(Seize
heures)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Merci beaucoup. Je vous inviterais à prendre siège, s'il vous
plaît, et on va commencer immédiatement la commission.
Donc,
ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite la bienvenue, encore une fois, et je demande bien
sûr à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est
réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions
publiques sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de
scrutin.
Avant de débuter,
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M.
le Président. M. Fontecilla
(Laurier-Dorion) est remplacé par M. Nadeau-Dubois (Gouin).
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. J'aurais besoin d'un consentement
pour permettre à la députée de Marie-Victorin d'être présente lors de la
séance. Consentement? Merci beaucoup.
Auditions (suite)
Donc, cet après-midi,
nous allons entendre les groupes suivants : l'Institut du Nouveau Monde,
le Comité des femmes du Cercle des
ex-parlementaires, mais nous allons d'abord débuter avec le Parti vert du
Québec. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation.
(Interruption)
Le
Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a un vote? Il faudrait
juste vérifier...
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : O.K., donc, vérifions. On va quand
même commencer avec... parce qu'on a déjà du retard, et je veux vous dire qu'on
doit obligatoirement se terminer à 18 heures, donc il y a des discussions,
et on est en train... on va faire un calcul,
sans couper le temps des témoins, pour pouvoir finir à 18 heures, parce
qu'il y a des caucus ce soir.
M. Tanguay :
...consentement.
Le
Président (M. Bachand) : Hein?
M. Tanguay :
Pour se rendre jusqu'à 18 heures ça prend le consentement, auquel cas vous
l'avez, il vous est acquis.
Le Président (M. Bachand) : Oui, c'est ça... Non, bien, c'est ça, exactement.
Bien, juste le calcul, vous informer du calcul. Parfait, merci. Mais on
n'a pas besoin de consentement en auditions particulières, juste en étude
détaillée, mais j'apprécie quand même votre offre.
O.K. Alors, les gens
du Parti vert, je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé.
Merci.
Parti vert du Québec (PVQ)
M. Tyrrell (Alex) : Oui. Bonjour à tous. Mon nom, c'est Alex Tyrrell,
je suis le chef du Parti vert du Québec. Je suis joint aujourd'hui par
deux collègues. On a Alice Sécheresse, qui est la cheffe adjointe du parti, et
aussi Vincent Carbonneau, qui est sur le conseil exécutif du Parti vert du
Québec.
Donc, j'aimerais
commencer en remerciant la ministre et aussi les députés de l'opposition pour
l'invitation de venir témoigner ici. C'est assez rare que le Parti vert se fait
entendre à l'Assemblée nationale, et donc on est très reconnaissants de cette
invitation-là qu'on a reçue de votre part.
Le
Parti vert du Québec, on veut faire une contribution positive à la démocratie,
on veut réinjecter de la nouvelle énergie.
Et, depuis six ans, je m'implique, à titre personnel, dans le dossier de la
réforme électorale. Tout cela a débuté avec le dépôt d'une pétition en
2014 avec Québec solidaire. Par la suite, des rencontres transpartisanes à
travers le Québec avec les partis pour venir à un consensus le plus large
possible sur tous les détails que la réforme du mode de scrutin devrait
comprendre. Ces tournées-là... La tournée Chaque voix compte s'est
terminée avec la signature d'une entente historique entre le Parti vert du Québec, la Coalition avenir
Québec, le Parti québécois et aussi Québec solidaire, dans laquelle on
prévoyait que le système électoral qu'on propose devrait être le plus proportionnel
possible, et donc de refléter le plus possible le vote populaire.
On a aussi fait
parvenir une proposition aux partis d'opposition et à la ministre à propos
d'une proposition qu'à partir du moment qu'un parti reçoit 2 % des votes
au niveau provincial ce parti-là soit garanti au moins un siège à l'Assemblée
nationale. Et nous pensons que cette proposition-là, c'est quand même une façon
de plaire aux intérêts des petits partis politiques et des gens qui voudraient
avoir une plus grande diversité des voix. On trouve que c'est raisonnable, parce qu'on est prêts à accepter,
quand même, une distorsion importante, dans le sens qu'un parti pourrait
avoir 8 % des votes, mais seulement 2 %... pourrait avoir 8 %
des votes, mais seulement avoir un seul député. Et, pour nous autres, avoir le
premier député, c'est quand même ce qui est le plus important, parce que ça
nous permet de nous faire entendre au Parlement. Ce qu'on propose, c'est que le
nombre de députés soit augmenté chaque fois qu'il
y a un parti qui se retrouve dans la situation d'avoir gagné 2 % ou plus
des appuis, mais de ne pas avoir remporté aucun siège de circonscription
ou de liste régionale.
On
a aussi une proposition dans nos statuts qui prévoit que l'Assemblée nationale
accorde des sièges avec droit de vote
aux 11 Premières Nations du Québec, en plus, pour les Premières Nations
qui n'habitent pas sur les réserves. On pense que ce serait une bonne façon d'aller de l'avant sur la
réconciliation, de commencer une discussion sur l'attribution de sièges
à l'Assemblée nationale aux Premières Nations. C'est sûr que c'est un enjeu
très complexe, mais ça mérite quand même d'être exploré, selon nous, par cette
commission, et dans le cadre de cette réforme électorale ci.
Je vais maintenant céder
la parole à Alice Sécheresse, la cheffe adjointe de notre parti, qui va nous
parler du nombre de régions et aussi les aspects portant sur le référendum.
Mme Sécheresse (Alice) : Bonjour. Merci beaucoup pour l'invitation aujourd'hui. Donc, comme Alex l'a dit, je
vais commencer avec le nombre de régions de compensation. Donc, le projet de loi n° 39, tel
que proposé par le gouvernement, offre la possibilité d'établir un mode
de scrutin mixte compensatoire avec des listes régionales et qui établirait un nombre de régions au nombre de 17,
des régions électorales qui correspondraient aux régions administratives
que nous avons actuellement. Le Parti vert du Québec souhaiterait établir neuf
grands ensembles régionaux, comme souligné dans le rapport du DGEQ en 2017, à
partir du regroupement des régions administratives, au nombre de six, et de régions administratives non regroupées, au
nombre de trois. On souhaiterait cela basé sur les simulations statistiques
faites par le DGEQ en 2017, qui indiquent
que le nombre de régions de
compensation a un effet direct sur la proportionnalité des résultats
obtenus, je cite : «...plus le
nombre de régions servant de base à la compensation est élevé, moins les résultats
seront proportionnels.»
Les simulations
démontrent aussi qu'il y a un effet significatif du nombre de régions sur la représentation
des petits partis politiques. En abaissant le nombre de régions, on permettrait
de favoriser non seulement le pluralisme politique, mais aussi la
représentation des partis émergents à l'Assemblée nationale. Avec une telle
délimitation, on assurerait de maintenir le poids politique des régions, de
prendre en considération les réalités directes de chacun des territoires tout
en respectant le principe énoncé dans l'entente, qui permet... qui promet,
pardon, de refléter le plus possible le vote populaire de l'ensemble des
Québécois et des Québécoises.
Ensuite,
par rapport au référendum,
en considérant que tenir un référendum
avant les élections de 2022 ne laisse pas
assez ou trop peu de temps à la population québécoise de se renseigner sur les changements... qu'un
tel changement de mode de scrutin serait apporté à leur système
électoral, considérant aussi que le Parti vert du Québec, Québec solidaire, le
Parti québécois et la Coalition avenir Québec ont promis, en mai 2018, de
tenir les élections de 2022 en appliquant les principes de la proportionnelle
mixte compensatoire, le Parti vert du Québec propose l'adoption de la réforme
du mode de scrutin à la suite des consultations qui se tiennent en ce moment,
l'application de la réforme du mode de scrutin pour les prochaines élections en
2022 et un référendum tenu quatre à huit ans, selon ce que le gouvernement juge
le plus approprié, après l'adoption de ladite réforme par l'Assemblée
nationale. De cette manière, la population québécoise pourra non seulement
s'éduquer sur les changements apportés à leur système électoral, mais pourra
comprendre et connaître les impacts positifs d'un tel changement pour décider
ensuite s'il est préférable de le garder, de bonifier certains de ses aspects
ou de revenir au système que nous avons actuellement.
Nous proposons que,
lors du référendum, deux questions simples soient posées à population, soit,
un, garder le système de proportionnelle mixte à compensation régionale ou,
deux, revenir au système actuel, défini comme scrutin majoritaire uninominal à
un tour. Finalement, tout comme les groupes qui sont venus présenter la semaine
dernière, le Parti vert du Québec est d'avis qu'un référendum qui se
déroulerait en même temps que les élections de 2022 risquerait de bousculer le
processus d'éducation populaire, qui est essentiel, car il permettrait aux
Québécois et Québécoises d'être mieux renseignés sur les changements amenés par
la réforme.
Merci beaucoup. Je
cède maintenant la parole à Vincent J. Carbonneau.
M. J. Carbonneau (Vincent) : Oui. Je vais vous parler brièvement
de parité. Je sais que beaucoup de groupes ont déjà apporté des points à ce niveau-là, donc je vais essayer de faire des points que nous, on propose, de
nouveaux.
Au Parti vert, on est
un parti féministe. On est assez fiers quand, à la dernière élection, on a
présenté 58 % de candidates, qui était
le plus haut ratio au Québec. Puis, pour nous, c'est vraiment
un enjeu important, que la prochaine réforme reflète cet
enjeu-là de parité. Cependant, il y a quelques points qu'on voudrait apporter aujourd'hui.
Pour moi, d'abord, il y a le point des candidats non binaires. Si on va de
l'avant avec une question... avec une parité obligatoire, je me pose beaucoup
de questions par rapport à ce qu'il adviendrait des personnes qui ne
s'identifient à aucun genre, dont moi. On était trois, à la dernière élection
générale, à ne s'identifier à aucun genre. Donc, c'est une question qu'on a
aujourd'hui puis qu'on souhaiterait que le gouvernement se penche sur cette question.
Ensuite, il y a évidemment...
pour notre part, au Parti vert du Québec, on pense que les listes régionales de
candidatures devraient obligatoirement être paritaires, puis c'est une règle
qui devrait être imposée. Cependant, on n'est pas nécessairement convaincus que
l'entièreté des candidatures présentées par les partis devrait nécessairement
respecter des règles de parité. On sait que, pour les petits partis... le Parti
vert est une exception, mais, pour les petits partis, c'était très difficile
d'atteindre les niveaux de parité. En fait, à la dernière élection, aucun des
tiers partis n'a atteint des niveaux de parité adéquats, à l'exception de notre
formation politique. Donc, à nos yeux, des règles sévères de parité viendraient
affecter plus fortement les tiers partis que les grands partis. Dans le mémoire,
je vous propose une formule qui, finalement, viendrait bonifier plutôt que de
pénaliser. Nous, ce qu'on propose, c'est qu'un parti qui atteint un certain
quota... bien, un certain niveau de parité, en fait, recevrait plutôt une
bonification à son financement plutôt qu'une pénalisation, puis on pense que ce
serait une mesure beaucoup plus incitative, aux partis, à encourager d'avoir un
plus grand nombre de candidates. Aussi, on propose une idée originale un peu,
aussi, qui... Si, dans une situation, un parti se retrouve avec des candidats
de circonscription qui sont entièrement masculins ou majoritaires masculins, on
propose que les candidatures de liste puissent venir pallier à ça par
l'encouragement... que ce soient des candidatures féminines, finalement, qui
viennent remplacer pour pallier à ce niveau-là.
Donc,
ensuite, il y a d'autres propositions. Puis au niveau du financement public aussi, on
a certaines inquiétudes par rapport au calcul à venir du financement. À
l'heure actuelle, les partis reçoivent un financement directement par le vote.
On sait qu'avec le système de scrutin actuel les tiers partis sont pénalisés
par ça parce que plusieurs personnes soit ne
voteront pas pour un tiers parti, considérant qu'il a moins de chances de gagner,
ou encore vont faire un vote stratégique, donc là le tiers parti ne
recevra pas l'appui qu'il aurait peut-être reçu normalement. On craint que,
dans une addition de financement, si on additionne les votes de liste et les
votes de circonscription pour chaque parti, au final les tiers partis se
retrouvent encore pénalisés, puisque les grands partis recevraient beaucoup
plus de votes dans les circonscriptions, vu le vote stratégique, les mêmes
enjeux que j'ai soulevés, puis... en plus des votes de liste, et au final les
tiers partis se retrouveraient pénalisés en termes de financement, ce qui
serait dommage, puisque le système de financement des partis au Québec est vraiment
une fierté, puis ce serait quelque chose qu'il serait bien de maintenir et de
l'encourager.
• (16 h 10) •
M. Tyrrell
(Alex) : Donc, juste en
conclusion, on aimerait souligner le fait que ce projet de loi devrait vraiment
refléter le plus possible le vote populaire. C'est ce qui était dans l'entente
que j'ai signée avec le premier ministre. Et on espère que le gouvernement va
apporter des modifications profondes au projet de loi qui vont vraiment
permettre d'avoir une démocratie représentative du vote populaire au Québec.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. Avant de céder la parole à Mme la
ministre, j'aurais besoin d'un consentement
pour siéger jusqu'à 18 heures, parce qu'on devait terminer à
17 h 45. Est-ce qu'il y a consentement? Ça va rattraper à peu
près 15 minutes de notre retard. Puis je sais qu'il y a des discussions
entre les différents partis pour la question de répartition du temps. Alors
donc, je vous rappelle que, s'il n'y a pas d'entente sur la répartition du
temps, ça va être coupé d'une façon proportionnelle parce qu'on termine à 18
heures, on a à peu près 20 minutes de retard. C'est beau? Mme la ministre,
s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Oui, bien, je vais laisser les discussions se faire, mais je pense que, de
notre côté, du gouvernement, on est prêts à ce que notre temps soit
quand même amputé un peu, M. le Président, pour qu'on puisse entendre les trois groupes qui étaient prévus d'ici
18 heures. Mais je vais laisser les discussions se faire pendant que je
vous souhaite la bienvenue. Merci de
votre présence. Qu'est-ce que... J'ai quand même une petite idée du temps que
j'ai pour l'instant ou je me...
Le Président (M.
Bachand) : Alors, je pense que c'est 15 minutes...
Mme LeBel : Pour l'instant?
O.K.
Le Président (M.
Bachand) : ...mais ça va raccourcir.
Mme LeBel : Oui, je ne le
perdrai pas, quand même, en monologues, je vais m'adresser à vous. Merci d'être
présents, merci pour votre rapport. Je sais
que je ne me trompe pas en pensant que vous étiez un des partis signataires,
justement, de l'entente que la CAQ, le Parti
québécois et la Coalition avenir... la CAQ et le... voyons, et Québec solidaire
ont signée également. Donc, je comprends que
votre présence ici n'est pas surprenante, mais elle est appréciée. Donc,
merci de votre présence.
Je vais
peut-être vous amener sur un point particulier qui ne fait pas partie de la
proposition gouvernementale, du projet de loi, mais qui a été
également... qui a fait l'objet d'une missive qui m'a été envoyée — vous
étiez cosignataires avec NPD Québec, le Parti conservateur du Québec — me
demandant entre autres d'accorder un siège pour les chefs de parti politique
qui auraient recueilli un certain pourcentage, mais qui n'auraient pas réussi à
avoir un député de circonscription ou un député de liste. Vos collègues
cosignataires de la lettre m'ont dit que c'était, à toutes fins pratiques, une mesure pour attirer mon attention et qu'ils
la laissaient tomber, parce que j'ai voulu connaître un peu le fondement
de cette mesure et avoir certaines explications... Je constate que vous n'avez
probablement pas discuté de ça avec eux ou bien vous n'êtes pas d'accord, donc
je vais peut-être vous relancer la question que je leur avais lancée à l'époque
puis qui m'a été répondue de la façon que je viens de vous résumer :
Comment je fais? Parce qu'une
fois que mes députés de circonscription sont élus, une fois que mes députés de
listre... — «de
listre»... j'ajoute toujours un r qui n'est pas nécessaire — mes
députés de liste sont distribués, tout le monde... tous les sièges sont remplis, alors de quelle façon est-ce que
j'accorde un siège? Comment je le fais? À quel endroit je le mets, ce siège-là,
dans quelle circonscription, dans quelle région? Comment... Bien que, de façon
théorique, on pourrait être derrière un tel principe, pour fins de discussion,
naturellement, je ne nie ni ne confirme, mais comment je le fais? Comment on
fait cette mécanique-là?
M. Tyrrell (Alex) : Bien, c'est possible, en fait, d'avoir un nombre
variable de députés à l'Assemblée nationale. Donc, ce qu'on propose
c'est que ces députés-là soient une troisième catégorie de députés, donc des
députés de compensation nationale, qu'à partir du moment qu'un parti a 2 %
des votes mais qu'il n'a gagné aucun siège de circonscription ou de liste
régionale on augmente le nombre de députés à l'Assemblée nationale pour
accorder un siège à tous les partis politiques qui se retrouvent dans cette
situation-là.
Mme LeBel :
O.K. Bien, je vous relance puis je pousse
encore un peu plus loin, parce que quelqu'un
m'a dit, à juste titre, la semaine passée, sur un autre sujet, que c'est
beau, les principes, c'est beau, les théories, mais, quand on vient pour l'application sur le terrain,
il faut quand même avoir une certaine sensibilité, puis qu'on veut
que ça vive, cette réforme, et je suis pour cette réforme, sinon je ne
serais pas ici assise à défendre, quand même, ou à discuter d'un projet de loi.
Ceci
étant dit, on a discuté, dans nos diverses conversations — puis on va continuer
avec les autres consultations, justement — de cette difficulté-là
de compréhension... moi, je pense que ça va prendre un changement de culture,
puis ça va s'adapter, mais cette difficulté-là de différence de rôle apparente,
à première vue, entre le député de circonscription, le
député de région... Le député
de région, à tout le moins, il est dans la même région que ces députés
de circonscription.
Moi, je pense qu'il pourrait y
avoir un modus vivendi entre ces personnes-là et un partage du territoire de la région x. Mais là vous
proposez d'ajouter non seulement des législatures variables de législature en législature, parce qu'à une législature peut-être que quatre partis émergents auront
2 %, donc on aura plus quatre, à une autre peut-être que c'est deux, à une autre c'est plus un, peut-être qu'à une
autre c'est zéro, donc non seulement on aurait, au fil des législatures,
de quatre ans à quatre ans, idéalement, un nombre de députés variable, mais
vous nous proposez d'ajouter une autre couche de députés, c'est-à-dire
nationaux. Alors, comment, eux autres, est-ce qu'ils cohabitent avec le reste
des 125? Et quel est le rôle que vous leur imaginez? C'est deux, trois, ou
quatre, ou un député national?
M. Tyrrell
(Alex) : Le rôle qu'on verrait pour ces députés-là, c'est d'être des
députés de compensation nationale, et donc d'adresser l'ensemble des enjeux au Québec.
Moi, comme chef du Parti vert du Québec, j'ai des gens qui me contactent pour
des enjeux environnementaux partout au Québec, là, dans toutes les régions, et
donc je pense que le travail d'un chef de petit parti peut quand même être bien
fait à travers de ce mécanisme-là qu'on propose. Et c'est sûr que c'est un
changement. Toute réforme du mode de scrutin, c'est un changement important aux
institutions démocratiques, mais je pense qu'il ne faut pas avoir peur du
changement et je pense que, aussi, cette proposition-là pourrait permettre au
gouvernement d'aller chercher beaucoup d'appuis pour la réforme du mode de
scrutin, parce qu'il y a beaucoup de gens qui militent pour cette cause-là qui
le font par souci d'avoir une vraie diversité des voix à l'Assemblée nationale.
Et donc, en ce moment, le seuil est très élevé. On a écouté attentivement tous
les arguments en faveur d'un seuil élevé, mais on pense que notre proposition
qu'on fait est raisonnable, parce qu'on est prêts à accepter quand même une
distorsion importante. On pourrait avoir 8 % des votes et juste 0,8 %
des sièges. Donc, je pense que c'est un compromis qui peut quand même gagner
des appuis pour la réforme électorale.
Mme LeBel :
Je continue à pousser, parce que je pense que... Moi, je suis très confiante,
et je le dis d'entrée de jeu, que les
députés de circonscription puis les députés de liste régionaux, les députés de
région, on pourrait les nommer comme ça, vont trouver, peut-être pas
facilement, mais au fil du temps, une façon de cohabiter dans la région donnée
et de trouver ce que j'appelle le modus vivendi. Parce que je suis convaincue,
moi, que les députés de région vont faire des cas de comté autant que les
députés de circonscription et qu'on va se diviser naturellement... bon,
peut-être de plus en plus naturellement, moins naturellement au début, mais de
plus en plus naturellement le territoire.
Dans
le fond, ce que vous nous proposez crée vraiment, à mon sens — et je vais vous demander d'y
répondre, parce que c'est ce qui me vient spontanément à l'esprit — vraiment
deux catégories de députés, là. Parce que mon chef,
présentement, le chef du Parti québécois, le chef par intérim, également, du
Parti libéral sont des députés qui font des cas de comté également. Ce
n'est pas une autre classe de député, c'est un député qui est chef de parti
également. Et là ce que vous me proposez... et ça demande réflexion, puis on
est là pour en parler, justement, donc il vaut mieux évacuer tout de suite...
que vous ayez la chance, l'opportunité d'évacuer mes doutes, si vous êtes
capables de le faire, plutôt que je les garde pour moi, mais j'ai l'impression
que vous venez de créer vraiment deux classes de députés, parce que vous parlez d'un chef de parti qui va
parler d'enjeux simplement nationaux, qui n'aura pas de cas de comté,
pas de bureau de circonscription. Comment ça fonctionne dans le «day-to-day»,
le quotidien?
• (16 h 20) •
Puis c'est important
d'en parler, parce que cette réforme-là, elle est majeure. Moi, je la considère
importante pour la démocratie, pour les citoyens, mais encore faut-il qu'il y
ait des notions d'équité et que les 125, ou 127, ou 128 — on
pourrait le voir, les cas de figure pourraient se présenter — à l'Assemblée nationale aient le même rôle.
Et, d'entrée de jeu, ce que vous nous
proposez, c'est, à tout le moins... moi, je ne dirais pas une troisième, mais
une seconde catégorie
de députés, c'est-à-dire la catégorie chef de parti qui n'aurait pas gagné sa
circonscription ou sa région, mais qui a eu 2 % et qui, là, se
retrouverait avec un rôle national.
M. Tyrrell (Alex) : Oui, mais en fait il ne faut pas oublier qu'en ce
moment le Parti vert du Québec a au-dessus de 2/125 du vote exprimé à la
dernière élection. Donc, si ce serait un système purement proportionnel, on
aurait déjà deux députés, et peut-être
encore plus, parce qu'il y a tout le vote stratégique, et on sait que nos
appuis vont bien au-delà du nombre de votes qui sont déposés en notre
faveur lors de l'élection. Moi, je suis d'accord pour dire que ce serait un troisième type de députés. Je pense que c'est
quand même faisable de cohabiter, comme vous dites, avec les autres
types de députés. Je ne pense pas que ça donne nécessairement un avantage indu
à un petit parti politique, parce que, vous savez, un parti qui a 6 % des
votes mais qui a juste 1/125 des sièges, je veux dire, il y a quand même une certaine injustice envers les petits partis dans
le système actuel et aussi dans le système qui est proposé, donc. Bien, moi,
je pense que c'est quelque chose qui est tout à fait raisonnable, qui est
certainement un grand changement, mais qui pourrait
aussi augmenter de façon importante le nombre de députés à l'Assemblée
nationale sans crainte de déstabiliser, ou quoi que ce soit, mais
d'accorder au moins une voix au parti qui reçoit quand même des appuis
significatifs au sein de la population.
Mme LeBel :
Et comment vous voyez, peut-être, pour le nombre de sièges, puis en
terminant... je pense qu'il reste à peu près trois minutes...
Le
Président (M. Bachand) : Maximum.
Mme LeBel :
Maximum? Parfait, je vais y aller rapidement. Vous parlez... On aurait pu
parler du nombre de régions. Naturellement, vous pensez le réduire à neuf, mais
je sais qu'un de mes collègues va sûrement vous adresser cette question-là,
mais je ne veux pas lui mettre le singe sur l'épaule, mais... Puis ce qui
m'intéresse aussi, c'est comment voyez-vous la mécanique des sièges accordés
aux Premières Nations, aux nations autochtones, comment vous la... pas sur les
principes, sur les principes, on est capables de s'entendre que ce serait
louable ou, en tout cas, quelque chose auquel il faut réfléchir, mais, sur la
mécanique, comment vous la voyez, cette mécanique-là?
M. Tyrrell
(Alex) : Je pense que ça, c'est une conversation importante d'avoir
avec les Premières Nations, mais, nous autres, ce qu'on proposait dans notre
plateforme électorale, c'est qu'on donne vraiment le choix aux Premières Nations de décider comment qu'ils
veulent accorder ces sièges-là. Donc, est-ce que c'est par scrutin universel?
Est-ce que c'est choisi par le conseil de bande ou des chefs héréditaires?
C'est vraiment à eux de déterminer. Selon nous, c'est à eux de déterminer
comment qu'ils vont choisir ce député-là, et je pense que ce serait vraiment un
bon geste de réconciliation.
Mme LeBel :
Oui, je comprends votre point de vue, mais, encore une fois, avec un siège à un
chef de parti qui a eu 2 %, avec des sièges réservés aux nations
autochtones... parce que, là, on ne parle pas de parité sur les listes puis on ne parle pas de quotas sur des listes, on parle
de sièges, donc c'est bien différent, avec neuf régions, il y a un
exercice pratique de mécanique qui pourrait devenir compliquée, là, pour
tout enchâsser ça à l'Assemblée nationale, là.
M. Tyrrell (Alex) : Écoute, c'est sûr que ça peut devenir compliqué,
mais, tu sais, moi, je le vois sur le terrain, il y a un grand nombre de
citoyens et citoyennes au Québec qui ne connaissent pas le système démocratique
actuel, et il y a beaucoup de gens qui pensent que, déjà, le Parti vert est un
parti assez populaire, ils pensent qu'on a déjà des députés, dans certains cas. Donc, tu sais, moi, je pense qu'il y a quand
même une manière d'expliquer ça, il y a quand même des budgets qui sont
disponibles du gouvernement pour aller faire de l'éducation populaire, et je ne
pense pas qu'on devrait avoir peur d'apporter des changements parce que c'est
complexe. Au contraire, il faut juste s'assurer d'un budget pour bien expliquer
ces changements-là à la population.
Mme LeBel :
Ce n'était pas... La complexité n'était par rapport à la population, elle était
par rapport à la mécanique, mais je comprends bien votre réponse, merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Alors, M. le député de LaFontaine, juste vous rappeler aussi qu'on est
en train de... on va couper de façon proportionnelle le temps qu'on doit
rattraper. Merci. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
Super, merci beaucoup. Merci à vous, représentants du Parti vert. Je vais y
aller rapidement parce qu'on a peu de temps,
quelques minutes, peut-être un peu moins d'une dizaine de minutes. J'ai
plusieurs petites questions sur lesquelles j'aimerais avoir votre opinion. Le
référendum... Donc, si je vous résume, puis corrigez-moi si j'ai tort,
le référendum, vous dites : Nous, on a signé, en mai 2018, une entente qui
ne prévoyait pas de référendum puis qui disait que le premier ministre
s'engageait, au nom de son parti, à ce que les élections de 2022 soient sur le
nouveau mode, il n'a jamais été question de référendum. Donc, vous, votre
principale proposition, c'est de dire : Pas besoin de référendum. Et, de
ce que je comprends, et c'est là où vous pourrez me corriger si j'ai tort, si
d'aventure il y avait un référendum, vous, vous dites, comme bien des gens
avant vous, que ça ne devrait absolument pas être en même temps qu'une campagne
électorale, soit celle de 2022. Je vous ai bien compris?
Mme Sécheresse
(Alice) : Oui. Exactement, oui.
M. Tanguay :
Oui? Et est-ce que... Parce que, pour justifier le fait que le référendum n'est
pas nécessaire, vous dites, dans votre
mémoire, que faire un référendum d'ici l'élection générale, ce serait, qui plus
est, pressé, on serait serrés dans le
temps. Néanmoins, sur votre proposition subsidiaire, de dire : Bon, bien,
s'il y en a un, ne le faites pas en même temps que la campagne
électorale, vous êtes de l'école de dire, quand même, qu'on devrait le faire
avant l'élection générale et pas après l'élection générale, c'est ça?
Mme Sécheresse (Alice) : Alors, on comprend très bien la complexité,
aussi, de la question, parce que, oui, on est de l'avis que faire un
référendum avant les élections, c'est beaucoup trop pressé, ça ne nous permet
pas et ça ne permettra pas au gouvernement et aux autres organisations qui sont
impliquées de faire de l'éducation populaire ou l'éducation populaire à un niveau qui est nécessaire pour faire
comprendre à la population québécoise les changements qui vont être apportés. On est de l'avis aussi
qu'il y a une majorité de députés qui représentent une majorité de l'électorat
et qui ont donc la légitimité de prendre des décisions au nom de cet électorat.
Si ça en vient à qu'il y ait un besoin d'avoir un référendum, parce que c'est
aussi une question, il faut demander à la population ce qu'elle pense des décisions qui sont prises par le gouvernement avant de leur imposer parce
que, s'il y a un certain refus, il faut
aussi le savoir. Nous, ce qu'on
propose, c'est d'avoir un référendum après les élections de 2022, donc on
aimerait que le mode de scrutin soit établi pour les élections de 2022,
et qu'on ait un référendum quatre ou huit ans après les élections de 2022, pour
demander à la population s'ils préfèrent garder le mode de scrutin mixte
compensatoire avec listes régionales ou revenir au système qu'on a actuellement.
M. Tanguay : Je
comprends. Donc, il n'y a
aucunement, de votre côté, un scénario où il y aurait un
référendum avant l'élection de 2022 pour, le cas échéant, dire : Bon,
bien, la population est d'accord à ce qu'il y ait un nouveau mode de scrutin.
Pour vous, ce n'est pas un scénario, un référendum pour sanctionner ou adopter
officiellement la loi, là, n° 39.
Mme Sécheresse
(Alice) : Oui. Pour nous, ce serait une fausse bonne idée.
M. Tanguay :
Je comprends. La ministre a, durant son échange avec vous, abordé le point à
l'effet que, si d'aventure un parti ayant obtenu, à l'élection générale, 2 %,
au moins 2 %, aurait un député, si par ailleurs il n'a pas fait élire un
député de circonscription. Est-ce que je dois ajouter ça : Si par ailleurs
il n'a pas fait élire un député de région également? Autrement dit, s'il n'a
pas pantoute...
Une voix :
...
M. Tanguay :
O.K. Et, le cas échéant, donc, si
vous avez 3 %, mais vous avez fait élire une de vos candidates, par exemple, dans la région de Québec, à ce
moment-là, votre chef... votre parti n'a pas le droit à un député additionnel?
Une voix :
...
M. Tanguay :
Je vous comprends. Est-ce que vous aviez pensé... vous n'aviez pas pensé à une
mécanique de colistier, où le chef serait, de facto, colistier avec tous les
autres candidats, pour qu'il fasse son entrée à la Chambre?
M. Tyrrell
(Alex) : ...à ça et à la double candidature.
M. Tanguay :
O.K. Donc, ça nous donnerait un nombre de sièges aléatoire, selon les 2 %.
Et également, au niveau des Premières Nations, vous dites : Un ou une
députée pour chacune des 11 nations. Donc, déjà là, on partirait, puis je
veux bien vous comprendre, de 125 à 136 députés, plus les députés de
2 %, les chefs de parti, c'est bien ça? O.K.
