(Onze heures trente et une minutes)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 64, Loi sur l'immatriculation des armes à
feu.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Roy (Bonaventure); M. Leclair (Beauharnois) est remplacé par M.
Bergeron (Verchères); et Mme Roy (Montarville) est remplacée par M. Spénard
(Beauce-Nord).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous entendrons, ce matin, le Service
de police de la ville de Montréal et
le groupe PolySeSouvient, soit le groupe de diplômés de la Polytechnique
pour le contrôle des armes.
Mais d'abord
nous recevons l'inspecteur-chef François Bleau, un collègue
de travail d'il y a plusieurs
années, et l'inspecteur Antonio...
Iannantuoni. J'ai toujours eu de la misère, mais, je veux dire, ça va bien.
Vous avez 10 minutes pour nous
présenter vos observations, et après il va y avoir un échange avec le parti
ministériel et les partis de l'opposition. M. Bleau, à vous la parole.
Service de police de la
ville de Montréal (SPVM)
M. Bleau
(François) : M. le
Président, M. le ministre, députés et membres de la commission, mesdames
messieurs, bonjour. Je me présente, François
Bleau, inspecteur-chef au Service de police de la ville de Montréal. Je suis
accompagné de l'inspecteur Antonio Iannantuoni, également cadre à la Division
du renseignement pour le SPVM.
Tout d'abord,
j'aimerais remercier le ministre de la Sécurité publique ainsi que les membres
de la Commission des institutions
d'avoir invité le Service de police de la ville de Montréal à vous soumettre
ses commentaires à l'égard du projet
de loi n° 64 sur l'immatriculation des armes à feu. Le Service de police
de la ville de Montréal se sent particulièrement interpellé, puisqu'il s'agit là d'un enjeu majeur qui touche directement
la sécurité du public et la sécurité de nos policiers.
Comme
organisation policière, nous appuyons le projet de loi n° 64, qui prévoit
que toute arme à feu sans restriction
présente au Québec doit être immatriculée, comme nous étions également
favorables au Registre canadien des armes à feu. Un registre des armes à feu est, sans conteste, un outil de travail
de très grande qualité, utile pour les policiers, qui ont notamment
comme responsabilités, rappelons-le, de protéger la vie des citoyens et de
prévenir le crime.
Pour bien comprendre l'importance qu'accorde le
SPVM à l'égard du registre des armes à feu, il faut d'abord comprendre dans
quel contexte les policiers montréalais interviennent au quotidien.
L'agglomération
de Montréal englobe près de 2 millions de résidents, ce qui représente,
approximativement, le quart de la
population du Québec. S'ajoutent, à tous les jours, plus de 500 000
personnes qui viennent sur notre territoire pour le travail ou les études. Durant une année, Montréal reçoit
également quelque 2 millions de personnes qui y viennent occasionnellement, pour diverses raisons, ainsi
que 10 millions de touristes que nous accueillons, bon an, mal an,
dans la métropole. D'ailleurs, Montréal est
reconnue internationalement pour ses événements festifs d'envergure, où se
rassemblent des foules significatives.
Les policiers
de Montréal effectuent annuellement environ 1,5 million d'interventions,
et c'est au quotidien qu'ils ont à
intervenir dans des secteurs où la densité de population est élevée.
L'arrondissement du Plateau—Mont-Royal, par exemple, a une
densité de population de plus de 12 000 habitants au kilomètre carré. La
présence d'armes à feu dans un tel
contexte urbain constitue un enjeu pour la sécurité publique. En 2014,
18 600 crimes contre la personne ont été rapportés sur notre territoire. À noter que de ces crimes un
tiers constituent des infractions dans un contexte de violence conjugale
et intrafamiliale.
Pour les policiers de Montréal, la lutte aux
crimes de violence est un enjeu bien réel pour la protection et le sentiment de sécurité de sa population. Qu'elle
s'inscrive dans un contexte conjugal ou intrafamilial ou encore qu'elle
soit reliée à des conflits entre individus
ou des groupes criminalisés, elle demeure pour nous une priorité. Dans ces circonstances, et puisque la sécurité des
personnes est une première préoccupation, il nous apparaît primordial d'avoir
les meilleurs outils possible pour intervenir de façon rapide et sécuritaire.
Un registre est l'un
des moyens qui servent à l'évaluation de la menace lors des interventions
policières et permettent de mieux adapter
nos actions en conséquence. En
effet, que ce soit en matière d'enquête ou lors de réponses aux appels, le registre d'armes à feu est un outil
de référence fort utile pour préparer autant nos interventions
quotidiennes que les
opérations d'envergure. Le Registre canadien des armes à feu est d'ailleurs
largement utilisé par les policiers. En 2009, le registre a été consulté par près de 80 % des policiers
canadiens. Qu'il soit question d'une perquisition ou d'une réponse à un appel de violence conjugale, il est
plus pertinent pour les policiers de savoir s'il se trouve des armes sur
les lieux d'intervention. Il en va non
seulement de leur propre sécurité, mais également de la sécurité des citoyens à
proximité.
En
2014, à Montréal, 446 armes à feu ont été impliquées dans des incidents
criminels sur notre territoire. De ce nombre,
56 % étaient des armes longues, et 44 %, des armes de poing. En 2015,
un an plus tard, ce sont 284 armes qui ont été impliquées dans
divers dossiers criminels, dont 47 % des armes étaient longues et
53 %, des armes de poing. Conséquemment, au cours des deux dernières
années, la proportion d'armes longues et d'armes de poing confisquées est
similaire.
Nous
avons une responsabilité à l'égard des citoyens et, comme employeurs, à l'égard
de nos policiers également. Le
registre n'est peut-être pas une fin en soi, mais il a très certainement sa
raison d'être. Est-ce que toutes les armes sur le territoire sont enregistrées? Bien sûr que non.
Mais pouvons-nous tout de même mettre toutes les chances de notre côté
pour limiter les crimes avec violence lorsque c'est possible? Le SPVM croit
fortement qu'il faut s'en donner les moyens.
Montréal
a connu son lot de drames commis avec des armes à feu. Pensons à la tuerie de
la Polytechnique, aux événements
survenus à Concordia et à Dawson. Montréal a connu l'apparition de phénomènes
de violence marquants tels que les gangs de rue, la guerre des motards
et maintenant la menace terroriste, qui devient réalité. Légiférer sur
l'immatriculation des armes à feu nous aiderait non seulement à connaître la
provenance des armes, mais aussi à en suivre la trace. Cela contribuerait
également à nous appuyer dans notre rôle de prévention.
Toute
personne n'est pas apte à posséder une arme, soit parce qu'elle présente des
risques potentiels pour elle-même ou
pour autrui. Il faut souligner que nous recevons chaque année plus de
30 000 appels pour des personnes en crise ou dont la santé mentale
est perturbée. En 2015, ce sont près de 4 500 appels que nous avons reçus
pour des suicides ou des tentatives de
suicide. Il faut pouvoir restreindre l'accès aux armes à feu aux personnes non
aptes à en posséder. Nous avons là un
moyen concret de prévention. En 2014 seulement, 805 demandes de permis
d'armes à feu ont été refusées au Canada pour diverses raisons de
sécurité publique, et cela n'inclut pas les armes révoquées.
Les
confiscations et les saisies préventives des armes, tel que prévu au Code
criminel, sont au nombre des
gestes posés par des policiers dans le cadre
de leur travail pour assurer la sécurité des citoyens. Nous n'avons qu'à penser
à la dure réalité de la violence
conjugale et intrafamiliale. Il est primordial que les policiers puissent
savoir, lorsqu'ils interviennent dans un contexte conjugal où le conjoint n'accepte pas la séparation,
s'il s'y trouve des armes. De la même
façon, si les policiers
interviennent auprès d'individus ayant proféré des menaces, ils s'y prépareront
en conséquence et, s'il y a lieu, ils
procéderont à une saisie préventive avant que l'irréparable soit commis. En
2015, ce sont 153 armes à feu qui ont été saisies de cette façon préventive, dont 120 étaient des armes longues. D'ailleurs,
nos données de 2014 et de 2015 sur les ordonnances de retrait d'armes à
feu démontrent que ce sont davantage des armes longues qui sont visées et que
les armes longues représentaient 89 % en 2014, 78 % en 2015... au niveau
des armes confisquées. Il a été démontré aussi qu'il existe une corrélation entre l'accès aux armes à
feu au domicile et le risque de décès. La présence d'une arme à feu dans
un domicile augmente de 2,7 fois le risque
de décès par homicide. Le Comité d'experts sur les homicides intrafamiliaux
a même constaté que l'accès à des armes à feu ou leur possession était un
indicateur associé à l'augmentation du risque de létalité chez les femmes.
• (11 h 40) •
L'arme
à feu constitue également un moyen le plus souvent utilisé pour commettre l'homicide suivi d'un suicide. En 2015, 11 homicides commis à Montréal l'ont
été à l'aide d'une arme à feu, dont deux par des armes longues. Selon le
bureau du coroner du Québec, les armes sans
restriction ont été également responsables, en 2010, de 85 % des
suicides par arme.
Dans une ère où tout
est informatisé, centralisé et facile de consultation en temps réel, il ne
devrait être pas autrement pour le registre des armes à feu. L'adoption du
projet de loi n° 64 sur l'immatriculation des armes à feu constituerait
par conséquent un outil d'une grande utilité pour les policiers de Montréal.
Le
SPVM adhère aux principes annoncés aux notes explicatives et à l'article
premier de loi n° 64 à l'effet que toute arme à feu sans restriction doit être immatriculée. Par ailleurs, nous
croyons qu'il pourrait être utile d'en préciser ou d'en bonifier certains éléments. Nous suggérons
notamment, à l'article 1, d'inclure que cette loi vient également appuyer
les policiers dans leur travail de prévention. Quant aux articles 2, 3, 6
et 23, nous serions favorables à ce que des délais soient réduits. À
l'article 21, on ne prévoit la confiscation et la disposition de l'arme à
feu que pour l'infraction de l'article 2. Peut-être faudrait-il prévoir
l'éventualité, notamment en cas de récidive, que le tribunal puisse exercer ses
pouvoirs en cas d'infraction aux articles 3, 6 et 7.
Comme commentaire
général, nous remarquons que le projet de loi ne prévoit pas un accès aux
fichiers, au registre ou aux données pour
les corps de police. Comme il s'agit de renseignements personnels, dans la
majorité des cas, il serait de mise,
selon nous, qu'une disposition législative habilite cette communication de
renseignements et son accès facile pour les policiers et agents de la
paix.
En
conclusion, le SPVM est favorable à l'adoption de la loi n° 64 sur
l'immatriculation des armes à feu. L'accès à un tel registre faciliterait et accélérerait le processus d'enquête et
d'intervention des policiers. Il permet d'agir de façon plus sécuritaire notamment lors d'une perquisition ou
encore d'interventions auprès d'individus ayant proféré des menaces et aiderait à prévenir les risques par des saisies
d'armes à feu en cas de violence familiale ou de problèmes de santé
mentale, par exemple. Il faut garder en tête
que l'objectif premier d'un tel registre est de prévenir des drames liés à la
possession et à la présence d'armes à feu.
Notre
volonté est de veiller à la sécurité publique et de prémunir les citoyens de
Montréal d'événements de violence en
trouvant des solutions pour agir en amont. Pour nous, le registre répond à
cette volonté et contribuerait, sans conteste, à nous appuyer dans notre
mission de protection de la vie des citoyens. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, M. Bleau. M. le ministre.
M. Coiteux : Oui. Alors, merci
beaucoup, inspecteur-chef Bleau, pour cette présentation, puis je suis certain
que vous étiez assisté par l'inspecteur Iannantuoni. Donc, j'imagine que
peut-être vous allez vous partager les réponses ou soit orienter les réponses,
mais comme vous voulez.
Écoutez, on a
eu aussi une présentation très convergente avec celle que vous venez de faire,
hier, de la part de la Sûreté du Québec où on voit bien que, dans le
travail quotidien des policiers, il est extrêmement important de ne pas seulement savoir si une personne possède le
droit... possède un permis, là, un droit de posséder une arme, mais de
savoir si elle en a, de savoir combien elle
en a, de savoir quelles sont-elles et de savoir où sont-elles. Je pense que
c'est assez clair.
Je lis votre
mémoire, puis, à la page 5, vous parlez des armes qui ont été confisquées
dans un contexte de prévention en
2015. Puis 2015, évidemment, c'est une année particulière, puisqu'au tout début
de l'année il y a encore un registre fédéral
et puis subitement il y a la disparition du registre fédéral. J'aimerais vous
entendre à savoir à quel point ça peut avoir compliqué votre travail de
saisie, à des fins préventives, de ces armes longues, qui semblent être la
majorité des armes que vous devez saisir,
comment la disparition du registre fédéral a modifié votre travail ou compliqué
davantage votre travail.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Bleau.
M. Bleau
(François) : Bien, d'un
premier niveau, je vous dirais, le secret en sécurité, c'est souvent la
préparation lors d'une intervention. La disparition du registre vient nous
enlever une capacité d'avoir un regard en amont des problématiques et de
pouvoir mieux calibrer ou doser nos interventions. Ça, c'est la première partie.
Effectivement, depuis la disparition... bien, on
vient de perdre ce levier-là d'être proactifs puis de pouvoir réagir avec la meilleure façon. Et, en plus, n'ayant plus
ce document-là, bien, on ne poussera pas plus loin nos enquêtes, nos dossiers, ne sachant pas qu'il existe des armes.
Donc, on vient de perdre, si vous voulez, notre écran radar, un peu, qui
nous permettait de pouvoir saisir ces armes-là. Et cet outil-là, je vous le
dis, dans un coffre d'outils... Un policier a tout un coffre à outils. Bien, le plus grand outil qu'on utilise, là, ce n'est
pas l'armement, ce n'est pas ça, c'est l'analyse, c'est comment créer un bon diagnostic, puis le registre,
pour nous, c'était une façon de pouvoir mener la meilleure évaluation
puis de prévenir d'autres incidents en pouvant saisir préventivement ces armes.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
ministre.
M.
Coiteux : Parce qu'à l'heure actuelle, j'imagine, lorsque vous devez
intervenir, bon, vous pouvez avoir un soupçon,
par rapport à d'autres données, par ailleurs, qu'il y a des armes, mais
peut-être que vous devez quand même poser la question. Dans le fond,
vous devez vous fier à la bonne foi des gens chez qui vous intervenez.
Est-ce que vous vous contentez de dire, de poser
la question : Avez-vous des armes, vous en avez combien?, donnez-les-nous, ou bien vous êtes obligés de
pousser plus loin votre enquête pour vraiment essayer de savoir s'il y
en a davantage qu'une, si on vous cache des choses, si on ne vous dit pas toute
la vérité?
M. Bleau
(François) : C'est sûr que ça
demande une énergie plus grande, ça va demander plus d'investigation, etc.,
puis, oui, ça va nous créer plus d'ouvrage, c'est certain, parce que, je vous
le dis encore une fois, c'est un outil de référence
qui nous permettait d'aller... et on doit se fier à la bonne foi des gens. Et,
malheureusement, dans plusieurs cas, on a des cas de santé mentale ou de gens qui sont perturbés. Donc, est-ce
qu'ils vont nous dire la pleine vérité ou ils vont nous donner la vérité qu'ils peuvent nous donner
selon leur état de santé? Ça aussi, c'est une interrogation. Puis, au-delà
de la personne qu'on traite, de la
clientèle, il y a les gens qui restent autour, on est dans un contexte urbain
aussi à Montréal, et pour nous c'est une préoccupation très grande.
Pas plus tard... si je veux être très
contemporain, hier soir, on a eu un événement d'un homme barricadé. Ça a commencé par un appel d'une personne de la famille
qui venait expliquer, justement, qu'un homme habitant à telle adresse voulait tuer quelqu'un et, possiblement, il était
armé. Il aurait fallu, suite à l'information qu'il avait la possibilité
d'être armé... On ne pouvait pas s'enquérir
du registre pour savoir exactement à quoi s'attendre. L'intervention s'est
faite. Je vais y aller tout de suite
avec la résultante. L'enquête se poursuit présentement aujourd'hui. Mais
qu'est-ce que je peux vous dire,
c'est qu'il y a eu deux armes prohibées de saisies à cet endroit-là et sept
armes d'épaule qui appartenaient à son père, etc., mais qu'on n'avait
aucune connaissance qu'il avait à l'adresse. Donc, l'intervention s'est bien
déroulée, et la personne semble être
perturbée également, mais, si on n'avait pas fait tout notre travail... On
aurait pu être en amont, comme je vous explique, puis arriver avec des
ressources supplémentaires.
Vous savez,
la sécurité, aussi, au niveau de la police, c'est souvent la proximité du
danger, et, encore une fois, en ayant un registre, bien, on peut prendre
une plus grande distance et prendre la meilleure stratégie pour intervenir. Au quotidien, les policiers ont à intervenir. S'ils
font des vérifications et il n'y a plus de registre, bien, on perd cette
distance-là qui nous permettrait d'avoir des meilleurs paramètres de sécurité
autant pour les employés, autant pour les citoyens, autant pour les gens qui
habitent autour de...
M.
Coiteux : On en a beaucoup entendu sur les coûts du registre fédéral.
On dit que le registre fédéral a coûté beaucoup
plus cher que ce qui avait été prévu et qu'il avait coûté très cher. Bon, il y
a des polémiques là-dessus, sur ce qu'on
inclut dans les coûts, mais, néanmoins, l'avis général qu'on a entendu, c'est
que c'était un registre qui a coûté très cher. Nous, évidemment, on a l'intention d'arriver à une solution qui va
être beaucoup moins coûteuse mais qui, néanmoins, va vous permettre d'obtenir les informations dont
vous avez besoin sur la présence des armes d'épaule, là, qui sont hors
du registre actuel.
Maintenant
qu'on a parlé des coûts des registres ou des fichiers d'immatriculation, moi,
la question que j'aimerais vous poser : Est-ce qu'il y a un coût à
ne pas en avoir, pour vous, dans vos opérations? Est-ce que, dans le fond, vos
opérations, vos travaux d'enquête, de prévention, d'intervention, dans le fond,
ils vous coûtent plus cher sans fichier d'immatriculation qu'avec un fichier
d'immatriculation?
M. Bleau
(François) : C'est sûr que des coûts qui sont indirects, à savoir le
personnel, les recherches supplémentaires,
au niveau de l'investigation, vont nous amener des coûts supplémentaires. Ça,
c'est sûr et certain. Mais c'est
également des coûts de vie que je voudrais vous dire également, c'est la
question de la sécurité. Si on peut éviter que quelqu'un cause un mal à
lui-même ou à autrui, je crois que ça aussi, ça doit peser dans la balance.
Mais
effectivement, si on revient au niveau des coûts d'investigation, toute
organisation policière qui doit pousser plus pour obtenir de
l'information, il y a des coûts engendrés, c'est sûr.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le ministre.
• (11 h 50) •
M.
Coiteux : C'est une donnée importante, celle-là que vous nous donnez,
parce qu'elle a été occultée du débat public. Le débat sur sauver des
vies et aussi protéger la vie des policiers dans leur travail, ça, je pense que
c'est bien compris de tous.
Par
contre, il y a des questionnements sur les coûts d'un fichier
d'immatriculation, puis vous, vous nous dites : Il y a des coûts à ne pas en avoir un également.
Alors, je pense, c'est une donnée qui est quand même importante dans le
débat public, et c'est pour ça que je tenais à vous entendre là-dessus.
J'ai
posé aussi une question hier aux gens de la Sûreté du Québec que j'aimerais
vous poser aussi. En principe, si chacun a fait son devoir de citoyen
avec un fichier d'immatriculation, il a déclaré la présence, chez lui — ou
chez elle — des
armes x, y et z, et supposons qu'il en a déclaré quatre et que vous devez
intervenir dans ce domicile, vous vous attendez à trouver quatre armes, et, si
vous n'en trouvez que deux, j'imagine que vous allez avoir des sérieuses questions à poser, hein, parce que ça indique la
possibilité d'un danger quelconque, là, on vous cache quelque chose ou
on a cédé à quelqu'un, sans que vous soyez
au courant, et qui sait entre quelles mains se trouvent les armes manquantes,
mais, aujourd'hui, quand vous intervenez,
supposons, sur la base que vous savez que la personne a un permis de
possession d'armes, tout ce que vous savez, c'est qu'elle est susceptible
d'avoir une arme, vous ne savez pas si elle en a une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept. Même si vous savez qu'elle en a
acheté une il y a cinq ans, vous n'êtes pas certain qu'elle n'en a pas acheté d'autres depuis, ou possédé
d'autres depuis, ou cédé à d'autres. Donc, lorsque vous arrivez, là, puis
que vous dites : En avez-vous?, bien,
on vous dit : Oui, j'en ai une, j'en ai deux, ce n'est pas seulement la
connaissance de ce qu'il y a, c'est
la connaissance de ce qui devrait être là et qui n'est pas là que vous n'avez
pas sans fichier d'immatriculation.
Est-ce que, dans le
quotidien de vos opérations, ça vous pose un problème particulier, ça? Et
comment vous y faites face?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Bleau.
M. Bleau (François) : Merci. Oui, effectivement, ça nous porte devant la bonne foi des gens,
et on doit se fier à ce qu'ils vont
dire, mais, au-delà de ce niveau-là, les armes à feu, pour nous, si on prend
des opérations planifiées, par exemple, c'est sûr, on a toujours une approche qu'on a la connaissance qu'il y a
un nombre x d'armes, on va toujours vérifier, essayer de voir s'il n'y en a pas une de plus. Mais, à
tout le moins, c'est un enjeu. C'est certain que présentement, sans le
registre, pour nous, ça vient de
complexifier... et la responsabilité des gens, vous le savez comme moi, la
bonne foi des gens va se limiter, des
fois, selon les individus... La majorité va nous dire les vraies choses, mais
il restera toujours un pourcentage, puis, malheureusement, ce
pourcentage-là, bien, ça peut être celui qui va commettre des gestes
répréhensibles.
Donc,
oui, ça nous génère plus d'ouvrage, oui, ça nous rend plus difficile la tâche
et, au quotidien, dans nos tâches, que
ça soit lors de la réponse aux appels quotidiens ou que ça soit des opérations
planifiées, oui, ça va venir complexifier notre travail au quotidien, il va falloir pousser la recherche, être
plus insistants dans les interrogations, etc., pour vraiment s'assurer de la santé de la personne, voir aussi,
au niveau du voisinage, si quelqu'un aurait entendu des choses. Donc,
c'est plus complexe, effectivement. Le
registre nous permettait au moins d'avoir une base sur laquelle on pouvait
s'appuyer et dire : Il y en a x ou y nombre.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le ministre.
M. Coiteux :
Merci. Mon collègue le député de Viau aimerait poser une question.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Vimont.
M. Rousselle :
Merci.
Une voix :
Vimont.
M.
Rousselle : Oui, Vimont. Merci, M. le Président.
Inspecteur-chef, inspecteur, écoutez, je regarde le nombre
d'interventions que vous avez par année : 1,5 million
d'interventions, c'est de l'intervention pas mal. J'ai fait un petit calcul, puis vous me direz si j'ai fait erreur dans mes
calculs : c'est plus de 4 000 interventions par jour. Est-ce que je me
trompe?
M. Bleau (François) : Non. C'est
entre 3 000 et 4 000, environ, oui.
M.
Rousselle : Donc, les gens qui prétendent comme quoi que les
policiers allaient voir le registre d'armes à feu fédéral 900 fois par
jour, que c'était de manière systématique, est-ce que je peux vous suggérer
qu'ils étaient dans le champ un peu?
M. Bleau (François) : ...
Le Président (M. Ouellette) : M.
Bleau.
M. Bleau
(François) : Oui.
Excusez-moi. Oui, effectivement, c'est sur des demandes... Effectivement, au
niveau provincial, il ne faut demander la demande que lorsqu'on fait les
vérifications, ce n'est pas une vérification qui est systématique. Je sais que, dans d'autres provinces, cette approche peut
être systématique, mais, au niveau de Montréal, non, c'est sur demande,
c'est : lorsque le policier qui intervient voit le besoin de faire la
recherche, bien, on va effectuer la recherche.
Et, effectivement, on n'en fait pas sur toutes les interventions, le système
serait très sollicité à ce moment-là.
M.
Rousselle : Je regardais à la page 4, vous parlez que vous
recevez à peu près 30 000 appels de personnes en crise dont l'état mental est perturbé, dont aussi,
en 2015... là, vous parlez aussi de 4 500 appels de tentative de
suicide et de suicide. Est-ce que vous intervenez d'une manière différente
quand vous avez ces appels-là?
M. Bleau (François) : Tout à fait.
Une voix : ...
M. Bleau
(François) : Excusez. Tout à
fait. Lorsqu'on a la connaissance que les armes à feu sont dans le
décor, si vous permettez, lors de
l'intervention, c'est sûr qu'au niveau du dosage, du traitement il va y avoir
un changement. Que ça soit au niveau
du périmètre de sécurité, juste l'approche, comment va être faite l'approche,
c'est sûr qu'il y a une implication
directe. Également, si on a une personne en crise puis qu'on sait qu'il y a une
connaissance... quand je vous disais,
il faut utiliser la bonne stratégie d'intervention à ce moment-là. Quelquefois,
c'est le retrait qui va être la meilleure solution, et trouver un moyen transitoire de communiquer, baisser la
tension puis de revenir. Sachant que l'individu est en possession... ou a la possibilité d'avoir la
possession d'une arme, bien, c'est sûr que ça rentre encore plus dans notre
grille d'évaluation du risque.
Le Président (M. Ouellette) : ...M.
Bleau. Maintenant, M. le député de Verchères.
M.
Bergeron :
Merci, M. le Président. Merci, messieurs, de votre présentation, encore une
fois, fort éclairante.
On a entendu
beaucoup d'arguments, ces dernières semaines, en faveur, ou pour, ou contre
l'idée d'un registre ou d'une
immatriculation des armes à feu. Et il a souvent été question de l'importance
pour les policiers de pouvoir compter sur cet outil, mais on n'avait pas eu beaucoup de témoignages. Évidemment,
la fonction policière étant ce qu'elle est, ce n'est pas usuel pour les policiers de se répandre dans
les médias pour faire connaître des positions. Alors, c'est donc
important d'avoir votre son de cloche aujourd'hui. Alors, merci infiniment
d'être des nôtres.
À la
page 4 de votre mémoire, vous énoncez ce que j'appellerais une vérité de
La Palice et que d'aucuns disent amicalement
«la vérité de la police», quand vous dites : «Est-ce que toutes les armes
sur le territoire sont enregistrées? Bien sûr que non. Mais pouvons-nous tout de même mettre toutes les chances de
notre côté pour limiter les crimes avec violence lorsque c'est possible?» Et, au fond, c'est ça, le coeur de l'histoire,
c'est : Est-ce que la présence d'un registre ou d'une immatriculation va prévenir toute situation de
violence? La réponse, c'est non. Mais c'est sûr que c'est un outil de
plus, si je comprends bien, dans votre coffre pour être en mesure
éventuellement de prévenir ce genre d'incident.
À la
page 5, vous parlez de la «corrélation entre l'accès aux armes à feu au
domicile et le risque de décès». Une des objections qu'on entend souvent, c'est de dire : Oui, mais le fait
qu'elles soient enregistrées ne fait pas nécessairement en sorte
qu'elles seront moins disponibles à la maison. Comment vous réagissez à cette
objection?
Le Président (M. Ouellette) : M.
Bleau.
M. Bleau
(François) : Bien, je
dirais, une notion importante, c'est la notion de responsabilité au niveau de
l'arme, donc le fait qu'il y ait des
démarches d'enregistrement. C'est la même chose si on prend les véhicules
automobiles, etc. Je pense qu'il y a
une appropriation, à ce moment-là, de la responsabilité des gens. Et quelqu'un
qui enregistre son arme, qui déclare...
pour moi, il y a déjà un pas vers une régularisation, une responsabilité. Donc,
pour moi, je crois qu'on peut croire à ce
que les balises sont installées pour avoir un meilleur contrôle. C'est la
notion de contrôle qui est au fond du dossier. Puis, comme vous l'avez dit, et vous l'avez rappelé également, on a des
situations de crise, on a des situations de santé mentale, etc. Le fait que des gens ne répondent pas
à ces critères-là, ça devient des indicateurs pour nous, voir justement
que ce n'est pas les bonnes personnes, ils ne sont pas aptes à obtenir ces
armes à feu là.
Donc, il faut faire diligence, il faut
prévenir, puis une des façons, je crois, c'est que, si nos gens, nos citoyens
ont une démarche de s'enregistrer... de
suivre la loi, le projet de loi, bien, on démontre, justement, cette notion de
responsabilité et de contrôle, qui, pour moi, est importante au niveau des
armes à feu.
• (12 heures) •
M.
Bergeron : Vous l'avez évoqué, mais de façon pas aussi
claire que l'avaient fait... bien, c'est-à-dire, pas de façon aussi directe, je devrais dire, que
l'avaient fait vos collègues de la Sûreté du Québec hier, mais vous l'avez
évoqué de façon tout aussi éloquente. Au fond, ce qu'on réalise, c'est que,
depuis que le registre a été aboli, vous êtes obligés d'intervenir dans des
situations où vous ne pouvez que vous en remettre à la bonne foi de gens qui
sont justement en situation de crise et qui
ne sont peut-être pas en mesure de bien répondre aux attentes que vous avez à
leur égard. Puis vous avez fait état d'une situation de crise qui a été
vécue hier soir à Montréal.
Puis
j'en viens à une autre, objection, qu'on entend souvent, qui est que : Ça
change quoi pour les policiers, qui sont des gens prudents, que de savoir qu'il y a sept armes d'épaule enregistrées à ce domicile alors qu'il
peut y avoir des armes illégales? Est-ce que
ça va changer l'intervention? Là, vous nous avez dit qu'il avait
également deux armes prohibées en plus des sept armes d'épaule. Or, des armes
prohibées, là, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, ce sont généralement
des armes avec un calibre plus important, avec une cadence de tir plus importante.
Évidemment,
vous ne saviez pas qu'il avait les sept armes longues, mais vous ne saviez
pas non plus qu'il avait ces deux armes prohibées. Est-ce que
le fait de savoir qu'il a sept armes d'épaule change votre façon
d'intervenir, ne sachant pas qu'il a deux armes prohibées dans ce
domicile?
