(Dix heures trente-trois minutes)
Le
Président (M. Hardy) :
Bonjour, tout le monde. Prenez place, s'il vous plaît. Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 59, loi édictant la loi concernant
la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours insistant
à la violence et apportant diverses modifications législatives...
renforcer la protection des personnes.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Tremblay (Chauveau)
remplace M. Ouellette (Chomedey); M. Hardy (Saint-François) remplace M.
Ouimet (Fabre); et Mme Boulet (Laviolette) remplace M. Tanguay (LaFontaine).
Auditions (suite)
Le Président
(M. Hardy) : Nous avons deux organismes à l'horaire aujourd'hui. Je
souhaite donc la bienvenue à la
représentante de COR, Organisme de communication pour l'ouverture et le
rapprochement interculturel. Je vous invite à vous présenter et je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.
Organisme de communication pour l'ouverture
et le rapprochement interculturel (COR)
Mme Laouni
(Samira) : Merci. M. le
Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Mon nom est Samira Laouni. Merci de nous offrir la chance
de nos exprimer sur ce projet de loi n° 59. Le COR présente aujourd'hui
son mémoire, intitulé Évitons le cercle
vicieux de la haine! Nous avons fondé le COR, qui est un organisme sans but
lucratif de communication pour
l'ouverture et le rapprochement interculturel. Notre principal objectif est
d'atteindre un véritable vivre-ensemble
de tous les Québécois. Nous nous plaçons comme un interlocuteur privilégié dans
les débats sur la condition des
néo-Québécois afin d'être à même de réduire certaines méconnaissances
concernant ceci. Grâce à notre expérience sur le terrain, nous aidons des personnes-ressources à mieux comprendre
le processus de l'immigration. N'étant pas juristes... Je vous le dis d'avance qu'on n'est pas des
juristes, et donc nous, du COR, nous exposons aujourd'hui une vision de la
situation actuelle au Québec grâce à notre
expérience sur le terrain. Donc, on ne rentrera pas dans les détails juridiques
des juristes, mais on va vous apporter notre expérience.
D'abord, il
ne peut pas y avoir de démocratie sans liberté d'expression. Une fois tout le
monde d'accord sur cela, où se situe la ligne à ne pas franchir ou qui
empêcherait d'entrer en collision avec la liberté de l'autre? Dire qu'une religion est incompatible avec la démocratie ou
dire qu'au nom d'une religion il ne faut pas respecter la démocratie, c'est
hors de question. Je cite quelques exemples.
Refuser de voter parce qu'on rejette cette démocratie, ou ne pas reconnaître la
légitimité de nos tribunaux, ou encore ne
pas reconnaître la légitimité d'une personne élue parce qu'elle est
homosexuelle ou qu'elle porte un foulard islamique, c'est hors de
question. Tout ça est une atteinte directe à notre démocratie.
Mais il faut aussi refuser toutes les
formes — et
là c'est toutes les formes — de
discrimination, qui sont aussi intolérables
dans notre démocratie. Pour ceci, je donnerai deux exemples : le premier
étant de discriminer une personne à
l'embauche à cause de son nom, de sa couleur de peau, de son orientation
sexuelle ou ce qu'elle porte ou ne porte pas sur sa tête; deuxième exemple, c'est de refuser de reconnaître quelqu'un
à sa juste valeur de citoyen avec les mêmes droits et les mêmes
obligations que soi-même. Et, pour cela, on en trouve plusieurs exemples
aujourd'hui au Québec.
Il ne faut
certainement pas entraver la liberté d'expression. Mais, pour qu'elle soit
pleine et équitable pour toutes et
tous, il est nécessaire d'installer des radars pour prévenir des abus qui
risqueraient de mener à l'exclusion. Et on en fait un dada, nous. Contrer l'exclusion, au COR, on en fait notre dada.
En effet, l'impunité dont l'agresseur verbal jouit actuellement risque d'être interprétée comme une
permission tacite par notre société d'exprimer sa haine à l'encontre de toute personne dont l'apparence le heurte.
S'agit-il d'une culture de l'impunité, comme certains l'affirment? Si c'était
le cas, ce serait, en pratique, une façon de contrôler la liberté d'expression
des autres.
Le COR milite
pour que les démunis puissent se défendre efficacement. Et il y en a beaucoup,
de démunis, qui n'arrivent pas à se
défendre. On sait que, statistiquement, il y a peu de condamnations pour les
discours haineux. On l'a constaté.
C'est peut-être parce qu'il est, justement, difficile de porter plainte. Et,
pour les personnes démunies, c'est encore pire. Le point le plus positif de ce projet de loi, c'est que ça va
encourager les victimes à le faire. Pour notre part, s'il y a un autre processus, juridique ou non — parce que, comme nous ne sommes pas
juristes, donc pas de problème s'il y a un autre processus — qui
puisse mieux aider les victimes, eh bien, mettons-le en place. En somme, nous
sommes 100 % d'accord
avec le but. Nous entendons les critiques des juristes, mais, à un autre point
de vue, ils ne proposent pas de meilleur moyen. Or, le statu quo est
inacceptable aujourd'hui au Québec.
Les
autorités scolaires, avec un ferme soutien du gouvernement, visent à éliminer
l'intimidation chez les enfants de
tous âges dans nos écoles. On n'est pas pour la tolérer chez les adultes sous
le couvert de la liberté d'expression. On n'éduque pas les enfants pour ne pas intimider, puis on laisserait les
adultes le faire. Ça serait contre-productif pour notre société.
• (10 h 40) •
La
personne qui se fait invectiver peut avoir deux réactions différentes. On bien
donc elle se replie sur elle-même ou
sur son groupe, ou bien donc elle se rebiffe. Dans les deux cas de figure, ce
n'est pas bénéfique pour notre vivre-ensemble. Mais c'est surtout néfaste pour
les adolescents en âge de rébellion hormonale tout à fait naturelle et
normale qui se sentent, eux et leurs parents, rejetés. Ce sentiment
d'exclusion mène parfois au décrochage scolaire et social, rendant ainsi cet adolescent très vulnérable à différents
risques : drogue, délinquance et, pour certains, crimes haineux.
Imaginez-vous la stupeur des parents
dont l'adolescent se déclare décidé à adhérer à un mouvement extrémiste. Sur le
terrain, nous avons constaté que
certains jeunes avaient été gravement blessés par le rejet exprimé par une
partie des Québécois lors des débats au sujet de la fameuse charte des valeurs du PQ. Or, il s'agit
très majoritairement de jeunes nés ici, au Québec, c'est des Québécois
et des Québécoises. À cause du déferlement de propos allant de
l'hostilité jusqu'à la haine, aussi bien par des individus des médias que des politiciens, certains de ces jeunes ont eu
une réaction extrêmement regrettable, mais prévisible, malheureusement.
Cet
épisode de notre histoire très récente illustre bien la nécessité de mettre en
place des garde-fous. D'une part,
il faut interdire l'endoctrinement haineux, et cette loi doit être claire à ce
sujet. D'autre part, cette loi doit être rédigée de façon à ne pas
instaurer une présomption de discours haineux.
En
guise de conclusion, je dirais que, pour éviter l'engrenage qui part de la discrimination et aboutit à la radicalisation
menant à la violence, il faut d'abord tout mettre
en oeuvre, en particulier par l'éducation populaire, pour promouvoir le respect de l'autre
dans toutes ses dimensions. Cependant, la nature humaine étant ce qu'elle est, il faut augmenter
notre vigilance collective. Nous devons donc munir nos institutions d'outils efficaces pour éliminer les discours haineux. En effet, il existe des groupes d'extrême
droite importés d'ailleurs aussi bien que des prédicateurs de tout poil,
y compris islamistes, dont le discours est
haineux, donc porteur de violence. Ce projet
de loi pourrait être efficace contre
eux, et c'est ce que j'espère, c'est ce que je souhaite. Merci.
Le
Président (M. Hardy) :
Merci, Mme Laouni. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, vous avez la parole pour
une période de 25 minutes.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, Mme Laouni, merci. Merci de votre
présence ce matin en commission
parlementaire. Vous avez, dans votre présentation, mentionné qu'il était important
d'encadrer toute la question du discours haineux. On a eu, au cours des derniers jours, des groupes, certains
nous disant qu'il n'y avait pas actuellement au Québec
de besoin d'encadrer le discours haineux, qu'il n'y avait peut-être pas d'urgence, il y avait plutôt
une urgence, notamment, d'aller de l'avant avec des campagnes d'éducation, de sensibilisation. Nous, on considère qu'en effet, oui, l'éducation demeurera toujours le meilleur outil pour contrer l'intolérance,
mais, en parallèle à ça et comme outil supplémentaire,
on considère, de notre côté, que le projet de loi n° 59 est une réponse à
un problème réel.
J'aimerais
peut-être vous entendre. Lorsque vous nous dites qu'il y a
actuellement un besoin, au-delà de la généralité est-ce
qu'il y a des exemples particuliers? Est-ce qu'il y a des situations que vous
souhaiteriez porter à l'attention des membres de la commission?
Mme Laouni
(Samira) : Certainement, Mme la ministre.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Laouni.
Mme Laouni (Samira) : Excusez. Excusez-moi. Donc,
certainement, Mme la ministre, qu'il y a des exemples. Et il y en a même plusieurs, à tel point qu'il y a
certaines femmes, par exemple, portant le foulard islamique qui n'osent même plus aller demander un emploi, alors que
toute l'oeuvre, je dirais, du Québec depuis la Révolution tranquille, c'est d'atteindre l'égalité femmes-hommes. Et ces
problèmes-là viennent entraver cette égalité-là, dans le sens où ça bloque
les femmes à sortir à l'emploi. Quand une
femme se fait invectiver dans la rue ou dans le supermarché ou qu'elle aille,
par exemple, demander un emploi et qu'elle
se fasse renvoyer pour cause de son habit, je pense que, là, c'est vraiment quelque
chose de déplorable, et on n'atteindra jamais cette égalité à laquelle on tient
réellement.
Donc,
pour ce faire, il faudrait mettre, comme je dis, des garde-fous. Oui, il
faut de l'éducation, oui, il faut de la sensibilisation,
oui, il faut travailler en amont. Ça, c'est certain, il ne faut pas baisser la garde à ce niveau-là, mais il faut aussi mettre des
garde-fous pour que les personnes démunies... Et je dis bien «démunies» parce que
les gens qui ont les moyens d'aller
prendre de grands avocats, puis de suivre les procédures, et puis de ne même
pas se présenter au tribunal, et que
ce soient leurs avocats qui se présentent, ces personnes-là n'ont pas besoin de
nous, n'ont pas besoin de loi, n'ont pas
besoin des politiciens et des politiciennes pour leur trouver des solutions,
ils ont les moyens. Mais, pour les personnes démunies, les personnes qui, déjà, arrivant ici, généralement, arrivent de pays où il n'y a
pas vraiment de démocratie, arrivant ici, ils ont un besoin de cette démocratie-là, et
puis qu'ils voient qu'ils sont brimés dans leurs droits fondamentaux, même
leurs droits primaires, je dirais, et... en même temps, en mettant ces balises-là, en
mettant ces garde-fous-là, ça va leur permettre
d'aller, par exemple, à la commission des droits de la personne et de la
jeunesse pour porter plainte et ça sera un processus beaucoup plus
facile, beaucoup plus simple pour qu'ils puissent y avoir accès.
Je pense que faciliter la
procédure, pour les démunis, ça serait vraiment la meilleure solution. Il peut
y avoir d'autres solutions. Comme j'ai dit
dès le départ, nous ne sommes pas juristes, on ne peut pas donner de
proposition concrète à ce sujet-là.
Mais tout ce qu'on peut dire, c'est que oui, il y a beaucoup de personnes qui
ont été invectivées verbalement. Le
déferlement sur les médias sociaux, je ne... Je ne pourrai même pas parler de
tout ce qui se passe sur les médias sociaux, sans oublier les médias
conventionnels. Quand la personne subit ce tapage à longueur de journée,
24 heures sur 24, sept jours sur sept,
est-ce que vous vous imaginez, est-ce que vous pouvez juste imaginer comment
elle se sent en ayant laissé un
chez-soi, en ayant laissé tout derrière elle pour venir vers un avenir
meilleur, vers un monde meilleur? Donc, c'est très difficile.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Je comprends que vous faites référence à des individus qui, dans leur vie
privée, font l'objet de discrimination.
Ça, c'est déjà prévu actuellement dans la Charte des droits et libertés, il y a
déjà un processus leur permettant de
porter plainte contre, notamment, un employeur qui aurait été discriminant à
l'égard d'une personne. On va plus loin, c'est que le projet de loi
prévoit des dispositions qui visent vraiment le discours haineux ou le discours
qui incite à la violence. Et c'est vraiment
là-dessus que porte notre consultation, c'est parce que nous avons eu des
groupes, des juristes qui nous ont
dit que le discours haineux incitant à la violence n'était pas un problème dans
la sphère publique québécoise, que ce n'était pas un enjeu réel, que ce
n'était pas une menace réelle pour notre société, notre démocratie.
Au-delà de la
discrimination personnelle que peuvent subir des individus dans leurs relations
avec des commerçants, des relations
avec leur employeur, qu'en est-il de votre connaissance de l'existence du
discours haineux? Vous avez parlé des médias sociaux, est-ce que vous
avez, vous, connaissance de discours haineux? Avez-vous pu voir, lire, prendre connaissance de discours qui étaient
troublants au Québec?
Le Président (M. Hardy) : Mme Laouni.
• (10 h 50) •
Mme Laouni
(Samira) : Alors, merci, Mme
la ministre. Donc, oui, tout à fait. Nous avons eu connaissance, par le biais, justement, de Facebook, de Messenger...
C'est par ça que les gens me contactent parce que je n'ai pas une ligne verte, je n'ai pas un numéro où on peut m'appeler,
mais on me contacte à travers Facebook, puis on me fait état des cas
qu'ils vivent, que... surtout les femmes,
beaucoup, beaucoup, beaucoup de femmes et beaucoup de jeunes filles qui vivent
des propos haineux, très blessants, très troublants, des fois. Des fois, allant
même à devenir dangereux, vraiment.
