(Neuf heures trente-deux minutes)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Je demande
à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet
de loi n° 60, Charte affirmant les
valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité
entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes
d'accompagnement.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lessard
(Lotbinière-Frontenac) est remplacé par M. Bolduc (Mégantic); M. Ouimet (Fabre), par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce);
et M. Duchesneau (Saint-Jérôme), par Mme Roy (Montarville).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la
secrétaire. Alors, ce matin, nous
entendrons Mme Carole Dionne et les
Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre. J'invite donc Mme Carole Dionne à nous
présenter son mémoire, en vous
mentionnant que vous disposez de 10 minutes, suivi d'un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous, Mme Dionne.
Mme Carole Dionne
Mme Dionne
(Carole) : M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Ce matin, plusieurs amies et collègues de l'enseignement
sont venus pour m'appuyer.
Je voudrais tout d'abord remercier notre gouvernement, notre première première ministre, Mme Pauline
Marois, ainsi que notre ministre responsable des Institutions
démocratiques et de la Participation citoyenne, M. Bernard Drainville, pour
leur courage et leur audace d'avoir présenté ce projet de loi. Il était plus
que temps d'ailleurs. Ce projet
de loi aurait dû être présenté bien avant. Je suis en accord
avec ce projet. Cependant, ce projet ne va même pas assez loin. Je dirais
que ce n'est qu'un début.
Il est urgent d'avoir une loi qui proclame la
neutralité de l'État. La séparation de l'État et de la religion doit s'incarner dans ses institutions et également
dans les personnes qui occupent des fonctions au service de l'État : dans
les ministères, les institutions d'enseignement, les hôpitaux,
les services sociaux, etc. Les membres du personnel des organismes publics, dans l'exercice de leurs fonctions, ont
un devoir de neutralité et un devoir de réserve en matière religieuse. Le
crucifix, la kippa, le turban, le kirpan, le
hidjab et autres signes ostentatoires religieux devraient être interdits dans
tous les services publics donnés par l'État, et les élus aussi ne
devraient porter aucun signe religieux.
La
séparation de l'État et de la religion doit aussi se manifester dans les locaux
de décision publique au gouvernement, dans
les municipalités, les palais de justice. La présence de crucifix ou de statues
ostentatoires devrait être interdite. Les prières avant les réunions n'auront pas leur place. Il faudra respecter
la neutralité. Le crucifix à l'Assemblée nationale devrait être enlevé
et placé dans un endroit représentant le patrimoine religieux. Cela devrait
faire partie de cette loi.
Les
accommodements religieux seront balisés par le principe de l'égalité entre les
femmes et les hommes. Il faut également arrêter de se plier à des
exigences religieuses en matière d'alimentation. La certification halal ou
casher implique le versement d'une somme
perçue par les mosquées ou synagogues. Nous contribuons ainsi à subventionner
des religions sans le vouloir. C'est une pratique abusive à proscrire.
Le niqab et la
burqa, quant à eux, devraient être interdits sur tout le territoire québécois.
Ce ne sont pas des vêtements, ce sont
des prisons de tissus. C'est le déni de la femme. Aucun homme ne s'est abaissé
aussi bas. C'est une pratique
totalement inacceptable partout dans le monde entier. Comment voulez-vous
identifier quelqu'un, vous sentir en sécurité
ou communiquer? Aucune communication possible lorsque vous rencontrez ces
fantômes ambulants. Voir sans être
vu. Ces personnes sont sans visage, sans nom, sans identité. Nous ne savons pas
à qui nous avons affaire. C'est le refus de notre style de vie, c'est le refus catégorique de s'intégrer à notre
société. C'est le rejet de la société d'accueil. N'oublions surtout pas que des femmes dans le monde sont
obligées de les porter pour sauver leur propre vie. Si nous n'interdisons
pas cela ici, dans un pays libre, évolué et démocratique, c'est que nous
cautionnons ces dérapages contre les femmes.
Le voile est
un symbole de l'intégrisme. Les femmes voilées sont des alliées, des complices
des intégristes. La première action
des intégristes, c'est le voilement des femmes. On utilise les femmes et leurs
voiles pour promouvoir une idéologie sexiste et pour manifester une
présence musulmane. Cacher sa chevelure et son cou pour ne pas exciter les hommes est une coutume absolument en désaccord
avec une société égalitaire. De plus, le voile n'arrive pas seul, c'est un forfait comprenant la charia, la ségrégation des sexes,
la polygamie, les mariages arrangés, les mariages forcés, la répudiation, le crime d'honneur, les mutilations
génitales féminines, l'hyménoplastie, le certificat de virginité, l'avortement
sélectif des filles.
Ce projet de
loi ne réglera pas tout. Nous aurons du travail d'éducation auprès de ces
immigrants et immigrantes. Certaines lois et plusieurs organismes
devront s'ajuster à ces nouvelles données.
Quand on
quitte son pays, on doit s'adapter aux valeurs présentes dans le pays
d'adoption avant son arrivée. On ne doit pas transposer ici les retards
de notre pays d'origine en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.
L'État n'a
pas à s'incliner devant les exigences personnelles de religieux intégristes.
Aucune concession pour le privilège
de travailler au service de l'État. Le personnel travaillant pour l'État ne
doit pas montrer seulement apparence de laïcité mais bien une réelle
laïcité. Si nous vivons dans un État laïque, nous devons le montrer partout.
Les écoles et les services de garde seront régis
par les principes de laïcité. Les signes ostentatoires religieux devraient être interdits dans tout le système
éducatif : les services de garde éducatifs à l'enfance privés et publics,
les écoles primaires et secondaires
privées et publiques, les cégeps et les universités, de la part du personnel,
et des élèves, et des étudiants et étudiantes. Les signes ostentatoires
religieux influencent et même imposent une vision du monde. Il faut protéger les enfants de ce prosélytisme. Le cours
d'éthique et de culture religieuse devrait être retiré des écoles. Un système
scolaire laïque ne présente aucune religion et laisse cette responsabilité aux
ministres des différentes religions.
• (9 h 40) •
Les subventions aux écoles religieuses devraient
être nulles. D'ailleurs, devraient-elles exister, ces écoles religieuses? Toutes
les écoles doivent suivre le programme du ministère de l'Éducation. Tout le
système scolaire doit affirmer les valeurs
québécoises de laïcité et d'égalité. Les privilèges accordés aux
enseignantes et enseignants musulmans concernant
les congés payés supplémentaires pour des fêtes religieuses devront être abolis.
Aucune démonstration d'appartenance
religieuse ne doit être tolérée dans les établissements scolaires. Les locaux de prière de toutes sortes n'ont
pas lieu d'exister.
Quant au
retrait, je suis totalement contre. Toutes les institutions de l'État doivent
être soumises à cette loi. Peut-être qu'une
année ou deux de transition seraient acceptables, c'est tout. Pour les
intégristes qui refuseront toujours d'enlever leurs voiles ou autres
signes ostentatoires religieux, ce n'est pas le nombre d'années qui les feront
changer d'idée.
On proclame
haut et fort l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est une valeur
inscrite dans les chartes. Très bien.
Mais, quand vient le temps de concrétiser cette valeur, plusieurs semblent
avoir des difficultés. C'est bien beau de le dire, mais il faut le vivre. Il y a l'égalité de droit mais aussi
l'égalité de fait. Devant les religions, plusieurs perdent leurs repères, leur sens critique disparaît tout à coup.
Disons-le : Toutes les religions sont misogynes. Nous avons le droit de
critiquer les religions, toutes les
religions. Nous ne devons pas donner préséance à la liberté de religion au
détriment de l'égalité entre les femmes et les hommes.
À tous ces
grands hommes et grandes femmes qui font passer des considérations telles
que «c'est son choix», «c'est sa religion» avant l'égalité entre les
hommes et les femmes, je veux vous dire ceci : Si ces coutumes et
traditions sont bonnes pour ces
femmes, c'est aussi bon pour toutes les femmes, en somme — pour moi aussi. Sinon, pourquoi? N'y
aurait-il pas là une inégalité?
Le Québec est un État en avance concernant
l'égalité entre les femmes et les hommes, voudrait-on régresser maintenant? Pour avoir milité durant toutes ces
années, je veux continuer à avancer, je
veux continuer à avancer avec toutes ces femmes qui ont quitté leurs
pays pour venir nous rejoindre.
La laïcité
permet de respecter la diversité : croyants et croyantes de toutes
religions, agnostiques et athées. L'État,
et ses institutions, est l'espace où toutes et tous se rencontrent. La laïcité
est un enjeu majeur pour l'avenir de notre société.
Nous ne voulons pas d'une régression mais d'une évolution. Bien sûr, tout ne
sera pas réglé avec cette loi, la laïcité est un cheminement qui se
continuera.
Au nom de la tolérance, nous ne devons pas
cautionner des pratiques contraires aux valeurs québécoises. Certaines pratiques sont contraires au progrès et à
l'égalité. Nous devons démontrer du respect envers notre société
et les valeurs sur lesquelles elles reposent. À quoi ressemblera notre société
dans 20 ans?
Le Président (M. Ferland) :
…à peu près 30 secondes, madame, pour conclure.
Mme Dionne (Carole) : Que léguerons-nous
à nos enfants et petits-enfants? Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, Mme Dionne. Maintenant, nous allons à la période d'échange. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Drainville : Merci, M.
le Président. Merci, Mme Dionne, pour
votre mémoire et votre présentation. D'abord,
je veux juste apporter quelques
petites précisions. Dans votre mémoire, à la page 5, vous faites référence au
retrait, vous dites : «Quant au
retrait, je suis totalement contre.» Vous avez constaté, j'en suis certain,
que le projet de loi n° 60 a remplacé
le retrait par une période de transition un
peu comme celle que vous suggérez. Donc, j'imagine que ça doit vous rassurer.
C'est un changement que nous avons fait
d'ailleurs après la consultation que nous avons menée sur Internet, là, sur le
site Nosvaleurs.qc.ca, là, 26 000 personnes qui sont venues se
prononcer. Donc, c'est un des changements qui a découlé, donc, de cette
consultation.
Par ailleurs,
j'étais très content de vous entendre dire, dans votre présentation, que la
laïcité permet de respecter toutes
les religions. Vous avez tout à fait raison. C'est exactement l'esprit qui nous
habite, c'est l'esprit qui nous motive. On souhaite effectivement, à travers ce principe de laïcité, à travers
cette neutralité religieuse de l'État, dire à tous nos concitoyens : Peu
importe le choix que tu fais, peu importe que tu décides d'avoir une religion
ou de ne pas en avoir, l'État doit te
respecter. Donc, c'est l'égalité, dans le fond, des citoyens que l'on assure
avec la laïcité et, à travers cette égalité des citoyens, c'est
également l'égalité des croyances et des non-croyances qu'on assure.
C'est ce qui
nous fait dire que le projet que nous proposons assure, ou protège, ou renforce
même la liberté de religion et la
liberté de conscience, parce qu'il dit justement : Peu importe le choix
que vous faites, chers citoyens, je vais vous respecter, et c'est au nom de ce respect-là, justement, que moi, comme État, je m'impose de ne pas
manifester quelque croyance
religieuse que ce soit pendant les heures de travail. C'est dans le
prolongement de ce principe de neutralité qu'on
dit que celui ou celle qui travaille au sein de l'État doit garder pour lui,
doit garder pour elle ses convictions religieuses pendant les heures de travail. C'est justement
parce qu'on dit : La personne qui fait affaire,
l'usager, le parent, l'enfant, peu
importe, le citoyen qui fait affaire à l'État, il ne souhaite pas
avoir un croyant ou une croyante qui lui donne un service. Il souhaite avoir quelqu'un de compétent qui
rend son service public et qui le fait dans la neutralité la plus complète
possible.
Donc, si je comprends bien, sur tout ça, on est
pas mal d'accord?
Mme Dionne (Carole) : Absolument.
M.
Drainville : Bon. Maintenant, j'aimerais bien vous entendre sur un des
arguments qu'on entend souvent, et notamment de nos amis et collègues du Parti libéral, qui disent : La neutralité, elle doit s'incarner dans les institutions, mais elle ne doit pas s'incarner dans les personnes qui travaillent au
sein de l'État. Évidemment, c'est un point de vue qui nous démarque de leur position. Encore une
fois, je respecte la position de l'opposition libérale, mais je pense que
c'est une erreur que de dire que la
neutralité ne doit s'incarner que dans les institutions. Parce que, pour les
gens qui nous écoutent, pour le
citoyen, l'État, ce n'est pas un concept abstrait : l'État, c'est le
fonctionnaire, l'État, c'est l'enseignante, l'État, c'est l'éducatrice, l'État, c'est la policière, l'État, c'est le
juge, l'État, c'est l'infirmier, l'infirmière. C'est ça, l'État. Alors,
si on dit : L'État est neutre, bien, il faut que ça paraisse. C'est le
principe que je défends depuis le début.
Mais comment vous réagissez, vous, quand vous
entendez des personnes dire : Ah, non, non! On est pour la neutralité mais en autant que ça ne paraisse pas.
On est pour la neutralité, mais il faut garder ça au niveau des institutions.
Mme Dionne
(Carole) : C'est sûr que je ne
suis pas d'accord avec ça. Il faut que la neutralité soit incarnée dans les personnes. Si j'arrive dans un service où il y
a quelqu'un qui porte un turban, un autre, un voile, je vais avoir de la
misère à penser que c'est un État laïque.
C'est clair qu'il faut que ça soit incarné dans les personnes. Puis moi, je
vais même assez loin, je vais dans
les garderies publiques et privées et dans les écoles publiques et privées, et
je vais jusqu'à l'université, parce
que je... C'est clair qu'il faut que ça s'incarne à quelque part, sinon ce
n'est pas un État laïque. Et, comme j'ai été dans l'enseignement pendant
plusieurs années...
M. Drainville : Combien
d'années, madame?
Mme Dionne (Carole) : 37 ans et
demi.
M. Drainville : 37 ans
et demi?
Mme Dionne (Carole) : J'ai de
l'expérience dans le domaine.
M. Drainville : Vous avez
fait quoi pendant ces...
Mme Dionne (Carole) : Au primaire.
M. Drainville : Vous étiez
enseignante au primaire?
Mme Dionne (Carole) : Enseignante au
primaire.
M. Drainville : Dans quel
coin du Québec?
Mme Dionne (Carole) : À Charlesbourg,
pendant plusieurs années, mais j'ai enseigné ailleurs aussi.
M.
Drainville : O.K.
Alors, ce n'est pas une question que je prévoyais vous poser, mais vous me
donnez l'occasion de le faire.
Dites-nous un peu pourquoi c'est important, en particulier, d'assurer la
neutralité religieuse des enseignants et
enseignantes par rapport à l'enfant. Pourquoi… Parce qu'encore une fois il y en
a qui disent : Ce n'est pas nécessaire, de faire ça. Ce n'est pas nécessaire, d'aller là. Ce n'est pas
nécessaire que l'enseignante soit, comment dire… qu'elle ne puisse pas afficher ses convictions religieuses.
Ça n'a pas d'impact ou ça a un impact tellement minime qu'on ne s'en
occupe pas. Comment vous réagissez quand vous entendez cet argument-là?
• (9 h 50) •
Mme Dionne
(Carole) : Je suis tout à fait en
désaccord avec cet argument-là. Je pense que, pour les enfants dans les écoles, les enseignantes et enseignants, on
est des modèles. Et vous ne verrez pas un homme, un enseignant arriver avec son voile, juste la femme. Et, pour moi,
c'est un outil d'asservissement des femmes, c'est un étendard de l'islam
politique, alors imaginez que je suis tout à fait contre le fait qu'on
ait des personnes voilées dans les écoles.
Pour
les enfants, comme les enseignantes et enseignants sont des modèles, ils vont
poser des questions à ce sujet-là. Même
moi, quand j'arrivais avec un nouveau vêtement, ils venaient me parler puis ils
me disaient s'ils aimaient ça ou s'ils
n'aimaient pas ça. Donc, quand ils vont voir arriver l'enseignante avec son
voile, ils vont poser des questions. Qu'est-ce qu'elle va leur répondre? Bien, elle va leur répondre : Bien, nous
autres, les femmes, dans notre religion, on doit porter ce voile-là, on doit cacher ses cheveux et son
cou. Elle va donner des explications. Les enfants vont trouver que c'est assez
spécial que... Il va voir sa mère à la
maison, peut-être, qui n'en a pas, de voile, qui est d'une autre religion. Il
arrive à l'école, il voit cette
personne-là avec son voile, il va commencer à poser des questions à sa mère aussi pour savoir pourquoi,
elle, elle ne porte pas ça. Il va
apprendre le sexisme avec ça, parce
que c'est juste les femmes qui
portent ce vêtement-là. Alors, il y a la ségrégation sexuelle qui
arrive.
Dans les
garderies où il y a des activités aussi avec les garçons et les filles, à un moment donné qui me dit que cette
enseignante-là qui accepte la ségrégation sexuelle dans sa vie ne fera pas la
même chose avec les enfants qui sont là, à la garderie, des activités pour les garçons, des activités
pour les filles, qu'il y ait une séparation entre les garçons et les filles? Et les enfants, s'ils voient leur
enseignante avec le voile, ou ça peut être un autre signe religieux, mais on
parle surtout du voile ici, ils vont
trouver que c'est normal à la longue de voir quelqu'un porter un voile, que
c'est acceptable, le sexisme, que
c'est acceptable, cette ségrégation-là, que c'est acceptable, le rôle inférieur
des femmes. Parce qu'on sait très
bien que, dans l'Islam, les femmes
sont un… même dans les mosquées, se retrouvent en arrière. Donc, on ne peut
pas dire que c'est l'égalité entre les
hommes et les femmes. Et il y en a d'autres aussi qui, dès qu'ils vont voir
arriver un homme, vont replacer le
voile. Alors, on voit la différence de relation qu'il y a quand il y a
un homme ou quand il y a une femme.
Puis il y en a même qui ne serrent pas la main des personnes.
Alors, c'est un peu spécial. Donc, les enfants qui sont jeunes, qui
n'ont pas le sens critique développé, il me semble qu'ils vont être mêlés à un
moment donné.
M.
Drainville : Par
ailleurs, un autre argument qu'on
entend assez souvent, c'est de dire : La neutralité politique puis la neutralité religieuse, ce
n'est pas la même chose. C'est correct, c'est acceptable, la neutralité politique.
C'est acceptable donc d'interdire le port de signes politiques pour les
fonctionnaires, comme c'est prévu dans notre loi présentement, et on vit très
bien avec ça, hein, disent-ils, là.
Mais, ah, la neutralité religieuse, ça, non. Ça, ce n'est pas la même chose. La neutralité religieuse, là, dès
qu'il est question de liberté de religion, là on ne peut pas
l'aménager, on ne peut pas l'encadrer
de quelque façon que
ce soit. Et donc il ne peut pas y
avoir d'interdit en matière de neutralité religieuse. Mais par contre un
interdit en matière de neutralité politique, ah, ça, c'est acceptable.
Et, moi, mon
sentiment, c'est que, quand tu parles de neutralité politique,
tu parles de liberté d'expression. Puis je ne pense pas que la liberté
d'expression est moins importante que la liberté de religion. Et donc je dis à
ceux qui sont favorables à la neutralité politique,
y compris à l'interdiction de porter des signes politiques, je leur dis :
Bien, écoutez, si vous êtes d'accord
pour que la liberté d'expression puisse être aménagée pendant les heures de
travail, pour les fonctionnaires, de telle
façon à ce qu'ils soient tenus de garder pour eux, de garder pour elles leurs
convictions politiques, pourquoi ça ne devrait pas s'appliquer en termes de
neutralité religieuse également? Vous avez entendu cet argument-là, je
suis certain.
Mme Dionne (Carole) : Oui, j'ai entendu
ça.
M. Drainville : Qu'est-ce que
ça vous inspire comme réflexion, vous?
Mme Dionne
(Carole) : Bien, moi, je pense
que, si on veut un État laïque, c'est une limitation raisonnable de
permettre… de ne pas permettre d'avoir des signes religieux ou des signes politiques,
comme c'est déjà accepté, là…
M. Drainville : Pour le
travail.
Mme Dionne
(Carole) : …pendant les heures de
travail, c'est ça. C'est qu'on oublie que c'est seulement dans le cadre des heures de travail puis dans le
service à l'État. Ailleurs dans la
société, dans le public, ce sera permis. Je trouve que c'est une
limitation raisonnable.
M.
Drainville : De façon
générale, comment vous trouvez le débat jusqu'à maintenant? Parce que, vous
l'avez dit, il y a des personnes qui
vous accompagnent, c'est des gens de votre coin, de Charlesbourg, des amis, des
collègues, des anciennes collègues ou…
Mme Dionne
(Carole) : Ce sont des amies et
d'anciens collègues. Et on fait partie d'une même association de
retraités depuis qu'on est à notre retraite.
M.
Drainville : Alors,
dites-nous un peu… Donc, si je comprends bien, vous parlez en votre nom
personnel, mais vous parlez aussi un
petit peu en leur nom. J'imagine que vous en avez discuté avec elles. Vous vous
êtes peut-être fait une couple de
réunions, une couple de rencontres autour d'un café, de quelques biscuits pour
voir un peu comment vous alliez construire votre mémoire. Est-ce que ce
que je me trompe ou…
Mme
Dionne (Carole) : Disons que ce mémoire-là…
D'abord, c'est sûr que mes amies et mes collègues
connaissent ma façon de penser, ce
n'est pas d'aujourd'hui que je milite. Et j'ai écrit mon mémoire seule
chez moi, et je leur ai envoyé une
copie, et j'ai demandé aux personnes qui étaient intéressées de m'appuyer — j'ai
une liste de personnes qui m'ont appuyée. Elles ne sont pas toutes présentes ici ce
matin, mais j'ai demandé à d'autres de venir m'appuyer si elles étaient d'accord
avec mon mémoire. Donc, celles qui sont ici sont sûrement d'accord avec mon
mémoire.
M. Drainville : Puis pourquoi c'était à ce point important
pour vous d'intervenir? Parce que vous auriez pu rester chez vous puis
garder pour vous tout ça, là, mais pourquoi… pourquoi…
Mme Dionne
(Carole) : Impossible!
M. Drainville :
Impossible?
Mme Dionne (Carole) : Impossible pour moi de rester chez moi et de laisser passer ce
débat-là, parce que, moi, ça
fait depuis les années 70-80 que je milite pour l'égalité hommes-femmes
dans des mouvements féministes. Et, pendant certaines années, j'ai délaissé parce
que, bon, j'ai eu un enfant, je
travaillais. Mais, quand le débat sur les accommodements raisonnables a recommencé, j'ai repris le bâton de la pèlerine
et j'ai décidé de m'impliquer. J'ai présenté un mémoire à la commission
Bouchard-Taylor. Je suis venue ici pour la loi n° 94 également. Et je continue. J'espère que c'est la dernière
fois, que ça va se passer, que ça va
aboutir, ce projet de loi là, c'est ce qu'on souhaite ardemment, et même qu'on
utilise la clause dérogatoire, s'il le faut.
Moi,
je suis fatiguée d'entendre des gens du Barreau et des gens des commissions de
la personne dire qu'on ne peut rien
faire. Je pense que, les élus, on a voté pour ces personnes-là, elles sont
supposées nous représenter, et elles ont le pouvoir d'abroger, d'amender les lois, les retirer, s'il le faut, faire
des ajouts. Moi, le gouvernement des juges, je suis fatiguée de ça, le
cas par cas, je suis fatiguée de ça, et je veux qu'on aille au-delà du droit.
Cette loi-là, je trouve que c'est une loi
majeure, puis on doit arrêter de tergiverser puis la faire voter le plus tôt
possible. Puis j'espère qu'elle soit adoptée. Et j'espère que les autres
partis politiques également arrêtent de faire du, comment je dirais… qu'on
prenne ce qui est là, qu'on ajoute ou
qu'on… Mais il y a des choses très importantes sur lesquelles on peut
s'entendre, ça, c'est clair, qu'on soit de n'importe quel parti.
M. Drainville :
Bon. Vous parlez des juges, vous m'avez entendu dire qu'ils ont un rôle
absolument essentiel et primordial
dans toute démocratie. Mais c'est bien clair que les lois, dans une démocratie,
sont votées par les députés, par les
représentants de la population. Et je pense que c'est important — vous me donnez l'occasion de le
redire : La Charte des droits et
libertés du Québec, on la change dans le projet de loi, on modifie la Charte
des droits et libertés pour justement affirmer
les grands principes de neutralité, de laïcité qui n'y apparaissent pas
actuellement. Ça, c'est incroyable, ça : ça n'apparaît nulle part dans les textes législatifs actuellement que
l'État québécois est un État laïque. Alors, ça, on l'inscrit dans la Charte des droits et libertés. On inscrit
dans la charte les fameuses balises également qui vont servir de fondement
juridique pour la suite des choses.
Donc,
le texte de la charte, si le projet de loi est adopté, on l'aura modifié, et
donc on se sera donné les fondements juridiques,
on aura changé la règle de droit justement pour nous permettre de faire ce
qu'on veut faire notamment en matière d'accommodement, notamment en
matière d'égalité entre les femmes et les hommes.
Avez-vous vu les
commentaires de M. Pelletier, Benoît Pelletier, l'ancien ministre libéral, qui
dit : «Ceux qui adoptent à l'égard de
la charte des valeurs une approche strictement légaliste commettent une erreur.
[...]ils s'en remettent d'une façon
un peu trop fataliste et volontaire à des juges», etc. C'est un point de vue,
dans le fond, que vous partagez, vous trouvez que l'approche strictement
légaliste, ce n'est pas une approche qui est suffisante.
• (10 heures) •
Mme Dionne (Carole) : Non. Je pense qu'il
faut ajuster les instruments
juridiques à la réalité d'aujourd'hui. Et je veux
être gouvernée par des représentants de la population, pas des juges. Les parlementaires font les lois, les juges les appliquent.
Donc, le peuple choisit ses lois, et les juges suivent. C'est pour ça que le
Barreau, il évalue selon les lois qui sont présentement. Mais, si on les
change, il va falloir qu'ils changent leurs points de vue.
M. Drainville : J'aimerais terminer sur la question
du crucifix. Si je vous comprends bien, vous proposez de le déplacer du salon bleu, là où sont votées les
lois, à un autre endroit du parlement. Nous, on est prêts à y aller, on est
prêts à s'asseoir avec les autres partis. Une fois que la charte aura
été votée, on est prêts à s'asseoir avec les autres partis et à discuter de cette possibilité donc de le
déplacer, on est prêts à aller de l'avant avec ça. Mais, pour le moment, on
semble être les seuls. Il y a Québec
solidaire aussi, je pense, qui serait favorable à ça. Mais, ce que je comprends, le Parti libéral, hier, a été très clair, il ne souhaite pas déplacer
le crucifix. Et, la CAQ, je ne le sais pas trop, je pense qu'ils sont probablement
ouverts à une discussion là-dessus. Je pense que c'est…
Une voix :
…
M. Drainville :
Bien, ce sera l'occasion, Mme la députée de Montarville, de nous réitérer votre
position à ce moment-là. Je suis désolé, je ne veux surtout pas, comment
dire, mal véhiculer votre position. Alors, vous pourrez apporter les
précisions tout à l'heure.
Alors, là-dessus,
pourquoi vous souhaitez qu'il soit déplacé, justement?
Mme Dionne (Carole) : Encore là, si on est un État laïque, ce serait assez spécial d'avoir un
crucifix, qui d'ailleurs n'est
pas là depuis le début, hein, c'est seulement depuis le temps de Duplessis. Et
sa signification, c'était de montrer l'accord entre le religieux et le
politique. Alors, ça n'a plus sa place là, c'est clair.
Mais je trouve qu'on demande encore
aux Québécois, aux catholiques en fait, de faire encore un
effort d'accepter que le crucifix
soit enlevé de l'Assemblée nationale. Je
pense que les autres religions ont
aussi un pas à faire pour enlever des signes religieux.
M. Drainville :
Juste une toute dernière question. Les gens qui vous accompagnent…
Le Président (M.
Ferland) : Il vous reste à peu près 20 secondes, M. le
ministre.
M. Drainville : Oui. Les gens qui vous accompagnent, est-ce qu'il y a, parmi elles, des enseignantes, des anciennes enseignantes?
Mme Dionne
(Carole) : Oui. La plupart.
M. Drainville :
O.K. Je vois que vous êtes… O.K. Exactement. Alors, je trouve ça intéressant.
Mais merci beaucoup, Mme Dionne. On sent que vous êtes une femme de caractère.
Disons que, hein, on a senti ça. Merci, là.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. le
ministre. Alors, maintenant
nous allons aller du côté de l'opposition
officielle, et je reconnais la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Bonjour, Mme Dionne. Merci d'avoir pris le temps de participer à cette commission.
On entend beaucoup de points de vue, et c'est toujours intéressant d'entendre
les points de vue et les préoccupations surtout des citoyens et citoyennes. Je
mettrais l'accent sur les citoyennes québécoises.
Premièrement, quand vous parlez du voile à la page 5, le voile, est-ce que
vous parlez du voile simple sur la tête? Je pense que tout le monde s'entend que, la burqa, le niqab, le tchador, tout le monde est très préoccupé par ça. Mais est-ce que vous parlez du voile simple sur la tête?
Mme Dionne
(Carole) : Le hidjab.
Mme Weil :
Le hidjab?
Mme Dionne
(Carole) : Oui.
Mme
Weil : D'accord.
Bon. Alors, vous dites : «Les femmes voilées sont des alliées, des
complices des intégristes.» Vous dites de plus que «le voile n'arrive
pas seul. C'est un forfait comprenant la charia, la ségrégation des sexes, la polygamie, les mariages arrangés, les mariages
forcés, la répudiation», et j'en passe. Est-ce que vous avez des amies
ou des collègues qui portent le voile
qui vous fait dire ça, ou des cas particuliers sur le terrain qui vous fait
dire que ces femmes qui portent le voile sont des alliées, des complices
des intégristes?
Mme Dionne (Carole) : La première chose que les intégristes font, c'est le voilement des
femmes. Même si la jeune fille de
20 ans… Parce que j'en vois, des jeunes filles de 20 ans qui
ont un voile, le hidjab, elles ne sont peut-être
pas conscientes de ce symbole sexiste.
Mme
Weil : Ne pensez-vous
pas que c'est vraiment un gros manque de nuances que de dire que ces femmes,
par choix de conviction... Parce que
j'ai eu beaucoup de conversations avec des femmes qui portent le
voile, et il y en a qui viennent
ici nous le dire : C'est une conviction personnelle. Vous ne pensez pas
que ça manque de nuance de dire que c'est des complices de l'intégrisme
et des intégristes?
Mme Dionne (Carole) : Si vous allez... Si vous regardez la télévision, si vous avez pris
certaines émissions, si vous allez
sur le Web, regardez… je ne nommerai pas personne ici, là, mais
des filles jeunes qui portent le voile, le hidjab, et qui se retrouvent dans des mouvements
intégristes. Elles ne le disent pas, mais, quand tu vas fouiller un peu dans
les informations, tu le retrouves. Il y en a même qui se retrouvent dans
des regroupements qui ont milité pour la charia. Alors, c'est assez spécial.
Mme
Weil : Ma prochaine question : Comment est-ce que d'interdire de
9 heures à 5 heures le port de ce signe règle les problèmes qui vous préoccupent? Quelles
sont les actions concrètes que le projet de loi n° 60 propose pour contrer
exactement tout ce que vous dites, donc la
charia, les mariages arrangés, la polygamie, la répudiation, etc.? Donnez-moi
un exemple dans le projet de loi n° 60,
à part l'interdiction de 9 heures à 5 heures, en quoi ça règle les
problèmes qui vous préoccupent?
Mme Dionne (Carole) : Je l'ai dit dans mon mémoire, c'est que ça ne règle pas tout. C'est un
départ, c'est une base pour dire que
notre société, désormais, sera laïque, et dans ses institutions. C'est une
limitation qu'on demande. Le voile ne
sera pas interdit ailleurs. Et ça ne réglera pas tout. C'est un début, et il va
falloir s'y mettre pour régler un paquet de choses, que j'ai nommées
dans mon mémoire.
Je
pense qu'on oublie la famille Shafia, on n'en parle pas. Et ce n'était pas
arrivé ailleurs, dans le monde entier, loin de nous, c'est arrivé ici, au
Québec. Et je suis sûre et certaine que, si on était au courant de tout ce qui
se passe, on serait très surprises.
Mme Weil :
Alors, vous êtes consciente qu'il n'y a pas un membre de cette famille qui
portait le voile? C'est pour ça que
je vous dis : Des mesures structurantes, je suis tout à fait, tout à fait
d'accord — d'ailleurs,
on a annoncé des mesures hier,
nous — tout à
fait d'accord. Et le Conseil du statut de la femme a écrit un excellent rapport
sur cette question — si
vous avez l'occasion de le lire, c'est vraiment très bon — propose
des mesures très concrètes. Mais vous voyez le problème? C'est que, souvent, c'est invisible, ce n'est pas
nécessairement... En tout cas, je vous pose la question : Est-ce
que vous êtes consciente que personne dans la famille Shafia ne portait le
voile?
Mme Dionne
(Carole) : Sauf qu'on voulait les
faire vivre d'une façon de leur pays d'origine. Et elles s'étaient rebiffées contre ça. C'étaient des jeunes qui
voulaient vivre comme les Québécoises, parce qu'elles étaient au Québec.
C'est sûr que le projet de loi n° 60 ne
règle pas tout. Il va falloir... Je ne sais pas s'il faudrait peut-être former
un comité qui va suivre l'évolution de tout ça, mais je pense qu'il va
falloir y avoir des actions de prises.
Puis moi, je voudrais vous dire, ici, que le
Parti libéral ne va pas très loin dans ses refus d'avoir des signes ostentatoires. Et il y a une chose qui me chagrine
énormément, même si je n'ai pas d'atomes crochus avec le Parti libéral, je suis très déçue de voir que Mme Fatima
Houda-Pepin, qui était une Marocaine d'origine et qui avait sûrement des bonnes
idées pour faire avancer le dossier, maintenant n'est plus là.
Mme Weil : Vous me permettez
de répondre? Il reste combien de minutes?
Le Président (M. Ferland) :
Oui, il n'y a aucun problème.
• (10 h 10) •
Mme Weil :
Évidemment, c'est pour ça... Hier, on a travaillé avec Mme Houda-Pepin, qu'on
respecte beaucoup. On a travaillé en
collégialité pour justement identifier de vraies mesures, vraies mesures. On
s'est beaucoup inspirés, je vous le dis, du rapport du Conseil du statut
de la femme.
Il y a
beaucoup d'experts au Québec en la matière. Vos préoccupations exactes, c'est
d'aller sur le terrain. Donc,
seriez-vous d'accord qu'on fasse un peu l'état des lieux, qu'il y ait vraiment
un groupe de travail qui fasse l'état des
lieux? Parce que, je vous le dis, pensez
qu'une interdiction va nous amener à la racine du problème
que vous soulignez... La famille Shafia, c'est l'exemple vraiment
parfait. Alors, pensez-vous que ça prendrait, donc, des recherches sur ces questions
identifiées, qu'on ne voit pas du
tout dans le projet de loi n° 60, hein, en passant? Il n'y
a pas cette notion de
neutralité religieuse.
D'ailleurs,
les experts et le Conseil du statut
de la femme disent : Attention!
C'est culturel, c'est culturel, et que ceux
qui confondent les deux, ils ne vont pas vraiment s'attaquer aux vrais problèmes
qui préoccupent, et je le comprends, toutes
les femmes, je pense tous les Québécois, pas juste les femmes. Les hommes et les femmes
sont préoccupés par ce que vous
dites, tout le monde. Il y a unanimité
là-dessus. Et on veut s'assurer qu'on soit capables… Là, je vous entends
tout à fait, hein, je vous entends. Alors, je pense qu'il y a un consensus sur
ces éléments-là, d'aller vraiment contrer l'intégrisme.
Mais, en passant, c'est une question fort
complexe, donc je vous demande une question bien simple : Est-ce qu'il y
aurait lieu de faire l'état des lieux?
Mme Dionne
(Carole) : Je n'ai rien
contre ça, sauf que ça n'empêche pas de passer… d'accepter la loi… le projet
de loi n° 60 qui va instaurer la
laïcité et la neutralité de l'État. On fait ça, qui est la base, et après,
comme je l'ai dit dans mon mémoire,
ce n'est pas fini, ça continue, on n'arrête pas là. Alors là, à ce moment-là,
ça serait très important d'avoir une situation d'ensemble de ce qui se
passe sur les différents sujets.
Le
Président (M. Ferland) : Maintenant, je reconnais la députée de
Bourassa-Sauvé. Il reste un 7 min 30 s, à peu près. Vous
avez amplement de temps, Mme la députée.
Mme de Santis :
J'ai seulement une question, merci, M. le Président.
