(Onze heures trente et une minutes)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je
demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de procéder aux
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 107, Loi visant à accroître la
compétence et l'indépendance du commissaire à la lutte contre la corruption et
du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du directeur des
poursuites criminelles et pénales d'accorder certains avantages à des témoins
collaborateurs.
Mme la secrétaire, il y a des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Marceau (Rousseau) est
remplacé par M. Bérubé (Matane-Matapédia) et M. Jolin-Barrette (Borduas)
est remplacé par M. Spénard (Beauce-Nord).
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
Ce matin, nous entendrons les organismes suivants : l'Association des
directeurs de police du Québec et le Commissaire à la lutte contre la
corruption. Et nous aurons quelques groupes cet après-midi, dont la Sûreté du Québec, le Barreau du Québec, le Directeur
des poursuites criminelles et pénales et le Bureau des enquêtes
indépendantes.
Auditions (suite)
Dès maintenant, je souhaite la bienvenue à
l'Association des directeurs de police du Québec, la présidente, Mme Helen Dion, et son nouveau directeur général,
M. Didier Deramond. Je dois déclarer un conflit d'intérêts immédiatement,
pour avoir déjà travaillé avec M. Deramond à
la Sûreté du Québec alors que M. Deramond était au SPVM. Bienvenue à la commission. Et, Mme Dion, bien, vous connaissez
les us et coutumes de la commission, vous avez 10 minutes pour faire
votre présentation, et par la suite il y aura échange avec M. le ministre et
les porte-parole des deux oppositions. À vous la parole.
Association des directeurs
de police du Québec (ADPQ)
Mme Dion
(Helen) : Alors, M. le
Président, permettez-moi de remercier les membres de cette commission
pour cette invitation réitérée. Comme vous
le savez, nous avions initialement décliné cette opportunité. Cette seconde
invitation nous a fait cheminer et reconsidérer notre position face à cette
consultation.
Vous serez à
même de constater que nous appuyons généralement l'ensemble du projet de loi
n° 107, mais nous profiterons
donc de l'opportunité qui nous est offerte afin de solliciter quelques
explications et commenter certains points.
En préambule,
nous réitérons notre conviction de la pertinence des deux jeunes institutions
que sont le Bureau d'enquêtes indépendantes et l'Unité permanente
anticorruption du Québec. Ceux-ci contribuent à la transparence et à l'indépendance des enquêtes qui y sont menées. Il
est donc normal et inévitable que des modifications relatives à leurs modes de fonctionnement et leurs mandats puissent
être adoptées au fil du temps. Une large partie de ce projet de loi est
à cet effet. Sa lecture détaillée soulève cependant quelques questionnements
que nous vous proposons, mais nous ne déposerons pas de mémoire comme tel.
Relativement
aux articles 5.1 et 8.1 prévoyant un comité de sélection, nous sommes tout à
fait d'accord avec la participation
d'un directeur de police au sein du comité de sélection et de la recommandation
que doit formuler le conseil d'administration de l'ADPQ à cet effet. Il
en va de même pour les dispositions de l'article 8.1.
Nous
profitons cependant du moment pour porter à votre attention les difficultés que
nous éprouvons à remplir les mêmes
obligations dans les processus de sélection liés au Bureau des enquêtes
indépendantes, aux articles de la Loi de police 289.7 et 289.8. On y
requiert des recommandations d'anciens directeurs de police qui ne sont plus
agents de la paix, non rémunérés, de
surcroît. L'expérience passée nous a démontré que l'exercice peut s'avérer fort
difficile, voire impossible. Nous
vous recommandons de revoir la composition de ces deux comités de sélection des
BEI afin d'appliquer les mêmes règles que celles qui sont proposées dans
le présent cas, soit la participation d'un directeur de police actif.
Relativement aux
articles 5.2 et 8.2 sur la durée des mandats, nous appuyons la durée des
mandats respectifs de sept et cinq ans.
Relativement à l'article 8.4 sur le statut de corps de police, nous sommes
en accord avec le statut de corps de police. Relativement à
l'article 8.5, est-ce que cela change quelque chose sur le statut des
groupes ou unités d'intégrité existantes, à savoir celles qui existent à Laval
présentement, à Saint-Jérôme et l'EPIM, de Montréal? Deviennent-ils
ou deviendront-ils désignés systématiquement? Qu'en sera-t-il de la possibilité
de se voir multiplier ces unités municipales?
Ce devrait être un peu plus explicite, selon nous. Relativement à
l'article 8.8 sur l'obligation du directeur
de police, nous appuyons cette obligation. Relativement à l'article 14,
l'éligibilité des enquêteurs de corps de police municipaux, nous sommes confortables avec le principe du
recrutement d'enquêteurs au sein de corps de police municipaux et en appuyons le principe. Leur
expertise sera certainement un atout. Nous souhaitons cependant avoir
des précisions sur la signification du terme
«prêtés». À notre avis, ce doit être clair et sans équivoque que l'UPAC
assume la charge d'une ressource qui lui est assignée. Cette responsabilité
financière et légale devrait apparaître audit texte.
Loi sur la police.
Relativement à l'article 24 et le statut de corps de police spécialisé,
nous appuyons aussi le principe de corps de
police spécialisé pour ces deux instances. Relativement à l'article 28 et
les infractions sexuelles, cette option ou cette obligation est déjà en
vigueur depuis 2016, suite à des circonstances exceptionnelles. Son application
définitive dans ce projet de loi nous semble
prématurée, alors que des enquêtes et des commissions sont encore en
cours et que nous n'en connaissons pas les
conclusions. Qu'y a-t-il de si urgent? Comment justifier qu'une enquête de même
type à l'endroit d'un policier puisse ou
doive relever d'instances différentes selon que ce même policier soit en devoir
ou non? Les mêmes préoccupations de
transparence demeurent. Est-ce que cette solution se doit d'être immédiate et
définitive? Relativement à l'article 30
et les plaintes jugées frivoles, la responsabilité appartenait, jusqu'à
maintenant, au directeur de police.
Conformément à l'esprit de la modification énoncée plus tôt, forcément, cela
doit devenir de la responsabilité du BEI. Dans un tel cas, nous
suggérons que le BEI devrait en informer le directeur de police.
Loi
sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Relativement à
l'article 38 sur les pouvoirs du DPCP de mettre fin à une
instance : Est-ce que ce pouvoir peut aussi s'appliquer à l'endroit des
sanctions possibles ou mesures disciplinaires ou déontologiques pouvant être
prises à l'endroit d'un policier? Si tel est le cas, une décision unilatérale du DPCP, sans consultation préalable
auprès du directeur de police concerné ou du Commissaire à la
déontologie, pourrait être néfaste à
certaines procédures administratives ou disciplinaires d'importance. En
maintenant un employé indésirable au
sein d'une organisation policière, cela peut créer un grave problème. Le cas
échéant, l'obligation de consultation du directeur et du Commissaire à
la déontologie devrait être incluse à l'article de la loi. Relativement à
l'article 38 sur la possibilité de réintroduire une instance, cette
possibilité, prévue aux articles 24.4 et 24.5, est impérative.
Au
niveau du code de déontologie des policiers et policières du Québec, si
effectivement le DPCP peut intervenir dans un processus déontologique,
une modification ou insertion à cet effet devrait aussi, selon nous, être
formulée.
• (11 h 40) •
En
conclusion, mesdames et messieurs, membres de cette commission, permettez-moi
encore une fois de vous remercier de
cette opportunité de pouvoir discuter, dans un forum démocratique, de certains
points de vigilance à l'égard du projet de loi n° 107.
Somme
toute, l'ADPQ accueille favorablement le projet de loi, avec certes des
précisions envisageables, tel que je
viens d'en témoigner. Nous pourrions être surpris de la réponse aux pressions
sociales et la remise en question continuelle de nos institutions. Mais le sommes-nous vraiment? Je ne crois pas. Nous
servons et protégeons la société avec tout le professionnalisme requis et nécessaire afin d'améliorer la sécurité de
nos communautés. Tantôt, nous sommes excellents pour effectuer le travail et, le lendemain, nous ne le sommes plus,
selon certaines personnes qui soutiennent la théorie de la complaisance entre les services de police
surtout en matière d'enquête interne. À notre avis, si ce n'est pas la
capacité de mener des enquêtes qui est
remise en cause, alors doit-on conclure que ce serait notre intégrité? Ce qui
est encore pire. La société demande à
ce que l'on améliore la transparence et la reddition de comptes. La fluidité et
la rapidité demandées doivent s'apparenter à un exercice pédagogique
existant, afin d'expliquer nos décisions et surtout mettre en lumière la notion
partenariale du système de justice, où tous les intervenants pénaux ont un rôle
complémentaire à jouer.
Encore
une fois, à notre avis, d'attaquer une institution particulière a comme
résultat de toutes les attaquer. Notre responsabilité
sociale de sécurité publique doit satisfaire les attentes de la population, et
notre système ne doit en aucun cas cesser
d'évoluer. Nous devons concentrer nos efforts sur l'analyse des éléments
causaux et trouver des solutions novatrices conjointement. En guise
d'exemple, permettez-moi de vous faire état des lieux en matière d'allégations
criminelles visant des policiers
présentement. Le transfert, au SPVM, de toutes les enquêtes des allégations
autres que celles à caractère sexuel
qui auraient été commises dans le cadre de ses fonctions, lorsque la personne,
plaignant ou victime présumée, est autochtone. Celle-ci est aussi suivie
par une observatrice indépendante. Lorsqu'il y a des allégations impliquant des
services du SPVM en pareille circonstance,
les enquêtes sont transférées au SPVQ, la police de Québec. Le transfert,
à la Sûreté du Québec, de toute enquête
interne du SPVM sur des allégations criminelles visant leurs membres; elles
peuvent être enquêtées par l'équipe mixte
d'enquête — cogéré par la SQ et le BEI — ou la Direction des normes
professionnelles de la SQ, qui en prend charge.
Pour des personnes
néophytes, et, en d'autres termes, l'exemple que je viens de nommer, les choses
n'aident surtout pas à la compréhension du public et son niveau de confiance
face à ces institutions. Nous devons trouver des solutions transitoires et permanentes faisant en sorte de clarifier le
tout. Bien que nous vivions dans une société de droit, nous demeurons
convaincus profondément que la solution à divers enjeux de transparence et
d'intégrité ne passe pas uniquement par des
changements de législation ou de structure, mais par une responsabilisation des
acteurs et la prise en charge
collective que génère la législation. Nous comprenons la grande complexité de
changement de législation et nous tenons
aussi à réitérer l'importance d'être consultés dans l'élaboration de celle-ci
afin d'avoir une réponse adéquate et ne pas déresponsabiliser les dirigeants des forces de l'ordre face aux
nouvelles réalités. L'adage et la sagesse nous enseignent que prendre un temps d'arrêt est salutaire,
particulièrement par respect pour les recommandations qui émaneront des
commissions d'enquête et pour éviter de faire, défaire et refaire en ce
qui concerne la transparence et l'intégrité des institutions.
Nous
saluons cette consultation et la réflexion de cette commission et nous pouvons
vous assurer que l'Association des
directeurs de police du Québec sera au rendez-vous de l'amélioration et de la
clarification des rôles et responsabilités et se portera volontaire à être un vecteur de changement. Soumis
respectueusement à votre commission, M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Dion. Ma première requête, avant
que M. le ministre entame sa première ronde
de questions : Seriez-vous assez aimable de nous faire parvenir les notes
sur lesquelles vous vous êtes appuyée
pour faire votre présentation ce matin au secrétariat de la commission, pour
aider justement les parlementaires dans leurs réflexions avant l'étude
article par article du projet de loi?
Mme Dion
(Helen) : Je n'ai pas d'objection, mais, normalement, on fournit un
document qui est beaucoup plus exhaustif et plus... Vous comprendrez qu'avec le
peu de temps qu'on a eu on n'a pas mis de décoration, si on peut dire.
Le Président (M. Ouellette) : Bien, c'est pour ça que — je n'ai pas besoin de la décoration — je vous fais cette requête, et je pense que ça pourra aider M. le
ministre, les parlementaires et les porte-parole des deux oppositions.
Donc, si vous voulez bien nous les faire
parvenir au secrétariat de la commission quand vous pourrez le faire, ça sera
très apprécié. M. le ministre.
M.
Coiteux : Merci, M. le Président. Alors, merci, Mme Dion, pour cette
présentation. M. Deramond aussi, merci d'être là, puis surtout
félicitations pour votre récente nomination comme directeur général de l'ADPQ!
M. Deramond
(Didier) : Merci, M. le ministre.
M.
Coiteux : On va être très heureux, comme toujours, donc, de travailler
avec l'association et puis avec vous en particulier, qui assumez ce
poste maintenant.
Alors, écoutez, je
n'aurai pas nécessairement plusieurs questions, mais je voudrais vous donner
l'occasion d'élaborer un petit peu davantage sur au moins deux choses, là, puis
je vais peut-être commencer par la question des responsabilités du BEI pour commencer. Je sens comme une réticence de
votre part à ce qu'on enchâsse dans la loi ce qui est déjà la pratique, à l'heure actuelle, par
décision du gouvernement, c'est-à-dire de confier au BEI les cas
d'enquêtes visant des inconduites de nature
sexuelle de policiers en fonction. Bon, ici, on précise que ça devrait être la
norme, ça devrait faire partie des
responsabilités du BEI, au-delà de son rôle, le rôle premier pour lequel le BEI
a été créé, c'est-à-dire d'enquêter lorsque, suite à une intervention
policière, il y a eu blessure grave, voire même une personne qui aurait perdu
la vie.
Pourquoi
il y a un enjeu, pour vous, là, face à cet élargissement législatif des
responsabilités du BEI, qui n'est pas un élargissement des
responsabilités dans les faits?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Dion.
Mme Dion (Helen) : En fait, en premier lieu, il faudrait qu'on ait démontré qu'il y ait
eu, je vous dirais, somme toute, un problème beaucoup plus profond et
touchant l'intégrité ou la transparence des enquêtes.
Par
le passé, il y a eu des enquêtes et, tout dernièrement, il y a eu une situation
qui a généré une prise en charge de plusieurs
enquêtes par les corps policiers. Il y a une mobilisation qui a été faite à
l'ensemble des corps policiers. On s'est mis ensemble pour pouvoir travailler puis résoudre une situation dans
laquelle il y avait présomption au niveau du caractère d'intégrité des enquêtes. Je vous dirais que ça se
fait de façon régulière dans les corps de police où est-ce qu'à partir
du moment qu'un directeur de police peut
penser qu'il y aurait, au niveau de l'intégrité ou de la transparence quant à
une enquête... fait régulièrement avis au ministre, qui va confier cette
enquête-là à un autre service de police.
Dans
le cas particulièrement des agressions sexuelles, que vous me demandez, il y a,
à l'heure actuelle, plusieurs commissions
d'enquête, il y a, à l'heure actuelle, des enquêtes qui ne sont pas encore
terminées et qui pourraient peut-être nous permettre de voir s'il y a
une meilleure solution. Est-ce que c'est vraiment cette solution-là qui va
permettre de remédier à une situation?
Peut-être que oui. Pas qu'on n'est pas d'accord avec la solution proposée, mais
on se dit : Est-ce que c'est
prématuré de la présenter? C'est en ce sens-là qu'on vous recommandait, M. le
ministre, de laisser le temps aux instances nommément formées de voir
s'il y a des recommandations à faire et regarder peut-être le problème, s'il y
a lieu, dans un ensemble et ne pas seulement concentrer sur un type de crime
qui pourrait être commis seulement. Puis, comme
je disais et comme je relevais, lorsque, dans l'exercice de ses fonctions, il
est confié au BEI, bien, la différence entre
l'exercice de ses fonctions ou quand il n'est pas dans ses fonctions... il n'en
demeure pas moins que c'est le même type de crime. Alors, dans un cas, on est capable de faire l'enquête et, dans
l'autre cas, on ne le ferait pas. C'est un peu en ça. Puis, je me disais, on va peut-être regarder tous
ensemble à des solutions ou à des situations qui vont évidemment
préserver l'opinion publique et s'assurer qu'on offre le meilleur service aux
citoyens en matière de sécurité publique.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le ministre.
• (11 h 50) •
M. Coiteux :
Ma deuxième question, c'est pour vous donner l'occasion d'approfondir aussi
davantage. Vous sembliez avoir un certain nombre de préoccupations à l'égard
des équipes d'intégrité qui existent dans certains corps policiers et leur rôle vis-à-vis
de l'UPAC, compte tenu de l'article 8.8 qui est proposé dans le projet de loi, qui dit que «tout corps de
police doit aviser le commissaire
lorsque, dans le cours d'une enquête qu'il mène, il a des motifs
raisonnables de croire qu'un acte répréhensible — au sens de la loi de
l'UPAC, bien entendu — a
été commis».
J'aimerais ça vous
entendre sur les enjeux, de votre côté, là-dessus un peu plus.
Mme Dion
(Helen) : Bien, nous sommes tout à fait d'accord avec cette position. Ça fait partie, lorsqu'un
directeur de police, peu importe, qui est témoin ou qui reçoit une information
d'une infraction qui serait commise, peu importe la loi
judiciaire ou la loi pénale, bien, oui, que, par le canal dans lequel on
l'avise, on n'a pas de problème d'aviser directement
cette entité-là au niveau de l'UPAC, on doit aviser. Et, que la responsabilité incombe à un directeur de le
faire, je pense que ça va de soi. C'est
notre responsabilité, comme directeurs de police, d'être garants, si on veut,
des normes et des législations en vigueur. Et, que le canal soit
directement orienté via l'UPAC, dans ce cas-ci, nous ne voyons pas d'objection.
M. Coiteux : Mais quelle était alors
la référence que vous avez faite aux équipes d'intégrité, puis quel serait leur
rôle pour la suite?
Mme Dion (Helen) : En fait, nous, au
niveau de l'intégrité...
Une voix : ...
Mme Dion (Helen) : Ah! O.K.
Excusez-moi, oui. Excusez-moi. Je vous reviens. C'est les intégrités locales,
c'est-à-dire qu'à Laval ils ont leur intégrité.
M. Coiteux : Oui, tout à fait.
Mme Dion (Helen) : Et, nous, ce
qu'on se disait : Est-ce que ça devient des sous-équipes de l'UPAC ou
s'ils demeurent indépendants? Qu'en est-il
du vecteur de communication entre ces entités-là et l'UPAC? C'est
simplement ce qu'on voulait faire préciser
par le gouvernement. Est-ce que le développement de l'UPAC vient encombrer, englober aussi ces
unités-là ou si on le voit autrement?
Le Président (M. Ouellette) : M. le
ministre.
M. Coiteux : Le projet de loi ne
modifie pas la pratique actuelle, ça reste des corps policiers indépendants. C'est simplement l'obligation de transmettre, qui
existe déjà, mais qui est précisée, là, par l'article 8.8 ici de façon
beaucoup plus nette, disons. Mais ça reste des corps policiers indépendants.
Ils ne sont pas intégrés dans l'UPAC. Ce qui me permet aussi de dire que, sur la question du prêt de service, je ne
pense pas qu'il soit nécessaire de préciser qui va payer, mais, dans les faits, un prêt de service implique
que l'UPAC paie ses propres ressources avec ses propres crédits. Donc, c'est comme ça que ça fonctionne. Donc, on
regardera ça avec nos juristes s'il y a une ambiguïté, mais c'est comme
ça que ça devrait fonctionner, normalement. Donc, ça, pour vous rassurer, je
vous le dis tout de suite.
Sinon, moi,
je n'aurais pas d'autre question, parce que c'étaient les enjeux, là, sur
lesquels, là, j'avais besoin de quelques précisions additionnelles. Je
ne sais pas si certains de mes collègues auraient des questions. Donc, auquel
cas, M. le Président, on peut demander maintenant à...
Le
Président (M. Ouellette) :
La présidence va en avoir une. Puisqu'on était dans les prêts de service, avez-vous
des recommandations sur la durée des prêts de service?
Mme Dion
(Helen) : Bien, en fait, au
niveau de la durée, pas nécessairement. La seule chose, c'est qu'évidemment,
dans les pratiques que l'on fait, plus la
personne se dirige vers une spécialisation et qu'elle revient fort longtemps
après dans ses fonctions primaires, évidemment,
il y a une déconnexion qui se fait. Je ne peux pas vous dire à quel moment que
ça se passe, trois ans, cinq ans, mais je
peux vous dire qu'il y a une certaine déconnexion quand ils sont retournés
dans leurs services de police
primaires. Maintenant, c'est sûr que plus les gens sont au fait de
différents projets de loi ou de différentes lois à appliquer et
qu'ils ont ces connaissances-là, évidemment, ils deviennent des vecteurs de
transmission de connaissances à leurs autres enquêteurs dans leurs entités
primaires.
Donc, on n'a
pas de recommandation comme telle, mais on veut simplement mettre sous votre
information que c'est fort utile de participer à différentes instances
comme ça pour la connaissance de nos policiers.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé : Merci, M.
le Président. Bonjour, Mme Dion,
M. Deramond. C'est la deuxième fois qu'on a à échanger ensemble. Vous avez parlé, d'entrée de jeu, d'un
refus initial de participer aux auditions et ensuite d'un cheminement.
Alors, est-ce que vous pouvez nous parler de ce cheminement qui est survenu
entre le refus initial et le changement d'idée de votre association?
Mme Dion
(Helen) : Bien, écoutez, au
départ, lorsqu'on a reçu la convocation et très, très, très à court
terme... et, à la première lecture, on ne voyait pas la valeur ajoutée qu'on
aurait pu... au premier départ. Je vais vous dire bien honnêtement, on aurait probablement dû être là, mais, à la première lecture, on s'est
dit, peut-être, qu'on n'avait pas de valeur ajoutée nécessairement, puisque ça touchait
plus des instances qui étaient à l'extérieur de nous. Et, lorsqu'on a eu
une deuxième convocation, on a probablement mal évalué l'importance qu'on
pouvait y apporter, tout simplement.
M.
Bérubé : Merci, Mme Dion. Je veux vous assurer que
votre participation est certainement utile sur différents enjeux.
Je comprends que vous êtes
en accord avec la création d'un corps de police distinct avec l'Unité
permanente anticorruption, donc, qui
deviendrait éventuellement un de vos membres, un nouveau directeur de police ou
une nouvelle directrice de police,
sait-on jamais. D'ailleurs, je veux souligner que vous êtes une pionnière,
avec d'autres, de... encore sous-représentées,
les femmes, à la Direction des corps de police, et les gens de Repentigny sont
fiers de vous pour votre compétence
et notamment parce que vous êtes une pionnière. Je le sais, mon
beau-père habite à Repentigny. Alors, je voulais vous le dire. Vous êtes en accord avec la création d'un corps de
police qui est indépendant, avec énormément de pouvoirs. Lorsque vous comparez les pouvoirs de vos membres avec celui
actuel de l'UPAC... et qu'il aurait à la suite de ce projet de loi si
d'aventure il était adopté, c'est quand même important.
Alors, compte
tenu de ces pouvoirs-là, est-ce que vous considérez que l'UPAC, parmi vos membres,
éventuellement, aurait davantage de pouvoirs que vos autres membres, à la suite
de ce projet de loi, s'il est adopté?
Une voix : ...
Mme Dion (Helen) : En fait, ce que je vous répondrais à ça,
c'est : ce qui est demandé, c'est que ce soit un corps spécialisé. Donc, on reconnaît dans un certain
créneau le volet spécialisé de l'UPAC. Versus les autres corps
policiers, je ne vois pas d'ambiguïté quant aux collaborations ou aux
allégations.
M.
Bérubé : Par
exemple?
Mme Dion (Helen) : Pardon?
M.
Bérubé : Quant à la reddition de comptes pour chacun des
corps de police, bon, avec une reddition de comptes serrée avec les... la SQ a un statut particulier,
mais, pour les municipalités, c'est très serré. L'UPAC a un statut
particulier également. Par exemple, nous, on
a posé la question au printemps dernier : Est-ce qu'il y a eu des audits
internes? Est-ce qu'il y a des évaluations qui ont été faites? On n'a pas
accès à ça. Je suis convaincu que c'est plus facile à une municipalité
d'avoir accès à ça, de ce que j'en connais.
Alors, les modes de fonctionnement sont très
différents. Est-ce que vous avez porté attention à ça?
Mme Dion (Helen) : Bien, pour votre
information, évidemment, il y a des audits pour les services de police
municipaux, qui est mené par le ministère de la Sécurité publique, pour
s'assurer que le service qui est demandé au niveau des niveaux de service soit
rendu d'une façon uniforme par tous les services de police au Québec selon
leurs niveaux de service.
Maintenant,
en ce qui concerne l'UPAC, il y a certainement, et je ne suis pas membre de...
il y a certainement des moyens, au
niveau de l'Assemblée nationale, au moment de l'étude des crédits ou à d'autres
instances, que cette unité va devoir rendre des comptes, ne serait-ce
qu'en vertu des accusations qui vont devoir être portées.
M.
Bérubé :
Parce que, si je demandais au ministre de me fournir les audits pour chacun des
membres de votre association, j'ai
l'impression qu'il pourrait me les fournir soit par lui-même ou soit par la loi
d'accès à l'information. Mais, dans
le cas de l'UPAC, les membres de la commission, les membres de l'étude des
crédits n'ont pas eu accès... Peut-être qu'on l'aura tout à l'heure. On n'a pas eu accès à ça. Alors, c'est une
question que je pose, qui pourra peut-être avoir sa réponse tout à l'heure avec le groupe qui vous
suivra. Vous vous êtes montrés préoccupés par la notion de prêt, notamment,
d'enquêteur. Présentement, je sais qu'il y a des enquêteurs du SPVM qui sont à
l'UPAC... probablement d'autres corps de police également, peut-être Québec,
Laval, Roussillon.
Pouvez-vous donner un peu un état de situation
des effectifs qui proviennent des différents corps de police municipaux qui
sont à l'UPAC? Ça représente combien de personnes?
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Dion.
Mme Dion
(Helen) : Je ne peux pas
vous dire le nombre de personnes, parce que... Je vais laisser mon
successeur répondre à qui compose et le nombre de personnes qui composent son
unité. Vous comprendrez que, même si on me posait...
Je préférerais que personne ne réponde pour moi quand on me poserait des
questions pour mon service de police, là. Alors, je vais laisser mon collaborateur répondre à ça. Mais il y a des
membres de la Sûreté du Québec, et du SPVM, et d'autres services de
police.
M.
Bérubé : Je vais
poser la question d'une façon différente puis je vais laisser le soin à la
Sûreté du Québec de répondre.
Prenons le
cas du SPVM. Il y a certainement des policiers qui sont prêtés à l'UPAC.
Évidemment, vous avez des échos de comment ça se passe à l'UPAC. Quelle
appréciation avez-vous de la relation entre les prêts qui sont faits à l'UPAC,
notamment, du SPVM ou d'ailleurs, la satisfaction des gens qui y vont puis qui
reviennent? Est-ce que c'est des expériences qui sont, en majorité, positives
ou il existe des aspérités qu'on vous a communiquées?
• (12 heures) •
Mme Dion
(Helen) : Je ne peux pas vous parler pour les relations qui existent
entre le fait... au niveau de l'UPAC, pour
les policiers qui ont été prêtés et qui sont revenus, mais je peux vous dire
qu'on a participé, nous, au Service de
police de Repentigny, et d'autres services de police, à ce qu'on appelle
des ERM, des escouades régionales mixtes, qui sont aussi une entité sous la gouverne d'un autre
service de police, en l'occurrence la Sûreté du Québec, et les relations
sont excellentes. Dans la façon qu'on
procède, on ajuste les façons de faire, et, quand nos policiers reviennent, ils
sont redorés d'une expérience
différente et très enrichissante qui permet de collaborer avec et de
transmettre à leurs autres collègues de travail...
M. Bérubé : Ils
seront là, le SPVM, non?
Le Président (M.
Ouellette) : Le SPVM est... de Montréal.
M. Bérubé : Oui,
mais ils seront en commission, non?
Le Président (M.
Ouellette) : Ils vont être en commission mardi soir à...
M. Bérubé : D'accord. Parfait. Je vous pose la question parce que c'est composite
dans l'UPAC, hein? Il y a des civils,
il y a des gens de la Sûreté du Québec, il y a des gens du SPVM, et là ça
viendrait uniformiser un peu l'ensemble des troupes avec un corps de police, avec un pouvoir d'embauche, avec
des règles connues de tous. Nous, les échos qu'on a, c'est que c'est difficile, c'est difficile,
notamment, pour certains policiers qu'un de vos membres représente, M.
Pichet en l'occurrence, au SPVM, les
passages de l'UPAC. Il y a des problématiques. C'est très dur d'en savoir
davantage, mais je vous invite à vous
enquérir, auprès de M. Pichet notamment, auprès d'autres de vos membres, de
comment se passent les prêts d'effectif et d'avoir une évaluation très
factuelle, pour utiliser un terme cher au président de la commission, sur
comment ça se passe, parce que, nous, les échos qu'on a sont de toute nature.
Alors, je vous invite à regarder ça.
Vous
avez parlé, tout à l'heure, puis le thème était fort, de la théorie de
complaisance à l'égard de l'évaluation des enquêtes entre corps de
police. À des fins de souvenir, lors de la création du Bureau des enquêtes
indépendantes, étiez-vous en faveur?
Mme Dion (Helen) : Oui. Nous ne sommes pas contre des... Lorsque le gouvernement prend des
décisions pour créer des vecteurs de
contrôle, si on veut, on n'est pas contre ces situations-là, des propositions
du gouvernement. La seule chose qu'on
dit tout le temps, c'est que, par rapport aux institutions... appelons ça de
sécurité publique, policière, en général, il y a une espèce de cynisme
qui a été créée au cours du temps.
Puis
laissez-moi vous faire un parallèle assez rapidement : dans le monde
médical, il y a beaucoup plus de décès de personnes sur les tables d'opération qu'il peut y avoir de personnes
décédées sous l'oeuvre d'un policier ou l'implication d'un policier
comme tel, O.K.? Et on ne met jamais en question ni la formation des médecins
ni leur capacité, leur professionnalisme,
jamais que c'est lynché, entre guillemets, sur la place publique, alors qu'aussitôt
qu'il y a mort d'une personne, d'un
citoyen suite à l'implication ou une intervention policières tout de suite on
pointe du doigt la formation, on pointe du doigt la compétence, on
pointe du doigt même le ministère de la Sécurité publique, on pointe du doigt
les services de police comme quoi on aurait
déjà... on a comme un préavis ou une présomption comme si on avait déjà
fait erreur, ce qui, dans les faits, là — ce qui a été démontré et
redémontré — est
rarement le cas.
M.
Bérubé : Donc, je comprends, puis vous ne m'avez pas répondu
très directement, vous étiez en faveur de la création du Bureau des
enquêtes indépendantes, votre association? C'est bien ça?
Mme Dion
(Helen) : Nous sommes en faveur de toute unité de contrôle. On n'a pas
de problème avec ça.
M.
Bérubé :
Mais je me permets d'insister. Le Bureau des enquêtes indépendantes, lorsqu'il
a été présenté — je
ne sais pas si vous avez fait des représentations — vous vous étiez dits
en faveur de... pas d'organisme, de ce Bureau des enquêtes indépendantes.
Mme Dion
(Helen) : On a déposé un mémoire, si je me souviens bien, puis il...
M.
Bérubé :
Qui était favorable?
Mme Dion
(Helen) : Oui, il était favorable.
M.
Bérubé : D'accord. La distinction avec les exemples que vous
donnez, c'est que les policiers ont un pouvoir important, le pouvoir
d'arrestation, l'autorité, port d'armes, et ça, c'est des responsabilités qui
sont importantes et qui doivent être
encadrées. Et, lorsqu'on regarde les statistiques, avant le Bureau des enquêtes
indépendantes, du nombre de sanctions qu'on avait dans la police, on
conviendra que c'étaient des chiffres, disons, très bas. Alors, il faut croire
qu'il y avait beaucoup de plaintes non fondées.
