(Quatorze
heures trois minutes)
Le Président (M.
Ferland) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Je demande
à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de vos téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 61, Loi visant principalement le
recouvrement de sommes payées injustement par des organismes publics
relativement à certains contrats dans l'industrie de la construction.
Mme la secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) sera remplacé par M. Ouellette (Chomedey).
Auditions (suite)
Le Président (M.
Ferland) : Merci beaucoup. Alors, cet après-midi, nous recevons
l'Ordre des ingénieurs, l'Association de la construction du Québec et l'Association
des ingénieurs-conseils du Québec.
Alors,
sans plus tarder, nous accueillons les représentants de l'Ordre des ingénieurs
du Québec. Je vous demande de bien vouloir vous identifier et de nous présenter
les personnes qui vous accompagnent, en vous mentionnant… Et déjà j'ai
le consentement des parties pour vous accorder au-delà du 10 minutes que
vous avez habituellement, même, si vous voulez déborder. On va vous permettre
de prendre le temps de bien faire les choses et de présenter votre mémoire.
Alors, je vous cède
la parole. Je crois que c'est M. Lebel ou…
Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)
M. Lebel
(Daniel) : Oui. Lebel, oui.
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y.
M. Lebel (Daniel) : Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la
commission, je veux d'abord remercier
la Commission des institutions de l'Assemblée nationale du Québec de nous avoir
invités à participer aux
consultations sur le projet de loi n° 61. Nous sommes très heureux
d'être devant vous afin de discuter de ce projet qui ajoute une pierre
de plus à l'édifice de l'intégrité et de l'éthique au Québec.
Permettez-moi
d'abord de me présenter ainsi que celle qui m'accompagne. Je m'appelle Daniel
Lebel, ingénieur, et je suis président de l'Ordre des ingénieurs du
Québec. Je suis accompagné de Me Christine O'Doherty, avocate, directrice des communications et des affaires
publiques à l'ordre. Nous allons prendre les minutes qui nous sont accordées…
Le Président (M.
Ferland) : M. Lebel.
M. Lebel
(Daniel) : Oui?
Le Président (M.
Ferland) : …de 30 secondes.
M. Lebel
(Daniel) : Oui, il n'y pas de problème.
Le Président (M.
Ferland) : Pour le consentement, ça me prend également le
consentement du deuxième groupe et du député de… parce que vous n'avez déjà pas
beaucoup de temps. Parce que je vais enlever des secondes, mais ça me prend
votre consentement quand même.
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Alors, il y a consentement. Excusez-moi. Allez-y,
M. Lebel.
M. Lebel (Daniel) : Pas de problème. Nous allons prendre les minutes qui nous sont
accordées pour vous exposer brièvement les grandes lignes de notre
mémoire.
D'entrée de jeu, je veux dire que nous appuyons
le projet de loi et nous saluons l'intention du gouvernement de procéder à son adoption, l'ordre étant d'accord
avec tout moyen ou procédé qui vise à contrer ces manoeuvres dans l'industrie de la
construction et du génie pour
l'octroi et la gestion des contrats publics. Aucune entreprise
n'est au-dessus des lois, particulièrement celles qui ont le privilège de participer au processus d'adjudication
et d'attribution de contrats publics ou d'en assurer la gestion.
Le Québec a
été la figure de proue mondiale dans l'ingénierie moderne et continuera de
l'être, et ce, malgré les révélations
qui éclaboussent et entachent la réputation de la profession. Avec la crise
actuelle, nous avons la possibilité et la responsabilité de redevenir un
modèle inspirant, celui de l'intégrité et de l'éthique dans le monde. Il en va
du développement économique du
Québec et de son rayonnement sur la scène internationale.
Alors, nous
sommes heureux de voir que les parlementaires n'hésitent pas à légiférer rapidement
afin de protéger le public. Nous ne
commenterons pas les mécanismes de recouvrement des sommes injustement payées,
les associations qui représentent les entreprises visées par le projet
de loi sauront le faire dans le meilleur intérêt de leurs membres.
Toutefois,
nous croyons que, si la préoccupation de recouvrer les sommes injustement versées
s'avère légitime, cela ne constitue
pas une panacée. Nos organismes
publics doivent également se donner
la capacité de mieux contrôler l'octroi et la gestion des contrats publics. Le Québec doit sortir grandi de
cette crise, mais il faut changer la manière de faire des affaires, d'octroyer et de gérer des contrats
publics et de surveiller nos chantiers de construction. Nous devons, tout
en préservant notre expertise, instaurer un climat d'intégrité et de saine
compétitivité dans l'industrie de la construction. Nous devons adopter une approche qui va au-delà du contrôle de
l'exercice de la profession pour mettre en place un système qui vise la vérification
des décisions critiques de l'octroi et la gestion des contrats publics à tous
les échelons. Les professionnels du milieu de la construction et du génie
doivent évoluer dans des milieux qui favorisent des pratiques éthiques et déontologiques sans les opposer aux
affaires. Les audits des sociétés qui transigent avec les organismes publics sont un exemple de cette approche systémique, mais ce n'est pas
suffisant, il faut aussi que les organismes publics agissent avec circonspection et qu'ils octroient
et gèrent les contrats publics selon les meilleures pratiques.
Pour
permettre aux donneurs d'ordres publics de bénéficier de l'expertise et de l'information nécessaires à une saine gestion
des ouvrages, l'Ordre des ingénieurs du Québec évalue la mise en place
d'un institut indépendant sur l'intégrité qui soutiendrait la recherche, la vigie et la diffusion des meilleures
pratiques dans le monde. Nous effectuons actuellement une étude d'opportunité pour voir comment se sont
constituées ces organisations dans les autres pays industrialisés. Un
tel organisme aurait comme tâche principale
d'alimenter les décideurs et les donneurs d'ordres dans la recherche des
meilleures solutions en fonction de leurs besoins réels. Il les assisterait
également dans l'établissement de processus assurant la qualité, la durée de
vie et la fonctionnalité des ouvrages à venir.
• (14 h 10) •
En plus de
fournir de l'information sur les meilleures pratiques, l'institut pourrait
avoir des répercussions sur la capacité
du Québec à gérer et à mener à terme des projets de qualité
à coûts abordables. Le Conseil du
trésor estime que 8 % à
24 % des coûts des contrats publics dans le domaine de la construction
sont liés à des formes de malversation; la
commission Charbonneau a avancé le chiffre de 30 %. Les dépenses du
gouvernement, pour les 10 prochaines années, seront en moyenne de 10 milliards de dollars
en infrastructures, et c'est sans compter les dépenses des villes ou des
sociétés d'État. Alors, si l'on réduisait
d'un point seulement le pourcentage associé à l'impact de ces malversations sur
l'octroi et la gestion des contrats publics
du gouvernement, de manière prudente nous estimons que c'est près de
175 millions de dollars qui reviendraient chaque année dans les
coffres de l'État.
Nous sommes convaincus que la mise en place d'un
tel institut indépendant permettrait au Québec de se démarquer et de devenir une référence mondiale en matière de gestion de
projet d'infrastructure et autres ouvrages de génie. Il laisserait également une trace indélébile,
permanente et positive de la prise en charge de la crise que nous
traversons. Il va sans dire que l'organisme ainsi créé devrait se soumettre à
un processus d'audit et de reddition de comptes par les meilleures autorités en la matière. Au-delà des malversations, l'adoption
des meilleures pratiques en cours dans le monde permettrait de grandes économies, sans compter les bénéfices à long
terme associés à des ouvrages publics de meilleure qualité, plus durables et répondant mieux aux
besoins des citoyens. Le rôle de l'institut indépendant sur l'intégrité
serait, entre autres, d'assurer une vigie dans les pays industrialisés afin d'identifier
les meilleures pratiques et procédés, de développer
un programme de recherche sur ces meilleures pratiques,
d'évaluer les résultats obtenus afin d'identifier les priorités pour le Québec, de jouer un rôle
conseil auprès des donneurs d'ouvrage publics et des entreprises,
de favoriser les activités
de transfert de connaissances et d'accompagnement, de diffuser les règles de
l'art élaborées suite à l'expérience accumulée au Québec et à l'international.
Permettez-moi
de profiter de notre passage devant la commission pour réitérer l'importance, malgré les
apparentes divergences, d'adopter rapidement
le projet de loi n° 49 et la nouvelle Loi sur les ingénieurs. Les cinq lois professionnelles du domaine
des sciences appliquées touchées par ce projet visent en tout premier lieu la
protection du public. Les considérations
corporatives et politiques doivent céder le pas devant l'urgence de donner aux
ordres et particulièrement à l'Ordre
des ingénieurs, dont la profession est secouée par une crise sans précédent
depuis sa création, les outils nécessaires pour ramener la confiance du public à l'égard des professions. La Loi
sur les ingénieurs fait partie des outils dont l'ordre a besoin pour
mieux accomplir sa mission de protection. Avec la tenue de consultations
particulières sur le projet de loi n° 49
au début du mois de novembre, nous avons franchi une étape importante vers
l'adoption de la nouvelle Loi sur les
ingénieurs. Nous vous demandons, M. le ministre, ainsi qu'à tous les
parlementaires de procéder rapidement à l'étude article par article afin
que le projet de loi n° 49 soit adopté dès le début de la prochaine
session parlementaire.
Pour lutter
efficacement contre la corruption et la crise de confiance actuelle, le présent
gouvernement a décidé de proposer différentes lois, règlements, mesures
et autres outils. Nous devons souligner votre détermination à procéder rapidement et sans relâche afin d'assainir
l'octroi et la gestion des contrats publics. L'Ordre des ingénieurs estime
qu'il est essentiel, dans un tel contexte, de mesurer en continu et à plus long
terme l'efficacité de ces lois et des règlements qui les accompagnent afin de
pouvoir y apporter périodiquement les ajustements nécessaires. Cela est d'autant
plus important que les
corrupteurs potentiels, notamment le crime organisé, sont reconnus pour leur
grande faculté d'adaptation. L'application de la Loi sur l'intégrité a
présenté des écueils auxquels le projet de loi n° 61 tente d'apporter
certains correctifs, notamment quant aux pouvoirs habilitants de l'Autorité des
marchés financiers. Nous croyons qu'il est important de tenir compte de la
réalité et des besoins en infrastructures au Québec sans pour autant paralyser
toute l'industrie et les villes — l'exemple de Montréal est éloquent à cet
égard. Nous réitérons ici la recommandation que nous avions faite devant la Commission des finances
concernant ce genre de dispositif législatif, à savoir que le
gouvernement mette en place un système de
mesure de l'efficacité du projet de loi n° 61 et des règlements qui
l'accompagneront afin de pouvoir y apporter périodiquement les
ajustements nécessaires.
L'Ordre des
ingénieurs du Québec constate avec satisfaction que les municipalités sont
assujetties au nouveau projet de loi,
il s'agit d'une excellente nouvelle. Nous partageons également l'opinion de la
Corporation des entrepreneurs généraux du Québec à l'effet que le projet
de loi devrait viser l'ensemble des marchés publics et non uniquement les
contrats liés à la construction.
L'ordre
s'interroge par ailleurs sur le libellé de l'article 3 de la loi et de la
mécanique prévue pour son application. Par exemple, la Loi sur les
contrats des organismes publics prévoit que devient inadmissible à un contrat
public un contractant déclaré coupable en
vertu de jugement définitif de l'une ou l'autre des infractions déterminées par
l'article et par le règlement,
article 21.1. Nous pensons qu'il sera très difficile pour le ministre de
la Justice de faire la preuve de fraudes ou de manoeuvres dolosives dans le cadre de l'adjudication,
l'attribution ou la gestion des contrats publics sans de vastes ressources pour mener les enquêtes appropriées, nous sommes inquiets quant à l'application concrète de la loi. Ne sommes-nous pas en train de reproduire le
travail de l'AMF? Ces enquêtes prennent du temps, exigent des ressources — nous pouvons en témoigner — et sont truffées de difficultés inhérentes à la
nature des travaux menés. Ne serait-il pas plus simple d'attendre qu'un contractant soit déclaré coupable
d'une infraction? Cela serait d'autant plus pertinent que le projet de
loi prévoit une rétroactivité de 15 ans
pour intenter une poursuite. Pourquoi un tel empressement sur la foi d'une
enquête et non d'une condamnation?
Dans ce
contexte et afin de mieux baliser les règles du projet de loi n° 61,
l'ordre propose la mise en place d'un cadre
de gouvernance des ouvrages publics pour mieux encadrer leur gestion. Ce cadre
s'appuie sur les déterminants de la meilleure
valeur afin de s'assurer que l'ouvrage réponde aux critères de qualité au
meilleur prix, et ce, pour les différentes formules de réalisation
pouvant être envisagées. Le cadre de gouvernance reposerait notamment sur les
principes suivants : une gestion des
infrastructures prenant en compte l'ensemble du cycle de vie de l'ouvrage afin
de fournir à la société des
infrastructures fonctionnelles et de bonne qualité au meilleur coût à long
terme pour la société; un donneur et gestionnaire d'ouvrage devrait
disposer des ressources nécessaires pour offrir la meilleure valeur aux
citoyens.
Nous
comprenons, à la lecture du projet de loi, que le ministre envisage la création
de plusieurs types de programme de
remboursement et que les personnes ou les entreprises s'étant livrées à de la
fraude ou à des manoeuvres dolosives pourront être appelées à rembourser
des sommes déterminées par le gouvernement. Le ministre publiera à la Gazette
officielle du Québec tout programme de remboursement.
Nous
souhaitons que l'établissement des critères propres à ce programme fasse
l'objet de consultations auprès des intervenants
et du public. Un programme d'une telle importance doit être développé et
administré en toute transparence pour
en assurer la cohérence et la rigueur. Les personnes ou les entreprises qui
devront rembourser des sommes doivent le faire en toute connaissance de
cause. Étant donné l'importance des enjeux et des pouvoirs accordés au ministre
dans le cadre de ce projet de loi, et compte
tenu des autres enjeux que le Québec doit relever en matière d'ouvrages
publics, ce cadre législatif sera d'autant
plus efficace qu'il sera appliqué dans un souci de grande transparence afin de
favoriser la reddition de comptes et
assurer une plus grande confiance du public. À cet égard, l'ordre recommande au
gouvernement d'agir en toute transparence
dans la mise en place de la loi en balisant les critères en vertu desquels les sommes
d'argent seront recouvrées et les négociations menées avec toutes les parties
prenantes.
La situation
actuelle nous offre l'occasion de mettre en place des solutions durables pour
sortir de la crise actuelle. Que
l'argent recouvré retourne dans un fonds consacré à rembourser l'État, c'est
une chose, mais nous devons faire plus. Nous devons transformer les systèmes et les pratiques d'affaires qui ont
sévi et qui nuisent à la réputation du Québec et à l'efficacité des
pouvoirs en place d'investir les fonds publics de manière optimale. Une
solution monétaire ne sera pas suffisante,
nous devons laisser une trace permanente pour que les gens se souviennent du
scandale qui a bouleversé le Québec en 2013 et trahi la confiance du
public dans toutes ses institutions. C'est pourquoi — nous
l'avons expliqué plus tôt — l'ordre
propose la mise en place d'un institut indépendant sur l'intégrité. Un système
de collusion exige une vigilance de
tout instant et de la vigie sur tous les éléments, aussi l'ordre demande au
gouvernement qu'une partie des sommes recouvrées dans le cadre de cette
loi puisse servir à la mise en place d'un tel institut.
• (14 h 20) •
Nous croyons que le système professionnel peut
et doit contribuer à l'application de la loi, par exemple en instituant une collaboration entre les autorités
chargées d'appliquer la loi et les syndics des ordres professionnels
concernés. C'est dans ce contexte que
l'ordre a développé un programme d'audit visant à mieux encadrer les pratiques
des firmes de génie-conseil. Ce
programme est réalisé en collaboration avec le Bureau de normalisation du
Québec, auquel se joignent des représentants
de l'Autorité des marchés financiers, du Conseil du Trésor, du Commissaire au
lobbyisme, du ministère des Transports
du Québec, de l'UPAC et de l'Office des professions du Québec. Ces
organisations ont accepté de participer au comité de travail afin d'offrir
des conseils en matière d'intégrité et de pratiques d'affaires. Le programme d'audit
permettra non seulement de contrôler
l'exécution technique des actes d'ingénierie et d'enquêter sur les compétences,
mais également de mieux contrôler les pratiques d'affaires des sociétés qui les
exécutent.