M. Bleau (François) : Dans toute approche policière, le fait de connaître est un avantage
pour nous. Que ça soit une
arme, deux armes, peu importe, notre façon d'agir va être avec un plus grand
niveau de diligence. Quand vous faites 1,5 million d'interventions annuellement, on ne peut pas toujours être au summum du
niveau de la sécurité tout le
temps. Mais, lorsqu'on a la connaissance qu'il y a
une propriété ou que quelqu'un est en possession... déjà,
notre niveau d'évaluation de menace rentre en jeu, et on gradue... on vient
doser notre intervention, et c'est cette capacité de dosage que le registre des armes nous permet d'avoir.
Puis, je vous dirais, oui, une chance que le citoyen ou la citoyenne
qui a appelé hier nous a dit qu'il y avait
possibilité d'une arme. C'est venu monter notre niveau. Mais,
si on avait eu le registre puis on
avait vu qu'il y a des armes à chasse qui sont enregistrées là, ce
niveau aurait été également élevé, à
ce moment-là. Et on parle de la
protection, encore une fois, de nos intervenants, nos policiers, de la stratégie
qui va être adoptée à
ce moment-là, les périmètres de sécurité qui vont être... et les citoyens qui
sont aux alentours.
Et, je vous le
rappelle encore une fois, Montréal, malheureusement : situation urbaine,
proximité, logements multiples, etc.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Verchères.
M.
Bergeron :
Merci, M. le Président. J'en viens à vos commentaires sur le projet de loi, là.
Je pense que je comprends chacune de vos observations au niveau des différents articles. Quant à l'accès aux données par la police,
je crois comprendre que vous considérez qu'il y a peut-être
un flou dans la loi actuellement ou dans le projet de loi qui
ferait en sorte qu'il pourrait y avoir
contestation quant à la possibilité pour vous d'y avoir accès. Ça nécessite d'être
examiné. Il faudra voir ce qu'il y avait dans le registre fédéral,
effectivement, à ce sujet-là.
Mais
il y a un autre élément qui a été... un autre flou, disons, qui a été porté à
notre attention depuis le début, c'est celui concernant la vérification
de la possession d'un permis d'acquisition et de possession lors d'une
transaction, particulièrement lors d'une
transaction privée, ce qui pourrait nuire à la traçabilité de l'arme lorsqu'il
y a des transactions privées. Qu'est-ce que vous pensez de cet autre
élément, qui a été soumis à notre attention?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Bleau.
M. Bleau
(François) : C'est plus un aspect qui est plus éloigné de notre
service, je pense, c'est plus pour les enregistrements, etc.
Cependant,
c'est sûr que toute la notion de traçabilité, pour nous, est un enjeu. Quand on
a une enquête, qu'on trouve une scène de crime, qu'il y a une arme,
bien, c'est la même chose qu'un véhicule, on va essayer de retracer le propriétaire pour essayer de comprendre le modus
operandi, qu'est-ce qui s'est passé et faciliter l'enquête. Moi, je vous
dirais, effectivement, s'il y a des lacunes
à ce niveau-là, on est favorables à ce que des changements ou des
amendements soient faits pour permettre
justement de lier l'objet avec le propriétaire, parce que, pour nous, ça va
faciliter énormément notre enquête.
Quand on parlait, tout à l'heure, de coûts d'investigation, bien, en voilà un
autre, exemple, là, où est-ce qu'effectivement
ça va nous demander beaucoup plus d'enquêtes de faits, de vérifications, aller
déranger des voisins, etc., pour
essayer de s'enquérir puis de remonter la piste pour trouver d'où vient le
propriétaire et mieux comprendre pourquoi on est devant une scène
aujourd'hui.
M.
Bergeron :
Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M.
Ouellette) : ...M. le député de Verchères. Merci, M. Bleau.
M.
Bergeron :
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Bleau et M. Iannantuoni.
Une voix : ...
M.
Spénard : O.K.
J'espère que je l'ai bien prononcé. Alors, bienvenue.
Le Président (M. Ouellette) : C'est
un Beauceron, M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Non, ce
n'est pas un nom beauceron, ça, c'est certain. Bienvenue. Moi, j'ai bien aimé
votre rapport, parce qu'on sent vraiment qu'à Montréal il y a beaucoup plus
d'interventions policières qu'en région. Ça, c'est
évident, c'est l'essence même de ça. Et on sent aussi que, dans une ville de
cette importance, la sécurité doit être plus vérifiée et plus près de la
perfection, si je peux m'exprimer ainsi.
En 2014, vous
dites dans votre rapport, 446 armes à feu ont été impliquées dans des incidents
criminels, 56 % étaient des armes longues, 44 %, des armes de poing.
En 2015, c'est à peu près la même affaire. Là-dessus, par exemple, il y a une
statistique que je n'ai pas que j'aurais aimé avoir : Combien étaient
enregistrées et combien ne l'étaient pas?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Bleau.
M. Bleau
(François) :
Malheureusement, je n'ai pas l'information. Je pourrais toujours faire les
vérifications.
M.
Spénard : Vous
n'avez pas d'information là-dessus?
M. Bleau (François) : Non. Je ne
pourrais pas vous répondre immédiatement, il faudrait que je fasse des
recherches.
M.
Spénard : Mais vous
devez avoir l'information. Ça ne se peut pas que vous n'ayez pas l'information.
M. Bleau (François) : On peut faire
des recherches, puis on va vous le transmettre.
M.
Spénard : O.K.
Le Président (M. Ouellette) : Au
secrétariat de la commission. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
O.K. L'autre chose, quand on parle de la préparation d'une intervention... Vous
avez un appel, bon. Sur quoi vous
fiez-vous? Parce que ça dépend des différents corps... peut-être pas corps
policiers, mais des différentes directions
de police. Il y en a plusieurs qui nous disent : On se prépare. À la
minute qu'on sait que la personne possède un PPA, un permis de
possession et d'acquisition d'armes à feu, on se prépare en conséquence, comme
s'il était armé. Parce qu'ils nous disent
ça. Est-ce que le registre va changer de quoi ou... Parce que, là, depuis 2015,
il n'y en a plus, de registre. Donc,
vous prenez le permis de possession et d'acquisition d'armes à feu, j'imagine,
comme référence et vous vous préparez en conséquence. Qu'est-ce que le
registre change?
M. Bleau
(François) : Bien, le
registre va nous permettre justement... toute la question de la localisation
des armes, où est-ce qu'elles sont,
les armes, présentement, c'est qui qui est propriétaire, localiser le
propriétaire, également, au niveau du nombre d'armes qu'on peut... le
type, le calibre, etc., toutes ces informations-là.
M.
Spénard :
Je vous interromps tout de suite, parce que vous venez de dire : Une arme,
deux armes, ça n'a pas d'importance,
nous, on se prépare comme s'il était armé. C'est vous qui avez dit ça,
là : Peu importe, là. C'est vous qui avez dit ça, là. Alors, moi,
j'aimerais bien comprendre, là, j'aimerais bien...
M. Bleau (François) : Oui. Mais le
type d'armes va également nous faire un périmètre soit plus grand, plus court, etc. S'il y en a plusieurs, bien, on peut
s'attendre... Disons qu'il a juste une arme, il a un nombre limité de
coups; ou, s'il y en a plusieurs, ça peut durer plus longtemps aussi, là. Il y
a d'autres évaluations.
Effectivement,
quand on a une approche, qu'il y ait une arme ou plusieurs armes, on va se
préparer, comme je vous l'ai dit, on
va doser, mais la connaissance de savoir le nombre va venir également demander
combien de support de plus qu'on va
avoir besoin lors d'interventions. C'est s'approprier une meilleure lecture de
protection. Dans le fond, plus qu'on a d'informations, plus qu'on va
pouvoir mieux adapter nos interventions policières.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Oui. J'imagine que ça dépend de l'information, des détails qu'on... Selon les
études, depuis 2012, dans les autres
provinces au Canada, il n'y a eu aucun impact significatif sur l'augmentation
de la criminalité depuis que le registre
des armes longues n'existe plus. Et ça, c'est un juge qui a dit ça... de la
Cour suprême. On a les extraits là-dessus. En 2015, au Québec, au début de l'année, le... ça fait maintenant un an,
est-ce qu'il y a eu une augmentation de la criminalité?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Bleau. Il reste une minute.
M. Bleau
(François) : Oui. Au-delà
de... la criminalité, en général, baisse. Ça, c'est un fait. Cependant,
encore une fois, je le ramène à la notion de
protection. Moi, ma priorité, c'est la protection de mes citoyens et de mes
policiers, et la notion que la criminalité monte ou baisse, pour moi, au
quotidien, dans mes interventions en réponse aux appels ou planifiées, bien, ma priorité, c'est la
connaissance, c'est de savoir si le registre me permet d'avoir cette
connaissance de préparation aux
meilleures interventions que je peux faire, et, surtout en milieu urbain, je
vous le rappelle, pour moi, c'est quelque
chose qui est important. Que le niveau fluctue au niveau de la criminalité,
oui, ça va avoir des préoccupations organisationnelles,
à savoir où est-ce qu'on va mettre nos ressources policières dans divers
départements, etc., ça, je suis d'accord avec vous, mais, au niveau du
traitement au quotidien ou lors d'opérations, bien, la connaissance va devenir
primordiale pour nous pour assurer la meilleure protection.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, M. le député de Beauce-Nord. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Je suis parti pour trois,
là.
Mme Massé : Moi aussi, je suis
partie pour trois.
Le Président (M. Ouellette) : Bien,
go!
Mme
Massé : Alors, bonjour, merci d'être là. J'ai hâte que mon collègue de
la Beauce nous dépose ça, cette idée qu'à la Cour suprême il y a quelque
chose de clair qui est écrit.
Une voix : ...
• (12 h 10) •
Mme
Massé : Oui, c'est ça. Bien, juste nous... parce que ça fait deux fois
que vous en faites référence, et moi, j'ai des jugements de Cour suprême
qui disent autre chose, alors on va se confronter là-dedans.
Une des questions qui me préoccupent beaucoup,
c'est : Pour le commun des mortels, les armes... On sait qu'il y a les armes restreintes, puis ça, c'est comme, là, les méchantes armes, puis il y a
comme les armes d'épaule, puis ça,
c'est les bonnes armes parce que c'est des armes qui nous permettent de chasser,
de... alors, on en a tous un peu une image,
puis vous, vous les appelez les armes longues, là. S'il y a une nuance, vous
m'aiderez à la faire. Mais moi, j'aimerais vraiment que vous nous
l'expliquiez, parce que tout ça est une question de classification. Je
sais que ça ne relève pas du niveau québécois, mais, ceci étant dit,
cette classification qui fait que les armes d'épaule, c'est un certain nombre
de types d'armes... Moi, j'aimerais beaucoup
que vous m'expliquiez, dans les armes non restreintes, donc, les armes
d'épaule, c'est quoi, la puissance de ces armes-là. Est-ce que, par exemple,
une arme d'épaule peut traverser une veste pare-balles? J'aimerais ça mieux
comprendre, moi, et le commun des mortels, quand on dit «armes d'épaule», on
dit quoi.
Une voix : ...
M. Bleau (François) : O.K. Bon, les
armes d'épaule, effectivement, sont prévues au Code criminel. Les descriptions, etc., je ne suis pas un expert
technique en balistique, etc. Moi, où est-ce que je voudrais plutôt vous
ramener... puis, je comprends aussi, quand on parle d'armes de poing, c'est
plus facilement dissimulable, donc, au niveau des criminels, ça devient plus
intéressant de se promener avec des armes de poing.
Jadis, plus
jeunes, quand on travaillait, les premières gangs de rue, on trouvait souvent
des gens qui coupaient des carabines,
etc., parce que ça ne coûtait pas cher, ils faisaient des
introductions facilement puis ils se prémunissaient de ces armes-là. Les choses ont évolué, ils utilisent
plus des armes de poing, etc., plus facilement dissimulables. Les armes longues, effectivement, sont plus difficiles, sont plus vues d'un niveau récréatif, etc. Mais,
moi, où est-ce que je veux vous en venir un peu plus, c'est : en situation
de crise, que la balle parte d'une arme de poing, ou d'une arme longue, ou
d'une arme à épaule, les dommages
sont toujours présents, et c'est cet aspect-là de prévention
que le registre, pour moi, vient m'interpeller, moi, et mon organisation,
où est-ce que ça peut me permettre d'être en amont puis de monter la sécurité.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Ça passe tellement
vite, trois minutes. M. l'inspecteur-chef François Bleau — ça a
été un plaisir de vous recevoir — M. l'inspecteur Antonio Iannantuoni, représentant
le Service de police de la ville de Montréal, merci.
On suspend
quelques minutes. Je demanderais à Mme Nathalie Provost et Mme Heidi Rathjen de bien vouloir s'avancer, s'il
vous plaît.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
(Reprise à 12 h 15)
Le Président (M. Ouellette) : Nous
reprenons nos travaux. Nous recevons l'organisme PolySeSouvient, et il
représente le groupe des étudiants et diplômés de Polytechnique pour le
contrôle des armes à feu. Nous recevons Mme Nathalie Provost et Mme Heidi
Rathjen — j'espère
que je le prononce bien.
Vous
avez 10 minutes pour nous présenter vos observations, et il y aura un
échange... j'ai, malheureusement, juste 10
minutes, je n'ai pas deux heures à nous donner, mais il y aura un échange avec
le parti ministériel et les partis d'opposition. À vous la parole.
PolySeSouvient — Groupe des étudiants et
diplômés
de Polytechnique pour le contrôle des armes
Mme Provost (Nathalie) : Merci, M. le Président. Bonjour, je suis Nathalie
Provost. Nous sommes ici, Mme Rathjen
et moi, pour vous présenter notre position concernant le projet de loi
n° 64 sur l'immatriculation des armes à feu.
Notre analyse du
projet de loi s'appuie sur plus de 25 ans d'étude en matière de prévention et
de protection du public spécifiquement
concernant le contrôle des armes à feu. Ainsi, avant de vous présenter notre
point de vue sur la proposition, nous
souhaitons rappeler les origines de PolySeSouvient et pourquoi cet engagement
nous apparaît fondamental pour la sécurité de nos concitoyens.
Le
6 décembre 1989, Marc Lépine s'est présenté à Polytechnique armé d'une Mini
Ruger 14, une arme d'épaule, pour y
abattre des femmes qui y étudiaient. Ce soir-là, il a tiré sur toutes les
femmes de ma classe. J'ai reçu quatre balles. Au total, il fera 14 mortes et 14 blessés. Il laissera la grande famille de
Polytechnique atterrée et la société québécoise complètement sous le
choc.
Polytechnique
est une école d'ingénieurs, elle forme des inventeurs, des concepteurs, des
développeurs. Devant l'adversité, on
étudie la situation, on s'appuie sur la science et surtout on apprend à trouver
des solutions pour atteindre nos objectifs.
Ainsi, face au drame de Polytechnique, des professeurs et des étudiants se sont
rassemblés pour transformer une tragédie en une contribution concrète
pour la société soit en améliorant le contrôle des armes à feu. Nos détracteurs
mentionnent souvent que le contrôle des armes n'aurait pas empêché le drame de
Polytechnique et, plus tard, ceux de Concordia
ou de Dawson. Toutefois, au coeur des événements, on retrouve toujours le même
objet dangereux. Il n'est pas envisageable
de contrôler les pensées des personnes, mais, si on peut responsabiliser les
propriétaires d'armes et se donner des outils pour que les policiers
puissent intervenir lorsque la détresse se pointe le nez, alors nous aurons
avancé.
À
partir de décembre 1989, et dans les années qui suivront, la communauté de
Polytechnique, touchée par le drame, contribuera
à créer la Coalition pour le contrôle des armes, rassemblera les experts, les
groupes concernés et portera la voix de
millions de Canadiens qui appuient le contrôle des armes. Jamais, depuis les
premières heures, ce mouvement n'a adopté une position idéologique ou
radicale. Jamais nous n'avons réclamé l'interdiction de toutes les armes à feu.
Nous reconnaissons qu'il existe un usage
légitime des armes, soit la chasse et le tir sportif, mais une arme est un
objet dangereux et destructeur,
surtout dans des mains malintentionnées. C'est pourquoi, sans croire que le
contrôle des armes règle les défis
reliés à la pensée criminelle ou à la détresse psychologique, nous souhaitons
vivre dans une communauté où ces armes sont
soigneusement contrôlées. Nous souhaitons vivre dans une communauté qui encadre
ce grand privilège d'utiliser un instrument si puissant qu'il peut
donner la mort avec la simple pression d'un doigt. Pour y arriver, comme y
arrive la très grande majorité des pays
industrialisés, nous militons pour un système de contrôle des armes à feu qui
distingue les armes et ne rend accessibles que celles destinées à la
chasse ou au tir sportif, qui encadre les propriétaires d'armes, s'assurant qu'ils sont adéquatement formés et
psychologiquement stables, et qui responsabilise les propriétaires de
ces armes en assurant la traçabilité de celles-ci.
En
1991, le gouvernement canadien a fait un premier pas pour renforcer le contrôle
des armes au Canada, tandis qu'en 1995 il dotait les Canadiens d'un
système complet de contrôle des armes à feu. Or, en 2012, le gouvernement de Stephen Harper détruisait, malgré l'opposition
des experts, dont les policiers, le registre des armes d'épaule, soit la
pierre angulaire du contrôle des armes à feu. C'est pourquoi nous souhaitons
aujourd'hui exprimer notre reconnaissance envers le gouvernement du Québec, qui
nous offre l'occasion de reconstruire sur notre territoire ce qui a été
détruit.
Le
projet de loi n° 64 sur l'immatriculation des armes d'épaule vise à
améliorer la sécurité des Québécois et ramène notre société dans la cour
des pays les plus développés en matière de sécurité civile.
Je
cède maintenant la parole à Mme Rathjen, qui vous exposera le point de vue de
PolySeSouvient sur le projet de loi n° 64 et qui conclura notre
témoignage. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Rathjen, vous vous identifiez pour les besoins de
l'audio.
• (12 h 20) •
Mme Rathjen
(Heidi) : Heidi Rathjen, porte-parole de PolySeSouvient. Alors,
bonjour. Merci, Nathalie.
Donc,
le projet de loi n° 64 respecte l'engagement du premier ministre, annoncé
lors du 25e anniversaire de la tragédie à l'École polytechnique, à
l'effet que les armes d'épaule circulant au Québec seront enregistrées, à
l'avenir.
Ainsi,
d'entrée de jeu, nous disons bravo et merci et nous appuyons sans
réserve l'adoption du projet
de loi n° 64.
L'enregistrement des armes à feu représente la pierre angulaire d'un contrôle des armes
efficace, puisque c'est la mesure qui
permet de contrôler les armes à feu elles-mêmes : chaque arme est
identifiable, on sait qui en est responsable, qui en est le propriétaire légal, et il est possible de suivre sa
trajectoire d'un propriétaire à l'autre. Il est certain qu'à lui seul un numéro de série ou d'immatriculation n'empêche
pas l'usage criminel d'une arme à feu. C'est la raison pour laquelle il existe peu d'études qui démontrent l'impact isolé
de l'enregistrement et, sans doute, pourquoi il est possible de
trouver des citations, par exemple, de la Cour suprême comme quoi il n'y aurait pas de lien clair entre l'enregistrement et les vies sauvées. J'assume que le jugement qui a été cité est
celui concernant le droit du gouvernement fédéral de détruire les données québécoises, qui a été rendu public en mars l'année passée,
mais je crois que la citation que j'aimerais aussi voir directement, peut-être, est prise hors contexte, parce que
ce jugement précise ailleurs dans le texte que la cour ne souhaite pas
se prononcer sur la sagesse de la loi, mais bien uniquement sur sa légalité, et
donc ne prend pas de position sur l'efficacité de la loi fédérale ou de l'enregistrement.
Or, la Cour suprême s'est déjà
prononcée sur l'enregistrement ou, du moins, sur son objectif et sur son fonctionnement dans le cadre d'un jugement
de l'année 2000 qui confirmait la validité constitutionnelle de
l'enregistrement des armes par le gouvernement fédéral.
Alors,
concernant les permis de possession et l'enregistrement des armes, je cite ce
jugement-là : «La combinaison des
deux parties du régime vise à assurer que, lorsqu'une arme à feu change de
propriétaire, le nouveau propriétaire ait un permis. Sans système
d'enregistrement, cela [est] impossible à vérifier. [...]Ces liens multiples
démontrent que les dispositions de la Loi sur les armes à feu relatives à
l'enregistrement et aux permis [de possession] sont toutes deux étroitement
liées au but visé par le Parlement, soit la promotion de la sécurité par la
réduction de l'usage abusif de toutes les
armes à feu. Ces deux catégories de dispositions sont partie intégrante et
nécessaire du régime.» En d'autres mots, l'efficacité de
l'enregistrement découle de son interaction avec toute une gamme d'autres
mesures, et surtout les permis de possession.
J'aimerais
souligner un autre gain pour le contrôle des armes contenu dans le projet de
loi, soit l'obligation pour les entreprises
de tenir une table de suivi des opérations relatives aux armes à feu, donc, on
imagine, un genre d'inventaire. Rappelons
que les registres de vente des armes d'épaule ont été aussi éliminés par le
gouvernement conservateur. Alors, dans ce contexte, la tenue obligatoire
d'un inventaire ne peut qu'aider et permettre à la police de mieux surveiller
le commerce des armes d'épaule et de minimiser leur détournement vers le marché
illégal.
Enfin, soulignons un autre bénéfice du projet de
loi, il s'agit du fait que son champ d'action s'étendra à de nombreuses armes à caractère militaire qui sont
présentement non restreintes à cause d'une mauvaise classification par l'ancien gouvernement fédéral. Donc, vous
trouverez des exemples de ces armes dans notre mémoire à la page 6. Et
donc, à défaut de les voir interdire, ce qui est notre position, au moins la
police saura à qui elles appartiennent au Québec.
Donc, parlons maintenant rapidement des
amendements qu'on aimerait proposer au projet de loi. Le premier concerne la vérification obligatoire du permis de
possession. Ça a déjà été discuté ici hier. Il y a une échappatoire dans
la loi fédérale, et, malheureusement, de la
façon que le projet de loi québécois est conçu, l'échappatoire existe toujours.
Donc, nous demandons un amendement qui
ajoute une responsabilité aux vendeurs de vérifier obligatoirement la validité
du permis de possession d'un acheteur
potentiel auprès de la GRC, comme ça se faisait pendant les 12 ans que le
registre fédéral fonctionnait. C'était obligatoire. Maintenant, ce ne l'est
plus.
Dans notre
mémoire, nous proposons une approche spécifique, un amendement spécifique, mais
comprenez que c'est une option
parmi d'autres, et ce qui nous concerne, l'important, c'est deux choses :
un, alors, peu importe la manière qu'on y
arriverait, c'est qu'une personne, un acheteur potentiel ne puisse pas quitter
avec une nouvelle arme sans qu'une
vérification ait été faite — c'est
le gros bon sens, ce serait ridicule de permettre que quelqu'un
puisse prendre une arme sans
s'assurer qu'il est autorisé à la posséder; et, deuxièmement, que ces
vérifications soient comptabilisées de façon à ce que, si jamais le nouveau propriétaire décide de ne pas
immatriculer l'arme, ce n'est pas une arme orpheline pour laquelle il
n'y a aucune trace, on peut identifier l'acheteur qui vient de l'acheter.
Une dernière recommandation concernant la
période de grâce pour les armes qui transitent temporairement au Québec.
Selon nous, ça constitue une échappatoire
considérable, et, comme toutes les échappatoires en lien avec le
contrôle des armes, il y a de sérieux enjeux de sécurité publique. Donc, nous
demandons de fermer également cette échappatoire
soit en exigeant que les propriétaires qui arrivent de l'extérieur du Québec
fournissent au gouvernement, par écrit et au préalable, les renseignements
concernant les armes à feu qu'ils comptent introduire au Québec.
Donc, pour
conclure, l'enregistrement n'est pas une solution miracle qui va réussir à
contrôler toutes les armes d'épaule
au Québec ni empêcher tous les drames ou crimes commis par
celles-ci. Cependant, il s'agit de fournir un outil supplémentaire et crucial aux policiers afin
qu'ils puissent mieux travailler pour réduire les probabilités de voir des
armes tomber entre les mains de personnes qui représentent un risque pour
elles-mêmes ou pour autrui. Merci.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mmes Provost et Rathjen. M. le ministre.
M.
Coiteux : Oui. Merci beaucoup, Mmes Rathjen et Provost. Je ne vais pas prendre tout l'espace qui est
imparti au côté ministériel, parce que
j'ai des collègues qui vont aussi vouloir poser des questions.
J'en aurai une, néanmoins.
Mais, avant
de poser ma question, j'aimerais vous remercier d'être là. Je le dis, d'ailleurs, à tous les groupes qui viennent, mais je le dis particulièrement
à votre endroit parce que votre présence, votre mémoire, ce que vous êtes
venues nous dire ce matin nous rappellent, puis je pense que c'est important,
nous rappellent le contexte historique et dramatique qui nous a fait prendre
conscience que, oui, on avait un système qui nous permettait d'exercer un
certain contrôle et une certaine connaissance sur la présence et les risques
posés par les armes à feu sur notre territoire, mais il nous en manquait des
morceaux importants.
Il
nous en manquait des morceaux importants. La Sûreté
du Québec est venue nous en parler,
de ces morceaux importants qui manquent. Le Service de police de la
ville de Montréal est venu ce matin nous parler des morceaux importants
qui manquent. Des gens qui oeuvrent dans le domaine de la santé publique, de la
prévention de la violence conjugale,
de la prévention du suicide sont venus nous dire qu'il manquait, dans notre
système, des morceaux importants, mais
il y a des gens qui parfois, puis c'est le passage du temps, puis il ne faut jamais
laisser le passage du temps effacer la mémoire...
vous nous rappelez justement l'importance
d'avoir cette mémoire-là, puis je pense que c'est important dans notre société, parce que c'est ce qui a donné lieu à une
conscientisation puis à une mobilisation qui a donné lieu au registre
fédéral, qui a été abandonné, et vous
dénotez des lacunes des lois actuelles après cet abandon puis après les
changements législatifs, puis on a
l'occasion, au moins sur le territoire du Québec, de réparer les choses. Ce ne
sera pas parfait, mais on va essayer de le faire de la meilleure
façon — c'est
notre intention, de ce côté-ci, mais je pense que c'est partagé par beaucoup de
membres de l'Assemblée nationale, des
différents partis — de le
corriger puis de le corriger d'une façon qui, à défaut de faire un consensus
parfait, suscite l'adhésion du plus grand nombre, parce qu'on va essayer de le
faire d'une manière qui, justement,
ne remet pas en cause les utilisations légitimes dont vous avez parlé et
reconnaissez. Alors, merci beaucoup d'être là, merci infiniment.
J'ai une seule
question, pour passer la parole à mes collègues ensuite. Dans votre mémoire,
vous dites que l'enregistrement, donc,
l'immatriculation, des armes minimiserait... en tout cas, permet de minimiser
le détournement des armes vers les
marchés illicites. J'aimerais ça que vous nous en parliez un petit peu, comment
vous voyez ce lien-là entre l'immatriculation puis contrer en partie, à
tout le moins, le marché illicite.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Rathjen.
• (12 h 30) •
Mme Rathjen (Heidi) : Merci. Donc, c'est une bonne occasion d'adresser un des arguments des
opposants, qui disent que les permis
de possession seraient suffisants pour assurer un contrôle des armes à feu
adéquat. Les permis de possession ne
touchent que les propriétaires. C'est finalement une liste de propriétaires qui
ont reçu un permis, qui ont passé par toutes les conditions.
L'enregistrement
des armes, ça veut dire que, si on
n'avait pas l'enregistrement des armes comme il est le cas maintenant,
quelqu'un qui a un permis de possession pourrait s'acheter
50 armes aujourd'hui et les vendre demain, dans la rue, à des gangs de rue ou des éléments criminels
sans être tenu responsable, parce
qu'on ne peut pas retracer l'arme
à la personne qui les avait légalement la
dernière fois. Donc, toute arme à feu commence de façon légale, et ce qu'on
veut éviter, c'est qu'elle soit détournée,
qu'elle change de statut, vers l'illégalité. Puis, quand ça arrive, bien, si on
a l'enregistrement, on peut le savoir puis on peut, un, tenir la
personne responsable, mais surtout c'est un effet dissuasif qui fait que les propriétaires vont... et surtout ceux qui
pourraient être tentés de faire des choses malhonnêtes pour se faire de l'argent.
Donc, c'est un effet dissuasif incroyable,
quand c'est sûr que tu vas te faire prendre, par rapport à la situation actuelle, où il n'y a pas moyen
de savoir qui l'a vendue.
Donc, je vais juste rapidement
prendre l'exemple de la tuerie sur la colline Parlementaire : Michael
Bibeau, quelqu'un lui avait vendu une arme d'épaule, mais, parce qu'on n'a plus l'enregistrement, on ne peut plus savoir c'est qui. Et
donc ça facilite ce genre de vente illégale quand on ne peut pas retracer
l'arme.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député d'Ungava.
M. Boucher :
Je vais céder la parole à M. le député de Vimont d'abord.
Le Président (M.
Ouellette) : Ah bon! Bien, c'est correct.
M. Rousselle :
Il n'y a pas de problème. Mesdames, merci d'être ici. Premièrement,
félicitations pour votre mémoire, vraiment un mémoire qui va nous aider pour
nos travaux. D'ailleurs, le ministre l'a mentionné. Moi, je me rappelle justement de la dernière motion qu'on a
faite à l'Assemblée nationale et puis quand on s'est tous levés pour
parler, justement, de l'approche au niveau d'avoir un registre d'armes.
Il
y a beaucoup de gens... puis vous l'avez entendu, vous avez même participé, à
quelques endroits, dans des débats, il
y a beaucoup de gens qui mentionnent comme quoi que le registre fédéral, là, ce
n'était vraiment pas bon, ça n'a pas servi, ça n'a pas sauvé de vies, ça
n'a rien fait. Vous répondez quoi, vous, là-dessus?
