(Neuf
heures cinquante-cinq minutes)
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, bon matin. Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande, bien sûr, à toutes les
personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de procéder à des auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 45, Loi concernant principalement la nomination et le
mandat des coroners et du coroner en chef.
Avant de débuter, Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Tanguay (LaFontaine) sera remplacé par M. Rousselle
(Vimont) et Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), par Mme Nichols
(Vaudreuil).
Le Président (M. Bachand) : Ce matin, nous allons débuter par les remarques
préliminaires, puis nous entendrons l'Association des coroners du
Québec, l'Association des juristes progressistes et la Coalition contre la
répression et les abus policiers.
Remarques préliminaires
Donc, nous allons
débuter avec les remarques préliminaires. Mme la ministre, pour 5 min 34 s.
Bienvenue.
Mme Geneviève Guilbault
Mme Guilbault : Cinq minutes. Donc, merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour. Bonjour, tout le monde. Bonjour, M. le Président, Mme la
secrétaire. Bonjour, tout le monde. Je vais quand même prendre le temps, là, de saluer plus précisément, donc, évidemment, mes collègues députés tout autour de la table. Le député de
Vimont, que j'ai le plaisir de
retrouver, j'ai l'impression qu'on vient tout juste de se laisser, puisqu'on
était ensemble vendredi pour l'étude des crédits budgétaires, alors merci d'être ici. Évidemment, le groupe qui est
avec nous ce matin, l'Association des coroners, que je connais personnellement, ayant passé quelques
années au Bureau du coroner, alors...
très heureuse de les retrouver aussi, merci
beaucoup d'être parmi nous. Les gens du ministère qui m'accompagnent ce matin,
merci beaucoup d'être avec nous, et les gens qui accompagnent les
différentes personnes autour de la table.
Donc,
je suis vraiment très heureuse. On commence toujours en disant qu'on est
heureux d'être ici, ça va de soi, mais
je dois dire que, ce matin, je le suis particulièrement pour ce projet de loi
là, parce que c'est un projet de loi qui me tient beaucoup à coeur, un
projet de loi... le projet de loi n° 45, qui vise à moderniser la Loi sur
la recherche des causes et circonstances des
décès, qui est la loi constitutive du Bureau du coroner et qui régit
l'essentiel de son fonctionnement aussi, une loi qui date de 1986. Donc, il ne faut pas se surprendre, près de 35
ans plus tard, qu'il y ait plusieurs pans de cette loi-là ou, en tout cas, disons, certains éléments de
cette loi-là qui soient un petit peu désuets, et c'est la raison pour laquelle
on présente ce projet de loi là aujourd'hui.
C'est un projet de loi qui, en plus, est travaillé
depuis très longtemps. Ça fait quelques années, au Bureau du coroner, qu'il y a des gens qui planchent sur ce projet de
loi là, en collaboration avec la DAJ du ministère de la Sécurité publique,
pour venir à bout, justement, de déposer ce
projet de loi là et de le faire adopter, idéalement, pour moderniser cette
loi-là. Et je vais en profiter, à ce
stade-ci, pour partager en partie le crédit de ce projet de loi là avec la
députée d'Anjou—Louis-Riel,
la députée libérale d'Anjou—Louis-Riel, qui, en 2014, occupait la fonction que
j'occupe, actuellement, de ministre de la Sécurité publique et qui a été
la première à vraiment donner le mandat clair au Bureau du coroner de plancher
sur des modifications législatives. La suite
du temps a fait qu'elle n'aura pas déposé, finalement, de projet de loi, et
donc on le dépose aujourd'hui. Mais je voulais quand même reconnaître le
crédit de la députée d'Anjou—Louis-Riel,
qui s'était beaucoup intéressée au Bureau du coroner à l'époque où elle
occupait la fonction.
Donc, toujours est-il qu'aujourd'hui le projet de
loi est déposé. On en est aux consultations particulières. Bien sûr suivra l'étude détaillée, on aura l'occasion
d'aller plus en détail sur chacun des articles de ce projet de loi là. Mais,
vraiment, l'essence de ce projet de
loi là, c'est de moderniser la loi et de permettre, entre autres, au Coroner en
chef d'avoir davantage d'outils et de
moyens pour optimiser le fonctionnement du Bureau du coroner, pour optimiser la
productivité et entre autres réduire,
ultimement, les délais. Parce qu'une chose qui me préoccupe beaucoup, moi, M.
le Président, depuis toujours, c'est le
délai de livraison des rapports de coroner, parce que ça a une incidence
directe sur les services qu'on donne aux citoyens, entre autres aux citoyens endeuillés, qui
attendent les rapports de coroner souvent impatiemment, que ce soit pour le
processus de deuil ou pour des recours en tout genre.
Alors, je ne sais pas
combien de temps il me reste, mais je crois que je vais...
Le
Président (M. Bachand) : ...
• (10 heures) •
Mme Guilbault : Deux minutes? Ah bon! Bien, d'abord, je vais ajouter que je veux
remercier aussi non seulement la
députée d'Anjou—Louis-Riel à
l'origine, mais aussi toutes les personnes qui, au fil du temps, auront
travaillé sur ce projet de loi, qui
connaît enfin son dénouement aujourd'hui... bien, en fait, qui l'a connu au
moment où je l'ai déposé, mais qui connaît
la suite aujourd'hui et, on l'espère, sera adopté, parce que c'est grâce au
travail de toutes ces personnes-là aussi, aux gens du Bureau du coroner
qui ont participé de près, à l'évidence, à la confection de ce projet de loi...
On en a des représentants, d'ailleurs, aujourd'hui.
Alors, je
vais conclure sans plus tarder pour qu'on puisse entrer dans le vif du sujet,
non sans vous réitérer à quel point
je suis heureuse d'enfin amorcer ce qui conduira, je l'espère, à une adoption
imminente de ce projet de loi très nécessaire pour l'optimisation du
fonctionnement du Bureau du coroner, une institution très importante dans notre
démocratie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre.
M. le député de Vimont, s'il vous plaît, pour 4 min 39 s.
M. Jean Rousselle
M. Rousselle : Merci, M.
le Président. Premièrement, moi aussi, je voudrais vous saluer, saluer le
personnel ici, la secrétaire, et tous les
gens qui nous accompagnent, et les gens du ministère, parce qu'effectivement c'est un travail qui nous aide
et qui nous facilite aussi notre travail, donc c'était... on les remercie.
Un projet de
loi très intéressant, et je voudrais seulement souligner ma collègue de
Vaudreuil, sa présence, et puis je la
remercie, quelqu'un qui a une compétence juridique, donc c'est très important,
une professionnelle. Et puis, bien, merci
d'être ici parce qu'elle amène un professionnalisme vraiment important, surtout
dans un dossier comme ça, important.
Oui, projet
de loi très intéressant, un projet de loi... oui, une loi qui avait besoin
d'être actualisée, on le sait, la ministre l'a mentionné tantôt, une loi... depuis 1986. Elle a mentionné aussi ma
collègue d'Anjou—Louis-Riel,
justement, qui y a déjà travaillé. J'ai aussi un autre de mes collègues,
M. Coiteux, qui avait travaillé aussi dans le dossier. Donc, tout ça
ensemble fait qu'on le savait, on s'en allait vers là, on n'avait pas le choix.
Elle parlait,
justement... la ministre parlait aussi du délai de la population.
Effectivement, la population se plaint, avec raison. Vous savez, des fois, pour faire le deuil vraiment, bien,
on veut vraiment avoir les raisons, là, pourquoi. Donc, on va voir, par
ce projet de loi, à essayer d'améliorer, justement, le côté opérationnel.
Il y a aussi
plusieurs recommandations qui sont faites par les coroners. Puis j'ai lu,
justement, les mémoires. Merci, le
Bureau du coroner, justement, qui mentionne comme quoi il aimerait ça qu'il y
ait un meilleur suivi sur leurs recommandations. Effectivement, si tu fais des recommandations puis elles ne sont pas
suivies, ça ne sert pas à grand-chose. Donc, je pense que ça va être
important de regarder tous les aspects.
Je sais que
la ministre, elle a un grand intérêt, justement, dans le dossier, étant... a
déjà été porte-parole du Bureau du
coroner, donc je comprends son intérêt. J'espère, par contre, qu'il n'y aura
pas de conflit quelque part, parce que des fois, quand on a travaillé à un endroit, des fois il peut y avoir des petits
conflits d'intérêts. Mais je ne pense pas, je pense qu'on va travailler
là-dessus, mais, en tout cas, je le souligne juste pour qu'on s'en aille
vraiment dans le bon sens.
Donc,
écoutez, je pense que c'est un projet de loi qui est important. Je voudrais
remercier tous les gens qui ont fait des
mémoires, tous les gens qui vont se présenter ici, justement. Tous les gens qui
se présentent ici, c'est du temps, du temps de préparation, mais c'est... à cause de vos mémoires puis à cause de
votre présence, justement, on peut vraiment peaufiner la loi qui est proposée
aujourd'hui. Donc, on va travailler tous ensemble pour avoir la meilleure loi
possible, donc...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M.
le député de Chomedey, s'il vous plaît.
M. Guy Ouellette
M. Ouellette : Merci, M.
le Président. À mon tour de saluer Mme la ministre, saluer les collègues. Effectivement,
Mme la ministre, vous avez une expérience dans le milieu. Je me
souviens de la dernière fois que vous étiez venue en commission
parlementaire avec le coroner Marsolais, et on avait beaucoup discuté du suivi
des recommandations.
Je pense que
c'est un projet de loi, effectivement, qui a eu une gestation de plusieurs
années. C'est un pas dans la bonne
direction, sauf qu'il ne faut pas que ça se fasse au détriment des citoyens,
il ne faut pas que ça se fasse au détriment de la reddition de comptes, non plus, et de la transparence. On sera en
mesure de discuter. Je regardais le mémoire, puis on aura l'opportunité,
avec nos invités, d'en discuter très prochainement.
J'ai été un
peu surpris de voir autant de recommandations. Peut-être qu'il aurait dû y avoir consultation — ou
il y a peut-être eu consultation — avec l'Association des coroners en cours de
rédaction. Mais je pense que ça va être intéressant d'entendre ce que les gens ont à nous dire. On va
insister beaucoup sur le suivi de recommandations. On va insister aussi sur le délai de livraison, mais j'annonce déjà mes
couleurs, la transparence puis le droit des citoyens sera au centre de
mes questions et de mes préoccupations, M. le Président.
Auditions
Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment, M. le député. Alors, nous
allons passer maintenant à la période d'auditions.
Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de l'Association des coroners
du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes de présentation et,
par après, on aura un échange avec les membres de la commission. Donc,
je vous invite à vous présenter et à débuter votre présentation. Merci beaucoup
d'être ici ce matin.
Association des coroners du Québec
M. Dandavino
(André-H.) : Merci. Merci
beaucoup. Alors, je m'appelle André-H. Dandavino, je suis président de l'Association des coroners du Québec. Je suis
médecin avec 45 ans de pratique, en pratique active, actuellement, encore et
avec une expertise comme coroner. Je suis coroner depuis 33 ans avec la
nouvelle loi.
Ça nous fait
plaisir de présenter ici, ce matin, un mémoire, d'autant plus que nous avons
travaillé plusieurs années avec la
ministre Guilbeault, qui était notre porte-parole et avec qui on a fait... on a
eu à avoir des échanges importants, et
c'était notre drapeau, notre porte-parole du bureau. Alors, nous sommes très à
l'aise et très ouverts de discuter avec la commission aujourd'hui. Le
mémoire qui a été présenté était surtout fait par l'association et mis en page
par Me Gélinas, Kathleen Gélinas, que je vais vous présenter.
Mme Gélinas
(Kathleen) : Bonjour. Donc, effectivement, je m'appelle Kathleen
Gélinas, je suis avocate depuis
22 ans, coroner depuis... nommée en 2014. Donc, je suis heureuse d'être ici aujourd'hui.
Notre association est une association composée de coroners investigateurs à temps
partiel. Donc, notre association
ne comprend aucun coroner permanent, nous
avons 80 coroners en date de juin 2020, alors, composée de 48 juristes, alors,
35 avocats, et 13 notaires, et 32 médecins.
Donc, vous
l'avez constaté, c'est un mémoire quand
même qui est très long, audacieux. On
s'est permis d'être audacieux, on
s'est permis de vous faire des recommandations. On sait que ce n'est pas le
format habituel que vous recevez, mais
nous avons si peu l'occasion de parler de notre métier, de notre profession,
qui nous tient si cher à coeur. Au contraire, on écoute habituellement
les gens, on rend des rapports, mais on parle très peu de nous.
Donc, ce qui nous a guidés dans la rédaction de
ce rapport, pour nous, il y avait trois éléments majeurs : un, l'indépendance, donc l'indépendance de
l'institution, l'indépendance de la profession de coroner; la transparence,
c'est un autre élément qui nous a
guidés, donc la transparence dans le processus, que ce soit dans le processus
de nomination, que ce soit dans le
processus au niveau du renouvellement, également au niveau de l'investigation,
l'enquête et de la rédaction du
rapport; et, un troisième élément, l'équité, donc, au niveau de l'équité, c'est le traitement des défunts.
Aussi, la rémunération, bien, évidemment, ça ne fait pas partie du projet
de loi n° 45, mais on vous a
donné... on a été très audacieux, on vous a donné beaucoup de pistes et d'enjeux, en partie 3 de notre
mémoire, pour tout le processus réglementaire,
qui risque de suivre l'adoption d'un projet de loi.
Alors, je
vais aussi être audacieuse dans notre présentation, parce que
vous l'avez reçu, le mémoire, alors, j'imagine que vous aurez des questions, on aura l'occasion d'élaborer, mais je
profite un peu du micro pour vous parler un peu de nous, pour vous parler de nos préoccupations, pour vous
parler des différents enjeux, parce
que, quand on pense aux grandes
tragédies, je vais en nommer
quelques-unes : Lac-Mégantic, l'incendie de L'Isle-Verte, la tragédie de la
côte des Éboulements, naturellement, tout
le monde a en tête le coroner. Quand
on pense à des homicides, quand on pense à des accidents routiers, quand on pense à des noyades, encore là, on pense
au coroner. Encore faut-il savoir que, les grandes statistiques que vous
voyez dans les informations de la Société de
sauvetage, où prennent-elles ces statistiques, ces grandes organisations-là?
Au Bureau du coroner, hein? C'est nous qui compilons les décès de l'ensemble du
territoire québécois.
Mais moi, je
pense plus loin, puis ça, c'est souvent méconnu, quand on pense au frère d'un
ami qui s'est suicidé, quand on pense
à un bébé qui est décédé pendant son sommeil, quand on pense à une maman qui
fait son épicerie tout bonnement avec
sa marmaille, qui s'effondre et qu'elle décède, mais moi, je pense
au coroner, parce que c'est ça aussi, notre
travail, puis c'est ça, souvent, qui est oublié. On a en tête le coroner dans
les grandes tragédies, mais en fait c'est dans chaque décès inhabituel, obscur, violent, les gens qui décèdent à
domicile sans personne pour les appeler, pour les trouver, et ça fait quelques jours, quelques mois,
quelques semaines qu'ils s'y trouvent, c'est ça aussi, notre travail, alors,
c'est de donner des réponses, donner des
réponses aux familles, expliquer ce qui s'est passé et surtout le volet
recommandation, qui est un volet très important pour notre société, comment
on aurait pu éviter ce décès.
Notre
travail, c'est aussi un filet social important. Ah! ça, on l'oublie également.
Parce que, notre loi, telle qu'elle est rédigée actuellement — et il n'y a aucune modification là-dessus,
je vous rassure — le
coroner est également appelé dans toutes
les situations de personnes vulnérables. Que l'on pense à des décès en centre
de détention, que l'on pense à des décès dans des centres de personnes
handicapées, donc, le coroner est aussi appelé, même s'il s'agit d'une mort
naturelle. Pourquoi? Pour s'assurer qu'il
n'y a pas eu de négligence, pour s'assurer que les gens ont bien été traités,
qu'il n'y a pas eu d'oubli. Alors, il
s'agit d'avis obligatoires, dans la loi, pour qu'un coroner soit contacté.
Alors, vous voyez, le coroner, ce n'est pas que dans les grandes
tragédies, mais on est également là à titre de filet social.
• (10 h 10) •
Le coroner
est à la recherche de la vérité, à la recherche de ce qui s'est passé. Et, dans
le contexte actuel, la profession de
juriste et les professions de médecin sont complémentaires. Je le mentionne, on
ne connaît pas l'avenir, on ne sait pas ce qui va se passer au niveau réglementaire, mais c'est très important
de comprendre que, tel que le bureau est composé actuellement, ça fonctionne très bien. En effet, tant les juristes que
les médecins analysent, tant les juristes que les médecins cherchent également à comprendre. Les médecins
sont davantage formés, on ne se le cachera pas, au niveau de la nature humaine, l'anatomie, le corps, mais les juristes
naviguent très bien avec tout le volet réglementaire, le volet législatif.
D'ailleurs, les juges, hein...
regardons l'institution des juges, les juges entendent toutes sortes de causes,
ils deviennent des spécialistes dans
tous les volets. Si on pense à une situation de vice caché, le juge,
soudainement, bien, doit s'approprier tous les éléments en lien avec la cause
qui lui est présentée, et c'est la même chose pour le juriste qui doit la
vulgariser.
Mais le coroner juriste a
cette aptitude de bien s'intégrer dans tout ce qui lui est présenté et de rapidement
comprendre, parce qu'il n'y a pas de
formation pour être coroner. Lorsqu'on fait des présentations au grand public,
c'est souvent la question
qui nous est demandée : Mais où est-ce
que je peux suivre un cours pour être
coroner? Il n'y en a pas. Donc, c'est
la somme de toutes les expériences de nos collègues, nos propres
expériences dès notre nomination qui font en sorte qu'on devient des
coroners. On apprend au fil des décès, on apprend par le partage avec nos collègues.
Je vais prendre l'exemple
de ma région, moi, je suis coroner en Estrie, je couvre plusieurs
MRC, mais on a la chance d'avoir des médecins coroners, donc je ne fais pas d'examen externe, c'est un médecin coroner
qui les fait pour moi, je l'accompagne, je veux bien comprendre, et il est très généreux. Et c'est
comme ça dans toutes les régions. Je parle de la mienne, mais c'est comme ça
dans toutes les régions. Ils nous
expliquent, ils nous montrent, ils nous démontrent tout ce qu'il en est au niveau
du décès, au niveau humain, au
niveau de l'heure du décès... et
faire l'appariement de tout ce qu'il en est au niveau des blessures
et autres.
Parce qu'il
faut savoir que nous, les coroners, nous reproduisons, nous recréons, nous
parlons au nom des défunts. Il y a
rarement des témoins de leurs derniers moments, c'est nous qui reconstituons
ces derniers moments là. Nous sommes la dernière voix de ces défunts-là,
alors c'est d'autant plus important de comprendre ce qui s'est passé. Alors,
dans ce contexte-là, c'est pour ça que je
dis que le mariage est parfait. On a cette grande chance et cette grande
capacité d'adaptation là et de s'entraider, hein? Le défunt ne peut plus
parler, c'est nous qui le faisons pour lui.
Un élément
très important dans cette recherche de la vérité, le coroner
doit être libre de penser, il doit être libre de ses opinions, sans quoi, bien, il
y a un risque, il y a
un risque de ne plus dévoiler cette vérité, de ne plus répondre aux questions,
et c'est notre inquiétude. Présentement, lorsque les coroners... Actuellement, il y a une directive qui existe que, lorsque l'on
fait des recommandations, on doit
contacter le destinataire des recommandations. La crainte que nous avons par cette directive
qui n'est pas dans le projet de loi, qui n'est pas dans la réglementation, c'est la perte de l'indépendance du coroner,
c'est de dévoiler des informations à une personne avant même que la famille ait pu bénéficier de ces informations-là. Alors, ça fait partie
des différents éléments qui font en sorte que nous sommes très inquiets et que
l'on désire conserver à tout prix cette indépendance.
Et je vais conclure que, vous l'avez vu, on a
été audacieux par différentes modifications qu'on vous propose. Ces modifications ont pour but, vraiment, de préserver, selon
nous, la fonction, la profession de coroner, tant pour le Coroner en chef, que nous ne représentons pas mais qu'on a
à coeur pour notre institution, que les fonctions que l'on occupe à tous
les jours.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup,
Me Gélinas. Je cède maintenant la parole à la ministre pour une période de
15 min 45 s d'échange. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme Guilbault : Merci, M. le Président. Merci à Me Gélinas pour l'excellente
présentation qui a été faite, un vibrant plaidoyer pour la profession.
Et je suis très heureuse qu'elle l'ait fait, parce que... J'ai toujours eu beaucoup
d'estime, d'ailleurs, pour
Me Gélinas, mais aussi pour la fonction de coroner et pour Dr Dandavino
aussi, bien sûr, pour les coroners en général. Mais c'est très vrai, ce qu'elle dit, et je ne l'ai pas
mentionné d'entrée de jeu, mais, avec l'arrivée de la loi en 1986, l'idée, c'était ça, c'était de passer du
rôle traditionnel, plus ancien du coroner, qui était plutôt
judiciaire, et tout ça, à un rôle de
protection de la vie humaine, à un rôle social, à un rôle très humain, répondre
à des questions que les survivants se posent puis continueraient de se poser
indéfiniment si ce n'était de l'information précieuse contenue dans les rapports de
coroner. Donc, un grand merci pour la mise en contexte.
Je vais y aller sur certains éléments qui ont
retenu mon attention dans la présentation. Peut-être commencer, justement,
avec la notion d'indépendance, qui est très,
très importante, qui est au coeur
de toutes les discussions quand il
s'agit de la profession de coroner et du Bureau du coroner, une indépendance
qui est consacrée par la charte, et tout ça. Donc, c'est toujours une grande préoccupation pour nous aussi,
comme législateurs, de s'assurer de respecter cette indépendance consacrée. Et je vous entendais dire que vous avez
une inquiétude par rapport à l'indépendance, en faisant référence à une directive ou, en tout cas, une consigne, là,
interne, finalement, qui n'est pas dans aucune loi ni aucun règlement,
mais une consigne interne qui
consiste à encourager les coroners à, comme on dit, attacher leurs recommandations avant de les formuler, à la faveur d'une meilleure
application potentielle. C'est le raisonnement qui est derrière ça. Et donc,
comme ce n'est pas dans le projet de
loi et que, dans le projet de loi — dans mon interprétation du projet de loi, du
moins — on
n'altère en rien l'indépendance du coroner,
même, bien au contraire, dans les processus de nomination, de renouvellement,
de sélection à la fois du Coroner en chef,
du coroner en chef adjoint et des coroners temps plein ou temps partiel, on
prévoit... évidemment, ce sera dans
un règlement qu'on n'a pas ici aujourd'hui, là, donc on ne peut pas
nécessairement avoir tout le détail, mais l'idée, c'est de transformer,
finalement, ces processus-là de nomination puis de renouvellement, qui, actuellement, dépendent uniquement du ministre, en quelque
chose qui va être un peu
plus objectif, avec des comités, des
gens qui seraient appelés à évaluer la compétence des personnes avant de les
déclarer aptes à assumer la fonction, comme le dit le règlement.
Donc, moi, je vois ça, au contraire, comme un
éloignement du seul pouvoir politique de vie ou de mort, entre guillemets, là, sur un coroner ou un coroner en
chef. Alors, en quoi est-ce que le projet
de loi, selon vous, pourrait nuire
à l'indépendance du coroner ou du Bureau du coroner?
Mme Gélinas
(Kathleen) : Donc, l'article
46, tel qu'il est formulé actuellement, l'article 46, c'est vrai que ça... le projet
de loi, tel qu'il est monté, éloigne du politique, mais remet entre les mains
d'une seule personne, qui est la Coroner en chef, le droit de vie ou de mort de certaines investigations qui sont
débutées par des coroners, parce qu'à ce moment-là c'est à la seule discrétion de la Coroner en chef
qu'elle va décider si la complexité des causes des circonstances du décès
l'exige pour retirer
une cause. La bonne expédition des affaires, on ignore quelles affaires. Est-ce
que c'est la directive interne du bureau? Est-ce que c'est selon
certains critères occultes?
Donc, c'est pour ça qu'on vous a fait une
recommandation, au niveau de l'article 46, d'évacuer certains éléments qui, notamment au niveau de la compétence des
coroners... bien, chaque coroner doit être actif dans son ordre professionnel,
et la compétence est couverte par chacun des
ordres professionnels des coroners qui sont nommés, parce que, là, on remet,
en fait, entre les mains de la Coroner en
chef le droit de vie ou de mort d'une enquête d'un coroner à temps partiel,
sujet à renouvellement. Alors, dans
ce contexte-là, on remet beaucoup, beaucoup entre les mains d'une seule
personne cette discrétion-là, et ce qui fait qu'il y a de l'inquiétude,
actuellement, chez beaucoup de nos coroners.
On
l'entend régulièrement, parce que c'est déjà un petit peu commencé par ce
processus de directive interne là, parce
que, on ne se le cachera pas, actuellement, il n'y en a pas, de réglementation
au niveau du renouvellement, le fonctionnement de renouvellement, alors, le Coroner en chef, on sent qu'il a un petit
peu droit de vie ou de mort sur le renouvellement de nos coroners. Quand ils ne sont pas renouvelés,
on ne sait pas trop pourquoi, on n'a pas d'information. Donc, il y a de l'inquiétude. Si on ne suit pas les directives
du bureau, bien, qu'est-ce qui arrive de l'avenir de ces coroners-là, qui, eux,
tout ce qu'ils veulent, c'est sauver des vies?
• (10 h 20) •
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault : Oui, merci. Actuellement, en fait, le
renouvellement ou non est décidé par le ministre de la Sécurité publique. C'est sûr que le Coroner en chef envoie
un minimum d'information, mais c'est le ministre, ultimement, qui décide
si, oui ou non, on renouvelle un coroner à
temps partiel. Et là l'idée... Encore une fois, le règlement, je suis
consciente qu'on ne l'a pas, le règlement, pour le renouvellement, puis
tout ça, mais l'idée, ça va être d'avoir un comité. Évidemment, le Coroner en chef ou son représentant va être mêlé au
processus... va faire partie des gens qui vont évaluer le renouvellement potentiel — c'est logique, quand même, c'est le
gestionnaire du bureau — mais il va y avoir une instance officiellement nommée pour... ou constituée pour évaluer le
renouvellement et suggérer au ministre, donc, le renouvellement ou non, ce qui se fait un peu informellement, mais
là ça va être formalisé. Donc, j'essaie vraiment de voir en quoi est-ce que
l'indépendance va être plus affectée, l'indépendance du coroner va plus être
plus affectée par cette modification-là.
Mme Gélinas
(Kathleen) : Je suis
heureuse d'entendre qu'au niveau du renouvellement il y aura un processus qui
sera clair, c'était un de nos questionnements.
Mais n'empêche que, dans la gestion quotidienne, présentement, on ne vit pas
cette indépendance-là. Je vous ai nommé
l'article 46, en fait, c'était l'article 46 de la loi, donc
l'article 20 du projet de loi, donc... et c'est la raison pour laquelle
l'article 20 du projet de loi, pour nous, c'était primordial. C'est dans
la gestion quotidienne aussi. Ce n'est pas
uniquement au niveau du renouvellement qu'on doit se questionner sur
l'indépendance, mais dans le travail
quotidien des coroners, à ce moment-là, sur la gestion de leurs enquêtes, sur le travail
qu'ils font. Et ça, actuellement, bien, quand on produit un rapport, entre autres,
il y a toute une analyse qui a été faite, des discussions avec, parfois, des partenaires et autres pour sauver des
vies, et là, parfois, on se fait répondre que, si les recommandations ne seront pas modifiées
selon le souhait du bureau, bien, à
ce moment-là, on ne pourra pas être
appuyés. Mais où est l'indépendance, à ce
moment-là, du coroner dans la gestion
de son quotidien? Et c'est notre plus grande crainte, c'est que, dans le
travail quotidien, on ait
l'intervention régulière du Coroner en chef et des coroners en chef adjoints
qui viennent nous dire comment conduire
nos investigations, à remettre le pouvoir entre les mains d'une seule personne.
Et c'est ce qu'amène l'article 20 du
projet de loi, c'est qu'on remet le pouvoir entre les mains
d'une seule personne à la conduite du Bureau
du coroner.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault :
Merci beaucoup. L'article 20, en fait, si on le résume, l'idée, c'est de
prévoir explicitement la possibilité pour le Coroner en chef de transférer un dossier, ce qui se fait déjà
aussi informellement au bureau, comme vous
le savez tous les deux, pour toutes sortes de raisons, là. Si on prend les cinq
éléments... «sur demande du coroner chargé
de l'investigation», bon, là, c'est difficile de s'opposer si le coroner
lui-même ne peut plus ou ne veut plus le faire, «en cas d'incapacité», «lorsque la complexité l'exige», ça, on peut
penser à des cas, là, et c'est déjà arrivé, par
exemple, un coroner à temps partiel qui a une investigation
de grande, grande, grande envergure, puis qu'à un moment donné il dit :
Je ne peux pas mettre, moi, 90 heures là-dessus,
tu sais, ça fait fait que, des fois, on le transfère à un coroner temps plein.
Donc, ça, c'est un exemple
de circonstance qui pourrait
expliquer le point 3°. Et les points 4° et 5°, ça réfère directement...
puis ça m'amène à mon autre point, dont je
suis certaine que vous partagez la préoccupation, sur les délais. Quand on
parle de bonne expédition des affaires ou lorsque le délai n'est pas
complété... le rapport n'est pas complété dans un délai raisonnable, bien, je me dis, une des façons, des fois, peut-être, de
faire en sorte qu'on puisse réduire globalement les délais... Puis,
encore là, c'est sous réserve... il y a des coroners qui sont plus... qui ont
des délais moins élevés que d'autres, des
fois, il y a des circonstances qui justifient ça, je comprends très bien, mais
il reste qu'ultimement l'idée, c'est de réduire les délais pour le bien des familles qui attendent. Alors, ces
articles-là sont prévus pour pouvoir faire ce type de transfert là quand, à un moment donné, si vous me passez l'expression,
ça ne finit plus, puis il faut demander à un autre coroner, là,
d'achever le travail parce que les familles attendent, puis, bon, vous le
savez, il y a des plaintes, et tout ça.
