(Quinze heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 64,
Loi sur l'immatriculation des armes à feu.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président : M. Tanguay
(LaFontaine) est remplacé par Simard (Dubuc); M. Leclair (Beauharnois)
est remplacé par M. Bergeron (Verchères); Mme Maltais (Taschereau) est
remplacée par M. Roy (Bonaventure); et Mme Roy (Montarville) est remplacée par
M. Spénard (Beauce-Nord).
Des voix : ...
Le
Président (M. Ouellette) : Montarville... C'est ça. Bon. Merci d'être à l'heure, M. le député de Beauce-Nord. Avant de débuter, je veux souhaiter la bienvenue aux collègues.
Cet après-midi,
nous allons entendre l'Association canadienne pour les armes à feu, représentée
par Me Guy Lavergne, à qui je souhaite la bienvenue, et nous recevrons
aussi l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, représentée
par M. Picard, Ghislain Picard, qui est le chef. Je veux aussi en profiter pour
souhaiter la bienvenue à Anne-Marie
Larochelle, pour le secrétariat de la commission, qui vient nous prêter main-forte et que nous
allons revoir dans d'autres commissions dans les prochaines semaines.
Remarques préliminaires
Immédiatement, nous allons débuter la période de remarques préliminaires. M. le ministre, je vous inviterais à faire vos remarques préliminaires.
M. Martin Coiteux
M.
Coiteux : Oui. Alors, merci, M. le Président. Vous me permettrez de commencer en saluant mes
collègues parlementaires, autant du côté gouvernemental que du côté des
deux oppositions, officielle et deuxième opposition, également les députés du
groupe de Québec solidaire puis la
députée indépendante, qui sont ici
présents aujourd'hui. Donc, on
est plusieurs, on représente différentes formations
politiques, ça montre l'intérêt et l'importance qu'on accorde à ce projet de loi.
Et on arrive justement à l'étape des
consultations particulières où on va avoir l'occasion d'échanger avec des groupes qui représentent des associations ou des
citoyens qui vont venir nous témoigner des raisons pour lesquelles ils appuient un tel projet de loi ou, au contraire,
les raisons pour lesquelles ils ont des inquiétudes à l'égard de ce projet de loi.
Et, compte tenu des principes qui sont en
jeu, je nous invite tous à faire preuve de beaucoup d'ouverture d'esprit puis
de dialoguer avec les gens dans le
but d'en arriver au meilleur projet de loi possible, c'est vraiment ça qui est
l'objectif ici.
• (15 h 40) •
Alors, vous
savez, il s'agit d'un projet de loi qui vise l'immatriculation des armes à feu
sans restriction, qu'on appelle communément les armes d'épaule. Et je
pense que les consultations qu'on commence aujourd'hui vont nous donner l'occasion de voir à quel point il s'agit là d'un outil de
prévention important dans notre société, prévention, oui, de la violence de façon générale, mais certaines
formes spécifiques de violence, notamment dans le contexte de violence conjugale, notamment dans le contexte de
la prévention du suicide. Et donc on doit le voir comme l'un des outils que le
gouvernement souhaite, puis je pense que c'est... il y a eu plusieurs
résolutions de l'Assemblée nationale qui se sont inscrites dans ce sens, c'est un outil de prévention qui s'inscrit dans
l'ensemble de nos actions en matière
de prévention de la violence, puis en faveur de la sécurité des
personnes, puis en faveur du travail sécuritaire des policiers aussi, qui
sont à l'avant-plan du travail en prévention en matière de sécurité publique.
Alors, oui,
on parle de quelque chose qui va nous aider à sauver des vies, du côté des citoyens
comme du côté des policiers qui interviennent au service des citoyens.
C'est de ça qu'il s'agit. Maintenant, évidemment, je sais aussi qu'il y a
des gens qui ont des inquiétudes et puis qu'il y a certaines oppositions.
Il va falloir qu'on ait la sagesse de les écouter, encore une fois pour
trouver la meilleure façon de faire les choses. Alors, regardons tout ça avec
ouverture.
Alors donc, l'objectif
premier du projet de loi, c'est de rendre obligatoire l'immatriculation
des armes à feu dans le but de mieux
protéger les citoyens et les intervenants, notamment les policiers, bien sûr, tout en tentant de
diminuer les conséquences, les
irritants, je dirais, pour les propriétaires actuels d'armes d'épaule,
et notamment, parmi les irritants que l'on souhaite éviter, notamment
pour les chasseurs, c'est de ne pas exiger de frais pour l'immatriculation des
armes, je le dis d'entrée de jeu. Les policiers font un travail important sur le terrain. Ils nous disent qu'ils ont besoin
de cet outil, notamment par prévention et à des fins de protection des citoyens.
Et par ailleurs, comme on sait, l'immatriculation des armes à feu vise aussi à assurer
une exécution efficace des ordonnances des tribunaux interdisant la
possession d'armes à feu. Ces ordonnances sont prononcées notamment lorsqu'une
personne est condamnée pour un crime violent ou à titre préventif lorsque
son état présente un risque pour elle-même
ou pour autrui. Il s'agit donc d'un outil supplémentaire de prévention
parmi tous ceux que nous mettons en place. Voilà, M. le Président, ce
que nous permet de faire un outil comme l'immatriculation des armes à feu.
Alors, le projet de loi détermine les règles relatives à la demande d'immatriculation et
prévoit que le ministre de la
Sécurité publique procède à l'immatriculation d'une telle arme par
l'inscription des renseignements prévus dans le fichier qu'il tient à cette fin. Le projet de loi prévoit un numéro
unique à l'arme à feu qui n'a jamais été immatriculée et un numéro d'immatriculation pour chacune des armes
qu'il immatricule. Ce numéro unique pourrait être le numéro de série de l'arme ou encore le numéro déjà émis par le
gouvernement fédéral. Le projet de loi crée également l'obligation pour les entreprises d'armes à feu de tenir un tableau
de suivi des armes qui sont en leur possession. Enfin, le projet de loi prévoit
des dispositions pénales en cas d'infraction à ces nouvelles
dispositions.
C'est là l'essentiel, M. le Président, du projet
de loi. Message important : Nous ne remettons aucunement en question la légitimité des activités
traditionnelles comme la chasse. D'ailleurs, je tiens à réitérer que le projet
de loi ne prévoit aucune obligation
liée au burinage des armes à feu, et le gouvernement n'a jamais eu l'intention
d'imposer le burinage.
J'aimerais
vous parler un peu des coûts. Il me reste une minute, vous me dites, M. le
Président. Heureusement qu'on aura
encore quelque temps pour discuter. Laissez-moi dire une chose sur les coûts.
Je pense que les gens me perçoivent comme
quelqu'un qui se préoccupe du contrôle des coûts, alors j'aimerais dire qu'en
ce domaine-là, comme dans les autres domaines
dans lesquels j'ai eu à être actif en matière de contrôle des coûts, dans ce
domaine-là, je serai particulièrement vigilant, parce que je sais que
c'est un élément d'acceptabilité sociale important et j'y tiens moi-même.
J'aimerais
dire d'ailleurs que mes collègues députés, puis, je pense, aussi, des
oppositions également, qui sont en
contact avec leurs électeurs sur le terrain, je pense que mes collègues députés
font un travail remarquable, d'ailleurs, en écoutant leurs citoyens, en écoutant les préoccupations de leurs
citoyens pour faire en sorte que, dans nos travaux, on puisse avoir le
meilleur projet de loi possible, qui recueille la plus grande acceptabilité
sociale possible. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, M. le ministre. Avec plaisir, je passe maintenant du côté de mon
collègue de l'opposition officielle, M. le député de Verchères, pour ses
remarques préliminaires.
M. Stéphane Bergeron
M. Bergeron : Merci, M. le
Président. Je n'entends pas m'étendre outre mesure au niveau des remarques préliminaires, d'autant que vous m'avez fait
remarquer que j'ai contribué au retard du début des travaux, M. le Président.
Alors, je vais tâcher qu'on procède
rapidement, de telle sorte que nos témoins
puissent faire valoir leurs points de
vue.
Mais je
tenais à joindre ma voix au ministre d'abord pour vous saluer, M. le Président, et vous dire à quel point je
suis heureux d'avoir l'occasion de travailler avec vous à nouveau, et tout particulièrement sur ce projet de loi. Je veux saluer
M. le ministre et tout l'aréopage du ministère
de la Sécurité publique. Très heureux de voir les gens de ce ministère
que j'ai eu l'occasion et le plaisir... avec lesquels j'ai eu l'occasion, le
plaisir et l'honneur de travailler pendant un certain nombre de mois. Je veux saluer mes collègues du
parti ministériel, mes collègues des partis de l'opposition et collègue indépendante, saluer toutes les personnes qui sont
avec nous, soit présentes et présents ici, au salon rouge, ou qui nous écoutent par l'intermédiaire... la foule immense, M. le Président, qui nous écoute à la télévision. Je pense qu'il s'agit d'un débat important, nous savons à quel point ce débat a pu faire
couler de l'encre au cours des derniers mois, des dernières années, et c'est un débat qui s'est révélé très
passionné, à la fois chez celles et ceux qui défendaient l'idée d'un registre,
d'un enregistrement, d'une immatriculation des armes à feu, comme chez celles et ceux qui s'opposent à une telle
mesure.
M. le ministre disait que c'est dans une perspective de sécurité publique que ce projet de loi est mis de l'avant, et je
pense qu'il est important toujours de garder à l'esprit cet objectif
lorsque viendra le temps non seulement d'échanger avec nos témoins, mais également lorsque viendra le temps d'étudier en détail les dispositions du projet de loi, tout en
étant bien conscients des impacts potentiels de cette loi sur un certain nombre
d'activités économiques importantes, importantes
pour le développement économique du Québec, importantes pour des régions du
Québec, donc tenir compte des
préoccupations qui nous seront exprimées de part et d'autre. Et je veux assurer
le ministre que je me présente ici, au nom
de ma formation politique, dans cet esprit d'ouverture, dans cet esprit
d'écoute des groupes qui comparaîtront et qui nous feront valoir leurs points de vue. Et, ces points de vue, nous
tâcherons, le moment venu, d'en tenir compte. Nous tâcherons de les intégrer, autant que faire se
peut, de telle sorte que nous puissions, comme disait le ministre, en arriver
avec le meilleur projet de loi possible en bout de piste.
Je suis
content de voir qu'un grand nombre de groupes ont manifesté leur intention de
comparaître en commission pour faire
valoir leurs points de vue. J'ai été un peu étonné, déçu que certains de ces
groupes aient décidé de se retirer, pour
des raisons qui leur sont propres et que je respecte. Certains, d'ailleurs, ont
laissé entendre qu'ils allaient faire valoir leurs points de vue par
écrit.
Et j'insiste
et je termine là-dessus, M. le Président, parce que je vous vois un peu vous
agiter, je termine en disant qu'il
m'apparaîtrait important que nous ayons l'opportunité, justement sur la
question des coûts et de l'organisation des choses, puisqu'il y a
beaucoup de commentaires qui ont été émis là-dessus, que nous puissions
entendre les gens du Directeur
de l'état civil. Alors, il n'est pas trop tard, nous amorçons nos travaux,
sait-on jamais, peut-être aurons-nous l'occasion effectivement de les
entendre dans le cadre de ces consultations.
Je
vous remercie, M. le Président, et je souhaite à toutes les personnes ici
présentes de bonnes consultations. Merci.
• (15 h 50) •
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord, pour vos remarques
préliminaires.
M. André Spénard
M.
Spénard : Alors,
merci. Alors, à mon tour, au nom de ma formation politique, de saluer M. le président, en premier lieu, M. le ministre de la Sécurité publique, les confrères du parti ministériel, opposition officielle et candidate... pas candidate, mais
députée indépendante.
Alors,
nous aussi, écoutez, en tant que formation politique,
on est ici pour être à l'écoute des différentes auditions qui auront lieu. On est ici aussi pour regarder évidemment
comment ce projet de loi peut améliorer la sécurité de toutes les
personnes au Québec, de tout le peuple québécois. Nous allons regarder ça de
près. Nous allons aussi, comme le ministre l'a mentionné tout à l'heure, avoir une attention
particulière aux coûts que cela peut engendrer. Alors, je pense qu'on va être minutieux là-dessus. On va être
aussi très minutieux en ce sens de dire qu'il ne faut pas que le débat en soit
un purement émotif, il faut que le débat
soit raisonné et raisonnable. Alors, on a une ouverture d'esprit là-dessus. Ça, c'est évident.
Maintenant,
comment on va aborder la question du projet de loi? Je pense qu'on va plus
l'aborder, le projet de loi, dans le sens de dire... article par
article, on le regardera en commission parlementaire. Là, c'est le début des auditions
publiques, alors je pense qu'on va écouter
ce que les groupes ont à nous dire et la pertinence de leurs interventions face
à une amélioration de la sécurité toujours de plus en plus souhaitée pour les
Québécois et les Québécoises.
Alors,
dans ce sens-là, nous allons procéder avec une grande ouverture d'esprit et
nous allons écouter tout le monde comme il se doit. Merci, M. le
Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Sainte-Marie—Sainte-Anne.
Mme Manon Massé
Mme Massé :
Vous avez fait un beau mixte. Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Le Président (M.
Ouellette) : C'est ce que je disais.
Mme Massé :
J'avais cru comprendre...
Le Président (M.