Il suffit de
voir tout ce qui s'est passé quand il y a eu... Il allait y avoir... Il n'y a
pas eu vraiment, mais il allait y avoir une manifestation de PEGIDA, puis, juste ça, il suffit de voir tout le
déferlement dans les médias sociaux de propos haineux. Et là je ne parle
pas d'actes, c'est vraiment les propos haineux qui se sont déferlés sur les médias
sociaux, c'était insupportable, c'était
intolérable. Et beaucoup, beaucoup, beaucoup de jeunes filles ont vécu ce problème-là, beaucoup de
jeunes filles, à tel point qu'elles changent, par exemple, carrément de ligne de bus, elles n'osent plus
sortir toutes seules dans le métro,
elles... Est-ce que c'est ça qu'on veut? Je ne pense pas. Je suis certaine que
ce n'est pas ça qu'on veut, ce n'est
pas ça, l'objectif qu'on veut, qu'on escompte. Donc, si ce n'est pas ça qu'on
veut, mettons les moyens nécessaires pour
que tout le monde se sente libre d'être ce qu'il est, comme il est et d'être un
citoyen à part entière, tout simplement.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Nous avons eu aussi des commentaires hier, notamment, disant : Le projet
de loi ne s'appliquera d'aucune façon
aux prédicateurs. Il y avait des craintes à l'effet que ça ne pourrait pas
s'appliquer aux prédicateurs et qu'il n'était
pas nécessaire... Vous nous avez dit le contraire dans votre présentation.
Selon, évidemment, votre interprétation des faits, j'aimerais vous
entendre, j'aimerais que vous élaboriez un petit peu davantage sur la question.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Laouni.
Mme Laouni
(Samira) : À chaque fois, j'y
vais plus vite que vous, je suis désolée, M. le Président. Donc, certainement... Déjà, dans le mémoire, on l'a
écrit et puis aussi, dans notre présentation orale, nous l'avons réitéré que
le fait de mettre des garde-fous, le fait de mettre une loi qui sanctionnerait
les propos, ça va permettre... Comme vous l'aviez
fait, Mme la ministre, concernant juste, si vous permettez, le blogueur Roosh,
donc juste ça, ça va... Si vous aviez un
outil supplémentaire, ça va vous faciliter l'action, et on ne va pas poser des
questions parce que c'est la loi, c'est ainsi. Donc, que ce soit un blogueur contre les femmes ou que ce soient des
prédicateurs qui vont raconter du n'importe quoi, moi, je veux dire que n'importe qui qui ne
respecte pas la démocratie, il n'a pas à parler. Pour moi, il n'a pas rien à
dire. Il est dans une démocratie, il doit la respecter, point à la
ligne, c'est tout.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Il existe dans le projet de loi d'autres dispositions qui, justement, visent à
protéger les personnes plus
vulnérables, les personnes qui font l'objet parfois... les enfants qui peuvent
faire l'objet de contrôle excessif, les familles, les aînés, les jeunes qui subissent des pressions
de la part de membres de la famille par la mise en place d'ordonnances civiles de protection. Et il y a un certain nombre
de mesures au-delà... On parle parle beaucoup, dans la sphère médiatique,
de l'aspect portant sur le discours haineux
dans le projet de loi. Vous nous dites : C'est une réalité qui a un impact
sur plusieurs
jeunes femmes, plusieurs personnes qui se sentent visées et qui vivent un
sentiment d'insécurité en raison de certains
discours que l'on retrouve sur la toile, que l'on retrouve dans les médias
sociaux. Ces personnes-là aussi, certaines personnes plus vulnérables ont besoin d'une protection accrue. Est-ce
que vous avez analysé aussi la portée du projet de loi portant sur cet
aspect-là de protection des personnes?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Laouni.
Mme Laouni (Samira) : Donc, nous avons exploré la protection des mineurs. Et puis, pour cela,
nous avons pensé que l'éducation des enfants se fait par les parents, et on ne peut pas légiférer dans l'éducation que les parents... les valeurs que
les parents veulent transmettre à leurs enfants. Je dirais, ce n'est jamais
objectif, c'est toujours subjectif, cette affaire-là. Donc, on ne
pourra pas vraiment légiférer là-dedans.
Ce
qu'on pourrait faire, c'est peut-être aider les mineurs, justement, si on veut parler...
On prend l'exemple du mariage forcé.
Prenons l'exemple des mariages forcés. Bien, donnons des outils aux mineurs
pour qu'ils puissent d'abord s'exprimer, les écouter plus souvent dans plusieurs
entrevues. On sait que c'est quelque
chose qui arrive aussi bien pour
les filles que pour les garçons. Oui,
majoritairement pour les garçons, mais aussi bien pour les garçons aussi. Les
garçons subissent aussi le mariage
forcé par les familles, par leur famille. Donc, il faut non seulement mieux contrôler le parrainage
de leur époux, épouse respectif, mais il
faut certainement accroître l'écoute de ces jeunes-là pour que, lors des
entrevues, que ce soit vraiment
privé, que ce soit confidentiel, etc., parce qu'il y a, des fois, la crainte
des parents, pour qu'ils puissent s'exprimer
librement, aisément et puis faire fi de ce qu'ils vivent, puis ce qu'ils ne
veulent pas. Et, à ce moment-là, le gouvernement,
les autorités auront la possibilité d'arrêter, par exemple, le parrainage puis
d'arrêter le mariage. Donc, c'est des outils comme ça qu'on pourrait
mettre en place.
Mais,
c'est-à-dire, au-delà de ça, je ne vois pas qu'est-ce qu'on pourrait réellement
faire parce que tous les parents,
quels qu'ils soient, de quelque origine qu'ils soient, de quelque religion ou
pas religion qu'ils soient, ce n'est jamais objectif,
les valeurs qu'ils transmettent, c'est toujours leurs propres valeurs qu'ils
veulent transmettre à leurs enfants. Donc là, on ne peut pas vraiment
rentrer là-dedans.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme
Vallée : Bien, justement, le projet de loi prévoit que
l'autorisation de procéder au mariage sera accordée par un juge qui aura la possibilité, justement, de
s'entretenir avec les mineurs pour déterminer... et s'assurer du consentement
libre et éclairé au mariage. Alors, c'est
une disposition qui vise... Lorsque vous parlez d'entrevue, ça vise justement
ça, à permettre d'assurer que le
consentement est libre et éclairé, puisqu'actuellement le consentement est
accordé par les parents, et on comprend
que, dans certains cas, bien, les valeurs, comme vous mentionnez, les valeurs
familiales, parfois, peuvent dépasser
le consentement réel du mineur. Et c'est pour ça qu'on a trouvé comme mode de
consultation impartial de référer le
tout au tribunal, qui aura la possibilité d'entendre et de déterminer si le
consentement est libre de toute forme de pression qui proviendrait de
l'intérieur, et tout ça permettrait, comme vous le mentionnez, de mieux
encadrer...
C'est
drôle parce que vous avez fait état un peu plus tôt du blogueur qui a été
largement médiatisé il y a deux semaines, et je veux juste faire une parenthèse parce que, du côté de
l'opposition, on semble considérer que le projet de loi n° 59 n'est pas nécessaire et on semble se satisfaire
des arguments disant que le projet de loi n° 59 visant le discours haineux...
La première opposition, je regardais...
Parce que je vois ma collègue de la deuxième opposition qui me fait signe, et
je trouve ça un petit peu particulier
parce qu'on semble dire que le discours haineux, ce n'est pas nécessaire, puis
on ne doit pas intervenir, alors que,
le 4 août dernier, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve m'interpelait, demandant d'avoir des
moyens pour arrêter que le blogueur vienne prêcher sa haine des femmes.
Bien,
c'est justement... le projet
de loi n° 59, ça vise justement
ça, à nous donner des outils pour mieux encadrer ce type de situation dont vous avez fait mention. Que des individus
qui utilisent des tribunes publiques pour prêcher leur haine, tenir des propos haineux qui incitent à la
violence puissent le faire, bien, actuellement, on n'a pas beaucoup... on n'a pas d'outil législatif, mais on a des outils... on se
dote de moyens qui permettront des ordonnances civiles pour empêcher la tenue de manifestations similaires, et donc
c'est justement ça. Alors, je voulais simplement... Parce qu'hier on a eu des échanges ici, puis avant-hier aussi, puis j'étais sur l'impression que
les collègues de l'opposition étaient en accord avec certains propos de groupes qui nous
disaient : Il n'y a pas besoin d'encadrer le discours haineux au Québec,
mais on a vécu des situations il n'y
a pas si longtemps où même des collègues de la formation politique du Parti
québécois m'interpellaient directement
en me demandant... en ma qualité de ministre de la Condition féminine, je
comprends, mais m'interpellaient en me demandant de faire un bout de
chemin. Alors, je voulais simplement revenir sur cette question.
Vous
avez, dans votre présentation, aussi parlé de la nécessité d'aller de l'avant
avec l'éducation. Je ne le sais pas
si vous... Bon, le plan d'action qu'on a mis de l'avant prévoit de donner un
mandat à la commission des droits de la personne aussi d'utiliser et de faire de l'éducation populaire. Donc, je
comprends qu'en sus, pour vous, la sensibilisation et l'éducation
demeurent des incontournables de la lutte à toute forme de discours haineux et
d'intolérance.
Lorsque
vous nous dites qu'actuellement il existe, il y a une difficulté pour les gens
de porter plainte contre le discours haineux... Il existe actuellement
quand même des dispositions au Code criminel, mais vous mentionnez que c'est difficile de porter plainte contre le
discours haineux. Est-ce que vous avez des exemples que vous souhaiteriez
porter à l'attention des membres de la commission?
• (11 heures) •
Le Président (M.
Hardy) : Mme Laouni.
Mme Laouni (Samira) : Alors, je dirais qu'il y a deux niveaux de difficulté.
Il y a difficulté, d'abord, de connaître toutes les procédures, de
connaître toutes les façons de faire. Écoutez, juste, si on revient un petit
peu en arrière dans l'histoire, tout
l'effort qui a été mis pour que les femmes dénoncent leurs agresseurs, par
exemple, juste ça, écoutez, tout ce
qui a été mis en place en termes d'éducation, en termes de dispositions, de
procédure, de processus, etc., pour que les femmes puissent vraiment être encouragées à sortir dénoncer leurs
agresseurs, et on n'est pas encore parvenu à la pleine dénonciation, on
sait qu'il y a encore plein de femmes qui se taisent, et qui cachent, et qui
vivent ces situations-là de violence, et qui
n'osent pas en parler. Alors, imaginez pour d'autres qui se font invectiver
verbalement ou, des fois, même physiquement — et ça s'est déjà produit — et qui ne connaissent pas les procédures, ne
connaissent pas toutes les lois, et
qui ont besoin d'accompagnement déjà pour être sensibilisées, pour connaître,
pour apprendre, ensuite commencer la procédure, ce n'est pas facile. Ce
n'est pas facile ni moralement ni financièrement.
Un autre niveau de
difficulté, je dirais, si je prends l'exemple, par exemple, qu'on a déjà là...
Oui, je sais qu'il y a un code criminel et
il y a l'article 318, si ma mémoire est bonne, donc, qui légifère à ce
niveau-là. Mais, au-delà de ça, si je prends juste un exemple qui est
actuellement en cour, le cas de Dalila Awada contre Louise Mailloux, les deux femmes, au-delà de qui a raison, qui a tort...
Ce n'est pas là où je me place. Je me place au-delà de la situation, je dis :
Les deux femmes, là, aujourd'hui, semblent
être «low profile» — excusez
l'anglicisme — elles
semblent ne plus avoir de vie sociale comme elles l'avaient. Là aussi,
c'est une autre difficulté. Rentrer dans la procédure, dans le processus judiciaire long, coûteux, et tout ça, ça fait que
la personne, elle n'a plus d'activités, elle ne parle plus, elle ne prend plus
part aux débats, elle ne prend plus part à sa citoyenneté pleine et entière.
Donc, juste ce cas-là
démontre une autre difficulté. Sachant que, par exemple, Dalila Awada, c'est
une fille célibataire qui n'a pas d'enfant
encore, jeune, étudiante, etc., imaginez si c'était une femme avec des enfants,
avec un foyer, devoir d'abord garder
ses enfants et puis surtout — comment dirais-je? — faire attention à ce que ses enfants ne
soient pas au courant, par exemple, de ses
difficultés à elle ou autres. Alors, imaginez la difficulté, comment elle va
être multipliée par 10 et 20, et 100 fois plus difficile encore.
Donc, c'est à ce niveau-là que je parle de difficultés pour les personnes qui
subissent de la violence verbale, des discours haineux.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
Est-ce que, dans le cadre de votre organisme, des travaux et des activités
menées par votre organisme, vous êtes au
fait ou vous avez été sensibilisée à des situations où des citoyens, des citoyennes
ont utilisé les mécanismes prévus au Code criminel? Et quelle a été
l'expérience vécue par ces gens-là?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Laouni.
Mme Laouni
(Samira) : Alors, j'ai un cas, heureusement, favorable. Parce que la
personne a été invectivée pendant la période
du débat sur la charte des valeurs, et j'étais en train de faire des tournées
dans les centres communautaires pour sensibiliser les femmes, justement,
que probablement vous allez être invectivées, mais c'est quoi... comment il fallait prendre la chose,
relativiser les choses, ne pas rentrer dans le conflit. Parce que, comme je
vous ai dit, le COR, c'est vraiment
de l'interculturalisme, c'est vraiment du rapprochement. Donc, que ce soit par le
dialogue, par des actes, par... et
donc, c'est sur ça qu'on travaille, et on a fait vraiment une tournée de la
plupart, je dirais, la majorité,
95 %,
peut-être, des centres communautaires à Montréal et région, et je me suis
personnellement déplacée même ici, à Québec,
pour aller dans la mosquée de Québec, à Sainte-Foy. Donc, juste pour vous dire
que j'en ai fait, du chemin, pour aller
sensibiliser les femmes à ce sujet-là, et, un jour, j'ai rencontré une femme
qui était en pleurs, qui était en déprime complète et puis qui m'a dit : Écoutez, je vais juste ramasser mes
affaires et retourner chez moi. De toute manière, c'est ce qu'on me dit.
Je dis : Oui, toi, c'est chez toi, tu retournes chez toi, mais tes
enfants, qui sont nés au Sacré-Coeur, à Royal
Victoria, je ne sais pas où, c'est des Québécois et des Québécoises, eux. Ils
n'ont pas chez eux... C'est ici, chez eux. Ils n'ont pas à retourner,
eux, ils n'ont pas à subir ce retour.
Je
lui demande de me raconter. Elle se confie à moi, elle me raconte son cas, puis
je lui dis : Écoute, il y a la loi, tu n'as qu'à porter plainte. Elle me dit : Comment faire? Donc,
j'ai essayé de l'aider avec mes moyens de bord. Parce que moi aussi, je suis bénévole dans mon organisme. Je
veux dire, nous ne sommes pas un organisme de je ne sais pas combien de personnes, on est un petit organisme qui
essayons vraiment, par les moyens de bord, de faire vraiment du rapprochement
sur le terrain. Et donc, là, on a pris
ensemble ce chemin-là d'aller chercher les procédures, qu'est-ce qu'il fallait
qu'elle fasse, etc., et, finalement,
je l'ai rencontrée ça fait deux semaines — je l'ai rencontrée par hasard — elle me dit : Samira... Elle
m'interpelle, je dis : Oui. Elle m'a dit : J'ai eu gain de cause. Le
Code criminel, finalement, a été mis en place, c'est-à-dire qu'il a fonctionné, et la personne a eu une année de... Je
ne me rappelle pas le terme juridique exact, mais elle a eu une année où elle ne doit pas récidiver,
où elle ne doit pas l'approcher, elle ne doit pas... Et c'est déjà un gain
moral pour la dame. Alors, je lui ai
dit : Tu sais ce que tu vas faire? Tu vas retourner dans le centre communautaire
où tu m'as rencontrée et tu vas
raconter ton histoire aux autres femmes. Comme ça, ça va les apaiser, ça va les
rassurer qu'il y a une loi, il y a une justice, et que les fauteurs, ils
doivent payer. C'est ça.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la ministre, il vous reste cinq secondes.
