(Onze heures trente-six minutes)
Le Président (M. Ouellette) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Veuillez,
s'il vous plaît, vous assurer que vos appareils électroniques sont en mode
silencieux afin de ne pas perturber nos travaux.
La commission
est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59,
Loi édictant la Loi concernant la
prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à
la violence et apportant diverses modifications législatives pour
renforcer la protection des personnes.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Chevarie
(Îles-de-la-Madeleine) remplace Mme Montpetit (Crémazie); M. Iracà
(Papineau) remplace M. Tanguay (LaFontaine); M. Rochon (Richelieu) remplace M.
Leclair (Beauharnois); M. Lisée (Rosemont)
remplace M. Marceau (Rousseau); et M. Laframboise (Blainville) remplace M.
Jolin-Barrette (Borduas).
Étude détaillée (suite)
Le Président (M. Ouellette) : Merci.
Lors de notre dernière séance, hier soir, nous avions repris l'étude de
l'amendement de l'article 1 édicté par l'article 1 du projet de loi. Nous
avions débuté l'étude d'un sous-amendement présenté
par le député de Richelieu — parce que l'on parle toujours des dernières
choses qui se sont passées — à l'amendement de la ministre à l'article 1, et le
sous-amendement sous-tendait d'enlever, au troisième paragraphe, dans la
définition du discours haineux, les
mots «à la marginalisation ou». Nous en étions à discuter, et les temps de
parole restants pour le sous-amendement :
8 min 55 s pour la députée de Taschereau, 16 min 20 s pour le
collègue de Richelieu et 20 minutes pour le collègue de Blainville.
Donc, M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Alors, M. le
Président, vous avez rappelé le sous-amendement à l'effet de supprimer les mots
«à la marginalisation ou». Je vous rappelle ce qui nous anime. L'article
1, tel qu'il est libellé, entre en collision avec notre conviction qu'il ne faille rien faire qui puisse avoir une conséquence,
je disais hier, insidieuse sur la liberté d'expression. Je dis insidieuse parce que je ne crois pas que ce
soit la volonté de la ministre d'entraver la liberté d'expression. Je crains
plutôt qu'elle soit moins inquiète que nous
à propos des effets pervers de son projet de loi sur la liberté d'expression.
Et ce que je tiens aussi à répéter ce matin, c'est que je n'afficherais pas la
même assurance si j'étais le seul à craindre pour la liberté d'expression. On n'est pas les seuls,
l'opposition n'est pas la seule, plusieurs voix se sont élevées. On les a
citées et on va continuer de les citer parce que c'est notre job.
Alors, ce
qu'on essaie de faire avec nos sous-amendements, c'est de créer une voie plus
étroite, hein, de... Il y a plein de
synonymes, là, dans l'article 1, il y a une multitude de mots, nous souhaitons
restreindre cela. Écoutez le texte tel
que nous le sous-amendons, et vous allez voir qu'il y a des mots
là-dedans : «Est un discours haineux, un discours visé au deuxième alinéa qui, aux yeux d'une personne
raisonnable, est d'une virulence ou d'un extrême tel qu'il est susceptible
d'exposer ce groupe — on a enlevé "à la
marginalisation" — au rejet, à la détestation, au dénigrement ou à l'aversion
notamment pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou
ignoble.»
• (11 h 40) •
Dans le
mémoire qu'elle a présenté à la commission, la Confédération des syndicats
nationaux, la CSN, disait «craindre
que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse [soit]
assaillie de plaintes dénonçant des
plaisanteries de mauvais goût, des railleries, des propos rabaissants,
blessants, choquants, insultants ou des blagues déplacées, des
commentaires dérangeants ou des critiques acerbes». Bien, c'est ce qui risque
d'arriver.
Je poursuis
la lecture, là, d'un extrait du mémoire de la CSN : «La mise en place d'un
tel système de dénonciations [...] ne
favorisera en rien le "mieux-vivre ensemble" — c'est aussi une crainte que nous avons,
ça — auquel
le Québec aspire — le mieux-vivre ensemble. Bien au contraire,
nous croyons que cela encouragera une culture malsaine de délation, voire de chasse aux sorcières. Cela pourrait mener
à l'autocensure dans le cadre de débats publics [...] et empêcher la libre
circulation des idées.[...]
«En tant qu'organisation syndicale, nous sommes
particulièrement inquiets — écrit
la CSN — des
risques d'atteinte à la liberté d'expression
des travailleuses et travailleurs et des groupes de défense des droits. De
manière très concrète, pensons
notamment aux personnes oeuvrant dans les communications écrites,
radiophoniques et télévisuelles : animateurs,
journalistes, blogueurs[...]. Deviendront-ils les cibles de dénonciateurs anonymes
au moindre [...] éditorial?»
C'est une question éminemment pertinente,
éminemment pertinente. C'est pour cela qu'on ne lâchera pas. La ministre... On ne fait pas ça du tout pour être
déplaisants, pas de l'obstruction. Ce n'est pas un jeu, là, on est vraiment
devant quelque
chose de fondamental. Je vois un collègue, là, du parti ministériel qui a l'air
tout à fait d'accord avec moi, la liberté d'expression, c'est quelque
chose de sacré.
Alors,
voilà, M. le Président, en gros, ce que j'avais à dire pour le moment sur ce
sous-amendement présenté hier soir dans une autre tentative, là, de
rétrécir un peu le corridor du projet de loi.
Le Président (M.
Ouellette) : Sûrement que votre collègue de Taschereau va avoir
quelques informations additionnelles à nous transmettre pour alimenter notre
réflexion.
Mme
Maltais : Certainement, M. le Président. Vous êtes d'une
sagacité extraordinaire ce matin, je ne saurais pas mieux dire que ça,
une sagacité extraordinaire. Effectivement, j'ai quelques commentaires parce
que je crois encore profondément que nous
pouvons amener le gouvernement à retirer cette partie du projet de loi. Je vous
ferai remarquer que, quand on... la dernière
fois, la dernière séance de travail qu'on a faite récemment, on a abordé la
partie II du projet de loi et on a
adopté, dans le temps de le dire, quatre articles très rapidement sur les
mariages forcés. Très rapidement, pourquoi?
Parce que cette partie-là... Quatre articles en deux heures, ce n'est rien, là.
C'est très intéressant, on abordait le
début, on recommençait à se plonger dans le début. Je veux dire aux collègues
qu'au fur et à mesure d'une discussion, à un moment donné, on connaît
mieux les articles, on voit mieux les correspondances, puis ça va plus
rapidement.
La
première proposition que j'ai faite sur le projet de loi n° 59 a été de le
scinder, de faire une scission. On disait : Il y a une partie qui crée une nouvelle loi, séparez-la de l'autre
partie de la loi, de la partie II. Pourquoi? Parce que toutes les embûches, toutes les discussions sont autour
de la partie I. Dans la partie II, il y a consensus qu'il faut intervenir
sur les mariages forcés. Alors, je
rappelle que, si le gouvernement avait eu, j'oserai dire, la sagesse de nous
écouter, d'écouter les oppositions
dès le départ, on aurait probablement déjà adopté une loi contre les mariages
forcés au Québec. Ce serait fait, on serait passé devant le salon bleu,
là, puis on se serait applaudi mutuellement, et j'aurais, avec plaisir,
applaudi la ministre d'avoir fait cette
loi-là. Mais vraiment, là, tout à fait, puis je pense que le Cercle des femmes
parlementaires nous aurait applaudis aussi, tout le monde serait très,
très content.
M. Rochon :
Le cercle des hommes aussi.
Mme
Maltais : Ah oui! les hommes aussi, bien sûr. J'ai bien dit
tout le monde, tout le monde se serait congratulé. Mais ça n'a pas été le choix du gouvernement. Je me rappelle, à l'époque, j'étais au salon
bleu, je faisais une intervention sur
l'adoption du principe et je disais : Parfois, il faut
écouter les oppositions, tendre l'oreille aux oppositions.
Les oppositions, elles
ont une force de représentation. Nous
aussi, nous signifions quelque chose dans une société, nous écoutons et nous
entendons. Nous aussi, nous apportons notre
part au débat législatif, au débat collectif. Si on avait tendu l'oreille à l'opposition et qu'on avait écouté ce qu'elle
disait, cette main tendue dont j'ai tant parlé, cette main tendue que nous
offrions au gouvernement, il y aurait déjà une loi contre les mariages forcés
d'adoptée. Je suis sûre que le collègue de la CAQ serait d'accord. Ils étaient d'accord, d'ailleurs, que c'était tout
à fait pertinent, cette partie du projet de loi là, qu'elle ne causait à peu près pas de problème. Ça n'a pas
été le choix gouvernemental. Alors, évidemment, c'est beaucoup plus ardu quand on aborde l'article 1, qui est la
création d'une nouvelle loi, c'est plus ardu parce que c'est là qu'il y a le
plus de problèmes.
Pourquoi
c'est ardu? Il y a bien des raisons. Je citerai Me Grey, Julius Grey, qui
disait : De quoi veut-on nous protéger? Et ça, ça réfère à cet amendement, M. le Président, on veut nous
protéger de discours qui amènent la marginalisation. Qui veut être
protégé? De qui veut-on nous protéger? De discours amenant à la
marginalisation. On veut nous en protéger tellement
qu'on veut que ces discours ne puissent pas être susceptibles d'exposer un
groupe à la marginalisation, au rejet, à
la détestation, au dénigrement ou à l'aversion. Un, deux, trois, quatre, cinq
termes qui sont, certains d'entre eux, très proches. «Marginalisation»
et «rejet», là, on n'est pas loin. Mais le problème de toute cette addition de
termes, c'est qu'elle ouvre plein de
capacités, plein de possibilités de poursuivre les gens devant le Tribunal des
droits de la personne et des droits de la jeunesse. C'est ça, le
problème.
Alors,
systématiquement, nous avons demandé au gouvernement, à la ministre, d'en
enlever un peu, de jeter du lest, de
jeter du lest. Il n'y a pas de réponse de l'autre côté quand on parle de jeter
du lest. Alors, de qui veut-on nous protéger? Je citais le mémoire de plusieurs groupes qui sont venus. Il y avait
Line Chamberland, qui est titulaire de la Chaire de recherche sur l'homophobie de l'Université du
Québec à Montréal, Brian Carey, coordonnateur du LGBT-Baie-des-Chaleurs,
Association pour la diversité sexuelle et de
genre. Il y avait Mona Greenbaum, directrice de la Coalition des familles LGBT,
c'est assez connu, et administratrice au
Conseil québécois LGBT. Il y avait David Platts, président du GRIS-Montréal,
et André Tardif, directeur général de GRIS-Québec.
GRIS,
c'est groupe de recherche en... comment on dit ça? GRIS, groupe de... En tout
cas, ils vont dans les écoles puis
ils sensibilisent les jeunes aux différences sexuelles. C'est des bénévoles qui
font ça, hein, des bénévoles qui vont dans
les écoles, puis ils s'en vont parler, ça fait qu'ils sont extrêmement
crédibles. Je vous dirais que les gens qui connaissent bien les porteurs de parole de la communauté LGBT
vous diront : Ce sont des personnes qui ont une grande, immense crédibilité. Ce sont des groupes aussi qui ont
prouvé leur pertinence dans la société québécoise. Or, ces gens-là, dans un
long mémoire, sont venus nous dire : Vous faites erreur en adoptant une
loi sur les discours haineux.
• (11 h 50) •
Moi, je peux parler
de marginalisation quand on parle de communauté gaie. Historiquement, il y a eu
de la marginalisation, il y a eu du rejet,
il y a eu de la détestation. Il y a eu de la marginalisation, mais ces groupes
marginalisés, ces groupes qui luttent
contre la marginalisation sont venus nous dire : Ce n'est pas comme ça que
ça se fait. Pourquoi est-ce que le gouvernement s'entête à faire ça? Je
n'en ai aucune idée, M. le Président. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement
s'entête à travailler comme ça.
Donc,
je vais relire cette conclusion qui est pertinente : «Est-ce que
le projet de loi nous permettrait de lutter plus efficacement contre les manifestations de
l'homophobie et de la transphobie telles que nous les observons à travers nos
recherches et nos interventions sur le
terrain au quotidien? Notre réponse est négative.» Ils viennent nous
dire : Notre réponse est
négative, c'est non. Ces gens-là sont venus nous dire : Non, ce n'est pas
la bonne façon de travailler. Je comprends que le gouvernement ne veut pas entendre l'opposition, il ne veut pas écouter ce qu'on dit. Est-ce qu'il pourrait, au
moins, écouter les groupes qui
luttent contre la marginalisation et le rejet? Alors, en enlevant
«marginalisation», là, on aide à éviter
l'immense déploiement qu'est ce projet
de loi, qui est, d'après nous, un projet de loi non pas contre le discours haineux, c'est un projet de loi contre le discours, point. C'est un projet de loi contre la liberté d'expression, qui la balise beaucoup trop. Alors, voilà, M. le
Président, quelques remarques préliminaires.
Le
Président (M. Ouellette) :
Et sûrement que votre collègue de Richelieu va vouloir compléter vos remarques, Mme la députée de Taschereau.
Monsieur le collègue de Richelieu.
M.
Rochon : Vous voici, encore
une fois, très clairvoyant, M. le Président. Hein, c'est vrai, il est d'une
clairvoyance.
Je vais vous
parler... Je l'ai déjà fait, mais je pense que ce n'est pas inutile de revenir
aux propos de cette dame que vous
avez bien connue, puisque ce fut une
de vos distinguées collègues, l'ancienne élue Fatima Houda-Pepin, qui juge que le gouvernement favorise les
intégristes avec le projet de loi
n° 59, qu'il les aidera à
stigmatiser les critiques de leurs pratiques rigoristes. Elle dit
qu'elle est estomaquée. Elle a dit ça à l'issue de sa comparution en commission
parlementaire au sujet du projet de loi.
«C'est une
revendication des intégristes depuis longtemps — estime
l'ancienne députée de La Prairie — que
ce projet de loi, grâce auquel un groupe religieux — et là c'est elle qui parle — et non plus seulement une personne croyante,
pourrait se dire la cible d'un discours
haineux, alors qu'il ne s'agirait que de critiques découlant d'un exercice
légitime de la liberté d'expression.»
Je reprends parce que c'est un avis important. Grâce au projet de loi
n° 59, un groupe religieux pourrait
se dire la cible d'un discours haineux, alors qu'il ne s'agirait que de
critiques découlant d'un exercice légitime de la liberté d'expression. Et elle dit — et ce n'est pas léger — qu'elle aurait pu être condamnée elle-même
pour islamophobie quand elle a combattu en 2005 les imams qui voulaient
imposer la charia au Canada.
Bien, voilà
un avis intéressant, le Barreau du Québec qui a recensé plusieurs risques
importants de voir le projet de loi échouer au test des tribunaux. Un
professeur au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de
l'Université de Montréal, et non le moindre, Pierre Trudel, qui dit que le
projet de loi propose un mécanisme afin d'identifier et de pourchasser ceux qui
répandent des propos haineux ou incitant à la violence et qui instituent ainsi
une inquisition nouveau genre faisant fi des exigences de la liberté
d'expression. «Tout le monde convient — écrit M. Trudel — que les propos qui incitent à détester ou à
poser des gestes violents sont à proscrire. Déjà, des dispositions du Code criminel permettent d'accuser devant les
tribunaux ceux qui répandent de tels propos. [...]Les tribunaux ont pourtant
rappelé — insiste-t-il — que la liberté d'expression ne protège pas
que les propos servant des "fins légitimes d'information au
public". Même le mauvais goût est protégé.»
C'est M.