Et
je fais écho des commentaires de la ministre, qui... et je vais pousser le
raisonnement plus loin. La ministre dit :
Bien là, les députés nationaux... Chef du Parti vert, qui n'a pas, par
ailleurs, fait élire de députés, qui a 2 %, rentre à l'Assemblée
nationale, la ministre dit : Bien, ça va faire deux classes de députés,
parce qu'il va être député national. Mais, je vous dirais, et j'aimerais vous
entendre là-dessus, commenter mon commentaire, que, si l'on reconnaît qu'il y a
deux classes de députés à cause qu'il y a un député national, l'argument de la
ministre est un peu affaibli par son contre-argument, qui dit : Bien, il
n'y a pas déjà deux classes de députés par un député régional puis un député de
circonscription.
Pour
défaire l'argument de la ministre, vous pourriez faire vôtre l'argument que
nous faisons, nous, qui est le fait de dire qu'il y a déjà, dans le
projet de loi, deux classes de députés. Si vous êtes capable, vous, ministre,
de vivre... le gouvernement de la CAQ, vous, de vivre avec le fait qu'il y a
deux classes de députés, à savoir des députés de comté puis des députés de région, vous devriez être capables de vivre avec le
fait qu'il y aurait un troisième type de députés, les députés nationaux,
parce que, si on parle d'une distinction basée sur le territoire, il y en a
déjà une. Alors, je ne sais pas si vous êtes d'accord avec ça.
M. Tyrrell (Alex) : Oui, bien, écoute, on est d'accord que c'est un
changement important, puis n'importe quel système proportionnel mixte va avoir plus qu'un type de députés, et
c'est ça, l'idée de l'avoir mixte. Donc, tu sais, nous autres, on ne
pense pas que c'est un problème, d'avoir différents types de députés. Au
contraire, ça fait en sorte que les électeurs, électrices peuvent contacter plusieurs
partis politiques qui représentent leur territoire. Et en ajoutant le fait
que tous les citoyens du Québec
peuvent contacter le chef d'un parti qui a au-dessus de 2 % mais qui n'a pas gagné de siège régional ou de circonscription, bien, je
pense que c'est une valeur ajoutée pour la démocratie. Ça fait en sorte que,
peut-être... des fois il y a des gens, par exemple, dans le cas du Parti vert,
qui ont un enjeu qui est environnemental auquel ils ne trouvent pas appui dans
aucun autre des partis politiques. S'ils peuvent contacter le chef du Parti
vert du Québec puis que cette personne-là a un siège parce qu'ils ont obtenu
5 % des votes, je pense que c'est tout à fait légitime et je pense que
c'est un ajout à la démocratie.
• (16 h 30) •
M. Tanguay :
J'ai un peu sursauté, mais, en faisant mes recherches, j'ai eu ma réponse.
Lorsque vous parliez... Donc, vous,
vous êtes de l'école de dire : Bien, pour que la proportionnalité puisse
fonctionner, les régions doivent être suffisamment grandes pour qu'il y
ait un nombre suffisamment grand de députés pour que l'on puisse jouer sur les
véritables proportionnalités. Ça, ça revient à l'argument, puis je suis
d'accord avec vous, qu'il faut avoir la politique de sa géographie. On est
beaucoup plus nombreux, avec un territoire beaucoup plus nombreux, 20 fois
l'Écosse, l'Écosse a 129 députés, nous, on en a 125. Vous proposez d'en
ajouter, mais on s'enlignerait vers 125.
Les régions que vous
avez fusionnées, j'ai vu que c'était également ce que proposait le DGEQ, mais
là il pourrait y avoir un débat. Pour être
originaire de la région de Québec, je pense qu'il y a des affinités plus
grandes entre Capitale-Nationale et,
par exemple, Chaudière-Appalaches que Capitale-Nationale et Mauricie, et Mauricie davantage avec le Centre-du-Québec. Vous
êtes conscients que, oui, c'était le DGEQ, mais j'imagine que vous avez aussi
fait votre réflexion à ce niveau-là et que vous cautionnez ça, mais que ce
n'est pas anodin que cette fusion de territoires là. Je ne sais pas si ça a
fait l'objet de débats vigoureux à l'interne chez vous.
M. Tyrrell
(Alex) : Bien, je pense que, tu sais, sur cette question-là, on a quand
même la Commission de représentation
électorale qui dessine les cartes électorales du Québec en ce moment, ce n'est
pas les députés qui dessinent les
cartes en ce moment. Donc, tu sais, je pense que la même chose devrait
s'appliquer pour les régions, que ça devrait être des décisions non
partisanes qui sont faites par la Commission de représentation électorale.
M.
Tanguay : Et, avec le peu de temps qu'il me reste — comme vous voyez, on essaie d'être
efficaces, je pense qu'il reste
quelque chose comme 1 min 20 s — j'aimerais quand même vous entendre sur
quelque chose qui est novateur jusqu'à
maintenant, vous voulez une parité, agir sur les candidatures, mais vous voulez
qu'on agisse aussi sur la parité des personnes élues. Pouvez-vous nous
expliquer, parce que vous n'en avez pas beaucoup parlé, là, comment ça
fonctionnerait, la proposition que vous faites, donc bonus-malus, sur les
partis qui réussiraient d'avoir une parité de députés élus, comment ça
fonctionnerait pour punir ceux qui ne l'ont pas puis récompenser ceux qui
l'ont?
M. J. Carbonneau
(Vincent) : Vous voulez dire, dans le fond, par rapport aux...
M. Tanguay :
À la parité femmes-hommes.
M.
J. Carbonneau (Vincent) : Bien, il y aurait un bonus, dans le
fond, au niveau des candidatures, pas des personnes
qui sont élues, donc, dans le sens... si un parti présente 100 candidatures et
plus, ils doivent présenter un minimum
de 50 % de candidates pour obtenir un bonus financier, puis ça, ça irait
en descendant. En ce sens, ça irait... À 15 candidatures, par exemple,
ce qu'on propose, c'est que les partis doivent présenter un minimum de 35 %
de candidatures féminines. Ça, ça permettrait... Parce qu'on sait que la
réalité sur le terrain, c'est que les tiers partis n'arrivent pas à remplir les
quotas de parité. Les tiers partis ont beaucoup plus de difficultés à ce que
les femmes se joignent à eux, c'est la réalité au Québec. Puis, avec ce
ratio-là, on encouragerait directement les partis à avoir un avantage fiscal
dès qu'ils atteignent des niveaux de parité. Donc, c'est novateur, mais c'est
parce qu'on pense qu'il faut aller vers de quoi de plus positif que de négatif
pour encourager la parité.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M.
le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Bonjour. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui. J'ai malheureusement raté votre présentation, j'étais pris ailleurs, mais j'ai lu votre mémoire,
et vous abordez une question qui a été relativement peu abordée depuis
le début de nos consultations, c'est-à-dire la question du financement des
partis politiques. Je pourrais vous poser des questions sur plein de choses,
mais j'ai 2 min 15 s, donc je vais vous poser une question
là-dessus. Vous proposez que le financement public des partis politiques ne se
base... en fait, se base uniquement sur les votes reçus sur les listes
électorales. Au-delà, disons, des avantages que ça pourrait avoir pour les
tiers partis, pourquoi, du point de vue démocratique, est-ce que, selon vous,
c'est mieux de comptabiliser seulement ces votes-là plutôt que les votes de circonscription
ou les deux?
M. Tyrrell
(Alex) : On pense qu'il va y avoir davantage de votes stratégiques au
niveau des circonscriptions, et, si les gens sont en train de voter pour des
listes fournies aux partis politiques au niveau régional, bien, le vote
régional reflète nécessairement beaucoup plus leur affinité à un parti
politique, et donc...
M. Nadeau-Dubois :
Et, si un candidat, dans sa circonscription, est très apprécié, disons, plus
que son parti, c'est possible, est-ce que ce n'est pas légitime qu'avec l'appui
populaire que va recevoir ce candidat-là vienne aussi du financement, puisque
souvent c'est les campagnes locales qui se font rembourser certaines dépenses?
M. Tyrrell
(Alex) : Écoute, c'est une
préoccupation légitime. C'est vrai que ça peut arriver, mais on pense
que la balance dans tout ça, ça serait vraiment de camper le financement sur le
vote régional, parce que c'est davantage représentatif de la préférence des
partis politiques des électeurs.
M. Nadeau-Dubois : O.K. Très
rapidement — il
me reste une trentaine de secondes — vous proposez de permettre le
vote à partir de l'âge de 16 ans. Est-ce que vous le proposez pour le
référendum sur le mode de scrutin ou en général, les deux? Dans quelle
priorité?
M. J. Carbonneau (Vincent) :
On pense que les... Ce qu'on a ajouté à la fin, dans le fond, c'est que le
Parti vert propose beaucoup plus que simplement sur la réforme du mode de
scrutin, puis on pense que simplement réformer le mode de scrutin, ce n'est pas
suffisant, hein, la démocratie québécoise mérite beaucoup plus de réformes. À
ce niveau-là, tu sais, il y a le vote à 16 ans, on propose de comptabiliser les
votes blancs, puis c'est le genre de choses qu'on proposerait qui soient
établies en même temps que la réforme pour vraiment donner un grand coup de
balai, un peu, sur notre système démocratique.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Avant de passer la parole au député
de Rimouski, je vous rappelle de ne pas partir avec les tasses, hein? C'est une
nouveauté, maintenant, développement durable, mais vous ne pouvez pas partir
avec les tasses. Alors, M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci, M.
le Président, de m'avoir averti.
Bonjour, tout le monde. La région... c'est sûr que je
vais vous poser une question sur les régions, vous savez bien, Chaudière-Appalaches,
Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, si cette région-là, par
la proportionnelle, fait élire un député vert à Thetford Mines, je ne suis pas
sûr qu'il va aller souvent à New Richmond, tu sais, c'est des grandes, grandes régions.
Et c'est très théorique, tout ça, mais il faut aussi la pratique. Si on va vers
ça, si la ministre irait vers ça, c'est sûr que ça ne passe pas, les Gaspésiens n'accepteront jamais ça. Même chose, la
Mauricie avec la Capitale-Nationale, il y a des affaires qui... c'est la
réalité des choses, là, ça ne passerait pas, puis on va encore fesser les mêmes
murs qu'on a fessés les autres fois.
Il y a des
gens qui nous ont proposé de garder les régions administratives actuelles, les
17 régions, mais de rajouter
quatre députés pour arriver à une proportionnelle. Il y a des gens qui nous ont
proposé ça. Si cette proposition-là
ferait en sorte qu'on y arrive, à la proportionnelle, est-ce que vous seriez
prêts à vous rallier à cette proposition-là?
M. Tyrrell (Alex) : Je pense
que d'avoir un minimum de deux députés par région, ce n'est pas suffisant au niveau de la proportionnalité, parce que ça fait
en sorte que ça va être juste soit le premier parti ou les premiers deux partis
qui vont partager ces sièges-là, et les
petits partis n'auront quasiment aucune chance de faire élire un député de
région, même s'il y a un minimum de deux députés régionaux par liste.
M. LeBel : Mais, si je vous dis
que c'est la solution pour y arriver, pour arriver à mettre le pied dans la
porte, à la faire, la proportionnelle, si c'est par ça que ça passe, est-ce que
vous seriez d'accord à vous rallier à ça?
M. Tyrrell (Alex) : Moi, je ne
serais pas d'accord que le système que vous définissez serait réellement
proportionnel.
M. LeBel : O.K. Petite question
rapide. Les crédits d'impôt pour aller voter, j'ai trouvé ça intéressant, mais,
encore là, il y en a qui ne paient pas d'impôt. Ça fait que je comprends que,
pour les plus pauvres, ce seraient des crédits d'impôt remboursables pour aller
voter. C'est ce que vous proposez?
M. Tyrrell (Alex) : Oui, exact.
M. LeBel : Oui? C'est
particulier. Mais est-ce que... Je vous reviens sur les régions. Moi, à mon
avis, si on n'accepte pas, on ne va pas vers les 17 régions, on n'y
arrivera pas. Ça fait qu'il faut trouver le compromis, puis le compromis de
rajouter quatre députés, je pense, c'est la solution.
M. Tyrrell
(Alex) : C'est là qu'on
arrive avec le compromis, justement, qu'un chef de parti a, à partir de 2 %,
un siège garanti.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
(Interruption)
M. LeBel : L'alarme vient de
m'arrêter.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Merci beaucoup
pour votre présentation, puis félicitations aussi pour toutes les propositions
de réforme démocratique très pertinentes et intéressantes que vous nous
proposez.
J'ai déjà soulevé le point
du financement politique avec plusieurs autres intervenants avant, mais je
trouve ça super bien que vous l'ameniez dans
votre mémoire, parce que j'ai l'impression, également, qu'un des grands
avantages, en fait, de la réforme du mode de scrutin, c'est aussi de
pouvoir permettre aux citoyens qui vont voter aux élections de séparer, en
quelque sorte, leur choix du meilleur candidat pour les représenter dans leur
circonscription et le choix de leur parti
politique préféré. Puis j'ai aussi l'impression qu'avec un financement
politique basé sur les votes cumulés entre les candidats et les partis
politiques, en fait, ça vient contre l'esprit de la réforme qui est proposée.
Est-ce que vous êtes également d'accord avec ça?
M. J. Carbonneau (Vincent) :
Ça, c'est exactement le point, là, oui.
Mme Fournier : O.K. Merci
beaucoup. C'était ma seule question.
Le Président (M.
Bachand) : Ça va? Merci beaucoup pour votre contribution aux
travaux.
Je vais suspendre quelques instants, en invitant
le prochain groupe à prendre place, s'il vous plaît. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 38)
(Reprise à 16 h 40)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux.
Il me fait
plaisir, maintenant, d'accueillir les représentants de l'Institut du Nouveau
Monde. Comme vous savez, maintenant, vous avez 10 minutes de
présentation, après ça on aura un échange avec les membres de la commission.
Alors, encore une fois, bienvenue, et la parole est à vous.
Institut du Nouveau Monde (INM)
Mme Caron-Malenfant
(Julie) : Merci. Mme la ministre, chers élus membres de la Commission
des institutions, merci de nous recevoir dans le cadre de vos travaux.
L'INM, l'Institut
du Nouveau Monde, a pour mission d'accroître la participation des citoyennes
et des citoyens à la vie démocratique. L'INM vient ici
pour vous dire que nous appuyons l'implantation d'un nouveau mode de scrutin
qui inclut des éléments de proportionnalité. Il s'agit, selon nous, d'une
réponse attendue depuis longtemps à un besoin exprimé de façon récurrente par
la population. Cette mesure peut avoir des effets bénéfiques sur la
participation électorale et sur la confiance de la population envers les
institutions démocratiques, et c'est d'ailleurs ce que je veux vous faire la
démonstration.
Donc, nous
sommes d'avis que le projet de loi n° 39 propose une réforme
nécessaire pour renforcer la confiance envers
les institutions démocratiques. Cette réforme du mode de scrutin apparaît comme
l'une des solutions à privilégier pour contrer le décrochage électoral
observable depuis les années 80. Le phénomène du décrochage électoral est
particulièrement préoccupant chez les jeunes, mais également préoccupant au
sein de l'ensemble des groupes d'âge au sein de la population. De nombreuses
études démontrent que les citoyennes et les citoyens croient que les modes de
scrutin plus proportionnels représentent mieux le choix des électrices et des
électeurs.
En 2019, il y a seulement 22 pays, dont le
Canada, qui ont été qualifiés de démocraties complètes dans le Democracy
Index publié par The Economist Intelligence Unit. Cette bonne nouvelle en
cache toutefois une autre qui est moins bonne : la démocratie ne peut être
tenue pour acquise. Un nouveau mode de scrutin qui inclut des éléments de
proportionnalité pourrait avoir, nous le croyons, un effet positif sur la
participation électorale. Dans l'état actuel des choses, 44 % des
Canadiennes et des Canadiens estiment que leur vote n'affecte pas vraiment la
manière dont le gouvernement dirige le pays, tandis que 19 % de la
jeunesse québécoise estime que la mise en place d'un scrutin proportionnel ou semi-proportionnel serait de
nature à favoriser une plus grande participation électorale. Je vous épargne
toute une série d'autres données qu'on vous partage dans le cadre de ce
mémoire, mais vous avez le document sous les yeux et vous pouvez les consulter.
Le projet de réforme électorale jouit d'un fort appui dans la population, comme
le démontrent justement ces nombreux sondages dont on vous fait état, et puis
l'INM parcourt depuis 16 ans le Québec
et anime des discussions et des dialogues sur toutes sortes d'enjeux, mais
beaucoup d'enjeux qui concernent la vie démocratique au Québec, et nous
avons entendu à plusieurs reprises depuis 16 ans des appels à un mode de
scrutin plus proportionnel.
Je vous donne
un exemple plus récent, puisque c'est un exemple que vous connaissez, d'un
projet qui a même fait l'objet ou qui a suscité des discussions à
l'Assemblée nationale l'automne dernier. Donc, l'INM a pu constater l'appétit
de la population québécoise pour une réforme du mode de scrutin dans le cadre
du projet Constituons! Vous savez, c'est une
démarche inédite d'assemblée constituante formée de 42 citoyennes et citoyens
qui ont été sélectionnés de façon aléatoire à l'échelle du Québec. Et, à
l'issue d'une consultation que ces 42 personnes ont menée auprès de la
population québécoise — ils
ont fait une tournée du Québec dans plusieurs régions, il y a près de
2 500 personnes qui y ont participé — eh bien, à l'issue de cet
exercice, l'assemblée constituante a jugé essentiel d'inclure dans son projet
de constitution un article disant que le mode de scrutin doit respecter ce
principe de proportionnalité. Cet exercice-là a eu lieu il y a quelques mois à
peine, alors on a encore des preuves récentes de ce besoin qui est exprimé par
la population.
Mais
surtout on est ici pour vous dire que nous croyons que la réforme doit être
comprise par toute la population. J'étais
ici assise il y a quelques minutes à peine, et j'écoutais les débats entre vous
et les intervenants qui me précédaient, et je dois vous avouer que
l'ensemble de la population n'a peut-être pas la capacité de comprendre le
détail de tout ce qui se passe actuellement ou, en tout cas, dans les termes
dans lesquels le débat se fait actuellement. Et c'est pour cette raison-là que
nous sommes ici, pour vous dire que l'information est un préalable essentiel à
toute réforme, et on va vous expliquer comment.
Donc, je
pense qu'on est d'accord sur le principe que l'information est à la base de
tout débat de société éclairé et que, pour assurer l'adhésion de la
population et le succès de la réforme du mode de scrutin, les Québécoises et
les Québécois doivent être en mesure de participer activement à cet important
débat en comprenant bien les tenants et aboutissants du nouveau mode de scrutin
proposé. Au cours des 20 dernières années, il y a d'ailleurs de nombreuses tentatives de réforme électorale qui ont échoué au
Canada. Il y a plusieurs raisons qui peuvent être évoquées et qui ont d'ailleurs été documentées dans la littérature,
comme l'incompréhension des choix soumis à la consultation, l'incertitude
liée aux effets qu'auraient les réformes
proposées sur la démocratie de leur province, l'indifférence d'une grande
partie de l'électorat. Mais, à l'INM, nous sommes convaincus qu'il n'y a
pas de sujet trop complexe pour la population. Encore faut-il qu'une
information accessible et complète soit disponible facilement pour permettre
aux citoyennes et aux citoyens de s'en saisir et qu'il soit possible d'en
débattre dans un cadre propice à l'expression des points de vue.
Les hypothèses sur les échecs essuyés au Canada
devraient nous permettre d'éviter les erreurs du passé, et le projet de réforme
du mode de scrutin, aussi ambitieux soit-il, ne peut être préparé qu'à demi, et
ça inclut la phase préparatoire et la phase d'information de la population. Il
est primordial, nous croyons, de déployer tous les efforts nécessaires pour
assurer, d'une part, une large participation de la population à l'adoption de
la réforme et, d'autre part, pour que cette participation soit informée. Nous
croyons essentiel qu'un tiers neutre soit mandaté pour informer l'ensemble de la population en amont de la période
référendaire. L'effort d'information devrait se conjuguer avec des occasions de
dialogue sur la question. Il ne faut pas lésiner sur les moyens d'atteindre
tous les groupes de la population et pour donner une chance raisonnable
à tous les individus, sans exception, d'être informés adéquatement dans un
langage qu'ils comprennent. Si la réforme échoue, ce doit être uniquement parce
que les citoyens n'en veulent pas, et pas parce qu'on n'a pas suffisamment
informé ou dialogué sur cette réforme.
On souhaite, pour terminer, souligner certains
aspects que présente la réforme qui nous apparaissent des risques et qu'on vous
invite à considérer. D'abord, on identifie un risque d'amalgame entre les
élections générales et le référendum sur un nouveau mode de scrutin. En revanche,
et on tient aussi à le souligner, la concordance des élections et du référendum
est susceptible d'encourager la participation à la consultation sur le nouveau
mode de scrutin, et ce n'est pas à négliger dans un contexte où la
participation électorale décline de façon ahurissante. Si la consultation référendaire a effectivement lieu en
même temps que les élections générales, il faudra redoubler d'efforts
pour mettre en place, en amont de la période référendaire, les conditions pour
informer adéquatement la population dans un cadre exempt des tensions
partisanes, pour les informer, donc, ces citoyens et citoyennes, des avantages
et inconvénients des deux options soumises au vote. Ce mandat, croyons-nous,
pourrait être confié à Élections Québec, qui est un tiers neutre dont la
crédibilité est établie.
On aimerait
aussi vous partager une interrogation, c'est-à-dire le sort qui sera réservé
aux groupes de la société civile qui
voudront participer à la discussion et informer la population pendant la
période référendaire. On a vu, lors des dernières élections générales,
que certains groupes de la société civile ont été pris à partie, mis en
demeure, rabroués pour avoir voulu partager de l'information visant à éclairer
les citoyens sur le vote qu'ils s'apprêtaient à faire.
Il y a un
autre risque, qui est celui de négliger l'importance d'informer adéquatement la
population faute de temps. La campagne d'information doit se déployer
sur le terrain et non uniquement sur des plateformes en ligne, qui est une
nouvelle tendance, des plateformes en ligne qu'une large portion de la
population risque de ne jamais fréquenter. Nous ne pouvons pas nous permettre
d'exclure des personnes de cet important dialogue sous prétexte qu'ils ne sont pas joignables en ligne, parce
qu'ils ignorent qu'un tel enjeu va être soumis au vote en raison de la
fracture numérique — qui
est aussi un enjeu, les députés des régions peuvent en témoigner — pour
des questions de littératie — je vous rappelle que 53 % de la
population du Québec n'atteint pas le niveau 3 sur l'échelle de
littératie — pour
des raisons économiques, parce qu'on n'a pas
accès à un ordinateur ou pour tout autre raison. Il est de la responsabilité
de l'État de veiller à informer adéquatement tout le monde sans exception sur
cet enjeu d'intérêt public.
Finalement, il y a aussi un risque d'abandonner
le projet de réformer le mode de scrutin. Le besoin a été démontré, les acteurs de tous les milieux la
réclament. Maintenant, il faut s'entendre sur ses modalités, mais la réforme
doit aller de l'avant, et elle ne peut se faire sans tenir compte des
nombreuses contributions des parties prenantes qui se sont présentées devant
vous, membres de la Commission des institutions, pour éclairer vos travaux.
Alors, nous formulons le souhait que la présente réforme transcende les
intérêts partisans, nous savons que les parlementaires en sont capables, et que
les résultats de vos travaux jettent les bases d'une réforme du mode de
scrutin, celle qui est tant attendue. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre, s'il vous plaît.
• (16 h 50) •
Mme LeBel : Oui, merci, M. le Président. Merci de votre
présence, merci de votre témoignage. Vous amenez quand même le débat à
un autre niveau, donc le niveau des principes et ce pour quoi nous faisons
cette proposition-là de réforme électorale. Je vous dirais que, d'entrée de
jeu, je suis d'accord avec plusieurs de vos commentaires au niveau des principes, particulièrement quand vous
recommandez, à la dernière page de votre mémoire, dans le résumé, là,
que le gouvernement, au regard des effets positifs que pourrait avoir le
nouveau mode de scrutin sur la confiance envers les
institutions démocratiques, donc, aille de l'avant, mais cherche surtout le
consensus le plus large possible sur le mode de scrutin à proposer dans le
cadre du référendum pour éviter un débat technique — c'est un peu ce que
vous avez mentionné, il y a des débats techniques inévitables, quand même, en
consultations, mais sur les grands principes — pour être sûrs que ce soit
l'intention de rendre le résultat du scrutin plus représentatif de la volonté
des citoyens qui soit véhiculée. C'est ce que nous avons tenté de faire dans ce
projet de loi là. Effectivement, on a consulté beaucoup. On a encore,
probablement, des choses qui sont perfectibles à discuter, mais la démarche a
été de trouver le plus large consensus possible. Donc, quand on... je n'ai pas
l'idéal dans tous les secteurs, mais j'ai essayé d'atteindre quelque chose qui
ferait en sorte... Et c'est un peu la question qu'on pose à plusieurs groupes,
et vous me pardonnerez l'anglicisme, mais je leur demande : Dans vos
demandes de modification, qu'est-ce qui sont des «deal breakers» ou qu'est-ce
qui fait en sorte que, pour vous, ça ne vaudrait pas la peine de faire la
réforme si ça, ce n'est pas inclus dans le projet de loi?
Je constate que, dans
votre mémoire vous n'abordez aucun, ou presque, des éléments plus techniques et
vous vous en remettez aux principes. Est-ce
que c'est de façon délibérée ou c'est parce que vous n'avez pas... pas
d'opinion, je suis sûre que vous en
avez une, là, mais vous ne jugiez pas à propos, justement, d'aller aussi micro
dans votre analyse? Juste pour voir un peu qu'est-ce qui a motivé votre
prise de position et la façon dont vous avez pris cette position-là.
Mme Caron-Malenfant
(Julie) : Une des raisons qui
militent pour le positionnement que nous avons privilégié et le message
que nous avons décidé de faire véhiculer auprès de vous, c'est entre autres l'analyse
des raisons qui ont conduit aux échecs de propositions de réforme de mode de
scrutin, aussi, ailleurs au Canada. On a étudié différents phénomènes,
différents cas, notamment la Colombie-Britannique, l'Île-du-Prince-Édouard.
Donc, il y a eu plusieurs cas qui ont été documentés — même
au sein du gouvernement fédéral, il y a une réforme plus récente, mais on ne
s'attardera pas à celle-là — et
on a constaté, en fait, que ce débat n'a pas réussi à susciter l'intérêt et la
confiance de la population. Il y a eu des vices dans la procédure et non pas
dans la façon... pas nécessairement dans la proposition du mode de scrutin.
Nous, ce qu'on se
dit, c'est que le processus qui conduit... doit être irréprochable et... pour
ne pas conclure à... pour ne pas en arriver
à de mauvaises conclusions. En fait, on l'a écrit aussi, là, je cherche la
façon dont on l'avait formulé dans notre mémoire, mais ce qu'on dit,
c'est que, si la réforme échoue, ce n'est pas parce qu'on n'aura pas mis en
place toutes les conditions nécessaires pour qu'elle soit comprise par la
population, mais c'est parce que la population n'en veut pas. Nous, on croit
que la population en veut, de cette réforme-là, parce que nous l'avons entendu pendant 16 ans nous le répéter à toutes
les occasions. Même quand on ne parlait pas directement de la réforme du
mode de scrutin, ça revenait régulièrement. Mais on a voulu mettre de l'avant
cet angle mort parce que celui-ci est souvent négligé, et on croit que la
réforme, elle est nécessaire.
On
pense aussi qu'il y a suffisamment d'acteurs, actuellement, qui ont étudié
l'ensemble des modalités et qui vous font des propositions qui sont
suffisamment riches et pertinentes et que vous avez le devoir d'en faire
l'arbitrage, mais que vous avez sur la table suffisamment de ces
propositions-là. On a préféré jeter un éclairage différent sur la proposition.
Mme LeBel :
Donc, dans le fond, ce que... Oui, allez-y.
Mme Flon
(Malorie) : Oui, c'est délibéré. À votre question, là, oui, c'est
délibéré qu'on n'entre pas dans le débat technique sur la mécanique, il y en a
d'autres qui sont meilleurs que nous pour faire ça. Nous, on veut vous amener sur comment informer et interpeler les
citoyens. Oui, ça va être sur l'intention. Oui, ça va être sur les
principes.
Mme LeBel :
O.K. Donc, vous nous ramenez à la base, puis je trouve ça intéressant, puis je
veux les mettre en lumière dans le temps qu'on a, parce que souvent on a
peu de temps pour en discuter en commission parlementaire, malgré que votre
mémoire est très complet, puis vous parliez des statistiques et que le nouveau
mode... à la page, d'ailleurs, 7 de votre
mémoire : «Un nouveau mode de scrutin qui inclut des éléments de proportionnalité
pourrait avoir un effet positif sur la participation électorale», puis
vous mentionnez que «dans l'état actuel des choses, 44 % des [Canadiens et
Canadiennes] estiment que leur vote n'affecte pas vraiment la manière dont le
gouvernement dirige le pays», donc que leur vote ne compte pas, et c'est quand
même un sondage assez récent, de 2019, je crois. Donc, je pense que c'est important de le mettre en lumière.
Effectivement, les raisons pour lesquelles on s'est rendus jusqu'ici, je pense qu'elles sont aussi importantes, sinon
plus, que les détails et la mécanique, qu'il ne faut pas négliger, parce que
souvent on dit : Le diable est dans les
détails. Mais j'en profite pour faire mon propre pitch en disant
qu'effectivement, si on veut... pour ceux qui tiennent à la réforme et qui y
croient, il faut franchir le Rubicon, il faut se donner les moyens de le faire et il ne faudrait pas
s'enfarger dans les plus petites fleurs du tapis. Il y en a qui valent la peine
dans lesquelles il faut s'arrêter, mais je trouve intéressant l'angle que vous
choisissez d'apporter puis de nous ramener... Je continue à dire que les
consultations sur les détails sont essentielles, qu'il faut s'y attarder, puis
il faut en discuter, puis on va les améliorer, mais il faut nous ramener à
l'objectif commun qu'on a, c'est la proportionnalité, mais la participation
citoyenne. Et, là-dessus, merci beaucoup de cet angle-là puis de nous ramener à
ces grands principes là.
Ceci
étant dit, je vais y aller peut-être un petit peu... l'endroit où vous vous
positionnez, là, peut-être un peu plus précisément, c'est sur la question du
référendum. Vous vous gardez de formuler des recommandations sur le moment
opportun, mais vous concédez qu'au moment d'une élection... Puis on l'a vu
d'ailleurs, c'est à l'Île-du-Prince-Édouard,
effectivement, où le référendum a eu lieu en dehors d'une élection, où le taux
de participation était négligeable et que, malgré le fait que la réforme est passée, si
on veut, ou que le vote était en faveur d'une réforme parlementaire, on
a écarté du revers de la main le résultat du
référendum pour un taux de participation trop bas. C'est une des préoccupations
que nous avons, il y en a d'autres, c'est
une des préoccupations que nous avons. Est-ce
que vous pouvez nous entretenir
un peu plus là-dessus? Est-ce que vous pensez qu'effectivement, en même temps
qu'une élection... il y a d'autres raisons, là, mais, en même temps qu'une
élection, ça pourrait favoriser le taux de participation?
