.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine.
Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon :
Oui, bonjour, Me Kirouack. Merci beaucoup. J'ai un gros trois minutes, donc je
vais aller à l'essentiel.
D'abord, pour revenir
à l'article 26 et l'utilisation des moyens technologiques, moi, je pense
que le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Donc, s'il énumère davantage
le type d'instance, en parlant maintenant de gestion des instances et aussi de
tenue des audiences, j'imagine que c'est parce qu'il veut élargir la
possibilité pour le juge d'ordonner d'office la possibilité que ça se fasse de
manière technologique. Donc, je veux vraiment vous entendre concrètement. Est-ce
que vous estimez que, si c'est bien ça, l'intention du législateur, on devrait
exclure les procès, donc, les instances où il y a témoignage de cette possibilité-là
de l'ordonner, pas de le faire, bien sûr, mais que le juge puisse l'ordonner
d'office?
Mme Kirouack
(Marie Christine) : C'est là où on met la frontière à cause de toutes
sortes de... parce qu'à partir du moment où il n'y a pas de témoin, là,
prenons-le, le virage, O.K., et je pense qu'on va tous être plus efficaces. À
partir du moment où il y a des témoins, les enjeux liés à l'évaluation, effectivement,
des témoignages est très, très, très problématique. Et, oui, on a des
difficultés à ce que ça puisse être, je vous dirais, ordonné de façon, là,
contradictoire versus... Si, par exemple, on sait qu'il va y avoir une preuve
de 15 minutes très, très, très simple et qu'il risque de ne pas avoir de
contre-interrogatoire, c'est peut-être une autre question, O.K., puis auquel
cas, de toute façon, tout le monde va dire : Ça va, c'est beau, on va le
faire de cette façon-là.
Pour moi, c'est très différent, effectivement,
s'il est pour avoir des interrogatoires formels, des contre-interrogatoires
formels, y compris... Puis je ne veux pas me répéter, là, mais je vois
difficilement comment je peux, tout à coup, tu sais, là, dire à un
témoin : Bien, minute, là, c'est parce qu'il y a un document ici, là, O.K.,
qui n'a pas été versé au dossier de la cour, parce que je n'ai pas à le verser
au dossier de la cour, parce que, tout à coup, ça sort des déclarations de la
partie, et je ne sais pas comment on fait ça par moyen technologique, là.
Mme
Hivon :
O.K., je vous entends bien. C'est très intéressant d'avoir le concret de votre
position. Je veux revenir aussi sur les cliniques juridiques. Puis vous avez
l'air quelqu'un de très affirmé. Donc, je vais vous poser la question. Si vous
être mal à l'aise, répondez-y pas, mais elle est en deux volets. Comment
expliquez-vous que le Barreau du Québec, qui est là, d'abord et avant tout,
pour la protection du public, se montre favorable, mais que les associations
d'avocats, la majorité soit défavorable? J'essaie de réconcilier ça. Vous
n'être pas obligée de répondre. Vous pouvez passer votre tour. Mais, si vous
avez un début d'explication, ça m'intéresserait. Puis, l'autre élément, vous
dites, vous, que ce n'est pas une mesure d'accessibilité à la justice. Je vous
entends bien. Est-ce que vous avez une proposition qui aiderait à
l'accessibilité à la justice?
Mme Kirouack
(Marie Christine) : Ah oui! Je pense que, oui, spontanément, là, on
pourrait faire une réforme encore plus en profondeur du Code de procédure
civile. Et je ne parlerai pas des autres domaines. Je vais juste parler en
matière du droit de la famille, là. Pourquoi est-ce qu'on a à faire trois,
quatre, cinq, six formulaires de fixation pour pouvoir, alors que... pour
pouvoir fixer... alors qu'on sait qu'on va être entendu six mois plus tard,
puis qu'il n'est plus bon? Pourquoi est-ce qu'on fait encore des attestations
relatives aux naissances, parce que c'est prévu, puis, de ce qu'on comprend, ce
n'est plus envoyé au Directeur de l'état civil? Pourquoi est-ce qu'il y a un
365 jours en matière familiale, alors que, de toute façon, on sait que, si
on n'est pas dans nos délais de 365 jours, on va aller au tribunal et on
va obtenir, de toute façon, une remise? On a une obligation à ce que les
parties tentent de se réconcilier quand on voit que c'est là... Pourquoi il
faut aller devant le tribunal pour faire suspendre?
Il y a eu de bonnes
choses dans les deux dernières réformes du Code de procédure civile, parce qu'à
cause de mes cheveux blancs... c'est la troisième, O.K., mais il y a eu des
choses aussi... Écoutez, le protocole d'instance, si c'est le contrat,
effectivement, des parties, bien, qu'on laisse les parties le gérer, y compris
dans ces délais. Oui, il y a plein de choses, effectivement... Si on arrêtait
de faire en double, en triple et en quadruple des procédures qui ne sont pas
utiles, qui n'avancent pas le dossier, oui, ce serait un gros virage d'accès à
la justice.
Mme
Hivon :
J'imagine que le ministre a pris des notes.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Mme
Hivon : Puis vous
êtes sauvée par la cloche pour l'autre question. Ça fait que merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand) : Oui. Me
Kirouack, on a parlé beaucoup de technologie. Je tiens à vous dire qu'on est
très contents que la technologie ait bien fonctionné cet après-midi, parce
qu'on vous a eue avec nous. Ça a été plus qu'intéressant. Alors, Me Kirouack, encore
une fois, merci beaucoup de votre participation aux travaux de la commission.
Je suspends les
travaux quelques instants. Merci infiniment encore.
(Suspension de la séance à
16 h 36)
(Reprise à 16 h 38)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Alors, il nous fait
plaisir d'accueillir le représentant de l'association des étudiants et
étudiantes en droit de l'Université Laval... également que la représentante de
l'association générale étudiante du droit de l'Université de Sherbrooke. Alors,
bienvenue avec nous. Je ne sais pas si c'est Mme Tévis-Beauchamp ou M. Vachon
qui va aller débuter, mais on a une période...