Nous croyons
que ce programme peut devenir un outil efficace de lutte à la
corruption et à la collusion pour les pouvoirs
publics. Si le programme d'audit des firmes de génie-conseil que nous
avons mis de l'avant devient un passage obligé
pour toutes les firmes qui veulent faire affaire avec l'État, nous serions en
mesure d'assurer une plus grande cohérence
dans la mise en place des dispositifs
législatifs et des moyens pour faire face à la corruption et la collusion
dans l'industrie de la construction et du
génie. Nous suggérons que le ministre de la Justice et le président du Conseil
du trésor évaluent la possibilité que notre programme d'audit soit
intégré aux critères énoncés dans la Loi sur les contrats des organismes
publics.
Nous croyons que des solutions durables doivent
être adoptées pour faire du Québec une référence mondiale en matière d'intégrité et d'efficacité. Nous
prenons les moyens pour implanter les mesures que nous mettons de l'avant,
et pour lesquelles nous avons besoin du
soutien et de l'appui de tous les intervenants, à commencer par le
gouvernement et tous les parlementaires. Ce ne sera pas la dernière crise à
laquelle les professionnels devront faire face. Nous devons transformer les moeurs dans les pratiques
d'affaires de l'industrie et du génie de la construction, mais pas
uniquement. Tous les milieux doivent se remettre en question.
Je terminerai
ma présentation en réitérant l'appui et la collaboration de l'Ordre des
ingénieurs du Québec à toute mesure
susceptible d'apporter des améliorations au processus de gestion et d'octroi
des contrats publics. Ces mesures font partie de l'arsenal de moyens mis
à la disposition du gouvernement et de ses partenaires, dont nous sommes, pour
sortir grandis de la crise de confiance actuelle.
Nous sommes disponibles pour répondre à toutes
les questions ou aux commentaires relativement à notre mémoire et nos
recommandations. Merci beaucoup.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, merci beaucoup, M. Lebel. Alors, maintenant, nous allons procéder à
la période d'échange en commençant par vous,
M. le ministre, pour un temps… On va le recalculer, là, parce que
j'ai une bonne nouvelle pour les députés de Saint-Jérôme et de Blainville : le temps qui a été utilisé, supplémentaire, sera
enlevé seulement sur le parti d'opposition et le parti du gouvernement. Alors, quand
même…
M. St-Arnaud : On est
généreux, M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) : À la suggestion du député de Fabre d'ailleurs,
je dois le mentionner. Alors, M.
le ministre.
M. St-Arnaud : Et il m'a mis
dans son cadeau, finalement. Il m'a mis à contribution.
Le Président (M. Ferland) :
Bien, moi, j'avais compris que c'était ça. Allez-y, M. le ministre.
M.
St-Arnaud : M. le Président. Bien, merci, M. Lebel, Me O'Doherty, merci d'être à nouveau
présent. Ça fait quelques
fois qu'on se voit, cet automne, en commission
parlementaire. D'abord,
bravo pour votre mémoire, pour votre contribution à l'étude du projet de
loi n° 61 et pour ce message d'espoir, en quelque sorte. Comment
peut-on profiter de cette crise majeure que
nous avons connue au cours des dernières années pour transformer le tout… pour
sortir, pour reprendre vos termes,
sortir grandis de cette crise? Et pourquoi ne profiterions-nous pas de cette
crise pour, justement, non seulement
sortir grandis, mais éventuellement faire en sorte que le Québec redevienne,
comme vous le dites, cette référence mondiale en matière de gestion de
projet d'infrastructure et d'ouvrage de génie?
Et, M. le
Président, avant de poser ma première question, je veux quand même profiter de
l'occasion d'abord pour remercier
l'ordre pour ce message d'espoir qui rejoint les préoccupations du
gouvernement, mais aussi saluer le travail qui se fait à l'ordre. Je pense qu'il faut le mentionner, il se fait depuis
quelques années, principalement sous votre présidence, M. Lebel, un travail remarquable pour… Je ne
sais pas si on doit employer le mot «revaloriser» la profession d'ingénieur,
qui a été un peu malmenée au cours des dernières années, mais il y a beaucoup d'efforts
qui ont été faits. Je sais que vous avez mis
des ressources importantes au bureau du syndic, on a déjà eu l'occasion de s'en
parler. Vous avez mis de l'avant
plusieurs programmes qui… et je pense que ça mérite d'être salué. Il y a depuis
quelques années, à l'Ordre des ingénieurs,
et sous votre présidence, M. Lebel, des efforts importants qui ont été
faits pour relavoriser — et je le mets entre guillemets — la profession d'ingénieur,
et nous en sommes tous très heureux. Et je pense que le Québec va s'en porter
mieux à cet égard.
Ma question, en fait, ma première question
porterait sur votre idée que vous mettez de l'avant d'un institut indépendant sur l'intégrité. Évidemment, j'ai reçu
votre mémoire ce matin, alors je l'ai parcouru assez rapidement, mais j'aimerais vous entendre plus longuement sur cette
idée. Est-ce que vous vous inspirez d'expériences étrangères? Est-ce que
vous avez un modèle en tête? Je comprends que vous avez repris dans votre
mémoire à la page 6 et que vous l'avez
lu tantôt un peu, ce que pourrait contenir le… quel serait le rôle de cet
institut, mais j'aimerais vous entendre. Est-ce qu'il y a des exemples
étrangers qui vous ont inspirés?
M. Lebel
(Daniel) : Je vais démarrer
la réponse, mais je vais laisser aussi Me O'Doherty compléter. Je vous
dirais, oui, effectivement, on regarde, là, toutes les possibilités au niveau
international, mais je laisserai Me O'Doherty vous préciser ça davantage.
Ce qu'on vous présente ici, en fait, pour nous,
vous l'avez dit, c'est une idée, hein, on commence à discuter, échanger de cette idée-là. Ça va dans le même sens
que toutes les solutions qu'on essaie de mettre en place, à l'ordre,
pour essayer de ne plus jamais revivre cette crise-là. On vous a mis ici
quelques points, quel pourrait être son rôle, quelle est sa raison d'être comme telle aussi, on vous l'a précisé. Pour nous,
si j'utilise le modèle… Moi, je travaille beaucoup dans le secteur
industriel, je travaille pour des grosses organisations. Pour moi, c'est
comparable à ce qu'un bureau de projets peut faire dans une grande organisation, c'est-à-dire
allons chercher les meilleures pratiques, allons chercher ce qui se fait de mieux au niveau procédés, allons
chercher ce qui se fait de mieux au
niveau outils, allons chercher ce qui
se fait de mieux en termes de structure pour mettre en place des projets qui
ajoutent de la valeur.
Donc, c'est ça qui nous préoccupe présentement,
c'est de dire : Oui, il faut que les gens paient, il faut que les acteurs, disons, qui ont joué le mauvais rôle… présentement doivent payer de ce qu'ils ont fait, mais, par-dessus tout ça,
ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut plus
revivre cette situation-là. Dans le secteur privé, dans le secteur
industriel, un bureau de projets sert
à éviter de faire des erreurs de projet. Donc, pour moi, c'est un peu dans la
même ligne de pensée, cette idée-là.
Mais je
laisserai Me O'Doherty… Si vous
voulez ajouter par rapport à nos recherches au niveau
international.
Mme
O'Doherty (Christine) : Oui.
Merci, d'abord, M. le ministre, pour vos propos. C'est toujours…
Ça fait du bien de sentir qu'il y a
des gens qui reconnaissent aussi le travail qu'on fait, parce que
vous le savez, vous êtes au coeur de ça tous les jours, mais la critique
est facile, n'est-ce pas? Alors, ça fait du bien de l'entendre. Merci.
Pour
l'institut de l'intégrité, on a commencé par une étude d'opportunité, qu'on est
train de mener actuellement. On s'inspire
des meilleures pratiques. Effectivement, la recherche va au-delà du contexte
nord-américain. On travaille… On est en train de regarder du côté de l'OCDE,
qui a fait énormément de travail de ce point de vue là dans les pays comme l'Australie,
la Grande-Bretagne, la France, le Danemark, la Suède qui, à la suite de
scandales similaires ou en fait de problèmes similaires, ont mis en place
certaines formes d'autorités. Alors, des fois, on les appelle les autorités de
la concurrence, autorités contre la
collusion. C'est toujours des organisations qui sont, ce qu'on en sait à
première vue, des organisations liées au gouvernement et qui font oeuvre
pour sanctionner les fautifs ou… et pas nécessairement pour mettre en place les meilleures pratiques. Alors, il y a
cette dimension qui est très importante, comme M. Lebel vient de l'expliquer,
pour nous, c'est-à-dire de s'assurer qu'on ne refasse pas les erreurs du passé.
C'est très complexe, c'est un système
où il y a énormément d'intervenants, mais, si on le regarde d'un point de vue systémique aussi, bien on risque peut-être d'avoir des résultats
plus concluants aussi.
Et c'est vraiment l'approche qu'on a décidé de prendre, à l'Ordre
des ingénieurs. On s'est vus au projet
de loi n° 1, dans
une autre commission, mais on parlait, à ce moment-là, du contrôle, puis, comme
c'est le rôle traditionnel des ordres
professionnels, on parlait du contrôle sur les membres. On s'est dit :
Oui, mais ce n'est pas suffisant, le contrôle sur nos membres. Ce n'est pas ça, le problème. On a
développé notre programme d'audit, une approche déjà un peu plus au niveau organisationnel. Mais
ça ne suffit pas encore, parce qu'une fois que tu as sanctionné ou que tu
contrôles les individus, tu regardes ce qui se fait au niveau des entreprises,
bien comment les entreprises interagissent dans leur écosystème? Et là on s'est dit… on est arrivés avec cette idée d'un institut
qui aurait une vision globale, périphérique de l'ensemble des intervenants, et indépendant, parce qu'on s'imagine qu'il
va y avoir des choses difficiles. Quand
on change les pratiques d'affaires, quand on change les cultures, on s'attaque
à quelque chose de bien enraciné, bien ancré,
alors on a besoin d'avoir peut-être ce regard plus objectif, si ça existe, mais
un regard plus objectif sur l'ensemble de nos pratiques et dans nos interactions aussi, donc, entre les ordres,
les donneurs d'ouvrages, les firmes de génie-conseil, les fournisseurs
de services aussi. Donc, c'est un peu notre approche. On s'est dit : On
grandit, mais en même temps trois éléments
qui sont, pour nous, parfaitement bien liés pour assainir et revaloriser, comme
vous le disiez, la profession d'ingénieur notamment.
• (14 h 30) •
M.
St-Arnaud : Mais est-ce que, dans votre optique, cet
institut-là a un rôle conseil eu égard au gouvernement? Je comprends que vous y avez un peu fait référence
dans votre allocution de départ, vous dites : Ce qu'on voudrait, là,
ce qu'on voudrait voir cet institut faire,
c'est notamment quelles sont les meilleures façons dont se donnent les contrats
un peu partout dans le monde, comment on
surveille les chantiers, comment les États… Donc, il y a une partie réflexion,
il y a une partie observation de ce qui se fait, observatoire de ce qui
se fait un peu partout dans le monde.
M. Lebel (Daniel) : …vigie, oui.
M.
St-Arnaud : Bon, ça, je saisis ça. Et ensuite quel serait le
lien avec… Une fois qu'on a fait ça, là, une fois qu'on a fait cette vigie, cette observation des
principales… des meilleures pratiques, quel est le rôle par rapport au
gouvernement que pourrait avoir cet institut… ou par rapport à des ordres
professionnels comme le vôtre? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Lebel
(Daniel) : Bien, en
fait — je vais
démarrer encore la réponse — en fait c'est vraiment… vous l'avez
bien dit, c'est un rôle conseil, là. C'est ça, le rôle de l'institut, là, c'est
vraiment de s'assurer qu'on a fait la vigie qui était nécessaire, on a fait les recherches qui étaient nécessaires pour…
Vraiment, quand on vous dit qu'on veut profiter de la crise comme étant
aussi une opportunité pour faire mieux puis se repositionner vraiment comme au
niveau de l'intégrité et de l'éthique, on
est en mesure de le faire. Et, si on crée cet institut-là qui devient un
institut-conseil auprès du gouvernement, auprès des organismes publics,
bien, à ce moment-là, ce qu'on dit, c'est qu'on va chercher vraiment les
meilleures pratiques puis on s'assure de les
mettre en place et de les préserver surtout, là. C'est notre souhait. Quand les
acteurs vont changer, les scénarios vont changer aussi, donc ça, ça nous
inquiète. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est : Il faut préserver les meilleures
pratiques toujours.
M.
St-Arnaud : Parce que c'est ça. Ça ressemble un peu, en partie,
à un observatoire de ce qui se passe, mais c'est plus qu'un
observatoire. Ce que vous dites, c'est aussi… il y a un rôle conseil qui
pourrait être fait par cet institut, pour
reprendre votre terme, auprès du gouvernement dans la préparation de ses
législations, de ses pièces législatives, mais aussi auprès… vous dites rôle conseil aussi auprès
des entreprises, des donneurs d'ouvrage publics. Est-ce que je saisis
bien, là, votre idée?
Mme O'Doherty (Christine) : Oui,
absolument…
M. Lebel (Daniel) : Oui, allez-y,
allez-y.
Mme O'Doherty (Christine) : Les deux
micros sont…
M. Lebel (Daniel) : Non, allez-y.
Mme
O'Doherty (Christine) :
Absolument, c'est tout à fait ça, un rôle conseil puis un rôle d'accompagnement,
parce que ce n'est pas tout de faire du
conseil, les gens en font bien ce qu'ils veulent après, je pense qu'on a un
devoir d'accompagner aussi. On pense aux
municipalités. Les grandes municipalités ont les ressources, les compétences,
quoique parfois ils s'en plaignent aussi, mais les petites municipalités, par
exemple, qui existent, qui ne savent pas où se tourner, vers qui se tourner et puis qui… peut-être qu'elles ne sont pas
conseillées de la meilleure façon non plus, parce que c'est comme ça que
ça s'est toujours passé dans la région puis dans la MRC. Alors, il pourrait
même y avoir ce type de mandat, même. M. Lebel parlait d'un bureau-conseil de
gestion de projet, ça peut aller très loin aussi en termes d'accompagnement. Ça
pourrait être des mandats aussi sur comment on fait les choses, comment on gère
les grands projets, pas pour dédoubler le
travail non plus, pas se substituer au ministère des Transports ou à une
nouvelle agence des transports qui pourrait être créée, mais vraiment d'être
là en appui, pour se dire : O.K., est-ce qu'on a regardé tous les angles?
Est-ce qu'on s'est assuré que c'est la meilleure manière de faire?
En
Grande-Bretagne, ils ont constitué une organisation comme celle-là puis ils ont
réalisé des économies de 20 % après
la première année, donc, pour l'octroi et la gestion des contrats. Les gens du
Conseil du trésor pourraient en parler avec plus de pertinence, mais il
y a ces éléments-là qui existent pour des économies mais aussi pour de la
meilleure qualité d'ouvrage.
M. St-Arnaud : Et vous dites
donc : On a lancé une étude d'opportunité là-dessus. Je suis curieux de
savoir quand est-ce que vous allez nous… Quel est votre échéancier pour nous
revenir avec des propositions?
M. Lebel (Daniel) : Je vous laisse
répondre. Je vais laisser répondre.
Mme
O'Doherty (Christine) : Oui,
c'est ça. Notre échéancier exact ou le… Non, mais, en fait, on est en
train de l'amener, actuellement, puis on
entreprend… en janvier on veut pouvoir travailler avec cet échéancier-là… cette
étude d'opportunité, pardon, pour se donner un échéancier de projet. Puis on
regarde au printemps pour tenir une espèce de journée
de veille comme on l'a fait pour le transport puis le développement durable
aussi et pour faire quelque chose avec… amener des gens autour de la
table aussi, des intervenants, parce qu'on ne fera pas ça seuls puis on ne sera
peut-être pas au coeur… l'OIQ ne sera
peut-être pas au coeur de cet institut, mais on va avoir besoin d'amener les
personnes autour de la table qui,
d'une manière ou d'une autre, travaillent déjà sur certains sujets qui vont
être connexes. Ça pourrait être un réseau virtuel international. On ne
sait pas encore la forme, mais il est certain que ça nous prend… Nous, ce qui
est important, j'imagine, en bons
ingénieurs, bien c'est d'avoir une trace et pas seulement… pas seulement de
l'argent qui revienne dans les
coffres mais une trace où on va
regarder ça puis on va se dire, à un
moment donné : Bon, bien, en
2013, il y a eu ce drame-là; on n'y retourne pas, là.
M.
St-Arnaud : ...on va
suivre ça avec attention. En tout cas, je
pense que vous nous avez mis l'eau à
la bouche avec cette idée.
Peut-être
une ou deux choses pour revenir plus spécifiquement au projet de loi n° 61. C'est, je crois, à la
page 8, vous dites : «…le projet de loi devrait viser l'ensemble des
marchés publics et non seulement les contrats liés à la construction.» Évidemment,
ce qui a amené le gouvernement à viser davantage l'industrie de la
construction, c'est évidemment tous ces
débats que nous avons eus au cours des derniers mois et des dernières années,
malheureusement.