Alors,
encore une fois, en quoi est-ce que vous pensez que ça pourrait altérer
l'indépendance des coroners, plus particulièrement
sous l'angle d'orienter ou d'influencer les recommandations, en disant :
Si tu fais telle «recom», je ne voudrai
pas, puis tout ça? J'essaie de voir le lien avec le fait de se mêler de vos
recommandations versus cet article-là, qui touche un autre volet, quant
à moi.
Mme Gélinas (Kathleen) :
Si vous regardez les modifications qu'on vous propose pour l'article 20, on a
la même préoccupation que vous au
niveau des délais. Donc, on vous a proposé une modification qui... Le
paragraphe 5° que vous aviez est
devenu, pour nous, 3°. C'est... Oui, on veut bien se préoccuper, nous aussi,
des délais, mais le délai raisonnable doit
être imputé au coroner à partir du moment où il a les éléments d'enquête en main.
S'il est encore en attente d'un rapport de police, là, ça fait un an, en
attente d'une décision du DPCP, en attente d'un rapport d'autopsie, on ne peut
pas lui reprocher un délai qui, lui, dépend
des partenaires, c'est la raison pour laquelle on vous a proposé cette
modification-là. On est d'accord que
le Coroner en chef pourra, lorsque le délai est excessif, retirer une enquête,
mais à partir du moment où le coroner, lui, a vraiment tout en main pour
rédiger...
Et par contre, lorsqu'on parle de dossiers de
grande envergure, quant à nous, ce n'est pas la complexité des causes des décès. Si un coroner, par la complexité, parce
que c'est de grande envergure,
considère qu'il n'a pas la capacité ou les
compétences pour mener à bien cette investigation-là, bien, ça va toujours,
dans notre cas, selon notre appréciation, dans le premier paragraphe, le coroner chargé de l'investigation pourra,
à ce moment-là, demander lui-même un transfert. Ce qui fait qu'on demeure très, très, très interrogatifs à savoir c'est
quoi, finalement, la complexité des causes, parce que, si le coroner ne se sent pas capable, c'est trop
lourd... on se rappelle, on représente les coroners investigateurs à temps
partiel, bien, si c'est trop
complexe, il peut en demander lui-même le transfert. Il sera le seul juge de la
complexité de l'affaire. Puis, pour
la bonne expédition des affaires, qui est le quatrième paragraphe,
encore là, quant à nous... du projet
de loi, bien, la notion de délai, si ce sont des délais qu'on
considère imputables au coroner, bien, encore faut-il, je le répète, qu'il ait
tout en main à ce moment-là. Et on n'est pas contre l'idée de retirer, c'est vraiment
l'objet de notre modification au troisième paragraphe, là.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault : O.K. Merci
beaucoup. Je vais passer à un autre sujet, parce qu'il me reste seulement trois
minutes, puis, comme je vous ai tous
les deux ce matin, j'aimerais ça vous entendre. C'est un peu philosophique,
mais en même temps, pour moi, c'est
très pertinent : Qu'est-ce qui, selon vous, fait un bon coroner? Puis
j'aimerais ça vous entendre tous les deux, si le temps nous le permet.
M. Dandavino
(André-H.) : Bien, moi, je pense...
Mme Guilbault : Et, en complément, excusez, pour aller rondement,
en complément, si vous avez des commentaires sur les professions qui devraient être
éligibles à la fonction.
• (10 h 30) •
M. Dandavino (André-H.) : C'est un «catch-22». Écoutez,
je pense que, pour être un bon coroner, il faut être, premièrement, très professionnel. Il faut aussi, également, avoir beaucoup
d'empathie pour le décédé, la famille, mais de l'empathie qui nous permet quand
même de faire notre travail. Et
surtout ça prend quelqu'un qui a un esprit d'analyse et une compétence
avec un désir de rechercher la vérité. Je
pense que, pour nous, ce qui est important... quand moi, j'ai été formé il y a 33 ans, c'est, quand quelqu'un
mourait, il ne fallait pas qu'il parte avec aucun secret, que la société sache
qu'est-ce qui était vraiment arrivé, le but premier étant de sauver d'autres
vies.
Maintenant, actuellement, en tant que médecin avec
une expertise différente et avec des juristes qui ont un nouvel esprit d'analyse, je ne suis pas certain que
l'ouverture à d'autres professions va permettre d'avoir la même qualité de
travail que celui qui est fait
actuellement. Et, par exemple, moi, par mon expérience, des cas de coroner
faciles, je n'en ai aucun, parce que
je suis capable de les annuler, alors tous mes cas sont des cas compliqués. Par
conséquent, je prends beaucoup plus de temps pour faire des évaluations,
des investigations que quelqu'un qui a une mort naturelle simple.
Alors, l'ouverture à d'autres professions, on a
des réticences, ça ne veut pas dire qu'on est complètement contre. Mais,
si vous faites bâtir une maison neuve, ce que vous voulez avoir, c'est le sceau
d'un architecte et non pas nécessairement du
technicien. C'est dans n'importe quoi, que ce soit dans... la même chose dans
les engineerings. Il y a une question des crédibilités qu'on risque de
perdre. La profession médicale, sur le plancher, les gens du milieu vont considérer que les investigations n'ont pas
nécessairement la même force, la même puissance que quand c'est fait par
un professionnel de leur niveau.
Le
Président (M. Bachand) : Me Gélinas, peut-être? Il reste
une minute.
Mme Gélinas (Kathleen) : Je
pense, pour faire un bon coroner, que
ça prend du professionnalisme, de la rigueur, de l'empathie. Pourquoi la rigueur? Pour être
capable de mener à terme... vraiment tout couvrir les aspects, penser... Ça prend de l'innovation. Pourquoi de l'innovation? Pour penser plus loin que ce qui existe déjà, parce que
c'est ça aussi, faire des
recommandations, c'est de changer les choses. Donc, être capable d'être
innovant, imaginatif, ça prend aussi ces
éléments-là, en plus de l'empathie et du professionnalisme, parce qu'on accompagne les familles. Mais on veut éviter que ça se reproduise, et des fois il faut
penser... on dit «penser en dehors de la boîte», c'est ça, aller
au-delà de ce qui existe, au-delà des
lois, au-delà des règlements, puis comment ça pourrait être différent. Alors,
c'est ce que je pense qui fait qu'on est un bon coroner.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je
cède maintenant la parole au député de Vimont pour 13 min 15 s.
M. Rousselle : Merci,
M. le Président. Bienvenue, merci
d'être ici, on apprécie beaucoup. Écoutez, je regardais le nombre de permanents, considérant les coroners qui ne sont pas
permanents, selon vous... puis là je le sais que vous représentez les coroners non permanents, mais,
selon vous, il devrait-tu y avoir plus de coroners permanents dans le milieu?
Puis vous êtes là-dedans, j'aimerais ça que vous m'éclairiez là-dessus.
Mme Gélinas (Kathleen) : En fait, il
y a beaucoup de coroners à temps
partiel qui travaillent de façon permanente, O.K.? C'est la rémunération, beaucoup, qui est différente à ce niveau-là, parce qu'on
a des coroners, dans certaines régions, que c'est eux qui assument la garde 24 heures sur 24, presque
365 jours par année, à l'exception de leur période de vacances, donc ils travaillent de façon permanente, mais ils
sont rémunérés selon le mode de rémunération des coroners à temps partiel. Alors, c'est pour ça que, dans notre mémoire,
à plusieurs reprises, vous voyez que la grande différence
dans le travail, c'est le mode de rémunération.
Le danger, parce que je sais que ça... On
a déjà eu des discussions entre nous sur le fait d'avoir plus de permanents.
Si les permanents sont basés à Montréal
ou à Québec, comme c'est le cas présentement, on risque de perdre la finesse de certaines régions si la nomination
de coroners est orientée uniquement vers Montréal ou Québec. Pourquoi? Parce que nous, les coroners en région — nous
sommes tous les deux, d'ailleurs, des coroners de région — bien,
c'est nous qui organisons nos transports,
c'est nous qui avons une connaissance fine des différents corps de police parce qu'on agit avec. Moi, je représente
six MRC, donc j'ai la Sûreté du
Québec, des corps municipaux. Alors, on a une connaissance fine du
terrain et des partenaires, qui
appeler, les hôpitaux, le transport, à quel hôpital on doit faire le transport,
alors que le territoire est très vaste,
et ça, c'est quasi impossible pour... ce n'est pas impossible, mais très
difficile pour un coroner permanent situé à Montréal ou à Québec, de pouvoir avoir cette connaissance-là du
terrain et du fonctionnement. C'est l'avantage que nous avons d'être dans chacune des régions du Québec,
et on peut plus facilement se déplacer pour faire des examens ou encore
pour visiter des scènes, des lieux de tragédies, des accidents automobiles, des
routes. On est sur le terrain, alors...
Et
par contre ce qui manque, peut-être, au Bureau du coroner, je pense, c'est...
pour répondre, pour faire du pouce un
petit peu sur la question précédente de la ministre, ce sont des domaines
d'expertise à qui on pourrait référer. Ce ne sont pas tant des coroners ayant ces professions-là,
mais j'aimerais bien avoir, par exemple, un spécialiste en toxicologie attaché
de façon permanente au Bureau du coroner à
qui je pourrais référer et poser mes questions. Donc, ce sont certains secteurs
de spécialisation qu'il serait intéressant
d'avoir au Bureau du coroner pour avoir, en tout temps, une référence, une
expertise. Puis, vous l'avez vu dans
le mémoire, la Colombie-Britannique a un petit peu pris ce modèle-là en créant
des unités spéciales dans leur bureau
du coroner, où, justement, les coroners... parce qu'il y a beaucoup de coroners
à temps partiel aussi... les coroners peuvent référer. Il y a des gens
qui ont des expertises précises pour nous accompagner, et ça, ce serait...
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Vimont, s'il vous
plaît.
M. Rousselle :
Merci beaucoup. Tout à l'heure, j'ai écouté un petit peu votre réticence
concernant les autres domaines. Je voudrais
vous entendre, parce que j'ai entendu, vous, M. le docteur, avoir des
réticences, mais, si on permettrait à
des infirmiers et des infirmières qui ont une expertise aussi, un bac en
sciences infirmières, de devenir coroner... Je ne parle pas d'un autre domaine, je parle d'un domaine de
la santé. Parce que, là, avez-vous... Parce qu'à un moment donné on se plaint d'une pénurie d'emplois, pénurie de
monde, si on élargit un petit peu plus à des gens, justement, avec des
spécifications, comme vous avez
dit... peut-être qu'on pourrait même, peut-être, l'ouvrir à des psychologues,
ou quoi que ce soit. Donc, dans ce domaine-là, avez-vous toujours une
réticence ou...
M. Dandavino (André-H.) : C'est sûr, il n'y a rien de blanc, rien de noir,
là, tout est gris, ça dépend de la variation de la couleur. On peut accepter d'autres professions, mais vous ne
pouvez pas... Dans le sens que, si on regarde qu'une grande quantité des dossiers pour lesquels on peut faire
des changements, c'est dans le dossier médical, pour faire une évaluation,
une lecture, pour faire une lecture de ce
qui s'est passé, de ce qui aurait pu être fait, de l'étude des médicaments, ça
prend une expertise spéciale que je
ne suis pas sûr que les autres professions ont. Puis je n'ai rien contre les
infirmières, même, qui ont un bac en
sciences infirmières, ce n'est pas des sciences, nécessairement, médicales du
même niveau, elles n'ont pas du tout la même formation, elles n'ont pas
du tout la même connaissance du milieu. Je pense qu'il y a une différence.
Maintenant,
le risque — sans
que ce soit trop péjoratif, ce que je dis — c'est d'avoir un nivellement par la base, là.
Tu sais, je suis sûr que les notaires ne
veulent pas que leur secrétaire juridique fasse une partie de leur travail,
même si, dans certains cas, ils
pourraient le faire facilement, dans une bonne proportion, mais, quand vous avez
le sceau du notaire, vous avez un
sceau du notaire. Si vous êtes un médecin ou un hôpital qui avez une évaluation
par un coroner médecin ou une autre profession,
je ne suis pas sûr que vous allez y donner le même poids. Il faut faire
attention aussi à ce qui est dit par les
organismes publics et ce qui est dit sur le terrain. Moi,
ça fait quand même 45 ans que je travaille sur le terrain, et
ce que la population
médicale dit et pense n'est pas nécessairement les belles paroles de certains organismes.
Il faut faire juste attention à ça, là. Vous savez très bien que, dans
les corridors, ce n'est pas la même chose qui se dit qu'ici, là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme
la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Merci, M.
le Président. Merci de vos conseils,
on en prend bonne note. Relativement à la formation, moi, j'étais très
surprise, là, de prendre connaissance qu'il n'y avait pas nécessairement une
formation commune ou une formation... Oui,
c'est des juristes, mais... Je vous vois réagir, ça fait que peut-être
que vous pourrez répondre... le type de formations communes qui sont
données quand on applique sur le poste pour être coroner.
M. Dandavino (André-H.) : Il y a une formation, qui est donnée par un nouveau
coroner, de quelques jours, qui, anciennement, était une formation rémunérée, qui, actuellement, ne l'est pas. Mais moi, je fais partie de l'ancienne génération, là, on me le répète souvent, là, vu que j'ai été
nommé sous la nouvelle loi, je suis un des plus vieux coroners du Québec,
mais à ce moment-là il fallait avoir
au moins 10 ans d'expertise médicale ou 10 ans d'expertise en milieu
juridique. Mais, quand vous avez
10 ans d'expertise, vous en avez vu, des choses, là, vous n'avez pas
besoin de vous faire dire par n'importe qui comment examiner un corps, comment faire des prélèvements. On peut
me dire comment remplir la paperasse, mais je n'ai pas besoin de ça, là, je n'ai pas besoin de cours. Comme on dit,
je n'ai pas lu certains livres, je les ai écrits. Mais, tu sais, dans le
sens qu'il faut faire attention.
Actuellement, parce qu'il manque de coroners, de plus en plus on diminue l'expertise
puis on en demande de moins en moins.
Mais le... Dans un dossier médical, que ce soit... c'est la même analyse, la
même expertise que dans un bureau à tous
les jours, alors, à ce moment-là, on n'en a pas vraiment besoin. La formation
qu'on a, c'est la formation un peu juridique qu'on doit nous donner et la formation, aussi, au point de vue papiers à
remplir, comment ne pas se mettre les pieds dans les plats, des choses
comme ça. Mais, la formation, on l'a déjà.
Mme Nichols : ...d'une formation de quelques jours, là, on ne parle quand même
pas d'une formation universitaire
pour être coroner. Je comprends que c'est sur la base de l'expérience, comme
vous dites, 10 ans d'expérience. Mais maintenant, avec le manque de main-d'oeuvre, bien, on
demande moins d'expertise. Au niveau
formation, moi, quelques jours de formation
pour être coroner, je comprends que l'expertise rentre en jeu, mais je trouve
qu'il y a peut-être une amélioration à
faire, à ce niveau-là. Comme vous dites, là, coroner, c'est important, puis on
comprend toute l'importance de votre rôle. Je pense que la formation... puis c'est un avis bien personnel, puis je
vais écouter tous les groupes, qui, peut-être, pourront changer mon opinion, mais je pense que la
formation devrait être une formation commune, peut-être plus que quelques
jours. Est-ce que ça ne devrait pas être une formation universitaire,
peut-être, Me Gélinas?
Mme Gélinas
(Kathleen) : Je fais partie
de la nouvelle génération de coroners, pour reprendre l'expression de mon collègue. Donc, nous avons... à chaque
nomination, il y a une formation qui est, effectivement, donnée aux nouveaux coroners par le Bureau
du coroner, bien souvent par un coroner permanent... ces dernières années,
c'était un coroner permanent dans le domaine
médical... que l'on soit juriste ou que l'on soit médecin, où on nous enseigne,
on nous montre le fonctionnement administratif de la
documentation, les types d'ordonnance, et autres. On a un volet juridique, un
rappel de la protection de la vie
privée, notamment, les lois, et autres,
tant pour les médecins que pour les juristes, qui n'ont pas eu nécessairement
à travailler avec ces lois-là.
Mais on a aussi un
volet médical, donc on se rend à la morgue, on apprend à manipuler, aussi, la
dépouille d'une personne, savoir ce que
vivent nos médecins qui feront nos examens externes, qui feront ça pour nous,
donc, dans le plus grand respect du
corps du défunt, mais également être confrontés au décès et à l'atrocité que vit
la famille. Donc, ça, c'est très important,
et on demande aux coroners, d'ailleurs, d'accompagner les médecins qui feront les
expertises pour nous pour bien comprendre ce qu'il en est.
• (10 h 40) •
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui, en tout respect, ça reste... j'imagine,
c'est une formation qui est en partie sur le terrain, mais ça reste une formation de quelques jours. Pour l'importance des dossiers
qui sont émis à la fin ou pour l'importance des dossiers que vous
traitez, comme je le réitère, ce n'est que quelques jours.
Je
voulais vous entendre sur plusieurs autres points. On dit souvent... vous en avez
parlé, la longueur... tu sais, pour
une famille, là, c'est vraiment long, parfois, attendre un rapport. Qu'est-ce
qu'on peut faire? Des suggestions concrètes, là, que vous pouvez nous dire ici, au micro, des solutions concrètes
qu'on peut apporter pour pouvoir diminuer ces délais-là, est-ce que c'est d'engager plus de monde? Est-ce que...
Comment on pourrait fonctionner? Est-ce
que c'est parce que ce
n'est pas assez rapide, les rapports de DPCP? Souvent, vous l'avez, on
attend nos collaborateurs ou on attend des... on attend après d'autres
choses pour pouvoir aller de l'avant. Avez-vous des suggestions concrètes?
Mme Gélinas
(Kathleen) : Tout le volet
des autopsies, les autopsies hospitalières. Parce qu'il faut savoir que
tout le volet qui est fait en
autopsie, ce n'est pas... ça ne passe pas tout par le Laboratoire de sciences
judiciaires et de médecine légale,
que, là, ça, c'est les cas à caractère plus criminel, ou autres, le reste, ce
sont des autopsies hospitalières. C'est très long, nos pathologistes font ça après leurs heures de
travail à l'hôpital. Donc, peut-être regarder du côté du ministère de la Santé... j'ignore si c'est faisable, mais de dégager des
plages horaires pour ces pathologistes-là, qui nous rendent un grand service
à nous. Ils ne sont pas obligés d'accepter
les cas qu'ils font pour nous. Ils le font, ils font ça le soir, ils font ça la
fin de semaine, ils font l'examen, ça
se fait bien, mais après encore faut-il qu'ils fassent la rédaction de leur
rapport et qu'ils nous le transmettent, et ça, ça prend parfois des
semaines, voire des mois.
Effectivement, le volet du DPCP, ce qui se passe, bien souvent, un policier peut
choisir de soumettre ou pas un dossier au
DPCP, il nous informe qu'il le soumet, mais des fois on n'a pas de retour, c'est-à-dire que le policier a soumis le dossier, le cas a été refusé, mais nous, on ne le sait pas, on n'a pas de suivi
qui est fait avec le DPCP ou avec le policier par la suite. Lui, il classe son dossier, et des fois c'est un
an plus tard, lorsque la procédure administrative fait en sorte qu'ils revérifient les dossiers, ils font : Oups! On a oublié
d'informer le coroner. Ça, ces petits liens là, ces éléments-là, il faudrait,
dès qu'il y a un dossier coroner,
aussi, au niveau des corps policiers, là, qu'il y ait un suivi qui se fasse de
façon plus particulière avec le DPCP.
Je
vais vous donner un exemple. En matière de... il y a une entente qui existe,
l'entente multisectorielle dans le domaine
des services de garde, bien, pourquoi qu'il n'y a pas ce type d'entente là avec
le Bureau du coroner, où est-ce qu'il y aurait une discussion
tripartite?
Le Président (M. Bachand) : En 20 secondes, Mme la députée de
Vaudreuil... Ah! M. le président, allez-y, oui, rapidement.
M. Dandavino (André-H.) : ...mercantile, mais il y a une question, aussi,
qui est une question importante, c'est que
les coroners à temps partiel, c'est des coroners qui sont déjà des
professionnels dans un autre... qui ont une pratique active, et, avec la rémunération qui leur est
donnée, pour un cas qui prend à peu près huit à 12 heures pour faire — parce que, contrairement à ce qu'on dit, ça prend ce temps-là pour faire une bonne
investigation — avec le
tarif qu'ils ont, ils vont perdre
leur samedi et leur dimanche à faire ce travail-là, alors, nécessairement... on
ne peut pas nécessairement demander à ces gens-là de mettre tout le
temps qu'ils ont sur un rapport de coroner.
Il ne faut pas oublier aussi qu'en périphérie les
coroners à temps partiel sont en contact avec la famille, alors les familles
savent déjà un peu c'est quoi,
l'investigation, les rapports de...
les conclusions avant même que le rapport final soit sorti.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M.
le député de Chomedey, s'il vous plaît.
M. Ouellette :
Merci, M. le Président. Bienvenue à vous. Effectivement, très instructif, votre
présentation et votre audace. Je vous dirais
que l'argent, c'est le nerf de la guerre, là, puis il a l'air, dans le système,
d'en manquer un peu ou... Et je ne veux
pas que vous preniez ça de façon péjorative, mais le coroner, c'est un peu un
mal nécessaire. Dès qu'il
y a un décès, là, bien, le mot
«coroner», il faut qu'il apparaisse. Qu'il soit naturel, qu'il soit criminel,
qu'il soit... dès qu'il y a un
décès, il y a le coroner qui est là.
On a l'impression... les parlementaires, on a cette impression-là, les citoyens doivent avoir la même
impression... on a
l'impression que, bon, c'est obligatoire, le coroner, mais il n'a pas tous les
outils pour travailler, ou, à quelque
part, dans la chaîne, là... Bien, la personne est décédée,
bon, il faut qu'ils attendent après ci, il faut qu'ils attendent après ça, il
faut qu'ils attendent le bon vouloir
d'un, il faut qu'ils attendent le bon vouloir de l'autre. Il fait des recommandations, c'est des recommandations. Des fois, je compare les recommandations du coroner aux recommandations du Protecteur
du citoyen : c'est une recommandation, personne ne s'énerve avec ça. Et, d'année en année, les recommandations suivent, elles ne sont pas
appliquées, elles ont fait le journal une ou deux fois. Quand les mêmes choses
se reproduisent à des endroits différents, ah! là, ça devient plus intéressant,
ça devient plus important. Comment faire pour tout concilier ça?
J'aurais
le goût, dans ma première question, de vous parler des recommandations puis du suivi, puis on ira dans les questions techniques tantôt.
J'ai mentionné à Mme la ministre, tantôt, quand on avait eu l'audition du
coroner, M. Marsolais, et la présence
de Mme la ministre, qui l'accompagnait... je pense qu'on a passé une
grande partie, sinon la majeure
partie de l'audition sur les recommandations, le suivi des recommandations, la mise à
jour des recommandations, et
ça, j'ai l'impression que c'est la partie la plus importante,
en tout cas une des parties les plus importantes,
parce que vous avez l'ensemble des
faits, vous êtes des professionnels. Je vous écoutais puis je suis entièrement à la même page que vous.
À
la page 39 et 40 de votre mémoire, vous nous en parlez, des recommandations. Qu'est-ce qu'on peut faire pour s'améliorer? Je comprends que vous avisez l'organisme. Bon, l'organisme,
il prend son temps, se traîne les pieds, vous allez aviser le
gouvernement. Ce n'est vraiment pas la meilleure affaire à faire, parce que je
ne suis pas sûr qu'en avisant le
gouvernement ça va se faire. Peut-être que... On a la chance d'ouvrir la loi,
là, on a la chance de travailler dans la loi, peut-être qu'il pourrait y avoir un «doit», dans les recommandations, au lieu d'un «peut» ou juste une recommandation qui va être au bon vouloir des gens qui vont la
recevoir, ou au bon vouloir du gouvernement, ou au bon vouloir de votre rapport annuel. Parce ce que c'est le fun, dans votre
rapport annuel, tout ce que c'est qu'on regarde, combien est-ce qu'il y a de
recommandations et depuis combien d'années qu'elles n'ont pas été suivies? Avez-vous
des commentaires là-dessus?
M. Dandavino (André-H.) : Bien, je pense qu'il y a une ouverture, de la
part de la ministre, de demander que toutes les recommandations qui... Auparavant, les gens n'étaient pas
obligés de répondre aux recommandations. Actuellement, avec
les modifications apportées... et Mme la ministre, lorsqu'elle
était porte-parole du bureau, elle sait très bien qu'elle défendait nos recommandations... à ce moment-là, il faudrait que les gens soient imputables, et qu'à la fin de l'année,
même, que l'Assemblée nationale soit avisée qu'on a fait des recommandations à l'Association des restaurateurs ou à
l'association... au ministère des Transports et que ces recommandations-là
n'ont pas eu de suivi. À ce moment-là, ça permettrait à un organisme
indépendant, comme vous, de pouvoir juger de l'évolution du dossier.
Actuellement, on a juste un pouvoir de recommandation, mais on n'a pas... les gens ne sont pas nécessairement
attachés ou obligés de les suivre. Souvent,
moi, je vais faire des recommandations à répétition pour la même situation.
Ça m'irrite à chaque fois que j'ai une
nouvelle personne qui décède dans des situations là. Mais effectivement, si rien ne se
fait, c'est juste... comme vous dites, après 10 fois, bien, les gens vont
se demander qu'est-ce qui se passe. Mais je pense que, dans la loi, la
ministre a cette ouverture-là.
• (10 h 50) •
Mme Gélinas
(Kathleen) : Je vais compléter.
Le
Président (M. Bachand) : Très, très rapidement, il reste...
Mme Gélinas (Kathleen) : Très, très brièvement. Ce qu'on remarque, les organismes
privés sont très rapides à répondre
aux recommandations et font régulièrement
un suivi, donc, des entreprises répondent rapidement et prennent ça vraiment très au sérieux. Par contre, ce qu'on
observe également, c'est... tout l'appareil gouvernemental, en fait, les
différents ministères, et autres, on
a l'impression, bien souvent, que c'est tabletté, on ne sait même pas si ça
monte dans l'organisation, et c'est
là, je pense, qu'il y a un pouvoir législatif qui peut être fait pour obliger
que ce soit suivi, respecté et qu'il y ait une suite.
Le Président (M. Bachand) : Sur ce, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce
matin. Je suspends les travaux quelques instants, merci.
(Suspension de la séance à 10 h 51)
(Reprise à 11 h 05)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Il me fait
plaisir d'accueillir les représentants de l'Association des juristes progressistes. Alors, comme vous
savez, vous avez 10 minutes de
présentation, et par après nous aurons un échange avec les membres de la commission.
Donc, je vous invite à vous présenter et à débuter votre présentation. Merci
beaucoup d'être ici ce matin.
Association des juristes progressistes (AJP)
Mme Brosseau
(Florence Amélie) : Donc, merci, M. le Président. Mme la
ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Je me présente, Florence Amélie
Brosseau, je suis administratrice de l'Association des juristes progressistes du Québec. Je suis accompagnée, aujourd'hui, de Me Virginie Dufresne-Lemire, membre de notre association, afin de vous présenter notre
position concernant le projet de loi n° 45. Pour le reste de la présentation, alors, si
vous permettez, j'utiliserai l'acronyme AJP pour désigner notre organisation.
Donc, l'AJP
est un organisme à but non lucratif qui unit des avocats, des étudiants et
professeurs en droit, des travailleurs du
domaine juridique et des juristes de
divers horizons. L'AJP se veut une force politique vouée à la défense et la
promotion des droits politiques,
sociaux et culturels au Québec. En tant que juristes, nous croyons et nous
sommes conscients que, si le droit
peut s'avérer un outil efficace de lutte contre les inégalités sociales, il
peut également produire et reproduire de
telles inégalités. La mission de l'AJP est donc de mettre en lumière ce rôle
producteur et reproducteur du droit en matière d'inégalités sociales et afin d'agir concrètement, évidemment, sur
celles-ci. Ainsi, depuis sa fondation en 2010, l'AJP a pris publiquement position dans le cadre de plusieurs
débats de société, tant auprès de la société civile qu'auprès des instances
gouvernementales, notamment par la présentation d'un projet de... un projet...
d'un mémoire, pardon, dans le cadre du projet de loi n° 32.
C'est parce
que les membres de notre association se sentent concernés par les enjeux
sociojuridiques que soulève le projet
de loi n° 45 que nous vous soumettons respectueusement le
présent mémoire aujourd'hui. Tel que vous allez le constater, notre
mémoire aborde des sujets sensibles de par le contexte social particulier dans
lequel il s'inscrit... le projet de loi s'inscrit.
Ne pouvant faire abstraction de ce contexte sociopolitique — et ce contexte est entre autres ce que nous
souhaitons mettre de l'avant
aujourd'hui — l'AJP
souhaite formuler certaines précisions quant à son positionnement. Tout
d'abord, elle souhaite tout
simplement préciser que nous ne parlons pas au nom des personnes ou des
familles qui pourraient être plus directement
concernées par le projet de loi, et notre objectif, ici, est davantage
d'incarner une posture d'alliés envers eux et elles. Puisque les circonstances ont fait en sorte, aussi, que nous
sommes deux personnes blanches allochtones à s'adresser à vous aujourd'hui, nous voulons simplement souligner le
travail des personnes blanches non membres dans la rédaction de notre
mémoire.
J'aborderai maintenant
le contexte social particulier dans lequel s'inscrivent les recommandations formulées dans le cadre de notre mémoire. Cette année, au Québec, a débuté l'enquête publique sur la mort
de Pierre Coriolan, survenue en 2017,
décédé lors d'une intervention policière. Au décès de M. Coriolan
s'ajoutent les décès de Nicolas Gibbs, décédé le 20 août 2018, d'Alain Magloire, décédé le 3 février 2017, et de Bony Jean-Pierre, décédé le
4 avril 2016. De plus, le 14 juin dernier, nous enregistrions, en
moins de trois mois, au pays la mort d'une huitième personne autochtone. Les
décès des personnes précédemment mentionnées
ont suscité diverses réactions, évidemment, dans la société civile, comme vous
avez pu en témoigner, alors, de plus en plus
sensibilisée aux violences policières à l'égard des personnes aux prises avec
des troubles de santé mentale, des personnes
racisées et des personnes autochtones. D'ailleurs, le 8 juillet dernier, le
SPVM mettait en place une première politique sur l'interpellation
policière.
