(Dix-neuf heures trente-huit
minutes)
Le
Président (M. Marceau) :
O.K. À l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer
que vos appareils électroniques sont en mode silencieux afin de ne pas
perturber les travaux.
Alors, la commission est réunie afin de
poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses
modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Simard (Dubuc) remplace Mme Montpetit
(Crémazie); M. Bourgeois (Abitibi-Est) remplace M. Ouellette
(Chomedey); M. Morin (Côte-du-Sud) remplace M. Tanguay (LaFontaine); Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) remplace Mme Hivon
(Joliette); et M. Rochon (Richelieu) remplace M. Leclair
(Beauharnois).
Étude détaillée (suite)
Le
Président (M. Marceau) :
Parfait, merci. Alors, lors de notre dernière séance, Mme la députée de Taschereau avait
présenté un sous-amendement à l'amendement de la ministre à l'article 1
édicté par l'article 1 du projet de loi. Nous
avions débuté les échanges sur ce sous-amendement. Alors, Mme
la députée de Taschereau,
c'est à vous la parole.
Mme
Maltais : Merci, M.
le Président. On s'était quittés,
l'autre soir, à un moment où on essayait d'amender la définition de «discours haineux». Je sais que la ministre
avait dit : Peut-être, avez-vous une définition à m'amener. J'aimerais
ça, qu'on finisse d'abord
la discussion là-dessus, pour vérifier
si vous comprenez notre intention en amenant «avec l'intention que» et si vous agréez, ce qui pourrait, pour
nous, ensuite modifier la discussion d'ensuite, parce qu'on croit que, quel
que soit le résultat des discussions que nous aurons, cette idée d'inscrire
l'intention demeure importante.
Je le
rappelais, il y avait le député de Lac-Saint-Jean qui était ici une autre
soirée, où il tenait, à titre de juriste, à être ici, puis il était venu nous faire remarquer que l'intention était
importante. Il ne s'agit pas d'attraper quelqu'un qui puisse, sans
intention d'appeler à la violence, d'appeler à la haine, tenir un discours qui
soit interprété comme étant haineux sans
qu'il y ait eu une intention de faire percevoir le groupe visé, qui est un
groupe selon l'article 10 de la Charte des droits et des
libertés... que le groupe visé soit illégitime, dangereux ou ignoble.
Je crois que
le fait d'afficher l'intention, de demander d'inscrire l'intention dans ce
sous-amendement pourrait amener aussi une interprétation plus stricte du
Tribunal de la jeunesse et qu'il est important, je pense, d'amener une interprétation plus stricte que celle qui pourrait
découler du libellé actuel de l'amendement qui nous est proposé. Voilà
la proposition. Je ne sais pas ce que la ministre voudra en dire.
• (19 h 40) •
Le Président (M. Marceau) : Très
bien. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Alors, M. le Président, simplement, je pense qu'on avait fait le tour de la
question de l'intention lors de notre
dernière séance de travail. Simplement, sans terminer mon intervention à cet
endroit, je vous rappellerais simplement
que la Cour suprême a clairement indiqué, tant dans les affaires Taylor que
dans l'affaire Whatcott, qu'une loi de
nature civile — parce
que c'est ce qu'est le projet de loi actuel, on n'est pas dans une loi de
nature pénale, mais on est bien dans
la mise sur place de dispositions civiles — une loi de nature civile doit mettre
l'accent surtout sur les effets du discours...
bien, en l'occurrence, du discours haineux, les effets du discours incitant à
la violence, et non sur l'intention derrière le discours.
Alors, ça, on
le retrouve notamment aux paragraphes 54, 58, 125, 126, 127 et 190 de la
décision Whatcott, où l'on reprend des extraits de l'affaire Taylor. Et,
si on devait aller de l'avant avec cette proposition de notre collègue, on limiterait la portée du projet de loi et on irait
un peu à l'encontre de la philosophie même des dispositions de nature civile
en matière d'égalité. Donc, on viendrait
dénaturer une disposition civile et on serait davantage collés vers une
disposition pénale. Donc, de modifier de cette façon le texte de loi
viendrait fragiliser, nous le croyons, les dispositions et irait à l'encontre
des enseignements de la Cour suprême.
Le Président (M. Marceau) : Très
bien, merci. D'autres interventions? M. le député de Richelieu.
Mme
Maltais : Juste
terminer là-dessus, M. le Président.
Le
Président (M. Marceau) : Ah! Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le Président, je veux juste finir... Je le
répète, nous n'avons pas à réécrire Whatcott, nous n'avons pas à faire du copier-coller, nous allons inventer
de nouvelles dispositions pénales au Québec et nous allons nous attaquer
à la liberté d'expression si nous adoptons
cette loi. Nous ne voulons pas nous attaquer indûment à la liberté
d'expression, et le moins qu'on
puisse faire, le moins qu'on puisse faire... Puis je comprends que, dans le
passé, on n'a pas fait ça, puis on
n'a jamais fait ça, mais il n'y en avait pas, de disposition qui touchait la
liberté d'expression à ce point-là au Québec, c'était dans le Code
criminel avant.
Alors,
peut-être que ça ne s'est jamais fait jusqu'ici, mais la ministre aussi a fait
quelque chose qui ne s'était jamais fait jusqu'ici. Alors, j'essaie de
réduire la portée des impacts sur les gens. Oui, il est important qu'on ne
parle pas seulement de l'effet, il est important qu'il y ait une intention pour
nous. Alors, M. le Président, nous, on tient au mot «intention». Si on a quelque chose à chercher, là, dans tout le débat,
là, c'est à baliser la loi puis à l'amener de façon plus pointue, plus
stricte. L'intention, pour nous, en fait partie.
Le Président (M. Marceau) : O.K. Merci, Mme la députée Taschereau. Est-ce que
vous voulez répondre ou vous voulez laisser la parole tout de suite?
Allez-y, Mme le ministre.
Mme
Vallée : Je l'ai dit dans le passé, mais c'est justement, il ne
s'agit pas ici de dispositions de nature pénale, il s'agit de dispositions de nature civile. Et nous légiférons pour
encadrer notamment et pour prévenir le discours haineux et le discours qui incite à la violence, mais il
s'agit de dispositions de nature civile. Le Québec n'est pas le premier à
mettre sur pied ce type de dispositions là. On retrouve ce type de
dispositions ailleurs, et ça, on en a parlé abondamment.
Donc, si, d'aventure,
on devait adopter la proposition de la collègue, là on pourrait y voir
potentiellement des dispositions de nature pénale, et on vient dénaturer... Je
comprends la préoccupation de la collègue, je comprends les préoccupations des collègues de l'opposition, puis c'est justement ça que nous
protégeons et que nous encadrons. On n'écrit pas Whatcott, mais Whatcott a analysé des dispositions civiles qui
étaient en vigueur en Saskatchewan et a clairement défini
dans quel contexte ces dispositions pouvaient être mises en place et dans quel
contexte on pouvait limiter la liberté d'expression.
Parce que la liberté d'expression, elle n'est pas infinie. Dans certains cas, lorsque
la liberté d'expression est utilisée
pour venir porter une atteinte aux droits d'autrui, et c'est ce que le discours
haineux a comme effet malheureux, c'est
qu'il bloque la discussion, et là, dans un contexte comme ça... Parce qu'évidemment la liberté d'expression, c'est
un principe et un droit que nous chérissons
tous dans cette Assemblée, mais il faut user de prudence, et cette prudence-là
est encore plus importante lorsqu'il est question d'imputer une intention.
Donc, notre collègue
a les mêmes intentions que nous avons, c'est-à-dire de ne pas porter atteinte à
la liberté d'expression au-delà des
principes et des paramètres qui ont déjà passé les tests des tribunaux, et
c'est ce que nous faisons actuellement, tout simplement.
Le Président (M.
Marceau) : Merci, Mme la ministre.
Mme
Maltais :
Il me reste une minute?
Le Président (M.
Marceau) : Il vous reste, oui, une minute, me dit-on.
Mme
Maltais : Alors, je vais, tout simplement, en profiter pour citer le
mémoire de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse : «La commission, qui a
préalablement été consultée, constate que le gouvernement a proposé au législateur une approche qui institue
une loi spécifique comportant des infractions de nature pénale...» Merci,
M. le Président.
Le
Président (M. Marceau) : Merci, Mme la députée. Je comprends que le
député de Richelieu voulait prendre la parole. Allez-y, M. le...
M. Rochon :
M. le Président, la ministre parle des préoccupations de l'opposition. Ce ne
sont pas que les nôtres, il n'y a pas
que nous qui craignons que la liberté d'expression ne soit en péril avec ce
projet de loi n° 59, nous nous faisons les porte-voix de beaucoup de
groupes et de chroniqueurs qui ont exprimé des craintes à cet effet-là. Quand
on parle de groupes, on parle de groupes
sérieux, là, Juristes pour la défense de l'égalité et des libertés
fondamentales, Chaire de recherche
contre l'homophobie, GRIS-Québec et Conseil québécois LGBT, Table ronde du Mois
de l'histoire des Noirs, Centre
consultatif des relations juives et israéliennes, Point de bascule, Association
canadienne des libertés civiles. Ça fait pas mal de monde inquiet, ça.
Alors,
je crois que la ministre doit se montrer ouverte à des amendements ayant pour
effet de préciser les choses, et il
me semble que le sous-amendement proposé par ma collègue de Taschereau est
sage, qu'il faille prouver qu'il y a intention,
hein, ne pas s'en tenir à la seule impression qu'un groupe pourrait avoir qu'on
l'expose à la marginalisation ou au
rejet, à la détestation, au dénigrement ou à l'aversion. Il faut qu'il y ait
intention. Je saisis mal, moi, les réserves de la ministre sur ce
point-là.
Le
Président (M. Marceau) : Merci, M. le député. Ça va? Est-ce que vous
voulez répondre, Mme la ministre? Non?
O.K. Est-ce que d'autres personnes veulent intervenir? Oui, Mme la députée
d'Hochelaga-Maisonneuve, c'est à vous.
• (19 h 50) •
Mme Poirier :
Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, tout le monde. Je vais faire référence
à un article du Devoir, de
Marco Fortier, puisque la ministre a souvent cité cet exemple, pour aller vers
cette orientation-là du projet de loi, qui est l'intention de Roosh V de
venir à Montréal et dans plusieurs villes du Québec. Il devait venir, dans les
prochaines semaines, faire une tournée canadienne,
entre autres, et, notre ami Roosh V, s'est retournée contre
lui une mobilisation mondiale, contre ce blogueur misogyne. Et c'est le
maire de Montréal qui a pris le leadership, je me serais
attendue à ce que la ministre
prenne le leadership. Avec ce projet
de loi devant nous, je me serais attendue qu'elle prenne le leadership, puisqu'elle disait, justement, que ce projet de
loi était en lien pour répondre aux inquiétudes que j'avais eues l'été dernier.
Mais, encore là, elle a été muette.
Le
maire Coderre, par contre, lui, s'est joint «aux maires du monde entier, dont
une demi-douzaine au Canada, qui se
sont prononcés contre les rassemblements de partisans du blogueur américain
[nommé] Roosh V. Celui-ci — je lis l'article, M. le Président, de
Marco Fortier — a
annoncé la tenue de 165 rassemblements de militants masculinistes [qui devaient
avoir lieu] le samedi 6 février, dont un au Palais des Congrès de
Montréal.»