Nous,
on l'a appuyé, le Bureau des enquêtes indépendantes, et on considère que les
Québécois souhaitent que la police
n'enquête pas sur la police et que c'est une avancée qui est importante, ce qui
n'enlève en rien le professionnalisme, la
rigueur qu'on reconnaît aux policiers du Québec. Mais, comme dans toutes les
organisations, on a besoin de reddition de comptes, de vérifications, et c'est pour ça qu'il y a cette
institution. C'est également pour ça qu'on aura des questions à poser
également sur la création de cet éventuel nouveau corps de police. Je vous
remercie.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci. Merci de votre commentaire, M. le député de Matane-Matapédia. M.
le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. Alors, merci d'être ici, Mme Dion et M. Deramond. Moi
aussi, j'avais une question, mais
vous y avez répondu, dans le sens que vous avez considéré que ce n'était pas
très, très utile d'être ici en première
instance et vous avez révisé votre position lorsque vous avez eu une
seconde lettre vous invitant à vous joindre à cette commission.
Est-ce que vous avez communiqué avec l'UPAC,
avec le Comité public du suivi des recommandations de la commission Charbonneau
avant de venir ici ou ça s'est fait... Parce qu'on sait qu'il y en a qui se
sont désistés dans la même journée et il y
en a qui sont revenus aussi dans la même journée. Alors, est-ce qu'il y a eu
des communications avec les autres corps de police?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Dion.
Mme Dion
(Helen) : Je peux vous
expliquer comment on fonctionne, M.
le député. Au niveau de
l'Association des directeurs de police du Québec, nous avons un conseil
d'administration, O.K.?
Le conseil
d'administration est composé majoritairement de directeurs de police
représentant les diverses régions, dont
aussi la Sûreté du Québec, qui est présente, et le SPVM. Nous avions convenu au
départ que, oui, on allait possiblement le regarder, parce que, lorsqu'on a reçu la convocation, on n'avait pas
encore reçu le projet de loi comme tel. C'est arrivé le même jour que notre conseil d'administration.
Mais, une fois le conseil d'administration dissout, si on veut, il y a
une permanence, au niveau de l'Association des directeurs de police, qui
regarde plus profondément... Parce que vous comprendrez
que tous les membres du conseil d'administration sont aussi directeurs dans
leurs municipalités. Alors, moi, je
suis retournée dans ma municipalité assumer mes fonctions de directeur. Et ils
se sont penchés... ce sont quand même des spécialistes, dont
M. Didier Deramond, et ont jugé que, pour l'instant, ce n'était pas
nécessaire ou on ne voyait pas en profondeur, rapidement, ce qu'on pouvait
apporter de plus, tout simplement, audit projet de loi.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord
M.
Spénard : Merci, M.
le Président. Vous avez parlé
d'apporter des précisions sur le terme «prêtés», parce que présentement il y a différentes
institutions, organisations qui prêtent du personnel à l'unité anticorruption.
Advenant qu'il devient un corps spécialisé pour les corruptions,
j'imagine qu'il n'y a aura plus de prêts, il va être maître d'oeuvre d'engager
son personnel, comme tout corps policier. Est-ce que vous pouvez m'éclairer là-dessus?
Mme Dion
(Helen) : Dans ce que lis
dans le projet de loi, à l'heure actuelle, on parle encore de personnel
prêté.
M.
Spénard : C'est ça,
mais...
Mme Dion
(Helen) : Donc, on ne parle
pas d'embauche systématique au sein
de l'UPAC. Donc, c'est pour ça qu'on
demande : Le terme «prêtés», est-ce qu'on peut le préciser, tout
simplement? Est-ce qu'ils demeurent quand même à leurs entités? Est-ce
qu'ils deviennent prêtés temporairement? Un peu comme on le vit dans les ERM, à
l'heure actuelle. Les ERM sont composées de
divers policiers, et le respect de la convention collective de leur unité
d'appartenance est respecté. Ça cause des
mots de tête, je vous dirais, là, avec mes collègues de la Sûreté du Québec,
puisqu'il y a à peu près, dans certaines
ERM, jusqu'à huit conventions collectives à gérer en même temps, mais c'est en
ce sens-là qu'on veut comme guider le gouvernement.
M.
Spénard : Ce qui me
vient à vous poser une question que je considère primordiale pour ce projet de
loi là : Est-ce que vous faites une
différence entre l'autorité fonctionnelle et l'autorité hiérarchique lorsqu'il
y a des prêts de policier ou de civil
à l'intérieur de l'UPAC? Qui est en autorité? J'imagine, l'autorité
fonctionnelle, ça doit être l'UPAC, mais, l'autorité hiérarchique,
est-ce qu'elle demeure dans le corps de police initial de l'individu qui est
prêté?
Mme Dion
(Helen) : Je ne peux pas
vous parler pour l'UPAC, parce que, personnellement, je n'ai pas de
personnel à l'UPAC, O.K.? Mais, lorsqu'on parle
de l'ERM, l'autorité, si on veut, des opérations est sous l'égide de l'ERM
comme telle, les ERM. Donc, tout ce que notre policier fait en termes
d'opérations est sous la responsabilité de la Sûreté du Québec, si on veut, quand qu'il est prêté. Donc, c'est en ce sens-là. La
seule autorité fonctionnelle, c'est, si on veut... le chèque de paie est toujours de Repentigny, c'est à
peu près ça, puis le respect de la convention collective de Repentigny
qui est en force à ce moment-là, à moins que, de lui-même, le policier accepte,
de gré à gré, des ententes avec la Sûreté du Québec, et ça, il n'y a pas de
souci.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord.
• (12 h 10) •
M.
Spénard : Merci, M. le Président. Est-ce que vous ne croyez
pas qu'en ayant deux autorités comme ça qui s'adressent à la même personne... est-ce que vous pensez que c'est, premièrement, assez transparent
pour dire qu'il n'y a aucune espèce
d'infiltration dans une enquête soit par l'autorité initiale du policier ou
soit par l'autorité fonctionnelle? Il y
a deux autorités, là, mais, moi, ça me chicote un peu, les deux autorités, là,
sur la confidentialité des enquêtes. C'est ça qui me chicote, moi. Parce que vous dites qu'il
est obligé de faire respecter... Il y a huit conventions collectives à
l'UPAC, vous avez semblé dire.
Mme Dion
(Helen) : Et même plus.
M.
Spénard :
En tout cas...
Mme Dion
(Helen) : Pas à l'UPAC. À l'ERM.
M.
Spénard : O.K. Les
autorités, là, est-ce qu'elles peuvent intervenir directement auprès de la personne lors d'enquêtes parce qu'elles ont
une autorité sur la personne comme telle?
Mme Dion (Helen) : Je vais vous parler encore au
niveau de l'ERM, là, parce que c'est
à ce niveau-là. Je peux vous dire
que, non, on n'a pas d'influence opérationnelle sur notre membre comme tel. On
ne peut pas lui dire d'aller enquêter sur telle, telle situation, si ce
n'est que par un comité directeur qui existe, qui rassemble l'ensemble des directeurs
de police qui ont un membre à l'intérieur de l'ERM, là, et que, là, ensemble,
les directeurs, on décide des orientations d'enquête,
si on veut, vis-à-vis une menace quelconque. Et c'est l'ensemble des
directeurs. C'est la seule façon qu'on a une influence sur l'entité de l'ERM comme telle. Donc, c'est en ce
sens-là que je vous dis que, non, directement avec notre policier, on
n'intervient pas quant à ses opérations terrain.
M.
Spénard :
Mais vous pourriez le faire, parce que vous avez l'autorité pour le faire.
Mme Dion (Helen) : En fait, il n'est plus officiellement sous la gouverne du Service de
police de Repentigny, opérationnellement parlant. Il se rapporte, à tous
les jours, à son lieutenant de la Sûreté du Québec.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Beauce-Nord. Je sais que
M. Deramond a été très bien placé pour vous définir la structure des
ERM, ayant lui-même dirigé une de ces unités d'enquête là par le passé. M. le
député de Mercier.
M. Khadir :
M. le Président, Mme Dion, comme je n'ai pas pu assister à votre témoignage et
qu'il n'y a pas de mémoire écrit, je ne poserai pas d'autre question que
de répéter la question de mon collègue de Beauce, précédent, parce qu'il vous a
posé une question précise, mais je ne crois pas avoir entendu la réponse.
Vous
avez quand même l'autorité d'intervenir auprès de la personne. C'est-à-dire,
cette autorité existe. Vous dites que ce n'est pas exercé, mais cette
autorité, stricto sensu, existe.
Mme Dion (Helen) : Écoutez, au niveau opérationnel, il n'est plus sous la gouverne du
Service de police comme tel, il est
prêté et sous la gouverne de l'entité sous laquelle il est embauché, si on
veut. Et je vais demander à M. Deramond, qui va vous expliquer encore
plus en profondeur les mécanismes...
Le Président (M.
Ouellette) : M. Deramond.
M. Deramond
(Didier) : Merci. Les prêts de service qui sont faits dans les
escouades spécialisées dans le partage des services, que l'on peut appeler,
effectivement, il y a des protocoles d'entente qui sont signés entre les organisations policières. Et, dans le cadre de ces
protocoles d'entente là, effectivement, on fait mention que la personne
prêtée demeure sous l'autorité des Services de police auxquels il va
travailler. Donc, s'il va travailler pour l'escouade régionale mixte de Montréal, il est sous son autorité, de l'escouade
régionale mixte de Montréal, ou l'ENRCO, maintenant, là, l'équipe
nationale en réponse au crime organisé.
Bon.
Effectivement, comme Mme Dion le disait, il y a une structure qui est en place
au niveau de la lutte au crime organisé.
On ne pourra pas dire la même chose au niveau de la lutte à la corruption, mais
il y a quand même une coordination qui
est en place présentement. Vous avez des équipes qui sont en place aussi qui
sont sous la gouverne des Services de police,
entre autres l'équipe de protection de l'intégrité municipale de Montréal, qui
est existante. Il y en a à Laval, il y en a un peu partout qui sont sous
la coordination... Bon, il est très peu probable que le Service de police de
Montréal va intervenir dans les opérations de l'équipe sous la coordination...
Bon.
Si vous me demandez s'il y a toujours une possibilité, la réponse à ça :
le risque zéro n'existe pas, là, comme dans bien d'autres choses, là,
mais c'est très peu probable. Et moi, de connaissance, après 36 ans, là,
je ne l'ai jamais vu, pour avoir été à la direction aussi de ces équipes-là.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Mercier, 30 secondes.
M. Khadir :
Non, ça va. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Helen Dion, M. Didier Deramond,
représentant l'Association des directeurs de police du Québec.
Je suspends quelques minutes.
Je demanderais au Commissaire à la lutte à la corruption et à son équipe de
bien vouloir s'avancer.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
(Reprise à 12 h 18)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant M. Robert Lafrenière,
qui est le Commissaire à la lutte à la corruption. M. Lafrenière, vous
connaissez les us et coutumes de la commission, 10 minutes de présentation. Vous allez nous présenter les gens qui
vous accompagnent. Et sûrement la question qui brûle les lèvres de tous les parlementaires... Vous allez
sûrement nous expliquer dans votre présentation la raison de votre
désistement aux audiences de la commission. Donc, je vous laisse la parole, M.
Lafrenière.
Commissaire à la lutte
contre la corruption
M. Lafrenière (Robert) : Alors,
merci, M. le Président. Alors, M. le Président, Mmes et MM. les députés,
bonjour à tous. Je me présente : Robert Lafrenière, Commissaire à la lutte
contre la corruption. Je suis accompagné, aujourd'hui,
du commissaire associé aux vérifications, M. Michel Pelletier; de
Me Marie-Claude Laberge, conseillère juridique; de maître... de monsieur — j'étais en train de vous nommer maître, M.
Barabé — M.
Martin Barabé, conseiller stratégique
au commissaire; et d'Anne-Frédérick Laurence, qui est directrice des affaires
publiques et des communications.
Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui à la
Commission des institutions afin de répondre aux parlementaires à propos du projet de loi n° 107, Loi visant à
accroître la compétence et l'indépendance du commissaire à la lutte
contre la corruption et du Bureau des
enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du directeur des poursuites
criminelles et pénales d'accorder
certains avantages à des témoins collaborateurs. En effet, j'ai bien entendu
les parlementaires qui me demandent de
réitérer en cette commission les préoccupations qui me motivent, en tant que
Commissaire à la lutte contre la corruption, à demander au gouvernement
d'accroître l'autonomie, la compétence et l'indépendance de l'UPAC, et ce, dans
le but d'améliorer notre capacité à combattre la corruption.
• (12 h 20) •
Rappelons que
l'UPAC est une jeune organisation qui a été créée en 2011 pour rétablir et
préserver la confiance des citoyens envers les institutions publiques.
En effet, pour situer la création de l'UPAC, il faut remonter vers la fin des
années 2000, alors que des allégations sur des cas de corruption, d'abus
de confiance et de collusion dans l'octroi et l'exécution des contrats publics
ainsi que des allégations de financement politique illégal se succédaient, au
point de commander une réponse claire aux
autorités. Le gouvernement a répondu en créant l'opération Marteau en 2009, l'Unité anticollusion du
ministère des Transports en 2010, l'Unité permanente anticorruption en 2011 et
la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans
l'industrie de la construction en 2012.
Plusieurs
lois ont par ailleurs été adoptées par l'Assemblée nationale, dont la Loi
concernant le financement des partis
politiques et la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics, qui
proposent un système permettant que soit vérifié si les entreprises qui
désirent contracter avec un organisme public ou avec une municipalité satisfont
aux conditions d'intégrité requises.
Ces
initiatives ont permis de s'attaquer à ce phénomène criminel avec des moyens sans précédent. Au niveau
de l'UPAC, les enquêtes policières,
notamment, ont donné des résultats éloquents, tandis que la commission
d'enquête sur l'industrie de la
construction a permis de faire la lumière sur plusieurs allégations de pratique
déloyale. Les recommandations issues
de la commission d'enquête publique sont d'ailleurs une des raisons qui
motivent les ajustements souhaités pour améliorer les mécanismes de
fonctionnement qui sont en place au sein de l'UPAC depuis 2011. C'est, entre
autres, et prioritairement, pour renforcer
l'indépendance du Commissaire à la lutte contre la corruption que la vision d'un
corps de police spécialisé en matière de lutte contre la corruption a été
élaborée.
Mon équipe et
moi avons participé, depuis les deux dernières années, aux travaux qui ont mené
à l'élaboration actuelle du projet de
loi n° 107 tel qu'il est soumis aux parlementaires aujourd'hui. J'ai eu
plusieurs occasions de partager mes préoccupations face aux enjeux qui
sont présents à l'UPAC. J'ai participé à l'élaboration des solutions qui sont présentées dans le projet de loi actuel. En effet,
le projet de loi n° 107 vise à faire de l'UPAC un corps de police
spécialisé, étant donné sa mission
spécifique. Ce corps de police se distingue des autres corps de police
traditionnels. En ce sens, la spécificité de ce corps de police confère
à l'UPAC la compétence pour réprimer et prévenir toutes les infractions en
matière de corruption, sans limitation aux contrats publics, sur l'ensemble du
territoire du Québec.
Les trois
objectifs visés par le projet de loi sont l'indépendance, l'autonomie et la
compétence. L'atteinte de ces objectifs permettra à l'organisation de
continuer de servir les citoyens avec toute la marge de manoeuvre nécessaire pour mener à bien ses mandats à long terme. Elle
permettra également d'accroître l'efficacité de l'UPAC tout en offrant
un service de haut niveau à la population québécoise. À cet effet, le projet de
loi n° 107 vise également à préciser la définition
d'«acte répréhensible» afin de couvrir tous les cas de corruption, de trafic
d'influence et d'abus de confiance au sens du Code criminel et non
seulement les cas reliés aux contrats publics.
Les avantages
directs du corps de police spécialisé sont les suivants... Assurer
l'indépendance. En effet, l'UPAC regroupe des équipes de vérification et
des équipes d'enquête désignées par le gouvernement qui sont placées sous la coordination du commissaire. Ces équipes
continuent de relever de leurs organisations respectives. Par conséquent,
en matière d'enquête criminelle, une
fonction critique, l'autorité du commissaire est susceptible d'être affaiblie
ou remise en cause
par un tiers. Cela en va de même pour certains services de vérification de la
Sûreté du Québec, compte tenu que l'accès
aux banques de données policières est réservé à l'usage exclusif des corps de
police. Le projet de loi n° 107 vise justement à régler cette situation de dépendance. L'autorité du
commissaire sur les enquêtes criminelles serait assurée avec une
hiérarchie explicite, et l'accès à des renseignements qui se retrouvent dans
les bases de données policières, entre autres le CRPQ et le SARC, serait
dorénavant direct et protégé par une confidentialité accrue.
En matière d'échange de renseignements, le
Commissaire à la lutte contre la corruption pourrait échanger, de façon autonome, des informations policières et du
renseignement criminel directement avec les autres corps de police québécois, canadiens ou internationaux. Les
demandes d'entraide internationale pourront également bénéficier de
cette indépendance et de cette
confidentialité accrues. Dans le même esprit d'indépendance dans ses actions,
l'UPAC pourra autoriser des
déplacements hors Québec de tous ses membres et ainsi avoir un meilleur
contrôle sur la reddition de comptes.
Le deuxième
avantage est le contrôle de son budget. La création d'un corps de police spécialisé
impliquerait le contrôle direct des
dépenses en matière d'enquête criminelle. En ce sens, l'UPAC ne dépendrait plus
d'organismes tiers en termes de
gestion des budgets et pourrait maximiser sa planification financière en
fonction de la mission de l'organisation.
Le troisième avantage : spécifier le mandat
de l'UPAC pour couvrir tous les actes répréhensibles associés à la corruption. L'article 1 du projet de loi
n° 107 vise à préciser la définition d'«acte répréhensible» afin qu'il corresponde aux enquêtes déjà menées par les enquêteurs de
l'UPAC. Présentement, la définition
d'«acte répréhensible» à l'article 2 de la Loi concernant la lutte
contre la corruption est l'équivalent d'un niveau de service en ce sens du
Règlement sur les services policiers que les
corps de police municipaux et la Sûreté du Québec doivent fournir selon leur
niveau de compétence.
L'article 2
de l'actuelle Loi concernant la lutte contre la corruption ne vise donc pas à
créer une infraction. Il vise plutôt
à délimiter le champ d'action de l'Unité permanente anticorruption. Or, les
infractions criminelles visées par les enquêtes
de l'UPAC sont essentiellement énumérées à la section IV du Code criminel,
et ces articles, entre l'article 119 et l'article 125, portent
sur des crimes qui dépassent largement la seule corruption en matière
contractuelle publique. En effet, les crimes
en matière de corruption et d'abus de confiance publique peuvent toucher toutes
les fonctions ou les missions de
l'État, que ce soient, par exemple, l'octroi de contrats gouvernementaux,
l'adoption, modification et abolition de
règlements ou de directives, l'achat ou la vente de charge publique et
l'infiltration de l'administration publique, l'achat et vente d'actif
par l'administration publique, l'aide économique et financière publique.
Enfin, pour
terminer ce court exposé, je me permets quelques mots sur le mode de nomination
du commissaire qui est proposé dans
le projet de loi n° 107. Il répond à la recommandation 31 de la
commission Charbonneau. En effet, le mode de nomination proposé au
projet de loi vise à éviter les risques potentiels d'influence au moment
d'obtenir un renouvellement de mandat, et
ce, à l'instar du mode de nomination du Directeur des poursuites criminelles et
pénales. La formation d'un comité de
sélection pour la fonction de commissaire serait prédéterminée et impartiale,
permettant ainsi de sélectionner les
meilleurs candidats selon les critères d'évaluation précis qui prennent en
compte la qualité du parcours professionnel du candidat au poste de
commissaire en lien avec l'importance de la fonction. En prévoyant un mandat à durée fixe, en l'occurrence sept ans, non
renouvelable et un mode de nomination du commissaire objectif ainsi
qu'une procédure de destitution, la garantie d'indépendance visée par la
recommandation 31 de la CEIC est réalisée.
Mmes,
MM. les parlementaires, ici tient l'essentiel de mon exposé. Le projet de
loi n° 107, qui vise, entre autres, de créer au Québec un corps de police dont l'unique mission est de lutter
contre la corruption, m'apparaît être une avancée majeure pour le Québec. D'ailleurs, il n'existe
rien de tel au Canada, et encore peu de modèles similaires sont
observables dans le reste du monde. En ce sens, le Québec est un précurseur.
Merci de vote
écoute. Je tenterai de répondre à vos questions, qui feront avancer l'étude de
ce projet. Et je vais revenir, M. le Président, à votre première
question.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
Oui.
M.
Lafrenière (Robert) : Alors,
si je fais la genèse de ce qui s'est passé dans l'invitation, j'étais à
l'extérieur du Québec à ce moment-là, quand on a reçu l'invitation, je crois,
un jeudi. Et, quand j'ai eu l'invitation, j'ai perçu que c'était obligatoire de venir. Et on sait que les
organismes qui font de la sécurité publique n'ont pas l'habitude de
participer à l'élaboration de projets de loi dans lesquels ils sont impliqués.
Je n'ai jamais vu ça à la Sûreté du Québec. Et, à l'UPAC, les deux premiers
projets de loi, on n'avait pas participé, même si on avait été invités.
Donc, à ce
moment-là, j'ai quand même réalisé que, dans le cas de la CAP l'année passée,
j'avais été forcé de venir témoigner.
Donc, mon esprit a dit : Bien, on va témoigner. Alors, j'ai tout de suite
avisé mon bureau de l'extérieur qu'on irait témoigner. Et j'ai demandé,
par contre, des précisions sur le mémoire, quelle forme ça devait avoir, pour
quand fallait le déposer. J'ai une adjointe
qui a appelé à la commission, parlé à une gentille madame, et cette madame-là a
dit : Bien, vous n'êtes pas obligés de
faire un mémoire puis vous n'êtes pas obligés de venir comparaître, c'est vous
qui décidez. Alors là, je suis revenu dans mon «minding» de ne pas
participer comme organisme chargé de l'application de la loi, et c'est là que j'ai dit : Bien, on n'y va
pas. Mais, quand j'ai vu les pressions dans la fin de semaine et que j'ai
entendu parler... et je vous vois rire, là, les différents Twitter, bien là
j'ai dit : On va y aller. Et le lundi, très tôt, on a décidé d'y aller. On
attendait une lettre. Il était question d'une lettre pour envoyer notre
réponse, mais c'était décidé dès le lundi, assez tôt dans la matinée, qu'on
viendrait témoigner, et je le fais avec plaisir.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
Si vous aviez appelé le secrétariat le lundi, vous vous seriez évité une
lettre, mais c'est correct.
• (12 h 30) •
M.
Lafrenière (Robert) : On a appelé, le lundi : La lettre s'en
vient-u?
Le Président (M.
Ouellette) : Pour confirmer que vous veniez. Mais donc c'est du passé.
L'autre
chose. J'apprécierais, si c'est possible, et je pense que M. le ministre
l'apprécierait aussi, et les parlementaires... Vos notes d'allocution,
si vous pouviez les faire parvenir au secrétariat de la commission...
M. Lafrenière
(Robert) : Avec plaisir.
Le Président (M.
Ouellette) : ...ce serait très apprécié. M. le ministre.
M. Coiteux : Oui. Alors, M. Lafrenière, M. le
commissaire, et toutes les personnes qui vous accompagnent, merci d'être
là et merci de prendre le temps aujourd'hui de nous exposer votre vision par
rapport à ce projet de loi.
D'entrée
de jeu, vous avez dit que vous avez participé à des travaux et, notamment, en
ce qui concerne un certain nombre de dispositions visant à accroître
encore davantage l'efficacité opérationnelle de l'UPAC, etc. Ma première question serait la suivante — l'UPAC donc a été créée en 2011, on est en
2017, donc ça fait six ans : Le type de disposition qui est prévu dans le projet de loi, donc, qui
fait de l'UPAC un corps policier spécialisé, est-ce que ça aurait pu être
envisagé au jour un ou c'est dans
l'évolution normale et à la lumière de l'expérience vécue depuis six ans que ça
serait maintenant justifié de le faire?
M. Lafrenière
(Robert) : Bon. Alors, quand on a créé l'UPAC en 2011, d'abord j'étais
dans un poste pour influencer, j'étais sous-ministre en titre, à ce moment-là,
à la Sécurité publique, et d'abord il y avait urgence, hein, souvenons-nous,
là, que ça n'allait pas bien, là, au niveau médiatique, et tout ça, il y avait
une urgence. Et je me souviens qu'on a discuté de différents principes.
Un
principe très avant-gardiste était justement de greffer six autres organismes à
une équipe de policiers. Parce qu'il
faut se souvenir qu'en 2009 il y avait Marteau, Marteau étant composée
principalement de la Sûreté du Québec, et de Revenu Québec, et de plusieurs membres du SPVM, huit membres, si je me
souviens bien. Et, bon, ça ne suffisait pas, selon la réponse que le gouvernement voulait donner, de là l'élaboration
de l'UPAC. Et, quand j'ai regardé ça avec l'équipe, on a dit : Bon, bien, si on repart à zéro, si
on fait un corps policier puis on essaie d'embaucher notre monde, etc.,
toute l'expertise qui est déjà commencée
depuis 2009... Et il ne faut pas se leurrer, il y en avait eu, des enquêtes sur
la corruption, dans les années
antérieures. Il y avait quand même une expertise là qu'on ne pouvait pas se
permettre de mettre de côté puis que
ça prenne beaucoup de temps avant qu'on parte l'unité, comme telle,
opérationnelle. L'unité a été décrétée, si je me souviens bien, en
février 2011, et, dès le mois d'avril, on commençait, avec l'équipe de
Marteau, à faire des actions.
Alors,
l'évolution s'est faite, et l'UPAC, ça a changé beaucoup. Au départ, je me
souviens, le C.T., c'était prévu pour 179 personnes, incluant les
équipes désignées. Et rapidement on a dû le doubler, presque, parce qu'on a eu
le mandat de la loi sur les contrats publics
à mettre en place, au niveau de la vérification, qui nécessitait beaucoup,
beaucoup d'ajout de personnel. Donc,
l'évolution s'est faite. La Sûreté du Québec a toujours dit présent... la ville
de Québec, la ville de Montréal, et
tout ça, et on a bâti tranquillement une équipe, je croirais, très solide. Puis
ça me fait toujours plaisir de citer
quelques statistiques, mais on a arrêté, à date, 179 personnes, 179 personnes arrêtées en
termes d'actes criminels, mis à part
tout ce qui est pénal, et on en a condamné, puis c'est ça que les Québécois
veulent voir, 77. Le 77e était hier : deux ans de prison ferme. Alors, moi, je suis très heureux
de ces choses-là. Puis là je ne vous parle pas de toutes les autres
équipes de vérification et de prévention qui sont sur le terrain et que ça
paraît moins au niveau des résultats.
Or,
tout ça fait en sorte qu'à un moment donné on s'est posé une question il y a
quelques années, puis on a dit : Bon, bien là, on est rendus où? Où veut aller? Puis c'est quoi qui accroche?
Dans la fonction policière, il y a des outils qu'on utilise surtout dans les hauts niveaux d'enquête,
d'enquête spécialisée. J'entendais Mme Dion parler de l'ERM. Il y a
des outils qu'on utilise beaucoup. Exemple,
le bill C-24. Le bill C-24, c'est que ça permet aux policiers, dans
des barèmes très précis, de commettre
des actes criminels pour faire avancer une enquête. Et, nous, quand on est pris
face à une situation comme ça, bien
là, il faut que je demande à la Sûreté du Québec... Donc là, on élargit le
spectre de gens qui connaissent une
partie de l'enquête, parce qu'il y a des officiers qui doivent se mettre en
place, créer un comité, et tout ça, et, l'année d'après, c'est envoyé au
ministère comme reddition de comptes. Donc, ça, c'est un outil qu'on ne peut
pas utiliser actuellement dans un mode restreint, parce qu'il faut passer par
la Sûreté du Québec. Et ils le font de bonne foi, là, il n'y a pas de problème. Mais l'autre élément
important qui me vient à l'esprit, c'est la question des dépenses secrètes.
Vous savez qu'il y a des fonds qui existent
pour pouvoir payer un informateur, louer un local de surveillant, etc. Bien là,
encore là, il faut monter par la Sûreté du
Québec pour avoir accès à ça. Et ça peut être un montant qui est très, très
élevé et ça va monter dans les très
hauts niveaux d'autorisation de la Sûreté, suite à ce qu'on connaît, pour la
gestion de ce fonds-là. Alors, ce sont des éléments un peu bizarres qui
font en sorte que le corps de police s'est manifesté.
Vous savez, la
fonction d'enquête criminelle, c'est le central de l'UPAC. Et actuellement,
bien, c'est sous la responsabilité de la
Sûreté du Québec, parce que... bon, on a parlé de policiers municipaux, on a
parlé de policiers qui viennent nous aider, mais ils se rapportent à la
Sûreté du Québec. Puis, dans le moment, c'est bien correct, puis ça fonctionne. Puis, en passant, des policiers
municipaux, on en a 14 actuellement en place; deux postes de libres. Et on
en a 40 qui ont passé depuis le début, depuis la création de l'UPAC, et les
gens semblent très satisfaits. Souvent, ils nous demandent une rallonge, et
puis ça nous fait plaisir, dans certains cas. Dans d'autres cas, les villes
veulent ramener leurs expertises. Mais, bon,
ça s'est beaucoup amélioré en termes de durée. Parce qu'au début on
disait : Deux ans, un prêt et un
an d'option. Maintenant, on essaie d'avoir trois, quatre... puis certaines
villes disent oui, d'autres, non. Alors, c'est comme ça que le corps de police, entre autres, est venu dans notre
esprit. Et puis évidemment il y a tous les autres articles qui
améliorent différentes choses, aussi différents aspects. Une réponse courte,
ça, monsieur...
Le
Président (M. Ouellette) : M. le ministre.
M.
Coiteux : La collaboration entre l'UPAC, devenue corps policier en
bonne et due forme, et les autres corps policiers au Québec, dans le futur, là, si le projet de loi est adopté
tel qu'il est présenté, comment vous voyez ça? Est-ce que cette
collaboration-là va prendre un autre visage, ça va être autrement?
M. Lafrenière (Robert) : Bien, moi, dans le moment, j'y vois... D'abord,
il y a l'article 8.8 qui demande aux corps policiers, lorsqu'ils sont en contact avec un acte répréhensible, de
nous en informer. Et ça ne veut pas dire que le corps de police ne pourra pas continuer, là. Ce n'est pas
le commissaire qui écrase les autres corps de police puis qui décide de
tout. Mais il y a des éléments... puis je
fais attention pour ne pas chauffer nos enquêtes, mais il y a des éléments qui
souvent sont reliés l'un à l'autre et qui font en sorte que c'est des dossiers
majeurs, qu'il faut absolument que ce dossier-là soit coordonné à l'UPAC.
Mais il y a d'autres
types de corruption, puis j'ai été assez large dans mon exposé, qui peuvent
très bien être continués par les corps policiers qui ont le niveau de service
pour le faire. Alors, je pense évidemment à la Sûreté du Québec, je pense à la ville de Montréal, à la
ville de Québec actuellement. Niveau 3, je suis moins certain, je ne
pense pas. Alors, ces villes-là, ces corps
de police là peuvent continuer, dans certains cas, à faire le dossier. Il y a
des endroits sur la Côte-Nord très, très éloignés, où on a des
signalements. Bien, je pense, la Sûreté du Québec est déjà présente. Et, si ça ne fait pas partie d'un stratagème plus global,
c'est normal qu'ils poursuivent le dossier. Ça serait d'investir notre
argent de très mal façon de partir avec une équipe de Montréal puis aller faire
ce dossier-là quand c'est quelque chose qui est facilement conciliable.
M.
Coiteux : Une autre question, différente cette fois-ci. Il y a une
partie du projet de loi qui revoit les pouvoirs du DPCP, qui, en fait,
leur donne des capacités en matière d'octroi d'immunité à d'autres types de
situations que celles qui sont considérées normalement.
Est-ce que ça, ça a
une interaction positive avec le travail que fait l'UPAC? Comment vous voyez
ça?
