(Onze heures seize minutes)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre l'étude
détaillée du projet de loi n° 62, Loi
favorisant le respect de la neutralité
religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes
d'accommodements religieux dans certains organismes.
Mme la secrétaire, il y a des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Merlini (La Prairie) est remplacé par Mme Vallières
(Richmond) et M. Marceau (Rousseau) est remplacé par M. Bourcier
(Saint-Jérôme).
Étude détaillée (suite)
Le Président (M. Ouellette) : Lors
de l'ajournement de nos travaux, hier, nous avions fait la lecture de l'article 10
et d'un amendement introduit par Mme la ministre à l'article 10. Je vous rappelle également que l'article 3 et les amendements
reliés à l'article 3 — parce
qu'il semblerait qu'on ne l'a pas oublié en période de questions — sont suspendus, ainsi que les amendements
menant au préambule sont suspendus. Juste pour que tout le monde soit au diapason.
Et on avait
terminé nos travaux hier par les explications de Mme
la ministre. Je ne voulais pas encore une fois couper l'envolée oratoire
ou débuter un débat avec notre collègue de Taschereau, et notre collègue de la deuxième
opposition, ainsi que le député de Gouin,
donc j'ai ajourné les travaux. Et ce matin, Mme la députée de Taschereau,
c'est vous qui débutez avec les commentaires que vous pourriez apporter à
l'amendement de la ministre à l'article 10.
Mme Maltais : Merci, M. le
Président. D'abord, j'aurais un commentaire d'ordre général. Normalement, on
étudie... Ce n'est pas un blâme, mais c'est juste pour montrer une difficulté
de fonctionner dans la façon de travailler actuellement.
Quand il y a beaucoup de modifications à un article, on modifie, puis c'est
correct, par un amendement pour que
ce soit plus lisible, mais ce que ça donne, c'est qu'alors qu'on devrait avoir,
dans ce cas-ci, un, deux, trois, quatre, cinq, six fois 20 minutes pour en discuter, il nous en reste un
parce que tout est remplacé par un seul amendement. Ça devient
extrêmement difficile. Donc, la seule manière de prolonger le débat, c'est que
je dépose des amendements. Ça fait que c'est
un peu compliqué comparé à ce que ça devrait être. Je devrais avoir
120 minutes pour débattre, puis ça va demander un peu de temps,
quand même, puis il m'en reste 20. Commentaire d'ordre général sur les
pratiques en commission. Il va peut-être falloir regarder cela. Je le dis, là,
quand tu as tout un amendement qui remplace plusieurs paragraphes et alinéas, ça fait qu'il reste 20 minutes pour
l'amendement, ça devient... 20 minutes pour l'amendement, c'est ça,
ça fait que ça devient compliqué de prendre le temps nécessaire.
Le
Président (M. Ouellette) :
Sauf que, Mme la députée de Taschereau, la présidence a toujours été très
juste dans la répartition des temps. Et je pense qu'à la Commission des
institutions on a toujours procédé peut-être d'une façon différente des autres commissions, et la
présidence a toujours permis une discussion générale sur un article qui
contient plusieurs paragraphes et par la suite les discussions sur les
amendements. Et je suis très pointu sur les droits des parlementaires à avoir à s'exprimer et je prends bonne note de votre
commentaire général, mais je n'en fais pas mien parce que je pense qu'à la Commission des institutions
chacun des parlementaires a amplement le temps de s'exprimer en partant
du moment où on avance le débat. Mais je prends bonne note de votre
commentaire, Mme la députée de Taschereau.
• (11 h 20) •
Mme Maltais : Merci, M. le
Président. Simplement pour dire que, grâce aux bons offices du président, actuellement, on ne sent pas d'urgence à procéder.
On travaille bien, correctement. Mais
je continue à faire le commentaire pour les commissions parlementaires à
venir ou pour des moments où les débats seraient plus serrés, par exemple. Ça provoque ça. Alors là, je sais qu'on travaille à
l'aise et je vous en sais gré ainsi qu'à tout le monde autour de la
table, puis ça se passe bien.
Le
Président (M. Ouellette) :
Donc, avez-vous des commentaires généraux sur l'amendement de la ministre?
Mme Maltais : Tout à fait. D'abord,
la ministre nous propose «l'organisme s'assure» et ensuite décrit les critères. Il
y a une décision là-dedans que ce
soit chaque organisme. C'est la portée de l'organisme qui est importante
pour moi. Qu'est-ce que ça veut dire, un
«organisme»? Parce qu'un organisme, ça peut vouloir dire chaque CIUSSS,
chaque centre hospitalier, chaque société d'État, chaque commission scolaire, vous
comprenez, on morcelle, on peut morceler, alors que, généralement, ce que j'avais
entendu pendant les commissions
parlementaires, c'était cette idée de
le faire par secteur, l'éducation
aurait des balises, la santé aurait des balises, les services sociaux
pourraient avoir des balises. Là, ça veut dire que chaque organisme va travailler, mais il n'y a pas de balise par
secteur, il n'y a pas de politique par secteur. C'est ça, la question que je me pose. Pourquoi ce choix de ne pas avoir
de politique générale qu'ensuite les gens auraient les
balises pour les accepter? Est-ce que c'est
parce que la loi est la politique? Comment vous avez vu cette demande qu'on
avait reçue de procéder par secteur?
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Bien, en fait, on fait référence aux organismes
tels qu'on les a identifiés précédemment à l'article 2, je crois, ou l'article 3... les articles 2 et 3 du
projet de loi. Par
contre, il y aura
des groupes de travail en secteur parce que la préparation des politiques n'a pas à être incluse à l'intérieur du projet de loi. C'est-à-dire que les politiques sont des outils de travail qui seront développés en parallèle. Il y a
donc un travail qui se fait actuellement avec les gens du ministère de la Santé, les gens du ministère
de l'Éducation, les gens du milieu municipal
pour élaborer justement les guides et les documents qui pourront
soutenir les organismes de ces milieux à répondre aux besoins. Donc, chaque
organisme... Parce que chaque organisme, en raison de son histoire, en raison
de, parfois, même la clientèle avec qui il fait affaire, aura peut-être à analyser le contexte dans lequel
la demande pourrait être présentée, s'inscrit aussi dans un contexte de l'organisme, et le principe, c'est que, lorsqu'une
demande d'accommodement est présentée, c'est toujours une question de cas par cas. On ne peut pas prendre une demande
d'accommodement et faire du mur-à-mur, chaque demande est analysée en fonction du contexte dans lequel elle
s'inscrit. C'est pour ça que chaque organisme... Au même titre qu'une
demande... On fait beaucoup le parallèle
avec les demandes d'accès à l'information. Chaque organisme traite les demandes
d'accès à l'information à l'interne, a son propre... sa personne responsable,
procède à l'analyse des demandes et y répond, plutôt
que de référer, par exemple, à une autorité centrale qui appliquerait du mur-à-mur,
parce que ça complique les choses.
Donc, une
demande d'accommodement est présentée à l'organisme. L'organisme pourra se
référer aux dispositions de
l'article 10 — l'objectif
d'avoir les dispositions de l'article 10, c'est d'aider dans l'analyse,
dans la grille d'analyse — mais aussi pourra analyser en fonction des spécificités du
milieu. Alors, à l'article 14, comme je le mentionnais, on propose que chaque organisme ait un répondant en
matière d'accommodement — donc ça va faciliter le traitement des demandes — plutôt
que d'avoir différents individus responsables de la question. Mais, compte tenu
du caractère particulier, de la nature même
d'une demande d'accommodement, qui doit tout de même être analysée dans le
contexte dans lequel elle s'inscrit, il est
préférable de donner la responsabilité aux organismes. Bien entendu qu'il y a
ce comité de travail auquel
participent les ministères concernés en collaboration avec les organismes, par
exemple les commissions scolaires, travailler
avec les commissions scolaires pour identifier les outils qui pourraient être
élaborés pour mieux accompagner les personnes qui seront responsables,
dans chacune des commissions scolaires, de traiter ces demandes-là.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Je
comprends que la ministre travaille donc ministère par ministère, donc secteur
par secteur, c'était l'intention. Pourquoi
est-ce que... Et ce seront donc des politiques sectorielles ou des politiques
ministérielles? S'il y a des politiques sectorielles et des politiques
ministérielles, pourquoi est-ce qu'on n'inscrit pas dans la loi que le gouvernement donnera les balises ou qu'il y aura
des politiques en appui? Je ne le sais pas. Parce qu'on ne sait pas sur quoi va s'appuyer véritablement l'organisme. Les
gens nous ont dit : Donnez-nous des politiques par secteur, c'est
important.
Mme Vallée :
Et l'intention est là. Parce qu'ici on est dans l'élaboration d'une loi-cadre.
Il n'est pas nécessaire de prévoir
qu'il y aura une politique par secteur, qu'il y aura une politique-cadre, qu'il
y aura différents outils, ce n'est pas nécessaire
de l'inclure dans la loi. Par contre, il est clair... Et les ministères ont
déjà été contactés pour pouvoir répondre, si d'aventure le projet de loi devait être adopté, pour pouvoir rapidement
prendre les mesures nécessaires pour accompagner les organismes dans la mise en oeuvre des dispositions du projet de loi,
pour pouvoir aussi outiller les organismes et avoir les documents de soutien, qui ne relèvent pas
nécessairement du législatif. Mais on l'a vu, rappelons-nous, lorsqu'on
a parlé des établissements d'enseignement
supérieur, il y avait des lignes directrices, il y avait un encadrement, un
cadre pour les activités, les centres spirituels, les... le terme m'échappe,
mais les activités qui relèvent de l'accompagnement spirituel dans les écoles, dans les cégeps, dans les universités. On a
un cadre ministériel pour ça. Donc, suivant les besoins, on pourra
élaborer les outils.
Là, on est un
petit peu... On est dans l'élaboration de la loi-cadre. Selon ce que la
loi-cadre sera... Parce qu'on ne peut
pas présumer non plus qu'ultimement la loi-cadre va être exactement celle qui a
été initialement présentée. Alors, il faut d'abord faire le travail en
commission parlementaire. Et une fois que le... si d'aventure on a un projet de
loi qui est adopté, là, à partir de ce
projet de loi là, on pourra élaborer les outils qui seront identifiés comme
étant utiles pour les organismes
visés, donc le milieu de la santé. Peut-être que, dans certains organismes, en
fonction des réalités distinctes, il
y aura des besoins qu'un... Peut-être qu'une commission scolaire aura des
besoins qu'un centre hospitalier n'aura pas, par exemple. Et actuellement, au niveau administratif, la façon dont on
l'entrevoyait, c'était d'avoir quatre comités de travail, donc
l'éducation, la famille, les affaires municipales et la santé, qui pourraient
répondre aux besoins des organismes publics identifiés.
Mme
Maltais : Parce que j'essaie de voir... Je me disais... Je
vais vous donner le type d'amendement que j'avais préparé pour vous montrer où j'allais, mais c'est
difficile, passer du gouvernement à organisme, à l'analyse des demandes,
l'écriture est
difficile. Mais je sais que, par exemple, dans la loi-cadre sur la pauvreté,
sur la lutte à la pauvreté, on donne au gouvernement le mandat de faire
des politiques d'analyse et de tout ça. C'était ma référence pour ça. C'est
pour ça que je disais qu'on pouvait
peut-être inscrire dans le début de l'article : Le gouvernement développe
une politique globale d'analyse et de traitement des demandes
d'accommodement raisonnable afin de... accommodement religieux, pas
raisonnable, c'est religieux, pour motif religieux, afin de s'assurer que la
demande est sérieuse, et tout ça. Mais je veux que ce soit l'organisme pareil.
• (11 h 30) •
Mme Vallée :
Mais, c'est ça, cette grille d'analyse là, on la retrouve déjà à l'article 10...
à l'amendement, c'est-à-dire. La grille d'analyse, nos critères qui doivent nécessairement être considérés par l'organisme, par la personne qui exerce la
plus haute autorité au sein de l'organisme, sont déjà prévus. Donc, en soi,
c'est une base pour outiller les organismes.
Maintenant,
avoir une loi-cadre... C'est qu'une politique mur à mur ne permettrait peut-être
pas de répondre à certaines
particularités. Par exemple, la commission
scolaire de Montréal a peut-être des réalités et des besoins qui sont différents de la commission scolaire des
Hauts-Bois, en Haute-Gatineau, peut-être. Donc, peut-être que la
commission scolaire de Montréal, elle, oui,
va travailler en étroite collaboration avec le ministère de l'Éducation pour
définir : Écoutez, voici ce dont
j'aurais besoin. Peut-être que mes collègues n'en ont pas besoin, mais moi,
particulièrement, j'ai peut-être un besoin que d'autres n'ont pas.
Alors,
on veut permettre une latitude, on ne veut pas être trop stricts parce qu'on
veut permettre une latitude pour répondre
aux besoins. Et il y a quand même certains nouveaux critères qui ont été
introduits par l'article 10 aussi. Lorsqu'on regarde l'article 10 et les amendements qui y
sont prévus, on a quand même établi, ajouté des critères qui sont
introduits, qu'on ne retrouve pas
actuellement dans la jurisprudence, et qui vont permettre aux organismes de
mieux analyser une demande qui leur est présentée. Lorsqu'on parle du
sérieux de la demande, lorsqu'on parle de l'égalité et le respect de l'égalité entre les hommes et les femmes et
lorsqu'on fait référence également au principe de la neutralité
religieuse de l'État, du respect du principe
de la neutralité religieuse de l'État, ce sont des critères qui actuellement ne
guident pas de façon formelle les
organismes dans leurs analyses. Donc, avec ces critères-là, je crois qu'on
permet déjà... on encadre déjà l'analyse qui est faite.
Et là il y aura
peut-être d'autres outils, il y a peut-être des guides, il y aura peut-être des
guides à l'attention des commissions scolaires qui seront élaborés, il y aura...
Et ça, c'est difficile aujourd'hui de vous dire : Prévoyons spécifiquement ce que nous allons élaborer,
puisque, un, la loi n'est pas adoptée, et on n'a pas consulté les milieux
pour voir, à partir de la loi que l'on
a : Quels sont vos besoins, quels sont les outils que nous pourrions
élaborer ensemble pour vous permettre
de mieux naviguer avec cette loi-là et de mieux répondre aux demandes
d'accommodement que vous recevez déjà? Parce qu'ils les reçoivent déjà,
là, ce n'est pas... Ça aussi, c'est un élément, c'est que les demandes... Le
projet de loi n° 62 n'introduit pas le
principe de l'accommodement. Le principe de l'accommodement existe, il y a déjà...
Puis, rappelons-nous, la commission des
droits de la personne et de la jeunesse avait élaboré un guide en 2008 ou 2009,
un guide qui est méconnu puis un guide qui... novembre 2012, pardon, un
guide virtuel. J'ai compris des consultations que ce guide-là n'était pas utilisé comme il pourrait l'être, donc, mais
peut-être que ce guide-là pourra servir d'outil de travail pour déterminer... Bon, à partir de ça, est-ce qu'un
guide comme ça, c'est utile? Est-ce que c'est un autre guide qui
pourrait être utile? Est-ce qu'il y a
d'autre chose qu'on pourrait... d'autres documents qui pourraient être préparés
en collaboration avec les ministères,
le ministère de la Justice et peut-être la commission des droits de la personne
et de la jeunesse, pour permettre aux gens de mieux se diriger?
Parce
que j'ai bien compris le message qui nous était lancé, entre autres, par la
commission scolaire de Montréal, Mme
Harel Bourdon qui nous a dit : Écoutez, nous, on reçoit beaucoup de
demandes, ce qui n'est pas le cas dans d'autres commissions scolaires. La commission scolaire de Montréal fait face à un
volume de demandes qui est important. Donc, une fois que le projet de loi sera adopté, quels seront les outils
additionnels que la commission scolaire de Montréal pourrait peut-être
requérir de la part du ministère de l'Éducation, de la part du ministère de la
Justice?
Alors,
on veut laisser cette latitude-là, une fois le projet de loi adopté, pour
travailler avec nos partenaires et mettre en place des outils. Et je veux vous rassurer, on ne veut pas laisser
les organismes à eux-mêmes, sans accompagnement, le ministère sera là... et les ministères seront là
pour outiller, parce que c'est quand même un projet de loi important, et
on offre des... on donne des outils, mais on va aussi pouvoir donner des outils
d'accompagnement. Et il ne faut pas...
Mme
Maltais : ...il y a comme quelque chose qui... il y a une petite affaire qui me fatigue, là, puis ce
n'est pas... je comprends, c'est bien écrit, mais c'est que, là, c'est
l'organisme qui s'assure que la demande est sérieuse. Pourquoi tous ces critères-là ne sont pas des critères du gouvernement, puis ensuite l'organisme... Vous comprenez? C'est comme si on mettait tout le poids sur l'organisme. Au
moins, ce n'est plus sur l'employé, c'est déjà un pas, là. Je veux dire,
moi, ma demande, c'était : Il ne faut
pas que ce soit sur les épaules de l'employé, c'était à la demande des gens.
Là, c'est l'organisme qui s'assure, à
partir de critères qui... À mon sens, ce qu'on est en train de travailler,
c'est les critères qui devraient être dans
la politique. Il devrait y avoir une politique,
et ce seraient les critères de la politique. C'est comme ça qu'on travaille, par exemple, en affaires municipales. On donne les critères de la politique
et ensuite le ministère produit des règlements, produit des guides, mais le gouvernement a une politique puis ensuite chacun
fait l'application. Je trouve que c'est comme une formulation à laquelle je ne suis pas habituée. D'habitude, c'est le
gouvernement qui se dote de politiques d'analyse puis après ça les organismes développent des outils en collaboration
avec le ministère. Puis là vous demandez par secteur, puis là on reste...
On a fait un bout de chemin, ça, je le comprends, mais je pensais qu'en plus du
fait de mettre ça sur l'organisme il y aurait quand même, gouvernementalement,
une politique.
Mme Vallée :
D'une certaine façon, c'est ce qu'on fait, parce qu'à titre de législateurs on
établit... on vient codifier, d'une certaine
façon, des critères qui ont été établis, entre autres, par la jurisprudence.
Donc, on vient codifier, on vient
dire : Les demandes d'accommodement pour motif religieux sont analysées suivant ces critères-là. C'est
plus fort qu'une politique.
Une politique peut toujours être annulée. Ça, c'est... C'est certain
qu'un projet de loi peut toujours
être amendé, on s'entend, peut toujours
être mis de côté, mais, ceci dit, la portée de cet encadrement est, à notre avis, plus forte, et c'est certain qu'il pourra
s'accompagner de documentation pour mieux comprendre, mieux interpréter.
Et en plus il y a, puis ça, il ne faut pas l'oublier, un
service-conseil en accommodement qui existe à l'heure actuelle. Donc, la
commission des droits de la personne et de la jeunesse a déjà, depuis quelques
années, un service-conseil en accommodement.
Mais ce qui est ressorti des consultations, et, moi, ce qui m'a beaucoup
étonnée, c'est que les gens, les organismes
n'utilisaient pas et ne connaissaient pas ou très peu l'existence de ces
services-là. Donc, c'est certain qu'une fois le projet de loi adopté, oui, on a un travail de collaboration avec les organismes, avec les différents secteurs pour voir à ce
que la mise en oeuvre par secteur du projet de loi se fasse de la meilleure
façon et se fasse également dans le meilleur intérêt
des organismes, en fonction de leurs besoins, parce que faire un... aller
beaucoup plus large que ça... C'est déjà très large, mais, en ayant,
disons, une politique mur à mur, peut-être qu'on risque de mettre en place des
choses qui sont difficilement adaptées aux réalités, par exemple, des CPE ou
aux réalités des...
Mme
Maltais :
Là, je ne suis pas d'accord parce que je me souviens très bien que les
organismes sont venus nous dire :
Ce n'est pas suffisant que... dans l'article 10, ça prend des balises un
peu plus précises, puis on a des propositions. Puis je sûre qu'il y en a déjà. Ça a changé un peu. Mais il faut
absolument qu'on réponde à ce besoin d'aide des secteurs. Alors, les organismes sont venus nous dire : Les
balises de l'article 10 ne sont pas suffisantes. Moi, ce qui me fatigue,
c'est que, là, on enchâsse... Les
balises, dans la loi, c'est bien. Il y a des balises qui sont dans la loi.
C'est sûr que c'est fort, mais sauf que, comme ce n'est pas dans le cadre des balises du gouvernement, qui
ensuite vont être déployées et appliquées... C'est des balises auxquelles les organismes... pourraient
être déployées et appliquées en
ajoutant des mesures et tout, ce sont les balises qui sont dans la loi, et, si on en échappe là, un organisme peut
dire : Non, moi, je réponds à ça, puis c'est point final bâton. C'est pour ça que d'habitude ces
balises-là, ces critères-là, c'est... la grande politique, c'est les balises,
puis après ça on déploie les mesures
sur le terrain, par secteur. C'est pour ça que je croyais, moi, que vous
arriveriez avec une politique gouvernementale par secteur et ensuite
comment l'organisme doit...
• (11 h 40) •
Mme Vallée : Bien,
voyez-vous, dans le fond, c'est la loi qui est le cadre législatif pour la
future politique. Donc, il y a une espèce de hiérarchisation des
normes. En procédant de la façon dont nous procédons, c'est qu'on
établit les normes, et c'est à partir de là
que s'établiront les politiques propres à chaque secteur que les organismes
verront à appliquer avec les outils. Alors, il n'y a pas nécessité de
prévoir le tout parce qu'on doit... D'abord, on doit travailler avec les organismes, c'est vraiment eux qui sont les
mieux placés pour appliquer les critères, mais on ne peut pas présumer de
leurs besoins. Donc, adoptons d'abord un projet de loi, et ce projet de loi là, par la suite, voyons à le mettre en oeuvre et à
mettre en place des orientations, comme je le mentionnais, des outils de
travail qui vont permettre aux organismes de bien répondre à notre volonté législative et de bien comprendre la volonté
législative que nous aurons transmise à l'intérieur d'un texte.
Mme Maltais : M. le
Président, comme on est sur une
discussion générale, je ne voudrais pas juste faire un... Je vais laisser mon collègue de Saint-Jérôme et d'autres députés s'introduire dans la discussion générale. Après ça,
on ira dans les choses... Mais je ne
veux pas prendre tout le temps ce matin pour faire, moi, la discussion générale
et que vous n'ayez pas le temps, chers collègues, de parler. Mais j'ajouterais
que je me souviens des organismes qui nous ont demandé que le gouvernement adopte
une politique et qu'ensuite il soit chargé d'appliquer les mesures. Voilà.
Le
Président (M. Ouellette) : J'irais à Borduas, M. le député de Saint-Jérôme, pour revenir, avec
beaucoup de plaisir, à vous. Bon, bien, oui, allez, allez, M. le député
de Saint-Jérôme.
M. Bourcier :
Bien, écoutez, Mme la ministre, je prends des notes, je vous écoute, et puis,
selon ce que vous avez dit, là,
justement, pour l'article 10, que... Vous nous avez dit, entre autres, que
la demande d'accommodement doit être faite selon le contexte de chaque organisme. Ça, c'est vos propos, là. Alors,
moi, je me mets à la place des gens, je me mets à la place évidemment des personnes qui nous écoutent.
Pouvez-vous nous expliquer par un exemple concret quelle pourrait être
une des possibilités de demande faite selon un contexte pour un organisme?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Il y a des exemples... Prenons peut-être... Plutôt que d'y aller dans des
demandes, on peut peut-être faire
faire référence à la jurisprudence. Oui, on a... Par exemple, je veux... Et il
s'agit ici d'un exemple jurisprudentiel, là, de demandes d'accommodement
qui sont fondées sur un motif religieux, un exemple de demande d'accommodement
en emploi, un employé qui ne peut pas
travailler le jour du sabbat, soit du vendredi soir au samedi soir, bon, et là
toute une analyse dans le contexte de
l'emploi, quel type d'emploi, quel est l'horaire de travail, quels sont les
horaires de travail possibles. Il y a
toute une analyse qui est faite, mais un employé qui a une fonction x, on ne
peut pas... On doit quand même faire
l'analyse de la demande dans le contexte dans lequel elle est formulée. Une
demande d'accommodement en emploi... Un
employé qui demande de ne pas porter de casque de sécurité car il porte un
turban, une demande qui a été présentée dans le dossier de Montréal
Gateway Terminals Partnership, c'est un type de demande d'accommodement. Une
autre demande d'accommodement, un employé qui ne peut pas
travailler le jour d'une fête religieuse, alors il y a de la jurisprudence là-dessus. Une préférence en emploi
qui aurait été accordée à un aumônier catholique au détriment d'un
intervenant en soins spirituels, ça a donné lieu à de la jurisprudence.