Est-ce qu'il y a... Qu'est-ce qui vous permet de
croire que d'autres industries sont aux prises avec les mêmes problèmes et avec
une telle gravité, si je puis... Parce qu'évidemment, l'industrie de la
construction, on en a tous entendu parler, depuis trois, quatre ans, mais qu'est-ce
qui vous amène à croire qu'il y aurait lieu de viser l'ensemble des marchés
publics?
M. Lebel
(Daniel) : Écoutez, voilà un
certain temps, en fait depuis le début de la commission Charbonneau, on
nous posait la question, à l'Ordre des ingénieurs : Pourquoi vous n'avez
jamais entendu parler de ça? Ce n'est pas possible,
c'est incroyable, c'est… Il n'y a pas personne qui a dénoncé quoi que ce soit.
Bon. Bref, on a toujours expliqué que c'est nos membres, puis nous, nous
inspectons les membres. C'est ça aujourd'hui qui nous permet de le faire.
Aujourd'hui,
j'ai du monde qui me disent : Oui, mais, l'informatique, toutes les
dérapes qu'il y a au niveau des projets
informatiques — je le
dis dans mes mots, là, donc… — est-ce qu'on peut se poser la même question?
Est-ce que vous avez des ingénieurs
qui sont pris là-dedans? Est-ce que vous avez des dénonciations autour de ces
projets-là? Donc, je donne ça en
exemple, O.K., simplement, tout ça, pour vous dire qu'on ne voudrait surtout
pas se faire dire, dans deux ans, dans trois ans, que le prochain
scandale, c'est le scandale de l'informatique. Puis je ne vous dis pas qu'aujourd'hui
j'ai de l'information
qui me dit ça. Je lis les journaux comme vous, j'écoute les nouvelles comme
vous, mais j'entends que les projets
informatiques, ce n'est pas nécessairement évident à ce moment-ci. Alors, ce
qu'on dit, c'est que, oui, ça… oui, le
domaine de la construction, à ce moment-ci, mais vous en faites d'autres,
grands dossiers au niveau des organismes publics. Vous avez plusieurs projets de front, dont
l'exemple... Je ne vous dis pas aujourd'hui que j'ai de l'information qui
me permet de révéler quoi que ce soit, autrement que celle que vous avez, mais
il faut être prudent. C'est ça qu'on dit, c'est :
Servons-nous de cette expérience-là du monde de la construction pour
dire : Avons-nous des problèmes ailleurs? Puis, si oui, ça devrait
s'appliquer aussi.
M.
St-Arnaud : Vous dites au début de votre mémoire que «le
Conseil du trésor estime qu'entre 8 % et 24 % des coûts des contrats publics dans le domaine de la
construction sont liés à des formes de malversation». Vous soulignez...
Vous indiquez : «La commission Charbonneau a avancé le chiffre de
30 %.»
Vous
avez compris que, dans le projet de loi n° 61, tel que rédigé
actuellement, le pourcentage correspondant au préjudice sera déterminé par le gouvernement, éventuellement par
décision du Conseil des ministres. Est-ce que l'Ordre des ingénieurs pourrait élaborer là-dessus, est-ce que
vous avez des pourcentages en tête? Quel serait le pourcentage, à vos
yeux, raisonnable, réaliste qui pourrait
être réclamé des entreprises fautives? Est-ce que vous avez réfléchi à cette
question?
M. Lebel
(Daniel) : En fait, clairement on ne pourrait pas vous donner un
pourcentage, très honnêtement, là. On
utilise l'information qu'on reçoit, là, présentement, puis ce qu'on dit, c'est
que… On voulait juste essayer de donner une image de l'envergure de la chose, là, le potentiel qu'il y a en arrière
de ça. Et le 175 millions, pour nous, c'est déjà énorme, là,
alors... Mais je ne serais pas en mesure aujourd'hui... On n'a pas fait ce
genre d'analyse là complète pour savoir exactement quel est le pourcentage
précis.
M.
St-Arnaud : Parce que votre 175 millions, là, c'est si on
réduisait d'un point seulement le pourcentage qui est associé à l'impact
sur l'octroi des contrats. Pour une année, là, ce serait 175 millions dont
l'État aurait été privé.
M. Lebel (Daniel) : Bien, en fait, ça explique, là, l'augmentation des coûts de projet,
hein? Ça, c'est clair, là, on le sait,
là. Mais par-dessus tout ça aussi il y a l'inefficacité, puis, bon, il y a bien
d'autre chose aussi qui fait que les coûts peuvent augmenter, là. Mais on ne serait pas en mesure de vous dire
aujourd'hui clairement quel est le pourcentage précis, là.
• (14 h 40) •
M.
St-Arnaud : Comme
vous le savez, le projet de loi n° 61, c'est essentiellement deux choses. La première partie du projet
de loi, le premier volet, c'est de donner des moyens plus costauds pour d'éventuels
recours civils devant les tribunaux à
l'endroit des entreprises fautives, et le deuxième volet, qui en fait est peut-être
le premier, qui passe avant dans le
temps, c'est le volet programme de remboursement. Donc, on met sur pied, dans
le projet de loi, un cadre législatif qui encadre le
programme de remboursement, aux articles 12 et suivants, et éventuellement il y
a un deuxième volet, qui est au début du projet de loi, les
articles 3 et suivants, qui dit : Bien, si ça ne fonctionne pas par
le biais du programme de remboursement, bien il y aura des recours civils avec
des moyens extraordinaires et beaucoup plus costauds que les règles
habituelles.
Vous
dites, eu égard au programme de remboursement : «Nous souhaitons que
l'établissement de ces critères fasse l'objet
de consultations auprès des intervenants et du public.» Le programme doit être
administré en toute transparence, il faut que les critères soient
précis.
Est-ce
que vous avez réfléchi sur comment devrait fonctionner ce programme de remboursement,
sur les critères? Est-ce que vous avez des pistes, au-delà de ce qui est
dans le projet de loi, à nous suggérer?
Mme O'Doherty (Christine) : Bien, la vérité, c'est qu'on estime que ce n'est
pas nécessairement notre rôle de regarder ce genre de critère de
remboursement, tu sais, c'est une question... c'est entre les entreprises qui
ont floué les organismes publics, le gouvernement, en fait qui... sur des
allégations et qui seront réputées coupables, qui seront accusées, là, devant la justice, d'être... Et, à
ce moment-là, vous avez mis en place dans le projet de loi aussi un
mécanisme pour des négociations éventuelles ou des ententes qui seront prises.
Alors,
je ne voudrais pas répondre à la place de l'AICQ, par exemple, qui pourra sans
doute vous en dire davantage. Pour
nous, ce qui est important, à l'ordre, vous l'avez dit, c'est un message
d'espoir, mais c'est aussi... c'est ne pas faire fi de ce qui s'est passé, c'est de prendre un temps
d'arrêt, de regarder ça, de faire les calculs. Puis je sais que c'est
complexe. Pour avoir eu des discussions avec les gens du Conseil du trésor, c'est
assez complexe, là, de définir comment on va rembourser,
avec quel pourcentage, qu'est-ce qu'on charge, qu'est-ce qu'on ne charge pas,
comment on évalue les contrats et... Mais c'est juste que les... on a
fait le commentaire parce que les chiffres sont toujours...
Le Président (M.
Ferland) : …à peu près 20 secondes.
Mme O'Doherty (Christine) : Oui. Alors, voilà, on n'a pas réfléchi aux
critères, mais, si jamais vous vouliez qu'on y regarde de plus près, ça
va nous faire plaisir. Cela étant, on estime que ce n'est pas notre rôle
nécessairement entre l'État et les entreprises.
M. St-Arnaud :
…sur quoi...
Le
Président (M. Ferland) : …le temps étant écoulé, M. le
ministre. Vous aviez 20 minutes à votre disposition. Alors,
maintenant, je reconnais le...
Une voix :
…
Le
Président (M. Ferland) : Eh oui, c'est... D'ailleurs, il y a
une photo de prise. Ce moment sera immortalisé, M. le ministre.
Alors, maintenant, je cède la parole au parti d'opposition,
le député de Fabre, pour un temps de 14 minutes et des poussières.
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le Président. J'aurai quelques observations
et une question, et mes collègues de Bourassa-Sauvé et de Chomedey
aussi.
Alors, merci. Bonjour et merci d'être là. Merci
pour votre excellent mémoire, vos excellentes suggestions, surtout dans un très,
très court délai. Je ne reviendrai pas sur ma marotte des délais de convocation
en commission parlementaire, mais sachez qu'on apprécie énormément votre
présence à si brève échéance.
Ceci dit, vous
faites d'excellentes suggestions. Il y en a une sur laquelle j'aimerais revenir
pour faire un commentaire d'entrée de jeu, celle de tenir des
consultations publiques sur le projet de règlement. M. le ministre vient de vous questionner, entre autres, sur le
pourcentage, au niveau de : Comment détermine-t-on le préjudice? Je
trouve ça intéressant de vous entendre dire qu'alors que vous êtes des experts,
vous connaissez bien votre marché, vous êtes mal placés pour répondre à cette
question, mais on va faire confiance au gouvernement pour trouver la réponse à
ce pourcentage. Des consultations publiques,
M. le Président, sur le projet de règlement qui va baliser l'exercice de...
l'entrée en vigueur de cette loi-là et comment cette loi-là va opérer, je pense
que ce serait une nécessité.
Ceci dit,
vous faites une mise en garde que je pense important de relever, vous soulignez
à quelques reprises, dans le projet
de loi, l'importance de revoir périodiquement les lois pour faire les
correctifs nécessaires. J'ai toujours pensé, moi, que, les lois, on n'adopte pas ça rapidement, il
faut prendre le temps de les étudier. Justement parce qu'on ne les
change pas rapidement, il y a une question
de stabilité et de prévisibilité qui est essentielle. Vous le soulignez dans
votre mémoire — et
mon collègue pourra aborder plus la loi n° 1 tantôt — il
est important de s'assurer qu'on ne manque pas notre coup dès le départ, et ça, je pense qu'il faut prendre
le temps de bien s'assurer que la loi répond à nos besoins dès le
départ.
Vous
soulignez, page 8 et page 9, là… vous questionnez le recours à une
enquête, et vous posez plusieurs
questions sur quelles seront ces enquêtes
qui vont alimenter les poursuites pour récupérer les sommes d'argent, et vous
soulevez même la possibilité de s'en remettre à une condamnation plutôt que de
réinventer la roue, refaire le travail, et je pense que c'est une question très pertinente, qui va au coeur même
de l'objectif visé par la loi. Cette question-là, je pense qu'il faudra s'y arrêter, d'autant plus que, puisqu'on
vise à changer les règles du jeu, les règles du droit, d'autres
intervenants qui sont venus nous ont
souligné qu'il fallait être très prudents comme législateurs lorsqu'on
envisageait de changer les règles du jeu, le droit applicable. Et je
pense que les questions que vous posez sont directement au coeur de cette
question-là et je pense, M. le Président, que le ministre devrait réfléchir
longuement et apporter des réponses à ces questions-là avant d'aller de l'avant.
Ceci dit, ma question, c'est… Vous parlez
d'impacts sociaux et économiques du projet de loi n° 61 et de la nécessité de faire des études. Pouvez-vous dire ce
que vous avez en tête, à quoi correspondraient ces études? Et est-ce que
ce n'est pas quelque chose qu'on devrait
examiner avant d'envisager de bouleverser les règles du droit pour
récupérer ces sommes d'argent? Alors,
qu'est-ce que vous avez en tête quand vous parlez de cette étude d'impacts
sociaux et économiques?
M. Lebel
(Daniel) : O.K.
Effectivement, on avait déjà amené ce point-là au projet de loi n° 1
à l'époque, là, où on disait :
Oui, c'est bien de mettre en place rapidement ce genre de loi là, qui devient
essentiel, je pense, pour corriger la situation dans laquelle on est. Ce
qu'on disait, c'est : Assurez-vous de mettre en place des indicateurs qui
nous disent à quel point cette loi-là nous
permet d'aller chercher les bénéfices espérés, là. C'était dans ce sens-là
qu'on avait amené ce point-là et
qu'on le ramène encore aujourd'hui, c'est de dire : Oui, une loi, il faut
qu'elle soit certainement bien réfléchie avant de la mettre en place, et c'est le but de la consultation
certainement. Mais, au-delà de ça, ce qu'on dit, c'est que, une fois
qu'on l'a mise en place, quels seront les indicateurs qui vous disent que cette
loi-là nous amènera la performance souhaitée?
C'est simplement ça, comme on le fait dans toute autre organisation,
indicateurs qui peuvent être d'un point de vue économique, évidemment, mais aussi social. Donc, c'est un peu dans
ce sens-là qu'on amenait le point, c'est-à-dire : si on met en
place une loi, et que ça nous crée une contrainte au niveau développement de
marché ou je ne sais pas quoi, là — je n'ai aucune idée, là, c'est pour ça qu'on
vous dit qu'il faut faire l'étude — bien il faut s'en assurer, de ça,
puis le mesurer, puis de voir quel est l'effet réel par rapport à tout ça.
Quand on dit
qu'il ne faut surtout pas générer du ralentissement au niveau des travaux
d'infrastructure qui sont importants
pour nous, là, importants pour la société québécoise… Puis là je ne veux pas
ramener le pont Champlain, qui est d'actualité,
là, mais qui est quand même inquiétant, mais ça, c'est une infrastructure à
suivre. Mais il y en a plein d'autres comme ça. Alors, c'est ça qu'on
dit, c'est : Est-ce que l'effet d'une loi… Il ne faut pas qu'elle vienne
contrevenir à la performance puis à l'exécution des travaux qu'on a à mettre en
place, c'est un peu ça qu'on vous dit ici. Je ne sais pas si vous vouliez
ajouter.
Mme
O'Doherty (Christine) :
J'allais juste ajouter aussi qu'effectivement vos commentaires sur le
bouleversement d'un processus législatif sont… c'est un commentaire qui
est pertinent. Et je comprends aussi l'empressement du gouvernement depuis l'année passée, depuis janvier, quand on a adopté la
Loi sur l'intégrité, tu sais, de vouloir mettre en place des moyens, parce qu'on s'est retrouvés…
puis je ne dis pas qu'il n'y a jamais eu de crise comme ça dans la
société québécoise, là, mais on s'est
retrouvés au coeur d'une tempête, hein, pour tout le monde et dans plein de
secteurs, donc je comprends l'empressement du gouvernement. Comme
avocats, peut-être que ça nous choque un peu ou ça nous ébranle
un peu, mais en même temps des fois il y a
peut-être des considérations sociales, économiques, politiques qui vont
prévaloir sur le fait de rechercher la perfection d'une loi. Je ne reviendrai
pas avec le projet de loi n° 49, mais… Bon, je l'ai dit.
Mais alors
comme M. Lebel explique, effectivement, il faut pouvoir les mesurer. Et je ne
veux pas parler à travers mon chapeau, mais c'est peut-être quelque
chose sur lequel on ne reporte pas suffisamment notre attention aussi quand on adopte une loi, l'impact socioéconomique
qu'elle aurait. Alors, c'est peut-être de se dire : C'est peut-être
une meilleure pratique qu'on pourrait vouloir mettre en place aussi.
M.
Ouimet (Fabre) :
Merci. Je vais céder la parole à mes collègues.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, le député de Chomedey ou… Chomedey. Allez-y.
• (14 h 50) •
M.
Ouellette :
Merci, M. le Président. M. Lebel,
Me O'Doherty, bonjour. Rafraîchissant,
votre mémoire. Et je souscris
entièrement aux commentaires de mon collègue de Fabre parce qu'effectivement, à
vouloir aller trop vite, peut-être qu'on peut passer à côté aussi, et
tous les gens qui sont venus nous voir nous exhortent à la réflexion. Je pense
qu'il faut partir sur des bonnes prémisses.
On connaît la situation en 2013, mais, si vous avez suivi l'actualité,
tous les témoins qui sont venus à
Charbonneau font état d'une situation de 2009, et ce n'est pas automatique que… Depuis
2010, là, c'est 175 millions qui reviendraient au gouvernement,
puis, je veux dire, c'est pour ça qu'il y a une réflexion intéressante qui doit
être faite.