Le Président (M. Ferland) :
Allez-y.
Mme de Santis :
Bonjour, Mme Dionne.
Mme Dionne (Carole) : Bonjour.
Mme de Santis :
Merci d'être venue, d'avoir préparé… et être ici pour présenter votre mémoire.
C'est toujours très important d'avoir l'expression de tous les citoyens
du Québec.
Moi,
j'aimerais référer à ce que le ministre des Relations internationales, de la
Francophonie et du Commerce extérieur
a écrit en 2007 dans son livre Nous : «Le voile, franchement,je
m'y suis habitué, et ce qu'on met sur la tête ne devrait pas soulever l'ire nationale. On a plus urgent.» J'aimerais
rappeler que ça a été dit par des ministres aujourd'hui au gouvernement.
Mais,
moi, ce que je veux poser comme question est la suivante. La plupart de votre
argumentaire est fait sur la base de
l'égalité hommes-femmes. Je suis tout à fait d'accord avec cela, pour moi c'est
très, très important qu'on respecte l'égalité
hommes-femmes, mais je vous pose la question suivante : Moi, je suis
chrétienne, catholique et mon mari aussi, on s'est mariés à Saint-Viateur, à Outremont, et, si moi, je porte une
croix, et lui, il porte une croix, où est l'argumentaire? Et donc est-ce que cette croix indique que je ne
suis pas égale à mon mari ou que lui n'est pas égal à sa femme? Parce
que votre argumentaire est basé là-dessus. Alors, est-ce que vous pouvez
répondre à ma question?
Mme Dionne
(Carole) : Bien, vous venez
de le dire vous-même que votre mari peut porter la croix et vous
aussi, tandis que, le voile, c'est seulement la femme qui le porte.
Mme de Santis : Mais la charte des valeurs ou ce projet de loi propose que ni lui ni moi ne pouvons porter la croix.
Mme Dionne
(Carole) : Seulement
quand vous êtes dans la section de l'État. En dehors, vous pouvez porter tous les
signes que vous voulez, sauf peut-être la burka puis le niqab.
Et je
voudrais rajouter quelque chose, parce
qu'on dit qu'il y a des femmes… J'ai entendu ça comme argument :
Les femmes vont perdre leur travail si on leur demande… on les oblige à enlever
leurs voiles à leur travail, si elles travaillent
pour l'État. J'ai réfléchi à ça et je me suis posé la question. D'abord, une
femme qui porte un voile dans un service de l'État, qu'on lui demande de
l'enlever, si elle préfère se soumettre au dogme religieux… Et ça, soit dit en passant, le voile, selon plusieurs, n'est pas un
symbole religieux et n'est pas obligatoire
tout le temps. Bien, si elle refuse de
l'enlever, c'est qu'elle s'autoexclut elle-même. Parce
que, si on fait des règles, tu dois
les respecter, les règles. Quand j'enseignais,
moi, je ne pouvais pas m'habiller comme je voulais quand je venais à l'école,
il fallait que j'aie un minimum de
vêtements, je ne pouvais pas arriver en costume de bain à l'école. Je trouve
que, dans certains cas, il y a un entêtement. C'est une conviction radicale, je trouve que c'est du fanatisme. Jamais
je ne croirai qu'on ne peut pas enlever un voile pour aller travailler.
Mme de Santis : Est-ce qu'enlever la croix d'une bonne soeur qui
travaille dans les hôpitaux, ça, ce serait acceptable ou pas, d'après vous? Parce qu'il y a encore des religieuses qui sont dans les hôpitaux, et je
crois que ces soeurs, ces religieuses
tiennent à leurs croix, un bon nombre d'elles. Donc, on leur demande d'enlever
la croix ou de travailler. Mais je respecte votre point de vue.
Mme Dionne
(Carole) : Je pense
que c'est la même chose pour tous les signes religieux, que ce soit la
croix ou…
Mme de Santis :
La soeur ne devrait pas porter sa croix. O.K.
Mme Dionne
(Carole) : De toute façon, des religieuses qui travaillent, il n'y en a pas énormément,
là, puis il y en aura de moins en moins.
Mme de Santis : Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Ferland) : Merci. D'autres… Il n'y a pas d'autre intervention du côté…
Alors, maintenant, je me dirige vers le deuxième groupe.
Alors, Mme la députée de Montarville, la parole est à vous.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Dionne. Merci. Merci pour votre mémoire, que j'ai lu. Je vous ai écoutée et je vous
ai entendue, alors on se comprend. Et d'ailleurs je voudrais saluer les
gens qui sont avec vous.
D'entrée de
jeu, lorsqu'on a commencé cette commission parlementaire, on a notre position à
la Coalition avenir Québec, mais on a
spécifié qu'on était ici pour apprendre et pour entendre les gens. Alors,
j'aimerais vous dire… On parlait tout
à l'heure du crucifix, il s'est dit beaucoup de choses — je disais en boutade au ministre qu'il avait
manqué un bon point de presse — je vais vous préciser notre position.
D'ailleurs, c'est paru dans un article du Journal de Québec il y a
quelques semaines, malheureusement je n'ai
pas la date de la parution, je pourrais vous la trouver, si vous la voulez.
Mais, dans l'article, on me cite, et
je dis… Comme M. le ministre nous l'expliquait, c'est le Bureau de l'Assemblée
nationale qui tranchera. Cependant,
chaque parti a des représentants à ce bureau. Et, nous, ce que nous avons dit,
c'est… initialement, nous disions que
le crucifix devait rester dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, puisque,
pour nous, c'est un signe de notre
patrimoine culturel, historique et religieux. Cela dit, nous avons dit que nous
sommes ici pour entendre les gens. Si
la majorité des Québécoises, des Québécois nous dit : Mettons-le ailleurs,
pour nous, c'est important, alors moi, je dis tout simplement : Bien, écoutez, si les gens veulent qu'on le
déplace, on le déplacera. Alors, vous voyez que ce n'est pas une question de vie ou de mort pour nous, et on
est là pour entendre les gens. Alors, je veux que ce soit bien clair et bien
précis.
Et, à cet
égard-là, rappelez-vous, il y a quelques mois — parce qu'on parle de la charte depuis le
mois d'août, alors août, septembre,
octobre, novembre, décembre, janvier — au tout début, il y avait d'ailleurs des
sondages à l'effet que les Québécoises, les Québécois, préféraient
qu'ils demeurent là. Et même M. le ministre, à cette époque, le Parti québécois avaient d'ailleurs cette position de le
garder là. Alors, vous voyez que ça évolue. C'est un discours, puis on écoute la population, les gens. Et je tiens à le
spécifier : On est ici pour vous entendre, pas juste écouter pour écouter,
mais entendre.
Cela dit, donc, j'ai lu votre mémoire,
je comprends ce que vous dites. Lorsqu'on parle des signes religieux, vous êtes
pour l'interdiction de tout signe religieux à la grandeur de l'appareil de
l'État, je vous comprends bien, et même plus, mais, pour les besoins de la cause,
c'est le projet de loi qui parle, ici, de l'appareil gouvernemental. Vous savez
que M. le ministre nous parle de signes religieux ostentatoires, non
ostentatoires, qu'il permettra certains signes mais non d'autres à partir du moment où ils sont ostentatoires. Moi, j'aimerais
entendre votre position là-dessus. Puis, la nôtre, bien, je vais la réitérer, dans la mesure où on
dit : Bien, M. le ministre, vous vous compliquez un petit peu la vie, peut-être
les interdire, point, ce serait plus simple. Qu'est-ce que vous en
pensez?
Mme Dionne (Carole) : Disons que, pour ce point-là, je pense comme vous. Je ne vois pas
pourquoi qu'on pourrait porter un
petit signe ou un plus gros, il n'y
en a pas, de signe ostentatoire, il n'y en a pas! Jamais je ne croirai que, pendant les heures de travail, on n'est
pas capable de mettre… à moins que tu le places sous tes vêtements, ça, on ne
le verra pas. Mais moi, je ne veux pas en voir, de signe.
Mme Roy
(Montarville) :
Voilà. Bien, on dit la même chose, on s'entend là-dessus.
Mme Dionne
(Carole) : Oui.
• (10 h 20) •
Mme
Roy
(Montarville) : Il ne faut pas les voir. Cela dit, dans l'application… Parce que,
le projet de loi, ce qu'il prévoit, effectivement, c'est : signes ostentatoires, non
ostentatoires. Donc, à partir de ce moment-là, on va édicter les règlements,
qu'on ne connaît pas encore, qui définiront à partir de combien de centimètres
une croix est trop grande, trop petite. Bon. Dans l'application, parce
que c'est ça que le ministre veut faire pour le moment — moi,
je veux qu'il se simplifie la vie, mais on
verra s'il l'entend, lui aussi — dans
l'application, vous qui avez été dans le domaine de l'éducation toute votre vie, si c'est la
position du ministre, si le ministre ne bouge pas à cet égard-là, comment ça va
s'articuler? Vous qui avez vécu dans les
écoles, comment ça va marcher? Comment les gens vont se mettre à
définir ou à appliquer ce qui est
ostentatoire ou non ostentatoire? Comment anticiperiez-vous l'application de
ces qualificatifs-là dans vos écoles?
Mme Dionne (Carole) : Je pense que le plus simple, c'est de ne pas… de ne permettre aucun
signe ostentatoire. Ce n'est pas la grosseur qui est importante, là.
Mme Roy
(Montarville) :
Autrement…
Mme Dionne
(Carole) : Sinon, ça devient compliqué.
Mme Roy
(Montarville) :
Ça devient compliqué, hein?
Le Président (M.
Ferland) : Sur ce, le temps étant écoulé, Mme la députée de
Montarville…
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, madame. Merci.
Le
Président (M. Ferland) : …je vais reconnaître maintenant le député
de Blainville pour à peu près
le même temps que la députée de Montarville. Allez-y, M. le député.
M. Ratthé : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Dionne. Écoutez,
d'entrée de jeu, parce
qu'à titre de député indépendant,
souvent, on ne fait pas vraiment de conférence de presse, on n'est pas très
entendu, notre vote peut sembler peser
peu dans la balance, mais des fois il peut être important, alors je vais
indiquer au ministre, puis je pense que je ne l'ai jamais fait, que moi, je serais d'accord à ce qu'on retire le
crucifix du salon bleu et qu'on le place ailleurs, avec tout le, j'allais dire, respect patrimonial qu'on lui doit,
l'historique. Alors, je suis assez confortable avec ça, même très d'accord.
Je vous dirais même que je suis également
d'accord à ce que les élus ne portent pas aucun signe. Je sais que vous ne le
mentionnez pas, mais je pense comprendre que
ce serait pour vous, là, inacceptable que des élus portent aussi des signes
ostentatoires. Je pense qu'il faut donner l'exemple.
Mme Dionne (Carole) : Exactement. Je trouve que ça serait incongru de voir à l'Assemblée
nationale, dans un État laïque, des
personnes qui portent des signes ostentatoires, à l'Assemblée nationale. Ça
serait assez spécial. Inacceptable même, que je dis.
M.
Ratthé : Je vais aborder un petit thème avec vous, qui est peu
souvent soulevé — puis je
n'ai pas beaucoup de temps — mais ça revient souvent. Plusieurs personnes
nous ont dit soit qu'on devrait revoir le cours d'éthique et de culture religieuse, soit qu'on devrait le
transformer peut-être plus en étude des religions. Vous, vous dites : On
l'abolit carrément. Et on le voit souvent dans les mémoires, mais on en
a peu parlé en commission parlementaire, j'aimerais peut-être que vous
élaboriez un petit peu davantage. Est-ce que vous parlez d'une disparition
complète? Il y en a qui nous disent :
Ça devrait être au secondaire puis ça devrait être transformé. Et d'autres, ils
disent : C'est le deuxième cycle. Je voudrais vous entendre
là-dessus.
Mme Dionne
(Carole) : Bien, moi, ce que je
dis, c'est que, si on est dans un État laïque, dans une école laïque, on ne parle pas de religion. On laisse ça aux
ministres de culte dans les églises, les synagogues, les mosquées. On avait, autrefois, quand moi, j'enseignais, un cours d'éducation
morale. Moi, j'étais une enseignante exemptée d'enseignement religieux. J'enseignais l'éducation morale, dans
une partie de ma tâche. Et c'était un excellent cours. Alors, à un moment
donné, on a tout mis dehors, puis on a
rentré le cours d'éducation et de culture religieuse où, au lieu de parler
seulement de la religion catholique,
on s'est mis à parler de toutes les religions. Alors, pour moi, ce n'est pas
une déconfessionnalisation des écoles, on a encore des religions dans
les écoles.
Puis je
parlais à une de mes amies qui a des jeunes enfants qui vont encore à l'école,
et elle me dit : Ils entendent encore
parler de Jésus puis de tout ça. Elle me parlait, puis je l'écoutais, je me
disais : Mon Dieu! C'est encore l'enseignement religieux, ça.
Alors, moi,
de mon côté, on enlève complètement. On entre, par exemple, un cours d'éthique.
Ça, c'est important, un cours
d'éthique. C'était ça qu'on avait dans notre cours d'éducation morale qu'on a
mis aux rebus et qui était un excellent cours.
M. Ratthé :
Vous êtes claire sur votre position en ce qui concerne les professeurs. Vous
allez plus loin, vous dites : Les
élèves, même, ne devraient pas porter de signe. Est-ce qu'il n'y a pas, là, un
réel… À partir du moment où ce sont, par
exemple, des universitaires, des gens au collégial, est-ce que, là, on ne vient
pas brimer le droit de la personne? Parce qu'ils ne travaillent pas pour l'État. Là, on va beaucoup plus loin, là.
Vous nous dites : Les élèves ne devraient pas. Est-ce qu'on ne va pas soulever justement le point de vue
de dire : Bien, un instant, là! Je suis libre, moi, comme citoyenne,
citoyen, de porter ce que je veux?
Mme Dionne (Carole) : Bien, c'est parce
que, quand tu vas au cégep ou que tu vas à l'université, c'est des institutions qui sont subventionnées par l'État.
Donc, je me dis : Quand tu vas dans une institution de l'État, tu ne
portes pas de signe religieux. C'était ça, ma position, que ce soit à
l'université ou au cégep, la même chose.
M. Ratthé : Rapidement, en
terminant, j'imagine, M. le Président…
Le Président (M. Ferland) :
10 secondes, à peu près.
M. Ratthé : 10 secondes.
Vous dites : Ce n'est pas grave sur les heures de travail, là, c'est
facile de faire ce compromis-là. Mais il y a deux vêtements que vous
dites : Ça, on ne devrait pas en voir du tout.
Mme Dionne (Carole) : Exact.
M. Ratthé :
Donc, vous allez jusque-là en disant : Sur tout le territoire du Québec,
là, que ce soit le hidjab ou le niqab, là, et la burqa, ça ne devrait
pas être porté.
Mme Dionne (Carole) : C'est une honte
mondiale! C'est incroyable.
M. Ratthé : Merci, Mme
Dionne.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, sur ce, je vous remercie beaucoup, Mme Dionne, ainsi
que les gens qui vous accompagnaient également.
Alors, sur
ce, je vais suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants du groupe les Syndicalistes et progressistes pour un Québec
libre de prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 25)
(Reprise à 10 h 29)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, la commission va reprendre ses travaux. Maintenant,
nous allons recevoir les
représentants du groupe les Syndicalistes et progressistes pour un Québec
libre, en vous demandant de vous présenter, ainsi que les personnes qui
vous accompagnent, tout en vous rappelant que vous disposez de 10 minutes
pour votre présentation, suivie de l'échange avec les parlementaires. Alors, la
parole est à vous.
Syndicalistes et
progressistes pour
un Québec libre (SPQ libre)
M.
Laviolette (Marc) : Merci, M. le Président. Je me présente, je suis Marc Laviolette. Je suis
le président du club politique
SPQ libre. Je suis accompagné, à ma gauche, donc à votre droite, par Pierre
Dubuc, qui est le secrétaire du conseil d'administration, et par Louise
Mailloux, qui est membre du conseil d'administration aussi du SPQ libre.
Brièvement,
le SPQ libre, c'est un club politique, et on est environ 400 membres, qui regroupe
des syndicalistes et des
progressistes souverainistes, sociodémocrates. On est indépendants des partis politiques
et des organisations syndicales aussi. Et notre but, c'est de
favoriser l'implication des progressistes et des syndicalistes dans la politique
active. Nos 400 membres militent au Parti québécois. Ça fait que c'est
comme ça qu'on se définit, comme groupe politique.
Et
je vais passer la parole à Louise Mailloux, qui va faire l'exposé de notre
mémoire, puis je vais conclure. Elle va me laisser un peu de temps à la
fin de sa présentation.
• (10 h 30) •
Le Président (M. Ferland) :
Mme Mailloux, la parole est à vous.
Mme Mailloux (Louise) : Merci, M. le
Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour.
Alors, le SPQ libre accueille favorablement le
projet de loi n° 60 qui traduit une volonté politique de rétablir l'autorité du gouvernement en matière de
laïcité au Québec, une autorité que l'on avait abandonnée jusqu'à maintenant aux mains des juges et des
tribunaux.
Depuis plusieurs années, des ajustements
concertés pour des motifs religieux se font dans nos institutions publiques. C'était d'ailleurs le souhait le plus
cher exprimé dans le rapport Bouchard-Taylor, que les demandes à caractère
religieux n'empruntent pas la voie juridique
mais bien plutôt celle de la conciliation, c'est-à-dire du règlement au
cas par cas, balisé par les chartes,
des ajustements réalisés sur place, dans les milieux de travail, loin des
médias, par des gestionnaires à qui
on a pris soin de donner une formation préalable les disposant favorablement aux
accommodements religieux. C'est ce que l'on a appelé la formation à
l'interculturalisme, véritable cheval de Troie pour une offensive antilaïque.
Il n'est pas anodin que, dans la version abrégée
du rapport Bouchard-Taylor, sur les cinq recommandations prioritaires, trois d'entre elles se rapportent à
l'interculturalisme et recommandent une formation à celle-ci, c'est-à-dire à la primauté des chartes, pour les gestionnaires, les agents de l'État
et les intervenants dans la sphère citoyenne. Fait à souligner, Bouchard-Taylor accorde une importance
capitale à la formation du personnel des écoles en raison de leur rôle
de socialisation.
Par ce projet de loi, le gouvernement se réapproprie son autorité politique
que le Parti libéral avait abandonnée au
pouvoir juridique, tout en obligeant les gestionnaires des institutions publiques et leurs employés à respecter des règles claires
concernant la présence du religieux dans l'espace civique.
C'est un pas
immense qui tourne le dos à Bouchard-Taylor, à sa laïcité ouverte et à son
approche multiculturaliste. Ce projet de loi représente une avancée significative vers une laïcité républicaine
respectueuse de ce qui nous unit en tant que citoyens du Québec, une laïcité soucieuse d'offrir à chacun les
mêmes droits et qui redonne à notre nation le droit de décider de son
avenir.
Le SPQ libre
se réjouit d'un tel virage et considère que ce projet de loi constitue une
étape urgente et essentielle pour freiner l'intrusion du religieux à un
moment de notre histoire où les flux migratoires, particulièrement ceux en
provenance du Maghreb, nous ramènent un islam qui s'accommode mal de la
laïcité.
La laïcité
n'est pas une question théorique que l'on pourrait régler définitivement
à un moment de notre histoire. C'est
un processus vivant, parce qu'historique, qui appelle à des ajustements
constants entre l'État et les Églises. Ce projet de loi en est un.
Alors, le SPQ
libre appuie le projet de loi n° 60 dans son intégralité. Toutefois, nous
considérons que ce projet de loi
demeure un minimum. C'est pourquoi nous proposons d'élargir sa portée en y
ajoutant les recommandations
suivantes :
Considérant
qu'un État laïque doit être neutre d'un point de vue religieux et qu'il ne doit
pas favoriser une ou des religions;
Considérant
que les privilèges financiers accordés aux religions sont l'expression d'une
époque révolue, étant celle d'une étroite collaboration entre l'Église
et l'État;
Considérant le principe voulant que l'argent
public soit pour le bien public;
Nous
demandons au gouvernement : de mettre fin au financement des institutions
privées confessionnelles — écoles, établissements préscolaires et garderies en milieu
familial — également
de mettre fin aux exemptions fiscales dont bénéficient les organismes de
bienfaisance à caractère religieux.
Maintenant,
sur le voile. Le voile, il est lié à l'intégrisme. Alors, le Parti libéral du
Québec prétend que le projet de loi,
voulant notamment interdire le port de signes religieux ostentatoires, rate sa
cible, puisque, selon eux, le problème, ce n'est pas le voile islamique
mais plutôt l'intégrisme.
D'abord, le voile n'est pas une simple tenue
vestimentaire. Si c'était le cas, il n'occasionnerait pas autant de controverses et autant de violence vis-à-vis les femmes partout dans le monde. Ce voile est un
étendard politique, il est l'emblème
d'un islam qui veut imposer une théocratie et remplacer les droits humains par
la charia. En l'imposant aux femmes
et aux fillettes, les islamistes souhaitent donner un maximum de visibilité à
l'islam et nous habituer ainsi à sa présence.
C'est pourquoi il est essentiel pour eux de pouvoir introduire ce voile dans
nos institutions publiques, particulièrement dans les
garderies et les écoles, qui sont le lieu de passage obligé de chaque citoyen.
Refuser de voir dans ce voile une signification
politique ne nous aidera aucunement à comprendre comment pensent et agissent les islamistes qui s'activent
au Québec depuis de nombreuses années déjà. En
revanche, de pouvoir le disqualifier de nos institutions publiques
constituerait une victoire cruciale et décisive face à ces intégristes.
L'ouverture à
l'autre, c'est aussi s'ouvrir à sa façon de penser. Il importe donc de bien
comprendre ce à quoi nous faisons face.
Nous
considérons qu'un État laïque a le devoir de protéger la liberté de
conscience des enfants et que l'école laïque doit faire la promotion de l'identité citoyenne, non de l'identité
religieuse, afin de garantir aux enfants un espace libre de toute pression familiale ou communautariste.
Nous demandons donc au gouvernement d'interdire le port de signes religieux
ostentatoires pour les élèves des écoles publiques.
Concernant
le voile intégral : Parce que ce voile fonde l'inégalité des sexes et symbolise
l'oppression des femmes, parce qu'il instaure une ségrégation des sexes
et qu'il enferme à jamais les femmes musulmanes à l'intérieur de leur communauté, les empêchant
ainsi physiquement et psychologiquement de s'intégrer à la société québécoise, parce qu'il est l'étendard de l'islam politique, parce qu'il fait outrage à toutes les femmes et qu'il constitue une atteinte
fondamentale à leur dignité, parce qu'il signifie la mort sociale, la perte d'identité sociale qui est liée au
principe de dignité de tout être humain
et qu'il signifie à toutes les femmes du Québec, musulmanes ou non, que
l'espace public n'est pas leur place et que, pour s'y aventurer, elles
doivent masquer leur identité et disparaître sous un linceul, par respect pour
les droits universels des femmes, quelle que
soit leur culture, nous demandons donc au gouvernement d'interdire sur
tout le territoire du Québec le port du voile intégral. Maintenant, M.
le Président, je cède la parole à mon collègue.
Le Président (M.
Ferland) : …M. Laviolette, la parole est à vous. Il reste à
peine deux minutes.
M. Laviolette (Marc) : C'est bon, je vais en avoir assez dans ma
conclusion, M. le Président. On a beaucoup parlé du rétrécissement des libertés
religieuses dans le débat. Moi, je tiendrais juste à souligner : Il y a
aussi la liberté de conscience.
Et
je pose la question suivante à la commission, d'abord
en rappelant qu'au Québec il y a 22 %
de la population qui ne croit pas en
Dieu, puis il y a 18 % qui ne le savent pas — sondage CROP de l'an dernier, La Presse — ça fait que… Qu'est-ce qu'on dirait si un professeur, ou
quelqu'un dans une garderie, ou quelqu'un qui travaille aux soins intensifs
dans un hôpital se promène avec un chandail
qui dit : Dieu n'existe pas? Je veux dire, c'est sa liberté de conscience,
il la met de façon ostentatoire
devant tout le monde. Je serais curieux d'entendre ceux qui règlent ça au cas
par cas comment ils répondraient à cette question-là. C'est une autre
des raisons pourquoi c'est bon d'être mur à mur : aucun signe ostentatoire
religieux ou même la liberté de croyance.
Ça
fait que cette question-là a peu été abordée, mais ça existe. Au Québec, c'est
40 % de la population qui est non
croyante, là. On ne parle pas d'immigration, là. Et ça fait que c'est un peu la
conclusion. C'est pour ça que le plus simple,
c'est tout simplement d'interdire et de consacrer la séparation de l'État
d'avec les croyances religieuses. Voilà.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. Laviolette.
Maintenant, nous allons à la période d'échange. Et, M. le ministre, la
parole est à vous.
• (10 h 40) •
M. Drainville :
Voilà. Très bien. Merci beaucoup. Merci à vous trois. Oui, M. Laviolette, vous
ne me posez pas la question, mais je
peux vous dire que ce tee-shirt-là, en vertu de la neutralité religieuse, ne
serait pas permis justement parce que
c'est associé à une conviction religieuse. Donc, ce ne serait pas possible de
le porter si le projet de loi était voté.
Vous me permettez,
vous me donnez la chance de le préciser, je pense que c'est important que les
gens le sachent : Quand on dit que
c'est la neutralité religieuse, c'est les convictions religieuses de façon
générale, les croyances et les
non-croyances également. Donc, l'athéisme, à ce moment-là, n'aurait pas
davantage de droit de s'afficher
qu'une autre religion. Bon.
Maintenant, je veux revenir évidemment à votre
mémoire. D'abord, Mme Mailloux, dans votre mémoire, vous dites : «C'est un pas immense — en parlant du projet de loi n° 60 — qui tourne le dos à Bouchard-Taylor...»
Pouvez-vous nous préciser comment, comment est-ce que ce projet de loi
n° 60 tourne le dos à Bouchard-Taylor?
Mme Mailloux (Louise) : Alors, grande question. Le rapport Bouchard-Taylor, on pourrait dire
que c'est une stratégie, finalement,
qui a été mise en place pour permettre l'intrusion du religieux dans les
institutions publiques. Et il faut se
souvenir qu'il recommandait la laïcité ouverte. Alors, une laïcité ouverte à
quoi? Une laïcité ouverte aux religions dans les institutions publiques.
Et les aspects clés de cette approche-là, c'est
qu'on privilégie ici l'approche juridique. Dans le rapport Bouchard-Taylor, on dit vouloir protéger les
droits, et on ramène constamment les gens à la question des chartes. Maintenant, on dit bien aussi, dans le
rapport, qu'on ne souhaite pas que les demandes d'accommodement se rendent à
chaque fois en Cour suprême et on préférerait des ajustements concertés,
c'est-à-dire des ajustements qui se règlent sur
place, dans les milieux de travail, dans les écoles, dans les hôpitaux, bon, un
peu partout dans les institutions publiques,
donc de gérer la chose au cas par cas, et que les décisions soient prises, ici,
par des gestionnaires, et que — et là on spécifie bien — ces
gestionnaires-là doivent au préalable avoir suivi une formation, une formation évidemment qui va faciliter les demandes
d'accommodement religieux, une formation qui va être aussi donnée par des
experts, que vous aurez sûrement l'occasion
d'entendre dans cette commission, alors des experts qui sont des spécialistes
de la rhétorique multiculturaliste, des universitaires et des gens qui
recommandent aussi l'utilisation d'un guide.
Et,
si vous regardez... Il y a un rapport qui a été déposé en novembre 2007 au
ministère de l'Éducation, le rapport
Fleury, qui était un rapport sur la question des accommodements en milieu
scolaire et où on dit qu'il y a 78 % des demandes d'accommodement qui
sont faites pour des motifs religieux. Et une des grandes recommandations du
rapport Fleury, c'est qu'on élabore un guide qui servirait aux gestionnaires,
encore une fois pour favoriser, donc, les demandes
d'accommodement religieux. Et la source d'inspiration de ce guide, c'est le
Conseil scolaire de Toronto. Alors, quand
on sait à quel point Toronto est multiculturel, quand on sait qu'à Toronto on a
un guide, par exemple, qui va accommoder...
qui va donner des exemptions dans les cours de natation en période de ramadan
pour ne pas, par exemple, que les
élèves avalent de l'eau, alors quand on sait l'ouverture que ça crée et qu'on
dit, les experts nous disent : On devrait s'inspirer de ça, alors
Bouchard-Taylor, c'est tout ça.
Le projet de
loi n° 60 nous dit quoi? Le projet de loi n° 60 nous dit : Ce ne
sera pas l'approche juridique qu'on privilégie,
on se réapproprie le pouvoir politique, et c'est l'État qui va définir des
principes et qui va dire aux gestionnaires... L'État va prendre ses responsabilités, elle ne laissera pas aller la
chose aux gestionnaires et elle va dire aux gestionnaires : Voici, il y a des critères pour accommoder. Voici,
ça doit respecter telle et telle chose. Alors, c'est vraiment quelque chose,
autrement dit, qui
nous sort du cas par cas. Et c'est quelque chose qui va permettre de freiner de
façon objective l'intrusion du religieux dans les institutions
publiques.
Si
je me rapporte à ce qu'a annoncé hier M. Philippe Couillard, en conférence
de presse, quand il a parlé de la position du Parti libéral, il a dit
quoi? En substance, il ramène Bouchard-Taylor, c'est-à-dire il dit : Les
chartes sont incontournables, il va
falloir élaborer un guide — alors,
on se demande qu'elle va être la source d'inspiration pour ce guide — élaborer un guide, les gestionnaires vont se
servir de ce guide-là pour gérer les demandes d'accommodement au cas par cas. Alors, la position, ici, du Parti
libéral, c'est ni plus ni moins que faire du neuf avec du vieux, c'est-à-dire
ils nous disent, en substance : Les
accommodements se font, à l'heure actuelle, sur place, dans les milieux, et
c'est comme ça que ça va continuer de se faire. Il n'y a rien de nouveau sous
le soleil, si ce n'est qu'ils vont même plus loin que Bouchard-Taylor,
en disant que, même pour ce qui est du port de signes religieux chez les
personnes en position d'autorité, comme les juges, les policiers, etc., là
aussi, ça va être jugé au cas par cas. Donc, autrement dit...
M. Drainville :
Si vous me permettez, Mme Mailloux — gardez votre fil, là, mais je veux juste
insérer une petite parenthèse — ce que je comprends, puis les gens d'en face
pourront nous le préciser, mais, dans le cas du cas par cas pour les agents avec pouvoir coercitif, ça ne concerne
que les policiers, policières et les agents de détention. Les juges, même,
ce que je comprends, c'est qu'il n'y a
aucune restriction pour les juges. Donc, ils pourront me corriger si je me
trompe, mais il y avait une entrevue
avec le député de Fabre, ce matin ou hier soir... hier soir, et c'était très
clair que, dans leurs propositions,
il n'y a aucune restriction possible pour ce qui est des juges. C'est
uniquement — en tout
cas, c'est ce que je comprends — pour les policiers, policières et les agents
de détention, où, là, ils pourraient porter un signe religieux, mais ils vont devoir faire une demande
d'accommodement, là. Bon. Mais, pour les juges, ce que je comprends,
c'est : Ils peuvent
porter un signe religieux en tout temps, comme c'est le cas d'ailleurs pour
tous les autres agents de l'État.
Mme Mailloux
(Louise) : Ah bon! Alors, disons que, pour aujourd'hui...
M. Drainville :
C'est ce que je comprends. On verra bien si j'ai bien compris.
Mme Mailloux
(Louise) : O.K. Maintenant, il y a quand même quelque chose que le Parti
libéral apporte de nouveau, c'est une volonté de lutter contre l'intégrisme.
Et, hier, M. Couillard a dit que l'intégrisme, au Québec, ça mériterait d'être
étudié et documenté.
Document déposé
Alors,
je me permets donc de contribuer, de déposer déjà un premier document à cette
commission pour commencer à documenter l'intégrisme — d'autant
plus que Mme Houda-Pepin a quitté. Alors, je vous distribue donc ici une...
Est-ce que quelqu'un...
Le Président (M.
Ferland) : ...du dépôt du mémoire... du document en question,
là, et non de...
Mme Mailloux
(Louise) : Oui, c'est une photo.
Le Président (M.
Ferland) : Considérez-vous... Vous pouvez le remettre à...
Alors, merci.
Mme Mailloux (Louise) : Alors, je laisse aller la photo. Donc, c'est une photo qui a été prise
en août 2012 à une rencontre du
député de Mercier, Amir Khadir, donc, de Québec solidaire, alors deux semaines
et demie avant les élections de 2012,
donc, Québec solidaire qui est allé rencontrer l'Association Bridges, une
association qui est dirigée par un imam qui officie au Centre communautaire musulman de Montréal, une mosquée où
on fait prêter aux petites filles le serment du voile. Bon.
Alors,
qu'est-ce qu'on voit sur la photo? Parce que ce n'est pas tout le monde qui a
la photo entre les mains. On voit,
d'un côté, des hommes, d'un côté de la salle, avec Amir Khadir à l'avant et, à
gauche... et, à droite, rassemblées, de
l'autre côté, on voit des femmes voilées qui font partie... donc, qui assistent
à cette rencontre. Alors, ici, vous avez une photo qui en dit long sur les principes de la charia. Premier
principe : le voilement des femmes. Deuxième principe : la ségrégation des sexes. Il y a eu, il y a quelques
semaines, l'Université York, à Toronto, qui a choqué bien des Québécois.
Eh bien, ça, ça s'est passé à Montréal en
août 2012, et c'est un des députés de cette Assemblée, de l'Assemblée
nationale, qui était présent à cette rencontre.
Document déposé
Je
fais circuler aussi... Je vais remettre à la commission une photo, ici, de
l'imam Sbeiti, lors de la cérémonie du voile.
Le
Président (M. Ferland) : ...on va aller chercher le prochain
document. Alors, bien, vous comprendrez qu'on les distribue en même
temps aux groupes parlementaires...
Mme Mailloux
(Louise) : Oui, oui, oui.
Le
Président (M. Ferland) : ...et qu'ils deviennent... ils sont
publics présentement, mais ils l'étaient, je crois, ce que je comprends,
sur Facebook.
Mme Mailloux (Louise) : Oui.
Le Président (M. Ferland) :
Vous pouvez remettre...
M. Drainville : Alors, quelle
conclusion vous tirez de ça, Mme Mailloux? On voit la photo, là, on voit
effectivement que les femmes sont d'un côté et les hommes sont de l'autre.
Donc, vous parlez de ségrégation…
Mme Mailloux (Louise) : C'est la photo
qui parle d'elle-même, M. le ministre.
M. Drainville : Oui, oui,
bien sûr, bien sûr. Et vous nous...
Mme Mailloux (Louise) : De voiles aussi.
M.
Drainville : Oui.
Oui, effectivement, il semble que toutes les femmes soient voilées, là, sur la
photo en tout cas. Est-ce que...
Le
Président (M. Ferland) : M. le ministre, avant... On a une
seule copie. On va en faire des copies pour l'ensemble des membres de la
commission.
• (10 h 50) •
Mme
Mailloux (Louise) : Et ce qu'il
faut comprendre de ça, M. le ministre, c'est qu'on a, ici, Amir Khadir qui
cautionne une telle assemblée. Et ce qu'il faut savoir aussi, c'est
que la porte-parole de Québec
solidaire dans la circonscription de Bourassa-Sauvé, à Montréal-Nord, celle qui est passée à Tout le monde en
parle, Dalila Awada, dont l'imam
Sbeiti est son imam, alors elle fréquente l'Association Bridges et elle
y prend régulièrement la parole. Alors, ce qu'il faut
comprendre ici, c'est qu'on a Amir
Khadir qui cautionne la ségrégation
des sexes. Pour un député de gauche, il me semble que ce n'est pas tellement
progressiste.
M.
Drainville : Là, si vous me permettez, Mme Mailloux, la représentante de… la députée de Gouin n'est pas
présente ce matin, et je tiens à le noter
parce que je pense qu'elle souhaitera probablement réagir à un moment donné.
Donc, je veux juste, pour les gens qui nous écoutent, là, qu'ils soient
conscients du fait que la députée de Gouin nous accompagne parfois dans nos travaux, et, ce matin, elle n'est pas là.
Puis habituellement, d'ailleurs, on n'est pas supposé de noter l'absence
des… mais, M. le Président, vous comprenez l'intention de mon intervention…
Le Président (M. Ferland) :
Effectivement. Et je vous demanderais…
M.
Drainville : …c'est
juste de noter qu'éventuellement je pense bien que les gens de Québec solidaire
qui écoutent voudront donner leur réaction à ce propos que vous tenez.
Je le fais, je dirais, par fair-play, là.
