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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, November 24, 2020 - Vol. 45 N° 103

Special consultations and public hearings on Bill 75, An Act to improve justice accessibility and efficiency, in particular to address consequences of the COVID-19 pandemic


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Simon Jolin-Barrette

M. Marc Tanguay

Mme Véronique Hivon

Auditions

Barreau du Québec

Chambre des notaires du Québec

Conseil des doyens et doyennes des facultés de droit du Québec

Association professionnelle des avocates et avocats du Québec (APAAQ)

Association des avocats et avocates de province (AAP)

Autres intervenants

M. André Bachand, président

M. Mathieu Lévesque

Mme Lucie Lecours

*          M. Paul-Matthieu Grondin, Barreau du Québec

*          Mme Sylvie Champagne, idem

*          M. Raphaël Amabili-Rivet, CNQ

*          Mme Hélène Potvin, idem

*          Mme France Houle, Conseil des doyens et doyennes des facultés de droit du Québec

*          Mme Anne-Marie Laflamme, idem

*          Mme Catia Larose, APAAQ

*          Mme Stéphanie Côté, AAP

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin, tout le monde. Content de vous retrouver.

Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte.

La commission est réunie afin de procéder aux auditions publiques dans le cadre des consultations particulières du projet de loi n° 75, Loi visant à améliorer l'accessibilité et l'efficacité de la justice, notamment pour répondre à des conséquences de la pandémie de la COVID-19.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Fontecilla (Laurier-Dorion) sera remplacé par M. Nadeau-Dubois (Gouin) et M. LeBel (Rimouski), par Mme Hivon (Joliette).

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a des droits de vote par procuration?

La Secrétaire : Oui. M. Lévesque (Chapleau) pourra voter pour Mme Lachance (Bellechasse), Mme Lavallée (Repentigny), et M. Lamothe (Ungava); et M. Tanguay (LaFontaine) pourra voter pour Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires puis nous entendrons les représentants du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires du Québec.

Donc, pour les remarques préliminaires, j'inviterais le ministre de la Justice pour un maximum de 5 min 34 s. M. le ministre, bienvenue.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, M. le Président. Un plaisir de vous retrouver, M. le Président. Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus en commission parlementaire.

M. le Président, je tiens à saluer et à remercier les fonctionnaires du ministère de la Justice du Québec qui sont présents : Me Yan Paquette, sous-ministre associé et sous-procureur général adjoint du sous-ministériat aux affaires juridiques; Me Élise Labrecque, du sous-ministériat aux affaires juridiques; et Me Vincent-W. Roy, avocat à la Direction du soutien aux orientations des affaires législatives et de la refonte, du sous-ministériat aux affaires juridiques.

Également, M. le Président, vous me permettrez de souligner la présence de M. le député de Chapleau et de Mme la députée des Plaines, qui nous accompagnent aujourd'hui. Salutations également aux collègues, le député de LaFontaine, ainsi que la députée de Joliette qui sont présents, ainsi que nos salutations à Mme la secrétaire.

Alors, M. le Président, je souhaite la bienvenue à ces consultations particulières concernant le projet de loi n° 75 visant à améliorer l'accessibilité et l'efficacité de la justice, notamment pour répondre à des conséquences de la pandémie de la COVID-19.

Alors, je remercie, d'entrée de jeu, les participants d'être présents parmi nous aujourd'hui. La collaboration de ceux-ci est très utile et sera grandement appréciée. Nous sommes reconnaissants que les différents groupes prennent part à ce processus et nous avons hâte de vous entendre. En vous écoutant, nous serons mieux positionnés pour bonifier le projet de loi. Vous contribuerez ainsi à votre façon à ce que le projet de loi atteigne son objectif, qui est de faciliter l'accès à la justice à la population québécoise, et ce, malgré le contexte de la pandémie mondiale que nous vivons actuellement.

Comme vous le savez, les derniers mois ont été difficiles pour la plupart des Québécoises et des Québécois avec les enjeux et les conséquences liés à l'urgence sanitaire, mais, comme le monde continue de fonctionner et que la justice ne fait pas exception, nous nous sommes adaptés en quatrième vitesse à ces bouleversements majeurs. Nous étions déjà au travail pour rendre la justice plus accessible dans un système qui était sous pression depuis un certain temps, mais la pandémie a précipité les choses.

Je tiens d'ailleurs à remercier tous les acteurs du système de justice qui ont collaboré, depuis les derniers mois, à faire en sorte de pouvoir s'adapter, et particulièrement les équipes du ministère de la Justice, sur le plan informatique, qui ont permis de créer des salles d'audience virtuelles ou semi-virtuelles, qui ont vraiment travaillé d'arrache-pied au cours des derniers mois pour faire en sorte que les parlements... que les palais de justice puissent continuer de fonctionner.

Dans le contexte, le projet de loi n° 75 propose des moyens pour que les citoyens et citoyennes continuent d'avoir accès au système de justice tout en respectant les consignes de la Santé publique. En effet, au début de la pandémie, des solutions innovantes ont été mises en place pour permettre de maintenir les services judiciaires. Ce projet de loi vise à assurer la pérennité de ces nouvelles solutions puisqu'elles ont fait leurs preuves depuis le mois de mars dernier.

Concrètement, nous proposons de favoriser et d'encadrer le recours à des moyens technologiques pour éviter aux citoyens et aux citoyennes de se déplacer au palais de justice lorsque cela n'est pas nécessaire. La simplification des processus et le recours à l'écrit sont aussi privilégiés, encore une fois pour réduire les déplacements au palais de justice. Par exemple, nous proposons de ne plus exiger des déclarations sous serment pour l'exemption des jurés et le paiement de certains témoins.

L'un des éléments majeurs du projet de loi n° 75 concerne les services offerts dans les cliniques juridiques universitaires. Dorénavant, les étudiants en droit seront autorisés à offrir non seulement de l'information juridique vulgarisée, mais aussi des conseils et des avis juridiques. Ces services seront offerts gratuitement ou à très faible coût, répondant ainsi au besoin de la population pour de tels services. Cette mesure permettra d'outiller les citoyennes et les citoyens face à leurs droits, améliorant considérablement l'accessibilité et l'efficacité du système de justice. Il s'agit d'un point central du projet de loi qui constituera une avancée significative pour l'accès à la justice au bénéfice des citoyens.

Également, la réduction des délais de traitement des dossiers judiciaires est aussi au coeur de ce projet de loi, entre autres, pour la communication de la preuve au soutien des actes de procédure en matière civile. Plusieurs mesures visent également à assurer une communication efficace entre les différentes parties aux étapes clés des procédures judiciaires. En matière civile et en matière pénale, nos propositions visent entre autres à clarifier et à préciser certaines mesures, répondant ainsi à des problèmes concrets et trop fréquents vécus dans le système de justice.

En terminant, M. le Président, avec ce projet de loi, nous voulons répondre efficacement et rapidement à un besoin qui était déjà bien présent avant la crise sanitaire, la nécessité des mesures pour améliorer l'accès à la justice s'est accentuée avec la pandémie et surtout requiert une adaptation permanente et pérenne du système de justice à cette nouvelle réalité. Les mesures proposées dans le projet n° 75 visent donc à modifier de façon permanente l'efficacité et l'accessibilité de la justice. Elles font consensus parmi les partenaires du système de justice, ce qui est un bon indicateur de leur pertinence.

Je tiens d'ailleurs à remercier les membres de la Table Justice-Québec, dont le projet de loi est le fruit des discussions qui ont eu cours et d'un consensus à la Table Justice-Québec. Et je suis persuadé de pouvoir compter sur la collaboration des oppositions afin de procéder rapidement à l'adoption de ce projet de loi qui permettra au système de justice et aux acteurs du système de justice de faire en sorte de le rendre plus accessible, plus efficace, et ce, au bénéfice de tous les justiciables.

Alors, je tiens, encore une fois, M. le Président, à remercier tous les participants des consultations particulières que nous entendrons lors des deux prochains jours et à remercier les collègues pour leur collaboration dans le présent dossier. Merci, M. le Président.

• (10 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de LaFontaine, pour 3 min 43 s.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, permettez-moi de vous saluer à mon tour, saluer le ministre, saluer les collègues de la banquette ministérielle, la collègue de la deuxième opposition et, évidemment, les gens qui entourent le ministre.

M. le Président, vous allez me permettre, dans mon 3 minutes 40 quelques secondes, de, d'abord, faire un point sur nos travaux parlementaires. Depuis les 13 et 16 novembre dernier, le ministre sait que deux groupes se sont désistés. Depuis cette date-là, nous savons que ce soir nous aurions eu l'opportunité d'entendre deux autres groupes, donc de combler les deux plages horaires laissées libres. On est là pour travailler, et ça adonne, M. le Président, qu'il y a deux groupes qui ont levé la main puis qui ont dit : On aimerait ça être entendus, nous autres, dans le projet de loi n° 75. Il y a Juripop et le conseil du droit en environnement.

Il aurait été bien avisé pour le ministre de permettre que ces deux groupes soient entendus ce soir, de leur permettre de venir donner leur opinion. On pourrait m'opposer : Bien, ils ont juste à faire un écrit, à déposer un mémoire ou une lettre complète. Mais ce n'est pas comme avoir une discussion, comme on aura tantôt avec les représentants du Barreau, un échange, des questions précises et des réponses précises. Alors, ça, M. le Président, en respect des droits et privilèges de tous les parlementaires, je me tenais de le souligner, je le déplore.

Le ministre dit, il veut voir le projet de loi adopté rapidement. M. le Président, pour nous, rapidement ne sera jamais une raison pour diminuer la rigueur et une analyse complète d'un projet de loi qui se veut important, parce que, s'il ne l'était pas, le ministre, évidemment, ne l'aurait pas présenté.

Alors, ceci étant dit, M. le Président, on voit ça souvent dans la législation, sous la 42e, sous la CAQ, on veut aller bien, bien, bien vite. On convoque des gens avec des délais trop courts. Les gens, bien souvent, se désistent parce qu'ils n'ont pas le temps d'écrire un mémoire digne, à leurs yeux, de ce nom. Et, dans un deuxième temps, les plages laissées... horaires ne sont pas comblées par ceux qui ont déjà levé la main depuis une semaine. Alors, ça, M. le Président, je le déplore.

Ceci étant dit, M. le Président, sur le fond des choses, comme vous nous connaissez, on aura l'occasion de faire le débat. On aura l'occasion de questionner le ministre, et rapidement, pour nous, ne se fera jamais au prix de la rigueur et de la justification.

Dans le projet de loi, il est dit : notamment, pour répondre à des conséquences de la pandémie de COVID. Évidemment, vous l'aurez constaté à la lecture du projet de loi, la COVID a le dos large. Je vais vous donner... Écoutez, je pourrais vous en donner plusieurs, je vais donner six exemples.

On veut, entre autres, changer le Code de procédure civile afin de permettre à un juge de rejeter d'office une demande prescrite en matière de recouvrement des Petites Créances. Autre élément, on veut faire en sorte que les personnes qui participent à des programmes d'adaptabilité puissent être couvertes par la CNESST. Troisième exemple, les étudiants, le ministre en a parlé, pourraient donner des conseils juridiques dans un contexte particulier. Quatrièmement, on change le Code de procédure pénale pour ne pas qu'un juge ou un tribunal perde sa compétence dans des cas bien précis. Cinquième exemple, on veut permettre... revisiter le partage du produit de la criminalité. Et, sixième exemple, on veut faire en sorte d'aller modifier la Loi sur le paiement de certains témoins.

Alors, oui, c'est un projet de loi, ce n'est pas un omnibus, c'est un minibus, M. le Président, mais un minibus à quand même plus d'un siège. Il y a plusieurs chapitres. On va prendre le temps qu'il faut, avec rigueur, dont nous sommes capables de faire preuve, M. le Président. Mais ce n'est pas vrai qu'on va passer ça à vitesse grand V, parce que nous ne serions pas dignes de notre mandat, si nous le faisions autrement. Mais, ceci dit, bonne journée, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de LaFontaine. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît, pour 56 secondes.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Oui, merci, M. le Président. Donc, ce sera très rapide, saluer tous les collègues, le ministre et toute son équipe, vous dire qu'il y a des choses intéressantes en matière d'accès à la justice dans ce projet de loi et qu'on va regarder.

Effectivement, je ne suis pas certaine que le projet de loi porte son bon nom, puisqu'il est loin de concerner uniquement la COVID, donc on pourrait y revenir.

Mais je suis surprise aussi que le ministre n'ait pas accepté d'entendre des groupes qui sont pourtant très importants pour les questions d'accessibilité à la justice, en l'occurrence, Juripop et le conseil du droit en environnement qui se rendaient disponibles. On a des plages disponibles. Donc, c'est quelque chose qui est regrettable quand on veut aller au fond des choses, d'autant plus qu'il y a un enjeu important qui est soulevé, puis on l'a vu parce que certains groupes nous ont envoyé une lettre, qui est celui de pourquoi restreindre la question des avis juridiques aux étudiants qui oeuvrent dans des cliniques juridiques universitaires et non pas à ceux qui oeuvrent aussi dans des cliniques juridiques communautaires, qui ont la même fonction de favoriser l'accès à la justice. Et on aurait pu avoir un échange très intéressant, notamment sur cet enjeu-là, avec ces groupes-là.

Donc, il n'est pas trop tard, on pourrait les entendre par visioconférence ce soir. Donc, je demande au ministre de reconsidérer sa décision. Et, sur ce, bien, je nous souhaite les échanges les plus ouverts et productifs possibles, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée de Joliette.

Auditions

Nous allons maintenant souhaiter la bienvenue officiellement aux représentants du Barreau du Québec.

Je vous rappelle, vous avez 10 minutes de présentation, et, par après, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite d'abord à vous présenter et à débuter votre présentation. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin.

Barreau du Québec

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Alors, bien sûr, M. le ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, je suis Paul-Matthieu Grondin, bâtonnier du Québec. Et je suis accompagné de Me Sylvie Champagne, qui est secrétaire de l'ordre et directrice du secrétariat de l'ordre et des affaires juridiques au Barreau du Québec. Je vous remercie, évidemment, de votre invitation à la consultation.

Ayant pour mission principale la protection du public, le Barreau du Québec a analysé l'ensemble du p.l. n° 75 en tenant compte, bien sûr, le respect rigoureux de cette mission.

Le projet de loi propose que les étudiants en droit puissent donner des consultations et des avis d'ordre juridique dans une clinique juridique universitaire ou dans une clinique juridique d'une école de formation professionnelle. Règle générale, les citoyens, en sollicitant des avis juridiques, prennent des décisions lourdes de conséquences personnelles et financières, lesquelles peuvent affecter directement leurs droits, obligations et libertés. C'est pour ces raisons que leur exercice est strictement encadré par le Code des professions et par la Loi sur le Barreau, et qu'il est surveillé par l'Office des professions et le Barreau du Québec.

De prime abord, sachez que le Barreau du Québec est d'avis que l'apprentissage expérientiel constitue une méthode pertinente pour la formation des futurs avocats. Cet apprentissage peut être vu à travers un continuum permettant d'acquérir l'ensemble des compétences requises, le tout dans un souci de protection du public. Parmi les compétences à acquérir, notons, par exemple, les fondements du droit, les lois et les règlements, mais aussi les règles de conflit d'intérêts, d'assurance-responsabilité, de secret professionnel et de tenue de dossier.

Au niveau des cliniques juridiques universitaires, le Barreau pourra déterminer des normes applicables aux étudiants et à leur supervision. Nous avons l'intention de jouer pleinement ce rôle en collaboration, bien sûr, avec toutes les parties prenantes dont, notamment, les universités.

Dans cet esprit et afin de faciliter cette collaboration, nous demanderons trois modifications techniques au projet de loi. En premier, il y aurait lieu de clarifier la portée du paragraphe 2° de l'article 128.1 de la Loi sur le Barreau. La rédaction actuelle pourrait donner lieu à plusieurs interprétations et scénarios sur ce qu'est exactement une clinique juridique universitaire, lesquels ne sont probablement pas tous de l'intention du législateur. Nous sommes d'avis que seules les cliniques juridiques universitaires créées par la faculté de droit dans le cadre d'un cours et donnant ouverture à des crédits devraient être autorisées. Ce point est développé davantage dans notre mémoire.

Comme deuxième modification technique et afin de ne pas inutilement alourdir le processus réglementaire, nous estimons que le Barreau du Québec et les universités pourraient collaborer ensemble afin de rendre les cliniques juridiques adéquates et garantissant le respect des exigences de l'exercice. Ainsi, il nous faudrait établir, par le biais d'un protocole, le cadre général applicable aux opérations des cliniques. Nous demandons donc de prévoir cette obligation à l'article 128.1.

La troisième modification que nous demandons ne touche pas des cliniques universitaires, mais plutôt la clinique juridique à la formation professionnelle, aussi connue sous le nom de l'École du Barreau. En effet, le Barreau du Québec a récemment entériné un important projet de réforme de cette école, projet de réforme qui a fait l'objet de discussions poussées depuis des mois avec l'Office des professions. Cette réforme vise à permettre au Barreau de mettre sur pied une clinique juridique. Les 1 400 étudiants que nous recevons chaque année auraient à passer 16 semaines dans une clinique juridique de l'École du Barreau, ce qui en ferait deux premières : a, de créer le premier programme avec un cursus obligatoire de clinique et, b, de créer une clinique unique en son genre en termes de taille, en matière de supervision et d'encadrement.

En effet, une fois inscrits à l'école et ayant reçu, par exemple, leur formation en matière de déontologie, les étudiants ont certainement acquis un bagage de connaissances et de compétences supérieures leur permettant, sous supervision étroite, de poser certains actes réservés, tels que la consultation et l'avis d'ordre juridique, la rédaction et la préparation de conventions.

Nous entendons aller de l'avant avec ce programme par projet pilote en 2022, ce qui permettra à nos étudiants une meilleure préparation à la pratique, le tout, bien sûr, de concert avec l'Office des professions.

Pour que ce projet pilote puisse avoir lieu, une modification à la Loi sur le Barreau est nécessaire afin de modifier également l'article 15.2 pour y prévoir leur mise en oeuvre, la mise en oeuvre des projets pilotes, ce qui nous permettrait de mener, pendant une année de transition, deux programmes de façon concurrente.

La plupart... et dans un tout autre registre, permettez-moi de vous entretenir ici des modifications proposées au Code de procédure civile. Et, en toute fin, je vous parlerai d'une modification au Code de procédure pénale.

La plupart des mesures du projet de loi n° 75 ont fait l'objet de consultations au sein de la Table Justice-Québec. Nous savions le travail de tous les intervenants à la Table Justice-Québec, qu'ils soient du monde politique ou du monde du fonctionnariat. Nous avons soumis certains commentaires visant les articles 8, 9, 16, 25 du projet de loi dans notre mémoire, et nous proposons ici deux ajouts qui sont les suivants. Le premier est une modification à l'article 166 du Code de procédure civile afin qu'il ne soit pas requis de déposer un protocole de l'instance dans le cas où un moyen préliminaire, susceptible de mettre fin au litige, à titre d'exemple, un moyen d'irrecevabilité, serait soulevé à l'intérieur du délai de dépôt d'un protocole de l'instance.

Le deuxième ajout est une modification à l'article 117 du Code de procédure civile concernant la séance d'information obligatoire sur la parentalité et la médiation. Le Barreau est d'avis que le tribunal devrait pouvoir, de manière exceptionnelle, envisager la possibilité d'instruire l'affaire sans que les parties n'aient participé, ensemble ou séparément, à une telle séance d'information en leur ordonnant toutefois d'y participer dans un délai raisonnable qui suive le prononcé de l'ordonnance. Un tel pouvoir permettrait d'assurer la saine gestion de l'instance et son bon déroulement.

• (10 h 20) •

Finalement, un dernier commentaire quant à l'article 2.2 du Code de procédure pénale permettant au tribunal d'utiliser un moyen technologique approprié sans le consentement des parties. À cet égard, il faut tenir compte du fait que la plupart des défendeurs en matière pénale se représentent seuls. Aussi, cela implique l'obligation pour les justiciables non représentés d'être en mesure de connaître, comprendre et d'avoir à leur disposition et de pouvoir utiliser les moyens technologiques utilisés par le juge... exigés, pardon, par le juge. Nous comprenons que vous pourrez avoir l'éclairage de certains criminalistes et pénalistes demain quant à cet article.

Voilà qui fait le tour des principaux enjeux que le Barreau du Québec voulait aborder avec vous quant au projet de loi n° 75. Nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions. Et je me permets aussi un petit mot pour tous les fonctionnaires du ministère de la Justice avec lesquels nous avons eu le plaisir de travailler dans les derniers mois. C'est important de souligner leur travail, parfois dans l'ombre, mais nous avions d'excellentes relations avec eux en général et nous félicitons tous les intervenants du milieu de la justice qui ont eu à travailler fort pendant la pandémie, ce qui inclut évidemment les avocats aussi. Merci à tous.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Grondin. M. le ministre, pour 17 minutes.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, Me Grondin. Bonjour, Me Champagne également, qui vous accompagne. Merci de participer aux travaux de la commission. D'entrée de jeu également, M. le Président, je tiens à remercier Me Grondin aussi relativement aux travaux qu'on a menés pour les tarifs d'aide juridique. C'est une entente qu'on a réglée depuis... qui traînait depuis plusieurs années, depuis 2017, et peu de temps après mon arrivée au ministère de la Justice, on a réussi à régler une entente.

Donc, je pense que c'est important de le souligner, le travail du Barreau du Québec dans cette démarche et de finalement pouvoir conclure... et il y aura en place aussi un comité pour revoir la structure, aussi, tarifaire pour la suite. Alors, je pense, c'est important de le souligner, de remercier le Barreau pour sa collaboration dans ce dossier.

D'entrée de jeu, Me Grondin, au niveau des cliniques juridiques, quelle est votre vision? Parce qu'on a entendu nos collègues tout à l'heure qui nous ont dit que certains groupes allaient déposer des mémoires relativement à l'étendue de la portée... bien, en fait, du pouvoir qu'on souhaite donner aux cliniques juridiques universitaires relativement aux avis et aux conseils juridiques. De ce que j'ai compris de votre intervention, vous nous dites : Écoutez, nous, il faut que ça soit très clair, que ça demeure à l'intérieur d'un établissement universitaire.

Or, il y a des groupes qui vont venir, aujourd'hui et demain, nous dire qu'on devrait étendre ça dans des cliniques communautaires ou avec certaines cliniques affiliées aux établissements universitaires. Quelle est la position ou la vision du Barreau à ce niveau-là?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : O.K., donc, de prime abord, je vous dirais que la vision générale, nous, on se concentrait beaucoup sur l'École du Barreau. Donc, c'est un projet qu'on avait depuis plusieurs mois, sur lequel on travaillait très, très fort, évidemment. On comprend aussi la vision ministérielle sur les cliniques juridiques.

Je vous dirais que, sur la question des cliniques communautaires, il faudrait que je voie un petit peu plus l'argumentaire détaillé. Aujourd'hui, évidemment, on se concentrait sur la question des cliniques juridiques universitaires et c'est là-dessus qu'on se prépare depuis quelques semaines déjà. Donc, il faudrait vraiment que je voie les arguments.

Je vous dirais, par exemple, sur une question, là, plus précise, là, puis je... de répondre là-dessus, sur la question des organismes à but non lucratif, on travaillait aussi sur cette question-là pour essayer de s'inspirer de ce qui se faisait ailleurs, puis je pense que les organismes à but non lucratif, ça, certainement, on pourrait étudier cette question-là. Je pense que c'est important.

Pour ce qui est des avis juridiques de cliniques communautaires, je comprends que, dans la plupart, il y a aussi des avocats. Je comprends aussi qu'il y a beaucoup d'étudiants qui sont même dans les bureaux d'avocats, qui peuvent évidemment participer à toutes les recherches nécessaires. Donc, je vous dirais que, pour ça, j'aurais besoin de l'étudier plus précisément, parce que, là, il y a d'autres questions qui viennent en ligne de compte. Par exemple, là, est-ce qu'on parle d'actes préservés aux notaires aussi? Est-ce qu'on parle des CJP aussi, les centres de justice de proximité, qui ne donnent que de l'information?

Donc, c'est vraiment une conversation d'ensemble à avoir. Puis je tiens aussi à saluer, là, puis ça, c'est important, le travail de toutes les cliniques juridiques communautaires. C'est très important.

On est ouverts à la conversation, en général. Je vous dirais que, dans le cadre du projet de loi ici, on s'est vraiment concentrés sur la question des cliniques juridiques universitaires. Puis quand on parle des cliniques juridiques universitaires dans le cadre de ce projet de loi ci, notre commentaire est plutôt à l'effet que, dans la rédaction actuelle, ça donne lieu à plusieurs scénarios possibles. Donc, je vous donne un exemple. Quand on dit «clinique juridique universitaire», en ce moment, ce n'est pas clair si ce serait créé par la faculté, donc une clinique créée par la faculté. Est-ce qu'un professeur, de lui-même... créer une clinique juridique universitaire ou est-ce que deux étudiants, par exemple, qui se mettraient ensemble pourraient créer aussi une clinique juridique universitaire?

Donc, on est vraiment sur des points un peu plus fins, plus précis, plutôt que d'exclure des conversations plus larges. Bien, je vous dirais bien honnêtement, de notre point de vue, ça nécessite une préparation supplémentaire pour faire cet exercice de façon rigoureuse.