Nous
soumettons que les modifications apportées par le projet de loi n° 45 ont le potentiel de contribuer à la lutte contre la discrimination systémique dans nos
institutions publiques au Québec. Toutefois, sa version actuelle reproduit
certaines inégalités sociales, alors qu'elle
devrait, à notre avis, les éliminer toutes. Comme vous avez pu le deviner,
l'analyse du projet de loi n° 45 qui
vous est soumise examine les modifications dans le contexte plus précis des
décès survenant dans le cadre
d'interventions policières. C'est d'ailleurs le phénomène qui nous intéresse
tout particulièrement, à l'AJP. Les
propositions qui vous seront formulées visent donc à favoriser la justice
sociale des groupes plus susceptibles d'interagir avec les corps policiers au Québec. Pour permettre
à l'institution du coroner de mener sa mission de façon juste et équitable
à l'égard de tous et toutes, il importe de
munir celle-ci de garanties quant à son impartialité, son intégrité et son
indépendance.
• (11 h 10) •
Nous
souhaitons rappeler, ici, le rôle essentiel qu'est celui du coroner dans une
société démocratique. L'AJP considère que,
par la recherche objective de la vérité, c'est le coroner qui agit comme
dernier rempart pour la protection des
droits des victimes décédées dans le cadre d'interventions policières et ceux
de leur famille. Aujourd'hui, le rôle du coroner dans la société
est d'éviter que les causes du décès
d'une personne ne demeurent inconnues aux yeux de ses proches, de sa communauté et de la collectivité. Surtout parce
qu'il a la mission sociale d'éviter que ne se reproduisent les circonstances
d'un décès, nous sommes d'avis que le
coroner possède un levier significatif pour favoriser une meilleure justice
sociale. Or, une telle mission ne peut être assurée que par une
institution hautement indépendante.
En effet, à la
lumière des premiers articles de la Loi sur la recherche des causes et des
circonstances de décès, «le coroner est un
officier public qui a compétence à l'égard de tout décès survenu au Québec». Le
coroner a donc pour fonction
d'effectuer une recherche notamment sur les circonstances d'un décès et ses
causes probables, et nous croyons que
le rôle du coroner, en fait, est fondamental en intervenant dans un contexte
d'un décès survenu par suite de négligence ou bien de circonstances obscures ou violentes. Vous comprendrez donc
que son rôle est essentiel dans le cadre de décès survenus lors
d'interventions policières.
L'exigence
d'indépendance du coroner découle notamment du fait qu'il
possède des fonctions et pouvoirs très similaires
caractéristiques d'un juge lors de son enquête. Ce rapprochement entre le
statut du juge et du coroner s'appuie notamment sur les articles 112, 114, 119, 120 et 126 de la
loi, qui expliquent les pouvoirs de... qui explicitent les pouvoirs du coroner en matière d'enquête, mais aussi sur les articles 149 à 155 de la loi en
matière de preuve et procédures applicables lors des enquêtes. Finalement, la Charte des droits et libertés de la
personne précise, aux articles 23 et 56, que même le mot «tribunal» inclut un coroner, donc, conséquemment,
la fonction juridictionnelle du coroner exige sans contredit de lui conserver une indépendance. Cette fonction
juridictionnelle a même été confirmée par les tribunaux. Tout bien considéré, en raison de son objectif de recherche de la
vérité, l'institution du coroner doit véritablement être indépendante et
impartiale.
Je cède donc la
parole, maintenant, à Me Virginie Dufresne-Lemire, qui pourra vous en parler davantage.
Mme Dufresne-Lemire
(Virginie) : Bonjour à tous.
Merci de nous recevoir. Un exercice comme celui-ci, dans notre société,
est très important. Donc, on vous remercie de l'invitation que vous avez donnée
à l'AJP.
Je vais parler brièvement... un peu regrouper les
recommandations qu'on a. Ce qui doit guider la modernisation de la loi, un des aspects importants, c'est
l'intérêt des familles. On a déjà expliqué qu'on parlait particulièrement des
décès dans le cadre d'interventions
policières, donc ce sont des familles où un proche a été tué par un agent de
l'État. Ce sont des situations très particulières. Il faut garder ça à
l'esprit, l'intérêt des familles.
De l'intérêt des
familles découle l'importance de la transparence. Donc, la transparence... je
vais parler particulièrement des articles
26, 30 et 37 du projet de loi, donc l'accès au rapport de l'agent de la paix,
c'est excessivement important. La
modification qui est proposée dans le projet de loi ferait que les familles ne
pourraient plus passer par le coroner pour
avoir accès à ce rapport-là, qui est très important. Je vous réfère... Vous
allez entendre, un peu plus tard, M. Popovic. Son mémoire est extrêmement bien fait, il détaille
et donne des exemples. Donc, je vous référerais à ce mémoire-là, c'est un des documents les plus importants. Les familles
ont besoin de réponses, c'est l'aspect numéro un, et donc l'accès à ce
rapport-là, qui est un document auquel le coroner a accès, est vraiment, bon,
important.
Ensuite... suite à... suivant le besoin de
transparence, ça va être l'importance de tenir une enquête publique lorsqu'il y
a décès dans le cadre d'une intervention policière où la force a été
utilisée. Les policiers ont le pouvoir de force. Il faut s'assurer d'avoir un mécanisme de reddition de
comptes, de recherche de la vérité efficace qui permet aux familles d'avoir
des réponses et qui permet, comme un
intervenant l'a dit plus tôt, de sauver des vies. L'objectif... Les
recommandations que le coroner peut
faire permettent de sauver des vies. Et d'ailleurs vous avez ajouté un... vous
proposez l'ajout d'un article qui
donne un plus grand pouvoir de suivi au coroner, ce qui est extrêmement
important. On soutient que ce pouvoir de suivi là, malheureusement, comment il est rédigé — respectueusement soumis — il n'a pas assez de dents, c'est un article
qui est général. Il faudrait donner
plus de pouvoirs au coroner, selon nous : un pouvoir de convocation des parties
pour expliquer les mesures qui ont été
prises, l'application des recommandations, un pouvoir de vérification de
l'application des recommandations, un
pouvoir de rédaction d'un rapport complémentaire une année plus tard pour
montrer le suivi pour la population, pour la famille de la personne
décédée et pour les communautés en général.
Je parlerai très brièvement, également, de
l'importance de la publicité des débats. Donc, on permet que le huis clos
soit ordonné de manière beaucoup plus
facile. On soumet que c'est extrêmement problématique. La publicité des débats
exige que le huis clos soit une exception,
et la Cour suprême s'est penchée à ce sujet-là. L'enquête publique du coroner
est un tribunal quasi judiciaire, il
ressemble à un procès, il y a énormément de ressemblances, et donc il faut
s'assurer de la publicité des débats, c'est excessivement important tant
pour les familles que la collectivité.
Donc... Et, le
dernier point, l'enquête publique, pour s'assurer qu'elle soit crédible, ce qui
est excessivement important dans le
contexte, il faut assurer des moyens aux familles. Il y a des articles qui ont
été adoptés, en 2013, à l'unanimité et
qui n'ont toujours pas été mis en vigueur parce que le règlement pour aider les
familles n'a pas été adopté.
Les familles de personnes tuées dans
le cadre d'interventions policières sont souvent des personnes avec certaines vulnérabilités qui n'ont pas les moyens
pour payer un avocat pour être représentées.
Et la représentation est cruciale, dans un exercice comme ça, si on veut
qu'il soit efficace, pour que les recommandations soient efficaces, pour que le
coroner puisse faire ces recommandations-là,
assurer le suivi et s'assurer que ça ne se reproduise plus. C'est ce qui est le
plus important et c'est ce qu'on vise ici. Je vous remercie de votre
écoute.
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre,
s'il vous plaît.
Mme Guilbault : Oui, merci beaucoup. Merci d'être ici aujourd'hui
pour nous éclairer. Je n'ai pas eu l'occasion de prendre connaissance du mémoire, là, je pense qu'il a été déposé tout
récemment, mais vous en avez fait un très bon résumé. Merci beaucoup. Et d'abord je veux juste
mettre au clair, là... Est-ce que... Quel a été votre rôle, exactement, dans
l'enquête publique du coroner, que ce soit
pour le décès de M. Coriolan ou en général? Avez-vous participé à d'autres
enquêtes publiques des coroners? Quel est votre historique, finalement, de
collaboration avec le Bureau du coroner?
Mme Dufresne-Lemire
(Virginie) : Dans le cas de
l'enquête publique du coroner, j'y ai assisté à titre d'avocate, mais aujourd'hui je vous parle à titre de membre
de l'AJP, c'est deux chapeaux complètement différents. Par contre, il y a
des valeurs entre l'AJP et moi, comme
avocate, qui se recoupent, et s'assurer de la représentativité et de ne pas
continuer de permettre les rapports de force qui sont inégalitaires, et
donc l'AJP est intéressée à ce sujet-là pour ces raisons.
Mme Brosseau (Florence Amélie) :
Si je peux compléter, en fait...
Mme Guilbault :
Oui.
Mme Brosseau
(Florence Amélie) : Oui,
donc, puisque je suis administratrice de l'Association des juristes
progressistes, en fait... juste
préciser, évidemment, que Me Dufresne-Lemire est membre de notre
association. Nous regroupons donc plusieurs
avocats et avocates dans notre association. Lorsque nous avons reçu, en fait,
votre convocation, votre demande, vous
nous avez, évidemment, demandé de venir présenter... ce que nous avons,
évidemment, accepté. Par contre, il y a des membres dans notre association qui sont nettement mieux informés du
processus, et donc il a été une décision tout à fait logique dans le conseil d'administration d'avoir recours,
notamment, à Me Dufresne-Lemire, évidemment, mais ce mémoire n'a pas été rédigé par
Me Dufresne-Lemire, mais bien par l'Association des juristes
progressistes, si je peux préciser,
et voilà. Donc, si nous pouvions revenir... Ça concerne les décisions, aussi,
de notre association et en conseil d'administration,
puis on délègue, mais nous partageons entièrement, en tant qu'association,
l'entièreté des opinions et valeurs qui traversent le mémoire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la ministre.
Mme Guilbault : Oui, tout à fait, j'avais bien saisi la nuance. En fait, l'idée était
de faire valoir votre connaissance expérientielle
de la chose et de l'enquête publique, compte tenu du fait que vous avez
directement participé, alors je trouvais ça intéressant de le noter.
J'aimerais
savoir... Comme vous avez abordé très directement les articles 26, 30 et
37, donc toute la question de modifier,
finalement, le statut des rapports d'agent
de la paix, qui, jusqu'à aujourd'hui ou, en tout
cas, jusqu'à l'adoption du projet de loi, sont considérés comme des annexes au rapport du
coroner, donc accessibles en vertu du même processus
que n'importe quelle autre annexe, rapport
d'autopsie ou autre document, et avec le projet
de loi on le retire, on lui retire
son statut d'annexe, finalement, pour en faire un document à part qui serait accessible par d'autres canaux — puis
je me permets de vous en parler directement, parce que le temps n'est pas infini, là, ça fait que je voudrais vraiment vous entendre là-dessus, comme vous êtes
juriste, en plus — notre
prétention, en faisant ça, c'est que... Actuellement, en passant ça en
demande d'annexe comme n'importe quelle
autre annexe, vous le savez, c'est exempté des exigences de la loi sur l'accès
à l'information, c'est l'article 180 de la loi, sur la recherche, je pense, en tout cas, sous réserve, là... c'est bien ça, 180. Donc,
en ce moment, par exemple, une famille fait la demande au Bureau du
coroner, dit : J'aimerais avoir le rapport de police attaché à tel rapport de coroner, et là le Bureau
du coroner fait une première analyse, décide est-ce
que, oui ou non, il répond aux critères, parce que, pour pouvoir avoir
une annexe, il faut soit qu'on soit un ayant droit, ou qu'on ait un intérêt personnel
à faire connaître ou reconnaître des droits,
ou qu'on soit un ministère ou un organisme dans la poursuite de l'intérêt
public. Si le Bureau du coroner, à
son niveau, juge que la personne, le demandeur ne remplit pas ces critères-là, déjà,
elle peut refuser... il, le Bureau du
coroner... la personne qui fait ça au Bureau du coroner peut refuser
l'accès. Si le Bureau du coroner dit :
Oui, parfait, elle a un statut légitime de demandeur, en ce moment, vous savez, c'est le ministre
de la Sécurité publique ou son représentant, donc il y a une personne, dans le ministère
de la Sécurité publique, qui s'occupe
de gérer ces demandes-là pour le ministre, et là la personne du ministère
de la Sécurité publique fait le lien
avec le corps de police concerné pour voir si, oui ou non, on remet le rapport et dans quel état on le remet, dans
le sens où des fois on doit caviarder de l'information, et tout ça, il
peut y avoir des enquêtes en cours, il peut y avoir des mineurs à protéger, il y a
toutes sortes d'enjeux. Et, tout ce processus-là
étant exempté de la loi sur la protection... sur l'accès à l'information, les délais
prévus dans la loi, entre autres le 20 jours maximum, 10 jours de
plus, donc 30 jours... c'est-à-dire 10 jours de plus, maximum
30 jours, et les recours devant la CAI sont aussi exemptés, c'est-à-dire
sont aussi absents, du fait d'être exemptés de cette loi-là.
Alors, moi,
mon intérêt à faire... à mettre ça dans le projet de loi, c'était pour favoriser une simplification du processus
pour obtenir les rapports de police pour les
familles et peut-être même, je le souhaite, des délais moindres, parce qu'ils vont demander directement au corps de police, et le corps de
police va être soumis aux exigences de la loi sur l'accès à l'information. C'est le même type de loi, mais, en
tout cas... Donc, c'est ça. Moi, c'est ça, mon idée. Ça fait que j'aimerais
voir ce que vous, vous en pensez.
• (11 h 20) •
Mme Dufresne-Lemire
(Virginie) : Je vais faire une réponse assez brève, parce que vous
avez M. Popovic qui va venir
parler après nous et qui est, si je peux dire, un spécialiste de cette
question, qui a... qui connaît bien la loi à l'accès à l'information. Et ça complique, pour les
familles, de rajouter un intermédiaire. Pour le moment, les familles peuvent
demander simplement au coroner, et c'est beaucoup plus simple pour elles. Il
faut avoir cet intérêt-là, il ne faut pas complexifier,
c'est déjà assez complexe. Les délais sont déjà beaucoup plus... sont déjà très, très
longs pour les familles de personnes
décédées dans le cadre d'interventions policières, et passer par la loi à
l'accès à l'information, selon nous, c'est une fausse façon de faciliter, ça ne
permettra pas un plus grand accès. Je crois qu'il y a au-dessus de 500
familles qui ont eu accès, via le coroner,
aux rapports d'enquête. Donc, je pense que comment ça fonctionne en ce moment, c'est beaucoup mieux que... si on le modifie, qu'il y a beaucoup
plus de risques de rendre les choses plus difficiles.
Et je
reviendrais à la question précédente concernant notre expérience quant à
l'enquête du coroner, les avocats membres
de l'association vous diraient que ce n'est pas un processus
anodin, c'est un processus qui ressemble énormément à un tribunal. Il y a des dizaines de
documents à analyser, il faut contre-interroger, il faut préparer ces
contre-interrogatoires-là, c'est des
contre-interrogatoires serrés dans lesquels participent les avocats des
policiers, les nombreux avocats des policiers, et les familles ne peuvent pas faire ça, tout d'abord parce qu'elles n'ont pas les connaissances, elles
ne sont pas avocats, ensuite elles
sont en deuil et elles ne peuvent pas contre-interroger le policier qui a tué
leur enfant, par exemple, c'est trop demander, d'où l'importance de la
représentation.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault : Oui, merci. Je suis très sensible à ce que vous
venez de dire puis je vais y revenir, mais, pour en revenir... Parce que, comme vous avez nommé les articles d'accès à
l'information, je trouve ça important, là, parce que je veux clarifier... je veux entendre le point de
vue des gens là-dessus, parce que, moi, comme je vous ai expliqué, ma
prétention, en mettant ça dans le
projet de loi, c'était de simplifier l'accès. Vous dites : Les délais sont
déjà très longs. Effectivement, parce
qu'actuellement personne n'est soumis à des délais maximums, étant exempté de
la loi, et en plus de ça la décision du
ministre est sans appel... et du Bureau du coroner. S'ils décident : Tu
n'as pas droit, bien, c'est ça, c'est tout, les gens ne peuvent pas aller devant la Commission d'accès.
Alors là, s'ils font la demande directement au service de police, si le service de police refuse, bien là, la personne
peut avoir un recours. Donc, je voulais juste vous sensibiliser au fait que,
pour moi, c'est un gain pour les familles.
Mais je suis ouverte, quand même, à entendre... Si vous pensez que ça peut être
préjudiciable, je suis très sensible à ça,
parce que, moi, c'est vraiment pour les familles puis pour les citoyens, entre
autres, que je veux faire ce projet de loi là.
L'autre
chose, c'est que, dans les enquêtes publiques, qui sont une bonne partie de
l'objet de votre présentation, tout ce
qui est produit devant le coroner dans le cadre d'une enquête publique devient public
aussi. Alors, à ce moment-là, souvent, les rapports de police sont
produits en tout ou en partie, ce qui, ça aussi, simplifie l'accès, qui n'a pas
nécessairement de rapport avec le projet de
loi, là, c'était déjà comme ça, mais j'ai quand même ajouté, dans le projet
de loi, 140.1, là... je ne sais plus
l'article du projet de loi... en tout cas, ça touche... 140... excusez, c'est
ça, 140... j'ai ajouté 140.1, qui
vient spécifiquement rappeler que ce qui est produit dans le cadre d'une
enquête publique est public. Donc, ça aussi, je considère que ça aide ou
ça contribue à la démocratisation de l'information liée à ce qui est contenu
dans un rapport d'un agent de la paix,
encore une fois, pour le bénéfice des familles. Est-ce que vous voyez d'un bon
oeil, vous, cet ajout-là?
Mme Dufresne-Lemire
(Virginie) : Comme je le
disais un peu plus tôt, le fonctionnement de passer par le coroner, pour les familles, semble le processus approprié.
Si la problématique, c'est qu'avec l'accès à l'information ça permettait
peut-être d'avoir des délais plus serrés, eh
bien, rajoutons des délais dans le projet de loi, tout simplement, et gardons
le même processus qui fonctionne et
qui est plus agréable pour les familles que de faire de l'accès à
l'information. C'est compliqué, comme processus.
Ensuite,
concernant le fait que le rapport est déposé à l'enquête publique, bon, le
rapport n'est pas toujours déposé à l'enquête
publique, le rapport policier ne l'est pas, ça n'arrive pas à tous les cas. Et
peut-être que ça serait une pratique à mettre
en place, donc, de déposer le rapport policier et de mettre en place des
enquêtes publiques à chaque fois qu'il y a décès dans le cas de force,
comme ça, ça permettra un accès encore plus facile aux familles. Donc, faire
des enquêtes publiques quand il y a mort
dans le cadre d'une intervention policière avec usage de force et prendre
l'habitude, prendre... que ça
devienne l'usage, la norme de déposer le rapport de police, ce serait
peut-être, effectivement, la meilleure façon de fonctionner et que les
familles aient les réponses les plus complètes possibles à leurs
questionnements.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault : Oui, merci. Sur les enquêtes publiques aussi, que ce soit sur le décès d'une personne
dans le cadre d'une intervention policière ou en général, mais c'est comme vous voulez, là, peut-être
que vous vous intéressez plus à l'échantillon
dans le cadre des interventions policières, mais est-ce que vous avez... parce
que je sais que vous connaissez bien
le sujet, est-ce que vous avez une appréciation plus générale de la
qualité de l'exercice? Indépendamment des éléments précis d'accès
à l'information, puis tout ça, il y a
l'élément de la représentation des
parties intéressées, les familles comme partie... comme statut de partie intéressée, mais est-ce que, pour
vous... Vous le disiez, ça peut ressembler à un procès. Bon, c'est sûr, c'est dans un palais de justice,
déjà, bon, ça n'aide pas, comment dire, à dissiper l'impression que c'est
un procès, mais il reste que ce n'est pas un
procès, c'est un processus inquisitoire. Donc, pour ce que vous en avez observé
ou de par votre collaboration directe et de
par le fruit du travail, c'est-à-dire les rapports des coroners, les
recommandations qui en découlent, les
impressions des familles ou ce que ça peut apporter à la famille d'avoir le
rapport, de voir le travail qui a été
fait, de voir les recommandations qui en découlent, est-ce que vous avez une
appréciation qualitative de cet exercice-là et de ce processus-là?
Mme Dufresne-Lemire (Virginie) : De l'exercice de l'enquête publique? Oui, tout à
fait. Les familles le demandent. Les familles le demandent à chaque
fois, doivent rédiger des lettres, des lettres d'avocat pour demander une
enquête publique, ils
en ont besoin. Le rapport du coroner... Et, encore une fois, je vous réfère au mémoire de M. Popovic, qui est
très complet, il a fait l'analyse des rapports du coroner comparés à ce que
donne une enquête publique. Les rapports du
coroner sans enquête publique sont environ d'une dizaine de pages et reprennent
souvent... et ça, il cite le mémoire de maîtrise de Linda Michel, si je ne me trompe pas, son nom de famille, qui a fait l'analyse des rapports
d'enquête du coroner, souvent, ils
vont malheureusement reprendre la version policière, parce que, contrairement à
ce qu'une intervenante disait tantôt,
qu'ils sont les derniers témoins de la personne décédée, les policiers, dans le
cadre de décès dans une intervention policière, ce sont les policiers,
les derniers à y avoir été, et ce sont les seuls à donner leur version, d'où
l'importance d'une enquête publique pour
aller chercher la vérité. Et, encore une fois, M. Popovic cite énormément
de personnes qui sont d'accord avec
cette idée d'enquête publique, parce que c'est beaucoup plus complet qu'un
rapport de 10 pages, ça... On peut contredire, on peut aller chercher de l'information, on a des gens qui
viennent parler de formation, on a... donc ça donne un portrait beaucoup
plus général, et c'est ce que les familles méritent.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault : Oui, parfait. Merci beaucoup. Et donc, dans les...
suivant un peu... découlant de ça, mais là ce n'est pas juste pour les enquêtes publiques, c'est pour tous les
rapports de coroner, mais il y a aussi, dans le projet de loi, quelque chose qui ajoute à la force... je ne
dirais pas exécutoire, mais du moins à la force générale des recommandations
des coroners et qui contraint désormais les ministères, organismes ou autres
organisations qui sont destinataires de recommandations
à tout le moins à répondre dans les délais impartis par le Coroner en chef, à
répondre sur les intentions et la
façon dont ils comptent donner suite aux recommandations. Est-ce que vous, vous
considérez que c'est une avancée que d'inclure ça dans un projet de loi?
• (11 h 30) •
Mme Dufresne-Lemire (Virginie) : Comme je l'ai dit dans ma présentation un peu
plus tôt, c'est effectivement une
avancée. C'est un excellent article, mais qui doit être explicité. Donc, de
dire que les organismes visés doivent répondre, selon nous, ce n'est pas suffisant. Ils doivent répondre... Est-ce qu'ils
font juste répondre : On a appliqué toutes les recommandations, merci beaucoup? Si ça donne ça comme article, ce
n'est clairement pas suffisant. Il faut rajouter un pouvoir de convocation, un pouvoir de vérification, un pouvoir
d'analyse. Il faut ajouter à ce pouvoir-là, sinon il est dénué de sens,
on n'atteindra pas l'objectif. Donc, c'est un excellent pas en avant. On pense
que les recommandations... Malheureusement,
il y a des rapports qui ont des recommandations très intéressantes, je pense au
rapport dans Alain Magloire, mais
qu'on réalise, des années plus tard, qu'il y a certaines choses qui n'ont pas
été appliquées qui auraient dû, qui auraient permis de sauver des vies. Donc,
de donner plus de pouvoir au coroner, c'est effectivement excellent, mais il
faut lui donner un réel pouvoir.
Et,
juste simplement pour revenir sur... Vous nous aviez demandé : Est-ce que
l'enquête publique ressemble à un procès ou non? Bien, tout d'abord, les forces... la partie policière est
représentée, chaque policier, par son propre avocat, la fraternité est présente, les avocats de la ville sont
présents, donc ça commence à ressembler à un procès quand une partie est, si je
peux me permettre, surreprésentée.
Donc, c'est logique que l'autre partie soit représentée également, il y a des
contre-interrogatoires. Donc,
effectivement, ce n'est pas uniquement dans le palais de justice. Et, là
encore, c'est intimidant pour les familles d'être dans le palais de justice. Ce n'est vraiment pas
juste à cause du lieu, que c'est
comme un procès, c'est à cause du processus. Le Code de procédure s'applique, le Code de procédure civile
s'applique. Les décisions du coroner peuvent être révisées à la Cour
supérieure. Donc, il y a énormément
d'éléments qui le rendent similaire à un procès qu'on doit prendre en compte,
d'où l'importance de la représentation des familles. C'est terminé?
Le
Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. M. le député de Vimont, s'il vous plaît.
M. Rousselle : Merci, M. le Président. Merci d'être ici et... merci, merci. J'ai, moi
aussi... On a eu votre mémoire tardivement,
mais j'ai eu la chance de le regarder un
petit peu. Je regarde vos
suggestions. Je n'irai pas dans la lignée que la ministre a été, puisque c'était... ça avait été aussi...
j'avais eu des questions là-dedans, mais vous avez répondu pas mal.
Je regardais au niveau du renouvellement. Premièrement, je voudrais avoir votre opinion sur la nomination du Coroner en chef. Vous le verrez comment, vous? Et puis
j'aimerais ça vous entendre aussi sur le mandat de combien d'années vous
verriez avec ça. Je le vois dans votre mémoire, mais j'aimerais ça vous
entendre un petit peu plus là-dessus.
Mme Dufresne-Lemire
(Virginie) : Le rôle du
coroner, comme on le présente dans notre mémoire, est un rôle extrêmement important dans la société. L'institution des coroners est assimilée à un
tribunal quasi judiciaire... est assimilée à un tribunal, même dans la charte, et donc, selon nous, d'appliquer les
mêmes principes qu'à la nomination des juges serait la chose la plus
appropriée, selon nous, pour assurer l'indépendance.
On
a entendu les intervenants, plus tôt, qui s'inquiètent de l'indépendance de
l'institution du coroner. Il est donc extrêmement important que le coroner ait... ne soit pas
redevable, parce que le coroner doit critiquer, parfois, les institutions,
les organisations d'État, et, pour ce faire,
il faut s'assurer d'avoir la liberté de le faire, et, pour ça, avoir un coroner
en chef inamovible serait la meilleure façon de permettre ça.
Encore une fois, tout ça est lié. Si on augmente son pouvoir de recommandation en
assurant sa réelle indépendance, en
faisant des enquêtes publiques, on donne énormément de pouvoir à cette
institution-là qui est parfois un peu délaissée et on lui donne de la crédibilité, et ça répondrait grandement à un
besoin, entre autres, des familles, mais beaucoup du public à cette crise de la crédibilité de nos
institutions. Et donc de s'assurer d'avoir un coroner en chef inamovible,
s'assurer de l'indépendance,
s'assurer de lui permettre d'émettre des opinions, d'émettre des critiques
parfois, ça serait extrêmement
important pour la crédibilité de l'institution.
M. Rousselle : Dites-moi, et la nomination, ça serait qui, selon vous, qui devrait le
nommer? Est-ce que c'est la ministre? Est-ce
que c'est un comité? Est-ce que c'est les pairs de cette... des coroners, qui
vont... qui nommeraient, comme, le Coroner en chef? Avez-vous regardé ça
sur ce côté-là ou...
Mme Dufresne-Lemire (Virginie) : Je ne suis pas certaine qu'on soit les meilleurs pour faire ce type de
proposition là, mais on a une façon
de... pour la nomination des juges, donc qui n'est pas parfaite, mais qui est
quand même intéressante, de laquelle on pourrait grandement s'inspirer
pour un rôle aussi important qu'est le Coroner en chef.
M.
Rousselle : Dites-moi, au niveau des coroners à temps plein
puis des coroners à temps partiel... puis là j'ai appris, tantôt, qu'ils sont à... il y en a qui
sont... ils ont le côté temps partiel, mais ils sont permanents. Le mandat,
est-ce que vous le voyez
renouvelable? Est-ce que vous voyez, à ce moment-là, que ça serait le Coroner
en chef qui devrait les nommer? Parce que, dans le fond, c'est elle
qui... comme vous dites, là, comme un juge, c'est elle qui... Si on veut
vraiment une indépendance, est-ce que vous
avez regardé ça aussi, concernant la nomination de ces coroners-là, que ça soit
à temps plein ou temps partiel?
Mme Dufresne-Lemire
(Virginie) : Je n'ai pas eu la chance de lire le mémoire des
intervenants plus tôt, mais je crois
qu'ils sont beaucoup mieux placés que nous, parce que j'ai entendu leur
inquiétude quant à donner autant de pouvoir au Coroner en chef. Donc, je
vous avoue que je ne suis pas certaine qu'on soit l'intervenant le plus
approprié pour commenter ça.
Tant
qu'on permet la plus grande indépendance des coroners nommés selon bonne
conduite, s'assurer que ce ne soit pas...
bref, assurer une plus grande indépendance, permettre des mandats parfois, oui,
renouvelables. Un mandat de cinq ans nous semble excessivement court pour une fonction comme ça, dans
laquelle... à laquelle il n'y a pas de formation, donc qui s'apprend par
expérience, donc, avec le temps, on devient meilleur, j'ose croire. Donc,
peut-être que ça peut être un élément important.