Je
cite le maire de Montréal : «"Montréal est la capitale du
vivre-ensemble, a déclaré mercredi le maire Coderre. Il n'est pas question qu'on accepte [ici] ce type
d'individu[...]. On invite tous ceux et celles qui avaient accepté — parce qu'il y a des rumeurs qui disent qu'il pourrait aussi venir à
Montréal — de
prendre note qu'il n'y a pas de place pour les homophobes et les misogynes. Je regardais le discours qu'il tenait,
presque proviol, c'est totalement inacceptable. Alors, vous n'êtes pas
le bienvenu à Montréal."»
Je
pense, c'était assez clair, ça, M. le Président, comme maire de Montréal. Le
maire d'Ottawa, lui, il a été encore plus
cinglant. «Le maire d'Ottawa, Jim Watson, a critiqué le blogueur avec moins
de retenue», nous dit Marco Fortier. Puis là je vais vraiment lire, là. Je ne vous dis pas que je partage,
mais je lis : «"Ce déchet proviol, misogyne et homophobe n'est pas le bienvenu", a-t-il déclaré. À
Toronto, un club de boxeuses s'apprête à aller régler leur compte aux
sympathisants de Roosh V qui prévoient se rencontrer...»
Moi,
j'aimerais savoir, quand ma collègue dépose l'amendement tel qu'on le voit
aujourd'hui, s'il y a quelqu'un qui
a, justement, des intentions, c'est bien un gars comme Roosh V, un gars
qui est proviol dans la société. Pas la nôtre, mais dans la société. Et venir préciser dans l'amendement de ma collègue
que, justement, c'est l'intention... Et lui, on le sait, c'est quoi, ses intentions. On n'a pas
besoin de se compliquer la vie, on a juste à taper Roosh V sur Internet et
on va découvrir que ces
rassemblements masculinistes proviol et surtout pro-abusement des femmes en
général... Et on est dans la bonne
semaine pour en parler, et il y a toujours de mauvais moments pour tenir ce
genre de discours. Eh bien, je pense que,
justement, de démontrer l'intention est très important dans cette dynamique de
discours haineux. Le but n'est pas...
Parce qu'il y a quand
même du discours assez fort, là, dans ce texte-là, là. Quand le maire Watson
considère M. Roosh V de déchet
proviol, là, on en est dans du discours haineux ici, là. Lui-même en tient, un
discours haineux, mais c'est l'intention. Ce n'est pas n'importe quel discours, c'est l'intention. Et lui, il tient ce discours-là dans l'intention
de quoi? Bien, c'est pour ça, l'ajout
de ma collègue. C'est l'intention de faire en sorte de séparer le bon et le mauvais, finalement. C'est de faire en sorte que les discours qui ont... Et les discours de
Roosh V, on le sait, là, c'est du «hard», là, c'est des discours
qui font en sorte que ça doit devenir inacceptable.
Et
je vous donnerais un autre exemple, M.
le Président, d'un autre article
qui est paru il n'y a pas si longtemps.
Et c'est en lien avec les événements
de Cologne, où un imam a tenu les paroles suivantes : «Elles ont été
violées parce qu'elles sont à moitié nues et mettent du parfum.»
Puis là est-ce qu'on considère que c'est un discours haineux? Est-ce qu'on considère que c'est un discours
inacceptable? Est-ce que c'est poursuivable? Il faut comprendre l'intention
dans laquelle c'est fait. Et c'est
sûr que cet imam-là, qui soutient ce qui s'est passé à Cologne, est de la même
nature que notre ami Roosh V, là.
Alors,
lui, il dénonce le fait que les femmes occidentales s'habillent à leur goût et
portent du parfum, et ça, ça vient complètement détourner, semble-t-il, ces pauvres hommes qui
n'ont pas de retenue, ça justifie... «Justifier», c'est justement «avec
l'intention de», ça vient exactement dans le même sens. Est-ce qu'on trouve ça
acceptable? Est-ce qu'on trouve acceptables
de tels propos, M. le Président? On ne peut pas trouver acceptables de tels
propos dans notre société. On ne peut
pas accepter que des hommes viennent dire que, parce que des femmes se
promènent sans porter une burqa et qu'elles mettent du parfum, qu'on a le droit de les violer. C'en est, un discours
haineux, ça, profondément haineux. C'est haineux et ça vient chercher au plus profond de nous autres... Je vous passe le
détail de l'ensemble de ce texte-là. Je vais vous dire, il continue en disant : «Les événements
du Nouvel An sont de la faute des filles — c'est de la faute des filles — parce
qu'elles étaient à moitié nues et qu'elles
étaient parfumées. Ce n'est pas surprenant que les hommes aient voulu les
attaquer. [Habillées ainsi], c'est comme mettre de l'huile sur le feu.»
On
accepte quoi, là? C'est ça qu'on accepte, là, et c'est ça qu'on ne veut plus
accepter. Mais il faut quand
même que, certains propos, on puisse
en mesurer l'impact. Et ça ne peut pas être n'importe quoi qui va être
considéré comme discours haineux,
d'où l'insertion de ma collègue, qui doit être qu'on doit prouver l'intention.
Et, quand le reste du texte le dit,
que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble, je pense
que c'est assez clair. Je pense que
c'est assez clair, ça. Je pense que c'est assez clair que Roosh V, c'est
exactement la même chose. Mais je continue à m'indigner, M. le Président, sur
le fait que je n'ai pas entendu la ministre.
Je
n'ai pas entendu la ministre dans les dernières semaines, elle qui, devant,
ici, le Parlement, a un projet de loi sur le discours haineux, qu'elle a
justifié son propos sur le fait d'avoir ce projet de loi dès le début en disant
que j'avais dénoncé les propos de
Roosh V, ce qu'elle n'a jamais fait... Elle n'a pas dénoncé la venue de Roosh
V. Non, non, mais là, à un moment donné, il faut que ça se dise, là.
C'est le maire de Montréal qui s'est prononcé sur le fait que cet ignoble
individu, qui prend les femmes pour des moins que rien, qui a un discours
totalement réducteur des femmes, comme l'imam Sami Abu-Yusuf, pareil...
Alors, cette catégorie-là, on en fait quoi?
Mais, entre certains propos haineux envers les femmes, il y a une gradation. Je suis la première à dénoncer mes
collègues quand ils tiennent des propos malaisés sur les femmes. Ils le savent,
puis vous le savez, M.
le Président. Mais est-ce que je vais aller les poursuivre pour propos haineux?
C'est une chose, mais, quand on dit
que, les femmes, on a le droit de les violer parce qu'elles mettent du parfum,
bien là on vient de changer de
registre, on vient de graduer les propos, là, et c'est à ça, M. le Président,
que je ne comprends pas pourquoi la ministre ne souhaite pas qu'on
puisse, justement, avoir une gradation dans ce type de propos.
Alors, devant
ça, M. le Président, je vais renouveler ce que mes collègues ont dit, je
souhaite que la ministre... Même si
elle n'est plus ministre de la Condition féminine, elle est toujours ministre
de la Justice, elle est toujours, encore, une femme. Puis j'en suis très fière, qu'il y ait des femmes au Conseil
des ministres, mais je souhaite, comme femmes, qu'on puisse se tenir debout et qu'on puisse, toutes ensemble, dénoncer ce genre de propos inacceptables contre
les femmes. Merci.
Le
Président (M. Marceau) : Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Est-ce que, Mme la ministre, vous voulez répondre?
• (20 heures) •
Mme Vallée :
M. le Président, j'ai fait plus que
dénoncer, j'ai déposé un projet de
loi pour venir prévenir et lutter
contre les discours haineux et les discours
qui incitent à la violence. D'ailleurs, ma collègue souhaitait que des actions soient posées,
nous en avons posé. Et l'amendement proposé par la collègue de Taschereau
viendrait compliquer l'encadrement et viendrait compliquer les démarches. Par
exemple, lorsqu'elle parle de Roosh V, nous aurions, à ce moment-là,
à prouver l'intention. Sans entrer dans le détail, disons que l'intention en
soi, comme le disait la Cour suprême, ce n'est pas l'élément principal, mais
c'est surtout l'effet du discours sur les femmes. Alors, voilà. Merci.
Le
Président (M. Marceau) :
Très bien. Merci, Mme la ministre. Est-ce que j'ai d'autres interventions? Oui,
en termes de temps, je crois que, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, il
vous reste trois minutes...
Mme Poirier : Non, il ne
m'en reste plus trois.
Le Président (M. Marceau) :
Pardon, 1 min 30 s, me dit-on.
Mme Poirier : Juste nommer les choses, le maire de Montréal,
lui, il a réussi à ce que Roosh V ne vienne pas. Il n'a pas eu besoin du
projet de loi de la ministre, il a agi, et ça a fonctionné. Ma réponse, M. le
Président.
Le Président (M. Marceau) :
Très bien, merci. Est-ce que j'ai d'autres interventions?
M. Rochon : Oui.
Le Président (M. Marceau) : M.
le député de Richelieu.
M. Rochon : Oui, M.
le Président. Il y a
Pierre Trudel qui va parler par l'entremise de ma voix. Il écrit que «le
projet de loi n° 59, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, édicte notamment
la Loi concernant la prévention et la
lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence».
Alors, «tel que rédigé, il constitue — écrit-il — une
très grave menace à la liberté d'expression. Lutter contre le propos haineux,
c'est bien — propos
comme ceux que rapportaient, là, ma collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve. Mais cela doit être fait de manière à ne viser que
le propos qui découle — comme ce que ma collègue citait, il y a
un instant — d'une
véritable intention de propager la haine ou la violence.» Actuellement, avec le projet
de loi n° 59, le problème, c'est que «tout propos controversé est à risque
d'être l'objet de plaintes de la part de ceux qui confondent le propos
qui leur déplaît et celui qui est vraiment de nature à provoquer [la] violence et [la] haine. [...]la loi [elle] propose — poursuit Trudel, là — d'instituer un mécanisme afin de dénoncer et de faire investiguer sur les propos
que tiennent les gens et même des propos qu'on leur prête l'intention de
tenir!»
Mme la
ministre, est-ce qu'on n'est pas ici dans le plus déplorable procès
d'intention? Est-ce qu'on n'est pas dans la zone... Je répète ma question, je pense qu'elle est
inattentive : Est-ce qu'on n'est pas dans la zone du procès d'intention?
Le Président (M. Marceau) :
O.K. Merci. Oui, allez-y.
Mme Vallée :
Question de règlement, M. le Président. Procès d'intention, en voilà un. Ce
n'est pas parce que je ne regarde pas le collègue dans les yeux que je
ne suis pas attentive à ses propos.
Le
Président (M. Marceau) : O.K. Donc, ne sous-estimez pas les gens
qui ne vous regardent pas, M. le député de Richelieu.
Mme Vallée : ...marcher en
même temps.
Le Président (M. Marceau) : Donc,
est-ce que vous vouliez ajouter plus que ça? Ça va?
Mme Vallée : Non. Non.
Non, ce n'est pas nécessaire, j'ai dit ce que j'avais à dire.
Le Président (M. Marceau) :
O.K. Parfait. M. le député de Richelieu, voulez-vous poursuivre?
M. Rochon :
Bien, je note que, malgré toute l'attention qu'elle prête aux échanges, elle
n'a pas de réponse à une question. Pourtant, il me semble essentiel,
incontournable... est-ce qu'on n'est pas ici dans le plus déplorable procès
d'intention avec ce projet de loi n° 59?
