(Quinze heures trente-six minutes)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de procéder aux
consultations particulières et auditions publiques sur projet de loi n° 138 — on
vient de changer de numéro — Loi modifiant le Code de procédure pénale et
la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de favoriser l'accès à la
justice et la réduction des délais en matière criminelle et pénale.
M. le secrétaire, il y a des remplacements.
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Merlini (La Prairie) est remplacé par Mme Nichols
(Vaudreuil).
Le Président (M. Ouellette) :
Nous allons immédiatement débuter par les remarques préliminaires.
Document déposé
Et, juste
avant, je dépose sur le site de la Commission
des institutions une lettre qui est
adressée, elle est du 26 mai, par Me François Bibeau,
notaire, à la ministre, qui réitère l'appui de la Chambre des notaires au
projet de loi n° 138. Je pense que, tous les collègues, vous en
avez eu une copie. Et je la dépose officiellement.
Remarques préliminaires
Donc, Mme la ministre.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée :
Bonjour, M. le Président. Alors, d'abord, j'aimerais d'entrée de jeu remercier
les représentants des groupes que
nous allons entendre aujourd'hui pour leur participation et leur présence aux
travaux de la commission. Ce sont des
joueurs clés de notre système de justice. C'est des gens avec qui nous
travaillons au quotidien, je dirais, pour améliorer notre système de justice, puis je suis bien heureuse qu'ils
aient manifesté l'intérêt de venir s'exprimer sur le présent projet de
loi.
Je remercie
les collègues parlementaires également de leur intérêt, donc, la députée de
Joliette, le député de Borduas et les
complices de la Commission des institutions qui se joignent à nous encore une
fois pour aborder un autre dossier important pour la société québécoise.
Vous savez,
on en a parlé tout à l'heure à la période de questions, au cours des
12 derniers mois, on a posé plusieurs gestes en tant que gouvernement pour favoriser la réduction des délais
en matière criminelle et pénale. Je tiens d'abord à rappeler le lancement du plan d'action de la Table
Justice-Québec le 3 octobre 2016, à laquelle participe le Barreau du
Québec notamment, l'investissement de 172,2 millions
de dollars qui a été annoncé en décembre dans le cadre de la stratégie gouvernementale qui vise à réduire les délais en
matière de justice criminelle et pénale, ce qui nous a permis d'ajouter des ressources sans précédent dans le système de justice :
16 juges à la Cour du Québec, cinq juges à la Cour supérieure — nous attendons les nominations — deux
juges à la Cour d'appel, 69 procureurs aux poursuites criminelles et
pénales, 114 employés de soutien au
DPCP, 252 employés de soutien au service de la justice et 138 postes
à la sécurité publique.
Ce que nous proposons aujourd'hui, ce sont deux
nouvelles mesures. D'abord, la première vise à prévoir de nouvelles compétences concurrentes entre certains
districts judiciaires. La Loi sur les tribunaux judiciaires sera modifiée
afin d'ajouter des compétences concurrentes
dans les districts judiciaires de Laval et de Terrebonne, sur le territoire de
la municipalité de Pointe-Calumet ainsi que des villes de
Sainte-Marthe-sur-le-Lac, Saint-Eustache, Deux-Montagnes, Boisbriand, Rosemère,
Lorraine et Bois-des-Filion. Il est également proposé de redéfinir le
territoire où s'exerce une compétence concurrente entre les districts
judiciaires de Longueuil et d'Iberville. Avec ces nouvelles compétences, M. le Président, les poursuivants auront plus de
latitude quant au lieu d'introduction d'une poursuite ou d'une demande, ce qui va contribuer à réduire la pression sur les
districts les plus occupés, puisque ces mesures vont permettre une meilleure
gestion des infrastructures judiciaires par
une meilleure répartition des dossiers. Donc, on espère libérer de l'espace et
limiter l'encombrement des rôles, notamment.
• (15 h 40) •
La deuxième
mesure concerne l'instruction des dossiers pour lesquels le défendeur est
réputé avoir transmis un plaidoyer de
non-culpabilité. Donc, en vertu du Code de procédure pénale, un défendeur qui
ne transmet ni plaidoyer ni la totalité
de l'amende et des frais qui lui sont réclamés dans un constat d'infraction est
réputé avoir transmis un plaidoyer de
non-culpabilité. Dans un tel cas, le code prévoit que le dossier procède par
défaut, c'est-à-dire sans la présence du défendeur.
Le code prévoit alors que les poursuites sont instruites par un juge du
district judiciaire où a eu lieu l'infraction ou par un juge du district
judiciaire où est situé l'endroit où faire parvenir le plaidoyer.
Les dispositions du projet de loi visent à
prévoir que, dans de telles situations, la poursuite pourrait aussi être instruite et le jugement rendu par un juge d'un
autre district judiciaire si le juge en chef, le juge en chef associé ou le
juge coordonnateur estime que c'est
dans l'intérêt de la justice. Le choix d'un autre district pourrait notamment
être motivé par le respect du droit
de toute personne d'être entendue dans un délai raisonnable. Cette mesure
permettant de transférer l'instruction
de dossiers dans les districts où les délais ne causent pas de problème
contribuera à accélérer le traitement des
dossiers puis à réduire la pression dans les districts les plus occupés. Parce
qu'évidemment, lorsqu'on fait des dossiers par défaut, il y a quand même
une occupation des salles d'audience, l'occupation de la magistrature,
occupation du personnel. Donc, on utilise les ressources du système.
Donc, comme vous le constatez, ce sont deux
mesures toutes simples qui visent à optimiser l'utilisation des ressources
judiciaires. Ça s'inscrit tout à fait dans l'esprit de la décision de la Cour
suprême et dans l'esprit aussi des travaux
menés par la Table Justice depuis l'an dernier. Je suis confiante qu'elles
auront un effet positif sur les délais en matière criminelle et pénale, parce que la question des délais, ce n'est
pas une seule mesure, une seule initiative, mais c'est un ensemble de mesures, un ensemble de changements qui doivent
être apportés par tous les intervenants du système de justice.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la ministre. Mme la députée de Joliette.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de saluer la ministre et toute son équipe,
sa valeureuse équipe, et bien sûr mes collègues de la partie ministérielle, mon collègue
de la deuxième opposition et mon recherchiste, Martin Blanchette, qui
m'accompagne aujourd'hui.
Alors, comme
nous avons eu la chance de le dire à la ministre, mais on peut le dire
publiquement, nous sommes a priori
favorables, évidemment, à trouver toutes les mesures qui peuvent être trouvées
et mises de l'avant à très court
terme pour modifier les choses et
faciliter l'administration de la justice, s'assurer qu'un maximum de causes,
bien sûr, peuvent être entendues dans des délais raisonnables.
En ce qui
concerne vraiment le détail du projet de loi, on va être très intéressés à
entendre le Barreau et l'association des
avocats de la défense. Bien sûr, je pense que, pour la question des jugements
par défaut, cela apparaît une mesure quand même très bien circonscrite et assez simple d'application, mais, pour ce
qui est des juridictions concurrentes, je vais être très intéressée de vous entendre, à savoir les
impacts que ça peut avoir sur les accusés, sur les témoins, sur les frais.
Donc, est-ce que cela va rendre les choses plus difficiles dans
certaines situations?
Évidemment,
on comprend tous que l'objectif est louable, mais, des fois, il faut voir
l'impact dans l'application. Et, quand
on s'éloigne d'une règle, bien sûr, de pouvoir être entendu dans notre district
judiciaire, on est dans des circonstances
exceptionnelles. On peut comprendre qu'on veuille aller vers une telle idée,
mais encore faut-il voir les impacts
très concrets qui pourraient être pernicieux. Donc, c'est pour ça qu'on tenait
à avoir des consultations publiques, notamment
avec le Barreau du Québec. Et on sera intéressés de voir si le Barreau a des
éléments à nous amener des barreaux locaux, donc, qui sont directement
concernés, là, par ces nouvelles juridictions concurrentes qui vont maintenant
être prévues, qui sont suggérées, en fait, avec le projet de loi qui est devant
nous aujourd'hui.
Bien sûr, quand
je dis que nous sommes favorables à pouvoir mettre de l'avant l'ensemble des
mesures qui peuvent être imaginées,
on est aussi favorables à ce qu'il puisse y avoir des mesures globales, la
ministre les connaît, elle sait notre demande
répétée, et que l'on puisse aussi s'assurer que, tant que ces mesures-là et les
autres qui ont été annoncées dans les
derniers mois ne donnent pas... donnent les effets, donc, pendant que nous
faisons le ménage de notre système et que nous essayons de le redresser, qu'on puisse mettre de l'avant aussi une
mesure globale qui fasse en sorte que les Québécois conservent leur confiance, qui est déjà très, très
mise à mal, dans leur système de justice, et que les victimes ne soient pas
abandonnées.
Alors, sur ce, M. le Président, nous abordons
ces travaux dans un esprit de collaboration. Et nous serons très intéressés à
entendre ce que nos deux groupes ont à nous dire pour nous éclairer. Merci.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la députée de Joliette. M. le député de Borduas.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Merci,
M. le Président. À mon tour de vous
saluer et de saluer la ministre, les collègues de la partie
gouvernementale, l'équipe de la ministre, la collègue
de Joliette, Me Prémont également et les invités qui
viendront nous parler aujourd'hui.
Écoutez,
le projet de loi n° 138, à prime abord, nous, on trouve que c'est intéressant. C'est une mesure qui peut aider
le système de justice à traiter les dossiers en matière criminelle et pénale. Donc, très
certainement, on écoutera les commentaires des invités qui viendront et
on travaillera de façon proactive pour l'étude du projet de loi.
Cela étant
dit, il y a ces mesures-là qui sont dans le projet de loi n° 138, il y a
quelques interrogations notamment au niveau du changement de district
judiciaire pour un accusé ou pour les intervenants qui viennent témoigner.
Donc, il y a des coûts associés à ça. Il
faut juste voir quelle est l'intention du législateur au niveau de
l'orientation du pouvoir du juge qu'il donnera. Est-ce que ça sera d'office ou non? Est-ce qu'il
prendra en considération... vu les spécifications là-dessus? Mais il ne
faut pas oublier aussi que, pour moderniser le système de justice, il y a
certaines mesures plus draconiennes qui sont à prendre. Et on invitera toujours
la ministre à suivre nos propositions.
Donc, M. le
Président, je ne prendrai pas plus de temps. Puis on est prêts pour l'étude des
auditions particulières.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. le député de Borduas.
Auditions
Nous recevons maintenant le Barreau du Québec,
représenté par sa bâtonnière, pour encore quelque temps...
Barreau du Québec
Mme Prémont (Claudia P.) :
Quelques semaines.
Le
Président (M. Ouellette) : ...Me Claudia Prémont, et qui est accompagnée de Me Nicolas Le
Grand Alary, qui est avocat au
Secrétariat de l'Ordre et Affaires juridiques. Sur une carte d'affaires, ça
ressemble à une carte de ministre régional
ou quelque chose dans le genre. Donc, vous avez 15 minutes pour votre
exposé, Me Prémont, et par la suite nous aurons une période d'échange
avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. À vous la
parole.
Mme Prémont
(Claudia P.) : Alors,
bonjour. Merci, M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. les membres
de la commission. Alors, comme vous venez de
le dire, je suis Claudia P. Prémont, bâtonnière du Québec
encore pour quelques semaines. Je suis accompagnée de Me Nicolas Le
Grand Alary, avocat au Secrétariat de l'Ordre et Affaires juridiques du Barreau
du Québec.
Le Barreau du
Québec a pris connaissance, bien évidemment, du projet de loi n° 138, Loi
modifiant le Code de procédure pénale
et la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de favoriser l'accès à la justice
et la réduction des délais en matière
criminelle et pénale. Merci énormément de nous avoir invités à venir discuter,
évidemment, de ce projet de loi. Le
projet de loi, selon notre compréhension, a notamment pour objectif de
modifier, évidemment, le Code de procédure pénale afin de permettre qu'une poursuite soit instruite et un jugement
rendu par un juge d'un autre district judiciaire que celui où la poursuite a été intentée lorsque le
défendeur, toutefois, est réputé avoir transmis un plaidoyer de
non-culpabilité. On comprend
également que le projet de loi modifie le code afin qu'un jugement rendu de
telle manière soit réputé l'avoir été
dans le district judiciaire où la poursuite a été intentée. Elle modifie
également la Loi sur les tribunaux judiciaires afin, premièrement, d'y apporter des précisions
concernant l'exercice de la compétence concurrente, de redéfinir le territoire
où s'exerce une compétence concurrente entre
les districts judiciaires de Longueuil et d'Iberville, et finalement d'ajouter
une compétence concurrente pour les districts judiciaires de Terrebonne et de
Laval.