M. Rousselle : Je regarde aussi, dans la page 6,
là, vous parlez de «délai raisonnable indiqué à l'alinéa 5° doit être
défini», disons que vous suggérez un délai
de six mois. Je voudrais vous entendre là-dessus, parce qu'effectivement,
vous avez parlé des familles qui
attendent des résultats, des familles... ça, j'ai tout compris ça, puis avec
intérêt, d'ailleurs, mais je voudrais
vous entendre là-dessus. Vous mettez six mois, mais, tout à l'heure, on
entendait, justement, les coroners qui parlaient
que, des fois, ils attendaient après un rapport soit de police, un rapport
d'autopsie, un rapport d'autres organisations. Donc, j'aimerais ça vous
entendre là-dessus.
Mme Dufresne-Lemire
(Virginie) : Cette question des délais est extrêmement importante. On
propose un délai de six mois, puisqu'on assimile beaucoup la notion
de coroner à la notion de juge, et les juges ont six mois, normalement,
pour rédiger leur jugement. Donc, on trouve
que c'est un délai qui a été jugé raisonnable dans le cas des juges, on croit
qu'il y a des similitudes entre les fonctions.
Toutefois, dans le
cas de décès dans une intervention policière, les délais sont excessivement
longs, et malheureusement la loi sur le
coroner ne pourra pas remédier à cette problématique entièrement parce que,
quand le coroner fait son enquête, il
y a également le BEI, donc le Bureau des enquêtes indépendantes qui fait son
enquête et qui termine par la suite
du coroner. Donc, il y a le coroner, le BEI, mais le rapport
du coroner n'est pas... ne peut pas être donné à la famille avant que le BEI n'ait terminé. Et ensuite c'est
transmis au DPCP, donc Directeur des
poursuites criminelles et pénales,
pour décider s'il prend une décision ou pas.
Et normalement on se donne six mois, plus ou moins, entre
chaque. Mais, dans certains cas, on
est rendus... et, encore
une fois, je vous réfère au mémoire
de M. Popovic, il a calculé les délais, c'est des 553 jours pour que la famille ait le rapport
dans le cas de décès d'un proche. Ce sont des délais qui sont inacceptables,
d'où l'importance de l'enquête
publique, qui permettra un peu de contrebalancer, parce qu'effectivement on ne peut pas réduire ces délais-là ou mettre un délai de six
mois dans ce type d'intervention là, donc de permettre une enquête publique,
au moins les familles n'auraient pas à se
battre, ils auraient confiance en ce processus-là, d'aller chercher toutes les
réponses. Donc, c'est moins difficile
d'attendre quand on sait que les réponses vont venir. Donc, c'est un peu le
contrepoids à la difficulté de
limiter les délais, parce que j'ai effectivement entendu ce que l'intervenante
a dit sur l'attente des documents, etc. Donc, le délai de six mois, pour nous, c'est important, quitte à permettre des
exceptions dans le cadre d'interventions policières et de permettre une
enquête publique pour contrebalancer le poids du temps pour les familles.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols :
Merci, M. le Président. En effet, le délai est vraiment problématique. Puis je
me mets dans la place des familles
qui sont dans l'attente, c'est difficile de faire un deuil ou sinon de faire un
double deuil, parce que j'imagine que,
quand on reçoit, à la fin, quand le... on a l'impression de le revivre deux
fois. Donc, oui, je me mets dans la place de... puis je suis aussi d'avis que les délais doivent être peut-être mieux
encadrés. L'idée du délai maximum est très intéressante, merci de la
partager avec nous.
Relativement
à l'accessibilité aussi, je sais que c'était une de vos préoccupations,
l'accessibilité, vous en avez beaucoup
parlé à Mme la ministre. Je partage aussi, là, la problématique relativement à
l'accessibilité, puis je me permets, bien
qu'on soit à l'étude des consultations, de soumettre... vous travaillez, entre
autres... vous êtes un OBNL, vous travaillez avec des juristes qui ont souvent accès à de la jurisprudence, qui ont
souvent accès à de la jurisprudence, à des cas particuliers, puis on a un outil qui est superefficace, qui
s'appelle SOQUIJ, là où on peut taper par mot-clé le nom d'une personne,
le nom d'une partie, le nom... si on cherche
«pension alimentaire», on peut taper «pension alimentaire», et où les rapports
peuvent sortir, ça
pourrait être aussi un outil intéressant, soit pour vos juristes ou soit pour
les familles qui sont à la recherche, là,
d'informations supplémentaires. Je pense que... On est en 2020, on dit
toujours : C'est directement public,
tout est... C'est des rapports, là,
qui deviennent, à la fin, publics, donc je pense que c'est un outil qu'il faudrait,
justement, penser, là, éventuellement,
à élaborer, puis j'aimerais peut-être... je soumets l'idée puis j'aimerais
juste vous entendre sur cette idée.
Mme Dufresne-Lemire
(Virginie) : Tout ce qu'on
fait pour faciliter l'accès est, évidemment, une bonne idée. Si je ne me
trompe pas, à Toronto, l'équivalent du BEI rend publics ses rapports sur son
site Internet avec certains caviardages, et
donc on n'a pas à faire de demande à l'accès à l'information, on n'a pas besoin
d'avoir de lettre, on n'a pas de délai,
ils sont accessibles sur Internet. Le BEI devrait permettre ça, le coroner
devrait permettre ça, et ne pas avoir à passer par l'accès à l'information, ce sont des situations qui sont
d'intérêt public, en permettant, évidemment, le caviardage, en mettant certaines exceptions, en mettant en
place un système de protection des personnes citées, etc., là. C'est quelque
chose qui existe déjà. Mais effectivement
tout ce qui permet de faciliter l'accès, c'est, évidemment, le bienvenu. Donc,
que le coroner le fasse, ce serait bien que... effectivement.
• (11 h 40) •
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. C'est intéressant de noter, là, l'aspect... le BEI puis des
comparables, aussi, à Toronto.
On en a parlé
quand même un petit peu précédemment avec les différents collègues sur... puis
je pense que c'est la ministre, là,
qui a demandé d'avoir, là, un peu l'appréciation sur le travail, puis je fais
un lien avec le groupe qui était là précédemment,
là, ils ont parlé, entre autres, là, des formations. Vous avez vu des rapports
de coroner. Il y a des familles qui
travaillent avec les coroners. Puis je le dis, là, c'est sans préjudice à
personne, mais, sur... moi, j'ai un problème avec la formation des coroners, je trouve qu'une
formation de quelques jours, ce n'est peut-être pas suffisant. Est-ce que c'est
arrivé... où les conclusions ou, sinon... où...
tu sais, je ne veux pas... c'est parce que je ne veux pas être... je ne veux
pas non plus nommer des cas particuliers... bien, ou, en fait, votre
appréciation sur le travail ou sur les compétences en... les compétences d'un
coroner dans un dossier ou un autre dossier, là, pour ne pas en cibler
précisément...
Mme Dufresne-Lemire
(Virginie) : Les situations
de décès dans le cadre d'interventions policières sont des situations très particulières, il faut donc des coroners qui
soient à l'aise avec cette situation-là et qu'ils soient capables d'aller
chercher l'information, malgré,
parfois, la force policière qui est partie. Donc, c'est une partie qui est très
importante, qui est très respectée,
qui a un pouvoir particulier. Donc, d'aller et de chercher, ça peut parfois
être dur, donc il faut avoir des coroners qui soient à l'aise de le faire. Et ce qu'on observe... et ce n'est pas
moi qui l'observe, ce n'est pas l'AJP, là, c'est un mémoire, là, qui a été fait, qui a étudié plusieurs
rapports de coroners, une quinzaine, si je ne me trompe pas, et ce qu'on
observe, c'est que, souvent, à
l'époque d'où ce mémoire a été fait — je ne veux surtout pas faire de reproches aux
coroners, en ce moment — on
va reprendre les témoignages policiers tels quels et souvent on va dépeindre la
personne décédée par ses antécédents
judiciaires, ses problématiques, ses antécédents de violence, etc. Donc, c'est
sûr que ça peut être problématique,
si on ne fait qu'un rapport d'investigation,
parce qu'on ne peut pas aller plus loin. C'est pourquoi
une enquête publique est tellement importante dans ces situations-là, pour avoir un
portrait plus global, pour aller tester les versions, parce qu'on le voit dans la pratique c'est
important de le faire.
Donc, c'est
évident que, pour pallier un peu au caractère compliqué d'une enquête dans le
cadre d'interventions policières où
il y a eu un décès, l'enquête publique permet, selon nous, de pallier ça, parce
qu'il y a un coroner qui écoute, qui
entend, qui est assisté d'un avocat. Il y a les parties policières
représentées, et, s'il y a modification au projet de loi, la famille est
représentée par des avocats compétents qui peuvent aussi contre-interroger,
donc ça permet vraiment une recherche de la
vérité la plus complète, parce que sinon on n'a que la version policière, à
moins qu'il n'y ait des vidéos, mais,
même là, c'est un cas sur je ne sais pas combien, ce n'est pas la norme. Donc,
c'est important, cette enquête publique là, pour s'assurer que le rapport du coroner soit le plus complet
possible pour faire des recommandations les plus pertinentes possible,
assurer un suivi de ces recommandations-là pour ne plus que ça arrive. Ça reste
l'objectif premier.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Chomedey,
s'il vous plaît.
M. Ouellette : C'est intéressant de vous entendre. Je vais
commencer par votre conclusion, parce que je pense que c'est très important. Puis vous nous dites, dans
votre conclusion de la dernière page, à la page 13 — puis pour les gens qui nous écoutent, je pense que c'est important qu'ils
l'entendent — vous
nous dites que, les enquêtes du coroner, il ne faut pas que ça soit «des espaces dans lesquels les
dynamiques de pouvoir entre les différents intervenants l'emportent sur la quête
de vérité à la base de telles enquêtes». Je pense que ça parle, ça aussi.
Et vous nous dites, à votre dernier
paragraphe : «...il est essentiel que la modernisation de la loi repose
sur une augmentation de la transparence
envers le public et les proches des personnes décédées. Cette exigence revêt
toute son importance dans le contexte
de la crise de confiance — je vais rajouter "des citoyens" — envers les institutions publiques.» Je pense que vous auriez écrit juste ça dans votre
mémoire, là, puis vous venez de couvrir l'essentiel puis vous venez de couvrir la perception, je vous dirai, de la population à l'égard de l'institution du coroner puis à l'égard de
ce qui se passe.
Je tique un peu quand vous nous dites que le
Coroner en chef, ça devrait être une nomination un peu comme les juges. J'ai personnellement une mauvaise
expérience dans trop de concentration de pouvoirs dans les mains d'une seule
personne. Ça prend de la reddition de
comptes. Un juge, il est tout seul, il prend ses décisions, sa décision va être
influencée. Un coroner, il a une équipe, il a des recommandations. Je
pense qu'il va falloir faire une certaine différence.
Je vais aussi me permettre... Vous avez parlé,
dans votre mémoire, puis je veux bien qu'on se comprenne, une enquête publique à chaque fois qu'il y a décès dans une
intervention policière. Juste dans ces cas-là ou... Parce qu'il ne faut pas
non plus pénaliser le reste des citoyens,
là, puis les citoyens se disent : Ah! s'il y a un décès, une intervention
policière ou une enquête publique,
moi, ce n'est pas un policier, puis je ne suis pas considéré. Je pense qu'il
est très important de regarder l'ensemble
et de s'assurer de la confiance des citoyens envers nos institutions. Il ne
faut pas juste privilégier une partie par rapport à une autre.
Puis
ma dernière question, je pense que ça pourrait être un signe de bonne foi de la
part de la ministre avant l'étude détaillée
ou dans le cadre de nos travaux pour le projet de loi n° 45 qu'elle mette
en application son règlement sur les frais. Il y a toutes sortes d'histoires d'horreur, et il y a déjà un coroner
qui m'a dit : Quand je convoque des membres de la famille à mon bureau dans un décès ou autre chose, ils ne
sont pas remboursés et j'ai l'air de... j'ai besoin de leur parler, mais il n'y
a rien ou ce n'est pas prévu par
l'État, le remboursement de leurs frais. Je pense qu'il y a un manque de
professionnalisme là puis je pense que, déjà, on pourrait le voir, les
événements passés. Puis je reviens, parce que j'en ai parlé avec Mme la ministre tantôt, elle me rappelait
amicalement que la fois qu'on s'était vu en commission avec la Coroner en chef,
c'était le 11 septembre 2014, et
j'ai souvenir que le député de Vimont participait à notre commission aussi
cette journée-là, et il en a beaucoup
été question. Puis là on a un règlement... 2014, ça fait six ans. Pourquoi ne
pas profiter de la modernisation puis
pourquoi ne pas profiter de ce qui se
passe pour mettre en vigueur, dans le cadre de nos travaux du projet de loi n° 45,
la question des frais? Pas juste la question
des avocats, mais, comme j'ai mentionné, le coroner qui demande aux membres
de la famille de venir le voir, bien, c'est
tout à leurs frais, là. Il y a une dichotomie, à quelque part. Je ne sais pas
si vous êtes en mesure de répondre à mes interrogations.
Le
Président (M. Bachand) : Et je vais vous laisser une
minute seulement, désolé.
Mme Dufresne-Lemire
(Virginie) : Je vais parler
vite. Concernant le pouvoir du Coroner en chef, de mettre tout ça dans les mains d'une seule personne,
la transparence et l'augmentation de la transparence permettraient une reddition de comptes par les médias, par le public, par les organismes
militants qui s'assurent du suivi des recommandations, etc., qui, eux peuvent mettre de la
pression. Si on permet une transparence, ça va permettre de faire contrepoids
aux pouvoirs que le Coroner en chef pourrait avoir.
Concernant les enquêtes publiques, nous, on
soutient qu'une enquête publique devrait avoir lieu chaque fois qu'il y a un
décès dans le cadre d'une intervention policière où la force a été utilisée, mais dans
plein d'autres cas. On n'en a pas parlé,
mais ce ne serait pas uniquement pour ces cas-là, c'est évident. On s'excuse si
notre mémoire n'est pas clair là-dessus, mais c'est évident que ça
s'applique à plein d'autres situations.
Concernant les frais, effectivement, je n'ai pas beaucoup d'explications pourquoi, depuis 2013, ça n'a pas été adopté.
Ça avait été adopté... ces articles-là
avaient été adoptés à l'unanimité, ça n'a jamais été mis en oeuvre. Depuis, il y a
eu des demandes, il y a
eu des décès. Ça n'a aucun sens que les familles aient à quémander pour être
représentées, ou autres frais. Et il
faut s'assurer aussi que les frais soient corrects. Un salaire minimum, est-ce que
c'est quelque chose de correct? En bas du salaire minimum, est-ce
que c'est quelque chose de correct? Il faut donner des pouvoirs comparables à ceux de
l'autre partie. Dans le cas qui nous intéresse, c'est la partie policière.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre
participation. Je suspends les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 50)
(Reprise à 11 h
54
)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Il nous fait plaisir
d'accueillir les représentants de la Coalition contre la répression et les abus
policiers. Alors, bienvenue à la commission.
Je vous rappelle, vous avez 10 minutes de présentation, après ça on a un échange
avec les membres de la commission.
Donc, je vous invite à vous présenter et à débuter votre présentation. Et,
encore une fois, merci beaucoup de participer aux travaux.
Coalition contre la répression
et les abus policiers (CRAP)
M. Popovic (Alexandre) : Merci à vous, M. le Président. Alors,
Alexandre Popovic, porte-parole de la Coalition contre la
répression et les abus policiers, et je suis accompagné de
Mme Tracy Wing, à côté de moi.
Et
je vais commencer sans plus tarder. Alors, pourquoi suis-je ici aujourd'hui?
Parce que j'ai bien du mal à dire au
sujet du projet de loi n° 45, projet de loi qui menace l'indépendance des
coroners permanents à l'égard du gouvernement, projet de loi qui va compliquer la vie inutilement de familles de
victimes qui cherchent à avoir des réponses à des questions de base, projet de loi qui va faire en sorte qu'il
y aura encore moins d'investigations du coroner, donc encore moins de
transparence, projet de loi qui va faire en sorte que des décès de citoyens
vont être balayés en dessous du tapis.
Mais moi, je ne suis pas venu ici pour me
chicaner, aujourd'hui. Je suis venu ici pour voir si on peut s'entendre
sur une couple d'affaires, sur des principes que je qualifierais de
fondamentaux.
On
peut-tu s'entendre que l'inamovibilité des coroners permanents est une garantie
de leur indépendance à l'égard du pouvoir exécutif?
On peut-tu s'entendre que ce n'est pas au gouvernement de dire au
coroner quand est-ce qu'il doit commencer à écrire son rapport?
On peut-tu
s'entendre qu'une obligation d'informer le Bureau du coroner du suivi des
recommandations qui n'est pas accompagnée de conséquences en cas de
manquement ça risque de ne pas être pris au sérieux par des gens qui ne
prennent pas au sérieux la protection de la vie humaine?
On peut-tu
s'entendre que les délais de deux ans pour avoir un rapport d'investigation du
coroner, ça fait dur en mosus? Et, si oui, qu'est-ce que le gouvernement
va faire par rapport à ça?
On peut-tu
s'entendre que, quand une personne vulnérable perd la vie dans un centre de
réadaptation, le minimum, c'est qu'il y ait au moins un rapport
d'investigation du coroner?
Et on peut-tu
s'entendre que, quand une personne perd la vie alors qu'elle est déjà
privée de sa liberté, le minimum, c'est également un rapport
d'investigation du coroner?
On peut-tu
s'entendre que les familles des victimes ne devraient pas avoir à se battre
pour avoir droit à des informations de
base comme celles qu'on retrouve dans les rapports d'enquête
policière? Parce que c'est ça qu'on... va arriver si on dit à ces familles-là de s'adresser à la police. On
peut s'entendre que, la police, ça ne leur tentera pas de donner des rapports
d'enquête policière à des familles de victimes, surtout s'ils se doutent bien
que ces familles de victimes là risquent de s'en servir pour demander justice et pour traîner la police en cour, donc de
revenir contre la police. Et, si on peut s'entendre là-dessus,
alors on peut-tu s'entendre que le rapport d'enquête policière devrait
demeurer annexé au rapport du coroner et que les familles devraient
continuer à passer par la Coroner en chef pour les obtenir?
On peut-tu
s'entendre que, quand on perd un frère, un père, une soeur, une mère dans des
circonstances violentes, un rapport
d'investigation de trois ou quatre pages qui contient zéro recommandation, ce n'est pas suffisant? On peut-tu s'entendre que les familles méritent mieux que ça? On peut-tu s'entendre
que les familles des victimes méritent d'avoir toutes les réponses à leurs questions, surtout les familles des victimes
qui ont perdu un proche aux mains de la police. Et, si oui, on peut-tu s'entendre que le meilleur véhicule de
transparence, c'est l'enquête publique du coroner comme l'a préconisé le
coroner Paul Dionne dans son rapport d'investigation sur le décès de
M. Robert Héneault.
On peut-tu
s'entendre qu'une enquête publique du coroner à chaque fois qu'un citoyen se
fait tuer par la police, ce n'est pas
une demande déraisonnable? Et, si oui, on peut-tu s'entendre qu'en moyenne,
huit enquêtes publiques du coroner sur
ce sujet-là, c'est raisonnable de demander ça? Comment ça se fait que, dans la
majorité des provinces et territoires canadiens,
la législation sur les coroners prévoit des critères pour tenir des enquêtes
publiques du coroner sur les décès de
citoyens aux mains de la police et que la loi québécoise ne dit rien
là-dessus? Comment ça se fait que le Québec est en retard par rapport au reste du Canada sur ce sujet-là? Comment ça se
fait que le projet de loi n° 45 ne dit rien là-dessus, est muet
là-dessus?
On peut-tu
s'entendre que ce n'est pas le coroner ni son procureur qui sont mandatés pour
agir à titre d'avocat pour la famille
de la victime? On peut-tu s'entendre que ce n'est pas une enquête publique du
coroner qui est le moment pour
s'improviser comme avocat? Moi, je suis rendu à ma quatrième enquête publique
du coroner puis je peux vous dire que les
avocats des polices, là, ils sont vites sur le piton quand c'est le temps de
s'objecter quand que la question est mal formulée.
On peut-tu
s'entendre que ce n'est pas aux familles des victimes de payer de leur poche
pour avoir droit à un avocat dans une
enquête publique du coroner quand c'est la police qui a pesé sur la gâchette?
On peut-tu s'entendre qu'avoir droit à une
aide financière de l'État pour ces familles-là, c'est une demande raisonnable?
On peut-tu s'entendre que ça ne va pas mettre le Québec en faillite?
Si on peut
s'entendre sur tous ces sujets-là, je ne serai pas venu ici pour rien. Je vais maintenant
passer la parole à Mme Wing. Merci.
• (12 heures) •
Mme Wing
(Tracy) : Alors, bonjour.
Mon nom, c'est Tracy Wing. Je suis la mère de Riley Fairholm, un
adolescent en crise qui a fait un
appel à l'aide. Riley a été abattu le 25 juillet 2018, une balle à la
tête. Le policier, dont le nom m'est inconnu,
était à 32 mètres de Riley. Il était barricadé derrière son...
L'intervention n'a pris seulement que 61 secondes. Je suis ici pour parler au nom de Riley, au nom
des autres victimes et des futures victimes, mais je suis aussi ici pour parler
au nom des victimes vivantes, les mamans,
les papas, les grands-parents, les soeurs, les frères, les proches, les amis,
pour exiger que l'État devrait tenir
une enquête publique du coroner chaque fois qu'un citoyen perd la vie où la police
a employé de la force. Ça fait 763 jours que mon fils m'a été volé,
et je n'ai pas encore reçu le rapport du coroner.
Permettez-moi
de vous ramener à la nuit du 24-25 juillet 2018. C'était une journée comme
les autres. Riley avait congé, il a
été aux glissades d'eau, on a parlé de son projet pour son «e-store», on a soupé, rien d'anormal, sauf la chaleur.
Quand j'ai été me coucher, vers
21 heures, Riley jouait à UNO avec ses amis sur le Xbox. À
1 h 42, j'ai reçu un texto de
mon fils disant : Je t'aime. C'est le code, pour nous, qu'il n'allait pas
bien. J'ai vu une lettre au sol, devant ma porte de chambre. Je suis partie à sa recherche parce qu'il ne répondait pas à
mes appels ni mes textos. Je suis arrivée sur les lieux de l'intervention à 1 h 56 et je pouvais
voir qu'une première répondante faisait des manoeuvres de réanimation sur une
victime. Lorsque je me dirige vers la
victime, je suis interceptée par une policière de la Sûreté du Québec, qui me demande si on peut s'asseoir
dans ma voiture et pourquoi je suis là. Je lui dis que je pense que c'est Riley
et je lui demande s'il s'est pitché devant
une voiture. Elle m'a questionnée, interrogée, et je lui ai conté ma vie et
celle de Riley. Je lui ai donné la lettre qu'il m'avait laissée. Elle me dit qu'elle ne peut confirmer ni infirmer
que c'est mon fils et que, si c'était lui, je ne voulais pas le voir
comme ça. Elle me dit d'aller à l'hôpital.
À
3 h 05, nous sommes à l'hôpital. Le docteur nous dit que c'est mon
fils, qu'il est mort et que c'est impossible de le voir parce que la police est là. Une trentaine de minutes plus
tard, Geneviève Racine, SQ, m'informe que mon fils est décédé suite à une intervention policière. Pendant
1 h 30 min, son père et moi-même avons été amenés à croire que
Riley était mort par suicide et non par homicide.
Depuis son décès à aujourd'hui, j'ai suivi toutes
les démarches qui me sont accordées par la loi, parce qu'on s'entend que, si vous êtes tué par la police, les
informations sortantes sont le strict minimum. Au début d'août 2018, j'ai
exercé mes droits et j'ai demandé le
rapport du coroner. J'ai aussi conservé des registres de toute correspondance
avec le bureau d'enquêtes
indépendant. En décembre 2018, j'ai déposé une plainte déontologique, qui est
présentement en enquête. Depuis septembre
2018, j'ai écrit plus de 25 lettres d'accès d'information au bureau
d'enquêtes indépendant, à la Sûreté
du Québec, à l'hôpital et aux services préhospitaliers.
L'hôpital et les services préhospitaliers m'ont accordé l'information demandée.
Par contre, la plupart de mes demandes d'information au BEI et à la SQ ont été
refusées.
En
juin 2019, j'ai déposé ici, à l'Assemblée nationale, une pétition pour le
port de caméras corporelles et «dash cams»
pour tous les policiers au Québec. En octobre 2019, lors de la rencontre
avec le DPCP et le BEI, ils m'informent que je pourrais faire une demande au coroner pour le ou les compléments
de rapport. C'est fait. En novembre 2019, le BEI
m'informe que je peux demander une révision.
Alors, j'écris de demander d'avoir l'analyse du DPCP et sur quels éléments
de preuve se sont-ils basés pour se
prononcer que la force mortelle était nécessaire, qu'une balle à la tête d'un adolescent en
crise était nécessaire. Je n'ai pas eu réponse, c'est des secrets professionnels.
À la fin novembre 2019, j'écris au Coroner en
chef, demandant une enquête publique concernant le décès de mon fils, mais, comme je n'ai pas le rapport,
on va attendre cette chose-là. Alors, le 27 juillet 2020, j'écris à la
direction de la SQ avec des questions
précises, notamment le nom des policiers qui ont fait feu et les
témoins. Le 12 août, je fais un suivi en demandant au moins un
accusé de réception, et je n'ai pas encore reçu un accusé de réception.
Si l'intervention et la force mortelle est justifiée, pourquoi
devrais-je faire ces démarches? C'est pour ces raisons que je demande à
vous, Mme la ministre, de mandater que l'État tienne une enquête publique du
coroner chaque fois qu'un citoyen perd la vie dans des circonstances où la police
a employé la force.
Je
veux vous parler un peu de Riley. Mon fils avait 17 ans. Il était un
étudiant médiocre. Il travaillait au IGA, à la caisse rapide, dans une cantine. Il avait les yeux bleus, cheveux
bruns, il était grand. Il était populaire avec les filles, il était charmant, empathique et drôle. Il n'a jamais
tenté de s'enlever la vie. Il n'avait aucun antécédent criminel ou judiciaire.
Il ne consommait pas ni alcool ni drogue. Il avait des projets prévus, il avait
17 ans. Mon fils était comme la plupart des
adolescents de son âge, comme vos enfants, comme vos petits-enfants, comme vous
étiez, peut-être, à l'adolescence.
Mon fils Riley avait des problèmes de santé
mentale, dépression et l'anxiété. Vous savez, je n'aurais jamais pensé que cela
pourrait m'arriver, arriver à nous autres.
Mais, pire que le décès de mon fils, c'est que l'État me dit que ce n'est pas
de mes affaires. Merci beaucoup pour votre temps.
Le
Président (M. Bachand) : Merci pour vos présentations. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme Guilbault : Merci beaucoup, M. le Président, et merci à vous
deux d'être présents aujourd'hui. Évidemment, je pense que je parle un peu pour tout le monde autour de la table en
disant que votre témoignage est très, très émouvant, et vous avez toute mon empathie, comme mère,
d'abord, bien sûr, et, évidemment, comme élue. On veut travailler, nous,
au bien commun des citoyens, et je comprends
à 100 % pourquoi c'était important pour vous d'être ici aujourd'hui, et
je vous remercie. Ça ne doit pas être facile
de faire ces témoignages-là, de faire les démarches, de répéter son histoire
tout le temps, donc je veux vraiment vous remercier, merci beaucoup. Et,
M. Popovic — on
s'est connus dans d'autres circonstances — merci aussi d'être ici. Quand je dis «on
s'est connus», ce n'est pas de la grande, grande familiarité, mais, dans le temps que j'étais au Bureau du coroner, on
s'est côtoyés, notamment dans une enquête publique de coroner. Donc,
alors, merci beaucoup.
Je vais saisir, je pense, l'occasion offerte par
votre témoignage, madame, sur les délais. Vous dites, ça fait longtemps que vous attendez le rapport du coroner, et
M. Popovic l'a abordée aussi, la question des délais de livraison des
rapports de coroner. Je l'ai dit ce
matin, d'entrée de jeu, c'est quelque chose qui me préoccupe, moi, les délais
de livraison des rapports de coroner.
Alors, est-ce que, si vous avez pris connaissance du projet de loi... Il y a
des mesures, dans le projet de loi, qui
visent, entre autres, à offrir au Coroner en chef des possibilités de
gestion — et,
encore là, c'est le souhait qui est derrière le projet de loi — qui, on l'espère, pourraient faire en sorte que les délais de
livraison des rapports de coroner soient réduits. Est-ce que, pour vous, ce sont de bonnes mesures?
Et est-ce que vous avez une appréciation, comme je disais tout à l'heure,
là, de... Je pense, entre autres, peut-être pour être plus précise, à
l'article, je pense, 20 du projet de loi, là, qui prévoit des raisons pour lesquelles on peut transférer un
dossier, puis donc... mais l'esprit derrière ça, c'est de donner au Coroner
en chef des leviers pour pouvoir améliorer les délais de livraison des
rapports.
Mme Wing (Tracy) : Pour les délais, en ce qui concerne les délais,
c'est une bonne idée, mais, s'il enlève les éléments et les compléments,
donc, qui est le plus important... Tu sais, deux, trois pages d'une
investigation, ça ne donnera pas vraiment
toutes les explications et les démarches ou les circonstances du décès, alors,
pour moi, que les compléments... et c'est ça qui est le plus important,
que ça reste avec le rapport du coroner.
Mme Guilbault :
Et, sur les délais... Puis, peut-être, M. Popovic, si vous voulez
intervenir aussi, parce que j'entendais,
dans votre présentation à vous, deux éléments qui me sont parus
contradictoires, mais je vous donne l'occasion de le clarifier, vous avez dit : Ce n'est pas au gouvernement de
dire au coroner quand commencer à écrire son rapport, et vous avez aussi dit : Deux ans d'attente
pour un rapport, on peut-tu s'entendre que ça n'a pas de bon sens? Donc, je ne
sais pas si j'ai mal décodé le
premier élément ou mal interprété, mais, pour moi, il y a quelque chose de
contradictoire, dans le sens où, si
on se donne les leviers dont je parlais pour essayer de resserrer les délais,
bien, oui, ça passe par des leviers de
gestion, sans s'ingérer dans le rapport comme tel, avec le but d'éviter,
justement, deux ans d'attente pour un rapport, qui n'a pas de bon sens,
puis je suis d'accord avec vous que c'est très long. Qu'est-ce que vous pensez
de ça?