Sur la question, je vous dirais, des organismes à but non lucratif, là, parce que c'est vraiment de ça dont on parle dans les cliniques communautaires, c'est bien d'en parler avec le Barreau, évidemment, mais c'est quelque chose qui concerne le Code des professions. Le Code des professions est régi par l'Office des professions, puis nous, on est un ordre professionnel parmi 46 autres. Donc, il y a, comment dire, ces défis-là dont on peut certainement discuter, là.

M. Jolin-Barrette : Mais, Me Grondin, revenons sur la question des cliniques juridiques universitaires. Avec le libellé du texte actuellement qu'il y a dans le projet de loi, vous, vous dites : Ce n'est pas assez... si je paraphrase, là, ce n'est pas assez restrictif. Vous voulez que le législateur vienne encadrer davantage, d'une façon plus serrée, pour dire : Bien, il faut que ce soit une clinique juridique universitaire sous la faculté de droit, supposons, la Faculté de droit de l'Université Laval, la Faculté de droit de l'Université de Montréal, l'UQAM ou Sherbrooke. Donc, vous voulez vraiment que le périmètre soit bien défini. Malgré le fait qu'on vous donne le pouvoir habilitant de déterminer par règlement de quelle façon ça va s'organiser, donc, vous souhaitez qu'on mette les balises encore plus claires pour dire : C'est à l'intérieur d'un établissement universitaire? Ça, c'est ma première question.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : O.K. Donc, je vais essayer de prendre la question de cette façon-ci. Donc, évidemment, il y a une intention ministérielle de... moi, je cherche c'est quoi, l'intention du législateur aussi là-dedans. Donc, essentiellement, de la façon dont c'est articulé en ce moment, on parle d'une clinique juridique au sein d'un établissement d'enseignement, qui donne... bon, avec un diplôme, qui donne une ouverture au Barreau, essentiellement. Alors là, la question, c'est : De quelle façon est-ce qu'on voit ces cliniques juridiques là?

Nous, on a l'habilité réglementaire quant aux obligations qui incombent aux étudiants et à leur supervision. Est-ce qu'il est clair qu'on a l'habilité quant à... sur la clinique elle-même? C'est moins clair dans le projet de loi. Donc, c'est ça qu'on aimerait savoir. C'est est-ce que, par exemple... ça, c'est une question, là, à laquelle je n'ai pas de réponse en ce moment. Est-ce que, dans le libellé de l'article, deux étudiants qui... deux étudiants en droit au sein d'une université qui se mettent ensemble et qui disent : On fonde une clinique, est-ce que c'est visé par le projet de loi? Donc, ça, c'est plutôt une question qu'on a plutôt qu'une réponse.

M. Jolin-Barrette : Mais vous savez que deux étudiants qui fonderaient une clinique universitaire, il manquerait un bout, parce qu'il manquerait l'élément en fonction du règlement que le Barreau va adopter, en fonction de l'encadrement qui doit y être apporté relativement à la supervision d'un avocat ou d'un notaire en exercice. Donc, je pense que vous avez une partie de la réponse aussi, qu'il reviendra au Barreau de déterminer les modalités par voie réglementaire.

J'aurais une autre question, là, passons aux centres de justice de proximité, aux organismes communautaires également, parce que moi, dans mes consultations, on m'a beaucoup dit : Bien, écoutez, si vous ouvrez les cliniques juridiques universitaires aux avis et aux conseils juridiques, il serait peut-être opportun aussi d'y aller dans les centres de justice de proximité et dans les organismes communautaires, les OBNL, parce que ça arrive que des étudiants en droit vont faire des stages dans des cliniques et les citoyens vont dans les organismes communautaires pour se faire informer, conseiller. C'est vrai qu'il y a des avocats aussi qui sont présents là ou dans les centres de justice de proximité.

Moi, mon objectif, c'est de faire en sorte de s'assurer que les gens aient accès à la justice, soient informés, soient conseillés aussi, qu'ils soient le mieux préparés possible face à des situations de leur vie courante, dans la réalité quotidienne. Et, on le sait, il y a certains sondages qui démontrent que les Québécois sont peu informés. Juridiquement, ils sont peu conseillés.

Alors, partant de ce principe-là qui est l'intention du législateur, est-ce que vous croyez opportun qu'on élargisse aux centres de justice de proximité, aux organismes communautaires pour permettre des cliniques juridiques qui se retrouveraient dans ce genre d'endroits?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui, bien je vous donne un exemple aussi. Ici, c'est vraiment l'accès à la justice puis l'accompagnement des citoyens, mais, après ça, il peut y avoir une conversation aussi sur l'admissibilité et le panier de services de l'aide juridique. Donc, c'est vraiment ça qui permet aux citoyens d'être accompagnés. Donc, pour l'instant, on a un système d'aide juridique où il y a certains services qui sont offerts, d'autres ne le sont pas, et aussi certains seuils d'admissibilité. Donc, il y a cette conversation là-dedans aussi. Donc, c'est des conversations qui sont très larges. Puis évidemment, il n'y a pas un seul facteur d'accès à la justice, là, ça, je suis d'accord.

Puis, pour ce qui est de la question des centres de justice ou un comité, évidemment, c'est des avocats qui y sont, qui donnent de l'information à ce niveau-là. Après ça, il y a toute la question de : Est-ce que le gouvernement finance tel, ou tel, ou tel service? Est-ce qu'il finance telle ou telle clinique qui pourrait leur permettre d'avoir plus d'avocats et de professionnels aussi? Il y a ces questions-là.

Pour ce qui est des étudiants, évidemment, j'apprécie, bien sûr, l'apport des étudiants, puis, encore une fois, c'est un continuum d'apprentissage sur ce qu'on est prêts à faire. Il y a des choses qu'on n'est pas prêts à faire dans son premier cours puis, après ça, bien, quand on est rendus à l'école du Barreau, on est sur le bord d'être un avocat. Donc, c'est vraiment un continuum.

C'est une conversation qui est très large. Je vous avoue que, dans le cadre de ce projet de loi ci, ce qui nous avait été présenté, c'est vraiment les cliniques juridiques universitaires.

• (10 h 30) •

M. Jolin-Barrette : La question qui se pose, dans les centres de justice de proximité, ou que ce soit à l'aide juridique, bien entendu, c'est des professionnels en exercice qui sont membres du Barreau pour la plupart. Mais la question, c'est vraiment : Est-ce qu'on permet aux étudiants en droit de se retrouver dans un centre de justice de proximité ou dans un organisme communautaire sous forme de clinique juridique qui offre des conseils, des avis sous la supervision? La question, c'est : Est-ce qu'on étend ça à ce niveau-là? C'est vraiment ça, mais je comprends votre position.

Peut-être, en terminant, parce que je veux laisser la possibilité à mes collègues de poser des questions aussi, au niveau de l'École du Barreau, là, ce que vous demandez, c'est d'avoir une modification pour un projet pilote, programme pilote, pour avoir une phase de transition vers la réforme que vous voulez amener à l'École du Barreau. C'est bien ça?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. C'est extrêmement technique, en fait, là, puis bon, si on permet le nouveau programme puis on permet l'ancien programme, par une fiction, là, en matière d'équité, là, d'avoir deux programmes qui marchent en même temps la même année pour un même groupe d'étudiants, de façon concurrente, il pourrait y avoir un souci législatif. Alors, c'est pour ça qu'on vous demande la possibilité de faire le projet pilote pour l'année de transition entre les deux programmes.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Je vous remercie, Me Grondin.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci, M. le Président. J'en profite pour vous saluer, également saluer le ministre, la collègue de Les Plaines, également les collègues de l'opposition et l'ensemble des fonctionnaires du ministère de la Justice. Me Grondin, M. le bâtonnier, bonjour... également les personnes qui vous accompagnent.

J'aimerais peut-être que vous m'éclairiez davantage sur la vision que le Barreau a de la clinique... d'une clinique juridique puis de son rôle par rapport à cette clinique-là, là, en université.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Bien, pour être très honnête, la vision que nous avions, c'était vraiment la vision, peut-être, qui émane du Barreau, là. C'est la question de la clinique à l'École du Barreau. Donc, évidemment, l'École du Barreau, pour l'instant, c'est un système plutôt magistral, où il se donne des cours, où il se fait des exercices pratiques, mais sans rencontrer des vrais clients.

Donc, nous, pour une meilleure préparation aux stages, pour agir en professionnels, on voulait que les étudiants aient encore une meilleure expérience du réel. Puis à l'École du Barreau, bien, on contrôle plein de trucs, donc, on contrôle la supervision de façon serrée, on contrôle l'assurance, on contrôle la tenue de dossiers, bien sûr, évidemment, donc plein d'éléments sur lesquels on avait un contrôle serré. Puis pour vous dire, après l'École du Barreau, bien sûr, il est question de devenir stagiaire, puis, si vous avez été maître de stage ou ceux qui ont déjà... les avocats qui ont déjà été maître de stage, c'est très rare que, les stagiaires, on les laisse faire des choses qui sont très, très complexes. Donc, évidemment, pour dire qu'on leur souffle dans le cou un petit peu, c'est-à-dire qu'on est très près d'eux avant qu'ils deviennent des avocats. Donc, c'est vraiment cet encadrement-là qu'on voyait à l'École du Barreau, c'était la vision.

La question des cliniques juridiques universitaires, ça vient d'ailleurs, puis c'est correct, évidemment, qu'ailleurs... des idées qui viennent d'ailleurs. On voit qu'il y a une volonté ministérielle ou législative, là, si vous voulez, d'encadrer cette pratique-là, et je pense qu'il est sage de donner au Barreau ce rôle-là comme c'est le cas dans le projet de loi.

Cela dit, nous, on est de bonne foi là-dedans puis on veut faire tout le travail nécessaire avec les universités à ce niveau-là, mais c'est une conversation très intéressante, là, qu'il va y avoir, parce que c'est un continuum d'apprentissage. Puis ce qu'on peut faire seul versus ce qu'on peut faire sous une supervision étroite, versus ce qu'on ne peut pas faire du tout... et je n'ai pas la réponse à toutes ces questions-là en ce moment.

M. Lévesque (Chapleau) : C'est parce que vous émettez la crainte notamment en lien, bon, le secret professionnel, la tenue de dossiers, plusieurs éléments, là, bon, qui sont sous la juridiction... là, la protection du public, du Barreau. Est-ce que vous voyez davantage un rôle de collaboration, voire de supervision plus étroite dans les facultés, certaines cliniques juridiques qui seraient reconnues, et le Barreau pourrait, à ce moment-là, exercer cette protection-là dans ces cliniques-là, justement, pour pallier aux risques que vous mentionnez?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Donc, c'est ça, évidemment, on veut collaborer avec les universités. Je pense que l'idée du protocole, là, la modification qu'on suggère permettrait de ne pas alourdir un règlement de façon non nécessaire. Donc, encore une fois, c'est une question de collaboration, puis c'est ça, puis je vous dirais qu'on est aussi dans certaines questions de base, là, qui, au fur et à mesure qu'on creuse la question, on se les pose.

Je vous donne un exemple. Est-ce que... Une des composantes d'un avis ou d'une consultation juridique, c'est probablement un client, donc le client... puis ça, c'est les questions sur lesquelles il faut qu'on se penche, là, qui ne sont peut-être pas d'intérêt pour, évidemment, M. et Mme Tout-le-monde qui ont des factures à payer et tout ça, mais, par exemple, dans un avis juridique, à qui, entre guillemets, appartient le client? Donc, est-ce que c'est à l'étudiant lui-même? Est-ce que c'est à la clinique? Est-ce que c'est au superviseur? Qui a les obligations et les responsabilités? Puis c'est ce genre de questions là philosophiques, là, puis conceptuelles qui honnêtement ne sont pas encore tout à fait réglées, puis on se promet de faire cet exercice réglementaire là important, là, en consultation avec toutes les parties.

M. Lévesque (Chapleau) : O.K. Excellent. Peut-être trois petits points... Dans le mémoire, vous mentionnez que la formulation actuelle du projet de loi pourrait donner lieu à différentes interprétations puis scénarios. J'aimerais peut-être vous entretenir sur ces scénarios-là, notamment, bon, le premier, la faculté de droit qui pourrait créer une clinique dans le cadre d'un cours et octroyer des crédits aux étudiants qui choisissent ce cours. S'il y a toutes les mesures de protection du public puis les éléments importants qui sont mis de l'avant, où se trouverait l'enjeu pour vous, dans ce scénario-là?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Bon, c'est ça. Ça fait que, là, on a un enjeu de véhicule corporatif. O.K.? Donc, une clinique est incorporée comment? Est-ce que c'est à l'université? Comment est-ce qu'on... Est-ce qu'on a des lettres patentes? Est-ce qu'on a quoi que ce soit? Donc, ce type de questions là, peut-être que, de façon réglementaire, on peut pallier à ça. Puis il faut y faire attention, puis c'est vraiment un exercice, je vais dire, très académique, là, d'avocat, de rigueur qu'on essaie de faire là-dedans. Puis, encore une fois, par des conversations avec les universités, on essaie... on va essayer de trouver un cheminement là-dedans. Donc, ça, ce serait le défi, là, de la première option.

Puis, dans les deux autres options que vous voyez, bien, on pense que ce n'est probablement pas l'intention du législateur qu'un professeur puisse déclarer un endroit comme étant une clinique. Puis encore une fois, là, les professeurs sont de bonne foi puis font un très bon travail, mais on se demandait ce que le législateur voulait entendre par ça.

Puis l'autre possibilité qu'on a déjà vue... parce que les cliniques juridiques étudiantes, ça existe, en ce moment, là, ça, il faut se le dire, évidemment qui nous donnent conseil, mais qui ne sont pas du tout réglementées. Alors, dans la dernière possibilité, un étudiant qui est au sein d'un établissement universitaire avec un diplôme donnant ouverture au Barreau, est-ce qu'il peut, de son propre chef, créer une clinique et dire que ce serait une clinique universitaire? Donc, on essaie de voir un peu jusqu'où le législateur veut aller là-dedans, en essayant de pointer les différents éléments, là, qu'on voit.

M. Lévesque (Chapleau) : Parfait. Merci beaucoup. Je sais que ma collègue des Plaines aimerait poser une question.

Le Président (M. Bachand) : Il reste une petite minute. Un petit commentaire? Oui, rapidement.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Me Grondin, très rapidement, vous consacrez, dans votre mémoire, un paragraphe sur les séances d'information...

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée des Plaines, malheureusement, votre micro n'est pas ouvert.

Mme Lecours (Les Plaines) : Ah! d'accord. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Il vous reste 30 secondes.

Mme Lecours (Les Plaines) : 40 secondes. Très rapidement. Vous consacrez un paragraphe, Me Grondin, dans votre mémoire, sur les séances d'information sur la parentalité et la médiation, pardon, et vous dites que ce serait important de l'ajouter dans le projet de loi, d'ajouter une mesure. Quelle serait cette mesure et en quoi est-ce important?

Le Président (M. Bachand) : Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Donc, j'y vais très rapidement. Donc, pour l'instant, il est obligatoire de participer à des... on pense que ces séances-là sont évidemment quelque chose de bien. Par contre, si un parent qui est, je vous dirais, négligent à y participer ou à ne pas y aller, parfois, ça fait que le dossier n'avance pas. Donc, on aimerait donner la discrétion au juge de faire certaines ordonnances dans ces cas-là.

Le Président (M. Bachand) : Parfait. Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, pour 13 min 36 s, s'il vous plaît.

• (10 h 40) •

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bon matin, Me Grondin et Me Champagne. Merci d'être présents avec nous pour répondre à nos questions.

J'aimerais, d'entrée de jeu, y aller sur l'article 101, les modifications proposées à l'article 101 du Code de procédure civile, les demandes faites en cours d'instance peuvent être écrites ou présentées oralement en audience. Donc, toute demande faite en cours d'instance, ça, c'est l'état actuel du droit. L'article 101, le projet propose qu'il y ait possibilité, pour le juge ou la juge, de statuer sur la vue du dossier. On connaît tous l'importance d'être entendu, lorsqu'on présente certaines requêtes... bien, dans toute requête, les avocates, avocats aiment être entendus, parce que ça nous permet, un peu comme on fait là durant les auditions, de voir là où ça accroche, autrement dit. Donc, l'importance d'être entendu et l'importance, pour chaque partie, et j'aimerais faire écho à votre demande, de pouvoir, de consentement, déterminer ou accepter que ce soit tranché sur la vue... à vue du dossier.

Dans certains cas, une avocate ou un avocat pourrait dire : Non, non, non, je veux absolument aller voir le juge ou la juge parce que je veux lui expliquer tel élément que peut-être, par écrit, ce serait un peu plus difficile. Alors, j'aimerais vous entendre sur l'opportunité, donc, d'y aller au cas par cas pour une des deux personnes, des deux partie,. de dire : Non, on veut plaider devant le juge. De un.

De deux également, deuxième sous question, vous entendre sur le fait que vous dites que, si d'aventure, on le juge sur dossier, à ce moment-là, vous dites qu'on devrait... l'opportunité de faire valoir ses prétentions par écrit. Ne trouvez-vous pas que là, l'économie, entre guillemets, de faire des représentations par écrit, on vient de la perdre en faisant des représentations par écrit que l'on aurait... si on n'avait pas de vacation, que l'on aurait pu économiser. Donc, j'aimerais vous attendre sur l'à-propos des deux aspects.

Mme Champagne (Sylvie) : Alors, sur 101.1 du Code de procédure civile, l'amendement, effectivement, nous, on pense que c'est important que les parties puissent consentir à ce qu'un juge tranche une demande sur le vu du dossier. Parce qu'effectivement, il y aura des demandes simples, mais il peut y avoir des demandes complexes qui nécessitent une audition puis un échange avec le tribunal.

Au niveau de votre deuxième demande, souvent, on a besoin... quand on fait nos demandes, on ne plaide pas le droit. Donc, on a besoin de faire des courtes notes et autorités. Je vous dirais que, des fois, ce n'est pas nécessairement très long, mais on a besoin d'appuyer nos demandes par de la jurisprudence. Et puis, souvent, un court plan d'argumentation peut permettre au juge de bien circonscrire le droit applicable et la position des parties, autrement que simplement dans la demande qui a été formulée. Donc, pour nous, c'est important que les parties puissent avoir l'occasion de soumettre leurs notes et autorités avant qu'un juge tranche complètement une demande.

M. Tanguay : Et éclairez ma lanterne, est-ce qu'il est déjà au prévu code, j'imagine, évidemment, que les parties communiquent au juge et communiquent ça évidemment à la partie adverse... c'est le même délai pour la partie requérante et la partie intimée ou ils ont un délai — peut-être vous pourrez éclairer ma lanterne — en vertu du code de procédure, pour communiquer de tels écrits, ou devrions-nous, dans la loi, prévoir des délais de communication de représentation écrite?

Mme Champagne (Sylvie) : Je crois que lorsque le... requérir le consentement puis permettre aux parties, dans le fond, de faire valoir leurs prétentions, il va pouvoir, comme mesure de gestion, leur accorder des délais. Souvent, c'est des délais très courts pour que les parties puissent effectivement s'échanger leur position.

M. Tanguay : Sur ce principe-là, vous seriez d'avis que ça devrait être le même délai pour les deux parties, ou on devrait permettre à la partie requérante à la requête de d'abord déposer ses arguments et, après ça, à la partie intimée à la requête d'y répondre, ou ça devrait être le même délai, selon vous, au point de vue de la philosophie du débat?

Mme Champagne (Sylvie) : Je crois que les tribunaux, habituellement, ils ont un souci d'équité entre les deux parties. Puis, au niveau des délais, ils vont souvent le proposer, puis les parties vont être en mesure de dire si elles ont besoin un peu plus de temps. C'est sûr que la partie qui a formulé sa demande est probablement très prête à soumettre ses autorités, et peut-être que la partie qui doit y répondre aura besoin d'un peu plus de temps. Mais je vous dirais que les tribunaux sont habitués à... obliger d'entrer dans toute cette planification-là dans notre Code de procédure civile. Les tribunaux sont habitués de régler ces questions-là au niveau de l'équité procédurale entre des parties.

M. Tanguay : Parce que souvent, quand on plaide... pour avoir joué dans ce film-là, puis ce n'est pas réducteur, c'est... Vous savez, c'est là où j'ai appris des expressions telles que... Évidemment, vous plaidez, vous êtes requérante, donc vous plaidez votre requête. Après ça, la partie intimée va plaider sur la requête. Après ça, on peut se faire donner un droit de réplique, et c'est là que j'ai appris le droit de supplique. Donc, après la réplique, il y a la supplique. Donc, il y a un débat, il y a un échange, et, très souvent, on peut voir là où ça accroche.

Alors, mon réflexe d'ancien praticien, c'est dire : Le juge, là, ou la juge, on veut le voir ou la voir. Mais évidemment, si c'est tout simple, si c'est très clair du dossier, et que les parties puissent y consentir... mais je trouve important ce que vous soulignez, de permettre aux parties de consentir à cela et de ne pas se le faire imposer, si on veut avoir son moment face au juge ou à la juge.

J'aimerais, à moins que vous ayez des commentaires sur ce dernier commentaire-là, attirer votre attention, donc, sur 417. 417 du Code de procédure civile fait en sorte que, dans des cas de gestion d'instance parentalité et médiation, il doit y avoir eu une... Donc, dans toute affaire où il existe un différend mettant en jeu l'intérêt des parties et celui de leurs enfants, garde d'enfant, aliments dus au conjoint ou enfant, patrimoine familial et tout ça, il doit y avoir séance d'information portant sur la parentalité.

Vous proposez de reprendre un article du projet de loi qui avait été déposé par Stéphanie Vallée, projet de loi n° 168, en mars 2018, qui était... faisait en sorte que le Barreau... d'information portant sur la parentalité et la médiation... faire en sorte que... Il arrive parfois que l'une des parties ne participe pas à la séance d'information sur la parentalité, et ce, pour toutes sortes de raisons. Cela entraîne alors des délais. Le Barreau est d'avis que le tribunal devrait pouvoir, de manière exceptionnelle, instruire l'affaire sans que les parties n'aient participé à l'ensemble ou séparément d'une telle séance d'information. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur l'à-propos d'une telle proposition.

Mme Champagne (Sylvie) : Alors, oui, effectivement, on le voit, comme le disait M. le bâtonnier tout à l'heure, qu'en pratique il arrive qu'une des parties va négliger d'aller à la séance d'information sur la coparentalité et sur la médiation, ce qui fait en sorte que le tribunal ne peut pas fixer l'instruction, ce qui cause un préjudice à la partie qui, elle, a rempli ses obligations, a suivi la formation et est en attente d'une date. Donc, de façon exceptionnelle, pour permettre à cette partie-là d'avoir sa date d'audition, permettre qu'elle s'adresse au tribunal puis qu'elle demande que l'audience soit fixée.

Et ce qu'on dit, c'est que l'autre partie va devoir faire cette formation-là, mais permettre quand même que l'instruction soit fixée et que le juge ait cette discrétion-là et fixe aussi un délai raisonnable. Dans le projet de loi n° 168, c'était trois mois. Ça peut être un court délai pour que l'autre partie puisse aller suivre cette séance d'information, mais ne pas pénaliser la partie qui l'a faite.

Donc, c'est vraiment un pouvoir discrétionnaire. Et c'est des cas rares, mais malheureusement, ça arrive en pratique que des parties soient pénalisées pour le défaut de l'autre partie.

M. Tanguay : ...tout à fait, tout à fait, tout à fait. J'aimerais revenir sur les cliniques juridiques. Donc, ce que vous demandez, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, du Barreau... Oui, c'est important de donner un accès beaucoup plus libéral, plus large, en termes de cliniques juridiques pour que la population soit informée, une personne soit informée de ses droits. J'aimerais vous entendre sur l'importance de bien encadrer ça.

Parce qu'évidemment on peut donner un bon ou un moins bon conseil juridique, même quand on est avocat. On n'est pas exempt de cela. C'est pour ça qu'il y a des assurances, c'est pour ça qu'il y a un encadrement, c'est pour ça qu'il y a des suivis, c'est pour ça qu'il y a un syndic. Évidemment, les étudiants, étudiantes en droit ont une certaine formation.

J'aimerais vous entendre sur l'importance, justement, de bien encadrer ça dès le départ et de s'assurer qu'il n'y ait pas certains écueils qui soient créés. Et aussi j'aimerais vous entendre aussi sur l'à-propos d'avoir un encadrement par des praticiens et des praticiennes, et je n'enlève rien aux professeurs d'université, mais d'avoir également cette opportunité de parler à des avocats, avocates qui sont sur le terrain et qui peuvent, au-delà de la théorie, ajouter des éléments très pertinents dans ce qui aurait dû être ou devrait être un bon conseil juridique.

Alors, j'aimerais vous entendre sur cet aspect.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Alors, je vais me permettre d'y aller. Donc, là-dessus, c'est... Bon, le projet de loi donne un pouvoir réglementaire au Barreau sur cette question de protection du public. Puis je ne veux pas... Je préférerais ne pas aller trop loin dans mes commentaires puisqu'on essaie vraiment de faire cet exercice-là de façon rigoureuse, en consultation avec toutes les parties prenantes. Donc, il y a vraiment une partie qui concerne le projet de loi puis ensuite l'encadrement.

Donc, l'encadrement qui est prévu, c'est quand même une supervision, là, très étroite par un avocat, donc il va falloir voir comment on peut moduler ça en termes d'assurance, en termes de tout ça. Je veux dire qu'il y a quand même quelques questions de base, même, auxquelles on n'a pas parfaitement les réponses en ce moment, là. Donc, je vous dirais comment... Bon, il peut y avoir les ententes de confidentialité sur le secret professionnel, etc., la tenue de dossiers. Comment est-ce qu'on fait ça pour un étudiant ou pour une clinique? Donc, le client est le client de qui? Est-ce qu'il est le client de l'étudiant, du superviseur, de la clinique? Je comprends que c'est des... Pour nous, malheureusement, ce n'est pas un détail, c'est-à-dire qu'il faut qu'on s'occupe de ces questions-là, et on a l'intention de le faire du mieux qu'on peut, là, de façon réglementaire.

