(Dix
heures onze minutes)
Le
Président (M. Hardy) :
Alors, prenez place, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des institutions
ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet de
loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant
diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.
Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Proulx (Jean-Talon) remplace M. Fortin (Sherbrooke);
M. Hardy (Saint-François) remplace M. Tanguay (LaFontaine); M. Koto (Bourget)
remplace M. Cloutier (Lac-Saint-Jean); et M. Jolin-Barrette (Borduas) remplace
M. Martel (Nicolet-Bécancour).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Hardy) :
Merci. Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à la ville de Montréal. M. le
maire, je vous invite à présenter la
personne qui vous accompagne et je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé.
Ville de Montréal
M.
Coderre (Denis) : Merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre, M. le
vice-président, Mmes et MM. les
députés, aujourd'hui, je suis
accompagné de Mme Anie Samson, qui est vice-présidente de mon comité
exécutif et qui est maire de l'arrondissement de Villeray—Saint-Michel—Parc-Extension.
Alors,
d'entrée de jeu, je tiens à saluer l'initiative du gouvernement du Québec
d'entendre les préoccupations des différents
acteurs. En ce qui me concerne, la prévention et la lutte contre les discours
haineux et incitant à la violence... en
tant que métropole ouverte, diverse et inclusive, Montréal est particulièrement
interpellée par ces questions. Par le biais de notre intervention, nous souhaitons soumettre au gouvernement du
Québec notre questionnement quant à la pertinence d'adopter le projet de loi n° 59 tel
qu'actuellement proposé. En effet, il apparaît que plusieurs précisions et
bonifications soient nécessaires en
amont de la démarche pour garantir à la fois la validité et la cohérence de ce
projet. À nos yeux, il est essentiel
que tout projet de loi, actuel et futur, reflète les principes d'ouverture,
d'inclusion et d'égalité de même que les efforts et initiatives déployés en ce sens par la métropole pour
favoriser le vivre-ensemble. Le caractère cosmopolite des grandes régions métropolitaines comme Montréal se
traduit par la cohabitation d'une multitude de citoyens aux origines, aux croyances et aux modes de vie divers. Cette
diversité, qui fait la richesse de Montréal, est également susceptible de motiver
l'apparition d'un nombre plus important d'incidents impliquant des discours
haineux menant à la violence.
Parallèlement,
cette situation a une incidence sur l'ampleur des efforts déployés par la ville
afin de lutter contre ce type de
discours. Je considère donc qu'il est impératif de poser des actions concrètes
et concertées afin d'assurer la sécurité des citoyens montréalais.
Cependant, le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne permet pas de répondre
à l'ensemble des préoccupations exprimées
par la ville. Dans ce contexte, nous souhaitons aujourd'hui alimenter la
réflexion en présentant dans notre
mémoire 10 recommandations aux membres de la commission et au gouvernement
du Québec.
La
première de ces recommandations consiste à bonifier la définition de «discours
haineux» que l'on retrouve dans le
projet de loi. Selon nous, il est nécessaire d'apporter davantage de précision
à cette notion en s'appuyant notamment sur les dispositions du Code
criminel ayant trait à la propagande haineuse, par exemple, qui précisent
clairement les actions qui sont interdites.
Une meilleure définition ferait en sorte que les actions d'information et de
sensibilisation mises en place par des partenaires comme les
municipalités et les corps policiers s'inscrivent en complémentarité du cadre législatif existant. En précisant la définition de
«discours haineux», la population serait davantage en mesure de comprendre
ses devoirs et ses responsabilités.
Le
deuxième enjeu faisant l'objet d'une recommandation a trait au rôle que doit
jouer la ville de Montréal et à l'impact du projet de loi pour nous. La
métropole regroupe sur son territoire 1,9 million d'habitants, soit
24 % de la population du Québec. Par
nos actions, nos programmes, nos mesures et les partenariats que nous appuyons,
nous favorisons la construction d'un
tissu social et communautaire solide, la cohabitation harmonieuse de nos
citoyens et le développement d'un
sentiment d'appartenance, ce qui permet une forte cohésion sociale. C'est ce
que nous avons convenu d'appeler le vivre-ensemble.
Le projet de
loi n° 59 prévoit qu'à la suite d'un processus d'enquête au terme duquel
la Commission des droits de la
personne doit saisir le Tribunal des droits de la personne celui-ci devra
entendre et disposer du dossier déterminé si une personne a enfreint les interdictions. Cette
personne pourra alors être inscrite pour une durée déterminée par le tribunal
sur une liste tenue par la commission et
accessible sur Internet. Nous nous sommes beaucoup questionnés et nous nous
questionnons toujours sur les impacts
potentiels de cette mesure dans les milieux de vie des personnes. Telle qu'elle
est proposée, la liste ne semble pas
constituer un outil concret qui permet de gérer au quotidien les problématiques
en lien avec les discours haineux ou
incitant à la violence; au contraire, nous croyons qu'elle est susceptible
d'occasionner des difficultés de gestion dans les milieux, voire même la
stigmatisation de certains citoyens.
Par
conséquent, et c'est notre deuxième recommandation, nous invitons le
gouvernement du Québec à s'assurer de
la validité de la liste des personnes ayant fait l'objet d'une décision du
Tribunal des droits de la personne et des droits de la jeunesse et, le cas échéant, à clarifier les modalités
d'application entourant cette mesure, tel que prévu à l'article 17 du
projet de loi.
Par
ailleurs, il est nécessaire de mettre sur pied rapidement des outils
susceptibles d'aider les municipalités qui ont à intervenir auprès des individus ayant commis des incidents ou tenu
des discours haineux et incitant à la violence. C'est l'objet de notre troisième recommandation, par laquelle nous
invitons le gouvernement du Québec à travailler avec nous afin de mettre en place des outils concrets
en lien avec les champs de compétence municipale qui nous aideront à
intervenir auprès de ces individus.
D'autre
part, Montréal compte déjà plusieurs initiatives publiques qui ont pour
objectif de favoriser l'intégration des
citoyens dans leur milieu, mais également de lutter contre la discrimination et
le racisme. Ces mesures concourent à la
réduction des incidents, crimes et discours haineux. Citons, par exemple, la
Déclaration de Montréal pour la diversité culturelle et l'inclusion. En ce sens, il est important que le projet de
loi n° 59 reflète davantage les progrès réalisés dans ce domaine et
s'inscrive en cohérence avec ces initiatives publiques novatrices mises de
l'avant dans la métropole.
Nous invitons donc le
gouvernement du Québec à assurer la complémentarité du projet de loi n° 59
avec les autres initiatives publiques réglementaires et législatives
existantes. C'est donc notre quatrième recommandation.
Les
cinquième et sixième recommandations réfèrent au rôle crucial que doit jouer le
Centre de prévention de la radicalisation
menant à la violence. L'application du projet de loi n° 59 est basée sur
un système de dénonciations et de plaintes.
S'ensuivent un processus d'enquête par la Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse, une audition devant le Tribunal des droits
de la personne, puis, s'il y a lieu, comportement fautif, la détermination et l'application d'une sanction. Au-delà de ce
mécanisme, nous considérons qu'il est impératif d'inclure un volet prévention
de même que la collaboration avec des
ressources spécialisées en mesure de former les intervenants du milieu. Le
Centre de prévention de la
radicalisation menant à la violence est une ressource spécialisée incontournable
et doit être reconnu comme tel dans
le projet de loi. La reconnaissance de l'expertise et la mise sur pied d'un
processus de collaboration clair avec
le centre sont nécessaires et souhaitables. Cela permettra de couvrir la
majorité du volet prévention et formation en plus de permettre une offre de service directe à la population et de
favoriser la réinsertion sociale d'individus possiblement reconnus
coupables.
La
ville de Montréal invite donc le gouvernement du Québec à reconnaître
l'importance des activités du Centre de
prévention de la radicalisation menant à la violence et à établir un processus
de collaboration clair entre le gouvernement, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et
le centre de prévention de la radicalisation. Dans le même ordre d'idées, nous invitons également le
gouvernement à confier au centre de prévention de la radicalisation le mandat d'effectuer l'ensemble du volet
prévention et formation en ce qui a trait à la lutte des incidents et discours
haineux incitant à la violence ainsi que le mandat de contribuer à la
réinsertion sociale des individus ayant commis des crimes haineux. Ça voudrait dire de toute façon que c'est
en cohérence avec ce qu'on a annoncé avec la ministre de la Sécurité publique, lorsqu'on parlait de cet équilibre entre
l'ouverture et la vigilance, ça rentre dans l'agenda de la vigilance de toute
façon.
• (10 h 20) •
Nos
septième, huitième et neuvième recommandations, M. le Président, portent sur
l'implication du service de police de
la ville de Montréal et sur les besoins de formation de nos policiers.
Actuellement, au SPVM, les crimes haineux sont suivis par une équipe d'enquêteurs désignés, et la coordination est
effectuée par le module Liaison sécurité de la Division du renseignement. De plus, la ville de Montréal, par le biais de son service de police, créera
une unité de prévention en
matière d'incidents et de crimes haineux. Elle constitue une structure unique
au Québec et en Amérique du Nord.
Cette
nouvelle unité facilitera le support et la collaboration entre le SPVM, la
Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse et le centre de prévention de la radicalisation. Elle
permettra de réduire la marginalisation et la stigmatisation
individuelle ou communautaire ainsi que les problèmes connexes découlant des
incidents et crimes haineux. Cependant, pour
ce faire, il est indispensable que le projet de loi n° 59 apporte des
précisions à la définition de discours haineux et incitant à la
violence.
La
ville de Montréal considère que le SPVM et son unité de prévention en matière
d'incidents et de crimes haineux doivent être intégrés en amont de ce
projet de loi en tant qu'acteur et partenaire incontournable pour le succès de
la démarche. C'est pourquoi nous invitons le
gouvernement du Québec à travailler en amont en collaboration avec l'unité
de prévention et d'intervention en matière
d'incidents et de crimes haineux du SPVM et à promouvoir l'élaboration d'un
protocole de collaboration clair avec la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et le Centre
de prévention de la radicalisation menant à la violence.
Nous
invitons également le gouvernement à confier à l'unité de prévention et
d'intervention le mandat d'améliorer et
de partager les pratiques policières dans ce domaine et de documenter les
interventions policières en ce sens. Enfin, nous invitons le gouvernement à confier au Centre de prévention de la
radicalisation le mandat de travailler de concert avec l'École nationale de police du Québec afin
d'intégrer à la formation de base des policiers un volet portant sur les
incidents, discours et crimes haineux, de même que sur le rôle des services de
police dans les collectivités.
Comme je l'ai
mentionné en ouverture, M. le Président — et je conclus — la ville de Montréal fait face à des enjeux
particuliers en matière d'incidents, de
discours et de crimes haineux incitant à la violence. Pour répondre à ces
enjeux, nous
avons déjà entrepris plusieurs démarches novatrices, comme la création du
centre de prévention. Nous sommes d'avis que plusieurs éléments du projet de loi devraient être revus et bonifiés
afin de tenir compte des préoccupations et des besoins exprimés mais également de l'expertise spécialisée
qui est maintenant disponible. Notre dixième et dernière recommandation
vise donc à inviter le gouvernement du Québec à poursuivre les discussions sur
le projet de loi n° 59 afin de pouvoir y apporter l'ensemble des
modifications et bonifications nécessaires avant son adoption.
En terminant, je tiens à faire part au
gouvernement de notre intérêt de participer aux démarches entourant la
préparation du programme de déradicalisation, tel qu'annoncé en juin 2015.
Ce n'est pas
compliqué, M. le Président, ça prend un réflexe Montréal. On est la métropole.
C'est là que ça se passe. Il y a une
réalité, de toute façon, et ce projet de loi n° 59 va avoir un rôle clé,
au même titre que, par exemple, dans la région de l'Outaouais, mais Montréal,
évidemment, a besoin quand même d'avoir son mot à dire dans ce projet de loi.
Merci.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, M. Coderre. Nous allons maintenant
débuter la période d'échange. Mme la ministre, à vous la parole.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, M. le maire, Mme Samson, merci de votre
présence, de votre participation à
nos travaux. Je tiens à réitérer ce que j'ai mentionné hier et ce que j'ai
mentionné dans le passé : la définition de «discours haineux», évidemment, peut-être qu'elle mériterait d'être
incluse dans le projet de loi. C'est du droit nouveau qu'on fait. Et c'est certain que, lorsqu'on fait du
droit nouveau, bien, ça suscite des interrogations, ça suscite des commentaires,
ça suscite beaucoup de questionnements, avec raison. On l'a vu dans le passé
avec d'autres projets de loi et pour lesquels on a apporté aussi des
définitions aux termes nouveaux qui étaient utilisés.
Et ça,
là-dessus, simplement rassurer, nous planchons déjà sur une définition qui pourrait,
dans un premier temps, permettre à la
population du Québec de comprendre le concept, parce qu'il est défini par la
jurisprudence, il est défini par la
Cour suprême, mais je comprends que ce n'est pas nécessairement des documents
qui sont... de consultation, peut-être, plus facile. Ce n'est peut-être pas... Ce sont des concepts complexes.
Alors, l'objectif, c'est de répondre, dans une définition, à des
concepts définis par la Cour suprême sans pour autant causer un problème
éventuel lorsque les tribunaux seront appelés
à interpréter si des discours tenus et pour lesquels il y a eu dénonciation
constituent du discours haineux. Alors, il y a toujours les craintes de définir et de limiter une portée de
projet de loi, mais le travail se fait là-dessus, puis je tiens à
rassurer la ville de Montréal, qui nous fait part de ses préoccupations.
J'aimerais
vous entendre, parce que vous nous dites : La liste, pour nous, ce n'est
peut-être pas l'outil le plus utile, il
y aurait peut-être d'autres outils à mettre en place plutôt que la liste. En
fait, l'idée de la liste avait comme objectif
de permettre, notamment
aux municipalités, aux organismes, sur un simple clic, de vérifier
si, par exemple, un invité, un conférencier était quelqu'un qui, dans le passé, avait tenu des discours
haineux. Ça pouvait faciliter la possibilité de refuser, par exemple, une prestation
dans un centre communautaire, la
prestation... et de dire : Non, finalement on préfère ne pas inviter cette personne-là à venir tenir un
discours puisque, dans le passé, cette personne a déjà fait l'objet d'une
sanction de la part du Tribunal des droits de la personne et de la
jeunesse.
Ceci étant,
je comprends. On a eu des commentaires, certaines personnes ont dit :
Bien, la mise en place d'une liste
comporte un certain nombre de risques et pourrait... Et elle est controversée,
là, selon les différentes prestations, en commission parlementaire. On
croyait aussi répondre d'une certaine façon à une préoccupation, notamment, que
la deuxième opposition avait soulevée,
c'est-à-dire : Quel moyen pouvons-nous mettre en place pour éviter la
tenue de discours haineux?
Alors, je
voulais vous entendre, parce que vous dites... vous nous invitez à peut-être...
à revoir les outils mis à la disposition
des municipalités. J'aimerais vous entendre sur ce qui pourrait être un outil
intéressant dans la foulée de la procédure qui sera mise en place.
M. Coderre (Denis) : Merci pour
votre...
Le Président (M. Hardy) : M.
Coderre.
M. Coderre
(Denis) : Pardon, M. le
Président. Merci pour votre question, Mme la ministre. Écoutez, c'est toujours
sensible, la question d'une liste, surtout
quand on légifère là-dessus. Comme ancien ministre de l'Immigration, de commencer à avoir des listes... si c'est pour
avoir un moteur de recherche comme Google, qu'on sait si la personne est
bienvenue ou pas, là, je veux dire, on n'a
pas nécessairement besoin de mettre ça sur... en termes de projet de loi. Puis
c'est comme, par exemple... puis je fais une
comparaison qui n'a rien à voir, mais, si, par exemple, au niveau des
délinquants sexuels, vous avez une
liste, à un moment donné... Pour être vraiment sur la liste, oui, ça prend des
critères, puis il faut vraiment qu'il
y ait eu un protocole, et puis vous savez, comme moi... vous avez M. Ouellette
qui est un ancien policier, là, qui a travaillé dans le domaine du crime
organisé, là, il y a vraiment des critères très, très importants puis très
définis, notamment par la Cour suprême dans certains dossiers.
Alors, c'est
pour ça que, si on commence... là on parle de liberté d'expression, on parle de
discours haineux, on parle d'incident par rapport à crimes haineux, ce qui est
des choses... qui peut être différent puis qui est déjà géré... qui est
défini par la jurisprudence, vous l'avez dit.
Donc, moi, je
vais miser beaucoup plus sur la prévention puis sur un protocole entre, par
exemple, le centre contre la
radicalisation... et de travailler avec les experts, qu'il puisse y avoir
échange d'information, puis ça, c'est une chose, mais de commencer à avoir une liste puis dire : Bien là, maintenant
que tu fais partie de la liste... Qu'est-ce que ça peut donner? Les
listes, je donne un exemple comme ça, ceux qui peuvent ou pas voyager en avion,
puis des fois tu te trompes
parce que tu as le même nom, puis ça peut créer, dans la bureaucratie, des
problèmes, qui va avoir un impact sur la personne comme telle.
Donc, la
liste, je comprends l'esprit de vouloir justement définir... puis d'avoir une
certaine efficience puis une efficacité par rapport à cet outil, mais
moi, je pense qu'en ayant un bon protocole, en misant sur la prévention et en travaillant avec l'expertise, exemple, le centre
de radicalisation... puis dans le fond il y a déjà des services policiers qui
travaillent ensemble, on va créer cette
nouvelle unité de prévention par rapport aux discours haineux, aux incidents
haineux. Bien, je pense qu'à ce
moment-là ça pourrait être une façon beaucoup plus claire. Et ce protocole-là
et, je dirais, cette façon de travailler avec les municipalités...
Puis
trompons-nous pas, là, on va parler en grande partie... il y a une réalité
montréalaise ou du Grand Montréal, là, je
vois M. Rousselle de Laval, du Grand Montréal, là, donc la question est plus
ciblée, est plus sensible dans certains coins que d'autres. Et il faut juste faire attention, on ne voudrait pas créer
un problème inverse, parce que nous, on mise sur le vivre-ensemble. Donc, j'ai toujours recherché cet
équilibre. C'est ça, quand on a fait le sommet, c'est l'équilibre entre l'ouverture et la vigilance; généreux, mais pas
naïf. Il faut être ouvert, il faut avoir un agenda de vigilance. Mais, quand
on donne l'impression qu'il peut y avoir un
certain déséquilibre, c'est là que ça crée un effet contraire. Alors, c'est pour
ça que, moi, même la notion de liste, là, j'ai bien de la misère avec
ça.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Donc, je
comprends que, pour la ville de Montréal, le fait que les jugements du tribunal
de la personne et de la jeunesse soient
disponibles, ça, en soi, ils sont accessibles, ils sont répertoriés, c'est
suffisant pour permettre de déterminer si un conférencier serait le
bienvenu...
• (10 h 30) •
M. Coderre
(Denis) : Et, encore une fois,
dans la mesure... parce que j'ai parlé tantôt de comment on
fonctionne avec la commission. Il faut vraiment aussi qu'il
y ait un protocole, et qu'on
travaille avec l'expertise, il ne faut pas que ce soit laissé à eux-mêmes parce que,
d'un autre côté, ça va demander énormément de ressources. Est-ce qu'ils vont avoir les reins assez solides pour répondre à l'ensemble
des dossiers? Et il faut aussi prendre... puis vous êtes ministre de la Justice... donc, de prendre en
considération... je vous ai parlé tantôt du Code criminel, il y a plusieurs
aspects, il y a la charte,
il y a les chartes respectives du Québec et du Canada,
vous avez... nous-mêmes,
nos déclarations au niveau de Montréal.
Il faut
juste faire attention qu'il y a une certaine cohérence, et que le but visé, à
cause justement peut-être d'un problème de définition, va faire en sorte que la loi ne
pourra pas passer la rampe des cours, par
exemple. Donc, évidemment,
vous avez des avis des juridiques en ce
sens, là. De les rendre publics ou pas, ça, c'est un autre dossier, c'est politique. Mais, très certainement, il faut
juste s'assurer, puis ça, c'est qu'on dit, dans le fond : Avant d'avoir ce
projet de loi là, assurez-vous de la
constitutionnalité même, parce
que, quand on parle en termes de la définition d'incident, quand on parle de la liste, la liste peut avoir un impact direct de toute façon par rapport à ça. C'est pour ça que moi, je privilégie beaucoup plus la prévention, un protocole avec les entités déjà
existantes, puis ce serait non seulement cohérent, souhaitable, c'est la chose à
faire à notre avis parce que l'expertise est là.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Actuellement, l'article 17 du projet
de loi confère à la commission
le rôle notamment d'éducation, de
prévention en matière de lutte contre les discours haineux. Ce que je
comprends de votre intervention, c'est que vous levez la main, vous dites : Nous, on est prêts à collaborer avec la
Commission des droits de la personne et de la jeunesse
pour mettre en commun l'expertise que nous avons de notre côté.
M. Coderre (Denis) : C'est plus que
ça...
Le Président (M. Hardy) : M.
Coderre.
M. Coderre
(Denis) : Oui, M. le Président. En plus, c'est plus qu'une collaboration, il
faut qu'il y ait une entente,
puis il faut aussi passer par là. Et
l'expertise est là. Au niveau du SPVM, vous avez une spécialité qui est là. On
a, par ce centre-là qui a été créé,
puis dont le gouvernement du Québec collabore... Donc, nous, maintenant,
vous le savez aussi, on a un
rayonnement à travers le Québec pour l'ensemble des régions parce qu'il n'y a pas de région qui... tu sais, il n'y a pas de chasse gardée, là, ça peut toucher tout le
monde. Mais étant donné justement que vous avez une expertise à Montréal,
je pense que vous allez avoir un projet de
loi encore plus fort, et puis on va être encore plus efficaces dans l'approche,
parce qu'on vous a parlé de formation, on
vous a parlé de prévention, et tout ça, il faut travailler avec les entités qui
vont permettre justement une
meilleure prévention, une meilleure formation. Et, dans ce sens-là, le fait
d'avoir ce protocole-là va avoir encore plus d'impact positif à mon
avis.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
C'est certain que vous apportez toute l'expertise du SPVM à la commission
aujourd'hui, vous en faites état. On
s'entend que le projet de loi ne vise pas l'aspect pénal, criminel du dossier,
mais bien des sanctions civiles à la
tenue de discours qui pourraient être haineux ou incitant à la violence, donc
on est vraiment... Il y a cette distinction-là. Je comprends que le SPVM travaille beaucoup avec la vision propagande
haineuse prévue au Code criminel. On a un aspect civil, donc le niveau de preuve, évidemment, le
degré de preuve n'est pas le même devant la Commission des droits de la
personne et de la jeunesse et devant le Tribunal des droits de la personne et
de la jeunesse.
Par
contre, c'est certain qu'il y a une
expertise que la ville... et rien n'empêche cette collaboration. Je comprends que dans le projet de loi comme tel... pas nécessaire de le prévoir au projet de loi, mais je vous
entends. Il y aurait lieu d'aller encore plus loin dans la collaboration.
M.
Coderre (Denis) : En fait, M. le Président, ce que je dis, c'est que, oui, il faut faire une distinction
entre civil et pénal, mais c'est la
même expertise. Donc, si vous voulez avoir un meilleur encadrement, si vous
voulez vous assurez qu'on ne se
trompe pas... parce que, quand on travaille au niveau des droits de la
personne, là, une erreur peut être fatale. Parce qu'on ne travaille pas en termes de statistiques, on parle en
termes d'individus. Puis la tache peut devenir indélébile. Donc, c'est pour ça qu'il faut nécessairement...
On n'a pas le loisir de se tromper. On a déjà une certaine expertise au niveau
de la Commission des droits de la personne,
mais nécessairement on a besoin de bien s'encadrer, bien s'entourer. Et, même
si ce n'est pas dans un contexte pénal,
c'est aussi dans un contexte de prévention. Donc, le centre de prévention avec
le SPVM, il y a un travail qui se fait. Il y a d'autres organismes qui
existent auxquels on peut contribuer, mais il y a une expertise, il y a une réalité et il y a une expérience montréalaise.
Puis là je parle en termes de grande
métropole qui... on est un point de chute, là. Je veux dire, c'est une
métropole internationale aussi, qui va permettre justement de rendre encore
plus forte cette loi et qui va la rendre encore plus efficace.
Et,
dans le fond, quand on parle en termes de prévention, c'est
qu'il faut aussi empêcher des bavures éventuelles. Donc, dans
ce sens-là, on ne changera pas la loi
à tous les deux jours, il faut déjà qu'on prévoie pour l'avenir éventuellement.
Et, dans le processus et le protocole de
fonctionnement même de la commission, sur la façon de s'encadrer puis s'entourer
par rapport à cette situation-là, on a besoin de toute l'expertise. C'est pour ça
que n'est pas juste une collaboration, il faut vraiment qu'il y
ait un réflexe et qu'on puisse être
partie prenante pour donner un coup de main. On croit à la commission.
Parce que, dans le fond, c'est un organisme qui est indépendant. Donc, je
pense que ça, c'est déjà important. Le fait que vous avez le centre contre la radicalisation... le centre de prévention
et que vous avez aussi une expertise ponctuelle dans certains cas, je pense qu'à ce moment-là ce serait la chose à faire, et puis c'est pour ça que je vous amène des
recommandations constructives pour que le projet de loi
puisse être conforme à la réalité et aux besoins de la situation du terrain.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Oui. Notre collègue
de la deuxième opposition suggérait et a, à quelques reprises, soulevé l'idée
de retirer les avantages fiscaux, notamment
les exemptions fiscales, municipales et aux organismes qui tolèrent la tenue de discours haineux. J'aimerais vous entendre,
parce qu'on n'a pas entendu encore... C'est une idée qui a été soulevée
par notre collègue. Est-ce que ce serait, pour la ville de Montréal, un outil
utile, un outil facile à utiliser?
Le Président (M.
Hardy) : M. Coderre.
M.
Coderre (Denis) : Écoutez,
moi, je fais partie... J'ai eu une expérience comme ministre de l'Immigration où on rendait hors la loi certains organismes,
et on avait mis en place un protocole puis un... C'est sûr qu'il faut que...
c'est le... comment je dirais? C'est
le truc Flex-O-Flex, là où ça fait mal, là. C'est sûr qu'il faut... Je viens de
faire les nouvelles avec ça, moi là...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Coderre
(Denis) : J'ai mon 15 secondes de... M. Laforest va être content, à
TVA.
Il
faut vraiment s'assurer que... tu sais, généreux, mais pas
naïf. Et, dans cet agenda de vigilance, il faut nécessairement
se donner des outils pour empêcher qu'il y ait une certaine contagion. Oui, il
y en a qui le font à mauvais escient.
Oui. Écoutez, là, il
ne faut pas... J'étais contre la
liste parce qu'il ne faut pas stigmatiser, mais il faut qu'il y ait des gestes concrets pour justement, sans généraliser... Qu'est-ce
qu'on fait avec ceux qui ont de vraies mauvaises intentions?
Donc, la question
fiscale, la question bancaire, la question financière des regroupements... Là
on ne parle pas d'individus, là, on parle en termes de regroupements. Et ça,
honnêtement, il y a déjà un protocole qui peut exister entre le gouvernement canadien, le gouvernement du Québec,
ou les corps policiers, par rapport à certains aspects, ou Revenu Canada
versus Revenu Québec, il y a des choses
qu'on peut faire. Maintenant, sans parler de dédoublement, c'est de voir, à ce
moment-là, si le projet de loi peut
permettre d'avoir des outils qui vont empêcher. Il y a de la prévention, mais
il y a de la réaction. Donc, c'est
sûr que vous avez besoin, de façon ponctuelle, des fois, de réagir à une
situation. On travaille tous pour la
prévention. Mais, quand c'est arrivé, qu'est-ce que vous faites avec? Alors,
nécessairement, je pense que ça devient une mesure intéressante.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Avant de céder la parole à mon collègue de Chomedey,
qui trépide d'impatience, trépigne d'impatience, certains disaient que le projet de loi n'était pas nécessaire, qu'il n'y
avait pas lieu d'encadrer le discours haineux au Québec, que ce n'était
pas un enjeu, une réalité. J'aimerais avoir votre opinion sur cette
question-là.
M. Coderre
(Denis) : Bien, mon opinion, c'est que, si on n'a pas les
recommandations, il faut refaire les devoirs. Je veux dire, bien
respectueusement, Mme la ministre, c'est sûr que c'est du droit nouveau, puis
je salue l'initiative. Encore
une fois, ça fait partie de notre stratégie du vivre-ensemble, donc il y a la
question d'ouverture. On y travaille soit au niveau de l'immigration, au niveau de l'intégration, mais il y a la
réalité de la vigilance où il y a des gestes qui doivent être posés.
Maintenant,
même si les intentions sont bonnes, si la loi est mal écrite, ou s'il manque
des choses, ou si on n'est pas
capables de répondre à certains besoins, il ne faut pas... Ce n'est pas juste
une question que : O.K., c'est bon pour tout de suite, mais qu'au
bout de la ligne on ne passera pas la rampe. Vous comprenez?
Donc, c'est pour ça
que nous, on pense que ce projet de loi là est nécessaire, mais dans la mesure
où les recommandations sont suivies puis
qu'on a finalisé le processus avant son adoption, parce que c'est après qu'est
le problème, là. Donc, moi, je ne
remets pas en question le projet de loi, mais je me dis que, honnêtement, si
ces recommandations-là... puis, si on
n'a pas ce réflexe Montréal, je ne vois pas la pertinence de ce projet de loi
comme tel. Mais je sens une ouverture de
votre part de vouloir faire les changements nécessaires ou de clarifier
certains éléments de la loi qui pourraient ne pas être compris, mais c'est sûr que là, on parle de
principe d'inclusion, on parle de droits de la personne. Il ne faut pas que ça
suscite de la stigmatisation. Donc, c'est
pour ça que c'est important que ce projet de loi là puisse prendre en
considération, respectueusement, nos recommandations.
• (10 h 40) •
Le
Président (M. Hardy) : Avant de céder la parole au député de Chomedey,
je vous demanderais un consentement pour pouvoir poursuivre la séance
au-delà de l'heure prévue. Ça va?
Des voix :
...
Le Président (M.
Hardy) : Parfait. Merci beaucoup. M. le député Chomedey.
M.
Ouellette : Merci. Je ne sais pas si vous avez demandé un
consentement parce que vous voulez absolument que je prenne tout ce
temps-là pour dépasser.
M.
Coderre, Mme Samson, c'est toujours un plaisir de vous voir. Dans votre
mémoire, on parle beaucoup de la première partie du projet de loi sur les
crimes haineux. Vous avez sûrement fait une réflexion sur toute la question des
mariages forcés puis... le vivre-ensemble
étant très important dans la grande région de Montréal et vous êtes confronté
à ce genre de situation là. Mais je ne le
vois pas, je ne le vois pas dans la présentation de votre mémoire à matin.
J'aimerais ça que vous nous disiez si
vous avez fait une réflexion là-dessus puis c'est quoi, le point de vue de la
ville de Montréal, justement parce que le vivre-ensemble est important.
M.
Coderre (Denis) : Je pense qu'on a beaucoup d'éducation là-dessus,
étant célébrant moi-même. Alors, j'attends votre définition pour savoir
comment je vais faire les mariages, mais... On peut parler à Régis, on
travaille...
M.
Ouellette :
Vous et Mme Samson êtes célébrants, là?
M.
Coderre (Denis) : Mme Samson aussi, là. Écoutez, il y a 200
communautés culturelles différentes à Montréal, autant je conspue les crimes d'honneur, autant il y a des mariages
forcés, autant il y a un aspect culturel aussi qu'on doit prendre en
considération. L'important, dans tout ça, c'est évidemment de protéger les
droits de la femme. Il y a une éducation de
part et d'autre à faire, là, je dirais, dans certaines communautés. Donc, c'est
important que... Puis ça fait partie des
mesures d'intégration. Lorsque les gens viennent dans la terre d'accueil, il y
a quand même un processus puis il y a une
discussion qui doit se faire. Il y a le culturel d'une part, mais, d'un autre
côté, on se dit : Il y a des choses qui sont carrément inacceptables par rapport à notre schème
de valeurs et de principes, qu'on doit prendre en considération. Donc, il faut y aller encore une fois avec un sens de
la... une façon sensible. Il faut vraiment qu'il y ait une discussion de part
et d'autre. On ne défendra pas
l'indéfendable, là. Ça, je pense que c'est clair. Mais il faut aussi prendre en
considération que, quand on est dans
une communauté cosmopolite, et puis qu'il y a plus de 200 communautés
différentes, et puis qu'il y a un
aspect culturel qu'on doit prendre en considération, il y a des choses qui
peuvent être inacceptables, mais qui ne viennent pas enlever les droits nécessairement, mais c'est une réalité culturelle
qu'on doit prendre en considération. Donc, il faut regarder tout ça, là.
Mais, d'un autre côté, quand on parle en termes de mariages forcés, là, il ne
faut pas défendre l'indéfendable, là. Et puis, à ce moment-là, il faut agir en
conséquence, là.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette :
Merci, M. le Président. Pour le centre que vous avez à Montréal, le Centre de
prévention de la radicalisation menant à la
violence, c'est sûr que tout ce qui est le crime haineux va faire partie de
leur mandat. Vous nous annoncez déjà
que vous allez créer une unité de prévention en matière d'incidents et de
crimes haineux. Donc, vous êtes en mouvement.
Vous êtes en formation dans cette dynamique-là. Je ne veux juste pas qu'on
oublie l'autre partie des mariages forcés
et des crimes d'honneur, etc. Donc, j'ose penser que... je me permets de
penser, dis-je, que ce sera aussi dans leur mandat et que, si j'ai bien saisi votre point, vous nous dites :
Montréal est là. J'ai une grosse ville qui est très multiculturelle, qui est un peu le centre de la province pour les
communautés; je vous offre toute mon expertise et essayons d'arrimer et d'avoir une cohésion gouvernementale et entre les
différents services pour être sûr de ne pas en échapper. Les gens de la protection de la jeunesse sont venus hier pour nous allumer sur
certaines choses touchant les droits des jeunes, toute la question de la
confidentialité, etc. Ce n'est pas simple, et on doit effectivement s'assurer
qu'on n'en échappera pas.
M.
Coderre (Denis) : C'est parce que,
M. le Président, respectueusement, je
vous dirais la chose suivante : Montréal négocie
présentement un statut de la métropole. On est la locomotive,
on n'est pas juste le poumon économique du Québec,
on a un rôle essentiel à jouer. Puis c'est
le centre qui va... C'est là qu'on va en parler le plus, là. C'est là qu'il va
y avoir une incidence, là. Donc, à un
moment donné, il faut être réaliste.