À la page 7,
quand vous faites des commentaires par
rapport à la loi n° 1 et que vous voulez que les condamnations puissent être prises en considération par l'Autorité des marchés financiers, bien vous n'êtes pas sans savoir que, dans
un premier temps, c'est l'UPAC qui fait l'enquête, et suite à l'enquête, normalement,
il y a un imprimatur qui vient de l'Autorité
des marchés financiers. Plusieurs
intervenants et… Ce qu'on entend dans le milieu, c'est qu'il ne faudrait
pas que maintenant tu sois capable de t'acheter une licence ou de t'acheter une
virginité puis que, si tu es coupable, bien, dépendant
de la grosseur que tu as ou dépendant des contacts que tu as ou des plugs que
tu as, tu peux être capable d'avoir cette licence-là.
Je reviens toujours
à la page 7. Vous nous mentionnez… Vous avez fait état de la ville de Montréal. Effectivement, elle va
vouloir avoir une plus grande marge
de manoeuvre, à laquelle il va
falloir réfléchir, et vous nous soumettez comme recommandation que le gouvernement
mette en place un système de mesure de l'efficacité du projet de
loi n° 61 et des règlements qui l'accompagnent afin de pouvoir y
apporter périodiquement les ajustements nécessaires.
On a déjà toutes les misères du monde à faire
adopter des projets de loi. Il y a un processus législatif qui est complexe, qui est long. J'aimerais bien ça savoir
quelle était votre réflexion sur cette suggestion-là d'avoir des mesures
d'accompagnement qui vont faire qu'on va s'ajuster au gré des différentes
situations, parce que normalement, quand le législateur prend la peine, après y
avoir mûrement réfléchi, de faire une loi, ce n'est pas pour être changée aux cinq minutes. Parce que, vous savez, le
projet de loi n° 61, là, déjà il y a des gens qui sont payés des gros
prix juste pour le contrecarrer,
O.K.? La journée qu'il est sorti, il y a des gens qui ont commencé à travailler
dessus : Comment on peut faire pour
contrecarrer le projet de loi? Je veux vous entendre sur les mesures qui
pourraient accompagner le projet de loi n° 61, qui pourraient
amener des ajustements, là, comme vous l'avez recommandé dans votre mémoire.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, M. Lebel.
M. Lebel
(Daniel) : Oui. Je vais
commencer la réponse puis je vais laisser notre avocate parler de droit.
Comme on a dit tantôt, écoutez, nous, ce
qu'on vous dit, c'est : Dans des projets de loi comme celui-là, sur lequel
on veut mesurer un impact, là, on veut être capable de le suivre puis on
veut être capable de dire à quel point qu'il a amené de la valeur ajoutée à notre
société québécoise puis qu'il nous permet d'assurer qu'au bout du compte on a
une pratique intègre et éthique, donc, nous,
ce qu'on vous dit, c'est : Il faut mettre en place des mécanismes de
mesure. On ne dit pas qu'il faut revoir
constamment la loi, en tout cas ce n'est pas comme… Puis je peux comprendre
très bien le niveau de difficulté, puis je laisserai Me O'Doherty en parler davantage, mais c'est plus dans ce
sens-là qu'on le dit. Il faut savoir… Puis là je vous parle en tant qu'ingénieur, là. C'est que nous, on
ne fait pas de projet sans s'assurer qu'on sera capable de le mesurer et
de bien le suivre. Pour la vie utile de cette loi-là, c'est un peu le même
principe qu'on vous amène ici. Me O'Doherty, je ne sais pas si…
Mme
O'Doherty (Christine) :
Bien, je ne sais pas si je vais répondre directement, je vais essayer, mais ce
que je voulais dire, c'est que, l'ampleur de la crise actuelle, je pense qu'on
a tous été frappés par ça. Au premier chef les professionnels, ensuite les gens qui les côtoient, les politiciens, les
médias, on a tous été frappés par cette crise-là mais surtout par l'ampleur.
Depuis 2009
que l'ordre travaillait… M. Ouellette, vous faisiez référence à 2009, puis
effectivement les firmes ont mis en place des mécanismes pour modifier
les choses.
Le Président (M. Ferland) :
Il reste 2 min 30 s environ. Allez-y, continuez.
Mme O'Doherty (Christine) : On va
faire ça vite.
M.
Ouellette : Oui,
parce que je vais avoir une autre question.
Mme O'Doherty
(Christine) : Mais c'est la démonstration, je trouve, assez éloquente
du fait qu'on ne peut pas… une solution
n'est pas suffisante pour pallier cette crise-là. Puis une loi va faire un bout
de chemin, va nous permettre d'y
travailler. Et là c'est vrai que, dans l'empressement du moment… Puis il y a
beaucoup de pression pour que les… de la population, des médias en général mais de la population pour qu'on fasse
quelque chose. Nous, on reçoit des courriels, je ne sais plus combien par jour : Faites quelque
chose. Qu'est-ce que vous faites? Vous ne faites rien. Bon, on ne veut pas se soumettre à cette pression-là, mais on est tous
touchés par ça puis on veut mettre en place des choses. C'est pour ça qu'on
arrive avec l'idée d'un institut, on est arrivés avec l'idée des audits, parce qu'on estime qu'une
seule solution ne sera pas suffisante.
Mais ça nous prend des solutions, par
exemple. On se dit toujours,
à l'ordre : On ne veut pas être ceux, là, dans 10 ans, tu sais, quand on va regarder 2013
puis on va se tourner puis on va dire : Mais vous avez fait quoi? Bien, on
n'a pas fait grand-chose. On a laissé passer le train puis...
M.
Ouellette : J'ai
une dernière question pour la dernière minute qu'il me reste.
Le Président (M. Ferland) :
Allez-y, M. le député de Chomedey.
M.
Ouellette : J'ai une dernière question. Vous mentionnez, à
la page 9 de votre mémoire, que… les personnes ou les entreprises qui
devront rembourser. Donc, vous ouvrez la porte, parce que, dans le projet de
loi, on parle des entreprises, on parle des
dirigeants des entreprises, mais, s'il
y a des personnes, des fonctionnaires
ou des gens… des élus municipaux…
Quelque personne que ce soit, vous les incluez dans le projet de
loi n° 61. Il faudra y réfléchir pour qu'eux autres aussi
soient imputables. C'est le sens des écritures, O.K.?
M. Lebel (Daniel) : Exact.
Absolument.
Mme O'Doherty (Christine) : Des
écritures, oui. C'est le sens des écritures.
Une voix : Les Saintes
Écritures.
Des voix : Ha, ha, ha!
M.
Ouellette : Oui,
oui. Non, non, mais c'est le sens des écritures aussi.
Mme O'Doherty (Christine) : Oui.
M.
Ouellette : Votre
institut, vous dites qu'une partie des sommes recouvrées dans le cadre de cette
présente loi puisse servir à la mise en place d'un tel institut. Est-ce que c'est
pris dans le 20 % des frais d'administration ou dans le 80 % qu'il
reste, votre suggestion que vous pourriez faire?
M. Lebel
(Daniel) : Là, je pense
qu'on n'est pas nécessairement rendus là, mais ce qu'on dit, c'est que,
nous, il faudrait certainement que ces fonds-là servent à aider ce genre d'institut
là, c'est ce qu'on vous dit. On est au niveau de
l'intention, c'est une idée qui est lancée aujourd'hui. Et c'est à explorer
davantage, dont autant son financement, mais ce qu'on dit, c'est qu'il y a certainement là un moyen de financer ce genre
d'institut là. Puis en même temps, bien, c'est un moyen de laisser une trace, là, sérieuse, solide,
là, qui permet de dire : On a mis en place à même ces fonds-là un
institut qui permet de gérer l'intégrité, d'assurer l'intégrité et l'éthique au
Québec.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, le temps étant écoulé… Il reste
quatre secondes, le temps de céder la parole au député de...
Une voix : …
Le Président (M. Ferland) :
Oui, mais je vais le prendre, M. le député.
Une voix : …
Le Président (M. Ferland) : S'il
en avait besoin. Alors, M. le député de Saint-Jérôme, pour un temps de quatre
minutes et des poussières.
M.
Duchesneau : Alors, quatre minutes et des poussières. Je vais
faire mes commentaires très brefs pour vous entendre. Moi aussi, je trouve que vos commentaires ont été vivifiants,
dynamiques, vous êtes une bouffée d'air frais. J'aurais pu continuer
là-dessus.
Vous savez,
30 ans pour se faire une réputation, 30 secondes pour la perdre, vous
l'avez vécu. On est dans une crise et
on doit s'en sortir. Ce que vous proposez est intéressant. Quand on parle de
remboursement, il faut quand même trouver l'équilibre, le juste
équilibre entre les peines à imposer aux fautifs mais aussi l'équité à ceux qui
se sont toujours fait avoir parce qu'ils
n'ont jamais été capables d'avoir des contrats. Donc, il faut que l'entreprise
honnête sente qu'il y a aussi justice, parce qu'on ne pourrait pas s'acheter
une virginité en remboursant, je pense que ça déferait l'idée derrière tout ça. Moi, je pense
plutôt à une commission de la vérité et de la réconciliation comme on a eu en
Afrique du Sud, dire : Dépêchons-nous à tourner la page.
Et ça m'amène
justement à la dimension des remboursements. On ne pourra jamais trouver le
montant exact qui représente
l'ampleur de la fraude. Il faut donc trouver des moyens de s'entendre
rapidement et pour pouvoir tourner court et de manière efficace, là, à
la problématique qu'on a actuellement. Ce que vous avez pensé, on dirait, en
droit criminel, un «plea bargaining», hein, qu'on puisse s'entendre, qu'on
tourne la page et qu'on puisse maintenant agir comme un bon citoyen.
M. Lebel
(Daniel) : Non, mais,
honnêtement, on n'a pas fixé ni de montant, ni de pourcentage, ni comme...
Je veux dire, on ne s'est pas embarqués à ce niveau-là.
Mais, par
contre, une des solutions qu'on vous amène ici, c'est notre programme d'audit.
On dit : Intégrez-le, le programme
d'audit. Forçons la chose, là. C'est-à-dire c'est un programme développé avec
le Bureau de normalisation du Québec,
vous avez vu le comité qui en fait partie. On n'est pas dans notre institut
qu'on vous propose, mais on n'est pas loin, là. C'est-à-dire que notre
programme d'audit, c'est déjà beaucoup, là.
M.
Duchesneau : ...un peu comme l'institut sur la gouvernance
d'organismes privés. Et ça m'amène justement à parler de financement de
votre institut. Oui, le gouvernement, je pense, doit sûrement injecter des
fonds, mais est-ce que vous n'êtes pas
d'avis que les grandes entreprises devraient aussi y contribuer de façon importante?
Après tout, vous avez perdu votre réputation, vous tentez de la refaire,
et je pense qu'en ayant un organisme indépendant on pourrait sûrement trouver
du financement, un des deux. Vous êtes d'accord avec l'idée?
• (15 heures) •
M. Lebel
(Daniel) : Absolument.
D'ailleurs, notre programme d'audit, c'est totalement financé par les
firmes, hein, il n'y a pas de membre qui va
donner un dollar pour le programme d'audit. Donc, c'est les firmes qui devront
payer pour se faire auditer, volontairement pour l'instant.
M.
Duchesneau : Et je
suis sûr qu'il ne me reste pas grand temps, je voulais juste faire un commentaire. On a tous vécu une autre
crise au Québec, au mois de juillet, avec Lac-Mégantic, et on a
vu des bénévoles arriver dès le
lendemain pour trouver… Bien honnêtement,
j'aurais aimé ça que les ingénieurs, de façon bénévole, puissent… auraient dû
aussi débarquer à Lac-Mégantic peut-être pour nous bâtir une cité de l'avenir,
sans que ce soit toujours le gouvernement qui soit obligé de payer. Ça aurait
été une façon honorable de le faire.
Dernier
commentaire. Empressement du gouvernement, M. le ministre, moi, je suis comme
un enfant, j'ai le besoin du plaisir immédiat. Moi, je n'ai pas trouvé
qu'on s'est empressé trop, trop à avoir ce débat qu'on a ici aujourd'hui. C'est
de bonne guerre, mais il faut juste s'assurer que le remède ne soit pas pire
que la maladie, et, si, là, on continue à
traîner, justement, ce débat-là... Écoutez, la commission Charbonneau, vous en
avez parlé, on est encore juste au niveau municipal, on n'a pas encore
touché au niveau provincial. Il va falloir qu'on en sorte, de cette crise-là,
aujourd'hui. Et ce que vous nous donnez
comme suggestion, d'un institut indépendant sur l'intégrité, je vous dis, c'est
vraiment une bouffée d'air frais. Et je pense qu'il me reste…
Le
Président (M. Ferland) :
Bon, il reste quelques secondes, le temps, comme tout à l'heure, de me diriger
vers le…
M. Duchesneau : Ça m'a fait
plaisir. Merci.
Le
Président (M. Ferland) : …le député de Blainville pour un temps
similaire, c'est-à-dire 4 min 20 s, M. le député.
M. Ratthé :
Merci beaucoup, M. le Président. Madame monsieur, merci d'être là. Évidemment,
votre expertise est de grande
utilité, puis je pense effectivement que l'institut que vous nous proposez… En
fait, ça sort des sentiers battus, j'allais
dire, mais je voudrais justement vous entendre encore un peu sur ça, parce que,
bon, on voit clairement, là, que vous avez
bien défini quel serait le rôle de l'institut, là, vigilance, développer les
programmes, en fait inciter les firmes à les mettre en pratique, les suivre, et du même coup aussi vous nous parlez
de l'audit, hein, que vous voulez qu'on prenne en considération. Est-ce que, pour vous, ça veut dire
que, par exemple, dans l'octroi de contrat, on pourrait se servir d'autant
du fait qu'une firme a passé... justement a eu son audit puis qu'une firme
suit, je veux dire, les bonnes pratiques de gouvernance
de l'institut? Est-ce que ça devrait devenir un prérequis ou du moins faire
partie d'une grille de pondération? Comment
vous voyez la chose, là, dans le pratico-pratique? Parce qu'on met des choses
en place, on dit : On va regarder comment
ça se passe, mais, quand vient le temps d'octroyer le contrat, comment vous
voyez, là, sur le terrain, comment ça pourrait se traduire, tout ça?
M. Lebel
(Daniel) : Oui. Bien, pour
le programme d'audit, écoutez, comme on l'a dit un peu plus tôt, c'est
un programme d'audit très sérieux, hein, qui va parler autant du code de conduite
de l'entreprise, son code d'éthique, comment
on fait l'arrimage avec le Code de déontologie des ingénieurs. Pour nous, ça,
c'est essentiel, un ingénieur doit se retrouver là-dedans. Un ordre
professionnel, ça contrôle l'exercice des professionnels. Ce qu'on dit, c'est
qu'on n'a pas attendu que quelqu'un nous dise : Vous avez le droit
dorénavant de… vous devez dorénavant auditer les firmes. Ce qu'on a dit, c'est : Nous, on va
développer un programme d'audit qui va nous permettre de débarquer chez les
firmes, pour aujourd'hui, sur une base
volontaire. Ce qu'on vous dit, c'est : Pourquoi ne pas le rendre sur une
base… voyons…
Une voix :
Obligatoire.
M. Lebel
(Daniel) : …obligatoire — merci — pourquoi ne pas le rendre sur une base
obligatoire et donner à l'ordre
professionnel ce pouvoir-là d'agir auprès des firmes? Alors, c'est ce qu'on
dit. On est en train de le développer, et ça se fait très bien. D'un point de vue volontaire, on peut le faire, on
peut y arriver, mais cet audit-là va être fait de façon très rigoureuse
au niveau des pratiques d'affaires, du développement professionnel, au niveau
des codes d'éthique, code de conduite de
l'entreprise. C'est fait avec le BNQ. C'est vraiment un programme d'audit très
crédible et très sérieux, donc pourquoi ne pas s'en servir? Je veux
dire, on est en train de le développer, ça. Pourquoi ne pas s'en servir?
M. Ratthé :
Iriez-vous jusqu'à dire, par exemple, que, si ce n'était pas bien suivi par
une firme, on pourrait même l'utiliser pour discarter cette firme-là,
pour dire : Bien, en tout cas, ça va donner moins de points, ça la met
moins en compétition, par exemple, avec les autres?
M. Lebel
(Daniel) : Comme on a
toujours dit, nous, on va tenir un registre des firmes qui se sont conformées
à notre programme d'audit. On va le tenir,
ce registre-là. Donc, évidemment, ça devient un outil pour les organismes
publics, évidemment, de voir quelle firme
s'est fait auditer, et lesquelles ont passé, et lesquelles sont en train de se
faire auditer présentement, et, voilà, c'est ça, le but, là.