Trudel qui écrivait — c'est
une opinion que j'ai maintes fois rappelée ici — qu'avec ce projet de loi on allait ouvrir à la Commission des droits un beau
gros bureau des plaintes parce qu'il y a des gens dans la société québécoise et dans toutes les sociétés qui sont persuadés que
le propos qui critique une religion, les homosexuels, les femmes, que ce
propos est un propos automatiquement haineux. En somme, il y a beaucoup de
personnes qui confondent le propos illégitime
avec le propos haineux. Alors, c'est à elles, ces personnes, que le projet de loi ouvre un bureau des plaintes.
Alors, en
ouvrant la porte à cette chasse à tout propos qui déplaît, le projet de loi n° 59, il fait fi des
conditions concrètes de l'exercice de la liberté d'expression. Il
forcera tous ceux qui s'expriment à se demander à chaque fois si quelqu'un, quelque part, ne va pas trouver que
leurs mots, leurs blagues, leurs photos ou leurs caricatures semblent haineux,
conclut Pierre Trudel.
Je partage
tout à fait l'avis de ma collègue de Taschereau qu'il eût été bien sage de
scinder ce projet de loi en deux parce que la partie II, elle nous
convient. Il y a bien quelques amendements, là, mais l'exercice serait fort
intéressant. On l'a entrepris, ça allait
bien. Je vous assure, la ministre devrait considérer la perspective de
retourner devant la Chambre et souscrire à notre idée de scinder ce
projet de loi.
«Le Barreau
du Québec ajoute sa voix à celles de tous ceux qui prétendent que le projet de
loi n° 59 constitue une menace
potentielle à la liberté d'expression...» Le Barreau appuie le principe du
projet de loi, mais demande au gouvernement de refaire ses devoirs. Le projet de loi défendu par la ministre de la
Justice vise à contrer le discours haineux, un concept bien mal défini par le gouvernement, a fait valoir
la présidente du Comité sur les droits de la personne du Barreau dans le
cadre de la consultation menée sur la pièce
législative. Mais il y a pire, le Barreau juge que le projet est contestable
sur le plan constitutionnel. Le
Barreau juge que le projet est contestable sur le plan constitutionnel,
puisqu'il contreviendrait à l'article
2 de la Charte des droits et libertés. Par ce geste, Québec s'apprête à bafouer
les libertés civiles et à renier le droit à la vie privée, un grand
problème, selon le Barreau du Québec.
Une voix : C'est gros, ça.
M.
Rochon : C'est gros?
Mettez-en que c'est gros. Alors, il me semble que tout le monde... en tout cas,
tout le monde, j'exagère, que tant de
monde ne peut pas se tromper, que tant de monde, tant d'experts, là, d'experts,
là, ne peuvent pas se tromper. Il y
en a donc bien qui craignent, ils craignent tous inutilement, tu sais, ils
n'ont pas compris. Non, il y a certes
quelque chose qui ne marche pas avec ce projet de loi là, il ratisse trop
large, bien trop large. Il devait s'agir d'une réponse à des événements qui ont fait la manchette depuis l'arrivée au
pouvoir du Parti libéral : l'affaire Charkaoui, la présence d'imams qui
tiennent un discours dit haineux sur le territoire québécois. Or, cette
réponse, de l'avis de bien du monde,
de bien des experts, elle est maladroite, elle est imparfaite, elle annonce des
restrictions importantes à la liberté d'expression.
Ces gens-là ne peuvent pas y souscrire, et l'opposition ne va pas y souscrire
non plus. Voilà, M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) :
Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement? M. le député de
Blainville.
M.
Laframboise : Oui. Merci, M.
le Président. Bien, évidemment, le but de mon intervention, là, va être sur le
sous-amendement qui nous est déposé, soit
d'enlever «à la marginalisation ou». Je vais juste relater le paragraphe 57 de
l'arrêt Whatcott, traduction, là, française :
«Deuxièmement, les termes "haine" et "mépris" qui figurent
dans la disposition ne s'entendent
que des manifestations extrêmes de l'émotion à laquelle renvoient les termes
"détestation" et "diffamation". Ainsi sont écartés les propos qui, bien que répugnants
et offensants, n'incitent pas à l'exécration, au dénigrement, au rejet qui
risquent d'emporter la discrimination et d'autres effets préjudiciables.»
Donc, je
pense que l'arrêt Whatcott a bien défini le terme «haine», puis moi, je pense
que... en tout cas, comme formation
politique, nous pensons qu'«à la marginalisation» doit être maintenu parce que,
finalement, «est un discours haineux,
un discours visé au deuxième alinéa, là, et qui est d'une virulence ou d'un
extrême tel qu'il est susceptible d'exposer ce groupe à la marginalisation»... Moi, je pense que, quand on relit
l'arrêt Whatcott, le mot «marginalisation» a sa place dans l'amendement qui a été déposé par le gouvernement,
et nous voterons contre le sous-amendement qui nous est présenté.
• (12 heures) •
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous allons, effectivement, voter le sous-amendement, et je présume que vous
allez me demander un vote par appel nominal, Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais : Je vous demanderais un
vote par appel nominal, M. le Président.
Le
Président (M. Ouellette) :
Mme la secrétaire, vote par appel nominal sur le sous-amendement du
député de Richelieu.
La Secrétaire : M. Rochon
(Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
La Secrétaire : Mme Maltais
(Taschereau)?
Mme Maltais : Pour.
La Secrétaire : M. Laframboise
(Blainville)?
M. Laframboise : Contre.
La Secrétaire : Mme Vallée
(Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
La Secrétaire : M. Merlini
(La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
La Secrétaire : M. Chevarie
(Îles-de-la-Madeleine)?
M. Chevarie : Contre.
La Secrétaire : M. Iracà
(Papineau)?
M. Iracà : Contre.
La Secrétaire : M. Rousselle
(Vimont)?
M. Rousselle : Contre.
La Secrétaire : M. St-Denis
(Argenteuil)?
M. St-Denis : Contre.
La Secrétaire : M. Ouellette
(Chomedey)?
Le Président (M.
Ouellette) : Je m'abstiens.
La Secrétaire : Merci.
Le
Président (M. Ouellette) :
Donc, le sous-amendement de M.
le député de Richelieu
est rejeté. Mme la ministre, nous retournons à l'étude de votre amendement.
Mme Vallée : M. le
Président, je dois constater un petit peu — puis,
en fait, je pense que c'est maintenant dans la
sphère publique — que
l'intention de nos collègues de l'opposition
officielle est vraiment
de faire de l'obstruction. Alors, ça a été clairement indiqué dans un article
du Devoir.
La semaine dernière, jeudi dernier, j'ai
soumis une piste de travail parce qu'à la lumière des échanges, et des nombreux sous-amendements, et, surtout, à la
lumière du discours qui émanait de chaque bloc de 20 minutes... émanaient
parfois des éléments qui, parfois, se
contredisaient l'un et l'autre — mais ça, ce n'est pas là-dedans que j'irai — qui
nous amenaient à nous dire que peut-être
qu'il y avait un effort qui pouvait être fait pour tenter de
prendre le cumul des interventions
des collègues et tenter de voir à en arriver à un libellé qui pourrait être
satisfaisant.
On avait fait
l'exercice... Parce que je dois vous dire que, dès le 29 octobre et à
l'exercice... et j'avais tendu la main
aux collègues en disant : Écoutez, moi, je vous dépose en liasse mes
amendements. Si vous souhaitez faire de même, on va pouvoir analyser à
l'avance les amendements et faire un travail de collaboration pour bonifier le
projet de loi. D'ailleurs, j'ai l'ai dit à
quelques reprises, les collègues de la deuxième opposition... la députée de
Montarville, alors, avait en liasse ses amendements, et ce qui nous a
permis d'apporter des modifications. Parce que l'objectif de nos travaux parlementaires lorsqu'on ne s'entend pas, c'est
soit de voter contre ou de trouver une voie de passage, ce n'est pas de faire
de l'obstruction et de faire des blocs de 20
minutes pour faire des blocs de 20 minutes. Parce qu'au bout de tout ça, là,
moi, je regarde ce qui se passe puis je
regarde les équipes qui sont derrière nous jour après jour, qui ne sont pas au
bureau, qui sont ici et qui sont là
pour travailler à améliorer le projet de loi, et je souhaitais aussi, par
respect pour ces gens-là, par respect pour nous, par respect pour notre
processus démocratique, travailler en collaboration.
Alors, la
semaine dernière, on a eu quelques échanges, on a eu des pourparlers. Pendant
le week-end, les équipes ont
travaillé. Ce qui nous a amenés, en début de semaine, à faire une séance de
travail qui s'est faite à micros fermés pour permettre des échanges vraiment libres sur un libellé qui pourrait être
convenable. Malheureusement, l'exercice n'a pas été concluant. Malheureusement, on en est revenus hier soir à un
exercice où on dépose un après l'autre des sous-amendements où on modifie un mot, où on modifie un autre
terme, où on prend bien soin de respecter les règles parlementaires, mais
ultimement on ne travaille pas d'une façon qui permette de bonifier réellement
le projet de loi.
Alors là, je vais prendre la collègue de
Taschereau au mot, je pense qu'il est important... Par respect pour les concitoyens puis par respect aussi pour les
équipes qui ont travaillé, pourquoi on ne regarderait pas ce qui fait un
meilleur consensus? Ce qui ne fait
pas consensus, suspendons-le puis allons travailler sur ce qui fait consensus.
Comme ça, bien, d'une part, on pourra
faire avancer le projet de loi, faire avancer les dispositions qui conviennent.
Les dispositions qui portent
problème, je ne dis pas qu'on en arrête l'étude et je ne dis pas qu'on les met
de côté. Au contraire, tentons de voir en parallèle, peut-être à micro
fermé, si on peut en arriver à un libellé qui conviendrait à tous.
Moi, M. le
Président, quand j'ai lu l'article du Devoir, hier, j'ai été un peu estomaquée,
on fait de l'obstruction constructive...
Une voix : Intelligente.
Mme Vallée :
Intelligente, pardon. Et, là-dessus, je trouve ça dommage, moi, mon objectif...
Et je pense que la démarche que
j'avais entreprise la semaine dernière visait réellement à dénouer l'impasse.
Et c'est ce que je souhaite faire, et
je pense qu'il y a une voie de passage. D'ailleurs, notre collègue nous a, un
petit peu, pavé la voie en disant : Il y a un consensus sur les besoins d'aller de l'avant avec
la partie II. Alors, moi, ce que je vous propose bien humblement, chers collègues, pourquoi ne pas, aujourd'hui, suspendre
l'article 1 et passer, je ne dirais pas, à l'article 2 parce qu'on l'a
adopté... Alors, c'est déjà un bon
pas, on a adopté quatre articles. Donc, pourquoi ne pas aller de l'avant et
poursuivre l'étude du projet de loi sur... et avancer, et démontrer
qu'il y a des éléments dans ce projet de loi qui font l'affaire de tous?
Je ne dis pas
qu'il n'y a pas de bonification, on a... Nous, de notre côté, on avait apporté
des amendements à la lumière des
consultations parlementaires. Je sais que les collègues de la CAQ aussi avaient
déposé des amendements ou avaient
l'intention de déposer des amendements, puis là, ça, le travail constructif
habituel en commission parlementaire pourrait
se poursuivre. On suspend l'article 1 et, tout en l'ayant suspendu, on pourrait
voir... Puis moi, j'irai relire, puis je vais relire les interventions
des collègues pour voir si, à la lumière des interventions, on ne serait pas
capables de trouver une voie de passage.
On nous disait, M. le Président, il faut
définir. On a défini, puis hier, parmi les interventions, on nous disait presque : Ne définissez pas parce qu'à
définir, c'est problématique. Alors, je veux bien, mais je vais prendre le
temps. Et je m'engage à le faire pendant l'étude des articles
subséquents, je prendrai le temps d'analyser l'ensemble des interventions pour voir ce tronc commun qui nous
amènera peut-être, je l'espère, vers un libellé qui nous conviendra à tous.
Et je pense
que cette proposition que je vous présente aujourd'hui, elle est dans l'esprit
de notre parlementarisme, elle est
dans l'esprit d'une volonté réelle de travailler de façon productive,
proactive, en collaboration et de faire avancer un projet de loi qui répond à des besoins. Il y a des articles dans ce
projet de loi là qui répondent à des besoins, et notre collègue de Taschereau l'a mentionné. Donc, alors,
je propose, je nous propose d'aller travailler sur ce qui fait consensus.
• (12 h 10) •
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Je suis contente qu'on l'aborde carrément.
Effectivement, j'ai un journaliste, qui
est Marco Bélair-Cirino, qui m'a dit : Vous faites de l'obstruction. J'ai
dit : Non, ce n'est pas dans ces termes-là. Mais, puisque vous voulez utiliser le mot «obstruction»,
je vous dirai que je fais de l'obstruction intelligente. D'ailleurs, vous
regarderez, ce n'est pas une phrase, c'est deux mots.
Ce que
j'appelle... Puis là je lui ai expliqué, j'ai dit : On plaide pour vrai,
pour des changements en profondeur, pas
des changements... prenez-le respectueusement, Mme la ministre, mais pas des
changements qui, pour nous, sont quasi cosmétiques,
que la dernière proposition qui a été présentée... Je vous rappelle, dès
l'entrée, dès l'entrée de ce projet de loi là, dès le moment où on a
commencé les échanges, on a dit deux choses.
Scission.
C'est un projet de loi concernant la prévention et la lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence, et il y a une deuxième partie apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes. Il y a le discours haineux puis
il y a la protection des personnes. D'entrée
de jeu, on l'a dit : Scindez, on
va faire les deux études de façon
différente. La situation qu'on vit, c'est la situation
qui vient de la décision du gouvernement
de ne pas nous entendre. Nous avons demandé
la scission dès le départ, dès le départ. Puis, là-dessus, ce qu'on peut
faire, c'est que le gouvernement — je ne sais pas par quelle mécanique, je
pense que, par motion, c'est possible — retire la loi, redépose la partie consensuelle, puis là on
travaille là-dessus, ce qui permettra de prendre le temps d'étudier après ça,
puis de voir s'il y a vraiment un
besoin, puis quelle pourrait être la loi sur les discours haineux. Ça, là, dès
le départ, on l'a proposé, puis on
s'est fait dire non. Ça a été, à notre avis, une erreur du côté du gouvernement
de ne pas entendre ça parce que nous étions appuyés sur une commission
parlementaire où la majorité est venue dire : Ce n'est pas une bonne loi.
L'immense majorité des gens sont venus nous dire ça. On était appuyés
là-dessus, nous autres, là.
Deuxièmement,
le deuxième appel qu'on a fait, c'est : Ça prend... Puis je le sais, là,
citation puis citation... Il y en a, là,
des citations où je dis : Ça prend une révision en profondeur. Il y a
quelqu'un qui dit : Il faut le déchiqueter. J'ai dit : Non, pas nécessairement, mais ça prend une
révision en profondeur. Je vois encore le scrum où j'ai dit ça. Puis le premier
ministre a dit : Il va y avoir une
révision en profondeur, on va y aller sur l'appel à la violence. On pensait que
c'était bien parti. Les collègues
m'ont dit : Qu'est-ce qui arrive? Bien, je dis : Regardez, il s'en
vient une révision en profondeur, puis ça
va être sur l'appel à la violence. Ça fait que, là, on va débattre de est-ce
que... Finalement, le débat, ça aurait été : Est-ce qu'on applique
le Code criminel canadien? Est-ce qu'on en fait une partie québécoise au civil?
Mais ce n'est
pas ça qui est arrivé. Puis la ministre, c'est vrai, elle nous l'a dit :
Je vais déposer des amendements. Mais
c'est parce qu'on attendait une révision en profondeur à partir des
amendements, c'était une révision en profondeur qui était demandée par tout le monde. Mais l'amendement qu'on nous a
apporté... Puis c'était normal à ce moment-là qu'on attende, nous. Comment pourrais-je déposer des
amendements au départ sur une révision en profondeur d'une loi? C'est ça qu'on avait annoncé. Ça fait que moi,
j'attendais une révision en profondeur. On ne l'a pas eue, M. le Président.