Ce n'est pas de dire : On est une région comme les autres. On ne vient pas vous dire : «By the way», je viens vous aider. C'est bien plus qu'une collaboration, c'est qu'il faut qu'il y ait
un protocole, il faut qu'à ce
moment-là qu'on se dise : Il y a
un incontournable dans tout ça, là, puis ce n'est pas juste à cause de la grosseur de la ville, là,
c'est parce qu'il y a une réalité qui
fait en sorte que c'est là que ça se passe. Donc, puis je vous parle
aussi comme président de la CMM, moi, là. Donc, c'est 82 municipalités. Il
y a des réalités.
Et c'est sûr
que, quand vous êtes dans une communauté où il y en a 200, où c'est la capitale
du vivre-ensemble, c'est de se
dire : Écoutez, il faut de plus en plus qu'on change — puis là tous partis confondus, les
amis — la
culture de la gouvernance. Comment,
dans le processus de la mise en place d'un projet de loi, je dois travailler
avec ma métropole, je dois travailler
avec ma capitale, tout ça aussi dans un contexte éventuel, puis on entend notre
collègue Pierre Moreau par rapport à
l'autonomie des municipalités. Donc, tout ça doit aussi être un réflexe de
votre part dans vos travaux par rapport à la rédaction même d'une loi.
Alors, c'est
pour ça que nous, on se dit : Regardez, on a l'expertise. Ce n'est pas
juste de se vanter, là, la réalité est
là. On fait nous-mêmes des changements; ce que j'adore, c'est que c'est un
droit nouveau, puis on travaille ensemble, donc c'est une magnifique
opportunité de démontrer comment la métropole et le gouvernement du Québec, et
l'État québécois travaillent ensemble.
Donc, je
pense que ça, ça nous permet justement... C'est un beau test, c'est une belle
opportunité, et c'est un dossier qui
est extrêmement sensible, qui demande énormément de doigté, et on n'a pas le
droit de se tromper, parce qu'on ne parle
pas de statistiques, on parle d'individus. Et, si on se trompe, bien, la
personne va en subir les conséquences pour le restant de sa vie.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
M. Coderre (Denis) : Et c'est dans
ce sens-là qu'il faudrait aller.
Le Président (M. Hardy) :
Excusez-moi. Mme la ministre, vous avez 20 secondes.
Mme Vallée : Alors,
20 secondes...
M. Coderre (Denis) : Merci.
Mme Vallée : C'est certain
que les recommandations de la ville de Montréal...
M. Coderre (Denis) : Dites :
Oui. Ça en prend 10.
Mme Vallée :
...s'inscrivent très bien dans le plan d'action, qui est agir, prévenir,
détecter et vivre ensemble. Je pense
que la volonté est là. D'ailleurs, vous étiez présent lors du lancement du plan
d'action. Cette volonté de travailler en collaboration, on ne peut pas
évidemment passer et se fermer les yeux quant à la réalité que vit la
métropole. Et, là-dessus, vous pouvez être
assuré de notre collaboration, évidemment. Travailler en équipe, c'est comme ça
qu'on fait bien les choses, lorsqu'on travaille en équipe et en
collaboration.
Le Président (M. Hardy) : Merci
beaucoup.
M. Coderre (Denis) : Merci, Mme la
ministre.
Le
Président (M. Hardy) : Nous allons maintenant passer à la période
d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à
vous la parole pour une période de 15 minutes.
Mme
Maltais :
Bonjour, merci, M. le Président. Bonjour, M. le maire. Bonjour, Mme Samson,
c'est un plaisir de vous entendre ce matin. Merci d'être venus. Je pense
que c'était assez important.
La dernière
fois qu'on s'était vus, M. le maire, on avait justement travaillé sur un projet
de loi ensemble, c'était sur le
projet de loi des régimes de retraite. Même si, à la fin, tout le monde n'était
pas d'accord sur toutes les conclusions, on avait travaillé de près. On avait travaillé de près puis on avait
réussi à... Finalement, ce dossier-là a fini par se régler, qu'on soit d'accord ou pas avec le règlement, on
est restés dans le même calendrier, puis ça a bougé, puis ça a changé des
choses au Québec. Donc, je veux vous dire
que je suis d'accord avec ça, cette proximité avec la ville de Montréal, qui
est importante pour un gouvernement, ou la Capitale-Nationale.
Je suis très surprise de votre mémoire, très
surprise. Prenez-le pas négativement, c'est plutôt positif, mon commentaire. Je ne pensais jamais entendre dire,
de la part du maire de Montréal : Si on n'a pas ce réflexe, Montréal, sur
un projet de loi qui touche tant Montréal et
la communauté métropolitaine de Montréal... Puis je voudrais que vous me
disiez qu'est-ce qui s'est passé pour que
vous écriviez une recommandation trois qui soit, pour moi, là, aussi énorme
que... La ville de Montréal invite le
gouvernement du Québec à travailler de concert avec la métropole afin de mettre
en place, en amont de ce projet de loi, des outils concrets.
Est-ce
que je dois comprendre qu'il n'y a pas eu de consultation de près ou de travaux
de près avec la ville de Montréal pour préparer ce projet de loi et trouver des
outils pour répondre aux questions qu'on se pose tous?
Le Président (M.
Hardy) : M. Coderre.
• (10 h 50) •
M.
Coderre (Denis) : M. le Président, non, non, on travaille ensemble,
c'est juste de s'assurer... Moi, là,
quand je viens à une commission parlementaire, puis j'en ai fait moi-même, je veux juste
m'assurer qu'on n'oublie rien. Donc, j'étais
d'ailleurs au plan
d'action. On a travaillé ensemble sur
le Centre de prévention contre la radicalisation menant à la violence. Mais, quand vous étiez au gouvernement aussi, on travaillait de concert, mais ça prenait du Coderre pour
assurer un réflexe Montréal.
Donc, ça marche des deux bords. C'est pour ça que je vous ai dit : Tous
partis confondus. Et c'est dans ce sens-là que c'est important.
Et,
savez-vous, moi, je vais plus loin que ce projet de loi là. Je veux vraiment
contribuer par cette nouvelle culture de gouvernance. On avait commencé
à travailler, évidemment, vous l'avez dit, sur les régimes de retraite, mais
tous gouvernements confondus, les projets de loi, c'est important
aujourd'hui qu'on redéfinisse la façon qu'on veut travailler
avec les municipalités. On n'est plus une créature des provinces, on est un gouvernement
de proximité. Donc, de gouvernement à gouvernement, comment on doit travailler? Et c'est sûr que
cette question-là, pour nous, est extrêmement sensible et vient nous chercher, mais on travaille déjà
ensemble.
Mme
Maltais : Bien,
monsieur, je comprends que vous travaillez ensemble, tout ça. Je vais être plus
claire dans ma question.
Avez-vous des discussions concernant ce projet de loi sur la partie du
discours haineux? Est-ce qu'il y a eu des échanges avec la ville de Montréal spécifiquement
sur le fait d'adopter une loi sur le discours haineux?
Le Président (M.
Hardy) : M. Coderre.
M. Coderre
(Denis) : Il y a toujours eu des discussions entre nous. Moi, je ne
suis pas tributaire de ce qu'un gouvernement décide comme projet de loi ou pas, mais
c'est sûr qu'on a toujours parlé ensemble. Et puis, quand on a fait le sommet du vivre-ensemble, je vous ai toujours
parlé, vous vous souvenez, de l'agenda de la vigilance, donc ça fait partie
de l'agenda de la vigilance. Quand j'étais
contre la charte des valeurs, on avait des discussions. On était en désaccord,
mais on avait des discussions. Donc, il y a
une relation, il y a des canaux de communication entre le gouvernement et la ville de Montréal, c'est sûr, mais ce n'est pas nous autres qui
écrit la loi. Ça fait que, quand on regarde la loi, on veut juste
s'assurer des clarifications et des réflexes.
Mme
Maltais : D'accord.
La recommandation 10 devrait être la première, d'après moi, là, que
vous faites, qui est importante, puis elle va dans le même sens : «La ville de Montréal invite le gouvernement du Québec à poursuivre les discussions afin d'assurer la validité du projet de loi avant son adoption, de même que la
cohérence avec les besoins exprimés, les ressources spécialisées
existantes et les démarches en cours dans la communauté.» «Poursuivre les discussions afin d'assurer la validité du projet
de loi», vous n'avez pas dit «la valeur», ce qui signifierait que le projet
de loi est valable, hein? D'habitude, un
projet de loi, c'est valable, c'est-à-dire que ça peut être utilisable sur le
terrain. Mais là vous dites
«validité». Je veux comprendre ce terme-là parce que d'habitude c'est le niveau
juridique, la «validité», c'est-à-dire, on dit : Il pourrait mener
à des contestations. Ou bien est-ce que vous voulez dire «valeurs»,
«valable»... Est-ce qu'il va être... je veux avoir une véritable valeur sur le
terrain.
M.
Coderre (Denis) : Non, non. Le français est une langue exacte. Je
salue l'initiative, mais on doit s'assurer que ce qu'on a fait va passer la
rampe, et c'est vrai dans tout projet de loi. Et, quand on parle en termes de
droits de la personne, quand on parle en termes de droit nouveau, quand
on parle de processus, notamment avec une commission comme la Commission des droits de la personne, il faut s'assurer qu'au
bout de la ligne, et même dans la définition, au niveau de la liberté d'expression,
incidents haineux et tout ça... puis là on a parlé du civil versus le pénal,
donc, nécessairement, il faut s'assurer que
non seulement on est conformes à la jurisprudence, à ce que la Cour suprême
définit à partir de la liberté
d'expression, mais qu'est-ce qu'on entend par crimes haineux, et tout ça, et de
s'assurer qu'il n'y a pas redondance
et qu'au bout de la ligne, tout en voulant mettre de l'avant quelque chose qui
est valable, que, si ça ne passe pas la rampe de la constitutionnalité,
il y a un problème, donc d'où la raison pourquoi que je voulais faire des éclaircissements. Pourquoi que le n° 10
n'était pas le n° 1? Parce que je voulais m'assurer que vous entendiez mes
neuf premières pour ne pas juste «sticker» là-dessus, mais les 10 sont ensemble.
Mme
Maltais :
O.K. D'accord.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci. Non, j'ai bien pris note des autres... vous
le savez bien, des autres recommandations, qui, finalement, tournent dans le même sens. Si je regarde les
recommandations, vous décrivez bien tous les services... Bon, on a parlé de la liste, là. La liste, comme je
l'ai déjà dit, moi, je pense, à mon avis, ça va débarquer parce
qu'effectivement il y a les mêmes
noms. J'ai compté qu'il y a près de 100 ou 200, pour prendre le prénom et le
nom commun... encore les plus commun
au Québec, c'est Jean Tremblay, il y en a à peu près 200. Donc, il va toujours
bien falloir écrire leur adresse ou
le moyen de les distinguer. Et donc c'est vraiment un problème, c'est vraiment
un problème. La liste, d'après moi, elle va disparaître. En tout cas, je
pense.
Mais vous parlez : concertation
avec le SPVM, concertation avec le centre de radicalisation, concertation avec
le centre de radicalisation et le Service de
police de la ville de Montréal, ce n'est pas une loi, ça, c'est travailler
ensemble. C'est-à-dire que la
question que je me pose, c'est si véritablement il n'y aurait pas eu lieu de
travailler plus sur donner des outils
à la municipalité et des outils à nos... je dis à la municipalité, je devrais
dire à la métropole et aux municipalités puis... plutôt que d'agir à un endroit où finalement on n'est pas sûrs
d'atteindre l'objectif qu'on voulait et qui est lutter contre la
radicalisation.
M. Coderre
(Denis) : La différence, que je vous dirais... Respectueusement, la
différence, que je vous dirais, là-dedans,
là, c'est qu'il y a la notion d'inclusivité dans le processus décisionnel,
c'est-à-dire, on peut collaborer puis juste prendre en considération ou
on peut faire partie de la décision. C'est dans ce sens-là, je pense, que c'est
important.
Deuxièmement,
avec raison, vous avez parlé de proximité. Le vivre-ensemble est là quand même,
on peut travailler ensemble, mais,
dans un processus important comme la Commission des droits de la personne, en
s'assurant qu'elle travaille en
collaboration, mais que ça fasse partie de la décision, en travaillant avec
l'expertise, ça envoie un message encore plus fort. Donc, c'est plus qu'un protocole d'entente, c'est : on va
travailler ensemble. C'est que, dans le processus, on veut s'assurer à ce moment-là qu'on couvre tous les
angles, et, couvrir tous les angles, c'est d'avoir utilisé le Centre de
prévention contre la radicalisation menant à la violence. C'est dans ce
sens-là, la différence.
Puis
c'est pour ça qu'on parle en termes aussi d'outils concrets. On a parlé
beaucoup de prévention, c'est essentiel. On a eu quelques questions par rapport à ce qui arrive quand le pire
arrive, mais il y a aussi la formation. Donc, quand vous parlez en
termes de projet de loi, il y a des choses qui s'y rattachent, qui va demander
nécessairement une formation, puis comment
vous le faites. Donc, la loi, d'une certaine façon, doit prévoir aussi comment
elle doit travailler, puis c'est quoi le processus.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Donc,
vous pensez qu'on aurait besoin de protocoles d'entente avec le Service de
police de la ville de Montréal,
avec le centre de radicalisation, entre le centre de radicalisation et l'École
nationale de police. Bon, ça fait que Montréal organiserait bien son territoire,
mais vous allez plus loin, vous dites même que c'est le centre de radicalisation qui devrait être le centre
opérationnel — ce que je comprends, là — des activités nationales, c'est-à-dire
des activités sur tout le territoire québécois. Il y a quand même d'autres
événements qui peuvent se produire ailleurs. Est-ce
que, le centre qui, à mon sens, a été monté par la ville de Montréal et est
montréalais ou métropolitain, est-ce que vous voulez qu'il devienne quelque chose de national ou au moins... ou
qu'il donne de la formation aux autres? Comment vous voyez cette
jonction avec les autres régions?
Le Président (M.
Hardy) : M. Coderre.
M. Coderre
(Denis) : Vous savez, il n'y a plus de guerre entre Québec et
Montréal, on s'entend à merveille maintenant,
là, ça fait que je ne suis pas chauvin dans mon approche. C'est le centre
québécois de la prévention, en passant, là.
Donc,
on se dit : Où est-ce que ça se passe? Où est-ce qu'on peut aider
davantage? Vous pouvez avoir certains cas...
il peut arriver quelque chose, je ne sais pas, moi, dans une ville du Grand
Nord québécois, là, mais... ça peut arriver, à ce moment-là, il y a une ligne 1 800 pour s'aider. Mais ce que je vous
dis, c'est qu'on a une expertise, il faut l'utiliser. Si l'expertise était dans une autre région, on va
dire : Prenez cette expertise-là. Mais le contexte veut que vous êtes dans
la métropole du Québec où il y a 200
communautés, puis il y a une situation là. Je vous ai parlé tantôt de
l'Outaouais, à la proximité de la
capitale nationale, il y a aussi une réalité de ce côté-là, Montréal, c'est le
Grand Montréal aussi. Donc, ce n'est pas d'affirmer ma territorialité, c'est de
se dire : Quand vous avez une expertise, cinq universités... qui a une
capacité d'offrir des services, de la
formation... ça va être la même partout, mais de développer ce réflexe et cette
sensibilité-là, à mon avis, c'est une
façon de vous dire à quel point la métropole est aussi une locomotive, mais
peut aussi jouer un rôle prépondérant, parce qu'on a tous le même
objectif.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le
maire, comme je vous dis, vos recommandations sont très claires, vous ciblez les gestes
à poser, les protocoles d'entente là où vous
voulez qu'on agisse. Est-ce qu'il y a d'autres choses qui pourraient être faites?
Est-ce qu'il y a d'autres outils qui
pourraient vous aider qui sont soit pas contenus dans ce projet de loi soit
d'autres types d'action qui
pourraient vous être utiles? Je ne sais pas, c'est parce que souvent le
mémoire... votre mémoire est bref, précis, concis, mais est-ce qu'il y a d'autres enjeux concernant la radicalisation,
d'autres outils législatifs qui pourraient servir les municipalités, qui pourraient être inclus ou qui pourraient venir d'autres actions,
comme, par exemple, de votre entente avec le ministre des
Affaires municipales concernant la métropole?
Le Président (M.
Hardy) : M. Coderre.
M.
Coderre (Denis) : C'est clair que, quand on va parler là-dedans du
statut de métropole, quand on va parler des mesures... il va y avoir des mesures de qu'est-ce qui se passe par
rapport à l'aménagement du territoire, au même titre que la capitale ou bien l'autonomie des
municipalités. On pourra regarder, mais je pense que, pour le dossier qu'on a
devant nous, je pense que les
recommandations, déjà, une notice, ça permet, je pense, d'avoir un projet de
loi qui va devenir loi puis qui va être efficace.
Le Président (M.
Hardy) : Merci.
Mme
Maltais : Merci
beaucoup, M. le maire, Mme la conseillère.
M. Coderre (Denis) : Toujours un
plaisir.
Le Président (M. Hardy) : Très bien.
M. Kotto : Il me reste
combien de temps?
Le Président (M. Hardy) : Oui, il
reste 3 min 30 s.
M. Kotto : O.K.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Bourget.
• (11 heures) •
M. Kotto :
Merci, M. le Président. M. Coderre, Mme Samson, soyez les bienvenus. J'aurais
une simple question à vous poser pour
avoir votre perspective de la finalité de cet exercice. Est-ce que vous
considérez qu'un tel projet de loi, potentiellement
voté comme tel, va atteindre ou donner les résultats escomptés initialement? Je
m'explique. On veut lutter contre la
radicalisation, on veut lutter contre les discours haineux. Est-ce que ce
projet de loi va atteindre cet objectif, de votre perspective des
choses, si, d'aventure, il était voté tel qu'il est?
Le Président (M. Hardy) : M.
Coderre.
M. Coderre (Denis) : Merci, M. le
Président. Je me répète, vous m'envoyez un gros ballon de plage, là. La recommandation n° 10 est claire, c'est que...
Puis ce n'est pas un menu à la carte, ce n'est pas juste le projet de loi comme
tel qui va régler tous les problèmes, c'est
un outil supplémentaire qui va nous permettre quand même de couvrir un angle
important de la question. Mais on a demandé
que ce projet de loi là puisse prendre plus que... qu'on devrait prendre en
considération ces recommandations-là pour que ce projet de loi là, à notre
avis, puisse passer la rampe.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Bourget.
M. Kotto : Combien de temps?
Le Président (M. Hardy) : Il reste
deux minutes.
M. Kotto : Ah? Deux minutes?
Je pensais que le... Ah bien!
M. Coderre (Denis) : Précises.
M. Kotto :
Il y en a suffisamment. Avez-vous, au niveau de la municipalité, pris acte de
phénomènes comme ceux, disons, contre
quoi s'engage ce projet de loi dans le futur, en l'occurrence les discours
haineux? Y a-t-il eu des personnes, des
citoyens qui sont venus à la ville de Montréal s'exprimer ou manifester leur,
disons, frustration ou agression? Il faut parler de Montréal comme étant
le réceptacle de 200 communautés culturelles. Si oui, est-ce que vous pouvez
nous en parler?
M. Coderre
(Denis) : En fait, votre question : Est-ce qu'il y a eu des
incidents haineux à Montréal? La réponse est oui.
M. Kotto : Est-ce qu'au
niveau de la ville il y a eu des représentations en ce sens?
M. Coderre
(Denis) : Ah non! Mais il y a toujours des représentations, de toute
façon. Au niveau du SPVM, il y a un
travail qui se fait de ce côté-là. Mais nous, on a dit qu'on voulait aller plus
loin. Vous savez, quand il y a eu les événements Charlie Hebdo, j'ai
rencontré aussi notamment la communauté juive en France où il y a eu les
meurtres à Hyper Cacher, et puis on a mis
sur pied par la suite une table contre l'antisémitisme. Et on a parlé aussi
avec des groupes religieux, on a
parlé à beaucoup de gens, et puis on a créé ce sommet du vivre-ensemble, et,
nécessairement, quand on parle de
l'agenda de vigilance... Parce qu'il y a eu des incidents. Vous avez eu, dans
Côte-des-Neiges, des croix gammées qui
ont été dessinées sur des voitures. C'est pour ça qu'il faut faire une
distinction entre les crimes haineux et les incidents haineux. Oui, il y a eu des incidents haineux
qui... Et la plupart du temps, au Canada, bien, vous vivez ça... Vancouver,
Toronto, Montréal, les grands centres, il y a des... et c'est arrivé aussi
ailleurs. Donc, nécessairement, il faut agir en conséquence. Donc, il faut se donner des outils légaux, puis il faut se
donner des outils par rapport à nos corps policiers, et puis il faut
très certainement une concertation puis un travail de tous instants avec
l'ensemble des acteurs.
Mais, oui, il
y a eu des représentations chez nous, et on en a déjà parlé, et c'est pour ça
qu'en plus on a une unité qui a été créée au niveau du SPVM avec le
nouveau directeur, M. Philippe Pichet.
Le
Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à
la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de
Montarville, à vous la parole pour une période de 10 minutes.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. M. Coderre,
Mme Samson, merci d'être ici. Merci pour votre mémoire.
Moi,
je voudrais tout simplement, d'entrée de jeu, souligner la rapidité avec
laquelle la ville de Montréal a agi dans
les dossiers, bien avant que les gouvernements, plus gros, plus lourds, se
tournent et puissent faire quelque chose. Vous le dites, il faut avoir le réflexe Montréal, c'est là que ça se
passe, c'est vos mots, et vous avez tout à fait raison, la problématique... surtout chez vous pour les
raisons qu'on connaît. Et j'aimerais savoir qu'est-ce que vous avez pensé du
fait que, en lisant le projet de loi
n° 59, qui se veut dans un plan d'ensemble pour lutter contre la
radicalisation, nulle part, dans ce
projet de loi qui se veut lutter contre les discours haineux, on ne retrouve
les mots «intégrisme religieux», «dérive religieuse», «radicalisation», «endoctrinement». Ça vous fait quoi
lorsque vous nous dites : Il faut préciser le discours haineux?
Le Président (M.
Hardy) : M. Coderre.
M. Coderre (Denis) : Merci, M. le Président. Il ne
faut pas partir en peur non plus, là,
parce que, si on s'étend puis on part sur une shire,
là, ça va créer d'autres problèmes, là. Mais, de demander de la clarification...
En fait, ma clarification est basée sur ce qui existe déjà à partir des codes, du Code criminel. Il y a une jurisprudence qui est déjà très définie,
très claire, et c'est pour ça que, lorsqu'on va passer le processus et qu'on a un cas x,
y, z... Est-ce qu'en cour on n'aura
pas des gens qui vont augmenter les conditions
de vie de certains avocats parce qu'ils vont jouer sur l'inconstitutionnalité de la loi? Alors, moi, j'aime autant prévenir que guérir. Alors, on se
dit : C'est pour cette raison-là qu'on vous demande une clarification, puis on est satisfaits de la réponse de la
ministre. Et je
pense qu'il ne s'agit pas de réinventer quoi que ce soit, il suffit de couvrir des angles supplémentaires pour nous permettre de régler une situation qui peut arriver.
Donc, c'est vraiment dans un mode de
prévention. Ce n'est pas l'hécatombe, là. Il y a eu des incidents, là,
mais il ne faut pas partir en peur non plus. Mais on se dit que c'est
un outil de prévention, c'est un geste à poser, mais il faut
s'assurer qu'on ait répondu quand même à certaines questions puis qu'on
ait soit des clarifications, soit qu'on prenne en note nos recommandations pour que ce projet de loi là... parce
que tout projet de loi est perfectible. C'est le rôle de votre commission parlementaire, et, en
ce sens-là, c'est pour ça qu'on est
la seule ville qui vous a déposé un
rapport, je vous remercie de me recevoir...
mais c'était essentiel qu'on puisse justement parler de cette culture de gouvernance entre la métropole et puis le gouvernement du Québec
sur cette question importante.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. De notre côté, nous trouvions,
lorsque le projet de loi a été déposé, qu'il y avait peu de mesures concrètes, d'outils concrets pour les
municipalités. C'est la raison pour laquelle Mme la ministre nous
soulignait tout à l'heure une des mesures que nous avions proposées en février
dernier à l'effet que les organismes de bienfaisance
ou organismes religieux qui auraient des liens carrément établis avec le
terrorisme comme, par exemple, ça se fait du côté fédéral avec les rapports
d'impôt du côté fédéral... Il y a des organismes de bienfaisance ou religieux
qui ont perdu leurs exemptions au
niveau fédéral parce qu'ils avaient des liens, entre autres, peut-être... les
Frères musulmans, par exemple. Ça
s'est déjà vu. Alors, nous, nous proposions que les municipalités et les villes
puissent cesser d'exempter ces
organismes qui auraient des liens prouvés, donc cesser de les exempter de taxes
municipales et aussi de taxes scolaires, ce qui est de votre juridiction propre. J'ai été contente de vous
entendre. Naturellement, tout est à peaufiner, puis c'est pour ça qu'on
est ensemble ici, mais il y aurait quand même des...
M. Coderre
(Denis) : Excusez-moi de vous couper la parole. Mais, M. le Président,
je pense que ça vaut la chandelle, là. Il
faut regarder ça. Je pense que ça pourrait devenir intéressant. C'est un outil
concret, mais qu'il faut vraiment bien défini, puis qu'est-ce que ça
veut dire. Si on y arrive, c'est un geste de dernier recours parce qu'on a
vraiment des preuves, et puis il y a toute une enquête sur le financement, puis
tout ça, là. Ça fait qu'il faut... Mais à situation exceptionnelle, mesure
exceptionnelle; c'est des mesures qui doivent être utilisées avec beaucoup de
doigté et parcimonie, mais qui peuvent être nécessaires dans un agenda
de vigilance.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Merci. Par ailleurs, nous avions aussi fait part d'une autre proposition
au gouvernement en février dernier, et entre
autres c'était... et je vais vous lire parce que c'est plutôt très
précis : «Permettre — par résolution — de refuser...» Que les villes puissent
refuser de... Je répète : «Permettre de refuser la délivrance d'un
certificat de location ou de
localisation [sans] les recommandations immédiates de la Commission des droits
de la personne» en les attendant,
mais... «sous — pardon,
sous — les
recommandations de la Commission des droits de la personne». Donc,
«permettre de refuser la délivrance d'un certificat [...] sous les
recommandations de la Commission des droits de la personne», parce qu'on sait que, naturellement, vous avez toutes sortes
de demandes pour toutes sortes d'établissements, de centres communautaires. Ce qu'on veut, c'est qu'on veut être très
précis. Lorsqu'on sait que les personnes ou les groupes impliqués font déjà des discours haineux, cette
espèce de propagande du dénigrement qui va à l'encontre de nos chartes...
pour empêcher la délivrance de permis. Donc,
on voulait vous donner un outil de plus, aux municipalités. Et naturellement
je sais qu'il faut faire très attention,
mais est-ce que c'est quelque chose qui pourrait vous aider dans la mesure où
il y a déjà eu des cas? Puis on n'embarquera pas dessus parce que déjà
c'est devant les tribunaux, là.
Le
Président (M. Hardy) : M. Coderre.
• (11 h 10) •
M. Coderre
(Denis) : Oui, il faut faire attention aussi au mot «dénigrement»,
qu'est-ce que ça veut dire, puis qu'est-ce qu'on entend par «discours». Il faut
faire attention.
Mais,
dans le statut de métropole, où on va négocier de la gouvernance par rapport à
l'aménagement du territoire, là, vous
parlez de zonage, vous parlez de livraison de permis et tout ça, c'est sûr qu'à
ce moment-là on pourra définir, dans
des situations exceptionnelles, le respect du zonage. Il y en a qui ont
évidemment parti des débats à un moment donné sur le lieu de culte versus centre communautaire, etc. Je ne suis pas sûr
qu'on a besoin nécessairement de le mettre dans la loi dans la mesure où, dans le statut de métropole, de toute façon, ça
va s'y retrouver par rapport à un rôle d'un gouvernement de proximité
face à son propre aménagement de territoire dans certaines situations. Mais
d'avoir le réflexe de l'envisager, on
pourrait l'étudier davantage... Mais ça ne fait pas partie des recommandations
que j'ai demandées, parce que,
justement, il y a un autre travail parallèle qui se fait, ça fait qu'il ne faut
pas dédoubler non plus. Et, de toute façon,
Mme ministre de la Justice sera invitée à la table des négociations, parce
qu'il y a des choses ponctuelles qui vont se faire avec le ministre des Affaires municipales et le ministre
responsable de la Métropole à la table des négociations par rapport au statut comme tel, parce qu'il va y
avoir évidemment des réalités, je dirais, qui touchent le ministère de la
Justice. Puis on devra couvrir tout ça dans ce contexte-là...
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville. Excusez-moi.
M.
Coderre (Denis) : ...mais c'est sûr que c'est le genre de choses qu'on
travaille déjà, là, qu'on... On est déjà là-dessus.
Mme
Roy
(Montarville) : Dans la même veine, nous proposions
également que la commission puisse révoquer elle-même le certificat de localisation lorsqu'il y aurait de ces discours
haineux qui seraient attribués à l'organisme ou des personnes à
l'intérieur de l'organisme qui demandent les permis. Est-ce que ça, ça pourrait
être une autre avenue?
M. Coderre
(Denis) : Je n'ai pas l'intention de donner un pouvoir qui m'incombe.
Alors, de donner ça à un autre, là, on est
des grands garçons, des grandes filles, là, on est capable de s'assumer. On
appelle ça de l'autonomie municipale.
Mme
Roy
(Montarville) : Le message est clair pour
l'autonomie municipale, M. le maire. Je vous remercie infiniment. Merci.
M. Coderre
(Denis) : Merci beaucoup.
Mme
Roy
(Montarville) : Et j'ai particulièrement apprécié la
pyramide que vous avez faite sur le type d'intervention à la page 14. Et je pense que c'est une
problématique à plusieurs niveaux. Et c'est pour ça qu'on est là à tenter de
trouver une solution. Merci.
M. Coderre (Denis) :
Merci.
Le
Président (M. Hardy) : Merci de votre collaboration.
Nous allons suspendre
nos travaux quelques instants et j'inviterais la représentante de la Fédération
des commissions scolaires du Québec à prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à
11 h 12)
(Reprise à 11 h 15)
Le
Président (M. Hardy) : Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à la Fédération des commissions scolaires du Québec. Je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé.
Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ)
Mme
Bouchard (Josée) : Merci, M. le Président. Alors, Mme
la ministre, messieurs et mesdames
les députés, m'accompagnent aujourd'hui Mme Pâquerette Gagnon, la directrice
générale de la Fédération des commissions scolaires du Québec,
et Me Alain Guimont, qui est secrétaire général et conseiller juridique à la
fédération. Et bien sûr je me présente : Josée Bouchard, présidente
de la fédération.
Alors,
tout d'abord, la fédération, comme vous le savez, représente la majorité des commissions scolaires
francophones du Québec et la
commission scolaire du Littoral, une commission scolaire à statut particulier.
Notre mission est de faire avancer la cause de l'éducation publique et
de défendre les intérêts de ses membres.
Pour
bien définir la position des commissions scolaires sur le projet de loi
n° 59, je me dois de vous souligner que la mission d'une commission scolaire est non seulement d'offrir des
services éducatifs aux personnes qui relèvent de sa juridiction, mais également d'offrir aux élèves un milieu de vie
sain et sécuritaire, c'est-à-dire un environnement où chaque élève peut
se développer à l'abri de toute forme d'intimidation et de violence.
Il
est donc important pour les milieux scolaires d'appuyer l'initiative du
gouvernement de vouloir mettre en place au sein de la société québécoise des mesures visant à prévenir et à
lutter contre les actes d'intimidation et de violence, et plus particulièrement
lutter contre les discours haineux ou les discours incitant à la violence.
C'est dans
cet esprit que la loi visant à prévenir et à combattre l'intimidation et la
violence à l'école, rappelons-nous, fut
adoptée en 2012, obligeant les écoles à se doter d'un plan de lutte contre
l'intimidation et la violence afin de prévenir et de contrer toute forme d'intimidation et de violence à l'endroit d'un
élève, d'un enseignant et de tout autre membre du personnel de l'école.
Ce plan prévoit notamment des mesures de soutien
et d'encadrement offertes à l'élève victime d'un acte d'intimidation ou de violence ainsi qu'à l'auteur d'un tel acte.
L'application du plan de lutte contre l'intimidation et la violence relève de la direction de l'école, et la
Loi sur l'instruction publique prévoit une procédure d'examen des plaintes
qui permet de s'adresser ultimement au protecteur de l'élève pour statuer sur
le bien-fondé d'une plainte.
Dans le cadre
de cette présentation, la Fédération des commissions scolaires n'a pas
l'intention de commenter le projet de
loi sous l'angle juridique, car d'autres intervenants s'en chargeront. Notre
intention est plutôt de l'aborder en
mettant en lumière les difficultés d'application qui découleraient de son
adoption dans sa version actuelle. Le réseau des commissions scolaires n'est pas contre le principe de bannir les
discours haineux et ceux incitant à la violence, mais encore faut-il que les dispositions du projet de
loi soient complémentaires à celles déjà prévues dans la Loi sur l'instruction
publique.
En effet, outre le plan de lutte contre
l'intimidation et la violence, n'oublions pas que la Loi sur l'instruction publique prévoit déjà de nombreux outils
permettant à l'école d'orienter ses actions et d'offrir aux élèves un milieu de
vie sain et sécuritaire favorisant la
réussite scolaire. Il suffit de penser aux règles de conduite et aux mesures de
sécurité adoptées par le conseil
d'établissement et à la convention de gestion et de réussite éducative convenue
entre la commission scolaire et
chacune de ses écoles, faisant le lien avec la convention de partenariat entre
la commission scolaire et le ministre, qui contient un but spécifique
sur cette question.
Il faut également mentionner que les acteurs du
réseau scolaire participent déjà activement à la recherche de moyens dans le cadre des travaux menés par la
Table provinciale de concertation sur la violence, les jeunes et le milieu
scolaire, dont la mission est de mobiliser
les intervenants à la promotion de comportements pacifiques, à la prévention
et à la diminution de la violence chez les jeunes.
Concernant
les pouvoirs de la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse et du tribunal de la personne,
alors, voilà notre commentaire : alors que le plan de lutte contre
l'intimidation et la violence à l'école prévu dans la Loi sur l'instruction publique réserve à la direction de
l'école, au protecteur de l'élève et à la commission scolaire la responsabilité d'intervenir, le projet de loi
propose de confier également ce pouvoir à la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse
lorsqu'un élève tient un discours haineux ou incitant à la violence à l'égard
d'un groupe de personnes. Bien que
l'objectif poursuivi par le projet de loi soit à première vue complémentaire
aux dispositions de la Loi sur
l'instruction publique, le pouvoir d'enquête de la commission des droits de la
personne entrerait directement en conflit avec les responsabilités des
intervenants scolaires.
