(Dix-sept
heures quatre minutes)
Le
Président (M. Marceau) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission des institutions
ouverte. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer que vos appareils électroniques
sont en mode silencieux afin de ne pas perturber nos travaux.
Alors,
je vous rappelle que la commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi
n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses
modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.
Alors, Mme la
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Kotto (Bourget) remplace Mme Hivon (Joliette).
Étude détaillée (suite)
Le Président (M.
Marceau) : Parfait. Merci. Alors, lors de notre première séance, nous
avions procédé à une discussion de nature
générale sur l'article 1 édicté par l'article 1 du projet de loi. Mme la ministre avait également présenté un amendement à l'alinéa deux de ce même
article. Toutefois, pour la bonne marche de nos travaux et puisqu'il y avait eu une demande d'étudier les
articles édictés par l'article 1 du projet
de loi alinéa par alinéa ou paragraphe
par paragraphe, je vous propose donc de suspendre, à ce stade-ci, l'étude de
cet amendement et de débuter l'étude du premier
alinéa de l'article 1. Ainsi, nous pourrons également
étudier, s'il y a lieu, les
amendements proposés à cet alinéa si cela vous convient. Je vous donne
la parole, Mme la ministre.
Mme Vallée Bien,
en fait, M. le Président, le premier alinéa a été lu, et donc simplement... En
fait, on a fait une discussion quand même assez exhaustive. Juste rappeler pour
le bénéfice de ceux et celles qui nous écoutent que le premier alinéa de l'article 1 se lit comme suit : «La présente
loi a pour objet d'établir des mesures de prévention et de lutte contre
les discours haineux et les discours incitant à la violence.»
Le
Président (M. Marceau) : Parfait. Est-ce qu'il y a des commentaires?
Oui, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. J'ai failli dire Mme la
Présidente. C'est bien, on vous aurait inclus dans le féminin, M. le
Président.
Évidemment,
au départ, on discute dans ce premier article d'une nouvelle loi. Et le titre
de la nouvelle loi que vient de la
lire la ministre dit que c'est un projet de loi qui «a pour objet d'établir des
mesures de prévention et de lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence». J'aimerais
d'abord, vu que c'est une nouvelle loi complètement qu'on aborde, que la
ministre nous dise quel endroit dans le monde ou quelle loi lui a servi de
modèle. Parce qu'il est d'usage, quand on a des nouvelles lois, de nouveaux
corps législatifs, qu'on sache d'où est l'inspiration, qu'on aille voir
qu'est-ce qui se fait ailleurs. Il y a sûrement une inspiration dans le monde,
j'aimerais savoir d'où ça vient.
Le Président (M.
Marceau) : Merci. Mme la ministre.
Mme Vallée :
En fait, comme je l'ai mentionné, M. le Président, lors de notre entrée en
matière lors des consultations, ce projet de loi s'inspire, dans un premier
temps, d'un certain nombre de recommandations qui ont été formulées au cours des dernières années par
différents organismes, notamment par la commission des droits de la
personne et de la jeunesse, qui, dans le cadre des consultations sur
l'intimidation, a demandé d'encadrer toute la question des discours haineux et
des discours incitant à la violence. Alors, dans un premier temps, on a la
commission qui a fait cette recommandation.
On
a dans le projet de loi, M. le Président... on parle beaucoup de discours
haineux, mais on oublie aussi de référer à toutes les autres dispositions
que l'on retrouve au projet de loi et qui visent également la protection des
personnes, donc des mesures que nous verrons
plus tard concernant notamment les mariages forcés, les violences commises sur
une conception de l'honneur, bref, une série de mesures qui sont de nature à
porter atteinte à ceux et celles qui en sont victimes, évidemment.
Mais, pour ce qui est
de la loi, évidemment, les légistes se sont, évidemment, inspirés de
différentes pièces législatives qui existent
et qui ont permis, sur la base des recommandations de la commission, de nous
préparer un projet de loi qui encadrait la tenue d'un tel discours.
Mme
Maltais : M. le Président, je comprends, la ministre nous a
parlé, effectivement, du plan de lutte à la radicalisation.
Là, on est rendus dans la lutte à l'intimidation. Ça, ça m'étonne parce que,
normalement, c'est une loi qui découle
du plan de lutte à la radicalisation. Là, on amène comme justificatif que c'est
la CDPDJ qui voulait ça dans le cadre d'un
plan de lutte à l'intimidation, mais enfin on reviendra là-dessus parce que
c'est déjà une affirmation qui m'étonne.
Mais
ma question, ce n'était pas celle-là. Ma question, c'est : Avant d'en
arriver à déposer une nouvelle loi... Quand on entre véritablement dans des lois complètement nouvelles, en général
on s'inspire de modèles ailleurs, à l'étranger, ce qui permet, en
général, aussi de comprendre quels ont été les impacts, qu'est-ce que ça a
donné, comment ça a été traité, comment on a
géré, justement, l'application de cette loi qui limite la liberté d'expression.
Alors, quel est le modèle? Est-ce qu'il y a un modèle ou si on est, tout
à coup, les premiers au monde à vouloir limiter la liberté d'expression en
proscrivant le discours haineux?
• (17 h 10) •
Le Président (M.
Marceau) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : M. le Président, je pense que la députée de Taschereau
sait très bien que nous ne sommes pas les premiers à légiférer en
matière de discours haineux. D'autres législatures ont encadré de différentes
façons. Certaines ont inséré à même leur
constitution, d'autres, par exemple, comme la Saskatchewan, hein... Parce que
l'arrêt Whatcott a défini et encadré
le discours haineux, parce qu'il y avait à l'intérieur des dispositions
législatives de la Saskatchewan des dispositions qui interdisaient
également en Saskatchewan la tenue de tels discours.
Alors,
évidemment, M. le Président, le Québec a sa Charte des droits et libertés de la
personne, a un organisme qui est la commission des droits de
la personne et de la jeunesse qui est encadrée par une loi-cadre. Nous avons
déjà des dispositions en cours, alors il
était tout à fait... Cette loi permet d'arrimer la volonté d'encadrer la
question du discours haineux sans créer de nouveaux organismes, sans
créer de nouvelles structures, mais en insérant et en donnant cette mission additionnelle à la commission des droits
de la personne et de la jeunesse, qui a toute cette expertise là
d'assurer le respect et l'équilibre entre le
respects des droits... donc, en l'occurrence ici, entre la liberté d'expression
et la protection des droits garantis.