Ouellette) : Ça vous a donné cinq secondes de plus. Mme la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Bonjour, tout le monde, contente d'être là avec vous. Écoutez,
comme remarques préliminaires, j'ai
envie de dire que je suis très heureuse de pouvoir enfin être assise autour de
cette table et regarder avec attention le projet de loi. Il y a des éléments fort intéressants, il y a des
éléments à améliorer, puis je pense qu'on va être là pour ça. Et, je ne sais pas pourquoi, j'ai confiance que le
ministre va être assez rigoureux sur la question du coût, puisqu'il l'est
depuis que je le connais.
Ceci
étant dit, je tenais à dire que, pour moi, il est évident — pour ma formation politique — qu'être pour un registre des armes à feu n'a rien à voir avec être contre
des chasseurs. Et ça, malheureusement, c'est quelque chose qui, actuellement,
circule dans l'espace public et qui fait en sorte que ça part mal les échanges,
ça part mal la discussion. Je pense que — et les gens qui ont parlé avant moi l'ont
dit — ce qui
est important, c'est qu'il faut être ici pour s'assurer que toute personne au Québec sente que la structure qu'on
leur offre leur permet une plus grande sécurité publique. Et, dans ce sens-là,
bien, on va contribuer avec toutes nos oreilles et toutes nos suggestions.
Merci.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Et je reconnais que c'était
mon erreur. Mme la députée d'Arthabaska.
Mme Sylvie Roy
Mme
Roy (Arthabaska) : Merci. Dans la minute qui m'est impartie, je
vais faire des salutations rapides à tous mes collègues et aux membres
de la commission.
Moi,
je suis ici aussi avec une ouverture d'esprit. J'inviterais le ministre...
Parce qu'il y a eu des... Il est écrit dans la loi que le numéro doit être indélébile, puis je viens de vous
entendre... il me semble que vous avez des changements. Si vous avez déjà envisagé d'avoir des
amendements, peut-être les déposer pour qu'on discute des bonnes choses tout
de suite, puis si c'était possible aussi de
déposer les règlements, comme ça on va avoir encore plus une meilleure
discussion avec les intervenants, et
ça nous permettrait d'échanger sur l'ensemble de l'oeuvre. Je pense que ce
serait plus constructif. Puis moi, je suis tout à fait ouverte à
discuter puis à trouver des apaisements pour les chasseurs. Merci.
Auditions
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la députée d'Arthabaska. Je nous rappelle que nous sommes à l'étape
des consultations particulières. Après les consultations
particulières, il y aura l'étape de la prise en... pas de la prise en
considération, mais il faut effectivement retourner au salon bleu. Et après on
sera en article par article.
Je
souhaite la bienvenue à notre premier intervenant, l'Association canadienne
pour les armes à feu, Me Guy Lavergne. Je
pense que vous connaissez très bien les lieux, Me Lavergne. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons ensuite à une période d'échange avec
les membres de la commission. Je vous invite donc à nous présenter votre
mémoire, s'il vous plaît.
Association canadienne
pour les armes à feu (ACAF)
M. Lavergne (Guy) : D'accord. J'ose
espérer que les 10 minutes ne seront pas 10 minutes d'avocat.
Bon. Comme
vous savez, je représente l'Association canadienne pour les armes à feu. C'est
ce que les médias se plaisent à
appeler le lobby des armes à feu. Je voudrais faire une petite
correction : c'est un lobby, effectivement, mais c'est d'abord et
avant tout une association qui représente des individus qui font une
utilisation, la plupart du temps, récréative
mais légale des armes à feu, soit à titre de collectionneur, de chasseur ou de
tireur sportif. Personnellement, je suis
un chasseur, j'ai également la prétention
d'être un tireur sportif et de faire de la compétition de temps à autre, même
si les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous, mais c'est un loisir que
j'apprécie.
L'association que je représente ne représente pas d'intérêts commerciaux. Il y a
bien quelques membres d'affaires qui sont des petits commerces de
détaillants d'armes à feu, mais on ne représente pas de manufacturiers ou d'intérêts
commerciaux majeurs. L'association est là pour défendre et représenter les intérêts des membres. Et,
comme je vous disais, la plupart des membres sont des membres
individuels, qui sont des chasseurs, tireurs et collectionneurs.
J'ai divisé mon exposé en quatre parties, soit
l'introduction, la deuxième partie se veut une déconstruction de certains mythes, la troisième partie se veut être
un exposé des raisons pour lesquelles l'association s'oppose à l'adoption du
projet de loi, et la quatrième est une série de recommandations quant à des modifications éventuelles au projet de loi.
Ce que je
veux faire devant vous aujourd'hui, c'est essayer d'éviter de faire de la
rhétorique, mais plutôt vous exposer
certaines réalités que j'ai tenté le plus possible, je vous dirais... je pense
que j'ai réussi d'ailleurs à les baser sur des faits vérifiés et vérifiables. Si vous avez mon mémoire
en forme électronique, vous allez voir que toutes les affirmations, toutes les statistiques sont appuyées par des
références dans des notes de bas de page. Sur ces notes de bas de page, si
vous avez la version électronique, il y a
des liens vers le document que l'on retrouve sur Internet,
que ce soit un article, tu sais, un article de criminologie, un rapport de Statistique
Canada, les statistiques de la GRC, etc. Alors, je vous invite, définitivement, à les consulter. Vous allez voir
également que, pour ce qui est des plus importantes statistiques et tableaux,
je les ai reproduits dans le cadre de mon mémoire.
Donc, la
première chose que j'aimerais expliquer... J'aimerais m'assurer que tout le
monde comprend bien le cadre législatif actuel du contrôle des armes à
feu au Canada. Parce que c'est un sujet qui est complexe et c'est un sujet sur lequel il y a souvent de fausses conceptions. Et
ça, c'est important de comprendre. L'enregistrement n'est pas la mesure qui contrôle l'accès aux armes à feu. L'accès aux
armes à feu se fait par le système de permis, qui sont émis en vertu de la
Loi sur les armes à feu fédérale.
• (16 heures) •
Un permis
d'armes à feu, ça ressemble à ceci. Ça, c'est le mien. Si vous n'avez pas de
permis, vous ne pouvez pas vous
procurer légalement une arme à feu. Si vous vous présentez chez Latulippe à
Québec ou chez Le Baron à Montréal et
que vous dites : Je veux acheter une carabine, la première chose qu'ils
vont vous demander avant même de vous en montrer une, c'est : Montrez-moi votre permis. Vous n'avez pas de
permis? On ne vous les montrera même pas. On va vous demander de
quitter.
Ce permis-là
est émis suite à une vérification de vos antécédents judiciaires, de vos antécédents
de santé mentale et suite également à
l'approbation de votre conjoint et de vos ex-conjoints ou conjointes des
dernières années. Il y a donc énormément
de contrôles. Et il y a également quelque chose qu'on appelle la vérification
continue d'admissibilité, qui se fait
au niveau du contrôleur des armes à feu du Québec. Et la vérification continue
d'admissibilité, c'est tout simplement que
tous les titulaires de permis sont fichés dans un système informatique et, s'il
se produit un événement... un signalement de dépression en vertu de la loi n° 9, un événement de violence
conjugale, un événement de voie de fait ou d'entrave à l'ordre public, ou peu importe, c'est
automatiquement relayé au contrôleur des armes à feu. Et on vérifie constamment
votre admissibilité. Et, s'il y a la moindre
raison de douter que vous ne remplissez plus les conditions d'admissibilité du
permis, vous recevez la visite des
policiers, un avis de suspension ou de révocation de votre permis, etc. Alors,
il y a déjà énormément de contrôles qui sont en place et qui sont
extrêmement stricts.
On s'entend
également... — déjà
cinq minutes! Je vais essayer d'aller plus vite. Ce que j'ai fait dans la
deuxième partie du mémoire, c'est que
j'ai voulu m'adresser aux principales justifications qui sont avancées pour
justifier la mise en place d'un
registre des armes d'épaule au Québec. On s'entend que les armes de poing sont
encore enregistrées en vertu de la
loi fédérale. M. le Président, vous êtes un ancien policier, je pense que vous
connaissez bien le domaine. Mais je pense que ce n'est pas tout le monde
qui a cette compréhension-là.
Le premier mythe, c'est que les policiers... que
le registre des armes d'épaule est un outil essentiel du travail policier. À cet égard-là, je vous soumets une
statistique intéressante, et elle vient de la GRC : le Québec est la
province où on consulte le moins le Registre canadien des armes à feu.
Pire que ça : si on compare le taux de consultation du Québec versus l'Ontario, le niveau de consultation
au Québec est neuf fois moindre que celui de l'Ontario. Ça, c'est en 2011.
En 2014, six fois.
Pourquoi j'ai pris 2011? Très simple : parce que 2011 est la dernière
année où le registre était en vigueur sur
une base égale dans toutes les provinces. Parce qu'en 2012 on a aboli le
registre des armes d'épaule au Canada, alors qu'il a continué au Québec en 2012, 2013, 2014. Alors, 2011 était
l'année de référence, toutes les choses étant égales. Neuf fois moins. Alors, il y a définitivement
quelque chose... Je pense qu'on exagère grandement quand on dit que c'est
un outil essentiel, on s'en sert neuf fois moins qu'ailleurs.
Deuxième
mythe : l'incidence sur le taux de criminalité. Et celui-là, c'est
vraiment celui qui est avancé le plus souvent.
On va vous dire que la criminalité par armes à feu a diminué pendant
l'existence du registre. Ce qu'on oublie de vous dire, c'est qu'avant le registre elle était en baisse, et
qu'après le registre elle a continué d'être en baisse, et que le taux de baisse n'a pas changé avant, pendant et
après le registre. Les trois meilleures années de l'histoire du Canada au niveau de la criminalité par armes à feu, c'est
2012, 2013, 2014 : les trois années où il n'y avait pas de registre
d'armes d'épaule. Alors, je pense qu'à ce niveau-là les faits parlent
d'eux-mêmes.
Je passe au
quatrième mythe, comme quoi l'abolition du registre compromettrait la sécurité
des femmes. C'est un débat qui a été
fait dans une cause dont vous avez peut-être entendu parler. Il y a eu une
cause qui a été amenée devant la Cour
supérieure de l'Ontario, qui s'appelait... par un organisme qui venait en aide
aux femmes violentées. Et il y a eu un débat
judiciaire là-dessus qui a été fait, et l'expert de la partie plaignante était,
justement, la présidente de la Coalition canadienne pour le contrôle des armes, qui va comparaître devant vous
dans quelques semaines. Et à nouveau, après débat judiciaire, bataille d'experts, témoins, etc., la
cour a conclu : Non, l'absence de registre n'augmente en aucune façon les
problèmes de sécurité des femmes.
Le Président (M. Ouellette) : ...Me
Lavergne.
M. Lavergne (Guy) : Je vois les
chiffres diminuer, je me prépare à voir apparaître un zéro.
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
ça s'en vient. Il s'en vient, le zéro.
M.
Lavergne (Guy) : Au niveau
des objections à l'immatriculation, je vous ai tous entendus parler tout à
l'heure, et tout le monde parle de
problèmes de sécurité publique. Le problème, c'est celui-là : c'est qu'on
aborde et on traite les gens qui sont
des propriétaires légitimes d'armes à feu comme s'ils étaient un problème de
sécurité publique. Ce n'est pas la
possession d'une arme à feu à des fins de chasse, de tir ou de collection qui
est un problème de sécurité publique, c'est ce qu'une personne a entre
les deux oreilles.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Me Lavergne. Sûrement que, dans les échanges que vous aurez avec les
parlementaires, vous pourrez effectivement
terminer ou nous faire part de certaines des conclusions que... votre mémoire a
été déposé à la commission, et que, pour tous les travaux de la commission, on
va pouvoir effectivement y référer et le consulter. M. le ministre, à
vous.
M.
Coiteux : Oui, merci, M. le Président. Et merci, M. Lavergne, pour
votre présentation. Et puis on va prendre le temps de lire l'ensemble du
mémoire, évidemment, pour aller au-delà de l'échange qu'on a aujourd'hui
ensemble. Mais, écoutez, je commencerais par
ça, parce que vous avez évoqué la notion de... vous dites : C'est un
mythe, que les policiers en ont
besoin. Il y a deux façons de... Pour moi, en tout cas, comme ministre qui est
responsable de présenter ce projet de
loi, j'ai deux façons de regarder ça. Je pourrais commencer par la façon plus
abstraite, puis après ça j'irai dans le
concret. Mais la façon plus abstraite, c'est de regarder les statistiques aussi
de mon côté, parce que vous avez donné une
statistique, comparé des provinces entre elles : Et voici le taux de
consultation du Québec vis-à-vis des autres provinces. Moi, j'ai des
données qui me montrent que la consultation est de plus en plus importante au
Québec, elle augmente. Il y a une explosion. C'est parti en 2003 de
177 consultations par jour à plus de 900 par jour aujourd'hui, du registre
canadien. Donc, il y a eu quand même une
augmentation extrêmement importante du nombre de consultations. Et il y a
365 jours — et,
comme vous le savez, cette année, 366 — ça fait quand même un très
grand nombre de consultations annuelles.
Donc, moi, à sa face même, pour moi, ça m'apparaîtrait comme une indication
qu'au contraire c'est quelque chose d'important pour eux.
Mais ça,
c'est la façon statistique. Mais j'aimerais vous entendre peut-être là-dessus,
mais sur un autre aspect aussi. C'est
que j'en rencontre beaucoup, des policiers. Dans mes fonctions, j'ai l'occasion
de rencontrer des policiers de la Sûreté du Québec, j'ai l'occasion de rencontrer des policiers du Service de
police de la ville de Montréal, ou du service de police de Laval, ou du service de police de Longueuil, ou
de toutes les municipalités du Québec. Ils me disent tous, ils me disent
tous qu'ils l'utilisent, que c'est un besoin
et que c'est utile. Alors, au-delà des statistiques, si les personnes mêmes qui
ont à exercer ce métier important qui est le métier de policier, s'ils nous
disent tous qu'ils en ont besoin, comment expliquez-vous que ça serait un
mythe, ça, le besoin?