Alors, de façon générale, nous accueillons
favorablement le projet de loi. Nous avons d'ailleurs déposé des commentaires écrits qui sont très courts. Alors,
vous comprendrez que je ne prendrai pas 15 minutes, et j'espère que c'est
dans le cadre des échanges que nous pourrons avancer positivement sur le projet
de loi. On salue, bien évidemment, l'objectif
des différentes mesures, donc, désengorger les districts judiciaires surchargés
de dossiers en matière pénale. Alors,
à cet égard-là, bien évidemment, on considère que c'est extrêmement positif. En
permettant de déplacer dans d'autres districts des procès pénaux, on
peut s'attendre — je
dis bien «on peut s'attendre» — à une meilleure utilisation des
ressources judiciaires et donc une réduction des délais, bien évidemment.
Ce projet de
loi est, selon nous, comme l'a d'ailleurs souligné Mme la ministre, en
continuité avec les mesures prises
afin de réduire les délais en matière criminelle et pénale découlant de l'arrêt
Reine contre Jordan de la Cour suprême. Le Barreau du Québec tient à rappeler
qu'il a salué d'ailleurs, en décembre dernier, les investissements en justice
qui ont été annoncés. On salue également la
nomination de nombreux juges à la Cour du Québec, on salue également la
création de nouveaux postes à la Cour
supérieure et à la Cour d'appel. On espère évidemment que le fédéral bouge
aussi rapidement que le gouvernement provincial l'a fait.
• (15 h 50) •
On a souligné
à maintes reprises qu'il est essentiel, et ça, je tiens à le réitérer
aujourd'hui, de redoubler d'efforts pour
opérer un changement global de la culture judiciaire, et évidemment il y a une
portion de ce travail-là qui doit être faite
par tous les intervenants, mais également et particulièrement par les avocats.
De continuer d'injecter des fonds dans l'administration de la justice,
notamment pour en assurer la modernisation et l'informatisation, ça m'apparaît
être absolument important, et de poursuivre
la mise en oeuvre, bien évidemment, du plan d'action Pour une justice en temps
utile en matières criminelle et pénale de la Table Justice-Québec.
Je crois que
tous les intervenants autour de cette table travaillent énormément fort à la
mise en place de mesures qui, selon
moi, sans nécessairement dire à très court, mais peut-être court et moyen
terme, auront nécessairement des impacts positifs. On est d'ailleurs partenaires de cette Table Justice et on est
même porteurs, là, de certains des dossiers. Et on espère compléter, là, les mettre vraiment en place
dans les prochains moins. On a également procédé aux journées qui ont
porté sur le processus, hein, d'un dossier en matière criminelle et pénale et
également sur tout ce qui touchait la technologie au niveau de l'administration
de la justice.
Maintenant,
commentaire particulier concernant, de façon générale, les changements de
district. C'est sûr que, néanmoins,
on souligne certaines inquiétudes face à la possibilité de déplacer
l'instruction d'une poursuite dans un autre district judiciaire. Il faut éviter, à notre avis, au nom des délais en
matière pénale, de faire subir aux parties et aux témoins des frais de déplacement
élevés si le procès est envoyé dans un district judiciaire éloigné. C'est sûr,
lorsqu'on parle des juridictions
concurrentes, on parle de districts limitrophes. Donc, c'est une question
peut-être qui est moins importante pour cette question-là. Mais, si on
parle vraiment d'un changement de district qui amène le dossier de Montréal,
par exemple, à Matane lorsque la personne est réputée avoir transmis un
plaidoyer de non-culpabilité et que la personne, peut-être l'accusé, se réveille à la dernière minute et se dit :
Bien, j'aurais une défense à faire valoir, est-ce qu'il devra le faire dans l'autre district? Ça, c'était, en
tout cas, une inquiétude qu'on pouvait avoir. Mais peut-être qu'on aura les
réponses aujourd'hui à cet égard-là.
Il faut être conscient qu'un changement de
district judiciaire peut engendrer des coûts pour les personnes impliquées. Et donc il faut être prudent en
appliquant une telle disposition. Au minimum, le projet de loi devrait prévoir,
à notre avis, et c'est ce que nous
indiquions dans notre document, que le juge devrait entendre ou recueillir les
observations de l'accusé avant d'imposer
un changement de district. Pour une clientèle démunie, il faut être conscient
qu'un changement de district peut se solder par une impossibilité de se
défendre en bout de piste.
En terminant,
le Barreau du Québec réitère l'importance... et je le disais dans mes
commentaires, nous croyons qu'il est
primordial de tenir des états généraux le plus rapidement possible sur la
justice. Voilà plus de 25 ans qu'il n'y a pas eu la tenue d'états
généraux, et on pense que cela est nécessaire pour repenser globalement le
système de justice québécois et appliquer efficacement les remèdes adéquats aux
maux de justice.
Maintenant, le dernier commentaire que
j'aimerais faire aussi au niveau des juridictions concurrentes, il faut comprendre que c'est des vases communicants, bien
évidemment, je pense qu'il faut faire attention de ne pas non plus transférer le problème, donc engorger un autre
district, parce qu'il peut y avoir une juridiction concurrente, donc transposer
un problème qui existe dans un district dans un autre district. Et, selon notre
compréhension aussi, lorsqu'on parle de la
Loi sur les tribunaux judiciaires, ça s'applique à tous les dossiers, donc les
dossiers en matière pénale, mais également en matière civile. Alors, il
faut regarder également, peut-être, certaines possibilités de problématique à
cet égard-là.
Cela étant
dit, bien évidemment, on pense que l'objectif du projet de loi, et ce qui est
proposé, est positif quand même pour
évidemment atteindre l'objectif de procéder plus rapidement, dans des délais
raisonnables, bien évidemment. Alors, ça complète, à ce stade-ci, mais
évidemment on est ici pour répondre à toutes les questions.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci beaucoup. Merci, Me Prémont, de votre présentation. Dans un premier
temps, puis, en fait, je pense que
c'est quand même assez bref... Je ne sais pas, M. le Président, de combien de
temps nous disposons pour les échanges.
Le Président (M. Ouellette) :
35 minutes. Vous avez du temps en masse.
Mme Vallée :
Ça peut être long sur le projet de loi, parce qu'on peut jaser pendant des
heures sur plein d'enjeux. Mais, sur le projet de loi, en fait, vous
soulevez une préoccupation quant à la possibilité pour le juge de recueillir
les représentations de l'accusé. Mais
évidemment le projet de loi vise seulement les dossiers qui procèdent par
défaut. Donc, dès qu'il y a une
manifestation du défendeur, bien, le dossier sera traité dans le district où il
devrait naturellement être traité.
Mais, sans manifestation du défendeur, les dossiers qui doivent être simplement
traités de façon administrative, je dirais, ou quasi administrative
seront transférés pour obtenir jugement.
Donc, je tiens à vous rassurer, l'objectif n'est
pas d'imposer à des citoyens, à des contribuables des frais de déplacement dans leurs dossiers, parce
qu'évidemment un défendeur peut toujours manifester son intention d'être relevé
du défaut, auquel cas cette demande-là est présentée au district d'origine du
dossier. Et là, bien, le dossier sera traité suivant
la procédure prévue au Code de procédure pénale. Et ce n'est vraiment que dans
les dossiers où il n'y aura pas eu, comme on le dit si bien, pas de son,
pas d'image de l'accusé, ces dossiers-là seront transmis pour être traités dans
les palais de justice où le volume est moins
important, ce qui permet d'utiliser les ressources du palais de justice non pas
pour simplement procéder à des
jugements par défaut, à des jugements qui demandent une mobilisation des
différents acteurs.
Alors,
là-dessus, je tiens vraiment à préciser que notre intention n'est pas du tout
d'imposer à des citoyens de devoir se déplacer en dehors de leur
district pour faire les représentations et être relevés du défaut de...
Le
Président (M. Ouellette) : Juste avant de continuer, Mme la ministre, parce que Me Prémont a
répondu oui à plusieurs de vos commentaires, et ça n'a pas été
enregistré pour les gens qui nous suivent. Je veux juste lui donner l'opportunité, avant que vous continuiez, là, de
peut-être commenter ce que la ministre vient de dire et verbaliser votre
approbation sur les commentaires que Mme la ministre a faits.
Mme Prémont
(Claudia P.) : Oui. Bien, merci, Mme la ministre. Effectivement,
c'était une de nos préoccupations. Mais,
à partir du moment où on sait, évidemment, que le débat, à ce moment-là,
reviendrait dans le district autant pour être relevé du défaut qu'éventuellement pour procéder, s'il y avait
lieu, ça répond à notre préoccupation. On vous remercie.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Donc, c'est tout simple. Je voulais, par exemple, profiter de l'opportunité
pour peut-être regarder du côté du
Barreau quelles sont les démarches qui sont entreprises auprès des membres pour
contribuer à la réduction des délais.
Parce qu'il y a quand même un certain nombre de mesures qui interpellent les
membres du Barreau du Québec. Vous avez d'ailleurs fait
référence à votre participation aux travaux de la Table Justice. Et
comment le Barreau pourrait... ou
quel rôle le Barreau et ses membres pourraient
jouer pour mettre, dans le fond... s'assurer, d'une part, de contribuer
à la réduction des délais? Mais aussi comment
voyez-vous que vos membres vont bénéficier
des nouvelles compétences aussi qui
sont accordées dans... les nouvelles compétences concurrentes des districts
d'Iberville puis de Longueuil et des districts de Laval et de
Terrebonne? Parce que c'est une chose aussi de mettre en place ces mesures-là,
mais il y a aussi l'appropriation de ces
mesures-là par le Barreau, par les membres du Barreau, qui est aussi un élément
important. Et ça, vous le percevez de quelle façon?
Le Président
(M. Ouellette) : Me Prémont.
• (16 heures) •
Mme Prémont
(Claudia P.) : Oui. Bien, écoutez,
ce que je peux vous dire, c'est qu'à
partir du moment où le Barreau, comme je vous disais, accueille favorablement
ce projet de loi, on va évidemment en parler, on va le publiciser et on va le vendre auprès des membres. À savoir est-ce que
certains districts vont peut-être avoir certains commentaires à cet égard-là? Je sais qu'antérieurement
c'est arrivé. Nous, on l'a travaillé, au Barreau, avec nos comités en droit
criminel et pénal, entre autres, je
ne sais pas s'il y a d'autres comités qui ont travaillé, droit criminel et
pénal, et on n'en voit pas, de difficultés.
Donc, je dirais que tous les... En tout cas, moi, de la façon que je le sens depuis qu'on travaille à la réduction
des délais en matière criminelle et pénale,
c'est que je crois que les avocats, comme la magistrature, comme les avocats
du DPCP, veulent vraiment améliorer la situation, travaillent en ayant un
objectif, exactement le même objectif, et tout le monde est prêt à mettre la main à la pâte. C'est
certain que, lorsqu'on parle de façon plus globale de changement de culture,
et ça, ce n'est pas juste en matière
criminelle et pénale, c'est en matière également de justice civile, nos façons
de procéder doivent être modifiées
dans le temps. Et ça, moi, j'ai tenté, en tout cas, depuis le début de mon
mandat, de vendre cette nécessité-là. Je pense qu'il faut répondre aux
besoins de la population de conserver la confiance dans le système de justice. Il y a des difficultés, il y a des
problèmes, et les avocats ont leur part à faire dans le travail dans ce
changement de culture là.
Évidemment,
ce n'est pas juste les avocats, par contre, et ça, bien, je me suis aussi
clairement exprimée lorsque ça
retombait uniquement sur les épaules des avocats. Je pense que les juges aussi
sont bien au fait qu'ils ont des choses à faire, le DPCP et le ministère aussi, par, entre autres, le travail
qu'on fait avec Me Marsolais, au moment où on se parle, et s'assurer évidemment
que l'injection de ressources se fasse au bon endroit, et que ce soit efficace,
efficient, effectif, et ça, j'y crois énormément.
Alors,
sur ce projet de loi là, en tant que tel, s'il y a certaines réticences, sachez
qu'on va tenter de les expliquer puis
on va tenter d'aplanir la situation, ça, ça m'apparaît être extrêmement
important. Puis, de façon générale, sur les délais en matière criminelle et pénale, je pense qu'on
continue, évidemment, à porter le message de cette nécessité de changer
de culture.
