(Onze
heures trente et une minutes)
Le Président
(M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 113,
Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière
d'adoption et de communication de renseignements.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Roy (Montarville)
est remplacée par Mme Lavallée (Repentigny).
Le Président
(M. Ouellette) : Nous entendrons, cet avant-midi, le Barreau du
Québec et les directeurs et directrices de la protection de la jeunesse.
Auditions (suite)
Représentant
le Barreau, nous avons le président du Comité en droit de la jeunesse, Me
Dominique Trahan. Vous allez nous
présenter les gens qui vous accompagnent, Me Trahan. Vous avez 10 minutes pour
faire votre présentation aux membres
de la commission, et après il y aura un échange avec Mme la ministre et les
porte-parole des deux oppositions. Je vous cède le plancher.
Barreau du Québec
M. Trahan (Dominique) : Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et
MM. les membres de la commission, bonjour.
Je suis Dominique Trahan, président du Comité en droit de la jeunesse du
Barreau du Québec et avocat à l'aide juridique de Montréal. Je suis
accompagné, à ma droite, de Me Catherine Brousseau, directrice des bureaux
d'aide juridique de Drummondville et
Victoriaville et membre du Comité en droit de la jeunesse; à ma gauche, Me Ana
Victoria Aguerre, secrétaire du comité au Barreau; et, à mon extrême droite, Me
Sylvie Champagne, secrétaire du Barreau du Québec.
Alors, le Barreau du
Québec a pris connaissance du projet de loi n° 113, modifiant le Code
civil et d'autres dispositions législatives
en matière d'adoption et de communication de renseignements, et vous soumet ses
commentaires généraux et recommandations.
D'entrée de jeu, le
Barreau tient à souligner que l'enfant est un sujet de droit au coeur même du
processus d'adoption. C'est dans ce contexte que le Barreau invite le
législateur à prévoir dans le projet de loi une disposition confirmant
l'importance pour les enfants visés dans un processus d'adoption d'être
systématiquement représentés par un
procureur comme ils le sont en vertu de l'article 80 de la Loi de la
protection de la jeunesse. Si l'intérêt de l'enfant est le principe cardinal en droit de la jeunesse, il va
de soi que ces mêmes intérêts doivent être adéquatement représentés dans
toute instance qui le concerne, soit dans
les cas où il est appelé à donner son consentement et, a fortiori, dans les cas
où il lui est impossible de le faire, notamment à cause de son âge. Alors que
le projet de loi confirme la possibilité de procéder à l'adoption ouverte de même que la possibilité de conclure des ententes
visant le maintien des relations interpersonnelles avec les parents d'origine, il apparaît important
que l'enfant, peu importe son âge, puisse être systématiquement
représenté afin de permettre au juge de prendre une décision éclairée eu égard
au meilleur intérêt de l'enfant.
Par
ailleurs, nous constatons que l'adoption ouverte prévue dans le projet de loi
poursuit un objectif purement identitaire
ne laissant pas subsister de droits et d'obligations entre l'adopté et sa
famille d'origine. Le Barreau prend acte de ce choix mais estime que certains aspects pratiques du projet de loi à
cet égard doivent être repensés. En effet, le projet de loi prévoit que
le tribunal ne peut prononcer une ordonnance de placement en vue d'une adoption
assortie d'une reconnaissance d'un lien
préexistant de filiation que si cette reconnaissance est dans l'intérêt de
l'enfant, afin de protéger une identification significative à son parent
d'origine.
Ainsi, le projet
de loi introduit la notion d'«identification significative» pour déterminer la forme d'adoption en instance. Le Barreau suggère d'ajouter au projet de loi des critères ou des éléments permettant de définir cette
expression. En effet, dans les cas d'adoption d'enfants en bas âge qui
n'auront vraisemblablement pas eu le temps de connaître le parent d'origine, une interprétation restrictive de
l'identification significative à son parent d'origine pourrait avoir pour effet
de rompre le lien entre l'enfant et sa famille d'origine, notion beaucoup plus
large, qui englobe notamment la fratrie et les grands-parents.
De plus, le projet de
loi prévoit que, lorsqu'un médecin conclut qu'un préjudice risque d'être causé
à la santé de l'adopté,
du parent d'origine ou de l'un de leurs proches liés génétiquement, si l'un de
ceux-ci est privé des renseignements qu'il requiert, il
peut obtenir des autorités médicales concernées les renseignements médicaux
requis, sous réserve du consentement de celui dont les renseignements sont demandés.
À défaut de consentement, l'obtention de ces renseignements est assujettie à
l'autorisation du tribunal. Bien que l'objectif de cette disposition est louable, nous
considérons que le libellé proposé aurait avantage à être clarifié particulièrement
en ce qui a trait à l'identité de la personne qui doit saisir le tribunal. Il y aurait lieu de spécifier cette
information pour faciliter la mise en application de ce mécanisme. À ce
sujet, il y aurait lieu de considérer la
contribution évidente du directeur de la protection de la jeunesse, étant donné
qu'il est le seul à connaître
l'identité de toutes les parties, particulièrement celle du parent d'origine,
qui n'est connue que de lui. Dans ce contexte, l'avocat de l'enfant
pourrait encore une fois être d'une grande assistance.
Dans
un autre ordre d'idées, nous constatons que l'apposition des noms des parents
biologiques et des parents adoptifs
dans le certificat de naissance est délicate et potentiellement stigmatisante.
Pour cette raison, nous considérons qu'il
y aurait lieu de prévoir une autre façon de faire. Le Barreau propose que
l'inscription des parents d'origine se fasse dans un document annexé au
certificat de naissance, et non pas dans l'acte lui-même.
Par
ailleurs, si le Barreau est en faveur de toute initiative qui vise à confirmer
le droit aux origines, il est toutefois en faveur du respect de toute interdiction de communication ou de contact
que les parents biologiques ont pu formuler. En effet, bien que le droit de connaître ses origines soit important, il
n'est pas, à ce jour, reconnu comme étant un droit fondamental, alors que le droit au respect de la vie privée est
expressément prévu à l'article 5 de la Charte des droits et libertés de
la personne et implicitement protégé par l'article 7 de la Charte
canadienne des droits et libertés. Or, comme tout droit fondamental, le respect de la vie privée n'est pas illimité. Dans ce
contexte, le Barreau s'interroge sur la portée de ce droit. Une fois le parent biologique décédé, il sera
intéressant de voir comment les tribunaux interpréteront la possibilité de
lever le veto post-mortem au bénéfice de
l'enfant, eu égard aux critères de l'expectative de vie privée du défunt. De
plus, le Barreau s'interroge sur la mise en oeuvre concrète qui pourra
être faite de la levée du veto post-mortem.
Alors
que le projet de loi prévoit que les interdictions formulées doivent être
respectées durant la vie du parent biologique,
nous avons certaines préoccupations au sujet de fratries qui ne pourraient pas
bénéficier des retrouvailles dans un contexte
d'application du veto par le parent biologique — par exemple, on pense à des frères et soeurs
adoptés par des familles différentes
qui ne pourraient pas se retrouver, puisqu'ils ne connaissent pas l'identité de
leurs parents d'origine. Nous
suggérons donc de créer un mécanisme qui permettrait à l'adopté de retrouver sa
fratrie et les autres membres de la famille
du défunt dans les cas où il ne pourrait être informé de l'identité de son
parent. Je passe la parole à Me Champagne.
Le Président
(M. Ouellette) : Me Champagne.
• (11 h 40) •
Mme Champagne (Sylvie) : Nous avons suivi vos travaux. Nous sommes d'avis
qu'il n'est pas justifié de prévoir que
le consentement spécial à l'adoption soit fait par acte notarié. Premièrement,
il n'y a pas de problématique documentée au niveau des consentements
spéciaux. Comme vous le savez, en vertu de l'article 548 du Code civil du
Québec, le consentement à l'adoption est
donné par écrit devant deux témoins. Deuxièmement, c'est au tribunal à qui
revient la mission de vérifier la validité des consentements, tel que
prévu à l'article 568 du Code civil du Québec.
Enfin,
nous croyons qu'il est essentiel de conserver la souplesse prévue aux
articles 557 et 558 du Code civil du Québec, qui prévoient la possibilité de rétracter le consentement.
Ainsi, procéder par acte notarié viendrait complexifier inutilement la
procédure. Il ne faut pas oublier qu'un acte notarié est un acte authentique
qui oblige une procédure de contestation — anciennement l'inscription en faux,
maintenant demande de contestation — en vertu de l'article 258 du
Code de procédure civile. Je cède maintenant la parole à Me Brousseau.
Mme Brousseau (Catherine) : Alors, le projet de loi prévoit également la
possibilité pour la famille adoptive et la famille d'origine de conclure
une entente facilitant la communication de renseignements concernant l'enfant
ou permettant des relations
interpersonnelles. De l'avis du Barreau, il s'agit là d'une possibilité
intéressante mais qui n'est pas
suffisamment balisée par le projet de loi actuel tant au niveau du fond que de
la forme. Par exemple, quel est le statut juridique de cette entente? Quelle forme doit prendre l'entente? À quel
moment doit-elle être conclue? De quelle manière peut-elle être
modifiée? À défaut de prévoir ces éléments, qu'arrivera-t-il si l'entente n'est
pas respectée?
Il
semble au vu du projet de loi que l'entente n'a pas à être entérinée par le
tribunal pour avoir des effets. Certes, cela peut faire preuve d'une
grande souplesse, mais ça amène beaucoup d'incertitude et, potentiellement,
certaines injustices. À titre d'exemple, on
peut anticiper que certains parents biologiques s'engagent à ne pas contester
l'adoption en raison de l'entente qui leur
permettrait de maintenir des liens avec leur enfant. Dans ce contexte, comment
s'assurer de la mise en oeuvre de
l'entente? En outre, il ne faudrait pas que cette entente devienne un élément
utilisé pour témoigner du consentement libre et éclairé d'un parent
biologique à l'adoption. Également, le Barreau s'inquiète du fait que ces ententes ne soient pas élaborées dans le réel
intérêt de l'enfant, mais plutôt dans un contexte de marchandisation de
l'enfant à adopter. Ainsi, dans un souci de prévisibilité et de sécurité
juridiques, le Barreau considère que l'entente doit être entérinée pour avoir des effets et suivre une
forme de contrôle. Le projet de loi doit déterminer quel est le tribunal
qui aura juridiction pour entendre ces demandes. À défaut de faire ces ajouts,
les ententes n'auront aucune valeur ajoutée par rapport à la situation actuelle.
Finalement,
nous tenons à souligner qu'en vertu du projet de loi le consentement de
l'enfant de 10 ans et plus est nécessaire
afin de confirmer la validité de l'entente de communication entre ce dernier et
ses parents biologiques. À cet égard, le Barreau réitère que la
représentation de l'enfant par procureur est essentielle.
Alors, nous sommes
disponibles pour répondre à toute question que vous pourriez avoir sur ces
sujets ou sur d'autres. Merci.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci beaucoup. Merci de votre participation à nos travaux. On va prendre
quelques minutes pour saluer nos
collègues, également, dont plusieurs sont membres du Barreau, qui sont dans la
salle, les juristes de l'État qui sont présents
avec nous aujourd'hui puis encore une fois réitérer le désir de vous retrouver
autour de la table de négo. On vous aime
beaucoup, on apprécie votre présence ici, mais c'est à la table de négo, et
puis on espère pouvoir compter sur vos précieux
services assez rapidement. Alors donc, ce petit message a été fait, parce que
je sais que c'est une préoccupation aussi que partage le Barreau du
Québec.
Pour
ce qui est de votre mémoire, fort intéressant, vous abordez un enjeu qui n'a pas été abordé de façon aussi claire par ceux et celles qui se sont présentés jusqu'à
date, soit la représentation de
l'enfant au coeur de l'ensemble du processus. Actuellement, on a des
dispositions à l'intérieur du Code de procédure civile, qui permet... et c'est,
entre autres, l'article 90 du Code de
procédure civile qui prévoit que la représentation peut, tant dans une
procédure contentieuse que non contentieuse,
être ordonnée par le tribunal. Vous, ce que je comprends, c'est que vous
souhaitez que la représentation de l'enfant soit clairement établie dans
les dispositions touchant l'adoption à tout point, à toute étape à l'intérieur
du processus. Donc, est-ce que vous croyez... Je comprends donc que, pour vous,
90 du Code de procédure civile et la discrétion du tribunal d'ordonner la
nomination d'un procureur à l'enfant, ce n'est pas suffisant. Puis pourquoi
vous présentez cette demande-là aujourd'hui?
Est-ce qu'il y a des
éléments, au cours des années, qui ont amené le Barreau à reconnaître que,
faute d'une obligation précise d'avoir un procureur à l'enfant, il pouvait
survenir, malgré la présence des dispositions du Code de procédure, des enjeux particuliers pour les
enfants où l'intérêt de l'enfant pourrait ne pas être considéré à sa juste
mesure dans les dossiers?
(Interruption)
Mme
Vallée : Ah! puis, on s'excuse, il y a des travaux à
l'extérieur. Parfois, ça met une musique ambiante qui n'est pas toujours
agréable.
M. Trahan
(Dominique) : Alors, sur cette question...
(Interruption)
M. Trahan
(Dominique) : En autant qu'il ne m'arrive pas dans le pied, ça va
aller.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Trahan (Dominique) : Alors, sur cette question-là de la
représentation de l'enfant, c'est qu'il y a beaucoup d'enjeux en première instance, et, si ce n'est pas
systématique, à l'occasion, quand les
dossiers vont en appel, il faut refaire les devoirs, il faut
recommencer, et c'est peut-être tardif. Et il y a des décisions qui ont été
rendues dernièrement, ces dernières années,
par la Cour d'appel du Québec, qui a nommé un procureur à l'enfant au niveau
d'auditions à la Cour d'appel. Alors,
c'est pour ça qu'on trouvait qu'il est nécessaire que ça puisse et que ça doive
se faire dès la première instance dans ce contexte-là comme ça se fait
dans d'autres lois qui sont applicables aux enfants.
Mme Vallée :
Et je comprends que, pour vous, cette présence d'un procureur à l'enfant
pourrait aussi être fort utile dans le contexte de la négociation d'une
convention entre les parents adoptants et les parents d'origine.
M. Trahan (Dominique) : Effectivement. À toutes les étapes du processus
ou les nouvelles étapes qui prendraient naissance à travers le projet de
loi.
Mme Vallée :
Est-ce que vous voyez la nécessité de prévoir, outre la nomination d'un
procureur à l'enfant, un mandat particulier ou des éléments particuliers
qui devraient être considérés?
M. Trahan
(Dominique) : Bien, si je compare avec d'autres domaines de droit où
le procureur à l'enfant est présent — et moi, j'emploie l'expression «les enfants
sans voix» — le
procureur à l'enfant, à ce moment-là, représente l'enfant dans le contexte d'un mandat légal, par opposition à un mandat
conventionnel qui lui est transmis par le client. Le procureur à l'enfant, dans ces
circonstances-là, n'est pas amicus curiae, il est avocat à l'enfant et doit
faire valoir les droits et les
intérêts de l'enfant. Alors, dans ce contexte-là, c'est les paramètres de la
loi applicables qui le guident dans la façon de remplir son mandat, et, à ce moment-là, ça serait les mêmes critères
ici, les critères qui seraient applicables à l'adoption ou aux
différentes procédures en l'espèce, qui guideraient l'avocat dans la
représentation de l'enfant.
Mme Vallée :
Sur, justement, les ententes de communication, on a eu quand même plusieurs
représentations, comme vous avez pu le
constater lors de nos travaux, sur les modalités puis l'utilisation de ces
ententes-là comme moyens, puis vous
l'avez mentionné, de chantage entre les parties. L'objectif derrière la
disposition, c'est vraiment de permettre aux familles d'origine et à la
famille adoptive de pouvoir conclure des ententes dans l'intérêt de l'enfant,
des ententes de communication qui visent
l'intérêt de l'enfant sans nécessairement toujours solliciter une intervention
judiciaire, ce qui contribue à
l'accumulation de délais et, parfois, à la surcharge des tribunaux. Et parfois
les délais aussi pour les familles vont
plutôt décourager les familles de conclure des ententes, parce qu'elles doivent
nécessairement être homologuées. Donc, moi, j'aimerais comprendre vos
craintes.
Puis est-ce qu'il n'y
aurait pas un moyen de prévoir un encadrement qui ne serait pas nécessairement
et systématiquement présenté devant le tribunal?
Est-ce qu'il pourrait y avoir des enjeux soumis au tribunal, des
éléments qui n'ont pas besoin d'être soumis au tribunal? Avez-vous une idée ou
une proposition qui pourrait nous guider quant à l'encadrement?
Le Président (M. Ouellette) :
Me Brousseau.
Mme Brousseau
(Catherine) : Oui. Si on
regarde comment ça se passe, dans le fond, soit on a un consentement
spécial à l'adoption ou une déclaration d'admissibilité à l'adoption.
Alors, c'est
sûr que, dans le cadre du consentement spécial, ce que je lis au projet de loi,
c'est que, là, celui qui donne son
consentement devra dire aussi s'il est d'accord avec une adoption ouverte ou
une adoption plénière et, par la suite,
c'est au moment de l'ordonnance de placement qu'on regardera s'il pourra y avoir
des ententes de communication, et tout ça.
De toute façon, ce processus-là se fait devant le tribunal. Alors, oui, il peut
y avoir, je dirais, des communications entre les parties pour faire une
entente à l'amiable, si vous voulez, mais je pense que ça n'alourdit pas le
processus, que l'entente soit homologuée en
même temps, finalement, qu'on est déjà devant le tribunal. C'est sûr que, si on
veut la faire plus tard, ça pourra
toujours être possible aussi, mais je pense que, souvent, ces discussions-là vont
souvent se faire au départ, quand on
va déterminer quel type d'adoption il va y avoir, parce qu'il va falloir se
poser la question : Est-ce qu'il y a un lien significatif? Est-ce
qu'on veut garder une identité aux parents d'origine?
Donc, c'est quand on va faire, je pense, toutes
ces discussions-là pratico-pratiques que ça va se passer.
Si je prends
la déclaration d'admissibilité à l'adoption, il ne faut pas oublier qu'à ce
moment-là c'est la directrice de la protection de la jeunesse ou le
directeur qui présente cette demande-là, et là les parents sont au coeur même
du processus, dans le sens où ils peuvent
être en désaccord, être représentés, et tout ça, alors que, quand on va arriver
à la requête pour ordonnance de
placement, ils ne sont plus, là, déjà partie au processus, pas plus que
l'enfant, il ne reste que les adoptants. Alors, d'où l'importance, nous,
on dit, que l'enfant soit présent, que l'enfant soit représenté à toutes ces étapes-là, qui sont nouvelles, où il y aura des
décisions qui vont se prendre dans leur intérêt, mais aussi sur le fait que
tout ça doit se faire et être balisé par le tribunal et non pas à l'extérieur.
• (11 h 50) •
Mme Vallée : Est-ce
qu'une fois l'entente homologuée... Parce que vous dites : Dans plusieurs
cas, ça se fait à l'intérieur du processus global. Mais il y a cette nécessité
de revenir devant le tribunal pour y apporter toute forme de modification.
Mme Brousseau
(Catherine) : Oui.
Effectivement. Puis, je vous dirais, si on prend pour acquis aussi... Dans
le projet de loi, on dit que l'enfant de
10 ans et plus doit y consentir. Alors, pour s'assurer du consentement...
là, je comprends qu'on peut faire des ententes entre nous, mais là, si
on a un parent adoptif qui dit : Non, l'enfant ne veut pas, l'autre qui dit : Oui, mais moi, je ne suis pas sûr
qu'il ne veut pas, c'est peut-être... Bon, peut-être qu'il veut, mais il y a un
conflit de loyauté, là, entre les deux
familles. Alors, on n'aura pas le choix, à un moment donné, d'aller vers un
processus, soit vers un procureur à
l'enfant, pour avoir vraiment une opinion neutre de l'enfant. Et je pense que
le retour au tribunal est un peu tributaire de ça. Que ce soit comme en
matière de protection de la jeunesse, en matière de tutelle, quand on confie l'enfant au tuteur, le juge peut déterminer quels
seront les droits d'accès avec les parents, les grands-parents. Et, si
jamais on veut changer les modalités, bien, on revient au tribunal, tout
simplement, pour dire qu'est-ce qui a changé et puis qu'est-ce qu'on peut modifier, là. Puis ce n'est pas plus lourd, selon
moi, que... Je ne pense pas que ça alourdit le processus, là, de faire ça, parce que ça va demeurer quand
même, je pense, exceptionnel... ou, en tout cas, pas suffisamment pour
engorger les tribunaux, en tout cas, avec ce genre de demande.
Mme Vallée :
Je vous écoute, et il me vient une idée. Croyez-vous qu'une modification
d'entente pourrait faire l'objet d'un processus de médiation?
Mme Brousseau
(Catherine) : Bien, je pense
que ça pourrait effectivement être le cas, là. C'est sûr qu'on n'a pas discuté de cette solution-là au sein du comité du
Barreau, mais je pense qu'on n'a jamais été contre le fait que le
processus de médiation pourrait être possible, là, avant d'en arriver de se
rendre au tribunal. Tout à fait.
Mme Vallée :
Bien, vous mentionnez qu'il pourrait être préjudiciable pour l'enfant d'avoir
une référence à son statut d'adopté sur son certificat de naissance,
vous mentionnez l'idée d'avoir un document distinct. Quelle forme pourrait
prendre ce document distinct?
Mme Brousseau (Catherine) :
Bien, un peu, je pense, ce qui a déjà été mentionné, que parfois on a un acte authentique au long, là, avec toutes les mentions,
où il pourrait y avoir effectivement le nom des deux parents
biologiques, des deux parents adoptants...
mais un document peut-être plus concis qui pourrait être pour les demandes de
la vie courante, que ce soient les
passeports, peu importe, là, pour l'inscription à l'école, où cette mention-là
n'apparaît pas, donc, où on pourrait quand même garder un peu le
caractère privé, là, de ces informations-là, tout simplement.
Mme Vallée :
Certains nous recommandaient que l'ensemble du dossier d'adoption et les
informations contenues soient
consignés au Directeur de l'état civil plutôt qu'à la direction de la
protection de la jeunesse pour en permettre, le cas échéant, la
divulgation à l'adopté ou aux parents biologiques. Qu'est-ce que vous pensez de
cette proposition? Parce qu'on nous dit : Bon, la protection de la jeunesse est un organisme
qui est là. Lorsque l'enfant est mineur, ça va, mais, bien souvent, ces demandes de divulgation
d'informations vont survenir beaucoup plus tard dans le cheminement
d'une personne, donc la protection de la jeunesse n'a plus ou moins sa raison
d'être.
Et donc
l'État civil, considérant qu'il consigne déjà bon nombre d'informations
concernant les citoyens, serait peut-être
le plus apte... ou l'autorité la plus compétente pour consigner l'information
et la divulguer à ceux et celles qui auront droit de recevoir l'info.
Mme Brousseau (Catherine) : Par
rapport cette question-là, ce n'est pas un sujet qui avait été discuté, là, ça
n'apparaît pas non plus dans nos documents, donc je serais mal à l'aise de répondre
pour le comité. Mais je pense qu'il y a
du pour et du contre, là, dans les deux propositions, mais on n'avait
pas vraiment, là, de position à cet égard-là, sur qui
devrait regarder les données.
Mme Vallée : Vous avez abordé dans votre mémoire puis dans
votre présentation la question du respect de la vie privée, donc la possibilité
pour un parent de maintenir ce refus de communication d'information, ce refus
de contact.
Plusieurs
groupes demandent, au nom du droit de l'adopté de connaître ses origines et de
pouvoir transmettre la bonne information, d'avoir les bonnes informations concernant les informations qui touchent la
santé de ses parents, des questions fort importantes. Certains groupes nous demandent de faire
tomber le droit de refus, donc de ne pas permettre un droit de refus à un parent. Me Alain Roy, hier,
proposait une alternative mitoyenne, c'est-à-dire de maintenir le droit de refus à l'intérieur du 12 mois de la
naissance de l'enfant mais de permettre, au moment de la majorité de l'enfant,
aux parents de réviser ce droit de refus là.
Donc, lorsque l'enfant, rendu adulte, manifestera un désir de connaître ses
origines, eh bien, le veto ne sera pas... le droit de refus ne sera pas une
porte cadenassée à tout jamais mais pourra être révisé.
Que pensez-vous de cette possibilité-là qui
pourrait être donnée à un parent de réviser un droit de refus prévu à une autre
époque et de revenir et de permettre cette communication-là?