Le Président (M. Ouellette) : Me Lavergne.
M. Lavergne (Guy) : M. le ministre,
je pense, premièrement, qu'il y a une... au niveau des forces policières, il y
a une certaine ligne de parti, si je peux m'exprimer ainsi.
Et,
deuxièmement, vous me faites état du nombre de consultations. Il faut voir
aussi quel est l'objet des consultations. Récemment, j'ai eu la malchance d'avoir un billet de vitesse près de
chez moi, et le policier qui m'a intercepté, évidemment, a pris mon permis de conduire, a vérifié. Et, à
chaque fois... J'ai des relations dans la police, soit dit en passant. Chaque
fois qu'il y a une
opération policière, et, par «opération policière», j'inclus, là, un billet de
circulation sur la voie publique, dès
qu'on vérifie le nom d'un individu, il y a automatiquement une recherche qui
est générée au registre des armes à feu. Alors, tout simplement... je ne devrais pas dire «au registre des armes
à feu», je devrais dire «au SCIRAF», parce que c'est le service canadien d'information relatif aux armes à feu, qui
comprend également le registre de tous les permis d'arme à feu qui sont
en vigueur. Le policier vérifie systématiquement à qui il a affaire, et c'est
une des informations qui est générée :
Est-ce que vous avez un permis? Est-ce qu'il y a des armes à feu enregistrées à
votre nom? Alors, ce n'est pas parce
qu'on le demande, c'est parce que c'est un automatisme. Et évidemment, s'il y a
800 contraventions dans une journée, il y a 800 consultations
du registre.
M.
Coiteux : Ce n'est pas l'information que j'ai. Moi, ce qu'on me dit,
c'est que c'est un automatisme dans plusieurs autres provinces, alors que c'est sur une base... une demande, là, de la
part du policier lui-même qui veut aller consulter le registre de son propre chef. C'est ce qu'on me
dit. Et c'est ce qui expliquerait la différence entre les statistiques
canadiennes des autres provinces et
celles du Québec. Moi, ce que je vois, c'est que la recherche volontaire des
informations sur la possession d'armes à feu, elle est en croissance au
Québec. C'est ça que je vois dans les statistiques.
M.
Lavergne (Guy) : M. le ministre, à cet égard-là, je vous ai donné un tableau, dans le mémoire,
qui montre comment les consultations sont générées dans le SCIRAF, et
vous remarquerez que la plupart des consultations sont faites à partir du nom d'une personne et non pas à partir d'un numéro de
permis ou d'un numéro de série d'arme, alors que les numéros de série d'arme représentent une proportion tout à fait infime des consultations qui sont initialisées dans le registre. Alors, vous avez probablement raison de dire qu'au Québec c'est
optionnel dans beaucoup de corps de police, mais il reste qu'il y a beaucoup de ces consultations-là qui sont, à
toutes fins pratiques, générées par automatisme puis par procédure
standard alors qu'il n'y a pas de raison de craindre et qu'il n'y a pas de
motif de sécurité, là, immédiat.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
ministre.
• (16 h 10) •
M.
Coiteux : Si vous me permettez,
M. Lavergne, de poursuivre dans la même veine, est-ce que vous diriez alors
que l'augmentation d'un niveau de consultations de l'ordre de 170 par jour à
plus de 900 par jour serait liée à une explosion des contraventions liées à la
vitesse?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Lavergne.
M.
Lavergne (Guy) : Non, ça
peut être tout simplement relié à des instructions... des directives qui
sont émises quant au fait que vous
avez à vous en servir : On veut justifier qu'on a besoin d'avoir un
registre, alors servez-vous-en.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
ministre...
M. Lavergne
(Guy) : Ça peut être aussi
simple que ça, mais là, là-dessus, je spécule, j'en... Écoutez,
toute l'information que j'ai à
cet égard-là est du ouï-dire, alors ne vous fiez pas à moi, mais c'est ce que
j'entends.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
ministre.
M.
Coiteux : Bon, j'aurai une
autre question dans un instant, mais, si je résume un peu ce que vous dites,
vous soupçonnez qu'il y aurait une...
vous avez appelé ça une ligne de parti,
c'est-à-dire qu'on dit aux policiers : Vous devez dire ça, vous ne pouvez pas le dire de votre
propre chef, et d'autre part vous dites que peut-être qu'il y aurait une
consigne de consulter plus pour justifier la demande de registre. Est-ce
que c'est ce que je comprends?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Lavergne.
M.
Lavergne (Guy) : C'est à peu
près... C'est ce que j'en comprends. Regardez, je connais des policiers et
d'anciens policiers, et ce qu'on me
dit, c'est qu'effectivement il y a une ligne de parti très, très forte, il y a
une position officielle qui doit être
prise et maintenue au niveau des membres des forces policières, et que... Par
contre, je parle à des policiers en
privé et j'ai un son de cloche qui est tout à fait différent. J'ai des
policiers avec qui je fais du tir au pigeon d'argile, et ils me chantent
une chanson qui est bien différente de celle qu'on entend quotidiennement dans
les médias.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
ministre de la Sécurité publique.
M. Coiteux : On a combien de temps
encore de notre côté?
Le Président (M. Ouellette) : Vous
avez encore du temps, M. le ministre. Sept minutes.
M.
Coiteux : Non, mais c'est parce que je veux aussi garder du temps pour
mes collègues, je suis certain qu'ils auront des questions. Donc, j'en
ai encore moi-même, mais je veux m'assurer qu'on a encore un peu de temps
pour...
Le Président (M. Ouellette) : Vous
avez du temps, M. le ministre.
M. Coiteux :
O.K. Vous avez parlé du permis de possession d'armes, puis, dans le cas des
chasseurs, il y a également un permis de
chasse. Moi, je ne suis pas chasseur, hein, pour vous le dire, mais j'ai le
plus grand respect pour les
chasseurs. Et puis c'est une activité qui existe depuis des millénaires et puis
c'est une activité qui est importante dans plusieurs régions du Québec, et puis même, des fois, dans des régions
qui sont très proches des grands centres urbains, notamment en Montérégie, hein, n'est-ce pas, M. le
député de Verchères? Ça existe aussi. Et il y a même des chevreuils sur l'île de Montréal, comme vous le savez,
quoique pas trop d'activités de chasse sur l'île de Montréal, en principe. Mais
des amis chasseurs, des collègues chasseurs
ou des gens qui sont chasseurs me disent : Oui, j'ai un permis de
possession d'armes, oui, j'ai un
permis de chasse, mais ça ne permet pas aux policiers de savoir combien j'ai
d'armes de chasse. Et il y en a
quelques-uns qui m'ont dit : Moi, j'en ai une, mais j'ai déjà entendu
quelqu'un me dire qu'il en avait une vingtaine.
La connaissance du fait que quelqu'un a un
permis de port d'armes ne nous dit pas combien d'armes, ne nous dit pas quelles sont ces armes, ne nous dit pas où
sont entreposées ces armes. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce que je
dis là?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Lavergne.
M. Lavergne (Guy) : Je suis d'accord
avec le fait que ça ne vous dit pas combien, par exemple, j'en ai. Ça, c'est évident. Par contre, l'enregistrement, dans
la mesure où je les enregistre toutes, vous dit combien j'en ai. Oui, vous
avez raison à cet égard-là.
Mais je vous ferai remarquer une chose, c'est
qu'un des problèmes qui s'étaient manifestés avec le registre canadien des armes d'épaule, c'est que le niveau
de... en anglais, on dirait «compliance», là, le mot ne me vient pas en français... le niveau de conformité n'était pas
particulièrement élevé, malgré le fait que c'était une loi qui prévoyait des
sanctions criminelles. Et, malgré ça, il y a
eu énormément de résistance à ce niveau-là. Alors, si l'objet de
l'enregistrement, c'est de savoir
combien d'armes à feu une personne a, vous devez assumer que les données sont
exactes, parce que, si les données sont inexactes, vous vous fiez à une
information qui est inexacte, avec les conséquences que ça peut avoir.
Et, d'un
autre côté, je ne pense pas que le nombre d'armes à feu qu'une personne détient
est une indication de sa dangerosité. C'est probablement plus une
indication de ses moyens financiers, parce que c'est des jouets qui coûtent
relativement cher.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
ministre de la Sécurité publique.
M.
Coiteux : M. Lavergne, je suis d'accord avec vous que le nombre
d'armes n'indique pas la dangerosité de la personne elle-même, mais, si, pour des raisons tout à fait justifiées,
un policier devait se rendre au domicile d'une personne, peut-être que la façon d'aborder sa visite à ce
domicile ne sera pas la même s'il sait qu'il y a 23 armes que s'il sait
qu'il n'y en a aucune.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Lavergne.
M.
Lavergne (Guy) : Encore une fois, je vous rappelle que les gens qui ont un permis ont subi une
vérification d'antécédents et que,
statistiquement, ces gens-là ont un taux de criminalité qui est trois fois
moins élevé que la population
en général, première remarque.
Deuxièmement,
vous vous souvenez probablement de l'affaire Valérie Gignac, qui date, je pense,
de 2010, à Laval. C'est une policière
de Laval qui avait été tuée parce
qu'après une consultation justement du SCIRAF elle s'était rendu compte
que la personne qui résidait à une certaine adresse où il y avait eu un appel
n'avait pas... avait contre elle une interdiction de possession... une
interdiction préventive de possession d'armes. Et malheureusement
l'interdiction en question n'avait pas été
respectée, et la dame avait été tuée par un coup de feu tiré à travers une
porte. Alors, je pense que c'est une fausse sécurité que de se fier au
registre pour connaître la présence d'armes à feu.
Et il est
certain qu'au niveau des milieux criminalisés — je pense, M. le Président, que c'est un
milieu dont vous avez une certaine connaissance, étant donnée votre vie
antérieure — les
armes à feu y sont fréquentes, courantes, nombreuses,
et pourtant aucune consultation d'un quelconque registre ne va vous révéler
qu'elles existent, parce que ces gens-là sont des criminels et
évidemment ils les détiennent illégalement.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Dubuc.
M. Simard : Merci, M. le Président.
Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Ouellette) :
2 min 30 s, M. le député de Dubuc.
M.
Simard : Deux minutes? O.K. M. Lavergne, bienvenue. J'ai quelques
questions à vous poser. J'ai rencontré, moi, quand même, quelques groupes de chasseurs dans mon bureau et puis
je leur ai posé les questions que je vais vous poser.
Lorsque vous
êtes propriétaire d'une arme à feu puis, à un moment donné, pour toutes sortes
de raisons, là, vous décidez de vous
en départir, de quelle façon ça fonctionne? Vous le vendez? Puis quelle
responsabilité vous avez, à part ça?
Le Président (M. Ouellette) : Me
Lavergne.
M.
Lavergne (Guy) : La première
chose, c'est : vous vérifiez que votre acheteur détient un permis valide,
O.K.? J'ai fait quelques transactions
récemment, des transactions à distance sur Internet. Alors, ce qu'on fait,
c'est qu'on demande à la personne de
nous envoyer un scan de son permis. Si on a le moindre doute, on appelle à
Miramichi, au Centre canadien des armes à feu, et on vérifie que le
permis est encore en vigueur. Mais normalement si... Je vous parle d'un site
qui fonctionne un peu comme eBay,
c'est-à-dire que les gens ont une réputation de vendeur avec un feed-back
antérieur. Donc, dans la mesure où
les gens sont fiables, on va se fier à l'exhibition d'un permis avec une date
d'expiration qui n'est pas arrivée.
M. Simard : ...avocat, M. Lavergne,
mais est-ce que c'est obligatoire et est-ce que tout le monde fait ça?
M.
Lavergne (Guy) : C'est
obligatoire parce que vendre une arme à feu à quelqu'un qui n'est pas détenteur
d'un permis est un acte criminel en
vertu de l'article 101 du Code criminel, ça peut avoir des conséquences
extrêmement graves.
M.
Simard : Maintenant, M. le Président, lorsque vous enregistrez
votre... Je veux dire, on enregistre... Parce que j'ai posé des questions comme celles-là. On enregistre une remorque
une fois dans notre vie, et puis une remorque, c'est pour transporter vos affaires du point A au point B,
etc., c'est une fois dans votre vie. Maintenant, une arme à feu, c'est fait... puis je vais vous dire honnêtement,
là, c'est sa définition même, c'est fait pour tuer. Ce n'est pas pour tirer
sur... Oui, il y en a qui s'en servent pour
tirer sur des canards d'argile, etc. Mais est-ce que vous pensez qu'étant donné
sa définition même ce serait normal qu'on
sache qui l'a, où elle est entreposée et combien vous en avez? Est-ce que ce
serait normal, d'après vous?
Le Président (M. Ouellette) : Mais
ça va être court.
• (16 h 20) •
M.
Lavergne (Guy) : Non. M. le député, une arme à feu est un article sportif. Je vous signale qu'il y a
18 disciplines olympiques qui font affaire aux armes à feu... qui
font appel à des armes à feu. Ce n'est pas celles qu'on vous montre à la TV,
soit dit en passant, mais il y en a 18.
Dans ma vie,
j'ai cassé des milliers de pigeons d'argile, j'ai tué quelques animaux, je n'ai
tué aucun être humain. Une arme à feu
est un outil de sport dont je me sers pour, je vous dis, faire du tir, faire
des trous dans du papier, casser des
pigeons d'argile et, quelques fois par année
aller à la chasse et ramasser quelques canards, un chevreuil ou un orignal
pour mettre dans le congélateur et manger de la bonne viande biologique.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Lavergne, on va continuer les échanges avec M. le député de Verchères.
