(Dix heures trois minutes)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Bon matin, tout le monde. Content de vous retrouver.
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission des institutions ouverte.
La commission est réunie afin de procéder aux
auditions publiques dans le cadre des consultations particulières du projet de
loi n° 75, Loi visant à améliorer l'accessibilité et l'efficacité de la
justice, notamment pour répondre à des conséquences de la pandémie de la
COVID-19.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Fontecilla (Laurier-Dorion) sera remplacé par
M. Nadeau-Dubois (Gouin) et M. LeBel (Rimouski), par Mme Hivon
(Joliette).
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a des droits
de vote par procuration?
La
Secrétaire : Oui. M. Lévesque (Chapleau) pourra voter pour
Mme Lachance (Bellechasse), Mme Lavallée (Repentigny), et M. Lamothe (Ungava); et
M. Tanguay (LaFontaine) pourra voter pour Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce).
Remarques préliminaires
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Ce matin, nous
débuterons par les remarques préliminaires puis nous entendrons les représentants
du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires du Québec.
Donc, pour les remarques préliminaires,
j'inviterais le ministre de la Justice pour un maximum de
5 min 34 s. M. le ministre, bienvenue.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, M. le Président. Un plaisir de vous retrouver, M. le Président. Ça
fait longtemps qu'on ne s'est pas vus en commission parlementaire.
M. le Président, je tiens à saluer et à
remercier les fonctionnaires du ministère de la Justice du Québec qui sont
présents : Me Yan Paquette, sous-ministre associé et sous-procureur
général adjoint du sous-ministériat aux affaires
juridiques; Me Élise Labrecque, du sous-ministériat aux affaires
juridiques; et Me Vincent-W. Roy, avocat à la Direction du soutien aux orientations des affaires
législatives et de la refonte, du sous-ministériat aux affaires
juridiques.
Également, M. le Président, vous me permettrez
de souligner la présence de M. le député de Chapleau et de Mme la députée des
Plaines, qui nous accompagnent aujourd'hui. Salutations également aux
collègues, le député de LaFontaine, ainsi que la députée de Joliette qui sont
présents, ainsi que nos salutations à Mme la secrétaire.
Alors, M. le
Président, je souhaite la bienvenue à ces consultations particulières
concernant le projet de loi n° 75 visant
à améliorer l'accessibilité et l'efficacité de la justice, notamment pour
répondre à des conséquences de la pandémie de la COVID-19.
Alors, je remercie, d'entrée de jeu, les
participants d'être présents parmi nous aujourd'hui. La collaboration de ceux-ci est très utile et sera grandement
appréciée. Nous sommes reconnaissants que les différents groupes
prennent part à ce processus et nous avons
hâte de vous entendre. En vous écoutant, nous serons mieux positionnés pour
bonifier le projet de loi. Vous contribuerez
ainsi à votre façon à ce que le projet de loi atteigne son objectif, qui est de
faciliter l'accès à la justice à la
population québécoise, et ce, malgré le contexte de la pandémie mondiale que
nous vivons actuellement.
Comme vous le savez, les derniers mois ont été
difficiles pour la plupart des Québécoises et des Québécois avec les enjeux et
les conséquences liés à l'urgence sanitaire, mais, comme le monde continue de
fonctionner et que la justice ne fait pas exception, nous nous sommes adaptés
en quatrième vitesse à ces bouleversements majeurs. Nous étions déjà au travail
pour rendre la justice plus accessible dans un système qui était sous pression
depuis un certain temps, mais la pandémie a précipité les choses.
Je tiens
d'ailleurs à remercier tous les acteurs du système de justice qui ont
collaboré, depuis les derniers mois, à faire
en sorte de pouvoir s'adapter, et particulièrement les équipes du ministère de
la Justice, sur le plan informatique, qui ont permis de créer des salles
d'audience virtuelles ou semi-virtuelles, qui ont vraiment travaillé
d'arrache-pied au cours des derniers mois
pour faire en sorte que les parlements... que les palais de justice puissent
continuer de fonctionner.
Dans le
contexte, le projet de loi n° 75 propose des moyens pour que les citoyens
et citoyennes continuent d'avoir accès
au système de justice tout en respectant les consignes de la
Santé publique. En effet, au début de la pandémie, des solutions
innovantes ont été mises en place pour permettre de maintenir les services
judiciaires. Ce projet de loi vise à assurer la pérennité de ces nouvelles
solutions puisqu'elles ont fait leurs preuves depuis le mois de mars dernier.
Concrètement,
nous proposons de favoriser et d'encadrer le recours à des moyens technologiques
pour éviter aux citoyens et aux citoyennes
de se déplacer au palais de justice lorsque cela n'est pas nécessaire. La
simplification des processus et le
recours à l'écrit sont aussi privilégiés, encore une fois pour réduire les
déplacements au palais de justice. Par exemple, nous proposons de ne
plus exiger des déclarations sous serment pour l'exemption des jurés et le
paiement de certains témoins.
L'un des éléments
majeurs du projet de loi n° 75 concerne les services
offerts dans les cliniques juridiques universitaires. Dorénavant, les étudiants
en droit seront autorisés à offrir non seulement de l'information juridique vulgarisée, mais aussi des conseils et des avis
juridiques. Ces services seront offerts gratuitement ou à très faible
coût, répondant ainsi au besoin de la population pour de tels services. Cette
mesure permettra d'outiller les citoyennes et les
citoyens face à leurs droits, améliorant considérablement l'accessibilité et
l'efficacité du système de justice. Il s'agit d'un point central du projet de loi qui constituera une
avancée significative pour l'accès à la justice au bénéfice des
citoyens.
Également, la
réduction des délais de traitement des dossiers judiciaires est aussi au coeur
de ce projet de loi, entre autres, pour la communication de la preuve au
soutien des actes de procédure en matière civile. Plusieurs mesures visent également à assurer une
communication efficace entre les différentes parties aux étapes clés des
procédures judiciaires. En matière civile et en matière pénale, nos
propositions visent entre autres à clarifier et à préciser certaines mesures,
répondant ainsi à des problèmes concrets et trop fréquents vécus dans le système
de justice.
En terminant, M. le
Président, avec ce projet de loi, nous voulons répondre efficacement et rapidement
à un besoin qui était déjà
bien présent avant la crise sanitaire, la nécessité des mesures pour améliorer
l'accès à la justice s'est accentuée avec la pandémie et surtout
requiert une adaptation permanente et pérenne du système de justice à cette
nouvelle réalité. Les mesures proposées dans le projet n° 75
visent donc à modifier de façon permanente l'efficacité et l'accessibilité de
la justice. Elles font consensus parmi les partenaires du système de justice,
ce qui est un bon indicateur de leur pertinence.
Je tiens d'ailleurs à
remercier les membres de la Table Justice-Québec, dont le projet de loi est le
fruit des discussions qui ont eu cours et d'un consensus à la Table
Justice-Québec. Et je suis persuadé de pouvoir compter sur la collaboration des
oppositions afin de procéder rapidement à l'adoption de ce projet de loi qui
permettra au système de justice et aux acteurs du système de justice de faire
en sorte de le rendre plus accessible, plus efficace, et ce, au bénéfice de
tous les justiciables.
Alors,
je tiens, encore une fois, M. le
Président, à remercier tous les
participants des consultations
particulières que nous entendrons lors des deux prochains jours et à remercier
les collègues pour leur collaboration dans le présent dossier. Merci, M. le
Président.
• (10 h 10) •
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le
député de LaFontaine, pour 3 min 43 s.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, permettez-moi de vous saluer à mon
tour, saluer le ministre, saluer les collègues de la banquette ministérielle,
la collègue de la deuxième opposition et, évidemment, les gens qui entourent le
ministre.
M. le Président, vous
allez me permettre, dans mon 3 minutes 40 quelques secondes, de, d'abord,
faire un point sur nos travaux parlementaires. Depuis les 13 et
16 novembre dernier, le ministre sait que deux groupes se sont désistés. Depuis cette date-là, nous savons que ce
soir nous aurions eu l'opportunité d'entendre deux autres groupes, donc
de combler les deux plages horaires laissées libres. On est là pour travailler,
et ça adonne, M. le Président, qu'il y a deux
groupes qui ont levé la main puis qui ont dit : On aimerait ça être
entendus, nous autres, dans le projet
de loi n° 75. Il y a Juripop et le conseil du droit en environnement.
Il aurait été bien
avisé pour le ministre de permettre que ces deux groupes soient entendus ce
soir, de leur permettre de venir donner leur opinion. On pourrait
m'opposer : Bien, ils ont juste à faire un écrit, à déposer un mémoire ou
une lettre complète. Mais ce n'est pas comme avoir une discussion, comme on
aura tantôt avec les représentants du Barreau, un échange, des questions
précises et des réponses précises. Alors, ça, M. le Président, en respect des
droits et privilèges de tous les parlementaires, je me tenais de le souligner,
je le déplore.
Le ministre dit, il
veut voir le projet de loi adopté rapidement. M. le Président, pour nous, rapidement
ne sera jamais une raison pour diminuer la rigueur et une analyse complète d'un
projet de loi qui se veut important, parce que, s'il ne l'était pas, le ministre,
évidemment, ne l'aurait pas présenté.
Alors, ceci étant
dit, M. le Président, on voit ça souvent dans la législation, sous la 42e, sous
la CAQ, on veut aller bien, bien, bien vite. On convoque des gens avec des
délais trop courts. Les gens, bien souvent, se désistent parce qu'ils n'ont pas
le temps d'écrire un mémoire digne, à leurs yeux, de ce nom. Et, dans un
deuxième temps, les plages laissées...
horaires ne sont pas comblées par ceux qui ont déjà levé la main depuis une
semaine. Alors, ça, M. le
Président, je le déplore.
Ceci étant dit, M. le
Président, sur le fond des choses, comme vous nous connaissez, on aura
l'occasion de faire le débat. On aura l'occasion de questionner le ministre, et
rapidement, pour nous, ne se fera jamais au prix de la rigueur et de la
justification.
Dans le projet de loi,
il est dit : notamment, pour répondre à des conséquences de la pandémie de
COVID. Évidemment, vous l'aurez constaté à la lecture du projet de loi, la COVID
a le dos large. Je vais vous donner... Écoutez, je pourrais vous en donner plusieurs,
je vais donner six exemples.
On veut, entre autres,
changer le Code de procédure civile afin de permettre à un juge de rejeter
d'office une demande prescrite en matière de recouvrement des Petites Créances.
Autre élément, on veut faire en sorte que les personnes qui participent à des programmes
d'adaptabilité puissent être couvertes par la CNESST. Troisième exemple,
les étudiants, le ministre
en a parlé, pourraient donner des conseils juridiques dans un contexte
particulier. Quatrièmement, on change le Code de procédure pénale pour
ne pas qu'un juge ou un tribunal perde sa compétence dans des cas bien précis.
Cinquième exemple, on veut permettre... revisiter le partage du produit de la
criminalité. Et, sixième exemple, on veut faire en sorte d'aller modifier la
Loi sur le paiement de certains témoins.
Alors, oui, c'est un projet
de loi, ce n'est pas un omnibus, c'est un minibus, M. le Président, mais un
minibus à quand même plus d'un siège. Il y a plusieurs
chapitres. On va prendre le temps qu'il
faut, avec rigueur, dont nous
sommes capables de faire preuve, M. le Président. Mais ce n'est pas vrai qu'on
va passer ça à vitesse grand V, parce que nous ne serions pas dignes de notre
mandat, si nous le faisions autrement. Mais, ceci dit, bonne journée, M. le
Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de LaFontaine. Mme
la députée de Joliette, s'il vous plaît, pour 56 secondes.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon :
Oui, merci, M. le Président. Donc, ce sera très rapide, saluer tous les
collègues, le ministre et toute son équipe, vous dire qu'il y a des choses intéressantes
en matière d'accès à la justice dans ce projet de loi et qu'on va regarder.
Effectivement, je ne
suis pas certaine que le projet de loi porte son bon nom, puisqu'il est loin de
concerner uniquement la COVID, donc on pourrait y revenir.
Mais
je suis surprise aussi que le ministre n'ait pas accepté d'entendre des groupes
qui sont pourtant très importants pour les questions d'accessibilité à
la justice, en l'occurrence, Juripop et le conseil du droit en environnement
qui se rendaient disponibles. On a des plages disponibles. Donc, c'est quelque
chose qui est regrettable quand on veut aller au fond des choses, d'autant plus
qu'il y a un enjeu important qui est soulevé, puis on l'a vu parce que certains
groupes nous ont envoyé une lettre, qui est celui de pourquoi restreindre la
question des avis juridiques aux étudiants qui oeuvrent dans des cliniques
juridiques universitaires et non pas à ceux qui oeuvrent aussi dans des
cliniques juridiques communautaires, qui ont
la même fonction de favoriser l'accès à la justice. Et on aurait pu avoir un
échange très intéressant, notamment sur cet enjeu-là, avec ces groupes-là.
Donc, il n'est pas
trop tard, on pourrait les entendre par visioconférence ce soir. Donc, je
demande au ministre de reconsidérer sa décision. Et, sur ce, bien, je nous
souhaite les échanges les plus ouverts et productifs possibles, M. le
Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée de
Joliette.
Auditions
Nous allons
maintenant souhaiter la bienvenue officiellement aux représentants du Barreau
du Québec.
Je vous rappelle,
vous avez 10 minutes de présentation, et, par après, nous aurons une
période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite
d'abord à vous présenter et à débuter votre présentation. Merci beaucoup d'être
avec nous ce matin.
Barreau du Québec
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Alors, bien sûr, M. le ministre, M. le Président,
Mmes et MM. les députés, je suis Paul-Matthieu
Grondin, bâtonnier du Québec. Et je suis accompagné de Me Sylvie
Champagne, qui est secrétaire de l'ordre et directrice du secrétariat de
l'ordre et des affaires juridiques au Barreau du Québec. Je vous remercie,
évidemment, de votre invitation à la consultation.
Ayant
pour mission principale la protection du public, le Barreau du Québec a analysé
l'ensemble du p.l. n° 75 en tenant compte, bien sûr, le respect
rigoureux de cette mission.
Le projet de loi
propose que les étudiants en droit puissent donner des consultations et des
avis d'ordre juridique dans une clinique juridique universitaire ou dans une
clinique juridique d'une école de formation
professionnelle. Règle générale, les citoyens, en sollicitant des avis
juridiques, prennent des décisions lourdes de conséquences personnelles et
financières, lesquelles peuvent affecter directement leurs droits, obligations
et libertés. C'est pour ces raisons que leur exercice est strictement encadré
par le Code des professions et par la Loi sur le Barreau, et qu'il est
surveillé par l'Office des professions et le Barreau du Québec.
De prime abord,
sachez que le Barreau du Québec est d'avis que l'apprentissage expérientiel
constitue une méthode pertinente pour la formation des futurs avocats. Cet apprentissage
peut être vu à travers un continuum permettant d'acquérir l'ensemble des
compétences requises, le tout dans un souci de protection du public. Parmi les
compétences à acquérir, notons, par exemple, les fondements du droit, les lois
et les règlements, mais aussi les règles de conflit d'intérêts,
d'assurance-responsabilité, de secret professionnel et de tenue de dossier.
Au niveau des
cliniques juridiques universitaires, le Barreau pourra déterminer des normes
applicables aux étudiants et à leur supervision. Nous avons l'intention de
jouer pleinement ce rôle en collaboration, bien sûr, avec toutes les parties
prenantes dont, notamment, les universités.
Dans cet esprit et afin de faciliter cette
collaboration, nous demanderons trois modifications techniques au projet de loi. En premier, il y aurait lieu de
clarifier la portée du paragraphe 2° de l'article 128.1 de la Loi sur
le Barreau. La
rédaction actuelle pourrait donner lieu à plusieurs interprétations et
scénarios sur ce qu'est exactement une clinique juridique universitaire,
lesquels ne sont probablement pas tous de l'intention du législateur. Nous
sommes d'avis que seules les cliniques
juridiques universitaires créées par la faculté de droit dans le cadre d'un
cours et donnant ouverture à des crédits devraient être autorisées. Ce
point est développé davantage dans notre mémoire.
Comme deuxième modification technique et afin de
ne pas inutilement alourdir le processus réglementaire, nous estimons que le
Barreau du Québec et les universités pourraient collaborer ensemble afin de
rendre les cliniques juridiques adéquates et garantissant le respect des
exigences de l'exercice. Ainsi, il nous faudrait établir, par le biais d'un
protocole, le cadre général applicable aux opérations des cliniques. Nous
demandons donc de prévoir cette obligation à l'article 128.1.
La troisième modification que nous demandons ne
touche pas des cliniques universitaires, mais plutôt la clinique juridique à la
formation professionnelle, aussi connue sous le nom de l'École du Barreau. En
effet, le Barreau du Québec a récemment entériné un important projet de réforme
de cette école, projet de réforme qui a fait l'objet de discussions poussées
depuis des mois avec l'Office des professions. Cette réforme vise à permettre
au Barreau de mettre sur pied une clinique juridique. Les
1 400 étudiants que nous recevons chaque année auraient à passer
16 semaines dans une clinique juridique de l'École du Barreau, ce qui en
ferait deux premières : a, de créer le premier programme avec un cursus
obligatoire de clinique et, b, de créer une clinique unique en son genre en
termes de taille, en matière de supervision et d'encadrement.
En effet, une fois inscrits à l'école et ayant
reçu, par exemple, leur formation en matière de déontologie, les étudiants ont
certainement acquis un bagage de connaissances et de compétences supérieures
leur permettant, sous supervision étroite, de poser certains actes réservés,
tels que la consultation et l'avis d'ordre juridique, la rédaction et la
préparation de conventions.
Nous entendons aller de l'avant avec ce
programme par projet pilote en 2022, ce qui permettra à nos étudiants une
meilleure préparation à la pratique, le tout, bien sûr, de concert avec
l'Office des professions.
Pour que ce projet pilote puisse avoir lieu, une
modification à la Loi sur le Barreau est nécessaire afin de modifier également
l'article 15.2 pour y prévoir leur mise en oeuvre, la mise en oeuvre des
projets pilotes, ce qui nous permettrait de mener, pendant une année de transition,
deux programmes de façon concurrente.
La plupart... et dans un tout autre registre,
permettez-moi de vous entretenir ici des modifications proposées au Code de
procédure civile. Et, en toute fin, je vous parlerai d'une modification au Code
de procédure pénale.
La plupart
des mesures du projet de loi n° 75 ont fait l'objet de consultations au sein de la
Table Justice-Québec. Nous savions le
travail de tous les intervenants à la Table Justice-Québec, qu'ils soient du
monde politique ou du monde du fonctionnariat. Nous avons soumis
certains commentaires visant les articles 8, 9, 16, 25 du projet de loi
dans notre mémoire, et nous proposons ici deux ajouts qui sont les suivants. Le
premier est une modification à l'article 166 du Code de procédure civile
afin qu'il ne soit pas requis de déposer un protocole de l'instance dans le cas
où un moyen préliminaire, susceptible de mettre fin au litige, à titre
d'exemple, un moyen d'irrecevabilité, serait soulevé à l'intérieur du délai de
dépôt d'un protocole de l'instance.
Le deuxième ajout est une modification à
l'article 117 du Code de procédure civile concernant la séance d'information obligatoire sur la parentalité et la
médiation. Le Barreau est d'avis que le tribunal devrait pouvoir, de
manière exceptionnelle, envisager la possibilité d'instruire l'affaire sans que
les parties n'aient participé, ensemble ou séparément,
à une telle séance d'information en leur ordonnant toutefois d'y participer
dans un délai raisonnable qui suive le
prononcé de l'ordonnance. Un tel pouvoir permettrait d'assurer la saine gestion
de l'instance et son bon déroulement.
• (10 h 20) •
Finalement, un dernier commentaire quant à
l'article 2.2 du Code de procédure pénale permettant au tribunal
d'utiliser un moyen technologique approprié sans le consentement des parties. À
cet égard, il faut tenir compte du fait que la plupart des défendeurs en
matière pénale se représentent seuls. Aussi, cela implique l'obligation pour
les justiciables non représentés d'être en mesure de connaître, comprendre et
d'avoir à leur disposition et de pouvoir utiliser
les moyens technologiques utilisés par le juge... exigés, pardon, par le juge.
Nous comprenons que vous pourrez avoir l'éclairage de certains
criminalistes et pénalistes demain quant à cet article.
Voilà qui fait le tour des principaux enjeux que
le Barreau du Québec voulait aborder avec vous quant au projet de loi n° 75. Nous sommes maintenant disponibles pour répondre à
vos questions. Et je me permets aussi un petit
mot pour tous les fonctionnaires du ministère de la Justice avec lesquels nous avons eu le plaisir de
travailler dans les derniers mois.
C'est important de souligner leur travail, parfois dans l'ombre, mais nous
avions d'excellentes relations avec eux en général et nous félicitons
tous les intervenants du milieu de la justice qui ont eu à travailler fort
pendant la pandémie, ce qui inclut évidemment les avocats aussi. Merci à tous.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Grondin. M. le ministre,
pour 17 minutes.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M.
le Président. Bonjour, Me Grondin. Bonjour, Me Champagne également,
qui vous accompagne. Merci de participer aux travaux de la commission. D'entrée
de jeu également, M. le Président, je tiens
à remercier Me Grondin aussi relativement aux travaux qu'on a menés pour
les tarifs d'aide juridique. C'est une entente qu'on a réglée depuis...
qui traînait depuis plusieurs années, depuis 2017, et peu de temps après mon
arrivée au ministère de la Justice, on a réussi à régler une entente.
Donc, je pense que c'est important de le
souligner, le travail du Barreau du Québec dans cette démarche et de finalement
pouvoir conclure... et il y aura en place aussi un comité pour revoir la
structure, aussi, tarifaire pour la suite. Alors, je pense, c'est important de
le souligner, de remercier le Barreau pour sa collaboration dans ce dossier.
D'entrée de jeu, Me Grondin, au
niveau des cliniques juridiques, quelle est votre vision? Parce qu'on a entendu nos collègues tout à l'heure qui nous ont dit que
certains groupes allaient déposer des mémoires relativement à l'étendue
de la portée... bien, en fait, du pouvoir qu'on souhaite donner aux cliniques
juridiques universitaires relativement aux avis et aux conseils juridiques. De
ce que j'ai compris de votre intervention, vous nous dites : Écoutez,
nous, il faut que ça soit très clair, que ça demeure à l'intérieur d'un
établissement universitaire.
Or,
il y a des groupes qui vont venir, aujourd'hui et demain, nous dire qu'on
devrait étendre ça dans des cliniques communautaires ou avec certaines
cliniques affiliées aux établissements universitaires. Quelle est la position
ou la vision du Barreau à ce niveau-là?
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : O.K., donc, de prime abord, je vous dirais que la
vision générale, nous, on se concentrait beaucoup sur l'École du Barreau. Donc,
c'est un projet qu'on avait depuis plusieurs mois, sur lequel on travaillait
très, très fort, évidemment. On comprend aussi la vision ministérielle sur les
cliniques juridiques.
Je vous dirais que,
sur la question des cliniques communautaires, il faudrait que je voie un petit
peu plus l'argumentaire détaillé. Aujourd'hui, évidemment, on se concentrait sur la question des cliniques juridiques
universitaires et c'est là-dessus qu'on se
prépare depuis quelques semaines déjà. Donc, il faudrait vraiment que je voie
les arguments.
Je
vous dirais, par exemple, sur une question, là, plus précise, là, puis
je... de répondre là-dessus, sur la question des organismes à but non
lucratif, on travaillait aussi sur
cette question-là pour essayer de s'inspirer de ce qui se faisait
ailleurs, puis je pense que les organismes à but non lucratif, ça,
certainement, on pourrait étudier cette question-là. Je pense que c'est
important.
Pour ce qui est des
avis juridiques de cliniques communautaires, je comprends que, dans la plupart,
il y a aussi des avocats. Je comprends aussi qu'il y a beaucoup d'étudiants qui
sont même dans les bureaux d'avocats, qui peuvent évidemment participer à
toutes les recherches nécessaires. Donc, je vous dirais que, pour ça, j'aurais
besoin de l'étudier plus précisément, parce que, là, il y a d'autres questions
qui viennent en ligne de compte. Par exemple, là, est-ce qu'on parle d'actes
préservés aux notaires aussi? Est-ce qu'on parle des CJP aussi, les centres de
justice de proximité, qui ne donnent que de l'information?
Donc, c'est vraiment
une conversation d'ensemble à avoir. Puis je tiens aussi à saluer, là, puis ça,
c'est important, le travail de toutes les cliniques juridiques communautaires.
C'est très important.
On est ouverts à la
conversation, en général. Je vous dirais que, dans le cadre du projet de loi
ici, on s'est vraiment concentrés sur la
question des cliniques juridiques universitaires. Puis quand on parle des
cliniques juridiques universitaires dans le cadre de ce projet de loi
ci, notre commentaire est plutôt à l'effet que, dans la rédaction actuelle, ça donne lieu à plusieurs scénarios
possibles. Donc, je vous donne un exemple. Quand on dit «clinique
juridique universitaire», en ce moment, ce n'est pas clair si ce serait créé
par la faculté, donc une clinique créée par la faculté. Est-ce qu'un
professeur, de lui-même... créer une clinique juridique universitaire ou est-ce
que deux étudiants, par exemple, qui se mettraient ensemble pourraient créer
aussi une clinique juridique universitaire?
Donc, on est vraiment
sur des points un peu plus fins, plus précis, plutôt que d'exclure des
conversations plus larges. Bien, je vous dirais bien honnêtement, de notre
point de vue, ça nécessite une préparation supplémentaire pour faire cet
exercice de façon rigoureuse.
Sur la question, je
vous dirais, des organismes à but non lucratif, là, parce que c'est vraiment de
ça dont on parle dans les cliniques
communautaires, c'est bien d'en parler avec le Barreau, évidemment, mais c'est
quelque chose qui concerne le Code des professions. Le Code des
professions est régi par l'Office des professions, puis nous, on est un ordre professionnel parmi 46 autres. Donc,
il y a, comment dire, ces défis-là dont on peut certainement discuter,
là.
M.
Jolin-Barrette : Mais, Me Grondin, revenons sur la question des
cliniques juridiques universitaires. Avec le libellé du texte actuellement
qu'il y a dans le projet de loi, vous, vous dites : Ce n'est pas assez...
si je paraphrase, là, ce n'est pas assez
restrictif. Vous voulez que le législateur vienne encadrer davantage, d'une
façon plus serrée, pour dire : Bien, il faut que ce soit une
clinique juridique universitaire sous la faculté de droit, supposons, la Faculté de droit de l'Université Laval, la Faculté
de droit de l'Université de Montréal, l'UQAM ou Sherbrooke. Donc, vous
voulez vraiment que le périmètre soit bien défini. Malgré le fait qu'on vous
donne le pouvoir habilitant de déterminer par règlement de quelle façon ça va
s'organiser, donc, vous souhaitez qu'on mette les balises encore plus claires
pour dire : C'est à l'intérieur d'un établissement universitaire? Ça,
c'est ma première question.