Vous avez une période de 10 minutes, après ça, une période d'échange avec
les membres de la commission. Alors, bienvenue, et je vous cède la
parole.
Association des étudiantes et
étudiants en droit de l'Université
Laval (AED—Université
Laval) et Association générale
étudiante de droit de l'Université de Sherbrooke (AGED)
(Visioconférence)
Mme
Tévis-Beauchamp (Arianne) : Parfait. Bien, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, je vous salue. Je me présente,
Arianne Tévis-Beauchamp, présidente de l'Association générale étudiante de
droit de l'Université de Sherbrooke, l'AGED.
Donc, durant ces
derniers jours, plus de 14 000 personnes
étudiantes provenant de nos 11 facultés ont appuyé le projet de loi
n° 75. De cet appui de l'AGED ainsi que de la Fédération étudiante de
l'Université de Sherbrooke, la FEUS, émerge la conviction commune qu'il est
grand temps que des mesures telles que mentionnées aux articles 2, 3, 51,
52 et 56 du projet de loi n° 75 prennent place dans notre système de
justice. La communauté étudiante en droit est prête à apporter l'aide
nécessaire pour favoriser le désengorgement du système judiciaire en procurant
des conseils juridiques à des justiciables ayant un besoin de représentation.
• (16 h 40) •
M.
le Président, pourquoi nous fermer les yeux sur cette ressource inestimable et
inexploitée? Les préoccupations d'accès
à la justice sont bien réelles. Les délais... d'un jugement sont excessifs, ce
temps d'attente ayant des conséquences graves,
entraînant notamment des pertes financières, des tensions conflictuelles, de
l'anxiété et voire même des enjeux procéduraux
tels que la perte de preuves. Il est clair pour nous qu'un citoyen mal informé
ne peut se représenter de façon adéquate.
Les éléments qu'il récolte sans avis juridiques ont bien des chances de ne pas
lui apporter l'information pertinente afin qu'il prenne conscience de
ses recours et de ses droits.
Cette réalité
s'applique au service d'aide juridique, qui comporte ses propres lacunes. M. le
Président, quel choix s'offre à un justiciable qui ne coche pas tous les
critères de l'admissibilité de la loi et qui n'a pas les ressources monétaires
suffisantes pour recevoir les services d'une avocate ou d'un avocat? Notre
communauté étudiante est compétente et prête à combler ce vide.
Pourquoi
des conseils ou des avis juridiques peuvent être donnés sans problème dans des
cliniques universitaires par des personnes étudiantes dans d'autres
provinces? Pourquoi le Québec, en comparaison, notamment, avec la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, la
Nouvelle-Écosse et l'Ontario, est la seule province à encore restreindre
sa communauté étudiante à divulguer de l'information juridique pure et dure?
Nos étudiantes et étudiants ont les compétences pour suivre cette mentalité
pancanadienne.
Il faut... M. le
Président, qu'à l'Université de Sherbrooke nos programmes sont particulièrement
axés sur la pratique. Pour diverses raisons, et tous domaines confondus, nous
avons choisi notre université dans l'objectif de recevoir une formation
professionnalisante.
Concrètement, au sein
de la Faculté de droit, ce sont 60,4 % des répondants, à leur dernier
sondage, qui ont mentionné l'approche d'enseignement basée sur la pratique
comme étant sa principale force. Également, il est clair autant pour les
étudiantes et étudiants que pour la faculté que nous devons continuer de miser
sur une approche d'enseignement mixte, avec une prédominance pour la pratique,
afin de conserver notre excellence.
M. le Président, vous
comprendrez qu'il est illogique pour nous qu'un étudiant se trouve dans
l'obligation de refuser des mandats au sein d'une activité clinique touchant de
trop près le conseil juridique même si chacun de ses actes sont supervisés par
une personne d'expérience. Pourquoi est-ce illogique, vous me direz? Parce
qu'alors que cet étudiant se voit restreint dans sa pratique, son confrère
étudiant en comptabilité peut jouer avec des états de compte de plusieurs
millions de dollars et, de l'autre côté, son amie étudiante en médecine commence
déjà à sauver des vies. Vous m'excuserez de me répéter, mais pourquoi nous
fermer les yeux sur cette ressource inestimable et inexploitée que représentent
les personnes étudiantes en droit?
Donc, dans l'objectif
incommensurable de répondre à toutes ces interrogations et préoccupations de la
part de nos membres, l'AGED, appuyée par la FEUS, recommande fortement l'adoption
des articles 2, 3, 51, 52 et 56 du projet de loi n° 75, modifiant ainsi la
Loi sur le Barreau puis la Loi sur le notariat.
Je vous remercie pour votre écoute puis je cède
la parole à mon collègue.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. Vachon.
M. Vachon
(Philippe) : Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM.
députés de l'Assemblée nationale. Je me présente, Philippe Vachon,
président de l'association des étudiants et étudiantes en droit de l'Université
Laval.
Ma collègue a très bien fait la lumière sur les
différents enjeux soulevés par l'état actuel du droit relativement à l'accès à
la justice. Les associations étudiantes de la province en droit civil
s'entendent sur l'apport du projet de loi aux problèmes d'accès à la justice au
Québec. Je profiterai donc de mon temps de tribune pour traiter brièvement de
l'apport du projet de loi n° 75 à la formation
universitaire des étudiants au baccalauréat en droit et pour répondre aux
différentes inquiétudes soulevées lors des consultations d'aujourd'hui et
d'hier.
D'une part, le fait de donner des conseils
juridiques permettra aux étudiants d'apprivoiser le contact client. Le contact
client, ce n'est pas quelque chose qui s'apprend sur les bancs d'école, bien
que ce soit un aspect central du travail de l'avocat ou du notaire.
D'autre part, en se limitant à ne donner que de
l'information juridique, les étudiants en droit passent à côté d'un élément qui
devrait pourtant être essentiel à leur parcours universitaire, soit d'appliquer
le droit directement aux faits, selon les circonstances du cas.