Mme Brousseau (Catherine) :
Bien, je vous dirais que la position du Barreau, antérieurement, là — on me
corrigera si je me trompe — a toujours
été, effectivement, de respecter le veto, de respecter le droit à la
vie privée, et tout ça.
Ceci étant
dit, étant entendu qu'effectivement il y a eu des adoptions qui se sont faites à une époque où
c'était stigmatisant, où c'était mal vu... mal vu, entre guillemets, là, mais
où c'était plus stigmatisant et on se disait : Bien, il faut respecter le choix que ces personnes-là ont
fait à l'époque... On est rendus en 2016. C'est sûr que, ces situations-là,
peut-être qu'il y en a de moins en moins. On se dirige peut-être maintenant vers d'autres types d'adoption. Ce
n'est plus les adoptions qu'on a
connues à l'époque. Donc, c'est de trouver un équilibre dans tout ça, dans ce
qui peut être fait versus vie privée, versus droit de connaître ses
origines.
Nous, tout ce qu'on dit, simplement, c'est
qu'actuellement le droit à la vie privée est enchâssé dans la charte, effectivement on est conscients aussi du droit aux
origines, qui est dans la convention relative aux droits des enfants, et
c'est deux droits donc qu'il faut balancer.
Comment on peut le faire? On n'a pas nécessairement regardé les
mécanismes, mais j'ai bien entendu Me Roy hier dans ce qu'il proposait, mais
je pense que c'est là qu'il faut trouver l'équilibre et regarder aussi comment
les tribunaux vont interpréter tout ça, dans la mesure où effectivement on a un
droit qui est enchâssé dans la charte et un
autre droit qui tire ses origines d'ailleurs et qui peut-être, là,
actuellement, n'a pas le même poids. Mais, à ce moment-là, il faudra
regarder quel est le poids qu'on veut donner à l'autre droit et voir est-ce
qu'on veut les mettre au même pied d'égalité dans la balance.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, Me Brousseau. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour à vous quatre, merci
beaucoup d'être parmi nous. Moi
aussi, je vais prendre quelques secondes pour saluer les juristes de l'État,
qui suivent assidûment nos travaux. Donc,
on va avoir beaucoup d'experts en adoption quand ils vont retourner, on le
souhaite, le plus tôt possible, avec des négociations fructueuses dans
les différents ministères.
Donc, écoutez, merci beaucoup pour vos commentaires.
D'abord, vous êtes les premiers qui nous dites qu'on devrait définir ce qu'est
l'identification significative. Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous
voyez qu'on pourrait définir ça? Est-ce que
c'est parce que, pour vous, c'est quelque chose qui pourrait poser problème?
J'essaie de comprendre pourquoi vous nous faites cette demande-là.
• (12 heures) •
Mme Brousseau (Catherine) : Si
vous me permettez.
Bon. Moi, je pratique surtout en droit de la
jeunesse. Donc, si je prends des paramètres, là, qui peuvent se ressembler, dans la Loi de la protection de la
jeunesse, il y a la personne significative. Donc, on a là-dedans
des balises. La jurisprudence a déterminé certains critères. Est-ce
qu'on pourrait partir de ces critères-là pour définir ce qu'est l'appartenance
significative aux parents d'origine?
Puis, nous,
ce qu'on dit aussi, c'est qu'il y a le parent d'origine, mais il y a
la famille d'origine. Là, le projet
de loi, ce qu'il prévoit actuellement, c'est le maintien du lien par rapport aux parents d'origine. Mais, pratico-pratique, ça arrive parfois que l'enfant est jeune et la mère, par exemple, ne s'occupe pas de l'enfant, et c'est le grand-parent qui
s'occupe de l'enfant, qui, à un moment donné, voit qu'il ne pourra peut-être pas s'en occuper à long terme, qui va être prêt
à ce que cet enfant-là soit adopté,
soit élevé par quelqu'un d'autre mais qui va vouloir garder un lien avec
l'enfant. Mais on se comprend, là, que c'est l'identité aux parents
d'origine, pas aux grands-parents d'origine, pas à la famille d'origine. C'est
plus restrictif en termes de concept. Alors, c'est là où ça nous préoccupe, justement. Quand on parle d'identité, quand on parle de tout cet aspect-là, là
c'est important de ne pas oublier ça, de ne pas oublier la fratrie, parce que
souvent il y a des enfants, par
exemple, qui peuvent être adoptés mais qui ont des frères et soeurs plus vieux,
et les liens sont coupés, et on ne pourra pas tenir compte de ça quand on va regarder la portion identitaire de
l'enfant... en tout cas, à notre sens, pas dans le cadre actuel de
comment est rédigé l'article.
Mme
Hivon :
O.K. Mais on se comprend que... d'ailleurs, certains le déplorent, d'autres
sont d'accord avec ça, mais on est
vraiment, là... on n'est plus dans l'adoption sans rupture du lien de
filiation, donc, ça, c'est un concept qui a été mis de côté, on est dans la reconnaissance. Donc, on reste dans le
domaine de l'adoption plus traditionnelle, plénière, mais avec une reconnaissance du lien de filiation
préalable. Ce que j'ai toujours compris, c'est que l'objectif premier...
Parce qu'en plus il n'y a pas d'effet
juridique à cette reconnaissance-là. Ça ne donne pas de droit de visite, ça ne
donne pas de voie vers une entente de communication, c'est deux choses
séparées. Donc, dans les faits, ce qu'on nous avait expliqué — puis je
vais être très heureuse d'entendre les directeurs de la protection de la
jeunesse aussi — c'était
vraiment pour la préservation, par exemple,
dans le cas d'un enfant plus vieux qui peut avoir une histoire de vie x, y, z,
de pouvoir garder ce lien-là. Mais
là, quand vous me dites : De manière plus globale, il faut voir avec, bon,
le reste de la famille, puis tout ça, je le comprends en termes
d'identification, mais on se comprend qu'il n'y a pas d'effet à ça.
Et ça, est-ce
que vous trouvez que c'est la bonne chose aussi, qu'il n'y ait pas d'effet?
Est-ce qu'il devrait y avoir des effets? Parce que vous avez l'air à en
parler plus globalement, de cette réalité-là.
Mme
Brousseau (Catherine) :
Bien, c'est sûr que, quand on regarde l'évolution du projet de loi, au départ
ça semblait effectivement plus large. Là, on
semble être dans le plus spécifique. Mais moi, je vous dirais, même si on
dit qu'effectivement il y a une rupture du
lien de filiation, on reste, comme vous dites, dans l'adoption plus
traditionnelle, de ce qu'on fait. En amenant la possibilité des ententes de
communication ou justement qu'il y ait maintien de relations interpersonnelles, bien, ça devient un peu
interrelié. C'est comme si on rompait, mais on garde. Je trouve qu'on joue
un peu sur les deux tableaux, là, et c'est
peut-être là où c'est flou un peu sur... Oui, on rompt le lien plus
traditionnel, on veut maintenir des
liens, ça ne donne pas de droit, ça ne donne pas d'effet, mais, quand on vient
dire : Le choix de l'adoption va dépendre
de ce lien-là significatif qu'il va y avoir avec le parent d'origine, bien, en
quelque part, on reconnaît quelque chose,
et ça va avoir un effet aussi peut-être sur la possibilité de maintenir des
liens ou d'avoir une entente de communication. À défaut de ça, on
revient à l'adoption traditionnelle, là.
Mme
Hivon :
C'est ça. En fait, on entend toujours les groupes avant de commencer l'étude du
projet de loi, ça fait que des fois il y a des précisions dont on
aimerait discuter entre nous, mais...
M. Trahan (Dominique) : Je me
permets d'intervenir, mais parce qu'à la lecture ça peut laisser penser...
Mme
Hivon : Qu'il y a
un lien.
M. Trahan (Dominique) : ...qu'il y a
quelque chose à faire ou que ça va nous amener à...
Mme
Hivon : Moi, je
pense que non. C'est pour ça que je vous dis...
M. Trahan (Dominique) : Et donc
c'est pour ça que ça peut être utile de...
Mme
Hivon :
C'est ça. Moi, je pense que l'interprétation, c'est qu'il n'y a pas de lien
automatique entre adoption avec
reconnaissance du lien préalable et entente de communication. Moi, je le vois
séparé. Puis je ne dis pas qu'il ne peut pas, dans les faits, y avoir plus d'ententes de communication, peut-être, quand on reconnaît
ça, mais je ne vois pas de lien dans le projet de loi comme il est
libellé, mais c'est des choses dont on va discuter aussi plus tard.
Ça m'amène à
la question du consentement à l'adoption. C'est une question qui, je pense,
nous préoccupe. On veut s'assurer qu'il n'y a pas cette espèce de
marchandage là. Et je comprends, bon, que vous avez tous de l'expérience dans le domaine. On voit dans le projet de loi que le consentement à l'adoption va se donner soit pour une adoption
plénière ou pour une adoption avec
reconnaissance du lien de filiation d'origine. Est-ce que, selon vous, il
peut y avoir un peu un rapport de
force qui s'établit pour qu'un parent finisse par dire oui... un parent
biologique... à une adoption mais en disant : Je tiens absolument à
ce que le lien demeure, et qu'on s'éloigne peut-être un peu de l'intérêt de
l'enfant?
Est-ce que,
pour vous, il y a un risque là-dedans? Est-ce qu'on doit garder ça comme ça ou est-ce qu'on doit
être plus face à un consentement général puis c'est devant le tribunal après
que ça se décide?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Brousseau.
Mme Brousseau (Catherine) : Bien, je
pense qu'effectivement c'est un peu ce qu'on reprenait dans notre mémoire. On a un peu cette crainte-là, effectivement, qu'il y ait du marchandage qui se fasse par rapport au consentement
à l'adoption, parce que, on ne se le cachera pas, il y a des dossiers
actuellement où il n'y a pas d'adoption qui se fait justement parce que, bon, il y a un maintien du lien avec le parent et
puis le parent n'est pas d'accord à l'adoption, etc., parce qu'il sait
que, si jamais le lien biologique était rompu, bien, oui, peut-être que le
parent adoptant, en vertu de l'autorité parentale,
maintiendrait des liens avec lui, mais peut-être que non aussi, et qu'il
n'aurait pas de recours juridique pour revenir et dire : Bien, moi,
je veux maintenir mon lien.
Alors là, c'est sûr que, si on
embarque dans ce processus-là, où il peut y avoir des ententes, bien,
effectivement, ça se peut, là, que le parent
dise : Bien, moi, je vais consentir, mais là je veux être sûr que je vais
avoir une entente puis que je vais
avoir des contacts, et tout ça. Ça se peut que ça arrive, et avec tout ce que
ça peut engendrer ensuite, parfois, comme dérapages, où, là, par exemple, l'enfant ne veut pas y aller, et, là, où
on va peut-être dire : Bien, écoutez, l'enfant ne veut pas y aller, donc, même si on a signé une entente, je
ne l'enverrai pas, il ne veut pas y aller. Et ça peut donner lieu, peut-être,
à des débats.
Mme
Hivon : Si on prend l'autre côté, est-ce que ça peut
faciliter des consentements? Parce que, justement, les parents, est-ce qu'ils pourraient être amenés à
consentir plus rapidement en se disant : Bien, il va y avoir cette
reconnaissance là de mon lien qui va
demeurer quelque part? On ne sait pas quels effets... parce que l'entente de
communication, c'est séparé. Est-ce que vous pensez que ça peut aussi
aider dans ce sens-là, de par votre pratique?
Mme Brousseau (Catherine) : Oui. Il y a des dossiers aussi où je pense que
les gens, avec une certaine certitude... entre guillemets, là, mais une certaine certitude que la situation va
demeurer vont accepter, effectivement, de dire : Bon, bien, moi, je pense que c'est mieux pour mon
enfant qu'il soit adopté, puis ça, je suis d'accord avec ce projet-là, puis
moi, je veux faire partie du décor, et puis on n'en entendra pas parler, puis
ça va être positif. Ça, c'est certain, là, il va y avoir de tout, c'est clair.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Me Brousseau. M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Trahan, Me Brousseau, Me Aguerre, Me
Champagne, merci de votre présence et de contribuer aux travaux de la
commission.
M.
le Président, vous me permettrez... ça fait trois jours qu'on est en commission
parlementaire, que j'entends la ministre
dire qu'elle souhaite un règlement avec les juristes de l'État, vous me
permettrez ces commentaires-là. Il faut, lorsqu'on est le gouvernement, qu'on fasse preuve de leadership et qu'on
donne un vrai mandat de négocier au négociateur. On peut favoriser la négociation, on peut dire : Venez à la table
de négociation, mais, si on ne donne pas de mandat de négocier au négociateur
du gouvernement, alors là ce sont des paroles en l'air. Les juristes de l'État,
ce sont des gens qui ont à coeur les services publics, l'intérêt de l'État, et
je pense que, la façon dont on traite les juristes de l'État, on devrait avoir
un peu plus de respect pour eux.
Ceci étant dit...
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Borduas, c'est vous qui avez la parole.
M.
Jolin-Barrette : Certainement. J'écoutais le député d'Argenteuil
m'interpeller.
Le Président (M.
Ouellette) : C'est vous qui avez la parole, M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Tout à fait, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci.
M. Jolin-Barrette : Revenons à l'adoption, M. le Président. Je voudrais savoir avec
vous : Est-ce que... Vous avez
parlé du tribunal. Quel tribunal pourrait entériner les ententes? Donc, est-ce
que vous aviez une opinion là-dessus? Est-ce que vous visiez davantage
la Cour du Québec, le Tribunal administratif, tout ça? Vers où vous dirigeriez
ça?
• (12 h 10) •
Mme Brousseau (Catherine) : ...les dossiers d'adoption se font devant la Cour
du Québec, chambre de la jeunesse. Donc,
peut-être qu'on aurait, a priori, là, un préjugé favorable devant la Cour du
Québec, chambre de la jeunesse, là, mais, encore là, comme je dis, ce
n'est pas une question qu'on a nécessairement débattue au comité, là. Mais
actuellement, en tout cas, les adoptions se font à la Cour du Québec, chambre
de la jeunesse, donc l'accessoire suit le principal.
M. Trahan
(Dominique) : C'est ça.
Le Président
(M. Ouellette) : M. Trahan.
M. Trahan (Dominique) : Bien, c'est ça que je m'en allais dire. Puis les
dossiers sont là, puis ça devrait être joint au dossier d'adoption,
puisqu'on parle d'un dossier d'adoption. Alors, après ça, tout est...
M. Jolin-Barrette :
...se retrouver à cet endroit-là.
M. Trahan
(Dominique) : C'est ça.
M. Jolin-Barrette : O.K. Hier,
on a entendu beaucoup parler de la question de la tutelle dative, de l'autorité
parentale aussi. On se retrouve dans des situations où, bon, parfois on est
forcé à l'adoption plutôt que d'avoir cette possibilité-là
de donner une tutelle ou une délégation de l'autorité parentale pour le
conjoint. Qu'est-ce que vous en pensez? Qu'est-ce que le Barreau en pense?
Mme Brousseau (Catherine) :
Me Champagne.
Mme Champagne
(Sylvie) : En fait, on n'a
pas étudié cette question-là de façon précise, parce que ce n'est pas dans le projet de loi n° 113. Mais
évidemment, s'il y avait un nouveau projet de loi, le Barreau va regarder cette
question-là avec grand intérêt, parce que ça
fait partie, en fait, évidemment, peut-être d'une autre étape de la réforme du
droit de la famille. Donc, on suit ces travaux-là avec beaucoup
d'intérêt.
M. Jolin-Barrette : Mais est-ce
que vous diriez que c'est directement lié à l'adoption, que ça pourrait
constituer un outil pour répondre à certaines situations qui sont vécues, dans
le fond, dans certaines familles québécoises?
Mme Champagne
(Sylvie) : Pour l'instant,
les comités en droit de la jeunesse puis en droit de la famille ne se
sont pas prononcés sur ça. Donc, je prends bien votre question puis je vais
pouvoir leur soumettre avec plaisir.
M. Jolin-Barrette : O.K. Même élément dans cette optique-là, bon,
dans le projet de loi, on prévoit des
dommages punitifs en cas de bris à l'entente de confidentialité. Tout à l'heure,
on va entendre la direction de la protection de la jeunesse, qui, eux, suggérait
de le mettre dans la Loi sur la protection de la jeunesse, le fait de mettre
une disposition pénale plutôt
que d'avoir un dommage punitif, parce
que, bon, nécessairement, si on le met dans le Code
civil du Québec, bien, la
personne qui va prendre le recours, c'est la personne qui a été contactée.
Comment vous voyez ça? Est-ce qu'on devrait le
laisser pour la personne qui a été contactée ou on devrait confier ce rôle-là à
l'État?
Mme Brousseau
(Catherine) : En fait, le
comité, nous, le seul point sur lequel on s'est prononcés, là, par
rapport aux dommages-intérêts punitifs,
c'est... on s'est questionnés à savoir pourquoi cette disposition-là existait,
en ce sens où, par rapport... on met
des dommages punitifs si on contacte la personne, mais, par exemple, là, on
n'avait pas de mode par rapport aux
ententes de non-communication ou... par rapport, excusez-moi, aux ententes de
communication ou aux ententes entre
la famille d'origine et la famille adoptive. On ne prévoyait rien s'il n'y
avait pas respect des ententes. Alors, on se disait : Pourquoi, là, dans ce cas-ci, on prévoyait des dommages
punitifs, alors qu'on ne prévoyait rien d'autre pour le reste de toutes les autres dispositions du projet de
loi, là? Alors, on se questionnait un peu sur l'ajout de ça, tout
simplement.
M. Trahan
(Dominique) : Puis il y a
peut-être juste... comme ajout à la réponse, il y a peut-être la question
aussi de la force exécutoire. Si ce n'est
pas mentionné, s'il n'en est pas fait état, quel recours aura-t-on? Comment on
va l'exercer?
Le Président (M. Ouellette) :
Une dernière minute, M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. J'aimerais qu'on revienne sur la question de
la fratrie. Bon, dans votre mémoire, vous dites qu'il pourrait y avoir certaines problématiques avec le veto.
Pouvez-vous détailler un petit peu qu'est-ce qu'on devrait faire pour
permettre à la fratrie de se retrouver, d'avoir accès également...
Le Président (M. Ouellette) :
Me Brousseau.
Mme Brousseau
(Catherine) : Bien, en fait,
par rapport au veto, ce qu'on disait, effectivement, c'est que,
lorsqu'il y a le veto, bon, l'adopté n'est
pas capable d'avoir accès, donc, aux informations qui lui permettraient
peut-être de connaître sa famille d'origine. Comment ça pourrait se
faire? C'est une excellente question, mais je pense qu'il faut se pencher là-dessus puis essayer de trouver des façons de
faire pour le permettre, parce que sinon, par rapport à l'adopté, on le
prive carrément d'un pan entier, là, de sa
filiation d'origine. On peut comprendre que la personne met un veto, mais
qu'est-ce qui l'empêcherait de connaître, effectivement, des frères et
soeurs qui, eux, peut-être seraient intéressés
à connaître leur fratrie? Alors,
comment ça peut se faire? Ça, c'est
une bonne question, puis je
pense qu'on va avoir l'occasion, nous, d'y penser, puis vous aussi, de regarder comment ça pourrait se faire, mais je pense
qu'il faut que ça soit une préoccupation importante.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, Me Catherine Brousseau, Me Dominique Trahan,
Me Ana Maria Aguerre, Me Sylvie Champagne, représentant
le Barreau du Québec, d'être venus déposer en commission.
Je suspends quelques minutes et je demanderais
aux directeurs et directrices de la protection de la jeunesse de s'avancer,
s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
(Reprise à 12 h 18)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant les directeurs et
directrices de la protection de la jeunesse.
Me Caroline Brown, qui est la directrice de la protection de la jeunesse, qui
allez prendre la parole,
vous allez nous présenter les gens qui vous accompagnent. Vous connaissez les
règles, vous avez 10 minutes pour faire
votre présentation, et après il y
aura échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux partis
d'opposition. Me Brown, à vous la parole.
Directeurs et
directrices de la protection de la jeunesse
Mme Brown
(Caroline) : Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et
MM. les députés. Merci de nous
accueillir. Je suis Caroline Brown, directrice de la protection de la jeunesse
et directrice provinciale pour la région de Chaudière-Appalaches. Je suis accompagnée de M. Eric Salois, qui est
directeur de la protection de la jeunesse et directeur provincial pour la région de Lanaudière, ainsi que
de Me Annick Bergeron, qui est du CISSS de la Montérégie-Est, et Me Alexandra Laberge, qui est du CISSS de
Chaudière-Appalaches, ainsi que de Mme Nicole Anne Vautour, qui est chef
de service adoption au CISSS de la Montérégie-Est. Je vais passer la parole à
M. Salois.
M. Salois (Eric) : Bonjour. En 2016,
contrairement aux profils d'adoption du siècle dernier, la majorité des parents qui choisissent de signer un consentement
général à l'adoption ne le font plus en raison du fait qu'ils sont
soumis à une pression familiale ou sociale.
Les décisions quant à ce geste d'abnégation parentale résultent habituellement
d'une réflexion mature, sage et éclairée. La
perception de la société quant à l'adoption a évolué. Si le portrait des
parents d'origine a changé, le
portrait des enfants adoptables s'est également transformé. La majorité des
adoptions d'enfants québécois s'actualisent
suite au constat des incapacités sévères des parents à assumer leurs responsabilités
parentales. Ceci signifie qu'une partie des enfants adoptés connaissent
leurs origines et ont côtoyé leurs parents dans le cadre, souvent, de visites
supervisées.
Au Québec,
les DPJ ont pour principale mission de protéger les enfants dont la sécurité ou
le développement est compromise. Par contre, ce qui est moins connu,
c'est que les DPJ exercent également plusieurs responsabilités en matière d'adoption, à savoir : recevoir les
consentements généraux requis pour l'adoption, demander au tribunal de
déclarer un enfant admissible à l'adoption,
examiner les demandes d'adoption, prendre charge des enfants qui leur sont
confiés en vue de l'adoption, assurer le
placement de ces derniers et effectuer les évaluations psychosociales des
personnes désirant adopter dans le cadre d'une adoption québécoise.
Ce sont
également les DPJ qui sont
responsables d'accueillir et traiter les demandes de recherche
d'antécédents et de retrouvailles. Les DPJ occupent donc une place de choix
dans la réflexion des projets de vie d'adoption et dans l'élaboration de ces
derniers. En 2015‑2016, nous avons réalisé 236 adoptions d'enfants québécois et
nous avons été impliqués dans 147 situations d'adoption internationale.
Les DPJ
accueillent favorablement le projet
de loi n° 113, mais nous
demeurons avec certaines préoccupations pour lesquelles nous adressons 20 recommandations que vous
retrouverez dans le mémoire qui vous a été remis. Aujourd'hui, nous
attirerons votre attention sur quelques-unes d'entre elles. Je cède donc la
parole à Mme Caroline Brown.
• (12 h 20) •
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Brown.
Mme Brown (Caroline) : Les dispositions
du projet de loi apparaissent tout à fait complémentaires avec les objectifs
de la LPJ eu égard à la priorisation de l'intérêt de l'enfant, à la stabilité,
à l'enracinement familial des enfants de même qu'au respect de leur
identité.
Plus spécifiquement, nous sommes en accord avec l'introduction d'une adoption
avec reconnaissance des liens de filiation préexistants lorsqu'il est
dans l'intérêt de l'enfant de connaître l'identification des parents d'origine.
Nous appuyons l'ajout de cette forme d'adoption
plutôt que de remplacer la forme d'adoption connue à ce jour. Ce projet de loi doit d'abord servir l'intérêt supérieur de l'adopté et non pas
celui des adultes qui l'entourent, que
ce soient ses parents d'origine ou ses parents d'adoption.
En aucun temps ce type d'adoption ne doit devenir une monnaie d'échange pour
obtenir l'assentiment d'un parent en faveur
d'une adoption en regard de laquelle il s'opposerait en temps
normal. De plus, nous comprenons que
le certificat de naissance d'une adoption avec reconnaissance des liens de filiation
antérieurs affichera invariablement l'identité des parents d'origine et
des parents d'adoption. Nous sommes sensibles à la préservation du caractère confidentiel du statut de l'adopté. Ce
dernier pourrait ne pas vouloir obligatoirement dévoiler son statut à
chaque fois qu'il doit présenter son
certificat de naissance. Par conséquent, nous recommandons que le certificat de
naissance comporte seulement
la filiation d'adoption et qu'une attestation comportant les liens de
filiation antérieurs soit délivrée à la personne adoptée, lui donnant
accès à l'ensemble des données nominatives permises par la loi.