Puis sur le continuum, je vous dirais, je me prends comme exemple, là, en première année de droit, où, à mon premier cours, je ne me confierais pas grand-chose, donc, alors... Après ça, est-ce que j'ai appris, est-ce que j'ai eu une formation particulière? Comme je vous dirais, au bout, à l'École du Barreau, quand on a eu nos cours de déontologie, quand on a eu nos cours quant aux conflits d'intérêts, etc., bien là, on est probablement plus prêt à dispenser quelque chose, comme c'est le cas lors d'un stage. Donc, il y a un continuum là-dedans, certainement, là.

M. Tanguay : Il y aura sûrement, j'imagine, puis j'aimerais vous entendre là-dessus... sur la protection du public également. Au niveau de l'assurabilité, quand vous avez dit que le client... le client relève-t-il de la clinique, de l'étudiant ou de l'étudiante, mais... également, il faudra penser à ça. Je veux dire, il arrivera peut-être des cas où, à un moment donné, on l'échappe, l'étudiant l'échappe, mauvais conseil juridique, et il y a prescription, par exemple. Alors, comment allons-nous pouvoir assurer les recours qui pourraient s'ensuivre?

• (10 h 50) •

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Donc, il y a ces questions-là, évidemment, qui sont importantes aussi. Pour être... Puis là on a quand même fait certains devoirs, évidemment. Pour être bien honnête, il n'y a pas de... on ne recense pas beaucoup de cas de ce type-là. Par contre, de façon anecdotique, ça arrive qu'il y a eu un certain conseil ou une information d'un étudiant qui peut mener à un autre conseil d'un professionnel. Ces choses-là arrivent aussi. Mais on a l'intention d'être extrêmement rigoureux là-dedans, de faire toute l'enquête terrain nécessaire, tout en, évidemment, je le redis... la bonne foi des étudiants, des professeurs puis de tout le monde dans le domaine.

M. Tanguay : J'aimerais permettre à maître... Merci beaucoup, Me Grondin. Me Champagne, également, on a effleuré l'aspect de l'article 101, sous l'aspect de l'article 228, Code de procédure civile. Aviez-vous des commentaires? Là, on parle d'un jugement sur la vue du dossier. Est-ce que l'on peut faire copier-coller de vos commentaires, ou, là, vous aviez des choses à nous souligner, plus particulières?

Mme Champagne (Sylvie) : En fait, l'article 228 du Code de procédure civile traite de la question des objections qui sont soulevées lors des interrogatoires, au préalable, et on est d'accord avec le principe qu'il y a effectivement des dossiers qui permettraient à un juge ou à une juge de trancher des objections, là, sur le vu du dossier.

Par contre, il y a des dossiers plus complexes où les objections vont avoir un impact réel sur la suite des procédures, même, peut-être, dans la négociation, entre les parties d'un règlement et, on pense, devraient permettre aux parties de consentir à ce que le juge tranche sur la vue du dossier. Puis, encore une fois, on a soulevé l'article 17 du Code de procédure civile, c'est de permettre aux parties de faire valoir pleinement leur prétention par écrit. Donc, comme je le disais tout à l'heure, des notes et autorités permettant aux parties, là, de vraiment soutenir leur objection ou, au contraire, demander que les objections soient rejetées.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette pour 3 min 24 s, s'il vous plaît, Mme la députée.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Donc, merci à vous deux pour votre présentation, toujours intéressant d'entendre le Barreau.

Je vais évidemment revenir sur la question des avis juridiques par les étudiants. Nous avons reçu hier une lettre de plusieurs cliniques juridiques communautaires, en fait, Juripop, la clinique du Mile-End, clinique des aînés, clinique itinérante, enfin, et puis je dois vous dire qu'en lisant cette lettre-là, je la trouve assez persuasive et j'imagine que ces arguments-là vous sont parvenus aux oreilles, au Barreau.

Donc, je voudrais comprendre deux choses. Pourquoi, alors que, dans l'état actuel des choses, les personnes, les OBNL ne peuvent pas donner d'avis juridiques exclusifs, là, ce serait permis pour des cliniques juridiques universitaires qui ont quand même un statut qui n'est pas très différent?

Et, d'autre part, pourquoi des étudiants, donc, qui font soit des stages supervisés ou des cliniques juridiques pendant leur cours universitaire dans ces cliniques communautaires là ne pourraient pas être considérés de la même manière que les étudiants dans une clinique universitaire, dans la mesure où, évidemment, il y a toujours supervision par un avocat membre du Barreau, souvent même des gens qui sont bien ancrés dans la pratique? Donc, je voulais vraiment creuser ça avec vous, parce que la logique, moi, à ce stade-ci, m'échappe.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Alors, je vais peut-être vous donner quelques éléments de réponse là-dedans puis éléments de réflexion, là, si vous voulez, qu'on a aussi, O.K.? On n'est pas dans une situation où il y a un noir et blanc. Donc, premièrement, sur la question des OBNL en général, ça pourrait être un véhicule corporatif. Le souci, c'est évidemment que les OBNL où les possibilités d'incorporation de structures corporatives relèvent du Code des professions, qui concerne aussi 45 autres ordres professionnels... donc, il y a certainement une discussion à avoir à ce sujet-là. On sait qu'il y a des projets pilotes à ce niveau-là, en Ontario, par exemple, et nous, on a fait certains travaux sur cette question-là aussi. Il y a l'autre question aussi, qui est la question des coûts modiques. Donc, c'est quoi, un coût modique versus gratuit? Donc, ça, c'est une question à creuser un petit peu plus.

Pour ce qui est des cliniques juridiques universitaires, il y a vraiment l'apprentissage expérientiel, donc, qui est un cheminement, puis évidemment, nous, c'est ce qu'on nous a demandé dans le cadre de ce projet de loi ci. Pour la question de la recherche, par exemple, puis d'aide à la recherche, évidemment, les étudiants peuvent le faire. Donc, ils le font dans tout plein de bureaux en ce moment, dans tout plein de bureaux d'aide juridique. Donc, ils le font à plusieurs endroits, les étudiants, sur la question de la recherche, puis là c'est une question de donner un avis juridique.

Je comprends que les cliniques communautaires... Puis en passant, oui, là, j'ai vu la lettre, évidemment. J'ai certainement le plus grand des respects et l'admiration pour toutes les cliniques juridiques qui sont là. La question, c'est plus le souci d'avoir des bras, je pense, à ce moment-là, pour dispenser les avis juridiques. Donc, la question, c'est : Quel est le type de supervision? Encore une fois, là, c'est... toutes les cliniques juridiques communautaires font du très bon travail, et j'apprécie leur travail, puis c'est nécessaire de le dire. Mais pour nous, de dire oui ou non à ce stade-ci, c'est un petit peu rapide, puis ça... je pense qu'il nous faut une confrontation supplémentaire à ce niveau-là, mais c'est, bien sûr, dans les mains du législateur.

Le Président (M. Bachand) : C'est tout le temps... malheureusement, désolé. Me Champagne, M. le bâtonnier, merci beaucoup d'avoir participé aux travaux de la commission, merci infiniment.

Et, sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 56)

(Reprise à 10 h 57)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de la Chambre des notaires. Alors, bienvenue. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes de présentation, et, par après, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission.

Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Je vous invite d'abord à vous présenter, s'il vous plaît.

Chambre des notaires du Québec

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Bonjour. Raphaël Amabili-Rivet, notaire attitré à ce dossier, là, pour tout ce qui est volet projet de loi et commission parlementaire.

Mme Potvin (Hélène) : Alors, bonjour. Hélène Potvin, je suis notaire et présidente à la Chambre des notaires du Québec.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, nous avons toutes et tous été étudiants à un moment ou un autre de notre vie. Pour plusieurs, et notamment pour les étudiants qui poursuivent des études universitaires au premier cycle de droit, cet apprentissage est souvent théorique. Il me semble que la meilleure façon de connaître sa future profession de juriste, que ce soit notaire ou avocat, c'est d'être plongé dans une vraie situation avec une vraie personne qui vit un vrai problème pour ainsi faire une vraie différence pour cette personne.

Aujourd'hui, avec les mesures proposées par le projet de loi n° 75, cette possibilité de faire une différence pour ces étudiants en droit semble plus que jamais possible. Au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous remercie pour votre invitation à cette consultation particulière. Nous pourrons ainsi partager avec vous nos commentaires sur certaines mesures spécifiques introduites par le projet de loi.

Vous l'aurez compris, la chambre appuie et accueille favorablement cette pièce législative. Certaines propositions du projet de loi ont un lien un peu plus direct avec la profession notariale. Ainsi, nos commentaires se limiteront aux articles 51 et 52 du projet de loi.

Ces derniers articles modifient notre loi sur le notariat et traitent des avis et consultations d'ordre juridique qui pourront être donnés dans un cadre spécifique par des étudiants en droit, sous la supervision étroite et la responsabilité d'un notaire. Au-delà des conditions précises que prévoient ces articles, il faut noter que l'ordre doit impérativement adopter des mesures réglementaires pour compléter les dispositions proposées par le p.l. n° 75. Nous devrons préciser les conditions et modalités suivant lesquelles un étudiant pourra poser ces actes et celles qui s'appliqueront au notaire qui le supervise. Il me fait plaisir de vous annoncer qu'un tel règlement est déjà en cours d'élaboration par notre ordre et chemine au sein de nos instances décisionnelles.

• (11 heures) •

Je vous partagerai, aujourd'hui, la réflexion de l'ordre et les raisons pour lesquelles nous sommes déjà si avancés dans ce dossier. La réflexion de la Chambre des notaires à l'égard des actes qui peuvent être posés par les étudiants en droit a débuté en mai 2017. Elle faisait suite au dépôt du projet de loi n° 697. Pour rappel, ce projet de loi modifiait, justement, la Loi sur le notariat afin de permettre aux étudiants en droit de donner des consultations et des avis d'ordre juridique dans une clinique juridique universitaire, et ce, pour améliorer l'accès à la justice. On constate ainsi que le ministre a à coeur cette volonté d'accessibilité à la justice pour tous depuis un bon moment déjà.

L'ordre qui était également animé de cette volonté a initié un travail de réflexion sur la possibilité de réglementer les activités professionnelles qui peuvent être exercées par une personne autre qu'un notaire via un règlement pris en vertu du Code des professions. On parle ici, en l'occurrence, des étudiants en droit. Un groupe de travail interne composé des différentes directions de l'ordre a rapidement été mis sur pied pour se pencher sur cette question... un groupe de travail interne, pardon.

Des contacts ont été entretenus avec l'ensemble des doyens des facultés de droit des universités québécoises ainsi que la section de droit civil de la Faculté de droit de l'université d'Ottawa. Fort de ces échanges avec les doyens et les travaux du groupe de travail, le conseil d'administration adoptait, il y a presque un an jour pour jour, les recommandations formulées dans le rapport issu de ces travaux.

Essentiellement, la recommandation principale se résumait à permettre aux étudiants en droit, dans des cliniques juridiques, de donner, sous supervision étroite d'un notaire, des consultations et des avis d'ordre juridique. Ils pourront aussi préparer et rédiger, toujours sous supervision étroite d'un notaire, des procédures destinées à la cour dans le cadre des demandes non contentieuses ou devant des tribunaux administratifs où le notaire est autorisé à pratiquer.

Des travaux ont donc été entrepris pour modifier la réglementation applicable afin de donner suite à cette recommandation, laquelle s'inscrit désormais en droite ligne avec les visées du p.l. n° 75. Ce projet de loi introduit en quelque sorte cette recommandation en toutes lettres au sein de la Loi sur le notariat. Nous comprenons également qu'il s'agit là d'un message fort du législateur destiné à mettre à contribution les étudiants en droit et permettre ainsi aux citoyens d'avoir un nouvel accès de première ligne à la justice.

À l'instar du rôle de l'étudiant, le rôle du notaire aussi s'en trouvera bonifié par le projet de loi. En effet, en plus d'être reconnu comme un officier public, un conseiller juridique et un auxiliaire de justice, le notaire devient un accompagnateur et un mentor chargé de guider la relève au service des citoyens.

Les avantages proposés aux articles 51 et 52 du p.l. n° 75 apparaissent nombreux. Ils permettent un accès à la justice à un plus grand nombre de personnes, dont certaines vulnérables ou marginalisées, qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour avoir recours aux services d'un juriste en exercice. Ils diminuent le nombre de justiciables non représentés, avec tous les problèmes que cette pratique suscite pour l'administration de la justice. On pense ici également à la possibilité pour l'étudiant, toujours sous la supervision étroite et la responsabilité d'un notaire, de préparer et rédiger les procédures dans le cadre d'une demande non contentieuse. Comme nous l'a rappelé le conseil des doyens de droit du Québec en faisant référence au rapport Cromwell, les cliniques juridiques contribuent à construire un service de première ligne solide, cohérent et coordonné. Finalement, il favorise la formation pratique des étudiants et l'acquisition d'une expérience les rapprochant de façon concrète à leur intégration au sein de notre ordre professionnel et de la pratique notariale.

Malgré tout, il ne faut pas perdre de vue que des inconvénients pourraient néanmoins découler de cet élargissement. Seulement à titre d'exemple, la population pourrait être portée à croire que le seul fait qu'un étudiant soit inscrit à un programme universitaire de premier cycle lui permet de pratiquer le droit. On sait pertinemment que les compétences nécessaires pour l'exercice de la profession sont essentiellement... sont essentielles, pardon, et s'acquièrent notamment à la maîtrise en droit notarial, qui relève des universités, et par le programme de formation professionnelle, qui relève de l'ordre. On sait également que le cursus universitaire prépare l'étudiant aux notions juridiques, mais que, bien souvent, il lui manque la maturité, la confiance et naturellement l'expérience pour agir.

Dans ce contexte, la supervision qui serait exercée par le notaire est d'autant plus importante ainsi que le cadre réglementaire normatif qui viendra circonscrire les actions qui peuvent être posées de part et d'autre. En résumé, il est envisagé que ce cadre réglementaire en cours d'élaboration prévoie... pour l'étudiant, il doit avoir réussi un minimum de 45 crédits ou s'être vu reconnaître une telle équivalence de crédits. Il doit limiter ses avis ou conseils au domaine du droit où il a réussi un cours et, évidemment, il ne peut agir que s'il est sous la responsabilité et la supervision immédiate d'un notaire. Pour le notaire superviseur, il doit être inscrit au tableau de l'ordre depuis au moins cinq ans afin qu'il ait une expérience pratique suffisante à transmettre aux étudiants, il doit avoir un bon profil disciplinaire et il devra évidemment assurer le respect de ses autres obligations déontologiques et disciplinaires, notamment une supervision appropriée à l'égard de tout étudiant dont il a la responsabilité immédiate.

Les universités auront évidemment un rôle à jouer. Nous poursuivons, avec elles, les discussions. Nous souhaiterions convenir ensemble d'une entente afin notamment d'identifier des cliniques juridiques où les étudiants sont autorisés à agir sous la supervision étroite d'un notaire, de prévoir des modalités respectives à la formation et à l'encadrement des notaires superviseurs et des étudiants, en plus des obligations réglementaires déjà existantes, et de prévoir des modalités administratives nécessaires à l'application, donc, du futur règlement, notamment quand un éventuel processus de gestion des plaintes des utilisateurs des cliniques juridiques, et de la réglementation actuelle, par exemple, la confidentialité des dossiers, des informations et le respect de la réglementation professionnelle.

Il va sans dire que, pour assurer l'adoption de ce règlement dans les limites prévues par l'article 56 du projet de loi n° 75, nous entreprendrons et poursuivrons les discussions avec les autres parties prenantes, notamment les notaires, les doyens des facultés de droit, le Barreau du Québec, ainsi que l'Office des professions du Québec.

Alors, soyez donc assuré, M. le ministre, de toute notre collaboration pour la suite de ce dossier. Je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Potvin. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Me Potvin, Me Amabili-Rivet, c'est un plaisir de vous retrouver. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission parlementaire.

Alors, de ce que je comprends, c'est que déjà, la Chambre des notaires, depuis 2017, souhaitait faire en sorte de développer les cliniques juridiques universitaires, à même l'habilitation qui est prévue par la Loi sur le notariat et le Code des professions. Et là, nous, ce qu'on vient faire, c'est donner davantage d'outils pour vraiment que ça se fasse. Mais j'aimerais vous entendre davantage sur les cliniques juridiques universitaires ou sous la supervision d'une faculté de droit. Parce que vous nous invitez, là, dans la correspondance que vous nous avez fait parvenir, à élargir un petit peu, que ça ne soit pas...

Le Barreau nous dit : Écoutez, ça devrait être uniquement à la faculté de droit, la clinique juridique universitaire. Il faut que ça soit très, très, très bien balisé, encadré. Vous, la Chambre des notaires, vous nous dites : Écoutez, il faut que ça soit sous la supervision de la faculté de droit. Donc, la clinique juridique pourrait être, que ça soit physiquement à l'université, à l'intérieur des locaux, mais également peut-être dans un organisme communautaire qui a un lien avec la faculté de droit. Pouvez-vous nous expliciter ça davantage?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, merci pour votre question. Oui, nous allons... à la Chambre des notaires, nous avons effectué, effectivement, cette réflexion. Et je vais inviter mon collègue, là, à vous en expliquer les tenants et les aboutissants.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Oui, bonjour. En fait, ce qu'on prétend, c'est que la clinique juridique universitaire donne une expérience certaine pour l'étudiant avec une clientèle qui est propre à ces cliniques universitaires là, mais donc les cliniques communautaires, celles qui sont affiliées ou avec un lien direct avec l'université, comme vous le disiez, bien, il y a une autre forme de clientèle, il y a une autre forme d'expérience qui s'acquiert. Et souvent, la distinction qu'on fait, c'est que ça peut être une personne morale indépendante de l'université, mais avec des liens.

Donc, l'interrogation qu'on avait, si vous voulez, c'est dans la... le projet de loi actuel, tel que libellé, est-ce que ça limite simplement aux cliniques juridiques universitaires ou est-ce qu'on peut prétendre que l'habilitation élargit pour englober les cliniques juridiques communautaires, donc affiliées à ces universités-là?

• (11 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Est-ce que c'est le souhait de la Chambre des notaires de faire en sorte que la disposition du projet de loi englobe également les cliniques qui ne se retrouvent pas physiquement à l'université, mais qui sont dans des organismes communautaires? Est-ce que c'est... Est-ce que la Chambre des notaires considère que, par le règlement qui serait développé par la chambre mais également par le Barreau du Québec, il y aurait suffisamment un encadrement adéquat pour protéger le public, si on allait dans cette direction-là, à l'extérieur de l'université, mais rattaché à l'université?

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Effectivement, donc, dans la mesure où il y a une clinique juridique rattachée à l'université, on serait favorable à cette ouverture-là, que ce soit clarifié, en fait, là. Si on peut, que ce soit prévu dans la loi ou qu'on puisse l'englober dans le règlement, mais, dans tous les cas, là, effectivement.

Puis pour ce qui est d'encadrer convenablement, bien, on prétend que, oui, il y a le cadre réglementaire qui devrait être mis en place, mais il y aura aussi les discussions de mise en oeuvre qui devront avoir lieu avec les universités, avec les autres parties prenantes.

Donc, on ne perçoit pas ça comme un bar ouvert, là, comme ça a déjà été mentionné dans certains médias. C'est plutôt la possibilité d'ouvrir cette première ligne juridique là à des étudiants sous la supervision d'un notaire dans un organisme qui est rattaché à l'université et qui permet d'avoir une expérience précise dans le type de clinique juridique communautaire et qui a une autre forme de clientèle, une autre forme de rattachement, disons, quand c'est des cliniques qui sont strictement universitaires.

M. Jolin-Barrette : J'ai une question pour vous parce qu'on a la position du Barreau qui nous dit : Ça doit être uniquement dans les locaux d'une université ou fait par la faculté de droit. On a vous qui nous dites : Écoutez, on devrait permettre des cliniques juridiques universitaires pas uniquement à la faculté de droit, mais aussi dans les centres communautaires, parce qu'ils devraient être sous la responsabilité de la faculté de droit de la clinique universitaire. Donc, ça implique un partenariat, et on va avoir des témoins, et des mémoires qui vont venir nous dire : Bien, écoutez, exemple, comme les centres de justice de proximité ou des organismes communautaires... On devrait même ouvrir la possibilité de permettre aux étudiants en droit d'aller là, sans nécessairement avoir un lien avec la faculté de droit.

Donc, comment vous voyez ça, là, ces trois possibilités-là? Vous, dans la possibilité du milieu, là, si je résumais celle de la Chambre des notaires, de dire : Il faudrait qu'il y ait un rattachement avec la faculté de droit, là, dans le cadre d'un programme, avec des crédits et puis tout ça, là.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Effectivement, il faut vraiment qu'il y ait un facteur de rattachement avec l'université. Pour ce qui est des centres de justice de proximité, ce n'est pas vers là qu'on a été en termes de réflexion, mais vraiment, on s'est cadrés dans les cliniques juridiques, donc affiliées ou directement liées à une université.

Par contre, comme le disait la présidente dans son allocution, il y a d'autres éléments d'ouverture dans lesquels on a été en termes de réflexion. Donc, pour les étudiants en droit, on ne parle pas seulement de conseils ou de consultations d'ordre juridique, mais on parle également de la possibilité de préparer les procédures en matière de procédures non contentieuses. Donc, ça, c'est un autre élément d'ouverture. Toujours dans les cliniques juridiques, donc, pour les étudiants de premier cycle, de deuxième cycle... Sinon, évidemment, la réflexion s'est également poursuivie pour les stagiaires au notariat et pour les candidats à l'exercice de la profession, qui, donc, sont peut-être dans un... disons, une passe, là, entre le stage et avant qu'ils soient assermentés par l'ordre.

Donc, à ce moment-là, il n'est pas question de clinique juridique pour le stagiaire et ce type de candidat pour l'exercice de la profession. C'est sous la supervision d'un notaire.

M. Jolin-Barrette : Et puis j'ai deux sous-questions relativement au facteur de rattachement. Lorsque vous dites : Bien, écoutez, on devrait peut-être permettre une clinique juridique universitaire rattachée à la faculté de droit, ça veut dire quoi, «rattachée», pour vous, l'encadrement qui serait en lien entre la faculté de droit et la clinique juridique universitaire, dans un organisme communautaire, là? Comment vous définissez ce facteur de rattachement là? Quelle est l'étendue du rattachement là? Comment la chambre envisage de définir ces critères, si on allait dans ce sens-là?

Mme Potvin (Hélène) : Vous pouvez continuer, Me Amabili.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : En fait, c'est ça, il est question du rattachement. Je parlais un peu plus tôt du fait que ce n'est pas nécessairement une personnalité juridique équivalente à l'université. C'est une personnalité juridique distincte dans bien des cas, mais dans tous les cas, c'est l'université qui supervise, c'est l'université qui chapeaute. Souvent on comprend que ces types de cliniques là font partie du cursus universitaire également. Donc, précisément, là, je ne peux pas répondre dans les critères précis à votre question, mais sur la globalité, là, c'est la vision, en fait, là, qu'on a à cet égard-là.

M. Jolin-Barrette : Dans l'esprit de la Chambre des notaires, au moment où vous étiez en rédaction pour un règlement pour permettre aux étudiants de donner des avis et des conseils juridiques, je crois que Me Potvin a dit : Nous, on s'enlignait pour avoir un minimum de 45 crédits avant de pouvoir permettre aux étudiants en droit de donner des conseils ou des avis juridiques. 45 crédits, ça représente environ la moitié du cursus scolaire. Est-ce que... Bien, en fait, pourquoi le choix de 45 crédits universitaires avant de pouvoir faire de tels gestes?

Mme Potvin (Hélène) : Écoutez, ce nombre-là est sorti, là, de notre groupe de travail à l'interne avec les différentes directions. Donc, chacun est venu s'impliquer au sein de la chambre, puis on a déterminé que ce chiffre-là nous semblait, là, nous semblait approprié, donc, pour laisser quand même un peu de temps, là, pour l'étudiant de prendre un peu le pouls, là, du droit et puis, donc, d'être en mesure de passer un petit peu plus, là, dans la pratique.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et puis les étudiants qui se destinent au notariat, puisque ceux-ci font une maîtrise désormais en droit notarial, à ce moment-là, ils seraient couverts tout au long de leur parcours académique, donc, à la fois au niveau du baccalauréat et à la fois lors de la maîtrise, donc, durant toutes ces années dans les cliniques juridiques universitaires ou, comme vous le proposez, rattachées. Donc, c'est un peu la distinction avec le Barreau et l'École du Barreau.

Mme Potvin (Hélène) : Tout à fait. Ça suit notre parcours, là, pour se rendre jusqu'à l'obtention de notre titre. Donc, on souhaiterait que l'étudiant soit couvert, là, tout au long de son parcours.

M. Jolin-Barrette : Tout à l'heure, je pense, c'est Me Amabili-Rivet qui nous disait : Est-ce qu'il existe une période de battement entre la fin de la maîtrise et le début du stage? Je sais qu'il y a des formules aussi qui sont coop, qu'on fait notre maîtrise en droit notarial en même temps, je crois, à l'Université de Sherbrooke, que l'on travaille ou de façon alternée. Est-ce qu'il y a des moments de battement où la personne qui serait diplômée de la maîtrise en droit notarial, mais qui n'aurait pas débuté son stage, ne serait pas couverte?