• (12 h 10) •
M. Popovic (Alexandre) : Bien, écoutez, moi, je pense que le coroner, quand il se sent
prêt à écrire son rapport, il devrait
le faire sans délai. Alors, je pense que ça lui appartient. Et de lui dire de
différer la rédaction de son rapport, selon ce que j'ai compris d'une des dispositions, dont je ne me rappelle pas le numéro, dans le projet de loi, je ne pense pas que ça va aider dans ce sens-là.
Et vous avez mentionné, Mme la ministre, qu'il y a une disposition qui prévoit de transférer des dossiers. Je
demeure à convaincre que ça va
vraiment améliorer la diligence de la production du rapport du coroner si on
transfère le dossier puis qu'il y a
un autre coroner qui doit repartir à zéro. Cela dit, il y a
aussi la problématique à l'effet que
le coroner doit souvent attendre la
conclusion de l'enquête du BEI, et il y a la prise du délibéré de la Directrice
des poursuites criminelles et pénales qui s'ajoute au délai, donc il y a
une question qui est complexe à travers tout ça.
Et je dois vous avouer, bien humblement, que le
problème, je le trouve difficile à résoudre, ce problème de délai là, qui demeure, bien évidemment, inacceptable. Mais
c'est pour ça que je crois que les familles, qui doivent attendre, souvent,
comme Mme Wing, plus de deux ans pour
avoir des réponses à leurs questions... pourquoi ne pas leur donner le meilleur
forum pour avoir ces réponses-là?
Parce que, un rapport du coroner, on ne peut pas l'interroger. On ne peut pas
avoir des réponses quand on interroge
un rapport du coroner, on est pris avec qu'est-ce qui est écrit dedans. Mais,
quand que les policiers qui sont
impliqués doivent venir s'expliquer en public, doivent venir répondre aux
questions des avocats, incluant des avocats de la famille, je pense que
c'est la meilleure façon d'obtenir des réponses, alors ça...
La
question des délais, je pense que... et, à moins qu'on me corrige, on risque
d'être pris avec ça pendant un bon bout
de temps, alors, tant qu'à ça, aussi bien avoir un processus qui donne les
vraies réponses au bout du terme, selon moi.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault : Oui, vous avez raison de dire qu'il y a une
partie des délais qui sont imputables à des partenaires sur lesquels on n'a pas... Moi, comme ministre, je
ne peux pas, là, influer sur la Loi sur les services de santé, par exemple,
pour les autopsies, ou autres éléments comme ça. Ce qu'on touche aujourd'hui,
c'est vraiment ce qui est du pouvoir du
Coroner en chef. C'est pour ça que, moi, ma prétention, c'est qu'en donnant
plus de leviers au Coroner en chef elle ou il va pouvoir agir sur ce sur quoi elle a directement du pouvoir,
c'est-à-dire les délais qui sont imputables aux coroners eux-mêmes. Puis ce ne sont pas tous les délais, on
en convient, mais je pense que c'est un pas dans la
bonne direction.
Maintenant,
effectivement, comme gestionnaires, il y a une question de sensibilisation des
partenaires qui doit se faire puis,
comment dire, un leadership à exercer pour continuellement sensibiliser les
partenaires à l'importance d'avoir des
délais respectables. Mais, pour ce qui est du projet de loi comme tel, qui
touche la loi constitutive du Bureau du coroner, moi, c'était mon objectif.
Aussi, si vous avez des suggestions
ou, en tout cas, des... quelque
chose par rapport, vraiment, à agir sur les délais qui sont
imputables au coroner, sachez que je suis très ouverte.
Je vais passer à un autre point, sur... puis là
vous l'avez dit, là, un peu, les familles, la représentation des familles
dans les enquêtes publiques. Mais je m'intéresse plus largement... C'est vrai,
vous dites : Ce n'est pas le temps de s'improviser
avocats dans une enquête publique. Je suis parfaitement d'accord
avec vous. Moi, l'impression que j'ai, c'est que, justement, le coroner et son procureur travaillent de près, normalement, avec les familles dans une enquête publique, là — je
parle des enquêtes publiques. Est-ce
que vous avez, vous, une appréciation qualitative du travail qui est fait, de soutien, de préparation ou d'accompagnement du coroner et
de son procureur, avec les familles, ou autres parties intéressées — mais
là je vais m'en tenir aux familles, parce que
c'est ça qui nous occupe, qui nous préoccupe le plus en ce moment — dans le cadre d'une enquête du
coroner?
M. Popovic (Alexandre) : Bien, écoutez, Mme la ministre, moi, mon
expérience que j'ai, c'est que le coroner et son procureur, dans les enquêtes auxquelles j'ai pu participer, étaient
pleins de bonne volonté et faisaient vraiment leur possible
pour accommoder les familles. Je pense, entre autres, à l'enquête publique du
coroner sur les causes et circonstances du décès du jeune Brandon Maurice, à Messines, un jeune âgé de 17 ans,
comme M. Riley Fairholm, le 16 novembre 2015. La famille n'avait pas d'avocat, l'État
avait refusé de payer les frais d'avocat pour cette famille-là, et la mère de
famille avait elle-même
contre-interrogé le policier qui a tué son fils. C'est vraiment
une situation que j'estime déplorable, et je pense que,
rendu là, on parle de bricolage, on parle d'essayer de s'organiser avec le très
peu de moyens du bord.
Mais je pense qu'on peut faire beaucoup
mieux que ça, je pense que le gouvernement, l'État québécois a les moyens de faire beaucoup mieux que ça, et, franchement, demander une aide financière pour les familles, comme c'est prévu, d'ailleurs, dans un projet de loi, n° 12,
qui a été adopté à l'unanimité, incluant par votre formation politique, Mme la
ministre, le principe fait l'unanimité parmi... et c'est rare, je pense, à l'Assemblée nationale. Alors, qu'est-ce qu'on attend encore, sept ans plus
tard, pour que ce règlement-là sur l'aide financière aux familles des
victimes, dans le cadre d'une enquête publique
du coroner sur un décès aux mains de la police... Comment ça se fait qu'on
attend encore, plus de sept ans plus tard?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault : Oui, mais vous pourriez poser la question aussi à
mes collègues ici, parce que, pendant cinq ans, ils ont été là aussi, puis le règlement n'a pas été adopté, donc je veux juste
sensibiliser. Mais moi, je suis en train de réfléchir, justement,
à comment est-ce qu'on devrait concocter... ou qu'est-ce qu'on devrait prévoir dans ce règlement-là, exactement,
pour le baliser de manière intelligente,
équitable et réaliste. Vous voyez la nature de ma réflexion, je suis en train
de réfléchir à ça, alors, si vous
avez des suggestions, encore là, elles sont les bienvenues. Comme ce
sera un règlement, il n'y
a pas de commission, il n'y
a pas d'étude générale, il n'y a
pas de... tu sais, donc, si vous avez des suggestions pour ce règlement-là,
encore là, elles sont bienvenues. Je dis ça
parce que ça peut être dans une correspondance après la commission,
parce que le temps n'est pas infini, ici, là. Donc, encore une fois, je
suis ouverte.
Un autre point que je
voudrais aborder avec vous — puis
on l'a abordé avec le groupe qui vous a précédés, l'Association des juristes — c'est la question de l'accès à l'information. Vous savez que,
dans le projet de loi, on prévoit d'exclure les rapports d'agents de la paix des annexes du rapport du
coroner, c'est ça. Et vous savez comment ça fonctionne, actuellement, on fait une demande d'annexe pour avoir le rapport des agents de la paix,
le Bureau du coroner décide, à son
niveau, si, oui ou non, la demande est recevable, la décision est sans appel,
ensuite de ça, si elle est acceptée, c'est traité au ministère
de la Sécurité publique, on fait le
lien, et tout ça; si c'est refusé, c'est sans appel, encore une fois, et ça ne fait pas l'objet d'un
encadrement par la loi, donc il n'y a pas de délai maximum. Alors, qu'est-ce que vous
pensez de l'idée de les exclure pour
pouvoir les faire passer par le canal standard, balisé de la loi sur l'accès à l'information pour qu'il y ait des délais maximums et des appels à la
CAI, advenant un refus ou une décision jugée insatisfaisante?
M. Popovic
(Alexandre) : Alors, je peux
vous dire, Mme la ministre, que j'ai quand même beaucoup
d'expérience en matière d'accès à l'information. Des demandes, je ne les
compte même plus, là, j'en ai fait des centaines. J'ai souvent plaidé devant la Commission d'accès à
l'information également. Je peux vous dire que je peux... en fait, vous prédire
que, si on demande aux familles de
passer par ce canal-là, les familles vont frapper un mur, tout simplement, puis
je peux vous dire qu'avoir une
audience... à cette heure, c'est des audiences téléphoniques, avec la COVID,
là, mais avoir une audience, juste avoir une audience, ça peut prendre
un temps fou. Alors, moi, je peux vous dire...
Mme Guilbault :
Une audience à la CAI, vous voulez dire?
M. Popovic
(Alexandre) : Oui, une
audience à la Commission d'accès à
l'information. Écoutez,
comme moi, j'ai fait... j'ai des dossiers, j'ai des demandes, là, qui
remontent à il y a quatre ans, là, donc c'est un processus qui est extrêmement
long.
Et je peux
vous dire aussi, Mme la ministre, que je suis en contact avec un certain nombre de
familles de victimes qui sont passées par le processus qui existe présentement,
donc d'adresser la demande à la Coroner en chef, et que des familles des victimes ont réussi à obtenir des documents,
des centaines de pages de documents, qui, si je me fonde sur mon expérience en matière d'accès à l'information, ne les auraient jamais obtenus. Alors, je pense que c'est déjà
assez dur, pour les familles, de même,
d'obtenir des informations, comme l'expliquait Mme Wing. Ce que vous
prévoyez dans votre projet de loi, c'est de leur rendre la vie encore
plus dure, à ces gens-là.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault :
Parfait, merci. Comme il me reste peu de temps, je vais aborder un dernier
point sur lequel j'aimerais vous entendre.
Vous avez parlé de l'indépendance des coroners, l'importance de l'indépendance des coroners. Je suis tout à fait d'accord. Et moi, je considère
que, dans le projet de loi, on préserve l'indépendance du coroner, voire
on la renforce, parce qu'on tasse encore
plus les processus de sélection, nomination et... pas de nomination, ça
continue d'être le gouvernement qui
nomme, mais de sélection et de renouvellement du seul pouvoir politique, là,
donc ce sera dans un règlement — je suis consciente qu'on n'a pas le
règlement ici, donc c'est difficile de se prononcer, mais je vous donne l'esprit général de ce que je compte mettre
dans le règlement — et avoir
des comités indépendants qui vont juger de la qualité des candidats, qui
vont produire une liste de personnes qu'ils jugent aptes. Et ensuite, même
chose pour les renouvellements, il y aura un
comité, et tout ça, puis on fait des recommandations au ministre. Alors,
moi, je juge que c'est plus objectif,
comme processus, que simplement au bon vouloir d'un ministre qui décide si, oui
ou non, on renouvelle ou on nomme quelqu'un. Est-ce que vous êtes
d'accord avec cette idée-là ou... Qu'en pensez-vous, finalement?
M. Popovic
(Alexandre) : Bien, moi, je
ne vois tout simplement pas la nécessité que... d'avoir des coroners qui
ont des mandats de cinq ans, je ne
vois pas du tout pourquoi que la loi est changée dans ce sens-là. Les coroners,
c'est un peu... ça a un statut de
tribunal, comme on le sait, en vertu de l'article 36 de la Charte des droits et libertés de la personne, et donc la
garantie d'indépendance d'un tribunal — et c'est bien connu, et ça a été dit plusieurs
fois dans la jurisprudence — c'est
l'inamovibilité. Donc, si, au bout de cinq ans, le coroner, il ne le sait pas,
s'il va encore l'avoir, sa job, il ne l'a plus, son indépendance, tout
simplement. Donc, c'est un recul, et
ça risque d'être la confiance du public envers cette importante
institution qu'est le Bureau du coroner qui va en pâtir, malheureusement.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
• (12 h 20) •
Mme Guilbault :
Oui, bien, comme je disais, l'idée, c'est que le renouvellement du coroner
reposerait sur une recommandation faite par d'autres personnes que des politiciens. C'est dans ce sens-là que je dis que moi, je
trouve qu'on tasse d'autant plus le processus
du politique. Je comprends que vous me parlez d'inamovibilité,
mais, dans la mesure où il y aurait
une durée définie, l'idée, c'est vraiment de le tasser le plus possible du pouvoir politique,
justement, pour assurer
cette indépendance, qui est très importante. Quand on pense au
fait, entre autres, que les coroners font beaucoup de recommandations à l'endroit
même du gouvernement, j'estime que c'est important que leur sort ne dépende pas
d'un politicien.
Je pense que j'ai probablement écoulé mon temps,
ça fait que je voulais faire... S'il reste du temps, vous voulez réagir?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement.
M. Popovic (Alexandre) : Ah! bien, écoutez, je pense que je ne
peux pas parler pour les coroners, mais, si j'essaie de me mettre à leur place, je pense que je serais
beaucoup plus à l'aise de savoir que je n'aurai pas quelqu'un quelque part
dans l'appareil étatique qui va comme décider, quelque part, si ma job doit
être renouvelée ou pas.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Vimont,
s'il vous plaît.
M. Rousselle : Merci, M. le Président. Merci à vous d'être ici, merci. J'ai regardé
avec attention votre mémoire. Merci
de l'avoir préparé, parce que ça prend toujours du travail, préparer ces mémoires-là. Donc, bien
beau que c'est en papier, mais il y a
quelqu'un qui l'a pensé puis quelqu'un qui l'a écrit aussi,
donc, merci. Merci, madame, de votre témoignage aussi. Moi aussi, grande empathie envers vous. Écoutez, moi, je peux
parler comme père, mais aussi comme grand-père, donc je peux m'imaginer... Donc, vraiment, un témoignage poignant, je
peux vous dire, vraiment, je l'ai pris vraiment d'une manière sensible.
Écoutez, on regarde au niveau équité, on regarde
aussi... indépendance, transparence. Je regarde, dans votre mémoire,
vous vous questionnez sur le fait que... la volonté de la ministre de donner au
gouvernement le pouvoir de nommer un coroner en chef qui n'est pas
nécessairement lui-même coroner. Je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Popovic (Alexandre) : Je ne comprends tout simplement pas l'idée
derrière ça, la nécessité de faire ça. Moi, il me semble que... une personne qui est déjà coroner, qui sait déjà
comment que ça fonctionne, qui connaît ce métier-là, je pense que c'est
la personne qui est la mieux placée pour, disons, être au top de la pyramide,
là.
M. Rousselle : Effectivement. Tantôt, on a rencontré, justement, l'Association des
coroners, puis ils mentionnaient, justement,
que ça prenait un certain temps pour être habilité, donc ça prenait de
l'expérience, dû au fait qu'il n'y a pas de formation en la matière pour devenir coroner. Vous, est-ce que
vous vous êtes penchés là-dessus, sur le côté formation? Parce qu'on sait bien qu'il y en a qui vont parler
comme quoi ça... oui, on va l'apprendre sur le tas, qu'on pourrait dire, mais,
si on veut être plus efficaces, peut-être...
Parce qu'ils ont parlé d'une formation assez courte. Est-ce que vous vous êtes
penchés là-dessus pour pouvoir avoir les meilleurs résultats possible, là, pour
la population?
M. Popovic (Alexandre) : Eh bien, pour être bien honnête, je n'ai pas la
prétention de m'être penché là-dessus, M. le député de Vimont.
M. Rousselle : Bon, merci. J'ai regardé aussi... dans votre mémoire, vous parlez
d'effectifs aussi, qui est un facteur que
vous mentionnez, de délais, vous parlez des régions éloignées manquant de
coroners, comme la Gaspésie, Côte-Nord, le Saguenay—Lac-Saint-Jean, puis là vous en nommez d'autres. Donc, vous l'avez soulevé, mais
est-ce que vous avez eu des idées
là-dedans? Parce qu'on a vu aussi, dans les coroners, l'Association des
coroners, il y a aussi des coroners qui... puis c'est majoritairement des médecins, mais pensez-vous qu'on devrait
l'ouvrir, peut-être, à des infirmières ou des gens qui sont dans le milieu de la santé, comme... On parlait de
psychologues tantôt. Donc, est-ce que vous avez pensé à ce côté-là?
M. Popovic (Alexandre) : Bien, encore
une fois, je dois répondre par la
négative, en toute honnêteté, à cette question-là, M. le député, et...
Donc, je dois reconnaître que je ne suis pas la meilleure personne pour donner
une réponse valable à cette question-là.
M. Rousselle : Bien, je vous posais la question
parce que vous l'avez dans votre mémoire, donc je me suis dit : Sûrement, ils ont eu une réflexion... À moins que
madame soit capable, là, mais, écoutez... O.K.,
bien, donc, vous n'êtes pas la
meilleure personne, donc, c'est bon, il n'y a pas de problème là-dessus.
Écoutez, je
comprends, on parle de délais, puis j'en conviens que le délai, c'est le nerf
de la guerre parce que — j'écoutais
madame tantôt — c'est
les délais par-dessus des délais, puis on attend. Avez-vous réfléchi, peut-être, que le coroner pourrait peut-être donner un rapport partiel ou... Parce que
j'entendais, tantôt... puis là, si je me trompe, là... il me semble que j'ai entendu que les coroners
rentraient aussi... communiquaient avec les familles. Est-ce que ça a été
le cas pour madame? Est-ce que... Parce qu'à un moment donné je peux comprendre, l'attente, là, l'attente, ça doit être
abominable, tu as hâte de savoir, puis là vous, vous attendez depuis déjà
quelques...
Mme Wing (Tracy) : J'aimerais juste répondre que ça a pris 18 mois
avant de savoir qu'il a eu une balle à la tête. Tu sais, je ne pouvais... j'avais demandé au BEI, à la SQ, à l'hôpital
combien de balles qu'il a reçues, combien de projectiles, où. 18 mois. C'est le DPCP qui me l'a dit après
qu'elle m'ait expliqué que, les policiers, il faut que ça tire dans la masse
centrale. Après, elle me dit : Bien,
lui, il a tiré à la tête, il n'a pas visé ici. Il a voulu le tuer, c'est bien
écrit, c'est écrit : «La force mortelle était nécessaire.» Puis je
n'ai pas eu d'explication pourquoi que ça a été nécessaire. Les autres déclarations des autres policiers ne disent pas
que c'était nécessaire, il n'y a pas un chef qui a dit «shoot». Tu
sais, c'est de... Une minute qu'ils
l'ont vu, il est là, 61 secondes, il est à terre, il est mort. Ça fait que je
n'ai pas eu d'explication à ce sujet encore, et j'attends, puis je vais
attendre encore du temps, puis je suis patiente, très patiente.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député.
M. Rousselle :
Il y a patient puis patient, là, mais...
Mme Wing
(Tracy) : Bien, je n'ai pas d'autre option.
M. Rousselle :
Oui, je comprends.
Mme Wing (Tracy) : Tu sais, si je crie, là, je vais être la mère qui
est fanatique, tu sais, qui veut juste de la vengeance. Puis ce n'est pas de la vengeance qu'on veut, on
veut la vérité, on veut la justice. On veut apprendre des interventions,
on veut faire mieux. J'espère que vous
voulez faire mieux, j'espère que les policiers veulent faire mieux. Je ne suis
pas sûre que ce policier-là, il est fier de son coup, là, d'avoir tiré à
la tête, à 100 pieds, à la noirceur, à un garçon qui tournait 300 secondes... sur des 360°, les mains en l'air, verticales. Ce n'est pas
pointer un fusil... Mais je n'ai pas d'explication encore à ça, ça fait
que moi, je m'en fais, des propres scénarios.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député.
M. Rousselle : Merci. M. Popovic, dans votre mémoire, toujours,
vous parlez que... justement, vous faites référence aux articles 23,
24, 26, 29 et 31 du projet de loi, là, qui viennent apporter des changements
majeurs au régime de transmission des
documents victime. Donc, ces modifications, est-ce que c'est pour corriger
en grande partie qu'est-ce qu'on
vient d'entendre de madame? Est-ce que ça va plus loin ou... Je voudrais vous
entendre là-dessus.
M. Popovic (Alexandre) : Non, ça ne va clairement pas assez loin. C'est
comme... C'est quasiment comme si on mettait
un petit prix de consolation pour les importants reculs en matière de
transparence qu'il y a dans ce projet
de loi, et c'est une grande raison
pour laquelle que je suis ici, c'est pour, justement, dire que, déjà, il y a beaucoup
de problèmes de transparence, puis il
ne faut pas reculer encore plus, là. Alors, non, c'est nettement insuffisant,
là, les dispositions auxquelles que vous faites référence, M. le député.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Vaudreuil.
Mme Nichols : Oui, merci, M. le Président.
Mme Wing, j'ai entendu l'histoire, là, que vous nous racontez. Je comprends que vous êtes patiente. Comme disait mon
collègue, il y a une limite, il y a quand même une limite.
Mais je suis curieuse de savoir qu'est-ce qu'on vous donne, à chaque fois, comme réponse pour reporter le délai,
pour... et pourquoi... qu'est-ce... on vous le donne par écrit, puis
c'est quoi, l'argument, pour toujours reporter?
• (12 h 30) •
Mme Wing (Tracy) : Bien, le Coroner
en chef, il ne donne pas d'argument
ou de raison pour laquelle... Lui, j'attends pour son rapport. Au début, quand je demandais des informations, bien,
c'était toujours : Bien, votre... le dossier est... c'est en train de se faire enquêter, puis il y a
des informations que, si on en parle tout de suite, bien, ça peut nuire à
l'enquête.
L'intervention
a pris 20 minutes, de l'appel 9-1-1 que mon fils a fait pour dire
qu'il y avait un adolescent en crise... 20 minutes plus tard, il est mort. Alors, pour moi, ça ne prend pas
18 mois d'une enquête de BEI. Il n'y avait pas de témoin, il y avait six policiers et Riley. Alors, c'est
ça, les délais, qu'ils me disent, qu'ils sont trois joueurs, qu'ils sont trois
joueurs : on a le BEI, le DPCP,
le coroner. Alors, comme le BEI m'ont expliqué, on est tous sur le plancher de
danse, on danse, mais on ne danse pas
à la même chanson. Alors, c'est comme... chaque organisme est mandaté à faire
certaines choses, mais ils ne peuvent
pas les faire avant qu'un autre organisme ait terminé. Alors, c'est 10 mois pour le
BEI, un autre huit mois pour le DPCP.
Le coroner, il a commencé, mais il n'a pas vu les dossiers encore, les enquêtes.
Je ne m'attends pas qu'il regarde ça puis que, dans une semaine, il va
avoir une réponse.
Mme Nichols : Ce que je comprends, c'est qu'à date vous n'êtes pas
au courant du processus. Est-ce
que vous avez accès aux documents au fur et à mesure ou vous n'avez accès, pour le
moment, à aucune donnée de l'enquête, aucun rapport?
Mme Wing (Tracy) : ...aucun rapport d'enquête. Je n'ai pas
l'autopsie. Le DPCP m'a informée que Riley avait... son taux d'alcool, il était à zéro, et de drogue.
Parce qu'habituellement on les voit dans les communiqués, puis moi, je
me suis dit : Ah! il n'est pas dans le
communiqué, ça fait que ça devait être qu'il était à jeun, hein? Ça, c'est... c'est ça, les explications que j'ai. Vous pouvez tout le voir sur le site
du DPCP. C'est deux pages et demie, et une page et demie explique
l'article 25.
Mme Nichols : ...des réponses, ce n'est pas des réponses à des questions
que vous vous posez, précisément, soit au DPCP ou...
Mme Wing (Tracy) : Bien, au DPCP, je leur ai demandé c'était quoi,
leur analyse, c'est sur quoi qu'ils s'étaient fondés pour... puis ils m'ont dit que c'étaient des secrets professionnels,
et je n'avais pas accès. Quand je demande à la SQ combien de policiers sont arrivés sur la
scène : C'est en enquête, demande-le au BEI. Quand je demande au BEI, ils
me disent : Bien, ça appartient à la SQ, demande à la SQ. J'en ai
des... j'ai des cartables pleins.
Mme Nichols : Est-ce
que vous êtes représentée? Avez-vous
un avocat ou vous faites toutes ces démarches-là toute seule?
Mme Wing
(Tracy) : Bien, je fais ces démarches-là par moi-même, avec la Ligue
des droits et avec... aussi, Alexandre m'a
aidée beaucoup. J'ai un ami avocat, mais il n'est pas mandaté à
m'aider, c'est un ami de la famille. Parce que la journée, aussi, que mon fils est décédé, son père a été arrêté pour
menaces de mort envers la police, alors il fallait que lui soit
représenté, alors c'est comme ça que notre ami est venu dans le portrait, mais
il n'est pas mandaté.
Mme Nichols : C'est vraiment terrible, comme histoire, puis les... Je trouve vraiment
inexplicables, là, les délais, durs à vivre aussi, là, pour la famille
des victimes.
Vous
en avez parlé dans votre mémoire, la représentation
juridique, puis vous voyais bouger un peu quand je parlais de
représentation juridique. Votre position sur la représentation juridique.
M. Popovic (Alexandre) : Bien, c'est non seulement ma position, mais c'est
aussi celle du Bureau du coroner, parce que... Je cite, à un moment
donné, là, le manuel L'Investigation, qui a été produit en 2001, ça
prend un avocat. Les familles, qui
deviennent des parties intéressées, donc qui deviennent, disons, un joueur dans cette game-là d'enquête publique,
ça leur prend un avocat parce que sinon, là, le déséquilibre entre la représentation des parties devient aussi évident que le nez au milieu du
visage, là.
Mme Nichols : Je suis d'accord avec vous que ça peut être... quand on arrive
dans le monde juridique... Puis je
comprends, non plus, que ce n'est pas nécessairement un procès en tant que tel, mais que tout qu'est-ce qui
entoure tout ça, c'est le monde juridique, là. On ne se fera pas
accroire que c'est autre chose, que c'est une simple enquête, là...
Mme Wing (Tracy) : ...si
jamais il y a une enquête pour moi, il y a six policiers qui étaient sur la scène, plus un autre, alors ils vont être représentés chacun par au
moins un, probablement deux, là, un syndical puis un de la ville, alors
ça va faire 13... bien, si je peux compter... 14 avocats, et moi...
Mme Nichols :
...déséquilibre est vraiment... ça saute aux yeux. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Chomedey, s'il
vous plaît.
M. Ouellette : Merci, M. Popovic, Mme Wing. Je pense
que c'est important que les parlementaires, Mme Wing, entendent des témoignages comme le vôtre parce que, très souvent,
quand on va légiférer, on légifère sur des documents, sur des choses qu'on a lues, sur des choses qu'on a
entendues. Je pense que, que vous veniez nous le rappeler, que
763 jours plus tard, vous n'avez
même pas l'information de base, c'est majeur, que vous venez nous
rappeler que tout est à vos frais, que
vous faites des démarches, c'est toutes vos démarches à vous, que vous n'êtes
pas conseillée légalement. Ça pourrait être compris dans un règlement
qui pourrait être adopté. Puis je suis très heureux d'entendre que Mme la
ministre va régler le problème,
elle. Le PQ ne l'a pas réglé, puis les libéraux ne l'ont pas réglé, mais elle,
elle va le régler. Ça serait extraordinaire qu'elle puisse le régler
avant l'étude détaillée.
J'aurais
le goût de vous dire... ou j'aurais le goût de vous demander,
Mme Wing : Est-ce qu'on ne devrait pas, puisqu'on ouvre la loi, mettre
dans la loi, pour les coroners, une série... ou certains détails d'informations de base que les familles des
victimes devraient avoir ou que le coroner serait en droit... ou qu'il aurait
une obligation légale... Parce que ce n'est pas normal
qu'après 763 jours vous soyez encore à vous demander ces informations de
base là. Est-ce que ce n'est pas quelque chose qu'on devrait
inclure dans le projet de loi actuel, puisqu'on rouvre la loi?
Mme Wing (Tracy) : Je peux vous dire que le BEI m'ont expliqué,
quand ils sont venus nous rencontrer la journée même, qu'eux, ils nous expliquent la façon que ça fonctionne, alors
j'étais toujours au courant que les délais étaient pour être
plus longs. Je ne suis pas sûre que c'est à
la place du coroner de m'informer de quand que le BEI va avoir fini son
investigation... parce qu'avant de se
rendre au coroner j'ai le BEI à passer au travers. Après, c'est le DPCP de passer
au travers. Puis j'ai été chanceuse
d'avoir eu une rencontre de quatre heures parce qu'il y en a d'autres,
familles, qui n'ont pas ça, qu'eux, ils ont le communiqué qui est envoyé
par le courriel : Et voilà, on ne porte pas accusation.
Puis
ce n'est pas nécessairement qu'on veut qu'il y ait des accusations, mais la
responsabilité, c'est que mon fils, il
est mort par une balle, il ne s'est pas enlevé la vie, c'était un homicide. Si
lui aurait tué le policier, on ne serait pas ici, là. Ça aurait... On aurait eu le rapport du coroner.
On aurait eu... Il serait... Je serais en train de le visiter en prison. Alors,
c'est... Ce n'est pas égaux du tout.
Et je ne suis pas sûr que le coroner qui me dit : Ça va prendre du
temps... parce que je le sais, que ça va prendre du temps, puis lui, il
n'a pas d'information.