Mme Provost (Nathalie) : Les statistiques démontrent clairement qu'à
chaque fois qu'on a amélioré le contrôle des armes le nombre de morts...
et donc pas juste lié à la criminalité, mais le nombre de morts lié aux armes à
feu diminue, et c'est démontré
scientifiquement par les statistiques qui démontrent la diminution du nombre de
morts par balle au Canada en 1991, en
1995. C'est démontré aussi ailleurs dans le monde. Donc, pour nous, ces
arguments-là ne tiennent pas la route au plan global.
Mme Rathjen (Heidi) : J'ajouterais que, quand on mesure l'impact de l'enregistrement,
mettons, au niveau fédéral, c'est important de mesurer l'impact sur les armes qui ont été
nouvellement contrôlées sur le registre. Donc, la loi de 1991 et 1995 a surtout apporté des nouveaux contrôles
sur les armes d'épaule. Et, quand on regarde spécifiquement les décès, les homicides par arme d'épaule, il n'y a
aucune question, aucun doute que le nombre a chuté de plus de
50 % et le taux a chuté d'encore
plus. Dans le mémoire, à la page 10, on fournit les statistiques de Statistique Canada qui montrent que le taux d'homicides commis à l'aide d'une arme
d'épaule est passé d'une moyenne, sur cinq ans, au moment de la tuerie de
Polytechnique, de 0,41 par 100 000 habitants à 0,1, donc, le quart,
pour les années 2010 à 2014.
Donc,
c'est clair que ça a un impact. Puis les opposants au registre continuent toujours
à prétendre que ça n'a pas sauvé une
vie, ça n'a rien donné, ce n'est pas efficace, mais les chiffres parlent complètement autrement, les policiers disent que ça a marché, les études confirment ça des chercheurs. Pourquoi
que nous, on aurait encore à justifier, à avoir ce fardeau de preuve là, alors qu'il me semble que c'est peut-être
les adversaires qui devraient démontrer pourquoi cette baisse-là
ne serait pas liée au nouveau contrôle? Tu
sais, à chaque fois, comme Nathalie dit, en 1977, en 1991, en 1995 — on
a les graphiques dans le mémoire — qu'il y a eu des nouveaux
contrôles sur les armes d'épaule, il y a eu une tendance à la baisse.
Donc,
on a tous, tous les éléments de preuve pour dire que ça a sauvé au moins 300
vies par année — 3 000
sur 10 ans, c'est énorme — et
pourtant on nous sert toujours l'argument, puis souvent, je vous dirais — là,
je ne me plains pas à vous, mais plutôt
dans les médias — ils disent ça sans se faire questionner,
sans se faire questionner de démontrer comment ils peuvent dire ça étant
donné les statistiques, les recherches et l'avis des experts.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Vimont, je pense que le ministre a un
commentaire avant que je m'en aille à Ungava.
M. Coiteux : Un tout petit
commentaire, avant que le temps qui nous était imparti de ce côté-ci soit
épuisé, simplement pour dire, parce que vous faites des propositions
d'amendement : Soyez certaines qu'on va les étudier extrêmement sérieusement pour voir s'il y a lieu
de bonifier le projet de loi. Donc, c'est un travail qu'on va faire avec
toute l'attention requise.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député d'Ungava.
M.
Boucher : Alors, bonjour, mesdames. Je vous remercie beaucoup de votre
présence aujourd'hui et je salue votre courage
au travers de ces années-là. Je pense que tout le monde se souvient d'où ils
étaient puis ce qu'ils faisaient le soir du 6 décembre 1989 à l'heure du souper. Et puis, malgré les
années, malgré la vie, malgré les aléas, vous avez toujours gardé le
focus, là, sur votre objectif, puis ça, là-dessus, je vous salue puis je vous
en félicite.
Moi, bon, je
viens du comté d'Ungava, qui est la moitié du Québec à moi tout seul, puis à
peu près tout ce qui est au nord du
49e parallèle, c'est chez nous, puis souvent ce qu'on me dit : Bien,
tout ça, là, c'est un débat de Montréal, là, tu sais, je veux dire. Les gens me disent : Regarde, moi, j'habite à
Matagami, j'habite à Chapais, je travaille fort, je paie mes taxes, mes
impôts. Tu sais, le samedi après-midi, quand il fait beau, j'aime ça aller
chasser le lièvre. C'est dur, c'est compliqué
de se procurer une arme, puis là c'est encore une loi pour m'ostraciser. Tu
sais, je ne suis pas un assassin, je ne veux pas tuer personne, je n'en
ai pas l'intention, mais je pratique un sport qui me place au banc des accusés.
Moi, je leur dis : Ce n'est exactement
pas ça, ce n'est pas une loi antichasse, ce n'est pas une loi antiarme, ce
n'est pas une loi antichasseur, c'est
une loi pour protéger, bon, l'entourage, parfois se protéger soi-même.
Aujourd'hui, on peut être dans des bonnes
dispositions qui peut-être, suite à des événements, ne seront plus le cas,
puis, si on a une arme entre les mains, peut-être qu'on fera des choses
qu'on ne ferait pas autrement.
Bon, en
quelques secondes qu'il peut rester, j'aimerais que vous parliez, là, à mes
citoyens dans Ungava pour les rassurer,
là, puis leur dire que, finalement, tout ça, ce n'est rien contre eux et puis
que ce n'est pas une loi montréalaise, que c'est vraiment pour le grand
bien de tout le Québec, là, qu'on est ici aujourd'hui.
Le Président (M. Ouellette) :
90 secondes, Mme Rathjen.
Mme
Rathjen (Heidi) : Merci pour
la question. Justement, les seules personnes qui disent que les
propriétaires d'armes sont considérés comme des criminels quand on enregistre
leurs armes, bien, ce n'est pas nous, c'est eux qui soulèvent ça.
Deuxièmement,
la sécurité publique n'a pas de région, là, c'est, la sécurité publique, ça
compte pour tout le monde. C'est sûr
que, dans les régions, les usages des armes à feu, c'est plus élevé, donc on y
retrouve plus d'opposition. Mais sachez
que, quand les gens vont à l'aéroport, puis ils se font vérifier tout, puis il
y a tous les genres de procédure de sécurité publique, bien, je ne dis pas qu'on me considère comme une terroriste
potentielle. Quand on se fait arrêter pour des tests d'alcool au volant, là, tu sais, des barrages, on
n'a pas le choix, bien, on reconnaît que ce n'est pas parce qu'ils nous
accusent d'être des gens qui boivent au
volant, c'est une mesure qui... oui, c'est un peu un inconvénient, mais ça sert
la société en général pour augmenter
la sécurité. Alors, c'est le but, c'est pour protéger tout le public, et, comme
pour les autos, comme pour les gens qui voyagent, c'est les usagers qui
doivent subir les inconvénients, mais c'est pour un but plus large et pour
améliorer la qualité de vie et la sécurité de la population.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Verchères.
• (12 h 40) •
M.
Bergeron :
Merci, M. le Président. Merci, mesdames, merci d'être des nôtres aujourd'hui,
merci à vos collègues qui vous
accompagnent. Merci et félicitations pour la résilience, le courage, la
détermination dont vous avez fait preuve depuis un peu plus d'un quart de siècle à tenir à bout de bras ce
flambeau, de vous être faits les porte-voix de ces étudiantes, étudiants, enseignants, enseignantes, membres du
personnel de Polytechnique qui ont vécu cette expérience traumatisante,
les porte-voix des personnes qui ont été blessées, les porte-voix de ces 14
femmes qui ne peuvent pas être avec nous aujourd'hui pour nous dire qu'il nous
faut contrôler les armes à feu.
Merci de votre mémoire extrêmement étoffé. Et,
avant de passer la parole à mon collègue de Bonaventure, j'aimerais insister
sur un élément, parce qu'on en parle beaucoup depuis deux semaines, mais je
pense que c'est important qu'on le précise, et ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques
a amorcé cela précédemment, mais il y a trois
grandes catégories d'armes dans les classifications du gouvernement fédéral : il y a les armes restreintes — et
là on parle des armes de type
militaire; il y a les armes à autorisation... les armes prohibées, pardon; il y
a les armes à autorisation restreinte,
dans lesquelles on retrouve les armes de poing, donc des armes qu'on peut se
procurer, mais avec un certain nombre
de réserves et de restrictions. Et il y a toutes les autres armes qu'on peut se
procurer librement chez les armuriers, dont
les armes de chasse, et dans cette grande catégorie d'armes qu'on peut
se procurer librement chez les armuriers... on va chez Latulippe après-midi puis on peut
trouver les armes en question. Et, souvent, je comprends les chasseurs de
nous dire : Bien, oui, mais les armes de chasse, c'est des armes de
chasse.
Mais vous démontrez bien dans votre mémoire
qu'il y a toute une série d'armes — on les voit, là, puis ça fait
frémir — toute une série d'armes qui ne sont pas conçues
pour tuer du gibier, qui sont conçues pour tuer d'autres êtres humains,
qui sont des armes dont l'achat aujourd'hui est tout à fait légal, et, d'ici à
ce que le gouvernement fédéral resserre sa classification, nous avons ici un rôle à jouer, qui est de
faire en sorte que ces armes, qui ne sont pas des armes de chasse, puissent être enregistrées, puis, évidemment,
toutes les armes, d'une façon générale. Mais je voulais insister sur cet élément-là, parce qu'il y a beaucoup
de choses qui se disent, mais il est important de savoir que ce à quoi font face, par exemple,
les policiers, ce ne sont pas que des armes de chasse, et il y a des armes de
type militaire qu'on peut se procurer aujourd'hui même.
Alors, merci d'avoir attiré notre attention sur
cet élément important, puis il m'apparaissait crucial de faire cette petite
précision, merci de vos recommandations également, dont celle, qui nous revient
déjà depuis un certain temps, concernant la
traçabilité, l'assurance que la personne à qui on vend l'arme détient bien un
permis de possession et d'acquisition,
de telle sorte d'assurer la traçabilité des armes, et on va évidemment
examiner les autres recommandations. Et,
à moins que vous ayez des commentaires à formuler à l'égard de mon préambule,
je passerais la parole à mon collègue de Bonaventure.
Le Président (M. Ouellette) : Ça va?
M. le député de Bonaventure. Quatre minutes qu'il vous reste.
M. Roy : Écoute, je vais essayer
d'en profiter. Merci.
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
mais j'espère que vous allez en profiter, parce que peut-être que ça ne
repassera pas.
M. Roy : Merci, M. le
Président.
Une voix : Je suis à la
veille de lever un protêt, moi, M. le Président, parce qu'il y a un traitement
inégal.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Roy : Puis-je y aller? Bonjour, mesdames. Bonjour. Écoutez,
bravo pour votre combat, puis je peux vous dire qu'il y a d'autres
enjeux qui auraient besoin de gens déterminés comme vous, O.K., vraiment.
Il y a un aspect dans votre mémoire sur lequel
j'aimerais apporter votre attention, c'est celui de «réduire de manière
substantielle — c'est
une recommandation — la
période de grâce [...] de 45 jours pour les armes transitant temporairement au Québec».
Comme vous le
savez, je suis porte-parole en
matière de forêts, faune et parcs. C'est sûr que le monde de la faune nous interpelle beaucoup, entre autres les pourvoiries,
qui sont pratiquement en rupture de clientèle. Ils prévoient qu'en 2019 la clientèle va chuter de manière
considérable. Donc, c'est un enjeu économique important. Et là est-ce que, si
on réduit de manière très significative
cette période temporaire d'existence de l'arme sur notre territoire pour
éventuellement aller à la chasse dans des
pourvoiries, on n'aurait pas des problématiques de clientèle ou de chute de
clientèle importantes au niveau de gens qui viennent de l'extérieur de
la province? Et ça, c'est un enjeu que ces gens-là soulèvent, puis j'aimerais
vous entendre là-dessus.
Mme Rathjen (Heidi) : La période de
grâce représente une échappatoire possible. Donc, c'est des armes qui rentrent
dans la province, qui ne seraient pas comptabilisées, et donc facilement
détournables vers des fins illicites, donc il faut en tenir compte.
Nous avons
deux recommandations par rapport à cette période-là. La première,
c'est de la raccourcir. On pense que
45 jours, c'est trop long. On comprend qu'il faut qu'il y ait
des accommodements. Et donc, les armes qui rentreraient pour une ou deux semaines, on comprend que ça ne vaut pas la peine de les rentrer dans le
système. Cependant, l'autre recommandation
qui fermerait cette échappatoire-là, c'est d'exiger des chasseurs qui viennent
de l'extérieur du Québec d'aviser le
gouvernement, par écrit, au préalable, du fait qu'ils veulent amener des armes
au Québec. Et donc il y aurait au moins
une trace, une documentation de ces armes-là au cas où elles seraient détournées
ou justement pour empêcher, pour créer une dissuasion pour... qu'elles
soient détournées.
Donc, déjà,
les Américains, quand ils viennent au Canada, doivent déclarer à l'avance,
avant de rentrer, toutes les armes à feu qui rentrent. Ce serait la même
chose. Pour ce qui est de l'entrée aux États-Unis, vous pouvez avoir une entente avec les agences frontalières, puis, pour
les autres provinces avoisinantes, bien là ce serait une nouvelle
exigence. Et je comprends que c'est une
démarche de plus, remplir un formulaire, mais, encore une fois, on parle
d'armes à feu, on parle d'objets
dangereux. Quand on fait un voyage, on fait toutes sortes de préparatifs, de
l'assurance, tu sais, louer son auto ou, tu sais, toutes ces... et on
trouve que signaler à un gouvernement du fait qu'on apporte des armes à feu
dans une juridiction où on contrôle les armes à feu, c'est tout à fait
raisonnable et normal.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Bonaventure. 30 secondes pour un commentaire.
M.
Spénard : 30 secondes. Écoutez, ça ne deviendrait pas
une contrainte de plus administrative qui serait répulsive par rapport à une clientèle, qui est déjà demandée ailleurs pour des... pour une industrie
qui est déjà, à quelque
part, sur le respirateur? Et, tu sais, je ne veux pas être
l'avocat du diable, mais, dans ce cas-là très précis, fort est à parier qu'il y aurait une diminution de clientèle
étant donné l'ajout d'une mesure réglementaire qui serait peut-être mal vue.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
Je ne sais pas si vous avez un commentaire?
Mme
Rathjen (Heidi) : ...avec
les Américains parce qu'ils viennent au Québec pour chasser, mais eux,
ils doivent déclarer leurs armes à la
frontière. Donc, c'est la même chose, ça se fait déjà. Alors, on veut juste que
ça se fasse pour les provinces. Et je
crois que c'est normal que, quand on visite, en tant que touriste, une autre
juridiction... c'est normal de respecter
les lois de la juridiction. Et je
pense que la sécurité publique
devrait demeurer la priorité quand on a affaire avec le contrôle des armes à feu, et c'est sûr que, comme
le ministre l'a dit... et nous, on appuie de minimiser les tracasseries,
mais pas aux dépens de la sécurité publique.
Et donc on recommande très fortement de fermer cette échappatoire avec
cette exigence-là.
Le Président (M. Ouellette) :
Commentaires additionnels?
Mme
Provost (Nathalie) : Bien,
on leur exige de payer leur permis de chasse. On va leur exiger, s'ils
abattent un animal, d'enregistrer l'animal
qu'ils ont tué. À mon avis, c'est la simple continuité du geste qu'ils sont en
train de poser. Ça fait que je ne
pense pas que c'est un argument qui est valide. Ils doivent enregistrer un
animal. Si on voyage avec son chien ou
son chat, il est enregistré. Moi, je
pense que ça va de
soi : si on va chasser, on... À Rome, on fait comme les Romains, tout
simplement.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci,
M. le Président. Alors, bienvenue,
Mme Pronovost et Mme Rathjen. Je comprends que, pour vous, le
dossier est plus émotif que d'autres personnes étant donné que vous avez vécu,
Mme Pronovost, les tristes événements de Polytechnique, mais par contre il faut aussi regarder le projet de loi
n° 64 d'une manière à élargir un peu nos horizons pour dire :
Est-ce que c'est le meilleur moyen d'assurer la sécurité par les armes à feu au
Québec, est-ce qu'il n'y a pas d'autre moyen d'y arriver?
Votre mémoire
est très bien étoffé. Je regarde ça, c'est vrai qu'il y a des armes qui sont
considérées comme non restreintes au
Canada et qu'on peut acheter, mais il est faux de prétendre qu'on peut acheter
une arme dans une entreprise qui vend
des armes sans permis de possession et d'acquisition, et ça, c'est la Loi sur
les armes à feu du Canada, et vous l'avez
si vous allez dans le site de la RCMP. Au gouvernement du Canada, c'est encore
là, ça. Ça, c'est encore là, puis ça, ça demeure là.
Il est faux de prétendre que quelqu'un qui n'a pas de
permis va pouvoir aller s'acheter une arme dans... je ne vous dis pas «une arme d'un particulier à un autre».
Mais, une arme dans une entreprise, il est faux de prétendre qu'on peut l'acheter sans permis de possession et
d'acquisition d'armes à feu. Ça, j'aimerais rectifier le fait, parce que
vous semblez faire croire au monde
que n'importe qui peut acheter une arme n'importe où. Je ne pense
pas, je ne pense pas, moi. En tout cas, ça me surprendrait.
• (12 h 50) •
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord, vous ne leur prêtez pas d'intentions?
M.
Spénard : M. le
Président, c'est ça qu'ils ont dit tout à l'heure, moi, je m'en tiens aux faits puis à qu'est-ce qu'ils ont dit.
Le Président (M. Ouellette) : Bien,
parlez-moi à moi, M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : O.K. Je
vous parle, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
M.
Spénard : Moi,
Mmes Pronovost et Rathjen...
Une voix : Nathalie Provost.
M.
Spénard : Provost.
Je m'excuse. Provost. Je m'excuse, Mme Provost.
Une autre
chose, moi, que j'aimerais vous entendre, c'est : En quoi un registre des
armes à feu... Parce que vous parlez beaucoup — puis
plusieurs personnes nous parlent de ça — de
responsabiliser les individus qui
possèdent des armes, de sensibiliser les individus qui possèdent des
armes, mais en quoi le registre des armes d'épaule va-t-il assurer une meilleure sécurité des personnes? Parce
qu'enregistrer les armes d'épaule, ça arrive une fois dans notre vie. On
l'enregistre, elle demeure tout le temps
chez le propriétaire, alors qu'un permis de possession et d'acquisition d'armes
à feu, à tous les cinq ans, il est renouvelé, il est renouvelable, et là
il y a une enquête des corps policiers, il y a une enquête sur votre ex-conjointe, ou votre conjoint, ou etc., et puis
là il y a une enquête sur votre santé mentale, et tout, alors que le
permis d'immatriculation, il est là à vie. Alors, en quoi ça améliore
réellement la sécurité des personnes?
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Rathjen.
Mme
Rathjen (Heidi) : Donc, il y
avait peut-être trois questions là-dedans. Je vais commencer avec peut-être
une...
M.
Spénard : ...parce
que je n'ai plus de temps de parole après.
Le
Président (M. Ouellette) :
Non, mais, de toute façon, le restant du temps, ça va être à vous. Son
préambule a duré la moitié de son temps. Ça fait que je vous donne le restant
du temps.
Mme
Rathjen (Heidi) : Donc, la
première question, c'est la vérification du permis. On a entendu la Sûreté
du Québec hier soir confirmer ce qu'on a
dit. L'obligation de vérifier la validité du permis n'existe plus depuis 2012.
C'est une option. La loi dit : Les gens peuvent faire la vérification,
mais pas «ils doivent».
Il est vrai
qu'acheter une arme sans avoir de permis de possession, ça demeure illégal,
mais vendre une arme à quelqu'un qui
n'a pas de permis — c'est
ça, la nuance — c'est
que la personne a juste besoin de croire que... C'est ça dans la loi, c'est : N'a pas de motif
raisonnable de croire que l'acheteur n'a pas de permis. Et, c'est ça, il n'y a
aucun autre standard qui est spécifié
dans la loi. Et donc, tant que la personne peut dire : Je l'ai cru, il est
protégé. Alors, c'est légal de vendre,
dans le sens que, s'il croyait sincèrement que la personne avait un permis, il
avait le droit de lui vendre, même si l'acheteur
n'a pas le droit d'acheter. Et c'est ça que la Sûreté du Québec a confirmé
hier. Et donc je sais qu'il y a beaucoup de gens, beaucoup de groupes proarmes et de propriétaires d'armes qui
n'y croient pas. Mais on ne peut pas aller plus loin que la loi qui est
confirmée par la Sûreté du Québec.
L'autre point, c'est la question de :
Comment ça protège la sécurité publique? Bon, il y a toute une série de manières que l'enregistrement interagit avec les
autres mesures pour protéger le public. Je ne veux pas passer à travers,
elles sont énumérées dans le mémoire, mais
juste donner un exemple : l'entreposage sécuritaire. Tout le monde est
d'accord qu'il faut entreposer ses armes de
manière sécuritaire, les barrer pour protéger contre l'usage par les gens qui
ne sont pas autorisés, protéger contre l'usage impulsif et protéger
contre le vol. Quand une arme est volée, puis elle est volée, par définition,
par des criminels, puis se retrouve dans un milieu criminel, sur le lieu d'un
crime, comment on peut tenir responsable la
personne qui ne l'a pas bien entreposée? S'il n'y a pas d'enregistrement, on ne
peut pas la tenir responsable. S'il y
a l'enregistrement, on peut l'identifier puis dire : Votre arme, là,
comment ça qu'elle n'est pas chez vous barrée comme elle devrait l'être,
selon les normes? Et donc ça encourage...
M.
Spénard : ...
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord...
M.
Spénard : ...est
encore en vigueur.
Mme Rathjen (Heidi) : Ça encourage
le respect des lois.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord, je veux lui laisser répondre à votre troisième question
aussi, parce que le temps avance.
Mme Rathjen (Heidi) : O.K. Alors,
ça, c'était un exemple.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Provost, pour la troisième question.
Mme
Provost (Nathalie) : M. le
député de Beauce-Nord, je crois, a porté deux commentaires à notre
endroit, à l'égard que nous sommes émotifs et que nous devrions élargir nos
horizons, et dans cette Chambre...
M.
Spénard : ...
Mme Provost (Nathalie) : C'est
exactement les mots que vous avez utilisés.
M.
Spénard : ...élargir
mes horizons, pas de vous.
Le Président (M. Ouellette) : La
parole est à Mme Provost.
M.
Spénard : ...tu
sais, je vais me faire charrier égal, là.
Le Président (M. Ouellette) : Non,
non. M. le député de Beauce-Nord...
Une voix : ...
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord, la parole est à Mme Provost.
M.
Spénard : ...
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Provost.
Mme Provost (Nathalie) : Depuis
25 ans. C'est vrai que ça a commencé dans un drame, dans un moment extrêmement pénible, et les gens qui étaient
émotifs, et j'en suis, ne sont pas ceux qui ont été porte-parole. J'ai pris
20 ans avant d'être devant vous, parce que ça m'a pris le
temps de guérir de mes blessures. Et on n'a pas créé la coalition, mobilisé 1 million de citoyens simplement par
des émotions, on s'est appuyés sur des faits, on s'est appuyés sur des
études canadiennes, on s'est appuyés sur des
résultats de Statistique Canada et on a travaillé à partir de ce qui s'est fait
partout dans le monde pour voir quelles sont
les meilleures pratiques. Et partout dans le monde il y a des systèmes de
contrôle des armes à feu qui sont
efficaces. C'est la minorité qui ne responsabilise pas les propriétaires par
rapport à leurs armes. Ce qu'on salue le
gouvernement du Québec de vouloir faire et puis qu'on est très déçus que le
gouvernement du Canada ne l'ait pas fait, ce n'est pas une idée émotive,
ce n'est pas une réaction émotive, c'est un débat raisonné et c'est basé sur
des faits et sur des analyses.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme Provost. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Trois.
Mme
Massé : Merci. Merci d'être là. Oui, c'est basé... je pense que c'est
ça que votre mémoire extrêmement étoffé vient nous expliquer. Et je sais ce que les groupes de citoyens sont
capables de faire lorsqu'il est temps de faire l'analyse des choses et je prends exemple... ça fait deux
jours où je pose la question aux corps policiers, de leur demander :
Coudon, ce qu'on appelle des armes d'épaule,
là, c'est-u dangereux? Oui, toutes les armes sont dangereuses. C'est la
première fois que j'ai la réponse à
ma question, mais, plus que ça, avec des photos qui me démontrent ce que
j'intuitionnais, alors, ça, sans compter tout le reste de vos arguments
et de ce que vous amenez, je suis d'accord avec vous. Et, je le vois dans le débat public actuellement, l'émotivité n'est pas
de votre côté, la détermination y est. Et là-dessus vous aurez, comme
vous l'avez depuis toujours, notre appui.
Pourquoi? Sécurité publique, certes. Les armes d'épaule tuent dans le
domestique, à la maison. Ça, comme parti féministe, on trouve ça fondamental.
Peut-être que ça dérange des gens, mais on trouve ça fondamental.
Je ne peux
pas m'empêcher de vous le demander, parce que, là, vous l'avez dit à quelques
reprises : Telle affaire, ça va
de soi, la santé publique est là, la police est là. Coudon, les seuls qui
ostracisent les chasseurs, c'est les opposants au registre eux-mêmes.
Bon, je n'ai qu'une question : Alors, à qui ça profite qu'il n'y ait pas
de registre? À qui? À qui, financièrement, ça profite qu'il n'y ait pas de
registre? Avez-vous une réponse à ça?
Le Président (M. Ouellette) : Mme
Rathjen.
• (13 heures) •
Mme
Rathjen (Heidi) : Je crois
que la réponse, c'est plus une question d'idéologie qu'autre chose, parce
que je suis sûre que ceux qui militent
contre le registre ont dépensé plus d'argent que le coût qu'on pourrait
imaginer le plus cher pour l'enregistrement des armes à feu, qui par
ailleurs va être gratuit.
Et, d'après
notre expérience au niveau fédéral, c'est toujours le même genre
d'argument : Ça ne marche pas, etc. Mais aussi, si vous regardez ce que ces groupes-là affichent sur leurs
pages Facebook ou Twitter, etc., les médias sociaux, on parle de, tu sais, des sentiments très
antigouvernementaux, antipolices, libertaires, libertés, droits de
s'autoprotéger avec des armes à feu.
Donc, par
exemple, le premier groupe qui a témoigné, l'Association canadienne pour les
armes à feu, ils ont dit devant vous
qu'ils étaient pour les permis de possession, mais, dans leurs documents
officiels sur leurs objectifs législatifs, ils sont contre, ils veulent tout abolir. Ils veulent que toutes les
armes soient disponibles, qu'il n'y ait pas de catégorie même pas des armes prohibées, automatiques. Et ils
veulent que les gens puissent porter des armes pour s'autoprotéger. Ça,
ils ne vont pas le dire devant vous, parce
que je pense que ça serait mal reçu,
mais c'est ça d'où beaucoup viennent. Peut-être pas les chasseurs.
Mais, là
aussi, c'est peut-être ce sentiment de stigmatisation ou ils pensent
que, puisqu'on les vise, parce que
c'est eux qui ont les armes à feu puis
l'enregistrement touche les armes à feu, d'une manière, à travers ça, on les
accuserait de quelque chose. Donc, comme vous dites, c'est émotif, c'est
idéologique et c'est aussi tout simplement la... les gens n'aiment pas la
tracasserie ou possiblement payer plus pour leur sport puis leur passe-temps.
Mais, je pense, ça, c'est mon interprétation, puis il faudrait leur demander
directement pour avoir la réponse.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme Heidi Rathjen, Mme Nathalie Provost, représentant l'organisme
PolySeSouvient. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 15 h 3)
Le
Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n° 64, Loi sur
l'immatriculation des armes à feu. Nous entendrons, cet après-midi, les
organismes suivants : les directeurs de santé publique, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence
conjugale, le Y des femmes de Montréal et la Société Makivik.
Nous recevons comme premier groupe les
directeurs de santé publique. On m'informe que la Dre Isabelle Goupil-Sormany va prendre la parole. Vous êtes
accompagnée, on m'informe, du Dr François Desbiens et du
Dr Sylvain Leduc. Vous me corrigez si j'erre.
Vous
avez 10 minutes pour faire votre présentation, et après il va y avoir un
échange avec le parti ministériel et les partis d'opposition. Ça fait
que, Mme Goupil-Sormany, à vous la parole.
Directeurs de santé
publique
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : Bonjour. Alors, M. le Président, M. le
ministre, merci. Distingués membres de la commission, je vous remercie
de nous accueillir cet après-midi.
Aujourd'hui,
nous venons vous parler de votre projet de loi, que nous appuyons sans réserve,
c'est important. Avant même de vous
lire notre allocution, que vous avez sous les yeux, j'aimerais quand même
prendre quelques instants pour vous expliquer un peu notre rôle comme
médecins de santé publique, comme directeurs de santé publique.
Première des
choses, nous sommes des médecins. Nous faisons des diagnostics, un peu à
l'exemple de ce que vous avez reçu
hier de la part de l'Institut national de santé publique, qui vous présentait
différents éléments de notre diagnostic en lien avec la prévention des traumatismes liés aux armes à feu. Nous
sommes aussi toujours des médecins, et donc nous prescrivons des plans de
traitement. Dans notre domaine, nos plans de traitement s'appuient sur cinq
grandes stratégies, des politiques publiques favorables à la santé, des lois, des règlements.
Le projet de loi n° 64 sur l'enregistrement des armes d'épaule, c'est un excellent exemple de politique publique favorable à la santé. C'est la base de
la plupart de nos traitements de santé.
Nous
travaillons aussi sur la création d'environnements favorables. L'institut vous le démontrait hier,
la présence d'armes à feu à domicile
est indéniable comme facteur de risque de traumatisme. Idéalement, il ne
devrait pas y avoir d'armes à feu au
domicile, mais, si des armes devaient être présentes, quand on parle de
travailler sur les environnements, on
s'attend à ce que ces armes soient entreposées de façon sécuritaire, que les
armes soient sous clé, qu'il y ait des cadenas et que les munitions soient
séparées des armes à feu. Voici un exemple d'environnement favorable.
Comme
troisième stratégie, on travaille aussi sur la réorientation des services de santé. Nous travaillons dans
ces continuums d'interventions pour prévenir le suicide ou encore contrer la
violence, qu'elle soit conjugale ou qu'elle soit
de nature plus criminelle. Nous avons des sentinelles en milieu de travail,
nous offrons des programmes de formation auprès des intervenants pour identifier les crises suicidaires et nous
travaillons aussi à sensibiliser les propriétaires d'armes à feu sur le
risque que présentent leurs armes à feu.