Elle ne s'est pas passée, cette révision en profondeur. Alors là, on se retrouve avec le problème d'une
opposition qui dit : Ce n'est
pas une bonne loi, elle aurait dû être révisée en profondeur. On la sépare, on
fait de quoi. Mais voyez, là, on est encore dans un dialogue de sourds.
Ceci dit, sur
la proposition de la ministre, qui dit qu'elle a fait un bout de chemin,
profondément, là, ce n'est pas ça, là,
ce n'est pas ce qu'on nous a proposé qui est un bout de chemin sérieux, vous
savez. Voilà ce que j'avais à dire, M.
le Président, sur ce débat.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Blainville, sur la proposition de la ministre.
M.
Laframboise : Bien, écoutez,
vous savez, la Coalition avenir
Québec, depuis les tout débuts, nous,
on a fait notre lit. L'importance pour nous, c'est la lutte à l'intégrisme
religieux puis à l'endoctrinement de nos enfants. Donc, évidemment,
on est prêts à jouer la partie puis à essayer de faire évoluer le projet de loi pour atteindre nos objectifs, mais... Et, là-dessus, la main tendue de la ministre,
nous, on l'accepte. C'est-à-dire qu'allons et faisons évoluer le projet de loi pour qu'on puisse, un jour, atteindre les objectifs qu'on s'est
fixés.
Par contre,
là, on s'aperçoit que — j'utilise le terme de la députée de
Taschereau — le débat
de sourds, c'est... Bon, c'est clair,
là, le Parti québécois veut que le projet de loi soit retiré, là. Ça fait qu'à
quelque part, là, je pense qu'il y a
juste un petit problème, c'est que le
Parti québécois n'est pas au pouvoir, donc c'est le gouvernement qui décide, puis nous, on est
prêts à travailler avec le projet de
loi qu'il y a là. Donc, je leur
dirais : Attendez 2018, puisque vous pensez que vous avez des chances, pour déposer votre projet de loi. En attendant, on a des enfants qui se font endoctriner, puis il y a toujours
des intégrismes religieux sur le terrain, puis on ne fait rien, là. Donc, nous,
on ne peut pas accepter ça. Donc, on
va travailler avec le gouvernement. Puis Mme
la ministre veut suspendre l'article
1? Parfait, allons aux articles qui font consensus puis essayons de faire
évoluer le projet de loi.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Bien, M. le
Président, simplement sur la question de la révision en profondeur qu'a abordée
la collègue, je tiens simplement à lui dire qu'il y a énormément
d'amendements qui n'ont pas fait l'objet de discussions encore
parce qu'on n'a pas pu se rendre là, parce
qu'on a passé les 35 dernières heures à étudier chaque mot, chaque virgule et
même parfois à suggérer d'amender un terme
qui avait été amendé à la suggestion même de l'opposition. Alors, bref, tout
ça pour dire que les amendements que nous
avons déposés en liasse constituent une modification importante. Je le rappelle,
là, il y avait toute la constitution de la
liste qui a été retirée, puisqu'au départ ça se voulait un outil pour les
municipalités, et
les municipalités ont dit : Bien, ce n'est pas un outil qui est
souhaitable. Alors, parfait, on le retire. Et on a apporté plusieurs aménagements à la lumière des consultations, à la
lumière des commentaires, à la lumière des commentaires aussi des
collègues lorsqu'ils ont pris parole sur l'adoption de principe, lorsqu'ils se
sont positionnés.
Alors, pour
ce qui est de la réforme en profondeur, je pense que, pour ceux et celles qui
souhaitent travailler de façon
constructive, elle est présente. Mais je crois que nous méritons d'avancer dans
le projet de loi, il y a des dispositions importantes, il y aura sûrement des échanges. D'aborder les autres
articles, ça ne veut pas dire de les adopter, un, deux, trois, sans discussion, ce n'est pas du tout mon
intention, mais c'est d'avancer, compte tenu qu'il semble y avoir un noeud
actuellement. Mais je veux simplement
réitérer à notre collègue, je ne retire pas le projet de loi puis je ne scinde
pas, je passe simplement à un autre
article, compte tenu de l'impasse actuellement. Puis on va continuer, nous, de
notre côté, on ne le met pas de côté, là. On n'abandonne pas pour autant la
discussion puis la réflexion, on va s'asseoir puis on va voir s'il n'y aurait pas une voie de passage.
Alors, je propose donc de passer à d'autres articles pour les heures qui nous
attendent aujourd'hui. Donc, nous sommes
ensemble jusqu'à 18 heures, on sera sans doute ensemble à d'autres
moments, et je pense qu'il serait intéressant de pouvoir continuer la
cadence que nous avions adoptée mardi soir dernier.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Richelieu.
M. Rochon : Oui. M. le Président, je
ne peux pas ne pas réagir à ce que j'ai entendu de mon collègue de la deuxième opposition : Attendez 2018. Hein,
qu'est-ce que c'est ça, cette affaire-là? Attendez 2018, fermez-vous-la
jusque-là. Laissez faire le
gouvernement, faites ce que veut le gouvernement, ne vous faites pas la
voix — alors
que c'est votre job, là — de ceux qui s'opposent à ce projet de loi et
qui sont majoritaires. Attendez 2018, c'est tout. Ça n'a aucune espèce
de sens, M. le Président. On a un job à faire comme députés. Moi, je me suis
fait élire en m'engageant auprès de mes citoyens
à être leur voix à Québec. Pas à être la voix de Québec dans ma
circonscription, jamais. Je continuerai à être la voix de mes concitoyens à Québec et j'estime que
nous devons être la voix de celles et ceux qui, majoritairement, s'opposent
à ce projet de loi là. C'est juste faire
notre travail, ça, et je n'y renoncerai pas, même si c'est ce qu'on nous
conseille de faire.
Le
Président (M. Ouellette) :
Avez-vous un commentaire, M. le député de Richelieu, sur la proposition de la
ministre?
M. Rochon : Moi, j'estime, M. le
Président, que la suggestion de ma collègue de Taschereau était tout à fait pertinente. Elle l'a fait dès le début. Dès le
début, elle a dit : Scindons le projet de loi. C'est bien la preuve, ça,
qu'elle n'est pas animée par une volonté de faire obstruction, elle est
animée par une volonté d'aller de l'avant, de travailler sérieusement, de faire
sérieusement son travail de législatrice. Je crois que la ministre devrait
souscrire à ça.
• (12 h 20) •
Le Président (M. Ouellette) : Juste
avant de vous donner la parole, Mme la députée de Taschereau, je veux retourner
à mon collègue de Blainville.
Une voix : ...
Le Président (M. Ouellette) :
Pardon? Non, ça va. M. le député de Blainville.
M. Laframboise : Merci, M. le
Président. Bon, en réaction au député de Richelieu, le problème, c'est qu'au moment où on se parle, il y a des intégristes
religieux qui font leur travail, il y a de l'endoctrinement qui se fait contre
nos enfants. Puis, pendant ce temps-là, ce
que le Parti québécois propose, c'est qu'on scinde la loi, sinon il n'y
en aura pas, de loi. Moi, ce que je
dis, c'est que ça prend une loi. Puis le Parti québécois n'est pas au
pouvoir encore, donc on va travailler
avec le gouvernement pour que, justement, on lutte contre les
intégristes religieux puis on contre l'endoctrinement de nos enfants, tout
simplement.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Bon, je ne commenterai pas le fait que... Je
travaille, moi aussi, avec le gouvernement, là, sauf qu'on... La preuve, c'est qu'on a adopté trois, quatre articles
dans le temps de le dire l'autre soir. Mais il y a une chose que je veux dire.
Et je comprends, là, que la ministre dise : Je suis prête à re-regarder
cette partie-là, sauf que c'est ça qu'on nous a dit jeudi dernier. C'est ça, mon problème. Là, là, c'est sérieux.
Jeudi dernier, on est arrivés à ça, à il va y avoir le dépôt de quelque
chose à partir de ce qu'on dit depuis
le début, mais c'était à peu près changer «contexte d'intolérance» pour «contexte de discrimination». Bien, c'est ça,
le problème. Ce n'est pas le mouvement qu'on nous dit qu'on va faire, là.
Là, c'est exactement la même discussion que jeudi dernier.
Une voix : ...
Mme
Maltais : Je vais juste terminer. C'est la même discussion
que jeudi dernier. Ça fait que moi, je fonctionne en fonction de cette discussion-là. Elle a déjà eu lieu, puis je n'ai pas eu le résultat
attendu. Alors, M. le Président, il va y
avoir encore la fin de semaine si jamais on n'a pas adopté la loi cet après-midi,
ce qui ne se... À mon avis, on n'aura pas
le temps, mais il y a encore la fin
de semaine, puis il y a des équipes, effectivement, de travail au ministère de la
Justice. Puis,
la semaine dernière, j'avais dit : Lundi, que la ministre
m'appelle si elle a une discussion intéressante. Elle a déposé la position mardi matin, on l'a regardée. Bien,
j'ai encore la même chose, là, ça se fera en fin de semaine ou vendredi,
lundi. Ça fait assez longtemps
qu'ils nous entendent jaser, je pense, de l'autre bord, pour savoir à peu près
quelle opinion on a du projet de loi, de quelle direction il devrait aller. Je n'ai aucun doute qu'ils sont
capables de trouver une solution s'ils écoutent vraiment ce qu'on dit
depuis le début. Ça, je leur fais confiance.
Le
Président (M. Ouellette) :
Là, dans toute ma sagacité, je ne peux pas prendre ça pour un consentement, là.
Mme
Maltais : Ce n'est
pas un consentement.
Le Président (M. Ouellette) : Alors,
ce n'est pas un consentement. Donc, Mme la ministre.
Mme Vallée : Simple aparté, lorsqu'on n'est pas d'accord avec
le fond, on s'assume et on vote contre. On aurait pu aussi passer aux
voix plutôt que de prolonger, faire durer le plaisir. Ceci étant dit, moi, M.
le Président, je serais disposée à...
En tout cas, je propose qu'on puisse procéder à l'autre article. Je comprends
que la collègue ne souhaite pas procéder à l'étude, bien... Alors, M. le Président, je pense qu'on ne veut pas
passer à l'autre article, mais on ne veut pas avancer puis on ne veut pas progresser dans l'article 1. Puis
ce n'est pas vrai qu'aujourd'hui on va suspendre les travaux, puis on va
retourner dans nos comtés, monsieur le...
Mme
Maltais : ...M. le
Président, là, on me prête des intentions.
Mme Vallée : Et c'est ça...
Le Président (M. Ouellette) : Un
instant, un instant!
Mme Vallée : Non, je ne prête
pas d'intentions. Honnêtement, de l'obstruction intelligente, ce n'est pas des
intentions, c'est ça. C'est clair, c'est écrit noir sur blanc. Alors, ceci
étant, il n'y a pas moyen d'avancer. On est dans l'article 1, la collègue et
les collègues de l'opposition officielle y vont d'amendements, de sous-amendements,
et des sous-amendements où on change un mot, on prend des synonymes, on
enlève... une journée, on enlève un mot et on dit que ce mot-là vient tout changer, vient tout
défaire le contexte, alors qu'une heure plus tard, dans le sous-amendement suivant, c'est l'autre mot qui est tout à fait inacceptable, et
celui qu'on a tenté d'enlever, soudainement, devient acceptable. Bref, tout ça pour dire qu'après 35 heures on n'a
pas réellement... on ne sent pas la volonté... Parce que, dans
le fond, tout ça, on le sait, de
l'autre côté, ils ne souhaitent pas aller de l'avant avec le projet de loi, ils nous demandent de le retirer. Alors, il n'y a manifestement
pas de volonté de collaborer. Moi, je propose...
Mme
Maltais : Aïe,
aïe, aïe! M. le Président, là...
Le Président (M. Ouellette) : Je
vous reviens. Je vous reviens.
Mme
Maltais : Non,
non. Non, non. Il n'y a pas de volonté de collaborer, là, c'est juste... on se
tient respectueusement, là, mais là on dépasse une ligne. Je veux dire
que la ligne est dépassée...
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
...vous savez, on ne le veut pas... Là, je propose d'aller étudier d'autres
articles pour faire avancer nos
travaux parlementaires, pour permettre à nos juristes aussi, qui sont ici jour
après jour, heure après heure, de pouvoir aussi avancer dans leurs travaux. Et là, malgré tout ça, on ne souhaite
pas... Je propose simplement : Suspendons l'article 1, puis passons à ce qui fait consensus,
à ce qui, selon la collègue, est nécessaire. Mais on ne veut pas ça, et là j'essaie de
comprendre. Outre de demander la scission...
Puis je vous le dis, je ne suis pas dans la scission, mais je suis pour faire
avancer nos travaux, je suis pour un travail proactif, et c'est pour ça que je
crois qu'il est tout à fait correct, tout à fait opportun de poursuivre la cadence qu'on a prise et qu'on avait amorcée
mardi dernier, mardi soir dernier, de poursuivre l'étude d'articles qui ont un impact aussi important. De poursuivre
cette analyse-là, je crois que c'est tout
à fait correct et c'est une
façon de travailler qui...
Et, dans le
contexte, là, et ce n'est pas... M.
le Président, je pense que le
contexte... Peut-être important de le rappeler, là, depuis qu'on a déposé le projet
de loi, qui a été déposé le 10 juin
dernier, là, on a eu une motion rétroactive demandant des consultations
particulières, on a entendu 40 groupes et on a reçu 39 mémoires. On a effectué
l'étude du principe sur sept séances
de commission. Au PQ, il
y a eu 15 intervenants sur le principe. Il y a eu une motion de scission qui a été
présentée, qui a été battue. Il y a eu une motion de report qui a été
présentée, qui a été battue.
En date d'aujourd'hui, là, on a 40 heures de commission
parlementaire, on a 35 heures et plus sur l'article 1 seulement, la partie I,
article 1. Il y a eu quatre articles d'adoptés — ça,
c'est mardi soir — un
amendement adopté puis deux sous-amendements adoptés.
Quatre amendements et six sous-amendements ont été retirés. Un amendement et 18 sous-amendements à un article... un article de
trois petits alinéas, 18 sous-amendements de présentés et qui ont été rejetés,
c'est énorme. C'est énorme, et je vous dirais, il me semble que ce que... et ce
que je vous propose, c'est pour faire avancer
les choses, c'est dans le meilleur intérêt de nos travaux. C'est tout simple,
puis je ne vois pas en quoi ce serait problématique pour les collègues de l'opposition que nous passions à un autre article, alors que, l'article
1, les collègues de l'opposition le disent eux-mêmes qu'ils ne sont pas satisfaits et qu'ils vont
s'objecter et continuer à déposer des sous-amendements.
• (12 h 30) •
M. le Président, je vous rappelle, lorsqu'on écoutait les collègues, combien de fois on
a cité à répétition des mêmes passages
de mémoires? On n'apportait pas des faits nouveaux, là, lors des échanges, on
citait à répétition des extraits de passages
devant la commission, on citait à répétition certains mémoires, on
citait à répétition certains articles qui avaient été publiés, qui critiquaient certains aspects. On
n'apportait pas, lors de ces 18 sous-amendements, lors de tout ce temps
passé, de ces 35 heures, de la matière nouvelle, là.