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : O.K. Donc, je vais essayer de prendre la question de
cette façon-ci. Donc, évidemment, il y a une
intention ministérielle de... moi, je cherche c'est quoi, l'intention du
législateur aussi là-dedans. Donc, essentiellement, de la façon dont
c'est articulé en ce moment, on parle d'une clinique juridique au sein d'un établissement d'enseignement, qui donne... bon,
avec un diplôme, qui donne une ouverture au Barreau, essentiellement.
Alors là, la question, c'est : De quelle façon est-ce qu'on voit ces
cliniques juridiques là?
Nous, on a l'habilité
réglementaire quant aux obligations qui incombent aux étudiants et à leur
supervision. Est-ce qu'il est clair qu'on a l'habilité quant à... sur la
clinique elle-même? C'est moins clair dans le projet de loi. Donc, c'est ça
qu'on aimerait savoir. C'est est-ce que, par exemple... ça, c'est une question,
là, à laquelle je n'ai pas de réponse en ce moment. Est-ce que, dans le libellé
de l'article, deux étudiants qui... deux étudiants en droit au sein d'une
université qui se mettent ensemble et qui disent : On fonde une clinique,
est-ce que c'est visé par le projet de loi? Donc, ça, c'est plutôt une question
qu'on a plutôt qu'une réponse.
M.
Jolin-Barrette : Mais vous savez que deux étudiants qui fonderaient
une clinique universitaire, il manquerait un
bout, parce qu'il manquerait l'élément en fonction du règlement que le Barreau
va adopter, en fonction de l'encadrement qui doit
y être apporté relativement à la supervision d'un avocat ou d'un notaire en
exercice. Donc, je pense que vous avez une partie de la réponse aussi, qu'il
reviendra au Barreau de déterminer les modalités par voie réglementaire.
J'aurais une autre question,
là, passons aux centres de justice de proximité, aux organismes communautaires également,
parce que moi, dans mes consultations, on m'a beaucoup dit : Bien, écoutez,
si vous ouvrez les cliniques juridiques universitaires aux avis et aux conseils
juridiques, il serait peut-être opportun aussi d'y aller dans les centres de
justice de proximité et dans les organismes communautaires, les OBNL, parce que
ça arrive que des étudiants en droit vont faire des stages dans des cliniques
et les citoyens vont dans les organismes communautaires pour se faire informer,
conseiller. C'est vrai qu'il y a des avocats aussi qui sont présents là ou dans
les centres de justice de proximité.
Moi, mon objectif,
c'est de faire en sorte de s'assurer que les gens aient accès à la justice,
soient informés, soient conseillés aussi, qu'ils soient le mieux préparés
possible face à des situations de leur vie courante, dans la réalité
quotidienne. Et, on le sait, il y a certains sondages qui démontrent que les Québécois
sont peu informés. Juridiquement, ils sont peu conseillés.
Alors, partant de ce
principe-là qui est l'intention du législateur, est-ce que vous croyez opportun
qu'on élargisse aux centres de justice de
proximité, aux organismes communautaires
pour permettre des cliniques juridiques qui se retrouveraient dans ce
genre d'endroits?
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Oui, bien je vous donne un exemple aussi. Ici, c'est
vraiment l'accès à la justice puis l'accompagnement des citoyens, mais, après
ça, il peut y avoir une conversation aussi sur l'admissibilité et le panier de
services de l'aide juridique. Donc, c'est vraiment ça qui permet aux citoyens
d'être accompagnés. Donc, pour l'instant, on a un système d'aide juridique où
il y a certains services qui sont offerts, d'autres ne le sont pas, et aussi certains seuils d'admissibilité.
Donc, il y a cette conversation là-dedans aussi. Donc, c'est des
conversations qui sont très larges. Puis évidemment, il n'y a pas un seul
facteur d'accès à la justice, là, ça, je suis d'accord.
Puis,
pour ce qui est de la question des centres de justice ou un comité, évidemment,
c'est des avocats qui y sont, qui donnent de l'information à ce
niveau-là. Après ça, il y a toute la question de : Est-ce que le
gouvernement finance tel, ou tel, ou tel service? Est-ce qu'il finance telle ou
telle clinique qui pourrait leur permettre d'avoir plus d'avocats et de professionnels
aussi? Il y a ces questions-là.
Pour ce qui est des
étudiants, évidemment, j'apprécie, bien sûr, l'apport des étudiants, puis,
encore une fois, c'est un continuum d'apprentissage sur ce qu'on est prêts à
faire. Il y a des choses qu'on n'est pas prêts à faire dans son premier cours
puis, après ça, bien, quand on est rendus à l'école du Barreau, on est sur le
bord d'être un avocat. Donc, c'est vraiment un continuum.
C'est une
conversation qui est très large. Je vous avoue que, dans le cadre de ce projet
de loi ci, ce qui nous avait été présenté, c'est vraiment les cliniques
juridiques universitaires.
• (10 h 30) •
M.
Jolin-Barrette : La question qui se pose, dans les centres de justice
de proximité, ou que ce soit à l'aide juridique, bien entendu, c'est des
professionnels en exercice qui sont membres du Barreau pour la plupart. Mais la
question, c'est vraiment : Est-ce qu'on permet aux étudiants en droit de
se retrouver dans un centre de justice de proximité
ou dans un organisme communautaire sous forme de clinique juridique qui offre
des conseils, des avis sous la supervision?
La question, c'est : Est-ce qu'on étend ça à ce niveau-là? C'est vraiment
ça, mais je comprends votre position.
Peut-être, en
terminant, parce que je veux laisser la possibilité à mes collègues de poser
des questions aussi, au niveau de l'École du Barreau, là, ce que vous demandez,
c'est d'avoir une modification pour un projet pilote, programme pilote, pour
avoir une phase de transition vers la réforme que vous voulez amener à l'École
du Barreau. C'est bien ça?
M.
Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. C'est extrêmement technique, en fait,
là, puis bon, si on permet le nouveau programme puis on permet l'ancien
programme, par une fiction, là, en matière d'équité, là, d'avoir deux
programmes qui marchent en même temps la
même année pour un même groupe d'étudiants, de façon concurrente, il pourrait y
avoir un souci législatif. Alors, c'est pour ça qu'on vous demande la
possibilité de faire le projet pilote pour l'année de transition entre les deux
programmes.
M.
Jolin-Barrette : Parfait. Je vous remercie, Me Grondin.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de
Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui. Merci, M. le Président. J'en profite pour vous
saluer, également saluer le ministre, la collègue de Les Plaines, également les
collègues de l'opposition et l'ensemble des fonctionnaires du ministère de la
Justice. Me Grondin, M. le bâtonnier, bonjour... également les personnes qui
vous accompagnent.
J'aimerais peut-être
que vous m'éclairiez davantage sur la vision que le Barreau a de la clinique...
d'une clinique juridique puis de son rôle par rapport à cette clinique-là, là,
en université.
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Oui. Bien, pour être très honnête, la vision que
nous avions, c'était vraiment la vision,
peut-être, qui émane du Barreau, là. C'est la question de la clinique à l'École
du Barreau. Donc, évidemment, l'École
du Barreau, pour l'instant, c'est un système plutôt magistral, où il se donne
des cours, où il se fait des exercices pratiques, mais sans rencontrer
des vrais clients.
Donc, nous, pour une meilleure
préparation aux stages, pour agir en professionnels, on voulait que les
étudiants aient encore une meilleure expérience du réel. Puis à l'École du
Barreau, bien, on contrôle plein de trucs, donc, on contrôle la supervision de façon serrée, on contrôle l'assurance, on
contrôle la tenue de dossiers, bien sûr, évidemment, donc plein
d'éléments sur lesquels on avait un contrôle serré. Puis pour vous dire, après
l'École du Barreau, bien sûr, il est question de devenir stagiaire, puis, si
vous avez été maître de stage ou ceux qui ont déjà... les avocats qui ont déjà
été maître de stage, c'est très rare que, les stagiaires, on les laisse faire
des choses qui sont très, très complexes. Donc,
évidemment, pour dire qu'on leur souffle dans le cou un petit peu, c'est-à-dire
qu'on est très près d'eux avant qu'ils deviennent des avocats. Donc,
c'est vraiment cet encadrement-là qu'on voyait à l'École du Barreau, c'était la
vision.
La question des
cliniques juridiques universitaires, ça vient d'ailleurs, puis c'est correct,
évidemment, qu'ailleurs... des idées qui viennent d'ailleurs. On voit qu'il y a
une volonté ministérielle ou législative, là, si vous voulez, d'encadrer cette
pratique-là, et je pense qu'il est sage de donner au Barreau ce rôle-là comme c'est
le cas dans le projet de loi.
Cela dit, nous, on
est de bonne foi là-dedans puis on veut faire tout le travail nécessaire avec
les universités à ce niveau-là, mais c'est une conversation très intéressante,
là, qu'il va y avoir, parce que c'est un continuum d'apprentissage. Puis ce
qu'on peut faire seul versus ce qu'on peut faire sous une supervision étroite,
versus ce qu'on ne peut pas faire du tout... et je n'ai pas la réponse à toutes
ces questions-là en ce moment.
M. Lévesque
(Chapleau) : C'est parce que vous émettez la crainte notamment en
lien, bon, le secret professionnel, la tenue de dossiers, plusieurs éléments,
là, bon, qui sont sous la juridiction... là, la protection du public, du
Barreau. Est-ce que vous voyez davantage un rôle de collaboration, voire de
supervision plus étroite dans les facultés, certaines cliniques juridiques qui
seraient reconnues, et le Barreau pourrait, à ce moment-là, exercer cette
protection-là dans ces cliniques-là, justement, pour pallier aux risques que vous
mentionnez?
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Oui. Donc, c'est ça, évidemment, on veut collaborer
avec les universités. Je pense que l'idée du protocole, là, la modification
qu'on suggère permettrait de ne pas alourdir un règlement de façon non
nécessaire. Donc, encore une fois, c'est une question de collaboration, puis
c'est ça, puis je vous dirais qu'on est aussi dans certaines questions de base,
là, qui, au fur et à mesure qu'on creuse la question, on se les pose.
Je vous donne un
exemple. Est-ce que... Une des composantes d'un avis ou d'une consultation
juridique, c'est probablement un client, donc le client... puis ça, c'est les
questions sur lesquelles il faut qu'on se penche, là, qui ne sont peut-être pas
d'intérêt pour, évidemment, M. et Mme Tout-le-monde qui ont des factures à
payer et tout ça, mais, par exemple, dans un avis juridique, à qui, entre
guillemets, appartient le client? Donc, est-ce que c'est à l'étudiant lui-même?
Est-ce que c'est à la clinique? Est-ce que c'est au superviseur? Qui a les
obligations et les responsabilités? Puis c'est ce genre de questions là
philosophiques, là, puis conceptuelles qui honnêtement ne sont pas encore tout
à fait réglées, puis on se promet de faire cet exercice réglementaire là
important, là, en consultation avec toutes les parties.
M. Lévesque
(Chapleau) : O.K. Excellent. Peut-être trois petits points... Dans le
mémoire, vous mentionnez que la formulation
actuelle du projet de loi pourrait donner lieu à différentes interprétations
puis scénarios. J'aimerais peut-être vous entretenir sur ces
scénarios-là, notamment, bon, le premier, la faculté de droit qui pourrait
créer une clinique dans le cadre d'un cours et octroyer des crédits aux
étudiants qui choisissent ce cours. S'il y a toutes les mesures de protection
du public puis les éléments importants qui sont mis de l'avant, où se
trouverait l'enjeu pour vous, dans ce scénario-là?
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Bon, c'est ça. Ça fait que, là, on a un enjeu de
véhicule corporatif. O.K.? Donc, une clinique est incorporée comment? Est-ce
que c'est à l'université? Comment est-ce qu'on... Est-ce qu'on a des lettres
patentes? Est-ce qu'on a quoi que ce soit? Donc, ce type de questions là,
peut-être que, de façon réglementaire, on
peut pallier à ça. Puis il faut y faire attention, puis c'est vraiment un exercice, je vais dire, très
académique, là, d'avocat, de rigueur qu'on
essaie de faire là-dedans. Puis, encore une fois, par des conversations avec
les universités, on essaie... on va essayer de trouver un cheminement
là-dedans. Donc, ça, ce serait le défi, là, de la première option.
Puis, dans les deux
autres options que vous voyez, bien, on pense que ce n'est probablement pas
l'intention du législateur qu'un professeur
puisse déclarer un endroit comme étant une clinique. Puis encore une fois, là,
les professeurs sont de bonne foi puis font un très bon travail, mais on
se demandait ce que le législateur voulait entendre par ça.
Puis l'autre
possibilité qu'on a déjà vue... parce que les cliniques juridiques étudiantes,
ça existe, en ce moment, là, ça, il faut se le dire, évidemment qui nous
donnent conseil, mais qui ne sont pas du tout réglementées. Alors, dans la
dernière possibilité, un étudiant qui est au sein d'un établissement
universitaire avec un diplôme donnant ouverture au Barreau, est-ce qu'il peut,
de son propre chef, créer une clinique et dire que ce serait une clinique
universitaire? Donc, on essaie de voir un peu jusqu'où le législateur veut
aller là-dedans, en essayant de pointer les différents éléments, là, qu'on
voit.
M. Lévesque (Chapleau) : Parfait. Merci beaucoup. Je sais que ma collègue
des Plaines aimerait poser une question.
Le
Président (M. Bachand) : Il reste une petite minute. Un petit
commentaire? Oui, rapidement.
Mme
Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président.
Me Grondin, très rapidement, vous
consacrez, dans votre mémoire, un paragraphe sur les séances d'information...
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée des
Plaines, malheureusement, votre micro n'est pas ouvert.
Mme Lecours (Les Plaines) : Ah! d'accord.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Il vous reste 30 secondes.
Mme Lecours (Les Plaines) :
40 secondes. Très rapidement. Vous consacrez un paragraphe,
Me Grondin, dans votre mémoire, sur les séances d'information sur la
parentalité et la médiation, pardon, et vous dites que ce serait important de
l'ajouter dans le projet de loi, d'ajouter une mesure. Quelle serait cette mesure
et en quoi est-ce important?
Le Président (M.
Bachand) : Très rapidement, s'il vous plaît.
M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui.
Donc, j'y vais très rapidement. Donc, pour l'instant, il est obligatoire de
participer à des... on pense que ces séances-là sont évidemment quelque chose
de bien. Par contre, si un parent qui est, je vous dirais, négligent à y
participer ou à ne pas y aller, parfois, ça fait que le dossier n'avance pas.
Donc, on aimerait donner la discrétion au juge de faire certaines ordonnances
dans ces cas-là.
Le Président (M. Bachand) : Parfait. Merci
beaucoup. M. le député de LaFontaine, pour 13 min 36 s, s'il vous plaît.
• (10 h 40) •
M. Tanguay : Merci beaucoup, M.
le Président. Alors, bon matin, Me Grondin et Me Champagne. Merci d'être
présents avec nous pour répondre à nos questions.
J'aimerais, d'entrée de jeu, y aller sur l'article
101, les modifications proposées à l'article 101 du Code de procédure civile,
les demandes faites en cours d'instance peuvent être écrites ou présentées
oralement en audience. Donc, toute demande
faite en cours d'instance, ça, c'est l'état actuel du droit. L'article 101,
le projet propose qu'il y ait possibilité,
pour le juge ou la juge, de statuer sur la vue du dossier. On connaît tous
l'importance d'être entendu, lorsqu'on
présente certaines requêtes... bien, dans toute requête, les avocates, avocats
aiment être entendus, parce que ça nous
permet, un peu comme on fait là durant les auditions, de voir là où ça
accroche, autrement dit. Donc, l'importance d'être entendu et l'importance, pour chaque partie, et
j'aimerais faire écho à votre demande,
de pouvoir, de consentement,
déterminer ou accepter que ce soit tranché sur la vue... à vue du dossier.
Dans certains cas, une avocate ou un avocat
pourrait dire : Non, non, non, je veux absolument aller voir le juge ou la
juge parce que je veux lui expliquer tel élément que peut-être, par écrit, ce
serait un peu plus difficile. Alors, j'aimerais vous entendre sur
l'opportunité, donc, d'y aller au cas par cas pour une des deux personnes, des
deux partie,. de dire : Non, on veut plaider devant le juge. De un.
De deux également, deuxième sous question, vous
entendre sur le fait que vous dites que, si d'aventure, on le juge sur dossier,
à ce moment-là, vous dites qu'on devrait... l'opportunité de faire valoir ses
prétentions par écrit. Ne trouvez-vous pas que là, l'économie, entre
guillemets, de faire des représentations par écrit, on vient de la perdre en
faisant des représentations par écrit que l'on aurait... si on n'avait pas de
vacation, que l'on aurait pu économiser. Donc, j'aimerais vous attendre sur
l'à-propos des deux aspects.
Mme Champagne (Sylvie) : Alors, sur
101.1 du Code de procédure civile, l'amendement, effectivement, nous, on pense
que c'est important que les parties puissent consentir à ce qu'un juge tranche
une demande sur le vu du dossier. Parce qu'effectivement, il y aura des
demandes simples, mais il peut y avoir des demandes complexes qui nécessitent
une audition puis un échange avec le tribunal.
Au niveau de votre deuxième demande, souvent, on
a besoin... quand on fait nos demandes, on ne plaide pas le droit. Donc, on a besoin de faire des courtes
notes et autorités. Je vous dirais que, des fois, ce n'est pas
nécessairement très long, mais on a besoin d'appuyer nos demandes par de la
jurisprudence. Et puis, souvent, un court plan d'argumentation peut permettre
au juge de bien circonscrire le droit applicable et la position des parties,
autrement que simplement dans la demande qui a été formulée. Donc, pour nous,
c'est important que les parties puissent avoir l'occasion de soumettre leurs
notes et autorités avant qu'un juge tranche complètement une demande.
M. Tanguay : Et éclairez ma
lanterne, est-ce qu'il est déjà au prévu code, j'imagine, évidemment, que les parties communiquent au juge et communiquent ça
évidemment à la partie adverse... c'est le même délai pour la partie
requérante et la partie intimée ou ils ont un délai — peut-être
vous pourrez éclairer ma lanterne — en vertu du code de
procédure, pour communiquer de tels écrits, ou devrions-nous, dans la loi,
prévoir des délais de communication de représentation écrite?
Mme Champagne (Sylvie) : Je crois
que lorsque le... requérir le consentement puis permettre aux parties, dans le
fond, de faire valoir leurs prétentions, il va pouvoir, comme mesure de
gestion, leur accorder des délais. Souvent, c'est des délais très courts pour
que les parties puissent effectivement s'échanger leur position.
M. Tanguay : Sur ce principe-là,
vous seriez d'avis que ça devrait être le même délai pour les deux parties, ou on devrait permettre à la partie requérante à
la requête de d'abord déposer ses arguments et, après ça, à la partie
intimée à la requête d'y répondre, ou ça devrait être le même délai, selon
vous, au point de vue de la philosophie du débat?
Mme Champagne
(Sylvie) : Je crois que les tribunaux, habituellement, ils ont un
souci d'équité entre les deux parties. Puis, au niveau des délais, ils vont
souvent le proposer, puis les parties vont être en mesure de dire si elles ont
besoin un peu plus de temps. C'est sûr que la partie qui a formulé sa demande
est probablement très prête à soumettre ses
autorités, et peut-être que la partie qui doit y répondre aura besoin d'un peu plus de temps. Mais je vous dirais
que les tribunaux sont habitués à... obliger d'entrer dans toute cette
planification-là dans notre Code de
procédure civile. Les tribunaux sont habitués de régler ces questions-là au
niveau de l'équité procédurale entre des parties.
M. Tanguay : Parce
que souvent, quand on plaide... pour
avoir joué dans ce film-là, puis ce n'est pas réducteur, c'est... Vous
savez, c'est là où j'ai appris des expressions telles que... Évidemment, vous
plaidez, vous êtes requérante, donc vous plaidez votre requête. Après ça, la
partie intimée va plaider sur la requête. Après ça, on peut se faire donner un
droit de réplique, et c'est là que j'ai appris le droit de supplique. Donc,
après la réplique, il y a la supplique. Donc, il y a un débat, il y a un
échange, et, très souvent, on peut voir là où ça accroche.
Alors, mon réflexe d'ancien praticien, c'est
dire : Le juge, là, ou la juge, on veut le voir ou la voir. Mais évidemment,
si c'est tout simple, si c'est très clair du dossier, et que les parties
puissent y consentir... mais je trouve important ce que vous soulignez, de
permettre aux parties de consentir à cela et de ne pas se le faire imposer, si
on veut avoir son moment face au juge ou à la juge.
J'aimerais, à moins que vous ayez des commentaires
sur ce dernier commentaire-là, attirer votre attention, donc, sur 417. 417 du Code
de procédure civile fait en sorte que, dans des cas de gestion d'instance
parentalité et médiation, il doit y avoir eu
une... Donc, dans toute affaire où il existe un différend mettant en jeu
l'intérêt des parties et celui de
leurs enfants, garde d'enfant, aliments dus au conjoint ou enfant, patrimoine
familial et tout ça, il doit y avoir séance d'information portant sur la
parentalité.
Vous proposez
de reprendre un article du projet
de loi qui avait été déposé par
Stéphanie Vallée, projet de loi
n° 168, en
mars 2018, qui était... faisait en sorte que le Barreau... d'information
portant sur la parentalité et la médiation... faire
en sorte que... Il arrive parfois que l'une des parties ne participe pas à la
séance d'information sur la parentalité, et ce, pour toutes sortes de raisons.
Cela entraîne alors des délais. Le Barreau est d'avis que le tribunal devrait
pouvoir, de manière exceptionnelle, instruire l'affaire sans que les parties
n'aient participé à l'ensemble ou séparément d'une telle séance d'information.
J'aimerais vous entendre là-dessus, sur l'à-propos d'une telle proposition.
Mme Champagne (Sylvie) : Alors,
oui, effectivement, on le voit, comme le disait M. le bâtonnier tout à l'heure,
qu'en pratique il arrive qu'une des parties va négliger d'aller à la séance d'information
sur la coparentalité et sur la médiation, ce
qui fait en sorte que le tribunal ne peut pas fixer l'instruction, ce qui cause
un préjudice à la partie qui, elle, a rempli ses obligations, a suivi la
formation et est en attente d'une date. Donc, de façon exceptionnelle, pour
permettre à cette partie-là d'avoir sa date d'audition, permettre qu'elle
s'adresse au tribunal puis qu'elle demande que l'audience soit fixée.
Et ce qu'on dit, c'est que l'autre partie va
devoir faire cette formation-là, mais permettre quand même que l'instruction soit fixée et que le juge ait cette
discrétion-là et fixe aussi un délai raisonnable. Dans le projet de loi
n° 168, c'était trois mois. Ça peut être un court délai pour que l'autre
partie puisse aller suivre cette séance d'information, mais ne pas pénaliser la partie qui l'a faite.
Donc, c'est
vraiment un pouvoir discrétionnaire. Et c'est des cas rares, mais
malheureusement, ça arrive en pratique que des parties soient pénalisées pour
le défaut de l'autre partie.
M. Tanguay : ...tout à
fait, tout à fait, tout à fait. J'aimerais revenir sur les cliniques
juridiques. Donc, ce que vous demandez, puis
j'aimerais vous entendre là-dessus, du Barreau... Oui, c'est important de donner
un accès beaucoup plus libéral, plus large, en termes de cliniques
juridiques pour que la population soit informée, une personne soit informée de
ses droits. J'aimerais vous entendre sur l'importance de bien encadrer ça.
Parce
qu'évidemment on peut donner un bon ou un moins bon conseil juridique, même
quand on est avocat. On n'est pas
exempt de cela. C'est pour ça qu'il y a des assurances, c'est pour ça qu'il y a
un encadrement, c'est pour ça qu'il y a des suivis, c'est pour ça qu'il y a un syndic. Évidemment, les
étudiants, étudiantes en droit ont une certaine formation.
J'aimerais vous entendre sur l'importance,
justement, de bien encadrer ça dès le départ et de s'assurer qu'il n'y ait pas certains écueils qui soient créés. Et
aussi j'aimerais vous entendre aussi sur l'à-propos d'avoir un
encadrement par des praticiens et des praticiennes, et je n'enlève rien aux
professeurs d'université, mais d'avoir également cette opportunité de parler à
des avocats, avocates qui sont sur le terrain et qui peuvent, au-delà de la
théorie, ajouter des éléments très pertinents dans ce qui aurait dû être ou
devrait être un bon conseil juridique.
Alors, j'aimerais vous entendre sur cet aspect.
M. Grondin (Paul-Matthieu) :
Oui. Alors, je vais me permettre d'y aller. Donc, là-dessus, c'est... Bon, le
projet de loi donne un pouvoir réglementaire au Barreau sur cette question de
protection du public. Puis je ne veux pas... Je préférerais ne pas aller trop
loin dans mes commentaires puisqu'on essaie vraiment de faire cet exercice-là
de façon rigoureuse, en consultation avec toutes les parties prenantes. Donc, il
y a vraiment une partie qui concerne le projet de loi puis ensuite
l'encadrement.
Donc, l'encadrement qui est prévu, c'est quand
même une supervision, là, très étroite par un avocat, donc il va falloir voir
comment on peut moduler ça en termes d'assurance, en termes de tout ça. Je veux
dire qu'il y a quand même quelques questions de base, même, auxquelles on n'a
pas parfaitement les réponses en ce moment, là. Donc, je vous dirais comment...
Bon, il peut y avoir les ententes de confidentialité sur le secret professionnel,
etc., la tenue de dossiers. Comment est-ce qu'on fait ça
pour un étudiant ou pour une clinique? Donc, le client est le client de qui? Est-ce qu'il est le client de l'étudiant, du superviseur, de la clinique? Je
comprends que c'est des... Pour nous, malheureusement,
ce n'est pas un détail, c'est-à-dire qu'il faut qu'on s'occupe de ces questions-là, et on a
l'intention de le faire du mieux qu'on peut, là, de façon réglementaire.