En effet, même si un discours haineux ou
incitant à la violence s'adresse à un groupe de personnes, le même discours peut également porter atteinte aux droits
d'un élève dûment identifié et lui causer un préjudice personnel. Dans ce cas, l'école a non seulement l'obligation de faire
une enquête sur les événements faisant l'objet d'une plainte et d'offrir
des mesures d'aide à l'élève victime d'un
tel discours, mais doit également intervenir pour encadrer l'auteur du discours
et lui imposer des sanctions disciplinaires, le cas échéant.
• (11 h 20) •
Avec ce qui
est proposé dans le projet de loi n° 59, la commission des droits de la
personne et de la jeunesse pourrait intervenir de sa propre initiative
et faire enquête sur le même événement avec l'obligation de soumettre le cas au
Tribunal des droits de la personne si son
enquête démontre qu'il existe des éléments de preuve suffisants qu'un élève a
tenu un discours haineux ou incitant à la
violence. Or, dans un établissement d'enseignement primaire et secondaire, les
autorités scolaires sont les mieux placées pour intervenir auprès des élèves.
Quel que soit l'événement, qu'il s'agisse d'indiscipline,
de troubles de comportement, d'intimidation, de violence ou de propos
discriminatoires à l'égard d'une personne
ou d'un groupe de personnes, il est important de rappeler que le rôle de
l'école et de la commission scolaire est non seulement d'intervenir auprès d'un élève victime d'intimidation ou
de violence, mais d'intervenir également auprès de l'auteur du propos ou du geste afin de lui offrir des mesures de
soutien ou d'encadrement en vue d'éviter la répétition d'un tel acte. Or, comment peut-on, pour une même
situation, avoir l'école qui met tout en oeuvre pour réhabiliter l'élève
auteur d'un discours haineux ou incitant à
la violence si le Tribunal des droits de la personne obtient, après enquête de
la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse, le pouvoir d'intervenir pour le
sanctionner civilement par
l'imposition d'une sanction pécuniaire et par l'ajout de son nom sur une liste
publique de pseudodélinquants tenue par la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse?
La
mission de l'école n'est pas de stigmatiser les élèves — c'est important, ça — ayant des troubles de comportement et des écarts de conduite, mais d'instruire, de
socialiser et de qualifier les élèves dans le respect du principe de l'égalité
des chances. Confier un pouvoir d'enquête à
la Commission des droits de la personne et un pouvoir d'imposer des sanctions
civiles au Tribunal des droits de la personne dans des situations qui
interpellent directement les intervenants scolaires constituerait une entrave importante dans leurs interventions auprès des
jeunes éprouvant des problèmes de comportement.
Alors, c'est pour ces raisons que la fédération
recommande, vous le comprendrez, de soustraire les écoles de l'application des dispositions
des chapitres III et IV de la partie I du projet de loi n° 59.
Par ailleurs, les intrusions dans les champs de compétence de l'école et de ses
professionnels ne s'arrêtent pas là. Toujours en
vertu du projet de loi n° 59, le ministère de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Recherche se verrait octroyer les pouvoirs suivants :
d'abord, retenir ou annuler tout ou en partie du montant d'une subvention
destinée à une commission scolaire
qui tolère un comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la
sécurité physique ou morale des
élèves; et désigner une personne pour enquêter sur tout comportement pouvant
raisonnablement faire craindre pour
la sécurité physique ou morale des élèves. Or, en vertu du projet de loi, est
réputé avoir un comportement pouvant raisonnablement
faire craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves l'élève dont le
nom est inscrit sur la liste tenue
par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Est-ce dire qu'une commission scolaire pourrait
se voir annuler une subvention ou faire l'objet d'une enquête parce qu'elle
tolère la présence d'un élève dont le nom
est inscrit sur cette liste? Doit-on permettre au ministère de l'Éducation
d'intervenir dans la gestion interne d'une commission scolaire et de ses établissements lorsque le comportement
d'un élève fait craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves? Devrait-on plutôt laisser
l'école à la responsabilité d'apporter tout le support et l'aide nécessaires
aux élèves impliqués de près ou de loin dans un discours haineux ou incitant à
la violence?
Nous
sommes d'avis que la direction d'école et son personnel sont les mieux placés
pour intervenir en première ligne lorsqu'un
élève a un comportement faisant craindre pour la sécurité physique ou morale
des autres élèves. N'oublions pas que
nous vivons dans une société de droit et que les autorités scolaires sont déjà
en mesure de faire appel à différents intervenants
lorsque les mesures en place dans les écoles ne permettent pas d'intervenir
efficacement auprès d'un élève ayant
un tel comportement. D'ailleurs, la Loi
sur l'instruction publique prévoit déjà l'obligation pour une commission
scolaire de conclure une entente avec chacun
des corps de police de son territoire afin d'établir les modalités
d'intervention des policiers
lorsqu'un acte d'intimidation ou de violence est signalé. Ces ententes existent
depuis longtemps et permettent d'assurer un climat sain et sécuritaire
dans les écoles.
Alors, pour ces raisons, une fois de plus, la fédération recommande le retrait des articles 31 et 32 de la partie
II du projet de loi n° 59.
Je sens qu'on est
vers la fin, M. le Président.
Le Président (M.
Hardy) : Juste avant. Je vous remercie.
Mme
Bouchard (Josée) : Alors, je
voudrais quand même, s'il
vous plaît, en ce moment
exceptionnel... Vous savez que c'est
une journée exceptionnelle, M. le
Président, aujourd'hui, c'est la Journée internationale de la démocratie, et nous sommes à la Commission des institutions. Alors, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a un gouvernement ici qui s'apprête à abolir une démocratie scolaire qui réunit à
la parité des femmes et des hommes.
Le Président (M.
Hardy) : Je m'excuse...
Mme Bouchard
(Josée) : Alors, j'aimerais qu'on ait une pensée aussi pour ça.
Le Président (M.
Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange. Mme la ministre, à vous la parole pour 23 min 30 s.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présence à la commission parlementaire pour les fins du projet
de loi n° 59.
Simplement
peut-être rappeler, parce qu'on a abordé la question
à quelques reprises... le concept de sécurité morale,
c'est un concept qui existe déjà,
qu'on retrouve dans deux dispositions
législatives. On le retrouve à l'article 26 de la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance puis
on le retrouve également à l'article 481 de la loi sur les services de santé
et sociaux. Alors, je pense, quand même, ce
n'est pas un concept, là, complètement nouveau, qui est sorti d'une boîte à
chapeau, mais c'est un concept qui existe
dans notre législation et avec lequel les organismes publics sont habitués de
travailler.
L'autre élément qui serait peut-être important de
préciser, c'est que le projet de loi n° 59 ne s'adresse pas qu'aux étudiants d'une commission scolaire, il s'applique
aussi aux adultes qui évoluent en général dans le milieu, que ce soit dans le milieu scolaire, que ce soit ailleurs dans
la société. L'objectif, c'est d'éviter... et l'objectif des principales
dispositions qui touchent
particulièrement le secteur de l'éducation vise à s'assurer qu'une personne qui
aurait tenu des propos haineux ou des propos incitant à la violence ne
puisse continuer à tenir de tels propos.
Et
les modifications apportées à la Loi sur l'instruction publique visent et
respectent tout à fait l'autonomie des commissions scolaires. Donc, une
commission scolaire qui prendra les moyens appropriés pour éviter que, par
exemple, des propos haineux soient tenus dans son enceinte aura fait les
démarches nécessaires, et donc ne va pas nécessiter l'intervention ministérielle. L'intervention ministérielle, elle
devient, en fonction de l'amendement qui est proposé aux dispositions de la Loi sur l'instruction publique,
un élément de plus advenant que les mesures ne soient pas prises. Et c'est
dans ce sens-là... Donc, la commission
scolaire qui, informée, par exemple, que... puis mettons de côté la question
des élèves. Hier, nous avons eu des
représentations, qui nous ont été faites notamment par des représentants des
centres jeunesse, sur la question des mineurs. Et évidemment on est à
réfléchir, on est à voir, là, comment on pourra répondre à ces préoccupations-là, parce qu'elles étaient tout à
fait appropriées. Puis c'est la beauté, hein, c'est la beauté de cette
commission parlementaire, ça nous
permet de soulever et de travailler, de bonifier un projet de loi. Si on
déposait un projet de loi puis on
n'avait pas l'intention de le bonifier, bien, ce ne serait pas... on ne se
lancerait pas dans cet exercice démocratique là. Et, tous partis confondus, on ne détient pas le monopole des bonnes
idées. Et je pense que le travail qui est fait vise justement à faire
avancer nos institutions et notamment nos projets de loi.
Ceci
dit, comme je vous expliquais, les amendements apportés à la Loi sur
l'instruction publique sont là pour venir suppléer à une absence d'intervention.
Mais, si la commission scolaire pose les gestes nécessaires, il n'y a aucune intervention qui sera
nécessaire, et c'est ça qui... ce qui était derrière ça, c'était de
reconnaître, certes, que la commission scolaire
peut poser, avec ses différentes instances, notamment avec le protecteur de
l'élève, avec tout le processus d'évaluation...
permettre d'intervenir advenant qu'un membre... Par exemple, prenons le cas
d'un membre de personnel qui aurait
tenu de tels propos. En l'absence d'intervention, c'est là que les amendements
à la Loi sur l'instruction publique prennent
toute leur importance. C'est de
donner ce pouvoir, mais c'est un pouvoir qui est vraiment de dernier recours,
du ministre, d'intervenir dans un cas quand même
assez important où la sécurité morale des élèves, la sécurité
physique des élèves pourrait être mise en danger.
• (11 h 30) •
Le Président (M.
Hardy) : Mme Gagnon... Mme Bouchard, excusez.
Mme
Bouchard (Josée) : Oui, puis
peut-être que Mme Gagnon ajoutera quelque chose par la suite. Merci pour votre
question, Mme la
ministre, et, bon, l'explication que
vous en faites, là, par rapport à ce que vous attendez, là, à ce que vous
voulez préciser, dans le fond, à travers le projet de loi.
Malgré tout ça, selon
notre analyse, quand vous dites : Dans le fond, ce qu'on veut prévenir,
c'est l'absence d'intervention, moi, je pense
que déjà... bien, le gouvernement
libéral qui vous a précédé, par la
voix de Mme Beauchamp, à l'époque, justement,
a fait adopter par le gouvernement une loi contre l'intimidation et la violence. Et
je vais vous dire que c'est... Bien, en tout cas, moi, je n'ai pas entendu, depuis 2012, là, de plainte par rapport à la façon de gérer ce que ça
a engendré. Au contraire, c'est bien venu encadrer les choses, puis on s'est
tourné vite, puis on a même, je vais vous dire, travaillé avec la Fédération des comités de parents pour être sûrs
qu'on avait le même langage, qu'on s'entendait bien, que ça allait être
bien interprété dans les établissements aussi. Ça, c'est important et bien
compris.
Mais
nous, on prétend que déjà, s'il y
a... Effectivement, il pourrait
arriver des cas d'absence d'intervention, du monde qui ne bouge pas. Il y a toujours une plainte qui arrive à un moment donné. La personne, elle a un
recours dans la Loi sur l'instruction
publique. Le recours ultime, c'est le protecteur de l'élève, et ça marche. Le
protecteur de l'élève, en plus, bien,
tout ce qui est porter plainte, justement, qui se rend jusqu'à lui dans une
commission scolaire, doit être rapporté. Il y a une reddition de comptes aussi qui est faite par rapport à ça et qui
se retrouve dans les rapports annuels des commissions scolaires.
Ce qu'on veut
protéger aussi, Mme la ministre, là, c'est en fait toute la notion que nous, en
tout cas, on doit protéger quotidiennement,
c'est la notion de confidentialité. Quand on travaille avec des jeunes, hein,
puis je sais que vous êtes au courant
de ça, c'est très important. En fait, le projet de loi, ce qu'il contient,
c'est une possible dérive et qui serait terrible, puis M. Coderre y fait
référence tout à l'heure : il ne faut pas s'organiser, là, pour que
quelqu'un traîne une réputation où parce
que, bon, il a commis une erreur de jeunesse, par exemple, ou bon, qu'il traîne
ça toute sa vie, qu'il soit
stigmatisé. Au contraire, lorsqu'on n'arrive pas régler une situation, vous
savez qu'on est en collaboration aussi... on a toutes des ententes, les commissions scolaires, avec les corps
policiers. Donc, il y a tout un travail de collaboration qui se fait aussi, qui fait en sorte que,
justement, il ne faut pas se rendre à quelque chose de pas réglé. Alors, c'est
ça qu'on veut protéger à travers notre intervention.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Vous savez, on parle ici de discours haineux, de
discours incitant à la violence, donc, c'est quelque chose qui est quand même très grave. Ce n'est pas,
comme on l'a mentionné et comme on le répète, ce n'est pas simplement un discours de dissidence, ce n'est nécessairement
un discours... C'est un discours qui va amener à la haine d'un groupe de personnes. Et ça, c'est important, et c'est
grave. Et ce discours-là peut se tenir en dehors des murs de l'école également.
Alors, l'objectif du projet de loi, c'est de lutter contre ce discours-là.
Maintenant,
pour ce qui est de la liste, on a pris bonne note également des commentaires
qui ont été formulés. Par contre,
vous savez que, pour ce qui est des adultes... Les mineurs sont toujours
protégés par la confidentialité des décisions qui les concernent. Pour
ce qui est des majeurs, les décisions sont publiques, elles existent. Donc,
au-delà de la liste, quelqu'un, un membre du
personnel qui aurait tenu des propos haineux ou des propos incitant à la
violence, qui auraient traversé le
principe d'enquête de la CDPDJ, qui auraient traversé tout le cheminement au
sein du Tribunal des droits de la personne
et de la jeunesse et qui serait condamné à verser une sanction civile, un
dédommagement... cette décision-là, elle
est répertoriée, elle est accessible,
et elle demeure, au même titre que quelqu'un qui fait l'objet d'un dossier de
nature civile. Il s'agit d'aller sur le site jugements.qc.ca et
on obtient l'information concernant le dossier.
Là,
vous nous demandez, et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre, de
soustraire les commissions scolaires de
l'application d'une partie de la loi en nous disant : Nous, on règle à
l'interne les conflits entre les élèves. Donc, on ne voudrait pas qu'un conflit et qu'un enjeu soient
référés à la commission des droits de la personne et de la jeunesse. Par
contre, un conflit de nature civile peut...
un incident de nature civile peut survenir à l'intérieur des murs de l'école,
et ça n'empêche pas pour autant que des parents décident de poursuivre
parallèlement aux sanctions qui sont prises par la commission scolaire dans le cadre d'une action en dommages, que ce soit
devant la Cour des petites créances, que ce soit devant la Cour du
Québec pour, par exemple, de la négligence, de la responsabilité civile, peu
importe.
Alors,
elle est où, la distinction entre le processus qui est prévu dans le projet de
loi et qui permet à la commission des
droits de la personne et de la jeunesse d'être saisie d'un dossier et, par exemple,
une poursuite de nature civile qui pourrait être entreprise pour un
événement ou une situation survenue à l'intérieur des murs de l'école? J'essaie
de comprendre, parce... Je comprends, là,
que vous avez toutes vos mesures d'encadrement, de suivi d'intervention qui
sont prévues à l'intérieur des
dispositions de la loi puis au niveau également du projet de loi tel qu'il
était connu sous le projet de loi
n° 56 à l'époque, vous avez tout ça, mais qu'est-ce qui permettrait de
créer un statut particulier pour les commissions scolaires sous le
projet de loi n° 59, que l'on n'accorde pas, par exemple, pour d'autres
incidents de nature civile?
Le
Président (M. Hardy) : Mme Bouchard.
Mme
Bouchard (Josée) : Alors, comme vous dites, Mme la ministre, effectivement
s'il arrive un incident civil ou même criminel, hein, tout est là dans
la loi, on a tous les recours légaux au Québec pour pouvoir agir. On a vu des incidents aussi, dans des commissions scolaires,
par rapport à du personnel, il y a eu des cas qui ont fait les journaux, qui
ont fait la manchette. Je pense à un cas,
sur la rive sud de Québec, entre autres, où, mon Dieu... on a suivi ça de près,
il s'agissait d'une secrétaire, souvenez-vous, donc qui versait dans des
activités assez spéciales. Ça doit vous rappeler quelque chose. Bien, écoutez, on a déjà, dans les conventions
collectives, on a déjà, dans toutes les pressions qui se sont faites, les
plaintes qui ont été acheminées par les parents... on avait tout en main, la
commission scolaire avait tout en main pour agir.
C'est
la même chose si quelque chose de grave effectivement... Moi, je ne voudrais
surtout pas que vous entendiez, dans
notre discours, qu'on trouve ça moins grave un discours haineux, ce n'est pas
ça du tout. Puis on est habitués aussi de...
bien, en fait, de fonctionner avec les élèves qui peuvent aussi avoir des
discours ou des comportements en dehors de l'école qui sont, comme on
dit, condamnables ou en tout cas questionnables.
Ce
qu'on veut que vous compreniez, là, c'est que notre mission par rapport à tout
ce monde-là — puis
aussi par rapport aux adultes en
formation, hein, c'est dans notre mission de l'instruction publique — c'est justement, dans un cas où un élève pose un geste ou, comme on dit, prend
parti pour un groupe haineux, c'est d'arriver à faire un travail qui va l'amener à... bien, mon Dieu, à se détourner de
ça. C'est notre responsabilité, puis on va travailler aussi avec les parents,
on va travailler en collaboration. C'est
déjà ça, notre mission, ce n'est pas d'arriver à condamner quelqu'un. Notre
mission, c'est d'éduquer, c'est
d'arriver à faire en sorte qu'on puisse amener ce jeune-là, par exemple, ou
même cet adulte-là en formation,
bien, à comprendre que c'est inacceptable. Et, comme vous le dites si bien, Mme
la ministre, déjà, vous avez vu, il y
a une panoplie, en fait, d'encadrements, dans la loi, qui font en sorte on
puisse agir. Il y aurait peut-être quelque chose à ajouter, M. le
Président.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Gagnon.
• (11 h 40) •
Mme Gagnon (Pâquerette) : Je voudrais ajouter... La situation des
commissions scolaires, à chaque fois qu'est arrivé un événement public qui a mis en situation un citoyen, une
citoyenne, un enfant ou un adulte, on a vu ajouter, dans la Loi sur l'instruction publique, des
obligations, ce qui fait en sorte que les commissions scolaires, les écoles
actuellement sont extrêmement
encadrées. Alors, je le dis dans le même sens que Mme Bouchard, loin de là
notre intention est de dire qu'on ne
veut pas gérer cette situation-là. Mais il y a 3 000 écoles au Québec.
Comment le ministre va pouvoir avoir un rapport précis à l'effet qu'une commission scolaire peut tolérer un
comportement? Comment on va prendre ce verbe-là... qualificatif, qui va enlever une subvention à la
commission scolaire? Ce qu'on dit, c'est : Il y a un aspect irréaliste
dans cette question-là, et tous les outils sont actuellement présents
pour le faire correctement.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : J'aimerais vous entendre également puisque vous avez
parlé beaucoup des dispositions portant sur le discours haineux. Il y a des dispositions, dans le projet de loi,
qui amènent des bonifications à la Loi sur la protection de la jeunesse. Vous oeuvrez auprès des jeunes, vous
oeuvrez auprès des enfants, est-ce que vous vous êtes attardés à ces enjeux-là d'encadrement notamment des violences
qui sont fondées sur une conception de l'honneur, des dispositions qui
portent sur le contrôle excessif, sur le mariage forcé?
Le Président (M.
Hardy) : Me Guimont.
M. Guimont (Alain) : Ce ne sont pas des dispositions qui ont fait l'objet d'une étude par la
fédération, mais je tiens quand même
à rappeler aux membres de la commission que la fédération est membre de la
table provinciale de lutte contre la
violence à l'école et qu'à ce niveau il y a différents éléments du projet de
loi qui sont discutés, mais, pour nous, à la fédération, nous n'avons
pas cru nécessaire d'intervenir.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : D'accord. Donc, je comprends que, dans le fond, votre
intervention ne visait que les dispositions de la Loi sur l'instruction publique, et vous souhaitiez être soustraits
de l'application du processus de plainte devant la commission des droits
de la personne et de la jeunesse, même s'il s'agit d'un adulte.
Mme Bouchard
(Josée) : Pour l'ensemble de...
Le Président (M.
Hardy) : Mme Bouchard.
Mme
Bouchard (Josée) : Comme on dit, pour... Oui, excusez-moi, M. le Président.
Comme je vous disais, déjà, par
l'ensemble de l'encadrement qu'on a, je dirais, par aussi les... en fait,
toutes les règles qui sont contenues dans les conventions collectives, nous sommes en mesure d'agir. On l'a fait
jusqu'à maintenant et on ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas
continuer à le faire efficacement tout simplement.
Le
Président (M. Hardy) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
En fait, je vais céder la parole à mon collègue de Chomedey.
Le Président (M.
Hardy) : Oui. M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette : Merci, M. le Président. Bienvenue. Dans votre
mémoire, à la page 9, le dernier paragraphe m'a interpelé un peu plus, là, quand vous dites que
dans la Loi de l'instruction publique, il y a une obligation qui est prévue
pour une commission scolaire de conclure une
entente avec chacun des corps policiers de son territoire. Probablement par déformation professionnelle, mais vous avez
entendu M. Coderre tantôt parler de la réflexion qu'on devrait avoir de
l'arrimage qu'il devrait y avoir avec le
SPVM à Montréal pour la situation de Montréal. Ça m'amenait la réflexion
suivante parce qu'hier on a eu les
dirigeants de la protection de la jeunesse, puis la confidentialité, je vous
l'accorde, c'est quelque chose à laquelle on doit réfléchir, à laquelle
on doit avoir... Il va falloir le retrouver dans le projet de loi.
Je
me posais la question, c'est : Le protocole que chacune des commissions
scolaires a avec les corps de police, parce
qu'il reste quand même une trentaine de corps de police au Québec, eu égard à
ce que M. le maire de Montréal nous a
mentionné aujourd'hui, ce n'est pas quelque chose qu'on devrait, qu'on devrait
réactualiser en fonction de l'esprit du projet de loi n° 59, en fonction de ce vers où on veut aller avec
la commission des droits de la personne, faire en sorte que... pour éviter?
Parce que je lisais... ce que vous craignez, c'est qu'il y ait des
dédoublements, qu'il y ait des choses qui
se fassent en double, puis, nous autres, ce qu'on ne veut pas, c'est qu'on en
oublie et qu'on oublie une situation qui pourra créer un préjudice dans le
futur à une personne ou à un jeune qui fréquente l'école. C'est qu'il faut concilier ces deux-là. Et je veux vous entendre là-dessus,
parce qu'effectivement on a une
préoccupation, et ça m'amène à penser qu'il y aurait peut-être lieu de réactualiser les protocoles pour s'assurer
qu'on est bien à la bonne place, et que l'ouvrage se fait, et que chacun est dans l'encadrement législatif
qu'il doit normalement faire respecter, là, puis qu'on n'a pas personne
qui passe entre les mailles du filet.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Bouchard.
Mme
Bouchard (Josée) : Oui, M. le Président. En fait, ce que M. le député
relève, je pense, c'est extrêmement important.
Tout à fait d'accord avec lui sur l'importance d'actualiser, de faire en sorte
que notre collaboration, elle soit toujours des plus efficaces avec les
corps policiers.
Je
vous informe là-dessus qu'en 2012, lorsqu'en fait vous avez adopté la loi, en
fait, pour prévenir et combattre l'intimidation
et la violence à l'école, c'est ce qui s'est passé sur le terrain aussi. On se
souvient que ce projet de loi est né
suite à toute une histoire autour des médias sociaux et d'un suicide au Québec,
hein, et qui était tout à fait condamnable et regrettable. Donc, ça, je dirais que le phénomène des médias sociaux,
dans lesquels, évidemment, gravitent amplement nos jeunes — même nous-mêmes, n'est-ce pas? — bien ça a fait en sorte qu'il y a eu un
rapprochement aussi, encore une fois,
avec les corps policiers. Et, entre autres, on s'est dotés d'outils
supplémentaires, on a même engagé, pour plusieurs... ou, en tout cas, on
a songé à ajouter des ressources dans les écoles pour faire de la prévention,
et tout ça.
Je pense que ma directrice
générale voudrait peut-être ajouter quelque chose.
Mme Gagnon
(Pâquerette) : Si vous me permettez.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Gagnon.
Mme Gagnon
(Pâquerette) : Merci, M. le Président. Juste pour compléter, M. le
député, les commissions scolaires, depuis le
moment où on a demandé aux commissions scolaires... on leur a donné
l'obligation de convenir d'ententes avec
le corps policier, les commissions scolaires sont toujours en attente d'un
règlement qui doit être publié, qui doit être adopté par le ministre
pour prescrire le contenu de ces ententes.
Alors, ce serait
probablement une bonne occasion, avec ces échanges sur le projet de loi
n° 59, de rappeler au ministre de
l'Éducation son obligation aussi, par la loi, de... c'est-à-dire, son
obligation... cette possibilité de prescrire le contenu qui permettrait de venir réviser en fonction du projet de loi
n° 56, du projet de loi n° 59. Parce que la majorité des commissions
scolaires ont des ententes, mais on est d'accord avec vous qu'à un moment donné
il faut les adapter aux nouvelles réglementations.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Chomedey, il vous reste une minute.
M.
Ouellette : Soyez assurée que le message va se faire. Parce
que je pense qu'on travaille tous pour la même chose : le développement de nos enfants, la protection de nos
enfants, la confidentialité. Parce que un qu'on échappe, c'est un de trop. Et effectivement l'actualisation est
importante. Puis ce n'est pas tout de faire avancer une partie de l'équation
si les autres restent en arrière, là. Et je
le mentionne souvent : la cohésion est très, très, très importante si on
veut avoir du succès dans différentes situations. Puis soyez assurée que
le message va se faire et se rendre. Merci.
Le
Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à
la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de
Taschereau, à vous la parole pour une période de 14 minutes.
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Mme Bouchard, madame, monsieur, bienvenue à cette
commission parlementaire. Ça fait plaisir de
vous entendre. Merci d'avoir pris le temps de vous pencher sur cette loi. Je
veux juste vous dire que vous allez à
peu près dans le sens de ce que beaucoup de gens, d'ailleurs, sont venus dire.
Ce matin, à 10 h 25, la
ministre a dit : Cette loi est controversée. Il y a un aveu, là, qui, je
le souhaite, nous amènera vers une nouvelle approche pour pondre une
nouvelle loi. Je le souhaite profondément.
Vous n'êtes
pas seuls : les juristes ont commencé en disant... comme Me Grey, Me
Latour, sont venus en disant qu'il y
avait un problème avec cette loi. Les groupes les plus victimes de violence, de
crimes haineux, des Noirs, des Juifs sont
venus dire qu'il y avait un problème, qu'il fallait travailler en prévention.
Les LGBT, Fatima Houda-Pepin, les experts, hier soir, de l'observatoire sont venus dire qu'il y avait un problème.
La DPJ est venue faire le même constat que vous par rapport au problème qu'on a par rapport aux lois qui existent déjà
pour protéger les enfants, ce qui existe déjà sur la table et qu'il n'y avait pas concordance. Le maire
de Montréal est venu questionner même la validité de la loi. Il reste, du côté du gouvernement, à peu près, l'imam El
Menyawi, quelques petits groupes. Donc, on peut dire, à tout le moins,
que c'est controversé. On cherche une nouvelle approche.
Est-ce que
vous avez été consultés par la ministre de la Justice ou le ministre
de l'Éducation pour la section qui
concerne les commissions scolaires? Est-ce
que vous avez eu des rencontres véritables autour de cette idée de confier des
nouveaux pouvoirs sur le territoire scolaire?
• (11 h 50) •
Le Président (M. Hardy) : Mme
Gagnon.
Mme Gagnon
(Pâquerette) : Comme
Me Guimont l'a dit tout à
l'heure, on siège à la table pour
contrer et prévenir la violence
depuis fort longtemps et, sur cette question-là, on n'a jamais
été consultés. En amont, on aurait bien aidé la ministre à voir qu'il y a
des difficultés, là, de dédoublement et, à quelque part, d'ajout de bureaucratie, alors... Mais on n'a jamais été
consultés.
Mme
Maltais : Jamais consultés, jamais eu de rencontre sur le
travail en radicalisation, pour contrer la radicalisation qui peut se faire dans les commissions scolaires, comment vous travaillez, avec qui vous
travaillez, qui sont vos partenaires, jamais de discussions là-dessus
avant de pondre cette loi.
Une voix : Non.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Gagnon.
Mme Gagnon (Pâquerette) : Non.
Merci.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Bien, c'est important parce que... on fait une nouvelle législation, normalement,
on travaille avec nos partenaires. Je
sais que le maire de Montréal exprimait un peu le même problème, sans aller
jusqu'à pas de consultation, là.
Vous dites
qu'il y a déjà des pouvoirs ministériels puis il y a déjà la Loi sur
l'instruction publique qui vous permet d'agir
et qui permet aux écoles d'agir. Puis vous avez cité le cas de la jeune femme,
je pense que vous faisiez référence à la jeune femme qui avait été
victime de ce qu'on va appeler une fouille à nu, là, il y a tout un débat sur quel
type de fouille. Ah! ce n'était pas de celle-là que vous parliez...
Mme Bouchard (Josée) : C'en est une
autre.
Mme
Maltais :
...mais je veux vous parler de celle-là. Mais, dans ce cas-là, le ministre a
ordonné une enquête, à ce que je sache, il avait déjà tous les pouvoirs
pour intervenir.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Bouchard.
Mme
Bouchard (Josée) : M. le Président. Absolument. J'aurais dû,
d'ailleurs, en faire part tout à l'heure dans une partie des réponses que j'ai données. Effectivement, le ministre,
quand il y a quelque chose qui ne fait pas, là, il a toujours ce
droit-là de... Il prend le téléphone, puis il appelle la présidente ou le
président, puis c'est ça, il peut... Les discussions
peuvent faire en sorte qu'effectivement on puisse faire avancer ou faire
comprendre au ministre, aussi, qu'est-ce qui s'est passé. Donc, oui, le
ministre peut toujours agir.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Donc,
Mme Gagnon, vous complétez la...
Le Président (M. Hardy) : Mme
Gagnon.
Mme Gagnon
(Pâquerette) : Merci, M. le
Président. De bonne foi, il peut prendre le téléphone puis avoir une
collaboration, mais, en vertu de quelques articles de la Loi sur l'instruction
publique, un, il peut mettre en tutelle une commission scolaire à n'importe quel moment, et il
peut annuler des subventions, les retirer. Ce que le projet de loi n° 59
fait, c'est qu'il vient préciser : ici,
nommément, il peut le faire sur cette question. Alors nous, on dit : Les
pouvoirs sont déjà tous là, pourquoi en ajouter?
Mme
Maltais :
Je ne me trompe pas en disant que même le pouvoir d'enquête existe puisque,
dans ce cas-là, il a nommé un enquêteur, il y a eu un rapport public.
Est-ce que je me trompe?
Mme Gagnon (Pâquerette) : Oui,
absolument.
Mme Bouchard (Josée) : Absolument.
Tout à fait. Tout à fait, M. le Président.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Bouchard.
Mme
Bouchard (Josée) : Alors, oui, le ministre, en bout de piste, peut
toujours agir, peut toujours... C'est ça. Ou bien, comme on dit, par la Loi sur l'instruction publique ou... Il y
a plusieurs voies : il y a la voie de la diplomatie, puis il y a la
voie d'enquête, et tout ça. Voilà.
Mme
Maltais : Donc, la
Loi sur l'instruction publique donne déjà tous les pouvoirs au ministre pour...
Mme Bouchard (Josée) : Absolument.
Mme
Maltais : ...pour
agir s'il le faut. Oui?
Mme Gagnon (Pâquerette) :
J'ajouterais même, parce qu'on en a parlé...
Le Président (M. Hardy) : Mme
Gagnon.
Mme Gagnon
(Pâquerette) : ...excusez le
protocole, là, M. le Président. J'ajouterais même, on a parlé brièvement
de la convention de partenariat, mais c'est sous le gouvernement libéral avec
Mme Courchesne qu'on a imposé aux commissions scolaires, hein, c'était en 2008,
lors du forum, là, une convention de partenariat qui est signée pas avec n'importe qui, qui est signée avec le ministre. Et
le but 4 de cette convention-là parle de l'obligation de réaliser un milieu
sécuritaire et sain. Et, pour ce faire,
chaque commission scolaire doit imposer des mesures, et cibler des mesures avec
ses écoles, et remettre cette convention-là...
en faire rapport avec le ministre de l'Éducation. Alors, écoutez, on trouve
que l'encadrement, il est quand même assez solide, là.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Bouchard.
Mme
Bouchard (Josée) : J'ajouterais : et nous permet d'être rapide,
aussi. La rapidité, il faut y penser aussi, il ne faut pas que ça traîne. On a dit tout à
l'heure : Il y a 3 000 écoles au Québec, là. Bon, si on ajoute encore
une possibilité pour une autre
instance d'intervenir alors qu'on a tous les outils, alors que les
gouvernements précédents ont tout prévu, bien, écoutez, en ce qui nous concerne, ce qu'on peut vous dire, c'est
que, dès qu'il y a une plainte qui est déposée, on agit, tout
s'enclenche, il y a des processus, des outils qui sont là pour qu'on puisse
agir très rapidement.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : O.K. Donc, je pourrais dire qu'alors que la
ministre vous dit... Vous demandez une exception en voulant sortir de la loi. Ce que vous dites, en
fait, c'est : Non, on est déjà couverts, c'est du chevauchement qu'on essaie
de vous empêcher de faire, et d'un ajout de complexité?
Mme Bouchard (Josée) : Exactement.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Bouchard.
Mme
Bouchard (Josée) : J'ai envie
de dire, comme M. Coderre tantôt : On est assez grands, on est des gouvernements locaux, les commissions
scolaires, puis on agit bien. Depuis
2012, il n'y a pas eu de scandale, là, puis, écoutez,
s'il y a quelque
chose, de toute façon, qui ne fait
pas l'affaire de quelqu'un, il y a les outils, comme je vous dis, pour
intervenir.
Alors, je pense
que la Fédération des cégeps va venir vous dire ça aussi ce soir, c'est :
Regardez, on a tout ce qu'il
faut actuellement pour bien fonctionner, alors soyons prudents.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Vous dites : On a tout ce qu'il faut
par rapport à ce type d'intervention, ce qu'amène le projet de loi
n° 59. Donc, pour intervenir auprès des jeunes, vous avez déjà tout ce
qu'il faut, il y a même des chevauchements, hein?