Nous avons
aussi comme quatrième stratégie le renforcement des capacités individuelles,
l'«empowerment» des individus. Le
suicide ou la violence ne devrait jamais être une solution face à des difficultés
particulières. Nous travaillons collectivement
à la... à la résilience — pardon pour le terme — et à la promotion d'une santé mentale
positive, comme en témoigne le Programme national de santé publique 2015‑2025.
Enfin, nous
travaillons sur le renforcement de l'action communautaire. La prévention du
suicide et la prévention de la
violence au Québec reposent sur plusieurs organismes communautaires — que vous allez recevoir, d'ailleurs — et qui font partie d'un continuum de soins avec lequel nous travaillons, et ces
organismes proposent une intervention pertinente.
Pour un
traitement efficace en matière de prévention des traumatismes liés aux armes à
feu, ces cinq stratégies doivent s'appliquer ensemble. Nous pensons que
le projet de loi vient s'ajouter à un ensemble de mesures qui, prises
collectivement, réduiront réellement le risque de mortalité par arme à feu au
Québec.
Sur ce, permettez-moi de vous lire l'allocution
qu'on vous a remise. Donc...
(Interruption)
Mme Goupil-Sormany (Isabelle) :
Woups! La technologie, hein?
D'entrée de
jeu, bien, je tiens à vous dire que l'ensemble des directeurs de santé publique
du Québec appuient le projet de loi.
Notre intérêt à appuyer ce projet de loi tient compte de nos responsabilités
professionnelles et médicales en lien
avec l'article 373 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
En effet, nous avons le mandat d'identifier les situations où une action intersectorielle s'impose pour prévenir des
maladies, des traumatismes, les traumatismes par arme à feu ou les
problèmes sociaux ayant un impact sur la santé de la population et, lorsque
nous le jugeons approprié, de prendre les mesures nécessaires pour favoriser
cette action. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
Dans cette
optique, afin de réduire les traumatismes par arme à feu au Québec, nous sommes
fermement convaincus que
l'immatriculation des armes d'épaule contribuera à sécuriser les domiciles en
faisant en sorte qu'elles auront moins de chances de tomber entre les
mains de personnes qui pourraient en faire un usage inapproprié contre
elles-mêmes ou contre autrui.
En effet,
l'ensemble de mes collègues directeurs de santé publique, que nous représentons
aujourd'hui, et moi croyons que
l'instauration d'un registre québécois des armes contribuerait à réduire le
nombre de suicides et d'homicides sans
empêcher quiconque, d'ailleurs, d'utiliser ce type d'armes à des fins licites,
c'est-à-dire la chasse, le tir ou encore la collection. Notre position
repose sur deux éléments distincts : d'abord, des données scientifiques
qui témoignent de l'utilité du registre pour réduire la mortalité par arme à
feu, comme on vous les a présentées hier soir, mais aussi le fait que pour nos intervenants dans le réseau de
la santé le registre est un outil qui s'avère utile pour la prévention et
la gestion des situations sociales complexes.
Notre position est d'abord, donc, basée sur la
littérature scientifique, les écrits, qui, comme cela vous a été présenté,
démontrent clairement que les mesures de contrôle des armes à feu permettent de
sauver des vies — 72
par année au Québec — liées à la fois à un permis de possession
d'armes et au registre. Ce sont deux mesures indissociables.
Au Canada,
plusieurs mesures ont été implantées durant les années 90 pour favoriser un
meilleur contrôle des armes d'épaule,
dont le projet C-68, qui a instauré l'obligation de détenir un permis de
possession d'armes et d'enregistrer chacune des armes. C'est ces deux composantes-là
qui font que ce sont des politiques favorables à la santé. Bien que
l'effet spécifique de chacune des mesures
comprises dans cette loi ne soit pas connu, ensemble, elles ont été démontrées
efficaces pour réduire le nombre de suicides et d'homicides.
En effet, les résultats des analyses qui vous
ont été présentés démontrent que la loi C-68 a permis d'éviter 250 suicides, 50 homicides, en moyenne, chaque
année, entre 1998 et 2004 au Canada et 72 suicides à l'échelle du
Québec entre 1998 et 2012.
• (15 h 10) •
Dans un tel
contexte, la suppression d'une mesure législative considérée indissociable des
autres mesures existantes peut s'avérer dangereuse, de notre point de
vue. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous nous étions opposés à l'abolition
du registre canadien des armes à feu sans restriction et qu'aujourd'hui nous
appuyons votre projet de loi.
Il est
important de rappeler que, d'un point de vue de santé publique, l'enjeu
entourant le projet de loi n° 64 dépasse largement la problématique des activités menées par des groupes
criminels. En effet, au Québec, les suicides sont de loin la première cause de décès par arme à feu — quatre
décès sur cinq par arme à feu. Dans la majorité des cas, ces suicides
sont commis au domicile de la victime à l'aide d'une arme d'épaule — fusil
ou carabine. Les armes d'épaule sont également en cause dans une proportion
importante des homicides commis à domicile, en particulier dans les cas
d'homicides intrafamiliaux. En matière de violence, il ne faut pas l'oublier.
Dans la plupart des cas, ces suicides et homicides
sont commis par des personnes ne présentant aucun antécédent criminel. Les
suicides par arme à feu surviennent partout
sur le territoire québécois. Fait à noter, le taux de suicide par arme à feu
est significativement plus élevé en zone rurale qu'en zone urbaine ou
périurbaine.
Plusieurs études ont démontré que la présence
d'une arme à feu au domicile constitue un facteur de risque de suicide et
d'homicide — je
vous l'ai dit tout à l'heure en introduction, idéalement, il ne faudrait pas
d'arme à feu à la maison — et
ce risque est d'autant plus grand si les personnes présentent des problèmes de
santé mentale ou des problèmes circonstanciels — par exemple, un jeune qui vit une peine d'amour, une personne confrontée à des
difficultés conjugales, familiales ou même à une perte d'emploi ou une
diminution de ses revenus.
Dans une
perspective de prévention du suicide ou des homicides intrafamiliaux, il importe,
bien sûr, d'agir en amont par des
approches de promotion de la santé mentale, de même que du dépistage, du
traitement et de l'intervention précoce en situation de crise, mais,
dans ces situations, il importe aussi, également, de s'assurer qu'on ait un
plan de soins qui prévoit des interventions pour protéger les personnes
concernées : la personne elle-même, sa famille, mais aussi les intervenants qui interviennent auprès de ces
personnes. À cet égard, le contrôle de l'accessibilité aux armes à feu fait
partie des actions essentielles à instaurer. C'est d'ailleurs ce que reconnaît
l'OMS. En effet, dans son rapport de 2014, elle mentionne que la restriction de l'accès aux moyens est une stratégie à
mettre en oeuvre pour sécuriser les environnements à risque. Par ces moyens, le contrôle et l'accès
mais aussi les registres font partie des mesures jugées efficaces — ce
sont autant les mesures législatives et réglementaires — pouvant
réduire les suicides par arme à feu.
Ce qui nous
permet maintenant, en tant que médecins, mais aussi membres des
centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux et des centres
intégrés de santé et de services sociaux, de vous présenter notre deuxième
argument, qui est celui de nos intervenants.
Nous représentons les intervenants sociaux en
famille, en personnes âgées, en santé mentale mais aussi en déficience
intellectuelle. Pour ces gens, le fait de pouvoir vérifier la présence d'une
arme à feu au domicile revêt une importance
particulière pour ceux et celles qui interviennent auprès d'une clientèle en
situation de crise ainsi que pour leurs partenaires communautaires oeuvrant en prévention du suicide et en
violence conjugale. Selon les procédures suivies selon leurs plans de
soins pour l'évaluation de la dangerosité devant un risque suicidaire ou
homicidaire, en l'absence de collaboration
ou de fiabilité — parce que, des fois, on ne peut juste pas
faire confiance à la personne dans sa situation de crise — les
intervenants n'hésitent pas à communiquer avec les services policiers afin de
vérifier la présence d'armes à feu, leur
nombre et leur type. On réalise que les gens ont tendance à déclarer avoir en
leur possession des armes à feu, mais le nombre est rarement fiable. Le
registre permet de s'assurer d'une plus grande fiabilité.
Cette
vérification ainsi que les interventions adaptées qui peuvent en découler
visent trois objectifs : la sécurité de la personne...
Une voix : ...
Mme Goupil-Sormany (Isabelle) : ... — parfait — et la
sécurité de l'ensemble de la maisonnée.
Je pense que, pour conclure, je voudrais juste
vous dire que nous avons sensiblement les mêmes enjeux que l'ensemble
des intervenants qui vous ont rencontrés en faveur du registre, c'est que nous
vous invitons à bonifier le projet de
loi pour s'assurer que la vérification du permis de possession d'armes à feu est systématique, rigoureuse et
sans faille. La loi fédérale a été changée, elle pourrait être réinterprétée. Nous vous invitons à
corriger cette faille par un amendement qui nous permettrait de pouvoir, un, bien contrôler le permis de port
d'armes, deux, associer chaque arme à un propriétaire, peu importe
l'histoire de cette arme. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
M. le ministre.
M.
Coiteux : Merci beaucoup, Dre Goupil-Sormany, pour la présentation, qui est certes
complémentaire à celle qu'on a eue
d'autres intervenants qui venaient du milieu de la santé, mais, en même temps, vous l'avez, je dirais, campée, là, dans le contexte de la livraison des soins dont vous êtes responsables à
travers les CISSS et les CIUSSS, là, bon, alors ça permettait de voir
quelle en était l'importance.
Donc, évidemment, je ne peux pas
faire autrement qu'être heureux que vous soyez en faveur du projet de loi. Vous avez aussi des recommandations qui touchent certains aspects qui pourraient être améliorés. Puis,
comme je l'ai dit à tous les groupes
qui sont venus sur cette question-là et à d'autres auparavant, on prend ça très
au sérieux, on va faire toute l'analyse requise pour voir comment les bonifications peuvent être apportées.
Donc, ce n'est pas vain même de le
répéter, même s'il y a d'autres groupes qui l'ont énoncé auparavant.
Ma
première question, c'est pour vous donner peut-être l'occasion d'élaborer un
tout petit peu plus, puis peut-être dans
des cas concrets, des fois, si vous aviez quelques exemples, comment le fichier
d'immatriculation des armes peut faciliter le travail des professionnels
qui oeuvrent dans le domaine de la prévention du suicide, en particulier.
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : ...trois situations. Une situation en
soutien intégré en périnatalité et petite enfance, une famille avec certaines difficultés, le père ou la mère peut
vivre des difficultés, ils vont demander des services, et souvent on peut sentir que la famille est
fragile. Et donc les intervenants vont demander, dans une situation de
risque psychosocial complexe, avec des
stresseurs nombreux, financiers, sociaux... ils vont communiquer avec les
policiers pour savoir s'il y aurait
des risques de violence à la fois qui pourraient être de violence conjugale
mais aussi de violence plus par autrui
ou dans un contexte de crise, et donc vont demander aux services policiers de
valider s'il y a des risques associés à un environnement, là, qui
pourrait présenter des risques comme une possession d'armes à feu dans le
domicile. Ça, c'est un premier exemple.
On a les exemples en
violence conjugale, notamment une conjointe qui pourrait être inquiète, où, là,
la vérification est systématique par les
intervenants, ou encore la personne dépressive qui se fait évaluer par un
centre de prévention du suicide, et
l'intervenant va d'emblée demander à la personne s'il y a un plan, hein?
Souvent, si la personne dit :
J'y pense, mais qu'elle n'a pas de plan, le risque est moins élevé que la
personne qui dit : Oui, j'y pense, j'ai un plan, je vais prendre une arme à feu. Là, l'intervenant va
rapidement s'assurer qu'il n'y en a pas à la maison. Parce que ce qu'il
faut savoir, c'est que la crise suicidaire,
elle dure en général 10 minutes — très, très court — ce n'est pas très long, et il faut éviter l'accès à une arme à feu pendant cette
période particulière de crise, il faut qu'on... Et donc le fait d'avoir accès
à une arme à feu qui n'est pas sécurisée au
domicile fait que, pendant la crise, c'est beaucoup plus facile de passer à
l'acte. Mais, si on a réussi à
sécuriser le domicile, parce que, la personne, on est intervenu de façon
précoce, on va pouvoir prévenir... puis on va pouvoir éviter qu'il y ait
un passage à l'acte pendant la période de risque.
Finalement,
on a souvent des situations de... J'ai dit «trois exemples», mais je vais vers
un quatrième : le soutien aux personnes âgées dans des contextes de
vulnérabilité. Pour éviter des passages à l'acte en situation de crise, on s'assure que le domicile demeure sécuritaire puis
qu'on va pouvoir offrir d'autres services qui sont beaucoup plus
pertinents pour les personnes qui en ont besoin.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le ministre.
M.
Coiteux : Si vous me permettez, j'aimerais creuser encore un petit peu
plus sur cette question de la prévention du suicide. Puis vous n'êtes
pas le premier groupe qui nous avez dit ça, que la crise suicidaire dure
10 minutes, en moyenne. Mais vous, pour
pouvoir sécuriser l'environnement de la personne qui pourrait être suicidaire,
pour sécuriser cet environnement-là,
vous avez besoin d'agir avant d'en arriver à la crise suicidaire. Donc, quelles
sont ces étapes-là au cours desquelles vous pouvez intervenir?
Mme Goupil-Sormany
(Isabelle) : Bien, il y a...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Goupil-Sormany.
Mme Goupil-Sormany
(Isabelle) : Oui. Pardon.
Le Président (M.
Ouellette) : C'est juste pour les besoins de l'audio, pour qu'on
puisse vous suivre, pour le verbatim.
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : J'avais envie de rentrer en dialogue. Mais
effectivement la crise suicidaire ne survient jamais toute seule, dans
le vide, comme ça, il y a des signes annonciateurs, il y a des signes de
dépression, il y a des signes de difficultés psychosociales, et, en général,
les gens vont demander de l'aide, et il faut être capable d'intervenir avant la crise suicidaire, notamment
par ces signes avant-coureurs — on parle de dépression, mais on peut
aussi parler d'un appel pour demander du
soutien en disant : J'ai des idées sombres. Il faut qu'on soit capable
d'intervenir. Et les intervenants le
savent et font du dépistage systématique pour les armes à feu. Mais là, avec le
registre, on a une étape de plus, on
peut vérifier la validité de l'information, donc ça nous permet d'intervenir
parce qu'on est dans un continuum de soins.
On
a aussi, dans nos programmes, des sentinelles, des gens qui ont le mandat de
voir si leurs collègues, en milieu de travail,
présents ont un affect — l'affect, c'est les émotions, l'humeur — si ça s'est modifié, si le ton est devenu
plus négatif. Et on a, donc, des gens
qui agissent pour dépister la détresse avant même qu'elle se transforme en
crise suicidaire. On en a en milieu
de travail. On a des intervenants psychosociaux dans les CISSS et les CIUSSS,
mais dans le volet CLSC, dont c'est
le mandat, c'est l'expertise. On a les centres de prévention du suicide, on a
les maisons de la famille. Il y a toutes sortes d'intervenants qu'on
habilite à dépister la crise sociale avant qu'elle ne se transfère en une crise
suicidaire.
Donc, on est capable d'intervenir en
amont. Puis c'est dans cette période fenêtre là, quand on dépiste les
premiers signes avant-coureurs, que, là,
c'est important de pouvoir voir si, la personne, il y a une association avec
des armes à feu ou s'il y a des armes à feu dans son domicile.
• (15 h 20) •
M. Coiteux :
Comment fonctionnent la collaboration, le travail en collaboration avec les
services policiers? Pouvez-vous nous en parler un petit peu? Justement, quand
vous pensez qu'il y a peut-être lieu de s'interroger sur la présence d'armes,
donc, vous devez communiquer avec les services policiers.
Comment ça se passe?
Avez-vous des protocoles? Est-ce que la relation, en général, fonctionne bien?
Est-ce que c'est rapide?
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) :
...on veut tous la même chose, hein, on veut prévenir des décès. Les
policiers, comme les médecins, comme les
intervenants, tout ce qu'on veut, c'est la même chose, donc on est tous centrés
sur le même objectif : sécuriser les milieux. Je vous ai parlé d'environnement favorable tout
à l'heure, mais on veut sécuriser les
milieux. Et, quand on a des doutes raisonnables, les policiers sont toujours
très, très réceptifs à nos préoccupations.
M.
Coiteux : Est-ce que vous
avez, dans la pratique, là, par
rapport à votre collaboration avec les services policiers et
ce travail que vous faites... Puis je
continue avec la prévention du suicide, mais ça pourrait être évidemment la
prévention de la violence conjugale et
d'autres types de problématique, mais continuons avec celui-là pour les fins de
la cause, là, pour les fins de l'illustration.
Est-ce
que vous avez vu un fonctionnement différent avant l'arrivée du registre
fédéral, pendant l'existence du registre fédéral et depuis que le
registre fédéral n'existe plus?
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : Là, j'ai un petit peu... Je sais que ça a
été un long apprentissage, hein, on a appris
à travailler ensemble. D'abord, les services policiers ont eu, au départ, aussi
à apprendre à fonctionner avec le registre. Donc, je vous dis ça pas
d'expérience, là, je vais être obligée d'être prudente sur ce que je vous
traduis, mais on a ces écrits-là, on a cette
expérience-là. Le registre, au Québec, ça fait un an qu'on n'y a plus accès,
là... bien, même deux ans.
Une voix :
...
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : Deux ans. Donc là, on n'a pas une très
grande expérience de l'absence de registre, donc je suis obligée de
réserver mon jugement, mais nos intervenants nous disent que c'était
facilitant, utile, pertinent et que, pour
eux, ça leur a permis d'éviter des drames. Et les données statistiques qui vous
ont été présentées hier, c'est une
projection de 72 suicides par année au Québec, en moyenne. Je pense que ce sont
de vrais drames évités. Donc, on peut y croire.
M.
Coiteux : Mais, à tout le moins, là, même si ça ne fait pas très
longtemps, vous avez l'impression de travailler avec beaucoup plus
d'incertitude qu'il y a deux ans, par exemple, il y a trois ans.
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : Bien, tout à fait. On continue de
travailler avec des... Dans mon ancienne vie, j'étais urgentologue, là, je vais prendre un exemple. On a, en médecine,
des mesures universelles, hein : il faut porter des gants, il faut porter un masque. On ne sait pas le
statut de la personne, on ne sait pas si elle a une maladie contagieuse.
Mais là, actuellement, on est un peu
retournés à des mesures universelles. On vérifie s'il y a des armes, on fait
confiance à la personne, on espère que son
intention suicidaire n'est pas suffisamment avancée pour déformer la réalité,
par exemple, là, dans le cas du
suicide, mais aussi dans la violence conjugale, mais on est obligés d'appliquer
des mesures universelles et on a de
la misère à les ancrer sur la personne. Quand on a accès à un test de dépistage
qui nous dit : Attention! cette personne-là est porteuse de la
bactérie, on n'enlève pas nos gants, on n'enlève pas notre masque, mais on est
déjà capables d'avoir un traitement plus approprié, on est capables
d'intervenir de façon spécifique sur sa réalité propre.
Moi,
je pense que c'est comme ça qu'il faut le voir un peu. Les mesures
universelles, là, de l'urgence, je trouve que c'est un bel exemple. On va être capables d'aller plus loin. Ça fait
qu'on perd un levier d'intervention. On va continuer d'appliquer des
mesures universelles, mais on peut aller plus loin grâce au registre.
M. Coiteux : Puisque vous faites du travail avec des personnes
qui ont des problèmes de santé mentale — visiblement, la dépression, l'envie de se suicider, c'est un problème de santé
mentale — donc, je
voudrais vous entendre à cet effet.
Hier,
on a eu une présentation vraiment extrêmement convaincante, très claire de la
Sûreté du Québec par rapport à la
situation actuelle, où ils interviennent, et l'inspectrice nous a dit :
Regardez, aujourd'hui, on est obligés de se baser sur la bonne foi. Et
elle a dit la... comment est-ce qu'elle a dit ça?, elle a dit la... elle avait
pris un terme, là, justement «la bonne foi», et c'était le...
Une voix :
...
M. Coiteux :
La lucidité. Pardon. La bonne foi et la lucidité des personnes. Mais, lorsqu'on
a des ennuis de santé mentale, comment vous jugez, vous, de la lucidité d'une
personne qui dit : Non, moi, je n'ai pas d'arme à la maison, je n'ai pas
de...
Mme Goupil-Sormany
(Isabelle) : Comme médecins et comme intervenants, on a toutes sortes
de techniques pour évaluer le niveau
de lucidité, le fonctionnement... on a des échelles globales de fonctionnement
des personnes, donc on est quand même
capables d'avoir des indices, que ce soit au niveau de son humeur, de ses
émotions, de son discours, de sa façon d'être orientée, de sa façon de
nous répondre, de son activité, hein, si elle est ralentie.
On a quand même des
indices, puis ce sont de bons indices cliniques. Mais, effectivement, pour ce
qui est de l'affabilité, de la mémoire, je
pense aux personnes âgées, se souvenir combien d'armes il y a à la maison...
Les personnes âgées, en général, sont
en bonne santé, là, je ne voudrais pas faire de raccourci intellectuel, mais
certaines personnes ne se souviennent
pas de ça. Le registre permet de combler ces lacunes-là. Puis ce n'est pas
juste une question de santé
mentale, c'est aussi une question de sensibilisation des propriétaires.
Puis ça, c'est un
aspect que je n'ai pas traité dans mon allocution mais qui est important :
quand on oblige l'enregistrement des armes à feu, on renforce le message comme
quoi une arme à feu, ça peut être dangereux, et on responsabilise les propriétaires. Moi, je l'ai vu, les propriétaires se
sentent imputables ou responsables et vont acheter les cadenas nécessaires, vont séparer leurs munitions
de leurs armes à feu, vont comprendre qu'on s'inscrit dans un système où
une arme à feu, ça peut être dangereux, et donc qu'il faut en faire une
utilisation sécuritaire. Donc, c'est aussi ça.
Donc, si je reviens à
votre question, on a des indices pour savoir si la personne est plus ou moins
fiable. Et d'ailleurs les intervenants vont
appeler les policiers en disant : Hum! Pas sûr, là. On a des indices pour
nous dire qu'on n'est pas dans un
très bon degré de fiabilité et on a besoin de vous. Mais là la police se
retrouve avec ce transfert-là, ce transfert
de l'insécurité de l'intervenant, et là c'est pour ça que le registre vient
répondre aux besoins, c'est que ça permet de confirmer l'impression
diagnostique de l'intervenant, ou du médecin, ou du travailleur psychosocial,
ça permet de renforcer aussi nos actions. Je pense qu'il faut le voir dans un
tout intégré.
Une voix :
Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : ...ça fait deux fois que vous voulez intervenir, là.
M. Leduc (Sylvain) : Ma collègue Dre Sormany a été fort éloquente. En fait, les
intervenants qu'on a sur le terrain, chez
nous, nous disent qu'avec l'utilisation du registre on avait un complément
d'information dont on se prive aujourd'hui puis on a l'impression de travailler davantage à l'aveuglette. Alors, on
revient évidemment à des mesures qui sont plus générales, universelles, mais on se prive d'une information. Et
clairement c'est un besoin ressenti de la part des gens avec qui on
travaille sur le terrain.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci. Il reste une minute pour un commentaire. Bien, il
vous reste juste une minute, M. le...
M.
Coiteux : Ah! bien, s'il ne reste qu'une seule minute, je pense que...
Bien, simplement pour vous remercier, encore une fois. Peut-être...
Une voix :
...
M. Coiteux :
Hein?
Une voix :
...
M.
Coiteux : Bien, vous pourrez poser la question sur le coût pour
renforcer, parce que je voulais faire une petite synthèse d'une chose
importante qui a été dite.
À l'instar d'autres
groupes qui sont venus, vous avez dit que c'est un outil essentiel en
prévention en soi, là. C'est-à-dire que la
connaissance, c'est un ajout à notre dispositif actuel de contrôle des armes
important en soi, mais, ce que vous nous avez dit comme d'autres
groupes, puis je pense que c'est important de le souligner, vous avez
dit : Ça aide à faire respecter les
autres lois. Le projet de loi n° 64 vient ajouter un registre, mais les
autres lois vont être mieux respectées s'il
y a un registre, parce que ça responsabilise davantage les propriétaires. Moi,
ça, je pense que c'est un aspect important qui mérite d'être souligné.
Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Verchères.
M.
Bergeron :
Merci, M. le Président. Madame, messieurs, merci infiniment d'être des nôtres.
Je
dirais que votre message vient exercer un renforcement positif sur un certain
nombre de messages qui nous ont été
véhiculés jusqu'à présent, notamment cette idée, faisant référence à peut-être
une petite lacune dans le projet de loi, selon laquelle il faut s'assurer de la détention du permis de possession et
d'acquisition lors d'une transaction, particulièrement lors de transactions privées, pour assurer la
traçabilité de l'arme, ce qui n'est peut-être pas le cas dans les conditions
actuelles. Lorsqu'une transaction privée
s'effectue puis que la personne ne prend pas la peine de vérifier
l'information, l'arme part dans le
décor, puis on ne sait pas trop où elle se ramasse, là. Puis ce qu'on a évoqué
aujourd'hui, c'est qu'à partir du moment où une arme est achetée légalement, à partir du moment où on perd sa
trace, on ne sait pas si elle se ramasse dans le marché illégal,
éventuellement, alors c'est donc important d'avoir ce lien.
Vous avez aussi insisté sur le fait que, dans un
monde idéal, il serait important qu'il n'y ait pas d'arme dans les domiciles.
On le comprend bien, mais on comprend qu'on n'est pas nécessairement dans ce
monde idéal puis qu'il y a plusieurs personnes pour qui le monde idéal, c'est justement de
pouvoir avoir une arme à portée de main, tout dépendant des circonstances. On a eu, par exemple, des
nations autochtones qui sont venues nous rencontrer, puis, dans certains
cas, c'est presque une question de survie
que d'avoir une arme à portée de main. Donc, il faut prendre en considération
l'ensemble des éléments, l'ensemble
du portrait, puis on en vient à la conclusion que, oui, il est permis, il est
licite d'avoir une arme à la maison.
Maintenant,
le fait d'enregistrer cette arme, d'aucuns vous diraient : Bien, ça ne
l'enlève pas de la maison. Donc, en quoi est-ce que ça permet de
prévenir une crise qui pourrait survenir à la maison?
• (15 h 30) •
Mme Goupil-Sormany
(Isabelle) : Bien, comme on l'expliquait tout à l'heure, c'est que ça
nous permet en amont, au début, dans les signes précurseurs de la crise, d'intervenir,
ça nous permet de savoir qu'il y a un facteur de risque — nous,
on appelle ça des facteurs de risque, là, dans notre jargon d'épidémiologiste — mais
ça nous permet de dire : Oh!
dans ce domicile-là, il y a des armes à feu, la personne présente des signes,
ou la situation sociale est particulière, ou il y a des enjeux. Et donc on intervient. On en
profite pour s'assurer, par exemple, si la personne veut conserver ses
armes à feu, qu'elles sont entreposées de façon suffisamment sécuritaire pour
que ça lui prenne plus que dix minutes, si elle tombait en crise, par exemple... ou de les retirer temporairement, en
lui disant : Hum! Tu ne files pas, peut-être qu'il faudrait retirer les armes de la maison temporairement,
est-ce qu'on peut t'aider à ne pas les avoir à la maison pour ta
sécurité? Et, en général, les gens acceptent, parce que, quand les gens
viennent voir nos intervenants, ils ont besoin d'aide et ils ne veulent pas
passer à l'acte.
Donc, en leur
proposant de l'aide en amont ou avant la crise, on les aide. Puis tout le monde
est collaborateur là-dedans, là, on ne nuit
pas à personne. Et on leur dit : Ça ne t'empêchera pas de les reprendre si
ça va mieux, mais on les accompagne, puis c'est une façon positive
d'éviter le problème, là.
M. Bergeron :
Bien, je vais faire du pouce sur...
Le Président (M.
Ouellette) : ...
M. Bergeron :
Oh! pardon.
M. Desbiens
(François) : Juste un complément. On parle de situation
suicidaire, mais il faudrait aussi parler des problèmes de violence conjugale,
où il est vrai qu'en temps normal, quand tout est beau dans un couple, même s'il y a des armes dans la maison, même s'il n'y
avait pas de registre, il n'y aurait pas de conséquence. Mais, à partir
du moment qu'il y a des problèmes de
violence conjugale, des problèmes de séparation, d'agressivité entre conjoints
puis qu'il y a des armes dans une maison ou
il y a eu des menaces, bien, les policiers, s'il y a un registre, ils savent
exactement le nombre d'armes qu'il y a dans la maison puis ils peuvent faire
retirer les armes en sa possession, le temps que la crise se règle. Donc là, ce n'est pas vraiment, à ce moment-là, dans le
champ des intervenants psychosociaux du réseau de la santé, mais, sans le registre, on ne sait pas
exactement combien d'armes à feu la personne peut avoir en sa
possession. Et, si le juge lui donne des
sentences de : Bien, tu ne le rencontres pas, tu fais ci, tu fais ça,
bien, on peut faire retirer les armes à feu, si on a un registre, pendant cette période-là, et, pendant cette
période-là, les femmes sont adéquatement protégées, parce que c'est
principalement elles qui sont victimes d'homicides intrafamiliaux.
Donc,
il y a... dans les situations de crise personnelle où on peut faire en sorte de
retirer les armes, parce qu'on sait qu'il
y en a, mais il y a aussi, dans les problèmes de violence conjugale, des drames
intrafamiliaux qu'on pourrait prévenir en retirant les armes à ce
moment-là.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Merci, M. le Président. Bonjour, madame messieurs. Une
question d'éclaircissement. Vous dites : Fait à noter, le taux de suicide par arme à feu est...
j'ai de la misère, est plus élevé en zone rurale qu'en zone urbaine et
périurbaine. Quels sont les autres modes utilisés en zone urbaine?
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : Là, vous allez dans la connaissance en
termes de... bien, il y a plus de suicides en général en zone rurale
qu'en zone urbaine, là, donc, déjà là, le facteur de risque est lié non pas...
M. Roy :
En termes de pourcentage, il y a plus de suicides en zone rurale qu'en zone
urbaine.