Mme
Mailloux (Louise) : Mais on
aurait bien aimé la présence de Mme David pour qu'elle puisse commenter
la photo de son… cette photo-là.
M.
Drainville : Et donc
on tire de tout ça une conclusion. Laquelle? C'est-à-dire que vous dites :
Il y a déjà, au sein de notre
communauté québécoise musulmane, des groupes qui, ouvertement, dans des
assemblées publiques, séparent les hommes des femmes. Ça, pour vous,
c'est…
Mme Mailloux (Louise) : Bien, c'est
qu'il y a déjà des associations qui sont présentes ici et qui… C'est une association qui s'adresse à des jeunes, des jeunes
musulmans qui sont de l'âge entre 18 et, je ne sais pas, moi, à peu près
25 ans, et qui les éduque en fonction
des valeurs islamiques, et dans le but évidemment de faire boule de neige,
c'est-à-dire d'être prosélyte.
M.
Drainville :
Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui vont dire : Le projet de loi
n° 60, la charte, ce n'est pas vrai que ça lutte contre
l'intégrisme? Moi, je soutiens le contraire. Moi, je dis que le projet de loi
n° 60, c'est un outil indispensable de
lutte contre l'intégrisme, non pas qu'il ait été conçu à cette fin, mais je
pense qu'un de ses effets, c'est de
lutter contre l'intégrisme justement parce qu'il affirme que l'État doit être
non religieux, alors que les intégristes, de façon générale, souhaitent un État religieux, un État qui a une religion
d'État. De façon générale, les intégristes sont très friands d'accommodements
déraisonnables religieux, déraisonnables parce qu'ils y voient une façon de faire
avancer leur agenda religieux, de
créer des exceptions, des précédents qui vont éventuellement se transformer en
normes. Donc, c'est une façon pour
eux d'élargir, je dirais leur, comment dire… de mettre en oeuvre, sur le
terrain, dans l'application, dans le fonctionnement des institutions et
des services publics, un agenda politique.
Puis, je dis
aussi qu'en affirmant l'égalité hommes-femmes comme valeur absolument non
négociable, incontournable, au
Québec, on freine également, on affaiblit également les intégristes, parce que,
de façon générale, les intégristes, on ne peut pas dire que c'est des
grands partisans d'égalité hommes-femmes. Bon.
Alors, ça, c'est mon point de vue,
mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que, comme vous le savez, il y a,
autour de cette table, des personnes, que je
respecte évidemment, mais qui ne sont pas du même point de vue que moi
sur le projet de loi n° 60 versus l'intégrisme.
Le Président (M.
Ferland) : M. le député… Ah! député… M. Laviolette. Parce qu'il
y a un comté…
M. Laviolette
(Marc) : Merci. Merci, M. le Président. La grande force du projet de
loi n° 60, c'est qu'il ne déguise pas
la laïcité en courant d'air, c'est-à-dire : ce n'est pas juste la laïcité
de l'institution. Dans les faits, en empêchant les signes religieux ostentatoires, dont le voile en est un, eh bien, je
veux dire, il heurte. C'est pour ça qu'on entend beaucoup de gens dire : C'est contre ma liberté
religieuse, il heurte. Parce qu'il faut bien se le dire, si tu es prêt à perdre
ton emploi pour garder ton voile,
bien, si ce n'est pas de la… c'est deux choses, soit que tu as des craintes,
des menaces dans ton milieu familial,
ou c'est de l'intégrisme, ce n'est pas bien, bien compliqué. Ça fait que ça,
c'est la grande force, c'est qu'en
d'autres mots, ce projet de loi là, les bottines suivent les babines, c'est-à-dire que, dans les
faits, de façon matérielle, les agents de l'État, ceux qui
appliquent les lois, ils sont neutres, O.K.? Ils ont droit à leur religion, ils
garderont ça pour chez eux s'ils veulent, mais, dans les faits, ils sont
obligés de se conformer à ça. C'est pour ça que c'est à la fois simple et en même temps ça donne les effets de lutte contre l'intégrisme. Parce qu'écoutez… Puis toutes les religions,
d'ailleurs, M. le ministre, causent
des problèmes aux femmes, oppriment les femmes, tu sais. Et là, je veux juste
rappeler, là, il faut aussi dire aux jeunes filles…
M. Drainville :
Toutes les religions ont leurs intégristes aussi, il faut le dire, les ont ou
les ont eus, on s'entend, hein?
M. Laviolette (Marc) : Oui, mais, regardez, M. le ministre, je vais vous
lire de quoi, là : «Il faut aussi dire aux jeunes filles que leurs toilettes inconvenantes peuvent être pour les
garçons une occasion de pécher. Elles doivent savoir que les garçons sont d'une nature plus excitable
et que la vue d'une jeune fille insuffisamment vêtue peut leur donner des
pensées coupables — O.K.? Des indications pour se guider. Les
manches doivent descendre au milieu du bras, au-dessus du coude. Si elles sont en dentelle ou en tissu
transparent, il faut qu'elles aient une doublure. Les jupes doivent couvrir
les genoux, les robes, cacher la courbe des seins et les autres parties du
corps.»
M. Drainville :
Ce que vous avez cité, c'est quoi, ce document? On ne voit pas.
M. Laviolette (Marc) : Le livre de la Famille chrétienne, 1961.
Quand on dit : Toutes les religions… Ça fait que le voile… Vous
pensiez que je lisais le Coran, là, hein? Non, non.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Laviolette (Marc) : Non, non, c'est le livre de la Famille
chrétienne. Oui, 1961, ça ne fait pas longtemps, ça. Quand les libéraux ont commencé la Révolution
tranquille puis qu'on a laïcisé nos écoles, nos hôpitaux, puis tout ça, là,
ça nous a permis de mettre ça de côté. C'est
pour ça que le peuple québécois appuie la charte, parce qu'on a connu la chape
de plomb de la grande noirceur puis de
l'Église qui écrasait tout. Mais toutes les Églises sont pareilles. Ça fait
qu'au moins qu'on continue notre révolution tranquille comme on l'a
commencée puis qu'on poursuive dans la laïcisation qu'on a commencée dans les années 60 et dont la
déconfessionnalisation des commissions scolaires est le dernier chapitre. Ça
fait que ça aide quand on dit «aucun
signe ostentatoire» à lutter contre toutes ses formes… Parce que les signes ont
un sens, je veux dire, et un sens qu'on refuse au nom de l'égalité des
hommes et des femmes. Voilà.
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M. Drainville :
Oui. Là, ce que je comprends… Mme Mailloux, dans votre présentation tout à
l'heure, vous avez réitéré ce qu'il y a dans le mémoire, c'est-à-dire
vous parlez d'une interdiction générale du voile intégral au Québec. Est-ce que vous nous parlez donc d'une
interdiction comme celle qui existe en France, on parle de la même chose, là?
Mme Mailloux (Louise) : En France, ça existe depuis 2010. Et c'est quelque chose de carrément
inacceptable. Écoutez, hier, Philippe
Couillard disait : Bon, le tchador, le niqab — qui est le voile intégral dont je vous
parle — la
burqa, à cause de ce que ça symbolise
au niveau de l'oppression des femmes, ce n'est pas défendable dans les
institutions publiques. Bien, je veux dire, sur la rue, ça symbolise la
même chose, je pense que ce n'est pas plus défendable.
Et
le message que ça envoie, comme je dis bien, à toutes les femmes du Québec,
qu'elles soient musulmanes ou non, bon,
peu importe, à la moitié de l'humanité, la moitié des Québécois, le message que
ça envoie, c'est que la place publique, ce n'est pas pour toi. Puis, si tu t'aventures ne serait-ce que pour
aller au dépanneur, bien, il va falloir que tu te caches. C'est une atteinte à la dignité. Qu'on arrête de
dire que c'est juste une affaire d'identité, puis de communication, puis de
sécurité.
Si
on disait aux gens qui sont Noirs, qui sont Juifs, qui sont Arabes :
Aussitôt que vous sortez de la maison, vous devez vous cacher sous une toile, une tente, tout le monde crierait au
racisme, ils diraient : Voyons donc, c'est inacceptable. On le fait avec des femmes et on vient nous parler
des chartes puis de droits fondamentaux. C'est une insulte profonde et ça ne cadre vraiment pas avec notre histoire et
les acquis de la révolution féministe, que les femmes québécoises ont faite,
les hommes à leurs côtés.
M.
Drainville : Mais vous comprenez que le projet de loi
n° 60 ne va pas là.
• (11 heures) •
Mme Mailloux (Louise) : Non, non, non, je sais, le projet de loi n° 60, il limite ça aux
institutions publiques. Et nous, on dit :
Ce n'est pas suffisant, c'est bien, mais il faut aller plus loin. La symbolique est la même, l'indignité est la
même, l'outrage est le même.
Le Président (M.
Ferland) : M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc) : Oui. Comme on dit dans notre mémoire, la laïcité,
c'est un processus vivant, O.K.? Et on l'a
vu dans notre Révolution tranquille, sur la question de la laïcité, ça
avance. Mais celle-là est particulièrement odieuse, hein, et il faudrait vraiment
qu'on s'y rende.
M. Drainville : Parlez-nous, en terminant — il me reste trois minutes — parlez-nous un peu des enfants dans
les écoles, dans les garderies... Comment?
Une voix :
...
M. Drainville :
Ah! Excusez-moi. Voilà, oui, les enfants. Les enfants, parce que moi, je pense
que c'est un élément très important du
projet de loi. La liberté de religion, elle est protégée, en ce qui nous
concerne, elle est même renforcée par
la neutralité religieuse de l'État. Mais il ne faut jamais oublier la liberté
de conscience aussi des usagers. Et, dans les usagers, il y a les
élèves, et, dans les élèves, il y a les enfants. Et moi, je pense que c'est un
élément très important, ça, du projet, et
c'est la raison d'ailleurs pour laquelle nous avons décidé, dans le champ
d'application, comment dire, d'y
inclure les écoles primaires et secondaires publiques, mais d'y inclure
également les garderies CPE et les garderies privées subventionnées, les
enfants...
Le Président (M.
Ferland) : En 30 secondes environ, à peu près.
Mme Mailloux
(Louise) : 30 secondes?
Le Président (M.
Ferland) : Oui. Allez-y, oui.
Mme Mailloux
(Louise) : Bien, moi, je pense qu'effectivement il faut interdire aux
employés de... à tous ces niveaux-là dans le
milieu de l'éducation, particulièrement dans les garderies, ils sont en
position d'autorité. Ce n'est pas la
peine d'avoir fait un doctorat en pédagogie pour savoir toute l'autorité morale
que peut avoir une éducatrice. Maintenant, moi, j'irais plus loin au
niveau des écoles... bien, moi, nous, nous irions plus loin, c'est-à-dire on
dit : Même dans les écoles, les élèves
ne devraient pas porter de signe religieux ostentatoire. Ce que je vous ai
donné... J'ai documenté, là, la cérémonie
du serment, alors des petites filles, à Montréal, de sept, huit, neuf ans qu'on
amène à porter le voile et à faire le serment de le porter toute leur
vie parce que c'est Allah qui l'ordonne...
Le
Président (M. Ferland) : Je dois malheureusement vous
interrompre. On va aller du côté du parti de l'opposition officielle, et
je reconnais le député de LaFontaine, je crois?
M. Tanguay :
Oui.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, la parole est à vous.
M.
Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bon matin.
Merci d'être avec nous ce matin. J'aurai des questions pour vous trois : Mme Mailloux, M. Laviolette et M.
Dubuc. Peut-être des petites questions au départ, en rafale, peut-être
au président, M. Laviolette.
Lorsque
l'on voit l'expression où le... Votre organisme est connu sous le nom de SPQ
libre, «PQ», corrigez-moi, si j'ai tort, mais c'est pour «Parti
québécois»?
M. Laviolette
(Marc) : Il est comique, lui.
M. Tanguay :
Non, non, je vous prie de répondre.
M. Laviolette
(Marc) : Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre.
M.
Tanguay : Oui. Ah! O.K. Et vous avez dit un peu plus tôt que
vous aviez 400 membres, et les 400 membres militent au Parti
québécois?
M. Laviolette (Marc) : Bien, ils militent, ça dépend. Il y en a qui sont
sur des exécutifs, d'autres sont bénévoles dans les organisations. On encourage nos membres à s'impliquer en
politique active au Parti québécois. Parce que nous sommes souverainistes et on pense que le Parti
québécois est un parti de masse, 90 000 membres, et que, si on veut
faire la souveraineté, c'est par le Parti québécois que ça va passer.
M. Tanguay : Et
vous dites que l'un de vos objectifs, et confirmez-le-moi ou non, mais
justement c'est de militer au sein des instances et de faire avancer
donc vos idées au sein des instances du Parti québécois?
M. Laviolette (Marc) : Oui, mais on est indépendants du Parti québécois,
nous, on n'est pas... On peut avoir un point
de vue qui peut être critique. On peut avoir un point de vue qui est nouveau.
On n'est pas liés par les décisions du parti. On est un club... On est
un organisme sans but lucratif.
M.
Tanguay : O.K. Et vous mettez la liste de votre conseil
d'administration. Vous avez Robert Dean, ex-ministre du gouvernement de René Lévesque. Vous avez
également Alain Dion, président du Parti québécois Rimouski, Louis-Philippe Sauvé, comité des jeunes du Bloc
québécois. Vous avez également beaucoup de représentants, beaucoup de
liens avec les gens des syndicats : Michel Parent, président du Syndicat
des cols bleus regroupés de Montréal, Sylvain
Charron, membre de l'exécutif du Syndicat des débardeurs du port de Montréal,
également Sylvain Martin, directeur québécois des TCA. Pourquoi c'est
important, ce lien entre le Parti québécois et le syndicat, dans votre action?
M. Laviolette (Marc) : Écoutez, si vous voulez faire une commission
parlementaire sur le SPQ libre, ça va nous faire plaisir. Je pensais
qu'on parlait du projet de charte sur la... Les membres du conseil
d'administration, c'est des syndicalistes et
progressistes, puis ce n'est pas des juniors non plus, c'est tout simplement...
c'est comme ça. Mais moi, je ne vois pas le rapport qu'il y a avec la
charte, là.
M. Tanguay :
Avez-vous un malaise à répondre à cette question-là, M. Laviolette?
M. Laviolette (Marc) : Non. Mais c'est parce que je veux débattre sur
la charte. On peut en parler à l'extérieur
si vous voulez. Ou, si vous voulez faire une commission
parlementaire sur le SPQ libre, ça va nous
faire… Je vous encouragerais à lire
notre livre, d'ailleurs. On a publié un livre, SPQ Libre – Dix ans de
lutte au Parti québécois, là. Ça coûte 20 $. Si vous voulez
savoir qu'est-ce qu'on fait dans le PQ, ça va être parfait.
M.
Tanguay : Oui. C'est
important de savoir justement ce que vous faites dans le PQ, le lien également
avec les syndicats.
M. Laviolette (Marc) : Oui. J'en ai une copie dans ma valise. Si vous
voulez, je peux vous en vendre un après, là.
M.
Tanguay : Merci.
Merci de l'offre. Et c'est important, je pense, de savoir ça. Puis corrigez-moi
si j'ai tort, M. Laviolette, mais,
quand en titre, en page 3, on lit : «Le SPQ libre appuie le projet de loi n° 60 dans son intégralité», je pense que
c'est important de savoir qui vient nous dire ça, là. Vous ne croyez pas?
M. Laviolette (Marc) : Ah oui! Mais je pense qu'on n'est pas les seuls à
avoir dit ça, là. Et il y a bien du monde au Québec qui pense ça, là. Nous, on le dit. Et puis il y a
des membres du Parti québécois puis il
y a des non-membres du Parti
québécois qui disent la même affaire. Je ne vois pas c'est quoi, là.
M. Tanguay :
O.K. Mais je pense qu'il y a des gens à la maison qui sont à même de…
M. Laviolette
(Marc) : On ne s'est pas commandés. Non…
M. Tanguay :
…à même de comprendre le lien. J'aimerais…
M. Laviolette (Marc) : Vous en parlerez à mes collègues
du Parti québécois. Je pense qu'il n'y a personne au
PQ qui nous dit quoi penser et quoi dire. Ils savent tous qu'on est assez
grands pour faire ça. Ça fait que…
M.
Tanguay : Puis, au
sein des instances du Parti québécois, ces idées, avez-vous eu l'occasion de les
défendre?
M. Laviolette (Marc) : Tout à
fait. Il y a eu une motion d'appui
unanime au dernier conseil national. Donc, on n'était pas tout seuls
dans notre gang à appuyer cette démarche-là que le ministre Drainville fait
avec son projet de loi n° 60. Je pense que c'est tout à fait correct, là. On est bien contents. Il a eu une «standing
ovation». Le monde l'apprécie beaucoup, notre ministre. Il fait bien ça.
M. Tanguay :
Avez-vous d'autres commentaires élogieux au ministre?
M. Laviolette (Marc) : J'en ai des moins élogieux envers le Parti libéral au cas par cas. Ça, c'est compliqué en mautadit, par exemple.
M. Tanguay :
Ça, je pense qu'on vient de l'établir, M. Laviolette.
M. Laviolette
(Marc) : Oui. O.K. Parfait.
M. Tanguay : Vous dites à la page 2, et je vous
cite : «C'est ce que l'on a appelé la formation [de] l'interculturalisme, véritable cheval de Troie
pour une offensive antilaïque.» En quoi l'interculturalisme est une offensive
antilaïque?
Mme Mailloux (Louise) : Parce que
l'interculturalisme, c'est du multiculturalisme déguisé. Parce que,
si vous lisez bien et si vous écoutez
bien ce que dit, par exemple, M. Gérard Bouchard sur cette question-là,
il dit bien qu'il faut revenir aux chartes, les chartes qui défendent
des valeurs fondamentales, et il ne faut surtout pas laisser la parole aux diktats de la majorité. Bon. Alors, les
chartes, qu'on soit en Ontario ou
qu'on soit au Québec… La charte canadienne, qui est constitutionnelle, qui est au-dessus d'une charte québécoise que
nous pouvons, ici, amender au Québec, mais la charte canadienne, elle est constitutionnelle. Elle vaut autant pour le
Québec que pour la Colombie-Britannique ou l'Ontario. Alors, de ce point de vue là, l'interculturalisme,
ça veut dire quoi si, de toute façon, on se base sur la charte canadienne,
ici comme en Ontario, pour gérer les
demandes d'accommodement au cas par cas? Alors, de ce point de vue là, c'est un
véritable cheval de Troie parce que,
finalement, on se sert, ici, du multiculturalisme pour introduire le religieux
dans nos institutions publiques.
M.
Tanguay : Et là vous me perdez, Mme Mailloux. Très clairement,
l'interculturalisme au Québec, même au sein du Parti québécois, c'est un élément qui fait un très, très large
consensus. Et c'est la première fois, honnêtement, là, la première fois
où je le vois lié au multiculturalisme.
Et
je vais vous citer, à un colloque sur l'avenir de Montréal, l'actuel député de
Bourget, ministre du Tourisme, 27 novembre 2010, qui disait
ceci : «Nous avons donc d'importants chantiers devant nous pour réussir
l'intégration harmonieuse des immigrants au
Québec : la prédominance du français, l'adhésion aux valeurs communes et
la mise en place d'une politique de citoyenneté fondée sur
l'interculturalisme.» Fin de la citation.
Et
même Mme Marois, dans un communiqué de mai 2008, et ça n'a jamais été
démenti, faisait la promotion du concept d'interculturalisme. Elle
disait, je la cite, le 23 mai, dans un communiqué, 2008 : «Pour nous,
il s'agit d'une approche d'intégration à laquelle nous adhérons depuis
longtemps.»
Honnêtement,
Mme Mailloux, ce matin, là, vous m'avez complètement perdu en disant,
contrairement à l'extrême consensus que… Vous dites ce matin que
l'interculturalisme, c'est du multiculturalisme déguisé.
Mme Mailloux
(Louise) : Eh bien, je suis bien contente que…
Le
Président (M. Ferland) : Juste avant de répondre, je veux juste
corriger un… Parce que le député de Bourget n'est pas ministre du Tourisme. Il faut faire attention. Vous avez
mentionné qu'il était le ministre du Tourisme.
M. Tanguay :
…merci, M. le Président. Ministre de la Culture.
Le
Président (M. Ferland) : Et voilà. Alors, on revient à la
culture du projet de loi n° 60. Alors, Mme Mailloux… Oui, M.
Laviolette.
• (11 h 10) •
M. Laviolette (Marc) : Oui. Je suis bien content d'entendre le député
soulever ça, parce qu'il vient de comprendre lui-même que le SPQ libre,
ce n'est pas le Parti québécois. Voilà.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci pour les clarifications. Mme Mailloux.
M. Tanguay :
Mme Mailloux, sur le fond.
Mme Mailloux (Louise) : Sur la question de l'interculturalisme au Québec, c'est quelque chose
qu'on a adopté comme position… Parce
qu'il faut se rappeler qu'aucun gouvernement du Québec n'a signé, n'a entériné
la charte canadienne et la politique
du multiculturalisme. Alors, c'est comme une façon de nous dire que nous, ici,
au Québec, on est différents. Mais,
quand on regarde… Alors, on peut donner les différentes définitions de ça. Le
Conseil du statut de la femme n'a évidemment pas la même définition de
l'interculturalisme que M. Bouchard. Mais, quand on regarde fondamentalement au niveau de l'usage qu'on en
fait, c'est du multiculturalisme déguisé. Alors, s'il y a des élus qui pensent
encore que l'interculturalisme est fort différent, il serait peut-être le temps
de regarder ça d'un peu plus près.
M.
Tanguay : J'aimerais maintenant m'adresser à M. Dubuc, M.
Pierre Dubuc. Vous êtes directeur de L'Aut' Journal. L'Aut'
Journal, journal pour lequel vous êtes le directeur, a publié, le
31 décembre dernier, une lettre de Pierre Godin, qui est l'auteur et biographe, là, de René Lévesque, sous
le titre L'Islamisation d'une société commence toujours au
sommet, chez les élites . Et je vais citer un extrait de sa lettre, et je
le cite : «Chez nous, la liste des "nein" politiciens à la charte des valeurs est
impressionnante : Philippe Couillard, Justin Trudeau, Thomas Mulcair,
Denis Coderre, Stephen Harper, [et] il y a encore, mais là on reste
pantois, nos quatre imams de la souveraineté : Jacques Parizeau, Lucien
Bouchard, Bernard Landry et Gilles Duceppe.» Fin de la citation.
Comment recevez-vous
cette déclaration de M. Godin, publiée dans votre journal?
Le Président (M.
Ferland) : ...à vous la parole.
M.
Dubuc (Pierre) : Premièrement, c'est M. Godin qui a signé l'article, ce
n'est pas moi. Et, deuxièmement, bien, je
pense que les positions de ce qu'il appelle les imams de la souveraineté, c'est
des positions qu'on critique aussi; on est souvent en désaccord avec M.
Parizeau. Mais, sur cette question-là, on partage l'avis de M. Godin.
M. Tanguay :
Vous partagez l'avis de M. Godin?
M. Dubuc (Pierre)
: Bien oui, on est critiques face aux positions qui ont été émises. On
défend le projet de loi n° 60, c'est la charte.
M. Tanguay :
Et, si vous partagez sa position, pouvez-vous étayer… en quoi les Parizeau,
Bouchard, Landry font-ils fausse route dans leur compréhension, lorsqu'ils
disent que ça s'est toujours fait, cette approche, de façon graduelle et consensuelle et que, là, on divise la
population comme jamais? En quoi vous n'êtes pas d'accord avec ça?
M. Dubuc (Pierre)
: Bien, on divise la position... la population, si je regarde les derniers
sondages, il semble qu'il y a une très forte
majorité. Donc, il y a toujours des divisions, sur n'importe quel enjeu. Et je
pense qu'on est dans un processus de compléter la réforme qui avait été
entreprise sur la laïcité.
Et
je pense que M. Guy Rocher… je l'écoutais, l'autre jour à la télé, et puis il
rappelait qu'on a pris des mesures qui étaient quand même coercitives
sur la question de la laïcité, par le fait même, avec la création des cégeps,
avec la création des écoles polyvalentes,
qui, finalement, étaient des institutions laïques, contrairement aux écoles
privées, aux collèges privés qui
précédaient. Et donc, par le fait même, on imposait une laïcité. On l'a fait à
différents niveaux, et puis là on est à une autre étape. Écoutez, on
peut avoir des désaccords avec M. Bouchard, Parizeau sur ces questions-là.
M.
Tanguay : Sur une proposition que vous faites, vous voulez
interdire le hidjab, qui est, évidemment, pour les gens à la maison, visage découvert, mais qui est le
foulard sur les cheveux. Vous voulez l'interdire sur tout le territoire
du Québec. Comment vous mettriez ça en application? Vous voulez l'interdire où?
Mme Mailloux (Louise) : M. Tanguay, vous vous mélangez encore, là. Attention, là. Le hidjab,
c'est le simple voile, d'accord? Et
la position que l'on défend, c'est la même que celle du projet de loi
n° 60, c'est-à-dire que ce voile-là, il doit être interdit pour
tous les employés de la fonction publique. D'accord?
Maintenant,
nous, on va plus loin. On dit : Il devrait aussi, le voile, être interdit
pour les élèves — les
élèves, c'est les fillettes et les
jeunes filles — des
écoles primaires et secondaires, des écoles publiques. Ça, c'est une chose.
Mais, pour ce qui est de l'espace
public, les centres commerciaux, les restaurants, le métro, les choses comme
ça, bien, évidemment que c'est permis. Là, il faut bien distinguer
l'espace civique citoyen de l'espace public.
M.
Tanguay : Parfait. Je vous remercie pour la précision, c'est
important, effectivement. Vous dites également… et vous avez mentionné,
Mme Mailloux, un peu plus tôt : Le flux migratoire nous ramène l'islam.
Vous savez que le Québec, mis à part les ententes internationales et les
regroupements familiaux, le Québec est totalement maître de son immigration.
Donc, là-dessus, vous dites : Le flux migratoire nous ramène l'islam. Que
proposez-vous sous cet aspect-là? Je veux juste comprendre votre pensée.
Mme Mailloux
(Louise) : Ce que nous proposons, et ça va dans le sens du projet de loi
n° 60, c'est-à-dire une laïcité ferme
et authentique, et que les gens qui souhaitent venir vivre au Québec savent
qu'ils vont se retrouver dans un pays, entre guillemets... ou, à tout le
moins, dans une province qui est laïque, et que, les citoyens du Québec, c'est conforme à leurs souhaits, c'est-à-dire d'avoir
une laïcité partout dans les institutions publiques. Alors, il s'agit d'être
fermes et puis de dire clairement aux nouveaux
arrivants qu'ici, au Québec, c'est ce qu'on veut et c'est comme ça qu'on va
vivre.
M.
Tanguay : Et comment, à part modifier... Parce que vous savez
que, suite à la commission Bouchard-Taylor, le gouvernement précédent avait modifié le document qui est signé par
les nouveaux arrivants, à l'effet de dire : Bien, l'égalité hommes-femmes... voici les points
fondamentaux de la société québécoise, ce qu'est la société québécoise et
canadienne, et tout ça. Donc, à part
d'ajouter cet élément-là d'information, est-ce que vous imaginez d'autres
choses pour contrer cette action-là?
Mme Mailloux (Louise) : Non, il s'agit... Bien, je veux dire, si la loi est adoptée,
le projet de loi est adopté, ça va être...
Ce qu'on demande, là, ce n'est pas une signature pour les gens qui viennent
ici. Dans le projet de loi, par
exemple, sur l'interdiction du port de signes religieux
ostentatoires, alors, ça va être comme ça pour tous les employés de l'État. Alors,
on est bien... on est rendus bien au-delà d'une signature. Moi, c'est de ça
dont je vous parle.
M.
Tanguay : Et de quoi
parlez-vous, justement, à part de les informer, si d'aventure la loi
était adoptée, à part de les informer
sur cet interdit de port... Comment pensez-vous vous rassurer en disant : Bien,
le flux migratoire nous ramène l'islam… C'est votre affirmation. Comment
allez-vous vous en assurer, à part que de publiciser le fait, si la loi était
adoptée, qu'il y aurait un interdit, là? Comment pouvez-vous répondre à cette
menace-là dans l'immigration?
Le Président (M.
Ferland) : M. Laviolette.
M.
Laviolette (Marc) : C'est
que, dans les faits, je veux dire, la loi n° 60 va s'appliquer. Ça va
vouloir dire que le... L'islam peut
venir au Québec, sauf qu'ici, au Québec, l'État est séparé de la religion.
Donc, si tu veux travailler dans le
secteur public, tu ne pourras pas porter ton voile. Si tu viens au Québec,
selon notre position, puis ce n'est pas la position qu'il y a dans le mémoire, mais la burqa puis
les... ça ne sera pas permis. Donc, ce n'est pas juste une signature, c'est
que, dans les faits, si tu veux,
bien, c'est de même que ça va se passer. Donc, tu vas le savoir avant
d'arriver. C'est tout à fait correct.
M. Tanguay : O.K. Dernière
question avant de laisser la parole à mon collègue de Mégantic-Compton. Vous
parlez de préserver nos acquis sociaux, politiques, culturels et historiques.
Au Parti libéral du Québec, on veut que le crucifix
reste au salon bleu de l'Assemblée nationale. Vous ne considérez pas que ce
crucifix-là fait partie d'un aspect notamment patrimonial, culturel,
historique?
Le Président (M. Ferland) :
Allez-y, M. Laviolette. Oui.
M.
Laviolette (Marc) : Bien,
moi, je pense que le crucifix devrait sortir du salon bleu. Qu'on le garde au
parlement comme aspect patrimonial,
je n'ai aucun problème avec ça, mais, je veux dire, c'est assez... On
dit : On est un État laïque qui
sépare la religion de l'État, et, la salle dans laquelle les lois se votent, il
y a un signe religieux particulier, qui est celui de la religion
catholique. Je veux dire... Et d'ailleurs l'apparition historique du crucifix à
l'Assemblée nationale, c'est Duplessis qui a
mis ça là pour être bien sûr que ça soit bien clair que l'Église puis l'Union
nationale, ça marchait ensemble.
Ça fait que, donc, il faut que ça sorte, oui, de
l'Assemblée nationale. J'ai été surpris que le Parti libéral soit accroché
encore là-dedans, là. En tous les cas.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, maintenant, je reconnais le
député de Mégantic-Compton. Mais il reste environ une minute, M. le
Président.
M.
Bolduc
(Mégantic) :
Mégantic, M. le Président.
Le Président (M. Ferland) :
Ah! O.K.
M.
Bolduc
(Mégantic) : Au Québec, il y a... Bonjour. Au
Québec, il y a environ 138 écoles privées confessionnelles en 2012, 85 % catholiques. Dans ma région, il
y a beaucoup de ces écoles-là, dont, par exemple, le séminaire Salésien,
catholiques. Est-ce que vous suggérez que l'on coupe toutes ces subventions-là
puis qu'on ferme ces écoles-là?
Le Président (M. Ferland) :
M. Dubuc.
• (11 h 20) •
M. Dubuc
(Pierre) : Bien, on ne ferme pas les écoles. Si les écoles...
si les gens veulent des écoles privées, qu'ils paient pour les écoles privées, comme ça se fait en Ontario, comme ça se
fait dans le reste du Canada, comme
ça se fait aux États-Unis, mais qu'il n'y ait pas de subvention publique aux écoles privées
religieuses, et même, moi, je dirais, aux écoles privées en général, mais, disons, on parle des questions
religieuses. Et je pense que, sur les questions des écoles religieuses,
c'est même dans le programme du parti, en plateforme électorale du Parti
québécois. Alors, je pense que ça devrait être fait. Et, si les gens… bon, ils
iront à l'école publique.
M.
Bolduc
(Mégantic) :
Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, sur ce, il ne reste plus de temps. Alors, je reconnais la
députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Mailloux, M. Dubuc, M. Laviolette. Je vais en profiter, du fait que vous êtes un
mouvement syndicaliste, pour vous poser une question sur l'application — et
vous me voyez venir, là, avec mes gros
sabots — l'article 10, l'application de cette charte-là. Il y a
une sanction, alors une employée
qui est congédiée parce qu'elle refuse d'enlever son voile, pour les besoins de
la cause, là. Son syndicat va la
défendre. Comment est-ce que vous vivez avec la contradiction entre le fait
d'appuyer à 100 % le projet de
loi en tant que syndicaliste mais, d'un autre côté, avoir les
obligations d'un syndicat, qu'il défende ses employés?
Le Président (M. Ferland) :
M. Laviolette.
M.
Laviolette (Marc) : Bien,
écoutez, moi, je n'ai pas de problème avec ça. Ça fait 40 ans que je suis
syndicaliste. Et tous les
syndicalistes savent que les lois sont d'ordre public. Et puis, je veux dire,
il faut que tu respectes les lois, là. Et,
s'il y a dans des conventions… Une convention collective peut prévoir des droits
supérieurs à la loi, mais elle ne peut pas prévoir des droits
inférieurs.
On a une
obligation de représentation en vertu du Code du travail, mais ce n'est pas sur
le fond. C'est-à-dire, il ne faut pas
être négligent, il faut faire une enquête sérieuse. Et puis le grief appartient
toujours au syndicat, hein, dans notre régime
de droit du travail. Donc, s'il y a quelqu'un qui est congédié parce qu'elle a
refusé de porter le voile… D'abord, il y a une progression en termes de
mesures disciplinaires. Là, on ne se réveillera pas le lendemain matin avec un congédiement, on va pouvoir monter ça. Et il faut
s'assurer, dans notre enquête, que c'est bien pour ça et que ce n'est pas
un prétexte, tu sais,
que c'est bien parce qu'elle ne respecte pas la loi n° 90. Dans les
discussions qu'on va avoir… Le projet
de loi n° 60, pardon. Dans les discussions qu'on va avoir là… C'est comme
je disais tantôt, quelqu'un qui refuse d'enlever
son voile, qui est prêt à perdre son travail pour son voile, pour sa religion,
c'est deux choses. Puis, dans nos enquêtes,
dans les discussions préalables, on va le voir : soit qu'elle subit des
pressions indues dans sa famille, ce qui se peut très bien, ou c'est de
l'intégrisme.
Mme Roy
(Montarville) :
Et, pour vous, c'est impossible qu'elle le porte pour des questions
identitaires?
M.
Laviolette (Marc) :
Regardez, si… Non, elle peut le porter, mais, quand tu es rendue à être prête à
perdre ton indépendance économique pour un signe religieux, bien, c'est
de l'intégrisme, ça, madame. Et on combat ça.
Mme Roy
(Montarville) :
Dans l'application de la loi, ce sera effectivement, sur le terrain, les représentants
syndicaux qui devront justement s'occuper des griefs. Qu'est-ce que vous
anticipez? Comment voyez-vous ça dans l'application?
M.
Laviolette (Marc) : Ça va
être probablement comme toutes les autres affaires, il va y avoir
une cause type, là. Puis, d'où elle
va venir, je ne sais pas. Elle peut venir des syndicats, mais il y a
assez de monde qui ont annoncé qu'ils… Tu
sais, quand on a eu le débat sur la charte au Canada, là, avec le
rapatriement de la Constitution, il y
avait un gros débat, ils disaient : On va avoir un gouvernement des juges, tu sais? Il y a beaucoup de monde dans la société, surtout certaines
élites, qui vivent dans la crainte non pas
de Dieu mais des juges de la Cour
suprême. Il va y avoir une cause
type, là, puis on va suivre ça.
Moi, écoute,
je ne peux pas parler pour l'ensemble du mouvement syndical, je parle comme
syndicaliste. Moi, c'est… Si c'est
vraiment pour non-respect de la loi, là, je veux dire, il n'y a
même pas… c'est un grief non fondé, point à la ligne.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, merci, Mme la députée. Maintenant, je reconnais le député de Blainville.
M. Ratthé : Merci, M. le Président. Mme Mailloux, M. Laviolette, M. Dubuc, je pense
que vous avez bien campé au départ,
là, qui vous êtes : vous êtes un club politique qui regroupe des gens
convaincus, politiquement parlant, militants évidemment, hein? Et vous
avez bien… notre collègue libéral a…
Une voix : Bien enquêté ça.
M. Ratthé : …bien enquêté ça, c'est ce qu'on a pu voir. Mais,
à mon avis, il y a sûrement des gens qui vont venir ici, qui sont aussi militants libéraux ou
militants de n'importe quel autre parti politique. Mais moi, je vais profiter de votre présence,
parce que, je trouve curieux, ce matin, on ne vous a pas posé la question…
Souvent, mes collègues libéraux posent
la question suivante. Et je trouve qu'ils ont manqué une belle opportunité ce
matin, parce que vous êtes des gens qui
font du militantisme, vous êtes convaincus, vous êtes impliqués en politique.