M. Lafrenière (Robert) : Énormément positive, parce qu'on développe des
collaborateurs, et, il ne faut pas se tromper, ce n'est pas des anges,
de façon générale. Alors, ils ont des choses à se reprocher, puis, nous autres,
dans la balance, il faut voir qu'est-ce que
ça peut nous apporter de plus versus ce que ça nous coûte. Alors, c'est pour ça
que, dans le projet de loi, l'idée de
les protéger, d'une certaine façon, contre leurs ordres professionnels, contre
les actions civiles qui pourraient
arriver d'un pouvoir public, le Revenu... Souvent, on a des problèmes avec
Revenu... pas des problèmes avec Revenu Québec, mais des problèmes
d'impôt que ces gens-là n'ont pas toujours payé.
Alors,
ces trois choses-là sont importantes pour nous, pour continuer à développer des
collaborateurs, parce que c'est
relativement difficile d'amener quelqu'un à faire une déclaration, d'amener
quelqu'un à témoigner. Si en plus la personne
sait que ça va lui coûter tant, qu'il va perdre son permis professionnel — je ne nommerai pas de fonction — bien, à ce moment-là, c'est beaucoup plus facilitant pour nous. Et on était très
heureux de voir cet aménagement-là dans la loi.
M.
Coiteux : O.K. Puis l'autre aspect, c'est la modification du délai de
prescription pour des infractions pénales. Donc, il y a un allongement.
Et ça, est-ce que c'est aussi de nature à aider votre travail?
M. Lafrenière (Robert) : Oui, parce qu'un an, c'est très peu, hein, quand
on fait une enquête, même de nature pénale.
Alors là, le fait d'aller à entre trois et sept ans, évidemment ça nous aide,
ça nous donne un peu d'air pour... Parce que j'ai vu des enquêtes où on est... des enquêtes pénales, j'entends,
qu'on est obligés de dire : Bien là, on arrête, là, parce qu'il y a
telle et telle chose, puis on recommence, là, juste pour ne pas dépasser la
prescription d'un an. Alors, pour nous, c'est aussi une avancée importante dans
la lutte globale de la corruption.
M.
Coiteux : D'accord. Moi, M. le Président, je n'aurai pas d'autre
question, mais peut-être que des collègues de ce côté-ci en auraient.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de La Prairie.
M.
Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. M. Lafrenière, dans votre
exposé, vous avez parlé de l'importance de l'échange d'information.
Quelles sont les problématiques actuelles? Et quels seraient les avantages que
le projet de loi n° 107 va apporter par rapport à l'échange d'information?
Parce que vous avez fait référence à l'international et aux autres corps
policiers.
• (12 h 40) •
M. Lafrenière
(Robert) : Bon. Alors, quand on parle avec d'autres corps policiers,
québécois, ou canadiens, ou
internationaux... et, dans le type de dossiers qu'on fait, il y en a beaucoup,
hein, il y a beaucoup d'échanges, parce que, on sait, les paradis fiscaux, les routes d'argent, puis tout ça, il faut
tout faire la traçabilité de ça, donc, souvent, on demande ce qu'on
appelle, dans le milieu, un MLAT. C'est une demande d'assistance. Alors, déjà,
il faut passer par la GRC à Ottawa pour
avoir ça. Et là je ne peux pas le faire directement, je ne peux pas le faire
sous ma gouverne, il faut que je demande à la Sûreté du Québec :
Est-ce que tu pourrais demander, dans cette situation-là, d'avoir un
renseignement? Donc, ça, ça améliorerait ça.
Il y a l'accès aux
banques de données. C'est un peu bizarre, mais je ne vais vous parler que de
deux banques de données. Il y en a une,
c'est le service automatisé de renseignements criminels, ce qu'on entend dans
le milieu, le SARC. Alors, le SARC, tous les corps policiers au Québec et plusieurs au
Canada mettent du renseignement dans ça selon certains niveaux, et on peut, à ce moment-là, aller
chercher ces renseignements-là dans le cadre d'une enquête ou même,
nous, alimenter cette banque-là. Alors,
c'est la même chose, il faut passer par la Sûreté du Québec parce qu'on ne peut
pas avoir accès directement... Et il y a du renseignement actuellement
qui est fait par nos analystes enquêteurs, qui ne sont pas des policiers de la
Sûreté du Québec ou des autres corps policiers municipaux, qui font du travail,
et on ne peut pas alimenter leur travail dans le SARC sans le passer par la
Sûreté du Québec. Alors, vous pouvez vous rendre compte que... Bon, on parle de fuites beaucoup. Ça multiplie le nombre de
personnes qui sont au courant de l'alimentation, etc. L'autre élément, c'est que, quand on veut échanger
avec les autres corps policiers, bien, ils disent : Bien, tu n'es pas
un corps policier, alors on repassera. Je ne
peux même pas... Dans le CRPQ, il y a le Module d'information policière, qu'on
appelle, où on alimente les dossiers. C'est
ce qui fait en sorte qu'à la fin de l'année il y a des statistiques
gouvernementales qui peuvent être
faites : combien il y a eu de crimes de telle et telle envergure?, et tout
ça, et nous, vu qu'on n'est pas une agence
de police, on ne peut pas alimenter ça, il faut encore une fois... Puis je ne
suis même pas certain que ça se fait.
Alors, c'est tous ces
inconvénients-là. Dans un monde où on essaie de restreindre les fuites le plus
possible, à compartimenter l'information...
c'est beaucoup plus difficile. Mais, en bout de ligne, c'est l'intérêt d'être
fluide puis d'être égal avec les autres corps policiers un peu partout,
particulièrement en Amérique.
M. Merlini : Donc, aussi, vous voyez clairement un net
avantage pour assurer l'indépendance, qui est un autre point, dans votre exposé, que vous voulez
soulever, que le projet de loi
n° 107 va vous aider justement
à opérer de façon un peu plus indépendante mais aussi de garder, comme vous dites, un certain
contrôle. Vous avez parlé, évidemment,
du budget aussi parce que ça entre toujours en ligne de compte, parce que, là, ça
va prendre aussi les outils nécessaires pour compléter cette tâche-là, pour ne
pas toujours avoir à passer par quelqu'un d'autre.
J'aimerais
vous entendre un peu plus là-dessus, sur comment tout ça fait en sorte que le projet de loi n° 107 va venir améliorer votre indépendance
et va vous donner un meilleur contrôle de votre budget.
M. Lafrenière (Robert) : Bien, je l'ai mentionné, j'ai mentionné tantôt
devant les parlementaires la question, entre autres,
des dépenses secrètes, hein? On a des choix à faire. C'est quand même
des bons montants. Et moi, en situation de dépenses, bien, je veux être
capable de mettre mes priorités. Et, je le répète, ce n'est pas que ça va mal
avec la Sûreté du Québec. On a acquis dernièrement des ordinateurs pour la Sûreté du Québec. On en a payé une
partie, parce que nous, on avait
intérêt à acheter les mêmes, des ordinateurs beaucoup plus robustes en termes
de capacité de hacking, et tout ça. Alors,
le budget est, à ce moment-là, mis à contribution de façon optimale. Alors,
c'est la même chose. Dans l'exercice, à date, ce qu'on a avec l'équipe du ministère de la Sécurité publique,
c'est que ce serait à coût nul d'avoir un transfert de certains éléments
d'enquête et de... pas d'enquête, mais de logistique de la Sûreté du Québec à
nous en termes de ressources, en termes de logistique, et tout ça.
M. Merlini :
Merci, M. Lafrenière. Merci, M. le Président.
M. Lafrenière
(Robert) : Bienvenue.
Le Président (M. Ouellette) : M. Lafrenière, juste avant qu'on aille à
Matane-Matapédia, et pour faire suite à la question de M. le député de La Prairie, rassurez-nous que, les
informations que vous avez chez vous, vous n'avez pas une banque parallèle, là, ils sont alimentés dans la
banque de la... Même si vous devez passer par la Sûreté du Québec, ils
sont alimentés dans une banque qui est accessible à tous les policiers, là.
M. Lafrenière (Robert) : Lorsque je suis venu le 4 mai à l'étude des
crédits, j'avais mentionné que, compte tenu de la situation, on mettait
beaucoup, beaucoup de compartimentation sur certaines choses durant les
enquêtes. Ça, ça se maintient. Mais, après ça, le renseignement devient
accessible, c'est clair.
Le Président
(M. Ouellette) : O.K. M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé :
Merci, M. le Président. Bienvenue à M. Lafrenière, à son équipe de l'Unité
permanente anticorruption.
Ce
qui nous guide dans nos travaux pour le projet de loi n° 107, c'est la
recherche de la vérité, et il nous apparaissait essentiel que vous soyez présent. Après tout, ce projet de loi porte
pour beaucoup sur l'Unité permanente anticorruption, et, sans votre éclairage, il me semble qu'on n'aurait
pas pu procéder avec la même utilité. Après tout, c'est l'UPAC qui a demandé ce projet de loi.
À ma connaissance, ce n'est pas le gouvernement du Québec et ce n'est pas dans
les recommandations de la commission Charbonneau non plus. J'ai vérifié à nouveau ce
matin. Donc, c'est votre demande. Et vous
l'avez exprimée ici, à l'Assemblée
nationale. Donc, c'est un souhait que
vous avez. Vous avez déjà énormément
de pouvoirs, comme commissaire. Vous en voulez davantage. Alors, la
démonstration que vous avez à faire devant les parlementaires pour qu'on
puisse adopter ce projet de loi avec un vaste assentiment, parce que je préviens tout de suite le gouvernement que, s'il est le
seul à appuyer ce projet de loi là, il va manquer beaucoup de légitimité, et ça
va plomber considérablement la demande que vous avez faite... Donc, à
grandes responsabilités, grandes redditions de comptes, et j'aurai des
questions en ce sens.
Et,
d'entrée de jeu, je veux faire un suivi sur l'étude des crédits du printemps
dernier et j'aimerais que vous puissiez nous fournir, avant même qu'on vous accorde des pouvoirs supplémentaires, les deux diagnostics organisationnels que nous avons demandés le printemps dernier et les audits.
Et vous avez votre conseillère juridique, qui est juste à votre gauche.
Elle va pouvoir vous dire si vous êtes en mesure de nous les donner, mais on y
tient.
Le
Président (M. Ouellette) : M. Lafrenière.
M. Lafrenière (Robert) : Est-ce que, Me Laberge, vous pouvez... Mais là,
quand vous parlez de deux diagnostics, moi, dans ma tête, il y en a un,
là. Il y n'y en a jamais eu deux.
M.
Bérubé :
Tous ceux que vous avez, on les prend.
M. Lafrenière
(Robert) : Il y en a un.
M.
Bérubé :
Pouvez-vous nous dire qui les fait, quelle organisation les fait?
M. Lafrenière
(Robert) : C'est la Direction des ressources humaines du ministère de
la Sécurité publique.
M.
Bérubé :
D'accord. Or donc, le ministre pourrait nous les fournir lui-même.
M. Lafrenière
(Robert) : Écoutez, il y a une question de Loi d'accès, et tout ça,
là...
Des voix :
...
M. Lafrenière
(Robert) : Alors, Me Laberge me mentionne qu'elle va le remettre
caviardé.
M.
Bérubé :
Caviardé.
M. Lafrenière (Robert) : Oui, parce
qu'il y a des éléments... Je me souviens qu'il y a eu des témoignages,
dans ça, de certains employés qui voulaient
s'assurer de la confidentialité de leurs propos. Alors, je pense qu'on n'a pas
le choix de caviarder, à ce moment-là, au moins l'identité de la
personne.
M.
Bérubé :
D'accord.
M. Lafrenière
(Robert) : Mais je peux vous dire là-dessus, si vous le permettez, M.
le député, qu'il y a eu beaucoup d'actions
qui ont été faites depuis ce temps-là. Il y a eu d'abord l'embauche d'une
dizaine de personnes de plus pour un
peu diminuer la tâche, il y a eu beaucoup de mises en place de processus de
communication, de formation, etc. Et la vérification de l'intégrité,
c'est une boîte, là, vraiment isolée des enquêtes, isolée du commissaire.
M.
Bérubé :
M. le Président, j'insiste...
Le Président (M. Ouellette) : Mais — ne bougez pas, M. le député de
Matane-Matapédia — je me
souviens, à l'étude des crédits, il y avait le diagnostic de la boîte...
M.
Bérubé :
Et l'audit.
Le Président (M. Ouellette) : ...du commissaire à la vérification, M. Forget,
et il y en avait un autre qui touchait M. Boulanger et pour lequel une
des directrices adjointes de la Sûreté du Québec était intervenue.
M. Lafrenière (Robert) : Oui. Puis, si je me souviens bien, il était
question d'un audit. Et Mme Boucher, comme vous le mentionnez, M. le
Président, avait mentionné qu'il n'y avait pas un audit, que c'était faux et
qu'il y avait un principe, là, de
conciliation. Je ne me souviens pas trop. C'est la Sûreté qui pourrait y
répondre. Mais, pour répondre au député
de Matane-Matapédia : dans ce dossier-là aussi, les trois personnes sont
retournées au travail, et puis tout fonctionne.
M.
Bérubé : M. le Président, je veux juste vous indiquer que
c'est sur votre temps, cette question et cette réponse.
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, oui, c'était sur mon temps, M. le député.
M.
Bérubé : Merci. Alors, on va être preneur de tous ces
documents-là, mais ce qu'on veut qui soit caviardé, c'est le nominatif,
pas les faits.
M. Lafrenière (Robert) : Ça, écoutez, je ne suis pas un expert en Loi d'accès,
c'est Me Laberge qui va me faire une proposition de caviardage, et
puis...
M.
Bérubé :
On serait déçus si ce n'était pas ça.
M. Lafrenière
(Robert) : D'accord.
M.
Bérubé : Je vais également vous préciser qu'il n'est pas
inhabituel qu'une organisation de police participe lorsque ça touche à
sa juridiction. Le projet de loi n° 133, le 6 septembre dernier, la
Sûreté du Québec était là... sur l'uniforme des policiers. Puis il y a d'autres précédents également.
Donc, en toutes circonstances, on est preneurs, pour que les corps de
police viennent nous voir.
Lors
de l'étude des crédits... Parce que, là, il faut savoir si vous êtes
performants puis qu'est-ce qui vous empêche d'être plus performants. Pourquoi vous demandez un corps de police? La
dernière fois, vous avez évoqué vous-même un projet d'enquête qui est l'affaire Mâchurer. Vous avez évoqué que vous
vouliez aller jusqu'au bout. Pour le bénéfice de la commission puis des gens qui nous écoutent,
pouvez-vous nous faire un état de situation, si vous avez d'autres
obstacles importants qui vous empêchent de procéder?
M. Lafrenière (Robert) : Bon. D'abord, je ne vous ferai pas un état de
situation, c'est clair. Vous le savez, que je ne parle pas de mes enquêtes. Ce que j'avais mentionné à l'étude des
crédits le 4 mai, c'est qu'on irait jusqu'à la terminaison de ce dossier-là, j'irais jusqu'à prévoir de
donner au DPCP une enquête complète, ficelée et totale, et, quand je vais
avoir ça, on va déposer... avec une demande d'intenter, et ça va être ma
réponse.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Matane.
• (12 h 50) •
M.
Bérubé : Bien, merci. On avait noté votre détermination, à
telle enseigne que j'avais rédigé une motion pour l'Assemblée nationale saluant votre — je suis sûr que ça s'est rendu à vous — détermination à aller jusqu'au bout
dans l'affaire Mâchurer, que le gouvernement
a refusée. J'aurais aimé qu'il soit conjoint sur notre motion, qu'ils aient
également cette volonté de vous encourager,
avec votre équipe, à aller jusqu'au bout. Mais, bon, je vous le rappelle, que
c'est notre volonté également d'aller jusqu'au bout.
Je vous ai parlé,
tout à l'heure, de la légitimité de ce projet de loi, qui doit avoir un vaste
assentiment. Nous, d'augmenter l'autonomie de l'UPAC, son indépendance, on est
prêts à aller de l'avant, je vous le dis, mais il y a une condition, et c'est la nomination du commissaire.
Et nous, on considère depuis novembre 2015 — on s'était rencontrés, à ce moment-là, ici, pas ailleurs — que le commissaire, indifféremment de la
personne qui occupe le poste présentement, doit être nommé par les deux
tiers des députés de l'Assemblée nationale du Québec.
Alors,
s'il advenait qu'il était nécessaire pour l'avancement de la police et des
enquêtes qu'on ait une UPAC corps de
police et que ça prenne un vaste assentiment, seriez-vous prêts, vous, à faire
l'effort nécessaire, c'est-à-dire à mettre votre siège en jeu aux deux tiers, pour que vous puissiez avoir pour le Québec
une UPAC comme corps de police indépendant?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Lafrenière.
M. Lafrenière (Robert) : Moi, ce que je vais vous répéter là-dessus, c'est
ce que j'ai toujours dit. D'abord, ça appartient au législateur.
Là, ce qui est sur la table, c'est la recommandation Charbonneau, la recommandation
31...
M.
Bérubé :
Non, non, ça ne marche pas, ça.
M. Lafrenière
(Robert) : ...et je ne ferai pas d'autre commentaire là-dessus. Ça
appartient au législateur.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé :
M. le commissaire, en tout respect, votre légitimité serait renforcée. Et le
dilemme moral est le suivant : le
choix, c'est entre l'UPAC plus performante, plus indépendante ou le fait que
vous décidiez de conserver vos fonctions
dans l'état actuel, où c'est le gouvernement
libéral qui vous nomme, puis que vous
faites des enquêtes sur le gouvernement libéral.
M. Lafrenière (Robert) : J'ai déjà dit que je me sentais totalement
indépendant dans l'environnement actuel. Et puis moi, je continue à
faire mon travail comme ça et je pense que nos lettres de noblesse sont là pour
le prouver.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Matane.
M.
Bérubé : M. le commissaire, quant à vous, je n'en doute pas, que vous soyez à l'aise dans cette situation-là.
Nous, on ne l'est pas, puis je suis pas mal
assuré que mes deux collègues qui vont passer après moi ne le sont pas
non plus, et beaucoup de monde du public,
des observateurs très sérieux. Alors, c'est un choix à faire. Et, si le gouvernement
se retrouve à être le seul qui nomme le commissaire à l'UPAC et le seul qui va adopter ce projet de loi là, je peux vous
dire une chose, on n'aura rien gagné en
légitimité. Alors, je vous mets au défi de mettre votre siège en jeu pour
l'avancement de la police au Québec.
M. Lafrenière
(Robert) : Je vous ai fait ma réponse.
M.
Bérubé : Bien, il y a
la justice puis l'apparence de justice, M. le Président. Et le commissaire peut décider lui-même de
contribuer à l'avancement de l'indépendance de son institution de lui-même. Je comprends qu'il a été nommé, il ne peut pas se
démettre lui-même, mais, s'il passait ce test de confiance là, l'institution en
serait grandie.
Alors, le
choix est le suivant : Est-ce qu'on décide collectivement d'avoir une des
meilleures organisations, avec l'appui de tout le monde, ou l'important,
c'est que vous conserviez ce pouvoir-là dans les conditions actuelles? C'est le
dilemme que vous avez.
M. Lafrenière (Robert) : Je vous ai fait ma réponse : Ça appartient
au législateur. Et puis moi, bien, je ne fais pas de politique
et puis je ne me mêle pas de ce débat-là. Ça appartient aux parlementaires.
M.
Bérubé : M. le Président, en tout respect, oui, ça appartient aux parlementaires, ça appartient au
gouvernement, qui est le seul à nommer le commissaire à l'UPAC, qui a la
capacité de le démettre, qui pourrait répondre à mon défi également.
Mais j'informe le gouvernement, d'entrée
de jeu, que, sans cette recommandation qu'on a faite en 2015, de nommer
le commissaire avec les deux tiers de l'Assemblée nationale, il n'aura pas notre appui. Alors, à date, il est seul. Je
termine là-dessus.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci, M. le Président. Ça fait partie aussi d'une de nos demandes, la nomination
du commissaire à l'UPAC aux deux tiers de l'Assemblée nationale, mais je
n'élaborerai pas.
Moi,
je veux revenir sur ce projet de loi là. Comme vous l'avez dit, ça va accroître
l'autonomie, l'indépendance, la
gestion, mais on demeure encore avec des membres prêtés. Et, lorsqu'on parle de
membres prêtés d'autres organisations, d'autres
corps de police, on parle que, s'ils sont prêtés, ils demeurent avec leurs conventions collectives de leurs lieux d'origine, ils demeurent avec un superviseur ou un directeur de leurs
lieux d'origine qui peut intervenir, étant
donné que c'est l'autorité
hiérarchique. Et vous, vous êtes l'autorité fonctionnelle. Vous dites que ça va
assurer plus d'indépendance à l'UPAC, alors qu'on procède par prêt de
personnes.
Comment
pouvez-vous m'expliquer ça, que ça va vous accorder plus d'indépendance, alors
que vous êtes... Parce que, si je ne m'abuse, le prêt de ces
personnes... Est-ce que c'est vous qui les choisissez ou si c'est le corps de
police qui vous envoie des personnes?
M. Lafrenière
(Robert) : C'est-à-dire que, si je réponds...
M.
Spénard :
Comment ça se passe, la sélection des candidats pour aller travailler à l'UPAC?
M. Lafrenière (Robert) : Alors, quand on a des besoins, on s'adresse aux corps policiers. Il y a sept corps de police actuellement qui nous fournissent du personnel. Et, à ce moment-là, il y a une entrevue qui est faite avec des
officiers du Service d'enquête sur la
corruption, de la Sûreté du Québec, pour choisir un candidat, pour voir tout son
C.V., etc. Et, à ce moment-là, cet individu-là signe une décharge de confidentialité comme quoi il va garder le secret, etc., et il est assigné chez nous. Et il ne se rapporte plus, à ce moment-là, mais pas du tout, à ses autorités municipales. Il se rapporte
vraiment au comité... pas au comité, mais à
son officier au niveau du Service
d'enquête sur la corruption. Et l'individu qui est en place actuellement
au niveau du responsable des opérations, c'est un inspecteur de la Sûreté du
Québec, c'est l'inspecteur André Boulanger. Donc, ultimement, ça va jusque-là.
Alors, ça ne cause pas de problème opérationnel. Maintenant, vous avez raison, la convention collective
s'applique. Les journées de maladie, etc., ça, ça demeure. Mais, vous
savez, ça fonctionne bien. Mais on va parler
du commissaire associé aux enquêtes, qui est prévu dans la loi. Ça, ce serait
un policier d'expérience qui gérerait
toute la capacité d'enquête qu'on a, et lui serait mon employé. Donc, c'est
drôlement différent d'inspecteurs ou de capitaines de la Sûreté du
Québec qui me sont prêtés et puis, bon, qui font carrière un petit bout à l'UPAC, qui s'en vont ailleurs parce que, bon, ils
ont des plans de carrière, puis c'est correct. Alors, à ce niveau-là, on
améliore de beaucoup notre capacité.
Et,
le fait de devenir un corps policier, bien là, tu es hiérarchique directement
sur tous les policiers. Et, vous savez, la police, vous le savez, c'est assez militarisé pour avoir le souhait que
ce soit très clair au niveau de la structure. Ce n'est jamais du
parallèle, c'est vraiment un peu paramilitarisé.
M.
Spénard : Et c'est ça, c'est parce que les membres prêtés...
Puis moi, j'ai de la misère, parce que vous allez être un corps... Selon la loi n° 107, vous
voulez devenir un corps de police autonome spécialisé. Ça, ça va bien.
Mais, quand on est un corps de police autonome, on engage notre propre
personnel. Moi, ça a toujours été... On ne peut pas avoir deux boss, là, tu sais, un boss de convention
collective puis un boss... Moi, dans la vie, là, tu sais, tu as un boss, puis
c'est tout, tu sais, ça finit là, là. Tu n'en as pas 25, boss, surtout dans ce
milieu-là.
Alors,
comment pouvez-vous nous assurer de transparence, et tout, là, quand que ça va
être encore du monde prêté, deux ans
plus une année d'option? On sait que les enquêtes sont très longues. Alors, si,
au bout de deux ans, la personne s'en
va, puis l'enquête n'est pas finie, on recommence, on en nomme une autre...
bien, on ne recommence pas, mais, disons, le temps... c'est à peu près comme quand on change de ministre, ils ne
sont pas prêts à répondre aux questions le lendemain matin, là, on l'a vu. C'est-à-dire qu'il y a un
autre processus, que le gars prenne conscience du dossier, puis etc.
Alors, moi, c'est ça qui ne me rentre pas dans la tête, c'est qu'on veut créer
un corps de police autonome puis on va continuer à avoir du prêt de personnel,
et tout.
M. Lafrenière (Robert) : Bien, je vous dirais... puis évidemment ça vient
de moi-même, je vous dirais que, la suite des choses, il va falloir qu'à
un moment donné on commence à embaucher nos gens.
Et
il y a beaucoup de gens qui veulent venir travailler chez nous. Les policiers,
aujourd'hui, vous savez, prennent leur
retraite à 48, 49, 50 ans. Il y a beaucoup, beaucoup de demandes pour des
enquêteurs à l'externe, et, je vous dirais, à toutes les semaines, on a
des demandes pour s'en venir travailler à l'UPAC. Je me souviens, mon équipe
d'analystes enquêteurs, qui travaille directement pour
moi dans différentes sphères, on a trois ex-SPVM qui sont avec nous, qui font un excellent travail, qui ont pris leur
retraite puis qui se sont en venus avec nous, et il y en a d'autres comme ça.
Alors, moi, je pense qu'un policier qui a
50 ans, avec une expertise — puis j'ai en tête quelqu'un, à Québec, qui
est formidable, un ancien
policier municipal de Québec avec une expertise — on peut embaucher
cette personne-là, avec une convention
collective qui sera à déterminer. Et tout ça est nouveau, hein? Il y avait un
corps de police provinciale au Québec,
c'était la Sûreté du Québec. Là, si le projet de loi passe, on va être rendus
trois corps policiers provinciaux, avec le Bureau des enquêtes indépendantes. Donc, la façon de faire, convention
collective, régime syndical, c'est tout à faire.
• (13 heures) •
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, André.
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. le député de Beauce-Nord.
Des voix :
...
Le Président (M. Ouellette) : Merci. Et vous allez me donner votre consentement, M. le député Beauce-Nord,
et le consentement des collègues
pour permettre au député de
Mercier de dépasser l'heure et de pouvoir utiliser son trois minutes. M.
le député de Mercier.
M. Khadir :
Merci beaucoup. Je remercie la magnanimité de mes collègues.
M. Lafrenière, je
vous écoute, vous avez une bouille sympathique, vous semblez sincère, j'ai vraiment
envie de vous croire, et disons qu'on a
envie que quelque chose de vraiment bien se passe pour le Québec
et que l'UPAC fasse la pleine démonstration de son efficacité.
Cependant,
il y a un sacré problème, parce que, disons, la lenteur de l'action de l'UPAC,
son inaction, quand il s'agit
d'épingler des gens au sommet du pouvoir à Québec, c'est-à-dire des gens qui
ont été au gouvernement ou sont actuellement au gouvernement, fait en
sorte que ça crée énormément de frustration chez beaucoup d'observateurs et
chez nous également, je vous le dis. Vous nous avez dit que vous avez accusé
179 personnes, que vous avez obtenu 77 condamnations,
mais le problème est le suivant, M. Lafrenière, c'est que c'est comme si vous
dites... vous avez coupé le malade à
179 endroits, que vous avez fait 77 sutures, vous avez retiré... ou,
je ne sais pas, 77 métastases, mais on n'a toujours pas la racine du cancer, ce qui envoie ses métastases. On a le
menu fretin ou des échelles inférieures. La racine, on le sait, au Québec, c'est un système qui siégeait
au gouvernement. Je ne dis pas «celui-là», mais l'ancien. Tout le monde le reconnaît tacitement ou ouvertement. On n'en
est pas là. Donc, il y a un problème de confiance véritable. Je pourrais
vous nommer des cas plus récents. M.
Gauthier, qui est dans les... hein, Joël Gauthier, son dossier est connu de
l'UPAC depuis au moins 2012. Il y a une montagne d'allégations de
différentes sortes. On n'a toujours rien. Pourquoi? Parce que Joël Gauthier, c'est directement lié à Jean Charest,
c'est directement lié à la commande du Parti libéral. Il y a M. Pietro
Perrino et l'histoire de la Société immobilière du Québec, amplement décrite
dans l'émission Enquête, et vous êtes au courant de ça aussi depuis
longtemps.
Je
ne parlerai pas de diligence, je ne parlerai pas du rapport Charbonneau sur le
leader du gouvernement. Donc, votre inaction dans les dossiers qui
touchent les responsables au gouvernement fait en sorte que c'est une espèce d'obstruction dans le sain travail qu'on avait
pensé confier à l'UPAC pour extirper le mal, le cancer. Alors, moi,
j'aurais envie de dire, là, avant de vous
donner d'autres pouvoirs : Ce bilan-là ne me rassure pas. Est-ce que
vous ne pensez pas que cette inaction, cette lenteur sert le gouvernement?
Et
permettez-moi de poser la question autrement : Qu'est-ce que vous avez vraiment besoin, qui soit dans le projet de loi,
qui vous permette d'épingler le suspect numéro un de la commission
Charbonneau, Jean Charest? Qu'est-ce
qu'il vous faut pour donner suite convenablement, par exemple, au chapitre de
la commission Charbonneau qui incrimine directement le leader du gouvernement actuel? Puis
c'est clair, c'est un ministre à 100 000 $
de l'autre gouvernement, le système au pouvoir qui a permis tout ça.
Qu'est-ce qu'il vous faut?
Le Président (M. Ouellette) : C'était le commentaire de M. le député de Mercier. Il ne nous reste plus de temps. M.
Lafrenière, on aura...
M. Khadir :
Mais, non, j'ai fait 2 min 15 s.
Le Président (M.
Ouellette) : Non. Vous avez brûlé 3 min 30 s. Je vous
ai donné le 30 secondes en plus.
M. Khadir :
Bien, alors, vous pouvez le dire aux médias après, peut-être, leur répondre, le
dire aux médias.
Le Président (M.
Ouellette) : Ça fait que vous lui donnerez sa réponse en privé.
M. Robert Lafrenière,
Me Marie-Claude Laberge et M. Martin Barabé, merci d'être venus déposer.
Et la commission
suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à
13 h 4)
(Reprise à 15 h 3)
Le
Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
Nous
poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 107, Loi
visant à accroître la compétence et l'indépendance du commissaire à la
lutte contre la corruption et du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du directeur des poursuites
criminelles et pénales d'accorder certains avantages à des témoins collaborateurs. Comme je l'ai mentionné ce
matin, cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : la
Sûreté du Québec, le Barreau du Québec, le Directeur des poursuites criminelles
et pénales, le Bureau des enquêtes indépendantes. C'est beau.
Bon. Je
souhaite la bienvenue à M. André Goulet, qui est inspecteur-chef à la
Direction des enquêtes criminelles à
la Sûreté du Québec, et Me Francis Brabant, qui est un habitué de nos
commissions parlementaires, je vous dirais, depuis quelques années, puis
je vais arrêter là, mais je pense que vos cheveux blancs font état de depuis
combien d'années vous venez dans les commissions parlementaires,
Me Brabant.
Une voix : ...
Le Président (M. Ouellette) :
Non, mais je le mentionne, parce que...
Une voix : ...
Le Président (M. Ouellette) :
Ah! ce n'est même pas une question de règlement, je pense que c'est un élément
factuel.
Inspecteur
Goulet, à vous la parole pour les 10 prochaines minutes. Après, il y aura
un échange avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions.
Sûreté du Québec (SQ)
M. Goulet
(André) : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci beaucoup, les parlementaires, M. le ministre, merci
pour l'invitation.
D'entrée de
jeu, j'aimerais ça vous expliquer que le mémoire que j'ai ici, devant moi, que
je vais vous relater, a trois sections : il va y avoir un
préambule, il va y avoir un commentaire spécifique sur le projet de loi
n° 107 et ainsi qu'une conclusion.
Nous tenons, en premier lieu, à remercier la
Commission des institutions d'avoir invité la Sûreté du Québec à participer aux auditions publiques sur le projet
de loi n° 107, Loi visant à accroître la compétence et l'indépendance
du commissaire à la lutte contre la
corruption et du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du
directeur des poursuites criminelles et pénales d'accorder certains
avantages à des témoins collaborateurs.
