(Dix heures six minutes)
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, prenez place, s'il
vous plaît! Veuillez vous assurer que vos appareils
électroniques sont en mode silencieux afin de ne pas perturber nos travaux.
Je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Bon avant-midi à tous.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Bédard (Chicoutimi) remplace M. Bérubé
(Matane-Matapédia); Mme Maltais
(Taschereau) remplace M. Cloutier (Lac-Saint-Jean); et Mme Hivon
(Joliette) remplace M. Lisée (Rosemont).
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Alors, je souhaite la bienvenue
aux membres qui se joignent à la Commission des institutions.
Une voix : ...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
À tous et à toutes. Vous avez raison.
La Commission
des institutions est réunie afin de procéder à l'interpellation du député de
Chicoutimi et chef de l'opposition
officielle au leader du gouvernement sur le sujet suivant : Comme le soulignait le président de l'Islande, le
24 février 2015, «l'indépendance en soi ne peut jamais être
négative».
Je vous rappelle
brièvement le déroulement de l'interpellation. Pour ceux
que ça intéresse, ce sont les
articles 300 à 302 de notre règlement
qui s'appliquent. Dans un premier temps, le chef de l'opposition officielle
aura un temps de parole de 10
minutes, suivi du leader du gouvernement pour 10 minutes également. Les
membres de la commission auront ensuite le droit d'intervenir pour des périodes de cinq minutes en alternance
entre les députés du groupe parlementaire formant le gouvernement et ceux de l'opposition, le
ministre ayant droit d'intervenir pour la même durée après chaque intervention
d'un député de l'opposition.
Je comprends
qu'il y a entente à l'effet que Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques puisse intervenir pour
l'opposition lors de la quatrième série d'interventions. C'est exact?
Une voix : ...
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : 20 minutes avant midi,
j'accorderai 10 minutes de conclusion au leader du gouvernement et un
temps de réplique égal au député de Chicoutimi et chef de l'opposition
officielle.
Enfin, je
vous rappelle que le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser midi.
Ainsi, comme la séance a débuté à
10 h 5, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos travaux
au-delà de midi, soit jusqu'à 12 h 5? Il y a consentement.
Parfait.
Alors, M. le député de Chicoutimi et chef de
l'opposition officielle, vous avez la parole pour 10 minutes.
Exposé du sujet
M. Stéphane Bédard
M.
Bédard :
Merci beaucoup, M. le Président. Donc, je salue les gens d'en face qui sont là
et évidemment mes collègues qui
m'accompagnent, la députée de Joliette, la députée de Taschereau et leader de
l'opposition officielle. Il y a aussi
des gens dans nos tribunes, que je salue, qui sont intéressés comme bien des
Québécois par ce débat fondamental qui
est de l'importance pour le Québec de réaliser son indépendance nationale.
Donc, je les salue et je suis content que, tout comme nous, ils s'intéressent à
ce grand débat, qui ne peut pas être plus important dans le contexte actuel, et
plus à point et plus pertinent, dans ce qui est arrivé encore hier.
D'ailleurs,
j'en profite pour saluer le nouveau premier ministre du Royaume-Uni, M. David
Cameron, et en même temps souligner ce résultat, qui a vu arriver au
Parlement du Royaume-Uni plus de 56 députés nationalistes écossais. Comme le disait M. Salmond, le lion a rugi. Ça
veut dire qu'après avoir fait un référendum sur leur avenir collectif ils
ont décidé d'élire, au Royaume-Uni, des députés nationalistes écossais. Donc,
ce débat continue en Écosse comme il continue dans d'autres pays dont on
parlera un peu plus tard et en même temps il s'inscrit dans ce que fait même le
Royaume-Uni. Vous savez, le Royaume-Uni, M.
Cameron a été élu en promettant aux Anglais, à tous les Anglais un autre
référendum sur le rapatriement de pouvoirs
qui sont dévolus actuellement à la Communauté économique européenne, donc ça démontre à quel point ce débat qui se
déroule chez nous est pertinent et sain et normal et qu'il est à l'avantage
des pays d'avoir, d'exercer cette
souveraineté tout en maintenant des liens économiques forts avec tous les pays
à travers le monde, mais l'endroit où se prennent les
décisions à l'échelle internationale qui ont un impact sur nos vies, qu'on soit
dans une région ou à Montréal, c'est à la
grande table des nations, surtout dans un contexte de mondialisation qu'on vit
actuellement, d'où l'importance pour le Québec, pour le Royaume-Uni, pour
l'Écosse mais pour d'autres aussi... La Catalogne
est un exemple où on a annoncé qu'il y aura, en 2016, qui doit être l'année,
comme nous le dit le président, où... commencerons à exercer notre
indépendance comme État.
• (10 h 10) •
La Catalogne,
un État aussi riche, a décidé aussi de se questionner sur son avenir, et il
voit l'avantage pour le peuple catalan de devenir indépendant. Et, vous
avez vu, dans notre interpellation, nous avons rappelé, avec très à-propos, la déclaration d'un président qui, lui, gouverne un
petit pays, et là je dis petit entre guillemets évidemment, de 320 000
habitants. Il est venu ici, au
Québec, pour rappeler ce qui est évident pour lui — il l'a dit avec une légèreté et une évidence
claire — c'est
que l'indépendance en soi ne peut jamais
être négative. Et je suis tout à fait de son avis. Si c'est vrai pour
l'Islande, c'est vrai pour le Québec
et c'est vrai pour tous ceux et celles qui ont accédé à cette indépendance
nécessaire à travers le monde.
J'aurai
souhaité que M. le premier ministre du Québec soit ici pour débattre de
cet enjeu. Actuellement, on envoie 50 %
de nos impôts à Ottawa, et les choix qu'ils font vont souvent à l'encontre de
nos intérêts et ont un impact sur les finances
publiques du Québec. Je pense qu'il aurait été à son avantage de venir défendre
sa vision, lui, qu'il a du Québec dans
le Canada. Je pense que ça aurait été utile et nécessaire pour nous de
comprendre qu'est-ce qui l'attache autant à ne pas utiliser la force de la nation québécoise pour établir un rapport
de force comme l'ont fait les autres premiers ministres avant lui, qu'ils étaient du Parti québécois ou du
Parti libéral. Malheureusement, je pense que c'est une occasion encore manquée. Quant au chef de la CAQ, je pense qu'il a
fait le bon choix vu la pauvreté de son programme et de ses orientations
sur ces questions : de ne pas être
présent. Je salue les gens de Québec solidaire à qui on a donné effectivement
un des blocs pour leur permettre d'aborder ces questions importantes.
Alors, le
Québec, pourquoi l'indépendance? Pourquoi? Pour qui? D'abord, le Québec est un
grand pays; seulement à l'échelle de
la carte, regardez la carte du monde, vous allez y trouver le Québec, vous ne
le chercherez pas. Vous allez peut-être
chercher le Liechtenstein, vous allez essayer de trouver certains pays à travers le monde, vous
dites : Il y a un pays
là. Au Québec, ça apparaît, c'est évident, sur la carte pour tout le monde. Donc, en termes territoriaux, c'est un grand pays, ça, personne ne va en douter. D'ailleurs,
si demain matin nous avons ce statut de pays, nous serions 18es en termes de grandeur de territoire sur
tous les pays à travers le monde.
Et là, après
ça, on se pose la question : Bon, on le sait, on a un grand territoire, on
a des richesses, mais est-ce qu'on est
riches? C'est une bonne question, parce que, là, on nous dit : On n'est
pas assez riches, ce n'est pas possible. Alors, on s'est dit : On va se fier à des économistes, des gens qui
connaissent ça. Alors, le Québec-pays, demain matin, c'est quoi, sa richesse? Alors, si on prend un calcul
simple, celui que reprennent les économistes sur le PIB par habitant, qui
n'est pas parfait, je vous l'avoue, j'y
reviendrai un peu plus tard, mais le Québec-pays... demain matin, on devient un
pays, on vote ensemble, on fait un
référendum ou il y a unanimité ici, à cette Assemblée nationale, ce qui serait
tellement une belle chose, ce que je
souhaite, au lendemain d'un Québec souverain, je suis convaincu que nous serons
côte à côte, mais, en attendant, le
Québec-pays serait la 18e puissance économique dans le monde — 18e. C'est quand même assez formidable, là. Il faut que nos concitoyens le
sachent, là, que le Québec est la 18e puissance économique pour le PIB par
habitant. C'est formidable. Mais ces mesures-là ne sont pas parfaites. Certains
me diront : Le PIB par habitant, ça ne calcule
pas, par exemple, la concentration de la richesse. Et on sait que c'est un
grand débat dans le monde actuellement, à qui profite cette croissance, qui... oui, on peut bien augmenter le PIB
à chaque année, mais, si ça va à 0,1 % de la population, quel est
le bénéfice pour M. et Mme Tout-le-monde, pour les familles du Québec?
Alors, à ce
niveau, le Québec a une particularité, sur la planète, qu'il partage avec
d'autres pays scandinaves, c'est celle
de favoriser l'égalité des chances par un système d'éducation accessible,
gratuit évidemment — primaire, secondaire, cégep — et très accessible au niveau universitaire,
et je pense qu'on aurait avantage à le rendre encore plus accessible au niveau universitaire. En même temps, il a une
politique familiale ambitieuse qui favorise cette égalité des chances. Donc, si le Québec... dans les nouveaux,
d'ailleurs, standards économiques de la mesure de la richesse des pays, je suis
convaincu que le Québec ne serait pas au 18e
rang, il serait encore plus haut, il se situerait sûrement dans les 15 plus
grandes puissances économiques mais, en même temps, sociales du monde
entier. Parce que, cette richesse-là, ce n'est pas simplement pour la donner à ceux et celles qui accumulent des richesses,
c'est pour la partager à l'ensemble des Québécois. Donc, on a un avantage indéniable, nous avons
cette stature au niveau international qui est claire en termes de territoire
et en termes de richesse.
Maintenant, si on reste dans l'État fédéral,
actuellement, quels sont les impacts de rester ici? À la dernière interpellation, on a fait des démonstrations
intéressantes. D'abord, on a parlé de la péréquation, la grande sorcellerie, là,
où il y a un calcul que personne ne
comprend, et, tout d'un coup, les calculs changent, on a un montant qui varie
et qui est déterminé selon des
conditions x qui sont déterminées par le fédéral, tout simplement. Eh bien,
cette péréquation, on disait que le
Québec recevait le plus de péréquation. On entend souvent ça, hein? D'ailleurs,
je le teste même auprès des militants
du Parti québécois. Est-ce que le Québec reçoit le plus de péréquation? Tout le
monde me répond oui. Non. On est les
cinquièmes. C'est assez incroyable, ça. Il y a des provinces qui reçoivent plus
de péréquation que nous. On est à peu près égal, M. le Président, avec
l'Ontario. C'est assez incroyable. Donc, on a abordé cette question-là
importante.
On a apporté
aussi des solutions concrètes. À quoi ça change, la souveraineté, pour un citoyen
à Montréal, par exemple, ou en
banlieue de Montréal? Bien, écoutez, au moins, on va être capables d'appliquer
les consensus québécois. On a parlé,
par exemple, du péage. C'est assez ridicule au Québec, où on a un consensus
québécois sur le péage, puis on va en
avoir un pareil. Faut-u être locateur de son territoire? Un pont, M. le Président; on fait des discussions sur un pont. Il y a un consensus donc très
concret, très concret. L'utilisation du fleuve; les Québécois
pensent que ça leur appartient, le fleuve.
Non, ce n'est pas vrai, ça ne leur appartient pas, on est locateurs...
locataires, pardon. Le locateur, vous le connaissez; il
nous l'a cruellement rappelé dans le transport des sables bitumineux. Qu'est-ce
qu'il dit? Il dit : Moi, c'est à mon avantage
de l'utiliser pour l'exportation. Et on a fait des démonstrations claires qu'il y a eu des échecs du
fédéralisme. Il y en a eu quatre, et
ils ne s'en sont pas remis, que ce soit à Victoria en 1971, au rapatriement de
la Constitution en 1982, le lac Meech en 1990 ou Charlottetown en 1992;
quatre échecs.
Nous, deux
référendums, un qui a fini égal. Il faut en faire un autre pour dire aux
Québécois : Voici vos avantages. Mais,
si on reste dans le Canada, quel est notre désavantage? Le dernier budget l'illustre
parfaitement, M. le Président, parfaitement... où il y a des choix
budgétaires qui ont été faits par le fédéralisme, par les fédéraux à Ottawa,
qui vont impacter le gouvernement du Québec
et les familles du Québec, l'éducation, la santé. 100 millions seulement.
Alors, il faut absolument faire un choix à l'avantage de toutes les
familles du Québec.
Et moi,
j'aimerais savoir de mon collègue pourquoi se fait-il que les demandes du
Québec qu'il a déposées hier envers
le fédéral sont si faibles par rapport à ce que l'ancien premier ministre, M.
Charest, avait déposé il y a quelques années.
Pourquoi avoir diminué la liste, actuellement? Est-ce que c'est les attentes
qui ont baissé ou parce que simplement on a baissé les bras?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Je vous remercie, M. le chef de l'opposition officielle. Je me tourne
maintenant vers le leader du gouvernement et je vous cède la parole pour
10 minutes.
Réponse du ministre
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier : Merci, M. le
Président. À mon tour de saluer les gens qui nous accompagnent d'un côté et de
l'autre et leur dire que je suis néanmoins heureux de participer au débat.
Je ne pense
pas que c'est la bonne priorité, mais, quand même, je suis heureux de participer
à ce débat-là, ce qui m'amène à dire
que je regrette l'absence de la coalition, qui, à mon avis, doit quand même un
peu de respect à nos institutions.
Les interpellations sont amenées par les partis d'opposition, ça fait partie de
notre règlement. On est dans une
démocratie. On peut ne pas être d'accord avec les sujets, mais les sujets sont
amenés, et ils ont le droit de les amener, ces sujets, M. le Président.
Et je crois que notre travail à l'Assemblée nous amène à participer à des
débats pour faire connaître les positions
que nous avons et je suis très déçu de la façon dont la coalition fait un peu
son choix des thèmes sur lesquels il
veut travailler. Aujourd'hui, ils ne se présentent pas à l'ouvrage. Il faut se
souvenir que, lors de la dernière interpellation
sur le même thème... sur les sept interpellations du Parti québécois depuis
l'élection, on est à la deuxième sur
le même thème, et il faut se souvenir que la CAQ était venue nous dire qu'elle
s'en allait. Aujourd'hui, elle n'a pas pris le soin de venir nous dire
qu'ils ne reviennent pas. On le constate, simplement.
Je suis ici
donc avec mon collègue et les gens qui m'accompagnent. Et, à la première
question, sur le regret de notre
collègue de ne pas voir le premier ministre ici, permettez-moi de simplement
mentionner que, comme dans toutes les
journées où il occupe sa fonction, sa priorité n'est pas la séparation du
Québec. Ça ne nous étonnera pas. À la croissance économique, par contre,
oui, à la création d'emplois aussi.
• (10 h 20) •
Évidemment,
ce matin, les chiffres de l'emploi sont assez parlants, M. le Président. Depuis
un an, et ça fait un an que nous
formons le gouvernement, il y a 69 000 emplois qui ont été créés au
Québec. Et je me souviens de nombreuses questions qui ont été posées par
l'opposition officielle, qui est devant nous, qui cherchait les emplois créés.