Je sais que la direction de la protection de la jeunesse, entre autres, est
venue dire : Sortez tous les mineurs de la loi, là, parce que ça n'a pas
de bon sens. Vous, comme école, si vous avez à intervenir dans ce cas-là, dans
ce que commande la loi, c'est-à-dire sur un
discours haineux, votre réflexe, est-ce que vous allez à... ou qui a atteinte à
la sécurité morale ou physique d'un
enfant, est-ce que vous allez à la DPJ ou vous allez à la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Bouchard.
Mme Bouchard (Josée) : Ça dépend du
cas.
Mme Gagnon (Pâquerette) : Pas automatiquement.
Mme
Maltais : Ça dépend, mais, je veux dire, normalement, vous
allez aller à DPJ déjà, s'il y
a une... sécurité physique.
Mme Gagnon
(Pâquerette) : Bien oui. M.
le Président, notre premier réflexe, c'est vers la DPJ, hein, si on a un
signalement important, quoique, sachant bien
que la DPJ est débordée. Alors, souvent, il y a des dossiers, les directions
d'établissement nous disent que des dossiers
demeurent en attente beaucoup, mais c'est quand même l'instance première,
là. Le signalement va se faire du côté de la
DPJ après avoir passé toutes sortes d'étapes dans l'école, mais là, si on se
rend compte que c'est un signalement qui est en dehors de notre capacité
d'intervenir en plus, là c'est vers la DPJ.
Mme
Maltais :
O.K. Donc là, vous intervenez déjà, vous avez des intervenants en milieu
scolaire, vous avez l'école qui intervient, ensuite, s'il y a vraiment
danger, vous allez aller à la DPJ, puis là, en plus...
Mme Gagnon (Pâquerette) : Ensuite,
on a le protecteur de l'élève.
Mme
Maltais : ...il faudrait que vous alliez à la CDPDJ, qui,
en passant, a aussi des délais assez longs. O.K. Donc, on voit
qu'on ajoute de la complexité puis on ajoute... On ajoute aussi des sanctions
aux jeunes.
Mme Gagnon (Pâquerette) : Ah oui, absolument.
Mme
Maltais : Par
contre, il y a
un outil que cette loi-là ne règle pas, il y a un outil que vous
n'avez pas, je vais vous dire lequel. Je jasais avec une direction
scolaire récemment. La direction a été obligée de louer ses locaux à une corporation — puis je ne vais pas nommer parce que
c'est compliqué, là — une
corporation qui est en lien, si on tricote les fils, là, avec une organisation qui est proche des Frères musulmans. Bon, des
fois, on tricote le financement ou les biens de possession d'immeuble,
et tout.
L'école
aurait peut-être voulu ne pas louer, je ne veux pas citer le
cas parce que c'est un cas de figure, mais la
direction de l'école a dit : Je ne peux pas ne pas louer, je n'ai pas les
outils pour refuser une location à moins d'avoir une raison solide, et tout. Est-ce qu'elle avait raison, cette direction
d'école, ou est-ce qu'il y a des outils pour permettre de ne pas louer?
Le Président (M. Hardy) : Me Guimont
ou Mme Gagnon.
Mme Gagnon
(Pâquerette) : Dans la Loi
sur l'instruction publique, il y a deux sortes d'entente, des ententes...
On incite, hein, les écoles à faire des
ententes avec leurs municipalités, des ententes de moins d'un an, puis ensuite
il y a les ententes, là... puis il y
en a 1 500 entre les municipalités puis les commissions scolaires de plus
d'un an. Mais il n'y a rien,
absolument rien qui oblige une commission scolaire ou une école de prêter ou de
louer ses locaux, à moins que ce soit les élections provinciales.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme Gagnon
(Pâquerette) : Mais
autrement il n'y a absolument rien à ma connaissance. Me Guimont? Non.
Mme
Maltais : Bien, je
vais vous dire, l'école a eu peur de se faire poursuivre par le groupe.
Mme Gagnon
(Pâquerette) : Probablement que l'école a eu une pression, ça, ça existe, par exemple, hein, ça, ça peut arriver.
Mme
Maltais : Oui, mais là, cet outil-là, je vous dis, moi, il y a
une école qui a vécu ça et qui a dit, sur le territoire montréalais, pas sur le territoire
de la Capitale-Nationale, ne cherchez pas dans mon giron... mais
il y a une école qui s'est dit :
Je vais me faire poursuivre si je refuse de louer les locaux. Est-ce que vous
avez déjà entendu ça? Parce que, moi, c'est
une des choses que j'ai entendues. Vous avez les outils pour intervenir déjà de
ce côté-là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Bouchard.
• (12 heures) •
Mme
Bouchard (Josée) : On a les
outils, c'est ça. Non, on n'a entendu ça, en tout cas, pas ce cas-là. Et
puis il se peut que, à la lumière de
tout ce qu'on entend actuellement toutes les pressions qui se font, les poursuites,
qu'on ait... ça se peut que cette personne-là ait eu un réflexe sur la
base des perceptions, tout simplement.
Mme
Maltais : Voilà.
Mme Bouchard (Josée) : Oui, voilà.
Mme
Maltais : O.K. Mais donc, de ce côté-là, il y a peut-être un petit rappel à faire pour être sûr
que les gens comprennent bien leurs droits.
Mme Bouchard (Josée) : Bien oui,
absolument.
Mme
Maltais :
Alors, vous avez dit que vous avez déjà une entente qui parle de... vous êtes
obligés d'assurer un milieu sécuritaire et sain.
Mme Bouchard (Josée) :
...sécuritaire, oui.
Mme
Maltais : Donc, la partie sur la sécurité morale et
physique, considérez-vous que vous pouvez couvrir ce côté-là avec
l'entente qui parle de milieu sécuritaire et sain?
Le Président (M. Hardy) :
Mme Bouchard.
Mme
Bouchard (Josée) : Comme je
le disais, la convention de partenariat qui est signée entre la commission scolaire et le ministre
contient, au but n° 4, cet aspect-là de la question. Et ce que je peux
vous dire, c'est que, pour l'ensemble des
commissions scolaires, en tout cas, pour la majorité, à ce que je sache, c'est
un élément, aussi, qui est pris en compte dans le plan stratégique des
commissions scolaires. Ils en font, comme on dit, un point important, un point d'orgueil. Écoutez, c'est la base de tout, hein?
Alors, oui, comme... je le répète, on se répète, mais on a vraiment, par...
Écoutez, déjà, la convention de partenariat,
là, elle prévoit tellement de choses, là. Puis, après ça, elle a l'obligation
de descendre vers les établissements
par une autre convention qui se signe avec chaque établissement. Tout est
prévu, tous les buts sont révisés. Les objectifs, tout est mesuré.
Alors, c'est
pour ça qu'on vous dit : Bien, il ne faudrait pas, non plus, bon, rentrer
en compétition, d'abord, avec la
commission des droits de la personne, ajouter, comme le disait tout à l'heure
ma directrice générale, quelques... en tout cas, une étape qui pourrait nous amener encore dans plus de
bureaucratie. Vous savez, ce n'est pas qu'on en veuille à la commission
des droits de la personne, la commission des droits de la personne, on
collabore régulièrement avec eux. S'ils ont
des questionnements, ils nous demandent des rencontres — bien sûr, ça nous fait plaisir — pour éclaircir des choses et tout ça.
Donc, en fait, c'est ça.
Encore une
fois, je pense que... Puis c'est le gouvernement libéral qui l'a adopté, ça, à
l'époque. Donc, tout est bien contenu dans ce qu'on a déjà.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau...
Mme
Maltais : Non.
Le Président (M. Hardy) : Non?
Mme
Maltais :
Mme Gagnon, vous complétez? Moi, j'ai terminé pour mes questions.
Le Président (M. Hardy) : Parfait.
10 secondes.
Mme Gagnon
(Pâquerette) : 10 secondes. Si Mme la députée nous demande : Est-ce
que vous avez les outils? On
dit : Oui. Est-ce que vous avez toujours l'argent pour ces mesures-là? Je
dis : Non, et je ne pense pas que c'est la commission des droits de la
personne qui va en apporter plus.
Le
Président (M. Hardy) :
Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième
groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, à vous la parole
pour une période de 9 min 30 s.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Merci pour
le mémoire. Si je comprends bien, vous demandez que les commissions scolaires et les écoles soient
exemptées d'une bonne partie de la
loi qui est sous étude actuellement en cette commission, et pratiquement de son
coeur. À l'égard de ce que vous avez
lu dans le projet de loi, est-ce qu'il y a des mesures que vous considérez tout
de même qui seraient importantes que vous ayez et qui se retrouvent dans
ce projet de loi?
Le
Président (M. Hardy) : Mme Bouchard?
Mme Bouchard
(Josée) : Mme Gagnon.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Gagnon.
Mme Gagnon (Pâquerette) : Comme on l' précisé tantôt, nous sommes
intervenus précisément sur, je vous dirais, l'approche du dédoublement
avec la Loi sur l'instruction publique, qui est notre loi, hein, qui est la loi
qui nous régit. Alors, les autres éléments
dans la loi, on n'a pas pris position pour ou contre, je ne pense pas qu'on ait
des problèmes avec les autres
éléments. Mais, quand on arrive à cette gestion qui est si délicate que la
gestion éducative, là on trouvait que c'était très, très important de
faire savoir notre position.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Vous demandez d'être soustraits
à certains des articles qui, je le disais, je le répète, sont pas mal au coeur de la lutte contre les
discours haineux et les discours incitant à la violence. Et on sait que, dans
les écoles, les écoles au niveau
secondaire peut-être plus qu'au niveau primaire, il peut y avoir cette
violence, cette violence répétée, des
mots et, justement, une violence et un discours très discriminant qui va à
l'encontre de nos chartes. Et il y a l'article 9...
Et je me demandais dans quelle mesure... Pourquoi les commissions scolaires
refuseraient-elles que l'article 9 s'applique? C'est un outil de plus qu'on vous donne pour agir, une
injonction pour que cessent rapidement les propos tenus à l'égard de quelqu'un. Je peux vous le lire pour le
bénéfice des gens qui nous écoutent : «Lorsqu'elle a des raisons de croire
que la vie, la santé ou la sécurité d'une
personne appartenant à un groupe visé par un discours à l'égard duquel elle
fait enquête est menacée, ou qu'il y
a risque de perte d'un élément de preuve, la commission peut s'adresser à un
tribunal en vue d'obtenir d'urgence
une mesure propre à faire cesser cette menace ou ce risque.» Alors, pourquoi cet article-là ne vous intéresse pas? Et est-ce à
croire que vous pensez pouvoir agir plus rapidement?
Le Président (M.
Hardy) : Me Guimont.
M. Guimont (Alain) : Eh bien, pour répondre simplement, la Loi sur l'instruction publique
actuelle contient déjà une disposition qui permet à la direction de
l'école, au directeur de l'école d'intervenir et d'imposer des sanctions
disciplinaires à l'égard de l'auteur des propos. Donc, le directeur de l'école
ou la directrice de l'école est en mesure d'intervenir de façon urgente et de
régler rapidement le problème qui se pose.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Je vous remercie. C'est très
clair. On voit où vous logez. Et c'est au niveau de ce que vous appelez le dédoublement. Merci infiniment
pour votre mémoire. Je vais laisser les minutes qui me restent à ma
collègue de Québec solidaire, qu'on n'a pas beaucoup entendue. Alors, M. le
Président. Enfin, M. le Président...
Une voix :
...
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, si vous voulez le partager...
Le Président (M.
Hardy) : Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques
pour trois minutes.
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Je vais être honoré de prendre
3 min et 2 s, puisqu'on l'aura partagé à tout le monde.
Bonjour mesdames. Bonjour monsieur. Très heureuse de vous voir.
J'aimerais ça vous
amener dans... Parce que, je pense, c'est clair, là. Vous avez été clairs. Vous
l'avez répété 10 fois, là, je... Mais il y a
des éléments par contre qui... j'aimerais pousser un petit peu plus avec vous.
J'ai lu avec attention votre mémoire. Cette idée... Vous parlez beaucoup
d'intimidation, cette loi qui est venue encadrer, qui a apporté ses bienfaits à travers les dernières années, qu'il
reste encore du travail à faire puisque même le gouvernement est toujours
en train de réfléchir à comment faire en
sorte que ce fléau de l'intimidation cesse au Québec. Puis on essaie de se
donner toutes sortes de moyens.
Ceci
étant dit, dans votre discours, j'entends... et dans votre mémoire, il y a
beaucoup d'espace pour intimidation, pour
violence, alors que, si on avait un projet de loi n° 59 qui venait un peu
mieux définir qu'est-ce qu'on veut dire par discours haineux... Est-ce qu'un propos raciste est un discours haineux?
Est-ce qu'un propos sexiste fait partie... Dans votre cas, c'est évident que vous allez agir en tant qu'éducateur pour
faire que ça cesse, etc. Mais j'ai l'impression, puis c'est une impression, que le projet de loi, qui
est totalement imparfait et qu'il faudrait préciser, pourrait venir dire :
Oui, il y a le propos qui est
déplacé, désagréable, na, na, na, mais il y a une coche de plus, là, qui
s'appelle incitation à la violence. J'aimerais ça vous entendre. Est-ce
que je vous ai mal comprise?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Bouchard, en 1 min 10 s.
Mme Bouchard (Josée) : M. le
Président... Combien?
Le Président (M.
Hardy) : Une minute.
Mme
Bouchard (Josée) : Ah oui! Il n'y a pas de problème. Alors,
évidemment, toute précision de ce que peut être un acte violent ou, bon, à caractère haineux peut nous aider à
mieux gérer les situations. Ça, c'est évident, il y aura toujours de l'espace pour ça. Mais ça ne veut pas
dire que, si ça s'est passé... hein, parce que, là, ça ne commence pas parce
qu'il y a un projet de loi. Donc, si ça
s'est passé, qu'on ne l'a pas géré... C'est ça, en fait, je pense que vous
l'avez bien compris, notre but, ce
n'est pas de contrer cette idée-là, de mieux définir, de mieux gérer ça en
société. Notre idée, c'est simplement
de dire : Soyons prudents, là. Déjà, à l'analyse de ce qui existe dans le
réseau de l'éducation, on a une loi qui nous encadre, on a même... On en a une autre avec la loi sur... qui
vient contrer l'intimidation et la violence, et tout ça. Mais on a tous les outils. On vous a démontré
qu'il y avait une structure donc efficace aussi qui fait en sorte qu'on peut,
dans le fond, arriver à régler les situations difficiles.
Le Président (M. Hardy) : Je vous
remercie de votre participation.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 9)
(Reprise à 16 h 24)
Le
Président (M. Hardy) :
Alors, prenez place, s'il vous plaît. La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
Je vous
rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la
lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications
législatives pour renforcer la protection des personnes.
Je souhaite
la bienvenue à la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse. Je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé.
Commission des droits
de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Frémont (Jacques) : Alors, Merci,
M. le Président, M. le Président de la commission, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Je suis Jacques
Frémont, président de la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse et suis accompagné de Me Renée Dupuis, qui est vice-présidente de la commission,
de Me Pascale Berardino, qui est
directrice de la protection et de la promotion des droits de la jeunesse, ainsi
que de Me Karina Montminy, qui est conseillère juridique au service
de recherche de la commission.
Permettez-moi
tout d'abord de vous remercier pour l'invitation faite à la commission
de participer à ces consultations
particulières et aux auditions
publiques. Je tiens à vous rappeler que la commission a pour mission
d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés par la Charte
des droits et libertés de la personne. Elle assure aussi la protection de l'intérêt de l'enfant ainsi
que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus en vertu de la Loi sur la protection de
la jeunesse. La commission oeuvre
également à lutter contre toutes les formes de discrimination par ses
travaux de recherche, d'éducation, de sensibilisation et de recommandation aux
institutions de la société civile et gouvernementale.
D'entrée de jeu, la commission, qui est composée
de 13 membres, souhaite apporter une précision quant à la proposition qu'elle avait faite au gouvernement
relativement à l'encadrement du discours haineux au Québec. En effet, à l'occasion de la consultation publique sur la
lutte contre l'intimidation menée par le gouvernement à l'automne 2014,
la commission lui avait recommandé, et je cite, «d'entreprendre des
démarches afin d'introduire, dans la charte, une disposition qui interdise les propos ou actes qui exposent ou tendent à
exposer des personnes ou des catégories de personnes à la haine par
quelque moyen que ce soit pour un motif de discrimination interdit». Cette
disposition serait venue s'ajouter à
l'article 11 de la charte, qui prévoit que, et je cite, «nul ne peut diffuser,
publier ou exposer en public un avis, un symbole ou un signe comportant
discrimination ni donner une autorisation à cet effet». Fin de la citation.
La commission
souhaitait ainsi que ces types de propos ou actes soient reconnus comme
constituant des formes de
discrimination lorsque ceux-ci sont dirigés contre les membres d'un groupe
protégé par la charte en raison de caractéristiques communes liées à la race, la couleur, le sexe, la
grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, la religion,
convictions politiques, à la langue,
à l'origine ethnique, ou à la condition sociale, au handicap ou à l'utilisation
d'un moyen pour palier ce handicap.
Cette reconnaissance aurait permis d'accroître la protection des personnes et
des groupes plus à risque de subir les effets des discours haineux ou
incitant à la violence.
La commission constate que le gouvernement a
choisi une autre approche en proposant une loi spécifique qui prévoit des sanctions qui s'apparentent à des
infractions pénales. Nous n'avons pas à commenter ce choix puisque, ainsi
que le veut la pratique, la commission ne se
prononce pas sur l'opportunité des choix législatifs proposés à l'Assemblée
nationale, mais bien plutôt sur leur
conformité à la charte. Il n'y a pas lieu de déroger à cette façon de faire
pour deux raisons supplémentaires
dans l'examen de ce projet de loi. D'une part, la commission a été consultée
par le ministère de la Justice lors
de la préparation de la partie I du projet de loi n° 59. D'autre part, la
commission serait bien mal venue de commenter les dispositions précises
d'un projet de loi qui, s'il était adopté, lui conférerait certains pouvoirs et
responsabilités.
La commission a toutefois jugé nécessaire
d'analyser les dispositions du projet de loi afin de s'assurer de leur conformité à la charte. De son analyse découle un
nombre limité de recommandations énoncées dans son mémoire sur des points jugés problématiques, notamment celui
relatif à la confection d'une liste de personnes ayant été sanctionnées par le Tribunal des droits de la personne. Parmi
ces 11 recommandations, la commission recommande que la loi énonce
expressément par ailleurs la reconnaissance de la liberté d'opinion et
d'expression à toute personne au sein de la loi.
Dans la première partie
de son mémoire, la commission rappelle toute l'importance pour les droits et
libertés d'encadrer législativement le
discours haineux et le discours incitant à la violence. Cet encadrement
législatif est justifié et justifiable
au nom des graves atteintes aux droits et libertés causés par les discours
haineux ou incitant à la violence ainsi que des effets préjudiciables majeurs tant pour les victimes, les
groupes visés que pour la société dans son ensemble. Cet encadrement est complémentaire aux moyens d'action
internationalement reconnus, dont l'éducation et la promotion des droits
et libertés.
En
effet, les discours haineux ou incitant à la violence participent à la
diffusion de stéréotypes qui historiquement ont maintenu des systèmes de discrimination, de persécution, et d'autres
formes d'oppression aux dépens de différents groupes, de divers groupes de personnes, par exemple, les Noirs ou les
autochtones. Dans le même sens, des études démontrent que les femmes, les juifs, les immigrants, les
homosexuels, et plus largement les minorités sont plus à risque d'être visés
par les discours haineux ou incitant à la violence.
• (16 h 30) •
Il
est essentiel de comprendre que le discours haineux a pour objectif de causer
du mal et du tort aux personnes visées.
Il n'est pas sans conséquence pour les victimes, notamment les femmes et les
enfants. Les propos haineux font réagir,
car ils visent les caractéristiques personnelles : être une femme, être
Noir, être en situation de handicap, pratiquer une religion, caractéristiques personnelles qui sont profondément
attachées à ce que sont ces personnes,
bref à des éléments qui sont
inhérents à leur identité. Leur dignité peut être profondément atteinte par ces
propos. Il faut être parent d'un adolescent
ou d'une adolescente pour connaître tous les
dommages que causent les propos haineux en milieu scolaire. La plupart
des personnes racisées ou LGBT ont eu à subir, à un moment ou à un autre, des
propos vexatoires ou haineux. Il y a probablement
peu de femmes au Québec qui n'ont jamais entendu de propos dérogatoires soit
par rapport à elle-même ou par
rapport aux femmes en tant que groupe. Il peut en résulter des atteintes à la
dignité, de la souffrance et bien d'autres conséquences.
Mais
il y a aussi la place de ces victimes dans l'espace public. Autrement dit,
c'est la démocratie qui se voit affectée par de telles situations. Les discours haineux ou ceux incitant à la
violence connus dans l'espace public ont clairement pour effet d'amener les personnes qui se sentent
visées à se taire et à se renfermer. Elles subissent ces propos et se censurent
précisément pour ne pas attirer l'attention et encore davantage de violence
verbale. Les personnes se retrouvent ainsi privées
du plein exercice de leur participation citoyenne. Les membres des groupes
vulnérables perdent ainsi une partie de leur liberté d'expression.
Il
est important de souligner que tous les propos blessants ne constituent pas un
discours haineux. Le discours haineux ou incitant à la violence
correspond à un type particulier d'expression qui est inacceptable parce qu'il
cause la discrimination ainsi que de graves
effets individuels et collectifs préjudiciables. L'ampleur des conséquences de
ce type de discours sur les victimes
illustre l'importance de restreindre la liberté d'opinion et d'expression dans
les cas extrêmes.
C'est
donc dire que la restriction de la liberté d'expression ne doit survenir que de
manière exceptionnelle afin de ne pas
limiter d'autres formes d'expression valorisées et protégées dans le cadre
d'une société libre et démocratique, soit
la participation aux débats politiques, sociaux et académiques, les expressions
de mécontentement social et ainsi que, le
cas échéant, le blasphème et la critique de la religion. Tous ces discours sont
actuellement protégés et doivent le demeurer.
À
ce sujet, la commission rappelle dans son mémoire que, à moins qu'ils ne soient
carrément haineux, les propos vexatoires,
même les plus répugnants ou les plus offensants, sont protégés par la liberté
d'expression. Chaque cas où un discours
dérange constitue un cas particulier qui doit être analysé à l'aune des droits
en présence, et ceux-ci doivent faire l'objet d'un équilibrage.
La
commission estime souhaitable, dans ce contexte, que les critères de détermination
des caractéristiques des discours haineux ou incitant à la violence
soient objectifs et inclus dans la loi et... une recommandation.
Les critères
contextuels développés en droit international et ceux élaborés par la
jurisprudence canadienne et québécoise
doivent servir de guide à cet égard. La commission recommande aussi le retrait
de la liste des personnes ayant été
sanctionnées par le Tribunal des droits de la personne et qui serait disponible
sur son site Internet, tel que proposé par l'actuel projet de loi. Cette liste pose de sérieux risques d'atteinte
aux droits, notamment au droit à la sauvegarde de la dignité, de l'honneur et de la réputation de la
personne ainsi qu'au respect de sa vie privée, deux droits qui sont protégés
par la charte. Il serait paradoxal, par
ailleurs, que la commission participe à l'atteinte aux droits et libertés de la
personne. En effet, l'ajout de cette
fonction à celle qu'elle exerce actuellement irait clairement à l'encontre de
sa mission. La commission propose par
ailleurs que ne soient pas adoptées les dispositions établissant une
présomption qui découlerait de l'inscription à ladite liste et
relativement à un pouvoir d'enquête du ministre de l'Éducation.
Dans
son mémoire, la commission recommande par ailleurs les diverses modifications
proposées à différentes lois dans la seconde partie du projet de loi.
Elle ne constate pas de difficulté particulière quant au respect des droits fondamentaux pour plusieurs de ces modifications,
mais elle émet des commentaires spécifiques sur les modifications
proposées à la Loi sur la protection de la jeunesse et sur l'ordonnance de
protection qui serait introduite au Code de procédure civile.
Le Président (M.
Hardy) : En conclusion.
M. Frémont (Jacques) : Pardon?
Le Président (M.
Hardy) : En conclusion.
M. Frémont
(Jacques) : En conclusion,
la commission, j'y arrive, recommande
de ne pas insérer un nouvel alinéa à l'article 38 sur la LPJ, on le
verra.
En terminant,
les débats relatifs à ce projet de loi rappellent, si besoin était, la
délicatesse de l'équilibrage des droits et libertés au sein de nos sociétés contemporaines. Ces débats sont
sains et nécessaires, et la commission, par son mémoire, estime opportun de souligner la complexité des
enjeux en présence et l'importance que toutes les personnes, et
particulièrement les plus vulnérables, puissent voir leur droit à la
dignité et à l'égalité respecté.
Nous sommes à votre disposition, M. le
Président.
Le
Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant débuter
la période d'échange. Mme la ministre, vous avez la parole pour une
période de 13 min 30 s.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Me Frémont, merci de votre présence. On
a peu de temps, donc je voudrais
regarder certaines choses avec vous. Vous suggérez des ajouts au projet de loi,
notamment d'ajouter le droit à la sauvegarde, à la dignité et à
l'honneur et à la réputation, aux «attendu» de la loi, et prévoir également que
la loi énonce expressément le droit à la liberté d'opinion et d'expression. Il
y a des «attendu» qui font référence à ces principes-là justement, dans le
projet de loi, suite à l'article 1, et qui prévoient notamment :
«Attendu que
cette charte prévoit que tous les [...] humains sont égaux en valeur et en
dignité et ont droit à une égale protection de la loi;
«Attendu qu'elle
prévoit que le respect de la dignité de l'être humain, l'égalité entre les
femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont
ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de
[...] paix» et, un peu plus loin, on prévoit :
«Attendu que,
selon son article 3, toute personne est titulaire des libertés fondamentales
dont la liberté d'opinion et la liberté d'expression...»
Nous avons fait le choix de le mettre au
préambule. Votre recommandation serait de l'insérer à quel endroit?
Le Président (M. Hardy) : M.
Frémont.
M. Frémont
(Jacques) : De l'insérer
dans le corps de la loi parce que, on va convenir d'une chose, le préambule,
pour nous, les juristes, ça va bien, on se
sert du préambule pour interpréter les dispositions et les termes d'une loi. Et
on aurait même pu dire : Vous
auriez pu ne pas le mettre dans le préambule, et de toute façon la charte
québécoise s'appliquant à cette loi, ces valeurs-là auraient été
incorporées ipso facto.
Cependant,
nous sommes en matière symbolique ici, nous sommes la... on doit procéder,
lorsqu'on est en matière d'encadrement législatif des droits et
libertés, à balancer et à équilibrer les lois en présence, et nous pensons
qu'étant donné que certaines personnes à
tort ou à raison trouvent que c'est attentatoire à la liberté d'expression,
qu'il conviendrait de répéter, dans
le corps de la loi, symboliquement, que, la liberté d'expression, on doit en
tenir compte. C'est d'ailleurs l'approche
qu'au moins trois provinces canadiennes qui ont des dispositions d'encadrement
législatif du discours haineux ont
prise. C'est dans une mesure en général et le dernier alinéa de la mesure
répète toujours l'importance de respecter la liberté d'expression, on
parle de la Saskatchewan, de l'Alberta, de mémoire, et de la
Colombie-Britannique.
Alors donc,
c'est pédagogique, ce n'est pas nécessaire au plan juridique, mais c'est
certainement... ce serait utile, au plan pédagogique, d'où notre
recommandation.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Bien, en fait, j'en prends bonne note, mais nous avions... puis je tenais
peut-être... pour ceux et celles qui n'avaient pas eu la chance de
prendre connaissance du projet de loi, de quand même réitérer les «attendu» qui
y sont prévus.
Autre sujet. Ce matin, la ville de Montréal a
fait certaines recommandations et recommande ou suggère que certaines ententes soient négociées, notamment
avec la CDPDJ, si la loi devait être adoptée, notamment en vue d'établir une collaboration, une meilleure collaboration
entre les différents intervenants qui ont à lutter contre la radicalisation.
Et, à votre avis, est-ce qu'il pourrait
s'avérer utile d'établir... parce que comprenons qu'en vertu du projet de loi
la commission a également un mandat
d'éducation, un mandat quand même qui est relativement large. Est-ce que ce
type de collaboration, avec notamment la ville de Montréal ou d'autres
organismes, pourrait être une avenue envisageable?
Le Président (M. Hardy) : Me
Frémont.
• (16 h 40) •
M. Frémont
(Jacques) : La réponse, Mme
la ministre, est très claire. Évidemment, lorsque nous travaillons en matière de droits et libertés, nous travaillons
toujours en collaboration avec les autres organes, qui peuvent, eux aussi,
être dans le même domaine. Je ne pense pas
qu'on ait besoin d'amendements législatifs pour ça très clairement. Prenez
actuellement en vertu de l'article 48 de la
charte sur l'exploitation des personnes âgées et des personnes handicapées, on
n'a pas eu besoin d'un amendement législatif
pour qu'on travaille quotidiennement, les équipes, avec le curateur. Nos
équipes se coordonnent aussi avec la
Protectrice du citoyen sur une base régulière. Donc, il serait tout à fait
normal... et notamment en matière d'éducation, d'éducation aux droits,
où on va convenir... l'essentiel finalement de la lutte à la radicalisation va passer par l'éducation aux
droits, par la sensibilisation, le changement de culture, et là il faut que...
nous serons certainement un
intervenant, du moins nous avons cette ambition,
et un intervenant important là-dedans et nous avons la ferme
intention de travailler avec toutes celles et ceux qui vont partager ce même objectif.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : M. le Président,
pour ce qui est de la liste, la liste, elle avait été imaginée de façon à permettre
notamment aux municipalités de s'y retrouver. On s'inspirait des listes qui
existent notamment suite à une infraction aux lois électorales, le RENA, le registre des
entreprises non admissibles. Bref, des outils qui permettent d'identifier clairement quelqu'un qui contrevient, qui
aurait contrevenu à des dispositions législatives bien précises. C'était dans
un objectif vraiment de simplifier l'information, de rendre l'information
possible. Je comprends, par contre, que les décisions du tribunal des droits de la personne et de la
jeunesse sont publiques, que les décisions de la commission sont publiques.
Est-ce qu'il y aurait une autre
alternative pour faciliter la consultation de ces décisions-là puisque ce que l'on entend
bien souvent, c'est la difficulté
d'identifier les personnes, ceux et celles qui tiennent un discours qui, notamment,
un discours haineux, un discours qui
n'est pas acceptable dans l'espace public? Donc, on s'entend, c'est un discours
bien particulier, là. Et est-ce qu'il y aurait une autre façon que la
mise en place d'une liste comme celle qui a été imaginée au projet de loi?
Le Président (M. Hardy) : Me
Frémont.
M. Frémont (Jacques) : Écoutez, ce
n'est pas vraiment le rôle de la commission de donner des conseils sur comment monter des listes ou publiciser les
choses. Notre souci, Mme la ministre, est que les effets de stigmatisation, l'absence de nuance des listes et... ça va suivre
les gens longtemps et... Alors, qu'on le fasse n'importe comment, à
tous les jours, il y a
des milliers de Québécois qui font l'objet de condamnations au pénal et on
ne publie pas de liste pour autant. On
pourrait dire : La liste des personnes qui font de la conduite dangereuse
sur les routes. Ça serait peut-être intéressant de savoir qui est sur la route quand on prend la route, pour se méfier
des gens qui ont déjà eu les conduites dangereuses.
Alors, on
est mal à l'aise... on est plus que mal à l'aise, on pense que ça viole
certains articles de la charte. Maintenant, il est
clair que les décisions du Tribunal des droits de la personne sont publiques,
sont accessibles par les diffuseurs Internet habituels, mais aller
au-delà de ça, je vous laisse, finalement, le bon soin de trouver la solution
si c'est encore un objectif que vous désirez poursuivre. Nous, on est inquiets,
notamment de la stigmatisation, et ce n'est pas parce que quelqu'un, à un moment donné, a fait une
bêtise que quelqu'un va faire des bêtises toute sa vie. Alors, il faut être
prudent.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Je pense que mon
collègue...
Le Président (M. Hardy) : Oui.
M.
Ouellette : Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Chomedey.
M.
Ouellette : M. Frémont, puis toute votre équipe, bienvenue. Toujours
agréable de vous voir en commission.
Je vous
ramène à la page 12. Il y a trois pages de votre mémoire, là, où vous nous
invitez à une réflexion sur les technologies de l'information. C'est sûr qu'en
partant du moment où vous allez, si la loi est adoptée... où on va vous donner des nouveaux pouvoirs, ou certaines autres
obligations... Il y a des choses qui ne changent pas. On est dans une
société de droit et le fait de faire enquête, particulièrement sur Internet,
le Code civil va s'appliquer puisqu'il est au Québec. Si on sort du Québec,
on retombe dans la common law. Si on se ramasse en Chine, c'est d'autre chose.
Et aujourd'hui l'Internet, ça va
passablement vite. Je remarquais qu'à la page 12 vous nous avez seulement que
souligné qu'on devrait faire une
réflexion par rapport aux fournisseurs
d'accès Internet, des hébergeurs de sites. Vous n'avez pas poussé votre réflexion plus loin. Si je regarde dans mon
ancienne vie puis si je regarde dans la confection de preuves à présenter pour
soutenir des accusations, ça va en prendre un petit peu plus que ça. J'aimerais ça que vous nous fassiez partager votre réflexion par
rapport aux technologies de l'information, et ce qui vous a amenés à, spécifiquement, là,
spécifier là-dedans, et comment vous voyez votre travail par rapport aux technologies de l'information et à la preuve que vous allez devoir faire
pour bien accomplir votre mandat.
Le Président (M. Hardy) :
Me Frémont.
M. Frémont
(Jacques) : Wow! C'est une question
qui est particulièrement difficile. C'est pour ça qu'on n'a pas voulu aller trop loin dans le rapport, mais, tout simplement, comme on dit, agiter le drapeau, là, sur ce problème. Vous n'êtes pas sans savoir, vous le savez comme moi que l'Internet, ce n'est
pas, comment dire, ce n'est pas uniquement local et que c'est surtout délocalisé un peu partout à travers le monde. Et,
actuellement, notre compréhension, c'est que le système juridique s'accorde ou non la juridiction pour
aller chercher, le cas échéant, des fournisseurs d'Internet ou des hébergeurs
de sites ou des gens qui sont même à
l'extérieur de la juridiction principale. Je crois comprendre qu'il y a de la
jurisprudence qui existe là-dessus,
je crois comprendre que le code... il y a certaines dispositions du Code civil
du Québec qui pourraient permettre, peut-être, d'aller chercher des hébergeurs de sites des
fournisseurs... ou des sites qui seraient hébergés à l'étranger mais dont l'action se fait sentir au Québec. Ce
sont des questions extrêmement difficiles. Et, le cas échéant, il va falloir
y faire face.