La Sûreté du Québec est un corps de police
national au Québec et elle agit sous l'autorité du ministre de la Sécurité publique. Elle a pour mission le maintien
de la paix et de l'ordre public, la préservation de la vie, de la
sécurité et des droits fondamentaux des
personnes et de la... excusez, et la protection
de leurs biens. La Sûreté du Québec
soutient aussi la communauté
policière, coordonne des opérations policières d'envergure, contribue à l'intégrité des institutions étatiques et assure la sécurité des réseaux de transport qui
relèvent du Québec. La Loi sur la police prévoit six niveaux de service.
La Sûreté du Québec est la seule organisation policière à fournir le service de
niveau 6.
La Sûreté du Québec dessert
1 042 municipalités réparties dans 86 MRC, soit un territoire
comptant plus de 2,5 millions de citoyens et couvrant près de
1,2 million de kilomètres carrés. Au 31 mars 2017, la Sûreté comptait
7 633 effectifs en place, dont
5 525 policiers, parmi lesquels 303 officiers, de même que
2 108 employés civils réguliers et occasionnels répartis entre le quartier général, les quartiers
généraux en district et en région ainsi que les 121 postes.
D'entrée de
jeu, il importe de préciser que la Sûreté du Québec est en accord avec les
modifications proposées par le projet de loi n° 107. La Sûreté est
un partenaire de première heure du Commissaire à la lutte contre la corruption.
L'actuel Bureau des enquêtes sur la
corruption, de la Sûreté du Québec, constitue l'une des équipes d'enquête
désignées par le gouvernement au sens de la
loi et des décrets applicables. Ce bureau regroupe 86 effectifs de la
Sûreté du Québec — soit
policiers et civils — 13 provenant
des différents corps de police municipaux, dont Montréal, Longueuil, Québec,
Richelieu—Saint-Laurent
ainsi que Saint-Eustache.
La Sûreté du Québec appuie les objectifs et les
moyens prévus par le projet de loi n° 107 afin de faire du Commissaire à la lutte contre la corruption un
corps de police spécialisé et dédié à la lutte contre la corruption sous
toutes ses formes. Il est d'intérêt public
que les garanties d'indépendance, le champ de compétence et les pouvoirs du
commissaire soient accrus et qu'il bénéficie
de l'ensemble des outils disponibles aux corps de police. Les infractions en
matière de corruption sont difficiles à détecter, identifier et
poursuivre, car elles sont consensuelles et motivées par un intérêt mutuel. De plus, on obtient difficilement la
collaboration volontaire des témoins, lorsqu'ils existent. Les confessions
de suspect sont rares, voire souvent inexistantes. Il est donc primordial que
les autorités chargées d'enquêter ce type de crime disposent des meilleurs
outils d'enquête et de renseignement disponibles ainsi qu'une coordination
efficiente entre les corps de police et entités gouvernementales.
Deuxième section : commentaires spécifiques
sur le projet de loi n° 107. La présente section contient des commentaires ponctuels en lien avec certains
articles proposés dans le projet de loi n° 107. Ces commentaires ont
pour objectif principal de clarifier l'interprétation de
certaines dispositions. L'article 2 du projet de loi vise à modifier
l'article 2 de la Loi concernant la lutte contre la corruption, qui peut
être interprété comme limitant la juridiction du commissaire dans ses enquêtes à la corruption et infractions semblables
visant seulement les contrats du secteur public. Nous appuyons l'initiative de clarifier la loi à cet égard, de façon à
n'a pas limiter indûment la juridiction du commissaire en matière de corruption. Nous notons toutefois que
la loi mentionne déjà que l'une des infractions visées est la fraude en pareille matière, incluant, suivant l'amendement
proposé, l'octroi de droits et privilèges par un organisme ou une
personne du secteur public.
De fait, les
enquêtes en matière de corruption comportent parfois une composante de fraude
envers l'État, et, si les
modifications proposées à l'article 2 du projet de loi n° 107
n'étaient pas prises, les enquêtes du commissaire pourraient demeurer
plus limitées ou rendues plus complexes à gérer. Cependant, une interprétation
mot à mot et hors contexte de cette
modification comporte le risque d'étendre la juridiction du commissaire aux
enquêtes concernant la fraude envers l'État sans qu'il y ait
nécessairement un élément de corruption ou une infraction semblable.
• (15 h 10) •
Or, la Sûreté
du Québec doit assurer, suivant le sous-paragraphe 7.1 du Règlement sur
les services policiers, que les corps
de police municipaux et la Sûreté du Québec doivent fournir selon leurs niveaux
de compétence, un service d'enquête sur
les crimes touchant les revenus de l'État et sa sécurité ou son intégrité.
D'ailleurs, la Sûreté du Québec dispose d'un service des enquêtes sur la criminalité contre l'État dont le mandat
est, notamment, d'enquêter les fraudes criminelles de nature fiscale ou
de prestation de biens ou de services par les ministères et organismes
gouvernementaux.
Ni la loi ni
le projet de loi n'établissent de juridiction exclusive pour le commissaire sur
les infractions mentionnées à
l'article 2. Toutefois, l'article 8.8 du projet de loi prévoit que
«tout corps de police doit aviser le commissaire lorsque, [...]le cours d'une enquête qu'il mène, il a des
motifs raisonnables de croire qu'un acte répréhensible a été commis. Le commissaire établit, [une] collaboration avec le
corps de police, les modalités selon lesquelles l'enquête doit se
poursuivre.» Ce nouvel article, qui vient
définir un devoir de signalement et le rôle prépondérant du commissaire dans le
contrôle des enquêtes touchant les actes répréhensibles au sens de la
loi, viendrait donc imposer au Service des enquêtes sur la criminalité contre l'État, de la Sûreté du Québec,
un tel devoir et restreindrait sa discrétion quant à l'opportunité et la
façon de mener ces enquêtes alors même
qu'elles ne comportent aucune composante relative à de la corruption ou d'abus
de confiance. Nous sommes d'avis que, malgré
le libellé de l'article 2, ce n'est pas l'objectif visé par le projet de
loi. Ainsi, notre commentaire vise
essentiellement à nous assurer que nous avons une interprétation commune à
l'effet que l'infraction de fraude vise les fraudes incidentes aux
infractions mentionnées, afin de préserver les juridictions et la conduite
efficiente et ordonnée des enquêtes.
Section Un corps de police spécialisé dans la
lutte à la corruption. L'article 8.4 du projet de loi prévoit que forment un corps de police spécialisé dans la
lutte contre la corruption, notamment, les personnes suivantes : à titre
de membres, le commissaire, le commissaire associé aux enquêtes, les enquêteurs
dont les services sont prêtés par un corps de police conformément à
l'article 14.
Cette
modification fait en sorte que, dorénavant, le Bureau des enquêtes sur la
corruption, de la Sûreté du Québec, ne
constituera plus une équipe d'enquête désignée en vertu de l'article 2 du
présent alinéa de l'article 9 de la loi et son décret afférent. Elle établit plutôt un système de prêts
de service par les corps de police suivant lequel ces policiers se
joindront à un corps de police conformément
à des ententes à cet effet. L'effet le plus tangible de cette modification sur
le plan des enquêtes du commissaire
est de donner au personnel de ce nouveau corps de police l'accès direct au
Centre de renseignements policiers du
Québec, en l'occurrence le CRPQ, qui est à la fois une banque de renseignements
policiers et une passerelle vers le Centre d'information de la police
canadienne, communément appelé le CIPC, géré par la GRC. Sans cette
modification, vu les dispositions de l'article 52 de la Loi sur la police
et des articles 59 et 61 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels, le commissaire doit présenter, au cas par cas, une demande à un corps de police,
habituellement par les membres policiers désignés d'enquête... des
équipes d'enquête désignées, dis-je, afin de
lui fournir une information contenue dans ces banques de données. Ainsi, nous
appuyons le principe de fournir au commissaire et autres personnes composant ce
corps de police projeté un accès direct à ces banques de données afin d'assurer
l'efficience des enquêtes.
Nous constatons de plus que, malgré le principe
établi d'indépendance des corps de police dans l'exercice de leur mission, il va de soi que la lutte à la
corruption bénéficierait d'une perception encore plus claire de cet aspect
des enquêtes du commissaire et, par le fait
même, d'un accroissement du sentiment de confiance de la population. En
dégageant davantage les policiers des équipes
d'enquête désignées de leurs corps de police d'origine sur un plan
opérationnel, ces sentiments seront rehaussés, à notre avis. Ce système
préserverait néanmoins un lien administratif de ces policiers envers le corps de police d'origine, notamment au
niveau de la facette des relations de travail, lequel sera précisé dans
une entente suivant l'article 14 de la
loi, tout en assurant une autorité exclusive du commissaire sur le plan
opérationnel. Au moment de négocier cette entente, la Sûreté du Québec
fera part de ses attentes et préoccupations au commissaire.
Nous
souhaitons par ailleurs revenir sur l'aspect de l'article 8.4, à savoir que les
membres prêtés des corps de police deviendraient également membres de ce
nouveau corps de police spécialisé.
Malgré le fait que vous désigneriez un policier
prêté comme membre du corps de police spécialisé, nous comprenons qu'il
demeurera, sur le plan administratif, entièrement lié à son organisation
d'origine et qu'en ce sens il demeurerait
assujetti seulement à notre Règlement de discipline, de même qu'aux
dispositions prévues dans son contrat de travail, et enfin que les
serments prévus aux annexes A et B de la Loi sur la police, qui sont,
rappelons-le, le serment professionnel et le serment de discrétion, n'auront pas non
plus à être prêtés de nouveau, puisqu'ils continuent de s'appliquer.
De façon
claire, eu égard au Règlement de discipline, nous comprenons qu'en cas de
manquement éventuel d'un de nos
membres ou d'un comportement dérogatoire c'est le Règlement sur la discipline
interne des membres de la Sûreté du Québec qui
seul continuera de s'appliquer et que les modalités administratives liées au
traitement d'un dossier de discipline seront prévues dans l'entente de prêt de
service à convenir entre le commissaire et la Sûreté du Québec.
Conclusion.
La Sûreté du Québec est en accord avec les modifications proposées par le
projet de loi n° 107. Nos quelques
commentaires visent essentiellement à nous assurer que nous avons une
interprétation commune relativement à deux
des dispositions qui y sont prévues. Nous réitérons que la Sûreté appuie les
objectifs et les moyens prévus dans le projet
de loi n° 107 afin de faire du Commissaire à la lutte contre la corruption
un corps de police spécialisé et dédié à la lutte contre la corruption
sous toutes ses formes. Il est d'intérêt public que les garanties
d'indépendance, le champ de compétence et
les pouvoirs du commissaire soient accrus et qu'il bénéficie de l'ensemble des
outils disponibles à tout corps policier au Québec. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. Goulet. Vous comprendrez qu'on est très intéressés, M. le ministre et les membres de la commission, par les notes qui ont servi à votre allocution,
et, si c'était possible de les faire parvenir au secrétariat, ce serait
très apprécié.
M. Goulet (André) : ...M. le
Président.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Goulet. M. le ministre.
M. Coiteux : Oui. Alors, merci, M. Goulet,
M. Brabant, également. Je vais commencer par la question suivante... Plus tôt aujourd'hui, en fin de matinée, le commissaire à l'UPAC,
M. Lafrenière, nous a expliqué comment ça fonctionne à l'heure actuelle et il a dit que ça fonctionnait très
bien dans le cadre actuel avec la Sûreté du Québec, qui est évidemment un joueur clé dans l'unité, mais qu'en même
temps ça lui permettrait d'être encore plus efficace avec le statut de corps de
police qui lui sera octroyé par le projet de loi.
Compte tenu de l'expérience, là, dans ce type
d'enquête longue, complexe, qui nécessite beaucoup d'agilité, comment vous voyez ça, vous, ce changement dans la
nature même de l'UPAC, qui deviendrait un corps policier, par rapport à
la situation actuelle?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Goulet.
M. Goulet (André) : M. le
ministre, comme je mentionnais dans le mémoire, il est clair qu'en ce qui a
trait, notamment, à des banques de données
c'est inévitable qu'ils ont besoin de consulter les banques de données
directement. Eux, les banques, en ce qui a
trait, comme je mentionnais, au CRPQ, que ça soit le SARC... il faut qu'ils y
aient accès le plus rapidement possible, sans passer par l'intermédiaire
de la Sûreté du Québec. Comme je vous mentionnais, ces enquêtes-là sont difficiles à détecter, identifier ou poursuivre. C'est
leur permettre de rendre plus efficients les enquêteurs et qu'ils soient en mesure de se concentrer à
travailler sur les dossiers, et non pas de faire en sorte de passer par un
intermédiaire pour avoir accès aux banques de données.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le ministre.
M. Coiteux :
Oui. Concernant le prêt de service, là, en particulier, là, qui serait le mode
prévu par le projet de loi, comment
vous voyez ça, vous, de votre côté, à la Sûreté du Québec? Parce que vous allez
en prêter un certain nombre.
Donc, qu'est-ce que ça va changer par rapport
aux pratiques actuelles, très concrètement? Est-ce que ça a un impact sur la
Sûreté du Québec, ça?
• (15 h 20) •
M. Goulet
(André) : Concrètement, M.
le ministre, non, parce que, depuis la création de l'UPAC, les prêts de service fonctionnent, et je tiens à le préciser,
ça fonctionne, et ça fonctionne sur le sens opérationnel que ces
personnes-là sont gérées par l'UPAC. Comme je mentionnais dans le mémoire, tout
le volet administratif est géré par la Sûreté du Québec. Le projet de loi va venir, dans le fond, officialiser ce qui se
fait présentement sur le volet de prêt de personnel qui est à l'UPAC.
Je me permets de faire une petite parenthèse par
rapport aux ERM, par rapport aux ENRCO, qui touchent le crime organisé. Depuis
les années 90, nous avons des protocoles qu'on fait avec les sûretés
municipales, à la fois des protocoles où on
prête des gens et à la fois des gens qui viennent à la Sûreté du Québec. On a
fait la même chose que la GRC, le
SPVM, un accord commun entre chaque pour les protocoles. Et ces protocoles-là
font en sorte que, sur l'aspect opérationnel,
bien, ça appartient au corps de police qui
les accueille. Et on tient compte du côté administratif qui appartient
au corps de police qui prête...
Le Président (M. Ouellette) : M. le
ministre.
M. Coiteux : Le commissaire, encore
une fois, dans sa présentation puis ses échanges avec nous plus tôt, il nous a
dit : À terme, il faudrait même que l'UPAC puisse engager ses propres
policiers, former ses propres policiers.
Est-ce que c'est une avenue qui vous apparaît
pouvoir se faire très prochainement ou c'est vraiment à très long terme?
Le Président (M. Ouellette) : M.
Goulet.
M. Goulet (André) : C'est difficile à vous répondre «prochainement»,
mais, je pense, c'est réalisable, dans la mesure que l'UPAC aura son règlement de discipline appartenant à leurs
policiers proprement dits, de l'UPAC, et qu'on demeure, soit la Sûreté du Québec soit le Service de police de Montréal
et tous les corps de police présents, sous notre régime de discipline. Mais, qu'est-ce qui va régir au... assujetti aux
policiers... on va les appeler «embauchés par l'UPAC», qui ont la même
formation ou la même façon de travailler, on n'a pas d'objection à ça.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le ministre.
M.
Coiteux : Autre question. Il y a aussi l'élargissement des pouvoirs du
DPCP. On lui donne un certain nombre de choses qu'il peut difficilement... ou même pas faire actuellement,
notamment en matière d'immunité. Puis j'avais posé la même question au commissaire plus tôt :
Comment ça peut, en complément avec les enquêtes policières, améliorer
de façon générale la capacité d'aller à fond dans certaines enquêtes?
M. Goulet
(André) : M. le ministre, auparavant, j'étais responsable de la
Direction des services de soutien aux
enquêtes, et ce volet-là, d'élargir ou de permettre... j'étais responsable de
cette direction-là et j'avais le Service de protection de témoins sous
ma responsabilité, et tout ce qui touche les collaborateurs de justice passait
par le Service de protection de témoins, et
ce volet-là était un enjeu important. Et on est très favorables de
l'élargissement dans le volet des collaborateurs de justice. Notamment,
comme je vous mentionnais tantôt, certaines enquêtes pour l'UPAC sont très
difficiles, et ça va permettre d'outiller encore plus l'UPAC et aussi la Sûreté
du Québec. C'est ce volet-là.
M. Coiteux :
D'accord. Merci. Peut-être qu'un de mes collègues aura des questions.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Vimont.
M.
Rousselle : Merci. Bienvenue à cette commission. Vous en avez
parlé tantôt, justement, on parle toujours de prêts de service entre la Sûreté du Québec... On le sait
d'ailleurs — on a
parlé, tout à l'heure, à l'association des directeurs et directrices — qu'il y avait des prêts de service aussi au
niveau municipal. Si j'ai bien compris, tantôt, de l'UPAC, les prêts de
service, des fois, c'est deux ans plus un an, donc, ça joue là-dedans.
Chez vous, à la
Sûreté du Québec, c'est-u aussi dans le deux ans plus un an d'option ou c'est
plus que ça?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Goulet.
M. Goulet
(André) : Pour les prêts de service — je vais parler en fonction
des ERM — normalement,
c'est trois ans, et ça peut s'extensionner. Concernant l'UPAC, les gens qui
sont prêtés là sont prêtés, comme la dotation policière, pour quatre ans. Ils
peuvent sortir sur la dotation policière, parce que c'est des prêts. On n'a pas
de prêt proprement dit comme on connaît, comme je vous parlais, dans les ERM.
Mais, selon l'article 14, je pense, c'est la meilleure
façon qu'on pourra définir les gens qui vont être prêtés à l'UPAC, parce que,
je ne vous le cacherai pas, vous le savez autant que moi, que c'est des
enquêtes de longue haleine et complexes, et, souvent, deux ans, trois ans, ce
n'est pas tellement long.
Ça
fait qu'il se pourrait que les ententes soient plus longues que deux ou trois
ans. En tout cas, ça serait à discuter dans l'entente, selon l'article 14,
qu'on aurait avec l'UPAC.
Le Président (M.
Ouellette) : C'est beau. M. le député de La Prairie.
M.
Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. J'aurais une couple de
questions. M. Goulet, vous avez mentionné dans votre présentation que
vous avez un bureau d'enquêtes sur la corruption, à la Sûreté du Québec, et
vous avez un service des enquêtes de la criminalité contre l'État.
Advenant
l'adoption du projet de loi n° 107, qui va créer un corps de police
spécialisé, qu'est-ce qui va arriver à ces deux départements-là? Je dis
«départements». Ce n'est peut-être pas le bon mot, là.
M. Goulet
(André) : Bien, le bureau...
M.
Merlini : Mais voyez-vous, disons, une extension ou allez-vous
maintenir ces services-là, ces bureaux-là?
M. Goulet
(André) : C'est deux choses différentes. Le Bureau d'enquêtes sur la
corruption, tout l'ensemble de ces gens-là
sont prêtés, déconcentrés à l'UPAC et sont en lien, je vous dirais,
administratif au BDGA, qu'on appelle, bureau du directeur adjoint aux
enquêtes criminelles. Moi, je n'ai aucun lien avec eux. Mais les Services
d'enquête des crimes contre l'État sont sous
ma responsabilité, ça n'aura aucun changement pour eux. Ils demeurent encore
avec moi. Le seul lien qu'il pourrait y avoir, c'est opérationnel, dans certains
dossiers. Comme je vous mentionnais, selon l'article 2, il pourrait y
avoir des possibilités.
M.
Merlini : Maintenant, vous avez aussi fait référence à l'importance de
l'accès qu'aurait ce corps de police spécialisé là aux banques
d'informations que les corps de police ont accès. Mais, de l'autre côté, plus
tôt ce matin, le commissaire à l'UPAC nous a
dit que lui, il a des banques d'informations qui sont non partagées. Alors,
qu'est-ce qui arrive, là, pour ça? Parce que j'imagine qu'il va falloir
qu'il y ait aussi l'échange dans les deux sens, là.
M. Goulet
(André) : Effectivement, et puis il y a des...
M. Merlini : ...non seulement de la
Sûreté, mais de tous les corps de police, là, aussi.
M. Goulet
(André) : Exactement, et
puis pour le bénéfice de tous les corps de police. Mais, en même temps,
je dois préciser qu'il y a certains dossiers
sensibles, sans énumérer les critères, mais, quand on est en opération, bon,
personne n'a accès, évidemment, question de
sécurité, question de sécurité des personnes, dans les dossiers. Et l'UPAC ne
sera pas différente pour ça que tout corps
de police pour alimenter des banques de données. Mais, lorsque l'enquête est
terminée, c'est des mannes d'informations
importantes pour les corps de police que l'UPAC pourra partager avec tous les
autres corps de police et nous, le SPVM et tous ceux qui ont accès, en l'occurrence,
au SARC.
M.
Merlini : Effectivement, quand vous revenez sur, par exemple, le
Service des enquêtes sur la criminalité contre l'État, il y a peut-être de l'information qu'eux ont réussi à obtenir,
d'une certaine façon, qui pourrait vous aider, vous, dans vos propres
enquêtes aussi.
M. Goulet (André) : Effectivement.
Vous avez entièrement raison.
M.
Merlini : O.K. Est-ce que ça serait nécessaire, à ce moment-là,
advenant l'adoption du projet de loi n° 107 et la formation de ce corps spécialisé là... Est-ce
qu'il va être obligé d'avoir un protocole d'entente ou c'est de commun
accord ou c'est d'usage que tout le monde pourrait avoir accès, là, aux...
M. Goulet (André) : Il y a des
critères d'accès au SARC. Ce n'est pas tout le monde qui peut y aller, premièrement... ou à certains endroits, mais ce
n'est pas un commun accord. Si tu es policier puis tu as
l'accréditation, et la formation, et la compétence d'avoir accès, bien, tu vas
pouvoir avoir accès à certaines données.
M.
Merlini : O.K. Donc, on verrait une nette amélioration avec l'échange
des informations pour tout ce volet-là, soit de la lutte à la corruption
ou la criminalité contre l'État.
M. Goulet (André) : Effectivement.
M. Merlini : Merci beaucoup, M.
Goulet. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) :
M. Goulet, quand vous faites les vérifications sécuritaires, je présume que
vous avez accès... ou vous allez chercher l'information partout où elle peut
être au Québec.
M. Goulet (André) : Effectivement.
Le
Président (M. Ouellette) :
Donc, selon les commentaires qui nous ont été faits par M. Lafrenière ce
matin puis par mon collègue de La Prairie, lors de toute vérification
sécuritaire, vous faites la vérification à l'UPAC dans leurs banques
personnelles pour vous assurer que vous avez toute l'information disponible.
M. Goulet
(André) : M. le Président,
je ne peux pas vous dire «dans leurs banques personnelles», là. Je ne
sais pas, premièrement, s'ils ont une banque
personnelle. Je sais qu'ils contribuent, mais quand ils peuvent, au SARC, mais
je ne peux pas vous dire si, mettons,
le Service d'habilitation sécuritaire consulte l'UPAC pour certains dossiers.
Je ne serais pas en mesure de vous répondre sur ce volet-là, parce que
ce n'est pas mon secteur, ça.
Le Président (M. Ouellette) : O.K.
M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé : Merci, M.
le Président, M. Goulet, M. Brabant, bienvenue à l'Assemblée nationale.
D'entrée de
jeu, j'aimerais que vous puissiez m'expliquer qu'est-ce qui fait en sorte que
le directeur de la Sûreté du Québec, d'abord, est absent aujourd'hui et
qu'est-ce qui fait en sorte que vous avez d'abord refusé l'invitation de la
commission, pour ensuite vous raviser.
M. Goulet
(André) : M. le député,
premièrement, on a eu l'invitation, on l'a déclinée, mais je dois vous dire
que la Sûreté du Québec a émis ses commentaires auprès du MSP dans le cadre du
projet de loi. Mais évidemment on a eu plusieurs demandes qui ont afflué à la
Sûreté du Québec et, lundi, on a décidé, après la lecture... Et puis, comme
j'ai mentionné dans mon mémoire, il y a deux
aspects qu'on voulait porter une attention particulière pour
l'interprétation, et c'est la raison pour
laquelle c'est moi qui est ici, parce que je suis responsable des enquêtes
criminelles à la Sûreté du Québec.
Et les deux
volets qui nous... je ne dirais pas «préoccupent», mais qu'on veut porter une
attention particulière, c'est ce que
je vous ai mentionné, soit la définition pour le rôle des Services d'enquête
des crimes contre l'État, et l'autre volet,
qui est les membres qui sont assignés auprès de l'UPAC, notamment, pour les
ententes. C'est la raison pour laquelle c'est moi qui est ici.
M.
Bérubé : Donc, M.
Prud'homme était disponible.
M. Goulet
(André) : Il aurait pu être disponible, mais il est à la cour
présentement.
• (15 h 30) •
M.
Bérubé :
D'accord. Merci. Pour nous, c'est important que la Sûreté du Québec soit là,
c'est un acteur important. D'ailleurs,
ça a été mentionné en début d'intervention qu'un partenaire privilégié de
l'UPAC... Alors, si c'est le cas, aussi bien vous entendre, on a des questions pour vous. C'est notre police
nationale, c'est un acteur dans toutes les régions du Québec, alors il y
a des questions importantes qui doivent se poser.
J'avoue que
ce n'est pas une surprise pour nous que vous appuyiez la proposition
gouvernementale. Vous relevez du gouvernement
du Québec. La Sûreté du Québec n'est pas totalement indépendante. La nomination
de son directeur, elle est de tutelle
avec le ministère de la Sécurité publique. Le contraire m'aurait étonné, par
contre. C'est quand même un pouvoir que la Sûreté du Québec perd, celui
de l'UPAC, une autre organisation qui se crée. Alors, disons-le, souvent les politiciens se font accuser d'être des gens
qui se préoccupent des enjeux de pouvoir, je pense que ça existe aussi
dans la police — j'émets
une hypothèse — et
ça peut arriver parfois.
Alors, je pense, moi personnellement, que c'est
un peu à regret que la Sûreté du Québec voit l'intention gouvernementale et que l'UPAC sera un corps de
police, ce qui n'est pas recommandé par la commission Charbonneau. Parce qu'on peut bien invoquer certaines
dispositions de la commission Charbonneau en disant : Elle l'a dit. En
fait, je ne sais pas qui... ou les deux l'ont dit, parce qu'il y a de la
dissidence sur le rapport de la commission Charbonneau. Le ministre s'accroche à ça pour la nomination. Mais,
dans d'autres cas, il n'y a aucune recommandation qui fait en sorte
qu'on devrait créer un corps de police
indépendant. On ne l'a pas vu dans la commission. C'est la volonté du
commissaire de l'UPAC. Je ne suis pas
convaincu qu'il y a énormément de difficultés entre les deux directeurs... de
l'UPAC puis de la Sûreté du Québec, de se faire entendre. Le lien assez
inusité qu'on y retrouve fait en sorte que je ne pense pas que ça soit si
difficile que ça.
Ceci étant
dit, je ne prête aucune intention. Je vais faire le même exercice que j'ai fait
avec l'UPAC pour bien comprendre la
relation actuelle avant de concéder des pouvoirs et je vous annonce tout de
suite que, si j'ai indiqué que le Parti
québécois est en faveur d'une nomination aux deux tiers pour le commissaire de
l'UPAC, quant à nous, la logique voudrait
que ça s'applique à la Sûreté du Québec aussi. Alors, vous avez des policiers
de la Sûreté du Québec qui sont à l'UPAC. Vous pouvez nous identifier le
nombre d'enquêteurs qui y sont? Combien?
M. Goulet (André) : Je peux vous
dire ça plus précisément : 76 policiers prêtés, dont cinq officiers
prêtés.
M.
Bérubé :
D'accord. Vous avez fait un diagnostic organisationnel des policiers de la
Sûreté du Québec qui sont à l'UPAC. Est-ce que vous pourriez nous le
fournir?
M. Goulet
(André) : Ce que je peux
vous dire par rapport à ça — j'ai vu la question qui était posée ce
matin, j'ai fait des vérifications, vous comprendrez, parce que je me doutais
que vous poseriez la question : il n'y a pas eu de rapport d'audit par rapport à ça. La seule chose que je peux vous
dire : Karine Martel, qui est responsable de la politique sur l'aspect du harcèlement à la Sûreté du Québec,
elle a fait un état de situation suite à certaines plaintes des gens.
Elle a pris des notes, des notes
personnelles par rapport à ça, elle a fait un état de situation. J'ai vérifié
auprès de la Direction des ressources humaines de chez nous, de la
Sûreté du Québec, et, malheureusement, selon la Loi d'accès, on ne peut pas la
diffuser, parce que c'est des notes personnelles.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Matane.
M.
Bérubé :
Donc, vous me dites ici, à la commission, qu'il n'y a aucun diagnostic
organisationnel qui a été fait sur la présence des policiers de la
Sûreté du Québec à l'UPAC.
M. Goulet (André) : Ce que je vous
ai dit : il y a eu un état de situation fait par Mme Karine Martel,
qui est responsable de la politique sur
l'aspect du harcèlement, et puis, dans son état de situation, cet état de
situation là regroupe des notes qui
touchent des gens, des notes personnelles qui touchent des gens, puis, et j'ai
vérifié, selon la Direction des ressources humaines chez nous, on ne
peut diffuser ça, on ne peut divulguer ça.
M.
Bérubé : J'ai vu ça ailleurs.
D'ailleurs, la Sûreté du Québec est dernière pour les demandes d'accès à
l'information au Québec. C'est un
triste record, malheureusement. Je me permets de le déplorer. C'est la revue L'Actualité
qui nous l'apprenait. Je suis étonné
qu'il n'y ait pas de rapport plus formel que ça pour une grande organisation
comme la Sûreté du Québec, qui prête
des policiers à l'UPAC, d'autant plus qu'il y a quelques cas... moi, je vous
suggère qu'il y a quelques cas de
harcèlement réel de vos policiers à l'UPAC. Je vous suggère qu'il y en a plus
que deux et je suis étonné qu'on n'ait aucun
rapport qui fasse état de ça. Mais je prends votre parole, c'est ce que vous
nous dites. Et, que les notes personnelles ne sont pas accessibles, je
prends votre parole là-dessus, mais je suis très étonné, très étonné.
Tout à l'heure, des questions ont été posées par
le gouvernement. À deux reprises, vous avez lu de façon systématique les réponses. Est-ce que c'est vos notes personnelles
également ou c'est un document officiel de la Sûreté du Québec que vous
avez devant nous?
M. Goulet (André) : Non, c'est mes
notes.
M.
Bérubé : O.K. Parce
qu'à deux...
M.
Goulet (André) : Le document officiel, il est ici, là, celui que je
vous ai lu. Le mémoire est ici aussi. Les copies, vous allez les recevoir.
M.
Bérubé : Sur deux questions tout à l'heure, c'était
littéralement, là, la réponse complète qui était lue, alors ça m'a un
peu étonné aussi. Mais, si vous me dites, là, que ça fait partie du mémoire,
c'est un hasard.
On
a parlé des banques de données tout à l'heure. L'UPAC, en version corps de
police, pourrait piger dans vos banques
au SPVM, mais est-ce qu'ils vous redonnent de l'information après ou ils
gardent ça pour eux? Est-ce qu'ils vous disent c'est quoi, le suivi qu'ils font avec le travail que vos
policiers, vos enquêteurs, vos patrouilleurs font? Il y a une banque, ils peuvent aller piger dedans. Mais, avec
les nouveaux pouvoirs du commissaire de l'UPAC, est-ce qu'ils vous font
un retour... qu'est-ce qu'on a fait avec la preuve que vous avez accumulée ou
c'est unidirectionnel?
M. Goulet
(André) : Le fonctionnement du SARC ou de toute banque de données...
C'est une banque de renseignements, hein?
Tout le monde, si on veut qu'elle soit la plus fidèle possible et le plus
contemporaine... il faut que le monde
l'alimente le plus possible. C'est que, si tu en mets, pour aller en consulter,
c'est une règle de base. Et on
s'attend de l'UPAC qu'ils vont faire la même
chose. Mais, comme je disais tantôt, il faut s'assurer que l'information qu'ils mettent dedans...
pareil pour la Sûreté du Québec, pareil pour le SPVM, pareil pour la GRC, l'information qu'on met dedans, elle ne peut pas nuire aux enquêtes. Aussitôt
que les enquêtes sont terminées, bien, elle est accessible à tous ceux qui ont
la possibilité de l'avoir. Et ça ne sera pas différent pour l'UPAC, au contraire.