Puis sur le continuum, je vous dirais, je me
prends comme exemple, là, en première année de droit, où, à mon premier cours,
je ne me confierais pas grand-chose, donc, alors... Après ça, est-ce que j'ai
appris, est-ce que j'ai eu une formation
particulière? Comme je vous dirais, au bout, à l'École du Barreau, quand on a
eu nos cours de déontologie, quand on a eu nos cours quant aux conflits
d'intérêts, etc., bien là, on est probablement plus prêt à dispenser quelque
chose, comme c'est le cas lors d'un stage. Donc, il y a un continuum là-dedans,
certainement, là.
M. Tanguay :
Il y aura sûrement, j'imagine, puis j'aimerais vous entendre là-dessus... sur
la protection du public également. Au niveau de l'assurabilité, quand vous
avez dit que le client... le client relève-t-il de la clinique, de l'étudiant
ou de l'étudiante, mais... également, il faudra penser à ça. Je veux dire, il
arrivera peut-être des cas où, à un moment donné, on l'échappe, l'étudiant
l'échappe, mauvais conseil juridique, et il y a prescription, par exemple.
Alors, comment allons-nous pouvoir assurer les recours qui pourraient
s'ensuivre?
• (10 h 50) •
M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui.
Donc, il y a ces questions-là, évidemment, qui sont importantes aussi. Pour
être... Puis là on a quand même fait certains devoirs, évidemment. Pour être
bien honnête, il n'y a pas de... on ne recense pas beaucoup de cas de ce
type-là. Par contre, de façon anecdotique, ça arrive qu'il y a eu un certain
conseil ou une information d'un étudiant qui peut mener à un autre conseil d'un
professionnel. Ces choses-là arrivent aussi. Mais on a l'intention d'être
extrêmement rigoureux là-dedans, de faire toute l'enquête terrain nécessaire,
tout en, évidemment, je le redis... la bonne foi des étudiants, des professeurs
puis de tout le monde dans le domaine.
M. Tanguay : J'aimerais
permettre à maître... Merci beaucoup, Me Grondin. Me Champagne, également,
on a effleuré l'aspect de
l'article 101, sous l'aspect de l'article 228, Code de procédure
civile. Aviez-vous des commentaires? Là, on parle d'un jugement sur la
vue du dossier. Est-ce que l'on peut faire copier-coller de vos commentaires,
ou, là, vous aviez des choses à nous souligner, plus particulières?
Mme Champagne (Sylvie) : En fait,
l'article 228 du Code de procédure civile traite de la question des
objections qui sont soulevées lors des interrogatoires, au préalable, et on est
d'accord avec le principe qu'il y a effectivement
des dossiers qui permettraient à un
juge ou à une juge de trancher des objections, là, sur le vu du dossier.
Par contre, il y a des dossiers plus complexes
où les objections vont avoir un impact réel sur la suite des procédures, même,
peut-être, dans la négociation, entre les parties d'un règlement et, on pense,
devraient permettre aux parties de consentir à ce que le juge tranche sur la
vue du dossier. Puis, encore une fois, on a soulevé l'article 17 du Code
de procédure civile, c'est de permettre aux parties de faire valoir pleinement
leur prétention par écrit. Donc, comme je le disais tout à l'heure, des notes
et autorités permettant aux parties, là, de vraiment soutenir leur objection
ou, au contraire, demander que les objections soient rejetées.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette
pour 3 min 24 s, s'il vous plaît, Mme la députée.
Mme
Hivon : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Donc, merci
à vous deux pour votre présentation, toujours intéressant d'entendre le
Barreau.
Je vais évidemment revenir sur la question des
avis juridiques par les étudiants. Nous avons reçu hier une lettre de plusieurs
cliniques juridiques communautaires, en fait, Juripop, la clinique du Mile-End,
clinique des aînés, clinique itinérante,
enfin, et puis je dois vous dire qu'en lisant cette lettre-là, je la trouve
assez persuasive et j'imagine que ces arguments-là vous sont parvenus
aux oreilles, au Barreau.
Donc, je voudrais comprendre deux choses.
Pourquoi, alors que, dans l'état actuel des choses, les personnes, les OBNL ne
peuvent pas donner d'avis juridiques exclusifs, là, ce serait permis pour des
cliniques juridiques universitaires qui ont quand même un statut qui n'est pas
très différent?
Et, d'autre part, pourquoi des étudiants, donc,
qui font soit des stages supervisés ou des cliniques juridiques pendant leur
cours universitaire dans ces cliniques communautaires là ne pourraient pas être
considérés de la même manière que les étudiants dans une clinique
universitaire, dans la mesure où, évidemment, il y a toujours supervision par
un avocat membre du Barreau, souvent même des gens qui sont bien ancrés dans la
pratique? Donc, je voulais vraiment creuser ça avec vous, parce que la logique,
moi, à ce stade-ci, m'échappe.
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Oui.
Alors, je vais peut-être vous donner quelques éléments de réponse là-dedans
puis éléments de réflexion, là, si vous voulez, qu'on a aussi, O.K.? On n'est
pas dans une situation où il y a un noir et blanc. Donc, premièrement, sur la
question des OBNL en général, ça pourrait être un véhicule corporatif. Le
souci, c'est évidemment que les OBNL où les possibilités d'incorporation de
structures corporatives relèvent du Code des professions, qui concerne aussi
45 autres ordres professionnels... donc, il y a certainement une discussion
à avoir à ce sujet-là. On sait qu'il y a des
projets pilotes à ce niveau-là, en Ontario, par exemple, et nous, on a fait
certains travaux sur cette question-là aussi. Il y a l'autre question
aussi, qui est la question des coûts modiques. Donc, c'est quoi, un coût
modique versus gratuit? Donc, ça, c'est une question à creuser un petit peu
plus.
Pour
ce qui est des cliniques juridiques universitaires, il y a vraiment
l'apprentissage expérientiel, donc, qui est un cheminement, puis évidemment,
nous, c'est ce qu'on nous a demandé dans le cadre de ce projet de loi ci. Pour la question de la recherche, par exemple, puis
d'aide à la recherche, évidemment, les étudiants peuvent le faire. Donc,
ils le font dans tout plein de bureaux en ce moment, dans tout plein de bureaux
d'aide juridique. Donc, ils le font à plusieurs
endroits, les étudiants, sur la question de la recherche, puis là c'est une
question de donner un avis juridique.
Je comprends que les
cliniques communautaires... Puis en passant, oui, là, j'ai vu la lettre,
évidemment. J'ai certainement le plus grand des respects et l'admiration pour
toutes les cliniques juridiques qui sont là. La question, c'est plus le souci
d'avoir des bras, je pense, à ce moment-là, pour dispenser les avis juridiques.
Donc, la question, c'est : Quel est le type de supervision? Encore une
fois, là, c'est... toutes les cliniques juridiques communautaires font du très bon travail, et j'apprécie leur
travail, puis c'est nécessaire de le dire. Mais pour nous, de dire oui ou non
à ce stade-ci, c'est un petit peu rapide,
puis ça... je pense qu'il nous faut une confrontation supplémentaire à ce
niveau-là, mais c'est, bien sûr, dans les mains du législateur.
Le Président (M. Bachand) : C'est tout le temps... malheureusement, désolé.
Me Champagne, M. le bâtonnier, merci beaucoup d'avoir participé aux
travaux de la commission, merci infiniment.
Et, sur ce, je
suspends les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 56)
(Reprise à 10 h 57)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de la Chambre des notaires. Alors, bienvenue. Je vous rappelle que vous avez
10 minutes de présentation, et, par après, nous aurons une période
d'échange avec les membres de la commission.
Merci beaucoup d'être
avec nous ce matin. Je vous invite d'abord à vous présenter, s'il vous plaît.
Chambre des notaires du Québec
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Bonjour. Raphaël Amabili-Rivet, notaire attitré à ce dossier, là, pour tout ce
qui est volet projet de loi et commission parlementaire.
Mme Potvin
(Hélène) : Alors, bonjour. Hélène Potvin, je suis notaire et
présidente à la Chambre des notaires du Québec.
Alors, M. le
Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, nous avons toutes et tous été
étudiants à un moment ou un autre de notre
vie. Pour plusieurs, et notamment pour les étudiants qui poursuivent des études
universitaires au premier cycle de droit, cet apprentissage est souvent
théorique. Il me semble que la meilleure façon de connaître sa future
profession de juriste, que ce soit notaire ou avocat, c'est d'être plongé dans
une vraie situation avec une vraie personne qui vit un vrai problème pour ainsi
faire une vraie différence pour cette personne.
Aujourd'hui, avec les
mesures proposées par le projet de loi n° 75, cette
possibilité de faire une différence pour ces étudiants en droit semble plus que
jamais possible. Au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous remercie pour votre invitation à cette
consultation particulière. Nous pourrons ainsi partager avec vous nos
commentaires sur certaines mesures spécifiques introduites par le projet de
loi.
Vous l'aurez compris,
la chambre appuie et accueille favorablement cette pièce législative. Certaines
propositions du projet de loi ont un lien un peu plus direct avec la profession
notariale. Ainsi, nos commentaires se limiteront aux articles 51 et 52 du
projet de loi.
Ces derniers articles
modifient notre loi sur le notariat et traitent des avis et consultations
d'ordre juridique qui pourront être donnés dans un cadre spécifique par des
étudiants en droit, sous la supervision étroite et la responsabilité d'un
notaire. Au-delà des conditions précises que prévoient ces articles, il faut
noter que l'ordre doit impérativement adopter des mesures réglementaires pour
compléter les dispositions proposées par le p.l. n° 75.
Nous devrons préciser les conditions et modalités suivant lesquelles un
étudiant pourra poser ces actes et celles qui s'appliqueront au notaire qui le
supervise. Il me fait plaisir de vous annoncer qu'un tel règlement est déjà en
cours d'élaboration par notre ordre et chemine au sein de nos instances
décisionnelles.
• (11 heures) •
Je vous partagerai,
aujourd'hui, la réflexion de l'ordre et les raisons pour lesquelles nous sommes
déjà si avancés dans ce dossier. La réflexion de la Chambre des notaires à
l'égard des actes qui peuvent être posés par les étudiants en droit a débuté en
mai 2017. Elle faisait suite au dépôt du projet de loi n° 697. Pour
rappel, ce projet de loi modifiait, justement, la Loi sur le notariat afin de
permettre aux étudiants en droit de donner des consultations et des avis
d'ordre juridique dans une clinique juridique universitaire, et ce, pour
améliorer l'accès à la justice. On constate ainsi que le ministre a à coeur
cette volonté d'accessibilité à la justice pour tous depuis un bon moment déjà.
L'ordre qui était également
animé de cette volonté a initié un travail de réflexion sur la possibilité de réglementer
les activités professionnelles qui peuvent être exercées par une personne autre
qu'un notaire via un règlement pris en vertu du Code des professions. On parle
ici, en l'occurrence, des étudiants en droit. Un groupe de travail interne
composé des différentes directions de l'ordre a rapidement été mis sur pied
pour se pencher sur cette question... un groupe de travail interne, pardon.
Des
contacts ont été entretenus avec l'ensemble des doyens des facultés de droit
des universités québécoises ainsi que la section de droit civil de la Faculté
de droit de l'université d'Ottawa. Fort de ces échanges avec les doyens et les
travaux du groupe de travail, le conseil d'administration adoptait, il y a
presque un an jour pour jour, les recommandations formulées dans le rapport
issu de ces travaux.
Essentiellement, la
recommandation principale se résumait à permettre aux étudiants en droit, dans
des cliniques juridiques, de donner, sous supervision étroite d'un notaire, des
consultations et des avis d'ordre juridique. Ils
pourront aussi préparer et rédiger, toujours sous supervision étroite d'un
notaire, des procédures destinées à la cour dans le cadre des demandes non contentieuses ou devant des tribunaux
administratifs où le notaire est autorisé à pratiquer.
Des travaux ont donc
été entrepris pour modifier la réglementation applicable afin de donner suite à
cette recommandation, laquelle s'inscrit désormais en droite ligne avec les
visées du p.l. n° 75. Ce projet de loi introduit
en quelque sorte cette recommandation en toutes lettres au sein de la Loi sur
le notariat. Nous comprenons également qu'il s'agit là d'un message fort du
législateur destiné à mettre à contribution les étudiants en droit et permettre
ainsi aux citoyens d'avoir un nouvel accès de première ligne à la justice.
À l'instar du rôle de
l'étudiant, le rôle du notaire aussi s'en trouvera bonifié par le projet de
loi. En effet, en plus d'être reconnu comme un officier public, un conseiller
juridique et un auxiliaire de justice, le notaire devient un accompagnateur et
un mentor chargé de guider la relève au service des citoyens.
Les avantages
proposés aux articles 51 et 52 du p.l. n° 75
apparaissent nombreux. Ils permettent un accès à la justice à un plus grand
nombre de personnes, dont certaines vulnérables ou marginalisées, qui ne
disposent pas des ressources nécessaires pour avoir recours aux services d'un
juriste en exercice. Ils diminuent le nombre de justiciables non représentés, avec
tous les problèmes que cette pratique suscite pour l'administration de la
justice. On pense ici également à la possibilité pour l'étudiant, toujours sous
la supervision étroite et la responsabilité d'un notaire, de préparer et
rédiger les procédures dans le cadre d'une demande non contentieuse. Comme nous
l'a rappelé le conseil des doyens de droit du Québec en faisant référence au
rapport Cromwell, les cliniques juridiques contribuent
à construire un service de première ligne solide, cohérent et coordonné. Finalement,
il favorise la formation pratique des
étudiants et l'acquisition d'une expérience les rapprochant de façon
concrète à leur intégration au sein de notre ordre professionnel et de
la pratique notariale.
Malgré tout, il ne
faut pas perdre de vue que des inconvénients pourraient néanmoins découler de
cet élargissement. Seulement à titre d'exemple, la population pourrait être
portée à croire que le seul fait qu'un étudiant soit inscrit à un programme universitaire
de premier cycle lui permet de pratiquer le droit. On sait pertinemment que les
compétences nécessaires pour l'exercice de la profession sont essentiellement...
sont essentielles, pardon, et s'acquièrent notamment à la maîtrise en droit
notarial, qui relève des universités, et par le programme de formation
professionnelle, qui relève de l'ordre. On sait également que le cursus
universitaire prépare l'étudiant aux notions juridiques, mais que, bien
souvent, il lui manque la maturité, la confiance et naturellement l'expérience
pour agir.
Dans ce contexte, la
supervision qui serait exercée par le notaire est d'autant plus importante
ainsi que le cadre réglementaire normatif qui viendra circonscrire les actions
qui peuvent être posées de part et d'autre. En résumé, il est envisagé que ce
cadre réglementaire en cours d'élaboration prévoie... pour l'étudiant, il doit
avoir réussi un minimum de 45 crédits ou s'être vu reconnaître une telle
équivalence de crédits. Il doit limiter ses avis ou conseils au domaine du
droit où il a réussi un cours et, évidemment, il ne peut agir que s'il est sous
la responsabilité et la supervision immédiate d'un notaire. Pour le notaire
superviseur, il doit être inscrit au tableau de l'ordre depuis au moins cinq ans
afin qu'il ait une expérience pratique suffisante à transmettre aux étudiants,
il doit avoir un bon profil disciplinaire et
il devra évidemment assurer le respect de ses autres obligations déontologiques et disciplinaires, notamment
une supervision appropriée à l'égard de tout étudiant dont il a la
responsabilité immédiate.
Les universités
auront évidemment un rôle à jouer. Nous poursuivons, avec elles, les
discussions. Nous souhaiterions convenir ensemble d'une entente afin notamment
d'identifier des cliniques juridiques où les étudiants sont autorisés à agir
sous la supervision étroite d'un notaire, de prévoir des modalités respectives
à la formation et à l'encadrement des notaires superviseurs et des étudiants,
en plus des obligations réglementaires déjà existantes, et de prévoir des
modalités administratives nécessaires à l'application, donc, du futur
règlement, notamment quand un éventuel processus de gestion des plaintes des
utilisateurs des cliniques juridiques, et de la réglementation actuelle, par
exemple, la confidentialité des dossiers, des informations et le respect de la
réglementation professionnelle.
Il va sans dire que,
pour assurer l'adoption de ce règlement dans les limites prévues par
l'article 56 du projet de loi n° 75, nous entreprendrons et
poursuivrons les discussions avec les autres parties prenantes, notamment les
notaires, les doyens des facultés de droit, le Barreau du Québec, ainsi que
l'Office des professions du Québec.
Alors, soyez donc
assuré, M. le ministre, de toute notre collaboration pour la suite de ce
dossier. Je vous remercie pour votre attention.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Potvin. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Me Potvin, Me Amabili-Rivet, c'est un
plaisir de vous retrouver. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission
parlementaire.
Alors,
de ce que je comprends, c'est que déjà, la Chambre des notaires, depuis
2017, souhaitait faire en sorte de développer
les cliniques juridiques universitaires, à même l'habilitation qui est prévue
par la Loi sur le notariat et le Code des professions. Et là, nous, ce
qu'on vient faire, c'est donner davantage d'outils pour vraiment que ça se
fasse. Mais j'aimerais vous entendre davantage sur les cliniques juridiques universitaires ou
sous la supervision d'une faculté de droit. Parce que vous nous invitez,
là, dans la correspondance que vous nous avez fait parvenir, à élargir un petit
peu, que ça ne soit pas...
Le
Barreau nous dit : Écoutez, ça devrait être uniquement à la faculté de
droit, la clinique juridique universitaire. Il faut que ça soit très,
très, très bien balisé, encadré. Vous, la Chambre des notaires, vous nous
dites : Écoutez, il faut que ça soit
sous la supervision de la faculté de droit. Donc, la clinique juridique
pourrait être, que ça soit physiquement à l'université, à l'intérieur
des locaux, mais également peut-être dans un organisme communautaire qui a un
lien avec la faculté de droit. Pouvez-vous nous expliciter ça davantage?
Mme Potvin (Hélène) : Alors, merci
pour votre question. Oui, nous allons... à la Chambre des notaires, nous avons
effectué, effectivement, cette réflexion. Et je vais inviter mon collègue, là,
à vous en expliquer les tenants et les aboutissants.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Oui,
bonjour. En fait, ce qu'on prétend, c'est que la clinique juridique universitaire donne une expérience certaine pour l'étudiant avec une clientèle qui
est propre à ces cliniques universitaires là, mais donc les cliniques
communautaires, celles qui sont affiliées ou avec un lien direct avec l'université,
comme vous le disiez, bien, il y a une autre forme de clientèle, il y a une
autre forme d'expérience qui s'acquiert. Et souvent, la distinction qu'on fait,
c'est que ça peut être une personne morale indépendante de l'université, mais
avec des liens.
Donc, l'interrogation qu'on avait, si vous
voulez, c'est dans la... le projet de loi actuel, tel que libellé, est-ce que
ça limite simplement aux cliniques juridiques universitaires ou est-ce qu'on
peut prétendre que l'habilitation élargit pour englober les cliniques
juridiques communautaires, donc affiliées à ces universités-là?
• (11 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Est-ce que c'est
le souhait de la Chambre des notaires de faire en sorte que la disposition du projet
de loi englobe également les cliniques qui ne se retrouvent pas physiquement à l'université,
mais qui sont dans des organismes communautaires? Est-ce que c'est... Est-ce
que la Chambre des notaires considère que, par le règlement qui serait
développé par la chambre mais également par le Barreau du Québec, il y aurait
suffisamment un encadrement adéquat pour protéger le public, si on allait dans
cette direction-là, à l'extérieur de l'université, mais rattaché à l'université?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Effectivement, donc, dans la mesure où il y a une clinique juridique rattachée
à l'université, on serait favorable à cette ouverture-là, que ce soit clarifié,
en fait, là. Si on peut, que ce soit prévu dans la loi ou qu'on puisse
l'englober dans le règlement, mais, dans tous les cas, là, effectivement.
Puis pour ce qui est d'encadrer convenablement,
bien, on prétend que, oui, il y a le cadre réglementaire qui devrait être mis
en place, mais il y aura aussi les discussions de mise en oeuvre qui devront
avoir lieu avec les universités, avec les autres parties prenantes.
Donc, on ne perçoit pas ça comme un bar ouvert,
là, comme ça a déjà été mentionné dans certains médias. C'est plutôt la
possibilité d'ouvrir cette première ligne juridique là à des étudiants sous la
supervision d'un notaire dans un organisme qui est rattaché à l'université et
qui permet d'avoir une expérience précise dans le type de clinique juridique
communautaire et qui a une autre forme de clientèle, une autre forme de
rattachement, disons, quand c'est des cliniques qui sont strictement
universitaires.
M. Jolin-Barrette : J'ai une
question pour vous parce qu'on a la position du Barreau qui nous dit : Ça
doit être uniquement dans les locaux d'une université ou fait par la faculté de
droit. On a vous qui nous dites : Écoutez, on devrait permettre des
cliniques juridiques universitaires pas uniquement à la faculté de droit, mais
aussi dans les centres communautaires, parce
qu'ils devraient être sous la responsabilité de la faculté de droit de la
clinique universitaire. Donc, ça
implique un partenariat, et on va avoir des témoins, et des mémoires qui vont
venir nous dire : Bien, écoutez, exemple, comme les centres de
justice de proximité ou des organismes communautaires... On devrait même ouvrir
la possibilité de permettre aux étudiants en droit d'aller là, sans
nécessairement avoir un lien avec la faculté de droit.
Donc, comment vous voyez ça, là, ces trois
possibilités-là? Vous, dans la possibilité du milieu, là, si je résumais celle
de la Chambre des notaires, de dire : Il faudrait qu'il y ait un
rattachement avec la faculté de droit, là, dans le cadre d'un programme, avec
des crédits et puis tout ça, là.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Effectivement,
il faut vraiment qu'il y ait un facteur de rattachement avec l'université. Pour ce qui est des centres de
justice de proximité, ce n'est pas vers là qu'on a été en termes de
réflexion, mais vraiment, on s'est cadrés dans les cliniques juridiques, donc
affiliées ou directement liées à une université.
Par contre,
comme le disait la présidente dans son allocution, il y a d'autres éléments
d'ouverture dans lesquels on a été en
termes de réflexion. Donc, pour les étudiants en droit, on ne parle pas seulement
de conseils ou de consultations d'ordre juridique, mais on parle
également de la possibilité de préparer les procédures en matière de procédures
non contentieuses. Donc, ça, c'est un autre élément d'ouverture. Toujours dans
les cliniques juridiques, donc, pour les étudiants de premier cycle, de
deuxième cycle... Sinon, évidemment, la réflexion s'est également poursuivie
pour les stagiaires au notariat et pour les candidats à l'exercice de la
profession, qui, donc, sont peut-être dans un... disons, une passe, là, entre
le stage et avant qu'ils soient assermentés par l'ordre.
Donc, à ce moment-là, il n'est pas question de
clinique juridique pour le stagiaire et ce type de candidat pour l'exercice de
la profession. C'est sous la supervision d'un notaire.
M. Jolin-Barrette : Et puis j'ai
deux sous-questions relativement au facteur de rattachement. Lorsque vous
dites : Bien, écoutez, on devrait peut-être permettre une clinique
juridique universitaire rattachée à la faculté de droit, ça veut dire quoi, «rattachée», pour vous,
l'encadrement qui serait en lien entre la faculté de droit et la clinique
juridique universitaire, dans un organisme communautaire, là? Comment vous
définissez ce facteur de rattachement là? Quelle est l'étendue du rattachement
là? Comment la chambre envisage de définir ces critères, si on allait dans ce
sens-là?
Mme Potvin (Hélène) : Vous pouvez
continuer, Me Amabili.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : En
fait, c'est ça, il est question du rattachement. Je parlais un peu plus tôt du fait que ce n'est pas nécessairement une personnalité juridique équivalente à l'université. C'est une
personnalité juridique distincte dans bien des cas, mais dans tous les
cas, c'est l'université qui supervise, c'est l'université qui chapeaute. Souvent
on comprend que ces types de cliniques là font partie du cursus universitaire également.
Donc, précisément, là, je ne peux pas répondre dans les critères précis à votre
question, mais sur la globalité, là, c'est la vision, en fait, là, qu'on a à
cet égard-là.
M. Jolin-Barrette : Dans
l'esprit de la Chambre des notaires, au moment où vous étiez en rédaction pour
un règlement pour permettre aux étudiants de donner des avis et des conseils
juridiques, je crois que Me Potvin a dit : Nous, on s'enlignait pour avoir un minimum de 45 crédits avant de
pouvoir permettre aux étudiants en droit de donner des conseils ou des
avis juridiques. 45 crédits, ça représente environ la moitié du cursus
scolaire. Est-ce que... Bien, en fait, pourquoi le choix de 45 crédits
universitaires avant de pouvoir faire de tels gestes?
Mme Potvin (Hélène) : Écoutez,
ce nombre-là est sorti, là, de notre groupe de travail à l'interne avec les
différentes directions. Donc, chacun est venu s'impliquer au sein de la chambre,
puis on a déterminé que ce chiffre-là nous
semblait, là, nous semblait approprié, donc, pour laisser quand même un peu de
temps, là, pour l'étudiant de prendre un peu le pouls, là, du droit et
puis, donc, d'être en mesure de passer un petit peu plus, là, dans la pratique.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et
puis les étudiants qui se destinent au notariat, puisque ceux-ci font une
maîtrise désormais en droit notarial, à ce
moment-là, ils seraient couverts tout au long de leur parcours académique,
donc, à la fois au niveau du baccalauréat et à la fois lors de la
maîtrise, donc, durant toutes ces années dans les cliniques juridiques universitaires ou, comme vous le proposez,
rattachées. Donc, c'est un peu la distinction avec le Barreau et l'École du
Barreau.
Mme Potvin (Hélène) : Tout à
fait. Ça suit notre parcours, là, pour se rendre jusqu'à l'obtention de notre
titre. Donc, on souhaiterait que l'étudiant soit couvert, là, tout au long de
son parcours.
M. Jolin-Barrette : Tout à
l'heure, je pense, c'est Me Amabili-Rivet qui nous disait : Est-ce
qu'il existe une période de battement entre la fin de la maîtrise et le début
du stage? Je sais qu'il y a des formules aussi qui sont coop, qu'on fait notre
maîtrise en droit notarial en même temps, je crois, à l'Université de
Sherbrooke, que l'on travaille ou de façon
alternée. Est-ce qu'il y a des moments de battement où la personne qui serait
diplômée de la maîtrise en droit notarial, mais qui n'aurait pas débuté
son stage, ne serait pas couverte?