Le
BEI peuvent me dire : Il a eu une balle à la tête, tu sais, il y avait
sept policiers. Ils ne me l'ont pas dit. C'était un policier qui l'a tiré. Ils ne m'ont jamais dit ça, j'ai su ça le
28 octobre 2019. Alors, entre juillet et octobre 2019, j'ai eu
mille et un scénarios dans ma tête. Un,
c'était que ça avait pris six minutes, puis ça, je l'ai vécu pendant au moins...
c'est presque 10 mois, là, six
minutes. Alors, le 28 octobre, quand Me Drolet m'a dit que ça a pris
61 secondes, j'ai dit : Ils n'ont pas négocié avec, il faut que j'arrête l'auto, il faut que je sorte de
l'auto, il faut que j'aille derrière l'auto, il faut que je lève mes bras, pas le temps de parler, là. Ça fait
qu'il y a des manquements. Ça, ce n'est pas des informations qui auraient nui à
l'enquête du tout. Ça fait que je ne suis
pas sûre que c'est la place au coroner de me dire c'est quoi, les délais et
pourquoi mon attente, je pense, c'est
à la police, c'est au BEI, c'est au DPCP. C'est eux qui mènent la façon que ça
va être géré, la façon que ça va... la rapidité du... Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre
participation aux travaux de la commission, c'est très apprécié.
Cela dit, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 39)
(Reprise
à 14 h 04)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Bon début d'après-midi. La commission reprend ses travaux. Je vous demande, bien sûr, comme vous
le savez, de vouloir éteindre la sonnerie de votre appareil électronique.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 45, Loi concernant principalement
la nomination et le mandat des coroners et du coroner en chef.
Cet après-midi, nous aurons le plaisir d'entendre
la Protectrice du citoyen, mais nous allons d'abord commencer avec la Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse. Alors, bienvenue. Vous connaissez les règles du jeu, votre présentation, après ça on aura un
échange avec les membres de la commission. Alors, Me Tessier, la parole
est à vous.
Commission des droits de la
personne et des
droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Tessier
(Philippe-André) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et
MM. les députés, donc, Philippe-André
Tessier, président de la Commission des droits de la personne et des droits de
la jeunesse. Je suis accompagné de Me Geneviève St-Laurent,
qui est conseillère juridique à la Direction de la recherche, à la commission.
Donc, je vous remercie pour l'invitation faite
pour participer à ces consultations particulières sur le projet de
loi n° 45, rappeler, comme nous le faisons à l'habitude, que
la commission a pour mandat d'assurer le respect, la promotion des principes prévus à la Charte des droits et
libertés de la personne, que nous assurons également la protection de l'intérêt
de l'enfant ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont
reconnus notamment par la Loi sur la protection de la jeunesse.
Conformément à notre mandat, la commission a
examiné le projet de loi afin d'en vérifier la conformité aux principes contenus dans la charte et faire les
recommandations qu'elle estime appropriées. D'entrée de jeu, je précise que nos
observations sont très limitées aujourd'hui, nous avons fait l'objet d'une...
nous allons faire l'objet d'une lettre. Donc, dans cette analyse, la commission formulait, dans cette lettre, là,
comme je disais, du 31 janvier dernier, deux recommandations quant aux avis qui devaient être transmis aux
autorités compétentes en cas de décès dans certains lieux en vertu des
articles 37 à 40 de la loi que vient modifier le projet de loi
aujourd'hui à l'étude.
Le Président (M. Bachand) : On entend très mal, hein? Je ne sais pas si... peut-être
parler plus... le micro bouge... il ne
bougera pas. Dr Tessier, personne ne peut partir avec les micros, mais
juste peut-être de parler plus directement dans le
micro, s'il vous plaît. Merci.
M. Tessier
(Philippe-André) : Je vais tenter de me rapprocher, d'accord,
excusez-moi.
Le
Président (M. Bachand) : Parfait, merci.
M. Tessier
(Philippe-André) : C'est bon? J'étais dans la salle Pauline-Marois ce
matin, donc, les salles plus modernes avec
des micros qui se rendent... alors, je m'excuse, j'ai peut-être pris un faux
pli, un mauvais pli, là, tu sais.
Donc, le projet de
loi n° 45 interpelle la commission en lien avec plusieurs de ses mandats.
La première de nos recommandations,
d'ailleurs, concerne plus particulièrement la mission que nous avons de
protection de l'intérêt de l'enfant, du respect et de la protection et
de la promotion de ses droits.
La
seconde recommandation, quant à elle, touche nos responsabilités relatives à la
protection des personnes âgées ou
handicapées contre toute forme d'exploitation, prévues à l'article 48 de
la charte, mais aussi celles relatives à la promotion de l'égalité et de
lutte contre toute forme de discrimination.
Tout d'abord, il est important de rappeler que la
commission détient le mandat d'enquêter à la suite du décès d'un enfant dans les situations où elle a raison de croire que
les droits de ce dernier ont été lésés. D'ailleurs, le 11 août dernier,
nous avons fait part de nos résultats
d'une enquête menée de notre propre initiative relativement au décès de la
petite fille de Granby, survenu en
mai 2019, qui a ému l'ensemble du Québec et qui a mené
à la création de la commission Laurent. Dans le cadre de ce type d'enquête, la commission peut notamment
recommander l'accomplissement, dans le délai qu'elle fixe, de toute mesure visant à corriger la situation. Cela
l'amène à formuler des recommandations d'ordre systémique aux personnes,
établissements et organismes devant
intervenir en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ou de la Loi sur
le système de justice pénale pour adolescents.
Comme nous le soulignons dans notre mémoire soumis
encore récemment à la commission Laurent en mai dernier, la
commission est souvent alertée du décès d'un enfant ou d'une situation où un
enfant a subi de graves blessures par l'entremise
des médias. Une enquête de notre propre initiative peut, par la suite, être
déclenchée. Ainsi, afin de lui permettre d'exercer pleinement le rôle que le législateur lui a confié, la
commission recommande d'amender le projet de loi n° 45 pour prévoir d'être informé, lorsque le coroner
conduit une investigation à la suite du décès d'un enfant, des raisons ayant
justifié l'ouverture de celle-ci et des
personnes, établissements ou organismes étant mis en cause. La commission
disposerait ainsi systématiquement
d'informations fiables concernant les décès d'enfants en vue de vérifier si
leurs droits ont été lésés et, le cas échéant, proposer les correctifs
appropriés.
Par ailleurs, dans le cadre de nos responsabilités
en regard de la promotion et de l'égalité de la lutte contre la
discrimination et toute forme d'exploitation de personnes âgées ou handicapées,
la commission souhaite réitérer une recommandation formulée dès 2010, mais toujours d'actualité, afin
d'élargir aux centres d'hébergement de soins de longue durée, aux
ressources intermédiaires et aux résidences pour personnes âgées l'obligation
d'aviser un coroner d'un décès et lui donner
le pouvoir de déterminer s'il y a lieu ou non de faire une investigation. Cette
recommandation, que la commission a réitérée dans un mémoire de 2011,
n'a pas été pleinement suivie à ce jour. Il est vrai que, tenant partiellement compte de notre recommandation de
l'époque, la Loi sur les services de santé et les services sociaux avait alors
été modifiée pour donner au gouvernement le
pouvoir de prescrire le contenu d'un formulaire devant être rempli à la suite
du décès d'un usager survenu en...
CHSLD — pardon,
le lapsus maintenant légendaire — une ressource intermédiaire, ressource de type familial ou une résidence privée
pour aînés. La loi établit qu'un tel formulaire pourrait notamment prévoir
les cas, conditions et circonstances dans
lesquels il doit être transmis au coroner. Toutefois, il semble que ce
formulaire n'ait jamais été adopté. Pourtant, le constat dressé par la commission en
2010 est toujours valable aujourd'hui. Ni les dispositions actuelles de la loi ni les modifications prévues
dans le projet de loi n° 45 ne prennent en compte le contexte particulier
de vulnérabilité et de perte d'autonomie,
souvent associé à l'âge, des personnes hébergées dans un CHSLD, une ressource
intermédiaire ou une résidence pour personnes âgées.
• (14 h 10) •
Aussi, donc, dans
l'objectif d'assurer le respect en pleine égalité des droits à la vie, et
sûreté, et intégrité garantis par les
articles 1 et 10 de la charte, nous recommandons que le projet de loi
n° 45 soit amendé pour prévoir que les décès survenus dans les
trois ressources dont j'ai parlé plus tôt... qu'ils doivent faire l'objet d'un
avis au coroner, ce dernier disposant du
pouvoir de déterminer s'il y a lieu de faire une investigation. La loi prévoit
d'ailleurs déjà que le coroner doit
être avisé de tous les décès survenus dans certains lieux, notamment des lieux
où se retrouvent, sous une forme de prise en charge par l'État, des catégories de personnes vulnérables. Pensons
aux personnes en centre de réadaptation, aux personnes sous garde dans
un établissement de santé et services sociaux, aux détenus et aux jeunes
hébergés dans une unité d'encadrement
intensif au sens de la Loi sur la protection de la jeunesse, aux personnes
prises en charge dans une ressource de
type familial ou les enfants sous la garde d'un titulaire de permis délivré par
le ministre de la Famille. D'ailleurs, dans ce dernier cas, la commission remarque que le projet de loi viendrait, à
son article 18, ajouter les services de garde en milieu familial
aux lieux concernés par l'obligation d'aviser le coroner.
Ainsi, les
décès survenant dans les CHSLD, les ressources intermédiaires, et les RPA, et
les ressources offrant de l'hébergement
à d'autres clientèles vulnérables ne seront pas visés par l'obligation d'aviser
le coroner en fonction du lieu. Pourtant,
jusqu'en 1991, les décès survenus dans les centres d'accueil, y compris les
centres d'accueil pour personnes âgées, devaient faire l'objet d'un avis au coroner, sans égard aux
circonstances. En effet, comme la commission le rappelait dans son mémoire
de 2011, lors des travaux qui avaient précédé l'adoption de la loi en
1986 : «Le ministère de la Justice considérait que les personnes âgées
hébergées en centre d'accueil constituaient des personnes — et
j'ouvre les guillemets — "grandement dépendantes d'autres
personnes à cause des soins qui leur étaient prodigués" et que
l'obligation pourrait être une mesure
dissuasive face à des actes de maltraitance», maltraitance maintenant codifiée
par la loi visant la maltraitance de
2017. La commission estime que ce constat est toujours valable près de
35 ans plus tard. C'est d'ailleurs la reconnaissance de cette situation de grande vulnérabilité qui a
justifié l'encadrement des résidences pour personnes âgées par un régime
de certification en 2005.
La commission,
donc, a recommandé de réintroduire dans la loi l'obligation d'aviser le coroner
des décès survenus dans ces lieux,
mais de moduler cette obligation faite au coroner de procéder à une
investigation dans ces situations, étant donné que la majorité des décès dans ces lieux restent attribuables à
des causes naturelles. C'est un modèle qui existe, par exemple, en Ontario, où le coroner doit être
systématiquement avisé des décès de personnes qui séjournent dans les foyers
de soins de longue durée par le responsable de l'établissement. Le coroner doit
évaluer à chaque fois la pertinence de procéder à une investigation,
contrairement aux autres situations d'avis obligatoires prévus à la loi.
Ainsi, et en terminant, dans l'objectif d'assurer le
respect en pleine égalité des droits à la vie, à la sûreté, à l'intégrité
garantis par, comme je le disais, les
articles 1 et 10 de la charte des personnes âgées hébergées dans un CHSLD,
une ressource intermédiaire ou une
ressource pour personnes âgées, la commission recommande que ce projet de loi
soit modifié pour élargir aux CHSLD,
aux ressources intermédiaires et aux RPA l'obligation d'aviser le coroner, tout
en donnant à celui-ci le pouvoir de déterminer s'il y a lieu ou non de
faire une investigation dans ces cas.
Nous vous remercions de votre attention et nous
sommes disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Tessier. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme Guilbault : Oui, merci beaucoup. Mon Dieu! C'est... Ah! mon
masque... mais, oui, excusez-moi, un surcroît de précautions.
Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bien, bonjour, rebonjour à tout le monde et bonjour
à vous deux, merci beaucoup d'être
ici. Très, très intéressant, très concis et orienté, comme présentation. J'ai
bien entendu vos suggestions. Ce ne
sont pas des suggestions qui sont nouvelles, on les avait déjà entendues. Il y
a eu des discussions, dans les années passées,
là-dessus. Et d'ailleurs c'est en 2012 ou, en tout cas, je ne sais plus en quelle
année, je pense autour de 2012, qu'on
avait introduit les décès par suite de négligence dans la loi, dans la foulée,
entre autres, de ces conversations-là et on s'était dit, en ajoutant les décès par suite de négligence : Ça
peut venir régler une partie du problème, parce qu'avant c'était
simplement «obscur» ou «violent», c'était un petit plus circonscrit.
Donc, est-ce
que, selon vos observations, cet ajout-là dans la loi a néanmoins fait une
différence positive en termes de
signalement et en termes, comment je pourrais dire, de sentiment de sécurité ou
de sentiment de surveillance générale... pas de surveillance, mais de
protection, de protection générale?
M. Tessier (Philippe-André) : Non, je... Oui, je comprends le sens de votre
question. Oui, tout à fait, effectivement, puis on le reconnaît, là, il y a eu quand même des avancées par rapport
à ça, sur la question de la négligence notamment. Puis d'ailleurs la Coroner en chef, lorsqu'elle
vient ordonner l'enquête publique sur la situation visant les CHSLD, notamment
Herron, mais par la suite... donc,
évidemment, elle prend appui sur ces libellés-là de la Loi sur les coroners...
bien, pardon, de la future...
refuture Loi sur les coroners, donc il est évident que cette question-là puisse
servir d'assise. Maintenant, il faut comprendre
que, nous, le sens de notre recommandation, c'est véritablement... puis c'était
un peu ça qui avait été établi dans
notre avis de 2010 puis dans les recommandations par la suite, c'est que...
littéralement, c'est qu'il y ait carrément un formulaire qui soit, encore une fois, transmis, annexé. C'est ce qui
avait été prévu par la modification de la LSSSS également, donc, et là il manquait juste des mises en application de ces
éléments-là. Donc, nous sommes devant vous, là, pour vous dire qu'il reste peu de choses à faire pour mettre cette
protection accrue là en place. Et puis je ne sais pas si ma collègue voulait ajouter quelque chose sur les
aspects de négligence... puis je vois
le micro loin, puis je me suis fait avertir, ça fait que je vais avertir
ma collègue.
Mme
St-Laurent (Geneviève)
: Sur la négligence en particulier, je ne sais pas si le fait de l'avoir
ajoutée a tenu ses promesses dans la
loi, parce que ça reste quand même associé à... puis c'est dans le même
article, là, que les dispositions des...
les morts violentes ou dans des circonstances obscures. Et on peut penser que
c'est sûr que, dans les CHSLD, par exemple,
la majorité des décès sont de cause naturelle, mais il peut y avoir des décès
accidentels ou une chute, par exemple, où
on ne va pas nécessairement associer ça à de la négligence, mais on se dit que,
s'il y avait un avis automatique au coroner, bien, peut-être que le coroner serait capable de détecter, on va dire,
des patterns où, vraiment, il y a une répétition des accidents qui se reproduisent où on ne l'aurait pas
nécessairement associé à de la négligence et on ne l'aurait pas dénoncé comme
tel pour ouvrir automatiquement une investigation.
Mais on pense
que le mettre dans la loi... plus que simplement le formulaire, qui est déjà en
soi une bonne initiative, et on
aimerait la voir aller jusqu'au bout de la promesse de 2012... que promettait
le règlement. Mais l'idée, c'est aussi de
dire que, s'il y a un avis automatique, et après ça reste au coroner de décider
s'il y a lieu d'avoir une investigation, mais ça permettrait peut-être de détecter certains problèmes de santé publique.
Il y a peut-être certains décès évitables qui pourraient être détectés de cette façon-là. C'est aussi
l'objet de notre recommandation, au-delà de l'idée de négligence, qui n'est pas
toujours évidente.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault : Merci. Est-ce que vous recevez, vous, des plaintes qui sont en rapport
avec le Bureau du coroner à l'occasion
ou pas du tout? Je ne sais pas si vous avez le droit de dire ça, là, je pose ma
question vraiment en toute candeur.
M. Tessier
(Philippe-André) : Oui, tout
à fait. Bien, peut-être, encore une fois, pour préciser, pour ce qui est de
notre mandat en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, puis on y fait référence en lien avec cette
recommandation-là, il est évident que
la LPJ donne à la commission l'obligation d'enquêter pour des situations comme,
par exemple, la situation de la
fillette de Granby, ce que nous avons fait. Nous avons rendu notre rapport
public parce qu'il y avait ici situation où il y avait lésion de droits
de l'enfant décédé.
Il faut
comprendre qu'une lésion de droits, c'est ce que nous, on va enquêter, voir
s'il y a eu une compromission, si le
système de protection de la jeunesse est venu léser les droits de l'enfant. Et
ça ne résulte pas toujours en situation de mort, évidemment, hein, il y a toutes sortes de situations de
compromission qui vont de la plus simple, qui est l'interdiction du droit de communiquer avec ses parents, ou ses
grands-parents, ou le membre de sa famille. Mais effectivement le décès d'un enfant, disons, c'est le summum, et à cet
endroit-là, bien, effectivement, il y a là une compétence concurrente, si on
veut. Donc, les coroners... et c'est dans le
cas, là, de la petite Rosalie, de l'année dernière, dans le cas de la fillette
de Granby, la coroner a déclenché des enquêtes publiques dans ces deux
dossiers-là. Mais évidemment c'est une enquête qui est déclenchée pour... au sens de la Loi sur les coroners, de vérifier les
circonstances entourant le décès de l'enfant, alors que nous, de notre
côté, on va regarder la question de la lésion de droits.
Puis il faut
rappeler qu'en matière de LPJ puis de la lésion de droits, c'est la commission,
disons, qui a la... qui a cette
compétence-là et cette expertise-là, depuis les 40 dernières années,
d'application de la LPJ sur c'est quoi qui s'est produit dans le réseau, qu'est-ce
qui a fait en sorte qu'il y a eu ce décès-là. Alors, c'est sûr et certain qu'il
ne va pas y avoir de communications
sur le fond, parce que ça serait... là, encore une fois, il y a des garanties
qu'il faut respecter de chacun des
côtés. Puis, je comprends bien le sens de votre question, donc, il n'est pas
question, ici, là, de partager des informations confidentielles. Mais évidemment, lorsqu'on fait ce genre d'enquête là,
c'est toujours un peu la même idée, quand deux entités publiques enquêtent sur un même phénomène, au
moins qu'il y ait un avis, au moins qu'on soit avisés l'un et l'autre que
les deux font enquête sur les mêmes
circonstances, peut-être de façon optimale pour les deniers publics, pour ne
pas qu'il y ait de doubles emplois.
Mme Guilbault : O.K. merci. Mais en fait ma question était :
Est-ce que vous recevez des plaintes ou des signalements en rapport avec le Bureau du coroner, dans le
sens... Puis je vais poser la même question... En fait, je ne la poserai pas
au protecteur parce que je sais qu'ils en
ont reçu... ils ont fait une enquête, même, à l'époque. Mais, est-ce que, vous,
dans votre mission, il y a des
plaignants qui s'adressent à vous pour des problématiques qui ont rapport avec
un coroner ou le Bureau du coroner,
des délais de rapport, le comportement? C'est pour ça que je vous dis la
question est posée en toute candeur.
Peut-être, ce n'est pas dans votre mandat, il y a d'autres instances peut-être
pour ça. C'était le sens de ma question. Parce que, si oui, je serais
intéressée à savoir de quelle nature sont ces plaintes puis sur quels éléments
ça porte.
Mme
St-Laurent (Geneviève)
: Je dirais que la nature des plaines qu'on reçoit à la commission est
assez peu propice à ce qu'on reçoive
des plaintes sur le... On agit vraiment en matière de discrimination ou en
matière d'exploitation de personnes âgées ou handicapées. Donc, ce n'est
pas nécessairement des domaines, je pense, qui sont...
• (14 h 20) •
M. Tessier (Philippe-André) :
On n'a pas une réponse pour vous, mais disons qu'on peut... Moi, j'infère de nos mandats discrimination, harcèlement, ou
exploitation, ou situation de lésion de droits. On n'est pas dans fourniture
de services publics comme la protectrice,
elle... Puis je comprends que, votre question, vous allez lui poser, puis à
juste titre, parce qu'elle va faire
enquête, justement, sur les services offerts par le coroner. Nous, on n'est pas
dans la qualité de services, là.
Mme Guilbault : O.K. Puis, sur les enfants, qui était l'autre
volet important de votre présentation, juste pour être certaine, avez-vous fait une recommandation
précise que tous les décès d'enfants soient signalés au coroner? Je n'ai pas
votre mémoire... Est-ce qu'on l'a?
Excusez... En tout cas, je ne l'ai pas. C'est ça, je ne l'ai pas. Mais la
lettre à laquelle vous avez référé, je ne l'ai pas lue dernièrement.
M. Tessier
(Philippe-André) : O.K., c'est correct. Nous, on détient le mandat de
faire enquête suite au décès d'un
enfant dans les situations où on a raison de croire que les droits de l'enfant
ont été lésés. Et, nous, ce qu'on recommande ici, c'est qu'on soit informés... que le projet de loi, finalement... il
y ait une bonification au projet de loi pour qu'on soit informés, lorsque le coroner conduit une
investigation à la suite d'un décès d'un
enfant, des raisons ayant justifié l'ouverture de celle-ci, toujours dans l'idée de bonifier de notre expertise en
lien avec la situation des enfants, des décès d'enfants, qu'est-ce qui
s'est produit, pourquoi il s'est produit quelque chose.
Il faut comprendre que notre mandat, oui, il est
en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, mais l'enfant ne se
limite pas à l'enfant placé dans une situation de protection de la jeunesse.
L'enfant aussi peut subir ou peut avoir des
préjudices et vivre des situations un peu problématiques à d'autres endroits.
Et surtout, lorsque le coroner décide de faire une investigation, c'est
parce que lui aussi a exercé son jugement puis il a dit : Il y a quelque
chose, ici, qui nécessite une enquête. Donc,
ici, on va... d'être informés, là, de ces éléments-là. Je ne sais pas si ma
collègue veut compléter, mais je pense que...
Mme
St-Laurent (Geneviève)
: Non, c'est probablement plus dans une perspective de notre mandat assez
large de protection des droits de l'enfant, puis donc...
M. Tessier
(Philippe-André) : C'est quelque chose qu'on a dit à la commission
Laurent, d'ailleurs, aussi, je le précise, là. On a fait cette
recommandation à la commission Laurent.
Mme Guilbault : Puis est-ce que... Puis peut-être que j'ai mal
compris ce que vous me dites, mais il y a la possibilité... en tout cas, ça existait dans notre temps, je ne
sais pas si c'est encore ça, mais de s'inscrire, comme personne ou comme
organisme, comme intervenant systématique,
je pense qu'on appelait, ou comme intervenant automatique puis de recevoir
systématiquement des rapports, tu sais,
selon une certaine problématique, selon un groupe d'âge, selon... Autrement
dit, est-ce que vous avez déjà eu ces
discussions-là avec le Bureau du coroner, sur la possibilité de recevoir
systématiquement tous les rapports de
coroners qui portent sur des décès d'enfants puis qui pourraient peut-être
répondre en partie, là, aux besoins plutôt qu'une modification
législative?
M. Tessier
(Philippe-André) : Il est évident, comme je vous dis, là, qu'il
peut... il y a des communications entre nous puis le Bureau du coroner, là, relativement à des enquêtes. Pour
cette question-là en particulier, je ne peux pas vous donner la réponse,
je pourrais vérifier, mais c'est une excellente suggestion.
Mme Guilbault : C'était une suggestion, aussi, puis on a
quelqu'un du bureau ici, d'ailleurs, peut-être, qui peut en prendre
note.
Mme
St-Laurent (Geneviève)
: C'est pertinent, comme échange, là, mais... qu'on reçoive les rapports
par rapport à certaines
problématiques, mais notre recommandation, c'est aussi plus de dire... pas tant
le rapport final que d'être avisés dès
le début de l'investigation, c'est surtout ça, parce que nous, on risque de
faire, possiblement, une enquête au même moment sur les mêmes faits, mais selon notre mandat particulier. Donc,
c'est vraiment d'être avisés en amont plutôt que juste à la fin
lorsqu'il y a un rapport. C'est plus dans cette optique-là.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault : Oui, merci beaucoup. Il y a déjà une assise, là,
sur... il y a un élément dans la loi... sur la Loi sur la protection de la jeunesse, là, entre autres, un
enfant qui est dans une unité d'encadrement sécuritaire... bien, en fait, on
change justement l'expression, entre autres,
dans le projet de loi, «encadrement intensif», je pense. Ça fait que, donc,
vous, vous voudriez qu'on aille plus
loin en précisant que vous devez être avisés dès le moment du signalement du
décès plutôt que... O.K.
M. Tessier
(Philippe-André) : C'est le sens de la recommandation, oui, tout à
fait.
Mme Guilbault : Parce qu'en fait ce que j'essaie de comprendre,
c'est est-ce que, vraiment, ça devrait être dans un projet de loi, ou
est-ce que ce n'est pas des choses qui pourraient déjà s'arrimer avec le Bureau
du coroner, entre deux organisations, ou est-ce que vous me dites : Il y a
une fermeture ou il y a un problème.
M. Tessier
(Philippe-André) : Non, non, non, je ne vous dis pas ça, non,
évidemment, là. Peut-être que c'est un
peu l'esprit qui anime aussi... On était... Lorsque la commission intervient
dans... lorsqu'il y a ce genre de situation là où il y a différents recours. On a fait un peu la même chose avec la
CNESST, on... Il arrive souvent, dans l'organisation administrative du Québec, que plusieurs
institutions ou plusieurs entités sont responsables d'une même situation, et
nous, on pense qu'il est sage de
prévoir, dans une loi, des messages législatifs à l'effet que ces genres
d'informations là doivent se
partager, toujours dans l'objectif de mieux protéger l'enfant, dans l'intérêt
de l'enfant, ou la personne âgée, ou peu importe la personne en situation de vulnérabilité. Ça envoie un indice aux
organisations administratives, également, de cette nécessité-là de ce travail de concertation là ensemble au
bénéfice du citoyen, qui, lui, n'a pas à faire du «forum shopping» — excusez — ou qui
n'a pas à se poser la question c'est qui qui est responsable de quoi. Ça en
revient aussi aux organisations publiques, de faire ça. C'est un peu l'esprit ou la philosophie. On l'a dit dans
176 sous l'ancien gouvernement, on l'a répété dans... ce matin, on était à la commission parlementaire
sur le p. l. n° 53, sur les agences de crédit, tant avec l'AMF et
la CAI, donc... excusez, la
Commission d'accès à l'information. Donc, il y a ces passerelles-là, ces
nécessités de communication là lorsqu'il y a différents recours qui sont
importants. C'est peut-être le sens. Mais ça n'exclut pas votre suggestion, qui
est tout à fait...
Mme Guilbault : C'est très vrai. Non, mais c'est très vrai, ce
que vous dites. Il y a une dame qui était ici juste avant le dîner, là, puis qui parlait de ses propres
démarches à gauche, à droite pour demander les suivis d'enquête d'un et
l'autre, puis des fois ça ne finit
plus, là... mais, en tout cas... mais c'est justement aussi dans l'esprit de
simplifier la vie des citoyens, entre autres, qu'on fait ce projet de
loi là et de réduire les délais. Mais là je comprends que vous, vous n'avez pas
nécessairement de point de vue sur la
question des délais ou sur la question du service aux personnes endeuillées, et
tout ça, parce que c'est en dehors de votre mandat.
M. Tessier (Philippe-André) : Tout à fait, ce n'est pas dans notre angle
d'analyse pour ce projet de loi là. Cela dit, on reconnaît bien que la volonté, l'intention ministérielle, là, dans
les communiqués, et tout, et ce qui a été présenté, ce qui a été publié, c'était dans le sens d'augmenter puis
d'améliorer le service aux citoyens, donc on a humblement fait deux petites
autres suggestions pour dire : Allez dans ce sens-là.
Mme Guilbault :
Puis est-ce que vous avez quand même une idée, ne serait-ce que comme personne
avisée, observateur des choses publiques,
sur ce qui est prévu par rapport... sur la préservation de l'indépendance de
l'institution du coroner dans le projet de loi? Puis sentez-vous à
l'aise si vous n'en avez pas.
M. Tessier
(Philippe-André) : Ce n'est pas un angle d'analyse qu'on a développé.
Évidemment, ce qu'on peut vous
rappeler, c'est des choses que, sûrement, d'autres intervenants vont vous dire
sur ces questions-là, mais évidemment vous le savez, qu'il y a des
garanties procédurales, prévues à la Charte des droits et libertés du Québec,
qui prévoient l'audition devant un tribunal
indépendant, impartial. Mais évidemment, si vous êtes animée de ces considérations-là,
de ce qui a déjà été prévu par la
jurisprudence dans ce cas-là, nous, on n'a pas d'observations particulières à
faire là-dessus. Je ne sais pas si ma collègue voulait ajouter quelque
chose.
Mme
St-Laurent (Geneviève)
: Non, c'est vraiment... Oui, c'est
ça, au-delà de rappeler qu'il y a
l'article 23... les articles 23 et suivants, là, les droits judiciaires
s'appliquent à l'institution du coroner, puisqu'il est assimilé à un
tribunal en vertu de l'article 56 de la charte québécoise. On n'avait
pas de recommandation particulière là-dessus, à la lecture du projet de loi.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault :
Merci, et ça compléterait pour moi. Je ne sais pas si mes collègues ont des
questions.
Le Président
(M. Bachand) : Ça va? Merci. M. le député de Vimont, s'il
vous plaît.
M. Rousselle :
Merci. Premièrement, merci d'être ici aujourd'hui, on est très contents. J'ai
votre lettre ici. Est-ce qu'on vous allez avoir d'autres notes qui vont suivre,
ou on va s'en tenir à la lettre, ou...
M. Tessier
(Philippe-André) : Non, non, il s'agit de l'étendue de nos
recommandations, oui, tout à fait. Comme je le disais d'entrée de jeu, c'est
assez limité, nos observations.
M. Rousselle : Parfait, c'est bon. Écoutez, je
vous écoutais, donc, effectivement, vous vous occupez des personnes
vulnérables, c'est dans votre mandat. J'ai lu, justement, dans la lettre, que
vous parlez, justement, de la protection des
personnes âgées en ressource... comme vous le disiez tantôt, ressource
intermédiaire, RPA, CHSLD. Dans ce dossier-là, vous demandez, justement,
qu'automatiquement, s'il y a un décès, le coroner soit avisé.