Et j'entends souvent… On dit souvent aux
gens qui sont un peu défavorables ou qui ont une position défavorable, que je
ne juge pas, face au projet de loi, surtout au fait d'enlever un signe
religieux, on compare ça à la neutralité politique, à l'affichage, par exemple,
de signes politiques. Le député de
LaFontaine dit souvent : Est-ce que vous pensez vraiment là que c'est la
même chose de ne pas porter un
écusson du PQ versus de demander à quelqu'un de ne pas porter un signe
ostentatoire? Moi, je voudrais vous entendre
là-dessus. Parce qu'il y a des gens, évidemment, qui disent : Non, non, ce
n'est pas du tout pareil, les convictions
religieuses, convictions politiques. Votre point de vue là-dessus, sur la
neutralité politique versus la neutralité religieuse.
Mme
Mailloux (Louise) : Moi, je
pense qu'il faut aborder la chose du point de vue de l'usager, c'est-à-dire que
l'État s'adresse à des citoyens, d'accord? Et donc, autrement dit, il ne
s'adresse pas à des péquistes, à des libéraux, à des catholiques, ou à des musulmans, on est au-delà. Le service de
l'État, c'est : on est au-delà des particularismes et religieux et politiques, ce qui n'empêche pas
les employés d'avoir des affinités pour tel parti politique, de militer dans un parti politique, ou de se rattacher à telle
Église, ou etc., d'avoir telle croyance. Mais, du point de vue de l'usager, on
doit être impeccable, c'est-à-dire offrir
une apparence de neutralité quand on est un employé de l'État. Alors, de ce point
de vue là, qu'on soit sur le terrain politique ou sur le terrain religieux, du
point de vue de l'usager, c'est du pareil au même,
et c'est ça, ici, qui doit importer. Quand un gouvernement légifère sur la
laïcité de l'État, il n'est pas en train…
il est en train, autrement dit, de se poser la question : Est-ce qu'on
veut, oui ou non, donner un service laïque à nos citoyens?
M. Ratthé :
Je vous pose la même question que j'ai posée au groupe auparavant. Je ne crois
pas que le projet de loi — et plusieurs personnes l'ont mentionné — là, vienne brimer la pratique religieuse ou,
du moins, le droit à la liberté à la
religion quand on demande à quelqu'un qu'entre 9 heures et 5 heures
il ne porte pas de signe religieux. Par contre, vous comme d'autres groupes nous disent : On
devrait aller beaucoup plus loin, on devrait dire aux élèves de ne pas porter
de signe religieux. Et là je pense
que pourraient s'élever des drapeaux, dire : Écoutez, là, on est vraiment
dans la liberté de religion, on n'est plus dans le
service à la clientèle, justement. Est-ce que ce n'est pas s'exposer à des
critiques qui vont dire que,
justement, on va trop loin, qu'on brime la liberté religieuse, la liberté
d'expression? Parce que, là, on est vraiment à l'élève, l'étudiant,
l'universitaire, entre autres, qui fait un choix, hein, c'est un adulte.
Mme Mailloux (Louise) : Et vous avez
dû remarquer qu'on a dit : Interdiction du port de signes religieux
ostentatoires pour les élèves des écoles primaires et secondaires, ce qui
exclut évidemment tous les autres...
M. Ratthé : Collégial et
universitaire.
Mme
Mailloux (Louise) :
Collégial et universitaire. Pourquoi pour les élèves? Parce qu'une école
laïque, ce n'est pas n'importe quoi.
Autrement dit, un État laïque met en place des écoles laïques. Ça veut dire
quoi? Ça veut dire… je parlais de
citoyenneté tout à l'heure, ça veut dire une école où les élèves se retrouvent,
justement, et on les socialise pour devenir
des citoyens du Québec. On leur donne des valeurs communes. Alors, autrement
dit, c'est une éducation. Une éducation
laïque, c'est une éducation qui doit aller au-delà, encore une fois, des
particularismes religieux. Maintenant, il faut voir aussi l'école laïque
comme étant une protection pour ces mineurs-là…
Le Président (M. Ferland) :
Mme Mailloux, malheureusement…
Mme Mailloux (Louise) : …ces
enfants-là. Merci beaucoup.
Le Président (M. Ferland) :
…malheureusement, je dois vous arrêter — j'ai un travail ingrat.
Alors, merci, M. le député. Alors, je vous remercie, Mme Mailloux, M.
Laviolette, M. Dubuc.
Et j'informe
les membres de la commission que vous pouvez laisser vos documents ici, la
salle sera sécurisée.
Et, sur ce,
je suspends la commission. La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 29)
(Reprise à 15 h 1)
Le Président (M. Ferland) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses travaux. Cet après-midi,
nous entendrons l'Association humaniste du Québec, Mme Jocelyne Robert et
M. Ghyslain Parent. J'invite donc les
représentants de l'Association humaniste du Québec à
nous présenter leur mémoire, en vous mentionnant que vous disposez d'un
délai de 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, et suivra, après
ça, l'échange avec les parlementaires. Alors, à vous la parole, en présentant
la personne qui vous accompagne.
Association humaniste
du Québec (AHQ)
M. Virard (Michel) : Le micro fonctionne?
Le micro fonctionne?
Le Président (M. Ferland) :
Oui. Oui, oui.
M. Virard (Michel) : Merci. M. le
Président, Mmes, MM. les députés, merci de nous avoir invités. Je suis Michel Virard, président de l'Association
humaniste du Québec, un organisme de bienfaisance reconnu dont la
mission est le développement de la pensée critique au sein de la population
du Québec. Notre association veille également à défendre les droits des libres
penseurs athées et agnostiques, des personnes sans affiliation religieuse
déclarée, et qui représentent le second
groupe de conviction religieuse en importance au Québec avec, au dernier
recensement, plus de 400 000 personnes. L'AHQ a été fondée en
2005 par Bernard Cloutier, ingénieur, Normand Baillargeon, professeur, et
moi-même.
En dépit de
la Révolution tranquille et de la déconfessionnalisation du réseau scolaire,
les athées et agnostiques du Québec
sont toujours considérés, par tous les paliers de gouvernement, comme des
citoyens de seconde catégorie, la préséance étant toujours donnée
implicitement aux citoyens ayant ou prétendant avoir une foi dans une divinité.
Par exemple, plusieurs conseils municipaux
forcent les athées à révéler leurs convictions intimes en public, ce qui, sous
d'autres cieux, serait considéré
comme une faute très grave mais continue d'être considéré, ici, comme allant de
soi. Autre exemple, les
assermentations où les greffiers continuent de proposer un livre sacré en dépit
de la loi et forcent donc la personne assermentée
à révéler, là encore, sa conviction intime en public. Autre exemple, les propos
publics d'un fonctionnaire au
ministère de l'Éducation déclarant que, si le cours éthique et culture
religieuse ne mentionne pas les athées, c'est parce que le terme est trop négatif. Plus récemment, la
décision du Directeur de l'état civil de ne pas nous permettre de célébrer
des mariages humanistes reconnus par l'état
civil, tels que ceux pratiqués par d'autres organisations à caractère
religieux, est, là encore, la manifestation d'une discrimination
discrète mais efficace.
Nous avons donc décidé de joindre nos forces
avec d'autres mouvements et nous avons ainsi cofondé le Rassemblement pour la laïcité, désormais célèbre avec plus de
61 610 signatures en faveur de la charte de la laïcité à
12 h 20 aujourd'hui. Depuis
2010, nous avons produit plusieurs documents de travail sur la laïcité. La
dernière mouture a été réalisée par Lyne Jubinville, ici présente.
Mme
Jubinville est informaticienne et secrétaire de l'Association humaniste. Le
mémoire dont vous avez pris connaissance, Pour
un État véritablement laïque, est en très grande partie l'oeuvre de Daniel
Baril, porte-parole de l'AHQ, anthropologue,
auteur et codirecteur, avec Daniel Turp, de l'ouvrage collectif Pour une
reconnaissance de la laïcité au Québec. Je lui laisse la
parole. Daniel.
M. Baril (Daniel) : Merci. Vous notez, M. le Président, qu'il y a eu erreur dans la
présentation des personnes à l'ouverture de la commission.
Le Président (M.
Ferland) : C'est quoi, l'erreur?
M. Baril
(Daniel) : Les noms que vous avez mentionnés ne sont pas nous.
Le
Président (M. Ferland) : Ah! je n'ai pas mentionné de nom, j'ai
demandé de vous présenter et les personnes qui accompagnent. Je n'ai
mentionné aucun nom.
M. Baril
(Daniel) : D'accord.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, il n'a pas pu y avoir d'erreur. Allez-y,
monsieur.
M. Baril (Daniel) : L'Association humaniste du Québec appuie globalement les objectifs du
projet de loi n° 60 et ses
principales dispositions, notamment l'interdiction des signes religieux
ostensibles de la part de tous les employés de tous les organismes
publics.
On
note que le projet de loi parle de restreindre les signes religieux à
caractère démonstratif. Or, on aurait préféré peut-être qu'ils interdisent
tous les signes religieux visibles, comme c'est le cas, par exemple, en France. Ça nous a apparu plus
conforme à la laïcité, peut-être plus simple d'application. Mais on
conçoit… on accepte qu'il s'agit, ici, d'un compromis acceptable de
n'interdire que les signes ostentatoires, donc les signes visibles peuvent être
autorisés par la loi.
À peu près
tout a été dit, là, jusqu'à maintenant, sur les différents arguments à l'appui de cette
interdiction. On voudrait quand même attirer l'attention sur certains
des arguments qui ont été insuffisamment défendus, à notre avis. Notamment, il
s'agit de défendre, de protéger la liberté de conscience de l'usager d'un
service public, dans le cas du service
public, dans le cas de la laïcité, qui a préséance sur la liberté d'expression
religieuse de l'employé. On a dit, on a entendu plusieurs fois que l'interdit des signes religieux
privilégie les religions discrètes ou les athées. On ne comprend pas d'où vient un tel argument, qu'on a même vu
dans le rapport Bouchard et que Le Jeune Barreau a défendu. En fait, il nous apparaît que c'est l'inverse. C'est la
permission d'afficher ostensiblement ses convictions religieuses qui privilégie
les croyants qui décident de s'afficher de
telle sorte. On crée une surenchère. Tout
le monde peut afficher ostensiblement
ses convictions, y compris les
croyants discrets, y compris les athées. Alors, on demande, nous, la même
petite gêne à tout le monde.
L'identité
profonde. Est-ce que l'identité profonde construite sur des référents
religieux est plus profonde, plus sincère,
plus authentique que l'identité construite sans référence religieuse? Alors, on
ne voit pas pourquoi la première serait plus fondamentale en droit que
la seconde. C'est indéfendable philosophiquement et psychologiquement.
En droit international.
On a dit que la charte proposée risque de se heurter au droit international,
même le Barreau a ça dans son mémoire, en
disant que la démonstration n'a pas été faite. Il y a de la jurisprudence internationale
sur le sujet, de la Cour européenne des
droits de l'homme, qui autorise l'interdit de signes religieux au nom de la
laïcité. On a des exemples, on a une annexe à notre mémoire à ce sujet.
On a par contre
plusieurs correctifs à proposer, notamment sur la définition de la laïcité. On
trouve que le caractère n'est pas
suffisamment affirmé dans le projet de loi. Il est mentionné dans le préambule,
on y fait allusion dans l'article 1,
mais on a l'impression que la laïcité est conçue comme un élément intrinsèque
de l'État. Alors, ce n'est pas le cas.
On propose un amendement, une reformulation du préambule et un nouvel
article 1 qui dirait que l'État est laïque, il faut l'affirmer clairement dans un article de la
loi, et, en vertu de ce caractère, légifère indépendamment des religions et des croyances religieuses. Nul ne
peut porter atteinte à cette laïcité, qui s'étend également aux institutions
publiques et services publics.
Là-dessus,
l'article 1 nous pose problème. On ne voit pas pourquoi on mentionne, là,
dans l'affirmation de la laïcité, là… on
ajoute les éléments emblématiques du patrimoine culturel et du parcours
historique du Québec. On craint que
ça puisse servir à maintenir des pratiques contraires à la liberté de
conscience, comme les prières dans les assemblées municipales.
On pense que
l'interdit des signes religieux dans les milieux scolaires devrait également
s'étendre aux élèves. Vous avez entendu ce
matin, là, des cas où on fait jurer à des jeunes filles de huit ans qu'elles
vont porter le voile à la vie. On a
d'autres exemples de ce type-là. En fait, il y a même de l'intimidation entre
élèves qui portent ou qui ne portent pas le voile dans les écoles.
Alors, on voudrait donner un environnement éducatif, à ces élèves, exempt de
toute pression de convictions religieuses, parce que les religions, en fait,
enseignent des choses qui sont contraires aux valeurs qu'on retrouve dans nos
chartes des droits et libertés.
On pense
également que la loi devrait recourir à la clause dérogatoire, ça a été
mentionné, on le répète, parce que, d'une
part, la Constitution canadienne n'a pas le principe de la laïcité dans ses
articles. Non seulement elle ne l'a pas, mais elle est fondée, dans le préambule, sur la reconnaissance de la
suprématie de Dieu et, en fait, elle est interprétée en fonction du multiculturalisme
canadien, et toute la jurisprudence va dans ce sens. Alors, on craindrait, là,
de perdre un cinq ans ici si la clause n'était pas incluse dans le
projet.
• (15 h 10) •
Il
y a plusieurs omissions également, et on propose que se crée un comité de
travail, une table quelconque qui aurait
pour fonction de ramasser tout ce qui a été laissé en plan. Parce que la
laïcité, ça ne se limite pas au seul interdit des signes religieux de la
part des fonctionnaires, il y a mille et une autres choses. On comprend que
l'ensemble de la question ne pouvait pas être réglée dans une seule et même
intervention. C'est un long processus, c'est une question complexe et qui est
toujours à remettre au goût du jour. On le voit en France, le débat se
poursuit. Donc, un comité qui verrait à faire
le tour de la question, ça pourrait... Ce qu'on énumère ici, dans notre
mémoire, rejoint un peu ce que Guy Rocher proposait hier, c'est-à-dire
un conseil de la laïcité qui pourrait avoir pour mandat d'examiner tout ce qui
reste.
Et une des
principales omissions dans le projet, c'est qu'on ne règle pas la question des
prières municipales. Même si la cause est
portée devant la Cour suprême, rien n'empêche le gouvernement de légiférer et
de mettre clairement, dans le projet
de loi, un article, qu'on propose ici : «Les organismes publics ainsi que
l'Assemblée nationale ne peuvent tenir
d'activités à caractère religieux et sont exempts de symboles religieux autres
que ceux faisant partie de l'architecture des édifices construits avant l'adoption de cette loi.» Ça dispose en
même temps de la question du crucifix de l'Assemblée nationale, qui est un symbole de non-laïcité de
l'État. On a voulu, par l'installation de ce crucifix, 1936, marquer l'alliance
entre l'Église et l'État. Alors, il y
a une distinction peut-être à faire entre ce crucifix et la mention au salon
rouge, là, de Dieu et mon Droit, qui fait partie de l'architecture, qui est une
gravure, on pense qu'il y a une certaine distinction à faire entre les
deux.
Un autre cas, M.
Virard en a fait allusion, une omission importante : le Code civil permet
aux représentants d'association religieuse
de remplir le rôle de fonctionnaire de l'État pour remplir des registres civils
de mariage. Cette demande est refusée
à des associations comme la nôtre. Alors, il y a une discrimination sur la base
de la conviction en matière de religion.
On a une plainte devant la Commission des droits de la personne sur cette
question, qui est maintenant à
l'étape d'enquête. Ça aurait pu aussi faire l'objet d'une inclusion dans le
projet de loi. On pourrait le régler par règlement facilement...
Le Président (M.
Ferland) : Le 10 minutes est écoulé.
M. Baril
(Daniel) : D'accord. Merci. Et tous les autres éléments...
Le Président (M.
Ferland) : Alors, sûrement que...
M. Baril
(Daniel) : ...au comité d'étude sur... au conseil de la laïcité. Merci
beaucoup, M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) : …avec les échanges. Juste vous
mentionner, pour la question que vous avez soulevée au début,
c'est : les noms que j'ai mentionnés au début, ce sont les personnes qui
vont vous suivre, et non ceux qui...
M. Baril
(Daniel) : Oui, c'est ça.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, voilà. C'est ça. Alors, M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Drainville :
Oui. Très bien. Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup d'être là tous
les trois. À la page 3 de votre
mémoire, vous soulignez que l'Association du Jeune Barreau de Montréal a laissé
entendre — et je
cite — que
«l'interdit des signes religieux créerait un
déséquilibre au profit de l'athéisme», et vous rejetez donc cette prétention.
Vous dites que — je cite — «l'acceptation de l'affichage religieux
ostentatoire [...] privilégie certaines religions au détriment d'autres religions et d'autres convictions», dont
l'athéisme, si je comprends bien. Est-ce que vous pourriez élaborer un
peu là-dessus, développer un peu cette idée?
M. Baril
(Daniel) : Bien, c'est qu'ici on fait... le Jeune Barreau semble... et
c'est un argument qu'on entend fréquemment,
on semble faire une association entre laïcité et athéisme. Moi, je vous
regarde, là, tout le tour de la table, personne
n'a de signe religieux ostentatoire. Ça ne crée pas une ambiance d'athéisme,
là. Je ne peux pas voir, moi, qui est
croyant, qui est athée, qui est chrétien, musulman, Juif ou agnostique. Donc,
on ne privilégie pas l'athéisme en demandant de ne pas afficher ses
convictions.
Si
on veut afficher ses... Si on veut privilégier l'athéisme — là, nos amis du SPQ libre, ce matin, nous
ont volé le...
M. Drainville :
Le scoop.
M. Baril
(Daniel) : ...le scoop du tee-shirt, c'est la journée des
tee-shirts — si
on veut privilégier l'athéisme, on va
accepter que des fonctionnaires, des médecins, des enseignants portent des
tee-shirts. C'est celui de l'Association humaniste, Dieu n'existe probablement pas, profitez
de la vie. Il y en a des plus expressifs que ça : Je suis athée;
libérez-vous de la religion. Voilà qui est... Si on acceptait les signes
religieux, il faut aussi accepter ça.
Ce n'est pas
ce qu'on demande. Moi, j'ai un signe ostensible, non pas ostentatoire, de
l'humanisme. Je travaillais dans un
milieu aussi libéral qu'une université, comme journaliste, et je ne le portais
pas, bien, même si mes convictions étaient de notoriété publique, parce
que ce n'est pas la place pour le faire. Alors, on demande la même petite gêne.
On
ne privilégie pas les croyants discrets. Les chrétiens pourraient facilement se
mettre à afficher ostensiblement leurs
convictions, c'est très facile, porter des croix surdimensionnées ou d'afficher
Je suis chrétien, Je suis catholique ou porter un béret blanc.
M.
Drainville : Comment
vous réagissez lorsque vous entendez des propositions qui sont à l'effet que la
neutralité religieuse n'interdise le
port de signes religieux que pour certaines fonctions, et non pas pour
l'ensemble des agents de l'État, tel que nous le définissons dans le
projet de loi?
M. Baril (Daniel) : Dans le projet
de loi, vous...
M.
Drainville : Parce
que, bon, vous savez, autour de la table, on est plusieurs formations
politiques. Il y en a qui disent : Bon, bien, ça devrait être
seulement les agents coercitifs. D'autres disent : C'est les agents
coercitifs plus les enseignants. D'autres
disent : Bien, écoutez, on devrait interdire le niqab, la burqa, le
tchador sans voter de loi pour autant, mais
on ne devrait pas les permettre. En fait, c'est ça, ils ne disent pas : On
devrait les interdire, mais : On ne devrait pas les permettre puisqu'il
n'y a pas de loi qui accompagne cette restriction. Et puis, par ailleurs, ils
disent : Dans le cas des policiers
et des agents de détention, ça devrait être au cas par cas, et, pour tous les
autres, ça devrait être permis, y compris les juges. Alors, vous voyez, ça, c'est une autre proposition. Nous, la
position est claire. On dit : Si tu travailles pour l'État, tu ne
devrais pas pouvoir afficher tes convictions religieuses.
Alors,
comment vous réagissez quand vous entendez des propositions comme ça, qui
segmentent, dans le fond, la
proposition de neutralité religieuse, y compris en matière d'apparence, en
matière de port de signes, selon les fonctions?
M. Baril
(Daniel) : On pense que ça
créerait plus de problèmes que ça n'en résoudrait. On créerait de l'inégalité
entre les employés de l'État. Il y a sûrement
des personnes aussi qui changent de fonction sans être… Dans des petites institutions, établissements, organismes publics,
il y a des gens qui remplissent différentes fonctions selon… par des remplaçants, par exemple. On créerait du droit
différent en fonction du poste qu'on occupe. Non, on pense que ce n'est
pas la bonne solution.
Et qui a un
poste en autorité, qui n'en a pas? On pense que tous les fonctionnaires
remplissent un poste d'autorité. Ils appliquent la loi. Si moi, je me
présente au bureau de l'assurance automobile, mon dossier est incomplet, bien,
le fonctionnaire, il est obligé de me refuser, là. Il applique la loi, il a une
autorité sur moi. Quelqu'un a mentionné cette semaine
les inspecteurs de l'impôt, par exemple, là. Bien, tout fonctionnaire a un rôle
d'autorité. Donc, la loi s'applique également
à tout le monde. On ne va pas grader la laïcité, même si l'effet n'est pas
nécessairement le même partout. Mais la laïcité s'applique à tout le
monde.
M.
Drainville : Par
ailleurs, vous avez fait référence, dans votre mémoire… ou, en tout cas,
certainement dans votre présentation,
vous avez parlé, et je cite là, de «l'intimidation dans les écoles». Vous avez
semblé faire référence à des cas spécifiques, des cas concrets, là.
M. Baril (Daniel) : Oui, on nous a
signalé de l'intimidation entre jeunes filles.
M. Drainville : Quand vous
dites «on nous a signalé», qui, ça?
M. Baril
(Daniel) : Des parents et
des enseignants. Ou, en fait, des jeunes filles voilées qui intimident des
jeunes filles non voilées en les traitant de salopes et de putains.
C'est les mots qui ont été cités par des enseignants. Et ces qualificatifs-là ne s'adressent pas seulement aux
jeunes musulmanes. Elles s'adressent à toutes les femmes non voilées.
M.
Drainville : …M.
Baril, vous pesez l'importance des mots, là. Pour que vous l'utilisiez comme
ça, dans une commission comme la
nôtre, j'espère que vous avez plusieurs cas, là, qui vous permettent d'affirmer
d'une façon aussi catégorique que ces mots-là sont utilisés, là.
M. Baril
(Daniel) : On a un
témoignage d'un enseignant témoin de ces échanges entre élèves et de parents
qui rapportent que leurs filles se
font harceler de cette façon. Mme Fourati vous a donné des exemples également,
hier ou avant-hier, du serment qu'on fait faire à des jeunes filles de
ne jamais enlever leurs voiles. Un autre enseignant m'a signalé le cas d'une jeune fille qui est arrivée dans sa classe, un beau
matin, voilée. Alors, il demande : Mais pourquoi tu caches tes
cheveux? Ils sont beaux, tes cheveux. C'est le jeune frère qui répond. Il
dit : Parce que, si elle l'enlève, elle
va être impure. On a eu des cas de tchador chez des élèves dans une école à
Laval il y a déjà une dizaine d'années, école publique.
M. Drainville : Des cas de
tchador?
M. Baril (Daniel) : Oui, chez des
jeunes adolescentes, bien, de 13, 14 ans.
M. Drainville : Ça, c'est des
parents, ou des enseignants, qui connaissent votre…
M. Baril (Daniel) : Des enseignants
et des parents.
M.
Drainville : …qui
connaissent l'existence de votre organisme et qui vous appellent ou qui vous
envoient des courriels, là? C'est bien documenté, là?
M. Baril (Daniel) : Qui sont membres
de groupes qu'on rencontre. On a des débats sur ces questions-là, à l'Association
humaniste, au Mouvement laïque, rassemblement… Il y a des parents, dans ces
groupes-là, qui nous rapportent ces témoignages-là. Moi, ce que je vous dis…
M. Drainville : Mais
qu'est-ce que vous leur dites? Oui, excusez-moi de vous interrompre.
M. Baril
(Daniel) : Bien, le cas de
l'enseignant et de la jeune fille dont la réponse est donnée par le jeune
frère — si
elle enlève son voile, elle va être impure — c'est dans un débat public,
là, qu'on m'a apporté ce…
M. Drainville : Et ça, c'est
une école primaire ou secondaire?
M. Baril (Daniel) : Primaire, à
Montréal.
M.
Drainville : Et alors
qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là? Quand on porte à votre attention des
cas comme ceux-là, qu'est-ce que vous répondez?
• (15 h 20) •
M. Baril
(Daniel) : Alors, ce sont
ces cas qui nous amènent à dire qu'il faut aussi inclure les élèves des écoles
primaires et secondaires dans l'interdit de
signes religieux ostensibles. Là, on parle de voile, là, mes exemples sont sur
le voile. Des jeunes garçons sikhs qui vont
finalement s'interdire eux-mêmes certains sports à l'école pour choisir le turban.
Alors, on les exclut de la natation ou au hockey s'il faut porter des casques.
Ces choses-là sont dans les écoles.
M. Drainville : Vous écrivez…
dans votre mémoire, à la page 4, vous mentionnez qu'à votre avis
restreindre l'interdit quant au port de
signes religieux à certaines fonctions bien précises «réduit — là, je vous cite, là — la laïcité à un principe d'autorité policière» et crée des inégalités de traitement.
Qu'est-ce que vous voulez dire par «inégalités de traitement»?
M. Baril (Daniel) : Bien, c'est ce
que je répondais tout à l'heure. Inégalités de traitement, certains pourraient
afficher leurs convictions religieuses, d'autres, pas. Donc, il y a une
inégalité de traitement.
M. Drainville : Vous voulez
dire : Entre certaines fonctions et d'autres, là.
M. Baril (Daniel) : Voilà. Voilà,
oui.
M. Drainville : Donc, il y
aurait des fonctions où on pourrait…
M. Baril (Daniel) : Bon. Mais on
pense que la laïcité, ce n'est pas une question de répression ou d'autorité policière. C'est un mode de gestion de l'État et
des religions. Donc, police ou pas… C'est que tout ceux qui…
M.
Drainville : …vous
parlez d'inégalités de traitement, c'est, à toutes fins pratiques, une
inégalité de droit, parce que ce
serait possible pour certains agents de l'État d'afficher leurs convictions
religieuses, et, pour d'autres, ce ne le serait pas. Hein, c'est un peu
la même…
M. Baril
(Daniel) : C'est le sens de
ce que veut dire notre phrase. Et ceux, en fait, qui en font une question
d'autorité coercitive, c'est qu'ils refusent le principe de la laïcité,
parce qu'ils ont besoin d'une autre raison que la laïcité pour accepter l'interdit du signe religieux. Soit que c'est la
police, soit une fonction enseignante, pédagogique, et, quand il n'y a pas ces fonctions-là, bien là, on
dit : Il n'y aura pas d'interdit. Donc, c'est qu'on refuse le principe de
la laïcité comme étant un élément légitime pour interdire les signes
religieux. Ces gens-là l'acceptent en principe mais refusent la pratique. C'est
une laïcité chimérique.
Et je répète aussi que l'exemple de la France
nous montre que, là bas, on interdit même les signes religieux visibles… Est-ce
que tu as des… Michel connaît plus sur les situations françaises.
M. Virard
(Michel) : Tous les signes
religieux, y compris ceux qui ne sont pas ostentatoires mais simplement
ostensibles, sont interdits aux fonctionnaires. Et ça, ça date depuis
longtemps, c'est 1905, en France. Oui.
La laïcité aussi, j'oublierais… il ne faut pas
oublier que ce n'est pas forcément contre les religions. Dans les procès qui ont eu lieu en France au sujet de la
laïcité de l'État, en particulier, il y a eu des procès assez célèbres au début
du XXe siècle où c'étaient des instituteurs qui étaient réprimandés, en
fait, pour avoir imposé des dictées athées et anticléricales
à leurs élèves. Vous voyez que ça se joue dans tous les sens. La laïcité, c'est
aussi la protection des gens qui ont une option religieuse et c'est
simplement le retrait du religieux de l'État.
M.
Drainville : Là, il
me reste seulement huit minutes, je veux parler un peu du droit
international, je veux parler également des universités et des cégeps,
je veux vous entendre là-dessus. Mais parlons un peu du droit international, parce que vous soulevez
cette question-là dans votre mémoire, et ce n'est pas un aspect qu'on a
beaucoup fouillé jusqu'à maintenant dans cette commission.
Dans
votre mémoire, donc, vous parlez de l'arrêt Dahlab contre la Suisse dans lequel
la Cour européenne des droits de
l'homme a validé une interdiction faite à une enseignante de porter le voile
dans le cadre de son enseignement à l'école primaire. Alors, dans cette décision, à la page 12, on dit… Alors,
je cite, là, c'est un extrait de cette décision, donc, de la Cour
européenne, là, Cour européenne des droits de l'homme, là. Alors, je cite donc
un extrait de la décision :
«Comment
dès lors pourrait-on dans ces circonstances dénier de prime à bord tout effet
prosélytique que peut avoir le port
du foulard dès lors qu'il semble être imposé aux femmes par une prescription
coranique qui, comme le constate le
Tribunal fédéral — je pense qu'on parle du Tribunal fédéral de
la Suisse — est difficilement
conciliable avec le principe d'égalité
des sexes. Aussi, semble-t-il difficile de concilier le port du foulard
islamique avec le message de tolérance, de respect d'autrui et surtout d'égalité et de non-discrimination que dans
une démocratie tout enseignant doit transmettre à ses élèves.
«Partant, en mettant
en balance le droit de l'instituteur de manifester sa religion et la protection
de l'élève à travers la sauvegarde de la paix religieuse, la cour estime
que dans les circonstances données et vu surtout le bas âge des enfants dont la requérante avait la charge en tant
que représentante de l'État, les autorités genevoises — donc
les autorités de Genève — n'ont
pas outrepassé leur marge d'appréciation et que donc la mesure qu'elles ont
prise n'était pas déraisonnable — cette
mesure étant, bien entendu, l'interdiction de porter le foulard islamique,
donc, dans la salle de classe.
«…la
cour est d'avis que la mesure litigieuse s'analyse en une mesure justifiée dans
son principe et proportionnée à l'objectif
visé de protection des droits et libertés d'autrui, de l'ordre et de
la sécurité publique. En conséquence,
la cour est d'avis que l'interdiction faite à la requérante de porter le
foulard dans le cadre de son activité d'enseignement constituait une
mesure — je
cite — nécessaire
dans une société démocratique.»
Ça,
je trouve ça intéressant, évidemment, parce que ça répond, je pense, à tout le
moins, à certaines critiques qui ont
pu être adressées envers le projet de loi n° 60 à l'effet que les tribunaux
allaient nécessairement le disqualifier. Je pense qu'il faut toujours
garder à l'esprit qu'il y a du droit international qui existe et qui justifie,
dans une société libre et démocratique, des restrictions en matière de port de
signes religieux.
Autre
extrait que je veux porter à votre attention, toujours, donc, cette décision,
là : «La cour relève, en l'espèce, que l'interdiction, signifiée à la requérante, de ne pas revêtir, dans
le seul cadre de son activité professionnelle, le foulard islamique — alors, j'insiste là-dessus, là, "dans
le seul cadre de son activité professionnelle", ce qui est prévu par le
projet de loi n° 60, soit le
port du foulard islamique — ne vise pas son appartenance au sexe féminin, mais poursuit le but
légitime du respect de la neutralité de l'enseignement primaire public.
Une telle mesure pourrait également s'appliquer à un homme revêtant ostensiblement, dans les mêmes circonstances, les habits
propres à une autre [confection].»
À une autre confection… je
reprends : «à une autre confession — dis-je bien. La cour en déduit qu'il ne
saurait s'agir en l'espèce d'une discrimination
fondée sur le sexe.» Alors, je pense que tout est dit, ce n'est pas nécessaire
d'en rajouter, mais je trouve ça très
intéressant que vous ayez porté cette décision-là à notre attention. Ça nous
donne l'occasion d'en prendre connaissance, tout le monde ensemble.
Parlons
maintenant des universités et des cégeps, si vous me le permettez, parce qu'il
y en a qui demandent déjà une
exception pour les universités et les cégeps au nom de la liberté académique,
au nom de l'autonomie également des institutions d'enseignement
postsecondaire. Réaction.
M. Baril (Daniel) : Bien, en fait, je pense que ça a bien été débattu
hier avec Martine Desjardins et puis Guy Rocher. La liberté académique, en fait, c'est la liberté d'examiner la
discipline de sa spécialité, c'est la liberté du chercheur, et non pas le droit d'exprimer son opinion religieuse
ou d'exposer constamment ses convictions religieuses, qui ne sont pas en
rapport avec la discipline d'expertise du professeur. Ça, c'est assez clair,
c'est très clair.
M. Drainville :
Pour vous, c'est clair, pour vous, c'est clair, ça doit s'appliquer aux cégeps
et aux universités.
M. Baril
(Daniel) : Exactement. Oui. Tout à fait.
M. Drainville :
Bon. Vous parlez également du retrait du crucifix de l'Assemblée nationale. Si
je vous comprends bien, vous
souhaiteriez que ce retrait-là soit prévu par le projet de loi. Sauf que vous
êtes conscient du fait que c'est une décision qui n'appartient pas à
l'exécutif, qui n'appartient pas au gouvernement. C'est une décision qui
appartient au législatif, donc à l'ensemble
des législateurs, des élus, des députés donc qui siègent à l'Assemblée
nationale. Vous savez qu'on a prévu,
dans le projet de loi, qu'au terme de l'adoption de la charte cette question-là
soit discutée au Bureau de l'Assemblée
nationale, où sont réunis tous les partis reconnus. On sait déjà que nos
collègues d'en face, le Parti libéral va
s'opposer à ce déplacement donc du crucifix de la Chambre d'Assemblée à un
autre endroit dans le parlement. La CAQ est en réflexion là-dessus, et Québec solidaire est plutôt favorable…
enfin, est favorable. Vous êtes conscient que ça ne nous appartient pas
qu'à nous, là, ça n'appartient pas qu'au gouvernement.
M. Baril (Daniel) : On veut surtout un résultat. Il y a peut-être des technicalités, là,
qui nous échappent, mais je sais que
l'ancien ministre de la Justice Paul Bégin, récemment, s'opposait à cette façon
de procéder. Il disait que ça ne devait
pas relever du Bureau de l'Assemblée nationale mais que ça pouvait aussi être
réglé par la loi. Il y a peut-être de la technicalité, là, comme je vous
dis, qui nous échappe, mais…
• (15 h 30) •
M.
Drainville : Ça pourrait
être voté par une motion au Parlement aussi, là. Quand je dis que ça appartient
aux législateurs... Nous, on suggère, dans le projet de loi, un moyen,
un forum, une table où ça pourrait être discuté. Mais effectivement
ça pourrait carrément être voté par l'Assemblée nationale. Mais ce que je veux
vous dire, c'est que ça n'appartient pas à l'exécutif, ça appartient… c'est une
décision qui doit être prise par l'Assemblée, puisque c'est un symbole qui
appartient à l'Assemblée.
M. Baril (Daniel) : Y a-t-il eu une
motion pour l'afficher?
M.
Drainville : Il y a
eu une motion... Au terme du dépôt du rapport Bouchard-Taylor, il y a eu une motion qui a été adoptée, déposée
par le précédent gouvernement, pour que le crucifix, là, reste en place, oui, effectivement.
M. Baril (Daniel) : Mais pas quand
il a été installé.
M.
Drainville : Ah! ça, je ne pense pas, non. Mais là c'est 1936. Mais
je ne crois pas qu'il y ait eu de décision formelle de l'Assemblée
pour accrocher le crucifix à cet endroit.
Il me reste, je pense, très peu de temps, hein?
Le Président (M. Ferland) :
Il reste à peu près une minute.
M.
Drainville : Oui. Bien, écoutez, juste sur, je vous dirais, le
débat, actuellement, que nous avons au Québec, certains disent : C'est trop polarisé. Dans le fond, ils souhaiteraient que ce débat-là se termine le plus rapidement possible. Moi,
je suis plutôt d'avis et nous sommes plutôt d'avis que c'était un débat
nécessaire qu'il fallait faire et que ce que nous proposons, c'est très important pour maintenant
et pour l'avenir. J'aimerais vous entendre, je vous dirais, sur la nécessité
d'agir, là, à court terme.
M. Virard
(Michel) : La nécessité d'agir
est, pour nous, évidente. Chaque année qui passe permet l'implantation de pratiques qui seront d'autant plus difficiles à éradiquer qu'elles
auront été en pratique pendant longtemps. Il y a des choses
qui ne devraient pas exister et qui existent, nous le savons, et chaque... Et
le débat est nécessaire. Il est illusoire de croire qu'on va pouvoir balayer ce genre de problème sous le tapis.