Le droit commun est
en mouvance, c'est ma compréhension. Je pense que certains hébergeurs, certains
sites, certaines... je ne sais pas comment
on les appelle, les Facebook de ce monde, etc., les Google de ce
monde, prennent leurs responsabilités aussi et, parfois, vont
intervenir.
Donc,
tout le monde marche un peu sur des charbons ardents. Et il est clair que c'est
une zone difficile qui est en avant
là-dessus. Mais le Québec n'est pas unique là-dessus, c'est vrai pour toutes
les provinces canadiennes, c'est vrai pour tous les pays au monde. Donc,
je pense qu'on va faire face à la musique le temps venu, le cas échéant.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre, il vous reste une minute.
Mme
Vallée : Rapidement, pourquoi ne pas inclure l'ajout à
l'article 38 de la Loi de la protection de la jeunesse? Parce qu'on a entendu d'autres groupes pour qui
cet ajout-là est important parce qu'il est important de nommer les choses.
Le Président (M.
Hardy) : ...45 secondes.
M. Frémont (Jacques) : Écoutez, c'est que... Vous avez lu dans notre
rapport que nommer les choses, dans ce cas-ci,
ça avait deux effets. C'était peut-être de nommer quelque chose, crime d'honneur,
qui est difficile. C'est une notion qu'on...
C'est le genre de notion, tout le monde sait ce que c'est, mais personne ne
sait ce que c'est quand vient le temps de
le définir. Et, deuxièmement, que ça pourrait avoir pour effet de stigmatiser
certains groupes qui sont identifiés aux crimes d'honneur, mais qui
n'ont rien à voir avec les crimes d'honneur.
Donc,
l'idée, c'était d'en arriver à la même solution en prenant une disposition
équivalente, mais en l'érigeant comme principe fondateur de la loi, ce
qu'est la protection des droits de l'enfant. Et, nonobstant toute considération
idéologique que ce soit... Et, à ce
moment-là, ça couvre les crimes d'honneur, mais ça confirme le caractère
fondateur. Et on me dit que le caractère réel, dans les faits, là, de ce
qui se passe, là : l'intérêt de la protection de l'enfant.
Mme
Vallée : En ne faisant référence qu'au caractère idéologique,
on ne fait pas référence au caractère culturel qui vient souvent est
invoqué.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, merci. Mme la ministre, je suis obligé
de vous couper. Votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
Nous
allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle.
Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de huit
minutes.
Mme
Maltais : Ouf! Merci, M. le Président. Bonjour,
M. Frémont, bonjour mesdames. Je suis assez étonnée de votre affirmation à l'effet que vous ne voudriez
pas vous prononcer sur la loi parce que, dans ses remarques préliminaires,
la ministre nous disait — je
la cite, là :
«L'automne
dernier, dans le cadre de la consultation publique sur la lutte contre
l'intimidation, la commission des
droits de la personne et de la jeunesse recommandait au législateur
d'introduire dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne une nouvelle
disposition pour interdire les propos ou les actes qui exposeraient des
personnes ou des groupes à la haine ou à la violence pour un motif de
discrimination qui est interdit à la charte.»
Donc,
ce projet de loi là, si je peux le dire ainsi, est venu à votre demande. Vous
êtes les gardiens de la charte, donc ces responsabilités vous incombent.
Comment pouvez-vous, vous, l'organisme à qui on confierait des droits si importants,
ne pas avoir une opinion aujourd'hui?
• (16 h 50) •
M. Frémont (Jacques) : Je
pense qu'il est important
de peser les mots, et c'est ce que j'ai fait tout à l'heure dans mes caractères introductifs. J'ai dit : Nous
avions recommandé, à l'automne 2014, de modifier la Charte des droits et
libertés pour inclure une clause
relative aux discours haineux. Nous n'avons pas devant nous un projet de loi qui modifie la charte, nous
avons une loi particulière. Et, sur cette loi, ce que j'ai dit dans mes propos
liminaires, c'est que nous avons été consultés par le ministère de la Justice, donc, jusqu'à un certain point, nous avons
travaillé avec eux, nous avons vu l'émergence de ça. Et, d'autre part, donc ça... comment dire... s'il y avait
des problèmes, on les a soulevés à ce moment-là. Et, d'autre part, ce projet de
loi là nous confierait des pouvoirs.
Et vous vous rendez compte que, si je suis ici, si j'étais ici en train de
vous dire : Bien, telle clause, il faut
qu'elle soit interprétée comme ça, au législateur, par la suite, on va pouvoir,
lorsque la commission, si jamais la loi passe, est adoptée, on va aller
devant les tribunaux, on va nous servir notre propre interprétation qu'on avait donnée en commission parlementaire.
Alors, on se retrouve dans une situation à peu
près impossible.
Maintenant,
ce que j'ai bien dit tout à l'heure, c'est que nous avons... oui, nous sommes
fiduciaires des droits et libertés
des Québécois jusqu'à un certain point, nous avons examiné au
complet le projet de loi à l'égard de l'approche traditionnelle qui est de la conformité à la
charte, et nos commentaires sont les commentaires que vous avez devant vous, et c'est
l'entièreté des commentaires.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Je suis quand même étonnée que vous n'ayez pas d'opinion sur ce projet de loi
comme tel. Vous avez introduit une
modification, vous demandiez une modification à la charte, mais est-ce que, ce
projet de loi, vous en êtes satisfaits? Est-ce que vous êtres contents de ces pouvoirs qui vous
sont déposés, dont vous allez être le dépositaire maintenant? Mais c'est
vraiment ça, ma question, simplement, parce que je m'attends à une opinion
là-dessus.
Le Président (M.
Hardy) : Me Frémont.
M. Frémont (Jacques) : Alors là-dessus, Mme la
députée, vous remarquerez, de façon
très attentive, la position de la commission
a toujours été la
même chose devant l'Assemblée nationale : nous ne commentons pas, nous ne commentons jamais l'opportunité des projets de loi, nous commentons leur adéquation à la Charte des droits et libertés
de la personne. Alors, qu'on le prenne
n'importe comment, ici, nous n'avons pas à commenter choix du gouvernement. Ce ne sont pas les choix que
nous avions proposés, le gouvernement a disposé d'une autre façon de notre recommandation.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci.
Je comprends que ce n'est pas le choix que vous aviez proposé, mais c'est quand même étonnant pour moi, comme parlementaire, sur l'introduction d'une nouvelle procédure
civile, de ne pas avoir votre opinion, vous, qui allez en être les
dépositaires, mais je laisse ça de côté, je pense qu'on n'ira pas plus loin.
Vous
allez avoir ma surprise aussi, Statistique
Canada, 2013, nous montre que ce sont
les Noirs qui sont le plus victimes
de crimes haineux. Quand La Ligue des Noirs est venue ici pour nous dire :
Non, cette loi-là ne fonctionne pas... Ce
sont ensuite de ça les Juifs, des gens de la communauté juive sont venus ici
nous dire : Non, cette loi-là ne fonctionne pas. Sur les LGBT, je peux vous en parler, ils sont venus ici aussi
dire : Non, ce ne projet de loi ne fonctionne pas. Le milieu scolaire est venu ici dire :
Sortez-nous de cette loi-là. La DPJ est venue nous dire : Sortez-nous de
cette loi-là. Mais ce sont les gens même que vous venez défendre.
Alors,
j'essaie de comprendre comment vous, vous voulez vous porter en défenseurs de
ces gens-là qui nous disent, eux et
elles : Non, ce n'est pas la bonne voie, il faut passer par la
prévention. J'essaie de concilier ça, et je n'y arrive pas, vous comprenez? C'est ça qui est assez étonnant,
c'est comme si... Puis vous avez dit dans un discours à l'Université de Montréal que la commission
devrait initier des poursuites sans avoir la certitude absolue de les gagner
devant les tribunaux, je paraphrase à peu près,
mais c'est ça qu'on m'a dit. En fait, c'est Point de bascule qui est venu dire
ça, mais la vidéo est disponible sur des sites, et que la CDPDJ, là,
selon vos mots, devrait prendre des risques pour voir jusqu'où les juges sont prêts à aller. Mais ces gens-là sont venus
nous dire : Ne prenez pas ce risque-là, il est contre-productif. C'est
pour ça que c'est si important d'avoir votre opinion sur la loi.
Le Président (M.
Hardy) : Me Frémont.
M. Frémont (Jacques) : Merci. Merci de la question, des questions
en plusieurs volets. Ce qui est clair, c'est que, pour la commission, pour le droit
canadien, pour le droit international,
il est clair que le discours haineux du type de celui qui est couvert par le projet de loi, le discours haineux a des
effets discriminatoires sur les gens au sein de la société et particulièrement sur des groupes vulnérables.
Alors, peut-être qu'il y a des gens dans ces groupes qui sont enthousiastes,
d'autres qui le sont moins, peu importe. Encore une fois, c'est le choix du
gouvernement.
Nous,
ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a deux côtés à la médaille. Il y a la
violation des droits à l'égalité, il y a la discrimination dont ces gens-là
font l'objet, il y a la victimisation, il y a les souffrances que ça cause et,
d'autre part, il y a la liberté
d'expression. Et, en matière de droits et libertés, vous avez toujours entendu
la commission dire : Il faut balancer,
il faut équilibrer, il faut faire passer le curseur au moins mauvais endroit.
Nous avons un problème de société? Nous
proposons de faire passer le curseur de façon à ce qu'une autorité quelconque
prenne la décision de tirer la ligne puis dire : Bien là, peut-être
que ça a été trop loin ou peut-être que non, il faut s'endurer, puis ravaler,
puis endurer ce discours. On dit qu'il y a
deux côtés à la médaille et qu'il est extrêmement important de bien comprendre
ces deux côtés.
Maintenant,
sur le discours à l'Université de Montréal, j'avoue que ça, ça a été repris
beaucoup dans les journaux, au Canada
anglais. Je ne comprends pas dans quel contexte. La commission a pour rôle
d'exemplifier, de développer et de protéger
les droits des Québécois. Nous recevons des milliers de plaintes à tous les ans
et nous devons estimer s'il y a lieu
d'amener ces dossiers-là de plaignants devant le Tribunal des droits de la
personne. Et ce que j'ai dit, c'est que ce n'est pas en gagnant 100 % de nos causes devant le Tribunal des
droits de la personne qu'on fait peut-être le mieux progresser. Les LGBT, les droits des LGBT, les
droits des personnes noires, etc., ont progressé parce que, vous le savez, des
gens ont pris leurs responsabilités puis ont été devant les tribunaux.
Le Président (M. Hardy) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. Frémont, vous avez dit : Ces gens-là, ils
sont peut-être des deux côtés. Leurs représentants, les LGBT, tous groupes confondus, sont venus ici,
leurs... pour dire : Nous ne voulons pas, ce n'est pas comme ça qu'on
fait progresser nos droits. Ils sont venus
nous dire ici, en commission parlementaire, clairement : C'est par la
prévention qu'on fait... par la promotion de bonnes habitudes, ce n'est
pas par la pénalisation. Ils sont venus ici le dire : C'est la mauvaise
voie.
J'essaie
de concilier ce que vous dites. Vous dites : Je veux me porter défenseur
des droits de ces gens-là sur le discours
haineux. Mais eux disent : C'est contre-productif. C'est ça. J'essaie de
comprendre où vous êtes par rapport à où ils sont, eux, puis ça ne
marche pas.
Le Président (M. Hardy) :
Malheureusement, le temps est écoulé, Mme la députée de Taschereau, merci
beaucoup. Nous allons maintenant
passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le
député de Borduas, à vous la parole pour 5 min 30 s.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bonjour. Merci pour votre
contribution à la commission
parlementaire. D'entrée de jeu, j'aimerais vous poser une question. L'article 3
du projet de loi n° 59 permet à une
personne de dénoncer la tenue d'un discours haineux à la commission des droits
de la personne. Puis l'article 6 vous confère
le pouvoir d'initiative, d'enquêter et de porter des accusations au Tribunal
des droits de la personne. Dans quelles circonstances, de façon concrète, vous allez vous sentir à l'aise par
vous-mêmes d'aller enquêter et, par la suite, que le tout mène à des
accusations devant le Tribunal des droits de la personne?
Le Président (M.
Hardy) : M. Frémont.
M. Frémont (Jacques) : Merci, M. le député. Écoutez, c'est un peu
difficile de répondre à cette question, pour la raison que je vous ai donnée tout à l'heure. Un, le projet de loi
n'est pas passé. L'Assemblée nationale n'a pas manifesté, encore une fois, son accord, et probablement que
le projet de loi va être amendé en cours de route. Il est très difficile pour
moi, de façon hypothétique, de dire :
Si jamais la commission était mandatée, dans tel cas, on va aller à gauche,
dans tel cas, on va aller à droite.
Ce
qui est clair, la seule chose que je peux vous dire qui est claire, c'est que
la commission des droits n'est pas là pour
brader les droits des Québécois, quels qu'ils soient. Et les droits des
Québécois, ça comprend les droits à la liberté d'expression, à la liberté de presse, ça comprend les droits à
l'égalité. Alors, croyez-moi, là, ce n'est certainement pas la commission des droits de la personne qui va aller
faire n'importe quoi devant les tribunaux au nom de la censure ou d'une
cause sacro-sainte. Le cas échéant, il s'agit d'un pouvoir extrêmement sérieux.
Il y a des conséquences extrêmement sérieuses
pour les gens. Et je pense qu'il y a une société qui, non sans raison, va être
aux aguets, aux abois, le cas échéant, si ça se rend là. Et la
commission, le temps venu, prendra toutes ses responsabilités.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Borduas.
• (17 heures) •
M. Jolin-Barrette : Mais donc, ultimement, pour
la population, dans
le cadre du projet de loi, c'est le tribunal qui statuerait s'il y
aurait violation ou non.
M. Frémont
(Jacques) : Absolument.
M. Jolin-Barrette : Ça confère un rôle quand même important à la commission. Dans une
entrevue que vous aviez donnée à
Radio-Canada, vous disiez : Bien, peut-être que sur les pages Facebook,
s'il y avait des propos, ça pourrait constituer un cas d'exemple. Est-ce
que vous voulez commenter?
M. Frémont (Jacques) : Oui. Bien, écoutez, j'ai joint cette journée-là
le club des mal cités. Si on regarde ce sur quoi l'entrevue portait, l'entrevue portait justement sur la
recommandation qui était d'encadrer le discours haineux pour des motifs de discrimination et uniquement pour
des motifs de discrimination. Alors, j'ai dit à l'époque, c'est ce qu'on
vient de dire dans le mémoire : Ce qui
est important, c'est uniquement un type de discours, un type de discours
extrême qui est un discours haineux,
qui porte sur des caractéristiques personnelles et qui peut, dans certains cas,
inciter à la violence. Donc, c'est
uniquement dans ces cas-là, et on le répète dans le mémoire, et là c'est...
comment dire, ce n'est pas une entrevue à Radio-Canada, là, c'est 13 commissaires, là, qui ont avalisé chacune
des lignes de ce mémoire, c'est la commission qui répète que le blasphème... que les religions font
partie du discours protégé. Ce n'est pas compliqué. Ce qui n'est pas protégé,
c'est le type de discours.
Vous
avez peut-être vu la semaine dernière ce qui s'est passé à l'Université de
Toronto, ce n'est pas protégé, ça n'a pas
à être protégé, j'imagine, lorsque quelqu'un a appelé à descendre à la carabine
les femmes, et celles qui auraient survécu, à les égorger. Alors, c'est
un exemple de discours, très clairement, qui, lui, a basculé de l'autre côté.
Mais,
ceci étant dit, les discours... Et la jurisprudence canadienne et le droit
international sont clairs là-dessus, la critique des religions est
acceptable, acceptée et doit demeurer protégée.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Borduas, 1 min 20 s.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous pensez que, dans ce cadre-là, ce serait important
pour le législateur ici de venir
définir plus clairement ce qu'il entend par le discours haineux? On
comprend qu'il y a des critères jurisprudentiels, mais, pour la commission, est-ce que
ça vous donnerait davantage d'outils? Parce que, là, pour rassurer
la population, pour
savoir qu'est-ce qui serait possible
de faire ou non, est-ce que vous pensez que, de venir édicter clairement dans
le projet de loi ce que constitue un discours haineux, ça vous aiderait?
Le Président (M.
Hardy) : Me Frémont, 55 minutes... 55 secondes!
M. Frémont
(Jacques) : Une réponse rapide...
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Frémont (Jacques) : C'est la recommandation n° 3 de notre
mémoire, qui dit qu'il serait utile pour des fins pédagogiques, pas parce que ça va être compliqué
pour les tribunaux — la
jurisprudence est relativement claire. Mais, pour des fins pédagogiques, je pense que ce serait intéressant, c'est ce
que la commission met de l'avant, que le projet de loi... que les critères contextuels qui sont développés par le droit
international, par le droit canadien soient incorporés dans la loi.
M. Jolin-Barrette : Rapidement, sur la question du trois ans pour les ordonnances de
protection, est-ce que vous ne souhaitez pas de délais, dans le fond?
M. Frémont (Jacques) : Idéalement, on ne souhaiterait pas de délais
parce qu'on ne sait pas... trois ans, pourquoi pas deux, pourquoi pas quatre? Ce qui est important, ce sont les faits
en l'espèce, les faits en présence, et, dans certains cas, il faut que ça soit... Évidemment, c'est une
mesure exceptionnelle, donc extraordinaire, il faut que ça soit le plus court
possible, mais, dans les faits, ça peut être
parfaitement justifié. Donc, les trois ans nous apparaissait de tirer une ligne
un peu artificielle.
Le
Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Maintenant, je cède la parole à
Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour un
temps de parole de trois minutes.
Mme Massé :
Oui, merci beaucoup. Merci de votre présence, de vos présentations et de votre
mémoire.
En
fait, ce que je comprends que vous nous dites, c'est : telle qu'elle est là,
la loi mérite d'être améliorée. Vous avez
identifié un certain nombre... mais ça donne un outil de plus, hein? C'est ce
que je comprends dans vos propos. Et cet
outil-là mérite, comme vous venez de le répondre à mon collègue, à être
clarifié, à tout le moins, dans ses termes, hein? Un propos vexatoire est-il automatiquement un
discours haineux? Il faut aider le monde à comprendre de quoi on parle, si je comprends bien ce que vous voulez amener.
Parce que votre job à vous autres, c'est de nous assurer, comme citoyens
et citoyennes, que nos libertés
fondamentales... Et là il y en a deux qui sont un peu, hein... où il y a une
ligne mince, entre la liberté d'expression, d'opinion, et celle, bien
sûr, de dire à un moment donné : Wo! Ça, il y a une ligne qui est non
franchissable.
Alors
donc, ma question serait... Puis j'irais avec un exemple, tu sais, des fois, ça
nous aide, puis c'est des exemples qui
ont déjà passé ici, au Québec. Par exemple, un animateur de radio qui souhaite
que le député d'origine iranienne se fasse passer à tabac dans les rues
de Québec, ça, on est-u dans le discours haineux?
Le Président (M.
Hardy) : Me Frémont.
M. Frémont (Jacques) : C'est très difficile pour moi de... comme ça, là. Il faut voir le contexte, il faut
voir ce qui a été dit exactement,
il faut voir l'intention de ce que la personne a dit, il faut
voir tout ça, mais, a priori, c'est sûr que c'est un discours où on peut s'asseoir, puis réfléchir, puis regarder.
Mais, encore une fois, je n'aime pas donner ce genre d'avis là.
Mme
Massé : Parfait. Le temps de
réaction de la commission, vous avez cité, donc, c'est ça
qui est notre outil de plus? Parce que, je veux dire, les discours
haineux, c'est quand même encadré dans la loi criminelle, là.
M. Frémont (Jacques) : Oui. Le discours haineux est encadré dans le Code criminel. Vous savez, la Cour suprême, dans
l'affaire Whatcott — vous
avez entendu parler de Whatcott beaucoup, j'imagine, depuis quelques semaines — a
dit et a rappelé que le meilleur lieu
pour discuter de la question du discours haineux, ça demeure les commissions
provinciales des droits de la
personne. Alors c'est dit dans la... et dit que les commissions,
la Cour suprême, dit, sont les mieux positionnées
au Canada. Pourquoi? Parce
qu'elles balancent les droits en
présence, et ce ne sont pas les forces répressives de l'État. Et le Code
criminel, vous conviendrez, c'est beaucoup
plus attentatoire aux droits et libertés, et ça peut résulter dans des peines d'emprisonnement. Alors, on vient
de changer de patinoire, là, on vient de changer de... Alors, il est clair
que la Cour suprême a indiqué dans
Whatcott : les commissions, c'est l'endroit le plus naturel où ces choses
devraient être discutées.
Le Président (M.
Hardy) : Merci de votre contribution. Malheureusement, le temps qu'on
avait est écoulé.
Nous allons suspendre
les travaux quelques instants, et j'inviterais la représentante de l'Office des
personnes handicapées du Québec à prendre place à la table des témoins. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 7)
(Reprise à 17 h 10)
Le
Président (M. Hardy) : Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à l'Office des personnes handicapées du Québec. Je vous invite à vous présenter et je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.
Office
des personnes handicapées du Québec (OPHQ)
Mme Hébert (Anne) : M. le Président,
Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, je vous remercie de cette invitation. Je suis Anne Hébert, directrice générale à l'Office des personnes
handicapées du Québec. Je suis
accompagnée par Mme Savoie, qui est directrice des projets
interministériels, de Mme Céline Marchand, qui est conseillère à cette équipe,
et également de Me Christian Roux, qui est conseiller juridique.
Il y a plusieurs
décennies, le Québec a fait le choix d'accroître la participation
sociale des personnes handicapées.
À cet effet, en complément à la Charte des droits et libertés de la personne, une loi particulière a été adoptée
en 1978. Depuis sa révision en 2004,
elle a pour titre la Loi assurant l'exercice des droits des personnes
handicapées en vue de leur intégration scolaire,
professionnelle et sociale. En 2009, la politique gouvernementale À part entière : pour un véritable exercice du droit à l'égalité a été adoptée.
Ces deux outils sont fondés sur le droit à l'égalité et la protection de la
personne. Ils visent à ce que ministères
et leurs réseaux, les municipalités et les organismes publics et privés poursuivent
leurs efforts pour réduire les obstacles rencontrés par les personnes
handicapées.
Le rôle de l'Office des personnes handicapées du Québec est de soutenir les organisations dans ces efforts. Ainsi, notre
présence à cette commission vise à apporter un éclairage quant à l'impact du projet de loi n° 59 sur les personnes handicapées.
Les personnes handicapées sont concernées par le projet de loi n° 59 de deux manières. La première, elles sont
visées par l'article 10 de la charte, article
sur lequel le projet de loi se base pour définir les groupes susceptibles de
faire l'objet de discours haineux ou
incitant à la violence. Et, deuxièmement, certaines personnes handicapées — pas
toutes, je dis bien certaines d'entre
elles — sont
plus susceptibles de se trouver en situation
de vulnérabilité et donc de bénéficier des
mesures de protection. Le coeur de notre propos porte sur cet aspect : les
mesures de protection. Mais avant de vous en dire davantage, je vais vous expliquer pourquoi l'office a peu de
commentaires à formuler concernant la première partie du projet de loi.
Les personnes
handicapées font rarement l'objet de discours haineux ou incitant à la
violence. Ce fait est confirmé par des données très précises. Par conséquent,
il nous semble que les effets sur les personnes handicapées de la première partie du projet de loi seront plutôt marginaux.
Par contre, il faut souligner que les personnes handicapées sont
particulièrement exposées à de la discrimination, et aussi à certains
propos vexants et même méprisants. Cette discrimination — ces attitudes — prend souvent racine dans des préjugés qui
sont véhiculés à leur sujet. L'office estime qu'il faut donc canaliser nos actions pour contrer les préjugés et la
discrimination. C'est d'ailleurs ce que prévoit la politique gouvernementale
À part entière. La sensibilisation de
l'éducation citoyenne figure parmi les leviers d'intervention. C'est dans cette
voie qu'il faut poursuivre nos efforts collectifs.
Cela dit,
entrons maintenant dans le coeur de notre propos. Il faut savoir que les
personnes handicapées sont plus à
risque de subir de la maltraitance. Ce fait est documenté et fait l'objet d'un
consensus. Elles sont également plus vulnérables aux différentes formes
d'exploitation. D'ailleurs, l'article 48 de la charte accorde le droit aux
personnes handicapées d'être protégées
contre toute forme d'exploitation, et notre organisation peut également les
assister dans ce type de situation.
Certains contextes ou milieux sont particulièrement propices à l'abus :
c'est le cas, entre autres, de certains milieux scolaires ou d'hébergement. C'est le cas aussi lorsqu'une
personne reçoit les services ou des soins à domicile : si la
personne est isolée ou dépendante à autrui pour ses soins, par exemple, elle
est encore plus à risque.
C'est
pourquoi les mesures de protection additionnelles proposées dans le projet de
loi peuvent sûrement s'avérer utiles pour des personnes handicapées en
situation de grande vulnérabilité. Par conséquent, l'office ne peut qu'y être favorable.
J'aborde maintenant
un volet important de la deuxième partie du projet de loi n° 59,
l'ordonnance de protection. L'ajout
au Code de procédure civile d'une ordonnance de protection pourrait être
utile à des personnes en situation de grande
vulnérabilité; cette mesure s'ajoute à d'autres qui, en intervenant en amont
des situations menaçant la santé et la sécurité d'une
personne, sont très importantes.
Afin
d'assurer une meilleure efficacité de
cette ordonnance de protection, l'office soulève, dans son mémoire, quelques questionnements sur lesquels le
législateur pourra se pencher. D'abord, il recommande d'harmoniser le texte
de la loi avec des lois existantes de manière
à éviter toute ambiguïté qui pourrait nuire à l'accès à l'ordonnance de protection — mais, plus détaillé dans le mémoire, on
parle d'obstacles de nature procédurale qu'on voudrait éviter. Aussi, l'office propose un libellé concernant l'intérêt
pour élargir l'accès à cette disposition, parce qu'on considère qu'elle est
très importante. Ensuite, l'office recommande que le recours puisse être utilisé non seulement
à l'encontre d'une personne physique,
mais aussi à l'encontre d'une personne morale de droit privé. Par exemple, une ordonnance de protection pourrait ainsi viser une entreprise
qui héberge des personnes handicapées.
Passons maintenant
aux dispositions du projet
de loi visant le renforcement de la
protection des élèves. À ce propos, j'aimerais
vous soumettre deux commentaires. Le premier porte sur l'idée de confier au ministre
de l'Éducation le pouvoir d'ordonner des enquêtes et d'imposer des sanctions à
la suite d'un comportement pouvant faire craindre pour la sécurité des élèves. Comme les élèves handicapés sont particulièrement vulnérables à l'intimidation et à la violence, ils pourraient bénéficier d'une telle mesure. Toutefois, il
faudra s'assurer que les modifications apportées aux diverses lois concernées soient cohérentes avec l'ensemble du dispositif
mis en place au Québec pour contrer l'intimidation et la violence en
milieu scolaire. Je pense notamment
aux plans d'action de lutte contre l'intimidation et la violence dans le réseau
scolaire qui doivent comprendre, et
je cite la Loi sur l'instruction publique : «[des] mesures de prévention
visant à contrer toute forme d'intimidation ou de violence motivée»,
entre autres par le handicap.
Dans un second temps, l'office souhaite vous
sensibiliser à la situation des élèves handicapés qui peuvent se désorganiser, c'est-à-dire perdre le
contrôle d'eux-mêmes, et qui peuvent alors poser des gestes involontaires de
violence et
d'intimidation. L'office a observé, au cours de la dernière année, une hausse
prononcée du nombre d'expulsions d'élèves handicapés ayant manifesté des comportements inadéquats. Ces expulsions
ont des conséquences importantes sur leur scolarisation et sur la famille, qui doit alors assumer une présence
soutenue à la maison. Dans ces cas, il faut chercher une réponse adaptée
aux besoins de l'élève qui se désorganise de la sorte. La prise de décision
doit alors guider par l'intérêt supérieur de
l'élève. L'élaboration du plan d'intervention peut s'avérer efficace pour
prévenir de telles situations, tout
comme la formation du personnel et la collaboration avec le réseau de la santé et des services
sociaux, qui nous apparaît être indispensable.
Enfin,
concernant les modifications proposées à la Loi sur la protection de la
jeunesse, j'aimerais simplement vous mentionner
que l'office juge pertinent l'ajout de la notion de contrôle excessif à la
liste des exemples de mauvais traitements psychologiques et la précision qu'apporte le projet de loi en ce qui a trait au rôle du directeur de la protection de la jeunesse
à l'égard des familles qui ont besoin
d'aide, mais dont la situation ne justifie pas autrement l'application de la loi.
On considère ces ajouts, donc, très positifs. À notre avis, ces modifications
permettront des interventions ayant pour effet de mieux protéger les enfants
handicapés.
En
conclusion, les mesures proposées dans la deuxième partie du projet de loi n° 59 nous semblent
intéressantes, utiles dans des
situations exceptionnelles. Mais vous comprendrez aussi qu'elles ne peuvent, si
elles nous paraissent tout à fait
légitimes puis intéressantes, couvrir toutes les situations où la vie, la santé
et la sécurité des personnes handicapées peuvent être sérieusement menacées. Par exemple, de telles situations
peuvent se produire dans des lieux d'hébergement du réseau public ou lorsqu'une personne handicapée reçoit des services
publics. Nous comprenons que le projet de loi n° 59 ne permet pas d'interpeller les instances
publiques responsables de ces services, mais nous considérons important que
vous sachiez que les mécanismes et recours existant pour ces personnes dans de
telles situations de grande vulnérabilité n'ont pas tous l'efficacité souhaitée ou sont parfois inadaptés. Donc,
il est important pour l'office d'assurer une protection optimale à
toutes les personnes en situation de vulnérabilité.
Donc, les
mesures de protection proposées dans le projet de loi n° 59, aussi
légitimes qu'elles soient et pertinentes qu'elles soient, ne régleront pas à elles seules le problème de
violence, de maltraitance et d'exploitation. Ainsi, elles ne doivent surtout pas susciter un relâchement des
efforts de prévention et d'amélioration des mesures existantes. L'office, d'ailleurs, au cours des dernières années, a fait beaucoup
de représentation dans ce sens-là, et je dois souligner qu'il y a beaucoup de chantiers en cours, des chantiers gouvernementaux dans le cadre, entre
autres, de la mise en oeuvre de la
politique...
Le Président (M. Hardy) : En
conclusion.
Mme Hébert
(Anne) : ...qui s'inscrivent
dans cette voie-là. Donc, tout
simplement, je conclurais en disant
que le Québec s'est doté d'une politique
gouvernementale, la politique À part entière, et que, l'un des résultats
attendus de cette politique,
c'est une réponse complète aux besoins essentiels des personnes handicapées... c'est-à-dire, ces besoins essentiels
impliquent le respect de la vie, de la santé, de la sécurité des personnes.
Alors, il faut poursuivre nos efforts pour mettre en oeuvre cette politique.
• (17 h 20) •
Le Président (M. Hardy) : Merci
beaucoup. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre,
vous avez 13 min 30 s.
Mme Vallée : Merci,
M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présentation. J'aimerais vous entendre... Parce que
vous avez quand même brossé un portrait assez global des dispositions qui, à votre avis, sont importantes pour l'office et pour les personnes que vous
représentez. J'aimerais, dans un
premier temps, revenir sur
l'ordonnance civile de protection.
Vous demandez que cette ordonnance-là puisse également s'adresser à
l'encontre d'une personne morale de droit
privé et les personnes qui y oeuvrent et qui la composent. Est-ce qu'il est arrivé à plusieurs reprises pour
vous de devoir intervenir dans des situations où des entreprises privées
posaient problème ou constituaient en soi une menace auprès des personnes que
l'office représente?
Mme Hébert (Anne) : Sans vous donner
des chiffres...
Le Président (M. Hardy) : Mme
Hébert.
Mme Hébert
(Anne) : Pardon. Sans vous
donner des chiffres précis, je pourrais vous dire oui. À l'office, nous avons un service de... ce qu'on appelle le service
de soutien à la personne, où on donne des informations sur les mesures
existantes, les recours existants et on accompagne les personnes qui ont
certaines difficultés dans leurs démarches. Je peux vous dire qu'il
y a beaucoup de personnes ou de
membres de la famille qui nous interpellent pour intervenir dans ce genre
de situations là. Puis, bien sûr,
comme la loi le prévoit, là, quand on... question d'exploitation, on peut
demander qu'il y ait une
enquête. Mais, pour répondre à votre question, c'est justement
cette connaissance-là des nombreuses demandes qui nous sont
adressées qui nous a amenés à vous faire cette proposition-là, à faire cette suggestion
de modification.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Et pouvez-vous nous donner un exemple d'une situation
qui illustrerait la nécessité d'augmenter les dispositions ou
d'augmenter la protection qui est prévue actuellement au projet de loi?
Le
Président (M. Hardy) : Mme Hébert.
Mme Hébert (Anne) :
Des exemples concrets, par exemple, de... Votre question, si je l'ai bien
comprise, me demande un exemple concret de
personne morale de droit privé. Par
exemple, une personne qui héberge une
personne handicapée volontairement et qui pourrait faire subir à cette personne-là des mauvais
traitements, des mauvais traitements physiques
ou psychologiques, il y a souvent des voisins qui peuvent appeler, puis ils
nous disent : Cette personne-là... Il y a une personne handicapée qui vit dans cette famille-là, même si la famille n'a pas un statut
officiel de ressource intermédiaire ou de... familiale. Bien, il y a ces
cas-là qui nous sont rapportés, puis on va, nous, chercher un peu plus d'information
sur la situation des personnes handicapées.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Mais, dans ces cas-là, dans ces situations, par exemple, où la maison, je ne
sais pas, la maison d'hébergement ABC tolère
certaines situations qui nécessiteraient une émission d'une
ordonnance, cette ordonnance-là serait
à l'encontre des employés ou des intervenants au sein de l'organisme. Donc,
l'organisme en soi n'est pas l'entité qui
porte atteinte à l'intégrité ou qui pose des gestes de nature répréhensible,
mais ce seraient plutôt des employés ou des gestionnaires à ce moment-là.