Mme Caron-Malenfant (Julie) : Oui. Bien, la réponse, c'est oui, on pense qu'un
scrutin général risque d'amener un plus grand nombre d'électeurs aux urnes,
mais on identifie également des risques, ceux d'amalgames. Et, dans le projet de loi et dans les amendements qui ont été proposés sur la formation des camps
référendaires, on voit clairement qu'il y a une mécanique prévue pour
permettre l'expression des points de vue, et chacun des camps va pouvoir
informer clairement sur l'option qu'il privilégie. Cependant, on juge que c'est
insuffisant et que, rendu là, il est trop tard pour faire ce travail de pédagogie sur les options. En période référendaire
ou en période électorale, on va faire valoir l'option qui intéresse
chacun des camps, mais on n'est plus dans un cadre neutre où on peut faire
valoir de façon objective et de façon
complètement détachée de toute intention partisane les tenants et aboutissants
et les avantages et inconvénients des deux options, et c'est pour ça que
nous, on propose qu'il y ait un travail d'information important qui soit fait
avant cette période référendaire.
Mme LeBel : Donc, dans le fond, juste pour résumer — vous
me direz si j'ai bien compris — l'élément
clé n'est pas nécessairement le moment du référendum, pour vous, mais c'est
l'information qui sera transmise préalablement à ce référendum-là pour s'assurer, justement, que le citoyen vote, comme
vous le dites, parce qu'il n'en veut
pas ou parce qu'il en veut vraiment plutôt que parce qu'il n'a pas
compris ou a été privé d'information. Parce que je pense, moi aussi, que c'est
à la portée de tous, mais on doit... encore faut-il l'expliquer.
Mme Caron-Malenfant
(Julie) : Vous avez bien compris.
Mme LeBel :
Oui. Donc, on parle de rencontres d'information en amont, vous avez mentionné
un tiers neutre. Il faut que ces
informations-là soient de l'information, non pas de l'opinion, vous le dites
très bien, et vous parlez justement du fait que vous craignez que l'enjeu
devienne partisan. Qu'est-ce que vous craignez? Parce que, nécessairement,
qu'on le fasse avant ou après une élection, je pense, ce n'est pas le moment
qui va faire que l'enjeu va devenir partisan ou non. Qu'est-ce que vous craignez? Si l'enjeu est... par
n'importe qui, là, est «hijacké», si je peux le dire comme ça, de façon
partisane, c'est quoi, votre crainte, par rapport aux citoyens, par rapport à
la compréhension?
Mme Flon
(Malorie) : Bien, c'est sûr que ce qu'on souhaite, c'est que les
citoyens voient les bénéfices de cette réforme-là sur le long terme puis pas
juste liés à un gouvernement puis à un mandat de quatre ans, par exemple.
Donc, si c'est trop collé à des programmes de parti ou des tensions partisanes,
bien, c'est ça qu'on a peur, c'est qu'en fait... Parce qu'on voit aussi qu'une
des... dans le fond, surtout chez les jeunes, mais pas que les gens
s'intéressent à renforcer la démocratie, puis sur le très, très long terme,
donc on veut que les bénéfices de cette réforme-là apparaissent de manière très
générale.
Mme Caron-Malenfant
(Julie) : Bien, en fait, à partir du moment où on est en campagne, que
ce soit une campagne électorale ou référendaire, on est en mode séduction, on
est en campagne, on n'est plus en période d'information sur une base objective
et neutre, mais on essaie de convaincre que notre option qu'on propose est la
meilleure, alors que, pour permettre une décision éclairée, un consentement
éclairé de la population, bien, on estime qu'ils doivent être informés, ces
citoyens et ces citoyennes, avant que la chasse aux votes ne soit ouverte.
Mme LeBel :
Bien, merci. Merci, M. le Président. Moi, ça va.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Je pense qu'on a le même temps, le même
nombre de temps.
Le
Président (M. Bachand) : Oui.
• (17 heures) •
M. Tanguay :
Oui? Merci beaucoup. Merci à vous, mesdames, d'être ici et de participer au
débat. Puis je vais m'assurer, M. le Président, avec votre collaboration, de
laisser du temps à ma collègue de Bourassa-Sauvé pour poser quelques questions.
Première
des choses, j'aime la nuance que vous apportez dans votre mémoire,
c'est à la page 12, je crois, la nuance que vous portez sous la rubrique Risque
de négliger l'importance d'informer adéquatement la population
faute de temps, vous dites :
«...présentant sans censure ni jugement les
avantages et inconvénients de [chacune des options disponibles], le statu quo
[ou] la réforme.» Vous êtes, je pense, pour celles et ceux qui sont venus... — puis ce n'est pas un reproche, c'est
un constat — qui
sont venus dire : Bien, il faut faire la réforme, qui est en faveur, puis
c'est bien correct qu'ils soient en faveur,
c'est leur droit le plus strict, mais vous, vous apportez des nuances en
disant : Ce n'est pas totalement blanc et ce n'est pas totalement noir. Le statu
quo est souvent présenté comme étant la fin des écus, l'impensable, versus le
projet de loi n° 39, la proportionnelle, comme n'étant que des avantages.
Vous, je vous entends bien : Non, il y a des avantages et des inconvénients dans les deux cas. C'est bien ça
qu'il faut lire dans votre mémoire, n'est-ce pas?
Mme Flon (Malorie) : Je dirais, c'est sûr que nous, on y voit des
avantages puis on a confiance en l'intelligence
des citoyens que, bien, ils vont se faire leur propre opinion. Mais, oui, quand
on veut susciter la participation, il faut analyser toutes les options puis il
faut voir les avantages, les inconvénients de toutes les options. C'est
la base pour un débat démocratique, me semble-t-il.
M. Tanguay :
Et vous dites... et j'aimerais peut-être faire un pas de plus puis lancer une
perche, peut-être, à Mme la ministre, qui dit que le premier ministre,
s'il y a une élection en même temps qu'un référendum, ne pourra pas présider le
camp du Oui, peut-être que vous allez lui donner un argument lorsque vous
dites : «Nous formulons le souhait que la présente réforme transcende les
intérêts partisans...» Vous, puis je ne connais pas la réponse, je vais vous
poser la question, est-ce que, par application de ce principe-là, croiriez-vous
qu'il serait bien avisé pour le premier ministre de ne pas être... pour éviter
cette partisanerie-là, dans un contexte où vous ne mettez pas de côté une
possible élection en même temps que le référendum, faites-vous le pas plus loin
en disant, puis effectivement, ceci étant dit, pour ne pas tomber dans la
partisanerie : Il faudrait un peu le désincarner, le débat, des partis
politiques, puis ne pas dire : Bien, un vote pour la CAQ, c'est
nécessairement un vote pour la réforme du mode de scrutin? Et ma question à cet
effet-là : Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait que le premier
ministre devrait, normalement, ne pas être le chef du camp du Oui?
Mme Flon
(Malorie) : Il y a des avantages et des inconvénients à ce que le
ministre soit le chef du camp du Oui, mais...
M. Tanguay :
Pour le camp du Oui, mais je parle pour la démocratie.
Mme Flon
(Malorie) : Mais c'est la même chose. C'est vrai qu'il y a des
avantages et des inconvénients à chacun, puis je ne suis pas sûre qu'on est en
situation de se positionner.
Mme Caron-Malenfant
(Julie) : En effet, ma collègue est prudente.
M. Tanguay : Est-ce
que je vous ai bien compris? Est-ce que
vous faites le point que, selon vos analyses, vos études, il y a un meilleur taux de participation
dans des systèmes proportionnels? Je pense que c'est votre affirmation au
niveau de la participation électorale.
Mme Flon
(Malorie) : Oui, bien, on n'a pas fait cette analyse-là détaillée dans
le mémoire, mais il y en a d'autres qui l'ont fait.
M. Tanguay : O.K. On aura l'occasion... Puis, je veux dire, oui,
vous avez raison dans le cas de l'Allemagne, mais c'est plus ou moins 2 %.
Si je fais une... puis c'est juste l'Allemagne, parce qu'on parle beaucoup
d'Allemagne, on parle beaucoup de l'Écosse,
je vais prendre ces cas-là, je serais prêt à ce qu'on dépose un tableau puis
qu'on fasse, de façon systématique... qu'on s'entende, mais, quand on
regarde les trois dernières élections en Allemagne, le taux de participation
était de 72,8 %, et au Québec, 70,8 % : 2 %. Vous allez me
dire : Il y en a déjà 2 % de plus, mais on est quand même sur la même
planète, si je prends juste le cas de l'Allemagne.
Mme Flon
(Malorie) : Oui, en fait, il faut... il n'y a pas que le mode de
scrutin qui a une incidence sur le taux de participation électorale, il y a
beaucoup d'autres facteurs qui ont une incidence sur le taux de participation
électorale, dont l'éducation à la citoyenneté, qui est très, très, très
importante aussi. Donc, c'est sûr qu'on ne pourra pas... ce n'est pas une
panacée. On ne peut pas penser que, parce qu'on va vers un mode de scrutin
proportionnel, tout d'un coup, notre participation électorale va nécessairement
monter, comme ça, en flèche.
M. Tanguay :
Tout à fait. Et je me réserve de vous... parce que je veux les vérifier, parce
qu'en Écosse, là, on est en bas... on est à 55 %, 50 %, mais je veux
faire la vérification parce que je ne veux pas dire qu'ils votent à 55 %,
puis peut-être qu'on va vérifier, puis que ça va être le cas, là, mais on est
loin du compte, si c'est le cas. Je ne m'avance pas plus loin.
Il
y a aussi — donc, je
suis content de vous entendre — qu'on peut agir pour augmenter le taux de
participation. Il n'y a pas qu'une seule voie à suivre, soit modifier le mode
de scrutin. Si vous voulez bonifier, augmenter le taux de participation, je vous entends bien, en disant : Bien, là n'est
pas la seule mécanique par laquelle on peut augmenter le taux de
participation, ça ne participe pas uniquement que du mode de scrutin que
d'augmenter la démocratie puis la participation citoyenne. Je vous entends bien
là-dessus?
Mme Flon (Malorie) : Tout à fait. Il y a beaucoup d'autres choses
qu'il faut faire pour agir sur la participation électorale.
Mme Caron-Malenfant
(Julie) : Mais il faut se
rappeler que les citoyens le
réclament régulièrement dans les forums qu'on organise, et ils le
nomment comme tel.
M. Tanguay : Oui, mais... Et êtes-vous d'accord avec moi,
quand... un «focus group», un sondage, une entente signée par quatre
partis puis un référendum, c'est quatre consultations, donc quatre résultats
différents? On peut s'entendre là-dessus?
Mme Caron-Malenfant (Julie) : Qu'est-ce
que vous voulez dire?
M. Tanguay : Le sondage, comme tel... Parce qu'on nous
plaide : Les Québécois le veulent, il y a quatre partis qui
ont signé l'entente, les Québécois le veulent, il y a tel, tel sondage. Mais,
face à un référendum, là sera prise la véritable décision. On ne peut pas
dire : Le débat est clos, on n'a pas besoin, on fait l'économie d'un
référendum, là.
Mme Caron-Malenfant (Julie) :
En effet.
M. Tanguay : Êtes-vous
d'accord avec moi également... Puis je trouve ça intéressant, c'est que,
souvent, on met beaucoup,
beaucoup d'espoir en une réforme, puis je
me rappelle du débat parce que j'y ai participé, j'étais là, sur
les élections à date fixe, on disait : Ah! les élections à date fixe, là,
ça, là, ça va réellement faire avancer le Québec d'un grand pas, les élections à date fixe, là, ça va faire augmenter le
taux de participation, c'est ça que ça prend. Or, dans les trois
dernières élections, la seule qui s'est tenue à date fixe, c'est celle
d'octobre 2018, le taux de participation est le
plus bas par rapport aux trois dernières. Dans les statistiques, là,
les trois dernières, c'est 74,6 %,
71,4 % et 66,4 %, élection à date fixe.
Mon point, puis j'aimerais... si vous avez des
commentaires là-dessus, qu'on ne peut ne pas, lorsqu'on a une approche le moindrement scientifique et comme la
vôtre, dire : Bien, c'est la panacée, comme l'auraient été, auraient dû
l'être les élections à date fixe. Au
contraire, on a une chute. Je ne suis pas en train de dire que l'élection à
date fixe, ce n'est pas bon, mais je constate que ça n'a pas eu une
hausse de 5 %, mais une chute de 5 % du taux de participation.
Mme Caron-Malenfant (Julie) :
Bien, notre démocratie est un système extrêmement complexe, et je pense qu'il y a plusieurs mécanismes et leviers sur
lesquels il faut agir. Il faut les prendre un par un. Un éléphant, ça se mange
une bouchée à la fois.
Mais, si je
nous sors de l'arène plus démocratique puis que je prends deux exemples de
démarches de réforme qui ont quand même eu des effets quand même assez
intéressants au sein de la société québécoise... On a vu, par exemple, une
réforme sur l'aide médicale à mourir qui a eu des impacts incroyables sur la
qualité de vie des gens, sur la confiance, aussi, que les gens peuvent avoir
dans le système de santé. Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a certaines
réformes qui, effectivement, sont capables d'amener des changements importants
et systémiques dans une société. Alors, une réforme du mode de scrutin
contribue, pour l'arène démocratique, à faire un pas supplémentaire vers des
institutions plus solides, plus fortes dans un contexte où la démocratie est en
péril et elle est fragilisée.
Le Président
(M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, pour une
petite minute.
Mme Robitaille : Une minute?
O.K. Merci, mesdames. Je vais essayer de faire vite. Écoutez, justement, sur le
taux de participation, je vois les études en Europe, un peu partout dans le
monde, le taux de participation, même dans des pays où il y a la
proportionnelle, ça tombe, ça baisse tranquillement. Avec le mode de scrutin
proportionnel mixte comme on le propose, moi, j'ai peur qu'il y ait une
déconnexion parce que les comtés vont devenir plus grands, les gens vont être
moins capables... moins accès à leur député, puis en même temps on a les
députés de liste. Est-ce qu'il n'y aura pas, finalement, une déconnexion qui...
bon, au début c'est sûr, il va avoir l'effet de nouveauté, mais après, à un
moment donné, il y aura une espèce de déconnexion de la population, il y aura
moins d'engagement citoyen, c'est ce qui
me... Je ne sais pas si vous pouvez me répondre là-dessus, là, dans le temps
qu'on a, mais je vous laisse aller.
Mme Flon (Malorie) : Mais il y
a déjà une déconnexion. Il y a déjà une déconnexion avec la population.
Mme Robitaille :
Mais elle ne serait pas... Mais elle va s'accroître, elle va s'accroître. C'est
ce qui me fait peur, moi.
Mme Flon
(Malorie) : Mais, écoutez,
je pense qu'il y a une déconnexion, il y a une tendance, les gens votent
de moins en moins. Il y a quand même une certaine méfiance envers nos
institutions, donc on est tenus d'essayer des choses pour renforcer ça. Alors,
c'est pour ça que les débats techniques sur la mécanique, puis trouver la façon
que ça soit le plus représentatif possible, c'est des débats importants, puis
il faut qu'il y ait des gens qui s'y penchent puis qui les fassent, puis qu'on
trouve les moyens. Mais il faut certainement quand même faire des projets puis
essayer.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il
vous plaît.
• (17 h 10) •
M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le
Président. Bonjour, merci d'être avec nous aujourd'hui. Vous avez traité de la question du référendum et vous nous avez parlé
d'avantages et d'inconvénients de tenir ce référendum-là pendant la période électorale.
Vous dites : Le bon côté, c'est que ça va peut-être stimuler la
participation parce que les gens, de toute façon, vont se rendre aux urnes pour l'élection, donc ça pourrait, par
la bande, augmenter les taux de participation au référendum. Mais vous
nous dites, par contre, qu'il y a un risque d'amalgame, de confusion. Je vous
ai également entendu dire : Il y a un risque que ce débat-là sur la
réforme du mode de scrutin soit noyé ou, en tout cas, dilué dans le débat partisan qui est propre à une campagne
électorale. Donc, vous nous dites qu'il y a des bons et des moins bons
côtés. Là, il faut prendre une décision, par contre. Et vous parlez de
démocratie avec les gens sur le terrain depuis 16 ans, donc moi,
j'aimerais vous entendre là-dessus. Quel est votre jugement définitif sur cette
question-là? Est-ce que, démocratiquement, du point de vue de la participation
citoyenne, c'est une bonne ou une mauvaise idée de tenir le référendum pendant
la campagne électorale?
Mme Caron-Malenfant
(Julie) : J'aurais envie de
vous dire... Si j'avais une boule de cristal, j'aimerais pouvoir regarder dans le futur pour vous répondre. On ne
l'a jamais fait, alors c'est difficile de prédire l'impact
que ça pourrait avoir. On a déjà vécu des référendums au Québec, j'ai
même déjà été assez grande pour voter à un référendum, mais il est difficile de
prévoir l'impact que ça pourra avoir. Par contre, je crois qu'il y a un risque
qui est encore plus grand que le risque d'essayer ou le risque de mal
positionner le référendum dans le cadre de cette réforme, c'est celui de ne pas
faire la réforme.
M. Nadeau-Dubois : Qu'est-ce
que vous pensez de l'idée d'un référendum de validation, comme ce qu'il se fait ailleurs dans le monde, c'est-à-dire on applique la réforme, puisqu'il y a une certaine légitimité sociale
de la faire, et par la suite on fait un référendum pour voir si, après
avoir essayé ce nouveau mode de scrutin, les gens l'appuient?
Mme Caron-Malenfant (Julie) :
C'est une avenue qui est intéressante. Clairement, ce n'est pas celle qui est
mise sur papier dans le projet de loi. Par contre, ce que je peux vous dire,
c'est qu'un référendum, c'est un exercice auquel on convie la population à se
prononcer directement sur une question et à faire un choix. C'est un exemple de
démocratie, c'est une forme de participation, et puis ce n'est pas en soi, dans
l'absolu, le référendum, quelque chose de mauvais. Évidemment, un référendum se
perd et se gagne à la fois selon le camp dans lequel on appartient, mais le
référendum en soi est un outil démocratique extraordinaire.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il
vous plaît.
M. LeBel : Merci. Bonjour.
J'aime la phrase que vous dites : Le gouvernement doit chercher le
consensus le plus large possible pour réussir à passer. Les gens des municipalités
sont passés récemment, et on voit, là, qu'il y a une réticence, là, il y a un noeud, là, où on s'est toujours
frappé. On a fait face à ce noeud-là dans le passé. Pour arriver à un
consensus, il y a quelque chose qui est proposé : reconnaître les
17 régions, 125 députés, mais en rajouter quatre pour assurer la
proportionnalité. Si c'est ça, le consensus qui peut nous amener à aller vers
la proportionnelle, est-ce que vous seriez d'accord avec ça?
Mme Caron-Malenfant (Julie) : Je
pense que c'est à la population de prononcer son accord avec cette proposition
et aux membres de la commission d'en débattre.
M. LeBel : Référendum, rapidement, si on arrive là,
il va y avoir... au mois de mai 2022, on part une campagne
référendaire. En août, on part, mêlée à ça, une campagne normale, électorale.
C'est sûr que ça va devenir partisan, puis vous ne voulez pas que ça devienne
partisan. Est-ce qu'on serait mieux de faire un référendum avant et faire de la
transpartisanerie? Il y aurait différents partis politiques dans le camp du
Oui. Si les Québécois verraient que c'est transpartisan, est-ce que ça ne
serait pas mieux, vous pensez?
Mme Caron-Malenfant
(Julie) : Bien, c'est une
option qui est à explorer, certainement. Mais encore, comme on le dit,
ce qui est important et ce sur quoi nous, on veut s'attarder, c'est vraiment
sur la qualité et le sérieux, et tous les efforts qui doivent être investis
dans une campagne d'information préréférendaire, peu importe le moment auquel
va se tenir le référendum, c'est-à-dire une campagne d'information neutre et
objective avant que les camps ne s'organisent et que les opinions ne se
cristallisent.
M. LeBel : Merci.
Mme Caron-Malenfant (Julie) :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le
député. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il
vous plaît.
Mme Fournier : Merci
beaucoup, mesdames, de nous ramener au principe de la réforme de laquelle nous débattons dans cette commission.
Le député de LaFontaine a évoqué les effets directs que pouvait avoir la
réforme du mode de scrutin sur la participation, mais je crois qu'on
peut aussi parler d'effets indirects sur la baisse du cynisme et
éventuellement, on l'espère, la hausse du taux de participation.
Par exemple, quand on considère le changement de
culture politique à laquelle la réforme du mode de scrutin nous invite, avec, nécessairement, une plus grande
collaboration entre les différents parlementaires, les différentes formations politiques lorsqu'on aura des gouvernements, disons, qui
devront avoir certaines ententes de collaboration pour faire passer des projets
de loi, à mon sens, ça cadre bien aussi avec la personnalité de la société
québécoise, si je peux dire les choses ainsi.
Donc, est-ce que vous êtes d'accord aussi qu'il y a des effets indirects très
importants qu'ils peuvent avoir sur le taux, par exemple, de
participation et la confiance des Québécois en nos institutions démocratiques?
Mme Caron-Malenfant
(Julie) : Difficile d'être
en désaccord avec ce que vous venez de dire, et puis j'ajouterais même
que cette réforme est une occasion formidable de susciter le débat au sein de
la population québécoise sur l'importance que nous accordons à nos institutions
et sur l'importance que revêt la démocratie pour l'ensemble de la population
québécoise. Et puis, cette occasion-là, je pense qu'il faut la saisir, et puis,
effectivement, ça risque, cette discussion, d'avoir des effets collatéraux dont
on va tous bénéficier.
Mme Fournier : Très bien. Merci. Rapidement, est-ce que vous avez
des revendications précises sur la participation des organisations de la
société civile lors du référendum?
Mme Caron-Malenfant
(Julie) : Non, mais on
soulève simplement le risque que les organisations de la société civile
soient... pas poursuivies, mais mises en demeure parce qu'elles veulent
contribuer à informer les citoyens sur les différentes options. Comme on l'a vu
au dernier scrutin, aux dernières élections générales, certains groupes ont été
bâillonnés ou invités à ne pas participer à la discussion alors qu'ils
informaient les gens. Alors, on craint que cette situation ne se reproduise,
d'autant plus que, dans un contexte, et là hypothétique, électoral et
référendaire en même temps, les tensions seront encore plus vives, et donc
l'intérêt d'informer la population sera encore plus grand.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. À mon tour de vous dire merci de votre participation aux
travaux de la commission.
Je suspends les travaux pour quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 17)
(Reprise à 17 h 19)
Le
Président (M. Bachand) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Merci de prendre siège. La commission reprend
ses travaux.
Il me fait plaisir, maintenant, de souhaiter la
bienvenue aux représentantes du Comité des femmes du Cercle des
ex-parlementaires. Très agréable de vous avoir aujourd'hui avec nous. Comme
vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, après ça nous avons un
échange. La parole est à vous, et, encore une fois, merci d'être ici.
Comité des femmes du Cercle des ex-parlementaires
de l'Assemblée nationale du Québec
Mme Malavoy
(Marie) : Merci beaucoup, M.
le Président, et effectivement nous sommes ravies d'être ici au nom du Comité des femmes. Alors, MM., Mmes les parlementaires, Mme la ministre, M. le Président, nous
représentons un groupe d'anciennes parlementaires qui ont donc vécu ce que vous
vivez en ce moment pendant de longues heures. Nous pensons pouvoir partager
notre expérience. Et, depuis trois ans, presque trois ans et demi maintenant,
nous avons formé un comité, qui s'est déjà
présenté une première fois en commission parlementaire, sur la place des femmes
en politique, et nous sommes ravies de revenir parce que le coeur de notre
mission, c'est de plaider pour la parité entre les hommes et les femmes à l'Assemblée
nationale. Donc, nous sommes au coeur de notre champ d'intérêt, de notre
mission, et nous voulons essentiellement parler de ça avec vous aujourd'hui. Je
donne la parole à Carole, qui m'accompagne aujourd'hui.
• (17 h 20) •
Mme Théberge
(Carole) : Bonjour, tout le monde. Alors, vous comprendrez que nos remarques concerneront donc essentiellement
les éléments du projet de loi n° 39 sur les questions
touchant la parité. C'est là-dessus que notre comité fait consensus et que nous
estimons avoir une réflexion à vous partager.
Pourquoi une loi sur la parité? Certains
observateurs des élections québécoises pourraient conclure que l'évolution s'est faite tout naturellement, puisque l'Assemblée nationale compte dorénavant
44 % d'élues. Il est vrai que c'est un pas de géant en quelques
décennies et que nous devons nous en réjouir. Nous croyons toutefois que, pour
que ce progrès soit durable, il faut des mesures contraignantes qui dépassent
la seule bonne volonté des acteurs.
Nous considérons tout d'abord que la parité
n'est pas une option, mais un droit, et que, pour qu'il soit exercé, il faut
des mesures législatives. Nous nous appuyons sur le principe du droit à
l'égalité de représentation dans nos institutions
publiques découlant du droit à l'égalité des femmes garanti dans la charte
québécoise des droits et libertés de
la personne. Pour articuler ce principe, on doit passer par une loi comme on
l'a fait pour des droits garantis en matière de congé de maternité,
d'équité salariale ou d'égalité économique des époux.
Ajoutons,
comme l'indique La Presse du 9 mars dernier au sujet
d'une publication de l'Union interparlementaire : «Le rapport montre que
les quotas électoraux pour les femmes se sont maintenant étendus à
toutes les régions du monde, avec plus de 130 pays qui ont adopté de tels
systèmes.» On a souvent tendance à croire que ce qui ne se fait pas chez nous existe peu ailleurs. Alors, force est de constater que
le Québec, sur la parité, est resté très timide en matière de législation,
voire même un petit peu à la traîne du monde.
Si l'avancée
des femmes lors des élections de 2018 au Québec est manifeste, celle-ci n'est
pas exempte de reculs possibles comme
celui que nous avons vécu entre 2012 et 2014, perdant d'un coup 5,6 %
d'élues. Rappelons par ailleurs, comme
l'indique le Groupe Femmes, Politique et Démocratie dans son mémoire à la
présente commission, qu'au palier fédéral, bien qu'ayant présenté
43,3 % de candidates aux élections 2019, seulement 33,3 % des
femmes ont été élues.
Le
déséquilibre de représentation entre les femmes et les hommes dans les
parlements est d'ordre systémique. L'apprentissage
des rôles sociaux, la tradition de gouvernance au masculin, l'absence de
modèles féminins, les règles du jeu qui constituent la culture du
pouvoir, la perception des responsabilités familiales sont parmi la liste des
obstacles à l'entrée des femmes en politique. C'est d'ailleurs pourquoi,
conjointement avec le Groupe Femmes, Politique et Démocratie, nous avons créé, en juin 2019, un club politique, Les
Elles du pouvoir, e-l-l-e-s, lieu de réflexion, d'échange et
d'habilitation.
Nos lois reflètent nos valeurs, et les mesures
qu'elles contiennent sont autant de repères pour nos manières de vivre ensemble.
Une loi sur la parité enverrait un signal clair à la société québécoise en ce
qui concerne la présence des femmes à l'Assemblée nationale parce que, plus
qu'un souhait, un objectif louable ou encore voire un progrès, on verrait
l'expression d'une volonté ferme appuyée par des moyens concrets et surtout on
passerait d'une approche laissant aux personnes et aux partis le soin de faire
progresser la parité au gré de leur volonté... on passerait de ça à une
obligation juridique infléchissant leur action.
À l'encontre d'une loi sur la parité persiste le
mythe de la compétence. Une femme ne doit pas être choisie comme candidate,
encore moins élue, du seul fait de son genre, c'est une affaire de
qualifications, de capacités et de talent. Est-ce à dire que les femmes sont
absentes des Parlements faute de compétences et que les hommes ont eu à prouver
les leurs pour y accéder, point d'interrogation? À travers quel processus, quel
examen, quel concours? Les hommes sont de plus en plus... sont en plus grand
nombre, pardon, car les lieux de pouvoir leur apparaissent naturels, taillés
sur mesure pour eux.
Les femmes,
nous l'avons dit, font face à des obstacles systémiques qui les rendent plus
hésitantes à se projeter en
politique. Qui plus est, elles ont si bien intériorisé l'idée que ce n'est pas
spontanément leur place que leur manque de confiance en leurs capacités
trouve écho dans l'invocation de la compétence. Mais plus l'indice de confiance
en elles grandira, moins les allusions à la compétence auront prise sur les
femmes.
Mme Malavoy (Marie) : Donc, M.
le Président, vous aurez compris que ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est vraiment
de parler de la parité, et c'est avec ce regard-là que nous avons regardé,
analysé le projet de loi. Déjà, il y a quelque chose qui est bien, c'est que,
dans le préambule, il y a un considérant qui, pour la première fois dans une
loi du Québec, parle de la parité comme d'un objectif à atteindre, et je pense
qu'il faut le saluer et considérer qu'il y a déjà là un progrès.
Toutefois, ce
qui nous dérange plus, c'est de voir que, dans le coeur du projet de loi, il
n'y a pas véritablement de mesures contraignantes, il y a des allusions.
Par exemple, on va annoncer que les partis politiques devront transmettre au Directeur général des élections un
énoncé relatif aux objectifs que se fixe son parti en matière de parité.
Donc, il y a une obligation de transmettre
quelque chose, mais il n'y a pas de seuil. On ne dit pas : En vertu du
préambule, il faut que ce seuil soit au minimum, par exemple, de
40 %. Donc, c'est laissé à la discrétion des partis politiques.
Dans un autre article, un peu plus loin, on
indique qu'il devra y avoir une transmission au Directeur général des élections
d'un rapport au sujet de l'atteinte des objectifs. Mais vous comprenez que, si
on ne les a pas fixés, si on n'a pas fixé de
seuil, et qu'on dit simplement transmettez votre rapport, bien, on peut
transmettre un rapport dans lequel il n'y a pas beaucoup de contraintes
par rapport à l'atteinte de la parité entre les hommes et les femmes.
Nous croyons intéressant de vous réitérer, à ce
moment-ci, ce que nous avions dit en 2017 et qui est le coeur de notre
position, comme comité, depuis que nous existons. Nous avons pris position en
disant, dans un premier temps : Il faut que chaque parti présente au moins
40 % de femmes lors d'une élection, donc nous sommes dans la zone
paritaire du 40 %-60 %, et nous pensons que c'est atteignable. La
preuve en est qu'à l'élection de 2018, sans même qu'il n'y ait de loi, les
partis politiques, je dirais en bonne partie sous la pression populaire, ont
réussi à atteindre cet objectif.
Mais nous pensons également qu'il faut, et
d'autres ont dit la même chose avant nous, procéder plus par bonification une
fois que les partis auront atteint le pourcentage de 40 % au minimum comme
élues et non pas uniquement comme candidates parce que nous pensons que ce qui
est important, c'est le résultat en Chambre et pas simplement les intentions au
plan des candidatures. Donc, notre approche est plus incitative que coercitive.
Nous voudrions une bonification par le Directeur général des élections du
financement des partis politiques qui ont fait élire au moins 40 % de
candidates.