M.
Bergeron :
Merci, M. le Président. M. Lavergne, merci beaucoup de vos observations, c'est
très apprécié. Malheureusement,
j'aurais aimé qu'on se rende aux recommandations. Ceci dit, je crois qu'elles
sont claires, et puis nous saurons
évidemment nous inspirer des différentes dispositions sur lesquelles vous
attirez particulièrement notre attention.
Mais
j'aimerais faire un peu de pouce sur ce que vient de dire notre collègue de
Dubuc. Manifestement, vous êtes un
propriétaire responsable d'armes à feu et vous prenez la peine de vérifier les
antécédents de celles et ceux à qui vous vendez vos armes. Mais, en l'absence d'un système d'enregistrement, il
n'y a rien qui garantit que tous les propriétaires d'armes feront de même et seront aussi
responsables que vous l'êtes en vérifiant les antécédents de celles et ceux à
qui on transmet les armes.
Le Président (M. Ouellette) : Me
Lavergne.
M. Lavergne
(Guy) : M. le député, si ces
gens-là sont prêts à risquer des poursuites criminelles et une condamnation pour vendre une arme à feu à une
personne qui ne détient pas de permis, je pense que ces personnes-là sont... ont un très mauvais jugement. Et le bon
jugement, malheureusement, ce n'est pas une chose qui se légifère, c'est
une chose... On peut éduquer les gens, mais je ne pense pas qu'on puisse
légiférer le bon sens.
M.
Bergeron :
...complètement raison, la législation ne donne pas de jugement à qui que ce
soit. Ceci dit, le fait qu'il existe
un système d'enregistrement... Puis vous me permettrez de faire une analogie,
parce que vous disiez tout à l'heure
que le projet de loi sur l'enregistrement tend à stigmatiser les propriétaires
d'armes à feu, alors qu'on demande aux
gens d'enregistrer leurs véhicules automobiles, puis on ne stigmatise personne
en leur demandant d'enregistrer leurs véhicules
automobiles. On a un permis de conduire, puis, pour savoir combien de véhicules
automobiles a le propriétaire du
permis de conduire, puis de quel type de véhicule il dispose, puis en combien
de nombre... en quel nombre, bien, ça, l'immatriculation
permet de le savoir. Puis on ne stigmatise pas le propriétaire d'un véhicule
automobile. Pourtant, un véhicule
automobile, ça peut être très dangereux. Vous disiez : Moi, j'ai des
armes, je n'ai jamais tué personne. Moi, j'ai un véhicule, je n'ai encore jamais tué personne, puis j'espère que ça
n'arrivera jamais, je touche du bois, mais il y a une potentialité, si vous me permettez l'expression,
qui justifie qu'on puisse avoir une idée d'où se trouvent lesdits véhicules.
Ne voyez-vous pas là une analogie qui
apparaît tout à fait pertinente puis qui fait en sorte d'invalider, d'une
certaine façon, l'argument selon lequel la simple immatriculation des
armes stigmatiserait les propriétaires?
M.
Lavergne (Guy) : Si j'étais
à la cour, je dirais que c'est une question «loadée». Ceci étant dit, je pense
qu'on va diviser votre question en
deux parties. La première a trait au fait que l'enregistrement, selon vous,
diminue le risque qu'une personne puisse se
procurer une arme sans permis. Je vous ferai remarquer que le Québec a des
frontières ouvertes avec trois autres provinces canadiennes :
Terre-Neuve-et-Labrador, Nouveau-Brunswick, Ontario. Dans ces trois provinces-là, il n'y a pas de système
d'enregistrement des armes d'épaule qui est en vigueur, et il n'y en aura pas
non plus parce qu'aucune d'entre elles n'a
manifesté de désir d'en mettre un en vigueur. Si une personne veut se procurer
une arme à feu en profitant, comme vous
dites, d'une brèche ou d'une ouverture qui découlerait du fait qu'il n'y a pas
de système d'enregistrement, elle n'a qu'à
se rendre dans un de ces endroits-là ou dans d'autres endroits que nous
connaissons tous, où se fait également du trafic encore plus illégal
d'armes à feu. Personnellement, je demeure à 25 kilomètres de l'Ontario,
ça fait que ce n'est pas très loin, entre vous et moi.
Deuxième
partie, l'immatriculation et la stigmatisation. L'immatriculation des véhicules
automobiles provient d'un besoin
qu'on a d'identifier, lorsqu'un véhicule est sur la route, à qui il appartient
parce qu'il circule à 120 kilomètres-heure, 118, on s'entend, parce qu'à 120 la SQ vous donne un billet — mais... et qu'évidemment on ne peut pas
parler à son propriétaire qui est à l'intérieur, et qui n'est pas en position de nous parler. Alors, si un véhicule
commet une infraction, ou quoi que
ce soit, ou qu'on retrouve un véhicule, on veut pouvoir l'identifier. La
différence entre les armes à feu et les véhicules automobiles, c'est que les armes à feu ne se
promènent pas à 120 kilomètres-heure, sauf évidemment quand elles sont à l'intérieur d'un véhicule. Et ce n'est pas leur numéro
d'immatriculation qui va vous permettre de les identifier ou de les
relier à un propriétaire à 120 kilomètres-heure.
La raison
pour laquelle je vous disais que ça stigmatise... Et, encore là, j'en reviens
au discours collectif que j'ai entendu
tout à l'heure, lors des remarques de présentation : on s'acharne
à faire l'équation entre propriété légitime — et
j'insiste, là, sur le mot «légitime» et
«légale» — d'arme
à feu, je ne parle pas des éléments criminels qui en possèdent à d'autres fins, là, entre ça et la sécurité. Et je
pense que les données que je vous ai fournies dans le mémoire
démontrent amplement que cette
équation-là n'existe pas. C'est une fausse conception que de penser que, parce qu'on a une arme à feu, on représente un risque accru pour autrui.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Bonaventure, pour 2 min 20 s.
M. Roy :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Lavergne. À quoi attribuez-vous la levée de
boucliers actuelle par rapport au
registre, levée de boucliers qui ne semble pas s'être manifestée lors du dépôt
du projet de loi n° 20 que mon collègue ici présent avait fait
auparavant? Parce qu'on voit qu'il y a quelque chose qui a changé.
M.
Lavergne (Guy) : Le projet
de loi n° 20 a été déposé alors que les procédures judiciaires entre
Québec et Ottawa étaient en cours. Et
le projet de loi n° 20 n'a jamais été plus loin que l'étape de la
présentation. M. le député Bergeron, je
pense que vous vous en... vous étiez le parrain du projet de loi, vous vous en
souvenez. Et à l'époque, bon, on vivait avec le registre au Québec et on
attendait de voir ce qui allait arriver. Et il était clair que le gouvernement
avait dit à l'époque qu'il n'irait pas de l'avant, à moins de pouvoir récupérer
les données.
M.
Bergeron : ...je
suis désolé, je regrette...
M.
Lavergne (Guy) : C'est ce
que j'en avais compris. Soit dit en passant, juste pour... J'étais l'avocat de
la NFA dans la cause à la Cour suprême, soit dit en passant, alors je
connais le dossier en long, en large et en travers.
Je pense que
c'est la chose... Ça semblait peut-être une perspective beaucoup plus
lointaine. Aujourd'hui, c'est une
perspective qui est beaucoup plus rapprochée, évidemment. Et il y a une
question de coûts aussi. Je sais que M. le ministre Coiteux nous a... Je pense que c'est M. le ministre Moreau, en
fait, qui a déposé le projet de loi et qui a avancé des coûts de 15 à 20 millions. Vous me
permettrez personnellement d'être sceptique à ce niveau-là, parce que le
registre fédéral a coûté au bas mot, en 2002, 1 milliard de
dollars.
M.
Bergeron : ...
M. Lavergne (Guy) : Oui, mais, M. le
député Bergeron, ce qu'on a fait au niveau des permis, c'est qu'on a transformé les certificats d'acquisition, ce qu'on
appelait les FAC, en permis de possession et acquisition. Il n'y a pas eu de nouveau système de certification. C'est vrai
qu'il y a une composante permis, mais il reste que ça a coûté 1 milliard.
C'était il y a 20 ans, et, si vous
actualisez cela pour l'inflation, vous... moi, en tout cas, j'en arrive à un
coût d'à peu près 350 millions pour un registre québécois.
Il y a une
chose que je veux faire remarquer : La GRC avait une expertise en
enregistrement d'armes à feu. Le Directeur de l'état civil n'en a pas.
Et ceci, je pense... Oui?
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
Me Lavergne. Maintenant, mon collègue de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. Merci de votre présentation, Me Lavergne, fort
intéressant. Bien, d'entrée de jeu,
j'aimerais... M. le ministre a déposé des... n'a pas déposé, mais il a parlé de
moyennes, et de tout ça, de statistiques de consultations, puis nous, on ne les a pas. Est-ce que vous pourriez
déposer ça à la commission pour qu'on parle tous de la même affaire, à un moment donné, sur les consultations que les
policiers font du registre, qui est en accroissement, là? J'aimerais ça.
• (16 h 30) •
Le Président (M. Ouellette) : On va
regarder, M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
O.K. Merci. M. Lavergne, vous dites
dans votre mémoire, à la page 9, que, malgré des sanctions criminelles en cas de non-enregistrement des armes
lors du défunt registre, le niveau de désobéissance est demeuré élevé. Est-ce
qu'il y a des statistiques sur ça, en termes de pourcentage?
M. Lavergne (Guy) : Je ne crois pas qu'il y ait de statistiques, parce que,
si évidemment on connaissait les armes non enregistrées... Ça, on ne les connaît pas. On
sait qu'il y en a. Donc, nécessairement on ignore leur nombre. Mais, de 2006 à 2012,
le gouvernement fédéral a créé un régime d'amnistie pour encourager les
gens à se dénoncer sans encourir de
sanction criminelle. Donc, le but du régime d'amnistie, c'était de faire en sorte que les gens qui détenaient une arme sans permis ou sans l'avoir enregistrée puissent appeler à la GRC à
Miramichi et dire : Je comprends que j'ai une amnistie, que je ne serai pas poursuivi, je désire vous
dénoncer le fait que j'ai telle arme non enregistrée ou que je n'ai pas de
permis. Si la personne n'avait pas de
permis, les policiers venaient saisir l'arme, il n'y avait pas d'autre
conséquence, il n'y avait pas
de poursuite. Si l'arme était simplement non enregistrée, on l'enregistrait
pour régulariser la situation. Si les gens, par contre, étaient pris la
main dans le sac avant d'avoir régularisé leur situation, alors, à ce moment-là, ils s'exposaient à des
poursuites. Et ça, je pense qu'il y
aurait moyen d'obtenir les
statistiques là-dessus, je ne les ai pas aujourd'hui, mais il y a eu quand même...
C'est une mesure qui a eu un certain succès parce que, justement, ça encourageait les gens à se
plier à la loi sans s'exposer à des sanctions criminelles.
Mais une chose qui
est regrettable de ça, c'est que c'était très mal compris et ça a été très mal
publicisé, mais c'était définitivement
quelque chose qui avait été fait dans le but d'encourager les gens à se plier à
la loi sans encourir de sanction.
M.
Spénard : M. Lavergne, on parle d'appui, selon les
statistiques que le ministre a apportées tout à l'heure, il y a une augmentation fulgurante de consultations, au
niveau des policiers, pour le registre, mais, à ce que je sache, le registre des armes d'épaule n'existe plus depuis 2012.
Donc, c'est quoi qu'ils ont consulté, le registre des armes de poing, le
registre...
Le Président (M.
Ouellette) : Me Lavergne.
M.
Spénard :
J'aimerais ça qu'on m'éclaire là-dessus.
M. Lavergne (Guy) : Le système s'appelle le SCIRAF, et il faut
que vous compreniez que le SCIRAF comprend toute l'information sur les détenteurs de permis. Donc, mon permis
est fiché dans le SCIRAF. Si j'avais déjà eu un dossier criminel, ce serait relié à mon numéro de permis. Si j'avais déjà eu
une interdiction préventive ou une suspension de permis, l'information serait dans le système. Et, si j'avais des armes de poing, je n'en ai
pas, là, mais, si j'avais des armes de poing, elles seraient également
dans le système.
Alors, c'est ça qui
est consulté, c'est toute la base de données relative aux armes à feu et...
M.
Spénard :
Si je comprends bien, vous me dites que les policiers consultent le SCIRAF, qui
est encore en vigueur.
M. Lavergne (Guy) : Oui. Ça, c'est un système informatique, comme je vous dis, qui
comprend, entre autres, les données de tous... la liste de tous
les détenteurs de permis avec nom, adresse, etc.
M.
Spénard :
...d'armes à feu.
M. Lavergne (Guy) : Et une des choses d'ailleurs, une des obligations d'un détenteur de permis,
c'est que, lors d'un changement
d'adresse, on doit prévenir le contrôleur des armes à feu, parce que le permis
doit constamment pouvoir être lié à l'adresse d'une personne.
Le Président (M.
Ouellette) : Dernière minute, M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : O.K. Maintenant,
vous, d'après vous... Parce que, là, on sait, depuis la fin du registre des
armes à feu, je pense,
que... Bien, il faut dire qu'au Québec il n'y a
pas personne qui fabrique des armes à feu. Bien, moi, je n'en connais
pas.
M. Lavergne (Guy) : Il y a une compagnie qui s'appelle Fierce, je pense,
qui est dans votre coin justement, dans les
Bois-Francs, qui font des carabines de très haute précision.