Alors, il y a différentes dispositions provinciales, notamment, qui existent et
qui portent sur les propos haineux, sur
les propos discriminatoires. Alors, il y en a en Saskatchewan, il y en a en
Alberta, il y en a dans les différentes provinces. Évidemment, nous avons notre spécificité, notre organisme qui
est la commission des droits de la personne. Alors, nous avons fait le
choix d'encadrer le tout de la façon qui vous est présentée.
Le Président (M.
Marceau) : Merci...
Mme
Vallée : Mais, M. le Président, je tiens quand même à
mentionner : Le concept de discours haineux, là, ce n'est pas un
concept qui est nouveau de juin 2015, là. C'est un concept qui est bien défini
par la jurisprudence, par la Cour suprême notamment, dans deux décisions
importantes, l'affaire Whatcott et l'affaire Taylor.
Le Président (M.
Marceau) : Merci.
M. Merlini :
M. le Président, j'aurais une question...
Le Président (M.
Marceau) : Oui, M. le député de La Prairie.
M. Merlini :
Oui. En vertu de l'article 215, il y a toute une période qui est impartie à
l'étude paragraphe par paragraphe lors d'un article. On a déjà passé
passablement de temps à faire une discussion générale sur l'ensemble de l'article 1, donc je demande une question de
directive à savoir combien de temps reste-t-il exactement aux différents
groupes parlementaires pour poursuivre l'étude qu'on fait présentement. Là,
présentement, on y va sur le premier paragraphe.
Mais, étant donné qu'on a déjà commencé, c'est du temps qui est imparti puis
qui a été utilisé, là, on ne peut pas simplement faire une discussion
d'ordre général, les remarques préliminaires étant prévues pour cet effet-là.
Alors, j'aimerais avoir une directive à cet effet, s'il vous plaît.
Le
Président (M. Marceau) : Donc, très bonne question. Et la directive,
elle est très simple, là, c'est que les temps de chacun des
parlementaires autour de cette table sont de 20 minutes par alinéa, et, à ce
jour, bien là je crois que quelques minutes ont été utilisées par la députée de
Taschereau, et c'est tout.
M. Merlini :
Mais le temps qui a été utilisé à la discussion générale portait sur l'article
1. En vertu de l'article 215, c'est du temps qui est utilisé...
Le Président (M.
Marceau) : Oui, écoutez, je...
M.
Merlini : Si vous prenez... il y a trois paragraphes, incluant les
amendements, donc ça donnerait un 60 minutes par député. Alors, il y a du temps qui a été utilisé à cette fin-là. Je
veux juste avoir une directive à savoir si le temps est compté ou on
reprend à zéro. Parce que, si on reprend à zéro, bien là ça prend une directive
parce qu'il n'y a pas de jurisprudence à cet
effet. Il n'y a rien dans le règlement qui dit qu'une discussion générale est
permise de façon ouverte, là, c'est pour ça qu'il y a des remarques
préliminaires faites au début de chaque étude.
Le
Président (M. Marceau) : Ce que je comprends de ce qui s'est déroulé
lors de la première séance, c'est qu'une discussion d'ordre général
s'est tenue qui a été, d'une certaine façon, entérinée par le président de la
commission et que cette discussion a débuté,
donc, la semaine dernière et s'est close la semaine dernière. Elle est
désormais close, cette discussion, et, aujourd'hui, nous entreprenons
l'étude systématique de l'article 1 alinéa par alinéa, et donc ce qui s'est
déroulé la semaine dernière et les temps qui ont été utilisés la semaine
dernière ne sont pas comptabilisés dans l'étude alinéa par alinéa.
M. Merlini : O.K. C'est la directive
que je souhaitais savoir de votre part.
Le Président (M. Marceau) : Donc, on
part à, si vous voulez, les compteurs à zéro pour chacun des alinéas.
M. Merlini : O.K. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Marceau) : Pas de
problème. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci,
M. le Président. Je comprends donc
qu'il n'y a, à l'heure actuelle, aucune législation sur le discours
haineux que la ministre ne puisse me citer à l'extérieur des provinces
canadiennes. J'attends toujours parce que je m'attends à une inspiration. D'ailleurs,
c'est une nouvelle loi, c'est un nouveau corpus complet, là, ce n'est
pas juste... Alors donc, la seule inspiration, ce sont les provinces
canadiennes. Je n'ai pas de problème avec ça, mais je veux juste que ce soit
clair.
Le Président (M. Marceau) : Merci. Mme
la ministre.
Mme Vallée : Le concept du discours haineux se retrouve dans
bien des législations, notamment les législations canadiennes. Tout à fait normal lorsqu'il vient le temps de regarder et
d'encadrer une forme de discours comme le discours en question, discours haineux et discours incitant à la
violence, de regarder ce qui se fait au Canada et qui a pu aussi
faire l'objet de décisions des tribunaux, notamment de la Cour suprême. Je
pense qu'il était sage... et il aurait été risqué et peut-être même téméraire de ne
pas se fier aux enseignements de la Cour suprême qui encadraient le type de
discours. Donc, M. le Président, oui, disposition nouvelle, certes, disposition
qui fait appel à des concepts connus définis par la jurisprudence.
Le Président (M. Marceau) : Très
bien, merci. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : J'ai affaire à un membre du gouvernement, là, la ministre de la Justice, je lui demande s'il y a
d'autres juridictions internationales, dans d'autres pays que les provinces
canadiennes, s'il y a de ce type de loi. Sa réponse,
c'est : Oui, il y en a, mais je vous nomme seulement
les provinces canadiennes. Quelles sont les autres juridictions qui ont établi ce type de loi? C'est important
parce que c'est vraiment, là, par
rapport à... «La présente loi a pour
objet...», là, est-ce qu'il y a d'autres pays dans le monde qui ont ça?
Le Président (M. Marceau) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : M. le
Président, oui, il y a
plusieurs pays qui encadrent ce type de discours et différents discours.
Par contre, notre volonté était d'encadrer le discours, mais conformément au
respect des droits et libertés protégés par nos
chartes et également dans le respect des enseignements de la Cour suprême. Et
là je lis sur les lèvres de la députée de Taschereau, qui me dit :
Il n'y en a pas. Il y en a, des dispositions, mais il aurait été déraisonnable
de s'inspirer de dispositions législatives qui n'avaient pas été encadrées.
Notre volonté, c'était d'encadrer. Et il y avait une volonté d'encadrer le discours haineux, mais de l'encadrer
conformément aux enseignements de la Cour suprême. C'est tout simple, et
je réponds à la députée de Taschereau. Et voilà, c'est...
Le Président (M. Marceau) : Très
bien, merci. Mme la députée de Taschereau.