Mme
Vallée : Simplement, merci de votre participation aux travaux.
Et je vais céder la parole à ma collègue. Merci.
Le Président (M. Hardy) : Merci.
Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition
officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de
15 minutes.
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Laouni. C'est un plaisir de vous recevoir,
comme toutes les personnes qu'on a reçues. Même si je vais dire que je ne suis
pas... Évidemment, nous allons probablement... Vous allez m'entendre dire que, sur certains propos, je
trouve que vous allez un peu loin, mais vous avez eu une belle conclusion
en disant : Effectivement, il y a une loi, elle fonctionne contre les
propos haineux et elle existe.
Je
vais juste dire, M. le Président, qu'hier j'ai bien spécifié ici, en commission
parlementaire — et la
ministre, peut-être, qui était distraite
ne l'a pas entendu — que j'ai
moi-même protesté parfois contre des gens qui venaient ici, qui
faisaient des propos haineux. Et, comme ministre responsable de la Condition
féminine, j'ai aussi fait des pressions pour
que ces individus ne viennent pas, mais nous n'avons jamais demandé et nous
cherchons encore qui a demandé une telle
loi, qui, si elle lit bien les articles qui sortent... et, si elle entend bien
les mémoires, sur laquelle il faut se questionner sur sa portée. Il faut
vraiment se questionner sur la portée de la loi qu'elle nous a apportée.
D'ailleurs, je
voudrais vous dire, Mme Laouni, il semble y avoir confusion ici. Le principal
de votre propos concerne des personnes qui
ont reçu des insultes et des invectives. Alors, ou bien vous n'avez pas
compris, comme d'autres groupes avant
vous — d'ailleurs,
on a eu des échanges là-dessus — que cette loi ne s'adresse pas aux
personnes. Vous savez que cette loi
ne s'adresse pas aux personnes. Donc, la majorité de ce que vous nous avez dit
ne s'appliquera pas. Vous le savez,
vous avez bien compris cela, la loi s'adresse à des groupes. Donc, le principal
du propos et les problèmes que vous nous avez énoncés fort pertinemment
ne seront pas réglés par cette loi. Vous en êtes consciente?
Mme Laouni
(Samira) : Tout à fait.
Mme
Maltais : Merci. Ensuite, dans votre mémoire, il y a une
phrase que vous avez dite qu'on n'a pas entendue ici. Votre mémoire dit : «...il faut une tolérance "zéro"
aux attaques haineuses perpétrées au nom de cette liberté d'expression.» Tolérance zéro. Et vous
dites : «Donc, celle-ci ne peut [...] être illimitée : elle doit être
circonscrite par le respect de la dignité de l'autre, qu'il s'agisse
d'un groupe ciblé ou d'un individu.»
Dois-je
comprendre que non seulement vous êtes d'accord
avec cette loi, mais que vous voulez en plus qu'on en élargisse la
portée à la restriction de la liberté d'expression des individus, et non plus
des groupes, comme le propose cette loi?
• (11 h 10) •
Le Président (M.
Hardy) : Mme Laouni.
Mme Laouni (Samira) : Merci, Mme la députée. Donc, tout
à fait, nous comprenons. Mais, comme
je l'ai dit au début, d'entrée de
jeu, que nous ne sommes pas des juristes et que notre présence ici aujourd'hui, c'est pour apporter la réalité
du terrain, qui, peut-être, des fois, ne peut pas être sentie que par les
gens qui sont sur le terrain. Donc, ceci étant dit, je pense, oui,
tolérance zéro. Tolérance zéro, mais je ne veux pas qu'elle soit élargie. J'ai
bien dit — c'est
bien mentionné dans notre mémoire et ça a
été bien expliqué dans notre présentation orale — que ce que nous voulons, c'est que les définitions soient bien précises pour que
la loi ne soit pas attaquable, d'une. De deux, que les personnes puissent
en jouir d'une façon très simplifiée et très facile parce que, nous, je dirais,
notre première préoccupation, c'est les personnes
démunies qui n'arrivent pas... qui ne connaissent pas les lois, qui ne
connaissent pas les procédures et qui
ne connaissent pas comment faire. Donc, c'est dans ce sens-là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci beaucoup.
Donc, vous comprenez bien que ça ne s'adresse pas aux personnes et vous ne
demandez pas que ça se dirige vers les
individus. Donc, ça, je comprends bien. Parce que ce n'est pas ce que j'avais
compris de votre mémoire.
Critiquer les
religions doit continuer à être permis, vous êtes d'accord avec moi?
Mme Laouni
(Samira) : Pardon?
Mme
Maltais :
Critiquer les religions doit continuer à être permis?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Laouni.
Mme Laouni
(Samira) : Critiquer n'importe quoi, c'est permis.
Mme
Maltais :
D'accord. Les caricatures de Mahomet, c'est permis?
Mme Laouni
(Samira) : Ça ne me dérange pas du tout.
Mme
Maltais : Parfait,
c'est bien. Mais la personne qui se fait invectiver, son problème ne sera pas
résolu par cette loi.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Laouni.
Mme Laouni
(Samira) : Je pense que, si
la loi est bien écrite, est bien rédigée, comme j'ai dit... Et, je le répète,
il ne faut pas non plus avoir la présomption
de discours haineux, il ne faut pas qu'on instaure ça, mais il faudrait vraiment la baliser
et bien la rédiger — il
y a des spécialistes pour ça — et que cette rédaction-là nous permette
que la loi soit vraiment effective, applicable et facile... Et j'insiste sur la
facilité d'accès à cette loi-là pour les personnes démunies.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Parce
que la personne qui se fait
invectiver, à votre sens... Parce que c'est ça que je comprends maintenant,
là, il y a comme un détournement, là. Vous ne voulez pas ou vous voulez? Est-ce que
la personne qui se fait invectiver devrait être couverte par cette loi?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Laouni.
Mme Laouni
(Samira) : La personne qui
est invectivée... Excusez, encore j'ai pris la parole sans... Non, j'aime
bien être réglo, mais là j'ai encore fauté. Je suis désolée.
Donc, la
personne qui se fait invectiver doit avoir accès à une procédure quelconque — je
l'ai dit, d'ailleurs — pour
qu'elle ait gain de cause. Si cette loi va
lui faciliter cet accès, eh bien, on y va. S'il y a autre procédure que vous
connaissiez — peut-être, vous, en tant que spécialiste, peut-être,
en tant que représentant des citoyens et des citoyennes, peut-être que vous en connaissez beaucoup
plus — donc,
peut-être la mettre en place. L'important,
je répète et je réitère, c'est de faciliter l'accès aux personnes
démunies qui se font invectiver d'une façon ou d'une autre.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Donc, ce n'est pas couvert par cette loi, c'est
couvert par l'article 319 et les autres, que vous avez dit
vous-même que ça peut marcher, ça peut marcher quand il n'y a pas de problème.
Maintenant,
vous avez dit quelque chose qui, j'avoue, m'a heurtée profondément, vous avez
dit que... Je veux bien comprendre si
vous avez vraiment dit ça, là, que des politiciens ont tenu des
propos haineux dans le débat de la charte. Avez-vous dit ça? Et, si oui,
donnez-moi des exemples?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Laouni.
Mme Laouni (Samira) : Bien, je ne
nommerai personne...
Mme
Maltais : ...
Mme Laouni (Samira) : Non. Je ne
nommerai personne, Mme la députée.
Mme
Maltais : Citez
les propos.
Mme Laouni
(Samira) : Non. Je ne peux
pas nommer, donner des noms comme ça, mais oui, il y a eu des exemples
de politiciens qui ont eu des propos haineux, oui. Oui.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Ce que
je vais vous demander...
Mme Laouni
(Samira) : ...je veux dire,
les gens qui ont eu ces propos-là, c'est à eux de présenter des excuses.
Et ils ne sont même plus là, alors, du coup...
Mme
Maltais : Je vous
invite à me les remettre puis...
Mme Laouni (Samira) : ...
Mme
Maltais : Je vous invite à me les remettre personnellement,
ça ne fera pas d'événement public, puis, à ce moment-là, je le saurai. Si vous êtes convaincue, je suis
sûre que vous pouvez me transmettre délicatement ces choses parce que
vous les dites ici, en public.
Mme Laouni
(Samira) : ...je ne pense
pas que ce soit de mise et je ne pense pas que ce soit le moment de discuter
de ça, là.
Mme
Maltais : Ah!
c'est parce que c'est vous qui en avez parlé. C'est vous qui en avez parlé.
Mme Laouni (Samira) : Oui. Oui,
c'est écrit dans notre mémoire, oui.
Mme
Maltais : Par
contre, vous avez dit, vous, de
quatre panélistes que ce sont des cellules cancéreuses qui rongent notre
société de l'intérieur dans un débat, justement, autour de la charte, ces
femmes sont des cellules cancéreuses qui rongent notre société de l'intérieur. Vos
propos ont été qualifiés de haineux, auriez-vous dû... Vous considérez donc
qu'on devrait déposer une loi qui
permettrait que ces dames qui ont dit que vos propos ont été haineux... Ou les
gens qui ont dit que vos propos ont
été haineux — c'est dans le Voir — on aurait pu vous poursuivre. Vous permettez
une ouverture à ce type de poursuite?
Mme Laouni
(Samira) : Alors, d'abord,
mettons les choses au clair, je n'ai pas dit «les dames». Je me rappelle
très, très bien de cette saga-là, c'était
une conférence qui était organisée à l'UQAM dans le cadre de... Je pense,
c'était la Chaire de recherche sur le
racisme et les affaires raciales. Et puis c'était la Table des groupes de
femmes de Montréal qui l'avait
organisée, donc je me rappelle très, très bien de ce qui s'est passé et des
panélistes. Et je n'ai pas du tout dit «les
dames», j'ai dit «la peur». La peur est une cellule cancérigène, oui. Et, je le
réitère, la peur est... Et j'ai écrit, et j'ai envoyé une lettre d'explication. Et ça, si vous voulez la lettre
d'explication et si vous voulez tous les échanges qui ont eu lieu à
propos de cette chose-là, je vous les remettrai en main.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Vous
dites : Non, je n'ai pas tenu de propos haineux, mais...
Mme Laouni
(Samira) : Je n'ai pas dit
«les dames», j'ai dit : La peur est une cellule cancérigène, la peur. Et
je le réitère dans cette salle aujourd'hui que c'est la peur qui est une
cellule cancérigène.
Mme
Maltais : Parfait.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Bien,
c'est bien de rectifier.
Mme Laouni (Samira) : Et, si j'avais
dit «les dames», oui, j'aurais pu être, moi aussi, assujettie à cette loi.
Personne n'est au-dessus de la loi, madame.
Mme
Maltais :
Vous dites aussi dans votre mémoire : «...on ne peut pas accepter des
allégations à l'effet qu'une confession religieuse serait incompatible
avec la démocratie...» Mais on dit qu'on peut critiquer les religions.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Laouni.
Mme Laouni (Samira) : Peut-être que
je me suis mal fait comprendre.
Mme
Maltais :
Pourtant, c'est dans le mémoire, c'est écrit. C'est pour ça qu'on fait ça, des
auditions, c'est pour mieux comprendre.
Mme Laouni
(Samira) : Oui, oui, oui.
Exactement. Exactement. Dans le mémoire, ce qu'on voulait dire, c'est qu'on ne peut pas, au nom d'une religion, dire que
c'est incompatible, que la religion est incompatible avec la démocratie,
c'est...
Mme
Maltais :
On ne peut pas le dire. Donc, ce sont des propos haineux qui devraient être
poursuivis. C'est ça, on est dans le cadre d'une loi, là.
Mme Laouni
(Samira) : Bien oui, c'est
ça. C'est ça que je dis. Je dis qu'on ne peut pas, au nom d'une religion,
dire que ce n'est pas une démocratie ou que c'est incompatible avec la
démocratie.
Mme
Maltais :
Mais c'est parce que la loi ne vise pas des invididus ni des religions, elle
vise des groupes qui, suite à une
intervention, une expression, seraient victimes de haine. Donc, vous considérez
que dire qu'une religion n'est pas compatible avec la démocratie
entraînerait de la haine envers les personnes?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Laouni.
Mme Laouni (Samira) : Oui.
Mme
Maltais : Vous
allez bien loin. Je vous le dis entre nous, là.
Autre chose,
dans votre mémoire, pour... Je l'ai lu attentivement — puis vous avez eu des propos aussi qui me
confirment un peu cette impression que j'ai eue à la lecture — vous
êtes d'accord que la commission des droits de la personne et de la jeunesse puisse
juger du fait que... des propos haineux, par exemple, mais vous avez l'air pas
tellement d'accord... enfin, vous
avez un doute sur le fait que le Tribunal de la jeunesse puisse juger du
contrôle excessif d'un enfant. C'est
ce que je lis dans votre mémoire. C'est comme si, pour vous, vous faites
confiance à la CDPDJ dans un domaine où elle n'a jamais été, la liberté
d'expression, et tout, mais là vous ne faites pas confiance au Tribunal de la
jeunesse dans ce qui
est véritablement sa matière, c'est-à-dire essayer de voir jusqu'à quel point
on peut protéger les enfants d'un contrôle excessif.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Laouni.
Mme Laouni
(Samira) : Pantoute. Ce
n'est pas du tout ça qu'on voulait dire. C'est mal exprimé, peut-être, je ne
sais pas, mais, pour moi, à la lecture et
puis en ayant fait plusieurs réunions pour rédiger ces cinq pages-là, ce n'est
pas du tout ce qu'on voulait dire. Ce qu'on a voulu dire, c'est que oui,
il faut qu'il y ait une... Ce n'est pas un contrôle, qu'il y ait une surveillance, une vigilance par rapport au contrôle
excessif des enfants. Mais ce qu'on a expliqué, c'est que ce n'est jamais vraiment objectif. Les valeurs
que les parents veulent transmettre à leurs enfants, jusqu'à quel niveau
sont tolérables ou pas tolérables? C'est qui qui va décider de cette valeur
est tolérable ou pas? C'est dans ce
sens-là qu'on a écrit ça.
C'est exactement dans cet esprit-là de réflexion qu'on a rédigé ça.
• (11 h 20) •
Mme
Maltais : Vous
considérez donc...