Mme Vallée : M. le
Président, ça fait un peu plus de 30 heures qu'on est sur
l'article 1. Je pense que j'ai dit pas mal ce que j'avais à dire sur cet
article-là, je vais laisser mes collègues en faire autant.
Le Président (M. Marceau) :
Parfait. Alors, M. le député de Richelieu, voulez-vous poursuivre? Non? Ça va? Alors, s'il n'y a pas d'autre intervention,
j'imagine que ça veut dire qu'on est prêt à voter sur ce sous-amendement.
Alors, peut-être... je ne sais pas c'est quoi, la formule...
Une voix : ...
Le
Président (M. Marceau) : O.K. Bon. Alors, est-ce que le
sous-amendement à l'amendement de l'article 1 est adopté? Non,
j'imagine que non.
Une voix : ...
Le Président (M. Marceau) :
Donc, est-ce que vous le faites par appel nominal?
Une voix : ...
Le Président (M. Marceau) : O.K. On
va le faire par appel nominal. Alors, c'est vous qui faites ça, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire : Oui.
Le Président (M. Marceau) : Parfait,
allez-y.
La Secrétaire :
Mme Maltais (Taschereau)?
Mme Maltais : Pour.
La Secrétaire :
M. Rochon (Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
La Secrétaire :
Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve)?
Mme Poirier : Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Oui,
pardon?
Une voix : Vous êtes pour ou
contre?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire :
Mme Vallée (Gatineau)?
Mme Vallée : Contre.
La Secrétaire :
M. Bourgeois (Abitibi-Est)?
M. Bourgeois : Contre.
La Secrétaire : M. Morin
(Côte-du-Sud)?
M. Morin : Contre.
La Secrétaire :
M. Rousselle (Vimont)?
M. Rousselle : Contre.
La Secrétaire :
M. Boucher (Ungava)?
M. Boucher : Contre.
La Secrétaire :
M. Simard (Dubuc)?
M. Simard : Contre.
La Secrétaire :
M. Marceau (Rousseau)?
Le Président (M. Marceau) : Je
m'abstiens.
La Secrétaire : C'est rejeté.
Le
Président (M. Marceau) :
C'est rejeté, donc. Alors, je suis prêt à prendre des intervenants. Mme la députée de Taschereau?
Mme Maltais : M. le Président, là, je suis un peu embêtée dans nos manières parce que,
bon, là, on vient de rejeter l'intention, on a rejeté beaucoup aussi de propositions
de l'opposition. La ministre a dit : Pouvez-vous nous déposer, peut-être,
votre vision du discours haineux? Je suis embêtée parce que,
pour en parler, il faut que je fasse ça à l'intérieur du peu de temps qu'il me reste sur l'amendement. Est-ce
qu'on peut en parler de façon plus générale, juste quelques questions à la ministre?
Mme Vallée : M. le Président...
Le Président (M. Marceau) : Oui.
Mme Vallée :
...avec respect, là, ça fait
30 heures qu'on est sur l'article 1, on en a parlé abondamment. Si vous
avez un amendement, je n'ai pas de
problème à le considérer. J'avais demandé, d'entrée de jeu, de déposer
les amendements. La
CAQ a fait l'exercice, notre collègue de Montarville avait déposé des amendements,
ce qui nous a permis de faire un travail
d'analyse, un travail sérieux, puis, là-dessus, je la remercie. J'ai lancé l'invitation, il y a
deux semaines, aux collègues. Donc, je
m'attendais, compte tenu des interventions, que peut-être,
ce soir, il y aurait un dépôt d'une
proposition d'amendement.
Mais, ceci
étant dit, je ne crois pas qu'il soit opportun de reprendre des discussions
générales. Je ne sais pas combien de
temps il nous reste, là, mais je pense qu'on a fait preuve d'ouverture dans ce
dossier-là. Mais je vous rappelle que ça fait plus de 30 heures
qu'on est sur un article.
Le Président (M. Marceau) :
Merci, Mme la ministre. Oui, Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais :
Ça fait quelques heures, en effet, que nous sommes sur cet article parce que
c'est l'article de fond. Deuxièmement,
à part un petit amendement mineur, toutes nos suggestions ont été rejetées.
Toutes nos suggestions ont été rejetées... On a le mot «endoctrinement»
qui a été ajouté, c'est tout.
Alors, M. le
Président, on me parle de collaboration, mais il faudrait aussi collaborer dans
l'écriture de la loi. Nous, on essaie
de collaborer dans l'écriture de la loi. Et, si, actuellement, on n'a pas
d'espace pour discuter de discours haineux... On n'en a plus, là, j'essaie de sortir du carré de sable dans lequel on
est un peu enferrés. Alors, si on ne peut pas sortir du carré de sable, on va essayer par d'autres
moyens. Mais ce n'était pas une discussion générale sur la loi ou sur
l'article 1, c'était sur les intentions de la ministre quant à la
possibilité ou à la capacité qu'elle a d'accepter les suggestions de l'opposition. Mais, comme j'ai refus après refus,
après refus, après refus de nos suggestions, sauf pour le mot «endoctrinement»,
que mon collègue de Bourget avait amené, bien là j'aimerais ça, savoir
où est-ce que je m'en vais, puisque toutes nos suggestions sont refusées. On me
demande une suggestion, mais on refuse tout ce que je propose.
Alors, je veux juste savoir s'il y a
véritablement, de l'autre côté, une marge de manoeuvre pour accepter les suggestions avant de les déposer ou avant même d'y
réfléchir parce qu'elles pourraient être majeures, elles pourraient faire avancer. Elles sont toujours dans le même
sens, elle le sait elles pourraient faire avancer le projet de loi. Je dirais
même que peut-être qu'il faudrait même que
je retourne dans le caucus tellement c'est gros, puis que ça pourrait permettre
de faire avancer le projet de loi. J'essaie
de nous sortir de la petite boîte dans laquelle on est enfermés actuellement
qui est cette idée que nous avons de
la lecture qu'on fait actuellement de cet article-là. C'est ça que j'essaie de
faire, M. le Président.
Le Président (M. Marceau) :
Voulez-vous répondre, Mme la ministre?
• (20 h 10) •
Mme Vallée :
M. le Président, simplement, là, je pense que j'ai été très, très, très
transparente, j'ai joué cartes sur
table, on a eu des échanges. Puis, vous savez, les échanges, là, n'ont pas
besoin de se faire toujours en commission parlementaire, j'ai toujours été disposée... si ma collègue avait
souhaité échanger en dehors de nos séances, ça m'aurait fait plaisir.
Maintenant,
on est en étude article par article. Si ma collègue a un amendement à déposer,
qu'elle le dépose. Mais, pour ce qui
est du travail avec les caucus, je pense que, depuis le moment où j'ai tendu la
main à la collègue, il s'est quand même
écoulé deux semaines. Moi, je souhaite qu'on avance — et je suis sérieuse — dans ce projet de loi là. Je l'ai travaillé
de façon très transparente, j'ai ouvert, d'entrée de jeu, les pourparlers en
suggérant aux collègues de nous fournir des amendements.
Certains l'ont fait, d'autres ont souhaité de ne pas le faire. Et ça, à chacun
appartient sa stratégie, mais... Et, lorsque
j'ai tendu la main, il y a deux semaines, je souhaitais peut-être qu'on aurait
quelque chose qui pourrait... un signe, peut-être... Entre ces deux semaines-là,
on aurait eu la chance d'échanger, mais voilà.
Alors, si ma
collègue a un amendement, qu'elle le dépose. Si elle n'en a pas, bien, qu'on
puisse passer au vote, peut-être, sur
l'amendement. Parce que, moi, c'est un amendement que j'ai déposé, que nous
avions choisi d'étudier en bloc, puis
je propose qu'on passe au vote parce que, sincèrement, je crois qu'on a un
article 2 qui nous attend depuis longtemps.
Le
Président (M. Marceau) : O.K. Est-ce que j'ai d'autres
interventions? Mme la députée de Taschereau, vous n'avez plus de temps.
Alors, ça va pour tout le monde? Alors... Oui, pardon, M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Si vous
permettez, on aurait un sous-amendement à déposer. Peut-être, suspendre
quelques instants?
Le Président (M. Marceau) :
Oui, parfait. Alors, vous n'êtes pas prêt à en faire la lecture?
M. Jolin-Barrette : Dans deux
petites minutes, M. le Président.
Le Président (M. Marceau) :
O.K. On peut arrêter deux minutes.
(Suspension de la séance à 20 h 12)
(Reprise à 20 h 20)
Le
Président (M. Marceau) :
...un sous-amendement à déposer. Enfin, vous l'avez... peut-être,
le présenter ici, à la commission, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Donc, le sous-amendement se lit ainsi : Modifier l'amendement
modifiant le troisième alinéa de l'article 1 de la loi édicté par l'article 1 du projet de loi en ajoutant,
après les mots «discours haineux»,
les mots «appuyé sur des préceptes religieux et s'exprimant dans un contexte de
radicalisation» et en ajoutant, à la fin de l'alinéa, la phrase
suivante :
«Quant à un
tel discours appuyé sur des préceptes autres que religieux et s'exprimant dans
quelque contexte que ce soit, l'intention d'exposer ce groupe à la haine
et de causer un préjudice doit être claire.»
Donc, M. le Président, pour l'explication du sous-amendement proposé, en fait, vous le savez, notre formation politique, on essaie toujours de travailler
constructivement et d'arriver à bonifier la législation, M. le Président. Et le
sous-amendement que nous proposons va en ce
sens-là, afin de réconcilier les différents membres de cette commission. Parce que je pense qu'on souhaite tous que le
projet de loi soit le plus complet possible, et parfois il faut réussir à
trouver une zone de consensus pour vraiment savoir de quoi on parle, ce sur
quoi on s'entend, puis qu'est-ce qu'on veut dire par le biais du projet
de loi.
Donc,
concrètement, le projet de loi n° 59 a été déposé dans un contexte de la
lutte à la radicalisation et d'intégrisme religieux. Donc, ça, c'est l'objectif
en vertu duquel la ministre a déposé ce projet de loi là. Parallèlement
à ça, du côté des tribunaux, il y a l'arrêt
Whatcott, M. le Président. Dans l'arrêt Whatcott, on vient nous dire que, la
question de l'intention... On est en
matière, si vous voulez, du volet civil, ce n'était pas une infraction
criminelle. Donc, on vient dire, dans
le fond : L'intention n'est pas requise au niveau de la preuve, mais c'est
plutôt la question des conséquences du préjudice, les effets
préjudiciables, M. le Président. Bon, ça, c'est la règle générale décrétée par
la Cour suprême. Il y avait l'arrêt Taylor aussi qui venait spécifier qu'aussi
on traitait de l'intention.
Par contre,
dans le contexte, dans un premier temps, le premier objectif, c'est de
s'adresser à la lutte à la radicalisation et à l'intégrisme religieux.
Mais, par ailleurs, c'est important aussi de viser le discours haineux, M. le Président. Et là j'entends mes collègues de la
partie gouvernementale, j'entends mes collègues de la première opposition
ne pas réussir à trouver une façon de
travailler ensemble, et, de notre côté, ce qu'on propose en insérant cette
disposition-là, c'est deux choses. On
vient, dans un premier temps, vraiment cibler la question du discours haineux
en matière de préceptes religieux
dans un contexte de radicalisation, donc le premier objectif pourquoi le projet
de loi a été déposé. Mais, par ailleurs, on insère, pour une deuxième catégorie de discours, donc, le fait que, si
c'est des préceptes autres que religieux et s'exprimant dans n'importe quel autre contexte, là l'intention d'exposer
ce groupe à la haine causant un préjudice doit être claire.