Mme Goupil-Sormany
(Isabelle) : Oui, c'est ça. C'est la première statistique que j'ai.
M. Leduc (Sylvain) : En effet, dans un des rapports qui a été établi par l'Institut national
de santé publique, qui est venu vous
présenter hier leurs données, ils ont fait une compilation, par exemple, des
taux de suicide par région, et certaines
régions sont, malheureusement, plus touchées — les régions de la Côte-Nord, de l'Abitibi le
sont davantage — puis
celles qui étaient les moins touchées à cet égard étaient les régions de
Montréal et de Laval.
Les armes à feu ne
sont qu'une portion de l'explication de ça. Par contre, quand on ne prend que
le suicide par arme à feu, là c'est clair, ce sont davantage les régions
périphériques qui sont touchées que les régions centrales.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Bonaventure.
M. Roy :
Le permis de possession et d'acquisition n'est-il pas un outil assez efficace
pour identifier la dangerosité?
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : On a toujours évalué les deux mesures
ensemble, on a toujours évalué le permis et
le registre et on pense que les deux sont indissociables, parce que, dans un
cas, ça te donne le droit de posséder des armes, mais ça permet de dire : Cette personne-là a le droit de
posséder des armes, mais ça ne veut pas dire qu'elle en a et ça ne dit pas le nombre qu'elle a, puis ça ne te dit
pas combien tu dois en aller chercher à la maison pour réduire le risque
ou carrément l'annuler.
Donc,
nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut absolument associer le permis et les armes
à leurs propriétaires, ça prend les deux composantes pour avoir les
effets qu'on a mesurés.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Bonaventure.
M. Roy :
Écoutez — vous
avez eu des coupures assez importantes en santé publique, je pense que c'est de
l'ordre de 30 % — selon moi, c'est sûr que, si le registre est
appliqué, il faut avoir un parapluie ou un éventail de mesures pour
soutenir la prévention du suicide.
Donc, est-ce que vous
considérez que du réinvestissement en santé publique doit accompagner aussi le
projet de loi n° 64?
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : Bien, actuellement, il y a une politique
de santé mentale, il y a une politique qui
a été adoptée et qui est en voie d'être implantée dans nos établissements, on a
tout un nouveau programme national de santé
publique qui vise aussi des réinvestissements en santé mentale, notamment sur
les transitions de vie. On sait que les transitions de vie sont
difficiles. On a aussi des actions sur les environnements favorables. Ça fait
qu'on y travaille dans un tout intégré, en ce moment. Le registre, c'est une
des nombreuses pièces du puzzle.
Le Président (M. Ouellette) :
...
M.
Roy : Est-ce que les coupures ont eu un effet sur votre
capacité à réagir ou à agir en prévention du suicide?
Mme Goupil-Sormany
(Isabelle) : On travaille autrement avec des intervenants, on est
intégrés avec nos continuums, nos collègues les directeurs des programmes
sociaux, on travaille avec les directions de santé mentale. On travaille
autrement.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue,
Mme Goupil, M. Desbiens et M. Leduc. On se sent en sécurité en présence de trois médecins. C'est rare
qu'on en voie trois en même temps. D'habitude, ça prend deux mois avant
d'en voir un, remarquez, mais ça, c'est un autre dossier, ça.
Une voix :
...
M.
Spénard :
Oui, mais ils ne pratiquement plus. Alors, moi, je le trouve très intéressant,
votre... parce que c'est fait avec des yeux
de médecin, des yeux de professionnel. On parle beaucoup de responsabiliser
l'individu qui est propriétaire
d'armes, mais de sécuriser. Vous savez que la loi fédérale pour l'entreposage
des armes à feu est encore en vigueur et il est illégal de conserver une
arme à feu qui n'est pas sous verrou; en tout cas, il y en a toute une série,
là.
Alors,
en quoi la loi n° 64 va-t-elle améliorer ça, l'entreposage des armes à
feu, d'après vous, si la loi est déjà là?
Mme Goupil-Sormany
(Isabelle) : Tu sais, on a deux types de données en santé
publique : on a des données factuelles,
statistiques, avec des études — ça peut être des études comme on vous a
présenté, là — puis il
y a ce qu'on appelle le volet
qualitatif. Quand on fait des salons, parce qu'on fait des salons, quand on est
avec les policiers, quand on travaille
avec notre monde, quand on les rencontre — on les a rencontrés à Nicolet
récemment — ces
gens-là nous disent qu'ils se sentent
plus responsables parce que ça renforce le caractère risqué associé à une arme
à feu, O.K., ça renforce le cours obligatoire lié au permis, ça renforce
l'action d'entreposage sécuritaire et ça fait partie d'un tout qui envoie un message intégré. On prenait l'exemple du permis de
conduire pour la voiture. C'est un tout qui nous permet de dire que
c'est l'ensemble des mesures qui contribuent à l'efficacité.
M.
Spénard : O.K. L'autre chose qui m'interpelle beaucoup,
bien, vos statistiques. Premièrement, le suicide, là, pour éclairer tout le monde, là, de 2000 à 2009,
le suicide, selon Statistique Canada, là, il y en a 44 %, c'était par
pendaison; 25 %, par empoisonnement; et
16 %, par arme à feu — au Canada, de 2000 à 2009, selon Statistique Canada. Vous
devez avoir ça, vous aussi. Alors, je ne
voudrais pas qu'on dise que les armes à feu, c'est la principale cause du
suicide, là. Un suicide, c'est un acte isolé en soi.
Vous
parlez en tant que médecins et vous parlez en tant que Santé publique. Est-ce
que le médecin qui rencontre quelqu'un
qui fait face à une crise, il a l'obligation de communiquer aux autorités que
cette personne-là... vérifier si elle a des armes à feu parce que ça peut être dangereux, parce que son état
mental est rendu là? Est-ce que le médecin a l'obligation de faire ça ou
a-t-il l'obligation de confidentialité?
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : Quand il est dangereux pour lui, il a
l'obligation de le communiquer. Ça fait partie de la loi. S'il présente un danger pour lui-même ou pour les
autres, la confidentialité est levée. Dans ce contexte-là...
M.
Spénard :
Il doit communiquer l'information?
Mme Goupil-Sormany (Isabelle) : Oui.
M.
Spénard : À qui?
Mme Goupil-Sormany (Isabelle) :
Bien, aux policiers.
M.
Spénard : Aux
policiers? O.K.
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : Ça peut être aux policiers, ça peut être à
un travailleur social aussi, là, mais, quand quelqu'un est dangereux
pour lui-même ou pour les autres, la confidentialité ne tient plus.
J'aimerais ça
revenir sur la question du suicide. Le suicide par empoisonnement, oui, c'est
une cause importante, mais elle est réversible...
M.
Spénard : ...cite
juste des statistiques.
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) : ...on peut intervenir. Arme à feu, c'est
létal dans 96 % des cas, là, on ne se manque pas, là.
M.
Spénard :
Non, non, la pendaison aussi, là, vous ne pouvez pas intervenir, là. C'est la
principale cause, là, tu sais, c'est : un coup que tu es pendu, tu
es pendu.
O.K. Comment
faites-vous pour déceler le doute? Parce que, là, on parle de doute
raisonnable. On est rendus pas mal
dans les projections. C'est quoi, un doute raisonnable? Parce que vous savez
que pour... Puis moi, je veux juste vous conter une anecdote vitement,
je ne veux pas prendre beaucoup de temps, là, mais...
Le Président (M. Ouellette) : ...une
minute, M. le député de Beauce-Nord.
• (15 h 40) •
M.
Spénard :
Il reste une minute? O.K. Bien, non, je vais laisser faire l'anecdote, là. Mais c'est quoi, un doute raisonnable, pour vous, considérant une personne
qui peut être dangereuse? Quel est le degré de doute raisonnable avant
lequel vous n'avertissez pas puis passé lequel vous avertissez?
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) :
Bien, on a des signes, nous, on appelle ça des signes physiques
objectivables. On a des questions qui sont
standardisées qui permettent d'en faire l'évaluation. D'ailleurs,
comme intervenants, on forme l'ensemble des travailleurs, des intervenants des organismes communautaires à les identifier. C'est une science, ce
n'est pas exact à 100 %, mais c'est une bonne science, puis elle est bien
appuyée sur l'expérience, on y arrive.
M.
Spénard : ...vous parlez de votre équipe, là, vous ne
parlez pas juste des médecins, là. Vous ne parlez pas juste de la
profession, des médecins, là.
Mme
Goupil-Sormany (Isabelle) :
Ah! je parle des travailleurs sociaux, des intervenants, des répondants
sur les lignes d'aide, les intervenants dans
les centres de maisons de femmes, là — je
les ai un petit peu débaptisés, désolée — mais c'est
l'ensemble du réseau qui travaille avec les gens qui peuvent
présenter des risques, là. Que ce soit une crise sociale, ou une crise suicidaire, ou encore un risque
homicidaire, là, on l'a, la science, pour les appuyer, puis on travaille
toujours dans l'amélioration des pratiques,
puis on s'améliore. Puis ce n'est pas pour rien. Le taux de suicide diminue au
Québec. On a développé un arsenal d'approches qui est efficace, mais le
registre, ça fait partie de ça.
M.
Spénard : ...
Le Président (M. Ouellette) : Non.
M.
Spénard : O.K., M.
le Président, je vous respecte.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
pour deux minutes.
Mme Massé : Merci, M. le Président.
Merci pour votre contribution. On entend, depuis le début de cette commission, et aussi dans l'espace public, souvent des arguments autour d'un
clivage entre les régions et les grands centres, ce qu'on entend,
c'est : Les grands centres, les armes à feu, vous ne connaissez pas bien
ça, vous avez un préjugé défavorable face aux
armes d'épaule, j'entends, versus les gens des régions, qui disent : Bien,
nous, on est élevés avec ça, on va à la chasse, bon, etc.
Quand j'ai
regardé votre mémoire, la première chose que j'ai vue, que j'ai observée, c'est
qu'il est cosigné par des médecins
de... bien, des représentants de la santé publique, des directions de santé
publique de l'ensemble des régions du Québec. Alors, au sein des
directions de la santé publique, est-ce
que vous sentez qu'il y a
une différence au niveau de
l'analyse de l'impact des armes d'épaule en milieu rural versus en milieu
urbain?
Le Président (M.
Ouellette) : ...
M. Leduc
(Sylvain) : Ça va me faire
plaisir de vous dire que non. Il y a une belle unanimité, parce qu'en santé publique la première chose qui nous guide, c'est la littérature
scientifique, d'évaluer l'efficacité des différentes interventions. Et bien sûr qu'on entend les commentaires des
citoyens de nos populations. Moi, je suis du Bas-Saint-Laurent, et, dans
le Bas-Saint-Laurent, on a plusieurs
chasseurs qui sont inquiets de voir que ce registre-là puisse entraver leurs
droits ou leurs libertés. Toutefois,
quand on prend le temps d'expliquer les finalités qui sont les nôtres, le
dialogue se fait, et, de cette façon, je pense que ça explique pourquoi
l'ensemble des directeurs de santé publique se sentent tout à fait à l'aise
d'appuyer ce projet de registre.
Mme Massé : Et le dialogue...
Une voix : ...
Mme Massé : Bien, écoutez, je vais
vous remercier, je vais laisser ma collègue des régions...
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée d'Arthabaska.
Mme Roy
(Arthabaska) : Moi, ce qui m'étonne un peu, c'est la relation
que vous faites du fait d'immatriculer son arme, on se rend compte que c'est plus dangereux ou que c'est plus
important. Ça m'étonne, le lien que vous faites entre les deux, parce
qu'avant de pouvoir posséder une arme ou d'utiliser une arme, il y a un cours
obligatoire de maniement sécuritaire des
armes à feu, puis c'est là qu'on apprend vraiment à manipuler l'arme, puis les
dangers, puis à éviter tous les accidents.
Donc, c'est vraiment une grosse prise de conscience, avec un examen, puis
ensuite, pour l'acquérir, c'est autre chose.
Mais il me semble que le simple fait d'avoir un numéro sur notre arme, ça...
mettons, on connaît déjà notre arme, je ne la rends pas plus dangereuse
ou moins dangereuse.
Mme Goupil-Sormany (Isabelle) :
...c'est d'associer l'arme à un propriétaire ou les armes à un propriétaire, c'est donc de savoir combien d'armes il y a dans
le domicile, c'est ce lien-là. Ça nous permet d'intervenir sur la
possession d'armes, donc sur le risque. On vous a dit que le fait d'avoir des
armes à domicile, c'était un risque.
Mme Roy
(Arthabaska) : Là, ce
que vous me parlez, c'est la responsabilité du propriétaire. Vous le
responsabilisez en mettant un numéro qui est dans un autre registre,
mais il ne va pas considérer son arme plus ou moins dangereuse avec une
immatriculation.
M. Leduc (Sylvain) : En fait, ce qui
nous importe, nous, c'est vraiment de pouvoir relier les armes à leurs propriétaires. Et ce qu'on observe, c'est que,
lorsqu'on est en présence de cette condition-là, ça responsabilise davantage.
Je suis obligé de vous dire que les
gens se sentent davantage responsables. Et, on a évoqué plusieurs fois les
suicides aujourd'hui, il y a différents suicides qui surviennent aussi,
malheureusement, avec des gens qui ont pris une arme qui ne leur appartient pas. Les gens qui ont des armes
qui sont associées à leurs noms par le biais d'un registre, en général,
ne veulent pas être associés au fait que leurs armes aient pu servir dans des
conditions aussi dramatiques qu'un suicide d'un proche.
Alors, c'est ce qui fait en sorte qu'on
dit : Nous, on croit que l'enregistrement permet cette responsabilisation
davantage que le simple permis. Mais, vous l'avez bien dit, les cours, et tout
ça, ce sont toutes des mesures qui sont complémentaires et efficaces, qui nous
permettent d'avoir le tout.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Dr Leduc. Dre Isabelle Goupil-Sormany,
Dr Sylvain Leduc, Dr François Desbiens, représentant les directeurs de santé publique, merci pour
votre participation. On suspend quelques minutes. Je demanderais à
Mme Sylvie Langlais et Mme Louise Riendeau de s'avancer.
(Suspension de la séance à 15 h 46)
(Reprise à 15 h 48)
Le Président (M. Ouellette) : Nous
reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant le Regroupement des maisons
pour femmes victimes de violence conjugale. Mme Sylvie Langlais et
Mme Louise Riendeau, j'ai compris que
vous feriez une présentation commune
mais que Mme Langlais va débuter la présentation. Vous avez 10 minutes.
Après, il va y avoir une période
d'échange avec le côté ministériel et les partis d'opposition.
Mme Langlais, je vous laisse la parole.
Regroupement des
maisons pour femmes
victimes de violence conjugale
Mme Langlais
(Sylvie) : Merci beaucoup. Alors, merci d'avoir accepté de nous
recevoir, c'est très gentil. Le Regroupement
des maisons, c'est 42 maisons d'aide et d'hébergement réparties dans
15 régions au Québec. Pour l'année 2014‑2015, c'est près de
2 900 femmes que nous avons accueillies, et 2 200 enfants.
Nous avons aussi offert près de 15 000 services à des femmes et des enfants non hébergés.
Grâce à la collaboration et à l'expertise de ses membres, le regroupement intervient sur des questions qui
peuvent avoir un impact sur le droit à la vie ainsi qu'à la sécurité,
l'intégrité et la liberté des femmes dans un contexte conjugal.
Actuellement, le
regroupement travaille à implanter un modèle d'actions intersectorielles pour
améliorer la sécurité des victimes de
violence conjugale ainsi que celle de leurs proches, incluant les conjoints
ayant des comportements violents.
Dans ce cadre, les maisons, les groupes qui interviennent auprès des conjoints
violents, les services policiers, les procureurs travaillent ensemble
pour évaluer les risques d'homicide ou de blessure grave et tenter de les
prévenir.
• (15 h 50) •
Le
registre des armes est un des outils
fort utilisés dans certaines situations à risque. La violence par arme à
feu affecte toujours un nombre trop élevé de femmes. Lutter contre toutes les
formes de violence à l'égard des femmes nécessite
de mettre en place des systèmes de contrôle et de suivi pour responsabiliser
les propriétaires d'armes, et ce, en vue de diminuer le nombre de décès et de blessures par arme à feu. Le projet de loi n° 64 en fait partie. De plus, il est cohérent
avec différentes conventions et déclarations
internationales auxquelles souscrit le Québec. Nous croyons fermement que la sécurité des Québécoises doit prévaloir sur
ce que certains considèrent être des tracasseries administratives et qui
nous apparaissent comme étant des formalités essentielles faisant partie
intégrante d'une démocratie fonctionnelle.
Depuis
la mise en oeuvre des lois plus sévères sur les armes à feu, adoptées en 1977,
1991 et 1995, le nombre de décès et
de blessures par arme a diminué. Pour l'ensemble du pays, le nombre de femmes
tuées par un partenaire intime a diminué
de 61 % entre 1991 et 2010.
Entre 1991 et 2013, le nombre d'homicides commis au Québec connaissait une
baisse similaire. Ce sont les homicides où
l'auteur et la victime se connaissent ou étaient membres d'une même famille
dont le taux a le plus diminué durant
cette période. De 1991 à 2013, le nombre d'homicides commis par arme à feu a
diminué de 61 %, alors que ceux
commis par une arme pointue ou des coups portés ont respectivement diminué de
31 % et 43 %. Selon Statistique
Canada, le taux d'homicides entre conjoints commis à l'aide d'une arme à feu a
diminué de trois fois. On ne peut que
constater que le contrôle sur toutes les armes à feu fonctionne, car,
globalement, le taux d'homicides avec fusil ou carabine a diminué de
70 % entre 1991 et 2010, alors que le taux d'homicides n'a chuté que de
40 %.
La
loi sur les armes à feu a conduit à d'importants progrès en diminuant notamment
le nombre d'agressions armées dans un
contexte de violence conjugale ou familiale ainsi que le nombre de meurtres de
femmes tuées par balle, qui a chuté de plus de 62 % entre 1991 et
2004.
Je vais maintenant
passer la parole à ma collègue Louise Riendeau.
Mme Riendeau (Louise) : Bien qu'il soit évident que les raisons de ces
baisses soient multifactorielles, il serait faux de penser que le taux d'homicides des femmes commis avec d'autres
moyens a connu la même baisse durant la même période. Il n'a diminué que de 27 %. Les progrès sont
encourageants, certainement, mais il ne faut pas relâcher les contrôles
alors que beaucoup reste encore à faire. En effet, encore aujourd'hui, une
femme sur trois tuée par son mari l'est par une arme à feu.
Chaque année, le
Réseau canadien des maisons d'hébergement, dont nous sommes membres, fait le
portrait d'une journée dans la vie des
maisons d'hébergement. Lors d'un dernier recensement, 231 maisons ont
questionné les femmes, et 110 d'entre
elles leur ont avoué avoir été menacées par une arme à feu en une seule
journée, et la proportion pour le Québec était tout à fait semblable.
Les
carabines, les fusils de chasse sont les armes les plus souvent utilisées lors
d'homicides conjugaux, pour la simple
raison que ce sont les armes les plus accessibles, puisque ce sont elles qu'on
trouve le plus souvent dans les foyers québécois.
En effet, quand on retourne voir les statistiques de la Gendarmerie royale, en
2011 on voit qu'il y avait plus de
1,6 million d'armes enregistrées au Québec armes d'épaule. Alors, c'est
beaucoup, c'est 95 % de l'ensemble des armes qui étaient enregistrés pour le Québec. Ces armes
augmentent, sans contredit, les risques de mort lors des attaques, et en
plus d'augmenter le nombre de victimes.
Les
armes d'épaule sont également les armes les plus utilisées pour menacer les
femmes et les enfants. On parle de
morts, on parle de blessures, mais nous, on fait aussi beaucoup face à des
femmes terrorisées par des menaces qu'elles ont vécues. L'enregistrement
est le seul moyen qui permet aux policiers de garder toutes les armes hors de
portée des personnes qui constituent un
danger pour leurs proches ou pour elles-mêmes. Bien que le processus d'octroi des permis soit sérieux, il ne
donne aucune information aux policiers qui doivent intervenir sur le nombre et
sur le type d'armes en possession des
détenteurs de permis. Cela ne leur permet donc pas de connaître le nombre
d'armes en la possession d'un conjoint
lorsqu'ils doivent les saisir. Et — on
a ici le ministre de la Sécurité
publique — dans les directives qui sont données aux policiers, depuis 1995, depuis qu'on a une politique
en matière de violence conjugale, on demande effectivement aux policiers qui
interviennent dans des situations de violence conjugale de saisir les armes. Si
la situation est urgente, ils les saisissent
immédiatement, sinon ils vont chercher un mandat de
perquisition pour le faire, et seulement le fait d'avoir l'enregistrement peut leur
dire combien d'armes ils doivent saisir dans ces cas-là.
On a beaucoup entendu
parler aussi des coûts élevés du registre. Or, vous avez eu hier l'Institut
national de santé publique. Probablement
qu'ils vous ont dit qu'ils avaient estimé que le Registre canadien avait permis
de sauver 300 vies par année. Et
l'institut estimait dans un mémoire produit il y a quelques années que chaque
décès par arme à feu coûtait à la société 1,4 million. C'est
beaucoup d'argent. Il y a aussi une étude qui a été réalisée pour le compte du
ministère de la Justice du Canada sur la violence envers les femmes, et, dans
cette étude, on estimait que les coûts totaux
pour les pertes de vie de femmes coûtaient en coûts invisibles aux victimes
plus de 1 milliard de dollars et coûtaient à des tiers — leurs
proches qui paient les frais funéraires, et tout ça — 36 millions.
Alors, ça nous dit que chaque vie sauvée compte.
Depuis les
modifications apportées par le gouvernement fédéral au registre en 2012, comme
d'autres organisations vous en ont
parlé, il n'y a plus rien qui oblige un vendeur à vérifier que l'acheteur
d'armes d'épaule a en main un permis de possession qui est en règle. Plusieurs le font,
mais il n'y a pas d'obligation. Ça veut dire qu'un conjoint violent dont
la police aurait saisi les armes suite à la
dénonciation de menaces envers la conjointe ou envers les enfants pourrait
aller se procurer une autre arme et passer à l'acte dans les heures qui
suivent.
Alors, comme
d'autres groupes, le regroupement demande qu'on comble cette loi-là dans la loi
et qu'on s'assure que les vendeurs
vont vérifier qu'il y a effectivement un permis de possession en règle, et ils
seront ainsi imputables. Le regroupement
formule aussi deux autres recommandations. D'une part, on souhaite s'assurer
que chaque arme puisse être identifiée
et qu'on puisse avoir une trace unique de chaque arme. Donc, on pense que, dans
la réglementation qui sera élaborée par la suite, il faudra s'assurer de
demander suffisamment d'informations pour que chaque arme puisse être
différenciée d'une autre.
Enfin, on
pense que le délai accordé entre le moment où on obtient un numéro
d'immatriculation et le moment où on
l'appose sur l'arme est beaucoup trop long et on pense que le projet de loi
devrait diminuer ce délai-là. Je vais repasser la parole à la
présidente.
Le Président (M. Ouellette) : En
conclusion, Mme Langlais.
Mme
Langlais (Sylvie) : Oui,
bien sûr. Même s'il ne s'agit pas d'une panacée, l'enregistrement des armes à
feu est un outil important contre la
violence faite aux femmes. Savoir qui possède des armes à feu peut donc guider
les policiers et leur permettre de retirer toutes les armes lorsque les
situations à risque sont identifiées.
Le
regroupement demande aux membres de l'Assemblée nationale d'adopter le projet
de loi n° 64. De doter le Québec d'un registre d'armes à feu, c'est
contribuer à la sécurité des femmes et des enfants. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) :
...Mme Langlais. M. le ministre.
M.
Coiteux : Alors, merci beaucoup, Mmes Langlais et Riendeau, pour la
présentation. Vous avez dit au tout début de la présentation que vous représentiez 42 maisons à travers tout
le Québec. Vous êtes dans toutes, toutes, toutes les régions?
Mme Riendeau (Louise) : ...l'Abitibi
aux Îles-de-la-Madeleine. Il y a deux régions où nous ne sommes pas, c'est le
Nord-du-Québec et le Centre-du-Québec.
Une voix : M. le
ministre.
M.
Coiteux : D'accord. Et, évidemment, vous hébergez des femmes qui
sont... et des enfants, vous l'avez bien dit, des femmes et des enfants
qui vivent des situations de violence conjugale avérée ou potentielle. C'est
bien ça?
Mme Riendeau (Louise) : Avérée,
potentiellement dangereuse.
M. Coiteux : Et potentiellement
dangereuse. Bon.
Mme Riendeau (Louise) : Toutes n'ont
pas le même potentiel de risque d'homicide.
M. Coiteux : Parce que vous avez
donné certaines statistiques lorsque vous avez dit que vous êtes dans un regroupement à travers tout le Canada puis qui
fait le portrait d'une journée dans un centre d'hébergement, puis vous
avez dit qu'à l'occasion d'un de ces
sondages 107 femmes avaient déclaré avoir été menacées par une arme à
domicile, vous avez...
Mme
Riendeau (Louise) : 110,
oui. Les femmes qui demandaient de l'aide à la maison d'hébergement...
Quand on les accueille, on leur pose une série de questions. Cette question-là
en faisait partie, et 110 femmes ont dit avoir été menacées par une arme.
M. Coiteux : Et j'imagine qu'en
règle générale l'arme en question est typiquement une arme de chasse, une arme
d'épaule qui...
• (16 heures) •
Mme Riendeau (Louise) : Le plus
souvent, dans la mesure où ce sont les armes qui sont les plus présentes dans
les foyers, là.
M.
Coiteux : D'accord. Et, voyez-vous, c'est ça qui est le grand
paradoxe. Ça veut dire que, dans le fond, dans le travail que vous
faites, les armes qui devraient être saisies par les policiers en matière de
prévention ne sont pas immatriculées, alors
que les autres, qui sont moins associées à votre travail en prévention de la
violence conjugale, elles le sont
parce que le registre fédéral a gardé certaines armes dans son registre mais a
éliminé le type d'armes qui justement a besoin d'être immatriculé dans votre travail de prévention en matière de
violence conjugale. C'est bien ça que je comprends de ce que vous...
Mme
Riendeau (Louise) : C'est
tout à fait ça. Et, quand on va jusqu'en 2011... toutes les armes étaient
enregistrées avant les changements, on voyait que pour le Québec il y a 1,6
million d'armes d'épaule, alors qu'au total il y avait 1,7 million... donc seulement 100 000 armes de poing ou armes
restreintes de plus, puis c'est 95 % des armes au Québec.
M.
Coiteux : J'ai posé la même question aux gens qui représentent les
institutions de santé publique, qui ont à travailler aussi dans le domaine de
la prévention et qui ont à travailler avec les corps policiers, justement, pour
indiquer les risques posés par certaines personnes et leur demander de vérifier
s'il y a des armes à domicile.
Donc, vous, comment
ça fonctionne, la collaboration avec les corps policiers, au quotidien, là,
dans ce genre de situation?
Une voix :
...
Mme Langlais
(Sylvie) : Alors, bien, moi, je peux vous en parler. Lorsqu'une femme
arrive en maison d'hébergement ou fait appel
à nos services et qu'elle nous informe qu'il y a une arme à feu dans la maison,
on va faire directement appel aux policiers, et à ce moment-là ils vont
faire une saisie.
Ce
qu'il faut comprendre, c'est qu'on a une collaboration qui est établie avec les
policiers depuis des années qui est basée
sur une grille d'évaluation des risques. Alors, il y a une collaboration qui
s'est faite là. Quand je vous parle du projet intersectoriel, nous, on l'a chez nous, dans notre région. Donc, on se
sert de ça pour faire une évaluation du risque, et à ce moment-là les policiers vont sur place et vont
faire une saisie des armes, et le registre, lui, permet de savoir le
nombre d'armes qu'il y a dans la maison, pas juste une, si madame en a juste vu
une, là. C'est ce que ça nous permet.
M.
Coiteux : O.K. Et est-ce qu'il arrive parfois que la femme en question
ne va pas nécessairement vous révéler la présence d'une arme et vous pourriez le soupçonner et demander quand
même dans ce contexte-là la collaboration des services policiers?
Mme Langlais (Sylvie) : ...effectivement, quand on juge la situation à
risque, parce qu'effectivement, comme Louise
le disait tantôt, ce n'est pas toutes les femmes qui arrivent en maison
d'hébergement qui ont des situations à haut risque, mais il y en a certaines. Donc, à partir de la grille
d'évaluation qui est établie, on va regarder avec elle. Si elle se sent mal à l'aise de nous le dire parce qu'elle a
eu des menaces ou quoi que ce soit, les autres facteurs peuvent nous
amener à soupçonner ou à penser qu'il
pourrait y avoir des armes, et à ce moment-là les policiers seront appelés à
faire leur travail.
M. Coiteux :
D'accord. Je pense que mon collègue le député de Vimont va vouloir poser...
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Vimont.
M. Rousselle :
Merci, mesdames, d'être ici puis merci du travail que vous avez fait, on
l'apprécie beaucoup. Dans la page 5, vous
parlez justement que votre regroupement intervient aussi au niveau fédéral,
donc, vous allez dans d'autres
provinces. Comment ont réagi les groupes de femmes ailleurs que le Québec au
niveau de l'abolition du registre d'armes fédéral?
Mme Riendeau (Louise) : Bien, moi, je vous dirais qu'au sein du Réseau
canadien des maisons d'hébergement, avant
même l'abolition du registre, on a eu l'occasion collectivement de poser des
actions pour essayer, effectivement, de garder cet outil-là, parce que, qu'on soit en Nouvelle-Écosse, en
Alberta ou au Québec, quand on travaille en matière de violence conjugale et qu'on veut essayer de
protéger les femmes, les enfants et, à la limite, leurs conjoints, parce que
ce n'est pas très drôle pour une femme d'avoir
un conjoint qui se suicide ou d'avoir un conjoint qui tue ses enfants, on
porte toutes les mêmes objectifs, et pour nous c'est clair que le fait que les
policiers puissent connaître le nombre d'armes, puissent les saisir en cas de
danger, c'est un outil précieux. Autrement, on travaille dans le vague, là.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Vimont.