Et,
sur les projets sur lesquels nous travaillons, beaucoup de soutien, évidemment,
aux accusés, par notre guide de se
représenter seul et par la ligne 1 800 qu'on va mettre en place pour aider
les accusés qui se représentent seuls et qui, dans certains cas, peuvent
peut-être effectivement causer des délais parce que, justement, ils se
représentent seuls.
Et
aussi notre table de concertation, et ça, ce n'est pas nécessairement simple,
mais je pense que c'est positif de se parler,
de se dire les vraies choses pour trouver justement des solutions à des
problématiques au quotidien pour les gens qui travaillent sur le terrain, alors cette table de concertation là
s'est rencontrée à plus d'une reprise et va continuer à se rencontrer. Je sais que mon successeur va
être — d'ailleurs,
on a une rencontre demain à ce sujet-là — bien mis au parfum des travaux de cette table-là, et on espère aussi
que ça va, évidemment, continuer à améliorer la situation en matière des
délais en matière criminelle et pénale.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme
Vallée : C'est parce qu'on parle beaucoup de changement de
culture, de la nécessité, du nécessaire changement de culture dans le milieu. Puis, les actions, je comprends
que le Barreau a mis en place une série de ressources destinées à ceux et celles qui se représentent
seuls, mais, le changement de culture, comment le percevez-vous à l'intérieur
du Barreau et comment voyez-vous le rôle du
Barreau dans ce message qui doit être aussi porté, oui, à tous les membres de la communauté juridique, mais aussi aux membres
du Barreau, quant à la nécessité d'apporter ce changement de culture là
dans les façons de faire?
Là,
on apporte des modifications législatives qui nous amènent vers un nécessaire
changement de culture, mais quel est
le rôle que joue le Barreau aussi dans cette approche face à ses membres? Parce
qu'on a certains... certains rapports nous
amènent aussi... ou se retournent aussi vers le Barreau, je pense notamment au
rapport Bouchard qui recommande certaines mesures à prendre par le
Barreau. Quel est le rôle du Barreau dans ce changement-là?
Le Président (M.
Ouellette) : Me Prémont.
Mme
Prémont (Claudia P.) : Bien, le rôle du Barreau, en tout cas à mon
humble avis, le rôle du Barreau est de continuer,
parce que je pense qu'on le fait déjà, à discuter des problématiques, à faire
prendre conscience à tous les membres, à
tous les avocats que la façon dont on pratique depuis peut-être les 30,
40 dernières années, bien avant, mais peut-être que les gens ne sont plus sur le terrain au moment
où on se parle, mais même ceux qui sont là depuis un bon moment, bien,
on se doit de changer nos façons de faire puis on doit s'ouvrir à des nouvelles
façons de faire.
Moi,
évidemment, je suis une praticienne en droit de la famille, donc en matière
civile, mais je peux vous dire que
j'ai porté le message de la nécessité, depuis mon arrivée en poste, de voir
notre profession autrement, et ça, ça porte sur
plein de choses. En matière criminelle et pénale, oui, sur notre façon de faire
avec les clients, sur la question des remises,
sur la question des enquêtes préliminaires, s'ouvrir à des nouvelles façons de
procéder. En matière civile, bien, des nouvelles
façons de tarifer nos clients, nouvelles façons d'offrir les services juridiques,
et ça, je pense que c'est le rôle du
Barreau de faire prendre conscience aux membres de l'importance de ce
changement-là pour que les citoyens se retrouvent dans le système de
justice, se retrouvent dans notre système de justice.
Et, comme je le dis,
non seulement c'est le rôle du Barreau, mais je pense que c'est ce que nous
faisons ces dernières années. On a parlé,
entre autres, en matière civile, beaucoup des autres modes de résolution de
conflits. Le Barreau a été sur le
terrain, a formé ses membres bien avant l'arrivée du nouveau Code de procédure
civile, maintenant on l'appelle le
Code de procédure civile, je pense qu'il n'est plus si nouveau que ça. Et
là-dedans aussi on encourage énormément les avocats non seulement à aller chercher une formation, mais savoir de
quoi on parle — même si
nous on n'en fait pas, de la médiation, de la conciliation en tant que
telle — et
à être ouverts à ces nouvelles façons de faire, parce que les clients clairement veulent de nouvelles façons de régler,
veulent de nouvelles façons d'être représentés. Ils veulent de nouvelles
façons d'obtenir justice, carrément.
Alors,
ça, ça m'apparaît être le rôle premier du Barreau, rôle, à mon humble avis, que
le Barreau remplit très bien ces dernières années.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Merci. En fait, M. le Président, concernant le projet
de loi n° 138, j'ai peu de questions suite à votre présentation. On
pourrait peut-être transférer, puis, au besoin, si d'autres questions surgissent...
Le Président (M.
Ouellette) : On va faire ça avec grand plaisir, Mme la ministre.
Mme Vallée :
Parce que c'est un projet de loi qui est, somme toute, assez succinct.
Le Président (M. Ouellette) : Sûrement que notre collègue de Joliette et notre
collègue de Borduas auront beaucoup de questions. Mme la députée de
Joliette.
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous deux,
bienvenue. Merci de vous être rendus disponibles.
Donc,
je comprends qu'à la lumière des explications de la ministre pour la portion,
là, qui touche l'article 1, donc, la
question des jugements par défaut, les explications vous conviennent et donc...
du fait que, dès que quelqu'un se manifeste,
on comprend tous que, la personne, son dossier pourrait être entendu dans son
district et qu'on arrête le processus possible de transfert vers un
autre district. Ça, je comprends que ça vous va. C'est aussi notre
compréhension à nous.
Moi,
je voulais vous entendre plus sur la question des juridictions concurrentes.
Quand on a demandé de pouvoir vous
entendre, nous avions aussi demandé de pouvoir entendre les barreaux, les
sections locales du Barreau, parce qu'on sait que, des fois, il y a des réalités du terrain très, très concrètes
quand on amène de nouvelles juridictions concurrentes ou qu'on modifie
les contours de ces juridictions concurrentes des barreaux locaux. Et donc on a
essuyé une fin de non-recevoir et on nous a
dit que le Barreau du Québec représentait, évidemment, tous les membres, et
donc tous les barreaux, que vous pourriez nous répondre.
Donc,
je voulais savoir si vous aviez eu des représentations des barreaux qui sont
directement concernés, là, par les changements. On parle donc, du
nouveau district concurrent de Terrebonne et Laval et bien sûr des changements apportés pour Longueuil et Iberville. Alors, je
voulais savoir s'il y avait eu de la part des bâtonniers des sections locales
ou de vos membres des représentations
particulières ou des préoccupations particulières qui ont pu être soulevées par
rapport à ce qui est proposé aux articles 2 et 3 du projet de loi.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Prémont.
• (16 h 10) •
Mme
Prémont (Claudia P.) : Oui. Merci. Je n'ai pas eu de discussion
directement avec les barreaux de section touchés. Je sais qu'il y a déjà eu des discussions antérieurement, il y
a quand même plusieurs années, parce que c'était déjà venu à mes
oreilles, où certains avocats de certaines sections n'étaient pas d'accord avec
la mise en place d'une juridiction
concurrente. Mais, au moment où on se parle, je ne suis pas capable de vous
dire qu'il y a certains bâtonniers de section qui s'opposent.
Moi, personne ne m'a
contactée à cet égard-là pour s'opposer fermement ou moins fermement à ce qui
est proposé, que je comprends, quand même,
qui vise certaines petites municipalités. C'est évident que ça nécessite
peut-être, dans certains cas, des
gens qui pourraient avoir à se déplacer, mais je comprends également qu'il y a
une possibilité peut-être de procéder plus rapidement. Alors, il y a peut-être
un avantage aussi en lien avec ça. Mais la préoccupation générale, il
ne faut pas non plus que ça impose un
fardeau, évidemment, sur le justiciable. Puis c'est ce qu'on a évidemment, nous, en tête.
Et,
sur l'avocat, bien, ça, c'est autre chose, mais, si le fait que l'avocat doit
se déplacer peut avoir un impact financier sur le justiciable, bien, je
pense, à ce moment-là, il faut évidemment être préoccupés également par cette situation-là.
Mme
Hivon : Parce
qu'on peut s'imaginer, par exemple, que, là, on permettrait, par exemple, à des gens qui vivent à Saint-Jérôme ou à Lachute de voir leurs
dossiers transférés à Laval. De ma compréhension, par exemple, Laval est moins occupée, à certains égards, que
Saint-Jérôme, donc, a priori, ça peut avoir l'air d'une bonne idée, mais, évidemment, de mon expérience passée... Pour avoir déjà entendu des représentants des barreaux, des fois, ce qui les inquiète, c'est de
dire : Oui, mais nous, par exemple, on n'a pas eu de nouveaux juges à
Saint-Jérôme qui nous ont été attribués.
Est-ce
que, donc, ça veut dire que, là, tranquillement, ce qu'on va faire, c'est qu'en
permettant ces juridictions concurrentes,
bien, dans le fond, Saint-Jérôme... Tout le monde veut, là, que ça
se passe mieux, puis tout ça, là, mais est-ce que ça veut dire qu'à moyen puis à long terme, dans le fond, ça va être ça, la réponse au fait que, par exemple, Saint-Jérôme
est moins pourvue en ressources judiciaires?
Alors, c'est
pour ça que je vous pose la question. Est-ce que je dois comprendre que ce n'est pas
une préoccupation que vous avez, ça, à savoir que ça peut créer un
déséquilibre dans l'octroi de ressources, éventuellement, ou de postes de juge, du fait qu'on
élargisse les juridictions concurrentes?
Mme
Prémont (Claudia P.) : Bien,
je crois que — un petit peu le message qu'on passait tout à l'heure — quand on parle de vases communicants, effectivement, il faut garder en tête qu'il faut que tout ça demeure équilibré, d'une
part. Il ne faut pas non plus — je
suis d'accord avec vous jusqu'à un certain point — que certains districts, finalement, n'aient pas
droit aux ressources auxquelles ils
devraient avoir droit parce qu'on leur dit : Vous allez maintenant
devoir aller plus loin. Je pense que
tout ça demeure une analyse d'équilibre et je pense qu'on peut quand même
aller vers une amélioration au
niveau des délais en permettant un certain rééquilibre, mais sans mettre totalement
de côté le droit à un district, toutefois, dépendant de la population et
dépendant du nombre de dossiers, là, je n'ai pas ces données-là avec moi, mais
d'avoir évidemment droit quand même aux ressources appropriées.
Mme
Hivon : Parce que c'est ça, c'est quelque chose qui nous a quand même frappés, parce
que, quand les mesures ont été annoncées par la ministre
pour le nombre de juges, donc, il n'y a pas eu de nouveaux juges, par exemple, pour nous, à Joliette, à Saint-Jérôme, et on sait que
Saint-Jérôme était un des districts qui étaient très touchés par les délais
déraisonnables, la juge Côté l'avait d'ailleurs dit dans une entrevue.
Alors, moi,
ma préoccupation, ce n'est pas de m'opposer pour m'opposer, c'est
juste de dire : Est-ce qu'il n'y a pas un enjeu là, à un moment donné, de dire : Ça va être plus facile pour la gestion des tribunaux parce que,
dans le fond, on va
mettre des juridictions concurrentes, puis on va moins se casser la tête,
puis on va faire comme des mégapôles de service, mais ça fait en sorte qu'il peut y avoir des palais donc, en
région, en région périphérique, qui vont être moins bien pourvus?
Et, compte tenu du fait qu'on nous avait dit que ce n'était pas nécessaire
d'inviter les bâtonniers locaux, c'est sûr que... Là, je comprends que vous me dites que vous n'avez
pas eu d'écho. Est-ce que vous savez qu'ils ont été informés, donc, de ces
changements-là, de ce projet de loi là? Est-ce que ça a fait l'objet de discussions
aux réunions du Barreau, par exemple?