De
la matière réellement nouvelle, là, qui nous amenait peut-être
à progresser, on n'en a pas apporté tant que ça, de l'eau au moulin. On a plutôt utilisé des extraits d'articles, et jamais
on ne faisait référence à la jurisprudence, jamais. Nous, de notre côté... puis, là-dessus, la
deuxième opposition faisait référence... et parfois les sous-amendements
s'inspiraient de décisions de
tribunaux et étaient introduits de la sorte. Jamais, ici, on ne s'est
inspiré de jurisprudence de la Cour suprême portant sur, justement, la question de la liberté d'expression ou les limites à la
liberté d'expression. Parce que c'est vraiment
le coeur du sujet qui est ici. Et je veux
bien, là, mais force est de constater, du côté de l'opposition, qu'on n'a vraiment pas l'intention d'aller de l'avant, puis, au lieu
de le dire et de dire : Écoutez, on va passer au vote et on va voter
contre, bien, on a décidé de multiplier les interventions, et puis il y
a plusieurs collègues qui se sont succédé. Obstruction intelligente, certes, mais obstruction. Alors, ceci étant, moi, je pense
qu'il est temps, le temps est venu de passer à d'autres articles dans la
loi puis d'avancer.
Donc,
je ne sais pas, M. le Président, s'il est opportun, mais en tout cas, moi, je pense que nous devons... En fait, ce n'est pas que je ne sais pas si c'est opportun.
Au contraire, je sais que c'est opportun de passer à autre chose et je crois
qu'il est de notre devoir de parlementaires, aussi dans le meilleur intérêt des citoyens et de cette démocratie,
que d'aller de l'avant avec les autres articles et de faire notre bout
de chemin.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, moi, je m'assume totalement. En tout, je m'assume, mais il faut que la ministre assume sa loi.
Mme Vallée :
Je l'assume, ma loi.
Mme
Maltais : Sa loi,
on a reçu 40 groupes. La majorité sont venus nous dire : Qu'est-ce que vous faites là?, dont de
grands juristes sont venus nous dire : Mais qu'est-ce que vous faites là?
Ce n'est pas une bonne idée, c'est ça que les... Oui, on a entendu 40 groupes, mais nous autres, on les a vraiment
entendus. On les a écoutés et on a entendu le message. Le message,
c'était : Ça n'a pas de bon sens. C'était ça, le message.
Oui,
il y a 15 députés qui sont venus ici. On se promène selon les autres commissions parlementaires, et tout, mais aussi ça interpelle tout le caucus de mon parti. On se sent interpelés
par cette partie-là de la loi. Cette loi-là, là, ce n'est pas nous qui l'avons écrite, ce n'est pas notre
loi, puis c'est notre devoir, c'est notre devoir de porter la voix des gens, la
voix majoritaire des gens qui trouvent que cette loi-là, ça n'a aucun sens.
Maintenant, dire
qu'on ne travaille pas sérieusement, tous nos amendements sont pertinents. Je
mets au défi quiconque de nous dire qu'un
des amendements que nous avons apportés n'était pas pertinent.
Oui, on travaille sur chaque mot. Ce
n'est pas ça, un travail de législateur? C'est quoi, d'abord?
C'est ça, le travail de législateur. Puis il y a des fois, et on le dit, il y a plusieurs mots,
justement, on trouve ça... On trouve que la loi est trop large. Ça fait que,
oui, on enlève un mot, on en enlève un autre. À chaque fois, on se fait
dire : Non, ma loi est parfaite.
Mais,
ceci dit, je considère que le travail que nous faisons depuis le début, qui est
de convaincre le gouvernement, on a
raison de le faire, puisque la ministre nous dit : Je suis prête à aller
retravailler cette proposition. Elle l'a fait jeudi dernier. Ce qu'elle nous a proposé, à notre avis,
n'est pas satisfaisant. Elle veut le refaire encore, c'est parfait. C'est donc
dire que ça valait la peine de jaser pendant
35 heures. Ça valait la peine parce
qu'on a convaincu en quelque part, de l'aveu même de la ministre, qu'il est possible de faire autre
chose. Mais il faut que ce soit quelque chose de, je dirais, plus intéressant
pour les oppositions que ce qui a été mis sur la table jeudi dernier.
Alors, nous autres,
on continue sur la loi telle qu'elle est déposée actuellement. On est à
l'article 1, premier amendement. On va travailler là-dessus, M. le Président,
c'est notre désir.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
M. le Président, on n'est pas là pour être les courroies de transmission de la
Cour suprême, pour être la voix de la
Cour suprême, on est là pour être la voix de ceux et celles qui se sont
exprimés ici, nombreux et nombreuses,
contre le projet de loi n° 59. Savez-vous ce que j'ai notamment fait le
week-end dernier, M. le Président?
Le Président (M.
Ouellette) : On va apprendre des choses.
M. Rochon :
Je vais vous apprendre quelque chose, M. le Président, j'ai passé une partie du
week-end dernier à attendre un
téléphone de ma collègue de Taschereau, croyant qu'elle allait en avoir un de
la ministre. Parce que moi, j'ai
quitté cette commission la semaine dernière convaincu, convaincu que la
ministre arriverait avec un sous-amendement qui pourrait nous rallier. Ce n'est pas tout à fait dans un esprit
d'obstruction, ça. Ah! cet appel-là, il n'est jamais venu. Il n'est jamais venu.
Lundi, j'ai téléphoné à ma collègue de Taschereau, j'ai dit : Collègue de
Taschereau — parce
que je n'oserais pas dire Agnès,
n'est-ce pas? — avez-vous
eu un appel de la ministre finalement aujourd'hui, lundi? C'est demain, là,
notre prochaine séance. Elle a dit : Bien non, pas de nouvelles. Alors, ce
sous-amendement, oui, il a fini par arriver,
séance tenante, mardi. Je ne sais pas, moi, qui veut que ça avance ou que ça
n'avance pas, là. La ministre, elle avait
une belle possibilité, là, de faire avancer son projet de loi, de trouver une
façon de nous y rallier, elle ne l'a pas fait.
Et
pourquoi ne pas faire ce que le premier ministre suggérait? Ô drame! Je vais
parler d'un article du journal en date du 29 août 2015. Plutôt que citer
la Cour suprême, je vais citer le premier ministre. Le premier ministre promet
d'amender le projet de loi n° 59. «Nous ne voulons pas brimer la liberté
d'expression[...]. Le premier ministre [...] convient de la nécessité de
restreindre la portée du projet de loi[...]. Celui-ci prohibera seulement
"l'appel direct à la violence".»
C'est ça qu'on veut qu'il fasse, le projet de loi. Est-ce que la ministre
amende le projet de loi dans cet esprit-là? On y souscrira, on n'est pas fermés. On est fermés, par exemple, à
brimer la liberté d'expression, comme l'est la société québécoise. Elle
est fermée à ça. Voilà.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre, dernière intervention, parce qu'il
paraît que...
Mme
Vallée : Oui, bien, simplement, lorsque le collègue nous
dit : On n'est pas liés par la Cour suprême, je veux juste lui
rappeler que nous sommes dans un État de droit, mais que...
Une voix :
...
Mme
Vallée : En gros, c'est à peu près ça que ça... Mais la Cour
suprême vient, quand même, mettre en place des paramètres. Et, lorsque
la Cour suprême se penche sur la constitutionnalité de certaines mesures et
qu'elle rend jugement, ses enseignements
sont là pour nous guider comme législateurs. Et, à ce que je sache, la Cour
suprême du Canada nous représente
toujours, et nous avons trois juges québécois siégeant à la Cour suprême du
Canada. Alors, moi, M. le Président,
je suis très sensible aux décisions de la cour, et il est évident que j'y fais
référence. Et, encore une fois, je vais inviter le collègue, qui n'a peut-être pas eu le temps et la chance de
lire l'arrêt Whatcott, de le faire parce qu'il comprendrait peut-être ce
qui nous anime et ce qui a permis de baliser la notion de discours haineux.
• (12 h 40) •
Alors,
ceci étant dit, M. le Président, moi, je pense, en tout cas, je pense qu'il est
opportun de passer à un autre appel. Donc, moi, je vous proposerais, M.
le Président... Puis j'ai cherché le consentement, je vois qu'il n'y a pas de consentement.
Donc, on ne veut pas voter sur l'article 1, on ne veut pas parce qu'on veut
continuer de déposer des sous-amendements. On ne souhaite pas l'article
1 dans sa forme actuelle, mais on ne veut pas non plus passer à d'autres
articles. Mais, si on le scindait, on le
ferait. Mais là on ne veut pas le scinder, alors on ne le fera pas. Et donc,
bref, on est un peu mêlés dans toutes nos ficelles, et ce qui donne
qu'on fait du sur-place.
Motion proposant de suspendre
l'article 1 du projet de loi
Et
donc, en conséquence, M. le
Président, je vais faire motion pour
suspendre l'article 1 du projet
de loi n° 59, qui est la Loi édictant la Loi contre la prévention et la lutte contre les discours
haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses
modifications législatives pour renforcer la protection des personnes, et, je
l'espère, pour nous permettre d'aborder,
justement, l'aspect de la loi portant sur le renforcement de la protection des personnes,
pour permettre de faire un bout de chemin et d'avancer.
Une voix :
...
Le Président (M. Ouellette) : Bien, effectivement, là, ma prochaine remarque était que je veux voir la motion, dans
un premier temps, et que je vais suspendre quelques minutes pour regarder la
recevabilité de la motion.
(Suspension de la séance à
12 h 42)
(Reprise à 12 h 44)
Le Président (M. Ouellette) : On reprend nos travaux. Mme la ministre vient de nous déposer une motion afin de suspendre l'article 1
du projet de loi n° 59.
Débat sur la recevabilité
Et, avant de rendre décision sur la recevabilité,
je veux donner l'opportunité à mes collègues de l'opposition officielle et de
la deuxième opposition de faire entendre leurs arguments sur la motion
déposée par la ministre. Mme la
députée de Taschereau.
Mme Agnès Maltais
Mme
Maltais : Écoutez, M. le
Président, c'est extrêmement rare, ce qu'on voit là, là. J'ai déjà vu des projets de loi être disputés âprement, durer longtemps — je pense à la loi n° 94, par
exemple, je pense
à la Loi sur les mines — jamais, on n'a utilisé la majorité pour essayer d'aller
plus rapidement. Ce n'est pas dans les traditions ici. Ce n'est vraiment pas dans les traditions. Or, le seul argument qu'on a
actuellement, là, c'est : Je veux aller plus rapidement. Alors, on veut
utiliser la majorité parlementaire
pour aller plus rapidement, ce n'est pas un argument. Ce n'est pas un argument,
tu ne peux pas dire : Je ne suis
pas satisfaite de la façon dont nos règles sont écrites, je ne suis pas
satisfaite de la façon dont nos travaux se déroulent, je vais utiliser
ma majorité parlementaire pour forcer les règles du jeu.
Je suis assez
surprise, M. le Président, assez surprise. J'ai exprimé maintes et maintes fois
ma conviction qu'on pouvait arriver,
grâce au plaidoyer, à changer l'opinion de la ministre, mais là je m'excuse,
mais il n'est pas recevable, il n'est
pas recevable de décider de casser les règles. Ce n'est pas recevable de
dire : Je vais imposer une suspension d'un article. Parce que c'est ça, l'esprit, là. On le sait que la majorité
parlementaire va se ranger du côté de la ministre, n'est-ce pas, ou se rangera à la CAQ, mais ce n'est pas
recevable dans notre tradition parlementaire. Et puis moi, je serais bien
curieuse de le voir, dans quel règlement on
a trouvé qu'on pouvait, tout à coup, suspendre les règles grâce à la majorité
parlementaire. Suspendre, ce n'est vraiment
pas l'usage. Alors, moi, M. le Président, j'espère que vous allez fonder votre
décision sur des précédents sérieux parce que, nous autres, on n'en connaît
pas.
Deuxièmement,
comme ce sera, à notre avis, un précédent, ça va nous prendre une décision
écrite. Parce qu'un précédent comme
ça, là, il ne faut pas que ça se fasse aisément. Ça fait que moi, je veux une
décision écrite parce que cette
décision-là, elle va avoir une portée beaucoup plus longue que ce qu'on avait
avant. Attention, là, pour une opposition... vous savez, vous savez, M. le Président, c'est la parole, le plaidoyer
de chaque côté qui est le seul outil de l'opposition, c'est la parole. Là, on dit : On ne veut plus
vous entendre là-dessus, on va aller ailleurs et on l'impose. Ce n'est pas dans
nos règles parlementaires, c'est irrecevable, M. le Président.
Comme j'ai
été assez surprise, je n'ai pas devant moi de précédent parce que je n'ai pas
le temps d'aller fouiller en arrière.
C'est pour ça que j'ai besoin d'une décision écrite, je ne connais pas de
précédent à ce type de motion, je n'en connais
pas. Je n'en connais pas, ça fait qu'on va aller fouiller, nous aussi, il va
falloir revenir... On va sûrement... Je sais que, là, je suis obligée de plaider sur-le-champ, mais je n'ai pas le
temps d'aller en arrière, là, fouiller dans les archives de l'Assemblée
nationale. Mais je vais avoir besoin d'aller fouiller dans les archives.
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Blainville.
M. Mario Laframboise
M.
Laframboise : Oui. Je
comprends la volonté de la ministre puis je peux la suivre dans son
raisonnement. Par contre, le fait de
déposer une motion, je suis sensible à ce que la députée de Taschereau vient de
mentionner. Si c'est une première, M. le Président, là, moi, je dois en référer
à mon bureau de leader, c'est ce qu'on fait présentement, là, je ne voudrais pas porter atteinte à la tradition
parlementaire, là. Donc, M. le Président, j'aimerais vous entendre, là, parce
que Mme la députée de Taschereau vous
demande de savoir si on s'appuie sur les décisions, là. Moi, comme je vous dis,
sur le principe, je peux être en
accord, j'aurais été prêt à donner mon consentement, mais, de là à avoir une
motion, là, j'ai besoin d'avoir les
commentaires de mon bureau de leader. Je le demande, je ne veux pas faire
d'interférence. Je pourrai continuer à parler, je ne veux pas faire ça,
là, ce n'est pas...
• (12 h 50) •
Le Président (M. Ouellette) : M. le
député de Richelieu.
M. Sylvain Rochon
M.
Rochon : Écoutez, M. le Président, ma collègue de Taschereau a bien campé notre position. Je suis extrêmement
surpris, là, de cette décision d'aller de
l'avant avec une motion, là, qui reporterait à plus tard les discussions qui
ont cours parce que ces discussions-là ennuient la ministre,
là, ou... Je ne sais pas, là, j'ai bien de la difficulté avec ça et moi, je
me sens brimé comme parlementaire. La ministre regrettait que, plutôt
que de faire entendre régulièrement la voix de la Cour suprême ici, là, nous
référions plutôt aux avis d'experts qui se sont exprimés à la commission.
Bien, puisque nous référons souvent à
ces avis d'experts, à ce que les Québécoises et les Québécois ont dit du projet de loi n° 59,
bien, ce sont ces gens-là aussi que
nous brimons, auxquels nous disons : Bien, la discussion, on va la reporter
à plus tard. Ce que vous avez dit, là, on en a un peu marre. Alors,
voilà.
Mme
Maltais : M. le
Président, je vais avoir une question.
Le Président (M. Ouellette) : Oui.
Mme
Maltais : Par précision, quel article
du règlement permet de déposer ce type de motion? Est-ce que
c'est une motion de fond?
Le Président (M. Ouellette) : C'est
une motion de forme, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : De
forme?
Le
Président (M. Ouellette) :
Forme. Et je pense que, M.
le député de Richelieu,
vous allez souscrire à la demande du député de Blainville, et Mme la
députée de Taschereau, pour une décision écrite aussi?
M.
Rochon : En effet, M. le Président, cela s'impose.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Je voudrais connaître les temps de parole qui sont associés à ce type de
motion.
Le Président (M. Ouellette) : On va avoir les temps de parole après que je
vais avoir jugé de la recevabilité. Mais, si c'est une motion de forme, c'est 30 minutes. C'est 30 minutes pour la ministre
et pour chacun des représentants de chacun des partis.
Mme
Maltais :
Un représentant par parti?