Et, si vous permettez, il y a un aspect
fondamental sur lequel nous voulons prendre la parole aujourd'hui, c'est
peut-être le coeur de notre point de vue, c'est que nous avons bien compris, il
en a été question cet après-midi encore, le gouvernement veut tenir un
référendum sur la réforme du mode de scrutin. Et ce que nous disons, c'est que
ce référendum, il va, on l'a bien compris, avoir un camp du Oui et un camp du
Contre, des gens qui vont vouloir maintenir un système uninominal à un tour,
d'autres qui voudront une réforme de type proportionnel mixte, mais tout ça, ce
sera, en fin de compte, une question d'opinion. Le peuple du Québec tranchera,
on est pour ou on est contre. Ce que nous disons, c'est que la parité, c'est
une question de droit, ce n'est pas une question d'opinion. On ne peut pas
soumettre à un référendum, à la volonté populaire, l'idée d'avoir la parité
entre les hommes et les femmes. Il faut que ce soit jugé comme étant un bien,
et que les parlementaires endossent, et sur lequel ils décident de faire une
loi.
Donc,
en fin de compte, nous croyons que, la question de la parité, on pourrait
l'assimiler à une autre question qu'on a abordée ici et dont nous
étions, nous, des actrices, de même que d'autres personnes peut-être en cette
pièce. Quand on a discuté d'équité salariale
et qu'on a voulu faire une loi, ça a été un très long processus, ça a pris au
moins deux ans. Mais, en fin de compte, les parlementaires ont dit :
Nous pensons que le bien commun passe par l'équité salariale. Il ne serait pas
venu à l'idée d'avoir une loi sur l'équité salariale qui soit mise en ballottage
à l'occasion d'un référendum. Il fallait dire : Non, c'est ce que nous
voulons et c'est ce que nous décidons comme parlementaires, et la loi a été
votée à l'unanimité, et nous voudrions que, pour la parité, il en soit de même.
Donc, en terminant, je dirais simplement que ce
nous demandons, c'est qu'on distingue du projet de loi n° 39
ce qui touche à la réforme du mode de scrutin et qu'on applique, dès la
prochaine campagne électorale, des mesures contraignantes
pour avoir la parité entre les hommes et les femmes. Je vous remercie, et nous
avons envie de continuer la discussion avec vous à l'occasion de
l'échange.
Le Président
(M. Bachand) : Merci, c'est fort apprécié. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
• (17 h 30) •
Mme LeBel :
Mesdames, merci beaucoup. Merci de votre présence, de votre contribution. Je
pense effectivement qu'il faut trouver tous les meilleurs moyens, les
meilleures façons de favoriser la présence des femmes en politique. Je pense
qu'il y a plusieurs leviers sur lesquels on peut travailler.
J'en profite
pour faire un aparté, nous avons d'ailleurs accueilli aujourd'hui la 55e députée de la 42e législature,
ce qui augmente encore significativement le taux, je pense qu'on est à
36 %. On n'est peut-être pas dans la zone paritaire, mais on n'est
pas loin, donc je pense qu'il faut le noter.
Je comprends
bien, donc, votre commentaire sur la différence qu'il faut faire avec les
avancées paritaires dans le mode de
scrutin, si je peux les nommer comme ça, et le mode de scrutin lui-même. Donc,
ce que vous nous proposez, au-delà
des particularités de vos propositions, vous nous envoyez comme message que ces...
j'allais dire ces... mesures, je cherchais le mot — désolée,
j'ai eu un blanc — les
mesures qui seraient intégrées, il y en a quelques-unes, je comprends que vous
nous demandez de les bonifier, on pourra en discuter, mais que peu importe la
mesure, qu'elle ne fasse pas l'objet du référendum et qu'elle entre en vigueur
dès l'adoption du projet de loi. Je pense que je résume bien votre pensée sur
cet aspect-là, n'est-ce pas?
Mme Théberge (Carole) :
Exactement. Ce serait dommage que les gens, dans le fond, dans le cadre d'un
référendum sur le mode, mettent de côté ou refusent, peut-être même sans le
savoir, le volet parité qui serait intégré, à ce moment-là. C'est parce qu'en
le sortant, premièrement, et en le... C'est un élément que vous pouvez mettre
en place très rapidement, dès le dépôt du projet de loi. Nous, on pense que non
seulement le Québec est mûr, mais même les partis ont déjà fait des approches
ou ont mis certaines exigences déjà dans leur constitution. Alors, je pense
qu'il y a probablement un accord informel qui pourrait être facilement fait
puis je pense que la population... et 52 % de cette population est... elles
sont des femmes, alors je pense que tout le monde serait d'accord pour le
faire.
Mme Malavoy (Marie) : Mais, si
vous permettez...
Mme LeBel : Oui, allez-y.
Mme Malavoy (Marie) : ...il
faut le voir aussi avec le fait que nous demandons que les mesures soient plus
contraignantes, parce que, autrement dit, faire une loi sur la parité où on dit
juste qu'on aimerait bien que les partis se fixent des objectifs, dans le fond,
c'est trop mince, ça ne vaut pas vraiment la peine. Mais nous aimerions que le
considérant qui est dans le préambule soit contraignant, qu'on dise que les
partis doivent atteindre le seuil de la zone paritaire et non pas simplement
que c'est un voeu et que c'est laissé à leur discrétion.
Mme LeBel :
O.K. Donc, justement, abordons la question, peut-être plus pointue, des mesures
que vous proposez. Vous avez dit
quelque chose qui m'a beaucoup accrochée et auquel je crois, surtout quand il y
a... quand on... eu égard à des partis politiques, surtout quand on
s'adresse à des partis politiques, je pense que la pression populaire est un
outil convaincant. D'ailleurs, on l'a vu dans la dernière élection, vous l'avez
dit, je pense que la population est prête, la
population veut plus de femmes, on est rendus là. Et d'ailleurs la pression
populaire, cette même pression populaire, a fait que, dans les dernières
élections, tous les partis confondus ont présenté au moins 40 %. Nous
avons présenté 52 %, Québec solidaire a quand même présenté 52 %,
mais tous les partis étaient dans ce qu'on définit être la zone populaire, sans
mesures contraignantes.
Je veux
continuer parce que je veux développer l'argumentaire avec vous. Donc,
naturellement, mes questions ne veulent pas dire que je suis contre,
mais je pense qu'il faut pousser l'argumentaire. Cette pression populaire a
fait, en bon français, la job dans la dernière élection. D'ailleurs, on a
55 femmes, maintenant, à l'Assemblée nationale. Est-ce que vous craignez que les partis, qui sont sur une excellente
lancée qui ne pourrait qu'aller qu'en s'améliorant, relâchent? Est-ce que vous craignez que cette pression
populaire là diminue? Est-ce que vous craignez que les citoyens se
démobilisent derrière cette nécessité-là d'avoir des femmes? Est-ce que c'est
une des raisons pour lesquelles vous nous dites qu'il faut aller dans des
notions contraignantes et d'obligation pour les partis politiques?
Mme Théberge (Carole) :
J'aurais le goût de vous dire oui, on le craint, parce que c'est déjà arrivé.
Puis là ce que... Je pense que... Nous pensons que ce qui doit se faire
naturellement s'est fait, maintenant on est rendus à une autre
étape. En même temps, on pourrait élaborer sur l'autre volet de cette
question-là, ce qu'il faut faire auprès des femmes également, évidemment, pour
supporter, soutenir et inspirer, tout ça. Ça, ça sera un autre volet de
questions. Mais, oui, il faut... Justement, c'est pour ça qu'on demande des
mesures contraignantes.
Mme Malavoy (Marie) : Et, de
fait, on a vu des reculs. Et la pression populaire, elle est importante, mais
elle ne peut pas remplacer ce qu'une loi ferait. Moi, je me souviens très, très
bien d'avoir vu un recul important de 5,6 % entre 2014 et 2012. C'était
important. Si vous regardez les résultats au fédéral, vous voyez qu'il y a à
peu près 10 points d'écart entre le pourcentage de candidatures et le
pourcentage de femmes élues. C'est dans les 43 % de candidates et
33 % de femmes élues et c'est au Canada. Donc, c'est vrai que la pression
populaire a fait qu'on est arrivés là où on
en est, particulièrement au Québec, mais, si on veut que ce soit durable, il
faudra prendre des mesures comme ont fait, permettez-nous de le redire,
130 pays ailleurs dans le monde. Donc, ce n'est pas épouvantable d'avoir des mesures contraignantes, c'est devenu
plutôt la norme, parce que — je
termine avec ça — nous
convenons que les obstacles demeurent malgré tout importants pour
attirer les femmes dans ce milieu.
Mme LeBel : Parfait. Donc,
parlons des mesures que vous proposez, plus particulièrement. Elles sont
complètement désincarnées du mode scrutin, parce que ce que vous proposez comme
mesures peut s'appliquer dans le mode de scrutin qu'on vit actuellement ou dans
le mode de scrutin proposé par la réforme. C'est dans ce sens que je veux dire
qu'elles sont désincarnées, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas tributaires d'un
mode de scrutin particulier. C'est exact? Vous comprenez bien?
Mme Théberge (Carole) : En
fait, rappelez-vous que nous travaillons, dans le fond, à l'atteinte de la
parité depuis plusieurs années. On accentuait, évidemment, nos gestes dans la
période des élections. La loi électorale actuelle, on a déjà abordé le sujet
avec les chefs de partis, qui avaient une façon d'amender, exactement, cette
loi-là.
Maintenant que, dans le fond, il y a ce projet
d'un nouveau mode de scrutin, il faut que... nous, notre but, c'est de
s'assurer qu'à l'intérieur de ça toutes les mesures sur la parité soient mises
à leur maximum, dans le fond, pour contraindre, oui, et en même temps s'assurer
que la parité, à la fin du processus, elle sera atteinte.
Mme LeBel : O.K. Au-delà des
mesures, encore une fois, mais on va y arriver, est-ce que vous pensez que le
fait de changer de mode de scrutin, de proposer un mode de scrutin tel qu'on le
propose dans le projet de loi, pourrait aussi
favoriser la présence des femmes en politique? Parce qu'il y aurait, avec la
proportionnelle, avec, bon, les listes... on pourrait avoir une alternance,
qui sont d'autres mesures de parité mais qui s'appliquent uniquement dans un
mode de scrutin réformé. Est-ce que vous avez réfléchi également à cette
option-là dans un mode de scrutin transformé, si je peux dire comme ça?
Mme Malavoy
(Marie) : Là-dessus, nous
nous sommes donné comme règle de ne pas nous prononcer, pour une simple raison,
c'est que nous sommes un des comités de ce qu'on appelle maintenant le Cercle
des ex-parlementaires, et donc nous ne voulons pas engager tous les anciens
parlementaires.
Mais, si vous
me permettez, ça me donnerait l'occasion de faire référence à un mémoire que
vous avez eu et que moi, j'ai trouvé
remarquable, celui de Mercédez Roberge, qui est une spécialiste des questions
de réformes de scrutin, et elle
montre dans son mémoire que quel que soit le mode de scrutin, là où il y a eu
des mesures contraignantes — elle
parle de mesures structurelles pour la représentation des femmes — il y
a eu des bonds de géant de présence des femmes. Dans certains cas, ce sont des
pays avec un système majoritaire, d'autres, mixte compensatoire, d'autres,
scrutins de liste, et partout... mais c'est vraiment phénoménal.
Donc, ce que
nous croyons, c'est que, peu importe le mode de scrutin, si on a des mesures,
ça va aider. Puis on ne se prononcera pas sur l'autre aspect de la réforme, non
pas qu'on n'ait pas d'idées, mais on n'est pas là pour les partager.
Mme LeBel : ...j'ai bien
compris. Merci. Donc, parlons des mesures. Vous proposez donc l'obligation pour
chaque parti politique de présenter au moins 40 % de femmes lors d'une
élection. Vous nous dites, à la page 5 de votre mémoire, que vous pensez
qu'on doit aborder, malgré que c'est une mesure contraignante... il y doit y
avoir une notion incitative, une approche incitative, plutôt que coercitive...
a plus de chance de succès sur le fond, et vous craignez que le principe des
amendes en effet octroyées aux partis qui ne présentent pas suffisamment de
candidates aux élections laisse la porte ouverte à la possibilité de payer
l'amende au lieu de se conformer à la loi. Effectivement, ça fait partie
d'arguments contre une amende.
Je veux juste
voir comment ça s'articule, parce que vous nous proposez de mettre 40 %,
donc il y a une mesure contraignante, une obligation, mais de
récompenser sur le taux d'élues. Donc, qu'est-ce que je fais, moi, à un parti
qui a fait 30 % de candidatures... nécessairement, n'aura pas le taux
d'élues, n'aura pas de récompense, mais n'aura pas de... je vais dire
«punition», mais n'aura pas de conséquence? C'est le terme que je cherchais.
Et, on l'a bien dit ici, je pourrais, comme parti politique, présenter
60 % de candidates et n'obtenir que 30 % parce que les citoyens se
seront prononcés, on n'a pas de contrôle sur l'élection. J'ai un certain
contrôle, comme parti politique, avec toutes les
contraintes de convaincre, là, mais on en parlera, comme vous dites, dans un
autre forum. Comme parti politique, j'ai théoriquement le contrôle sur
les personnes que je présente, c'est variable, mais je l'ai, mais je n'ai pas
le contrôle sur la décision des gens.
Donc, vous nous proposez de mettre une mesure
contraignante de 40 % de candidates, mais de récompenser les élues, le pourcentage d'élues. Alors,
honnêtement, je comprends le principe de la mesure contraignante, je
comprends le principe
que l'amende peut être contournée par les partis qui auront peut-être plus les
moyens, mais je ne comprends pas comment un parti va se dire :
Bien, aïe! Je n'ai pas le choix de présenter 40 % parce que je vais me
faire taper sur les doigts, alors qu'il pourrait présenter le 40 %, il
pourrait faire... respecter la contrainte et quand même avoir un taux
d'élection faible ou trop faible pour avoir la récompense. Alors, je veux juste
comprendre comment vous avez songé à cette mécanique-là.
• (17 h 40) •
Mme Malavoy
(Marie) : En fait, ce qu'il
faut retenir d'abord, c'est que nous croyons, en tenant compte, aussi, un peu de notre culture au Québec,
que le modèle incitatif risque d'être plus accrocheur, si je peux dire, que
simplement les pénalités. Et on a vu des pays, entre autres... permettez-moi de
citer la France, parce que c'est un pays qui a vécu ce problème-là, ils ont des...
une loi sur la parité depuis longtemps, mais il y a des partis politiques qui
se moquent complètement de l'atteinte des
objectifs et ils préfèrent... et ils le disent et, à la limite, ils s'en
vantent, ils aiment mieux payer l'amende, bon.
Mais c'est un fait que, pour nous, ce qui est
important, c'est d'avoir quelque chose où nous disons une bonification du
financement si on atteint le pourcentage d'élues, parce que seulement les
candidatures, si ça ne se traduit pas en sièges pour des femmes au Parlement,
ça peut rester simplement une volonté un peu molle. Ce que ça implique, entre
autres, c'est que les femmes soient dans des circonscriptions que l'on
considère gagnables par les partis politiques. Ça veut dire qu'on ne va pas
remplir des cases simplement sans tenir compte de la possibilité de se faire
élire. Et donc, si on veut avoir 40 % d'élues, bien, les femmes vont être
dans des circonscriptions où il y a des chances de remporter la victoire, au
moins pour une bonne partie.
Il y a des gens qui sont venus vous parler
d'amendes ou de pénalités, il y en a d'ailleurs un peu dans le projet de loi.
Ce n'est pas qu'on soit absolument contre l'idée d'avoir des pénalités si on
n'a pas les objectifs de candidature, hein, c'est de ça dont vous
parlez. Parce que, pour ce qui est des élues, nous, on parle de bonification.
Mais, si vous choisissez... puis on ne s'opposera pas à ça, là, mais, si vous
choisissez malgré tout des amendes, il faudrait qu'elles soient quand même plus
solides un peu que ce qui est prévu dans le projet de loi. C'est trop mince parce
que, là, les partis politiques risquent d'être tentés de ne pas suivre la loi
jusqu'au bout et de payer plutôt les amendes.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Excusez, je dois passer la parole à la députée de Bourassa-Sauvé. Parité, hein? Mme la
députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Bonjour, mesdames. Vous allez avoir l'occasion de
développer, justement, sur le même thème que la ministre aborde. Je vous
comprends bien, vous nous dites : Cette question de parité, ça touche les
droits et les libertés fondamentales et ça
devrait être, d'une certaine façon... en fait, c'est une autre bibitte, si je
peux dire, ou c'est une... bon, il y a le mode de scrutin, mais il y a
ça, et, considérant où on est rendus au sein de la société québécoise, c'est le
temps, il faut aller de l'avant. Il faut donc extraire ceci du projet de loi
comme tel qui serait soumis à un référendum. Expliquez-nous, justement,
l'importance d'y aller maintenant, là, pour que ça ne soit pas simplement une
déclaration de bonnes intentions, mais que ça aille plus loin, et que ça soit
structurant, et que ça soit maintenant et non dans... après les prochaines
élections. Pourquoi il faut que ça soit absolument maintenant?
Mme Théberge (Carole) :
J'aurais le goût de vous dire «c'est parce qu'on est en 2020», mais ça a été
déjà dit dans ce genre-là. Mais c'est surtout que ce principe-là, c'est très
mathématique, en fait. Et on a déjà augmenté le nombre de participations, il y
a eu des bonnes volontés, il y a eu des hasards, il y a tout ça, mais on
s'aperçoit... puis nous, on travaille là-dessus, le groupe, depuis
trois ans; moi, avant, avec Groupe Femmes, Politique et Démocratie, dont
je fais encore partie. Comme ministres, on a travaillé, chacun de notre côté,
sur des enjeux semblables et on a... le cheminement, là, on l'a fait, et là on
est rendus à mettre quelque chose de beaucoup plus concret sur la table.
Le côté des amendes, ça, c'est une chose, mais
mathématiquement, si on se... par exemple, si on ne reste que dans la zone
paritaire de 40 %-60 %, 40 %, c'est un plancher. Si on a juste
40 % de femmes, il n'y aura jamais 45 % d'élues, évidemment, on sait
compter, tout le monde. Alors, il faut... et envoyer... une loi comme ça envoie
un signal très clair à la société : Oui aux femmes et oui aux hommes. Et
la société en général, qui a... La place est là, on a le droit d'être là pour
une démocratie qui nous ressemble. Tous ces arguments-là font... j'aurais le
goût de vous dire, il n'y a pas juste une solution. Il faut travailler sur
plusieurs fronts pour faire en sorte que les femmes viennent en politique et
que la... une Assemblée nationale nous ressemble et qui ressemble à la société
dans laquelle on vit.
Alors, c'est dans ce sens-là qu'il faut penser à
plusieurs éléments simultanément et, évidemment, travailler pour ceux qui ont
le plus d'effet. Nous, ça fait plusieurs années qu'on travaille à rencontrer
des femmes, à, disons, les aider, supporter. Ça s'amplifie, avec le club, et
tout ça. Le groupe travaille depuis 20 ans là-dessus. Il y a d'autres
groupes dans la société aussi et on demande, dans le fond, à chaque membre à l'Assemblée
nationale : La société dans laquelle vous aimeriez vivre ressemblerait à
quoi, la place de vos femmes, de vos filles, et tout ça?
Alors, c'est tout ça, globalement, qui fait en
sorte que, si on dit : Une loi ferait en sorte de vraiment donner un
signal très, très, très clair, très clair pour dire : Il y a de la place
pour moi — je
me prends comme une femme qui voudrait se présenter — il y
a de la place pour moi, la société que je vais bâtir, à laquelle je vais
contribuer avec les hommes qui sont autour de la table, parce qu'on travaille,
évidemment, toujours avec les hommes qui sont autour de nous, tout ça ensemble
va faire la différence, à mon avis. Et c'est un moment important de par les...
toutes les marches qui ont été montées depuis, je dirais, bien, évidemment, on
va dire 50 ans, mais ramenons-nous juste dans les 15 dernières années
où on peut vraiment bien suivre. Et à travers le monde, il y a aussi, dans le
fond, des relevés, des historiques qu'on peut suivre les mouvements de ce qui
s'est fait ailleurs.
Mme Robitaille :
Mais, justement, comment on fait ça? Donc, vous dites : Bon, il y a les
candidatures, et il y a, justement...
Les partis devraient soumettre au moins un plan de match, mais un plan de match
beaucoup plus contraignant que ce qu'on dit dans le projet de loi. Vous
parlez d'une zone de 40 %‑60 % pour les candidatures. Donc, madame
disait : Ce n'est pas nécessairement des... ce n'est pas des pénalités,
mais ça serait plutôt des bonifications, des bonus.
Est-ce que, pour les élues, donc, mais... Et puis, pour les élues, c'est autre
chose, et puis le degré de difficulté et de contrôle, si je peux dire,
est beaucoup plus difficile, mais est-ce qu'on agit de la même façon sur les
candidatures que sur, en bout de ligne, les gens qui seront élus? Est-ce que
l'approche devrait être différente?
Mme Théberge (Carole) : Mais la
logique veut que plus il y a de femmes vont se présenter, logiquement, il
devrait y avoir plus d'élues au prorata. On ne contrôle pas le vote, bien
évidemment, mais plus le bassin est large, plus il y a une possibilité qu'il y
ait des élues. Comme je disais, on ne veut pas se prononcer sur le mode de
scrutin comme tel...
Mme Robitaille : Non, ça, je
comprends.
Mme Théberge
(Carole) : ...parce qu'on
n'est pas mandatées pour ça puis on ne voudrait pas créer d'impair, mais
on veut... Notre présence, en fait, fait en sorte qu'on veut s'assurer que la
réflexion se fasse encore plus pointue. Ce
qui est proposé peut être amendé ou... et évidemment sorti du projet de loi
pour ne pas être affecté par un référendum. Ça, c'est prioritaire, ce
volet-là, parce que ça serait fort dommage que les gens réalisent après coup
qu'ils ont mis une croix sur la parité parce que ce n'était pas l'esprit
premier de la présentation à ce moment-là.
Mme Robitaille : Mais je vais...
bien, je vais poser la même question que la ministre. Je comprends pour les
candidatures, on peut bien l'encadrer, on peut mieux l'encadrer, mais, en bout
de ligne, le choix des gens, le choix du peuple, si je puis dire, bien, ça,
qu'est-ce qu'on peut faire? Quoiqu'il y a des circonscriptions qui sont plus
gagnantes pour certains partis que d'autres. Donc, ce que je comprends, c'est
que vous dites : Partis, bien, mettez des femmes où, justement, elles
peuvent peut-être, justement, plus gagner. On ne peut pas... une candidate
poteau, si je puis dire.
• (17 h 50) •
Mme Malavoy (Marie) : Alors,
prenons un scénario, si vous voulez. Un parti qui voudrait avoir vraiment
atteint au moins 40 % d'élues, il sait ça d'avance. Il sait ça pour dans
trois ans... à peu près trois ans, bon, il s'y prend d'avance, d'abord parce que beaucoup de femmes ne se décident pas
longtemps d'avance et que ça prend des mesures pour accompagner leur
démarche, parce qu'il y a un certain nombre d'obstacles soit qui proviennent
d'elles-mêmes, soit qui proviennent de leur
environnement et qui font qu'avant qu'elles disent ce métier-là est pour elles,
ça va prendre beaucoup plus de temps
qu'un homme. Donc, les partis savent ça d'avance, ils auront des mesures d'accompagnement
pour les femmes. Ensuite, comme vous me dites, ils peuvent cibler des comtés où
les chances de l'emporter sont meilleures, ils peuvent avoir des mesures qui
sont encourageantes et ils peuvent, dans le fond, se fixer cet objectif. Mais
ils ont une marge entre 40 % et 60 %, ce n'est pas un quota où on
dit : Il faut que ce soit exactement autant de femmes. Nous pensons que,
dans cette marge de 20 %, il y a vraiment de la place, si on s'y prend
d'avance et si on a des mesures pour accompagner les femmes, pour réussir à
avoir au moins 40 % d'élues.
Mme Robitaille :
Dans un monde idéal, alors, vous mettez la zone pour les candidates et pour les
élues. C'est la même zone, 40 %-60 % pour les élus aussi.
Mme Malavoy (Marie) :
C'est-à-dire que ce qui nous oblige à ça... Quoiqu'il y a des groupes qui sont
venus vous parler de 45 %-55 %, on n'est pas contre ça. Nous, on a
pris la zone plus large parce que, vous l'avez évoqué, on est dans une
démocratie, les gens sont élus, donc ils ne sont pas nommés, donc on ne veut
pas dire : On va nommer 50 % de femmes. Mais on pense qu'entre
40 % et 60 %, vraiment, il y a de la place pour avoir des bonnes
candidatures et des circonscriptions qui permettent aux femmes d'être élues.
Mme
Robitaille : Alors, si je comprends bien, mettons un peu de pression
sur les partis, puis ils s'arrangeront bien pour qu'en bout de ligne on
ait la zone... la zone soit respectée au niveau des candidatures puis,
ultimement, aussi au niveau des élues. Donc, on leur met de la pression, puis
ils trouveront bien.
Mme Malavoy
(Marie) : La preuve en est que c'est vrai qu'à la dernière élection il
y a eu un effort remarquable parce qu'il y avait une pression populaire, parce
qu'on disait : C'est mûr pour qu'il y ait la parité, et les partis et les
chefs de parti se sont démenés pour avoir des candidates. Nous souhaiterions
que cette volonté-là d'abord soit ferme et que la loi les y contraigne, puis
qu'on s'y prenne beaucoup plus d'avance et pas simplement à coup de pressions
populaires.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Merci beaucoup. Merci d'être ici ce soir. Je suis content que vous soyez là
parce que c'est rare que j'ai
l'occasion de discuter avec des intervenants ou des intervenantes qui vont plus
loin que Québec solidaire encore sur la question de la parité. Nous, on
avait formulé une proposition de bonification, pénalisation financière mais seulement pour les candidatures. Puis je
trouve ça intéressant que, comme anciennes parlementaires qui connaissent
bien notre système électoral mais aussi le fonctionnement de l'Assemblée
nationale, vous nous bousculiez à même aller encore plus
loin en disant : Non, il faut même, en fait, faire ça pour le nombre
d'élues. Et j'ai bien entendu vos motivations, donc je ne vous relancerai pas
inutilement là-dessus.
Par contre, vous ne parlez pas d'un autre
aspect, d'une autre mesure de parité qui est présente dans plusieurs endroits où il y a des modes de scrutin où il y a
une composante proportionnelle, c'est-à-dire l'idée de faire une
alternance entre les hommes et les femmes sur les listes de candidatures. Je
vous ai bien entendu dire que, sur la question de la réforme électorale en soi,
vous ne souhaitiez pas vous prononcer, donc je vais formuler ma question en
conséquence. S'il y a un mode de scrutin, au
Québec, qui implique des listes régionales, admettons que c'est fait, ça,
est-ce que ce serait bien ou non qu'il y ait une obligation d'alternance
sur ces listes-là? Autrement dit, entre un système avec listes où il n'y a pas
d'alternance et un système avec listes où il y a alternance, qu'est-ce qui
serait préférable pour atteindre la parité au Québec?
Mme Théberge
(Carole) : Je pense qu'on peut se... Si vous vous rappelez ce que le
Groupe Femmes, Politique et Démocratie a présenté lors de leur présence
ici, c'est probablement la position la plus, évidemment, profitable au fait de
la présence des femmes, je vous répondrais comme ça, le fait de l'alternance
mixte hommes-femmes, ça, c'est sûr. Si on se réfère...
Mme Malavoy (Marie) : Si on
allait là.
Mme Théberge (Carole) : Si on
allait là.
Mme Malavoy (Marie) : Si on
allait du côté d'une liste composée, bon, c'est sûr, à l'évidence, c'est ce qui
permettrait d'avoir le plus de femmes.
Mme Théberge
(Carole) : C'est ça. Parce
que je vous ramène à ce que je disais tout
à l'heure, à la base, plus le
bassin de candidates est élevé, évidemment qu'au final, peut-être pas à la
première élection, mais ça va ne faire qu'augmenter, parce que, là, les
irritants ou les difficultés d'entrée en politique des femmes dont on parlait tout
à l'heure de se reconnaître, d'avoir des modèles, de trouver des solutions,
avoir l'impression de faire la différence, tout ça, ça va jouer puis ça va
continuer à jouer.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
Mme Théberge (Carole) : Ça fait
plaisir.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Rimouski, s'il
vous plaît.
M. LeBel : M. le Président, ça
a évolué beaucoup, ce dossier-là de la parité depuis le temps qu'on en parle. Au Parti
québécois, au dernier congrès, au niveau
de nos statuts, on rend ça obligatoire. On veut arriver au 40 %, c'est obligatoire dans les
statuts, il faut se préparer d'avance. Ce n'est pas facile, il faut passer à
travers les investitures, après ça les élections.
40 % d'élues pour avoir la petite
subvention, je ne sais pas trop quoi, je trouve ça intéressant. Mais votre idée
des comtés sûrs, je vais vous dire, la carte des comtés sûrs a changé beaucoup
depuis les dernières élections, là, ça fait que ce n'est pas évident. À quatre
partis, c'est difficile. La CAQ, avant les dernières élections, il n'y avait
pas de comté sûr. Puis peut-être que les libéraux ont certains comtés sûrs,
mais, à part ça, ça existe plus ou moins. Ça fait que, pour moi, je pense que,
si on veut encourager la parité, il faut aller encore vers les candidatures, à
mon avis.
Je comprends aussi que vous ne voulez pas parler
de la réforme, même si l'arrivée des députés de liste vient, je pense, donner
une chance à la parité, mais vous voulez... vous focussez sur la parité.
Est-ce que vous pensez que, quand on va adopter
le projet de loi, on devrait faire une scission, c'est-à-dire adopter la partie
sur la parité puis la rendre opérationnelle maintenant, et la partie plus
réforme, y aller par un référendum? C'est ça, s'il y avait une motion de
scission pour faire les deux, ce serait une solution?
Mme Malavoy
(Marie) : Absolument,
et nous avons l'impression que le projet
de loi tel qu'il est rédigé actuellement permet cela, d'extraire les articles touchant la parité et de les
mettre en application dès la prochaine élection. Qu'il y ait
référendum ou non, qu'il soit avant ou après, selon ce qui
sera décidé, nous pensons qu'il y a
tout à fait moyen de faire ça. Puis, quand... ce vous évoquiez tout à l'heure,
c'est vrai qu'il y a moins de comtés sûrs, mais, disons, dans les espoirs des
partis, pas forcément...
M. LeBel : Ah! pour espérer, on
espère.
Mme Malavoy (Marie) : ...dans
les réalisations, dans les espoirs des partis...
M. LeBel : Tant qu'il y a de
l'espoir, il y a de la vie.
Mme Malavoy (Marie) : ...tous
les partis, je dirais, ordonnent leurs espoirs, je pourrais dire ça comme ça,
et parfois la réalité ne va pas, évidemment, juste comme on voudrait.
M. LeBel :
On peut espérer, mais on ne contrôle pas le résultat.
Mme Malavoy (Marie) : C'est
sûr.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Marie-Victorin,
s'il vous plaît.
Mme Fournier : Merci beaucoup, mesdames, pour votre présentation bien sentie
concernant la nécessité d'avoir une vraie loi sur la parité, au Québec,
qui sera distincte de celle de la réforme du mode de scrutin. Néanmoins, je
sais que vous ne voulez pas vous prononcer spécifiquement sur les différentes
mesures, mais de par nos discussions avec les différents intervenants, ça a
soulevé certaines interrogations quant aux mécanismes qu'on peut mettre en place
peut-être pour inciter, justement, davantage de femmes à se lancer en politique,
puis je me dis : Bien, si on a un projet de loi comme ça sous les mains,
aussi bien faire le maximum pour que ça puisse, justement, contribuer à faire
en sorte qu'il y ait un plus grand nombre de femmes dans notre Parlement.