Mme
Prémont (Claudia P.) : Bien,
moi, j'ai effectivement informé, il me semble, c'était au dernier conseil
des sections... Lors d'une dernière bipartite avec la Cour du Québec, il y avait
eu effectivement... la juge en chef nous avait parlé de son intention... ou, en tout cas, qu'elle croyait qu'il y aurait éventuellement des juridictions concurrentes, un élargissement à cet
égard-là. Donc, les gens étaient au courant, là, que ça s'en venait, mais je
n'ai pas parlé du projet de loi, moi personnellement, directement. Peut-être, Me Le Grand Alary pourra vous
faire part... parce qu'il est sur le
comité en droit criminel et pénal, donc peut-être qu'il a certaines informations à cet égard-là, mais ça a été quand
même
discuté de façon générale avec les bâtonniers de section, que c'était quelque chose qui était sur la table de travail, justement dans la foulée de
Jordan et de la nécessité de trouver des solutions aux délais.
Le Président (M. Ouellette) :
Voulez-vous avoir ces informations, Mme la députée de Joliette?
Mme
Hivon : Oui.
Le
Président (M. Ouellette) :
Vous identifier, Me Le Grand Alary, pour les besoins de l'audio,
et répondre à la question de Mme la députée de Joliette.
M. Le
Grand Alary (Nicolas) : Oui,
bonjour. Me Le Grand Alary, avocat au Secrétariat de l'Ordre et
Affaires juridiques du Barreau du Québec.
Pour ce
qui est de la question des compétences... des districts concurrents, à la
compétence concurrente des tribunaux, la
position du Barreau est que c'est : dans des districts limitrophes où
il y a un rapprochement géographique, il
y a aussi des villes
particulières qui sont ciblées. Donc, on n'a pas de problème à ce qu'il y ait
des élargissements.
Par contre,
il faut toujours se rappeler, et c'est très important,
que tout le système judiciaire québécois est composé de vases communicants, et donc on ne peut pas
déplacer des procès dans un autre district parce qu'on va seulement,
au bout du compte, causer des problèmes de délai dans cet autre
district-là. C'est la même chose entre les différents domaines, là, de droit, si on a des procès pénaux qu'on affecte des ressources,
il peut y avoir des procès en
matières civiles qui peuvent être
retardés. Donc, il faut s'assurer qu'il y ait des ressources disponibles dans
tous les districts, pour tous les
dossiers. Et les compétences concurrentes permettent justement, dans certaines
circonstances, de pallier à des problèmes ponctuels de disponibilité de
salles ou de questions comme ça.
Mais c'est clair que, pour le Barreau, il y a
toujours une problématique puis une préoccupation au niveau des ressources,
mais cette mesure-là, il n'y avait pas d'autre problématique qui avait été
soulevée, là, au niveau de ça. On accueillait favorablement la mesure.
Mme
Hivon :
Et ça, ça comprend, au sein de votre comité... Je suis tannante avec ça, là,
mais je sais qu'il y a une grande sensibilité des sections locales par
rapport à tous ces enjeux-là parce qu'ils ne veulent pas, donc, en acceptant quelque chose, faire en
sorte qu'il va y avoir une moins grande considération, par exemple, de leurs
districts judiciaires puis qu'on va
estimer que c'est des vases communicants, donc moins de ressources à une autre
place, dans le fond, ça va être compensé parce qu'on va pouvoir les
envoyer davantage, par exemple, dans ce cas-ci, à Laval.
Est-ce que,
donc, dans votre comité, il y avait des représentants spécifiquement des
districts pour lesquels on étend, là,
la juridiction concurrente? Et est-ce que ça a été discuté précisément? Et
est-ce qu'il y a eu des réponses précises de ces représentants-là à
l'effet qu'ils n'avaient pas de difficulté?
M. Le Grand
Alary (Nicolas) : Sans entrer dans tout le détail des rencontres du
comité puis de la composition du
comité, parce que c'est des membres qui sont souvent en pratique privée, puis
souvent ils ne veulent pas nécessairement avoir le verbatim de leurs
discussions, là — et
la position du Barreau, c'est la position qui est adoptée par le C.A. ensuite — mais tous les comités consultatifs du
Barreau, là, sont composés... il y a une attention particulière qui est faite
au niveau de la représentativité régionale, oui. Donc, c'est des considérations
qui ont été prises en compte.
Mme
Hivon : O.K. Puis
est-ce que ce serait possible pour le Barreau de demander formellement aux
districts concernés leur position puis de
nous l'envoyer peut-être par lettre, parce qu'on va très, très prochainement,
j'imagine, étudier article par
article, puis je pense que ce serait éclairant de pouvoir avoir, comme tel,
qu'il n'y a aucune opposition, qu'ils ne sont pas inquiets par rapport à
l'élargissement, par exemple, des districts concurrents? Est-ce que c'est une
démarche que vous pourriez faire?
Mme
Prémont (Claudia P.) : Oui. Moi, je réponds qu'absolument on peut
faire cette démarche-là. Et on peut poser la question aux bâtonniers des
sections qui sont touchées par le projet de loi. Et ce sera leur réponse.
Mme
Hivon : ...ce
serait très apprécié, on pourrait le faire aussi via la commission, mais
puisque vous êtes l'autorité suprême, et que
vous leur demandiez s'ils peuvent nous écrire très rapidement simplement une
lettre à l'attention du président de la commission pour éclairer les
débats qu'on pourrait avoir, là, en étude détaillée.
Et, c'est
ça, ça m'amène sur la question plus générale des... Là, on vient donc ajouter
une concurrence supplémentaire, en quelque sorte, puis en élargir une
autre. De manière générale, est-ce que le Barreau a une position à savoir ce
que ça peut représenter comme... On comprend tous qu'a priori ce qui peut nous
inquiéter... bien qu'on souhaite tous un maximum
de flexibilité pour que la justice puisse être rendue de la manière la plus
diligente possible, on comprend tous qu'il peut y avoir une inquiétude à
savoir, bon : Est-ce qu'il va y avoir des frais supplémentaires pour la
personne, déplacements pour son avocat
qu'elle va devoir payer, des déplacements aussi plus importants pour la
personne directement concernée, pour les témoins? Puis là on comprend
que c'est autant en matière criminelle qu'en matière civile. Est-ce qu'il y a une position générale du Barreau par
rapport à ça? Est-ce qu'il y a un enjeu d'accessibilité quand on augmente,
donc, ces juridictions concurrentes là, et
de coûts supplémentaires et, je dirais, de dysfonctionnement ou d'inconvénients
pour les parties touchées, pour le justiciable?
• (16 h 20) •
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Il
faut comprendre que le Barreau, normalement, on voit les compétences concurrentes de la cour comme une mesure
d'accessibilité à la justice, dans le sens que ça permet au justiciable d'avoir
un accès plus rapide aux tribunaux s'il y a
des problèmes ponctuels de délais dans certains districts. Pour ce qui est des
frais engagés, c'est difficile de se positionner dans l'abstrait, sans cas de
figure. Moi, de ma compréhension de la Loi sur
les tribunaux judiciaires et l'exercice des compétences concurrentes, c'est
dans des districts limitrophes et dans des municipalités spécifiques, et donc les coûts ne seront pas... On ne
parle pas d'un dossier de passer de Montréal à Sept-Îles, là. Donc, il y a un aspect qui est beaucoup moins...
l'aspect des coûts, il peut y avoir des coûts qui vont être engendrés, puis
il faut peut-être avoir une sensibilité au niveau des coûts qui peuvent être
engendrés pour le justiciable à ce niveau-là, mais
ce n'est pas non plus... c'est quand même bien limité dans les circonstances.
Là, on parle de districts limitrophes des municipalités spécifiques, là.
Mme
Hivon :
Parfait. Dites-moi maintenant, je passerais... Puisqu'on a la chance de vous
avoir et que la question des délais
en matière criminelle et pénale est évidemment un enjeu on ne peut plus
d'actualité, j'aimerais savoir si, vous, il y a des mesures à très, très court terme, d'autres mesures
supplémentaires? Ici, ce n'est pas nécessairement une révolution, là, c'est deux petites mesures, mais on comprend
qu'on pense à toutes les mesures possibles à l'heure où on en est tellement
l'heure est grave. Est-ce que, vous, au Barreau, il y a d'autres petites
mesures que vous pensez qui seraient faciles à amener puis qui pourraient faire une différence? Avez-vous des
suggestions pour nous, quelque chose d'à très court terme, ou vous
pensez qu'on a pas mal fait le tour du jardin par rapport à ça?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Prémont.
Mme
Prémont (Claudia P.) : Bien, là-dessus, moi, je vous dirais, je pense
qu'effectivement, à la Table Justice, on
a fait quand même un grand tour de jardin, ce qui n'empêche pas de continuer à
réfléchir à bien d'autres choses, dont peut-être...
Mais moi, je ne fais pas de droit criminel et pénal, mais je sais que, sur
certains comités, on discute éventuellement est-ce que certaines
infractions devraient, à titre de première infraction, se retrouver en mesures administratives au lieu de passer devant un juge.
Alors, je pense qu'il faut être ouvert à tout, et ce n'est pas la position...
Je ne vous dis pas que le Barreau est pour
ça, mais je pense qu'il faut être ouvert à tout et être ouvert à analyser
toutes les propositions qui peuvent
être faites pour essayer effectivement d'améliorer la situation. Je sais que la
question des enquêtes préliminaires, il y a un projet
pilote qui a été mis en place par la Cour du Québec. Ça semble bien fonctionner.
Alors, est-ce que ce sera par la suite
étendu? Et tant mieux si ça fonctionne bien, que ça puisse, dans certains cas,
procéder dans le cadre d'un interrogatoire hors cour. Alors donc,
évidemment, c'est moins de temps-juge à cet égard-là.
Alors, une
chose est certaine, c'est que le Barreau est là pour collaborer, analyser puis
vraiment tenter de trouver toutes les solutions possibles à cet égard-là. Et
peut-être qu'au niveau du comité il y a d'autres choses qui ont été
mises de l'avant — non? — dernièrement.
Une voix : ...
Mme
Prémont (Claudia P.) : Oui, la Table Justice, c'est ça, là on travaille
évidemment sur les trois projets qu'on devait mettre en place au niveau de la
Table Justice. Je pense qu'on collabore également avec tous les autres
intervenants pour, le plus rapidement possible, s'assurer que tout ça
voie le jour.
Mme
Hivon :
En fait, vous nous dites que ce qui se fait à la Table Justice, c'est ce qui,
vous, comme Barreau, sont vos priorités. C'est parce que, si je vous
dis, là : Admettons, là, on a cette opportunité-là, là, puis on a la
chance peut-être d'amener un amendement qui
ferait... qui amènerait une autre idée à laquelle le Barreau aurait pensé, puis
on a cette opportunité-là, vous, il n'y a rien à court terme que vous
voyez qui pourrait à ce moment-ci être introduit, par exemple, dans le projet de loi pour dire : Bien, il y a peut-être
une autre mesure aussi qui pourrait nous aider à très court terme? Il
n'y en a pas? Non?
Mme
Prémont (Claudia P.) : Ça, oui, je n'ai pas à vous annoncer quoi que
ce soit à cet égard-là. Je ne vous dis pas qu'on ne continue pas à réfléchir,
cela étant dit, mais...
Mme
Hivon : O.K. Et puis la question de la meilleure
offre, donc, est-ce que vous avez une position là-dessus, au Barreau? Je comprends que, sur l'enquête préliminaire, l'abolition de
l'enquête préliminaire dans certaines circonstances... Pas encore? Vous suivez le projet pilote. Pour la question de la meilleure offre, comme on voit se déployer
dans d'autres provinces, est-ce que vous avez une position?
Mme
Prémont (Claudia P.) : Est-ce que
ça a été... Moi, n'étant pas au comité, j'en ai entendu parler, mais je ne
suis pas en mesure de répondre directement.
Mme
Hivon : Oui, c'est
ça.
Le Président (M. Ouellette) :
Maître?
M. Le
Grand Alary (Nicolas) : Oui.
Le Barreau du Québec n'a pas de position officielle, là, sur la
meilleure offre. Il y a eu des
discussions. Ça a été évoqué, notamment à notre table de concertation permanente, là, sur
les délais en matière criminelle,
pour l'amélioration des relations avec les procureurs de la couronne
et la défense. Mais je pense que c'est
par projet pilote, actuellement, dans différents districts, donc on suit
l'évolution de ça et on...
Mme
Hivon :
Donc, pour l'instant, vous, vous êtes à l'affût des projets pilotes qui ont
cours autant pour la question de
l'enquête préliminaire que l'idée de la meilleure offre puis, dans le fond,
vous allez faire vos recommandations possiblement au sein de la Table Justice ou comme institution
indépendante, le Barreau, mais pour l'instant vos conclusions ne sont
pas tirées par rapport à ça.