Le Président (M. Ouellette) : Un représentant par parti. M. le député de Richelieu
va avoir 10 minutes, vous allez avoir 30 minutes, et M. le député
de Blainville va avoir 30 minutes.
Mme
Maltais :
Parfait.
Le Président (M.
Ouellette) : O.K. Et après que l'on va avoir jugé de la recevabilité. Mme
la ministre.
Mme Stéphanie Vallée
Mme
Vallée : M. le Président, là, on s'émeut, mais je veux simplement dire que cette motion-là s'inscrit parce que je croyais qu'il y aurait consentement. Lorsqu'on a eu les échanges, j'écoutais les collègues,
j'écoutais les propos de la collègue qui nous disait à quel point elle
souhaitait pouvoir aborder les éléments de la deuxième partie. Elle le voyait à
l'intérieur d'une scission, procédure pour laquelle on s'est déjà prononcés et
qui a été rejetée. Maintenant, je crois que le travail peut se faire. Il y a des noeuds, il y a des enjeux dans
la première partie, il y a un travail qui peut se faire, mais, pendant ce temps, pourquoi ne pas aborder
les autres éléments? Moi, je propose de suspendre l'étude de l'article 1
pour permettre d'avancer. Ce n'est pas du
tout, là, ce que le collègue de Richelieu dit, parce que je n'ai pas le goût de
vous entendre, mais c'est parce qu'on vient de me dire, là, juste avant que je
prenne parole pour la proposer, on dit : Il y a des éléments importants, puis il faudrait les aborder,
puis ça a bien été lorsqu'on a travaillé ensemble mardi dernier. Parfait.
Donc, dans ce contexte-là, je propose qu'on
aborde la deuxième partie. Il n'y a rien... Je vous ai écoutés, chers
collègues. Et, en conséquence, M. le
Président, on a échangé, et là, par la suite, le discours a changé, puis on a
dit : Non, non, on ne consentira pas, on ne consentira pas à cette
demande-là.
Alors,
lorsqu'on ne consent pas, moi, je le propose, je propose d'aller de l'avant. Il
y a une décision du 13 juin 2000 qui
a reflété cette démarche, c'est une décision CAT-48, à la page 17, une décision
de notre ex-collègue Yvon Vallières, RDPP (Vol. Com.), n° 244/30.
«...il est loisible à la ministre, en l'absence du consentement unanime des
membres de la commission, de
présenter une motion afin de différer l'étude de l'article qui fait l'objet de
discussion. La motion fait l'objet d'un débat.»
Et,
dans le livre La procédure parlementaire du Québec, 3e édition, chapitre
19, page 565, on nous dit également qu'il
est possible, en pratique, lorsque l'étude d'un projet de loi se déroule dans
un climat de collaboration, de consentement, de reporter l'étude d'un ou de
plusieurs articles sans formalité, mais, lorsque ça ne se prête pas à ce type
de démarche là, lorsque le climat
n'est pas propice à un tel consentement, un membre de la commission peut présenter une
motion pour différer l'étude de l'article
qui est l'objet de la discussion. «La motion fait l'objet d'un débat, les temps
de parole étant ceux qui sont prévus
pour une motion de forme. Si la motion est adoptée, l'étude de l'article
en question est reportée à un moment ultérieur, et la commission
peut dès lors passer à l'étude de l'article suivant [des projets] de loi.»
Alors,
je n'ébranle pas les colonnes du temple ici, là, je fais simplement
utiliser un processus parlementaire qui est mis
à ma disposition pour nous permettre
de passer et d'étudier d'autres articles. Je dépose la jurisprudence et la
doctrine.
Mme
Maltais :
M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme Agnès Maltais
Mme
Maltais : Je voudrais juste faire remarquer que ça fait 16
ans qu'on n'a pas utilisé ce pouvoir extraordinaire de la majorité et que c'est la seule fois, en
plus, où ça a été utilisé. Ça a été utilisé une fois, et, en 16 ans, on n'a
jamais utilisé ça. Alors, M. le
Président, la difficulté qu'on a actuellement, c'est qu'on est en train de
parler d'un article sur la liberté
d'expression, puis on nous bâillonne là-dessus pour nous envoyer à d'autres
articles. Le problème qu'on va avoir, c'est que, de toute façon, il va
falloir y revenir, ça ne donne rien.
Deuxièmement,
la différence qu'on a maintenant, c'est que la majorité va nous être passée sur
le corps pour cette décision-là, donc
l'ambiance va être un petit peu moins rigolote. Ça serait dommage parce que,
là, on va se retrouver... alors que,
quand on avait abordé ce bout-là, on travaillait en très bonne collaboration,
là on se retrouve avec une opposition qui n'est pas de bonne humeur. Je
vous le dis tout de suite, là, une opposition qui ne sera pas de bonne humeur.
Deuxièmement,
j'ai toujours dit, M. le Président, que l'article 1, la première partie de la
loi, était un problème et qu'il fallait
que la ministre la révise en profondeur. Alors, elle ne veut pas la réviser en
profondeur, puis elle veut passer outre. Alors, je trouve ça un peu
indécent de nous mettre sur le dos, là, qu'on bloque les choses.
L'autre chose que je veux dire, c'est
que je n'en reviens pas, ça fait 17 ans que je suis ici, là, ça fait 16 ans
qu'on n'utilise pas ça. Je ne vois
pas l'urgence en plus. Y a-t-il urgence en la matière? Il n'y a pas urgence en
la matière. Tout le monde est contre cette loi-là, il n'y a personne qui
est pour. Vraiment, là, utiliser un canon...
Le Président (M. Ouellette) : Mais là j'écoute vos arguments sur la
recevabilité, vous allez avoir le temps de plaider après-midi dans votre 30 minutes. Et vous, ça fait 16 ans, moi,
ça fait deux fois dans la même semaine. Ça fait que j'ai une très bonne semaine. Ça fait que, sur ces très belles
paroles... Deux fois dans la même semaine, là, que je dois rendre une
décision écrite, et vous aurez une décision écrite...
Normalement,
on est prévu qu'on suspend nos travaux jusqu'à 15 heures, et vous aurez
une décision écrite sur la recevabilité, et on suspend nos travaux.
(Suspension de la séance à
12 h 59)
(Reprise à 15 h 32)
Le Président (M.
Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions
reprend ses travaux. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer que vos appareils électroniques sont en mode silencieux
afin de ne pas perturber nos travaux.
Je
vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi
édictant la Loi concernant la
prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à
la violence et apportant diverses modifications législatives pour
renforcer la protection des personnes.
Avant de rendre ma
décision, Mme la députée de Taschereau, vous m'aviez dit que vous aviez une
courte intervention.
Mme Maltais :
Très, très brève, M. le Président, simplement parce que, nous l'avons dit tout
à l'heure, nous n'avons pas eu le temps, évidemment, nous n'avions pas accès
aux documents de l'Assemblée nationale. Alors, je veux juste vérifier que votre décision va tenir compte de Pierre
Duchesne, le règlement annoté, sur l'étude de l'article — en page
135 — 244, le
n° 13, et qu'aussi, dans le bien connu Beauchesne, version française, aux
pages 215 et 216 où on retrouve, sur
le report de l'étude des articles, le n° 700, qui nous donne une bonne
idée du type de décision qui a déjà été prise à ce sujet...
Décision de la présidence
Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Taschereau.
Effectivement, on en a tenu compte avant la rédaction de la décision que
je m'apprête à vous livrer. Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la
motion présentée par la ministre de la Justice avant la suspension de nos
travaux.
Cette
motion se lit comme suit : Je fais motion afin de suspendre l'article 1 du
projet de loi n° 59, Loi édictant la
Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les
discours incitant à la violence et apportant diverses modifications
législatives pour renforcer la protection des personnes.
Lorsque
cette motion a été présentée, les députés de l'opposition ont fait valoir que
ce type de motion est plutôt rare. Ils sont d'avis qu'elle devait être
déclarée irrecevable et m'ont demandé de me prononcer par écrit à ce sujet. La
ministre m'a, quant à elle, référé à la doctrine et à la jurisprudence
parlementaire, qui prévoient qu'une motion pour suspendre l'étude d'un article est une motion de forme qui existe bel et
bien selon nos règles de procédure parlementaire. Selon elle, la motion
est recevable et permettrait de passer à l'étude d'un tout autre aspect du
projet de loi.
La
jurisprudence parlementaire a déjà reconnu qu'à l'étape de l'étude détaillée
d'un projet de loi il est possible de présenter
une motion de forme pour différer l'étude de l'article qui fait l'objet de la
discussion. On faisait référence au jugement
du 13 juin 2000 du président de la Commission de l'aménagement du territoire, Yvon Vallières. La référence de la
décision, c'est 244/30.
Parmi
les deux décisions qui traitent de cette motion, celle rendue le 15 mai 2008
par l'ancien député de Laval-des-Rapides, M. Alain Paquet, alors président de la Commission des finances publiques, réfère à l'origine de cette règle qui tire sa source du règlement Geoffrion. Ce dernier élaborait sur
l'ordre dans lequel doivent être étudiés les différents éléments d'un projet de loi lors de l'étude en
commission tout en précisant que l'étude se fait séquentiellement, c'est-à-dire
que les articles sont considérés un à un,
ligne par ligne, suivant l'ordre dans lequel ils se lisent. Et on fait
référence à la décision 244/40 d'Alain Paquet le 15 mai 2008.
Quant
à la motion pour différer l'étude d'un article, l'article 344 du règlement
Geoffrion en question mentionne ce qui suit, et je cite : «Un
comité plénier, tant qu'il n'a pas disposé d'un article ou d'un paragraphe,
peut en différer l'examen ou la discussion,
à moins que cet article ou ce paragraphe ne soit essentiel et que les autres
articles ou paragraphes à étudier ne
soient accessoires.» Et vous retrouverez dans ma décision les soulignés comme
étant les soulignés du président. Fin de la citation.
Il ressort donc que, pour juger recevable une
motion qui propose de différer l'étude d'un article, l'article en question ne peut constituer un élément essentiel
du projet de loi. Qu'en est-il en l'espèce? La commission débat actuellement
de l'article 1 du projet de loi n° 59, qui édicte une loi entière
comportant elle-même 25 articles. La jurisprudence parlementaire a eu, au cours des dernières années,
à se prononcer à quelques occasions sur la manière dont les travaux d'une commission doivent se dérouler lorsqu'elle
est en présence d'une loi édictée par un projet de loi, et je ferai référence
dans ma décision à la décision 244/23 de
notre collègue Fatima Houda-Pepin du 18 mai 2011, la décision du 15 avril 2015
de François Gendron qui est la décision
241/26, la décision du 7 décembre 2010 d'Alain Paquet qui est la décision
244/42, la décision du 19 octobre
2011 de Claude Pinard qui est la décision 197/25 et la décision de Véronique
Hivon du 26 mai 2015 étant la décision 245-9.
Cette technique de
rédaction législative comporte un aspect qui n'est pas prévu comme tel par nos
règles de procédures et qui soulève des
difficultés d'application sur le plan de la procédure parlementaire. Dans ces
circonstances, les présidents de
commission ont tous adopté la même approche qui consiste à favoriser le respect
des droits des parlementaires. Toutes
ces décisions abondent dans le même sens, les dispositions d'une loi édictée
doivent être étudiées de la même
manière et dans le même ordre que le seraient les dispositions prévues dans un
projet de loi. Cela a été même répété tout récemment lors du début des
travaux de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des
ressources naturelles qui a procédé à l'étude détaillée de projet de loi
n° 54 de la présente législature, Loi visant l'amélioration de la
situation juridique de l'animal, qui édictait une loi. C'est une décision du 20
novembre 2015 du président Norbert Morin.
Dans
le cas qui nous occupe, la commission a suivi cette démarche, et nous avons
entrepris l'étude de la loi édictée par
l'article 1 du projet de loi n° 59. Nos débats ont donc débuté par
l'article 1 de cette loi édictée, et chacun des articles de cette loi
édictée devrait être abordé dans l'ordre séquentiel. Si une motion pour
différer l'étude de ces articles est théoriquement
possible, il faut vérifier si les conditions pour qu'une telle motion soit
considérée recevable sont satisfaites. Or,
l'article 1 porte spécifiquement sur l'objet de cette loi. Force m'est donc de
constater qu'il s'agit d'un article
essentiel et qu'il n'est pas possible
d'en différer l'étude. Pour cette raison, je dois déclarer cette motion de la ministre de la Justice irrecevable.
• (15 h 40) •
Par contre — et
la jurisprudence nous le fait ressortir dans le passé — bien qu'un ordre séquentiel soit prévu pour
faire l'étude détaillée d'un projet de loi, les membres de la commission
peuvent éventuellement convenir de procéder autrement.
Cela dit, il est clair que, pour procéder ainsi, un consentement de l'ensemble des membres de la commission serait nécessaire. Et je fais référence toujours à la
décision d'Alain Paquet du 15 mai 2008, la décision 244/40. Par conséquent, à moins d'indication contraire, nous
allons poursuivre nos débats sur l'article 1 de la loi édictée par l'article
1 du projet de loi.
Je
vais suspendre quelques minutes, le temps de vous faire des copies et que vous
puissiez, effectivement, échanger entre les différents partis.
(Suspension de la séance à
15 h 41)
(Reprise à 15 h 54)
Étude détaillée (suite)
Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux sur l'amendement de la ministre proposé à l'article 1 de l'article 1 du projet de loi. M. le
député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Merci, M. le Président. Je dépose un sous-amendement. Il est à l'effet — il y a de l'écho à ma gauche — de modifier l'amendement modifiant l'article
1 de la loi proposée par l'article 1 du projet de loi en supprimant,
dans l'alinéa introduit par le troisième paragraphe de l'amendement, les mots
«ou à l'aversion».
Le
texte amendé se lirait donc ainsi : «Est un discours haineux, un discours
visé au deuxième alinéa qui, aux yeux d'une personne raisonnable, est
d'une virulence ou d'un extrême...»
Le Président (M.
Ouellette) : «Qui, de l'avis».
M. Rochon :
«...qui, de l'avis — vraiment, qui, de l'avis — d'une personne raisonnable, est d'une
virulence ou d'un extrême tel qu'il
est susceptible d'exposer ce groupe à la marginalisation ou au rejet, à la
détestation, au dénigrement notamment pour que ce groupe soit perçu
comme étant illégitime, dangereux ou ignoble.»
Le Président (M. Ouellette) : Vous
avez des commentaires, le temps qu'on fasse des copies, M. le député de Richelieu?
M. Rochon :
Nous attendrons les copies.
Le Président (M.
Ouellette) : On va suspendre quelques minutes.
Une voix :
...
Le Président (M.
Ouellette) : Oui, nous allons suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 56)
(Reprise
à 16 h 2)
Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à
l'étude du sous-amendement de l'article 1 proposé par l'article 1 du projet de loi, déposé par M. le député de Richelieu, qui suggère d'enlever, au troisième
paragraphe, les mots «ou à l'aversion». M. le député de Richelieu, à vous la
parole.
M. Rochon :
Oui. Merci, M. le Président. Un commentaire très,
très, très général, j'aime toujours
contextualiser notre action ici, là.
Vous allez voir que c'est très général, c'est de nature très générale. À chaque
fois que quelqu'un, chez moi,
là, me dit qu'il n'ira pas voter, à quelque palier de gouvernement que ce soit, du scolaire au québécois, en passant par le municipal et le fédéral, je lui rappelle la chance qu'il a de
pouvoir choisir ses représentants qui parleront en son nom. On appelle
ça vivre dans une démocratie.