Le Président (M. Hardy) : Mme la députée
de Taschereau.
Mme
Maltais : ... — merci — que
propos haineux, discours haineux, ça, c'est correct, mais contrôle excessif,
ça vous fait peur. Pourtant, l'endroit où il y a à peu près le plus de
pertinence, de compétence, c'est au Tribunal de la jeunesse, tandis que, jusqu'ici,
ce qu'on entend, c'est que c'est discours haineux qui semble avoir besoin
d'être balisé, et balisé de façon à
restreindre, et non pas à l'ouvrir. Je vais vous dire, j'ai été étonnée de voir
que vous posez des questions sur qui jugera si des enfants subissent un
contrôle excessif. Mais les DPJ, les DPJ, la direction de la protection de la jeunesse. Comment déterminer la ligne qui sépare
le raisonnable du déraisonnable? Le Tribunal de la jeunesse, les juges. Si vous n'acceptez pas que cette ligne-là puisse
être jugée par des juges, comment pouvez-vous accepter que, sur les propos
haineux, ce soit jugé par des juges?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Laouni.
Mme Laouni
(Samira) : Ce n'est pas
qu'on n'accepte pas, ce n'est pas ça qu'on a dit. Nous, juste, on pose un
questionnement. On n'a pas dit qu'on
n'accepte pas, ce n'est écrit nulle part. On a dit juste : C'est quoi, la
limite? Où se situe la limite? Comme
on a posé la question d'où se situait la limite de la liberté d'expression.
C'est juste les questions qu'on se
pose. C'est comme si on attire votre attention à plus de réflexion à ce
sujet-là d'un point de vue du terrain, c'est tout.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau, il vous reste 1 min 20 s.
Mme
Maltais :
1 min 20 s. Mais c'est le fun... C'est parce que je commence à
comprendre le mémoire. Vous proposez dans votre mémoire — enfin,
vu que j'ai une minute — «que
la personne mineure québécoise obligée de se marier
à l'étranger détienne le pouvoir d'autoriser ou non que son conjoint obtienne
le droit de résidence au Canada». Vous
ne trouvez pas que ça va être impossible pour une mineure seule? J'essaie de
voir comment ce serait applicable pour une
mineure de dire : Je ne veux pas que mon conjoint vienne au Canada, alors
qu'elle a été obligée. Comment on pourrait protéger cette mineure?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Laouni.
Mme Laouni
(Samira) : C'est exactement
ce que j'ai avancé tout à l'heure à Mme la ministre, justement par des entrevues, par des entretiens confidentiels avec
la mineure pour qu'elle puisse s'exprimer, pour que la personne puisse s'exprimer, pour qu'on n'octroie pas le permis de
séjour au conjoint ou à la conjointe qui ont été imposés à cette mineure
ou à ce mineur. Avec plaisir.
Le Président (M. Hardy) : Merci.
Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe
d'opposition. Mme la députée de Montarville, à vous la parole pour une période
de 10 minutes.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Laouni. Merci. Merci pour votre mémoire. Avant de vous poser une question,
j'aimerais quand même rectifier le tir parce qu'on est tous des élus ici, on
est tous des députés, puis on a aussi un
devoir d'informer la population qui nous écoute. Et je pense que même c'est de
l'honnêteté intellectuelle que de dire les
vraies choses, et j'ai entendu quelque chose qui est tout à fait faux, on vous
a induit en erreur et on a induit en erreur la population. Lorsque ma
collègue de Taschereau dit — puis
je vais faire la correction pour que vous
voyiez où est l'erreur — que la loi ne s'applique qu'à des groupes, des groupes qui
auraient des discours haineux, des discours incitant à la violence...
Une voix : ...
Mme Roy
(Montarville) : ...voilà. Voici où j'en viens, c'est que ça
s'adresse et à des groupes et à des personnes, et non pas uniquement à des groupes. Et, pour les gens qui nous
écoutent, là, il faut lire la loi, Mme la députée, on dit :
«La présente loi a pour objet d'établir des
mesures de prévention et de lutte contre les discours haineux et les discours
incitant à la violence.
«Elle
s'applique aux discours haineux et aux discours incitant à la violence tenus ou
diffusés publiquement et qui visent un groupe de personnes...» Ça, c'est
vrai.
Cependant,
je vous invite à aller lire l'article 22 de la même loi, et c'est là qu'on fait
un ajout à la charte et qu'on vient
dire, à l'article 22 :
«La
Charte des droits et libertés de la personne est modifiée par l'insertion,
après l'article 11, du suivant — et c'est là qu'on ajoute cette
nuance :
«11.
1. Nul ne peut, publiquement, à l'égard d'une personne, tenir ou diffuser un
discours haineux ou un discours incitant
à la violence fondé sur l'un des motifs visés à l'article 10.» Donc, on parle
de groupes, on vise des groupes, mais on
vise aussi des personnes. Alors, je pense que c'est important de le dire pour
les gens qui nous écoutent. On a un devoir, en tant qu'élus, d'avoir
cette rigueur intellectuelle
Mme
Maltais :
M. le Président, question de règlement.
Mme Roy
(Montarville) :
Bien, écoutez...
Mme
Maltais : M. le Président, question de règlement. Ma
collègue a dit que j'avais dit quelque chose qui était faux, ce qui est assez inhabituel. Elle pourrait dire
que nous avons une interprétation différente, je serais tout à fait d'accord.
Sinon, j'aimerais ça que ce soit retiré. On
a une interprétation différente, puis je tout à fait... Tu sais, on peut
dire : Elle n'a pas vu ça, elle
l'a interprété différemment, mais on est prudent quant aux collègues, en
général, en commission parlementaire. Merci.
Mme
Roy
(Montarville) : ...interprétation différente, je
dirais plutôt que vous avez omis de lire l'article 22, qui fait en sorte qu'on y voit que ce sont aussi à
l'égard des personnes. Donc, c'était une omission, mais je pense qu'on a un
devoir ici.
Cela
dit, j'ai une question pour vous. Au début de votre mémoire et d'entrée de jeu,
vous nous dites, et plusieurs intervenants
qui sont venus nous rencontrer l'ont dit, et les collègues l'ont souligné à
juste titre... Dans votre... à la page 2 : «Il se révèle donc essentiel que le législateur formule une définition
très claire de ce qu'est un discours haineux...» Vous nous dites aussi : Je ne suis pas juriste, et
je comprends très bien ça. Cependant, les définitions du discours haineux,
comme vous le savez sans doute, se
retrouvent à l'intérieur déjà de décisions jurisprudentielles, de nombreuses
décisions — vous
en avez fait état, d'ailleurs — et j'imagine que le projet de loi se fie à
ces définitions, les définitions qui existent déjà, qui sont connues
dans les décisions jurisprudentielles, et il y a plusieurs critères.
Moi,
j'aimerais savoir, selon vous, qui n'êtes pas juriste, qu'est-ce qui devrait
être considéré comme un discours haineux, un discours incitant à la
violence.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Laouni.
Mme Laouni (Samira) : C'est une grande question, là. Merci pour la précision, d'abord, tout à
l'heure. Et, oui, c'est vrai que nous
ne sommes pas des juristes et que nous, nous avons voulu venir à cette
commission avec notre vécu du
terrain. C'est exactement pour ça que nous sommes là aujourd'hui. Et peut-être
que, des fois, on a des interprétations différentes par rapport à nos lectures, mais toujours est-il que ce que
nous voulons au plus... c'est-à-dire notre objectif le plus ultime, c'est le vivre-ensemble et c'est
surtout de diminuer toutes les formes de discrimination et d'exclusion qui
puissent exister dans notre société.
Ceci
étant dit, quand on a dit qu'il faudrait vraiment définir, donner une
définition, c'est justement pour qu'il n'y ait pas cette présomption de discours haineux, qu'il n'y ait pas juste...
comme la présomption d'innocence existe, par exemple, qu'il n'y ait pas de présomption de discours
haineux, que ce soit bien déterminé, bien défini. Un exemple qui me viendrait
comme ça à l'esprit, ça serait peut-être, pour moi, qu'une députée homosexuelle
ne puisse pas siéger à l'Assemblée nationale. Pour moi, c'est un discours haineux.
Ça ne doit pas exister. Ça doit être punissable par la loi.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci. Moi aussi, je vais trop vite.
Quand vous parlez... Vous venez de nous parler de présomption de
discours haineux. C'est que ça n'existe pas, là, la loi ne parle pas de
présomption non plus, là.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Laouni.
Mme Laouni (Samira) : Justement, c'est... Nous, notre souhait, c'est que ce soit vraiment
bien rédigé pour qu'il n'y ait pas
cette présomption, pour que... Ce n'est pas parce que quelqu'un a dit quelque
chose quelque part et puis que peut-être
on perçoit qu'il l'a dite de telle façon. Si c'est clair, si c'est bien énoncé,
c'est inattaquable, et c'est vérifiable, et c'est applicable. Quand c'est du flou, ça reste toujours flou, ça
mélange tout le monde. Ça mélange et le fauteur, et la victime, et personne n'en sort gagnant. Et ce
n'est pas ça qu'on veut pour le Québec, on veut le réel vivre-ensemble pour
le Québec. Donc, mettons les moyens nécessaires pour y parvenir.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, merci. Je vais vous poser une autre question. Est-ce que, selon vous, le
blasphème, tout ce qui est blasphématoire, devrait être considéré comme
des propos incitant à la haine et à la violence?
Le Président (M.
Hardy) : Mme Laouni.
Mme Laouni (Samira) : Alors, la question a été posée à deux reprises, par la première
opposition, et par vous. Donc, ce que
je vais vous dire, personnellement, pour moi, par exemple, les caricatures de
Mahomet, ça ne m'atteint pas. Ça ne
m'a jamais atteint parce que ce n'est pas l'image du prophète. Que paix et
sagesse soient sur lui. Donc, pour moi, ce n'est pas lui, c'est une
caricature, point à la ligne.
Au-delà
de ça, nous savons toutes et tous ici que les médias, maintenant, projettent
des images partout, de par tout le
monde. Imaginez les gens qui n'ont pas les moyens ni le temps de synthétiser
les images et les informations qui leur arrivent et qui sont bombardés à longueur de journée, de soirée, de
semaine, de mois et d'année par les mêmes, par exemple, caricatures ou les mêmes, je dirais, discours ou...
Comment ils se sentent à la fin? Ça les agresse, ça devient agressant.
Donc, cette agression-là, c'est là où moi, je me situe. Je dis que trop, c'est
trop. Des fois, trop, c'est trop. Donc, il faut peut-être mettre des limites
des discours pour que ça n'attaque pas les gens, les personnes dans leur foi,
quelle qu'elle soit.
• (11 h 30) •
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : C'est la raison pour laquelle je
vous demandais quels étaient ou quels seraient, selon vous, les discours
haineux, si nous avions à les définir, que nous devrions mettre à l'intérieur
du projet de loi?
Mme Laouni
(Samira) : Je vous ai donné l'exemple... Excusez, je vous ai donné
l'exemple de dire, par exemple, qu'une
députée homosexuelle n'a pas le droit de siéger au Parlement. Ça serait un
discours haineux pour moi, c'est sûr.
Le Président (M.
Hardy) : Mme la députée Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci. Vous avez dit aussi :
Trop, c'est trop quand ça attaque la foi. Mais, d'entrée de jeu, dans
votre mémoire, vous dites qu'il ne faut pas toucher à la liberté d'expression,
et la ligne est mince. Vous conviendrez avec
moi que c'est très mince, là, la ligne est mince. Et il ne faut pas oublier
l'idée de départ de tout le plan d'action du gouvernement, là, on veut
aussi s'en prendre à ces prédicateurs que vous avez dit, tout à l'heure, de
tout poil — ça m'a
fait rire — peu
importe la confession religieuse. Mais il y a une problématique actuellement,
et on la connaît tous, et on veut
s'en prendre à cet endoctrinement qui envoie nos jeunes à l'étranger. Parce
qu'on sait que c'est aussi les familles
musulmanes qui, au premier chapitre, en souffrent, de ça. Donc, la ligne est
mince. Vous comprenez qu'il faut trouver
des solutions à un problème compliqué qui arrivent à satisfaire le plus grand
nombre, être le plus juste possible, mais il va falloir trancher à un
moment donné.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Laouni.
Mme Laouni
(Samira) : Certainement qu'il faille trancher, et ce n'est pas à moi
de le faire. Je n'ai pas les possibilités,
les techniques ou les outils pour le faire, c'est aux responsables de les
faire. Moi, tout ce que je peux dire, c'est
que oui, la ligne est très mince, qu'il faudrait la déterminer pour qu'il n'y
ait pas d'abus ni de part ni d'autre, d'une part. De deux, oui, le tapage, la propagande, tout ce qui est dit à
longueur de journée, ça agresse, et que cette agression peut devenir pesante pour la personne, et que
cette personne, si, en plus, elle subit des discours haineux, elle ne... Comme
j'ai dit tout à l'heure, il y a deux
choses : ou elle va se rebiffer, ce qui n'est pas bon, ou alors elle va se
replier sur elle-même ou sur son groupe, et ce qui n'est pas bon non plus.
Donc, dans les deux cas, ce n'est pas bon pour notre société. Donc, il est
urgent... C'est ça, ce que nous disons, nous disons qu'il est urgent de prendre...
Le Président (M.
Hardy) : Je vous invite à conclure.
Mme Laouni
(Samira) : ...les dispositions nécessaires et de mettre en place, de
définir cette ligne, si mince soit-elle. Mais il faudrait la définir.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup.
Mme Laouni
(Samira) : C'est moi...
Le Président (M.
Hardy) : Merci de votre contribution.
Nous allons suspendre
nos travaux quelques instants, et j'inviterais les représentantes du Centre de
recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux
femmes à prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à
11 h 33)
(Reprise à 11 h 36)
Le Président (M. Hardy) : Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Centre de recherche
interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes.
Je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé.
Centre de recherche
interdisciplinaire sur la violence familiale
et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF)
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) :
Donc, bonjour à tous, à toutes, membres de la Commission des institutions.
C'est pour nous, chercheurs du centre interdisciplinaire sur la violence
familiale et la violence faite aux femmes, un plaisir
de prendre la parole aujourd'hui devant la Commission des institutions.
On remercie la commission de nous avoir invitées et de nous permettre de nous prononcer sur le projet de loi n° 59 édictant... Vous connaissez le titre, je le
passe.
Le CRI-VIFF, par contre,
peut-être que vous le connaissez moins, c'est un groupe de
recherche et d'action qui regroupe
des chercheurs, des intervenants des milieux de pratique institutionnels et
communautaires, ainsi que des étudiants qui poursuivent un même objectif, celui de contribuer à l'avancement des
connaissances sur les violences familiales et les violences faites aux femmes. Donc, la présence de
ma collègue ici, Estibaliz Jimenez, et de moi-même, Marie-Marthe
Cousineau, professeure à l'École de
criminologie à l'Université de
Montréal — Estibaliz étant professeure au Département de psychoéducation à l'Université du Québec à
Trois-Rivières — est justifiée du fait que nos recherches
actuelles portent, entre autres, sur les violences commises au nom de
l'honneur et les mariages forcés.