La question
de la double candidature, par exemple, le fait qu'on puisse se présenter autant dans
une circonscription qu'être sur une liste présentée par une formation
politique, est-ce que vous considérez, par votre
expérience, que ça peut être quelque
chose qui incite, justement,
les femmes à peut-être tenter leur chance, puisqu'elles ont, par exemple... elles pourraient avoir deux chances de cette façon-là?
Mme Malavoy (Marie) : C'est
difficile pour nous de répondre parce qu'on entre un peu, honnêtement, dans la
réforme elle-même et les types de voies possibles pour se faire élire. Mais je
pourrais juste répondre que, de façon générale, toutes les mesures qui seront
prises et qui permettent à plus de femmes d'être candidates et qui permettent à
plus de femmes d'être élues parce qu'on aura pris les moyens, dans les partis politiques,
pour les aider à se rendre jusque-là, toutes ces mesures-là seront bénéfiques.
Mme Fournier : Très bien.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup
d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est très apprécié.
Cela dit, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise à 19 h 34)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon début de soirée. La Commission des
institutions reprend ses travaux, bien sûr. À toutes les personnes présentes
dans la salle, veuillez éteindre la petite sonnerie de votre appareil électronique.
Un petit rappel du mandat, la commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de
scrutin.
Ce soir, nous
entendrons, entre autres les personnes et groupes suivants : M. Eric Montigny,
directeur scientifique de la Chaire de recherche sur la démocratie et les
institutions parlementaires à l'Université
Laval, ainsi que
M. Darren Hughes, directeur général de l'Electoral Reform Society, directement
de l'Australie. D'ailleurs, M. Hugues sera en visioconférence, et il y
aura traduction simultanée. Et on n'a pas de mémoire de M. Hugues, présentement. Éventuellement, il pourrait nous en
faire parvenir un.
Cela dit, on
commence cependant avec les représentantes du Réseau québécois de l'action
communautaire autonome. Alors,
bonsoir et bienvenue. Je vous laisse faire votre présentation. Comme vous
savez, vous avez 10 minutes, et après ça on a un échange avec les
membres de la commission. Merci beaucoup.
Réseau québécois de l'action communautaire autonome
(RQ-ACA)
Mme Métivier
(Céline) : Merci. Je me
présente, Céline Métivier, je suis agente de recherche au Réseau québécois
de l'action communautaire autonome, RQ-ACA
pour les intimes, et, à côté de moi, Marie-Line Audet, qui est la
présidente du RQ-ACA. Donc, on remercie la commission pour cette
invitation à présenter notre point de vue sur la réforme du mode de scrutin.
D'entrée de jeu, nous désirons mentionner que
nous sommes en faveur d'un mode de scrutin proportionnel et représentatif de la
diversité des opinions. Le RQ-ACA, pour le monde qui ne le connaissent pas, est
l'interlocuteur privilégié du gouvernement en matière d'action communautaire
autonome, représente 57 regroupements et organismes nationaux
d'action communautaire autonome et rejoint au-delà de
4 000 organismes luttant partout au Québec pour une plus grande
justice sociale.
La démocratie et la participation citoyenne sont
au coeur des principes qui guident les actions du mouvement d'action
communautaire autonome. Nous pensons que vivre dans une démocratie signifie que
tout le monde devrait être égal selon la
loi. Par exemple, chaque personne riche ou pauvre a le droit de vote. Ainsi, la
situation économique, le niveau
d'instruction ou de capacité physique d'une personne, le genre, la religion,
l'origine ou la couleur de la peau ne devraient
pas l'empêcher non seulement d'exercer son droit de vote, mais également
d'avoir accès aux sphères décisionnelles, notamment comme député. Cela implique
que l'État doit mettre en place certaines conditions favorables pour soutenir
l'exercice de la démocratie pour les personnes peu ou pas représentées et pour
permettre la participation sociale pleine et entière de toutes les personnes.
Les distorsions créées par le mode de scrutin
uninominal à un tour ne reflètent pas le vote populaire ni la diversité
présente au sein de la population, ce qui alimente le cynisme à l'égard du
gouvernement et entraîne une baisse de participation aux élections. C'est donc
avec grand enthousiasme que le RQ-ACA accueille la volonté du gouvernement de
modifier le mode de scrutin actuel afin qu'il puisse refléter, et là j'ouvre
les guillemets, «plus fidèlement la pluralité et le poids relatif des opinions
et des idées politiques existantes au sein de la société», ferme les
guillemets, tel que formulé dans les considérants au projet de loi. Nous
saluons également l'objectif d'atteindre une meilleure représentation des
électeurs et électrices et de favoriser davantage la présence parmi les députés
notamment des femmes, des jeunes et des personnes issues de la diversité.
Sans prétendre être des experts des modes de
scrutin, nous avons choisi d'exposer quelques-uns des éléments qui apparaissent
problématiques dans le projet de loi au regard notamment des principes qui ont
été énoncés dans les considérants mentionnés en introduction du projet de loi,
mais aussi au regard des droits et des principes qui guident l'action
communautaire autonome.
La pluralité
des opinions et des idées est un principe cher aux organismes communautaires.
Nous pensons que l'Assemblée nationale doit refléter cette pluralité, ce
qui n'est pas le cas avec le mode de scrutin actuel. Je passe la parole à ma
collègue.
• (19 h 40) •
Mme Audet
(Marie-Line) : Oui. Je vais
vous présenter rapidement les principales propositions que l'on souhaite
aborder dans le cadre du mémoire et dans cette présentation-ci.
Tout d'abord,
il est mentionné au projet de loi que, pour participer à l'attribution des
sièges de région, un parti autorisé doit avoir obtenu, à l'échelle du
Québec, au moins 10 % de votes valides exprimés en faveur de l'ensemble de
ses listes régionales de candidats. Ce seuil de 10 % nous apparaît trop
élevé pour refléter une réelle pluralité politique.
Et pourtant cette pluralité pourrait amener les partis politiques à adopter une
nouvelle culture de collaboration au sein de l'Assemblée nationale, ce
qui contribuerait, nous le pensons, à aplanir le cynisme de la population et
permettrait aussi de mieux travailler pour faire avancer les dossiers qui sont
chers aux Québécoises et aux Québécois tout
en respectant la pluralité des idées et des opinions politiques. En ce sens, le
gouvernement actuel a déjà démontré, dans certains dossiers comme celui
des agressions sexuelles, qu'il est bénéfique pour la population de travailler
dans un esprit de collaboration plutôt que de confrontation. Nous proposons
qu'un seuil national d'appui populaire de 3 % soit instauré pour l'accès à
la représentation parlementaire.
Le projet de loi semble avoir aussi une lacune
en termes d'équité régionale. Selon la formule proposée, il en résulterait
qu'une seule députée de compensation serait présente dans au moins quatre
régions, et une autre région n'en aurait simplement aucun. Nous pensons que les
citoyennes et les citoyens de ces régions seraient donc moins bien représentés
au regard du pluralisme politique. Notre souci est vraiment que chaque vote
compte. Et, en vertu du principe d'équité et de la pluralité des opinions
politiques, il est important que la population soit représentée peu importe où
elle habite, donc dans toutes les régions du Québec. Nous proposons que chaque
région dispose d'un minimum de deux sièges de compensation de façon à assurer
un véritable accès à un pluralisme politique à la population québécoise dans
son ensemble, comme à chacune des régions.
Par ailleurs, la participation égalitaire des
femmes, c'est un principe très cher au mouvement communautaire. Et, malgré que
la parité, là, soit mentionnée comme un objectif à atteindre dans les
considérants du projet de loi, ce qu'on voit à l'intérieur du projet de loi
n° 39 est plutôt décevant, c'est-à-dire qu'au lieu de prévoir des mesures
fermes pour assurer des candidatures féminines on demande aux partis de transmettre
au Directeur général des élections un énoncé spécifiant les objectifs que les
partis se fixent puis un rapport sur l'atteinte de ces objectifs-là. Ce qu'on
constate, donc, c'est qu'il n'y a aucune zone paritaire qui est fixée et il n'y
a aucune mesure non plus qui est prévue pour sanctionner les partis qui
n'auraient pas atteint ces objectifs. Ce qu'on propose, c'est que le
financement optimal remis à un parti politique soit celui d'un parti qui
présente au moins 45 % de femmes candidates dans l'ensemble du territoire,
mais aussi fait élire, pour l'ensemble du Québec, 40 % de femmes et plus.
Aussi, dans les considérants, le projet de loi
entend également favoriser la présence à l'Assemblée nationale des jeunes et
des personnes issues de la diversité. Il s'agit, évidemment, d'une bonne
nouvelle pour la participation citoyenne et pour la représentation de la
diversité au sein des institutions québécoises. On pense qu'une véritable
démocratie se doit de refléter l'ensemble de la population avec toutes ses
composantes.
On constate
toutefois que, encore ici, il n'y a aucune mesure concrète qui est prévue dans
le projet de loi pour favoriser cette
diversité-là. On en convient, le défi est grand. Par contre, on pense qu'il
serait dommage de ne pas profiter d'un
nouveau mode de scrutin pour introduire des mesures incitatives qui
encourageraient les partis politiques à présenter des candidatures de
jeunes et de personnes issues de la diversité afin qu'elles correspondent
davantage, dans le fond, au poids démographique de l'électorat québécois. Donc,
ce qu'on propose, c'est que le financement optimal accordé à un parti politique
soit celui accordé à un parti qui présente et fait élire, pour l'ensemble du
Québec, le pourcentage de jeunes et de personnes immigrantes ou racisées qui
correspond à leur part démographique selon les plus récentes statistiques.
En plus de ces
mesures, la loi devrait tenir compte des inégalités socioéconomiques et de la
marginalisation des personnes. Par exemple, l'augmentation du remboursement des
dépenses électorales pourrait être une mesure à étudier pour veiller à la
pleine participation des candidatures d'horizons divers. Pensons notamment aux
personnes moins bien nanties ou des personnes issues de
la diversité sexuelle, des personnes monoparentales ou des personnes qui vivent
avec les limitations fonctionnelles. Ce n'est pas vrai que tout le monde a les
chances égales d'apporter leur contribution et notamment d'être élu à
l'Assemblée nationale.
Aussi, le projet de
loi est silencieux quant à la représentation des Premières Nations. On concède,
encore ici, qu'il serait périlleux de prévoir des mesures les concernant. C'est
effectivement aux Premières Nations elles-mêmes de déterminer quelle forme de représentation elles souhaitent prendre au
sein des institutions démocratiques québécoises. Donc, nous proposons
que l'Assemblée nationale soit à l'écoute des Premières Nations et, le cas
échéant, sur leur positionnement au regard de la vie démocratique et de la
représentation parlementaire sur le territoire québécois.
Finalement,
concernant le référendum, d'emblée nous tenons à signifier que le mouvement
communautaire est un fervent défenseur du droit à la démocratie et à la
participation de tous et toutes aux grands débats de la société. En ce sens, le
référendum est un excellent moyen d'y parvenir. Toutefois, au regard des
travaux des précédents gouvernements et des consultations qui ont déjà été
menées sur la question, il nous apparaît que la tenue d'un référendum n'est pas
indispensable, étant donné l'appui général de la population à la réforme du
mode de scrutin pour un mode de type proportionnel.
Quant
à tenir un référendum en même temps que les élections générales, pour nous, il
s'agit du pire scénario. En fait, on y perçoit un risque de semer la confusion
auprès de la population et on pense que cela pourrait nuire au débat. On pense
que le contexte électoral n'est pas favorable pour débattre de cet enjeu,
principalement parce que les partis politiques et les candidats vont davantage
se concentrer sur leur plateforme électorale plutôt qu'à prendre part au débat
sur le mode de scrutin. Même chose pour les médias ou pour les différentes
tribunes qui sont disponibles, on pense qu'une campagne électorale va gruger
suffisamment d'espace médiatique — en fait, trop d'espace médiatique — pour permettre une réelle place à la
discussion sur l'enjeu du mode de scrutin. C'est pourquoi nous pensons
que le premier ministre doit respecter, tel que stipulé dans l'entente
signée entre les partis politiques, son engagement d'instaurer un nouveau mode de
scrutin proportionnel au Québec d'ici l'élection de 2022.
En
conclusion, le gouvernement doit prendre un leadership fort afin d'assurer le
succès de la réforme électorale, d'abord en faisant les modifications nécessaires
afin que l'Assemblée reflète réellement la diversité de la population, la parité femmes-hommes,
l'équité régionale ainsi que la diversité des opinions et des idées politiques
de tous les partis. Le système électoral actuel est désuet. Il reflète les
façons de faire d'une autre époque et maintient des privilèges qui n'ont pas
lieu d'être et qui sont contestés depuis plusieurs années par différents
mouvements sociaux. Bien sûr, nous sommes conscients des obstacles qu'il reste
à franchir, et c'est pourquoi nous demandons au premier ministre de faire
preuve de courage politique afin de respecter son engagement d'instaurer un
mode de scrutin proportionnel aux élections de 2022.
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre,
s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M.
le Président. Merci de votre
présence, mesdames. Merci de votre témoignage. C'est très important
d'avoir l'opinion de plusieurs acteurs de la société civile, et vous représentez,
donc, les groupes communautaires, donc c'est très pertinent de vous
avoir ce soir pour discuter.
D'entrée
de jeu, je suis contente que vous partagiez notre vision de l'importance de
faire la réforme du mode de scrutin actuel, entre autres, vous l'avez dit, pour favoriser la pluralité des opinions
et un meilleur reflet de la pluralité des opinions qui est adoptée par
les Québécois, naturellement, donc des opinions politiques et un meilleur
reflet du vote des Québécois. Donc, on partage le même objectif.
Maintenant,
souvent... Et tout est dans le comment, ça fait partie des choses qu'on discute
ce soir. Entre autres, vous avez mentionné quelques points. Peut-être
revenir avec vous sur quelques points dans votre mémoire pour pouvoir juste
vous permettre de donner plus d'explications et, des fois, d'aller au-delà de
ce qui est écrit, c'est peut-être plus simple. 3 %, le seuil de
3 %... J'ai bien compris votre commentaire à l'effet que vous trouviez que
le 10 % était trop élevé, mais pourquoi 3 %? Pourquoi pas 5 %?
Mme Audet
(Marie-Line) : On a entendu diverses opinions entre 2 % et
5 % et on a tranché, on a mis 3 %. Non, mais, sans blague, en fait,
on se disait : Si on prenait le 4 millions de votes de personnes
votantes aux dernières élections, mais ça fait quand même, à 3 %,
123 000 votes, environ. Donc, pour nous, quand
123 000 personnes adhèrent à un mouvement politique, il ne s'agit
pas, selon nous, d'un mouvement qui est marginal. Donc, c'est un peu en ce
sens-là qu'on a tranché pour le 3 %. Puis, comme on le voit dans les
dernières années, les plus petits partis peinent déjà à obtenir un 2 % de
votes, donc, à 3 %, on pense que ça permettrait une plus grande pluralité,
sans nécessairement permettre à des mouvements plus marginaux de prendre une
trop grande place.
Mme LeBel : Vous ne le mentionnez pas dans votre... bien, peut-être
que vous le mentionnez dans votre mémoire, je m'excuse si je ne l'ai pas vu en
faisant ma lecture, mais vous n'avez pas l'air de mentionner le nombre de
régions. Donc, j'imagine que vous êtes d'accord avec le fait qu'on ait
17 régions administratives, en tout cas qu'on les maintienne. Étant un
groupe qui représente sûrement des organismes communautaires autonomes partout
sur le territoire du Québec, cette notion d'identité régionale, cet
attachement-là aux régions doit sûrement vous avoir été véhiculé par vos
membres. Peut-être que je vous mets des mots dans la bouche, corrigez-moi,
donc, si je suis sur la mauvaise voie, mais j'en conclus que c'est votre
constat, donc.
• (19 h 50) •
Mme Audet
(Marie-Line) : Bien, il y a deux choses par rapport à ça. D'une part,
effectivement, on est ancrés dans les
différentes régions du Québec, puis je sais qu'il y a beaucoup de
représentations d'acteurs, comme par exemple les
municipalités, qui ont leurs propres enjeux politiques et administratifs. Je
pense, par contre, qu'on ne peut pas dire que l'entièreté de la population des
régions partage nécessairement ces enjeux-là.
Nous, ce qu'on pense, c'est qu'en région le lien
avec le député va être maintenu. On pense qu'il y a des façons, aussi, de faire
bénéficier les députés de meilleurs budgets, par exemple pour pouvoir couvrir
une plus grande circonscription. On pense aussi qu'avec un système
proportionnel... Présentement, un citoyen a accès à un député pour défendre un
cas de comté. En ayant des députés supplémentaires qui seront dans
l'opposition, seront au pouvoir, ça amène, pour nous, au contraire, une
meilleure connexion, si je peux dire, avec le citoyen. Donc, il y a un lien qui
peut être à la fois de proximité, mais aussi diversifié. Je pense que la
population peut se sentir bien représentée par une diversité de partis. Je
pense que ça amène différentes stratégies, peut-être, pour faire avancer ces
dossiers-là. Donc, ça, c'est une chose.
Pour ce qui est du nombre de régions, notre
préoccupation, c'est vraiment que la proportionnelle puisse exister partout en
région, mais aussi le pluralisme politique. Donc, ce qu'on dit, c'est que ce
serait préférable d'avoir un minimum de deux députés de compensation pour qu'il
y ait un réel pluralisme dans les régions qui sont moins populeuses. Pour faire
ça, bien, soit on diminue le nombre de régions... On comprend que, si on veut que
le projet de loi fasse son chemin, c'est une contrainte. On a parlé aussi
d'augmenter le nombre de députés. Je pense que ça peut être une bonne chose.
Ceci dit, il ne faut pas nécessairement que les nouveaux députés qu'on ajoute
se retrouvent encore dans les grands centres, qui sont plus populeux, donc.
Puis on n'est pas dans la mécanique en tant que telle, mais ce qu'on dit, c'est qu'il doit y avoir un minimum de deux partout.
Donc, pour ces quatre ou cinq régions là qui, présentement, seraient défavorisées,
bien, on pense qu'il y a un contrepoids à faire là sans être dans la
proportionnelle pure, en fait, là.
Mme LeBel : Vous m'amenez...
D'ailleurs, vos commentaires précédents m'amènent peut-être sur une autre
question qu'on n'a pas... que vous n'avez pas abordée dans votre présentation,
et je pense que c'est important d'en parler également. Vous parlez du... Bon,
dans... Comme les organismes communautaires sont extrêmement bien ancrés dans
les régions, ils sont bien ancrés aussi dans les circonscriptions, ont le
député avec qui ils font affaire. Et je constate de vos propos que vous ne
craignez pas, justement, cette transformation-là parce que certaines... surtout
les représentations, bon, des MRC, les maires, les préfets nous ont dit qu'il y
avait une certaine crainte ou, à tout le moins, un certain... une zone d'ombre
par rapport au rôle des deux députés parce qu'ils vont entrer par deux portes
différentes. Moi, je dis que c'est deux députés de l'Assemblée nationale, mais
qui vont avoir accès à l'Assemblée nationale
soit par la porte des circonscriptions, qui est la porte qu'on connaît
traditionnellement, ou la porte des régions, qui est le député qui servira,
justement, à la compensation et à faire en sorte qu'on ait une meilleure
proportionnalité. Est-ce que je comprends des propos précédents que vous
avez dits que vous ne craignez pas ces deux rôles-là? Vous accueillez même ces
deux... Moi, je vais dire «deux types de
députés», pas parce que je pense qu'ils sont différents, mais c'est parce que
c'est comme ça qu'on les a nommés jusqu'à présent. Donc, vous ne craignez pas
ça, ces deux députés-là, vous pensez que ça va bien fonctionner, malgré tout,
là.
Mme Métivier
(Céline) : Non, on ne craint
pas ça. Au contraire, on constate que, justement... quand on demande d'avoir au
moins deux députés de compensation dans chaque région, c'est justement pour
avoir une diversité. Et, pour les groupes communautaires, d'avoir accès juste à
un député qui n'est pas nécessairement toujours à l'écoute, bien, de pouvoir se
retourner puis d'aller voir d'autres députés, pour nous, c'est un plus, là.
C'est vraiment un plus pour les organismes.
Mme LeBel : Donc, vous voyez ça
comme un atout et non pas comme une crainte.
Mme Métivier (Céline) : Oui,
oui.
Mme LeBel :
Parfait. Peut-être on va aller sur les mesures de parité que vous avez
mentionnées. De façon plus précise, vous mentionnez, bon, deux types de
mesures, mais je vais parler de la parité hommes-femmes pour commencer, si vous
permettez. Donc, ce que vous nous
incitez à faire, c'est mettre des mesures un peu plus précises, un peu plus
contraignantes, si je comprends bien votre propos précédent. Vous
suggérez — et là
c'est peut-être là que vous allez pouvoir m'aider un peu — que «le financement optimal soit accordé à
un parti politique qui présente au moins 45 % de femmes candidates dans
l'ensemble du territoire» et qui «fait élire, pour l'ensemble du territoire,
45 % de femmes et plus».
C'est-tu «et»? C'est-tu «ou»? C'est très
important, parce qu'on veut avoir des mesures qui sont quand même ancrées dans
la réalité des partis politiques. Je suis pour favoriser plus de femmes en
politique, mais je veux aussi qu'il y ait une faisabilité, au bout du compte.
Et là on en a débattu avec les groupes précédents, de contrôler le nombre de
candidates. On pourrait, d'entrée de jeu, dire que c'est plus simple. Il y a
quand même des difficultés. On a plusieurs
façons de présenter des candidates auxquelles... il faut tenir compte des
réalités des partis politiques, mais c'est tout de même plus imaginable d'avoir
le contrôle sur la présentation des candidates que sur les élections. Et là
vous nous parlez de financement
optimal si on présente 45 % puis on fait élire 45 %. J'en suis pour
la théorie et les objectifs, mais, pratico-pratique, vous voyez ça comment? Et
qu'est-ce qui se passe... c'est quoi, la punition? C'est quoi, le financement
non optimal? Qu'est-ce qui se passe pour les partis qui veulent, qui
tentent, qui essaient, qui ont la volonté, mais qui n'y arrivent pas?
Mme Audet (Marie-Line) : Bien,
on a pris une approche de financement optimal parce qu'on ne voulait pas
nécessairement imposer une pénalité ou mettre un boni. Ça fait que vous
comprendrez que le meilleur financement public va effectivement à un parti politique qui
ferait élire plus de 45 % de femmes. Évidemment, pour faire élire plus de
45 % de femmes, il doit y avoir plus de 45 % de candidates. On pense
que c'est une étape avant l'autre. Donc,
un parti qui présente 45 % de candidates pourrait avoir une
bonification — ou une
pénalité pour ceux qui ne le font pas — et un groupe qui ferait élire plus de
45 % de femmes, mais il y aurait une autre bonification qui serait
supplémentaire.
Mme LeBel : ...excusez-moi de vous... Donc, vos deux mesures sont
indépendantes une de l'autre, là. Il y a un...
Mme Audet (Marie-Line) : Bien,
elles s'additionnent.
Mme LeBel : Elles
s'additionnent, mais ce n'est pas les deux conditions pour avoir...
Mme Audet (Marie-Line) : Non.
Mme LeBel : O.K., parfait.
Mme Audet (Marie-Line) : Non.
C'est une bonne précision.
Mme LeBel : Oui, puis je
voulais juste être sûre que je vous comprenais bien, parce que des fois on...
Et là je vais
vous ramener sur la pluralité des opinions, qui est le premier élément que vous
nous avez mentionné, le fondement de l'action communautaire autonome et la base
de votre appui à la réforme du mode de scrutin. Plusieurs partis
émergents sont venus nous dire que de mettre des seuils tels que 40 %,
45 % ferait en sorte de tuer un peu leur croissance
parce que ça leur imposerait une charge indue, si on veut, même s'ils sont
volontaires, même s'ils appuient la présence des femmes en politique et
qu'ils voudraient bien... Quand on est un parti qui commence, déjà, recruter, à
la base, sous le couvert... sous le
parapluie de notre formation politique, de notre pensée politique... mais, si
en plus on a la contrainte du 45 %, si en plus on est punis, parce
qu'on... soit bonifiés ou punis, on finit par avoir moins d'argent si on
n'atteint pas les objectifs, peu importe par quel bout de la lorgnette on le
prend. Et ils nous ont demandé de mettre des objectifs, mais pas trop
contraignants, justement au nom de la pluralité des opinions politiques. Comme
c'était votre premier argument, votre porte-étendard, je me demande comment
vous conciliez les deux.
Mme Audet
(Marie-Line) : Bien, en
fait, c'est sûr que de remettre la responsabilité de la diversité de
l'Assemblée aux mains des partis, ce n'est pas une mince tâche. Par
contre, on pense que c'est l'occasion, dans le projet de loi, de remettre des
outils aux partis politiques. Je pense qu'on le fait en choisissant de faire
des listes régionales fermées qui peuvent
permettre, dans le fond, d'aider les partis politiques à faire élire plus de
femmes. Je pense aussi qu'on pourrait favoriser la double candidature, parce
qu'une femme pourrait aussi, si elle n'est pas élue comme... circonscription,
mais elle peut avoir quand même obtenu un bon appui de la population et être
élue sur une base régionale. Donc, je pense que c'est de partager un peu
cette responsabilité-là avec les partis politiques.
Je comprends que les partis émergents ont
peut-être moins... sont peut-être moins ancrés, et on gagne plus à se faire...
connu. En fait, pour convaincre une femme d'aller en politique, c'est sûr que
de faire le saut, c'est déjà un pas, mais de
le faire pour un groupe qui est moins connu, qui est plus émergent, qui a moins
de chances de se faire élire, c'est
un défi supplémentaire. Ceci dit, je pense que, dans toutes les idéologies ou
dans toutes les idées de pensée, les femmes ont leur place. Que ce soit
45 % ou 35 %, ça ne se fait pas en un jour, dans tous les cas, c'est
certain.
Mme LeBel : Puis ce n'est
pas... Je pense que le commentaire des partis politiques qui étaient plus
petits, je vais le dire comme ça, qui ont plus de difficultés à émerger n'était
pas du fait que les femmes n'avaient pas leur place,
mais de la difficulté de recruter. Quand on leur met un quota qui est aussi
ferme et aussi contraignant que 45 %, bien — je paraphrase leur opinion pour voir
qu'est-ce que vous en pensez — ils se trouvent à être désavantagés.
Donc, qu'est-ce que vous nous proposez, à ce moment-là, dans votre commentaire,
c'est d'avoir peut-être un peu plus de souplesse sur les seuils, mais des
alternatives telles que la double candidature, l'alternance sur les listes,
etc., pour permettre de peut-être... Parce que c'est des vases communicants,
tout ça, hein? Quand on met plus l'accent sur un principe, nécessairement...
vous l'avez vu tantôt avec les régions, si on ajoute des régions ou on diminue
le nombre des régions par rapport au nombre
de députés de compensation qu'il pourrait y avoir, obligatoires ou non, ce sont
tous des vases communicants. Donc, vous nous dites qu'on pourrait
peut-être faire preuve de souplesse sur les seuils, mais mettre d'autres
mesures pour ne pas non plus bloquer la montée ou l'émergence de ces partis-là
qui ne pourraient pas présenter ou qui pourraient être pénalisés, là. Est-ce
que c'est ce que vous nous dites?
Mme Métivier
(Céline) : Ça m'amène à une
réflexion, quand même. Ça veut dire qu'on prend pour acquis, au départ, qu'on
pourrait... que, finalement, un parti, au départ, est composé d'hommes, en tout
cas, ou majoritairement d'hommes. Tu
sais, c'est comme un peu bizarre, comme principe de base, parce que,
normalement, tout parti, mettons, qui est plus émergent devrait avoir, à cette
situation-là présente actuellement en 2020, une volonté d'avoir la parité,
là, dès le départ. Ça fait que c'est un peu spécial de dire que des partis vont
être défavorisés parce que c'est des petits partis puis qu'ils ne seront pas
capables de présenter autant de femmes. En tout cas, c'est une réflexion.
• (20 heures) •
Mme LeBel : ...parole. Je vous
mentionnais ce qui avait été mentionné par les partis qui sont plus émergents,
si je veux, puis je pense que ce n'était pas une question de volonté de
présenter. Mais, pour avoir fait partie de l'équipe qui a
procédé au recrutement des candidates qui se sont présentées en 2018 pour la
CAQ, malgré la position qu'on pourrait prétendre avantageuse à un certain
moment donné, il y a quand même une difficulté de recrutement chez les femmes.
Il y a d'autres phénomènes à ça, je pense qu'on ne peut pas le nier. Et ce qu'ils nous disaient, ce n'est pas : On
n'a pas la volonté de le faire, mais que, si en plus on nous met... on a déjà
du mal à recruter des candidats partout déjà, si on nous met une contrainte...
Mais je voulais juste voir votre position par rapport à ça, parce
que ça nous a été mentionné. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous
plaît.
Mme Robitaille : Merci, M. le
Président. Merci, mesdames. Votre point de vue est important. Les groupes
communautaires, j'en rencontre à tous les jours, plusieurs, même, durant une
journée dans mon comté, quand je suis là. Et c'est très important, on veut
travailler avec vous, on veut faire une différence, on approche les ministres
pour essayer de défendre vos points de vue.
Maintenant, je regarde le projet de loi devant
moi, puis là je me dis : Bien, moi, je travaille très fort avec mes
groupes communautaires. Là, je vais probablement hériter aussi des groupes
communautaires de mon collègue de Rivière-des-Prairies, par exemple, parce que les circonscriptions vont être beaucoup plus
grandes. Alors, expliquez-moi... vous en avez parlé à la ministre, mais comment
un député... Est-ce que qu'il n'y a pas... De toute évidence,
l'efficacité du député, s'il a beaucoup plus que ce qu'il a en ce moment à
défendre, comment peut-il être optimal? Comment cette efficacité-là peut-elle
être optimale? Puisque je devrai, moi, représenter beaucoup plus de groupes que
j'en ai actuellement, donc, ça va être extrêmement difficile. Et ça, c'est moi,
Bourassa-Sauvé, où là, moi, je suis à Montréal, mais ailleurs, à l'extérieur de
Montréal, la circonscription va être encore plus grande, le député de Matane en
a parlé. Alors, expliquez-moi comment moi... comment mon travail va changer et
comment je pourrais être aussi efficace.
Mme Audet (Marie-Line) : Bien, d'une part, comme on l'a mentionné, je pense
qu'il y a lieu d'avoir une réflexion sur les... en fait, sur le budget qu'on
alloue à chacun des bureaux de comté pour avoir peut-être plus de personnel.
En même temps, si on reste avec 125 députés, il y en a toujours autant,
donc il s'agit de travailler ensemble différemment. Peut-être que, naturellement,
au fil du temps, il y a, bien, des spécialités qui peuvent se dessiner, un
partage du type de dossiers entre collègues. Je pense qu'au final il n'y aura
pas moins de députés qu'il y en avait. Donc, je comprends qu'il y a un
redécoupage différent, il y a peut-être des ressources à allouer différemment.
Mais on pense que d'avoir une pluralité, en fait, un accès à plusieurs députés
avec des idées différentes aussi, bien, ça nous amène à travailler différemment
avec un ou un autre, ou avec les deux, ou les trois.
Mme Robitaille : On avait des représentants des municipalités, la ministre
en a parlé tout à l'heure, bien, qui nous disaient : Bien, nous, ça
compliquerait notre travail parce qu'il faudrait justement aller voir le député
circonscription, puis
ensuite il faudrait aller voir le député de liste, et puis finalement on
dédoublerait notre travail, et, dans ce sens-là, encore une fois, ce
n'est pas efficace. Qu'est-ce que vous leur répondez?