M. Le
Grand Alary (Nicolas) : Non. Au sujet du projet de loi puis
d'éventuels amendements, effectivement, notre position, c'est la
position, là, qu'on a transmise, qu'on a présentée aujourd'hui.
Mme
Hivon :
O.K. Parfait. Puis est-ce que, vos membres, vous sentez que... ils réagissent
comment face à l'état de crise dans lequel on est, je dirais,
particulièrement ceux en matière criminelle? Mais comment vous diriez que, de manière générale, ils se sentent par rapport à ce
qui se passe en ce moment face aux centaines de requêtes en arrêt des procédures, à la multiplication, donc, de ces
requêtes-là? Est-ce qu'il y a une prise de conscience? Est-ce que déjà vous
voyez chez vos membres des modifications dans leur pratique? Qu'est-ce qu'ils
vous disent par rapport à ça?
Mme
Prémont (Claudia P.) : Moi, je pense
que les avocats prennent la mesure de l'urgence d'agir et de ce qu'on est en train de vivre, là. L'onde de choc ou la
crise que Jordan a apportée, je pense que tout
le monde en est bien, bien conscient. Je pense que tout le monde déjà réalise que la pratique se modifie, se change, ne
serait-ce que par la gestion qui est
faite par les juges, par les questions qui sont posées par les juges, par... Alors, évidemment,
ça amène nécessairement les avocats à se préparer différemment
et à faire face... J'ai entendu que certains juges, tu sais, on parlait...
Avant, le choix à l'avocat passait avant tout le reste, mais il y a un juge qui
a ordonné qu'une enquête préliminaire aurait lieu à telle date, et l'avocat n'était peut-être pas disponible, mais on lui a dit : Bien, à ce moment-là, ça laisse suffisamment de temps
à votre client de prendre un avocat, vous prenez ce dossier-là ou vous
transférez l'autre dossier. Alors, ça, ce sont des exemples, je pense, au quotidien, qui se passent sur le terrain, qui
amènent nécessairement les avocats à voir les choses
autrement et à faire les choses autrement.
C'est sûr qu'un changement de culture à l'intérieur d'un an ou un an et demi je ne peux pas dire que le changement de culture est là et on est totalement
passé à une autre façon de faire, mais je
pense que vraiment
les avocats du Québec sont conscients de la nécessité de modifier nos
façons de faire, donc faire tout un
petit peu différemment, un petit peu plus rapidement. Je pense que
ça, c'est bien compris.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la députée de Joliette. M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, Me Prémont. Bonjour, Me Le Grand Alary. Ça me fait plaisir de vous voir ici aujourd'hui.
J'ai
quelques questions, sur le projet
de loi, un peu
plus techniques, et par la suite de
façon un petit peu plus large.
Bon, dans un premier temps, on
élargit les districts. Supposons Longueuil. Maintenant, les gens de
Longueuil vont pouvoir aller à
Iberville. Donc, supposons quelqu'un de Boucherville, il pourrait se retrouver à être
entendu ou être... ou s'il est témoin
ou s'il est accusé, à Iberville. Ça soulève la question de comment est-ce que
le juge va avoir à gérer cette situation-là. Puis
c'est à la discrétion du tribunal, de ce que je comprends du projet de loi. Est-ce que vous trouvez qu'on devrait mettre des critères dans la loi, des critères directifs
pour le juge pour dire : Bien, écoutez, la discrétion du tribunal a certaines
limites? Ou on laisse complètement ça à la discrétion du tribunal en fonction
de l'évaluation de la situation?
Le Président (M.
Ouellette) : Me Le Grand Alary.
M.
Le Grand Alary (Nicolas) :
Oui. Je crois que, dans notre position, c'est clair qu'il faut
laisser la discrétion aux tribunaux,
là, de pouvoir rendre les décisions, là, appropriées, là, advenant les
circonstances. Je n'ai pas d'exemple de critère, là. Vous ne m'avez pas donné d'exemple de critère, donc je ne
sais pas, on n'a pas réfléchi à des critères, là, au niveau de la position du Barreau.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Non, mais je vous donne un exemple : un accusé qui n'a pas de
véhicule automobile puis qui habite à Boucherville, puis d'habitude son
palais, il est à Longueuil, se rendre à Saint-Jean, c'est pas mal plus compliqué, dans le fond. Il peut y avoir
des facteurs qui militeraient en faveur de l'envoyer à Saint-Jean pour qu'il
subisse son procès, mais, s'il dit...
Dans le fond, ma question, c'est plus... C'est parce que,
là, ce qu'on vient faire, c'est qu'on vient dire au juge : Vous
avez carte blanche puis vous jugerez selon votre appréciation.
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette : C'est ça. Mais, d'un autre côté, le principe de base, c'est : tu es jugé
dans ton district dans lequel tu es
accusé. Ça fait que, juste là-dessus, là, tu sais, est-ce qu'on laisse la totale
discrétion au juge ou vous trouvez qu'on devrait encadrer ce pouvoir-là?
M.
Le Grand Alary (Nicolas) :
Ma compréhension... Là, on parle de l'article 1 du projet
de loi. L'article
1 du projet de loi, c'est quand l'accusé...
M.
Jolin-Barrette : Non. Non, non, non. L'article 2.
M.
Le Grand Alary (Nicolas) :
L'article 2, au niveau de la juridiction concurrente, mais c'est clair
que, lorsque le juge va entendre la... Il va y avoir une
présentation, c'est des critères qui vont être considérés par le juge, mais on
ne s'est pas positionnés sur la présence de critères spécifiques dans la loi,
là. Si on se limite à notre position, c'est...
M. Jolin-Barrette : Est-ce que, la juridiction concurrente qu'on établit, on devrait le
faire de façon permanente ou ça
devrait être une situation temporaire? Parce que, là, présentement
dans le projet de loi tel que rédigé, c'est permanent. Est-ce que vous trouvez qu'on devrait laisser ça
permanent ou mettre, supposons, une clause crépusculaire pour dire... bien, le
temps que le district de Longueuil, dans le fond, soit libéré de certaines
causes, ou on le fait de façon permanente?
Mme
Prémont (Claudia P.) : C'est
intéressant. C'est intéressant comme... Je pense qu'on n'a pas de position, là.
Le Barreau du Québec n'a pas de position, mais c'est peut-être une question que
le gouvernement devrait se poser à cet
égard-là, voir est-ce qu'effectivement ça pourrait être temporaire, avec une
réévaluation éventuellement. Mais on ne s'est pas penchés... Cette question-là n'a pas été posée de cette
façon-là au comité ou aux gens à l'interne, au Barreau.
M. Jolin-Barrette : O.K. De façon plus large, là, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, il y a eu des mesures qui ont été prises. Les avocats de la défense avec la couronne
puis avec la magistrature, ils ont décidé de procéder de certaines façons.
Dans le fond, au lieu de revenir aux
30 jours, ils reviennent soit au 90 ou aux 120 jours devant le
tribunal. Est-ce que vous trouvez
qu'on devrait mettre ça en place dans tous les districts judiciaires? Est-ce
que le Barreau a une position là-dessus?
M.
Le Grand Alary (Nicolas) :
On n'a pas de position là-dessus, spécifiquement. Par contre, ces initiatives-là ont été faites de concert, de consentement avec
tous les acteurs impliqués dans un district spécifique. Donc, je pense que la
voie à privilégier, c'est vraiment de
laisser la discrétion aux différents districts de s'organiser entre eux. Parce qu'appliquer une mesure pour tous les districts peut ne pas forcément être applicable
dans chaque district. Il peut y avoir des facteurs régionaux, locaux,
différentes considérations qui font en sorte...
Donc,
c'est des projets intéressants, qu'on suit dans le cadre de notre participation
à la Table Justice puis, de manière générale,
dans notre préoccupation au niveau des délais en matière criminelle et pénale,
mais ce serait prématuré, là, de s'avancer là-dessus.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et une des
réalités, là, à laquelle on fait face souvent, là, quand on est en matière criminelle et pénale, c'est, bon, la disponibilité
des juges, la gestion du rôle, historiquement ça a toujours été géré par la
magistrature. Est-ce que, supposons, sur la
question du rôle en matière criminelle et pénale, le Barreau a réfléchi à
l'effet qu'on devrait ou non laisser
ça dans les mains de la magistrature et peut-être confier davantage de pouvoirs
au DPCP, au niveau de la gestion du rôle? Est-ce que c'est des pistes
que vous avez évaluées ou que vous avez analysées?
Mme
Prémont (Claudia P.) : Alors, on me dit que non. Moi, je n'étais pas
au courant que ça avait été analysé ou
vu comme ça. La seule chose que je peux dire, c'est qu'au niveau de la gestion
qui est faite par les juges je pense que... Lorsque je vous parlais de la prise de conscience des avocats, je pense
qu'aussi la magistrature, à cet égard-là, a pris ses responsabilités
puis a quand même émis des directives ou s'est entendue pour gérer autrement.
En tout cas, ça me semble être le cas, selon
ce que j'entends sur le terrain. Encore une fois, je ne suis pas une
praticienne en criminelle et pénale, mais c'est vraiment les échos que
j'en entends à cet égard-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. J'ai entendu vos échanges avec la ministre
et puis ma collègue de Joliette. Bon, vous êtes partenaires de la Table
Justice. Les propositions qui sont dans ce document-là, vous y participez, le
Barreau est proactif là-dedans. Au jour le
jour, là, puis on en a discuté à la période des questions, tout à l'heure,
aussi, le système de justice a encore
de la difficulté à s'adapter aux critères de l'arrêt Jordan. Outre ce qu'il y a
dans le plan de travail, à court, court
terme, là, est-ce qu'il y a d'autres mesures que le Barreau pourrait suggérer ou envisager? Je ne dis pas de
la part de ses membres, là, mais je
parle, au niveau de la justice criminelle et pénale en général, que nous, on
pourrait mettre de l'avant, là, que
l'Assemblée pourrait mettre de l'avant. Est-ce qu'il y a certaines initiatives
qui pourraient faire en sorte
qu'on pourrait aider à accompagner le système de justice?
Mme
Prémont (Claudia P.) : Bien,
aujourd'hui, sincèrement, je n'ai pas rien à vous livrer à cet égard-là.
Je pense que c'est une réflexion
globale qui se fait néanmoins sur les différents comités du Barreau. Et je
pense que tout le monde tente d'être le plus imaginatif possible, mais malheureusement, aujourd'hui, si on m'avait demandé de faire une préparation
dans ce sens-là, peut-être
que je serais plus allée voir au
niveau des comités. Mais sachez qu'on
vous tiendra au courant évidemment de toute idée créative qu'on pourra avoir, parce
qu'on tente également de trouver des choses qui pourraient être
mises en place à court, moyen terme pour régler la situation.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis j'ai peut-être
juste une question technique. Je ne sais pas si vous allez pouvoir y répondre. Je sais que, supposons, sur la
Rive-Sud, vous avez, supposons, des bureaux d'aide juridique pour les gens
en matière criminelle et pénale. Vous avez
Juripop aussi qui donne des conseils. Le fait qu'on vienne déplacer, dans le fond, le changement de district, pensez-vous que
ça va avoir un impact pour cette clientèle-là parfois qui fait affaire avec
ces institutions-là?
Mme
Prémont (Claudia P.) : Moi,
je ne peux pas répondre à cette question-là. On pourrait le vérifier, là, cela
étant dit, mais moi, je ne suis pas en mesure de répondre.
M. Le
Grand Alary (Nicolas) :
Comme je vous dis, notre position, c'est vraiment ce qui est vécu dans
la lettre. Au niveau des impacts pour
les bureaux d'aide juridique, je vous réfère à notre position que les
juridictions concurrentes, c'est vraiment dans des districts
limitrophes. Donc, il ne devrait pas y avoir d'impact significatif. Est-ce
qu'il peut y avoir des impacts,
potentiellement? Et c'est quelque chose qu'on va surveiller, comme... On a
évoqué précédemment au niveau des
frais de déplacement des avocats puis des frais de déplacement des témoins,
c'est toutes des questions qu'on continue
à regarder. Mais, de manière générale, au niveau de la juridiction concurrente,
il n'y avait pas de commentaire
particulier à ce niveau-là.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Bien,
écoutez, pour moi, ça complète les questions que j'avais à vous poser. Je vais
en profiter, Mme la Présidente, pour
remercier Me Prémont, je ne sais pas si on aura l'occasion de se revoir en commission
parlementaire, mais pour vous féliciter pour vos années au
bâtonnat au Barreau du Québec. Et ça
a été un plaisir.