Alors, il y a quelques petits fabricants, là. Il n'y a
pas de Remington au Québec, on s'entend, là, mais il y a quelques petits
fabricants.
M.
Spénard : Non,
non, il n'y a pas de Winchester, Remington puis Browning, là. O.K., ça
veut dire que toutes les armes à feu qui rentrent pour les Sail de ce
monde, puis les Latulippe, et etc., là, ils rentrent aux douanes.
M. Lavergne
(Guy) : Oui.
M.
Spénard :
Est-ce qu'ils sont tous identifiés en rentrant aux douanes?
M. Lavergne (Guy) : Celles qui
passent par les douanes, oui, sont forcément identifiées.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, monsieur...
M.
Spénard : Chacune?
C'est-u terminé, oui?
Le Président (M. Ouellette) : Oui,
c'est terminé. Donc : Chacune?, il va vous répondre oui.
M. Lavergne (Guy) : ...
Le Président (M. Ouellette) : Il va
vous répondre oui. Merci.
Document déposé
À votre
demande, M. le député de Beauce-Nord, je pense que M. le ministre de la Sécurité
publique veut déposer les statistiques auxquelles il a fait référence. On va vous passer la fiche d'information où M. le ministre faisait référence aux interrogations :
2003 à 177 et ceux de 2015 à 905.
Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Alors, si chacune
des armes sont enregistrées, ça ne serait pas dur de les suivre si on avait un système qui nous permettrait de les suivre.
J'ai envie de
dire une première chose, c'est : D'une part, vous me prêtez beaucoup
d'intentions. Parce que, oui, je
défends le registre et je vais le défendre ardemment, avec beaucoup
d'ouverture pour améliorer le projet, parce que, pour moi, il n'a pas encore atteint sa perfection, mais vous l'amenez
comme si, un, j'étais contre les chasseurs et que je pensais que moi qui viens de Montréal,
je ne connais rien à la chasse et, deux, comme si j'affirmais que le fait
d'avoir un registre allait régler
tous les problèmes en
matière de prévention. Alors, je
tiens, ici, aux gens qui nous écoutent, à dire que, ni un ni l'autre, je
ne suis d'accord avec ça, ce n'est pas mon cas. J'aurais...
M. Lavergne (Guy) : ...prête pas ces
intentions-là.
Mme
Massé : Oh! c'est parce que
vous sous-entendez bien de choses. Si j'ai bien compris aussi, votre association représente entre autres 7 000 membres au Québec
sur les 500 000 permis d'armes à feu qui existent, donc vous
représentez une portion des détenteurs de permis d'armes à feu.
J'ai juste
une question, parce que je n'ai que deux minutes, alors vous
ne pourrez pas vous étendre bien longtemps,
et moi de même. Si le registre des armes à feu permettait de sauver une seule
vie, seriez-vous en accord?
M. Lavergne (Guy) : Il faudrait
qu'on m'en fasse la démonstration. Il faudrait également qu'on me fasse la démonstration que les inconvénients qui en
résultent ne sont pas excessifs. Et présentement je vous dirais que, quant à
moi, ils le sont.
Juste une
petite remarque. Vous me dites : Nous ne représentons que 7 000 ou
8 000 membres au Québec. Je vous ferais remarquer une chose : Notre association ne dispose d'aucune
subvention ou aide gouvernementale. Elle est financée uniquement par les cotisations de ses membres à
raison de 35 $ par année. Et, si on faisait le même raisonnement, il est
évident que la Fédération des femmes du Québec ne peut pas se targuer d'avoir
4 millions de membres au Québec.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Je sais que le dernier commentaire vous aurait probablement amené une
question, mais ça va être au tour de Mme la députée d'Arthabaska.
Mme Roy
(Arthabaska) : On a parlé du nombre d'armes à feu, mais, à
partir du moment où on sait qu'il en a une, on agit... Est-ce qu'on agit différemment qu'il y en ait plusieurs ou
une? Moi, il me semble qu'à partir du moment où il y a une arme les
policiers doivent prendre pour acquis qu'il peut y en avoir plus qu'une.
M.
Lavergne (Guy) : Bon, regardez,
je pense que les policiers doivent toujours prendre pour acquis qu'il peut
y avoir des armes à feu sur les lieux d'une
intervention. Si une personne a un permis d'armes à feu, évidemment ils savent
que cette personne-là est susceptible
d'avoir légalement des armes à feu. Si une personne est associée dans les
systèmes d'information policière à
des milieux criminalisés, je pense qu'ils peuvent également faire la même
supposition. On peut en tenir une seule à la fois. Je ne pense pas
que...
Mme Roy (Arthabaska) : Des
armes d'épaule, là.
• (16 h 40) •
M. Lavergne (Guy) : ...d'en avoir 12
ou une va changer grand-chose sur la dangerosité d'une situation.
Et, juste pour revenir à la question de Mme
Massé, tout à l'heure vous me disiez : Si ça ne pouvait sauver qu'une vie, moi, je vous fais la proposition
suivante : les ressources de l'État sont en quantité limitée, et une des
choses que l'État doit faire, c'est
s'assurer de veiller à la santé des gens, et entre autres choses à la santé
mentale des gens, et je pense...
Posez-vous la question suivante : Le 6 mai 1989, quand Marc Lépine est
rentré à la Polytechnique, qu'est-ce que ça aurait changé que son arme soit enregistrée? Ce gars-là n'avait pas
besoin d'un numéro d'enregistrement. Il avait besoin de soins de santé mentale sérieusement. Il avait besoin d'un environnement qui se serait
occupé de lui avant qu'il passe à l'acte. Il avait besoin de ressources
pour s'occuper de lui. C'était la même chose avec Kimveer Gill, dont les armes
étaient toutes enregistrées, parce que
le registre était en vigueur, c'était
la même chose avec Valery Fabrikant, c'était la même chose avec Richard Bain au Métropolis. Ce sont des
problèmes de santé mentale. Est-ce qu'on peut, s'il vous plaît, s'occuper
de la santé mentale?
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, Me Lavergne, représentant l'Association canadienne pour les armes à feu.
C'est tout le temps dont nous disposons. Je vais suspendre quelques minutes et
je vais demander aux représentants de l'Assemblée des premières nations du
Québec et du Labrador de vouloir s'avancer.
(Suspension de la séance à 16 h 41)
(Reprise à 16 h 43)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Assemblée des
premières nations du Québec et du
Labrador, représentée par M. Ghislain Picard et par le grand chef de la nation
huronne-wendat, M. Konrad Sioui. Vous
avez 10 minutes pour nous faire part de vos remarques, et par la suite il y aura
un échange avec les différents partis à l'Assemblée nationale. M.
Picard.
Assemblée des premières nations du
Québec et du Labrador (APNQL)
M. Picard(Ghislain) : Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, j'aimerais remercier le grand chef Sioui et la
nation huronne-wendat qui nous reçoivent sur son territoire traditionnel. Et
j'aimerais aussi, également, vous saluer, M.
le Président, M. le ministre et mesdames et messieurs, membres de cette commission, et vous
remercier de l'invitation qui nous
est faite de venir parler, dialoguer d'un sujet qui est extrêmement, oui, sensible, mais aussi préoccupant
pour les nations et les communautés que nous représentons.
Et je vous
dirais d'emblée que c'est toujours avec hésitation que je me présente devant
ces forums pour traiter de toute
question qui peut être la source de préoccupations chez nous, parce qu'on
réalise trop souvent malgré nous que ça
peut facilement devenir des exercices qui sont futiles, parce qu'on a
l'impression qu'on est toujours un peu en marche arrière, c'est-à-dire qu'on revient présenter un peu la réalité telle
que nous la vivons et peut-être d'une façon que la plupart d'entre vous n'êtes pas vraiment disposés à
concevoir. Et je pense que ça, c'est important de le faire. Et il y a toujours
un réflexe de venir à ces commissions avec
l'intention de faire Autochtones 101. Et je pense que ça, c'est important
de le réaliser, parce que ça vient aussi,
en quelque sorte, peut-être diluer un peu notre motivation au niveau des chefs
et des grands chefs que je représente
autour de la table. Parce que c'est des processus dans lesquels nous nous
engageons de bonne foi et,
malheureusement et trop souvent, constatons qu'il y a très peu de résultats
probants suite à nos présences devant
vos commissions. On a fait des exceptions à la règle dans le passé parce qu'on
avait réussi finalement à faire en sorte
que les chefs appuient les positions que nous mettons sur la table. Et ça, je
tenais à le mentionner parce que c'est important
pour nous. C'est important pour la table de chefs que je représente, c'est
43 communautés : c'est deux communautés qui sont situées au Labrador, deux communautés
innues, et c'est 41 communautés, 10 nations, autant de dialectes sur
le territoire qu'on appelle le... qu'on connaît comme étant le Québec.
Et donc, dans le contexte de l'étude du projet de loi n° 64, c'est extrêmement important également qu'on puisse
réitérer ce que j'appellerais peut-être ces préoccupations-là au niveau
des chefs et des grands chefs que nous représentons.
On a décidé
de ne pas trop compliquer les choses, le mémoire qui vous a été soumis pour
étude tient sur une page, et je pense
que la page dit à peu près tout ce que nous voulons dire par rapport au projet
de loi n° 64. Ça prend la forme d'une résolution qui a été votée
lors de notre dernière assemblée et qui parle essentiellement de ce que
j'appellerais peut-être les conditions qui
sous-tendent notre positionnement par rapport au projet de loi. Et je me
permets d'ailleurs d'insister sur un des aspects sur lequel la
résolution fait référence, c'est celui de la consultation, extrêmement encore important d'y référer et d'insister là-dessus
parce qu'on réalise et on remarque... Trop souvent, on est placés devant cette
obligation de vous rappeler à l'ordre, de
rappeler les gouvernements à l'ordre par rapport à cette obligation-là, qui a
été extrêmement bien balisée par le
plus haut tribunal du pays, la Cour suprême, et qui exprime clairement les
obligations de tous les
gouvernements, de toutes les juridictions à l'échelle du pays quant à leurs
obligations de consulter les nations que
nous représentons dès qu'il y a un potentiel d'entraver aux droits
constitutionnels qui sont déjà reconnus, les droits ancestraux et issus des traités, et ça s'avère
être le cas dans le cas du projet de loi n° 64 sur lequel vous... que vous
étudiez.
L'autre
aspect sur lequel je me permets d'insister, c'est sur la question de la sécurité,
et le mémoire... la résolution qui
vous a été transmise, je veux dire, y réfère ici aussi en insistant sur le fait
que la première préoccupation que nous avons collectivement, c'est d'assurer la meilleure sécurité possible pour les
membres de nos nations où qu'ils se trouvent. Donc, ça, c'est un aspect
important, notamment dans le contexte de l'étude du projet de loi n° 64.
Évidemment,
la conclusion qu'on voudrait faire ici, et c'est ce qu'on met devant vous pour
votre considération, c'est le fait
que, dans un souci d'harmonisation de nos pratiques, on insiste, on propose...
ou on suggère plutôt l'idée que les Premières Nations, dans la mesure où
elles disposent des moyens, puissent considérer peut-être initier leur propre registre d'armes à feu, et ça, ça a été discuté en
profondeur au niveau de l'assemblée des chefs, et la résolution qui en fait
foi est de toute évidence adoptée à l'unanimité.
• (16 h 50) •
Donc, ce que je me permettrais
d'ajouter, cette préoccupation-là ne date pas d'hier, parce que la résolution
qui a été votée il y a quelques
semaines maintenant fait suite à des résolutions qui remontent à aussi loin que
1996 et 2000 et dans lesquelles nous avons fait... nous avons finalement
proposé les mêmes arguments, donc la question des droits ancestraux, la question de la consultation, mais
aussi, ultimement, la question qui est liée aux pratiques traditionnelles
chez nos nations en matière de chasse et de
pêche, et c'est ce qui sous-tend ici la volonté de la part de nos dirigeants de
pouvoir avoir la capacité d'avoir finalement leur propre registre.
Évidemment,
un autre aspect sur lequel je me
permets d'insister et qui va peut-être un peu paraître mystérieux pour certains d'entre vous, c'est qu'il y a
l'évolution du droit interne, mais il y a
aussi l'évolution du droit international, et, à cet effet-là, je vous rappelle que les
Nations unies ont voté une déclaration sur les droits des peuples autochtones
en septembre 2007, et il y a
au moins six articles sur les 46 articles que contient la déclaration qui parlent de la capacité et
du droit des Premières Nations de pouvoir... non seulement pouvoir développer
leurs propres institutions, mais aussi être partie à la prise de
décision. Et ça, c'est des éléments qui sont extrêmement importants.
Mais
on comprend ici que le gouvernement actuel ne s'est pas rendu trop loin autant dans
la reconnaissance de cette déclaration qu'évidemment dans sa mise en oeuvre. On souhaite beaucoup
que... Bon, ça fait partie des engagements du présent gouvernement fédéral de
trouver le bon moment, la bonne formule pour mettre en oeuvre les articles de
la déclaration dans le contexte canadien. Et c'est très certainement une intention que
nous accueillons favorablement du côté des Premières Nations et c'est quelque
chose qu'on aurait souhaité entendre également
du côté du gouvernement du Québec.
En
terminant, j'aimerais peut-être laisser le soin au grand chef Sioui également
de vous faire part de ses commentaires pour compléter mon introduction.
Le Président (M. Ouellette) : Il vous reste... il vous a laissé
1 min 30 s. Je sais que vous savez être succinct. Ça fait
qu'il y aura sûrement, lors des échanges avec M. le ministre...