Mme Potvin (Hélène) : Dans la réflexion de la Chambre des notaires, la période de latence, là, qui fait beaucoup jaser au sein de la profession, c'est une fois qu'on a terminé notre stage, une fois que... puis on est en attente. Donc, c'est une période de latence en attente de notre assermentation. Donc, l'étudiant n'a plus de statut. Alors, ça, nous, on souhaiterait quand même... pour permettre, là, que l'étudiant conserve ses réflexes et demeure vraiment dans l'action, on souhaiterait aussi que cette personne-là puisse continuer, là, à donner de l'information et des conseils juridiques.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, cette période-là, c'est après les études universitaires, après le stage, juste avant d'être assermenté. Et on parle d'une période de combien de temps, généralement, avant l'assermentation, entre le moment du stage puis l'assermentation?

Mme Potvin (Hélène) : Un instant. Peut-être que mon collègue a la réponse. Je crois que c'est quelques semaines ou ça peut être... Habituellement, c'est quelques semaines, mais je ne sais pas si on a une moyenne, là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie, Me Potvin, Me Amabili-Rivet, très instructif. Je vais céder la parole à mes collègues qui ont des questions.

Mme Potvin (Hélène) : Parfait. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de Chapleau.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Me Potvin, Me Amabili-Rivet, merci beaucoup de votre présentation.

J'aimerais peut-être revenir avec vous, là, sur, justement, la question des cliniques juridiques, là... clarifier ou du moins m'éclairer davantage sur votre vision et votre rôle de la Chambre des notaires, là. Bon, vous avez parlé d'ententes avec les universités, vous avez parlé de supervision, de collaboration. Comment ça s'articulerait, là, selon votre vision, là, un petit peu plus précisément, notamment, les ententes avec les universités?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, merci. Je vais laisser mon collègue continuer la discussion. Merci.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Bien là, je vais répondre d'un point de vue un peu caricatural, là. La protection du public, ça va être évidemment ce qui va guider l'ensemble de la réflexion, l'ensemble de la mise en oeuvre. Pour ce qui est de cette mise en oeuvre là, il faut évidemment discuter avec les universités. Donc, il y a la question de l'encadrement, il y a la question de la formation, il y a la question de la responsabilité.

Donc, c'est tous des éléments sur lesquels on a une position, mais par respect, là, je vous dirais, pour les autres parties prenantes, plutôt que de vous partager de façon très, très précise, là, les éléments à cet égard-là, je me limiterais à dire que ça va être au niveau de la mise en oeuvre qu'on pourra voir de quelle façon, là, on pourra... ça se clarifiera, en fait. Parce qu'effectivement il y a des éléments qui doivent être clarifiés, mais ça va être dans le cadre de ces échanges-là qu'on pourra y arriver.

• (11 h 20) •

M. Lévesque (Chapleau) : O.K. Il va y avoir du développement à ce niveau-là. D'ailleurs, je voulais vous amener sur ce que vous avez mentionné d'entrée de jeu, la protection du public. Le Barreau, là, émettait certaines craintes en lien avec le secret professionnel, la tenue de dossiers, à qui appartient le dossier, la confidentialité. Est-ce que ce sont des éléments que vous avez considérés? Est-ce que ce sont des éléments également qui vous préoccupent par rapport à ça? Et comment vous envisagez les aborder?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, notre groupe de travail, à la chambre, s'est penché sur ces questions-là. Alors, naturellement, dans la rédaction du règlement, ce sont des éléments qui vont être essentiels. On rappelle que la supervision et la responsabilité du notaire va être au coeur de cet enjeu-là. Alors, naturellement, on va souhaiter que la confidentialité, que toutes les obligations professionnelles et déontologiques soient respectées, de part et d'autre, et par l'étudiant, et par le notaire responsable. Donc, c'est vraiment dans l'élaboration.

Alors, c'est pour ça que je parlais tout à l'heure des différentes directions de l'ordre qui ont été appelées à travailler, au sein de ce comité-là, pour vraiment s'assurer que toutes les obligations professionnelles et déontologiques du notaire vont être respectées, naturellement dans le but, là, d'assurer la protection du public.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Excusez-moi...

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, allez-y, Me Amabili-Rivet.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : ...je m'en allais ajouter aussi qu'il y a une vision où un étudiant qui irait à une clinique juridique le mardi, irait à la clinique juridique le jeudi, évidemment, s'il y a un client qui est associé à cet étudiant-là le mardi, avec un notaire, puis que le jeudi, c'est avec un autre notaire, bien, le client doit... la vision qu'on a, c'est que le client doit suivre le notaire et l'étudiant et pas seulement l'étudiant. Donc, quand vous parlez, à qui appartient ce dossier-là, c'est le notaire, ultimement, qui est responsable de cette supervision-là puis c'est lui doit avoir le dernier mot avec le client.

Donc, simplement pour illustrer que les clients, le notaire et l'étudiant doivent être vus comme un tout. Donc, si l'étudiant vient deux fois par semaine et il y a deux notaires différents, il ne pourra pas poursuivre avec le même client les deux fois. Je ne sais pas si...

M. Lévesque (Chapleau) : O.K. C'est clair, je comprends tout à fait. Je lisais votre mémoire, puis il y a également une crainte, quant à la perception, là, je vais vous le dire, là. Donc, vous dites... Bon, dans tous les cas, bien circonscrire les normes, conditions, modalités réglementaires qui découleront du p.l. n° 75, bon, autrement, la population pourrait être portée à croire que seule l'inscription à un diplôme universitaire de premier cycle est suffisante pour pratiquer le droit. Et, plus loin, vous émettez certaines conditions, exemple, sous la responsabilité et la supervision étroite d'un notaire, un nombre de crédits universitaires minimal, le fait de limiter les actes qu'il pose au domaine du droit où il réussit ses crédits.

Est-ce qu'il y aurait d'autres éléments ou d'autres points, auxquels vous avez pensé, qui pourraient justement, là, se retirer ou, du moins, éliminer cette perception et cette crainte pour le public?

Mme Potvin (Hélène) : Oui. Raphaël, est-ce que tu veux compléter?

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Oui. On parle aussi de quels seront spécifiquement ou précisément les obligations réglementaires qui devront s'appliquer à l'étudiant. À l'heure actuelle, on pense à l'article 12 du Code de déontologie des notaires qui prévoit une règle générale. Est-ce que cette règle générale là est suffisante? On devra spécifier quelles sont les mesures. Il avait été question aussi, un peu plus tôt, d'un registre des plaintes des utilisateurs.

Donc, comme je le disais un peu plus tôt, ça va faire partie de la mise en oeuvre, c'est des éléments qui ne sont pas encore tout à fait... sur lesquels on n'a pas encore tout à fait statué. Mais pour justement répondre à cette éventualité-là où on ne veut pas que le public ait une mauvaise perception puis on veut que le public comprenne bien que c'est vraiment une ouverture qui est offerte par le projet de loi, mais qui doit être bien cadrée et bien limitée, là...

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup. Je pense que...

Le Président (M. Bachand) : Dernier commentaire, M. le député, oui?

M. Lévesque (Chapleau) : Il ne reste que quelque 20 secondes. Merci beaucoup, là. J'imagine qu'on aura l'occasion d'en discuter davantage... et vos travaux en lien avec la collaboration des autres ordres... Vous pourrez nous revenir avec ça. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Pour une période de combien de temps?

Le Président (M. Bachand) : 13 min 36 s.

M. Tanguay : Merci à vous. Bien, bonjour, Me Potvin. Bonjour, Me Amabili-Rivet. Merci d'être présents avec nous ce matin pour discuter du projet de loi n° 75.

J'aimerais reprendre la balle au bond. Évidemment, quand on dit : Oui, saluons cette avancée-là que nous pouvons faire, autrement dit, permettre à des étudiants en droit, qui pourraient s'enligner vers le cheminement du notariat également, de pouvoir dispenser des cliniques juridiques, des avis juridiques, des conseils juridiques... mais l'importance, on le voit, de bien encadrer ça pour ne pas l'échapper, protection du public, évidemment, étant la règle initiale d'or.

J'aimerais vous entendre sur l'expérience différente que vous avez notée dans le document que vous nous avez envoyé. Autrement dit, permettre notamment à l'étudiant d'agir au sein d'une clinique juridique communautaire affiliée à une université, on sait pertinemment que l'expérience acquise y sera différente. J'aimerais ça vous entendre sur la différence que vous y voyez et l'avantage de cette différence-là, s'il vous plaît.

Mme Potvin (Hélène) : Je vais laisser mon collègue encore répondre à cette question.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Oui, bonjour. Merci pour votre question.

Je vous l'ai mentionné un peu plus tôt, je pense qu'on voit ça à deux niveaux : le milieu physique, la communauté, disons, là, pour reprendre l'expression exacte de communautaire, mais aussi sur le type de clientèles qui vont aller d'adresser à ces types de cliniques juridiques là. Souvent, dans un milieu universitaire, ça va être des étudiants, ça va être... pas nécessairement M., Mme Tout-le-monde qui vont pouvoir y aller. Donc, dans une clinique communautaire, on prétend, là, que ce n'est pas le même type de clientèles puis ce n'est pas le même type d'expérience que ça donne aux futurs juristes dans le contact qu'il va y avoir avec cette clientèle-là également.

M. Tanguay : Et est-ce qu'il serait loisible, évidemment, au départ, puis je pense que c'est sous-entendu, là, de permettre aux étudiants qui le veulent de participer à de telles cliniques juridiques? Mais là je ne parle pas juste sur l'aspect communautaire, je parle sous l'aspect... sous tous les aspects, là, communautaire ou intramuros au niveau des universités.

Croyez-vous que ça doit absolument être non pas obligatoire mais que ce soit du désir même exprimé par l'étudiant de le faire ou pas? Pensez-vous, peut-être que, dans un avenir rapproché, ça pourrait même faire partie d'un élément obligatoire pour obtenir certains crédits? Est-ce qu'on pourrait imaginer aller en ce sens-là?

Mme Potvin (Hélène) : Il faut noter que... c'est ça, c'est vraiment un choix de l'étudiant qui va s'inscrire à ce cours-là, puisque le cours va être éligible à des crédits, donc va faire partie du cursus universitaire. Alors donc, ce n'est pas nécessairement tous les étudiants qui vont choisir ce parcours-là, mais on peut penser, là, que... Est-ce que ça devrait devenir obligatoire? Bien, il faut voir aussi l'expérience. Puis nous, on est toujours aussi à l'affût de s'assurer que la formation des étudiants, des candidats à la profession est adéquate et suit aussi l'évolution de la société. Alors, ça, on est toujours, là, à l'affût d'une modification dans ce sens-là, si besoin est.

M. Tanguay : Et, en ce sens-là, je trouve très intéressant votre point, Me Potvin, se donner collectivement un rendez-vous, peut-être après deux ans, trois ans d'exercice. On sait qu'il y a la Table Justice qui est toujours... qui siège toujours, mais au-delà de ça, peut-être qu'il y aurait lieu... peut-être dans la loi ou pas, on pourra y réfléchir comme législateur, mais de se donner un rendez-vous, justement, pour faire le point. Là-dessus, je pense que ce serait... je reprends la balle au bond, ce serait pertinent, n'est-ce pas?

Mme Potvin (Hélène) : Tout à fait. Il faut toujours, c'est ça, revoir notre formation, revoir les habiletés des étudiants puis des candidats à la profession, dans le but, naturellement, là, de faire des bons juristes, et que la population soit bien servie, et donc, par des professionnels compétents, qui ne sont pas... qui n'ont pas que la tête dans les nuages, mais qui sont bien, là, dans des situations réelles et qui peuvent bien répondre aux besoins des citoyens.

M. Tanguay : Dans le règlement qui va venir, et sur lequel donc vous avez déjà une réflexion très avancée, j'aimerais que vous commentiez l'aspect assez important pour un type de dossier qui arrive sur la table d'une étudiante ou d'un étudiant. Vous savez, quand on est avocate ou avocat, on est capable de dire : Bien, moi, je ne fais pas tellement de ce type de droit là. J'ai développé une pratique sous tel, tel, tel aspect. Je vais, si vous le voulez bien, vous référer à un collègue. Là, il y aurait lieu d'avoir une supervision suffisamment étroite pour permettre une réflexion de la part de l'étudiant. Oui, j'ai fait Obligations 1, mais est-ce que je suis suffisamment ferré, si vous me permettez l'expression, pour dispenser...

Donc, cette évaluation-là est excessivement importante. On dit que c'est important, avant d'accepter un mandat, d'avoir les pleines capacités de pouvoir le livrer. J'aimerais vous entendre sur l'importance de cet aspect-là initial. Est-ce qu'on prend le mandat, ou pas, ou on le ne le réfère pas peut-être... moi, si j'étais superviseur dans une telle clinique, bien, peut-être à une autre étudiante qui a une année de plus et qui a complété... parce qu'il y a des aspects... Vous savez, un dossier... c'est rare qu'un dossier, là, c'est sur une question, c'est l'article 147 de la loi, puis c'est oui, puis c'est non. Si c'était ça, probablement que le dossier, on ne l'aurait pas sur notre table. Alors, ça touche... Alors là, on dit : Ah! il y a peut-être un peu de droit de faillite là-dedans, il y a peut-être un droit de succession également, obligation au Code civil. Alors, l'importance de bien faire l'évaluation et de donner le dossier, de le confier à la bonne étudiante ou étudiant...

• (11 h 30) •

Mme Potvin (Hélène) : Alors, c'est sûr que nous, on ne peut pas se substituer aux gens, là, qui oeuvrent dans les cliniques, parce que vous comprenez que ce n'est pas notre rôle à la chambre. Donc, cette attribution-là des dossiers, cette évaluation-là, elle va se faire vraiment au sein de la clinique.

Et, quand on parle de supervision du notaire, eh bien, c'est dans ses obligations déontologiques et professionnelles de savoir si le notaire a la compétence et les connaissances pour traiter le dossier, un, et doit s'assurer... j'en parlais dans mon allocution, donc, puisque l'étudiant est sous sa supervision, de s'assurer que l'étudiant est également à l'aise. Donc, la clinique va se doter d'un système aussi de tri et d'attribution, là, des clients.

Alors, moi, encore une fois, je ne veux pas me substituer aux opérations de la clinique. Mais ce que nous, on en sait à la chambre, c'est que ça se passe comme ça, là, présentement, déjà.

M. Tanguay : Est-ce que... Comment pouvons-nous évaluer, tant pour la Chambre des notaires que pour le Barreau, l'appel... le niveau d'enthousiasme de l'appel qui sera créé auprès des praticiens, praticiennes? Comment on peut évaluer ça? Parce que c'est bien beau dire : On va en théorie mettre sur pied plusieurs cliniques, peut-être qu'il y en aura de communautaire également, le déploiement va se faire graduellement aussi. Mais, au-delà de ça, quelle indication avez-vous, vous, de votre côté, à la Chambre des notaires, qu'il y a des notaires d'expérience qui vont lever la main, qui vont dire : Oui, moi, j'embarque là-dessus?

On le voit un peu avec les stages, avec la supervision des stages, mais, au-delà de ça, là, les stages vont demeurer avec le même nombre, mais on vient élargir ça à une pratique qui n'est pas un stage dans un bureau d'avocats ou dans un bureau de notaire, où là peut-être que la personne pourra poursuivre sa pratique. Là, on est dans un aspect un peu plus philanthropique, je dirais, plus désintéressé, là.

Mme Potvin (Hélène) : Bien, en première ligne, d'abord, il y a nos professeurs, nos professeurs qui ont un titre de notaire ou d'avocat, qui seront en mesure de superviser ces étudiants-là. Et, dans un autre ordre, donc, il y a déjà des notaires qui s'impliquent au sein des cliniques, donc on peut présumer qu'il y aura toujours des notaires qui seront, là, disponibles et disposés, là, à être un superviseur puis à suivre de près ces cliniques-là. Je ne sais pas, est-ce que, Raphaël, tu souhaites ajouter?

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Oui, mais si je peux compléter, le fait également... là, vous parliez du programme de stage actuel. Pour l'année en cours, il y a environ 130... en fait, maîtres de stage notaires qui ont été retenus dans cette mesure-là et il y a également un programme de mentorat qui est mis en place par la chambre depuis quelques années. Donc, l'idée de mentorer, d'accompagner, c'est quelque chose également, là, qu'on remet de l'avant, là, autant pour... au niveau du stage que pour mentorat entre professionnels.

M. Tanguay : Parfait, merci beaucoup. Merci pour avoir répondu à nos questions.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup. Bonjour à vous deux. Merci de votre présence et de votre présentation.

Moi, je pars du principe que l'idée de permettre aux étudiants de donner des avis juridiques d'une manière très encadrée, ça a vraiment un objectif d'accessibilité à la justice. Et je vous suis parfaitement quand vous dites qu'il faut considérer l'élargissement aux cliniques communautaires, parce que, justement, ces cliniques-là desservent généralement les personnes les plus vulnérables qui ont le moins accès à la justice. Et si, donc, on veut aller au bout de la logique d'améliorer l'accès à la justice, je pense qu'il faut évidemment considérer cet élargissement-là comme nous invitent à le faire, là, plusieurs cliniques communautaires.

Tantôt, dans l'échange... je veux juste voir, quand vous parlez d'un lien de rattachement, quand on parle d'étudiants, généralement, comment ça fonctionne. Vous le savez aussi bien que moi, je l'ai fait moi-même quand j'étais étudiante, c'est que vous avez des crédits en échange, donc, d'un stage dans une clinique qui peut être universitaire ou communautaire, et donc ça remplace comme un cours. Alors, du fait même de pouvoir aller être dans une clinique communautaire, vous êtes en quelque sorte endossé par votre faculté puisqu'il y a une reconnaissance de ce côté-là.

Est-ce que je comprends que c'est ça dont vous parlez quand vous dites : Il faut qu'il y ait un lien, ou vous parlez de satellite, de quelque chose de très formel qui ne serait comme pas vraiment une clinique communautaire, mais un appendice d'une clinique universitaire, ou vous parlez vraiment des cliniques communautaires qui existent déjà et qui accueillent déjà ces étudiants-là, avec des ententes, en fait, avec les universités?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, oui, tout à fait, c'est ça. Donc, nous, on parle d'ententes. On veut élargir cette notion-là, justement, de cliniques, comme on a parlé tout à l'heure, communautaires. Alors, c'est ça, c'est pour ça qu'on doit discuter avec les universités, comme vous l'avez bien dit. Si on veut que le programme soit reconnu, on doit identifier ces cliniques-là, on doit vraiment savoir où sont les étudiants, et les universités auront naturellement une part de responsabilité dans ça. Alors, c'est pour ça que c'est important qu'on fasse une entente et puis qu'on précise vraiment les rôles de chacun, là.

Mme Hivon : Parce qu'en fait, si on pousse la logique, souvent, dans les cliniques communautaires, il y a beaucoup de praticiens qui donnent du temps dans les cliniques et qui peuvent, à la limite, donc, travailler avec les étudiants que même dans les milieux universitaires où, oui, les professeurs vont être membres du Barreau ou de la Chambre des notaires, mais ne sont pas vraiment des praticiens. Donc, moi, je vous dirais que de ce point de vue là, ça m'échappe un peu, la logique d'exclure d'emblée les cliniques communautaires. Puis je voulais comprendre si c'est votre expérience aussi que, dans le fond, ça se passe très bien puis que les étudiants qui sont là sont évidemment entourés d'avocats ou de notaires d'expérience.

Mme Potvin (Hélène) : On n'a pas vraiment beaucoup d'information à ce sujet-là. Peut-être Raphaël peut compléter, là.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Peut-être en complément, justement, là, il y a la clinique juridique en droit notarial de l'Outaouais, qui est une des seules cliniques juridiques spécifiquement en droit notarial, qui est rattachée à l'Université d'Ottawa, mais qui n'est pas une clinique juridique universitaire à proprement parler. Donc, je pense, ça rejoint un peu vos propos.

Également, l'autre élément, l'autre exemple qui peut être montré, c'est que, des fois, il y a des bureaux d'information juridique qui sont dans une université, donc physiquement dans une université, mais qui n'ont pas la reconnaissance de l'université pour être une clinique. Donc, ça rejoint aussi, là, l'autre élément, là, donc d'identifier quelles sont ces cliniques-là qui ont un facteur de rattachement avec une université, donc de concert, comme le disait la présidente, entre l'ordre professionnel et l'université, d'identifier : Bon, bien, celle-là rencontre les critères, va avoir une supervision adéquate puis un encadrement adéquat au niveau du cursus universitaire.

Mme Hivon : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. Écoutez, merci beaucoup de votre participation aux travaux de la commission. Ça a été très intéressant et très éducatif.

Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci beaucoup. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 38)

(Reprise à 15 h 32)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. La Commission des institutions reprend ses travaux.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 75, Loi visant à améliorer l'accessibilité et l'efficacité de la justice, notamment pour répondre à des conséquences de la pandémie COVID-19.

Cet après-midi, nous entendrons, bien sûr, l'Association professionnelle des avocates et avocats du Québec, suivie de l'Association des avocats et avocates de province. Mais d'abord, nous débutons avec les représentantes du conseil des doyens des facultés de droit du Québec, auxquelles je souhaite la bienvenue.

Alors, je vous invite d'abord à vous identifier et débuter pour votre présentation pour une durée de 10 minutes. Après, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, merci d'être ici, et bon après-midi, et la parole est à vous.

Conseil des doyens et doyennes des facultés de droit du Québec

Mme Houle (France) : Merci beaucoup, M. le Président, M. le ministre, les députés de l'Assemblée nationale, merci beaucoup de l'invitation faite au conseil des doyens et doyennes des facultés de droit civil du Québec à participer à la consultation sur le projet de loi n° 75. Je me présente, mon nom est Me France Houle, doyenne, Faculté de droit de l'Université de Montréal. Et je suis accompagnée par ma collègue, Anne-Marie Laflamme, doyenne, Faculté de droit de l'Université Laval. Nous allons partager le temps de parole, et je vais commencer en premier.

Alors, pour commencer, il faut préciser que les commentaires du conseil portent uniquement sur les dispositions du projet de loi autorisant les étudiants à donner des consultations ou avis d'ordre juridique à des cliniques juridiques universitaires. D'emblée, nous tenons à vous dire que nous appuyons très, très, très fortement et avec beaucoup, beaucoup d'enthousiasme ces dispositions du projet de loi. Ça fait très longtemps que nous attendons ce moment.

Nous souhaitons partager cinq souhaits avec vous. Le premier est que ces dispositions soient adoptées telles quelles. Le deuxième, que les ordres professionnels adoptent rapidement les règlements qui encadreront la pratique dans les cliniques universitaires. Troisièmement, que les ordres professionnels consultent les facultés de droit à cet égard. Ce matin, les deux ordres ont dit vouloir collaborer avec nous. Alors, nous étions très heureux de les entendre. Quatrièmement, que ces règlements soient tout aussi rapidement examinés et recommandés par l'office et approuvés par le gouvernement, et ce, dans les six mois de l'adoption du projet tel que précisé par l'article 56. Enfin, les doyens et doyennes souhaitent pouvoir mettre en oeuvre le nouveau modèle de clinique dès la rentrée d'automne 2020‑2021. Si la pandémie est, à toutes fins pratiques, terminée, ce sera une belle occasion d'inaugurer l'ère postpandémie dans les facultés de droit civil du Québec et de l'Université d'Ottawa.

Au Québec, les cliniques juridiques existent depuis au moins 40 ans. Depuis lors, la population du Québec a changé, ses besoins aussi, notamment parce que les systèmes juridiques sont plus nombreux et plus complexes. Dans nos cliniques, nos clients sont, certes, des étudiants du campus, de l'Université de Montréal et des autres universités, mais aussi la population extérieure. Par exemple, l'UdeM est située dans le quartier Côte-des-Neiges. Alors, il y a beaucoup d'immigrants qui viennent nous voir.

Comme vous le savez, il y a, dans les universités québécoises, déjà beaucoup de cliniques où les étudiants apprennent à mettre en pratique la profession qui sera la leur. À l'Université de Montréal, je vous en nomme juste quelques-unes, alors, la clinique dentaire, de la vision, en orthophonie, audiologie, en nutrition et une clinique en psychologie.

Dans toutes ces cliniques, les étudiants donnent des conseils et posent des actes professionnels sous étroite supervision par des professionnels qui sont réglementés par les ordres professionnels, tout comme nous. Et ça marche.

De toute évidence, les universités ont fait la preuve de leur savoir-faire pour former les étudiants à la pratique responsable de leur future profession. Il va sans dire que les facultés de droit sont tout aussi capables de le faire. Il faut nous faire confiance. Sachez que dans les cliniques juridiques, ce sont des professionnels, avocats ou notaires, qui supervisent les étudiants. Donc, le modèle de base préconisé dans le projet de loi que les étudiants soient étroitement supervisés par un avocat ou un notaire existe déjà. De plus, il est important que vous sachiez que mes collègues doyens et moi sommes membres du Barreau, et, pour la plupart d'entre nous, nous avons pratiqué avant de devenir professeurs.

Il est également important de vous dire que, dans nos facultés, il y a souvent un ou une directrice des cliniques juridiques qui est avocat ou avocate et qui a pratiqué le droit en cabinet. Chez nous, par exemple, notre directrice supervise le travail de tous les avocats et notaires qui, eux, supervisent les étudiants, et ces avocats et notaires ont tous entre 10 et 20 années d'expérience.