Pendant la COVID-19, vu que ça m'a
passé par la tête, est-ce que vous avez eu des plaintes ou est-ce que vous
avez... Sûrement, en tout cas, j'imagine,
parce que, là, les citoyens étant... mettons, des décès, il y en a eu
plusieurs, là, au Québec. Donc,
est-ce que vous avez eu des appels plus nombreux? Est-ce que vous avez eu des
cas, là-dessus, que vous pourriez
nous relater, des cas, justement, que peut-être que le coroner aurait pu
s'occuper ou, vous, est-ce que vous avez investigué là-dedans? Je
voudrais vous entendre là-dessus.
• (14 h 30) •
M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est une bonne question, puis je pense que
ça permet peut-être d'éclairer les
députés de l'état de la situation. Il faut comprendre que, oui, effectivement,
nous avons reçu des plaintes en lien avec la situation des différents types d'hébergement pour personnes âgées en
lien avec la COVID-19. Cela dit, pour ce qui est d'une enquête publique, nous n'avons pas déclenché d'enquête publique,
nous, de notre côté. Comme vous le savez, la Protectrice du citoyen a déclenché une enquête publique sur la
question, la Coroner en chef a déclenché une enquête publique. Quand je vous parlais de... dans un souci de faire en
sorte que... Il y a déjà beaucoup de gens qui font des enquêtes. Alors, on a
beaucoup de respect pour le travail de la
protectrice, pour le travail de la Coroner en chef. Donc, on pense qu'il y a
déjà, quand même, des enquêtes
là-dessus. Cela ne veut pas dire que nous ne traitons pas les plaintes, parce
que nous recevons des plaintes et
nous sommes interpelés par certains acteurs en lien avec ça. Donc, nous, on va
faire notre travail en lien avec
ces éléments-là qui sont... qui visent à principalement venir, si on veut, en lien avec l'article 48 de la charte qui vise à
contrer l'exploitation des personnes âgées, mais aussi aux droits prévus, aussi, à la vie, à l'intégrité, à la
liberté, qui sont les articles... prévus
aux articles 1 à 9, là, donc les libertés fondamentales prévues à... les droits
et libertés fondamentaux prévus à la charte. Donc, nous, c'est un peu
notre angle, notre prise... notre angle là-dessus.
Je peux aussi ajouter qu'il y a
des actions collectives, présentement, devant les tribunaux visant certains types...
et donc nous sommes très au fait de ces éléments-là également.
M. Rousselle : Dites-moi donc,
parce que vous parlez, justement... le coroner, vous parlez de la Protectrice du
citoyen, est-ce que vous avez des ententes, est-ce que
vous vous sentez comme un égal de... Dans le sens que, quand vous voulez
avoir de l'information, ou quoi que ce
soit, est-ce que vous êtes là... Vous dites... Est-ce que
vous êtes considéré comme une
troisième roue ou vous êtes considéré comme... j'appelle, j'ai l'information, on travaille vraiment en partenariat, c'est vraiment... l'échange est fluide? Est-ce que
vous êtes capables de me dire ça, autant du coroner que la Protectrice du
citoyen?
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, écoutez,
disons que c'est... Je ne sais pas si... La meilleure façon de vous répondre, c'est de dire... c'est qu'évidemment
la coroner a un mandat, puis, en vertu de ce mandat-là, elle a déclenché
une enquête publique, ce qui est sa prérogative la plus
entière, pour faire la lumière un peu sur les circonstances liées aux décès
en lien avec la COVID; la protectrice, la
même chose, en lien avec les services offerts dans ces établissements publics là. Nous, notre
mandat, il est plus basé sur la question de la discrimination, du harcèlement puis de l'exploitation des personnes âgées. Donc, c'est sûr et certain que notre mandat à
nous, notre regard à nous est différent, on le disait tantôt,
là. Donc, c'est sur et certain que,
nous, notre action ne va pas être la même que celle des autres institutions, nécessairement, mais oui, effectivement, que l'on sache
l'un et l'autre ce que l'un et l'autre fait, bien, c'est toujours
important, puis c'est une des choses que l'on essaie de faire dans la mesure du
possible, d'être avisé de c'est quoi qui se passe dans un dossier aussi
complexe que celui-là.
Mais
je vous parlais de l'action collective, l'action collective, elle... nous
sommes également très impliqués dans ce dossier-là dans la mesure où il y a
là des allégations de violation de droits prévus à la charte. Alors, c'est là
où, nous, notre rôle ou notre action
va se déployer ou va se porter. Quand je vous disais... donnais l'exemple,
par exemple... là, je quitte le champ des CHSLD, mais en matière de protection de la jeunesse, de ce
côté-là, nous... c'est nous qui a la compétence, si on veut, première pour aller vérifier puis valider qu'est-ce qui s'est passé dans le dossier de
l'enfant en question, mais ça ne veut
pas dire que la commission Laurent n'a pas lieu d'être ou que le travail
effectué par un coroner dans un cas d'un décès d'enfant n'est pas utile. L'idée, c'est toujours la même chose, c'est
que chacun a ses responsabilités puis ses mandats en fonction des lois
propres, là.
M. Rousselle : J'en conviens, que chaque personne...
chaque groupement a leurs responsabilités, ça, j'en conviens avec vous, mais je veux savoir... c'est que vous, vous faites une enquête, un exemple,
ou vous investiguez soit sur... dans un
CHSLD, soit auprès d'un jeune qui a des problèmes, et puis il y a mort qui
suit, est-ce que vos rapports... est-ce qu'on va vous voir, justement, avoir — excusez l'anglicisme — votre feed-back, votre expertise là-dedans?
Parce que, tout de même, c'est
peut-être... puis là je sors... on sort quelque chose, peut-être un jeune
qui... ça fait... ça perdure ce problème-là, ça fait peut-être longtemps, ça fait longtemps que vous le
regardez et vous avez peut-être de l'information privilégiée à donner, justement, soit au coroner ou soit à la
protectrice, donc est-ce qu'on vous demande des rapports? Est-ce qu'on vous
prend comme un genre de coéquipier
là-dedans pour comprendre qu'est-ce qui s'est passé dans le... tu sais, dans le
passé pour faire l'histoire au complet?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est sûr et certain. Puis, peut-être une
précision utile aussi, il faut comprendre que notre action n'est pas limitée uniquement au décès, hein? Je
comprends que, là, ici, on est dans une modification de la Loi sur les coroners, donc on est dans ces
circonstances-là. Notre mandat à nous, il est beaucoup plus large, tant pour
les personnes âgées que pour les jeunes,
donc des situations d'exploitation financière, exploitation au sens pas
nécessairement financier aussi,
psychologique, et tout, donc ces éléments-là... Puis il y a eu la loi sur la
maltraitance qui a été introduite en
2017, qui a créé aussi des... Là, je ne veux pas rentrer dans toutes les
techniques, mais il y a des plans d'intervention concertés, donc il y a, avec tout... en matière
d'aînés, il y a toute une série d'actions gouvernementales à laquelle nous, on
est associés également, parce que notre
action, elle n'est pas liée qu'au décès, elle est liée à des situations de vie
quotidienne, là, pour les personnes âgées, même chose pour ce qui est
des jeunes, là. Alors donc, là, il y a un autre canevas.
Mais c'est sûr et certain que nous, on est dans
nos rapports, on va déposer notre prochain rapport annuel de gestion à l'Assemblée nationale, comme la charte le prévoit,
à la fin du mois de septembre. Dans le rapport annuel de la commission, il
est toujours prévu la liste des recommandations que nous avons faites au
gouvernement puis aux différents acteurs. Évidemment,
lorsqu'on rend public un rapport, comme on a fait à la jeune fille de Granby,
bien, ce rapport-là, il est public, il est
diffusé — les
éléments qui peuvent être diffusés, bien évidemment — donc les autres acteurs, de toute façon, en
prennent connaissance puis peuvent s'en inspirer, c'est sûr et certain,
là.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous
plaît... pardon.
Mme Nichols : Merci. Merci, M. le Président. Je veux juste être
certaine, là... moi, il y a un bout que je ne comprends pas, puis j'imagine qu'il y a sûrement foule à la
maison qui nous écoute, donc peut-être que je ne suis pas toute seule à comprendre... ça me ferait plaisir de n'être pas
toute seule à... Bien, je comprends, là, je comprends la mission de votre
commission, je comprends que vous avez un
mandat quand il y a de la discrimination puis il y a du harcèlement. Puis,
un peu plus tôt, vous avez parlé... mais
c'est parce que vous avez dit : Nous, la commission, on n'a pas déclenché
d'enquête publique. Ça veut dire que
vous avez le pouvoir de déclencher cette enquête publique là. Puis je comprends que vous ne l'avez pas déclenchée parce qu'il y en avait
d'autres qui l'avaient déclenchée. Dans quel cas vous pourriez la déclencher?
Qu'est-ce que ça prend pour que vous la
déclenchiez? Puis après ça, là, vous nous dites : Bien, on fait un
rapport. Moi, je veux juste chercher
à comprendre, tu sais, qui vous interpelle. Vous sortez un rapport, vous le
remettez... là, je comprends qu'il
est dans le rapport que vous remettez à l'Assemblée nationale. Qui
fait le suivi des recommandations? J'ai une petite idée aussi, mais j'aimerais ça que vous puissiez
le... juste peut-être nous le mettre dans l'ordre pour qu'on puisse comprendre
qu'est-ce qu'elle fait, la commission, bien qu'on comprend que vous intervenez
auprès des enfants puis auprès des personnes âgées plus vulnérables.
M. Tessier (Philippe-André) : Tout à fait. Bien, ça me fait plaisir d'expliquer
c'est quoi, le rôle de la commission. Bien,
premièrement, en vertu de la Loi sur
la protection de la jeunesse, on va y
aller en deux boîtes, là, c'est ce qu'on a fait... donc, en vertu de la LPJ, lorsqu'il y a une
situation problématique, donc, il y a un directeur de la protection de la
jeunesse qui est mandaté pour poser
des gestes en lien avec cet enfant-là, conformément à la Loi sur la protection de la jeunesse. Nous
sommes, si on veut, la deuxième ligne, en ce sens que, lorsqu'il y a une
problématique dans un dossier où la DPJ intervient, qu'il y ait mort ou non, là, comme je vous disais, là, ça
peut être un droit de communiquer, il y a toutes sortes de situations qui se produisent qui font en sorte
que la DPJ doit suivre des normes et des règles, et nous, on est là pour venir
s'assurer que les DPJ suivent ces normes et ces règles-là.
Mme Nichols :
...d'office.
M. Tessier
(Philippe-André) : Nous, on
est là s'il y a, donc, un signalement, s'il y a, donc, une dénonciation chez
nous, dans un cas. Ça peut juste... souvent,
c'est un membre de la famille, ça peut être un intervenant, donc, il y a
quelque chose qui se produit qui
nécessite que nous jetions un regard sur ce qui se produit pour venir voir s'il
y a lésion de droits. Si les droits
de l'enfant prévus à la Loi sur la
protection de la jeunesse, et autres,
ont été respectés, à ce moment-là, nous, on rend des rapports, on fait des recommandations, que ça soit dans des
dossiers individuels ou des dossiers de nature systémique.
L'enquête
la plus connue, récente, qu'on a rendue publique, c'est celle sur Mauricie—Centre-du-Québec, les familles d'accueil.
Avant, on était au Saguenay, sur la mort d'enfants. On a des recommandations
qui sont non seulement déposées dans
nos rapports d'enquête, mais qu'on met dans nos rapports annuels d'activité, et
on parle des suivis qui doivent être faits
par les différentes instances, évidemment, gouvernementales, vous l'aurez
compris, mais aussi d'autres, des tiers, ça peut être, des fois, des CPE, ça peut être des foyers de groupe,
dépendamment c'est qui qui s'est retrouvé impliqué dans la situation,
là.
Maintenant,
pour ce qui est de l'article 48, donc l'exploitation des personnes âgées,
là, encore une fois, c'est... l'analogie,
si on veut, c'est qu'on va avoir un dénonciateur, un membre de la famille,
fréquemment, ou quelqu'un dans une
banque, ou quelqu'un qui voit qu'il se produit quelque chose qui met en cause
les droits de la personne âgée et qui... cette personne-là, woups! il se passe de quoi soit au niveau financier,
mais au niveau... par exemple, elle va être isolée, elle va être maltraitée, elle n'aura pas des
conditions de vie, de santé correctes, elle peut être exploitée, même... de
nature sexuelle, on a eu un jugement
récent du TDP là-dessus, donc... Et là, encore une fois, on va avoir
un dénonciateur qui va être chez
nous, qui est anonyme, donc, et nous, on va faire une enquête
de notre propre initiative au
niveau individuel. Puis ce qu'on va faire aussi, dans certains cas,
c'est qu'on va avoir aussi des regards plus globaux sur des situations
visant les personnes âgées. Donc, c'est un peu les deux, là... les deux
façons qu'on fonctionne.
Mme Nichols : Dans le cas où il y a un dénonciateur, puis
vous allez émettre un rapport, le dénonciateur peut voir les conclusions du rapport, va avoir le droit au
rapport, le contenu du rapport disponible? Le dénonciateur, celui qui...
• (14 h 40) •
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, en
gros, nous, ce qu'on fait, c'est qu'on fait une enquête puis on décide s'il y a preuve
suffisante ou non, dans les circonstances, pour porter le dossier au Tribunal des droits de la personne. Donc, oui, effectivement, ce dossier-là d'enquête est porté, puis ça vient, après ça... une fois
que c'est déposé au Tribunal des
droits de la personne, bien, ça devient public, c'est un procès.
Mme Nichols : Très bien. C'est
la partie qui manquait.
M. Tessier (Philippe-André) : ...je
m'excuse.
Mme Nichols : Non, c'est correct, il n'y a pas de problème.
Vous avez parlé, puis on parlait tantôt de Herron, là, la résidence pour personnes
âgées Herron, à Dorval, on se disait
que, bien, il y a souvent... il y a eu des indicateurs.
C'est quoi, votre... Je peux y aller
en deux volets, là. Un, par rapport aux indicateurs, parce que moi, je pense qu'il y a
un problème, là, il y a
eu des rapports d'émis, il y a eu plein de personnes qui sont
intervenues, mais, malgré tout, le permis a été reconduit. Donc, souvent, la main droite ne parle pas à la
main gauche, ou les rapports... vous en avez parlé tantôt,
là, justement, là, vous
avez dit : Il y a des avis, on ne partage pas l'information, il y a une nécessité de concertation, ça fait qu'il y a vraiment une problématique, là, par rapport
à ça. Vous, comment vous le voyez? Puis qu'est-ce que vous suggérez, le niveau d'intervention, à ce niveau-là? Puis, la même chose, c'est quoi,
votre rapport avec le coroner dans vos nombreuses interventions? Donc, il y a comme deux volets, mais c'est parce que je sais
que je suis serrée un peu dans le temps.
M. Tessier
(Philippe-André) : Comme je
vous dis, notre rôle en matière d'exploitation de personnes âgées, il est beaucoup plus sur une approche individuelle, en ce sens
qu'il doit y avoir un dénonciateur, une plainte, et nous, on va regarder s'il y a eu exploitation
financière, matérielle ou autre de la personne
âgée. Et il est évident que, dans ce
contexte-là, nous, on se retrouve
associés à la loi sur la maltraitance, qui vise à contrer ce phénomène-là.
Donc, c'est sûr et certain que... puis
je le précise, c'est pour ça que je disais, tantôt : Il y a d'autres
entités, dont la protectrice, je vous le mentionnais, qui, eux aussi, ont fait des rapports et font enquête
là-dessus. Ça ne veut pas dire que nous, on ne peut pas, non plus, faire
enquête et qu'on ne fera jamais
enquête, ce que je vous dis juste, c'est qu'on est quand même conscients,
aussi, qu'il y a d'autres acteurs
étatiques, puis je pense qu'il y a même la Commissaire à la santé qui a eu un
mandat en lien avec ça, récemment. Donc,
il y a d'autres acteurs étatiques
qui consacrent des ressources de l'État à faire enquête sur une situation donnée,
donc on essaie d'être conscients aussi de ça
quand nous, on a d'autres responsabilités. Et je vous le dis bien candidement
comme responsable de cette organisation, on
a d'autres mandats législatifs, donc il faut voir où est-ce que notre action
est la plus importante et plus nécessaire.
Mme
Nichols : Oui, en effet, là,
il y a d'autres acteurs, mais je me rends... on se rend compte que, finalement,
dans tous les rapports, bien, on ne tient
pas compte des conclusions des autres acteurs ou sinon on ne fait pas de suivi,
on ne tient pas compte des indicateurs de
suivi, on ne tient pas compte de tout ça, puis on continue à mettre... à
transmettre le permis, reconduire le permis ou... bien, enfin...
M. Tessier
(Philippe-André) : Nous, ce qu'on peut faire, je vous le dis bien
humblement, en termes de résultat, ce
qu'on peut faire, c'est amener un dossier en exploitation au tribunal puis
obtenir des condamnations, ce qu'on fait à tous les ans, puis on aura des chiffres pour vous à la fin du mois, dans
notre rapport annuel de gestion. Ça, on le fait, on va continuer à le faire puis à dénoncer. Puis, d'un
autre côté, ce qu'on va faire, c'est qu'on va continuer à faire des rapports à
l'Assemblée nationale, aux députés puis aux différentes instances, avec des
suivis pour leur dire : Bien, il y a telle problématique, telle
problématique. Ça, ça fait partie de notre mandat.
Mme Nichols : Ah oui, merci. En terminant, rapidement, c'est
quoi, votre collaboration, là... c'est quoi, votre rôle avec les
coroners? Parce qu'on est ici pour parler sur le projet de loi des coroners,
donc c'est quoi, votre rapport? Vous travaillez comment avec le coroner?
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien,
comme je le disais, là, dans les circonstances d'un décès d'un enfant, on pense
que ça serait important, encore une fois,
là, d'avoir cette intention-là législative. Mais c'est l'intention... puis je
ne dis pas ça parce qu'il n'y a pas
de désir de collaboration, au contraire, là, il y a ce désir-là, puis cette
volonté-là, puis il y a ces informations-là, ces échanges sur le fait qu'il y a des enquêtes, mais, écoutez, c'est
très sommaire comme collaboration, là. Je ne peux pas vous dire qu'il y
a des... il y a un...
Mme Nichols : Il y a des
rencontres, il y a des échanges d'information, il y a des...
M. Tessier
(Philippe-André) : ...qu'il
y a... Dans les mandats respectifs, compte tenu des dispositions législatives
en cause, il y a... on ne peut pas
nécessairement se partager de l'information comme ça non plus, là, et c'est
pour ça que ça prend, des fois, des
indices législatifs, d'où le sens de notre recommandation, pour aider à cette
collaboration-là. On ne peut pas dire qu'elle n'existe pas puis qu'elle
est non désirée, c'est de dire : Ça contribue à cette collaboration-là.
Puis pour ce
qui est de l'autre recommandation, bien là, ça, c'est plus le fait que... ce
qu'on dit, c'est que le coroner devrait
être informé. Ce n'est pas nécessairement en lien avec notre collaboration à
nous, c'est plus... les établissements devraient
avoir cette obligation-là d'informer le coroner, qui décidera ou non, oui ou
non, de faire une investigation ou pas, ça, c'est ses prérogatives, mais c'est de dire : Cette
information-là peut venir bonifier puis peut venir prévenir, parce que le but du coroner, c'est de prévenir des décès,
donc de prévenir des situations comme ça qui se produisent, donc on pense
que c'est un outil dont il pourrait disposer.
Le Président (M. Bachand) : Sur ce, juste à vous remercier de votre
collaboration aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux pour quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 45)
(Reprise à 14 h 49)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux.
Alors, il me
fait plaisir d'accueillir le Protecteur
du citoyen. Alors, vous connaissez bien les règles du jeu, alors, vous avez 10 minutes de présentation, et
après ça on fera un échange avec les membres de la commission. Alors,
bienvenue, et la parole est à vous.
Protecteur du citoyen
Mme Rinfret (Marie) : Merci, M.
le Président de la Commission des institutions. Mme la ministre...
Le Président (M.
Bachand) : Excusez-moi, Mme la... si vous pouviez juste vous
rapprocher du micro.
Mme Rinfret (Marie) : Bien oui,
c'est ça, hein?
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît.
Mme Rinfret (Marie) : Là, je
n'étais plus certaine, deux mètres du micro... Bon, attendez un peu... Voilà.
Le Président (M.
Bachand) : Bon. Merci de votre collaboration.
Mme Rinfret (Marie) : Bien,
écoutez, c'est le minimum.
Alors, scène
un, prise deux. Bonjour, tout le monde. M. le Président de la Commission des
institutions, Mme la ministre, Mmes,
MM. les députés membres de la commission, je vous présente la personne qui
m'accompagne, Mme Chloé Corneau, qui est coordonnatrice aux
enquêtes en matière d'administration publique.
Je remercie
la Commission des institutions d'avoir invité le Protecteur du citoyen à
participer aux consultations sur le
projet de loi n° 45, Loi concernant principalement la nomination et le
mandat des coroners et du coroner en chef.
Je rappelle
brièvement que le Protecteur du citoyen reçoit les plaintes de toute personne
insatisfaite des services des
ministères, des organismes ou encore des instances du réseau de la santé et des
services sociaux. Il veille aussi à l'intégrité des services publics en traitant les divulgations qui s'y rapportent.
Lorsqu'il le juge d'intérêt public et opportun, le Protecteur du citoyen propose des modifications à des projets
de loi ou de règlements. C'est à ce titre que je présente aujourd'hui à
cette commission nos constats et recommandations concernant le projet de loi
n° 45.
De par son
mandat, le Protecteur du citoyen accorde une attention spéciale aux personnes
démunies, que ce soit en raison de
leur condition socioéconomique, de différents facteurs d'exclusion ou encore
d'épreuves qui bouleversent leur vie.
Alors qu'il est question, ici, de l'intervention des coroners auprès des
personnes qui ont perdu un proche dans des
circonstances qui peuvent être dramatiques, il va de soi qu'il faut prendre en
compte la vulnérabilité de ces personnes. En des moments aussi éprouvants, elles doivent pouvoir recevoir des
services de qualité de la part du coroner responsable, de faire la
lumière sur les circonstances du décès de leurs proches, et ce, dans des délais
raisonnables.
Venons-en au
projet de loi. Je considère qu'il présente des modifications intéressantes au
cadre juridique actuel. Les avancées
concernent notamment la durée et le renouvellement des mandats des coroners,
l'avis aux coroners lors du décès d'un
enfant dans un service de garde en milieu familial et l'obligation de suivi
quant aux recommandations de la Coroner en chef.
J'attire
toutefois votre attention sur des améliorations au projet de loi que je
considère nécessaires pour que le Bureau du coroner puisse agir le plus rapidement possible et accompagner
adéquatement les familles et les proches endeuillés. Les éléments à ajouter, à préciser ou à revoir
concernent donc les délais et le suivi des investigations, la communication
avec les familles ainsi que l'examen sommaire et le suivi de l'implantation des
recommandations.
D'abord, les
délais. Ils sont trop longs, ils pénalisent injustement les proches des
personnes décédées et ils atteignent en
moyenne le double des cibles que se fixe lui-même le Bureau du coroner. Tout
cela ne date pas d'hier. En 2014, le Protecteur du citoyen a publié un rapport faisant état de ces retards, il était
alors question d'attente de plus d'un an. À titre d'exemple, des parents n'avaient pu connaître les
circonstances du décès de leur fils qu'après 15 mois. Devoir patienter
aussi longtemps les avait empêchés
d'entamer leur processus de deuil. Pour d'autres personnes, il était impossible
de compléter les démarches administratives importantes à la suite du
décès d'un proche sans les conclusions du coroner.
À l'époque,
le Bureau du coroner liait ses propres délais d'investigation à des partenaires
externes comme les corps policiers ou
les pathologistes qui tardaient à lui faire parvenir leurs analyses. Notre
enquête a révélé que les délais imputables à ses partenaires pouvaient en effet expliquer en partie les délais
d'investigation. Cela dit, une part de ceux-ci demeuraient attribuables
au Bureau du coroner, que ce soit à ses services administratifs ou au coroner.
Il y a six ans, le Bureau du coroner a accepté
l'ensemble des recommandations de notre rapport et a présenté un plan d'action détaillé sur leur mise en oeuvre. Il
s'est fixé entre autres objectifs de réduire ces délais d'investigation à six mois.
Malgré des efforts
louables et les mesures mises en place, les délais ont persisté. Ils sont
encore d'environ 12 mois. C'est pourquoi
je recommande que le projet de loi ajoute un article précisant qu'à moins
d'exception le coroner responsable doit produire son rapport au plus
tard le 180e jour suivant le début de son investigation.
En plus des délais, des personnes se sont plaintes
au Protecteur du citoyen qu'elles avaient de la difficulté à joindre
le ou la coroner au dossier afin d'obtenir un suivi de l'investigation. Nos
enquêtes ont conclu que ces problèmes de communication étaient bien réels. Le Protecteur du citoyen estime que le projet de loi devrait prévoir
que, si l'investigation se poursuit
plus de 30 jours, le ou la coroner responsable doit en informer un membre de la
famille de la personne décédée ou toute
personne qui a demandé d'être avisée. Il ou elle devrait ensuite l'aviser par
écrit tous les 60 jours, et ce, tant que l'investigation se poursuit.
Autre point, le projet
de loi prévoit que, dans certains cas, le ou la coroner pourrait, par un examen
sommaire des faits, clore le dossier sans
devoir mener une investigation en bonne et due forme. Les familles qui
apprennent, dans ces circonstances,
qu'il n'y aurait pas d'investigation devraient être mises au fait des
conclusions de l'examen sommaire. Outre
la prise en compte de la sensibilité des personnes endeuillées, celles-ci
peuvent avoir besoin d'un tel document pour entreprendre certaines démarches
après le décès.
De
plus, les investigations du coroner sont d'intérêt public. Les conclusions des
examens sommaires doivent donc être
accessibles comme le sont les rapports d'investigation. Je suis donc d'avis que
le projet de loi devrait prévoir la transmission par le ou la coroner des conclusions écrites de
son examen sommaire à un membre de la famille de la personne décédée ou à
toute autre personne qui en fait la demande.
Par ailleurs, alors que les recommandations du ou de la Coroner en chef sont rendues
publiques, aucune information n'est
fournie concernant leur implantation. Selon le Protecteur du citoyen, la mise
en place efficiente des recommandations des coroners implique que le ou la Coroner en chef ait des pouvoirs
d'intervention lui permettant d'en assurer le suivi. Or, la loi actuelle ne permet rien de tel. À cet égard, nous saluons la nouvelle obligation faite aux personnes concernées
d'informer le Coroner en chef du suivi
qu'elles entendent donner aux recommandations. Toutefois, je propose d'aller
encore plus loin pour assurer leur
implantation effective. Je recommande que le projet de loi soit modifié
afin de permettre au Coroner en chef, lorsqu'il ou elle estime qu'aucune
mesure satisfaisante n'a été prise par les autorités d'un organisme à qui une recommandation a été formulée, d'en aviser par
écrit le gouvernement et d'exposer la situation dans son rapport
annuel.
Pour
finir, je porte à votre attention la nécessité
d'adopter des dispositions réglementaires pour donner à la loi actuelle son plein effet. Selon cette loi, le ou
la Coroner en chef peut, à certaines conditions, accorder une aide financière à
des membres de la famille d'une personne
décédée. Les montants peuvent couvrir des services d'assistance et de
représentation juridiques lors d'une
enquête tenue par un coroner à la suite d'une enquête du Bureau des enquêtes
indépendantes. Or, jusqu'à présent, aucun règlement n'a été édicté
pour mettre en oeuvre ce pouvoir. Le Protecteur
du citoyen estime qu'un règlement en ce sens devrait être adopté dans
les meilleurs délais pour donner effet à cette mesure et ainsi permettre, en
toute transparence, au Coroner en chef d'accorder une telle aide financière.
Enfin,
le Bureau du coroner a de la difficulté à recruter de nouveaux coroners,
particulièrement dans certaines régions du Québec. Le Protecteur du citoyen est d'avis que le Règlement sur les
critères et procédures de sélection des personnes aptes à être nommées coroners devrait être modifié
pour élargir l'accès au poste de coroner à d'autres professions qu'aux
médecins, avocats et notaires.
Je
conclus en revenant sur la nécessité de réduire les délais actuels dans des
contextes où les familles et les proches d'une personne décédée doivent être informés sur des événements qui
changent leur vie à jamais. Il en va de la nature même du service public d'assurer une réponse efficace
et diligente. Dans ce cas-ci, le caractère humain de cette réponse est
intimement lié à des enjeux de délai, de communication et
d'accompagnement.
Je vous remercie de
votre attention et répondrai maintenant à vos questions.
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment de votre
présentation. Mme la ministre, s'il vous plaît.
• (15 heures) •
Mme Guilbault : Merci beaucoup. Merci d'être ici avec nous. C'est
très, très, très intéressant, votre présentation, parce que... bien, c'est toujours intéressant, les
présentations, mais je sais que vous avez travaillé, au protecteur, très fort
sur une enquête, à l'époque...
c'était comme une enquête, là, sur, justement, le Bureau du coroner, par
rapport aux nombreuses plaintes qui
avaient été formulées chez vous, entre autres, sur les délais, mais aussi sur
les suivis, comme vous venez si bien de
l'énoncer. C'est pour ça que je trouve ça intéressant de vous entendre
aujourd'hui, parce qu'officiellement la procédure que vous aviez en cours est terminée, si je ne
m'abuse, dans le sens où vous vous êtes montrés satisfaits, je crois, du plan
d'action et du suivi du plan d'action du
Bureau du coroner, soit, mais vous l'avez dit, les délais sont encore élevés.
Vous nous dites 12 mois, moi, j'avais
comme information 11 mois, mais, bon, ça se ressemble, disons que c'est
11 mois et demi, c'est quand
même long, et, moi, ça, ça me préoccupe beaucoup, je l'ai dit ce matin, je le
répéterai tout le long probablement de l'étude détaillée.