M. Sioui (Konrad) : Merci, M.
le Président. D'abord, merci, je veux
aussi... Comme le chef régional, Ghislain Picard, l'a dit, je vous
remercie de nous accueillir puis d'adresser cette question-là, qui est importante,
là, puis qui ne fait pas l'unanimité nulle
part, ni chez les Premières Nations ni dans bien des régions. Et puis ensemble
il faut trouver des formules, puis on est ici pour ça, pour partager
ensemble des expériences, et ça nous fera plaisir de répondre à vos questions.
Pensée
spéciale aussi, on ne voulait pas l'oublier, là, pour ce qui est arrivé hier en
Belgique, puis vous dire aussi que,
ce vous avez fait comme Assemblée
nationale, on veut juste s'associer à
vous autres aussi. Je suis certain que le chef régional... On s'appuie tous dans ça pour dire qu'on est extrêmement
solidaires, nous ne formons qu'un quand nos institutions, nos gens, nos
personnes sont attaqués puis affectés de façon aussi cruelle et barbare. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci, grand chef Sioui. M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Coiteux :
Merci, M. Picard, merci, M. le grand chef Sioui, également.
Juste
avant de poser ma première question, je voudrais tout simplement dire la chose
suivante, puisque vous avez évoqué le
fait que vous aviez des hésitations parfois — vous m'avez même dit peut-être, même, souvent, traditionnellement
peut-être, même — à
venir dans nos commissions, en disant : On n'est pas certain que ça
donne des résultats à la hauteur de nos attentes. Moi, ce que je tiens à dire
ici, c'est qu'au contraire je pense que c'est extrêmement important
que vous soyez ici, c'est extrêmement important que vous veniez présenter le point de vue de vos communautés et que vous puissiez faire entendre ces préoccupations-là. Donc, c'est
nécessaire pour nous d'entendre cette voix-là, toujours.
Toujours. Alors, je suis très content que vous
soyez là aujourd'hui. Donc, je voulais commencer comme ça.
J'ai
bien sûr... Bon, j'ai écouté votre présentation et puis
j'ai vu votre résolution aussi, j'ai regardé les détails de votre résolution. La question
que j'aimerais vous poser est la suivante : Il existe toujours
un registre fédéral, qui ne contient plus par contre les armes d'épaule,
qui sont essentiellement des armes de chasse, dans la plupart des cas, ça
existe toujours, mais ce système-là, y compris pour les armes de
chasse, existait encore il y a peu. Est-ce qu'à l'époque vous aviez
demandé à être soustraits à ça ou de l'administrer vous-mêmes? Est-ce que vous
aviez fait cette demande-là au gouvernement fédéral, puis comment ça avait été
considéré?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Picard.
M.
Picard (Ghislain) : Oui. Merci beaucoup pour cette question, M. le
ministre. Et je référais un peu plus tôt à des positions qui ont déjà été prises en 1996 et en 2000, elles
référaient justement au processus fédéral. Et on a toujours insisté, et je me permets, là, de réitérer ici, à
l'effet qu'il y a des principes qui sont les nôtres et qui sont tout à fait spécifiques aux Premières Nations à
l'échelle du pays. Et c'est ce qu'on a fait valoir au niveau du gouvernement
fédéral à ce moment-là. On avait même... On était même allés aussi loin
que de demander un moratoire sur le processus pour exempter les Premières
Nations que nous représentons de
cette loi-là. Donc, les représentations ont été faites, évidemment,
comme c'est souvent le cas, avec des
résultats qui sont mitigés. Mais ça ne veut pas dire que la position n'est pas
moins valable. Elle l'est toujours, et nous continuons d'insister là-dessus.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le ministre.
M.
Coiteux : Mais comment cette
loi fédérale, donc ce système d'enregistrement des armes de chasse aussi, à l'époque, comment elle s'est appliquée, de votre point de vue? Comment ça a été, l'expérience, de votre point de vue, pendant qu'elle s'appliquait sur les territoires des
communautés que vous représentez?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Sioui.
M.
Sioui (Konrad) : Là, on
tombe dans le vrai, là : reconnaissons que c'est un échec, un échec. Tu
sais, l'enregistrement n'a pas été fait plus de 50 %,
60 %, 70 % des places. Les Premières Nations n'ont jamais
su comment s'organiser pour enregistrer
les «guns», des armes à feu, et c'est ce qui nous a fait prendre conscience de l'importance... D'abord, la sécurité, sécurité de nos familles, ce n'est pas négociable, ça. Tout le monde, on est tous, tous, tous d'accord avec ça, tu sais. Des armes à feu qui traînent dans les garde-robes, en
dessous des lits, partout, là, ce n'est pas acceptable. Ça prend des mesures
de sécurité pour protéger les familles, les
femmes, les enfants, les hommes aussi, peu importe. Donc, ce n'est pas ça qui
est le problème. Au niveau de la sécurité, on est tous d'accord, ça fait qu'on vient de régler un gros morceau.
Mais, pour l'enregistrement puis la technicalité, c'est un... en
anglais, ils disent «a complete failure». Ça a été ça.
Puis là on
voit aller ça, on voit aller un nouveau programme... Parce que
ce qu'on craint, c'est quand on regarde tout le monde qu'on voit puis
on dit : Il est illégal, elle est illégale, ses «guns» ne sont pas enregistrés,
ses armes à feu, son père lui a
laissé ça, puis il ne sait pas comment faire, puis il faut
qu'il appelle à Montréal, Miramichi, il faut qu'il fasse une demande, ça prend la photo, ça fait que,
regarde... Ça fait qu'à travers de ça on a échappé beaucoup,
beaucoup, beaucoup
de monde, beaucoup de notre monde qui, à
n'importe quel moment de leur vie, peuvent être en infraction.
Ça, ce n'est pas bon, ça, pour une société qui se respecte puis pour les
Premières Nations.
C'est pour ça qu'on a dit : On devrait
avoir de l'aide pour faire notre propre registre par nation, comme le chef Réjean le disait, soit par groupe, ou peu
importe, il y a 10 nations, on travaille en collaboration, mais que, si ça vient encore
d'en haut, puis ils nous envoient une petite formule, ça ne marchera pas, parce que
c'est l'isolement, c'est l'éloignement, c'est le manque de staff, de personnel, c'est souvent l'incompréhension
par la langue. Il y a bien des facteurs qui font qu'on n'atteint
pas notre objectif.
Puis, dans le fond, l'objectif qu'on voudrait atteindre comme société,
c'est 100 % d'inscriptions,
hein? Puis ça, bien, ce n'est pas...
Ça n'a pas été un succès au niveau de l'enregistrement avec la loi fédérale.
Ça, c'est d'un océan à l'autre et d'un bord et de l'autre.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
ministre.
M. Coiteux : Je voudrais juste dire
une petite chose avant de vous demander, M. le Président, de passer la parole à mon collègue député d'Ungava, parce que
justement il est très sensibilisé à la situation particulière des communautés
issues des Premières Nations. Dans son coin, c'est le gros de la population,
donc il est très, très, très sensible à cette réalité-là,
puis je pense qu'il va vouloir échanger avec vous. Mais je voudrais dire une
chose, je pense, qui est importante, et
puis j'en profite maintenant que c'est évoqué : Dans le cas de ce que nous
mettons comme proposition ici, dans... on appelle ça un... Ce n'est pas un registre, à vrai dire, c'est un fichier
d'immatriculation des armes d'épaule, c'est de ça qu'il s'agit. Et, oui, les citoyens, comme ils doivent
immatriculer leurs véhicules automobiles, on leur demande d'immatriculer
leurs armes, mais, s'ils ne le font pas, ils
ne sont pas des criminels. Donc, notre intention de... ce n'est pas et ça ne
sera pas de criminaliser personne. Ça, je pense que c'est important que tous
ceux qui nous écoutent prennent bien conscience de ça. Il n'en est
aucunement question.
Et donc,
lorsque vous disiez tout à l'heure : C'était compliqué pour nous, le
système qui a été mis en place, on est
dans des communautés parfois éloignées, ça faisait en sorte qu'un grand nombre
de nos citoyens n'étaient pas... n'avaient pas immatriculé, ils n'avaient pas enregistré. Et là la loi, dans le
fond, nominalement en faisait des criminels, cette loi-là. Ça ne sera pas notre loi. En tout cas, ce n'est
pas la loi que nous proposons, puis je ne crois pas que mes collègues vont
proposer de faire autrement. Alors, il y aura une distinction.
Puis l'autre
chose, c'est qu'on a vraiment l'intention de faire quelque chose de facile, de
simple. Il n'aura pas à appeler à gauche et à droite puis un peu... on
va mettre sur pied quelque chose de très simple.
Je voulais juste dire ça, parce que je pense que
c'est important, pour rassurer tout le monde. Mais j'aimerais, M. le Président, qu'on permette à mon collègue
député d'Ungava de poser des questions, parce que je sais qu'il va poser
d'excellentes questions.
• (17 heures) •
Le Président (M. Ouellette) : Ça me
fait plaisir, effectivement, de demander à M. le député d'Ungava.
M.
Boucher : C'est trop de
flatterie, M. le ministre. Je vais essayer d'être à la hauteur. M. le chef Picard, M. le grand chef Sioui, c'est toujours un plaisir et un
honneur de me retrouver en face de vous. Vous savez, vous parliez au début
de votre présentation, M. le chef
Picard, que, quand vous vous retrouvez dans un forum comme ça, vous avez
l'impression, là, de commencer par le
cours Autochtones 101 ou être obligé de distribuer le livre Autochtones
pour les nuls puis, tu sais, expliquer
du point zéro c'est quoi, votre histoire puis... Vous n'avez pas besoin de
faire ça avec moi. S'il y en a un qui vous comprend, c'est bien moi.
La chasse, la
pêche, bon, pour la population standard, c'est un passe-temps amusant,
récréatif, sportif. Chez les Premières
Nations, c'est d'autre chose, c'est inscrit presque dans l'ADN des individus,
c'est un moyen de subsistance, c'est
un moyen d'aller chercher de la nourriture traditionnelle. C'est beaucoup plus,
là, qu'un sport automnal qu'on fait, là, quand les feuilles commencent à
changer de couleur. Ça, c'est très bien compris de ma part.
Je comprends
aussi de votre présentation que, dans le fond, vous n'êtes pas contre une forme
d'enregistrement des armes. C'est
juste que vous ne voyez pas que ça soit dirigé, téléguidé par le gouvernement
central, appelons ça comme ça. Vous
verriez que ça sera plus adapté localement... adopté et administré localement.
Est-ce que je me trompe dans mes affirmations ou...
Le
Président (M. Ouellette) : M. Picard.
M.
Picard (Ghislain) : Oui,
merci. Bien, il n'y a pas... D'abord, merci pour vos commentaires tout à fait appropriés, je crois, puis
vous avez bien saisi, de toute évidence, ce qui nous préoccupe. Et je pense
ici... j'ai référé plus tôt à harmonisation.
Je pense qu'il y
a des exemples dans l'histoire
récente dans la relation entre le Québec
et les communautés que nous représentons,
les nations que nous représentons, où il y a cette capacité d'harmoniser les
choses. L'exemple qui me vient à
l'esprit et qui n'a rien à voir avec le sujet dont nous parlons aujourd'hui,
c'est l'adoption coutumière, pour laquelle nous attendons toujours un
projet de loi pour finalement compléter l'exercice, compléter la démarche.
Ceci
étant dit, en fait, ce qu'on dit : Est-ce qu'il n'y aurait pas une
possibilité pour les Premières Nations que nous représentons d'assurer un meilleur contrôle si la capacité existe à
proximité plutôt que ce soit tenu, je ne sais pas, moi, à des milliers
de kilomètres, dans un endroit que tout le monde ignore, et en même temps de
rehausser cette capacité-là pour nos
autorités à nous, à travers les services policiers qui existent chez nous, par
exemple? Et évidemment c'est pour ça
qu'on insiste beaucoup dans la résolution à l'effet qu'on peut se doter
nous-mêmes de nos propres mécanismes dans la mesure où on dispose des moyens pour le faire. Et on en appelle au
gouvernement du Québec, notamment, mais aussi au gouvernement fédéral, de faire sa part. Un peu comme les deux
gouvernements le font dans le contexte des services policiers dans nos
communautés, 52 %-48 %. Il y a une responsabilité financière qui est
partagée ici.
Donc,
je veux dire, il y a là un modèle qui pourrait sans doute s'appliquer dans ce
cas-ci. Donc, c'est : relever la capacité de nos propres autorités,
de nos propres institutions d'exercer finalement une telle compétence.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député d'Ungava, il vous reste trois minutes.
M. Boucher : Trois minutes, mon Dou! Quelle générosité! Est-ce
qu'il serait pensable, imaginable, sans créer, bon, un, deux, trois, même 11 programmes d'enregistrement plus le
programme central, qui en ferait 12, à travers une délégation de pouvoirs où vous administreriez le
programme localement, bon, à Wendake, par exemple, puis vous seriez
chargés, là, de vous assurer que ça soit compris par vos gens, que les gens se...
d'en faire la promotion, que les gens enregistrent
leurs armes, mais que les armes soient enregistrées dans un fichier central
malgré tout? C'est-u quelque chose de pensable, ça, ou de souhaitable?
Le Président (M.
Ouellette) : Grand chef Sioui.
M. Sioui (Konrad) : Vous aviez raison, M. le ministre Coiteux : les questions sont
pertinentes, sont bonnes, sont excellentes.