Concernant les ententes de communication, le
fait que le législateur autorise la possibilité pour les parents d'origine et les parents adoptants de convenir
d'une entente de communication est perçu favorablement. Par contre,
nous désirons soumettre au législateur
l'importance de ne pas contraindre ni l'une ou l'autre des parties a à une
telle entente par ordonnance de cour. Nous devons faire confiance aux
parents adoptants à l'effet que, s'ils choisissent de mettre fin à l'entente de communication, c'est parce que
celle-ci ne sert plus l'intérêt de l'enfant ou encore parce que
le maintien de cette dernière serait
à son détriment, décision qui peut être prise par tout parent compétent. Donc,
nous recommandons que soit ajouté à l'article
579 du Code civil qu'aucun recours judiciaire, incluant le recours
visant l'obtention des droits d'accès, ne
sera possible par la famille d'origine dans les cas où le parent adoptant ou
l'enfant âgé de 10 ans et plus déciderait de ne plus y donner suite.
Au sujet du refus de communication de l'identité
ou au contact, les modifications proposées en matière de recherche d'antécédents et de retrouvailles sont
majeures et auront comme effet de modifier grandement nos pratiques actuelles. Nous sommes généralement favorables aux modifications proposées. Nous sommes actuellement témoins de retrouvailles via les réseaux sociaux... ainsi que les effets
dévastateurs de telles retrouvailles. Nous croyons qu'en raison de l'expertise clinique déjà
présente dans nos établissements ainsi que nos pratiques rigoureuses en matière de conservation de dossiers et de traitement d'informations confidentielles la recherche d'antécédents et de retrouvailles doit
demeurer une responsabilité exclusive du DPJ. Les DPJ demandent depuis des
années un pouvoir d'investigation plus important en matière de localisation en
vue de retrouvailles. Ainsi, nous sommes favorables à l'introduction de l'article
71.3.13 de la LPJ, lequel augmente
considérablement nos chances de localiser une personne avec laquelle nous
n'avons pas été en contact depuis, parfois, plusieurs décennies.
Pour les jeunes âgés de 14 ans à 18 ans, nous
tenons à souligner un aspect préoccupant des changements législatifs proposés pour les adoptés qui font
l'objet d'une admissibilité à l'adoption. Le cadre législatif proposé
impose d'informer un demandeur âgé entre 14
et 18 ans de l'identité de son parent d'origine et/ou des informations lui
permettant d'entrer en contact avec ce
dernier, et ce, sans accompagnement clinique obligatoire. Nous considérons que
nous avons une responsabilité d'accompagnement et une responsabilité de
protection envers ces jeunes. Par conséquent,
nous recommandons qu'un accompagnement par le DPJ soit obligatoire pour
les jeunes âgés entre 14 et 18 ans qui ont fait l'objet d'une déclaration
d'admissibilité à l'adoption.
Concernant
l'accès aux renseignements médicaux, nous sommes favorables aux nouvelles
règles proposées afin de donner accès
aux médecins traitants aux informations
médicales contenues dans les dossiers des parents d'origine et des adoptés. La prise du consentement des parties doit
demeurer la responsabilité des DPJ, puisque nous avons l'expertise en lien avec la localisation d'une personne
recherchée. Par contre, afin de préserver la confidentialité des dossiers et
légitimer le pouvoir d'un usager sur son
dossier médical, nous recommandons de modifier l'article 71.3.11 de la LPJ, que
vous allez retrouver dans notre mémoire. Je passe à nouveau la parole à
M. Salois.
Le Président (M. Ouellette) : M.
Salois.
M. Salois (Eric) : Concernant
l'adoption coutumière, le projet de loi vient reconnaître l'adoption coutumière
autochtone dans la législation québécoise comme projet de vie légitime. Cela vient
confirmer une pratique ancestrale chez les Premières Nations du Québec.
L'adoption coutumière peut représenter un gage de sécurité et de préservation
de l'identité culturelle pour plusieurs enfants de ces communautés.
Toutefois,
considérant que l'adoption coutumière se pratique selon des conditions et des
conséquences légales variables d'une
nation à une autre, et afin d'éviter toute confusion dans l'application de la Loi de la protection de la jeunesse, nous
recommandons que soit insérée à l'article 1 de la LPJ la définition de
l'adoption coutumière autochtone en application
du projet de loi n° 113 en spécifiant qu'une telle adoption doit être
confirmée à l'acte de naissance de l'enfant. Nous recommandons également le retrait de l'article 45 du présent projet
de loi, car nous considérons que l'ajout proposé à l'article 2.4 de la LPJ ne respecte pas le sens
premier de cet article. Le fait de reconnaître l'adoption coutumière dans
le présent projet de loi suffit à donner une
signification supplémentaire à l'obligation qui est déjà faite aux directeurs
de la protection de la jeunesse, à
l'article 2.4, de prendre en considération les caractéristiques des communautés
autochtones à toutes les étapes de l'intervention.
Concernant
les défis d'implantation de ces nouvelles pratiques, des modifications aussi
importantes sur l'adoption et ses
découlants ne peuvent s'effectuer avec succès sans la présence de conditions
gagnantes. Nous avons le souci d'offrir à l'ensemble de la population
québécoise un service équitable, efficace et respectueux des nouvelles balises
légales sur l'adoption. Pour ce faire, nous recommandons de prévoir une
application postérieure à l'application du projet de loi.
En
conclusion, si, au Québec, nous désirons que l'intérêt des enfants reste au
centre de nos préoccupations, nos modèles
législatifs doivent évoluer. Ce projet de loi représente une avancée
incontournable et il apportera des changements importants pour tous dans son application. Malgré des préoccupations que
nous avons relevées, nous tenons à réitérer que les nouvelles
dispositions législatives proposées sont accueillies favorablement par
l'ensemble des directeurs de la protection
de la jeunesse et nous nous engageons à tout mettre en oeuvre pour s'assurer le
succès de l'implantation des modifications législatives. Merci.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Merci beaucoup
de votre présentation, qui est fort intéressante puis qui apporte également une
lumière qui est différente de celle des autres organismes qui se sont succédé.
J'aimerais
vous entendre au sujet des ententes de communication. Vous nous dites : Il
ne faut pas contraindre par ordonnance de cour, il faut faire bien
attention de ne pas judiciariser à outrance, ce qui peut donner suite... ou
être comme conséquence d'une entente de
communication ou du non-respect d'une entente de communication. D'autres
groupes avant vous nous disaient :
Nous, on a des craintes que l'entente de communication puisse être un outil de
marchandage entre les parents biologiques, les parents adoptés. On a des
craintes que des engagements pris dans l'entente de communication ne soient pas
respectés et aient pour effet de venir modifier la relation entre les parties.
Donc, on a eu différentes visions de... et on nous demandait de peaufiner, de
resserrer cette disposition du texte.
Quel serait le rôle que le DPJ pourrait jouer
dans ces ententes de communication? Comment s'assurer que, justement, ces
ententes de communication là ne puissent être utilisées comme outils de
marchandage entre, parfois, des parents
biologiques qui sont dans des situations de vulnérabilité quand même assez
importantes et... Bref, des contextes qui
ne sont pas toujours simples. Parfois, les relations vont très bien, parce
qu'on est à l'intérieur d'une même famille, mais, dans d'autres
contextes, les situations sont un petit peu plus délicates, les situations
humaines sont plus fragiles.
• (12 h 30) •
Quel
rôle pourrait jouer le DPJ dans ce contexte-là? Comment assurer la protection de tout le monde sans pour autant,
justement, toujours devoir recourir au tribunal pour entériner ou ne pas
entériner les ententes entre des parents biologiques et des parents adoptants?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Brown.
Mme Brown (Caroline) : Bien, je
voudrais juste spécifier, j'aime beaucoup la profession d'avocate, mais, malheureusement, je ne le suis pas. Ça fait que ça me fait plaisir de me faire appeler
Me Brown, mais je ne le suis pas. Alors, je voulais juste le spécifier.
Cela dit,
dans le fond, je pense que ça fait partie tout à fait de notre rôle, effectivement, comme responsabilité, comme
DPJ, de devoir accompagner ces gens-là avant. Il y a toute, dans
la Loi de la protection de la
jeunesse, la notion de projet de vie. La clarification d'un projet de vie, c'est là qu'on
va regarder, avec la famille qui pourrait adopter l'enfant, avec
l'enfant et avec les parents biologiques, toutes ces avenues potentielles là.
Ça fait que c'est sûr qu'on en est très conscients,
et on l'a nommé aussi, on ne souhaite pas qu'il y ait de marchandage par
rapport à des ententes de communication.
Le rôle qu'on y voit, c'est vraiment un rôle dans l'avant, dans toute la
préparation clinique à amener ce projet-là
à bon terme. Donc, pour nous, c'est pour ça qu'on voit notre implication
préalable de façon importante. Par contre, pour l'après, un coup que l'adoption a été prononcée, cette entente de
communication là, pour nous, on veut vraiment laisser place aux parents adoptants qu'on a préparés, avec lesquels on a
eu l'occasion, de long et en large, de discuter de tout ce qui peut arriver dans le futur. Les choses
évoluent, mais on veut laisser toute la confiance à ces parents-là qu'on a
évalués, qu'on a pris le temps de les
regarder, leurs compétences parentales. Et, à partir du moment où on considère
qu'ils peuvent être les parents de
cet enfant-là, on veut leur laisser toute la latitude de prendre les décisions
comme tout bon parent a la compétence
de le faire, en lien avec les relations que les enfants peuvent avoir dans leur
vie. Alors, c'est un petit peu pour ça qu'on souhaite que cette
entente-là ne soit pas... il n'y ait pas de recours au tribunal. On veut éviter
aussi qu'on replonge les enfants dans un
système judiciaire éventuellement où ils pourraient être aux prises dans un
conflit entre ses parents et ses
parents biologiques. Pour nous, c'est important. Puis, autre chose, c'est que
c'est toute la notion de droit. D'avoir
des recours au tribunal, pour nous, ça amène une notion de droit pour le parent
biologique, alors qu'on va encore dans
une adoption quand même qui rompt ces liens-là. Et, pour nous, ça nous
questionne énormément, là, d'aller vers une voie judiciaire pour ces
ententes de communication là.
Ce qu'il faut
penser aussi, c'est que, si toutefois pour un enfant ce n'est pas la meilleure
option possible pour lui, parce qu'il
doit maintenir à tout prix des contacts réguliers avec ses parents, sa fratrie,
et tout ça, il y a d'autres choses qu'on peut proposer, comme par exemple la tutelle à l'enfant, et non pas
l'adoption, dans ces situations-là. Donc, voilà un petit peu notre
position.
Mme Vallée :
Le Barreau du Québec, un peu plus tôt, recommandait qu'à travers tout le
processus d'adoption il soit automatiquement nommé un procureur à
l'enfant, du début à la fin, pour éviter que des procureurs ne soient nommés
rendu en appel d'une décision et assurer que l'intérêt de l'enfant soit
vraiment au coeur de toute décision prise au dossier.
Qu'est-ce que
vous pensez de cette proposition? Parce qu'il faisait un parallèle avec les
dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Brown.
Mme Brown
(Caroline) : Bien, si je peux me permettre, puis ça pourra être
complété par les avocats qui sont avec nous, en lien avec ça,
majoritairement, dans la pratique, la majorité des établissements,
actuellement, on signifie automatiquement,
systématiquement, au procureur de l'enfant la déclaration d'admissibilité à
l'adoption, même si ce n'est pas
nécessairement prévu. Il y a certaines régions encore qui n'ont pas cette
pratique-là. Mais c'est dans le respect des droits des enfants. On pense
que, comme DPJ, on ne peut pas être à l'encontre de ça. Puis on n'est pas
défavorables à cette orientation-là du tout. Je ne sais pas si on voulait
compléter.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Bergeron.
Mme
Bergeron (Annick) : Oui. En
fait, peut-être pour rajouter aussi, vous savez, dans notre
pratique, nous, au niveau de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, les enfants sont toujours représentés par avocat
dans des situations où les circonstances ne sont pas aussi graves et
définitives que pour l'adoption, où on a une rupture de lien de filiation. Donc, ça vient ajouter. Je pense que,
dans ces situations qui sont encore plus extrêmes, il y a
une certaine logique puis une
cohérence à ce que le respect des droits des enfants soit
davantage respecté, compte tenu des conséquences, là, irrémédiables de l'adoption.
M. Salois (Eric) : Peut-être que je
pourrais me permettre de rajouter que...
Le Président (M. Ouellette) : M.
Salois.
M. Salois
(Eric) : Mais ça, c'est vraiment
dans les situations où on va en déclaration d'admissibilité à
l'adoption, parce que, quand j'entendais les représentants du Barreau, ça semblait pouvoir peut-être aller plus largement.
Mais c'est davantage dans ces situations-là, où on pense... bien, pas qu'on pense, mais
qu'on y va déjà dans plusieurs établissements quand on va en déclaration d'admissibilité à l'adoption, où il va y avoir un
avis qui va être envoyé à l'avocat de l'enfant, là.
Mme Vallée :
Lorsque l'avant-projet de loi sur l'adoption
a été déposé puis lorsque les précédents projets de loi ont été
déposés, vous aviez fait valoir certaines préoccupations quant au
mécanisme qu'il serait nécessaire de mettre en place pour prévoir d'enregistrer un refus à la
communication ou à l'identité des personnes vulnérables ou qui sont
introuvables ou qui sont décédées.
Est-ce que
vous croyez que le projet de loi n° 113 répond à ces préoccupations? Est-ce qu'il y a lieu de prévoir des dispositions supplémentaires?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Vautour.
Mme Vautour
(Nicole Anne) : Encore une fois, comme Mme Brown, je serais honorée d'être avocate. Malheureusement,
je ne le suis pas.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Vautour. Je m'excuse, là, je suis... Il y a trop d'avocats dans la salle, probablement,
aujourd'hui.
Mme
Vautour (Nicole Anne) : Oui.
Alors, Mme Vallée, si je comprends
bien votre question, vous... En fait,
je vais me permettre de vous demander de répéter votre question, si vous me le
permettez.
Mme Vallée : Bien, dans le passé, lorsqu'il
y a eu des avant-projets de loi et des projets
de loi déposés, vous aviez mentionné certaines préoccupations quant au
mécanisme qui devrait être mis en place pour enregistrer le refus à
l'identité ou au contact de la part des
personnes qui sont vulnérables, des personnes introuvables, des personnes
décédées, parce qu'il y a quand même un mécanisme à mettre en place.
Est-ce que
vous considérez que les mesures qui sont au projet de loi sont suffisantes
ou est-ce qu'il y a encore, pour vous, des défis à relever
dans ce sens-là?
Mme
Vautour (Nicole Anne) : Oui.
Alors, ce qu'on a compris du projet
de loi, c'est que, lorsqu'une
personne serait introuvable, on
enregistrerait automatiquement un refus dans son dossier. Ce qu'on a constaté
ensemble en étudiant le projet de loi, c'est que cette disposition-là faisait en sorte de respecter le contrat
social. Alors, si on ne peut pas trouver quelqu'un, il faut d'emblée, naturellement, considérer que cette personne-là ne désire pas être contactée par la
personne qui la recherche. Donc, effectivement, à la lumière de la lecture du projet
de loi, nous considérons que les dispositions sont prises pour pouvoir permettre le respect de la volonté de
ces personnes-là.
Mme Vallée : Vous nous avez
parlé de l'accompagnement qui est offert à travers le réseau lorsqu'il y a une demande d'antécédents, une demande de
retrouvailles qui est formulée. Est-ce
que vous allez devoir modifier vos
façons de travailler, vos méthodes de travail pour vous ajuster aux dispositions
du projet de loi?
Mme
Vautour (Nicole Anne) : Il
est certain que les dispositions législatives qui sont proposées vont modifier en profondeur notre façon de travailler, effectivement. Il faudra revoir de fond en comble les guides de pratiques qui
sont actuellement en vigueur, et que les intervenants se sont appropriés et
qu'ils appliquent au quotidien, parce que les dispositions législatives,
justement, vont venir les modifier. On a une préoccupation particulière quant à
l'accompagnement des enfants, des
adolescents âgés entre 14 et 18 ans et, comme une de nos recommandations en
fait foi, nous recommandons un
accompagnement obligatoire pour ces enfants-là — j'ose les appeler des enfants parce qu'ils
le sont encore au sens de la loi — en raison de leur caractère
vulnérable.
Il faut se
rappeler que les enfants actuellement âgés entre 14 et 18 ans ont
majoritairement été rendus admissibles à l'adoption via une déclaration
judiciaire. Donc, il y a un juge, à un moment donné dans la vie de cet
enfant-là, qui a considéré que les parents
n'avaient pas assumé leurs responsabilités de soins, d'entretien, d'éducation sur une période assez longue pour que ça soit très, très
inquiétant, d'une part. D'autre part, un juge a également décidé... ou analysé
que le parent ne présentait pas de plan de
reprise en charge dans un avenir assez rapproché, dans ce contexte-là devait
rendre l'enfant admissible à l'adoption. Donc, vous en conviendrez, que c'est
une décision judiciaire qui est lourde de sens, puisqu'elle change la
trajectoire de vie d'un enfant et qu'elle doit seulement être prononcée si
les incapacités parentales sont assez graves, chroniques et récurrentes.
Notre préoccupation, c'est du risque que ces
enfants rentrent en contact sans accompagnement avec des parents qui pourraient être encore aux prises avec
ces difficultés importantes là et de les remettre, par le fait même, dans une situation
qui pourrait encore compromettre leur
sécurité, leur développement et, dans certains cas graves, menacer leur intégrité physique. Donc, à ce niveau-là,
effectivement, nous demandons des balises plus importantes au niveau du
projet de loi pour nous permettre un
meilleur accompagnement auprès de ces enfants, que nous jugeons, effectivement,
vulnérables.
• (12 h 40) •
Le Président (M. Ouellette) : Deux
minutes.
Mme Vallée : Je trouve ça
intéressant, parce qu'un regroupement de parents disait : Les familles
adoptantes devraient être impliquées
lorsqu'une telle demande est formulée dans la vie d'un enfant de 14 à 18 ans,
parce qu'on souhaite être capable de répondre,
advenant que l'enfant réagisse... Parce qu'évidemment tout ça, c'est pendant la
période de l'adolescence, et on s'entend que
nos adolescents sont parfois assez imprévisibles. Mais ce que vous proposez,
c'est cet accompagnement qui respecte
le droit de l'enfant de 14 ans d'entrer en communication avec ses parents
biologiques et, en même temps, qui assure un accompagnement et un suivi
auprès de ce jeune-là, qui pourrait potentiellement venir contrer les effets
négatifs que d'autres groupes nous ont présentés un peu plus tôt cette semaine.
Est-ce que
vous avez une idée... En fait, vous, votre accompagnement serait... Ce que vous
proposez, c'est que l'accompagnement soit automatique, peu importe le
contexte dans lequel l'enfant a été placé en adoption.
Mme
Vautour (Nicole Anne) : Effectivement, ce que nous proposons, c'est un
accompagnement automatique, donc
obligatoire. Si un adolescent peut avoir le droit de cogner à notre porte pour
recevoir des services sans aviser son parent adoptant d'abord, nous nous
proposons de devenir l'adulte bienveillant qui va veiller, justement, à ce que
le contact soit le plus positif possible et, au besoin, de référer à des
services d'accompagnement à long terme.
Ce qu'il faut
savoir, c'est qu'on peut également jouer un rôle dans l'accompagnement de
l'enfant à annoncer à ses parents adoptants qu'il souhaite entamer et
compléter un processus de retrouvailles avec son milieu d'origine.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la ministre. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Oui. Bonjour à vous tous, toutes. Nous sommes très heureux de vous entendre. Je
dois vous dire que je pense qu'on
pourrait vous poser beaucoup, beaucoup de questions, parce que vous avez une
expertise qui est très unique et
qu'on n'a pas la chance d'entendre toujours. Et justement, dans l'avant-projet
de loi, il me semble... puis là je m'en veux un peu, il me semble qu'on avait plus d'experts psychosociaux qui
venaient justement nous expliquer l'impact de la rupture du lien de
filiation puis toute la question de l'identification significative. Puis je
pense que c'est des choses qu'il va falloir approfondir.
D'entrée de
jeu, justement, sur la question de l'identification significative, et donc qui
pourrait amener à garder le lien,
donc une reconnaissance du lien de filiation, est-ce que vous pensez que, de
par votre pratique, c'est quelque chose qui devrait demeurer relativement exceptionnel? Est-ce que vous voyez
que c'est des cas... Vous, dans votre pratique, j'imagine que vous anticipez puis vous voyez dans quels cas ça pourrait
être indiqué pour l'intérêt de l'enfant. Est-ce que vous pensez que
c'est quelque chose qui va devenir très généralisé ou vous voyez ça comme
quelque chose de plutôt exceptionnel?
Mme
Vautour (Nicole Anne) : Effectivement, nous croyons que l'adoption qui
sera favorisée sera l'adoption qui est
actuellement en cours. Donc, oui, nous croyons que ce sera dans des cas
exceptionnels ou, oui, qui sortent de l'ordinaire. Et, comme exemple, je vous dirais, effectivement,
des enfants plus âgés pourraient avoir... ou que ça soit positif dans
leur vie, pour des enfants plus âgés, de
conserver, là, cette possibilité de reconnaître sur un document officiel son
identité d'origine.
Je ferais une
petite distinction, par contre. Je comprends des liens d'identification
significatifs... moi, je rajouterais : identification significativement positive, parce qu'il y a des liens qui
existent, surtout auprès de nos enfants plus âgés, des liens qui sont significatifs, parce qu'ils
connaissent, effectivement, bien leurs parents d'origine ou leurs milieux
d'origine, mais des contacts qui sont négatifs, et voire toxiques pour eux.
Donc, c'est la distinction, là, et l'ajout que j'aimerais apporter aujourd'hui.
Mme
Hivon : Bien,
c'est un excellent point, parce que, de l'extérieur, c'est sûr qu'on peut être
porté à se questionner sur le bien que ça peut faire à un enfant de
garder ces liens-là, de ne pas être dans quelque chose, peut-être, de clair et net, quand on nous
avait exposé à l'époque à quel point justement il y a beaucoup d'enfants qui
ont besoin de quelque chose de clair et net pour s'attacher à leurs nouvelles
familles, prendre racine, puis tout ça. Donc, on peut imaginer que ce serait
dans des cas où l'enfant plus vieux manifesterait ce besoin-là de pouvoir
garder une certaine reconnaissance de ce lien-là que pour lui ça serait plus
positif, mais, à première vue, ça peut apparaître assez peu fréquent que
ce soit si positif pour l'enfant.
Ça fait que c'est là-dessus que j'aimerais que
vous nous éclairiez un peu d'un point de vue plus clinique.
Mme
Vautour (Nicole Anne) : Oui.
Alors, il faut encore une fois se rappeler que la majorité des enfants qui
sont adoptés aujourd'hui au Québec le sont par processus judiciaire, ce processus
judiciaire là vient mettre en lumière des incapacités parentales qui sont importantes,
ce sont des enfants qui ont été victimes d'abus, de maltraitance, oui, de négligence, qu'il y a des impacts à court,
moyen et long terme sur ces enfants-là et, lorsqu'ils sont remis en
contact dans le cadre de visites
supervisées, on voit apparaître des impacts encore. Même si les contacts sont
peu fréquents, même si les contacts
sont très courts, on voit des impacts physiologiques et psychologiques, émotifs
chez ces enfants-là, avant la visite, bien
entendu, lorsqu'on leur annonce qu'ils vont venir voir
papa, maman, pendant la visite mais également après. Donc, c'est la raison pour laquelle j'ai tenu à
mentionner que ce serait important que soit rajoutée la notion de positivisme
dans les liens significatifs.
Mme
Hivon :
Est-ce que vous pensez que ce serait une bonne idée d'écrire le caractère
exceptionnel dans la loi?
Mme Vautour (Nicole Anne) : Je ne
voudrais certainement pas me substituer à un légiste ou un juriste.
Mme
Hivon : Inquiétez-vous
pas, on se prend tellement au sérieux, vous...
Des
voix : Ha, ha, ha!
Mme
Hivon :
Je vous demande votre expertise.
Mme
Vautour (Nicole Anne) : Alors, comme experte clinique, j'apprécierais,
effectivement, qu'on nomme cette obligation de mettre cette paire de
lunettes là dans l'analyse des situations d'adoption.