Mme Potvin
(Hélène) : Dans la réflexion de la Chambre des notaires, la période de
latence, là, qui fait beaucoup jaser au sein de la profession, c'est une
fois qu'on a terminé notre stage, une fois que... puis on est en attente. Donc,
c'est une période de latence en attente de
notre assermentation. Donc, l'étudiant
n'a plus de statut. Alors, ça, nous, on souhaiterait quand même... pour permettre, là, que l'étudiant conserve
ses réflexes et demeure vraiment dans l'action, on souhaiterait aussi que
cette personne-là puisse continuer, là, à donner de l'information et des
conseils juridiques.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, cette
période-là, c'est après les études universitaires, après le stage, juste avant
d'être assermenté. Et on parle d'une période de combien de temps, généralement,
avant l'assermentation, entre le moment du stage puis l'assermentation?
Mme Potvin (Hélène) : Un instant. Peut-être
que mon collègue a la réponse. Je crois que c'est quelques semaines ou ça peut
être... Habituellement, c'est quelques semaines, mais je ne sais pas si on a
une moyenne, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous
remercie, Me Potvin, Me Amabili-Rivet, très instructif. Je vais céder la parole
à mes collègues qui ont des questions.
Mme Potvin (Hélène) : Parfait.
Merci, M. le ministre.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de
Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, Me Potvin, Me Amabili-Rivet, merci beaucoup
de votre présentation.
J'aimerais peut-être revenir avec vous, là, sur,
justement, la question des cliniques juridiques, là... clarifier ou du moins
m'éclairer davantage sur votre vision et votre rôle de la Chambre des notaires,
là. Bon, vous avez parlé d'ententes avec les universités, vous avez parlé de
supervision, de collaboration. Comment ça s'articulerait, là, selon votre
vision, là, un petit peu plus précisément, notamment, les ententes avec les universités?
Mme
Potvin (Hélène) : Alors, merci. Je vais laisser mon collègue continuer
la discussion. Merci.
M.
Amabili-Rivet (Raphaël) :
Bien là, je vais répondre d'un point
de vue un peu caricatural, là. La
protection du public, ça va être évidemment
ce qui va guider l'ensemble de la réflexion, l'ensemble de la mise en oeuvre.
Pour ce qui est de cette mise en
oeuvre là, il faut évidemment discuter avec les universités. Donc, il y a
la question de l'encadrement, il y a la question de la
formation, il y a la question de la responsabilité.
Donc, c'est tous des
éléments sur lesquels on a une position, mais par respect, là, je vous dirais,
pour les autres parties prenantes, plutôt que de vous partager de façon très,
très précise, là, les éléments à cet égard-là, je me limiterais à dire que ça va
être au niveau de la mise en oeuvre qu'on pourra voir de quelle façon, là, on
pourra... ça se clarifiera, en fait. Parce qu'effectivement il y a des éléments
qui doivent être clarifiés, mais ça va être dans le cadre de ces échanges-là
qu'on pourra y arriver.
• (11 h 20) •
M. Lévesque
(Chapleau) : O.K. Il va y avoir du développement à ce niveau-là. D'ailleurs,
je voulais vous amener sur ce que vous avez mentionné d'entrée de jeu, la
protection du public. Le Barreau, là, émettait certaines craintes en lien avec
le secret professionnel, la tenue de dossiers, à qui appartient le dossier, la
confidentialité. Est-ce que ce sont des éléments que vous avez considérés? Est-ce
que ce sont des éléments également qui vous préoccupent par rapport à ça? Et
comment vous envisagez les aborder?
Mme Potvin
(Hélène) : Alors, notre groupe de travail, à la chambre, s'est penché
sur ces questions-là. Alors, naturellement, dans la rédaction du règlement, ce
sont des éléments qui vont être essentiels. On rappelle que la supervision et
la responsabilité du notaire va être au coeur de cet enjeu-là. Alors, naturellement,
on va souhaiter que la confidentialité, que toutes les obligations professionnelles
et déontologiques soient respectées, de part et d'autre, et par l'étudiant, et
par le notaire responsable. Donc, c'est vraiment dans l'élaboration.
Alors, c'est pour ça
que je parlais tout à l'heure des différentes directions de l'ordre qui ont été
appelées à travailler, au sein de ce
comité-là, pour vraiment s'assurer que toutes les obligations professionnelles
et déontologiques du notaire vont être respectées, naturellement dans le
but, là, d'assurer la protection du public.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup.
M. Amabili-Rivet
(Raphaël) : Excusez-moi...
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui, allez-y, Me Amabili-Rivet.
M. Amabili-Rivet
(Raphaël) : ...je m'en allais ajouter aussi qu'il y a une vision où un
étudiant qui irait à une clinique juridique le mardi, irait à la clinique
juridique le jeudi, évidemment, s'il y a un client qui est associé à cet
étudiant-là le mardi, avec un notaire, puis que le jeudi, c'est avec un autre
notaire, bien, le client doit... la vision qu'on a, c'est que le client doit
suivre le notaire et l'étudiant et pas seulement l'étudiant. Donc, quand vous
parlez, à qui appartient ce dossier-là, c'est le notaire, ultimement, qui est
responsable de cette supervision-là puis c'est lui doit avoir le dernier mot
avec le client.
Donc, simplement pour
illustrer que les clients, le notaire et l'étudiant doivent être vus comme un
tout. Donc, si l'étudiant vient deux fois par semaine et il y a deux notaires
différents, il ne pourra pas poursuivre avec le même client les deux fois. Je
ne sais pas si...
M. Lévesque
(Chapleau) : O.K. C'est clair, je comprends tout à fait. Je lisais
votre mémoire, puis il y a également une crainte, quant à la perception, là, je
vais vous le dire, là. Donc, vous dites... Bon, dans tous les cas, bien
circonscrire les normes, conditions, modalités réglementaires qui découleront
du p.l. n° 75, bon, autrement, la population pourrait
être portée à croire que seule l'inscription à un diplôme universitaire de
premier cycle est suffisante pour pratiquer le droit. Et, plus loin, vous
émettez certaines conditions, exemple, sous la responsabilité et la supervision
étroite d'un notaire, un nombre de crédits universitaires minimal, le fait de
limiter les actes qu'il pose au domaine du droit où il réussit ses crédits.
Est-ce
qu'il y aurait d'autres éléments ou d'autres points, auxquels vous avez pensé,
qui pourraient justement, là, se retirer ou, du moins, éliminer cette
perception et cette crainte pour le public?
Mme Potvin
(Hélène) : Oui. Raphaël, est-ce que tu veux compléter?
M. Amabili-Rivet
(Raphaël) : Oui. On parle aussi de quels seront spécifiquement ou
précisément les obligations réglementaires qui devront s'appliquer à
l'étudiant. À l'heure actuelle, on pense à l'article 12 du Code de
déontologie des notaires qui prévoit une règle générale. Est-ce que cette règle
générale là est suffisante? On devra spécifier
quelles sont les mesures. Il avait été question aussi, un peu plus tôt, d'un
registre des plaintes des utilisateurs.
Donc,
comme je le disais un peu plus tôt, ça va faire partie de la mise en oeuvre,
c'est des éléments qui ne sont pas
encore tout à fait... sur lesquels on n'a pas encore tout à fait statué. Mais
pour justement répondre à cette éventualité-là où on ne veut pas que le
public ait une mauvaise perception puis on veut que le public comprenne bien que
c'est vraiment une ouverture qui est offerte par le projet de loi, mais qui
doit être bien cadrée et bien limitée, là...
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup. Je pense que...
Le
Président (M. Bachand) : Dernier
commentaire, M. le député, oui?
M. Lévesque (Chapleau) : Il ne
reste que quelque 20 secondes. Merci beaucoup, là. J'imagine qu'on aura
l'occasion d'en discuter davantage... et vos travaux en lien avec la collaboration
des autres ordres... Vous pourrez nous revenir avec ça. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Pour une période de combien de temps?
Le Président (M.
Bachand) : 13 min 36 s.
M. Tanguay : Merci à
vous. Bien, bonjour, Me Potvin. Bonjour, Me Amabili-Rivet. Merci
d'être présents avec nous ce matin pour discuter du projet de loi n° 75.
J'aimerais reprendre la balle au bond. Évidemment,
quand on dit : Oui, saluons cette avancée-là que nous pouvons faire, autrement dit, permettre à des
étudiants en droit, qui pourraient s'enligner vers le cheminement du
notariat également, de pouvoir dispenser des
cliniques juridiques, des avis juridiques, des conseils juridiques... mais
l'importance, on le voit, de bien encadrer ça pour ne pas l'échapper,
protection du public, évidemment, étant la règle initiale d'or.
J'aimerais vous entendre sur l'expérience
différente que vous avez notée dans le document que vous nous avez envoyé.
Autrement dit, permettre notamment à l'étudiant d'agir au sein d'une clinique
juridique communautaire affiliée à une université, on sait pertinemment que
l'expérience acquise y sera différente. J'aimerais ça vous entendre sur la
différence que vous y voyez et l'avantage de cette différence-là, s'il vous
plaît.
Mme Potvin (Hélène) : Je vais
laisser mon collègue encore répondre à cette question.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Oui, bonjour. Merci pour votre question.
Je vous l'ai mentionné un peu plus tôt, je pense
qu'on voit ça à deux niveaux : le milieu physique, la communauté, disons, là, pour reprendre
l'expression exacte de communautaire, mais aussi sur le type de clientèles
qui vont aller d'adresser à ces types de cliniques
juridiques là. Souvent, dans un milieu universitaire, ça va être des
étudiants, ça va être... pas nécessairement
M., Mme Tout-le-monde qui vont pouvoir y aller. Donc, dans une clinique
communautaire, on prétend, là, que ce n'est pas le même type de clientèles puis
ce n'est pas le même type d'expérience que ça donne aux futurs juristes dans le
contact qu'il va y avoir avec cette clientèle-là également.
M. Tanguay : Et est-ce
qu'il serait loisible, évidemment, au départ, puis je pense que c'est
sous-entendu, là, de permettre aux étudiants
qui le veulent de participer à de telles cliniques juridiques? Mais là je ne
parle pas juste sur l'aspect communautaire, je parle sous l'aspect...
sous tous les aspects, là, communautaire ou intramuros au niveau des
universités.
Croyez-vous
que ça doit absolument être non pas obligatoire mais que ce soit du désir même
exprimé par l'étudiant de le faire ou pas? Pensez-vous, peut-être que,
dans un avenir rapproché, ça pourrait même faire partie d'un élément
obligatoire pour obtenir certains crédits? Est-ce qu'on pourrait imaginer aller
en ce sens-là?
Mme Potvin (Hélène) : Il faut noter
que... c'est ça, c'est vraiment un choix de l'étudiant qui va s'inscrire à ce
cours-là, puisque le cours va être éligible à des crédits, donc va faire partie
du cursus universitaire. Alors donc, ce n'est pas nécessairement tous les
étudiants qui vont choisir ce parcours-là, mais on peut penser, là, que... Est-ce
que ça devrait devenir obligatoire? Bien, il faut voir aussi l'expérience. Puis
nous, on est toujours aussi à l'affût de s'assurer que la formation des
étudiants, des candidats à la profession est adéquate et suit aussi l'évolution
de la société. Alors, ça, on est toujours, là, à l'affût d'une modification dans
ce sens-là, si besoin est.
M. Tanguay : Et, en ce
sens-là, je trouve très intéressant votre point, Me Potvin, se donner
collectivement un rendez-vous, peut-être après deux ans, trois ans d'exercice.
On sait qu'il y a la Table Justice qui est toujours... qui siège toujours, mais
au-delà de ça, peut-être qu'il y aurait lieu... peut-être dans la loi ou pas,
on pourra y réfléchir comme législateur, mais de se donner un rendez-vous, justement,
pour faire le point. Là-dessus, je pense que ce serait... je reprends la balle
au bond, ce serait pertinent, n'est-ce pas?
Mme Potvin (Hélène) : Tout à fait.
Il faut toujours, c'est ça, revoir notre formation, revoir les habiletés des
étudiants puis des candidats à la profession, dans le but, naturellement, là,
de faire des bons juristes, et que la population soit bien servie, et donc, par des professionnels
compétents, qui ne sont pas... qui n'ont pas que la tête dans les
nuages, mais qui sont bien, là, dans des situations réelles et qui peuvent bien
répondre aux besoins des citoyens.
M. Tanguay :
Dans le règlement qui va venir, et sur lequel donc vous avez déjà une réflexion
très avancée, j'aimerais que vous commentiez l'aspect assez important pour un
type de dossier qui arrive sur la table d'une étudiante ou d'un étudiant. Vous
savez, quand on est avocate ou avocat, on est capable de dire : Bien, moi,
je ne fais pas tellement de ce type de droit là. J'ai développé une pratique
sous tel, tel, tel aspect. Je vais, si vous le voulez bien, vous référer à un collègue.
Là, il y aurait lieu d'avoir une supervision suffisamment étroite pour
permettre une réflexion de la part de l'étudiant. Oui,
j'ai fait Obligations 1, mais est-ce que je suis suffisamment ferré, si vous me
permettez l'expression, pour dispenser...
Donc, cette évaluation-là
est excessivement importante. On dit que c'est important, avant d'accepter un
mandat, d'avoir les pleines capacités de pouvoir le livrer. J'aimerais vous
entendre sur l'importance de cet aspect-là initial. Est-ce qu'on prend le
mandat, ou pas, ou on le ne le réfère pas peut-être... moi, si j'étais
superviseur dans une telle clinique, bien, peut-être à une autre étudiante qui
a une année de plus et qui a complété... parce qu'il y a des aspects... Vous
savez, un dossier... c'est rare qu'un dossier, là, c'est sur une question, c'est
l'article 147 de la loi, puis c'est oui, puis c'est non. Si c'était ça, probablement
que le dossier, on ne l'aurait pas sur notre table. Alors, ça touche... Alors
là, on dit : Ah! il y a peut-être un peu de droit de faillite là-dedans,
il y a peut-être un droit de succession également, obligation au Code civil.
Alors, l'importance de bien faire l'évaluation et de donner le dossier, de le
confier à la bonne étudiante ou étudiant...
• (11 h 30) •
Mme
Potvin (Hélène) : Alors, c'est sûr que nous, on ne peut pas se
substituer aux gens, là, qui oeuvrent dans les cliniques, parce que vous comprenez que ce n'est pas notre rôle à la
chambre. Donc, cette attribution-là des dossiers, cette évaluation-là,
elle va se faire vraiment au sein de la clinique.
Et,
quand on parle de supervision du notaire, eh bien, c'est dans ses obligations
déontologiques et professionnelles de savoir si le notaire a la
compétence et les connaissances pour traiter le dossier, un, et doit s'assurer... j'en parlais dans mon allocution,
donc, puisque l'étudiant est sous sa supervision, de s'assurer que
l'étudiant est également à l'aise. Donc, la clinique va se doter d'un système
aussi de tri et d'attribution, là, des clients.
Alors, moi, encore
une fois, je ne veux pas me substituer aux opérations de la clinique. Mais ce
que nous, on en sait à la chambre, c'est que ça se passe comme ça, là,
présentement, déjà.
M. Tanguay :
Est-ce que... Comment pouvons-nous évaluer, tant pour la Chambre des notaires
que pour le Barreau, l'appel... le niveau d'enthousiasme de l'appel qui sera
créé auprès des praticiens, praticiennes? Comment on peut évaluer ça? Parce que
c'est bien beau dire : On va en théorie mettre sur pied plusieurs
cliniques, peut-être qu'il y en aura de communautaire également, le déploiement
va se faire graduellement aussi. Mais, au-delà de ça, quelle indication
avez-vous, vous, de votre côté, à la Chambre des notaires, qu'il y a des
notaires d'expérience qui vont lever la main, qui vont dire : Oui, moi,
j'embarque là-dessus?
On le voit un peu
avec les stages, avec la supervision des stages, mais, au-delà de ça, là, les
stages vont demeurer avec le même nombre, mais on vient élargir ça à une
pratique qui n'est pas un stage dans un bureau d'avocats ou dans un bureau de
notaire, où là peut-être que la personne pourra poursuivre sa pratique. Là, on
est dans un aspect un peu plus philanthropique, je dirais, plus désintéressé,
là.
Mme Potvin
(Hélène) : Bien, en première ligne, d'abord, il y a nos professeurs,
nos professeurs qui ont un titre de notaire ou d'avocat, qui seront en mesure
de superviser ces étudiants-là. Et, dans un autre ordre, donc, il y a déjà des
notaires qui s'impliquent au sein des cliniques, donc on peut présumer qu'il y
aura toujours des notaires qui seront, là, disponibles et disposés, là, à être
un superviseur puis à suivre de près ces cliniques-là. Je ne sais pas, est-ce
que, Raphaël, tu souhaites ajouter?
M. Amabili-Rivet
(Raphaël) : Oui, mais si je peux compléter, le fait également... là,
vous parliez du programme de stage actuel. Pour l'année en cours, il y a environ
130... en fait, maîtres de stage notaires qui ont été retenus dans cette
mesure-là et il y a également un programme de mentorat qui est mis en place par
la chambre depuis quelques années. Donc, l'idée de mentorer, d'accompagner,
c'est quelque chose également, là, qu'on remet de l'avant, là, autant pour...
au niveau du stage que pour mentorat entre professionnels.
M. Tanguay :
Parfait, merci beaucoup. Merci pour avoir répondu à nos questions.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette,
s'il vous plaît.
Mme
Hivon :
Oui. Merci beaucoup. Bonjour à vous deux. Merci de votre présence et de votre
présentation.
Moi, je pars du
principe que l'idée de permettre aux étudiants de donner des avis juridiques
d'une manière très encadrée, ça a vraiment un objectif d'accessibilité à la
justice. Et je vous suis parfaitement quand vous dites qu'il faut considérer
l'élargissement aux cliniques communautaires, parce que, justement, ces
cliniques-là desservent généralement les personnes les plus vulnérables qui ont
le moins accès à la justice. Et si, donc, on veut aller au bout de la logique
d'améliorer l'accès à la justice, je pense qu'il faut évidemment considérer cet
élargissement-là comme nous invitent à le faire, là, plusieurs cliniques
communautaires.
Tantôt, dans
l'échange... je veux juste voir, quand vous parlez d'un lien de rattachement,
quand on parle d'étudiants, généralement, comment ça fonctionne. Vous le savez
aussi bien que moi, je l'ai fait moi-même quand j'étais étudiante, c'est que vous avez des crédits en échange, donc,
d'un stage dans une clinique qui peut être universitaire ou
communautaire, et donc ça remplace comme un cours. Alors, du fait même de
pouvoir aller être dans une clinique communautaire, vous êtes en quelque sorte
endossé par votre faculté puisqu'il y a une reconnaissance de ce côté-là.
Est-ce que je
comprends que c'est ça dont vous parlez quand vous dites : Il faut qu'il y
ait un lien, ou vous parlez de satellite, de quelque chose de très formel qui
ne serait comme pas vraiment une clinique communautaire, mais un appendice
d'une clinique universitaire, ou vous parlez vraiment des cliniques
communautaires qui existent déjà et qui accueillent déjà ces étudiants-là, avec
des ententes, en fait, avec les universités?
Mme Potvin
(Hélène) : Alors, oui, tout à fait, c'est ça. Donc, nous, on parle
d'ententes. On veut élargir cette notion-là, justement, de cliniques, comme on
a parlé tout à l'heure, communautaires. Alors, c'est ça, c'est pour ça qu'on
doit discuter avec les universités, comme vous l'avez bien dit. Si on veut que
le programme soit reconnu, on doit identifier ces cliniques-là, on doit
vraiment savoir où sont les étudiants, et les universités auront naturellement
une part de responsabilité dans ça. Alors, c'est pour ça que c'est important
qu'on fasse une entente et puis qu'on précise vraiment les rôles de chacun, là.
Mme
Hivon : Parce
qu'en fait, si on pousse la logique, souvent, dans les cliniques
communautaires, il y a beaucoup de praticiens qui donnent du temps dans les
cliniques et qui peuvent, à la limite, donc, travailler avec les étudiants que
même dans les milieux universitaires où, oui, les professeurs vont être membres
du Barreau ou de la Chambre des notaires, mais ne sont pas vraiment des
praticiens. Donc, moi, je vous dirais que de ce point de vue là, ça m'échappe
un peu, la logique d'exclure d'emblée les cliniques communautaires. Puis je
voulais comprendre si c'est votre expérience
aussi que, dans le fond, ça se passe très
bien puis que les étudiants qui sont
là sont évidemment entourés d'avocats ou de notaires d'expérience.
Mme Potvin (Hélène) : On n'a pas
vraiment beaucoup d'information à ce sujet-là. Peut-être Raphaël peut compléter,
là.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Peut-être
en complément, justement, là, il y a la clinique juridique en droit notarial de
l'Outaouais, qui est une des seules cliniques juridiques spécifiquement en
droit notarial, qui est rattachée à l'Université d'Ottawa, mais qui n'est pas
une clinique juridique universitaire à proprement parler. Donc, je pense, ça
rejoint un peu vos propos.
Également, l'autre élément, l'autre exemple qui
peut être montré, c'est que, des fois, il y a des bureaux d'information
juridique qui sont dans une université, donc physiquement dans une université,
mais qui n'ont pas la reconnaissance de l'université pour être une clinique.
Donc, ça rejoint aussi, là, l'autre élément, là, donc d'identifier quelles sont
ces cliniques-là qui ont un facteur de rattachement avec une université, donc
de concert, comme le disait la présidente,
entre l'ordre professionnel et l'université, d'identifier : Bon, bien,
celle-là rencontre les critères, va avoir une supervision adéquate puis
un encadrement adéquat au niveau du cursus universitaire.
Mme
Hivon : Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la
députée. Écoutez,
merci beaucoup de votre participation aux travaux de la commission.
Ça a été très intéressant et très éducatif.
Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'après
les affaires courantes. Merci beaucoup. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 38)
(Reprise à 15 h 32)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. La Commission des institutions
reprend ses travaux.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 75, Loi visant à améliorer l'accessibilité
et l'efficacité de la justice, notamment pour répondre à des conséquences de la
pandémie COVID-19.
Cet après-midi, nous entendrons, bien sûr, l'Association
professionnelle des avocates et avocats du Québec, suivie de l'Association des
avocats et avocates de province. Mais d'abord, nous débutons avec les représentantes
du conseil des doyens des facultés de droit du Québec, auxquelles je souhaite
la bienvenue.
Alors, je vous invite d'abord à vous identifier
et débuter pour votre présentation pour une durée de 10 minutes. Après,
nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, merci d'être
ici, et bon après-midi, et la parole est à vous.
Conseil des doyens et doyennes des facultés de droit du
Québec
Mme Houle (France) : Merci beaucoup,
M. le Président, M. le ministre, les députés de l'Assemblée nationale,
merci beaucoup de l'invitation faite au conseil des doyens et
doyennes des facultés de droit civil du Québec à participer à la consultation
sur le projet de loi n° 75. Je me présente, mon nom est Me France
Houle, doyenne, Faculté de droit de l'Université de Montréal. Et je suis accompagnée par ma collègue,
Anne-Marie Laflamme, doyenne, Faculté de droit de l'Université Laval.
Nous allons partager le temps de parole, et je vais commencer en premier.
Alors, pour commencer, il faut préciser que les commentaires
du conseil portent uniquement sur les dispositions du projet de loi autorisant
les étudiants à donner des consultations ou avis d'ordre juridique à des
cliniques juridiques universitaires. D'emblée, nous tenons à vous dire que nous
appuyons très, très, très fortement et avec beaucoup, beaucoup d'enthousiasme
ces dispositions du projet de loi. Ça fait très longtemps que nous attendons ce
moment.
Nous souhaitons partager
cinq souhaits avec vous. Le premier est que ces dispositions soient adoptées telles
quelles. Le deuxième, que les ordres professionnels adoptent rapidement les
règlements qui encadreront la pratique dans les cliniques universitaires.
Troisièmement, que les ordres professionnels consultent les facultés de droit à
cet égard. Ce matin, les deux ordres ont dit vouloir collaborer avec nous.
Alors, nous étions très heureux de les entendre. Quatrièmement, que ces
règlements soient tout aussi rapidement examinés et recommandés par l'office et
approuvés par le gouvernement, et ce, dans les six mois de l'adoption du projet
tel que précisé par l'article 56. Enfin, les doyens et doyennes souhaitent
pouvoir mettre en oeuvre le nouveau modèle de clinique dès la rentrée
d'automne 2020‑2021. Si la pandémie est, à toutes fins pratiques, terminée,
ce sera une belle occasion d'inaugurer l'ère postpandémie dans les facultés de
droit civil du Québec et de l'Université d'Ottawa.
Au Québec, les cliniques juridiques existent
depuis au moins 40 ans. Depuis lors, la population du Québec a changé, ses
besoins aussi, notamment parce que les systèmes juridiques sont plus nombreux
et plus complexes. Dans nos cliniques, nos clients sont, certes, des étudiants
du campus, de l'Université de Montréal et des autres universités, mais aussi la
population extérieure. Par exemple, l'UdeM est située dans le quartier
Côte-des-Neiges. Alors, il y a beaucoup d'immigrants qui viennent nous voir.
Comme vous le savez, il y a, dans les
universités québécoises, déjà beaucoup de cliniques où les étudiants apprennent
à mettre en pratique la profession qui sera la leur. À l'Université de
Montréal, je vous en nomme juste quelques-unes,
alors, la clinique dentaire, de la vision, en orthophonie, audiologie, en
nutrition et une clinique en psychologie.
Dans toutes ces cliniques, les étudiants donnent
des conseils et posent des actes professionnels sous étroite supervision par des professionnels qui sont
réglementés par les ordres professionnels, tout comme nous. Et ça
marche.
De toute évidence, les universités ont fait la preuve
de leur savoir-faire pour former les étudiants à la pratique responsable de
leur future profession. Il va sans dire que les facultés de droit sont tout
aussi capables de le faire. Il faut nous faire confiance. Sachez que dans les
cliniques juridiques, ce sont des professionnels, avocats ou notaires, qui supervisent les étudiants. Donc, le modèle de
base préconisé dans le projet de loi que les étudiants soient
étroitement supervisés par un avocat ou un
notaire existe déjà. De plus, il est important que vous sachiez que mes
collègues doyens et moi sommes membres du Barreau, et, pour la plupart
d'entre nous, nous avons pratiqué avant de devenir professeurs.
Il est également important de vous dire que,
dans nos facultés, il y a souvent un ou une directrice des cliniques juridiques
qui est avocat ou avocate et qui a pratiqué le droit en cabinet. Chez nous, par
exemple, notre directrice supervise le
travail de tous les avocats et notaires qui, eux, supervisent les étudiants, et
ces avocats et notaires ont tous entre 10 et 20 années d'expérience.