Donc, un message que je tenais à vous livrer aujourd'hui est qu'il y a déjà un travail très étroit et très sérieux de supervision qui se fait dans nos universités. Alors, même si, pour le moment, nous ne donnons que l'information juridique, ce travail, nous le faisons en ayant à l'esprit la protection du public, mais aussi en ayant à l'esprit l'idée de protéger nos étudiants. Nous ne souhaitons pas que nos étudiants commencent leur carrière en ayant une plainte sur le dos au bureau de l'ombudsman, par exemple. Donc, cette volonté de protéger le public et nos étudiants sera encore plus forte lorsqu'ils seront autorisés à donner des avis et conseils juridiques.

Alors, je vous remercie et je céderai maintenant la parole à ma collègue Me Laflamme.

Mme Laflamme (Anne-Marie) : Merci, Me Houle. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés de l'Assemblée nationale, bonjour. À mon tour, je vous remercie pour cette belle ouverture qui nous permet de discuter, aujourd'hui, des cliniques juridiques universitaires. Je renchéris sur les propos de ma collègue en vous exposant les retombées positives découlant de l'adoption du projet de loi n° 75. Il y en a deux principales, et la première est vraiment primordiale pour nous.

D'abord, c'est d'améliorer l'apprentissage par l'expérience de nos étudiants. Comme l'a mentionné ma collègue France, les universités ont fait la preuve de leur savoir-faire pour former les étudiants à la pratique responsable de leur future profession. L'apprentissage expérientiel qu'on nomme aussi l'ensemble clinique fait maintenant partie intégrante de la pédagogie universitaire. Il ne nous viendrait pas à l'esprit, aujourd'hui, de former des professionnels de la santé sans leur permettre d'appliquer les connaissances théoriques aux personnes qui requièrent des soins sous un encadrement et une supervision appropriés.

De la même manière, la formation en droit nécessite une confrontation aux problèmes juridiques concrets pour former des juristes compétents et aptes à répondre aux besoins de notre société. L'apprentissage au sein d'une clinique juridique permet à l'étudiant de développer son savoir-être et son savoir-faire. Par exemple, il lui permet de comprendre qu'un problème juridique touche à différents domaines du droit. Comme on le mentionnait ce matin, il n'arrive pas avec une étiquette de droit de la famille, droit des biens ou droit des obligations.

Il lui permet de découvrir l'aspect émotionnel du travail juridique, de constater son impact chez l'humain, chez la personne aux prises avec un problème. Il lui permet de rencontrer des citoyens dont les profils sont diversifiés en termes de classe sociale, de culture, d'âge, des citoyens démunis ou marginalisés. Il lui permet de développer une éthique de travail dans la relation avec le client, mais aussi dans la gestion des dossiers.

• (15 h 40) •

Et surtout, il lui permet de prendre conscience des limites du droit, des limites inhérentes au fonctionnement du système judiciaire qui font en sorte que parfois des démarches peuvent déboucher sur des résultats décevants ou tardifs, mais aussi des limites à agir sur un ensemble de situations sociales. Par exemple, l'étudiant pourra constater que la solution à un problème se trouve dans la recherche d'un règlement à l'amiable, davantage que dans un recours devant les tribunaux.

L'un des reproches que le milieu de la pratique fait souvent aux facultés de droit, c'est d'offrir une formation qui est trop théorique. Les étudiants arrivent dans les cabinets d'avocats ou de notaires ou même aux études supérieures sans avoir une bonne compréhension du milieu. L'enseignement clinique permet de combler cette lacune. Il fait de l'étudiant un meilleur juriste et un meilleur citoyen.

Ceci m'amène à la deuxième retombée positive, dont on a beaucoup parlé ce matin, l'accès au droit et à la justice tout en assurant la protection du public. Les cliniques universitaires favorisent concrètement l'accès à la justice, comme le montrent l'expérience des autres provinces canadiennes et celle des cliniques qui existent déjà au Québec. Les bassins de population visés sont largement composés de justiciables qui n'ont aucun accès financier tangible aux services juridiques payants des avocats ou des notaires. Un meilleur soutien dans leurs démarches juridiques permettrait d'accroître la protection que peuvent recevoir les citoyens, mais aussi de rehausser leur confiance dans notre système de justice.

Aucune étude n'a démontré que le fait de permettre à des étudiants en droit étroitement supervisés de poser des actes juridiques compromettrait, d'une façon ou d'une autre, la protection du public. Et, à cet égard, le fait de poser un acte réservé pour soigner un patient ne présente pas moins de risque que le fait de donner un avis juridique à un client. Dans les deux cas, ce qui est le plus important, c'est l'encadrement et la supervision appropriés qui permettent d'assurer la protection du public.

Ici, je me permets de revenir sur la proposition qui a été faite par le Barreau de Québec ce matin de limiter les cliniques juridiques universitaires à la formation créditée. Nous vous demandons bien respectueusement de laisser la marge de manoeuvre aux facultés de droit pour décider de cette question.

Plusieurs modèles de cliniques peuvent être envisagés, que ce soit par l'entremise d'activités créditées ou non créditées. Les facultés souhaitent pouvoir explorer ces modèles graduellement et bénéficier d'un cadre souple qui leur permettra de les faire évoluer au fil de l'expérience.

S'agissant maintenant de notre position à l'égard des cliniques juridiques communautaires, puisque nous appréhendons la question suite aux discussions de ce matin, bien, nous sommes évidemment favorables à toute initiative permettant que le plus grand nombre possible d'étudiants puissent bénéficier d'un apprentissage expérientiel, comme il se fait dans ces cliniques.

Nous ne sommes cependant pas en mesure de vous décrire, à ce stade-ci, la forme que prendrait cette collaboration entre les cliniques communautaires et les facultés de droit, puisque la question vient tout juste d'être portée à notre attention et que cela nécessite une réflexion.

En conclusion, donc, plusieurs ordres professionnels permettent, de manière claire et explicite, aux étudiants inscrits dans les programmes universitaires de poser des actes réservés sous la supervision d'un professionnel en exercice. Les changements législatifs proposés pour le projet de loi n° 75 proposent d'étendre cette permission aux étudiants de droit. Cet enseignement par l'expérience constituerait un complément précieux à la formation, tout en offrant un service de première ligne qui améliorerait l'accès à la justice.

C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme que les facultés de droit du Québec appuient ce projet et elles offrent leur entière collaboration aux ordres professionnels pour réfléchir à un encadrement approprié et pour le mettre en oeuvre. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup pour votre présentation. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Me Houle, Me Laflamme, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission aujourd'hui. Au nom des conseils des doyens des facultés de droit civil au Québec, c'est apprécié. Je vous remercie également pour votre mémoire. Vous soulignez l'avancée que nous faisons en déposant le projet de loi, en permettant justement aux étudiants en droit d'avoir une expérience pratique. Et surtout, je crois que ça va permettre aussi à de nombreux justiciables de bénéficier de conseils et d'avis juridiques, et ça, pour l'accès à la justice, je crois que c'est une avancée significative.

Vous l'avez abordé dans votre présentation relativement à la forme des cliniques juridiques, nous, dans le projet de loi actuellement, là, on a indiqué, au paragraphe 2° de l'article 128.1 : «...il pose ces actes au sein d'une clinique juridique d'un établissement d'enseignement de niveau universitaire qui décerne un diplôme», bon, qui mène vers le Barreau ou la Chambre des notaires.

Le Barreau nous disait tout à l'heure : Écoutez, on veut vraiment, là, que vous veniez clarifier et limiter ça à l'intérieur du cadre de la faculté de droit. La Chambre des notaires est venue nous dire : Écoutez, nous, on serait prêts à ouvrir davantage avec... lorsque la faculté de droit... la clinique universitaire est responsable.

Alors, comment est-ce que vous voyez le niveau de responsabilité d'une faculté de droit, si jamais on choisissait d'aller vers des cliniques qui sont sous la responsabilité d'une faculté de droit, donc ça veut dire à l'externe, pas nécessairement dans les locaux de la faculté de droit? Comment vous voyez le niveau de responsabilité de la faculté de droit?

Mme Houle (France) : Donc, le niveau de responsabilité d'une faculté, pour le moment, ce à quoi nous pensons, c'est que tous les avocats et tous les notaires qui vont superviser les étudiants vont avoir une assurance responsabilité, la directrice générale chez nous en aura une aussi, et l'université en a une également. Et l'université comble les besoins si les assurances responsabilité professionnelle ne les comblent pas. Alors, pour le moment, on pense que ça sera suffisant au niveau de la responsabilité des facultés, responsabilité, là, au sens juridique.

Maintenant, je ne sais pas si c'est votre question ou si vous voulez la préciser pour parler d'une autre forme de responsabilité que la responsabilité juridique.

M. Jolin-Barrette : Mais, en fait, je vous dirais, oui, la responsabilité juridique, mais aussi le niveau d'encadrement. Parce que, si on prend une clinique universitaire dans vos locaux, à la Faculté de droit de l'Université de Montréal ou à la Faculté de droit de l'Université Laval, mais c'est avec un responsable de la clinique juridique qui est soit un professeur ou soit un praticien engagé pour superviser les étudiants en droit, versus si c'est dans une clinique autre avec laquelle vous envoyez des étudiants, supposons pro bono, qui serait encadrée et qui serait reconnue par des crédits de la faculté de droit. Parce que, tout à l'heure, vous avez fait référence au fait que, bien, il y a certaines activités qui sont reconnues mais qui n'ont pas nécessairement de crédit.

Alors, quelles sont les modalités qui permettraient d'assurer un encadrement adéquat des étudiants, mais qu'il y ait vraiment un facteur de rattachement à la faculté de droit puis à la clinique juridique universitaire?

Mme Laflamme (Anne-Marie) : Bien, si vous me permettez d'intervenir, M. le ministre, votre question est très pertinente. Et je pense que ces modalités-là, elles devront être discutées avec les ordres professionnels, cette question précise de l'encadrement, parce que ce qu'on constate à travers les différentes facultés que l'on représente, c'est qu'il y a différents modèles qui peuvent se poser. On pourrait même imaginer une clinique où il y aurait à la fois des activités créditées, non créditées, donc certaines pour lesquelles l'encadrement et la supervision seraient différentes que pour d'autres.

Ce qu'on souhaite, c'est avoir la latitude de pouvoir décliner ces cliniques-là en fonction des besoins et en fonction aussi des ressources qui sont dans les facultés, mais surtout avec une étroite collaboration avec les ordres professionnels pour voir quel est l'encadrement qu'ils jugent nécessaire pour permettre à nos étudiants de poser des actes juridiques. Mais il n'y a pas juste un modèle, il y a plusieurs modèles qui peuvent se décliner de ce point de vue là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et, au départ de l'allocution de Me Houle, vous nous disiez : On souhaite que ça soit adopté tel quel. Donc, avec le libellé que nous avons actuellement, vous pensez que ça amène assez de souplesse pour discuter avec la Chambre des notaires et avec le Barreau pour arriver à diverses modalités qui pourraient être couvertes, à la fois une faculté... en fait, une clinique universitaire à l'intérieur de la faculté ou à l'externe mais avec un lien de rattachement avec la faculté.

Mme Laflamme (Anne-Marie) : En fait, je ne sais pas si je peux intervenir... en fait, oui, en fait, parce qu'on veut avoir cette souplesse-là. Parce que, vous savez, parfois, il peut y avoir des nuances qui sont quand même assez minces entre le stage et la clinique juridique universitaire. Il faut regarder sur le terrain comment ça se passe puis quel genre d'encadrement on veut fournir. Et ça, ça peut se décliner de façon différente d'une faculté à l'autre.

Alors, il peut y avoir un stage, par exemple, dans une clinique communautaire ou on peut décider de créer une véritable clinique juridique universitaire. Tout ça n'est pas clair et limpide, surtout que le projet de loi est nouveau. Il va falloir l'apprivoiser puis voir comment est-ce qu'on peut en tirer profit.

Notre objectif à nous comme faculté de droit, c'est d'essayer de tirer profit de cette nouvelle opportunité là pour bonifier la formation de nos étudiants, mais ça va pouvoir se faire de différentes façons. Il n'y a pas juste un modèle.

Mme Houle (France) : Si je peux ajouter à cette question-là... Pour nous, et ça, c'est important, on en a beaucoup parlé, les doyens, les doyennes, il y a vraiment une question de coûts des ressources matérielles, financières, et en ressources humaines aussi, qui vont devoir être injectés pour mettre ce nouveau modèle en oeuvre et pour le faire correctement aussi. Donc, on va apprendre à travers tout ça, et c'est pour ça qu'on n'est pas pressés d'une certaine façon d'aller trop vite et trop loin. Et d'ailleurs, bon, Me Laflamme vous parlait d'évolution au fil des ans, et c'est vraiment dans cet esprit-là qu'on est, là, de commencer petit, et on verra par la suite comment on va faire évoluer les choses. Et peut-être qu'un jour on sera rendus aux cliniques communautaires.

• (15 h 50) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, pour être bien clair, là, actuellement, avec le libellé que nous avons, là, «il pose ces actes au sein d'une clinique juridique d'un établissement d'enseignement de niveau universitaire», donc, ça, ça signifie que, pour pouvoir faire des avis juridiques ou des conseils juridiques, nécessairement, il faut que ça soit une clinique juridique universitaire qui a été établie par la faculté de droit. Donc, ça veut dire soit dans les locaux ou soit à l'extérieur des locaux, mais que c'est la clinique universitaire. C'est reconnu, là, par la faculté. Donc, à ce moment-là, dans les règlements que le Barreau et la Chambre des notaires va édicter, la discussion va devoir avoir cours entre les facultés et eux. Donc, vous êtes à l'aise avec ça.

Mme Laflamme (Anne-Marie) : Oui. Nous, ce qu'on comprend du projet de loi, c'est la souplesse qu'on apprécie, c'est que la création de ces cliniques juridiques universitaires, c'est sûr que ce sont les facultés de droit qui vont en déterminer la forme, qui vont les structurer. Par contre, si on parle de la responsabilité professionnelle, bien, c'est là que ça va devoir se décliner peut-être de façon différente, selon nos discussions avec le Barreau. La responsabilité professionnelle des actes posés devra probablement relever des professionnels en exercice, ce qui ne veut pas dire pour autant que les facultés ne seront pas sous la responsabilité pédagogique ou académique des facultés de droit.

C'est ce qu'on comprend dans le projet de loi que vous nous confiez en quelque sorte, M. le ministre, si je peux dire, le mandat de créer ce modèle de cliniques là puis d'assurer aussi, là, qu'elles permettent, là, de bien intégrer la formation pratique dans le cursus de nos étudiants tout en protégeant le public. Et là c'est là qu'il y a une tierce partie qui entre en ligne de compte, comme ça se fait toujours en formation pratique dans les universités : le professionnel, qui va venir épauler la formation universitaire, qui va venir vraisemblablement prendre une part de la responsabilité professionnelle des actes posés. C'est une espèce de contrat tripartite, si je peux dire, entre le milieu de la pratique, l'étudiant et la faculté de droit qui vient bonifier puis consolider la formation de l'étudiant.

M. Jolin-Barrette : O.K. Pour poser les gestes prévus, comme des avis juridiques ou des conseils juridiques, comment vous envisagez la formation académique de vos étudiants avant de pouvoir accéder? La Chambre des notaires, tout à l'heure, disait : Peut-être qu'on devrait exiger 45 crédits. Quelle est votre vision par rapport au nombre de cours déjà complétés avant de pouvoir faire des avis ou des actes?

Mme Houle (France) : Je vais répondre à la question, parce que chez nous l'étudiant doit avoir fait absolument 45 crédits, donc au moins une année et demie de cours, avant de s'inscrire dans une activité pratique, quelle que soit l'activité pratique, d'ailleurs. Donc, ils sont nécessairement en deuxième année, mais la plupart d'entre eux seront en troisième année. Donc, on n'a pas de difficulté avec l'idée qu'il y ait un minimum de 45 crédits, qui a été proposée par la Chambre des notaires, et d'ailleurs nous avons déjà discuté de cette question avec la Chambre des notaires l'année dernière.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Donc, je vous remercie... Ah! Vouliez-vous y aller, Me Laflamme?

Mme Laflamme (Anne-Marie) : Je suis d'accord avec ses propos et je suis convaincue qu'ils sont partagés par l'ensemble des doyens.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Me Laflamme, Me Houle, je vous remercie. Je sais que j'ai des collègues qui veulent vous poser des questions.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Me Houle, Me Laflamme, merci beaucoup de vos présentations.

Vous avez parlé de liberté ou d'autonomie sur la forme des cliniques à envisager, là, dans les universités. J'aimerais savoir... Le Barreau, ce matin, est venu nous mettre en garde, ou du moins avait quelques réticences. J'aimerais savoir comment vous mariez ces réticences avec cette volonté d'autonomie et de liberté, là. On parlait de... La faculté de droit pourrait créer une clinique dans le cadre d'un cours et octroyer des crédits aux étudiants qui choisissent ce cours, ou un professeur, de son propre chef, pourrait mettre sur pied une clinique et inviter les étudiants inscrits au programme à y participer, ou même un regroupement d'étudiants inscrits au programme pourrait créer une clinique au sein d'une faculté de droit sans aval facultaire.

J'aimerais juste avoir un peu votre vision par rapport à ça. Là, j'imagine qu'il y aura des discussions avec le Barreau pour la suite, mais, juste pour le moment... ce que vous avez là-dessus.

Mme Houle (France) : Bien, pour le moment, notre position, c'est que la responsabilité de l'université ou de la faculté va être celle où l'étudiant s'inscrit dans un programme. Donc, si l'activité est créditée, là, c'est nous qui allons superviser le tout. Si un professeur décide de former une clinique extracurriculaire, là, la faculté n'a pas à superviser ce qui se fait là. Et d'ailleurs les étudiants font beaucoup de choses en extracurriculaire, et on n'a pas l'intention de commencer, à tout le moins, pour la normale, de regarder ça de près. On aura assez à faire avec les cliniques créditées.

Mais j'ajouterais qu'on ne souhaite pas, pour le moment, de faire une distinction entre les cliniques créditées et non créditées, parce que, comme Me Laflamme le disait plut tôt, il y a énormément de cliniques puis de types de cliniques. Alors, à McGill, ils ont certains formats, il y a des étudiants qui vont travailler là, payés, pendant l'été, non payés pendant le trimestre, à titre bénévole, quelquefois, ce sera crédité. Alors, il faut donner suffisamment de souplesse de manière à ce qu'on puisse adapter et discuter aussi, avec le Barreau et la Chambre des notaires, de toutes ces formes de cliniques juridiques.

M. Lévesque (Chapleau) : O.K. Il y avait une autre crainte également qui était apportée, peut-être, vous pouvez m'éclairer sur ça, là, toute la question de la sécurité du public, je sais qu'on l'a effleurée tout à l'heure, là, bon, la notion du secret professionnel, la tenue des dossiers, à qui appartiennent les dossiers, la confidentialité. J'imagine que vous avez peut-être eu l'occasion de réfléchir sur ces questions.

Mme Laflamme (Anne-Marie) : En fait, c'est des questions qui se posent déjà, parce que, d'abord, il y a des étudiants qui travaillent dans des cabinets d'avocats, des stagiaires. On a déjà des cliniques juridiques qui existent dans les facultés. Alors, je pense qu'on est tout à fait capables de gérer ces questions-là de façon à bien protéger le public.

Ça fait d'ailleurs partie de l'apprentissage de nos étudiants d'apprendre à gérer ces questions, comment on conserve un dossier, comment on assure la confidentialité, comment on aborde un client. Je pense que ça fait partie de l'apprentissage de l'étudiant et, de mon point de vue, je ne pense que ça peut poser des risques pour la sécurité du public.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup. J'apprécie votre réponse. Peut-être en pratique, là, ce qui se passe actuellement dans les cliniques qui sont en opération actuellement dans les universités, bon, les avocats, les notaires qui sont là, est-ce qu'il y en a en nombre suffisant pour superviser les étudiants? Est-ce que ça fonctionne bien, ça va rondement? Peut-être nous éclairer, là, sur déjà ce qui est en place, peut-être, ça pourra donner des idées pour la suite.

Mme Houle (France) : Je vais parler de l'Université de Montréal, Me Laflamme pourra parler, par la suite, de l'Université Laval. Mais, chez nous, nous avons un avocat ou un notaire pour environ une dizaine d'étudiants. Et donc en a huit à 10, bon an mal an, qui travaillent avec nous. Je peux vous assurer qu'on n'a jamais eu de difficulté à en trouver et qu'ils veulent le faire, ce genre de travail... et qui aiment faire ce genre de travail. Je dois maintenant ajouter que chez nous, étant donné que ces activités sont créditées, il y a... ce sont des charges de cours. Donc, les avocats et les notaires sont payés pour faire le travail.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup. Pour ma part, je crois que ma collègue de Les Plaines aurait des questions, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : ...député de Chapleau. Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, Me Houle, Me Laflamme, pour votre présentation. Vous l'avez effleuré rapidement, mais moi, l'histoire de la confidentialité, évidemment, ça me trotte dans la tête. Et, tout en laissant la latitude — on rentre peut-être dans le détail, mais c'est un détail qui est important, là, la confidentialité — s'il y a plusieurs mentors, s'il y a plusieurs personnes qui travaillent avec les élèves, les étudiants, comment est-ce qu'on peut s'assurer de la confidentialité des dossiers?

Mme Houle (France) : Je peux répondre à cette question, parce que chez nous, il n'y a qu'un seul avocat pour un groupe d'étudiants, ou notaire. Il est en charge ou elle est en charge de 10 étudiants et les suit pendant tout le trimestre. Donc, ce problème-là, le problème que vous évoquez ne se pose pas. Par ailleurs, chez nous, nos étudiants signent une entente de confidentialité. C'était un des éléments que la Chambre des notaires voulait qu'on mette en place, mais chez nous, ça existe déjà.

Mme Lecours (Les Plaines) : Oui, effectivement, c'est la Chambre des notaires qui soulevait ce point. Donc, c'est toujours la même personne, le même mentor qui suit le dossier, peu importe le temps que ça peut prendre pour émettre un avis ou travailler le dossier. C'est ce que je comprends?

Mme Houle (France) : Oui. Et puis il faut comprendre aussi qu'on fait un tri, hein, des dossiers. On ne prend pas des dossiers complexes qui vont durer un an ou deux ans, c'est des dossiers qui durent quelques semaines. Et donc c'est certain que l'étudiant est capable de faire son travail durant le trimestre.

Mme Lecours (Les Plaines) : O.K. Bien, merci beaucoup. Écoutez, je comprends bien que ce que vous aimez, c'est la latitude dans l'évolution du modèle. C'est ce que je peux... si je peux m'exprimer ainsi.

Mme Laflamme (Anne-Marie) : Bien, absolument. Si je peux me permettre peut-être de vous donner un autre modèle de clinique juridique universitaire... Je pense, par exemple, chez nous, à la Clinique de droit international pénal et humanitaire, un domaine qui est peut-être un petit peu moins connu des praticiens. Il y a toutes sortes d'activités qui se déclinent à l'intérieur de cette clinique-là. Il peut y avoir du travail juridique qui n'est pas du conseil ou de l'avis juridique, donc qui ne constitue pas un acte réservé en vertu de la Loi sur le Barreau. Les étudiants sont formés sur le plan de l'éthique, des règles de confidentialité, etc., et quand il y a un mandat qui est confié, qui nécessite un avis proprement juridique, c'est sûr que ça se fait toujours sous la supervision de l'avocate responsable de cette clinique-là. Et elle, à ce moment-là, assure le suivi, l'encadrement du dossier de façon à ce que l'avis juridique qui est fourni aux partenaires... les mandats peuvent venir d'un peu partout dans le monde, et l'avis juridique, là, est révisé et cautionné par un professionnel en exercice. Alors, c'est des modèles auxquels peut-être on est moins habitués, mais ça vous montre un peu, là, toutes les façons dont peuvent se décliner les cliniques juridiques en fonction des domaines qui sont très diversifiés dans les facultés de droit.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine pour 13 min 36 s.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Me Houle et Me Laflamme, très heureux d'avoir l'occasion de discuter avec vous de cet aspect du projet de loi n° 75.

Vous plaidez, et corrigez-moi si j'ai tort, pour un modèle qui ne serait pas unique, donc de laisser une liberté aux différentes facultés de mettre, selon leur vision, sur pied de telles cliniques selon des modalités différentes, exemple, créditées ou pas créditées, et ainsi de suite. Est-ce que, ceci étant dit, vous verriez d'un bon oeil qu'il y ait, à un certain moment donné, après x nombre d'années, à terme, une sorte d'uniformisation ou l'on devrait plutôt permettre une continuité dans un modèle qui ne serait pas unique?

Mme Houle (France) : Moi, je pense que l'idée du modèle qui ne serait pas unique doit être conservée, parce qu'on doit laisser ce projet de loi évoluer sur les 10, 15, 20, 30 prochaines années. Et vu qu'on ne sait pas trop où on s'en va, et qu'est-ce qui peut se développer en droit, et le genre de système juridique qui peut venir et s'appliquer, bien, je pense qu'il faut laisser faire ça.

• (16 heures) •

M. Tanguay : Et vous avez, Me Houle, mentionné que dans certaines cliniques, bien, vous aviez accès, donc, tantôt à un notaire et un avocat, dans un contexte, je pense, où c'était une charge de cours. Dans ce contexte-ci, j'imagine que, là aussi, il y aurait la liberté d'en faire une charge de cours ou pas, et peut-être même de ne pas en faire une charge de cours ou pas, et d'y aller à votre rythme aussi. J'imagine que c'est une question également d'offre et de demande, à quelque part. Donc, vous avez... J'aimerais que vous fassiez écho à ce commentaire-là, parce qu'on a la réalité terrain, là, on n'est pas dans la théorie. Et aussi est-ce que les citoyens, les justifiables, est-ce qu'ils vont venir?