Mme Audet
(Marie-Line) : Je leur
répondrais que, nous, comme groupes communautaires, des fois il faut cogner à
chacune des municipalités de notre région pour avoir un appui sur quelque chose. C'est un travail qui se fait. C'est un travail de collaboration
qu'on développe à long terme. Puis il y a des mécanismes, hein, il y a des
moments, il y a des caucus régionaux, il y a des lieux, je pense, où on peut
aborder directement des dossiers avec un ensemble de députés.
Mme Robitaille : Là, on a 125 comtés, 125 députés. Vous
savez à qui vous adresser dans votre comté à vous, c'est simple, ce
n'est pas compliqué. Là, avec ce projet de loi là, ça complexifie tout, là.
Vous allez devoir aller voir deux ou trois députés, dépendant d'où vous êtes,
dépendant d'un peu... les partis qui vont être élus. Pourquoi vous... Pourquoi
aller de... Pourquoi aller choisir cette voie-là?
Mme Métivier
(Céline) : Bien, ces
temps-ci, ce n'est pas si simple non plus, hein? Ça peut être compliqué de
rencontrer, peut-être, un député qui n'est
pas ouvert à nos idées, mais c'est le seul député qu'il y a dans cette
région-là, alors qu'il pourrait y en avoir d'autres. Donc, pour nous,
c'est plus simplifié que compliqué, là, le nouveau système.
Mme Robitaille : Les députés
pourraient s'opposer aussi, puis là, finalement, c'est le chaos.
Mme Métivier (Céline) : Ah!
oui, oui, ils pourraient s'opposer. On le voit aussi, là.
Mme Robitaille : La représentativité... Encore une fois, le
citoyen va voir son député, c'est simple. Le citoyen va élire quelqu'un.
Même l'association du parti dans le comté va choisir un individu. Il y a eu un
engagement citoyen qui est là. Dans le nouveau système ou le système qu'on a
proposé, on dirait que le citoyen devient un peu déconnecté de son choix
démocratique, d'une certaine façon, parce que, oui, il va choisir quelqu'un, le
député de circonscription, mais le député de liste, le député régional,
celui-là, par contre, ça sera le parti ou les partis qui vont les choisir, donc
on dit que c'est, finalement, les apparatchiks, si je puis dire, des partis qui
vont avoir le gros bout du bâton. Ça, ça ne vous dérange pas que, finalement,
vous n'ayez pas de prise sur ces députés de liste là? Est-ce qu'il n'y a pas
une déconnexion entre le citoyen puis ces députés de liste, qui, finalement,
seront choisis par la direction du parti, puis que,
finalement, n'a rien à voir avec vous, et puis que, finalement, ils vont être
dans le comté, mais les gens n'auront pas voté physiquement pour la personne,
mais qui vont être imposés par le parti? Est-ce que ça, ça ne vous dérange pas?
Mme Audet (Marie-Line) : Bien,
vous savez, il y a beaucoup, beaucoup de gens qui votent pour des partis puis
qui ne les représentent pas. C'est-à-dire que leur... ils vont avoir voté pour
un candidat ou pour un parti, ce n'est pas celui qui va remporter, au final.
Donc, en ayant accès... en votant pour un parti, ça vient ajouter, je pense, au
pluralisme, à l'entièreté des idées. Donc, si un citoyen ne se reconnaît pas
dans ce qui est souvent véhiculé... Puis on ne se le cachera pas, là, souvent,
il y a un vote stratégique, là. Si je ne vote pas pour lui, c'est lui qui va
rentrer, ça fait que, là, je vais voter stratégique sur cette question-là,
mais, de façon générale, le parti qui rejoint le plus mes idéologies, c'est
celui-là. Donc, à notre sens à nous, chaque vote va compter davantage s'il y a
une pluralité puis s'il y a différents porte-parole pour ce même citoyen là,
qui a voté ou non pour son député de circonscription.
Mme Robitaille : Mais là moi,
j'ai l'impression... puis confortez-moi, là, mais j'ai l'impression qu'on
risque de déshumaniser l'affaire parce qu'on va voter pour un parti, mais on ne
va pas voter pour une personne. Moi, je peux voter pour quelqu'un dans mon
comté, je ne suis pas superenthousiaste du parti comme tel, mais je le sais,
qu'il est superefficace puis je vais voter pour lui. Là, maintenant, on dilue
ça un peu. Ça ne vous inquiète pas?
Mme Audet
(Marie-Line) : Bien, moi, je
trouve que c'est toute la beauté, en fait, du mode de scrutin proportionnel
avec les listes, c'est qu'on peut voter pour le candidat de notre choix dans
notre circonscription, mais on peut aussi pour le parti pour lequel on veut
qu'il soit présent à l'Assemblée nationale et dans notre comté. Donc, pour nous... En fait, j'ai l'impression
que c'est un peu le meilleur des deux mondes, là.
Mme Robitaille : Mais là, si je
vous entends, tant et aussi longtemps que ce ne soit pas 10 %, mais que ce
soit plus 2 %, là, pour la distorsion, c'est ce que je comprends, parce
que, sinon, on en revient au même, là.
Mme Audet (Marie-Line) : Bien,
en fait, ce qui serait intéressant, c'est qu'un parti qui a des appuis... Tu
sais, un parti peut avoir 20 % de votes dans une circonscription, mais ne
pas avoir le seuil de 10 % au national, donc ne s'y retrouvera pas. Donc,
effectivement, ça prend un seuil qui rend plus facile l'élection par les
listes, dans le fond, surtout en région, où il y a moins de sièges de
compensation.
Mme Robitaille : Puis, si le
seuil reste à 10 %, est-ce que ça vaut la peine?
Mme Audet (Marie-Line) : Bien,
on n'est pas des spécialistes du tout des calculs puis des méthodes mises de
l'avant, ça fait que nous, on y va, en fait... Puis je pense qu'il y a eu
beaucoup de représentations en ce sens-là. En fait, ce qui nous apparaît, c'est
que 3 %, c'est un seuil qui le permet. Sinon, est-ce qu'on jette l'eau
avec le bébé du bain? Je ne sais pas si je me rends jusque-là, mais ce n'est
pas tout noir ou tout blanc, là, tu sais.
Mme Robitaille :
Oui, parce que, tu sais, si c'est pire que c'est maintenant, bien, on ne veut
pas aller de l'avant, là. Alors, est-ce que 10 %, c'est correct pour vous?
C'est mieux que ce qu'on a en ce moment? Je veux juste me situer, là.
Mme Audet
(Marie-Line) : Bien, si on a
à choisir entre un seuil puis le mode de scrutin proportionnel en soi,
clairement on a un préjugé favorable pour la proportionnalité. Ça, c'est clair,
là.
Mme Robitaille : Parce qu'en
bout de ligne, là, finalement, c'est des calculs qui font en sorte qu'on a tant
de députés d'un parti, tant d'un autre. Ça aussi, ça occulte un petit peu, là,
tout l'exercice démocratique, non? Parce que, là, tu sais, pour les députés de
liste, là, il y a un calcul qui se fait qui est assez compliqué.
• (20 h 10) •
Mme Audet (Marie-Line) : Oui,
tout à fait, puis en fait... Puis c'est... D'ailleurs, ça me permet de rebondir
un peu sur la question du référendum. Nous, on ne pense pas qu'un référendum
est nécessaire. Ceci dit, si on doit en faire un, là, on voit sa pertinence
après deux ou trois élections parce que, justement, on va avoir eu le temps de
se familiariser avec la mécanique puis de
vraiment comprendre les conséquences.
Parce que, là, on se base sur des chiffres d'une dernière élection qui n'a pas été faite
selon le mode en question. Donc, moi, je pense que la population
québécoise est tout à fait capable de se faire une
idée, surtout après l'avoir expérimenté, va être en mesure de tout à fait bien
saisir, peu importe la méthode de calcul, mais va être capable de comprendre
les conséquences.
Mme Robitaille : Merci. Merci,
mesdames.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Merci. Bonsoir, en fait. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Vous
proposez, comme d'autres groupes sont venus le faire avant vous, qu'il y ait un
minimum de deux sièges de compensation par région. À moins qu'on en retire plus
que ce qu'on fait déjà à certaines régions, ça impliquerait d'augmenter le
nombre de députés. Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui voient dans cette augmentation
du nombre de députés un
gros problème, notamment parce
que ça va coûter plus cher, parce que
ça va bouleverser une tradition parlementaire
bien établie puis que ça va décourager les gens d'être en faveur de la réforme
du mode de scrutin?
Mme Audet (Marie-Line) : Bien, je ne sais pas on est une population
de combien au Québec, mais 129 députés, par exemple, ne me
semble pas être exagéré. Puis, pour ce qui est de retirer des sièges à
certaines régions, c'est sûr que nous, sans
appliquer une proportionnelle pure, on est d'avis que les grands centres ont un
poids politique et un poids économique qui s'y ajoutent en
plus du poids démographique, donc on ne pense pas créer un déséquilibre phénoménal, là.
Mme Métivier
(Céline) : Ce qui nous a fait parler de ça un peu, c'est qu'on s'est
rendu compte, là, avec, là, ce qu'il y avait comme études, qu'à partir du
projet de loi il y aurait des régions qui auraient juste un seul député de
compensation puis une région qui en aurait zéro. Puis là, on tombe... On
regarde, c'est l'Abitibi-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent,
la Côte-Nord, la Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine
puis le Nord-du-Québec. Bien là, on se dit, ils sont vraiment défavorisés, là, tu sais, c'est des
grandes régions. Donc, ça nous a fait penser qu'il faut absolument qu'il y ait
des sièges de compensation, au moins un minimum de deux par région.
Mme Audet
(Marie-Line) : Et j'ajouterais que la démocratie n'a pas de prix.
M. Nadeau-Dubois :
Je suis bien d'accord avec vous. S'il
y avait un référendum, s'il y en avait un, que pensez-vous de l'idée qu'il se tienne pendant l'élection
générale? Est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise chose, selon vous?
Mme Audet (Marie-Line) : Bien, nous, on pense que ça va semer une certaine
confusion. Clairement, s'il y a un projet de référendum, on doit y
accorder toute l'importance et lui donner toutes les modalités. Et puis
d'ailleurs on a vu, là, tous les amendements proposés, là, seulement pour le
référendum, puis, à notre sens, on n'a pas pu avoir un débat sain, seulement
sur la question du référendum, avec quelles modalités ça s'appliquerait, et
tout ça. Mais ça nous apparaît clair qu'en temps de campagne électorale, bien,
déjà nos médias, nos élus, nos militants, les gens sont déjà hypersollicités
pour contribuer aux campagnes électorales, donc, pour nous, d'avoir deux
campagnes en même temps sur deux sujets qui sont, somme toute, différents, et
dont un qui est... qui n'est pas si complexe, mais qui demande une
compréhension plus fine, donc on est au-delà de l'argument de deux minutes, là,
sur un clip Facebook, là, je pense qu'il
faut prendre le temps de bien le faire et, pour ça, bien, il faut... En temps
d'élection, ce n'est pas l'idéal. Puis, bien, idéalement, on le ferait
même après avoir expérimenté parce que, là, les débats porteraient sur ce que
l'on connaît et ce que l'on... En fait, ce
serait beaucoup plus facile de pouvoir trancher, après, entre deux modèles, une
fois qu'on a expérimenté les deux modèles et qu'il y a des peurs, peut-être
indues, qui ne seraient plus présentes à ce moment-là.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Bonsoir. De la manière que c'est parti là, là, ça veut
dire qu'en juin, peut-être, cette
année on pourrait adopter le projet de loi, on va mettre ça sur la glace, en
mai 2022 on ressort ça, on part un référendum sur la réforme pendant la piscine, les barbecues,
tout ça, pendant l'été, et en septembre on part une campagne nationale générale, et en octobre, on vote, on mêle les deux
affaires. C'est comme ça, là, que ça s'enligne aussi si, mettons, qu'on
passe à travers.
La ministre dit que
c'est mieux, faire ça comme ça, parce qu'en faisant la journée du vote on va
attirer... il va y avoir plus de participation. Vous êtes des militantes, vous êtes du mouvement communautaire, je le
connais, c'est capable de mobiliser. Pensez-vous qu'on fait un référendum
l'année prochaine... On l'adopte, là, puis, l'année prochaine, on fait
un référendum là-dessus, pensez-vous que le mouvement communautaire va se
mobiliser ou pas pour essayer... pour s'assurer qu'il y ait du monde qui participe au vote? Est-ce que vous ne
pensez pas que ça peut devenir un projet social intéressant qui va mobiliser
les Québécois?
Mme Métivier
(Céline) : C'est une grosse question, hein?
Mme Audet
(Marie-Line) : Bien, je pense
que oui, mais je pense qu'il
faut se donner le temps de le faire, si on veut
bien le faire. Vous l'avez nommé, là, toutes les conditions, pendant
l'été, en fin d'année, ce n'est certainement pas l'idéal. Est-ce qu'on a là l'occasion
d'avoir un débat plus approfondi? Je pense que oui, avoir une réflexion sur nos
institutions publiques et instances démocratiques au Québec de façon plus
large.
Ceci
dit, nous, on intervient avec, souvent, des personnes plus vulnérables, des
personnes qui n'ont pas toutes les conditions gagnantes pour agir pleinement
dans leur vie, donc, déjà, d'aborder des sujets plus complexes qui les amènent
plus loin de ce que je vais manger pour souper, pour nous, ça demande un pas de
plus. Si on veut le faire en ce sens-là, mais il faut mettre en place toutes
les modalités pour bien le faire.
Puis, non, pendant
les élections ou à l'été 2022, ça ne nous apparaît pas être le meilleur moment
pour le faire.
Mme Métivier (Céline) : Tu sais, si on pouvait adopter le projet de loi et, après, prendre le
temps d'expliquer comment ça va
s'appliquer, ce nouveau mode de scrutin, ce serait vraiment extraordinaire
parce qu'on pourrait prendre tout le temps pour expliquer aux gens, puis ça va
se passer comme ça, il va y avoir deux bulletins, etc. Je pense qu'on
serait en char, comme on dit.
M. LeBel :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin,
s'il vous plaît.
Mme Fournier :
Merci beaucoup, mesdames, pour votre présentation. J'ai trouvé ça vraiment
intéressant que vous ameniez le point selon lequel la pluralité des
idées au sein même d'une même région, d'un même territoire, c'était, en fait,
une stratégie politique efficace, par exemple, pour des groupes comme le vôtre,
puis je pense qu'on le voit même déjà. Par
exemple, moi, je suis députée à Longueuil, puis on est plusieurs députés qui
partagent ce territoire — je vois mon collègue de Vachon, ici — donc on collabore déjà avec des organismes
communautaires qui, eux, doivent aussi aller faire leurs représentations
auprès d'un certain nombre de députés, qui n'est pas seulement un seul député
comme, par exemple, ailleurs en région.
Donc, j'aimerais que vous nous expliquiez, au
quotidien, comment vous voyez cette stratégie-là... en fait, comment cette
stratégie peut être plus efficace, justement, pour faire avancer vos dossiers
que lorsque vous avez seulement un député ou un ensemble de députés qui sont de
la même formation politique.
Mme Métivier (Céline) : Je te
laisse répondre, tu es en région, toi.
Mme Audet (Marie-Line) : Oui,
bien, en fait, ça dépend c'est quoi, le cas, ça dépend c'est quoi... Parfois,
c'est pratique d'avoir quelqu'un qui est au pouvoir parce que des fois ça peut
être une peccadille à intervenir auprès du cabinet, faire changer des choses,
faire avancer un dossier, le remettre un peu sur le dessus de la pile. Ceci
dit, je pense que les députés de l'opposition le font aussi très bien, là. Je
pense qu'au niveau du gouvernement... Tu sais, tout le monde travaille
ensemble, là, les cabinets, les fonctionnaires, donc, pour nous, ce n'est pas
l'orientation politique qui fait que le député va nous aider plus ou moins.
Ceci dit, il y a des dossiers, des fois,
d'enjeux ou d'envergure où là, bien, on peut se coaliser avec plusieurs députés
pour en faire un enjeu qui peut être local, régional, mais peut devenir
national, donc, à ce moment-là, on ne se restreint pas, là.
Mme Fournier : Tout à
fait. Donc, pour vous, c'est bénéfique, donc, d'avoir des députés de
l'opposition et du gouvernement dans un même territoire, par exemple.
Mme Métivier (Céline) : Ah!
bien oui, tout à fait.
Mme Fournier : C'est
bon. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, et merci beaucoup de votre présentation et de votre
participation aux travaux de la commission.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 20 h 19)
(Reprise à 20 h 20)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux.
Il me fait plaisir, maintenant, d'accueillir
M. Eric Montigny, directeur scientifique de la Chaire de recherche
sur la démocratie et les institutions parlementaires de l'Université Laval.
Alors, bonsoir. Comme vous connaissez le concept, 10 minutes de
présentation et, après ça, période d'échange. Alors, la parole est à vous.
M. Eric Montigny
M. Montigny (Eric) :
Merci, M. le Président. D'abord, c'est un plaisir d'être avec vous aujourd'hui
pour échanger, échanger sur une réforme importante de la loi électorale, une
réforme majeure, une réforme sans précédent en
termes d'avancées, je pense, dans le processus parlementaire, où jamais une
réforme du mode de scrutin n'est allée aussi loin dans le processus
parlementaire que ce projet de loi.
Je ne suis
pas ici pour vous dire comment voter sur le projet de loi, je suis ici
pour échanger avec vous, partager un peu des recherches scientifiques de
la littérature sur le mode de scrutin et je suis ici, dans le fond, pour
présenter le contenu de mon mémoire, qui s'articule autour de
cinq enjeux : premier enjeu, celui sur l'effet sur la stabilité des
gouvernements de la proposition qui est devant nous; deuxième enjeu, l'effet
sur les députés, donc, on parlait de deux types de députés, comment ça se
traduit dans d'autres juridictions qui ont expérimenté ce type-là de réforme;
troisième enjeu, l'effet sur le poids des régions de la réforme, donc comment
ça se traduit en termes de sièges, de répartition
des sièges; quatrième enjeu, celui de l'impact sur la parité hommes-femmes du projet de loi parce qu'il y a des
mesures qui sont proposées; et, finalement, le niveau d'appui nécessaire pour
procéder à une telle réforme.
Donc, je vais tenter d'être bref, mais, premier
élément, sur la stabilité des gouvernements, on doit constater que le système partisan québécois connaît une
ouverture sans précédent depuis quelques législatures. Jamais on n'a vu,
de façon durable, quatre partis représentés faire
leur place à l'Assemblée. Je vous présente un peu des données, là. Si on
reprend la typologie de Vincent Lemieux sur les systèmes partisans, le
système partisan est ouvert lorsqu'il y a plus de 20 % des votes qui sont
attribués aux partis qui ont fini troisième, quatrième, cinquième, sixième,
etc., et à l'inverse, il est fermé. Or, ce
qu'on observe, c'est une ouverture du système partisan qui commence à s'amorcer
depuis 2003 pour atteindre un niveau inégalé maintenant, et tout ça
s'est fait avec le mode de scrutin actuel, uninominal à un tour.
Ceci dit, le projet de loi, ce qu'il nous
propose, c'est quand même une approche qui est modérée sur le plan de la
compensation et de la proportionnalité. C'est-à-dire qu'avec un seuil, par
exemple, de 10 %, une formule de compensation
qui est régionale, c'est un projet de
loi qui assure une certaine stabilité
du système par rapport à d'autres régimes proportionnels compensatoires
qui offrent une plus grande instabilité que celui qui nous est proposé.
Deuxième effet, celui sur les députés. Lorsqu'on
examine la littérature scientifique, il y a des conséquences, il y a des effets
réels sur la vie dans un Parlement lorsqu'on a deux types de députés. Je vous
réfère à un cahier de la Chaire de recherche
de la démocratie et des institutions parlementaires où on a fait un relevé, si
on veut, des différentes études qui portent sur le comportement des
députés dans un système de proportionnelle. Une des conséquences, par exemple, c'est un effet de «shadowing», c'est-à-dire qu'il y a une compétition. Le groupe qui nous précédait, d'ailleurs,
en parlait, qu'il voulait mettre les députés en compétition pour obtenir gain
de cause dans leurs dossiers. Bien, cet effet-là est réel, il y a un effet de
compétition entre des députés... pas nécessairement des députés parce qu'ils
sont dans des partis différents, mais entre les députés de liste et les députés
de circonscription parce que, souvent, les députés de liste veulent devenir des
députés de circonscription. Donc, il y a comme un statut, si on veut,
imaginaire ou réel, entre les niveaux de députés. En tout cas, c'est ce que la
littérature et les recherches nous enseignent.
Troisième élément, l'effet sur le poids des
régions. Alors, je me suis astreint à calculer... à prendre les formules du
projet de loi et calculer, par région, le nombre de sièges, l'attribution des
sièges. C'est intéressant, parce que vous avez — je vous épargne les
calculs — à
la page 9, un peu, le tableau qui représente différents sièges, là, par
région. Donc, il y a des gagnants et il y a des perdants. Il y a des gens qui...
des régions, plutôt, qui ont un effet neutre.
Les gagnants : la Mauricie gagnerait un comté, l'Outaouais gagnerait un
comté, Lanaudière gagnerait un comté, le
Centre-du-Québec gagnerait un comté, selon mes calculs. Maintenant, les
perdants : Montréal perdrait trois comtés, passerait de 27 à
24, la Montérégie, aussi, perdrait un comté. Donc, tout ça, c'est... vous avez
la méthodologie dans le mémoire, mais c'est
à partir de la population en termes d'électeurs par
circonscription du dernier scrutin. Donc, il y a des arbitrages à faire
parce qu'il y a effectivement des circonscriptions qui, actuellement,
chevauchent deux régions administratives, donc il faut les attribuer dans
une région ou l'autre.
L'autre effet
par rapport aux régions, c'est que certaines régions, comme la Côte-Nord, par
exemple, ou la Gaspésie, ne perdraient pas en termes numériques de sièges, mais
les circonscriptions qui seraient les leurs auraient des tailles importantes.
Par exemple, sur la Côte-Nord, ce serait Duplessis et René-Lévesque qui
seraient une circonscription. Donc, le député de liste et le député de
circonscription auraient la même... tous les deux la même circonscription en
termes réels de géographie de territoire. Donc, en Gaspésie, le même phénomène
serait observé.
Pour ce qui est de la parité hommes-femmes,
maintenant, ce qu'on voit dans le projet de loi, c'est davantage des mesures
incitatives. Donc, on demande une transparence, des objectifs, une reddition de
comptes, donc on est dans une dynamique, vraiment, d'imputabilité des partis
politiques. L'observation que je peux faire par rapport à ce qu'on a vécu,
parce qu'il faut se le dire, le Parlement actuel, c'est le Parlement où il y a
le plus de femmes dans l'histoire du Québec, avec 55 députées maintenant, avec
une zone paritaire, si on l'établit à 40 %, qui est atteinte à 44 %,
un effet, je pense, important... Effectivement, les partis ont déployé beaucoup
d'efforts, au dernier scrutin, pour recruter les femmes candidates. Certains
partis ont, dans leur statut, cette obligation-là, d'ailleurs. Ceci étant dit,
la contribution du quotidien Le Devoir, qui a mis les partis
politiques en compétition avec un baromètre quotidien... je serais curieux d'évaluer l'effet réel, parce
que les partis politiques sont des bêtes compétitives, et là il y avait un
tableau de bord mesurable à chaque jour, dans le cadre de la campagne, sur qui
réussissait à atteindre ou non la parité. Lorsqu'on regarde la
littérature scientifique, maintenant, par rapport aux quotas, notamment, je
vais me baser sur les travaux de Rosalie Readman, qui ont été publiés en 2014,
bien, les mesures coercitives n'ont pas nécessairement engendré les effets escomptés
là où ça a été appliqué. Dans les faits, on fait moins bien dans plusieurs
juridictions que ce que le Québec a obtenu au dernier scrutin.
Maintenant, en ce qui concerne le niveau d'appui
nécessaire pour procéder à une réforme, c'est important de se rappeler que la
Loi électorale n'est pas une loi comme les autres. C'est la loi qui définit
notre démocratie, c'est la loi qui définit
aussi la captation du pouvoir par des élus pendant une période donnée, donc
c'est fondamental. Et chaque modification...
il y a une tradition, au Québec, chaque modification à la Loi électorale doit
s'appuyer sur un consensus large,
sinon l'unanimité. Et je vais vous référer à une décision qui est importante,
décision de la présidence du 26 mai 2011. Je vais vous lire
l'extrait, c'est Jacques Chagnon, à l'époque, qui était président. L'extrait se
lit comme suit : «La présidence est très sensible à cette volonté exprimée
d'en arriver à un large consensus lorsque vient le temps de modifier la Loi
électorale, particulièrement en matière de représentation électorale», ce qui
est le cas avec le projet de loi n° 39. «Ainsi, en
tenant compte des diverses déclarations faites par les députés et par analogie
avec la notion de convention constitutionnelle, la présidence estime que nous
faisons ici face à une sorte de nouveauté : une convention parlementaire.
En effet, il existe un fort sentiment de nécessité politique pour qu'un consensus
le plus large possible se dégage en matière de représentation électorale.»
Je vous
dirais que le mode de représentation appartient aux électeurs, et non pas aux
élus, et c'est pour ça qu'on cherche, dans cette décision, mais aussi dans la
pratique, dans la convention parlementaire dont parlait Jacques Chagnon,
à aller chercher le plus d'adhésion possible
pour avoir un large consensus des parlementaires, sinon l'unanimité.
Donc, dans ce contexte-là et parce que le mode de
représentation appartient aux électeurs et non pas aux élus, on ne peut qu'être
favorable à la tenue d'un référendum pour appuyer ou mettre en force le projet
de loi.
• (20 h 30) •
En
conclusion, cinq éléments, je reviens sur les points que j'ai voulu vous
présenter. Le premier point, c'est : la recherche d'un équilibre entre
stabilité et représentativité est un exercice complexe, surtout dans le cas du
Québec. On ne peut pas faire abstraction de son contexte politique, mais aussi
de son contexte national sur le continent nord-américain. Donc, la
réforme rendrait certes le gouvernement moins stable, mais, par rapport à
d'autres types de réformes où on intègre la proportionnalité, on aurait
davantage de stabilité que dans d'autres modèles.
La réforme
proposée aura aussi des effets significatifs
sur les députés et sur les partis, parce que les partis vont devoir
aussi revoir leur façon de choisir leurs candidats. Donc, certaines études
démontrent aussi que, sur le plan de la vie dans un Parlement, ça représente
aussi certains défis, il faut en être conscient, entre les deux types de
députés.
En termes de sièges, maintenant, lorsqu'on fait
le bilan du poids numérique des régions, on voit que c'est préservé, mais en
même temps il y a des défis dans certaines régions par rapport à leur géographie,
par rapport à leur territoire. Et ce qui rend complexe le découpage électoral
au Québec, c'est le Saint-Laurent. On ne peut pas faire une région Côte-Nord,
Gaspésie ensemble alors qu'on a un traversier qui ne fonctionne pas toujours
bien, par exemple. Donc, il y a des défis aussi en termes de représentation. Et
Montréal, il faut se le dire, perd du poids numérique dans cette réforme-là.
En matière de parité hommes-femmes, maintenant,
il faut se rappeler que la zone paritaire a été atteinte en 2018 sans mesures
coercitives. Je pense qu'il faut laisser le temps au temps, voir si cette
culture-là a changé et que ça va se répéter sans avoir des mesures coercitives,
parce que, dans certaines juridictions, ce que ça me démontre, les mesures
coercitives, c'est que ça n'a pas porté nécessairement fruit. Ce n'est pas un
automatisme, là.
Et finalement, bien, une réforme de la
représentation, ça ne peut pas appartenir aux élus, ça appartient à la
population, et c'est pourquoi cette réforme-là doit s'appuyer sur un plus large
consensus possible.
Alors, merci, je suis disponible, maintenant,
pour échanger et répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Montigny. Mme la ministre,
s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci, M. le
professeur, pour votre présentation. Vous amenez différentes réalités, ce que
vous appelez des effets. Je veux peut-être voir avec vous si on peut creuser
peut-être un petit peu plus dans votre opinion, même si je sais que vous
ne voulez pas vous positionner, mais il faut quand même nous éclairer, parce
que c'est un changement majeur, vous l'avez dit, pour la population, on pourra
en reparler, mais d'où le fait qu'entre autres le gouvernement, malgré un
consensus de trois partis présentement représentés à l'Assemblée nationale, le gouvernement a décidé de mettre de l'avant la
proposition de le faire via référendum, compte tenu de l'importance de
cette question-là, vous l'avez dit.
Et je pense également que l'exercice que nous
avons tenté de faire... que nous avons fait est un exercice d'équilibre,
c'est-à-dire qu'on aurait pu... il y a quelque chose entre la proportionnelle
pure et le système actuel qui subit un éclatement, comme vous l'avez dit, et la
proposition de système proportionnel mixte compensatoire est, à mon sens bien
personnel, mais au sens, naturellement, de notre formation, parce qu'on l'a
présenté, une voie de passage pour transformer notre système électoral qui,
quant à moi, ne répond plus aux besoins de la population. C'est mon opinion,
mais va venir une question, ne vous inquiétez pas.
Vous dites qu'«il est vrai que le système
partisan connaît actuellement un éclatement sans précédent». Je l'ai déjà mentionné dans mes termes en disant que, déjà
maintenant, avec l'arrivée de quatre partis représentés avec un statut
officiel à l'Assemblée nationale et quand même un nombre de sièges suffisant
pour avoir une bonne représentation, une
certaine représentation, mon impression est que, malgré le système actuel, on
va s'en aller vers des gouvernements de
plus en plus minoritaires, c'est mathématique. Est-ce que c'est ce que voulez
dire par «éclatement de notre système actuel»?
Puis vous parlez, bon, du 80 % des voix, ouvert à d'autres partis qui font
plus de 20 %. Est-ce que c'est le résultat potentiel ou probable du
fait d'avoir une plus grande présence de partis politiques à l'intérieur de
notre système actuel?
M. Montigny (Eric) :
Bien, on l'a vu, ce que c'est... il faut remonter dans le temps. Les
gouvernements minoritaires, au Québec, il faut remonter au XIXe siècle
pour en voir, et c'était un peu par hasard. Donc, le système partisan québécois
s'est toujours transformé sur la base du bipartisme. Donc, il y a eu des
élections de réalignement, par exemple, où l'Union
nationale a remplacé l'Action libérale nationale et le Parti conservateur, qui
se sont fusionnés, c'est devenu du bipartisme. Donc, il y a du multipartisme
dans les périodes de transition dans l'histoire. Le PQ a remplacé l'Union
nationale. Ceci dit, ce qu'on voit, depuis quelques législatures, c'est un
multipartisme qui dure.
Mme LeBel : Qui se stabilise.
M. Montigny
(Eric) : Qui se stabilise,
tout à fait, malgré un mode de scrutin qui, théoriquement... on le dit
défavorable au multipartisme. Donc, ça veut dire qu'il y a une volonté de la
population, aussi, d'avoir du multipartisme à l'Assemblée. Ça, c'est le premier
élément.
Deuxième
élément, vous avez raison, oui, même avec le mode
de scrutin actuel, et on l'a vu avec
le gouvernement minoritaire de 2007, celui de 2012, il y a
une probabilité plus forte d'avoir des gouvernements minoritaires qu'avant. Ceci dit, avec le projet de loi, il doit y avoir davantage de gouvernements minoritaires.