Oui, je vous laisse…
Mme
O'Doherty (Christine) : Il y
a peut-être deux manières d'utiliser le programme d'audit : en prévention
ou en correction. Puis c'est les discussions, c'est l'essence des discussions
qu'on a avec nos partenaires autour de la table aussi. C'est-à-dire que, par exemple, quelqu'un qui voudrait obtenir la
certification de l'AMF pourrait dire, en prévention : Es-tu allé faire ton audit avec l'Ordre des
ingénieurs? Ah non? Bien, vas-y donc
avant de soumettre ton dossier. Ou, en correction :
Bien, tu as fait ça, mais il te manque telle ou telle affaire. Tu n'as pas de
code de conduite dans ton entreprise, tu n'as pas mis en place des bonnes pratiques. Va donc faire ta
certification avec l'OIQ, puis ensuite tu reviendras nous voir. Donc, il
y a différentes manières, là, d'arrimer les deux.
Puis, juste pour ne pas oublier, on ne veut pas
se substituer à l'AMF, absolument pas. Nous, on travaille en prévention avec les firmes. Mais c'est sûr que,
comme dans n'importe quel secteur, il
faut créer des incitatifs et des
incitatifs puissants, parce que,
là, on est tous… on est tout le monde là-dedans, et tout
le monde ressent le besoin de faire
maison nette, mais, dans deux, trois ans, dans quatre ans, à un moment donné, les
gens vont se mettre à oublier, et puis là ça va devenir moins pressant, tout à
coup, de faire les bonnes choses. Donc, il faut se donner les moyens d'y
arriver.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, peut-être le temps d'un commentaire. Il reste à peu près
15 secondes, M. le député.
M. Ratthé : Bien, écoutez, le
commentaire sera le suivant, il va être très simple : Je vous remercie beaucoup
d'être venus. Je pense
qu'il y a sûrement plusieurs recommandations qui vont nous éclairer dans notre démarche puis
dans l'adoption du projet de loi. Et merci.
Le Président (M. Ferland) : Alors,
merci beaucoup, M. le député. Merci à vous pour votre mémoire, votre
présentation.
Et, sur ce, je vais suspendre quelques minutes,
le temps de permettre au prochain groupe de prendre place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 15 h 6)
(Reprise à 15 h 10)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, la commission… À
l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Alors, nous accueillons les représentants de l'Association
de la construction du Québec. Je vous demande de bien vouloir vous identifier
et de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, tout en vous
mentionnant que vous disposez de 10 minutes,
mais, comme tout à l'heure, là, on va vous permettre de déborder un peu du
10 minutes, et le temps sera recalculé à ce moment-là. Alors, je
vous cède maintenant la parole.
Association de la
construction du Québec (ACQ)
Mme
Bertrand (Manon) : Merci, M. le Président. Je me présente : Manon Bertrand,
entrepreneure et présidente de l'Association de la construction du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Claude Godbout, ex-entrepreneur et directeur général
de l'Association de la construction du Québec, et de Me Pierre Hamel,
directeur des affaires juridiques et gouvernementales à l'ACQ.
L'ACQ tient d'abord
à remercier les membres de la Commission des institutions de lui donner
l'occasion de présenter ses commentaires sur le projet de loi n° 61, Loi
visant principalement le recouvrement de sommes payées injustement par des
organismes publics relativement à certains contrats dans l'industrie de la
construction.
L'ACQ partage les préoccupations du
gouvernement en matière de récupération des sommes qui ont été soutirées
illégalement aux organismes publics dans le cadre de travaux de construction.
Nous sommes également conscients que l'ampleur des sommes impliquées conjuguée
au nombre important de contrats pouvant être concernés nécessite l'adoption de
mesures particulières, qui doivent toutefois être bien encadrées.
Ces mesures
complémentaires à celles déjà mises en place pour prévenir et combattre la
collusion et la corruption au Québec
constituent des outils importants qui permettront, nous l'espérons, de limiter
les dommages qu'elles ont pu
engendrer. Toutefois, l'adoption a posteriori de dispositions extraordinaires
démontre la nécessité, pour le gouvernement
et les organismes publics, de soutien non pas simplement pour le passé, mais
également pour l'avenir pour tout type de fraude qui pourrait survenir à
l'égard de tout type de contrat, pas uniquement en matière de construction. Le
gouvernement, par l'adoption de différentes lois, a assujetti l'ensemble des
fournisseurs de l'État aux différentes mesures qui visent à préserver l'intégrité
des contrats publics. Le présent projet de loi ne devrait pas faire exception.
En couvrant la plage des 15 dernières années, le projet
de loi nous amène à faire un autre constat : l'absence de mécanismes de prévention et d'expertise suffisante
au sein de la fonction publique municipale et provinciale en matière de
marchés publics au Québec au cours de ces années. Différentes raisons ont amené
plusieurs organismes publics à baisser la garde, à gérer autrement, souvent de
façon réactive, en fonction des ressources et des systèmes qui se sont
tranquillement implantés à tous les niveaux.
À cet égard, le temps a fait son oeuvre. À titre d'exemple,
le ministère des Transports a bien compris l'importance de la tâche qui l'attend. En préambule du document
intitulé Payer le juste coût pour les investissements routiers, le
ministère exposait la situation en ces
termes : «Afin d'atteindre pleinement cet objectif, il me semble
incontournable de procéder à un changement de culture important qui doit
s'inscrire au sein d'une organisation indépendante. Ainsi, l'agence des
transports, que nous proposons de mettre en place, constituera la pièce
maîtresse de l'ensemble de notre stratégie.»
S'il est possible
d'adopter des lois et des règlements afin de rattraper le temps perdu et
faciliter la lutte à la corruption et à la
collusion, il serait toujours plus avisé d'adopter des pratiques indépendantes
au sein des organismes afin de les
prévenir. Il est important de rappeler que les procédures de base pour une
bonne administration des marchés publics sont les mêmes que celles
proposées par l'ensemble des études et rapports sur les meilleures pratiques
visant à prévenir la collusion et la corruption.
La nature même du projet de loi démontre à quel point nous
n'étions pas préparés à faire face à un phénomène de collusion et de corruption de l'ampleur de celui
qui a été mis à jour au Québec. Si l'industrie de la construction est
propice au développement de tels phénomènes, elle n'en a pas l'exclusivité. La
mise à jour de stratagèmes de collusion et de corruption
dans d'autres marchés de l'État pourrait s'avérer tout aussi complexe que celui
de l'industrie de la construction, et le recouvrement des sommes
illégalement soutirées, tout aussi difficile.
C'est dans cette optique que l'ACQ recommande d'étendre les
dispositions du projet de loi à tous les fournisseurs de l'État. Toujours dans une perspective d'avenir,
nous nous interrogeons sur l'efficacité du nouveau régime si tous les intervenants ayant pu frauder ou participer à des
manoeuvres dolosives envers les organismes publics ne sont pas
assujettis aux dispositions du projet de
loi. Pourquoi, dans le cadre des contrats publics reliés à l'industrie de la
construction, les seuls intervenants visés sont les firmes de
génie-conseil et les entreprises de construction? Pourquoi les acteurs ayant directement participé de façon contributoire à la fraude ou aux manoeuvres
dolosives peuvent-ils bénéficier d'un statut particulier par rapport aux professionnels et aux entrepreneurs? En quoi
de telles restrictions au champ d'application
de la loi permettront d'envoyer un message clair et non équivoque d'imputabilité
aux autres industries, aux fonctionnaires et élus provinciaux et municipaux?
Les
témoignages entendus dans le cadre des travaux de la Commission d'enquête sur
l'octroi et la gestion des contrats
publics dans l'industrie de la construction démontrent à quel point
l'intervention des élus et des fonctionnaires peut être déterminante pour l'efficacité des stratagèmes mis en place, intervention obtenue généralement à fort prix. L'ACQ recommande donc que tous les acteurs d'une
fraude ou de manoeuvres dolosives, quelles qu'elles soient, doivent être
couverts par les dispositions du projet de loi.
Quant aux dispositions mêmes du projet de loi,
elles méritent, selon nous, certaines précisions. Les mesures apportées sont extraordinaires : nouvelle
prescription de cinq ans au lieu de trois ans, présomption de dommage, présomption du montant des dommages, pouvoir d'enregistrer une hypothèque légale ayant jugement
sur les biens des personnes
concernées. Ces mesures, comme le titre de la loi le précise, visent
principalement le recouvrement de sommes payées injustement par des
organismes publics relativement à certains contrats dans l'industrie de la
construction.
La loi crée
deux nouvelles présomptions en cas de fraude ou de manoeuvre dolosive. Alors
que la fraude relève du droit
criminel, les manoeuvres dolosives découlent de principes appartenant au droit
civil. Alors que la loi sur l'intégrité dans les marchés publics, la Loi
sur le bâtiment et la Loi sur les contrats des organismes publics visent toutes
la protection d'organismes publics face à
des infractions pénales qu'auraient pu commettre certaines entreprises, le
projet de loi n° 61 y apporte une dimension civile.
Une manoeuvre dolosive au sens du droit civil
peut prendre plusieurs formes dans le cadre d'un contrat de construction. Le fardeau de preuve qui y est
associé est moins lourd que celui requis en matière criminelle ou pénale.
Quel fardeau de preuve donnera ouverture aux présomptions proposées par le
projet de loi : la balance des probabilités ou une preuve hors de tout
doute raisonnable?
De
par la nature du projet de loi, nous en déduisons qu'il s'agit de la preuve
établie dans le cadre d'un procès civil. Si c'est le cas, il serait opportun de le préciser, car cette
disposition aura un impact important au niveau de l'encadrement juridique des projets futurs. Ainsi, des
manoeuvres dolosives sur le plan civil découvertes dans le cadre de l'adjudication
du contrat, donc au début du processus, sans que l'organisme concerné ne
débourse quelque montant que ce soit, sont et seront également couvertes par
les dispositions du projet de loi. Une manoeuvre dolosive qui permet l'annulation
d'un contrat, par exemple, sans que les sommes n'aient
été injustement payées donnerait ouverture à une réclamation en dommages. L'objectif du projet de loi ne semble
pas viser ces situations. Le projet de loi vise à faciliter la preuve du
dommage et à en déterminer le montant lorsqu'il y a eu réellement dommage.
Quant aux
présomptions elles-mêmes, nous croyons que la présomption de dommage mérite une
attention particulière. Est-elle absolument
nécessaire? En démontrant qu'il a été amené à payer des sommes qu'il n'aurait
pas dû payer, l'organisme public fait la démonstration d'un
dommage. En procédant ainsi, on évite de créer une présomption de dommage dans le cas où il n'y a pas de somme payée
injustement tout en permettant à l'organisme public de bénéficier de la
présomption relative au montant des dommages. Nous croyons donc qu'il importe d'évaluer
avec beaucoup de prudence la nécessité d'établir une présomption de dommage.
Pour
ce qui est du montant des dommages, l'ACQ recommande que le pourcentage présumé
qui sera déterminé par décret du gouvernement soit établi à partir d'études documentées tenant compte du type de
contrat visé, de l'organisme concerné,
de l'impact financier réel pour l'organisme
public découlant de la manoeuvre dolosive, et ce, encore une fois, afin de permettre aux organismes publics de procéder au
recouvrement de sommes payées injustement par ceux-ci relativement à
certains contrats plutôt que de réclamer injustement des sommes qui n'ont pas
été payées.
Voilà, M. le
Président, en bref les éléments les plus importants que nous souhaitons porter
à l'attention de la commission.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup, Mme Bertrand, M. Godbout,
M. Hamel. Alors, nous allons maintenant procéder à la période d'échange, et je reconnais
M. le ministre pour un temps de 24 minutes. M. le ministre.
• (15 h 20) •
M.
St-Arnaud : Merci, M. le Président. Bien, bonjour, Mme Bertrand. Bonjour aux
gens qui vous accompagnent. Merci.
Merci pour votre mémoire, pour votre contribution, qui va certainement contribuer à la réflexion des membres de la commission lorsque
nous aborderons l'étude article par article du projet de loi.
Peut-être une
première question sur… Vous reprenez un peu — ce n'est pas la première fois
qu'on l'entend depuis jeudi dernier — le
fait d'étendre les dispositions du projet
de loi au-delà de l'industrie de la construction, alors j'aimerais vous entendre, dans un premier temps, là-dessus. Qu'est-ce qui vous permet de croire que
d'autres industries sont aux prises
avec les mêmes problèmes ou avec des problèmes de la même gravité que ceux
qu'on a eu l'occasion de voir depuis
quelques années? Parce qu'évidemment vous comprenez que… Vous l'avez dit, vous
le dites vous-même, il y a des
mesures… je pense que vous employez les mots «mesures extraordinaires», dans le
projet de loi, qui sont… Je pense que le terme que vous utilisez, c'est
«dispositions extraordinaires», à la page 3, pour une situation
extraordinaire que nous avons vue au cours
des dernières années dans l'industrie de la construction. Donc, qu'est-ce qui
vous amène à… qui vous permet de croire que d'autres industries seraient
aux prises avec des problèmes de la même ampleur et qui vous amène à conclure
qu'il faudrait que le projet de loi s'étende à tous les fournisseurs de l'État?
Mme Bertrand
(Manon) : Je vais céder la parole à Me Hamel.
M. Hamel (Pierre) : Merci. Alors, M. le Président, donc, essentiellement, il y a deux
éléments qui sont importants. Le
premier, c'est que, un peu comme l'Ordre des ingénieurs, le caractère
extraordinaire de la situation est apparu un pas après l'autre et s'est
dévoilé devant le Québec depuis des années, là, sans que personne ne le sache
ou ne s'en doute. Dans le cadre de cette
démarche-là, le gouvernement a commencé par adopter le projet de
loi n° 73, le projet de loi n° 76. Après ça, ils ont
fait des modifications, ils ont créé le RENA. Après ça, ils ont enlevé le RENA,
ils ont mis la Loi sur l'intégrité. Donc, il y a eu des reculs, des pas en
avant, en arrière pour s'apercevoir que l'idéal, et c'était le projet de loi
n° 1 : qu'on couvre tous les marchés publics.
Alors,
c'est un peu la même chose, on se retrouve devant une situation dont on doit
prendre les leçons et on se dit : Lorsqu'il y a une preuve de
fraude et de dommage qui est étendue sur une longue période d'années, est-ce qu'on
a les outils, en droit civil, pour faire la
récupération de ces sommes-là? La réponse est manifestement non, puisque le
projet de loi n° 61 est devant nous. On a besoin de certaines
présomptions, on a besoin d'éléments pour favoriser la preuve et aider le
Procureur général, dans sa démarche civile, à obtenir ces sommes-là.
Or,
ces démarches-là, si elles sont valables pour notre industrie, elles sont
valables pour toutes les industries. Ça, c'est au niveau de l'étendue,
au niveau, je dirais, de l'assujettissement du type de marché, mais en plus ce
projet de loi là, il est comme complémentaire à l'ensemble des démarches qui
ont été prises, qui ont commencé le 29 octobre 2009 avec le resserrement
de la gestion contractuelle et qui se terminent ou qui se complètent aujourd'hui
par la récupération des sommes. Et ça, c'est
dans un contexte de changement de culture. C'est important que ça s'adresse
non pas juste aux entreprises de construction mais à tout le monde qui fraude l'État.
Tout le monde qui fraude l'État est susceptible
de payer ce qu'il a fraudé dans le cadre d'un régime de recouvrement de
créances propre à la situation, c'est de même qu'on comprend le système.
Et on se dit : L'intégrité est protégée, entre autres, par l'AMF, mais,
lorsqu'on passe entre les mailles du filet…
Aujourd'hui, c'est l'industrie de la construction. Demain, ça sera quoi? Et ça
n'a pas besoin nécessairement d'être des centaines de millions pour
intéresser le gouvernement à avoir des recouvrements.
Alors,
dans ce contexte-là, on comprend que le projet de loi n° 61 est là
pour rester, et donc il devrait couvrir ce qu'il a à couvrir, comme les
autres projets de loi l'ont fait.
M. St-Arnaud :
Et… M. le Président. Selon vous, Me Hamel, si on étendait… Parce
qu'effectivement, aux articles 3 et suivants, il y a des moyens… il y a
des dispositions extraordinaires, comme vous le dites, très, très, très particulières. Est-ce que, selon vous… Est-ce
que je dois comprendre de ce que vous
nous dites que, si on les étendait à tous les fournisseurs de l'État, ça
passerait le test des tribunaux?
M.
Hamel (Pierre) : Écoutez,
il y a des difficultés avec ce projet
de loi là. Au niveau juridique, c'est un peu comme un
cube Rubik : on les enlève, on en ajoute, il faut en enlever. Il faut être
très, très prudent.
Je comprends que… On en déduit, à l'association,
que, si le projet de loi est sur la table, c'est parce que le Procureur général n'a pas suffisamment d'armes
pour aller devant les tribunaux et pouvoir recouvrer de façon efficace ces sommes-là, autrement on utiliserait le réseau
de droit civil qu'on a actuellement. Alors, dans ce contexte-là, on
dit : Il serait peut-être… Élargissez
le champ, faites-la de façon générale. Donc, il n'y a pas d'individus qui vont
être ciblés, on ne pourra pas dire : Bien, c'est une loi juste pour
lui, il y a juste son nom qui est écrit dans la loi. Alors donc, c'est le
premier élément.