Il y en a 69 000 qui ont été créés,
parce que le premier ministre et l'ensemble du gouvernement travaillent à
donner de la stabilité au Québec, à
donner un environnement propice à la création d'emplois, et, non, il n'a pas
l'intention de faire de la séparation du
Québec une priorité et surtout pas de vouloir laisser entendre que nous
souhaitons un climat d'instabilité politique au Québec. Lorsqu'on cherche des investisseurs, évidemment, M. le
Président, la première chose qu'il faut viser, c'est un climat de stabilité. C'est ce sur quoi nous
travaillons. D'ailleurs, je crois que nos concitoyens partagent le même sens
des priorités. Lorsqu'on parle à nos
concitoyens un peu partout, lorsqu'on les rencontre, bien c'est sûr que la
question de la croissance économique pour servir la justice sociale fait
partie de la thématique sur laquelle ils nous abordent. La révision de nos manières de faire, la révision de
nos organisations, évidemment toute la question de l'équilibre du budget,
de la relance économique fait partie des sujets qu'ils abordent.
Alors, le
Parti québécois, je le disais à l'automne dernier... nous étions dans la même
semaine, c'est pour ça que j'avais
utilisé cette image, c'était la semaine où la comète Tchouri s'approchait de la
Terre, M. le Président. Et il y a une expression qui laisse souvent
entendre, lorsqu'on est déconnecté puis qu'on ne parle pas des bonnes
priorités... on se demande sur quelle
planète les gens vivent, et j'avais, donc, fait l'analogie avec un sujet
d'interpellation sur la séparation comme
étant de voir le Parti québécois sur la planète Tchouri, mais je ne croyais pas
à ce moment-là qu'ils allaient y élire résidence
permanente, M. le Président. Et on revient donc à une deuxième interpellation
sur le même sujet pour entendre les mêmes éléments.
J'ai
entendu les mêmes éléments que j'avais déjà entendus l'autre fois, ce qui
m'amène quand même à rappeler que non
seulement je trouve que ce n'est pas les bonnes priorités, mais je crois que
certains membres du Parti québécois le croient
aussi. Le député de Jonquière disait, le 16 septembre dernier, et je le
cite, dans une lettre qu'il écrivait lui-même : «Le peuple nous regarde, mais ne nous écoute plus.
[...]la course à la direction doit impérativement prendre racine dans les
préoccupations des Québécois. En ce moment,
ceux-ci sont bien loin du débat sur le meilleur moment de tenir le prochain
référendum!» La députée de Joliette, en
octobre, disait ceci — et elle pourra peut-être nous en parler tantôt — et je la cite, entre guillemets : «Le Parti québécois a
parfois l'air d'être dans sa bulle, occupé par ses débats internes sur la
souveraineté, désincarné
des préoccupations des gens.» Le député de Lac-Saint-Jean disait, lui, dans le
même article... estime que le parti
«ne parvient plus à toucher les gens dans leur quotidien», leur quotidien,
leurs préoccupations de tous les jours, des questions de santé, les questions d'éducation et des questions de
création d'emplois. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont eux. Le 8 septembre, le député de Rosemont
disait : «Pour les indépendantistes convaincus que nous sommes, découvrir
que moins de 30 % des Québécois
partagent en ce moment notre idéal, constater que les trois quarts de nos
concitoyens sont réfractaires, pour
ne pas dire allergiques, à la tenue d'un référendum, cela fait mal.» Que cela
fasse mal, c'est une chose, mais
encore faudrait-il en tirer des conclusions, je crois. Je le dis avec le plus
de franchise et de respect possible, il
y a un phénomène de déconnexion d'intérêt important de la part des citoyens,
qui ne sont pas rencontrés dans la thématique soulevée par l'opposition
officielle.
Maintenant,
on nous a conviés à une séance de pédagogie sur la séparation, alors, soit,
participons à cette séance. Le
12 mars 2014, Mme Marois, alors chef du Parti québécois, affirmait qu'il
n'y aurait pas de frontière autour du Québec, mais elle ne savait pas s'il y aurait un passeport canadien ou pas, il
n'y avait pas encore eu assez d'études. Pourtant, c'est assez lié. Peut-être que nous apprendrons
aujourd'hui si un tel passeport existera.
Le 12 mars, elle annonçait aussi que le
Québec séparé allait garder le dollar canadien. Le député
de Rosemont, en octobre dernier,
nous disait plutôt que ce serait un dollar québécois. De toute façon, canadien
ou québécois, on apprendra aujourd'hui lequel ce sera. Je tiens simplement
à rappeler que Mme Marois nous disait à propos du dollar canadien
que nous n'aurions qu'une capacité de mimétisme à l'égard de la politique
monétaire, qui resterait canadienne, alors, pour le dollar canadien, on
laisserait à d'autres le soin de faire la politique
monétaire canadienne. Alors, on verra si c'est un dollar québécois
ou un dollar canadien. Mais il est quand même étonnant, après 50
ans d'existence du Parti québécois, où on soit encore à se poser ces questions-là.
Le
20 avril 2011, Mme Marois annonçait que le Québec aurait une armée. La première ministre, Mme Marois, annonçait que le Québec
aurait une armée. Le 25 octobre 2014, le député de Rosemont
déclarait qu'il n'y aurait pas d'armée, mais une simple garde nationale. Et le député de Saint-Jérôme, toujours le 25 octobre, disait : «Ça nous prend une
vraie armée.» Et il déclarait, et je
cite : «Ça m'apparaîtrait inusité de savoir qu'il n'y a pas de moyen de
défense d'un pays qui est limitrophe
avec les États-Unis et avec le Canada.» J'espère que, pendant
nos deux heures, on pourra expliquer en quoi le Québec séparé devrait-il à ce point craindre des États-Unis
et du Canada qu'il faudrait avoir une armée, vraie armée,
pour s'en protéger. J'imagine que l'objectif
est de nous informer sur ce genre d'élément. J'imagine déjà les
rencontres du président américain et du futur président du Québec séparé
pour régler ces questions, M. le Président.
Mon collègue a
soulevé la question de la péréquation en nous annonçant que tout était réglé,
il en avait été question à la dernière
interpellation et maintenant tout le monde savait que le Québec n'était pas
celui qui en recevait le plus, que
nous étions cinquièmes. Et, comme il n'a pas parlé du fait que c'était per
capita, il a, donc, laissé entendre que nous étions les cinquièmes qui recevaient le montant d'argent. Or, non,
le Québec est celui qui reçoit le plus, l'enveloppe globale est celle-là, parce qu'il n'a pas pris le
soin d'être précis et de nous dire la vérité, qui est à l'effet qu'il y a, per
capita, des provinces qui en retirent plus. Mais, lorsqu'on regarde
l'enveloppe...
Une voix :
...
M.
Fournier : ... — oui, mais vous ne l'avez pas dit,
malheureusement — lorsqu'on
regarde l'enveloppe globale, et c'est
ce que vous avez dit, le Québec en retire le plus. Alors, je suis obligé de
venir corriger ces choses. Il me semblait plus normal si c'était dit dès
le départ.
Maintenant,
c'est 9 milliards de dollars, c'est 9 milliards de dollars. Alors, le
chef de l'opposition officielle, qui veut vraiment régler la question de
la péréquation, peut-il nous dire le Québec séparé va couper quels services
pour ces 9 milliards de dollars, qui représentent, dans le fond, tous les
CPE, toutes les écoles primaires, toutes les écoles secondaires du Québec? Dans
quel rêve vit-il, même sur Tchouri, pour nous dire comme Mme Marois disait le 10 février 2013 : La péréquation, le
Québec peut s'en passer? Bien, 9 milliards, M. le Président, c'est pas mal
d'argent, c'est beaucoup de services.
Alors, puisque le Québec séparé doit être si bon pour la justice sociale, que
restera-t-il des services publics aux Québécois? Nous avons deux heures
pour l'apprendre, M. le Président.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci. M. le leader du
gouvernement. Simplement, avant d'entreprendre les échanges, là,
j'apprécierais, puisque c'est la norme maintenant au Québec que les anciens
premiers ministres soient désignés par leur titre, que ce soit la première
ministre Marois ou le premier ministre Charest... Donc, je fais la remarque
pour tous les parlementaires. Ce serait apprécié et une marque de respect due à
leur rang.
Argumentation
Je me tourne maintenant
vers l'opposition officielle. Mme la députée de Joliette, vous avez le premier
bloc d'échange, vous disposez de cinq minutes.
Mme
Hivon : Merci, M.
le Président. Alors, à mon tour de saluer tous les collègues
et leurs équipes respectives. Simplement
une précision : ça fait deux fois que le gouvernement note une
déclaration qui me serait attribuée, et je veux simplement souligner que
jamais je n'ai dit que la souveraineté était quelque chose qui était
déconnecté. Je faisais référence à la
réalité de la mécanique référendaire, qui devait être dissociée du projet de
souveraineté. J'ai d'ailleurs écrit aux journalistes à cet égard.
Et pourquoi
c'est si important justement de faire la souveraineté? C'est parce que
la souveraineté, ce n'est pas une
voie parallèle. Ce n'est justement pas quelque
chose de désincarné. La souveraineté,
c'est quelque chose qui s'incarne dans le quotidien des gens,
qui ferait une différence énorme pour leur épanouissement individuel et
collectif.
Et, M. le Président, je ne
sais pas si vous connaissez les trois étages de raisons pour faire la
souveraineté du Québec qui s'additionnent,
mais j'aimerais vous les exposer si vous ne les avez pas en tête, fraîchement à
l'esprit. Il y a d'abord le ciment du
projet, qu'on pourrait qualifier de rez-de-chaussée dans la maison des raisons
de faire la souveraineté. Ce sont toutes les raisons liées à la culture,
à la langue, à notre identité comme seul peuple de parlants français en Amérique du Nord. Ce sont les raisons qui ont fait
que les premières personnes au Québec qui ont adhéré à cette cause de
l'indépendance du Québec l'ont fait en pensant à leur avenir mais en pensant à
l'avenir des générations futures.
• (10 h 30) •
Il y a
ensuite le premier étage des raisons de faire la souveraineté, c'est-à-dire
toute la liberté d'action politique et
économique que d'avoir tous nos pouvoirs nous conférerait, au Québec : pas
de compétences partagées, pas de champs d'action divergents, une liberté d'action politique et économique. Et il
y a finalement le deuxième étage des raisons qui se sont additionnées. On a agrandi la maison avec tout cet espace
international qui prend de plus en plus de place et où le Québec doit pouvoir faire valoir sa voix, pas
simplement chuchoter à l'oreille du Parlement fédéral quand, mon Dieu! par grandeur d'âme, il accepte que le Québec lui
chuchote à l'oreille comme à l'UNESCO, mais qu'il puisse parler de se
propre voix.
Alors, on voit bien l'ensemble de ces raisons,
de ces étages de raisons toujours plus actuelles, toujours plus pertinentes de
faire l'indépendance du Québec.
Et je dois
vous dire, M. le Président, que, lorsque j'ai été ministre déléguée aux
Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, je me suis rendu
compte que la liberté d'action, elle n'est pas simplement limitée dans les
champs de compétence qui nous échappent ou
qui sont partagés, mais elle l'est grandement aussi dans les champs de
compétence qui sont supposés nous
appartenir en propre. Alors, simplement pour faire un petit rappel : en
matière de santé et services sociaux, une
compétence, tout le monde va en convenir, qui appartient en propre au Québec,
qui a une petite liste rapide d'interventions
du fédéral : fonds pour réduire les temps d'attente; fonds pour les
équipements médicaux; ententes sur la
participation des personnes handicapées au marché du travail; Fonds pour
l'adaptation des soins de santé primaires; Programme de placement et de surveillance dans le cadre d'un programme
intensif de réadaptation; initiative de postes de résidence en médecine familiale; projets pilotes liés aux garanties
sur les délais d'attente pour les patients; Stratégie de partenariats de
lutte contre l'itinérance; programme Nouveaux Horizons pour les aînés;
programme de soutien du traitement de la toxicomanie; Loi sur la procréation
assistée.
Vous
imaginez? En ce moment, au fédéral, il y a plus de 9 000
fonctionnaires fédéraux à Santé Canada. Il y a, au Québec, 26 fonctionnaires dans notre ministère de
la Santé qui ne font que gérer ces dédoublements. Parce que c'est quoi,
le prix du fédéralisme canadien? C'est un dédoublement de bureaucratie, c'est
une inefficacité, c'est une difficulté de prévisibilité.
C'est aussi des enjeux éthiques parce que le gouvernement, avec son prétendu
pouvoir fédéral de dépenser, vient
intervenir, met en place des projets, des projets pilotes, souvent, auprès de
populations vulnérables, et, après deux, trois ans, ils se retirent : Bon,
bien, Québec, arrangez-vous avec ça, puis, les personnes qui pourraient en
pâtir, eh bien, tant pis. C'est ça,
le fédéralisme, et ça, évidemment, c'est sans compter le non-respect de nos
priorités, de nos valeurs, de ce qui pour nous est important en matière
sociale, en matière de santé et de services sociaux.
Alors,
j'aimerais savoir comment le ministre des Affaires intergouvernementales, qui
est confronté à chaque jour à une
telle inefficacité, à de telles difficultés, peut tolérer une telle situation.
Comment ne peut-il pas voir les avantages de l'indépendance?
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, Mme la députée. M. le
ministre, à vous la parole pour cinq minutes.
M.
Fournier : Je prends presque la question finale pour lancer mon
cinq minutes. Je ne vois pas l'avantage de la séparation du Québec, je ne la vois pas, parce que je crois que nous
pouvons et nous devons être présents partout. Et c'est ce qui nous amène à être mieux maîtres chez nous,
dans la mesure où on est capables de faire partager avec nos voisins, avec nos concitoyens, ceux qui participent à
l'aventure canadienne depuis 150 ans sous la forme fédérative... nous sommes
en mesure de faire des progrès.
Notre
collègue nous dit qu'en matière de santé il y a des dédoublements, je me
souviens très bien... et de dire, donc, que les valeurs canadiennes, les valeurs des Ontariens, les valeurs des
Albertains, les valeurs des gens du Nouveau-Brunswick sont à l'opposé des valeurs des Québécois.
Lorsqu'on parle de la santé... je me souviens, lorsqu'on abordait la question
de la Loi canadienne sur la santé et de ses
cinq conditions et qu'on posait la question au Parti québécois : Laquelle
des cinq vous voulez changer?,
aucune. Le Parti québécois répondait : Nous sommes d'accord avec les cinq
conditions de la Loi canadienne sur la santé, ce qui est simplement un
constat que nous avons des ambitions communes, des visions communes. On n'est pas d'accord sur tout, mais
personne n'est d'accord sur tout. Même dans un Québec séparé, là, tout le monde ne penserait pas la même chose, même si
le chef de l'opposition, et j'y reviendrai, prétend que nous serions une
société homogène où nous pensons tous la même chose. Mais j'y reviendrai,
évidemment, parce que ça fait partie d'une vision de ce que vous
proposez comme Québec séparé.
Mais je
reviens sur la question de la santé, sur le fait que, dans le fond, ce que
notre collègue vient de nous dire, c'est
qu'il y a eu beaucoup d'ententes qui ont été faites dans des domaines de la
santé et des services sociaux. Il y a eu beaucoup d'ententes, et, il faut bien l'admettre, les transferts
fédéraux ont augmenté. Les transferts fédéraux sont passés de 7 milliards en 1998... ils sont maintenant
à 17 milliards en 2015‑2016, dont 9 milliards à la péréquation, à ce
programme, qui vise à redistribuer la
richesse entre ceux qui ont comme richesse collective un peu moins que les
autres, ce qui est le cas du Québec.
Dans ce programme canadien, qui vise, un vrai principe de justice sociale, à
équilibrer et à redistribuer la richesse selon les capacités fiscales
d'offrir des services, le Québec est le plus grand bénéficiaire. Ça, c'est pour
le programme de péréquation.