• (17 h 20) •
Mme
Maltais :
Alors, j'attends toujours dans quel pays on a non pas des dispositions, mais
une loi, une loi qui dit qu'on va
promulguer... une loi contre le discours haineux et une mécanique juridique. Je
n'ai toujours pas la réponse à ça, je vais
aller ailleurs, M. le Président. En fait, c'est dans la continuation, c'est
toujours sur cet alinéa. J'ai Me Grey qui nous rappelle ceci, d'abord que l'article 13 de la Loi canadienne sur les
droits de la personne, qui était de portée similaire, a été enlevé.
Donc, le mouvement canadien, il est d'enlever ce type de disposition, tel que
le dit d'ailleurs l'étude générale Les
lois canadiennes anti-haine et la liberté d'expression, de Julian Walker, Bibliothèque du Parlement, qui
explique ces motifs pour ne pas
importer dans les lois sur les droits de la personne les dispositions prohibant
les crimes haineux. Et ils sont très clairs, et Julius Grey cite le
paragraphe. Ensuite, il y a le rapport Moon, M. le Président, qu'on oublie. Et
le rapport Moon mentionne que le recours à la censure par un gouvernement doit
être limité aux catégories très étroites d'expressions
extrêmes qui menacent ou justifient la violence contre les membres d'un groupe
identifiable, et non, et non pour éviter des stéréotypes, les atteintes
à la dignité ou la diffamation.
Donc, présentement, le droit canadien s'oriente,
les juristes canadiens s'orientent vers le contraire et nous mettent en garde dans le rapport Moon de ne pas
faire ce que le gouvernement nous présente. Alors, je regarde ce qui se
passe au Canada, et c'est plutôt un mouvement contraire.
Puis, quand on va dans l'international, je n'ai toujours pas d'exemple. Alors, je vais poser la question
autrement : Pourquoi est-ce que nous avons une loi contre les discours
haineux et les discours incitant à la violence au lieu d'avoir une loi contre
la radicalisation menant à des actes terroristes, ce qui découlerait non pas
d'un plan de lutte à l'intimidation dans lequel n'est pas le projet de loi
n° 59, mais dans le plan de lutte à la radicalisation, dans lequel le projet
de loi n° 59 se retrouve en ligne droite?
Le Président (M. Marceau) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Il y a un tas de trucs qui ont été soulevés par notre collègue.
Dans un premier temps, simplement faire la distinction entre des dispositions législatives qui sont retirées et des dispositions législatives qui sont invalidées. Alors, la collègue a fait référence à des dispositions législatives qui, suite à une décision politique,
avaient été retirées. Je pense qu'il est important de mentionner que ces dispositions législatives n'ont pas été invalidées par la Cour suprême. Au contraire, les dispositions
législatives qui traitent et qui
s'attaquent aux discours haineux ont fait l'objet de différentes
analyses au fil des années et, notamment dans l'affaire Whatcott, ont été
considérées comme étant valides sur le plan constitutionnel et tout à fait justifiées
dans une société libre et démocratique.
Maintenant,
lorsque la décision politique fut prise de retirer certaines dispositions
législatives, il y a eu, d'un côté comme
de l'autre, des gens qui étaient pour, des gens qui étaient contre. Et je tiens
simplement à rappeler pour la petite histoire
à ma collègue que se sont levés contre le retrait de cette disposition
législative énormément de groupes, notamment l'Assemblée des Premières Nations, Egale Canada, l'Association du
Barreau canadien, the Canadian Unitarian Council, Women's Legal Education and Action Fund, des
étudiants, des citoyens, des journalistes, les juristes de droits
humains Jane Bailey, Irwin Cotler, Paul Champ, Philippe Dufresne, Pearl
Eliadis, Bernie Farber, Mark Friedman, du Congrès juif canadien, Lucie
Lamarche, Ken Norman, David Matas, Margaret Parsons, Haroun Sitqit et Max
Alian. Alors, il y a quand même... il y a
des juristes qui se sont levés contre le retrait de cette disposition-là,
c'était une décision politique à l'époque.
Alors, je pense qu'il faut faire la part des choses. Lorsqu'on cite des
extraits de mémoire, il faut juste peut-être se rappeler la petite
histoire.
Alors, ceci étant, M. le Président, je l'ai
clairement mentionné, il existe des dispositions qui encadrent et qui
interdisent le discours haineux. Et puis là, là, si on regarde du côté de
l'Europe, il y a un tas de pays qui, d'une façon ou d'une autre, encadrent les discours haineux et vont prévoir, comme je
le mentionnais, dans leur constitution, dans leur loi constitutive, des sections qui vont
s'apparenter à ce que prévoient nos chartes des droits et libertés et qui vont
encadrer la portée de la liberté d'expression
en excluant spécifiquement de la liberté d'expression les discours haineux. Ce
n'est pas nouveau. Ce n'est pas un concept qui est nouveau, c'est un
concept qui existe depuis longtemps et qui a été défini, comme je l'ai
mentionné longtemps et abondamment la semaine dernière.
Le Président (M. Marceau) : Très
bien, merci.
Mme
Maltais :
M. le Président, j'aimerais que la ministre nous dépose les sources
d'inspiration de sa loi — elle dit qu'il y en a, très bien — pour qu'on aille valider, qu'on fasse des
comparatifs, qu'on aille voir comment ça a été traité dans d'autres pays. Alors, si elle le dépose, tout
simplement, on pourra, au fil des discussions, nous, aller valider
comment ça s'est fait, puis on aura des comparatifs. Parce que, présentement,
on ne les a pas. Ce serait gentil.
Le Président (M. Marceau) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
M. le Président, il s'agit... Toutes ces dispositions législatives existent,
elles sont accessibles sur Internet. Une petite recherche rapide,
Saskatchewan, tout ça... Je n'ai pas ces dispositions-là avec moi. Je vous dis que nous nous sommes inspirés, c'est le cadre...
Lorsque les légistes rédigent une loi, ils s'inspirent, ils consultent ici
et là un certain nombre de dispositions. Mais j'ai déposé l'arrêt Whatcott, je
l'ai déposé, d'ailleurs, en consultations il y a quelques mois. J'imagine que la collègue a eu la chance de le lire, de
le relire même. En tout cas, je l'invite à le faire si elle n'a pas eu
la chance de le faire encore parce qu'il est quand même assez clair. Puis
l'arrêt Whatcott est quand même aussi très éclairant sur ce qu'est et ce que
n'est pas le discours haineux.