Finalement, il a été soulevé lors des audiences
antérieures que le fait, pour un étudiant, de fournir des informations ou des conseils juridiques peut
comporter certains risques. À cette inquiétude, nous répondons que
l'ouverture du droit de prodiguer des conseils juridiques aux étudiants serait
étroitement surveillée par les avocats et les notaires, qui sont soumis à leurs
obligations déontologiques, ainsi que par la faculté de droit.
La formation
pratique est très populaire pour les étudiants en droit. Lors des années
précédentes, à l'Université Laval, environ 140 étudiants ont
participé à l'une ou l'autre des différentes opportunités de stage ou de formation
pratique offertes par la faculté. À ce nombre s'ajoutent plus de
80 bénévoles au Bureau d'information juridique de l'Université Laval et
près de 50 participants à des projets du Réseau national d'étudiants pro
bono, section Université Laval. Les 80 étudiants bénévoles du Bureau d'information
juridique traitent en partie des cas non seulement de la région de Québec, mais
aussi de l'Abitibi-Témiscamingue, de la Gaspésie, de la Côte-Nord et plusieurs
autres.
Pour toutes ces raisons, nous sommes en faveur
de l'adoption du projet de loi n° 75, plus particulièrement les
articles 2, 3, 51, 52 et 56. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci à vous deux. Nous allons débuter la période
d'échange avec le ministre, s'il vous plaît. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour.
Merci beaucoup pour votre présentation aujourd'hui de la part des associations...
de l'association en droit des étudiants de Sherbrooke, l'AGED, ainsi que de l'Université
Laval.
Je comprends que vous nous invitez à poursuivre
avec les dispositions qu'on a dans le projet de loi. Je ne sais pas si vous
avez entendu les gens, cet après-midi, qui sont intervenus en lien avec le projet
de loi, beaucoup des associations d'avocats, qui nous disent : C'est
vraiment dangereux de confier à des étudiants en droit le fait de donner des conseils et des avis juridiques sous la
supervision d'un membre, là, en règle du Barreau ou d'un membre en règle de la Chambre des notaires. Qu'est-ce
que vous répondez aux arguments que vous avez entendus cet après-midi?
M. Vachon (Philippe) : Je vais
prendre la parole, Arianne, en premier.
Donc, à ce
niveau-là, personnellement, j'ai écouté attentivement hier. Malheureusement, je
n'ai pas pu écouter les dernières consultations. J'ai seulement entendu
les autres représentants des associations étudiantes. Au niveau du danger, bien, il y a déjà des expériences
pratiques, comme je le disais, qui se donnent à l'Université Laval, par exemple la
clinique internationale de droit pénal et humanitaire. C'est sûr que c'est toujours
supervisé par des avocats, et, ça, ils le savent. Puis il y a quand même une
certaine formation, là, en déontologie puis il y a toujours une surveillance étroite. Je pense que, personnellement... Je pense
que... Nous pensons qu'il n'y a pas de risque à ce niveau-là. C'est-à-dire qu'il y en a, mais la
supervision va s'assurer de limiter ce risque-là. Puis, oui, essentiellement,
c'est ça, il y a déjà du travail qui est fait par la faculté sur ce dossier-là.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Tévis-Beauchamp.
Mme Tévis-Beauchamp (Arianne) : Oui,
je pourrais renchérir. Pour ma part, je vais y aller en deux temps pour cette
réponse.
D'une part, je crois que nos étudiants sont
compétents pour donner ce genre de service là aux justiciables. Ils ne sont vraiment pas projetés dans le vide. Comme
je l'ai écrit, là, à la page 6 du mémoire de l'AGED, j'ai mentionné
le fait que ces étudiants, justement, dès la première année, vont avoir deux
cours de recherche documentaire et un cours de communication juridique, qui
revient, en fait, à la rédaction d'un avis juridique, donc, en plus des cours
de droit, bon, qui leur permettent d'acquérir plusieurs connaissances
pratiques, ce qui fait en sorte que, nos étudiants, ils sont prêts à aider la
communauté et ils sont prêts à rédiger des avis juridiques.
Puis,
dans un deuxième temps, ce que j'allais dire aussi, c'est que, les étudiants,
non seulement ils sont compétents, mais ils sont supervisés. En ce
moment, on a la clinique juridique La Clé de vos droits qui, bon, divulgue
seulement de l'information juridique, mais, malgré ça, c'est quand même
supervisé par des professionnels du droit, et des gens reconnus par le Barreau,
et soumis aux mêmes exigences déontologiques, là.
Donc, je ne vois pas de problème de ce côté-là.
Puis, déjà, nos étudiants, étudiantes sont soumis à des obligations de
confidentialité dans les dossiers qu'ils traitent. Donc, de ce côté-là, j'ai
bien entendu les commentaires hier et aujourd'hui, mais je ne vois pas en quoi
les étudiants, étudiantes peuvent jouer un risque dans la protection du public,
là. Je crois que ça reste la priorité dans tous les cas.
M. Jolin-Barrette : La Chambre
des notaires nous invite à modifier un peu le libellé du projet de loi pour
dire que ça ne devrait pas être uniquement une clinique juridique universitaire
au sein de l'établissement, mais qu'on devrait dire : Sous la responsabilité
de l'université, de la clinique juridique universitaire. Donc, ça, ça ouvre la
porte un peu à offrir des cliniques dans le milieu communautaire ou sous la
responsabilité de l'université, mais qui ne sont pas nécessairement intra-muros.
Donc, qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là de la Chambre des
notaires?
M. Vachon (Philippe) :
Évidemment, on est en faveur. Toutes les associations, on s'est consultées à ce
sujet-là. Naturellement, le plus qu'on peut étendre le projet de loi, le plus
que ça va permettre un accès efficace à la justice pour l'ensemble des
justiciables, pas seulement, dans le fond, pour ceux qui sont dans les régions
où se trouvent les universités. J'ajouterais à ça aussi qu'une des façons de
pouvoir assurer ça aussi, ce serait de permettre, finalement, le plus de jeu possible, ouvrir la loi pour permettre,
finalement, un encadrement, plus de flexibilité pour les facultés de droit pour pouvoir mettre sur place
des cliniques qui seront adaptées, finalement, à leur milieu et à leur
réalité.