Ceci étant,
notre participation aujourd'hui, vous le comprendrez, va se limiter à la
deuxième partie de l'énoncé de la
loi. Attendez, j'ai sauté, là... Néanmoins, on... donc, à l'égard du projet sur
les mesures destinées à la protection des personnes, notamment les
filles et les femmes, contre la violence basée sur l'honneur et les mariages
forcés.
Donc, tout
d'abord, signalons qu'on rejoint le Conseil du statut de la femme, qui salue
positivement la volonté du gouvernement du Québec, qui prévoit des
changements législatifs afin de mieux protéger les filles et femmes notamment contre les mariages forcés et les violences
basées sur l'honneur. Les mesures proposées dans le projet de loi n° 59
vont, en effet, dans le même sens que
certaines recommandations proposées par le Conseil du statut de la femme dans
l'avis qui a été déposé en 2013 à l'égard
des crimes d'honneur. Néanmoins, nous ressentons un certain malaise à ce que
des mesures visant à protéger des victimes
de violences commises au nom de l'honneur, dont entre autres les mariages
forcés, soient prévues dans un projet de loi
inclusif traitant dans la foulée de la lutte contre les discours haineux, les
discours incitant à la violence et la
protection des personnes en faisant explicitement référence aux mariages
précoces et aux violences commises au
nom de l'honneur. Est-il cohérent d'envisager la lutte contre la radicalisation
et la lutte contre les violences commises
au nom de l'honneur et les mariages forcés dans un même projet de loi? Nous
posons la question d'entrée de jeu.
Ceci étant,
si on n'avait rien à dire, on ne serait pas ici. Donc, nous voulons quand même
commenter les aspects du projet de
loi qui concernent plus spécifiquement nos travaux sur les violences commises
au nom de l'honneur et les mariages forcés.
• (11 h 40) •
Mme
Jimenez (Estibaliz) : Dans le cadre de nos recherches basées sur
l'analyse juridique des lois, nous constatons que les législateurs omettent souvent de se prononcer sur une définition
explicite des notions clés qu'ils visent à légiférer, et c'est le cas du projet de loi n° 59 lorsque
le législateur vise à modifier le Code civil et la Loi de la protection de la
jeunesse insérant les notions d'honneur, de violence basée sur une
conception de l'honneur et du contrôle excessif. C'est quoi, l'honneur? C'est quoi, une violence basée sur
l'honneur? Quand sommes-nous devant un contrôle parental excessif? À qui revient la responsabilité d'opérationnaliser
ces concepts? Aux juges des tribunaux civils et de la jeunesse, à la direction
de la protection de la jeunesse, aux
intervenants travaillant en centres jeunesse, aux organismes communautaires
travaillant auprès des femmes et des filles.
Définir sur
les documents les notions d'honneur et de violence basée sur l'honneur s'avère,
certes, une tâche ardue et très
délicate, du fait qu'il s'agit d'un sujet tabou, notamment par la crainte
qu'elle entraîne de viser maladroitement certaines communautés culturelles et risquant ainsi de les
stigmatiser. Or, il est fondamental d'éviter la stigmatisation des personnes
qu'on dit vouloir protéger. Il s'agit là
d'une des raisons faisant qu'il n'y a pas encore de consensus sur la
terminologie et la définition de l'honneur et des violences basées sur
l'honneur.
À notre avis,
afin de favoriser la protection des mineurs victimes de violence basée sur
l'honneur et augmenter réellement les
pouvoirs d'intervention, le législateur devrait outiller et guider davantage
les directeurs de la protection de la
jeunesse et les personnes autorisées à appliquer la LPJ, mais il faut
comprendre avant d'agir. Ainsi, nous invitons le gouvernement du Québec à aller plus loin que son homologue canadien
en définissant explicitement les termes d'honneur, violence basée sur
l'honneur et le contrôle excessif.
Afin de bien
encadrer la pratique, tant en ce qui a trait au dépistage de cas soupçonnés de
telle violence ainsi que ce qui a
trait à l'intervention dans les cas de violence avérés, une intervention doit
nécessairement être intersectionnelle, impliquer
la concertation de tous les acteurs concernés par la problématique et l'action
qu'elle nécessite, une action qui doit
nécessairement s'appuyer sur le principe d'intervention interculturelle qu'il
reste encore à développer. Encore ici, il faut comprendre avant d'agir. De plus, nous pensons que la compréhension
de la violence basée sur l'honneur ne doit, par ailleurs, pas se limiter aux questions de mariage forcé ou précoce,
mais inclure des réalités encore mal connues que sont les mutilations
génitales féminines, les tests de virginité, la polygamie, entre autres.
Par rapport
aux modifications proposées ou plusieurs modifications au Code civil du Québec.
Au Québec, l'âge minimal requis pour
se marier est de 16 ans. Le Code civil permet les mariages des mineurs à partir
de 16 ans. Toutefois, en vertu de l'article 120 du Code
civil actuel, dans le cas de conjoints mineurs, l'obtention du consentement
des parents ou des tuteurs est obligatoire.
Les nouvelles dispositions du projet de loi vont plus loin en proposant
l'obligation d'obtenir l'autorisation
d'un juge pour procéder à la célébration du mariage et pour assurer du
consentement libre et éclairé des futurs
conjoints âgés de 16 à 18 ans. Cette obligation aurait pour objectif de réduire
les risques de mariage précoce, du fait que, dans la majorité des cas,
les mariages forcés de mineurs ont été organisés par les familles immédiates.
Nous
accueillons positivement cette mesure, qui devrait augmenter la protection des
mineurs contre l'avènement du mariage
forcé. Toutefois, cette mesure risque de laisser sans protection les mineurs
forcés de contracter un mariage à l'extérieur
du Canada. Nous savons que plusieurs mariages précoces sont célébrés dans les
pays d'origine des parents. Selon le
rapport du South Asian Legal Clinic, en Ontario, en 2013, 41 % des femmes
sont amenées à l'étranger pour être mariées de force. Dans ce cadre,
comment peut-on protéger ces personnes par le biais d'un projet de loi?
Enfin,
nous accueillons favorablement la modification inspirée des recommandations du
Conseil du statut de la femme qui
recommandait le modèle appliqué en Angleterre voulant que, lorsqu'une personne
croit que sa vie, sa santé ou sa
sécurité est menacée, elle pourrait demander une ordonnance de protection. Une
telle ordonnance en matière civile pourrait contribuer à assurer la
sécurité d'une personne sous l'emprise du contrôle de sa famille ou de son
entourage. L'ordonnance est une protection immédiate que l'on peut obtenir sans
avoir besoin de porter plainte à la police. Nous considérons favorable l'assistance d'une telle mesure au civil, conscients
qu'au pénal il existe une barrière à la dénonciation des victimes, du fait qu'elles ne veulent pas
nécessairement criminaliser les familles. De plus, la dénonciation et la
poursuite pénale risquent de causer
une rupture familiale, une impossibilité à rétablir les liens, ce qui aurait
pour effet d'augmenter l'isolement des victimes.
Le
projet de loi n° 59 prévoit aussi modifier la Loi sur la protection de la
jeunesse de manière à pouvoir considérer le contrôle excessif comme une forme de mauvais traitement psychologique
qui compromet la sécurité ou le développement de l'enfant. Le contrôle excessif est bel et bien considéré par
plusieurs organismes et chercheurs comme une forme... se traduisant dans bien des cas comme des situations
de violence basée sur l'honneur, notamment du fait qu'on vise à contrôler
la sexualité des femmes et des jeunes
filles. Ce contrôle dit excessif à l'égard des femmes et des enfants peut
certainement nuire à l'intégration à la société québécoise.
Le problème que nous
soulevons ici se situe dans l'évaluation de la situation et l'application des
mesures en vertu de la LPJ, du fait qu'il
n'y a pas de définition du concept de contrôle excessif ni de principe
directeur d'intervention en présence
d'un tel comportement. À partir de quand, dans quelle situation le contrôle
doit-il être considéré excessif et considéré comme un motif de
compromission à la sécurité ou au développement de l'enfant? Par exemple, la
culture d'honneur possède, aux yeux des
communautés qui y adhèrent, plusieurs fonctions
positives et protectrices qui mériteraient d'être mieux connues. Face à une culture dominante et un environnement non familier, certains peuvent, en effet, adopter des conduites parentales que la société d'accueil
peut considérer rigides à l'égard de leurs enfants, et plus particulièrement leurs filles, dans le but
avoué de protéger des dangers réels ou perçus.
Le projet
de loi propose également
de préciser qu'aucune considération quelle qu'elle soit, d'ordre idéologique
ou autre, y compris celle qui base sur une
coopération de l'honneur, ne peut justifier que la sécurité ou le développement d'un enfant soit compromis. Nous nous questionnons sur la
justification et la pertinence d'insérer cette modification dans la Loi
de la protection de la jeunesse. Au niveau pénal, par exemple, l'honneur et la
culture ne bénéficient pas d'un traitement d'exception, ou de... ou d'une
présomption de circonstances atténuantes.
Avant
de passer la parole à ma collègue, plus tard, peut-être, dans les périodes
de questions, on pourrait peut-être prendre le temps de
soulever les critiques du modèle anglais par rapport aux ordonnances de
protection au civil qui ont été soulevées. Merci.
Le Président (M.
Hardy) : Mme Cousineau.
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : Donc, en terminant, je voudrais seulement
dire que, quelque soit le sort qui va être
réservé au projet de loi, nous pensons, comme c'est le cas en violence
conjugale, que la problématique des violences commises au nom de l'honneur sous toutes ses déclinaisons, comme celle
des mariages forcés et plus spécialement des mariages précoces, mériterait, un, de faire l'objet de plus de
recherches — je vais
pour ma paroisse — car elle
reste encore fort méconnue, tant pour
ce qui est des formes qu'elles prennent que des conséquences qu'elles
provoquent. Deux, donc, s'appuyant
sur les connaissances acquises dans ces recherches, être l'objet d'une
politique gouvernementale d'intervention qui, elle-même, serait assortie d'un plan d'action interministériel avec
engagement. Le plan d'action devrait, un, s'appuyer sur des principes de promotion des valeurs et
comportements promus dans la société québécoise — sans dénigrer ce qui est vécu ailleurs, évidemment; sur la prévention
des comportements contraires — ici, les violences commises au nom de
l'honneur et les mariages forcés; sur le
dépistage des situations à risque ou avérées de telles situations; et, surtout,
quatre, sur une intervention
psychosociale et sociojudiciaire basée sur la concertation de tous les
partenaires concernés favorisant la cohérence et la complémentarité des
actions psychosociales, policières, judiciaires et correctionnelles. Voilà.
Le
Président (M. Hardy) :
Merci. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, à vous la parole pour une période de 25 minutes.
• (11 h 50) •
Mme
Vallée : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, mesdames, merci de votre présentation.
Merci aussi des commentaires que vous formulez, qui s'ajoutent à l'ensemble
des commentaires qu'on reçoit et que nous allons recevoir
au cours des prochaines semaines.
Peut-être
pour répondre à votre première interrogation, à savoir pourquoi avoir inclus
ces mesures, les mesures de
protection, les mesures traitant de la protection de la jeunesse, les mesures
traitant les mariages forcés dans le
cadre du projet
de loi, bien, c'est un projet de loi qui est global, qui se veut global, qui
vise à protéger les personnes vulnérables, les groupes vulnérables aussi qui
font l'objet, bien souvent, de discrimination en raison de l'une des situations
prévues à l'article 10 de la charte, les femmes, mais on parle aussi des
communautés LGBT, on pense aussi aux communautés culturelles. Alors, ce sont
des mesures de protection.
Ce sont des
mesures de protection aussi qui visent à contrer — et on doit le dire — une certaine forme de radicalisme. Lorsque l'on parle notamment du
contrôle excessif, d'une violence basée sur une notion de l'honneur, c'est
dans une interprétation extrême, bien
souvent culturelle ou religieuse, et ce que certains gestes... un certain
contrôle sera exercé sur des femmes,
sur des enfants ou qu'un rejet affectif, parfois, existera dans une cellule
familiale. Pensons aux jeunes des
communautés LGBT, même dans des familles québécoises de souche, comme certains
le diraient... ont vécu du rejet ou vivent du rejet affectif, vivent des
situations tout à fait inacceptables.
Donc,
l'objectif, c'était de présenter un projet de loi qui avait comme trame de fond
la protection de ces personnes-là, et
c'est certain que le rapport du Conseil du statut de la femme qui a été déposé
en 2013 m'a beaucoup inspirée, notamment dans cette volonté de venir inclure dans notre corpus législatif des
dispositions où on nommait les choses, où on fait référence à des notions qu'on ne retrouve pas actuellement.
Parce que certains nous diront : La loi sur la protection de la jeunesse
permet une intervention, peu importe s'il
existe une violence basée sur une conception de l'honneur. Moi, je vous
dirais : Tant et aussi longtemps
qu'on ne nomme pas les choses, c'est difficile pour un intervenant de pouvoir
voir où va se terminer son champ
d'application. Alors, le Conseil du statut de la femme, je pense, l'avait bien
mentionné dans son rapport, qu'il est important de nommer les choses
pour sensibiliser parce que ça fait partie de notre processus d'éducation et de
sensibilisation. C'est qu'une fois où on nomme une situation problématique,
bien, on permet à des intervenants, des intervenantes de s'informer, d'obtenir
l'information, de se former aussi bien souvent pour savoir comment intervenir,
comment interagir lorsqu'une situation se présente, et ça permet à notre loi
peut-être d'être mieux comprise et mieux appliquée.
Alors, c'est
certain que, pour ce qui est des définitions, c'est exact, c'est encore flou,
il y a plusieurs définitions qui
existent. ONU Femmes en a une. Le Conseil du statut de la femme, dans son
rapport, en a élaboré une également. C'est
toujours délicat, dans un projet de loi, de tout définir. Je sais que nos
juristes au ministère nous mettent en garde quant à notre tentation de tout définir les termes parce qu'il
appartient aussi au tribunal de venir interpréter le tout. Mais, je
pense puis j'imagine, lorsqu'on regarde l'ensemble de la littérature, je pense
qu'à la base, lorsqu'il est question de violence
commise au nom de l'honneur, il y a toujours
trois éléments clés qu'on retrouve dans cette violence-là. Il y a toujours l'espèce de pouvoir de contrôle sur la conduite
d'une femme ou la conduite... puis
ça, c'est dans la définition d'ONU
Femmes, mais la conduite aussi d'un enfant. Parce qu'il n'y a pas que les
femmes qui font l'objet de violence commise
sur l'honneur, il y a aussi parfois, malheureusement, de jeunes garçons qui ont
exprimé leur homosexualité et qui font l'objet de traitements tout à
fait inacceptables.