Comme je disais tantôt, c'est encore important pour nous, pour le Service d'enquêtes sur les crimes contre l'État,
qu'on ait plus accès rapidement à ces informations-là.
M.
Bérubé : Parce que
le projet de loi n'offre aucune garantie du retour de l'UPAC sur
les éléments qu'ils vont puiser, qui vont servir à leurs enquêtes de
toute nature. En tout cas, à ma connaissance, ça n'offre aucune garantie. Et l'UPAC a déjà énormément de pouvoirs, très peu de reddition de comptes, en ce qui me concerne, ce que vous avez à la Sûreté du Québec, de façon historique, comme grande organisation policière, qui
fait l'envie de bien des corps de police. Je pense qu'on peut le dire
sans chauvinisme. Et je trouve qu'on ajoute encore beaucoup de pouvoirs sans
tous les garde-fous nécessaires.
D'ailleurs, je me
permets de poser la question : S'il arrivait un crime à l'intérieur de
l'UPAC, à l'intérieur du bâtiment, chez les employés de l'UPAC, est-ce que vous
avez le pouvoir d'enquête à l'intérieur de l'UPAC?
M. Goulet
(André) : Oui, tout dépendant où ça s'est produit, de quel crime vous
parlez, si ça se produit...
Une voix :
...
M. Goulet (André) : Ils sont présentement, leurs bureaux, à un endroit. S'il y a
un corps de police, tout dépendant l'infraction
que vous disiez, selon la juridiction des niveaux de service... Si ça se
produit, les enquêteurs sont à un endroit, ils sont à Longueuil, puis
l'infraction quelconque... c'est le poste de Longueuil qui a juridiction.
M.
Bérubé : Je vous
soumets une hypothèse. Si quelqu'un à l'intérieur de l'UPAC vous faisait un
signalement sur un cadre de l'UPAC, sur une
malversation qui aurait eu lieu en lien avec de l'information privilégiée, en
lien avec un trafic d'information ou quoi que ce soit, est-ce que vous
auriez une permission à demander pour aller enquêter sur des cadres de l'UPAC?
M. Goulet (André) : Non. Non, aucun. Je ne vous nommerai pas les enquêtes qu'on entend dernièrement, mais c'est cas par cas. Cas par cas va être traité. Et, s'il y
a un signalement, soyez assuré que ça va être enquêté.
M.
Bérubé :
Est-ce que c'est déjà arrivé?
M. Goulet
(André) : Pas à ma connaissance.
M.
Bérubé : O.K. Les
prêts d'enquêteur, de policier de la Sûreté
du Québec à l'UPAC — vous
m'avez nommé le chiffre tout à l'heure, je suis heureux de l'avoir, parce
que j'avais un chiffre qui était plus
bas que ça qu'on m'avait fourni, je pense,
c'était une source journalistique, là, qui l'avait écrit — tendent à nous indiquer que c'est quand même
un contingent important, puis c'est des gens que vous avez formés, c'est
des gens qui font votre fierté puis que vous êtes fiers de les envoyer là, mais
vous aimez aussi conserver un lien.
Au
moment où vous les prêtez, est-ce qu'ils sont réputés devenir des policiers de
l'UPAC ou ils ont encore très clairement leur lien organisationnel,
hiérarchique avec vous ou, pendant la période où ils sont avec l'UPAC, ils ne
relèvent que du commissaire de l'UPAC?
M. Goulet (André) : Je vais vous faire le parallèle. Comme j'ai mentionné tantôt à M. le
ministre, le parallèle est le même
qu'on fait dans le cadre des ERM. Les personnes qui sont prêtées à l'UPAC, du
côté opérationnel, dépendent du commissaire
et, du côté administratif, que ça soit le volet disciplinaire, que ça soit le
volet conditions relatives, conditions de travail, appartiennent à la Sûreté du Québec. Et ce n'est pas différent
pour le SPVM qui est prêté chez nous, ou la GRC, ou l'inverse, quand on
est prêtés chez eux. C'est la même chose.
M.
Bérubé : Merci.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Matane-Matapédia. M.
le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci. Alors, merci, M. le Président. Bienvenue,
M. Goulet et M. Brabant. Moi, j'ai une question qui... Parce que le
commissaire à l'UPAC nous a dit ce matin que les prêts de service, c'est deux
ans plus une année d'option. Ça, il a été clair là-dessus. Puis vous, vous
parliez de quatre ans. Là, ça fait six ans que l'UPAC opère, ça fait six ans que vous prêtez du monde à l'UPAC.
Quelle est la moyenne, en termes de temps, qui se dégage au bout de six
ans? Quand un policier s'en va à l'UPAC, quelle est la moyenne de temps qu'il
passe là? Vous devez avoir des statistiques là-dessus.
• (15 h 40) •
M. Goulet
(André) : Non. Bien, je n'ai pas ça avec moi, la moyenne, mais, une
chose que je peux vous dire, comme j'ai mentionné tantôt à M. le ministre, les
gens qui sont prêtés à l'UPAC sont assujettis à nos conditions de placement. Ça fait que c'est un minimum de quatre
ans qu'ils peuvent être là ou, s'il y a une promotion ailleurs... Ça
fait que présentement on n'a pas d'entente écrite avec l'UPAC. C'est qu'on
prévoit le faire dans le projet, selon l'article 14.
Comme
je vous mentionnais tantôt, l'objectif qu'on connaît, les enquêtes de l'UPAC
sont complexes et longues... fort possiblement, ça va être plus que deux
ou trois ans — je
ne veux pas m'avancer — contrairement
à ce qu'on fait présentement à l'ERM. À l'ERM, souvent les membres vont être renouvelés
plus longtemps, tout dépendant si le corps de police est d'accord, et nous autres, on
est d'accord avec la prestation du policier. Je pense
que ce guide-là ou ces grands paramètres là pourraient être utilisés
avec l'UPAC.
M.
Spénard : Mais
vous n'avez pas de moyenne de temps que vos policiers ont passé là dans les six
dernières années. Mettons qu'il y en a eu... Si vous dites qu'il y
en a 76 aujourd'hui... Mettons qu'il en a passé 200. Je
ne le sais pas, moi, tu sais, il doit y avoir un roulement, là, tout
comme ailleurs, j'imagine.
M. Goulet (André) : Effectivement, il doit y avoir un roulement comme partout
ailleurs, dans les autres unités, parce
qu'ils peuvent appliquer sur des
promotions, ils peuvent changer, revenir aux enquêtes chez nous ou, chez
nous, aller là aussi. Je n'ai pas le chiffre, excusez-moi.
M.
Spénard : O.K. Qui
choisit, en dernier lieu, la personne qui va s'en aller à l'UPAC? Est-ce que
c'est vous ou si c'est le commissaire?
M. Goulet
(André) : Premièrement, ce n'est pas moi, parce que moi, je n'ai pas
de lien...
M.
Spénard :
La Sûreté du Québec.
M. Goulet (André) : O.K. Excusez-moi. Je réponds en fonction de moi, là. Ce n'est pas moi. Il
y a des processus, comme je vous mentionnais, des processus de
dotation. Il y a des, entre
guillemets, comme on connaît,
«boards» d'entrevue, et c'est
réglementé, les «boards» d'entrevue. Et c'est certain qu'il doit y avoir des
membres... je vais dire, un officier ou un sous-officier appartenant à
l'UPAC, mais souvent, puis ce qu'on préconise puis qu'est-ce qui se fait, que
ce soit quelqu'un de l'externe, qui vient de l'externe, dans le sens que...
dans une autre grande fonction, qui participe aux entrevues. Et aussi, pour votre information, souvent, pratiquement tout
le temps, l'APPQ est présente lors des entrevues. Ce n'est pas différent
pour l'UPAC, pour les membres de chez nous qui sont prêtés à l'UPAC.
M.
Spénard : O.K. Maintenant, s'en aller à l'UPAC — une question qui me trotte dans la tête,
là — est-ce
que c'est considéré comme une promotion?
M. Goulet
(André) : Je ne pourrais pas vous répondre. L'UPAC, c'est un endroit
que, selon le profil de l'enquêteur qui veut aller là, souvent, ils ont
certaines affinités à y travailler. Pour eux, c'est un plan de carrière plus qu'une promotion, comme quelqu'un qui voudrait
aller aux Crimes économiques, Crimes contre l'État, Crimes contre la
personne ou au Crime organisé. Moi, je le vois pour une panoplie d'enquêteurs à
la Sûreté du Québec qui ont le goût de s'investir ou de faire enquête.
M.
Spénard :
O.K. Mais ce n'est pas une promotion comme telle de passer de sergent à
lieutenant à...
M. Goulet
(André) : Non, c'est la même chose.
M.
Spénard : O.K. Vous avez parlé, et j'en avais parlé ce
matin, de la double autorité, parce qu'il y a quand même une autorité hiérarchique qui demeure à la Sûreté
du Québec pour le monde qui est prêté là. Et l'autorité fonctionnelle revient au commissaire. Maintenant, ce que
j'aimerais savoir : Lorsqu'il s'ouvre des postes dans la Sûreté du
Québec, lorsqu'il s'ouvre des postes et la
personne est à l'UPAC, est-ce qu'elle est avertie qu'elle peut revenir à la
Sûreté du Québec pour postuler sur un poste de promotion, sur un poste
de...
M. Goulet (André) : Oui. Effectivement, il a accès au réseau de la Sûreté du Québec et, à
chaque fois qu'il y a des concours
d'ouverts... et même lui, il peut, à chaque année, appliquer sur des postes...
un enquêteur à l'UPAC, parce que c'est un membre de la Sûreté du Québec.
Et, s'il y a des concours qu'on appelle ouverts provincialement, il le voit,
parce qu'on envoie ça sur l'intranet et on envoie ça par courriel aux
policiers. Ça fait qu'il le voit.
M.
Spénard : D'où ma question, que vous n'avez pas de
statistique sur le taux de roulement, à l'UPAC, des personnes prêtées là.
M. Goulet
(André) : Je m'en excuse. Je ne m'attendais pas à cette question-là.
Je ne l'ai pas avec moi.
M.
Spénard : O.K. J'avais une dernière question. La banque de
données comme telle, la banque de données que les corps policiers ont
accès, l'UPAC, présentement, est obligée de passer par la Sûreté du Québec,
puis la Sûreté du Québec, c'est... autrement dit, c'est la Sûreté qui donne la
banque de données à l'UPAC. En étant un corps de police autonome, l'UPAC, vous ne saurez plus quelle banque de données qu'il va
consulter, parce qu'il va avoir un accès direct, alors que, là, vous
êtes au courant de la banque de données, vous êtes au courant des enquêtes.
S'il vous demande la banque de données de tel organisme, telle chose, vous êtes
au courant de tout ça.
M. Goulet (André) : Oui. Je dois vous dire que, oui, on va le savoir, s'il verse des
données ou de quoi, parce que c'est
nous autres qui avons la gestion du SARC et il y a une journalisation qui est
faite. On est capables de le définir, parce qu'on doit s'assurer que tout le monde alimente... On est capables de
sortir des données, qui qui alimente puis... pour voir qu'on ait un bon rendement. Comme je vous
mentionnais tantôt, il faut que le monde en mette si on veut que ça soit
le plus fidèle possible, l'information.
Le renseignement, c'est important dans toutes les
enquêtes, tout genre d'enquête, et on doit s'assurer qu'eux aussi en mettent
comme la Sûreté du Québec, comme tout le monde. Il y a une journalisation qui
est faite, puis ils savent qu'il faut
qu'ils l'alimentent comme, nous
autres, il faut l'alimenter, comme le SPVM, comme la GRC, tout le monde doit le
faire.
M.
Spénard :
O.K. Vous l'alimentez, mais, je reviens à ma question, il va pouvoir y aller
directement. Si la loi n° 107 est
adoptée, il va pouvoir y aller directement, et vous ne serez pas au courant.
Est-ce que vous avez une espèce de mémo qui vous dit : Bon, bien,
telle banque de données a été consultée ce matin par untel ou, ce matin, par
untel? Pouvez-vous retracer les utilisateurs, ceux-là qui ont...
M. Goulet
(André) : Je ne pourrais pas vous répondre précis. Ce n'est pas mon
domaine précis. Il y a des spécialistes
là-dedans qui pourraient vous le dire. Je ne serais pas en mesure de vous
répondre là-dessus. Je ne suis pas en mesure
de répondre précisément, si on peut dire, mais je sais qu'il y a une
journalisation qui est faite. Mais, j'y vais par présomption, s'il y a une journalisation qui est faite, on pourrait le
retracer, je vous le dirais bien, on pourrait le retracer.
M.
Spénard :
O.K. Puis une dernière petite question. M. le Président, il doit me rester une
minute?
Le Président (M.
Ouellette) : Oui.
M.
Spénard :
Karine Martel travaille-t-elle encore?
M. Goulet
(André) : Oui.
M.
Spénard :
Au même endroit?
M. Goulet
(André) : Oui.
M.
Spénard :
O.K. Merci. Je n'ai plus d'autre question.
Le Président (M. Ouellette) : Merci. M. André Goulet, inspecteur-chef à la
Sûreté du Québec, et Me Francis Brabant, représentant la Sûreté, merci
d'être venus déposer en commission aujourd'hui. Oh! M. Goulet, vous aviez un
petit commentaire.
M. Goulet (André) : Tantôt, j'ai mentionné que c'est moi qui étais le représentant ici pour
la Sûreté du Québec. J'ai mentionné que le directeur général n'est pas
ici, parce qu'il témoigne présentement, aujourd'hui, auprès des hauts
dirigeants de la Sûreté du Québec. Je tenais à le préciser.
Le Président (M. Ouellette) : On avait bien compris que l'ordre d'un juge, je
veux dire, a préséance sur l'ordre d'un
président de commission. Donc, je comprends ça et je pense que c'est important
que vous donniez les explications, et on sait dans quel cas il est à la
cour. Donc, merci de votre présence.
Je suspends quelques
minutes. Je demande aux représentants du Barreau de bien vouloir s'avancer.
(Suspension de la séance à
15 h 47)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Ouellette) : On
reprend nos travaux. On s'excuse du petit délai. On a eu un petit problème
technique, électrique.
Nous
recevons maintenant le Barreau du Québec. Me Nicolas
Le Grand Alary et Me Magali Fournier, vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire, et mémoire que nous
avons reçu et pour lequel on n'a pas eu besoin de vous envoyer d'écrit, et nous aurons une période d'échange avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions. À vous la parole.
Barreau
du Québec
Mme Fournier (Magali) : Parfait. Alors, bonjour à tous. Je suis
Me Magali Fournier, de chez Brouillette Légal, et je suis ici aujourd'hui à titre de représentante du Barreau du Québec. Je suis accompagnée de Me Nicolas
Le Grand Alary, qui est avocat du Secrétariat de l'ordre et affaires
juridiques du Barreau du Québec.
Donc, d'abord, on
voudrait vous remercier de nous avoir invités à faire cette présentation.
Le
Barreau du Québec a pris connaissance, avec beaucoup d'intérêt, du projet de loi qui est étudié
ici aujourd'hui. Cependant, nous avons d'importantes réserves quant au
nouveau pouvoir octroyé au Directeur
des poursuites criminelles et pénales de mettre fin à une plainte disciplinaire
instruite devant un conseil de discipline d'un ordre professionnel.
Nous comprenons évidemment que ce nouveau pouvoir découle d'une recommandation
de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans
l'industrie de la construction, mais le Barreau du Québec comprend, évidemment, l'importance d'une telle recommandation afin de
prévenir la collusion, la corruption et la fraude, mais on a tout de même quelques petites réserves dont on voudrait vous faire part. Les ordres professionnels ont comme principale mission la protection du public. Le Barreau du Québec estime que l'article 38 du projet
de loi ne prend pas en
considération tous les impacts d'une telle
décision en matière disciplinaire et
soumet que ces dispositions méritent des ajustements importants.
Je
vous présenterai aujourd'hui quatre sujets : intérêt de la justice et protection du public, consultation du syndic, caractère public de la décision du DPCP ainsi que la
portée restreinte de la décision qui devrait être prise.
Pour commencer, intérêt
de la justice et protection de l'intérêt public. Je pense qu'il est important
de rappeler à tous que l'avocat est évidemment
membre d'un ordre professionnel, mais il est aussi un officier de justice, et
donc mettre fin à une plainte
disciplinaire, mettre fin à l'audition d'une plainte disciplinaire peut avoir
un impact important sur la
justice. La discipline est un des moyens qui
permet aux ordres professionnels de remplir leur mission de protection du
public.
Le
nouveau pouvoir octroyé au DPCP par le projet de loi interfère directement avec
le rôle du syndic et le conseil de
discipline au niveau du processus de sanction à l'égard des professionnels
ayant commis des infractions déontologiques. En retirant une plainte ou en ne procédant pas à son audition devant un
conseil de discipline, le DPCP s'immisce dans les fonctions mêmes d'un ordre professionnel et risque
de compromettre la mission première des ordres, de protéger l'intérêt public. Nous croyons que ce pouvoir risque de
grandement déconsidérer les ordres professionnels et de miner leur crédibilité
aux yeux du public. La confiance du public
envers le système professionnel est en jeu. Un professionnel dont la
plainte devant le conseil de discipline
serait terminée par le DCPC... le DCPC, je m'excuse, pourrait continuer à
exercer en toute impunité. Le critère employé dans le projet de loi est
celui de l'intérêt de la justice. Selon le Barreau, ce critère-là est trop bas. On devrait l'élever et imposer le
critère de l'intérêt supérieur de la justice. Ce faisant, on assurerait que le
pouvoir du DPCP soit mieux balisé. Cette
proposition a aussi pour effet d'harmoniser le langage contenu dans d'autres
lois, dont la loi sur la magistrature et d'autres qui sont nommées, là,
de façon plus spécifique dans notre mémoire.
Le
deuxième point qu'on voudrait soulever, c'est la consultation du syndic ayant
mené l'enquête. Le syndic est tenu de
préserver la confidentialité de ses dossiers d'enquête. Le DPCP n'a aucun accès
au dossier d'enquête constitué par un
syndic sur un professionnel. Ainsi, un syndic pourrait détenir un dossier
d'enquête très volumineux sur le professionnel. Ce dernier pourrait toutefois obtenir de la part du DPCP que l'audition
de la plainte ne se tienne pas quant à certains faits visés par une plainte disciplinaire dont le
conseil de discipline est saisi. Le Barreau craint que... d'une telle décision
par le DPCP, sans aucune considération pour
l'étendue des fautes professionnelles commises. Il pourrait d'ailleurs survenir
des cas où le DPCP n'aurait sans doute pas
pris une telle décision s'il avait connu la teneur du dossier d'enquête
constitué par le syndic sur ce professionnel, ce que, malheureusement, le
syndic ne pourra divulguer, entre autres, à cause du secret professionnel. Bien que les dossiers d'enquête du
bureau du syndic d'un ordre soient confidentiels, nous croyons que de
tels pouvoirs ne devraient être accordés au DPCP que si la loi prévoit
explicitement une obligation de consultation entre les ordres professionnels et
le DPCP avant que celui-ci n'octroie l'immunité.
Il
est également important de rappeler qu'un ordre professionnel peut être tenu
responsable économiquement de dommages
s'il ne remplissait pas sa mission de protection du public, ce qui pourrait
arriver si le DPCP décidait de ne pas procéder
à l'audition d'une plainte. Le DPCP devrait donc obligatoirement consulter le
syndic ayant mené l'enquête, pour obtenir ses commentaires et
observations quant à la possibilité de retirer une plainte déjà instruite
devant le conseil de discipline.
Caractère public de
l'immunité. Le Barreau constate que le projet de loi est muet sur le caractère
public de la décision qui pourrait être prise par le DPCP. Le Barreau rappelle
que la plainte disciplinaire n'est pas publique avant l'audition de celle-ci par le conseil de discipline. Pendant une
certaine période de temps, entre la signification de la plainte disciplinaire au professionnel visé et l'audition,
seuls le nom du membre et l'objet de la plainte ont un caractère public.
Dans ce contexte, il faut éviter que le public ne comprenne pas les raisons
pour lesquelles une plainte disciplinaire ne progresse
pas ou qu'aucune décision du conseil de discipline n'est rendue. Il faudrait
donc pouvoir permettre aux ordres professionnels
de déclarer publiquement que la plainte n'a pas fait l'objet d'une audition,
puisque le DPCP en a décidé ainsi.
La
portée restreinte du pouvoir. La commission a recommandé certaines balises à
l'exercice de ce pouvoir présenté comme
un avantage possible à attribuer à un témoin collaborateur. Elle précisait que
l'immunité peut être accordée si les fautes déontologiques ne portent
pas sur la qualité des actes professionnels posés.
Ainsi,
le Barreau suggère que le législateur encadre davantage les pouvoirs du DPCP en
se collant aux critères établis par
la commission dans son rapport et en limitant ainsi son champ d'application aux
seuls cas pour lesquels la qualité des actes professionnels n'est pas
visée.
Je vous
réfère plus particulièrement à l'article 123.9 de la Loi modifiant
diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et
la gouvernance du système professionnel, qui accorde un pouvoir similaire aux
ordres professionnels. À
l'article 123.9, deuxième alinéa, la loi dit : «Un syndic doit, avant
d'accorder l'immunité, tenir compte notamment
de la protection du public, de l'importance de maintenir sa confiance envers
les membres de l'ordre, de la nature et
de la gravité de l'infraction, de l'importance des faits allégués pour la
conduite de l'enquête et de leur fiabilité, de la collaboration du
professionnel au cours de l'enquête ainsi que de l'étendue de la participation
du professionnel à l'infraction — tous des critères qui auraient pu faire
l'objet d'une copie, si on veut, pour le DPCP.»
Donc, en vous
remerciant sincèrement de l'invitation à participer à cette commission
parlementaire sur le projet de loi, nous demeurons évidemment
disponibles pour toute question que vous pourriez avoir concernant notre
mémoire.
• (16 heures) •
Le Président (M. Ouellette) :
C'est sûr qu'il va y en avoir quelques-unes. M. le ministre.
M. Coiteux :
Oui. Merci, Me Fournier, Me Le Grand Alary, également.
C'est un enjeu complexe, puis je sensible aux arguments que vous présentez aujourd'hui, là, puis j'aimerais ça
l'approfondir un petit peu avec vous. Vous venez tout juste de vous
référer à une autre loi qui concerne les syndics des ordres professionnels...
on aurait pu faire un copier-coller, mais un copier-coller en les attribuant au
DPCP, ces dispositions-là, ou un copier-coller à l'ordre professionnel qui
aurait un rôle à jouer dans l'ensemble?
Mme Fournier (Magali) : Moi,
j'irais avec un copier-coller pour le DPCP. Donc, avant que le DPCP puisse accorder une telle... pas une immunité, mais,
avant que le DPCP puisse prendre une telle décision, c'est-à-dire de
mettre un terme à l'audience ou à l'audition
d'une plainte, il devrait considérer dans sa décision tous les critères que
l'on retrouve dans le même genre de
contexte, c'est-à-dire qu'un syndic a ce pouvoir-là, a le pouvoir d'accorder
une immunité à un professionnel, mais, pour le faire, il faut qu'il
tienne compte de ces critères-là.
M. Coiteux :
Maintenant, ma question, c'est : Dans ce cas de figure où ça serait
effectivement un copier... On est dans les hypothèses, hein, c'est pour
fins de discussion.
Mme Fournier (Magali) : ...en
tête.
M. Coiteux :
Non, non, c'est à ça que ça sert, les consultations. C'est à ça que ça sert,
les consultations. Après ça, on réfléchit. Si on faisait ça, disons,
hypothèse, ça reste la décision du DPCP ou vous avez encore besoin, selon vous,
d'un mécanisme de consultation de l'ordre professionnel concerné?
Mme Fournier
(Magali) : Pour le Barreau,
il est très important d'avoir un mécanisme de consultation. J'irais même plus loin que ça, c'est comme un genre de
minimal, je dirais, d'avoir cette consultation-là. Puis la raison pour
laquelle c'est le minimal, c'est que le
dossier du syndic, il est confidentiel, puis le DPCP n'y aura pas accès. Alors,
le DPCP ne pourra pas prendre une
décision basée en toute connaissance de cause s'il ne consulte pas d'abord le
syndic de l'ordre professionnel. Et
il y a tout l'aspect secret professionnel de ce qui est divulgué à un syndic,
parce que, un syndic, on ne peut pas lui opposer de secret
professionnel.
Je vais parler des avocats, là. Quand un avocat
est rencontré par un syndic, l'avocat ne peut pas dire : Bien, moi, j'ai du secret professionnel, je ne vous
raconterai rien. Il n'a pas le droit de dire ça. Il est obligé de tout
divulguer. Mais le syndic, lui, ne peut pas
divulguer ce qu'il a obtenu qui conviendrait au secret professionnel. Donc,
quand le syndic va être consulté par
le DPCP, il ne va pas tout dire au DPCP, il ne va pas dire : Voici tout ce
que je sais. Il va dire : Selon moi, là, je regarde mon dossier, puis, oui, c'est une bonne décision que tu
prends ou, non, ce n'est pas une bonne décision. Or, moi
personnellement, j'aurais dit : Bien, dans le fond, il faudrait que ce
soit avec l'accord du syndic. Mais la position officielle du Barreau, qui se
retrouve au mémoire, c'est de dire que ça prend au moins une consultation du
syndic.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le ministre.
M. Coiteux : O.K. Est-ce que
vous ne craindriez pas — hein,
on parle évidemment d'une situation pouvant mener
à toutes sortes de décisions dans le cadre d'une enquête qui doit demeurer
confidentielle — que ces
échanges-là mettent trop de monde au
parfum, mettons ça comme ça — ce n'est pas une expression très juridique,
là, celle que j'utilise, mais c'est celle qui m'est venue à
l'esprit — et
que ça puisse ultimement nuire à l'enquête ou aux enquêtes?
Mme Fournier
(Magali) : Bien, toutes les
personnes qui seraient au parfum, dans le fond, ce seraient le syndic et
le DPCP. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de craintes à ce niveau-là. Ça
fait une personne de plus. Le syndic ne pourra pas divulguer le contenu de son
dossier. Le DPCP, lui, pourra dire : Bien, écoutez, j'envisage la
possibilité de mettre un terme à l'audience ce cette plainte-là, qu'est-ce que
vous en pensez? Honnêtement, je n'ai pas beaucoup de craintes sur...
Le Président (M.
Ouellette) : Me Le Grand Alary.
M.
Le Grand Alary (Nicolas) : Oui. Bonjour. J'ajouterai aussi que, dans
la situation qui est visée par le projet de loi, le DPCP peut retirer l'audition d'une plainte qui a déjà été
déposée par le syndic devant le conseil de discipline. Donc, je veux dire, le syndic a déjà fait une enquête,
et les critères de l'article 24.1 dans le projet de loi, c'est sur des faits
ou des faits semblables. Donc, le syndic est
déjà au fait de la situation qui a donné naissance peut-être à la volonté du
DPCP de retirer la plainte, là. On est censé être sur les mêmes faits.
Donc, il y a déjà une plainte. L'enquête du syndic est complétée, à certains
égards.
M.
Coiteux : Et l'enquête du syndic a été initiée suite à la plainte de
quelqu'un, d'une personne. Comment ça fonctionne? Cette personne-là est
avisée des décisions?
Mme
Fournier (Magali) : En fait,
il peut y avoir des enquêtes même sans plainte. Il peut y avoir des
enquêtes qui émanent, par exemple, de
commentaires d'un juge ou... Il n'y a pas nécessairement une plainte qui génère
une enquête. La personne qui est
visée par l'enquête au syndic n'est pas nécessairement au courant qu'il y a
enquête à son sujet tant et aussi longtemps qu'elle n'est pas consultée
pour ses commentaires, et tout ça est éminemment privé, là, tout ça est superconfidentiel. En fait, tant qu'il n'y a pas
de plainte déposée par le syndic, le fait qu'il y ait enquête est
confidentiel. Il faut qu'il y ait une
plainte qui soit déposée contre le professionnel pour que la plainte... La
plainte, à ce moment-là, ne devient
pas encore publique, seulement le fait qu'une plainte a été portée devient
public, et la nature de la plainte. La plainte en tant que telle, elle
ne devient publique que le jour de l'audience sur la plainte.
M. Coiteux : Et donc, pour que ce
mécanisme-là fonctionne, il faut que l'intervention soit faite avant que la
plainte soit publique.
Mme Fournier (Magali) : Avant que la
plainte... quoi?
M. Coiteux : Soit publique.
Mme
Fournier (Magali) : Soit
publique, oui, parce que, de toute façon, ce qui est visé, si j'ai bien compris
le projet de loi, c'est de mettre un terme à
l'audience et donc c'est de mettre un... J'imagine que l'idée, c'est de le
faire avant qu'il y ait une audience et donc avant que ce soit public.
M.
Coiteux : Et, dans les cas où l'enquête a été déclenchée par le syndic
sur la base d'une dénonciation d'une personne, est-ce qu'il est d'usage
de donner une rétroaction à cette personne sur les suites?
M. Le
Grand Alary (Nicolas) : Il y a
certaines informations qui vont... Il y a des suivis qui sont
faits auprès du demandeur d'enquête, effectivement, mais le contenu et la preuve ne seront pas divulgués. Quand la plainte
est déposée, entre le dépôt de la
plainte et l'audition, comme disait Me Fournier, il y a seulement
le fait que la plainte a été déposée, le nom du professionnel visé et la
nature des gestes qui sont reprochés, là, l'infraction qui est reprochée qui
vont avoir un caractère public, effectivement.
M. Coiteux : Mais la personne qui
aurait fait une dénonciation reçoit, en cours de route...
Mme
Fournier (Magali) : Elle va
recevoir une lettre qui va lui dire : Ou bien il y a
une plainte qui a été versée ou portée
ou bien il n'y a pas de plainte qui a été portée. Et là cette personne-là peut
décider d'en appeler, si on veut. Il
y a un comité de révision. Et, si le comité décidait qu'il n'y aurait toujours pas de plainte de portée contre le
professionnel, à ce moment-là, une plainte privée pourrait être portée. Donc, il
y a un processus de suivi, mais pas nécessairement de divulgation complète.
M.
Coiteux : O.K.
Alors, je pousse plus loin, je me mets toujours dans l'hypothèse où le DPCP a ses pouvoirs mais qu'on suivrait les recommandations que vous
apportez aujourd'hui et qu'il consultait et qu'au terme de tout ce processus-là
on décidait de mettre un terme à tout ça. Bon.
Mme Fournier (Magali) : Mais là, à
ce moment-là, il n'y a pas de plainte encore.
M.
Coiteux : Il n'y a pas de
plainte, mais là la personne qui aurait fait la dénonciation reçoit une lettre,
puis là vous me dites : Elle a un droit d'appel. Alors, qu'est-ce
qui arrive avec ce droit d'appel dans un cas de figure... on est toujours dans
l'hypothèse, mais qu'est-ce qui arrive avec ce...
Mme
Fournier (Magali) : Bien,
c'est superintéressant, ce que vous soulevez, parce qu'en fait, si le DPCP
décidait de mettre un terme à l'audition
d'une plainte, la personne, la demanderesse d'enquête, là, le demandeur
d'enquête, pourrait possiblement...
puis là, honnêtement, je n'ai pas analysé cette question-là, mais pourrait
possiblement décider de porter une plainte privée.
• (16 h 10) •
M.
Le Grand Alary (Nicolas) : J'ajouterais peut-être aussi également que,
dans la situation qu'on parle, l'exemple que vous donnez, ça peut s'appliquer, là, même si on ne suit pas nos
recommandations, même s'il n'y a pas de consultation du syndic qui est effectuée et que le DPCP, là, dépose le préavis de retrait de plainte et
la plainte est retirée. La question pourrait toujours se poser pour le...
Le cas de figure que vous évoquez pourrait toujours se poser, là.