Et l'autre élément : Enlevez ce qui n'est
vraiment pas nécessaire en termes de présomption. Et, faire une présomption de dommage, je pense que la difficulté
ici, pour le procureur, serait de faire la preuve réelle du dommage. Alors, on peut comprendre qu'il y ait une
présomption de dommage, et ça, on pourra en reparler, mais c'est l'élément
le plus important. Alors, quand ça s'applique…
Et là il y a
toute la question : Quand est-ce que, ce régime-là, on le met en
application? Si on l'élargit, on limite son champ d'application et on en
fait juste, je dirais, une présomption de dommage qui soit raisonnable, je
pense que ça va passer le test des tribunaux. Et, quand je parle de limitation
d'assujettissement, je prends par exemple la Loi sur l'intégrité. Il y a une
annexe, il y a série d'infractions, et ces infractions-là sont très claires et
visent exactement les éléments dont on
entend parler depuis des années : corruption de fonctionnaire, fraude
envers le gouvernement, abus de confiance,
acte corruptible dans les affaires municipales, achat, vente d'une charge,
influencer ou négocier une nomination ou
en faire commerce, parjure, etc. Donc, l'ensemble des infractions ou des
problématiques qui ont mené à la mise en place de stratagèmes sont bien
identifiées dans le projet de loi n° 1.
L'argent
qu'on veut récupérer, lorsqu'on parle de fraude ou de manoeuvre dolosive, là,
on est plus vague, on est plus large.
Une manoeuvre dolosive, ça peut être… en droit civil, c'est principalement pour
annuler un contrat. Alors, je prends, par exemple, la situation si j'applique
le projet de loi tel quel. Je suis une firme de génie-conseil et je suis en comité de sélection. Dans mon dossier, j'ai le
C.V. d'un ingénieur que je sais parfaitement qu'il ne travaillera pas sur
le chantier parce qu'il est occupé ailleurs,
mais j'indique dans mon… ou encore j'agrémente ou j'améliore ses
connaissances et ses compétences pour
pouvoir avoir le contrat, et, au moment de l'adjudication du contrat, on
s'aperçoit qu'il y a une fraude, on
annule le contrat. Il n'y a pas de dommage, mais la présomption s'applique, et
donc je suis tenu de payer un pourcentage d'un contrat où l'organisme
public n'a pas eu à payer des sommes. Et c'est ça, le concept. Le concept, ce n'est pas d'amener l'organisme public à
percevoir des sommes qu'il n'a pas reçues, c'est de récupérer les sommes
qu'il a illégalement payées.
Alors, c'est
pour ça que la notion de manoeuvre dolosive et de fraude nous apparaît un peu
susceptible d'ouvrir à des situations
qui… Si c'est ce que le gouvernement veut, dites-le clairement, parce que, dans
la façon de gérer les contrats, ça
devra être considéré. On ne pense pas que c'est l'objectif du projet de loi. On
comprend que c'est véritablement pour faire
face à des situations qui effectivement relèvent plus d'infractions criminelles
ou pénales ou même en vertu de la Loi sur la concurrence que de l'administration
des contrats en droit civil de façon générale du gouvernement. Alors, c'est
pour ça qu'on dit : Soyez prudents.
Mais, comme
le disait un des représentants, on est en train de finaliser notre réflexion
là-dessus, parce qu'on a eu peu de
temps pour vraiment… Parce que c'est vraiment un casse-tête juridique à
certains égards, l'article 3 et l'article 5.
• (15 h 30) •
M.
St-Arnaud : Peut-être…
Bien, justement, là-dessus, sur les deux présomptions, sur la… Donc, à
l'article 3, il y a la présomption de dommage; à l'article 5, la
présomption eu égard au quantum. Sur la présomption relative au quantum, vous dites : Ça ne doit pas être
basé, ce pourcentage-là, sur une évaluation vague, mais ça devrait faire l'objet d'analyses
documentées qui tiennent compte des dommages selon l'organisme concerné et le
type de contrat visé. Et vous recommandez que le pourcentage présumé des
dommages, à l'article 5, soit déterminé par décret mais à partir d'études
documentées, le type de contrat, l'organisme concerné, l'impact financier réel
pour l'organisme public.
Concrètement, on fait ça comment? Comment on peut
donner suite à votre recommandation? Est-ce que c'est du cas par cas? Est-ce que vous, du côté de l'ACQ,
vous avez eu une réflexion sur ces pourcentages-là? Vous semblez
dire : Ça devrait… Il ne faut pas que
ce soit un pourcentage uniforme comme semble laisser croire le projet de loi,
là. Enfin, c'est ce que vous dites. Alors, qu'est-ce qui vous amène à
dire : Il faudrait que ça soit fait à partir d'études documentées et
variant selon le type de contrat, l'organisme concerné, l'impact financier?
Comment on peut concrètement donner suite à votre recommandation qu'on a à la
page 12?
M. Hamel
(Pierre) : L'élément qui est
important, c'est que, dans le cadre du projet de loi actuel, comme je le
disais tantôt, il couvre beaucoup plus largement que juste les travaux de la
commission d'enquête. La manoeuvre dolosive, ça
a effet dans tous les contrats de construction, même dans le bâtiment, et dans
les routes, et partout. Et donc on se dit : Les chiffres qu'on entend qui sont des estimations
approximatives de ce qu'on pense que ça pourrait être, lorsqu'on met en
place une loi, bien ça prend peut-être des balises plus sérieuses.
Et,
d'un côté… Puis je n'ai pas la réponse, mais, d'un côté, la loi permet au
gouvernement de faire la preuve de plus, si c'est plus, ou à l'entreprise
de faire la preuve que c'est moins, si c'est moins. Mais faire la preuve de
moins, c'est assez difficile, dire :
Bien, écoutez, moi, je ne suis pas responsable, mais, si je suis reconnu
coupable, votre dommage ne pourrait être que de tel montant. C'est un
peu difficile. C'est une présomption qui est très lourde sur le dos des entrepreneurs et, nous, on considère, qui peut
être prise dans un contexte hors commission d'enquête. Dans cinq ans,
cette loi-là va encore exister et elle aura façonné les façons de faire au
Québec, comme tel. Alors, si on se… Et c'est pour ça que je dis : Si on se retrouve dans une situation où, dans le
cadre d'échanges, il y a un tribunal qui dit : Bien là, vous êtes allés trop loin,
c'est des manoeuvres dolosives, bien là j'ai un 30 % qui s'applique
automatiquement. Ça ne s'applique pas vraiment.
C'est là qu'on dit :
Prenez le temps de regarder. Est-ce qu'il y a certains types de contrat qui,
eux autres, manifestement amènent à un
montant? Bien, dites-le. S'il y a d'autres types de contrat où le pourcentage
est différent… Et ça, c'est le
ministère des Transports, c'est les municipalités, c'est eux autres qui vont
vous le dire. Nous, on n'a pas les chiffres
là-dessus, mais, ce qu'on dit, on dit : Prenez le temps de faire une loi
juste qui va nous permettre de recouvrer ces sommes-là de façon appropriée mais sans plus, là, pas aller plus loin,
encore une fois, pour trouver d'autres montants.
Alors donc, ça prend
une certaine souplesse, et donc on ne peut pas dire : Le dommage présumé
est de 20 %. Sur quelle base? Ce n'est
pas vraiment ça, l'objectif de la loi. Alors, il s'agit… Il n'y a pas de
problème à ce qu'on prévoie cette présomption-là, mais cette
présomption-là doit être solide et articulée. C'est tout simplement ça qu'on
veut dire.
M.
St-Arnaud : Parce qu'en fait c'est sûr que le pourcentage
qu'éventuellement le gouvernement mettrait pour… comme présomption à l'article 5
serait étayé par des études, là. Ça, je pense que c'est ce que vous souhaitez.
M. Hamel
(Pierre) : Bien, c'est ce qu'on souhaite.
M. St-Arnaud :
C'est ce que vous souhaitez.
M. Hamel (Pierre) : On souhaite que ce soit… Parce que nous, on n'en a pas, de chiffre.
Puis, les chiffres, il peut y avoir des guerres de chiffres, on l'a vu
partout, là.
M.
St-Arnaud : Juste une chose. Alors, je comprends bien, là, ce
que vous dites eu égard à la présomption quant au quantum. Ce que vous nous dites, c'est :
L'expression «fraude et manoeuvre dolosive», là, ce n'est pas
nécessairement la bonne expression à utiliser.
Tantôt, j'ai cru comprendre que l'Ordre des ingénieurs
disait : Pourquoi, plutôt que de dire «sur preuve qu'une entreprise
a fraudé ou s'est livrée à une manoeuvre dolosive»… J'ai cru comprendre que l'Ordre
des ingénieurs nous disait : Pourquoi
vous ne mettez pas quelque chose de plus... une condamnation criminelle, par exemple?
Sur preuve d'une condamnation criminelle, la présomption de dommage
entre en jeu, et éventuellement la présomption... Est-ce que c'est ce que vous
avez en tête également?
M. Hamel (Pierre) : Bien, disons que c'est un élément… c'est une piste de solution très
intéressante, d'autant plus, comme je le disais d'entrée de jeu, que la
Loi sur les contrats des organismes publics en fait une énumération. Alors, il y en a... ça va plus loin que l'industrie de la
construction, et même dans l'industrie de la construction ça va au-delà
des éléments qui sont susceptibles d'amener la récupération d'argent, mais, à
partir de cette énumération-là, la loi... le projet de loi n° 61
pourrait avoir sa propre annexe.
M.
St-Arnaud : Mais le problème, évidemment, c'est que, si on
mettait ça, là, évidemment, on amène dans une procédure civile un fardeau de preuve qui existe au niveau criminel, qui
est le hors de tout doute pour... Alors là, ce n'est pas simple, là,
hein? L'idée derrière ça étant d'aller récupérer de l'argent, il faut quand
même qu'on puisse en récupérer.
M. Hamel
(Pierre) : M. le Président, si vous permettez, effectivement,
effectivement, ce n'est pas simple, la situation
n'est pas simple et… Mais, si vous voulez faire un fardeau civil, ça va être
assez difficile aussi, là, d'éviter les dommages collatéraux, comme tel.
M.
St-Arnaud : Ce que vous nous dites, Me Hamel, c'est :
Faire une preuve au niveau civil de la fraude ou de la manoeuvre
dolosive, ça ne sera pas simple non plus. C'est ce que vous dites?
M. Hamel
(Pierre) : Bien, c'est-à-dire que ça va être plus simple.
M. St-Arnaud :
C'est plus simple. Bien, c'est-à-dire que ça va être… c'est sûr que…
M. Hamel
(Pierre) : Ça va être moins lourd.
M. St-Arnaud :
Ça, c'est clair.
M. Hamel
(Pierre) : Ça va être moins lourd, évidemment, ça va être moins lourd.
M. St-Arnaud :
Mais vous dites que vous aurez quand même des problèmes.
M. Hamel (Pierre) : Écoutez, je ne connais pas la nature de la preuve que vous avez, là, je
ne peux pas porter de jugement. Tout ce qu'on dit, nous, c'est qu'il y a
un imbroglio, il y a quelque chose de pas clair...
M. St-Arnaud :
C'est surtout l'expression «manoeuvre dolosive» qui vous inquiète, là, plus
que...
M. Hamel (Pierre) : Voilà, voilà,
qui...
M.
St-Arnaud : «Fraude», c'est assez clair, là.
M. Hamel
(Pierre) : C'est assez simple. On peut avoir une fraude civile comme
une fraude pénale ou criminelle. Mais une manoeuvre dolosive, ça peut... Un
abus de droit, c'est une manoeuvre dolosive. Alors, c'est beaucoup... Ça va un
peu trop loin, on trouve, principalement.
M. St-Arnaud :
Ça va. Ce que je n'ai pas saisi… Bon, on a parlé de la présomption de
l'article 5, là, sur le quantum.
J'entends ce que vous nous dites : Cette présomption-là, appuyez-la sur
des études sérieuses, et peut-être
qu'il devra y avoir des variations selon le type de contrat ou l'organisme
visé.
Par contre, j'ai un peu de difficultés à
comprendre... Sur la présomption de dommage, vous semblez dire... vous semblez remettre en cause, finalement, le premier
alinéa de l'article 3. Je pense que vous dites, si je ne me... «…nous
nous interrogeons sur la pertinence d'établir une présomption de dommage.» J'aimerais
vous entendre là-dessus.
M. Hamel (Pierre) : Ce que je comprends... ou ce qu'on comprend, pardon, de la rédaction du
projet de loi, c'est qu'il y aura une preuve de fraude, il y aura une
preuve de manoeuvre dolosive...
M. St-Arnaud :
Qui est implicite? La présomption de dommage est implicite?
• (15 h 40) •
M. Hamel (Pierre) : Non, je n'ai pas terminé. Ce que je dis, donc, on est en situation de
fraude. On aura fait la preuve de fraude et on devra faire la preuve qu'il
y a des montants qui ont été payés illégalement. Ça, ça démontre une faute puis
un dommage.
Maintenant,
le quantum, lui, il est beaucoup plus difficile à établir parce que ça s'est
fait en secret, parce que c'est une
fraude, parce qu'on n'a pas l'information. Mettons une présomption raisonnable
en fonction des analyses qu'on fait.
Parce qu'on regarde
toujours ce projet de loi là en disant que ça peut s'appliquer même en matière
civile et ça peut avoir des implications.
Alors, si vous voulez l'appliquer au sens large et vous enlevez la présomption
de dommage, bien là, si on se
retrouve dans le même exemple où j'ai une firme qui soumissionne et qui donne
un faux C.V. mais qu'il n'y a pas de
présomption de dommage, alors j'ai commis une faute mais il n'y a pas eu de
dommage, alors je peux être poursuivi au criminel, au pénal, je peux
perdre mon pouvoir d'avoir des contrats à l'AMF, mais je ne paierai pas des
sommes qui n'ont pas été, par ailleurs, versées.
Si
j'ai une présomption de dommage, donc, il faut que je démontre qu'il n'y a pas
eu de dommage et il faut que je démontre,
le cas échéant, que ce dommage-là n'a pas été un montant x, de 20 %.
Donc, il y a des cas qui peuvent... il peut y avoir plusieurs cas dans
le cas où la présomption de dommage va au-delà du dommage réel, là, et donc il
n'y en a pas, de dommage.
M. St-Arnaud :
Pouvez-vous... Il me reste une ou deux minutes?
Le Président (M.
Ferland) : Il reste presque quatre minutes, là.
M. St-Arnaud :
J'aimerais ça que vous me donniez un exemple. Vous nous le dites, là, avec le
C.V., là, mais un exemple où vous dites
qu'il n'y aurait pas nécessairement de dommage, donc la présomption de dommage
est inutile.
M. Hamel
(Pierre) : Bien, on ne dit pas qu'il n'y a pas de dommage, mais il n'y
a pas de...
M. St-Arnaud :
J'aimerais ça que vous me donniez un exemple concret, là, parce qu'une...
M. Hamel (Pierre) : Bien, c'est toute la situation de manoeuvre dolosive pour obtenir un
contrat. Un entrepreneur soumissionne,
l'attestation de conformité fiscale est falsifiée. S'il passe par un comité de
sélection, bien les informations qui sont
là sont inexactes et elles font partie des critères de sélection importants.
Alors, vous voyez la situation. Je m'en aperçois par la suite, et là je dis : Bien là, on lui a donné le contrat.
Les travaux n'ont pas débuté, il n'y a pas de somme de versée, et là on
le poursuit au civil pour annulation de contrat pour manoeuvre dolosive.
Manoeuvre dolosive, poursuite égale présomption
de dommage, présomption de dommage évaluée à 20 % du contrat. J'ai un
contrat de 1 million que je n'ai pas, mais je vais être obligé de faire un chèque de 200 000 $ à
quelqu'un qui n'a jamais versé le 200 000 $. C'est ça qu'on ne
veut pas, c'est ça qu'on veut éviter. C'est
exactement ça. Alors donc, la notion de manoeuvre dolosive invite à ça, et
la présomption de dommage invite également à ça.
Alors, si on reprend
le même exemple, mais on dit : Il n'y a pas de présomption de dommage, je
vais pouvoir annuler mon contrat pour manoeuvre dolosive, mais le régime
particulier ne s'appliquera pas à mon cas, ça va être le régime régulier qui va s'appliquer. S'il y a des
dommages mineurs, qui peuvent être le coût de la mise en place d'un
comité, «whatever», bien ça sera ça. Et en
plus, bien, il y aura les infractions pénales, criminelles et, comme je disais,
l'impossibilité d'aller à l'AMF. Il y en a une pléiade, là, qui s'appliquent,
au-delà du recouvrement.