Dans
le programme de la santé, il y a eu des transferts. D'ailleurs, la dernière
fois qu'il y a eu une entente, elle a été saluée même par le premier ministre
Jacques Parizeau, qui saluait le caractère asymétrique de cette entente de
2004 sur la santé. Je ne disconviens pas que
parfois des gouvernements canadiens
ne prennent pas des décisions que nous aurions voulu qu'ils prennent, mais il
y a une différence entre un gouvernement du moment et un pays, il y a une différence entre un premier ministre
du Canada et l'amalgame de tous les citoyens canadiens qui seraient comme lui.
Force est
d'admettre, et je prends donc à la volée ce que notre collègue vient de dire, il y a
des valeurs qui sont reconnues dans
la Loi canadienne sur la santé qui sont les mêmes que celles que prône le Parti québécois.
Elle reproche le fait qu'il y a eu plusieurs ententes en matière de
santé et de services sociaux, alors qu'ils nous disent toujours qu'il faudrait qu'il y ait plus de transferts. Et
avez-vous obtenu plus transferts? Oui, il a été obtenu plus de transferts dans
des ententes qui rencontraient nos
objectifs, parce que le domaine de la santé n'est pas différent quand on passe
la frontière du Québec entre
l'Ontario et le Québec; et la même chose dans les Maritimes. Il faut savoir parler avec nos concitoyens pour s'apercevoir qu'eux aussi s'intéressent aux personnes âgées et aussi se demandent quelle sorte de moyens nous avons pour les servir, partout. Ce n'est pas propre au Parti québécois, ce n'est pas propre au Québec, la capacité de s'occuper de ceux d'entre
nous qui sont malades.
Ceci étant,
et je tiens à le réitérer, ce n'est pas parce qu'il y a des valeurs identiques que nous ne demandons pas à ce que le gouvernement fédéral ajoute les
ressources au soutien. D'ailleurs, ça m'étonne qu'elle nous dise qu'il y en a
trop, parce que, même le gouvernement du Parti québécois était d'accord avec
nous, il faut rehausser la participation fédérale
à 25 %... du programme de la santé, 25 % de nos coûts. C'était dans
le budget du Parti québécois de rehausser la contribution fédérale à 25 % des dépenses de la santé, et, ce
matin, on nous apprend que ce n'est plus le cas, on n'en veut plus. Toujours
obligé de dire : Que fera-t-on dans un Québec séparé sans ces
transferts, sans ce 9 milliards? J'attends toujours la réponse.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine, à vous la parole.
M. Tanguay :
Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors évidemment, je salue tous les collègues ici ce matin qui participent
à cette interpellation sur le sujet qui est la souveraineté, sujet évidemment
qui est imposé — et ça
participe de nos règles
parlementaires — par
l'opposition officielle et auquel évidemment nous participons. Et je fais miens
les propos de mon collègue M. le
ministre, qui soulignait que la Coalition avenir Québec a décidé de se
désincarner de ce débat et de mettre en pratique la politique de la
chaise vide.
Et, vous
savez, M. le Président, quand on est fédéraliste, il y a des arguments pour
l'être et il faut les faire valoir, et
je ne peux que constater que la Coalition avenir Québec n'a pas d'argument, ce
matin, pour venir faire valoir ou n'a pas
trouvé... ou a désiré ne pas faire valoir évidemment les arguments qui font en
sorte que le Québec, et je reprendrai les
mots de Joseph Facal, «lorsqu'on compare les sociétés des 50 dernières
années, le Québec en Occident est une société qui, sur le plan
politique, économique et culturel, s'est nettement démarquée, a été parmi les
plus performantes». Et c'est Joseph Facal, un ancien ministre du Parti
québécois, qui l'écrivait dans son livre, et ça, ça parle beaucoup, M. le Président. J'espère avoir l'occasion, au cours des
quelques minutes qui me seront accordées, d'y aller de citations en ce sens-là, citations de personnes qui ont été des
acteurs au sein du Parti québécois, qui ont fait partie du mouvement
souverainiste et qui, aujourd'hui, force est de le constater, font les
mêmes constats que nous.
• (10 h 40) •
Reprenons, M.
le Président, et on se rappellera trois anciens collègues,
Alexandre Bourdeau, Stéphan Tremblay et Jonathan Valois,
trois députés du Parti québécois, qui, du 30 janvier au 7 avril 2004,
avaient fait une tournée du Québec — on
l'avait appelée la tournée des mousquetaires — et qui avaient produit un rapport en juin 2004,
rapport qui était, je dirais, M. le Président, annonciateur des résultats que nous avons vus le 7 avril 2014,
des résultats électoraux où l'on constate que les jeunes ne se
reconnaissent pas au Parti québécois, ne s'identifient pas à la souveraineté ou
à ce désir d'être un pays souverain. Et, en ce sens-là, déjà en 2004, on
pouvait lire, M. le Président, et je cite, à la page 5 trois députés du Parti
québécois, en 2004, qui
disaient : «L'option souverainiste, l'idée de souveraineté est aujourd'hui incluse dans la longue liste des éléments desquels
les gens sont sceptiques. Rattachée à la survie de la langue et du peuple
québécois, on voit mal en quoi la souveraineté peut être une réponse aux problèmes
sociaux qui se vivent au jour le jour.» Ça, c'étaient trois députés du Parti
québécois, en 2004, qui reprenaient les
propos de jeunes. Il s'agissait d'un groupe, les représentants
socioéconomiques, qui affirmait cela, et ils avaient subdivisé leur analyse en
quatre groupes.
Maintenant,
un autre groupe, les groupes des jeunes qu'ils avaient rencontrés sur les bancs
d'école. Ceux-ci, et je le cite,
disaient et rapportaient — ces
trois députés du Parti
québécois : «Pour ce qui est des
jeunes en formation professionnelle, la
souveraineté n'est pas une réponse concrète aux problèmes
sociaux vécus aujourd'hui. On considère ainsi les débats sur l'avenir du Québec comme un bien
accessoire et trivial par rapport aux enjeux sociaux. Il n'était pas rare
d'entendre parler du projet du Parti québécois.» Ce n'est pas des députés
libéraux qui écrivaient ça en 2004, c'étaient trois députés du Parti québécois qui l'écrivaient en 2004.
Toujours au même rapport de 2004, à la page 11, lorsqu'ils établissent les
constats — et ils avaient fait le tour du Québec,
25 villes, rencontré des milliers de jeunes, je les cite toujours :
«Cette génération est consciente de
ses moyens et de ses capacités. Le Québec de ces jeunes n'est pas le Québec de
la soumission ni même celui du
rattrapage. Le Québec d'aujourd'hui en est un de réussites, d'exploits et
d'ambitions.» Quand je vais voir sur
le site Internet du Parti québécois et que du programme du Parti québécois...
on vient d'entendre la voix des jeunes, en 2004, qui dit que c'est un Québec de réussites, d'exploits et
d'ambitions, on se rappelle de la citation de Joseph Facal, que le Québec, sur le plan politique, économique
et culturel, a été, dans les 50 dernières années, un succès occidental,
et quand je lis : Programme du Parti québécois adopté en 2011 et qui est
toujours le programme... Je cite : «Nous avons rendez-vous avez la liberté[...]. Au lendemain de la proclamation de la
souveraineté, un immense élan de fierté gagnera le Québec. Notre énergie et notre créativité,
entravées depuis si longtemps, se déploieront dans toutes les sphères
d'activité, sur [...] le territoire...»
Ça ne collait
pas à la réalité des jeunes en 2004, ça ne colle pas à la réalité des jeunes,
et non seulement des jeunes, mais de tous les Québécoises et Québécois,
et c'est ce qui faisait dire — M. le Président, je conclurai
là-dessus — à
Joseph Facal, le 21 avril 2014...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
En conclusion.
M. Tanguay : ...qui notait
que les jeunes avaient décroché du Parti québécois.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député de
LaFontaine. M. le chef de l'opposition officielle, à vous la parole.
M.
Bédard :
Oui. Très content, M. le Président, parce que le leader du gouvernement nous
parlait de péréquation. Donc, pour
nous, c'est justement important d'en parler. D'abord, lui dire que... et
d'investissement fédéral, de dépenses fédérales,
je vais rappeler une chose relativement simple, c'est que les dépenses
fédérales se font à partir de l'impôt des Québécois et Québécoises et des impôts de tous les Canadiens. Ça, c'est
la première chose. Et nous envoyons, au Québec, 46 milliards d'impôt, taxes et redevances au fédéral. Donc,
l'argent ne pousse pas dans les arbres; quand le fédéral dépense, il dépense avec de l'argent qu'on lui a envoyé. On
envoie 50 % de nos impôts. Il faut s'intéresser à comment il les dépense.
La deuxième
chose, et ça, c'est de façon plus philosophique, il me dit : C'est vrai
qu'on a beaucoup de désaccords avec
nos amis canadiens, et c'est nos amis canadiens, mais il n'y a pas de quoi
faire un pays, il ne faut pas faire un pays, parce qu'on n'est pas si différents, finalement. Alors, j'aurais
tendance à lui poser la question : Qu'est-ce qui empêche le Canada
de se fusionner avec les États-Unis, vous pensez? Est-ce que c'est parce qu'ils
sont si différents? C'est-u deux planètes
différentes, les États-Unis puis le Canada? Est-ce qu'il y a un mouvement
unioniste, au Canada, qui dit : Fusionnons-nous?
On a des valeurs démocratiques, on se ressemble un peu, donc allons-y. Bien
non. Il y a des différences qui
justement font la différence qui font en sorte que tu dis : Si j'ai le
contrôle de tous mes leviers, c'est ça qui va faire en sorte que je vais
prendre des décisions qui ont un impact positif sur ma population.
Alors,
qu'est-ce qu'il fait avec le 46 milliards, le fédéral? Il fait, tout
d'abord, vous le savez, des transferts, des transferts fédéraux, il
envoie de l'argent un peu partout. Puis là on dit : Ah! le Québec, on
reçoit de la péréquation, ça n'a pas de bon
sens. Là, je vais peut-être apprendre encore quelque chose à mon collègue. Dans
les dernières années, dans les 15
dernières années... J'ai ici les augmentations de hausses de transferts
fédéraux, alors il va voir avec moi ceux qui ont reçu le plus, les provinces. L'Ontario, 300 % de plus de
transferts fédéraux. Eh bien, O.K. L'Alberta, un petit peu en bas, 290,
je pense, pour cent.
Une voix : ...
M.
Bédard :
On me dit de le... Oui. Colombie-Britannique, plus de 150 %. Et nous, le
Québec, bien nous, on a augmenté mais beaucoup moins que ces
provinces-là. Alors, ça, c'est un choix. Alors, ils dépensent plus, ils font
des transferts, mais, là-dedans, ça n'inclut pas les choix qu'ils font de leurs
dépenses.
Et on en a
parlé lors de la dernière interpellation, par exemple, de choisir d'abandonner
l'industrie forestière, mais d'investir
10 milliards... le plus gros investissement, c'est dans GM, l'industrie
automobile, près de 11 milliards qui a été envoyé à l'industrie
automobile. Puis nous, on a reçu des pinottes. Mais prenons-en un
particulièrement, et lui, il est parlant. Et c'est une militante de l'Abitibi
qui m'en a glissé un mot, mais qui... vous allez voir, ce n'est pas un détail. En 2012, on a fait le choix de construire des
navires au Canada, et ce n'était pas pour punir les souverainistes, c'était un
gouvernement libéral qui était là. Alors,
qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont décidé d'investir, on dit, au départ, à peu
près 30 milliards de dollars. Ces 30 milliards sont allés où?
Ils sont allés en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique, principalement.
Le contrat de construction des grands bateaux militaires a été donné à la
Vancouver Shipyards, pour 23,9 milliards.
Dans les faits, ce qu'on a constaté, M. le Président, c'est que, ces contrats
de bateaux, sur toute la période, avec
l'entretien, c'est 90 milliards sur 30 ans qui vont être versés, mais dans
deux provinces en particulier : à Halifax, en Colombie-Britannique.
Ça, c'est le choix qui a été fait.
Donc, on nous
parle de péréquation, mais moi, je vais lui parler d'investissement, je vais
lui dire que nous, on reçoit 1/100 de 1 % de ces dépenses
structurantes. Mais évidemment, le reste, eux reçoivent ces belles dépenses
structurantes pour une industrie où, à Lévis, on en aurait bien
besoin... en Gaspésie. Alors, on l'a calculé par habitant. Savez-vous ça fait combien d'années de
péréquation? Ça fait 19 ans de péréquation, M. le Président. Alors, moi, je
suis prêt à renoncer à la péréquation
si on investit dans des secteurs prioritaires qui créent de l'emploi, qui
créent de l'activité économique, qui
fait en sorte qu'on ne quémande pas, on donne de l'emploi à notre monde. C'est
ça, la réalité concrète, les choix politiques.
Alors, ce que
je demande à notre ami d'en face, qui est un fédéraliste assumé... Ils ont peu
de demandes. Ils ne défendent pas le
système fédéral. Ils ont beau me citer tous les députés du monde, des 20 dernières années du Parti québécois, ils sont tous encore indépendantistes puis ils
croient que l'avenir du Québec, c'est de faire du Québec un pays. Mais, lui, qu'est-ce qui ferait en sorte que le Canada serait meilleur pour un
Canada qu'il ne l'est actuellement? Est-ce qu'il peut me donner un...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci. Merci, M. le chef de l'opposition. M. le ministre.
M.
Fournier : Bien, d'abord, le chef de l'opposition officielle
vient nous dire que lui, il est prêt à renoncer à la péréquation. En fait, lorsqu'on regarde les... Et,
évidemment, il dit : Vous savez, la péréquation et les transferts, c'est
nous qui les payons, c'est notre
proportion d'argent qu'on envoie à d'autres qu'ils nous renvoient. Or, année
sur année, on en a pour
10 milliards de plus qu'on reçoit que ce que l'on donne. Alors, il faut bien
le noter, que, lorsqu'on se sépare, c'est moins 10 milliards en commençant. La première ministre Mme Marois
parlait de perturbations. Ça va de soi, on commence avec moins 10 milliards dès le début. Et
notre collègue dit : Bien, moi, je vais relancer Davie puis je vais
probablement commencer à faire les
sous-marins que le député de Saint-Jérôme veut avoir pour faire l'armée
québécoise, la vraie armée, pour se
protéger du Canada puis des États-Unis. C'est lui qui le dit. Ce n'est pas moi
qui le dis, là. C'est lui qui le disait dans une de ses citations.
Revenons à un
contexte, là, où on est capables de trouver un terrain commun, si vous le
permettez. Je vais vous proposer
qu'on ait une piste de discussion où on se retrouve, alors je vais prendre la
piste de discussion des documents du
Parti québécois. Je vais prendre leur piste, c'est sur leur site Internet.
Alors, probablement que ça a été fait en 2013, parce que c'était 18 ans après le référendum de 1995. Je vais faire de
la publicité pour vos documents, c'est sur votre site Internet.
• (10 h 50) •
Alors, on
nous dit donc que, de 1995 à aujourd'hui, ou 2013... on a des beaux graphiques
comme ça, on nous dit que la hausse
du revenu disponible par habitant a augmenté de 33 % au Québec et de
25 % en Ontario. Dans le Canada, depuis
1995, ça va mieux au Québec qu'en Ontario, nous disent-ils. En fait, ils nous
disent que la situation budgétaire du
Québec se porte mieux, ils nous disent que la population s'est enrichie, que
l'économie va mieux, que l'endettement tombe,
que le chômage et la pauvreté tombent. C'est sur leur document que, dans le
Canada, 18 ans... puis on peut prendre... c'est le chiffre qu'ils ont pris ou les années qu'ils ont prises, la
période qu'ils ont prise, l'endettement, en proportion du PIB, a chuté; le service de la dette, par rapport
au PIB, est tombé; le taux de chômage, et les gens vivant sur l'aide sociale,
est tombé. Je prends leurs propres
statistiques, leurs propres données, leurs propres documents. Ils nous disent
que la population sous le seuil de
faibles revenus a tombé, que le PIB, comme je le disais tantôt, réel par
habitant a augmenté — il
y a des flèches importantes — depuis 1995, que la scolarisation de la
main-d'oeuvre a augmenté.