Il ne faut pas se
compliquer la tâche, là, c'est toujours bilatéral. Il y a deux parties, tu
sais : Québec puis les Premières
Nations. Puis on a nos structures, on a l'Assemblée des Premières Nations, on
est capables... on a un réceptacle. Il
y a des nations qui existent. On n'ira pas par communauté, ça, c'est sûr et
certain, parce que, sans ça, on va se perdre. Mais, quand on y va par nation... la nation huronne-wendat, par exemple,
avec son service de police, sa sécurité publique, son administration, qui est quand même très, très,
très compétente puis, au même titre que d'autres aussi, est capable de partager, de coexister, de s'organiser, de partager
des informations pour qu'on puisse ensemble, mieux que jamais, être capables d'avoir un registre qui se tient, puis
qui tient la route, puis qui est effectif, puis qui est vrai, puis qui est
suivi, puis qui est nourri. Parce
que, sans ça, on va faire comme on a fait dans le passé, tu sais. On ne peut
pas juste se fier sur une structure
qui arrive puis qui nous donne des papiers, puis enregistrez-vous avec la gang,
tu sais. Ça va être assez difficile.
Puis
en même temps, bien, ça nous donne une forme de dignité, une forme de respect.
Puis ça nous implique aussi, puis ça
nous donne des responsabilités, puis ça crée une forme d'autonomie puis
d'autodétermination, puis ça nous permet de marcher la tête haute, puis
travailler ensemble, puis de se voir d'égal à égal un peu, de nation à nation,
puis d'être capable de dire qu'on joue un
rôle dans ça qui est important puis qui n'est pas juste de la délégation
d'autorité tout le temps. On est rendus à une étape où on peut être vos
partenaires, puis des partenaires très sérieux puis très crédibles.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le ministre, vous avez un commentaire?
M.
Coiteux : Oui. Je pense que c'est un échange qui est très important,
mais peut-être que vous voyez aussi un peu
quels sont les... Regardez, je suis convaincu qu'on partage l'objectif
d'assurer la sécurité de nos gens, puis vous l'avez dit de façon très
nette, puis c'est exactement la perspective dans laquelle s'inscrit ce projet
de loi.
Le Président (M.
Ouellette) : Il reste quatre secondes.
M. Coiteux :
J'ai quatre secondes?
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, oui.
M. Coiteux :
Mais j'ai du mal à imaginer qu'on puisse faire ce travail-là ensemble si on
multiplie les fichiers d'immatriculation et qu'on augmente tellement le coût de
cette multiplication que l'acceptabilité sociale de notre population à l'égard d'un fichier
d'immatriculation disparaisse. Alors, je pense qu'il faut qu'on essaie de
travailler dans cet esprit-là aussi. Il y a probablement une solution
dans cet esprit-là. C'est un peu comme ça que je réfléchis.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Verchères.
M.
Bergeron : Merci, M. le Président. Chef Picard, grand chef
Sioui, merci infiniment d'être des nôtres aujourd'hui, d'avoir accepté notre invitation. On est non
seulement très heureux, mais très honorés de vous avoir parmi nous aujourd'hui.
Votre point de vue nous importe énormément.
Et j'ai le sentiment qu'après seulement quelques minutes d'échange on
progresse. Je pense qu'on est en train d'essayer d'envisager, de regarder des
avenues possibles.
Maintenant,
j'aurais un certain nombre de questions, l'objectif étant bien sûr d'essayer de
fixer les paramètres de ce que
pourrait être le registre, ou appelons ça le fichier d'enregistrement ou
d'immatriculation, pour les Premières Nations. Mais, le troisième attendu de votre résolution, vous dites :
«Attendu que la chasse fait partie intégrante de la culture et du mode de vie des Premières Nations, la possession
d'armes à feu pour les fins de pratique d'activités traditionnelles est un
droit ancestral ou issu de traité.» Et, un
peu plus loin, vous parlez du fait que vous êtes opposés à ce qui pourrait
constituer une entrave directe à leurs droits ancestraux. Puis j'imagine
que vous faites référence à ce troisième attendu.
S'il doit y
avoir un registre québécois, en quoi celui-ci serait-il plus... constituerait
davantage une entrave pour la pratique des activités traditionnelles que
s'il y avait des registres ou un registre du côté des nations autochtones?
Le Président (M. Ouellette) : M.
Picard.
• (17 h 10) •
M. Picard
(Ghislain) : Bien, écoutez, je pense qu'il ne faut pas nécessairement
lire les attendus ou les résolus que
de façon isolée, je pense que c'est un tout. Nous, ce qu'on dit, c'est que,
oui, effectivement, c'est un droit ancestral et un droit issu de traité.
Ça, je veux dire, on ne revient pas là-dessus, c'est reconnu depuis 1982. Mais,
ceci étant dit, je pense
qu'on arrive au principe d'harmonisation, je pense qu'on est ouverts à une
espèce de, comment j'appellerais ça, cohabitation,
là, par rapport à des principes qui sont les vôtres, des
principes qui sont les nôtres aussi, mais dans la mesure où il y a un
respect de ces droits-là. Et c'est principalement là-dessus que nous voulons
insister.
Mais ce qu'on a dit aussi, au tout début, puis
ça, je veux dire, je m'adresse à vous tous et toutes, je veux dire également
de la même façon, c'est que le processus dans lequel vous êtes engagés entrave aussi toute
la question de la consultation.
Ce que j'entendais plus tôt, c'est que, bon, en quelques minutes — c'est
ce que vous disiez — en
quelques minutes, bon,
on réussit à tracer peut-être certains paramètres. Mais, si on avait fait ça beaucoup
plus tôt, peut-être, je veux dire,
qu'on ne serait même pas ici. Et je pense que tout ça vient un peu mettre en
évidence, là, cette question-là nécessaire
et, je dirais même, impérative de
consultation de gouvernement à gouvernement. Il y a un processus sur lequel on
revient toujours malheureusement trop souvent.
Mais, ceci
étant dit, je pense qu'il faut regarder la résolution comme un tout et, pour
nous, je pense qu'on peut finalement harmoniser nos pratiques avec ce
que vous faites comme gouvernement, comme société dans la mesure où il y a un respect de ce qu'on considère comme
étant fondamental, notamment le droit
de pouvoir utiliser une arme à feu pour les fins de chasse de
subsistance ou de trappe.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Verchères.
M. Bergeron : J'imagine, chef
Picard, que vous n'êtes pas sans savoir qu'à l'époque où j'étais ministre de la
Sécurité publique je m'étais donné la peine
de rencontrer un certain nombre de nations en amont, avant même la publication
du projet de loi n° 20, puis, comme le
projet de loi n° 64 est un peu la suite, si je puis dire, du projet de loi
n° 20, je pense que ce serait un
peu injuste que de laisser entendre qu'il n'y a pas eu de négociation ou il n'y
a pas eu de discussion en amont, justement, pour nous amener à ce qu'on
a sous les yeux maintenant.
Mais je
comprends de ce que vous me dites que vous constituez... vous ne considérez pas
que le registre, comme tel,
constituerait une entrave à la pratique des activités traditionnelles, puisque
la proposition est à l'effet d'en créer au niveau des Premières Nations. J'aurais donc une autre question.
Puisqu'on fait référence, parce que je pourrais... J'ai posé la question à mon collègue d'Ungava tout à
l'heure : Est-ce que les membres des Premières Nations doivent
immatriculer leurs véhicules à la
Société de l'assurance automobile du Québec? La réponse est oui. Maintenant, on
va me dire : Oui, mais la
chasse, c'est quelque chose de différent, puis vous avez parfaitement raison.
Alors, est-ce que les membres des Premières
Nations doivent se procurer un permis de possession et d'acquisition en vertu
de la loi fédérale sur les armes à feu?
Le Président (M. Ouellette) : Chef
Picard. Grand chef Sioui.
M. Sioui
(Konrad) : Oui. Ah oui,
c'est gratuitement, parce que c'est pour notre subsistance. C'est à peu près la
seule différence, mais il faut aller
chercher ce permis-là d'acquisition, de possession, ou juste d'acquisition
quand on en possède déjà ou quand on
ne veut pas en acheter d'autres, là. Mais c'est un gros problème. Tu sais, je
veux juste vous dire que ça peut
vouloir être vu comme étant facile dans nos bureaucraties, nos organisations,
mais moi, j'ai rencontré tellement,
tellement, tellement de monde qui n'ont jamais su comment s'organiser, puis
s'inscrire, puis être en règle. Puis c'est
vrai, puis je ne veux pas... Ça serait trop facile de dire... Tu sais, ce n'est
pas à cause qu'on est des Premières Nations qu'on a le droit de conduire
à droite sans permis, tu sais.
Mais on
veut... Nous autres, on est ici pour travailler ensemble, toujours, toujours,
c'est notre objectif tout le temps nous
autres, travailler ensemble, coexister. Moi, quand j'ai vu ça, ce document-là,
je n'ai jamais, jamais vu un mot, pas un
mot sur les Premières Nations, sur les peuples autochtones. J'ai cherché, je
cherche toujours ça. Je regarde tout de suite, là, qu'est-ce qu'ils disent. Bon. Rien, rien, pas un mot. Bien, j'étais
un peu déçu, tu sais, j'ai dit : Ils ne parlent pas de nos droits, ils ne parlent pas de l'article 35, ils ne
parlent pas des traités, ils ne parlent de rien. Les lois d'application
générale, puis ils nous inscrivent
dans ce processus-là. C'est un peu ça que le chef régional dit, tu sais. Après
ça, bien, ça complexifie la tâche.
M.
le ministre Coiteux, c'est vrai qu'il ne faut pas se compliquer la tâche, c'est
pour ça qu'on essaie d'y aller...
Il
y a deux entités. Comme quand vous
négociez... Quand on parle avec M. Barrette puis on parle de nos besoins en
santé, bien, il dit : Je vais aller voir mon homologue, Mme
Philpott, je vais essayer de trouver du financement pour que les deux parties puissent coopérer. Le chef régional a
parlé des services policiers dans nos réserves, qui sont sous-financés, vous le savez très bien. Vous savez qu'un
policier des Premières Nations dans une réserve indienne reçoit, au per capita,
55 000 à 65 000 $ de moins qu'un policier dans la municipalité à
côté. C'est injuste, parce que le travail est le même, souvent pire, dans des conditions difficiles, souvent, vous le savez.
Alors, c'est tout ça. On ne veut pas compliquer les choses, on veut les simplifier puis on veut que ça
marche. On veut vous proposer d'être des bons joueurs, des collègues, de
coexister de façon bilatérale, comme un ordre de gouvernement que nous sommes.
Quoi qu'en disent Meech ou Charlottetown, nous en sommes un.
Le Président (M. Ouellette) :
...chef. M. le député de Verchères, pour la dernière ronde de questions.
M.
Bergeron : M. le Président, juste une dernière question. Je partage un peu les préoccupations de notre collègue d'Ungava. Ma crainte, ma préoccupation, mon
inquiétude, puis, au fond, ce qu'il faut trouver, c'est une réponse à ces inquiétudes-là, c'est comment on va assurer
l'interconnexion de ces données-là. Parce que vous savez que les territoires
de chasse, là, sont souvent partagés. On
retrouve à la fois des gens des Premières Nations puis des Québécoises
et Québécois. Donc, il faut qu'on puisse s'assurer que
les données vont être partageables.
Alors, est-ce
qu'on a pensé à la possibilité... au pont pour permettre le partage des données
ou est-ce qu'on ne doit pas envisager
plus un enregistrement local mais dans une base unique? Comment est-ce
qu'on peut examiner ça, effectivement?
Le Président (M. Ouellette) : La
dernière réponse...
M. Sioui
(Konrad) : ...je vais
laisser chef Picard, mais je veux juste... pas prendre beaucoup
de temps, mais je vais vous donner un
exemple concret. La semaine dernière, on était avec le ministre
Barrette. Nous autres, on est dans une société ouverte ici, à Wendake. On vit avec des Québécois,
puis on fait des affaires, puis etc., ça roule. On a un gros centre de santé fédéral, neuf, flambant neuf,
équipé, incroyable, vraiment beau, qui a été visité par le ministre.
M. le ministre, nous
autres, là, quand une mère huronne s'est remariée avec un Québécois
qui, lui, a deux enfants, peut-être pas hurons mais qui ont besoin de services de santé comme les nôtres, on peut-u
s'organiser, M. le ministre, pour donner le soin, le service chez nous, là, à Wendake, là, aux quatre
enfants, les deux qui n'ont pas de statut puis les deux qui en ont? Sur le
champ, le ministre Barrette a dit :
Oui, absolument. Puis c'est officiel, c'est effectif «today», là,
on le fait. Comment qu'on va
s'organiser? Aïe! On a des organisations superorganisées, on a des moyens aujourd'hui qu'on est capables de se partager des services, de se faire payer des frais, transférer des frais, et
d'avoir une capacité de gestion un
petit peu plus que simpliste. Alors, on le fait, puis c'est la même affaire dans
ces domaines-là aussi. Ayez confiance en nous autres, vous allez voir,
vous ne le regretterez jamais, vous le savez de toute façon, vous avez toujours
eu confiance en nous autres.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
grand chef. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Oh!
Excusez. Ne bougez pas. Oui, chef Picard.
M. Picard (Ghislain) : ...à la
réponse du grand chef. Bon, j'ai en partie répondu à la question que vous posez
plus tôt en disant que, bon, je pense qu'il y aurait
peut-être une certaine assurance à avoir un contrôle un peu plus à proximité de la communauté
que si c'était ailleurs. En même temps, un peu comme on le fait déjà avec
certaines autres forces policières et nos
propres forces de police dans nos communautés, il existe déjà des
collaborations pour différents types d'opérations.