• (16 h 50) •
Mme Tévis-Beauchamp (Arianne) :
Oui, pour ma part, j'ajouterais que... Je crois que... Le fait qu'on soit en faveur d'un élargissement par rapport à ce
libellé-là... Il ne faut pas oublier... Moi, je les vois comme trois
principes fondamentaux, soit qu'il faut vraiment qu'il y ait de l'encadrement,
de la supervision puis du contrôle dans la mise en place de ces cliniques
juridiques universitaires là.
Donc, je crois que c'est le conseil des doyens
et des doyennes qui avait mentionné de peut-être se lancer, dans un premier
temps, avec un projet de loi qui s'étendrait seulement aux cliniques juridiques
universitaires puis qu'ensuite, si on voit que ça fonctionne bien, ça pourrait
s'étendre aux cliniques communautaires et autres, mais je suis dans la même
lignée de ce côté-là. Je crois qu'on aurait peut-être un premier pas à faire,
voir comment ça se passe dans nos universités, mais c'est certain qu'à un
moment, si on voit que, bon, les justiciables sont réceptifs à ce nouveau projet là, bien, d'élargir ça non
seulement aux cliniques communautaires, mais aussi, pour notre part, peut-être aux activités cliniques qui sont offertes à nos étudiants et étudiantes,
et voire même aux projets pro bono qui permettent déjà aux étudiants et étudiantes de conférer de
l'information juridique aux justiciables. Donc, peut-être qu'on pourrait
aller un petit plus loin, là, en ce sens-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, je
comprends de votre message que vous seriez à l'aise avec la position des doyens
des facultés de droit civil du Québec de dire : Bien, écoutez, la première
étape, c'est le libellé actuel, et donc on va s'organiser dans nos cliniques
juridiques universitaires, et, par la suite, on pourrait réouvrir la loi par la
suite pour, éventuellement, peut-être aller vers le communautaire.
Mme
Tévis-Beauchamp (Arianne) :
Oui, c'est exact, là, je crois... Je suis d'avis qu'on pourrait justement
y aller, dans un premier temps, avec cette façon de faire là puis
ensuite voir à l'élargissement en fonction de ce qu'on remarque dans les
cliniques juridiques universitaires.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Relativement, là, au nombre de crédits nécessaires avant de pouvoir donner des
conseils ou des avis juridiques, il y a certaines associations étudiantes qui
nous ont dit : Bien, écoutez... Des étudiants de première année, je pense,
la présidente de l'association de l'UQAM, nous disait : Dès la première
session, dès la première année, on devrait pouvoir participer à ce genre de
clinique. D'autres nous disaient : Bien, écoutez...
Comme la Chambre des notaires nous disait : Peut-être 45 crédits,
donc, après une année et demie. Exemple, à Sherbrooke, en droit
coopératif, avant de faire son stage, je crois que ça prend trois sessions.
C'est à la quatrième session, le stage coop. Donc, comment vous
entrevoyez ça?
M. Vachon
(Philippe) : À l'Université Laval, ça n'a jamais été une question vraiment soulevée par les
étudiants, le nombre de crédits nécessaires pour participer au stage. Donc, il
faut savoir que, comme je vous ai dit, il y a plusieurs programmes de stages
qui existent déjà, certains même à la magistrature. Dans des organismes
communautaires, dans les organismes
gouvernementaux, c'est toujours 45 crédits qui
est demandé, et, 45 crédits, ça permet de pratiquement finir le tronc commun à l'Université Laval, donc, de
toucher à peu près à la base des grandes familles de droit. Donc,
après trois sessions, 45 crédits, on a une formation, somme toute, on a
entamé son apprentissage dans environ tous les domaines du droit. Puis, à
partir de là, je pense que c'est vraiment un moment qui, pour nous, en tout cas,
à l'AED, à l'Université Laval... de permettre, à partir de 45 crédits...
On voit ça d'un bon oeil, puis c'est ça. Merci beaucoup.
Mme Tévis-Beauchamp (Arianne) : De
notre côté, à Sherbrooke, je ne serais pas prête à mettre un permis fixe sur le
45 crédits pour la simple et bonne raison que, comme je l'ai mentionné un
peu plus tôt, nos étudiants, étudiantes commencent déjà à acquérir des compétences pratiques dès la
première année, soit par l'entremise de cours de recherche documentaire
ou de communication juridique. Je n'irais pas jusqu'à dire que, dès la première
semaine de la première session, les étudiants ont le minimum de bagage nécessaire
pour pouvoir participer à des cliniques juridiques universitaires où on
pourrait conférer des avis juridiques, mais je crois que, dès la deuxième
année, nos étudiants, étudiantes pourraient apporter vraiment des belles
connaissances puis de la belle pratique, là, dans ces cliniques juridiques
universitaires là sans nécessairement mettre de balise de crédits.
M. Jolin-Barrette : Je vous remercie
pour votre présentation d'aujourd'hui. Je crois que j'ai des collègues qui
veulent vous poser des questions, mais un grand merci pour la qualité de vos
interventions.
M.
Bachand : Merci, M.
le ministre. Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup, M. le Président. Mme Tévis-Beauchamp, M. Vachon, bienvenue
à la commission. Vous êtes vraiment dynamiques. On voit votre engagement
éventuel, actuel et éventuel également, et votre sérieux.
Écoutez, je veux juste... Je vais poser la même
question que j'ai posée à vos collègues des universités précédemment. Je vais attirer votre attention sur le titre du projet de
loi, je le relis : Loi visant à
améliorer l'accessibilité et l'efficacité de la justice, notamment pour
répondre à des conséquences de la pandémie. Ma question est bien simple. Bon,
actuellement, dans les cliniques universitaires, ce sont de l'information qui...
c'est de l'information qui se donne. Depuis, justement, le début de la
pandémie, qu'est-ce que vous avez constaté? Est-ce que les justiciables ont des
besoins plus grands, plus importants? Est-ce que le côté... tout le côté
technologique qui est prévu dans le projet de loi, parce que c'est deux choses,
là, est-ce que ça va effectivement aider? Et, par rapport aux besoins, est-ce
que ce projet de loi là répond justement aux attentes?