Mme LeBel :
Absolument, donc d'où la stabilité ou l'instabilité, contrer l'instabilité.
M. Montigny (Eric) : C'est l'équilibre. Et, dans le projet de loi, c'est comme ça
que j'ai décodé le 10 % aussi,
cette recherche d'équilibre parce que, si on remonte... parce que, la genèse du
projet de loi, il faut lire l'entente entre les
partis, à l'exception du Parti libéral, bien, il y a un objectif de stabilité,
aussi, qu'il y a dans les principes directeurs de l'entente. Et, moi,
quand je voyais le débat, tout à l'heure, sur le 3 %, le 5 %,
10 %, moi, 10 %, je l'interprète à la lumière de l'entente qui a été
signée, où il doit avoir une recherche quand même d'équilibre en termes de
stabilité. Alors, je ne sais pas si je réponds à votre question.
Mme LeBel :
Oui, absolument. La formule de compensation régionale également, vous la voyez
comme un élément de recherche de stabilité.
M. Montigny (Eric) : Tout à fait. J'ajouterais que les Québécois
veulent du changement, aiment le changement, mais pas trop. Quand on
fait des révolutions, nos révolutions sont tranquilles. Alors, c'est peut-être
notre héritage britannique, où on évolue plutôt que révolutionner les choses.
Ceci dit, le défi, c'est ça, c'est de trouver l'équilibre entre meilleure
représentation des différents courants de la société et stabilité.
Mme LeBel :
Et que, si on veut aller vers une transformation, c'est un peu comme la théorie
des petits pas, donc on va franchir une première étape en instaurant un nouveau
mode de scrutin qui, déjà, en soi... qui, en soi, est une minirévolution, pour
le dire dans vos termes, mais on la fait tranquille en gardant certains
éléments de l'ancien système, d'où la formule mixte.
M. Montigny
(Eric) : Et on a besoin d'aller chercher un maximum d'adhésion,
parce que, comme je vous le disais tout à l'heure, la Loi électorale, ce n'est
pas une loi ordinaire.
Mme LeBel :
Non. Parlons de l'effet sur les députés. Ce que vous soulevez comme enjeu,
comme préoccupation ou comme effet dans votre mémoire fait partie des
discussions et des craintes que les gens ont. Vous soulevez, entre autres, le
cas écossais de la rivalité entre le député de circonscription et le député de
région. Je vais vous dire que, si on ne lit que ce paragraphe de votre mémoire,
on serait porté à dire : Bien, on va fermer les valises puis on va aller tout
de suite à la maison. Donc, je pense, et corrigez-moi si je ne m'abuse, qu'effectivement
il y a une période de transition quand on passe d'un système britannique comme
le nôtre, qui est un système de pure opposition, à un système tel qu'on le
propose, qui devient un système de coalition. J'en fais des grands thèmes — je
comprends qu'il y a plus de nuances que ça — pour illustrer, mais il y a
un moment d'adaptation de tout le monde dans le système, même pour les deux
façons d'accéder à la députation.
Donc, j'imagine que,
même dans les régimes que vous mentionnez ou dans les pays que vous mentionnez,
il y a eu, à un moment donné, une stabilité de ces deux rôles-là. Je ne peux
pas croire qu'ils sont encore en train de se tirer des roches par la fenêtre de
leur bureau de circonscription, là. Rassurez-moi qu'il y a, malgré le passage
qui peut s'avérer, effectivement, plus difficile ou qui demande une adaptation,
bien, il y a une certaine... après quelques cycles, il y a une adaptation puis
il y a une stabilisation dans les rôles, là.
M. Montigny
(Eric) : Il y a un changement de culture qui s'opère, c'est
clair, mais en même temps certains députés de liste vont convoiter le poste de
député de circonscription. Et ça, certaines études nous démontrent, par
exemple, que le député de liste qui veut, à la prochaine élection, se présenter
contre le député de circonscription ou qui convoite son poste, même dans le
même parti, par exemple, va établir son bureau de circonscription très près de
celui du député de circonscription. C'est ce qu'on appelle le phénomène du
«shadowing». Dans la dynamique des rapports
dans les assemblées aussi il y a certains députés de circonscription qui vont
regarder un peu de haut les députés de liste, pas juste comme étant
menaçants, mais qui n'ont pas le même lien d'enracinement avec une
circonscription.
Ceci dit, il ne faut
pas exagérer non plus les tensions, là, des parlementaires. Ça demeure des
parlementaires. Ce qu'on note, par ailleurs, c'est que, dans leur comportement,
les députés de liste vont passer... vont préférer du travail en commission parlementaire davantage que les députés de
circonscription, qui souhaitent davantage travailler en circonscription.
Alors, il y a peut-être des profils, aussi, qui se manifestent : certains
députés qui préfèrent un travail parlementaire dans leur rôle de législateur,
d'autres qui préfèrent le travail en circonscription. Donc, ça amène aussi une
évolution des profils en fonction des deux rôles qui seront appelés à être
joués.
• (20 h 40) •
Mme LeBel :
Vous mentionnez également la question de parité. Vous êtes peut-être un des
premiers à amener cet aspect-là. Donc, ce que vous voyez dans le... et, bon,
j'ai eu l'occasion d'en discuter puis de l'amener comme argument avec les gens
qui nous demandaient d'avoir des mesures beaucoup plus contraignantes, beaucoup
plus précises aussi en termes d'objectifs que celles qui ont été introduites
par le biais du projet de loi comme proposition, ce que vous nous dites, c'est
qu'effectivement, on l'a vu en 2018 d'ailleurs, la volonté des partis
politiques est présente et que vous pensez que ce n'est pas nécessaire, à ce
stade-ci de l'évolution, compte tenu qu'on voit une tendance positive, si je
peux le voir, une courbe d'évolution positive, je vais la traduire de cette
façon-là... vous pensez qu'à ce stade-ci il
n'est pas pertinent ou, en tout cas, pas nécessaire d'introduire des mesures
plus coercitives que celles qui apparaissent présentement dans le projet de
loi. Peut-être juste élaborer un peu plus là-dessus. Puis
est-ce que vous pensez... Parce que certains nous ont mentionné le fait
qu'ils ne faisaient pas confiance à cette tendance puis qu'on pourrait être
victimes d'un recul à la prochaine législature. C'est légitime comme
préoccupation, mais comment pouvez-vous répondre à ça, si...
M. Montigny (Eric) : Bien, sur le plan statistique, il va falloir
attendre plusieurs élections pour voir si la tendance se maintient, si on
assiste vraiment à un changement de culture. Mais légiférer, ce n'est pas un
geste qui est anodin, quand on vient
légiférer surtout pour changer un comportement. Dans ce cas-ci, bien, on
a déjà un comportement qui a changé sur le plan des résultats, donc laissons-nous
la chance de voir si c'est un changement de culture auquel on assiste tout en
conservant l'esprit un peu de ce que Le Devoir avait fait, d'avoir
une reddition de comptes, d'avoir des objectifs puis de voir si les partis les
atteignent. Et, je le répète, les partis politiques sont des bêtes éminemment compétitives. Si on leur lance un défi... que ça
soit vos parties de balle molle ou une élection, bien, vous êtes compétitifs,
les députés, les partis aussi, et vous allez vouloir relever le défi qu'on vous
demande, et c'est un peu ce qui s'est passé en 2018 aussi.
Moi, je crois
beaucoup plus, dans ces matières-là, sur la base de ce qu'on a pu voir comme
implantation de mécanismes, à un changement de culture qu'à l'imposition de
pénalités où, dans certaines juridictions, les partis vont tout simplement
payer l'amende ou ne pas recevoir le bonus financier de l'organisation de
gestion des élections qui viendrait avec. Je pense que c'est plus un changement
de culture qui doit s'exprimer qui peut être durable. Et là il y a un
changement générationnel, aussi, qui s'opère à l'Assemblée. La dernière
législature, c'est la première législature où la génération X est majoritaire
dans le Parlement. Donc, il y a un changement générationnel qui s'est opéré de
façon importante. Est-ce que ça se traduit par un changement culturel aussi à
l'Assemblée dans les partis? Comme universitaire, je me dis : Il faut
étudier différents cycles électoraux pour le voir, mais ce qu'on constate, à la
lumière de l'élection de 2018, c'est qu'il y a un... bref, l'atteinte de la
parité a été réalisée.
Mme LeBel :
...laisser un peu de temps à mon collègue le député de Nicolet-Bécancour, qui
avait une question.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Nicolet-Bécancour.
M. Martel :
Merci, M. le Président. Bonjour, Pr Montigny.
M. Montigny
(Eric) : Bonjour.
M. Martel :
Merci pour votre contribution aux travaux, pour votre mémoire. Dans le projet
de loi, il y a plusieurs éléments, là, la proportion, la parité et le moment,
le référendum. Je veux vous amener par rapport au référendum. Nous, on a fait
le choix de faire ça en même temps que l'élection. On se dit que l'élection, bon
an, mal an, il y a à peu près 70 %. On trouve que c'est un taux qui est
intéressant. Mais on a entendu des gens venir ici puis questionner le moment
avec des arguments, sincèrement, qui nous portent à réflexion. Moi, j'aimerais
ça savoir, sans vous faire jouer JoJo Savard, là, si on décidait de faire ça à
un autre moment, selon vous, quel serait le pourcentage de participation. Puis mettons que vous n'avez pas de réponse par
rapport à ça, qu'est-ce qui serait acceptable comme résultat? Parce
qu'on fait un changement quand même important, là.
M. Montigny
(Eric) : Bien, il y a deux façons de voir les choses. La
première, c'est que, dans certaines juridictions où on a tenté de réformer le
mode de scrutin, on demandait un seuil de participation plancher lorsque le
référendum était en marge du processus électoral. Ça, c'est le premier élément.
Deuxièmement, il y a
plusieurs juridictions qui ont l'habitude de tenir des référendums en même
temps que l'élection. Au Québec, nous, on a l'habitude de faire des référendums
sur l'avenir de... sur la question nationale, qui se règle à part des
élections, mais moi, je ne vois pas d'obstacle à ce que le référendum se tienne
en marge, en même temps que l'élection générale. Au contraire, je pense que ça
peut favoriser la participation.
M. Martel :
...on changeait d'idée puis on ferait ça à un autre moment, à votre avis, le
taux de participation... évidemment, la majorité l'emporte, là, mais le taux de
participation qui serait acceptable pour reconnaître le résultat?
M. Montigny
(Eric) : Bien, je pense qu'il risque d'être plus... La participation
risque d'être plus faible si ce n'est pas en même temps que l'élection générale. Il faudrait aller voir les précédents,
comment d'autres juridictions l'ont établi. Est-ce que c'est une participation
à 50 %? Est-ce que c'est... Mais il faudrait aller voir les autres
juridictions qui ont procédé pour voir le
seuil, le seuil minimal. Mais ça rend... Je peux comprendre qu'il y a... qu'il
pourrait y avoir une dynamique qui
émanerait d'un référendum à part, mais en même temps ça n'aura pas l'ampleur
d'une consultation populaire comme on a vécu en 1995, en 1992 ou en
1980, dans les médias ou dans... Ce que je comprends des amendements qui sont
proposés, aussi, c'est qu'il y aurait une amorce du débat référendaire un peu
avant aussi l'élection générale, quelques mois avant. Donc, ça, peut-être, ça
répondait à une inquiétude qui avait été manifestée...
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Oui, merci. Pour une dizaine de minutes, M. le Président, à peu près?
Le Président (M. Bachand) : Oui,
10 min 10 s.
M. Tanguay :
Oui, O.K., super. Bien, merci beaucoup, M. Montigny, d'être ici pour
discuter, échanger avec nous par rapport au mode de scrutin qui est proposé.
Vous faites un aveu qui est assez intéressant, à la page 3 de votre
mémoire...
M. Montigny
(Eric) : Je ne fais pas d'aveux, je fais des constats.
M. Tanguay :
Oui, mais je le prends comme un aveu qui n'est pas extrajudiciaire,
faites-vous-en pas.
M. Montigny
(Eric) : J'espère bien.
M. Tanguay :
Vous dites... Vous, vous le dites clairement, là, ça, c'est clair, là, il y a
deux types de députés, et vous le reconnaissez. Et ce n'est pas uniquement que
dans l'appellation, de dire : Ah! il y a des députés qui sont élus sur des
listes, il y a des députés qui sont élus dans des circonscriptions, non, il y a
deux types de députés. Et vous-même, vous l'étayez à partir d'études. Vous
prenez le cas écossais, page 3 et page 4, puis vous dites, là :
C'est scientifiquement vérifiable dans les sciences politiques...
M. Montigny
(Eric) : C'est des publications publiées sous évaluation par
des pairs.
M. Tanguay :
Pardon?
M. Montigny
(Eric) : C'est des... oui.
M. Tanguay :
Oui, c'est ça. Donc, effectivement... Donc, vous confirmez que c'est tout à
fait crédible comme...
M. Montigny
(Eric) : Absolument.
M. Tanguay :
Et vous le dites... Écoutez, nous, au-delà du nom, au-delà du terme, c'est ce
que nous soulignons également, et heureux de voir que vous en faites écho,
preuves à l'appui, c'est que «les députés de liste accorderaient — et je
vous cite — par
ailleurs davantage de temps aux groupes d'intérêts et ceux de circonscription
aux cas individuels. Les députés de
liste passeraient également davantage de temps en commission parlementaire
que ceux de circonscription.»
J'aimerais vous
entendre là-dessus, sur les raisons qui ont poussé... Si on est en amont, là,
qu'est-ce qui fait en sorte que, dans
les faits, ils ont pu constater qu'effectivement... Qu'est-ce qui crée cette
situation-là que les députés de liste... Puis ce n'est pas anodin. Quand on dit
qu'on va augmenter le pouvoir des partis pour nommer ceux qui seront sur les
listes, parce que c'est les partis qui vont déterminer qui va être
candidat un, candidat deux, candidat trois, bien, que... j'y
vois un peu un drapeau rouge. Les députés de liste, donc les députés choisis
par les partis, accorderaient davantage
d'intérêt aux groupes... de temps aux groupes d'intérêts. J'aimerais savoir,
vous, selon vous, selon votre analyse, votre valeur ajoutée, qu'est-ce
qui expliquerait de telles situations quant à... en quoi le fait d'être élu sur
une liste expliquerait ça, cet état de fait là.
M. Montigny
(Eric) : Bien, il y a des profils de députés. J'ai fait une
étude sur les députés québécois il y a quelques années, sur le rôle des
députés, comment les députés voient leur rôle. Il y a des députés qui préfèrent
le travail en circonscription, qui se voient davantage... qui se valorisent
davantage en circonscription, des députés qui se voient comme des travailleurs
sociaux, d'autres, comme des agents de développement économique dans leur
circonscription. Parallèlement à ça, il y a des députés qui préfèrent le
travail parlementaire. Actuellement... Bien, à l'époque où j'ai fait l'étude au
Québec, il y avait moins de députés qui préféraient le travail parlementaire
que le travail en circonscription, qui avaient plus le sentiment de se réaliser
en circonscription. Et ça, c'est logique, parce que c'est une chose qui est
valorisée, le travail en circonscription, dans notre système.
Ceci étant dit,
lorsqu'on observe des régimes... une cohabitation entre deux types de députés,
bien, il y a des députés ou des candidats qui vont préférer être sur une liste
parce qu'ils préfèrent le travail parlementaire, alors que d'autres préfèrent
l'ancrage dans une circonscription. Donc, il y a des profils de candidature,
des profils de députés en fonction de leurs propres préférences.
• (20 h 50) •
M. Tanguay :
Et en quoi un député de liste pourrait être davantage rassasié d'avoir une
fonction dont la nature ne serait pas de proximité, plus près des individus?
Donc, en quoi le fait d'être élu sur une liste viendrait le réconforter, de
dire : Bien, toi, tu vas pouvoir être plus... travailler des dossiers
qu'être obligé, je vous cite, de traiter de cas individuels?
M. Montigny
(Eric) : Bien, c'est des préférences individuelles. C'est que
la personne qui est sur une liste, elle n'est pas une députée régionale. Donc,
elle fait aussi... elle va être en contact avec des organisations régionales
parce qu'elle représente une région.
M. Tanguay :
Donc, moins en contact avec les individus, les citoyens.
M. Montigny
(Eric) : Ça dépend. Encore là, il y a des députés de liste qui
vont vouloir le faire aussi, puis certains députés de liste qui vont le faire
aussi pour être en compétition avec le député de circonscription. Mais ce qu'on
observe, par ailleurs, sur le plan des relations... dans cette même étude-là
dont je vous parle, j'avais interrogé des
députés fédéraux et du Québec, députés de l'Assemblée nationale du Québec,
et ce qu'on constatait, dans le cas du Québec, puis là on n'a pas d'étude parce
que le projet de loi n'est pas adopté, il faudra faire une
étude au Québec, mais la
collaboration entre les députés fédéraux et du Québec était exemplaire. Ils se
référaient même... ils respectaient le partage des compétences, ils se
référaient les dossiers en fonction du partage des compétences, même s'ils
n'étaient pas nécessairement de la même famille ou couleur politique. Il faut
faire attention avec les systèmes partisans fédéraux et québécois, mais...
parfois, il y a des convergences entre certaines familles politiques aux deux niveaux.
Maintenant, ce que j'avais mesuré, moi, à
l'époque, il y avait plutôt une bonne entente et une collaboration, peu importe
la couleur des députés.
M. Tanguay :
Et ce qu'on constate, c'est que...
M. Montigny
(Eric) : Donc, peut-être qu'il y a... au Québec, il y aurait davantage
de collaboration, c'est ça. Mais ça, on va pouvoir le mesurer juste après
l'adoption du projet de loi.
M. Tanguay :
Et ce qu'on constate, par contre, et j'aimerais vous entendre là-dessus, c'est
que les députés de liste sont justifiés de considérer... Parce que c'est ce que
vous constatez, vous dites : Oui, c'est un choix personnel de dire : Bien, moi, je suis plus de
circonscription, moi, je suis plus régional. Les députés régionaux, dits de
liste, seraient donc bien justifiés de dire : Bien, moi, ça va être
davantage un travail de rencontres de groupes d'intérêts que de rencontres de
cas individuels, et je vais pouvoir peut-être même passer un peu plus de temps
au Parlement, là.
M. Montigny
(Eric) : Exact.
M. Tanguay :
Foncièrement, dans la définition du poste, tu es plus un député de région. Il y
un contexte qui va lui permettre d'avoir plus de ça et moins de ça.
M. Montigny (Eric) : Bien, si je fais une image, là, c'est...
lorsqu'on applique pour un emploi, bien, on regarde la description de
tâches puis on regarde un peu si ça nous convient davantage comme à notre
personnalité ou à nos préférences. Bien, c'est un peu la même chose avec les
deux types de députés. Il y a des gens qui vont se dire : Bien, si je suis
sur une liste, c'est différent que si je suis député de circonscription.
M. Tanguay :
J'adore votre analogie, description de tâches. Certains sont venus dire :
Précisez-le dans la loi, le rôle du député. Croyez-vous que ce serait bon aloi
de se faire une... de réfléchir seulement à dire : Bien, est-ce qu'on ne
pourrait pas... sans dire «description de tâches», mais avoir une réflexion sur
ce qui est attendu, le rôle?
M. Montigny (Eric) : Je pense, c'est important, vous avec raison, de
réfléchir sur le rôle, ce qui est attendu. Dans l'étude dont je vous parle, qui
a été publiée il y a quatre ans — je
pourrai vous l'envoyer si vous le voulez — j'avais demandé
aux députés leurs perceptions par
rapport aux attentes des citoyens à
leur travail. Les députés avaient répondu majoritairement et de façon
très forte : Bien, ils s'attendent à ce qu'on les représente bien puis
qu'on traite leurs cas dans le comté. Ça, c'est les députés. On a fait un
sondage auprès des électeurs et des citoyens, et l'attente première, c'était le
contrôle parlementaire, peu importe la ligne de parti, que chaque député, en commission
parlementaire, ait son mot à dire pour
contrôler le gouvernement. Donc, il y avait un décalage perceptuel entre ce
que les députés pensaient que la population attendait d'eux versus ce
que la population attend de leurs députés. Alors, ça, vous mettez le doigt sur
une piste de réflexion intéressante.
M. Tanguay :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Merci. Merci d'être avec nous ce soir. Et puis j'en profite... je profite de
votre présence pour amener la réflexion d'un professeur israélien qui a
réfléchi, justement, à la proportionnelle, et puis le système uninominal à un
tour...
M. Montigny
(Eric) : Là, vous parlez d'un système moins stable que celui
qui est proposé.
Mme Robitaille : Oui, justement, mais M. Rogachevsky... et,
lui, en fait, c'est intéressant, parce qu'il parle, par exemple, du comportement
des partis dans la formation de coalitions, et ce qu'il dit, c'est que,
justement, quand il y a gros projets, des grandes réformes, bien, quand on a un
système proportionnel, même mixte, bien, ça peut achopper et que,
pour le bien du pays, un système comme ça, de coalition, finalement, c'est beaucoup
moins efficace. Qu'est-ce que vous, vous en pensez?
M. Montigny (Eric) : Bien, ça rejoint la thèse, aussi, de Christian
Dufour. Je reviens encore à ce que je disais, c'est une question d'équilibre
entre stabilité et représentation, et c'est ça, le défi, c'est quoi,
l'équilibre.
Mme
Robitaille : Je vais juste... parce qu'on n'a pas beaucoup de temps,
mais je vais vous lire une citation, il dit : «Il y a une impression que
la proportionnelle offre quelque chose de valable au niveau de la conscience du
citoyen, mais cela se fait au détriment de la stabilité d'un gouvernement, au
détriment de réformes profondes parfois nécessaires en déléguant beaucoup de
pouvoirs à des bureaucrates de partis non élus, à des bureaucrates de
l'appareil du parti, qui ne sont pas imputables, et que cela, tout compte fait,
peut entacher la réelle démocratie.» Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Montigny
(Eric) : Bien, c'est son opinion. C'est son opinion.
Mme Robitaille :
Mais est-ce que, justement, on a une impression, mais qu'en bout de ligne ça se
vaut, finalement? Ça dépend...
M. Montigny
(Eric) : «Ça se vaut»... Qu'est-ce que vous voulez dire?
Mme Robitaille :
Bien, ça se vaut, dans le sens que, dépendant de la tradition... bien, en tout
cas, pour le bien du pays, pour la stabilité, pour, même, la représentativité,
le système qu'on a en ce moment, bien, finalement, il est très respectable,
disons.
M. Montigny (Eric) : Bien, je vous dirais que c'est pour ça que,
lorsqu'on change une loi électorale, c'est pour aller chercher le plus large
consensus possible, et un large consensus, et c'est pour ça aussi que c'est...
une réforme de ce type-là n'appartient pas aux parlementaires, elle doit
appartenir aux électeurs.
Mme Robitaille :
De là l'importance de ne pas faire un référendum en même temps qu'une campagne
électorale.
M. Montigny
(Eric) : Moi, je ne vois pas la... Vous pensez que le résultat
serait différent s'il était...
Mme Robitaille :
Bien, on aurait plus de temps pour expliquer. On serait moins... Ce serait
moins dilué dans les enjeux électoraux.
M. Montigny (Eric) : Bien, il y a plusieurs juridictions qui font le
référendum en même temps que l'élection. Non, je pense que c'est important que
la... bien, d'abord, les parlementaires puissent s'exprimer puis puissent,
comme vous le faites, étudier, débattre le projet de loi en profondeur.
Ça, c'est le premier élément.
Puis,
le deuxième élément, bien, comme le projet de loi n'appartient pas... parce
qu'on modifie, à ce niveau-là, la Loi électorale parlementaire, bien,
que la population soit intégrée dans le processus.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Gouin, s'il vous
plaît.
M. Nadeau-Dubois :
J'ai peu de temps, j'ai deux questions pour vous. La première porte sur cette
fameuse question des types de députés. Dans un ouvrage, les
Prs Massicotte — qui
vient de votre département — et
Blais parlent de cette idée de deux castes de députés, et je les cite, là, ils
disent : «Maintes fois répétée, cette affirmation n'a jamais été prouvée.
C'est qu'elle est dépourvue de fondement empirique. La littérature sur les
systèmes mixte ne fait pratiquement jamais état de l'existence de
"castes" de parlementaires.» Comment vous expliquez ce désaccord
entre vous et eux?
M. Montigny (Eric) : Je les respecte énormément, mes collègues. Ceci
dit, je voudrais les inviter à lire les études que je vous ai partagées.
M. Nadeau-Dubois :
Et le désaccord vient d'où, selon vous?
M. Montigny
(Eric) : Bien, comme je le disais, moi, je ne vois pas de
désaccord. La littérature, elle évolue. Alors, peut-être qu'ils n'ont pas vu la
littérature que je vous soumets aujourd'hui, mais ça me fera plaisir de la
partager avec eux.
M. Nadeau-Dubois :
Sur la question de la parité, vous avez dit qu'on avait atteint la parité avec
44 % de députées féminines. Il y a des gens qui vous ont précédé et qui
nous ont fait état du fait qu'il y avait eu, par le passé, des reculs, notamment,
entre 2014 et 2012, on avait eu un pic, on est retombés en 2012. La même chose
s'est produite au fédéral. Qu'est-ce qui vous fait dire que cette fois-ci est
la bonne, qu'on est à 44 %, et que c'est inutile de légiférer,
puisque la tendance naturelle va faire en sorte que les choses vont
s'améliorer, alors que les exemples empiriques qu'on a, récents, au Québec et
au Canada, c'est plutôt qu'il peut y avoir des mouvements de balancier?
M. Montigny (Eric) : Alors, c'est intéressant, votre question. C'est
possible, c'est possible qu'il y ait des mouvements de balancier, mais il faut
attendre de voir si ce changement de culture politique est réel, si c'est
motivé par un changement générationnel, aussi, au Québec.
M. Nadeau-Dubois :
Et combien de temps faudrait-il attendre avant de légiférer pour la parité pour
être sûrs qu'on ne légifère pas pour rien?
M. Montigny
(Eric) : Bien, on va voir le prochain scrutin, on va voir le
prochain scrutin. Est-ce que vous pensez que les partis vont moins réussir à le
faire à... Vous présumez, vous, à l'inverse, que ça ne sera pas le cas.
M. Nadeau-Dubois :
Moi, j'utilise des cas empiriques récents, au fédéral et au provincial, qui
démontrent, par l'exemple, qu'il peut y avoir des moments où ça va mieux et
ensuite ça va moins bien pour toute une série de facteurs.
M. Montigny
(Eric) : Bien, c'est la première fois qu'on atteint la parité.
Il y a des points de bascule aussi, hein? C'est la première fois qu'on atteint
la parité au Québec, qu'on aille dans la zone paritaire à l'Assemblée.
M. Nadeau-Dubois :
Oui, et il y a eu 200 ans, avant ça, de Parlements non paritaires.
M. Montigny
(Eric) : Mais c'est la première fois.
M. Nadeau-Dubois :
Donc, il me semble que le poids de l'histoire penche davantage du côté... d'un
côté que de l'autre.
M. Montigny
(Eric) : Je reconnais votre amour de l'histoire et je le
partage, mais je regarde vers l'avant.
M. Nadeau-Dubois :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, merci. M. le député de
Rimouski, s'il vous plaît.
• (21 heures) •
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Bonsoir. La différence entre député de liste, député de
circonscription, si on prend, comme certains nous proposent... de prendre... de
faire huit ou 10 régions, que la région de Chaudière-Appalaches, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie—Les Îles devienne une seule région, c'est sûr que
le député de liste de cette grande région là, il va être... tendance à
faire, comme vous dites... de devenir un législateur, de ne pas être sur le
terrain parce que la région est grande. Bien, c'est ce qui milite en faveur de
17 régions, le fait que les gens vont se sentir appartenir à cette région.
C'est des régions administratives qui existent culturellement, et ils vont se
sentir appartenir à la région.
Il y a quatre
problèmes : Côte-Nord, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, Abitibi, où les
territoires sont grands, où l'idée de rajouter un député de liste dans ces
quatre régions-là ferait peut-être la différence, un, permettrait d'aller
chercher le consensus. Pour ça, il faut augmenter le nombre de députés, 125 à 129.
Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Montigny (Eric) : Bien, je vais répondre en trois volets à votre question.
Premier volet, c'est que, vous avez raison, il y a des régions naturelles, puis
ça fait des années, au Québec, que, sur le plan de la décentralisation, de la
régionalisation des pouvoirs, on essaie d'harmoniser les différentes cartes
avec les régions administratives. C'est ce que le projet de loi atteint. Comme député,
vous étiez peut-être des fois obligé de siéger sur deux CRD, deux groupes régionaux, parce que vous chevauchiez deux
régions, ça peut être complexe. Là, tout ça, ça vient simplifier les choses.
Ça, c'est la première chose.
Vous avez raison de
souligner l'immensité du territoire pour les régions que vous avez nommées. En
même temps, d'augmenter le nombre de
députés... puis là je n'ai pas de solution magique à vous proposer, si ce n'est
que d'avoir vu des enquêtes d'opinion sur l'augmentation du nombre de
députés où il y a des obstacles dans l'opinion publique à augmenter le nombre de députés. Lorsqu'on sonde
ça, les gens veulent diminuer le nombre de députés. Je ne vous dis pas
que c'est une bonne chose, mais ce qu'on constate dans les études d'opinion,
c'est plutôt cette tendance-là.
M. LeBel :
Parce que, dans cette proposition-là, on améliore l'accès aux députés des gens
de la région et on améliore la proportionnalité, on atteint deux objectifs.
Moi, je pense qu'il y a quelque chose là à réfléchir.
M. Montigny
(Eric) : Mais il y aura un travail, en tout cas, de pédagogie
de votre part, si ça s'en va vers là, là, pour convaincre la population
d'adhérer à accroître le nombre de députés.
M. LeBel :
Puis l'autre élément, en dernier, vous l'avez mentionné, je ne sais pas si ça
va être dans le projet de loi ou autrement, mais il faut réussir à expliquer
aux gens qu'il y aura des moyens supplémentaires de donnés aux députés. C'est
sûr qu'en agrandissant nos circonscriptions on ne peut pas travailler avec le
personnel qu'on a, avec le nombre de bureaux qu'on a, et
ça, il faudra trouver une façon de l'inscrire, soit dans le projet de loi ou
autrement, pour que les citoyens soient conscients de ça, qu'ils ne perdront
pas accès aux députés.
M. Montigny
(Eric) : Parce que, de mémoire, le Bureau de l'Assemblée
nationale... les barèmes différenciés sur le soutien aux députés selon la
taille de la circonscription — c'est le cas de Duplessis, si ma mémoire
est bonne, d'Ungava aussi — oui,
c'est un élément important, vous avez raison.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier :
Bonjour. Merci beaucoup, M. Montigny. Moi non plus, en fait, je ne vois
pas de désaccord, tellement, entre vous puis M. Massicotte, par exemple,
parce que... En fait, si j'ai bien compris votre présentation, oui, il y aurait
des développements de profils de députés par l'existence du fait qu'il y a des
députés qui vont être élus sur des listes ou des députés qui vont être élus dans
les circonscriptions, mais qu'au final c'est une réalité qui existe déjà un peu
de façon implicite de par les préférences des députés.
M. Montigny
(Eric) : Oui, il y a des profils différents.
Mme Fournier :
Voilà, donc.