Donc, vous voyez, c'est diversifié. Parfois, il
y a des demandes présentées pour que la... parfois... Il y a une demande d'accommodement qui a déjà été
formulée dans un centre de la petite
enfance, en lien avec un régime
alimentaire particulier de l'enfant.
Donc, les
demandes d'accommodement sont variées, et là nous donnons à l'article 10
une grille d'analyse pour les évaluer.
Parce que certaines demandes sont refusées. Ça aussi, c'est un élément à
considérer. Ce n'est pas parce qu'une demande est présentée qu'elle est nécessairement
accordée. On doit voir dans quel contexte particulier elle s'inscrit et si cette demande-là... Par exemple,
est-ce que ça constitue une contrainte excessive? Est-ce que ça vient
bouleverser le milieu de travail, le milieu
scolaire? Est-ce que ça vient bouleverser l'encadrement éducatif? Il y a
un tas de circonstances à considérer lorsque vient le temps d'évaluer la
demande. C'est pour ça que nous avons mis en place des critères d'application plus généraux et, à partir de là,
ces critères-là seront évalués dans le contexte particulier. Est-ce qu'on
est en matière d'emploi? Est-ce qu'on est en
matière d'éducation? Est-ce qu'on est en matière de santé? Chaque
milieu peut répondre à cette demande-là.
Donc, il n'y
a pas... Le principe de l'accommodement, c'est une demande de dérogation à une norme d'application générale, qui, suivant la personne qui demande
l'accommodement, porte atteinte à un droit qui est protégé par la
charte. C'est ça, le principe de la demande
d'accommodement. Donc, c'est pour ça qu'il est très difficile de faire du
mur-à-mur, bien qu'on puisse avoir un
cadre, un encadrement, parce que chaque demande est vraiment dans un contexte
particulier, en fonction de la personne et
en fonction du droit que cette personne-là considère violé par l'atteinte.
Alors, c'est pour ça que c'est
variable. Et je ne peux pas vous faire une liste exhaustive des demandes
d'accommodement puisque je ne peux pas prétendre connaître toutes les
demandes qui pourraient être formulées.
Mais il est quand même important d'avoir un
cadre d'analyse. C'est d'ailleurs ce qui était prévu aussi, à quelques distinctions près, dans le projet de loi
n° 94 que ma collègue avait déposé, dans le projet de loi n° 60 que
votre ex-collègue avait déposé également. Il y avait quand même... Puis je
pense qu'il y avait cette volonté commune de donner des balises, un encadrement
pour l'analyse des demandes d'accommodement, puisque, et on l'a vu, je crois,
l'automne dernier, des organismes, parfois, souhaitaient savoir de quelle façon
analyser et quels étaient les motifs qui pourraient... quels pouvaient être les
critères d'analyse des demandes. Et je pense que c'est aussi un message qu'on a
entendu. C'est un message aussi qui a été porté par la commission
Bouchard-Taylor parce qu'ils prévoyaient qu'il était important de baliser ces
demandes-là.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Saint-Jérôme.
M. Bourcier : Je suis bien d'accord
avec vous, Mme la ministre, qu'il y a des possibilités multiples qui pourraient
être demandées pour des accommodements, et que ça prendrait un bon cadre
d'analyse, c'est ce que ma collègue de
Taschereau disait précédemment, que ça prendrait des balises plus claires que
celles qu'on a là qui pourraient être
utilisées comme référence pour les organismes, qui sont inquiets, là. Et ils
ont consulté ma collègue, et il y a des choses qui lui ont été envoyées
à ce sujet-là.
Vous disiez aussi précédemment que les outils
des organismes pour analyse d'accommodement ne sont pas élaborés. Vous avez parlé d'un guide virtuel de 2012 qui était
incomplet, mais qui pourrait peut-être servir d'outil de travail. Alors, il y aurait lieu justement de le raffiner,
de l'utiliser comme cadre d'analyse, mais aussi considérer notre
amendement qu'on va apporter tout à l'heure
justement pour que le gouvernement développe lui-même une politique globale
d'analyse avant que ça se produise, qu'on
ait des possibilités multiples avec nos organismes qui seraient peut-être un
peu mêlés, là, avec des choses qui seraient incomplètes.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
• (11 h 50) •
Mme Vallée :
Bien, j'ai l'impression qu'on n'est
pas loin l'un de l'autre dans notre positionnement. C'est que, de notre
côté, évidemment... Puis ça, là-dessus, je crois comprendre que le fait de
légiférer et de mettre en place certains critères,
certains paramètres, ce n'est pas là la problématique. Je comprends que, du côté de l'opposition
officielle... Et puis on verra, là, le détail, mais je comprends que le principe d'avoir un guide législatif ou des paramètres législatifs,
ça, ça convient. Ce que je comprends de l'opposition officielle, c'est
qu'on souhaite inclure au projet de loi une référence spécifique à une directive ou à une loi-cadre. Moi, ce que je vous dis,
c'est qu'il y a une volonté d'élaborer des guides, d'élaborer des politiques, mais qui ne seront
pas mur à mur mais définis en fonction des secteurs d'activité
des organismes publics puisque, d'un secteur d'activité
à l'autre, il y a des réalités auxquelles... il y a
des réalités qui sont propres. Par exemple, dans certains domaines, comment traiter une
demande présentée par un parent versus une demande présentée par un adulte? Il y a un tas de spécificités
à considérer, et je pense que la meilleure façon d'assurer des politiques
qui répondent réellement aux besoins des milieux, c'est de les élaborer
en collaboration avec le milieu.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Saint-Jérôme.
M. Bourcier : Je vais laisser la
parole à...
Mme Maltais : On a dit qu'on voulait
entendre tout le monde avant l'heure du dîner.
M. Bourcier :
Oui, oui.
Le
Président (M. Ouellette) :
Non, non, mais moi aussi, je veux entendre tout le monde dans cette
discussion générale là avant qu'on aille sur les amendements.
M. Bourcier : Dissiper l'écran de
fumée entre moi puis le député de Borduas, là.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Bonjour, M. le
Président. Je suis heureux de vous retrouver, heureux de retrouver les collègues aussi. Je veux saluer tout le personnel
de la ministre, du ministère également qui est là. Ça fait longtemps
qu'on ne s'est pas vus. En fait, moi...
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : Bien, moi
aussi. Mais j'étais là, à la Commission des institutions, cet été, mais pour un
autre mandat. Donc, on n'a pas eu la chance de se croiser.
Le
Président (M. Ouellette) :
Là, M. le député de Borduas, vous avez salué les collègues, là, donc c'est
beau, et après vous avez salué le personnel de la ministre, mais c'est parce
que...
Mme Vallée : Mais il n'a pas
été salué. Il y a de la jalousie ici, là.
Le Président (M. Ouellette) : ...votre
geste peut prêter à interprétation. C'est correct. Ça va.
M. Jolin-Barrette : Je ne saisis pas
la teneur de votre propos, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Bien,
je vous l'expliquerai tantôt.
Mme Vallée : M. le Président
voudrait une salutation particulière.
M.
Jolin-Barrette : Ah! bien,
écoutez, M. le Président, j'allais terminer par vous, bien entendu. Vous savez,
les honneurs vous reviennent, M. le
Président. Toute ma déférence envers la présidence de la Commission des
institutions. La prochaine fois, je vais vous saluer en premier.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : C'est ça, mais
encore faut-il que M. le Président présente sa demande.
Cela étant
dit, j'écoutais la discussion avec intérêt relativement à la directive
nationale et au niveau des politiques. Alors,
je comprends que la ministre dépose son projet de loi et elle nous dit :
Par la suite, on va arriver avec les directives, par la suite, on va arriver avec les politiques. Mais par contre on veut
laisser le milieu, donc chacun des organismes, établir des directives.
Exemple, la commission scolaire, exemple, les CIUSSS et les CISSS vont
développer leurs propres politiques, leurs
propres directives internes. Au niveau de la cohérence de l'action, si je peux
dire, de l'interprétation étatique en
lien avec le projet de loi, moi, je vois certaines difficultés, que le
gouvernement du Québec ne joue pas un rôle central avec ces lignes directrices là, de dire à
chacun : Voici... Bien sûr qu'il y a une certaine liberté dans chacun des
milieux, de la façon dont c'est géré pour
toute forme d'accommodement, mais, au niveau global, au niveau général, le
leadership doit être exercé à Québec.
Mme Vallée :
Oui, oui. Et, M. le Président, peut-être c'est important de le mentionner, nous
avons prévu mettre en place quatre
grands chantiers, en santé, en éducation, en famille et dans le milieu
municipal, évidemment, qui amènent les ministères
concernés, le ministère de la Justice à travailler ensemble en collaboration
avec les organismes pour permettre... plutôt que d'avoir une grande
politique générale mur à mur, pour pouvoir, à l'intérieur de ces secteurs-là,
établir une politique qui, par la suite, sera reprise par les organismes.
Par exemple, actuellement, la ville de Montréal
a une politique sur les demandes d'accommodement. Donc, est-ce que la ville de
Montréal aura besoin d'outils additionnels? Est-ce que les outils déjà
développés par la ville de Montréal pourraient inspirer la démarche générale?
Alors, le travail, nous avons déjà convié les unions municipales à travailler en collaboration avec le ministère de
la Justice et le ministère des Affaires municipales pour répondre aux
besoins. Alors, loin de nous l'idée de laisser les municipalités, les
commissions scolaires à elles-mêmes. Et là-dessus je suis complètement le collègue, il y a une cohérence qui
est nécessaire. Mais, ceci dit, il était important d'abord d'avoir un
projet de loi, et, à partir ce projet de
loi, de voir, auprès des différents secteurs, à répondre à leurs besoins
spécifiques pour une mise en oeuvre
du projet de loi qui se fera de façon la plus harmonieuse possible, et les
outils pour assurer cette mise en oeuvre harmonieuse là peuvent différer
d'un secteur d'activité à l'autre.
Alors, je ne
dis pas aujourd'hui qu'une fois le projet de loi adopté les organismes seront
laissés à eux-mêmes. C'est sûr que la
demande d'accommodement sera présentée à l'organisme, ça, c'est une chose, mais
l'organisme pourra compter sur de la documentation, des guides, des politiques qui auront été
élaborés en fonction du secteur d'activité, en collaboration avec les joueurs du milieu, et évidemment le
gouvernement sera... les ministères prennent le leadership. Alors, on a
déjà cette orientation-là. Maintenant, il serait prématuré aujourd'hui de
demander aux gens de se réunir et de parler de politique de mise en oeuvre
d'une loi qui n'est pas adoptée. Alors, on est quand même très respectueux du
privilège parlementaire. Et moi, je ne peux pas présumer aujourd'hui que le
projet de loi, s'il est adopté, sera le projet de loi que nous avons
actuellement devant nous. Déjà, nous y avons apporté certains amendements suite
aux échanges en commission parlementaire.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Mais, on s'entend,
sur le fond, vous n'aviez pas besoin d'un projet de loi pour faire ça. Le gouvernement du Québec aurait quand même pu
donner des guides indicatifs pour le faire sans même avoir une loi.
Mme Vallée : Il y en a déjà,
des guides, c'est ça, mais...
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est ça.
Je n'ai pas entendu toutes les consultations, mais il y a une partie que j'ai entendue, puis certains disaient : Bien,
écoutez, ce n'est pas assez précis pour notre secteur d'activité, puis là on
n'est pas assez outillés, tout ça. Mais le point que je veux apporter
aujourd'hui : Ce n'est pas à cause du projet de loi qu'on a présentement,
ce n'est pas à cause du projet de loi n° 62, qu'on peut adopter les
politiques ou les meilleures pratiques comme
outils pour les différents organismes qui sont des organismes publics. Alors,
le ministère de la Justice l'avait déjà fait ou, au gouvernement, là, je
ne sais pas qui le faisait, mais ce n'était pas suffisant. Mais aujourd'hui le
projet de loi n° 62 ne sert pas à ça,
il ne sert pas à développer ces politiques-là. Donc, actuellement, déjà, il y a
des organismes qui sont dans le flou
depuis plusieurs années, parce que, bon, ça fait 10 ans, on peut se le
dire, concrètement, où le débat a pris de l'ampleur, si on peut dire, là, depuis 2007, depuis, bon, le rapport
Bouchard-Taylor, tout ce qui a mené à ça, mais, toutes ces années-là, on pouvait le faire, on pouvait
développer des guides, tout ça. Alors, le 62 n'est pas nécessaire pour
donner des orientations à la société québécoise.
• (12 heures) •
Mme Vallée : Là-dessus, M. le
Président, le collègue de Borduas a tout à fait raison. C'est pour ça que la
commission des droits de la personne et de la jeunesse avait été chargée
d'élaborer un guide. Malheureusement, les consultations
nous ont démontré que ce guide-là était peu consulté, était aussi peut-être peu...
peu consulté, peu connu, peut-être
pas aussi clair dans sa mise en oeuvre que certains organismes l'auraient
souhaité. Donc, les consultations nous ont permis de constater ça. Mais il y a quand même
eu des efforts de faits pour permettre d'aider et d'accompagner ceux et celles qui sont face à une demande d'accommodement parce qu'encore une fois, le
collègue a raison, le projet de loi n° 62 n'introduit pas en soi la
raison d'accommodement, les accommodements résultent de l'application de la
charte, et donc il y a depuis des lustres des demandes d'accommodement dans
différentes institutions au Québec.
Et la
commission Bouchard-Taylor nous a clairement identifié le besoin de mieux
accompagner ceux et celles qui y sont
confrontés parce qu'il y avait beaucoup de questions, beaucoup de
méconnaissance aussi, parfois, de la part de ceux qui recevaient la
demande à savoir est-ce qu'il s'agit là d'une véritable demande, comment la
traiter et comment l'évaluer. Donc, c'est
suite, d'ailleurs, aux recommandations de la commission Bouchard-Taylor que le
guide avait été élaboré et que la commission des droits et de la
personne et de la jeunesse avait été chargée de mettre en place un
service-conseil pour l'aide à l'accompagnement.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis là, bon, on est rendus à
l'article 10, on vient indiquer clairement, dans l'article 10,
un accommodement religieux, on vient le
spécifier précisément, c'est comme si on le traitait séparément, mais ce
n'est pas le seul type d'accommodement qui peut être fait, il y a plusieurs
accommodements, en vertu de la charte, qui peuvent être effectués, la charte québécoise. Pourquoi lui donner un statut
particulier dans un projet de loi? Pourquoi le pointer spécifiquement,
cet accommodement religieux là? Parce que les critères qu'il y a, dans votre
amendement, c'est les critères généralement
qui ont été développés par la jurisprudence, à ce jour, les différents arrêts.
Dans le fond, à l'article 10, on
vient reprendre ce que la jurisprudence dit, puis vous le mettez dans votre
projet de loi, puis vous le traitez spécifiquement. Vous venez le
diviser, dans le fond, des autres demandes d'accommodement.
Mme Vallée :
Parce que nous sommes dans un projet de loi qui traite de la neutralité
religieuse de l'État. Dans ce contexte-là,
il était important d'encadrer les demandes pour motif religieux. Et
rappelons-nous, je crois qu'il y a eu des discussions, en consultations, sur la question de la... sur cette
question-là. Et, comme on est dans un projet de loi sur la neutralité
religieuse, il était opportun de traiter des demandes d'accommodement
présentées pour un motif religieux.
Donc, les demandes d'accommodement sont traitées
en fonction de différents facteurs, mais une demande d'accommodement pour motif religieux... Dans un contexte d'un projet de
loi sur la neutralité religieuse, c'est important d'encadrer aussi le cadre d'analyse pour ces
demandes-là, tout simplement. Donc, contrairement à ce qui était
prétendu par votre collègue de Montarville,
ce n'est pas de donner un statut quasi constitutionnel, ce n'est pas de hisser
les demandes d'accommodement au-dessus des autres demandes
d'accommodement, mais c'est tout simplement pour permettre, dans un contexte où on a une loi sur la neutralité
religieuse, d'évaluer les demandes qui pourraient être formulées sur la
base d'un motif religieux.
M. Jolin-Barrette :
Mais, avec le libellé de l'article 10, avec les critères que vous insérez
par le biais de l'amendement, est-ce qu'il existe une distinction entre ce qui
a été développé par les tribunaux versus les critères que vous mettez à
l'article 10 par le biais de votre amendement?
Mme Vallée :
Il y a évidemment des critères additionnels qui sont... Il y a des éléments
additionnels qui sont prévus à
l'amendement. Par exemple, le sérieux de la demande est établi, le respect de
l'égalité entre les hommes et les femmes sont des éléments aussi
essentiels qui respectent le cadre dans lequel notre projet de loi est déposé.
Vous vous
rappellerez qu'on a eu une discussion, lors des premiers jours de consultation...
lors des premiers jours de commission
parlementaire, sur l'étude article par article, on a des collègues... et je ne
me souviens pas si la demande d'amendement provenait de la collègue de
Taschereau ou de la collègue de Montarville, pour ajouter au préambule
l'importance de l'égalité entre les hommes et les femmes...
Une voix : ...
Mme Vallée :
Collègue de Taschereau. Et c'est une demande à laquelle je souscris, là. On
avait eu des échanges, et je suis
tout à fait en accord avec cette demande-là. Donc, il s'agit là des principes
de notre loi. Donc, en ajoutant le
principe d'égalité entre les hommes et les femmes et le principe de neutralité,
du respect du principe de la neutralité religieuse de l'État, évidemment, on fera évoluer la jurisprudence, c'est certain, puisque la neutralité religieuse de l'État
n'est pas encore déclarée au Québec, ne fait pas l'objet d'une
déclaration législative. Donc, c'est certain que ça amène une couleur distincte
à l'intérieur de la grille d'analyse.
Donc,
l'objectif d'ajouter ces... de considérer ces éléments-là est vraiment de
permettre l'analyse en fonction des paramètres, en fonction des grands
principes qui ont guidé l'élaboration du projet de loi.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Mais sur le premier critère, que la demande est
sérieuse, déjà, si ça allait devant les tribunaux, la
frivolité d'une demande, en partant, c'était déjà un critère qui était comme
convenu, qui allait de soi.
Mme Vallée : Oui. En fait, oui, mais on a parfois... parfois
il fallait se rendre devant les tribunaux pour la statuer. Il y a eu
de la jurisprudence à l'effet que la demande était manifestement
frivole. Pensons à l'épisode des pastafariens. La Cour supérieure a été très claire et d'ailleurs a été on ne peut plus claire sur
cet élément-là, donc, pour éviter aussi que des ressources ne soient affectées au traitement de demandes qui ne sont pas
formulées dans le cadre d'une croyance sincère. Parce que la jurisprudence a quand
même établi qu'une demande d'accommodement doit être formulée par quelqu'un pour qui la croyance est sincère, pour éviter que des gens, parfois,
transforment des demandes d'accommodement en motif... et on a quelques images en
tête aussi, mais...
M. Jolin-Barrette : Mais le critère de cette analyse-là, c'est un
critère subjectif au niveau de la personne qui fait la demande, au
niveau de la croyance raisonnablement sincère. Ce n'est pas la personne qui
reçoit la demande qui va évaluer ça, au niveau de la croyance sincère de ça.
Mme Vallée : C'est certain que le critère est subjectif, et
c'est ce qui nous amène... Tout à
l'heure, un peu plus tôt, je parlais avec notre collègue
de Saint-Jérôme, qui me demandait, bien, tu sais, à savoir est-ce qu'on y va de
façon plus générale ou est-ce que la demande
d'accommodement, c'est du cas par cas. Bien, c'est justement,
c'est une des raisons qui nous
amènent à devoir y aller du cas par cas, parce que je ne peux présumer
du sérieux d'une demande formulée, que vous
pourriez me formuler, encore faut-il voir dans quel... Et il y a
des éléments, évidemment, subjectifs dans tout ça.
C'est certain
que ce n'est pas tout blanc, ce n'est pas tout noir. On est dans les zones de
croyances personnelles ou, parfois, de non-croyance. Rappelons-nous
l'histoire de la prière au Saguenay. Il s'agit là de personnes athées qui contestaient une pratique mise en place par le
conseil municipal et qui disait : La pratique actuellement en place, qui est celle de
réciter la prière, vient heurter mon droit en tant que non-croyant, ma liberté
de conscience. Et c'était une demande sincère formulée par des gens qui considéraient que leurs droits étaient violés,
et la Cour suprême, ultimement, a donné raison.
M. Jolin-Barrette : Oui, le
jugement de la Cour d'appel était très intéressant aussi...
Mme Vallée : Non, je comprends, je comprends, mais... Et c'est
certain que, dans ces dossiers-là, il faut vraiment évaluer la demande dans le contexte particulier
dans lequel elle est présentée, en fonction de la personne, parce qu'on parle ici de droits individuels
versus le droit collectif et la règle, la norme, qui, selon le demandeur, porte
atteinte aux droits individuels.
• (12 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Puis, juste avant de céder la parole à mon collègue
de Gouin, tout à l'heure vous avez abordé la question du répondant
dans les différents organismes publics. Donc, je comprends que l'objectif,
c'est que vous dites : Bien, il va y
avoir un répondant identifié, qui, lui, à l'intérieur de l'organisme public, va
prendre le guide qui va être développé...
bien, en fait, qui va être inspiré du provincial, va s'inspirer également
du guide de l'organisme en question. Et là, lui, ça va être lui qui va être chargé d'analyser les demandes au niveau du caractère raisonnable, au
niveau de tous les critères
que vous avez à l'article 10 au niveau de la demande d'accommodement.
Mme Vallée : En fait, à l'article 14, on verra
qu'il y aura dans chaque organisme une personne qui sera désignée. Donc, la personne qui a la plus haute autorité
sera responsable de... pardon, le répondant, excusez-moi, là, j'étais
dans le texte tel qu'il est actuellement. Il y aura un responsable dans chaque
organisme chargé de traiter les demandes d'accommodement,
au même titre qu'on a un responsable actuellement qui est responsable des demandes sur la loi
sur l'accès à l'information. Donc, dans chaque organisme, on aura une personne responsable
qui verra à l'application au nom de
l'organisme. Donc, on ne personnalise pas la fonction, ce n'est pas M. le député de Borduas qui est responsable. C'est plutôt l'organisme pour lequel M. le député de Borduas travaille qui verra à identifier une personne,
qui peut être M. le député de Borduas, mais qui pourrait être une tierce personne
chargée d'analyser les demandes en fonction évidemment des outils qui
seront élaborés puis en fonction également de la disposition que nous pourrions
adopter.
M. Jolin-Barrette :
...comme sur la loi à l'accès à l'information, le répondant ultime, c'est le ministre
qui est responsable pour les demandes d'accès à l'information.
Mme Vallée :
Tout à fait, tout à fait. Tout à fait.
M. Jolin-Barrette :
Puis c'est lui qui délègue, qui approuve.
Mme Vallée : Et c'est celui aussi qui pose les questions
lorsque des situations étranges sont portées à son attention.
Le Président (M.
Ouellette) : C'est aussi celui qui répond.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça.
Mme Vallée :
Oui.
M. Jolin-Barrette :
Parfait.
Le Président
(M. Ouellette) : Ça va?
M. Jolin-Barrette :
Pour l'instant, ça va, M. le Président.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Bien, je pense qu'on peut avoir nos désaccords
entre partis sur la question des accommodements raisonnables ou
religieux, tout ça, mais en tout cas j'espère qu'on s'entend au moins sur l'importance
qu'il y ait une cohérence. Puis je pense
que, dans le cadre des travaux de la commission Bouchard-Taylor, il y a quelques années,
c'était ressorti assez clairement
qu'il y avait vraiment, dans la société québécoise, une volonté que les choses soient
clarifiées puis qu'il y ait des balises
claires. Donc nous, c'est sûr qu'on salue, en tout cas, à tout le moins
le fait que, dans le projet de
loi, il y ait... en tout cas cette volonté-là soit reflétée de mettre en place des balises qui
seraient celles qui s'appliqueraient à l'ensemble
des institutions publiques au Québec. Puis on espère que ça
pourra contribuer à enlever de la pression sur les responsables
d'organismes qui doivent gérer ces demandes-là.