M. Rousselle :
Toujours dans le même sens. C'est que, justement, il y a beaucoup d'organismes
qui disent que : Pourquoi vous faites
ça, au Québec? Ailleurs au Canada, ils n'en ont pas besoin. Nous autres, on
est-u tellement différents qu'on en a de besoin ici, au Québec? Vous me
répondez très, très bien.
Mais,
les autres femmes, pensez-vous qu'elles vont vouloir faire de la pression aussi
sur le gouvernement pour, à un moment donné, qu'il y en ait un,
registre? Parce que je suis d'accord avec vous qu'un registre, ça amène des
outils aux policiers.
Mme Riendeau (Louise) : Je pense que le fait que le Québec se dote d'un
registre va donner un argument de plus à nos collègues des autres provinces, effectivement, pour se tourner vers
leurs gouvernements et leur demander d'agir et d'être aussi proactifs
pour protéger et sauver des vies, là.
Une voix :
...combien de temps?
Le Président (M. Ouellette) : Si vous voulez le donner à M. le député de
Verchères, il va en faire bon usage avec son collègue de Bonaventure. M.
le député d'Ungava.
M. Boucher :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Ouellette) : Oups,
oups, oups! Excusez.
M. Boucher :
Alors...
Le Président (M. Ouellette) :
Excusez, M. le député d'Ungava. M. le ministre.
M.
Coiteux : J'aurais une
petite intervention à faire que j'avais oubliée tout à l'heure, puis ensuite
je vais être tout à fait heureux de laisser mon collègue d'Ungava poser
ses questions.
Parce que
vous avez mentionné tout à l'heure, puis j'avais oublié de répondre à ça... dans le fond, vous m'aviez tendu une
perche, là, pour que je réponde à une de vos questions plutôt que vous
répondiez à une des miennes. Vous avez dit
que c'est très important que le projet
de loi prévoie un numéro unique pour
identifier chaque arme. C'est le cas, c'est prévu, comme tel, il y aura un numéro unique par arme, et il y aura
une capacité, donc, pour autant que le projet
de loi soit adopté — mais
je vois beaucoup de collaboration autour de la table ici — pour
qu'on y arrive. Ça va nous permettre vraiment d'associer chaque arme à son propriétaire et son
lieu habituel de rangement. C'est une information aussi qui est très importante.
Mon collègue, je pense, va vouloir poser une
question.
Le Président (M. Ouellette) : Je ne
sais pas si vous avez un commentaire suite au commentaire de M. le ministre?
Mme Langlais ou Mme Riendeau?
Mme
Riendeau (Louise) : Écoutez,
c'est une très bonne nouvelle, effectivement. Je pense que, si on veut qu'un système d'immatriculation soit efficace puis si on
veut savoir combien d'armes sont dans tel domicile ou dans tel lieu, il
faut que chaque arme puisse être distinguée l'une de l'autre, là.
Le Président (M. Ouellette) : On
vous amène en Ungava, mesdames.
M.
Boucher : Bonjour, mesdames.
Bien que vous ne soyez pas présentes dans le Nord, il y a quand même des maisons, des centres d'hébergement
dans notre coin, là, qui ne sont peut-être pas affiliés à votre réseau.
Vous savez,
toute loi, quand vient le temps de créer des nouvelles restrictions ou
réglementations, c'est toujours un peu
la balance des inconvénients : est-ce
que la nouvelle tracasserie
administrative ou le nouvel obstacle qu'on crée est plus lourd que l'effet qu'on veut rechercher à
l'autre bout? Dans le cas présent, bon, si on regarde ça de façon
objective et puis froidement, on dit :
Bon, quelqu'un possède une arme. À l'avenir, il devrait, une
fois, l'enregistrer, une procédure qui
dure quelques minutes, même pas, puis qui est bonne pour tout le temps qu'il possède l'arme, et à l'individu ça ne coûte rien, versus le mal qu'on essaie de
prévenir : des suicides, des
meurtres qui sont, peut-être, souvent commis sur le cas de la colère ou d'une frustration. Mais, quelques
années plus tard, les gens souvent en rient puis ils ont passé à autre
chose, mais, si ça a été commis au moment où l'action se passait, c'est
regrettable, puis ça, ça reste pour toujours.
Ça fait que,
quand on regarde ça, c'est difficile de comprendre pourquoi certaines personnes
ont tant de résistance à dire :
Regarde, pourquoi résister à une procédure qui va durer, maximum, cinq
minutes?, je n'en entendrai plus jamais parler de ma vie. Sentez-vous, de votre part, une espèce de vague ou de
lobby du monde des armes, là, pour dire : Écoutez, là, ça, ce n'est pas raisonnable, c'est de l'abus,
c'est Big Brother qui s'installe dans les droits puis dans la vie privée?
Est-ce que vous sentez ça, de votre part?
Mme
Riendeau (Louise) : Écoutez,
comme, je pense, beaucoup de gens, on a constaté qu'on a beaucoup
entendu la voix des gens qui y sont opposés,
mais vous ne verrez jamais de manifestation de femmes victimes de violence
conjugale devant vos bureaux pour demander
d'être protégées, parce qu'elles ont honte, d'abord, d'être victimes, puis
parce que ce n'est pas quelque chose qu'on va dire sur la place
publique.
Alors, c'est
pour ça que nous, on tente de se faire le porte-voix de ces femmes-là et on
pense effectivement que c'est agir de façon responsable pour un
gouvernement de prendre des mesures pour protéger la vie et la sécurité de la population, d'autant plus, effectivement, qu'on
peut voir dans le projet de loi n° 64 qu'on essaie de réduire au
minimum les problèmes que ça peut entraîner
et ça n'entrave d'aucune façon la possibilité de posséder des armes si on n'est
pas quelqu'un qui est dangereux pour soi-même ou pour les autres.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député d'Ungava.
M. Boucher : Je disais, ce matin,
là, bon, aux personnes qui venaient du regroupement de Polytechnique que
certains chasseurs ont l'impression d'être blâmés, d'être accusés, de se faire
passer pour des gens qu'ils ne sont pas, finalement,
des gens potentiellement dangereux, parce que, eux, leur loisir ou leur
plaisir, c'est d'aller chasser le canard ou aller chasser le lièvre.
Qu'est-ce que
vous pouvez dire à ces gens-là pour les rassurer puis qu'ils ne sentent pas que
c'est une attaque envers eux?
Une voix : ...
Mme Riendeau (Louise) : Je pense que personne ne prend pour acquis que
chaque chasseur est une personne dangereuse
et malveillante, au contraire. Et on fréquente, dans notre vie, tous des
gens — des
hommes et des femmes — qui vont à la chasse, et
c'est des gens tout à fait respectables. Mais il y a, parmi ces personnes-là,
comme il y a parmi d'autres groupes dans la société... des gens qui
établissent des rapports de force, qui deviennent menaçants et qui sont
dangereux pour d'autres personnes et pour
eux-mêmes. Donc, c'est le devoir de notre société d'apporter des mesures de
protection.
• (16 h 10) •
M. Boucher :
Je vous comprends. Puis vous dites qu'il y a des groupes qui viennent
manifester devant les bureaux puis qui se
font entendre sur la place publique. C'est important de les écouter puis les
entendre, mais c'est aussi important
d'écouter et d'entendre ceux qui ne parlent pas, ceux qui n'ont pas de voix ou
ceux qui parlent à travers vos voix à vous, et puis là-dessus je pense
que c'est bien noté. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Vimont.
M.
Rousselle : Merci, mesdames. Vous parlez justement que vous
avez 49 000 demandes de service; la majorité, de la part des femmes, je comprends bien. Les
gens, ils pensent des fois que ça vient juste toujours de la même classe
de la société, ces demandes d'aide là.
Pourriez-vous nous expliquer... aux gens qui vous écoutent, ces gens-là qui ont
besoin d'aide, qui ont de la violence conjugale chez eux, ça vient de quelle
classe sociale?
Mme Riendeau (Louise) : ...c'est tout à fait très démocratiquement
répandu dans notre société, dans toutes les catégories de la société. Il est possible que des personnes qui sont
moins favorisées soient plus visibles dans leurs demandes d'aide, parce que les personnes plus nanties vont
trouver des alternatives, vont avoir d'autres mécanismes, là, de se
sortir de ces situations-là. Mais nous, on
est capables de le voir, parce qu'on tient des statistiques à la fois sur les
femmes qui demandent des hébergements
mais à la fois sur les femmes qui demandent des services en externe, des
consultations, et on voit, parmi ces
femmes-là, beaucoup plus de femmes professionnelles, de compagnes d'hommes
professionnels aussi, des femmes qui sont sur le marché du travail.
Donc,
vraiment, la violence conjugale, ça existe dans toutes les catégories de la
société. Et, en fait, la violence conjugale,
c'est lié à la décision de quelqu'un d'imposer sa volonté à une autre personne,
d'établir un rapport de force. Alors,
on est tous capables de faire ça. Les statistiques nous disent que,
malheureusement, et probablement à cause des rapports de force historiquement inégaux entre les hommes et les femmes,
ce sont majoritairement des hommes qui utilisent le contrôle et la
violence conjugale à l'endroit des femmes.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Verchères.
M.
Bergeron : Merci, M. le Président. Merci, mesdames, de votre
témoignage, merci de vous faire le porte-voix de ces femmes, qui trop souvent ne peuvent pas parler. Alors, je pense
que c'est un témoignage important, parce qu'au-delà des statistiques il
y a des personnes, et, ces personnes-là, vous les côtoyez au quotidien, alors
c'est important d'avoir votre témoignage.
D'ailleurs,
sur la question des manifestations, moi, mon expérience m'a appris que c'est
souvent la penture qui grince qui
reçoit l'huile. Mais ça, ça ne doit pas nous faire perdre de vue qu'il y a
d'autres pentures après la porte, qu'il y a la porte elle-même, qu'il y a la poignée de porte, qu'il y a la
serrure puis qu'il y a souvent de très belles fioritures sur la porte. Alors, il ne faut pas focusser
uniquement sur la penture qui grince, la problématique est souvent beaucoup
plus vaste que simplement cet épiphénomène.
D'ailleurs,
à ce propos, vous avez ramené un de vos arguments sur un élément qui est
souvent évoqué, qui est celui des
coûts de la mise en place d'un registre des armes à feu. Et là on nous
dit : Bien, mettez donc cet argent-là dans la prévention en santé mentale. Moi, j'ai pour mon
dire, dans la vie, qu'on est capable de marcher puis de mâcher de la
gomme en même temps, pour autant bien sûr
qu'on ait les moyens de faire les investissements qu'on souhaite pouvoir faire,
par exemple, en prévention en santé mentale.
Mais le fait est que vous nous avez bien expliqué qu'il y a un coût, pour la
société, un coût important, pour chaque
homicide, chaque suicide et que chaque suicide, chaque homicide évités, bien,
ce sont des sommes qui restent dans
les coffres de l'État, qui pourraient d'ailleurs être investies, par exemple,
en prévention de la santé mentale.
Mais je pense que c'était une démonstration fort éloquente sur la question des
coûts, parce que c'est un argument qui revient tout le temps, là. Notre
penture qui grince, là, on l'entend souvent, l'argument des coûts.
Alors, maintenant, je
veux revenir sur un autre élément qui nous a été apporté par un groupe qui joue
un rôle analogue au vôtre et qui nous a
dit : Souvent, là... Parce que je disais, là : Les statistiques, là,
ce sont d'abord des individus, hein,
ce sont des personnes. Et on nous a dit : Vous savez, souvent, il faut que
les policiers enlèvent l'arme pour que la femme puisse finalement venir
trouver refuge chez nous.
Est-ce que c'est un
genre de situation que vous avez été à même d'observer dans vos expériences?
Mme Riendeau (Louise) : Oui, on a observé des situations
similaires à celle-là, où effectivement des femmes qui avaient été menacées en disant : Si tu pars, tu ne survivras
pas, effectivement, ont beaucoup de difficultés à demander de l'aide.
Et
je peux aussi vous parler d'autres types de situation. Quand on travaille
avec les femmes, quand elles demandent de
l'aide, elles ne vont pas, dans tous les cas, rompre avec le conjoint la
première fois. Elles peuvent décider de retourner, quelquefois, de
tester, de voir est-ce qu'il peut changer, de lui proposer d'aller dans un
groupe d'intervention pour conjoints violents.
Les femmes essaient beaucoup de choses avant d'arriver à la rupture. Mais,
avec les femmes, on regarde avec
elles dans quelle situation elles retournent et on essaie de faire des
scénarios de sécurité et effectivement on évalue est-ce qu'elles risquent d'être
très en danger à ce moment-là ou pas.
Et notre
présidente disait qu'on travaille, avec d'autres partenaires, dans un mécanisme
de travail intersectoriel au niveau
de la prévention des blessures et des homicides. Dans certains cas, la femme va
dire : Bien, moi, je vais retourner, mais, oui, j'ai des craintes. Et il peut arriver
qu'à ce moment-là on appelle la police en lui disant : Écoutez, si vous
allez intervenir à telle adresse, sachez que
monsieur a des armes, donc prévoyez dans votre intervention... et sachez que
madame peut être craintive dans sa façon de vous parler, parce qu'elle aura
plus peur qu'une autre femme.
Donc, le fait qu'il y ait un registre, que les
policiers peuvent le vérifier, nous, ça nous permet de sécuriser les femmes, ça nous permet de dire : Écoutez, on
va faire une intervention, on va informer les services de police, et ils
vont pouvoir agir en conséquence. Et, dans
d'autres cas, ils pourront aller saisir... et madame pourra décider de partir
après, comme vous le soulignez.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Bonaventure.
M. Roy : Merci, M. le
Président. Bonjour, mesdames. Est-ce que vous observez une progression ou une
diminution de la réquisition de vos services?
Mme
Riendeau (Louise) : Moi, je
dirais que ça reste assez constant. Moi, je ne dirais pas qu'il y a
diminution, effectivement, des services,
mais, en même temps, la capacité d'accueil des maisons est telle qu'à un moment
donné ça ne peut pas être plus grand.
Depuis qu'on est capables d'offrir des services en externe, effectivement on
est capables d'aider beaucoup plus de
femmes, parce que toutes n'ont pas besoin d'être hébergées pour évaluer ce
qu'elles vivent puis être informées de leurs droits.
M. Roy : Est-ce que vous assistez
à une forme de mutation de la violence? Est-ce que c'est toujours le même pattern, bon, la lune de miel, etc., là, le cycle
de la violence, ou vous voyez des modifications ou de la violence... Je
sais qu'on a entendu d'autres intervenants
nous dire que le cycle se raccourcissait actuellement, c'est-à-dire que, la
lune de miel, et etc., le temps était
plus restreint. Est-ce que vous voyez de par l'expérience... Parce que moi,
j'en conclus que vous avez beaucoup
d'expérience. Et vous voyez énormément de cas, vous êtes capables de faire une
analyse quand même rigoureuse de ce
que vous voyez. Est-ce que vous voyez une mutation, un genre de nouvelle
expression de la violence?
Mme
Riendeau (Louise) : Bien, en
fait, je vous dirais que la violence conjugale, c'est du contrôle, et
effectivement ça s'inscrit dans un cycle qui
est toujours le même. Quand les situations deviennent plus dangereuses, là on
va voir que le cycle va devenir plus
rapide ou que le cycle va sauter des étapes : peut-être que le conjoint
n'aura même plus besoin de se justifier
ou d'essayer de se réconcilier. Mais ça reste que c'est toujours la chose. Ce
qui change, c'est : les moyens peuvent changer. Tu sais, à l'heure actuelle, avec des cellulaires, on peut
facilement surveiller quelqu'un, harceler quelqu'un. Mais la dynamique
de domination dans un couple reste semblable.
M. Roy :
Donc, les instruments de domination se modifient avec les technologies, mais la
dynamique de domination... Question macrosociologique : Le
phénomène déclencheur de la violence, selon vous?
Mme Riendeau (Louise) : Écoutez, il
y a plusieurs facteurs de...
M. Roy : En termes
hiérarchiques.
• (16 h 20) •
Mme Riendeau (Louise) : Le phénomène
qui fait que la violence existe, j'en ai parlé tantôt, c'est le fait que quelqu'un se sente légitime d'exercer des rapports
de force sur quelqu'un d'autre. Là, qu'est-ce qui fait qu'une situation va tout à coup devenir dangereuse, bien, ça peut
être l'arrivée de certains facteurs de risque, comme en parlaient les
gens de la santé publique.
Par exemple,
on sait très bien en violence conjugale que le jour où une femme annonce son
intention ferme de ne pas reprendre
la vie commune alors que monsieur n'accepte pas cette décision-là, ça peut être
un déclencheur, ça peut être un
facteur de risque qui va augmenter les risques de blessure grave ou d'homicide.
Ou, par exemple, certaines situations où,
bon, il sait qu'elle veut se séparer, mais il n'a pas reçu les papiers de divorce, mais le jour où il les reçoit, la
crainte de perdre l'accès aux enfants
peuvent être des déclencheurs de situations plus dangereuses. Une perte d'emploi peut
aussi être un déclencheur.
Et c'est pour
ça que, dans les outils d'évaluation des risques qu'on a, on regarde l'ensemble
des manifestations de violence qu'il
y a eu, on regarde est-ce que la violence s'exerce envers madame seulement,
envers les proches aussi, puis on forme
aussi les intervenantes à évaluer le danger maintenant mais aussi à
essayer de faire un peu de projections : Est-ce qu'il y a des événements qui peuvent arriver
qui pourraient rendre la situation plus dangereuse? Et c'est en utilisant ça qu'effectivement on peut dire : Écoutez,
monsieur risque de vivre telle situation dans quelques jours, est-ce qu'on a besoin
d'une saisie des armes? Est-ce qu'on a besoin d'une intervention plus serrée
d'un groupe d'intervention auprès des conjoints violents? Et c'est en
travaillant ensemble qu'on arrive un peu à resserrer les mailles du filet de
sécurité.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci,
M. le Président. Alors, bienvenue,
mesdames. D'entrée de jeu, je vous félicite pour votre mémoire.
Et on a eu hier la fédération des maisons d'hébergement des femmes violentées
et là nous avons le Regroupement des
maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Est-ce que vous travaillez ensemble
ou c'est deux organismes complètement différents?
Mme Riendeau
(Louise) : C'est deux organismes différents mais qui portent beaucoup
de préoccupations semblables, parce que nos
membres travaillent avec des femmes qui vivent des situations
semblables. Les membres de la fédération rencontrent aussi des femmes
qui vivent des problématiques plus larges, des problèmes de toxicomanie,
d'itinérance, mais les préoccupations sont assez semblables.
M.
Spénard : Ah! O.K.
C'est beau. Ce n'est pas nécessairement la même clientèle. O.K. C'est beau.
Merci.
Mme
Riendeau (Louise) : Il y a effectivement, en Ungava, je crois... ou, en tout cas, dans le Nord-du-Québec, une maison qui est membre
de la fédération, là, chez nos collègues.
M.
Spénard : O.K. D'entrée
de jeu, vous avez mentionné tout à l'heure, et c'est juste une information que je me dois de rectifier... Ça fait plusieurs fois que je la rectifie, et je ne le sais pas,
d'où sortent ces informations-là, mais, dans la loi C-19, le 5 avril
2012 : Il est important... C'est noté, là, en ce qui concerne
l'enregistrement d'une arme à feu de particulier :
Octroi à un particulier qui se sert d'une arme à feu sans restriction... bien, il faut
qu'il s'assure qu'il... «Il est important de souligner que la nouvelle
loi ne modifie pas l'obligation pour tous les particuliers d'être titulaires
d'un permis pour posséder une arme à feu.
Les exigences relatives à la délivrance de permis, à la formation
sur la sécurité et à l'entreposage sécuritaire des armes continue de
s'appliquer à quiconque utilise ou possède une arme à feu.»
Ça, la loi
est encore là. Alors, il est faux de prétendre que quelqu'un qui vit une crise,
il part, il va s'acheter une carabine
puis il revient, là, tu sais, s'il n'a pas son permis, là. Alors, ça,
j'aimerais juste rectifier ça, parce que, écoutez, la loi est là. La C-19, ce n'est pas moi qui
l'invente, c'est la Gendarmerie
royale du Canada, ça, là, là, tu
sais, la loi est là.
Vous avez parlé de 37 femmes menacées d'une
arme. 37 ou 107?
Mme Riendeau (Louise) : 110.
M.
Spénard : 110.
Toutes avec des armes à feu?
Mme Riendeau (Louise) : Oui.
M.
Spénard : Toutes?
Ah! c'est juste des armes à feu, il n'y a pas d'arme blanche.
Mme Riendeau (Louise) : Juste des
armes à feu.
M.
Spénard : Uniquement
des armes à feu?
Mme Riendeau (Louise) : Oui.
M.
Spénard : O.K. Donc,
ça vous projette un total de combien, ça, au Québec?
Mme
Riendeau (Louise) : Bien, au
Québec, nous, il y avait 39 maisons qui nous ont déclaré qu'en une
journée il y avait 16 femmes menacées par une arme à feu.
M.
Spénard : Puis là
vous arrivez à 107. Pourquoi?
Mme Riendeau (Louise) : 107 pour les
231 maisons qui avaient répondu au sondage canadien.
M.
Spénard : Ah!
canadien.
Mme Riendeau (Louise) : Canadien.
M.
Spénard : O.K.
Donc, vous n'avez pas fait d'estimation en ce qui concerne le Québec.
Mme Riendeau (Louise) : Oui. Ce que
je vous dis : Pour le Québec, nous, nos membres qui avaient répondu à ce sondage-là, il y en avait 39, et elles nous
avaient dit que, dans les 39 maisons, en fait, le tiers, 16, avaient eu une
femme qui leur avait dit : Oui, j'ai été menacée par une arme à feu cette
journée-là.
M.
Spénard : Cette
journée-là.
Mme Riendeau (Louise) : Oui.
M.
Spénard : O.K.
Pouvez-vous me dire en quoi... Parce que moi, j'ai peur que le registre des
armes à feu crée — puis
ça, je le pense comme ça, là — crée une illusion de sécurité qui ne sera
pas là.
Je
m'explique : En quoi immatriculer une arme à feu renforce la sécurité d'un couple, ou d'une
personne suicidaire, ou de quelqu'un
qui est à la maison? J'ai beaucoup de difficultés à m'imaginer la sécurité accrue versus l'immatriculation
d'une arme à feu, parce que,
si elle est mal entreposée, ça n'empêchera pas quelqu'un de tirer avec; s'il
ne respecte pas les lois, ça n'empêchera pas la personne. Si on ne détecte pas à temps puis
on sait que des problèmes... Des fois, les violences conjugales ou des santés mentales, ce n'est pas nécessairement en évolution tranquillement pas vite, ça va durer deux ans, là, tu sais, des fois, le laps de temps est très, très
court, il n'y a personne qui peut le déceler, puis, d'un coup, boum! Tu
sais, on en a eu, des cas, puis on en a, des cas, en masse, de ça.
Alors, en quoi ce projet
de loi n° 64 là va améliorer la sécurité des personnes?
Mme Riendeau (Louise) : Je
pense que personne n'affirmera qu'un
tel projet de loi va éviter aucune mort, aucune blessure. Je
pense que ça, il faut être clair, ce
n'est pas une panacée. Mais le fait qu'on puisse savoir combien d'armes il
y a dans un domicile, combien d'armes sont
détenues par un propriétaire permet, dans les situations où on décèle le
risque, effectivement d'aller les saisir. Et, quand on sait qu'il y avait 1,6 million d'armes
d'épaule enregistrées au Québec, ça nous
fait dire que les gens étaient respectueux de la loi et que, de façon générale,
ils enregistraient leurs armes, et d'avoir enlevé cet enregistrement-là — je vais le prendre a contrario — nous laisse croire que ce n'est pas
dangereux, une arme d'épaule; que c'est dangereux, une arme de poing,
que c'est dangereux, une arme restreinte, mais que ce n'est pas dangereux, une arme d'épaule, alors que c'est
aussi dangereux. Il y a des gens qui disaient : C'est quoi, la différence
entre une arme à feu ou un autre type
d'armes, un bâton? Une arme à feu, on n'en réchappe pas, bien souvent; un coup
de bâton, on peut être blessé, mais on ne va peut-être pas perdre la vie.
Donc,
pour nous, le fait que c'est... comme je le dis, ce n'est pas une panacée, mais
le fait d'avoir l'information permet d'agir. Quand on n'a pas
l'information, on ne peut pas agir.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé :
Merci, M. le Président. Merci, mesdames, pour votre présentation.
Je
pense que vous avez fait la démonstration... et peut-être que, parce que pour
moi c'est plus simple, parce que j'ai travaillé plusieurs années auprès
des femmes, dont, les dernières années de ma vie professionnelle, de façon...
où je rencontrais des femmes victimes de
violence physique, sexuelle, psychologique, économique à chaque jour, c'est
plus facile de comprendre qu'est-ce qu'on
veut dire quand on dit : La violence conjugale, c'est une prise de
contrôle sur. Ce n'est pas : Il
a perdu la tête. C'est : Il a volontairement voulu prendre le pouvoir sur.
Est-ce que, quand je dis ça, je... Et pourtant
j'aurais aimé que mon collègue de Beauce-Sud écoute ça attentivement, mais il
pourra le réécouter, parce que c'est enregistré, puis je n'ai rien que
deux minutes.
Mais
est-ce que je comprends bien que, dans le fond, la violence conjugale, ce n'est
pas quelqu'un qui a perdu la tête,
c'est quelqu'un qui a voulu volontairement prendre du pouvoir jusqu'au pouvoir
ultime, qui est prendre la vie de quelqu'un? Est-ce que je comprends
bien?
Mme Langlais
(Sylvie) : C'est tout à fait ça.
Mme Massé :
Tout à fait ça.
Mme Langlais
(Sylvie) : C'est vouloir décider, et sans négocier.
Mme Massé :
Sans négocier.
Mme Langlais
(Sylvie) : Sans négocier. Voilà.
Le Président (M.
Ouellette) : ...
Mme
Massé : O.K. Donc... je ne me souviens plus lequel des intervenants,
parce que je ne pensais pas aller vers là, ce qu'il nous a expliqué, c'est : quand il y a des armes à la
maison... pas parce que tout le monde qui possède des armes va passer à l'acte, mais, quand il y a des armes
dans la maison, ça fait en sorte que le clic se fait le plus rapidement
quand on veut prendre le pouvoir sur
l'autre, jusqu'à prendre le pouvoir ultime, c'est-à-dire lui enlever la vie.
Vous êtes d'accord avec ça? Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme la députée d'Arthabaska.
Mme
Roy (Arthabaska) : Je ne veux pas me tromper sur le chiffre,
vous avez dit : 39 personnes qui ont dit être menacées dans une
journée. 39 femmes ici, au Québec?
Une voix :
Au Québec.
Mme Roy
(Arthabaska) : Je me demandais : L'échantillon est de
combien?
Mme Riendeau
(Louise) : Je n'ai pas apporté ma documentation avec moi, là, je ne
peux pas vous le dire.
• (16 h 30) •
Mme Roy (Arthabaska) : Bien,
vous devez savoir combien il y a de places de disponibles, à peu près, dans vos
maisons.
Mme
Riendeau (Louise) : Oui. Dans nos maisons, il y a peut-être...
écoutez, on a 42 maisons, entre 400 et 500 places, là, femmes et enfants, ça
fait qu'on peut dire : Moitié femmes, disons.
Mme Roy
(Arthabaska) : Oui. Parfait. Ça veut dire à peu près...
Mme Riendeau
(Louise) : 250 femmes, disons.
Mme
Roy (Arthabaska) : O.K.
Vous avez fait encore une adéquation entre le fait que la fin du registre
démontrait que ce n'est pas dangereux, les
armes. Moi, je ne comprends pas ce raisonnement-là. Tout le monde sait qu'une arme à feu, c'est
dangereux, puis les chasseurs et ceux qui détiennent des permis encore plus, parce qu'ils ont pris le cours de maniement
sécuritaire des armes à feu. Je pense que cet argument-là ne peut pas tenir, là, on ne
peut pas dire : Parce
qu'on les enregistre, on démontre que les
armes sont dangereuses, puis que, parce
qu'on ferme un registre, on démontre
que les armes ne sont pas dangereuses. Je ne vois pas le rapport entre les
deux.
Mme Riendeau (Louise) : Bien, en fait, le fait qu'il y a
un registre, ça fait que les gens sont responsables de, c'est la responsabilité,
mais...
Mme Roy
(Arthabaska) : Excusez-moi. Ce n'est pas la perception de la
dangerosité, c'est la responsabilité.
Mme Riendeau (Louise) : Mais on pourrait poser la question :
Pourquoi réglemente-t-on des armes de poing, pourquoi
réglemente-t-on des armes restreintes et qu'on ne réglementerait pas les armes
d'épaule, qui causent le plus d'homicides, de suicides? Alors, moi, je pense
qu'il faut le regarder aussi comme ça.
Et
la question de la responsabilité est importante. Si on pense à un propriétaire d'armes qui sait qu'on peut retracer son arme, si quelqu'un vient lui demander de lui
prêter son arme, il va réagir autrement que s'il n'y a pas de trace, en
fait, de ce prêt-là ou de cette transaction-là.
Le Président (M. Ouellette) : ...Mme Louise Riendeau, Mme Sylvie
Langlais, représentant le Regroupement des maisons pour femmes victimes
de violence conjugale.
Nous
allons suspendre quelques minutes. Je demanderais à Mmes Hélène Lépine,
Isabelle Gélinas et Diana Pizzuti de s'avancer, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à
16 h 32)
(Reprise à 16 h 35)
Le Président (M.
Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant le Y
des femmes de Montréal : Mme Hélène Lépine, Mme Isabelle Gélinas et Mme
Diana Pizzuti.
Je
pense que c'est Mme Lépine qui va nous entretenir. Vous avez 10 minutes.
Il va y avoir un échange après avec le
parti ministériel, les partis d'opposition.
Vous allez voir, ça va très
bien se passer, on est là effectivement pour écouter votre message et pour avoir un échange constructif
avec les parlementaires. Donc, Mme Lépine, à vous la parole.
Y des femmes de Montréal
Mme Lépine
(Hélène) : Alors, merci. Alors, le Y des femmes de Montréal tient d'abord
à féliciter les partis politiques de l'Assemblée
nationale du Québec pour avoir appuyé
le projet de loi n° 64 lors de sa présentation le
3 décembre dernier. Nous remercions également
la Commission des institutions de nous avoir invitées à participer à cette
consultation particulière.