Encore une fois, j'ai eu la chance, la semaine
dernière, le 19 novembre dernier, de donner des exemples assez éloquents sur la question. Je l'ai fait,
d'ailleurs, en Chambre à quelques reprises. Alors, voilà, je pense que nos
sources d'inspiration sont quand même claires et permettent à la députée de
Taschereau de pouvoir consulter ce qui existe un peu partout.
Le Président (M. Marceau) : Très
bien. Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Bon, bien, je comprends qu'on ne connaîtra pas d'où est inspiré cela. On sait
que c'est inspiré du plan de lutte à l'intimidation,
mais c'est drôle parce que le premier ministre l'a inséré dans le plan de lutte
à la radicalisation. Ça aussi, ça devient un mystère aujourd'hui.
Dernière
chose, peut-être, avant de... Je sais que mon collègue veut parler. Pourquoi
est-ce que ce projet de loi là ne vise
pas directement la prévention et la lutte à la radicalisation, puisque c'est
dans le plan de lutte à la radicalisation et que le premier ministre a véritablement dit que c'était ça, l'objet? Alors,
pourquoi est-ce que la ministre nous parle du plan de lutte à l'intimidation? Pourquoi est-ce que ce
n'est pas, comme le demandait le premier ministre, un projet de loi sur
la prévention et la lutte à la radicalisation? Cette réponse-là, on ne l'a
jamais eue.
Le Président (M.
Marceau) : Merci. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Oui, M. le Président. Bien, dans un premier temps, j'invite aussi la collègue à
lire les amendements qui lui ont été
transmis la semaine dernière parce que, parmi les amendements, on précise
certains concepts, notamment dans un amendement que nous proposons pour
le titre.
Deuxièmement, j'ai mentionné qu'effectivement
cette suggestion-là émanait d'une consultation dans le cadre à la lutte à
l'intimidation. Les bonnes idées qui émanent de différentes consultations
faites par le gouvernement ne s'attachent
pas uniquement au travail ou au sujet pour lequel elles ont été déposées. Je
l'ai mentionné le 19 novembre dernier,
les propos haineux, ça peut s'inscrire dans une forme de radicalisation. Il y a
différents gestes aussi, différents actes commis à l'égard des personnes
qui peuvent être le fruit d'une forme de radicalisation.
Le plan de
lutte qui a été déposé en juin dernier, qui a été présenté par mes collègues de
la Sécurité publique et de l'Immigration, de l'Intégration et de la
Diversité... pardon, Immigration, de Diversité et Inclusion, pardon, c'est un plan de lutte général qui propose quand même de
nombreuses mesures. L'une de ces mesures-là est le projet de loi. Est-ce
que le projet de loi en soi va tout régler les problèmes? Il va s'attaquer à
certains problèmes précis. D'autres actions, d'autres
interventions, autres que législatives, sont souhaitées et souhaitables et sont
prévues au plan de lutte, que l'on retrouve d'ailleurs... que l'on peut
facilement retrouver... Si ma collègue le recherche, on peut facilement le
retrouver sur les différents sites Internet, notamment, des ministères
concernés. Et ce plan de lutte, il est global, et c'est dans ce contexte-là...
Ce projet de loi là est un outil parmi d'autres pour combattre et contrer la
radicalisation au Québec.
Le Président (M. Marceau) : Très
bien, merci. M. le député de Bourget.
• (17 h 30) •
M. Kotto :
Merci, M. le Président. À défaut de nous dire dans quels pays on encadre les discours
haineux par une loi spécifiquement,
la ministre peut-elle nous dire quel diagnostic préalablement établi a inspiré
la conception sémantique de ce premier alinéa?
Le Président (M. Marceau) : Très
bien. Mme la ministre.
M. Kotto : Parce que mal
nommer...
Le Président (M. Marceau) : Pardon?
M. Kotto : ...les choses, comme disait Camus, c'est
contribuer au malheur du monde, M. le
Président. Alors, le projet de loi s'inscrit dans un cadre bien précis qui est celui de la prévention de
la radicalisation violente, je dirais. Alors, il doit y avoir eu un
exercice ou un constat, un diagnostic qui a été posé pour inspirer la
conception sémantique de ce premier alinéa, est-ce qu'elle peut nous en parler?
Le Président (M. Marceau) : Très
bien. Mme la ministre.
Mme Vallée : Alors, M.
le Président, vous me permettrez de
saluer notre collègue de Bourget, qui se joint à nos travaux. J'ai toujours apprécié la présence
du député de Bourget dans nos échanges. Je me souviens de ces longs
échanges sur le projet de loi n° 94, j'ose espérer que nous passerons
moins d'heures sur le premier alinéa.
Alors, ceci
étant, M. le Président, ce projet de loi, comme je le mentionnais à ma
collègue, s'inscrit dans le cadre d'un
plan d'action qui vise et qui s'attaque à la radicalisation au Québec puis qui
a pour objet d'agir, de prévenir, de détecter et de vivre ensemble. Ce projet de loi, le projet de loi n° 59, nous
permet d'agir, nous permet de prévenir, nous permet de détecter et nous permet aussi de vivre ensemble,
permet d'agir de façon concrète à l'égard de certains comportements, à
l'égard aussi de certains propos, comme je le mentionnais à votre collègue, à la
collègue de Taschereau, des propos qui
s'inscrivent trop souvent... qui peuvent mener à la radicalisation. Parce que,
des propos haineux, des propos qui incitent à la violence, on les retrouve dans différents types de discours, mais
on les retrouve également dans les discours qui peuvent mener à la
radicalisation.
Et le projet
de loi n° 59 et l'article 1 de la loi proposée, bien, visent à donner des
outils et permettent de mettre en place des mesures de prévention et de
lutte contre les discours haineux et incitant à la violence. Alors, je vous
dirais, M. le Président, que le premier alinéa est on ne peut plus clair.
Le Président (M. Marceau) : Très
bien. Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Alors, M.
le Président, nous voulons que l'objectif
soit clair, nous voulons aussi répondre... J'ose m'exprimer ainsi à la volonté du premier ministre et à la
volonté du Québec à l'effet de lutter contre la radicalisation.
Alors, je vais proposer un amendement sur ce premier alinéa, M. le Président.
Le Président (M. Marceau) :
Pouvez-vous nous le lire, Mme la députée?
Mme
Maltais : Je vais vous le lire. Alors, l'amendement se lirait comme suit. Remplacer le premier alinéa de l'article
1 de la loi proposée par l'article 1 du projet
de loi par le suivant : «La
présente loi a pour objet d'établir des mesures de prévention et de
lutte contre la radicalisation menant à des actes terroristes.»