Mme
Hivon : Parce qu'évidemment aujourd'hui on a tous en tête ce
qu'on veut avec ça, mais on peut se projeter dans l'avenir puis on ne sait pas comment la pratique pourrait se développer
puis que ça devienne quelque chose de plus régulier. Je comprends que, dans tous les cas, c'est l'intérêt de
l'enfant qui doit primer. On en a parlé souvent. Comme le projet de loi est libellé, le consentement, donc,
du parent va devoir se donner pour l'une ou l'autre forme d'adoption.
Est-ce que vous pensez que ça, ça risque
peut-être d'accroître un peu de marchandage au consentement, d'accepter mais en
étant certain que ces liens-là vont être reconnus?
Est-ce
que vous pensez que le consentement devrait être obtenu de manière générale
puis que ça soit plus le tribunal qui,
à la suite des expertises, vienne décider — il peut avoir une recommandation — mais que le consentement ne soit pas
lié à une ou l'autre, puisqu'on reste dans la même forme juridique mais avec
une reconnaissance différente?
Le Président (M.
Ouellette) : Me Laberge.
Mme
Laberge (Alexandra) : Je pense,
par rapport au consentement, que, si un parent consent à l'adoption
mais avec maintien du lien préexistant et
qu'en définitive le DPJ, dans son évaluation, en viendrait à la conclusion que ce ne serait pas dans l'intérêt de l'enfant, je vois
difficilement comment on pourrait procéder à l'adoption par consentement.
Je pense qu'à partir de ce moment-là on devrait nécessairement prendre le
volet de la déclaration d'admissibilité à l'adoption, ce qui, à
mon avis, laissera la porte au tribunal pour décider d'une adoption sans le
maintien des liens.
Mais,
dans la mesure où le parent consent avec ce volet-là du maintien,
je vois mal comment on pourrait faire l'adoption sur son consentement,
mais sans maintenir le lien préexistant, comme il le demande.
Mme
Hivon :
Oui, c'est ça. Mais ma question, c'est : Justement, est-ce que c'est utile
de prévoir ça, que le consentement est pour une ou l'autre des formes, ou, indépendamment, là, ça peut être... ou est-ce que
justement on devrait se dire : Bien, à la lumière de tout le
dossier, il y a un consentement puis on...
• (12 h 50) •
Mme
Laberge (Alexandra) : Juridiquement, ça n'a pas d'effet. Tu sais, on
le disait tout à l'heure, ça reste une adoption
qui est plénière, ça reste une adoption qui met fin aux obligations et aux
droits entre le parent d'origine et l'adopté. Donc, en définitive, ça n'a pas d'effet, donc, oui, le parent...
Peut-être qu'on pourrait perdre des consentements, parce qu'un parent voudrait consentir, mais, avec ça... et on
ne se dirige pas vers ça, mais est-ce qu'en bout de ligne ça va nuire au
processus? Je ne saurais pas vous le dire.
M. Salois
(Eric) : C'est ça. Puis est-ce qu'on le fait pour les bonnes
décisions, dans le sens qu'il faut que ce parent-là,
s'il consent, il consente sur le fait que lui-même considère qu'il a une
incapacité et que les parents, souvent, chez qui vit l'enfant déjà vont être en mesure de respecter ça? C'est
là-dessus qu'il faut que le parent prenne sa décision libre et éclairée
et non pas sur une condition de contact ou pas.
Mme
Hivon : C'est pour
ça que je me demande si ça n'augmente pas le risque. Évidemment,
vous êtes là pour évaluer, le
tribunal est là pour évaluer l'intérêt de l'enfant, mais on veut minimiser les risques
aussi qu'on puisse arriver à une situation
où il y a une tension ou un marchandage ou une pression qui
soit mise. Si jamais, en
tout cas, vous avez des
réflexions supplémentaires sur cette question-là, vous pouvez écrire à la commission
pour nous le dire.
J'ai
aussi une dernière question, ce n'est pas la moindre. Mais, compte tenu de toute l'ouverture pour la recherche, donc, des antécédents et d'identité, on peut s'imaginer, parce qu'on
a beaucoup de témoignages de gens plus âgés qui ont très, très
hâte au changement de la loi... il va y avoir des vetos qui vont pouvoir être
inscrits, une campagne d'information qui va être faite, il va y avoir
des gens qui vont vous le demander. Donc, j'imagine que ça, ça vient avec du
travail supplémentaire.
Est-ce qu'il y a des ressources additionnelles qui
vont être requises? Et est-ce que vous êtes rassurés par rapport à ça?
Le Président (M.
Ouellette) : Une petite réponse, Mme Brown.
Mme Brown
(Caroline) : Oui, je peux y aller. On est déjà en pourparlers avec le
ministère de la Santé et des Services
sociaux à ce niveau-là. Ils sont très conscientisés de la demande,
effectivement, de la charge de travail que ça va nous amener, la charge
supplémentaire de travail que ça va nous amener pendant un bon bout de temps.
Alors, les représentations dans ce sens-là ont déjà été faites.
Mme
Hivon :
Parfait.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci. Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée : Une petite
question. Tout à l'heure, vous avez soulevé la question de la tutelle. La
Chambre des notaires et Me Alain
Roy ont parlé du fait que l'adoption ne devait pas être considérée comme la
seule et unique solution et que parfois ça ne répondait pas, parce qu'il
y a des cas où on veut maintenir le lien avec la famille d'origine, et on a
parlé de tutelle dative, ou délégation de l'autorité parentale.
Qu'est-ce que vous pensez de ça? Avec ce que vous
voyez, vous, votre clientèle, est-ce que c'est des solutions qui
auraient dû être envisagées aussi?
Mme Brown
(Caroline) : Pour nous, les directeurs de la protection de la jeunesse,
on a déjà ce levier-là à l'intérieur de la
Loi de la protection de la jeunesse. Pour certains enfants, leur projet de vie,
effectivement, d'aller vers une adoption,
ce n'est pas la meilleure option, parce que les liens avec sa famille d'origine...
est trop importante, il faut les maintenir.
Donc, pour l'enfant, son meilleur projet de vie, c'est d'aller vers une
tutelle. À ce moment-là, c'est une tutelle qui est balisée par les directeurs de la protection de la jeunesse mais qui
conclut à la fin d'une compromission dans la situation de cet enfant-là, et, à ce moment-là, il n'y a
plus d'intervention du DPJ. Ça fait que, pour nous, c'est suffisant pour
les cas que nous, on voit.
Maintenant, pour
l'ensemble de la population ou les autres situations, je suis peut-être moins
habilitée, là, à répondre concernant la
tutelle dative, et tout ça. Nous, on n'en fait pas, de ça. Ça peut être un
besoin, par contre. J'entends ce besoin-là, mais, comme directeurs de la
protection de la jeunesse, on a déjà les leviers à l'intérieur de la Loi de la
protection de la jeunesse pour pouvoir y répondre.
Mme
Lavallée : Donc, ce que
j'entends, c'est que l'adoption n'est pas la seule solution envisageable, là,
pour les enfants dont vous vous occupez.
Mme
Brown (Caroline) : Non. Effectivement, il y a différentes options qu'on regarde à l'intérieur du projet de vie, l'adoption
étant ultimement la plus permanente pour un enfant, mais il y en a
effectivement d'autres. On va placer des enfants encore, à la majorité, dans une famille d'accueil, mais on peut aussi aller vers une
tutelle qui met fin à l'intervention du DPJ et on peut aller vers
l'adoption.
M. Jolin-Barrette : Et sur cette question-là, lorsque vous choisissez d'aller à la tutelle, ça
représente combien de pourcentage de vos cas que vous dirigez,
supposons, vers la tutelle?
Mme Brown
(Caroline) : Hum! Bonne question.
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que c'est une minorité? Est-ce qu'on peut le
chiffrer un peu ou...
M.
Salois (Eric) : On n'a pas
les chiffres avec nous, là. On serait capables de vous les fournir, dans le
sens que, quand on va au niveau... puis, si vous alliez consulter le
bilan des DPJ, probablement qu'on peut le retrouver. Il se retrouve, là, au niveau du Web. Mais, je vous
dirais, si je parle de ma région, dans Lanaudière, c'est à peu près l'équivalent actuellement. Dans Lanaudière, on parle, peut-être, de 10 à 12 tutelles par année mais aussi d'une
dizaine à une douzaine d'adoptions
qu'on va faire aussi dans l'année, pour une population approximative d'à peu près 500 000 de
population.
M. Jolin-Barrette : Sur la question de l'entrée en vigueur des dispositions législatives du projet de loi n° 113, vous
dites : Bien, écoutez, on devrait peut-être repousser ça d'une
année, le temps d'avoir un délai tampon. La difficulté, c'est que les gens attendent vraiment
le projet de loi. Je
comprends, là, que vous êtes en
discussion avec le ministère
de la Santé pour des ressources supplémentaires, mais actuellement, lorsque
vous avez des demandes, c'est traité dans un délai de combien de temps,
environ?
Mme
Brown (Caroline) : Bien, actuellement, ça dépend des régions. Il y
a des régions qui n'ont pas
d'attente du tout, ils ont des réponses quand même assez rapides, mais ça peut
aller, dans certaines régions, jusqu'à quatre ans, actuellement.
M.
Jolin-Barrette : Jusqu'à quatre ans?
Mme Brown
(Caroline) : Oui.
M.
Jolin-Barrette : Ça fait que manifestement, déjà, vous manquez de
ressources.
Mme
Brown (Caroline) : Actuellement, pour différentes raisons,
effectivement, il y a... question de volume aussi, ce qui fait qu'on partage, effectivement, nos
ressources à bon escient, mais effectivement, au niveau des retrouvailles
ou des... il y a, dans certaines régions, plus de difficultés où il manque de
personnel à ce niveau-là.
M. Jolin-Barrette : Parce qu'un des objectifs du projet de loi aussi... Je donnais
l'exemple, à l'ouverture de la commission,
le cas de Mme Blouin, qui a 83 ans. Elle, ça presse, là, vraiment, cette
information-là, de l'avoir. Puis quelles régions c'est quatre ans?
Mme
Brown (Caroline) : Bien, je ne sais pas si c'est pertinent, mais, en
Gaspésie, entre autres, actuellement, c'est quatre ans. Dans les
régions, comme en Chaudière-Appalaches, chez nous, on n'a pas d'attente.
Montréal, c'est peut-être trois, quatre mois. Mais je ne les ai pas toutes par
coeur. Voilà.
M.
Jolin-Barrette : Vous êtes
les premiers à aborder la question de l'adoption internationale dans votre
mémoire. J'aimerais ça vous entendre un peu sur les recommandations que vous
formulez, pour vous, l'impact que ça a.
Mme
Vautour (Nicole Anne) : Bien, en fait, il n'y a qu'une seule
recommandation en adoption internationale que nous émettons dans notre mémoire, c'est celle de préciser la notion
de déplacement dans l'article 71 de la LPJ, là, la Loi sur la
protection de la jeunesse, parce qu'à notre sens il n'est pas clairement
indiqué qu'il s'agit de demandes de déplacement
en vue d'une adoption internationale. Par contre, pour l'ensemble des articles
de loi en matière d'adoption internationale,
nous accueillons favorablement ce qui est écrit dans le projet de loi. Donc,
comme il est mentionné dans notre
mémoire, tout article de loi qui vise à clarifier le rôle, les mandats et les
responsabilités de différentes organisations qui ont à travailler
ensemble dans un partenariat étroit ne peut qu'être perçu favorablement.
M. Jolin-Barrette : Sur la question
de la disposition pénale, vous dites : Bon, on ne devrait pas mettre de
dommages punitifs, on devrait favoriser une disposition pénale. Est-ce que la
DPJ poursuivrait, si on l'habilite, là, législativement à le faire... Est-ce
que vous indiqueriez vraiment à vos procureurs de dire : Bien, oui, on va
donner instruction de poursuite vraiment pour amener les individus qui ont
contrevenu, et de les poursuivre devant la cour?
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Bergeron.
Mme
Bergeron (Annick) : Actuellement, il y a déjà des dispositions pénales
qui sont prévues dans la Loi sur la protection
de la jeunesse. Ce n'est pas le DPJ qui va poursuivre, exactement, et c'est
très peu utilisé, mais c'est le DPCP. Et
je comprends, là, qu'au bureau du DPCP il y a une équipe qui s'occupe des
différentes lois qui ont des dispositions pénales. Donc, dans la mesure où il y avait une situation où c'était
clair que la personne, sciemment, était au courant que la personne ne
voulait pas de contact, je pense qu'il y a des situations où ça pourrait,
effectivement, donner ouverture. Mais, par
contre, c'est certain que, dans des situations aussi délicates que ça, bien, il
faudrait analyser les situations cas pas cas, et je souhaiterais
ardemment que le procureur au DPCP nous consulte pour voir si c'est approprié
ou non de donner suite, là.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme Caroline Brown, M. Eric Salois, Mme Nicole Anne Vautour, Me Alexandra Laberge, Me Annick Bergeron,
représentant les directeurs et directrices de la protection de la
jeunesse.
La commission suspend ses travaux quelques
instants, avant de se réunir en séance de travail sur le Code d'éthique à la
salle RC.171. Les auditions publiques sur le projet de loi n° 113 se
poursuivront à 15 heures ici même.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électriques... électroniques — ce
serait mieux. Bon, probablement que je suis encore dans l'euphorie d'à matin
avec «maître» et «madame».
Nous
poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 113,
Loi modifiant le Code civil et autres dispositions législatives en
matière d'adoption et de communication de renseignements. Nous entendrons, cet
après-midi, les organismes suivants : les Femmes autochtones du Québec, un
groupe d'Uashat Mani-Utenam — puis je sais que c'est plus long que ça, là,
mais vous allez m'aider quand vous allez être avec nous — et le Conseil de la nation atikamekw.
Nous recevons
comme premier groupe les Femmes autochtones du Québec, sa présidente, Mme
Viviane Michel. Vous avez 10 minutes
pour faire votre présentation aux membres de la commission, Mme Michel, et, par
la suite, il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole
des deux oppositions. Je vous donne la parole.
Femmes autochtones du Québec
inc. (FAQ)
Mme Michel
(Viviane) : (S'exprime dans une langue autochtone). Est-ce qu'on vous a dit que j'allais le
faire dans ma langue? Non?
Le Président (M. Ouellette) : Si on
me l'avait dit, on aurait eu la traduction simultanée.
Mme Michel
(Viviane) : M. le Président de l'Assemblée, Mme la
ministre Vallée, élus, députés, etc., bonjour. «Kwei». Mon prénom est Viviane Michel. Je suis la présidente de Femmes
autochtones du Québec, une organisation qui est en mouvement depuis 1974
et qui représente les 10 nations au Québec, incluant le milieu urbain.
Femmes
autochtones remercie la nation huronne-wendat de nous accueillir dans son vaste
territoire non cédé. Nous profitons
de notre rassemblement aujourd'hui à l'Assemblée nationale pour réitérer notre
demande d'une commission d'enquête
judiciaire indépendante provinciale sur les relations entre les forces
policières et les femmes autochtones, et ce, dans les plus brefs délais.
La violence que les femmes autochtones vivent à tous les jours au Québec
découle d'un racisme et d'une discrimination
systémiques. Nous demandons au gouvernement provincial de sortir de son état de
léthargie et de travailler avec nous pour
protéger nos femmes, nos enfants et pour bâtir ensemble une société que nous
serons fiers de léguer à nos futures générations. Femmes anishnabes,
femmes autochtones au Québec, on vous croit.
Nous
aimerions également remercier les membres de la Commission des institutions de nous avoir convoquées pour partager nos commentaires et recommandations sur le projet de loi
n° 113, Loi modifiant le Code civil et d'autres
dispositions législatives en matière d'adoption et de communication de renseignements.
Comme vous le
savez, Femmes autochtones du Québec est impliquée, depuis plusieurs
années, dans le processus de
discussion et de réflexion sur l'adoption coutumière autochtone et la reconnaissance de ses effets dans le système
juridique québécois. S'il acquiert le statut de loi, ce projet de loi marquera l'histoire du Québec. En effet, cette loi, de par sa nature, reconnaît le pluralisme juridique qui existe au Québec
et au Canada en donnant effet au système
juridique autochtone à l'intérieur de
l'ordre légal québécois. À l'époque précoloniale, les peuples autochtones
avaient et ont su élaborer leurs propres
moyens de se gouverner et de s'organiser. À cet effet, chaque nation avait son
propre ordre juridique qui régissait la
société. L'héritage de la colonisation nous a imposé un système
de gouvernance et d'appartenance imprégné de valeurs et de conceptions du monde qui nous sont
étrangères et différentes. Cependant, nos ordres juridiques n'ont jamais cessé d'exister et constituent aujourd'hui les bases de nos sociétés. Nos pratiques sont d'ailleurs
bien vivantes encore aujourd'hui, ce
qui est notamment le cas de pratiques traditionnelles et
coutumières de garde ou d'adoption d'enfants. Selon nos histoires orales, nos familles, communautés et nations
exerçaient et exercent toujours aujourd'hui des pratiques de garde d'enfants. Celles-ci ont toujours été pratiquées dans
le meilleur intérêt de l'enfant et devaient respecter certaines règles et
principes, ce qui est encore la réalité aujourd'hui.
Femmes autochtones du Québec a fait une
recherche complémentaire en 2010 afin d'avoir une meilleure compréhension de ces pratiques à l'intérieur de
nos nations. Neuf des 10 nations membres de Femmes autochtones du Québec y
ont participé, et les résultats permettaient d'avoir une bonne vue d'ensemble
des pratiques traditionnelles et coutumières
de garde d'enfants dans nos différentes nations. Il ressort de ce rapport que
les pratiques variaient d'une nation à
autre, voire d'une communauté à une autre. En revanche, malgré les différences,
il existe une compréhension commune de pratiques
coutumières en matière de garde ou d'adoption des enfants qui sembler émerger des témoignages
recueillis. Ainsi, chez les Premières
Nations du Québec, ces concepts sont globalement définis comme des
pratiques qui permettent à des parents
biologiques autochtones de demander à d'autres familles, aux membres de la
communauté de prendre soin de leurs enfants
en dehors du système légal québécois. Les pratiques actuellement en vigueur ne
s'appuient pas sur la signature de documents
officiels ou légaux par les parents adoptifs et biologiques, mais plutôt
par les soins et l'éducation à dispenser aux enfants, c'est-à-dire sur
le transfert des responsabilités parentales sur une base temporaire ou
indéterminée.
• (15 h 10) •
Les raisons
justifiant le transfert d'un enfant à une personne autre que ses parents
biologiques semblent varier d'une communauté à l'autre. La majorité des
répondants ont aussi déclaré que ces pratiques coutumières se situaient naturellement dans le contexte de la famille
élargie : grands-parents, oncles, tantes, cousins, soeurs, etc. Elles
permettent aux parents de se décharger de
leurs responsabilités familiales lorsqu'ils se sentent incapables de les
assumer pleinement.
Les pratiques
coutumières en matière de garde ou d'adoption des enfants permettent aux
parents biologiques de garder le
contact avec leurs enfants, contrairement à l'adoption légale. Ces derniers
n'abandonnent donc pas leurs enfants, ils
demandent plutôt à d'autres personnes de prendre soin d'eux pendant la période
où ils sont incapables de le faire, pour diverses raisons, entre autres économiques ou en cas de négligence,
fournissant ainsi l'occasion à des couples sans enfants d'être parents.
La responsabilité entière de l'enfant, incluant son développement, est alors
placée entre les mains de personnes compétentes tout en préservant l'identité,
la culture, la tradition et la langue autochtones chez l'enfant.
Femmes autochtones du Québec rappelle que nos
familles, communautés et nations autochtones demeurent les expertes de nos
ordres juridiques. Nous accueillons favorablement que ce projet de loi avance
dans le même sens, considérant que cela
faisait partie des recommandations que Femmes autochtones du Québec
avait déposées en 2010. Le projet de
loi n° 113 reconnaît que les
communautés et nations sont les plus à même d'évaluer nos lois internes en matière de garde ou d'adoption traditionnelle et coutumière. Elles ont le même
pouvoir d'établir une autorité compétente qui sera en charge d'établir, s'il
y a lieu, le respect de leurs pratiques et coutumes.
Comme l'objectif de la loi est de donner effet
aux lois autochtones en matière de garde d'enfants dans l'ordre juridique québécois, Femmes autochtones du Québec
est d'avis que le projet de loi doit s'abstenir de légiférer le droit interne autochtone, qui relève, nous le répétons,
des compétences autochtones. Nous sommes aussi conscientes que nos pratiques d'adoption coutumière peuvent parfois apporter des
complications dans le système légal québécois. La délivrance d'un certificat par une
autorité compétente autochtone de la nation de l'enfant qui atteste la pratique
de l'adoption coutumière pourrait possiblement en venir à les atténuer.
Femmes autochtones du Québec recommande au législateur
d'ajouter l'article 601.1, tel qu'il appert dans le mémoire d'Uauitshitun santé et
services sociaux, afin de permettre aux nations autochtones dont les
pratiques d'adoption ne créent pas un
nouveau lien de filiation entre l'enfant et l'adoptant de bénéficier des mêmes
droits que ceux dans la pratique coutumière, qui en crée en vertu de l'article.
543.1. Femmes
autochtones du Québec demande également au gouvernement du Québec
que la reconnaissance légale des effets de lois autochtones régissant la
garde et l'adoption coutumière traditionnelle soit accompagnée
d'autres solutions préventives d'ordre non
législatif permettant de s'attaquer aux causes fondamentales qui entraînent le
placement des enfants
autochtones à l'extérieur de leurs communautés, soit les effets de la
colonisation, dont la Loi sur les Indiens, les pensionnats indiens, la
pauvreté et violence.
Femmes autochtones du Québec rappelle que, dans l'intérêt
de nos enfants, et en conformité avec nos ordres juridiques autochtones, il est important de protéger leur liberté de
choisir entre demeurer avec leurs familles adoptives ou de retourner auprès de leurs familles biologiques.
Ces pratiques de garde ou d'adoption
d'enfants rejoignent également notre
sentiment d'appartenance à la famille en tant que Premières Nations. Le
principe de flexibilité et de fluidité des droits autochtones doit être préservé et maintenu par ce
projet de loi, constitue pour nous un signe de respect envers les
enfants de même qu'un de leurs droits, celui de laisser la liberté de choisir.
Avec
l'adoption de telles dispositions dans l'ordre juridique québécois, nous faisons
ensemble un grand pas vers le respect des droits à l'enfant. «Tshinashkumitin».
Merci.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
Mme la ministre.
Mme Vallée : Merci, Mme
Michel. Merci beaucoup de votre...
Une voix : ...
Mme Vallée : Oui. Je vais
vous laisser reprendre votre souffle. Merci de votre présentation. Je sais que
votre association a participé, avec beaucoup d'intérêt, à tous les travaux qu'a
menés le Groupe de travail sur l'adoption coutumière, qui avait rendu son
rapport public en 2012.
Donc, est-ce que
vous considérez que le projet de loi, dans sa forme actuelle, répond bien aux préoccupations qui étaient soulevées dans
le rapport? Est-ce qu'il y a des éléments que vous considérez qui devraient
être renforcés à l'intérieur du projet de loi n° 113?
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Michel.
Une voix : Oui.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Smith.
Mme Smith (Cynthia) : «Kwei».
Cynthia Smith, analyste juridique et politique pour Femmes autochtones du
Québec.
Comme on l'a
souligné, en fait, on appuie la disposition qui a été mise de l'avant, en fait,
par les Innus, qui est supportée
aussi par les Attikameks et, si je ne m'abuse, par le Barreau du Québec
également, qui est l'article 601.1. Cet article-là, en fait, vient apporter un soutien à la coutume où il n'y a
pas création de lien de filiation. Donc, ce qui se passe en fait, c'est que, dans la majorité... suite à la
recherche qu'on a faite, Femmes autochtones du Québec, notamment en
2010... Dans toutes... ou la majorité, en
fait, des Premières Nations qu'on est allées visiter, ce qui ressort
majoritairement, c'est qu'il n'y a
pas de bris ou de création, nécessairement, non plus du lien de filiation.
Donc, ce qu'on voit quand on parle d'adoption... le terme, là,
d'adoption coutumière, là, mais que nous, on parle plutôt, là, de garde
d'enfants, c'est une délégation ou un partage, en fait, là, de l'autorité
parentale en termes légaux québécois, là. Donc, on partage les responsabilités
ou c'est une délégation complète, là, des responsabilités. Donc, c'est vraiment
ça qui se passe.