Mme Tévis-Beauchamp (Arianne) : Je
peux peut-être me lancer. De notre côté, c'est certain que ce que ça permet
avec la pandémie, bien, avec la formule à distance, ça permet d'aller rejoindre
une plus grande communauté puis aller rejoindre plus de justiciables, ça, c'est
certain, surtout qu'on est à Sherbrooke. Puis on l'a mentionné un peu plus tôt
dans les autres auditions avant nous, que, bon, les universités, les facultés
de droit sont placées dans des... On en a un petit peu plus en région, à
Sherbrooke, mais, par exemple, on en a trois à Montréal, on en a une à Québec, et tout ça. Donc, ça ne va pas rejoindre
nécessairement l'ensemble de la population. Je crois que la pandémie, ce
que ça apporte, c'est justement de se soucier davantage de la technologie puis
d'aller chercher des justiciables qui, peut-être, n'auraient pas bénéficié de
ces cliniques juridiques universitaires là, mais qu'ils le peuvent maintenant à
distance, au moyen de la technologie.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup. Je vais laisser la parole à mon collègue.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.
M.
Lévesque (Chapleau) : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bonjour,
Mme Tévis-Beauchamp, M. Vachon. Merci de votre présentation.
Peut-être, d'entrée de jeu, j'aimerais vous entendre, là, sur le fait que les
étudiants puissent fournir des conseils juridiques, en quoi ça pourrait
améliorer la qualité de la formation des étudiants en droit au Québec, si c'est
le cas.
M. Vachon (Philippe) : Je vais me
permettre de répondre à cette question-là. La formation pratique, il faut
savoir que c'est quelque chose qui est nécessaire puis qui est vraiment
populaire, qui est très demandé aussi. Du moins, à l'Université Laval, c'est un
sujet qui est constamment sur la table, et on travaille étroitement avec la
faculté là-dessus. On essaie d'élargir, finalement, les options offertes pour
les étudiants. Comme je vous disais plus tôt, il y a présentement une équipe de
80 bénévoles au Bureau d'information juridique puis une cinquantaine à Pro
bono. Quand on s'implique, on n'a aucun gain, là, avec cette implication-là,
mis à part l'expérience, finalement. Donc, on n'a pas de crédits lors de ces expériences-là.
Présentement, le projet qui est proposé, bien,
ça a été aussi proposé par le Barreau, qui en a discuté plus largement, c'est
que cette formation-là puisse être créditée. Nous, on ne veut pas... On n'exige
pas que cette formation-là soit créditée. C'est sûr qu'on le voit d'un bon
oeil. Mais il faut savoir que le besoin, finalement, le désir de ces
étudiants-là est clair. Chacun a ses raisons personnelles. Tous veulent avoir, finalement...
acquérir de la confiance avant d'entrer sur le marché du travail.
M. Lévesque (Chapleau) : Parfait.
Mme Tévis-Beauchamp?
Mme Tévis-Beauchamp (Arianne) : Oui.
En fait, de notre côté aussi, j'évaluerais à peut-être un ou deux... bien, deux...
un ou deux bénéfices, là, en ce sens-là.
Premièrement, le fait de pouvoir avoir cette expérience-là,
bien, c'est clair que ça permet une meilleure transition des études vers le
Barreau pour nos étudiants, étudiantes. C'est clair que d'avoir eu la chance de
mettre en pratique ces connaissances, ça fait en sorte que, même dans un examen
qui serait plus théorique, on est plus capables d'aller chercher l'information
juridique, surtout que, si je ne me trompe pas, au Barreau, bon, on va plus se
pencher sur des situations, des mises en situation et des
cas pratiques, ce qui nous permet vraiment d'associer la pratique qu'on a faite pendant nos cliniques juridiques universitaires... à passer notre Barreau. Donc, j'irais avec ce premier point
là.
Puis, ensuite, je crois qu'en général le fait
d'avoir cette participation-là puis de pouvoir conférer des avis juridiques et des conseils juridiques, ça permet
d'avoir une formation en droit qui est une formation professionnalisante
complète, non seulement du niveau pratique, du niveau académique. Je crois que
ça permet d'enrichir cette formation-là, mais aussi ça permet d'enrichir le bac
sur la formation citoyenne. Je m'explique, là. En fait, ça permet d'apporter une formation citoyenne parce que nos... En fait, nos futurs juristes vont
être des citoyens plus responsables et empathiques envers leur
communauté en ayant eu la chance de, justement, avoir des contacts clients avec
des personnes qui avaient besoin de représentation pendant leur bac. Peut-être
que c'est la seule fois qu'ils vont avoir cette chance-là.
Donc, je crois que ça a plusieurs avantages, là.
M. Lévesque (Chapleau) : Excellent.
Justement, sur l'expérience citoyenne, là, si on prenait la question un peu de
l'autre côté de la médaille, quels bénéfices il pourrait y avoir pour la
population? Vous avez dit tout à l'heure, là,
que c'est une ressource qui peut être inutilisée ou inexploitée, les étudiants.
Peut-être, vous aimeriez élaborer sur cela?
• (17 heures) •
Mme Tévis-Beauchamp (Arianne) : Oui,
sans problème. Je crois que ça peut bénéficier directement à la population,
parce que, comme... Je crois que ça a été un peu mentionné avant, dans les
autres auditions, mais on a une grande
portion de population qui est un peu prise, puis, comme je l'ai mentionné dans
mon discours, qu'on a un peu un vide à combler, dans le sens où est-ce
que certaines personnes n'auront pas la possibilité d'avoir recours à l'aide juridique, mais non plus le soutien financier pour
pouvoir avoir une consultation avec un avocat, une avocate, un notaire.
Donc, je crois que ça vient combler ce vide-là
parce que ça permet à quelqu'un qui a simplement besoin d'autant d'un petit
conseil avant d'aller en cour, autant quelqu'un qui a besoin d'un suivi sur un
dossier, d'avoir cette opportunité-là d'avoir des conseils juridiques d'un
étudiant, étudiante qui est encadré par un professionnel à faible... bien, en
fait, à faible coût, là.