La personne qui avait
demandé l'enquête originalement pourrait essayer de tenter de reprendre
l'instance, si on pourrait dire, là, d'aller
avec une plainte privée puis une révision, mais je ne pense pas que c'est un problème majeur. Ce n'est pas un problème particulier
soulevé, là, par nos recommandations dans le mémoire. Les recommandations
qu'on fait ne créent pas cette situation-là. Elles s'appliqueraient de toute
façon.
M. Coiteux :
O.K.
Mme Fournier
(Magali) : Mais «I stand corrected», là. L'article 2 de 24.1
prévoit : «2° à l'instruction d'une plainte
portée à l'endroit de ce témoin devant un conseil de discipline...» Ça ne dit
pas «plainte privée ou par un syndic». Donc, même s'il y avait une
plainte privée, le DPCP aurait le pouvoir de mettre un terme à son audition.
M. Coiteux :
O.K. Visiblement, peu importe de quel côté on regarde ça, on fait quelque chose,
on ne fait pas quelque chose, on le fait d'une façon, on le fait d'une autre,
il y a quand même un certain nombre d'enjeux. Maintenant, puis j'ai posé la question ce matin, en
conjugaison avec les efforts d'enquête qui seraient ceux de l'UPAC, par exemple, les pouvoirs qu'on donnerait à l'UPAC pour agir de façon encore plus souple
en étant un corps policier, l'interaction entre ça et les nouveaux
pouvoirs du DPCP augmenterait l'efficacité générale des enquêtes. C'est ce
qu'on me disait. Alors, ça semble être une chose qui pourrait être utile.
Vous,
vous émettez des réserves, mais est-ce que vous doutez de l'utilité ou vous
pensez que l'utilité est là puis il s'agit de trouver la meilleure façon
de le faire?
Mme Fournier (Magali) : Moi, je ne doute pas de l'utilité. C'est un
pouvoir que le syndic a obtenu également, puis je pense que c'est dans l'intérêt de tout le monde d'obtenir une
plus franche collaboration possible. Donc, ce n'est pas tant l'utilité,
c'est la façon de le faire. C'est de s'assurer, en fait, que le processus soit
le bon.
M.
Coiteux : Vous avez dit «dans l'intérêt de tout le monde» dans votre
présentation. Est-ce qu'on a reçu un...
Mme Fournier
(Magali) : Mémoire.
M. Coiteux :
Je pense qu'on a reçu le mémoire aussi.
Mme Fournier
(Magali) : Oui.
M.
Coiteux : Vous voulez remplacer «intérêt de la justice» par «intérêt
supérieur de la justice». Alors, moi, qui ne suis pas avocat, j'aimerais
ça que vous m'expliquiez la différence entre les deux.
M.
Le Grand Alary (Nicolas) : Oui. C'est effectivement une modification
qui peut paraître un peu technique, mais
c'est dans un objectif, là, d'arrimer les critères. On mentionne, là, dans
notre mémoire les différents codes de déontologie qui emploient le
terme, là, «intérêt supérieur de la justice». C'est à un niveau de standard de
preuve qui pourrait être plus élevé. On
parle du Code de déontologie de la magistrature, le Code de déontologie des juges
municipaux du Québec, le Code de
déontologie applicable aux membres du Tribunal administratif du Québec et
également le Code de déontologie des avocats. Donc, c'est d'utiliser,
là, dans un objectif d'harmonisation, de la législation et de la réglementation,
là.
M. Coiteux : Mais est-ce que ça veut dire qu'on élève la barre
en ce qui concerne les occasions où ces pouvoirs-là pourraient être
utilisés? Est-ce que c'est ça que ça signifierait?
Mme Fournier (Magali) : C'est ce qu'on espère, dans le sens où l'intérêt
de la justice est un peu utilisé à plusieurs escients. On peut dire, par
exemple, que je veux un délai de 10 jours de plus dans l'intérêt de la justice.
Oui, c'est vrai que, dans ce cas-là,
pour ce cas précis là, c'est dans l'intérêt de la justice d'obtenir 10 jours de
plus. Mais ici on est au-delà de demander des délais ou de demander des
accommodements, je dirais, pour la bonne procédure d'un dossier qui pourrait être faite dans l'intérêt de la justice.
Ici, on est dans un cas où on demande des pouvoirs exceptionnels. C'est
pour ça qu'on demande de rehausser un peu la
barre et d'aller vers l'intérêt supérieur de la justice et non pas juste, entre
guillemets, l'intérêt de la justice. L'intérêt de la justice, c'est important
aussi, là.
M. Coiteux :
M. le Président, moi, je n'aurais pas d'autre question. Je ne sais si... poser
une question.
Le Président (M.
Ouellette) : Ça va pour les collègues?
M. Merlini :
J'aurais peut-être une question, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Envoyez donc.
M. Merlini :
Merci beaucoup, M. le Président. Dans votre présentation, vous parlez de
l'intérêt supérieur de la justice, mais vous
mentionnez que le DPCP pourrait arriver, si le projet de loi est adopté,
pourrait arriver à arrêter une procédure disciplinaire, une mesure
disciplinaire.
Dans votre
esprit à vous — et moi
non plus, je ne suis pas avocat, M. le ministre — pourquoi est-ce que le DPCP arrêterait une procédure? Quel serait l'intérêt du
DPCP d'arrêter une procédure qui relève du syndic et des conseils de
discipline que vous avez à l'interne?
Mme
Fournier (Magali) : Bien, en
fait, c'est un peu ça qui est demandé comme pouvoir. Ce qui est demandé comme pouvoir, c'est de mettre un terme à
l'audience d'une plainte et donc d'arrêter le processus de cette plainte-là.
Alors, pourquoi le DPCP aurait intérêt à faire ça? Si j'ai bien compris, le but
de l'article en question, c'est d'obtenir une collaboration plus complète, je
dirais, de la part du professionnel visé par la plainte.
Or, en gros,
je pense que comment ça fonctionnerait, c'est qu'on dirait au
professionnel : Bien, tu fais l'objet d'une plainte disciplinaire
actuellement. Nous, on aimerait ça que tu collabores avec nous. Donc, on serait
prêts, si les faits reprochés dans ta
plainte disciplinaire sont suffisamment similaires à ceux pour lesquels tu
pourrais nous aider, on serait prêts à mettre un terme à l'audience sur
votre plainte disciplinaire.
M. Merlini : Et c'est là que vous
voyez l'accroc au fait que ça remet en doute le rôle du syndic et le conseil de
discipline.
Mme Fournier (Magali) : Oui. Ça
outrepasse...
M.
Merlini : C'est là que vous voyez la possibilité de miner la crédibilité
que vous commencez un travail qui est sérieux, qui est nécessaire, que
vous voulez faire, et vous l'avez très bien illustré par rapport à la
divulgation, à un moment donné, quand est-ce
que l'élément devient public ou non, où, là, ça mine un peu le travail, de
dire : Bien, on s'est rendu jusque-là, puis là ça finit là. Et là
voyez-vous la problématique où... Bon, advenant que le DPCP arrête une procédure pour avoir une meilleure collaboration,
et là il arriverait quoi après? Est-ce que le membre en question
retourne à sa pratique ou reprenez-vous là où vous avez arrêté ou, je ne sais
pas, qu'est-ce que...
Mme
Fournier (Magali) : En fait,
pendant tout le processus, à moins qu'il y ait une radiation temporaire,
pendant tout le processus, le professionnel
continue jusqu'à ce qu'il soit déclaré... je vais utiliser le terme «coupable»,
là, mais ce n'est pas le bon terme, là, jusqu'à ce qu'il soit déclaré
coupable de cette plainte-là.
S'il n'y a
pas d'audience, il n'est jamais déclaré coupable, donc il n'est jamais radié.
Et, sur ce point-là, je pense que c'est
important de préciser aussi et de le rappeler, les ordres professionnels
peuvent être tenus responsables, monétairement parlant, pour ne pas avoir radié dans des délais... ou ne pas avoir
assuré la protection du public dans des délais acceptables et avoir...
C'est ça. Donc, le fait qu'on mette un terme à un processus de plainte sans
arriver au bout et sans pouvoir finalement
décider si, oui ou non, ce professionnel-là devrait être radié... il y a d'autres
possibilités de processus disciplinaire que la radiation, là, mais c'est
quand même le plus important, il y a un risque de nuire à la crédibilité du
processus disciplinaire.
M.
Merlini : Donc, vous voyez aussi, dans une de vos propositions, d'encadrer
davantage le pouvoir du DPCP, mais vous voyez une façon où un
n'empêcherait pas l'autre, dans un certain sens, où vous pourriez continuer
votre processus et que le DPCP pourrait
aussi faire le sien, mais dans un encadrement que... C'est ça que vous
recommandez, dans le fond, là.
Mme Fournier (Magali) : Bien...
Le Président (M. Ouellette) : ...
Mme Fournier (Magali) : Ah!
Le Président (M. Ouellette) : On
peut-u avoir un petit 10 secondes? Oui.
M. Le
Grand Alary (Nicolas) : Je dirais juste qu'il faut se rappeler qu'au
final ça va être l'ordre professionnel qui va être responsable, devant le public, de justifier au public pourquoi
il y a un professionnel qui a commis peut-être des fautes déontologiques
graves et qu'il a encore le droit de pratiquer, par exemple.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé :
Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Me Fournier et Me Le Grand
Alary. J'ai vu que vous étiez très attentifs, tout à l'heure, aux
travaux de la commission et j'imagine que vous le serez avec les intervenants
qui vont suivre.
Alors, je vous dis
d'entrée de jeu que je vais poser vos questions moi-même à la Direction des
poursuites criminelles et pénales, donc, je
vais faire ça pour vous, mais j'ai d'autres questions à vous poser qui ne sont
pas contenues dans votre mémoire et
je veux tirer profit de la grande expertise du Barreau, dont on est fiers, de
milliers d'avocats qui réfléchissent sur la justice et sur les façons d'assurer cette justice.
Alors, je fais appel à vous comme experts sur certains enjeux. Libre à vous de vous prononcer. Mais je
vais toutefois prendre un élément de votre mémoire que je veux, pour le bénéfice... Il y a trois valeureux journalistes
qui sont là depuis le début — je veux les saluer — qui couvrent l'ensemble de la
commission — alors,
ils se reconnaîtront — et
leur dire que c'est la deuxième fois qu'on nous indique que ça va à l'encontre, en fait, de la commission Charbonneau.
Vous dites, à la page 1 : «À notre avis, le législateur va bien au-delà
de ce qui a été recommandé par la Commission
d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans
l'industrie de la construction en matière
disciplinaire.» Donc, selon votre évaluation, ce n'est pas une recommandation
de la commission Charbonneau, mais le
gouvernement décide d'aller de l'avant quand même. En latin, on appelle ça du
«cherry picking». La nomination du
commissaire de l'UPAC, c'est les deux tiers, ça, ils l'appliquent, mais, dans
d'autres cas, ils ne l'appliquent pas,
et de donner des pouvoirs additionnels à l'UPAC comme corps de police, ce n'est
pas non plus dans le rapport de la commission Charbonneau, mais ils le
font. Je parle à voix haute, là. Je réfléchis comme ça avec vous. Je voulais le
noter, parce que vous le dites.
Vous
dites : Ça va bien au-delà du rapport Charbonneau. Si c'est notre
référence, bien, il faut le suivre au complet. On ne peut pas choisir.
Alors, je l'ai noté et j'imagine que tout le monde l'a noté également.
Ceci
étant dit, c'est clair qu'en matière de... je vais surtout m'attarder d'abord à
la lutte à la corruption, que les juristes
sont importants dans tout le processus : une fois qu'il y a de la preuve;
pour défendre les accusés; pour donner des avis, etc. On a appris dans une cause, puis ça pourrait arriver dans
d'autres... un phénomène que moi, je ne connaissais pas, comme non-juriste, qui est une requête
Lavallee. Avez-vous une opinion sur ce que ça peut représenter en termes
de délai dans des causes de lutte à la corruption? Est-ce que c'est quelque
chose sur lequel vous avez réfléchi? C'est le cas
de l'affaire Mâchurer. Il y a une requête Lavallee qui nous apparaît presque
comme une mesure dilatoire, là, dans la lutte à la corruption.
Donc, avez-vous réfléchi
à ça et à l'impact que ça peut avoir dans les efforts qu'on fait ici pour
lutter contre la corruption?
• (16 h 20) •
Mme Fournier (Magali) : Je ne
pense pas que le Barreau du Québec
se soit penché sur cette question-là de
façon spécifique. Je connais la requête
Lavallee. Elle peut être faite rapidement; comme elle peut prendre des temps
immémoriaux. Ça dépend du nombre de
documents qui doivent être analysés. Mais c'est un processus qui est important,
qui a été balisé par la Cour suprême.
Donc, je comprends peut-être que parfois c'est soulevé de façon dilatoire, mais
ce n'est pas un processus que, malheureusement, on peut mettre de côté
facilement.
M. Bérubé :
C'est un processus qui peut être court.
Mme Fournier (Magali) : Ça dépend du nombre de documents, parce qu'en
fait le but de la requête Lavallee, c'est d'analyser chacun des
documents pour voir s'il y a du secret professionnel dedans ou pas.
M. Bérubé :
Relation privilégiée entre un client et son avocat.
Mme Fournier
(Magali) : Oui.
M. Bérubé :
Essentiellement. D'accord. Il y a la justice et il y a l'apparence de
justice. Vous faites souvent référence à ça dans toutes sortes de
présentations. J'ai beaucoup de plaisir à suivre vos travaux, des mémoires.
Vous
êtes très prolifiques en matière d'avis, puis on en profite souvent. S'il n'y
avait pas les juristes à l'Assemblée nationale,
je peux vous dire une chose... D'ailleurs, on l'a vécue, il y a eu une grève de
juristes de l'État, puis je peux vous dire
qu'on s'ennuyait des juristes. Ça a permis de mesurer toute l'importance qu'ils
ont pour l'État. Puis on a dit ça au gouvernement,
d'ailleurs, à plusieurs reprises. Les juristes jouent un rôle très important
pour la justice, l'apparence de justice,
puis nous, on a cette volonté-là aussi que les citoyens québécois, les gens qui
suivent nos travaux soient convaincus également de l'indépendance des
institutions. Par exemple, vous prétextez que... vous dites, pas prétextez,
mais vous dites, par exemple : Vous avez
des institutions qui permettent de réguler le travail des avocats, puis que ça
fonctionne bien. Vous dites ça. Nous, on pense, par exemple, que les
institutions comme l'UPAC devraient avoir non seulement une indépendance, là,
sur papier, mais totale dans l'apparence, quant à la nomination.
Avez-vous une
opinion, par exemple, sur le fait que c'est le cas pour plein de personnes, le
Commissaire au lobbyisme, nommé aux deux tiers de l'Assemblée nationale — j'ai
vu le signal que vous avez fait, vous, là — le Vérificateur général, les deux tiers; le Commissaire à l'éthique, les
deux tiers; Protecteur du citoyen, deux tiers; commissaire d'accès à
l'information, deux tiers; mais, la lutte à la corruption, ah! ça, non?
Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Fournier
(Magali) : Je n'ai pas de commentaire.
M. Bérubé :
Vous n'avez pas de commentaire. Vous avez un beau sourire, mais vous... O.K.
Sur le DPCP, sur la nomination aux deux tiers de l'Assemblée nationale,
est-ce que vous avez une opinion là-dessus?
Mme Fournier
(Magali) : Non.
M. Bérubé :
Non plus.
Mme Fournier (Magali) : Le
mémoire portait vraiment sur...
M. Bérubé :
Je le sais, je l'ai vu. Mais, vous savez, les questions appartiennent aux
membres de la commission, et les
réponses vous appartiennent. Alors, je vous questionne là-dessus. Préalablement
à votre présence, est-ce que vous avez
déjà eu des échanges avec la Direction des poursuites criminelles et pénales
quant, je dirais, aux réserves que vous avez? Est-ce que vous avez de la
correspondance, des échanges informels ou formels?
M.
Le Grand Alary (Nicolas) : Normalement, quand un projet de loi est
déposé, on l'étudie, là, à l'interne, au Barreau. Les commentaires qu'on fait, là, on les réserve pour la
commission parlementaire ou pour notre mémoire. On n'a pas de relation, là, privilégiée d'échange avec le
DPCP. Et, vu que c'est un projet de loi qui a été déposé par le ministre
de la Sécurité publique, on fait nos
commentaires au ministre de la Sécurité publique et à la Commission des
institutions dans le cadre de ce mandat ici.
M. Bérubé :
D'accord. Et juste à des fins de curiosité : Quand, par exemple, vous
établissez une position comme celle-là, juste pour votre fonctionnement,
vous avez des comités par secteurs, j'imagine, par intérêts des membres du
conseil d'administration?
M. Le Grand Alary
(Nicolas) : Oui. La plupart de nos mémoires ou de nos lettres, de nos
prises de position publiques sont développés par nos comités consultatifs et
votés, là, par le conseil d'administration. Dans ce cas-ci particulier, c'est une position qui a été développée à l'interne avec des consultations,
notamment, au bureau du syndic, au Secrétariat de l'ordre.
M. Bérubé : Très bien. Sur notre temps... Je
ne sais pas combien on a de temps encore. Quelques minutes.
Est-ce qu'il y a quelque chose que vous vouliez ajouter ou une question qu'on
ne vous a pas posée puis que vous aimeriez développer sur le temps qu'on a
encore? Je vous offre cette tribune, là, question à préciser.
Mme Fournier
(Magali) : Peut-être mentionner, puis c'est vraiment juste pour
répondre, en fait, au premier commentaire
que vous avez fait, que notre mémoire porte sur le fait que le projet de loi va
au-delà de la recommandation, mais il y a une recommandation à la base
de ce qui est recommandé dans le projet de loi.
M.
Bérubé :
Mais je retiens, et vous le dites et c'est écrit, que ça va au-delà... Et même
c'est plus que ça, vous dites...
Mme Fournier (Magali) : En fait, on fait référence exactement à la
recommandation qui se trouve à la page 1 de notre mémoire.
M.
Bérubé : Je préciserai. «Va bien au-delà», c'est ce que vous
avez écrit. Alors, c'est plus qu'au-delà, c'est bien au-delà... Les écrits restent, et on va les
consulter. Donc, c'est le deuxième élément qui n'est pas en étroite
corrélation avec le rapport Charbonneau
depuis le début de la journée, alors on en tient note également. Je vous
remercie beaucoup pour votre présentation.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci, M. le Président. Alors, merci d'être ici,
Mme Fournier et M. Le Grand Alary. J'ai bien aimé votre mémoire. J'ai suivi ça avec attention. Je
suis un peu curieux, et il m'est venu une question de base, là. On parle
du DPCP, on parle des ordres professionnels.
D'ailleurs, on a reçu un mémoire aussi qui vient de l'Ordre des
comptables agréés, qui nous mentionnait à
peu près la même affaire que le Barreau en ce qui concerne ce pouvoir octroyé
au DPCP.
Et
moi, je me pose une seule question. J'aimerais ça avoir une réponse, parce que
je ne le vois pas dans le projet de loi. Mais, quand quelqu'un fait
l'objet d'une plainte, cette plainte est faite par une personne contre laquelle
il y a eu une infraction déontologique, d'habitude, parce qu'on ne fait pas
de... Alors, je me pose la question : Qui s'occupe de la personne qui a
fait la plainte?
Mme Fournier (Magali) : En fait, je pense que la problématique dans votre
question, c'est qu'à la base il y a une demande d'enquête. Il n'y a pas
une plainte, il y a une demande d'enquête. On utilise dans le langage populaire
le mot «plainte», parce que, dans le fond,
la personne qu'est le consommateur ou le... lui, il s'en va voir le syndic puis
il dit : Moi, je veux porter plainte
contre mon avocat. Mais ça, ce n'est pas considéré comme une plainte, c'est
considéré comme une demande
d'enquête. Donc, lui dépose sa demande d'enquête, et là le syndic, lui, prend
ça et fait enquête. Et c'est le syndic
qui décide si une plainte sera portée ou pas. Donc, personne ne s'occupe de la
personne qui dépose la plainte, puisque c'est le syndic. Il est
généralement capable de s'occuper tout seul de lui-même.
Le
demandeur d'enquête, qui est la personne à la base, lui, il n'est pas épaulé
dans le processus autrement que d'être tenu au courant par le syndic de
s'il y aura une plainte de portée ou pas par le syndic.
M.
Spénard : Oui. Je comprends. Et là le DPCP arrive. Et, selon
l'article 24, là, je pense, il arrive puis il peut effacer tout ça, mais la personne, elle,
là-dedans, là, elle fait quoi, là? Elle va se demander quoi, la personne, là,
tu sais? C'est bien beau, là, tout
est effacé, on n'enquête plus, on ne fait plus rien, puis il n'y a personne qui
est au courant de rien, puis la
personne est là puis elle dit : Moi, là, je me suis fait flouer. Si c'est
par, je ne sais pas, moi, un comptable, elle s'est fait flouer des milliers
de dollars, si c'est par une malreprésentation d'un avocat ou, je ne le sais
pas... mais qui c'est qui s'occupe de la personne, là, du public comme tel, là?
Qui c'est qui le protège maintenant, là?
Mme Fournier (Magali) : C'est une des raisons pour lesquelles, un, on
demande que le... pas le processus, mais la décision du DPCP puisse être rendue publique, parce qu'actuellement
il n'y a rien qui est prévu à cet égard-là. Et, si on ne pouvait pas dire au demandeur d'enquête :
Bien, votre plainte, que nous avons portée pour vous, suite à notre
enquête que vous nous avez demandé de faire... Si on ne peut pas lui dire, à
cette personne-là : Bien, on a retiré... ou on ne procédera pas à l'audience, parce que le DPCP a décidé de mettre un
terme à l'audience, bien, ce demandeur d'enquête là va se poser des questions éternellement. Il va se
demander, de façon éternelle : Mais qu'est-ce qui se passe avec mon
dossier?
Il
faut qu'on puisse lui dire que le DPCP a mis un terme au processus. Si on dit
ça... puis c'est clair qu'il faut qu'on puisse le dire, mais, si on dit ça, bien là le demandeur d'enquête, lui,
se posera la question : Mais pourquoi le DPCP a fait ça? Puis ce sera au DPCP, à ce moment-là, de
s'occuper de ça. Nous, c'est ce qu'on vous soumet, là, c'est que c'est
le DPCP qui devra répondre à ces questions-là et non pas le Barreau. Le Barreau
ne le saura pas.
• (16 h 30) •
M.
Spénard :
Le Barreau ou quel que soit l'ordre professionnel en question.
Mme Fournier
(Magali) : Oui, exactement.
M.
Spénard : O.K. Je comprends. Vous avez expliqué tantôt...
puis je m'étais pris une petite note sur l'intérêt de la justice et l'intérêt supérieur de la justice et
je vous ai mal saisi, là. En tout cas, ce n'est pas clair pour moi, là.
L'intérêt supérieur de la justice par rapport à l'intérêt de la justice.
Brièvement, dites-moi donc la différence, là.
Mme Fournier (Magali) : En gros, «l'intérêt de la justice», je dirais que
c'est cité peut-être plus régulièrement que «l'intérêt supérieur de la justice». «L'intérêt de la justice», on
va l'utiliser régulièrement pour, par exemple, faire en sorte que le processus soit mieux fait, et là je
parle de processus judiciaire. Donc, les procédures et des choses comme
ça, c'est... souvent, on va utiliser «le fardeau» ou le critère de «l'intérêt
de la justice» : Est-ce que c'est dans l'intérêt de la justice de faire ça
ou pas?
Nous,
on propose «l'intérêt supérieur de la justice» pour deux raisons :
d'abord, parce qu'on pense que ça rehausse le standard — il ne
faut pas juste parler de l'intérêt de la justice, il faut parler de l'intérêt
supérieur de la justice — et parce qu'aussi ça harmonise... avec les lois qui sont
mentionnées au mémoire, là, qui sont le Code de déontologie de la magistrature,
le Code de déontologie des juges municipaux, le Tribunal administratif et les
avocats. Donc, ce sont les deux raisons pour lesquelles on propose «l'intérêt
supérieur de la justice».
M.
Spénard :
O.K. Merci. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Magali Fournier, Me Nicolas Le Grand
Alary, représentant le Barreau du Québec, merci d'être venus déposer devant la
commission.
Je suspends quelques
minutes. Je demanderais au Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui
est très attendu, de bien vouloir s'avancer.
(Suspension de la séance à
16 h 32)
(Reprise à 16 h 36)
Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant
le Directeur des poursuites
criminelles et pénales, représenté par Me Patrick Michel, qui est
procureur en chef du Bureau du service juridique, accompagné de Me Benoit
Lauzon. Vous connaissez les us et coutumes de la commission,
Me Michel : 10 minutes pour votre
présentation, et après il y aura un échange avec M. le ministre et les
porte-parole des deux oppositions. Et on vous posera sûrement la question
de votre report de venir en commission. Et je vous laisse la parole.
Directeur
des poursuites criminelles et pénales (DPCP)
M. Michel
(Patrick) : Merci, M. le Président, pour votre introduction. Alors,
vous l'avez dit, je me présente, Patrick
Michel, je suis procureur en chef du Bureau du service juridique du DPCP,
procureur aux poursuites criminelles depuis
17 ans maintenant. Je suis accompagné de mon collègue Benoit
Lauzon, procureur en chef adjoint au même bureau. Me Lauzon est expert, disons, dans les
questions relatives au traitement des collaborateurs de justice, questions
juridiques relatives aux collaborateurs de justice et il coordonne aussi le
traitement, chez nous, au DPCP, des dossiers qui nous viennent du Bureau des enquêtes indépendantes. Le Bureau du service
juridique a principalement pour mandat d'offrir du conseil juridique à
l'ensemble de l'institution du Directeur des poursuites criminelles et pénales.
On
vous a distribué, je crois bien, notre mémoire. L'objet de notre mémoire et de
notre présentation portera, en fait, essentiellement sur une disposition
du projet de loi qui est l'article 38, qui est la seule disposition qui, je
dirais, interpelle, disons, directement le
DPCP dans l'ensemble du projet de
loi. Vous constaterez que notre mémoire est quand même assez, en fait, volumineux. Je n'ai pas
l'intention, je vous en rassure — de toute façon, je n'aurais pas le
temps en 10 minutes — de vous en faire toute la lecture. Nous
allons en faire ressortir, disons, les quatre points qui nous
apparaissent les plus, bien, importants, pertinents, les plus saillants.
Essentiellement, nous allons aborder la question
du pouvoir que nous avons déjà actuellement d'attribuer des immunités de
poursuite en matière criminelle, l'encadrement actuel de ce pouvoir-là, la
nouvelle réalité à laquelle nous sommes confrontés dans le processus de recrutement des témoins
collaborateurs dans le domaine de la corruption, fraude, collusion et l'encadrement que nous attendons... ou les
modifications que nous entendons apporter à l'encadrement actuel, sans présumer de l'adoption du projet de
loi par les parlementaires... Advenant qu'il soit adopté, nous sommes conscients que nous aurons des modifications à
apporter à nos pratiques et nous vous en ferons part brièvement. Voilà.
Et, il faut
comprendre, justement, au niveau du premier point, le pouvoir dont nous
disposons déjà d'accorder des immunités,
ça n'a rien à voir avec les pouvoirs qui nous sont dévolus... ou qui nous
seraient dévolus par l'article 24.1 de la loi. Je vous parle vraiment précisément d'un pouvoir qu'on a déjà, comme
poursuivant public. De par la tradition, de par la jurisprudence, de par les fonctions inhérentes et
pouvoirs inhérents en matière de poursuite qui sont dévolus au
poursuivant public, nous avons le pouvoir
d'accorder des immunités de poursuite en matière criminelle et pénale. Ce
pouvoir-là a été intimement lié à
notre pouvoir discrétionnaire fondamental de décider si on porte ou non des
accusations et de décider, lorsque
des accusations sont portées, s'il serait dans l'intérêt public de les arrêter.
La particularité de l'immunité, c'est que ça se fait par une forme d'engagement. Alors, on s'engage, à l'avance,
auprès d'un témoin, en échange de sa collaboration avec le système de
justice criminelle, à ne pas engager de poursuites ou à les arrêter advenant
que ces poursuites seraient déjà engagées.
• (16 h 40) •
Ce pouvoir,
je vous disais, il origine, donc, de la tradition de la jurisprudence, donc, il
n'est pas prévu nulle part au Code
criminel. Son utilisation n'est pas encadrée par la loi, comme la plupart,
d'ailleurs, des pouvoirs discrétionnaires du poursuivant public, même celui de déposer des accusations. Évidemment, le Code criminel va prescrire les
éléments constitutifs d'une infraction.
Mais, quand on vient à l'appréciation
de l'opportunité, dans l'intérêt public, de déposer ou non des accusations, il n'y a pas de critères, en
principe, qui sont fixés par le Code criminel. On a développé pour
pratiquement tous les pouvoirs discrétionnaires que nous exerçons un
encadrement par le biais de directives. Ces directives-là sont publiques et elles déterminent un ensemble de
facteurs dont il faut tenir compte, dans la recherche de l'intérêt public,
pour l'exercice de chacun de nos pouvoirs discrétionnaires.
Ce pouvoir d'accorder des immunités et toute
autre forme d'avantage en échange de la collaboration d'un témoin, et ce serait mon deuxième point, il est
encadré actuellement par, donc, une directive qui est la
directive COL-1, que vous trouverez
reproduite en annexe 4, je crois, de notre mémoire. Cette directive-là,
outre un processus qui est prévu, qu'on
décrit quand même de façon assez détaillée dans notre mémoire, le plus
important ou l'essentiel, je crois, se retrouve au paragraphe 4 de cette directive, qui énumère de façon non
exhaustive l'ensemble des facteurs dont le DPCP doit tenir compte dans l'appréciation de l'intérêt public
avant d'accorder tout avantage à un témoin en échange de sa
collaboration, en échange de son témoignage,
incluant une immunité. Je ne les passerai pas tous en revue, mais,
essentiellement, je vous dirais que
l'exercice consiste à apprécier la gravité de l'infraction pour laquelle on
envisage accorder une immunité par rapport à la gravité de l'infraction
que nous allons pouvoir dénoncer, poursuivre et prouver, d'une part, et,
d'autre part, nous allons apprécier
l'importance de la preuve que peut nous amener ce témoin par rapport à
l'ensemble de notre preuve. Nous allons
apprécier l'importance de cette preuve-là pour convaincre le tribunal ou le
jury que nous avons une preuve hors de tout doute raisonnable.
Alors, c'est
essentiellement l'encadrement actuel. Et, comme je vous disais, tout ça...
bien, en fait, ces facteurs-là sont
tous appréciés les uns par rapport aux autres, ce n'est pas exhaustif, et c'est
toujours dans la recherche, au bout du compte, de l'appréciation de
l'intérêt public. Il y a un encadrement, aussi, pratique, là, qui est inhérent,
je vous dirais, au déroulement d'un procès
criminel, ce qu'éventuellement... évidemment, pardon, la crédibilité de tout
témoin qui a reçu préalablement un avantage en échange de son témoignage
peut être contestée, remise en question devant le tribunal. Alors, ça, ça impose de façon intrinsèque, quand
même, de façon inhérente, une limite aux avantages qu'on peut octroyer, parce que, si on accorde un avantage qui peut
paraître disproportionné par rapport à l'infraction dénoncée ou par
rapport à la valeur et à l'importance du témoignage que ce témoin-là amène à
notre dossier, ça risque d'affecter sa crédibilité. Et l'effet qu'on
recherche... eh bien, on passe évidemment à côté de l'effet recherché par
l'octroi de l'avantage.
Le troisième point que nous souhaitions aborder,
en fait, c'est essentiellement cette nouvelle réalité qui a été décrite par la commission Charbonneau, qui a été
décrite sûrement par d'autres témoins, les témoins policiers, cette
nouvelle réalité du processus de recrutement des témoins qui ont un passé,
disons, professionnel de col blanc dans ce type de criminalité qu'on appelle la collusion ou la corruption, la
malversation. C'est un enjeu qui est nouveau pour nous par rapport aux
collaborateurs, disons, plus traditionnels, qui sont issus de milieux, de
groupes criminels, de groupes criminels organisés et qui viennent à un moment
offrir leur collaboration. Mais, au moment où ils offrent leur collaboration...