Je
vais vous parler un peu du Y des femmes de Montréal, qui a été fondé le 23 février 1875.
Depuis lors, le bien-être et la
sécurité des femmes ont toujours été au coeur de notre mission. En 140 ans,
plus de 350 000 filles et femmes ont profité de notre expertise. La mission actuelle du Y des
femmes de Montréal, bâtir ensemble un avenir meilleur pour les femmes et
les filles, est inspirée par sa vision d'une
société égalitaire où les femmes et les filles ont le pouvoir et la possibilité
de participer à la mesure de leurs capacités. Pour y arriver, le Y des femmes
s'appuie sur des valeurs de respect, de non-violence,
d'équité, d'intégrité, de solidarité et d'innovation. Ces quatre familles
d'actions articulent leurs actions afin de favoriser la sécurité des femmes et leur développement optimal. Le Y des
femmes veut ainsi contribuer à réduire les impacts de trois enjeux sociaux majeurs : les
violences faites aux femmes et aux filles, l'exclusion et les inégalités
sociales et de genre.
Le Y des femmes de
Montréal appartient au mouvement des YWCA du Canada, qui compte
32 associations membres à travers le
pays. Au Canada, le YWCA est le principal fournisseur de refuges pour femmes,
lesquels hébergent, chaque année, 25 000 femmes, enfants et
adolescentes, dont 6 000 sont victimes de violence conjugale.
Nos
actions directes envers la sécurité et le développement optimal des femmes et
des filles constituent le coeur de notre
raison d'être. Nous agissons aussi aux niveaux collectif et global pour amener
des changements positifs dans les pratiques et les politiques sociales
touchant le développement et la sécurité des femmes, et c'est la raison de
notre présence ici aujourd'hui.
Au
vu de ce qui précède, et en cohérence avec sa philosophie d'action, qui fait
une large place à la prévention, à la sensibilisation et à la prise de
conscience, le Y des femmes de Montréal a toujours appuyé sans réserve un
meilleur contrôle des armes à feu. Nous joignons notre
voix à celle des autres groupes en faveur de ce contrôle, comme des organismes
de femmes, de prévention de violence, de prévention de suicide, des experts en
sécurité publique et en santé, entre autres.
Nous appuyons la
création d'un registre sur l'immatriculation des armes à feu sans restriction
avec certaines recommandations.
Quand la prévention fonctionne, c'est généralement difficile d'identifier quelles vies ont été sauvées. Toutefois, nous constatons que la mise en oeuvre du registre fédéral a été accompagnée d'une réduction significative des
homicides commis par arme à feu. De fait, à toutes les fois que des mesures de
contrôle sur les armes d'épaule ont été adoptées au Canada — en
1977, 1991 et 1995 — une
diminution marquée des homicides par balle a suivi. Cette diminution des
homicides par balle a eu un impact particulièrement significatif sur le nombre
de femmes tuées par arme à feu, qui a diminué de 67 % entre 1996 et 2007.
• (16 h 40) •
Au
Canada, chaque année, en moyenne, une femme est tuée par son conjoint, à tous
les six jours. Si c'est avec une arme, cette arme est majoritairement
une arme d'épaule. Pour les femmes et leurs enfants tentant d'échapper à la violence conjugale, la présence d'une arme dans la
maison augmente de façon dramatique le risque d'être gravement blessé ou tué. Un registre permettrait un retrait
préventif des armes, lorsqu'une femme et ses enfants vivent de la violence
ou sont menacés de mort ou de sévices, avant que le pire n'arrive.
Une évaluation
rigoureuse de la GRC stipule que le registre est un outil essentiel pour les
enquêtes et pour la sécurité des policiers,
ce qui améliore la sécurité publique. Un registre permet, entre autres, aux policiers de connaître le nombre
et la nature des armes à feu détenues par une personne lorsqu'ils doivent
intervenir dans le cas de disputes et de violence familiale ou
d'opérations impliquant des individus barricadés. De même, la création du
registre fédéral des armes à feu a été
associée à une baisse majeure des suicides par arme à feu. Selon l'Association québécoise de prévention du suicide, entre 1995 et 2008, il
y a eu 60 % moins de suicides
par arme à feu, et ce, sans substitution par d'autres moyens.
Bref,
une étude de l'Institut national de santé publique du Québec
estime que la loi fédérale sur le contrôle des armes aurait sauvé en
moyenne 300 vies par année. La société québécoise ne saurait se priver de
ce registre.
Le
Y des femmes de Montréal croit que l'immatriculation des armes à
feu relève d'un choix social fondamental, celui de sensibiliser et de responsabiliser la société
pour diminuer toute forme de violence sociale et de genre. Dans un
univers où la violence est banalisée, trivialisée, même, la création du
registre des armes à feu nous apparaît un outil essentiel de prise de conscience, de responsabilisation et, par le fait
même, de sensibilisation à la paix et à la non-violence.
Posséder
une arme à feu n'est pas banal ni anodin. À l'origine, une arme à feu est un
objet conçu pour tuer ou blesser.
Assurer la traçabilité et le cheminement d'une arme, savoir à qui elle
appartient, nous apparaît essentiel et logique. Comme société, nous
avons choisi, entre autres, d'enregistrer les voitures, les entreprises, les
animaux domestiques et même les cheminées. Et on ne devrait pas enregistrer les
armes à feu, un objet qui a le potentiel de tuer ou blesser gravement à
distance, d'un simple mouvement de doigt?
Pour
que la prévention, la responsabilisation et la sensibilisation soient
efficaces, il nous semble toutefois essentiel que la personne souhaitant acquérir une arme ait l'obligation de
démontrer qu'elle détient un permis de possession d'armes valide. Malheureusement, cette obligation a
disparu au niveau fédéral depuis 2012. Nous souhaitons que le présent
projet de loi remédie à cette lacune et, pour cette raison, nous faisons nôtre
la recommandation de PolySeSouvient et d'autres organismes que vous avez reçus
aujourd'hui ou hier.
De même, pour aller au-delà du simple niveau de
formalité administrative que pourrait représenter l'immatriculation
d'une arme à feu, et en conformité avec notre approche de prise de conscience
comme composante essentielle d'un changement
durable, le Y des femmes recommande ce qui suit : que la personne qui
achète et immatricule une arme signe une
déclaration solennelle à l'effet qu'elle est consciente que la possession d'une
arme entraîne des responsabilités, qu'elle s'engage à respecter la loi
et l'esprit de la loi et que cette arme servira à son usage personnel
seulement.
Un registre des armes d'épaule n'est pas la
panacée qui résoudra toute la violence commise par arme à feu, mais le Y des femmes de Montréal juge qu'il s'agit d'un
excellent moyen additionnel de responsabilisation, de sensibilisation et
de prévention de cette violence. Cet outil
doit bien sûr être combiné à tous les autres moyens de prévention et
d'intervention qui existent déjà et qui mériteraient, eux aussi, bien sûr,
d'être bonifiés, mais là n'est pas le but de notre intervention aujourd'hui.
En
conclusion, depuis 140 ans, le Y des femmes de Montréal a sans cesse
contribué à générer des changements positifs
et durables quant à la sécurité, à l'égalité, à l'inclusion et à l'autonomie
des femmes et des filles. Nous sommes heureuses
aujourd'hui de contribuer de nouveau à un processus de réflexion qui permettra
au Québec de se doter d'un outil supplémentaire dans la prévention de la
violence sociale et de genre. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, Mme Lépine. M. le ministre.
M. Coiteux :
Oui. Merci beaucoup, Mme Lépine, pour la présentation du mémoire.
Avant
de vous poser une question, je vais juste parler du contexte général dans
lequel le projet de loi s'inscrit, là. Il
y avait, il y a quelques années, comme on sait tous, un registre fédéral qui a
été aboli dans sa partie armes d'épaule, la partie, typiquement, des fusils de chasse, là, et d'autres armes
d'épaule, alors que les autres armes sont, effectivement, toujours enregistrées. Ce qui pose la
question : Pourquoi celles-là le sont et pourquoi les autres ne le sont
pas? Puis, surtout, vous qui travaillez
dans le domaine notamment de la prévention de la violence conjugale, la plupart
du temps, les armes qui pourraient
devoir être saisies ou dont on aurait besoin d'avoir la connaissance sur leur
localisation et qui les possède sont typiquement
des armes qui ont été exclues du registre, pas typiquement celles qui sont
toujours dans le registre. Donc, on peut légitimement se poser la
question.
Néanmoins,
ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de contrôle à l'échelle fédérale. Il y a
d'autres types de contrôle effectivement,
mais il n'y a plus, pour les armes d'épaule, d'immatriculation. Alors, notre
projet de loi, il vient s'insérer dans
ce vide-là, qui a été créé par l'éviction, je dirais, là, des armes d'épaule du
registre fédéral. On s'inscrit là-dedans pour rétablir, dans le fond, l'intégrité de notre système de contrôle au
moins sur le territoire du Québec. Mais ça veut dire qu'il va y avoir un complément, là, entre une loi
québécoise, le cas où elle est adoptée, et puis les lois fédérales. Je
voudrais juste mentionner à cet effet
que — puis je
pense que c'est important, parce qu'il y en beaucoup qui soulignent ça, la
loi fédérale versus le projet de loi
n° 64 — on est
en communication avec le gouvernement fédéral, et on nous a assurés
d'une grande collaboration pour faire en
sorte que ce qu'on veut faire puisse s'arrimer. Donc, on ne fera pas ça
totalement isolément.
Ça m'amène à
vous poser une question, ça, ce contexte-là, où on pourrait collaborer
davantage, effectivement, avec le
gouvernement fédéral, particulièrement maintenant qu'il a une attitude un petit
peu plus ouverte à cette question-là. Je
ne suis pas en train de dire qu'ils veulent rétablir le registre, mais, comment
on arrime nos lois, ça, je pense que c'est certainement quelque chose
sur lequel on peut travailler.
Comme vous
êtes membre d'une association qui est partout à travers le pays, là, les YWCA,
est-ce que vous avez le sentiment que ce qu'on pourrait accomplir ici,
au Québec, pourrait faire tache d'huile ailleurs au pays puis que vos collègues des autres provinces regardent
attentivement ce qui va se passer ici, et anxieuses de voir jusqu'où on va
aller?
Mme Lépine
(Hélène) : Ah! oui,
absolument. Vous savez, les YWCA Canada regardent avec attention... mes collègues et leurs équipes regardent avec
attention ce qui se passe actuellement au Québec. Nous avons rédigé
ensemble un mémoire conjoint, à l'époque du
C-42, sur l'impact de cette loi sur la sécurité des femmes. Et, le YWCA Canada,
nous nous rencontrons trois fois par année,
et c'est toujours objet de nos rencontres, et voir de quelle façon tout ça
s'inscrit dans chacune des provinces. Nous avons même un YWCA à Yellowknife,
dans le Nord, aussi.
M. Coiteux : Un autre élément que je
trouve particulièrement intéressant et sur lequel j'aimerais peut-être vous entendre un peu davantage, puis vous n'êtes
pas le seul groupe qui l'avez dit, mais, moi, ça m'a frappé, ça, c'est
un argument qui est revenu souvent, puis
c'est une évidence pour vous, là, ce n'est même pas une hypothèse qui doit
être validée par des enquêtes statistiques.
Pour vous, c'est une évidence, vous dites : Dans le fond, les dispositifs
prévus dans la loi fédérale qui
disent qui peut acheter, comment une arme doit être entreposée de manière
sécuritaire, ces dispositifs-là, pour qu'ils puissent être appliqués
correctement, dans les faits, ça prend une immatriculation.
Et donc, dans le fond, le projet de loi
n° 64, s'il était adopté, bien, il viendrait renforcer l'application des
lois fédérales, dans les faits, parce que
vous avez dit, puis vous n'êtes pas le seul groupe, vous avez dit : Ça
responsabilise davantage les propriétaires
d'armes à feu. Pourriez-vous juste un petit peu élaborer davantage là-dessus
pour que tout le monde ici autour de
la table puis ceux qui nous regardent aussi, là, parce qu'il y a des gens qui
nous regardent en direct, là... Peut-être que certains nous verront même
en différé, c'est possible...
Le Président (M. Ouellette) : Non,
non, c'est en direct.
• (16 h 50) •
M. Coiteux :
Non? Ce n'est qu'en direct, M. le Président? Je pense que c'est un élément
important, ça, parce que ça n'a pas été dans l'espace public tant que ça, cet aspect-là, avant qu'on
reçoive des groupes comme vous en commission parlementaire.
Donc, si vous
pouviez juste élaborer un petit peu plus là-dessus, pourquoi ça responsabilise davantage, qu'est-ce que vous voyez, vous, sur le terrain qui permettrait
de dire : Écoutez, les lois
actuelles, là, elles vont être mieux
appliquées si, en plus de ça, on a une immatriculation.
Mme Lépine (Hélène) : Écoutez, nous,
on croit bien sûr que chaque personne, comme une personne qui est propriétaire
d'une voiture ou qui est propriétaire d'un vélo ou d'un chat, doit
l'immatriculer. Donc, nous croyons que posséder
une arme, c'est nécessaire de l'immatriculer à cause, bien sûr, du danger qu'il
y a derrière le fait de posséder cet objet. Alors donc, c'est
l'immatriculation de l'objet et non de la personne, là.
C'est bien
clair que, pour nous, de savoir que les personnes ont immatriculé leurs armes
dans leurs maisons, on sait, pour nous, que ça permettra le retrait
préventif en situation de danger. Lorsqu'une femme est en danger, elle pourrait
demander aux policiers de faire un retrait
préventif. Et cette obligation de l'immatriculer responsabilise. Et notre
demande de déclaration solennelle, c'est, en
plus, d'en mettre un peu plus, un peu comme on est souvent en mesure d'accepter
de déclarer solennellement que nous sommes
au courant de ce que cette arme fait. Donc, cette responsabilisation-là, elle
est essentielle, pour nous, lorsqu'on possède une arme à feu, à cause du danger
potentiel de cette arme.
M. Coiteux : Merci beaucoup. Mon
collègue de Vimont aimerait poser des questions.
Le Président (M. Ouellette) : Ah
oui?
M. Coiteux : Oui.
Le Président (M. Ouellette) : Bien,
notre collègue de Vimont, à vous la parole.
M. Rousselle : Merci. Merci,
mesdames, d'être ici puis merci d'avoir préparé votre document. En passant,
félicitations, plus que 140 ans d'existence, il faut le noter.
Mme
Lépine (Hélène) : Pas nous, mais...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Rousselle :
Non, ça, je le sais, ça. Je n'en doute pas, madame.
Une voix :
Peut-être à trois.
M. Rousselle :
Mais, en tout cas, effectivement, si vous avez 140 ans, vous ne faites pas
votre âge.
Écoutez,
j'en viens à... parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous regardent
actuellement qui n'ont pas jamais connu ça, de la violence conjugale, et tant mieux. Dans le fond, ça ne devrait
pas exister du tout sur la terre, mais, malheureusement, il en existe. Mais pourriez-vous expliquer un
petit peu l'escalade qui arrive? Parce que, là, les gens : Comment, où ça
peut arriver, qui va se servir d'une arme à
feu dans une chicane de famille, dans une chicane de ménage, puis y incluant
les enfants? Si vous vouliez nous faire un portrait un petit peu là-dessus.
Mme Lépine (Hélène) : Je vais demander à Diana Pizzuti de répondre. Elle est directrice des
Services résidentiels et est en lien avec les personnes qui...
Le Président (M. Ouellette) : Juste vous identifier pour les besoins de
l'audio, et vous répondez à la question.
Mme Pizzuti (Diana) : Alors, Diana Pizzuti. Bien, on sait que la violence conjugale, comme plusieurs
en ont parlé, a un cycle. Alors, ça
se voit régulièrement dans les dossiers, dans les cas avec lesquels on
travaille. Et même, dans un des
mémoires, j'ai vu... quand il s'agit d'un homicide, souvent, les cycles, ça ne
fait pas tout le tour, ça peut escalader assez vite. Je pense qu'on le sait aussi, que, dès qu'il y a une arme dans la
maison, le risque est plus élevé. Dès qu'il y a un accès plus facile à
des armes, le risque est plus élevé, parce que souvent il y a une notion
d'impulsivité, que ça soit avec la violence
conjugale ou que ça soit avec le suicide, par exemple. Nous travaillons avec
beaucoup de différents enjeux, la violence
conjugale n'en est pas le seul. Il y a aussi la violence familiale, il y a la
détresse psychologique, la santé mentale. On voit ça régulièrement à
tous les niveaux, avec tous les différents problèmes. Donc, je pense que, pour
toutes ces raisons-là, on croit que c'est important qu'on ait un registre, un
meilleur contrôle. C'est un outil parmi bien d'autres.
Puis
je pense qu'aussi, pour répondre à ce que le ministre avait demandé tantôt,
c'est : on a besoin d'avoir une approche
qui est logique, qui... tout le monde est sur la même table, où on... comment je pourrais dire, tout le monde croit la même chose et veut la
même chose. Et on veut accroître la sécurité, et ça prend beaucoup de facteurs.
Ce n'est pas juste un facteur seul qui va nous aider à atteindre cette
sécurité.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Vimont.
M. Rousselle :
Je vais laisser la place à mon ami d'Ungava.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député d'Ungava.
M.
Boucher : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Vous parliez tantôt que, bon,
vous étiez même affiliées à une
maison à Yellowknife. Je comprends que vous êtes plus implantées dans la région de Montréal.
Est-ce que vous couvrez toute l'île
de Montréal, c'est plusieurs maisons?
Mme Lépine (Hélène) : Nous avons un seul lieu, qui est au coin de Crescent et René-Lévesque.
Alors donc, nous n'avons qu'un endroit
à Montréal. Les YWCA, il y en a deux au Québec : un ici, à Québec, et un à Montréal, et 30 autres à travers le Canada. Nous
sommes toutes affiliées à YWCA Canada.
M.
Boucher : O.K.
C'est bien. Combien de personnes peuvent fréquenter votre organisme par
semaine, mois, an, je ne sais pas, et...
Mme Lépine
(Hélène) : Chez nous, à Montréal?
M. Boucher :
Oui, chez vous, là.
Mme Lépine (Hélène) : Autour de 3 500 par
année. Mais pas seulement des femmes qui vivent des situations de violence conjugale. Nous avons plusieurs
services — des
services d'employabilité, des services à la collectivité, des services jeunesse et des services résidentiels — alors nous rencontrons des femmes
vulnérables dans divers secteurs, mais, lorsque nous rencontrons des femmes qui vivent chez nous, il y a 34 femmes qui
vivent chez nous à se reconstruire pour retrouver leur autonomie et
leurs capacités de réintégrer la société.
M.
Boucher : Si on se concentre
plus du côté de la violence
conjugale, quel est le portrait, là,
des femmes qui... autant le portrait culturel que sociologique, etc.? La
cliente type, ça ressemble à quoi, là?
Mme Pizzuti (Diana) : Alors, vous savez, je me fais poser cette question
tellement souvent et je pense que je déçois
parfois les gens quand je réponds. Malheureusement, le profil est tellement large. Nous
desservons des filles qui sortent de
la DPJ, jusqu'à des femmes âgées, jusqu'à leur capacité d'être autonomes, donc,
parfois on a des femmes qui ont 80
ans qui restent chez nous. Il n'y a pas vraiment de profil type. Il y a
des femmes multiculturelles, il y a des femmes professionnelles, il y a
des femmes pauvres, il y a des femmes très éduquées, il y a
des femmes peu éduquées, il y a
des femmes qui sont bien entourées par leurs
familles, des femmes qui ont perdu la vue de tous les gens dans leur
entourage. Il y a toutes sortes de femmes, malheureusement.
M.
Boucher : Souvent, dans le
cycle de la violence, c'est un des facteurs, hein, l'isolement, dire :
Bien là, ton frère est comme ci,
comme ça, tu ne devrais plus le fréquenter, ta famille, c'est des ça, on ne les
fréquentera plus, pour justement prendre le contrôle et puis éviter les
influences extérieures.
Le Président (M.
Ouellette) : ...M. le député d'Ungava.
M. Boucher :
Déjà? Mon Dieu!
Le Président (M.
Ouellette) : Non, mais c'était un commentaire très pertinent.
M. Boucher :
On se reprendra.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Verchères.
M.
Bergeron : Merci, M. le Président. Merci, mesdames. J'ai l'habitude de dire à l'ensemble
des groupes qui nous font part de
leurs points de vue que c'est très éclairant, puis, bien qu'il y ait
des éléments qui se recoupent — bien,
ça fait déjà quelques
jours qu'on est là-dessus, ça fait qu'il
y a quelques éléments qui se
recoupent — il y a quand même des
éléments nouveaux qui nous arrivent de présentation en présentation, et c'est
ce qui donne toute sa couleur et son importance à ces différentes
présentations.
Si
je regarde au niveau des éléments qui se recoupent, il y a
cette fameuse recommandation à l'effet d'assurer une meilleure traçabilité en s'assurant que, lorsqu'il
y a une transaction, la personne qui achète est bel et bien titulaire
d'un permis de possession et d'acquisition.
Ça permet d'éviter qu'il y ait des armes qui partent dans la nature puis qu'on
en perde la trace.
Mais là où on parle d'une nouveauté par rapport à ce qu'on a eu jusqu'à présent, c'est cette fameuse recommandation d'une déclaration solennelle. Et là je vous dirais que, jusqu'à présent, les groupes qui ont comparu devant nous nous ont dit : Bien, le seul fait qu'on puisse faire
le lien entre l'arme unetelle puis M. Untel ou l'arme unetelle puis
Mme Unetelle, ça va avoir pour effet de
responsabiliser la personne, parce que : Jusqu'à présent, bon, ils ne
savent pas que j'ai des armes, mais,
à partir du moment où ils savent que
j'ai des armes... ça va avoir pour effet de les responsabiliser. Alors, vous,
vous voulez qu'on en rajoute une couche.
• (17 heures) •
Une voix :
...
M. Bergeron :
O.K. Alors, expliquez-moi.
Mme Lépine (Hélène) : Lorsque je déclare solennellement que je connais l'arme, que je connais
la loi, que je connais la loi et
l'esprit de la loi et que je le signe, je suis d'autant plus responsabilisé.
Tous les moyens sont bons pour que toutes
les personnes possédant une arme soient à son maximum responsabilisées. Alors,
pour nous, c'est une façon de plus d'être en mesure de prendre ses
responsabilités.
M.
Bergeron : ...ces audiences, on a des suggestions souvent
parmi les plus originales et qu'on n'a pas vues venir, mais qu'on cherche chaque fois à trouver un moyen
de faire en sorte d'intégrer un peu les suggestions de tout le monde parce qu'il y a toujours un peu de bon puis un peu
d'éléments intéressants dans ce qui nous est amené, parce que ça nous ouvre les yeux sur des éléments qu'on n'a pas
nécessairement vus. Mais, si j'essaie de jouer l'avocat du diable
quelques instants puis que je vous dis que
souvent les groupes de chasseurs, de pêcheurs, de pourvoyeurs nous
disent : Rajoutez-en pas une couche,
là, de complications, là, on veut que ce soit simple, O.K., dites-moi, là, dans
l'opérationnalisation, est-ce qu'on
peut, lorsqu'on signe le certificat d'enregistrement, là, tu sais, la ligne où
on met la signature... est-ce qu'il pourrait y avoir : Je déclare que je fais l'acquisition de telle arme, que
je suis conscient des implications, pa, pa, pa, puis là je signe, puis
finalement il n'y a pas une signature additionnelle, c'est juste dans le même
formulaire?
Mme Lépine (Hélène) : ...que ce soit dans le même formulaire, mais que cette personne, la
personne qui a signé ce formulaire,
ait eu cet espace où elle a pu lire que la possession d'une arme entraîne des
responsabilités et qu'elle s'engage à respecter la loi et l'esprit de la
loi. On ne rajoute pas une formule administrative de plus.
M.
Bergeron :
Je vous remercie.
Mme Lépine
(Hélène) : Il n'y a pas
d'autre formulaire ajouté, c'était plus une prise de conscience solennelle
de ce que c'est.
Le
Président (M. Ouellette) : M. le député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci, M. le Président...
(Interruption)
M. Roy :
Est-ce qu'on a un vote?
Le Président (M.
Ouellette) : Là, quand les cloches sonnent, ma chère dame...
Une voix :
...
Le Président (M. Ouellette) : Ce n'est pas de votre faute. Ce n'est pas parce
que ce n'est pas intéressant puis que
votre réponse n'est pas intéressante, mais c'est parce qu'on est appelés au
salon bleu pour un vote. Nous allons devoir suspendre quelques minutes. Nous allons nous acquitter de notre devoir
de parlementaire pour aller voter sur une motion et...
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouellette) : Non. Non, le député d'Argenteuil n'est pas là.
Donc,
nous allons effectivement suspendre quelques minutes et on va vous revenir.
Vous allez pouvoir après ça échanger
avec les collègues. On va continuer la discussion que nous avions. On s'excuse.
Mais on va essayer de faire ça le plus vite possible. On suspend
quelques minutes.
(Suspension de la séance à
17 h 3)
(Reprise à 17 h 22)
Le Président (M.
Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Comme je vous l'ai mentionné,
nous avons suspendu nos travaux pour un
vote. Je vous avais dit : 10 minutes. Une chance que je n'ai pas pris
de gageure avec vous. On en était à M. le député de Verchères. Non, on
en était à M. le député de Bonaventure, qui n'a jamais pu avoir la parole. Il
l'a.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Il nous reste combien de temps?
Le Président (M.
Ouellette) : Trois minutes.
M. Roy :
Trois minutes. O.K. Bonjour, mesdames. Écoutez, donc, ça fait quelques groupes
qu'on reçoit, puis il y a comme une récurrence dans les énoncés qui sont
apportés dans les différents mémoires, et je vais essayer de couvrir des
angles plus périphériques, c'est-à-dire s'interroger sur des choses qui
pourraient faire grandir la réflexion ou la discussion. Bon, c'est sûr que
j'aurais aimé parler de «signe une déclaration solennelle», mais mon collègue
l'a fait.
Je
sais que vous êtes à Montréal, et vous avez énoncé le fait que vous travaillez
avec différentes cultures, n'est-ce pas? Et là le sociologue en moi se
demande si... bon, c'est une question que je pose, peut-être vous n'avez pas la
réponse, mais l'expression de la
violence, comme l'expression de la douleur... Je sais que l'expression de la
douleur est différente selon les cultures,
mais est-ce que vous avez observé une expression de la violence
différente selon les cultures? Puis là je ne veux pas rentrer dans un
débat à savoir s'il y a de quoi de pire que d'autre, mais est-ce qu'il y a plus
de récurrences dans certains axes culturels
que d'autres, ou est-ce que vous voyez une réelle différence, ou est-ce que ça
prend une certaine génération avant que ça
s'occidentalise? Est-ce que les crimes d'honneur sont encore présents? Vous
voyez le genre de réflexion. Peut-être juste pour enrichir notre compréhension
collective.
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Pizzuti.
Mme Pizzuti (Diana) : Alors, en général, l'expression de la violence traverse les différentes
cultures. Les crimes d'honneur, oui,
existent. On voit un peu plus de ça depuis l'arrivée de nouveaux arrivants, de
plus en plus, mais on voit toutes
sortes d'expressions de violence, et c'est dans toutes les générations :
des jeunes femmes à des femmes plus âgées. Donc, malheureusement, je ne
peux pas vous aider avec plus d'information, mais je peux vous dire que, oui,
elle est existante. Puis, comme je vous ai
dit, on ne travaille pas uniquement avec la violence conjugale, on travaille
également avec la violence familiale, la
violence sexuelle, des femmes qui ont vécu l'intimidation, l'exploitation
sexuelle, l'abus sexuel en enfance. Donc, il y a différentes formes de
violence.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Lorsque vous
parlez de crimes d'honneur, est-ce
que vous voyez une diminution ou, je
veux dire, c'est similaire d'année en année, vous êtes présents devant un nombre similaire de cas annuellement par rapport aux crimes d'honneur? Puis comment ça s'exprime, la violence,
dans les crimes d'honneur?
Mme
Pizzuti (Diana) : Je dirais,
si vous m'aviez posé la question il y a 10 ans, j'aurais dit : C'est en augmentation.
Je dirais, c'est pas mal la même chose
d'année en année dernièrement. Ça s'exprime de différentes façons de
menace, d'intimidation, d'extorsion, de différentes façons.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : C'est à
moi? Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : J'ai
l'air du méchant garçon, Mme Pizzuti, là, mais je suis le gardien du temps
aussi.
M.
Spénard :
Je suis content de vous rencontrer, Mmes Lépine, Gélinas et Pizzuti. Vous
parlez — je
connais bien le Y de Montréal, je connais
celui-là aussi de Québec — de bâtir ensemble un avenir meilleur pour les femmes et les
filles est inspiré par sa vision d'une société égalitaire.
Je reviens à
la question de mon confrère : Est-ce que vous avez des problèmes pour
l'égalité entre les hommes et les femmes selon les différentes ethnies
qui s'adressent à vous?
Mme Lépine
(Hélène) : L'égalité,
lorsqu'on parle... en fait, notre travail, en premier lieu, c'est : bien
sûr, on vise à réduire ces enjeux d'inégalité sociale et de genre. Alors,
c'est notre travail premier. De là à penser qu'il y a plus d'inégalités d'une ethnie à l'autre... on est plus
inclusif, on travaille de façon inclusive. Les femmes, on réalise et on
s'en rend compte à tous les jours,
particulièrement on le voit beaucoup dans nos programmes d'employabilité... la
place des femmes au travail, on est en mesure de constater qu'il y a
encore beaucoup d'inégalités sociales et de genre, et, particulièrement, là où on le voit beaucoup, c'est dans l'emploi, et
c'est là-dessus où nous travaillons. Nous travaillons beaucoup à ce
niveau-là.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. Est-ce que vous avez une statistique par rapport aux
femmes que vous aidez ou qui font appel
à vos services? Est-ce que vous avez majoritairement de la violence conjugale
ou avez-vous... C'est quoi, le
pourcentage de femmes qui proviennent de victimes de violence conjugale? Parce
qu'on vient de recevoir deux organismes qui s'occupent de ça, et vous aussi, vous vous occupez de ça. Ce n'est
pas dans votre mission première, là, j'entends, là, mais vous en avez quand même. C'est quoi, la
proportion que vous avez en termes de pourcentage de vos interventions
auprès des femmes?