Et vous avez fait mention du fait qu'à l'Université de Montréal, dans le quartier Côte-des-Neiges, bien, c'est beaucoup de nouveaux arrivants, donc une réalité qui est peut-être toute autre que celle de l'Université Laval. Puis je suis allé aux deux universités, alors je peux témoigner effectivement que c'est des contextes différents, donc d'où l'importance, j'aimerais que vous fassiez écho à cela, d'avoir une latitude dans la façon dont ça s'applique sur le terrain.

Mme Houle (France) : Oui, c'est ça, et puis je peux vous donner un autre exemple pour illustrer l'importance de nous laisser la latitude. La faculté de droit de l'Université de Montréal, nous avons nos cliniques juridiques qui sont supervisées par les avocats et les notaires, mais on a aussi le Laboratoire de cyberjustice. Et le Laboratoire de cyberjustice veut développer des programmes où les clients, les consommateurs pourront régler leurs litiges en ligne. Et donc, ça, ça implique, par exemple, qu'on va aller dans le genre de problème qu'on appelle de basse intensité.

Alors là, on peut faire la connexion entre ce qu'on fait dans la clinique juridique en mettant l'accent sur ce qu'on appelle des litiges de basse intensité, là, donc peu complexes, et ouvrir le Laboratoire de cyberjustice en recherche pour qu'ils connaissent mieux tous les paramètres possibles d'application d'un tel litige de basse intensité.

Donc, pour nous, par exemple, cette possibilité de développer cet autre modèle où il va y avoir des liens entre la recherche et la pratique pour faire évoluer les deux en même temps me semble être un modèle qui est vraiment très heureux pour les universités.

M. Tanguay : Tout à fait. Et ce qui est plaisant, dans la conversation, c'est qu'on peut aller quand même assez loin sur ce sujet-là. Puis je vais me permettre un cas d'espèce puis j'aimerais avoir votre idée par rapport à cela. Est-ce que de telles cliniques juridiques devraient être envisagées exclusivement pour des conseils de nature, évidemment, juridique avant qu'il y ait contestation judiciaire ou qu'on pourrait accompagner un ou une justiciable qui se représenterait seul devant un tribunal? Alors, on est rendu peut-être un peu trop pointu, là, mais c'est une réflexion intéressante à avoir. Est-ce qu'on est préintroduction d'un recours ou on pourrait être et... épauler un justiciable qui se représente seul?

Mme Laflamme (Anne-Marie) : Bien, en fait, je répondrais que je pense que toutes les facultés de droit sont tout à fait d'accord avec le fait que les étudiants ne doivent pas être autorisés à représenter un justiciable devant les tribunaux. Ça, ça va de soi. Par contre, un processus d'accompagnement, je pense à la Cour des petites créances, à titre d'exemple, je pense à certains tribunaux administratifs, ça pourrait très bien se faire.

Et je me permets de revenir sur un point que ma collègue a abordé tout à l'heure, les... J'aimais beaucoup entendre, parce que c'est une réalité chez nous aussi, le fait que les cliniques juridiques enrichissent la recherche, et vice versa. Et ça, c'est très important dans les universités. Une clinique en droit de l'environnement ne se déclinera pas de la même façon qu'une clinique en droit international, pénal, humanitaire, en droit de la culture ou en droit de... ou une clinique qui s'intéresse aux entreprises en démarrage. Vous voyez? Il y a toutes sortes de choses qui peuvent être envisagées sous l'égide d'une clinique et qui sont très porteuses pour la formation de l'étudiant. De là toute la souplesse dont on veut bénéficier pour pouvoir tirer profit des dispositions de cette permission que vous allez bien vouloir nous accorder pour améliorer la formation de nos étudiants, mais ça se décline de façons très différentes. Mais, oui, ça peut être du conseil pour aider un justiciable à travers les méandres du système de justice.

M. Tanguay : Et ça pourra même, avec cette latitude-là, permettre à une faculté, justement, selon les différents — je reprends la balle au bond — domaines de droit, de peut-être imaginer, sans parler formellement de partenariat, mais d'imaginer des réseaux différents où on peut faire écho et dire : Bien, la clinique existe dans tel, tel type de droit, puis on ne parle pas au même monde, puis on ne parle pas au même réseau, mais d'avoir une approche différenciée en ce sens-là parce qu'on veut que les gens viennent, nous connaissent puis aient accès, parce que ça devient gagnant-gagnant aussi, là.

Mme Laflamme (Anne-Marie) : Bien, tout à fait. On parle beaucoup de mandats d'un étudiant avec un client, avec un justiciable unique, mais ça peut être une clinique aussi qui traite de différents projets qui sont soumis par des organismes sans but lucratif ou des organismes communautaires. Ça peut être quelque chose de beaucoup plus vaste qu'un simple conseil juridique qu'on donne à un client sur un sujet précis. Et ça, ça devient encore doublement intéressant pour les facultés de droit et pour la formation des étudiants.

Mme Houle (France) : Oui, là-dessus, la question de réseaux est importante parce que ça fait totalement partie du rôle des universités d'avoir sa place dans la cité, dans l'espace public et d'être présent. Donc, quand on pense en termes de réseau, on peut justement développer des cliniques juridiques qui vont pouvoir s'entraider les unes et les autres. Et ça, je pense que c'est très porteur comme idée.

M. Tanguay : Aussi tôt qu'automne 2021? Oui? On serait prêt en automne 2021?

Mme Houle (France) : Moi, je suis prête. Ça fait déjà un an que je me prépare à ça, ne sachant pas s'il y aurait un projet de loi ou non. Alors, j'ai joué une carte de poker, là, mais j'aimerais ça que le projet soit adopté de façon à ce que je puisse commencer en 2021, parce que, nous, tous les éléments sont en place. Et on a eu des discussions importantes aussi avec la Chambre des notaires. Donc, les conditions que la Chambre des notaires voulait nous imposer... bien, on est... c'est pas mal déjà tout là, tout en place.

M. Tanguay : Même son de cloche, Me Laflamme, de votre côté?

Mme Laflamme (Anne-Marie) : Ah! on a très hâte de pouvoir travailler sur ces projets-là. Je parle en mon nom mais aussi au nom de tous mes collègues des autres facultés de droit. Tout le monde n'est pas nécessairement prêt à ouvrir une nouvelle clinique à l'automne, mais, une chose est sûre, on est prêts puis on a très hâte de développer, avec les ordres professionnels, l'encadrement requis. Et nous, ici, on est en révision de programme à la Faculté de droit à l'Université Laval et on va être prêts à annoncer quelque chose certainement durant l'année académique 2021‑2022, donc dès l'automne prochain, vraisemblablement.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Me Houle et Me Laflamme. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de LaFontaine. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui. Bonjour à vous deux, Mmes les doyennes. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous aujourd'hui. J'ai très peu de temps, un gros trois minutes.

Donc, je vous ai entendues tout à l'heure dire que vous étiez favorables à toute initiative qui pouvait aider à l'accessibilité à la justice. Par ailleurs, vous dites que vous voudriez voir le libellé de l'article 3 maintenu tel quel. Donc, je vous expose le petit paradoxe que j'y vois. Parce que vous semblez avoir une ouverture pour les cliniques communautaires où, on sait, les étudiants sont présents, souvent ont des programmes qui peuvent être crédités aussi. Donc, est-ce que vous êtes effectivement ouvertes à cette possibilité-là, auquel cas, il me semble que le libellé devrait être légèrement modifié?

• (16 h 10) •

Mme Houle (France) : Le libellé pourrait être modifié. À mon avis, le lien de l'université et de la faculté, c'est avec ses étudiants. Et dans la mesure où on conçoit l'application de l'article de cette manière, bien, le lien de rattachement est là. Par exemple, ce matin, vous avez parlé d'un rattachement avec les crédits. Nous, on parle de rattachement avec les étudiants.

Mme Hivon : Ce que vous nous dites, c'est que, vous, vous n'avez aucun problème. Ça n'a pas besoin d'être spécifiquement la clinique juridique de l'université dans la mesure où, par exemple, il y a une reconnaissance que les étudiants peuvent aller oeuvrer dans telle clinique juridique communautaire. Donc, vous n'avez pas de problème avec ça.

Mme Houle (France) : On n'a pas de problème avec l'élargissement. La question qui va se poser pour nous, ça va être vraiment sur le plan opérationnel. Alors, comment on va... Quel genre d'entente on va faire avec les cliniques communautaires pour dire, bien, comment les choses doivent être faites, si on est pour être responsable, comme l'avait suggéré la Chambre des notaires? Alors, comment on peut mettre ça en oeuvre, pour nous, c'est plus une question opérationnelle qu'une question de principe, parce que le principe est là. Nous pensons que tous nos étudiants, le plus possible qu'ils vont pouvoir bénéficier d'expériences variées en pratique du droit, ça sera vraiment pour le mieux.

Mme Hivon : Mais dans les faits, à l'heure actuelle, il existe des programmes, donc, crédités de stage dans d'autres cliniques que la clinique de l'université elle-même ou, comme on voit, des programmes crédités d'aller faire quelques mois avec un juge. Donc, il y a une supervision générale, mais il y a des gens sur les lieux qui encadrent et entourent les étudiants, n'est-ce pas?

Mme Houle (France) : Oui, exactement. Donc, chez nous, on a les stages en milieu communautaire, et c'est par les stages en milieu communautaire qui sont crédités que nos étudiants... Puis ils en font dans les cliniques du Mile-End, entre autres. Et là, en ce moment, vu qu'ils ne font que donner de l'information juridique, la supervision est minimale, là, au niveau de l'université. Les étudiants n'ont qu'à remettre un rapport de stage. Mais là, si les étudiants peuvent donner des avis, bien là, il va falloir s'entendre avec les différentes cliniques pour voir comment on va fonctionner. Mais comme je vous disais, c'est une question opérationnelle.

Mme Hivon : Parfait, merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Houle, Me Laflamme. Merci beaucoup d'avoir participé aux travaux de la commission.

Sur ce, bon après-midi, et on suspend les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

(Reprise à 16 h 15)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir l'Association professionnelle des avocates et avocats du Québec. Alors, Me Larose, bienvenue. Vous avez une présentation d'une durée de 10 minutes, et, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Alors, encore une fois, la parole est à vous. Merci d'être ici.

Association professionnelle des avocates
et avocats du Québec (APAAQ)

Mme Larose (Catia) : Merci beaucoup. Alors, M. le Président, M. le ministre de la Justice, MM. et Mmes les députés, bonjour à tous. Je m'appelle Catia Larose et je suis la présidente de l'APAAQ, qui est l'Association professionnelle des avocates et avocats du Québec, dont la mission est de protéger et promouvoir les intérêts professionnels et socioéconomiques des avocats du Québec, sans égard à la région ou à leur domaine de pratique du droit.

Je vous remercie de l'invitation à vous faire part de notre position sur le projet de loi n° 75. L'APAAQ est en faveur de ces dispositions, mis à part les modifications des dispositions de la Loi sur le Barreau afin de permettre aux étudiants universitaires de rendre des opinions juridiques dans le cadre de cliniques. Nos commentaires se limiteront donc à l'article 3 du projet de loi.

Nous sommes ici pour vous transmettre la vision des avocats praticiens. Nous irons droit au but. Nous sommes contre qu'il soit permis aux étudiants d'aller au-delà de l'information juridique, et voici pourquoi. Dans un premier temps, nous croyons pertinent de mettre de l'avant l'objectif visé par les universités qui requièrent cette modification. Les universités ont pour mandat l'enseignement et l'apprentissage du droit. On y apprend à penser et à devenir un bon juriste.

Dans ce cadre, les cliniques juridiques visant à donner de l'information juridique, qui existent d'ailleurs depuis plus de 30 ans, remplissent parfaitement ce mandat. J'ai eu moi-même l'opportunité d'y participer lors de ma formation académique à l'Université de Montréal en 1988. Comme étudiante de 20 ans, je vivais déjà comme un défi d'identifier la loi ou les principes juridiques qui s'appliquaient à la situation qui m'était présentée. L'expérience de rencontrer un justiciable et de l'informer de l'état du droit a été, pour moi, très formateur.

À ce stade de mon cheminement académique, l'objectif d'arrimer des principes théoriques, un peu nébuleux parfois, à des situations pratiques était atteint, et je n'ai que de bons souvenirs de cette expérience, qui doit être maintenue.

Par ailleurs, nous sommes d'opinion que le gouvernement fait fausse route en croyant qu'en permettant aux étudiants d'aller de l'information à l'opinion, il améliorera l'accessibilité et l'efficacité de la justice, puisque c'est l'objectif du projet de loi.

En effet, rappelons-nous que le droit est infiniment complexe. Il ne s'agit pas de lire et d'appliquer à la lettre un article de loi ou de règlement. Une opinion juridique se fonde sur une analyse scrupuleuse de l'ensemble de faits directs et indirects que l'on a bien su identifier, sur l'identification des sources de droit pertinentes, sur la connaissance de l'application qu'en ont faite les tribunaux, sur l'évaluation des conséquences futures d'une option versus une autre, mais aussi sur la réalité pratique de son application.

En matière de droit, il n'y a pas de tout blanc ou tout noir, il n'y a pas de garantie de résultat. Il faut éviter de créer, auprès du citoyen, un faux sentiment de sécurité. Une opinion évalue et peut changer en fonction des éléments soulevés par la partie adverse et de l'évolution du dossier. Un justiciable laissé à lui-même après avoir reçu une opinion d'un étudiant, sans tenir compte de la position de la partie adverse et de l'évolution des faits, et qui verra un recours rejeté perdra confiance en notre système de justice.

Il faut arrêter de penser que le droit se consomme et s'applique comme une marche à suivre. C'est ce qu'il y a de plus faux. Il y a des marches à suivre et conseils essentiels qui ne sont pas écrits dans les lois et dans les livres, mais qui résultent de l'expérience et la réalité du système. Une opinion, c'est comme un diagnostic médical et la détermination du soin pertinent.

• (16 h 20) •

Laissez-moi vous donner un exemple. On peut avoir mal au ventre et aller lire sur Internet pour essayer de comprendre ce qu'on a, mais il est faux de penser que l'on peut s'autodiagnostiquer ou s'autoprescrire un traitement. Si, nous, on focusse juste sur le mal de ventre, le professionnel en soin, lui, va évaluer tous les symptômes et les autres caractéristiques de notre santé avant d'établir un diagnostic. Il faut arrêter de dévaloriser l'importance du droit en envoyant le message qu'il s'agit de quelque chose de simple que l'on va régler en quelques clics sur Internet ou par une consultation gratuite avec un étudiant universitaire. Je dis souvent aux clients qui me consultent : Vous avez un beau droit à faire valoir, mais voici ce que vous aurez à faire face pour y arriver et vos chances de succès. Par ailleurs, j'ai une solution plus efficace à vous suggérer.

Pour améliorer l'accessibilité et l'efficacité de la justice, nous soumettons que le gouvernement doit s'y prendre autrement. On doit d'abord informer et éduquer tôt sur les règles de droit. Dès les études secondaires, nous sommes d'avis que le droit, dans notre société, devrait faire partie du cursus scolaire. L'efficacité, c'est savoir que le droit existe. On doit insister sur l'importance de consulter en amont avant l'apparition des problèmes, et non en aval, développer le réflexe de consulter pour prévenir. Fut une époque, les dentistes ont insisté sur les bienfaits d'un examen dentaire aux six mois. C'est devenu un acquis pour nous tous, et ça a certainement permis d'améliorer notre santé dentaire. L'efficacité, c'est éviter l'apparition de problèmes. Le gouvernement et les citoyens doivent reconnaître le rôle vital de l'avocat comme partenaire à la prévention et la résolution des problèmes et au succès de l'administration de la justice.

Posons-nous la question : Qu'est-ce que veut le citoyen vraiment? En premier lieu, il veut que ses droits soient reconnus et respectés. Il veut aussi une solution pratique, efficace et peu coûteuse à son problème. Le projet de loi actuel donne l'impression qu'il atteint ces objectifs puisque les consultations par des étudiants sont gratuites, mais nous sommes d'opinion que c'est une erreur. La solution efficace et pratique, c'est l'avocat en exercice qui la fournira, puisqu'il peut la prévenir, il sait et peut négocier le dossier et le régler comme nous le faisons dans 90 % des cas. On le règle en s'assurant de préserver les droits sur tous les aspects collatéraux de façon finale et définitive sans en créer d'autres. Régler le patrimoine familial, ce n'est pas juste suivre les règles du Code civil. Ça a des implications fiscales importantes que l'on doit considérer. Racheter la part de la maison de son conjoint, ce n'est pas juste une règle de sortir de l'indivision. On doit le faire dans un certain délai pour éviter de payer les droits de mutation.

Un justiciable qui obtient une solution auprès d'un étudiant doit ensuite se débrouiller seul. Sa prochaine étape est d'entreprendre lui-même les démarches pour régler son problème. Il se présentera seul devant le tribunal. Or, nous sommes en mesure de constater, et les juges des tribunaux supérieurs nous le confirment, qu'un des freins à l'efficacité de la justice est le justiciable non représenté devant les tribunaux judiciaires. En plus de ne pas bien comprendre ce qu'il doit faire et mal évaluer sa cause, les juges sont témoins de déni de justice ou de perte de droits importants sans pouvoir intervenir. Au final, ça coûte cher au système, ça coûte cher au citoyen qui peut perdre des droits, ça coûte cher financièrement et parfois aussi socialement.

Nous vous soumettons qu'au lieu de tenter de sortir les avocats de l'équation au nom de l'accessibilité et de l'efficacité de la justice, l'avocat doit être considéré et présenté comme un partenaire essentiel du citoyen et la porte d'entrée du système. Les avocats de partout à travers la province donnent déjà des consultations gratuites ou à très peu de frais, donnent de leur temps pour accompagner les justiciables, s'investissent dans leur communauté et assistent la magistrature. Pendant la pandémie, les avocats ont tenu le fort dans certains domaines du droit névralgique comme le droit de la jeunesse, le droit de la famille et le droit criminel, souvent sans rémunération, mais parce que la société en avait besoin.

Nous devons arrêter de véhiculer que les avocats coûtent cher pour quelque chose de simple et de peu d'importance. Ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de perception, de choix et de valeurs. Personne ne questionne ou ne remet en cause d'avoir à payer 150 $ de l'heure pour les services d'un garagiste pour faire réparer son véhicule. Je vous annonce que bien des avocats travaillent à ce tarif horaire ou moins pour régler une situation qui affectera pour longtemps son patrimoine financier ou la vie familiale d'un individu. Les citoyens doivent comprendre que ce qui coûte cher, c'est deux amis qui se partent en affaires et qui prennent un modèle de convention d'actionnaire sur Internet et sont contents d'avoir sauvé 500 $ d'honoraires d'avocats, jusqu'au jour où les deux amis ne s'entendent plus, que la compagnie a grossi et que la convention ne prévoit pas de solution à leurs problèmes ou n'est pas adaptée à leur situation. Ça donnera lieu à un litige coûteux, où chacun dépensera des milliers de dollars et mettra en péril la pérennité financière de l'entreprise.

L'accessibilité et l'efficacité de la justice ne peuvent pas être atteintes en dévaluant l'expertise de l'avocat ou en minimisant la complexité du droit. En autorisant les étudiants universitaires à donner des opinions, c'est exactement ce qui est fait. Ça envoie le message qu'un étudiant en droit et un avocat en exercice, c'est le même service.

Nous passerons sous silence les enjeux déontologiques et d'assurances professionnelles de l'application de cette mesure, puisque bien que préoccupants, il reviendra au Barreau du Québec d'assurer la protection du public à cet égard.

En conclusion, l'APAAQ se présente comme partenaire du ministère de la Justice, et nous répondons présents pour trouver et proposer des solutions à son objectif louable d'accessibilité. Mais nous ne pouvons cependant mettre en péril les droits des citoyens et minimiser les conséquences sérieuses des actes que nous posons. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Larose. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, Me Larose. Merci de participer aux travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 75. Écoutez, avec égard, il y a beaucoup de choses que vous avez dites avec lesquelles je suis profondément en désaccord. Et vous ne pourrez pas m'accuser de vouloir dévaluer la profession d'avocat ou de sortir les avocats, parce que moi-même, je décline mon conflit d'intérêts et je suis membre du Barreau depuis 10 ans maintenant. Et l'objectif du gouvernement, c'est vraiment de s'assurer de faire en sorte que les citoyens qui souhaitent être davantage informés sur leurs droits et qu'ils puissent être davantage orientés à travers le système de justice, puissent recevoir l'aide, l'accompagnement des étudiants de certaines facultés de droit.

Et à juste titre, vous savez, lorsqu'on étudie à la faculté de droit, bien, ça va nous permettre aussi de compléter notre apprentissage, notre expérience. Parce que bien sûr qu'on apprend les règles de droit à l'université, mais quoi de mieux que les vivre concrètement et sous la supervision d'un avocat ou d'un notaire en exercice. Bien encadrés, là... on ne parle pas de faire en sorte de lâcher lousse un étudiant en droit de deuxième ou de troisième année. On dit de faire en sorte qu'un étudiant en droit va être sous la supervision d'un notaire ou d'un avocat, comme c'est le cas dans d'autres juridictions canadiennes, en Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick aussi.

On est la juridiction canadienne la moins avancée à ce niveau-là. Et même, dans certaines autres provinces, on permet la représentation devant les tribunaux, par des étudiants en droit, avec certaines règles. Nous, on ne va pas là, mais on dit : Peut-être y aurait-il lieu de faire en sorte de permettre à des étudiants en droit de venir donner des conseils ou des avis juridiques sous supervision.

Alors, je veux juste être clair, mon objectif n'est pas de dévaloriser la profession d'avocat, parce que, un, j'y crois, deux, à titre de ministre de la Justice, je vais toujours soutenir le fait que les gens doivent être bien conseillés, bien consultés et que la protection du public soit assurée. Mais je crois qu'il y a peut-être une incompréhension.

Et je comprends le rôle d'une association représentative de ses membres, quel doit être son mandat, mais cela étant, je veux vraiment affirmer clairement qu'il faut donner davantage de services aux citoyens. Et les cliniques juridiques universitaires, avec les doyennes qui sont venues avant vous témoigner, nous ont démontré leur sérieux et la responsabilité avec laquelle ils prennent ça puis depuis de nombreuses années. Vous-mêmes vous avez fait référence, vous avez dit : Ça fait 30 ans... il y a 30 ans, j'étais dans une clinique juridique universitaire où, là, je donnais de l'information.

Et l'autre point, je vous dirais, j'ai vraiment confiance aux étudiants en droit, à leur sens du devoir, à leur responsabilité aussi. Alors, je m'explique mal un peu le point de vue l'association qui est si tranché relativement au fait de permettre à un certain groupe d'étudiants en droit qui seront encadrés par la Chambre des notaires, qui seront encadrés par leur Barreau, avec l'assurance... civile, et qui seront encadrés également par les facultés de droit, à... Pourquoi autant de réticence?

• (16 h 30) •

Mme Larose (Catia) : Alors, merci pour votre question. Je vous répondrais que, et je l'ai mentionné dans mon exposé, offrir la chance aux étudiants en droit, à qui nous avons tout aussi confiance que vous quant à leur sérieux et leur rigueur, de donner de l'information juridique aux clients, nous en sommes. Ça doit perdurer. Mais quant à nous, quand on regarde la définition ou l'implication de l'opinion et les implications au niveau de la responsabilité professionnelle, une opinion, c'est une photographie d'une situation de droit à un moment donné. Lorsqu'on a un client dans notre bureau, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, on met bien en garde que cette situation-là va évoluer en fonction des faits que l'on ira rechercher de la partie adverse, notamment, ou d'autres parties prenantes. L'étudiant n'aura pas le bénéfice de cette version-là. Il n'aura que la version de la personne devant lui, qui va déterminer lui-même quels sont les faits qu'il considère pertinents de donner ou non. Il va partir avec ça comme si c'était la solution unique et garantie à son problème.

Ce que l'on veut s'assurer, nous, c'est que le service qui sera rendu va être de qualité et va amener le justiciable qui est à la recherche de... à combler un besoin, va l'amener à la meilleure solution possible. Alors, nous sommes d'opinion que l'information, nous en sommes, des cliniques juridiques d'information, nous en sommes également, mais, lorsqu'on offre à un justiciable une solution toute faite, on se doit, quant à nous, de s'assurer de la qualité, et ça ne peut pas être fait, selon nous, à l'étape des études universitaires...

M. Jolin-Barrette : Vous savez, l'École du Barreau... En fait, on a entendu le Barreau tout à l'heure, avant vous, les premiers intervenants ce matin, et le bâtonnier nous demandait de modifier la réglementation, justement, parce que l'École du Barreau veut avoir un changement de son mode de fonctionnement. Ce ne sera plus des cours magistraux, mais ils veulent avoir une approche de clinique universitaire... de clinique juridique, pendant les 16 semaines de formation, sous réserve d'avoir passé l'examen de déontologie et sous réserve d'avoir passé un examen écrit mais au tout début, là.

Donc, généralement, là, exemple, là, pour les étudiants en droit, cette année, qui seraient en troisième année, là, ils commenceraient leur session d'hiver en 2021 puis ils rentreraient au Barreau au mois d'août, donc ils termineraient au mois de mai, juin, cette année, à la faculté de droit, rentreraient au mois d'août. Dans la proposition du Barreau, pour maintenant, l'École du Barreau, ça va être une clinique juridique à partir du mois d'août ou septembre 2021. Bon, ça viendra, on le verra.