Je comprends la volonté de la ministre de ne pas vouloir entrer dans trop de détails
empiriques, sa volonté de ne pas vouloir
être trop spécifique dans son projet
de loi, considérant que ce n'est pas
la nature d'une loi comme celle-ci puis que ce serait de toute façon beaucoup trop long. Mais j'ai des questions. Puis c'est peut-être
parce que je suis nouveau dans le dossier, mais j'ai entendu beaucoup la
notion de guide, qui serait fourni, donc, aux organismes publics, et j'essaie
de réfléchir à comment, concrètement, ça va s'appliquer.
C'est-à-dire, prenons
le cas des commissions scolaires. Il y a plusieurs dizaines de commissions
scolaires au Québec. Si je comprends bien la ministre,
il y aura des guides qui seront produits pour l'ensemble du secteur, donc
pour toutes les commissions scolaires du Québec. Ou est-ce que ça sera les commissions scolaires, pour rester dans mon exemple, qui produiront
chacun leur guide? Parce que moi, je conçois mal une situation où une demande
d'accommodement serait... une même demande
ou une demande de même... qui se ressemble beaucoup, serait acceptée dans
une école de Montréal mais serait refusée dans une école du Lac-Saint-Jean. Donc, est-ce que ces guides-là vont... Donc, quand on dit un guide par organisme, est-ce que c'est, dans
l'exemple que je donne, un guide par commission
scolaire ou c'est des guides,
pour rester dans mon exemple, pour l'ensemble des commissions scolaires?
Mme Vallée :
Ce que j'ai expliqué tout à l'heure à notre collègue, c'est que chaque
organisme va traiter de la demande qui lui est formulée.
M. Nadeau-Dubois :
Bien sûr.
Mme Vallée :
D'accord. Ça, on s'entend. Mais on a déjà établi qu'on souhaitait, une fois le
projet de loi adopté, travailler en fonction des différents secteurs
pour que les secteurs, par exemple le secteur de l'Éducation, travaillent en
collaboration avec les commissions scolaires, la Fédération des commissions
scolaires, pour établir un guide.
L'objectif, c'était
de ne pas établir en amont un guide sans avoir d'abord consulté les principaux
intéressés et s'assurer de répondre à leurs
besoins. Parce que certaines commissions scolaires, par exemple à Montréal, ont
des besoins ou
ont des réalités bien spécifiques, et peut-être que certaines commissions
scolaires ont déjà élaboré certains outils qui pourraient être mis à contribution ou bonifiés par le dépôt du projet de
loi. Donc, l'objectif, c'est d'établir des guides et des politiques par secteurs qui vont aider les
acteurs, mais c'est aussi, pour y arriver, de consulter les acteurs pour
bien répondre... s'assurer de bien répondre à leurs besoins.
En fait d'exemple, je
n'ai pas de copie papier, mais, je vous dirais, il y a actuellement un guide
plus général préparé par la Commission des droits de la personne et de la
jeunesse. On y a fait référence lors des consultations. C'est un guide qui est d'application générale, qui est vraiment très
large, qui donne une... qui permet d'accompagner un organisme qui fait face à une demande. La ville de
Montréal a aussi un guide sur les demandes d'accommodement, qui pourrait
peut-être inspirer les gens. Et je ne dis pas ça... Encore une fois, ce n'est
pas une énumération exhaustive. L'objectif, ça va être d'en développer, mais ça
peut servir de base.
M. Nadeau-Dubois :
Oui, bien, c'est ça, je comprends, là, l'effort de concertation puis
dire : On ne peut pas développer en
haut lieu des guides puis, après ça, arriver sur le terrain puis ça ne
correspond pas à la réalité. Ça, je comprends la préoccupation, je pense qu'elle est absolument légitime. Mais, pour
revenir à mon exemple... Parce que, là, je comprends, ça va être fait en concertation, pour rester dans
mon exemple, donc, entre les différentes commissions scolaires, mais
est-ce que... Et je comprends qu'il y aura
dans chaque commission scolaire une personne responsable de prendre la
décision finale d'accorder ou non
l'accommodement. Ça, je le conçois très bien. Mais ma question, puis je veux
juste être sûr d'avoir une réponse
précise, c'est que, pour rester dans l'exemple des commissions scolaires, il y
aurait un guide de produit pour l'ensemble des commissions scolaires du
Québec. C'est ce que je comprends.
Mme Vallée :
L'objectif, c'est ça, c'est développer des outils pour l'ensemble des
partenaires, mais, pour y arriver, on
va consulter et pour permettre par la suite à chaque partenaire de traiter les
demandes qui leur sont présentées. Donc, ce n'est pas de dire : Il y aura autant de guides qu'il y a de
commissions scolaires au Québec. Mais c'est d'avoir un guide pour le milieu de l'éducation auquel vont pouvoir
se référer les commissions scolaires. Mais la consultation est
nécessaire parce que les besoins sont
diversifiés. Il y a peut-être des commissions scolaires qui n'ont jamais ou qui
ont eu très peu de demandes d'accommodement, jusqu'à présent, mais qui,
en raison du changement démographique, sont confrontées à des nouvelles réalités et qui auront besoin de développer de nouveaux
outils aussi. Et il existe actuellement... Par exemple, le cégep Édouard-Montpetit a déjà un guide pour
l'étude d'une demande d'accommodement raisonnable pour le motif religion. Alors, il y a des organismes qui
travaillent déjà à élaborer ou qui ont déjà mis en place des guides parce
qu'ils sont au quotidien, dans leur réalité, confrontés à ces demandes-là, puis
il y a d'autres commissions scolaires qui n'ont absolument rien.
M. Nadeau-Dubois :
On s'entend qu'étant donné qu'il y aura un travail de concertation qui va être
fait à l'intérieur de chaque secteur,
c'est possible que ces balises-là, locales, soient appelées à changer, si elles
ont été appliquées dans une institution
donnée et que, là, il y a des nouvelles directives données au niveau de la
commission scolaire, par exemple, ou du réseau des cégeps. Ça pourrait donc faire changer les balises qui sont
déjà appliquées dans chaque institution pour qu'on s'assure que
dorénavant ce soit cohérent.
Parce
que, je reviens sur la préoccupation, bon, qui est celle de ma formation
politique, mais, je pense, qui est celle de beaucoup de gens au Québec, au-delà des divisions, qu'il y ait une
logique puis qu'il y ait une cohérence à l'intérieur, au minimum, là,
c'est vraiment un minimum, de chaque secteur. Donc, pour prendre l'exemple que
vous mentionnez sur le cégep
Édouard-Montpetit, c'est possible qu'à travers le travail de concertation le
cégep Édouard-Montpetit soit appelé à
changer ses règles. Et je ne les connais pas, là, je ne présume pas qu'elles
sont mauvaises. Mais, dans ce travail-là de concertation, il y a une possibilité que ça change, dans un cégep donné,
pour que dorénavant tous les cégeps fonctionnent selon les mêmes règles,
donc qu'un accommodement qui a été accepté au départ ne le soit plus, par
exemple.
• (12 h 20) •
Mme Vallée :
Oui, bien, c'est possible que les règles... C'est sûr qu'en fonction du texte
que nous avons... Parce que l'article 10 prévoit quand même des
critères d'analyse qui, actuellement, ne sont pas codifiés. Donc, à partir du moment où on adopte un projet de loi qui vient
établir l'analyse ou les critères d'analyse d'une demande, c'est certain
que, si les guides n'ont pas été élaborés en
fonction de ce projet de loi là, bien, les organismes publics vont devoir
adapter le traitement des demandes à la loi que nous aurons adoptée.
M. Nadeau-Dubois :
Et donc il y a des accommodements qui auraient pu être accordés en fonction des...
enfin, des accommodements qui auraient pu
être accordés ou refusés en fonction des précédentes règles qui pourraient
dorénavant être acceptés ou refusés en fonction des nouvelles règles issues des
nouveaux guides élaborés en concertation.
Mme Vallée :
Effectivement.
M. Nadeau-Dubois :
Parfait.
Mme Vallée :
Parce qu'actuellement c'est... Les tribunaux, la jurisprudence a évolué, la
jurisprudence continue d'évoluer
aussi et a défini certaines normes. Mais c'est certain que les demandes
d'accommodement, actuellement, pour motif
religieux sont traitées cas par cas. Dans certains cas, la demande ne fait pas
l'objet d'une contestation judiciaire, mais,
dans d'autres cas, les demandes sont portées devant les tribunaux, et une
interprétation... Donc, il y a vraiment... C'est sûr que ce projet de
loi là vient changer la donne parce qu'il propose et met en place des critères
d'analyse qui actuellement sont laissés, je dirais, à la discrétion des
organismes publics.
M. Nadeau-Dubois :
Et donc, en fait, ce que j'essaie d'établir ici avec vous ce matin, c'est qu'on
n'est pas dans une logique de cran d'arrêt où, parce qu'une demande
accommodement aurait été adoptée, elle ne pourrait pas être éventuellement
retirée suite à l'élaboration de nouveaux guides. On n'est pas dans cette
situation-là.
Mme Vallée : Non, non.
M. Nadeau-Dubois : Parfait.
Merci.
Le Président (M. Ouellette) :
Bon, le premier tour de roue est fait. Bien, je pense que ça nous situe dans un
premier temps. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le premier tour de
roue? Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Oui. M. le Président, ce qui se dégage des conversations qu'on a, je vais les
appeler comme ça, c'est qu'on sent le
besoin d'une cohérence et d'une uniformité. Les organismes sont venus nous voir
aussi pour nous dire : Écoutez,
il faut absolument qu'on ait des balises claires. On en a dans la loi.
Maintenant, tout ça va être réinterprété à travers des guides. Donc, la question, c'est : Est-ce
qu'il y aura... La ministre fait souvent référence au guide de la CDPDJ,
qu'on a vu. Moi, je connais ce guide, je
l'ai cité déjà pendant les audiences. J'y reviendrai. Mais est-ce que c'est la
CDPDJ qui va... La CDPDJ, la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse — je
suis tellement habituée à le dire d'une
traite, CDPDJ — est-ce
que c'est la CDPDJ qui va produire le guide initial? Comment on va travailler?
C'est important pour moi pour la suite des choses.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : En fait,
non. Actuellement, le travail est actuellement mené par le ministère de la
Justice. L'objectif, c'est que le ministère
de la Justice mette en place les travaux de coordination avec les ministères
par secteurs. Alors, c'est l'angle
qui a été pris. Évidemment, comme je l'ai mentionné, on ne pouvait pas... on ne
peut pas amorcer le travail tant et
aussi longtemps qu'on n'a pas de projet de loi pas, parce que ce serait
peut-être un petit peu présomptueux et prématuré,
mais je sais que notre volonté est de travailler en collaboration avec les
ministères donc et d'élaborer. Donc, il s'agirait d'orientations et de politiques qui émaneraient des ministères
conjointement. Par exemple, il pourrait s'agir du ministère de la
Justice et du ministère de l'Éducation qui travailleraient avec les organismes
pour élaborer des guides conformes à leurs
besoins. Même chose, par exemple, pour le milieu municipal. Alors, on a déjà...
puis j'en avais parlé, on a déjà
proposé au milieu municipal de mettre en place un comité auquel pourraient
participer les unions municipales, la FQM,
l'UMQ, les grandes villes, pour travailler en collaboration avec le ministère
des Affaires municipales et le ministère de la Justice à l'élaboration
de ces politiques et de ces guides-là puis à l'élaboration aussi d'une mise en
oeuvre du projet de loi.
Mme Maltais :
Je crois encore qu'il doit y avoir une politique gouvernementale nationale. La
ministre nous dit : Oui, mais mes balises sont dans la loi, c'est
fort.
J'ai aussi,
au fil du temps, développé parfois... développé carrément, pas développé
parfois, j'ai, au fil du temps, développé
une certaine — je vais
le dire comme je le pense — appréhension quant à la vision qu'a la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
quant aux accommodements raisonnables ou non. D'ailleurs, ce guide, je
l'ai souligné, contient une phrase assez
étonnante pour moi, par exemple, qui dit que, quand on veut... C'est une des
raisons qui fait que je vais vous proposer
quelque chose, là. Comme quoi parfois on pense faire un bon coup en donnant le
blanc-seing à des organisations, mais on
réalise qu'après il y a peut-être des éléments qu'on aurait questionnés. Dans
le guide, dans les exemples
illustrant la discrimination directe, quelqu'un qui fait de la
discrimination : «Refuser de se faire servir par un agent d'État qui porte un signe religieux.» On
considère, je l'avais déjà noté, que c'est... pour la CDPDJ, c'est une
discrimination fondée sur la religion, mais
elle ne considère pas que c'est de la discrimination de refuser de se faire
servir par une femme, par exemple. O.K.? Donc, il y a là-dedans, des
fois, des éléments questionnables.
Je vais faire référence à un moment que j'ai
vécu dans ma carrière politique, où... D'ailleurs, mon collègue le président de cette commission va sûrement avoir
certains sourires. Je vais faire référence à quand nous avons adopté la Loi éliminant le placement syndical et visant
l'amélioration de l'industrie de la construction. Ça a été adopté le
2 décembre 2011, donc, sous un
gouvernement libéral, donc ce n'était pas un gouvernement du PQ, un
gouvernement libéral. Ce n'était pas non plus un gouvernement
minoritaire, c'était un gouvernement majoritaire. Et qu'est-ce qu'on retrouve
comme articles dans cette loi? Suite à
toutes les questions qui étaient posées sur comment va se dérouler maintenant
le placement syndical, le
gouvernement avait accepté ceci. Dans l'article 76, on parle du... «Le
premier règlement du gouvernement pris en
vertu [...] des nouvelles dispositions [...] n'est pas soumis à l'obligation de
publication...» Il n'y avait pas d'obligation de publication. Mais, malgré l'article de cette loi, le premier règlement
pris en application du paragraphe 8.6° du premier alinéa de l'article 123 de la Loi sur les relations
du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre
dans l'industrie de la construction — le titre de la loi — doit toutefois faire l'objet d'une étude par
la commission compétente de
l'Assemblée nationale avant son adoption par le gouvernement. Donc, tout le
monde s'était entendu que le débat ayant été vigoureux, tout le monde avait trouvé un terrain d'entente, puis on
avait dit, bien, que le premier guide, à l'époque le premier règlement,
soit soumis à la commission parlementaire.
Ce qui est assez
étonnant, et là c'est une belle anecdote parce que le président de la
commission actuellement y est intimement mêlé, il était... Quand je suis
devenue ministre du Travail, et je suis la première à avoir déposé ce règlement, donc c'était une idée sous le
gouvernement libéral, mais jamais il n'a été chargé d'appliquer cet article de
la loi, mon critique,
à l'époque, au Travail était notre actuel président de la Commission des
institutions et il avait fortement insisté
pour que ce règlement vienne devant la commission parlementaire. Eh bien, quand
on avait tenu cette commission parlementaire — je le
vois me sourire — on
s'était tout à fait entendus sur la qualité du règlement, et j'avais même, comme ministre, accepté des modifications à la
suggestion des oppositions. Bien, ce règlement, finalement, qui avait
suscité beaucoup d'encre et de salive, avait
fini par se faire adopter à l'unanimité. Donc, on avait, via cet article de
loi, rassuré tout le monde, puis tout
le monde s'était entendu sur le final. Puis on était même un gouvernement
minoritaire, ce qui veut dire que, si
l'opposition avait été contre, ils l'auraient rejeté. Mais ça avait été une
opération d'une totale transparence. Bon, il y a eu quelques séances houleuses, au bleu, qui est différent, mais en
commission... J'avais même gagné, de la part des collègues de Lévis, un
dessert. Enfin, c'était une anecdote.
Donc, est-ce qu'on
pourrait se dire que le guide par secteurs serait déposé pour examen, si
nécessaire, à la commission afférente ou
bien à la Commission des institutions? Moi, j'aime mieux la Commission des
institutions, mais ça pourrait être,
par exemple, en santé, à la commission à la santé, ou bien ça vient à la
Commission des institutions. Mais ça, ça
pourrait faire qu'il y ait une discussion, un débat, dans le même ton qu'on a
là, hein, d'ailleurs, on a... Sur ce débat-là, il n'y a pas grand problème puisque, je vous le dis,
ce qu'on est en train d'améliorer, c'est, tel quel, le texte qui était
dans le projet de loi n° 60. On est en train de bonifier, pour moi, ce qui
avait déjà été une première étude, une première approche. Il n'y a
pas de combat politique autour de ça, de notre côté. Est-ce qu'on pourrait se dire, si tout le
monde sent que ça pourrait être intéressant, que, de fait, de ramener le
guide pourrait rassurer les parlementaires? Je pense qu'au lieu de demander que ce soit le gouvernement... Je peux
comprendre que le gouvernement ne veut pas faire une politique
nationale, mais politique par
secteur, c'est compliqué, on va faire du cas par cas. Est-ce que,
tout simplement... Moi, ce qui me rassurerait beaucoup, c'est qu'on inclue dans la loi que le guide sera
déféré à la Commission des
institutions pour examen. Je n'ai pas
dit «pour adoption», j'ai dit «pour examen», contrairement à l'époque où
il fallait que ce soit... Non, c'est une étude avant son adoption
par le gouvernement. Je ferais la même chose, tout simplement pour examen, pour étude. C'est ma proposition. Je réfère à quelque
chose que nous avons déjà vécu qui avait finalement donné de très bons résultats.
Proposition, ici.
• (12 h 30) •
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Maltais : Comme c'est une proposition inusitée, mais qui
a déjà été utilisée à l'Assemblée
nationale, je ne suis pas sûre...
Je veux vraiment que la ministre y réfléchisse.
Le Président
(M. Ouellette) : Oui.
Mme Vallée :
Oui, bien, en fait, en fait, j'y réfléchis, mais il y a une distinction parce
que je dois dire que la question du placement syndical est un exemple, mais il
y a eu également le règlement d'application du projet de loi n° 35.
Donc, mon prédécesseur, le ministre
St-Arnaud, avait, à l'époque, déposé un projet de loi pour permettre aux
personnes trans de procéder au changement de sexe sans... vraiment c'est...
sans nécessiter d'avoir la chirurgie de réassignation. Mais il y avait
nécessité d'adopter un règlement. Nous avons également, devant la Commission
des institutions, procédé... J'avais déposé un projet de règlement, la Commission
des institutions a procédé à l'étude, ce qui a mené éventuellement à une modification
substantielle du projet de règlement.
Mais
ce qui m'a quand même frappée, dans l'exercice, c'est que parfois, en
souhaitant bien faire, on rend les choses plus complexes. C'est-à-dire que l'étude ou la présentation devant la
commission est toujours tributaire du menu législatif. Et est-ce qu'on ne retarderait pas la mise en
oeuvre du projet de loi si on devait attendre qu'une politique soit étudiée
par les commissions parlementaires? Je pose
la question, mais... Et il y a deux éléments. D'une part, que le processus
réglementaire soit soumis à une certaine
consultation des parlementaires, c'est une chose, parce que le processus
réglementaire prévoit une consultation, une prépublication, donc c'est
différent de l'élaboration de guides et de politiques, qui se font bien souvent...
qui se font sans nécessiter de consultation, donc qui permet des mises en oeuvre plus
rapides, qui permet à un projet de
loi d'atterrir de façon
plus simple. Alors, je ne crois pas qu'il soit de notre intention de reporter
indéfiniment la mise en oeuvre du projet de loi.
Soyons
aussi réalistes, il nous reste... nous avons devant nous deux sessions parlementaires, nous avons devant nous un
échéancier électoral, et les délais... Et là je n'impute aucun, aucun motif à
qui que ce soit, mais, la réalité étant ce qu'elle est, on a parfois de superbes intentions puis on
souhaite en faire beaucoup, mais malheureusement force est de constater qu'on a très peu de temps en commission parlementaire, finalement. Bien qu'on passe bien des heures ici, quand on
regarde le calendrier, on n'a pas le... il
me semble qu'il nous manque de temps pour pouvoir traiter de tout ce qu'on
souhaite traiter.
Puis,
à la Commission des institutions, je suis aussi consciente que c'est une
commission qui est très occupée, très sollicitée non seulement par moi, mais
aussi par d'autres collègues. Je ne voudrais pas que nos bonnes intentions
nous amènent devant une situation où on retarde, en raison du processus, en
raison du calendrier, une mise en oeuvre d'un projet de loi qui est attendu.
Ceci dit...
Mme Maltais :
Attention, M. le Président, je veux juste dire que je ne mets pas l'adoption de
la loi ou la mise en oeuvre de la loi
en question via cette demande. Tout ce que je demande, c'est qu'avant que le
guide devienne approuvé par le gouvernement... la loi, elle va
fonctionner, mais que le guide soit déposé devant la Commission des
institutions, qui pourra, à ce moment-là, l'examiner, par exemple, en séance de
travail. En séance de travail, ça ne dépend plus du gouvernement, ça dépend du président de la commission et des collègues,
c'est beaucoup plus simple, et à ce moment-là les délais se règlent vite. De toute façon, un délai,
ça se met aussi dans un amendement, que je vais déposer bientôt. Donc,
ce n'est pas l'intention de retarder ni la
loi ni le guide. Si on fait ça en séance de travail, c'est réglé. Proposition.
Je cherche un terrain, là.
Mme Vallée :
Écoutez, évidemment, on n'a pas encore le texte qui sera proposé et...
Le Président (M. Ouellette) :
On aura le temps, entre 13 et 15, de le regarder comme il faut.
Mme Vallée : Pas tout le
monde n'a le même temps à sa disposition, là, mais...
Le
Président (M. Ouellette) : Non, non, je suis d'accord, mais il y aura des gens qui pourront se
pencher un peu plus à fond.
Mme Vallée : Mais c'est
un peu... Je comprends. Puis je sais que, lorsqu'on est devant des situations
ou des projets de loi particuliers, parfois on arrive avec des propositions
particulières aussi dans la façon de les aborder. Je reconnais qu'il nous est arrivé et qu'il nous arrive parfois ici, entre
parlementaires, de mettre en place des façons d'analyser, de proposer,
de regarder des enjeux qui ne sont pas habituelles.
Pour ce qui
est des politiques, écoutez, je ne veux pas d'emblée repousser la demande de ma
collègue, je veux juste qu'on
s'assure d'une façon qui sera une façon de travailler qui ne va pas alourdir
une démarche. Parce que, déjà, c'est quand même particulier, il y a déjà
plusieurs ministères d'impliqués dans l'éventuelle mise en oeuvre et il y aura
plusieurs organismes d'impliqués. Donc, déjà, il y a du temps, il y aura du
travail, il y aura de la concertation, de l'écoute, et tout ça, évidemment, en
ayant comme grandes lignes la jurisprudence et la loi que nous aurons adoptée
et fignolée.
Mme Maltais :
M. le Président, si vous permettez, ce que je vais faire, c'est qu'on va
travailler sur l'amendement pour qu'il réponde à l'esprit, puis là on
verra si on trouve un terrain d'entente.
En attendant,
je vais en déposer un autre parce que j'ai entendu la Fédération des médecins
spécialistes nous dire qu'un des problèmes qu'il y avait était que les
gens, parfois, refusaient de se faire servir par des professionnels de la santé en fonction de leur orientation sexuelle. Je
parle bien de l'orientation sexuelle pressentie ou préconçue de la
personne qui donne la prestation de
services, hein? C'était vraiment clair, elle dit : Écoutez, il y a des
gens qui refusent de se faire servir des médecins parce qu'ils
disent : Je n'aime pas son orientation sexuelle. C'était clairement comme
ça que Mme Francoeur a parlé dans les médias. J'ai immédiatement
écrit : Bien, écoutez, à ce moment-là, on proposera un amendement.
Je dépose cet amendement, qui est simple, c'est,
article 10 : Modifier l'amendement en ajoutant, à la fin du
paragraphe 2°, ce qui suit : «et la diversité sexuelle».
Donc, le texte modifié donnerait ceci :
«2° que
l'accommodement demandé respecte le droit à l'égalité entre les femmes et les
hommes et la diversité sexuelle.» Déposé.
Le Président (M. Ouellette) :
Je vais suspendre quelques minutes.
(Suspension à 12 h 39)
(Reprise à 12 h 56)
Le
Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux, juste pour vous dire qu'on est présentement sur un sous-amendement déposé par Mme la députée de Taschereau
qui va nécessiter une plus grande consultation de la part des légistes du ministère.
Donc, compte
tenu de l'heure, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures, oui, je
vais suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures. On reprend dans cette
salle, ici, à 15 heures, cet après-midi. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
(Reprise à 15 h 11)
Le
Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
des institutions reprend ses travaux.