Est-ce qu'on n'alourdit pas un processus qui vise spécifiquement des individus
qui, par la suite, évidemment,
pourraient faire l'objet de mesures disciplinaires au sein de l'organisme en
vertu des autres dispositions, notamment,
qui régissent les maisons d'hébergement pour personnes âgées ou les maisons
d'hébergement pour personnes... les ressources intermédiaires et autres
ressources?
Mme Hébert
(Anne) : C'est pour ça qu'on...
Le Président (M.
Hardy) : Mme Hébert.
Mme Hébert (Anne) : Pardon. Dans ma courte allocution, on a fait la distinction, là. Quand
on demande que les personnes morales
de droit privé puissent être interpellées, on pense à une multitude de situations.
Là, je reviens à des situations assez simples où c'est une personne qui
accueille une personne handicapée chez elle ou deux, trois personnes sans avoir un statut officiel de ressource
d'hébergement. Des fois, c'est une offre de services, c'est un accommodement
comme ça, puis ça peut être porté à amener
des situations d'exploitation ou de mauvais traitements. Il y a
une multitude d'interventions là-dessus.
Nous, ce qu'on
comprenait, c'est que le projet de loi n° 59 n'interpellait pas, là, les
services publics puis les responsables des services publics, là, quand on parle de CHSLD ou de ressources de type familial ou
d'hébergement. Et, oui, il y a des mécanismes qui sont propres à ces
situations-là.
Puis ce qu'on vous
disait, il faut améliorer quand même les recours, puis la situation n'est pas
parfaite. Il faut poursuivre dans
l'amélioration. Mais on les distingue. Pour nous, on les a distingués, mais on
faisait quand même un appel où, à certaines situations, où c'est des situations
qui sont... les ressources n'ont pas nécessairement des statuts
officiels. On pense à des familles,
même. On a déjà eu des cas où deux frères vivaient ensemble puis qu'il y avait des allégations de mauvais
traitement par un des frères. Une des personnes était une personne handicapée. Bien, qu'on puisse intervenir. Là, vous allez me dire, ce n'est pas une personne
morale de droit privé, là, mais il y
a certaines situations...
des ressources privées qui hébergent des personnes
handicapées qui pourraient être mises en cause, de notre point de vue.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Dans un
autre ordre d'idées, vous faites référence aux personnes incapables qui ne sont
pas protégées par un régime de
protection. Est-ce que vous ne croyez pas que, si on permet à toute
personne intéressée d'intervenir, d'agir au nom d'une de ces
personnes-là, on pourrait mener... on pourrait tomber de l'autre côté, c'est-à-dire
peut-être une utilisation abusive du processus?
Est-ce que les règles que nous connaissons actuellement de représentation... Qu'est-ce
qui fait que les règles actuelles, en fait, ne suffisent pas ou ne seraient pas
suffisantes aux fins du projet de loi n° 59?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Hébert.
Mme Hébert
(Anne) : Notre préoccupation, elle est assez simple. S'il y a une ordonnance
de protection, on souhaite que toutes les personnes handicapées puissent en
bénéficier si elles vivent des situations qui requièrent une protection. Et, en ce qui concerne les personnes
inaptes qui ne sont pas couvertes par des régimes de protection, on souhaite
que ces personnes-là puissent bénéficier de
la protection. Puis, si on garde un libellé... L'idée, là, de vouloir élargir
la portée de l'intérêt pour agir,
c'était justement pour rejoindre ce groupe de personnes là. On
estime, là, d'après des données du Curateur public, qu'environ 25 000
personnes au Québec seraient dans ce type de situation là, c'est-à-dire qui
sont considérées inaptes mais sans régime de
protection. Donc, c'est quand même un groupe assez important. Et, si le
législateur va de l'avant en allant
vers une ordonnance de protection, on ne souhaiterait pas que ce groupe de
population ne soit pas couvert. Notre
préoccupation, c'est toujours d'offrir, de permettre une protection optimale
aux personnes handicapées.
Le Président (M.
Hardy) : Mme le ministre.
Mme Vallée : Puis
vous croyez qu'actuellement l'état de la jurisprudence n'est pas suffisamment
élaboré pour permettre que, dans des
situations exceptionnelles... permettre ce type d'intervention là? Parce que
l'intérêt suffisant est quand même assez large lorsqu'on regarde la
jurisprudence.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Hébert.
Mme Hébert (Anne) : De notre point de vue, là, on a... On ne souhaite pas prendre de
chance, dire... peut-être assez
large, mais, si cette possibilité-là existe, pourquoi ne pas y donner accès, à
ce groupe de personnes là? Pourquoi ne
pas couvrir ces personnes-là? On était plus allés avec cette préoccupation-là.
Si on l'offre aux autres, il faut aussi que cette possibilité-là soit accessible à un groupe de personnes qui sont
par ailleurs les plus susceptibles de vivre... qui sont en plus grande
situation de vulnérabilité. On parle de protection des personnes, là. Donc, si
on parle de protection des personnes, il
faut d'abord qu'ils couvrent les personnes en situation de plus grande
vulnérabilité. Je ne peux pas vous dire qu'on a fait une analyse exhaustive de la jurisprudence, tout ça, mais
on part du point de vue qu'il faut couvrir aussi ces personnes-là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Donc, à titre d'exemple, par exemple, l'ami d'une
personne handicapée pourrait... Vous, ce que vous souhaitez, c'est qu'une personne qui est près et qui veille au
bien-être de la personne handicapée puisse se porter requérant d'une
ordonnance...
Mme Hébert (Anne) : Une amie, un proche ou quelqu'un de la famille puisse se porter
requérant puis demander cette ordonnance de protection.
• (17 h 30) •
Mme
Vallée : S'il n'existe pas? Parce que là je tiens à faire une
distinction, parce que, parfois, on se retrouve dans des litiges qui opposent des familles entre... des litiges entre
les représentants légaux et ceux qui ne font pas partie du conseil
de famille, par exemple. Est-ce que votre recommandation porte exclusivement sur le cas des personnes qui
sont inaptes et qui n'ont pas de représentant d'identifié?
Mme Hébert
(Anne) : C'est sûr, quand la personne peut se représenter elle-même
puis demander, bien, c'est couvert par le
projet de loi. Donc, nous, on a pensé à ce qui n'était pas couvert. Ça fait que
oui, principalement, ça vise ce groupe de personnes là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Est-ce qu'il me reste du temps?
Le Président (M.
Hardy) : Il reste 2 min 50 s.
Mme
Vallée : Ah! d'acccord. J'aimerais aussi vous entendre... Vous
avez effleuré la question de la protection des renseignements personnels et le secret professionnel. À quoi vous
pensez lorsque vous abordez cet enjeu-là? Est-ce que vous avez une
suggestion additionnelle à apporter?
Mme Hébert (Anne) : Si vous permettez, je donnerais la parole à Me Roux, qui est plus
en mesure de répondre très précisément à la question posée.
Le Président (M.
Hardy) : Me Roux.
M. Roux
(Christian) : Bonjour tout le monde. À ce sujet-là, Mme la ministre,
on a pensé qu'il y a besoin, peut-être... L'idée derrière ça, c'est d'éviter
qu'il y ait des obstacles à l'exercice de ce recours-là, à ce mécanisme d'ordonnance de protection, et on sait
pertinemment qu'il y a la question de protection des renseignements personnels,
le secret professionnel, qui sont visés par
différentes dispositions législatives, différentes loi. Donc, l'office a tout simplement manifesté une préoccupation
pour s'assurer que le législateur s'assure d'ailleurs d'une concordance entre les
lois. Par exemple, le secret professionnel, lorsqu'on parle de danger pour la
santé, la sécurité, lorsqu'un professionnel rencontre une personne qui tient des propos qui menacent la sécurité, la
santé de d'autres personnes, il y a des critères qui ont été établis dans ces législations-là, où on parle de risques
imminents, le terme «imminent», le qualificatif «imminent» est utilisé,
alors qu'il ne l'est pas, utilisé, au niveau de la législation qui est devant
nous aujourd'hui.
Donc,
le souci, c'est simplement de s'assurer qu'il n'y a pas d'ambiguïté au niveau
de l'interprétation des lois, des
différentes lois, éviter qu'une personne qui est liée par le secret professionnel
ait un immobilisme ou que cette personne-là s'empêche d'agir sous prétexte qu'il y a certains qualificatifs dans
certaines lois qu'on ne retrouve pas nécessairement dans celle qui est
sous étude aujourd'hui.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme Vallée : D'accord. Je
vous remercie. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la
période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à
vous la parole pour une période de huit minutes.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, les gens de
l'Office des personnes handicapées. C'est un plaisir de vous accueillir, je suis très contente. J'avoue
que j'avais aussi les mêmes questions que la ministre sur cette idée, là,
d'entreprise, personne physique versus
personne morale. Merci d'avoir un peu dégagé le portrait là-dessus pour qu'on
comprenne un peu mieux.
Maintenant, je suis
contente de votre mémoire. Il y a au moins une bonne nouvelle, si j'ose parler
ainsi, puisqu'on voit que — je cite votre mémoire — «ce genre de discours ne présenterait pas,
pour le moment, une menace sérieuse,
réelle pour les personnes handicapées». Donc, les discours haineux contre les
personnes handicapées sont moins fréquents ou sont moins menaçants?
J'aimerais ça comprendre s'il y a une nuance là-dedans.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Hébert.
Mme Hébert
(Anne) : Oui. Les discours haineux incitant à la violence sont assez
rares au Québec en ce qui concerne les
personnes handicapées. En tout cas, nous, dans les 10 dernières années,
puis on a aussi vérifié ce constat-là auprès
des associations de personnes handicapées, là, mais on fait une nuance,
là : le discours haineux incitant à la violence, bon, sont très rares, ce qui ne veut pas dire
qu'au Québec il n'y a pas des propos qui sont vexatoires, qui sont vraiment
inacceptables, qui sont empreints de préjugés, mais, à ce moment-là, on a
beaucoup axé les interventions autour de la sensibilisation, de la formation,
de la réaction, puis on voit une progression positive dans l'évolution des
mentalités.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Je suis contente que vous en parliez, parce
que — merci — c'est l'approche prévention-promotion,
c'est un peu l'approche de l'office aussi depuis
des années. Vous avez quand même... L'office, ça existe depuis combien
d'années?
Mme Hébert
(Anne) : Depuis 1978.
Mme
Maltais : 1978, quand même. Et est-ce que je me trompe en disant qu'il y a
vraiment eu toujours, dans ce cas-là,
une idée qu'on allait vaincre la discrimination systémique ou justement la vision négative, qu'on allait passer à une... la
lutte aux préjugés, qu'on y arriverait par la promotion, par l'éducation, par
la sensibilisation et que les résultats sont là?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Hébert.
Mme Hébert (Anne) : C'est sûr que la lutte aux préjugés, la sensibilisation, a donné ses
effets, puis il y a une vision plus
positive des personnes handicapées puis leur participation sociale. Cependant,
en 2004, le législateur a visé la loi
assurant l'exercice puis a introduit une notion très intéressante, c'est la
notion d'obstacle. Et l'office, les ministères sont invités à réduire les obstacles. Parce qu'au-delà de la lutte à la
discrimination... Ne faire que de la lutte à la discrimination, aux préjugés, ça ne serait pas suffisant pour assurer le
droit à l'égalité puis une réelle participation sociale. Donc, on s'emploie, avec un ensemble de
partenaires gouvernementaux, avec les municipalités, les organismes privés, à
réduire ces obstacles-là. Ça peut être ce qu'on appelle un peu l'approche
systémique, mais ça peut être des obstacles physiques
comme ça peut être des obstacles sociaux, d'autres... beaucoup d'éléments.
Donc, l'idée, ça aide... ça ouvre les esprits,
disons, la lutte aux préjugés, mais il ne faut pas se limiter à la
sensibilisation. Il faut faire aussi un travail continu de réduction des
obstacles ou de mise en place de facilitateurs à la participation sociale.
Je
vais vous donner un exemple. Pour l'intégration au travail des personnes
handicapées, il ne faut pas juste passer le message que les personnes handicapées ont un apport, une contribution
intéressante au marché du travail, qu'ils ont plein de potentiel. Oui,
il faut le faire, mais il faut aussi mettre en place des mesures de soutien,
d'accommodement, d'accompagnement pour qu'elles puissent participer réellement
au marché du travail.
Mme
Maltais : Donc, on a ajouté, je dirais, prévention,
promotion, campagne d'éducation, si j'ose dire, et, à ça, un plan
d'action politique et de concertation. Puis ça donne des résultats après tant
d'années?
Mme Hébert (Anne) : Oui. C'est sûr que je vous dirais que la
situation n'est pas parfaite, là. Il y a eu des progrès sur la participation sociale des personnes
handicapées, mais il reste beaucoup à faire. Les défis sont assez clairs, les
enjeux sont assez clairs, sont bien
nommés dans la politique À part entière. Mais là on s'emploie à coordonner tous
les efforts pour réussir à atteindre les objectifs de cette politique.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci. Avant de passer à d'autres sujets, je veux
juste passer un commentaire. J'espère aussi, là, qu'il y a une prise de conscience qui va se faire aussi dans les
villes — je ne
parle pas aux municipalités, je parle, des fois, au personnel, aux entrepreneurs — sur l'accessibilité. Moi, si vous voulez mon
avis, même dans ma circonscription, l'accessibilité
est en baisse. Ça, c'est une chose qui me dérange beaucoup, sur laquelle je
suis beaucoup interpellée, par les personnes handicapées. Pas les
associations autant que les personnes qui viennent m'en parler. Mais ce n'est
pas l'objet de la rencontre d'aujourd'hui.
Je
voulais vous demander... Vous avez parlé un peu, là, vous avez ouvert sur les
écoles, sur le milieu scolaire et sur...
J'aimerais que vous expliquiez mieux, là. Des fois, on est distraits parce
qu'on essaie de trouver des documents ou des articles de loi. Mais vous avez parlé de comment que les parents ou
les enfants pourraient être désavantagés ou heurtés. J'aimerais ça que
vous expliquiez un peu mieux ce que vous racontez.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Hébert.
• (17 h 40) •
Mme Hébert
(Anne) : En fait, notre
préoccupation, c'est que parfois des élèves, des étudiants pourraient, en
raison des problèmes personnels, là,
liés à leurs incapacités, porter des gestes inappropriés de violence, etc. Puis
on ne souhaiterait pas... Ils peuvent
être initiateurs de gestes regrettables en raison de leurs incapacités. Puis on
ne voudrait pas qu'on les traite
comme les autres... Il faudrait les traiter avec toute égalité, c'est-à-dire
qu'il faut adapter des mesures. C'est de tenir compte dans le traitement de la situation de cette particularité, puis
il faut vraiment adapter les mesures, les procédures en conséquence, qu'on tienne compte de cette
réalité-là. Un peu comme on l'a fait. Il y a des travaux en cours, là, d'adaptation du système judiciaire, là, de l'accès
pour tenir compte des personnes qui ont certaines particularités. Je pense
à la déficience intellectuelle ou à des
problèmes graves de santé mentale, bien c'est la même situation en milieu
scolaire. Il faut porter attention.
Il ne faut pas juste... Oui, il y a des gestes regrettables qui peuvent
arriver, mais il faut bien analyser la
situation dans l'intervention. C'est pour ça qu'on a évoqué... j'évoquais dans
le mémoire la situation... Nous, on a noté dans la dernière année, là,
beaucoup d'élèves handicapés qui ont été expulsés de l'école et qui retournent
à la maison parce qu'ils avaient effectivement des comportements inadéquats.
Mais on fait un appel en disant : Bien, il faut être préventif aussi dans
cette situation-là, il faut prévoir des mesures de prévention, mais aussi de
soutien à la personne élève ou au parent.
Puis là ce n'est peut-être pas tout
de suite une procédure judiciaire,
là, qu'il faut prendre dans ces cas-là, mais on voulait vous sensibiliser. Ça a plus ou moins rapport avec le projet de loi, là, mais on voulait quand
même se situer là, parce
qu'effectivement parfois des personnes... certains élèves pourraient être
l'auteur de gestes regrettables, mais il faut tenir compte de la
particularité de la situation.
Mme
Maltais : On
n'aura plus de temps, mais je vous remercie, je... D'ailleurs, les gens des
commissions scolaires, ce matin, sont venus
dire : On peut travailler à l'intérieur du cadre qu'on a. Bon, évidemment,
la réponse pour ça, c'est : Ça prend les moyens pour soutenir et
aider les enfants et les parents, je pense, c'est ça. Merci beaucoup.
Le Président (M. Hardy) : Merci.
Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe
d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de
5 min 30 s.
M. Jolin-Barrette : Bonjour, madame,
messieurs. Monsieur, bonjour. Merci pour votre contribution.
Tout d'abord,
j'aimerais qu'on revienne sur les questions procédurales. Pour la question du
délai de trois ans, est-ce que vous
avez des commentaires sur l'ordonnance de protection, parce que c'est libellé
dans l'article 16 du projet de loi, la partie II, un délai de trois
ans, que l'ordonnance de protection pourrait être accordée.
Mme Hébert (Anne) : Pour être bien
honnête, non, on n'a pas de commentaire particulièrement sur le délai de trois ans, là. On n'a pas peut-être d'expertise
suffisante, comme c'est une nouvelle disposition, pour vous dire si c'est
suffisant ou trop long, ou trop court. Bien, ça serait prématuré de notre part
de vous aviser sur cette question-là.
M.
Jolin-Barrette : Sur la
question de l'article 755 du Code de procédure civile, vous indiquez que
le cautionnement encadre... dans le
cadre des ordonnances de protection, devrait être supprimé en raison de la
nature, j'imagine, de l'ordonnance recherchée.
Mme Hébert (Anne) : Effectivement.
On voulait...
Le Président (M. Hardy) : Mme
Hébert.
Mme Hébert
(Anne) : Je m'excuse encore,
on voulait éviter qu'il y ait des obstacles de nature procédurale. On
parle de situations pour les personnes handicapées de très grande
vulnérabilité, de protection des personnes dans des situations exceptionnelles
de maltraitance ou de violence. Nous, on ne voudrait pas qu'il y ait des
obstacles, là, qui empêchent l'accès à cette
procédure-là, qui pourraient vraiment mieux protéger les personnes handicapées.
Donc, c'est vraiment une préoccupation... Nous, on le voyait comme un
obstacle, là, possible.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Et, dans le
cadre de votre perception, vous le voyez pour une personne handicapée... qui
souffre d'un handicap, mais l'article va s'appliquer au régime général, tout
ça.
Est-ce que vous souhaitez avoir une exception
basée sur le handicap? Parce que, dans le fond, ça va être un régime général,
donc ça va s'appliquer pour tout le monde; dans le fond, pour toutes les
ordonnances de protection, il n'y aurait pas de cautionnement.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Hébert.
Mme
Hébert (Anne) : Bon, on ne
s'est pas nécessairement penchés sur la question... le caractère exceptionnel
de ce qu'on demande pour les personnes
handicapées, mais, compte tenu de la situation de très grande vulnérabilité,
là, tu sais, qui serait l'objet, là,
d'une intervention de type... Ça pourrait être : envisager une exception
dans ces cas-là pour les personnes handicapées.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : O.K. À la
page 16 de votre mémoire, le troisième paragraphe, vous indiquez qu'on
devrait ajouter, lorsqu'on parle de la conception de l'honneur, on
devrait ajouter des éléments, donc de faire le lien avec les motifs de
discrimination indiqués à l'article 10. Pouvez-vous expliciter davantage?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Hébert.
Mme Hébert
(Anne) : En fait, c'est
toujours un peu la même perspective, là, d'éviter des obstacles, un peu, de
nature à restreindre l'accès à cette
ordonnance. Donc, on souhaitait que ça soit plus précis puis qu'on parle de
l'interdiction à l'article 10 pour couvrir de façon très explicite
le motif du handicap de la charte.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
Mme Hébert (Anne) : Écoutez, si vous
permettez, monsieur...
Le Président (M. Hardy) : Oui,
allez.
Mme Hébert (Anne) : O.K. Me Roux
pourrait compléter.
Le Président (M. Hardy) : Me Roux.
M. Roux
(Christian) : Juste un petit
commentaire additionnel là-dessus. C'est que l'office estime que la question
d'honneur n'est pas une excuse à des
comportements comme ceux-là, pas davantage non plus... Ce n'est pas davantage
excusable si le contrôle excessif est
légitimé par la personne sur des questions d'incapacité, de déficience. C'est une
question un peu pédagogique à compléter, là, avec les motifs prévus à
l'article 10.
M. Jolin-Barrette : Sur la question
du contrôle excessif, il y a certains groupes qui nous ont dit : On
devrait peut-être en faire une disposition autonome. Est-ce que vous pensez
qu'on devrait le sortir, également?
M. Roux
(Christian) : Je ne vois pas
pourquoi, sur le plan légistique, on le sortirait de là, parce qu'il fait
partie des autres motifs qui permettent à la DPJ d'intervenir.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Au niveau scolaire, tout à l'heure, la Fédération
des commissions scolaires nous ont dit : On est autonomes, on est capables d'intervenir nous-mêmes. Vous, vous
saluez le pouvoir d'intervention du ministre. Pourquoi vous saluez le
pouvoir d'intervention du ministre, qui serait conféré, là, par le biais du
projet de loi n° 59?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Hébert, une courte réponse, 30 secondes.
Mme Hébert
(Anne) : Notre
préoccupation, c'est de protéger de façon optimale les personnes handicapées
quel que soit leur âge. Ce pouvoir-là
existe en santé et services sociaux puis il s'inscrit comme en continuité avec
d'autres mesures. Puis le cas, si,
dans des situations exceptionnelles, s'il faut que le ministre intervienne pour
protéger les personnes, on est tout à fait à l'aise avec ça.
M. Jolin-Barrette : Merci.
Le Président (M. Hardy) : Merci
beaucoup. Je vous remercie de votre participation.
La
commission suspend ses travaux quelques instants avant de procéder à l'élection
de la présidence de la commission.
(Suspension de la séance à 17 h 46)
(Reprise à 19 h 36)
Le Président (M. Ouellette) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques — alors, le vocabulaire a changé un
peu.
Je
vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques
sur le projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention
et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications
législatives pour renforcer la protection des personnes.
Avant de souhaiter la bienvenue à la Fédération
des cégeps, je vais remercier mon collègue de Saint-François pour avoir mené de main de maître les travaux de la
commission jusqu'à présent. Tout fraîchement élu dans ce nouveau poste depuis quelques minutes, je souhaite la bienvenue
à la Fédération des cégeps. Je vous invite à vous présenter et je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.
Fédération des cégeps
M.
Tremblay (Bernard) : Merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre,
Mmes, MM. les députés, bonsoir. Alors, permettez-moi
d'abord de me présenter. Je suis Bernard Tremblay, le président-directeur
général de la Fédération des cégeps.
Je vous présente également les personnes qui m'accompagnent. À ma droite, Mme
Marie-France Bélanger, qui est la
présidente du conseil d'administration de la fédération et qui est également
directrice générale du cégep de Sherbrooke, et, à ma gauche, M. Henrik
Ellefsen, qui est le directeur des affaires
juridiques de la fédération.
Nous
sommes ici aujourd'hui pour représenter
les 48 cégeps du Québec,
qui servent plus de 173 000 jeunes en enseignement régulier et
quelque 27 000 adultes à la formation continue. Nous vous remercions évidemment de nous recevoir
aujourd'hui dans le cadre de ces consultations sur le projet de loi n° 59. D'entrée de jeu,
je tiens à dire que les cégeps
souscrivent complètement à l'objectif de prévention et de lutte contre le discours
haineux et les discours incitant à la violence.
Cependant, l'application au cégep du projet de loi dans sa forme actuelle nous semble problématique.
Avant de vous exposer ce qui doit
être modifié selon nous dans le projet de loi, je me permettrai de vous présenter les mesures adoptées par les
cégeps pour offrir à leurs étudiants un environnement
favorable à leur apprentissage et à leur développement personnel en assurant leur bien-être et leur sécurité. De manière
générale, les cégeps ont un code de vie qui précise les comportements attendus de toute personne qui
fréquente l'établissement, les
comportements inadmissibles et les sanctions. Ils ont également des politiques contre le harcèlement, des procédures de gestion
des plaintes, des énoncés de mission et
de valeurs institutionnelles qui
précisent les notions de respect, d'humanisme, d'ouverture à la diversité,
d'entraide, etc.
Comme vous pouvez le voir, les cégeps disposent de
moyens pour s'assurer que toute personne qui fréquente leurs bâtiments ou qui participe à leurs activités sachent ce qu'elles doivent donc respecter et
qu'elles doivent respecter donc évidemment également les lois et règlements en vigueur au Québec
ainsi que les règlements, les politiques, les procédures qui ont cours dans l'établissement.
• (19 h 40) •
Chacun des 48
cégeps constitue un milieu de vie unique dans lequel on retrouve des personnes
au profil et aux parcours variés. Pour nous, cette diversité de richesse
à travers laquelle les étudiants développent leurs compétences sociales et exercent leur citoyenneté.
Cependant, dans un tel environnement, comme dans tout autre
milieu de vie ou de travail, il est certain que des difficultés d'ordre
social peuvent survenir.
Quand je dis
cela, les événements liés au phénomène de la radicalisation qui se sont
produits dans certains de nos établissements vous viennent sans doute à
l'esprit. Si ces événements ont mis en lumière certaines limites quant à la capacité d'intervenir des cégeps, et nous y
reviendrons, il reste que l'ensemble des mesures en place dans les établissements permettent d'assurer le bien-être et la sécurité des étudiants.
Mais nous assistons maintenant à l'éclosion de
la radicalisation, qui est un phénomène nouveau pour lequel il n'existe actuellement pas de solution simple et qui n'est surtout pas
propre au réseau collégial. Et j'insiste là-dessus : on ne peut pas
associer à un milieu en particulier un phénomène dont on mesure encore très peu
l'étendue et les ramifications et dont on comprend mal le fonctionnement.
Viser un milieu en particulier serait une erreur puisque les acteurs de la radicalisation interviennent déjà
fort probablement dans d'autres milieux, et on n'a qu'à penser à
Internet. La radicalisation, les discours haineux et l'incitation à la
haine sont des enjeux sociétaux, des enjeux complexes et multifactoriels qui
concernent tout le monde.
C'est
pourquoi, face à ces enjeux, le Fédération des cégeps préconise une approche
concertée basée sur la recherche, la
sensibilisation et surtout l'éducation. Dans cet esprit, nous avons, dès le
début, manifesté notre intérêt à collaborer au plan d'action gouvernemental en matière de radicalisation. Depuis mars
dernier, nous multiplions aussi les représentations
auprès des ministères concernés pour
souligner notre volonté d'agir dans ce domaine. Nous participons également au
projet visant à mieux comprendre le
phénomène dans ses manifestations, dans la société en général et dans notre
réseau en particulier, de manière à
bonifier nos mesures de prévention et d'intervention. À titre d'exemple, nous
participons à une enquête du centre
de recherche Sherpa auprès de 13 cégeps, qui vise à mieux comprendre les
relations entre le contexte intercommunautaire actuel, les sentiments d'aliénation, l'exclusion, la discrimination, la
détresse psychologique et le soutien à la radicalisation chez les jeunes au Québec. Également, une
recherche-action menée par l'Institut de recherche sur l'intégration professionnelle des immigrants est également en
cours au collège de Maisonneuve pour définir les facteurs qui favorisent
la radicalisation en examinant comment les
jeunes, issus de l'immigration en particulier, construisent leur identité et
leur lien avec la société.
Je le répète,
nous croyons que la radicalisation est un phénomène social complexe présent
dans les cégeps, mais aussi dans bien
d'autres milieux, et qui concerne, donc, tous les acteurs de la société. Vous
comprendrez donc notre grand étonnement lorsque nous avons constaté que
le projet de loi n° 59 cible...
(Interruption)
Le Président (M.
Ouellette) : C'est de la musique de cégep.
M.
Tremblay (Bernard) : Merci
pour ce moment de détente. Je disais donc que nous avons été étonnés quand même de constater que le projet de
loi n° 59 cible directement les cégeps aux articles 24, 25 et 26 de la
partie II, qui viennent modifier la Loi sur
les collèges d'enseignement général et professionnel. Nous demandons
aujourd'hui le retrait de ces articles du projet de loi.
D'abord,
parce que l'ajout de pouvoirs d'enquête au ministre à l'égard des comportements
pouvant faire craindre pour la sécurité physique ou morale des étudiants
est superflu. Les articles 29, 29.2 et 29.8 de la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel accordent
déjà au ministre tous les pouvoirs nécessaires à cet égard, selon nous. Ensuite, parce que le projet de loi prévoit que le
ministre pourrait retenir ou annuler en tout ou en partie la subvention destinée à un cégep s'il juge que l'établissement
a toléré un comportement inadmissible. En lisant cela, je dois vous dire
que nous n'étions pas seulement étonnés,
mais carrément insultés. Nous n'arrivons pas à nous expliquer comment une
telle approche pourrait contribuer à
améliorer les pratiques de prévention et d'intervention des collèges, qui
s'inscrivent déjà dans une démarche
de collaboration et de concertation avec tous les acteurs concernés. Surtout,
nous ne comprenons pas pourquoi un organisme public serait pénalisé pour
ne pas avoir pris des actions contre un phénomène face auquel personne n'a encore trouvé de solution efficace.
Qui dit sanctions dit aussi définition du comportement à respecter, alors
je serais tenté de vous dire que nous
attendons qu'on nous dise comment intervenir efficacement face à la montée de
la radicalisation. Or, je pense que cette question reste, à l'heure
actuelle, encore sans réponse parfaite.
Par ailleurs,
comme je l'ai dit plus tôt, les événements émergents qui ont eu lieu dans
certains de nos établissements ont
fait ressortir une question pour laquelle une intervention législative pourrait
être souhaitable, selon nous. Lors des événements
que je viens d'évoquer, les collèges affectés louaient des locaux à des
organismes dont les propos apparaissaient incompatibles avec leur mission. Or, selon l'article 6.0.1 de la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, les cégeps doivent fournir des
services et permettre l'utilisation de leurs installations à leur communauté.
Là, on a un principe d'ouverture, évidemment,
du côté des cégeps. Même si le code de vie des cégeps encadre le comportement
des utilisateurs de ces
installations, il nous semble souhaitable de faire des modifications afin que la nouvelle loi reconnaisse de façon plus explicite aux établissements le pouvoir de rompre leur lien contractuel ou de
refuser de conclure des liens contractuels
avec toute personne physique ou morale qui adopterait un comportement contraire
aux finalités de la loi. Ce type
d'intervention législative serait de
nature à soutenir efficacement les cégeps, tout en maintenant le principe
important de l'utilisation des équipements collégiaux par la communauté.
En terminant,
je veux réitérer que, dans l'intérêt collectif, plutôt qu'une approche
coercitive qui laisse penser que la lutte contre les discours haineux et
l'incitation à la violence appartient davantage au milieu de l'enseignement
qu'à tout autre milieu, la Fédération
des cégeps préconise une approche constructive basée sur la concertation et la
collaboration, comme celle que
prévoient les autres éléments du plan d'action gouvernemental 2015‑2018 en
matière de radicalisation, auquel
nous adhérons. Nous croyons fermement que c'est en travaillant de concert avec
les instances gouvernementales, avec
les municipalités, avec les services sociaux, avec les autres institutions
d'enseignement que nous arriverons ensemble à définir une réponse
efficace à ce phénomène mal connu et qui nous inquiète tous.
Merci de votre attention.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Tremblay. Nous débutons avec Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, permettez-moi de vous féliciter pour votre
élection à titre de président de la Commission des institutions.
M. Tremblay,
merci, merci de votre présentation. Dans un premier temps, je tiens à vous
rassurer, notre objectif est de
travailler... et de prendre acte de vos commentaires. C'est l'objectif de la
consultation que nous avons en ce moment. Les objectifs du projet de loi étaient de donner des outils additionnels
pour permettre de contrer la radicalisation, de contrer la tenue,
notamment, de discours haineux, de discours qui incitent à la violence. Je
comprends vos préoccupations. Évidemment, la loi actuelle donne des pouvoirs
d'administration, des pouvoirs pédagogiques, des pouvoirs quant au
fonctionnement. Notre objectif est d'encadrer la sécurité physique, la sécurité
morale des étudiants. Parce que vous collaborez
dans le cadre du plan d'action, alors je sais que vous êtes des partenaires
importants. Vous apportez aujourd'hui une suggestion, une recommandation
pour bonifier, en fait, le projet de loi. Je vais y revenir.
Mais, dans un
premier temps, j'aimerais comprendre davantage vos préoccupations quant aux
pouvoirs donnés au ministre. Là, je
comprends que vous sentez que ces pouvoirs-là, actuellement, ne considèrent pas
tout l'encadrement, toutes les
démarches faites par les institutions — c'est bien ça? — et qu'elle va se substituer, d'une certaine
façon, à toutes les mesures qui peuvent avoir été prises par
l'établissement d'enseignement.
M. Tremblay (Bernard) : En fait, si
je comprends...
Le Président (M. Ouellette) :
M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Pardon. En fait, si je comprends bien le sens de
votre question, nous, on a le sentiment que, déjà, dans la loi sur les cégeps, il y a des dispositions qui
permettent au ministre d'enquêter et qui permettent même de retenir une partie de nos subventions lorsqu'on
ne respecte pas les encadrements qui sont prévus par la loi ou qui sont prévus par le ministère. Donc, on ne voit pas en
quoi c'est nécessaire d'ajouter, évidemment, de pouvoirs additionnels.
Ça nous semble tout à fait redondant.
Et évidemment, lorsqu'on parle du
phénomène de la radicalisation, c'est là qu'on se pose la question : De
toute façon, de redire que le
ministre a ce pouvoir-là, en quoi ça soutient le réseau collégial? Nous, on
s'attend plus à des mesures, je
dirais, d'accompagnement qui nous permettraient d'avoir des intervenants pour
agir, pour développer des réseaux de sentinelles,
par exemple. Vous savez, on a une expertise dans ce domaine-là, face aux
problèmes de suicides, face aux problèmes d'intimidation. On avait et on
essaie de maintenir des ressources, hein, qui nous permettent justement d'accompagner les jeunes, d'intervenir lorsque la
situation est nécessaire, de voir le phénomène et de pouvoir intervenir à sa source le plus possible. Mais donc l'approche
qu'on lisait dans le projet de loi, qui est une approche qui nous semble
plus de type : Bien, on va vous sanctionner, on a de la peine à voir, là,
en quoi ça nous apporte un soutien.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
• (19 h 50) •
Mme
Vallée : Est-ce qu'il pourrait être opportun, dans le contexte de la bonification du projet de loi, peut-être de bonifier ou de modifier le texte actuel afin
que, par exemple, on permette au ministre de considérer, dans
son évaluation de la situation, toutes les mesures, toutes les démarches faites
par l'établissement pour... et d'évaluer notamment
les moyens dont dispose l'établissement pour mettre fin au comportement ou plutôt à la propagation de ce
discours haineux, de ce discours incitant à la violence?