Mme Prémont (Claudia P.) : Merci.
Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. le député. Alors, Mme la
ministre, il vous reste quelques minutes. Je ne sais pas si vous voulez
en disposer.
Mme Vallée :
Ce sera très bref, simplement pour faire suite à certaines questions des
collègues, puis je pense que c'est d'intérêt commun. Entre le palais de
justice de Laval puis de Saint-Jérôme, on parle de 35 kilomètres. Donc,
les distances, là, entre les municipalités,
les différentes municipalités desservies par ces palais de justice là vont
varier entre 50 kilomètres, je vous dirais, et
35 kilomètres... entre 50 kilomètres et 15 kilomètres. Donc, on
est vraiment dans des paramètres très respectables.
Et, pour ce qui est de la distance
entre le palais de Saint-Jean-sur-Richelieu et Longueuil, on parle de
45 kilomètres, et les distances
entre les différentes municipalités et les palais de justice varient entre
10 kilomètres et 50 kilomètres. Je vous dirais que, dans certains
districts judiciaires du Québec, disons qu'on parle de l'Outaouais, là,
district de Gatineau, on a des
municipalités, par exemple Gracefield, qui sont situées à plus de
100 kilomètres du palais de justice de Gatineau et qui ont une juridiction concurrente avec
Labelle, palais de justice de Maniwaki, qui est situé à une trentaine de
kilomètres. Donc, on est...
• (16 h 40) •
Ce
qui est mis en place actuellement ne vient pas, là, complètement chambouler les
pratiques des citoyens. On avait le
souci d'assurer la proximité, d'assurer un service de proximité, parce que,
s'il y a quelqu'un qui est bien au fait de l'enjeu des distances et de ce que ça comporte comme fardeau
additionnel pour les citoyens, pour avoir pratiqué en ruralité, c'est bien celle qui vous parle
actuellement. Donc, on avait ce souci d'assurer que ces nouvelles dispositions
là ne viennent pas ajouter un fardeau
pour les citoyens, parce qu'à ce moment-là on est contre-productifs, ce n'est
pas une mesure d'accès à la justice. Mais là, au contraire, l'objectif,
c'est d'assurer une meilleure utilisation de nos infrastructures.
Puis,
pour Saint-Jérôme, par exemple, on a des travaux qui sont en cours pour en plus
bonifier l'espace. Pour Laval, il y aura des salles d'audience qui vont se
libérer, là, d'ici quelques jours. Donc, c'est ce qui a été considéré lorsque
ces mesures-là ont été mises en place.
Est-ce qu'il y a lieu
de les conserver de façon permanente ou temporaire? Je vous dirais que la
pérennité de ces mesures-là est quelque
chose d'utile. Des juridictions concurrentes, on en a un peu partout à travers
le Québec, puis ça permet parfois...
À certains moments, on a des volumes plus importants dans un palais de justice,
mais, à un autre moment donné, un peu
plus tard, en bout de route, ce sera peut-être un autre, l'autre palais qui
aura des disponibilités. Donc, ça permet
de gérer les volumes de dossiers sans toujours devoir revenir ici, en
commission parlementaire, puis apporter les ajustements législatifs qui sont requis. Donc, je vous dis ça comme ça,
mais je voulais simplement ajouter ces modalités-là, ces petites infos
là.
Et,
pour ce qui est de l'article 2, c'est le poursuivant qui va faire le choix
du district. Ce n'est pas le juge qui va déterminer, mais c'est le poursuivant qui, au moment de déposer la
poursuite, va déterminer s'il est opportun de déposer dans un district
ou dans l'autre. Alors, le choix relève du poursuivant pour...
M.
Jolin-Barrette : Mme la Présidente, si vous permettez, à ce moment-là,
l'accusé...
La Présidente (Mme
Nichols) : Juste un instant, là, M. le député. S'il y a un
consentement...
Mme Vallée :
Oui, c'est ça. C'est vrai. J'avoue, on est tellement habituées d'être
ensemble...
La Présidente (Mme
Nichols) : Oui, c'est ça. Non. Si vous voulez...
Mme Vallée :
Excusez-moi.
La
Présidente (Mme Nichols) : Étant donné
qu'on n'est pas en étude détaillée,
s'il y a un consentement des parties, là, on peut donner la parole au
collègue de Borduas. Est-ce qu'il y a un consentement?
M.
Jolin-Barrette : Bien, moi, je consens, Mme la Présidente.
Mme Vallée :
Moi, je consens, je n'ai pas de problème.
La Présidente (Mme
Nichols) : Alors, allez-y, cher collègue.
M. Jolin-Barrette : Mais, c'est-à-dire, à ce
moment-là, l'accusé, il va falloir
qu'il présente une requête devant le juge
pour dire : Bien, écoutez, j'aurais aimé ça être jugé dans le district
dans lequel j'ai commis mon infraction criminelle. Si la poursuite, à la base, dit... Supposons, là,
il commet son crime à Boucherville,
là, puis là la couronne, à Longueuil, dit : Bien, je poursuis à
Saint-Jean...
Mme
Vallée : Comme c'est le cas dans tous les districts concurrents,
actuellement. Puis là, bien, il y aura une décision. C'est sûr qu'ultimement c'est le tribunal qui tranche, mais le
choix initial, c'est celui du poursuivant. Puis, suite aux
représentations, le tribunal tranchera puis...
M. Jolin-Barrette :
Mais il va aller faire sa représentation à Saint-Jean.
Mme
Vallée : Mais les districts concurrents existent actuellement.
Comme, l'exemple que je vous donnais, le citoyen de Gracefield...
M.
Jolin-Barrette : Non, non, je le sais.
Mme Vallée : ...qui doit aller à Gatineau pour faire la représentation
pour être jugé à... pour transférer le dossier à Maniwaki, alors la
situation existe déjà. Puis là, évidemment, je fais une petite autopromotion de
l'Outaouais, parce que l'ailleurs, c'est ici.
La
Présidente (Mme Nichols) : Alors, on va s'en ternir aux présentes
consultations, si vous voulez bien, et non pas à l'étude détaillée.
Alors, Mme la ministre, est-ce que vous désirez poursuivre?
Mme Vallée :
Non, ça va. Mais je voulais simplement faire ces petites mises à niveau au
niveau des distances entre les districts, là. Parce que je comprends que
le Barreau avait soulevé la question, mais, pour être plus précise, je voulais
vous donner l'illustration de la distance entre les différentes municipalités.
C'est tout.
La
Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Alors, merci,
Me Prévost, merci, Me Le Grand Alary. Alors, je vous remercie pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je vais
suspendre les travaux quelques instants, afin de permettre aux prochains
représentants de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 43)
(Reprise à 17 heures)
Le Président (M. Ouellette) : Nous
reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Association des avocats et avocates de la défense, représentée par
Me Andrée-Anne Blais, de l'Association des avocats de la défense de Montréal-Laval et
Longueuil. D'habitude, c'est
Laurentides. Là, c'est Longueuil. Vous allez sûrement nous expliquer ça.
Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, Me Blais, et par la
suite il y aura une période d'échange avec Mme
la ministre et les deux porte-parole, de l'opposition officielle et de la
deuxième opposition. Donc, Me Blais, à vous la parole.
Association québécoise
des avocats et avocates de la défense (AQAAD)
Mme Blais
(Andrée-Anne) : Merci. Et je tiens à préciser aussi que je suis là
pour l'Association des avocats et avocates de la... québécoise de la
défense aussi. Je représente l'AQAAD.
Le Président (M. Ouellette) : C'est
bon. O.K.
Mme Blais
(Andrée-Anne) : Alors, les
commentaires que nous avions à formuler au sujet du projet de loi vont un peu comme ceci.
Alors, nous n'avons pas d'objection. Cependant, nous avons certaines inquiétudes que nous
voulions exposer, alors la première
étant de savoir... Bon, on comprend que ça vise les poursuites qui sont
instruites ex parte ou par défaut.
Et, dans ce cadre-là, la première chose qui nous venait à l'esprit, c'est, dans un premier temps : si le défendeur se manifeste entre-temps et avant
l'audition et désire, en fait, se faire entendre lors de l'audition du constat
d'infraction ou à tout événement,
tout ce pour quoi il a reçu un constat, on voulait s'assurer qu'il y ait
un mécanisme, qu'il continue de pouvoir
bénéficier d'avoir l'audition dans le district judiciaire où la poursuite a été
intentée, parce qu'il peut avoir, sinon, des problèmes pour présenter une défense pleine et entière, peut-être,
pour avoir accès à ses témoins, dans le sens s'il doit déplacer ses témoins dans un autre district
judiciaire, ce n'est pas la même
chose. Ensuite, nous voulions nous
assurer aussi que les rétractations
de jugement pouvaient être effectuées dans le district judiciaire où la
poursuite aurait dû... ou a été intentée initialement.
Considérant l'article 1 qui est proposé pour l'amendement de l'article 187 du Code
de procédure pénale, lorsqu'on parle,
au deuxième alinéa, que le juge en chef, le juge associé ou un juge coordonnateur,
s'il estime que cette mesure est de l'intérêt
de la justice pour pouvoir changer de district judiciaire... nous pensons qu'un
mécanisme doit être prévu, décisionnel,
à savoir, pour que le tout reste public, il faut qu'un ordre en ce sens-là de la cour soit déposé au dossier pour que, dans un premier temps, si jamais il y a un changement dans le district judiciaire, effectivement, et que le défendeur se
manifeste entre-temps, il soit possible de retracer la décision qui a été prise
et que la personne, bon, puisse faire les démarches, ou, en tout cas, qu'il y
ait un mécanisme quelconque sur la
décision qui a été prise, par qui elle a été prise, et un mécanisme aussi, effectivement, pour prévoir l'audition dans le district initial, si jamais
le défendeur se manifestait.
Et c'étaient mes commentaires.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Bien, merci
beaucoup. Bienvenue à la Commission des institutions. Puis je comprends que c'est votre première participation aux travaux
d'une commission parlementaire, donc j'espère qu'on ne laissera pas de séquelles
trop difficiles.
Bien, en
fait, je tiens à vous rassurer parce
que, les préoccupations que vous avez portées concernant les retardataires qui pourraient souhaiter être relevés du défaut de
comparaître ou qui pourraient présenter une requête pour rétractation de jugement, ces dossiers-là vont être entendus
dans le dossier d'origine. Ça, je l'ai mentionné à la bâtonnière, Me Prémont,
qui a formulé une préoccupation similaire.
Donc, l'objectif,
ce n'est pas d'ajouter un fardeau additionnel pour l'accusé. L'objectif,
c'est vraiment de traiter des dossiers... de libérer des salles de cour dans des districts où il y a
un volume important de dossiers à traiter et de permettre que ces dossiers-là soient traités dans les
districts où les infrastructures sont plus disponibles, où les ressources sont
plus disponibles.
Donc, dans un cas tel que celui que vous présentez, c'est-à-dire que l'accusé souhaite être relevé de son défaut, l'accusé souhaite présenter une rétractation de
jugement, le dossier sera traité là où il a été initié. Donc, il n'y a
vraiment pas de volonté d'ajouter une charge supplémentaire. Et, vous l'avez bien illustré, un dossier amène parfois des déplacements
de témoins, l'administration d'une preuve.
Donc, ce serait contraire à l'accès à la justice que d'imposer ce fardeau-là
aux accusés. Donc, c'est vraiment
dans les cas où, comme on le mentionnait un petit peu plus tôt cet après-midi,
on n'a vraiment pas eu de son,
pas d'image de la part de l'accusé.
Pour ce qui est de votre deuxième commentaire,
j'essaie de... Parce que, dans tous les dossiers, lorsqu'un juge rend une décision, cette décision-là, elle est
inscrite au dossier de la cour. Donc, il y a une trace de la décision, il y a
une trace du moment où la décision a été rendue, il y a une trace de la
date à laquelle la décision a été rendue. Et c'est important pour la suite des choses parce que, si, d'aventure, on doit
déterminer s'il y a, par exemple, des délais qui se sont écoulés qui étaient déraisonnables, il faut avoir
l'historique du dossier derrière nous et l'ensemble des décisions qui ont
affecté le dossier.
Donc, j'essaie de comprendre pourquoi, dans ce
cas particulier, il devrait y avoir une référence précise à la consignation de la décision du juge, alors que,
partout dans le Code de procédure pénale, lorsqu'on fait référence à une
décision du tribunal, on ne précise pas
qu'elle doit être consignée par écrit ou qu'elle doit être consignée au dossier
de la cour, puisqu'il va de soi que les décisions du tribunal sont
consignées au dossier de la cour.