Je demande à toutes personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Je nous rappelle que la commission est réunie
afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse
de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements
religieux dans certains organismes.
Avant la
suspension de nos travaux cet avant-midi, nous en étions à l'étude d'un
sous-amendement déposé par Mme la députée de Taschereau qui visait à
rajouter, au deuxième paragraphe de l'amendement déposé par Mme la ministre, les mots «et la diversité sexuelle», qui
a amené, au cours des dernières heures, des vérifications étendues et
très intenses auprès des légistes. Et je vais donner la parole à Mme la députée
de Taschereau.
Mme Maltais :
Merci, M. le Président. Même si nous avons eu quelques conversations sur
l'heure du dîner afin d'arriver à une
meilleure interprétation possible de l'amendement que je propose ou de son
écriture, je trouvais important que j'énonce un peu les raisons pour lesquelles je
dépose cet amendement, puis après entendre les réactions de la ministre
sur le libellé de cet amendement.
Écoutez, j'ai
écouté avec attention la présidente de la Fédération des médecins spécialistes
du Québec, Mme Diane Francoeur,
qui a donné de nombreuses entrevues, qui réclamait des balises sur les
accommodements dits... ayant pour motif la religion. Évidemment, elle l'a dit en commission parlementaire quand
elle est venue ici en auditions, elle l'a dit aussi en entrevue,
l'égalité entre les hommes et les femmes est un point, parfois, d'achoppement
dans les relations entre les médecins et les personnes qui viennent se faire
traiter parce que les personnes qui viennent de l'extérieur, en grande
majorité, pas seulement et uniquement, mais les personnes qui ont immigré au
Québec ne sont peut-être pas toujours habituées
à cette valeur fondamentale qu'il y a au Québec qui est l'égalité entre les
hommes et les femmes et, là-dessus, l'espèce,
je dirais, de crispation de la société québécoise quand on s'y attaque ou quand
on ne réagit pas correctement à cette notion qui est inscrite dans notre
Charte des droits et libertés. L'égalité entre les hommes et les femmes, c'est
vraiment un élément extrêmement important dans les relations entre Québécois et
Québécoises, c'est majeur.
Alors, dans
la discussion qu'elle avait là-dessus, elle a ajouté : Mais, si vous
saviez comment il y a aussi des gens qui ne comprennent pas toute la
Charte des droits et libertés et qui vont questionner, quand arrive le médecin
ou la femme médecin, ou l'infirmier ou
l'infirmière, vont parfois questionner le fait de devoir être traité par
quelqu'un qui serait peut-être d'une autre orientation sexuelle. J'étais
assez étonnée. Mais évidemment on comprend, encore une fois, qu'ici nous avons une société qui a évolué dans un
sens très libertaire de ce côté-là, très égalitaire, mais que ce n'est
pas tout le monde qui s'y est encore adapté, à cette réalité.
Donc, ce
qu'elle disait, c'est : Pouvez-vous nous aider à donner des balises? Ce
n'est pas seulement l'égalité entre les
hommes et les femmes auquel on fait face, et de façon violente parfois, c'est à
notre diversité sexuelle. Alors, c'est pour
ça que j'essayais d'amener cet élément-là, pour qu'on essaie de donner des
balises aux médecins, aux directions qui ont à vivre ces situations,
directions d'établissement.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Oui. Et, M.
le Président, je dois vous dire, et nous avons eu des échanges hors micro, je
pense qu'autour de cette table on est tous...
on a été plusieurs à participer à l'étude du projet de loi que j'ai déposé l'an
dernier, qui visait justement à assurer une
égalité pour les membres issus de la
diversité sexuelle, parce que nous avons introduit à la charte québécoise, à titre de motif de discrimination, toute distinction faite en lien avec l'identité
de genre et l'expression de genre.
Donc, je comprends très bien. Et même, au Québec, même au sein de la population
québécoise, et on l'a d'ailleurs évalué,
parce que des sondages nous l'ont démontré, il y a encore du progrès à faire.
On a fait du progrès, on a beaucoup cheminé, mais il reste encore du
progrès à faire. Et il y a encore des membres issus de la diversité qui font
l'objet de discrimination encore plus forte
que d'autres membres de la diversité, je pense entre autres aux personnes
trans. Donc, je comprends la
préoccupation d'assurer le respect de la dignité des individus. Puis d'ailleurs
c'est l'objectif qui est visé par l'article 10.2°, c'est-à-dire, de
respecter le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est que la
demande doit respecter, en gros, le principe
de la dignité humaine. On ne doit pas, sur un principe... pour un motif
religieux, indirectement porter atteinte à la dignité humaine d'une
autre personne.
Il est quand
même important de rappeler... puis je le rappelle, puis ça ne vient pas changer
ce dont nous avons discuté hors
micro, mais je pense que c'est tout à fait opportun d'indiquer et de rappeler
que la Loi sur les services de santé et
les services sociaux, à son article 6, prévoit que «toute personne a le
droit de choisir le professionnel ou l'établissement duquel elle désire recevoir des services de santé
et des services sociaux». Donc, si moi, en tant que femme, je suis plus
à l'aise d'avoir un médecin femme, je peux faire la demande. Même chose...
Alors, ce principe-là existe. Ce n'est pas une question religieuse, ce n'est
pas en lien avec un motif religieux, c'est un droit qui est prévu par une
disposition législative. Et cette même
disposition législative fait aussi référence à la liberté du professionnel dont
on a discuté hier. Rien dans la présente loi ne limite la liberté d'un
professionnel d'accepter ou non de traiter une personne. Alors, ça, c'est pour
la base.
Maintenant, notre collègue nous avait proposé un
sous-amendement de façon... là, je ne sais pas, il n'a pas été déposé de façon...
Une voix : ...
Mme Vallée : Il a été
déposé? D'accord.
Le Président (M. Ouellette) :
Il est déposé, on en discute.
Mme Vallée :
Donc, nous a présenté le sous-amendement qui fait référence à la diversité
sexuelle. La diversité sexuelle, elle se décline de bien des façons.
Moi, je vous proposerais, puis j'en ai discuté avec la collègue, qu'on fasse plutôt référence au droit de toute personne
d'être traitée sans discrimination, et donc faire référence au droit de
chacun à la dignité humaine. Le
sous-amendement qui pourrait être présenté par notre collègue, à mon avis,
serait plus inclusif si on faisait
ainsi référence au droit de toute personne d'être traitée sans discrimination,
ce qui inclut l'ensemble des motifs de discrimination
qui sont déjà prévus à la charte. Donc, on ne peut discriminer une personne en
raison de sa grossesse, en raison de
son identité de genre, de son orientation sexuelle, de sa race, de sa langue.
Bref, c'est beaucoup plus englobant.
Je comprends que notre collègue a abordé cette
question-là en lien avec les préoccupations soulevées par Dre Francoeur. En même temps, il pourrait y
avoir d'autres cas d'espèce qui incluent d'autres motifs de
discrimination.
Mme Maltais :
D'accord.
Mme Vallée : Donc, je propose ça puis je le lance pour
discussion avec les collègues. Dans
le fond, l'objectif, c'est qu'il n'y ait pas de discrimination dans notre société
et qu'on ne puisse, sous le prétexte d'une demande d'accommodement,
porter atteinte à l'intégrité d'une personne. Je pense que c'était la préoccupation
de notre collègue.
• (15 h 20) •
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Bien, moi, j'aimerais ça entendre, les collègues, qu'est-ce qu'ils en pensent.
Le Président
(M. Ouellette) : ...député de Borduas puis le député de Gouin.
Mme Maltais :
Étant donné que... Je pense que tout le monde comprend qu'il y a une meilleure
formulation, plus englobante, qui pourrait suivre.
Le Président (M. Ouellette) : Que vous nous avez fait le plaisir de partager
avec nous avant qu'on entre en ondes. M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Je comprends
l'objectif du sous-amendement, je n'y suis pas opposé. Par contre, sur le nouveau libellé, j'ai une question. Lorsqu'on
dit que l'amendement demandé «respecte le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes», ça,
c'est clair. «Ainsi que le droit de toute personne d'être traitée sans discrimination», bien, à la base, la charte
québécoise le prévoit déjà, donc on reproduit ce qui est dans la charte
québécoise, puis vous venez l'insérer dans
l'article 10. Parce que moi, là, supposons, là, que je suis professionnel
de la santé, supposons que je suis
infirmier, supposons que je suis infirmier puis qu'un patient me discrimine ou
vice versa, supposons que je suis un infirmier puis que je discrimine un
patient, bien, la charte s'applique déjà. Donc, mon fondement pour établir un recours, il est déjà là, j'ai été lésé dans mes
droits en vertu de l'article 10 pour un des motifs de discrimination
énoncés à cet article-là, là. Bref, on comprend. Alors, j'ai déjà mon motif, c'est
interdit déjà de me discriminer. Donc, l'article, en soi, il vient juste
réitérer, là.
Le Président
(M. Ouellette) : Oui, Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
J'aurais pu me dire la même chose à propos d'ajouter le mot «et diversité sexuelle».
Toutefois, faire une plainte en vertu de la charte, c'est long. Mais, quand tu
es sur place, dans un centre hospitalier, dans un établissement de santé, et que la personne te demande un accommodement
immédiatement, il faut que tu aies quelqu'un dans l'organisation qui dise rapidement si l'accommodement pour motif
religieux va être accordé ou pas. Et c'est à cause de la... Parfois, ce qu'on nous rapporte, c'est qu'il
faut... il y a des fois où la demande arrive puis qu'il y a comme une
réaction immédiate dans le système, il faut qu'il y ait une réaction immédiate
parce que l'accommodement se demande là. Quand
quelqu'un dit : Je ne veux rien savoir de me faire traiter par telle
personne, c'est là que ça se passe. Alors, c'est pour donner des balises claires aux gens dans les organisations, et non
pas pour redoubler ce qui existe déjà, là, qui est dans ce droit de porter plainte en vertu de la
charte, mais c'est pour faciliter la demande d'accommodement pour motif religieux. Vous dites vous-même, cher collègue,
que c'est nouveau, que ça crée une différence. Bien oui, dans le sens
que pas ça, mais le fait d'avoir une case
spéciale pour les accommodements pour motif religieux, c'est vrai, c'est
particulier, mais le problème, c'est que ça se passe sur le terrain, ça va
vite, puis les gens nous ont demandé de l'aide. Ça, ça fait longtemps que c'est
demandé. Alors, c'est pour ça que j'avais tendance à ajouter ça parce que,
spécifiquement sur ce point-là, les gens nous ont demandé de l'aide, de
spécifier ça. Ça vient du milieu.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Mais juste valider que c'est l'interprétation de
la ministre. Déjà, actuellement, la charte fait en sorte qu'on ne peut pas discriminer sur cette base-là. Exemple,
supposons que moi, je suis un patient puis, en fonction de mes convictions
religieuses, je suis face à un ou une médecin, supposons pour prendre un cas,
qui est homosexuel, et je dirais : Non, je ne veux pas être traité
par cette personne-là parce qu'elle est homosexuelle, alors déjà, par la
charte, le médecin homosexuel aurait des recours contre le patient pour
discrimination.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée : Tout à
fait. La charte le prévoit déjà,
comme la charte prévoit à son article 50.1 le respect du droit à l'égalité
entre les femmes et les hommes. On le retrouve au préambule, c'est là, c'est
clair. Je comprends aussi que la volonté de
notre collègue, exprimée par notre collègue, c'est de réitérer... On ne crée
pas du droit nouveau, là, on réitère un principe, mais qui pourra peut-être,
à sa face même, mieux guider ceux et celles à qui on présente une demande et
qui devront répondre à cette demande.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Alors,
pratico-pratique, là... Puis je comprends l'objectif, je suis d'accord.
Mme Vallée :
La charte protège déjà, oui.
M. Jolin-Barrette : La charte protège déjà. La députée de Taschereau
nous dit : Bien, c'est pour une application pratique, puis le
répondant qui va être présent sur les lieux va dire : Bien non,
voyez-vous, dans l'article 10 du projet de loi n° 62 c'est prévu
expressément, ce n'est pas un motif pour lequel vous pouvez demander un accommodement
religieux, ça fait que, non, c'est final bâton.
Mme Vallée :
Parce que ça implique une discrimination en lien avec l'orientation sexuelle du
médecin, par exemple.
M. Jolin-Barrette : Encore faut-il que le patient l'exprime et le
verbalise, donc il faut que ce soit très clairement
Mme Vallée :
L'ait exprimé, oui.
M. Jolin-Barrette : Mais, juste là-dessus, là la ministre
nous a cité, dans le fond, l'article 6 de la loi sur la santé et les
services sociaux, où le patient a toujours la possibilité de choisir son
médecin, alors...
Mme Vallée : Oui. Et ça, ce n'est pas une demande d'accommodement. C'est-à-dire que toute personne qui est dans un établissement de santé peut dire : Moi, je préfère être
examinée par un homme, par une femme, je préfère avoir tel médecin.
C'est certain que le choix du professionnel revient.
Mais
ici on n'est pas là-dedans, on n'est pas dans cet article-là.
Si j'ai bien compris notre collègue de Taschereau, on est dans une demande qui
dit... dans une situation où on dit : Je ne veux pas cette personne-là parce
que, suivant ma religion, je ne peux pas accepter d'être traitée par une
personne qui est homosexuelle, ou qui est trans...
M. Jolin-Barrette :
Ou qui est hétérosexuelle.
Mme Vallée :
...ou peu importe, là, oui, oui, on est...
M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord avec la ministre,
je suis d'accord
avec la députée de Taschereau. Par
contre, si on prend l'article 6,
en lien avec l'accommodement religieux, comment est-ce qu'on fait pour faire la
distinction entre les deux? Parce que
c'est ça, toute la question. Parce
que les gens, là, qui vont vouloir
utiliser l'exception religieuse, là, mais ils vont pouvoir utiliser l'article 6.
Mme Vallée :
En effet.
M. Jolin-Barrette :
Concrètement, c'est ce qui va arriver. Parce que, dans le fond, il ne faudrait
pas qu'ils verbalisent. Il ne faudrait pas
dire : En raison de mes convictions religieuses, je ne veux pas que ça soit M. le médecin, ou : En
raison de mes convictions religieuses, je ne veux pas que ça soit Mme la
médecin. Mais, s'il ne l'exprime pas verbalement,
bien là, à ce moment-là, ils vont utiliser l'article 6, puis on va se
retrouver dans la même spirale que Mme Francoeur décrivait.
• (15 h 30) •
Mme Vallée : Bien, en fait, l'article 6, ce qu'on
m'explique, c'est... il est plutôt d'application générale. Donc, j'arrive dans un établissement
et je dis : Moi, je préfère être examinée par une femme. Lors d'un examen
annuel, par exemple, on peut nous demander : Est-ce que
vous avez un malaise à être examinée par un homme, par une femme? Ça
arrive fréquemment qu'on se fait poser la question, là, et ça fait partie... Il
y a un tas de raisons qui peuvent amener quelqu'un à avoir un confort avec une
personne du même sexe ou une personne de sexe différent, tout dépend. Mais donc
c'est vraiment une question de dignité humaine. Puis c'est pour respecter ce
principe du respect de la dignité humaine que l'article 6 existe. Puis
c'est important pour moi de le dire parce que, d'entrée de jeu, ce droit-là
existe.
Je comprends, et l'amendement de notre collègue a été formulé dans un contexte où une personne va
demander spécifiquement à avoir un autre spécialiste, un autre médecin en
raison de ses croyances religieuses. Donc, plutôt que d'utiliser l'article 6 et dire : Moi, je préfère être
examiné par une femme ou par un homme, c'est : Moi, je ne veux pas ce médecin-là spécifique parce
que, selon moi... puis là ma collègue
me corrigera si j'ai mal interprété, mais on est dans une situation
où on formule une demande pour avoir un autre médecin ou un autre professionnel
du milieu de la santé en raison de la
qualité personnelle que l'on attribue à cette personne et on dit : Cette
personne-là, je crois, je sais ou je crois, peu importe, qu'elle
est homosexuelle, et mes convictions religieuses ne me permettent pas d'avoir
une relation professionnelle avec
cette personne-là. C'est comme ça que je l'ai compris, là. Et donc la demande
est formulée dans un contexte où on utilise
la religion, où sous le prétexte de l'accommodement pour motif religieux on demande d'exclure un
professionnel en raison de ses qualités personnelles,
en raison de ce que l'on croit ou de ce qu'est la personne, si la personne
s'identifie ou si la personne est une personne... par exemple, une personne
trans et que ça incommode une autre personne.
Alors,
l'objectif, c'est de protéger... L'article 6 de la loi
sur la santé, c'est pour protéger la dignité humaine du patient. Ici, ce que je comprends dans la proposition d'amendement, c'est aussi pour avoir un équilibre et protéger
la dignité humaine de celui ou celle
que l'on tente de tasser et de remplacer. Est-ce que je me trompe? Parce que,
là, je défends un amendement qui est amené par ma collègue puis je veux
juste m'assurer de...
Mme Maltais : Bien, je veux dire, M. le Président, là, on est dans des demandes d'accommodement pour motif religieux qui sont faites à un organisme, qui sont faites à un
organisme, on n'est pas, effectivement, comme dans un citoyen qui choisit son médecin et tout. On a une demande d'accommodement religieux faite à une organisation, et, dans cette demande d'accommodement,
sur le terrain, de façon pratique, parce que ça existe, il y en a, là, dans
cette demande d'accommodement, il y a un objet discriminatoire. Alors, ou bien on reste
soit sur l'article 6, qui ne règle rien, soit on reste sur la charte elle-même, qui ne règle rien,
ou bien on répond aux demandes des gens de la santé qui nous
disent : S'il vous plaît, amenez-nous un élément dans les balises qui vont
être données... — puis,
moi, les balises, c'est juste là que je les trouve, là, c'est à l'article 10
et 11 — alors,
dans les balises qui vont être données, donnez-nous un élément qui va nous
permettre d'empêcher que la discrimination envers notre personnel qui vit dans
une autre orientation sexuelle... soit
discriminé. C'est ce que j'essaie de faire. On l'élargit un peu. S'il y a
d'autres problèmes, dites-le. C'est clair, pourtant.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : ...je ne dis pas que ce n'est pas clair, mais je
dis... L'amendement implique autre chose aussi, des situations pratiques. Puis je suis assez
d'accord avec l'amendement de la députée de Taschereau, sur le fait de viser également la
discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, mais cet article-là aussi va
fonder la discrimination fondée sur la
grossesse. Exemple, quelqu'un qui se présente à l'urgence, en fait, ne pourrait
pas dire : Je ne veux pas être traitée
par une médecin femme parce qu'elle
est enceinte, ce serait une orientation... ce serait une discrimination
fondée sur la grossesse. Le sous-amendement couvre ça également, couvre tous
les motifs prévus à l'article 10 aussi.
Donc,
c'est déjà couvert par la charte. Mais je suis d'accord avec votre amendement
là-dessus, qu'on doit le baliser. Mais ma question... Ça inclut
l'ensemble des motifs de discrimination prévus, ce n'est pas fondé uniquement
sur l'orientation sexuelle. Par contre, ma question, c'est en lien avec
l'article 6, et ça, parce qu'on est dans le coeur, puis ça touche, bien, votre sous-amendement, Mme la
ministre, ainsi que le sous-amendement de la députée de Taschereau...
Mme Vallée :
Sous-amendement de la députée de Taschereau.
M. Jolin-Barrette :
...sous-amendement de la députée de Taschereau mais l'amendement aussi...
Le Président (M. Ouellette) : Non, non, mais c'est l'amendement de la ministre,
et il y a deux sous-amendements de Mme la députée de Taschereau qui
roulent, là.
Mme Maltais :
...il y en a un qui est sur la table, puis il y en a un qui n'est pas encore sur
la table.
Le Président
(M. Ouellette) : Il y en a un qui est sur la table puis il y en a
un autre qui est latent.
M. Jolin-Barrette :
Bien, moi, je vous parle du latent.
Le Président
(M. Ouellette) : O.K. Bon, bien, le latent, là, il appartient à
la députée de Taschereau.
M. Jolin-Barrette : O.K. L'objectif du sous-amendement de la députée de Taschereau, c'est pouvoir... c'est de permettre de régler sur l'instant du moment où ça
arrive, sur le «fly», comme on dit, que la personne qui est le répondant
à l'hôpital puisse dire : Écoutez, moi, j'ai ma grille d'analyse, là, puis on le
rajoute, puis ce n'est pas permis, dans
le fond, on ne vous accordera pas un accommodement fondé sur des préceptes religieux parce que vous croyez ça puis
c'est interdit vu que c'est fondé sur l'orientation sexuelle de la
personne.
Mais concrètement,
là, supposons qu'il y a deux médecins à l'urgence, un homme et une femme, un
médecin homme, un médecin femme, puis vous avez quelqu'un qui arrive puis, pour
des motifs religieux...
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette : ...oui, c'est ça, grosse urgence, il
arrive, puis la personne dit : Moi, je ne veux pas être vu par la femme médecin. Là, supposons qu'il est minuit le
soir, là. J'imagine que le répondant en accommodement raisonnable de l'hôpital, il ne sera pas là, à moins que l'autorité soit
déléguée, là, mais j'imagine, tu sais, le répondant, ça va être le
P.D.G. de l'hôpital, puis il va le
déléguer à quelqu'un qui travaille à l'intérieur du CSSS... bien, du CIUSSS, ou
du CISSS, ou de l'hôpital, supposons, prenons Honoré-Mercier à Saint-Hyacinthe, là. Ça fait que, là, le répondant
n'est pas là. Comment ils gèrent ça?
Mme
Vallée : Il y aura certainement... nos guides vont prévoir ça,
c'est-à-dire que les organismes publics qui offrent des services en continu vont se doter... Parce que les demandes
peuvent survenir tout au long de l'offre de services, ils vont s'assurer d'avoir une personne qui aura
justement, comme vous le mentionnez, l'autorité déléguée pour répondre
aux demandes d'accommodement. Donc, là-dessus, au même titre...
Une voix :
...
Mme Vallée :
Bien, je dirais que l'accès à l'information, c'est différent, parce que ce
n'est pas le même cas, mais, dans les
cas, justement, des hôpitaux, il doit y avoir la possibilité de traiter
l'accommodement en continu, donc il y aura des aménagements. Et c'est pour ça aussi qu'on
doit pouvoir analyser avec les différents secteurs les besoins
particuliers que va entraîner la mise en
oeuvre puis assurer qu'on réponde... on s'assure d'une mise en oeuvre fluide
dans l'ensemble des secteurs en fonction de leurs réalités.
M. Jolin-Barrette : Alors, ma
question, c'est la suivante : La personne qui fonde son motif sur,
supposons, l'orientation sexuelle de la
personne, comment est-ce que, dans l'hôpital, supposons la nuit, on va faire
pour s'assurer qu'ils ne passent pas par l'article 6 de la Loi sur
les services de santé et les services sociaux et que ce soit la disposition de l'article 10 du projet de loi n° 62 qui
s'applique? Parce que, dans le fond, c'est une patate chaude, là, dans le fond,
pour le milieu de la santé. Eux, ils vont recevoir ça, puis là, bien...
Mme Vallée :
Mais il y a un autre élément aussi qui est à considérer. Parce que, là, on
s'est attardé à cet élément-là. Donc, suivant... Parce que tout dépend
de la façon dont la demande va être formulée. La demande peut ne pas faire état du tout... Si la demande ne fait pas du tout...
et s'il n'est pas question d'une particularité propre au médecin, disons
à l'orientation sexuelle, bien, on n'est pas
dans ce cas-là, on est dans le cas où on est dans une demande formulée par
une personne, qui dit : Moi, je préfère
être vu par un homme ou une femme. Dans certains cas, ce ne sera pas possible,
ça va être une demande excessive. Et c'est ça, l'accommodement ne doit
pas constituer une demande excessive.
Moi, je me souviens, lorsque Dre Francoeur
a participé à nos consultations, elle nous disait : Dans bien des urgences, il n'y a parfois qu'une seule personne,
un seul médecin de garde, donc, lorsqu'on nous fait une demande de ne
pas voir, par exemple, un homme ou une femme
en raison des convictions religieuses, on ne peut pas y accéder parce
qu'on n'a pas de médecin de garde de disponible. Mais là ce n'est pas
compliqué, on n'entre même pas dans...