M. St-Arnaud :
Merci beaucoup, M. le Président. C'est très clair, c'est très clair.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, M. le ministre…
M. St-Arnaud : Ça va nous...
Ça va alimenter notre réflexion sur les articles, surtout sur l'article 3.
Le
Président (M. Ferland) : Il vous reste quand même quelques
secondes. J'aurais le goût de vous demander, pour les gens qui nous
écoutent et celui qui vous parle...
M. St-Arnaud : Oui. Oui, M.
le Président.
Le
Président (M. Ferland) : ...l'expression «manoeuvre dolosive»,
pouvez-vous expliquer? C'est que ça a un lien avec la fraude?
M. St-Arnaud : Me Hamel.
M. Hamel (Pierre) : Je vais vous
lire la description ou la...
Le Président (M. Ferland) :
Si ce n'est pas trop long, là.
M. Hamel (Pierre) : Bien, écoutez, c'est
trois heures de droit des obligations, mais on va faire ça en...
Le Président (M. Ferland) :
Mais résumez ça en 30 secondes.
M. Hamel
(Pierre) : …en une minute,
si vous me permettez. C'est : «...les manoeuvres dolosives
comportent [...] un plan de tromperie, une machination préparée d'avance. C'est
la forme du dol qui se rapproche le plus de l'escroquerie
en droit criminel, de la fraude criminelle ou de l'abus de confiance. Il n'est
toutefois pas nécessaire que les manoeuvres dolosives soient pénalement
répréhensibles pour être susceptibles de sanction civile. L'appréciation du caractère dolosif des manoeuvres est une question
de fait laissée à l'appréciation du tribunal civil, qui rend sa décision
indépendamment des normes de droit pénal.»
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup, Me Hamel.
Alors, à ce moment-là, tous les gens vont être informés. Ils sont
nombreux à nous écouter, hein, vous le savez.
Alors,
maintenant, je reconnais la députée de Bourassa-Sauvé, je crois, pour... Vous
avez un temps de 17 minutes et des secondes, là, 20 secondes à
peu près.
Mme de Santis :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Bertrand, M. Godbout et
Me Hamel.
J'ai quelques
questions. Quand je lis l'article 3 du projet de loi, on dit bien que,
s'il y a une preuve qu'une entreprise a
fraudé ou s'est livrée à une manoeuvre dolosive, la responsabilité de ses
dirigeants et de n'importe quel représentant, même un petit commis qui pourrait être considéré comme un représentant,
est engagée. Ça, c'est dur. Ça va très loin. De l'autre côté, s'il y a eu une fraude ou une manoeuvre dolosive… De
l'autre côté, nous avons l'organisme public. Chez l'organisme public, on a un fonctionnaire ou un
élu qui a participé aussi dans cette fraude, et je vois là un peu deux
poids, deux mesures. L'entreprise, ses représentants, ses dirigeants sont
responsables. De l'autre côté, l'organisme public qui est le patron du
dirigeant n'est pas tenu responsable beaucoup, et on ne fait rien de ce côté-là
pour poursuivre le fonctionnaire ou l'élu.
Vous-mêmes,
dans votre mémoire, vous dites que le projet
de loi vous amène à faire ce
constat : «…l'absence de mécanismes
de prévention et d'expertise suffisante au sein de la fonction publique municipale et provinciale en matière de marchés publics au Québec
au cours de ces [dernières] années est manifeste.»
Qu'est-ce que vous répondez à ces deux poids, deux mesures? Et aussi qu'est-ce que vous pouvez suggérer comme correction à ce que ces mécanismes de
prévention et d'expertise existent? À quoi vous faites référence?
Mme
Bertrand (Manon) : Bien,
c'est sûr que nous, on l'avait présenté, qu'on n'était pas d'accord,
justement, que... Il faut que tout le monde soit dans le projet de loi n° 61. Et je vais laisser Me Hamel bien expliquer nos
réponses là-dessus.
M. Hamel (Pierre) : Essentiellement,
ce que le projet de loi, selon nous, devrait dire, c'est : La personne responsable qui a agi de façon… qui a fait une
intervention dans un cadre d'un stratagème devrait être tenue
responsable. C'est la personne, c'est les
individus, les entreprises aussi, évidemment, là, mais il ne faut pas laisser personne à
l'abri de la fraude, là, il ne faut pas
protéger… Que ce soit l'État ou que ce soit une entreprise, il ne faut pas
protéger les gens qui fraudent. Ça, c'est le premier élément. Il faut
que les gens le sachent, l'élément.
L'autre
élément, c'est le manque d'expertise, le manque de… depuis de nombreuses
années. Ça, c'est un élément qui est important
et c'est un élément qui justement n'est pas couvert par le projet de loi. En ne couvrant pas les fonctionnaires, en ne couvrant pas les
élus municipaux ou provinciaux, on ne les oblige pas à prendre les moyens appropriés
pour éviter qu'il y ait de la fraude. Et actuellement toutes les dispositions
législatives sont extrêmement répressives pour les contrevenants, et c'est la
première phase, mais tout se joue en amont, à 99 %. Encore le rapport du Vérificateur général parlait de ça, récemment.
C'est tout le temps une préparation en amont, une bonne connaissance de la part des organismes publics de ce qui se passe,
du marché, d'avoir des outils pour comprendre ces marchés-là, pour pouvoir
intervenir de façon adéquate.
L'Ordre des
ingénieurs a soulevé la question des municipalités en 2009, dans le cadre du
projet de loi d'Infrastructure Québec qui est maintenant la Société
québécoise des infrastructures, mais, en 2009, dans le projet de loi n° 65, on a
demandé que l'expertise d'Infrastructure Québec soit mise à la disposition des
municipalités pour préparer en amont
ces projets de loi là. Ce qu'on demande, c'est un peu la même chose,
c'est : Trouvez un organisme quelque part qui a de l'expertise, et faites-la profiter aux plus
petites municipalités, qui en ont grand besoin, et développez-la pour le
mieux de l'ensemble du Québec. Et ça, ce
n'est pas des histoires très compliquées à faire, mais il faut que d'abord les
réseaux se parlent. En 2008, on a réussi, avec la loi sur les organismes
publics, de mettre le ministère des Transports, Société immobilière du Québec,
le réseau de l'éducation, le réseau de la santé ensemble dans une même loi.
Invitons les municipalités, qui sont presque
entièrement couvertes par le projet de loi, sous un même dôme et trouvons des
façons de permettre aux experts des
grandes municipalités, du ministère des Transports, de la Société québécoise
des infrastructures de discuter
ensemble de ces façons-là, de dialoguer et pouvoir prendre les mesures
appropriées sur le terrain, des choses réelles, efficaces, importantes.
La
préparation des plans et devis, des plans et devis complets, des plans et devis
bien analysés, c'est encore des problèmes.
Le problème, aujourd'hui, c'est qu'on n'a plus de temps. Les professionnels
n'ont pas le temps de préparer les plans,
on n'a pas le temps, nous, de réaliser les travaux, et après ça on vit avec des
problèmes qui nous suivent longtemps. Toutes les études internationales,
même les études que l'ACQ a commandées démontrent que, si vous préparez bien en amont votre projet, vous allez avoir tous les
indices pour déterminer s'il y a de la collusion ou de la corruption. Et la prévention,
ce n'est pas un rêve, là, ce n'est pas parfait à 100 %, mais, si vous adoptez des pratiques
saines dans la façon de planifier votre projet, de le budgétiser, dans
la façon de… Quand il y a des personnes externes qui en font l'analyse lorsque nécessaire, lorsqu'il y a des
irrégularités, lorsque vous faites des post-mortem de vos projets puis vous
regardez comment ça s'est passé, qu'est-ce
qui s'est passé, souvent c'est juste des individus qui ne s'aiment pas, parce
que c'est des mariages forcés, ça, la construction, et il n'y a pas
toujours des gens qui s'entendent. Alors, souvent, il y a des gestes à poser qui sont aussi simples que ça pour
dire : Bien, on aurait peut-être eu moins de problèmes si on avait mis un
autre chargé de projet, etc. Tout ça pour
vous dire que c'est ça qu'on veut dire à ce niveau-là. Et, depuis 15 ans,
bien, tous les rapports de
Vérificateur général nous disent que les entreprises ont baissé les bras, qu'il
y a une culture d'extras qui se développe,
etc., et c'est ça qu'il faut s'attaquer, c'est là qu'il est important… Et on
pense qu'on perd du temps énormément en ne s'attaquant pas à ça.
• (15 h 50) •
Mme de Santis :
Vous parlez d'un changement de culture en particulier. J'aimerais maintenant
parler de l'imputabilité et de la transparence. Ce qui me surprend dans votre mémoire, c'est que
vous dites, dans la section Programme de remboursement, que vous
êtes d'avis que la confidentialité devrait englober le nom des parties. Dans
le climat que nous avons aujourd'hui, où le public, moi compris, on se sent, devant tout ce qui s'est passé…
Ne sachant pas exactement qu'est-ce qui s'est passé, beaucoup
mais pas transparent, vous nous dites : En plus de garder
confidentielles les ententes, gardez les noms confidentiels. Où est l'imputabilité
de ces gens-là?
Ça m'amère
aussi à souligner que, dans le projet
de loi — et là aussi je ne suis pas d'accord — le
règlement qui serait pris par le gouvernement à l'article 35
ne serait pas soumis à l'obligation de publication. Encore une fois, où est la transparence? Le règlement
qui se… en vertu de… Si vous regardez l'article 35,
le gouvernement peut, par règlement, prendre toute mesure nécessaire ou
utile à l'application de la présente loi ou à la réalisation de son objet.
Alors, le gouvernement peut faire ces règlements, mais ce règlement-là ne sera
pas soumis à l'obligation de publication. Alors, là aussi, je vois un manque de
transparence.
Alors, pour
moi, dans un monde où on parle d'un gouvernement ouvert, de la participation des citoyens
dans la vie de leur gouvernement, ces choses-là ne me plaisent pas du
tout. Et, votre commentaire aussi, je ne le comprends pas.
M. Hamel
(Pierre) : Je peux
l'expliquer de la façon suivante, si vous le permettez, M. le Président : L'objectif, c'est de
récupérer des sommes. Il y a beaucoup de sommes, beaucoup d'argent, qu'on peut
comprendre, qu'on peut présumer. L'objectif ici, c'est de s'assurer que ces
sommes-là soient remboursées à l'État.
Les entreprises
sont soit condamnées ou soit font l'objet de poursuites, sont couvertes de façon…
par les médias, il y a… Ce qu'on veut, c'est être en mesure d'aller
chercher ceux qui ne sont pas là, là, mais qui peut-être vont faire l'objet d'une visite de l'UPAC et peut-être
vont être obligés de payer. Ce programme-là vise à aller chercher tout le monde et, pour que ce… Parce que ce
programme-là, selon nous, est plus porteur que les poursuites et le fardeau de
preuve. Et, si on est capable, par un programme,
au moins de limiter les dommages qui ont été causés par l'État par une
forme d'amnistie, là, enfin, sans en être une, là, mais au moins… Parce que ces
gens-là vont pouvoir être poursuivis au criminel,
vont pouvoir… Et ça ne veut pas dire, parce
que le montant du règlement
n'est pas public, qu'ils vont avoir leur autorisation à l'AMF, etc. Alors, l'objectif, pour nous, puis on
n'en fait pas un cas important, mais on pense qu'il y a plus de succès dans…
il y a plus de chances de succès, ce programme-là, s'il permet aux personnes
qui ont quelque chose sur la
conscience d'aller voir le gouvernement en toute quiétude et de payer ce qu'ils
ont fait. Ils vont éviter la réclamation civile uniquement.
Mme de Santis : Mais comment, vis-à-vis un public qui est
devenu cynique, comment vous allez rassurer le public qu'en effet que les gens qui devraient payer pour
leurs péchés paient pour leurs péchés, si tout est confidentiel? Parce qu'il faut aussi rassurer nos
citoyens que ce qu'on fait, c'est dans l'intérêt de notre État, de notre... de l'État
québécois.
M. Hamel (Pierre) : Ce que je comprends, c'est que le succès de cette entreprise-là
passe principalement par le programme lui-même, qu'on ne connaît pas. Qui va
administrer ce programme-là? Est-ce
que c'est des juges à la retraite?
Est-ce que c'est des juges actifs? Est-ce
que c'est des gens en qui le public a
confiance? Et quelle va être l'indépendance de ces gens-là dans le
cadre... Quels vont être les critères? C'est ça qui va faire en sorte que ce programme-là
va avoir une autorité,
mais, cette autorité-là, il faut qu'elle permette aux gens qu'on n'a pas vus,
qui sont sous le radar, de venir et
de dire : Écoutez, moi, je veux faire table rase de cette situation-là, je
suis prêt à verser ces montants-là. Regardez ce qui s'est passé dans mon
entreprise. Non, la police n'est pas venue. Si elle vient, je ferai face à la
musique, mais, pour l'instant, je veux me libérer de cet aspect-là. C'est dans
cet unique but là qu'on a fait cette recommandation-là.
Mme de Santis :
Je laisse la parole à mon collègue.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci, Mme la députée. M. le député de Fabre.
M.
Ouimet
(Fabre) : Combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Ferland) : Ah, il vous reste quatre minutes.
M.
Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Deux petits points que j'aimerais aborder.
Alors, merci d'être avec nous. Merci pour votre mémoire malgré le très
court délai.
Un
point. Tantôt, vous avez mentionné, vous avez affirmé… en tout cas j'ai compris que vous aviez affirmé que le projet de loi était nécessaire parce
que nous n'avions pas les outils pour
poursuivre. Je me permettrais, M. le
Président, de souligner que c'est peut-être
poser le problème à l'envers. On adopte la loi parce qu'on n'a pas fait de
poursuite, mais peut-être qu'on les avait, les outils pour faire des
poursuites, et on aurait pu les utiliser. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu de poursuite qu'on doit nécessairement bouleverser
notre système de droit et adopter le projet de loi n° 61. C'est un choix.
C'est un choix qui se défend, mais... Et, je pense, d'autres l'ont souligné. Je
pense, M. le Président, qu'il serait important que le ministre l'indique clairement dans la loi, ce qui justifie
ces mesures exceptionnelles. Parce
que ce sont des mesures
exceptionnelles, là, vous avez fait une démonstration éloquente à cet égard.
Il y a
un point que vous avez soulevé qui m'a amené une question. Dans mon esprit à
moi, cette loi-là visait les gestes
dont on parle amplement depuis quelques années, qui font l'objet d'une commission
d'enquête, et ça n'avait pas un but prospectif, c'est-à-dire pour l'avenir.
Mais, à vous entendre, ce que vous dites, c'est : Cette loi-là s'applique
à l'avenir, et dorénavant
ça va faire partie de notre corpus législatif, de nos règles de droit. Et ça
m'inquiète d'entendre ça parce que, dans mon esprit, c'était une mesure
exceptionnelle, qui visait une période limitée dans le temps, et que ça
ne doit pas avoir une portée pour l'avenir.
Si j'ai mal compris,
on pourra clarifier cette question-là. Je voudrais vous entendre sur ça, sur ce
point-là, là, comment vous percevez la loi.
M. Hamel (Pierre) : Bien, nous, M. le Président, si vous permettez, on la perçoit comme une loi
d'application continue, là. Il n'y a
rien dans la loi qui me dit que ça va se terminer en 2017, là, ou en 2019, cinq
ans après, là. Il n'y a rien qui me dit ça. Alors, moi, je dois comprendre… Et
en plus on y apporte un concept civil. Alors, je dois comprendre que c'est pour la vie et que c'est un message que le
législateur veut faire. Et le législateur ne parle pas pour ne rien dire,
donc je comprends… Et on a présumé, hein, je
ne dis pas que c'est nécessaire, mais on a présumé qu'il avait besoin de ces
outils-là pour en faire une loi. C'est dans ce sens-là tout simplement, comme
tel.
Mais
c'est très clair que, si on l'adopte telle quelle, il va y avoir un
chamboulement, là, du droit, de l'application du droit. Là, ça va
devenir un casse-tête particulier.
Le Président (M.
Ferland) : Une minute environ, M. le député, oui.
• (16 heures) •
M.