Le
Président (M. Marceau) : On va suspendre, Mme la députée de Taschereau,
le temps de regarder et de juger. Merci.
Donc, on suspend.
(Suspension de la séance à
17 h 34)
(Reprise à 17 h 35)
Le Président (M.
Marceau) : Très bien. Alors, nous reprenons. Mme la députée de Taschereau,
peut-être pouvez-vous nous expliquer la raison et l'objet de votre amendement.
Mme
Maltais : Tout à fait, M. le Président. Écoutez, je l'ai dit tout à l'heure, ce projet de loi répond d'abord... et découle directement du plan de lutte à la
radicalisation. Et, on l'a dit souvent, il ne cible pourtant pas la
radicalisation seulement, il cible une vaste palette de discours haineux,
en fait discours haineux envers tous les groupes qui sont cités dans la Charte des droits et des libertés. Alors, nous,
on voulait ramener véritablement l'objectif du projet
de loi à la cible qu'on
attendait, qui a été énoncée dans le plan de lutte à la radicalisation, c'est
la lutte à la radicalisation. Si j'ai ajouté «menant
à des actes terroristes», c'est parce
que j'ai entendu des collègues
dire : La radicalisation, c'est trop vaste, c'est trop large. La radicalisation, ça pourrait être... on
peut se faire traiter de radicaux d'un bord et de l'autre. Alors, j'ai
ramené au fondement, à ce que c'est, la
radicalisation menant à des actes terroristes. Je n'ai pas introduit la notion
de religieux — on
peut en débattre, est-ce que c'est bon, est-ce que ce n'est pas bon
d'introduire la notion d'intégrisme religieux, et tout ça — mais
j'ai essayé d'englober véritablement ce qui inquiète les gens et ce pour quoi
on voulait que le gouvernement agisse, la radicalisation menant à des actes
terroristes. Voilà.
Le Président (M.
Marceau) : Très bien. Réaction, Mme la ministre.
Mme
Vallée : L'amendement, en soi, limite de beaucoup la portée du projet de loi, mais le limite
d'une façon telle qu'il ne permet pas d'agir en amont. Parce que les
propos haineux puis les propos qui incitent à la violence, sans nécessairement amener à des actes terroristes, peuvent amener à des actes qui vont
mettre des citoyens, des citoyennes dans des situations
précaires, des situations dangereuses et sont, bien souvent, le début et
amènent tranquillement vers la radicalisation,
mais vont aussi porter atteinte au respect des droits des personnes vulnérables
et de certaines catégories de personnes.
Donc, M. le
Président, l'amendement va à côté de l'objet, de ce qu'il vise, c'est d'agir en
amont. Lorsque j'ai mentionné que le projet de loi s'inscrit dans le cadre du plan
d'action gouvernemental 2015-2018, ce plan d'action là prévoit des actions en amont, prévoit de la prévention, de la détection,
du vivre-ensemble, et ce projet de loi là fait partie de ces piliers-là. D'ailleurs, on le retrouve dans
notre portion dans le projet de loi, dans l'agir, prévenir et vivre
ensemble. Alors, les actes terroristes, ce
projet de loi là va arriver... il y aura eu probablement... Si on devait
limiter, on va permettre que bien du mal puisse se dire et peut-être se
diriger envers des personnes, actuellement, qui font partie de catégories qui
sont identifiées à l'article 10, et on va passer à côté d'une grande partie de
l'objectif.
Alors,
moi, je vous dirais, M. le Président, que l'amendement va bien en dehors de ce
qui est prévu et, même, va vraiment limiter... ne permet pas d'agir en
prévention, ne permet pas de... Parce qu'une fois que l'acte terroriste est commis on n'a pas agi en prévention, alors que le
processus de radicalisation, il est insidieux, il se fait
tranquillement, et des discours haineux, des
discours incitant à la violence se retrouvent
dans le processus de radicalisation. Et on protège les
personnes vulnérables et, du coup aussi, on s'attaque à une problématique.
• (17 h 40) •
Le Président (M.
Marceau) : Très bien, merci.
M. Merlini :
M. le Président, j'aurais une question de règlement sur l'article 197, qui
porte sur le contenu de l'amendement.
Le Président (M.
Marceau) : M. le député de La Prairie.
M. Merlini :
On dit, dans notre règlement, que les amendements doivent concerner le même
sujet que la motion. Alors, dans ce cas-ci,
il est clair qu'en changeant... Dans l'amendement proposé, on dénature le
premier alinéa, qui est un peu le
coeur du projet de loi, qui dicte ce que c'est, le projet de loi, l'objet du
projet de loi. Et, à ce moment-là, on change l'objet, vraiment, des
termes qui sont utilisés en changeant...
On dit, à peu près,
«les mesures de prévention et de lutte contre les discours haineux et les
discours incitant à la violence». Là, on parle de «lutte contre la
radicalisation menant à des actes terroristes». Là, on change de registre complètement. La ministre a expliqué très
longuement, lors des discussions générales, et dans les remarques
préliminaires, et en Chambre, quels étaient
les objectifs du projet de loi, qui faisaient partie d'un plan d'ensemble. Mais
là venir proposer cet amendement... l'article 197, vraiment, là, ça
dénature le propos, là.
Le Président (M.
Marceau) : Je veux juste regarder le 197.
Des voix :
...
Le Président (M.
Marceau) : On va laisser... Bien, oui, Mme la députée de Taschereau,
si vous voulez dire quelques mots en réaction à ça, puis je vais simplement
lire pendant ce temps-là.
Mme
Maltais :
Tout à fait, M. le Président. Écoutez, je vais relire l'article pour qu'on
s'entende bien, là. Parce que la
ministre a dit qu'on oubliait la prévention ou qu'il fallait que l'acte
terroriste soit déjà commis, qu'elle voulait aller en prévention. Je
répète, je reprends exactement le même début que l'article 1 — d'ailleurs,
M. le Président, ça va vous intéresser dans votre étude — c'est:
«La présente loi a pour objet d'établir des mesures de prévention et de
lutte...» La prévention et la lutte, tout est là, là. La prévention fait partie
de la lutte à la radicalisation, on est d'accord.
La seule
différence, c'est que la ministre dit : On veut tous les discours haineux.
Nous, on précise l'objectif de la loi. On ne change pas l'objectif de la
loi, on le précise. Et cette précision, c'est que ce qu'on veut viser... Parce
qu'on n'a pas encore touché au discours
haineux, il est après, là, le discours haineux. Mais là on le voit après, il y
a une... s'applique au discours haineux, par exemple. On pourrait très
bien accepter : «La présente loi a pour objet d'établir des mesures de
prévention et de lutte contre la radicalisation venant des actes terroristes»
puis dire que ça s'applique, entre autres, au discours haineux si on veut, si
on veut le voir.