Ils avaient antérieurement un mode de vie essentiellement criminel. Alors,
leurs préoccupations, là, au moment où on s'entend
avec eux sur leurs avantages, seront de la nature de : Est-ce que j'ai
besoin de plaider coupable à une infraction? Le cas échéant, à quelle peine de prison je m'expose? Quelles seront mes
conditions de sécurité en détention? Pendant que je vais la purger, est-ce que vous accordez de la
sécurité à ma famille? Et est-ce que je peux avoir une compensation
financière qui me permettra, dans le processus
de réhabilitation, de faire une transition entre le mode de vie criminel et un
mode de vie, disons, légitime ou un emploi légitime, éventuellement?
Les
préoccupations évoquées dans le processus de recrutement des témoins
collaborateurs dits de cols blancs sont d'un tout autre ordre. Ce ne
sont pas des personnes qui nous arrivent avec généralement un passé criminel
très important. Ils ont souvent eu une carrière professionnelle où ils
ont exercé de façon tout à fait légitime, et parfois, bien, il y a une erreur de parcours qui peut être grave, qui peut
être importante mais qui demeure quand
même une erreur de parcours par
rapport à toute la vie professionnelle du témoin. Donc, c'est une première
distinction importante. Et ce témoin collaborateur là, alors, il va se préoccuper, outre de plaider
coupable à une infraction et outre d'aller ou non en prison, il va se
préoccuper, évidemment, de toutes les conséquences collatérales de sa collaboration,
que ce soit auprès d'un ordre professionnel, que ce soit au niveau fiscal, que
ce soit en matière civile, particulièrement dans le contexte où éventuellement
les dispositions du... c'était le projet de loi n° 26 ou n° 62
ou un qui était l'autre puis qui est devenu l'autre, là, la loi sur le
recouvrement des sommes fraudées à l'État dans le cadre du processus d'octroi
des contrats publics, qui va faciliter, par
certaines présomptions, vous savez, les recours civils contre les personnes qui
ont été impliquées dans un processus frauduleux de cette nature-là.
Alors, évidemment, ils vont avoir ce type de préoccupations qui sont tout
autres.
Et, bien évidemment, vous aurez compris qu'il
n'est pas actuellement à la portée du DPCP d'accorder des immunités ou des
avantages en rapport, donc, avec d'éventuelles poursuites des syndics d'ordre
professionnel, des poursuites civiles ou des poursuites de nature fiscale.
Et, pour
conclure, je crois, M. le Président... alors, j'aurai sûrement l'occasion
d'y revenir, mais nous allons adapter notre directive COL-1 pour tenir
compte de cette nouvelle réalité si on nous accorde le pouvoir... Notamment, un
des facteurs, ce sera de s'assurer, auprès du témoin collaborateur, s'il est en
mesure de dénoncer, par exemple, d'autres professionnels devant son ordre
professionnel ou s'il est en mesure d'offrir son témoignage en collaboration à
une éventuelle poursuite civile. C'est un des facteurs qu'on va considérer.
Alors, on va s'assurer qu'il ne veut pas juste témoigner avec... c'est-à-dire, collaborer avec la justice criminelle pour s'en
sortir, mais qu'il veut témoigner... qu'il veut collaborer, c'est-à-dire,
avec la justice dans son ensemble. Alors, sur ce, je suis disponible pour vos
questions. Merci.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Me Michel. M. le ministre.
M.
Coiteux : Merci,
Me Michel, Me Lauzon. Ma question... puis vous pouvez développer, là, je
vais vous laisser développer, mais ma question, elle va être... Je pense
que vous êtes arrivés un peu avant, donc, vous avez entendu la présentation...
M. Michel (Patrick) : Nous étions
avant... mais nous n'avons pas entendu la présentation du Barreau.
M. Coiteux : Mais vous avez quand
même une bonne idée de quelle était cette présentation.
M. Michel (Patrick) : J'imagine que
oui.
M. Coiteux : Oui. Alors, ma question va être la suivante...
puis je vous laisse développer, puis on pourra continuer à échanger. Les représentants du Barreau nous ont
soulevé des craintes quant à la manière d'envisager cette capacité de donner des immunités qui ne sont pas de nature
criminelle et ils ont fait une série de recommandations pour baliser ça davantage
et, notamment, ils insistent sur l'importance de consulter, notamment, le
syndic d'un ordre professionnel qui serait
concerné, parce qu'il pourrait devenir
une action du DPCP qui mettrait un terme à une procédure. Ils ont
insisté pour baliser par des critères très
précis ce dont le DPCP devrait tenir compte avant de prendre une telle décision
et ils ont voulu monter la barre un
peu plus sur l'utilisation de ce pouvoir-là en parlant d'«intérêt supérieur de
la justice» plutôt qu'«intérêt de la justice». Alors, moi, c'est ce que
j'ai retenu, en particulier, de leur présentation.
Alors, je vous donnerais l'occasion de nous
expliquer ici : Est-ce que vous trouvez raisonnable le type de
recommandation qu'ils nous ont fait? Est-ce que vous y voyez des enjeux qui
rendraient plus difficile et moins utile, finalement,
le pouvoir d'immunité qui vous serait conféré? Puis enfin qu'est-ce que vous en
dites et qu'est-ce que vous avez à nous suggérer?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Michel.
• (16 h 50) •
M. Michel (Patrick) : Oui. Merci, M.
le Président. Je vous remercie.
Bon. D'abord,
j'aborderais peut-être le premier point, qui est celui du critère de l'intérêt.
Actuellement, le projet de loi
prévoit «l'intérêt de la justice». Je crois que, les recommandations de la
commission Charbonneau, c'était «l'intérêt général». On parle, là, de
«l'intérêt supérieur de la justice».
Pour nous,
ces concepts-là, je vous dirais qu'ils sont tous un peu subsumés ou inclus dans le critère ou le facteur de l'intérêt public, qui, comme je vous
disais... c'est la recherche de l'intérêt public qui commande l'ensemble de nos
actions... ou, en fait, l'exercice de l'ensemble de nos pouvoirs
discrétionnaires.
Alors, qu'on
le libelle de la façon que le Barreau le suggérait, je ne vois pas en quoi ça
restreindrait notre faculté d'action.
Je vous dirais que, d'un point de vue peut-être un peu plus théorique ou
scolaire, c'est davantage dans notre jargon de poursuivant public de
parler d'intérêt public. Par exemple, notre directive ACC-3, qui est notre
directive vraiment cadre, là, qui détermine
dans quelle situation on porte des accusations tant sur le plan de la
suffisance de la preuve que sur le plan
de l'appréciation de l'opportunité... on parle de l'appréciation de
l'opportunité de déposer des accusations dans l'intérêt public. Alors, on pourrait bien vivre avec la
proposition du Barreau ou avec ce changement-là qu'on pourrait intégrer.
Pour
ce qui est du volet de la consultation préalable à l'octroi d'un avantage ou à
l'arrêt d'une poursuite, d'une plainte
disciplinaire, il y a à la fois des enjeux, je vous dirais, opérationnels à ça,
il y a des enjeux même d'équité, j'y
reviendrai, d'équité envers le témoin, mais il y a principalement des
empêchements juridiques qu'on y voit. Je pourrai là-dessus passer la parole à mon collègue si M. le président me le
permet. Mais il y a quelque chose qu'il faut comprendre dans la réalité du processus de recrutement des
témoins, c'est que souvent les faits que vont nous rapporter ces gens-là,
l'implication dans des activités criminelles
qu'ils vont nous donner, qu'ils vont nous décrire, ce ne sera souvent pas
des faits qui sont déjà connus, O.K., de
leurs ordres professionnels ou pour lesquels ils font l'objet d'une plainte
disciplinaire. Alors, c'est évident qu'en
venant nous voir et en offrant leur collaboration avec la justice criminelle
c'est leur collaboration, avec la
justice criminelle, dans la recherche de la punition d'un crime parmi les
crimes les plus graves, qui sont ceux du Code criminel... qu'il offre sa collaboration. Et
cette collaboration-là va l'exposer à des... parlons du syndic, là,
puisque c'est les commentaires du Barreau, va l'exposer à des problèmes avec
son syndic, à des plaintes de son syndic.
Et
il y a d'autres considérations, là, je vous disais, des considérations de
nature juridique ou des empêchements de
nature juridique que mon collègue pourra vous expliquer mais qui font en sorte,
en fait, que l'entente de collaboration conclue avec le témoin, elle ne peut pas être rendue publique avant la
fin de l'enquête, avant le dépôt des accusations. Évidemment, en consultant le syndic, on nous
dira : Oui, mais on ne rend pas ça public, sauf qu'il y a des privilèges,
des règles de confidentialité qui
s'appliquent à nous mais qui ne lient pas le syndic. Non seulement elles ne
lient pas le syndic, mais elles nous empêchent, nous, le DPCP, de
communiquer de l'information qui pourrait compromettre une enquête en cours ou
qui pourrait identifier un informateur. Et là-dessus je céderais la parole à Me
Lauzon, avec la permission de M. le président.
Le Président (M.
Merlini) : Oui. Allez-y, Me Lauzon.
M. Lauzon (Benoit) : Merci. Alors, effectivement, donc, pour renchérir, il y a, à tout le moins,
trois règles de confidentialité qui
pourraient être en jeu si on envisageait de faire une consultation préalable à
une entente de collaboration.
Le principe qui, je
pense, est le plus important, c'est le privilège, comme l'a souligné mon
collège, relatif à l'indicateur de police.
C'est un privilège qui est de nature quasi absolue en droit criminel. Il est
absolu, hein, il se pose en droit civil, en droit disciplinaire, en
droit déontologique, il n'y a aucune exception, c'est-à-dire tout renseignement
susceptible d'identifier un indicateur de
police doit être tenu secret. La seule exception est dans une instance
criminelle, et c'est lorsque l'accusé estime
qu'il a besoin de ce renseignement-là pour établir son innocence, et pas
simplement pour améliorer sa défense, pour satisfaire sa curiosité
de : Qui m'a dénoncé? Non, non, il faut véritablement que ça soit absolument
essentiel pour pouvoir soulever un doute, parce qu'évidemment, même s'il est très, très, très important, le privilège d'un informateur, à l'intérêt public et
à l'application des lois criminelles, parce que, sans l'aide
d'informateurs, peut-être qu'il y a
plusieurs crimes qui ne seraient pas connus, bien, évidemment, la société
trouve encore pire le fait de condamner un innocent. Donc, il n'y a
qu'une seule exception très, très mince.
Une
fois qu'on a fait ce petit laïus en droit, quand on parle d'un recrutement d'un
témoin collaborateur, dans les faits concrets, c'est ou bien la police qui
va l'approcher ou bien ce témoin-là qui viendra se manifester. Mais là cette
première journée-là : Oui, bonjour, vous êtes qui? Ah bon! Vous voulez
nous donner de l'information. Merci, c'est intéressant.
On va commencer à documenter un dossier de façon à voir si, en vertu des
différents critères, l'importance de la
preuve, la gravité, l'ensemble des informations qu'ils peuvent nous donner,
l'impossibilité de les découvrir autrement... et on devra faire une analyse et un exercice durant, je dirais, cette
analyse de cette candidature de témoin collaborateur. Or, en droit, et c'est notre prétention, dans ces
discussions-là, le statut... et ça, vous retrouverez ça dans notre
mémoire, là, mais le statut de cette
personne-là en est un d'indicateur de police. Au moment de l'entente, son
statut, là, il basculera. On le
verra, l'entente sera rendue publique, elle devra être divulguée à la défense,
là, dans le cours du procès. Mais, avant ce stade-là, c'est le privilège absolu de l'indicateur de police et qu'il
n'y a absolument aucune exception possible à cette étape-là.
Donc,
nous, notre compréhension, c'est que la consultation préalable ferait en sorte
qu'on violerait ce privilège, car
seuls la police, les procureurs concernés... ce n'est pas des informations qui
sont diffusées beaucoup, seuls la police, les procureurs concernés et, le cas échéant, un juge qui aurait à
trancher sur une question relative à ce statut de privilège là pourraient être informés. Même l'avocat de la
défense n'a pas absolument droit, en aucune circonstance, sauf cette
très, très, très mince limite qu'est
l'exception de l'innocence en matière criminelle... n'aurait pas le droit de
l'avoir. Alors, c'est ce qui nous
fait penser a fortiori — pardonnez-moi l'expression — qu'effectivement nous serions dans
l'illégalité si nous devions
transmettre quelque renseignement aux ordres professionnels qui serait
susceptible, donc, de permettre l'identification
de cet informateur. Alors, ça, c'est vraiment le privilège, selon nous, le plus
important. Je rajouterai aussi que c'est un privilège fédéral. Notre
prétention, c'est qu'une loi provinciale ne pourrait pas venir modifier ce
privilège-là. C'est la prétention du DPCP.
Donc, c'est en cours
d'enquête normalement qu'on peut aller recruter un collaborateur, mais il peut
y avoir un autre cas de figure où c'est un
agent civil d'infiltration, c'est-à-dire un informateur actif, si on veut, pour
la police. Et ça, dans ce temps-là,
on l'envoie, si on veut, sur le terrain commettre certains crimes de façon très,
très, très encadrée et balisée par
une entente intervenue avec lui en vertu des pouvoirs qui sont donnés dans le
Code criminel, aux articles 25.1 et suivants, aux autorités de la Sûreté
du Québec, etc. Alors, lui — c'est
un autre privilège qui intervient — c'est qu'évidemment, puisqu'on va le mettre sur le terrain, il devra un jour
témoigner. Son identité, un jour, sera révélée. Ça, c'est sûr. Cependant, pendant qu'il est sur le
terrain... Et donc, au moment où on signe l'entente, nous, on a une
obligation absolue de protéger sa sécurité, enfin, les forces policières,
l'État. Alors, pour nous, ce serait un accroc très, très dangereux et
possiblement dommageable que de commencer à disséminer les informations
concernant son identité.
Et finalement, je termine
là-dessus, il y a un dernier privilège qui est quand même peut-être plus
relatif mais qui va chatouiller, j'en suis sûr, quiconque pourrait être devant
celui-ci, c'est-à-dire qu'il y a un privilège relatif aux enquêtes en cours, hein? Les policiers, les
procureurs... le moins de personnes sont au courant d'une enquête en
cours, le plus de chances cette enquête-là a
des chances d'aboutir, et le moins de chances, évidemment, elle a d'être
éventée et donc de permettre aux gens soit de détruire de la preuve ou
encore de se soustraire à l'administration de la justice.
Alors, en substance,
c'est un peu le portrait que je désirais faire concernant cette question.
Le Président (M.
Merlini) : Merci, Me Lauzon. M. le ministre.
• (17 heures) •
M. Coiteux : Bon. Avec toutes les
nuances qu'impose le fait que je ne sois pas un avocat, là, j'ai compris en bonne partie le premier cas de figure et le
troisième cas de figure. C'est le
deuxième qui m'apparaît un petit peu
plus... J'ai besoin de
plus d'explications sur le deuxième, parce
que vous recrutez un... bien, il faut
que la police recrute un... vous avez dit «un agent infiltrateur» qui va
effectivement commettre un certain nombre de gestes.
Mais est-ce qu'on parle de commettre un certain nombre d'infractions de nature
criminelle, auquel cas les pouvoirs dont
vous disposez actuellement vont permettre de bien encadrer cela, ou on parle
d'offenses pouvant donner lieu, par exemple, à une demande d'enquête auprès du syndic d'un ordre professionnel? Parce que, normalement, quand on prend un agent infiltrateur, on
l'envoie plutôt commettre des gestes de nature criminelle, à moins que je ne me
trompe, là.
Le Président (M. Merlini) :
Me Lauzon.
M. Lauzon
(Benoit) : Merci, M. le Président. Une même série de gestes peut évidemment
engager une différente série de responsabilités. Alors, c'est évident que, par
exemple, le comptable à qui la police
demanderait d'aller faire des faux documents, hein, dans la poursuite
d'un système beaucoup plus large qu'elle est en train d'enquêter, bien, ce comptable-là pourrait faire une infraction
criminelle de faux document, et autres, là. Évidemment, il pourrait causer
des dommages, ce faisant, à un organisme quelconque qui est en train d'être
fraudé et engager sa responsabilité civile.
Évidemment,
sur le plan, bien, disciplinaire, mettons, s'il travaillait à l'intérieur d'une compagnie qui a un code de discipline, bien, il pourrait évidemment y faire face, et, déontologiquement, tous ces
mêmes gestes là pourraient... Avec le seul
geste de continuer à participer à un «scheme» — pardonnez-moi
l'expression — criminel,
eh bien, il pourrait engager facilement ces quatre niveaux-là en plus de
devoir probablement, puisqu'il aura vraisemblablement fait des profits, s'exposer
à des cotisations fiscales, ce qui fait en sorte que, bon, voilà, c'est
l'ensemble de l'oeuvre.
Le Président (M. Merlini) : Merci
beaucoup, Me Lauzon. Ça met un terme à ce temps d'échange avec le
ministre. Vous avez terminé, vous avez rempli vos obligations temporelles.
Maintenant, c'est au tour de l'opposition officielle, M. le député de
Matane-Matapédia, et votre bloc d'échange.
M.
Bérubé :
Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Michel, M. Lauzon. J'imagine que vous
avez été attentifs à la présentation précédente du Barreau du Québec,
qui interpelle la Direction des poursuites criminelles et pénales.
D'entrée de
jeu, je pose la même question à l'ensemble des groupes qui sont
concernés : Qu'est-ce qui faisait en sorte que la Direction des poursuites criminelles et pénales hésitait à
venir à la commission? Et qu'est-ce qui a fait en sorte que vous avez
changé d'idée?
Le Président (M. Merlini) : Me
Michel.
M. Michel
(Patrick) : Merci, M. le
Président. Alors, voici. Essentiellement, je vous dirais que, de prime
abord, lorsque nous avons accepté de
comparaître en personne, nous avions compris que nous n'avions pas le choix
d'accepter, que c'était obligatoire.
À l'analyse,
disons, et à la préparation des commentaires que nous allions faire, d'abord,
évidemment, il y a une seule
disposition du projet de loi qui nous interpelle et sur laquelle on a développé
l'intention de faire des commentaires, qui
soulève des questions plutôt, comme vous pouvez le voir, techniques et
juridiques qui peuvent être assez complexes. Alors, il nous est apparu assez rapidement qu'on allait procéder à la
rédaction d'un mémoire. Et nous avons, à ce moment-là, recontacté le
secrétariat de la commission pour voir s'il était possible de déposer un
mémoire, même si on ne comparaissait pas, ou
si on était absolument obligés de comparaître. On nous a expliqué qu'on pouvait
déposer un mémoire sans comparaître. On nous a même dit que, ce
mémoire-là, on pourrait le transmettre d'ici la fin des travaux de la commission, la fin de la consultation
particulière, ce qui nous aurait donné jusqu'au 24 octobre. Alors, c'est
ce qu'on a décidé de faire.
Maintenant,
devant l'intérêt manifesté par les membres de la commission à entendre le DPCP,
nous nous sommes ravisés sans attendre de recevoir une correspondance et
nous avons activé sur la production du mémoire, ce qui peut peut-être expliquer
que quelques coquilles çà et là nous aient échappé. Alors, voilà.
M.
Bérubé :
Bien, ce qui est important pour nous, c'est votre présence physique pour
pouvoir échanger. Mais, juste pour corriger, ce n'est pas la commission
qui s'est prononcée, c'est uniquement le Parti québécois qui a demandé à la Direction des poursuites criminelles et pénales,
au Bureau des enquêtes indépendantes, à l'UPAC et la Sûreté du Québec de
venir. Puis vous avez tous dit oui à notre appel, alors on en était très
heureux. Mais ce n'est pas la commission, c'est uniquement le Parti québécois.
Alors, merci d'avoir
répondu à cet appel même avant d'avoir la lettre du président, qui ne pouvait
pas présager qu'il allait y avoir une
majorité de membres de la commission. Mais c'est uniquement sur cette base-là.
Alors, je voulais le préciser. Donc, peut-être vous dites : Avoir
su, on ne l'aurait pas fait. Mais vous l'avez fait, puis on s'en réjouit.
Le Président (M. Merlini) : Oui,
suite à la lettre que le président de la commission a envoyée.
M.
Bérubé :
Avant la lettre, avant la lettre. Plusieurs groupes ont décidé de venir avant
même d'avoir la lettre, qui a été envoyée à 15 h 45 le lundi,
pour être factuel, M. le Président. Donc, l'important, c'est qu'on soit là
ensemble puis qu'on échange ensemble.
La
Direction des poursuites criminelles
et pénales, c'est évidemment un
joueur extrêmement important lorsque... Je vais vous parler beaucoup de l'UPAC, pas uniquement de votre mémoire,
puis je vais vous parler du Barreau également, comme je me suis engagé à le faire. La Direction
des poursuites criminelles et pénales, elle reçoit la preuve et décide
d'aller de l'avant ou pas, alors c'est
vraiment une très grande responsabilité, puis il faut être sûr, hors de tout
doute, et c'est ça que... parfois,
c'est difficile à comprendre pour des observateurs. Vous devez être sûrs de
votre coup pour aller de l'avant. Et ça
crée parfois des frictions. Alors, je suis obligé de vous poser la question. Ça
a fait l'objet d'un texte dans La Presse, de Philippe Teisceira-Lessard — ça
date de 2015 — les
frictions avec l'UPAC sur... Le texte s'appelle L'ex-patronne
des procureurs anticorruption démissionne. C'était Me Isabelle Briand
à l'époque. On disait qu'il y avait des problèmes avec l'UPAC, il y avait de
l'impatience à l'UPAC.
Je suis parfois très
dur avec l'UPAC quant à mes questions, mais je veux être juste, alors je veux
poser la question au DPCP : Pouvez-vous me donner une appréciation de
votre collaboration actuelle avec l'UPAC quant aux enquêtes puis aux processus, ce qu'on vous livre aussi comme qualité de
preuve? Parce que vous pouvez décider de dire : Ce que vous nous fournissez ne permet pas d'aller
de l'avant, et, nous, notre rôle, c'est d'avoir vraiment une preuve la plus complète possible. Donc, l'état de vos relations
avec l'UPAC. C'est une question qui est très subjective, évidemment,
mais ça vous appartient, la réponse.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Michel.
M. Michel (Patrick) : Oui. Merci, M. le Président. Alors, je vais tenter de répondre. Je dois
seulement préciser que le bureau,
chez nous, donc le Bureau du service juridique, nous ne sommes pas le bureau,
au sein du DPCP, qui traitons les dossiers de l'UPAC, qui traitons avec
l'UPAC.
Par
ailleurs, ce que je sais, ce que j'entends, pour répondre à votre question,
c'est que la collaboration, elle est très bonne entre les procureurs du
DPCP et l'UPAC. Depuis cette époque... et là j'ai de la difficulté à me
replacer dans le temps avec la...
M.
Bérubé : Quand Me Isabelle Briand a démissionné, on est
plusieurs à avoir eu des inquiétudes sur la conduite finale de certaines enquêtes... d'autres personnes
qui ont claqué la porte également, qui ont eu des réflexions. Nous, on a
craint... à l'époque, moi, j'étais un de ceux-là, puis, dans la communauté
juridique, plusieurs personnes avec qui j'ai échangé...
que ça ralentisse des enquêtes, parce qu'il y avait des personnalités qui
avaient un rôle important à jouer. Parfois, bon, les gens ont le droit d'aller dans le privé, mais c'était à
recommencer parfois. En tout cas, il y a eu manifestement des sources de
l'UPAC qui se sont adressées au journal La Presse puis qui
ont indiqué qu'il y avait des aspérités dans la relation avec le DPCP.
Je n'ai jamais eu
l'occasion vraiment de poser la question, parce que vous relevez de la Justice
et c'est ma collègue députée de Joliette qui peut poser ces questions-là, mais
je tenais à vous poser la question, parce qu'on va se pencher sur l'idée d'avoir un nouveau corps de police. Je veux connaître
comment ça se passe avec les partenaires, avant d'aborder ces
questions-là, comment ça se passe présentement.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Michel.
M. Michel (Patrick) : Oui. Merci, M. le Président. Évidemment, je ne peux pas revenir, parce
que je ne maîtrise pas tous les
faits... je ne connais pas les raisons qui ont pu amener les procureurs que
vous nommez à quitter le DPCP. Je peux
seulement vous dire que depuis le DPCP a vécu une grande restructuration, une
grande réorganisation du travail. Nous avons recruté, je crois, en
expérience au Bureau de la grande criminalité. La procureure en chef qui est à
la tête de ce bureau-là est une de mes collègues les plus expérimentées autour
de la table des procureurs en chef.
Une voix :
...
M. Michel
(Patrick) : Me Grandchamp. Tout à fait.
Alors, moi, ce qu'on m'a dit, c'est que la
collaboration est très bonne. Maintenant, et, si vous me permettez, sans
embarquer dans le contexte précis de l'insatisfaction...
M.
Bérubé :
...de façon générale, vous êtes satisfait.
M. Michel
(Patrick) : Oui, tout à fait.
M.
Bérubé :
Parfait. Je veux vous poser une question que le Barreau ne peut pas vous poser,
pour que vous puissiez y répondre. Ils
disent dans leur mémoire : «Le nouveau pouvoir octroyé au DPCP par le
projet de loi interfère avec le rôle
du syndic et du conseil de discipline au niveau du processus de sanction à
l'égard des professionnels ayant commis
des infractions déontologiques. En retirant une plainte déposée devant un
conseil de discipline, le DPCP s'immisce dans les fonctions mêmes d'un ordre professionnel et risque de
compromettre la mission première des ordres, de protéger l'intérêt
public.»
Quelle est votre
réaction à cette partie du mémoire du Barreau du Québec?
• (17 h 10) •
Une voix :
...
M. Michel
(Patrick) : Oui. Merci.
Donc, je n'ai pas eu le bénéfice d'assister à la présentation du Barreau,
parce que j'étais ici, en arrière, dans l'antichambre, mais je comprends leur
préoccupation.
Mais,
la préoccupation, de la façon qu'ils l'expriment, c'est qu'ils tiennent pour
acquis, dans le cas de figure qu'ils amènent... ils tiennent pour acquis
que le témoin collaborateur envers lequel on s'engage à arrêter les procédures disciplinaires fait l'objet déjà de procédures
disciplinaires au moment où il va venir nous offrir sa collaboration. Ça
pourrait être le cas. Mais, comme je vous
disais, les cas de figure auxquels l'expérience nous amène à penser davantage
en pratique, c'est que le témoin va
nous révéler des faits qui ne sont pas connus du syndic, et, s'il faut nous...
Je reviens peut-être avec la question, parce que, pour eux, j'imagine
que l'aspect de la consultation pourrait répondre à leur préoccupation, mais l'incidence pratique, sur le plan opérationnel,
des réalités et des contraintes juridiques que vous expliquait mon
collègue, c'est que, si nous devons consulter le Barreau ou un autre syndic
d'ordre professionnel avant d'arrêter d'éventuelles poursuites disciplinaires ou avant de prendre l'engagement de les
arrêter si jamais elles devaient arriver, il faudrait avec le témoin libeller notre engagement un peu avec un
«sous réserve», là. Alors, il faudrait dire : Oui, on s'engage à
arrêter d'éventuelles poursuites
déontologiques par ton conseil de discipline mais sous réserve de notre
obligation de consulter le syndic de l'ordre professionnel.
Alors, de
deux choses l'une, je veux dire. On ne dira pas au témoin : Non, mais,
écoute, là, on va les consulter, mais peu
importe ce qu'ils... Tu sais, si c'est une consultation, c'est une
consultation, puis on va le faire de bonne foi, puis, nos engagements,
on va les prendre de bonne foi. Alors, ça mettrait un frein à cette
collaboration, de devoir l'assujettir à une consultation postérieure au dépôt
d'accusations.
M.
Bérubé : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci. Alors, bienvenue, M. Michel et M. Lauzon. Oui, c'est un pouvoir qui vous
est accordé que... en tout cas, moi,
je trouve que... Il y a le mémoire du Barreau du Québec et aussi le mémoire de
l'ordre des comptables professionnels
du Québec qui disent à peu près la même chose. Et vous, vous dites : Dans
l'éventualité que ça arrive, qu'on a
un témoin collaborateur qui a déjà des plaintes au syndic comme tel... Mais,
s'il n'y a pas de plainte au syndic, ça fait quoi? Je ne sais pas si
vous comprenez le sens de ma question.
M. Michel (Patrick) : Oui, tout à
fait.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Michel.
M. Michel
(Patrick) : En fait, s'il
n'y a pas déjà de plainte au syndic, ce sera un engagement que l'on exerce
notre pouvoir prévu à 24.1, de les arrêter si jamais il devait y en avoir.
Mais votre
question, si vous me permettez, me permet peut-être de préciser autre chose,
sur le plan pratique, qu'on expose,
là, dans notre mémoire, c'est que, le collaborateur, on exige de lui, dans le
processus de recrutement, une très grande
franchise dans la divulgation de tout ce qui pourrait lui être reproché au
niveau de son implication dans des activités criminelles qui peuvent aussi, parallèlement, constituer des manquements
déontologiques. S'il fait déjà l'objet d'une plainte au syndic,
évidemment, au moment où il vient nous offrir sa collaboration, il faudra qu'il
nous le dise, et nous, on va s'enquérir,
évidemment, auprès de lui, des motifs ou de ce qui sous-tend cette plainte-là.
Si la preuve lui a été divulguée, parce
qu'ils ont droit à la communication de la preuve, on exigera probablement de la
voir pour bien comprendre ce qui lui est reproché. Ça, c'est le premier
cas de figure.
Dans l'autre
cas de figure, où le témoin collaborateur ne fait pas déjà l'objet d'une
plainte de son syndic mais qu'il devait
s'avérer qu'il a manqué de franchise, voire qu'il nous a menti sur la nature de
son implication criminelle, sur la gravité
des gestes qu'il a posés, nous pouvons mettre fin à l'entente de collaboration
pas juste en rapport avec les avantages, là, qu'on va donner en matière disciplinaire, et autres, mais nous
pouvons mettre fin à l'entente de collaboration. Le cas échéant, les autres instances, les autres
procédures, qu'elles soient civiles, fiscales ou autres, peuvent suivre leur
cours.
M.
Spénard :
O.K. Bien, ma sous-question là-dessus, c'est : Mettons que le syndic n'est
pas au courant, mais ça se passe, tu
sais... il a fait des infractions déontologiques, mais le syndic n'est pas
encore au courant, et vous, vous le prenez comme témoin, est-ce que vous
avertissez le syndic?
Une voix : ...
M. Michel (Patrick) : O.K. Merci, M.
le Président. Alors, ce qu'on envisage de faire, et nous l'exposons au
mémoire... Quand je parlais, je n'ai pas pu présenter, là, en fait, tout
l'encadrement nouveau qu'on va devoir prévoir dans nos directives.
Mais un aspect
de cet encadrement-là, c'est que, lorsqu'on
aura pris... Nous, en fait, il faut savoir que les engagements qu'on
prend auprès du témoin, une fois que les accusations sont déposées, bon, elles
sont divulguées... L'entente de
collaboration écrite, avec tous ses avantages, est divulguée à l'accusé et
éventuellement déposée au tribunal. Alors,
ça, ça prend un caractère public. Mais, avant même qu'on se rende là, dès la
fin de l'enquête, le dépôt des accusations,
dès qu'il n'y a plus de risque de compromettre une enquête en cours, de
compromettre la sécurité du témoin ou de
violer le privilège de l'informateur, nous entendions informer le syndic de
l'ordre professionnel d'un engagement que nous avons pris à l'égard
peut-être d'un comportement qui ne fait même pas encore l'objet d'une
poursuite, parce qu'on est bien
conscients... on ne voudrait pas évidemment que... c'est la même chose pour
nous, là, entre poursuivants, on ne voudrait pas que le syndic investisse temps
et ressources dans une enquête qui s'avérerait peut-être inutile au bout
du compte, puisque nous, on aurait pris l'engagement d'arrêter les procédures
advenant qu'elles soient déposées.
Alors, c'est le genre de collaboration qu'on
envisage, le genre, entre guillemets, de partenariat qu'on peut envisager avec
les différents syndics d'ordre professionnel.
M.
Spénard : Merci. Je
n'ai pas d'autre question, M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) :
Me Patrick Michel, Me Benoit Lauzon, représentant le Directeur des
poursuites criminelles et pénales, merci d'être venus déposer devant la
commission.