On en parle
peu, on en a peu parlé dans la sphère publique, mais ça existe, donc, un
pouvoir de contrôle sur la conduite
de la femme ou de l'enfant, l'espèce de honte qui est ressentie, la honte
culturelle qui est ressentie par la personne qui avait ce contrôle-là de voir cette perte de contrôle, de voir que sa
femme ou son enfant ne correspond pas à un stéréotype ou à une idée préconçue de ce qu'il ou elle
devrait être et une pression collective, une pression de la famille. Parce que,
parfois, ce n'est pas que la famille, c'est
aussi la collectivité, la fratrie, les amis, les... et qui va contribuer à
aggraver tout ça, donc le jugement de
la communauté. Alors, évidemment, il y a ces éléments-là qui sont à la base,
mais, pour nous, il était important de le mentionner.
On m'indique
aussi que les intervenants des centres jeunesse ont tous et toutes un document
dans lequel les termes sont définis.
Donc, évidemment, il y a cette volonté-là d'apparier notre loi... Donc,
les modifications législatives, si elles sont adoptées par cette Assemblée, bien, il y a
la volonté de s'assurer que les documents d'accompagnement qui seront offerts aux intervenants des centres jeunesse
partout à travers le Québec puissent comporter des guides. Est-ce que,
dans ce contexte-là, vous avez des
recommandations, des suggestions de ce qui devrait se retrouver au sein de ces
guides-là ou qui devrait être apporté comme soutien aux intervenants?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Jimenez.
Mme Jimenez (Estibaliz) : Oui. En fait, Marie-Marthe Cousineau et moi, on
fait partie d'un comité qu'on appelle extrasectoriel,
en tout cas, et avec ... Centre jeunesse de Montréal,
qui ne s'appelle plus comme ça, CIUSSS—Est... en
tout cas une grande ligne pour dire
Centre jeunesse de Montréal, et la TCRI, la table de concertation pour
l'accueil des réfugiés et des
immigrants, et on est en train d'essayer vraiment de définir... on est
en train d'essayer, d'abord, d'avoir un
consensus sur la terminologie à utiliser parce qu'il n'y a pas non plus des... Des fois, c'est violence basée sur
l'honneur; des fois, c'est crime
d'honneur; des fois, violence où il n'y a pas d'honneur, etc. Donc, il n'y a
pas de consensus par rapport à la
terminologie, et, des fois, on appelle les fémicides, des fois c'est violence
contre les femmes au sens large, et donc on prépare maintenant la technologie et la définition à utiliser. Donc, on
sait que ce n'est pas une tâche facile, c'est délicat, mais on est en train de la faire actuellement,
donc. Mais c'est sûr que ça serait important de donner des directives claires
afin d'accompagner parce que, pour le
moment, ce n'est pas facile d'intervenir dans un contexte qu'on ne connaît pas
beaucoup.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Cousineau.
Mme Cousineau (Marie-Marthe) : Je
dirais aussi qu'il y a cette idée des guides, mais, au-delà des guides, il y a beaucoup de... On est en train de
développer... il se développe beaucoup toute la question de l'intervention
interculturelle, et
ça prend plus qu'un guide, ça prend de l'accompagnement, et éventuellement ça
prend, au-delà de l'accompagnement, ça
prend de l'accompagnement dans le suivi aussi, de l'accompagnement
éventuellement pour faire du dépistage. On a travaillé beaucoup avec le Bouclier d'Athéna pour essayer de développer
éventuellement un outil qui permettrait d'identifier des situations potentielles ou avérées de violence
liée à l'honneur ou de mariage forcé, consommé ou à venir, pour pouvoir
éventuellement intervenir.
Le projet de
loi, comme cet outil-là, comme... sont des moments importants probablement dans
toute cette question de comment
aborder ces questions-là. En même temps, le danger, c'est qu'il faut que la
compréhension et l'intervention se
développent parallèlement. Parce qu'une fois qu'on aura... si on dépiste — puis ça, c'est un peu le problème des
centres jeunesse actuellement — si on arrive à dépister, par exemple... ou
si on a un soupçon sur un cas qui pourrait s'avérer une violence liée à l'honneur ou éventuellement un
mariage forcé en devenir ou etc., puis encore plus — je dis les centres jeunesse, mais ils sont déjà équipés — dans les écoles, qu'est-ce qu'on fait? Une
fois qu'on a ce soupçon-là, qu'est-ce qu'on
fait? Comment on intervient? Qu'est-ce qu'on peut faire? Jusqu'où on peut
aller? Ça, c'est des questions qui sont encore en train de se... Donc, d'avoir un projet de loi, de pouvoir
identifier ces situations-là, c'est une chose. Après ça, de pouvoir
intervenir puis d'avoir les ressources adaptées pour pouvoir intervenir, c'est
autre chose.
L'intervention interculturelle, ça aurait dû
être quelque chose d'antédiluvien, mais c'est quelque chose qui se développe actuellement. La société est aussi en
changement depuis... Là, c'est vraiment avéré, mais ça a été très rapide,
ça a bougé beaucoup. Nous on vient de
Montréal, Montréal est plus que multiculturelle. Il y a des classes maintenant
où les Québécois dits de souche sont
en minorité, donc il y a une espèce de compréhension mutuelle aussi qu'il faut
développer.
Quand on a
développé nos projets de recherche, au départ on était plus ou moins naïves,
puis, bon, on parlait des violences
liées à l'honneur, puis, pour nous, ça allait de soi, puis on... Évidemment, on
travaillait autour du cas Shafia, là, ça
a été un peu la bougie d'allumage pour tout ce qui se fait maintenant autour
des violences commises au nom de l'honneur pour se faire, à un moment donné, ramener à l'ordre aussi en
disant : Oui, mais il y a des situations où il faut voir quels sont les motifs derrière, éventuellement, ce qu'on
est en train d'appeler le contrôle excessif. La résultante est la même, c'est-à-dire qu'on a éventuellement un
comportement de contrôle, les jeunes filles sont souvent isolées, amenées à rester
à la maison, bon, etc., mais quel est le
motif au départ? Est-ce que c'est vraiment une volonté de contrôle ou est-ce
que c'est une crainte exprimée par rapport à un pays où on débarque?
On débarque
ici, on ouvre Le Journal de Montréal, ce qu'on vient de voir, c'est une
jeune fille dans un bar qui a eu de
la drogue du viol dans son verre, qui s'est retrouvée à l'hôpital, puis tout
ça. Tu dis : Oupelaïe! Moi, ma fille, elle va rester à la maison, et je vais la protéger. Donc, est-ce que c'est un
comportement de protection? Est-ce que c'est un comportement de
contrôle? Comment on fait pour bien cerner les situations, et bien intervenir
aussi, puis éviter que, évidemment, les cas comme l'affaire Shafia se
retrouvent encore à la première page des tabloïds, évidemment?
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
• (12 heures) •
Mme Vallée : Ah! je comprends, je suis très sensible à ce que
vous venez de décrire, à savoir il faut faire la part des choses entre une réaction qui vise une
protection, le réflexe maternel ou paternel de protéger ses enfants contre des
agressions que personne ne souhaite pour ses
enfants et le contrôle excessif, qui vise à éviter la socialisation de l'enfant,
éviter son intégration dans une société qui
n'est pas tout à fait à l'image de ce qu'on considère comme étant
correct ou acceptable en raison de notre culture, en raison de notre
propre bagage.
Et, évidemment, le projet de loi vise à inclure un
motif d'intervention, puis, comme vous le savez, les interventions des intervenants de la protection de la jeunesse
peuvent prendre différents angles en fonction, justement, de la nature et
de la gravité du préjudice qui est causé à
l'enfant. Il y aura sans doute, dans certains cas, un accompagnement social qui
permettra de venir solutionner et régler les
choses. Et, dans d'autres cas, peut-être que des mesures plus importantes,
ayant plus de mordant seront requises
parce qu'on en est dans une situation où il y a, effectivement, une violence
qui est basée sur une conception de l'honneur.
Puis le choix
d'utiliser «violence»... Puis j'imagine que vous êtes familières avec le
contexte, mais, pour ceux et celles
qui nous écoutent, quand on parle de violence plutôt que de crime d'honneur,
parce que «crime d'honneur» fait beaucoup
référence à des crimes violents, meurtres, et tout, alors que la violence,
c'est beaucoup plus large et beaucoup plus
englobant, et c'est aussi insidieux que des remarques, que des commentaires.
Comme, lorsqu'on parle de violence conjugale,
on parle de violence psychologique envers une femme ou envers un conjoint, une
conjointe, on a vraiment voulu se rattacher au concept de violence qu'on
utilise dans plusieurs plans d'action gouvernementaux.
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : ...ça reconnaît que la violence n'est pas
toujours physique et qu'elle peut prendre toutes sortes de formes...
Le Président (M. Hardy) : Mme
Cousineau.
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : Mme Cousineau. Excusez, je n'ai pas fait
mon petit doigt. Et, notamment, il y a des violences aussi maintenant,
là, qu'on commence à reconnaître ou qu'on commence à voir, les violences économiques, qui n'étaient pas nommées, qui
commencent à être nommées. Là, on commence à parler de violence aussi sectaire ou des violences spirituelles ou... qui
sont des formes aussi de violence psychologique où on essaie d'amener une
forme de pensée qui confronte nos valeurs
aussi. Donc, c'est ça, ce n'est pas innocent qu'on soit passé de crimes basés
sur l'honneur à violences — avec un s — commises au nom de l'honneur, basées sur
aussi... Il y a tout un jeu aussi entre «basé sur»... Parce que, là, on
s'inspirait beaucoup du vocable anglais «honour-based violence», mais nous, on
aime parler de
«violences commises au nom de» parce que c'est un peu le motif qu'on invoque,
c'est qu'on essaie de protéger l'honneur de la famille. Donc, c'est
là-dessus qu'on travaille.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée :
Vous avez aussi fait état du grand nombre de mariages célébrés à l'extérieur du
Canada. Est-ce que vous avez des
suggestions à formuler concernant les interventions qui pourraient être faites
pour tenter de mettre un terme ou un frein à ce type de pratique?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Jimenez.
Mme
Jimenez (Estibaliz) : Oui. En fait, c'est sûr qu'on pourrait voir
quelques aspects positifs au projet S-7 canadien où ils mettent des mesures... même si j'ai beaucoup de critiques à faire
par rapport au titre culturel barbare, etc. Mais les mesures proposées par rapport à essayer de
prévenir ou criminaliser l'organisation ou les activités qui mènent à marier
de force quelqu'un à l'étranger, déjà ça
pourrait faire en sorte que, si devient criminel le fait d'organiser un mariage
forcé à l'étranger... ça se pourrait
qu'après, ensuite, pour... Dans le cas du projet civil que vous proposez,
l'ordonnance civile, ça serait bien
qu'il aille plus loin et qu'il englobe le fait d'organiser un mariage forcé à
l'étranger lorsque... qui élargit pas
juste aux protections locales, mais qui élargit au fait qu'on craigne, qu'on envisage qu'il y ait
un voyage qui se prépare et qu'on soupçonne peut-être qu'on va être
envoyé pour... à l'effet de contracter un mariage.
Donc, je
me demande si on pourrait même faire une mention au projet de... 59 où on
proposerait aussi deux changements : le premier, inclure de façon explicite le fait de marier à l'extérieur,
et, deuxièmement, peut-être écrire de façon explicite, peut-être,
qu'il comporterait la nullité dans les cas de mariage forcé contracté à
l'étranger. Donc, dans ce cadre-là, une même personne, une victime pourrait être protégée pas juste sur les
actes commis sur le territoire québécois, mais aussi à l'extérieur.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Ah! bien, je
vois qu'on souhaitait ajouter.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Cousineau.
Mme Cousineau (Marie-Marthe) : ...
Le Président (M. Hardy) : Mme la
ministre.
Mme Vallée : Bien, en fait, il y a certaines dispositions,
certaines suggestions que vous nous formulez qui relèvent davantage
du gouvernement fédéral et des champs d'intervention du gouvernement fédéral.
Oui, notre mesure, notre ordonnance civile
de protection est un outil qui peut servir pour quiconque se
sent menacé, sent sa sécurité menacée au même titre qu'on peut
retrouver, dans certaines mesures qui sont prises devant la Cour supérieure par
des parents qui souhaitent empêcher que leur
enfant puisse aller à l'étranger avec un parent... Donc, c'est certain que...
Et les mesures, peut-être, pourraient être utilisées, l'ordonnance
civile de protection.
D'ailleurs,
je voulais... Sur cette question-là, vous avez fait état des conséquences,
parfois, d'une plainte logée aux
autorités policières, et c'est justement le pourquoi de l'ordonnance civile de protection.
C'est qu'on est très sensibles au
fait que, dans bien des cas de violence conjugale, dans bien des cas de
violence sexuelle même, les plaignantes n'osent pas porter plainte parce
qu'elles sont conscientes des impacts que ça pourrait avoir sur leur
ex-conjoint, leur ex-conjointe, sur le revenu, le travail, donc est-ce
que je vais perdre un soutien financier pour mes enfants? Donc, l'objectif,
c'était justement de permettre des
procédures qui vont permettre des ordonnances à plus long terme, que le
tribunal émette des ordonnances à
plus long terme pour protéger les personnes vulnérables contre des menaces,
contre du harcèlement sans pour
autant obliger, bien souvent, ces femmes — parce qu'on parle majoritairement de
femmes — à porter
plainte. Et j'aimerais vous entendre
parce que, dans les communautés culturelles, bien souvent on va rester à la
maison parce qu'on n'a pas d'outils
autres que les plaintes formulées aux autorités policières, et ça crée d'autres
problématiques. Vous travaillez avec
le Bouclier d'Athéna, est-ce que vous avez des exemples, des commentaires à
formuler les ordonnances civiles de protection?
Le Président (M. Hardy) : Mme Cousineau.
Mme Cousineau (Marie-Marthe) : Sur
les ordonnances civiles de protection, c'est-à-dire que c'est un outil intéressant, comme le 810 l'est aussi. C'est une
espèce de complément au 810. Éventuellement, si on ne veut pas judiciariser,
on peut y aller.
Une des choses qu'on remarque — puis
on est justement en train de travailler sur le 810 actuellement, puis éventuellement on travaillera sur les ordonnances
civiles de protection — là où le bât blesse, c'est dans l'opérationnalisation, la compréhension. Une fois qu'on a édicté, que ce
soit une ordonnance... Er c'est une mesure qui est peu connue, en fait, hein, l'ordonnance civile de protection, là, je
veux dire, c'est quelque chose dont on commence à parler, mais qui n'est
pas si populaire. On passe beaucoup par le
810, le 810 qui est utilisé aussi, mais qui est souvent mal compris, qui est
mal géré, qui,
dans ses suites, par exemple, tu sais, quand on... Alors là, on a un
levier — là, je
passe au 810, mais on est un petit peu
dans la même veine — c'est-à-dire
qu'on a une ordonnance, mais, quand on veut faire le suivi, si l'ordonnance...