Mais donc logiquement, de façon cohérente, on
s'attaque à la radicalisation, on dit qu'on veut s'attaquer à la radicalisation, on veut y aller en prévention.
C'est ce que nous disons, nous voulons aller en prévention et en lutte
contre la radicalisation. «Menant à des actes terroristes», oui, parce que
c'est ça, c'est ça, l'objet de la discussion au Québec actuellement, et c'est
là-dessus que, maintes et maintes fois, les partis d'opposition ont demandé au
gouvernement d'intervenir.
Le Président (M. Marceau) : Je vais
vous arrêter, Mme la députée de Taschereau, puis je vais revenir à l'intervention du député de La Prairie. Son
intervention me demandait, dans le fond, de... enfin, invoquait l'article
197, qui en est un de recevabilité de l'amendement, ce qui n'avait pas été dit
de façon explicite. Donc, ce que je vous suggère, c'est que, bon, vous avez
déjà fait un début de plaidoyer, là, mais, si vous voulez compléter votre
plaidoirie sur la recevabilité — pas sur le fond, là, sur la
recevabilité — de
l'amendement déposé par la députée de Taschereau, je vous écoute. Je donnerai droit de parole de l'autre
côté pour qu'on plaide aussi sur la recevabilité, puis, après ça, on verra
ce qu'on fait. Alors, je vous écoute.
M.
Merlini : Merci, M. le Président. Bien, le but de l'appel à l'article
197, c'est que la terminologie qui est utilisée change l'objet, vraiment, de ce qui est dans le premier paragraphe de
l'article 1. Le projet de loi, c'est une loi édictant la Loi concernant
la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant
à la violence. Ce n'est pas les actes
terroristes que ce projet de loi là a été fait. Dans les mesures du plan
d'action, il y a d'autres mesures. C'est sûr qu'on veut prévenir la radicalisation, c'est certain.
Mais ce projet de loi là, de la façon dont il est écrit — et il faut que ce soit bien écrit,
comme l'a dit le député de Bourget — bien là on en change l'objet
en arrivant avec cet amendement-là.
Alors, c'est
pour ça que je vous disais : En vertu de l'article 197, il n'est pas
recevable parce qu'on change l'objet, vraiment, du premier paragraphe.
Vraiment, c'est la prévention et la lutte contre les discours haineux et les
discours incitant à la violence.
Le
Président (M. Marceau) : Très bien, merci, M. le député. Sur la
recevabilité, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Sur la
recevabilité, M. le Président. Comme je le disais tout à l'heure, on est encore
dans la prévention et la lutte. Maintenant, le discours haineux, la ministre
elle-même l'a dit, pour elle, le discours haineux se situe dans ce qui provoque la radicalisation, ce qui amène à de la
radicalisation. Or, nous, ce que nous désirons, c'est qu'on fixe
l'objectif.
Je rappelle, M. le Président, que ce projet de
loi, d'après tous les documents gouvernementaux, d'après les propres documents
du gouvernement — ce
n'est pas les miens, là, ce n'est pas ceux de l'opposition — d'après
les documents du gouvernement, ce projet de
loi se situe dans le cadre d'un plan de lutte à la radicalisation, et les
propos du... Vous n'étiez pas là, M.
le Président, mais j'ai lu le préambule du plan de lutte à la radicalisation,
et il est évident, à la lecture des
propos du premier ministre, qu'on vise dans le plan de lutte à la
radicalisation la lutte à la radicalisation, et on parle même de «menant à des actes terroristes». On va
même jusqu'à pointer le phénomène religieux, je ne vais pas jusque-là.
Mais donc je précise l'objectif tel qu'il est
énoncé par le premier ministre. Je suis exactement en droite ligne, là, avec le plan gouvernemental, mais je précise
l'objectif. Est-ce que les discours haineux, ensuite, doivent faire... la
lutte aux discours haineux doit faire partie de la lutte à la radicalisation?
Cela ne l'exclut pas, mais je précise l'objectif de la loi. La loi, ce que nous dit le premier ministre, c'est qu'elle est
là pour lutter contre la radicalisation menant à des actes terroristes.
C'est pour ça que je veux préciser l'objet de la loi dès le premier alinéa, M.
le Président.
D'ailleurs, à
l'époque, j'avais dit que je voudrais changer le titre de la loi, puis la
ministre était d'accord en disant : Oui, si on change des éléments, on changera le titre. Bien, je pense
que, là, ce qu'on vise, c'est préciser l'objectif de la loi, tout
simplement. Non pas le changer, le préciser.
Le Président (M. Marceau) : Très
bien. Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Je pense qu'il faut faire attention lorsqu'on fait référence au plan d'action,
là. Le plan d'action prévoit différentes mesures, puis ce n'est pas... Le plan
d'action, ce n'est pas une mesure. Combattre la radicalisation ne se fait pas avec une seule et unique mesure. Le
projet de loi qui est sous étude actuellement s'inscrit à la mesure 1.6,
par laquelle on le
prévoit spécifiquement : «Sanctionner civilement la tenue et la diffusion
publiques de propos haineux, ou incitant à la violence, fondés sur un
motif de discrimination prévu à la Charte des droits et libertés de la
personne.» C'est au nombre des gestes à
poser pour agir contre la radicalisation et envers la radicalisation, et ça
s'inscrit dans un projet de lutte à la radicalisation. Et ça, c'est tout
simple, là, on le retrouve à la page 11 du plan d'action.
Le
Président (M. Marceau) : Très bien. Merci, Mme la ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? Écoutez, je reçois tout ça avec intérêt. Cependant, je vais prendre la décision
en délibéré sur cet amendement. Donc, on va confier au service de la présidence le soin de nous formuler
un avis éclairé sur les différents arguments qui ont été présentés
devant moi. Et donc on va suspendre l'amendement pour l'instant, et on va
continuer la discussion. Et je vois que la députée de Montarville veut nous
parler, alors nous vous écoutons, Mme la députée.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, c'est gentil. Bonjour à tous.
À mon tour, j'aimerais déposer un amendement sur le premier alinéa de
l'article...
Une voix :
...
Mme Roy
(Montarville) :
Mais il est suspendu. Comme il est suspendu, ça devient un amendement. Enfin, j'aimerais déposer quelque chose, j'aimerais qu'il
y ait une modification... Appelez-le comme vous voulez, j'aimerais qu'il
y ait une modification au premier alinéa de l'article 1 de la ministre,
chapitre I, Objet, et la...