Dans le fond,
peut-être qu'actuellement on fait un faux débat, parce que peut-être que la demande
formulée, à sa face même, est aussi une contrainte excessive. Mais elle
constitue... Si on indique spécifiquement qu'on ne veut pas une personne en
raison d'un attribut personnel, ou en raison de son identité de genre, ou en
raison de son orientation sexuelle, là on
porte atteinte à la dignité de la personne parce qu'on laisse
sous-entendre : Ce n'est pas le professionnalisme de cette
personne-là qui me préoccupe, c'est ce qu'elle est ou ce qu'il est
foncièrement.
M. Jolin-Barrette : Mais concrètement,
là, les gens qui vont souhaiter, pour des motifs religieux, avoir un
professionnel de la santé qui est soit homme ou soit femme, en fonction de
leurs convictions religieuses, ils ne le verbaliseront
pas. Vous allez à l'hôpital, vous dites : Bien, moi, en fonction de mes
convictions religieuses, je ne veux pas être traité par un homme ou par une femme, ou... et, si on rajoute les
motifs prévus à la charte et à l'amendement de la collègue de
Taschereau, les gens ne le verbaliseront pas, là.
Mme Vallée : Mais il y a
peut-être...
M. Jolin-Barrette : Et ça va
peut-être arriver qu'il va dire : Aïe! Moi...
Mme Vallée : Bien, il y
en a qui le verbalise pour des motifs religieux. Si on se fie aux témoignages
de Mme Francoeur pour la question hommes-femmes, elle nous l'a dit, que
c'est une réalité.
M. Jolin-Barrette : Mais, à partir du moment où vous l'inscrivez, là,
dans votre projet de loi, là, la conséquence, là, pratico-pratique, là, c'est ce qui va arriver. Dans les différentes
congrégations, ça va être véhiculé, de dire : Bien, vous allez
pouvoir exprimer votre refus en vertu de l'article 6.
• (15 h 40) •
Mme Vallée :
Oui, mais, s'ils ne verbalisent pas, c'est parce que, là, ils ne portent pas
atteinte... Dans le fond, en vertu de
l'article 6, c'est : Je préfère être vu par un homme ou par une
femme. Ce n'est pas : Ah ! vous ne correspondez pas, vous, dans votre intégrité, ou dans ce que vous êtes, ou dans ce que vous représentez, vous ne correspondez pas à ce
que je veux. Alors, la préoccupation de
notre collègue de Taschereau et de Mme Francoeur, c'est d'éviter qu'un
médecin, qu'un membre du personnel
soit tassé en raison de qui il est sous non pas... sous le couvert de
l'accommodement pour motif religieux.
Et c'est aussi pour ça que nous avions le respect du droit à l'égalité entre
les femmes et les hommes, il y avait cette question-là qui était
abordée, et puis c'est clair qu'on ne voulait pas qu'une femme médecin puisse
se faire...
M. Jolin-Barrette : Donc, la
question, à la base, c'est qu'à partir du moment où vous rentrez à l'hôpital
puis vous allez faire votre dossier
d'hôpital puis votre carte d'hôpital soleil, c'est là, quand ils passent le
tchik-a-tchik pour la carte-soleil,
c'est-à-dire c'est là que le patient doit divulguer, en vertu de
l'article 6, s'il a des préférences par rapport à un homme ou par rapport à une femme comme médecin
traitant. Dans le fond, ça devrait être institutionnalisé à partir de ce
moment-là, à moins que vous ne soyez en
sang, sur la civière puis que vous ne pouvez pas donner votre
consentement, là, mais...
Mme Vallée : Bien là, il
y a d'autres enjeux aussi d'assurer que la personne...
M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord. Mais quelqu'un qui se présente,
là, par ses propres moyens à l'urgence ou qui va voir un médecin dans un cabinet ou quoi que ce soit, dans le fond,
puis qu'il ne connaît... ce n'est pas son médecin traitant habituel, là,
il est en urgence, il ne devrait pas avoir la possibilité de rencontrer le
médecin puis ensuite de déterminer pour le motif énoncé, ça devrait être à la
base au secrétariat qu'il énonce sa préférence.
Mme Vallée :
Oui, mais il y aurait aussi l'article 13 de la loi qui prévoit ce qui
suit, c'est que «le droit aux services de
santé et aux services sociaux et le droit de choisir le professionnel et
l'établissement prévus aux articles 5 et 6, s'exercent en tenant
compte des dispositions législatives et réglementaires relatives à
l'organisation et au fonctionnement de l'établissement
ainsi que des ressources humaines, matérielles et financières dont il dispose».
Donc, si une personne dit : Moi,
je veux être vu par une femme, puis il n'y a pas... — non, je suis habituée à ça — ...si on veut avoir une femme, puis
il n'y a pas de femme de disponible, quelle
est la conséquence? C'est que le patient ne verra pas de médecin. Parce
qu'on a des réalités aussi où il y a des
ressources qui ne sont pas là. Si tu dis : Moi, je veux voir une femme,
puis il n'y a pas de femme, bien, il
va falloir attendre mon tour. Si je veux voir un homme, puis il n'y a pas
d'homme, tu vas attendre ton tour. En vertu de l'article 6, c'est
ce que ça prévoit aussi.
Une voix :
...
Le Président
(M. Ouellette) : Oui. Non, mais je les laisse compléter, puis je
vais aller à Gouin, là, puis...
Mme Maltais :
C'est parce que c'est mon amendement.
Le Président
(M. Ouellette) : Oui. Non, non, mais je pense que le débat avance
pareil, je pense que le débat avance.
M. Jolin-Barrette :
À la base, là, c'est au niveau du début de la relation, que ça doit s'établir,
dès le départ, pas à partir du moment où
vous rentrez dans la salle de consultation puis là vous voyez le médecin, qu'il
soit homme femme ou qu'il ait une orientation sexuelle...
Mme Vallée :
Je comprends que c'était notre collègue de Montarville qui était ici, mais,
lors des consultations...
M. Jolin-Barrette :
...
Le Président
(M. Ouellette) : Non, non, lors des consultations.
Mme Vallée :
Lors des consultations.
Le Président
(M. Ouellette) : Vous étiez tous les deux là.
M. Jolin-Barrette :
Vous n'avez pas le droit de sous-entendre...
Mme Vallée :
Je ne laisse rien sous-entendre.
M. Jolin-Barrette :
...indirectement ce qu'elle ne peut pas faire directement.
Mme Vallée :
Non, non, non, c'est me prêter des intentions, voyons!
Le Président
(M. Ouellette) : Ça va bien, là.
Mme Vallée :
Non, mais en fait, lors des consultations, Dre Francoeur nous a mentionné
qu'il était arrivé, si je me souviens
bien, que des demandes étaient formulées une fois les patients arrivés dans la
salle de consultation, donc, après avoir passé le triage, après avoir
passé chaque étape, rendu dans la salle de consultation, survenait cet
élément-là. Et il me semble...
M. Jolin-Barrette :
Donc, c'est ce que je vous dis, c'est ce que je vous dis. Dès le moment où il
franchit...
Mme Vallée :
Oui, mais, l'être humain étant imprévisible, parfois il peut survenir des
situations... Mais là je vais laisser ma collègue parler.
Mme Maltais :
M. le Président, là, quand on veut couper les cheveux en quatre, on le fait
comme ça, là. C'était très bien en train de se faire, là.
Chers
collègues, en auditions, il y a des gens qui sont venus nous dire qu'une fois
rendus dans la salle, une fois rendus
dans la salle... Les gens, ils rentrent à l'hôpital, ils ne sont pas là en
train de se demander... ils n'ont pas hâte de remplir le formulaire puis demander... ils ont hâte d'être traités par
un médecin. Puis ils viennent, puis
là, tout à coup, il y a des gens qui résistent au fait d'avoir devant
eux soit un homme soit une femme. Et ça peut même devenir violent, et
c'est difficile comme situation. C'est vraiment ce qu'on a eu, là, des cas de
violence.
Alors là, on ajoute,
c'est pour ça qu'il y a un accommodement demandé, «respecte le droit à
l'égalité entre les femmes et les hommes».
Mais, du moment où on inscrit «entre les femmes et les hommes», ce à quoi le
collègue est d'accord, je le pense... J'ai souvent
entendu qu'il fallait que les accommodements respectent l'égalité entre les
hommes et les femmes de tous les partis politiques ici. Alors, si on accepte
l'égalité entre les hommes et les femmes, quel est le problème à accepter le
reste? Du moment...
Ce
qu'on fait actuellement, là, c'est... À l'intérieur du cadre médical actuel, il
y a des gens qui, pour motif religieux, résistent et créent de la pression inutile dans des établissements.
Alors, moi, ce que j'essaie de protéger, c'est les gens qui traitent, les gens qui soignent, et non pas les
gens qui demandent des accommodements religieux pour motif religieux au
mauvais endroit au mauvais moment. Alors, vous embarquez là-dedans ou vous
n'embarquez pas. Mais, le reste, je trouve qu'on s'occupe beaucoup plus,
actuellement, de la joute entre articles de loi plutôt que de se préoccuper des
citoyens et des citoyennes et des gens qui
traitent. Et j'aimerais ça qu'on revienne à aider les gens qui traitent, c'est
ça qu'on essaie de faire actuellement.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, la députée de Taschereau est trop intelligente pour savoir que ce
que j'ai dit, c'est exactement dans le même
sens qu'elle, et elle le sait. Ce que je dis, par exemple, c'est que moi, je
pense à l'application pratique de son
article, parce qu'on a bien beau proposer des concepts, mais concrètement
c'est, à la base, comment la
situation, elle est vécue au départ. Alors, la problématique, elle est lorsque
la personne fait face au médecin.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Bon, bien, c'est exactement ce que je dis. Alors,
si la démarche se fait dès le départ, à l'entrée, bien, vous allez
prévenir tout ce genre de situations là, et c'est ce que le guide devrait
prévoir.
Mme Maltais :
M. le Président, si je comprends bien, la CAQ veut amener un amendement qui
dirait qu'on demande à toute personne... — non, mais, en tout
cas, je peux l'écrire pour vous, mais j'aurais de la misère à le porter — c'est-à-dire qu'on change le modèle du
système sociosanitaire pour que dorénavant on demande d'avance à toute personne qui entre si elle a un motif
religieux raisonnable pour refuser une personne qui nous traite. Non, mais
je vais au bout de votre raisonnement. Vous
avez même quasiment abordé... Je trouve que, par ailleurs, ça va tout à fait
dans le sens de ce que votre collègue a proposé l'autre fois, qui semblait
assez... qui nous a assez surpris et étonnés.
Alors, moi,
je veux savoir : Étant donné ce que vivent et ce que sont venus plaider
les gens de la Fédération des médecins spécialistes, est-ce qu'on se
préoccupe seulement de l'égalité entre les hommes et les femmes, ce sur quoi il y a entente, ou bien si on se préoccupe aussi
des orientations sexuelles, de la diversité sexuelle et d'autres
situations comme racisme, par exemple, les gens
se font refuser d'être traités par un médecin qui soit de couleur. C'est ça,
c'est la question. Là où vous allez,
c'est changer le système pour que, systématiquement, il y ait possibilité de
demande d'accommodement religieux. Je
ne pensais pas que c'était le sens dans lequel votre formation politique allait
nous entraîner.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, vous me permettez, mais...
Le Président (M. Ouellette) :
Bon, là, ça allait bien, là, jusqu'à date. Je vous laisse un autre commentaire,
M. le député de Borduas, parce que M. le député de Gouin veut intervenir aussi.
M. Jolin-Barrette : Oui, très certainement, parce qu'on voit de la
mauvaise foi ici, M. le Président. La députée de Taschereau m'a très bien entendu que j'ai énoncé que les motifs de
discrimination prévus à l'article 10 de la charte étaient les mêmes qui s'appliquaient, et j'ai dit que
j'étais d'accord avec ça. Alors, ce qu'elle prête, encore une fois, à mes
propos... Elle comprend très bien le sens de mes propos, et en plus j'appuie
son amendement. Par contre, où je dis qu'il y a une certaine lacune, c'est que, si on laisse la personne pénétrer dans
la salle de consultation avec le médecin, bien, déjà, vous donnez la possibilité d'invoquer un accommodement religieux,
un motif d'accommodement religieux. Moi, ce que je vous dis : Pour prévenir cette situation-là, pour
éviter que... si jamais un individu veut invoquer des motifs religieux, il
devra le faire dès le départ, au niveau de
l'article 6, si jamais il a une préférence pour un homme ou une femme,
pour éviter que ça soit non verbalisé au moment de rencontrer le
médecin, c'est ce que je vous dis. Et votre recherchiste a l'air d'accord avec
moi.
Le Président (M. Ouellette) :
Bon, je vais... M. le député de Gouin, là, vous trépignez d'impatience pour...
• (15 h 50) •
M. Nadeau-Dubois :
Bien oui, en effet. En effet, M. le Président. C'est peut-être moi qui...
peut-être que je ne suis pas assez
partisan, en fait, parce que je ne comprends pas le flou ici, peut-être j'ai un
déficit de partisanerie, parce que, il me semble, je lis l'amendement, j'écoute la députée de Taschereau, j'écoute
la ministre, ça semble très, très clair.
J'essaie de comprendre, en fait, où est-ce qu'on s'en va avec cette discussion qui s'étire et je ne comprends pas. Parce que l'article 6, là, qui permet à
quelqu'un de dire : Je préférerais voir un homme ou une femme, il existe
pour certaines raisons. Je vais donner deux exemples qui ne sont pas des
exemples exceptionnels mais, au contraire, des exemples qui se présentent malheureusement très souvent dans notre société. Des femmes qui, par exemple, viennent d'être
victimes d'une agression sexuelle ou
de violence conjugale qui se présenteraient dans un hôpital,
une clinique, qui diraient : Je préférerais voir une femme, peut-être que ces personnes-là, là, ne voudront pas le
dire, que c'est à cause qu'elles viennent d'être l'objet d'une agression sexuelle, peut-être
que cette personne-là préférera avoir de la réserve puis dire : Bien, je
vous dis juste que je préfère voir
une femme. Donc là, de dire : Il faudrait... Comment on va savoir la
raison pour laquelle les gens demandent, il me semble qu'on essaie de faire rentrer la loi dans la tête du monde...
à moins qu'on propose de faire passer un polygraphe aux gens qui demandent de voir un homme ou une
femme. Il faut admettre que cette disposition-là, elle existe, je pense que c'est issu d'un consensus, et que, là, en amendant
l'article 10, on fait juste réitérer, préciser que, si
cette demande-là est faite en fonction de motifs qui sont
discriminatoires, bien, on donne des balises aux gens sur le terrain pour
refuser.
Donc, soit je manque d'intelligence,
soit je manque de partisanerie, mais sinon il me semble que c'est très, très clair. Donc, moi, je trouve que
c'est un très bon amendement, je trouve qu'on est tous en accord puis je suis
sûr qu'on est capables d'adopter ça puis de continuer l'étude du projet de loi.
Le Président
(M. Ouellette) : Merci, M. le député de Gouin. Est-ce qu'il y a
d'autres commentaires sur le sous-amendement de Mme la députée de Taschereau?
Oui, Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
M. le Président, d'abord, avec le consentement de tout le monde, pour qu'on
arrête de parler de l'amendement latent, je le retirerais, puis on irait
avec l'amendement officiel.
Le Président (M. Ouellette) : Il y a consentement? Est-ce que vous voulez lire
l'amendement... Il y a consentement
pour retirer votre sous-amendement, où vous avez ajouté «et la diversité
sexuelle». Et vous allez nous présenter un nouveau sous-amendement, Mme la
députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Sous-amendement issu de la collaboration avec la ministre de la Justice et le
ministère. Merci.
Mme Vallée :
Et les équipes.
Mme Maltais :
Et les équipes. C'est pour ça que je disais «et le ministère».
Ajouter
à la fin du paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 10 : «ainsi que le droit de toute personne
d'être traitée sans discrimination». Merci, M. le Président.
Le Président
(M. Ouellette) : Je vais suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à
15 h 53)
(Reprise à 15 h 59)
Le Président
(M. Ouellette) : On reprend nos travaux. Nous en sommes à un sous-amendement
déposé par Mme la députée de Taschereau sur l'amendement de la ministre à l'article 10, qui aura pour effet de rajouter, à la
fin du deuxième paragraphe, «ainsi que le droit à toute personne d'être
traitée sans discrimination», suite aux discussions que nous avons eues sur le
précédent sous-amendement de Mme la députée de Taschereau, qui a été retiré.
Donc, Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Oui, je pense que c'est simple, on l'a dit tout à l'heure. J'ai enlevé
«diversité sexuelle», puis on dit
maintenant : «ainsi que le droit à toute personne d'être traitée sans
discrimination». Les débats ont déjà eu lieu. Si d'autres gens veulent rajouter quelque chose... Je comprends que tout le
monde à peu près est d'accord avec l'amendement. Maintenant, évidemment,
on va attendre s'il y a d'autres commentaires.
Le Président (M. Ouellette) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur
l'amendement? M. le député de Borduas? M. le député de Gouin?
Est-ce que
l'amendement déposé par Mme la députée de Taschereau est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Président
(M. Ouellette) : Il est adopté.
Mme Maltais :
Le sous-amendement.
• (16 heures) •
Le Président
(M. Ouellette) : Oui, le sous-amendement de Mme la députée de Taschereau
est adopté.
Donc,
nous reprenons la discussion sur l'amendement de Mme la ministre. Est-ce qu'il
y a d'autres commentaires? M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette :
Sur l'article...
Le Président
(M. Ouellette) : On est sur l'amendement de Mme la ministre à
l'article 10.
M. Jolin-Barrette : Au paragraphe 4° de l'amendement de
l'article 10, un des critères, c'est relativement aux coûts qui s'y rattachent. L'analyse des coûts qui se
rattachent à une demande d'amendement, comment est-ce qu'on... c'est
quoi, les critères d'appréciation pour ça?
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
En fait, l'analyse des coûts, évidemment, est en lien avec ce qu'apporte
l'amendement. Je vous dirais qu'au niveau des limites quant aux ressources
financières on va regarder est-ce qu'il y a un coût réel pour l'accommodement qui est demandé, est-ce qu'il
existe des sources extérieures de financement, des prêts, des
subventions, des crédits d'impôt, des
déductions fiscales, des contributions de la personne victime de
discrimination, est-ce que... la nature
de l'entreprise ou de l'institution, la taille, la composition de la
main-d'oeuvre, la structure organisationnelle, la structure de production, la nature privée ou
publique de l'entreprise doit être considérée, est-ce que le budget
d'opération total de l'entreprise... quel est le budget total de l'opération,
la santé financière, la conjoncture économique.
Donc, ce sont
des critères de nature objective qui sont évalués pour déterminer... Parce que
ce n'est pas toutes les demandes
d'accommodement qui vont nécessairement amener un coût supplémentaire, mais la
question du coût supplémentaire, elle
est considérée pour déterminer si l'accommodement se situe dans les limites de
ce qui est raisonnable, c'est-à-dire qui ne constitue pas une contrainte
excessive pour l'organisme à qui il est formulé. Et, oui, ça, évidemment, je vous dirais que ça découle... ces
critères-là, là, découlent de la jurisprudence, qui a évolué au fil des
années. Et les exemples que je vous ai donnés sont des exemples que l'on peut
retrouver dans certaines décisions.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Donc, si c'est un petit organisme, on va évaluer
sa capacité de payer puis l'impact sur son budget total de cette
mesure-là?
Mme Vallée :
Bien, ça fait partie des éléments qui sont considérés. Puis il y a également un
traité sur l'obligation d'accommodement
qui a été écrit par le juge... maintenant juge Christian Brunelle, donc, qui
avait recensé la jurisprudence en la matière.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que la multiplication des demandes
d'accommodement religieuses va constituer un critère? Supposons, pour un
petit organisme, là, supposons il reçoit une demande d'accommodement
religieuse, une demande d'accommodement, ce
n'est pas la fin du monde, mais, s'il y a multiplication des demandes
d'accommodement, pour l'organisme, ça
devient difficile. Mais là le premier qui est passé, c'était correct, tu sais,
ce n'était pas si pire que ça. Si on est rendu à la 10e, la
15e demande d'accommodement, comment c'est traité, ça?
Mme Vallée :
Bien, l'impact de la demande d'accommodement sur le bon fonctionnement aussi de
l'organisme, de l'entreprise est évalué.
Donc, effectivement, le nombre va être considéré, le nombre de demandes versus
le nombre de personnes dans l'unité, par exemple, dans l'entreprise en
question. On va vérifier est-ce que ça a un effet sur la productivité de l'entreprise, la capacité de
l'organisme, de l'entreprise à poursuivre sa mission. C'est certain que ça,
c'est un élément dont on tient compte.
Puis, petit
élément d'information, actuellement, au Québec, il y a 13 fois moins de
demandes d'accommodement fondé sur un
motif religieux que, par exemple, pour un motif de handicap. Donc, en général,
on parle... Là, on se concentre sur
les demandes d'accommodement religieux, mais, dans la réalité, les demandes d'accommodement religieux sont de loin inférieures au nombre de demandes d'accommodement
pour d'autres motifs, handicap... ou même, à la limite, dans certains cas, la grossesse, parce qu'on sait qu'une fois
enceinte un membre du personnel, un membre de l'équipe peut demander un
accommodement, d'être affecté à d'autres tâches pour ne pas nuire à sa
grossesse.
Donc, je vous
dirais que, les demandes d'accommodement, je ne nie pas leur existence, bien au
contraire, mais je veux juste qu'on relativise aussi le tout. Il y a beaucoup
moins de demandes pour motif religieux que pour d'autres motifs qui sont prévus
par l'article 10 de la charte.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, s'il y a une série de demandes
d'accommodement religieux, une demande qui aurait pu être accordée à la base, et là on se retrouve dans, supposons,
une petite entité, les demandes subséquentes, si elles constituent une
contrainte à cause des autres demandes, bien là on ne pourra pas les accorder.
Mme Vallée : C'est ça.
Comme je mentionnais, c'est l'impact de ces demandes-là sur la productivité de l'entreprise ou de l'organisme en fonction de sa
taille puis du nombre d'employés et de sa mission. Parce qu'ultimement il
faut que l'entreprise ou l'organisme puisse faire et réaliser la mission qui
est la sienne.
M. Jolin-Barrette : Donc, le premier est correct, mais pas nécessairement les autres. Parce que c'est ça, dans le fond, il y en a un qui va pouvoir exercer ses...
Mme Vallée : Pas nécessairement
le premier non plus, parce qu'il faudra voir au fil du temps si on peut
maintenir cette demande-là en raison, justement, du volume.
M. Jolin-Barrette : Donc, ça bouge dans le temps. Dans le fond, un
accommodement religieux qui serait accordé le jour 1 pourrait être
révoqué six mois après.
Mme Vallée :
Tout dépend de la nature de l'accommodement, évidemment, parce que c'est du cas
par cas. Mais il faudra... Le critère, l'évaluation du caractère
raisonnable n'est pas seulement en fonction de la personne qui en fait la
demande, mais aussi du fardeau qui en résulte pour l'entreprise qui accepte
d'accommoder la personne.
M. Jolin-Barrette :
Ça veut dire que c'est mouvant, ça bouge.
Mme Vallée :
Oui, c'est vivant, ça évolue.
M. Jolin-Barrette : Supposons que vous êtes dans une entreprise où,
je ne sais pas, moi, je suis chrétien, puis le dimanche je ne veux pas travailler, puis je vais à l'église le dimanche,
alors je dirais : Pour des préceptes religieux, je ne peux pas aller travailler le dimanche. Ça va au
départ parce qu'il y avait assez de staff. Mais là il y a moins
d'employés. Là, mon employeur me dit :
Bien, je suis désolé, je ne peux plus te faire cet accommodement religieux là.
Alors, à ce moment-là, je serais
obligé, puis ça ne pourrait pas m'être accordé. Puis, même si ça m'avait été
accordé, moi, je n'aurais pas de recours, comme citoyen, parce que
maintenant, bien, la réalité de l'entreprise ou de l'organisation a changé,
donc ça va être susceptible de révision. C'est ce que je comprends.
Mme Vallée :
Bien, c'est sûr qu'on est dans un cas hypothétique, mais, lorsqu'on regarde les
principaux critères qui ont été
dégagés par la jurisprudence, bien, oui, l'impact du bon fonctionnement sur
l'entreprise ou l'institution, c'est un critère. Et ça, bien, ça
s'évalue en fonction de l'effet de la demande, du nombre d'employés qui sont
affectés. C'est certain que les demandes ne sont pas toutes formulées au même
moment, mais...