Je pense que ça, c'est l'illusion totale. Et je n'ai rien d'autre à
rajouter.
Le
Président (M. Ferland) : C'était tout le temps qui était à la disposition du parti ministériel. Alors, maintenant, je reconnais le député de LaFontaine, je
crois. Allez-y.
M. Tanguay : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Virard, M. Baril, Mme Jubinville, merci
pour votre temps, d'avoir pris le temps de
rédiger un mémoire. J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Baril et M. Virard dans une rencontre qu'on avait eue, je crois, à
l'automne, puis ça avait été, même si on ne partage pas les mêmes opinions, une
rencontre, je pense, sereine, intelligente,
un bon débat. Et je pense, comme vous le dites, que c'est important d'avoir le
débat. Et, chose certaine, j'aimerais vous
poser quelques questions pour les, quoi, 16 minutes dont nous avons...
16 minutes, c'est quand même assez court. Alors, je vais essayer de
gagner en efficacité.
Premier
élément, on parlait du crucifix à l'Assemblée nationale, c'est le
22 mai 2008, et je vais
vous lire la motion qui a été — on me confirmera — adoptée à l'unanimité. Alors, 22 mai 2008, à l'unanimité, il a été
convenu à l'Assemblée
nationale : «…réitère sa volonté de promouvoir la langue, l'histoire, la
culture et les valeurs de la nation québécoise, favorise l'intégration de chacun à notre nation dans un esprit d'ouverture et de réciprocité et témoigne de son attachement à notre
patrimoine religieux et historique, représenté par le crucifix de notre salon
bleu et nos armoiries ornant nos institutions.» Fin de la citation de la motion,
encore une fois — ça
fait à peine un peu plus de cinq ans — adoptée à l'unanimité,
incluant évidemment, à l'époque, les députés du Parti québécois.
Vous avez soulevé peut-être l'importance
d'avoir... peut-être de le mettre dans la loi, de le mettre dans la loi plutôt
que de pelleter ça, entre guillemets, au Bureau de l'Assemblée nationale. À
tout le moins, ce serait un élément où il y
aurait davantage de clarté, et les positions de tout un chacun pourraient se
faire — j'aimerais
vous entendre là-dessus — connaître, plutôt que de dire, comme le dit
le gouvernement du Parti québécois : Bien, ça, on aimerait ça, le
retirer, mais ce sera plus tard, plus tard… d'avoir le courage de le mettre
dans la loi.
M. Virard
(Michel) : Écoutez, je pense que
ce qui nous intéresse, nous, c'est le résultat, on est pragmatiques. La méthode qui permettra de ranger ce crucifix à
l'endroit où il doit être, c'est-à-dire dans un musée, c'est à vous de la décider, ce n'est pas à nous d'en décider. Mais
nous pensons que le plus tôt sera le mieux, et que tout retard a un effet
négatif sur la proposition de loi n° 60, et que donc, pour nous, c'est
important que ce problème soit réglé au plus vite.
M. Tanguay : Je vous remercie
pour votre réponse puis je vous remercie pour... Parce qu'il y aura plusieurs petites questions comme ça. Vous parlez également
de l'article 11 qui met fin, sauf dans deux exceptions, aux services
spirituels. On peut parler des aumôniers, là, je pense que c'est davantage
parlant chez les gens qui nous écoutent. De mémoire
donc, l'article 11 retire et interdit, qu'on me corrige si j'ai tort, ces
services d'accompagnement spirituel, sauf dans deux cas : en prison, donc services correctionnels, dans le
premier cas, et, dans le deuxième cas, pour les établissements de santé
et services sociaux.
Dans
les autres cas, le projet de loi n° 60 du Parti québécois ferait en sorte,
entre autres, que l'aumônier de la ville de Québec serait dorénavant interdit. Et, en ce sens-là, on a entendu,
entre autres, le maire de Québec qui disait : On a un aumônier à la ville et on
va le garder. Il y en a qui ont un psychologue, nous, on a un aumônier qui
s'occupe des âmes. Et, plus loin, il
parlait du fait... on parlait de… «L'abbé Roy, 52 ans, soutient les
employés de la ville de toutes confessions et il intervient tout particulièrement dans des moments difficiles,
comme des catastrophes, des accidents, des incendies [et] des deuils.» Le Parti québécois veulent le
retirer, ne veulent plus d'aumônier dans la ville de Québec, malgré les effets
bénéfiques. Vous, vous voulez faire en sorte
que les deux exceptions qui étaient conservées soient balayées du revers de la
main. Honnêtement, quel problème on essaie de régler ici?
M. Virard (Michel) : Il y a erreur sur les intentions. Il ne s'agit pas nécessairement d'enlever qui que ce soit, il s'agit de s'assurer que ceux qui paient pour ce
genre de service soient de la même confession, c'est tout. Alors, si vous
voulez un chapelain, puisque c'est de ça
qu'on parle, je pense, qu'il soit de confession catholique romaine, on n'a pas
d'objection mais à condition que ce soit les catholiques romains qui paient
pour, pas nous, c'est tout.
M.
Tanguay : Si la ville
et si les autres confessions n'ont pas les moyens, ne peuvent pas, bien, que la
ville ne puisse pas clairement... dit autrement, que la ville ne puisse
pas retenir ses services, pour que ce soit clair.
M. Virard (Michel) : Ce n'est pas à la ville, c'est-à-dire aux payeurs de taxes en général, de fournir un
soutien qui soit aussi coloré de façon religieuse que ce genre de chose.
C'était valide il y a un siècle mais plus maintenant.
M. Tanguay :
On a cité, un peu plus tôt, c'est intéressant, l'ancien ministre de la Justice
du Parti québécois, Paul Bégin, dans le
contexte du crucifix, on vient d'en toucher mot. Il aura l'occasion
de venir témoigner, comme vous, que,
selon lui… Et je veux bien voir qu'on a des divergences d'opinions, vous et
moi, moi et Paul Bégin, mais vous vous rejoignez
sur un élément important, c'est que ça prendrait une clause dérogatoire. Autrement dit, comme Paul Bégin, puis c'est...
vous aimeriez que le gouvernement, vous, aille plus loin, mais au moins, le projet de loi n° 60, vous aimeriez que ce soit un pas qui soit fait, mais vous voyez également
l'importance et l'aspect central qu'il devrait y avoir une
clause dérogatoire, parce que ce serait contestable en vertu de la
charte canadienne et québécoise.
M. Virard (Michel) : Je vous rappelle que la charte canadienne n'a toujours
pas été signée par le Québec, c'est quelque
chose qui a été imposé de
l'extérieur, et, à cet effet, nous avons des doutes, si vous voulez, sur sa
légitimité, pas sur sa légalité mais
sur sa légitimité. De cette façon-là, la seule façon de contourner ce genre
d'obstacle, c'est de donner le pouvoir politique à ceux qui ont le
pouvoir politique, et non pas aux juges.
M. Tanguay :
Excusez-moi…
Une voix :
…
M. Tanguay :
Allez-y, M. Baril.
M. Baril (Daniel) : Oui. Par ailleurs, ce qu'il faut... Ceux qui disent, qui prétendent
que ça ne passerait pas le test de la
charte, ce qu'ils ne disent jamais, c'est que, dans toute la jurisprudence
canadienne de la Cour suprême, il n'y
a pas une seule ligne sur l'interdit des signes religieux dans la fonction publique. Une cause comme telle... Une telle cause n'a jamais
été soumise à la Cour suprême. Et, même si elle l'avait été, ça n'a jamais
été analysé en fonction du principe de laïcité
de l'État. Donc, il
y a peut-être une zone, là, où il y a
une possibilité de passer dans les mailles, mais c'est jouer risqué, je
pense que c'est jouer risqué.
C'est
un débat d'experts. Il serait regrettable si on perdait cinq ans et qu'on
recommençait un autre projet de loi
parce que ça aurait... ça se serait heurté... La Constitution n'a pas été signée
par le Québec, il n'y
a pas de honte. Et d'ailleurs
la clause dérogatoire a été vantée par Jean Chrétien comme étant un succès, là,
de l'équilibre des pouvoirs entre le juridique et le politique. Donc,
utilisons-la. Utilisons-la, elle est là pour ça.
• (15 h 40) •
M.
Tanguay : Sans tomber
dans un débat, là, un débat juridique sur la jurisprudence et du Québec
et évidemment de la Cour suprême, Cour du Québec,
Cour d'appel, quant à la possibilité... on a vu les avis du Barreau, de la Commission des droits. Chose certaine, vous, vous le souhaitez, la clause
dérogatoire, Paul Bégin également. Pourquoi le gouvernement n'entend pas raison là-dessus et n'ajoute pas la
fameuse clause dérogatoire?
M. Baril
(Daniel) : …votre collègue d'en face.
M.
Tanguay : Je pourrais
vous soumettre des suggestions, mais je ne le ferai pas, parce que
je ne voudrais pas qu'on perde trop de temps là-dessus. Mais je pense
qu'on commence à voir clair au niveau de la clause dérogatoire.
Vous,
dans votre… Et, encore une fois, on
ne s'entend pas, mais, à la page 14 de votre mémoire, et je trouve ça
honnête intellectuellement, même si je
n'emprunterais pas, moi, cette voie-là, vous parlez d'un groupe de travail, à
votre 12e recommandation,
page 14, vous parliez de la nécessité d'avoir un groupe de travail
indépendant — j'ajoute
le mot «indépendant» parce que je
présume que c'est la mission que vous vouliez lui donner — «chargé de faire une analyse exhaustive de tous les aspects liés à la laïcité
dans la législation québécoise et laissés en plan par le projet de loi
n° 60». Donc, vous, groupe de
travail indépendant pour juger des autres implications et de la mise en oeuvre,
si vous voulez, de la laïcité.
Comment
recevez-vous, vous, la proposition du projet de loi n° 60, à
l'article 33, qui va dans ce sens-là mais à une seule différence près, c'est que votre expert
indépendant, imaginez-vous — vous êtes bien assis? — ce serait le ministre du Parti québécois?
L'article 33, et je le lis, du projet de loi n° 60 : «Le
ministre propose au gouvernement toute mesure appropriée portant sur la neutralité religieuse et le caractère laïque
de l'État», et, au troisième alinéa, on dit même : Il fournit son expertise et sa collaboration aux organismes.
Comment recevez-vous cette proposition du projet de loi extrêmement
douteuse?
M. Baril (Daniel) : Bien là, je vous laisse le qualificatif. Mais l'expertise du ministre
peut venir d'un comité-conseil, là.
Au Conseil supérieur de l'éducation — j'ai été membre du Conseil supérieur de l'éducation — on conseille le ministre. Je pense
que ça, ce n'est pas contradictoire avec ce que proposait Guy Rocher.
Donc,
le mandat pourrait être ce que nous, on demande. On n'a pas pensé à un conseil
de ce type-là. Mais ce qu'on trouve
important, c'est que plein d'autres dimensions restent en plan après ce
projet-là. On pense que c'est un morceau
important, O.K.? On sait que le Parti libéral veut aussi lutter contre
l'intégrisme, c'est important. Tout projet de loi qui aurait pour fonction de lutter contre l'intégrisme inclurait
les principales dispositions du projet de loi n° 60. Donc, on les
accepte, même si ce n'est pas complet.
M.
Tanguay : Et, même si on n'est pas d'accord là-dessus, je pense
que vous envoyez un signal clair au ministre de changer ça. Parce que, quand il dit : «Les fonctions du
ministre» et «la responsabilité du ministre», ça ne laisse pas beaucoup
de place à essayer de glisser un comité indépendant entre ça. Alors, je pense
que votre message…
M. Baril
(Daniel) : Nous, on a une suggestion, et puis c'est… Voilà.
M. Tanguay :
Je pense que votre appel à la raison a été clairement lancé.
Également,
j'aimerais vous entendre, justement, sur la division que cela… Encore une fois,
on peut être d'accord ou pas
d'accord, mais force est de constater qu'il y a une grande division sur cet
interdit de port des signes religieux au Québec. La nécessité, puis nous en sommes tous, là, au Québec, d'avoir
un minimum de consensus qui, dans un cas aussi fondamental, que l'on soit pour ou contre... et que l'on décide pour nos
concitoyens, concitoyennes, qu'il y ait un minimum d'adhésion, et de cohérence, et de cohésion
sociale. Alors, vous, j'imagine, et j'aimerais vous entendre là-dessus, vous le
souhaiteriez, j'en suis convaincu. Et comment
vous, le débat, l'auriez-vous articulé pour atteindre ce nécessaire consensus?
M. Virard (Michel) : La question d'avoir nécessairement un consensus, on peut dire qu'un
consensus est désirable, il n'est pas
absolument nécessaire. Il y a des cas où il est impossible d'obtenir un
consensus. Si vous essayez de faire un consensus sur ceux qui préfèrent
conduire à droite puis ceux qui préfèrent conduire à gauche, vous n'aurez pas
de consensus. Désolé, il y en a qui veulent
toujours conduire à gauche, il y en a qui veulent toujours conduire à droite.
Donc, vous ne pouvez pas… C'est un
souhait… Je dis : C'est un souhait humaniste, on préfère convaincre que
d'imposer. Mais, lorsqu'on arrive au
bout du débat et qu'il n'y a toujours pas de consensus, il faut cependant
légiférer. Alors, on n'a pas le choix, c'est tout.
M. Tanguay :
Le ministre a pris soin de citer… Et on l'entend beaucoup dire ces jours-ci que
c'est un choix politique et que le juridique
a une certaine importance mais ne devrait pas occuper la place qu'il occupe,
peut-être, dans le débat
présentement. Ce qui est assez intéressant, c'est de voir que, néanmoins, sur
la sphère… ou de la sphère juridique, le ministre se rabat non pas sur l'opinion du Barreau ou de la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse mais, davantage, préfère nous citer de la
jurisprudence européenne. Il parlait tantôt d'une entité qui venait de la
Suisse et de la Cour européenne. Que
répondez-vous à l'affirmation de la Commission des droits de la personne, qui a
basé, elle, son analyse juridique pas
sur ce qui se passe en Suisse ou en Europe mais sur ce qui se passe ici, au ras
des pâquerettes, qui disait :
«Les données…» Et je la cite, en page 11 de son opinion, qui dit, en
passant, que ça ne tient pas du tout la route, cette interdiction-là, en vertu du droit québécois et canadien :
«…les données d'enquête et du service-conseil en accommodement raisonnable recueillies par la commission ne rapportent
aucune situation dans laquelle le port de signes religieux par un employé de l'État aurait menacé le principe de
neutralité religieuse.» Fin de la citation. Comment vous, recevez-vous cette affirmation très claire de la
commission, qui, elle, est, ici, dans notre réalité et qui a basé notamment
là-dessus son opinion, très claire, à l'encontre du projet de loi n° 60?
M. Virard (Michel) : Le fait qu'il n'y ait pas de témoignage direct ne signifiait pas
forcément qu'il n'y a pas de problème. Je voudrais prendre pour exemple
ce qui s'est produit en France avec la commission Stasi. Le philosophe Henri Peña-Ruiz était un membre de la commission
Stasi, un membre important, et le comité — c'était en 2004 — était divisé sur la question des signes religieux interdits ou non aux élèves
des écoles primaires et secondaires en France. Donc, le problème, c'est qu'il n'y avait pas,
effectivement, non plus, beaucoup de réclamations. Mais ils ont pris la peine
de recevoir en secret les témoignages
des jeunes filles musulmanes de ces écoles, et c'est ce qui a fait changer
d'opinion et basculer la commission
Stasi. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui il est interdit aux élèves du
secondaire et du primaire, en France,
de porter des signes religieux. Donc, vous ne pouvez pas vous fier seulement
aux cas documentés et qui sont arrivés devant les tribunaux, c'est
insuffisant.
M. Baril
(Daniel) : Et j'ajouterais…
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y, oui.
M. Baril (Daniel) : …aussi que, bien, en fait, l'avis du Barreau
n'est basé sur aucune jurisprudence puisque des tels cas n'ont jamais
été présentés à la cour. Ça traite de d'autres situations que l'interdit de
signes religieux dans la fonction publique.
Ça n'a jamais été soumis. Et, l'exemple du ministre, on l'a dans notre mémoire,
sur le droit international, parce que
le Barreau dit que, sur le droit international, la démonstration reste à faire.
C'est étonnant d'entendre ça, là, de la part d'avocats qui s'intéressent
aux questions de laïcité, qui n'ont pas vu la jurisprudence internationale,
européenne, ça se... Ce n'est pas
inopportun, là, la jurisprudence européenne. L'article de la liberté de
religion dans la charte européenne, c'est
le même que dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU.
C'est beaucoup plus précis et détaillé que
notre simple énoncé de droit à la liberté de religion dans nos deux chartes.
Et, malgré le détail qu'il y a là, ils ont dit oui à plusieurs cas. On a cité le cas Dahlab, et il y a d'autres
éléments aussi, ça s'est appliqué à la Suisse et les enseignantes en
Allemagne. C'est eux qui avancent le droit international, donc allez le voir,
le droit international.
Le
Président (M. Ferland) : Malheureusement, le temps étant écoulé
pour la partie... Je sais que la députée de Bourassa-Sauvé aurait aimé... mais on vous susurre à l'oreille
régulièrement le temps qui reste, alors moi, je vais vous laisser gérer
le temps, peu importent les partis, O.K.? Alors, je reconnais la députée de
Montarville. À vous la parole.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Merci
beaucoup. Mme Jubinville, M. Baril,
M. Virard, je vous salue. Merci pour
votre mémoire. Je trouve ça intéressant d'entendre votre association qui se
veut, et c'est écrit au début de
votre mémoire, la voix des athées et des agnostiques. Et je pense que c'est important
de répéter que, selon les chiffres que
vous nous fournissez, athées et agnostiques, c'est près de 12 % de la population au Québec, alors c'est
beaucoup de monde. Avez-vous des chiffres plus récents à cet égard-là?
M. Virard (Michel) : Je préfère préciser que, dans ceux qui se déclarent sans religion, il
n'y a pas seulement que des athées et
agnostiques. Manifestement, il y a des gens qui ont toutes sortes de croyances,
mais ils n'appartiennent à aucun culte. Donc, c'est plus vaste que ça.
Mme
Roy
(Montarville) : Parfait. Et ils font partie du
12 %, là. D'accord. Cela dit, c'est quand même un groupe important
et qui a tendance à...
M. Virard (Michel)
: À grandir.
Mme
Roy
(Montarville) : ...à grandir, voilà, au fil des
années. Voilà. «Doublé en 10 ans», c'est ce qui est écrit dans le
mémoire d'ailleurs.
Donc,
je partage avec vous plusieurs points en commun, naturellement la laïcité de
l'État et... Bien, j'aimerais vous
entendre, puisque mon temps imparti est assez limité, j'aimerais vous entendre
à l'effet que vous êtes favorables, entre autres, vous en parlez, en vertu du droit
international, à l'interdiction de port de signes religieux. On parle dans les
écoles, mais vous ne parlez pas uniquement
pour les enseignants, vous dites également : Pour les enfants, pour les
élèves primaires, secondaires. Et,
j'imagine, peut-être cégeps, universités, pour le Québec? Ou uniquement plus
jeunes, primaires secondaires?
• (15 h 50) •
M. Virard (Michel)
: Pour le primaire, secondaire, universitaire et pour les garderies.
Mme Roy
(Montarville) :
À la grandeur de l'appareil de l'éducation?
M. Virard (Michel)
: Oui.
Mme
Roy
(Montarville) : Parfait. Donc, vous êtes en faveur de cette interdiction de port de
signes religieux chez les élèves.
Maintenant,
ma question est la suivante : Dans tous les cas de
figure, donc, pour cette interdiction, c'est au nom de quel principe, dans le p.l. n° 60,
qu'on pourrait justifier cette interdiction de port de signes religieux chez
les élèves, puisque l'esprit de la
loi — et
même vous l'avez répété, le ministre l'a répété — c'est d'interdire, entre autres, le port de
signes religieux pour les employés de l'État,
les agents de l'État? Alors, comment est-ce qu'on peut justifier dans ce cas-là
pour les élèves?
M. Virard (Michel) : La protection… Bon, on peut commencer déjà par la convention sur la
protection de l'enfance, quelqu'un
l'avait assignée également. Vous pouvez aller à l'article 14, ce qu'on en dit, sur la liberté de religion des enfants à partir d'un certain âge. Donc, il y a déjà cet
aspect-là qui fait qu'on ne peut pas laisser faire des choses, à l'intérieur de l'école, qui vont
influencer négativement la liberté de conscience des élèves. Or, dans les
éléments qui peuvent jouer contre la liberté
de conscience des élèves, il y a l'intimidation par des coreligionnaires qui
peuvent avoir des visions très
différentes de la même religion et qui vont tenter d'imposer — c'est
de l'intimidation — leur
vue à ces élèves. Le moyen qu'en fait
la commission Stasi — pour
en reparler — en
France, a trouvé, c'est, en fait,
d'interdire tous les signes religieux
à l'école, ce qui diminue évidemment considérablement la pression, puisque tout
le monde est rendu au même point, pour les élèves.
Mme Jubinville (Lyne) : Oui. Je voudrais
ajouter aussi, comme Mme Desjardins l'a mentionné hier, que les enfants n'ont pas nécessairement atteint la
maturité pour faire des choix pour eux-mêmes et puis qu'ils peuvent simplement répondre à des pressions de leur communauté. On
parlait de la cérémonie du voile pour les jeunes filles. Alors donc, en ce sens-là, ce qu'on dit,
c'est qu'on ne veut pas que ces enfants-là soient stigmatisés, puis on parle de
très jeunes enfants jusqu'à la fin du
secondaire, pour dire que justement on veut empêcher ces enfants-là d'avoir à
répondre à ces pressions-là, donc que
l'école soit neutre pour tout le
monde puis que tout le monde puisse y aller de la même façon, que personne ne soit stigmatisé.
Mme Roy
(Montarville) :
Vous…
Le Président (M.
Ferland) : Alors, malheureusement, c'est tout le temps qui
était…
Mme Roy
(Montarville) :
Merci.
Le Président (M.
Ferland) : …je reconnais le député de Blainville.
M.
Ratthé : Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. D'entrée de jeu, vous nous indiquez… et je comprends
bien que c'est en raison de plusieurs éléments qui vous semblent importants,
qui ne sont pas inclus dans la charte,
vous nous dites : Bien, on semble peut-être un peu abusif de qualifier ce document-là
de charte, on dirait plutôt que c'est une réglementation de port de signes
religieux, parce qu'il manque
plusieurs éléments, vous en avez mentionné quelques-uns. J'aime bien souligner… j'allais dire «les nouveautés»,
parce qu'il y a beaucoup de choses qui se recoupent parfois, et c'est correct, c'est bien ainsi parce
que ça nous donne, en tout cas, le poids d'une mesure dans la société, ce que
la société pense.
Vous amenez deux
éléments, un, en tout cas, qui m'apparaît assez nouveau, que vous dites qu'il
vaudrait la peine de le regarder, c'est la
contradiction entre la loi qui existe sur l'abattage des animaux sans cruauté
et l'abattage rituel, je vais l'appeler
ainsi. Et on n'en a pas beaucoup parlé, en tout cas je pense que c'est la
première fois qu'on vient de nous parler
de ça, j'aimerais peut-être vous entendre sur ce point-là. Et, s'il nous reste
du temps, j'aimerais que vous me clarifiez, à la fin, un petit peu plus, peut-être par un exemple, l'amendement que
vous proposez à l'article 366 du Code civil. Mais commençons par
l'abattage d'animaux, parce que je pense que personne n'est venu nous parler
d'abattage rituel.
M. Baril (Daniel) : J'ai cru voir sur la liste que quelqu'un allait venir spécifiquement
sur ce point-là. Mais, en fait, vous
avez une loi qui vise à limiter la souffrance animale au moment de l'abattage.
Donc, c'est une loi humaniste, animaliste.
On ne comprend pas pourquoi on pourrait exempter des abattoirs de l'application
de ce principe pour des raisons religieuses.
On a vu, dans des textes français et belges, qu'en Europe c'est devenu la
majorité des abattoirs qui procèdent de
cette façon-là. Donc, la loi est rendue inopérante. Si on veut limiter la
cruauté envers les animaux, on ne peut pas en même temps dire : Bien, allez-y si votre croyance religieuse vous
autorise à être cruel envers l'animal. Ça n'a aucun sens. Donc, c'est
une exemption qui court-circuite la loi.
M. Ratthé :
Il ne s'agirait pas là d'une incursion dans, justement, la liberté de pratique
religieuse? Parce qu'actuellement on est
plus dans l'État, la fonction publique, les signes ostentatoires. Là, ce que
vous nous suggérez, est-ce qu'on ne pourrait pas s'opposer à ça en
disant : Bien, un instant, ça fait partie des pratiques religieuses?
M. Baril (Daniel) : Bien, voilà, une des fonctions d'un État moderne, c'est de faire
avancer ces principes-là et de donner…
d'exercer une pression envers
l'avancement des valeurs humanistes. Ce n'est pas les religions qui mettent de l'avant
et qui défendent, au premier chef, l'humanisme et les traitements sans cruauté
envers les animaux, là. Il y a des organismes aussi qui demandent que des
droits quasi humains soient accordés aux animaux, donc des choses qui se
discutent, mais ça n'émane pas des religions.
Sur l'article du Code
civil, c'est que le Code civil donne d'office aux gens désignés par les
religions ou les associations religieuses le pouvoir d'exercer une fonction
qui appartient aux fonctionnaires du
registre civil en administrant les
mariages, donc en remplissant les registres de mariage. Nous, on est une
association d'agnostiques et d'athées, donc, qui représentons aussi des citoyens sur la base d'une conviction dans le
domaine du religieux, et on nous refuse ce droit d'office qui est donné aux représentants d'organisation religieuse.
Donc, il y a une discrimination en fonction de la religion.
Et
notre plainte est reçue à la Commission des droits de la personne. Or, le
problème aurait peut-être pu se régler uniquement par réglementation,
par réglementation d'avoir une interprétation un peu plus libérale de
l'article 366 du Code civil, sinon de
l'amender pour qu'on donne les mêmes droits à tout le monde, on ne demande pas
de retirer ce droit-là aux
organisations religieuses, en fait tout organisme, et pourquoi pas un club de
pêche. Moi, j'ai été marié par mon fils. Il y a des dispositions qui nous permettent de ne pas recourir aux
religions. Mais la discrimination qui est faite, c'est qu'on le donne
d'office aux représentants d'organisation religieuse et non pas aux
représentants d'organisation agnostique ou athée.
Le
Président (M. Ferland) : Et voilà. Malheureusement, le temps
étant écoulé, alors, madame, messieurs, je vous remercie pour votre
mémoire, le temps que vous avez consacré à le préparer et à venir le présenter.
Et je vais suspendre
quelques instants afin de permettre à Mme Jocelyne Robert de venir prendre
place.
(Suspension de la séance à
15 h 57)
(Reprise à 16 h 1)
Le Président (M. Ferland) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux.
Nous recevons maintenant Mme Jocelyne Robert,
en vous mentionnant, bien sûr, comme tout
le monde, que vous avez 10 minutes. Et vous voyez de la manière que
je préside, je fais respecter quand
même, mais il y a quand même
un échange de 50 minutes avec les parlementaires après. Alors, Mme
Robert, la parole est à vous.
Mme Jocelyne Robert
Mme Robert
(Jocelyne) : Merci, M. le
Président. M. le ministre, MM. Mmes
les députés, je vous remercie de m'accueillir.
C'est assez rare que la pensée politique d'une sexologue soit entendue, et ce,
malgré le fait que la sexualité soit
éminemment politique. À preuve, cette notion d'égalité des sexes qui constitue
l'un des principes fondateurs du projet de loi dont on bavarde ensemble
cet après-midi.
Je suis
devant vous à titre personnel, en tant que citoyenne engagée dans sa
communauté. Et c'est sûr que c'est un
mémoire peut-être un peu intimiste que j'ai soumis. Et c'est aussi d'une
manière un peu intimiste que je vais partager avec vous surtout sur un aspect qui a été peu ou pas abordé dans le
débat sur la place publique, celui de l'impact sur le développement de l'enfant du fait d'être entouré,
accompagné de personnes qui portent des signes religieux. Je vais parler
surtout de ça, parce que, ça, je connais bien.
J'ai
développé, depuis une trentaine d'années, une expertise en éducation à la
sexualité auprès des enfants de zéro à
100 ans. À ce titre, j'ai été appelée à aider, à former, à accompagner des
enfants, des adolescents, des parents, des enseignants, des éducateurs, éducatrices en garderie, du
personnel du milieu de la santé à peu près partout au Québec et ailleurs en
Europe, particulièrement, bien sûr, dans la francophonie. J'ai donc eu
l'occasion d'intervenir auprès de milieux multiethniques, à rencontrer, à
composer avec toutes les panoplies de valeurs liées aux cultures et aux
religions.
Et je vais
commencer, en fait, en faisant avec vous ce que je fais chaque fois que je me
trouve devant un groupe, ou à peu
près : essayer de préciser l'objectif premier de l'éducation à la
sexualité, parce que la vision de l'éducation à la sexualité, elle est souvent très factuelle et très
réductrice. Et cet objectif, c'est de développer la fierté d'être en tant que
femme et en tant qu'homme chez le petit
enfant, des tout-petits, développer la fierté d'être un garçon ou une fille.
C'est l'objectif ultime d'une saine éducation à la sexualité.
Il n'y a pas
d'éducation à la sexualité qui soit efficace sans passer par le développement
de l'estime de soi, de l'estime de
soi en tant qu'être sexué. Et comment ça fonctionne tout ça? Ça fonctionne de
deux façons. Il n'y a pas 56 façons d'aider les enfants à grandir avec leur être sexué et sexuel, il y en a
deux : il y a les mots et le langage que l'on utilise pour nommer les composantes liées à la sexualité et il
y a la modélisation. Ce que j'appelle la modélisation, c'est le message implicite transmis par les hommes et les femmes
qui entourent l'enfant en étant simplement ce qu'ils sont et comme ils sont.
L'enfance est
une étape cruciale. Pourquoi? Parce que c'est là que se jettent les bases d'une
identité sexuelle, d'une identité de
genre saine et solide. Simplifions en disant que l'identité de genre, c'est la
conscience d'être un garçon ou une fille,
c'est le développement du sentiment d'appartenance au groupe des hommes, au
groupe des femmes et c'est l'acquisition, l'identification aux fonctions qui sont dévolues à ces deux sexes-là.
C'est un processus, l'identification, par lequel l'enfant intègre les caractéristiques de son sexe, telles
que définies et présentées par son milieu. Et ça, ça se passe fondamentalement
entre deux et six ans. L'enfant se
structure, d'une certaine façon, en incorporant quelqu'un d'autre. C'est-à-dire
que le lien de confiance, le lien
affectif va le pousser à vouloir non seulement faire, mais à vouloir être comme
la figure parentale de son sexe. Les
premiers modèles, bien sûr, ce sont les parents. Mais les enfants puisent
énormément et, je dirais, de plus en plus dans l'entourage pour trouver
des figures identificatoires.
Ce qui m'amène, vous l'aurez deviné, à vous
parler du voile, puisque c'est ce signe religieux qu'on rencontre dans les milieux d'éducation et d'accompagnement
des enfants et des petits-enfants. Et là j'insiste, j'insiste pour dire que je
tiendrais exactement le même discours à l'égard de n'importe quel signe
religieux de n'importe quelle religion, crucifix inclus. C'est celui-là qui est visible auprès de la clientèle dont je
vous parle. Tous les signes visibles, vêtements ou objets, symboles religieux, transmettent forcément un
message quant au statut et à la qualité de la personne qui les affiche et, bien sûr, quant au statut et à la qualité des
personnes qui les promeuvent, ces signes-là. Ne l'oublions pas, c'est au
contact des adultes qui l'entourent
que l'enfant intériorise ce qu'il en est d'appartenir à un sexe et comment se
comportent les messieurs dames auxquels il s'identifie, soit par
similitudes soit par complémentation.
Les questions
que je pose ont été, selon moi, escamotées, en tout cas dans le débat public,
au profit de propos un peu
simplificateurs. Comme par exemple : L'essentiel n'est-il pas que les
enfants soient accompagnés en garderie par des femmes aimantes? Eh bien non, pas tout à fait. Il faut aussi se demander
ce que les enfants, eux, perçoivent, par exemple, du voile. Comment le traduisent-ils? Comment
celui-ci façonne-t-il leur perception de la féminité et de la masculinité?
Il est indéniable que le fait de côtoyer
quotidiennement, par exemple, des femmes voilées a une incidence sur la
représentation que se fait l'enfant de l'être féminin et du corps
féminin.
Je vais vous
raconter quelques bouts de l'histoire que l'enfant se fait raconter
quotidiennement, inlassablement, par
le voile de la personne qui le porte : Il y a une différence importante
entre les hommes et les femmes — et vous aurez compris que je ne fais pas référence là aux XX, XY de la biologie; les
femmes doivent se comporter différemment, et plus différemment encore en présence d'hommes; le corps de la femme, en
tout ou en partie, est emprisonné, alors que celui de l'homme est libre; la femme baisse les yeux au passage de
l'homme; la femme n'est pas autorisée à sentir le vent dans ses cheveux. L'éducatrice aura beau être
aimante, merveilleuse à plein d'égards, elle aura beau être consciente ou
même inconsciente de l'histoire racontée par son voile, elle n'a aucune prise
sur celle-ci, qui est inoculée de manière subliminale à l'enfant.
Entre
trois et six ans, les enfants sont fascinés par la différence des sexes. Ça
fait partie de leur développement. Donc,
ils découvrent et ils explorent. Et cet intérêt remplit une fonction qui va
bien au-delà du jeu et de la curiosité. À travers cet intérêt, cette fonction, l'enfant apprend à socialiser, à se
rassurer, à mieux s'identifier. Que répond l'éducatrice au bambin qui lui demande pourquoi elle porte le
voile et pas son mari? Que dit-elle à la gamine qui veut savoir pourquoi
elle ne sert pas la main de son papa?
Comment elle répond aux questions sur la sexualité? Comment il rentre, le bébé,
dans le corps de la maman? Pourquoi il y a
des monsieurs qui aiment d'autres monsieurs? Un clitoris, ça sert à quoi? Ce sont des questions
très fréquentes chez les enfants.
Le voile est
un symbole religieux qui envoie un message d'inégalité entre les hommes et les
femmes dans une société qui prône l'égalité entre les hommes et les
femmes. L'accepter équivaut à cautionner un double discours, à cautionner
les messages doubles, troubles, ambivalents et anxiogènes.
À ceux et
celles qui prétendent qu'interdire les signes religieux équivaut à souhaiter,
ou presque, que des femmes perdent leurs emplois, je dis : Soyons
sérieux. Je souhaite du fond du coeur qu'aucune femme ne perde jamais son emploi en raison de sa religion. Et, si
l'éducatrice en garderie ignore le b. a.-ba du développement psychosexuel de
l'enfant, enseignons-le-lui et ayons confiance qu'ensuite elle laissera
son voile à la porte de la garderie si sa préoccupation première est de favoriser le plein épanouissement de l'enfant.
Contrairement à ce que certains ont l'air de croire, dans une société qui lutte contre les stéréotypes sexuels et
sexistes, le port du voile n'est pas une banale affaire vestimentaire
dont les enfants devraient s'accommoder.
• (16 h 10) •
Le
Président (M. Ferland) : Alors, Mme Robert, je dois vous arrêter là, mais vous aurez
50 minutes, j'imagine, pour…
Mme Robert (Jocelyne) : D'accord.
Le
Président (M. Ferland) : …par ricochet, continuer à expliquer. Donc, je cède la parole à vous, M. le ministre.
M. Drainville : Si je peux me
permettre, Mme Robert, est-ce que vous approchiez de la conclusion?
Mme Robert (Jocelyne) : Oui, j'approche
de la conclusion.
M. Drainville : Bon bien,
allez-y donc. Je vais vous le…
Mme Robert (Jocelyne) : D'accord.
M. Drainville : Je vous prête
mon temps.
Mme Robert (Jocelyne) : Eh bien, vous
êtes… J'apprécie beaucoup.
Le Président (M. Ferland) :
Vous êtes sur le temps du ministre, allez-y.
Mme Robert
(Jocelyne) : Alors, je disais
donc que, dans une société qui lutte contre les stéréotypes sexuels et sexistes, le port du voile n'est pas une banale
affaire vestimentaire, parce que nous vivons dans un monde, et les lieux
d'éducation sont des lieux névralgiques
d'acquisition des principes d'égalité, de dignité entre les hommes et les
femmes. Dire qu'être en faveur d'une
charte de laïcité est faire preuve de xénophobie, c'est une aberration. C'est
presque comme si je disais qu'être
contre la charte équivaut à souhaiter le renvoi des femmes sous leurs voiles et
à leurs chaudrons. Nier la montée de
l'intégrisme dans le monde dont on fait partie, c'est aussi inimaginable pour
moi. Il y a de nombreux indices de
retour en arrière. Il y a de nombreuses menaces quant aux acquis des droits des
femmes. Et je pense qu'il ne faut pas faire preuve d'aveuglement.