Le
projet de loi, entre autres choses... il vise plusieurs choses, mais, entre
autres choses, vise à donner des leviers de gestion au Coroner en chef pour pouvoir agir autant que possible sur
les délais qui sont imputables au coroner. Parce qu'on est tous d'accord sur le fait qu'il y a des délais liés aux
partenaires, bon, puis des fois... moi, encore tantôt, je disais, il y a aussi, à un moment donné, un rôle du
gestionnaire de faire de la sensibilisation puis de trouver un moyen de
travailler avec les gens pour que ça
aille plus vite. Mais les délais dont le Coroner en chef a le contrôle à
l'intérieur de son organisation... un
des buts du projet de loi, c'est de lui donner ces leviers de gestion pour pouvoir peut-être
agir d'une certaine façon puis réduire,
autant que possible, les délais. À cet égard, j'aimerais savoir ce que vous
pensez de l'article 20 du projet de loi, c'est
une des façons qu'on a mises sur la table pour permettre...
Le
Président (M. Bachand) : Mme Rinfret.
Mme Rinfret
(Marie) : Ah oui, qui est,
au fond, les motifs pour lesquels le Coroner
en chef pourrait désigner un
autre coroner.
Mme Guilbault : ...et 20, en fait. Je vais ajouter 19, qui est un
petit peu différent, mais, si vous voulez me faire une réponse packagée... 19, dans le fond, c'est la
possibilité de ne pas conduire d'investigation si, finalement, il n'y a pas
de nécessité
réelle, puis, pendant ce temps-là, on peut se concentrer sur les
investigations, donc, qu'on a vraiment besoin de faire, ça fait que ça a
une incidence indirecte sur les délais.
Mme Rinfret
(Marie) : Oui. Écoutez, de
fait, pour revenir un peu sur votre présentation, je dois d'emblée signifier
l'appréciation que mon équipe a eu de
travailler avec le Bureau du coroner. La collaboration a toujours été là, et il
y avait une volonté réelle de la part
du Bureau du coroner d'améliorer, de réduire les délais, tellement, d'ailleurs,
que le délai de six mois, nous, on
l'extrait de la planification stratégique du Bureau du coroner. Donc, c'est le
Bureau du coroner qui s'est fixé un
délai de six mois — délai
moyen, entendons-nous, là, de six mois — pour produire ses rapports d'investigation.
Je vous
dirais que j'y vois une... et là je reviens à votre question plus précise, je
vois là une volonté qui s'inscrit dans
tous les efforts administratifs qu'a pu faire, qu'a pu déployer le Bureau du
coroner, en mettant en place un système informatique, en développant des outils de suivi des enquêtes. On a
atteint une limite, et c'est pour ça que nous nous sommes déclarés satisfaits des mesures réalisées pour
implanter les recommandations. Et c'est pour cela que je suis devant vous
aujourd'hui, pour vous signifier que la voie
législative est probablement le levier nécessaire pour permettre de réduire
les délais et permettre la production de
rapports d'investigation à l'intérieur d'un délai moyen de six mois. Les
pouvoirs qui sont conférés au Coroner
en chef vont dans la droite ligne, je vous dirais, d'une saine administration
des services publics, on est ici. Et
chaque coroner, tout comme la Coroner en chef, tout comme moi, tout comme
n'importe quel administrateur public sommes imputables envers les personnes
que nous servons, et, à ce titre-là, nous devons avoir les moyens qui nous
permettent, effectivement, de rendre les services publics de manière efficiente et
diligente. Et, pour moi, ce qui est convenu dans l'article 20 est un pas
dans la bonne direction.
Cependant,
et j'attire votre attention là-dessus, déjà, dans la loi, on... ou c'est dans le code de déontologie, là, je ne me rappelle plus exactement,
on parle d'agir avec diligence. Pour moi, un délai raisonnable, «agir avec
diligence», ce n'est pas assez fort.
Il faut, ici, être en mesure de donner un délai et de permettre au coroner...
puis on parle de délais moyens, bien
sûr, là... et de permettre à un coroner qui se voit chargé d'une enquête beaucoup
plus complexe, bien, ma foi, d'aller chercher
l'approbation du ou de la Coroner en
chef pour outrepasser ce pouvoir-là.
De la même manière, il y a une obligation, un
corollaire à tout ça, qui est de tenir informés les proches, les familles
endeuillées, et, en cela, il doit y avoir une obligation, dans la loi, qui oblige les coroners à informer, à
assurer un suivi auprès des proches.
Donc, vous le
voyez... je vais reprendre votre expression de package... mais on en est là, et
je pense qu'on a, ici, une occasion
réelle de donner les outils au Bureau
du coroner pour s'assurer que les personnes
qui attendent les résultats d'une
investigation connaissent... aient des attentes réalistes, les connaissent et
soient informées du suivi de leur dossier.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
Mme Guilbault : Oui, merci. Puis, en ce sens-là, votre recommandation n° 2, je la trouve très intéressante, la première aussi, qui,
finalement, reprend le six mois moyen que le Bureau du coroner s'était
lui-même fixé. Mais moi, je vous le dis, je ne sais pas s'il va l'atteindre un jour. Ça fait déjà six
ans qu'il a cet objectif-là, et, en
tout cas, il ne s'en est pas encore
approché non plus. Donc, je me dis, là, on
fait un pas, comme vous dites, c'est un pas dans la bonne direction, ce qu'on a
mis dans le projet de loi, mais de là à
mettre ça dans la loi, je ne sais pas si c'est réaliste, tu sais. Vous
comprenez un peu ce que je veux dire?
Si je l'écris dans la loi, je ne pense pas que ça va se faire pour autant, par
magie, ça fait que, là, est-ce
que
je veux le mettre en contravention de la loi en plus? C'est là... puis je vous
le dis en toute transparence, c'est un peu ça, ma réflexion. C'est pour ça que j'y vais avec des leviers de gestion, en
espérant, quand même, que ça tende vers l'atteinte de l'objectif.
La recommandation n° 2, je la trouve très intéressante parce que, c'est sûr, rien n'empêche, là... c'est des suivis,
là, c'est des appels puis des retours
d'appels. Je trouve ça très, très intéressant, donc je voulais simplement vous dire que je
la prends sérieusement en considération, cette recommandation-là.
L'autre chose
que je trouve intéressante, c'est aussi la numéro 4... Avant d'aller à la numéro 4, en fait, la numéro 2, là-dessus, ça amène aussi la question des communications avec les familles, l'accompagnement des
familles, le suivi auprès des
familles, et tout ça. Est-ce que, depuis le... peut-être pas depuis 2014, là,
mais, en tout cas, dans les dernières années... bien, en fait, oui, depuis 2014, depuis tout le plan d'action, et tout
ça, la mise en place des mesures, est-ce que vous continuez d'avoir
beaucoup de plaintes qui ont rapport avec le Bureau du coroner?
Mme Rinfret
(Marie) : Écoutez, d'abord,
je vais faire du pouce sur le commentaire que vous faisiez à l'égard du six mois dans la loi. Il y a moyen de donner un
délai législatif qui permet aussi des exceptions. Je vous dis cela parce que
la raisonnabilité d'un délai, c'est très,
très, très élastique. Donc, on aime beaucoup, chez nous, qu'il y ait un délai
au-delà de la... qui, au fond,
correspond à la raisonnabilité d'une organisation, bon. Ça pourrait être «au
plus», ça pourrait être... J'envoie ça, là, comme idée.
Maintenant,
la recommandation 2, où on accorde... on vous propose de faire un suivi auprès
des familles, elle est importée d'une pratique que l'on a chez nous et
qui s'inscrit également dans la Loi facilitant la divulgation des actes
répréhensibles à l'égard des organismes publics.
Maintenant, en ce qui concerne... Répétez-moi...
Mme Guilbault : Recevez-vous
toujours des plaintes?
Mme Rinfret (Marie) : Oui, des plaintes, bien sûr, bien oui, on en a,
on en a. La moitié des plaintes qu'on reçoit concernent les délais, et la moitié des plaintes qu'on reçoit sont
fondées, et elles visent les délais, elles visent également
l'accompagnement.
Mme Guilbault :
...nombre approximatif?
Le
Président (M. Bachand) : Mme la ministre...
Mme Guilbault :
Oui, excusez. Avez-vous le nombre approximatif de plaintes que vous recevez par
année?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, c'est difficile pour moi de vous donner
un nombre, parce que, bon, c'est une petite organisation, mais on a quand même fait l'exercice parce qu'on savait
qu'on venait vous voir, et à la somme des années, donc, depuis 2014,
c'est 74 plaintes que nous avons reçues.
Mme Guilbault :
O.K. Et vous me dites que la moitié étaient fondées?
Mme Rinfret
(Marie) : Oui, et la moitié concernaient les délais.
Mme Guilbault :
Est-ce que c'est la même moitié que celles qui étaient fondées?
Mme Rinfret
(Marie) : Non, ce n'est pas la même moitié, ce n'est pas la même
moitié.
Mme Guilbault : O.K. Parfait, merci beaucoup. Donc, c'est ça, la recommandation 4, simplement
vous dire, aussi, que je la trouve
intéressante, mais je me demande si on a besoin de légiférer pour ça, dans le
sens où rien n'empêcherait le Bureau du coroner de faire un suivi de l'application de ces recommandations ou, disons,
de faire une mise à jour du suivi des
recommandations qu'il reçoit dans son rapport annuel, sur son site Internet
ou autrement, donc, je le lance comme ça. Est-ce que vous pensez que ça pourrait être une alternative, sans nécessairement qu'il y ait un projet de loi ou qu'il y ait un article de loi?
• (15 h 10) •
Mme Rinfret
(Marie) : Écoutez, vous avez raison de mentionner que c'est une
pratique qui peut se faire indépendamment de
l'avoir dans la loi. Maintenant, je vous dirais que l'avoir dans la loi, à
l'égard des instances qui sont visées
par les recommandations, c'est comme la peur qui est le début de la sagesse.
Et, à cet égard-là, de se voir citées dans le rapport annuel — et je
vais prendre, comme exemple, mon institution, hein? — les
instances n'aiment pas cela. Et, à ce
titre-là, le fait que nous ayons ce pouvoir-là nous donne davantage d'appuis
auprès des ministres, voire de l'Assemblée nationale, donc des commissions compétentes aussi, parce qu'on pense
aussi à la Commission de l'administration publique, la Commission des institutions, qui, parce que
nous avons ce pouvoir-là de faire le suivi de l'application... puis, quand
on se déclare insatisfaits, les commissions
peuvent s'en saisir. Donc, il y a là un élément qui, ma foi, est extrêmement
puissant pour une organisation.
Le
Président (M. Bachand) : ...Mme la ministre.
Mme Guilbault : Merci beaucoup. Il me reste peu de temps, puis je
veux aborder un dernier sujet et laisser un peu de temps à mon collègue de Chapleau. Puis en fait mon dernier sujet, ça
va être simplement un élément que je vous partage, parce que votre recommandation n° 6 aussi, je la trouve très, très, très intéressante, mais ça, ça a
rapport avec le règlement, là, sur
les personnes... bien, vous le mettez, probablement... c'est ça, sur les critères
et procédures. Donc, ce n'est pas dans la
loi à proprement parler, mais sachez simplement que ce règlement-là, que je
suis, parallèlement, en train d'élaborer, qu'on est en train, parallèlement, d'élaborer, vise exactement ce que
vous recommandez dans la recommandation n° 6, et actuellement je compte ajouter trois
professions dans les professions éligibles à la fonction de coroner, qui ne
sont pas un très grand secret, quand
on regarde la liste des personnes qui vont venir témoigner ici demain, mais donc
je m'oriente vers ça, alors... Mais,
lorsque le règlement est prépublié, si vous avez des choses à en dire, vos
commentaires seront les bienvenus. Je vous remercie énormément, puis je
cède la parole à mon collègue.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Chapleau, s'il vous
plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, j'en profite pour
saluer les collègues, Mme la ministre. Merci, merci pour votre témoignage. J'aimerais peut-être
vous entendre sur l'indépendance du coroner. Donc, on a eu quelques réserves qui ont été soulevées, là, par des
groupes précédents, quant à l'indépendance, notamment en instaurant la
durée et une certaine... donc, le renouvellement des mandats, que ça pourrait
avoir un effet sur l'indépendance de
leur rôle. Je ne sais pas ce que vous en pensez, de cette... parce que vous
avez dit que vous étiez quand même favorable à cette mesure-là. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Et est-ce que
vous avez peut-être des mesures qui pourraient favoriser
l'indépendance, dans le fond, du coroner?
Mme Rinfret
(Marie) : Je répondrai à
votre question comme ceci : Je ne vois rien, dans le projet de loi actuel, qui vienne s'ingérer
à l'intérieur de l'indépendance des coroners ou du Coroner en chef. Pour moi, il y a un équilibre entre l'indépendance et l'imputabilité, la reddition de comptes, l'évaluation
des services publics, et, en ce sens-là, le projet de loi, tel que
proposé, là, ne vient absolument pas brimer l'indépendance ni des coroners ni
du Coroner en chef.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Peut-être une autre question, là. Vous avez parlé d'un délai de
185 jours. D'où provient ce délai-là pour pouvoir remettre...
Mme Rinfret (Marie) : 180.
M. Lévesque
(Chapleau) : ...185 ou 180,
oui, pour remettre, dans le fond, le rapport. Est-ce que c'est standard?
Est-ce que c'est... D'où provient ce chiffre-là?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez,
et je le mentionne au début de notre rapport, il est tiré de la planification stratégique du Bureau du coroner. La planification stratégique 2017‑2022 prévoit... l'objectif du Bureau du coroner était de publier ses rapports
d'investigation à l'intérieur d'un délai de six mois, donc six mois équivalant
à 180 jours... voilà.
M. Lévesque
(Chapleau) : ...un petit de
temps? Oui, O.K. Peut-être en lien avec ce que la ministre
a posé tout à l'heure,
là, vous avez proposé différentes professions qui pourraient, dans le fond,
accéder, là, au travail de coroner. Est-ce
qu'il y aurait d'autres professions que vous voyez... Est-ce qu'il y a d'autres
avenues que vous envisagez, par rapport à ça, pour les coroners?
Mme Rinfret
(Marie) : Écoutez, notre proposition
est d'élargir les critères de sélection pour permettre à d'autres professionnels que les avocats, les médecins ou
les notaires d'agir comme coroner. Maintenant, je crois qu'au Bureau du coroner, avec les ordres professionnels et le
gouvernement, les législateurs vous allez être en meilleure position que moi
pour évaluer le type de professionnels qui peuvent exercer, selon la nature de
l'enquête qui doit être tenue, bien sûr.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait, merci. Ça complète. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Vimont, s'il vous plaît.
M. Rousselle : Merci, M.
le Président. Merci d'être ici,
madame... mesdames. Merci d'être ici. Toujours intéressant
de vous écouter, effectivement.
J'ai regardé dans votre mémoire, et puis, comme
vous l'avez dit, justement, à votre... au numéro 6,
là, recommandation 6... puis moi aussi, je suis d'accord
qu'à un moment donné il faut peut-être élargir, effectivement. Puis, comme
mon collègue le mentionnait, bien, vous nous avez comme laissé
la porte à dire : Bien, regardez à qui qu'on pourrait l'ouvrir. Mais tantôt on a écouté les
coroners, l'Association des coroners, qui était ici tantôt,
et on a appris que la formation, ce
n'était pas une grosse formation, et, si on veut être performants puis si on
veut vraiment... Comme vous avez mentionné à plusieurs
endroits, on veut faire des suivis, on veut, bon, plein de choses. Est-ce que
vous avez regardé ce volet-là de formation, qui, actuellement, est
manquant au Bureau du coroner?
Mme Rinfret
(Marie) : Écoutez,
c'est n'est pas... ce n'était pas un volet de notre enquête
en 2014. Je dois vous dire que notre recommandation 6 est dans le droit fil de la recommandation 1. On croit fermement qu'élargir les critères de
sélection pour permettre à des professionnels
compétents de procéder à des investigations, d'en avoir plus, ça va permettre
de réduire les délais, et, en ce
sens-là, s'il faut prévoir une formation particulière au sein du Bureau du coroner pour permettre à d'autres professionnels
d'agir comme coroner, bien, ma foi, je pense que c'est une excellente pratique,
de faire comme cela. Mais il ne faut
pas se... En fait, le message que je veux vous passer, c'est qu'il ne faudrait
pas ne pas ouvrir ces critères-là parce que la formation n'est pas là,
tu sais, c'est...
M. Rousselle : Je comprends. Mais tantôt... je reviens toujours... le groupe qu'on a vu plus tôt, la coroner nous expliquait qu'ils apprenaient sur le tas. Donc,
quand tu apprends sur le tas... on s'attend... Mais là je voulais savoir aussi
est-ce
que vous avez eu des plaintes, justement,
sur... concernant des coroners qui n'étaient comme pas opérationnels ou,
encore, qui étaient... un fonctionnement pas correct.
Mme Rinfret
(Marie) : Écoutez,
je... C'est parce que je m'adresse à des parlementaires, là, que j'ouvrirai un
peu plus, parce que, normalement, nos
enquêtes sont conduites privément, et tout, là, mais la réponse à votre
question est oui. Oui, on en a eu,
des plaintes qui visaient l'attitude des coroners, on en a eu. Il y a eu
également — parce
qu'on l'a documenté, ça, dans notre rapport de 2014 — des
coroners qui ont pris beaucoup d'années pour ne pas rendre un rapport, puis, à cet égard-là, bien, la Coroner en chef a dû leur retirer leur rapport. Alors, bon, quand on parle de
compétences, oui, il y a une
compétence sur le plan de la formation, il y a une compétence sur le plan
personnel, mais il y a aussi le savoir-être qui doit être là, puis,
bien, ma foi, je pense que tout ça, c'est un tout, là.
M. Rousselle : Tantôt, on écoutait, juste avant vous, vous
l'avez sûrement entendue aussi, la commission
des droits de la personne et de la
jeunesse, qui était ici. Ils
parlaient, justement, au niveau de la COVID-19, qu'eux, là, ils ont eu des plaintes, et tout.
Là, je sais que vous allez avoir une enquête là-dessus. Est-ce que
vous avez eu des... En dehors de votre
mandat... tu sais, je ne parlerai pas de votre mandat, là, mais, en dehors de
votre mandat, est-ce que vous aussi, vous avez eu des plaintes, aussi, avant de recevoir ce mandat-là? Parce
que... C'est pour ça que je posais la question, puis en même temps, là, je vous la pose à vous : Sachant
que la commission des droits de la
personne et de la jeunesse, eux
aussi, reçoivent des plaintes, est-ce qu'il y a quelque chose, à moment
donné, qui s'arrime, quelque part, entre vous deux?
• (15 h 20) •
Mme Rinfret (Marie) : C'est intéressant, votre question. Dans la Loi
sur le Protecteur du citoyen — et on se gouverne de cette manière-là en tout temps — dès le moment où on reçoit une plainte ou un
signalement qui vise une question de compétence
de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, on
doit référer la personne à la commission des droits de la protection de la jeunesse. On travaille en pleine
collaboration à cet égard-là. Et la personne qui fait appel à nous pourrait choisir, par ailleurs, de rester
avec nous pour l'enquête, et ça, elle doit le faire par écrit. Donc, vous le
voyez, il y a quand même un processus
législatif qui nous oblige, nos deux institutions, à collaborer. Bon, est-ce
qu'on aurait besoin de cette obligation législative? Probablement pas.
Maintenant, en ce qui concerne les plaintes en
lien avec la COVID, alors, moi, je
dois vous dire que nos services sont
restés ouverts tout le temps du confinement, donc, dès le 16 mars, là,
moi, mes services téléphoniques et mes délégués, mes délégués adjoints étaient en devoir. Nous sommes intervenus parce
que nous avons eu des signalements. C'est vrai que les personnes
âgées dans les CHSLD, ou les ressources
intermédiaires, ou les résidences privées, les RPA, sont des personnes
vulnérables — elles l'étaient encore plus parce que les proches aidants ne pouvaient pas y aller — donc
on a dû intervenir, nous sommes
intervenus. Après le confinement, j'ai annoncé — parce que j'ai ce pouvoir-là — une
enquête de notre propre initiative concernant la gestion gouvernementale dans les milieux de vie pour personnes aînées dans le cadre
de la COVID, et nous sommes actuellement en enquête. Un rapport d'étape est prévu d'ici la fin de
l'automne, et le rapport, pour 2021.
M. Rousselle :
Un rapport, sûrement, bien attendu, ça, c'est certain.
Mme Rinfret
(Marie) : C'est certain, je vous comprends.
M. Rousselle : Écoutez, toujours dans la COVID-19... Parce que, même à nos
bureaux, on a reçu plein d'appels, vous
le savez, et d'ailleurs tous mes collègues, ici, doivent avoir eu des appels, c'est
certain, des appels de détresse et puis de panique, hein, c'est un peu... c'est la panique, la COVID-19 n'aidant
pas. Dites-moi, est-ce que vous avez eu des appels aussi? Parce que, là, sûrement,
c'est des familles qui se sont plaintes, j'imagine, là, ça doit être des
familles ou... Il y a-tu eu aussi du personnel soignant qui se sont
plaints aussi?
Mme Rinfret
(Marie) : Ah oui, bien oui.
M. Rousselle : Parce que, tu sais, eux autres, ayant plein de problèmes à ce moment-là, est-ce qu'eux aussi ont fait
ces démarches-là?
Mme Rinfret (Marie) : Oui. Écoutez, sans... Je peux vous dire que les signalements
nous sont venus de toutes les couches
de la société, tant les proches aidants qui étaient
insatisfaits, tant le personnel soignant, les personnes bénévoles. On a reçu et on reçoit toujours
des signalements. Les plaintes, bien, c'est plus difficile, hein, parce que les
usagers, c'étaient et sont encore des
personnes extrêmement vulnérables, souvent seules, donc c'est pour
cette raison-là, d'ailleurs, que j'ai lancé
une enquête de notre propre initiative, étant entendu que nous avions besoin, comme société,
d'avoir le point de vue d'une
institution neutre et indépendante pour être en mesure... Moi, j'ai les
pouvoirs d'aller faire des visites non annoncées dans ces organisations, de rencontrer, de faire des appels à témoignage. Alors, on est dans ce
processus-là, actuellement, pour que
nous puissions donner aux parlementaires une lecture impartiale, neutre de ce
qui a pu se passer, avec des recommandations que l'on souhaite les plus
opérationnelles possible pour nous rendre meilleurs, hein, dans... On a fait
face à une crise, là, hein, c'est... alors là, ce qu'il faut, c'est être
prêts et être meilleurs.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député.
M. Rousselle :
Vous avez parlé que vous êtes intervenus. Pourriez-vous me dire de quelle
manière vous êtes intervenus?
Mme Rinfret
(Marie) : Pardon?
M. Rousselle : Bien, j'ai compris que... vous avez dit :
J'ai intervenu ou nous avons intervenu, donc je voudrais savoir de
quelle manière vous êtes intervenus.
Mme Rinfret (Marie) : Ah! nous sommes intervenus lorsqu'une personne
témoignait, là, d'une situation qui était inacceptable dans un CHSLD. Nous, on communiquait tout de suite, on
avait... avant même, là, que nous soyons dans... chacun chez soi, là, on avait identifié des piliers, dans chaque
organisation, où on pouvait appeler puis faire vérifier est-ce que ce qu'on porte à notre attention est vrai. Si
oui, allons-y pour les correctifs, et faites-nous part, là, de ce qui a été
corrigé. Donc, de manière très, très, très concrète, là, on s'assure que
les services publics répondent.
Un
autre élément qu'il m'apparaît important de vous souligner : à titre d'ombudsman,
lorsque nous n'avons pas compétence
pour intervenir, nous référons toujours les gens aux services appropriés. Donc,
si on pense... même si je peux intervenir dans un dossier, mais que je crois
qu'en s'adressant à tel autre organisme public ça va aller plus vite, on va
tout de suite référer la personne et
ensuite on va demander à cette personne-là de nous faire un retour pour
s'assurer qu'elle ait obtenu la réponse qu'elle attendait, auquelle elle
a droit, de la part des services publics.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Oui, merci, M. le Président. Donc, je comprends
que, signalement ou plainte, vous êtes intervenus, là, dans le cadre de
la COVID, toujours, là, pour continuer sur les questions de mon collègue, là,
vous êtes intervenus rapidement, vous avez
identifié des ressources, des piliers. Là, vous avez bien vu, évidemment, là,
l'urgence de la situation, la
détresse humaine, par les nombreux signalements, les plaintes. Est-ce que vous
en avez informé... Là, je comprends que
c'est le Protecteur du citoyen, mais est-ce que vous en avez informé... Comme,
le gouvernement, est-ce qu'il était au courant? Est-ce que
vous avez informé des personnes en haut de vous, là, de cette situation-là?
Parce que, tu sais, à un moment donné, personne
n'a jamais vécu ça, là, c'est une pandémie mondiale, c'est la première fois que ça arrive. J'imagine, tout comme vous,
Mme Rinfret, puis votre équipe, là, à un moment donné, on ne sait pas
quoi faire. Le téléphone est rouge, il
n'arrête pas de sonner. Nous, ça sonnait dans les bureaux de comté. Ça fait que
je peux comprendre que... on vous les référait, donc je peux comprendre
que ça sonnait chez vous aussi. Mais je veux savoir comment ça a fonctionné, là, l'information, parce qu'il faut aller chercher de l'aide un peu
partout aussi, puis, comme vous
dites, bien, souvent, les parlementaires... les ministres, les parlementaires, bien, ils peuvent faire bouger les choses,
ça fait que... Est-ce que vous avez utilisé le téléphone rouge?
Mme Rinfret (Marie) : Parce que c'était nécessaire, on l'a fait, c'est
clair, et on a toujours eu une bonne réponse. Mais, dès le moment où on voyait que, sur le
terrain, ça ne bougeait pas assez à notre goût, on faisait appel à un palier
hiérarchique supérieur, ça, c'est clair.
C'est notre façon de travailler. On s'assure... On vérifie d'abord la situation.
Lorsqu'il y a un préjudice, ça
appelle à un correctif. Si le correctif tarde, on va à un palier supérieur et
on fait ça tant et aussi longtemps que la personne n'a pas le service
public auquel elle a droit. C'est comme ça en toute matière.
Mme Nichols : Oui, le service public auquel elle a droit, ce
n'était pas non plus évident, hein, tout le monde...
Mme Rinfret (Marie) : Bien, comme vous le dites, on était dans une situation
exceptionnelle, par ailleurs, oui.
Mme Nichols : Oui, oui, oui. Non, puis je comprends aussi, à un moment donné, on s'arrache les cheveux, là, on ne sait plus... on utilise les moyens qui sont à notre disposition, on
essaie d'en trouver d'autres aussi. On devient — le mot de
la pandémie — créatifs,
là. Donc, je comprends que ça ne devait être, pour vous non plus, pas une
période évidente.
La personne, là, qui fait une plainte, là, soit
pendant... là, je sais qu'il y a une enquête, évidemment, mais comment
ça va fonctionner? Celle-là qui fait la
plainte, elle va recevoir le rapport de la protectrice ou... Ça va être quoi,
là, le suivi? Un peu comme j'ai posé à la commission avant, ça va être
quoi, là, le suivi de sa plainte?
• (15 h 30) •
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, nous, dès le moment... puis là je vais
vous parler de manière très générale, là, c'est vrai dans nos quatre mandats, hein, dès le moment où une personne
nous appelle, qu'on considère que sa demande est recevable, il y a un délégué ou une déléguée adjointe qui est
responsable du dossier, ou encore un délégué professionnel, et, à partir de là, la personne est tenue informée
du déroulement du dossier. On communique ensuite avec l'instance visée, comme je vous disais, donc, on fait enquête sur
les reproches qui sont formulés, on va voir auprès de l'instance, bien, est-ce
que c'est vrai. Et, à partir de ce qui
aurait dû être, bien là, si on constate qu'effectivement il y a un préjudice on
demande que ce préjudice-là soit
corrigé, et donc ça appelle à des correctifs. Puis ensuite on en informe, soit
oralement ou par écrit, selon ce
qu'elle désire, la personne qui nous a déposé la plainte. On donne un délai,
toujours, à l'instance visée pour procéder aux correctifs, et, dès le
moment où le correctif est effectué, nous fermons notre dossier.
Mme Nichols :
Puis dans quel délai, à peu près, vous faites tout ça?
Mme Rinfret (Marie) :
Écoutez... et là, ça dépend vraiment de la nature du mandat : en matière
de services correctionnels, c'est moins de
10 jours; en matière d'administration publique, dans 60 % de nos dossiers,
on réussit à régler les dossiers à
l'intérieur d'un délai de 10 jours; en matière de santé et services sociaux, on
est un deuxième niveau, on intervient après le commissaire aux plaintes
et à la qualité des services, donc là on parle de 60 jours.
Mais ce qu'il faut que vous reteniez dans tout ça,
c'est : quand on n'est pas capables de donner la réponse à la personne
qui fait appel à nous à l'intérieur du délai
dans lequel on s'est engagés, on lui parle, on lui téléphone, on lui dit :
On a de la difficulté à obtenir les
documents, il faut faire appel à un tiers. Moi, j'ai les pouvoirs de
commissaire enquêteur, donc je peux
avoir besoin d'un rapport médical, je peux avoir besoin d'un document détenu
par une autre instance. Alors, je le tiens
informé toujours du moment où je crois pouvoir lui rendre ma décision, lui
faire savoir si sa plainte était fondée ou non, et, partant de là, je vous dirais... Et ça, c'est notre engagement dans
l'ensemble de nos mandats, de tenir les personnes qui font appel à nous informées du déroulement de leur
dossier. Donc, je vous dirais que ça fonctionne bien. Quand les gens ne sont pas satisfaits, ils peuvent se plaindre de
nos services, et, à ce moment-là, moi, j'ai un comité sur la qualité des
services, sur lequel je siège avec
les deux vice-protecteurs, et, partant de là, bien, on est capables de poser
des gestes soit en termes de formation de la personne qui a réglé le
dossier ou autrement.
Le
Président (M. Bachand) : Écoutez, merci infiniment d'avoir été
avec nous cet après-midi, c'est très, très, très apprécié.
Cela dit, la commission ajourne ses travaux à
jeudi 27 août 2020, à 10 h 50. Merci beaucoup. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 15 h 33)