M. Lévesque (Chapleau) :
M. Vachon.
M. Vachon (Philippe) : Oui, bien, on
parle... Moi personnellement, à l'Université Laval, on n'est pas la plus grosse
faculté, là, de droit, je représente 1 038 étudiants au baccalauréat.
Donc, vous comprenez que, quand vous me demandez quel est l'apport, finalement,
pour les justiciables, bien, si toutes les facultés de droit, par exemple, ont
un bureau ou une clinique juridique qui ouvre, qui permet de donner des
conseils juridiques, bien, c'est une armée, finalement, d'étudiants qui vont
avoir la possibilité de pouvoir donner des conseils juridiques. Puis,
naturellement, ça, par le nombre, c'est un apport clair, là, d'une ressource
pour les justiciables.
M. Lévesque (Chapleau) : Excellent.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a eu certaines réticences qui ont été
émises autant par le Barreau que des associations d'avocats en lien avec la
protection du public. Peut-être vous pourriez me parler rapidement, il ne reste
pas beaucoup de temps, là... mais des mesures mises en place, de la
supervision, des procédures actuelles dans vos cliniques juridiques respectives
et si vous avez des recommandations pour ce que ça devrait être pour la suite.
Merci.
M. Vachon (Philippe) : Bien, tout
d'abord, présentement, à l'Université Laval, je ne peux pas parler au nom de
tout le monde, mais, pour tous les programmes de stages, il y a déjà une
supervision stricte, sévère, minutieuse, finalement, du travail qui est fait
par les étudiants. Donc, c'est déjà le cas. Ça continuera d'être le cas avec le
programme de cliniques juridiques. Le Bureau
d'information juridique est déjà prêt à pouvoir se lancer à la recherche
d'avocats comme ça. À l'Université Laval, on parlait d'une ouverture prochaine,
là, le plus tôt possible, d'une clinique si le projet de loi était adopté.
Donc, ces risques-là, je comprends les points de
l'association... des différentes associations qui ont passé. Naturellement,
c'est quelque chose qui va falloir surveiller, mais je pense que tous les
acteurs, finalement, du milieu sont au courant puis vont mettre... vont continuer,
finalement, à appliquer les mêmes mesures strictes de surveillance qui sont
déjà présentes dans le cadre des autres opportunités de stages.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup,
M. le Président. Bien, à mon tour de vous saluer, Mme Tévis-Beauchamp et
M. Vachon. Merci beaucoup de prendre le temps de venir parler du projet de
loi sous l'aspect cliniques juridiques. J'ai pris, donc, très bonne note des
interventions que vous avez faites précédemment.
J'aimerais revenir sur la supervision. Est-ce
que... parce que, je pense, c'est vous, M. Vachon, qui avez dit...
permettre le contact client. Vous avez utilisé cette notion-là qui parle
beaucoup. Puis c'est vrai que, durant le bac en droit, c'est exclusivement
théorique. On n'a pas de pratique, sauf si, par ailleurs, on veut aller donner
de l'information dans des cliniques qui existent déjà, mais qui n'est pas de
l'ordre des conseils juridiques.
J'aimerais
savoir... Au niveau de la supervision, pouvez-vous étayer, vous, M. Vachon
et Mme Tévis-Beauchamp, sur les options qui pourraient être
acceptables pour vous quant à la supervision par professeurs qui ne seraient
pas praticiens, praticiennes? Est-ce que vous y voyez un
avantage, inconvénient par, exclusivement, donc, professeurs qui ne sont pas
praticiens, praticiennes, par, exclusivement, des praticiens avocats, avocates
qui exercent le droit sur le terrain ou autres? J'aimerais que vous étayiez un
peu, là, votre vision par rapport à ça.
Mme Tévis-Beauchamp (Arianne) : Je
peux me lancer. En fait, je crois que, déjà, actuellement, là, dans notre
clinique juridique, qui est La Clé de vos droits, on a déjà des professionnels
qui sont là, en fait, des praticiens qui sont là pour aider nos étudiants,
étudiantes, puis je crois que ça devrait continuer en ce sens-là aussi. En
fait, je crois que la façon la plus simple que ça peut se faire, c'est que,
justement, il ait une consultation, l'étudiant, avec le justiciable, mais, tout
de suite après la consultation, bien, que le praticien soit informé du dossier
puis puisse justement émettre ses avis puis superviser, encadrer l'étudiant,
l'étudiante dans sa recherche et dans son avis qu'il va devoir constituer.
Donc, je pense que ça se fait déjà très bien, là, dans nos cliniques
juridiques, au niveau de l'information juridique. Donc, je ne verrais pas
pourquoi, là, ça changerait vraiment beaucoup de choses si on y allait avec un
avis juridique qui est plus un conseil juridique.
M. Vachon (Philippe) : Parfait. Pour
ma part, je ne suis très pas sûr d'avoir compris la question, parce qu'au début
on parlait de contact client, puis, ensuite de ça, vous parliez des avocats,
puis des notaires praticiens, puis des professeurs.
Dans le fond, dans la clinique juridique, dans le projet qui serait proposé,
c'est sûr qu'il y aurait probablement les deux. Il y a beaucoup de
professeurs à l'Université Laval. Donc, ça pourrait répondre à une partie de la
demande.
Mais, quand je parlais de contact client, plus
précisément, ce que je voulais dire, c'est qu'il y a une partie de
l'apprentissage, comme par exemple les professeurs, ou comme les docteurs, ou
comme les infirmiers... une partie de cet apprentissage-là se fait au contact
avec le client. On ne peut pas tout dire. On ne peut pas tout dire dans toutes
les circonstances. Puis je pense que le contact qui se ferait avec le
justiciable, finalement, qui serait permis par ce projet de loi là, bien, ça
permettrait à chacun des étudiants en droit de pouvoir faire une partie de son
chemin puis de faire son apprentissage à ce niveau-là.