M. Jolin-Barrette :
Je veux juste m'assurer, là, que je comprends bien.
Mme Vallée :
Et je vous dirais qu'il y a à l'article 11 des spécificités pour le milieu
de travail. Alors, on va le voir à l'article 11 puis on pourra en
discuter, là, mais on ajoute à nos critères de l'article 10 des critères
spécifiques pour les accommodements demandés en milieu de travail.
M. Jolin-Barrette : Mais je comprends, concrètement, que ce n'est pas
parce qu'un accommodement religieux est accordé, supposons, au travail,
que c'est infini dans le temps.
Mme Vallée :
Exact.
M. Jolin-Barrette : Alors, on peut se retrouver dans une situation où
il y a un accommodement religieux qui a été octroyé. Par la suite, on dit : Bien, notre situation en tant
qu'employeur a changé, donc on ne peut plus t'accommoder.
• (16 h 10) •
Mme Vallée :
Il pourrait y avoir... Et même chose une situation où la conjoncture économique
était différente. Si l'impact de
l'accommodement, au fil du temps, devient très lourd pour l'entreprise... Parce
qu'il pourrait arriver qu'un accommodement
soit accordé à un moment donné x, alors que l'entreprise est dans une situation
particulière, mais par la suite cet accommodement-là, au fil de l'évolution,
pourrait devenir une contrainte plus lourde qu'elle ne l'était au
départ.
Donc,
c'est évolutif, l'analyse est évolutive. Ce n'est pas parce que tu reçois... Ce
n'est pas parce qu'une demande est accordée favorablement que
nécessairement cette décision-là est figée dans le temps.
M. Jolin-Barrette : Est-ce qu'il y a eu des cas devant les tribunaux
d'une situation où un accommodement a été accordé et que, par la suite,
l'accommodement a été retiré?
Mme Vallée :
Honnêtement, je vous avoue que je n'ai pas l'ensemble de la jurisprudence en
matière d'accommodement, là, ça demanderait une recherche, puis sérieusement je
vais...
M. Jolin-Barrette :
Mais à votre connaissance ou à la connaissance de votre équipe, là.
Mme Vallée :
Bien, c'est ce qu'on vérifie. J'aimerais connaître du bout des doigts
l'ensemble de la jurisprudence, mais je n'ai pas...
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
M. le Président, écoutez, j'avais déjà annoncé un amendement, on l'avait
déposé, alors je vais le déposer. Ça
fait partie des huit demandes que nous avions quand nous avions fait une sortie
publique en disant : Nous aurons des amendements à cette loi qui
nous semblent extrêmement importants. Alors, je vais le lire.
Le Président
(M. Ouellette) : Vous avez un sous-amendement à nous déposer?
Mme Maltais :
Sous-amendement, maintenant, c'est vrai. Alors, sous-amendement à
l'article 10 : Modifier l'amendement
en remplaçant, dans le paragraphe 4°, les mots «contrainte excessive» par
«contrainte plus que minimale».
Le Président
(M. Ouellette) : Je suspends quelques minutes.
(Suspension de la séance à
16 h 12)
(Reprise
à 16 h 16)
Le Président
(M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à
étudier un sous-amendement recevable de Mme la députée de Taschereau à
l'article 10 qui introduit dans le quatrième paragraphe les mots
«contrainte plus que minimale». Mme la députée de Taschereau, pour vos
explications et discussion.
Mme Maltais :
Écoutez, ce que ça donnerait comme texte, c'est :
«4°
que l'accommodement est raisonnable, c'est-à-dire qu'il ne doit
imposer aucune contrainte plus que minimale eu égard, entre autres, au
respect des droits d'autrui, à la santé ou à la sécurité des personnes, [à ses
effets sur le] bon fonctionnement de
l'organisme ainsi qu'aux coûts qui s'y rattachent.» Évidemment,
là, ce n'est plus «à ses effets sur le bon», c'est «au bon
fonctionnement de l'organisme ainsi qu'aux coûts qui s'y rattachent».
Pourquoi
on dépose ça? Là, on est en train de, nous dit-on, provoquer un changement en
introduisant l'obligation de neutralité religieuse de l'État. Bon. On a eu, au fil du temps,
plusieurs discussions. On revient toujours au fait que
nous, nous aurions préféré d'abord
introduire la laïcité, ce qui aurait été une balise beaucoup
plus claire. On convient, de notre côté, puis je comprends que ce n'est pas la compréhension de l'autre côté, que
ça permet d'introduire plus de religion dans l'État puisque l'État maintenant
va accueillir toutes les religions de façon égale. On aurait préféré, nous,
dire que l'État n'a pas à accueillir les religions. Il vit avec, mais ne
devient le coordonnateur de la vie des religions dans l'État. Bon, ça, c'est
les positions de départ.
Maintenant, ceci dit,
moi, ce que j'essaie de provoquer, c'est des changements qui feront que cette
loi, qui de toute façon... à moins qu'on se rende jusqu'à l'élection, on
ne sait jamais, devrait être adoptée un jour... ou jusqu'à un discours
inaugural, peut-être, il y a toutes sortes de choses qui pourraient faire que
cette loi ne serait pas adoptée.
Une voix :
...
Mme Maltais :
Ce n'est pas moi qui les ai.
Le Président
(M. Ouellette) : Ne prêtez pas d'intentions à Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Non, mais ce sont des hypothèses tout à fait valables.
Le Président
(M. Ouellette) : C'est sûr, c'est sûr.
Mme Maltais :
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : On ne pourra pas regarder votre règlement avant
la fin de la session, cependant.
Mme Maltais :
Alors, j'essaie d'introduire des notions qui permettraient d'être en meilleure situation
après qu'avant le dépôt de cette loi. On a toujours
dit, nous : On va juger de la loi d'après ce critère : Est-ce qu'elle
fait avancer le Québec, est-ce qu'elle le fait stagner ou est-ce qu'elle
le fait reculer? Nous considérons qu'au niveau des balises des accommodements
pour motif religieux on reprend telle quelle la jurisprudence.
Je
sais que c'était ce qu'il y avait à
peu près dans le projet de loi n° 60, la charte des valeurs,
mais depuis on a débattu, on a discuté, et il y a des faits nouveaux qui
sont arrivés, des discussions qui sont arrivées, puis on a examiné ça plus profondément. Et il y a
eu une commission parlementaire sur le projet
de loi n° 62 où quelqu'un comme
M. Guillaume Rousseau, qui est — je vais donner son titre — professeur
à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, est venu déposer...
Une voix :
...
Mme Maltais :
Oui, il est membre du Parti québécois, mais ça n'en fait pas un moins bon
juriste.
Le Président (M. Ouellette) : Absolument pas. Non, non, on est très objectifs, tout le monde. Absolument pas.
• (16 h 20) •
Mme Maltais :
Voilà. Merci. Mais ça n'en fait pas... au contraire. Ça en fait peut-être
quelqu'un qui est très, très, très
attaché à ce que, quand on dépose des lois, ça fasse avancer le Québec. C'est
ce qu'on veut, faire avancer le Québec, le faire évoluer dans le bon
sens.
Or,
les balises, telles qu'elles avaient été présentées et dans 60 et dans 62, à
notre avis, ne sont qu'une transposition de la jurisprudence, il n'y a
pas d'évolution dans le sens favorable, à part peut-être, bon, l'introduction
qu'on vient d'introduire sur l'évolution de l'interdiction de toute
discrimination. Bon, on introduit des éléments.
Ce sur quoi nous a
interpelés le Pr Rousseau, c'est ceci. Il nous dit dans son mémoire,
page 4 : «Cela dit, quand on y regarde de plus près, on constate que
la Cour suprême du Canada n'a pas seulement importé le concept d'accommodement
raisonnable du droit américain, elle l'a considérablement modifié. Le tribunal
canadien écarta la signification donnée par le tribunal américain à la notion
de contrainte excessive. Alors que la Cour suprême des États-Unis avait décidé qu'une contrainte excessive était une contrainte
plus que minimale — c'était
ça, c'est ça qui a été décidé aux États-Unis — la
Cour suprême du Canada écarta explicitement ce critère et décida qu'une
contrainte plus importante était acceptable.»
Je le cite toujours :
«Concrètement, cela signifie que la preuve pour justifier un refus
d'accommodement religieux est
beaucoup plus facile à faire aux États-Unis qu'au Canada ou au Québec, d'où la
multiplication, ici, des accommodements religieux raisonnables et déraisonnables.» La preuve est beaucoup plus
facile à faire aux États-Unis qu'ici que la contrainte est excessive
parce que là-bas elle est plus que minimale, elle n'est pas excessive.
«Outre
l'interprétation littérale du mot "excessive" et le principe du
multiculturalisme, qui est consacré constitutionnellement
au Canada mais pas aux États-Unis, qu'est-ce qui explique cette immense
différence? Comme le mentionne
explicitement la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Central Okanagan, le
fondement de cette différence est l'existence
dans la Constitution américaine d'une clause interdisant l'établissement d'une
religion par l'État, autrement dit la
consécration du principe de la neutralité religieuse de l'État, laquelle clause
n'avait pas d'équivalent dans la Constitution canadienne.» Il n'y en a
pas, d'équivalent dans la Constitution canadienne.
Mais aujourd'hui nous
introduisons dans la législation québécoise le concept de neutralité
religieuse, il y est maintenant. Alors, est-ce qu'on fait évoluer les choses en
faveur de ce qu'on croit, c'est-à-dire qu'il faut baliser les accommodements pour motif religieux, en essayant
de bien les baliser mais aussi de les réduire, de réduire la contrainte
qui pourrait être plus que le minimum que doit vivre une entreprise?
Donc,
ce qu'on propose, c'est de revenir au concept original. Ce n'est pas pour rien
qu'il y a moins d'accommodements aux
États-Unis — mutatis
mutandis, comme dirait Louise Beaudoin, mon ex-collègue, c'était son expression favorite — qu'il y a moins d'accommodements là-bas
qu'ici, c'est parce que là-bas la contrainte, elle est plus que minimale; ici, il faut qu'elle soit jugée
excessive. Alors, c'est là-dedans. Nous, on pense que, si on veut faire
évoluer les choses, si on veut vraiment
aider, c'est là qu'on devrait aller : contrainte plus que minimale. Je
pense que c'est... Ça fait longtemps
qu'on l'a déposé parce que je suis sûre que la ministre a voulu aller voir,
elle connaît le droit aussi beaucoup plus
que moi, mais je pense qu'il y a là-dedans un avis intéressant d'un expert qui
pense qu'on pourrait, lui aussi, faire évoluer le Québec dans le bon
sens.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Je vous dirais, M. le Président, puis avec respect pour l'opinion contraire,
qu'aujourd'hui, en 2017, l'exemple
américain, pour moi, ce n'est pas l'exemple que je souhaite imiter lorsqu'il
est temps de respecter les droits individuels
des citoyens du Québec. Je pense que l'exemple américain nous démontre à quel
point, parfois, il peut se glisser de l'intolérance et, justement, des
interprétations qui sont contraires au respect des droits et libertés des
citoyens.
Donc, quand je vous
dis : La notion de contrainte excessive que l'on retrouve à
l'article 10, elle résulte de la jurisprudence
établie par notre Cour suprême... Et je comprends que le Pr Rousseau a une
certaine critique, et, je vais vous dire,
il nous avait aussi fait part de ses critiques à l'égard de certaines décisions
de la Cour suprême lors d'un précédent projet de loi, une précédente
étude de projet de loi. Et c'est son opinion, je la respecte, mais je ne la
partage pas.
Donc,
pour moi, je crois
qu'il est important de reconnaître que... L'évaluation de contrainte excessive, c'est une notion que l'on connaît, qui est documentée, il y a
des traités, il y a de la jurisprudence, et elle s'applique généralement
de façon assez souple, suivant le gros bon
sens. Donc, ce n'est pas complexe à mettre
en place. C'est évalué, évidemment,
à la lumière de chaque dossier. Et c'est
certain qu'un inconvénient minime, comme le propose notre collègue,
ce n'est pas une contrainte excessive. Donc, le fait d'avoir un
inconvénient minime ou une contrainte plus que minimale, bien, c'est comme si on reconnaît qu'une mesure peut produire
certains irritants mais ne sont pas déraisonnables, donc c'est... il faut plus que des petits efforts pour
remplir l'obligation d'accommodement.
Lorsqu'on
utilise le terme «contrainte excessive», ça suppose qu'il y a
une certaine contrainte dans l'organisation qui est acceptable, pour toutes
sortes de raisons, mais c'est la
contrainte excessive qui va amener l'organisme à pouvoir dire : Bien, on ne peut donner suite à la
demande. Puis on doit aussi évaluer, puis
on le verra un peu plus loin, les mesures que... l'effort réciproque
demandé à l'auteur pour s'entendre... Parce que les efforts, aussi, réciproques
du plaignant seront considérés en fonction de notre projet de loi.
Mais, bref, la notion
de contrainte excessive, c'est une notion qui est connue. Et, si on devait
retenir le critère proposé par notre collègue, ça ne répondrait pas à ce qui
est connu et ça viendrait, je crois, dénaturer quelque peu la demande. Et on
viendrait ainsi réduire la protection qui est accordée par les chartes, parce
que ça a été... on réduit la protection du
droit à l'égalité... Parce que c'est ça, hein? La demande d'accommodement, elle
est présentée pour respecter le droit
à l'égalité des personnes à... C'est le fondement, c'est : Une mesure x
est discriminatoire en raison d'un élément propre à ma personne, et je demande un droit à l'égalité,
et donc, pour atteindre ce droit à l'égalité, voici ce que je demande.
Alors, c'est certain que, si on diminue la
notion de contrainte excessive pour la remplacer par une contrainte plus que
minimale, ça amène un changement important
dans l'analyse et dans le message aussi qui est lancé. Et il y a quand même une
vaste jurisprudence de la Cour suprême, qui
demeure le plus haut tribunal au pays. On peut être d'accord ou ne pas être
d'accord, mais, moi, je vous dis que je
considère que cet élément-là est quand même important. Et, bien que je suis
bien ouverte à discuter pour trouver
des points de convergences, des points d'entente, des points de chute sur
lesquels on s'entend tous et tous, malheureusement, je ne pourrais pas
voter en faveur de la proposition de sous-amendement de notre collègue.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
• (16 h 30) •
Mme Maltais :
M. le Président, je vais quand même prendre le temps d'essayer de convaincre la
ministre. Légiférer permet de faire évoluer
le droit, et je pense qu'en matière d'accommodement pour motif religieux on est
rendus à l'heure de faire évoluer le droit.
On n'est pas en
matière des autres accommodements, on n'est ici qu'en matière d'accommodement
pour motif religieux, c'est tout ce que ça
touche. Or, les demandes d'accommodement pour motif religieux sont en
croissance au Québec. Rappelons-nous que les commissions
scolaires nous ont parlé de plusieurs centaines par année, que les médecins sont venus nous dire : C'est
quasiment à tous jours dans les hôpitaux. On est en train de donner des balises aux
gens qui vont ensuite avoir à procéder sur le terrain, sur le territoire.
La
charte, de son côté, existe toujours et protège pour discrimination, mais là on est
en train de donner des balises aux
gens qui vont juger quotidiennement, dans les ministères, dans les organismes publics, mais ensuite il va y avoir
aussi... dites-vous bien que ça va entraîner, après ça, la façon dont les gens
vont voir les accommodements pour motif religieux,
puis donc peut-être aussi, dans le privé, ils vont en juger. Même le privé a
dit : On a hâte que vous donniez des balises pour qu'on puisse, nous, ensuite mieux se comprendre, mieux se
connaître puis mieux appréhender cette nouvelle situation. Alors, on peut faire autre chose que copier le droit actuel.
Je vais vous dire, quand je dis «on peut», c'est que c'est dans notre
pouvoir. Nous avons le pouvoir ici, autour de la table, de faire évoluer le
droit. Je vais vous dire que c'est même notre devoir, quand la situation le
demande, et je pense qu'on est rendus à ce que la situation le demande.
Est-ce
que c'est une évolution exponentielle, dans le sens contraire à où va le Québec
actuellement? Pas du tout, et ce
n'est pas une évolution exponentielle et contraire à tous les jugements qu'il y
a eu jusqu'ici. La notion de contrainte demeure. Il faut qu'on prouve que... pour refuser, il faut qu'on prouve
simplement... Ce qu'on change, c'est la hauteur. Il faut qu'on prouve que la hauteur de la contrainte
est trop élevée. La différence entre le gouvernement libéral
actuellement et nous, notre positionnement, c'est à quelle hauteur on met la
contrainte. Nous, ce qu'on dit, c'est que l'impact sur le collectif devient important, pour nous, tandis que
ce que le gouvernement propose, c'est que c'est l'impact sur la
personne. Tous les jugements de la Cour
suprême qui sont basés sur la charte en arrivaient là, que l'impact sur la
personne était plus important.
C'était ça qui était le plus important dans le jugement. Nous, ce qu'on dit,
c'est : La contrainte à l'organisation, à l'organisation du travail, aux autres employés, à l'organisme public,
cette contrainte-là, elle doit être plus que minimale. Elle ne doit pas être minimale, elle doit être plus que
minimale pour qu'il y ait un refus. Le gouvernement dit : Non, non,
non, elle doit être excessive, elle doit
tomber dans l'excès. Vous comprenez la différence, là? Nous, on ne pense pas
qu'un employeur ou qu'un organisme doive être obligé de prouver qu'on doive
tomber dans l'excès. C'est là où il y a une différence
et c'est là où on est collés au multiculturalisme canadien et c'est là où
parfois le projet de loi n° 62 se fait taxer d'être proche du multiculturalisme canadien et de s'en inspirer. Tous
les jugements de la Cour suprême du Canada à ce sujet s'inspirent du
multiculturalisme canadien. Nous, ce qu'on propose, c'est de le vivre à la
québécoise. Puis là aussi il y a du gros bon
sens qui rentre dans les institutions, puis il y a aussi ici, je dirais, au
Québec, une volonté de bien vivre ensemble puis de bien accueillir, de
bien intégrer et de bien vivre le phénomène religieux.
Maintenant,
à quelle hauteur on met le devoir de contrainte... pas le devoir de contrainte,
à quelle hauteur on met la mesure de
la contrainte? Notre proposition, puis elle est raisonnable, c'est d'en revenir
à ce qui existe ailleurs en Amérique du Nord, aux États-Unis, où c'est très
bien expliqué, où c'est très bien validé, où on pourrait facilement s'y
référer. C'est d'en arriver à une contrainte plus que minimale.
Ce
n'est pas excessif, permettez-moi le mot, de faire cette transformation
d'autant qu'on a ailleurs d'autres règles, qui font qu'on atteindrait un certain équilibre. On ne va pas, comme aux
États-Unis... On le ferait à la québécoise. On ne le ferait ni à l'états-unienne ni à la canadienne, on
le ferait à la québécoise. Puis je pense qu'on est mûrs, au Québec, pour
ça. On n'a pas à abdiquer notre rôle de législateurs devant la Cour suprême du
Canada, c'est à nous d'organiser le vivre-ensemble québécois. Les juges,
ensuite, en prendront acte, mais c'est aux législateurs québécois d'organiser
le vivre-ensemble sur le territoire québécois.
Mme
Vallée : Et je pense qu'il est possible de l'organiser
conformément aux décisions des cours suprêmes, je pense que l'un n'est pas incompatible avec
l'autre. Mais je comprends l'argument de notre collègue. Par contre, je ne
le partage pas. Pour moi, c'est important, lorsque nous préparons des dispositions,
des projets de loi, d'assurer que ces projets de loi là s'inscrivent dans le
cadre constitutionnel qui est le nôtre, dans notre réalité constitutionnelle,
et qui inclut la charte canadienne.
Mme
Maltais : M. le Président, je vois que la ministre renonce à
légiférer sur... On parle des organismes publics de l'État québécois, là, on est dans la neutralité
religieuse de l'État québécois. Et je me rappelle que René Lévesque ne
s'est pas gêné pour avoir une charte des
droits et des libertés du Québec. On n'a pas attendu que le Canada se donne une
charte, on a...
Mme Vallée :
...avait déposé... La paternité de la charte revient à M. Choquette, feu
M. Choquette.
Mme
Maltais : O.K., c'est vrai. Les ajouts qu'il y a eu à M.
Lévesque, c'est M. Jérôme Choquette, dont on peut dire maintenant... de
mémoire, feu.
Une voix :
...
Mme
Maltais :
Et qu'on peut saluer... Feu M. Choquette.
Je
vais vous donner ce que ça donne, la contrainte excessive. Quand un homme de
religion sikhe a désiré porter son turban,
au port de Montréal, au lieu de porter un casque de sécurité, ça a été rejeté,
mais savez-vous jusqu'où ils sont allés pour essayer d'accommoder? Ils sont allés jusqu'à évaluer très
sérieusement, là, que tous les collègues auraient à se déplacer jusqu'au camion pour l'accommoder. Écoutez, ils se
sont rendus jusque-là, ils sont allés... La contrainte excessive, ça
amène à aller chercher des hypothèses
d'accommodement qui n'avaient plus aucun sens, tandis que, si on avait eu
contrainte plus que minimale, ça aurait été rejeté tout simplement. Alors,
c'est là qu'on voit, dans cet exemple-là, que ça ne marche pas, la contrainte
excessive, la contrainte plus que minimale serait beaucoup plus adaptée à
l'expérience québécoise.
Le
kirpan à l'école, les juges de la Cour suprême se sont transformés en
couturiers pour expliquer comment rendre un fourreau sécuritaire pour le kirpan, mais c'était, excusez-moi, là,
d'un ridicule consommé, cette discussion; pas les juges qui étaient
ridicules, c'est la discussion dans laquelle la jurisprudence sur cette idée de
contrainte excessive les avait entraînés. Il faut qu'on arrête ça.
L'idée, c'est
arrêter d'évaluer la contrainte excessive, c'est un concept qui est trop lourd
pour l'organisation, pour l'entreprise,
pour la collectivité. Il me paraît tout à fait raisonnable et très
respectueux — parce
que, ça, on est là-dedans, on cherche le respect des droits — très
respectueux de parler de contrainte plus que minimale, même si M. Trump est au
pouvoir actuellement et que, oui, nous craignons une dérive des droits
personnels et collectifs, tout à fait. Je pense que citer ce passage d'un président américain, qui sera, à mon avis, je
l'espère, le plus rapide possible, ce passage... Ce n'est pas sous ce passage qu'a été écrite cette
jurisprudence sur la contrainte plus que minimale, c'était avant, par des
juges que la ministre respecte tant, puisqu'elle nous ramène souvent que des
juges ont dit que... Mais c'est parce que c'étaient des juges américains qui
vivent dans une démocratie sous Barack Obama, sous Bill Clinton aussi, avant,
dans le passé, qui ont jugé des causes sur la contrainte plus que minimale. Ça
ne me paraît pas antidémocratique comme société.
Moi, je pense
encore que c'est possible, contrainte plus que minimale est une bonne idée. On
pourrait le faire évoluer, le droit, au Québec, puis on irait dans le sens de
ce que les Québécois et les Québécoises, la société s'attend de
nous : donner des balises claires, des balises qui permettent de gérer ça
facilement, rapidement, dans le respect des droits de la personne. C'est ce que
j'avais à dire là-dessus.
Le Président (M. Ouellette) :
J'aimerais bien ça entendre vos collègues sur la contrainte plus que minimale.
M. le député de Borduas, est-ce que vous avez un commentaire sur la contrainte
plus que minimale?
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le
Président. Je suis en accord avec le sous-amendement qui est déposé par ma
collègue de Taschereau. Nous avions le même.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Ça va, merci.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
• (16 h 40) •
Mme Vallée :
J'ai une citation de Barack Obama ici puis, je ne sais pas, je pense que ça va
bien, je vais la garder pour un autre
moment. Non, mais, en fait, c'est parce qu'on parlait des États-Unis, de Barack
Obama, puis ça m'a fait penser à
certains échanges. Puis
c'est matière à réflexion. C'est
en anglais, par contre : «We need to reject any
politics that targets people because of race
or religion. This isn't a matter of political correctness, it's a matter of
understanding what makes us strong. The
world respects us not only for our arsenal, it respects us for our diversity,
our openness and the way we respect every faith.» C'est joli,
c'est beau.
Mme Maltais : ...M. le Président?
Le Président (M. Ouellette) : Quelle
date?
Mme
Maltais : Ah oui! Peu importe. Extraordinaire! L'homme qui
a dit cela, cette citation-là, est le président d'un pays qui utilise la contrainte plus que minimale.