C'est
exigeant, vivre dans une démocratie, M. le
Président, c'est exigeant pour un gouvernement parce que tout n'y passe pas
comme lettre à la poste. Ça demande d'entendre les citoyens,
les groupes, les experts sur les projets
de loi que l'on souhaite mettre de
l'avant et d'entendre l'opposition, la fameuse opposition, de les entendre, ces
groupes, ces citoyens, ces experts, de les entendre, ces oppositions, puis de
les écouter une fois de temps en temps parce que ça adonne qu'ils peuvent avoir
raison. Puis ça demande de l'humilité quand on se rend compte que l'on est bien
seul à penser ce que nous pensons.
Or,
on est dans ce contexte-là. Les experts, les analystes, les chroniqueurs, ils
lèvent tous le drapeau rouge. Alors, nous
sommes sensibles à ça, nous, et c'est pour ça que nous sommes toujours
animés de cette volonté... Puisque la ministre ne semble pas vouloir se limiter aux appels à la violence, ce que nous
préconisons, ce que préconise le premier
ministre, c'est pour ça qu'on essaie
de limiter les dégâts. Et la façon, croyons-nous, de limiter les dégâts, c'est
de mieux circonscrire le projet de loi que nous avons étudié. Voilà
pourquoi je soumets de retirer de l'article à l'étude les mots «ou à l'aversion». «Marginalisation», «rejet»,
«détestation», «dénigrement» pour que ce groupe soit perçu comme étant
illégitime, dangereux ou ignoble, je pense que la cour est assez pleine.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, M. le Président. Pour nous, c'est très clair, hein? Depuis tout à l'heure, on essaie de
réduire la portée de la loi. Je pense
que c'est dans l'intérêt de tout
le monde de voir à ce que cette loi
ne frappe pas indûment des personnes
qu'elle ne devrait pas frapper, qu'elle ne touche pas indûment des personnes
qu'elle ne devrait pas toucher.
On est en train de
travailler, d'essayer d'enlever le mot «aversion» de la définition de «discours
haineux». Pourquoi essayer de contraindre la
définition de «discours haineux»? Si on regarde l'alinéa un qui va être amendé,
on y lit que la présente loi a pour
objet d'établir des mesures de prévention et de lutte contre les discours
haineux. Il y a aussi les discours à la violence, mais c'est les discours haineux, qui sont
séparés des discours incitant à la violence, principalement ceux s'exprimant
dans un contexte d'intolérance, et là... Mais c'est principalement ceux s'exprimant dans un contexte d'intolérance, donc des discours haineux, contexte d'intolérance, tenus
ou diffusés publiquement, radio, télé, Facebook — on est
là-dedans, là — qui visent un groupe de la charte. Puis
c'est un discours haineux ou un discours visé au deuxième alinéa «qui, de l'avis d'une personne raisonnable, est
d'une virulence ou d'un extrême tel qu'il est susceptible d'exposer ce groupe
à la marginalisation ou au rejet, à la
détestation, au dénigrement». La cour est déjà pas mal pleine. La cour dans
tous les sens du mot, évidemment.
À
l'aversion, en plus. Un discours susceptible d'exposer un groupe à l'aversion.
Je pense que, même si on parle de virulence ou d'extrême, je pense que
ça peut inclure pas mal de propos. C'est malheureux, mais l'aversion est un sentiment, c'est une émotion. De l'aversion,
sentir de l'aversion pour quelqu'un, de l'aversion. On a déjà le dénigrement,
on a déjà la marginalisation. Puis
«marginalisation», mettre de côté. «Rejet», rejeter, je n'en veux pas, de ces
gens-là, les détester, les dénigrer.
Un discours qui amène à dire : Ah! c'est vrai, ces gens-là, je ne les
apprécie pas, puis ah! c'est vrai, ces
gens-là sont comme ça. Moi, déjà, je trouve que ça ne devrait pas être dans la
loi, là, mais, en plus, on met l'aversion. Ah! c'est vrai, ces gens-là, je ne les aime pas. C'est un peu une
manoeuvre de dégoût. Je trouve que ça va loin. Je trouve, la portée de l'aversion... L'aversion, on est sur
le bord de jouer dans les émotions. C'est vraiment ça, le problème pour
moi, là, l'aversion, sentiment.
Qu'est-ce
que l'aversion? L'aversion est un «sentiment d'antipathie[...], voire de
répulsion, ressenti par quelqu'un à
l'égard d'une personne...» Dans ce cas-ci, ce serait d'un groupe. Une vive
répugnance, un dégoût éprouvé à l'égard de quelque chose. Dégoût, du dégoût, mais c'est un sentiment. Ça fait que,
là, on va légiférer pour empêcher les discours de gens qui vont... et donc qui vont pouvoir plaider : Oui, mais
moi, j'ai eu ce sentiment-là — c'est tout le problème de la loi — j'ai eu le sentiment d'être victime
d'aversion. On est dans le ressenti. Qui va juger? Les juges vont juger de
l'aversion à partir de la personne.
Parce qu'on le dit bien, là, dans le civil, on est dans l'effet, on n'est pas
dans l'intention, on a... Systématiquement, le mot «intention», tout ce
qui était «intentionnellement» a été refusé. Tout ce qui était «qui a l'intention de», «à l'intention»... En tout cas,
toutes les fois qu'on a essayé de ramener ce concept d'intention qui avait été
amené par le député de Lac-Saint-Jean, à toutes les fois, on s'est fait
dire : Non, en civil, on ne va pas là.
Mais
ce que ça provoque, par contre, si on n'a pas l'intention, c'est que — et ça, la ministre l'a répété, puis je l'ai
bien entendu — ça provoque qu'on juge sur l'effet sur la
personne. Alors là, on va établir des mesures de prévention, on va même
y aller à l'avance, là. Ça, plus dans la loi, là, on va voir même qu'on va se
prémunir à l'avance. Attention! On pourrait
aller devant le tribunal pour
dire : Écoutez, il y a un discours que je considère haineux
contre mon groupe, qui est d'une
virulence telle qu'il pourrait être... on pourrait ressentir... Je vais
ressentir que les gens ont de l'aversion pour moi? Je trouve ça fort. Je trouve ça fort et je trouve
que ça pourrait nous amener à la limite à... Moi, je dis qu'il y a bien des postes de radio puis il y a bien des émissions
qui vont se faire poursuivre. Je ne
pense pas qu'on veuille aller là,
mais...
• (16 h 10) •
Mme Vallée : M. le
Président, si vous permettez, c'est
parce qu'avec respect je ne voudrais pas que ma collègue passe tout son 20 minutes à me convaincre. Je
viens de vérifier Whatcott, et on a vérifié certaines choses, et c'est aussi
une proposition... c'était une proposition d'amendement de notre collègue de la
CAQ qu'on avait incluse, mais moi, personnellement,
avec ce que vous me plaidez, je serais disposée à le retirer du... Je pense
que c'était une proposition... On me dit que c'était...
Une voix :
...
Mme Vallée :
Le 29 octobre... En fait, le 29 octobre...
Mme Roy
(Montarville) :
D'ajouter le mot «aversion»?
Mme
Vallée : ...lors de
l'adoption de principe. Ça avait été abordé lors de l'adoption de principe, et c'est pour ça qu'on l'avait inclus. Mais, si tout le monde est d'accord, on
pourrait le retirer sans problème. Alors, je vous laisse y penser, puisque toutes les démarches depuis ce matin sont
dans un objectif de travailler de façon plus fluide et que je ne souhaite
pas non plus faire travailler les collègues
pour faire travailler si nous sommes en accord avec la proposition. Et donc c'est pour ça que je souhaitais l'indiquer tout de
suite.
Mme
Maltais :
O.K. Bien, M. le Président, j'apprécie l'ouverture enfin. Je trouve ça très
bien.
Mme Vallée :
L'ouverture est là depuis toujours, mais bon.
Mme
Maltais :
Non, non, mais dans un accueil, l'accueil d'un amendement. D'ailleurs, je
disais que mon collègue faisait de bons amendements, même qu'on en rigolait
l'autre jour. Alors, il a un bon amendement, mais je suis contente parce que je trouvais que ça... Je ne ferai pas...
Inquiétez-vous pas, là, mais... Pas d'inquiétude autour de la table, là.
M. Rochon :
Elle peut aussi se réjouir 20 minutes, elle est capable.
Mme
Maltais : Oui, je
pourrais me réjouir 20 minutes. Mais je me réjouirai quand même
un petit peu parce que je suis contente, parce que c'était, effectivement, quelque chose
qui était délicat. On parle souvent de l'ouverture large de la loi, puis
d'ouvrir aux sentiments, de l'impact sur les sentiments, alors...
Mme
Vallée : ...si jamais
on devait s'entendre, ça va peut-être commander juste un petit ajustement,
mais dans la séquence, parce qu'on a
des «ou» et des «et», là, qui doivent être replacés, puisque l'aversion venait
à la fin. Mais je pense que
notre collègue de Montarville avait aussi...
Mme
Maltais :
M. le Président, je comprends qu'on va... Est-ce que vous voulez que mon collègue
réécrive l'amendement avec les «ou», les
«et», ou quelqu'un le dépose pour qu'on puisse l'adopter, ou bien, sinon, ça va
prendre une réécriture maintenant des «ou», des «et» et des «à»?
Le Président (M. Ouellette) : Dans le temps que tout le monde va continuer à
réfléchir, je pense que je vais aller voir
la députée de Montarville, qui est abondamment citée dans cette bonne
entente des collègues alentour de la table pour savoir ce
qu'elle en pense.
Mme
Roy
(Montarville) : Bien, c'est fort sympathique, M.
le Président, très généreux à vous.
Juste pour éclairer les gens qui nous
écoutent, j'ai ici les amendements qu'on vous a déposés en liasse, puis il n'était
pas question d'y rajouter «aversion», on a travaillé avec ce qu'il y avait déjà.
Vous parliez de l'adoption de principe, on discutait avec des termes,
mais ça ne faisait pas partie des amendements.
Cela
dit, pour ce qui est de l'amendement, on travaillait avec ce qu'on avait. Mais, tout
comme la collègue l'a souligné,
je suis en train de regarder Whatcott à nouveau puis, lorsqu'on va
dans les paragraphes, là, c'était quoi? 39, on nous parle d'aversion, puis on nous dit qu'on va peut-être
un peu loin lorsqu'on parle d'aversion, puis ce n'est pas nécessaire, lorsqu'on parle de discours haineux, d'aller jusqu'à l'aversion. Ça
fait que vous pouvez le lire tout comme moi, 39, puis plus loin... Puis on fait aussi référence à Taylor. Alors,
ce n'est pas une nécessité, là, je
n'ai pas plaidé pour avoir
«aversion», mais on a travaillé avec les termes qu'on avait. C'est juste pour
le souligner, je pense que c'était important de le dire. Merci, M. le
Président.
Mme
Maltais : Alors, M. le Président, si je comprends bien,
reste à résoudre le problème des «ou» et des «et».
Le Président (M. Ouellette) : Bien
là, on va suspendre quelques minutes, on va s'entendre et on va revenir dans
quelques minutes... Avec ma copie, Mme la députée de Montarville?
(Suspension de la séance à
16 h 15)
(Reprise à 16 h 23)
Le
Président (M. Ouellette) :
On repart. Nous reprenons nos travaux. Nous avons eu des discussions
constructives sur le sous-amendement qui avait été introduit par M.
le député de Richelieu,
qui va nous annoncer une primeur, qu'il va le retirer.
M. Rochon : Bien là, vous venez de
me voler la primeur, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Bien
non, mais qu'il va nous annoncer une primeur. Mais donc c'est à vous à annoncer
la primeur, M. le député de Richelieu.
M. Rochon : Je crois vous avoir
entendu dire qu'il va nous annoncer la primeur qu'il va le retirer.
Le Président (M. Ouellette) : Une
primeur.
M.
Rochon : Ah oui! Ah!
d'accord Je lis dans vos pensées, alors. Alors, oui, je vais retirer le
sous-amendement que j'avais déposé à cette commission et en présenter,
un nouvel amendement, là.
Le Président (M. Ouellette) : Un
nouveau sous-amendement.
M.
Rochon : Un nouveau
sous-amendement, pardonnez-moi. Alors, il se lit ainsi : Modifier l'amendement modifiant l'article 1 de la loi proposée par l'article
1 du projet de loi en remplaçant, dans l'alinéa introduit par le
troisième paragraphe de l'amendement, les mots «, au dénigrement ou à
l'aversion» par les mots «ou au dénigrement».
Le texte
amendé se lirait donc ainsi : «Est un discours haineux, un discours visé
au deuxième alinéa qui, de l'avis d'une personne raisonnable, est d'une
virulence ou d'un extrême tel qu'il est susceptible d'exposer ce groupe à la marginalisation ou au rejet, à la détestation ou
au dénigrement notamment pour que ce groupe soit perçu comme étant
illégitime, dangereux ou ignoble.»
Le Président (M. Ouellette) : Comme
nous avons eu nos copies, M. le député de Richelieu, vous allez nous expliquer
qu'est-ce qui vous amène à déposer ce sous-amendement, M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Oui. Mais, sauf
erreur, c'est une explication que j'ai déjà précédemment donnée, n'est-ce pas? C'est une réécriture, là, plus fine que nous avons faite
suite aux discussions que nous avons eues à microphones et caméras fermés.
Nous avons alors noté... nous l'avions noté même à caméra ouverte, là,
l'ouverture de la ministre, dont nous nous réjouissons.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Oui, M. le Président. C'est bien, c'est un premier pas. Il y
avait une enfilade, comme j'ai dit, de concepts.
Puisqu'on en est là, je vais faire appel à la députée de Montarville, je vais
rapidement évoquer ceci. On sait que nous
sommes, nous, de notre côté, extrêmement sensibles à l'accumulation de motifs
dans ce projet de loi, «marginalisation», «rejet», «détestation», «dénigrement». Il y avait «aversion», qui est
retiré, c'est bien. Je sais que la ministre nous a dit que le mot... Nous avons déjà, nous, offert de
supprimer le mot «marginalisation», ça a été rejeté. Maintenant, étant donné
qu'il y a tous les autres mots, «virulence», «un extrême tel», «rejet»,
«détestation», «dénigrement», est-ce qu'on peut envisager de revenir et d'enlever «marginalisation», qui, pour moi, est
très, très bien couvert par «rejet» puis «détestation»?
Alors,
juste, je pose la question, ce n'est pas... Je la pose à l'intérieur de ce
sous-amendement-là parce que je n'ai plus
de temps pour parler à l'intérieur de l'amendement comme tel. Je dois donc
essayer d'intégrer mes commentaires à l'intérieur
des règles parlementaires. Je ne veux pas sortir de ça, mais, comme on est dans
cet esprit-là, je voulais voir, de la part de la ministre ou de la
députée de Montarville, s'il y avait une ouverture de ce côté-là, tout
simplement.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Montarville, est-ce que vous avez un commentaire sur le commentaire?
Mme Roy
(Montarville) : Oui. Ça va me faire plaisir de répondre à la
question de ma collègue. Naturellement, c'est la ministre qui tranchera.
Cela dit, on comprend que ce sont des termes qui sont employés parce que ce
sont des termes juridiques qui sont usuels
lorsqu'il est question de discours haineux, etc. Cependant, tout terme ou toute
précision, toute suggestion de mot, d'ajout ou de retrait de mot qui
simplifierait la compréhension pour les citoyens qui liraient cette loi-là est vue d'un bon oeil, pour ma part,
là. Naturellement, on est pris avec la rédaction juridique d'une loi, mais,
si on peut la simplifier, la rendre plus
claire et surtout plus précise et plus ciblée, c'est, effectivement, un but que
nous recherchons, pour notre part, depuis le début, là, des discussions.
Alors, je suis tout à fait d'accord avec ce que ma collègue de l'opposition officielle a dit si c'est possible de
simplifier l'article de loi pour que les gens comprennent très, très
bien ce qu'est le discours haineux, ce qui est interdit.