Donc, un message que je tenais à vous livrer
aujourd'hui est qu'il y a déjà un travail très étroit et très sérieux de
supervision qui se fait dans nos universités. Alors, même si, pour le moment,
nous ne donnons que l'information juridique, ce travail, nous le faisons en
ayant à l'esprit la protection du public, mais aussi en ayant à l'esprit l'idée
de protéger nos étudiants. Nous ne souhaitons pas que nos étudiants commencent
leur carrière en ayant une plainte sur le dos au bureau de l'ombudsman, par
exemple. Donc, cette volonté de protéger le public et nos étudiants sera encore
plus forte lorsqu'ils seront autorisés à donner des avis et conseils
juridiques.
Alors, je vous remercie et je céderai maintenant
la parole à ma collègue Me Laflamme.
Mme Laflamme (Anne-Marie) :
Merci, Me Houle. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés de l'Assemblée nationale, bonjour. À mon tour, je vous remercie pour
cette belle ouverture qui nous permet de discuter, aujourd'hui, des cliniques
juridiques universitaires. Je renchéris sur les propos de ma collègue en vous
exposant les retombées positives découlant de l'adoption du projet de loi
n° 75. Il y en a deux principales, et la première est vraiment primordiale
pour nous.
D'abord,
c'est d'améliorer l'apprentissage par l'expérience de nos étudiants. Comme l'a
mentionné ma collègue France, les universités ont fait la preuve de leur
savoir-faire pour former les étudiants à la pratique responsable de leur future
profession. L'apprentissage expérientiel qu'on nomme aussi l'ensemble clinique
fait maintenant partie intégrante de la pédagogie universitaire. Il ne nous
viendrait pas à l'esprit, aujourd'hui, de former des professionnels de la santé
sans leur permettre d'appliquer les connaissances théoriques aux personnes qui
requièrent des soins sous un encadrement et une supervision appropriés.
De la même manière, la formation en droit
nécessite une confrontation aux problèmes juridiques concrets pour former des
juristes compétents et aptes à répondre aux besoins de notre société.
L'apprentissage au sein d'une clinique juridique permet à l'étudiant de
développer son savoir-être et son savoir-faire. Par exemple, il lui permet de
comprendre qu'un problème juridique touche à différents domaines du droit.
Comme on le mentionnait ce matin, il n'arrive pas avec une étiquette de droit
de la famille, droit des biens ou droit des obligations.
Il lui permet de découvrir l'aspect émotionnel
du travail juridique, de constater son impact chez l'humain, chez la personne
aux prises avec un problème. Il lui permet de rencontrer des citoyens dont les
profils sont diversifiés en termes de classe sociale, de culture, d'âge, des citoyens
démunis ou marginalisés. Il lui permet de développer une éthique de travail
dans la relation avec le client, mais aussi dans la gestion des dossiers.
• (15 h 40) •
Et surtout,
il lui permet de prendre conscience des limites du droit, des limites
inhérentes au fonctionnement
du système judiciaire qui font en sorte que parfois des démarches peuvent
déboucher sur des résultats décevants ou tardifs, mais aussi des limites à agir sur un ensemble de situations
sociales. Par exemple, l'étudiant pourra constater que la
solution à un problème se trouve dans la
recherche d'un règlement à l'amiable, davantage que dans un recours
devant les tribunaux.
L'un des reproches
que le milieu de la pratique fait souvent aux facultés de droit, c'est d'offrir
une formation qui est trop théorique. Les
étudiants arrivent dans les cabinets d'avocats ou de notaires ou même aux
études supérieures sans avoir une bonne
compréhension du milieu. L'enseignement clinique permet de combler cette
lacune. Il fait de l'étudiant un meilleur juriste et un meilleur citoyen.
Ceci m'amène à la
deuxième retombée positive, dont on a beaucoup parlé ce matin, l'accès au droit
et à la justice tout en assurant la protection du public. Les cliniques universitaires
favorisent concrètement l'accès à la justice, comme le montrent l'expérience
des autres provinces canadiennes et celle des cliniques qui existent déjà au Québec.
Les bassins de population visés sont largement composés de justiciables qui
n'ont aucun accès financier tangible aux services juridiques payants des
avocats ou des notaires. Un meilleur soutien dans leurs démarches juridiques
permettrait d'accroître la protection que peuvent recevoir les citoyens, mais
aussi de rehausser leur confiance dans notre système de justice.
Aucune étude n'a
démontré que le fait de permettre à des étudiants en droit étroitement
supervisés de poser des actes juridiques compromettrait, d'une façon ou d'une
autre, la protection du public. Et, à cet égard, le fait de poser un acte
réservé pour soigner un patient ne présente pas moins de risque que le fait de
donner un avis juridique à un client. Dans les deux cas, ce qui est le plus important,
c'est l'encadrement et la supervision appropriés qui permettent d'assurer la
protection du public.
Ici, je me permets de
revenir sur la proposition qui a été faite par le Barreau de Québec ce matin de
limiter les cliniques juridiques universitaires à la formation créditée. Nous
vous demandons bien respectueusement de laisser la marge de manoeuvre aux
facultés de droit pour décider de cette question.
Plusieurs modèles de
cliniques peuvent être envisagés, que ce soit par l'entremise d'activités
créditées ou non créditées. Les facultés souhaitent pouvoir explorer ces
modèles graduellement et bénéficier d'un cadre souple qui leur permettra de les
faire évoluer au fil de l'expérience.
S'agissant maintenant
de notre position à l'égard des cliniques juridiques communautaires, puisque
nous appréhendons la question suite aux discussions de ce matin, bien, nous
sommes évidemment favorables à toute initiative
permettant que le plus grand nombre possible d'étudiants puissent bénéficier d'un apprentissage expérientiel,
comme il se fait dans ces cliniques.
Nous ne sommes
cependant pas en mesure de vous décrire, à ce stade-ci, la forme que prendrait
cette collaboration entre les cliniques communautaires et les facultés de
droit, puisque la question vient tout juste d'être portée à notre attention et
que cela nécessite une réflexion.
En conclusion, donc, plusieurs
ordres professionnels permettent, de manière claire et explicite, aux étudiants
inscrits dans les programmes universitaires de poser des actes réservés sous la
supervision d'un professionnel en exercice. Les changements législatifs
proposés pour le projet de loi n° 75 proposent
d'étendre cette permission aux étudiants de droit. Cet enseignement par
l'expérience constituerait un complément précieux à la formation, tout en
offrant un service de première ligne qui améliorerait l'accès à la justice.
C'est donc avec
beaucoup d'enthousiasme que les facultés de droit du Québec appuient ce projet
et elles offrent leur entière collaboration aux ordres professionnels pour
réfléchir à un encadrement approprié et pour le mettre en oeuvre. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup pour votre
présentation. M. le ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Me Houle,
Me Laflamme, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission
aujourd'hui. Au nom des conseils des doyens des facultés de droit civil au
Québec, c'est apprécié. Je vous remercie également pour votre mémoire. Vous
soulignez l'avancée que nous faisons en déposant le projet de loi, en
permettant justement aux étudiants en droit d'avoir une expérience pratique. Et
surtout, je crois que ça va permettre aussi à de nombreux justiciables de
bénéficier de conseils et d'avis juridiques, et ça, pour l'accès à la justice,
je crois que c'est une avancée significative.
Vous l'avez abordé
dans votre présentation relativement à la forme des cliniques juridiques, nous,
dans le projet de loi actuellement, là, on a
indiqué, au paragraphe 2° de l'article 128.1 : «...il pose ces
actes au sein d'une clinique juridique d'un établissement d'enseignement
de niveau universitaire qui décerne un diplôme», bon, qui mène vers le Barreau
ou la Chambre des notaires.
Le Barreau nous
disait tout à l'heure : Écoutez, on veut vraiment, là, que vous veniez
clarifier et limiter ça à l'intérieur du cadre de la faculté de droit. La
Chambre des notaires est venue nous dire : Écoutez, nous, on serait prêts
à ouvrir davantage avec... lorsque la faculté de droit... la clinique
universitaire est responsable.
Alors,
comment est-ce que vous voyez le niveau de responsabilité d'une faculté de
droit, si jamais on choisissait d'aller
vers des cliniques qui sont sous la responsabilité d'une faculté de droit, donc
ça veut dire à l'externe, pas nécessairement dans les locaux de la faculté
de droit? Comment vous voyez le niveau de responsabilité de la faculté de
droit?
Mme Houle
(France) : Donc, le niveau de responsabilité d'une faculté, pour le
moment, ce à quoi nous pensons, c'est que tous les avocats et tous les notaires
qui vont superviser les étudiants vont avoir une assurance responsabilité, la directrice
générale chez nous en aura une aussi, et l'université en a une également. Et l'université
comble les besoins si les assurances responsabilité professionnelle ne les
comblent pas. Alors, pour le moment, on pense que ça sera suffisant au niveau
de la responsabilité des facultés, responsabilité, là, au sens juridique.
Maintenant, je ne
sais pas si c'est votre question ou si vous voulez la préciser pour parler
d'une autre forme de responsabilité que la responsabilité juridique.
M. Jolin-Barrette : Mais, en fait,
je vous dirais, oui, la responsabilité juridique, mais aussi le niveau d'encadrement. Parce que, si on prend une
clinique universitaire dans vos locaux, à la Faculté de droit de
l'Université de Montréal ou à la Faculté de droit de
l'Université Laval, mais c'est avec un responsable de la clinique juridique qui
est soit un professeur ou soit un praticien engagé pour superviser les
étudiants en droit, versus si c'est dans une clinique autre avec laquelle vous
envoyez des étudiants, supposons pro bono, qui serait encadrée et qui serait reconnue par des crédits de la faculté de droit. Parce que,
tout à l'heure, vous avez fait référence au fait que, bien, il y a certaines activités qui sont
reconnues mais qui n'ont pas nécessairement de crédit.
Alors, quelles sont les modalités qui
permettraient d'assurer un encadrement adéquat des étudiants, mais qu'il y ait
vraiment un facteur de rattachement à la faculté de droit puis à la clinique
juridique universitaire?
Mme Laflamme (Anne-Marie) : Bien, si
vous me permettez d'intervenir, M. le ministre, votre question est très
pertinente. Et je pense que ces modalités-là, elles devront être discutées avec
les ordres professionnels, cette question
précise de l'encadrement, parce que ce qu'on constate à travers les différentes
facultés que l'on représente, c'est qu'il y a différents modèles qui
peuvent se poser. On pourrait même imaginer une clinique où il y aurait à la
fois des activités créditées, non créditées, donc certaines pour lesquelles
l'encadrement et la supervision seraient différentes que pour d'autres.
Ce qu'on souhaite, c'est avoir la latitude de
pouvoir décliner ces cliniques-là en fonction des besoins et en fonction aussi
des ressources qui sont dans les facultés, mais surtout avec une étroite
collaboration avec les ordres professionnels
pour voir quel est l'encadrement qu'ils jugent nécessaire pour permettre à nos
étudiants de poser des actes juridiques. Mais il n'y a pas juste un
modèle, il y a plusieurs modèles qui peuvent se décliner de ce point de vue là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et, au
départ de l'allocution de Me Houle, vous nous disiez : On souhaite
que ça soit adopté tel quel. Donc, avec le libellé que nous avons actuellement,
vous pensez que ça amène assez de souplesse pour discuter avec la Chambre des
notaires et avec le Barreau pour arriver à diverses modalités qui pourraient
être couvertes, à la fois une faculté... en fait, une clinique universitaire à
l'intérieur de la faculté ou à l'externe mais avec un lien de rattachement avec
la faculté.
Mme Laflamme (Anne-Marie) : En fait,
je ne sais pas si je peux intervenir... en fait, oui, en fait, parce qu'on veut
avoir cette souplesse-là. Parce que, vous savez, parfois, il peut y avoir des
nuances qui sont quand même assez minces entre le stage et la clinique
juridique universitaire. Il faut regarder sur le terrain comment ça se passe
puis quel genre d'encadrement on veut fournir. Et ça, ça peut se décliner de
façon différente d'une faculté à l'autre.
Alors, il peut y avoir un stage, par exemple,
dans une clinique communautaire ou on peut décider de créer une véritable
clinique juridique universitaire. Tout ça n'est pas clair et limpide, surtout
que le projet de loi est nouveau. Il va falloir l'apprivoiser puis voir comment
est-ce qu'on peut en tirer profit.
Notre
objectif à nous comme faculté de droit, c'est d'essayer de tirer profit de
cette nouvelle opportunité là pour bonifier la formation de nos
étudiants, mais ça va pouvoir se faire de différentes façons. Il n'y a pas
juste un modèle.
Mme Houle (France) : Si je peux
ajouter à cette question-là... Pour nous, et ça, c'est important, on en a beaucoup parlé, les doyens, les doyennes, il y a
vraiment une question de coûts des ressources matérielles, financières,
et en ressources humaines aussi, qui vont devoir être injectés pour mettre ce
nouveau modèle en oeuvre et pour le faire correctement aussi. Donc, on va
apprendre à travers tout ça, et c'est pour ça qu'on n'est pas pressés d'une
certaine façon d'aller trop vite et trop loin. Et d'ailleurs, bon, Me Laflamme
vous parlait d'évolution au fil des ans, et c'est vraiment dans cet esprit-là
qu'on est, là, de commencer petit, et on verra par la suite comment on va faire
évoluer les choses. Et peut-être qu'un jour on sera rendus aux cliniques
communautaires.
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais,
pour être bien clair, là, actuellement, avec le libellé que nous avons, là, «il
pose ces actes au sein d'une clinique juridique d'un établissement
d'enseignement de niveau universitaire», donc, ça, ça signifie que, pour
pouvoir faire des avis juridiques ou des conseils juridiques, nécessairement,
il faut que ça soit une clinique juridique universitaire qui a été établie par
la faculté de droit. Donc, ça veut dire soit dans les locaux ou soit à
l'extérieur des locaux, mais que c'est la clinique universitaire. C'est
reconnu, là, par la faculté. Donc, à ce moment-là, dans les règlements que le
Barreau et la Chambre des notaires va édicter, la discussion va devoir avoir
cours entre les facultés et eux. Donc, vous êtes à l'aise avec ça.
Mme Laflamme (Anne-Marie) :
Oui. Nous, ce qu'on comprend du projet de loi, c'est la souplesse qu'on
apprécie, c'est que la création de ces cliniques juridiques universitaires,
c'est sûr que ce sont les facultés de droit qui vont en déterminer la forme,
qui vont les structurer. Par contre, si on parle de la responsabilité
professionnelle, bien, c'est là que ça va
devoir se décliner peut-être de façon différente, selon nos discussions avec le
Barreau. La responsabilité professionnelle des actes posés devra
probablement relever des professionnels en exercice, ce qui ne veut pas dire
pour autant que les facultés ne seront pas sous la responsabilité pédagogique
ou académique des facultés de droit.
C'est ce qu'on comprend dans le projet de loi
que vous nous confiez en quelque sorte, M. le ministre, si je peux dire, le
mandat de créer ce modèle de cliniques là puis d'assurer aussi, là, qu'elles
permettent, là, de bien intégrer la formation pratique dans le cursus de nos
étudiants tout en protégeant le public. Et là c'est là qu'il y a une tierce
partie qui entre en ligne de compte, comme ça se fait toujours en formation
pratique dans les universités : le professionnel, qui va venir épauler la
formation universitaire, qui va venir vraisemblablement prendre une part de la responsabilité
professionnelle des actes posés. C'est une espèce de contrat tripartite, si je
peux dire, entre le milieu de la pratique, l'étudiant et la faculté de droit
qui vient bonifier puis consolider la formation de l'étudiant.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Pour poser les gestes prévus, comme des avis
juridiques ou des conseils juridiques, comment vous envisagez la formation
académique de vos étudiants avant de pouvoir accéder? La Chambre des notaires,
tout à l'heure, disait : Peut-être qu'on devrait exiger
45 crédits. Quelle est votre vision par rapport au nombre
de cours déjà complétés avant de pouvoir faire des avis ou des actes?
Mme Houle (France) : Je vais
répondre à la question, parce que chez nous l'étudiant doit avoir fait absolument
45 crédits, donc au moins une année et demie de cours, avant de s'inscrire
dans une activité pratique, quelle que soit l'activité
pratique, d'ailleurs. Donc, ils sont nécessairement en deuxième année, mais la
plupart d'entre eux seront en troisième année. Donc, on n'a pas de difficulté
avec l'idée qu'il y ait un minimum de 45 crédits, qui a été proposée par
la Chambre des notaires, et d'ailleurs nous avons déjà discuté de cette
question avec la Chambre des notaires l'année dernière.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Donc, je
vous remercie... Ah! Vouliez-vous y aller, Me Laflamme?
Mme Laflamme (Anne-Marie) : Je suis
d'accord avec ses propos et je suis convaincue qu'ils sont partagés par
l'ensemble des doyens.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Me Laflamme, Me Houle, je vous remercie. Je sais que j'ai des
collègues qui veulent vous poser des questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau,
s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, Me Houle, Me Laflamme, merci
beaucoup de vos présentations.
Vous avez parlé de liberté ou d'autonomie sur la
forme des cliniques à envisager, là, dans les universités. J'aimerais savoir...
Le Barreau, ce matin, est venu nous mettre en garde, ou du moins avait quelques
réticences. J'aimerais savoir comment vous mariez ces réticences avec cette
volonté d'autonomie et de liberté, là. On parlait de... La faculté de droit
pourrait créer une clinique dans le cadre d'un cours et octroyer des crédits
aux étudiants qui choisissent ce cours, ou un professeur, de son propre chef,
pourrait mettre sur pied une clinique et inviter les étudiants inscrits au
programme à y participer, ou même un regroupement d'étudiants inscrits au
programme pourrait créer une clinique au sein d'une faculté de droit sans aval
facultaire.
J'aimerais juste avoir un peu votre vision par
rapport à ça. Là, j'imagine qu'il y aura des discussions avec le Barreau pour
la suite, mais, juste pour le moment... ce que vous avez là-dessus.
Mme Houle (France) : Bien, pour le
moment, notre position, c'est que la responsabilité de l'université ou de la
faculté va être celle où l'étudiant s'inscrit dans un programme. Donc, si l'activité
est créditée, là, c'est nous qui allons superviser le tout. Si un professeur
décide de former une clinique extracurriculaire, là, la faculté n'a pas à
superviser ce qui se fait là. Et d'ailleurs les étudiants font beaucoup de
choses en extracurriculaire, et on n'a pas l'intention de commencer, à tout le
moins, pour la normale, de regarder ça de près. On aura assez à faire avec les
cliniques créditées.
Mais j'ajouterais qu'on ne souhaite pas, pour le
moment, de faire une distinction entre les cliniques créditées et non
créditées, parce que, comme Me Laflamme le disait plut tôt, il y a
énormément de cliniques puis de types de cliniques. Alors, à McGill, ils ont
certains formats, il y a des étudiants qui vont travailler là, payés, pendant
l'été, non payés pendant le trimestre, à titre bénévole, quelquefois, ce sera
crédité. Alors, il faut donner suffisamment de souplesse de manière à ce qu'on
puisse adapter et discuter aussi, avec le Barreau et la Chambre des notaires,
de toutes ces formes de cliniques juridiques.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K. Il y
avait une autre crainte également qui était apportée, peut-être, vous pouvez
m'éclairer sur ça, là, toute la question de la sécurité du public, je sais
qu'on l'a effleurée tout à l'heure, là, bon, la notion du secret professionnel,
la tenue des dossiers, à qui appartiennent les dossiers, la confidentialité.
J'imagine que vous avez peut-être eu l'occasion de réfléchir sur ces questions.
Mme Laflamme (Anne-Marie) : En fait,
c'est des questions qui se posent déjà, parce que, d'abord, il y a des étudiants qui travaillent dans des cabinets
d'avocats, des stagiaires. On a déjà des cliniques juridiques qui existent dans les facultés. Alors, je pense
qu'on est tout à fait capables de gérer ces questions-là
de façon à bien protéger le public.
Ça fait d'ailleurs partie de l'apprentissage de
nos étudiants d'apprendre à gérer ces questions, comment on conserve un
dossier, comment on assure la confidentialité, comment on aborde un client. Je
pense que ça fait partie de l'apprentissage de l'étudiant et, de mon point de
vue, je ne pense que ça peut poser des risques pour la sécurité du
public.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup. J'apprécie votre réponse. Peut-être en pratique, là, ce qui se passe actuellement
dans les cliniques qui sont en opération actuellement dans les universités,
bon, les avocats, les notaires qui sont là, est-ce qu'il y en a en nombre
suffisant pour superviser les étudiants? Est-ce que ça fonctionne bien, ça va
rondement? Peut-être nous éclairer, là, sur déjà ce qui est en place, peut-être,
ça pourra donner des idées pour la suite.
Mme
Houle (France) : Je vais parler de l'Université de Montréal, Me
Laflamme pourra parler, par la suite, de l'Université Laval. Mais, chez nous,
nous avons un avocat ou un notaire pour environ une dizaine d'étudiants. Et
donc en a huit à 10, bon an mal an, qui travaillent avec nous. Je peux vous
assurer qu'on n'a jamais eu de difficulté à en trouver et qu'ils veulent le
faire, ce genre de travail... et qui aiment faire ce genre de travail. Je dois maintenant
ajouter que chez nous, étant donné que ces activités sont créditées, il y a...
ce sont des charges de cours. Donc, les avocats et les notaires sont payés pour
faire le travail.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup. Pour ma part, je crois que ma collègue de
Les Plaines aurait des questions, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : ...député de Chapleau. Mme la députée
de Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup,
Me Houle, Me Laflamme, pour votre présentation. Vous l'avez effleuré
rapidement, mais moi, l'histoire de la confidentialité, évidemment, ça me
trotte dans la tête. Et, tout en laissant la latitude — on
rentre peut-être dans le détail, mais c'est un détail qui est important, là, la
confidentialité — s'il
y a plusieurs mentors, s'il y a plusieurs personnes qui travaillent avec les
élèves, les étudiants, comment est-ce qu'on peut s'assurer de la
confidentialité des dossiers?
Mme Houle
(France) : Je peux répondre à cette question, parce que chez nous, il
n'y a qu'un seul avocat pour un groupe d'étudiants, ou notaire. Il est en
charge ou elle est en charge de 10 étudiants et les suit pendant tout le
trimestre. Donc, ce problème-là, le problème que vous évoquez ne se pose pas. Par
ailleurs, chez nous, nos étudiants signent une entente de confidentialité.
C'était un des éléments que la Chambre des notaires voulait qu'on mette en
place, mais chez nous, ça existe déjà.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Oui, effectivement, c'est la Chambre des notaires qui soulevait ce point. Donc,
c'est toujours la même personne, le même mentor qui suit le dossier, peu
importe le temps que ça peut prendre pour émettre un avis ou travailler le
dossier. C'est ce que je comprends?
Mme
Houle (France) : Oui. Et
puis il faut comprendre aussi qu'on fait un tri, hein, des dossiers. On ne
prend pas des dossiers complexes qui vont durer un an ou deux ans, c'est des
dossiers qui durent quelques semaines. Et donc c'est certain que l'étudiant est
capable de faire son travail durant le trimestre.
Mme
Lecours (Les Plaines) : O.K.
Bien, merci beaucoup. Écoutez, je comprends bien que ce que vous aimez,
c'est la latitude dans l'évolution du modèle. C'est ce que je peux... si je
peux m'exprimer ainsi.
Mme Laflamme
(Anne-Marie) : Bien, absolument. Si je peux me permettre peut-être de
vous donner un autre modèle de clinique
juridique universitaire... Je pense, par
exemple, chez nous, à la Clinique de
droit international pénal et
humanitaire, un domaine qui est peut-être un petit peu moins connu des praticiens. Il y a
toutes sortes d'activités qui se déclinent à l'intérieur de cette
clinique-là. Il peut y avoir du travail juridique qui n'est pas du conseil ou
de l'avis juridique, donc qui ne constitue pas un acte réservé en vertu de la
Loi sur le Barreau. Les étudiants sont formés sur le plan de l'éthique, des
règles de confidentialité, etc., et quand il y a un mandat qui est confié, qui
nécessite un avis proprement juridique, c'est sûr que ça se fait toujours sous
la supervision de l'avocate responsable de cette clinique-là. Et elle, à ce
moment-là, assure le suivi, l'encadrement du dossier de façon à ce que l'avis
juridique qui est fourni aux partenaires...
les mandats peuvent venir d'un peu partout dans le monde, et l'avis juridique,
là, est révisé et cautionné par un professionnel en exercice. Alors,
c'est des modèles auxquels peut-être on est moins habitués, mais ça vous montre
un peu, là, toutes les façons dont peuvent se décliner les cliniques juridiques
en fonction des domaines qui sont très diversifiés dans les facultés de droit.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine
pour 13 min 36 s.
M.
Tanguay : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Me Houle et Me
Laflamme, très heureux d'avoir l'occasion de discuter avec vous de cet aspect
du projet de loi n° 75.
Vous plaidez, et
corrigez-moi si j'ai tort, pour un modèle qui ne serait pas unique, donc de
laisser une liberté aux différentes facultés
de mettre, selon leur vision, sur pied de telles cliniques selon des modalités
différentes, exemple, créditées ou pas créditées, et ainsi de suite.
Est-ce que, ceci étant dit, vous verriez d'un bon oeil qu'il y ait, à un
certain moment donné, après x nombre d'années, à terme, une sorte
d'uniformisation ou l'on devrait plutôt permettre une continuité dans un modèle
qui ne serait pas unique?
Mme Houle
(France) : Moi, je pense que l'idée du modèle qui ne serait pas unique
doit être conservée, parce qu'on doit laisser ce projet de loi évoluer sur les
10, 15, 20, 30 prochaines années. Et vu qu'on ne sait pas trop où on s'en va, et qu'est-ce qui peut se développer
en droit, et le genre de système juridique qui peut venir et
s'appliquer, bien, je pense qu'il faut laisser faire ça.
• (16 heures) •
M.
Tanguay : Et vous avez, Me Houle, mentionné que dans certaines
cliniques, bien, vous aviez accès, donc, tantôt à un notaire et un avocat, dans
un contexte, je pense, où c'était une charge de cours. Dans ce contexte-ci,
j'imagine que, là aussi, il y aurait la liberté d'en faire une charge de cours
ou pas, et peut-être même de ne pas en faire
une charge de cours ou pas, et d'y aller à votre rythme aussi. J'imagine que
c'est une question également d'offre et
de demande, à quelque part. Donc, vous avez... J'aimerais que vous fassiez écho
à ce commentaire-là, parce qu'on a la
réalité terrain, là, on n'est pas dans la théorie. Et aussi est-ce que les
citoyens, les justifiables, est-ce qu'ils vont venir?