Là, moi, je me dis : Écoutez, oui, bien sûr, il y a l'examen de déontologie, mais l'étudiant qui est en droit, dans sa troisième année, là, qui a un parcours, là, qui est avec sérieux, qui est supervisé par l'université, lui, il va être capable, sous la supervision de l'avocat ou le notaire, de faire en sorte de donner un conseil ou un avis juridique et il va aller se valider aussi avec l'avocat qui est avec lui. Ça ne sera pas différent que lorsqu'on est stagiaire en droit, malgré que le stagiaire a davantage de latitude, là.

Mais je me dis, lorsqu'on regarde d'autres professions, là, que ce soient les dentistes, les opticiens, les chiro, eux aussi, là, ils font des actes réservés, mais c'est encadré. C'est encadré dans les cliniques juridiques... dans les cliniques universitaires. Alors, je me dis, je comprends la protection du public, mais le Barreau nous a quand même dit tout à l'heure qu'il était à l'aise avec ça puis qu'il allait être en mesure d'encadrer. Alors, je comprends que l'association souhaite encore plus la protection du public que l'ordre professionnel qui est chargé d'appliquer la loi.

Mme Larose (Catia) : Je vous répondrai qu'on a eu l'opportunité de vérifier, effectivement, et de valider que les autres ordres professionnels ont des dispositions qui s'apparentent à celle qui est dans le projet de loi n° 75 pour permettre à des étudiants, sous supervision étroite, de poser certains gestes à l'étape de l'université. Je vous dirais que quand... lorsque l'on regarde les ordres en question, on voit que, par exemple, il y a des cliniques dentaires, à l'université, où les étudiants peuvent poser certains actes sur des patients, mais le dentiste est derrière lui, dans la mesure où il pose un geste qui peut être immédiatement arrêté pour éviter... (panne de son) ...mot «dommage», là, mais que... oui, que le dommage soit fait.

Quand on offre une opinion juridique, je réitère qu'on donne une photo d'un moment présent, en laissant sous-entendre au justiciable que c'est la solution à son problème, et lui, il part avec ça. Et celui qui donne le service, dans ce cas-ci l'étudiant sous supervision ou supervisé par un avocat, perd le suivi ou la suite des choses. Or, ce n'est pas un acte comme arranger une date, qui se fait ponctuellement. La reconnaissance de ses droits, ça s'étend, là. Et au fur et à mesure qu'on avance, celui qui part avec l'opinion juridique et qui est laissé à lui-même n'a plus l'encadrement d'un juriste ou d'un étudiant pour venir lui dire : Non, ça, il faut le faire, ça, il ne faut pas le faire; si tu dis telle chose ou tu poses tel acte, tu vas nuire à ton dossier. Il est laissé strictement à lui-même. Et c'est pour ça que l'on met de l'avant que la meilleure façon d'offrir un service de qualité et efficace pour le justiciable, c'est par le biais des services juridiques offerts par les avocats.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, ça, je ne suis pas en désaccord avec vous que les gens devraient consulter un professionnel. Mais ce qu'on fait, c'est qu'on élargit l'offre de service. Et, avec égard, là, votre exemple sur le dentiste, je ne suis pas sûr que les membres de l'Ordre des dentistes, ils diraient : C'est juste arracher une dent, être dentiste. Puis il y a probablement des suivis aussi, lorsqu'on est dentiste, aussi. Alors, tu sais, il faut faire attention dans les comparaisons.

Partons du principe, là, où le gouvernement va aller de l'avant avec le projet de loi puis qu'on va mettre de l'avant des cliniques juridiques universitaires. Partons avec ce principe-là puis partons du principe aussi où je vais être appuyé par les collègues des oppositions sur certaines modalités, sous réserve de discuter du texte. Est-ce que votre association est complètement contre le principe, même si on met des balises claires relativement à l'encadrement, à la responsabilité professionnelle, tout ça? Quelles seraient les pistes de solution, si nous décidions de continuer d'aller de l'avant avec le projet de loi, qui par ailleurs a reçu une bonne réception? Quelles seraient vos suggestions pour améliorer le projet de loi pour être sûrs que les justiciables bénéficient du meilleur encadrement possible, et des meilleurs services possibles, et surtout de la meilleure protection possible?

Mme Larose (Catia) : Alors, pour répondre à votre question, dans la mesure où, comme vous le dites, le gouvernement entend aller de l'avant, nous pourrions... nous pouvons vivre avec le fait que le Barreau, dans le cadre de la formation qui est offerte au Barreau, et qui est obligatoire, et qui prévoit notamment la négociation, les conflits d'intérêts, bon, le secret professionnel, toute cette formation-là sera donnée, nous sommes déjà beaucoup plus confortables à ce que la clinique se fasse à cette étape-là de la formation du jeune ou de l'étudiant.

Par ailleurs, le projet de loi, actuellement, est muet sur à quelle étape de la formation universitaire on peut participer à une clinique. On voit mal comment un étudiant en première année ou même en deuxième année, qui n'a pas suivi... qui n'aurait même pas suivi le cours pour lequel il aurait une opinion à donner, pourrait être amené à... Donc, il y aurait probablement lieu de classifier ou de définir à quelle étape du cursus universitaire il pourrait être ouvert à avoir... participer à la clinique.

Ensuite, au niveau de la supervision, la recommandation que nous pourrions vous donner, c'est que l'avocat superviseur soit un avocat praticien. Parce que, comme nous vous l'avons mentionné dans notre exposé, au-delà du texte de loi de la jurisprudence, il y a la réalité de comment on l'applique et quels sont les résultats dans la pratique. Et on se questionnerait sur est-ce qu'un professeur de droit, avec toutes les connaissances juridiques pointues et très poussées qu'il aurait, si on a un sujet qui est très pratique, plus que théorique... s'il aurait la possibilité de donner le même encadrement ou la même supervision de la même qualité.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Bien, j'apprécie vos suggestions et vos commentaires, Me Larose. J'ai des collègues qui veulent vous poser des questions. Puis je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.

• (16 h 40) •

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, Me Larose, merci de votre présentation.

Là, peut-être une petite question d'entrée de jeu : Les cliniques juridiques, sous la forme actuelle, est-ce que vous avez une opinion par rapport à cela? Est-ce que vous êtes en accord... des cliniques juridiques sous la forme actuelle, avec les pouvoirs qui sont dévolus?

Mme Larose (Catia) : Les cliniques juridiques qui donnent de l'information juridique supervisée, absolument, nous en sommes, mais ça doit demeurer. C'est un bon apprentissage pour les jeunes, pour les étudiants.

M. Lévesque (Chapleau) : D'accord. Est-ce que... parce que, bon, je vous entends surtout parler de l'opinion juridique, qui semble être le noeud, là, ou du moins l'écueil, là, dans la situation. Est-ce qu'il y aurait d'autres éléments qui pourraient être ajoutés au-delà de l'information juridique? Parce que vous parlez beaucoup de l'opinion. Est-ce que c'est... Disons, si l'opinion n'était pas là, est-ce qu'il y aurait d'autres éléments que vous seriez à l'aise à ajouter pour les jeunes... pour les étudiants, c'est-à-dire?

Mme Larose (Catia) : Bien, en fait, à ma connaissance, quand le justiciable se présente, il veut être informé. Il veut être informé de ce que le droit prévoit et de... Par exemple, s'il a une situation familiale particulière, et prenons un exemple, comme, il prévoit se divorcer, il veut savoir qu'est-ce que ça comprend, le patrimoine familial. Bien, on va l'informer de ce que ça comprend, on va le référer à tous les organismes... (panne de son) ...qui donnent davantage de ressources ou d'informations. Honnêtement, je ne vois pas trop qu'est-ce qu'ils pourraient faire qui n'existe pas déjà par un service qui est offert, ne serait-ce que par les centres de justice de proximité ou autres. Ça existe...

M. Lévesque (Chapleau) : Donc, vous n'ajouteriez rien, là, aux cliniques, là, telles qu'elles sont, là, actuellement. C'est bien ça que je comprends?

Mme Larose (Catia) : Exact.

M. Lévesque (Chapleau) : O.K. Disons, là, vous avez sûrement eu l'occasion d'entendre le Barreau et la Chambre des notaires, là, précédemment, bon, ils sont prêts, bon, à discuter puis à trouver, là, un encadrement, là, tu sais, pertinent. Est-ce que ça, ce n'est pas de nature à rassurer, justement, ou à permettre, justement, qu'il y ait des cliniques juridiques avec davantage d'actes pour les étudiants, si, justement, le Barreau et la Chambre des notaires sont prêts, bon, à faire de l'encadrement et à s'assurer que la réglementation soit suivie?

Mme Larose (Catia) : Bien, c'est certain que, si le gouvernement va de l'avant, il y a des questions qui vont se poser au niveau de l'assurance professionnelle. Est-ce que c'est l'avocat superviseur qui sera... ce sera son assurance professionnelle qui entrera... qui sera applicable? Au niveau de la tenue de dossiers, quelle trace on aura de l'opinion qui a été donnée et comment, au niveau de... Bon, tous ces éléments-là auxquels les avocats sont soumis mais qui sont hautement pertinents, évidemment, pour la protection du public, il va évidemment falloir que le Barreau se questionne, comme il s'engage à le faire, d'ailleurs. Et on a bon espoir qu'il le fera dans un encadrement approprié.

M. Lévesque (Chapleau) : Donc, c'est de nature à rassurer. Je crois que, M. le Président, ma collègue de Les Plaines aurait une petite question ou intervention, si elle a...

Le Président (M. Bachand) : En 35 secondes, Mme la députée.

Mme Lecours (Les Plaines) : ...moi, je ne suis pas avocate, mais je suis universitaire. J'aurais vraiment aimé avoir ce genre d'opportunité. C'est un commentaire que je vais formuler. J'ai d'ailleurs consulté des étudiants en médecine, justement, qui étaient dans des cliniques, je trouve ça intéressant. Mais je comprends votre point de vue... en fait, dans l'encadrement, c'est ce que je comprends, qu'il faudrait, du moins, revoir, aller un petit peu plus loin. C'est ce que je comprends dans vos propos?

Mme Larose (Catia) : Effectivement.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, Me Larose, de vous souhaiter la bienvenue. Merci de participer à nos débats. Vous soulevez quand même des points intéressants et importants. Autrement dit, c'est un drapeau jaune, il faut faire attention. Puis vous faites référence à l'importance de protéger le public, que le public ait une bonne information et qu'en ce sens-là on crée plus de bien que de tort.

Peut-être, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que ça m'a permis... À vous écouter, là, je suis retourné voir notre Code de déontologie des avocats, là, que comme avocats, avec le ministre, on relie à tous les matins avant de partir travailler. Et l'article 29, entre autres : «Avant d'accepter ou de poursuivre un mandat, l'avocat tient compte des limites de sa compétence eu égard au domaine de droit concerné ou à la nature des activités professionnelles requises», et ainsi de suite, j'y vois là beaucoup de bons enseignements qui, peut-être plus tôt que tard, peut-être même à titre de préalable, je lance ça dans l'univers comme réflexion et j'aimerais vous entendre là-dessus, il y aurait peut-être lieu...

Parce que de mémoire, puis je parlais avec celle qui m'accompagne, de la recherche, on essaie de se dire : Déontologie, ça arrive à quel niveau? Est-ce qu'on en fait au bac? Est-ce que c'est... Et ça arrive, je pense, au niveau du Barreau, donc à la quatrième année. Il y aurait peut-être lieu d'avoir, même si ce n'est pas un trois crédits, même si ce n'est pas un 45 heures... d'avoir peut-être une formation, peut-être, préalable, je lance ça encore une fois dans l'univers, pour que... ne serait-ce que la lecture toute simple et la compréhension de ces exigences-là. Parce que, là, oui, ce n'est plus de la théorie, là, on a une personne réelle devant nous, puis c'est important.

Je prends juste cet exemple-là de l'article 29 puis je fais écho de votre préoccupation. On ne peut pas donner des conseils, si on n'est pas, évidemment, assuré qu'on a les compétences pour le faire. Peut-être qu'il y aurait lieu, pour se réconforter collectivement, d'aborder ces exigences déontologiques là avec les étudiants avant qu'ils ne rencontrent... qu'ils soient en contact avec, peut-être, les justiciables qui viendraient les voir, les consulter lors des cliniques.

Mme Larose (Catia) : Bien, je ne peux pas être en désaccord avec vous. Je vous confirme qu'effectivement la portion déontologie est abordée uniquement à l'étape de l'École du Barreau. Mais je vais me permettre d'aller peut-être un peu plus loin en ce qui concerne cet article 29 là.

On a parlé tout à l'heure de l'application des règles de déontologie, évidemment. Ce qu'on pourrait proposer, c'est que l'avocat superviseur, évidemment, supervise des consultations dans son domaine de compétence. Par exemple, moi, je pratique en litige immobilier. Si je lève la main pour être l'avocat superviseur au sein d'une clinique juridique et que quelqu'un se présente avec un problème en fiscalité ou en droit criminel, je n'y connais absolument rien moi-même, autre... (panne de son) ...probablement au même niveau, il faudrait que je sois en mesure de m'assurer que l'étudiant qui va répondre à ce citoyen-là ait un avocat superviseur qui connaît le domaine de droit auquel il doit répondre.

Ça va un peu dans le sens de l'article 19 du code de déontologie, parce que, là, on tombe vraiment dans l'opinion, là. Si on était dans l'information, je pourrais probablement le superviser. Si on est dans l'opinion, je ne me sentirais pas, moi, comme avocat, en conformité avec mon code de déontologie et je ne rendrais pas service à mon... ni à l'étudiant, encore moins au citoyen.

M. Tanguay : Et peut-être qu'en jasant comme ça, Me Larose, on se rend compte que, plus que quelques pages, plus que quelques minutes avant qu'une étudiante ou un étudiant en droit ne s'assoie, justement, devant un justiciable pour lui prodiguer des conseils, qu'il y ait peut-être une formation spécifique, justement, entre autres, sur l'aspect déontologique, mais, entre autres, sur un autre aspect qui n'est pas négligeable, que vous avez soulevé, c'est que...

Vous avez fait référence à quelqu'un qui essaierait de trouver un remède à son mal de ventre en un seul clic. Ça ne marche pas comme ça, évidemment. En droit aussi, il y a des choses qu'on apprend, c'est que des solutions uniques puis des garanties, il n'y en a pas. Puis pour avoir été avocat en litige commercial, lorsque le client dit : Puis, finalement, est-ce qu'on va gagner?, on ne peut jamais garantir, jamais garantir au client. On peut lui dire qu'on est confiant, on est confiant que les faits étayent notre théorie de la cause puis on est confiant qu'on a raison en droit, mais on finit toujours en disant : Vous savez, la personne qui va siéger, l'homme ou la femme qui va être juge, c'est un être humain, puis il va juger. On ne peut jamais garantir, jamais, jamais.

Et ça, c'est des genres de... c'est des approches de la pratique qui s'apprennent, qui s'enseignent, je crois. Alors, seriez-vous d'accord sur le fait que ça aussi, ça pourrait avoir un effet bénéfique chez les étudiants, étudiantes, que de se faire dire ça, qu'il n'y a jamais de garantie en droit, sauf à la lecture du jugement de la Cour suprême, là, c'est une garantie, mais, à part de ça, il n'y aura jamais de garantie et que ça s'acquiert, autrement dit, que cette approche-là de la pratique, bien, ça s'acquiert?

Mme Larose (Catia) : Bien, évidemment que c'est bénéfique qu'ils l'apprennent, mais, à mon avis, est-ce que c'est absolument indispensable qu'ils l'apprennent à l'étape de l'université? Ma réponse à ça, ce serait non. N'oublions pas qu'à la fin du Barreau on a six mois de stage qui visent, justement, à mettre en application l'ensemble des notions qu'on a apprises, y compris la déontologie et autres, et que c'est à ce moment-là qu'on réalise et qu'on applique l'ensemble des données qu'on a eues. Alors, oui, c'est bénéfique. Est-ce que c'est absolument nécessaire à cette étape-là? Moi, je vous soumets respectueusement que non.

M. Tanguay : Est-ce que... Il y a une chose que j'avais trouvée fantastique, puis c'était un avocat... un associé de beaucoup, beaucoup d'années d'expérience qui faisait du droit du travail. Puis moi, j'étais stagiaire, donc, on était un peu intimidés. Aïe! c'est un associé, c'est un avocat, droit du travail, spécialiste en droit du travail. Puis il m'avait dit une chose qui m'avait marqué, puis j'avais dit : Il a bien raison.

Au-delà du fait que, première des choses, il avait dit : Marc, tu es là pour donner ton opinion, on veut avoir ton opinion, tu es ici parce qu'on croit en ton jugement, puis la connaissance du droit, tu l'as, donc, tu es là, donne ton opinion puis n'ait pas peur de donner ton opinion, c'est pour ça que tu es là... Puis il m'avait dit une chose aussi... puis il dit : Marc, il faut que tu réalises une chose, c'est qu'en sortant de l'université tu es plus compétent que moi en droit de l'environnement, parce que tu as fait trois heures là-dessus, peut-être; en droit criminel, moi, il dit : Je n'en ai pas fait. Tu es plus compétent que moi en matière de faillites, parce que je n'en ai pas fait. Moi, Marc, ça fait 25 ans que je fais du droit du travail. Ça, le droit du travail, par contre, je suis spécialiste là-dedans.

Mais quand on sort de l'université... Puis on disait ce matin qu'il n'y a pas... c'est rare, les dossiers où c'est exclusivement l'article 141 de telle loi. Il y a des fois... il va peut-être y avoir des éléments de faillite, des éléments de succession, des éléments... Mais êtes-vous d'accord avec le fait qu'un étudiant ou une étudiante, justement, qui touche à tout n'est pas du tout spécialisé, mais a quand même une approche qui est très complémentaire, intéressante?

Puis l'objectif de la clinique, ça serait aussi de mettre à profit ces différentes connaissances là en disant : Bien, vous savez, il y a peut-être un aspect de succession, dont j'ai fait 45 heures de cours, et il y a peut-être un aspect de faillite, loi fédérale, dont aussi j'ai fait 45 heures de cours. Et il y a là, je dirais, une certaine expertise théorique qui est très enviable et que, paradoxalement, c'est... Puis c'est vrai, on peut perdre après cinq ans, 10 ans, 25 ans d'une spécialisation dans un domaine de droit. Qu'en pensez-vous?

• (16 h 50) •

Mme Larose (Catia) : Je suis d'accord avec vous sur le premier aspect de votre propos. Par ailleurs, je vous dirais qu'on peut atteindre le même objectif de faire les liens entre les domaines de compétence en donnant de l'information. Alors, si quelqu'un vient demander : Je veux partir une entreprise, bien, on peut réfléchir avec le superviseur sur quels sont les domaines que ça va toucher et quelles sont les lois qui pourraient être pertinentes et dont on va devoir tenir compte. On n'a pas besoin, pour atteindre cet objectif-là, d'interconnectivité entre les domaines de droit, de faire de l'opinion. On peut le faire avec de l'information aussi. Et, quand on fait de l'opinion, puis, quant à moi, c'est aussi un des gros défis, c'est de s'assurer qu'on a couvert les conséquences et tous les aspects de la problématique, là, qui nous est soumise.

M. Tanguay : D'où l'importance que vous soulignez d'avoir, justement, des superviseurs qui soient rigoureux quant à cet aspect-là. Donc, c'est un élément très important que je retiens, entre autres, de votre témoignage aujourd'hui, là. Merci beaucoup, Me Larose.

Mme Larose (Catia) : Merci à vous.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui, bonjour. Merci beaucoup de votre présentation. Je comprends d'où vous venez avec les mises en garde que vous faites. Je pense que c'est une bonne chose aussi d'être animé par la prudence dans l'ouverture qui va possiblement être faite.

Je voulais juste voir, vous qui n'avez pas une position, donc, favorable à l'ouverture, donc, aux étudiants pour donner des avis juridiques, cette mesure-là, objectivement, quand vous la regardez, est-ce que vous la voyez plus comme une mesure de formation pour les étudiants ou plus une mesure d'accessibilité à la justice?

Ce n'est pas une question piège, là, je suis juste intéressée. Parce que, pour plusieurs, c'est une mesure d'accessibilité à la justice, mais, depuis ce matin, le discours qu'on entend, c'est bien davantage une question de formation des étudiants. Et moi, j'arrivais peut-être avec une perspective différente ici, ça fait que je suis curieuse de vous entendre sur ça.

Mme Larose (Catia) : Bien, je vous dirais que, très clairement, pour les avocats praticiens, cette mesure-là est une mesure de formation, parce que, pour nous, l'accessibilité, en offrant le service d'un avocat à moindre coût, avec l'existence de l'aide juridique, qui maintenant va faire en sorte... (panne de son) ...au gouvernement, avec la réforme qui va être mise sur pied. Il y a énormément de mesures qui sont mises en place par les avocats, notamment, pour... Quelqu'un qui veut une opinion juridique d'un avocat à peu de frais va le trouver sans problème.

Il existe des services de référence partout à travers la province qui sont mis en place par les barreaux, où on peut avoir une consultation à coût minime. Il y a les jeunes barreaux qui font la même chose, il y a des cliniques juridiques itinérantes, où on passe une fin de semaine, des avocats, bénévolement, qui donnent des consultations. Ça existe, c'est mis sur pied, c'est utilisé. On ne le voit pas, nous, comme un exercice d'accessibilité, on le voit vraiment comme étant un plus pour les étudiants. Et de là les commentaires que nous formulons, que c'est une mise en garde et que ça peut, à la limite, encourager les gens à partir seuls, et aller continuer la traversée du désert, et se présenter seuls devant le tribunal, alors que ce qu'on cherche à éviter, justement, comme mesure d'accessibilité et d'efficacité, c'est qu'ils soient accompagnés et bien guidés.

Mme Hivon : O.K. Et puis... Merci beaucoup. Puis, pour ce qui est de l'encadrement, là, qui est une de vos préoccupations aussi, je voulais savoir, en matière, évidemment, d'encadrement professionnel, c'est beaucoup par voie réglementaire qu'on vient préciser les choses. Est-ce que vous seriez rassurés s'il y avait quelques principes un peu plus définis dans la loi, en partant, pour l'aspect de l'encadrement ou ça ne vous apparaîtrait pas, de toute façon, une condition qui pourrait vous rendre un petit peu plus rassurés par rapport à cette ouverture-là?

Mme Larose (Catia) : Bien, écoutez, moi... nous, on prend pour acquis que, dans la mesure où il y a une disposition qui prévoit que le Barreau va évaluer l'encadrement qui sera requis en tenant compte des obligations professionnelles déontologiques, notamment, d'assurances et autres, je dois vous dire qu'on sait que le Barreau a déjà commencé ou a mis sur pied un comité pour s'y attarder. On a confiance qu'ils vont le faire avec rigueur sur cet aspect-là, puisque c'est leur mission, qui est la protection du public. On ne requiert pas nécessairement que la loi elle-même soit détaillée ou précise à cet effet-là.

Le Président (M. Bachand) : Sur ce, Me Larose, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi. Ça a été plus qu'intéressant. Merci beaucoup.

Sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 56)

(Reprise à 17 h 01)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir Me Stéphanie Côté, présidente de l'Association des avocats et avocates de province. Me Côté, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Alors, vous avez 10 minutes de présentation, comme vous savez. Après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

Association des avocats et avocates de province (AAP)

Mme Côté (Stéphanie) : Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre de la Justice, Mmes et MM. les députés, je me présente, je suis Stéphanie Côté. J'exerce en pratique privée dans la région de Sherbrooke. Je m'adresse à vous à titre de présidente de l'Association des avocats et avocates de province, et vous me permettrez, après, d'appeler, mon association l'AAP.

L'AAP tient à remercier la Commission des institutions de l'avoir consultée et de lui permettre d'exprimer sa position relativement au projet de loi n° 75 visant à améliorer l'accessibilité et l'efficacité de la justice. Je profite de l'occasion pour souligner que l'AAP représente tous les avocats et avocates en pratique exerçant leur fonction dans chacune des régions du Québec, à l'exception de Montréal, Québec et l'Outaouais.

Nos représentations aujourd'hui se limiteront aux modifications proposées à la Loi sur le Barreau. L'AAP émet une certaine réserve concernant ce projet de loi. En effet, nous croyons qu'encore une fois notre profession soit dévaluée. Nous avons de la difficulté à concevoir comment des consultations et des avis juridiques réalisés par des étudiants au baccalauréat amélioreront l'accès à la justice.

D'autre part, est-ce que le justiciable sera pleinement informé lors d'une consultation? Il est en droit de recevoir des conseils juridiques répondant à son besoin. Ne recevra-t-il pas plutôt qu'une parcelle des réponses à ses questions? Nous savons pertinemment que toutes les universités offrant une formation en droit dispensent d'excellents programmes avec des professeurs et des chargés de cours de haut niveau. Par contre, un étudiant de dernière année ne détient pas toutes les connaissances et habilités d'un jeune diplômé ayant terminé l'école de formation du Barreau, ainsi que son stage. Nous voulons éviter que les consultations et avis juridiques donnés par les étudiants soient de moindre qualité et minent la qualité de notre profession.

Nous sommes convaincus que ce genre de service serait beaucoup plus structurant s'il était encadré dans la formation des étudiants, les préparant ainsi à la réalité de la pratique. L'objectif même du p.l. n° 75 visant un meilleur accès à la justice sera-t-il atteint? Nous en doutons.