Alors,
partons sur un point de vue, là, qui est la documentation du Parti québécois
elle-même. Et ils nous disent : Depuis le dernier référendum,
l'appartenance du Québec au Canada a été un succès, et je dois aujourd'hui
dire : Ce succès-là, je n'en veux plus,
je n'en veux pas, je veux plutôt vivre l'expérience d'un Québec séparé qui va
avoir un déficit annuel, en
commençant, de 10 milliards de dollars; pas 1 million, pas
10 millions, 10 milliards. Alors, partons donc de ce document, là. Je pense qu'on peut faire
consensus. Je n'ai pas regardé chacune des statistiques. Je m'inspire d'eux et
j'en suis à constater que, pour le Parti québécois, le Canada, dans ces
documents-là, n'est pas l'adversaire qu'il nous présente, l'espèce d'amalgame, d'ensemble de citoyens qui sont là pour essayer de mettre à
mal le Québec. Au contraire, la situation économique que
nous avons, notamment, j'y reviendrai dans un autre bloc, tient au fait que nos
échanges interprovinciaux sont très importants et en croissance par rapport aux
échanges avec le reste du monde. Nous avons non
seulement des concitoyens, mais des
partenaires d'affaires et nous vivons en plus, en ce moment, une période où
nous nous rapprochons énormément de l'Ontario pour faire des affaires ensemble
et protéger la planète ensemble.
Alors, je
suis sûr que le chef de l'opposition va nous montrer maintenant les grands tableaux
issus de son site Internet qui montrent que le Québec est maintenant
mieux qu'il l'était en 1995. Je lui rappelle à l'avance que tout ça s'est fait
dans le Canada. Pourquoi faudrait-il s'en sortir? Il n'y a pas de
raison. L'indépendance n'a pas comme cause une question économique, une question
budgétaire. On ne fait pas la séparation parce qu'on dirait : Dans le Canada, ça va tellement mal pour l'économie
du Québec. Eux-mêmes disent que ça va mieux. Alors, il
faudra qu'il nous trouve une autre raison.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine, à vous la parole.
M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le
Président. Sur le thème Le Québec a
su faire dans les 50 dernières années et
s'est démarqué... et le chef
de l'opposition officielle a
dit : On cite d'anciens députés du Parti québécois, tous ces
gens-là aujourd'hui sont encore souverainistes.
Allons voir
si tous ces gens-là sont encore souverainistes. Et je ne parle pas de députés
du Parti québécois, je parle d'une personne, Mario Polèse, qui a participé, rappelons-nous, M. le Président, au comité Bonin, qui avait déposé, en 1980, en préparation du référendum, le premier
référendum, Étude sur
l'association économique après un Oui — synthèse Bonin et Polèse, de l'ENAP, en
1980. Et Mario Polèse a écrit un livre en 2009, a écrit en 2009. Vous riez parce que
je parle de 1980?
Une voix : ...
M. Tanguay : Je parle de
2009, un peu plus contemporain, Serions-nous plus libres au lendemain d'un
Oui?
Alors, Mario Polèse évidemment avait fait des
études, il avait eu le mandat de René Lévesque, notamment faire des études pour analyser, dès 1980 : Coudon,
un Québec souverain, là, est-ce que ça serait viable économiquement?
En 2009,
après coup, après l'exercice, après avoir vu l'évolution du Québec, il
écrivait — et
j'invite mes amis d'en face à annoter
la page, c'est la page 181 de son livre Serions-nous plus libres au
lendemain d'un Oui? en 2009 — et il
disait, je le cite, Mario Polèse : «De l'histoire des 50 dernières années,
je tire aujourd'hui la leçon que l'appartenance à la fédération canadienne n'a pas empêché les Québécois d'avancer. Ce que
les Québécois ont réalisé — individuellement et
collectivement — depuis
les débuts de la Révolution tranquille n'est pas banal : un peuple en
situation d'infériorité économique et
sociale s'est transformé en l'espace d'une génération en l'un des peuples les
plus prospères, les plus créateurs et, j'ose le dire, les plus libres de la
Terre. Peu de peuples, dont des peuples qui disposent d'un État souverain — ah! — ont réussi un virage aussi spectaculaire.»
Fin de la citation. C'est ce qui faisait dire, et là j'ai la citation, à Joseph
Facal, ancien ministre du Parti québécois, qui, dans son livre de 2010, Quelque
chose comme un grand peuple, à la page 12, disait... et je le cite :
«L'affirmation économique, politique, culturelle du peuple québécois au cours
des dernières décennies doit se lire comme
une des grandes réussites du monde occidental.» Fin de la citation. Ce n'est
pas un libéral qui dit ça, M. le Président, c'est un ancien ministre du Parti
québécois.
Alors,
lorsque l'on dit que l'on est opprimés, qu'économiquement on n'est pas capables
de tirer notre épingle du jeu, moi,
quand je me fais dire par une personne qui a été ministre du Parti québécois...
quand je me fais confirmer ce que je
constate, moi, à tous les jours, que le Québec s'est développé comme pas un et
est un exemple en Occident, M. le Président, excusez du «peu», en
Occident, bien moi, je pense que ça parle beaucoup.
Et, en ce
sens-là, il est important de le souligner, important de souligner également,
M. le Président, que — vous
savez, j'ai parlé du référendum de 1980 — le référendum de 1995,
il y avait eu tout un débat à l'intérieur du Parti québécois et du Conseil des ministres.
Vous savez, Jacques Parizeau avait toujours dit : La question sera, et je le cite — le
23 janvier 1993, il disait :
«Acceptez-vous que le Québec devienne un pays souverain le 24 juin 1995?»
C'était la question toute simple. Pourquoi, M. le Président, posons-nous la question, pourquoi la question est devenue, et je la
cite : «Acceptez-vous que le Québec
devienne souverain — il
n'y a pas le mot "pays", comment ça, il n'y a pas le mot
"pays"?, j'y reviendrai — après avoir offert formellement au Canada un
nouveau partenariat économique et politique dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de
l'entente signée le 12 juin 1995?» Fin de la citation. Pourquoi il n'y a plus
le mot «pays», M. le Président? Parce que,
et c'est relaté — et je
vois que notre ancien collègue Pierre Duchesne est derrière le chef de l'opposition officielle — dans son livre, il relatait une entrevue
qu'il a eue avec Éric Bédard, qui était à l'époque le chef de cabinet adjoint à Jean Royer, à Jacques
Parizeau... et qui, dans son livre, M. Duchesne, à la page 426, et je le cite,
«relatait pourquoi le mot "pays"
avait été retiré». Éric Bédard, adjoint au chef de cabinet, précise que des
sondages testent la question avec le
mot «pays» et que celle-ci ne performe pas très bien en termes d'appui
populaire. Donc, on enlève le mot «pays». Fin de la citation, M. le
Président.
Alors, voyez-vous, lorsque l'on parle de
transparence, lorsque l'on parle d'un projet qui, selon nos amis du Parti québécois, à sa face même, à sa face même,
devrait rallier tout le monde, on vient de démontrer dans un premier temps que les jeunes, dès 2004, décrochaient, les
jeunes, et Joseph Facal le relatait dans un article du 21 avril 2014, les
jeunes de 18-24 ans ont au quatrième rang le Parti québécois dans leurs
priorités.
Et là on
vient de démontrer que ça prend de la stratégie, appelons ça comme ça, M. le
Président, pour essayer de vendre un tant soit peu un projet qui n'est
pas vendeur, qui n'est pas vendable.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député de
LaFontaine. Simplement vous rappeler que M. le premier ministre Parizeau
a également droit au titre. Vous citez M. Facal, qui est un résident de la
magnifique circonscription de Fabre. Il a de belles qualités. M. le chef de
l'opposition officielle.
M.
Bédard : Et un
grand souverainiste, je dois le dire, effectivement, un grand intellectuel, un
homme qui a apporté une contribution
formidable au Québec, et je tiens à le saluer, moi aussi, à ma façon
évidemment, en ne tentant pas de vous
dire... On ne peut pas résumer son oeuvre, mais ce qu'on peut dire, c'est que
c'est quelqu'un qui a contribué fortement
à justement faire en sorte que cette idée de pays soit accessible à tous les
citoyens du Québec. Il avait d'ailleurs écrit un beau livre à ce
niveau-là.
Mais on
avance dans notre interpellation. Peut-être une chose, une mise en garde :
quand on dit que le projet de faire
du Québec un pays, c'est déconnecté, moi, je dis à nos amis d'en face :
Faites attention, parce qu'un jour peut-être M. Salmond va venir ici, peut-être aussi que l'ancien premier ministre
écossais, le premier ministre actuel, peut-être des amis de la Catalogne vont venir, puis là il ne
faudrait pas leur dire : Vous êtes déconnectés. Ça ne serait pas bon. Moi,
je pense, pour le Québec, ça donnerait une
mauvaise image. C'est des gens qui sont très connectés, et, je peux vous dire,
ils parlent d'indépendance à leur monde. Ils
en parlent puis ils en sont fiers, donc, et nous aussi. Et, de dire que René
Lévesque était déconnecté, le premier
ministre René Lévesque était déconnecté, je pense que c'est aussi manquer de
respect. Même le premier ministre
Robert Bourassa, à l'époque, n'employait jamais ce terme. Il disait, au
contraire : Vous avez le droit à votre conviction, voici les
miennes. Par contre... et ça, on n'a pas beaucoup de réponses.
• (11 heures) •
Le fédéralisme. Qu'est-ce qu'on propose? Comment
on l'améliore? Où sont les demandes traditionnelles du Québec? Est-ce qu'on croit encore qu'on va réformer ou on ne veut plus réformer? On
dit : Là, tout ce qu'on veut obtenir du fédéralisme, c'est arrivé, là, il ne reste plus rien que le statu
quo. Alors, moi, j'aimerais qu'on me vante au moins un peu le Canada. On
va peut-être me convaincre au bout de tout ça. Le Canada peut se réformer.
J'aimerais avoir deux, trois arguments, parce que
les derniers ne sont pas bons. Les dernières actions, que ce soit au niveau du registre des armes à feu, que ce soit pour les travailleurs étrangers
immigrants... temporaires, plutôt, sur lesquels le fédéral nous a envoyés
promener comme si on n'existait pas... Et
là, dans le dernier budget fédéral, on a augmenté le CELI. Je ne sais pas
combien de personnes ici prennent 10 000 $ de CELI par année.
En tout cas, ce n'est sûrement pas à la disposition de la classe moyenne, je vous dirais, et du... Je vous dirais,
il y a le 1 %. En bas du 1 %, là, il n'y a pas grand monde qui va
faire en sorte que son CELI soit
plein. Mais ça, ça nous impacte de 100 millions, là, 100 millions de
plus de coupés en éducation.
Et là le
Parti libéral nous dit : Il y a la péréquation. On a 46 milliards, il
y a un 9 milliards là-dedans. Bon, je lui ai déjà dit qu'il y a
46 milliards d'impôt qu'on envoie, les transferts fédéraux augmentent à
l'extérieur plus que chez nous, un.
Deux, je lui ai dit que leurs dépenses structurantes, elles vont ailleurs. Et,
les bateaux, je n'ai pas eu une seule ligne, puis là je le comprends, parce qu'on est gêné. 90 milliards, là,
c'est toute une loto, ça. On a 0,01 %. Alors, voici les retombées
concrètes. 90 milliards, on l'a dit, c'est 19 fois la péréquation — ce n'est pas rien, là — quand on prend le PIB par habitant. Alors, on
continue, M. le Président. Et cette péréquation et ses dépenses... Là, disons
qu'il y a 9 milliards en balan.
C'est quoi,
les avantages de faire la souveraineté? La députée de Joliette l'a dit
tantôt : enlever les dédoublements. Puis ces dédoublements, là, ils sont réels partout, en santé, en
éducation. Et nous, on a évalué effectivement que seulement enlever les dédoublements, là, c'est une économie
récurrente de plus de 7 milliards pour les citoyens du Québec,
7 milliards, là, 7,5. Regardez,
950 $ par famille, 3 800 $ pour une famille de quatre personnes,
déjà là, il y a un avantage direct. Et pourquoi?
Parce que le fédéralisme, il dépense. La masse salariale fédérale, elle a
augmenté de 108 %. C'est notre argent, là, puis ce n'est pas nous
qui en avons le plus, là. Le gouvernement fédéral choisit de dépenser. Il
dépense beaucoup, beaucoup. On regarde un
organisme, Santé Canada, qu'on parlait tantôt. Ils ne gèrent aucun hôpital, là.
Savez-vous combien ils ont augmenté leurs dépenses? 202 %. Puis, en
même temps, ils baissent leurs contributions, dans notre système de santé, en transferts de nos impôts, mais
évidemment ils vont engager plus de fonctionnaires fédéraux. Dans la
bureaucratie fédérale, c'est
20 milliards d'augmentation, M. le Président, une hausse de 108 %,
depuis plus de 10 ans, M. le Président.
Donc, un
Québec souverain, on ne dédouble plus, cet argent-là, il nous est disponible. C'est
ça, les avantages. Vous en voulez, un
grand ménage? Bien, c'est le plus beau grand ménage, mais il va se faire à
l'avantage des Québécois. Pourquoi?
Parce que ça ne sera plus des fonctionnaires à Ottawa qui vont déterminer quel
est notre avenir ou quelles sont nos
priorités en santé, en itinérance ou ailleurs ou notre politique extérieure. Ça
va être des Québécois, M. le Président. Est-ce que...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, monsieur...
M.
Bédard : J'aurais
peut-être une petite question encore.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Vite.
M.
Bédard :
Est-ce que le Parti libéral a encore des revendications, a encore les revendications
traditionnelles du Québec
comme il l'avait à l'époque de Robert Bourassa? J'aimerais au moins savoir ça
d'ici la fin de l'interpellation.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le chef de
l'opposition officielle. M. le ministre, à vous la parole.
M. Fournier : Oui. Bien, M.
le Président, c'est quand même assez étonnant toujours d'entendre... D'abord, maintenant,
on a une affirmation du chef de
l'opposition que le Parti québécois a étudié ça et maintenant on sait que,
perdre les 9 milliards de péréquation, il n'y a pas de problème
parce que, les dédoublements, on va tout couvrir ça.
Je ferais juste le référer à de nombreuses
études, dont celles qui ont commencé avec Bélanger-Campeau, les commissions qui
ont suivi, qui étaient neutres et qui affirmaient de façon éclatante que
c'était là une des difficultés importantes. Pourquoi? Parce que, année sur
année, les chiffres ont changé, évidemment. On parlait de 5 milliards à l'époque, les chiffres ont changé, on est rendus à
9 milliards. Mais, année sur année, il y a plus de 10 milliards qu'on
reçoit de plus de péréquation et de
transferts de toutes sortes. Pourquoi? Parce que l'économie du Québec, qu'on
veut tous qu'elle soit encore plus
performante, néanmoins, en termes de richesse collective, est en dessous de la
moyenne canadienne. Et donc c'est
l'effet de solidarité qui fait en sorte que nous recevons la hauteur de ces
transferts-là, et on ne peut pas
simplement banaliser la chose. Il y aurait,
dans un Québec séparé, moins de ressources pour offrir des
services. Et, non, en matière de
santé, ce n'est pas le fédéral qui opère les services de santé, ce sont les
provinces, et, oui, lorsqu'on fait des ententes, on négocie. Parfois c'est serré, puis il y a des gouvernements avec lesquels ça peut être plus compliqué, mais l'histoire a fait en sorte qu'on est en mesure d'avoir des services que l'on rend selon nos priorités. C'est ça
que ça démontre. Quand j'entends parler du dernier budget fédéral... On
ferait la séparation à cause du dernier budget fédéral. M. le Président, écoutez,
c'est une décision de gouvernement, ce n'est pas tous les Canadiens, puis ce
n'est pas tout le pays pour les 100
prochaines années. D'ailleurs, il va y avoir des élections puis il y en a
qui proposent de faire d'autre chose. Alors, il y a une différence entre
tout ça.