Et, je veux dire, si ça existe là, bien, je ne vois pas pourquoi ça ne pourrait
pas exister également ici, je pense qu'il
y a très certainement une ouverture de la part des nations, un mécanisme
permettant le partage d'information. Et je pense que cette question-là
pourrait facilement tomber dans cette catégorie-là.
Le Président (M. Ouellette) : Merci
pour votre réponse, chef Picard. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci, M.
le Président. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue, grand chef
Sioui et chef Picard. Ce n'est pas long, mais ça dit beaucoup.
Moi, je veux
juste savoir, d'entrée de jeu : Est-ce que vous êtes obligés d'avoir un
permis de chasse et de pêche pour chasser et pêcher au Québec? Non?
Parce qu'on comprend que c'est vos terres ancestrales, là.
Le Président (M. Ouellette) :
...chef Sioui.
• (17 h 20) •
M. Sioui
(Konrad) : C'est à cause que
le permis qui nous serait émis nous serait émis selon les lois d'application générale
du Québec, et vous savez, vous venez de la Beauce, vous connaissez beaucoup la
situation qui s'est produite au
Québec ou ailleurs. Mais on s'est fait essayer souvent par bien des tribunaux
puis de bien des façons de nous réduire puis de dire : Bien, vous allez être des Québécois. Mais, tu sais,
ça ne veut pas dire qu'à cause qu'on n'a pas de permis québécois dans le cadre des lois d'application
générale on a le droit de chasser, puis là ça devient, là, important d'éduquer
les gens, de
dire : Bien, tu sais, ils ont le droit de chasser à l'année longue, ils ne
paient pas de taxes, puis là, ils... tu sais, puis ça sort au complet,
ça.
M.
Spénard : La chasse
est reliée au contrôle des armes à feu aussi, là, tu sais, c'est pour ça que...
M. Sioui
(Konrad) : C'est ça. Alors,
quand on n'a pas de permis, on est muni quand même d'une carte de
statut indien étampée par le fédéral et qui est contrôlée par le registraire au
fédéral. Donc, ce n'est pas tout le monde qui peut se déclarer
autochtone puis qui peut prétendre à ces droits-là. Ces droits-là ont été
gagnés avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail, oui. Sur ça, on s'entend,
hein?
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Est-ce que vous avez des statistiques sur vos corps policiers, s'ils
consultaient le registre fédéral des armes à feu?
M. Sioui
(Konrad) : Chez nous, je
sais qu'il y a une relation puis une entente, et, par exemple... je ne nommerai
pas personne, mais on a eu un cas, il n'y a
pas longtemps, un homme qui a bien de la difficulté avec la boisson puis la
drogue, un bon monsieur, mais il a des
problèmes très sérieux. Alors, ils l'ont consulté. Les polices arrivent là puis
ils sont capables de consulter
immédiatement, voir s'il y a des armes enregistrées ou pas, etc., puis ça, ils
peuvent être enregistrés ou pas.
Alors, oui, nécessairement nos policiers sont équipés, capables... Parce que
c'est un corps de police, ce n'est pas des
polices spéciales, là. Vous savez, hein, c'est un corps de police, donc il a
accès à toute l'information nécessaire au niveau de la sécurité publique et donc il est capable de rentrer dans le
fichier de chacun pour s'assurer que, s'il y a des armes, bien, dans ce temps-là, bien, pour sa
protection et la protection des autres, on va lui retirer momentanément, ou
peu importe.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. Si ça n'a pas... parce que vous évaluiez tantôt à peu
près à 70 %, 75 % de non-enregistrement
dans vos communautés respectives, dans... si ça n'a pas marché avec le registre
fédéral, puis étant donné que votre
statut est délivré par le fédéral, comment pensez-vous qu'un registre
provincial va être mieux? Ça ne sera pas mieux, ça ne participera pas.
M. Picard (Ghislain) : Mais,
écoutez, c'est un peu en partie pour cette raison-là qu'on avance l'idée qu'on puisse nous-mêmes prendre l'initiative de se doter
des mécanismes nécessaires pour le faire. Et je pense que plus on va être proches de l'autorité que représente un
gouvernement local ou un conseil de bande... et je pense qu'on a peut-être
une meilleure chance de succès dans la
mesure, et ça, c'est important de bien le saisir aussi, dans la mesure où on
dispose des moyens pour le faire. Comme y référait le grand chef un peu
plus tôt, déjà au moment où on se parle, les services policiers, dans la grande majorité des communautés, sinon toutes, sont
déjà payés en deçà de ce qui est disponible pour tout autre corps policier ailleurs que dans nos communautés, que ça soit
provincial ou fédéral. Donc, il y a ici, là, une marge importante à
couvrir.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Beauce-Nord, pour la dernière ronde de questions.
M.
Spénard : O.K. Est-ce que
vous dites que les chefs conviennent de développer leur propre registre d'enregistrement des armes à feu avec le soutien du gouvernement,
financier, du Québec... avec le soutien financier des gouvernements du Québec et du Canada? Ce que j'aimerais savoir
sur... Je ne sais pas trop comment qu'il y a de nations, au Québec, différentes,
peut-être une dizaine, une douzaine, je ne sais pas.
Une voix : 10.
M.
Spénard :
10. Est-ce qu'ils ont tous pris des engagements
pour développer leur propre registre
ou vous parlez en général qu'on va
leur demander s'ils veulent un registre ou si... Parce que tantôt vous sembliez
dire que le développement du registre
devrait se faire communauté par communauté. Alors, je ne sais pas, est-ce que
vous avez des écrits là-dessus ou... parce que la résolution est assez
large, là, mais...
M. Picard
(Ghislain) : Mais, écoutez, là-dessus,
on est un peu rendus, je dirais... pas juste un peu, beaucoup
rendus dans la mécanique. La position
est là, c'est : on parle d'un registre, est-ce que ça va
être 10 registres ou 41 registres à travers le Québec? Nos propres consultations internes ne se sont
pas rendues jusque-là, mais c'est évidemment quelque
chose qui est facilement faisable.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Beauce-Nord. Mme la
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Bonjour aux deux chefs, au grand chef et au
petit chef... non, ce n'est pas comme
ça qu'on dit ça. Écoutez, je trouve cet échange fort intéressant, je pense que les préambules que vous nous avez amenés nous ramènent encore une fois les yeux devant les trous puis comment on a de la difficulté
à réellement finir par appliquer cette vision de négociation de nation à nation. J'entends qu'il y a
des chemins qui ont été faits mais que celui-là vous a pris un peu par
surprise.
J'aimerais
vous entendre... Vous savez, la force d'un registre comme celui-là en matière
de prévention, c'est quand il n'y a pas trop de trous par lesquels on peut
s'échapper. Alors, je comprends, puis la mécanique, ça devra faire partie
de la suite de la discussion. Je comprends
que vous n'ayez pas tout en main en
même temps, mais j'imagine que vous
reconnaissez... comment vous parlez des
choses, que vous reconnaissez, un, qu'effectivement le fait d'enregistrer des armes peut être aidant comme outil de prévention, ça, il
me semble que j'ai bien entendu ça de votre part, et, deux, que ce que
vous cherchez, et c'est pour ça que vous êtes là, c'est de voir comment faire
en sorte qu'il y ait une dizaine ou une quarantaine
de communautés, une dizaine de nations à travers le territoire
du Québec, là, qui participent aussi à ce grand
travail de prévention.
Ma question,
et là c'est une méconnaissance, alors on est peut-être rendus à 102, peut-être
pas 101, c'est... je sais que l'Assemblée des Premières Nations ne
s'entendent pas toutes sur tout non plus. Est-ce qu'à votre compréhension actuelle les différentes nations sont plutôt
favorables à l'idée d'un registre ou vous sentez qu'il y a une certaine
résistance, assez importante, là,
parce que de la résistance il y en a, mais comme assez importante? C'est quoi,
votre évaluation de la situation?
Le Président (M. Ouellette) : Chef Picard.
M. Picard
(Ghislain) : Oui, merci.
Est-ce que vous référez à un registre qui viendrait de notre propre chef ou...
Mme Massé : Je comprends que, si
c'est un registre qui arrive d'en haut, nos chances ne sont pas fortes. Et
j'entends que, si on trouvait une façon de le faire ensemble, ça irait mieux,
alors si on le faisait ensemble, mettons.
M. Picard
(Ghislain) : Bien, écoutez,
je référais tout à l'heure, plus
tôt, à l'adoption coutumière comme
étant vraiment, là, une histoire de réussite, là, parce qu'on a
fait les choses ensemble. Alors, je veux dire, il y a eu un groupe de
travail qui a été constitué, et ça
n'a pas été une mince tâche, je pense qu'il
faut le reconnaître, mais on est quand même parvenus à des recommandations qui ont été acceptées par tous, et en précisant
que, de notre côté, autant pour ceux qu'on appelle les conventionnés que pour les
non-conventionnés, ça, c'est une différence importante qu'il faut
apporter. Et, dans ce cas-ci, la
volonté des dirigeants que je représente, c'est de se doter d'un mécanisme qui
leur est propre, tout en, je veux dire, regardant ce qui se fait du côté
du voisin, et, à la limite, trouver une façon d'harmoniser nos pratiques. C'est
ça, l'intention. Et, pour nous, bon, il y aura du travail, de toute évidence,
de terrain à faire.
Je voudrais
terminer sur la première partie de votre commentaire. Et, si la
résolution parle de la sécurité de nos membres où qu'ils soient, comme
étant le premier résolu que, ce n'est pas un hasard, je pense que c'est tout ça
qui chapeaute finalement notre volonté de
voir à ce que les processus qui nous sont externes ne soient pas non plus
imposés au niveau de nos communautés. Mais ça, ça n'empêche pas...
ça ne ferme pas la porte à notre capacité, à notre volonté également de
pouvoir comme harmoniser nos propres pratiques.
Le Président (M. Ouellette) : Merci,
chef Picard. Mme la députée d'Arthabaska.
• (17 h 30) •
Mme Roy
(Arthabaska) : Merci, M. le Président. Mes salutations. J'ai pratiqué, dans une
ancienne vie, le droit à La Tuque, il y avait
trois réserves sur le territoire, la juridiction
de ce tribunal-là : Obedjiwan, Wemotaci puis Manawan. À l'époque, il n'y avait pas de registre d'état
civil. Je ne sais pas si maintenant c'est corrigé, mais, j'entends aussi, quand
on me parle de la traite des femmes, les
Algonquins n'auraient pas... ne seraient pas enregistrés non plus — est-ce que c'est un mythe, ça? — au registre de l'état civil. Parce que je me
demande comment vous pouvez, s'ils ne sont pas enregistrés, même pas au
registre de l'état civil, faire un registre des armes à feu.
Le Président (M. Ouellette) : M.
Picard.
M. Picard
(Ghislain) : À ma connaissance, tout le monde est enregistré. Ça me
surprendrait qu'il y ait des cas d'exception.
En tout cas, moi, c'est... Je veux dire, on n'a pas fait d'études poussées
là-dessus, mais, à ma connaissance, ça me surprendrait beaucoup qu'il y
ait des exceptions à ce que vous rapportez.
Mme Roy
(Arthabaska) : Parce que c'est un mythe, ça, que de dire que
les femmes qui sont disparues n'existaient pas au registre d'état civil?
M. Sioui (Konrad) : Peut-être, si...
C'est que...
Le
Président (M. Ouellette) :
On est sur une consultation pour le projet de loi n° 64, Mme la députée
d'Arthabaska. Je vais laisser grand chef Sioui répondre.
M. Sioui
(Konrad) : Oui, juste
peut-être pour clarifier, là, puis... Parce que vous parlez des femmes, là.
Regardez, on va s'entendre, là, sur
les activités de chasse, les activités traditionnelles, ce qu'on appelle
«traditional economy», là, il n'y a
pas un citoyen des Premières Nations puis il n'y a pas beaucoup de Québécois
qui vivent dans les régions qui pensent que leurs armes à feu ont besoin d'être
enregistrées. Si ce n'était que ça, mais là, comme le chef Réjean a dit, c'est
la sécurité des gens. Parce qu'on vit
aussi dans des communautés, des réserves indiennes, etc., puis on a notre lot
de problèmes, puis on ne se le
cachera pas ici. Puis il y a de la violence puis il y a des difficultés. Puis
souvent ceux qui paient le prix, bien, c'est
les plus vulnérables. Alors, enregistrer des carabines, enregistrer des armes à
feu, ce n'est peut-être pas un luxe mais bien plus un besoin. Il faut
savoir un peu où est-ce qu'on va dans ça. C'est correct, ça.
Pour ce qui
est de l'enregistrement de l'état civil, c'est que, lorsque... La Loi sur les
Indiens fait que, lorsqu'une... Par
exemple, une Attikamek marie un Attikamek, bien, avant de se marier, elle avait
un numéro de bande, O.K.? Puis, quand
elle s'est mariée, elle n'a plus de numéro de bande, elle s'appelle «Mme
Monsieur». C'est ça que la Loi sur les Indiens fait. Ça fait que, là,
elle perd son identité comme telle et puis là, bien, si elle veut avoir une
maison...
Mme Roy (Arthabaska) : C'est
au conseil.
M. Sioui (Konrad) : ...si elle veut
avoir n'importe quoi, il faut qu'elle se divorce pour aller se rechercher un
nouveau numéro, parce que, sans ça... La Loi sur les Indiens est paternaliste à
l'extrême, vous le savez.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci, grand chef Konrad Sioui de la nation huronne-wendat, M. le chef
Ghislain Picard, représentant l'Assemblée des premières nations du Québec.
La commission
va suspendre... ajourner ses travaux au mardi 5 avril, à 10 heures,
où elle poursuivra son mandat.
(Fin de la séance à 17 h 33)