Pour que de telles consultations soient une réussite pour le justiciable, nous croyons que des balises importantes doivent être mises en place. À cet effet, nous proposons que ces consultations soient tenues exclusivement par des étudiants de dernière année, voire de dernière session, qu'elles portent sur des sujets précis et limités, sous une étroite et constante supervision de membres en règle du Barreau du Québec, et que l'étudiant ait eu une formation minimale en déontologie avant de pouvoir faire ces cliniques.

En conséquence, l'AAP propose une modification à l'article 3 du projet de loi n° 75. On y lit au 128.1 : «Un étudiant peut donner des consultations et avis d'ordre juridique pour le compte d'autrui s'il respecte les conditions suivantes :

«1° il est inscrit à un programme d'études dont le diplôme donne ouverture au permis délivré par le Barreau ou à un programme de formation professionnelle dispensé par une école de formation professionnelle fondée en application du sous-paragraphe b du paragraphe 2° de l'article 15;».

L'AAP propose de rajouter «et il a complété minimalement les deux tiers de son programme avec succès».

Par supervision étroite et constante, nous entendons que le membre du Barreau du Québec qui sera rémunéré assiste à la consultation entre l'étudiant et le justiciable et autorise ensuite le projet d'opinion juridique préparé par l'étudiant, et ce, avant que le justiciable en prenne connaissance. Nous nous attendons aussi qu'il y ait une tenue de dossier conforme aux règles édictées par le Barreau du Québec et que l'assurance responsabilité soit couverte par la faculté de droit qui offrira lesdites consultations.

En terminant, je tiens à vous remercier en mon nom personnel et au nom des 6 731 avocats et avocates membres de l'AAP de votre écoute dans le cadre des représentations relatives au projet de loi n° 75.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Côté. En passant, l'Estrie, c'est une très belle région. D'ailleurs, j'y habite et je suis très content. Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Côté, merci de participer aux travaux de la commission. Je dois cautionner les propos du président. Effectivement, il s'agit d'une très belle région dans laquelle j'ai étudié au grand plaisir de M. le président.

Donc, Me Côté, je comprends que... Bien, dans un premier temps, je souhaite vous dire que le projet de loi vise vraiment l'accessibilité et l'efficacité au système de justice. Et donc, en aucun temps, l'objectif est de porter atteinte à la crédibilité de la profession d'avocat ou de notaire. J'en suis moi-même membre, du Barreau. Je souhaite vous rassurer à ce niveau-là.

Pour ce qui est des modalités d'application, j'imagine que vous n'avez pas d'objection à ce que les cliniques juridiques... vous nous recommandez qu'elles soient encadrées par un avocat en exercice. Vous n'avez pas d'objection à ce qu'elles soient encadrées par un notaire en exercice aussi?

Mme Côté (Stéphanie) : Exact. Tu sais, bien, bien sûr, si c'est quelque chose qui concerne les notaires, bien sûr, effectivement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, au niveau d'un avis juridique ou un conseil juridique, un notaire peut très bien...

Mme Côté (Stéphanie) : Oui, exact.

M. Jolin-Barrette : ...dispose des mêmes actes prévus à la Loi sur le notariat que les membres du Barreau.

Sur la question, là, de l'accès à la justice, vous ne trouvez pas que le fait d'avoir des cliniques juridiques universitaires, ça va permettre à certains citoyens d'aller chercher certains avis, certains conseils juridiques à faible coût ou gratuitement, qu'ils n'auraient pas été chercher chez un avocat ou chez un notaire?

Mme Côté (Stéphanie) : Bon, deux choses là-dedans. Je pense que... où on met une balise, effectivement, nous croyons que les étudiants en dernière année ne sont pas... elle n'est pas complétée, leur formation, effectivement. Et donc la personne qui va rechercher un avis ou une opinion juridique s'attend à avoir un conseil d'un praticien qui a terminé. Ça, c'est notre première position.

Deuxièmement, on se rappelle qu'il y a des cliniques juridiques qui existent déjà et qu'il y a quand même plusieurs ressources qui existent présentement pour avoir des faibles coûts, dont l'aide juridique.

Et je me permettrais de vous dire que nous, en région, ce n'est pas pareil comme à Montréal et à Québec. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a d'excellents praticiens qui n'ont pas les mêmes taux horaires qu'à Montréal et à Québec et qu'effectivement ils puissent avoir des avis juridiques ou des opinions juridiques à moindre coût.

Parce qu'il ne faut pas oublier aussi que, pour l'AAP, présentement, il y a seulement l'Université de Sherbrooke qui a une université. Les autres régions n'en ont pas autour d'elles. Alors, c'est un peu un questionnement. On comprend que ça serait fait par visio. La personne qui rencontrerait l'étudiant, j'imagine, ça serait... ça, c'est ce qu'on pense, que ça serait fait par visio parce que, sinon, ça s'appliquerait juste à Sherbrooke. Tu sais, par exemple, en Abitibi, à Rouyn-Noranda, en Gaspésie—Les-Îles, il n'y a pas d'université. Donc, tu sais, dans ce cas-là... ça aussi, c'est plus un peu problématique parce que la personne qui va... ne rencontrera pas une personne, l'étudiant, effectivement, là, qui pourrait faire ces avis et/ou opinions-là.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Mais actuellement, est-ce que les membres du Barreau ou les membres de la Chambre des notaires font des consultations par visio? Je crois que oui... ou font des actes juridiques en visio actuellement, donc, dans certaines situations. Même pour les tribunaux, on a ouvert des salles de cour virtuelles ou semi-virtuelles aussi. Donc, je comprends, mais on est dans une situation de pandémie où les gens ont besoin d'être renseignés également.

Bon, relativement au fait que ça prend un encadrement, j'en suis. Dans le projet de loi, ce qu'on vient faire, c'est mettre le cadre. On vient mettre le cadre et, par la suite, on dit aux ordres professionnels : Bien, voici, le cadre est le suivant, et, dans les six prochains mois, vous allez devoir adopter un règlement pour faire en sorte que... d'établir les balises, les paramètres de la clinique juridique, notamment en lien avec la responsabilité professionnelle, notamment avec le niveau de supervision. Donc, tout ça, ça va être véritablement encadré pour assurer la protection du public. Et est-ce que, si je vous dis ça, ça vous rassure?

• (17 h 10) •

Mme Côté (Stéphanie) : Oui, ça nous rassure. Mais je sais qu'on en a parlé tantôt, à une question d'un de vos collègues concernant la déonto, et ça, c'est superimportant pour nous, parce qu'avant le Barreau il n'y en a pas nécessairement, et ça prendrait vraiment que l'étudiant en question ait suivi une formation minimale, là, concernant la déonto avant de pouvoir se rendre, là, à pouvoir donner même une consultation, avis juridique. Pour nous, c'est important et c'est primordial.

M. Jolin-Barrette : O.K. Est-ce que vous considérez que, dans les autres juridictions canadiennes, où est-ce qu'ils permettent même la représentation des justiciables devant les tribunaux par des étudiants en droit, les justiciables des autres provinces canadiennes sont mal protégées? Parce que, dans le fond, là, nous, au Québec, là, on est les moins avancés au niveau des cliniques juridiques universitaires. Puis, à ma connaissance, il n'y a pas énormément de difficultés dans les autres juridictions canadiennes relativement à cela.

Donc, je me dis, si on veut s'assurer de l'accessibilité des citoyens à la justice, ou d'être mieux informés sur leurs droits, ou d'avoir davantage d'outils, d'être mieux conseillés, c'est une mesure qui m'apparaît vraiment favorable pour les justiciables québécois, surtout si, dans les autres provinces, les citoyens canadiens ont accès à ce genre de service.

Mme Côté (Stéphanie) : En fait, je ne peux pas vous dire parce que je ne connais pas la réalité ou le taux de réussite dans les autres provinces. Par contre, le début de votre commentaire disait que, dans les autres provinces, les étudiants allaient même faire des représentations devant les tribunaux. Je comprends que nous, au Québec, on n'a pas l'intention de se rendre là?

M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas prévu. Est-ce que vous nous invitez à le faire?

Mme Côté (Stéphanie) : Bien non.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, nous, on est vraiment sur l'avis et le conseil juridique pour les étudiants, et ce qui concerne les modalités, à savoir après combien de cours les étudiants en droit pourront le faire. Je pense qu'il doit y avoir une discussion entre les facultés de droit et entre, également, les ordres professionnels, avec le Barreau et la Chambre des notaires, et c'est ce que le projet de loi nous... invite les parties, les différentes parties à faire, avoir une discussion entre elles pour faire en sorte qu'on puisse établir clairement les balises et les modalités d'une clinique juridique universitaire pour s'assurer de la protection du public.

Est-ce que vous avez d'autres commentaires par rapport au projet de loi ou sur des éléments que vous souhaitez nous sensibiliser?

Mme Côté (Stéphanie) : Je pense que notre texte a été assez clair et puis le... Oui, un dernier point. C'est que, si jamais il y avait un avis ou une consultation, et que, suite à ça, le justiciable demandait une deuxième rencontre ou consultation, on privilégierait que ça soit le même avocat et le même étudiant qui rencontrent, bien sûr, le justiciable pour la deuxième consultation, si la deuxième consultation était nécessaire, pour être sûr, là, d'avoir un bon suivi, comme ça serait le cas, là, dans un bureau.

M. Jolin-Barrette : Puis vous êtes d'accord avec moi que, dans plusieurs autres professions au Québec qui sont encadrées, on permet des cliniques universitaires dans différents domaines.

Mme Côté (Stéphanie) : C'est ça, on est d'accord avec vous. Mais, comme on disait tantôt, ces cliniques-là, dans d'autres domaines, sont encadrées par des professionnels, et très encadrées, très structurées. C'est ce qu'on demande, nous autres, nous aussi.

M. Jolin-Barrette : Et c'est mon souhait aussi que ça soit encadré. C'est pour ça qu'on a mis la dérogation des cliniques juridiques universitaires et que les ordres professionnels devront déterminer l'encadrement associé à ça, mais le tout à l'intérieur de six mois, parce que je considère que c'est un outil très important pour l'accessibilité à la justice pour faire en sorte que les citoyens puissent être mieux renseignés sur leurs droits.

Alors, Me Côté, je vous remercie grandement de l'échange que nous avons eu. Je sais que j'ai des collègues qui souhaitent poser quelques questions. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Les Plaines s'il vous plaît.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, je vais revenir sur l'aspect de l'accessibilité et je vais vous demander... Pour les gens... on appelle les «judiciables», là, je comprends votre... le langage... Donc, pour le judiciable qui arrive et qui... vous avez compris que je ne suis pas avocate, et qui arrive, et qui veut avoir un avis, bon, dans une clinique, donc, je me mets à sa place, et ça peut être intéressant aussi d'avoir quelqu'un qui est en apprentissage.

Pour le judiciable, ça peut être également une façon d'être un peu plus, je veux dire, relax face à la situation. On n'est pas tout de suite devant un avocat qui peut paraître aussi imposant. Ça peut rendre un peu les gens inconfortables même si c'est l'avocat qui est vraiment... qui est le professionnel. Donc, de ce côté-là, est-ce que... et je reviens au mot «accessibilité», est-ce que vous le voyez de façon positive?

Mme Côté (Stéphanie) : En fait, nous, notre point de vue par rapport à ça, c'est... ou notre questionnement ou notre crainte, c'est que le justiciable qui va arriver et qui va vers un étudiant va s'attendre à avoir un niveau de réponse ou de connaissance équivalent à un avocat... et qui va arriver en se disant : Bien, nous, on va voir un professionnel. Bien sûr que l'étudiant de troisième ou de deuxième — nous, on espère fortement que ça va être minimalement troisième année — n'a pas la même connaissance, la même fiabilité et tout ça que le praticien ou l'avocat membre du Barreau.

Alors, nous, ce qu'on se demande, c'est : Est-ce que ça va vraiment favoriser l'accessibilité à la justice? Parce que la personne qui va y aller, le justiciable va s'attendre à avoir des réponses du professionnel, même si c'est juste un étudiant. Nous, c'est notre point de vue et c'est là qu'on voit un peu le danger.

Mme Lecours (Les Plaines) : Je comprends très bien votre point de vue. Donc, c'est vraiment dans l'encadrement. Vos prédécesseurs en parlaient aussi beaucoup. Par ailleurs, quand on fréquente une clinique juridique universitaire, on comprend qu'on n'est pas dans un cabinet d'avocat. Donc, au départ, il y a quand même la notion de... et je trouve ça intéressant. D'ailleurs, il y a des cliniques juridiques qui existent pour de l'information juridique. C'est beaucoup mieux d'aller soit là pour avoir un avis, soit dans une clinique universitaire, que d'aller sur Internet faire son propre avis.

Mme Côté (Stéphanie) : Ça, c'est sûr, surtout si l'étudiant est toujours accompagné d'un avocat. Alors, bien sûr, ça, c'est bien mieux ou, à la limite même, qu'il soit représenté seul, bien sûr.

Mme Lecours (Les Plaines) : O.K. Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, Me Côté, de prendre le temps de venir jaser de ça avec nous, plus que jaser, de réfléchir puis de soulever des points. Puis je dois vous dire que vous avez soulevé un point excessivement pertinent lorsque vous nous avez soulevé que, si d'aventure, ça ne se développait qu'auprès des facultés de droit au Québec... bien, en région, je veux dire, on aurait Sherbrooke, parce que vous avez l'Université de Montréal, vous avez l'Université McGill, vous avez l'Université d'Ottawa, bon, vous avez l'UQAM. Donc, Montréal, McGill, UQAM sur l'île de Montréal, vous avez Laval, puis vous avez, si j'exclus Ottawa, vous avez Sherbrooke.

Donc, lorsqu'on dit qu'il s'agit d'un outil pour permettre aux citoyens, aux citoyennes d'avoir un accès plus grand à des conseils juridiques, bien, il y aurait lieu de se questionner sur comment nous pourrions, que ce soit par visioconférence ou autre, comment on pourrait élargir ça aux gens de Rimouski, par exemple, parce qu'eux aussi auraient le droit d'avoir de tels...

Mais là il s'agit évidemment, puis je ne veux pas rentrer avec vous dans une logistique, mais il y a là une préoccupation excessivement importante à laquelle vous avez fait référence, là.

Mme Côté (Stéphanie) : Exact, M. le député, et je vous dirais que nous, la seule université qui nous touche, c'est vraiment Sherbrooke, parce qu'Ottawa, l'Outaouais ne fait partie de l'AAP depuis quatre ans. Alors, la seule université qui nous touche, nous, c'est Sherbrooke.

Donc, effectivement, comme des collègues à moi, Me Tremblay, par exemple, du Saguenay nous disait : Nous, en région, on fait quoi? Alors, effectivement, à part nous, Sherbrooke, il n'y a pas d'autre région, et c'est pour ça qu'on a soulevé ce point-là. Si c'est développé, alors tout le monde au Québec, tous les justiciables au Québec devraient pouvoir y avoir accès. Il va falloir penser à cette façon de faire là, bien sûr.

M. Tanguay : Très intéressant, très intéressant. Vous avez mis la barre, donc, dans l'amendement que vous proposez à 128.1, deux tiers du programme complété avec succès. Deux tiers, donc deux ans sur trois, pour vous, ça, c'est important. Par contre, je revire l'argument de bord, donc, deux ans, pour vous, ce serait suffisant pour avoir un minimum de compétence, selon vous, pour pouvoir prodiguer des conseils juridiques?

Mme Côté (Stéphanie) : Bien, en fait, nous, si on comprend que c'est un projet de loi qui va de l'avant et, donc, on favorise les étudiants dans cette façon de faire là, nous, on considère qu'avant la troisième année... et comme vous avant, dans mon texte, je dis même : Si ça peut être la dernière session, c'est ce qui serait privilégié. Maintenant, on voudrait qu'il y ait un amendement, même, dans le texte même de loi, pour le dire aux deux tiers.

Mais avant, quand j'avais lu, j'avais dit qu'effectivement, à cet effet, nous proposons que cette consultation soit tenue exclusivement par des étudiants de dernière année, voire de dernière session. C'est ce qu'on avait proposé.

• (17 h 20) •

M. Tanguay : Et vous aviez soulevé l'importance, donc, d'avoir une étroite supervision. Donc, vous proposiez même, donc... mais je ne pense pas que vous proposez de le mettre dans le projet de loi, dans la loi, mais, le cas échéant, de faire écho dans un règlement, mais corrigez-moi si j'ai tort, ou si vous le vouliez également dans la loi, qu'il y ait possibilité d'avoir, donc, une supervision étroite.

Puis vous disiez : première rencontre soit avec supervision puis, par la suite, réflexion avant de communiquer une opinion, réflexion à l'interne peut-être entre l'avocat ou l'avocate qui supervise et l'étudiant, d'une réflexion en commun puis, après ça, go, vas-y, je pense qu'avec tous les caveats... puis ça, c'est toujours important, ça revient, hein? C'est comme vous le dites, on avait la même conversation un peu plus tôt avec Me Larose, je ne sais pas si vous avez entendu, mais avec des caveats importants à communiquer à la citoyenne ou au citoyen, de dire : Bien, écoutez, je suis au meilleur de ma connaissance, je suis étudiant en droit. En droit, il n'y a pas de certitude, mais votre cas semble toucher ça, ça, ça, et voici comment le droit peut s'appliquer puis voici quelles sont vos options, mais en soulignant le fait qu'il n'y a pas de réponse finale et absolue en droit, c'est une réflexion, et que le dossier peut évoluer dans le temps et selon les faits aussi qui sont portés à notre connaissance.

Donc, supervision... je reviens à mon point, supervision étroite, sans le mettre dans la loi, mais que ça se reflète dans le règlement?

Mme Côté (Stéphanie) : ...minimalement dans le règlement. Et, comme vous avez dit aussi après, nous croyons qu'il serait important que l'avocat qui assistait l'étudiant approuve l'avis ou l'opinion juridique avant que le justiciable en prenne connaissance et ça lui soit livré.

M. Tanguay : C'est bon. Et on nous a suggéré d'avoir comme supervision des avocats, avocates de 10 ans ou plus de pratique. Vous, est-ce que vous avez une réflexion là-dessus, sur la qualité minimale que devrait avoir une personne? Parce que je ne pense pas qu'on puisse superviser... Bien, peut-être, vous allez me le dire. Première année, fraîchement sorti du stage, reçu... inscrit au tableau de l'ordre, est-ce qu'on pourrait être superviseur, selon vous?

Mme Côté (Stéphanie) : Je pense que pas en sortant... je ne pense pas qu'en sortant du bac, non. Est-ce qu'il faut 10 ans? Je pense que 10 ans, il faut être juge, là. Il faut 10 ans pour être juge, on peut sûrement aider avant 10 ans, sinon ça ferait quasiment peur. Mais je pense que moi, à cinq ans, ça serait suffisant, amplement suffisant.

M. Tanguay : O.K. Et j'aimerais savoir, puis c'est important... l'association, vous dites représenter, donc, 6 731 avocats et avocates, excluant Montréal, Québec et Outaouais. Donc, ça, ça fait partie, j'imagine, des discussions, évidemment, ce que vous nous livrez là, c'est le fruit de votre réflexion en commun. Vous devez avoir beaucoup de commentaires. C'est reçu, perçu comment, ça? Je n'irais pas jusqu'à dire comme étant de la compétition comme telle, parce qu'on veut un accès à la justice. Mais c'est reçu comment si vous aviez, peut-être, à nous traduire en vos propres mots ce qui se dit, là, au sein de votre association par rapport à ça, ce qui s'en vient? Puis je pense que vous avez toute la lucidité de dire : Bien, écoutez, ça s'en vient, alors on va faire avec. Mais si vous aviez à traduire la nature des conversations que vous avez à l'interne, que diriez-vous?

Mme Côté (Stéphanie) : Je vais être honnête avec vous, on a reçu l'invitation il y a 10 jours. J'ai été très chanceuse, mon conseil d'administration était prêt à faire une réunion tout de suite, le lundi suivant, et on a passé... Le mot que je vous ai lu aujourd'hui a été approuvé par tout le monde du conseil d'administration, et donc ça reflète nos régions au complet.

Maintenant, nous, ce qu'on croit vraiment, c'est que ça devrait vraiment être dans le cadre de la formation de l'étudiant. Mais ce qui a été lu aujourd'hui est conforme à tout l'accord des membres du conseil d'administration de l'AAP, et ça, on en est excessivement fiers.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Me Côté, d'avoir pris le temps de discuter avec nous après-midi. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui, bonjour. Merci beaucoup. Je trouve que vous avez une position très sensée et très équilibrée, puis vous, vous auriez pu effectivement dire : Pour nous, il y a des enjeux importants, puis prendre une position de fin de non-recevoir, puis vous avez une belle ouverture, donc je trouve ça très intéressant.

Et surtout, je voulais parler avec vous de la question, justement, des régions versus des villes centres. Je pense, moi, que c'est un réel enjeu et c'est une des raisons pour lesquelles je pense qu'on ne peut pas exclure les cliniques juridiques communautaires, parce que, si on se limite aux cliniques universitaires, ça veut dire que, qu'importe le développement de la justice communautaire, dans l'avenir, on serait limités aux seuls endroits où il y a des facultés de droit. Puis je ne pense pas qu'à court terme elles vont se multiplier, alors que des cliniques juridiques communautaires pourraient naître dans différentes régions du Québec.

Donc, j'avais deux questions par rapport à ça. J'aurais beaucoup aimé qu'on puisse entendre des représentants de ces cliniques-là, mais malheureusement, le ministre a refusé. Donc, je la pose à vous. Est-ce qu'en région il y a des cliniques juridiques communautaires, un peu comme on voit à Montréal, là, clinique juridique du Mile-End, ou Juripop, ou de ces initiatives-là? Et l'autre question, c'est par rapport aux centres de justice de proximité qui, eux, sont présents dans certaines régions du Québec, mais qui n'ont pas cette faculté de donner des avis juridiques. Est-ce qu'on devrait, puisqu'on parle d'accessibilité à la justice, réfléchir aussi à un rôle accru, à cet égard-là, des centres de justice de proximité qui sont présents dans les régions?

Mme Côté (Stéphanie) : Bon, pour la première question, les centres communautaires, à ma connaissance, non. Et j'ai la chance d'être accompagnée, là, de la directrice générale de l'AAP et je lui ai fait un point d'interrogation. Elle m'a confirmé que non. Alors, il n'y a pas, en région, des centres communautaires juridiques.

Maintenant, pour ce qui est des cliniques juridiques, c'est sûr que les régions ne doivent pas être bafouées dans le processus d'accessibilité à la justice. C'est sûr qu'il y a d'autres programmes qui vont se développer aussi, comme la réforme de l'aide juridique, tout ça, là, qui vont aider certaines régions. Ça, c'est un autre débat, là. Si on était pris... on ira aussi, mais je pense que les centres de justice de proximité, effectivement, ça serait... Les régions où qu'il y en a, nous sommes impliqués, là, dans ces centres de justice de proximité là.

Mme Hivon : Donc, on pourrait imaginer un rôle accru de ces centres de justice là qui donneraient vraiment des avis juridiques pour une meilleure accessibilité à la justice, et ce qui ferait aussi l'affaire, possiblement, des régions.

Mme Côté (Stéphanie) : Oui. Bien là, je comprends que, dans ce cas-là, comme il n'y a pas de faculté de droit, ça serait fait par des avocats. C'est ça? Oui. Effectivement, ça, on pense que ça pourrait être intéressant effectivement.

Mme Hivon : Est-ce qu'il me reste du temps?

Une voix : ...

Mme Hivon : O.K. Super. L'autre chose... En fait, j'aurais pu poser la question à beaucoup d'autres groupes. Vous avez décidé d'aborder uniquement cette question-là, qui est très importante, mais le projet de loi aborde énormément d'autres enjeux.

Est-ce que la raison pour laquelle vous ne les abordez pas, c'est par manque de temps, donc vous êtes allé par priorités, ou c'est parce que l'ensemble de ce qui est proposé fait l'affaire de votre association?

Mme Côté (Stéphanie) : Je pense qu'officiellement c'est par manque de temps. Un, on avait 10 minutes pour se présenter... faire la présentation, mais c'est quand même très bien de nous avoir invités.

Une autre chose, comme j'ai dit tantôt, on a été invité vendredi il y a 10 jours. Alors, moi, je suis praticienne, là, je fais du droit de la jeunesse exclusivement sur le terrain, alors on a eu le temps de se préparer. Mais juste faire ce texte-là à vous présenter, le temps que ça passe avec tous nos membres du C.A., on voulait faire un discours de qualité. Alors, on s'est référé sur le point, pour nous, qui était le plus sensible pour l'instant, mais on voulait donner quelque chose de qualité à la commission. Alors, c'est pour ça qu'on s'est limité à ça.

Mme Hivon : Ça ne veut pas dire... on ne doit pas présumer que vous êtes nécessairement d'accord, sans aucune nuance, avec tout le reste, mais vous avez focussé sur le point qui vous apparaissait le plus important. Et d'ailleurs, j'aimerais beaucoup... parce que vous avez donné des détails sur l'encadrement que vous souhaitiez, que vous puissiez envoyer votre présentation écrite au secrétariat de la commission. Ça va nous être utile dans l'étude détaillée.

Mme Côté (Stéphanie) : Je vais le faire. Effectivement, c'est qu'on était encore ce matin à corriger certaines coquilles. On voulait l'envoyer... très bien, parfait. Alors, ce sera envoyé avec notre plus grand plaisir. Merci beaucoup.

Mme Hivon : Merci à vous.

Mme Côté (Stéphanie) : Merci, Mme la députée.

Le Président (M. Bachand) : Me Côté, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi. Donc, on va attendre votre document avec immensément de plaisir.

Sur ce, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi 25 novembre, après les affaires courantes. Merci encore.

(Fin de la séance à 17 h 29)

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