On dit
souvent, et ça, c'est important, je l'ai tellement entendu, c'est une des
raisons pour lesquelles je suis là, que
cela porte atteinte à la liberté d'expression et aux libertés individuelles,
d'interdire, par exemple, le voile. Mais qu'en est-il de l'atteinte au droit fondamental de ne pas être exposé à des
signes représentatifs de religions qui infériorisent les femmes, qui tolèrent, et là, je ne vous énumérerai
pas ma liste, parce qu'elle est longue, mais qui tolèrent, bon, agressions
sexuelles, mutilations génitales, qui criminalisent les minorités sexuelles,
etc.?
Et je ne comprends pas les réactions, parfois
qui me semblent des réactions de vierges offensées, à l'idée d'interdire des signes religieux durant les heures
de travail chez ceux et celles qui sont dans des fonctions que j'appelle,
moi, d'autorité aidante, hein, d'autorité
aidante, des lieux où la neutralité est bien plus que souhaitable, mais
absolument nécessaire au respect de l'être humain qui reçoit les services.
Dans ces lieux-là, je crois que le seul signe ostentatoire recevable est celui
de notre humanité.
Et les valeurs humanistes d'égalité et de
laïcité transcendent, selon moi, les valeurs des sous-cultures et des religions. Et, dans le «sous», il n'y a pas
d'élément péjoratif, vous l'avez bien compris. Tout le monde connaît le
principe voulant que la liberté des uns s'arrête là où commence celle
des autres. Je pense que cela vaut aussi pour la liberté d'expression, plus encore si cette dernière s'exerce
au détriment du développement égalitaire des personnes et de la liberté
de conscience. Merci beaucoup. Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Ferland) :
Merci. Alors, M. le ministre.
M. Drainville : Merci, Mme Robert. J'aimerais ça
qu'on… Je trouve que vous avez très, très bien résumé, dans votre
exposé, la première partie de votre mémoire. J'aimerais qu'on discute davantage
de la deuxième partie. Vous appelez ça Les
cinq arguments des chartophobes. Je n'endosse pas ce terme-là, en tout
respect, mais vous voulez dire les
cinq arguments des personnes qui s'opposent à la charte, bien entendu. Et vous
commencez par dire, premier argument qu'on
entend : En interdisant le voile, on fait perdre leur emploi aux femmes.
Vous y avez fait allusion, à cet argument-là.
Mme Robert
(Jocelyne) : Oui, j'y ai référé.
M. Drainville :
Mais je veux citer un extrait de votre mémoire. Vous dites : «…pourquoi
donc présumer que les femmes
concernées refuseront d'enlever leur foulard? [...]Les antichartes ne
connaissent donc aucune femme qui pourrait avoir besoin, ou envie, d'une invitation pour enlever ce qu'elles
ressentent comme une chape de plomb sur leurs épaules? Moi, si. [Moi, j'en connais, de ces femmes].»
J'aimerais ça que vous nous en parliez, de ces femmes, justement, qui vont
peut-être être soulagées qu'on leur donne un espace pendant lequel elles
peuvent effectivement retirer leurs voiles ou leurs signes religieux si…
Mme Robert
(Jocelyne) : Oui, oui, mais… voilà.
M. Drainville :
…parce que ça pourrait être un autre signe religieux, exactement.
Mme Robert (Jocelyne) : C'est une question qui est extrêmement délicate parce que c'est très
facile de déraper et de dire :
Bon, bien, voilà, pourquoi est-ce qu'on déciderait pour elles? Qu'est-ce qu'on
a à… Pourquoi ne pas leur laisser leur
cheminement dans leur quête d'émancipation, etc.? Sauf que, moi, pour
travailler, pour avoir beaucoup, beaucoup travaillé et rencontré de jeunes femmes surtout, mais des femmes aussi,
sur des terrains vraiment intimistes, hein, de la réalisation de soi, de
la quête d'affirmation de soi comme femme, à de nombreux égards, on rencontre
très souvent, surtout chez les jeunes
filles, cette presque attente qu'on leur rappelle leur liberté, hein, qu'on
leur rappelle leurs droits, leurs
droits fondamentaux, dans nos sociétés, de décider ce qui est bon pour elles et
ce qu'elles souhaitent. C'est dans cet
esprit-là que je pense qu'il faut envisager cette démarche-là, et non pas dans
l'esprit de dire : Bon, voilà ce qui est bon et juste. Moi, j'ai la
vérité. Viens, je vais te dire comment on fait ça. Ce n'est pas ça du tout.
J'ai
un exemple qui me vient en tête, qui est peut-être un peu délicat à raconter,
mais, bon, c'est une jeune fille qui
consulte parce qu'elle a une inquiétude de santé liée à une sexualité
marginale, sexualité un peu marginale qu'elle vivait parce que sa religion lui imposait fortement d'être… de rester
vierge. Alors, sans entrer dans les détails, elle se prêtait à plein d'autres exercices sexuels. Et je lui ai
demandé si elle les désirait, ces activités-là. Elle m'a dit : Bien, non.
Bien, j'ai dit : Tu as le droit de dire non.
Et
moi, je respecte des valeurs religieuses qui aspirent à ce que les femmes
soient vierges jusqu'au mariage. Si c'est ta volonté, si c'est ce que tu veux, c'est ton choix. Mais tu as aussi
le droit de ne pas te prêter et te soumettre à d'autres types d'activités pour préserver une obligation
qui est religieuse, hein? La liberté sexuelle, c'est au-delà de la religion,
et, dans mon esprit, dans un esprit
humaniste, c'est simplement le contraire de se soumettre. Et, bon, c'est un
exemple parmi d'autres pour dire que,
oui, on rencontre souvent, et je ne suis pas la seule, des personnes qui
souhaitent qu'on leur rappelle qu'elles ont des droits autres. Et, une
fois qu'elles connaissent bien tous ces droits, si elles choisissent les
préceptes qui appartiennent à leur culture et à leur religion, bien, c'est leur
décision.
M. Drainville :
Par ailleurs, je veux citer un autre extrait de votre mémoire, où vous
dites : «Dans le débat qui a fait rage, j'ai parfois eu
l'impression de me retrouver dans un épisode des Bobos, avec Étienne et
Sandrine Maxou se gargarisant d'une potion
de petites fleurs bleues, se délectant de l'image, que dis-je, du mirage de
leur grande âme : Voyez comme
nous sommes beaux, bons et amoureux des autres cultures! Voyez comme ces
prochartes sont laids, mauvais et ceintures fléchées!»
Et
là vous ajoutez : «Plus sérieusement, comme l'affirmait le Conseil du
statut de la femme en 2011, l'argument voulant
que l'interdiction du port de signes religieux mine l'intégration des
néo-Québécoises et néo-Québécois est — et vous
citez la commission des droits — "fallacieux puisqu'il suppose d'abord
que les personnes immigrantes sont croyantes et pratiquantes à un point
tel qu'elles souhaiteraient manifester leur foi durant le travail. La
commission des droits a réalisé une étude
qui dément cette croyance"», page 93. C'est bien l'étude de la
Commission des droits que vous citez, là.
Mme Robert
(Jocelyne) : Oui, tout à fait.
M. Drainville : «En fait, les immigrants n'ont pas plus de ferveur
religieuse que les personnes nées au Québec.» Commission des droits de
la personne et de la jeunesse, 2007.
• (16 h 20) •
Mme Robert
(Jocelyne) : Voilà. Ça, c'est vraiment une citation intégrale. Puis, si je
peux me permettre, là, même si ce n'est
peut-être pas essentiel dans le débat, mais c'est sûr que mon clin d'oeil aux Bobos,
hein, moi, je n'ai pas l'habitude d'écrire des mémoires, donc je me suis
inspirée d'articles que j'ai écrits et qui ont été publiés pour rédiger mon mémoire. Il faut comprendre que, dans
nos sociétés, il y a ce qu'on appelle des «trending», des tendances.
Il y a eu une époque, dans les années 60-70, la mode, c'était d'être
socialiste et de se promener avec son petit livre rouge de Mao, au point d'avoir l'air d'acquiescer à des sociétés
totalitaires. Et je pense qu'en ce moment il y a un «trending», il y a une
tendance multiculturaliste, et puis c'est un petit peu dans cet esprit-là, là,
que j'ai fait un clin d'oeil aux Bobos.
M. Drainville : Je ne veux pas induire en erreur personne, si je comprends bien, le paragraphe…
la première partie de la citation est
tirée d'un mémoire du Conseil du
statut de la femme, et c'est la
deuxième partie qui fait référence à la Commission des droits de la personne. «En fait, les immigrants n'ont pas
plus de ferveur religieuse que les personnes nées au Québec», ça, c'est
la Commission des droits de la personne.
Mme Robert (Jocelyne) : Je pense que oui, là. Je vous avoue que je suis un peu perdue dans mes
papiers, là, mais je pense que c'est ça.
M. Drainville :
Et c'était cité, donc, dans l'avis du Conseil du statut de la femme. Voilà.
Mme Robert
(Jocelyne) : Exact.
M. Drainville :
L'autre argument qu'on entend aussi, et je...
Alors,
juste une autre chose aussi, là, à la page 13 de votre mémoire, vous dites :
«Toutes les femmes musulmanes ne
portent pas le voile, comme on semble vouloir le faire croire ici [...] là.
Selon les données disponibles, entre 10 % et 20 % des femmes
musulmanes portent le voile au Québec.» Je trouve ça intéressant que vous le souligniez.
Et
là je veux vous amener au troisième argument des gens qui s'opposent à la
charte : «Regardez la France! Elle a raté sa laïcité», hein?
Mme Robert
(Jocelyne) : On l'entend souvent, oui.
M. Drainville :
Oui. Alors, vous faites la part des choses encore une fois?
Mme Robert (Jocelyne) : Bien, c'est-à-dire que, bon, écoutez, je ne suis pas une experte en
politique française, mais j'y suis assez… j'y travaille, j'y vais encore
bientôt, là, j'y suis assez pour savoir que c'est un raccourci et c'est faux que la France a raté sa laïcité. La laïcité
en France, c'est depuis 1905. Donc, ça ne s'est pas passé récemment, là, il y a
eu une grande… — puis j'espère ne pas me tromper — une grosse période d'immigration, après la
Première Guerre mondiale, qui venait
beaucoup des sociétés... de l'univers de l'Italie et de la Pologne, et ensuite
une deuxième, après la Deuxième
Guerre mondiale, qui est venue plutôt d'Afrique du Nord, hein? Vous avez l'air
à acquiescer, là, bon, je ne me trompe pas.
M. Drainville :
...
Mme Robert (Jocelyne) : Et c'est dans les années 70 que les... je ne sais pas si on peut
appeler ça les problèmes, mais en
tout cas qu'il a commencé à y avoir des difficultés, mais, la loi sur la
laïcité, c'est 1905. Donc, la France a peut-être eu de la difficulté avec l'intégration de ses immigrants, hein? On le
sait qu'il y a de la ghettoïsation en banlieue de Paris, on le voit. Bon, moi, je constate souvent que la
ghettoïsation… Bien sûr, peut-être que l'État n'a pas fait sa job parfaitement,
je n'ose prononcer de jugement là-dessus,
mais la ghettoïsation, c'est aussi, parfois, le choix de la personne qui arrive
de se retrouver dans son monde, dans son univers, avec les siens, et de
ne pas trop ouvrir sur la culture d'accueil.
M. Drainville :
Parfois, moi, je dis, quand on me soumet cet argument-là, si vous me permettez
de compléter, je dis : Le problème… ou les problèmes que vit la
France sont davantage des problèmes d'intégration économique, d'intégration au
marché du travail qu'un problème de laïcité. Je pense que c'est un argument qui
se défend très bien.
Je ne sais pas
combien de temps il me reste, M. le Président.
Le Président (M.
Ferland) : Presque huit minutes, là.
M. Drainville :
Très bien, très bien. Alors, l'autre argument que vous apportez, c'est le
quatrième, donc l'argument des gens opposés à la charte, vous
dites : «Cette charte est xénophobe et raciste!»
Mme Robert
(Jocelyne) : Oui.
M. Drainville :
Ça, là, je peux vous dire que je l'ai entendu souvent. Alors, vous dites :
«Il est devenu ardu, voire courageux,
dans ce contexte, de défendre ce projet — le projet de la charte. Dans cette foulée,
il m'est arrivé plus d'une fois de
rencontrer des gens qui taisaient leur appui à la charte de peur d'être perçus,
dans leur milieu, pour des ségrégationnistes. Si les partisans de ce projet de laïcité et d'égalité sont racistes et
xénophobes, c'est dans l'imaginaire de ses détracteurs qu'ils le sont. Le Québec, c'est de notoriété
planétaire, n'est ni l'un ni l'autre et jouit d'une formidable réputation de
peuple accueillant, ouvert sur les
autres et sur le monde. La tolérance, vertu souhaitable entre toutes, est nulle
si elle dérape dans l'apathie.
"Que chacun fasse ce qu'il veut. Vivre et laisser vivre…" Soyons
sérieux! Pour accueillir réellement autrui, encore faut-il établir les règles en usage dans sa propre maison. Ceci
dans la perspective précise d'ouvrir toute grande la porte à ceux et
celles qui souhaitent vivre avec nous, en toute connaissance de leurs droits et
de leurs devoirs.»
Mme Robert
(Jocelyne) : Est-ce qu'il y a une question autour de ça ou...
M. Drainville : Non, mais c'est parce que je...
Moi, je pense que vous avez visiblement réfléchi à votre mémoire, et vous l'avez écrit, je trouve, dans une très
belle langue, et je pense que c'est important que les gens qui nous écoutent...
Puis je pense qu'il y a pas mal de gens qui
nous écoutent, parce qu'on entend toutes sortes de témoignages de personnes
qui nous font référence à des témoignages, à
des mémoires, à des présentations. Je pense qu'il y a pas mal de gens. Je
m'en voudrais de ne pas citer certains de
ces passages-là parce que je veux justement que les gens qui n'ont pas eu
l'occasion de lire votre mémoire puissent entendre des extraits de ce
mémoire-là.
Maintenant, je veux
revenir aux enfants, parce que c'est une de vos grandes compétences. Une des
grandes tensions, je vous dirais,
t-e-n-s-i-o-n, dans ce débat-là, c'est qu'on dit : Il y a les droits de la
personne, de l'enseignante, par
exemple, et il y a les droits de l'usager, les droits de l'enfant, par exemple,
dans une salle de classe, et sans parler des droits des parents, je
pense qu'il faut également les insérer dans l'équation à un moment donné, et il
y a cette espèce d'équilibre qu'il faut maintenir entre les droits des uns et
les droits des autres. Et certains vont dire : Vous brisez cet équilibre-là en interdisant… en imposant cette
restriction en matière de port de signes religieux. Moi, je réponds tout le
temps : Écoutez, il me semble que c'est raisonnable pendant les heures de
travail.
Et d'ailleurs,
d'ailleurs, je tiens à le dire, on a des témoignages, il n'y en a pas beaucoup,
mais on a quelques témoignages documentés de
personnes qui portent un signe religieux, le voile en occurrence, et qui
acceptent de le retirer au moment où
elles entrent en classe. On a un ou deux exemples comme celui-là pour ce qui
est d'une école, mais on a également
des exemples de personnes qui travaillent dans le milieu des garderies, donc
des personnes qui sont conscientes, je
dirais, de... je ne pense pas me tromper de dire «de leurs responsabilités».
Elles sont conscientes du devoir qu'elles ont et donc elles préfèrent retirer leurs voiles au moment où elles entrent
travailler. Et donc je me dis : Si c'est possible pour ces femmes-là, peut-être que c'est possible pour
d'autres de ces femmes qui portent actuellement un voile et à qui on pourrait
éventuellement… un voile ou un autre signe religieux, et à qui on pourrait
éventuellement demander de le retirer.
Mais
revenons sur cet équilibre. Comment vous réagissez quand vous entendez dire
qu'on défavorise trop l'agent, la
personne, l'enseignante dans ce cas-ci, au profit des enfants ou au profit même
des parents? Comment vous réagissez quand vous entendez ça?
Mme Robert (Jocelyne) : Je comprends et je ne comprends pas, c'est-à-dire que je pense que,
dans une première lecture, on peut
penser ça, mais, en scrutant un tant soit peu, il me semble que c'est un acte
d'ouverture vers l'autre, hein, d'accueil, d'ouverture vers l'autre, que
de se présenter sans signe qui me distingue et qui me sépare.
Je pense que je vais
vous répondre, M. Drainville, par une comparaison extrêmement concrète. J'ai
travaillé pendant des années dans une maison
avec des adolescents en difficulté. Ils avaient comme dénominateur commun
d'être des décrocheurs scolaires, des
décrocheurs scolaires. Et, vous savez ce que c'est, l'adolescence, c'était il y
a 10 ou 12 ans, ils arrivaient
vraiment imprégnés, identifiés à leurs sous-groupes, hein, les punks, les
«preps», les «yos», il y en avait 10, 12 avec les sous-catégories. Et nous leur demandions… Et ils venaient
librement, hein, ils n'étaient pas obligés par la DPJ ou par… Bon. Nous leur demandions, et ça faisait
partie de ma tâche de dire… Nous leur disions : Si tu viens ici, tu
laisses ta capuche, ton capuchon
dehors, tu laisses ta casquette dehors, tu la remettras en sortant; de
8 heures à 2 h 30, ici, nous allons nous rencontrer au-deçà, ou à côté, ou
indépendamment de ta culture, et de ta sous-culture, et de ton groupe
d'appartenance. Pourquoi? Parce qu'on
a envie qu'ici on soit ensemble, on apprenne à vivre ensemble et qu'on ne se
cantonne pas dans notre… Et, pour moi, c'est une question…
La comparaison peut
sembler boiteuse, mais je pense qu'elle ne l'est pas, parce que les principes
derrière ça, c'est d'accueillir, hein? Si,
aujourd'hui, M. Tanguay arrive avec un kirpan, et Mme Unetelle, avec son
tchador, et, vous, M. Drainville,
avec votre gros crucifix dans le cou, et moi, avec un bouddha, mais je pense
qu'avant qu'on s'écoute il va falloir
qu'on franchisse une difficulté assez importante. Je ne dis pas qu'on ne la franchira pas, mais je pense qu'il y a…
• (16 h 30) •
M. Drainville :
…barrière supplémentaire.
Mme Robert (Jocelyne) : Ça crée une barrière et, comment dire, ça conforte la personne dans sa
sous-culture, dans sa religion, plutôt
que d'ouvrir sur des valeurs qui sont plus universelles, qui sont l'humanité.
Vous savez, il y en a un, formidable
signe ostentatoire, là, qu'on présente tous et toutes ici en ce moment, parce qu'on est tous des êtres humains. On
est tous humains. On est tous différents. On a tous et toutes deux yeux, un
nez, une bouche, des cheveux, mais on est tous des êtres humains, alors,
qui tentons de nous écouter ou de ne pas nous écouter.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, sur ce, il reste 20 secondes, M. le ministre, peut-être le temps de dire merci mais…
M. Drainville :
Oui.
Le Président (M.
Ferland) : Et voilà.
M. Drainville :
Merci.
Le Président (M.
Ferland) : Mais, avant de passer la parole au député de LaFontaine,
juste vous rappeler, Mme Robert, une règle
dans les commissions : Quand vous vous adressez à un parlementaire, de le nommer par son titre, et non par son nom. Juste un petit
rappel. Alors, je reconnais… ah! la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis :
Non.
Le Président (M.
Ferland) : Ah! Non? Ah! de…
Mme Weil : De Notre-Dame-de-Grâce.
Le Président (M. Ferland) :
De Notre-Dame-de-Grâce, excusez.
Mme de Santis :
C'est d'abord Notre-Dame-de-Grâce. Ensuite…
Le Président (M. Ferland) :
Et j'imagine qu'après Mme la députée… Allez-y.
Mme Weil : Merci, Mme Robert. Je vais essayer de faire les questions
courtes, parce que des fois on reçoit des commentaires des
gens dans nos comtés, puis il y a des invités qu'ils aiment entendre. J'ai
l'impression qu'ils vont vouloir vous
entendre, parce que vous parlez de parents, d'enfants, d'éducation
des enfants. C'est des choses très intéressantes
pour les parents.
Évidemment,
on est tous parents. Nos enfants ont grandi dans la diversité mais dans la
laïcité aussi. Ça, là, je suis sûre
que vous l'avez constaté, il y a une nouvelle génération qui est très laïque,
très… hein, par rapport à la religion, etc., mais ils ont eu des amis qui… bon, c'était le ramadan, puis, bon, O.K.,
il vient chez nous, comment on organise ça, là? C'est le ramadan. Ils ne portent rien, là, les amis ne portent rien,
mais ils sont musulmans. Donc, il y a toutes sortes de façons que la religion se manifeste. Et moi, je
trouve qu'il y a une nouvelle génération qui est très ouverte à ça, et ce qui a
amené beaucoup de discussions avec les
parents. Donc, je voulais juste vous entendre parler par rapport au rôle des
parents, d'avoir des discussions.
Je comprends
quand vous dites : Des fois, on peut arriver, puis il y a des cloisons,
peut-être, des ghettos. C'est ça qui
peut être préoccupant. Mais généralement la laïcité ouverte du Québec, depuis
40 ans, s'en va vraiment vers accepter la diversité.
J'aimerais
vous entendre sur le rôle des parents dans ces discussions, qui génèrent des
discussions intéressantes pour aider,
guider l'enfant dans la compréhension de pas juste les signes mais tout, toutes
les manifestations de diversité.
Mme Robert
(Jocelyne) : D'abord, Mme la
députée, moi, la diversité, je trouve ça formidable. Et, le fait que nous
ne soyons pas tous pareils, identiques,
qu'on ait des cultures différentes, vraiment je trouve ça formidable. Et
ouvrons-nous sur les autres, c'est
bien. Je pense qu'il faut faire attention de ne pas conclure que… Si on
souhaite l'interdiction de signes religieux de telle heure à telle heure
dans le travail qui vient en aide ou qui est en position d'autorité sur les
autres, ça ne veut pas dire qu'on est fermé à la diversité.
Le parent, je
le dis toujours, hein, il a un rôle fondamental à tous égards. Le parent, il a
un rôle fondamental dans sa
complémentarité avec l'école, hein? Les valeurs de l'école ne sont pas toujours
les valeurs des parents. Le parent a cette responsabilité première de transmettre à l'enfant ses valeurs, et ça, on
ne peut pas… On a tous envie de… Ça ne veut pas dire que ça va marcher, là, mais on a tous envie de transmettre nos
valeurs à l'enfant. Et puis la famille à côté aussi. Et puis l'école,
très souvent elle va tenter — une école, on parle d'une école laïque,
là — de
transmettre à l'enfant des valeurs sur la
capacité de grandir dans le respect, dans la dignité, dans la réciprocité, dans
le partage, dans l'ouverture sur les
autres. Mais je pense que… je crois que des valeurs humaines et humanistes,
comme le respect de l'autre, la dignité, la laïcité, l'égalité, sont des valeurs qui sont universelles et qui
peuvent transcender les valeurs. Alors, le parent, qu'est-ce qu'il a
à faire? Bien, je pense qu'il a à communiquer à son enfant l'importance de reconnaître ces réalités-là, de les respecter, hein? Et puis
nous, on a les nôtres, puis, au-delà de ça, il y a des valeurs sociales
incontournables.
Mme Weil : Je voudrais rajouter quelque chose comme parent, là, ça va vous paraître, je suis sûre, très… vous allez comprendre. Il y a des valeurs de notre
culture qui sont tout à… ce n'est pas des valeurs, il y a
des pratiques qui sont très
difficiles à expliquer à nos enfants. Vous n'avez qu'à marcher entre Peel et
Drummond sur Sainte-Catherine, et vous savez
de quoi je parle. Et, en tant que parent, qu'est-ce qu'on fait par rapport à ce que l'enfant voit? J'ai eu ces conversations souvent et je trouve qu'on porte beaucoup
de jugements sur une religion actuellement, alors qu'on aurait beaucoup de jugements…
Et vous le faites aussi, je le vois dans vos blogues, dans les choses que vous
écrivez…
Mme Robert (Jocelyne) : …
Mme Weil : Bien, je parle des
clubs où la femme est…
Mme Robert (Jocelyne) : Ah! Oui, oui, d'accord,
je vous suis.
Mme Weil : …absolument… vous avez parlé d'infériorisation, c'est un mot
très poli. Et ça nous amène à avoir des
discussions avec nos enfants — j'en
ai eu beaucoup. Très jeunes, ça les choque beaucoup
plus que de voir une femme avec le
voile, hein, vous le… Alors donc, ces problèmes de société, et la
liberté, puis jusqu'où l'État, le gouvernement
peut aller pour contrôler ces choses-là, et
le rôle des parents de s'assurer qu'évidemment on transmette les bonnes valeurs, qu'on
change les choses qui attaquent directement l'égalité entre les hommes et les
femmes…
Mme Robert
(Jocelyne) : C'est fort intéressant, ce que vous soulevez. Parce
que je pense que… Le parent, je
disais plus tôt qu'il a un rôle majeur,
hein, je souhaite qu'il l'occupe de plus en plus et de plus en plus fort,
d'aider l'enfant à
développer un esprit critique, à développer un esprit critique par rapport à ce qu'il voit, ce qu'il voit sur le Web, à la porno omniprésente, bon, par rapport à tout ce qui nous entoure. Il faut qu'il commence lui-même
par peut-être développer son propre esprit critique,
puis aider l'enfant à cheminer dans ce sens-là.
Vous faites
référence un peu à ce monde, à cette société hypersexualisée. Vous savez, pour
moi, la problématique est très,
très, très semblable. Je pense
que la femme cachée représente tout autant l'objet sexuel qu'on ne veut pas
montrer. C'est une réalité, c'est
assez semblable, sous des airs complètement opposés. Dans l'une, c'est le dévoilement, dans
l'autre, c'est la disparition, hein,
du corps sexué. L'un indique : Voilà, la vérité, elle est là, la liberté
sexuelle, c'est faire n'importe quoi. Et l'autre lance le message :
Attention, c'est interdit, c'est défendu…
Mme Weil : …on n'interdit pas
dans un cas.
Mme Robert
(Jocelyne) : Écoutez,
je pense que l'État, les décideurs, nos sociétés politiques
doivent donner, et elles le font, ils le font, des lignes de conduite
globales, mais ce sont des réalités pas si différentes que ça, finalement.
Mme Weil : Merci, Mme Robert.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, je crois… La députée
de Bourassa-Sauvé, je crois? Oui. Et là il vous reste amplement de
temps, là, oui.
Mme de Santis :
Ah! O.K., merci. Je voulais poser les questions tout à l'heure, mais ce n'est
pas grave.
Le Président (M. Ferland) :
Vous êtes plus chanceuse que tout à l'heure. Allez-y.
Mme de Santis : Alors, merci
beaucoup, Mme Robert. C'était fort intéressant, lire votre mémoire et vous entendre aujourd'hui. Et merci
d'être venue.
Moi, je
reprends ce que vous avez dit à la page 8 de votre mémoire,
où vous dites : «Enfin, les tout-petits apprennent aussi par modélisation, c'est-à-dire par identification aux adultes qui gravitent dans leur univers. C'est maintenant
chose connue : la manière dont
ces adultes témoignent de ce que c'est [être] une femme ou un homme, la manière
dont ils et elles exercent les tâches
et activités qui sont socialement dévolues à leur sexe, la
manière dont ils et elles transigent et évoluent avec les personnes de
leur sexe et de l'autre sexe influencent autant l'enfant que tous les
discours.»
Et je
reprends ça, O.K., et je
pense aux couples homosexuels qui ont
des enfants. D'après ce que je lis là, vous voyez un problème là-dedans.
Mme Robert
(Jocelyne) : Je voudrais juste
vous demander, Mme la députée, je n'ai pas la même pagination que
vous : C'est le paragraphe qui commence par quoi, par quel mot?
Mme de Santis :
«Enfin».
Mme Robert (Jocelyne) : O.K. «Enfin, les
tout-petits apprennent…» O.K. D'accord, merci.
Mme de Santis :
Alors, est-ce que… «I mean…» À quel point on va avec ce que vous avez dit là?
Mme Robert (Jocelyne) : Bien là, c'est parce
que je ne comprends vraiment pas votre question.
Mme de Santis :
Vous ne comprenez pas ma question… Parce que…
Mme Robert (Jocelyne) : Et, votre lien
avec l'homosexualité, là, je ne comprends pas.
Mme de Santis :
Non, c'est parce que vous dites que les enfants posent des questions, O.K.?
Mme Robert (Jocelyne) : Oui, bien sûr.
• (16 h 40) •
Mme de Santis : Et que,
si je lis ce que vous avez écrit… Et les enfants qui vont avoir deux hommes ou
deux femmes comme parents, qu'aujourd'hui nous acceptons, est tout à fait
légitime…
Mme Robert (Jocelyne) : C'est possible,
oui.
Mme de Santis :
…ces enfants vont aussi poser des questions.
Mme Robert (Jocelyne) : Bien sûr.
Mme de Santis :
O.K. Est-ce que c'est un problème qu'un enfant pose une question?
Mme Robert (Jocelyne) : Absolument pas.
Mme
de Santis : Et alors pourquoi ce serait un problème
qu'un enfant pose une question sur une femme voilée? Si ce n'est pas un problème, poser la
question : Pourquoi j'ai deux papas ou deux mamans?, et l'autre :
Pourquoi l'autre femme porte un voile, et vous ne portez pas de voile…
Pourquoi on ne peut pas poser de questions en tant qu'enfant?
Mme Robert
(Jocelyne) : Mais, non, je n'ai
pas dit que l'enfant ne devait pas poser de questions. J'ai soulevé la question adulte : Comment se sent-on quand
on porte, quand on affiche un signe religieux derrière lequel se cache… bon, derrière lequel existe des réalités
telles : il y a des religions, il y a des univers culturels, des univers
religieux qui, vous le savez autant que moi, infériorisent les femmes?
Il y a des femmes qui baissent le regard devant les hommes. Comment peut-on répondre à un enfant qui pose une
question, qui va fouiller, hein, qui va interpeller la personne dans ces valeurs-là? Je veux dire, que la personne soit
homosexuelle, hétérosexuelle, ça n'a rien à voir avec les valeurs qu'elle
promeut derrière son orientation sexuelle. J'ai de la difficulté à…
Mme de Santis :
Mais les enfants ne restent pas seulement à l'école ou chez eux.
Mme Robert (Jocelyne) : Bien sûr que non.
Mme de Santis :
Les enfants ont accès à la télé. Les enfants vont au parc, les enfants marchent
sur la rue Sainte-Catherine, tel qu'on l'a
dit tout à l'heure, et peut-être vont voir des femmes voilées. Donc, cette même
situation va exister, que les enseignantes portent le voile ou ne
portent pas le voile.
Mme Robert
(Jocelyne) : Absolument. Tout à
fait. Ce que j'ai voulu mettre en lumière — peut-être que je n'y suis pas arrivée suffisamment — c'était illustrer l'impact de la
quotidienneté, de la présence constante, perpétuelle, hein… perpétuelle…
constante, quotidienne, jour après jour, d'une personne significative en
position de relation d'affection. Vous êtes déjà allée dans des centres de
petite enfance. C'est formidable. Moi, j'y suis allée souvent. Quand il y a un homme — j'ai l'air de m'égarer, là, mais je ne
m'égare pas — quand il
y a un homme qui travaille dans un centre de petite enfance, dans une garderie, les enfants sont tous
après lui, même ceux qui ont… Ça ne veut pas dire qu'ils n'ont pas de père,
là. Parce qu'ils ont un modèle
d'identification masculin, là, sur les lieux, tous les jours. Ils n'en ont
qu'un. Alors donc, c'est la constance et la présence d'une personne qui
est…
Quand je
parle de modèle identificatoire, de substitut parental, l'éducateur,
l'éducatrice en garderie… Je dis le mot
«éducateur», je veux que les hommes m'entendent : Allez-y, travailler en
garderie. On a besoin d'hommes auprès des
petits enfants. Cette personne-là, elle a un rôle fondamental. Il y a un lien
affectif, il y a un lien d'attachement, il y a un lien de confiance, et
ce n'est pas comme la personne qu'on va voir sur la rue.
Moi, je me
rappelle d'avoir pris le métro avec ma fille il y a très longtemps, elle avait
cinq ans — c'est
une grande femme maintenant — et puis qu'on a vu une femme complètement
voilée. On n'en voyait pas souvent à l'époque. Et je me souviens qu'elle m'a demandé : Mais pourquoi
elle se cache? Hein, pourquoi elle se cache? C'est sûr qu'elle ne dira pas
ça à son éducatrice, si elle est voilée tous
les jours, elle va finir par… Mais, bon, je pense que c'est cette nuance
importante, là, entre…
Côtoyer, oui,
c'est formidable. Vive la diversité! Côtoyons des gens qui ont des valeurs
religieuses, qui les affichent. Mais
attention à ce qu'il y a derrière ces valeurs-là, qu'on peut, dans les milieux
éducatifs, dans les milieux de croissance, dans les milieux
d'accompagnement des enfants dans leur développement… il y a des messages qui
sont transmis.
Mme de Santis :
Mais est-ce que vous êtes d'accord avec un mur-à-mur d'interdiction d'objets
religieux? Par exemple…
Mme Robert (Jocelyne) : Qu'est-ce que
vous entendez par «mur-à-mur», si je peux me permettre?
Mme de Santis :
Dans le texte du projet de loi, c'est plus que 600 000 personnes qui
seraient sujettes à ce projet de loi.
Dans les 600 000 personnes, un grand nombre de ces personnes-là n'ont
pas affaire avec le public, O.K.? Ils sont dans des bureaux, cachés
quelque part, ils sont les mécaniciens qui réparent des autobus, etc. Est-ce que
vous êtes d'accord avec ce mur-à-mur? Et quelle est la raison que...
Si vous êtes d'accord, c'est quoi, la raison pour laquelle vous seriez d'accord?
C'est quoi, le justificatif?
Mme Robert
(Jocelyne) : Écoutez, c'est une
question délicate. Je pense que je ne peux pas dire, là, aujourd'hui… On pourra s'en reparler, je
vous donnerai mes coordonnées. Aujourd'hui, je peux vous dire que je suis
d'accord avec l'interdiction de tout signe
religieux dans les sphères d'activité de travail où des personnes sont en
situation d'autorité, et même si c'est
d'autorité aidante, hein, je ne parle pas nécessairement aux policiers ou aux
juges, d'autorité aidante dans des
situations où des... Je pense aux médecins, aux infirmières, aux travailleurs
sociaux du milieu de la santé et des services sociaux, aux intervenants psychosociaux, les personnes qui sont en
relation d'aide et de support, d'accompagnement, et qui sont là pour
aider l'enfant à se développer.
Et pas
seulement — je veux
qu'on se comprenne bien, hein? — pas seulement... Pour moi, ce n'est pas seulement
une question de respect par rapport au fait
que certaines personnes sont athées et n'ont pas de foi, de croyance, c'est
aussi par rapport aux religions les
unes par rapport aux... l'une face à l'autre. Chaque religion... Je ne suis pas
certaine, moi, que c'est l'athée ou
la personne qui ne croit pas qui est la plus irritée ou qui est la seule irritée si elle va quérir,
recevoir un service d'une personne
qui affiche un signe religieux, c'est peut-être la personne qui, elle, porte des valeurs
religieuses très
différentes et formellement opposées à celles de cette religion-là. Alors, je
trouve que c'est une marque de respect non seulement pour les laïcs,
mais pour les religions, les autres religions.
Mme de Santis :
J'ai un autre...
Le Président (M.
Ferland) : Alors, malheureusement, le temps est presque écoulé,
il reste 20 secondes.
Mme de Santis :
Ah! c'était simplement pour demander, quand on parle de pertes d'emploi... Et
je dis que la majorité des entreprises
au Québec sont des petites entreprises, même pas moyennes,
et prennent l'exemple du gouvernement. Si le gouvernement va dire :
On ne veut pas...
Le
Président (M. Ferland) : ...malheureusement, le temps est vraiment écoulé. J'ai laissé
un peu déborder. Alors, la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Robert, merci beaucoup pour votre mémoire. Terriblement
intéressant de vous lire, mais ce l'est tout autant de vous entendre. Vous êtes
passionnée, vous êtes du milieu, vous
connaissez le sujet et vous avez dit d'entrée
de jeu : Moi, je suis ici, je
documente en quoi le voile, un signe ostentatoire lourd de sens, peut avoir une influence, dans les
lieux de garde, sur les enfants en bas âge. Alors, je vous entends bien,
votre mémoire porte sur les petits.