M. Tanguay : Croyez-vous
qu'il serait à ce moment-là aussi pertinent et important d'ouvrir une
discussion ou une formation minimale en termes de déontologie, le code de
déontologie des avocats et avocates? Parce que, là, on est en contact
directement, justement, contact client. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur
l'à-propos, même la nécessité, d'avoir une formation préalable sur, bien,
écoutez, si c'est au-delà de vos capacités, vous devez le déclarer et conserver
la confidentialité, on a en parlé avec d'autres personnes avant vous, et ainsi
de suite. Donc, déonto, préalablement à cela, ce serait une bonne idée?
M. Vachon (Philippe) : Bien, les...
avec les cliniques juridiques, finalement, ça va être un gros chantier. Nous,
on parle de création d'un nouvel organisme, pas seulement... peut-être pas
seulement l'adaptation du Bureau d'information juridique. Comme je l'ai dit
plus tôt, il y a certaines cliniques juridiques qui existent déjà, qu'il y a
une formation à ce niveau-là. Présentement,
il n'y en a pas dans le parcours obligatoire à l'université. Il y a un cours...
Il y a une possibilité de pouvoir
prendre ce cours-là à l'Université
Laval, mais, en déontologie, ça se
fait plutôt au Barreau.
Ceci dit, si on met sur pied ce projet-là, puis
là, présentement, je m'avance, mais, naturellement, ce sera un projet mis sur
pied par la faculté, oui, il pourrait y avoir une formation, finalement,
offerte aux étudiants avant qu'ils puissent
commencer à prodiguer des opinions juridiques. Puis je pense aussi que les
étudiants... Moi personnellement, en tant qu'étudiant, ce serait
vraiment rassurant de pouvoir avoir cette formation-là. Je ne la trouverais pas
de trop. Je l'accueillerais volontiers.
Mme
Tévis-Beauchamp (Arianne) : J'ajouterais aussi que, nous, dans notre
clinique juridique, en ce moment, déjà, les étudiants, étudiantes, ils
peuvent mentionner s'ils ne sentent pas qu'ils ont les capacités nécessaires
pour remplir un dossier. Donc, déjà, il y a un tri qui est fait, de ce côté-là,
selon les compétences, selon les connaissances de l'étudiant, l'étudiante qui
prend en charge un dossier.
Puis, pour renchérir sur ce que mon collègue
dit, je crois qu'il y a vraiment plein de possibilités qui s'offrent à nous,
là, que ce soit de la création d'un cours à un crédit, qui pourrait être
Initiation à la déontologie. Ça pourrait être une petite formation que la
clinique juridique universitaire elle-même propose aux étudiants, étudiantes
qui vont participer à ces projets. Je crois que ça demande de la créativité,
mais je crois que ça serait très bien accueilli, là, par nos membres.
M. Tanguay : Et, justement,
parlons de l'accueil de vos membres. J'allais précisément là-dessus. Vous
représentez, donc, les étudiants, étudiantes de l'Université de Sherbrooke et
de l'Université Laval. Quel serait le niveau d'engouement? Et, au-delà du fait
que... Je ne vais pas sur l'aspect obligatoire ou optionnel pour obtenir des
crédits, mais sur le principe de dire : Aïe! On va être en contact avec du
vrai monde, comme on dit. Puis on va pouvoir se mettre aussi ce défi-là, parce
que c'est un défi, d'aller s'asseoir dans un local face à un justiciable. Il y
a un stress qui est lié à ça. Comment
pouvez-vous traduire, témoigner de l'intérêt, sur le terrain, des étudiants,
étudiantes à dire : Oui, moi, j'aimerais ça, là? Est-ce que ce serait un
engouement très largement partagé?
M. Vachon
(Philippe) : Oui, bien, comme je le mentionnais plus tôt, il y a
présentement 80 étudiants au Bureau d'information juridique puis cinq pour
les projets pro bono, sans compter les autres projets un peu de la même nature.
Il y a déjà un intérêt, puis, à cet intérêt-là, même pas encore de cours
crédité. Donc, vous comprenez que, si cette formation-là qui...
en plus des cinq cours de droit, pour la plupart, qu'ils ont, qui est une
lourde charge de travail, vous le savez probablement, ils décident de
s'investir dans un tel projet, si, en plus, il y avait des crédits, finalement, je pense qu'il y aurait encore plus de
demande de la part des étudiants. Ceci dit, je ne veux pas qu'on
interprète mes paroles actuellement comme étant en faveur qu'une participation
à ces cliniques juridiques là se fasse... dans le fond, qu'il y ait comme
conséquence trois crédits, là. Notre but, c'est ça, c'est que ce soit le plus
ouvert possible. Ceci dit, s'il y avait possibilité de créditer cette
participation-là, je pense que la participation serait vraiment élevée.
• (17 h 10) •
Mme
Tévis-Beauchamp (Arianne) : Pour nous aussi, là, je crois que
l'engouement serait vraiment partagé chez nos membres, parce que, déjà, on le
voit, là, on est réputés aussi pour notre baccalauréat avec des stages coops à
l'Université de Sherbrooke. C'est quelque chose qui vient rejoindre beaucoup, beaucoup
d'étudiants, étudiantes. Déjà, aussi, pour le baccalauréat, qui est le
cheminement général qu'on l'appelle, on a aussi plusieurs activités cliniques
qui viennent s'intégrer dans le parcours universitaire. Puis on en demande toujours
plus à chaque année parce que les étudiants,
étudiantes aiment participer à des activités pratiques qui leur permettent
vraiment d'être formés pour le Barreau puis pour leur pratique future.
Je crois vraiment qu'une grande portion de notre population étudiante embarquerait
dans le projet puis, vraiment, voudrait avoir ce contact-là directement avec le
justiciable pour pouvoir... Ça a un impact direct sur leur pratique future, en
fait.
M. Tanguay :
Tout à fait. Puis, je veux dire, c'est valorisant aussi, hein? Je veux dire,
c'est valorisant. C'est pour ça qu'on étudie
le droit, puis on veut donner la meilleure réponse possible, puis on ne compte
pas nos heures, puis c'est très, très
valorisant. Il faut être passionné du droit, hein? Je veux dire, il faut
travailler très, très fort pour y arriver et s'y maintenir.