En fait, pour
l'économie, c'est clair, je pense que là-dessus,
là... on peut bien s'égosiller pendant encore bien du temps jusqu'à midi, là, mais, sur l'économie, on va se laisser ici, au salon bleu,
sur le fait qu'on ne partage pas le même point
de vue, mais je pense
que, de façon générale,
dans la population, on comprend assez bien que la stabilité politique
que nous avons, les liens économiques et financiers que nous avons, le commerce
interprovincial que nous avons, l'appartenance
que nous avons fait en sorte que nous sommes, en ce moment, en termes
économiques, bien mieux placés que
nous ne le serions s'il fallait rompre tous ces liens. Ce n'est pas pour rien
que la première ministre Mme Marois parlait de perturbations, parce que... Je sais bien que le chef de l'opposition
s'est fait poser la question tantôt par les journalistes, et là il ne voulait pas échapper le mot
«perturbations». Mais, oui, c'est ce qui a été dit, parce qu'à un moment donné
il faut être franc, il faut le dire, bon, «turbulences».
L'autre
élément, alors, moi, je veux juste dire ceci : En termes économiques, je
pense qu'on se comprend, ce n'est pas
ça, la raison pour la séparation. Mais on nous plaide souvent que la question
serait la langue ou la culture. Je veux revenir à ce passage, parce que je citais Bélanger-Campeau. Ça ne nous
rajeunit pas, malheureusement, mais c'étaient des moments marquants. Et on se souvient tous de l'ancien président de
l'Union des artistes Serge Turgeon, qui était présent à
Bélanger-Campeau, et je veux citer un passage parce que ça me semble important
de commencer à parler de ces matières-là, parce qu'on va revenir à ça
éventuellement.
Alors,
Serge Turgeon disait ceci — c'était le 14 novembre 1990 là la
commission Bélanger-Campeau — il disait : «C'est vrai que
Radio-Canada, notamment, que l'Office national du film ont fait une oeuvre
extraordinaire, ont été des
instruments privilégiés pour la
culture francophone de ce pays. C'est vrai. C'est vrai que Radio-Canada a eu ses heures de gloire. L'Office national du film, on a finalement fait ressortir des talents, on a produit des
émissions et on a montré aux Québécois
ce que ça pouvait être, une culture qui leur ressemblait. Et, à ce moment-là, je pense que des organismes comme ceux-là ont fait
ce qu'ils devaient faire.»
Je prends la peine de
m'arrêter là-dessus — puis
je reviendrai dans un autre bloc, M. le Président : Lorsqu'on regarde le progrès du français au Québec actuellement par rapport à ce qu'il était dans les années 60, lorsque
moi, je suis venu au monde, lorsqu'on regarde l'essor de la francophonie
canadienne, de plus en plus de jeunes qui sont dans des classes d'immersion, lorsqu'on voit que nous avons, avec le gouvernement fédéral, développé des institutions qui ont fait la promotion de la culture francophone et québécoise, comment prétendre aujourd'hui que nous devrions faire la séparation
pour nous sortir du joug du Canada, qui
retient comme un étau la culture et la langue française, alors que nous avons
un levier pour promouvoir la langue
française en voyant 2,5 millions de francophones et francophiles qui
veulent partager l'aventure francophone?
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Merci, M. le ministre. M. le député de
LaFontaine, à vous la parole.
• (11 h 10) •
M.
Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, le chef de
l'opposition officielle a souligné l'utilisation du mot «déconnecté» et
évidemment de façon à dire que ça ne devrait pas être un mot qu'il aurait le
droit de citer ici, dans ce débat, actuellement, alors qu'un peu plus
tôt on a entendu la collègue de Joliette dire : Je n'ai pas dit que le
projet de souveraineté était déconnecté, j'ai dit que le débat sur la mécanique
était déconnecté — nuance — et
j'ai écrit au journaliste, en ce sens-là,
qui était Alec Castonguay, et essayant évidemment de... puis c'est son droit,
de reprendre des citations que l'on
retrouvait dans cet article du 1er octobre 2014 : Les jeunes loups
du Parti québécois, où elle disait : «La confiance — et je le cite — entre la population et le parti s'est
brisée. Il faut commencer un sérieux examen de conscience, qui aurait dû être fait il y a longtemps.» Et
c'est peut-être là la citation... elle aura l'occasion peut-être de nous
corriger, mais la citation qui est
dans l'article du 1er octobre 2014 — je la cite, la députée de Joliette :
«Le Parti québécois a parfois l'air
dans sa bulle, occupé par ses débats internes sur la souveraineté, désincarné
des préoccupations des gens.» Fin de la citation.
J'entends
bien, et je prends acte du correctif, que ce n'était pas sur les bienfaits, selon elle, de la souveraineté, mais sur la mécanique et le débat de la mécanique.
Très bien, mais force est de constater que, sur le débat de
la mécanique, elle utilisait le mot
«désincarné». Je crois que «déconnecté» est un synonyme de «désincarné» et, en
ce sens-là, pour le bénéfice du chef de l'opposition officielle, je
pense que l'utilisation était tout à fait de bon aloi.
Également, notre collègue de Lac-Saint-Jean disait dans le même article, et je le cite,
parlant des jeunes : «Ils sont étrangers à ce débat. Ils se sentent
loin. Pour eux, ça n'a aucune résonance dans leur vie.» Fin de la citation. Et,
M. le Président, j'invite les collègues du
Parti québécois à préciser leur pensée. J'ai cité la fameuse question
référendaire de 1995 :
Acceptez-vous... Il n'y avait pas le mot «pays», on sait pourquoi maintenant,
parce que, sans le mot «pays», ils avaient
plus de chances d'avoir 50 % plus un. C'est un choix stratégique. Est-ce
que l'on doit aller à ce niveau-là? Je soumets que non, en termes de choix stratégiques, alors que le premier ministre
Parizeau avait toujours dit — se rappeler la première étape, la deuxième étape, la troisième étape — que la question allait être :
Acceptez-vous que le Québec devienne un pays souverain à telle date?
Mais force est de constater que non seulement le mot «pays» a été retiré, mais
il y avait là un nouveau partenariat
économique et la fameuse entente, et c'est là que je demanderais à mes
collègues de le préciser, la fameuse entente du 12 juin 1995.
Je
viens d'entendre le chef de l'opposition officielle dire : La première
justification de la souveraineté du Québec, c'est qu'on va sauver 7 milliards ou je ne sais pas combien
de milliards — excusez
du «peu» — en
dédoublements, c'est les
dédoublements, c'est ça qui fait du tort. Or, le mandat demandé, référendum de
1995, était pour la signature d'une entente.
Que prévoyait cette signature de l'entente? Sans y aller tout de suite, les
gens qui nous écoutent à la maison... On
sait que le Parti québécois, eux, en ont contre le Parlement fédéral, contre le
Conseil exécutif fédéral et contre la Cour suprême. Cette entente
prévoyait des institutions communes, M. le Président.
Un
Québec souverain, dans la tête de mes
collègues du Parti
québécois, aurait une assemblée de parlementaires québécois et canadiens, aurait un conseil du partenariat formé par des ministres
des deux États, aurait un tribunal, M. le Président. Ça commence à ressembler au Canada,
ça, on commence à partager la même vision. Mais quelles seraient les compétences en vertu de cette entente
signée par les souverainistes? Et là, M.
le Président, pour ceux qui ont
étudié un peu le droit constitutionnel, imaginons les articles 91 et 92
de la Constitution canadienne. Ce serait évidemment un Parlement commun, ce
serait un conseil des ministres commun et un tribunal qui statuerait quant à
ses compétences relatives à la politique
monétaire, la citoyenneté. On commence déjà à avoir peut-être
un début de réponse sur ce qu'on demandait. Allons-nous avoir une citoyenneté
québécoise? Aurions-nous une citoyenneté canadienne? Le Parlement pancanadien
en déciderait.
En matière de représentation
internationale, je suis très surpris de lire que le Conseil des ministres
pourrait décider que le partenariat
parlerait d'une seule voix au sein d'instances internationales; l'accès aux
aéroports, transport routier, par rail, politique de défense,
participation commune, institutions financières, politique fiscale, protection
de l'environnement, trafic d'armes, la
poste — je suis
en train de vous défiler quasiment les articles 91 et 92 de la Constitution
actuelle, M. le Président — je vois là un plaidoyer vibrant sur
l'importance des liens, sur l'efficacité dans ces liens. Et qu'on ne
vienne pas me dire que tout ça, par un coup de baguette magique, se ferait sans
ce qu'ils appellent, eux, des dédoublements, qu'eux évidemment démonisent comme
étant le fruit de tous les écueils.
Or, la question du référendum de 1995 contenait
cette approche, qui ressemble beaucoup, M. le Président, au Canada que nos avons bâti et dans lequel nous
avons, je le répète encore, su performer depuis les 50 dernières années, un
exemple en Occident, selon Joseph Facal.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député de
LaFontaine. Puisque nous en sommes au quatrième bloc d'intervention, je me tourne vers la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. À vous la parole pour cinq minutes.
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Le seul cinq minutes que nous aurons;
c'est important de se le rappeler. Alors,
lors de sa visite au mois de février dernier, mes collègues et moi, on a eu la
chance de rencontrer M. Grímsson, un
homme extrêmement inspirant qui, très rapidement, nous a permis de se rendre
compte qu'on avait beaucoup de choses en commun ici, au Québec, et, je
dirais, particulièrement à Québec solidaire.
L'Islande a
résisté aux pressions des banquiers. L'Islande a dit non à la réponse que leur
proposaient les banquiers à la
faillite du pays. L'indépendance en soi, on ne peut jamais... ne peut jamais
être négative, pardon, c'est effectivement une citation de M. Grímsson, président de l'Islande, mais il a dit des
choses pas mal plus intéressantes lors de son passage, c'est comment, pour que cette indépendance-là soit
réelle, il faut donner les moyens au peuple de faire sa réflexion et de pouvoir lui-même inscrire la suite de l'histoire.
Sa recette n'a pas grand-chose de magique, on la connaît très bien. C'est
d'ailleurs pourquoi Québec solidaire se propose d'une démarche de constituante
pour permettre au peuple québécois d'accéder à son indépendance. Alors, ce
n'est pas compliqué; petite recette : donner aux gens les moyens de
pouvoir comprendre les enjeux, pas de leur
faire peur, comprendre les enjeux et de pouvoir décider par eux-mêmes ce qui
est bon. C'est précisément là-dedans que Québec solidaire enracine sa perspective
d'indépendance : donner à la population québécoise,
pas seulement aux dirigeants, pas seulement
à l'élite, pas seulement aux banquiers, mais donner à tout le monde le droit de rêver et de
définir ce qui est le meilleur pour lui-même.
Dès
maintenant, il faut être en mesure de dire aux Québécois et Québécoises mais
c'est quoi, ce projet de pays qu'on
porte, qu'on souhaite, qu'on veut, qu'on aspire, pays d'ailleurs qu'on va faire
avec tout le monde, les nouveaux arrivants,
les anciens arrivés puis ceux qui étaient là depuis le début, c'est quoi, cette
indépendance. L'Islande est extrêmement
inspirante. Je disais : L'indépendance aux dictats financiers. Nous, notre
vision, à Québec solidaire, c'est une
indépendance où le pays se fera sur un refus de la dépendance au pétrole et aux
hydrocarbures, parce qu'il est grandement temps maintenant de prendre
conscience que notre planète ne survivra pas; où les ressources naturelles vont
être mises au service du bien commun, pas des minières extractivistes; que les
ressources vont être transformées ici pour
créer de la job partout en région; que la démocratie, un mode de scrutin
représentatif, proportionnel, va être au coeur de ce pays parce qu'on fait confiance aux gens; qu'à chacun et
chacune on donnera un revenu minimum garanti pour s'assurer que, dans ce pays de richesse, il n'est pas question
qu'on se pose encore la question si on va pour... payer, pardon, notre facture d'Hydro-Québec ou celle de
l'épicerie. Ça sera un pays de collaboration et de coopération où les droits fondamentaux, comme l'éducation, le
logement, la santé, ne seront pas un bien de consommation laissé aux appétits
voraces des entreprises privées.
Qu'y a-t-il
d'emballant actuellement dans le projet des libéraux et des gouvernements
précédents, qui, depuis 1996, gèrent
le Québec comme deux colonnes de chiffres : celle qu'elle coupe, parce que
c'est des services à la population puis ça coûte cher, puis celle qu'on n'ose pas augmenter, parce que ça crée
des angoisses chez les riches? Qu'est-ce qu'on gagne au fédéralisme, hein, le fédéralisme qui prend
notre argent pour abolir notre registre d'armes à feu, militariser le Canada,
et donc le Québec, imposer des lois comme C-51, qui restreint l'ensemble de nos
droits?
M. le
Président, pour moi, c'est ça, la leçon du président de l'Islande : être
indépendant, c'est être souverain de nos
choix pour tout le peuple, même si ça ne fait pas l'affaire de l'élite
possédante, qu'elle soit canadienne ou québécoise. Donc, qu'est-ce que
vous avez à offrir? Qu'est-ce que ce gouvernement-là a à offrir à notre peuple?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, Mme la députée. M. le ministre, à vous la parole.
• (11 h 20) •
M.
Fournier : Oui. M. le Président, j'entendais notre collègue
parler de la défense de nos droits. Je voudrais bien apporter justement
un éclairage là-dessus.
On a eu
l'occasion d'en parler justement, là, en novembre dernier, parce que, le jour
même où nous avions une interpellation,
ce matin même, ce matin-là, le député de Lac-Saint-Jean disait, dans Le Soleil,
à propos de la charte, la charte qui
est celle qui était nommée par l'opposition officielle celle des valeurs mais
qui était, dans le fond, la charte qui discriminait, disait de cette
charte qu'elle était un des éléments de la souveraineté identitaire et, dans
cette démarche vers le Québec
séparé, il fallait voir, dans ce Québec séparé, le besoin d'avoir une souveraineté identitaire, j'imagine, sous prétexte
que notre identité ne pouvait pas se développer en ce moment, ne s'était jamais
développée, qu'elle était développée par
d'autres. Je ne sais pas. J'ai quand
même posé des questions
pour savoir ce que ça signifiait. Je n'ai pas eu de réponse. Et je m'attendais à ce qu'aujourd'hui on m'éclaire sur cette souveraineté identitaire,
dont un des éléments serait la charte. Je reparlerai de la charte
tantôt.
Le même jour,
donc, ayant posé la question, le début de réponse nous est venu du chef de
l'opposition officielle, qui est devant nous aujourd'hui et qui
disait : «Parce qu'il est "homogène", le Québec serait à l'abri
des débats de société déchirants une fois souverain...» Et je me demande encore
que signifie ce «Québec homogène», qui devrait, normalement, dans son identité d'aujourd'hui et ses valeurs, être ouvert
à la diversité. Pourquoi faut-il qu'il ait des valeurs fermées à la diversité? Je relisais, toujours le
même 14 novembre... Il y a eu beaucoup d'écrits ce jour-là. Gérard
Bouchard écrivait — c'était
dans La Presse — il
écrivait : «L'idée d'une nation homogène soudée par les liens du sang, qui
se reconnaît dans une identité monolithique et voit dans la diversité une
menace à éradiquer, a fait son temps. [...]une conception de la nation qui a connu son âge d'or mais qui est maintenant
en déphasage avec la société dans laquelle nous vivons.»