Et
ce que j'aime de votre mémoire, outre le fait qu'il soit très intéressant et
informatif, c'est que vos arguments sont
motivés, vous nous faites une démonstration avec preuves à l'appui. Alors, on
voit, à la lecture de votre mémoire, et
vous nous enseignez et nous rappelez que les enfants apprennent, un, entre
autres, par le message visuel qui est transporté; deux, ils apprennent
par le mimétisme, c'est-à-dire en imitant ce qu'ils voient; les petits
apprennent également par la modélisation, en
imitant ce qu'ils voient, etc. — je
ne ferai pas toute la relecture de votre mémoire. Donc, je comprends où vous logez à cet égard-là, vous nous
rappelez des principes psychologiques et de sexologie hyperimportants, entre autres
le développement à l'étape où ces petits sont.
Maintenant,
ma question, elle est la suivante. Dans le projet de loi n° 60,
actuellement il y a une interdiction de port religieux dans les CPE. Mais, moi, ce que je
vous demande, c'est : Vous, que voudriez-vous voir à cet égard-là dans le projet de loi n° 60? Parce
qu'il ne va pas partout, il ne rentre
pas dans les maisons, il ne va pas dans le secteur privé. Où pensez-vous
que cette interdiction devrait aller? Jusqu'où devrait-elle aller pour les
enfants?
• (16 h 50) •
Mme Robert (Jocelyne) : Moi — j'ai
l'impression de me répéter, mais peut-être que je n'ai pas été suffisamment claire — je
pense, et c'est le monde que je connais, que, dans tous les lieux, pas juste
auprès des enfants mais des adolescents, des personnes plus vieilles qui
vont à l'école, des personnes qui consultent... Un adulte de 40 ans qui
consulte une psychologue dans les services
sociaux, un médecin, je pense qu'il est en droit de s'attendre à faire affaire…
à voir devant lui, devant elle une
personne qui ne manifeste pas de signe ostentatoire, visible, religieux. Je
veux dire... Puis c'est sûr que je
pourrais vous donner plein d'exemples. Quand tu consultes parce que
tu veux avoir une IVG, un avortement, bien, c'est intéressant de rencontrer quelqu'un qui n'a pas de signe religieux, là, hein, que tu
sens qu'il n'y a pas de jugement de valeur, pour te sentir
comprise, accueillie, hein — j'aime
bien le mot «accueillie» — dans
ta totalité.
Alors, moi, je pense
qu'un projet de loi devrait interdire les signes ostentatoires religieux. Je
l'énonce pour l'univers que je connais, à
l'égard de toutes les personnes qui sont dans des situations
d'aide au développement, dans des situations de... dans des
postes et des fonctions d'autorité, même dans des situations
d'autorité aidante, et surtout dans des situations d'autorité aidante.
Mme
Roy
(Montarville) : J'ai bien pris note de votre définition, «autorité aidante». Cela dit,
j'ai très peu de temps, et je... L'égalité hommes-femmes, là, on
s'entend, là.
Mme Robert
(Jocelyne) : On s'entend.
Mme
Roy
(Montarville) : On s'entend. Cela dit, je vous pose une question : En tant que
sexologue, ne pensez-vous pas qu'une
bonne façon, justement, de valoriser cette égalité hommes-femmes, ce ne
serait peut-être pas le retour
également des cours de sexualité dans nos écoles? Y a-t-il
un impact du fait qu'on n'en ait pas? Est-ce
que ça pourrait aider?
Mme Robert
(Jocelyne) : Mais c'est évident. Moi, j'ai été de celles qui ont porté les
pétitions et toutes les revendications.
C'est fondamental. Nous avons besoin plus que jamais
de cours d'éducation à la sexualité, en retenant bien que l'éducation à la sexualité, ça dépasse largement les notions
d'anatomie, de physiologie, mais ça inclut toute cette quête, hein,
d'affirmation de soi dans la responsabilisation et d'affirmation de soi. C'est
sûr et certain que...
Le Président (M.
Ferland) : Alors, je dois aller maintenant au député de Blainville.
M.
Ratthé : Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Écoutez, j'aurais un peu à en appeler de votre expertise
de pédagogue, d'ex-éducatrice en...
Mme Robert (Jocelyne) : En garderie.
M. Ratthé :
...en garderie, formatrice aussi auprès des gens qui travaillent en garderie.
Souvent, les tenants... en fait, ceux qu'on a entendus souvent, des gens qui
sont peut-être défavorables à l'application de ce projet de loi là vont nous dire : Bien, écoutez,
quand ils sont tout petits, de toute
façon, les enfants ne comprennent pas
nécessairement. Ils
vont peut-être simplement regarder ça comme un... se dire en eux-mêmes : Bien, c'est comme ça que la dame ou le monsieur est habillé,
puis maman et papa sont habillés d'une autre façon, sans trop se poser de question.
Moi, ce que
je voudrais savoir, c'est : Vous pouvez nous indiquer, peut-être,
du moins par votre expertise, à quel moment du développement de l'enfant
peut-il comprendre et faire la différence — surtout comprendre — faire
la différence entre la façon dont son
éducateur ou son éducatrice est habillé, ou porte des signes, et ce qui se
passe chez lui? Et est-ce que
ce laps de temps là peut avoir une influence, entre guillemets, permanente sur
sa façon de voir les choses puis sa façon d'être?
Mme Robert
(Jocelyne) : C'est une grande question.
C'est-à-dire, il... Simplement, la première partie de votre question,
je vous dirais : Très rapidement,
l'enfant se rend compte que ce n'est pas pareil, là, hein? Il voit bien, si
moi, je suis sa mère ou sa
grand-mère, que je ne suis pas habillée comme... Bon, ça, c'est très, très
rapidement. Et les questions, dans le
monde de l'intimité et de la sexualité, sont parfois muettes, il faut aller les
chercher. Mais, dans cet univers-là de la tenue vestimentaire, ça va surgir très vite : Pourquoi? Hein,
pourquoi elle est habillée comme ça? Pourquoi, le monsieur, ce n'est pas pareil? Donc là, on a besoin d'avoir
des réponses, des réponses verbales et des réponses non verbales aussi.
Vous savez,
un enfant, là, un enfant de deux ans, vous aurez beau lui faire une longue
dissertation : Ne mange pas de terre, dans la terre, là, tu peux attraper
ça, puis il y a ci, puis il y a ça, mais, si tu ne fais pas un visage de
dégoût, il ne comprend pas ce que
vous lui dites. C'est votre visage, c'est les traits de votre visage dégoûté
qu'il va reproduire et qui va
lui faire comprendre ce qu'il en est. Alors, c'est pour ça que c'est important,
l'accompagnement d'un jeune enfant, parce qu'on transmet des messages
verbalement puis on en transmet aussi par notre façon d'être.
Votre question me permet peut-être de définir
quelque chose que je n'ai pas défini. J'ai parlé de l'identité sexuelle, comment ça se passe. Dès un an et demi,
à peu près, l'enfant sait qu'il est un garçon ou une fille, hein? Un petit peu plus tard, il va développer ou elle va
développer son sentiment d'appartenance à un groupe : Non seulement je
suis un garçon, une fille, mais je
fais partie d'un groupe. Et c'est là que c'est intéressant, là, parce que, là,
j'adopte les comportements de la
personne qui est importante pour moi. Je suis influencée. C'est le processus
d'identification, là, qui agit, qui est agissant.
Jusqu'à environ trois ans, l'enfant n'est pas
sûr que son sexe, par exemple, est permanent. Vous savez, quand on parle de problème d'identité sexuelle
chez le tout-petit, là, il pense que ça peut changer. Si votre fils de trois
ans vous dit : Je pense que je vais
avoir un bébé un jour, ne vous inquiétez pas, là. Ça ne veut pas dire qu'il va
se faire transformer, changer de
sexe. Et, vers cinq, six ans… Vers cinq, six ans, si ça se passe bien, tout ça
est consolidé : Je suis un
garçon. Je suis une fille. J'agis comme les garçons… les hommes et les femmes
de mon entourage, donc je suis un vrai garçon, donc je suis une vraie fille.
Et, si ça se passe bien, si nos valeurs sont valorisantes et dans les mots et
dans ce qu'on renvoie comme image
d'homme et de femme, bien, on est content d'être un gars, on est contente
d'être une fille. Puis on est fier. Puis on va aller loin avec ça. Si ça
se passe moins bien, bien, ça peut être plus fragile un peu.
M. Ratthé : Alors, c'est très
intéressant. Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, sur ce, le temps étant écoulé, Mme Robert, je vous remercie énormément pour le temps que vous avez pris pour préparer le mémoire
et de venir ici nous le présenter, d'avoir fait profiter de votre
expertise aux membres de la commission. Alors, merci beaucoup.
Et je
suspends quelques instants pour permettre à M. Ghyslain Parent, M. Drouin et
Mme Hubert de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 56)
(Reprise à 17 heures)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, la commission reprend ses travaux. Nous recevons maintenant
M. Ghyslain Parent, M. André Drouin
et Mme Louise Hubert. Alors, M. Parent, la parole est à vous, en vous mentionnant
que vous avez 10 minutes pour
présenter votre mémoire, suivi d'un échange avec les groupes parlementaires. Alors, la parole est à vous.
MM.
Ghyslain Parent et André Drouin
et Mme Louise Hubert
M. Parent
(Ghyslain) : Merci, M. le Président. M. le ministre et autres députés, je vous remercie de me
recevoir. J'en profite pour me
présenter : Ghyslain Parent, professeur, Université du Québec à Trois-Rivières. Je travaille dans le domaine de l'éducation, de l'enseignement. J'ai
travaillé et enseigné 15 ans, avant d'être professeur d'université, auprès
d'élèves en difficulté. J'ai travaillé une trentaine d'années auprès de
personnes en détresse, vivant des situations de handicap, etc. J'ai, avec moi, pour m'accompagner, M. André Drouin,
d'Hérouxville. J'en profite pour vous dire quelque chose en deux
secondes.
Le Président (M. Ferland) :
Allez-y.
M.
Parent (Ghyslain) : Je tiens à le
saluer. Il s'agit de quelqu'un qui est connu. Lorsque je l'ai connu, il y a
sept ans, moi, je pensais au début que
c'était un imbécile — je m'en
excuse. On avait même un conflit tous les deux ensemble — il pourra
vous en dire — les
premières semaines, les premiers temps, parce que je pensais que M.
Drouin — dans le
temps je l'appelais Drouin — je pensais que Drouin — après il est devenu M. Drouin, et maintenant
c'est devenu André — je
pensais qu'il voulait lutter contre des
personnes qui… Dans les années 2000 et 2003, je travaillais beaucoup en
contact avec des étudiants musulmans,
avec des jeunes musulmans à Montréal, qui vivaient des situations difficiles au
niveau de l'intégration à l'emploi.
Je pensais que M. Drouin était en lutte contre ces personnes-là et je me suis
aperçu que ce n'était pas vrai et
qu'avec le temps on voulait la même chose, on voulait une cohésion sociale, une
paix. Et maintenant je pense qu'André,
si j'avais à parler de lui, c'est quelqu'un qui a été un homme de vision, c'est
un précurseur. Il a été témoin de plusieurs
problèmes liés à l'intégrisme par ses voyages dans le monde entier. C'est un
homme foncièrement honnête et tenace. Je pense que...
M. Drouin (André) : Ce n'était pas prévu,
ça, là, là.
M. Parent
(Ghyslain) : Oui. Je pense que,
si aujourd'hui il y a cette commission, on le doit un peu à lui. Il nous
a fait cheminer, et j'en suis très fier et je suis heureux de le connaître.
Avant de connaître M. Drouin, j'avais
publié — et
je vais faire un cadeau à M. Drainville — le document Valeurs et opinions de futurs enseignants provenant
de la génération Y, avec deux
collègues, Ghyslain Parent, Charles
Paré et Rollande Deslandes. Là-dedans, on parle justement des valeurs et on
voit où les jeunes sont... — les jeunes, excusez-moi, ils vont me battre — les étudiants universitaires, les futurs
enseignants sont rendus au niveau des valeurs, et où ils situent la place de la religion. Et on en
parle dans ce document. Mais ce n'est pas le but de l'exercice aujourd'hui.
Je commence...
Une voix : Mme Hubert...
M. Parent
(Ghyslain) : Ah! je vous présente
aussi Mme Hubert, qui est une citoyenne avec qui... que j'ai connue il y a
quelques années, lorsqu'elle a voulu poser un geste intéressant. C'est une des
citoyennes qui a demandé le retrait de
la prière à l'hôtel de ville de Trois-Rivières, et madame a eu gain de cause devant les
tribunaux, et autres. Madame a été
ostracisée, madame a été insultée dans la rue par des personnes. Elle a été
insultée dans des salles et bousculée dans des salles municipales parce
qu'elle demandait tout simplement qu'on accorde le droit qui avait été accordé à Laval pour la
ville de Trois-Rivières. Parce qu'il était très clair, pour elle et pour nous
trois — on
ne se connaissait pas dans le temps — que
la laïcité est la chose qui unit les gens. C'est la seule façon d'avoir un réel
savoir-vivre ensemble, être certain que les gens vont être capables de
vivre dans une paix sociale et travailler ensemble au mieux-être de ce pays.
Je sais que,
dans la salle, il y a deux ou trois avocats, ça fait que je vais en
profiter pour donner quelque chose
qui est reconnu par les avocats. Justice, il faut qu'il y ait justice et
apparence de justice, et on me dit souvent, des pédagogues qui m'ont expliqué, parce
que j'ai joué un peu là-dedans, que
l'apparence de justice était plus importante que la justice des fois. On parle aujourd'hui
de deux choses, on parle de la neutralité de l'État, il doit y avoir neutralité
et apparence de neutralité. C'est de ça
qu'il est question aujourd'hui. Et, pour moi, il est clair, il ne peut pas y
avoir d'apparence de neutralité religieuse si les gens portent des
signes ostentatoires. J'ai beaucoup aimé la communication, tantôt, de Mme Robert, la sexologue, parce qu'on va toucher à peu près les mêmes points. On va aller dans le développement et le rôle des
enseignants ou encore des gardiennes dans les garderies, les éducatrices dans
les garderies, comment elles s'y prennent pour former l'éducation.
Mais avant, dans mon introduction, je veux juste
souligner les deux phrases importantes qui définissent la laïcité. Ce sont les deux suivantes, et mon
collègue Drainville va sûrement vous en parler — Drainville! Drouin. O.K. M. Drouin, s'il vous plaît : Au Québec, tous
les individus obéissent aux mêmes lois, et ce, peu importe leur religion. C'est
très clair, c'est le seul principe, le
premier principe : la laïcité. Et le deuxième, c'est : Au Québec, que
la religion des uns ne devienne
jamais la loi des autres. Et on sait le premier… la première contestation
devant les tribunaux, avait voulu ça lorsque
la pharmacie avait demandé, il y a quelques années… une pharmacie avait demandé
d'être ouverte le dimanche, parce
qu'elle disait : Moi, je ne suis pas un catholique, et vous m'imposez une
religion qui n'est pas la mienne. Et, à ce moment-là, ce fut un des premiers accommodements qui a été accordé, en
disant : Vous avez raison, on n'a pas le droit de vous imposer d'autres éléments. Ça fait que,
pour empêcher ça, vu qu'il y a la diversité au Québec, il est très clair, moins
la religion va pouvoir entrer et avoir accès dans le domaine civil, mieux les
gens vont s'en porter.
Je pense à
mes étudiants qui sont habituellement fatigués le soir, vers cette heure-là.
Vous… ça fait que donc je vais faire…
je vais être très compréhensif à votre égard et je vais prendre seulement les
moments… les portions les plus importantes du mémoire, qui a
45 pages.
Je pense
qu'il est très important qu'il y ait des balises au Québec
pour éviter toutes sortes de dérives. Les balises... Et, je pense, il y a trois, quatre, cinq
ans, sept ans, lorsqu'on a commencé, les gens nous disaient : La charte,
la religion, non, non, il n'y a
pas de problème, et pourtant je sens une cohésion maintenant,
une volonté de tous les partis politiques de
définir… Ça fait que c'est déjà un premier pas qui est fait là-dedans, et je le
souligne, les efforts qui sont faits et la volonté. Plusieurs partis ont même fait des copies ou
d'autres versions de charte, et je souligne l'effort que les gens prennent cet
exercice au sérieux.
Ce
document-là aussi, où est-ce qu'on disait qu'il n'y avait pas de balise, a été dit
dans le jugement Saguenay pour la prière,
le dernier jugement qui est porté en appel maintenant devant la Cour
suprême. Et ça faisait drôle, il n'y
a pas de balise et il
y avait un juge qui disait :
C'est tellement grave, l'expression religieuse, que je donne 32 000 $ en dommage à un citoyen, et, quelques
mois après, d'autres juges ont dit : Bof! Ce n'est pas grave, on enlève le
32 000 $ et on pense que ça
peut être une façon de vivre ensemble, que ça peut être toléré, et autres. Et
ce juge-là… ces trois juges-là, dont le juge...
Le Président (M. Ferland) :
…pour conclure, M. Parent.
M. Parent
(Ghyslain) : O.K., oui. Ça fait
que je vais recontinuer. Pour moi, il est très clair que le port des signes
ostentatoires dans les garderies et dans les écoles devrait être défendu, parce
que ce sont des personnes en autorité, et elles
ont une influence importante et majeure sur des personnes qui sont très
vulnérables, soit les enfants, et, à partir de ce moment-là, il y a lieu de croire qu'on doit
limiter et exclure totalement tout signe religieux. Parce que le Québec a fait
le choix, il y a quelques années, de
bannir de l'école et des garderies l'enseignement religieux. Et le fait de
porter un costume ou un signe religieux porte un message en soi. Merci.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, merci. Merci, M. Parent. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.
• (17 h 10) •
M.
Drainville : Merci
beaucoup. Merci à tous les trois. Je veux qu'on enchaîne, M. Parent, là, sur...
Justement, vous étiez en train de
nous parler d'éducation et d'enseignement, juste à la fin de votre
présentation, ça fait que je voulais justement vous poser des questions
là-dessus. Ça va probablement vous permettre de compléter le message que vous
souhaitiez nous transmettre sur cette question-là.
Bon, vous
avez entendu le témoignage de Mme Robert, juste avant, là, que je trouvais très
éloquent, parce que c'était
très... c'était ancré dans des exemples concrets puis dans une pratique, comme
professionnelle, là. D'ailleurs, j'espère
qu'il y a des sceptiques qui l'ont entendue, parce que c'est justement le
genre de témoignage, je pense, qui nous montre à quel point la charte, elle est importante, en particulier
dans les milieux d'éducation. Mais j'aimerais ça qu'on poursuive sur cette lancée. Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez 15 ans d'expérience auprès d'élèves en difficulté. Vous avez un doctorat en éducation, ce n'est quand même
pas rien, puis vous êtes professeur titulaire à l'UQTR. Alors, parlons-en justement, de la relation entre
le maître et l'élève, et, si vous voulez élaborer un peu sur la question
des élèves du niveau primaire et
secondaire, allez-y, mais moi, je veux vous entendre en particulier sur la
nécessité d'avoir la neutralité
religieuse dans les salles de classe au niveau collégial et universitaire, parce qu'on va avoir un gros débat là-dessus. Il y a des institutions universitaires qui s'en viennent, là, puis qui vont venir
dire... Enfin, dans certains cas, c'est
des institutions universitaires qui vont parler, dans d'autres cas, ce sont des
recteurs d'université qui vont parler. Ce
n'est pas nécessairement la même chose, comme M. Rocher nous l'a bien
signifié hier. Mais parlons donc de cette nécessité, à votre avis, d'une neutralité religieuse dans les salles de
classe, puis prenez le niveau que vous voudrez, là.
M. Parent
(Ghyslain) : O.K.
Moi, je préfère, vu que le mémoire a porté et il a été documenté au niveau du
primaire et des garderies comme telles, parce que c'est ce que l'équipe
avait décidé… et ça faisait partie de mon expertise. Je forme des intervenants. J'ai compris qu'on ne pouvait pas faire cohabiter
ensemble des dogmes religieux. Entre autres, par exemple, lorsque des gens
croient, à cause de leur religion, qu'ils doivent aimer leurs ennemis et que,
juste à côté, il y a d'autres personnes qui
croient qu'il faut tuer ses ennemis, qu'ils ont été conditionnés, enseignés
depuis leur naissance, on ne peut pas
les faire cohabiter ensemble. Et, à partir de ce moment-là, il n'y a
que la neutralité comme telle qui peut être apportée.
Les jeunes...
C'est un choix qu'on a fait, au Québec. On l'a déjà fait, le choix de dire : On
retire... On se souvient tous… Dans mon temps, peut-être les jeunes
députés, ici, n'ont pas vécu cette situation-là, mais, dans mon temps, il y avait
les costumes religieux, il y avait aussi les enseignements, on comptait même,
en mathématique, on comptait les hosties, sur
les ciboires, qu'il y avait. Tout était empreint... L'histoire du Canada
qu'on nous racontait dans le temps
était, dans le fond, un enseignement religieux, des pauvres prêtres qui avaient été
martyrisés. Tout était là-dedans. On
croyait, et on a eu, pour plusieurs, une enfance à l'eau bénite, et ça
influençait. Dans le temps, lorsqu'on demandait aux jeunes garçons quel
métier ils voulaient faire plus tard, beaucoup disaient : Je veux être un
prêtre, et aux jeunes filles : Je
voulais être une religieuse, parce
que les personnes significatives qui
étaient en nous et avec lesquelles nous passions le plus de temps, c'étaient des personnes qui avaient déjà un
costume, ce qui impressionnait, parce
qu'elles étaient différentes. Et,
devant ce fait-là, les gens en étaient venus à accepter… et étaient très
influencés par le conditionnement religieux qui se passait.
M.
Drainville : Donc,
votre opinion, votre conviction sur la question de la neutralité religieuse, y
compris en matière d'apparence, elle est ancrée dans l'expérience
catholique et des leçons que vous en avez tirées. C'est ça?
M. Parent
(Ghyslain) : Oui, parce que, dans
le temps, il y avait uniquement la religion catholique qui dominait au
Québec. Et, je le disais dans mon mémoire, on était même venu… on était conditionné
à ne pas parler aux jeunes Témoins de
Jéhovah. C'était très mal vu. On était regardé. Il y avait ce phénomène-là qui
était passé. Les autres religions étaient totalement absentes comme
telles.
M. Drainville : Et alors,
pour vous, ça va de soi que...
M. Parent
(Ghyslain) : Pour moi, ça va de
soi, il est très clair, les gens ne peuvent pas… Comme je parlais, dans mon document, de Watzlawick qui disait si bien : On
ne peut pas ne pas communiquer. Les gens, et c'est volontaire… c'est peut-être inconscient, mais c'est
volontaire, lorsque tu portes un signe religieux, c'est parce que tu veux
envoyer un
message. J'ai madame, ici, là, qui a déjà tricoté un chandail des Bruins de Boston pour son gendre. Et,
lorsque le gendre porte le costume, il n'y a
pas un mot à dire, tous les gens
savent qu'il passe un message, qu'il aime les Bruins, que les Bruins sont meilleurs et que, les Canadiens, on ne
doit pas les aimer. Ça fait que c'est un message, le costume. Le costume
est très fort. Le jeune le reçoit.
Je peux même citer un exemple que j'ai vu dans
une garderie. J'ai une dame qui me racontait une expérience. Son fils allait dans une garderie, où les
éducatrices étaient voilées. Les femmes étaient très… La dame était très
d'accord à ce que son enfant puisse jouir du multiculturalisme, avoir un paquet
d'informations, et autres. La dame était ouverte. Mais un jour le fils
est arrivé à la maison et a demandé, à six, sept ans, à sa mère : Maman,
pourquoi tu ne portes pas de voile, toi?
Première question, où est-ce qu'il y a eu un bel échange. Et le deuxième :
Maman — un peu
plus tard — est-ce que toi, tu es pure? Est-ce que tu es
pure? Je pense que le jeune avait reçu un message, une information à l'effet de ça. Le jeune était mal à l'aise
aussi. Beaucoup de gens m'ont conté qu'ils n'aimaient pas que leur père aille
chercher un enfant à la garderie. Mais le
petit gars auquel je fais référence, lui, ne voulait pas que ce soit sa mère,
parce qu'il ne voulait pas que les
éducatrices voient que sa mère ne portait pas de voile. Il savait qu'il y avait
une importance qui était apportée à ce vêtement-là. Et il avait à peu
près sept ans.
M. Drainville : Ça, ce
témoignage-là, vous le tenez du parent, là.
M. Parent
(Ghyslain) : Je le tiens du
parent. Je le tiens du parent comme tel. On en a d'autres aussi que j'ai cités
dans le mémoire : la mère qui était
surprise de voir son enfant sortir un tapis de la salle de bain puis, à trois,
quatre ans, faire des prières dans le salon en imitant des prières d'une
autre culture religieuse. Et les gens me demandent : Est-ce qu'on a le droit de faire de
l'enseignement religieux dans les garderies? Et la réponse, elle est non. C'est
un choix qu'on a fait comme société.
M.
Drainville : Mais
qu'est-ce que vous répondez à l'argument, et là je me fais un peu l'avocat du
diable, là, mais c'est une question
que vous pourriez avoir : Qu'est-ce qu'il y a de mal à ce que l'enfant
soit exposé, donc, à cette autre culture
et que ça l'amène à poser des questions à son père ou à sa mère sur cette
culture-là ou sur cette religion-là? Ça fait partie de l'expérience de la diversité, diront-ils, diront-elles, et
donc c'est… On vit dans une société québécoise qui est de plus en plus forte de cette diversité-là, et donc
c'est très bien que les enfants soient exposés à ça. Si ça suscite un dialogue
avec les parents et que les parents puissent
lui répondre, remettre les pendules à l'heure ou, tout simplement, donner une
réponse, bien, c'est tout à fait correct, c'est tout à fait normal.
M. Parent
(Ghyslain) : Je suis très ouvert
à ce qu'ils le soient, parce qu'ils le sont, exposés, les petits voisins,
et autres. Parce que, le jeune garçon auquel
je vous parlais, son meilleur ami est un jeune Laotien qui demeure dans la
maison voisine. Les jeunes sont ouverts à
ça, mais on a fait le choix, comme société, que les éducateurs et les
éducatrices ne fassent pas d'enseignement religieux. Et le but du
costume et du signe ostentatoire est de faire un enseignement, d'exprimer que je suis différent. Lorsque je porte
un signe religieux, je suis différent des autres. Et je pense que, les enfants
étant vulnérables, je ne souhaite pas qu'ils soient exposés à ça. On a fait le
choix qu'il appartenait aux parents, qu'il appartenait aux communautés
religieuses, avec le choix des parents, de faire cet enseignement-là.
M.
Drainville : Je sais
que ce n'est pas de cela dont votre mémoire parle, j'ai bien compris tout à
l'heure votre réponse, mais est-ce
que je peux quand même vous demander, à titre de professeur titulaire dans une
université… Puis, si vous n'êtes pas
à l'aise, M. Parent, dites-moi-le, ce n'est pas grave, on va passer à une autre
question. Mais je comprends que la
réponse que je vous demande ne représente pas nécessairement les personnes qui
vous accompagnent, mais est-ce que je
peux quand même vous demander : Vous, selon vous, là, est-ce qu'un
professeur ou une professeure d'université devrait avoir le droit d'afficher ses convictions religieuses ou est-ce
que vous vivez bien avec cette restriction-là, qui est prévue dans le projet de loi et qui prévoit que le
projet de loi, il s'étend également aux cégeps et aux universités, y compris
sur la question des signes religieux? Est-ce que vous vivez bien avec ça ou pas?
• (17 h 20) •
M. Parent
(Ghyslain) : Moi, je vis très
bien avec le fait qu'on l'interdise, que ce soit interdit dans les écoles, et
les universités, et partout. Je vis très bien avec une extension au
monde universitaire.
J'aimerais
raconter une expérience, si vous me
permettez, et j'espère que la dame va me pardonner, ou autres. Je ne connaissais pas du tout Mme Rita
de Santis, une députée qui est à quelque part, et je peux vous
dire que je l'ai trouvée adorable, un
jour, à la télévision, lorsqu'elle est arrivée innocemment en portant un bijou
ostentatoire qui était un bijou. Je
l'ai adorée parce que je me disais : Ça, c'est du Ghyslain Parent en
jupon, elle est une… Elle ne voudra pas le dire, mais elle a un petit caractère délinquant que j'ai beaucoup apprécié et
aimé. Et, malheureusement ou heureusement, en même temps, la même semaine, j'ai vu, pour la première fois de ma vie, à
l'Université du Québec à Trois-Rivières, un chargé de cours, un professeur qui portait la kippa. Il y a ce qu'on
appelle probablement une réaction à peu près avec le même mécanisme de
défense. Mme de Santis laissait croire que c'était tout à fait…
Le
Président (M. Ferland) : …vous rappelez que, quand vous vous
adressez aux parlementaires, de les nommer par leur titre.
M. Parent
(Ghyslain) : Non, le titre,
je connais… Le titre, je ne veux pas le connaître, mais Mme de Santis était
à la télévision, parce que je l'ai vue à la télévision.
Le Président (M.
Ferland) : Oui, mais quand même elle est ici aujourd'hui, donc…
M. Parent (Ghyslain) : Ah! O.K. Je
vais essayer de…
Le Président (M. Ferland) :
Parce que c'est les règles de l'Assemblée parlementaire.
M. Parent
(Ghyslain) : De
Bourassa-Sauvé, une madame que j'adore et que j'ai appris à aimer. Et je pense
que… Ce qu'elle a fait là, je
m'attends à ce que ces gestes-là soient refaits, qu'il va y avoir des gens qui
vont essayer de trouver beaucoup de
stratégies. Hier, comme par hasard, je mangeais dans un restaurant — je n'en ferai pas la publicité — et, à la table à côté, il y avait quelqu'un qui avait — tenez-vous bien — trois crucifix sur lui, il avait décidé… un
crucifix, une croix sur son veston et
une autre croix sur son manteau. Ça fait que je pense qu'il va y avoir des
gestes, des réactions, mais qu'avec le temps, en faisant éducation, les
gens vont s'adapter.
Mais
j'aimerais ça donner la parole un peu à M. Drouin. Il a probablement des choses
intéressantes, si vous le permettez, monsieur…
Le Président (M. Ferland) :
Si M. le ministre est d'accord. Oui. Allez-y, M. Drouin.
M. Drouin (André) : Bien, tout ce qu'il a
dit, je supporte ça, là. Mais moi, après sept ans, j'ai une banque de données que je suis prêt à partager avec vous, qui
va certainement intéresser — du moins, j'espère — les gens autour. J'ai fait des conférences un peu partout au
Canada, dans les six dernières années, en particulier, dans d'autres pays
aussi, et j'ai remarqué que les
problèmes que nous sommes en train de vivre ici sont quand même minimes. Même
s'il y a des gens qui disent que nous
sommes en train de créer un problème, moi, je dis qu'il y a un problème. Et, ce
que je vois dans d'autres pays, je ne veux absolument pas le voir ici.
Ceci étant
dit, j'aimerais rappeler à tous nos honorables élus ici, autour de la table,
qu'on fait affaire, ici, entre un
choix de société qui dit : Nous vivons dans une démocratie, ou, à l'autre
extrême : Nous voulons ou désirons vivre… peut-être même il y a déjà des Canadiens et des Québécois qui désirent
vivre dans une théocratie. Alors, les accommodements
pour les religions, c'est un moyen — puis ça, ça a été ma profession pendant
plusieurs années — appelons
ça de tenter de résoudre des problèmes ou
faire des analyses comparatives. Et un accommodement pour les religions, c'est
très symbolique, c'est un moyen de mélanger
la démocratie et la théocratie. C'est probablement la pire chose qu'on peut
faire. C'est un mélange… c'est pire que de la dynamite.
Alors, il
faut essayer de comprendre ici que ce que nous… ce avec qui ou avec quoi — je ne sais pas trop quoi dire
là-dessus — nous
faisons affaire, ce sont des religions, hein? Et puis je n'ai rien contre les
religions comme telles — moi, je ne sens pas le besoin d'en
avoir — mais,
une religion, le seul désir… peu importe la religion en passant, son désir, c'est de s'agrandir, croître, etc. Et
il y a une chose que j'ai remarquée dans les analyses que j'ai faites dans les
10 ou 11 dernières années, c'est que
toutes les religions ont quelque chose en commun, à savoir que ce qui est
important pour les religions, c'est
la vie après la mort. Moi, dans mon cas, puis j'espère que c'est le cas de tous
les gens ici, autour de la table, c'est la vie avant la mort. C'est ça
qui m'intéresse, là, la balance, ça ne m'intéresse pas.
Alors, ceci
étant dit, parce que des gens ont des croyances qui… on dirait que nos
élus — puis là
je ne parle pas rien que de vous
autres, je parle dans d'autres pays aussi — on dirait que nos élus ont peur de prendre
position, de dire : Bien, ta
croyance, mon bonhomme ou ma bonne femme, met-la de côté pendant six heures par
jour ou huit heures, puis, les autres
16 heures, bien, tu pourras la pratiquer. On a fait la même chose avec les
fumeurs ici, au Québec, il n'y a
pas tellement d'années. Et puis tous les gens disaient :
Les restaurants vont fermer, les bars vont fermer. Il y a eu des parades,
le droit des fumeurs. Mais l'État a
dit : On te laisse le droit de fumer, comme on peut te laisser le droit
appelons ça de prier, de l'autre
côté, mais on va te dire à quelle place tu ne peux pas fumer. Puis la raison,
c'est le vivre-ensemble. Dans des
pays où la diversité culturelle est présente, et de plus en plus présente en
passant, bien, il faut s'assurer d'avoir des normes ou des balises qui
vont faire que ces différentes cultures-là peuvent s'entendre.
Ghyslain le
disait dans d'autres mots tantôt, si, dans une religion donnée, on dit :
Il faut que tu aimes ton prochain, puis,
dans l'autre religion, on leur enseigne qu'il faut que tu le tues, ton
prochain, on va avoir un puissant problème à un moment donné. Alors, c'est dans ce sens-là…
M.
Drainville : Dans le
cas de… Parce que, tout à l'heure, j'ai entendu M. Parent dire ça, là. On parle
d'une forme religieuse très, très,
très intégriste, là. Quand on arrive à un discours de haine comme celui-là, on
s'entend que c'est très, très, très marginal.
M. Drouin
(André) : Marginal. Donc, pour
quoi c'est faire qu'un État ou des élus comme vous, comment je dirais ça, se sentiraient l'obligation d'écouter les
marginaux? Écoutez la population. Il y en a déjà passé trois, quatre ici, là,
des musulmans de confession qui
disent : Oui, on veut la charte, parce qu'on a fui des pays, puis ce qu'on
voit se reproduire ici, c'est ce
qu'on a fui par chez nous. Si vous ne l'avez pas entendu, moi, je l'ai entendu,
et puis ça fait sept ans que je l'entends.
Alors, un
exemple que je peux vous donner, parce que je sais qu'il y a eu des questions
là-dessus au début, j'ai suivi ça
dans les derniers mois : Est-ce qu'on doit avoir les signes ostentatoires
dans les hôpitaux? J'écoutais des ministres… bien, pas des ministres mais surtout des députés de l'opposition,
généralement, là : Bien, non, il n'y a pas de problème dans les
hôpitaux! Bien, je ne sais pas, allez faire un tour dans les hôpitaux, allez
questionner les médecins, allez les rencontrer
en privé, là, parce qu'ils n'ont pas le droit de parler généralement,
questionnez les infirmières, demandez-leur s'il y a des problèmes. Et surtout, et surtout, si
on veut respecter les immigrants qui rentrent chez nous, assurons-nous
qu'il n'y a pas de signe ostentatoire dans les hôpitaux. Une personne qui est malade,
monsieur…
Puis, bien,
je vais vous donner… J'aurais bien aimé qu'il vienne aujourd'hui, mais il a
trop peur de se faire tuer. Alors, un Égyptien m'a rencontré assez
dernièrement, je parle de trois, quatre semaines, à Montréal. J'ai donné une
conférence, puis il vient me rencontrer avec appelons ça sa belle-soeur, parce
que son épouse est décédée. Et il a fui l'Égypte
il y a trois ans parce qu'il y a 17 membres appelons ça de sa famille très
rapprochée qui se sont fait égorger devant lui, juste en face de sa maison. Et il a fui l'Égypte puis il est encore
chanceux d'être vivant. Or, il est malade, il s'en va dans un hôpital de Montréal, il se fait soigner.
Puis lui-même m'a dit : Je ne critique pas le fait que la personne qui m'a
soigné n'était pas bonne, c'était
probablement une excellente infirmière. Mais elle était voilée, parce que, dans
sa religion, elle n'a pas le droit de l'enlever, etc., selon elle. Alors, la
réaction du monsieur, là, avez-vous une idée c'est quoi? Pensons à ça,
là.