Mais, encore une fois, si c'est un souci de
précision, d'encadrement, de resserrement et qui améliorerait la compréhension qu'en aurait un lecteur, je suis
tout à fait d'accord. C'est un exercice que nous tentons de faire, d'ailleurs,
ensemble, tous ici, puis c'est ce que nous recherchons depuis le début,
préciser, cibler, simplifier, mais on est pris, malheureusement,
dans un jargon législatif, un jargon d'avocat. Mais, si on peut centrer
davantage, je suis tout à fait d'accord, M. le Président. Alors, en espérant
que ça réponde, ça éclaire ma collègue.
Le Président (M.
Ouellette) : D'accord, oui.
Mme Maltais :
Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Je vais suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à
16 h 29)
(Reprise à 16 h 52)
Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Pour les gens qui
nous écoutent, il y a des discussions qui sont très constructives et qui vont être officialisées dans les
prochaines secondes. Alors, M. le
député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui, M. le Président. Alors, je retire, suite à ces discussions dont vous venez
de faire état — pas
de la teneur, mais de la tenue — je retire l'amendement...
Le Président (M.
Ouellette) : Le sous-amendement.
M. Rochon :
...le sous-amendement que j'avais déposé à la commission pour déposer un
nouveau texte dont nous avons pu discuter en toute honnêteté hors
caméra, qui semble rallier tout le monde.
Alors,
il s'agirait de modifier l'alinéa introduit par le paragraphe 3° de
l'amendement modifiant l'article 1 de la loi proposée par l'article 1 du projet de loi en supprimant les mots «à
la marginalisation ou» — ça, c'est dans un premier temps; et, dans un second temps,
en remplaçant «, au dénigrement ou à l'aversion» par «ou au dénigrement».
Le
texte ainsi amendé se lirait comme suit : «Est un discours haineux, un
discours visé au deuxième alinéa qui, de
l'avis d'une personne raisonnable, est d'une virulence ou d'un extrême tel
qu'il est susceptible d'exposer ce groupe au rejet, à la détestation ou au dénigrement notamment pour que ce
groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble.»
Alors,
vous observez, M. le Président, qu'il y a deux termes, là, qui sont supprimés,
qui tombent, «marginalisation» et
«aversion». Voilà, «marginalisation» et «aversion». Nous avons souventefois
exprimé ici notre souhait de voir moins de mots s'aligner, là, dans cet article du projet de loi pour mieux
circonscrire. Alors, c'est dans cet esprit, M. le Président. Peut-être
que ma collègue de Taschereau voudrait rajouter quelque chose...
Le Président (M.
Ouellette) : Mme le ministre.
Mme Maltais :
...rien à ajouter, M. le Président.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Ça va. Je pense que ça fait le tour de nos discussions hors micro.
Le Président (M. Ouellette) : Est-ce que le sous-amendement introduit par M. le
député de Richelieu est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Président (M. Ouellette) : Adopté. On revient à l'étude de l'amendement de
la ministre à l'article 1 proposé par l'article 1 du projet de loi. Ah!
M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui, M. le Président. J'ai un sous-amendement dont — attendez un peu — j'ai espoir qu'il ralliera la ministre parce que c'est quelque chose qu'elle
nous a elle-même déjà soumis, disons, informellement parce que ça n'a pas été déposé. Mais je réfère, là, à un texte que
vous nous aviez présenté, Mme la ministre, vous allez reconnaître un
extrait, là.
Alors,
il s'agirait de modifier l'amendement modifiant l'article 1 de la loi
proposée par l'article 1 du projet de loi en remplaçant, dans le premier paragraphe de l'amendement, les mots
«contexte d'intolérance» par les mots «contexte de discrimination».
Je dépose, M. le
Président, pour que des copies puissent être faites.
Le Président (M.
Ouellette) : Vous le déposez, on suspend quelques minutes pour la
recevabilité.
(Suspension de la séance à
16 h 56)
(Reprise à 16 h 58)
Le Président (M. Ouellette) : Nous
reprenons nos travaux. Le sous-amendement déposé par M. le député de Richelieu,
qui, probablement qu'à la fin de la journée, va devenir un expert dans le dépôt
de sous-amendements et...
M. Rochon : Le dépôt et le retrait
de sous-amendements.
Le Président (M. Ouellette) : Le
dépôt... Oui, oui.
M. Rochon : Et de discussions hors
micro.
Le
Président (M. Ouellette) : M. le député de Richelieu, nous a déposé un sous-amendement à l'article 1 proposé par l'article 1 du projet de loi pour modifier
«contexte d'intolérance» par «contexte de discrimination».
M. Rochon : Voilà.
Le
Président (M. Ouellette) :
Le sous-amendement est recevable. Vos explications, M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Pour faciliter la
compréhension des gens qui nous regardent particulièrement, je vais lire
le texte amendé. Alors, il se lirait donc ainsi avec son sous-amendement,
là :
«La présente loi a pour objet d'établir des
mesures de prévention et de lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence, principalement
ceux s'exprimant dans un contexte d'endoctrinement ou de radicalisation
pouvant mener à l'extrémisme violent ou dans un contexte de discrimination.»
Je rappelle
que nous avons toujours préféré — et
nous l'avons dit — qu'il
soit question de discrimination, là, plutôt que
d'intolérance. Et la ministre, avec un texte qu'elle nous avait informellement
présenté, semblait ouverte à cela. Et nous
nous collons sur la charte, qui veut protéger les groupes qu'elle vise à
protéger, là, contre précisément la discrimination, là, M. le Président. J'ai espoir, donc, que ce sous-amendement, là, que nous déposons pourra rallier les collègues
du parti ministériel et de la deuxième opposition.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
M. Rochon : Mme la... est encore
députée.
Le Président (M. Ouellette) : Non,
non, mais là c'est parce que...
M. Rochon : Ah! c'est parce que vous
regardiez Mme la députée de Taschereau.
Le
Président (M. Ouellette) :
Vous savez, je commence à être capable de faire deux choses à la fois, M. le député de Richelieu. Mme la ministre...
Mme Vallée : C'est rare pour
un homme...
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre, sur le sous-amendement uniquement.
• (17 heures) •
Mme Vallée : Sur le sous-amendement, il y a une question technique juste dans la rédaction, il va peut-être
falloir, encore une fois, revoir la
rédaction. Oui, oui, il y a une petite technicalité, mais, honnêtement, on y travaille pour vous
éviter le travail.
Écoutez, M. le Président, je serais dans une
très mauvaise posture de refuser ce sous-amendement, puisque ce sous-amendement se retrouvait dans les propositions
soumises en début de semaine. Alors, moi, je n'ai pas de problème, j'étais très à l'aise avec ce que nous avions
proposé aux collègues. Et ce changement de terme avait fait l'objet de
discussions, d'analyse au cours du
week-end dernier, et donc, du côté des légistes de l'équipe chez nous, il n'y a
pas de problème, on peut utiliser le
terme «discrimination», et donc je suis en accord. En fait, finalement, au
moins, le travail du week-end n'aura pas été en vain.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci,
M. le Président. Mais on tenait à le dire, c'est vraiment inspiré des
propositions de la ministre. C'était fait
vraiment en se disant : Bon, il y avait un véritable travail qui avait été
fait. Nous, de notre côté aussi, on l'avait dit, on avait fait un
véritable travail d'analyse. Bon.
Je pense,
j'ai l'impression qu'il n'y a pas une énorme différence entre «intolérance» et
«discrimination». Je n'ai pas l'impression
que, juridiquement, on va... je dirais que ce n'est pas nécessairement une
grande avancée, mais il y a quelque chose
de clair. Puis ça, je réfère aux propos de la ministre, c'est que cette loi-là,
elle est pour les discours concernant les personnes qui sont protégées par l'article 10 de la charte, d'où
est montée, de la part de la ministre, là, cette idée de contexte de discrimination. Elle sait, la ministre, à quel
point, M. le Président — je parle toujours au président — on a un problème avec «contexte d'intolérance», on a peur des
dérapages, des dérives. «Discrimination» — encore une fois, on essaie de prévenir, là, des dérapages de la loi — nous semblait, dans le regard qu'on avait
posé ensemble en étudiant la proposition de la ministre,
«discrimination» nous semblait un mot mieux choisi qu'«intolérance».
Alors, de ce
côté-là, merci. Comme elle le disait, oui, je vais remercier l'équipe du
ministère parce que je sais que c'est l'équipe du ministère qui a
travaillé cette fin de semaine là. Alors, c'est pour ça qu'on l'a repris.
Mme Vallée :
...mais le travail de recherche est fait par les abeilles qui sont derrière
moi, et je pense qu'il faut quand même le reconnaître.
Mme
Maltais :
Je ne le sais pas, sans vouloir prendre trop de temps, si un juriste, pour les
fins d'enregistrement, pouvait nous dire un peu, là, s'il y a la nuance
entre «intolérance» et «discrimination». Ce serait enregistré, puis on pourrait mieux comprendre ce qui s'est passé. Mais
je ne veux pas de longues explications, je ne suis pas là-dedans. Mais ce serait intéressant pour tout le monde, n'est-ce
pas, ma chère collègue? À moins que vous-même ne puissiez épiloguer
là-dessus.
Mme Roy
(Montarville) :
...je laisse ça aux juristes.
Le
Président (M. Ouellette) : Là, avant que vous ayez les explications du
juriste, Mme la députée de Taschereau, Mme la ministre.
Mme Vallée : Avant de revenir
avec les explications de juristes, je voudrais juste qu'on puisse prendre le
temps parce qu'il y a vraiment un enjeu. L'utilisation du terme
«discrimination» n'est pas un problème, mais, dans le sous-amendement tel que
libellé, il y a quelque chose à vérifier, là, et j'aimerais qu'on puisse le
faire parce que se parler, expliquer, valider, tout ça en même temps, ça
vient un petit peu étourdissant.
Le Président (M. Ouellette) : Nous
suspendons quelques minutes.
Mme Vallée : Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 4)
(Reprise à 17 h 29)
Le
Président (M. Ouellette) :
Nous reprenons nos travaux et nous allons continuer d'officialiser les
discussions que nous avions avant la
dernière suspension. Je vous rappelle que nous travaillons sur un sous-amendement introduit par le député
de Richelieu pour enlever le mot «contexte d'intolérance» et le remplacer par
«contexte de discrimination». On est toujours au premier paragraphe de
l'article 1 du projet de loi, et, Mme la députée de Taschereau...
• (17 h 30) •
Mme
Maltais : Oui. M. le Président, là, nous, vous le savez qu'on n'aime pas «dans un contexte
d'intolérance». La ministre, lors d'un échange informel, avait
dit : On pourrait changer ça dans des documents pour «contexte de discrimination». On a dit : «Contexte de
discrimination», si ça peut nous permettre d'être plus pointus, toujours
dans ce principe-là, on l'a proposé. Maintenant,
des discussions informelles nous ramènent à la proposition... puis on est
très près de la proposition qui avait été faite la fin de
semaine dernière, je pense
qu'on est sensiblement dans le même libellé à travers les discussions qu'on
arrive pour le premier alinéa.
Ce que nous
avons comme problème — puis
je veux être claire, là — c'est
qu'on n'est pas dans une mécanique d'amélioration de la loi sur le
discours haineux. On a des problèmes, on le dit, avec la partie du discours
haineux et, je l'ai toujours
dit, la partie de renvoyer ça devant le Tribunal des droits de la personne et
des droits de la jeunesse. Ça fait
qu'on veut baliser bien. Maintenant, quand on a étudié cela, nous, quand on est...
Après la proposition de la ministre, on s'est fait une séance de travail et on a considéré que ce libellé,
bien qu'étant mieux rédigé... Ça, je vais le dire, là, parce qu'on
sépare, comme on disait, suite à la question que j'avais posée, on sépare les
discours incitant à la violence des discours
dans un autre contexte. Nous, on croit encore que c'est les appels à la
violence répétés qui devraient être dans la ligne de mire.
Alors, je me
retrouve devant un problème, c'est-à-dire qu'en voulant améliorer je ne veux pas qu'on
croie que, sur le fond, on est d'accord.
C'est toujours ça quand on part d'un texte législatif avec lequel on a un problème de
principe. Moi, j'ai un problème de
principe. Maintenant, j'ai un travail de législateur, j'ai le choix. Ou bien je
dis : Je me ferme les yeux, puis
on laisse passer la loi, puis ça ne bouge pas, puis je vais le dire comme je le
pense, organisez avec vos troubles, Québécois...
Ce n'est pas ça, l'idée. Ce n'est pas ça, mon travail. Ce n'est pas ça, le
travail du député de Richelieu. Bon. Alors, je me trouve devant la
situation toujours inconfortable, comme parlementaire, de dire : Est-ce
que je contribue à améliorer une loi, une
loi que je considère comme étant inadéquate, ou je m'oppose absolument? Puis je
ne veux pas m'opposer absolument à ce qu'on trouve de meilleurs chemins,
ça, je l'ai toujours dit.
Alors, je
vais vous dire, M. le Président, pour que nos intentions soient bien claires,
le député de Richelieu pourrait retirer
son amendement, mais nous ne déposerons pas ce nouvel amendement. Le nouveau,
on ne veut pas le déposer. J'ai réuni
une gang de monde, toute ma gang de députés, puis on a dit avec nos
recherchistes, on a dit : Non, on ne veut pas embarquer
dans ce principe de la loi. Ça fait que je ne peux pas aller fondamentalement
sur le principe parce que, là, on change
beaucoup de choses. Alors, je vous le dis, là, on peut retirer. Mais c'est
comme quand il y avait eu «principalement ceux», j'avais dit : Écoutez, ça va améliorer, mais, comme je ne
suis pas dans la mécanique d'amender la loi sur le fond, bien, je n'ai pas voulu déposer. La ministre
l'avait déposé, puis on avait jasé, puis on avait voté. Là, j'ai un problème
plus profond que ça encore, il est sur la discussion qu'on avait eue la
semaine dernière, donc...
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Mais là je
comprends qu'on avait déposé un sous-amendement. Là, on constate, parce que le sous-amendement, dans la façon dont il avait été
formulé, se lit de façon peut-être un petit peu particulière... Si on l'avait
laissé comme tel, on aurait accepté le
sous-amendement. Mais là, de la façon dont on le présente, qui est similaire,
mais qui vient simplement changer le
contexte... la forme, dans le fond, davantage la forme de la rédaction du
premier alinéa, là, ça ne fonctionne plus.
Mme
Maltais : Bien, je
veux juste dire que...
Mme
Vallée : C'est parce que ce j'essaie de comprendre. C'est que
vous dites : Nous déposons un sous-amendement, on dépose un sous-amendement, mais tout en gardant
en tête que, fondamentalement, nous, on sous-amende quelque chose avec lequel on a des problèmes de principe. Mais
là auriez-vous battu votre propre sous-amendement? Vous auriez voté en
faveur...
Mme
Maltais : Non,
nous cherchons à améliorer la loi dans ses détails.
Mme
Vallée : D'accord, mais là tout le travail qu'on a fait
finalement, dans le fond, vous dites : Le sous-amendement qui est le fruit de la rédaction, on ne le déposera
pas. Mais, si, par exemple, d'aventure, nous, on devait le déposer ou notre
collègue de Montarville devait le prendre et
le déposer, vous ne voteriez pas en faveur d'un sous-amendement inspiré
d'un autre sous-amendement que vous aviez retiré?
Mme
Maltais :
Non, ce n'est pas tout à fait ça. Je n'ai même pas dit que je voterais pour ou
contre, j'ai dit que ce que...
Mme Vallée : Mais vous dites
que vous n'êtes pas confortable...
Mme
Maltais :
C'est ça, ce que je dis, j'ai expliqué le dilemme dans lequel je dois être.