On a des leviers pour éventuellement... Notamment, avec le 810, s'il
n'est pas respecté, on peut avoir un manquement, une accusation en manquement, mais il n'y en a pas, d'accusation en
manquement. C'est mal compris, c'est
mal... et ça sert peu, finalement. Que ce soit le 810 ou que ce soit, pour
l'instant, l'ordonnance de protection, il
faudrait que ces mesures-là soient publicisées, il faudrait...
Ce qu'on
note — puis
vous parliez des personnes des minorités culturelles qui sont ici, et tout
ça — c'est
souvent une incompréhension par
rapport à nos lois. Il y a beaucoup de formation, de sensibilisation à faire,
si j'avais... Et ça, il faut que ça
soit fait, bien, à l'arrivée pour les parents. Mais, si j'avais un souhait...
Puis, dans le projet de loi, il est question d'inclure aussi le
ministère de l'Éducation et d'avoir, finalement, une action intersectorielle,
et ça, je trouve ça très important. J'ai eu
un fantasme à un moment donné qui ne s'est pas réalisé, mais auquel je tiens
toujours et auquel je pense qui est d'avoir éventuellement une formation
à... J'ai un blanc, ça va bien.
• (12 h 10) •
Mme Jimenez (Estibaliz) :
Interministérielle?
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : Une formation à la citoyenneté dans les
écoles. On pourrait commencer dès le
secondaire éventuellement ou au cégep pour, au moins, les gens qui sont à
l'école. On sait qu'il y a 40 % de décrochage, on va essayer de les attraper avant qu'ils
décrochent, mais néanmoins pour qu'il y ait une espèce de conscience de c'est
quoi, nos valeurs, c'est quoi, les outils
qu'on a, qu'est-ce qu'on peut faire, comment on peut, justement... On n'est pas
obligé de passer par les voies judiciaires,
on peut être protégé autrement, il y a des... Puis, pour les potentiels
agresseurs, éventuellement pour les
familles, bien, il y a des conséquences aux actes qu'on pose, il y a...
Actuellement, je dirais qu'on a un
bon outil législatif en dehors du projet de loi n° 59 qui viendrait se
surajouter, mais néanmoins c'est dans l'actualisation puis dans la mise
en force des mesures où, là, on a plus... dans l'application, finalement, des
lois.
Et vous avez,
tout à l'heure... C'est parce que vous avez, tout à l'heure, mentionné que,
bon, ça, c'est de juridiction fédérale,
ça, c'est de juridiction provinciale, puis on a aussi des juridictions du
ministère de la Justice, du ministère de la Sécurité publique, puis il y en a aussi qui relèvent éventuellement de
Santé et Services sociaux. Donc, tout ça, ce sont toutes des instances
qui, éventuellement, sont appelées à prendre des décisions dans ces cas-là. Que
ce soit violence conjugale, ce sur quoi je
travaille aussi de façon plus large, dans les violences soupçonnées ou avérées
commises au nom de l'honneur, les
mariages forcés, etc., ce sont toutes des instances qui sont appelées à
intervenir, mais qui interviennent encore, malheureusement, trop en
silo.
Le Président (M. Hardy) : Je vous...
Mme Cousineau (Marie-Marthe) : Et
nous, on travaille actuellement sur...
Le Président (M. Hardy) : Je vous
remercie...
Mme Cousineau (Marie-Marthe) : ...juste
finir mon petit mot, j'en ai...
Le Président (M. Hardy) : Oui,
allez-y.
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : On travaille actuellement sur ce qu'on
appelle l'incohérence des ordonnances pour
essayer de créer entre toutes ces instances — fédérales, provinciales puis qui dépendent
des différents ministères — une espèce de cohérence d'action pour qu'on puisse travailler
ensemble, et non pas les uns à côté des autres. Voilà.
Le Président (M. Hardy) : Merci.
Nous allons passer maintenant à la période d'échange avec l'opposition
officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole...
Mme
Maltais : Merci,
M. le Président. Bon...
Le Président (M. Hardy) : ...15 minutes.
Mme
Maltais : Oui,
merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Hardy) :
14 min 37 s.
Mme
Maltais :
Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour. Merci, mesdames. Un centre que je
connaissais peu, et je suis allée voir avec intérêt que vous avez été
créé dans la foulée des événements de Polytechnique, à ce que j'ai compris. Donc, vous avez quand même, depuis
quelques années, sûrement accumulé une certaine expertise. J'ai vu le nombre de chercheurs aussi qui sont en lien avec
votre centre, c'est assez impressionnant. C'est pourquoi on est intéressés
à avoir votre éclairage sur une partie du
projet de loi qui, cette fois-ci, semble véritablement pour nous — je pense, pour tout le monde — répondre à un véritable besoin dans la
société. Ça, c'est vraiment une demande des Québécois, comment on réagit face aux mariages forcés,
particulièrement ceux à l'étranger? Je sais que c'est une des préoccupations
qu'on a, puis je vais commencer par ça, le mariage forcé.
Sur
le mariage forcé, l'article 13... Mariage à l'étranger, l'article 13 de la loi
dit qu'on modifie, bon, le code, par le remplacement, bon... Mais on dit : «Toutefois, lorsque l'un des
époux est domicilié au Québec et est mineur au moment de la célébration du mariage, cette dernière doit
être autorisée par le tribunal.» Bon, c'est la façon que le gouvernement
a trouvée pour dire : Au moins, le
mariage ne sera pas entériné par les autorités québécoises. Est-ce que je
comprends qu'il pourrait être
intéressant que non seulement le mariage ne soit pas entériné si un juge
considère qu'il n'est pas entériné, mais
qu'il puisse même, à la limite, avoir un avis disant : Ce mariage n'est
pas reconnu par les autorités québécoises
pour que le message à l'intérieur de la famille ou de la communauté est que ce mariage n'est pas reconnu? Parce qu'après tout, ici, ne pas être marié
n'est pas l'objet de réprobation, les gens vivent ensemble sans aucun problème,
on est même la nation qui... les Québécois
et les Québécoises sont ceux et celles qui se marient le moins. Donc, je ne
sais pas, est-ce que vous pensez que
ça pourrait être utile? En tout cas, j'amène la réflexion, elle m'est venue,
comme ça, à l'improviste, en vous écoutant.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Cousineau.
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : En
fait, moi, je trouve qu'une des avancées de ce projet de loi là, c'est justement
ça, c'est de faire reconnaître les mariages par les tribunaux, parce que
souvent, dans le cas de mariages forcés ou de mariages précoces, celui qui va donner la possibilité que le mariage ait lieu, ça
va être un membre de la famille,
et le mariage est arrangé par la famille.
Donc, d'avoir un membre de l'extérieur qui se prononce en disant : Moi, je
vais vérifier que ce soit un consentement libre et éclairé, et là on va tomber dans tout le
flou... Parce qu'on parlait tantôt de flou,
mais il restera à définir, mais clairement qu'est-ce
qu'on veut dire par «libre et
éclairé». Parce que, quand ça fait partie d'une tradition, et qu'on invoque la tradition, et qu'on invoque
la tradition du pays, et tout ça, est-ce
qu'on ne met pas une pression qui
est, vous le disiez tantôt, insidieuse et qui fait qu'on ne le voit pas, le
choix, tant que ça, on ne l'a pas
tant que ça? Mais je pense que oui, effectivement, ça serait probablement une
avenue intéressante que cette mesure-là soit encore plus raffermie...
Mme
Maltais : Plus
explicite...
Mme Cousineau (Marie-Marthe) : ...plus
explicite encore.
Mme
Maltais : ...genre
déclaration de nullité aux fins des lois québécoises, des autorités
québécoises.
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : ...plus explicite encore. Et ceci — puis je le disais — sans nécessairement parler de traditions barbares ailleurs, mais
simplement en disant que chez nous, au Québec, plus largement au Canada,
le mariage est basé sur la notion de
consentement libre et éclairé des époux, que c'est un principe de base et qu'il
faut le vérifier, puis d'autant plus
dans le cas des mineurs. Puis, bon, bien, que ce soit fait par une instance
extérieure, je pense que ça, c'est une avancée importante.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Merci. L'autre chose, c'est même autorisé par le tribunal, ce n'est pas... Là,
si le tribunal dit : Ce mariage
n'est pas valide aux fins des lois québécoises, on est donc face à une mineure
qui a été mariée sans son consentement.
Il y a un juge qui juge de ça. On n'a rien là-dedans... Puis je ne sais pas si
ça serait positif ou négatif, parce que,
des fois, en voulant aller trop loin, on nuit, là, j'essaie de voir s'il
devrait y avoir à ce moment-là... le juge devrait avoir un lien avec le Tribunal de la jeunesse
parce qu'on se retrouve face à une jeune ou un jeune qui a été contraint à se
marier.
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : Et là on va exactement dans le sens dont je
parlais tantôt, c'est-à-dire d'avoir une
action concertée entre les différentes instances et, justement, d'avoir
éventuellement des tribunaux spécialisés dans le traitement de ces causes-là. Donc, ça serait des juges qui seraient
au fait de la problématique et qui sauraient... et qu'on travaille en concertation, effectivement, avec soit
les centres jeunesse ou avec des intervenants communautaires éventuellement. Parce que, là, on parle de
mineurs, mais il y a aussi des femmes qui sont mariées de force qui ne sont
pas mineures, et là ça pose un autre type de problème, vu qu'elles sont
majeures.
Mme
Maltais :
Oui, parce que, là-dedans, je ne le sais pas, on ajoute la protection pour les
mineurs, mais on ne sait pas comment
appréhender aussi — puis je
pense que c'est normal un peu, là — le fait des femmes majeures. Est-ce que ce phénomène existe beaucoup? On connaît des
mineures, mais est-ce que ce phénomène des femmes qui pourraient être
majeures et qui sont mariées à l'étranger existe beaucoup?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Cousineau.
• (12 h 20) •
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : Bien, il existe. Est-ce qu'il existe
beaucoup? Là, il y a beaucoup de sensibilisation qui se fait, il y a beaucoup de sensibilisation qui se fait dans les
écoles. Donc, je pense qu'on travaille autour de ça, mais il y a un phénomène aussi qui est en train de surgir,
dont on n'a pas parlé et qui est toute la question des mariages via Internet,
de la sollicitation. Et, évidemment, la
pensée magique, ce n'est pas juste le fait des mineures aussi. On parle de
mariage forcé,
ça peut être par la famille parce qu'on dit : Tu n'as pas le choix parce
que tu es mineure, tu vas y aller. Mais ça peut être aussi suite à des leurres. Par exemple, on leur a fait valoir tout
un royaume au Québec, mais, quand elles arrivent ici, ce n'est pas du
tout ce qui se passe.
Puis là on
parle de mariages forcés, il y a les mariages arrangés, les mariages forcés. La
frontière entre arrangé et forcé,
comment on fait pour définir que c'est arrangé, qu'il y a eu une certaine forme
de volontariat, alors que, dans «forcé»,
on dit qu'il n'y a pas de volontariat? Mais est-ce que le volontariat est
vraiment tellement là? En tout cas, il y a toute une question aussi à débattre entre mariage arrangé et mariage
forcé, mais je pense qu'encore là c'est par la sensibilisation, promotion... Puis ce qui est triste un petit peu, c'est
qu'il semble que... je n'ai pas de chiffres, par contre, mais que les structures d'accueil, notamment des
femmes, au Québec, toutes les ressources pour les nouvelles arrivantes
sont peut-être moins bien soutenues actuellement, et c'est à travers ces
structures d'accueil là pour les femmes qu'on pourrait faire aussi beaucoup de
travail.
Il faut aussi
dire qu'il y a une certaine forme... Il y a parfois des mariages même forcés,
des mariages arrangés qui
fonctionnent bien. Là où il faut s'inquiéter, c'est quand la violence
s'installe et que, là, on est dans une situation où, là, toute la famille... Ce qui fait la différence avec
les violences conjugales habituelles, c'est que, là, souvent, on a la
complicité de la famille et même,
parfois, de la communauté parce que ce mariage-là a été arrangé, et on veut que
ça fonctionne. Donc, ça, c'est un autre problème.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Il y a
une chose que je vais vouloir comprendre. Je ne sais pas si vous l'avez vu
comme moi, l'article dit : «Toutefois,
lorsque l'un des époux est domicilié au Québec et est mineur au moment de la
célébration du mariage...» Est-ce que
ça comprend, mettons, deux mineurs qui se sont mariés à l'étranger, mais qui
arrivent au Québec ensuite? Ils ne
sont pas domiciliés au moment du mariage. Ils arrivent ici, le jeune homme ou
la jeune femme comprend que les
règles ici permettent une liberté qui n'existe pas ailleurs, puis se sauve.
Est-ce qu'on peut les sortir de ce mariage? En tout cas, il y a des
bonnes questions qui se posent à la suite de votre intervention sur nos
capacités à aider...
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : ...effectivement, quand j'ai lu le projet
de loi, j'avais un gros point d'interrogation en disant : Qu'est-ce
que ça veut dire? Et qu'est-ce qu'on...
Le Président (M. Hardy) : Mme
Jimenez.
Mme Jimenez (Estibaliz) : Oui. Bien,
justement, la phrase... ça a l'air que c'est exclusivement domicilié au Québec. Et peut-être que ce n'est pas l'intention
du législateur d'exclure les mariages à l'étranger, mais c'est certain que
ce mot de domicilié au Québec laisse
peut-être interpréter qu'on se limite juste aux mariages... que peut-être ils
vont être forcés au Québec.
Donc, par
rapport à la question que vous aviez tantôt par rapport aux enfants, c'est
certain que le mariage forcé, il vise surtout, plus des mineures que les
femmes parce qu'il y a un concept d'honneur qui exige une virginité. Donc, il va y avoir plus de chances d'être vierge en
étant enfant qu'être des femmes. Mais, nous aussi, notre opinion, c'est que
cette ordonnance de protection au civil,
c'est une très bonne chose. Et le projet de loi no 59, il vise,
comme vous aviez dit tantôt, la protection des personnes vulnérables,
et, des fois, la protection des femmes en général, elle devrait être envisagée, pas juste les... subissaient pour la
violence commise au nom de l'honneur, ça devrait être aussi plus large, et
pas juste les mineurs, aussi des femmes en général qui devrait être envisagée.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Taschereau.