Donc,
je comprends, vous, vous le voyez, vous percevez... vous lisez le texte comme étant... que c'est une mesure punitive,
c'est une mesure contraignante, donc il
y a une espèce de présomption qu'on a
maille à partir peut-être avec la tenue
de ces propos-là, ce qui n'est pas le cas. Est-ce qu'il serait opportun
de le bonifier, de l'enrichir d'une évaluation
et d'une considération de toutes les mesures
dont vous nous avez fait part, dont les établissements disposent pour mettre un terme à la situation?
Donc, plutôt que d'y
aller de façon plus objective, ajouter un certain nombre de critères
d'évaluation qui permettraient peut-être...
Bon. En tout cas, je comprends de votre projet que vous voulez faire partie de
la solution, vous ne voulez pas qu'on
vous pénalise ou... parce qu'une situation reprochable s'est produite dans vos
murs, vous souhaitez faire partie de
cette solution-là pour éradiquer la problématique et vous souhaitez que cette
démarche-là... puis vous avez mis le
doigt dessus, il n'y a pas de solution miracle, il n'y a pas de recette
miracle, c'est un phénomène quand même qui est relativement nouveau, auquel on est confrontés, puis on essaie tous
à notre façon, puis parfois notre façon n'est pas toujours... à notre façon, c'est... peut-être que
la solution qui est prise, elle n'a pas donné le résultat escompté, mais on ne
peut reprocher à l'établissement d'avoir fait l'effort.
Donc,
je comprends que cette évaluation-là, elle n'est pas dans le projet de loi
actuellement, mais qu'elle devrait peut-être être utilisée, ou on
pourrait renforcer le projet de loi pour que les établissements d'enseignement
soient davantage ciblés comme étant des partenaires dans cette démarche-là et
non seulement qu'un acteur.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Oui. Bien, écoutez, moi, je vous dirais, je pense
vraiment, au risque de vous décevoir, que
cette approche-là au complet est à bannir. L'idée qu'il y ait des gens qui
nous... comment dire... qui enquêtent et qui évaluent, ce n'est pas ça qui ajoute des interventions efficaces dans le
milieu, d'autant plus que c'est comme présumer que les cégeps sont un lieu clé de radicalisation, ce que, à mon avis,
on n'est pas en mesure de démontrer présentement, et personnellement ce
pour quoi j'ai de gros doutes. C'est sûr qu'on a, dans nos murs, une clientèle
qui est à un âge, je dirais, là,
stratégique, là, ou enfin un âge clé, et donc il faut s'en occuper de façon
particulière. Mais il demeure que d'avoir
un mécanisme qui fait que le ministre peut enquêter, même s'il y avait des
critères, si je comprends bien votre idée,
ne me semble pas la bonne avenue. Ce qu'on a besoin, c'est vraiment de se concerter
avec d'autres partenaires, c'est qu'on
nous soutienne efficacement en termes de ressources pour pouvoir intervenir sur
le terrain. Le simple fait qu'un collège n'ait pas mis en place un
certain nombre de mesures puis qu'on envoie quelqu'un pour enquêter ne va pas
nécessairement changer, à mon avis, la donne. Ce qu'il faut créer, c'est
peut-être plus un réseau.
Vous
savez, à Montréal, là, il y a eu l'initiative d'un bureau pour l'intervention.
Je comprends que le bureau va être
élargi à la grandeur du Québec, mais ce genre d'action là n'est pas de type, je
dirais, là, punitif, et ça, ça peut, à notre avis, là, porter fruit. Peut-être que Mme Bélanger pourrait compléter,
étant elle-même, là, directrice générale d'un cégep.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : J'aimerais juste, avant de laisser la parole pour Mme
Bélanger... puis vous pourrez compléter. Mais je voulais juste vous indiquer que le projet de loi s'inscrit dans le
plan d'action. Donc, à l'intérieur du plan d'action, il y a
une série de mesures qui ne sont pas de
nature coercitive, qui visent la prévention, l'éducation, alors, ça, ça
fait partie de l'initiative globale, et c'est à travers ça que vous
travaillez aussi à titre de partenaires, ça, j'ai bien compris.
En
fait, ce que je proposais, c'était que, dans son évaluation, avant d'en arriver
aux mesures coercitives, que, dans son
évaluation, le ministre puisse considérer tout ce qui a été mis de
l'avant par l'établissement. Parce
que là on vise... puis il
ne faut pas non plus sortir du
cadre... on vise le cas où quelqu'un, qu'il s'agisse d'un membre du personnel, peu
importe, quelqu'un a tenu des propos de
nature qui relève du discours haineux ou du discours incitant à la violence, a
passé à travers tout le cheminement
de la Commission des droits de la
personne et de la jeunesse et a été sanctionné ultimement à la fin du processus, et là on veut simplement
s'assurer — et le
pouvoir du ministre, c'est vraiment dans l'ultime — une fois tout le processus complété, que le ministre pourrait intervenir si rien
n'a été fait, si on tolère que ces propos-là continuent de se propager à travers les murs. Et c'est là que
je vous propose que, dans le texte législatif, peut-être, est-ce qu'il ne
serait pas opportun de faire
référence à tout ce qui est fait dans cet encadrement dont vous nous faites
état dans votre mémoire?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Oui. En fait, ce que j'ai le goût de vous
répondre, c'est que, vous savez, ce genre de dynamique là, elle se traduit comment, concrètement? Elle se traduit par
des rapports à produire, par de la reddition de comptes à faire, par de la bureaucratie. Je m'excuse de dire le mot,
mais on est submergés de bureaucratie; on est toujours dans cette dynamique-là. On nous demande de faire
toujours plus avec moins, mais les encadrements ne cessent de s'alourdir,
et ça, pour moi, ça ne peut que se traduire
dans les processus qu'on connaît, ce que vous exprimez et qui me semble, là,
plein de bonnes intentions, mais ne peut se
traduire que par une démarche bureaucratique qui alourdit encore une fois la
gestion sans ajouter d'outils additionnels pour les cégeps pour faire face à la
radicalisation.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée :
Mais, là-dessus, je reviens, vous nous suggérez... puis ça aussi, c'est la
beauté de nos travaux, vous nous suggérez d'ajouter une disposition pour
vous permettre d'agir de façon plus efficace. J'aimerais vous entendre davantage sur cette question-là. Vous nous avez
proposé un texte dans votre mémoire. Vous souhaitez... et puis là je vais le
relire pour le bénéfice de ceux et celles qui
nous écoutent. Donc, vous prévoyez qu'«un collège d'enseignement général
et professionnel peut résilier toute entente
liée à l'utilisation de ses installations ou refuser de conclure une telle
entente avec une personne, physique
ou morale, dont le comportement cause un préjudice à autrui ou fait craindre
pour la sécurité physique ou morale des étudiants, notamment :
«a) par la tenue de propos, verbaux ou écrits, à
caractère haineux, méprisant ou incitant à la violence;
«b) par toute
forme de harcèlement, d'intimidation ou de discrimination à l'égard d'une
personne ou d'un groupe de personnes,
qu'elle se manifeste par des paroles, des écrits ou des gestes, notamment en
raison du sexe, de la race, de la couleur,
de l'origine, de la religion, de la langue ou de l'orientation sexuelle.» Donc,
vous allez quand même un petit peu plus loin que le discours haineux
comme tel. Vous allez sur le discours discriminatoire, carrément.
J'aimerais
vous entendre parce que, vous savez, dans cette commission, depuis le mois
d'août dernier, on nous dit... bon,
il y a certaines craintes qui ont été soulevées quant à la législation, on
réfère constamment à l'interprétation donnée
par la Cour suprême, notamment dans l'affaire Whatcott, sur ce que constitue du
discours haineux. Mais vous, vous
allez quand même plus loin que simplement du discours haineux, puis j'aimerais
vous entendre sur cette question-là.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre, vous faisiez référence, dans le mémoire, à quelle page?
Mme Vallée : Je suis désolée,
M. le Président, à la page 8 du mémoire.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci. M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Alors,
si vous le permettez, je demanderais à Me Ellefsen de répondre à cette question.
Le Président
(M. Ouellette) : Me
Ellefsen, tout en espérant qu'on entendra Mme Bélanger, qui est directrice générale du plus beau cégep en
province, celui de Sherbrooke. Me Ellefsen.
• (20 heures) •
M.
Ellefsen (Henrik) : Si
j'essayais d'être bref pour lui laisser de l'espace? Simplement pour mettre en
contexte le texte qui a été proposé,
pourquoi on voit nécessairement plus loin que la simple question
des propos haineux, c'est qu'il
faut
comprendre que, dans un établissement d'enseignement, mettre le seuil d'intervention à des propos
qu'on pourrait qualifier de haineux, il me semble que c'est mettre la barre un peu basse, dans le sens où on veut essayer
aussi, malgré le fait qu'on respecte énormément, puis je pense que les
collèges l'ont déjà démontré, c'est un haut lieu de la liberté d'expression...
Même si on respecte la liberté d'expression, il y a des seuils au-delà desquels
on ne doit pas aller : la discrimination
en est un, la propagande haineuse ou les propos haineux en est un aussi. C'est
dans ce contexte-là qu'on a proposé ce texte-là.
Ce texte-là
aussi, on le retrouve dans la... je ne dirais pas la plupart, mais dans
plusieurs des codes de vie qui ont été adoptés par les collèges. Donc, c'est un
texte qui est déjà en vigueur et sur lequel les collèges peuvent déjà
intervenir.
Le
Président (M. Ouellette) : Mme la ministre, à moins que Mme Bélanger nous fasse
l'honneur de quelques commentaires? Mme la ministre.
Mme
Vallée : On nous dit
qu'à l'heure actuelle les collèges, les établissements d'enseignement ont déjà
la possibilité d'inclure des clauses
à l'intérieur des baux qui permettent la révocation d'un contrat de location
si, notamment, le locataire fait défaut de respecter les codes de vie auxquels vous faites
référence. Donc, vous disposez déjà d'outils à l'intérieur des baux, vous souhaitez bonifier les dispositions. En
quoi sentez-vous le besoin que des modifications soient apportées en
plus au texte de loi?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Tremblay.
M. Tremblay
(Bernard) : Oui. En fait, effectivement, nous, on a la prétention qu'on a des outils actuellement à notre disposition qui nous permettent d'agir, mais, à partir du moment
où le législateur s'intéresse à la question et veut insister sur la problématique, évidemment,
d'avoir une assise législative additionnelle dans la loi pour appuyer le geste
du collège nous semble être un message
utile, un message efficace, dans le fond, du législateur. Et évidemment
on n'a pas eu l'occasion de tester le
pouvoir actuel que l'on a, donc, à partir du moment où la loi serait clarifiée
pour ajouter en toutes lettres ce pouvoir-là, ça nous semble, à ce
moment-là, un appui additionnel à ce qu'on pense qui est déjà notre pouvoir.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Bien, en
fait, je vous remercie. Est-ce que vous avez...Bien, vous avez beaucoup...
je comprends que vous avez concentré
votre mémoire et l'attention sur les dispositions qui touchaient les
établissements d'enseignement publics et les établissements collégiaux
pour lesquels vous êtes les porte-parole, mais est-ce que vous avez accordé... est-ce que vous avez évalué les autres
dispositions du projet de loi, notamment en ce qui concerne notamment les ordonnances
civiles de protection et les mesures portant
notamment... apportant des modifications à la Loi de la protection
de la jeunesse?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Non,
sinon que, de façon générale, ça nous semblait être une approche assez lourde,
et on avait, effectivement, beaucoup
de questionnements en lien avec ce qui était proposé dans le projet de loi. Mais, sachant, évidemment, que la commission allait entendre
d'autres intervenants, on a préféré, évidemment, se concentrer sur les
dispositions concernant les cégeps de façon plus spécifique.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci. M. le député de La Prairie, si Mme la
ministre le permet...
Mme Vallée :
Bien, certainement.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de La Prairie trépigne
d'impatience de poser une question à Mme Bélanger.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Merlini :
Merci beaucoup, M. le Président. Dans votre mémoire, à la page 8, dans
votre conclusion, vous marquez que «les
mesures proposées dans le projet de
loi qui concernent les cégeps ne nous
semblent aucunement fournir les outils appropriés aux établissements si
l'objectif est de leur permettre d'accroître leur capacité de prévention et d'intervention quant aux comportements ciblés».
Alors, pour vous, quels seraient les outils appropriés? Nonobstant le projet de loi, là, quel serait, selon vous, l'objectif qu'on vise avec le plan
d'intervention et le projet de loi
n° 59? Quels seraient les
outils appropriés, selon vous, pour justement arriver à l'objectif?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : En termes d'intervention législative,
effectivement, c'est la disposition dont on vient de se parler concernant les locations de locaux.
Et, pour ce qui est, je dirais, du reste, effectivement, nous, on préconise
plutôt l'avenue qu'on retrouve dans le plan
d'action, dans les autres mesures du plan d'action contre la radicalisation.
Donc, nous, on préconise vraiment que
l'on s'appuie sur des recherches-actions pour voir concrètement s'il y a un
phénomène de radicalisation ou pas
dans nos cégeps, de tenter des interventions, de voir leur efficacité. Puis, je
vous dirais — évidemment,
ça ne vous étonnera pas, hein — ça prend des ressources pour faire ça, ça
prend des gens pour accompagner nos jeunes, et c'est clair que le
soutien plus efficace, ce serait d'avoir des effectifs qui nous permettent,
dans le fond, d'appuyer concrètement les différents collèges, là, à l'heure
actuelle.
Le Président (M.
Ouellette) : M. le député de La Prairie.
M.
Merlini : Merci, M. le Président. Dans l'article 25, évidemment... vous proposez d'enlever, là, dans la partie II,
les articles 24, 25 et 26, là, qui affectent précisément les cégeps, mais, dans
l'article 25, l'article qui est modifié par l'insertion
après... du texte suivant, là : «a.1) lorsque le collège tolère un
comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des étudiants», j'aimerais
avoir votre interprétation sur qu'est-ce
que c'est, pour vous, les cégeps, de tolérer un comportement
quand on parle de la sécurité physique et morale des étudiants. Jusqu'où vous
allez avant de tracer une ligne et dire : O.K., là on fait intervenir soit
les forces policières ou on a matière à agir d'une autre façon?
Le Président (M.
Ouellette) : Ça, c'est une bonne question pour Mme Bélanger,
mais M. Tremblay...
M. Tremblay
(Bernard) : Je vais laisser la parole à...
Le Président (M.
Ouellette) : Mais, Mme Bélanger, ça me fait plaisir.
Mme Bélanger (Marie-France) :
Je pourrais faire un premier bout; au besoin, M. Tremblay pourra compléter.
Écoutez, c'est une question qui n'est pas
simple, et les frontières sont... on est dans du gris, hein, on n'est pas dans
du noir et blanc. Alors, pour les collèges,
ce n'est pas simple de tracer une ligne. Il y a des choses qui sont assez
claires. Je pense que, quand les
gens, que ce soient des étudiants, des membres du personnel, des gens qui sont
en lien contractuel avec nous tiennent des propos carrément haineux, je
pense que là c'est assez facile.
Généralement,
on est plus dans du gris, alors on a besoin d'être outillés, on a besoin de
travailler. On en a parlé tantôt, c'est
un phénomène qui est nouveau, c'est un phénomène pour lequel on ne se sent pas
toujours aussi bien outillés qu'on pourrait l'être et qu'on souhaiterait
l'être. Alors, ce qu'on souhaite, c'est de pouvoir participer à une réflexion collective là-dessus, de pouvoir se baser sur des
travaux de recherche, de pouvoir contribuer et de pouvoir agir en amont.
Vous savez, la région de Montréal est
peut-être plus durement touchée par ces problématiques-là, mais personne n'est
à l'abri; dans toutes les régions du Québec, il faut qu'on y travaille
idéalement en amont.
Alors,
ce qu'on souhaite, c'est d'être outillés pour pouvoir bien, pour pouvoir mieux
déterminer où sont les zones, parce
que les zones ne seront jamais à couper au couteau, là, enfin, on ne s'attend
pas à ça. On est dans de la complexité, on est dans des phénomènes où on
peut basculer rapidement si nos interventions ne sont pas appropriées.
Alors,
à votre question sur jusqu'où on va, je pense qu'actuellement on fait déjà des
interventions, on a des codes de vie,
on a des politiques, on a des règlements, on a des procédures, on a des gens
qui travaillent sur le terrain, on est en mesure d'intervenir auprès des jeunes, parfois sur une base éducative
pour faire changer des choses. On n'a pas toujours besoin d'être en mode
expulsion. On travaille dans une approche d'abord éducative, mais, au besoin,
on expulse des étudiants aussi de nos campus, là, ça arrive. Mais jusqu'où on
doit aller? Ce n'est pas tout à fait clair.
Le
Président (M. Ouellette) : Est-ce que la réponse est assez complète, M. Tremblay? Oui? M. le député de La Prairie.
M. Merlini :
Ça va, merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Moi, ça fait le tour, je vous remercie beaucoup. En fait, je pense qu'on ne
peut assez vous remercier et remercier tous
ceux et celles qui participent activement au plan d'action. Je pense
que c'est un enjeu de société, et on est tous appelés à notre façon à y
participer et à y travailler, donc merci beaucoup pour votre collaboration.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, bonjour, M. Tremblay, madame, monsieur,
c'est un plaisir de vous avoir ici.
Vous avez eu un terme assez fort tout
à l'heure — un peu étonnée, j'ai sursauté — vous
avez dit que vous étiez insultés,
vous vous étiez sentis un peu insultés en voyant le dépôt du projet de loi. Est-ce à dire qu'il n'y a
pas eu de consultation avec la
Fédération des cégeps quant aux articles qui concernent les cégeps ou les types
d'interventions qui pourraient être faits pour lutter contre la
radicalisation dans les cégeps?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Tremblay.
M. Tremblay
(Bernard) : Bien, en fait, on a fait plusieurs approches, nous, dès le
mois de mars, auprès de différents ministères, et donc on s'est montrés
disponibles. On comprend qu'il y avait un processus d'élaboration du plan d'action et qu'il y avait des actions qui se
faisaient dans les différents ministères. Alors, c'est sûr que, sur le volet
législatif, je vous dirais : Non, c'est
sûr qu'on n'a pas été mis à contribution et on a été étonnés de voir ça. Et,
comme je le disais, on ne peut pas
faire autrement que d'y voir une approche qui, pour nous, s'avère un petit peu
de type punitive, donc c'est pour ça
que les gens ont été étonnés. Et j'ai utilisé le mot «insulté» parce
qu'effectivement on avait manifesté notre
intention, notre intérêt à participer. Donc, que l'on ne soit pas, comment
dire, partie prenante aux différentes actions que le gouvernement mettait en place, élaborait, c'est-à-dire, dans le
contexte où c'est multisectoriel et que, bon, on peut comprendre que ça serait lourd d'impliquer tout le
monde, nous, ce qui était important, de toute façon, c'était de dire :
Écoutez, on est là, on est prêts à
contribuer, on veut participer. Et, à partir du moment où le plan d'action a
été annoncé, bien, évidemment, on s'est mis en mode collaboration, là,
active, là.
• (20 h 10) •
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Sur la législation, dans le sens de... on ne vous
a pas dit : On prépare une législation, quels pourraient être les
outils dont vous avez besoin?
M.
Tremblay (Bernard) : Non. On a eu un comité sur la question des
locations de salles, et c'est là que nous, on a émis l'hypothèse, là, que vous avez ici dans notre mémoire, là.
Mais sinon, non. Puis, bon, encore une fois, moi, je peux comprendre que le
gouvernement n'ait pas cru bon, là, de nous faire participer directement à la rédaction du projet de loi,
c'est un privilège des parlementaires. Mais, du même coup, bien, évidemment,
on est un peu surpris du résultat.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Évidemment, je ne parle pas de rédaction du contenu du projet de loi, mais bien de... En général, on a des échanges pour essayer de savoir
quels sont les besoins de l'institution dont on va parler dans une loi et tout.
Vous avez
parlé d'un comité. Justement, je voulais l'aborder. On sait qu'il y a
eu un comité qui a été mis sur pied suite aux événements où de... sept
jeunes sont partis du Québec, sont partis pour faire le djihad, puis ils
passaient... il semblait y avoir un lien,
pour une partie d'entre eux, avec le cégep Maisonneuve et peut-être
possiblement pour des locations qui avaient été faites. Est-ce que ce
comité est en branle? Est-ce qu'il s'est réuni souvent? Est-ce qu'il a des
réunions régulières?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Merci.
On a tenu une rencontre qui nous a permis, on pense, là, de faire le tour de la
question et de bien souligner le contexte,
de bien souligner les avantages et les inconvénients de différentes options et
les outils que les cégeps ont présentement entre les mains, et, à la lumière de ça, comme je vous le disais, nous,
on a fait la recommandation qu'il y ait une modification législative.
Mais, par ailleurs, nous, on a travaillé avec nos membres de manière à
ce qu'on puisse regarder, du côté des contrats actuels, en quoi il y a
des ajustements qui peuvent être apportés et qui
pourraient nous donner une assise plus grande, si besoin est.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Donc, si
je comprends bien, le comité s'est
réuni une fois et une seule fois, vous avez fait le tour du sujet. Vous avez apporté une idée de modification législative qui vous aurait donné un outil véritablement pour oeuvrer pour contrer la
radicalisation ou au moins pour agir dans vos cégeps. Mais vous êtes insultés parce qu'il y a une loi qui arrive qui
contient des... qui parle de vous, mais d'une façon dont vous pensez que ça ne
devrait pas être fait. Puis, à côté de ça,
vous aviez déposé un outil pour travailler véritablement, puis lui, il
n'est pas dans la loi. C'est ça que je comprends?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Tremblay.
M. Tremblay (Bernard) : Ça ressemble
un peu à ça.
Mme
Maltais : Ça
ressemble un peu à ça.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Bien, je suis quand même contente que vous l'ayez déposé ici, dans votre
mémoire, parce que comme ça on va
pouvoir l'étudier puis peut-être essayer de voir à ce que ça avance. Parce que,
je vais vous dire, depuis le début de cette consultation, moi, je dis
que ce à quoi il faut répondre, c'est justement de donner des outils soit aux institutions, dont les institutions scolaires, soit
aux municipalités — qui sont
des institutions aussi, des paliers de gouvernement — pour en arriver à aider les gens. Là, on
introduit une loi sur le discours haineux, mais le besoin réel sur le terrain d'outils, là, on en a besoin. Alors,
moi, j'apprécie votre proposition. Évidemment, comme le disait la ministre,
il faut regarder, là, du côté du détail de
la loi, qu'est-ce qu'on a à mettre dedans, mais c'est clair que c'est un
amendement intéressant, parce que c'est ça qu'on attendait d'une loi.
Sur la loi
sur les collèges, je comprends bien, donc, que, pour la partie qui est dans la
loi, vous dites : On est déjà équipés
de ce côté-là, on a tout ce qu'il faut pour répondre aux
besoins contemporains actuels. Parce
que les commissions scolaires ont dit ça aussi, la
DPJ a dit ça, le... Il commence à y avoir pas mal de monde qui viennent en
disant ça. Comme je dis, c'est une
bonne intention de la loi, mais des fois l'enfer est pavé de bonnes intentions.
Alors, je vous remercie. Moi, c'étaient les choses que j'avais à
clarifier.
Le
Président (M. Ouellette) : M. Tremblay, est-ce que vous avez un commentaire pour... Non. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Madame, messieurs, bonsoir — nous
sommes rendus le soir — merci d'être là. Vous êtes du cégep de
Sherbrooke. Je ne peux pas m'empêcher de dire que c'est là que j'ai fait
mon cégep. Très beau cégep, M. le Président.
Le Président (M. Ouellette) :
Ils n'ont pas reçu U2, Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Pardon?
Le Président (M. Ouellette) :
U2 sont allés à Montréal, ils ne sont pas allés à Sherbrooke. Continuez.
Mme Roy
(Montarville) :
Bon. Cela dit, les points que vous avez abordés sont intéressants. Là,
j'aimerais un petit peu
revenir... Si on revient à la problématique que nous avons abordée et qui a touché le fameux
collège de Maisonneuve-Rosemont d'ailleurs, les locaux qui étaient loués,
la résiliation du bail, etc., et ces jeunes qui voulaient s'enrôler pour aller faire le djihad à l'étranger,
est-ce qu'on parle d'une problématique, là, de location de locaux à des fins douteuses qui est
strictement montréalaise ou est-ce que c'est quelque chose qu'on a vu et qui se
passe, que vous savez qui se passe ailleurs. Vous nous parlez de 48
collèges au Québec. Qu'est-ce qui se passe ailleurs?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Oui. Écoutez, on n'a pas d'indication que... En
fait, ça revient à dire qu'on ne le connaît pas, le phénomène, hein? Puis je pense qu'on est tous dans le même
bateau. Et les cégeps, je pense, dont vous avez parlé ont été les premiers cégeps surpris, hein, les
premières institutions à constater qu'il y avait un lien avec eux. Mais même
ce lien-là, il est très... on peut vraiment
le questionner. Est-ce que c'est vraiment, comment dire, une association que
l'on fait parce que ces jeunes-là ont
fréquenté le collège? Mais, en fait, est-ce que c'est vraiment là que la
radicalisation s'est faite, que cet
endoctrinement... Parce que moi, j'aime bien aussi parler d'endoctrinement, là,
on parle de, bon, du phénomène du
djihad, mais il y a d'autres types d'endoctrinement. Et nous, on est soucieux
de ça, là, de ce genre de dynamique là.
Et
donc, de penser que, oui, on a fait ce lien-là dans les médias, mais on est
loin d'être convaincus. Et je pense qu'on
se rendrait service comme société si on allait vérifier. Est-ce que c'est
vraiment comme ça que ça se passe? Est-ce que ça s'est fait avant? Hein? Nos jeunes, ils arrivent à l'âge où ils
peuvent avoir un passeport sans l'autorisation de leurs parents. Alors, des fois, c'est peut-être ça,
aussi, qui explique qu'on associe avec le cégep. Est-ce que c'est par Internet
que ça se fait? Est-ce que ça se fait dans
d'autres milieux? Et de fermer les portes... Parce que, dans le fameux comité
dont on parlait, on réfléchissait à si on
cessait demain matin toutes les locations dans les cégeps. Vous savez comme moi
que des endroits pour rencontrer des gens,
il s'en trouve dans le privé, il s'en trouve dans d'autres institutions
publiques, il s'en trouve dans les
municipalités. Donc, est-ce que c'est ce phénomène de location qui génère un
risque pour nos jeunes? Ce n'est pas
évident. Et c'est pour ça. On est présentement face à cette, je dirais, à cette
incompréhension du phénomène. Et il faut comme société que tous ensemble
on mette notre petit grain de sel.
Les
gens de services sociaux ont certainement des choses à nous dire sur le
phénomène. Les gens des municipalités, les
gens des corps policiers, les gens de l'éducation, primaire, secondaire, des
universités. Nous, c'est ça qu'on s'attend, c'est qu'on s'assoit tout le monde ensemble puis qu'on se dise : On
a tous notre petit bout de chemin à faire. On est appuyés par les instances gouvernementales. On travaille
de façon concertée puis coordonnée. Et, moi, ma prétention, c'est qu'on va
s'apercevoir que la situation des cégeps est peut-être tout à fait, je dirais,
comparable à ce qui se fait ailleurs et que le phénomène, il est peut-être plus présent ailleurs. Je ne veux pas jeter
la pierre ailleurs, mais je trouve que, des fois, on est peut-être mieux de regarder, comment dire, un
petit peu plus loin puis réaliser que c'est l'arbre qui cache la forêt, là, ou
enfin que le phénomène, on n'a pas bien identifié où il se trouve réellement,
là.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci. Enfin, le lieu commun de tout
ça, c'est que ces jeunes-là fréquentaient un cégep et allaient dans un local très, très précis, qui,
lui, était loué à des fins. Et c'est la question. Et à quelles fins? Et vous
parlez du mot «endoctrinement». Je suis tout à fait d'accord avec vous, je
pense que c'est un mot qu'il faudrait utiliser, parce qu'il y a un lavage de cerveau qui est fait en quelque
part pour que des jeunes décident de quitter et d'aller se battre à l'étranger.
Et ma question, c'était : Est-ce qu'on sait s'il y a des phénomènes
semblables dans d'autres cégeps? Donc, je semble comprendre de votre réponse...
M. Tremblay
(Bernard) : La réponse est non.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Oui. Excusez. Non, on n'a pas de donnée puis on
n'a pas d'indication à cet égard-là. Non.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Parfait. Oui. Poursuivons. À la page
8 toujours, ce que vous nous dites, vous nous dites : On n'a pas besoin de sanctions. Et les sanctions
sont très graves, et ma collègue le disait. On a déjà des moyens qui nous
permettent de mettre fin à un bail pour des raisons que nous déterminons. Mais
vous nous dites, et c'est là que c'est intéressant,
par sécurité, nous pourrions ajouter un article qui nous permettrait de
résilier des baux dans l'éventualité où, puis je vais le lire pour le bénéfice des gens qui nous écoutent :
«Un collège d'enseignement général et professionnel peut résilier toute entente liée à l'utilisation de ses
installations ou refuser de conclure une telle entente avec une personne,
physique ou morale, dont le comportement
cause préjudice à autrui ou fait craindre pour la sécurité physique ou morale
des étudiants, notamment :
«a)
par le tenue de propos verbaux ou écrits, à caractère haineux, méprisant ou
incitant à la violence.» Je vais arrêter l'article ici, parce que c'est vraiment ça, le noeud du projet de loi
n° 59, les discours haineux, les discours incitant à la violence.
Donc, vous voudriez qu'on mette cet article-là, si je vous comprends bien.
Moi, en retour... et
ce serait une garantie supplémentaire pour vous, pour pouvoir agir lorsqu'il y
a ce type de discours... en retour, je vous
poserais la question : Pourrions-nous ajouter à la loi pour la bonifier,
puis, en retour, si vous savez qu'il
y a de tenus, dans des locaux que vous avez loués ou que vous apprêteriez à
louer, des propos, verbaux ou écrits,
à caractère haineux, méprisants ou incitant à la violence, en retour,
pourrions-nous vous imposer l'obligation de le dire, minimalement à la Commission
des droits de la personne, qui, elle, s'occupe du projet de loi n° 59?
• (20 h 20) •
Le
Président (M. Ouellette) : M. Tremblay.
Mme
Roy
(Montarville) : Autrement dit, une obligation de divulguer. Si vous savez qu'il se passe quelque chose, pourrions-nous le mettre? Je
vous pose la question.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Écoutez,
si le projet de loi reste dans sa forme actuelle, avec le rôle qu'on
accorde à la commission
des droits de la personne, oui, effectivement. Mais c'est sûr que c'est un geste... Ça me fait
penser un petit peu à ce
qu'on retrouve avec la DPJ, hein, le signalement, là. Alors, bon, oui,
théoriquement, ce serait possible de faire ce type de signalement là. Mais, pour nous, de toute façon, ce qui serait important, c'est qu'on puisse agir, hein, qu'on
ne réfère pas le problème, entre guillemets, à quelqu'un d'autre, mais qu'on
soit en mesure d'agir.
Présentement, on a la capacité de mettre fin à ces baux-là. Ce qu'on dit, c'est que,
si on avait une assise juridique plus
claire, ça renforcerait notre pouvoir. Maintenant, si on fait une référence comme ça — puis
je réfléchis à voix haute — ma seule préoccupation, ce serait que ça
n'ajoute pas des délais. Vous savez, de faire le signalement, entre guillemets, à la commission des droits, qu'on
attende qu'elle l'analyse la situation,
qu'elle nous demande qu'est-ce qui
se passe, qu'est-ce qu'on fait pendant ce
temps-là? On laisse la personne qui tient des propos haineux au sein du
collège? On le laisse continuer? Vous
savez comment c'est explosif quand ça se produit, hein? Il faut agir très, très
rapidement.
Donc,
je me pose la question spontanément : Est-ce que ça nous donnerait une
efficacité dans nos actions plus grande? J'en doute, j'en doute.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui... deux minutes, on discute, vous dites : Il faut agir rapidement.
A contrario, le fait de pouvoir
mettre fin à une entente ou ne pas signer une entente, et avoir l'obligation de faire un signalement pourrait aussi vous mettre à l'abri d'éventuelles poursuites? Ça pourrait être un
dispositif qui pourrait être fait, et ainsi vous protéger.
M. Tremblay
(Bernard) : Évidemment, on...
Le Président (M.
Ouellette) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Merci.
On parle de quelque chose qu'on élabore, là, en discutant. Donc, c'est
difficile de le voir, là, de l'imaginer par écrit, mais c'est possible.
Effectivement, c'est peut-être une idée à explorer.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Montarville, pour votre dernière
intervention.
Mme
Roy
(Montarville) : Pour la dernière intervention, je veux vous remercier. Vous avez fait
la route, c'est le soir, vous allez
retourner de soir. Je vous remercie pour votre participation, pour ce que vous
nous avez dit, puis ça nous éclaire, parce que
ça rejoint, entre autres, ce que les gens des... la Fédération des
commissions scolaires nous disaient. Les
écoles nous disent qu'elles peuvent agir et vous nous arrivez avec les articles
de loi qui sont spécifiques aux collèges. Donc, il faut en tenir compte également dans l'étude du projet de loi et pour trouver
une façon de fonctionner, mais je crois
qu'avec cette suggestion que vous nous faites, qu'il y a possibilité de travailler avec ça. Je vous remercie infiniment.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé :
Merci, M. le nouveau Président. Bonsoir, bien sûr, merci d'être là, de votre
présentation.
Je
crois comprendre, dans ce que vous nous avez amené, que l'espèce de première responsabilité qu'on a, avant de pointer,
c'est de comprendre, c'est de comprendre un phénomène nouveau, un phénomène qui
est multipattes, si je peux dire
ainsi, et que, par conséquent, il faut être prudent et prudente de cadrer tout de suite dans des éléments, des textes de
loi, des leviers que vous me semblez me dire que vous possédez déjà, d'une
certaine façon. Ce que vous ne possédez pas, et c'est la même chose pour tout le peuple québécois,
c'est : on ne possède pas que c'est qu'il est en train de se passer.
Humainement parlant, que c'est qu'il est en train de se passer?
Alors,
moi, je retiens ça de votre intervention. Je retiens aussi qu'on ne peut pas,
en même temps, vous donner des
punitions si vous ne faites pas correctement, alors que, d'une autre main, on vous enlève des
ressources pour agir là où on le sait
qu'on a un pouvoir, puis ça s'appelle la prévention. Ça s'appelle développer
l'esprit critique. Qu'est-ce qui fait qu'on ne développe pas de discours
haineux, qu'on n'invite pas à la violence envers les personnes gaies,
lesbiennes, envers les personnes noires, envers les juifs, envers les
musulmans? Pourquoi? Bien, parce qu'on a un esprit critique.