Mme Blais (Andrée-Anne) :
Peut-être préciser mon point, si vous me le permettez.
Mme Vallée : Avec
plaisir.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Blais.
Mme Blais
(Andrée-Anne) : En fait, c'est parce que ce qui m'a inspiré ce
commentaire-là, c'est que, dans le Code criminel, il existe un genre de pendant pour les juges gestionnaires,
déterminer un juge pour qu'il puisse poser certaines actions, et ça ne passe pas nécessairement à la
cour parce que... Lorsqu'on parle de décisions inscrites au procès-verbal,
par exemple, c'est parce que le dossier est
venu à la cour. Et je vois que ça alourdirait les dossiers si on devait, dans
un premier temps, les faire venir
devant le juge du district pour qu'il prenne une décision qu'ils soient
entendus dans un autre district.
Alors, la
façon dont je me suis dit que la décision devait être prise par le juge
coordonnateur, pour qu'il y ait une saine administration de la justice... c'est
ça, l'objectif ici... je me suis dit : Est-ce qu'on ne devrait pas avoir
plutôt un processus où il y a une
décision écrite qui est rendue dans les dossiers, par le juge coordonnateur ou
le juge en charge de prendre ces
décisions-là, sans que le dossier ait à passer à la cour, mais que, lorsqu'on
se rend compte qu'il fait partie, bon, disons,
des causes malades ou des causes où il n'y a pas de défendeur, lors de
l'administration et de la décision des rôles, il puisse y avoir simplement une décision écrite qui soit déposée pour
déterminer que le dossier subira son procès dans un autre district
judiciaire? C'est plus dans ce sens-là que j'avais en tête la décision, laisser
une trace dans le dossier.
Parce que,
sinon, je m'explique mal comment on va gagner du temps si on doit déjà passer
devant un juge du district pour le
renvoyer dans un autre district. C'était là, mon commentaire. Simplement, je
formule peut-être une façon de procéder. Il existe plein d'autres façons. C'est simplement à titre d'exemple. Mais
c'était dans ce sens-là que je voyais le besoin de laisser une trace de la décision, qui a rendu la
décision, dans quel district judiciaire ça va être renvoyé, puis, par exemple,
peut-être consigner la raison ou le motif qui fait qu'on renvoie dans ce
district-là. C'était le sens de mon argument.
Mme Vallée :
Parfait, merci. Merci pour votre participation. Je ne sais pas si j'ai des
collègues de la commission qui ont des questions particulières. Je pense
que...
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Merci beaucoup. Alors, bienvenue à cette première, peut-être, d'une longue
suite de comparutions devant nous. Donc, ça ne fait pas mal, en général.
Écoutez,
bien, merci beaucoup. Moi, j'aimerais savoir si, sur l'article 2 du projet
de loi... 2 et 3, qui prévoient de nouvelles
compétences concurrentes, donc, pour Laval et Terrebonne et aussi un
élargissement, là, donc, pour Richelieu, Longueuil et Iberville, si vous aviez des commentaires à faire par
rapport à ça. C'est-à-dire : Est-ce que ça vous apparaît... Là, je vois que vous êtes conseillère à Montréal,
Laval, Longueuil, donc ça tombe bien d'avoir quelqu'un, peut-être, qui a un
point de vue sur cette nouvelle juridiction concurrente Laval et Terrebonne. A
priori, est-ce que c'est quelque chose qui
a été discuté au sein de votre association, à savoir si c'était opportun
d'ouvrir cette nouvelle juridiction concurrente?
Évidemment,
j'exposais tout à l'heure, avec les gens du Barreau, la crainte qu'on voit
parfois dans certains barreaux de
section, de dire : O.K., mais là, s'il y a une concurrence étendue, on
pourrait, par exemple, entre Laval et Saint-Jérôme, dépouiller un peu. Je comprends que vous, vous
êtes à Laval. Vous n'êtes peut-être pas trop liée à Saint-Jérôme comme tel,
mais, par exemple, faire en sorte qu'on va moins nommer de juges à Saint-Jérôme
parce qu'on va se dire : On peut se
fier à Laval ou... donc, qu'il y ait
un impact sur les ressources qui soient octroyées à chacun des districts.
Mais je voulais savoir, de manière
générale, si vos membres qui viennent de ces districts-là avaient quelque chose de particulier à dire.
• (17 h 10) •
Mme Blais
(Andrée-Anne) : Ce que je
pourrais répondre à ça, dans un premier temps : Les juges qui siègent sur,
disons, la Rive-Nord et les juges qui siègent sur la Rive-Sud font déjà un partage
entre les palais de justice. Alors, Joliette, Laval et Saint-Jérôme, il y a des juges qui sont
résidents. Ils ont chacun leur palais de résidence, si je peux dire, mais ils
se promènent quand même d'un palais à
l'autre. Alors, je ne crois pas que ça va nécessairement avoir un effet sur le
nombre de juges qui devra être nommé dans un district plus que l'autre
district, puisqu'ils font déjà...
Mme Hivon : Une
rotation.
Mme Blais
(Andrée-Anne) : ...une rotation, exactement. Ce que peut-être ça va
changer, ce sera dans la pratique, peut-être,
de certains avocats de la défense qui... Ceux qui pratiquent peut-être avec un
volume plus important ne se promènent pas nécessairement de palais en
palais.
Mais, en ce qui concerne les dossiers pénaux...
Je verrais une plus grande difficulté si on parlait de dossiers criminels. Mais, en matière de dossier pénal,
comme c'est des choses qui peuvent se gérer un petit peu différemment des
dossiers criminels, je ne pense pas que ce sera inopportun que ces
territoires-là soient... qu'il y ait une juridiction concurrente. Et on commence déjà à le voir, en fait, dans les dossiers
criminels. On commence déjà à avoir des demandes de la part de la
magistrature que, s'il n'y a pas de salle de disponible, disons, à Laval, on
puisse traiter le dossier à Saint-Jérôme.
Mme Hivon :
O.K. En fait, quand je lis l'article 2, c'est vraiment pour l'ensemble des
dossiers que c'est possible, de ce
que je comprends, parce qu'il n'y a pas de restriction. Donc, il y a une
compétence concurrente, point. Ça veut dire autant en criminel, en pénal, en civil. Parce que l'article 1, lui,
porte vraiment, là, sur, effectivement, le pénal, donc les jugements par
défaut. Mais l'article 2, il vient simplement ajouter de nouvelles
compétences concurrentes.
Donc, est-ce
que... Je comprends que, si ça comprend l'ensemble des dossiers, là, vous avez
une réserve un petit peu plus grande
en termes d'accessibilité, de ce que ça peut représenter pour les personnes,
soit qu'elles sont accusées, les
justiciables, les témoins. Est-ce que vous voyez là un problème, comme avocat
de la défense, par exemple, pour votre client, pour des coûts
supplémentaires ou des préoccupations supplémentaires?
Mme Blais
(Andrée-Anne) : Mais surtout, si la personne a plusieurs dossiers, que
ses dossiers commencent à être répartis sur deux districts judiciaires,
là, j'y vois un désavantage, définitivement. Dans l'espèce, ça peut être pour
une défense pleine et entière. Ça peut être
dans le règlement de ses dossiers. Parce que, bon, je comprends qu'il existe
des mécanismes de transfert de dossier, là, qui est prévu dans le Code
criminel, mais, à tout événement, ça alourdirait la chose, plutôt que de donner un meilleur accès, une meilleure
administration, si on est pour dédoubler les efforts pour réunir des dossiers. Ça fait aussi qu'effectivement,
peut-être, l'accès à l'avocat de son choix... parce qu'il y a des avocats qui
font le choix de rester dans certains
districts judiciaires, simplement, et de ne pas se déplacer dans d'autres
districts, alors l'avocat de son choix pourrait être aussi affecté.
La question
que je me pose ici, par exemple, c'est : Est-ce qu'avec cet article-là on
peut vraiment modifier les districts judiciaires en matière criminelle?
Puisque le Code criminel, quand même... Je pose la question, là. Mais le Code criminel dit que l'infraction doit être
portée dans le district dans lequel l'infraction a été commise. Alors, est-ce
qu'on peut, avec une loi provinciale,
modifier la loi fédérale? Je pose la question. Je n'ai pas fouillé la réponse,
parce que je... À mon sens, quand
j'ai regardé et évalué le tout, je pensais qu'on parlait en matière pénale et
en matière provinciale, pas en matière, aussi, fédérale.
Mme Vallée : La délimitation des districts
judiciaires relève de l'administration de la justice, et l'administration de la
justice vient définir la mise en place d'une juridiction concurrente. Donc,
c'est du pouvoir du gouvernement, de l'administration provinciale, d'établir
les délimitations territoriales. Puis ici on apporte des modifications aux
délimitations territoriales
antérieurement prévues. Et ce que l'on fait... Ici, on crée pour cette
région-là des juridictions concurrentes, mais des juridictions concurrentes, il
en existe ailleurs au Québec, là. Ce n'est pas quelque chose qui est
complètement de droit nouveau. Ça existe. On en a un peu partout. Donc,
ce n'est pas...
Mme Blais (Andrée-Anne) : Effectivement,
ça existe dans certains districts.
Mme
Hivon : Ce n'est pas une question, à votre association, qui a été, je dirais, regardée attentivement par les avocats, par exemple, qui sont
plus particulièrement affectés à ces districts-là?
Mme Blais (Andrée-Anne) : Effectivement,
parce que ce n'est pas dans le sens qu'on l'avait regardé.
Mme
Hivon : Oui, où
vous l'avez compris.
Mme Blais (Andrée-Anne) : On l'avait
plus compris dans le sens du pénal...
Mme
Hivon : Du pénal, O.K.
Mme Blais
(Andrée-Anne) : ...que ça
n'affectait pas nécessairement en
matière criminelle. Mais c'est sûr que le fait d'être dans un district judiciaire versus un autre district
judiciaire, effectivement, ça peut modifier pour les... Est-ce qu'il va y avoir des frais supplémentaires pour la
personne? Parce que, bon, si je pense à un dossier qui est sommaire, la personne est condamnée aux frais. Est-ce qu'il
va y avoir des frais supplémentaires pour si c'est la police qui se déplace
d'un district à un
autre district? J'avoue ne pas avoir regardé la question. Mais la question
aussi des assignations de nos témoins, si, effectivement, le dossier est
traité à Laval, mais c'est des gens...
Mme
Hivon :
De Saint-Jérôme, par exemple.
Mme
Blais (Andrée-Anne) : ...de Saint-Jérôme, par exemple, c'est un
déplacement supplémentaire. Il peut y avoir...
Mme
Hivon : O.K. En fait, moi, j'aurais une proposition à vous
faire, comme je l'ai faite au Barreau, c'est-à-dire que si jamais, dans les
prochains jours, vous êtes capable de parler davantage à vos membres qui sont
concernés par... qui travaillent, donc, dans ces districts-là, d'une
part, Terrebonne et Laval et, d'autre part, Longueuil et Iberville, là, qui voient la réalité un petit peu modifiée, si vous
êtes capable de demander peut-être des commentaires plus précis, s'ils ont
des remarques particulières à nous faire, puis simplement envoyer une lettre à
la commission, au président de la commission,
cette semaine, si c'est possible, parce que j'ai l'impression qu'on va en
traiter très, très prochainement, donc ça pourrait nous éclairer pour
avoir tous les éléments en main. Donc, moi, je vous remercie.
Peut-être
simplement... En terminant, on sait que l'arrêt Jordan suscite énormément de
discussions, et c'est vraiment un
coup de tonnerre dans l'univers de la justice, avec les effets, là, assez
perturbants qui s'ensuivent, et je pense que c'est un euphémisme. Est-ce que vous, là... Vous voyez,
aujourd'hui, on a deux nouvelles mesures très ponctuelles qui sont amenées, donc on veut essayer de trouver tous les
moyens possibles pour améliorer les choses. Si moi, je vous demandais si votre association a des petites mesures
ponctuelles en tête, qui seraient faciles d'application, pour essayer
d'améliorer les choses... Est-ce qu'il y a eu des choses de discutées au
sein de votre association par rapport à ça, comment on pourrait améliorer, avec des mesures, là, qui pourraient donner des
résultats assez rapidement? Ce n'est pas une question piège. C'est vraiment une
question d'information. Est-ce qu'il y a des choses, chez vous, qui sont
envisagées, qui ne sont pas trop...