Donc, ce
qu'on voit comme faille, c'est que, si on regarde, par exemple, l'article
543.1, si je ne m'abuse... oui, 543.1 parle, en fait, de situations où,
au deuxième paragraphe, là, «une telle adoption, qui, selon la coutume, crée un
lien de filiation entre l'enfant et
l'adoptant». Donc, ça voudrait dire qu'on pourrait seulement donner un
certificat, en fait, là, qui reconnaîtrait l'adoption coutumière
seulement dans les cas où il y aurait la création d'un lien de filiation. En l'espèce, ce qui se passe, c'est que, dans la
majorité des Premières Nations, ce n'est pas quelque chose qui se fait
dans nos coutumes. Donc, il n'y a pas de création de lien de filiation, là,
dans la coutume, entre l'adoptant et l'enfant.
Mme Vallée :
Donc, en fait, ce que vous recommandez, c'est d'intégrer à l'intérieur du
projet de loi les dispositions relatives
à une possibilité de délégation d'autorité parentale, puis vous considérez que
la proposition de l'article 601.1 qui est
présenté correspond en tous points à votre souhait et aux besoins des
communautés. Donc, ce n'est pas d'abroger ce qui est prévu, mais
d'ajouter d'autres alternatives.
Mme Smith (Cynthia) : C'est exact.
Mme Vallée : D'accord.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Vous avez aussi
apporté des recommandations qui sont beaucoup plus larges à l'intérieur de votre mémoire. Je pense notamment à la
recommandation 4, par laquelle vous recommandez que le système de
protection de la jeunesse du Québec adopte une approche plus holistique en
matière de garde des enfants et de protection de la jeunesse de façon à tenir
compte des réalités, coutumes et enseignements traditionnels autochtones et des
réalités des communautés.
De quelle façon imaginez-vous la mise en place de
cette approche? Ça pourrait passer par quel type de mesures, quel type
de démarches qui devraient être entreprises par le DPJ pour donner pleinement
effet à la recommandation que vous nous présentez?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Smith.
• (15 h 20) •
Mme
Smith (Cynthia) : Ce qui se passe, en fait, c'est que ce qu'on voit
comme problème, par exemple, avec la DPJ,
c'est que... Par exemple, un enfant est enlevé de la communauté, mais qu'il est
déjà, disons, dans une situation, là, d'adoption
coutumière, O.K., mais que, sous le projet, là, avant le projet de loi
actuel... ou, même s'il n'y a pas l'ajout de 601.1, donc, par exemple, dans des cas où il n'y aurait pas, là, la
création d'un nouveau lien de filiation et donc il n'y aurait pas
l'émission d'un certificat qui reconnaît l'adoption coutumière, l'enfant
ne pourrait pas être reconnu comme étant, là, déjà traditionnellement adopté
par la nouvelle famille adoptive. Donc, il serait enlevé de cette famille-là,
et puis, avec les dispositions, en fait, de durée maximale qui sont prévues avec
la DPJ, c'est que l'enfant, à partir du moment où on a atteint la durée maximale, serait éligible à l'adoption.
Ça, c'est des situations qui se produisent actuellement et qui nous
posent problème, qui nous font peur. Donc, ce qu'on propose, en
fait, c'est qu'il y ait une meilleure réorganisation avec la DPJ
et le système, en fait, de reconnaissance de l'adoption coutumière, parce
qu'ils sont interreliés à ce niveau-là, là, quand on parle de durée maximale.
Quand on est venues également,
là, faire des recommandations et des commentaires concernant le projet de loi n° 99, on a mentionné qu'on désirait, en
fait, que la durée maximale soit réévaluée, parce que justement c'est
quelque chose qui n'est pas adapté aux
communautés autochtones, dans la mesure où souvent les durées maximales, en
fait, ne permettent pas
nécessairement que les gens qui sont en communauté aient accès aux services
nécessaires d'aide, de remise sur
pied aux parents, en fait, pour qu'ils puissent être en mesure de réaccueillir
l'enfant. Donc, dans ces mesures-là, quand on voit qu'il y a comme une connexion... Dans nos pratiques d'adoption
coutumière, il y a aussi le fait qu'il y a le caractère temporaire et indéterminé. Donc, ça aussi, c'est
quelque chose qu'on ne voit pas actuellement, là, dans la version
actuelle du projet de loi n° 113.
Donc,
comme Mme Michel le disait tantôt, il y a une fluidité, en fait, dans nos
systèmes juridiques autochtones, où, si l'enfant désire revenir dans sa
famille biologique... c'est quelque chose qu'on voit fréquemment. Même que les familles adoptives, donc souvent c'est la famille
élargie, vont encourager l'enfant à retourner dans la famille
biologique. Donc, ça, on demande, dans le
fond, une mesure plus holistique, là, pour éviter qu'on regarde un seul projet
de loi ou une seule loi individuellement quand, en fait, elles sont
interreliées.
Mme Vallée :
Si je vous comprends bien, vous demandez des aménagements, plus de souplesse
lorsque des interventions notamment des
centres jeunesse sont faites auprès d'enfants des communautés autochtones afin
de reconnaître les différentes alternatives qui, traditionnellement, ont
cours au sein des communautés. Et je comprends, parce que la particularité du projet de loi, c'est de
reconnaître les autorités compétentes qui verront à déterminer s'il s'agit bel
et bien d'une adoption coutumière.
Dans
ce sens, comment voyez-vous la création et la mise en place de ces autorités
compétentes et voyez-vous un enjeu particulier en lien avec la
détermination des autorités compétentes? Est-ce que vous avez des commentaires
à formuler face à cette façon de fonctionner?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Michel.
Mme Michel
(Viviane) : C'est une question quand même pertinente. Merci, M.
le Président.
Écoutez,
on a quand même un exercice aussi à faire dans chaque communauté, justement,
premièrement avec peut-être notre
service des services sociaux, qui est quand même un apport indispensable,
justement, pour le bien-être de l'enfant. Et, pour le reste, c'est à voir aussi à établir des stratégies,
justement, comment on va éviter, justement, à l'avenir, de faire sortir
des enfants des Premières Nations des communautés. Et ce qu'on apporte,
justement, avec le mémoire qu'on vous
dépose, avec la démarche qu'on est en train de faire sur la loi n° 113 va
éviter de sortir des enfants maintenant des communautés. Et une des choses majeures que nous, on trouve importantes
à garder, c'est vraiment le lien avec la famille, évidemment, la famille élargie, le lien avec la
communauté, le lien avec sa langue, sa culture et aussi la façon de
vivre avec nos communautés. Donc, ça, c'est
une entité quand même importante pour le développement de nos enfants. On sait que, dans la société en
général, les communautés
sont mal vues, mais on a quand même des belles valeurs. Premièrement, l'identité de l'enfant, la retransmission de la
langue, la retransmission de l'identité fait partie innée chez nous, et ça,
c'est une responsabilité des femmes de retransmettre la langue, la culture,
etc.
Donc,
je pense que les moyens à l'interne sont la responsabilité des communautés,
justement, d'établir quels vont être vraiment les vrais besoins à l'interne des communautés.
Je ne pense pas que Femmes autochtones du Québec va vous donner une directive directement pour dire : Voilà, nous, comment on veut que ça marche dans les communautés.
On a une responsabilité, oui, nous aussi, en tant que porte-parole, mais
il y a aussi la responsabilité de chaque communauté au Québec. 54 communautés
au Québec doivent être au courant aussi de la loi n° 113. Donc, je pense qu'il
y a aussi une éducation à faire dans les communautés, à les informer
sur c'est quoi, la loi n° 113. Ce n'est pas tout le monde qui est quand
même au courant de la loi n° 113, qui va être adoptée bientôt.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée : Merci. En fait, c'est un élément que vous
abordez, qui est fort important, qui est celui de rejoindre les communautés
pour informer des changements, de modifications qui sont apportés. Vous avez
bien raison.
En
ce sens, de quelle façon la voyez-vous, cette communication, vous qui êtes
près des communautés? Quelle forme devrait-elle prendre? Est-ce
qu'elle devrait se faire à travers les communautés comme telles par des biais
de rencontres, de documentation? Est-ce que vous avez une suggestion à nous
proposer?
Mme Michel
(Viviane) : Évidemment, nous, à Femmes autochtones du Québec,
lorsqu'on a justement à informer nos membres, parce qu'on représente les 10
nations au Québec, incluant la population urbaine, et on est une organisation
bilingue, donc la langue est quand même importante... les langues québécoises,
comme on pourrait dire.
Nous,
de la façon dont on procède, c'est sûr que nous, on a quand même un privilège.
C'est que nous, nous sommes en
contact avec nos membres. Nous allons, une fois par année, faire la tournée de
nos membres. Si on prend, exemple, la loi
S-2, nous avons participé, justement, à consulter et à informer nos membres et
à revenir avec des propositions. Ça, c'est
notre façon à nous. Et par la suite, évidemment, on a produit quand même des
genres de pamphlets informatifs sur, justement,
les enjeux ou les grandes idées principales, et ça s'est fait dans les deux
langues. Évidemment, nous, quand on va dans les communautés... Si je
vais dans ma communauté, tout se passe dans ma langue. La langue est importante
lorsqu'on a à faire des sessions
d'information. Sessions d'information, pamphlets, etc. Il y a toutes ces
formes, justement, informatives qui peuvent être données, ou envoyées,
ou... peu importe de la façon dont ça se fait.
Mme
Vallée : Une autre de vos recommandations, c'est de
sensibiliser l'ensemble des intervenants non autochtones à la réalité
des communautés auprès de qui ils sont ou elles sont appelées à travailler,
puis vous ciblez particulièrement les
intervenants des centres jeunesse. Je sais d'expérience, dans certaines
régions, et vous avez une vue d'ensemble qui est beaucoup plus large,
qu'il y a une sensibilité de plus en plus grande, justement, à comprendre les
réalités des communautés environnantes.
Est-ce
que vous avez des précisions à aborder sur votre recommandation? Parce que
votre recommandation, c'est une
formation sur les cultures, l'histoire, les réalités autochtones. Vous avez 54
communautés. Donc, cette formation, si je comprends bien, serait propre
à chaque communauté.
• (15 h 30) •
Mme
Michel (Viviane) : Écoutez, c'est sûr que c'est vraiment important
surtout pour les non-autochtones qui viennent
travailler en territoire autochtone, la connaissance, au moins une grande base,
des réalités des peuples autochtones.
Nous sommes des
peuples vraiment différents. On a un fonctionnement différent.
Et,
si je prends, par exemple, en 2012, on a été appelées d'urgence dans une
communauté où est-ce que des femmes ont fait un blocus pour ne pas faire
entrer des intervenants, des travailleurs sociaux provinciaux, parce que cette communauté-là n'avait pas la prise en charge de sa
propre communauté. Donc, j'ai été quand même assez étonnée de voir que 38 travailleurs sociaux étaient en place
pour une petite communauté. Et là on peut voir les différences fédérales
et provinciales; quand c'est du fédéral,
pour cette même communauté-là que j'ai entendue dernièrement : deux
travailleurs sociaux. Vous voyez
l'importance aussi de donner une formation à des gens non autochtones qui
arrivent. Et les femmes qui avaient
fait le blocus avaient contesté dans le sens... trop de placements d'enfants et
elles ne connaissaient pas la réalité des
peuples autochtones. Donc, c'est important, eux autres, pour leur donner la
formation, qui que ce soit qui vient travailler dans une communauté...
l'importance.
Maintenant,
si la loi n° 113 s'applique, il y a quand même un même processus à faire
avec nos intervenants. Il faut que
nos intervenants soient aussi capables de bien comprendre cette loi-là
maintenant, capables aussi de bien l'appliquer dans leur travail au
quotidien.
Le Président
(M. Ouellette) : Merci.
Mme Vallée :
Merci.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Bonjour. Merci beaucoup d'être parmi nous, Mme la présidente et Mme Smith,
pour votre éclairage. Je veux simplement,
d'entrée de jeu, vous dire qu'on a entendu votre cri du coeur en début de
témoignage, et nous souhaitons aussi,
tout comme vous, que vous puissiez avoir droit à une commission d'enquête
indépendante sur la question des
relations entre les policiers et les femmes autochtones, notamment, et que cela
puisse amener de l'apaisement aussi dans vos communautés.
Écoutez, beaucoup de
questions. D'entrée de jeu, j'aimerais comprendre... ou savoir pourquoi, pour
vous, c'est une avancée de voir reconnaître
la réalité de l'adoption et, on va y venir, potentiellement, de la garde
coutumière dans un projet de loi, parce qu'on peut se poser la question si on
est à l'extérieur. Vous avez votre coutume, elle se pratique, elle existe.
Donc, quels effets recherchez-vous par une reconnaissance, au sein du droit
civil québécois, de cette réalité-là?
Mme Michel
(Viviane) : J'aurais le goût de...
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Michel.
Mme Michel
(Viviane) : M. le Président, j'aurais le goût de vous renvoyer la
question, justement, vous qui travaillez sur
la loi n° 113 : Pourquoi est-ce que vous avez fait une ouverture,
justement? Pour nous, on l'accueille très bien. C'est une forme, quand
même, de reconnaissance aussi des différences d'application que l'on a.
Nous, on a
quand même des lois, à l'intérieur des communautés, naturelles, comme on
pourrait dire, des lois où est-ce que
ce n'est pas écrit comme dans votre code québécois. Ces formes-là ont toujours
existé, la garde d'enfants chez la mère
quand on n'est plus capable. On a quand même cette force de dire même, en tant
que parent : Quand on n'est pas capable,
on n'est pas capable — ça, c'est une grande force, il ne faut pas le voir du côté
négatif — et avoir
ce choix-là de donner la garde à qui
que ce soit en qui on va avoir confiance quand on sait qu'on n'est pas capable
de continuer à vouloir garder son enfant, malgré quelques problèmes, ou
peu importe.
Donc, je
pense qu'avec ce qui arrive maintenant on arrive, je pense, à un momentum où
est-ce qu'il y a quand même un
changement. Il y a quand même un changement et il y a quand même une petite
reconnaissance pour nous, en quelque
part. Enfin, une porte s'ouvre. Enfin, une petite reconnaissance peut exister
dans notre façon, dans notre manière d'adoption
ou de garde d'enfants, et ça, de notre côté, à Femmes autochtones du Québec, on
apprécie justement cette petite ouverture, comme on pourrait dire.
Mme Smith (Cynthia) : Je
rajouterais... Est-ce que je peux?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Smith.
Mme Smith
(Cynthia) : Ce qui est important aussi, c'est que nos systèmes légaux
ont toujours existé. Ils existent encore.
Ils ont toujours existé. Puis ce qui se passe actuellement, c'est que, pour la
première fois, on a clairement écrit noir sur blanc qu'il y a une reconnaissance et qu'il y a un respect aussi de
la compétence autochtone. Il y a un respect au niveau de laisser les communautés, les nations à décider
et à octroyer, là, nos propres droits, nos propres lois, nos propres
systèmes juridiques, parce que le projet de loi, il ne touche pas le contenu,
il touche les effets. Donc, dans cette vision-là, c'est vraiment un grand avancement, parce que
c'est de faire un pas vers le pluralisme juridique, comme Mme Viviane
Michel disait au début. Donc, c'est le premier pas, en fait, qu'on fait dans
cette direction-là.
Puis nous, on
continue à les pratiquer, tu sais? Qu'il
y en ait ou qu'il n'y en ait pas, de cette ouverture-là, on va continuer à les appliquer quand
même, nos systèmes juridiques. Sauf
que ce qui se passe, c'est qu'on les pratique, puis, quand on fait face avec le système juridique québécois
puis qu'il ne le reconnaît pas, bien, elle est où, notre force de notre
système, là-dedans? Nous, on va continuer à le faire quand même, mais c'est
comme s'il y a une hiérarchie qui se crée
puis qui a toujours été là, puis là c'est comme de dire : Bon,
bien, votre hiérarchie, on accepte, là, que maintenant c'est... au moins à ce niveau-là, là, on accepte
que c'est d'égal à égal, que vous avez, en tant que peuple autochtone,
vos manières de faire, que vous avez, en
tant que société québécoise, vos manières de faire, qu'on respecte les
compétences de l'un et de l'autre puis qu'on accepte qu'il va y avoir des
effets de nos systèmes dans votre système.
Mme Hivon : Moi, comment je le voyais, pas experte du domaine
de l'adoption coutumière, d'une part, tout ce que vous dites, donc la reconnaissance de cette coutume... Puis je pense
qu'effectivement c'est une grande avancée, parce qu'il n'y en a pas des tonnes, d'exemples, là...
je ne dirais pas que c'est le premier, mais d'une incorporation d'une
coutume des Premières Nations formellement
reconnue comme ça. Donc, je pense que, de ce point de vue là, oui. Mais je
pensais aussi qu'il y avait une question, je
dirais, de simplifier aussi en termes d'effets juridiques la vie, peut-être,
des communautés pour que ça puisse être plus simple quand il y a
cohabitation des systèmes, je vous dirais, québécois et des Premières Nations,
comme par exemple, pour une déclaration, un certificat de l'acte de l'État
civil, ou tout ça.
Et puis là la raison pour laquelle je vous
demande ça, c'est que vous nous dites que... Moi, je présumais que l'adoption coutumière faisait en sorte qu'il y
avait parfois, effectivement, maintien du premier lien, auquel s'ajoutait
un deuxième lien de filiation. On nous a
parlé de ça dans les premiers groupes en nous disant que généralement... en
tout cas, les Cris, que le premier lien
n'était pas rompu. Donc, on a entendu les commentaires par rapport à certains
libellés, et tout ça. Mais, en
général, je voyais qu'il y avait une addition de liens de filiation. Et là
vous, vous nous dites avec la notion de garde que... puis là vous me corrigerez, là, ce que je comprends, qu'il
y a des circonstances où, dans le fond, il n'y a pas de deuxième lien. Il y a une garde coutumière,
mais ça ne crée pas un deuxième lien. Auquel cas, je me questionne sur
les effets recherchés de reconnaître la
garde coutumière dans la loi si, de toute façon, le lien de filiation demeure
le premier lien, le lien biologique puis il n'y en a pas un deuxième.
Donc, s'il
n'y a pas, je dirais, de superposition, quels effets sont recherchés avec la
reconnaissance de la notion potentielle de garde coutumière?
• (15 h 40) •
Mme Smith
(Cynthia) : Ce qui se passe, c'est que, par exemple, quand on regarde
les situations de... Disons que, mes
enfants, c'est Viviane qui s'en occupe puis qu'on a besoin d'une signature, par
exemple, pour avoir accès aux soins, ou peu importe. Bien, si moi, je ne suis pas en mesure de le faire,
Viviane, elle dit : Bien, je vais le faire. Sauf que, dans le système actuel, c'est qu'on ne reconnaîtra pas que
Viviane, elle signe. Donc, dans ces situations-là, quand il y a un
partage, en fait, de l'autorité parentale...
Parce que c'est ça, l'adoption coutumière, là. Ce qu'on entend par adoption
coutumière, ça n'existe pas dans nos
langues. On ne parle pas d'adoption. Le mot n'existe pas. On parle de prendre
soin d'un enfant, dans la majorité des langues, parce qu'on s'entend aussi,
là, qu'on a 11 nations au Québec, là. Mais l'idée, dans la majorité des
nations, c'est ça, c'est un partage... en fait, soit une délégation ou un
partage des responsabilités face à l'enfant.
Puis,
comme vous l'avez vous-même souligné, en effet, il y a des situations où, des
fois, il y a des enfants qui vont dire
que Viviane, ça va être
sa mère, que moi aussi, je vais être sa mère, il va y avoir comme deux mères. Il y en a des fois, ils vont dire : Ah! bien, j'ai encore
juste une mère ou... Tu sais, il y a une fluidité là-dedans. Dans le système légal, comme on disait tantôt, là, c'est... Ce n'est pas comme le système
légal, là, québécois, où c'est très ferme. Il y a
une capacité d'adaptation puis une
certaine liberté là-dedans. Donc, dans cette optique-là, effectivement, il n'y a pas nécessairement... la majorité des cas, en fait, la règle générale, il n'y a pas de rupture du lien de
filiation puis il n'y a pas de création non plus, généralement, là, du
lien dans toutes les nations.
Mme Hivon :
Je n'ai plus de temps, hein?
Le Président
(M. Ouellette) : Non. On s'en va à Borduas.
M. Jolin-Barrette : Bonjour, mesdames. Merci d'être ici, en
commission parlementaire. À la lecture de votre mémoire, à la page 7, au haut de la page... vous dites : Les
femmes autochtones victimes de violence conjugale, 80 % de celles-ci «avaient vu leur enfant placé dans des
familles non autochtones». Donc, je comprends qu'il y a un enjeu, là
aussi, au niveau du respect de la tradition puis au niveau du transfert des
valeurs, au niveau de la culture.
Mme Michel
(Viviane) : Oui. Votre question, c'est?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, la question, c'est : Comment
est-ce qu'on peut pallier à ça? Comment est-ce qu'on peut faire pour,
lorsqu'il y un placement, dans le fond, que les enfants puissent se retrouver
dans des familles autochtones?
Mme Michel
(Viviane) : C'est une grande question. Tout à l'heure, je vous ai
parlé que certaines communautés ont la prise en charge des services
sociaux, d'autres ne l'ont pas et, lorsque tu n'as pas la prise en charge des
services sociaux de ta communauté, donc,
c'est vraiment les lois provinciales qui s'appliquent dans une région fédérale,
O.K.?
Et,
si je prends comme exemple ma communauté, qui a sa propre prise en charge des
services sociaux... applique ou bien
donc fait quand même leur propre fonctionnement, ce qui ne l'est pas dans une
communauté qui n'a pas la prise en charge
des services sociaux. Ce qui amène à, justement, des intervenants non
autochtones qui viennent travailler à la masse, comme je vous ai dit tout à l'heure. 38 intervenants dans une
petite communauté, c'est fort. Et, ne connaissant pas les réalités, nos réalités à l'intérieur des
communautés, lorsqu'ils rentrent... la petite étudiante qui vient de finir son
bac ou sa maîtrise, qui rentre dans
une communauté, voit un enfant dans un parc jouer tout seul, il y a matière à
faire un signalement, tandis que,
nous, dans une communauté, c'est ça, la réalité : nos enfants sont quand
même en liberté, mais on a un oeil dessus, sur nos enfants, quand même.
Vous voyez, ça, c'est des différences encore dans ce sens-là.
Et,
pour avoir été dans cette communauté, beaucoup, beaucoup de plaintes envers les
parents, beaucoup, beaucoup de sorties
d'enfants de la communauté... parce que, premièrement, dans la Loi de la
protection de la jeunesse, la loi n° 152 — c'est
ça? — on
ne peut pas répondre aux critères d'admissibilité pour être famille d'accueil.
Parce que vous connaissez quand même...
j'espère que vous connaissez le portrait des Premières Nations : manque de
logements, surpeuplement. Et, même si moi,
j'ai un coeur à vouloir prendre plein d'enfants, dans vos lois à vous, il faut
que l'enfant ait sa propre chambre.
On est en surpeuplement. Nous, si on le regarde, mon peuple vivait de façon
nomade, on dormait dans le même
espace, dans une tente. Il n'y avait aucun problème. Mais, pour vos lois à
vous, si l'enfant n'a pas sa propre chambre,
bon, bien là ça devient matière à problèmes, tandis que, pour nous, on peut
dormir ensemble dans le salon, puis il n'y a rien de malsain, c'est tout
à fait sain.
Ça, c'est des
différences quand même. C'est triste à dire, mais, avec la Loi de la protection
de la jeunesse, il y a quand même des
dangers, dans le sens que plus les enfants vont être ressortis de la
communauté... les enfants perdent le
contact avec leur langue, leur culture, la vie avec la communauté. Et deux ans
pour se rétablir... Si moi, je me suis fait beaucoup de dépressions nerveuses, comment, en deux ans, je vais me
rétablir? Si aussi j'ai un problème de toxicomanie... etc. Puis je ne veux pas rentrer dans les
victimisations, mais c'est le timing. Et, après, le danger, c'est que l'enfant
peut être adopté par la famille
d'accueil qui est non autochtone. Et, avec la loi 113, si la loi
s'applique, je pense que, ça, on évite justement d'aller dans ce sens-là
et on peut, nous, à l'interne, dans les communautés, faire des plans de match
pour éviter ces genres de situation.