Et vous avez fait
mention du fait qu'à l'Université de Montréal, dans le quartier Côte-des-Neiges,
bien, c'est beaucoup de nouveaux arrivants,
donc une réalité qui est peut-être toute autre que celle de l'Université Laval.
Puis je suis allé aux deux
universités, alors je peux témoigner effectivement que c'est des contextes
différents, donc d'où l'importance, j'aimerais que vous fassiez écho à
cela, d'avoir une latitude dans la façon dont ça s'applique sur le terrain.
Mme
Houle (France) : Oui, c'est ça, et puis je peux vous donner un autre
exemple pour illustrer l'importance de nous laisser la latitude. La
faculté de droit de l'Université de Montréal, nous avons nos cliniques
juridiques qui sont supervisées par les avocats et les notaires, mais on a
aussi le Laboratoire de cyberjustice. Et le Laboratoire de cyberjustice veut
développer des programmes où les clients, les consommateurs pourront régler
leurs litiges en ligne. Et donc, ça, ça implique, par exemple, qu'on va aller
dans le genre de problème qu'on appelle de basse intensité.
Alors là, on peut
faire la connexion entre ce qu'on fait dans la clinique juridique en mettant
l'accent sur ce qu'on appelle des litiges de basse intensité, là, donc peu
complexes, et ouvrir le Laboratoire de cyberjustice en recherche pour qu'ils
connaissent mieux tous les paramètres possibles d'application d'un tel litige
de basse intensité.
Donc, pour nous, par
exemple, cette possibilité de développer cet autre modèle où il va y avoir des
liens entre la recherche et la pratique pour faire évoluer les deux en même
temps me semble être un modèle qui est vraiment très heureux pour les universités.
M. Tanguay :
Tout à fait. Et ce qui est plaisant, dans la conversation, c'est qu'on peut
aller quand même assez loin sur ce sujet-là. Puis je vais me permettre un cas
d'espèce puis j'aimerais avoir votre idée par rapport à cela. Est-ce que de
telles cliniques juridiques devraient être envisagées exclusivement pour des
conseils de nature, évidemment, juridique avant qu'il y ait contestation
judiciaire ou qu'on pourrait accompagner un ou une justiciable qui se représenterait
seul devant un tribunal? Alors, on est rendu peut-être un peu trop pointu, là,
mais c'est une réflexion intéressante à avoir. Est-ce qu'on est préintroduction
d'un recours ou on pourrait être et... épauler un justiciable qui se représente
seul?
Mme Laflamme
(Anne-Marie) : Bien, en fait, je répondrais que je pense que toutes
les facultés de droit sont tout à fait d'accord avec le fait que les étudiants
ne doivent pas être autorisés à représenter un justiciable devant les
tribunaux. Ça, ça va de soi. Par contre, un processus d'accompagnement, je
pense à la Cour des petites créances, à titre d'exemple, je pense à certains
tribunaux administratifs, ça pourrait très bien se faire.
Et je me permets de
revenir sur un point que ma collègue a abordé tout à l'heure, les... J'aimais beaucoup
entendre, parce que c'est une réalité chez nous aussi, le fait que les
cliniques juridiques enrichissent la recherche, et vice versa. Et ça, c'est
très important dans les universités. Une clinique en droit de l'environnement
ne se déclinera pas de la même façon qu'une clinique en droit international,
pénal, humanitaire, en droit de la culture ou en droit de... ou une clinique
qui s'intéresse aux entreprises en démarrage. Vous voyez? Il y a toutes sortes
de choses qui peuvent être envisagées sous l'égide d'une clinique et qui sont
très porteuses pour la formation de l'étudiant. De là toute la souplesse dont
on veut bénéficier pour pouvoir tirer profit des dispositions de cette
permission que vous allez bien vouloir nous accorder pour améliorer la formation
de nos étudiants, mais ça se décline de façons très différentes. Mais, oui, ça
peut être du conseil pour aider un justiciable à travers les méandres du système
de justice.
M. Tanguay :
Et ça pourra même, avec cette latitude-là, permettre à une faculté, justement,
selon les différents — je
reprends la balle au bond — domaines
de droit, de peut-être imaginer, sans parler formellement de partenariat, mais
d'imaginer des réseaux différents où on peut faire écho et dire : Bien, la
clinique existe dans tel, tel type de droit, puis on ne parle pas au même
monde, puis on ne parle pas au même réseau, mais d'avoir une approche
différenciée en ce sens-là parce qu'on veut que les gens viennent, nous
connaissent puis aient accès, parce que ça devient gagnant-gagnant aussi, là.
Mme Laflamme
(Anne-Marie) : Bien, tout à fait. On parle beaucoup de mandats d'un
étudiant avec un client, avec un justiciable unique, mais ça peut être une
clinique aussi qui traite de différents projets qui sont soumis par des
organismes sans but lucratif ou des organismes communautaires. Ça peut être
quelque chose de beaucoup plus vaste qu'un simple conseil juridique qu'on donne
à un client sur un sujet précis. Et ça, ça devient encore doublement
intéressant pour les facultés de droit et pour la formation des étudiants.
Mme Houle
(France) : Oui, là-dessus, la question de réseaux est importante parce
que ça fait totalement partie du rôle des universités d'avoir sa place dans la
cité, dans l'espace public et d'être présent. Donc, quand on pense en termes de
réseau, on peut justement développer des cliniques juridiques qui vont pouvoir
s'entraider les unes et les autres. Et ça, je pense que c'est très porteur
comme idée.
M. Tanguay :
Aussi tôt qu'automne 2021? Oui? On serait prêt en automne 2021?
Mme Houle
(France) : Moi, je suis
prête. Ça fait déjà un an que je me prépare à ça, ne sachant pas s'il y aurait un projet de loi ou non.
Alors, j'ai joué une carte de poker, là, mais j'aimerais ça que le projet soit
adopté de façon à ce que je puisse commencer
en 2021, parce que, nous, tous les éléments sont en place. Et on a eu
des discussions importantes aussi avec la Chambre des notaires. Donc,
les conditions que la Chambre des notaires voulait nous imposer... bien, on
est... c'est pas mal déjà tout là, tout en place.
M. Tanguay :
Même son de cloche, Me Laflamme, de votre côté?
Mme Laflamme
(Anne-Marie) : Ah! on a très hâte de pouvoir travailler sur ces
projets-là. Je parle en mon nom mais aussi au nom de tous mes collègues des
autres facultés de droit. Tout le monde n'est pas nécessairement prêt à ouvrir
une nouvelle clinique à l'automne, mais, une chose est sûre, on est prêts puis
on a très hâte de développer, avec les ordres professionnels, l'encadrement
requis. Et nous, ici, on est en révision de programme à la Faculté de droit à l'Université
Laval et on va être prêts à annoncer quelque chose certainement durant l'année
académique 2021‑2022, donc dès l'automne prochain, vraisemblablement.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, Me Houle et Me Laflamme. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le
député de LaFontaine. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Oui. Bonjour à vous deux, Mmes les doyennes. C'est un plaisir de vous avoir
parmi nous aujourd'hui. J'ai très peu de temps, un gros trois minutes.
Donc, je vous ai
entendues tout à l'heure dire que vous étiez favorables à toute initiative qui
pouvait aider à l'accessibilité à la justice. Par ailleurs, vous dites que vous
voudriez voir le libellé de l'article 3 maintenu tel quel. Donc, je vous
expose le petit paradoxe que j'y vois. Parce que vous semblez avoir une
ouverture pour les cliniques communautaires où, on sait, les étudiants sont
présents, souvent ont des programmes qui peuvent être crédités aussi. Donc,
est-ce que vous êtes effectivement ouvertes à cette possibilité-là, auquel cas,
il me semble que le libellé devrait être légèrement modifié?
• (16 h 10) •
Mme Houle
(France) : Le libellé pourrait être modifié. À mon avis, le lien de
l'université et de la faculté, c'est avec ses étudiants. Et dans la mesure où
on conçoit l'application de l'article de cette manière, bien, le lien de
rattachement est là. Par exemple, ce matin, vous avez parlé d'un rattachement
avec les crédits. Nous, on parle de rattachement avec les étudiants.
Mme Hivon :
Ce que vous nous dites, c'est que, vous, vous n'avez aucun problème. Ça n'a pas
besoin d'être spécifiquement la clinique juridique de l'université dans la
mesure où, par exemple, il y a une reconnaissance que les étudiants peuvent aller oeuvrer dans telle
clinique juridique communautaire. Donc, vous n'avez pas de problème avec ça.
Mme Houle (France) :
On n'a pas de problème avec l'élargissement. La question qui va se poser pour
nous, ça va être vraiment sur le plan opérationnel. Alors, comment on va...
Quel genre d'entente on va faire avec les cliniques communautaires pour dire,
bien, comment les choses doivent être faites, si on est pour être responsable, comme l'avait suggéré la Chambre des notaires?
Alors, comment on peut mettre ça en oeuvre, pour nous, c'est plus une question opérationnelle qu'une question de
principe, parce que le principe est là. Nous pensons que tous nos
étudiants, le plus possible qu'ils vont
pouvoir bénéficier d'expériences variées en pratique du droit, ça sera vraiment
pour le mieux.
Mme Hivon :
Mais dans les faits, à l'heure actuelle, il existe des programmes, donc,
crédités de stage dans d'autres cliniques que la clinique de l'université
elle-même ou, comme on voit, des programmes crédités d'aller faire quelques
mois avec un juge. Donc, il y a une supervision générale, mais il y a des gens
sur les lieux qui encadrent et entourent les étudiants, n'est-ce pas?
Mme Houle
(France) : Oui, exactement. Donc, chez nous, on a les stages en milieu
communautaire, et c'est par les stages en milieu communautaire qui sont
crédités que nos étudiants... Puis ils en font dans les cliniques du Mile-End,
entre autres. Et là, en ce moment, vu qu'ils ne font que donner de
l'information juridique, la supervision est minimale, là, au niveau de
l'université. Les étudiants n'ont qu'à remettre un rapport de stage. Mais là,
si les étudiants peuvent donner des avis, bien là, il va falloir s'entendre
avec les différentes cliniques pour voir comment on va fonctionner. Mais comme
je vous disais, c'est une question opérationnelle.
Mme
Hivon :
Parfait, merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Houle,
Me Laflamme. Merci beaucoup d'avoir participé aux travaux de la
commission.
Sur ce, bon après-midi,
et on suspend les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 12)
(Reprise à 16 h 15)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir l'Association
professionnelle des avocates et avocats du Québec. Alors, Me Larose, bienvenue.
Vous avez une présentation d'une durée de 10 minutes, et, après ça, on aura un
échange avec les membres de la commission. Alors, encore une fois, la parole
est à vous. Merci d'être ici.
Association professionnelle des avocates
et avocats du Québec (APAAQ)
Mme Larose
(Catia) : Merci beaucoup. Alors, M. le Président, M. le ministre
de la Justice, MM. et Mmes les
députés, bonjour à tous. Je m'appelle Catia
Larose et je suis la présidente de l'APAAQ, qui est l'Association
professionnelle des avocates et avocats du Québec, dont la mission est de
protéger et promouvoir les intérêts professionnels
et socioéconomiques des avocats du Québec, sans égard à la région ou à leur
domaine de pratique du droit.
Je vous remercie de l'invitation à vous faire
part de notre position sur le projet de loi n° 75.
L'APAAQ est en faveur de ces dispositions, mis à part les modifications des
dispositions de la Loi sur le Barreau afin de permettre aux étudiants
universitaires de rendre des opinions juridiques dans le cadre de cliniques.
Nos commentaires se limiteront donc à l'article 3 du projet de loi.
Nous sommes ici pour vous transmettre la vision
des avocats praticiens. Nous irons droit au but. Nous sommes contre qu'il soit
permis aux étudiants d'aller au-delà de l'information juridique, et voici
pourquoi. Dans un premier temps, nous croyons pertinent de mettre de l'avant
l'objectif visé par les universités qui requièrent cette modification. Les
universités ont pour mandat l'enseignement et l'apprentissage du droit. On y
apprend à penser et à devenir un bon juriste.
Dans ce cadre, les cliniques juridiques visant à
donner de l'information juridique, qui existent d'ailleurs depuis plus de
30 ans, remplissent parfaitement ce mandat. J'ai eu moi-même l'opportunité
d'y participer lors de ma formation académique à l'Université de Montréal en
1988. Comme étudiante de 20 ans, je vivais déjà comme un défi d'identifier
la loi ou les principes juridiques qui s'appliquaient à la situation qui
m'était présentée. L'expérience de rencontrer un justiciable et de l'informer
de l'état du droit a été, pour moi, très formateur.
À ce stade de mon cheminement académique,
l'objectif d'arrimer des principes théoriques, un peu nébuleux parfois, à des situations pratiques était atteint,
et je n'ai que de bons souvenirs de cette expérience, qui doit être
maintenue.
Par ailleurs, nous sommes d'opinion que le
gouvernement fait fausse route en croyant qu'en permettant aux étudiants
d'aller de l'information à l'opinion, il améliorera l'accessibilité et
l'efficacité de la justice, puisque c'est l'objectif du projet de loi.
En effet, rappelons-nous que le droit est infiniment
complexe. Il ne s'agit pas de lire et d'appliquer à la lettre un article de loi
ou de règlement. Une opinion juridique se fonde sur une analyse scrupuleuse de
l'ensemble de faits directs et indirects que
l'on a bien su identifier, sur l'identification des sources de droit
pertinentes, sur la connaissance de l'application qu'en ont faite les
tribunaux, sur l'évaluation des conséquences futures d'une option versus une
autre, mais aussi sur la réalité pratique de son application.
En matière de droit, il n'y a pas de tout blanc
ou tout noir, il n'y a pas de garantie de résultat. Il faut éviter de créer,
auprès du citoyen, un faux sentiment de sécurité. Une opinion évalue et peut
changer en fonction des éléments soulevés par la partie adverse et de l'évolution
du dossier. Un justiciable laissé à lui-même après avoir reçu une opinion d'un
étudiant, sans tenir compte de la position de la partie adverse et de
l'évolution des faits, et qui verra un recours rejeté perdra confiance en notre
système de justice.
Il faut
arrêter de penser que le droit se consomme et s'applique comme une marche à
suivre. C'est ce qu'il y a de plus faux. Il y a des marches à suivre et
conseils essentiels qui ne sont pas écrits dans les lois et dans les livres,
mais qui résultent de l'expérience et la
réalité du système. Une opinion, c'est comme un diagnostic médical et la
détermination du soin pertinent.
• (16 h 20) •
Laissez-moi vous donner un exemple. On peut
avoir mal au ventre et aller lire sur Internet pour essayer de comprendre ce
qu'on a, mais il est faux de penser que l'on peut s'autodiagnostiquer ou
s'autoprescrire un traitement. Si, nous, on focusse juste sur le mal de ventre,
le professionnel en soin, lui, va évaluer tous les symptômes et les autres
caractéristiques de notre santé avant d'établir un diagnostic. Il faut arrêter
de dévaloriser l'importance du droit en envoyant le message qu'il s'agit de
quelque chose de simple que l'on va régler en quelques clics sur Internet ou
par une consultation gratuite avec un étudiant universitaire. Je dis souvent
aux clients qui me consultent : Vous avez un beau droit à faire valoir,
mais voici ce que vous aurez à faire face pour y arriver et vos chances de
succès. Par ailleurs, j'ai une solution plus efficace à vous suggérer.
Pour améliorer
l'accessibilité et l'efficacité de la justice, nous soumettons que le
gouvernement doit s'y prendre autrement. On doit d'abord informer et
éduquer tôt sur les règles de droit. Dès les études secondaires, nous sommes
d'avis que le droit, dans notre société, devrait faire partie du cursus
scolaire. L'efficacité, c'est savoir que le droit existe. On doit insister sur l'importance de consulter en amont avant
l'apparition des problèmes, et non en aval, développer le réflexe de consulter pour prévenir. Fut une époque, les dentistes ont insisté sur
les bienfaits d'un examen dentaire aux six
mois. C'est devenu un acquis pour nous tous, et ça a certainement permis
d'améliorer notre santé dentaire. L'efficacité, c'est éviter
l'apparition de problèmes. Le gouvernement et les citoyens doivent reconnaître
le rôle vital de l'avocat comme partenaire à la prévention et la résolution des
problèmes et au succès de l'administration de la justice.
Posons-nous
la question : Qu'est-ce que veut le citoyen vraiment? En premier lieu, il
veut que ses droits soient reconnus et respectés. Il veut aussi une solution
pratique, efficace et peu coûteuse à son problème. Le projet de loi actuel
donne l'impression qu'il atteint ces objectifs puisque les consultations par
des étudiants sont gratuites, mais nous sommes d'opinion que c'est une erreur.
La solution efficace et pratique, c'est l'avocat en exercice qui la fournira,
puisqu'il peut la prévenir, il sait et peut négocier le dossier et le régler
comme nous le faisons dans 90 % des
cas. On le règle en s'assurant de préserver les droits sur tous les aspects
collatéraux de façon finale et définitive sans en créer d'autres. Régler le patrimoine familial, ce n'est pas juste
suivre les règles du Code civil. Ça a des implications fiscales
importantes que l'on doit considérer. Racheter la part de la maison de son
conjoint, ce n'est pas juste une règle de sortir de l'indivision. On doit le
faire dans un certain délai pour éviter de payer les droits de mutation.
Un justiciable qui
obtient une solution auprès d'un étudiant doit ensuite se débrouiller seul. Sa
prochaine étape est d'entreprendre lui-même les démarches pour régler son
problème. Il se présentera seul devant le tribunal. Or, nous sommes en mesure
de constater, et les juges des tribunaux supérieurs nous le confirment, qu'un
des freins à l'efficacité de la justice est le justiciable non représenté
devant les tribunaux judiciaires. En plus de ne pas bien comprendre ce qu'il
doit faire et mal évaluer sa cause, les juges sont témoins de déni de justice
ou de perte de droits importants sans pouvoir intervenir. Au final, ça coûte
cher au système, ça coûte cher au citoyen qui peut perdre des droits, ça coûte
cher financièrement et parfois aussi socialement.
Nous vous soumettons
qu'au lieu de tenter de sortir les avocats de l'équation au nom de
l'accessibilité et de l'efficacité de la justice, l'avocat doit être considéré
et présenté comme un partenaire essentiel du citoyen et la porte d'entrée du
système. Les avocats de partout à travers la province donnent déjà des
consultations gratuites ou à très peu de frais, donnent de leur temps pour
accompagner les justiciables, s'investissent dans leur communauté et assistent
la magistrature. Pendant la pandémie, les avocats ont tenu le fort dans certains
domaines du droit névralgique comme le droit de la jeunesse, le droit de la
famille et le droit criminel, souvent sans rémunération, mais parce que la
société en avait besoin.
Nous devons arrêter
de véhiculer que les avocats coûtent cher pour quelque chose de simple et de
peu d'importance. Ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de
perception, de choix et de valeurs. Personne ne questionne ou ne remet en cause
d'avoir à payer 150 $ de l'heure pour les services d'un garagiste pour faire
réparer son véhicule. Je vous annonce que bien des avocats travaillent à ce
tarif horaire ou moins pour régler une situation qui affectera pour longtemps
son patrimoine financier ou la vie familiale d'un individu. Les citoyens
doivent comprendre que ce qui coûte cher, c'est deux amis qui se partent en
affaires et qui prennent un modèle de convention d'actionnaire sur Internet et
sont contents d'avoir sauvé 500 $ d'honoraires d'avocats, jusqu'au jour où
les deux amis ne s'entendent plus, que la compagnie a grossi et que la
convention ne prévoit pas de solution à leurs problèmes ou n'est pas adaptée à
leur situation. Ça donnera lieu à un litige coûteux, où chacun dépensera des
milliers de dollars et mettra en péril la pérennité financière de l'entreprise.
L'accessibilité et l'efficacité
de la justice ne peuvent pas être atteintes en dévaluant l'expertise de
l'avocat ou en minimisant la complexité du
droit. En autorisant les étudiants universitaires à donner des opinions, c'est exactement
ce qui est fait. Ça envoie le message qu'un étudiant en droit et un avocat en
exercice, c'est le même service.
Nous passerons sous silence les enjeux déontologiques et d'assurances professionnelles de
l'application de cette mesure,
puisque bien que préoccupants, il reviendra au Barreau du Québec d'assurer la
protection du public à cet égard.
En conclusion,
l'APAAQ se présente comme partenaire du ministère de la Justice, et nous
répondons présents pour trouver et proposer
des solutions à son objectif louable d'accessibilité. Mais nous ne pouvons
cependant mettre en péril les droits des citoyens et minimiser les conséquences
sérieuses des actes que nous posons. Je vous remercie de votre attention.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Larose. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Bonjour, Me Larose. Merci de participer aux travaux
de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 75.
Écoutez, avec égard, il y a beaucoup de choses que vous avez dites avec
lesquelles je suis profondément en désaccord. Et vous ne pourrez pas m'accuser
de vouloir dévaluer la profession d'avocat ou de sortir les avocats, parce que
moi-même, je décline mon conflit d'intérêts et je suis membre du Barreau depuis
10 ans maintenant. Et l'objectif du gouvernement, c'est vraiment de
s'assurer de faire en sorte que les citoyens qui souhaitent être davantage
informés sur leurs droits et qu'ils puissent être davantage orientés à travers
le système de justice, puissent recevoir l'aide, l'accompagnement des étudiants
de certaines facultés de droit.
Et
à juste titre, vous savez, lorsqu'on étudie à la faculté de droit, bien, ça va
nous permettre aussi de compléter notre apprentissage, notre expérience.
Parce que bien sûr qu'on apprend les règles de droit à l'université, mais quoi
de mieux que les vivre concrètement et sous la supervision d'un avocat ou d'un
notaire en exercice. Bien encadrés, là... on ne parle pas de faire en sorte de
lâcher lousse un étudiant en droit de deuxième ou de troisième année. On dit de faire en sorte qu'un étudiant en
droit va être sous la supervision d'un notaire ou d'un avocat, comme
c'est le cas dans d'autres
juridictions canadiennes, en Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick
aussi.
On est la juridiction
canadienne la moins avancée à ce niveau-là. Et même, dans certaines autres
provinces, on permet la représentation devant les tribunaux, par des étudiants
en droit, avec certaines règles. Nous, on ne va pas là, mais on dit : Peut-être
y aurait-il lieu de faire en sorte de permettre à des étudiants en droit de
venir donner des conseils ou des avis juridiques sous supervision.
Alors,
je veux juste être clair, mon objectif n'est pas de dévaloriser la profession d'avocat,
parce que, un, j'y crois, deux, à titre de ministre de la Justice, je
vais toujours soutenir le fait que les gens doivent être bien conseillés, bien
consultés et que la protection du public soit assurée. Mais je crois qu'il y a peut-être
une incompréhension.
Et je comprends le rôle
d'une association représentative de ses membres, quel doit être son mandat,
mais cela étant, je veux vraiment affirmer clairement qu'il faut donner davantage
de services aux citoyens. Et les cliniques juridiques universitaires, avec les
doyennes qui sont venues avant vous témoigner, nous ont démontré leur sérieux
et la responsabilité avec laquelle ils prennent ça puis depuis de nombreuses
années. Vous-mêmes vous avez fait référence, vous avez dit : Ça fait
30 ans... il y a 30 ans, j'étais dans une clinique juridique
universitaire où, là, je donnais de l'information.
Et l'autre point, je vous dirais, j'ai vraiment
confiance aux étudiants en droit, à leur sens du devoir, à leur responsabilité
aussi. Alors, je m'explique mal un peu le point de vue l'association qui est si
tranché relativement au fait de permettre à un certain groupe d'étudiants en
droit qui seront encadrés par la Chambre des notaires, qui seront encadrés par
leur Barreau, avec l'assurance... civile, et qui seront encadrés également par
les facultés de droit, à... Pourquoi autant de réticence?
• (16 h 30) •
Mme Larose (Catia) : Alors, merci
pour votre question. Je vous répondrais que, et je l'ai mentionné dans mon
exposé, offrir la chance aux étudiants en droit, à qui nous avons tout aussi
confiance que vous quant à leur sérieux et leur rigueur, de donner de
l'information juridique aux clients, nous en sommes. Ça doit perdurer. Mais
quant à nous, quand on regarde la définition ou l'implication de l'opinion et
les implications au niveau de la responsabilité professionnelle, une opinion,
c'est une photographie d'une situation de droit à un moment donné. Lorsqu'on a
un client dans notre bureau, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, on met
bien en garde que cette situation-là va évoluer en fonction des faits que l'on
ira rechercher de la partie adverse, notamment, ou d'autres parties prenantes.
L'étudiant n'aura pas le bénéfice de cette version-là. Il n'aura que la version
de la personne devant lui, qui va déterminer lui-même quels sont les faits
qu'il considère pertinents de donner ou non. Il va partir avec ça comme si
c'était la solution unique et garantie à son problème.
Ce que l'on veut s'assurer, nous, c'est que le
service qui sera rendu va être de qualité et va amener le justiciable qui est à
la recherche de... à combler un besoin, va l'amener à la meilleure solution
possible. Alors, nous sommes d'opinion que l'information, nous en sommes, des
cliniques juridiques d'information, nous en sommes également, mais, lorsqu'on
offre à un justiciable une solution toute faite, on se doit, quant à nous, de
s'assurer de la qualité, et ça ne peut pas être fait, selon nous, à l'étape des
études universitaires...
M. Jolin-Barrette : Vous savez,
l'École du Barreau... En fait, on a entendu le Barreau tout à l'heure, avant
vous, les premiers intervenants ce matin, et le bâtonnier nous demandait de
modifier la réglementation, justement, parce que l'École du Barreau veut avoir
un changement de son mode de fonctionnement. Ce ne sera plus des cours magistraux, mais ils veulent avoir une approche de
clinique universitaire... de clinique juridique, pendant les 16 semaines de formation, sous réserve
d'avoir passé l'examen de déontologie et sous réserve d'avoir passé un
examen écrit mais au tout début, là.
Donc, généralement, là, exemple, là, pour les
étudiants en droit, cette année, qui seraient en troisième année, là, ils
commenceraient leur session d'hiver en 2021 puis ils rentreraient au Barreau au
mois d'août, donc ils termineraient au mois de mai, juin, cette année, à la
faculté de droit, rentreraient au mois d'août. Dans la proposition du Barreau, pour maintenant, l'École du Barreau, ça va être
une clinique juridique à partir du mois d'août ou septembre 2021. Bon,
ça viendra, on le verra.