Une voix :
...
Mme Roy
(Montarville) :
Oui?
Une voix :
...
Mme Roy
(Montarville) :
Alors, je vais vous faire la lecture. Je vous avais déjà distribué, mais...
Le Président (M.
Marceau) : Je veux juste vous dire, Mme la députée de Montarville,
techniquement, là, en principe, on devrait avoir disposé du premier amendement
avant de pouvoir aborder un amendement sur le même alinéa. Cependant, ce que je
vous suggère de faire, là, question de ne pas être paralysé, c'est que vous le
présentiez verbalement sans le déposer
formellement. Dites-nous ce que vous aviez l'intention de nous dire, parlez-en,
et puis, une fois qu'on aura la
décision de la présidence concernant l'amendement de la députée de Taschereau,
on pourra passer au vote. Mais je vous invite donc à le présenter, à en
discuter sans le déposer formellement.
Puis, avant de faire
ça, je vais demander à Mme la ministre de nous dire quelque chose. Allez-y.
• (17 h 50) •
Mme
Vallée : En fait, juste une petite question de règlement. Parce
qu'à partir du moment où la collègue dépose, et on entame les discussions, je veux juste m'assurer que le temps soit
compté et que le travail qui se fait se fait vraiment dans une optique
où on souhaite vraiment avancer et que cette discussion-là ne soit pas une
discussion dans le vide, qu'on puisse... Je comprends qu'on ne puisse peut-être
pas voter, se prononcer sur l'amendement tant que la décision n'a pas été
rendue sur l'amendement de la collègue de Taschereau, mais je ne voudrais pas
que le temps pris à étudier cet amendement-là ne soit pas calculé.
Le
Président (M. Marceau) : Bien sûr. Mais, en vertu de ma décision, le
temps de la députée de Montarville, pour
l'instant, va être sur l'alinéa un pour l'instant. Et, si, un jour, on passe à
un amendement de la députée de Montarville, on passerait à ça.
Mme Vallée :
Un jour, on y arrivera, croyez-moi.
Le Président (M.
Marceau) : Mais on aura une décision rapidement, puisqu'il reste
10 minutes à la séance d'aujourd'hui. Alors, on pourra avancer plus
facilement la prochaine fois.
Mme la députée de
Montarville, nous vous écoutons.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. je pense, je vais finir par comprendre cette
procédure-là un jour, là, j'y vais. Donc,
sans vous la lire textuellement, ce qu'on suggère... Puis, Mme la ministre, on a un début similaire, là,
on se comprend, mais j'y ajouterai quelques précisions — et ce sont les mêmes, et je vais les répéter tout
au long de ces audiences — des
précisions relativement au type de discours et qui, pour nous, est toujours
dans la même veine de, lutter contre cette radicalisation, qui fait
office du plan directeur et des décisions prises par les ministères impliqués, mais surtout d'ajouter dans le type de discours un
discours qui provient d'une source très définie qui est, pour nous, les
discours... soit des discours haineux incitant à la violence, mais qui ont une
origine... qui ne sont pas tous les discours haineux
et incitant à la violence, puisque le plan pour contrer la radicalisation lui-même
est précis à cet égard-là. Donc, on veut demeurer dans cette précision-là et y ajouter que ce fameux plan de
lutte devrait être contre l'intégrisme religieux et les appels à la
radicalisation, desquels découlent de ces discours-là.
Donc, ce qu'on dit, et vous me voyez venir, Mme
la ministre... De toute façon, je le dis puis je le répète, c'est le fait d'ajouter l'intégrisme religieux et les
appels à la radicalisation. Mais je vous ferai une lecture du libellé en
détail. Mais, pour
moi, c'est important que ça découle de ça, le type de discours qui
serait prohibé. Voilà, tout
simplement. Mais je reviendrai plus en détail.
Le Président (M. Marceau) : O.K. Mme
la ministre.
Mme Vallée : M. le
Président, c'est tout simplement... je voulais savoir à quel amendement précisément on faisait référence parce que, la semaine
dernière, notre collègue de la CAQ nous a remis des projets d'amendement dont
elle entendait discuter, et je veux juste
m'assurer qu'on discute tous du même projet parce que j'en ai un qui est
numéroté 2, j'en ai un qui est numéroté 3.
Mme Roy
(Montarville) :
En fait, précisément, là, c'est vraiment l'article 1...
Le
Président (M. Marceau) : Peut-être,
oui, question de se simplifier la vie, vous pouvez peut-être
lire ce que vous avez l'intention de déposer, Mme la députée de
Montarville, et puis on saura de quoi on parle. Merci.
Mme Roy
(Montarville) : O.K.
Alors, article 1, vraiment le premier de tous, là, du chapitre I, Objet, et
ça se lit ainsi, l'amendement. Remplacer le premier alinéa de l'article 1 de la Loi concernant la prévention et la lutte
contre les discours haineux et les
discours incitant à la violence édicté par l'article 1 de ce projet de loi par le suivant — et
là je vous soumets juste le premier
alinéa, puisqu'il y en a deux autres, donc : «La présente loi a pour objet
d'établir des mesures de prévention
et de lutte contre l'intégrisme religieux et les appels à la radicalisation qui
prônent, par des discours haineux incitant à la haine ou même à la
violence, le rejet et le dénigrement des droits et libertés consacrés dans la Charte
des droits et libertés de la personne.»
Et je vous
dirais tout de suite, même, pour faire avancer les travaux, que nous
avons des amendements pour les deux autres alinéas, mais qu'uniquement accepter ce premier alinéa
serait déjà un pas de géant qui pourrait faire en
sorte que nos autres amendements
ne seraient pas nécessairement nécessaires dans
la mesure où la définition du
discours haineux que vous avez utilisée, qui est issue de la
jurisprudence, on y adhère, là, on est très, très proches, là.
Alors donc,
je vous ai lu cet amendement-là, et, pour nous, c'est vraiment
l'ajout des termes «prévention et lutte contre l'intégrisme religieux et les appels à la radicalisation qui
prônent, par des discours haineux incitant à la haine ou même à la
violence, le rejet et le dénigrement des droits et libertés». Et, si on insiste
là-dessus, c'est que les discours haineux et incitant à la violence, ils ne
viennent pas de n'importe quelle source. Pour nous, il faut que ces discours-là
viennent d'une source qui soit précisée. Et,
pour nous, c'est l'intégrisme religieux et les appels à la radicalisation,
toujours dans l'optique du but du plan, qui
est un plan pour contrer la radicalisation des jeunes. Mais on ne parle pas de
n'importe quelle radicalisation. Être un syndicaliste pur et dur, on peut être un
radical. Mais c'est vraiment une radicalisation qui nous vient de l'intégrisme religieux. Puis là je ne
nomme pas aucune religion, là, mais ce n'est pas de la radicalisation qui
vient de n'importe où, d'où la nécessité de le dire puis de l'expliquer.