Donc, ça
permettrait peut-être de réconcilier les collègues pour arriver... Donc, ce
n'est pas exactement ce qui est prévu
dans Whatcott au niveau de l'intention, mais, en ce qui concerne l'intégrisme
religieux... Puis j'entendais, dans le fond — je pense que c'est lors de la dernière
séance — que mes
collègues visaient, dans le fond, le discours religieux, visaient l'intégrisme
puis la lutte à la radicalisation. Donc, pour ça, la question de l'intention
n'a pas à être prouvée avec notre
amendement dans le fardeau de preuve. Mais, par contre, pour toutes les autres
formes de discours autres, bien là, à ce moment-là, la question de l'intention devrait être
plus claire. Donc, oui, on vient insérer un élément plus élevé, mais, ceci
étant dit, tout en ciblant le discours
haineux. Donc, on ne limite pas ça uniquement au discours incitant à la
violence, mais on vise également le discours haineux, mais en mettant un
fardeau supplémentaire de preuve.
Donc, je pense que ce que nous proposons, M. le
Président, c'est une approche pondérée qui vise à assurer, d'un côté, le
respect de Whatcott, l'objectif du projet de loi en matière de lutter contre
l'intégrisme religieux et la lutte à la radicalisation.
Donc, les deux premiers éléments sont couverts. On vient assurer une certaine
mesure de protection avec le caractère
de l'intention. Mais, tout de même, on maintient la haine, donc les discours
avec l'intention de provoquer la haine
avec ses effets. Tout ça, dans le contexte, là, illégitime, dangereux, ignoble
est maintenu, mais, par contre, vous avez
le critère de l'intention. Donc, ça donne certaines garanties procédurales
aussi. Donc, avec ces deux classes de discours là, ça permettrait
peut-être, M. le Président, de moduler le tout au niveau des deux éléments.
Donc, c'est notre
proposition constructive, M. le Président, pour faire avancer le projet de loi.
C'est une proposition, là, qui est applicable dans notre contexte
particulier. Donc, peut-être que mes collègues vont adhérer à cette proposition. Je pense qu'on vise à la fois ce que la ministre
propose et, à la fois, ce que la première opposition aussi suggère.
Donc, ça permettrait de baliser au niveau des deux éléments. Je vous remercie.
Le
Président (M. Marceau) :
Parfait. Merci, M. le député de Borduas. Est-ce
que, Mme la ministre, vous voulez
réagir?
Mme Vallée : Très brièvement, M. le Président, parce qu'on réintroduit ici des notions dont on a abondamment discuté au
cours de nos échanges. Le sous-amendement proposé nous amène, d'une certaine
façon, à une forme de hiérarchisation des
droits, ce qui, malheureusement, n'est pas possible. Et, comme on me le
chuchotait tout à l'heure, ici, avec
l'amendement, on viendrait discriminer la discrimination.
Alors, c'est un petit peu particulier. Puis, bon, on réintroduit la notion d'intention, donc, pour tous les
discours, sauf ceux qui s'inscrivent dans le discours religieux. Donc, ça
vient, un petit peu, à l'encontre de ce que nous souhaitions faire.
Nous
avions un discours haineux et un discours incitant à la violence. Peu importe
le précepte sur lequel il se fonde, il
peut... Et on en a abondamment débattu, je crois que cette modification que nous avions apportée à la définition permettait quand même
d'inclure tous les discours haineux et les discours incitant à la violence qui
s'inscrivent dans un contexte religieux,
mais inclut aussi toute autre forme de radicalisation, et je pense
qu'il est opportun de maintenir cette voie, qui ne fragilise pas notre
disposition.
Le
Président (M. Marceau) :
Merci, Mme la ministre. M. le
député ou... d'autres interventions? M. le député? Ah! Mme la députée de Taschereau? Ah! pardon.
Mme Maltais :
Si le collègue veut y aller, vu que c'est son amendement, je peux le laisser
débattre un peu.
Le
Président (M. Marceau) :
Oui, oui. C'est sûr, c'est son sous-amendement. J'ai peut-être mal compris le sens du geste que vous
posiez, est-ce que...
M. Jolin-Barrette :
Non, la députée de Taschereau peut y aller, M. le Président.
Le Président
(M. Marceau) : O.K. Bon, alors, Mme la députée de Taschereau,
allez-y.
Mme Maltais : Alors, écoutez, j'aurais cru que notre collègue
voudrait plaider encore un peu plus. Je remarque d'abord... Ce sont un peu des
remarques, d'abord, sur la façon dont on lit le sous-amendement du collègue de Borduas et la
façon dont on le comprend. D'abord, il y a une acceptation — et je ne
pose pas un jugement, là — il y a une acceptation, du
côté de la CAQ et de la deuxième opposition, de dire : On va travailler
sur le discours haineux. Bon, là, il y a un point de friction avec nous. C'est-à-dire que nous, on
croit que le discours haineux n'est pas le problème, c'est le discours haineux
associé à la violence ou à la
radicalisation. Donc, il y a un contexte différent. Parce que tout le débat
qu'on a eu, M. le Président, ça a été
sur «discours haineux» et «discours incitant à la violence». Nous, on croit que
la partie «discours haineux» est de trop, ne répond pas à l'objectif.
Toutefois,
je comprends que le collègue essaie de concilier les visées de chacun des
groupes parlementaires, puis je dois
dire qu'il y a là matière à réflexion. En effet, d'abord, on les sépare
véritablement, on fait vraiment une distinction entre le discours
religieux et les discours incitant à la haine avec préjudice, avec intention de
préjudice. Donc, ça, de ce côté-là, c'est
une démarcation, je vais vous dire,
qui est meilleure que celle que le gouvernement nous propose. Donc, je pense
que, de ce côté-là, le député de Borduas a fait un bon travail, il y a
une meilleure démarcation. Je me sens plus confortable dans ce libellé-là que le libellé gouvernemental. Je trouve qu'on atteint un peu plus les objectifs
qu'on vise.
Est-ce que
je suis parfaitement en accord avec cette orientation-là? Je vous l'ai dit, M. le Président, tout à l'heure, fondamentalement, là, nous autres, on ne
toucherait pas au discours haineux, à moins qu'il ne soit dans un discours incitant à la violence, tel que le préconisait le premier ministre au mois d'août l'année dernière, où il disait : La ligne de démarcation, c'est l'incitation à la violence,
l'appel à la violence. C'étaient les propos du premier ministre. Alors, je
vois qu'on n'est pas dans... C'est un
peu mi-figue, mi-raisin. Donc, je vais juste vouloir y réfléchir un petit peu pendant que... Sûrement, le
collègue va vouloir plaider, ou peut-être d'autres collègues. Mais il y a à la fois une
avancée pour nous, une sécurisation, mais qui n'est pas l'objectif que
nous visons, c'est-à-dire que la ligne de démarcation avec la violence soit
claire.
• (20 h 30) •
Le
Président (M. Marceau) :
Bien. Merci, Mme la députée. D'autres interventions? M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, peut-être simplement rajouter l'importance d'introduire aussi
le discours haineux dans le projet de loi, et pas uniquement la violence. Parce que je vous l'ai exposé lors
de la dernière séance, là, sur le projet de loi, je pense qu'il y a certains propos qui méritent d'être
encadrés, et puis, dans notre société, c'est légitime. Et, vous savez, dans notre société de droit, tous les droits sont limités par le
cadre constitutionnel applicable. Donc, il y a une limite à tout, et je pense que c'est pour ça que c'est important
de travailler sur les deux volets, à la fois sur la lutte à la violence, les discours incitant à la violence
et, à la fois, les discours haineux. Donc, je pense qu'on a une proposition sincère ici de baliser le tout.
Donc, je vais soumettre ça à l'appréciation de mes collègues.
Le Président (M. Marceau) : Très
bien. D'autres interventions? Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Bien, M.
le Président, je comprends que c'est un effort sincère, là, mais il n'y a pas de débat au Québec
qui nous a dit qu'on avait besoin d'un projet
de loi sur le discours haineux et les
groupes discriminés en fonction
de
la charte, il y a un débat sur la radicalisation et sur les jeunes qui s'en
vont en Syrie. Revenons sur le fond, M.
le Président. Chaque fois qu'on
regarde l'article 1, moi, je reviens sur le fond parce que
c'est l'article de fond, c'est l'article qui dit de quelle loi on parle, qu'est-ce qu'on proscrit,
puis ensuite tout le reste n'est que moyens. Tout le reste n'est que moyens,
les amendes, les pénalités, la façon dont on va juger les choses. Mais c'est
ça, le débat, là, c'est l'article 1.
Il y a donc
pour nous, je le dis, je le répète... au départ, il y a une faille importante
dans cette loi qu'on nous propose, une
faille immense, il n'y a jamais eu de problème autre que le discours islamiste qui a été énoncé
dans cette charte. Par rapport
à la loi, là, toutes les fois où on a parlé de gens comme Roosh V, on a
réglé ça avec des appels... L'opprobre généralisé,
ça a marché, ça vient encore de marcher. Puis la ministre n'y a pas participé,
le maire de Montréal s'en est mêlé.
Opprobre généralisé, il n'y en aura pas, de discours de Roosh V, parce
qu'il y a des gens qui s'en sont occupés, ils sont allés sur la place publique. Et nous croyons en la force de
l'opprobre généralisé au Québec, on croit beaucoup à cette pression populaire. Ça a toujours
marché, puis c'est ça qu'il faut.
Le seul débat
qu'il y avait ici, c'était la radicalisation par des groupes islamistes qui
veulent mélanger religion et politique au Québec. Alors, ça existe. On a même été jusqu'à déjà
voter une motion contre l'instauration de la charia au Québec.
Imaginez-vous donc, on a déjà été obligés de faire ça parce qu'on sentait qu'il
y avait un besoin d'imposer certaines
valeurs au Québec, de dire : Écoutez, il y a ça qui se vit ici, il
y a une manière de vivre ici, une culture générale qui est la culture
dont on vit en société, la façon dont on interchange entre les personnes.
Alors, on
n'est pas dans un projet de loi encore sur la radicalisation, on n'est pas non
plus dans un sous-amendement qui nous permet d'être à l'aise là-dessus.
Ceci dit, M. le Président, si, ce sous-amendement, on vote pour, techniquement on ne pourra pas le sous-amender, donc on ne
pourra pas le fignoler, on ne pourra pas l'améliorer. Alors, je vous le dis, je
veux encore que le collègue
nous aide à éclaircir le débat et je lui demande de nous convaincre encore un peu parce que j'ai encore un problème, parce qu'on est encore dans
le discours haineux.
Il a voté
contre le fait qu'on enlève «détestation», qu'on enlève «dénigrement». On a
essayé déjà de mieux baliser, nous, puis, à chaque fois, il a dit : Non, je ne suis pas d'accord
avec vos façons de baliser. Puis là, tout
à coup, il considère qu'il
balise assez. Il a voté contre les mots «l'intention» tout à l'heure, puis là
il ajoute «l'intention». Ça, c'est un peu particulier.