M. Montigny
(Eric) : Bien, majoritairement, au Québec, ce qu'on observe,
c'est que les gens... les députés préfèrent, en vaste majorité, le travail en
circonscription que le travail en commission. Donc, le rôle de représentant est
plus apprécié par une majorité de députés que celui de législateur.
Mme Fournier :
Et donc ça existe déjà de façon implicite?
M. Montigny
(Eric) : Oui.
Mme Fournier :
Bon, merci. Ma deuxième question... Vous semblez lier la stabilité avec
l'occurrence des gouvernements minoritaires, ce qui est tout à fait logique.
Mais, en même temps, croyez-vous que l'argument de certains voulant que la
réforme du mode de scrutin va amener de l'instabilité est réellement fondé,
considérant le système politique québécois, avec le mode de financement des
partis politiques... par exemple le 100 $ maximum par année, qui, nécessairement, ne va, disons, pas
donner vraiment envie aux partis politiques d'aller en élection à chaque
année ou aux deux ans, par exemple?
M. Montigny (Eric) : Bien, c'est sûr qu'il y a des contraintes
institutionnelles, aussi, à l'effet de retomber en élection, mais il peut y
avoir des blocages, comme on l'a vu en Belgique, où la difficulté de former un
gouvernement peut s'avérer réelle. Mais, en même temps, le projet de loi, ce
qu'on voit là, il a quand même des balises à la proportionnalité qui
viennent enlever l'instabilité dans un modèle de mixité.
Ceci dit, c'est clair
que ça, ça impose un changement de culture politique, changement de culture
politique pour les parlementaires, changement de culture politique pour les
électeurs, pour les médias aussi, qui sont habitués d'aller voir la petite dissidence ici et là pour couvrir... donc ça
devient différent si on a des coalitions. Si on travaille en coalition, si on
fait des compromis pour former un gouvernement, c'est un changement majeur de
culture politique.
Mme Fournier :
Exact, puis c'est un changement de culture politique pour, en fait, contrôler
l'instabilité.
M. Montigny
(Eric) : Bien, ça, il faut voir comment... quel sera le
comportement des élus, mais ce qui est clair,
c'est que le projet de loi amène quand même un niveau d'instabilité moins
élevé. Vous parliez du cas israélien tout à l'heure, où là c'est... le pays est une circonscription, donc c'est une
proportionnalité pure, bien, ça, c'est le modèle le plus instable.
Alors, ce qu'on voit dans le projet de loi, c'est plutôt une révolution
tranquille du mode de scrutin.
Mme Fournier :
Donc, ce n'est pas une crainte que vous avez?
M. Montigny
(Eric) : Bien, il faudra le voir à l'usage, mais ce n'est pas
ça qui m'empêche de dormir la nuit, disons ça comme ça.
Mme Fournier :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Pr Montigny,
j'aurais peut-être une demande. Vous avez cité certaines études, si vous pouvez
peut-être faire le lien avec le secrétariat, ça serait très important.
M. Montigny
(Eric) : Ça me fera plaisir.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
On suspend quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
21 h 05)
(Reprise à 21 h 08)
Le Président (M.
Bachand) : ...
M. Darren Hughes
(Visioconférence)
M. Hughes
(Darren) : Hello. Alors, bonjour. Please let
me, first of all, apologize that I must only speak in English to the commission at this meeting and also to thank
you for allowing me to speak by this facility, because I'm travelling at the moment. I've had many occasions to visit Québec,
and I very much... I love the place. I would have loved to come and been
there in person but thank you for your time.
Le Président (M.
Bachand) : It's beautiful in wintertime also,
eh? So, if you love winter, you're welcome.
M. Hughes (Darren) : I won't tell you what the temperature is, right here, now for fear
of putting you off your work.
Le Président (M. Bachand) : OK, OK. So, we're going to start to...
•
(21 h 10) •
M.
Hughes (Darren) :
I'm speaking today, really, about two experiences. One is as the chief
executive of the Electoral Reform Society in the United Kingdom, which is a
democracy organization trying to reform the voting
system for the House of Commons. But secondly, I also have other experiences as
a Member of Parliament in New Zealand for three mandates, including time as a
constituency member, time as a party-list member. So, I'll be happy to share
some of those experiences from a practical point of view about being an elected
politician under a proportional representation system.
I
think, probably, to quickly cover the problem definition, you're considering
altering the voting system away from
first-past-the-post. We would very much agree with that. We would argue that we
need voting systems, in the Modern Age, where seats match a vote, that that is
a very important principle that first-past-the-post is unable to achieve other
than by accident, when it occasionally happens. The model of winner-takes-all,
a single person and a single party representing an entire geographic area,
seems very much out of step with the developing political cultures where the
citizens... well, for what citizens are looking for. Citizens are expressing
more desire for choice, and the voting system should be able to reflect that if
that's what is needed. The system also has too much volatility. First-past-the-post voting systems can go one way
or the other, and it can result in a real seesaw of policy development. So, it doesn't have the stability it claims, it
actually has volatility, and we've certainly seen that in the United Kingdom.
At the election just in December, the
Conservative Party vote went up by 1 %, and yet they went from being a minority government to having a majority
of 80. Now, that can happen one way, and you might be the beneficiary of that
political fortune, but it also means that, the subsequent election, you
could be the victim of it, and I think that's an important point to remember.
The share of wasted votes and the distorted results that occur as well make it
an unfit system.
So,
really, it's great that you're looking at changing to a proportional system. I
do want to say that I acknowledge that all electoral systems have their positives
and their negatives, and I think that anyone who tries to claim the current
system is perfect and an alternative would be a disaster, that that's a very
unfair assessment of what a dynamic thing a voting system is. I guess what the
commission has to look for is to add up the costs that are prepared to be paid
for the weaknesses of the current system. And, if those weaknesses are as
crippling on democracy as they appear to be over the long term, then that's a
cost that's too high a price to pay, and so looking at these systems for change
is a good thing.
Because
we look at systems in many different countries, one thing I've observed is that
people will view electoral systems as either
complicated or simple, and oftentimes people will view the system that they
live under where they are and the system they campaign in as being very simple
and everyone else's as complicated. And I think that, really, what that shows
us is that once people get familiar with their system, it becomes the pattern
that they're used to and they understand it very well for the country, or the
province, or the state or the town where they happen to live. People, citizens
have an enormous capacity to adapt and adjust to new systems and to do so very
effectively, and so I think that that's an important point to remember.
The other thing, I think, for
you as parliamentarians, considering your own voting system is an incredibly
privileged position to be in... Not many workplaces get to set their own rules,
and yet, as parliamentarians, that's one of
the real privileges of the job and needs to be taken quite seriously. And in
that respect, I guess, as a former politician, as a former campaigner, I
would argue strongly that you need to be looking at this bill and thinking
about the future regime not with the 2026 election in mind, but with the 2076
or, God willing, the 2126 election in mind, that really you're trying to set a
regime of rules around fairness, and participation, and democracy that will go
beyond all of the careers of everyone who is currently in the Assembly and that
people want to look back on that with a sense of pride. So, I think that that
high-level responsibility in the face of unfair high political turnover is
something that is quite the opportunity for the commission.
I just want to spend just a
couple of quick minutes now on the New Zealand experience, which I think
might be helpful. We began the process of
proportional representation about 35 years ago, and for nearly a quarter of a
century, it's
been in operation. Now, for every day of that quarter century, we have not had
a single-party majority government. We've either had coalition
governments or we've had minority governments. And I think that New Zealand
would be judged as a successful, a happy and effective place. Just last week,
Transparency International rated New Zealand at the top for transparency in the
world, and actually it's been a move that has seen most New Zealanders strongly
support it and all political parties moved to support it as well. The ones who
were skeptical at the beginning have become
supportive of the system, and it is now a settled matter in New Zealand that
there's proportional representation where
seats match votes. It has produced strong governments on both sides of
politics, the center-left and the center-right have both run long-term effective governments with incredibly popular
and able leaders of the center-left and center-right. Of course, now, we
have Jacinda Ardern, who I'm sure is known to many of you, and Jacinda runs a
three-party coalition and has to work with other parties for anything that she
wants to do. So, that has worked well economically and politically, with nearly
40% of the Chamber being female members. Still, of course, more progress to be made, but much better than what it ever was under
first-past-the-post.
And I think the other important
point to make about it is that, in policy development, it is meant that parties
have had more chance to contribute to public policy, both from Government and from Opposition, and that
meant that policy is being more durable,
more stable. The volatility of first-past-the-post, of one side being swept
out, another side being swept back in, and all the policies being thrown
out, that has disappeared under our system because both major parties have had
a fair share of leading Government, and there's been six smaller parties that
have had the opportunity to work with
governments over that time as well. So, it brought more voices into our
democracy, which has been a very good
thing. We've also had to work out new conventions, like some MPs being elected
from constituencies and some MPs being elected from the list, and I'll
be happy to talk more about that.
Just, finally, on some of the
issues in Bill 39 that I've looked at, I see the bill contains a
referendum. I'd say, having... living in the United Kingdom now, referendums
are not without their difficulties, people don't agree on what they mean. With
your trans-party agreement before the last election, that seems to me to
provide quite a unique opportunity to get on and do it, to get on and introduce
the reform. And, if you wanted to look at some sort of public endorsement of
that, then maybe a referendum after three mandates, so the public could say
they've experienced both systems, and then they could have their say on which one
they thought might be best. That's if you want to go down a referendum path. I
think you've got the support to get on and achieve it anyway.
I think the vote share issue
with the regions is fascinating to me, that there's a recognition of these
regional differences, but there has to be a national vote share threshold
achieved. I'm uncertain about that, that seems to be contradictory. And then, finally, my last point would be... I think the
involvement of MNAs in any system change, that this is very, very important. The public will be looking to figures that
they trust and people that they know understand the system to have an explanation of any change they want to make. And
so, I think preventing MNAs from performing a positive proactive role in any campaign for change is a lost
opportunity, and I hope the commission will look at that again. And
those are my introductory remarks.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. On va
débuter la période de questions. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Thank you very much to be with us tonight, this morning for you.
And it is very important for us to draw from your experience because, in New
Zealand, like you said, there was like... it's been in place for 35 years
now, so you went through, I guess, the transition and you went through
adaptation from one system to the other, and this here, on our point of view,
raises a lot of concern. As you said, I mean, when you're facing changes,
there's an attachment to the old system that seems to grow and fear of the
unknown, so your experience is very quite valuable for us tonight.
So, maybe talk a bit more about
your own experience. As you said, you were an MNA from constituency, you came in also on the side of the party list.
There was a lot of concern about how these two types of MNAs, if I can
say like that, could cohabit, how it works on the ground, on the field, and
this is something that we've been talking about the last few days. And
obviously, because we never experienced it, we just... we don't have an answer
for that. And you have an experience in that, so you could talk to us about
that, please?
• (21 h 20) •
M. Hughes (Darren) : Sure. Thank you for that, Minister. I think there's a few points
about this that are quite interesting, because although I'm an advocate for
change in a voting system, I do not believe that suddenly the whole world
changes and becomes wonderful because you change the voting system. All the
usual challenges of politics remain, all the usual internal party challenges,
they are still there as well, and so I think that you can apply the same
reality to the two different types of MNAs. There will be constituency MNAs who
do a fantastic job, and are very active in their community, and build up a very
strong personal vote, and may even defy the local, regional political
persuasion of the region because of their successful work. And there are
examples of that in New Zealand, where a center-right local politician wins a
constituency, and the list vote is for the center-left. So, you get people who
perform at that level. Equally, if we're being honest, there are constituency
MPs who do not do a very good job, who win their party's nomination, and get
elected, and re-elected, and re-elected again, and then don't do necessarily an
outstanding job. So, a lot of those usual political dynamics remain.
Then
you introduce the list MNAs to it and you get a similar dynamic where some
people focus entirely on policy. New Zealand has a different list than is
proposed in the bill. New Zealand just has one single national list, and that
leaves it to the party to take into account regional differences and diversity,
and then it draws on the whole country to be able to do
that, whereas what you have in the regional component, that might not be quite
the same. But New Zealand will have people who focus on policy, who are experts
in a particular area, and all who are from diverse communities who don't
normally get re-elected at the geographic level. Then you have another group of
list MPs who do have ambitions to be a local
constituency MP, and I don't think people should be surprised or frightened
by that. Politicians and political
candidates are never short of ambition, and they'll find ways to manifest that
ambition.
But
what that means for the party is that they get to put together a caucus of MPs
who represent both the geographic area and particular communities that don't
live in a certain street, or road, or town, and also get some of that policy
experience as well. And, in my experience, what happened was that these
different types come along, and they try and be as... as they can. There are
some tensions at the beginning, that's absolutely true, there were... and there
was a sense, at the beginning, that one set of MPs was team A, and the other
set of MPs was team B, and that's partly because the Parliament was mainly made
up of people who had rolled over from the previous Parliament and a previous
culture.
I
great believe that voting systems is about technical change, but also political
cultural change. But now, all these years later, at various times, the Minister
of Finance, the most important economics minister, has been a constituency
member, at other times they have been a list member, and then, from the
practical point of view of the citizen, no one pays any attention to that. No
one would say, once the budget was delivered : I don't support that
because it was delivered by a list MNA or would have rather it was a
constituency MNA. So, I think, like any workplace, there are tensions, they
will always continue and find a way to manifest, but in general the MNAs are
equal in the Chamber.
Mme LeBel : OK. How many cycles
would you say it took for New Zealand or for this change to occur and this
transition to occur?
M.
Hughes (Darren) : I think it took two cycles.
The leaders in our Parliament now, of all the parties, are people who are from
the proportional representation culture, with the exception of one, and he has
always been a long-term term supporter of PR, so, culturally, he was already on
board with this concept. And so, now, all of our politicians have come through
in the new system, the new way of doing things, and that's what's made it a
success.
Mme LeBel : So, this is from the point of view of all the MNAs regarding each
other and the two types of MNAs, the way they cohabit. But, from the point of
view of the citizen, we also heard about the fact, here... because all MNAs
come from constituencies, obviously, I mean there's an attachment, territorial
attachment to our MNAs as citizens. The point of view of the citizens is they
are concerned about... or is there a difference between a party-list MNA or a
constituency MNA for the citizen?
M.
Hughes (Darren) : I think that depends on
where the citizens live. So, if they live in an area where there is very strong
support for one party, and there always has been, and it's very unlikely that
that seat will ever change hands, then business kind of carries on as normal. I
think where it's been most interesting has been in the areas where the seats
change hands regularly, and so... and the reason that happens is that there's a
variety of political views in that community, and because there can only be one
winner under the current first-past-the-post system, it means that there's a
lot of citizens who don't necessarily feel a connection to the person who won.
Now, in some areas, they get over that, and then it works OK, but in other areas, I think what's
happened is that more political voices have been able to present themselves,
and the citizens who don't support the winning party in that particular area in
a very close race, then they would have contacted an MNA from another party
about a policy issue or local issue to discuss it with them. And I know that
that can sound a little like a foreign concept when you're so used to having
single-member constituencies with one winner, but actually that's been a way of
bringing more people into the political process, and it's been one of the
reasons New Zealand has been able to keep its voter turnout quite high, because
we're able to say to voters : Look, every vote you count will matter and
will in some way find a chance to be represented.
So,
I think that for... citizens were looking for a wider range of political voice,
having more MNAs around has been quite good. And then, of course, I might add,
it's really important to bring to the attention the fact that sometimes a lot
of policy issues which are important to lots and lots of citizens are not
geographically determined, and so, having an
MNA that doesn't necessarily have one specific area they're looking after but
they're able to run an important public issue right across the nation,
then that becomes quite important as well, because you've got a voice who can dedicate themselves to something, whereas
that might not have been the case just with one MNA for the local area. So, I think what you're proposing here with
the mixed model honours the local connection by continuing to have one
MP... one MNA per area, but it also recognizes the fact that some political
issues are beyond geographic areas.
Mme LeBel : Thank you. Another
concern that is raised by the change that we're proposing is the stability of
the Government. You talked
about the fact that, with this mixed system, obviously, we don't have a
majority or a party that gets the majority
of the seats, it's unlikely, if it's not impossible. And how, in the last
35 years, has it worked for you in New Zealand? Is this
unstable? Do you have elections more frequently? Over time, was that better?
How did it work?
M.
Hughes (Darren) : So, in New Zealand, the
mandate is ended when the Prime Minister calls an election, so it's at the
desire of the Prime Minister when the election will be. But, since we've had
the proportional system, every single mandate has gone
for its full term. There was one exception where, one year, the election,
people thought, was going to be in October, and it was held in July. But I
think that is a difference that is so small that it would be hard to argue
there was three months of instability.
So,
basically, governing parties have got together and prepared their agreements of
what they'll talk about and what they will pass in the Parliament, and then
that has stuck. In the very first mandate, back when it all started, the
coalition did break up, but the smaller party broke into other parties and then
supported the major party, so the mandate was able to be completed. And that
was a rocky start, I acknowledge that, the beginning of it, rocky for that first
mandate. But, since that time, parties are full of political experts, and the
politicians in those parties know that the public will punish them if they
don't make the election result work, and so a real culture has developed of
parties saying : We need to sign up to make sure there is a viable government and then to make sure that that government goes through its full term.
I
think another convention that might be of interest is that the parties have put
into their written coalition agreements what we call «agree-to-disagree
clauses», and what that does is move away from the strict Westminster interpretation of collective responsibility, and
then it says : Look, let's be honest, let's reflect the fact that this government might be made up of two or three, sometimes four
political groupings and that we're not going to agree on everything, every day, all the time. And as long as people are
open about their differences, you know, in
advance, so it's a no-surprises basis, that's worked really, really well, because the parties have been
able to keep their identity, which is very important, and the Government has been able to keep its
stability, and that's very important as well. So, these kinds of... this maturing of the system, I guess, has happened mandate
by mandate, but it's always been in a positive direction, because now
you've got politicians who want the system to work.
Mme LeBel : Thank you. Thank you very much. Very enlightening. Merci. Thank you.
M. Hughes
(Darren) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
• (21 h 30) •
M. Tanguay : Merci beaucoup. First of all, thank you very, very much for your presence. I think that it's very, very interesting to have your
feedback with respect to the proposed modification of our own, here in Québec, political system, electoral system.
First
of all, won't you agree with me, and tell me if it's
the case, that we also have, when we're considering changing the electoral mode, to take into account the number of population and the scale of the territory? For instance, compared to... if we are comparing Québec to New Zealand, Québec is five times... sorry, six times more wide than New Zealand, first
of all, and we have nearly 4 million more inhabitants in Québec; you have 120 MPs, and, as we speak,
we are working with 125 MPs. So, won't you agree with me that we have to take
into account all these data in order and
prior to decide to change the electoral mode? In other words, it could have a
very, very tangible and negative impact if it's not well considered.
M.
Hughes (Darren) : I think that's true of all
electoral systems. And that's something I've thought about over many years for Québec and for all of Canada when you consider the scale of your
territory, and the way I've come to consider it is that that's something you
can't do anything about at all. You have a big, beautiful country, and no
electoral system can make it smaller or bigger, and so that's a fixed concern.
What I think you can do, though, with your voting system is change it to make
sure that, despite that vast distance between people, you can hear many more
voices than the current system allows for at the present time. So, I think that
the challenge of geography is not going to weigh for the status quo and is not
going to weigh for a proposed change. But what your change might be able to do
is to really bring more voices of Quebeckers into the Assembly and a more effective way than your current
system is able to do.
M.
Tanguay : It's very, very important, and what
you're suggesting, actually, is part of the debate, should we rise the number
of MPs? And again, you have 120 MPs for nearly 5 million population, and we have 125 for 8.5 million population. So, without asking you the magic number... but, substantially, that's
what I came concluding, that you are inviting us to think about increasing, in
order to make it work, substantially the number of MPs.
M.
Hughes (Darren) : I don't think you need to do that. There are other ways of ensuring more
representation if you're concerned about that aspect, for example through local
government as well, if you're worried about the
community-based politics, community-based representation. But, having looked at
your proposal, I don't see a reason why it wouldn't work on 125 MPs.
M.
Tanguay : And you mentioned that there's a necessary step, the agree-to-disagree
clause, I think, internally, in terms of the Parliament, the way it works, in order to assume
and to ensure the stability of the governments for the last 35 years. You mentioned that it was either minority or coalition governments
for New Zealand. But this is an important aspect of the balancing of the system
to have internally, in the way the Parliament is working. It's not because you
have... For instance, if you are the Prime Minister, you're the Government, and
you're facing a motion of non-confidence, and you lose it, I think that there
are different options in place, already in place other than going directly to a
general election.
M. Hughes (Darren) : Yes, but that's very theoretical as a question because there's never been a no-confidence vote
motion that the Government in New Zealand has ever lost, no
matter which party has been in, and that's due, I
think, because of the no-surprises and the agree-to-disagree clauses, that,
unlike majority single-party governments that can spring new policies on
the public and on the Assembly, under this system of more cooperative working,
you have to signal much further in
advance what your policy priorities are, and so, if there are any major
disagreements, they become evident much, much earlier in the process,
and so, therefore, you don't get to that high-drama mark that
first-past-the-post adversarial politics demands of holding your cards very
close to your chest and playing the ace card at the last minute to scare your
opponents. It's a much more consensual way of working. And, I think, from a partisan point of view, why I think that's so good
is that it means that, when a government is
finally voted out of Office, sometimes those policies are so well entrenched in the country that the
new government coming in can't throw everything out, sometimes because they'll be working with parties that helped
to put those policies in place. So, you don't tend to get that, you know,
almost television-style drama around the confidence motions, and you get more
durability in the policy, which I think is a very sensible approach to take.
M. Tanguay : And, of course, here, in Québec, we don't have the same political culture as you
are experiencing in New Zealand, so how should we put this in place, this
agree-to-disagree clause? Should we put it in the Bill 39? Should we necessarily think about
reforming our way of working here, at the National Assembly? Because we have to put a certain
formality behind this wish of agree-to-disagree, otherwise it's going to be
same old. In other words, we are in
competition for the power, and, if there's a way and means for me to... for a
political party to go ahead with a motion of non-confidence, and that
means that the timing will be right for a general election, I think that we
have to put in place something that will ensure that this change of culture,
agree-to-disagree clause, will be respected.
M. Hughes (Darren) : Yes, I mean, I think what you're
saying is correct, because people have to want to make it work. Now, if
people are determined to wreck a new system, and not give it a chance, and are
determined to make it a failure, then they'll go about trying to do that, and
then that's a great shame, but those motivations become clear.
I don't think you can put these
sorts of matters into the legislation, because, as I understand it, the
legislation is about establishing the method of election to the Assembly of
parliamentarians, and then government formation is something that happens outside of that process. After the election,
after the new voting system has delivered the Assembly, then the process of government formation would
take place at that point. And so, I wouldn't suggest putting it into the
legislation, but I would suggest to all parties who, at some stage in the next
100 years, that, hopefully, the system you're
designing will last for, will all have a chance to be in government, that that
kind of culture of agree-to-disagree would be something that would be
written under coalition agreements. Because I do think...
Just to emphasize, this is not
about a theoretical change, and people start being lovely to each other all the
time, and there's never any more disagreements, or betrayals, or
disappointments, politics carries on. But you've got to recognize the identity
of those parties to live and continue to thrive. And I've always thought that
the no-surprises policy brings about honesty, and the agree-to-disagree is just
a transparent reflection that you've all contested the election as different
parties, different identities, and now you're working together for the nation.
M. Tanguay :
One last question, and correct me if I'm wrong, but what I'm concluding, with
respect to the... when you had your discussion, conversation with the Minister,
is it accurate to say that there's substantial differences between being a, for one part, constituency MP
and, on the other hand, a list MP in the nature of your work? Is it true,
and again correct me if I'm wrong, that we
have at least, minimally, to recognize that there are substantial differences
between these two types of MPs?
• (21 h 40) •
M. Hughes (Darren) : I think that really depends on the individuals involved. Because,
if you think about the elections at the moment in all the ridings in Québec,
I'm sure that different MNAs perform to a different level of service, and
competency, and friendliness, and effectiveness. I'm sure there are
differences. So, there's no real job descriptions for what we do as
parliamentarians, really. We stand for election, and, if we're faithful to our
manifesto, and we work hard, then constituents will hopefully reward that good
behavior. But there's nothing that can do that in the rules to say : You will run a constituency surgery, you will
attend a number of school prize givings. These are things that you're motivated
to do because your political experience tells you that they are, you know,
decent and sensible things to do.
And I think that's what happens
with the two different types of MNAs, that the people who fulfill those jobs
will bring their best political judgment of how to do those jobs to the fore.
So, just as you see a range today in your riding colleagues, I'm sure — you don't have to answer that — but across the... political jurisdiction, that would be true. Also, with the list MNAs, you'll see a
range of different levels of performance. But, in terms of their legal role in
the Chamber, as parliamentarians, they sit on commissions, they vote the same
way, they give speeches, they're described in the media as MNAs, and that's
something that is absolutely clear. But, as to the performance, well, it will
just depend on the individuals who want to make a best go of the job.
Le Président (M. Bachand) : Merci,
M. le député de LaFontaine. Avant de continuer avec le député de Gouin,
j'aurais besoin d'un consentement pour ajouter un maximum de 10 minutes à
la séance.
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) : Consentement? Merci beaucoup. M. le député de Gouin,
s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup. Thank you very much for your comments. I was
intending to talk to you about
the difference between, you know, constituency MPs and party-list MPs, but your
explanations were very clear, and I won't waste our
time on that issue.
But I want to hear you on
something else. One of the things we're discussing here, to find an equilibrium
between the importance of territorial representation and the importance of a
certain level of proportionality inside each
electoral region, is this idea to add more MPs, more Members of Parliament
here, in Québec. When you guys, in New
Zealand, did your electoral reform, did you add some Members of Parliament? If
yes, was there a popular reaction to that? Was there a negative
reaction? Because, obviously, adding Members of Parliament means spending money
to fund those people. So, was there a negative reaction? Is this something
people regret? Are they nostalgic of the time when there were less Members of
Parliament in New Zealand?
M. Hughes (Darren) : Thank you. Yes, there was a change in the number of MPs, it went
from 99 to 120, so about a 20% increase in the size of the Chamber, and that
was because we were reducing the number of ridings, but we were introducing
this new system of list MPs. And, because we were having a single national
list, it was decided to have 60 off the list and 60 from the constituencies,
from the ridings, so there was an increase at that time.
I wish I could tell you that
that was wildly popular because people value the democratic process and they
have working politicians that stand for election, but it was a negative part of
the reform, initially. And, for people who don't want proportional
representation, for people who want the status quo to continue, they made quite
a big deal about the increase in the number of MPs from 99 to 120. So,
initially, it was unpopular, and initially... You remember I said the first
mandate had some... issues. But, in 2011, after several mandates of the public
experiencing proportional representation, there was a referendum to see whether
they still wanted it, whether they still liked it, and it won by a bigger
margin than when it was first introduced originally. So, I think there's an
issue of initial cynical reaction to more MPs : Oh, well, there they go,
making more jobs for their friends, that kind of negative, cynical assessment that was made in the beginning. All
those years later, people could see, actually, the diversity of the New Zealand
Parliament in terms of women, indigenous people, ethnic groups, younger people,
all of those things people had seen and thought : No, this is good, and so
they returned the system with its larger number of MPs by a higher margin than
before. So, I guess that's why I'm
saying, in my introduction remarks : You've really got to be thinking
about this reform, you know, for the decades and decades to come, and
for when all of your grandchildren are MNAs, and they'll thank you for what you
did.
M. Nadeau-Dubois :
Thank you.
Le Président (M. Bachand) : Thank
you. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Moi, je vais vous
épargner mon anglais, je n'ai pas envie de faire Infoman cette semaine.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. LeBel : M. Hughes, la question, c'est un peu dans le
même sens que mon collègue, sur le nombre de députés qu'on pourrait augmenter,
la loi précise 125, je pense que, pour conserver la culture des régions ou le
sentiment d'appartenance des régions, il faudrait augmenter les députés, et je
suis heureux de votre réponse.
Ma question est peut-être plus sur le référendum
que vous avez fait, le référendum qui vient après la réforme pour voir si on a
aimé ou pas ou si on continue dans cette réforme-là. J'aimerais ça que vous
m'expliquiez. Si les gens avaient dit non, il aurait fallu revenir dans
l'ancien système, redéfaire la réforme? C'est un peu compliqué, là. Est-ce qu'on peut s'avancer dans une réforme,
l'essayer deux ou trois mandats, et là dire : Non, ça ne marche pas, puis
on revient à... Est-ce qu'il y a des dépenses? Comment vous avez réussi à
expliquer ça aux gens?
M. Hughes
(Darren) : Yes. So, the Government of the day had made an election promise to hold another
referendum on the voting system. And it was at the end of their first mandate,
they were a very popular government, and they went on to be re-elected. But
what was interesting is that although the voters gave them another mandate and gave them a very strong vote for their party,
they did not agree with this suggestion of changing the voting system.
So, I think that it shows a real sophistication that people could say :
Look, I really like this Government, but I don't want to give away all this power, like under the old system, to one
party to do whatever they want. And so, I think that it really showed
that the more people have experienced the new system and got used to it, and
old voters who were old enough to have been onto both systems could compare
them, then that's why they voted by a stronger margin in the beginning.
Had the vote gone the other
way, they now would have reverted to a form of first-past-the-post, not exactly
the same as what had been there previously, but fairly close to it. And people
looked at that and they preferred to stick
with the current model, which I think does speak volumes for the success of
what has occurred. I'm not wildly... I'm
not a strong proponent of referendums because often the campaign can become
about everything except the question on the ballot paper. And, of
course, if you combine it with a general election, then a lot of parties are
competing quite fiercely on their other
differences, and so it cannot provide the oxygen to the topic. So, that is one
thing to consider, which is why, if there was a
desire for a referendum, in my opinion, it would be better after three mandates,
so that you get the culture change coming
in, and then citizens can make a decision and they can say : No, I would
rather get back to the old system, or they can say : We would quite
like this new way of doing politics. So, I'd make it a real choice by giving
people the experience of both rather than saying : Here's what you've
already got, here's something we're going to explain to you about the future
that you don't know about yet, please decide. I think that it would be better
to do it in the other order.
M. LeBel : Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Merci beaucoup. Thank you for your time. From my point of view, a
big step forward with the reform is the fact that citizens will now have two
ballots on election day : one for the candidate in the riding and the other one for the party that they prefer. On
the other hand, in the bill that is proposed by the Government, it is planned to combine the two ballots in order to calculate
the public funding of parties, which, in my view, goes against the spirit
of the reform. So, I'd like to know what do you think about it, and how does it
work in New Zealand.
M. Hughes (Darren) : Sure. So, in New Zealand, the most important vote, without any
question, is the party vote, and that is advertised by the Electoral Commission
extensively. The citizens' determining vote that drives the proportionality for
the establishment of the Parliament is that party vote. And so, when the
system, if you like, the establishment wants to make an assessment of a party's
level of support, it will always use its success in the party vote, it doesn't
take into account the constituency local vote. And that's how that has taken
place in New Zealand.
I should say that there's not a
lot of public funding in New Zealand. There is some allocation of broadcasting time for television advertising, which is largely
becoming redundant today because of online advertising. But, generally
speaking, the way it is, it is the party vote that determines the agreed nature
of a party's support.
Mme Fournier :
OK. Thank you.
Le Président (M. Bachand) :
M. Hugues, c'est tout le temps qu'on a, malheureusement. Merci beaucoup de
votre temps, de votre travail, et on vous attend au Québec très bientôt.
Cela dit, la commission suspend ses travaux
jusqu'à demain, mercredi 5 février, après les affaires courantes, où elle
poursuit son mandat. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 50)