Mme
Maltais :
Vos interventions me font réaliser qu'il pourrait y avoir discussion en cour,
on pourrait dire que l'article 13 ne
s'applique que lorsqu'un des époux est domicilié au Québec et mineur. Mais, si
un époux est domicilié au Québec et majeur et amène un mineur qui n'est
pas domicilié au Québec, je pense à... et c'est arrivé, hein, amène une mineure
aux Phillipines, alors, et n'est pas domicilié au Québec, va se marier à
l'étranger, revient ici, est-ce que c'est couvert ou pas? Je pense que oui,
mais...
Une voix : ...
Mme
Maltais : C'est
d'autres dispositions? D'accord, c'est ça. Mais comprenez bien que j'essaie de...
Bien, s'il y a d'autres dispositions qui permettent de couvrir ça, c'est bien.
Bon, bien,
une dernière chose. Vous avez parlé de tests de virginité, mutilation génitale,
bon, évidemment, ce n'est pas dans la
loi. Est-ce que vous avez été satisfaites des explications, par exemple, du
Collège des médecins, qui disait : Non, non, tests de virginité, mutilation génitale, c'est déjà... c'est couvert
par l'ordre, par le Collège des médecins,
je crois? Une fois, en
tout cas, il y a
eu un débat à un moment donné, le Collège des médecins avait dit : Non,
non, c'est interdit au Québec, on ne peut pas. Est-ce que, là-dessus,
vous avez d'autres commentaires? Vous suivez sûrement ce débat. Est-ce que
ça se fait encore au Québec? Et est-ce
que c'est en progression? Est-ce que
c'est en diminution? Est-ce qu'il
y a quelque chose à faire?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Jimenez.
Mme Jimenez (Estibaliz) : Selon les organismes qu'on a côtoyés, il
semblerait qu'il y a plus de cas des demandes de test de
virginité et aussi... comment on appelle... hymen...
Une voix : ...
Mme Jimenez (Estibaliz) : Ouais, qu'est-ce
qu'on pense. Et c'est sûr que ça fait
en sorte que les médecins et les infirmières...
et, au CLSC aussi, ça crée un malaise, un malaise parce que
où est-ce qu'on protège le mieux la femme, c'est en s'opposant de pratiquer cette intervention, qui
n'est pas, en théorie, québécoise ni canadienne, ou en refusant d'intervenir? Où est-ce
qu'on protège mieux la victime? Donc,
à notre avis, je pense que les législateurs, ils devraient se prononcer.
On l'a dit tantôt que ça serait important
de ne pas juste se limiter au mariage forcé, d'aller plus loin, aussi dans les
cas de polygamie parce que la polygamie aussi, ça inclut parfois aussi
le mariage forcé des différents conjoints et du...
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée.
Mme
Maltais : Je sais
qu'il me reste à peu près 30 secondes...
Le Président (M. Hardy) :
1 min 6 s.
Mme
Maltais : 1 min 6 s. Écoutez,
je voulais simplement vous remercier beaucoup pour votre
témoignage. Je suis obligée de le
faire maintenant parce
que j'avais une énorme obligation et
je vais être obligée de quitter la salle, ce qui est exceptionnel pendant une commission parlementaire. Je voulais vous remercier et remercier tout le monde de cette
présentation.
Le
Président (M. Hardy) :
Merci. Donc, nous en sommes rendus à passer à la période d'échange avec le
deuxième groupe d'opposition, mais avant je dois vous demander votre consentement pour poursuivre
au-delà de l'heure prévue.
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Hardy) :
Consentement, parfait. Donc, Mme la
députée de Montarville, à vous la parole pour une période de 10 minutes.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Merci, mesdames. Merci d'être là. Vous êtes du Centre
de recherche interdisciplinaire sur la
violence familiale et la violence faite aux femmes. Il y a
des dispositions intéressantes ici
contre les mariages forcés, les mariages avec les mineurs, et, moi, ce que
j'aimerais savoir — puis
la question n'a pas été
posée — c'est :
De toutes vos études, est-ce qu'on a une idée, au Québec, du nombre de mariages
forcés ou de mariages avec des
mineurs qui sont pratiqués, qui existent ou de femmes mineures qui nous
arrivent déjà mariées? Est-ce
qu'on a une idée de l'ampleur de cette problématique? L'avez-vous, cette idée... ou ce que vous avez comme données sur cette
problématique.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Cousineau.
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) :
On a peu de données, c'est un phénomène qui est caché. Mais ce qu'on sait,
c'est que de plus en plus, dans les refuges pour femmes victimes de violence ou
même dans les centres pour femmes immigrées, et tout ça, c'est des situations
qui sont découvertes.
Et, dans les écoles aussi, on commence à... il y
a des... Parce qu'on a des outils maintenant de détection ou de sensibilisation, donc il y a de plus en plus de cas qui sont, à tout le moins, soupçonnés et qui sont pris en
charge. Donc, quelle est l'ampleur
réelle? Puis ça, c'est la question à 1 000 $, mais, par ailleurs, est-ce que c'est un phénomène qui est
en croissance? En tout cas, c'est un phénomène qui est en découverte
croissante, à tout le moins.
Mme Jimenez (Estibaliz) : Je
voudrais juste ajouter que...
Le Président (M. Hardy) : Mme
Jimenez.
Mme Jimenez (Estibaliz) :
Excusez-moi.
Le Président (M. Hardy) : C'est
beau.
Mme
Jimenez (Estibaliz) : ...que le Centre jeunesse de Montréal, dans une
des conférences qu'on est allées, ils avaient
dit que, depuis l'affaire Shafia jusqu'à maintenant, il y a eu
30 signalements de cas... soupçonnés ou avérés des violences commises au nom de l'honneur. Par
contre, très peu ont été retenus. Donc, il y a eu des signalements. Est-ce
que c'est signalement parce que c'est des
cas réels ou des signalements parce qu'après l'affaire Shafia ça a fait la
manchette, et on est sensibilisé, et
maintenant on est comme plus en alerte? Mais il y a eu 30 qui... avant, il n'y
en avait pas, qui ont cette connotation d'honneur. Mais très peu ont été
retenus pour donner suite et des prises en charge.
• (12 h 30) •
Le Président (M.
Hardy) : Mme Cousineau.
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : Si je peux rajouter, c'est que, de plus en
plus, on a des demandes... Parce que,
bon, à Montréal, c'est un phénomène sur lequel on travaille. Bon, il y a Le
Boulier d'Athéna, il y a le CSAI, il y a toutes sortes d'organismes qui travaillent sur ces questions-là, mais on
a de plus en plus de demandes en région de maisons d'hébergement, de maisons d'aide aux femmes qui
nous interpellent pour avoir éventuellement de la formation parce qu'ils
sont interpellés et ils ont de plus en plus de femmes immigrantes dans leurs
ressources, et c'est des questions qui se posent,
là, de façon accrue, là, depuis un certain temps. Donc, on a ces demandes-là.
Ça fait que c'est un sentiment... Je n'ai pas de chiffres à vous donner,
mais il y a certainement quelque chose qui se passe autour de ces questions-là.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Et est-ce que c'est la même chose au niveau de la polygamie?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Jimenez.
Mme
Jimenez (Estibaliz) : La polygamie, c'est les cas qui ont été
rapportés par les médias qu'on connaît, on n'est pas allés plus loin.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Est-ce que vous craignez le fait que, dans
certaines familles, les valeurs culturelles entreraient en conflit avec les critères de contrôle excessif? Et
avez-vous des exemples? La question, c'est que, par exemple... Moi, je vais vous en donner un, exemple, là, qui
n'est pas au Québec, mais, au Danemark, par exemple, on ne peut pas du tout, du tout toucher à un enfant. Un parent
qui donnerait une tape à un enfant se verrait sanctionné, et des sanctions
qui peuvent aller jusqu'à la perte... le
retrait des enfants du foyer familial. Alors, les enfants sont rois au
Danemark, puis ce n'est pas partout pareil en Europe.
Donc, ma
question, c'est : Est-ce que, selon vos connaissances, selon les études
que vous avez faites, il y a des milieux
ou des familles qui ont des valeurs culturelles qui viennent de différentes
cultures pour lesquelles ce qu'on prétend être ici un contrôle excessif
est tout à fait acceptable? Des exemples, si vous en avez, oui.
Le Président (M. Hardy) : Mme
Jimenez.
Mme
Jimenez (Estibaliz) : En fait, à notre avis, dans toute intervention
de protection et, par exemple, la protection de la jeunesse, lorsqu'on
intervient dans un contexte interculturel, on doit comprendre la culture, on
doit comprendre l'origine. On doit
comprendre les trajectoires d'immigration et le processus d'intégration pour
pouvoir bien intervenir auprès de l'enfant et auprès de la famille. Ça,
c'est une chose.
Toutefois, il
y a deux choses. Il y a une chose, le comportement familial, culturel, mais une
autre chose, c'est lorsque ça dépasse
et ça devient violent. Lorsque ça devient violent, autant par rapport aux
critères de l'article 38 de la LPJ par rapport
aux motifs de compromission, à ce moment-là la culture, elle ne devrait pas
être en jeu, et les intervenants, ils... La culture, il faut s'en servir pour l'application de la loi, mais pas
pour savoir si on est devant une compromission ou pas. Donc, du moment qu'il y a une violence physique,
du moment qu'il y a une violence sexuelle, du moment qu'il y a une violence psychologique, on ne doit pas tenir
compte de la culture. Et là c'est là qu'on faisait aussi avant... Avant, quand
on nous disait qu'il y avait un problème par rapport aux communautés haïtiennes
par rapport qu'ils utilisaient la ceinture
pour frapper, n'a jamais été accepté par la protection de la jeunesse, n'a
jamais été accepté. Par contre, l'intervention,
ils tenaient compte d'où vient la personne pour mieux intervenir. Toutefois,
les motifs de compromission étaient bien établis indépendamment de
l'origine de la personne.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Oui. J'ai une autre question. Vous nous
parliez tout à l'heure de travaux que vous êtes en train de faire sur l'incohérence des ordonnances. Vous nous avez
parlé de l'ordonnance de l'article 810, que plusieurs connaissent, qui est un article qui fait en sorte
qu'on exige d'une personne... on lui ordonne de ne pas approcher, de ne pas
parler, de ne pas communiquer... Bon, ça,
c'est au niveau criminel. Et, au niveau du droit de la famille, il y a une
panoplie d'ordonnances en droit
familial à l'égard des conjoints et des enfants, et là on arrive avec cette
ordonnance de protection dans cette
loi-ci. Pouvez-vous nous donner un avant-goût de la recherche que vous faites,
mais en tenant compte de cette ordonnance
de protection qui pourrait devenir loi et qui pourrait devenir réalité? Parce
que vous nous parlez de l'incohérence des
ordonnances, dans quelle mesure faudrait-il travailler pour ne pas qu'elle soit
incohérente, cette ordonnance, avec ce qui existe déjà?
Le Président (M. Hardy) : Mme
Cousineau.
Mme
Cousineau (Marie-Marthe) : L'idée, c'est d'avoir une approche
holistique de la question, c'est-à-dire qu'on considère tous les éléments de ce qu'on a devant nous et qu'on soit
capable... Bon, l'exemple que j'ai le plus frappant, par exemple, c'est justement... Vous
disiez le 810, l'ordonnance de ne pas s'approcher, l'ordonnance... mais on
se retrouve dans des situations où on est aussi éventuellement dans une
procédure de divorce, qu'on a changé de maison, que, là, on a une garde partagée, par exemple, puis qu'en
garde partagée, éventuellement, bien, on a besoin, je ne sais pas trop,
d'avoir les vêtements, ou on est mal pris, ou on a besoin de parler, on est
dans une situation familiale. Ce qu'il faut reconnaître,
c'est que les situations, que ce soit de violence familiale, que ce soit de
violence liée à l'honneur, c'est des situations
de violence et des situations qui
sont criminalisables, mais c'est des situations qui se passent à l'intérieur d'une famille, où il y a toutes sortes d'autres
enjeux qui doivent être pris en compte, d'où la nécessité que les gens
travaillent ensemble à essayer d'avoir le plan d'intervention le plus
réaliste possible dans la situation.
Parfois, ça
peut vouloir dire, effectivement, qu'il
n'y en aura pas... qu'il ne pourra pas approcher, mais, parfois, ce n'est peut-être pas ça non plus exactement, la
situation, il y a toutes sortes de choses. Mais il faut que tout ça soit fait
de façon... qu'on ne travaille pas en silo,
que moi, je ne sois pas en train de prendre une décision qui va contrevenir à
la décision qui est prise, par
exemple, au pénal, ou que la décision pénale contrevienne à ce qu'on est en
train de faire au civil. Les
ordonnances de protection, l'intérêt, c'est qu'on n'a pas besoin, justement,
d'aller au pénal si on se sent... Si on sent qu'on est en situation
d'insécurité, on peut faire appel à ce type d'ordonnance là pour assurer sa
sécurité.
Puis il y a
toutes sortes d'autres façons dont on peut... Il y a d'autres acteurs aussi qui
peuvent être mis à contribution. Il y
avait un beau partenariat qui avait été créé avec Garda, je pense, pour les
boutons de panique dans les maisons,
par exemple. Bien, ça aussi, c'est... comment on peut tout gérer ça pour
qu'éventuellement la sécurité des femmes, éventuellement des enfants, soit assurée, et actuellement ce qu'on...
Puis là c'est avec les intervenants, en s'assoyant puis en se parlant parce que, souvent, les gens vont
découvrir les incohérences au fur et à mesure qu'on va se parler des façons
dont on intervient puis des logiques avec
lesquelles on intervient. Puis, quand on met ça sur la table, bien, on
dit : Ah! bien, on pourrait peut-être avoir une autre logique pour,
justement, avoir une action plus cohérente.
Le
Président (M. Hardy) : Mme Cousineau, je crois que Mme Jimenez, elle
veut compléter. Mais il vous reste 40 secondes.
Mme
Jimenez (Estibaliz) : Oui. Donc, je voudrais finir notre intervention
par rapport aux quelques critiques qu'on peut faire au Forced Marriage Act d'Angleterre, que c'est le modèle
britannique sur lequel on s'inspire. C'était un projet... L'ordonnance
de protection civile, ça a été très bien accueilli. Par contre, jusqu'à
maintenant, l'implantation de cette ordonnance
de protection n'a pas eu les résultats escomptés. Le problème — et ça aussi, je voudrais le dire — dans la loi britannique, c'est écrit
spécifiquement quel type de condition on pourrait donner à la protection
civile. Ça peut être éloignement et ça peut
être aussi enlever les passeports dans les cas qu'on pense que la personne, la
fille va être envoyée à l'extérieur et pour être mariée de force. Dans
le cas qui est...
Le Président (M. Hardy) : Je vous
remercie de votre participation. Donc, il y a d'autres gens qui ont des
obligations. Il y a un conseil des ministres, il y a d'autres gens qui vont
ailleurs.
Donc, la commission ajourne ses travaux au jeudi
le 19 août, à 10 h 30, afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 59. Bonne
journée à tous.
(Fin de la séance à 12 h 38)