Dernier élément, et
puis je pense aussi que cet enthousiasme-là pourrait être, le cas échéant,
partagé sur un horaire qui serait au-delà du calendrier scolaire, pourrait peut-être
même permettre des cliniques l'été et pourrait permettre également une
couverture, je dirais, un peu plus régionale, si d'aventure on pouvait avoir
des moyens technologiques pour recevoir des cas et donner des opinions
juridiques à distance. Donc, j'imagine, sous ces deux vocables-là, aussi, il y
aurait une ouverture. Je ferais copier-coller de votre enthousiasme à cette
ouverture-là, n'est-ce pas?
Mme
Tévis-Beauchamp (Arianne) : Oui, exactement.
M. Tanguay :
D'accord. Bien, merci beaucoup à vous deux, Mme Tévis-Beauchamp et
M. Vachon. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Mme la
députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon :
Bonjour. Merci beaucoup à vous deux pour votre présentation.
Je voulais bien
comprendre votre raisonnement quand vous dites qu'on devrait commencer en
limitant les consultations, donc, les avis juridiques, cette nouvelle ouverture
aux cliniques universitaires, et pas tout de suite aux cliniques
communautaires. Vous avez des collègues de d'autres universités qui avaient un
point de vue différent. Je veux juste, évidemment, porter à votre attention
qu'on ne change pas la loi à toutes les années. Donc, moi, je suis plutôt
d'avis qu'on devrait ouvrir parce que je ne pense pas que, même si on se rend
compte que c'est très concluant, le ministre, dans six mois, va dire : Ah!
on redépose un projet de loi, avec tout ce que ça implique quand on veut faire cheminer un projet de loi. Donc, je voulais
juste comprendre vos réticences Pourquoi vous n'êtes pas favorables,
contrairement à d'autres de vos collègues?
Mme
Tévis-Beauchamp (Arianne) : En fait, pour ma part, ce n'est pas
nécessairement une réticence, c'est tout simplement que j'y allais d'un point
de vue où est-ce qu'on disait que peut-être que, justement, il allait y avoir
un suivi qui allait être fait, peut-être, dans un court laps de temps, comme
l'an prochain, qui pourrait permettre d'élargir encore plus le projet de loi.
Si on nous dit que c'est vraiment quelque chose qui va... qui est pour durer,
c'est clair que je penche... de votre avis qu'il faut qu'à un certain point ce
soit élargi aux cliniques communautaires, aux activités cliniques, comme je
l'avais dit, ou peut-être même pro bono, parce que c'est bien beau de le faire
de façon universitaire, mais je crois que, si, vraiment, on veut régler le
problème d'accès à la justice qui se développe en ce moment, il faut y aller à
plus grande échelle, là, puis ce ne sera pas seulement avec les cliniques
juridiques universitaires qu'on va régler le problème. J'y allais plus dans l'optique
où est-ce que je me disais que, si, vraiment, on veut y aller puis mettre
quelque chose qui fonctionne bien, avoir des bonnes bases, construites solides,
bien, qu'ensuite on pourrait ajouter par-dessus ça.
Mme
Hivon :
Je comprends bien puis j'étais curieuse de savoir... parce qu'hier il y a
l'avocat des avocats de province... nous a dit : Bien, attention, vous
savez, des cliniques juridiques universitaires, évidemment, il n'y en a pas
partout. Donc, j'étais curieuse de savoir... Tantôt, vous y avez fait
référence, ou votre collègue, à savoir que vous avez des demandes qui
proviennent d'autres régions. J'étais curieuse de savoir si vous pouviez nous
donner à peu près un aperçu de la part des consultations que vous faites qui
proviendraient d'autres régions. Ça n'a pas besoin d'être scientifique, là,
mais une espèce d'aperçu. C'est-tu 15 %, 10 %, 20 %?
M. Vachon
(Philippe) : J'aurais aimé pouvoir vous répondre, Mme la députée.
Mme
Hivon : Ah!
répondez-moi sur l'autre point, O.K.
M. Vachon (Philippe) :
Sur l'autre point, bien, c'était sur le...
Mme
Hivon : Ah non!
C'est correct, allez-y.
M. Vachon (Philippe) : O.K.,
parfait. Bon, bien, je n'ai pas de données scientifiques, comme vous avez dit.
Je sais que c'est quelque chose de nouveau à l'Université Laval, que le Bureau
d'information juridique, avec son nouveau directeur, Jordan Mayer, qui a mis de
l'avant... Il a voulu profiter, finalement, de la situation pandémique pour
étendre l'aire, finalement, où est-ce qu'on peut offrir des services
d'information juridique. Donc, je suis désolé, je sais que c'est nouveau puis
je n'ai pas l'information précisément, mais sachez que ça a été mis sur pied
pas de façon temporaire, là, c'est... Évidemment, on vise de pouvoir étendre à
l'avenir encore plus, au niveau territorial, l'offre de services juridiques.
Mme
Hivon : O.K.,
parfait.
Mme Tévis-Beauchamp (Arianne) : ...à
ce que mon collègue vient de dire. Puis, pour notre part, il n'y a pas de
restriction, là. Quand on regarde sur le site de la clinique juridique, il n'y
a pas de restriction quant à quelles personnes sont admissibles ou non à nos
services juridiques. Donc, je crois qu'on est capables d'aller chercher
plusieurs personnes de différentes régions grâce à ça, mais je ne peux pas vous
sortir un chiffre exact.
Mme
Hivon : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, à mon tour de vous remercier d'avoir
participé aux travaux de la commission. C'est très, très, très apprécié. Et
puis je vous souhaite un super après-midi puis à très bientôt.
Mémoires déposés
Sur ce, je
dépose les mémoires d'organismes qui n'ont pas été entendus, soit l'association d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec,
les Cliniques juridiques communautaires et le Jeune Barreau de Montréal.
La commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 15)