J'aimerais qu'il m'explique pourquoi il a voté contre le fait d'ajouter «l'intention» tout à l'heure, alors que, là, il ajoute
«l'intention». Est-ce que c'est parce
qu'il avait l'intention de déposer un amendement et que c'est pour ça qu'il
attendait de déposer «l'intention»? Il aurait pu nous le dire.
M. Rochon : Tu ne peux pas lui faire
de procès d'intention.
Mme
Maltais : Je ne veux pas lui faire de procès d'intention. Mais, ceci
dit, s'il l'avait dit, on aurait pu mieux comprendre sa démarche. C'est pour ça que je veux comprendre pourquoi,
tout à l'heure, il n'a pas approuvé «l'intention» ou, au moins, il ne
nous a pas dit : Écoutez, l'intention, c'est une bonne démarche, on va
continuer, je vais y adhérer tout à l'heure. Alors, je ne sais pas si notre
collègue veut m'expliquer cela.
Le Président
(M. Marceau) : O.K. Merci, Mme la députée de Taschereau. Est-ce que
j'ai d'autres intervenants? M. le député de Richelieu.
M. Rochon : Tout à l'heure, ma...
Mme
Maltais : M. le
député de Borduas veut parler...
M. Rochon : Est-ce que le député de
Borduas souhaite me précéder ou...
Une voix : ...
M.
Rochon : Non? D'accord.
Alors, je vais y aller, M. le Président. Tout à l'heure, ma collègue de
Taschereau référait à des propos tenus par le premier ministre, je pense
qu'il vaut la peine de rappeler ces propos-là. C'était le 29 août 2015 : «Le premier ministre
Philippe Couillard — le
premier ministre tout court — convient de la nécessité de restreindre la portée du projet de loi n° 59
visant à lutter contre les discours haineux et les discours incitant à la
violence. Celui-ci
prohibera seulement "l'appel direct à la violence", a-t-il
indiqué[...].» C'est exactement ce qu'on demande, un projet de loi de
loi qui ne s'attarde qu'à l'appel direct à la violence.
«"Le
but [...] — c'est
entre guillemets, c'est le premier ministre qui parle — n'est pas de réduire la liberté d'expression au Québec, mais d'en indiquer la
limite, qui, à mon avis, requiert le consensus et va recueillir le consensus
des citoyens", a affirmé [le premier
ministre] au terme du caucus présessionnel des élus libéraux tenu à
Saint-Georges de Beauce. "On
peut dire des bêtises. On peut dire toutes sortes de choses, mais on ne peut
pas appeler à la violence."
«Le
projet de loi n° 59 sera ainsi amendé afin de préciser la
"démarcation" entre l'acceptable et l'inacceptable, le permis et l'interdit.» Et c'est à nouveau entre
guillemets, là, M. le premier ministre qui parle : «"Elle doit être
explicite et définie [la loi, là]. La
ligne pour moi — poursuit
le premier ministre — c'est
l'appel direct à la violence", a-t-il dit, cherchant à apaiser les
inquiétudes des défenseurs de la liberté d'expression.»
Alors, on a — comment
dire? — quelqu'un
dans notre club qu'on ne s'attendait pas à avoir, là. Le premier ministre, là, il dit exactement la même chose que
la députée de Taschereau, que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, que la
première opposition, là. C'est la ministre qui défend une autre façon de voir les
choses.
• (20 h 40) •
Le
Président (M. Marceau) : Merci, M. le député. Est-ce que j'ai d'autres
interventions? M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, vous savez, si la proposition d'amendement pour la
ministre, où ça pose problème, c'est
le fait de viser les préceptes religieux, on pourrait trouver une autre
formulation également, d'utiliser «dans un contexte d'endoctrinement».
Je suis très ouvert à ce qu'on puisse modifier le sous-amendement en ce
sens-là.
Par
ailleurs, la proposition d'amendement s'inscrit dans le cadre où, lorsque vous
avez un discours religieux incitant à
la radicalisation, vous n'avez pas besoin d'intention. Donc, ça respecte le
cadre de Whatcott. Par contre, pour les autres discours, là, à ce moment-là, vous avez un second volet où on propose la
question du préjudice et la question d'exposition à la haine.
Mais
j'ai de la difficulté, M. le Président, à comprendre mes collègues de la
première opposition lorsqu'on nous dit, écoutez, de ne pas inscrire le
discours haineux. Parce que j'entends les exemples... Supposons, sur l'exemple
du blogueur Roosh V, dans lequel, oui,
il y a eu une dénonciation du milieu, puis oui, c'est par l'éducation... Mais
l'outil proposé en termes de
dénonciation pourrait être un outil approprié pour atteindre cette fin-là, le
fait que cet individu-là tient des
propos misogynes qu'on ne souhaite pas avoir dans notre société, donc on ne
souhaite pas faire la promotion de ce genre
de propos là, et l'aspect de
dénonciation qui est proposé dans le projet
de loi, là, à ce moment-là c'est un outil pour faire cesser... Et, avec le sous-amendement
qu'on propose, je pense que ça permettrait de baliser les deux éléments et
d'arriver à une situation où les discours haineux vont pouvoir être encadrés.
D'autant
plus que supposons qu'on se reporte en matière criminelle, bien que le fardeau de la preuve ne soit pas le même — donc, on est en matière de «hors de tout doute raisonnable» — il y a tout de même une dénonciation, M. le
Président. Donc, généralement, bon, le
policier va faire une dénonciation par rapport à une plainte, et c'est comme ça
que le processus s'enclenche. Là, on est dans un volet civil avec une
dénonciation, et ça m'apparaît, avec le sous-amendement que l'on propose
visant le discours haineux, notamment pour des blogueurs comme Roosh V...
Et là ça permettrait d'atteindre le même objectif
que la députée
d'Hochelaga-Maisonneuve a proposé tout à l'heure, et ce genre de discours là, je pense, devient encadré avec le sous-amendement
que l'on propose. Mais, comme je vous le dis, on est très ouverts à
bonifier le sous-amendement, M. le Président.
Le
Président (M. Marceau) : Parfait. Merci, M. le député de Borduas.
Est-ce que j'ai d'autres intervenants? Ah! Mme la députée
d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.
Mme
Poirier : Oui. Si je me rappelle bien, dans une discussion
précédente que nous avons eue sur un précédent amendement, et, entre autres, en reprenant la décision Whatcott, on est
venu dire que — et je
veux juste reprendre mes notes,
là — que la
Cour supérieure expliquait que les dispositions législatives interdisant les
propos haineux et l'expression d'idées
répugnantes ou offensantes... il s'agissait de punir le discours qui porte
clairement à haïr des personnes appartenant à un groupe identifiable.
Ce
que j'en comprends, de la proposition de notre collègue ici, il vient,
effectivement — la
ministre l'a dit — hiérarchiser les droits. Moi, je suis plutôt
de l'école, M. le Président, qu'il y a des fois qu'on devrait hiérarchiser
parce que je ne comprends pas que la liberté d'expression, bien des fois,
versus la liberté des personnes, ne soit pas considérée.
Mais ça, c'est un autre débat. Je pense que, quand la violence faite aux femmes
est mise de côté pour la liberté religieuse,
je pense qu'on ne devrait jamais, jamais céder. Je ne pense pas que la liberté
religieuse permet la... le fait de tenir... de permettre la libre expression
en tant que telle.
C'est
avec le propos que je viens de tenir tout
à l'heure... Ce sont des droits qui, malheureusement, lorsqu'ils sont confrontés, on nous répond toujours la même
réponse : Il ne faut pas hiérarchiser les droits. Et, bien souvent,
lorsqu'on arrive avec des propos en
lien avec la liberté religieuse, eh bien, ça vient faire justement cela, ça
vient faire en sorte que la liberté religieuse, utilisée à mauvais
escient, permet des dérives qui sont inacceptables dans notre société. Certains
se drapent de cette liberté et de cet abri
que donne la Charte des droits par cette non-hiérarchisation des droits, mais je pense
que c'est une question qu'il va falloir se poser : Est-ce que, dans notre système... est-ce
que, dans nos règles, le fait de ne pas hiérarchiser les droits, entre autres la
liberté religieuse versus la liberté d'expression... Et, à mon avis,
c'est là le vrai débat, il est là, le
vrai débat, le débat sur le fait de tout
simplement permettre des propos sur
la capacité des gens à les tenir dans le cadre de leur religion... leur
permettre d'avoir des propos inacceptables au nom de la société.
La proposition de notre collègue, ici, qui nous
dit qu'un tel discours sur des préceptes religieux s'exprimant dans un contexte de radicalisation... eh bien,
je vais vous dire, M. le Président, c'est exactement ça. C'est que ce qu'il vient faire, c'est la hiérarchisation des droits.
La ministre ne peut pas être pour parce qu'elle est la ministre de la Justice.
Mais, si on était dans un débat ouvert, dans
un débat progressiste, nous aurions cette discussion, nous aurions la
discussion de dire : Est-ce que,
comme société, le Québec est ouvert à la hiérarchisation des droits dans
certains paramètres? Il n'est pas
temps, dans notre société, de se poser cette question-là? Quand je vois cet
imam — ça ne
s'est pas passé ici, mais on a vu des
propos d'imams au Québec... — prononcer de telles paroles ou, tout
simplement, quand Tariq Ramadan vient
dire : Nous devrions tolérer la
lapidation des femmes, nous devrions mettre un moratoire sur la lapidation des
femmes, est-ce qu'on trouve ça acceptable? Est-ce qu'on trouve
acceptable de mettre un moratoire sur la lapidation des femmes? Moi, je
pense qu'on doit se poser cette question-là.
C'est du vrai
discours haineux, ça. C'est du discours violent de dire : On va se donner
un petit «break», là, sur la lapidation, on va se donner un petit
«break». On va se donner un moment de réflexion pour se demander si on devrait continuer ou si on devrait arrêter. Ça, c'est
Tariq Ramadan qui vient nous visiter régulièrement, et il nous entretient de
ce type de propos. Parce qu'on a de ces orateurs qui viennent nous tenir ce
type de discours, mais, malheureusement, la hiérarchie des droits fait en sorte
que je ne peux rien y faire. Et même les outils qu'on a présentement, je ne
peux rien y faire. La seule chose que je
peux faire, c'est faire comme le maire de Montréal puis dire : Je n'en
veux pas. C'est la seule chose. C'est
faire comme l'ex-ministre de... bien, qui est ministre de l'Immigration
maintenant, mais qui, dans un
précédent gouvernement, était ministre de l'Immigration, la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, qui a pris son courage à deux mains et qui, en Chambre, ici même, a dit : C'est
inacceptable, on n'en veut pas, de ce monde-là, et qui a pris son
téléphone, et qui a agi.
Pas besoin
d'une loi pour faire ça, M. le Président. L'inacceptable, c'est de
l'inacceptable. Et, malheureusement, le
débat de la hiérarchisation des droits, on ne le fait pas. C'est malheureux, mais
c'est ça, le débat. Si on n'est pas capable, comme société, de se demander : Est-ce que la liberté de religion
doit passer par-dessus les autres libertés et ne peut se superposer aux
autres droits... Je suis avec des gens victimes de pédophilie de religieux de
l'Église qui, dans leur jeunesse, ont été
abusés, demandez-leur, eux autres, si la liberté religieuse... ils vont vous en
parler versus leur droit de liberté. C'en est, de la hiérarchisation.