Et puis on
nous dit, au Québec — puis pas
seulement au Québec, au Canada aussi — qu'il faut laisser rentrer de plus en plus d'immigrants, de toutes confessions,
de toutes langues, de toutes nationalités. Alors, si vous voulez vous assurer
que le vivre-ensemble de tous ces gens-là,
hein, ça puisse fonctionner, ça, là, bien, au minimum, pensez aux personnes
que nous invitons chez nous, puis
assurons-nous une certaine… j'allais dire sécurité, là, mais c'est quelque
chose d'autre que la sécurité, une certaine aisance, appelons ça… à
vivre communément ensemble. C'est un exemple.
Puis allez
faire le tour dans les commissions scolaires. J'imagine qu'il y en a de vous
qui l'ont fait, là, à Montréal. À
Hérouxville, on n'a pas de problème encore, ce n'est pas le genre de problème
qu'on a. Mais moi, évidemment, je vis à Hérouxville, mais je suis un citoyen payeur d'impôt et de taxes et, à
quelque part, je paie pour ces choses-là. Alors, c'est ça qui
m'intéresse.
Et, à long
terme, la paix sociale dans ma province ou mon pays, si je l'ai fait pendant
sept ans, ça doit être parce que j'y
crois. Alors, assurons-nous que les signes, hein, les signes qui vont laisser
deviner ou penser qu'une telle personne, peu importe sa couleur de peau,
son orientation sexuelle… qu'une telle personne fait partie d'une certaine
religion, assurons-nous qu'on n'est pas capable de le deviner.
M. Drainville : Comment?
Assurons-nous quoi?
M. Drouin (André) : Que nous ne sommes
pas capables de le deviner. C'est ce qu'appelle... tu sais…
M. Drainville : O.K., quand
tu travailles pour tes concitoyens dans le service public.
• (17 h 30) •
M. Drouin (André) : Mais, dans ton salon
le soir — puis,
ça, je l'ai dit souvent — si
tu veux faire brûler des lampions, fais-en brûler. Si tu veux mettre, si on
prend l'exemple des musulmans, ta burqa, mets-la. Si je parle pour les sikhs, bien, si tu veux dire à ta femme :
Bien, peux-tu sortir de la maison, j'ai quelque chose à faire, je veux être
tout seul ce soir?, tu le fais. Mais,
pendant les heures de travail, bien, tu suis les normes et les règles, les règlements.
M. Drainville : Il nous reste
seulement deux minutes, je pense, hein?
Le Président (M. Ferland) :
...
M.
Drainville : On n'a
pas entendu Mme Hubert. Mme Hubert, je vous laisse deux minutes, là. S'il y a
un message que vous souhaitez nous transmettre, nous communiquer, vous
avez la chance de pouvoir le faire.
Mme Hubert (Louise) : Juste deux minutes.
Aïe!
M. Drainville : Mais, je suis
désolé, c'est le temps qu'il me reste. C'est le temps qu'il me reste.
Mme Hubert
(Louise) : Non, non, ce n'est pas
grave. Je veux tout simplement expliquer, grosso modo, pourquoi j'ai fait une sortie à Trois-Rivières, à l'hôtel de
ville, pour justement m'opposer à la prière de l'Hôtel de Ville. La première étape a été quand j'ai entendu M. Drouin,
qui était le messager. Au lieu de frapper sur le messager, j'ai été à
Hérouxville, et j'ai écouté son message, et
j'ai compris ce qu'il avait vu qu'on n'avait pas vu, puis j'ai écouté ce qu'il
voulait aussi écouter, et puis je me suis
dit : Il faut que je fasse quelque chose. Pourquoi? Parce que je me
sentais menacée. Oui, je me sentais
menacée. Je sentais mes enfants menacés, ma petite-fille menacée. Pourquoi?
Parce qu'une personne qui porte un
signe ostentatoire, et dans un dogme qui peut me tuer, quand je la rencontre,
elle me signifie, entre autres, que je peux être...
M. Drainville : ...qui peut?
Madame, excusez-moi, je ne veux pas...
Mme Hubert (Louise) : Une femme, une
femme que je rencontre.
M. Drainville : Oui, mais là
vous dites : Un dogme qui peut me tuer.
Mme Hubert
(Louise) : Bien, c'est-à-dire, un
dogme... c'est-à-dire elle représente un signe ostentatoire qui est basé
sur un dogme et un dogme qui est différent du mien, O.K.?
M.
Drainville : O.K.
Mme Hubert (Louise) : Et je me suis dit : Quand je rencontre ces personnes-là, elles me
tirent en plein visage que moi, je
peux être une impure, une putain, que je peux être passible de me faire violer
parce que je ne me protège pas, que je ne m'efface pas devant des
hommes. Et je me suis sentie très, très, très interpellée, je me suis sentie
menacée. Je me suis dit : Il faut que
je fasse quelque chose pour dire : Bien, si ma société est laïque, est
neutre, bien, qu'on commence à l'être.
Autre
chose qui m'a beaucoup interpellée dernièrement, c'est le cas de Mme Lise
Payette. Et puis, quand on me radote
qu'il n'y a pas de cause à effet, ça me chicote énormément. Mme Payette a dans
les 80 avancés, on peut dire qu'elle aurait
pu faire partie des Janette. Et les Janette, ce n'est pas un documentaire, ce
sont la dernière génération vivante qui ont connu l'oppression d'une religion. Ces femmes-là de 80 et plus,
c'est des personnes vivantes qui ont connu c'était quoi, être oppressées par l'Église. Et, moi, quand
je les vois qu'elles s'en vont dans un hôpital pour recevoir des soins
et que ça représente l'universalité des soins, donc les soins accessibles à
tous...
Le Président (M.
Ferland) : Mme Hubert, je dois...
Mme Hubert
(Louise) : C'est-u vrai? C'est de valeur! Bon, mon deux minutes.
Le Président (M.
Ferland) : ...aller du côté de l'opposition officielle...
Mme Hubert
(Louise) : O.K. Alors...
Le Président (M.
Ferland) : Excusez. Je vais aller au député de LaFontaine. La
parole est à vous.
M.
Tanguay : Merci beaucoup. Merci. M. Parent, dans votre mémoire,
à la page 5, vous citez le prêtre Raymond Gravel. Je veux juste être sûr
que ce soit le même. Est-ce que c'est le prêtre M. Raymond Gravel, député du
Bloc...
M. Parent
(Ghyslain) : …ancien député, et le prêtre, et autres.
M.
Tanguay : J'aimerais
vous entendre quant à... Parce que j'ai, dans cette commission, à quelques reprises, cité... puis je vais
reprendre la citation de Raymond Gravel, du 25 octobre 2013. Raymond
Gravel disait, je le cite : «Si
on enlève tous les symboles
religieux, c'est comme si on interdisait aux gens de manifester leur foi.
Manifester sa foi ne veut pas dire
qu'on n'[assume] pas la neutralité de l'État. Moi, je porte ma croix et je
n'impose pas ma religion à personne.» Fin de la citation.
Dans
votre... Puis je veux juste comprendre, parce que ça semble être un point
fondamental — corrigez-moi
si j'ai tort — parce que vous commencez par ça. Vous dites,
à la page 5 : «Il y a aussi le prêtre Raymond Gravel, bien connu
au Québec pour ses positions d'avant-garde,
qui endosse des [propositions] similaires. En effet, il croit qu'il y a des
liens à faire entre la maladie
mentale et l'adhésion à des délires religieux. Cependant, M. Gravel ne dit pas
à partir de quel moment il y a
maladie mentale et délire religieux. Osera-t-il un jour affirmer que tout
croyant est un malade mental qui s'ignore, un fou en devenir?»
Ça, M. Parent, je
veux vous donner l'occasion de rectifier le tir, parce que ce mémoire-là
commence par cet élément-là puis le mémoire
est public. Là, on vient d'entendre certaines choses. Je veux juste m'assurer
qu'on ne déformera pas puis qu'on ne dérivera pas, là.
M. Parent (Ghyslain) : Je vous invite à lire le document, qui est en annexe de ces phrases-là,
où M. Raymond Gravel parle du cas... où il estime qu'il y a des
problèmes de maladie mentale, il parle, entre autres, du célèbre cas du Dr Turcotte, et autres — et je ne fais que les citations et je pose
des questions — est-ce
qu'un jour le docteur... où il fixe, il
dit qu'il y a des personnes, dans son document… Donc, je pars du principe que
l'entrevue est honnête et qu'elle rapporte les propos du curé Gravel.
Et
dedans il parle justement qu'il y a des problèmes ou des gens qui sont
intégristes… Comme M. Drainville, le député
de je ne sais pas où, de Bourgeoys, Marguerite-Bourgeoys, disait tantôt,
là : Il y a une proportion de gens… Ce qu'on se pose comme
question, on est capables… Si on met un continuum, il y a des gens qui sont ce
qu'on appelle extrémistes, qui est très difficile à définir, on ne s'entend
pas, et dans plusieurs pays, ce que c'est, un extrémiste. Je regarde… La semaine dernière, on parlait de moi
dans les journaux, et quelqu'un avait osé écrire que j'étais un extrémiste.
Ça fait que c'est un adjectif qui est
utilisé à plusieurs sauces. Là-dedans, c'est que Raymond Gravel disait que des
gens ayant des problèmes mentaux
pouvaient être en lien avec des conditionnements religieux qu'ils ont eus,
c'est ce que le document dit, et il
ne situe pas à partir de quel moment. Il y a d'autres auteurs que je cite dans
le document qui disent que… qui vont
de l'autre côté, qui disent que tous les gens qui ont des problèmes… qui ont
des valeurs religieuses ou qui ont des croyances religieuses auraient
probablement des problèmes de santé mentale.
M.
Tanguay : M. Parent, excusez-moi de… Puis, je veux dire, le
ministre a le dos large puis il a vu qu'on n'était pas d'accord avec sa position, mais honnêtement je
ne le taxerai pas et ne l'affublerai pas d'y voir là un argument pour appuyer, quand même, là, son projet de loi
n° 60, là. Je suis désolé, là, mais je ne vois pas du tout le lien et je
ne ferais pas cette injure-là au ministre de faire un lien et de trouver
une pertinence entre ce que vous dites et les raisons qui poussent le ministre
à appuyer et à déposer le projet de loi n° 60.
M. Parent (Ghyslain) :
Moi, je ne suis pas…
M. Tanguay : Je n'irai pas
jusque-là, M. Parent.
M. Parent
(Ghyslain) : Oui, M. le député.
Je ne suis pas ici pour faire du prosélytisme et pour aller expliquer quelle est la religion, ou autres. Moi, j'ai fait
une recension des écrits, les choses pertinentes qui étaient en lien avec ça.
Je les ai mises là et je vous laisse... Je crois que vous êtes capable d'aller
sortir les informations là-dedans. Il ne m'appartenait pas de les interpréter.
Je les ai mises sous forme pour… plusieurs autres aussi sont là.
M. Tanguay : Je les prends
puis je les sors.
J'aimerais
vous entendre sur une déclaration que vous avez faite. Vous avez dit : Il
n'y a pas de balise présentement concernant les accommodements, et vous
citez le jugement ville de Saguenay de la Cour d'appel. Pourtant, il est clairement établi que des balises, même si on veut
les voir renforcées, et c'est ce qui était une expression et un désir dès
2010… Aujourd'hui, toujours, ce désir-là est
là de les voir clarifiées et renforcées, entre autres l'égalité hommes-femmes.
Mais force est de constater… Et il est important, je pense, de reconnaître que,
présentement, il y en a, des balises.
M. Parent (Ghyslain) : Lorsque j'ai parlé
qu'il y avait… qu'il manquait de balises, je citais le jugement de
Chicoutimi-Saguenay auquel on disait… textuellement, dedans, le juge disait… Il
ne pouvait pas se prononcer pour défendre,
par exemple, l'expression de la prière ou de signes religieux dans les salles
municipales parce qu'il n'y avait pas
de balise au Québec et qu'il n'y avait pas de texte. Je cite les articles, je
vous invite à référer aux articles qui sont dans le document.
M. Tanguay :
Le jugement de la Cour d'appel faisait référence, après analyse, après avoir
reconnu que, dans l'état actuel du
droit… Vous citez les paragraphes 63 et 64, je vous invite à aller voir
les paragraphes 65 et 66, et je vais vous les lire. Il parlait d'une finalité, qui était au
paragraphe 64 : «…son action gouvernementale sous toutes ses formes…»
M. Parent (Ghyslain) : Quelle page,
monsieur…
M. Tanguay : À la
page 12 de votre mémoire.
M. Parent (Ghyslain) : O.K.
M. Tanguay :
«…que son action gouvernementale sous toutes ses formes demeure à l'abri d'une
influence de cette nature», il parlait d'une influence religieuse.
Important de
compléter la citation, paragraphe 65 et le début du 66 : «Cette
finalité n'exige pas que la société doive être aseptisée de toute réalité confessionnelle, y compris de celle qui
relève de son histoire culturelle. D'ailleurs, sur ce plan, il faut reconnaître que certaines des
valeurs historiques de la société québécoise demeurent toujours compatibles
avec des valeurs actuelles dites neutres et universelles.»
Le début du
paragraphe 66 : «L'homogénéité, voire l'exclusivité, que certains
soutiennent être le reflet exact du concept
de neutralité religieuse, comportent non seulement des attributs qui s'accommodent
mal des valeurs véhiculées par une
société ouverte sur la diversité culturelle, mais, plus encore, elles semblent
être en rupture avec la règle d'interprétation
constitutionnelle selon laquelle les changements sociaux s'étudient dans le
respect des valeurs et de la tradition politique de la société dans
laquelle [elles] surviennent.» Fin de la citation.
Autrement
dit… et là la Cour d'appel avait conclu qu'une prière dite universelle, comme à
l'image d'un moment de recueillement
ici, à l'Assemblée nationale, donc une prière dite universelle, était tout à
fait acceptable. Et la Cour d'appel faisait un pont et ne jetait pas le
bébé avec l'eau du bain, en faisant en sorte… Effectivement il y a un
patrimoine, au Québec, religieux, il y a un
crucifix au salon bleu. On ne fera pas table rase de tout cela. Mais on est
capables de faire en sorte d'être une
société ouverte, qui respecte la neutralité et qui en donne ses lettres de
noblesse. Mais ça s'inscrit de façon
continuelle. Et ça fait écho également à des propos d'un Jacques Parizeau qui
disait : Graduellement, ça s'est fait.
Alors, juste
sur le point des balises, j'aimerais vous entendre là-dessus. Il y en a
présentement, des balises, et le large consensus, c'est qu'on veut les
étayer, les préciser.
• (17 h 40) •
M. Parent
(Ghyslain) : Merci beaucoup de
votre question, parce que j'adore votre question, elle vient expliquer justement l'introduction qu'on a dans la loi
n° 60, qui dit exactement ces choses-là. Oui, il y a des valeurs, des
balises, un historique religieux, et
autres. Mais est-ce qu'on pourrait le mettre en dehors des heures de travail?
C'est juste ça qu'on dit. L'employé
d'État travaille sept heures par jour. Est-ce qu'il pourrait, à ce moment-là,
être en dehors… La proposition de charte ne nie pas qu'il y a un
historique et un bagage, et autres.
Et j'ai mon collègue Drouin qui voudrait
intervenir là-dessus, M. le député.
M. Drouin (André) : Si vous permettez, M.
le député. Moi, ça fait sept ans que je répète à peu près la même chose. C'est la quatrième fois — puis je n'aurais jamais prévu ça il y a
quelques années — c'est la
quatrième fois que je suis assis
ici : la commission Taylor-Bouchard, certaines de vous se souviennent
assez bien… parce que je reconnais les
mêmes figures, Mme Weil en particulier, Mme la députée c'est-à-dire; la loi
n° 16, ça n'a pas fait vieux feu; la loi n° 94, ça n'a pas fait vieux feu; et aujourd'hui je suis
encore ici. Et j'entends encore exactement, avec exactement… peut-être pas les mêmes personnes, mais les mêmes phrases : On a
besoin de balises. Et il n'y a pas plus de balise aujourd'hui, M. le député, qu'il y en avait il y a sept ans. Et
tout ce qu'on a réussi à faire au Québec, là — bien là, je parle du Québec, mais, dans d'autres pays, ça se ressemble — c'est de comme tourner en rond, hein? On
tourne, on tourne. Puis je l'ai même déjà
dit, je pense, la dernière fois que je suis venu ici : À force de tourner
en rond, on creuse un trou dans lequel on ne peut plus sortir, hein? Et c'est ça qu'on est en train de faire ici. Il
est encore temps, le trou n'est pas encore trop profond. C'est ce que
j'entends depuis sept ans.
On a même,
appelons ça à l'intérieur du mémoire, un endroit où on dit… Ça, c'est plus
canadien, là, mais il faudrait s'assurer
que le Québec réussisse à s'en sortir : la loi du blasphème. Il semble
qu'on n'aurait plus le droit, au Canada, de critiquer une religion. Ça, pour moi, je n'aurais jamais cru voir ça de
ma vie, là, hein? Une religion, c'est une croyance. Si je dis à une
personne qui tire les lignes de la main : Bien, moi, je ne crois pas à ça,
puis etc., j'ai le droit. C'est une croyance. Pour quoi c'est faire, parce que
c'est une religion, que je n'ai pas le droit?
Puis je vais vous donner des exemples. Bien,
peut-être que j'en suis un aussi. En 2007 — ça a passé dans les journaux, je n'invente rien — j'ai été poursuivi par trois religions,
hein, des menaces de poursuite par trois religions, des groupes religieux, parce que j'avais fait le code
de vie d'Hérouxville. Dès 48 heures après, des menaces de mort. J'ai été
obligé de vivre — moi, mon épouse, ma famille — sous des menaces de mort et protégé… en tout
cas, je n'ai jamais été protégé de même de ma vie, même dans le temps
que j'étais dans la Marine royale, appelons ça en Angleterre.
Et
présentement, hein, je ne suis pas le seul, là. Vous avez Mme Djemila Benhabib,
une personne qui est assez connue au
Québec, elle est poursuivie présentement, elle a eu des menaces de mort parce
qu'elle a parlé. Elle est poursuivie, 100 000 $.
C'est une belle façon de fermer la gueule du monde, ça, hein : Je vais te
poursuivre. Vous avez aussi, ici, à Québec
même, Mihai Claudiu Cristea, le grand patron d'Immigration de la… pas
Immigration mais Les Immigrants de la Capitale, hein, le
journal. 150 000 $, qu'il est poursuivi. Laquelle raison? Il a pris
une photo d'une femme en burqa au marché Sainte-Foy, puis la madame,
elle n'a pas aimé ça. Et il est poursuivi pour ça.
Alors, moi,
j'essaie de vous dire, là, que les religions… Je n'ai rien contre les gens qui
pratiquent des religions. Mais
assurons-nous que les religions ne nous empêchent pas de penser, d'agir et de
parler, au minimum. Et assurons-nous aussi, à l'inverse, que les
religions ne nous parlent pas trop. Ça, ça s'appelle les signes ostentatoires.
Alors, c'est à peu près le genre de réponse que
je fais à M. le député.
M. Tanguay :
…aspect-là. Il nous reste six minutes, puis je sais que deux de mes collègues
veulent intervenir. Deux choses,
rapidement. Les balises, ça fait partie du très, très large consensus social.
Ce qui divise, évidemment, c'est l'interdiction
de port de signes ostentatoires. Et ça, ce n'est pas une balise, c'est une
interdiction. Les balises… Vous avez été
présent au projet de loi n° 94 et vous voyez qu'on voulait, dès 2010, en
mettre et les resserrer. Ça, c'est une chose.
Deuxième des choses. Là où ne s'entendra pas, très clairement,
et je ne le sais pas si votre exemple était anodin ou réfléchi, mais il me semble révélateur, c'est lorsque
vous dites : Bien, une croyance religieuse qui fait en sorte qu'il y a un signe religieux qui est porté par une personne, qu'on le mette de
côté entre 9 heures et 5 heures, tout comme on a réglé le cas des fumeurs et des non-fumeurs. Moi,
je vous dis que c'est dangereux comme exemple, n'allez pas là, parce qu'une croyance religieuse, ce n'est pas comme une
habitude de fumer. Et ça, je pense que c'est important de faire… Mais je
vais laisser ma collègue poser une question.
Le Président (M. Ferland) :
Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Allez-y.
Mme Weil : Oui, bonjour, bonjour à tous. Je pense
que, votre message, moi, je le vois beaucoup dans toutes ces discussions sur balises. Parce
que le projet de loi maintient cette
notion de balise, mais de bien encadrer. Donc, le processus d'accommodement découle du droit
à l'égalité, donc il n'y a rien qui change aujourd'hui, ou si la loi est adoptée,
par rapport à ça.
Moi, je pense
que les Québécois puis, je vous dirais, que les Canadiens — et,
M. Drouin, vous dites que vous faites des
conférences au Canada — les
gens, tous les gens demandent le gros bon sens. On entend souvent ça, le gros
bon sens, que les gens ne perdent pas le nord, hein, que les gens puissent dire…
faire la part des choses. Ils sont tolérants, ouverts. Oui, il
y a la diversité, les gens… Il y a
des pratiques, mais, prière cinq fois par jour, trouver des salles de prière…
vous vous rappelez le cas de l'ETS.
Donc, au fur et à mesure des cas… Il
y a eu le cas de Naïma, vous vous
rappelez, le cours de francisation
avec le niqab, et le dossier s'est réglé. Il y a SAAQ, une pratique qui
faisait que, lorsqu'on demandait
d'avoir les cours de conduite juste avec une… si c'était un homme, il ne
voulait pas de femme. Bon, ces cas se sont réglés.
C'est sûr
qu'avec la diversité croissante, puis ce n'est peut-être pas «diversité», le
mot, là, mais certaines religions, la
société québécoise a été confrontée à ça, la société canadienne aussi. Donc, je
pense qu'il faut faire la part des choses.
Puis je me demandais si vraiment vous faites la
part des choses entre neutralité, d'une part, porter un signe religieux, bon,
ça, c'est une chose, et les accommodements, d'autre part. Moi, je comprends
votre message, mais je trouvais qu'il y avait un peu une confusion entre les
deux choses.
M. Drouin
(André) : Dans mon cas, Mme la députée, si vous voulez me permettre de clarifier ou d'être très clair,
puis dans… ça fait sept ans que je dis la même
chose, il me semble que je ne peux pas être plus clair : On devrait, dans
une société, n'avoir aucun accommodement
pour les religions. Et ça, là, ceci étant dit, il me semble que c'est simple,
ça, là, hein? Et puis, si vous ne comprenez pas pourquoi, bien, je vous
le répéterai après l'entrevue.
La deuxième
chose, c'est qu'il faut penser aussi… Puis ça ne vous coûte rien, ce que je
vous dis. Vous n'êtes même pas
obligée de me croire, hein? J'ai dépensé une fortune dans les sept dernières
années pour rencontrer d'une façon personnelle des employeurs au Québec et plusieurs
en Ontario, et le message est pas mal le même partout, hein? Les employeurs, présentement, là, ils en ont ras le bol, hein? Il n'y a pas de balise, ils ne savent
pas trop qu'est-ce qu'ils vont faire.
Est-ce qu'ils vont avoir une poursuite s'ils refusent de
donner un accommodement à monsieur ou madame, ou peu importe? Ils en ont le ras-le-bol. Ils attendent
un signal et, si… Vous êtes ici, ces gens-là, c'est vous, les politiciens élus,
qui êtes capables d'envoyer le signal.
Remarquez
aussi que ce n'est pas moi qui le dis, ce sont des musulmans. Parce que,
là, je connais beaucoup plus les
chefs des musulmans, j'ai rencontré je ne sais pas combien de centaines de
musulmans. J'essaie de me souvenir du vrai
nom… Rachid Raffa. Il est ici, à Québec, lui, à quelque
part. Il a écrit un mémoire, je pense, c'est pour la loi n° 94. Il se plaignait, puis je le comprends, le pauvre
bonhomme — c'est une
personne que je connais en plus : 35 % de ses
gens, de sa communauté est sur le chômage ou le bien-être social. Ces gens-là
ne sont pas venus ici pour être sur le chômage,
là, mais il y a une raison majeure pour laquelle ils sont sur le chômage. En
fait, il peut peut-être y en avoir deux : ou on laisse rentrer trop de monde… 1 000 par semaine, à
toutes les semaines, là, pendant neuf ans, là, ça commence à faire du
monde, ça, hein? Puis l'autre raison, c'est que peut-être qu'il y a des gens
là-dedans que les employeurs disent — puis confidentiellement, je ne nommerai pas
de noms, il y en a qui me l'ont dit assez clairement, d'ailleurs c'est écrit dans le mémoire, vous allez le voir à
quelque part — que, là,
tu sais, il y a moyen de s'en sortir, parce que je ne veux pas engager cette personne-là à cause de sa
religion, la dernière que j'ai engagée, elle a foutu le bordel ici. Alors, ce
n'est pas facile, ça, dans une
entreprise, là, de gérer cinq, six, sept, huit religions, des demandes à gauche
puis à droite, les congés religieux. Le bordel général!
Alors, c'est ça que j'essaie de vous dire. Les
employés, les employeurs…
Le
Président (M. Ferland) : …de Bourassa-Sauvé qui voulait
peut-être poser une dernière question. Il reste à peine une minute.
Alors, allez-y.
• (17 h 50) •
Mme de Santis :
O.K. Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, vous faites… Bienvenue. Je suis
contente que vous soyez là. Alors, la
croix que j'ai portée, c'est pour
faire le point suivant : en tant que chrétienne, j'ai le choix de porter
une croix qui est ostentatoire et j'ai aussi
le choix de mettre une petite croix. Et, si je suis une personne qui porte un
voile, le voile commence... C'est
quoi, un petit voile? C'est quoi, une petite kippa? C'est quoi, un turban qui
n'est pas ostentatoire? Alors,
c'était ça, le point. En tant que chrétienne, je peux toujours
porter un signe religieux. Et donc c'est discriminatoire.
M. Parent
(Ghyslain) : Je peux répondre là-dessus.
Selon des informations qui m'ont été données, je ne suis pas
théologien, et autres, mais on me dit qu'il existe... on peut porter un petit
insigne qui est une main et qui représente...
Le Président (M. Ferland) :
Je dois céder la parole à la députée de Montarville. Alors, allez-y.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Mme Hubert, merci. M. Drouin, M. Parent, merci.
Merci pour le mémoire, un mémoire étoffé, complexe, avec beaucoup
d'angles. Mais je ne peux pas m'empêcher de poser ma question à M. Drouin, en
ex-journaliste.
M. Drouin, on se souvient tous du code
d'Hérouxville. Vous nous avez donné votre position sur le projet de loi n° 60.
Je suis totalement d'accord avec vous sur le fait qu'il faut les encadrer,
ces accommodements religieux, la laïcité de l'État, son importance ultime, égalité hommes-femmes,
qu'il faut bien informer les immigrants, lorsqu'ils arrivent ici,
de nos lois. On s'entend là-dessus.
Maintenant,
moi, depuis le début de cette commission... ça fait deux semaines, là, on arrive à la deuxième semaine de commission et on entend des opinions divergentes. On entend plusieurs
opinions qui se ressemblent mais quand
même qui ont toutes des différences.
On a le projet de loi de M. Drainville qui nous dit : Il faut
interdire le port de signes religieux à tout fonctionnaire, où qu'il
soit, peu importe la fonction, qu'il soit ou non en présence du public. Mais on
a aussi entendu des gens qui nous disent : Non, non, non, il ne faut pas
interdire le port de signes religieux à qui que ce soit. On a aussi entendu
d'autres personnes qui disent : Oui, il faut même interdire le port de
signes religieux aux étudiants du primaire,
du secondaire, du cégep, de l'université. On a même d'autres intervenants qui nous ont
dit : Il faut interdire le port de signes religieux chez les
passants, sur le trottoir à Montréal, et même dans les commerces. Alors, voyez-vous, notre dualité dans tout ça, c'est qu'il y a
plusieurs opinions, des opinions divisées, on déborde du projet de loi n° 60. Et la question, c'est : Qui a raison?
Comment trancher? Comment trancher la ligne? Je vous pose la question.
M. Drouin (André) : Vous êtes élus pour
ça, décider.
Mme Roy
(Montarville) :
Mais vous...
M.
Drouin (André) : Arrêtez de gérer
le problème, hein, et solutionnez-le. C'est la seule chose que je peux vous
dire.
D'ailleurs,
j'ai une remarque, parce que vous avez dit que je venais de dire qu'il fallait
baliser les accommodements. Je n'ai jamais
dit qu'il faut baliser les accommodements, j'ai dit : Il ne faut pas
d'accommodement, pour aucune religion.
Mme Roy
(Montarville) :
Alors, pardonnez-moi, j'ai mal compris.
M. Drouin (André) : Ainsi, on n'a pas
besoin de balise. C'est assez clair, ça aussi.
Puis allez
faire le tour en Suisse, allez faire un petit tour au Danemark, allez
rencontrer Geert Wilders, en Hollande, il
va vous dire exactement la même
chose, exactement pour les mêmes
raisons, d'ailleurs. Si on veut assurer la paix sociale dans une société
comme la nôtre... Puis ça ne fait rien que de débuter, là, hein? Dans les
années qui vont venir, les avions vont
aller plus vite, etc., on va avoir plus de monde. Assurons-nous qu'on met des
normes, des lois puis que les signes religieux,
surtout pour les employés de l'État, la nation... C'est moi qui paie le salaire de ces gens-là, assurons-nous qu'on
le fait.
Et puis il y a une autre petite parenthèse, parce
que Mme la députée de je ne sais pas quel comté, Mme la députée Weil, disait : Au
Canada anglais, etc. Ça aussi, ça ne coûte rien, ce que je vous dis,
là : Dans les deux, trois dernières semaines, il y a eu quelques événements très importants au Canada
anglais, hein? En Nouvelle-Écosse, le petit étudiant qui faisait de l'aïkido, il a dit : Moi, je
ne veux pas pratiquer avec les femmes. Alors, lisez comme il faut les
commentaires de nos amis canadiens anglophones dans les journaux, hein,
lisez-les comme il faut. Il y en a même qui ont dit qu'ils voulaient que la charte de la laïcité soit dans
leur province, dixit l'Université York à Toronto, Grayson, hein, le Pr Grayson.
Son étudiant ne voulait pas passer des
examens avec des femmes. Il a dit non, il a rasé perdre sa job! Alors, lisez
comme il faut les journaux et suivez les événements.
Vous en voulez un autre? Puis c'est un petit peu
plus vieux : la «mosqueteria», Valley Park High School à Toronto,
hein, les hommes en avant qui font leurs prières, les femmes au milieu qui sont
en arrière, puis, collées contre le
mur, les femmes menstruées qui regardent le mur, hein? Les Canadiens anglais,
là — puis ça fait longtemps que je me
promène dans le pays — ils
en ont, mesdames et messieurs, ras le bol! Comprenez-vous? Mais ce n'est pas
nécessairement ça que vous lisez dans les journaux. Il doit y avoir une raison
majeure, hein, comme il y a une raison majeure pour laquelle les premiers
intervenants contre la charte au Québec ont été qui?
Le Président (M. Ferland) :
Alors, maintenant, M. Drouin, je dois aller au député de Blainville. Il reste
quatre minutes environ, c'est ça.
M. Drouin (André) : Je m'en vais finir
avec lui.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, peut-être, si...
M. Ratthé : Mais moi, je vais
aller... Madame messieurs...
Le Président (M. Ferland) :
Vous avez quatre minutes pour le rachever. Allez-y.
M. Ratthé : Madame messieurs, je vais aller sur un autre
angle, un angle que je qualifie de positif dans ce que vous avez abordé. Et ça m'a frappé parce qu'à la fin vous avez 14 conditions à
mettre en place pour assurer, j'allais dire, le succès de cette laïcité-là. Sur les 14 conditions, il y en a
quand même la moitié qui porte sur les nouveaux arrivants, des moyens positifs d'intégration. Vous parlez de
capacité d'accueil, vous parlez d'oeuvre d'éducation, de cours permettant aux immigrants de s'intégrer. Et moi,
je trouve curieux qu'on n'a quand même pas soulevé ça, parce que la moitié de vos recommandations porte sur des façons
positives, en fait, d'intégrer les nouveaux arrivants puis de faire en sorte qu'ils se sentent bien ici. Puis je voudrais
vous entendre là-dessus, je vous laisse tout le reste du temps pour en parler.
M. Parent
(Ghyslain) : Vous allez
m'entendre quelques secondes là-dessus. Je vais vous parler de quelque chose
qui m'a fait très mal hier, O.K.? Je pense
que nous sommes tous les trois très ouverts aux immigrants. On en a, des amis,
et des centaines d'amis. J'ai eu énormément
de peine hier... Parce qu'il y a trois personnes que j'aime beaucoup — à part la nouvelle députée que j'ai appris à aimer — il y a trois personnes… je vais vous les
nommer, je les ai écrites dans mon mémoire :
Mme Leila Lesbet, O.K., Mme Djemila Benhabib et Mme Fatima Houda-Pepin. J'étais
très triste hier parce que des gens…
des députés disaient : S'il y a la charte, il va y avoir des musulmans qui
vont perdre leur job, qui vont se faire
tasser, et autres. Et j'ai trouvé triste hier qu'une dame comme Fatima
Houda-Pepin, qui parle depuis 30 ans, que j'ai déjà entendue, que j'ai déjà écoutée, que j'ai
déjà été attentif à ses propos… Elle tient les mêmes propos que les deux autres
collègues. Et j'aimerais ça qu'on l'écoute,
elle a quelque chose à dire. Elle a dit quelque chose, j'aimerais ça... je vous
invite...
Et nos 14
choses disent : Les musulmans... pas les musulmans, les immigrants peuvent
faire quelque chose. Il y a des choses... Ils sont un apport. Comme on
dit dans un des 14, peut-être qu'il faut limiter le nombre d'immigrants qui arrivent. Parce qu'on leur a menti, à un moment
donné on leur a fait accroire que tout était beau au Québec et au Canada.
Et je peux vous en nommer plusieurs qui
n'ont pas d'emploi et j'en ai connus que c'est probablement en lien, justement…
parce qu'il n'y a pas de balise et qu'il y a des inquiétudes chez les
employeurs.
M. Ratthé : Bien, je vous
entends, mais j'aimerais quand même le souligner…
M. Parent (Ghyslain) : Mais madame va
revenir sur le point.
M. Ratthé :
Je pense que ce serait intéressant de souligner quand même certains points que
vous avez... en termes d'éducation, là, je pense que ce serait
intéressant de le mentionner.
Mme Hubert
(Louise) : Bien, c'était juste
pour la conclusion. Moi, je trouve qu'une société, tout le monde, on doit mettre des efforts. Et il y a des efforts
qu'on parle très, très, très peu, c'est qu'on ne se demande pas : Est-ce
que les différentes personnes qui
représentent les religions ne sont pas prêtes, eux aussi, à mettre de l'eau
dans leur vin? Moi, j'étais de religion
catholique, et, le dimanche, tout était fermé, puis maintenant c'est ouvert.
Donc, il y a eu comme un accommodement.
Et j'aime bien la fin, ici, pour dire
que faisons donc confiance aux divinités pour qu'elles s'accommodent, ou qu'elles fassent des accommodements, ou qu'elles
permettent des accommodements à leurs personnes qui font différentes religions. Je veux juste en souligner
quelques-unes, là. Écoutez, comme c'est toujours du domaine de l'invisible, je
ne sais pas… ici, là : donner
des moyens concrets pour faire respecter certaines prescriptions religieuses
sans nuire à sa santé, à celle des
autres. Exemple, dans un cas de ramadan, on pourrait peut-être s'imaginer
jeûner, peut-être que la personne pourrait
contenter… dans sa ferme intention, qu'elle pourrait jeûner. Autrement dit, ce
que ça veut dire, c'est que soit les rabbins, ou les imams, ou les
représentants fassent aussi des efforts pour dire à leurs personnes qui
pratiquent des dogmes : Maintenant... Comme je pouvais manger de la viande
le vendredi, les dimanches, on peut aller magasiner. Que tout le monde, si on
veut travailler ensemble, bien, on a aussi à faire ça, là. Les
14 conditions, oui, mais à la condition que tout le monde aussi veuille...
Le
Président (M. Ferland) : Alors, malheureusement, Mme Hubert, je
dois vous arrêter, le temps étant terminé. Moi, je vous remercie beaucoup pour le temps que vous avez pris pour
préparer le mémoire et de vous déplacer pour nous le présenter.
Sur ce, je
lève maintenant la séance, et la commission ajourne ses travaux au jeudi
23 janvier, 9 h 30.
Alors, bonne fin de soirée.
(Fin de la séance à 17 h 59)