Alors,
vous nous dites : Donnez-nous les moyens de faire notre mission éducative,
et ça, ça devrait contribuer à l'ensemble du portrait, si je peux dire
ainsi.
Vous
avez parlé d'endoctrinement. Le terme
est fort. Mais vous avez soulevé un tout petit coin du tapis qu'on ne soulève pas souvent, c'est que
l'endoctrinement, il est de différents ordres. Et, dans ce sens-là, parce que
ça fait longtemps que j'ai quitté le cégep, parce qu'on réfère toujours à des situations de radicalisation et, quand on utilise ce
mot-là, ce qui nous vient,
c'est : djihad musulman, on s'en va à l'État islamique. J'aimerais ça vous
entendre dans... au cégep de Sherbrooke
ou ailleurs. C'est qu'est-ce que vous voyez qui se passe dans vos murs en matière d'endoctrinement? J'ai envie de le dire entre guillemets,
là.
Le
Président (M. Ouellette) : Mme Bélanger ou
M. Tremblay, je vous dirai qu'il reste 30 secondes pour répondre
à cette question rapide.
M. Tremblay (Bernard) : ...je serai
bref et je laisserai du temps si Mme Bélanger veut compléter. Je vous
répondrais que pas qu'on a le sentiment qu'il y a un phénomène généralisé
d'endoctrinement, ce n'est pas ça, mais la radicalisation,
pour nous, c'est une forme d'endoctrinement. Donc, effectivement, le phénomène
est à comprendre, mais effectivement ça pourrait être ce qu'on connaît
aujourd'hui, mais ça pourrait être un autre groupe extrémiste — soit religieux, politique ou autre, là — et qui transporte des valeurs qui sont contraires
à nos valeurs. Mais le phénomène qui fait
qu'un jeune, finalement, se sent poussé à agir un peu contre l'entendement,
bien, moi, je pense que ça peut être pas seulement dans la situation
qu'on connaît aujourd'hui, mais dans une autre situation. Donc, ce
phénomène-là, il est probablement plus
générique, mais je ne suis pas un spécialiste de la question, d'où l'intérêt de
partager avec des partenaires.
Le
Président (M. Ouellette) : On n'entendra pas Mme Bélanger. Merci, M. Tremblay, d'avoir tout brûlé le temps.
Je remercie la Fédération des cégeps,
M. Bernard Tremblay, Mme Marie-France Bélanger et Me Henrik
Ellefsen d'être venus partager vos réflexions avec la commission.
Nous allons
suspendre nos travaux quelques instants. J'inviterais les représentants du
Collectif québécois contre l'islamophobie à prendre place à la table des
témoins.
(Suspension de la séance à 20 h 27)
(Reprise à 20 h 30)
Le
Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Collectif québécois
contre l'islamophobie. Je vous invite
à vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé.
Collectif québécois contre l'islamophobie (CQCI)
M.
Charkaoui (Adil) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je vous remercie de nous avoir accordé cette opportunité de prendre la parole et
présenter notre mémoire sur le projet de loi n° 59. Je vais commencer par présenter le Collectif québécois
contre l'islamophobie, ensuite je vais présenter notre position sur ce projet de loi, et je ferai des recommandations
à la fin. J'espère avec le temps en 10 minutes.
Le Collectif québécois
contre l'islamophobie est un organisme
sans but lucratif dont la mission est
de lutter contre l'islamophobie dans
toutes les sphères de la société. Il a été fondé en 2010 à Montréal.
Le collectif estime que l'islamophobie doit être combattue au même titre
que les autres discriminations : racisme, sexisme, antisémitisme, etc.
Les objectifs
du collectif sont multiples, vous allez le voir dans le mémoire que nous allons
vous acheminer. Je vais en citer
quelques-uns : promouvoir les droits des citoyens et citoyennes
québécois et canadiens de confession musulmane; sensibiliser la majorité au Québec
et au Canada aux droits de la minorité musulmane; développer des liens de solidarité avec les organismes de défense des droits de la
personne et des droits des minorités; inciter les Québécois et les Canadiens
de confession musulmane à vivre pleinement
leur citoyenneté en s'acquittant de leurs devoirs et en jouissant de leurs
droits; fonder, si c'est possible, un centre de recherche scientifique
dédié au phénomène de l'islamophobie.
Nos
activités. Nous organisons des colloques, des ateliers et des formations sur la
problématique de l'islamophobie dans
des cégeps, dans des centres communautaires, dans des mosquées; tenir un site
Web et une page Facebook mis à jour continuellement; développer et diffuser des publications scientifiques,
de la documentation et des rapports de recherche sur ce phénomène; faire des représentations auprès des autorités
politiques; accompagner les victimes des actes islamophobes dans le
processus judiciaire et dans toute démarche visant à faire respecter leurs
droits.
Je vais me limiter à ces objectifs, à ces
activités et je vais passer à la position du collectif. Étant donné notre mandat, je tiens tout d'abord à préciser que notre
intervention va se limiter au phénomène de l'islamophobie. Alors, tout d'abord, le collectif — je vais citer seulement l'acronyme pour
aller plus vite — le CQCI
désire exprimer sa déception à
l'égard de ce projet de loi, qui fut présenté à ses débuts par le gouvernement
comme une réponse à la problématique de
l'islamophobie. Or, de la même manière qu'il ne nomme pas le phénomène de
l'islamophobie, ce projet, à notre humble sens, ne pourrait constituer un outil efficace pour la résorber ou même
la réduire. C'est pour cela que le Collectif québécois contre l'islamophobie recommande au gouvernement
d'abandonner ce projet de loi et de prendre en considération ses
recommandations dans la lutte contre le fléau de l'islamophobie.
Le CQCI
insiste sur le fait que les critiques que nous allons émettre ne constituent
pas des demandes d'amélioration de ce
projet de loi, mais plutôt des arguments qui plaident en faveur de son abandon.
Je vais citer rapidement ces arguments et
j'espère avoir le temps de répondre à vos questions et d'élaborer. Alors, nous
vous demandons d'abandonner ce projet de
loi pour les raisons suivantes : premièrement, l'absence de définition;
deuxièmement, la corrélation problématique entre l'islamophobie et la
radicalisation, entre guillemets; ce projet ne tient pas compte de la montée de
l'islamophobie au Québec et ailleurs;
quatrièmement, ce projet cible implicitement toute une communauté;
cinquièmement, ce projet est une tentative de résolution de problèmes
non prouvés et non documentés.
Je commence par l'absence de définition. Alors,
comme l'ont mentionné, je pense, plusieurs des intervenants devant votre commission, ce projet de loi comprend une lacune majeure. Il ne définit pas les concepts clés sur
lesquels il porte et autour desquels
il s'articule. Et je donnerai, à titre d'exemple : discours haineux, contrôle
excessif, procédure de dénonciation ne sont pas définis. Dans le cas du concept de discours
haineux, l'absence de définition de ce concept peut entraîner une
entrave majeure à la liberté d'expression ou entraîner des poursuites frivoles
qui risqueraient d'engorger le Tribunal des droits de la personne ou, au pire, stigmatiser les personnes
poursuivies qui ne bénéficieraient pas
des garanties procédurales contenues dans le cadre criminel. Alors, au cas où
le gouvernement irait de l'avant dans l'adoption
de ce projet, sachant que le gouvernement est majoritaire,
le CQCI appuierait dans ce sens les recommandations des Juristes pour la défense de l'égalité et des
libertés fondamentales, qui consistent en l'adoption d'une stratégie similaire
à celle adoptée par le tribunal des droits
de la Colombie-Britannique. Alors, pour toute tentative de restriction de la
liberté d'expression, il nous
apparaît fondamental que d'avoir au moins ce test. Quant au contrôle excessif
et la procédure de dénonciation, le CQCI
est d'avis que l'absence de définition de ces deux notions peut facilement
entraîner des abus et une stigmatisation de certaines communautés
ethniques et religieuses.
Je passe au
deuxième point, la corrélation qui est problématique à notre sens entre
islamophobie et radicalisation. Alors,
pour la première fois au Québec, un premier ministre, en l'occurrence M.
Philippe Couillard, a évoqué le danger de la montée de l'islamophobie en
la nommant explicitement, chose que nous saluons par ailleurs. Toutefois, cette
déclaration, comme ce projet, reposait sur
une prémisse avouée, à savoir la corrélation entre l'islamophobie et un concept
nouveau qui a supplanté le terrorisme.
Rappelez-vous qu'après le 11 septembre George W. Bush avait lancé une guerre
non pas contre un pays ou contre un groupe,
mais contre un concept. Et à l'époque on disait que c'était dangereux, parce
qu'il pouvait accoler ce concept à n'importe
quel organisme, n'importe quel groupe, n'importe quel pays. Mais aujourd'hui,
c'est devenu pire, on ne parle plus de terrorisme, d'acte criminel, mais on
parle de radicalisation.
Le CQCI
soumet que ce lien n'a jamais été prouvé, ni par la recherche, ni par les
données quantitatives, ni par les
données qualitatives et que, même si une telle corrélation se trouvait à être
prouvée, je ne pense pas que la lutte contre ce phénomène devrait être tributaire d'un tel phénomène. Je m'explique.
Durant les années 60-70 aux États-Unis, il y avait grande résistance à
la défense des droits des Afro-Américains, et un sociologue, William Ryan,
avait écrit à l'époque «blaming the victim».
Et c'est exactement ce que vous faites aujourd'hui avec ce projet de loi. Quand
vous établissez un lien entre
l'islamophobie et la radicalisation, vous nous dites : On est prêts à lutter
contre l'islamophobie, mais à condition qu'on fasse un lien entre les deux. C'est comme si on disait à une femme
qui venait de se faire violer que c'est sa tenue qui a entraîné cet acte odieux. Vous dites la même chose. S'il y a de
l'islamophobie, c'est qu'il y a des radicaux parmi vous.
Troisièmement, ce projet ne tient pas compte de
la montée de l'islamophobie au Québec et ailleurs. Et je vais le dire
rapidement : L'islamophobie au Québec est passée par des étapes. Je cite Marie
McAndrew, Maryse Potvin, Denise Helly, des
spécialistes à l'UQAM et à l'Université de Montréal que je n'ai pas entendu
citer devant cette commission. Dans
les années 80, on est passé du stéréotype arabe à la méfiance à l'égard de
l'islam avec une première étape, c'était ce qu'on appelle le scandale en 1988 autour de l'enseignement de
l'arabe. À l'époque, Le Journal de Montréal avait titré... «L'enseignement de l'arabe n'est que la première
étape d'une stratégie plus large, ensuite, ce sera le Coran», rapporte
Marie McAndrew en 2002.
Deuxième étape, c'est les premières crises
médiatiques autour de l'islam et des musulmans avec un avis de la commission des droits de la personne, 1995, qui a
tranché que le voile islamique pouvait être accepté dans les institutions
scolaires avec certaines balises. Ensuite,
il y a deux autres étapes fondamentales. La première, c'est la crise des
accommodements raisonnables. Et je
n'ai pas le temps de citer ce rapport du CEETUM signé par Maryse Potvin qui dit
clairement qu'il y a eu un parti politique qui a instrumentalisé les valeurs
québécoises, qui a fait peur à la société.
Et, par le biais de journaux et d'un système
médiatique rodé apparenté à un parti
politique, tout cela a été monté pour
faire connaître au Québec l'une des pires crises de son histoire
récente.
• (20 h 40) •
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Charkaoui. C'est tout le temps dont on dispose pour...
M. Charkaoui (Adil) : Il restait la
charte...
Le Président (M. Ouellette) :
Pardon?
M. Charkaoui (Adil) : Il restait la charte
québécoise des valeurs. Alors, ça, c'était la dernière phase, mais...
Le Président (M. Ouellette) :
Vous avez placé votre dernière phrase. Mme la ministre.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, tout simplement quelques commentaires. Je serai
brève, mais je veux simplement réitérer ce que nous disons depuis le
tout début du dépôt de ce projet de loi : C'est un projet de loi, d'une part, qui protège la liberté d'expression. C'est
un projet de loi qui n'est pas incompatible avec la liberté d'expression. C'est
un projet de loi qui permet et qui propose
d'agir afin que la liberté d'expression ne serve pas de prétexte pour laisser
cours à la haine et à la violence,
peu importe le motif de discrimination. Alors, ce projet de loi là vise
l'ensemble des motifs, des caractères
qui sont énumérés à l'article 10 de la charte. Et, vous savez, dans une société
libre et démocratique comme la
société québécoise, ce n'est pas acceptable de tolérer, au nom de la liberté d'expression,
la tenue d'un discours qui va déconsidérer
un groupe de personnes, qui va le dénigrer, qui va le rendre ignoble, qui va le
rendre inacceptable aux yeux des autres, et qui va exposer ce groupe-là
à la haine ou la violence.
Et la
définition, j'entends, et j'ai entendu, et je pense que je me suis démontrée
assez ouverte... on entend le besoin de
définir le concept de discours haineux. Il est précis. Nous avons travaillé
avec la jurisprudence, avec les enseignements de la jurisprudence, notamment de la Cour suprême. Le discours haineux,
il est défini. Est-ce qu'il y a lieu de travailler à une définition et à
l'intégrer au projet de loi dans un concept pédagogique? Sans doute.
Mais je dois vous dire, M.
Charkaoui, que ce projet de loi là, bien qu'il puisse être bonifié par le
travail des parlementaires, il appert être
nécessaire puisqu'il y a des femmes qui font l'objet de discours haineux et qui
font l'objet de discours incitant à
la violence, il y a des personnes membres des communautés LGBT qui font l'objet
de discours haineux incitant à la
violence et il y a des personnes racisées ou des personnes membres et adhérents
à une religion qui font aussi l'objet
de discours haineux et incitant à la violence. Et notre objectif, c'est de
protéger l'ensemble de ces groupes-là contre un discours haineux ou
incitant à la violence. Et c'est notre objectif.
Est-ce que le projet de loi est perfectible?
Comme tout projet de loi déposé dans cette Assemblée, oui, il est perfectible, et je ne prétends pas que ce projet
de loi là est la seule et unique façon. Je pense qu'on peut travailler ensemble
en collaboration. On l'a fait, les
parlementaires, dans d'autres trucs. Mais je vous dis et je vous réitère qu'il
y a un besoin de légiférer, il y a un
travail d'éducation, et ce projet de loi là, il s'inscrit dans un grand plan
d'action qui vise à agir, à prévenir, à vivre ensemble. Et ça aussi,
c'est important.
Et je suis
étonnée parce que votre propos rejoint des propos d'autres groupes qui
croyaient justement... En fait, il y
a une contradiction entre un certain nombre de propos que l'on a, on a des gens
qui ont interprété ça comme étant un projet
de loi qui venait justement à la défense des groupes islamiques. Alors, vous
voyez, il y a des interprétations. Mais, nous, derrière tout ça, ce que
nous souhaitons, c'est éradiquer toute forme de discours haineux, mais
évidemment en permettant la critique, en
permettant la satire, en permettant la place que doit avoir la liberté
d'expression dans une société libre et démocratique.
Alors, je souhaitais tout simplement faire ces
brefs commentaires. Je n'ai pas de question puisqu'on
a demandé complètement de mettre le projet de loi de côté, qu'on ne souhaite pas travailler en collaboration pour le bonifier. Merci.
Le Président
(M. Ouellette) :
Merci, Mme la ministre. Je ne sais pas si vous voulez réagir, M. Charkaoui,
avant que j'aille à Mme la députée de Taschereau?
M. Charkaoui (Adil) : Est-ce que je
peux prendre la parole?
Le Président (M. Ouellette) :
Bien, vous... Cinq minutes.
M.
Charkaoui (Adil) : O.K.
Donc, je voulais terminer ce que j'avais commencé, pourquoi ce projet devrait
être abandonné. Il me restait...
Le Président (M. Ouellette) :
En réponse au commentaire de la ministre, M. Charkaoui?
M. Charkaoui (Adil) : Pardon?
Le Président (M. Ouellette) :
Est-ce que vous avez une réponse au commentaire de la ministre?
M.
Charkaoui (Adil) : Bien, je réitère ce que j'ai dit au début. C'est
que ce projet ne répond pas à un besoin, il répond à une pression et de la pression des partis de l'opposition, de
certains médias de masse suite au débat de la charte. Moi, je le dis crûment : Le Parti libéral
sentait cette pression, alors nous a sorti ce projet de loi pour calmer, je
dirais, la majorité. Alors, je ne pense pas qu'il y ait eu de recherche. Quand
on parle de mariage forcé, est-ce que la ministre ou les députés de l'opposition peuvent-ils me dire
combien y a-t-il de mariages forcés au Québec. Quand on parle de crime d'honneur... Hier, il y avait l'ex-députée à la
retraite, de La Pinière, qui disait qu'au Québec il y a de
l'excision. Est-ce que je peux savoir
combien il y a de cas d'excision au Québec? C'est vraiment des propos qui font
rire la minorité musulmane. Quand on apprend qu'il y a de l'excision, de
la polygamie, des crimes d'honneur au Québec...
Le Président (M. Ouellette) :
M. Charkaoui, je vous ai demandé si vous aviez des commentaires sur les
commentaires de la ministre.
M. Charkaoui (Adil) : C'est ça, je
réponds à la ministre pour dire...
Le
Président (M. Ouellette) : Non. C'est parce que là vous êtes
sur un autre sujet et vous êtes sur des commentaires qui ont été faits hier par d'autres intervenants.
Et, si vous n'avez pas d'autres commentaires sur les commentaires de la ministre, on aura l'opportunité de lire votre
mémoire, que vous allez faire parvenir à la commission dans les prochaines
journées. Et donc vous aurez tout le loisir
de compléter ce que vous n'avez pas eu le temps de compléter tantôt. Et, si vous
n'avez pas d'autres commentaires sur les commentaires de la ministre, je vais
aller à Mme la députée...
M. Charkaoui (Adil) : ...
Le Président (M. Ouellette) :
Je vais aller à Mme la députée de Taschereau.
M.
Charkaoui (Adil) : O.K. Sur les commentaires de la ministre,
j'aimerais répondre : c'est qu'il n'y a pas de recherche. Votre projet n'est pas soutenu par des
données. Il n'y a aucune donnée qui a été présentée. Est-ce qu'il y en a?
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme Vallée : En
fait, les questions, c'est les parlementaires qui les déposent au groupe. Mais
je voulais simplement... Parce qu'on
a effleuré tout à l'heure la question des mariages forcés, et je pense que
l'avis du Conseil du statut de la femme parle de lui-même. Je pense qu'il n'y a pas un parlementaire autour de
cette table qui n'a pas été ébranlé par le contenu de ce rapport-là, qui parlait notamment des
violences basées sur une conception de l'honneur, mais également des mariages
forcés. Et ce document-là a quand même
éveillé des gens qui n'étaient pas sensibilisés à une réalité qui avait lieu au
Québec.
Ceci étant, on ne
sera pas d'accord. C'est la beauté de la démocratie, c'est de permettre
d'entendre des avis différents, d'entendre
des propos provenant des gens avec qui on n'est pas nécessairement d'accord. On
le fait dans le respect. Mais je
comprends de cet échange qu'on ne sera pas d'accord sur bon nombre d'enjeux.
Mais, ceci étant dit, vous avez eu
cette possibilité de venir nous transmettre votre désaccord face au projet de
loi, nous vous avons écouté, et, pour ce qui est de ma part, la période
d'échange est terminée. Merci.
Le Président (M.
Ouellette) : Merci. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci, M. le Président. Alors, je salue les
représentants du Collectif québécois contre l'islamophobie.
Évidemment, nous ne
sommes pas d'accord avec la première partie de ce projet de loi là, mais nous
sommes tout à fait d'accord, comme l'a dit
la ministre, avec la partie sur les mariages forcés et les autres événements.
Mais je dis qu'on a à travailler, mais il y a des solutions à trouver.
Mais,
à notre avis, chose certaine, dans le libellé de ce projet de loi, il n'y a
rien qui vise une communauté plus qu'une autre. D'ailleurs, personne ne
nous a dit : Ça vise notre communauté, à part vous. Bon.
Je sais que sur votre
site, si j'y vais, je vais dans vos objectifs, il y a — je
l'ai devant moi, là : «Amener le Parlement
et la Chambre des communes à voter une loi condamnant l'islamophobie.» Je
comprends votre déception. Ce n'est
pas une loi condamnant l'islamophobie, mais ce n'était pas l'intention
gouvernementale. En tout cas, je ne l'ai jamais entendu énoncé comme ça ni de notre bord. Ça devait être une loi qui...
C'est même notre argument, c'est là-dessus qu'on discute, c'est que, pour nous, ça devrait contrer la radicalisation. Et
c'est dans le Plan de lutte contre la radicalisation. Donc, c'est un
autre objectif.
Maintenant, je vais
être assez simple dans mes commentaires. D'autant que j'ai lu sur le Muslim
News, cette phrase... ce n'est pas de
votre faute... ce n'est pas de vous, là, c'est d'eux : «Préparez les ailes
de poulet, les chips et Coke...! La
soirée risque d'être chaude» parce que nous allions être en commission
parlementaire, moi et vous. Je suis attaquée dans ce petit commentaire du Muslim News. Alors, la soirée ne
sera pas chaude. Rangez vos chips, vos Coke et vos pinottes. Pour moi,
je vous remercie de votre présentation. C'est terminé pour moi, M. le
Président.
• (20 h 50) •
Le Président (M.
Ouellette) : Merci. Mme la députée de Montarville.
M. Charkaoui
(Adil) : Est-ce que je pourrais réagir?
Le
Président (M. Ouellette) : Ah oui! Vous pouvez réagir aux commentaires de Mme la députée de Taschereau, effectivement.
Mme
Maltais :
Mais j'ai bien dit que ce n'était pas de vous, hein? Mais je n'aime pas ce
genre de...
M.
Charkaoui (Adil) : Donc, on
a n'a pas besoin d'un projet de loi pour nous faire taire, on peut nous faire taire
gentiment.
Mme
Maltais :
Mais non, vous avez la parole.
M.
Charkaoui (Adil) : Bien,
c'est ce qui se passe aujourd'hui, parce
que pas de question, pas d'échange,
ce qui veut dire que, bien poliment,
on nous fait taire. C'est ce que vous faites. Dans un exercice démocratique, je
n'ai pas la possibilité de répondre à des dizaines de commentaires qui
ont été faits ici. J'ai été cité par le nom par vous, par la députée de la CAQ, et là, quand je suis
ici, pas de question, on passe tout simplement à autre chose. Je trouve ça...
Mme
Maltais, pourriez-vous me définir l'islamophobie? Parce que
vous parlez tellement mal contre l'islamophobie. Est-ce que je
peux savoir ce que vous entendez par islamophobie?
Le Président (M.
Ouellette) : M. Charkaoui, je vous ai donné la parole en
réponse aux commentaires de Mme Maltais et...
M.
Charkaoui (Adil) : C'est que
Mme Maltais a soulevé que le Collectif québécois contre l'islamophobie demandait au
Parlement, à l'Assemblée nationale de légiférer contre l'islamophobie.
Le Président (M.
Ouellette) : Mme Maltais a fait référence à un site Internet...
M. Charkaoui
(Adil) : ...nôtre.
Le Président (M.
Ouellette) : Bien, Mme Maltais n'a pas factualisé que c'était
le vôtre.
M. Charkaoui (Adil) : ...elle l'a
nommé.
Le
Président (M. Ouellette) : Bon. Et elle ne vous a pas imputé aucune responsabilité sur ce qui est
écrit sur le site...
M. Charkaoui (Adil) : Non, on
l'assume pleinement, on assume pleinement...
Le Président (M. Ouellette) :
...elle a tout simplement cité...
M.
Charkaoui (Adil) : On assume
pleinement cela. Mais je vois qu'elle était outrée, alors
j'aimerais savoir pourquoi.
Le Président (M. Ouellette) :
Non, elle n'était pas outrée...
M.
Charkaoui (Adil) : C'est que
j'ai l'impression qu'elle ne comprend pas la définition de l'islamophobie.
C'est pour cela qu'elle est outrée.
Le Président (M. Ouellette) :
Alors, M. Charkaoui, une chose qui est importante, c'est que...
Mme
Maltais : M. le
Président...
Le Président (M. Ouellette) :
Oui, Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : M. le
Président, simplement pour dire que
je ne suis pas outrée. Je le répète, je comprends qu'il soit déçu, parce que ce n'est pas une loi
contre l'islamophobie, c'était d'ailleurs dans le commentaire, c'est tout. Et je ne
suis pas outrée, je le prends comme tel. Il n'y a pas de problème.
Le
Président (M. Ouellette) : Et nous avons effectivement une discussion. On est en commission parlementaire, des institutions, pour avoir une discussion sur le
projet de loi n° 59, et pas sur une charte, qui est un projet de loi d'un autre numéro, ou pas sur
l'islamophobie. Je vous ai demandé si vous aviez des commentaires relativement aux commentaires de Mme Maltais, et...
M.
Charkaoui (Adil) : Je pense
que M. Philippe Couillard a été clair que ce projet de loi a pour objectif
de lutter contre la radicalisation et
l'islamophobie. Le terme n'est pas nommé dans le projet de loi, mais j'ai des articles
de presse, des déclarations du premier ministre à l'effet que ce projet
allait lutter contre ce phénomène. L'islamophobie, on ne l'entend pas comme étant le blasphème ou la critique
de la religion, comme il a été répété à
maintes reprises dans cette commission sans que personne ne corrige cette
erreur monumentale. Pour nous, l'islamophobie, ça désigne l'ensemble des
actes de discrimination ou de violence
contre des institutions ou des individus en raison de leur appartenance
réelle ou supposée à l'islam. Alors là, on parle de discrimination, on
parle d'actes criminels, de haine.
Et vous allez
voir dans le mémoire les plaintes reçues, le nombre de mosquées, de centres
communautaires qui ont été attaqués : en 2013, trois mosquées; en
2014, 12; en 2015, quatre. Zéro commentaire, zéro dénonciation, zéro communiqué de presse de cette Assemblée. Aucun parti politique n'a dénoncé cela. Il y a eu des accusations criminelles, des attaques.
Le centre communautaire que répète Mme Maltais souvent, de l'Est de Montréal,
le jour où il y a eu la victoire des libéraux, nous avons reçu une hache par la
vitre...
Le
Président (M. Ouellette) : M. Charkaoui, ne prêtez pas d'intentions à Mme Maltais. M. Charkaoui,
je présume...
M. Charkaoui (Adil) : Aucune
dénonciation de ces actes de violence.
Le
Président (M. Ouellette) : M. Charkaoui, je présume que vos statistiques, votre définition vont
faire partie de votre mémoire et vont
venir aider à la réflexion des parlementaires qui auront à prendre une décision et qui auront
à étudier... qui auront effectivement à prendre des décisions sur la suite du projet
de loi. On est d'accord?
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Messieurs, bonsoir. Vous m'avez interpellée,
vous avez dit : La députée de
la CAQ. C'est moi, je suis là. Alors, je vous ai écoutés, j'ai pris des notes,
et je pense qu'il est important de le
dire, M. le Président, que ce projet
de loi... et, par ce projet de loi, l'intention du législateur n'a jamais été de protéger l'islam et de contrer expressément l'islamophobie, comme vous laissez entendre. Ce projet de loi et
l'intention des recommandations de ma
formation politique, les recommandations que nous avons faites en février
dernier, étaient de protéger nos valeurs fondamentales, les valeurs
fondamentales qui nous sont si chères ici, nos droits et libertés contre
l'Islam radical et intégriste. Je ne peux être plus claire.
Et vous dites
qu'on parle d'un phénomène qui n'est pas prouvé, de problèmes non prouvés et
non démontrés, mais, lorsqu'il y a
des jeunes qu'on attrape à la dernière seconde et qui voulaient partir faire le
djihad en Syrie, si ça, ce ne sont pas
des faits prouvés et démontrés, je me demande ce que ça vous prend. Et,
lorsqu'on a des appels au viol domiciliaire, à l'apologie de la charia dans des centres communautaires et des mosquées,
bien, ce sont pour nous des menaces suffisantes pour légiférer. Et c'est
ce que nous faisons ou nous tentons de faire ici.
Et, à mes yeux, aux yeux de la formation
politique que je représente, vous ne représentez pas la communauté musulmane au Québec et vous n'avez aucune
crédibilité. Et, pour moi, les échanges sont terminés. Merci, M. le Président.
M.
Charkaoui (Adil) : J'aimerais réellement...
Le Président (M.
Ouellette) : Je vais vous permettre un commentaire sur les
commentaires de la députée de Montarville, M. Charkaoui.
M. Charkaoui
(Adil) : C'est une façon de me faire taire.
Le Président (M.
Ouellette) : Non.
M. Charkaoui
(Adil) : Non, parce que c'est...
Le Président (M.
Ouellette) : Non, on appelle ça...
M. Charkaoui
(Adil) : Pas de question, mais...
Le
Président (M. Ouellette) : Ce n'est pas une question, je vous
permets un commentaire sur les commentaires de Mme la députée de
Montarville, M. Charkaoui.
M.
Charkaoui (Adil) : Mon commentaire, c'est que la déclaration de la
députée de la CAQ est empreinte de haine. Quand elle me parle — vous n'allez pas sourire — elle a du mal à me regarder. Et la question
de la haine que nous vivons depuis que l'ADQ et le Parti québécois a
diabolisé...
Une voix :
...
M. Charkaoui
(Adil) : ...a diabolisé la communauté musulmane, a... Bien, est-ce
que...
Le Président (M.
Ouellette) : Non.
M. Charkaoui
(Adil) : Alors, vous me coupez la parole.
Le Président (M.
Ouellette) : Non, je ne vous coupe pas la parole,
M. Charkaoui...
M. Charkaoui
(Adil) : Là, je comprends pourquoi on veut légiférer.
Le Président (M.
Ouellette) : Non, M. Charkaoui, vous savez...
M. Charkaoui
(Adil) : Parce que, ce qui dérange, ce qui dérange...
Le Président (M.
Ouellette) : M. Charkaoui...
M. Charkaoui
(Adil) : ...c'est cette liberté d'expression.
Le Président (M.
Ouellette) : M. Charkaoui. Bon, vous pouvez aller faire
vos envolées oratoires sur la place publique ou ailleurs, là, mais il y a un...
M. Charkaoui
(Adil) : Attendez...
Le Président (M.
Ouellette) : Non, il y a un...
M. Charkaoui
(Adil) : ...
Le Président (M.
Ouellette) : M. Charkaoui, il y a un décorum, et je pense
que vous avez un message. Vous allez pouvoir nous transmettre votre message
par...
M. Charkaoui
(Adil) : Alors, j'ai une déclaration...
Le Président (M.
Ouellette) : M. Charkaoui, M. Charkaoui, c'est moi
qui a la parole.
M. Charkaoui
(Adil) : Mais je n'ai pas terminé...
Le Président (M.
Ouellette) : Non, mais c'est moi qui a la parole,
M. Charkaoui.
M. Charkaoui
(Adil) : Vous la coupez, aussi...
Le
Président (M. Ouellette) : Bon, bien, je vais vous la couper,
la parole. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : M. le Président, messieurs. Oui, il y a du décorum, des règles
parlementaires, et pour sûr que ça ne plaît
pas toujours... et j'en sais quelque chose, puisque je n'ai que trois minutes
pour être en échange avec tous les intervenants qui viennent ici.
Moi, j'ai des
questions, mais, avant, j'ai quelques affirmations aussi. Ce projet de loi là,
nous, s'il y a des améliorations...
vous avez parlé de définition, pour nous, c'est clair, les choses, il faut
exprimer clairement là-dedans, parce que,
sinon, ça part de tous bords tous côtés. Et c'est des droits. La commission des
droits de la personne sont venus nous le dire, c'est une balance de
droits fondamentaux.
Mais, en même
temps, quand on parle de phobie — et moi, en tant que lesbienne, je peux vous
en parler, de phobie, «phobie» dans
le sens que j'en suis victime — qu'elle soit l'islamophobie, la transphobie,
la lesbophobie, peu importe, ce qu'on
veut, à un moment donné, c'est de tracer une ligne parce que les phobies
entretiennent les préjugés. Et les préjugés sont des terreaux fertiles terribles pour justement amener
radicalisation... on a entendu endoctrinement... Moi, là, humainement, là, je suis tannée que les femmes se
fassent prendre pour des n'importe quoi, puis que les gais et lesbiennes,
dans un pays où on a une charte des droits et libertés, sont remis en question
constamment.
Alors, moi,
si... et, là-dessus, ça sera ma question, je ne vous demande pas de répondre
aux autres, le président vous a demandé du décorum, ce n'est pas
peut-être pas la meilleure tribune, mais ma question à moi : Comment vous définissez le discours haineux puisque vous en
êtes victime comme appartenant — c'est ce que vous dites, là — à une communauté discriminée, de vos
propos? Comment vous le définiriez, vous, dans le projet de loi,
M. Charkaoui?
Le Président (M. Ouellette) :
Dans une minute, M. Charkaoui.
• (21 heures) •
M.
Charkaoui (Adil) : Mme la députée, merci pour cette question, cette
opportunité d'échange avec vous. Nous n'avons
pas demandé, au niveau du collectif, que le gouvernement légifère contre le
discours haineux. Nous pensons que la
meilleure manière de s'attaquer à la haine, c'est par l'éducation, c'est par
l'échange. Mais, lorsque la partie adverse ne te laisse pas cette opportunité, te diabolise et ferme la porte à la
discussion, c'est là où les préjugés peuvent prendre place. Donc, c'est
par l'éducation.
La répression,
s'il devait avoir répression, doit avoir des «checks and balances», donc des garanties procédurales qui sont contenues dans le droit criminel. Ce
n'est pas la voie qu'a empruntée la ministre avec son projet
de loi. Donc, en procédant au civil, c'est ouvrir la porte à
tous les abus, et c'est pour cela que, je
pense, ça va se régler en Cour suprême. C'est le seul moyen. Parce que,
si nous sommes obligés de nous battre pour nos droits les plus fondamentaux, c'est ce que nous allons
emprunter. On ne nous laisse pas le choix, c'est les tribunaux,
malheureusement.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Charkaoui.
Mme Massé : Il nous reste-tu cinq
secondes? Et ça sera de même pour tous les vulnérables, on s'entend?
Une voix : Oui.
Mme Massé : Parfait.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Merci. La commission remercie le Collectif québécois contre
l'islamophobie.
La commission
ajourne ses travaux au mercredi 16 septembre, après les affaires courantes,
afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 59. Bonne soirée à tous.
(Fin de la séance à 21 h 1)