Je suspends quelques minutes. Je demanderais à
Me Madeleine Giauque, représentant le Bureau des enquêtes indépendantes,
de bien vouloir s'avancer.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
(Reprise à 17 h 20)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Nous recevrons notre dernier groupe de la
journée, qui est le Bureau des enquêtes indépendantes, représenté par sa directrice, Me Madeleine Giauque. Bonjour. Vous allez nous présenter la personne qui vous accompagne, mais il
semblerait qu'il y en a plusieurs dans la machine gouvernementale. Ça
fait que probablement que le vrai, il est chez vous.
Donc, vous
avez 10 minutes pour nous faire votre présentation, Me Giauque, et
par la suite il y aura des échanges avec M. le ministre et les
porte-parole des deux oppositions. Je vous laisse la parole.
Bureau des enquêtes
indépendantes (BEI)
Mme Giauque (Madeleine) : Merci.
Alors, bonjour à tous. Je suis heureuse d'être ici devant vous. Je suis
accompagnée de Me Sylvain Ayotte, qui est le directeur adjoint au BEI
depuis le début mai 2017.
Alors, d'entrée de jeu, je peux vous dire que le
BEI est en accord avec le projet de loi n° 107.
Le projet de
loi n° 107, essentiellement, en ce qui concerne le BEI, vise trois points
principaux. Le premier point est le fait que le projet de loi
n° 107 fait du BEI un corps de police spécialisé. En vertu de l'actuelle
Loi sur la police, l'article 289.5, le BEI
est déjà un corps de police aux fins de sa mission. Le fait de devenir un corps
de police spécialisé ne change en
rien sa mission, ses devoirs, ses obligations, alors, à ce niveau-là, le BEI
n'a pas grand-chose à dire. La deuxième modification, qui est plus importante, à la mission du BEI, c'est que,
de façon systématique, les inconduites à caractère sexuel commises par des policiers dans le cadre de
leurs fonctions devront être soumises directement au BEI par le service
de police concerné qui a reçu la plainte. Actuellement, le ministre de la
Sécurité publique a le pouvoir, en vertu des articles 289.3 et 289.6, de
confier ces enquêtes au BEI, et, dans les faits, depuis octobre 2016, tous ces
dossiers sont automatiquement transférés au
BEI. Alors, ce que le projet de loi actuel vient dire, c'est... il vient mettre
en place quelque chose qui existe déjà dans les faits. Par contre, il y
a des nuances par rapport à ce qui existe actuellement, c'est-à-dire qu'actuellement le directeur de police doit
communiquer avec le MSP dès qu'il reçoit une allégation d'inconduite en
matière criminelle et il doit le faire, à moins qu'il ne considère, après avoir
consulté le Directeur des poursuites criminelles et pénales, que la plainte est futile ou sans fondement. Avec l'amendement
que le projet de loi n° 107 propose, c'est plus : le directeur de police n'aura pas le choix et, dès
qu'il y aura une allégation d'inconduite à caractère sexuel, il devra
automatiquement la transférer au BEI. Le BEI devra faire enquête sur cette
allégation. Le projet de loi prévoit que le BEI
n'aura pas nécessairement l'obligation de communiquer avec le DPCP et pourrait,
à son niveau, fermer le dossier s'il considérait
que la plainte était frivole ou sans fondement. Pourquoi cette différence avec
maintenant? Un des principaux enjeux, je pense, c'est qu'actuellement le
corps de police est un peu juge et partie. Alors, on veut qu'un organisme indépendant extérieur au corps de police concerné
puisse prendre la décision et puisse décider si une plainte est frivole
ou sans fondement.
Au niveau du
BEI, le BEI est déjà un corps de police qui est extérieur. Le fait de ne pas
être obligé de consulter le DPCP
aurait pour nous un avantage majeur, en ce sens que la loi est ainsi faite
aujourd'hui que, même si une plainte est presque sans preuve, on a l'obligation de faire un rapport à soumettre au
DPCP, qui a l'obligation d'en prendre connaissance pour décider qu'elle
est frivole ou sans fondement.
Et je vous donne un exemple qui est tiré des
exemples qu'on a eus. Un policier qui a l'obligation, en vertu de l'article 260
de la Loi sur la police... est au courant qu'un de ses collègues aurait fait
une agression sexuelle ou une inconduite à
caractère sexuel. Il en avise comme il se doit son directeur. La plainte arrive
au BEI, et nous allons rencontrer la
présumée victime, qui nous dit : Moi, je n'ai jamais voulu porter plainte,
je ne veux pas porter plainte, je ne suis pas intéressée à porter
plainte et je n'ai rien à vous dire. Nous devons, malgré tout, faire un rapport
au DPCP, alors qu'il n'y a aucune preuve au
dossier. Cette possibilité, cet
amendement, viendrait beaucoup nous faciliter la tâche, parce que le BEI
est une petite équipe et la rédaction de rapports, même dans un cas semblable,
prend un certain temps. Alors, ça pourrait, pour nous, nous faciliter le travail.
L'autre
point important qui concerne les modifications à la façon de faire, c'est au
niveau du déclenchement des enquêtes
indépendantes. C'est-à-dire qu'actuellement les corps de police doivent appeler
au MSP. Le MSP nous transmet l'information,
et l'enquête commence à se dérouler à ce moment-là. De par le projet de loi,
les corps de police appelleraient directement au
BEI, et c'est le BEI qui enclencherait, déclencherait l'enquête immédiatement.
Ça vient ajouter à l'autonomie et
l'indépendance du DP... du BEI, excusez-moi — le mot «DPCP» revient toujours — mais du BEI, qui prendrait la
décision, à ce moment-là, d'enquêter ou non.
Alors, grosso modo,
c'est ce que j'avais à vous dire sur le projet de loi n° 107 et les
implications du projet de loi n° 107 dans le mode de fonctionnement du
Bureau des enquêtes indépendantes, au moment où on se parle.
Le Président (M. Ouellette) : Mme Giauque, vous n'avez pas produit de
mémoire à la commission, et je vois que vous êtes allée directement. Je ne sais pas si vous avez des notes que
vous pouvez envoyer à la commission, relativement aux points que vous
avez faits aujourd'hui, qui pourraient éclairer M. le ministre et les
collègues de la commission avant qu'on aille
en étude détaillée. Si c'est le cas, je vous prierais de les faire parvenir au
secrétariat de la commission pour faciliter l'éclairage de tout le
monde. M. le ministre, oui.
M.
Coiteux : Merci, Me Giauque. Merci aussi, Me Ayotte.
Écoutez, je vais reprendre une recommandation qui nous a été faite par... c'était la Commission des
droits de la personne, en fait, parce que j'aimerais vous entendre là-dessus,
parce que vous êtes évidemment, maintenant,
depuis un moment, là... Ça ne fait pas tellement longtemps que le Bureau
des enquêtes indépendantes a commencé à
faire son travail. Mais, le Bureau des enquêtes indépendantes, si je fais
abstraction, là, de la question d'inconduite ou d'agression sexuelles, mais,
dans son travail, je dirais, qui est principal, là, qui est d'intervenir suite à une opération policière qui
pourrait avoir causé une blessure grave, qui pourrait avoir causé un
décès... Donc, ça, c'est votre... je
m'excuse de prendre le mot anglais, mais ça me vient comme ça, c'est votre
«core business», dans le fond, hein?
Mme Giauque
(Madeleine) : Vous avez raison.
M.
Coiteux : Puis, grosso modo, vous en avez à peu près une par semaine,
si je ne me trompe pas, en moyenne.
Mme Giauque
(Madeleine) : On en a 64 depuis le 27 juin 2016. Effectivement,
en proportion, c'est une par semaine. Par contre, la réalité fait en sorte que
c'est plutôt trois dans la même semaine et trois semaines sans enquête par la
suite.
M. Coiteux :
Donc, la moyenne cache...
Mme Giauque
(Madeleine) : On en a eu six dans la même semaine, à un moment donné.
M. Coiteux :
La moyenne cache des choses importantes pour les opérations du BEI. Ça, je
comprends ça parfaitement. Mais on a eu
cette recommandation de revoir notre définition des blessures graves et
d'étendre la notion de blessure grave
aux blessures psychologiques. Et j'ai eu un échange avec les représentants de
la Commission des droits de la personne,
parce que j'essayais de voir comment, en pratique, ça pourrait, de façon
réaliste, s'intégrer dans vos opérations.
J'aimerais ça vous
entendre là-dessus, sur ce que ça pourrait représenter pour le BEI.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Giauque.
• (17 h 30) •
Mme Giauque
(Madeleine) : C'est difficile à quantifier, M. le ministre, parce
qu'on a beaucoup de plaintes actuellement,
particulièrement au niveau des agressions sexuelles, et des plaintes du passé.
Et là comment quantifier à quel
moment est survenu un traumatisme psychologique à quelqu'un? Est-ce qu'on peut
conclure que toutes les personnes qui
sont impliquées dans un événement de la nature de ceux qui font partie de notre
«core business» sont des personnes qui ont
un trouble post-traumatique, ou quelque chose comme ça? C'est possible. Les
policiers qui sont impliqués dans ces genres
de dossier sont souvent aussi marqués. Alors, ça deviendrait très difficile
pour nous d'enquêter tous ces événements-là, parce qu'ils vont être
impossibles à peu près à identifier. Qu'est-ce qui fait que telle personne, à
tel moment, va avoir une réaction psychologique plus importante? Est-ce qu'il y
a une raison particulière cette journée-là?
C'est très, très,
très difficile à quantifier.
C'est
sûr que, si on avait, six mois après les événements, un document d'un médecin
qui nous dit : Traumatisme psychologique important, c'est une
chose. Mais là je n'ai plus de scène... Les policiers se sont parlé, les
policiers ont discuté de l'événement. La
mémoire n'est plus fraîche. Comment on fait ça dans les faits? C'est très,
très, très difficile à établir et à
pouvoir enquêter. Comment faire en sorte qu'on soit certain que le traumatisme
provient de cet événement-là? Est-ce que les médecins sont capables de
nous dire ça? Les psychiatres, les psychologues... Je ne le sais pas. Mais inclure les blessures psychologiques,
psychiatriques, c'est très... Je ne vois pas comment on pourrait dans les faits
mettre ça en pratique, parce qu'à partir du
moment où on inclut la notion de blessure grave il faut quand même concevoir,
là, que la mission du BEI, c'est enquêter
une intervention policière au cours de laquelle un civil a été blessé
gravement, blessé par arme à feu ou
tué. Alors, si on n'est pas capable d'enquêter les faits, on enquête quoi au
bout de la ligne? C'est difficile. C'est
presque impossible. Je ne vois pas comment ça peut être faisable. Honnêtement,
là, je ne vois pas, dans le cadre courant de notre travail, comment on
pourrait être appelés à faire ça. Ou alors, si c'est à dire que, dans tous les
cas, absolument tous les cas où il y a usage
de la force par un policier, le BEI doit être consulté, bien là, il va falloir
embaucher des gens, parce que ça va devenir impossible, ça aussi, à faire, là.
Dans
la province, il peut se passer, à tous les jours, beaucoup d'événements
violents qui peuvent avoir des répercussions
importantes sur les personnes mais, en même temps, n'avoir aucune blessure
grave physique. Et on ne peut pas voir, là, comment on pourrait faire
ça.
M.
Coiteux : ...parce qu'il y a eu l'Association des directeurs
de police du Québec qui nous a dit aujourd'hui : Peut-être que, pour les cas d'agression sexuelle,
ça n'a pas besoin d'être enchâssé dans la loi tout de suite, puisque, de
toute manière, c'est déjà la pratique. J'ai
utilisé les pouvoirs qui sont les miens pour m'assurer que ces enquêtes-là vous
soient confiées, et on a mis en place tout
ce qu'il faut pour que ce soit le cas. Ils nous disent : Pourquoi ne pas
attendre de voir la suite des choses, comment ça va se passer avec le
BEI, qu'est-ce qui va se passer avec les corps policiers ou certains individus des corps policiers qui ont été enquêtés
par d'autres corps policiers, bon, tous les événements qu'on connaît?
Ils nous disaient : Pourquoi vous devez
tout de suite enchâsser... Pourquoi ne pas attendre? Comment réagissez-vous à
ce... Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme
Giauque (Madeleine) : Bien,
comme je le disais tout à l'heure, les actuels amendements à la Loi sur la police vont faciliter le travail du BEI. Mon
personnel est formé. Parmi mon personnel, j'en ai la moitié, à peu près,
qui sont des ex-policiers. Plusieurs d'entre
eux ont déjà de l'expérience en matière d'infraction à caractère sexuel,
d'enquête de cette nature-là. Nos civils ont été formés. Et je pense
qu'actuellement ça va déjà très bien. Comme il s'agit, selon moi, de la volonté claire du gouvernement, et même de la population, parce
qu'on se souvient que c'est suite aux événements qu'on a qualifiés... les événements de Val-d'Or que
cette décision-là a été prise par le gouvernement et à la demande de
tous, bien, je ne vois pas pourquoi on ne
devrait pas le faire immédiatement. Ça fonctionne. Et, comme je le disais tout
à l'heure, les amendements permettent de faciliter le travail.
M.
Coiteux : Moi, M. le Président... peut-être qu'un collègue aura une
question, mais c'est les éléments sur lesquels je souhaitais échanger.
Le Président (M.
Ouellette) : Ça va? M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé : Merci, M. le Président. Vous me permettrez d'abord
de saluer Me Giauque, M. Ayotte et d'indiquer à Mme Giauque que je suis très admiratif de son
parcours professionnel. J'ai eu l'occasion de lire souvent sur son
parcours dans le droit dans différentes
publications. Je voulais vous le témoigner. C'est une inspiration pour
plusieurs femmes, non seulement en
droit, mais votre parcours suscite l'admiration. Alors, je voulais vous le dire
ici devant témoins et vous dire que je suis heureux que vous soyez à la
fonction où vous êtes présentement avec le travail que vous faites.
Mme Giauque
(Madeleine) : Bien, vous êtes très gentil, mais là vous me faites
rougir.
M.
Bérubé : Non, mais il faut le dire quand même. Puis, le
Bureau des enquêtes indépendantes, on y a cru. Les différentes formations politiques y ont cru... le
Parti libéral, le Parti québécois, d'autres également. C'était nécessaire
de créer ce bureau, parce qu'il y avait dans
la population un sentiment assez fort que ce n'est pas l'idéal que la police
enquête sur la police. Et le bureau est
arrivé un peu tardivement, mais je pense qu'il reposait sur des bonnes bases
lorsqu'il est arrivé. Vous l'avez mis
en place. Il y a eu un problème, à un moment donné, avec les civils. Ça a paru
dans l'actualité. On a suivi ça de près, mais là je pense que c'est sur
les rails. Votre expertise vous amène également à participer à certaines
enquêtes. Alors, je voulais souligner ça également.
Mais
je vais également vous poser la question, à savoir qu'est-ce qui vous a fait
hésiter à venir nous rencontrer ici et recevoir ce compliment que je
viens de vous faire?
Mme
Giauque (Madeleine) : Bien, écoutez, avoir su, je serais venue avant.
Mais, non, la question, c'est que, quand j'ai reçu la convocation, puis
je suis un peu gênée de le dire, comme tout le monde, j'ai pensé que c'était
une convocation... alors, et qu'on n'avait
pas vraiment le choix. Moi, j'avais été consultée en cours de rédaction du
projet de loi. Le projet de loi répondait à mes attentes, et je pensais,
moi, peut-être par mon inexpérience au niveau des travaux parlementaires, qu'il fallait surtout venir si on
avait des choses à demander, à changer. Et, pour moi, il n'y avait rien,
rien à changer dans le projet de loi,
c'était correct. Alors, c'est la raison pour laquelle moi, j'avais décliné...
Et, quand j'ai vu par contre le tollé
qui s'est fait dans les médias, bien là, je me suis dit que peut-être ça serait
une bonne idée que je change d'idée,
et c'est ce qui s'est passé. J'ai avisé la secrétaire de la commission
parlementaire que j'étais pour me présenter.
M.
Bérubé : D'accord. Bien, on l'apprécie, mais, en fait, comme
vous l'avez entendu tout à l'heure peut-être avec étonnement, en fait, c'est notre formation
politique qui avait demandé... Tant mieux si vous avez répondu à cet
appel, mais la commission ne s'est pas
prononcée sur ça. Mais c'est important de vous entendre. Je vous entends
également sur votre approbation du projet. Vous avez des arguments qui
sont fort valables, que j'accepte également, mais j'aimerais vous emmener
ailleurs, profiter de votre expertise.
Vous allez m'entendre
beaucoup parler de l'Unité permanente anticorruption. Ce n'est pas une
surprise, je parle souvent de cet enjeu-là,
je trouve ça important. Quelle est votre relation avec l'UPAC? C'est-à-dire
est-ce que vous avez un rôle qui vous
permettrait d'enquêter à l'intérieur de l'UPAC si, par exemple, il y avait un signalement — j'ai posé la même chose à la Sûreté du Québec tout à l'heure — de quelqu'un à l'intérieur qui disait :
Il y a des actes répréhensibles qui sont posés? Alors, à ce moment-là,
vous ne pourriez pas annoncer publiquement que vous faites ça, parce que, là,
on avertirait l'UPAC, mais pourriez-vous
intervenir ou est-ce que c'est déjà arrivé? Techniquement, est-ce que c'est
possible?
Le
Président (M. Ouellette) : Me Giauque.
Mme
Giauque (Madeleine) :
Légalement parlant, actuellement, c'est possible uniquement si le ministre de la Sécurité publique nous mandate
dans un dossier en particulier.
M.
Bérubé :
...il y a un communiqué, il y a...
Mme
Giauque (Madeleine) : Bien, c'est-à-dire, non, ce n'est pas
nécessairement public, parce qu'une infraction criminelle... comme, les dossiers d'agression sexuelle, actuellement, on
en a 17. On ne les publie pas, parce qu'on veut conserver la preuve, il
faut préserver les victimes, il faut...
M.
Bérubé :
Il y a des plaignants, des victimes.
Mme
Giauque (Madeleine) : C'est ça. Alors, non, ça ne serait pas
nécessairement public, mais il faudrait aussi que ça soit... Notre seul mandat, c'est d'enquêter des
policiers dans le cadre de leurs fonctions. Alors, il faudrait que ça
soit... Si c'était, par exemple... J'écoutais tout à l'heure les gens de la
Sûreté du Québec. Si c'était un policier de la Sûreté du Québec en prêt de service à l'UPAC et qu'il y
avait une plainte, que M. le ministre de la Sécurité publique préférait
que ce soit le BEI qui enquête, on pourrait le faire, parce que c'est un
policier dans le cadre de ses fonctions.
M.
Bérubé :
Bien, c'est l'enjeu de la reddition de comptes, c'est-à-dire que, vous voyez,
là, ça prend une autorisation du ministre. Mais, si le BEI, de son
propre chef, pouvait, surtout dans des endroits où c'est très particulier...
c'est notamment le cas à l'UPAC, de
dire : J'ai reçu des informations dignes de mention qui me disent :
Bien, je devrais aller là, je suis
l'organisation la mieux habilitée à aller enquêter là parce que je ne suis ni
le SPVM, ni la Sûreté du Québec, ni la police du Roussillon, de Laval ou
de Québec, je ne détesterais pas ça, parce qu'il m'apparaît... J'ai de la
difficulté à identifier qui surveille l'UPAC
comme organisation. Et votre organisation, elle est neutre de son essence même.
Et j'essaie de trouver une façon de compléter ce qu'on nous présente
avec le projet de loi.
J'ai
l'impression... vous n'êtes pas obligée de la partager, là, mais j'ai
l'impression que déjà l'Unité permanente anticorruption a énormément de pouvoirs, peu de reddition de
comptes — peut-être
qu'elle en fait une au ministre, là, mais
on n'y a pas accès tant que ça — puis que, là, elle aurait davantage de
pouvoirs. Il m'apparaît que votre organisation pourrait être susceptible
d'être le garde-fou nécessaire pour vérifier, surveiller, voire même prévenir
ce qui se passe à l'UPAC, parce que c'est quand même un... Si ça devient un
corps de police, il y a des questions de pouvoir, il y a des questions d'argent, il y a des questions
d'enquête, d'information, de divulgation. Il me semble que vous avez
l'expertise pour faire ça.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Giauque.
• (17 h 40) •
Mme
Giauque (Madeleine) : Écoutez, je pense que ce n'est pas une question
d'expertise, je pense que c'est une question,
un, de personnel. On n'a pas le
personnel pour faire ça, déjà en partant. Dans la loi, actuellement, notre mandat, il est très
précis. Alors, ça serait vraiment, quant à moi, s'il y a une volonté du gouvernement ou des gens de l'Assemblée nationale de décider qu'une loi doit être modifiée à ce
niveau-là. Mais moi, je ne peux pas faire de commentaire là-dessus, là.
M.
Bérubé :
En fait, en m'adressant à vous, je sais que le gouvernement m'entend, alors ça
peut être une suggestion qui est appréciée par le gouvernement.
Vous
avez parlé d'argent. En juillet, ça n'allait pas très bien. Est-ce que ça va
mieux? J'ai vu une manchette, là, qui indiquait, il me semble, là, que
les finances, là, ce n'était pas évident.
Mme Giauque
(Madeleine) : Il ne faut pas croire tout ce qui est dit dans les
journaux, malheureusement.
M.
Bérubé :
Donc, c'était une «fake news».
Mme Giauque
(Madeleine) : Écoutez, on rentre dans nos budgets, ça va relativement
bien.
M.
Bérubé :
...rallonge financière.
Mme Giauque
(Madeleine) : Écoutez, on...
M.
Bérubé :
C'est un beau moment pour le demander, là.
Mme Giauque
(Madeleine) : C'est-à-dire que ce n'est pas la question. La question,
c'est que, oui, on a eu de l'argent
supplémentaire mais parce qu'on a engagé du personnel supplémentaire. Alors, il
fallait de l'argent pour les payer.
Mais il ne faut pas croire tout ce qui est dit. Si vous regardez le rapport
annuel... je ne sais pas s'il a été déposé devant l'Assemblée nationale
ou non encore, là, mais on rentre dans nos budgets, là. Ça va relativement...
on est corrects.
M.
Bérubé : ...pas pour la conduite des enquêtes de la justice.
Je vous donne un exemple, parce que je n'ai pas eu l'occasion de vous questionner aux crédits, mais,
dans le cas de l'UPAC, ils nous ont clairement dit qu'ils avaient fait
un C.T., une demande
de financement, puis ils ont obtenu de l'argent supplémentaire pour avoir
davantage de ressources pour le
«backlog» de l'UPAC. Alors, si c'est le cas — c'est une tribune totalement appropriée pour
s'assurer que vous ayez les ressources nécessaires à votre mission — c'est
important pour nous que vous les ayez. Alors, je me permets juste de l'évoquer.
J'aurai appris que la nouvelle qui a été rapportée n'était pas totalement juste
ou pas du tout juste. Alors, j'aurai appris ça avec vous.
Mme
Giauque (Madeleine) : Bien, écoutez, c'est certain qu'on a fait une
demande de C.T., parce que, comme je le
disais, on voulait du personnel supplémentaire, ce qui nous a été accordé.
Alors, dans ce contexte-là, oui, on a fait une demande de C.T. et on a
l'argent nécessaire, je pense, pour fonctionner.
M.
Bérubé : D'accord. Je vous parlais de l'UPAC, parce que,
quand j'évoque l'indépendance de l'UPAC, je parle de la nomination, mais
je parle aussi des façons de faire des vérifications.
Ce
matin, j'ai demandé au commissaire de nous fournir les diagnostics
organisationnels. Puis je l'avais demandé au printemps. Vous étiez là à l'étude des crédits, je crois. C'est
important de savoir l'état général de cette organisation avant de lui confier davantage de responsabilités. Alors,
j'ai demandé ça. Je ne sais pas si je vais avoir les documents, ils vont
être caviardés, mais je veux savoir comment
ça se passe avec le personnel. Y a-tu des plaintes, y a-tu des rapports de
force indus qui s'opèrent à travers cette
organisation-là? C'est pour ça que je cherche une façon de m'assurer que le
commissaire et son équipe ne sont pas
seuls, ils n'ont pas un statut où ils sont vraiment, compte tenu de la nature
de ce qu'ils font, des grandes
enquêtes contre la corruption, seuls, qu'il y a des gens qui surveillent qu'on
ait les meilleures pratiques possible. Et,
lorsque je cherche, bien, évidemment, je pense spontanément au Bureau des
enquêtes indépendantes. Mais, encore une fois, en m'adressant à vous,
j'envoie le message à l'univers. C'est quelque chose qu'il m'apparaît pertinent
de considérer. Voilà.
Est-ce qu'il nous
reste un peu de temps encore?
Le Président (M.
Ouellette) : 20 secondes.
M.
Bérubé : 20 secondes? Merci de votre participation. Et on va
lire avec attention votre mémoire, parce qu'on aura l'étude par article
après puis ça va nous servir à...
Le Président (M.
Ouellette) : Le rapport annuel, vous voulez dire.
M.
Bérubé : Le rapport annuel, excusez-moi, le rapport annuel,
oui, puis ça va nous servir à travailler comme législateurs. Alors,
merci de votre présence, à tous les deux, et salutations à votre équipe.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci, M. le Président. Alors, bien content de
vous avoir entendus, Mme Giauque et M. Ayotte, mais on a surtout entendu
Mme Giauque. Bien content que vous soyez ici.
Vous
êtes déjà un corps de police, et là on vient réaffirmer dans un projet de loi
n° 107, là, qu'on confierait toutes les infractions à caractère sexuel pour un policier directement au BEI,
alors qu'avant ça c'était le directeur de police de la personne qui
était en inconduite sexuelle qui était saisi de ça et lui, il pouvait juger si
l'infraction était bien fondée ou futile,
etc. Là, ce que je comprends, c'est qu'automatiquement le directeur va vous
confier l'enquête, et vous allez être obligés
d'enquêter, O.K., parce que ça peut arriver qu'il y ait des plaintes qui sont
non fondées et qui sont futiles,
parce qu'on en parle dans le... On en parlait, de ça. Est-ce que vous allez
être en mesure de... Parce que, là, une enquête, un rapport, et tout ça...
Comme vous le dites, vous n'êtes pas beaucoup de personnes.
Est-ce
que vous allez pouvoir juger, sans faire un rapport et sans faire une enquête, si la plainte est suffisamment
fondée pour instaurer une enquête dessus?
Mme
Giauque (Madeleine) : Pour moi, il n'y a pas de plainte insuffisamment
fondée ou suffisamment fondée. Dès
qu'il y a un élément de preuve au dossier qui laisse penser qu'il y a eu
vraiment une inconduite à caractère sexuel, le dossier sera transmis au
DPCP. Ce n'est pas à moi à juger que la plainte est assez sérieuse ou non, ça
sera au DPCP. C'est leur travail. Moi, ce
que je dis, c'est : Quand je n'ai aucune plainte au dossier. C'est-à-dire
que j'ai une présumée victime qui me
dit qu'elle n'a pas été agressée, que c'est quelqu'un d'autre qu'elle qui a
porté plainte, et ça, ça arrive...
M.
Spénard :
...c'est la tierce personne qui porte plainte, souvent.
Mme
Giauque (Madeleine) : C'est ça, c'est la tierce personne, mais qui n'a
pas été témoin de rien, qui me dit : Telle personne a été agressée sexuellement par tel policier dans tel
cadre. Alors, nous... C'est-à-dire qu'ils ne me le disent pas à moi, là, ils commencent à le dire au directeur
de police, parce que la loi oblige le policier qui est au courant de ça d'aviser son directeur. La loi oblige le directeur
à aviser le ministère de la Sécurité publique, sauf si, après avoir
consulté le DPCP, il en vient à la
conclusion que la plainte est futile ou non fondée. Une fois que la plainte est
rendue au niveau du MSP, le MSP me
transmet le dossier, et nous, on enquête de façon systématique pour vraiment...
on va rencontrer la victime et on fait l'enquête, on se rend le plus
loin possible.
M.
Spénard : Ça fait
que, là, on sauterait la portion du ministre, là, on sauterait la portion du
MSP, là.
Mme Giauque (Madeleine) :
Oui, sauf que le directeur de police n'aurait pas le choix. Il ne pourrait
plus, lui, décider qu'elle est frivole
ou sans fondement. Il ne pourrait plus consulter le DPCP pour en venir à la
conclusion que c'est frivole ou sans
fondement. Alors, lui, dès qu'il entendrait parler de quelque chose comme ça,
il aurait l'obligation de le confier au BEI.
M.
Spénard :
O.K. Merci. Vous avez parlé, tout à l'heure, de... On a parlé... c'est mon
confrère de Matane-Matapédia, si vous
pouviez enquêter à l'intérieur de l'UPAC, et vous avez dit qu'il faudrait que
vous demandiez au ministre avant
d'enquêter sur une infraction à caractère sexuel à l'intérieur de l'UPAC. Et
j'ai posé la question toute la journée : Étant donné que les policiers qui sont prêtés à l'UPAC ont encore comme
autorité hiérarchique la Sûreté du Québec, ou la sûreté municipale, ou
n'importe quoi, alors pourquoi vous seriez obligés de demander au ministre,
étant donné que, d'après leur convention collective, ça va être leur syndicat
qui va les défendre... Et ce n'est pas le syndicat qui est rattaché à l'UPAC, c'est le syndicat qui est rattaché à la base
de l'engagement du policier. Il est juste en prêt, là. Alors, pourquoi
vous ne pouvez pas intervenir dans l'UPAC?
Mme
Giauque (Madeleine) : Parce que la Loi de police, telle qu'elle existe
actuellement, fait en sorte que le BEI n'a aucun pouvoir d'initier une
enquête de sa propre initiative. Tous les mandats du BEI lui proviennent du
ministre de la Sécurité publique.
M.
Spénard :
Je ne comprends pas, là.
Mme Giauque
(Madeleine) : Bien, je ne peux pas, moi, déclencher...
M.
Spénard : J'ai de la misère à comprendre, parce que vous me
dites : Le directeur de police s'en va directement au BEI pour une enquête sur un policier en
exercice. La même affaire se passe à l'UPAC. Et moi, je vous dis qu'à
l'UPAC la personne qui est l'ultime employeur, ce n'est pas l'UPAC, l'ultime
employeur, c'est, mettons, la Sûreté du Québec ou un corps municipal. C'est
pour ça que j'ai de la misère à vous suivre, parce qu'il y a double autorité,
là.
Mme
Giauque (Madeleine) : Non, c'est que moi, je vous parlais de la
situation actuelle, et vous, vous me parlez de si le projet de loi avait
été adopté.
M.
Spénard :
Je parle du projet.
Mme
Giauque (Madeleine) : Alors, si le projet de loi est adopté, c'est
bien sûr que le policier, par exemple, de la Sûreté du Québec qui travaille à l'UPAC... ou le directeur de la Sûreté
du Québec avait une plainte ou une allégation à l'effet que cette
personne-là a commis une inconduite à caractère sexuel, le directeur de la
Sûreté du Québec n'aurait pas le choix que de m'appeler, de m'aviser, et moi, à
ce moment-là, je déclenche automatiquement une enquête.
M.
Spénard :
À l'UPAC?
Mme Giauque
(Madeleine) : À l'UPAC.
M.
Spénard :
Bon. C'est ça que je voulais savoir, c'est ça que je voulais éclaircir.
Mme Giauque
(Madeleine) : C'est simple.
M.
Spénard :
Bien, je vous remercie beaucoup. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.
• (17 h 50) •
Le Président (M. Ouellette) :
Bien, merci, Me Madeleine Giauque, Me Sylvain Ayotte. On vous entendra peut-être
une autre fois, Me Ayotte.
Une voix : ...
Le Président (M.
Ouellette) : Pardon?
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouellette) : Ah! on se connaît depuis fort longtemps.
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouellette) : Oui. On a mis pas mal de personnes en prison.
Et,
sur ce, je vais suspendre nos travaux jusqu'à demain... pas jusqu'à demain, là,
jusqu'à mardi, là, en tout cas, jusqu'à la prochaine date, parce que
c'est mardi où est-ce qu'on va terminer les auditions.
(Fin de la séance à 17 h 51)