Il y a des
causes qui ont permis, justement, que la hiérarchisation des droits ne puisse
pas se faire en tant que telle. On se
rappellera qu'une communauté huttérite en Saskatchewan ou au Manitoba avait
demandé de ne pas avoir leur photo sur
le permis de conduire parce qu'eux, ils n'ont pas le droit d'être photographiés,
mais la cour s'est tenue debout et a dit
non. Et le gouvernement s'était tenu debout et a dit non parce que c'est un
privilège d'avoir un permis de conduire. Vivre en société, c'est aussi un privilège. Le respect des uns et des
autres, c'est un privilège. Pourquoi la liberté de religion de certains devrait réduire les privilèges des
autres, devrait faire en sorte qu'ils ont le droit de m'insulter, ils ont le
droit de m'imposer des choses? Je ne pense pas. Que les gens pratiquent
leur religion dans le respect des autres, je n'ai aucun problème avec ça. Bien au contraire, je trouve que c'est
souhaitable que les gens aient une spiritualité dans leur vie, c'est souhaitable. Mais que la spiritualité,
ou que la religion, ou les préceptes religieux de certains puissent venir
brimer la liberté des autres, ah! ça, c'est inacceptable pour moi, inacceptable
et, surtout, quand c'est à des desseins de radicalisation, de
radicalisation extrême.
• (20 h 50) •
Est-ce que
c'est normal que des jeunes du cégep Maisonneuve soient tellement sollicités qu'ils partent faire la
guerre? Des jeunes qui sont des jeunes
ordinaires, qui ne viennent pas d'un milieu où il y avait de la guerre, qui ne
sont pas du tout dans un entourage où
on favorisait la guerre, mais ils ont été radicalisés. C'est de ça dont on
parle. Est-ce qu'on doit permettre, M. le Président, que la
liberté religieuse vienne entraver nos libertés collectives? Quand les discours
haineux liés à la religion sont tenus
sur la place publique, devons-nous tolérer ça? Non, non, pour moi, c'est de
l'intolérable. Pour moi, c'est de l'inacceptable.
Et, malheureusement, les religions s'attaquent, en général, aux femmes. Je lisais hier un
texte que même j'ai publié sur ma page Facebook, M. le Président, un texte fort intéressant qui décrit c'est quoi, entre autres, une des religions... Je ne veux
pas l'ostraciser, mais c'est une des religions. Ils disaient que, dans cette religion-là, la vie n'est pas importante,
c'est la mort et ce qui se passe
après, et que la vie est... Finalement, pour eux, l'enfer est sur terre, c'est
le monde à l'envers. C'est correct, moi, je n'en ai rien à faire qu'ils
pensent comme ça, c'est leur religion, c'est correct. Mais, dans cette religion-là, la femme est un objet, la femme est
là pour la reproduction. Le corps de la femme ne doit pas être un attrait
parce qu'il est dérangeant. Dans d'autres
religions, c'est autre chose. Est-ce que ça, ça doit venir brimer les libertés
des autres? Est-ce que ça doit faire en sorte que le discours de ces personnes-là,
au nom de leur religion, devrait être considéré comme acceptable parce qu'il
est religieux, parce qu'il est fait sur des bases de leur religion?
Mais,
malheureusement, ce n'est pas ce débat-là qu'on a. Mais c'est ce débat-là qu'on
devrait avoir. C'est le débat, justement,
du fait que la liberté de religion, à cause de la hiérarchisation des droits,
vient souvent en avant des autres droits, entre autres du droit des femmes d'exister, du droit des femmes de se
vêtir comme elles le veulent, du droit des femmes de parler, de porter du parfum, semble-t-il. C'est
ça, le débat. Malheureusement, on passe à côté, on passe totalement à côté.
Et, M. le Président, le premier ministre, en
février 2015, à une réponse, disait que, pour lui, les balises sont simples : La sécurité, l'interdiction de tout
discours qui appelle à la haine, à la violence et même à l'apologie du
terrorisme. Alors, lui, il l'utilisait, ce mot-là. Nous, on a réussi à
aller jusqu'au mot «radicalisation», «endoctrinement», mais le terrorisme, on n'a jamais réussi ça dans une
commission parlementaire ici. Mais le premier ministre, lui, allait jusque-là.
Alors, M. le Président, l'amendement que
propose notre collègue pourrait être fort intéressant si on était capables
d'ouvrir un dialogue sur la
hiérarchisation des droits. Mais, malheureusement, c'est ce qu'a refusé de
faire le gouvernement. Merci.
Le
Président (M. Marceau) : Merci, Mme la députée. Est-ce que j'ai
d'autres intervenants? Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
...écoutez, je vais dire finalement au collègue pourquoi je ne voterai pas pour
son amendement après mûre réflexion, même si je lui dis que je trouve
que son texte est meilleur que celui du gouvernement. O.K.?
Je
vais citer The Muslim News. Titre : Tania Longpré: L'exemple de
ceux qui insulteraient nos enfants à longueur de journée. Un article signé par Salim Abounaja, 21 décembre 2014.
Alors : «Un post publié par l'ex-candidate péquiste Tania Longpré
sur sa page Facebook, en lien avec un crime en France, mais qu'elle a
pris le soin d'annoter avec un commentaire garni d'une islamophobie savante.»
C'est son opinion, je la respecte. Le titre, c'est Le cercle des loups solitaires déséquilibrés devient meute .
Pourquoi? C'était quelqu'un qui disait : Écoutez, on a toujours dit que
c'est des loups solitaires
déséquilibrés qui font ce type d'attentats. Oui, il faut un déséquilibré, à mon
avis, pour faire un tel type d'attentats
que les attentats terroristes comme ceux de Paris, comme les autres, mais elle
trouvait qu'il y en avait beaucoup. Alors,
elle dit : Ça devient meute. On peut tous penser quelque chose de ce
texte-là. On peut être pour, on peut être contre. Mais, évidemment, il a suscité une avalanche de
commentaires haineux et antiislam. Oui, je l'ai vu, là, sur le site, oui,
il y avait des commentaires haineux. Je les ai vus et je les désapprouve
totalement. Je trouve ça inacceptable.
Maintenant,
est-ce que Mme Longpré est responsable de ce qui s'est dit ensuite? Non.
Il faut, des fois, essayer de nettoyer
vite, hein, nos sites, là. Ça ne veut pas dire qu'elle, elle était responsable.
Ce n'est pas ses commentaires à elle. Mais
voici ce qu'on dit d'elle ensuite. On dit : «Si [Mme] Longpré, enseignante
de profession, comme elle aime bien se définir, ne trouve pas de gêne à
publier ou à partager des posts à connotation haineuse en public, imaginez ce
qu'elle pourrait faire dans une classe, en
position d'autorité, face à des étudiants musulmans.» On dit que ses propos à
elle étaient haineux. Elle est donc poursuivable en fonction même de la
loi qu'on voudrait nous faire adopter.
Moi,
je lis ça, là, je ne trouve pas ça haineux. Un autre pourrait trouver ça
haineux. Mais ce que je sais, par exemple, c'est que, définitivement, ce que nous annonce The Muslim News, c'est qu'elle pourrait être poursuivie, on pourrait avoir une plainte en fonction de cette
loi-là, et, pendant un an, elle serait là à attendre devant la Commission des
droits de la personne et des droits de la
jeunesse de savoir si sa plainte est retenue ou pas. Pendant un an, elle
vivrait sous l'opprobre — c'est très clair là-dedans, là — sous l'opprobre d'une opinion de quelqu'un
qui pense que ce sont des propos haineux.
Moi, je vous le dis, j'ai été lire, je ne les trouve pas haineux. Mais elle,
elle va être obligée d'attendre pendant un an. En plus, elle est enseignante, elle va être sortie de sa
commission scolaire. C'est exactement l'exemple qu'on ne veut pas. C'est exactement ce dont on parle. C'est
exactement, là, ce qu'on essaie de dire à la ministre : Vous ouvrez une
porte aux gens qui veulent poursuivre les gens qui critiquent les religions.
La porte, elle est
grande ouverte, malheureusement, même dans le libellé de mon collègue. Pourquoi
elle est ouverte? Puis je le dis, là, il a
vraiment fait une belle tentative, mais il faut montrer que... l'intention
d'exposer ce groupe à la haine et de
causer un préjudice doit être claire. Eux, ils en sont convaincus. The Muslim News en est convaincu, puis ils ont
le droit d'en être convaincus. Je
n'en ai pas, de problème avec les opinions divergentes, différentes. Il n'y en
a pas, de problème. Mais est-ce qu'on
ouvre un processus comme ça? Est-ce qu'on permet aux gens de se monter les uns
contre les autres, de se poursuivre?
Une citoyenne comme ça, enseignante, va se retrouver, pendant un an, à
attendre. Elle va être sortie de sa
commission scolaire, elle n'aura plus d'emploi ou bien elle va être sur la paie
de quoi, de l'école, du syndicat, mise
en disponibilité? C'est quoi qui va se passer dans la vraie vie, là, si on
adopte cette loi-là ou ces règles-là? C'est ça, la vraie vie. La vraie
vie, c'est ça. Nous ne pouvons pas ouvrir une telle porte.
C'est drôle, cet
exemple-là, la ministre, ça, c'est drôle, ce n'est jamais dans ses exemples.
C'est comme si, ce bout-là, là, elle
n'entendait pas cet appel-là. Je le sais qu'elle m'écoute. Moi, je n'ai pas de
problème avec ça, je connais assez la
vie politique pour savoir qu'il faut faire 100 000 choses en même
temps. Mais ça, c'est le même appel que je fais, tous les exemples que j'amène en disant : La porte qu'on ouvre,
c'est une porte à l'interprétation du discours haineux parce qu'il y a des gens qui, malgré des propos
raisonnables ou des propos d'opinion qui se basent sur des faits, qui
disent : Moi, je le vis comme ça, ce fait-là, peuvent être
interprétés comme étant haineux, et ceci en est la preuve.
• (21 heures) •
Alors,
est-ce qu'on pourrait, s'il vous plaît, réaliser qu'on est en train de
s'enferrer dans quelque chose qui n'a aucun
sens? Tous nos appels, toutes nos propositions ont essayé de se diriger vers
l'appel direct à la violence. Ça, ça ne pourrait pas être considéré comme un appel direct à la violence, ça ne
l'est pas. On ne pourrait pas se fonder là-dessus, on ne pourrait pas se baser là-dessus. Ça serait
réglé. On les protégerait, ces personnes-là. On protégerait tout le monde.
Tout le monde, on les protégerait, peu
importe la race, la culture, la religion, l'état de santé. S'il y a l'appel à
la violence, là, direct, soutenu et
répété à la violence, on est là, on vous suit, on peut en parler. Mais ouvrir
une porte comme ça, ça n'a aucun sens.
Je
ne sais plus comment le plaider. J'amène un nouvel exemple, là. Je fouille,
puis je cherche, puis je me dis : Bon, est-ce que ça a de l'allure? Est-ce que ça se peut, cette loi-là? Mais
est-ce qu'il y a des exemples? Je cherche des exemples pour vous dire : Écoutez, j'ai l'impression
que l'appel qu'on fait est fondé. Bien, je viens encore de trouver un exemple
qui montre que cet appel-là est fondé. Cette
porte-là ne doit pas être ouverte. Les gens qui vont s'y engouffrer — et mon opinion est aussi bonne que celle d'un autre — dans cette porte-là, ce ne sont pas les
groupes de défense des droits, ils sont
venus dire : Cette porte-là, ce n'est pas la bonne, ne l'ouvrez pas. Qui
va s'y engouffrer? Nous étions supposés attendre une loi qui s'attaquait
à la radicalisation, on est loin de ça.