Mme Smith
(Cynthia) : Ce qui est dangereux aussi, c'est que, comme
Mme Michel a dit, si l'enfant, il est adopté, là, dans la famille non autochtone, c'est de
manière permanente, alors que, quand nous, on fait nos adoptions
traditionnelles, on reconnaît, en tant que
parents, que : En ce moment, je ne suis pas en mesure de m'occuper de mon
enfant. C'est dans le meilleur
intérêt de mon enfant, là, qu'il aille dans une famille que je sais qu'il va
être mieux, là, en ce moment. Donc, c'est
de prendre cette responsabilité, en tant que parent, pour notre enfant puis
c'est de savoir que, bien, je me donne le temps, moi, là, de guérir
aussi. Puis ça prendra le temps que ça prendra. Il n'y a pas une limite
de : O.K., Cynthia, là, tu as deux ans,
«let's go», là. Tu sais, tu prends le temps de guérir. Puis, si l'enfant aussi...
C'est quelque chose qui se fait en partenariat avec tous les individus
qui sont impliqués.
Comme
Viviane le disait plus tôt, il y a une liberté aussi qui est donnée à l'enfant.
Nous, on reconnaît beaucoup de
liberté dans les droits de nos enfants, dans le droit de nos individus, de nos
citoyens. Ça fait que ça, c'est quelque chose aussi, là, qui est très,
très différent avec l'adoption légale puis nos adoptions à nous, qui sont de
garde d'enfants, là.
M. Jolin-Barrette :
O.K.
Le
Président (M. Ouellette) : Mme Viviane Michel, Mme Cynthia Smith, représentant les
Femmes autochtones du Québec, merci d'être venues déposer devant la
commission.
Je suspends quelques minutes. Et, je vais me
risquer, je vais avoir les gens, à l'avant, de l'Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam, ITUM. Bon, si je ne l'ai
pas dit comme il faut, vous me le direz. Je suspends quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 15 h 50)
Le
Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons la vice-cheffe d'Uashat Mani-Utenam
et nous recevons la coordonnatrice des
services sociaux, Mme Nadine Vollant, et le professeur en droit, à
l'Université d'Ottawa, M. Sébastien Grammond.
Mme Michel, vous avez 10 minutes pour
faire votre présentation. Après, il y aura un échange avec Mme la ministre
et les porte-parole des deux oppositions. J'ai compris qu'au cours de vos
10 minutes chacun en fera une petite partie. Juste nous aider puis nous aiguiller pour que les gens de
l'audio puissent capter les conversations. Ça fait que je vous donne la
parole, Mme Michel.
Innu Takuaikan Uashat
mak Mani-Utenam (ITUM) et Uauitshitun
Mme Michel (Virginie) : «Kuei,
kuei». (S'exprime dans une langue autochtone).
Je vous
souhaitais le bonjour à tous et à toutes. J'exprimais que j'étais fière et
contente d'être présente ici parmi vous,
O.K., puis que j'avais fait beaucoup de route justement pour venir affirmer nos droits, les droits de nos
enfants aussi puis que j'appuyais le projet de loi. Mais, dans un premier temps, je désire aussi remercier la solidarité
autochtone, qui sont venus défendre ou exprimer leurs points de vue, je dirais, concernant le projet
de loi : la FAQ, les Femmes
autochtones; la CSSSPNQL — c'est
très long; ensuite les Cris (s'exprime dans une langue autochtone), les
Attikameks.
Je crois que
c'est quand même une avancée, effectivement, que la nation
du Québec reconnaisse certains droits. Ce n'est qu'un pas parmi des milliers de pas à
faire encore pour la reconnaissance du droit et des besoins de nos
enfants. Donc, je vous remercie de prendre
le temps, justement, de penser à nos droits et à nos enfants. Évidemment,
lorsque je passais en conduite en
venant ici, j'ai pensé à nos parents, à nos enfants, aux enfants qui sont
devenus nos parents. À l'heure
actuelle, nos enfants ont beaucoup de besoins, ont beaucoup de difficultés. Donc,
je fais appel à la nation du Québec
de respecter les droits de nos nations, de
notre nation innue, de nos enfants, parce
que nos enfants, nous aussi, ont le
droit de vivre selon leurs coutumes, qui existent depuis des millénaires avant
la création du Québec et du Canada.
Donc, j'espère que toutes les recommandations qui
vous seront apportées de la part des autochtones soient entendues et respectées, parce
qu'on ne vient pas demander un accommodement raisonnable, on vient tout
simplement affirmer avec humilité et dignité que vous respectiez nos enfants.
Mme Vollant (Nadine) : «Kuei».
(S'exprime dans une langue autochtone). Nadine Vollant, (s'exprime dans une
langue autochtone), services sociaux, depuis plusieurs années.
Ce que je
vous dis, c'est que je vous salue tous. Nous sommes heureux d'être ici
justement pour apporter la parole des
nôtres à l'Assemblée nationale, à Mme la ministre ainsi qu'aux députés. Nous
avons une richesse en termes d'expertise, de l'intervention que l'on fait auprès de nos membres, et c'est ceci
qu'on vient vous partager aussi aujourd'hui de par notre présentation de
notre mémoire. Merci.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Grammond...
M. Grammond (Sébastien) : Oui.
Merci. Alors...
Le Président (M. Ouellette) :
...non, M. Grammond.
M. Grammond (Sébastien) : Comme
vous voulez.
Le Président (M. Ouellette) :
J'ai un petit peu de misère avec ça. Est-ce que c'est maître ou monsieur?
M. Grammond (Sébastien) : Oh!
bien, vous pouvez dire «maître» ou «M. le professeur» aussi...
Le Président (M. Ouellette) :
Non, mais c'est bon, je n'ai pas de trouble. O.K.
M. Grammond (Sébastien) :
...peu importe, parce que je suis ici dans le cadre d'un partenariat de
recherche avec Uauitshitun où on s'est intéressés à la question de l'adoption
coutumière.
Et Uauitshitun et Innu Takuaikan sont
d'accord avec le projet de loi n° 113,
parce que ça reconnaît les effets du droit
innu, du droit des autres nations autochtones et ça va contribuer à mettre de
côté un certain nombre de conséquences nuisibles,
là, de la non-reconnaissance actuelle des phénomènes qu'on appelle l'adoption
ou la garde coutumière, là, par le
Québec, et on en donne des exemples dans le mémoire. L'exemple des cartes
d'assurance maladie. Souvent, dans une situation d'adoption ou de garde coutumière, il
est difficile de faire signer le parent d'origine pour faire renouveler
une carte d'assurance maladie. On pourrait croire que ce n'est qu'une
difficulté d'ordre administratif, mais, comme on le souligne dans le mémoire, il y a des cas où ça a entraîné la
judiciarisation, le signalement d'un enfant en protection de la jeunesse, alors que tous ses besoins étaient
comblés, sauf qu'il y avait cette difficulté administrative là, qui était,
dans le fond, liée au fait qu'actuellement
les autorités québécoises refusent de reconnaître les ordres juridiques
autochtones et les concepts de garde
et d'adoption coutumière. Et l'article 543.1 qui est proposé va contribuer
à remédier à cette situation-là pour les nations autochtones du Québec
où l'adoption coutumière crée un nouveau lien de filiation.
Cependant, nos recherches nous ont appris que ce
n'est pas partout le cas. Et, entre autres, chez les Innus, le phénomène que
l'on appelle, là, adoption ou garde coutumière ne donne pas lieu à la création
d'un nouveau lien de filiation... ou, en tout
cas, si elle le fait, ce n'est pas immédiat, c'est au bout, je dirais, d'une
longue période de temps que les gens
considèrent qu'il y a un nouveau lien de filiation, qu'ils vont appeler la
personne maman, et ainsi de suite. Et en réalité, quand on regarde le
projet de loi n° 113 et on dit : La création d'un nouveau lien de
filiation, c'est un concept très juridique,
dans le fond, et finalement les Innus ne se posent pas vraiment la question en
ces termes-là. Et c'est pour ça que, si l'on s'en tient à cette disposition-là, si on n'y ajoute pas... bien, ça
va causer des difficultés. Il se peut que, pour des groupes comme les
Innus, ça ne contribue pas vraiment à résoudre les difficultés administratives
que j'ai évoquées.
Alors, c'est
pour ça qu'Innu Takuaikan et Uauitshitun
proposent une nouvelle disposition qui aurait l'objectif plus modeste de
reconnaître les effets d'une garde coutumière, si vous voulez, donc la
délégation de l'autorité parentale, parce que c'est de ça dont il s'agit. Et, à ce moment-là, on n'a pas besoin de
se poser la question de la filiation dans un cas comme celui-là, là. Et donc une disposition comme
l'article 601.1 permettrait de répondre de façon simple et flexible à bon
nombre de problèmes administratifs qui découlent de la non-reconnaissance
actuelle des phénomènes d'adoption et de garde coutumière par l'État québécois. Et nous proposons également des
modifications corrélatives à la Loi sur la protection de la jeunesse,
là, entre autres un article 38.4 pour clarifier que des situations comme
celles-là ne constituent pas à elles seules une situation de compromission au
sens de la loi.
Alors, c'est un peu la proposition principale
que nous faisons. Nous croyons que cette disposition-là, elle est essentielle pour des groupes comme les Innus, là,
où l'article 543.1 pourrait, finalement, ne pas avoir beaucoup
d'effets.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. Mme la ministre.
• (16 heures) •
Mme Vallée :
Merci beaucoup, Mme Vollant, Mme Michel, Me Grammond. Merci de votre
présentation, qui fut succincte. Puis je dois dire que votre mémoire est
fascinant et passionnant, parce que vous menez actuellement une recherche qui vise, si j'ai bien compris, à identifier
les pratiques, les us et coutumes de la nation innue en matière
d'adoption ou de garde coutumière.
J'aimerais vous entendre, parce qu'évidemment,
on le mentionnait, Mme Michel, de Femmes autochtones, nous disait tout à l'heure : On a
54 communautés, 54 communautés qui ont chacune leur façon de gérer
les relations entre les enfants,
leurs parents, la famille élargie.
J'aimerais vous entendre davantage sur... Je sais que cette recherche
n'est pas complétée à l'heure où l'on se
parle, mais il y a quand même de grands constats que vous dressez dans votre
mémoire, puis j'en ai pris connaissance, mais, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent et qui sont ici,
j'aimerais que vous en parliez un petit
peu, parce que vous nous indiquez qu'il y a
quand même... oui, il
y a cette garde coutumière, qui est
une forme de délégation de l'autorité parentale, qui existe, qu'il
existe aussi, dans certains cas, des situations où on va recourir au principe
plus traditionnel, civiliste de l'adoption. Donc, il doit y avoir des contextes
aussi qui nous amènent à ça. Et j'aimerais vous entendre aussi sur d'autres
modèles, ce que vos travaux vous auront amenés à constater.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Grammond.
M. Grammond (Sébastien) : Alors, je
pense qu'il faut bien distinguer deux choses, il faut bien distinguer le contenu de l'ordre juridique innu. Et on a essayé
de cerner et de décrire, dans des termes, là... d'abord, en langue française et en des termes qui sont compréhensibles pour les juristes civilistes, là,
quelle est à peu près, là, la façon de fonctionner de cet ordre juridique innu. Ça, c'est une chose. Et il y a
une autre chose qui est : Quels concepts de droit québécois
peut-on utiliser lorsqu'on souhaite donner des effets, en droit québécois,
à ce qui se passe dans l'ordre juridique innu?
Alors, quand
on dit qu'il y a une situation qu'on appelle, là, la garde ou l'adoption
coutumière, là... peu importe le terme
qu'on utilise, c'est ce que nous avons constaté, c'est une... je l'ai décrit
comme une liberté des parents innus, des familles innues de réarranger,
d'une certaine manière, leurs relations familiales d'une façon qui, au départ,
se veut temporaire mais qui, dans un certain
nombre de cas, devient assez permanente au fil du temps. Et donc on ne peut
pas tracer une ligne très précise entre la
garde et l'adoption. C'est-à-dire que la garde, si elle se poursuit pendant un
certain temps, on constate que les
gens considèrent que ça devient... et on a utilisé le mot «adoption»,
mais c'est nous, les chercheurs, qui l'avons
fait, parce que les enfants traitent les parents qu'on appelle
adoptifs comme étant leurs vrais parents, et vice-versa. Donc, c'est une
observation que l'on fait.
Maintenant,
quand on dit : Est-ce qu'il y a différents modèles en droit québécois
pour reconnaître cette réalité-là?, alors,
oui, il y en a. Et
évidemment il faut comprendre que
certains parents innus font le choix de ne pas mobiliser le droit québécois.
Ils vont dire : Nous, on a adopté quelqu'un coutumièrement ou on garde un enfant — peu importe, là, le terme qu'ils
utilisent — et
ils ne chercheront pas à obtenir une quelconque reconnaissance de ça. La
situation fonctionne, il n'y a pas de
problème. Dans certains cas, il y aura des difficultés administratives, et on
peut, dans certains cas, les régler, par exemple, en obtenant la
signature du parent d'origine. Dans d'autres cas, et on l'a mentionné, vous y avez fait
allusion, il y aura des parents adoptifs
innus qui vont choisir de recourir à l'adoption légale pour essentiellement
traduire en droit québécois une situation qui
existe déjà en droit innu. Mais ce n'est pas obligatoire, c'est leur choix. Il
peut y avoir différentes raisons pour faire
ce choix-là. Il y a des cas aussi où
on a utilisé la tutelle. Je crois que c'est des cas qui étaient déjà sous la responsabilité de la DPJ.
C'est une autre possibilité. Ce qu'on dit, c'est qu'il devrait y avoir une
façon plus flexible de mobiliser le
droit québécois pour reconnaître les effets qui vont régler les
principales situations où il
y a un problème, donc essentiellement des questions qui intéressent l'autorité parentale, pas nécessairement les liens de filiation au sens strict.
Alors, c'est un peu la différence entre les
différentes hypothèses, là, qui ont été mentionnées.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Cette étude...
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Michel, en complément.
Mme Michel
(Virginie) : Bien, je vais
continuer juste à m'exprimer. Pour moi, ce n'est pas compliqué, tout ce
qui est inscrit ici, dans le contenu du
rapport, oui, je l'ai reconnu. C'est tout
simplement nos valeurs, nos coutumes qui ont été décortiquées pour que
vous compreniez les choses selon votre vision de votre cadre juridique. Moi,
quand je l'ai lu avec partenaire de
recherche, je me suis dit : Ah! tu as tout décortiqué quelque chose qui
est tout à fait normal pour nous autres.
Je ne me suis jamais mise à réfléchir à tout le décorticage du processus de
filiation, mais c'est un fait, je reconnais ce que vous avez écrit. Évidemment, comme je vous dis, les besoins de nos
enfants ne sont pas seulement la reconnaissance de l'adoption coutumière, c'est : le jour où
nous, on va nous donner le droit de décider sur la manière d'intervenir avec
nos familles et nos enfants, là, il va y
avoir une vraie avancée. J'ai travaillé au sein de la protection de la
jeunesse, j'ai travaillé pour les
enfants. Je me suis retirée lorsque je travaillais au sein de la protection de
la jeunesse. Pourquoi? Parce que je ne pouvais pas oeuvrer comme
j'aurais voulu oeuvrer avec les familles.
Donc, oui à
cette modification-là, mais le gros problème, c'est aussi la Loi de la
protection de la jeunesse. Vous voulez
le bien de nos enfants, on veut le bien de nos enfants. Donc, il y a des
modifications encore deux fois ou quatre fois plus fondamentales qu'à un
moment donné on devra réfléchir, vous en tant que nation québécoise et nous en
tant que nation innue, versus les autres
nations, parce que, la compromission d'un enfant, ce n'est pas juste un enfant.
À l'heure actuelle, avec tout ce qui se passe dans nos communautés, il y
a compromission de tous les enfants autochtones. Je parle avec mon coeur.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Grammond.
M.
Grammond (Sébastien) : Et je rappelle qu'Uauitshitun et ITUM ont
déposé un mémoire dans le cadre de la commission, là, qui étudiait le
projet de loi n° 99.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Je vous remercie. Puis parler avec son coeur en commission parlementaire, c'est
important aussi. C'est important de
porter le message, parce que, les intervenants, les collègues parlementaires,
bien, on est appelés aussi, à d'autres
moments donnés, à se pencher sur d'autres projets de loi. Donc, c'est certain
qu'un témoignage livré ici dans le cadre
de ce projet de loi là, bien, il reste avec nous aussi lorsqu'on est appelés à
intervenir à d'autres niveaux, dans d'autres domaines. Donc, c'est correct
de parler avec son coeur, c'est important. C'est surtout important.
J'avais une
question peut-être un petit peu plus pratico-pratique, parce que votre étude,
évidemment, elle tombe dans un bon
moment. J'imagine qu'elle va servir énormément dans le cadre de l'aménagement
des autorités compétentes. Quelles
sont les démarches? Comment voyez-vous la mise en place de l'autorité
compétente à laquelle on fait référence dans le projet de loi, qui verra
à déterminer les paramètres qui vont servir à guider la reconnaissance d'une
adoption coutumière autochtone? Et je parle
d'adoption coutumière autochtone, mais on a eu une recommandation de référer à
une adoption coutumière des Premières
Nations et Innus. Alors, je ne sais pas ce que vous pensez de cette
recommandation aussi, de modifier le terme, de ne pas faire référence au terme
«autochtone» mais plutôt de faire référence aux termes «Premières Nations» et
«Innus».
Mme Michel
(Virginie) : Je vais juste donner un petit commentaire. La
matérialisation des valeurs ou de votre perception d'autorité compétente, elle devra être prise par consultation
avec les peuples. Évidemment, nous, on ne peut pas décider ici de quel type, de quelle forme...
comment elle va avoir lieu. Il faut que la population prenne des décisions,
parce que ce sont ses enfants.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Vollant.
• (16 h 10) •
Mme
Vollant (Nadine) : Je peux continuer sur le pouce de Mme Michel.
Concernant l'autorité parentale, c'est sûr que, dans le cadre des recherches, des recherches visent
particulièrement, justement, au développement des politiques familiales
et sociales que nous devons développer dans notre communauté dans divers
domaines, incluant celui de la protection de la jeunesse et des politiques
familiales. Mais tout ce projet-là s'inscrit dans un projet de consultation
communautaire. Les recherches, pour nous, nous permettent de pouvoir mettre des
mots, hein? Souvent, les choses ne sont pas écrites, comme disait Mme Michel, et on a besoin d'écrire ça
pour démontrer que nos pratiques existent et qu'elles sont vivantes
encore aujourd'hui.
Il est sûr
que, dans cette optique-là, on est très conscients qu'il va y avoir la
nécessité d'un financement qui va accompagner
les nations pour justement pouvoir inscrire tout le processus au niveau de
l'autorité compétente. Nous avons aussi
une démarche de consultation à faire auprès de nos membres pour valider leurs
orientations quant à la forme que va prendre
cette autorité-là. Puis, comme je le disais aussi tout à l'heure, c'est un
projet qui, pour nous, s'inscrit dans un projet global de gouvernance de
politiques familiales au niveau de notre nation innue.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Grammond.
M.
Grammond (Sébastien) : Et j'ajouterais qu'ITUM et Uauitshitun sont
d'accord avec les recommandations qui ont été faites par l'APNQL et la
CSSSPNQL, dont celles que vous avez mentionnées.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Combien de temps
nous...
Le Président (M. Ouellette) : Trois
minutes.
Mme Vallée :
Trois? D'accord. Comment ça se passe? Actuellement, là, vous nous expliquez
que, bien, la garde coutumière,
l'adoption se fait par entente sans nécessairement avoir d'intervention d'un
tiers entre les parents. Comment vous
faites pour déterminer le statut plus permanent d'une telle entente puis pour
déterminer la distinction, par exemple, entre une entente qui a un caractère plutôt semi-permanent ou permanent
et une simple demande d'aide ponctuelle qui pourrait avoir été présentée
envers une famille pour répondre à un enjeu bien précis?
Est-ce que
vous faites une distinction entre la durée de l'entente de garde pour
déterminer s'il y a un statut plus permanent,
s'il y a lieu d'apporter une modification ou s'il y aurait lieu, par exemple,
d'avoir recours aux dispositions qui sont
prévues au projet de loi? Comment arrivez-vous à déterminer le moment où on est
dans un processus plus formel?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Grammond.
M. Grammond (Sébastien) : Oui. Alors,
c'est, en effet, un enjeu, en ce sens que ce qu'on a constaté, c'est qu'il n'y a pas vraiment... en tout cas, pas au
début, de différence claire entre deux types de situation, c'est-à-dire
que ça s'inscrit plutôt dans un continuum,
et, lorsqu'il y a une entente, bien, à moins que ce soit une entente, là, pour
une fin de semaine, là, ou pour...
ça, évidemment, c'est autre chose, mais il n'y a pas d'échéance, il n'y a pas
d'entente, là, que ça va être pour
six mois ou pour un an. Évidemment, il peut y avoir, dans chaque cas, des
attentes de chaque côté, là, pour savoir : Bon, est-ce qu'on va essayer d'améliorer la situation puis de reprendre
l'enfant? Il peut y avoir différentes... enfin, chaque cas est un cas
particulier, là.
Et ce qu'on a
aussi observé, c'est que les situations vont se cristalliser graduellement, si
bien qu'au moment où l'enfant change
de famille, si vous voulez, ou, à tout le moins, de parents gardiens, bien,
c'est difficile de dire que ce sera un cas
de garde ou que ce sera un cas d'adoption. Autrement dit, on ne peut pas, à
l'avance, prédire comment les choses vont évoluer et est-ce que l'enfant va retourner dans sa famille après
quelques mois, est-ce qu'il va plutôt rester de façon plus permanente,
tenter un retour à l'adolescence comme on le voit souvent. Alors, ça, ce n'est
pas des choses qu'on peut vraiment prédire à
partir du jour un, et c'est pour cette raison-là qu'on croit que
l'article 601.1 va être un outil flexible qui va pouvoir être utilisé, même si on ne sait pas ce que
l'avenir nous réserve, autrement dit, même si on ne sait pas si, dans cinq ans, toutes les parties concernées vont
considérer qu'il y a eu véritablement une adoption, qu'il y a eu création
d'un nouveau lien de filiation. On n'est pas
capables de le dire à l'avance. Alors, c'est pour cette raison-là que
l'article 601.1 nous paraît essentiel.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Me Grammond. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui. Bonjour. Merci beaucoup d'être parmi
nous, Mme la vice-cheffe, Mme Vollant et M. Grammond.
Je vais poursuivre un peu sur la même veine. Ça
peut avoir l'air vraiment technique, puis je comprends que pour vous c'est une réalité qui se vit par la
coutume à tous les jours, mais pour nous c'est de grands apprentissages.
Donc, on apprend à mieux connaître cette réalité-là, puis je pense qu'on veut,
vu qu'on est dans du nouveau droit aussi, le faire le mieux possible.
D'abord, est-ce que vous estimez que les deux
expressions, «adoption coutumière» et «garde coutumière», devraient être dans le projet de loi? Parce qu'on comprend que, pour certaines nations... je pense
aux Inuits, qu'on n'a pas entendus
encore, mais, pour eux, ça a l'air d'être vraiment de l'adoption.
Là, vous, vous nous arrivez plus avec la notion de garde. Est-ce que,
pour vous, un englobe l'autre ou vous souhaitez vraiment les deux termes?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Grammond.
M.
Grammond (Sébastien) : Je ne
me prononcerais pas au nom des Inuits. Je crois comprendre qu'eux font
une différence entre les deux concepts, et
il faut faire attention à transposer, là, la situation des Inuits aux
Premières Nations.
En ce qui a trait aux
Innus, ce que j'essaie de dire peut-être maladroitement, c'est qu'il n'est pas
possible de différencier les deux concepts...
ou, en tout cas, pas à
partir du début, et c'est pour cette raison-là qu'il nous semble qu'il serait souhaitable d'avoir un outil plus flexible
que l'article 543.1, qui exige la création d'un nouveau lien de filiation,
O.K., autrement dit, qui affirme, qui
suppose qu'il existe, au sein des ordres juridiques autochtones, un concept qui
s'appelle l'adoption et qui dit : Nous allons reconnaître les effets de ce
concept-là mais seulement s'il crée un nouveau lien de filiation. Et c'est cette restriction-là qui nous paraît problématique,
parce qu'elle va être difficile à appliquer à des situations où,
finalement, il y a un continuum entre ce qu'on appelle la garde et ce qu'on
appelle l'adoption.
Mme
Hivon :
...de l'inclure dans le code, la reconnaissance de la pratique coutumière,
c'est aussi de simplifier les effets,
là. Vous donniez l'exemple de la carte d'assurance maladie. Donc, pour vous,
ces effets-là, que l'on soit dans une réalité
plus permanente, moins permanente qu'on appellerait davantage adoption ou
garde, qu'il y ait le maintien du lien, qu'il y ait deux liens, qu'il y
en ait juste un, pour vous, ça devrait être les mêmes effets.
M.