Je comprends que... Mettons, l'abolition de l'enquête préliminaire, j'imagine
que vous n'avez pas une position déjà
là-dessus. Ou la question de la meilleure offre. C'est des enjeux assez
importants. Si jamais vous en avez,
je suis très heureuse de les entendre. Mais je me demandais aussi s'il y avait
eu une réflexion sur des mesures plus ponctuelles, qui pourraient être
appliquées à court terme.
• (17 h 20) •
Mme
Blais (Andrée-Anne) : Bien, tu sais, je vais prendre la balle au bond.
Est-ce que j'ai des solutions? Je vais tenter d'y réfléchir. Mais, si,
par exemple, on aborde la question de l'enquête préliminaire, moi, je trouve
que c'est un non-sens de vouloir éliminer ce
processus-là en matière criminelle parce que... Je vais vous donner un exemple.
L'année dernière, j'ai fait un dossier en matière de meurtre au deuxième
degré dans lequel nous avons fait... nous avons procédé à l'enquête préliminaire dans le dossier, et de façon
approfondie. Et, suite à l'enquête préliminaire, ça a permis à la
poursuite d'évaluer son dossier et de regarder l'ensemble de la preuve qu'elle
avait devant elle. Et finalement les accusations
ont été retirées. Alors, on a fait sept jours qu'on a procédé à la cour pour
avoir éliminé peut-être un deux mois, trois
mois de procès, finalement, devant jury. Je veux dire, c'est le genre de
processus important qui est dans le système.
Est-ce
qu'on devrait revoir les demandes lorsqu'elles sont formulées? Est-ce que,
peut-être, il y ait une mesure plus
serrée, de demander aux avocats de se commettre davantage sur le sujet quand on
demande une enquête préliminaire? Mais
je pense que la magistrature a déjà commencé à poser les questions. Mais je
trouve que l'enquête préliminaire, ça reste
un moyen efficace et rapide de pouvoir tester la preuve et de vérifier ce que
les témoins vont venir dire à procès. Ça aide à orienter. Est-ce que je devrais m'en aller peut-être m'asseoir
pour discuter avec la poursuite? Est-ce que j'ai vraiment un dossier qui devrait aller à procès? Je pense
que ça permet à l'ensemble des parties de voir le dossier. C'est un processus
accéléré, où on ne fait pas entendre tous
les témoins, qui permet de sauver du
temps à procès, finalement. Puis ça
permet aussi de voir davantage de débats, si procès il y a, en bout de
ligne.
Alors,
dans ce que je vois, moi, je trouve que l'enquête préliminaire, ça a sa raison
d'être. Je trouve qu'il y a un nouveau
processus qui a commencé à être mis en place, qui avait été testé à Gatineau,
qui commençait à être implanté à Montréal aussi, qui peut très bien
combler les dossiers qui n'ont pas nécessairement besoin d'être faits à la
cour, qui est un genre d'examen volontaire
ou un interrogatoire volontaire hors cour, qui se fait actuellement. C'est en
pilote pour le moment, mais c'est
quelque chose que je trouve qui est une alternative dans les dossiers qui ne
nécessitent pas nécessairement qu'on
teste la preuve à fond, ou qu'on a juste des points de droit à aller vérifier,
ou des questions de faits à aller vérifier avec des témoins. C'est déjà une mesure qui est prise, en place, que je
trouve qui devrait être encouragée, d'ailleurs, pour essayer d'aider à
court terme.
Mais
c'est sûr que, réalistement, il y a beaucoup de choses qui doivent être
changées dans la façon dont fonctionne le système pour que... Ça fait
longtemps que le système judiciaire n'avait pas eu peut-être les fonds et les
ressources nécessaires pour que la machine
réponde rapidement à ce que l'arrêt Jordan a édicté comme nouvelles normes.
Mais il faut se rappeler qu'il y a
quand même eu l'arrêt Morin, l'arrêt Askov, qui avaient envoyé des messages
qu'il fallait... que les délais
étaient déjà... il y avait déjà des problématiques de délais déraisonnables.
Alors, c'est une longue agonie, et là j'ose espérer qu'on est sur la
bonne voie. Je pense que tous les acteurs travaillent fort pour ça, mais...
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Me Blais. Merci, Mme la députée de Joliette. M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Blais, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Vous avez terminé en disant :
C'est une agonie. Depuis, dans le fond, l'arrêt Jordan, depuis que la Table
Justice a annoncé des mesures, est-ce que
votre association et les membres de votre association ont vu des différences,
dans le fond, dans la pratique au jour le jour à la cour, que ce soit à Montréal, à Longueuil, à Laval, parce que
c'est là qu'il y a le plus de dossiers? Dans le fond, est-ce que le changement de culture est amorcé? Est-ce
qu'il y a des pratiques différentes qui ont été mises en application?
Mme
Blais (Andrée-Anne) : Effectivement, il y a beaucoup de choses qui ont
changé. Le lendemain de Jordan, c'est
devenu une nouvelle façon de pratiquer. Tout le monde est sur la sellette, je
pense, tant la poursuite, la défense que la magistrature. Tout le monde
veut bien agir.
Dans le
concret, c'est sûr que la nomination des nouveaux juges, ça avait vraiment
accéléré, je pense, le processus d'avoir
accès à un juge. Parce qu'honnêtement, pour avoir fixé, il y a un an, un
dossier pour une journée à Montréal, les délais étaient de 12 mois environ d'attente pour avoir une audition, au
fond. Et récemment, pour avoir fait la vérification, on avait peut-être
un mois et demi de délai pour avoir une journée d'audition. C'est vraiment un
changement majeur.
M. Jolin-Barrette : À Montréal?
Mme Blais (Andrée-Anne) : À
Montréal.
M. Jolin-Barrette : Pour un procès?
Mme Blais (Andrée-Anne) : Pour un
procès d'une journée.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Puis
aujourd'hui, dans le fond, si vous fixez pour enquête préliminaire plus procès
à Montréal, combien de temps ça prend, supposons, sur un...
Mme Blais (Andrée-Anne) : C'est sûr
qu'il y a une question de durée, là, mais...
M. Jolin-Barrette : Mais, supposons,
sur une moyenne durée, là? Pas une journée, là, mais, supposons, un quatre
jours, là?
Mme Blais
(Andrée-Anne) : Mais honnêtement, si le dossier ne va pas à la Cour
supérieure, là, on s'entend, le dossier
reste à la Cour du Québec, là, le délai de 30 mois peut être amplement
respecté. Si tous les acteurs agissent de façon...
M. Jolin-Barrette : C'est 18,
supposons.
Mme Blais
(Andrée-Anne) : Parce qu'avec l'enquête préliminaire c'est 30, là, de
délai. Mais est-ce que le 18 mois pourrait être respecté avec
l'enquête préliminaire ou simplement un dossier qui reste à la Cour du Québec?
M. Jolin-Barrette : Ceux dans la
Cour du Québec.
Mme Blais
(Andrée-Anne) : Moi, je pense que le dossier peut être réglé en
18 mois, si tous les acteurs pertinents mettent l'épaule à la roue, bien évidemment, là. Parce qu'il y a
d'autres questions aussi, en bout de ligne, que juste d'avoir accès au juge, puis les questions de divulgation
qui doivent être réglées. Je comprends qu'il y a un processus au DPCP qui est mis en place, à l'heure actuelle, pour
revoir peut-être la façon de faire, voir à ce que les dossiers soient en état
avant d'être autorisés. Mais, si tout le monde met l'épaule à la roue,
le 18 mois peut être rencontré au palais de justice de Montréal,
effectivement.
M.
Jolin-Barrette : Et, outre
les juges, est-ce qu'il y a des... Quelles sont les façons différentes qui ont
été mises en application depuis, supposons, juillet 2016 dans la
pratique quotidienne? Est-ce qu'il y a d'autres choses que les membres de votre association ont perçues? La
pratique, est-ce qu'elle s'est
transformée ou c'est juste la question des juges?
Mme Blais
(Andrée-Anne) : Bien, la question la plus à la mode, c'est :
Est-ce qu'on renonce au délai? Je pense que c'est la question qui est toujours posée aux avocats de la défense,
en fait, pour chaque chose qui doit être faite. Ça fait que ça, ça change beaucoup la pratique, parce
qu'on nous pousse, je trouve, à devoir fixer très, très, très rapidement. Et,
d'un autre côté, ça peut nuire à la bonne administration du dossier, dans le
sens où les parties doivent quand même avoir
un moment pour se parler dans le dossier et faire certains gestes dans les
dossiers. Je trouve que la pression qui est mise sur tout le monde, d'un autre côté, devient un peu malsaine, si on
pense juste au délai versus... Il y a quand même 90 % des dossiers, je pense, qui se règlent, qui ne vont pas à
procès, là. Je n'ai peut-être pas le nombre exact de la statistique, là, mais je pense que c'est important que, dans la
réforme qui est pensée par tous les acteurs, on se conserve un moment
pour penser que c'est important aussi que les parties se parlent avant d'aller
à procès.
Dans les
actions concrètes, honnêtement, il y a... À l'heure actuelle, on est tous
encore, je crois, en train de prendre le pouls, de gérer la situation, tant pour mes collègues du DPCP que pour
la magistrature, que pour la défense. Est-ce qu'on les réalise, à l'heure actuelle? Il y a des
situations qui arrivent que je pense que c'est des essais qui sont faits, mais
on n'est pas encore dans... Je pense
que, les solutions qui ont été prises, il n'y a rien qui est coulé dans le
béton encore, de savoir comment toute la structure va se déplacer pour
s'améliorer.
M.
Jolin-Barrette : Puis,
lorsque vous dites : On a beaucoup de pression pour renoncer au délai,
donc, pour que l'accusé, dans le fond, renonce au délai, dans le fond,
pour ne pas qu'il puisse les invoquer, donc, est-ce que ça a un impact sur les
droits de l'accusé, dans le fond, de renoncer à ce délai-là? Quand vous
dites : On a de la pression pour renoncer au délai, vous avez de la
pression de la part de la couronne, de la magistrature?
Mme
Blais (Andrée-Anne) : Oui. En fait, je pense que c'est la question
automatique. Dès qu'il y a une remise à une autre date, la question,
c'est de demander aux avocats de la défense de renoncer au délai, là.
M. Jolin-Barrette : C'est quoi, la
conséquence de ça, de renoncer au délai?
Mme Blais
(Andrée-Anne) : Bien, je peux donner un exemple très... Bien, la
conséquence, c'est que, premièrement,
ce n'est pas non équivoque, comme renonciation, si on me l'extorque, dans un
premier temps. Dans un deuxième
temps, tout est une question de savoir pourquoi le dossier est reporté à une
autre date. Je pense que ce qui doit plutôt
venir dans la culture qu'on doit avoir, c'est plutôt de donner les
justifications pourquoi on demande une remise. Et, si jamais requête en arrêt des procédures il y a, bien, le juge aura
les outils nécessaires pour prendre une décision en bout de ligne, là. Je ne crois pas que c'est au
jour le jour que le dossier vient à la cour, que des décisions préalables,
avant même de penser à peut-être
avoir une requête en arrêt des procédures, doivent être prises. C'est un peu là
où la pression est faite. Parce que,
si, par exemple, on me donne une divulgation de preuve le matin même, on me
demande de renoncer au délai pour
pouvoir en prendre connaissance, en reportant à une autre date, je ne comprends
pas comment je devrais avoir à renoncer au délai dans ce cadre-là.
Mais
effectivement il y a eu peut-être un engouement à avoir recours à cette
demande-là. Mais définitivement, oui,
ça brime les accusés parce que... surtout les accusés qui sont non représentés.
Est-ce qu'ils comprennent réellement ce à quoi ils renoncent à ce
moment-là?
Le Président (M. Ouellette) : ...M.
le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Bien, je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire.
Mme Blais (Andrée-Anne) : Merci.
Le
Président (M. Ouellette) :
Me Blais, merci de votre présence en commission. C'est une première. On
souhaite que ce ne soit pas une
dernière. Et permettez-vous de venir déposer sur tout projet qui pourra, à un
moment donné, vous interpeler.
La
commission, ayant accompli son mandat, suspend ses travaux jusqu'à
19 h 30, où elle entreprendra l'étude du projet n° 113
dans cette même salle, ce soir, finalement.
(Fin de la séance à 17 h 30)