Dernière
chose. Là, ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, elle fait une intervention
importante. Comment ça, on ne peut
pas discriminer les discriminations? On est contre toutes les discriminations.
Mais, quand on ouvre une nouvelle porte,
là, il faut regarder ce à quoi on ouvre. On ouvre sur la radicalisation.
C'était ça qu'on était supposés ouvrir plus tôt, sur la radicalisation. Et à quoi s'attaquent la radicalisation et les
groupes islamistes? Soyons clairs, les groupes politiques, islamopolitiques, pour faire plaisir à nos
collègues de la CAQ, qui... Je rappelle, la députée de Courville disait :
Moi, je veux ce terme-là, «islamopolitique», parce que c'est lié
ensemble.
Oui, c'est
vrai, il y a un islam qui croit que la vie politique devrait être soumise à la
religion, mais ils s'attaquent aux
femmes, ils s'attaquent à l'égalité entre les hommes et les femmes, disons-le.
Ma collègue, elle vient de le nommer, on veut protéger l'égalité entre les hommes et les
femmes. Et ce qui attaque le plus l'égalité entre les hommes et les femmes,
ce sont les discours religieux. Je ne dis
pas «un discours religieux», je dis «les discours religieux». Alors, pourquoi
on ne protégerait pas l'égalité entre
les hommes et les femmes comme valeurs québécoises au-dessus de la liberté de
religion? Pourquoi? Qu'est-ce qui
nous en empêche? Pourquoi on n'ouvre pas ce débat-là? Pourquoi on n'en parle
pas? Moi, j'aurais trouvé ça intéressant.
Dites-moi
que l'égalité entre les hommes et les femmes est un principe tellement cher à
notre société qu'on le met au-dessus
de la liberté de religion. Je le sais que je brasse les chartistes, là, mais
dites-moi ça, que l'égalité entre les hommes
et les femmes est au-dessus de la liberté de religion, je pense que j'ai
90 % des Québécois qui m'applaudissent. Les Québécois sont rendus là. Oui, monsieur, les Québécois sont rendus
là. Puis c'est drôle, c'est justement quelqu'un de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
qui me fait signe que non. Je le sais, c'est ça qu'elle pense, la commission. Elle se goure complètement,
la commission, puis c'est pour ça que jamais cette loi-là va passer ici.
C'est pour ça, parce que vous n'êtes pas
rendus au diapason de la société québécoise. Vous n'êtes pas là, on est à
l'égalité entre les hommes et les femmes comme étant un principe
inébranlable dans cette société.
Et
je pense que ma collègue avait raison de dire : Discriminons la liberté.
L'égalité entre les hommes et les femmes, là, c'est un principe pour lequel on s'est assez battus, il est sacré,
il mérite d'être protégé. On reviendra à l'égalité la journée où les religions auront pris un peu moins d'air, là.
Mais l'égalité entre les hommes et les femmes, nous, on croit que c'est un principe sacré qui doit être défendu. Il n'y a
pas une religion qui a le droit de m'enlever un droit, pas une. Pas une.
Il n'y a pas une religion qui a le droit de réclamer que nous rentrions chez
nous, pas une. Pas une.
Que
nous soyons battus... Mais je suis
prête à rester sur «appel à la violence». Il n'y a pas une religion... Parce que moi, je
trouve ça... c'est violent, mais
l'appel à la violence contre les femmes, ça, je suis prête à dire : O.K.
Ouvrons une chose, l'appel à la
violence contre les groupes discriminés, contre les religions, l'appel à la
violence. Mais ce que vient de dire
ma collègue, c'est un débat fort important
puis un débat qu'on va retrouver quand on va aborder, un jour, le projet de
loi n° 62. Vous pouvez être sûrs
qu'on va l'ouvrir, ce débat-là, parce
que, là, on va être sur la neutralité
ou la laïcité. Nous croyons à la
laïcité et nous croyons à l'égalité entre les hommes et les femmes comme étant
des choses fondamentales dans cette société qui doivent être écrites
dans nos lois et dans nos chartes.
Alors, je voulais
faire ce petit topo sur ce que ma collègue a dit. L'égalité entre les hommes et
les femmes, ouvrons le débat. Deuxièmement,
c'est un exemple ici de pourquoi... Même si j'accueille la volonté du député de Borduas de
mieux définir le mauvais article 1 qu'on nous a proposé et amendé, même si
j'accueille bien cette intention, je dois dire que la porte est encore ouverte à traîner devant la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse des personnes qui ne
devraient pas y aller sur la base d'une opinion, M. le Président. Ça fait que c'est dommage, mais on va
rejeter ça. En tout cas, moi, je vais le faire. Mes collègues
peuvent toujours y réfléchir, mais moi, je vais le faire.
Le
Président (M. Marceau) : Très bien.
Merci, Mme la députée de Taschereau. Est-ce
que j'ai d'autres interventions?
M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bien, tout
d'abord, je tiens à remercier la députée
de Taschereau pour ses bons commentaires sur la belle
initiative puis la volonté dont nous faisons preuve afin de faire progresser le
débat. Par le fait même, je
l'inviterais à souligner nos bons coups aussi sur sa page Facebook si elle veut
isoler l'extrait. Je pense qu'on pourrait isoler juste ce bout-là, M. le Président, pour dire que la CAQ fait preuve d'une belle initiative puis travaille
positivement, puis ça me ferait plaisir de
voir cet extrait de la députée de Taschereau sur son mur Facebook ainsi que de le partager à plusieurs individus. J'invite d'ailleurs
le député de Richelieu à faire la même chose aussi parce que
vous savez, M. le Président, c'est bon d'avoir tout le propos parfois, mais,
sur ce cas-ci, ça m'intéresserait d'avoir uniquement le topo :
belle initiative, et on accueille la volonté.
Ceci
étant dit, je reviens sur la question de la haine parce que je pense
que c'est fondamental aussi pour l'égalité entre les femmes et les hommes de conserver le caractère du discours
haineux dans le projet de loi. Je
comprends la position de ma collègue de Taschereau sur la question de la violence, mais aussi le fait de tenir un
discours haineux par rapport, supposons... entre l'égalité entre les femmes et
les hommes, bien, aussi, ça doit être couvert dans le projet de loi, puis c'est pour ça qu'on propose la distinction entre les deux
en créant deux types de discours.
Et,
sur la question du sous-amendement, la raison pour laquelle la députée
de Taschereau nous indique qu'elle va voter contre, elle nous reproche d'avoir voté
contre leurs propositions de sous-amendements relativement au moment où on enlevait les mots «dénigrement», «à l'aversion» ou «à la
marginalisation». Par contre, ce n'est pas du tout le cas. Lorsque je
regarde le dernier amendement qu'elle a déposé, bien, elle insérait
l'intention, et on retrouvait toujours ces termes-là aussi. Donc, on nous prête
des intentions qui ne sont pas légitimes en ce sens-là, et je pense qu'avec la proposition
d'amendement on souhaitait la réconcilier avec une série de sous-amendements qu'elle a déposés parce
qu'on détache tout ce qui concerne les autres discours du
discours relativement à l'intégrisme religieux et dans un contexte de radicalisation. Donc, c'est pour ça que je
souhaitais avoir l'appui de l'ensemble de mes collègues pour le sous-amendement. Merci, M. le Président.
• (21 h 10) •
Le Président (M.
Marceau) : Merci, M. le député de Borduas. Est-ce que j'ai d'autres
interventions? Alors, comme je n'ai pas
d'autre intervention, on va proposer à la mise aux voix. Donc, est-ce que
le sous-amendement du député de Borduas à l'amendement de la ministre
à l'article 1 du projet de loi est adopté?
Une voix :
...
Le
Président (M. Marceau) :
Rejeté. Donc, l'amendement est rejeté. Est-ce que j'ai d'autres
interventions sur l'amendement de la ministre? Alors, comme je n'ai pas
d'autre intervention, on va passer à la mise aux voix.
Une voix : ...
Le Président (M. Marceau) : Pardon,
excusez-moi.
M. Jolin-Barrette : ...déposer un
autre sous-amendement.
Le Président (M. Marceau) : O.K.
Est-ce que vous en avez le texte?
M. Jolin-Barrette : Oui. Je vous le
lis.
Le Président (M. Marceau) : Parfait.
M. Jolin-Barrette : Modifier l'amendement
modifiant le troisième alinéa de l'article 1 de la loi édicté par l'article 1
du projet de loi en ajoutant, après les mots «discours haineux», les mots
«s'exprimant dans un contexte de radicalisation ou d'endoctrinement» et en
ajoutant la phrase suivante à la fin de l'alinéa :
«Quant à un
tel discours s'exprimant dans tout autre contexte, l'intention d'exposer ce
groupe à la haine et de causer un préjudice doit être claire.»
Donc, concrètement, M. le Président, on vient supprimer
la question du précepte religieux parce que je crois que c'est un peu ce qui est problématique aux yeux de
la ministre. Et on le retrouve au deuxième alinéa, et ça vise également le même objectif que le sous-amendement qu'on
vient de présenter et qui a été battu, et là on demeure dans l'objectif du
projet de loi, donc dans un contexte de
radicalisation ou d'endoctrinement. Donc, on vient, encore une fois, cerner les
deux éléments. Donc, je ne referai...
Le
Président (M. Marceau) : ...je voulais juste que vous le présentiez
sommairement. On va le déposer pour que les collègues puissent prendre connaissance
du texte de votre sous-amendement.
Donc, on va suspendre, le temps de faire la
récolte et de faire la distribution.
(
Suspension
de la séance à 21 h 12)
(Reprise à 21 h 16)
Le
Président (M. Marceau) : On
va reprendre. Parfait. Alors, le sous-amendement
est bien déposé. M. le député de Borduas, je vous ai interrompu, alors
je vous laisse reprendre vos explications.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M.
le Président. Bien, c'est, en fait, un peu la même rhétorique que sous le
sous-amendement précédent, mais le sous-amendement que nous présentons par le
biais de celui que nous venons de déposer,
l'avantage, en fait... Tout à l'heure, j'entendais Mme la ministre nous
indiquer qu'on crée une hiérarchisation des droits en abordant le contexte religieux. Et là ce que nous faisons
en insérant les mots «en s'exprimant dans un contexte de radicalisation ou d'endoctrinement», je pense
qu'on n'est plus dans un contexte de hiérarchisation des droits. Donc, peut-être que ça pourrait réconcilier la partie
ministérielle. Et on vise, tout de même, le même objectif que lorsqu'on est
dans un discours religieux ou dans un
discours intégriste ou incitant à la radicalisation. On se retrouve avec le
même objectif, mais, par contre,
selon la prétention de la ministre, on ne se retrouverait pas dans une
situation de hiérarchisation des droits. Donc, peut-être que ça pourrait
réconcilier le gouvernement.
Et, d'autre part, quant à la deuxième partie du
sous-amendement, à ce moment-là, lorsqu'on n'est pas dans le contexte de radicalisation et d'endoctrinement, on
se retrouve dans une situation où, là, l'intention d'exposer le groupe à
la haine et de causer un préjudice doit être
claire. Là, à ce moment-là, on se retrouve sur une situation distincte. Donc,
encore, on est avec deux types de discours,
mais, par contre, on vise clairement... on vient nommer «radicalisation» et
«endoctrinement», et je pense que ça pourrait peut-être être une avenue pour
contrer l'argumentaire au niveau de la hiérarchisation des droits. Donc, je
suis ouvert aux commentaires, M. le Président.