Chantal
Hébert écrivait dans L'Actualité il n'y pas si longtemps, faisant
une analyse du contexte politique qui avait évolué, elle disait : «On a beaucoup parlé de l'apport au Québec
français de ceux qu'on a appelés les enfants de la loi 101. Ce dont on a moins parlé,
par contre, c'est de leur effet sur leurs compatriotes dits de souche. Depuis
40 ans, les écoliers québécois
francophones, en particulier dans la région de Montréal, sont scolarisés dans
un environnement qui fait une place
toujours plus grande à la diversité culturelle. Contrairement à leurs
concitoyens plus âgés, une majorité des Québécois de 45 et moins — toutes
origines confondues — ont
grandi dans cette diversité. Leurs condisciples issus des communautés culturelles sont devenus des compagnons de travail
ou même de vie. Le modèle d'un Québec plus homogène leur est étranger.»
Le
Québec séparé que le Parti québécois veut nous proposer en est un qui va
pouvoir développer une souveraineté identitaire pour valoriser
l'homogénéité. Autant M. Bouchard, qui n'est pas connu pour des ferveurs
fédéralistes trop grandes, que Chantal
Hébert, une analyste, nous ramènent sur le constat que cela ne correspond pas à
la société québécoise d'aujourd'hui.
Le Québec séparé qu'on nous propose est une rupture avec notre identité que
nous avons développée, et on veut nous faire croire que c'est pour la
renforcer? Non, M. le Président.
La
charte était donc un des éléments. Que nous dit la Commission des droits de la
personne sur la charte de la discrimination?
«La commission des droits de la personne et [...] de la jeunesse a descendu en
flammes l'ensemble de la charte des valeurs [...] qui, si elle [était]
adoptée telle quelle, ne résisterait pas à l'épreuve des tribunaux.» Je cite Jacques Frémont, dans un communiqué : «Les
orientations gouvernementales soulèvent de vives inquiétudes. Elles sont
en nette rupture avec la charte [des
droits], cette loi quasi constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale en
1975. Il s'agit de la proposition de modification de la charte la plus
radicale depuis son adoption.» On ne parle pas ici de la Charte canadienne des droits, on parle de la
charte québécoise des droits, on parle de la proposition la plus radicale en
rupture avec cette charte.
Le
Québec séparé dont nous parle le Parti
québécois n'est pas un Québec
qui veut affirmer son identité, c'est un Québec qui veut rompre avec
son identité, ouverte à la diversité et qui regarde l'avenir avec confiance, M. le Président.
Le Président (M.
Ouimet, Fabre) : Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine,
à vous la parole.
M.
Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Et, sur cette lancée évidemment,
pour clore ce que je disais un
peu plus tôt au niveau de l'importance des liens qui nous unissent, de
l'importance qui fait en sorte que le Canada est ce pays que nous avons bâti, auquel
nous avons participé et qui fait en sorte aujourd'hui, force est de le
constater...
Le
chef de l'opposition officielle disait : Si nous étions souverains, nous
serions 17es. Ça participe de cette évidence que le Québec non
seulement, comme le disaient celles et ceux que j'ai cités un peu plus tôt, a
su faire au sein de la fédération canadienne, a su se développer, est même un
exemple occidental... bien, en ce sens-là, il est important de souligner que nous devons évidemment
poursuivre parce que les progrès sont nécessaires, les progrès sont
importants, nous avons besoin de toujours, toujours viser l'amélioration
en termes d'éducation, en termes de santé, en termes d'environnement et faire
en sorte que l'on puisse continuer à évoluer et à se développer. Et, l'exemple
de la dernière élection est très parlant,
très patent, lorsque l'on voit que les jeunes... Encore une fois, dès 2004,
c'était annoncé par les trois mousquetaires du Parti québécois. On l'a vu à la
dernière élection. Sur le groupe d'âge 18-25 ans, M. le Président, une étude statistique par sondage a révélé que le
Parti québécois est quatrième chez les 18-25 ans, et ça, ça a été de façon
très marquée la cristallisation d'un
tournant parce que les jeunes sont ailleurs, M. le Président, les jeunes sont
ouverts sur le monde, les jeunes n'ont pas évidemment ce sentiment
d'oppression.
Et,
en ce sens-là, il est important de noter que le projet... et j'aimerais
entendre mes collègues d'en face, le projet, et c'est symptomatique... pour le vendre, ce projet, évidemment ils
doivent faire en sorte d'écrire la question de 1980 de manière à ce que ça se fasse en deux étapes, la
question de 1995 également de manière à ce que ça se fasse en deux étapes,
y joindre un partenariat qui soit, aux niveaux exécutif, législatif et
judiciaire, avec le Canada. Dans ce contexte-là, c'étaient carrément, évidemment, l'actuelle Constitution, les
partenariats, et c'était un aveu retentissant, M. le Président, les
partenariats, qui sont nécessaires et qui font en sorte que, oui, ensemble...
non seulement nous avons bâti et nous participons
et nous sommes Canadiens, mais ensemble nous performons et nous faisons en
sorte que les Québécoises et Québécois
puissent aujourd'hui évoluer, dans un pays qui est le Canada, au sein du
Québec, qui sait évidemment outiller les jeunes en matière d'éducation
et qui sait aussi, notamment... et on parle du français, qui sait faire en
sorte que les résultats... les statistiques à l'appui le démontrent, le
français a su et continue de s'épanouir au sein de la fédération canadienne, M.
le Président.
Et,
quand on me parle : Ah! vous savez, les attaques de la Cour suprême du
Canada contre la loi 101, et là on va toujours
citer la Charte canadienne des droits et libertés en disant : L'article 2,
2b, «liberté d'expression», Charte canadienne
des droits et libertés, c'est-u épouvantable, M. le Président! En 1988, ils ont
invalidé... l'arrêt Ford, ils ont invalidé une disposition de la loi 101
qui était l'affichage unilingue français. Or, quel poids aura ou quel poids
aurait, dans l'imaginaire, la charte
québécoise des droits et libertés dans un Québec souverain lorsque l'on sait
évidemment que cette première mouture de la loi 101 allait à l'encontre
de la liberté d'expression, qui était protégée et qui est toujours protégée en
vertu de l'article 3 de la charte québécoise des droits et libertés?
L'arrêt
Ford souligne que la liberté d'expression est protégée autant par l'article
3 de la charte québécoise que l'article 2 de la Charte canadienne. Alors, dans un Québec
souverain, quel poids aurait la charte
québécoise des droits et libertés? Et, lorsque l'on attache ça à ce qu'a
dit mon collègue un peu plus tôt, la charte des valeurs, la charte de la division, ce que l'on a vu, faisait en sorte
évidemment de ne pas respecter la liberté de religion, qui est aussi protégée par
notre charte québécoise, quel poids, dans un Québec souverain, les libertés
individuelles auraient? Et, en ce sens-là, ces
exemples sont patents et démontrent qu'il y a évidemment un équilibre à aller
chercher en matière linguistique. Et la loi de 1993, qui a fait en sorte... prédominance de l'affichage du
français, qui est toujours la loi, qui n'a jamais été modifiée par le
Parti québécois, est toujours un équilibre qui fait en sorte... et les
statistiques le démontrent.
Et, si, dans
le prochain bloc, le temps m'est permis, je pourrai souligner les statistiques
à l'effet que le français a su s'épanouir en termes de langue
d'éducation et langue de travail. Merci beaucoup, M. le Président.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député de
LaFontaine. Mme la députée de Joliette, à vous la parole.
• (11 h 30) •
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. Je veux simplement marquer mon étonnement de voir qu'à
peu près le seul argument qu'on entend de l'autre côté pour promouvoir
le fédéralisme, c'est la péréquation.
Alors, je
trouve que c'est quand même assez étonnant pour des gens qui disent être
tellement attachés au Canada d'entendre
depuis le début de l'interpellation un seul argument, qui est la péréquation,
et que d'ailleurs, évidemment, le chef
de notre formation par intérim a bien démoli. C'est assez réducteur de voir que
c'est ça qui devrait faire en sorte que les Québécois renoncent à leur liberté, à leur plein épanouissement, à
leur pleine capacité d'aller au bout de leurs ambitions individuelles et
collectives. Et je veux revenir à ces ambitions-là, parce que ces ambitions-là,
elles sont très présentes sur le plan
social. Et le Québec a réussi à mettre de l'avant, dans une foule de domaines,
une approche qui lui est propre et
qui porte des résultats extraordinaires en matière de lutte à l'exclusion,
d'insertion sociale des jeunes, des moins jeunes, et je veux prendre
plus spécifiquement l'exemple de la lutte à l'itinérance.
Il se passe
quelque chose d'assez grave, en ce moment, qui découle justement de ce
fédéralisme, qui ne respecte aucunement
les priorités et les marges de manoeuvre du Québec. Je vous le disais tout à
l'heure : Premier étage des raisons, la liberté d'action politique
et économique. Cette liberté d'action là devrait faire en sorte qu'en matière
d'itinérance, compétence sociale exclusive
du Québec, nous devrions pouvoir agir pleinement, selon nos besoins, nos
approches, la réalité du terrain. Or,
que se passe-t-il? Sans faire un grand cours sur le fédéralisme fiscal, bien
sûr... Depuis le début de la fédération
canadienne, les compétences qui, à l'origine, relevaient du fédéral et qui
coûtaient excessivement cher, comme le transport, les chemins de fer, et
tout ça, ont cédé le pas aux compétences qui relèvent des provinces — en
santé, en éducation — qui sont celles qui sont devenues les plus
importantes et qui amènent le plus grand fardeau financier. Mais, dans le fédéralisme tel qu'on le connaît, plutôt
que bien sûr transférer de différentes manières, en points d'impôt ou en
retour sans condition, on assiste à ce pouvoir allégué de dépenser qui est
utilisé par le fédéral avec conditions.
En matière
d'itinérance, c'est très grave, ce qui se passe. Alors qu'on a travaillé depuis
des années — il y a
eu une commission parlementaire non
partisane sur le dossier — alors qu'on est arrivés au gouvernement, on en a fait une priorité, on a déposé la première politique de
lutte à l'itinérance avec cinq grandes priorités consensuelles au Québec, face
à quoi se retrouve-t-on aujourd'hui? Face à
une approche fédérale qui est unilatérale et qui a obligé le gouvernement à
accepter l'inacceptable, c'est-à-dire que cet argent-là, qui est notre argent,
je fais juste vous le rappeler, à une hauteur de
65 %, va devoir aller dans une
seule approche, l'approche logement d'abord, où on va venir répondre au modèle
fédéral du logement privé et d'un
certain type d'accompagnement qui fait complètement fi de notre réalité, du
filet communautaire qu'on a
développé, qui est une force au Québec, et on est le seul endroit au Canada à
avoir un tel filet social. Qu'est-ce qui
se passe? Bien, ce qui se passe, c'est que notre politique et le plan d'action
du gouvernement actuel sont à risque de ne pas pouvoir être implantés parce que l'argent qui découle de cette
entente-là met des conditions tellement restrictives qu'on n'arrivera
pas à répondre aux objectifs qu'on s'est donnés consensuellement.
Un autre
exemple : les jeunes contrevenants. Et là le ministre des Affaires
intergouvernementales ne pourra pas dire
qu'il n'y avait pas un accord là-dessus non plus. Pour l'itinérance, je vous
rappelle qu'il y a eu deux motions unanimes. Pour les jeunes contrevenants, je crois qu'il y en a eu trois de toutes
parts, avec tous gouvernements confondus. On a une approche unique de réhabilitation, vous le savez, M. le Président, qui a fait
ses preuves, avec le taux de récidive le plus bas au Canada.
Ce n'est pas rien, ça, ce n'est pas rien de vouloir aider les jeunes à se
réintégrer, de mettre de l'avant la meilleure
approche. Or, avec C-10, et le ministre le sait très
bien, il a fallu qu'il se rende à
Ottawa, en comité parlementaire, pour
défendre... avec zéro résultat. Est-ce
que c'est ça qu'on veut pour
l'avenir? Est-ce que c'est
ça qu'on veut quand il est question de nos personnes les plus vulnérables?
Quand je vous dis que l'indépendance, ça s'incarne très concrètement dans la vie de tous les jours, bien ça s'incarne
avec des répercussions concrètes pour nos jeunes en difficulté,
pour nos personnes itinérantes, pour les personnes à risque d'exclusion.
J'aimerais comprendre comment le ministre, qui a
été aux premières loges de ce débat-là, peut accepter cette situation
inacceptable.
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, Mme la députée de Joliette. M. le ministre.
M.
Fournier : Dans le
monde dans lequel on vit, on peut avoir des insatisfactions sur des décisions
prises par un gouvernant, ça ne
fait pas en sorte de colorer toute l'expérience et tous les autres avantages,
et on peut les dénoncer et on peut
s'y battre. Mais un Québec séparé, M.
le Président, serait-il à ce point isolé
qu'il ne parlerait à personne et qu'il ne
ferait aucune entente? Ne devrait-il pas trouver des terrains de compromis?
Non. Probablement, il serait isolé avec son armée,
j'imagine. C'est de ça dont nous parlait le député de Saint-Jérôme. J'y
reviendrai.
Sur
l'itinérance, encore faut-il dire que, dans l'entente avec le gouvernement fédéral, les cinq priorités décrites par le gouvernement du Québec sont
respectées. Commençons par le dire. Pour ce qui est de C-10, je continue à dire
qu'il y avait des décisions qui étaient mauvaises à l'égard de notre jeunesse. Par contre,
je constate aussi que les cours sont
en train de défaire un bon nombre d'éléments qui étaient dans C-10 qui étaient
aussi contestables. Et c'est malheureux que le gouvernement ne l'ait pas entendu. Mais on ne fait pas un pays
séparé pour des décisions qui sont prises. Dans un Québec
séparé, le gouvernement prendrait des décisions. Est-ce que
le Québec séparé serait mis à mal? Le gouvernement est élu démocratiquement. Il y
a d'autres élections, puis on essaie de présenter nos choses, et parfois ça va
bien aussi.
Alors, elle
nous dit : La seule défense du fédéralisme, c'est la péréquation. On n'est pas en train de défendre le fédéralisme. Vous nous avez invités pour nous parler de la séparation.
On essaie d'en savoir un petit peu plus, puis, honnêtement, ce n'est pas cher la tonne, là, pour l'instant, vraiment
pas cher.
Alors,
je vais résumer quand même : avantage économique, avantage social,
avantage culturel et même avantage francophone
avec notre appartenance au Canada même, même si pour vous la francophonie canadienne
n'existe pas et qu'on ne doit pas en
faire une promotion et on ne doit pas travailler
à la développer. C'est un avantage que nous perdrions. Alors, oui, il y
a des avantages. Et, lorsqu'on dit que les Québécois ne sont pas libres et
qu'avec un Québec séparé ils deviendraient
libres, qu'ont-ils fait en 1980, qu'ont-ils fait en 1995, quand vous les avez
questionnés? On a vu tantôt le sens des questions. Quand les questions
ont été posées, M. le Président...
Des voix : ...
M. Fournier : ...quand les
questions ont été posées, M. le Président...
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Alors, M. le ministre, je vais vous demander de...
M. Fournier : ...aux
Québécois, qui étaient libres de répondre, ils ont assumé, exercé cette
liberté.