Là, moi, je me dis : Écoutez, oui, bien sûr,
il y a l'examen de déontologie, mais l'étudiant qui est en droit, dans sa
troisième année, là, qui a un parcours, là, qui est avec sérieux, qui est
supervisé par l'université, lui, il va être capable, sous la supervision de
l'avocat ou le notaire, de faire en sorte de donner un conseil ou un avis
juridique et il va aller se valider aussi avec l'avocat qui est avec lui. Ça ne
sera pas différent que lorsqu'on est stagiaire en droit, malgré que le
stagiaire a davantage de latitude, là.
Mais je me dis, lorsqu'on regarde d'autres
professions, là, que ce soient les dentistes, les opticiens, les chiro, eux
aussi, là, ils font des actes réservés, mais c'est encadré. C'est encadré dans
les cliniques juridiques... dans les cliniques universitaires. Alors, je me
dis, je comprends la protection du public, mais le Barreau nous a quand même dit tout
à l'heure qu'il était à l'aise avec
ça puis qu'il allait être en mesure d'encadrer. Alors, je comprends que
l'association souhaite encore plus la protection du public que l'ordre
professionnel qui est chargé d'appliquer la loi.
Mme Larose (Catia) : Je vous
répondrai qu'on a eu l'opportunité de vérifier, effectivement, et de valider que les autres ordres professionnels ont des
dispositions qui s'apparentent à celle qui est dans le projet de loi n° 75 pour permettre à des étudiants, sous
supervision étroite, de poser certains gestes à l'étape de l'université. Je
vous dirais que quand... lorsque l'on regarde les ordres en question, on voit
que, par exemple, il y a des cliniques dentaires, à l'université, où les
étudiants peuvent poser certains actes sur des patients, mais le dentiste est
derrière lui, dans la mesure où il pose un geste qui peut être immédiatement
arrêté pour éviter... (panne de son) ...mot «dommage», là, mais que... oui, que
le dommage soit fait.
Quand on offre une opinion juridique, je réitère
qu'on donne une photo d'un moment présent, en laissant sous-entendre au
justiciable que c'est la solution à son problème, et lui, il part avec ça. Et
celui qui donne le service, dans ce cas-ci
l'étudiant sous supervision ou supervisé par un avocat, perd le suivi ou la
suite des choses. Or, ce n'est pas un acte comme arranger une date, qui
se fait ponctuellement. La reconnaissance de ses droits, ça s'étend, là. Et au
fur et à mesure qu'on avance, celui qui part avec l'opinion juridique et qui
est laissé à lui-même n'a plus l'encadrement d'un juriste ou d'un étudiant pour
venir lui dire : Non, ça, il faut le faire, ça, il ne faut pas le faire;
si tu dis telle chose ou tu poses tel acte, tu vas nuire à ton dossier. Il est
laissé strictement à lui-même. Et c'est pour ça que l'on met de l'avant que la meilleure
façon d'offrir un service de qualité et efficace pour le justiciable, c'est par
le biais des services juridiques offerts par les avocats.
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le
Président, ça, je ne suis pas en désaccord avec vous que les gens devraient
consulter un professionnel. Mais ce qu'on fait, c'est qu'on élargit l'offre de
service. Et, avec égard, là, votre exemple sur le dentiste, je ne suis pas sûr
que les membres de l'Ordre des dentistes, ils diraient : C'est juste
arracher une dent, être dentiste. Puis il y a probablement des suivis aussi, lorsqu'on
est dentiste, aussi. Alors, tu sais, il faut faire attention dans les
comparaisons.
Partons du principe, là, où le gouvernement va
aller de l'avant avec le projet de loi puis qu'on va mettre de l'avant des
cliniques juridiques universitaires. Partons avec ce principe-là puis partons
du principe aussi où je vais être appuyé par les collègues des oppositions sur
certaines modalités, sous réserve de discuter du texte. Est-ce que votre association est complètement contre le principe, même si on met des balises
claires relativement à l'encadrement, à la responsabilité professionnelle, tout ça? Quelles seraient les pistes de
solution, si nous décidions de continuer d'aller de l'avant avec le projet
de loi, qui par ailleurs a reçu une bonne réception? Quelles seraient vos
suggestions pour améliorer le projet de loi pour être sûrs que les justiciables
bénéficient du meilleur encadrement possible, et des meilleurs services
possibles, et surtout de la meilleure protection possible?
Mme Larose (Catia) : Alors, pour
répondre à votre question, dans la mesure où, comme vous le dites, le gouvernement
entend aller de l'avant, nous pourrions... nous pouvons vivre avec le fait que
le Barreau, dans le cadre de la formation qui est offerte au Barreau, et qui
est obligatoire, et qui prévoit notamment la négociation, les conflits d'intérêts,
bon, le secret professionnel, toute cette formation-là sera donnée, nous
sommes déjà beaucoup plus confortables à ce que la
clinique se fasse à cette étape-là de la formation du jeune ou de l'étudiant.
Par ailleurs, le projet de loi, actuellement,
est muet sur à quelle étape de la formation universitaire on peut participer à
une clinique. On voit mal comment un étudiant en première année ou même en
deuxième année, qui n'a pas suivi... qui n'aurait même pas suivi le cours pour
lequel il aurait une opinion à donner, pourrait être amené à... Donc, il y
aurait probablement lieu de classifier ou de définir à quelle étape du cursus universitaire
il pourrait être ouvert à avoir... participer à la clinique.
Ensuite, au niveau de la supervision, la recommandation
que nous pourrions vous donner, c'est que l'avocat superviseur soit un avocat
praticien. Parce que, comme nous vous l'avons mentionné dans notre exposé,
au-delà du texte de loi de la jurisprudence, il y a la réalité de comment on
l'applique et quels sont les résultats dans la pratique. Et on se questionnerait
sur est-ce qu'un professeur de droit, avec toutes les connaissances juridiques
pointues et très poussées qu'il aurait, si on a un sujet qui est très pratique,
plus que théorique... s'il aurait la possibilité de donner le même encadrement
ou la même supervision de la même qualité.
M.
Jolin-Barrette : Parfait.
Bien, j'apprécie vos suggestions et vos commentaires, Me Larose. J'ai des
collègues qui veulent vous poser des questions. Puis je vous remercie pour
votre présence en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau,
s'il vous plaît.
• (16 h 40) •
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci,
M. le Président. Bonjour, Me Larose, merci de votre présentation.
Là, peut-être une petite question d'entrée de
jeu : Les cliniques juridiques, sous la forme actuelle, est-ce que vous
avez une opinion par rapport à cela? Est-ce que vous êtes en accord... des
cliniques juridiques sous la forme actuelle, avec les pouvoirs qui sont
dévolus?
Mme Larose
(Catia) : Les cliniques
juridiques qui donnent de l'information juridique supervisée,
absolument, nous en sommes, mais ça doit demeurer. C'est un bon apprentissage
pour les jeunes, pour les étudiants.
M.
Lévesque (Chapleau) : D'accord. Est-ce que... parce que, bon, je vous
entends surtout parler de l'opinion juridique,
qui semble être le noeud, là, ou du moins l'écueil, là, dans la situation.
Est-ce qu'il y aurait d'autres éléments qui pourraient être ajoutés
au-delà de l'information juridique? Parce que vous parlez beaucoup de
l'opinion. Est-ce que c'est... Disons, si l'opinion n'était pas là, est-ce
qu'il y aurait d'autres éléments que vous seriez à l'aise à ajouter pour les
jeunes... pour les étudiants, c'est-à-dire?
Mme Larose (Catia) : Bien, en fait,
à ma connaissance, quand le justiciable se présente, il veut être informé. Il veut être informé de ce que le droit prévoit et
de... Par exemple, s'il a une situation familiale particulière, et
prenons un exemple, comme, il prévoit se divorcer, il veut savoir qu'est-ce que
ça comprend, le patrimoine familial. Bien, on va l'informer de ce que ça
comprend, on va le référer à tous les organismes... (panne de son) ...qui
donnent davantage de ressources ou d'informations. Honnêtement, je ne vois pas
trop qu'est-ce qu'ils pourraient faire qui n'existe pas déjà par un service qui
est offert, ne serait-ce que par les centres de justice de proximité ou autres.
Ça existe...
M.
Lévesque (Chapleau) : Donc, vous n'ajouteriez rien, là, aux cliniques,
là, telles qu'elles sont, là, actuellement. C'est bien ça que je
comprends?
Mme Larose (Catia) : Exact.
M.
Lévesque (Chapleau) : O.K. Disons, là, vous avez sûrement eu
l'occasion d'entendre le Barreau et la Chambre des notaires, là, précédemment,
bon, ils sont prêts, bon, à discuter puis à trouver, là, un encadrement, là, tu
sais, pertinent. Est-ce que ça, ce n'est pas de nature à rassurer, justement,
ou à permettre, justement, qu'il y ait des cliniques juridiques avec davantage
d'actes pour les étudiants, si, justement, le Barreau et la Chambre des
notaires sont prêts, bon, à faire de l'encadrement et à s'assurer que la
réglementation soit suivie?
Mme Larose
(Catia) : Bien, c'est certain que, si le gouvernement va de l'avant,
il y a des questions qui vont se poser au niveau de l'assurance
professionnelle. Est-ce que c'est l'avocat superviseur qui sera... ce sera son
assurance professionnelle qui entrera... qui sera applicable? Au niveau de la
tenue de dossiers, quelle trace on aura de l'opinion qui a été donnée et
comment, au niveau de... Bon, tous ces éléments-là auxquels les avocats sont
soumis mais qui sont hautement pertinents, évidemment,
pour la protection du public, il va évidemment falloir que le Barreau se questionne,
comme il s'engage à le faire, d'ailleurs. Et on a bon espoir qu'il le fera dans
un encadrement approprié.
M. Lévesque
(Chapleau) : Donc, c'est de nature à rassurer. Je crois que, M. le
Président, ma collègue de Les Plaines aurait une petite question ou intervention,
si elle a...
Le
Président (M. Bachand) : En 35 secondes, Mme la députée.
Mme Lecours (Les
Plaines) : ...moi, je ne suis pas avocate, mais je suis universitaire.
J'aurais vraiment aimé avoir ce genre d'opportunité. C'est un commentaire que
je vais formuler. J'ai d'ailleurs consulté des étudiants en médecine, justement,
qui étaient dans des cliniques, je trouve ça intéressant. Mais je comprends
votre point de vue... en fait, dans l'encadrement, c'est ce que je comprends,
qu'il faudrait, du moins, revoir, aller un petit peu plus loin. C'est ce que je
comprends dans vos propos?
Mme Larose
(Catia) : Effectivement.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M.
le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M.
Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, Me Larose, de vous
souhaiter la bienvenue. Merci de participer à nos débats. Vous soulevez quand
même des points intéressants et importants. Autrement dit, c'est un drapeau
jaune, il faut faire attention. Puis vous faites référence à l'importance de
protéger le public, que le public ait une bonne information et qu'en ce sens-là
on crée plus de bien que de tort.
Peut-être, puis
j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que ça m'a permis... À vous écouter,
là, je suis retourné voir notre Code de déontologie des avocats, là, que comme
avocats, avec le ministre, on relie à tous les matins avant de partir
travailler. Et l'article 29, entre autres : «Avant d'accepter ou de
poursuivre un mandat, l'avocat tient compte des limites de sa compétence eu
égard au domaine de droit concerné ou à la nature des activités
professionnelles requises», et ainsi de suite, j'y vois là beaucoup de bons
enseignements qui, peut-être plus tôt que tard,
peut-être même à titre de préalable, je lance ça dans l'univers comme réflexion
et j'aimerais vous entendre là-dessus, il y aurait peut-être lieu...
Parce que de mémoire,
puis je parlais avec celle qui m'accompagne, de la recherche, on essaie de se
dire : Déontologie, ça arrive à quel niveau? Est-ce qu'on en fait au bac?
Est-ce que c'est... Et ça arrive, je pense, au niveau du Barreau, donc à la
quatrième année. Il y aurait peut-être lieu d'avoir, même si ce n'est pas un
trois crédits, même si ce n'est pas un 45 heures... d'avoir peut-être une
formation, peut-être, préalable, je lance ça encore une fois dans l'univers, pour que... ne serait-ce que la lecture
toute simple et la compréhension de ces exigences-là. Parce que, là,
oui, ce n'est plus de la théorie, là, on a une personne réelle devant nous,
puis c'est important.
Je prends juste cet
exemple-là de l'article 29 puis je fais écho de votre préoccupation. On ne
peut pas donner des conseils, si on n'est pas, évidemment, assuré qu'on a les
compétences pour le faire. Peut-être qu'il y aurait lieu, pour se réconforter
collectivement, d'aborder ces exigences déontologiques là avec les étudiants
avant qu'ils ne rencontrent... qu'ils soient
en contact avec, peut-être, les justiciables qui viendraient les voir, les
consulter lors des cliniques.
Mme Larose
(Catia) : Bien, je ne peux pas être en désaccord avec vous. Je vous
confirme qu'effectivement la portion déontologie est abordée uniquement à l'étape
de l'École du Barreau. Mais je vais me permettre d'aller peut-être un peu plus
loin en ce qui concerne cet article 29 là.
On a parlé tout à
l'heure de l'application des règles de déontologie, évidemment. Ce qu'on
pourrait proposer, c'est que l'avocat superviseur, évidemment, supervise des
consultations dans son domaine de compétence. Par exemple, moi, je pratique en litige immobilier. Si je lève la main pour
être l'avocat superviseur au sein d'une clinique juridique et que
quelqu'un se présente avec un problème en fiscalité ou en droit criminel, je
n'y connais absolument rien moi-même,
autre... (panne de son) ...probablement au même niveau, il faudrait que je sois
en mesure de m'assurer que l'étudiant
qui va répondre à ce citoyen-là ait un avocat superviseur qui connaît le
domaine de droit auquel il doit répondre.
Ça va un peu dans le
sens de l'article 19 du code de déontologie, parce que, là, on tombe vraiment
dans l'opinion, là. Si on était dans l'information, je pourrais probablement le
superviser. Si on est dans l'opinion, je ne me sentirais pas, moi, comme
avocat, en conformité avec mon code de déontologie et je ne rendrais pas
service à mon... ni à l'étudiant, encore moins au citoyen.
M.
Tanguay : Et peut-être qu'en jasant comme ça, Me Larose,
on se rend compte que, plus que quelques pages, plus que quelques minutes avant
qu'une étudiante ou un étudiant en droit ne s'assoie, justement, devant un
justiciable pour lui prodiguer des conseils, qu'il y ait peut-être une
formation spécifique, justement, entre autres, sur l'aspect déontologique, mais, entre autres, sur un autre aspect qui
n'est pas négligeable, que vous avez soulevé, c'est que...
Vous avez fait
référence à quelqu'un qui essaierait de trouver un remède à son mal de ventre
en un seul clic. Ça ne marche pas comme ça, évidemment. En droit aussi, il y a
des choses qu'on apprend, c'est que des solutions uniques puis des garanties,
il n'y en a pas. Puis pour avoir été avocat en litige commercial, lorsque le
client dit : Puis, finalement, est-ce qu'on va gagner?, on ne peut jamais
garantir, jamais garantir au client. On peut lui dire qu'on est confiant, on
est confiant que les faits étayent notre théorie de la cause puis on est
confiant qu'on a raison en droit, mais on finit toujours en disant : Vous
savez, la personne qui va siéger, l'homme ou la femme qui va être juge, c'est
un être humain, puis il va juger. On ne peut jamais garantir, jamais, jamais.
Et ça, c'est des
genres de... c'est des approches de la pratique qui s'apprennent, qui
s'enseignent, je crois. Alors, seriez-vous d'accord sur le fait que ça aussi,
ça pourrait avoir un effet bénéfique chez les étudiants, étudiantes, que de se
faire dire ça, qu'il n'y a jamais de garantie en droit, sauf à la lecture du
jugement de la Cour suprême, là, c'est une garantie, mais, à part de ça, il n'y
aura jamais de garantie et que ça s'acquiert, autrement dit, que cette
approche-là de la pratique, bien, ça s'acquiert?
Mme Larose
(Catia) : Bien, évidemment que c'est bénéfique qu'ils l'apprennent,
mais, à mon avis, est-ce que c'est absolument indispensable qu'ils l'apprennent
à l'étape de l'université? Ma réponse à ça, ce serait non. N'oublions pas qu'à la fin du Barreau on a six
mois de stage qui visent, justement, à mettre en application l'ensemble des notions qu'on a apprises, y compris la
déontologie et autres, et que c'est à ce moment-là qu'on réalise et qu'on
applique l'ensemble des données qu'on a eues. Alors, oui, c'est bénéfique.
Est-ce que c'est absolument nécessaire à cette étape-là? Moi, je vous soumets
respectueusement que non.
M. Tanguay :
Est-ce que... Il y a une chose que j'avais trouvée fantastique, puis c'était un
avocat... un associé de beaucoup, beaucoup d'années d'expérience qui faisait du
droit du travail. Puis moi, j'étais stagiaire, donc, on était un peu intimidés.
Aïe! c'est un associé, c'est un avocat, droit du travail, spécialiste en droit
du travail. Puis il m'avait dit une chose qui m'avait marqué, puis j'avais
dit : Il a bien raison.
Au-delà du fait que,
première des choses, il avait dit : Marc, tu es là pour donner ton
opinion, on veut avoir ton opinion, tu es ici parce qu'on croit en ton
jugement, puis la connaissance du droit, tu l'as, donc, tu es là, donne ton
opinion puis n'ait pas peur de donner ton opinion, c'est pour ça que tu es
là... Puis il m'avait dit une chose aussi... puis il dit : Marc, il faut
que tu réalises une chose, c'est qu'en sortant de l'université tu es plus
compétent que moi en droit de l'environnement, parce que tu as fait trois
heures là-dessus, peut-être; en droit criminel, moi, il dit : Je n'en ai
pas fait. Tu es plus compétent que moi en matière de faillites, parce que je
n'en ai pas fait. Moi, Marc, ça fait 25 ans que je fais du droit du
travail. Ça, le droit du travail, par contre, je suis spécialiste là-dedans.
Mais quand on sort de
l'université... Puis on disait ce matin qu'il n'y a pas... c'est rare, les
dossiers où c'est exclusivement l'article 141 de telle loi. Il y a des
fois... il va peut-être y avoir des éléments de faillite, des éléments de
succession, des éléments... Mais êtes-vous d'accord avec le fait qu'un étudiant
ou une étudiante, justement, qui touche à
tout n'est pas du tout spécialisé, mais a quand même une approche qui est très
complémentaire, intéressante?
Puis l'objectif de la
clinique, ça serait aussi de mettre à profit ces différentes connaissances là
en disant : Bien, vous savez, il y a peut-être un aspect de succession,
dont j'ai fait 45 heures de cours, et il y a peut-être un aspect de
faillite, loi fédérale, dont aussi j'ai fait 45 heures de cours. Et il y a
là, je dirais, une certaine expertise théorique qui est très enviable et que,
paradoxalement, c'est... Puis c'est vrai, on peut perdre après cinq ans,
10 ans, 25 ans d'une spécialisation dans un domaine de droit. Qu'en
pensez-vous?
• (16 h 50) •
Mme Larose
(Catia) : Je suis d'accord avec vous sur le premier aspect de votre
propos. Par ailleurs, je vous dirais qu'on peut atteindre le même objectif de
faire les liens entre les domaines de compétence en donnant de l'information.
Alors, si quelqu'un vient demander : Je veux partir une entreprise, bien,
on peut réfléchir avec le superviseur sur quels sont les domaines que ça va
toucher et quelles sont les lois qui pourraient être pertinentes et dont on va devoir tenir compte. On n'a pas besoin,
pour atteindre cet objectif-là, d'interconnectivité entre les domaines
de droit, de faire de l'opinion. On peut le faire avec de l'information aussi.
Et, quand on fait de l'opinion, puis, quant à moi, c'est aussi un des gros
défis, c'est de s'assurer qu'on a couvert les conséquences et tous les aspects
de la problématique, là, qui nous est soumise.
M. Tanguay :
D'où l'importance que vous soulignez d'avoir, justement, des superviseurs qui
soient rigoureux quant à cet aspect-là.
Donc, c'est un élément très important que je retiens, entre autres, de votre
témoignage aujourd'hui, là. Merci beaucoup, Me Larose.
Mme Larose
(Catia) : Merci à vous.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Merci beaucoup, M. le député.
Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon :
Oui, bonjour. Merci beaucoup de votre présentation. Je comprends d'où vous
venez avec les mises en garde que vous
faites. Je pense que c'est une bonne chose aussi d'être animé par la prudence
dans l'ouverture qui va possiblement être faite.
Je
voulais juste voir, vous qui n'avez pas une position, donc, favorable à
l'ouverture, donc, aux étudiants pour donner des avis juridiques, cette
mesure-là, objectivement, quand vous la regardez, est-ce que vous la voyez plus
comme une mesure de formation pour les étudiants ou plus une mesure
d'accessibilité à la justice?
Ce n'est pas une
question piège, là, je suis juste intéressée. Parce que, pour plusieurs, c'est
une mesure d'accessibilité à la justice, mais, depuis ce matin, le discours
qu'on entend, c'est bien davantage une question de formation des étudiants. Et
moi, j'arrivais peut-être avec une perspective différente ici, ça fait que je
suis curieuse de vous entendre sur ça.
Mme Larose
(Catia) : Bien, je vous dirais que, très clairement, pour les avocats
praticiens, cette mesure-là est une mesure de formation, parce que, pour nous,
l'accessibilité, en offrant le service d'un avocat à moindre coût, avec
l'existence de l'aide juridique, qui maintenant va faire en sorte... (panne de
son) ...au gouvernement, avec la réforme qui va être mise sur pied. Il y a
énormément de mesures qui sont mises en place par les avocats, notamment,
pour... Quelqu'un qui veut une opinion juridique d'un avocat à peu de frais va
le trouver sans problème.
Il existe des
services de référence partout à travers la province qui sont mis en place par
les barreaux, où on peut avoir une consultation à coût minime. Il y a les
jeunes barreaux qui font la même chose, il y a des cliniques juridiques
itinérantes, où on passe une fin de semaine, des avocats, bénévolement, qui
donnent des consultations. Ça existe, c'est mis sur pied, c'est utilisé. On ne
le voit pas, nous, comme un exercice d'accessibilité, on le voit vraiment comme
étant un plus pour les étudiants. Et de là les commentaires que nous formulons,
que c'est une mise en garde et que ça peut, à la limite, encourager les gens à
partir seuls, et aller continuer la traversée du désert, et se présenter seuls
devant le tribunal, alors que ce qu'on cherche à éviter, justement, comme
mesure d'accessibilité et d'efficacité, c'est qu'ils soient accompagnés et bien
guidés.
Mme Hivon :
O.K. Et puis... Merci beaucoup. Puis, pour ce qui est de l'encadrement, là, qui
est une de vos préoccupations aussi, je voulais savoir, en matière, évidemment,
d'encadrement professionnel, c'est beaucoup par voie réglementaire qu'on vient
préciser les choses. Est-ce que vous seriez rassurés s'il y avait quelques principes
un peu plus définis dans la loi, en partant, pour l'aspect de l'encadrement ou
ça ne vous apparaîtrait pas, de toute façon, une condition qui pourrait vous
rendre un petit peu plus rassurés par rapport à cette ouverture-là?
Mme Larose
(Catia) : Bien, écoutez, moi... nous, on prend pour acquis que, dans
la mesure où il y a une disposition qui prévoit que le Barreau va évaluer l'encadrement
qui sera requis en tenant compte des obligations professionnelles
déontologiques, notamment, d'assurances et autres, je dois vous dire qu'on sait
que le Barreau a déjà commencé ou a mis sur pied un comité pour s'y attarder.
On a confiance qu'ils vont le faire avec rigueur sur cet aspect-là, puisque
c'est leur mission, qui est la protection du public. On ne requiert pas nécessairement
que la loi elle-même soit détaillée ou précise à cet effet-là.
Le
Président (M. Bachand) : Sur ce, Me Larose, merci beaucoup
d'avoir été avec nous cet après-midi. Ça a été plus qu'intéressant. Merci
beaucoup.
Sur ce, je suspends
les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 56)
(Reprise à 17 h 01)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir
d'accueillir Me Stéphanie Côté, présidente de l'Association des avocats et
avocates de province. Me Côté, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
Alors, vous avez 10 minutes de présentation, comme vous savez. Après ça,
on aura un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à
vous.
Association des avocats et
avocates de province (AAP)
Mme Côté (Stéphanie) : Merci, M.
le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre de la Justice, Mmes et MM. les députés, je me présente,
je suis Stéphanie Côté. J'exerce en pratique privée dans la région de Sherbrooke.
Je m'adresse à vous à titre de présidente de l'Association des avocats et
avocates de province, et vous me permettrez, après, d'appeler, mon association
l'AAP.
L'AAP tient à
remercier la Commission des institutions de l'avoir consultée et de lui
permettre d'exprimer sa position relativement au projet de loi n° 75 visant
à améliorer l'accessibilité et l'efficacité de la justice. Je profite de
l'occasion pour souligner que l'AAP représente tous les avocats et avocates en
pratique exerçant leur fonction dans chacune des régions du Québec, à
l'exception de Montréal, Québec et l'Outaouais.
Nos représentations
aujourd'hui se limiteront aux modifications proposées à la Loi sur le Barreau.
L'AAP émet une certaine réserve concernant ce projet de loi. En effet, nous
croyons qu'encore une fois notre profession soit dévaluée. Nous avons de la
difficulté à concevoir comment des consultations et des avis juridiques
réalisés par des étudiants au baccalauréat amélioreront l'accès à la justice.
D'autre part, est-ce que le justiciable sera
pleinement informé lors d'une consultation? Il est en droit de recevoir des
conseils juridiques répondant à son besoin. Ne recevra-t-il pas plutôt qu'une
parcelle des réponses à ses questions? Nous savons pertinemment que toutes les universités offrant
une formation en droit dispensent d'excellents programmes avec des
professeurs et des chargés de cours de haut niveau. Par contre, un étudiant de
dernière année ne détient pas toutes les
connaissances et habilités d'un jeune diplômé ayant terminé l'école de
formation du Barreau, ainsi que son stage. Nous voulons éviter que les
consultations et avis juridiques donnés par les étudiants soient de moindre
qualité et minent la qualité de notre profession.
Nous sommes convaincus que ce genre de service
serait beaucoup plus structurant s'il était encadré dans la formation des étudiants, les préparant ainsi à la
réalité de la pratique. L'objectif même du p.l. n° 75
visant un meilleur accès à la justice sera-t-il atteint? Nous en
doutons.