Puis,
lorsqu'on est... justement, on tient cette forme de discours, bien, il y a
des discours là-dedans qui incitent à la haine et à la violence, puis au rejet, puis au dénigrement de nos
valeurs, et qui ne sont pas une radicalisation qui mène au terrorisme nécessairement,
mais ça peut être, par exemple, le dénigrement des femmes, ou le rejet de nos
valeurs démocratiques, ou le fait qu'on doit
faire outre, tenir outre nos chartes. Bien, ça, c'est le dénigrement de nos
valeurs puis de nos chartes, puis ce
n'est pas des actes terroristes, puis ce n'est pas nécessairement
incitant à la violence. Alors, c'est la raison pour laquelle ont dit «qui prônent par des discours haineux
incitant à la violence [et à la haine même], le rejet et le dénigrement
des doits et libertés consacrés dans nos chartes». Si vous avez l'occasion de
le lire, là...
Une voix : ...
Mme Roy
(Montarville) :
Toujours la cible.
Le Président (M. Marceau) : Je vais
laisser Mme la ministre réagir.
Mme Vallée : En fait, moi, j'aurais une question
pour notre collègue de Montarville. Pourquoi faire référence à «intégrisme
religieux»? Parce qu'il peut y avoir des intégrismes, des formes d'intégrisme
qui, sans être religieux, pourraient mener à la violence, pourraient mener à
des actes de la même nature.
Une voix : ...
Mme Vallée :
Bien, ils pourraient. Alors, prenons... Et à juste titre, la semaine dernière,
le collègue de La Prairie a fait
référence à tout ce qui a... l'intégrisme, la forme d'intégrisme qui a mené à
la Deuxième Guerre mondiale, qui n'était pas une forme d'intégrisme
religieux, mais qui a mené à des pertes de vie inestimables et à une situation
terrible.
Donc, la
problématique de cibler l'intégrisme religieux, c'est qu'on le réduit, on le
ramène à une forme d'intégrisme, mais
aucune forme d'intégrisme qui mène à tenir ce type de discours qui mène à la
violence, qui mène à encourager la violence
à l'égard de personnes n'est acceptable. Alors, c'est ma question pour la
collègue parce que je le sais qu'on a eu plusieurs échanges, la semaine
dernière.
Le Président (M. Marceau) : Mme la
députée de Montarville...
Mme
Roy
(Montarville) : Oui, j'ai une petite réponse. C'est
que tout ça est dans le vaste plan pour contrer la radicalisation, mais
la radicalisation, elle, elle provient de l'intégrisme religieux.
Mme Vallée : Pas toujours.
Pas nécessairement.
Mme Roy
(Montarville) : Bien, l'objet... N'oubliez pas, votre plan
contre la radicalisation, ce n'est pas radicalisé contre le syndicat, l'environnement, peu importe,
c'est vraiment... On parle, là, de l'État islamique, là. On va arrêter
de se cacher la tête dans le sable, là, elle
est là, la radicalisation, empêcher les jeunes de s'en aller là-bas. Alors,
c'est la raison pour laquelle je vous dis : Cette radicalisation-là
que vous voulez contrer, bien, elle vient d'un intégrisme religieux.
Mme Vallée :
Tout ça s'inscrit dans le plan d'action, M. le Président, et, à la
page 9 du plan d'action, on définit la radicalisation comme étant... «Le mot "radicalisation" peut
renvoyer à un ensemble de gestes qualifiés d'"extrêmes" ou qui
découlent d'une interprétation plus littérale
des principes d'un système, qu'il soit politique, religieux, culturel ou
économique.» Alors, c'est la radicalisation
dans son ensemble à laquelle le plan de lutte vise à s'attaquer, pas
seulement qu'à l'intégrisme religieux. L'intégrisme religieux est inclus, mais
il n'est pas exclusif.
Le Président (M. Marceau) : Mme la
députée de Montarville.
• (18 heures) •
Mme Roy
(Montarville) : C'est que le fait de s'attaquer uniquement à
la radicalisation, ça ne donne rien dans la mesure où, comme je vous disais, vous pouvez être un syndicaliste
radical. Donc, vous employez, vous aussi, un terme sans mettre la source, et la problématique est là. La
source, c'est l'intégrisme religieux, pour ne pas nommer d'autre chose, pour ne pas dire l'islamisme radical. Et c'est la
raison pour laquelle on a commencé ces travaux-là, puis c'est la raison
pour laquelle on vous demandait d'agir lorsque vous avez été nommée ministre de
la Justice.
Je m'en
souviens, dès vos premières semaines de mandat, on vous demandait une loi pour
faire quelque chose à la suite des
événements... là, je perds la notion du temps, mais les événements à
Saint-Jean-sur-Richelieu puis les événements à Ottawa qui étaient des événements qui ont été causés au nom d'une
religion. Donc, c'était une radicalisation, mais une radicalisation...
une conversion dans un cas, deux radicalisations au nom d'un intégrisme
religieux encore une fois. Alors, comme
c'était la racine du mal, comme c'était la raison pour laquelle vous avez
travaillé si fort, les juristes ont travaillé si fort, vous avez fait un
plan à plusieurs volets parce qu'il faut inclure aussi la sécurité publique
là-dedans, pourquoi ne pas le nommer? Et je reviens à dire : C'est parce
que libellé, là, la façon dont il est, si on ne le nomme pas plus précisément, on est trop large, c'est une
trop grande atteinte à la liberté d'expression qui est exprimée ainsi.
Et nous pouvons porter atteinte à la liberté d'expression, mais il faut que ce
soit très précis, c'est extrêmement large.
Alors, je
reviens avec mon concept. Vous allez me trouver plate, radoteuse, fatigante,
mais il faut que ça soit précis, qu'on sache que cette radicalisation vient d'un
intégrisme religieux, pas une radicalisation pour des valeurs tout
autres qui pourraient même dénigrer, qui pourraient même, à la limite, parler à
l'encontre de plein de choses, mais qui...
Le
Président (M. Marceau) : Je
vais vous arrêter, je m'excuse, Mme
la députée de Montarville, mais on dépasse le temps qui nous a été donné. Alors, merci
pour ces dernières interventions.
Et, compte tenu de l'heure, je lève la séance,
et la commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 1)