Le
Président (M. Marceau) :
Parfait. Merci, M. le député de Borduas. Mme la ministre, est-ce que vous
voulez réagir au sous-amendement du
député de Borduas? Est-ce que vous préférez que je passe la parole à peut-être
un autre intervenant?
Mme Vallée : Oui. J'imagine
qu'il y aura d'autres interventions, M. le Président. Je veux juste, simplement,
m'assurer de bien...
Le Président (M. Marceau) : Oui,
oui. Voulez-vous que nous suspendions?
Mme Vallée : Non, ce n'est
pas nécessaire. Je veux juste vérifier quelque chose.
Le Président (M.
Marceau) : Est-ce qu'il y a des gens qui sont prêts à intervenir de
l'autre côté?
Mme Vallée : Bien, je vous
dirais, à prime abord, ça ne me semble pas fonctionner.
Le
Président (M. Marceau) :
O.K. À prime abord. O.K. M. le député de Borduas, voulez-vous ajouter quelque
chose à ce stade-ci ou...
M.
Jolin-Barrette : Bien, je
constate que la ministre nous dit qu'à prime abord ça ne semble pas être
recevable. Peut-être était-elle
d'accord avec le principe, on peut peut-être travailler sur la question du
principe, chose qui est à la base de
la présentation du projet de loi, donc limiter les discours incitant à la
radicalisation. Donc, comme je vous disais, je crois que la ministre est
prête à répondre, M. le Président.
Le Président (M. Marceau) : Oui.
Est-ce que vous êtes prête à réagir, Mme la ministre?
• (21 h 20) •
Mme Vallée : Bien, en fait,
c'est parce qu'on essayait, tout simplement, de faire la lecture du texte tel
que sous-amendé. En fait, les commentaires
sont un peu les mêmes que ceux que nous avons faits dans le passé sur la
question de l'intention. On vient
mettre en place une analyse de l'intention,
alors que la Cour suprême nous indique clairement que c'est l'effet
du discours haineux qui doit être pénalisé, et non l'intention derrière le
discours haineux, peu importe le
contexte dans lequel ce discours s'inscrit. Donc, le projet de loi, suivant la proposition du collègue, s'écarterait, pour une partie des discours, des enseignements de Whatcott. Donc, je ne referai pas toute la discussion sur
l'intention, mais on revient... Et
c'est un peu étrange parce qu'on
vient un petit peu mettre en place quelque chose ou un principe qu'on a
rejeté, il y a une heure ou deux.
Le
Président (M. Marceau) : O.K. Merci, Mme la ministre. D'autres
interventions? M. le député de Borduas, oui.
M.
Jolin-Barrette : Bien,
peut-être juste rajouter, M. le Président, c'est sûr que ce n'est pas dans le
même cadre. Là, on est dans un cadre
civil, mais c'est sûr, dans le Code criminel, on fait référence à
«volontairement». Donc, c'est un
autre fardeau de preuve, on s'entend là-dessus. C'est une distinction, ça, au
niveau civil, mais je pense que ça permettrait quand même, avec la proposition que l'on fait, de vraiment cerner, là,
l'objectif principal du projet de loi, donc la lutte à l'intégrisme et à la radicalisation, et ça permet,
encore une fois, de baliser, dans le cadre des autres contextes, la notion
de préjudice et la question d'inciter le
groupe à la haine. Donc, en ce sens-là, je pense que l'amendement est pondéré
puis que ça viserait à la fois
l'atteinte de l'objectif visé par le projet de loi tout en assurant certaines
garanties procédurales.
Le Président (M. Marceau) : Très
bien. Merci. Mme la ministre, d'autres réactions?
Mme Vallée :
Simplement, c'est parce qu'on me rappelle, effectivement, que, si on reprend...
si on relit... C'est important de lire le texte globalement et, de temps
en temps, de se remettre dans le bain, puisque ça fait quand même plusieurs heures que nous n'en avons pas fait la
lecture. Mais, dans le contexte qui est prévu, au premier alinéa, tel que
proposé, l'amendement n'est pas nécessaire.
Et le premier alinéa, je vous rappelle, se lit comme suit : «La présente
loi a pour objet d'établir des
mesures de prévention et de lutte contre les discours haineux et les discours
incitant à la violence, principalement
ceux s'exprimant dans un contexte d'endoctrinement ou de radicalisation pouvant
mener à l'extrémisme violent dans un contexte d'intolérance.» Ce premier
alinéa là met la table et place la table.
On a eu
plusieurs échanges sur cette question, sur le contexte, avec la députée de
Montarville avant la pause des fêtes.
Alors, je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit, mais simplement que ces
deux éléments ne militent pas en faveur de ce sous-amendement.
Le Président (M. Marceau) : Merci.
D'autres réactions? M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Écoutez,
honnêtement, là, M. le Président, honnêtement, j'écoute, là, tous les
sous-amendements, là, que nous
propose la deuxième opposition, mais, honnêtement, il n'y a qu'un amendement
fondamental qu'il faut apporter à ce
projet de loi là, c'est qu'il ne s'adresse, dans sa première partie, qu'aux
appels à la violence. Je ne vois pas comment on va s'en sortir autrement. Il faut que la ministre adhère à la
position exprimée par le premier ministre à cet effet. Je sais qu'elle part, la ministre, d'une intention
louable, que ce projet de loi part d'une intention louable. Moi, ça, je ne
remets pas du tout, du tout ça en
question, là, sauf qu'il institue, ce projet de loi, une inquisition nouveau
genre, là, qui fait fi, selon plein
d'experts, et de groupes, et de chroniqueurs que nous avons reçus, entendus,
lus ou vus... une inquisition nouveau genre qui fait fi de la liberté
d'expression.
Il y a dans la société québécoise, il y a dans
toutes les sociétés des gens qui sont persuadés que le propos qui critique, je
ne sais pas, une religion, qui critique les homosexuels, qui critique les
femmes... Est-ce que ces propos-là, ils sont automatiquement haineux? En somme,
il y a des gens qui confondent le propos illégitime — certes,
le propos illégitime — avec le propos haineux. Alors, le projet de
loi de la ministre, qui, encore une fois, je le dis, là, part d'une
bonne intention, il ouvre à ces gens-là un beau gros bureau des plaintes.
«Bien sûr,
les tribunaux ont distingué entre le propos qui incite vraiment
une personne à haïr ou à se livrer à de la violence et les propos détestables qui n'ont pas de chances d'avoir de
tels effets.» Mais la distinction, elle est souvent ténue. Et là ce que je viens de dire là, c'est Pierre
Trudel qui le dit. Alors, ce projet
de loi, qui part d'intentions très, très, très louables, il va forcer toutes celles et tous ceux
qui s'expriment sur leur réseau social, dont je vois que mon collègue de la deuxième opposition est un grand consommateur, il me lit, il lit ma
collègue, ça me remplit d'honneur... bien, il va forcer toutes celles et tous ceux qui s'expriment à se
demander à chaque fois si quelqu'un, quelque part, ne va pas trouver que
leurs mots, leurs blagues, leurs photos ou leurs caricatures semblent haineux.
Une seule
façon de sortir de là, ma collègue de Taschereau l'a mentionnée, cette
façon-là. Elle a repris, d'ailleurs, l'avenue
que suggérait, il y a quelques mois, le premier ministre, de s'adresser
vraiment aux appels à la violence.
Alors, on peut, là, cesser de faire
des heures, et des heures, et des heures sur les différents articles
de la partie I du projet de loi, là, parce
que la ministre semble se lasser, et
prendre la seule sage décision qui s'impose, s'adresser aux appels à la
violence, point.
Le
Président (M. Marceau) :
Parfait. Merci, M. le député de Richelieu. Est-ce
que j'ai d'autres intervenants?
Mme
Maltais : Oui, M.
le Président.
Le Président (M. Marceau) : Mme la
députée de Taschereau, nous vous écoutons.
Mme
Maltais : Puisqu'il ne nous reste, malheureusement, que quelques
minutes à cette soirée, je vais les prendre juste pour rappeler ce qui
vient, encore une fois, de se dire. Puis j'ai réagi à chaque fois, je vais
réagir à chaque fois, M. le Président.
Quand la ministre
nous dit : Nous devons nous coller sur Whatcott, elle abdique son rôle de législateur... je veux dire, de
législatrice ici. Pour une fois, on a des femmes en position de pouvoir. Elle
abdique son rôle de législatrice. C'est à nous à écrire les lois et
c'est ensuite à la cour de les interpréter.
Ce type
d'infraction qu'on traite dans cette loi-là n'existe pas au Québec.
On est en train de créer ce type de loi là, d'infraction là. Sortir du Code criminel pour s'attaquer aux discours
haineux, aux discours incitant à la violence, c'est nouveau au Québec. C'est nouveau, d'ailleurs, à peu près partout dans le monde. Parce que j'ai cherché
dans les législations qu'on
nous a proposées ou dont on a parlé dans d'autres pays, oui, il y a
parfois le Code criminel. En
général, d'ailleurs,
c'est le Code criminel qui dit qu'il ne
faut pas avoir de discours haineux ou incitant à la violence, comme le Code
criminel canadien le dit. Les deux en même temps, là, je n'en ai pas trouvé beaucoup puis j'en cherche encore. Puis j'ai un bon
recherchiste, il est bon, il a appris vite.
Puis moi aussi, j'ai fouillé, puis je suis pas pire aussi pour fouiller, puis
je n'ai pas trouvé.
Donc, on fait
quelque chose de neuf. Bien, c'est à nous à l'écrire. Ensuite,
ce sera aux tribunaux de juger. On n'est pas obligés de se coller sur
Whatcott. Chaque fois qu'on a essayé d'enlever un mot, là, dans la pléiade de
motifs pour poursuivre les gens que la ministre
a décidé de déposer, chaque fois qu'on a douté sur un mot, elle nous a
dit : Non, c'est Whatcott. Bien,
je m'excuse, là, mais on n'est pas obligés, on peut créer même du nouveau
droit. C'est ça qu'on est en train de faire, on crée du droit, on travaille. On invoque notre société,
nos règles de vivre-ensemble, puis ensuite on déclare ce qu'on veut qui
soit fait, puis ensuite à la cour de l'interpréter.
Et souvent la
cour interprète aussi en fonction des règles du vivre-ensemble. Par exemple, la loi 101 a été décriée dans
le passé, décriée, et pourtant la cour a dit que, oui, une société
comme la nôtre, il est normal que puissent s'installer des règles qui correspondent à sa culture, son
vivre-ensemble et ses choix de société. Ça arrive. Cette fois-là, si on avait eu peur de la Cour suprême, je vais vous
dire que, la loi 101, là, on ne l'aurait pas déposée, et les adversaires de la
loi 101 nous auraient battus.
Vous n'allez pas me dire, M. le Président, que
nous avons déjà terminé?
Le Président (M. Marceau) : ...Mme
la députée de Taschereau, il est l'heure.
Alors, compte tenu de l'heure, justement, la commission va ajourner ses travaux sine die. Alors, merci à
vous.
(Fin de la séance à 21 h 30)