Mme Lépine (Hélène) : ...à la
résidence, elle va être en mesure...
• (17 h 30) •
Mme
Pizzuti (Diana) : Oui. Je
peux vous dire que 80 % de nos femmes aux services résidentiels... puis
ça, ça n'englobe pas seulement notre résidence, qui est un programme de
réinsertion sociale, mais trois projets de logement abordable pour femmes à travers la ville, il y en a à peu près 80 %
qui ont un problème de santé mentale. Là-dedans, en termes de violence conjugale... ou que ce soit de
la violence familiale, ça fait partie des différentes problématiques. On
a des femmes qui ont un historique de
toxicomanie, on a des femmes qui ont un historique de jeu, on a des femmes qui
vivent l'itinérance, beaucoup de pauvreté, et la violence familiale et
conjugale en est parmi.
Comme les autres YWCA à travers le Canada, il y
en a certains qui sont vraiment concentrés, et leur mission première, c'est de travailler avec des femmes
victimes de violence conjugale, mais, au Québec, à Montréal, il y a
beaucoup de maisons qui travaillent là-dessus. On n'est pas un gîte, on n'est
pas une maison d'urgence, on est un programme d'insertion
sociale, donc notre travail, ça va être beaucoup plus de longue haleine. Il y a
des femmes qu'on suit et qu'on connaît
depuis des dizaines d'années. Il y en a, des femmes, qu'on connaît depuis 20 ans. Donc, le parcours, le
travail qu'on fait avec les femmes, c'est vraiment de longue haleine.
M.
Spénard : En ce qui concerne le projet de loi n° 64 comme tel, en quoi le registre va-t-il faire en
sorte... Parce que vous parlez de diminution, de diminuer les
armes à feu, diminuer les agressions, et tout ça. En quoi le registre
des armes à feu va-t-il faire en sorte de
diminuer les armes dans les résidences ou les possibilités d'utiliser ces armes
lors de crises dans les maisons, dans
les résidences? En quoi l'immatriculation des armes va faire en sorte de diminuer ça? J'ai
de la misère à faire la corrélation, là.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme Gélinas, vous dire qu'il reste 30 secondes pour...
Mme Gélinas (Isabelle) : C'est beau.
Le Président (M. Ouellette) :
...donner une réponse.
Mme
Gélinas (Isabelle) : Tout simplement, parce que, dans le cas de menaces qui peuvent survenir, ça
permet un retrait préventif pour éviter que
la crise n'éclate et que ce soit trop tard. Je crois que nous ne sommes pas le
seul groupe de femmes à faire état de
cette situation-là. Souvent, on voit des facteurs de risque, on
sait qu'il y a des problèmes particuliers,
on fait appel, on demande de l'aide, et on peut vérifier, et on dit : Dans
cette maison-là, il y a des armes à feu, c'est un facteur de
risque important. On va faire le retrait préventif de ces armes-là le temps de
pouvoir rétablir la situation, si possible.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme Gélinas. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, on a récupéré une
minute.
Mme
Massé : C'est magnifique. Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci de votre contribution.
Je pense qu'effectivement une organisation qui a plus de 150 ans
d'existence...
Une voix : ...
Mme
Massé : ...140? Ah! qui a
presque 150 ans d'existence, c'est une organisation qui a été certainement capable de passer
au travers différentes crises, qui a vu une évolution, qui a une mémoire
collective qui s'est transmise notamment de génération de travailleuses en génération de travailleuses, et je
pense que cette richesse-là, pour avoir travaillé moi-même au YMCA...
pas au YW, mais au YM, je sais comment cette transmission-là est importante
dans les familles des Y.
Vous nous arrivez avec un nouvel élément, qui
est celui de la déclaration solennelle. On l'a entendu pour les opposants à ce registre-là, une des propositions,
c'est de dire : Rajoutez-nous-en pas, on en a déjà assez, on est obligés
d'aller chercher notre permis, d'aller
chercher nos cours, la cour est pleine, n'en rajoutez pas. Et vous arrivez avec
une déclaration solennelle après avoir dit, réaffirmé la
nécessité d'adopter le projet de loi
n° 64. Alors, ma question — vous
êtes des femmes intelligentes, vous avez, en
plus, cette intelligence historique d'intervenante à intervenante : Pourquoi rajouter cette déclaration
solennelle?
Mme Lépine
(Hélène) : Pour en rajouter,
pour faire en sorte que... nous, notre valeur sur laquelle on travaille beaucoup,
c'est cette prise de conscience, et la prise de conscience, le fait de signer
une déclaration solennelle démontrent une prise de
conscience importante du geste qui est en train d'être posé.
Vous savez,
c'est tellement important pour nous, ce registre. On dit
souvent : Un propriétaire consciencieux d'une arme, il sait où sont ses armes, il sait combien
il a d'armes. Pour nous, ce registre-là, qui pourrait exister au Québec,
bien, ça ferait exactement la même chose pour la société au Québec.
Le Président (M. Ouellette) : ...Mme
la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques?
Mme
Massé : Donc, c'est encore
une fois cette idée de dire : Une arme à feu, c'est dangereux, et donc, de
façon solennelle... Moi, c'est le mot
«solennelle» qui m'a frappée. Ce n'est pas juste une déclaration solennelle, c'est de dire : Je suis conscient ou je suis consciente que cette arme à feu là peut créer
des dommages, et donc, par conséquent, je m'en tiens responsable. Bien,
je trouve ça fort intéressant. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme Hélène Lépine, Mme Isabelle Gélinas, Mme Diana
Pizzuti, représentant le Y des femmes de Montréal. On vous remercie de
votre participation. Pour une première, ça a très bien été.
On va
suspendre quelques minutes. On va demander à Me David Vachon-Roseberry de
s'avancer, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 17 h 35)
(Reprise à 17 h 37)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Nous recevons la Société Makivik, représentée par Me David
Vachon-Roseberry. Vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire, et
après, bien, il y aura une période d'échange
avec les parlementaires qui sera écourtée, parce que nous avons des obligations
parlementaires après 18 h 5. Donc, je vous laisse nous
présenter votre mémoire.
Société Makivik
M.
Vachon-Roseberry (David) :
M. le Président, je tiens d'abord à remercier les membres de cette
commission pour nous donner l'opportunité de
présenter notre mémoire devant vous aujourd'hui de même que ceux qui
l'écouteront d'une oreille attentive. Je
suis, aux fins du présent exposé, le représentant désigné de la Société Makivik
et également membre du Barreau du Québec.
Makivik est
un organisme à but non lucratif créé par la Loi sur la Société Makivik et dont
le mandat est de protéger les droits
et intérêts des Inuits du Nunavik et de gérer les compensations financières
découlant de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de
l'Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik. S'étalant
sur 500 000 kilomètres carrés, le Nunavik couvre tout le Québec à partir
de son 55e parallèle jusqu'à son Extrême-Nord.
Le 14 mars dernier, le
Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage, l'organisme privilégié créé
par la Convention de la Baie James et du Nord québécois, a transmis une lettre
à M. Martin Coiteux, ministre de la Sécurité publique,
pour laquelle une réponse est toujours attendue. Dans cette missive, le comité
appuyait en principe les objectifs poursuivis
par un registre québécois des armes à feu mais seulement dans la mesure où les
droits et privilèges du chapitre 24 de la Convention de la Baie
James et du Nord québécois soient dûment pris en compte et respectés.
• (17 h 40) •
De manière non exhaustive, nous pouvons vous
citer quelques extraits de ces dispositions : l'article 24.3.12 : «Le droit d'exploitation inclut le droit de
posséder et d'utiliser tout matériel raisonnablement nécessaire à l'exercice
de ce droit...» L'article 24.3.18 :
«L'exercice du droit d'exploitation n'est pas assujetti à l'obtention de
permis, licences ou autres autorisations
à moins qu'il ne le soit expressément stipulé dans ce chapitre. Lorsque,
par exception, des baux, permis, licences
ou autres autorisations sont, à des fins de gestion, demandés par le ministre responsable ou sur la recommandation du comité conjoint, les autochtones ont
le droit de les recevoir pour une somme nominale par l'entremise de leur administration
locale respective.» L'article 24.3.30 et son paragraphe c : «Un minimum de
contrôles ou de règlements est imposé aux
autochtones, c'est-à-dire, entre
autres, que[...], d'une façon
générale, le contrôle des activités visées au présent chapitre est moins
restrictif pour les autochtones que pour les non-autochtones.»
Les
délégations autochtones représentées au Comité conjoint de chasse, de pêche et
de piégeage de même que la Société
Makivik entretiennent certaines inquiétudes quant à la manière dont on
instaurera et mettra en oeuvre le registre proposé dans le contexte des
droits des bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois
et de la Convention du Nord-Est québécois,
de leurs pratiques de chasse et des possibles difficultés d'application que
pourrait poser la dynamique culturelle et linguistique de ces communautés. Parmi ces inquiétudes, et faute de temps, nous
n'en énumérerons ici que quelques-unes telles que reprises de manière
exhaustive dans notre mémoire déposé aujourd'hui à votre commission.
Premièrement, la langue maternelle des Inuits du Nunavik est l'inuktitut, et certains d'entre eux, surtout des
aînés, sont unilingues. Sachant qu'une fausse déclaration lors de
l'immatriculation entraîne l'imposition d'une amende de 500 $ à 5 000 $, il sera primordial que tout formulaire
requis pour l'immatriculation des armes à feu soit disponible en inuktitut.
Deuxièmement,
la possession commune est un concept répandu chez les autochtones dont le
projet de loi n° 64 fait
abstraction. Par exemple, dans le cas où une arme à feu est utilisée par
plusieurs membres d'une même cellule familiale, sur qui incombera la
responsabilité d'immatriculer ladite arme à feu?
Finalement,
vous devez savoir que les communautés inuites ne possèdent pas tous les
équipements et services que l'on peut
retrouver au sud de la province. Ainsi, il nous est crucial d'obtenir
l'assurance que les armes à feu, objets du droit de subsistance, n'auront pas à être envoyées hors des communautés
pour leur burinage. Les communautés étant isolées et éloignées et ne
comptant qu'environ 12 500 habitants répartis en 15 villages, vous
comprendrez qu'il se peut que d'autres difficultés reliées à la logistique
surgissent en cours de route.
Pour ces
raisons et celles contenues dans notre mémoire, la Société Makivik ne peut, à
l'heure actuelle, donner son assentiment
au projet de loi n° 64 tel que proposé, ce qui nous amène à demander d'y
être exemptés, et ce, de manière totale,
tel que le permet l'article 1, alinéa trois, du projet de loi,
jusqu'à ce que des accommodements soient proposés à la satisfaction de
Makivik.
De plus, nous
demandons qu'un réel processus de consultation soit mis en place envers notre
société en tant que représentante de
la nation inuite du Nunavik mais également envers le Comité conjoint de chasse,
de pêche et de piégeage, considérant
le rôle privilégié que la Convention de la Baie James et du Nord québécois lui
donne en pareilles circonstances.
Chose certaine, notre volonté est d'entamer des
discussions officielles avec les instances législatives et administratives responsables, d'autant plus que
celles-ci ont l'obligation légale de nous consulter, tel qu'exprimé par
la Cour suprême du Canada à maintes occasions.
Veuillez
noter que, dans les semaines à venir, nous entamerons un processus plus formel
de consultation de nos membres et de
nos partenaires privilégiés quant au projet de loi n° 64. Le présent
exposé est donc fait sous toutes réserves, alors que Makivik se réserve le droit de modifier sa position eu égard à
tout projet de registre d'armes à feu au nom des bénéficiaires inuits du
Nunavik.
Je vous remercie pour votre écoute et demeure
disponible pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Me Vachon-Roseberry. M. le ministre.
M.
Coiteux : Oui. Merci, M. le Président. Merci beaucoup,
Me Vachon-Roseberry, pour la présentation,
pour être là, d'abord et avant tout, hein, pour être là puis venir présenter
votre position.
J'ai dit la
même chose auparavant à l'Assemblée des premières nations du Québec
et du Labrador, qui sont venus présenter
un mémoire. J'ai dit la même chose au Grand Conseil des Cris, qui sont également
venus présenter un mémoire, et
je vous redis la même chose essentiellement, à quel point c'est important pour
nous d'entendre votre point de vue et justement d'intégrer, dans la mise en
oeuvre mais aussi dans une éventuelle bonification de l'actuel projet de loi,
les préoccupations que vous évoquez ici.
Donc, pour nous, c'est extrêmement important. J'ai un collègue ici qui est
vraiment au premier plan des problématiques et des particularités qui sont
vécues par les nations du Nord en particulier qui va certainement avoir beaucoup de questions. Avant, j'aimerais simplement,
moi, peut-être vous rassurer par rapport à un certain nombre d'éléments,
je crois, que vous avez évoqués.
D'abord, c'est clair pour nous que le projet de
loi et la mise en oeuvre du projet de loi, d'aucune manière, ne peuvent
remettre en question les droits ancestraux des autochtones et notamment les
droits par rapport aux activités traditionnelles comme la chasse. Donc, ça ne
peut pas être incompatible avec les droits ancestraux, et notamment les droits par rapport aux
activités traditionnelles. Alors, toutes les zones d'ombre par rapport à ça
mériteront, si elles ne sont pas déjà
clarifiées, de l'être. Puis on a eu cette discussion-là avec l'Assemblée des
premières nations puis avec le Grand Conseil
des Cris, qui, de façon générale, dans leur cas, ne s'opposaient pas au projet
de loi n° 64. Ils étaient plutôt en faveur. Ils avaient des
préoccupations quant à la manière dont ça serait mis en oeuvre sur leurs
territoires et quel type de collaboration on
pourrait établir, quel type de partenariat on pourrait établir dans
l'opérationnalisation de tout cela avec eux. Et j'ai confiance, moi, qu'en travaillant ensemble on va trouver
aussi des façons de travailler ensemble. Mais c'est vraiment notre désir
de faciliter au maximum le processus pour que ce soit quelque chose de simple.
Donc, ça, c'est important pour moi de le dire.
Autre aspect
très important, il y a évidemment des droits ancestraux, des traités qui
doivent être respectés et qui limitent
la possibilité d'imposer un coût aux chasseurs des nations autochtones, mais,
d'entrée de jeu, j'aimerais dire que le coût va être zéro à tout le monde, que les gens soient des résidents des
communautés des Premières Nations ou d'autres Québécois qui vivent ailleurs sur le territoire. On a l'intention de
n'imposer aucun coût aux détenteurs des armes d'épaule. Donc, ça, je
pense que c'est important d'être réitéré.
D'autre part, la question de la saisie des
armes. Vous savez, on n'est pas dans... l'objectif du projet de loi, évidemment, c'est de renforcer le processus de
contrôle des armes à feu pour renforcer nos dispositifs de sécurité, là,
c'est vraiment un objectif de sécurité
publique, on veut le faire à un coût qui est léger et on veut le faire avec le
minimum de tracasseries, mais on ne criminalise pas les gens qui, par
omission, par oubli ou parce qu'ils ont mal interprété une chose... on ne les rendra pas des criminels, les
gens, alors, pas plus les gens des nations autochtones que les autres. Et
donc il n'y a pas des agents qui vont se
promener sur le territoire pour aller saisir les armes puis partir avec les
armes, ce n'est pas dans cette
optique-là qu'on a prévu le projet de loi — donc, ça aussi, je pense que c'est important
de le mentionner — ce
qui ne veut pas dire qu'il ne faudra pas immatriculer et qu'on ne va pas
utiliser, notamment en matière de prévention, la connaissance qui serait issue
d'un fichier d'immatriculation.
Vous avez
mentionné une autre chose sur laquelle j'aimerais vous rassurer aussi, vous
avez craint que les armes doivent
être envoyées ailleurs pour fins de burinage. Ça me fait plaisir de vous dire
que, du burinage, non plus il n'y en aura pour personne, il n'y en aura
pas. Ce n'est pas du tout dans les intentions du gouvernement de demander un quelconque burinage que ce soit des armes. Alors,
tout va se faire à proximité. Normalement, une arme qui a un numéro de série, bien, le numéro de série, c'est ça, le
numéro. Et, dans les rares cas où il n'y a pas de numéro, bien, une
étiquette, ça va faire le travail. On n'est
pas obligé d'aller buriner. Donc, il n'y aura pas d'armes qui vont partir du
Nord pour s'en aller dans le Sud pour
être burinées à des coûts faramineux, les armes doivent rester là où elles sont
normalement entreposées de façon sécuritaire. D'ailleurs, l'objectif du
fichier d'immatriculation, c'est de savoir où elles sont, c'est vraiment ça.
Donc, on est dans un esprit de collaboration, on
est dans un esprit de simplification, on est dans un esprit de travailler
ensemble pour trouver les meilleures solutions pour assurer la sécurité de nos citoyens
et assurer la sécurité des citoyens qui vivent dans les communautés des
Premières Nations.
Moi, c'était mon message, mais après ça j'ai mon
collègue qui a certainement des questions encore plus intelligentes que les
miennes parce qu'il connaît davantage les réalités.
• (17 h 50) •
Le
Président (M. Ouellette) :
Bon, j'ai l'impression de me retrouver à Bonaventure. Donc, M. le député d'Ungava, il vous
reste 1 min 30 s.
M. Boucher : «Ullaakkut», Me
Roseberry-Vachon. Mais, 1 min 30 s, je pense qu'on va aller
assez vite à ce moment-là, on va aller à l'essentiel.
Hier, on avait le Directeur de l'état civil, à
qui, bon, va incomber la tâche, là, de monter ce registre-là, de le maintenir et de le faire rouler, puis, sans trop
entrer dans les détails, parce que je n'ai pas le temps... mais il disait que
ce serait aussi facile enregistrer une arme
qu'enregistrer une naissance, un mariage, un divorce, puis il disait que sur le
terrain, autant dans les communautés
autochtones, il y avait des agents facilitateurs, souvent des membres des
Premières Nations qui parlaient la
langue pour expliquer : Bien, voici, telle procédure, comment faire.
Pensez-vous que c'est quelque
chose, là, qui va être facilitant, qui va être aidant, ça?
M.
Vachon-Roseberry (David) :
C'est sûr que, un agent facilitateur, il va en falloir. Comme ça avait été fait
dans le cas du registre fédéral, il y avait
des... je crois que, sans me tromper, là, les Inuits pouvaient appeler et
demander de parler avec quelqu'un
qui parlait l'inuktitut. Donc, ça, effectivement, ça va être quelque
chose qui apporterait une
grande aide, là, pour remplir les formulaires d'immatriculation.
M. Boucher : Malheureusement, mon
temps est écoulé, donc...
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
M. le député d'Ungava. M. le député de Verchères.
M.
Bergeron : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Vachon-Roseberry. On s'est
présentés hier brièvement, et ça m'a
fait plaisir de faire votre connaissance. Et je crois comprendre que vous avez eu une
expérience au ministère de la
Sécurité publique. Alors, j'imagine que personnellement vous êtes conscient des
avantages, sur le plan de la sécurité publique,
de la mise en oeuvre d'un enregistrement, d'une immatriculation des armes à feu compte tenu de ce qui
nous a été rapporté par, entre autres, les corps policiers jusqu'à présent. Mais je pense
qu'il est important également que vous nous rappeliez aux obligations du gouvernement du Québec en
vertu des traités et des droits
ancestraux des Premières Nations et de
la nation inuite, et à cet égard je
pense que M. le ministre a fait un certain nombre de précisions qui devraient être de nature à rassurer les communautés
inuites quant à l'objectif qui est poursuivi et quant à la façon dont nous
voulons faire les choses en collaboration et en respect des
particularités culturelles de la nation inuite.
Ceci dit,
j'aurais une question fort simple, pour commencer, à vous poser. Sauf
erreur, les Inuits se procurent le permis d'acquisition et de possession
d'armes à feu du gouvernement fédéral. Sauf erreur, quand existait l'obligation
payante, il fallait payer pour obtenir l'enregistrement des armes à feu, sous le régime fédéral, les Inuits enregistraient
leurs armes à feu, alors qu'est-ce qui, dans le cas présent, serait différent
de ce qui prévalait auparavant?
M.
Vachon-Roseberry (David) :
Eh bien, non, premièrement, vous ne vous trompez pas, les Inuits doivent
se procurer un permis de possession et d'acquisition d'armes à feu auprès de la
Gendarmerie royale du Canada.
Donc,
qu'est-ce qui serait différent aujourd'hui avec le permis d'immatriculation, la
nouvelle immatriculation? On ne
connaît pas encore exactement les modalités de mise en oeuvre. Ça, c'est une
chose qu'il va falloir qu'on discute. Dans le fond, moi, si vous pouvez
retenir une seule chose de mon message aujourd'hui, c'est qu'on veut ouvrir un
canal de communication avec le ministère de
la Sécurité publique. On approuve les principes et objectifs du projet de loi
n° 64. On ne remet pas en doute
l'utilité du registre des armes à feu pour les corps policiers, on ne remet pas
en doute non plus les témoignages que les groupes de femmes sont venus
ici vous témoigner ici, au salon rouge.
Donc, tout ce
qu'on veut, c'est commencer des discussions officielles pour évidemment que
vous preniez en compte les
particularités du Nord québécois, des Inuits, entre autres. Donc, à partir de
là, je crois qu'il y aura toujours moyen de trouver une solution, là.
M.
Bergeron :
Bien, je suis très heureux de vous l'entendre dire, M. Vachon-Roseberry,
puis je pense que vous avez compris
également qu'il y a une ouverture de la part non seulement du gouvernement,
mais de la plupart des gens autour de
cette table pour qu'un tel canal de communication puisse s'établir et qu'on
puisse effectivement le prendre en considération et travailler en
partenariat avec la nation inuite pour la mise en place de cette nouvelle
immatriculation, M. le ministre l'a répété,
que nous voulons simple, que nous voulons gratuite. Il est hors de question de
faire faire 500, 1 000,
2 000 kilomètres à quelqu'un pour aller enregistrer son arme. Alors,
les choses doivent être opérationnelles et faire en sorte que ça ne devienne pas un fardeau pour des gens pour qui la
possession d'une arme est une absolue nécessité dans le Grand Nord.
Alors, ça, je pense qu'on le comprend très bien.
Et, comme je
vous disais, je suis rassuré du message que vous nous passez et j'espère que
vous sortirez de cette commission
rassuré du message que le gouvernement et que la plupart des parlementaires
autour de cette table veulent que vous rameniez auprès des communautés
inuites.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
M. le député de Verchères. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue,
Me Vachon-Roseberry. J'ai bien aimé
votre mémoire. Vous avez parlé que vous aviez hâte d'engager un réel processus
de consultation avec le ministère de la Santé publique. Ça consiste en
quoi?
M. Vachon-Roseberry (David) : Tout
d'abord, le ministère de la Sécurité publique. Bien, dans le fond, premièrement, je crois qu'il va falloir qu'on
discute tant à l'interne, Makivik, qu'avec la nation crie, et les Naskapis,
et évidemment le gouvernement du Québec pour
décider lequel des canaux de communication serait le plus efficace. Il
existe le Comité conjoint de chasse, de
pêche et de piégeage qui pourrait être une des options, car c'est l'organisme
privilégié en vertu de la Convention de la
Baie James et du Nord québécois pour ce qui est de la pêche, de la chasse et du
piégeage. Donc, ça, ça pourrait être une
option à privilégier. Mais ça, c'est des choses qu'on va pouvoir discuter tous
ensemble.
M.
Spénard : On a vu passer
beaucoup de regroupements de femmes en ce qui concerne les maisons
d'hébergement, la violence faite aux femmes. Avez-vous l'impression que
ce projet de loi va faire en sorte qu'il va y avoir moins de violence faite aux
femmes autochtones, avec le projet de loi n° 64?
M.
Vachon-Roseberry (David) :
Je n'ai pas de statistique, je n'ai pas fait d'étude là-dessus, donc je ne veux
pas trop m'avancer sur ce point-là. Mais,
comme j'ai dit au député de Verchères quelques minutes auparavant, on ne
remet pas en doute toutes les statistiques
et tous les mémoires qui ont été déposés ici par les quelques associations de
femmes. Donc, je ne veux pas m'avancer. Je crois que vous avez eu
suffisamment d'informations sur le sujet pour vous faire votre propre opinion.
M.
Spénard :
Mais c'est parce que, les maisons de femmes, il n'y en a pas au Nunavik. C'est
pour ça que je voulais le savoir de vous, s'il y avait une distance
quelconque. J'imagine que j'ai fini, hein?
Le
Président (M. Ouellette) : Bien,
si vous avez un petit commentaire, pour 30 secondes, je vais vous le
permettre.
M.
Spénard :
Oui? Bien, moi, la possession commune, ça, ça m'a intrigué. C'est vrai qu'il y
a des armes dans le Nord qui peuvent
être possédées communément, là, de possession commune. Puis vous
demandez : Qui est responsable de l'immatriculation?
Ça, ça m'a interpellé, parce que le responsable de l'immatriculation, c'est lui
qui a la responsabilité de l'arme.
Parce que ça peut se prêter de famille, ça, puis, je ne sais pas, le neveu
vient chercher ça? C'est ça que vous voulez dire? Il y a une arme qui
sert à tout le monde?
M. Vachon-Roseberry (David) : Premièrement, la possession commune et le partage sont des valeurs
proéminentes dans la nation inuite.
Le député d'Ungava ici peut très bien vous le confirmer. Le partage est une
valeur très importante pour eux.
Donc, évidemment, le père qui va se procurer une arme à feu, dans beaucoup, beaucoup de cas, il va les prêter à ses fils,
à ses frères qui vont en avoir besoin, qui vont partir à la chasse. Donc, ça,
c'est un concept que la loi et la mise
en oeuvre de la loi doivent prendre en considération, qui est un concept qui est
quasi inexistant ici... je ne dis pas «inexistant», mais beaucoup moins
répandu que dans le Nord, donc sa mise en oeuvre peut poser problème parfois.
Donc, c'est une des particularités qu'on doit regarder, là.
• (18 heures) •
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
là, je retranche 1 min 30 s.
Mme Massé : 40 minutes?
Le Président (M. Ouellette) :
1 min 30 s.
Mme Massé : Une minute?
Le
Président (M. Ouellette) :
Bien, à 40 minutes, j'ai l'impression que vous allez être seule alentour de la
table.
Mme
Massé : Oui, ça se peut,
hein? Bonsoir. Bien, bonjour, merci d'être là. En fait, j'ai deux questions, je
vais vous les poser. En une minute, vous comprendrez qu'on n'y arrivera pas.
D'une part, sur la question justement de la
possession commune, j'imagine que les gens de Makivik vont être intéressés de travailler avec le ministère
pour justement voir comment cette particularité-là pourrait ne
pas empêcher notre objectif collectif, qui est la sécurité des personnes.
Dans la lettre que vous avez fait parvenir au ministre au moment
de... du lancement, pardon, du projet de loi n° 64, c'était quoi, l'essence de la lettre?
J'imagine que c'était autour de : Il faudrait s'asseoir pour s'en
parler selon la loi.
Et, troisième question, le Grand
Conseil des Cris aussi est venu nous dire : On aimerait ça avoir une
table. Est-ce que c'est considérable pour Makivik de dire :
Bien, on ne multipliera pas les tables, on pourrait s'asseoir, tout le monde ensemble, et discuter de ça?
M.
Vachon-Roseberry (David) :
Bien, tout d'abord, pour
ce qui est de la lettre qu'on a fait
parvenir, je crois que nous, on n'a
pas d'inconvénient à la transmettre à la commission si c'est le désir de la
commission de la recevoir. Je crois que
ce qu'elle dit en général, c'est qu'elle approuve les principes et objectifs
du projet de loi, mais cependant en prenant en considération le
chapitre 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, notamment
le processus de consultation, le canal de communication et le pouvoir de faire
des recommandations de par le Comité conjoint de chasse, de
pêche et de piégeage.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : ...terminé?
M. Vachon-Roseberry (David) : Il
restait une question à répondre.
Le Président (M. Ouellette) : Ah!
oui, oui. Je m'excuse. Oui, mais là...
Mme Massé : Vous ne m'écoutez pas,
hein?
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Ouellette) : Oui.
Non, non, j'écoute, j'écoute. Me Vachon.
M.
Vachon-Roseberry (David) :
Donc, pour ce qui est de la possibilité de créer une table commune avec les Cris,
ça, regardez, on ne dit pas qu'on est pour, qu'on est contre. On doit en
discuter. Je ne crois pas que j'ai l'habilitation aujourd'hui pour vous dire
que, oui, on s'engage, non, on ne s'engage pas. On va en discuter ensemble.
Ensuite de ça, je crois que c'est
possible, mais sous toutes réserves, là, des discussions qu'on va avoir avec
les autres groupes concernés.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Me Vachon. Je comprends que vous avez adressé une lettre au ministre
de la Sécurité publique. Je comprends que vous allez avoir un accusé de
réception du ministre de la Sécurité publique et sûrement une réponse et je
comprends que la réponse pourrait être transmise de façon normale au
secrétariat de la commission. Mais, je
pense, c'est une lettre que vous avez adressée personnellement au ministre,
vous allez avoir une réponse du ministre. Merci, monsieur...
Mme Massé : ...
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
Mme la députée.
Mme Massé : Je
ne sais pas comment l'interpeller. Mais est-ce que je peux demander que cette
lettre-là soit déposée à la commission? C'est-u ça que vous venez de dire?
Le
Président (M. Ouellette) :
Ce que je viens de vous dire, c'est que la lettre a été transmise au ministre,
adressée au ministre, le ministre va répondre. On va donner un accusé de
réception qui va être transmis à la commission.
Mme Massé : O.K. Donc, la lettre et
la...
Le Président (M. Ouellette) : Bien,
on va avoir la lettre et on va avoir...
Mme Massé : Parfait.
Le Président (M. Ouellette) :
...l'accusé de réception, etc., parce que c'est une lettre qui est directement envoyée au ministre. Je pense que la
procédure normale et habituelle serait que le ministre en accuse réception,
donne une réponse et transmette à la commission ses informations.
Merci,
Me Vachon-Roseberry. Je sais que vous avez une affection particulière pour
M. le député d'Ungava,
vous représentez la Société Makivik.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à demain.
(Fin de la séance à 18 h 5)