J'entends
souvent le Parti québécois et d'autres nous dire : Les Québécois se sont
dit non. Non, M. le Président, ils
leur ont dit non. Ils se sont dit oui à eux, oui à leur capacité de choisir,
oui à leur liberté. Ils sont libres, les Québécois. Ils ont dit non au
projet de Québec séparé, et arrêtez de confondre... M. le Président, que le
Parti québécois arrête de confondre son
option avec les Québécois. C'est l'option d'un parti. Les Québécois sont libres
de choisir. Ils ont choisi non à ces
éléments-là. Alors, on a parlé tantôt, M. le Président, de la démarche
référendaire, de la mécanique. Mon collègue a parlé de la façon dont on a fait des questions. Avouez-le quand même,
on s'en souvient, en 1995, quand on faisait une référence à une entente mais on ne disait pas l'entente entre qui, il
fallait quand même le faire. Mais, bon, peu importe. Je me souviens même d'avoir fait un amendement
pour mettre le mot «pays», et ils l'ont battu. Alors, ça vous dit tout.
Mais, sur la mécanique, dont on ne veut pas
parler, je voudrais rappeler un texte de Vincent Marissal du 30 mars 2014, en pleine campagne
électorale, et on disait ceci : «Selon une source qui a assisté à des
discussions à de très hauts niveaux
au sein du gouvernement Marois, la suite du virage identitaire était déjà
décidée : une fois majoritaire, le PQ adopte la charte — que vous connaissez — telle que présentée, sans clause dérogatoire.
Elle sera contestée et battue par une
cour fédérale, ce qui fournirait un puissant levier pour la souveraineté.»
Voilà ce qu'était, selon les hautes têtes dirigeantes du Parti québécois, la mécanique pour que les Québécois
décident d'aller vers le Québec séparé. Pourquoi faut-il passer par des questions alambiquées ou des mécaniques où on
essaie de créer des crises pour justifier un feu qui va amener une séparation par la porte d'en
arrière? Le Parti québécois ne peut-il pas comprendre qu'il doit présenter son
projet avec fondement?
On est rendus
à notre deuxième séance sur la même question, que le Parti québécois amène
lui-même. Qu'est-ce qu'on sait de plus sur la monnaie, à part de savoir
qu'ils se divisent entre monnaie québécoise, monnaie canadienne? Qu'est-ce qu'on sait de plus, M. le Président, sur
l'armée, dont on a trois positions différentes? Et je suis curieux d'avoir
la réponse sur ce que le député de Saint-Jérôme veut faire pour se défendre
contre les États-Unis et contre le Canada. Quelle attaque avons-nous eue, M. le
Président?
Le Président (M. Ouimet, Fabre) :
Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine, à vous la parole.
• (11 h 40) •
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, en fait, là, je suis un
exemple de ceux que je citais un peu
plus tôt. Moi, j'avais pris ma carte du Parti québécois à 17 ans et j'avais
voté oui au référendum de 1995, et ce
qui fait qu'aujourd'hui je suis assis devant mes collègues du Parti
québécois est très symptomatique de
ce qu'avaient noté en 2004 les trois
mousquetaires, de ce que l'on a vu notamment dans une élection qui m'a vu me faire élire, le
7 avril dernier, député du Parti
libéral du Québec et de l'exode massif des jeunes du Parti québécois. Qu'ils se posent la question
et qu'ils essaient donc de revenir, M. le Président.
Moi, là, vous
savez, un élément qui m'a fait complètement décrocher, c'est lorsque je me fais
dire... puis je viens d'entendre la députée
de Joliette et je la cite au texte : «Les Québécois
ont renoncé à leur liberté.» Fin de la citation. Elle a dit ça il
y a 15 minutes : «Les Québécois
ont renoncé à leur liberté.» Pourquoi les jeunes comme... Oui, on ira voir les transcriptions, M. le Président, et je
m'adresse à vous. Pourquoi y aller de telles citations, M. le Président? C'est fascinant de voir que
l'on accuse en quelque sorte les Québécois de s'être dit non — c'est le discours souverainiste — d'avoir
refusé la liberté. Quand, un programme,
tu prends le temps de penser... et ils l'écrivent : Nous avons rendez-vous avec la liberté, accueillons le
monde avec assurance et confiance, est-ce à dire que, dans la tête de mes
collègues du Parti québécois, aujourd'hui,
nous ne pouvons pas accueillir le monde avec assurance et confiance, nous ne
sommes pas libres? Nous nous sommes
dit non. En ce sens-là, M. le Président, ce sont des exemples patents. Et je
citais un peu plus tôt Mario Polèse, qui,
dans son livre, en 2009, le disait : Le Québec des années 40. Et lui
faisait une analogie, il faisait une comparaison Québec des années 40, Québec en 2009 et il disait que les réalités
étaient tout à fait différentes. Et il disait : Dire aujourd'hui à mes étudiants qu'ils font partie d'un peuple
dominé et humilié les ferait rire — M. le Président — ils ne s'y reconnaîtront pas du tout. Pourquoi un tel langage? Pourquoi une
telle approche si ce n'est que de mettre en pratique évidemment le
besoin de crises?
Au Parti
québécois, le projet de souveraineté a besoin de crises, et ça, c'est un fait
avéré, reconnu. Ce n'est pas Marc
Tanguay qui l'a dit, député libéral, c'est le premier ministre Jacques Parizeau
qui, le 10 juin 2009, dans un article de Robert Dutrisac dans Le Devoir... et je le cite :
«Il y a des crises qui apparaissent de temps à autre, mais ce n'est pas toujours au bon moment pour nous. En fait, il
faudrait susciter la crise. C'est évident qu'un référendum sur un sujet défini
peut créer une crise.» Premier ministre
Parizeau, 10 juin 2009. Il n'est pas le seul; c'est un courant dominant.
Robert Dutrisac reportait...
ou rapportait, dans Le Devoir du 12 juin 2009, et je le
cite : «L'ancien premier ministre Bernard Landry salue la sortie de Jacques Parizeau, qui juge que les
crises politiques peuvent favoriser l'accession à la souveraineté.» Fin de la
citation. Yves Michaud, 12 juin 2009,
je le cite : «Multiplions les crises. Et plus il y en aura, mieux c'est,
jusqu'à la dernière qui nous donnera un pays souverain.» Fin de la
citation. Un jeune qui, comme moi, jadis, a constaté ça a décroché
complètement, a fait évidemment ses devoirs.
Et aujourd'hui l'on constate que le Québec — c'est
un fait, ce n'est pas juste un député libéral qui vous le dit — a su performer sur le plan économique, sur
le plan culturel et sur les plans sociaux. Et j'aimerais lancer, M. le
Président, dans ce contexte de cette
approche, que je trouve... et je pense que le mot peut se dire, que je trouve
assez revancharde et négative, M. le
Président... Je peux me permettre de le dire, je le dis en tout respect, et le
débat est là pour ça, et qu'on me
détrompe si j'ai tort, mais, jusqu'à maintenant, force m'est de constater
qu'aucun argument, aucun argument n'est venu me convaincre du contraire. Au
contraire, ma réflexion de longue main, sur plusieurs années, citations à
l'appui, études à l'appui... On a
tous lu évidemment le budget de l'an 1, qui a été rédigé par le chef de la
deuxième opposition. Évidemment, ce budget-là, est-ce que c'est toujours
ce que pense le Parti québécois? Il faudrait peut-être le préciser.
Quel était
l'objectif de l'entente du 12 juin
1995, si ce n'est que de refonder les articles 91, 92 de la Constitution canadienne? C'est un discours qui ne colle pas.
Et, M. le Président, je vais terminer. Puis je lance un défi à mes
collègues d'en face. Je vais citer la
première ministre Pauline Marois dans son livre Québécoise!,
en 2008 — et
je la cite au texte, page 183, et je
vais leur demander de commenter : «Pourtant, chaque fois que nous
demandons au peuple québécois de faire
le dernier pas pour que nous soyons enfin vraiment responsables de tout, il prend peur et recule. Le
[Québécois] est ainsi fait...» «...le
"Québec" — pardon — est ainsi fait. "Schizophrène",
disait le regretté Camille Laurin, psychiatre de son état avant de faire
de la politique...» Fin de la citation.
Prennent-ils
à leur compte cette citation de la première ministre Pauline Marois? J'aimerais
les entendre là-dessus clairement.
Conclusions
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le député de LaFontaine. Compte tenu de l'heure, nous en sommes
aux deux derniers blocs réservés au ministre et au chef de l'opposition
officielle. Il nous reste 20 minutes, et nous terminerons à
12 h 5. Dix minutes réservées au ministre. Alors, M. le ministre, vous
avez droit à vos dix minutes.
M. Jean-Marc Fournier
M.
Fournier : Bon, évidemment,
c'est la partie Conclusions. M. le
Président, je le dis, honnêtement, je m'attendais à ce que le Parti québécois profite de l'occasion pour expliquer les raisons qui militaient pour la
séparation du Québec et nous
dresse le portrait de ce que cela allait être, répondre à des questions
qui sont, depuis 50 ans, toujours un peu dans l'horizon. Et finalement ce n'était pas nécessairement le but annoncé.
Pourtant, il y avait eu une petite vidéo, là, sur les médias sociaux qui annonçait notre venue ici aujourd'hui. J'imagine qu'elle va permettre d'en faire une autre où on verra
simplement les arguments du Parti
québécois et on va laisser de côté
n'importe quoi d'autre; évidemment, un peu biaisée, mais, bon, c'est correct aussi. Dans le fond, les travaux du salon bleu
seront propagés, c'est une bonne raison démocratique pour le faire.
Je veux quand même
rappeler certains éléments de ce qu'on a appris de ce qu'on s'est dit aujourd'hui. Notamment, je veux revenir sur
les documents du Parti québécois
eux-mêmes — il me
semble que ça, ça fait consensus, je ne les ai pas réentendus en parler tantôt — mais sur leur site Internet, où il y a
d'ailleurs cette vidéo, qui annonçait notre interpellation aujourd'hui, on nous annonçait que, depuis le
dernier référendum, la scolarisation de la main-d'oeuvre a augmenté de façon importante; que le PIB réel par habitant a
augmenté de façon importante; que la population sous le seuil de faibles
revenus a diminué de façon importante; que
le taux de chômage et les personnes vivant à l'aide sociale ont diminué de
façon importante — c'est toujours avec le sigle du Parti
québécois; le service de la dette selon le PIB a diminué, selon le Parti québécois, durant cette période;
l'endettement, en proportion du PIB, a baissé; et cette diapositive, avec un
graphique, une illustration, où on
parle de l'enrichissement de la population, où le revenu disponible par
habitant, de 1994 à 2012, lit-on, a augmenté de 33 % au Québec et
de 25 % en Ontario.
Alors, on a
voulu nous dire tantôt que nous étions, donc, dans un état épouvantable de
vivre l'expérience canadienne, mais comment expliquer la conclusion du
Parti québécois lui-même? Pas moi, là. Je sais bien qu'on peut parfois se regarder, l'un et l'autre. On fait
partie des partis politiques. Forcément, on peut dire : Nous sommes
partisans. Ça va de soi, ça fait
partie d'un parti politique. En démocratie, c'est correct d'être partisan.
Mais, en même temps, quand on veut
essayer de rallier l'autre, on peut regarder vers leur position puis
dire : Qu'est-ce qu'ils nous disent? Et moi, je suis allé vers eux. Et qu'est-ce qu'ils nous
disent? Ils nous disent que l'expérience canadienne des 20 dernières
années... puis là je ne remonte pas à 1867, c'est leur papier, ils nous
disent que la situation budgétaire s'est améliorée, que l'enrichissement de la population a augmenté, que l'économie va mieux;
ils ont raison, 69 000 emplois depuis la dernière année. On n'en a pas beaucoup parlé. J'aurais pu
en parler un peu plus, mais on y reviendra. Quand même, lorsqu'on regarde
l'année d'avant, on peut constater que,
j'aurais cru... un petit mot pour dire bravo, parce que je me souviens de
plusieurs questions qui disaient
combien c'était épouvantable qu'il n'y en avait pas, et là on nous met à
69 000 en un an, mais là on ne
dit pas rien. Mais là je comprends la partisanerie, mais, des fois, tendre vers
l'autre... L'endettement a baissé, selon leurs documents, le chômage, la
pauvreté a baissé.
Alors,
bon, est-ce que la question, c'est une question économique? Est-ce qu'on fait
la séparation du Québec pour une
question économique? Pas selon le Parti québécois, pas selon les documents du
Parti québécois. On m'a demandé tantôt : Oui, mais, alors, quels sont les
avantages du fédéralisme? Vous auriez dû en parler. L'interpellation, c'était
sur leurs dossiers. Je comprends
qu'ils veulent qu'on parle du nôtre. Mais néanmoins qu'est-ce qu'on voit?,
c'est que notre richesse collective
est moindre que la moyenne canadienne. C'est vrai. Mais il y a un principe
fédératif qui fait que nous équilibrons
la capacité d'offrir des services dans les transferts et aussi dans la
péréquation. Ce qui fait quoi? Ce qui fait qu'à la fin il y a un avantage social parce qu'on peut rendre des
services que nous ne pourrions pas rendre, puisque notre richesse collective est moindre que la moyenne.
Mais, grâce aux transferts, nous pouvons le faire. Donc, il y a des avantages
sociaux, des avantages économiques, c'est le Parti québécois lui-même qui le
dit. Alors, je m'arrête là-dessus.
Je citais Serge Turgeon, de l'Union des artistes,
en 1990, à Bélanger-Campeau, qui rappelait que c'était grâce à des institutions démocratiques et fédérales comme
Radio-Canada et l'ONF que la culture avait pu se développer, M. le Président.
Alors, même des avantages culturels, des
avantages à l'égard de la capacité pour la francophonie canadienne d'aller
encore mieux, je dirais. Combien de jeunes maintenant sont dans des
classes d'immersion? Parce qu'il faut aussi arrêter de démoniser le Canada. Il
y a une volonté.
• (11 h 50) •
D'abord, les offres de services en français, des
services gouvernementaux en français, il y a des programmes à la grandeur du Canada. Il y a une étude de
l'université de la Nouvelle-Écosse qui dit qu'un des éléments — et ça, ça me semble important à dire — un des éléments que l'offre volontaire de
services a faits, c'est de développer une légitimité à l'égard du fait français dans le reste du Canada.
On est à des années-lumière de là où nous étions en 1960, où, au Québec,
les francophones étaient des travailleurs de
seconde classe. Ce n'est plus le cas. En fait, aujourd'hui, les anglophones
sont bilingues, ce qui n'était pas le
cas à l'époque. D'ailleurs, il faudrait peut-être le reconnaître de temps en
temps. La légitimité du fait français au Québec, personne ne la remet en
question; allophones, anglophones, tout le monde participe, mais, lorsqu'on regarde l'ensemble du pays, souvent on
s'est dit : Ah! mais, dans le reste du pays, le français... mais, pourtant,
ça se développe. Moi, mon point,
c'est : Est-ce que je suis satisfait? Non. Est-ce que je veux que ça aille
mieux? Oui. Mais est-ce qu'on est sur
la bonne lancée? Oui. Et c'est vers ça qu'il faut tendre. On peut avoir des
opinions de part et d'autre, mais,
honnêtement, je crois en ce moment que la promotion du français mérite qu'on
voie se développer cette légitimité et ce désir d'une francophonie, une
francophilie canadiennes d'y participer davantage.
Donc,
je crois que l'économie n'est pas la raison qui motive un Québec séparé, je
crois que la langue et la culture n'est
pas une raison qui motive un Québec séparé. Je crois que les Québécois ont comme
priorités aujourd'hui leur travail, la
capacité de voir des services qui leur sont fournis plutôt que coupés, et c'est
pourquoi la priorité du gouvernement est à l'économie, à l'emploi et pas à la séparation du Québec. On participe au
débat démocratique que notre Assemblée nous convie, mais ce n'est pas
ça, la priorité.