Grammond (Sébastien) :
C'est-à-dire pas nécessairement. Nous, on le répète, on est d'accord avec
l'article 543.1, c'est-à-dire que,
lorsqu'on peut conclure qu'il y a création d'un nouveau lien de filiation, on
ne s'oppose absolument pas à la reconnaissance des effets de cette
situation-là par les moyens qui sont mis en oeuvre par le projet de loi.
Cependant, ce
qu'on dit, c'est qu'il y aurait lieu aussi de prévoir, disons, une
reconnaissance d'effets plus limités qui
se limitent donc à l'autorité parentale, mais sans toucher à la filiation
elle-même, et qu'une reconnaissance de ces effets plus limités permettrait de traduire, en droit
québécois, des situations du droit innu qui ne répondent pas nécessairement
aux conditions de l'article 543.1 ou dans des cas où on n'a pas envie de se
poser la question : Y a-t-il un nouveau lien de filiation?, ou que ce serait trop complexe. Et donc, du point de vue des
Innus, une solution pratique qui réussit à solutionner les difficultés d'ordre administratif auxquelles
les Innus font face, là, à tous les jours, bien, on peut tout simplement
se limiter à l'autorité parentale. J'espère que j'ai répondu...
Mme
Hivon :
Ah! non, c'est très clair. Je veux dire, je comprends votre point de vue. Puis
juste pour vous dire qu'il y a des
groupes, je veux dire, dans notre système juridique québécois sans coutume qui
sont venus nous dire qu'on devrait... parce
qu'il y a des situations qui se posent aussi en droit québécois où, par
exemple, l'adoption par le nouveau conjoint de la mère doit avoir lieu
pour qu'il puisse avoir tous les attributs de l'autorité parentale, donc, mais
ça peut couper la filiation avec les grands-parents, et tout ça.
Donc, c'est
une demande aussi plus large qui est faite, de revoir la question de l'autorité
puis de la délégation de l'autorité parentale. Je pense que vous vouliez
ajouter quelque chose.
• (16 h 20) •
Le Président (M. Ouellette) : Vous
aviez un commentaire, Mme la vice-cheffe?
Mme Michel
(Virginie) : Moi, j'ai juste
un commentaire bien concret, là : C'est votre légalité qui
se complique tout, là, alors que
c'est hypersimple, O.K.? Ma soeur garde son petit-fils, petit-fils qui a
été comme donné, entre guillemets, O.K.? Je ne dis pas «donné»... confié, confié par sa
belle-fille, parce que la belle-fille a des difficultés pour l'instant.
La grand-mère accepte : Oui, j'assume.
Mais la DPJ veut intervenir. Non, je suis en mesure de le garder et d'assumer
les soins de mon petit-fils, je n'ai
pas besoin de vous, la DPJ. Mais la DPJ s'est comme imposée. Ma soeur me
dit : Aïe! Virginie, c'est dans nos
droits, ça a toujours marché de même, qu'est-ce que la DPJ vient faire
dans ma vie, alors que j'ai réussi à élever mes autres enfants? C'est
une autre personne qui va venir regarder comment j'élève mes enfants, alors que
j'ai réussi? Donc, c'est toute la relation, à un moment donné, entre le droit de la grand-mère, je dirais, versus son petit-fils,
étant donné que les liens familiaux, là, ils sont... On est tous interconnectés.
J'ai l'impression que c'est ça que les gens ne catchent pas, tout le
lien familial, qui n'est pas juste la cellule familiale papa, maman et enfant.
La cellule familiale, là, elle est carrément grand-père, tante, puis tout.
C'est peut-être ça, je pense, qu'on s'est dit.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Vollant.
Mme
Vollant (Nadine) : Je pourrais rajouter là-dessus : ce qu'on
constate aussi, là, c'est que, nos parents, ce qu'ils mentionnent, c'est que... ils verbalisent souvent,
les parents adoptants, je parle bien, là, ils verbalisent : Tant que
l'enfant va avoir besoin de moi, je vais
être là. C'est comme ça que nos gens nous le verbalisent. Puis, si on regarde
au niveau de l'accord, c'est un
accord commun fait entre le parent, soit le grand-parent ou quelqu'un de la
famille, et même l'enfant participe à
ça. Il y a un très grand respect dans le processus qu'on fait en termes de
garde. On demande même aux enfants leur avis, s'ils sont en accord, et
on leur donne aussi la permission de retourner auprès de leurs parents quand
ceux-ci vont mieux.
C'est sûr
que, comme expliquait M. Grammond, ce qui ressort de notre recherche, c'est
que, malgré le fait qu'on donne cette possibilité-là à l'enfant, il
décide de lui-même de rester, et parfois les choses se cristallisent au niveau
familial, mais il reste que les liens entre la mère, le grand-parent ou la
tante qui en prend soin sont toujours présents.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Grammond.
M.
Grammond (Sébastien) : Je comprends qu'il y a des revendications, là,
des beaux-parents dans des situations comme
celle-là, mais je pense qu'il faut bien distinguer les deux situations qui sont
devant vous. C'est-à-dire qu'ici, pour ce qui de l'adoption coutumière ou de la garde coutumière des Premières
Nations, il y a le contexte politique, je crois, d'une relation de nation à nation qui devrait impliquer la
reconnaissance de l'ordre juridique de l'autre partenaire, là. Ça, c'est une situation que le projet de loi
n° 113 reconnaît, et nous, on dit : Il y aurait un moyen de le faire
un petit peu mieux. Mais c'est un
contexte qui est totalement absent, là, du genre de revendications que vous
mentionnez, qui sont peut-être valables, là. Donc, je pense qu'il faut
les traiter séparément.
Le Président (M.
Ouellette) : C'est terminé, Mme la députée de Joliette. Mme la députée
de Repentigny.
Mme
Lavallée : Merci. J'ai écouté les groupes qui sont venus avant vous et
je vous écoute et je comprends que, dans vos coutumes, on parle,
pratiquement tout le temps, de délégation de l'autorité parentale, on confie
l'enfant à quelqu'un d'autre. La notion
d'adoption avec la perte du lien avec les parents d'origine, est-ce que ça
existe ou ce n'est pas du tout ça? Ce n'est pas présent dans vos
communautés? Ça n'existe pas?
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la vice-cheffe.
Mme
Michel (Virginie) : Bien, en tout cas, je vais parler pour notre
communauté, notre nation innue, non, le lien n'est jamais perdu, jamais, jamais, jamais. Moi, j'ai vu, même quand je
travaillais au sein de la DPJ, O.K., carrément des enfants qui ont été
placés en très bas âge. Lorsque le système avait fini de travailler avec eux
autres, ces enfants-là retournaient... Moi,
je ne peux pas concevoir que vous posiez la question : Si le lien est fini? Non, ce n'est jamais fini.
Mme
Lavallée : C'est pour ça que, quand je regarde... Dans le document,
vous parlez de l'article 543.1, l'article
132.0.1. On parle beaucoup d'adoption. Mais j'ai comme l'impression que ce
terme-là devrait être changé dans la rédaction de ces articles-là, parce
que ça ne correspond pas aux réalités.
Mme Michel
(Virginie) : Ce n'est pas conforme à notre pensée.
Mme
Lavallée : Donc, cette rédaction-là, elle n'est pas bonne.
Mme
Michel (Virginie) : Quand
j'évalue la portée de votre pensée juridique, ou politique, ou sociale
concernant le terme «adoption» et notre conception de ça, non, on ne parle pas
du même mot, je pense. C'est ça, hein?
M. Grammond
(Sébastien) : Bien, je...
Mme
Michel (Virginie) : Tu
parles mieux le français que moi. Ça me demande beaucoup d'efforts de
m'exprimer en français.
M.
Grammond (Sébastien) : Si
vous permettez. Écoutez, ce sont des défis que l'on retrouve à chaque
fois qu'on essaie de transposer des
concepts d'un système juridique à un autre système juridique, que ce soient le
droit civil et la common law, où, des
fois, on s'aperçoit qu'on utilise des termes qui se ressemblent mais qui ne
veulent pas dire la même chose, et c'est encore plus vrai ici.
Je rappelle qu'on
appuie, là, le projet de loi tel qu'il existe, là, mais il faut, en effet, être
conscient que le mot «adoption» est un mot
du français, un mot des traditions juridiques occidentales, de droit civil et
de common law et qu'il n'a pas
d'équivalent exact. Ce que je comprends, c'est que les promoteurs du projet de loi, les membres du groupe de travail ont fait bien attention pour
ne pas tenter de définir le contenu des ordres juridiques autochtones, mais
plutôt de tenter d'aménager une interface,
donc de trouver des concepts du droit québécois qui pourraient servir à recevoir cette réalité
juridique qui vient d'un autre système,
hein? Je ne suis pas contre l'utilisation du terme «adoption» si l'on comprend
que c'est ça, le contexte. Et c'est pour la
même raison que, dans l'article 601.1 que l'on propose, on utilise le terme
«autorité parentale» pour référer à des
concepts de droit québécois qui vont être les effets reconnus d'une situation
que les Innus connaissent bien et qu'ils n'auront pas besoin, là, de
faire entrer dans des cases ou dans des catégories d'un système étranger, là,
pour assurer cette reconnaissance-là.
Alors, c'est un peu
ça, là, le dilemme, si vous voulez, que votre question soulève.
Mme
Lavallée : Mais je pense
qu'il n'y a pas un si gros dilemme que ça, parce que, comme disait ma
collègue tout à l'heure, on a rencontré des gens de la Chambre des
notaires et Me Alain Roy, qui a travaillé sur la réforme du droit de la famille, et eux autres disaient : On met de côté la
notion de tutelle et la notion de délégation d'autorité parentale, tous les enfants
ne doivent pas nécessairement être adoptés avec la rupture du lien. Donc, on en
a parlé. Ce que je comprends, c'est qu'on
n'est pas si loin que ça, parce que nous aussi, on dit que ce n'est pas
toujours valable de couper le lien familial, le lien avec la famille d'origine. Et ces deux groupes-là
ont quand même ramené ça, disaient : Mais il y a d'autres façons de
faire les choses, la tutelle ou la
délégation d'autorité parentale. Puis je pense que là-dessus on n'est pas loin
au niveau des concepts. C'est pour ça que je pense qu'on vient,
lorsqu'on reprend les termes «adoptant», «adopté» dans les articles lorsqu'on s'adresse à vos communautés... on vient
mêler les notions, alors que la délégation de l'autorité parentale puis
la notion de tutelle, c'est simple, là.
Le Président (M.
Ouellette) : Me Grammond.
M. Grammond (Sébastien) :
Il est vrai que les anthropologues, les juristes ont utilisé... j'allais dire
«traditionnellement», là, le terme
d'«adoption coutumière» ou d'«adoption traditionnelle» pour tenter d'analyser
des réalités chez les peuples
autochtones, mais ils se sont peut-être un peu trompés. C'est vrai. Peut-être
que d'autres termes seraient préférables,
mais ce qu'on vous invite à faire, c'est de ne pas tant vous attarder à ce
genre de débat technique, mais plutôt à vous concentrer sur les solutions. Et je pense, en effet, qu'on se
rejoint, en ce sens qu'une solution comme la reconnaissance d'une délégation de l'autorité parentale serait
tout à fait appropriée pour régler la plupart des problèmes concrets
auxquels les Innus font face. Et, après ça,
on pourra envisager la question de l'adoption. Mais, si on n'envisage que la
question de l'adoption, eh bien, là, ça pourrait ne pas vraiment
répondre aux besoins concrets des Innus, là.
• (16 h 30) •
Mme
Lavallée : Donc, lorsque madame disait que c'est simple, chez vous,
dans le fond, la notion de délégation, c'est
simple pour moi aussi. Donc, on se rejoint à ce niveau-là, c'est de garder,
toujours, protéger le lien avec la famille, puis c'est vrai que c'est important dans votre cas, mais c'est important dans
notre cas aussi, puis je pense que là-dessus on s'entend.
Vous avez parlé
beaucoup de la DPJ. Ça semble être un irritant...
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la députée de Repentigny, on n'a plus de
temps.
Merci beaucoup, Mme
la vice-cheffe Virginie Michel, Mme Nadine Vollant, M. Sébastien
Grammond, représentant Uashat Mani-Utenam. Bon, je ne suis pas pire, je vais
finir par pratiquer.
Je suspends quelques
minutes. Je demanderais au Conseil de la nation atikamekw de s'avancer.
(Suspension de la séance à
16 h 31)
(Reprise à 16 h 35)
Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons le
Conseil de la nation atikamekw. Nous
recevons son grand chef et président, M. Constant Awashish, qui va nous
présenter les gens qui l'accompagnent. Vous
avez 10 minutes de présentation. Votre présentation des gens ne comptera
pas dans votre 10 minutes, là, soyez sans crainte. Et par la suite il y
aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Grand chef, à vous
la parole.
Conseil de la nation atikamekw (CNA)
M. Awashish
(Constant) : Merci. (S'exprime dans une langue autochtone).
Mme la ministre Vallée, mesdames messieurs, distingués membres de cette commission,
merci. Merci d'avoir bien voulu nous
recevoir afin de nous permettre d'exprimer nos préoccupations face au projet de loi n° 113, qui concerne les
dispositions de l'adoption. Je me présente
donc devant vous pour faire valoir le point de vue des Atikamekw Nehirowisiwok
sur un projet de loi qui nous interpelle au
plus haut niveau, car il touche qu'est-ce qu'il y a de plus précieux pour
nous, soit l'avenir de nos enfants. Nos
enfants représentent notre futur, représentent la pérennité de notre société.
Nous avons le devoir de préserver nos traditions, nos coutumes. Il en va
de la dignité de notre nation; plus important encore, de la dignité de nos
enfants.
Ainsi, des situations
très particulières font qu'il est parfois nécessaire de confier un enfant à une
personne de confiance qui aura à voir à son épanouissement et son éducation, à
répondre également à ses besoins et le soutenir afin qu'il devienne un citoyen digne et fier de contribuer et de faire partie
d'Atikamekw Nehirowisiw, la nation atikamekw. Très souvent, ce seront de proches parents, et à l'occasion
cela se fera en dehors du cercle familial. Cependant, les liens entre l'enfant et ses parents ne sont jamais
coupés, de sorte qu'on ne peut parler d'adoption
telle que vous la comprenez. Le mot que
nous utilisons pour référer à ce que vous appelez adoption coutumière vous sera
expliqué dans quelque peu. Il est important pour nous que vous y prêtiez
attention afin que vous puissiez considérer cette question de façon la plus
primordiale.
Permettez-moi
de vous rappeler que votre Conseil des ministres a déjà statué sur certains
éléments qui touchent notre identité, dont l'adoption coutumière, qui en
fait partie intégrante. Plus précisément, cette décision porte le numéro 80-151, a été adoptée le
24 septembre 1980 — dont un extrait se lit comme suit : « Le gouvernement
reconnaît que les Indiens attikameks et
montagnais ont en principe le droit de disposer d'eux-mêmes pour tout ce qui
touche directement leur identité culturelle. Le gouvernement reconnaît
notamment le droit aux Attikameks et aux Montagnais d'avoir vis-à-vis les institutions d'éducation et
l'organisation de l'éducation des jeunes, ainsi que vis-à-vis les services
sociaux, leur philosophie spécifique.»
Cette
décision a été renforcée par l'adoption des 15 principes à l'Assemblée
nationale du Québec le 9 février 1983. Le premier principe est fort
éloquent et très pertinent aujourd'hui et se lit comme suit : «Le Québec
reconnaît que les peuples aborigènes du Québec sont des nations distinctes qui
ont droit à leur culture, à leur langue, à leurs coutumes et traditions ainsi
que le droit d'orienter elles-mêmes le développement de [leur propre
identité].»
Je me présente donc
devant vous, devant cette commission, en tant que grand chef représentant de la
nation atikamekw qui a à coeur la défense
des droits et intérêts de son peuple mais surtout de ses enfants. Nous vous
déposons ce mémoire et nous le faisons en toute bonne foi dans un contexte de
nation à nation pour votre juste considération.
En
terminant, j'aimerais ajouter que notre «opikihawasowin» fait toujours
partie de notre réalité, qu'il demeure bien vivant encore de nos jours.
C'est une tradition orale qui fut transmise de génération à génération. Les
personnes qui m'accompagnent auront l'occasion de vous en parler davantage.
Laissez-moi vous présenter ces
personnes en commençant par la gauche : ici, il y a
Anne Fournier, qui est avocate aux
services sociaux du Conseil de la nation atikamekw; immédiatement à ma gauche, Alice Cleary, qui est directrice de la protection
sociale au Conseil de la nation atikamekw — moi-même; David Boivin, mon
conseiller politique; ainsi que Paul-Émile Ottawa, conseiller stratégique.
Je vais maintenant
donner la parole à Alice Cleary, qu'elle puisse venir vous parler du concept de
l'adoption coutumière chez les Attikameks.
• (16 h 40) •
Le Président
(M. Ouellette) : Mme Cleary.
Mme Cleary (Alice) : «Kwei». Bonjour. Nous, dans la langue attikamek, il n'y a pas
vraiment de définition au niveau de l'adoption coutumière, adoption
traditionnelle. Certains dans nos communautés vont dire (s'exprime dans une
langue autochtone), ça veut dire «le garder»; (s'exprime dans une langue
autochtone), ça veut dire «il l'a élevé».
Pour
nous, les Attikameks, «opikihawasowin» signifie «prendre soin de l'enfant,
s'occuper de son bien-être, lui donner
tout ce dont il a besoin, enseigner sa culture, sa tradition, être responsable
de l'accompagner jusqu'à sa maturité et surtout l'aimer et le chérir». Habituellement, c'est les parents qui
choisissent des personnes à qui ils vont confier leurs enfants soit dans
la famille élargie... habituellement, bien plus souvent, c'est les
grands-parents, la tante, l'oncle, aux membres
de la famille élargie ou proches d'un membre de la communauté. Cette démarche
est faite lorsque les parents ne sont pas en mesure de garder leurs
enfants, que ce soit par la maladie, que ce soit par décès de la mère, ou
différents problèmes que les parents vivent, ou la famille est nombreuse.
Les parents
biologiques et les parents choisis, adoptants s'entendent soit pour le
renouvellement d'assurance maladie,
l'inscription à l'école. Ils se consultent aussi aux soins de l'enfant
lorsqu'il a besoin de soins de santé, mais c'est toujours les parents adoptants qui assument l'entière responsabilité
parentale. Parfois, les parents biologiques peuvent aussi contribuer au niveau des dépenses soit
sportives... activités sportives de l'enfant. Il permet à l'enfant de garder
contact avec ses parents biologiques. Donc,
il connaît ses parents, il grandit avec sa famille, il n'y a pas de rupture.
Rendu à l'adolescence, parfois
l'adolescent peut décider de lui-même de retourner auprès de ses parents
biologiques, surtout lorsque les parents sont aussi en mesure de le reprendre, ou encore, s'il le désire, il va
demeurer aussi longtemps avec ses parents adoptifs, même s'il a eu ses 18 ans. Les difficultés que
rencontrent les parents adoptants, c'est : lorsque l'enfant est
hospitalisé, pour recevoir les soins
de santé médicaux, les parents biologiques doivent signer une autorisation;
soit aussi à une demande de passeport les parents adoptants doivent
avoir la signature du parent biologique. Lorsque le parent adoptant déménage de
la communauté et que l'enfant doit être
inscrit dans une école, le parent adoptant doit avoir la signature des parents
biologiques.
«Opikihawasowin»
se fait de façon naturelle. Il n'y a pas de limite de temps où est-ce qu'on va
décider le temps que la garde de
l'enfant est confiée aux parents adoptants. C'est une pratique de tradition
orale, il n'y a pas d'écrit. Aujourd'hui, en 2016, «opikihawasowin» est vivante encore dans nos communautés. C'est
une pratique courante, elle se fait au sein du cercle familial de
l'enfant. «Mikwetc».
Le Président
(M. Ouellette) : Mme Fournier.
Mme Fournier
(Anne) : Oui. Alors, je vais poursuivre brièvement, mais je vais
poursuivre. La réalité à laquelle le mot
«opikihawasowin» fait référence, ça n'a rien à voir avec l'adoption suivant le
droit étatique. Il est vrai que, pour les juristes, l'adoption, ça a nécessairement un effet sur la filiation de
l'enfant, alors que, pour les Attikameks, l'adoption coutumière n'a pas
d'effet sur la filiation au sens où l'entend le droit québécois.
Compte tenu du
libellé actuel de l'article 543.1, pour que les Attikameks puissent
bénéficier du processus de reconnaissance
d'effets juridiques, ce qu'on appelle l'adoption coutumière, ils doivent être
en mesure d'affirmer qu'en vertu de
la coutume l'adoption attikamek crée un lien de filiation, et ça, ça pose des difficultés au moins à deux niveaux. D'abord,
comme je viens de le dire, c'est que
l'adoption attikamek ne crée généralement pas de lien de filiation au sens où
l'entend notre droit. Concrètement, il n'y a
pas d'effet sur le certificat de naissance et il n'y a pas d'effet sur le
nom de l'enfant. Et, deuxièmement, le
mot «filiation», c'est complètement étranger aux Attikameks, il n'y a
aucun équivalent dans la langue attikamek, mais je peux vous dire que
c'est tout un défi que d'expliquer cette notion.
Pour
l'adoption... Pardon. Pour les Attikameks, l'adoption coutumière a pour effet
de remettre entre les mains des parents
substituts tous les attributs de l'autorité parentale, ce que le droit québécois
ne permet pas. En effet, l'article 601 du Code civil
permet que soient déléguées la garde, la surveillance ou l'éducation de
l'enfant. Pour cette raison, on propose de permettre une exception à la règle posée par l'article 601 du Code civil
afin de permettre que tous les attributs de l'autorité parentale puissent être délégués aux parents substituts,
pour employer ces termes-là, lorsque le prévoit la coutume. En somme, si on veut trouver un équivalent sur le
plan du droit québécois, ça ressemble beaucoup à la tutelle. Alors,
le nouvel article 601.1
permettrait l'émission d'un certificat qui traduirait le transfert des
attributs de l'autorité parentale. Pour ceux qui sont inquiets de la gestion de tout ça, le Conseil de la nation
atikamekw est d'avis que gérer ces certificats-là, ce ne serait pas plus complexe que pour les tiers, aujourd'hui, de gérer l'infinité d'aménagements possibles de la garde conférée par
tout autant de jugements sur la garde des enfants.
Un
mot rapidement sur l'intérêt de l'enfant. À l'article 543.1, on
prévoit que l'autorité compétente doit s'assurer que l'adoption est suivant une appréciation objective conforme à l'intérêt
de l'enfant. Ça nous semble superflu d'ajouter ces mots-là. Ce qu'il est convenu d'appeler en
français l'adoption coutumière se passe toujours, d'ores et déjà, dans l'intérêt de l'enfant,
et on ne voit pas pourquoi, alors que ce n'est prévu à aucune autre loi,
dans aucun autre texte, il faudrait, parce qu'on parle d'adoption
coutumière, préciser que, là, dans ce cas-là, on fait une appréciation
objective.
Le Président (M. Ouellette) : Merci
beaucoup, Me Fournier. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci beaucoup, «mikwetc», pour votre présentation, fort appréciée. Et, encore
une fois, vous démontrez à quel point, d'une
communauté à l'autre, les pratiques, les coutumes sont différentes et qu'il est
important pour nous, avec notre perception
civiliste du droit de l'adoption, des relations entre les parents et les
enfants... on doit s'ouvrir puis apprendre à adapter aussi notre façon,
nos habitudes. C'est changer un peu nos habitudes à tous que d'embrasser cette
réalité qui est la vôtre.
J'aime
particulièrement le commentaire que vous indiquez concernant la
notion de l'appréciation objective. Dans le fond, ce que je comprends de
votre message, c'est que l'intérêt de l'enfant, peu importe le type d'adoption,
c'est ce qui doit primer. Alors, si je comprends votre message, l'appréciation objective n'est pas un critère dans les
autres dispositions du Code civil du Québec lorsqu'il est question d'apprécier l'intérêt de l'enfant, alors
il ne devrait pas en être ainsi pour les dispositions touchant
l'adoption coutumière. C'est bien ça?
Une voix :
...
Mme Vallée :
D'accord.
Le Président
(M. Ouellette) : Me Fournier.
Mme Fournier
(Anne) : Oui, oui, tout à fait, vous avez très bien compris.