Le gars qui a dit ça, c'est le président de la société qui vit la
contrainte plus que minimale. Donc, je vous remercie de cette citation, qui
appuie totalement ce que je dis. Je vous remercie, Mme la ministre.
Le Président (M. Ouellette) : Nous
avons une très belle semaine avec les citations et les sous-amendements.
Mme Vallée : ...parce qu'il y
a un contexte.
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
oui. Oui, mais là on va demander la totalité de l'article.
Mme Vallée : Mais, ceci dit,
on a des opinions divergentes sur cette question-là.
Le Président (M. Ouellette) : On
revient. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le sous-amendement de Mme
la députée de Taschereau? M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Bien, je
tiendrais à dire que la députée de Taschereau a été vite sur ses patins sur celle-là, M.
le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Je
pense qu'elle n'en a pas manqué beaucoup cette semaine, M. le député de Borduas.
Juste vous dire ça comme ça.
Donc, s'il n'y a pas d'autre commentaire, est-ce
qu'on est prêt à voter sur le sous-amendement de Mme la députée de Taschereau? Mme
la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
M. le Président, j'avais un dernier commentaire. La Cour suprême du Canada
mentionne explicitement, dans l'arrêt
Central Okanagan : «Le fondement de cette différence — la contrainte plus que minimale ou la
contrainte excessive — est
l'existence dans la Constitution américaine d'une clause interdisant
l'établissement d'une religion par l'État,
autrement dit la consécration du principe de la neutralité religieuse de
l'État, laquelle clause n'a pas d'équivalent dans la Constitution
canadienne.»
Nous introduisons un nouveau concept, la
neutralité religieuse de l'État. Nous sommes donc tout à fait justifiés maintenant d'introduire cette notion de
contrainte plus que minimale. C'est la dernière fois que... Je l'avais
déjà dit, mais c'est important de le comprendre. Voilà.
Le
Président (M. Ouellette) :
Donc, pour la réflexion des collègues, le vote est demandé sur le sous-amendement
de Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais : Par appel nominal.
Le
Président (M. Ouellette) :
J'avais lu sur vos lèvres, Mme la
députée de Taschereau.
Donc, le vote par appel nominal
est... Je me suis mis dans le trouble pour pas mal moins pire que ça. Et le
vote par appel nominal est demandé. Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention. Mme Maltais (Taschereau)?
Mme
Maltais : Pour.
La Secrétaire : Mme Vallée
(Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
La Secrétaire : Mme Montpetit
(Crémazie)?
Mme Montpetit : Contre.
La Secrétaire : Mme Melançon
(Verdun)?
Mme Melançon : Contre.
La Secrétaire : M. Rousselle
(Vimont)?
M. Rousselle : Contre.
La Secrétaire : M. Boucher
(Ungava)?
M. Boucher : Contre.
La Secrétaire : M. St-Denis
(Argenteuil)?
M. St-Denis : Contre.
La Secrétaire : M. Jolin-Barrette
(Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Pour.
La Secrétaire :
M. Ouellette (Chomedey)?
Le Président (M. Ouellette) : Je
m'abstiens. Donc, le sous-amendement introduit par Mme la députée de Taschereau
est rejeté.
Nous
continuons l'étude de l'amendement de l'article 10 proposé par Mme la ministre, en vous rappelant que dans 15 minutes
nous allons devoir suspendre nos travaux quelques minutes, le temps d'aller
voter sur la motion du mercredi. Donc, je vous le mentionne. Et, Mme la
députée de Taschereau, je pense que vous avez un autre sous-amendement à nous
proposer.
Mme
Maltais : M. le
Président, c'est sûr que je n'ai pas de sous-amendement à l'amendement à 10.
J'aurai un 10.1 à proposer après qui
correspond à l'ensemble des discussions qu'on a eues jusqu'ici,
là, ce n'est pas un nouveau sujet.
Mais je veux dire aussi que je me joins aux commentaires du collègue de Borduas
qui tout à l'heure avait parlé... Il se posait des questions sur le motif de frivolité,
comment ça pourrait être jugé. Mais, comme il a déjà fait le débat là-dessus, je le lui laisse, et ce sera, là...
Le
Président (M. Ouellette) : Donc, on s'en va à Borduas?
M.
Jolin-Barrette : Oui. Moi, j'ai une question encore sur l'article 10, M. le
Président, sur l'opportunité de prévoir
spécifiquement un article sur l'accommodement pour des motifs religieux, parce
que j'ai l'impression qu'on vient hiérarchiser
les droits. Puis on a eu cette discussion-là à la Commission des institutions
au mois de juin dernier en lien avec le
projet de loi sur l'adoption, puis la ministre nous disait : Pour nous,
c'est important de ne pas hiérarchiser les droits. On parlait du droit à la vie privée versus le droit à
la vie. Mais moi, j'ai l'impression
que, par l'amendement de l'article 10, on vient vraiment cibler un élément, on vient vraiment
dire : Pour le droit à la religion, voici ce qui s'applique. Puis, dans
le fond, nos chartes ne le font pas. J'ai cette impression-là qu'avec l'article 10 on vient nommément le spécifier, puis que la conséquence, ça
pourrait être de le faire.
Le Président (M.
Ouellette) : C'est un commentaire ou une question, M. le député de Borduas?
M.
Jolin-Barrette : Point d'interrogation.
Le Président (M. Ouellette) : C'est un point d'interrogation. Donc, votre
question suivra? Mme la ministre, en attendant la question.
Mme Vallée :
Non, bien, en fait, je ne partage pas le questionnement de mon collègue. On a
discuté de l'importance... Considérant que
nous sommes dans un projet de loi qui introduit le concept de neutralité
religieuse, il va de soi que de
donner les balises pour venir répondre à ces demandes toutes particulières qui
sont les demandes formulées dans un
contexte religieux, d'accommodement religieux, ce n'est pas une hiérarchisation
des droits, parce que les demandes d'accommodement sont généralement
évaluées... en fait, sont évaluées en fonction de la jurisprudence, en fonction
des
barèmes, mais les demandes d'accommodement religieux amènent, et la commission
Bouchard-Taylor l'identifie, et d'autres
organismes l'ont identifié, beaucoup de questionnements, et nous avons considéré
opportun de donner des balises pour
répondre adéquatement à ces demandes d'accommodement et le faire dans le
respect des droits individuels et collectifs.
Alors,
il n'y a pas de hiérarchisation des droits. Au contraire, il y a, dans cet
article-là, un souci d'assurer que le traitement de ces demandes-là se
fasse à l'intérieur d'un cadre, et ça, c'est dans le meilleur intérêt de tous.
Et nous avons entendu
ici, en commission parlementaire, et même dans les médias, différents
organismes qui réclamaient de meilleures balises parce que le traitement des
demandes d'accommodement amenait énormément de questionnements de la part de ceux et celles qui en étaient
responsables, pour éviter de refuser un accommodement qui devrait être accordé, pour éviter d'accorder un
accommodement qui n'en est pas réellement un. Bref, la demande a été formulée. Et
c'est aussi une recommandation qui émane des travaux de la commission
Bouchard-Taylor.
Donc,
ce n'est pas du tout... Au contraire, moi, je vois ça comme un outil qui va
permettre le vivre-ensemble, le respect des droits individuels et
collectifs.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Sauf que la base du projet de
loi, c'est supposé être sur la
neutralité religieuse de l'État, et là on vient insérer un article particulier justement sur les
accommodements. Au lieu de décréter pour dire : L'État, c'est ça,
c'est de la façon dont ça fonctionne... Vous
venez le faire, mais en même temps vous venez insérer aussi à l'article 1, bon, qui est parti de 9 à
1, concrètement la liberté de religion, tout ça, c'est ciblé pour
s'assurer de protéger la liberté de religion et les accommodements qui
sont sous-jacents à cela.
• (16 h 50) •
Mme
Vallée : En fait, je
reconnais une interprétation donnée par notre collègue de Montarville lors de la période de questions
ce matin et je vous dirais, M. le
Président, je ne partage pas cette
interprétation-là, c'est clair. Qu'on soit à l'aise avec le principe ou non, il y a un principe qui
est celui de la liberté de religion, la liberté de croyance, qui existe, et
ce principe-là, on le reconnaît. L'État est
neutre. Les individus, eux, ne le sont pas, et il est possible que des demandes
soient formulées par des individus, des
demandes d'accommodement fondées sur
la religion ou sur l'absence de croyances aussi. Je nous ramène encore
une fois à la décision de Saguenay qui reconnaît justement la neutralité de
l'État, la neutralité religieuse de l'État
et de ses institutions et qui vient statuer qu'une pratique mise en place par
une administration municipale constituait une atteinte aux droits, à la
liberté de conscience des demandeurs.
Donc, la neutralité
religieuse, c'est aussi d'assurer de ne pas favoriser une personne ou de la
défavoriser en fonction de sa religion. Donc...
mais ça, je sais que le collègue en est conscient, mais il n'y a pas, dans le
fait de traiter des accommodements pour demandes religieuses, une
hiérarchisation des droits. Au contraire, cet article-là permet d'atteindre cet équilibre entre le respect des
libertés individuelles, le droit à la liberté de religion et les droits
collectifs, et c'est ce qu'on retrouve dans l'article.
Donc, il n'y a pas, dans l'article 10, une
conception hiérarchique. On ne vient pas prétendre que les accommodements
pour motif religieux sont plus importants
que d'autres formes d'accommodement. Les autres formes d'accommodement n'ont
pas suscité ou ne suscitent pas autant de questionnements. Et on nous l'a
mentionné, les demandes d'accommodement qui...
M.
Jolin-Barrette : Fondées sur un autre motif.
Mme Vallée : Oui, les demandes d'accommodements fondées sur
un autre motif, ce n'est pas ça qui a amené, par exemple, la commission scolaire de Montréal à nous interpeler, c'est les demandes fondées sur
un motif religieux, besoin de guides, besoin d'encadrement,
parce qu'il y a beaucoup... il y a parfois un besoin de connaissance, un besoin
d'information, il y a parfois un manque
d'expérience. Ce n'est pas... Et ça, je ne le dis pas de façon négative, mais,
dans certains milieux, les demandes d'accommodement sont moins fréquentes.
Donc, il y a une moins grande proximité ou connaissance de la réalité. Donc,
comme je l'ai mentionné tout à l'heure, ça permet d'éviter justement que l'on
empêche de donner suite à un droit ou qu'on accorde un droit qui n'en est pas
réellement un.
Donc, il n'y
a pas du tout de hiérarchisation des droits, c'est vraiment un guide. C'est
tout à fait opportun dans un souci d'assurer un vivre-ensemble qui est
harmonieux.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais,
pour les autres motifs d'accommodement, ils ne sont pas légiférés, ceux-là.
Je comprends qu'on ne les retrouve nulle
part ailleurs, à l'exception des guides qui ont été établis par les tribunaux.
Pour toutes les autres formes d'accommodement non religieux, ceux-là, on ne les a pas légiférées. Dans le fond, les balises pour établir quelconque autre accommodement, c'est
ce que les tribunaux ont déterminé, point.
Mme Vallée : Bien, les demandes d'accommodement en général, la Commission des droits de la personne a
des guides pour les demandes d'accommodement
dans leur ensemble, il y a des guides. Nous, on a un projet de loi qui
porte sur la neutralité religieuse de l'État.
M. Jolin-Barrette : Mais ce que je
disais à la ministre, c'est qu'on fait un spécial pour les accommodements
religieux dans le cadre du projet de loi.
Mme Vallée :
C'est que les accommodements religieux amènent leur lot de questionnements, et
on demande de pouvoir accompagner,
donner des balises pour permettre à ceux et celles qui les reçoivent de les
traiter de façon objective, d'avoir
une grille d'analyse objective, parce qu'actuellement ce sont des demandes
toutes particulières. Donc, moi, je trouve que c'est tout à fait respectueux, pour ceux et celles qui sont
confrontés à ces demandes-là, d'avoir une grille d'analyse dans le cadre
d'un projet de loi fondé sur la neutralité religieuse. La neutralité religieuse
n'implique pas qu'il n'y ait pas d'accommodement.
Ça, c'est l'interprétation que votre collègue de Montarville donne, mais ce
n'est pas l'interprétation, ce n'est
pas ça. La neutralité religieuse, ça ne fait pas abstraction de la liberté de
religion, ce n'est pas ça, puis vous le savez, je le sais.
M. Jolin-Barrette : C'est le
choix gouvernemental d'aller en ce sens-là.
Mme Vallée : Tout à
fait.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est
pas notre choix.
Mme Vallée :
Non, je comprends. Mais comprenons... Puis même au niveau de la laïcité, parce
que, là, on revient, là, je vais
prendre deux petites minutes pour redire ce que j'ai déjà dit à un autre
moment, quand j'entends les collègues des oppositions parler de la laïcité, chacun a sa perception quant à sa mise
en oeuvre, quant à ce que ça représente, quant à ce que c'est. J'écoutais notre collègue de
Montarville parler. Selon elle, la laïcité vient enrayer toute manifestation
d'appartenance ou de croyance
religieuse dans l'espace public. Je sais que ce n'est pas votre interprétation.
Puis notre collègue de Québec solidaire a une autre approche à l'égard
de la laïcité, notre collègue de Taschereau a une autre approche. Donc, vous voyez, il n'y a pas... Non, mais il y a des
nuances. Dans les amendements apportés par les collègues des oppositions
en cours de route, il y a des nuances.
Parfois, certains s'entendent. Parfois, on ne s'entend pas. Mais c'est pour
dire à quel point c'est particulier.
Mais il n'y a pas de hiérarchisation des droits
dans cette introduction d'une grille d'analyse. Au contraire, je pense que c'est souhaitable d'éviter des
interprétations erronées et qu'on puisse avoir, un petit peu partout, des
traitements différenciés en faveur ou en
défaveur d'un individu, peu importe la croyance ou l'absence de croyance aussi
parce qu'il y a des demandes d'accommodement pour ceux et
celles qui ne sont pas croyants. Ça aussi, c'est important de le mentionner.
Ce n'est pas que ceux et celles qui ont une
croyance religieuse plus visible qui font des demandes d'accommodement.
Mme Maltais : M. le Président,
si vous me permettez...
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Je vais réagir encore une fois à ce que vient de dire la ministre. Je trouve ça
incroyable qu'elle dise que, sous
prétexte qu'on a des nuances ou qu'on ait des amendements un peu différents, on
ne peut pas inscrire la laïcité.
Il y a
tellement de problèmes, de ce côté-ci. C'est drôle, c'est parce qu'on veut tous
et toutes la laïcité ici. Tout le monde ici a un objectif commun, la laïcité,
puis on vient nous dire : Vous êtes tous différents, ça fait que je ne
l'adopterai pas.
Bien, je vais vous
donner un autre exemple. La neutralité religieuse de l'État, la ministre est en
train d'avoir une opinion différente de la
neutralité religieuse de l'État de celle du collègue, mais ça ne l'empêche pas
de l'inscrire dans la loi. Ça ne
l'empêche pas de l'inscrire dans la loi, même si son opinion est différente,
est une chose différente, parce que c'est ça, le débat public, le débat démocratique. On
s'entend sur des thèmes et, après ça, on cherche des moyens
d'application puis, des fois, on varie.
Mais, sur la laïcité, on varie peut-être sur l'application, mais on est tous et
toutes d'accord ici, les oppositions, que la laïcité devrait être dans cette
loi.
Moi,
ça fait plusieurs fois que la ministre dit ça, puis là je veux le dire encore
une fois, là, je ne considère pas cet argument-là
valable. Nous sommes tous et toutes ici... Qu'elle le vérifie si elle le veut,
qu'elle nous le demande un par un, là, nous avons tous et toutes dit que
nous voulions que la laïcité soit inscrite dans la loi. Peu importent nos
différences dans l'application, sur le principe, nous sommes tous et toutes
d'accord. Est-ce que je rêve, mes collègues?
Une voix :
Vous ne rêvez pas, Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Merci, cher.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député de Gouin, vous êtes d'accord aussi?
M. Nadeau-Dubois :
Québec solidaire et moi personnellement aussi, on adhère au principe de
laïcité. Même si on peut débattre de la manière de l'appliquer, de son
interprétation, le principe de laïcité est un principe auquel on tient et qu'on
pense qu'il devrait être affirmé et reconnu officiellement dans une loi au
Québec.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Ça va.
Le Président (M. Ouellette) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur...
Non? Donc, avant le vote, est-ce que l'amendement proposé par Mme la
ministre à l'article 10 est adopté?
Des voix :
Adopté.
Une voix :
Sur division.
• (17 heures) •
Le Président
(M. Ouellette) : Sur division. Est-ce que l'article 10 ainsi amendé...
Mme Maltais :
...commentaire, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Oui?
Mme
Maltais : Je veux dire : Sur division parce que j'aurais beaucoup...
J'ai apprécié qu'on ajoute l'orientation sexuelle, mais la contrainte plus que minimale, c'était une de nos huit
demandes et c'est quelque chose qui, pour nous, a une valeur, qui aurait amené un changement dans la
législation. C'est pour ça que nous serons contre le nouvel amendement.
Le Président (M.
Ouellette) : Donc, l'article 10 ainsi amendé est-il adopté?
Des voix :
Adopté.
Une voix :
Sur division.
Le Président (M. Ouellette) : Adopté. Mme la députée de Taschereau, vous
m'aviez mentionné que vous étiez pour introduire un amendement pour
10.1, mais avant on va peut-être juste le lire, puis après on va suspendre puis
on va aller voter.
Mme Maltais :
O.K. Article 10 : Ajouter, après l'article 10, l'article 10.1
suivant :
«10.1.
Le gouvernement publie un guide sur le traitement d'une demande d'accommodement
pour motifs religieux à l'attention des organismes chargés d'appliquer
l'article 10.
«30 jours
après sa publication ou au plus tard 10 jours après la reprise des travaux
parlementaires, ce guide doit faire l'objet d'une étude par la
commission compétence de l'Assemblée nationale.»
Le Président (M. Ouellette) : C'est bon. Donc, je vais suspendre quelques
minutes, on va monter en haut, parce qu'on est appelés pour le vote.
(Suspension de la séance à
17 h 1)
(Reprise à 17 h 26)
Le Président (M. Ouellette) : Nous
reprenons nos travaux après le vote sur la motion du mercredi. Nous en sommes à un amendement proposé par Mme la députée de Taschereau introduisant l'article 10.1 du projet de loi n° 62 immédiatement après l'article 10. Mme la députée de Taschereau,
vous en aviez fait lecture. Nous attendons vos commentaires.
Mme
Maltais : D'accord,
M. le Président. On a déjà
eu une discussion, c'est pour ça que je vais être plus brève qu'à d'autres moments pour présenter cet
amendement, on a déjà eu une discussion sur le fameux guide. D'abord,
moi, je ne crois pas que ce soit... Je
comprends que ça va être l'organisme, et ça, c'est bien que ce soit l'organisme
et non plus les fonctionnaires qui... les gens de l'État qui aient le
fardeau de refuser ou d'accepter les accommodements religieux. Ça, c'est un bon pas, un bon point qu'on a gagné,
puis on en est contents. Ça a été bien accueilli par le gouvernement.
Parfait. Maintenant, il va falloir produire un guide.
Jusqu'ici, il existe un guide, et c'est le
modèle que la ministre déploie souvent, dont elle parle souvent, c'est le guide de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse. Celui-ci, à mon avis, a des erreurs,
et je ne pense pas qu'il soit... Il est un
bon modèle, mais il va avoir besoin d'être amélioré en fonction, d'ailleurs, de
cette loi qui peut être adoptée bientôt.
Il y a la
CDPDJ, d'un bord, qui vit actuellement de très grandes difficultés, d'après ce
que je comprends, c'est étalé en
pleine page dans les journaux. Il y a quand même sept employés qui sont partis,
la présidente est remise en question. Donc,
la CDPDJ, si c'est elle qui l'écrit, on a des raisons de se dire que ça peut
être long et difficile. D'autre part, ça n'a pas de bon sens qu'il soit
là, chaque organisme, à décider de quel sera son guide.
Alors,
l'idée, je reviens avec une idée qu'on avait, c'est que le gouvernement publie
un guide sur le traitement d'une
demande d'accommodement pour motif religieux à l'attention des organismes
chargés d'appliquer l'article 10. Donc, «le gouvernement publie». Il ne dit pas que le gouvernement attend, mettons,
une adoption et tout, c'est «le gouvernement publie», point. Donc, le calendrier gouvernemental n'est pas touché,
dans cette proposition, c'est «le gouvernement publie».
Ce qu'on
demande, toutefois, c'est que, 30 jours après sa publication — donc il n'est pas question
d'adoption, c'est déjà publié — ou au plus tard 10 jours après la
reprise des travaux parlementaires, parce que c'est l'usage de se donner
un espace au cas où quelque chose arrive
pendant l'été ou pendant qu'on ne siège pas, ce guide doit faire l'objet d'une
étude par la commission compétente de
l'Assemblée nationale. Une étude, ce n'est pas une adoption, une étude... Par
exemple, combien de commissions
parlementaires font l'étude de rapports annuels de sociétés, décident à un moment
donné de faire un rapport? Là, tout simplement, on donne une date pour
que ce soit plus court. Une étude peut se faire... ça peut être décidé par la commission compétente de se faire en
session... en séance de travail. Je n'ai pas qualifié... Puis on
pourrait dire que ça peut être décidé en
séance de travail, comme nous avons étudié en séance de travail le rapport du
Commissaire à l'éthique et à la déontologie.
Il y a eu des auditions, mais on a fait des séances de travail sur... on a
étudié véritablement son rapport, où on a échangé puis on a trouvé,
finalement, des points d'intérêt communs.
Donc, l'idée, c'est d'en arriver à ce que les
membres du Parlement, les parlementaires d'une commission, ça pourrait être la Commission des institutions, ça pourrait
être la commission afférente... Si, par exemple, c'est un guide qui
concerne surtout la santé ou concerne uniquement la santé, ça peut être la
CSSS, je laisse ça, évidemment au, choix... À
ce moment-là, ce sera probablement le gouvernement qui décidera, c'est le
gouvernement qui va décider de telles choses. Alors, il n'y a pas de contrainte là-dedans. Il y a simplement une
obligation de le présenter devant les parlementaires dans un délai raisonnable. Puis toutes les
circonstances potentielles, là, de tout ce qui pourrait nuire soit à la
publication, soit à la décision gouvernementale, soit aux délais,
j'essaie de les éliminer dans la proposition.
Mais cette
idée que le gouvernement publie un guide, moi, que ce soit sous l'autorité du
gouvernement, je trouve ça intéressant puis, deuxièmement, que les
parlementaires le voient.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
• (17 h 30) •
Mme Vallée :
Sur l'importance d'avoir un guide, je pense qu'on est pas mal tous sur la
même page, on écoutera les collègues,
mais je souhaite comprendre l'objectif que notre collègue vise ou souhaite
atteindre par le travail en commission parlementaire,
je veux simplement essayer de comprendre quel est l'objectif visé par l'étude
en commission parlementaire d'un
guide qui aura déjà été publié, là, on se comprend, et puis c'est juste pour
m'assurer de bien saisir parce que je n'ai pas d'objection. Comme je vous l'ai mentionné, nous, on considère que ce
n'était pas nécessaire de le prévoir à l'intérieur du projet de loi. Maintenant, si l'ensemble des
collègues considèrent que ça pourrait être aidant, d'autant qu'on est
dans le droit nouveau, je n'ai pas
d'objection de principe non plus, il n'y a pas d'enjeu... je ne crois pas qu'il
y ait d'enjeu majeur. La question,
puis je l'ai abordé ce matin, c'était plus une question de disponibilité puis
d'assurer aussi une mise en oeuvre qui ne soit pas retardée par un
processus parlementaire, puis ça, je comprends que notre collègue, dans la
formulation de son amendement, a été très sensible à cet élément-là, mais c'est
tout simplement l'objectif de l'exercice.
Mme
Maltais :
Très bien. J'ai dit, quand on a fait le débat sur cette idée d'un guide par le
gouvernement, que ça faisait
longtemps, tout le monde va agréer, qu'on débat des accommodements, qu'on
appelait raisonnables au début et maintenant religieux, et
systématiquement, quand il y a un accommodement religieux... il y a eu souvent
des crises médiatiques, des crises publiques, il y a eu des incompréhensions.