C'est normal, là, on est des
législateurs, puis on a des principes, on a des... puis on travaille sur des
textes. Voici le dilemme, puis c'est pour ça qu'il n'est pas facile à résoudre et que je ne peux pas simplement
dire : O.K. Go! On passe. Des fois, on peut dire ça comme tout à l'heure. Là, c'est qu'on a eu une
discussion la semaine dernière sur l'article 1 au complet. Les gens avec
lesquels je travaille, mes collègues,
on s'est réunis puis on a dit : Ce n'est pas assez loin, ça ne va pas tout
à fait dans le sens où on veut aller.
On a une objection de principe à la loi, ça fait que je travaille, comme
législateur, quand même, à essayer d'en faire... moi, je ne peux même pas dire quelque chose d'acceptable, mais
quelque chose de mieux vivable. Ça, c'est une opinion, c'est une
interprétation. Quand on arrive à réécrire, tu sais, on redonne un autre sens,
on sépare les discours haineux des discours
incitant à la violence... Nous autres, ce qu'on voulait, c'est éliminer les
discours haineux, là, on est là-dedans
nous autres. Ça fait que, là, en acceptant «discours haineux s'exprimant dans
un contexte de discrimination, y compris dans un contexte d'endoctrinement», vous comprenez, j'accepte le
contexte dans lequel vont s'inscrire les discours haineux.
Moi,
j'essayais d'améliorer, mais je ne veux pas dire que je l'accepte. Là, je suis
rendue dans la proposition, là, la
proposition d'amendement de la ministre. On n'était pas d'accord, alors j'ai eu
une conversation avec les collègues et je
suis embêtée parce qu'on revient dans le même schéma. Ça fait que c'est pour ça
que je dis : C'est complexe, je vais avoir besoin de consulter. C'est complexe, je vous le dis, monsieur...
je ne... Donnez-moi deux minutes. Ce n'est pas moi qui ai demandé
souvent des suspensions aujourd'hui.
Le Président (M. Ouellette) : Je
vous donne deux minutes, je suspends.
(Suspension de la séance à 17 h 39)
(Reprise à 17 h 44)
Le Président (M. Ouellette) : Nous
reprenons nos travaux et, puisque nous avons une conversation cet après-midi avec le député de Richelieu qui
nous emmène... On ne le sait pas si, finalement, on va se rendre à Richelieu aujourd'hui, ou si on va revenir, ou si on va repartir, ou si on va passer par un
autre chemin, mais, M. le député de Richelieu, vous avez une déclaration à
nous faire.
M.
Rochon : Oui. Oui. Avec moi,
vous ne pourriez pas vous rendre à Richelieu, mais dans Richelieu. À ne pas
confondre.
Le Président (M.
Ouellette) : C'est sûr.
M. Rochon : Dans Richelieu, à
Sorel-Tracy et région.
Le Président (M. Ouellette) : Je
connais très bien, d'ailleurs, M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Mais, puisque vous
voulez tenir des propos amusés, je vous dirai que les gens qui aiment mieux
la musique que de nous entendre sont bien
servis cet après-midi au canal de l'Assemblée
nationale parce qu'il y a
des intermèdes musicaux, hein? Alors, M. le Président, sérieusement, à
la lumière d'échanges que nous venons d'avoir à microphones fermés, je vais
retirer le sous-amendement que j'avais, il y a un moment, déposé à la commission.
Le
Président (M. Ouellette) :
Merci. Donc, le sous-amendement déposé par M. le député de Richelieu
est retiré, et on m'indique que M. le député de La Prairie voulait
prendre part à nos débats.
M. Merlini : Effectivement, M. le
Président. Alors, j'ai un sous-amendement à proposer.
Le Président (M. Ouellette) : Que
vous allez nous lire?
M.
Merlini : Que je vais vous
lire. Alors, modifier l'amendement de l'article 1 de la loi proposée par l'article
1 du projet de loi par le remplacement du premier paragraphe
par le suivant. Alors, par le remplacement, dans le premier alinéa, de «et les discours incitant à la violence» par «s'exprimant dans un contexte de discrimination, y
compris dans un contexte
d'endoctrinement ou de radicalisation pouvant mener à l'extrémisme violent.
Elle établit également de telles mesures contre les discours incitant à
la violence.»
Alors, le texte, tel qu'amendé, se lirait comme
suit :
«La présente
loi a pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte contre les
discours haineux s'exprimant dans un
contexte de discrimination, y compris dans un contexte d'endoctrinement ou de
radicalisation pouvant mener à l'extrémisme violent. Elle établit également
de telles mesures contre les discours incitant à la violence.»
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre, est-ce que vous avez des commentaires?
Mme
Maltais : M. le
député.
Le Président (M. Ouellette) : Ah!
Oui, oui. Non, non. Oui, oui, oui. M. le député, excusez-moi.
Mme
Maltais :
...amendement.
Le Président (M. Ouellette) : Non, excusez-moi,
là, c'est parce que... M. le député de La Prairie.
M.
Merlini : Alors, effectivement, c'est le fruit des discussions que nous avions eues hors micro qui
viennent... en sorte corroborer la
décision du député de Richelieu de retirer son sous-amendement
pour faire un sous-amendement qui est mieux écrit — je vais le dire comme ça, en tout respect, M. le député de Richelieu — pour
bien éclaircir, là, le premier article de la loi.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Je pense que ça s'inscrit dans un souci que nos
textes soient dans un langage clair. Et, parfois, le travail parlementaire, les sous-amendements qui se succèdent amènent parfois, lorsqu'on les
compile, à un texte plus lourd, et
donc je comprends que le sous-amendement proposé par notre collègue vise à alléger le
texte tout en respectant l'esprit du sous-amendement qu'avait déposé le député
de Richelieu.
Le Président (M. Ouellette) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Ah oui! M.
le Président, voici de nouveau votre
sagacité qui a découvert que oui, effectivement,
je voulais prendre la parole. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) : Vos
yeux vous trahissent, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Écoutez, M. le
Président, on l'a retiré pour
permettre d'avoir un meilleur libellé de l'amendement de la ministre.
O.K.? C'est un meilleur libellé, c'est ce qu'on cherchait depuis le début. Toutefois,
sur le fond, sur le fond, on est
encore dans un projet de loi, un article 1 et son amendement d'un projet
de loi sur les discours haineux. La
partie que j'aime beaucoup : «Elle établit également de telles mesures contre les discours incitant à
la violence.» «...un contexte d'endoctrinement
ou de radicalisation pouvant mener à l'extrémisme violent.» Ça, c'est exactement
les bouts qui ont été ajoutés au fil
du temps. Une partie vient de la ministre parce que, dès le départ, il y a eu un amendement
qui amenait ces concepts-là, puis ensuite on les a retravaillés.
Mais vous connaissez notre immense
malaise avec cette idée d'avoir une loi qui va proscrire les discours haineux,
il est énorme, il est immense. Alors, comme ce qu'on lit, c'est qu'on sépare
les discours incitant à la violence et les discours
haineux, alors que, nous, ce qu'on veut, c'est les unir, on veut que le
discours haineux soit les discours incitant à la violence, c'est... On a essayé depuis le début, là, de coller ça,
là. Nous, on est sur l'incitation à la violence, l'appel à la violence, on est là-dessus. Là, on les
distingue, on est encore là-dedans. C'est mieux écrit que tout à l'heure. Ça, je dois le dire, c'est
mieux écrit que tout à l'heure, puis c'est vraiment... c'est un bel
effort. Tranquillement, à force de discuter, de débattre, on a un bel effort de législation. Puis, comme le gouvernement est majoritaire, fort probablement que ce sera adopté. Mais nous, comme on
est dans l'article 1 et dans un amendement sur, vraiment,
là, les contextes dans lesquels cette loi va s'appliquer, je ne suis pas
à l'aise tellement, tellement, M. le Président.
• (17 h 50) •
Je
suis à l'aise avec l'idée d'améliorer la loi, de mieux l'écrire. Je suis à
l'aise de faciliter l'interprétation aussi pour les gens qui vont passer sur cette loi. Parce qu'il y a des gens qui vont vivre sous la coupe de
cette loi, là, qui vont aller devant
les tribunaux de la protection de la jeunesse, qui vont aller devant les
tribunaux des droits puis qui vont se faire
attaquer parce qu'ils considèrent qu'ils ont eu un discours haineux, y compris
dans un contexte d'endoctrinement ou de radicalisation pouvant mener à
l'extrémisme violent.
Le bout qui est
bien — parce
que je donne les bons points, les mauvais points, mais ça, c'est une question d'opinion — c'est qu'on est passés à «discours haineux
s'exprimant dans un»... Là, c'est clair, c'est «s'exprimant». Ça, on
avait aussi jasé de ça, puis il ne semblait pas y avoir, de l'autre côté, de
résonance. Puis là c'est revenu, c'est bien «s'exprimant»,
mais dans un contexte de discrimination. C'est mieux qu'un contexte
d'intolérance, «contexte de discrimination».
Vous comprenez, il y a de l'amélioration législative, il y a de l'amélioration
de phrasé, il y a de l'amélioration de
concepts, mais il n'y a pas une satisfaction du côté de l'opposition, il n'y a
vraiment pas une satisfaction du côté de l'opposition.
Alors, tant que nos
discours haineux ne toucheront pas à soit «pouvant mener à de l'extrémisme
violent», ne toucheront pas à la violence,
on va être mal à l'aise avec cette loi, M. le Président. On n'en sortira pas,
on a un malaise profond, vraiment
profond, malaise que nous sommes plusieurs à partager non seulement dans cette
Assemblée nationale, mais plusieurs à
partager au Québec, au Québec. Il y a eu une commission parlementaire assez...
bon, pas houleuse, pas comme celle,
actuellement, d'Uber, des Transports, mais il y a eu une commission
parlementaire où les gens sont venus exposer
leurs craintes. Est-ce que cela me rassure par rapport à ces craintes qui ont
été exposées? Non, je ne suis pas rassurée parce que c'est une loi qui a pour objet d'établir des mesures de
prévention et de lutte contre les discours haineux s'exprimant dans un
contexte de discrimination.
J'ai
encore un... Puis après, le reste, il y a des «y compris», il y a des choses,
mais on est encore dans ce concept-là de
lutte contre les discours haineux s'exprimant dans un contexte de
discrimination. On revient encore à l'intention de la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse qu'on légifère sur les discours haineux. Ça fait des années,
ça fait 20 ans que la commission essaie ça, puis ça a toujours été refusé.
On ne comprend pas que le gouvernement actuel ait embarqué là-dedans.
Puis
je vais vous donner un exemple du type de dérive qui peut arriver dans une
société de droit. Une société qui n'est
quand même pas n'importe laquelle quand il s'agit de liberté d'expression, s'il
y a un modèle, c'est la France, M. le Président.
De ce temps-ci, quand on pense à la France, on pense à Je suis Charlie,
on pense, justement, au droit d'expression total. Or, voici, j'ai le Libération très récent, c'est Libé
du 18 février, donc... J'en ai perdu les jours, est-ce que c'est
aujourd'hui?
Une voix :
C'est aujourd'hui.
Mme
Maltais : C'est aujourd'hui. Le titre : «Provocation
à la violence» envers les femmes : Orelsan relaxé en appel.
Orelsan, c'est un rappeur. Le sous-titre : «Poursuivi par cinq
associations féministes, le rappeur avait été condamné en première instance. "Sanctionner" ses
chansons, a jugé la cour, serait une "violation du principe de la liberté
d'expression". [...]Le rappeur
Orelsan, rejugé — parce
qu'il est allé en appel — pour injure et provocation à la violence envers les femmes dans plusieurs de ses textes — il était dans l'injure — a été relaxé ce jeudi par la cour d'appel de Versailles au nom de la
"liberté d'expression".
«La
cour a jugé que "sanctionner" les chansons incriminées
"reviendrait à censurer toute forme de création artistique inspirée du mal-être, du désarroi et du sentiment
d'abandon d'une génération, en violation du principe de la liberté
d'expression".»
Je
vais continuer parce qu'on va aller... après ça, on va toucher à la
définition de discours haineux : «À l'audience, en décembre, l'avocat général n'avait pas formulé
de réquisitions, s'en remettant à la cour. Dans leur décision, les magistrats
soulignent que le rappeur de 33 ans,
Aurélien Cotentin de son vrai nom, "n'a jamais revendiqué"
publiquement "la légitimité des
propos violents, provocateurs ou sexistes tenus par les personnages de ses
textes, qu'il qualifie lui-même de ‘perdus d'avance'".
«En
outre, ajoutent les juges, "une écoute exhaustive et non tronquée de ses
chansons permet de réaliser qu'Orelsan n'incarne pas ses
personnages" et que la "distanciation" entre eux est
"évidente".»
Donc,
Orelsan, le rappeur, dans ses chansons, fait parler des personnages. Évidemment,
«"Orelsan est ravi, apaisé, soulagé",
a déclaré l'avocat de l'artiste, Me Simon Tahar, saluant une
"reconnaissance du caractère presque absolu de la liberté de création et de la liberté
artistique" et "les termes extrêmement forts" de la cour, "qui ne laissent
place à aucune équivoque"».
Mais
comment ont réagi... «"C'est une très grande déception", [disait
l'avocat qui poursuivait le rappeur], dénonçant des textes "d'une
violence inouïe".»
Une violence
inouïe, et pourtant il a été relaxé en cour. On l'a relâché, on a dit :
Non, acquitté. Acquitté en cour d'appel,
un rappeur. Mais il a quand même été poursuivi à travers... Puis, en plus, c'est
qu'en France, comme ici actuellement au Canada et sur le territoire québécois, il y a une
loi, il y a une seule loi. Là, on va avoir deux lois contre le discours haineux, le Code criminel et cette
loi-là, donc possibilité de double poursuite sur le discours haineux, puis des
problèmes comme ça pourraient exister.
C'est ce que
je parlais l'autre fois quand mon collègue député de Rimouski était venu nous
parler de rappeurs, et puis on se
demandait : Sérieux, pas sérieux? Ça dépend. Mais même des rappeurs qui
sont jugés comme étant des textes d'une
violence inouïe, la cour a dit : Si c'est ton personnage qui parle, ce
n'est pas toi, il n'y a pas de problème. Pourquoi? Parce que lui n'a pas l'intention d'appeler à la
violence, c'est le personnage qui exprimait de la violence. Mais là on est
dans un domaine, là, discours haineux, où on
n'est pas dans l'intention, on n'a pas approuvé l'intention. Moi, je pense
que lui qui a été relâché en France,
Orelsan, bien, d'après cette loi-là qu'on a devant nous, là, il serait
condamné, condamné d'office par la Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse. Mes garde-fous ne sont pas là. Mes garde-fous ne sont pas là, c'est pour ça que ce
n'est pas simple, cette loi-là, puis c'est difficile d'y trouver véritablement
raison de l'approuver. L'amendement, je le répète, il est intéressant dans le
sens de l'écriture législative.
Le Président (M. Ouellette) : Le
sous-amendement.
Mme
Maltais : Le sous-amendement. Le sous-amendement est intéressant dans le sens de l'écriture législative. On clarifie, on distingue, on modifie légèrement l'angle, comme le
proposait mon collègue de Richelieu, qui avait tenu ça d'une proposition de la ministre, mais, en rien,
n'enlève le fond de la... Tu sais, l'amendement n'amende pas véritablement
l'objet de l'article 1, qui est le discours
haineux. L'amendement ne règle pas notre problème que... M. le Président, oui,
que voulez-vous m'exprimer?
Le
Président (M. Ouellette) :
Alors, je veux, tout simplement, vous exprimer, Mme la députée de Taschereau,
que vous allez continuer vos représentations
lors d'une prochaine séance. Et je veux aussi exprimer aux collègues de cette
commission que Mme la députée de Montarville
aussi aura des commentaires sur le sous-amendement de notre collègue de
La Prairie.
Sur ce,
compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die. Et soyez
prudents, passez une très belle fin de semaine.
(Fin de la séance à 18 heures)