Mme Vallée : Vous avez mentionné dans votre
présentation : L'adoption attikamek ne crée pas de lien de
filiation en principe ou en général. Est-ce qu'il existe au sein de la nation
atikamekw, comme on le mentionnait tout à l'heure au sein de la nation innue, un recours à l'adoption qui est plus
traditionnelle, qui est celle que l'on connaît, qui est reconnue à l'intérieur du Code civil? Est-ce
qu'il y a recours à ce type
d'adoption, qui va reconnaître un nouveau type de filiation?
• (16 h 50) •
Le Président
(M. Ouellette) : Grand chef.
M. Awashish (Constant) : Il faut comprendre à la base que, chez les
Attikameks, une coutume, ça ne change pas. Elle peut être modifiée de force. Mais, au sein même de la nation
atikamekw, notre coutume, il n'y a pas de changement de filiation. C'est ça qu'il faut comprendre à la
base. C'est ça, notre coutume. On ne peut pas la travestir. On ne peut
pas donner une autre nature au concept de
coutume. Dans notre coutume, il n'y a pas de changement de filiation. Peut-être
qu'il est arrivé des cas, mais ce n'était pas dû à notre coutume. C'étaient des
forces qui étaient extérieures à notre coutume. C'est simple comme ça.
Mme Vallée :
D'accord. Donc, lorsque vous avez utilisé le terme «en principe», donc, vous
faisiez peut-être référence à d'autres types d'adoption, mais, à l'intérieur de
vos coutumes, il n'existe pas...
M. Awashish
(Constant) : À l'intérieur de notre coutume, il n'existe pas.
Mme Vallée :
Donc, pour vous, ce qui serait le plus représentatif de ce qui se vit chez vous
serait d'ajouter la disposition 601.1,
qui nous a également été présentée par d'autres groupes, qui vise à reconnaître
une forme de délégation d'autorité parentale. Alors, ça, c'est ce qui
correspond davantage à votre réalité?
Le Président
(M. Ouellette) : Grand chef.
M. Awashish
(Constant) : ...nous permettrait de pouvoir exprimer notre réalité.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
D'accord. Pour ce qui est de la mise en place de l'autorité compétente, est-ce
que, pour vous, ça cause un enjeu? Comment voyez-vous la mise en place
de l'autorité compétente? Est-ce que vous avez déjà une organisation en place
ou est-ce que ça va demander un certain délai, un certain processus de
consultation à l'intérieur de la nation atikamekw?
Le Président
(M. Ouellette) : Grand chef.
M. Awashish
(Constant) : Il est évident qu'il va y avoir un certain délai pour
pouvoir, justement, former les gens qu'on a
ciblés. On a déjà des registraires, au sein des communautés, qui pourraient
effectuer ce genre de travail là. Également, il y aurait d'autres
acteurs, mais c'est encore au niveau de l'organisation. Moi, je donne à peu
près... de six à un an pour pouvoir mettre
ça en place au sein de la nation atikamekw. Mais il faudra, de votre côté,
aviser vos acteurs qu'il y a un mécanisme chez les Attikameks qu'il
faudra être reconnu au sein de vos institutions. C'est tout.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Et, suivant la proposition que vous faites d'introduire la proposition
d'article 601.1, est-ce que cette reconnaissance-là de la
délégation d'autorité parentale serait elle-même attestée par l'autorité
compétente?
M. Awashish
(Constant) : Les attributs nécessaires pour pouvoir exercer
pleinement, là, le rôle de parent adoptant
sans nécessairement effacer le lien de filiation antérieure pour le transférer
aux parents adoptants, c'est ce qui nous permettrait, justement, de
répondre à cette problématique, c'est à travers l'article 601.1.
Le Président (M. Ouellette) :
Me Fournier, vous avez un complément?
Mme Fournier (Anne) : Oui. Si
je peux me permettre d'ajouter. L'article 601.1 est utile... Non, je vais recommencer, je vais répondre à votre question.
Oui, c'est l'autorité compétente qui serait chargée d'émettre ces
certificats-là. Et ça serait utile vis-à-vis
les tiers, vis-à-vis les autorités administratives, vis-à-vis les écoles, les
établissements de santé. Alors, c'est pour ça qu'il faut un document
officiel.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : Et, à
l'intérieur de votre coutume — et j'ai posé la même question tout à
l'heure — à
quel moment est-ce qu'on reconnaît qu'il
s'agit bien d'une forme de délégation d'autorité parentale et non simplement
d'une garde temporaire qui va se terminer en
raison de la fin d'un événement, une période où le parent, pour une raison ou
une autre, doit s'absenter, doit être à
l'extérieur, est dans un processus de guérison et il préfère que, pour une
période temporaire, on s'occupe de l'enfant?
À quel
moment, au sein de votre communauté, on est appelé à statuer qu'il y a
effectivement lieu d'aller de l'avant avec
une forme de délégation d'autorité parentale et que cette démarche-là, cette
étape-là doit être officialisée? Comment faire la distinction entre une
garde temporaire et un processus qui est plus officiel?
Le Président (M. Ouellette) :
Grand chef.
M. Awashish
(Constant) : Ça, au niveau de la nation atikamekw, ça peut paraît difficile à comprendre, mais
c'est très flexible, hein, c'est du cas par cas, c'est un accord consensuel entre
le parent qui veut adopter et le parent qui veut, justement, confier la garde ou... La garde, ce
n'est pas le concept exact, mais c'est ce qui s'apparente le plus à qu'est-ce
que vous connaissez d'après les systèmes
actuels, le système de droit québécois. Mais, chez les Attikameks, ça se
fait du cas par cas. Ça dépend de
l'individu, ça dépend du parent, qu'est-ce qu'il ressent. Il n'y a pas vraiment
de temps à donner là-dessus, là, mais
ça se ferait d'un commun accord devant une autorité. Pour pouvoir répondre à
cette problématique-là, ça se ferait
devant une autorité, une personne qui sera désignée, au sein de la nation, qui
fera ce rôle-là de s'assurer que les deux parties connaissent leurs...
bien, connaissent chacun leurs devoirs et à quelle extension se fera
l'adoption.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Cleary, en complément.
Mme Cleary (Alice) : Moi, ce
que je pourrais rajouter, dans certaines familles avec lesquelles on a discuté dernièrement, certaines familles nous disaient que
l'enfant... au début, là, avant que l'enfant soit confié à une personne,
il y a beaucoup de discussions qui se font.
La décision ne se prend pas du jour au lendemain. Les parents plus les grands-parents
parlent de l'avenir aussi de l'enfant. Puis
il n'y a pas vraiment de limite de temps où est-ce qu'on dit : Bon, on va
garder l'enfant jusqu'à l'âge de. Puis il y
a aussi qu'est-ce qu'eux font, et ils parlent avec l'enfant régulièrement.
L'enfant sait qu'il habite chez les
grands-parents, mais sa maman, c'est une telle ou une telle. Puis, à mesure que
l'enfant grandit, il peut aussi
s'exprimer. Étant donné qu'il garde contact avec ses parents, il peut exprimer
aussi un retour. Mais le grand-parent qui a pris la responsabilité de
son petit-fils ou de sa petite-fille peut décider aussi dans quel moment qu'il
peut retourner.
On disait le
tantôt, parfois les parents, ils ont des difficultés. Quand les difficultés
demeurent, c'est le grand-parent qui
va dire : Elle n'est pas prête pour retourner. C'est surtout vers
l'adolescence qu'on voit beaucoup des retours dans le milieu. Quand ils sont rendus un peu plus vieux,
ils sont capables de parler, ils sont capables de décider par eux-mêmes.
Le retour se fait, mais sauf que, bien souvent, ce qu'on voit aussi, ils vont
revenir vers les grands-parents puis ils vont demeurer là aussi longtemps
que... même rendus plus vieux, là. C'est comme ça que je pourrais l'expliquer.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Comment on procède lorsqu'il y a un conflit ou un désaccord entre le parent
qui... en fait, le gardien ou la
famille qui a pris charge de l'enfant et les parents biologiques? Parce qu'il
peut survenir, parfois, des désaccords quant à la durée, quant aux
termes à mettre à l'entente, parce que vous disiez que ce n'est pas définitif, il
y a beaucoup de flexibilité, il y a beaucoup d'aménagements qui peuvent se
faire.
Alors, dans la tradition attikamek, comment on
résout ce type de différend là entre les parents? Est-ce qu'à ce moment-là l'autorité compétente deviendrait le
forum approprié? Est-ce qu'il y a des
tiers qui vont... La famille élargie va se pencher sur la situation?
Quel est le processus habituel ou traditionnel qui est mis en place?
Le Président (M. Ouellette) :
Grand chef.
M. Awashish
(Constant) : Il y aurait quelques options qui pourraient être mises en
place pour ce genre de situation là, mais il
faut comprendre à la base que
l'enfant a été confié par le parent qui était soit temporairement
incapable de s'en occuper, mais c'était...
Comment je pourrais dire ça? Les parents qui adoptent, tu sais, ils n'ont pas le sentiment de possession d'un enfant, ils sont là pour
l'élever, l'aider à s'épanouir, à grandir. Si, un jour ou l'autre, le parent
qui a confié son enfant aimerait le ravoir, bien, ça se fait par
dialogue, ça se fait par communication. C'est ça, la culture attikamek, c'est de dialoguer, c'est de trouver un
terrain d'entente, c'est d'échanger au sein de la famille élargie s'il
le faut, mais c'est toujours par le dialogue.
C'est
comme ça qu'on a toujours réglé nos problèmes, c'est dans le consensus.
Aujourd'hui, c'est des concepts qui sont
durs à comprendre ou à concevoir en
2016, mais chez nous, chez les Attikameks, ça existe toujours,
cette approche-là pour la résolution de conflits.
• (17 heures) •
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, grand chef. M. Boivin,
M.
Boivin (David) : C'est,
quand on parle de conflits, pour l'éviter. Pour régler les conflits, là, à l'intérieur d'une famille ou bien donc des deux familles en question, nous, la nation
atikamekw, nous avons mis en place, là, des politiques sociales, qu'on appelle. Dans ces politiques
sociales là, il existe des mécanismes pour éviter qu'il y ait des conflits, là. On appelle
ça le conseil de famille ou encore, là, le conseil des sages si on s'en va plus
loin. Maintenant, qu'est-ce
qu'on fait, là, tu sais, quand on
parle, là, de... Parce que les parents peuvent choisir qui qu'ils veulent être
au sein du conseil de famille, que je pourrais appeler. Parfois, c'est
des amis qui arrivent. Donc, à ce moment-là, c'est là que ça se règle. Souvent,
là, c'est au sein d'une même famille.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. Boivin. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je suis très
heureuse de vous entendre, membres de la nation atikamekw, et de retrouver M. Ottawa, qui vient de ma région, donc, de la communauté
qui est dans la circonscription voisine de la mienne. Et j'ai déjà fait
jadis, quand j'étais attachée politique — vous allez penser que j'ai eu
tellement de — un voyage en terre attikamek où Me Fournier était
présente, donc, à Obedjiwan. Alors, ça avait été une très belle
expérience. Merci beaucoup.
Avant
de poursuivre, je veux juste... je
pense qu'on ne les a pas salués cet après-midi,
donc, je voulais saluer la présence
des juristes de l'État. Je ne suis pas certaine que c'est les mêmes que
ce matin. Je crois que non. Donc, merci d'être présents à nos
travaux.
Dans un premier temps,
je comprends que l'essentiel de la modification que vous demandez, c'est vraiment
l'introduction de ce nouvel article
601.1. Donc, pour le reste, le vocabulaire, même si vous dites qu'il n'y a pas d'équivalent parfait, puis
là je pense qu'on commence à le comprendre, la
notion d'adoption, ça vous va, mais vous voulez qu'on introduise la notion aussi de garde, mais vous
êtes à l'aise de faire cohabiter les deux pour, je dirais, répondre peut-être à différentes réalités entre les différentes nations. Je comprends la vôtre. On a entendu auparavant les Innus. On a entendu les Cris aussi cette semaine. On va entendre les
Inuits. Je comprends qu'il y
a quand même des différences
dans les coutumes.
Donc, en termes de vocabulaire,
pour le reste du projet de loi, ça vous va?
M. Awashish (Constant) : On peut dire, en général. Tu sais, il y a
le concept de garde. Ça, vous connaissez votre concept. Mais il y a
aussi le concept d'adoption, où est-ce qu'il y a totalement un transfert de
filiation. Nous, on se retrouve à quelque
part entre les deux. C'est pour ça qu'avec l'introduction de l'article 601.1 ça
viendrait remédier à cette situation-là,
où est-ce qu'il y aurait transfert des attributs parentaux sans nécessairement
éteindre la filiation du parent qui confie
son enfant. C'est ça qu'on veut rechercher. C'est sûr, il n'y a rien de parfait
dans la vie, mais au moins ça va se rapprocher le plus de qu'est-ce qui
ressemble à notre coutume. C'est simplement ça qu'on demande.
Mme
Hivon : C'est que, vous, il n'y a pas de... je comprends
même que la notion de filiation est quelque chose d'étranger à votre
réalité, mais il n'y a pas de création d'un nouveau lien.
M. Awashish
(Constant) : Non, il n'y a pas de création de nouveau lien.
Mme
Hivon : Donc, l'article ne fonctionne pas. Parce que
j'essaie de comprendre comment l'autorité compétente... Je comprends que vous la voyez intervenir aussi
avec cette notion-là du 601.1. En même temps, vous nous dites que ça fonctionne bien, on n'a pas besoin de judiciariser
tout ça, dans le sens que la coutume fait bien les choses... la famille
élargie, bon, tout ça.
L'autorité
compétente, là, outre de prendre acte de la situation d'un enfant qui est
confié ou qui est gardé ou élevé par
un autre membre de sa famille élargie ou une autre famille, est-ce qu'elle
pourrait intervenir pour dire : Bien là, on n'est pas dans une des situations qui est prévue, la
garde n'est pas assez permanente, ou est-ce que, de votre point de vue,
dans à peu près tous les cas, vous allez
accepter cet état de fait ou est-ce que l'autorité compétente, dans votre
esprit, elle va porter un certain
jugement pour voir si les
caractéristiques... Là, je comprends qu'on parle de la coutume, qui est
respectée, mais, sur la question de la permanence des choses, est-ce
qu'il y a une évaluation qui est faite de ça?
M. Awashish (Constant) : Je pense que
la façon de voir la chose est un peu
teintée par un concept qui s'apparente beaucoup à ce que les services sociaux appellent
l'abandon. Et je pense que tout ça vient rendre les choses un peu
confuses pour la majorité des gens. C'est sûr que l'autorité compétente aura un
certain devoir de s'assurer que les deux parties comprennent bien c'est quoi, chaque attribut qui sera transféré. Nous,
c'est juste qu'on veut s'assurer qu'il
n'y a pas de création de filiation. L'autorité compétente, c'est comme j'ai parlé tantôt, il y aura une
formation à lui faire. Mais, comme je dis, c'est un consensus entre le
parent qui confie son enfant et le parent qui va s'en occuper.
Il y a plusieurs exemples
au sein de la nation où des situations... Tout le monde connaît quelqu'un dans
la nation où est-ce qu'il y a eu... Tu sais,
encore aujourd'hui, ça existe. Chacun connaît quelqu'un qui a été élevé par
non ses parents mais qu'il n'y a jamais eu
de transfert de filiation ou il n'y a pas eu de DPJ qui a intervenu dans la
situation. C'est ça qu'il faut comprendre dans ce... Tu sais, c'est des
concepts. C'est comme le dualisme entre l'eurocentrisme et, nous, comment qu'on voit la perception de l'enfant. Il
n'y a aucun, tu sais... L'enfant est toujours lié à ses parents. Il est né
lié à ses parents. Il n'y a pas de concept...
On ne possède pas l'enfant. C'est comme si on accommodait un sentiment de
vouloir posséder un enfant dans le système
québécois. C'est ça, le transfert de filiation. Mais en réalité, nous autres,
ce n'est pas comme ça qu'on voit ça.
L'enfant appartient toujours à la personne qui a donné la vie. C'est tous des
concepts qu'il faut... Nous, on naît
avec ça. Ce n'est pas dur à comprendre pour nous, mais c'est dur à l'expliquer,
par exemple, quand on...
Mme
Hivon :
Comme vous, d'essayer de comprendre notre notion de filiation ou d'adoption qui
rompt les liens, vous devez trouver
ça très étrange, donc vous essayez de... Puis je pense qu'on est dans ce
dialogue-là. En fait, la raison pour
laquelle je vous posais la question, c'était juste de comprendre si l'autorité compétente
porte, en quelque sorte, un jugement ou si, en fait, elle ne fait que
constater ce que les parties lui disent, dans le fond.
M.
Awashish (Constant) : Elle
viendra seulement constater qu'est-ce que les parties vont venir lui dire mais
en s'assurant que les parties ont bien
compris la portée de chaque attribut. L'autorité compétente, elle viendra, en
quelque sorte, donner une force, un
certificat qui sera reconnu par vos institutions pour ne pas qu'il y ait de
problèmes lorsqu'il sera le temps d'avoir
des soins de santé ou de se procurer un passeport, la carte d'assurance
maladie, ou peu importe. C'est juste ça qu'on veut régler mais tout en
respectant notre coutume. C'est simplement ça que l'article 601.1 vient régler.
Mme
Hivon :
En général, dans la coutume, là, quand on dit : « Précise les attributs de
l'autorité parentale qui ont fait l'objet de la délégation», est-ce que
ça peut fluctuer beaucoup d'une situation à l'autre, ce que sont ces attributs?
M.
Awashish (Constant) : En
réalité, c'est vraiment les attributs totaux. Une personne qui va s'occuper
d'un enfant parce qu'elle va l'avoir adopté
de façon coutumière, elle va recevoir tous les attributs du parent, sauf la
filiation. C'est ce qui va être...
Mme
Hivon : C'est ça.
M. Awashish (Constant) : C'est la
façon qu'on...
Mme
Hivon :
C'est pour ça que je me demande en lisant ça... puis, en fait, c'est aussi
prévu ailleurs, mais je me demande
si, cette notion-là, de préciser les attributs de l'autorité parentale qui font
l'objet de la délégation, c'est même pertinent de mettre ça ou si ça ne
va pas de soi qu'il les reçoit tous. Je ne sais pas si vous me suivez.
M. Awashish (Constant) : Oui, oui,
je vous suis.
Mme
Hivon : Oui?
M.
Awashish (Constant) :
Idéalement, je pense que ça serait la meilleure façon, pour nous, de régler le
problème.
Mme
Hivon : De ne pas
le mettre du tout.
M.
Awashish (Constant) : Mais
on veut juste rassurer dans un langage de droit québécois que nous, on
prend en compte qu'il y a certains attributs dans le droit québécois. Mais
idéalement, pour nous, ça serait le transfert total des attributs, sauf la création de filiation. Si l'autorité compétente
serait en mesure de seulement attester et que les institutions québécoises puissent reconnaître son attestation
pour permettre aux parents adoptants de pouvoir exercer leur travail de parent, leur devoir de parent, ça va être parfait
pour nous, ça va remplir nos besoins, et on va pouvoir exercer notre
coutume.
• (17 h 10) •
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
Merci, grand chef. Mme la députée de Repentigny.
Mme
Lavallée : Merci. Tout à l'heure, vous avez entendu probablement
l'intervention que j'ai faite avec le groupe avant vous. Et je vous entends et j'ai l'impression que, comme
législateurs, on est en train de compliquer quelque chose qui est très simple pour vous autres puis en adoptant
toute la notion d'adoption on mêle des concepts qui ne correspondent pas
à votre réalité.
Tout à
l'heure, ce que j'ai mentionné, c'est que la Chambre des notaires et Alain Roy,
qui travaille sur la réforme du droit
de la famille, ils ont fait part du fait que tous les enfants au Québec n'ont
pas nécessairement à être adoptés et à avoir des liens coupés avec leurs familles d'origine. Donc, c'est présent
aussi dans notre tête. Et il y a des façons de faire les choses, donc, d'y aller avec la tutelle dative ou
d'y aller avec la délégation d'autorité parentale. Donc, on se rejoint,
je pense. Puis, lorsque je lis l'article
543.1, on parle d'adoption, mais j'ai comme l'impression qu'on vient compliquer
quelque chose qui devrait être pour vous
autres plus simple que ça, c'est-à-dire de parler uniquement de délégation
d'autorité parentale, parce que vous
ne voulez jamais couper ce lien-là avec la famille, c'est dans vos coutumes,
c'est dans vos moeurs. Puis c'est ce
qu'on souhaite aussi de notre côté, les enfants n'ont pas à avoir toujours le
lien coupé avec leurs familles d'origine. Donc, là-dessus, on se rejoint, là. On a rencontré
d'autres groupes avant vous, mais j'ai comme l'impression que c'est
toujours la même chose, qu'on parle toujours de confier l'enfant, de garde
d'enfants mais jamais de renoncer à nos droits comme parents, là.
Le Président (M. Ouellette) : Grand
chef.
M.
Awashish (Constant) : ...renoncer
au fait que c'est vous qui avez donné naissance à l'enfant. L'enfant va
toujours connaître c'est qui, la personne qui lui a donné naissance. Nous,
c'est un concept qui est très important pour nous,
ça fait partie de nos moeurs. Comme j'ai dit, pour nous, il n'y a pas une
reconnaissance de possession de l'enfant par l'adoptant, la personne qui adopte ne possède pas nécessairement
l'enfant, là. L'enfant, tu sais, elle est là, la différence, je pense. Pour nous, c'est simple, comme vous dites,
c'est clair, on se rejoint, en quelque sorte, à quelque part. Mais je
pense qu'il faut juste s'attarder à
qu'est-ce qu'on désire aujourd'hui, c'est d'instaurer l'article 601.1, qui
viendra, en quelque sorte, pallier à
cette difficulté qui existe actuellement avec le droit québécois, et ça va nous
donner un concept plus près... ou une façon de régler la situation plus
près de qu'est-ce que nous, on le conçoit.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Repentigny.
Mme
Lavallée : Puis ce que je comprends aussi, c'est que vous êtes
capables, dans vos façons de faire, de vous entendre avec le parent, toute la question de combien de temps la
personne a besoin pour se reprendre, être capable de reprendre la responsabilité de son enfant. Donc,
c'est une gestion qui est interne, dans laquelle on ne peut pas
interférer. Donc, c'est vous autres qui êtes
capables d'évaluer toute la question du temps, du comment, et ça se fait déjà
dans vos coutumes. Là, on essaie de venir l'encadrer, mais il y a une
partie que vous êtes capables de faire sans compliquer les choses non plus, là.
Le Président (M. Ouellette) : Grand
chef.
M. Awashish (Constant) : Bien, je
suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites. La réalité est telle quelle qu'aujourd'hui, pour nous, c'est vrai, ça prend
une communauté pour élever un enfant. Ça s'applique chez les Attikameks.
Peut-être, c'est dur de concevoir ça à
Montréal. Ça prend-u Montréal pour élever un enfant? Mais, chez nous, c'est
possible. Puis, encore aujourd'hui, c'est possible. Encore aujourd'hui, on le
vit encore. C'est simplement ça.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Repentigny, dernière minute.
Mme
Lavallée : Tout à l'heure, aussi, le groupe avant vous, on parlait un
peu de la difficulté avec la DPJ. Puis je pense que c'est venu compliquer toute cette relation-là avec les
enfants, la coupure des enfants avec la famille. J'imagine que, cette question-là, vous voulez aussi que ça
soit plus encadré, dire : Vous êtes capables, comme communauté, de
voir au bien-être de votre enfant sans avoir l'intervention de la DPJ, là.
M. Awashish (Constant) : Tout à
fait. Comme j'ai mentionné tantôt, l'adoption coutumière attikamek, c'est souvent confondu avec le principe d'abandon, que
la DPJ appelle. Donc, tu sais, c'est vraiment là, la différence. Puis, pour
nous, c'est vraiment important
de pouvoir exercer notre coutume, notre façon de faire sans qu'il y ait une interférence, une mauvaise interprétation de notre façon de
faire. Tu sais, c'est rien que ça qu'on demande.
Le Président (M. Ouellette) : On a
terminé, Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Ouellette) :
Grand chef Constant Awashish, Mme Alice Cleary, Me Anne Fournier, M. David Boivin, M. Paul-Émile Ottawa, du Conseil de
la nation atikamekw, merci d'être venus déposer devant la commission.
Je... Ah non! J'ajourne, hein? Oui, c'est ça. Il
faut que je change de page. La commission ajourne ses travaux au mardi...
Le Secrétaire : ...
Le
Président (M. Ouellette) :
Ah! Bien oui. Mais il m'a changé mon texte. Vous voyez comment est-ce que c'est?
La commission
ajourne ses travaux à demain matin, le 25 novembre, pour l'interpellation au
salon bleu. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 16)