On pose des questions à l'Assemblée nationale, la ministre va chercher
l'information au ministère, nous revient, puis là ça fait des débats. Il a été
dit souvent, et je suis d'accord en partie, qu'il y a des gens qui ont subi
parfois — je
vais l'appeler comme ça — la
surmédiatisation des accommodements pour
motif religieux ou accommodements raisonnables. Il y a vraiment eu, là, un boom
médiatique énorme, et il y a eu des événements malheureux, il y a eu des gens
qui ont été victimes d'ostracisme.
Je pense que,
depuis un certain temps, je dirais carrément depuis les événements tragiques,
les actes criminels au Centre
culturel islamique, on a abordé un autre ton, on a dit : On va essayer de
collaborer puis on va essayer d'en arriver à faire attention à ne pas attiser ni l'un ni
l'autre côté, les gens qui sont contre les accommodements comme les gens
qui sont pour les accommodements. Parce que
le danger, c'est qu'à un moment donné les gens se crinquent, s'attisent. Alors,
pour que nous soyons, nous, correctement informés,
nous, les parlementaires, sur la façon dont on va gérer les
accommodements pour motif religieux à
l'intérieur, maintenant, des organismes publics, quoi de mieux qu'une bonne
séance d'information entre nous
autour de ce guide et d'une bonne compréhension de la façon dont il doit être
appliqué dans les organismes publics?
À mon avis, si le débat n'est pas fait de façon partisane, c'est mon avis, là,
évidemment, si le débat est... Moi, si je suis là, c'est moi qui porte la laïcité, vous avez vu le ton que j'ai,
qu'on essaie d'améliorer... Si ce n'est pas moi, je ne le sais pas, mais il y a généralement dans tous les partis
politiques, en ce moment, une intention de baisser le ton et d'essayer
de ne pas attiser les radicalismes, de
quelque côté qu'ils soient. Alors, l'idée, c'est que des parlementaires bien
informés sont des parlementaires qui donnent de meilleures opinions.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Gouin.
M.
Nadeau-Dubois : Bien, écoutez, je viens d'une famille politique où la
notion d'éducation populaire est très valorisée,
hein, où on considère que les progrès sociaux viennent notamment quand les
décisions politiques puis les débats politiques
se font en incluant le plus de gens possible puis en informant le plus les
gens. Et moi, je regarde le moment puis je trouve ça intéressant parce que je me dis... Et je comprends, dans le
fond, que ce serait un exercice de discussion, de consultation, de réflexion collective où les
parlementaires seraient appelés à prendre connaissance du document, puis
à se l'approprier, puis à mieux le
comprendre. À mon sens, ça donnerait des outils aux parlementaires pour
ensuite, sur le terrain, répondre à certaines questions de leurs
commettants, de leurs commettantes. Ça permettrait peut-être aussi même de sensibiliser nos estimés collègues des médias qui
suivent nos travaux aussi, qui pourraient prendre connaissance du guide.
Donc, moi, je
regarde ça puis je trouve que ça a beaucoup de bon sens. Ça permettrait de rendre le processus plus transparent. Parce que c'est ça aussi, je pense, qui a alimenté
certaines perceptions négatives, puis ça a alimenté même certaines crises, là, le fait que les gens aient
l'impression que ces décisions-là se prennent en cachette,
derrière des portes closes, l'impression qu'on ne sait pas trop c'est qui qui décide dans ces situations-là.
Puis le fait que la discussion se fasse de manière transparente et ouverte dans un forum public comme ici, je
trouve ça très intéressant, ça permet de déconstruire aussi cette perception-là qui existe chez beaucoup
de gens qu'il y aurait comme d'obscurs personnages qui viendraient nuire à leurs droits. Le fait qu'on en débatte ici
puis qu'on le fasse... bien, qu'on en débatte... qu'on en discute
ouvertement puis que ce soit visible et audible par tous et toutes, je trouve
que c'est une belle idée.
Puis c'est un
amendement, pour notre part, qu'on va appuyer. On trouve que
ça va dans le sens de mener ces débats-là
sur une base saine, sur une base ouverte, transparente. Puis en effet j'y vois
une certaine dimension d'éducation
populaire qui, comme député de
Gouin mais aussi comme membre de ma formation politique, vient me chercher.
Puis je salue le dépôt de cet amendement-là, puis on va l'appuyer avec
plaisir.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville, je veux connaître votre opinion.
Mme Roy : Ah oui? Vous voulez connaître mon opinion?
Bonjour, M. le Président. Je veux juste vous dire que je suis heureuse d'être de retour. Malheureusement, je ne peux pas être à deux endroits en même temps. Alors là, j'y
suis, et je suis bien heureuse d'y être.
Le Président (M. Ouellette) : ...pas
dans l'oeil de la caméra, mais vous n'étiez pas loin.
Mme Roy : J'étais là en
pensée, en pensée, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Voilà.
Mme Roy : Ça me rappelle qu'en — quelle date? — octobre 2016, ma formation politique, la Coalition avenir Québec,
avait demandé, à tout événement, un guide, vraiment un guide pratique
pour les accommodements
raisonnables pour des motifs religieux
lorsque ça touche, entre autres... Enfin, notre demande était plus précisément
les écoles. Et c'était à la demande, d'ailleurs, des groupes que nous avions rencontrés en commission parlementaire, la FAE entre
autres, il y en avait d'autres aussi... et la CSQ, voilà, qui nous
disaient : Écoutez, le problème, c'est que, même si on a des balises de ce
qu'est un accommodement raisonnable pour
un motif religieux, la personne à qui on va demander un accommodement, dans la réalité qui nous préoccupe... Lorsqu'on
est à l'école, par exemple, l'enseignant se fait dire qu'un enfant ne
peut pas écouter de la musique, donc doit se mettre un casque pour se boucher
les oreilles, ou, c'est l'Halloween, ne peut pas manger de bonbons pour x
raisons, etc., toutes sortes de motifs, finalement, qui sont invoqués. Les gens
du monde de l'éducation nous disaient :
Ça nous prendrait un guide. Et l'idée du guide pourrait aider tous ces
intervenants à qui on va demander des
accommodements pour des motifs religieux, l'idée d'un guide pour qu'ils aient
tous les mêmes pratiques et qu'ils puissent tous répondre la même chose,
c'est une idée qui a été évoquée plus d'une fois. D'ailleurs, nous avions déposé une motion à l'Assemblée nationale le
réclamant en octobre, nous disions, 2016 à cet effet. Alors, oui, l'idée
est quelque chose d'intéressant. Naturellement, il y a aussi le rapport, le
fameux rapport Bouchard-Taylor qui, dans ses recommandations, nous parlait d'un
guide du genre.
Alors, c'est
quelque chose qui n'est pas ce projet de loi là, mais qui aurait une vie en
soi, si je comprends bien, qui pourrait
également être revisité. Parce que Mme la ministre parlait qu'on veut se garder
des portes ouvertes parce que ça bouge,
parce qu'il y a différentes pratiques, etc. Bien, dans le guide, je pense qu'à
la lumière des demandes qui pourraient être faites aux enseignants, au personnel de
direction des écoles, etc., on peut arriver avec une panoplie de demandes
dont on ignore même l'existence pour le
moment, donc il y aurait probablement des mises à jour à faire, compte tenu de
l'évolution du nombre de demandes pour des
motifs religieux qui pourraient être faites. Alors, l'idée d'avoir un
guide, c'est quelque chose d'intéressant. Et c'est quelque chose qu'on
réclame depuis, bien, un an déjà.
Alors, voilà. C'était mon commentaire.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
• (17 h 40) •
Mme
Maltais :
Un dernier commentaire. Autant parfois il arrive que, dans des débats, il y a
des idées qui soient issues d'un
parti, je pense, entre autres, quand on avait discuté sur ce dont on a débattu
ce matin, sur le fait que... la liberté d'action et de parole des députés, qu'on avait, nous, fortement
débattue, autant, effectivement, la collègue a raison, dès la fin des
auditions parlementaires, dans les remarques préliminaires, à peu près tous les
partis présents avaient dit : Ça va prendre
une politique globale, ça va prendre des lignes... Alors, oui, tout le monde,
un peu, a... Et effectivement la collègue l'avait dit en octobre, mais elle l'avait dit aussi aux remarques
préliminaires, moi aussi, on en avait parlé en novembre. En fait, c'est dans l'air depuis un bout de temps,
puis je pense que ce serait le temps... En tout cas, la manière dont c'est
fait, je trouve, dont tout le monde
l'accueille, ça pourrait permettre de faire
oeuvre d'éducation populaire, mais aussi, je retiens la remarque du député de Gouin, c'est aussi de nous
permettre, nous, quand les gens nous interpellent, nos commettants, ou
les organisations, ou les gens qui disent : Oui, mais on m'a mal traité,
de pouvoir avoir une bonne lecture.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Donc, on est vraiment... C'est parce que j'écoutais, je comprends... Puis
assurer que les gens soient au fait,
soient sensibilisés, soient éduqués, c'est tout à fait louable. Par contre,
j'ai porté une attention à ce que notre collègue de Montarville disait, elle parlait de l'évolution des demandes,
l'évolution du contexte. Et là je vous pose une question parce qu'on me l'a posée, du côté de mes équipes, puis
je veux simplement m'assurer qu'on est vraiment sur la même longueur d'onde. C'est qu'il y a le guide, donc vous
souhaitez prévoir le guide, mais une autre alternative qui pourrait aussi
être envisagée et qu'on retrouve dans
certaines lois, on a retrouvé qu'on avait mise en place notamment dans la loi
sur les soins de fin de vie, c'était un rapport sur la mise en oeuvre,
par exemple, des dispositions de l'article 10. Ça, ce serait une autre
disposition.
Donc, le
ministre de la Justice pourrait déposer un rapport de mise en oeuvre de
l'article 10, c'est certain que... après l'expiration d'un délai,
d'un certain temps, ce qui permettrait de répondre peut-être de façon plus
précise à la préoccupation de notre
collègue, parce qu'aujourd'hui on a une réalité x; dans trois ans... Parce
qu'on a des chiffres, on a des données. On parlait un peu plus tôt du
nombre, du pourcentage d'accommodements pour motif religieux qui était substantiellement inférieur aux autres demandes
d'accommodement, mais quel sera l'état des lieux dans deux ans, dans
trois ans, suite à l'adoption de notre projet de loi?
Donc, oui, on
peut aller de l'avant avec un guide, mais un guide, c'est peut-être plus figé,
tandis qu'un rapport de mise en
oeuvre pourrait peut-être permettre par la suite de voir l'opportunité... Je ne
sais pas, je vous le propose, mais tout en respectant, évidemment, cette préoccupation, que je partage, d'assurer
une discussion sereine sur des enjeux de société qui sont probablement méconnus, ce qui amène parfois
des positionnements ou des questionnements quant à leur opportunité. Je
vous pose la question. C'est sûr que l'idée du guide, comme je vous le
mentionnais, c'est quelque chose... on va travailler...
on a déjà l'intention de mettre en place des guides ou des politiques, là, ce
n'est pas encore défini, mais... Puis il faudra voir aussi le moment du guide parce que, si l'obligation, c'est
d'adopter un guide au moment de l'entrée en vigueur, il va falloir regarder la date d'entrée en vigueur
ou vous laisser cette discrétion-là, alors que le rapport de mise en
oeuvre permet peut-être davantage, un, oui de se pencher sur les outils mis à
la disposition des organismes publics, mais de se pencher aussi sur la réalité,
le nombre de demandes, la façon dont ils ont été... le nombre de dossiers
acceptés, les accommodements acceptés, les accommodements refusés.
Ça me fait
vraiment penser à la loi sur les soins de fin de vie parce qu'on a un rapport
de mise en oeuvre de l'article qui touche l'aide médicale à mourir,
parce que c'était du droit nouveau, parce qu'on voulait assurer, à ce
moment-là, un suivi. La date était de cinq ans. Moi, je vous proposerais
davantage trois ans, là, mais c'était cinq ans, je crois.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Gouin.
M.
Nadeau-Dubois : Je trouve ça intéressant, l'idée d'un rapport de mise
en oeuvre. En effet, je pense que c'est une bonne idée.
Je ne crois
pas, cependant, qu'il faut le voir comme une alternative à l'amendement dont on
discute actuellement. Moi, j'ai même
l'impression que c'est deux outils qui peuvent être complémentaires, au sens où
le fait de discuter d'un guide ici,
entre parlementaires, ça peut justement aider la mise en oeuvre de la loi en
donnant l'information plus largement, disons,
au plus de gens possible dans la population, en donnant l'information aux parlementaires, qui peuvent donc répondre sur le terrain
aux préoccupations de leurs commettants, de leurs commettantes.
Donc, moi, je
pense qu'il faut voir ces deux moyens-là comme des moyens
complémentaires plutôt que comme une alternative entre les deux,
là. La mise en oeuvre va d'autant mieux se passer si les guides, ou les politiques,
ou les outils, là, on
peut choisir le terme qu'on veut,
mais ont été discutés largement, ont
été débattus. Les gens en ont entendu parler
à tout le moins un peu dans l'espace public et, quand ils
arrivent dans leur rapport avec un organisme public, ils ne tombent pas
des nues quand ils voient comment sont gérées les demandes d'accommodement. Et
donc l'adoption de guides puis leur discussion dans une
commission, disons, dans le cadre de l'Assemblée nationale, ça me semble être complémentaire au fait d'avoir un rapport de mise
en oeuvre qui après, oui, fait un bilan de ça s'est passé comment, après
deux, trois, quatre ans. Moi, je le vois comme des moyens qui concourent à la
même fin, celle de s'assurer que ça se passe bien, dans la sérénité puis dans
le respect de tout le monde. Je pense qu'on partage tous ces objectifs-là ici.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la
ministre, la présidence aura peut-être une ou deux interrogations après
pour avoir été au centre de ce que Mme la
députée de Taschereau a mentionné tantôt et juste pour éclairer notre lanterne.
Je vous laisse aller.
Mme Vallée : Oui, mais ça,
nous aussi, on a été au centre d'un exercice similaire aussi puis... Par
contre, on m'indique, les équipes... nos juristes m'indiquent qu'on devrait
plutôt faire référence à des lignes directrices; que les organismes, eux, produisent des guides, mais le
gouvernement va plutôt émettre des lignes directrices. Légistiquement,
ce serait plus précis et respectueux aussi de l'autonomie des organismes.
Mme
Maltais : Bien,
les organismes, ils vont être obligés de respecter la loi, là.
Mme Vallée :
Oui, oui, tout à fait. Le guide que l'organisme concocte pour lui-même — et il n'est pas obligé non plus — respecte les lignes directrices, qui, elles,
sont émises en fonction de la loi. Mais on m'indiquait que, pour assurer
le respect de l'autonomie de nos organismes,
on devrait plutôt utiliser le terme «lignes directrices» si on souhaite
aller dans cette orientation-là.
Mme
Maltais :
M. le Président, si je peux me permettre, l'un n'exclut pas l'autre. Alors,
c'est une bonne idée, un rapport de
mise en oeuvre, ça permettrait... C'est parce que je trouve qu'il y a... Une
des choses qu'on nous a reprochées quant
à ce sujet des accommodements pour motif religieux, ça a été parfois... tout le
monde dit, des fois : Ah! il n'y en a pas beaucoup, vous exagérez.
J'avais encore un journaliste qui me disait : Mais il y en a juste trois,
quatre par année. J'ai fait : Aïe! tu
n'as pas écouté les auditions en commission parlementaire. Ça fait que, là, à
chaque fois, il faut ramener quel est...
combien. Il y en a qui nous reprochent de trop en parler, de ne pas assez en
parler. Il y en a qui disent : Il n'y en a pas, ce n'est pas beaucoup, il y en a qui disent : Non, non, il y
en a beaucoup, c'est énorme. Ça fait que l'idée du rapport de mise en oeuvre,
c'est d'avoir un portrait clair après quelques années, trois ans, cinq ans, je
ne sais pas, mais trois ans, c'était bon.
Mais je conserverais quand même l'idée d'avoir cet épisode de retour sur cette
commission parlementaire, sur le 62,
en allant voir les lignes directrices et enfin sur ces balises des
accommodements pour motif religieux. Moi, j'aime bien l'idée. Moi, l'un n'exclut pas l'autre, c'est comme vous voulez.
Mais je tiens encore à ce moment où on va s'asseoir en se disant :
Bon, qu'est-ce que ça a donné?
Le Président (M. Ouellette) : ...
Mme
Maltais : Non, ça,
c'est le rapport de mise en oeuvre. Donc, qu'est-ce que ça a donné...
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
mais le rapport de mise en oeuvre, c'est... Oui, oui, O.K., oui.
Mme
Maltais : Ça,
c'est... Mais qu'est-ce que ça a donné dans les ministères ou à travers les
ministères, ce comité-là? Qu'est-ce que ça a
donné comme lignes directrices? Puis là on s'assoit, on les regarde, puis après
ça on les connaît puis on commente mieux.
Ils vont déjà
être publiés. Au pire, ce qui va arriver, c'est qu'on va soit dire :
Écoutez, ça aurait dû inclure ça, ça n'aurait pas dû inclure ça, mais on
a déjà adopté la loi. Mais, comme je vous le dis, l'idée n'est pas de tomber
dans la partisanerie.
• (17 h 50) •
Le
Président (M. Ouellette) :
Non, mais le questionnement de la présidence était à cet effet, pour avoir un
peu le jour de la marmotte, là, pour avoir
été là-dedans à deux occasions. C'est que le but de votre amendement, c'est,
30 jours après la publication du guide
par le gouvernement, donc, publication par règlement, avant adoption. À moins
que vous me disiez qu'on est complètement à part, là, on va se faire une
séance de travail et on va étudier, une séance de travail pour étudier le
guide.
Mme
Maltais : ...les
lignes directrices.
Le
Président (M. Ouellette) :
Oui, bien, que ce soit le guide ou les lignes directrices, mais ça va
être quelque chose qui va être publié par le gouvernement. Il faut
juste, à un moment donné, le regarder.
Et cette
étude-là en commission parlementaire, est-ce
qu'elle a un impact sur l'adoption
après du guide ou ce n'est tout simplement qu'une séance d'information
pour les membres de la commission, qui pourront que ce soit faire des recommandations ou juste prendre l'information, avoir une discussion et voir... La question que
la présidence se pose, c'est que, si,
au cours de cette séance-là, il y a quelques très bonnes idées qui ressortent, bon,
on fait quoi avec les très bonnes idées?
On aura eu une séance d'information pour les concitoyens puis le guide sera déjà
adopté par règlement. Je veux juste
qu'on alimente notre réflexion à cet effet-là, parce qu'on ne décidera pas de
votre amendement dans les huit prochaines minutes, Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Je peux avoir des
éléments de réponse qu'on a déjà soulevés. De notre côté, puis je pense que
ça a été compris comme ça de tous les côtés,
il ne s'agit pas d'en faire un sujet d'adoption, il s'agit donc d'une... On disait
«publication», mais je ne pensais pas... Il faut enlever le mot «publication», à
ce moment-là, parce que «publication» signifie publication à la Gazette du
Québec, vous avez tout à fait raison.
Le Président (M. Ouellette) : Exactement.
Je m'étais pris une note.
Mme
Maltais : Alors, peut-être
que c'est simplement «le gouvernement décide». Je ne sais pas comment on amène des lignes directrices. Une publication, je
connaissais ça, mais des lignes directrices... Et le reste s'ensuit, mais
l'idée n'était pas de passer nécessairement
par un règlement. Je ne crois pas... Je ne sais pas s'il va
falloir... Peut-être la ministre
peut nous informer, s'il va falloir qu'elle procède par règlement ou
c'est tout simplement un envoi de lignes directrices. Ceci dit, quand il
y a des lignes directrices, s'il y en a une nouvelle qui s'ajoute parce qu'il y
a une bonne idée, c'est facile à... Une ligne directrice, c'est pas mal plus
facile à bonifier qu'un règlement.
Le Président
(M. Ouellette) : Bien, c'est
le but de l'interrogation de la présidence, pour justement alimenter les
commentaires de chacun des collègues.
Mme Maltais : Tout à fait.
Mme Vallée :
Moi, je vous avoue que j'avais compris que, lorsqu'on utilisait le terme
«publication», ce n'était pas nécessairement publication dans le sens du
processus réglementaire, mais c'était à partir du moment où le ministère rend
public en publiant, par exemple, sur le site Internet du ministère. Donc, moi,
c'est comme ça que j'avais saisi l'utilisation du terme «publication».
Mme Maltais : Mais il faut choisir
le bon mot. Si tout le monde comprend qu'il y a une publication dans la Gazette,
on a un problème.
Mme Vallée :
Mais à moins qu'on prévoie «après publication sur le site». Ça pourrait être
aussi simple que ça.
Le
Président (M. Ouellette) :
Bon. Et l'autre question que la présidence se posait, c'est qu'après la
publication il y a une séance de travail,
mais le but de la séance de travail... On ne fera pas une séance de travail
pour faire une séance de travail
compte tenu de l'horaire très chargé de la Commission des institutions. Et je
comprends qu'on veut se mettre au parfum
des lignes directrices et de ce qui est dans le guide, mais je me dis : Si
le fruit de cette séance de travail là amène des bonnes recommandations
ou des très bonnes suggestions, on fait quoi avec?
Mme
Maltais : Bien, M. le Président, on envoie une modification aux lignes
directrices. Beaucoup plus facile changer des lignes directrices que de
changer un règlement, croyez-moi.
Le
Président (M. Ouellette) :
Non, je suis d'accord, mais je pense que c'est important qu'on s'en parle là
avant de savoir où est-ce qu'on va.
Mme Maltais : L'autre chose, M. le
Président, l'autre chose, je n'ai pas non plus écrit là-dedans que c'était
obligatoirement une séance de travail, ce sera aux membres de la commission à
décider.
Ceci dit, je
disais très bien qu'une séance de travail me paraît tout à fait acceptable,
mais peut-être que les gens vont vouloir d'une séance publique pour la
faire connaître. Je ne serai pas là... ou je serai là parce que j'aurai la
laïcité, je ne le sais pas.
Mme Vallée : On a une
déclaration ici.
Mme Maltais : Non, non.
Mme Vallée : Scoop?
Mme
Maltais : Prenez-le plutôt dans le sens de ce que vous avez entendu
hier : Ouf! ça fait longtemps que je parle de la laïcité!
Alors, peut-être que dans un avenir prochain je
vais délester certaines de mes responsabilités. C'est ça que j'annonce ce
matin.
Le
Président (M. Ouellette) : À
la lumière des commentaires qu'on a entendus, est-ce qu'on garde le libellé
du sous-amendement de Mme la députée de
Taschereau de cette façon-là ou est-ce qu'on continue à y penser puis on
regarde avec les légistes pour arriver demain à une suggestion qui pourrait
être appropriée?
Mme Vallée : En fait, M. le
Président, je pense que l'équipe est déjà au travail, parce qu'il y avait des...
On comprend, là, l'esprit dans lequel tout ça s'inscrit, esprit d'assurer que
les lignes directrices... Bien, on avait de toute façon l'intention de... on travaillait déjà dans
le sens d'en préparer, donc, bon, en
faire une obligation, en soi, moi, je ne vois pas de problème.
Et il suffit d'assurer que le libellé
soit peut-être davantage conforme au respect de l'autonomie de
certains organismes puis aux processus. Alors, peut-être qu'on pourrait
demander à avoir un libellé qui est conforme aussi au reste du corpus législatif
du Québec, là, qu'on n'arrive pas avec un concept...
Mme
Maltais : Oui. Et
j'ajouterais que, comme on a dit... Vous avez soulevé vous-même
toute la délicatesse de la date de mise en oeuvre de la loi. Donc, il
faudra réfléchir à ça, peut-être. Est-ce qu'on dit : L'article untel sera
mis en oeuvre... Je ne sais pas comment...
Le Président (M. Ouellette) : Je
suis d'accord. Ça fait que, compte tenu qu'on est tous dans les bonnes dispositions, bien, je vais vous donner congé de devoirs et congé de leçons, sauf
aux légistes, parce qu'on ne pourra pas avancer sur autre chose. À
moins que vous vouliez faire la lecture... Parce qu'on est à 10.1, sur un
sous-amendement.
Ça fait que, sur ce... Il me reste trois petites
minutes. Ça va?
Mme Vallée : Oui.
Le
Président (M. Ouellette) :
Donc, on se revoit après les affaires courantes. Pour la CI, c'est demain
matin, à 8 heures, mais, pour le projet de loi n° 62, après les
affaires courantes, demain.
Donc, j'ajourne les travaux.
(Fin de la séance à 17 h 57)