Des
questions auraient pu être répondues, je l'ai dit, sur la monnaie, je l'ai dit,
sur le passeport. On me dira : C'est de la mécanique, tout ça, c'est de la mécanique. Honnêtement, en
préparation... je le dis, puis j'ai insisté quelques fois, puis on va s'étonner peut-être, de l'autre côté,
que je le fasse, mais, en faisant la préparation, je relisais des documents,
et c'est pour ça que je suis tombé sur le
document du député de Saint-Jérôme, qui disait que... Parce qu'il faut savoir
que le député de Rosemont, lui, il prétend que ça ne prend pas une
armée, puis le député de Saint-Jérôme prétend que ça prend une vraie armée. Mais j'ai quand même été étonné par ce passage
qui laisse encore une question en suspens, pour moi, parce qu'on n'est
pas dans la mécanique, selon moi. On est dans : À quoi va ressembler ce
Québec séparé? Je pensais que c'était de ça
dont on nous parlerait aujourd'hui. Alors, il disait : «Ça m'apparaitrait
inusité de savoir qu'il n'y a pas de
moyen de défense d'un pays qui est limitrophe avec les États-Unis et
[...] le Canada.» Honnêtement, je n'ai pas eu de réponse à ça. Mais, je dois avouer, moi, je ne connaissais pas
cette citation-là. J'ai vu ça en fait hier, puis je me suis dit : Mais qu'est-ce que ça veut dire?
Et puis, honnêtement, je suis capable d'y répondre dans deux sens, mais
j'espère qu'on va me l'expliquer,
parce que, dans les deux sens, ça m'inquiète. Est-ce que c'est parce qu'il y
aurait une menace de nos plus grands
partenaires ou parce qu'il faudrait les protéger? Auquel cas, il y aurait là
une certaine surprise, là. Il faudrait quand même voir comment on peut
imaginer cette chose-là mais, encore, qu'on pourrait nous en parler.
Sur
la mécanique, dont personne ne veut parler, paraît-il, parce qu'il faut parler
du fond, qu'avons-nous appris? Qu'avons-nous
appris? Rien. Et quelle position a été prise sur la souveraineté identitaire et
sur cette question d'un Québec séparé
qui serait homogène? M. le Président, quand on constate ce que M. Marissal a
dit, il y a un an, à propos du plan qu'avait
le Parti québécois d'adopter une charte qui serait contraire à la charte
québécoise des droits pour se faire dire qu'elle était illégale, allumer ainsi un feu, une crise, est-ce que je
peux soumettre au Parti québécois que ce n'est pas la bonne démarche franchement de fonctionner ainsi?
Moi, je respecte le fait que des gens veuillent séparer le Québec, je le
respecte. Je suis en total désaccord de le
faire par la porte d'en arrière. Les questions de 1980 puis de 1995, c'était
ça, la démarche qu'on a apprise à
propos de la charte discriminatoire, c'était ça : poser des questions où
les gens se disent : Mais qu'est-ce qu'ils me demandent?
Alors, à la fin du jour, M. le Président — on a passé deux heures — force est d'admettre qu'il n'y a pas
d'intérêt pour l'économie du côté du Parti québécois, mais, sur Tchouri,
on parle encore du Québec séparé.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le ministre. M. le
chef de l'opposition officielle, vos 10 minutes de conclusion.
M. Stéphane Bédard
M.
Bédard : Bon. Merci, M. le Président. Désolé d'avoir perdu
mon bloc. Honnêtement, j'aurais gardé le bloc qu'on avait avant, ça
aurait mieux par rapport, parfois, à ce que j'ai entendu.
Ceci dit, le député de LaFontaine... parce qu'on
parlait des comètes; il y en a une qui tourne autour du leader actuellement, c'est le député de LaFontaine, il a
voté oui, effectivement, et on tient à le souligner. Et la question de 1995
devait sûrement être
claire, parce qu'il a voté puis il a voté oui, alors... à moins qu'il ait voté
sur quelque chose pas clair. Et je
tiens à souligner son honnêteté aujourd'hui. Tant mieux. Donc, il était comme
94 % des Québécois, il savait sur quoi il votait. En tout cas,
nous, on le savait, et tous les Québécois. J'ai été présent à cette campagne.
Je pense, à ne pas en douter, il suffit
d'être à la grande manifestation de l'amour, en dehors de nos règles
électorales, souvenez-vous, où on a dépensé
deux fois plus que le camp du Oui. Vous en souvenez-vous, M. le Président,
comment on a... on n'a pas travesti, on a violé nos lois, littéralement.
Ceci dit,
vous savez, quand on cite des gens,
et je tiens à le dire par la mémoire de M. Turgeon aussi, parce qu'on a cité à peu près tous des grands souverainistes... j'aurais aimé qu'on
cite, à travers, quelques fédéralistes, ça aurait été bien, ou même des nationalistes libéraux comme ils
existaient à l'époque. Il y en avait beaucoup, dont Robert Bourassa, mais on n'en a pas cité. Mais je tiens à vous dire
de M. Turgeon... ce qu'il a dit de la souveraineté est la chose suivante :
«Il faut tout mettre en oeuvre pour
désamorcer nos peurs personnelles et les prévisibles campagnes de peur.» Il
aurait été ici, il aurait dit : Nous sommes à la même place, au
même endroit.
Une voix : Respecter les
gens.
M.
Bédard :
Respecter les gens, respecter leurs idées et les convictions qu'ils ont eues à
cette époque comme respecter Camille
Laurin, ce grand ministre, ce grand Québécois, qui, oui, était psychiatre, et,
s'il était ici, je suis convaincu qu'il
serait peut-être déçu parfois de comment ça peut évoluer, mais je pense que, si
le député de LaFontaine avait eu du respect,
il aurait été présent lorsqu'on a honoré son buste mercredi. Aucun membre du
gouvernement n'était présent pour ce
grand Québécois, et j'en suis encore gêné, honnêtement, pour cette personne,
qui a donné la loi 101 à tous les Québécois et dont, je vois maintenant, le député de LaFontaine conteste la... il
conteste littéralement la légitimité. Il est du côté de la Cour suprême, alors que Robert Bourassa lui-même a
utilisé la clause «nonobstant» par la suite pour réaffirmer la préséance
de la loi 101.
Quant à la
pertinence, moi, ce que je vois des grands leaders à travers le monde, ils
portent de grands projets, des projets
sociaux, des projets économiques mais des projets de liberté, et, ces projets
de liberté, la souveraineté, l'indépendance d'un peuple, elle en fait partie. En Écosse, c'est le cas, les grands
leaders, et personne ne peut dire de ces gens qu'ils sont déconnectés. Ils sont connectés dans leur réalité,
dans leur monde, avec leurs gens, qui souhaitent aspirer à cette liberté
correcte, qui essaient de dire tout
simplement : On veut décider de notre propre avenir, avoir nos priorités
et les assumer. C'est ça, la responsabilité, et ce n'est pas déconnecté
d'être responsable, M. le Président.
De la
péréquation... je suis content, on a avancé sur la péréquation. Ça fait deux
interpellations où on en parle, puis
c'était comme la grande arme fédéraliste, et là on parle plus d'armée. Vous
allez voir, on va revenir sur l'armée après ça. Mais on l'a abandonnée. Pourquoi? Parce qu'on a... Est-ce que
l'attachement du Canada peut se résumer à ça? Est-ce que le refus pour le Québec d'assumer son avenir va se
limiter à ça? Le premier ministre le dit, le ministre le dit lui-même :
On est riches. Je le redis : Nous
sommes riches. Les Québécois, ils ont un grand territoire, ils sont riches. La
seule idée, c'est : Qu'est-ce
qu'ils vont faire avec cet argent, où ils vont l'investir et pour qui, surtout?
Est-ce que c'est pour enrichir les
plus riches ou pour l'égalité des chances, donner une chance partout sur le
territoire? Peu importe d'où tu viens, en Gaspésie, d'un village en Gaspésie en dévitalisation ou en plein coeur
de Montréal, est-ce que tu as une chance égale de réussir? Le fédéral ne croit pas à ça. La
politique libérale maintenant, c'est de dire — et là ça fait trois fois que je l'entends,
donc là c'est devenu une réalité :
Votez au fédéral. Votez au fédéral, c'est comme ça que vous allez changer le
fédéralisme. Bien oui, mais on a voté. Moi, je n'ai pas vu de majorité
conservatrice ici, je n'en ai pas vu au Québec, mais c'est ces gens-là qui prennent
des décisions à notre place, avec des orientations qui n'ont rien à voir avec
les miennes, sur la politique d'itinérance mais sur la politique économique.
Et là, pour revenir à la péréquation, le
ministre nous dit des choses aujourd'hui, mais, dans les faits, de la
péréquation il a dit des choses intéressantes il n'y a pas si longtemps, en
2014. L'an passé, le 2 octobre, il a dit de la péréquation, imaginez-vous,
qu'actuellement les décisions fédérales dénaturent l'objectif initial de la
péréquation et conduisent même à l'effet
contraire. Donc, on utilise la péréquation à l'effet contraire — ça veut dire quoi? — et ça, de façon unilatérale. On se dégage des surplus, parce que, ce qu'on ne
donne pas au Québec, bien on l'a à Ottawa, mais c'est nos impôts encore.
• (12 heures) •
Même chose en
santé. Le vieillissement de la population; pouvez-vous comprendre qu'il y a un
gouvernement au Canada, et même à
travers le monde, qui ne considère pas le vieillissement comme un facteur qui
influence la santé? Est-ce que vous
pensez que ça existe? Je suis sûr que, si vous ne connaissiez pas la réponse,
vous me diriez : C'est impossible, ça ne peut pas exister. Le vieillissement a un impact sur les dépenses
en santé, sauf pour qui?, une seule exception mondiale qu'on a actuellement, je n'en ai pas répertorié
d'autre : le fédéral. Il ne considérera plus cet élément, imaginez-vous.
C'est une réalité, là, c'est mon
argent, ça, là, mon argent que j'envoie à Ottawa. Il dit : Non, tu vas en
avoir moins. À terme, à partir de
2016, pour les 10 prochaines années par la suite, c'est 10 milliards
de moins en santé, de mes impôts. Mais là on s'en sert pour quoi? Pour faire des bateaux. Puis on les fait où, les
bateaux? En Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick,
pas au Québec. On investit dans l'industrie automobile. C'est ça, le
fédéralisme, il faut le comprendre, là.
Puis c'est normal, il investit... c'est une majorité, ils vont investir là où
ils pensent que ça a des impacts. Puis nous, on est minoritaires. Alors,
on ne les a pas, ces investissements-là, mais on est contents.
En santé seulement, imaginez-vous, de mes
impôts, de 50 % de mes impôts... Dans les années 50, savez-vous combien...
envoyait de mes impôts, le retournait en transferts au Québec? 50 % de ce
qu'on dépensait en santé. La contribution du
fédéral, en 1977, était déjà à 25 %. On calcule qu'en 2036 elle va être de
13 %. Actuellement, elle est de 22 %.
Ça veut dire quoi? Seulement en santé, ma priorité, mes impôts que j'envoie,
eux, ils les envoient ailleurs. Puis où? Bien, écoute, regardez, l'État fédéral
actuellement, il fait des choix qui ne sont pas les miens puis qui me
désavantagent même en termes
économiques. Comment? Regardez, moi, j'aurais aimé ça savoir, moi, que, pour
Terre-Neuve-Labrador et
Nouvelle-Écosse, on a exclu les revenus provenant des ententes côtières, dans
les calculs. Imaginez-vous, là, les revenus du pétrole, on les a éliminés comme s'ils n'existaient pas. On a décidé,
par exemple, en Ontario qu'Hydro One était traitée de façon privilégiée. Si nous, on était traités de
la même façon, c'est 300 millions de plus qu'on aurait par année. C'est
incroyable, ça, mais on ne le sait pas,
notre population ne le sait pas, et le ministre ne le sait pas. C'est ça qui
est incroyable. C'est incroyable!
C'est de la grande sorcellerie, la péréquation, mais, dans les faits, le but,
ce n'est pas de nous avantager, c'est évident.
Dans ce
contexte, moi, mes impôts, je veux qu'ils servent et qu'on détermine ici... pas
à travers l'augmentation, par
exemple, de la masse salariale de Santé Canada. Moi, ce que je veux ici, c'est
avoir plus de médecins, plus d'infirmières, plus de gens sur le terrain, plus de gens en itinérance. C'est ça que
j'ai besoin. Moi, ce que je rêve surtout... On le sait, que le Québec est riche. Au moins, on est tombés
d'accord avec là-dessus. Mais on devrait être un exemple, à l'international,
sur l'égalité entre les hommes et les
femmes — moi, je
rêve de ça — où on
dirait à l'Arabie saoudite : Sortez-le, M. Badawi, sortez-le, on va
en faire un citoyen québécois. Cette personne-là ne mérite pas la liberté de
parole. L'égalité entre les hommes et les
femmes, on devrait être des champions internationaux sur cette question, et
c'est pour ça même qu'il faut le
renforcer dans nos chartes. Et ça, j'en suis très fier. Avoir une politique
familiale ambitieuse que le gouvernement a charcutée dernièrement, être le pays où les familles... C'est le plus
bel endroit pour élever une famille ici, en région, partout au Québec. Je pense qu'on pourrait s'enorgueillir
de ça au lieu d'augmenter les dépenses, comme l'a fait le fédéral, dans
d'autres choses ou d'augmenter les CELI, par exemple.
Moi, j'aimerais
que l'égalité des chances... on est déjà un exemple nord-américain, malgré
qu'il faut toujours avoir cette
préoccupation, mais j'aimerais être un champion mondial comme la Norvège, comme
l'ensemble des pays scandinaves, où
la richesse profite à tout le monde. J'aimerais être un champion mondial de
développement durable, que, l'électrification des transports, on soit un exemple de reconversion d'une industrie,
d'une utilisation du pétrole autour
de l'électrification des transports.
On a cette capacité, on est riches, M.
le Président. J'aimerais que la
nouvelle technologie, avec nos moyens, au lieu d'encourager l'industrie
automobile... Notre part, là, du 10 milliards, 2 milliards qu'on
aurait mis dans soit l'électrification des
transports ou des nouvelles politiques au niveau des nouvelles technologies, je
pense que ça aurait été porteur pour
nous. Avoir une grande politique de l'eau : on est champions, on est un
réservoir d'eau mondial, M. le Président.
Ça serait formidable d'être un exemple planétaire comme pays, avoir une
politique énergétique où le fleuve n'est pas une autoroute du pétrole
albertain mais sert pour nos intérêts à nous, et il est protégé, M. le
Président.
Et, pour la
langue, comment ça serait plus facile de s'assurer que le français, langue de
travail, langue de fierté, langue
historique, qui nous a caractérisés comme peuple et qui fait que tous ceux qui
ont peuplé le Québec depuis des années
maintenant se reconnaissent autour de cette langue et en sont fiers, peu
importe d'où ils viennent... C'est une langue de fierté, une langue commune, forte, et on n'aurait pas à se référer à
la Cour suprême ou à un autre Parlement ou avoir peur de faire peur au
fédéral.
M. le Président, je suis fier d'être un souverainiste.
Et pour les Québécois c'est un avantage indéniable.
Le
Président (M. Ouimet, Fabre) : Merci, M. le chef de
l'opposition officielle. Ceci complète le mandat de la commission et met
un terme à nos travaux. Avant de conclure, je tiens à remercier les membres de
la commission, le personnel de la commission et de l'Assemblée.
Je lève la
séance de la commission, ajourne les travaux de la commission. Bonne fin de
semaine à toutes et tous.
(Fin de la séance à 12 h 6)