Pour que de
telles consultations soient une réussite pour le justiciable, nous
croyons que des balises importantes doivent être mises en place. À cet
effet, nous proposons que ces consultations soient tenues exclusivement par des
étudiants de dernière année, voire de dernière session, qu'elles portent sur
des sujets précis et limités, sous une étroite et constante supervision de
membres en règle du Barreau du Québec, et que l'étudiant ait eu une formation
minimale en déontologie avant de pouvoir faire ces cliniques.
En conséquence, l'AAP propose une modification à
l'article 3 du projet de loi n° 75. On y lit au 128.1 : «Un étudiant peut donner des consultations et avis d'ordre juridique pour le compte d'autrui s'il respecte les
conditions suivantes :
«1° il est inscrit à un programme d'études dont
le diplôme donne ouverture au permis délivré par le Barreau ou à un programme
de formation professionnelle dispensé par une école de formation
professionnelle fondée en application du sous-paragraphe b du
paragraphe 2° de l'article 15;».
L'AAP propose de rajouter «et il a complété
minimalement les deux tiers de son programme avec succès».
Par supervision étroite et constante, nous
entendons que le membre du Barreau du Québec qui sera rémunéré assiste à la
consultation entre l'étudiant et le justiciable et autorise ensuite le projet
d'opinion juridique préparé par l'étudiant, et ce, avant que le justiciable en
prenne connaissance. Nous nous attendons aussi qu'il y ait une tenue de dossier
conforme aux règles édictées par le Barreau du Québec et que l'assurance
responsabilité soit couverte par la faculté de droit qui offrira lesdites
consultations.
En terminant, je tiens à vous remercier en mon
nom personnel et au nom des 6 731 avocats et avocates membres de
l'AAP de votre écoute dans le cadre des représentations relatives au projet de
loi n° 75.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Côté. En passant, l'Estrie,
c'est une très belle région. D'ailleurs, j'y habite et je suis très content.
Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Côté, merci de participer aux travaux de la commission.
Je dois cautionner les propos du président. Effectivement, il s'agit d'une très
belle région dans laquelle j'ai étudié au grand plaisir de M. le président.
Donc, Me Côté, je comprends que... Bien,
dans un premier temps, je souhaite vous dire que le projet de loi vise vraiment
l'accessibilité et l'efficacité au système de justice. Et donc, en aucun temps,
l'objectif est de porter atteinte à la crédibilité de la profession d'avocat ou
de notaire. J'en suis moi-même membre, du Barreau. Je souhaite vous rassurer à
ce niveau-là.
Pour ce qui est des modalités d'application,
j'imagine que vous n'avez pas d'objection à ce que les cliniques juridiques...
vous nous recommandez qu'elles soient encadrées par un avocat en exercice. Vous
n'avez pas d'objection à ce qu'elles soient encadrées par un notaire en
exercice aussi?
Mme Côté
(Stéphanie) : Exact. Tu sais, bien, bien sûr, si c'est quelque
chose qui concerne les notaires, bien sûr, effectivement.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, au niveau d'un avis juridique ou un
conseil juridique, un notaire peut très bien...
Mme Côté
(Stéphanie) : Oui, exact.
M. Jolin-Barrette : ...dispose
des mêmes actes prévus à la Loi sur le notariat que les membres du Barreau.
Sur la question, là, de l'accès à la justice,
vous ne trouvez pas que le fait d'avoir des cliniques juridiques
universitaires, ça va permettre à certains citoyens d'aller chercher certains
avis, certains conseils juridiques à faible coût ou gratuitement, qu'ils n'auraient
pas été chercher chez un avocat ou chez un notaire?
Mme Côté
(Stéphanie) : Bon, deux choses là-dedans. Je pense que... où on
met une balise, effectivement, nous croyons
que les étudiants en dernière année ne sont pas... elle n'est pas complétée,
leur formation, effectivement. Et donc la personne qui va rechercher un
avis ou une opinion juridique s'attend à avoir un conseil d'un praticien qui a
terminé. Ça, c'est notre première position.
Deuxièmement, on se rappelle qu'il y a des
cliniques juridiques qui existent déjà et qu'il y a quand même plusieurs
ressources qui existent présentement pour avoir des faibles coûts, dont l'aide
juridique.
Et je me permettrais de vous dire que nous, en
région, ce n'est pas pareil comme à Montréal et à Québec. Vous n'êtes pas sans
savoir qu'il y a d'excellents praticiens qui n'ont pas les mêmes taux horaires
qu'à Montréal et à Québec et qu'effectivement ils puissent avoir des avis
juridiques ou des opinions juridiques à moindre coût.
Parce
qu'il ne faut pas oublier aussi que, pour l'AAP, présentement, il y a seulement
l'Université de Sherbrooke qui a une université. Les autres régions n'en
ont pas autour d'elles. Alors, c'est un peu un questionnement. On comprend que ça serait fait par visio. La personne qui rencontrerait
l'étudiant, j'imagine, ça serait... ça, c'est ce qu'on pense, que ça serait
fait par visio parce que, sinon, ça s'appliquerait juste à Sherbrooke. Tu sais,
par exemple, en Abitibi, à Rouyn-Noranda, en Gaspésie—Les-Îles, il n'y a pas
d'université. Donc, tu sais, dans ce cas-là... ça aussi, c'est plus un peu
problématique parce que la personne qui va... ne rencontrera pas une personne,
l'étudiant, effectivement, là, qui pourrait faire ces avis et/ou opinions-là.
M. Jolin-Barrette :
Je comprends. Mais actuellement, est-ce que les membres du Barreau ou les
membres de la Chambre des notaires font des consultations par visio? Je crois
que oui... ou font des actes juridiques en visio actuellement, donc, dans
certaines situations. Même pour les tribunaux, on a ouvert des salles de cour
virtuelles ou semi-virtuelles aussi. Donc, je comprends, mais on est dans une situation
de pandémie où les gens ont besoin d'être renseignés également.
Bon, relativement au
fait que ça prend un encadrement, j'en suis. Dans le projet de loi, ce qu'on
vient faire, c'est mettre le cadre. On vient mettre le cadre et, par la suite,
on dit aux ordres professionnels : Bien, voici, le cadre est le suivant, et, dans les six prochains mois,
vous allez devoir adopter un règlement pour faire en sorte que...
d'établir les balises, les paramètres de la
clinique juridique, notamment en lien avec la responsabilité professionnelle,
notamment avec le niveau de supervision. Donc, tout ça, ça va être
véritablement encadré pour assurer la protection du public. Et est-ce que, si
je vous dis ça, ça vous rassure?
• (17 h 10) •
Mme
Côté (Stéphanie) : Oui, ça nous rassure. Mais je sais qu'on en
a parlé tantôt, à une question d'un de vos collègues concernant la déonto, et
ça, c'est superimportant pour nous, parce qu'avant le Barreau il n'y en a pas
nécessairement, et ça prendrait vraiment que l'étudiant en question ait suivi
une formation minimale, là, concernant la déonto avant de pouvoir se rendre,
là, à pouvoir donner même une consultation, avis juridique. Pour nous, c'est important
et c'est primordial.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Est-ce que vous considérez que, dans les autres juridictions
canadiennes, où est-ce qu'ils permettent même la représentation des
justiciables devant les tribunaux par des étudiants en droit, les justiciables
des autres provinces canadiennes sont mal protégées? Parce que, dans le fond,
là, nous, au Québec, là, on est les moins
avancés au niveau des cliniques juridiques universitaires. Puis, à ma
connaissance, il n'y a pas énormément de difficultés dans les autres
juridictions canadiennes relativement à cela.
Donc, je me dis, si
on veut s'assurer de l'accessibilité des citoyens à la justice, ou d'être mieux
informés sur leurs droits, ou d'avoir davantage
d'outils, d'être mieux conseillés, c'est une mesure qui m'apparaît vraiment
favorable pour les justiciables québécois,
surtout si, dans les autres provinces, les citoyens canadiens ont accès à ce
genre de service.
Mme
Côté (Stéphanie) : En fait, je ne peux pas vous dire parce que
je ne connais pas la réalité ou le taux de réussite dans les autres provinces.
Par contre, le début de votre commentaire disait que, dans les autres
provinces, les étudiants allaient même faire des représentations devant les
tribunaux. Je comprends que nous, au Québec, on n'a pas l'intention de se
rendre là?
M.
Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas prévu. Est-ce que vous nous invitez
à le faire?
Mme
Côté (Stéphanie) : Bien non.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Donc, nous, on est vraiment sur l'avis et le
conseil juridique pour les étudiants, et ce qui concerne les modalités, à
savoir après combien de cours les étudiants en droit pourront le faire. Je
pense qu'il doit y avoir une discussion entre les facultés de droit et entre, également,
les ordres professionnels, avec le Barreau et la Chambre des notaires, et c'est
ce que le projet de loi nous... invite les parties, les différentes parties à
faire, avoir une discussion entre elles pour faire en sorte qu'on puisse
établir clairement les balises et les modalités d'une clinique juridique universitaire
pour s'assurer de la protection du public.
Est-ce que
vous avez d'autres commentaires par
rapport au projet de loi ou sur des éléments que vous souhaitez nous sensibiliser?
Mme
Côté (Stéphanie) : Je pense que notre texte a été assez clair
et puis le... Oui, un dernier point. C'est que, si jamais il y avait un avis ou
une consultation, et que, suite à ça, le justiciable demandait une deuxième
rencontre ou consultation, on privilégierait que ça soit le même avocat et le
même étudiant qui rencontrent, bien sûr, le justiciable pour la deuxième
consultation, si la deuxième consultation était nécessaire, pour être sûr, là,
d'avoir un bon suivi, comme ça serait le cas, là, dans un bureau.
M.
Jolin-Barrette : Puis vous êtes d'accord avec moi que, dans plusieurs
autres professions au Québec qui sont encadrées, on permet des cliniques
universitaires dans différents domaines.
Mme
Côté (Stéphanie) : C'est ça, on est d'accord avec vous. Mais,
comme on disait tantôt, ces cliniques-là, dans
d'autres domaines, sont encadrées par des professionnels, et très encadrées,
très structurées. C'est ce qu'on demande, nous autres, nous aussi.
M.
Jolin-Barrette : Et c'est mon souhait aussi que ça soit encadré. C'est
pour ça qu'on a mis la dérogation des cliniques juridiques universitaires et
que les ordres professionnels devront déterminer l'encadrement associé à ça,
mais le tout à l'intérieur de six mois, parce que je considère que c'est un
outil très important pour l'accessibilité à la justice pour faire en sorte que
les citoyens puissent être mieux renseignés sur leurs droits.
Alors, Me Côté, je vous remercie grandement de
l'échange que nous avons eu. Je sais que j'ai des collègues qui souhaitent
poser quelques questions. Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Les Plaines s'il vous
plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup, M. le Président. Écoutez, je vais revenir sur l'aspect de l'accessibilité et je vais vous demander... Pour
les gens... on appelle les «judiciables», là, je comprends votre... le
langage... Donc, pour le judiciable qui arrive et qui... vous avez compris
que je ne suis pas avocate, et qui arrive, et qui veut avoir un avis, bon, dans
une clinique, donc, je me mets à sa place, et ça peut être intéressant aussi
d'avoir quelqu'un qui est en apprentissage.
Pour le judiciable, ça peut être également une
façon d'être un peu plus, je veux dire, relax face à la situation. On n'est pas
tout de suite devant un avocat qui peut paraître aussi imposant. Ça peut rendre
un peu les gens inconfortables même si
c'est l'avocat qui est vraiment... qui est le professionnel. Donc, de ce côté-là, est-ce que... et je reviens au mot «accessibilité», est-ce
que vous le voyez de façon positive?
Mme Côté
(Stéphanie) : En fait, nous, notre point de vue par rapport à
ça, c'est... ou notre questionnement ou notre crainte, c'est que le justiciable
qui va arriver et qui va vers un étudiant va s'attendre à avoir un niveau de réponse ou de connaissance équivalent à un avocat... et qui va arriver en se
disant : Bien, nous, on va voir un professionnel. Bien sûr que l'étudiant de troisième ou de
deuxième — nous, on
espère fortement que ça va être minimalement troisième année — n'a
pas la même connaissance, la même fiabilité et tout ça que le praticien ou
l'avocat membre du Barreau.
Alors, nous, ce qu'on se demande, c'est :
Est-ce que ça va vraiment favoriser l'accessibilité à la justice? Parce que la personne qui va y aller, le
justiciable va s'attendre à avoir des réponses du professionnel, même si c'est
juste un étudiant. Nous, c'est notre point de vue et c'est là qu'on voit un peu
le danger.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Je comprends très bien votre point de vue. Donc, c'est
vraiment dans l'encadrement. Vos
prédécesseurs en parlaient aussi beaucoup. Par ailleurs, quand on fréquente une
clinique juridique universitaire, on comprend qu'on n'est pas dans un
cabinet d'avocat. Donc, au départ, il y a quand même la notion de... et je
trouve ça intéressant. D'ailleurs, il y a des cliniques juridiques qui existent
pour de l'information juridique. C'est beaucoup mieux d'aller soit là pour avoir un avis, soit dans une clinique
universitaire, que d'aller sur Internet faire son propre avis.
Mme Côté
(Stéphanie) : Ça, c'est sûr, surtout si l'étudiant est toujours
accompagné d'un avocat. Alors, bien sûr, ça, c'est bien mieux ou, à la limite
même, qu'il soit représenté seul, bien sûr.
Mme Lecours (Les Plaines) :
O.K. Parfait. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Bachand) : Le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, Me Côté, de prendre le temps de
venir jaser de ça avec nous, plus que jaser, de réfléchir puis de soulever des
points. Puis je dois vous dire que vous avez soulevé un point excessivement
pertinent lorsque vous nous avez soulevé que, si d'aventure, ça ne se
développait qu'auprès des facultés de droit au Québec... bien, en région, je
veux dire, on aurait Sherbrooke, parce que vous avez l'Université de Montréal, vous avez l'Université McGill, vous avez l'Université
d'Ottawa, bon, vous avez l'UQAM. Donc, Montréal,
McGill, UQAM sur l'île de Montréal, vous avez Laval, puis vous avez, si j'exclus Ottawa, vous avez
Sherbrooke.
Donc, lorsqu'on dit qu'il s'agit d'un outil pour
permettre aux citoyens, aux citoyennes d'avoir un accès plus grand à des
conseils juridiques, bien, il y aurait lieu de se questionner sur comment nous
pourrions, que ce soit par visioconférence ou autre, comment on pourrait
élargir ça aux gens de Rimouski, par exemple, parce qu'eux aussi auraient le
droit d'avoir de tels...
Mais là il s'agit évidemment, puis je ne veux
pas rentrer avec vous dans une logistique, mais il y a là une préoccupation
excessivement importante à laquelle vous avez fait référence, là.
Mme Côté (Stéphanie) :
Exact, M. le député, et je vous dirais que nous, la seule université qui nous
touche, c'est vraiment Sherbrooke, parce
qu'Ottawa, l'Outaouais ne fait partie de l'AAP depuis quatre ans. Alors,
la seule université qui nous touche, nous, c'est Sherbrooke.
Donc, effectivement, comme des collègues à moi,
Me Tremblay, par exemple, du Saguenay nous disait : Nous, en région,
on fait quoi? Alors, effectivement, à part nous, Sherbrooke, il n'y a pas
d'autre région, et c'est pour ça qu'on a soulevé ce point-là. Si c'est développé,
alors tout le monde au Québec, tous les justiciables au Québec devraient
pouvoir y avoir accès. Il va falloir penser à cette façon de faire là, bien
sûr.
M. Tanguay :
Très intéressant, très intéressant. Vous avez mis la barre, donc, dans l'amendement
que vous proposez à 128.1, deux tiers du programme complété avec succès. Deux
tiers, donc deux ans sur trois, pour vous, ça, c'est
important. Par contre, je revire l'argument de bord, donc, deux ans, pour vous,
ce serait suffisant pour avoir un minimum de compétence, selon vous, pour
pouvoir prodiguer des conseils juridiques?
Mme
Côté (Stéphanie) : Bien, en fait, nous, si on comprend que
c'est un projet de loi qui va de l'avant et, donc,
on favorise les étudiants dans cette façon de faire là, nous, on considère
qu'avant la troisième année... et comme vous avant, dans mon texte, je dis même : Si ça peut être la
dernière session, c'est ce qui serait privilégié. Maintenant, on
voudrait qu'il y ait un amendement, même, dans le texte même de loi, pour le
dire aux deux tiers.
Mais avant, quand
j'avais lu, j'avais dit qu'effectivement, à cet effet, nous proposons que cette
consultation soit tenue exclusivement par des étudiants de dernière année,
voire de dernière session. C'est ce qu'on avait proposé.
• (17 h 20) •
M.
Tanguay : Et vous aviez soulevé l'importance, donc, d'avoir une
étroite supervision. Donc, vous proposiez même, donc... mais je ne pense
pas que vous proposez de le mettre dans le projet de loi, dans la loi, mais, le
cas échéant, de faire écho dans un règlement, mais corrigez-moi si j'ai tort,
ou si vous le vouliez également dans la loi, qu'il y ait possibilité d'avoir,
donc, une supervision étroite.
Puis vous
disiez : première rencontre soit avec supervision puis, par la suite,
réflexion avant de communiquer une opinion, réflexion à l'interne peut-être
entre l'avocat ou l'avocate qui supervise et l'étudiant, d'une réflexion en
commun puis, après ça, go, vas-y, je pense qu'avec tous les caveats... puis ça,
c'est toujours important, ça revient, hein? C'est comme vous le dites, on avait
la même conversation un peu plus tôt avec Me Larose, je ne sais pas si
vous avez entendu, mais avec des caveats importants à communiquer à la
citoyenne ou au citoyen, de dire : Bien, écoutez, je suis au meilleur de
ma connaissance, je suis étudiant en droit. En droit, il n'y a pas de
certitude, mais votre cas semble toucher ça, ça, ça, et voici comment le droit
peut s'appliquer puis voici quelles sont vos options, mais en soulignant le
fait qu'il n'y a pas de réponse finale et absolue en droit, c'est une
réflexion, et que le dossier peut évoluer dans le temps et selon les faits
aussi qui sont portés à notre connaissance.
Donc, supervision...
je reviens à mon point, supervision étroite, sans le mettre dans la loi, mais
que ça se reflète dans le règlement?
Mme
Côté (Stéphanie) : ...minimalement dans le règlement. Et, comme
vous avez dit aussi après, nous croyons qu'il serait important que l'avocat qui
assistait l'étudiant approuve l'avis ou l'opinion juridique avant que le
justiciable en prenne connaissance et ça lui soit livré.
M. Tanguay :
C'est bon. Et on nous a suggéré d'avoir comme supervision des avocats, avocates
de 10 ans ou plus de pratique. Vous, est-ce que vous avez une réflexion
là-dessus, sur la qualité minimale que devrait avoir une personne? Parce que je
ne pense pas qu'on puisse superviser... Bien, peut-être, vous allez me le dire.
Première année, fraîchement sorti du stage, reçu... inscrit au tableau de
l'ordre, est-ce qu'on pourrait être superviseur, selon vous?
Mme
Côté (Stéphanie) : Je pense que pas en
sortant... je ne pense pas qu'en sortant du bac, non. Est-ce qu'il faut
10 ans? Je pense que 10 ans, il faut être juge, là. Il faut
10 ans pour être juge, on peut sûrement aider avant 10 ans, sinon ça
ferait quasiment peur. Mais je pense que moi, à cinq ans, ça serait suffisant,
amplement suffisant.
M. Tanguay :
O.K. Et j'aimerais savoir, puis c'est important... l'association, vous dites
représenter, donc, 6 731 avocats
et avocates, excluant Montréal, Québec et Outaouais. Donc, ça, ça fait partie,
j'imagine, des discussions, évidemment, ce que vous nous livrez là,
c'est le fruit de votre réflexion en commun. Vous devez avoir beaucoup de
commentaires. C'est reçu, perçu comment, ça? Je n'irais pas jusqu'à dire comme
étant de la compétition comme telle, parce qu'on veut un accès à la justice. Mais
c'est reçu comment si vous aviez, peut-être, à nous traduire en vos propres
mots ce qui se dit, là, au sein de votre association par rapport à ça, ce qui
s'en vient? Puis je pense que vous avez toute la lucidité de dire : Bien,
écoutez, ça s'en vient, alors on va faire avec. Mais si vous aviez à traduire
la nature des conversations que vous avez à l'interne, que diriez-vous?
Mme
Côté (Stéphanie) : Je vais être honnête avec vous, on a reçu
l'invitation il y a 10 jours. J'ai été très chanceuse, mon conseil
d'administration était prêt à faire une réunion tout de suite, le lundi
suivant, et on a passé... Le mot que je vous ai lu aujourd'hui a été approuvé
par tout le monde du conseil d'administration, et donc ça reflète nos régions
au complet.
Maintenant, nous, ce
qu'on croit vraiment, c'est que ça devrait vraiment être dans le cadre de la
formation de l'étudiant. Mais ce qui a été lu aujourd'hui est conforme à tout
l'accord des membres du conseil d'administration de l'AAP, et ça, on en est
excessivement fiers.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, Me Côté, d'avoir pris le temps de discuter avec nous
après-midi. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon :
Oui, bonjour. Merci beaucoup. Je trouve que vous avez une position très sensée
et très équilibrée, puis vous, vous auriez pu effectivement dire : Pour
nous, il y a des enjeux importants, puis prendre une position de fin de
non-recevoir, puis vous avez une belle ouverture, donc je trouve ça très
intéressant.
Et surtout, je voulais parler avec vous de la
question, justement, des régions versus des villes centres. Je pense, moi, que
c'est un réel enjeu et c'est une des raisons pour lesquelles je pense qu'on ne
peut pas exclure les cliniques
juridiques communautaires, parce que, si on se limite aux cliniques
universitaires, ça veut dire que, qu'importe le développement de la justice communautaire, dans l'avenir, on serait
limités aux seuls endroits où il y a des facultés de droit.
Puis je ne pense pas qu'à court terme elles vont se multiplier, alors que des
cliniques juridiques communautaires pourraient naître dans différentes
régions du Québec.
Donc, j'avais
deux questions par rapport à ça. J'aurais beaucoup aimé qu'on puisse entendre
des représentants de ces cliniques-là, mais malheureusement, le ministre
a refusé. Donc, je la pose à vous. Est-ce qu'en région il y a des cliniques juridiques
communautaires, un peu comme on voit à Montréal, là, clinique juridique du
Mile-End, ou Juripop, ou de ces initiatives-là? Et l'autre question, c'est par
rapport aux centres de justice de proximité qui, eux, sont présents dans
certaines régions du Québec, mais qui n'ont pas cette faculté de donner des
avis juridiques. Est-ce qu'on devrait, puisqu'on parle d'accessibilité à la
justice, réfléchir aussi à un rôle accru, à cet égard-là, des centres de
justice de proximité qui sont présents dans les régions?
Mme Côté
(Stéphanie) : Bon, pour la première question, les centres
communautaires, à ma connaissance, non. Et
j'ai la chance d'être accompagnée, là, de la directrice générale de l'AAP et je
lui ai fait un point d'interrogation. Elle m'a confirmé que non. Alors,
il n'y a pas, en région, des centres communautaires juridiques.
Maintenant, pour ce qui est des cliniques
juridiques, c'est sûr que les régions ne doivent pas être bafouées dans le
processus d'accessibilité à la justice. C'est sûr qu'il y a d'autres programmes
qui vont se développer aussi, comme la réforme de l'aide juridique, tout ça,
là, qui vont aider certaines régions. Ça, c'est un autre débat, là. Si on était
pris... on ira aussi, mais je pense que les centres de justice de proximité, effectivement,
ça serait... Les régions où qu'il y en a, nous sommes impliqués, là, dans ces
centres de justice de proximité là.
Mme Hivon :
Donc, on pourrait imaginer un rôle accru de ces centres de justice là qui
donneraient vraiment des avis juridiques pour une meilleure
accessibilité à la justice, et ce qui ferait aussi l'affaire, possiblement, des
régions.
Mme Côté
(Stéphanie) : Oui. Bien là,
je comprends que, dans ce cas-là, comme il n'y a pas de faculté de
droit, ça serait fait par des avocats. C'est
ça? Oui. Effectivement, ça, on pense que ça pourrait être intéressant
effectivement.
Mme Hivon :
Est-ce qu'il me reste du temps?
Une voix : ...
Mme
Hivon : O.K.
Super. L'autre chose... En fait, j'aurais pu poser la question à beaucoup d'autres
groupes. Vous avez décidé d'aborder uniquement cette question-là, qui est très
importante, mais le projet de loi aborde énormément d'autres enjeux.
Est-ce que la raison pour laquelle vous ne les
abordez pas, c'est par manque de temps, donc vous êtes allé par priorités, ou
c'est parce que l'ensemble de ce qui est proposé fait l'affaire de votre
association?
Mme Côté (Stéphanie) :
Je pense qu'officiellement c'est par manque de temps. Un, on avait
10 minutes pour se présenter... faire la présentation, mais c'est quand
même très bien de nous avoir invités.
Une autre chose, comme j'ai dit tantôt, on a été
invité vendredi il y a 10 jours. Alors, moi, je suis praticienne, là, je
fais du droit de la jeunesse exclusivement sur le terrain, alors on a eu le temps
de se préparer. Mais juste faire ce texte-là à vous présenter, le temps que ça
passe avec tous nos membres du C.A., on voulait faire un discours de qualité.
Alors, on s'est référé sur le point, pour nous, qui était le plus sensible pour
l'instant, mais on voulait donner quelque chose de qualité à la commission.
Alors, c'est pour ça qu'on s'est limité à ça.
Mme
Hivon : Ça ne veut
pas dire... on ne doit pas présumer que vous êtes nécessairement d'accord, sans
aucune nuance, avec tout le reste, mais vous avez focussé sur le point qui vous
apparaissait le plus important. Et d'ailleurs, j'aimerais beaucoup... parce que
vous avez donné des détails sur l'encadrement que vous souhaitiez, que vous puissiez envoyer votre présentation écrite au
secrétariat de la commission. Ça va nous être utile dans l'étude
détaillée.
Mme Côté (Stéphanie) :
Je vais le faire. Effectivement, c'est qu'on était encore ce matin à corriger
certaines coquilles. On voulait l'envoyer...
très bien, parfait. Alors, ce sera envoyé avec notre plus grand plaisir. Merci
beaucoup.
Mme
Hivon : Merci à
vous.
Mme Côté (Stéphanie) :
Merci, Mme la députée.
Le Président (M.
Bachand) : Me Côté, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi.
Donc, on va attendre votre document avec immensément de plaisir.
Sur ce, la
commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi 25 novembre, après
les affaires courantes. Merci encore.
(Fin de la séance à 17 h 29)