Ouimet (Fabre) :
Une minute? Simplement en conclusion, parce
qu'on a beaucoup
discuté de la fraude, de la notion de fraude, de la notion de dol, et,
puisque c'est un domaine quand même où j'ai une certaine connaissance, pour
avoir oeuvré pendant 25 ans… La notion de fraude, M. le Président, est
très large, c'est un acte qu'on considère objectivement
malhonnête. Donc, un acte qu'une personne raisonnable considère comme étant
malhonnête, c'est tout ce qui suffit
pour enclencher qu'on a peut-être une fraude. Alors, ça va... À mon point de
vue, je pense que c'est une notion qui est très large. Je ne suis pas certain qu'il y a une distinction à faire
avec la notion de dol. Et, s'il y a une confusion, je pense qu'on devrait éliminer la confusion pour dire
clairement ce qu'on vise, parce que la notion de fraude est très large.
Voilà.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. le député.
Maintenant, je reconnais le député de Saint-Jérôme pour toujours un bloc
de 4 min 20 s. M. le député.
M. Duchesneau :
Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre témoignage aujourd'hui.
Je
veux juste revenir sur l'exemple de dommage que vous donniez tantôt. Et
dites-moi si je me trompe, mais, dans ma
tête, il y a dommage quand en amont il y a eu abus de confiance, quand il y a
eu tromperie, quand il y a eu tricherie, il y a eu escroquerie en
soumettant une offre de service. C'est parce que vous éliminez par le fait même
des entreprises honnêtes qui ont décidé de ne pas se présenter parce qu'elles
ne pouvaient pas, justement, concurrencer avec vous.
M.
Hamel (Pierre) : Je comprends qu'il y a des dommages collatéraux, mais
le projet de loi s'intitule loi visant le
recouvrement de sommes payées injustement. Et c'est dans ce contexte-là, moi,
que je vous dis : Si vous établissez une présomption de dommage
alors que, le dommage, ce n'est pas nécessairement l'entreprise qui... l'organisme
dessous, mais c'est tous les
soumissionnaires, c'est eux autres qui ont subi le dommage, ce n'est pas... et
puis il n'y a pas eu de somme injustement payée… Si vous voulez en faire
un régime de cette nature-là, dites-le.
M. Duchesneau :
Mais je suis d'accord avec vous, peut-être que le 20 % ou le 30 % ne
s'appliquerait pas dans un cas comme
celui-là. Mais, si, comme entreprise, je ne peux même pas être sur la ligne de
départ de façon légale parce que j'ai été éliminé, pour mille et une
raisons, parce que des gens se sont donné plus de compétences qu'ils n'en
avaient vraiment, à ce moment-là il y a dommage.
M. Hamel
(Pierre) : Et il y a des recours civils à cet égard-là qui s'appliquent
pour…
M. Duchesneau :
Oui, mais…
M. Hamel (Pierre) : …dans le régime normal de
recours civil. Et là il y a une autre notion, là. Je ne veux pas prendre votre temps, là, en répondant trop… mais
il y a une notion qui est très intéressante à ce niveau-là, c'est la
notion d'audit de certification des entreprises, qui va peut-être favoriser,
peut-être, une démarche qui pourrait éviter ces problèmes-là, comme tel. Vous avez entendu l'Ordre des ingénieurs qui
travaillent à leur système. L'association aussi, on travaille à la mise en place d'une certification
volontaire pour l'ensemble de l'industrie, pour non seulement dire qu'on
n'a pas fraudé, mais qu'en plus on a mis en place des systèmes…
M. Duchesneau :
De prévention.
M. Hamel (Pierre) : …qui démontrent qu'on
applique de façon éthique les situations, la même chose que les grandes entreprises font mais au niveau des
petites entreprises. Parce que c'est vraiment très différent dans l'industrie,
que... mais c'est le même concept que ce
qu'a pris ABB, SNC, Siemens, ces éléments-là. Et le rapport, pour le bénéfice
du président, va être disponible le 20 décembre.
M. Duchesneau : Parce que je suis
d'accord avec vous que, de la façon dont c'est présenté cet après-midi,
c'est un casse-tête juridique. Mais tout ce
qui est légal n'est pas nécessairement juste, et ce qu'on cherche, c'est une
justice pour tout le monde. De dire que ce n'est pas seulement certaines
entreprises qui ont le droit de soumissionner parce qu'elles se sont donné des compétences qu'elles n'avaient pas,
qui ont triché, finalement, le système, là aussi je pense qu'on doit
regarder cet aspect-là.
Et ce qui m'amène,
parce que je sais qu'il ne me reste pas grand temps, à parler justement...
Le Président (M.
Ferland) : ...environ, oui.
M. Duchesneau :
Une minute?
Le Président (M.
Ferland) : Une minute, oui.
M. Duchesneau :
Tous les acteurs de la corruption, vous avez raison de dire que ce n'est pas
seulement l'entrepreneur qui doit se faire prendre, mais il n'y a pas
collusion, il n'y a pas corruption s'il n'y a pas quelqu'un à l'interne qui donne des informations. Et ça, on
n'en parle pas beaucoup, mais il y a un dommage que ces gens-là ont
causé en trahissant leur serment d'office.
M. Hamel
(Pierre) : Et en recevant à l'occasion des montants importants.
M. Duchesneau :
Exactement. Très bonne conclusion. Et je vais arrêter là-dessus.
Le Président (M. Ferland) : Alors, merci,
M. le député de Saint-Jérôme. Maintenant, je reconnais le député de...
de Berthier, c'est ça.
M. Ratthé :
Vous me déménagez, là, M. le Président.
Le Président (M.
Ferland) : Blainville, Blainville. Berthier!
Des voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Mais, même si je vous ai changé de comté, vous n'avez
pas plus de temps. C'est 4 min 20 s.
M. Ratthé : Non? Ah! Bien, non, c'est
parce que le député de Berthier est quand même du côté du gouvernement.
Je pensais avoir un peu plus de temps, là.
Le Président (M.
Ferland) : Et voilà. Alors, M. le député de Blainville. Excusez-moi,
je vous ai...
M. Ratthé : Merci,
M. le Président. Madame messieurs, merci d'être là. Je vais faire un petit peu
de pouce encore sur ce que le député de Saint-Jérôme vous disait, hein,
parce que de toute façon vous dites : On devrait l'étendre à tout ce qui est public. La notion de dommage, par exemple,
dans une municipalité qui va faire un appel d'offres, qui va recevoir un appel d'offres, puis qu'au
départ on va dire : Les dés sont pipés, on sait à quel point c'est
compliqué de refaire un appel d'offres. Il faut refaire tout le processus. Il y a du temps, il y a de l'argent, il y a des fonctionnaires qui
vont travailler là-dessus. On peut même aller jusqu'à dire que, dans certains
cas parfois, même si ça passait inaperçu au départ,
la municipalité ne va pas nécessairement payer tout de suite les travaux, elle
va attendre que les travaux soient faits. On se rend compte que la personne qui a soumissionné n'a peut-être pas
les qualifications qu'il faut parce qu'on voit les travaux qui sont en train
de se réaliser, puis ce n'est pas la bonne chose.
Alors,
moi aussi, là, j'ai… Mais ce que vous dites, c'est qu'il faudrait le spécifier.
C'est ce que je comprends?
M. Hamel
(Pierre) : Bien, c'est-à-dire que ce qui est important, c'est de
vraiment créer une présomption de dommage lorsqu'il y a eu des sommes
illégalement versées. Je pense que… Puis même encore là elle ne nous aide pas
vraiment.
Dans le cas que vous
nous expliquez, la municipalité va faire la preuve qu'elle a été invitée… elle
a fait une invitation, elle a reçu un
document, le document a été utilisé pour octroyer le contrat, et que
malheureusement, à cause de ça, elle
l'a octroyé suite à des manoeuvres dolosives et elle en demande l'annulation.
Si elle a des dommages, elle peut en faire la preuve, elle les connaît, je veux dire, actuellement on peut faire de
la preuve de dommage au Québec, depuis que le Code civil existe. Alors donc, ce n'est pas la fin du
monde, faire une preuve de dommage. Souvent, c'est le montant du dommage
qui est difficile, dans des cas exceptionnels, mais actuellement les
municipalités qui ont un dommage poursuivent en remboursement en fonction du
droit civil actuel. Si on crée un régime, soyons prudents. C'est ça qu'on dit.
M.
Ratthé : Il y a un aspect qu'il faudrait peut-être juste
verbaliser, là, de façon plus publique, là, parce qu'on l'a peut-être
moins touché, mais vous nous demandez en fait de faire une espèce d'arrimage
avec la Loi sur les contrats des organismes publics si on l'étend au public.
Vous nous spécifiez, là, effectivement qu'il y a des… qu'on devrait retrouver
certaines dispositions dans la loi, dans la Loi sur les contrats des organismes
publics. Donc, j'imagine, c'est pour une question de cohérence, c'est pour une
question de…
M. Hamel
(Pierre) : Voilà. Exactement.
M. Ratthé :
…donc pour s'assurer qu'autant dans une loi que dans l'autre, là, on ait les
mêmes dispositions, en tant que tel.
M. Hamel
(Pierre) : C'est ça. Puis on a même des… Comme je disais et je répète,
on a des indices qui nous permettraient de
régler la notion de fraude ou la notion de dolosive en prenant les infractions
qui sont déjà en annexe à la loi sur les organismes publics et qui est
similaire au projet de loi n° 1, là, à la Loi sur l'intégrité.
M.
Ratthé : Je vous
dirais simplement, en terminant, M. le Président, même si… que moi
aussi, j'ai certaines réserves à
savoir… et des doutes, j'ai des deux, une réserve à savoir… Si
tout ça se fait sous le couvert de l'anonymat, vous semblez dire qu'il va y avoir plus de gens qui
vont se présenter pour se dénoncer. J'ai un doute, là, j'ai certaines
réserves sur votre recommandation. Mais, écoutez, on va… Elle est là, là, votre
recommandation. On va l'analyser à sa juste valeur, j'allais dire.
Mais
je terminerais là-dessus, M. le
Président, en vous remerciant beaucoup
d'être venus nous présenter votre mémoire, qui est très intéressant.
Merci.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci, M. le député de Blainville — cette
fois-ci on vous ramène dans votre circonscription. Alors, je vous remercie, Mme
la présidente, Mme Bertrand, Me Hamel et M. Godbout, pour votre
présentation.
Et je vais suspendre
quelques instants pour permettre au dernier groupe aujourd'hui de prendre
place.
(Suspension de la séance à
16 h 8)
(Reprise à 16 h 12)
Le Président (M.
Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons… La commission
va reprendre ses travaux. Alors, nous
accueillons les représentants de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec.
Je vous demande de bien vouloir vous
identifier et de nous présenter les personnes qui vous accompagnent… ou la
personne, plutôt, qui vous accompagne, dans ce cas-ci. Et vous
mentionner que vous disposez de 10 minutes, mais, comme les autres
groupes, on va quand même vous laisser le
temps pour bien présenter votre mémoire. Et, bien entendu, après il y aura une
période d'échange avec les groupes parlementaires.
Mais,
avant de vous céder la parole, j'aurais besoin d'un consentement pour déborder
du 17 heures, parce qu'on a une dizaine de minutes de retard.
Des voix :
Consentement.
Le
Président (M. Ferland) : On n'est pas obligés de le prendre,
mais au moins, si j'ai le consentement déjà, ça sera fait. Alors, à vous la
parole.
Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ)
Mme Desrochers
(Johanne) : Merci, M. le Président. Alors, je me présente : Johanne
Desrochers, P.D.G. de l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec — que j'appellerai l'AICQ, ça sera moins long. Je suis accompagnée de
Me Patrice Morin, qui est avocat-conseil chez BLG, Borden Ladner Gervais.
M. le Président, notre mémoire contient une liste de questions et de suggestions plus
techniques directement en lien avec
le projet de loi, mais je n'entrerai pas dans les détails lors de
ma présentation. La période d'échange devrait permettre d'aborder ces points plus particulièrement, si
vous le souhaitez. Et, si le temps ne le permet pas, nous espérons que
ces éléments serviront lors de vos réflexions ou de l'étude article par article
du projet de loi. Et soyez assurés que nous demeurons à votre disposition pour
éventuellement en rediscuter.
L'AICQ
accueille favorablement l'intention et les objectifs qui ont guidé l'élaboration du projet de loi n° 61 et espère
que son intervention contribuera significativement à cette réflexion qui vise à
trouver une solution à la crise qui sévit dans l'industrie de la
construction, notamment dans le secteur du génie-conseil. Nous souhaitons avant
tout que notre participation aux consultations particulières permette au
gouvernement et à la population de prendre conscience de la volonté ferme de notre secteur de prendre ses
responsabilités et de faire en sorte de rétablir la confiance à son égard.
Le génie-conseil québécois tient à surmonter
cette crise en devenant un modèle d'intégrité, de professionnalisme et de
qualité, et les firmes consacrent déjà des efforts considérables à l'atteinte
de cet objectif.
Les
actes répréhensibles qui ont été commis par certains individus sont
déplorables. Ces gestes ont fait un tort énorme à toute la profession d'ingénieur et à tout le secteur du
génie-conseil, alors que l'ensemble
des quelque 23 000 employés dans ce secteur et des quelque
60 000 ingénieurs au Québec font un travail honnête. Les milliers d'employés de nos membres, soit la majorité des
firmes de génie-conseil au Québec qui ne sont pas visées par le présent projet de loi, ainsi que l'AICQ elle-même, sont
les premiers à avoir été profondément choqués par tout ce que nous avons
appris. L'association, rappelons-le, n'a jamais participé et n'a jamais été
informée de quelque façon que ce soit de l'existence
de stratagèmes de collusion ou de corruption avant les révélations publiques
des derniers mois. L'AICQ, à nouveau,
tient à se dissocier complètement de ces agissements contraires aux valeurs et
aux positions mises de l'avant depuis 40 ans.
Fondée
en 1974, l'association, de concert avec l'Association des firmes
d'ingénieurs-conseils du Canada et la Fédération internationale des
ingénieurs-conseils, fait la promotion des bonnes pratiques d'affaires et
encourage la relève en génie, notamment avec
la création d'un forum des jeunes professionnels. Aussi, l'AICQ, en
collaboration avec plusieurs
intervenants, contribue à développer des mécanismes qui visent toujours de
favoriser une saine concurrence, soit une concurrence basée d'abord sur
la compétence.
Au
fil des ans, les ingénieurs-conseils québécois ont su développer une expertise
reconnue mondialement qui s'est avérée un atout indéniable pour attirer
des investissements étrangers et assurer au Québec la capacité de concevoir et de réaliser des milliers d'infrastructures
publiques qui contribuent à la croissance économique et à la qualité de vie
de la population. Avant l'acquisition de
certains sièges sociaux par des firmes étrangères, le génie-conseil québécois
revendiquait 50 % des exportations
canadiennes de services d'ingénierie. Cette proportion est maintenant de
30 % alors que le Canada se situe parmi les leaders mondiaux dans
ce domaine d'exportation.
La situation actuelle
dans le secteur de la construction, combinée à une mauvaise conjoncture économique
mondiale et locale, a eu un impact très
négatif sur les emplois dans le secteur du génie-conseil. Parmi les membres
actuels de l'association, nous observons une
baisse du nombre d'employés d'environ 20 % au cours de la dernière année.
Selon un sondage récent, 41 % des firmes membres de l'AICQ, toutes tailles
confondues, prévoient également une baisse de leurs effectifs l'année
prochaine.
Il
apparaît clairement que le génie-conseil québécois est dans une phase critique
de son développement et que les événements
de la dernière année ont grandement affecté les activités de l'ensemble des
firmes du secteur. Afin de s'assurer de
garder au Québec notre avantage compétitif dans le domaine du génie, il nous
apparaît urgent de relancer ce secteur important de notre économie.
Au-delà du génie-conseil, c'est tout un écosystème qui est en jeu dans le
domaine du génie, notamment avec des écoles et facultés de génie aux quatre
coins du Québec qui forment des experts pour tous les secteurs, public et
privé, les entreprises manufacturières, les entrepreneurs et les firmes de
génie-conseil.
L'AICQ
estime que l'approche proposée par le gouvernement dans le cadre du projet de
loi n° 61 est positive, d'autant
plus qu'avant même le dépôt de ce projet de loi plusieurs firmes de
génie-conseil avaient signifié leur ouverture à discuter d'un remboursement volontaire de certaines sommes qui auraient
été obtenues indûment par d'anciens employés. Cette option est
certainement préférable à des poursuites judiciaires qui s'échelonneraient sur
plusieurs années et qui engendreraient des coûts considérables autant pour le
gouvernement et les contribuables québécois que pour les entreprises
concernées.
Ce
projet de loi s'ajoute à de nombreuses initiatives prises par les firmes
d'ingénierie au Québec pour faire face à la crise de confiance sans précédent. Une firme de génie-conseil se bâtit
non seulement avec son expertise et ses réalisations, mais également grâce à une relation de confiance
renouvelée avec ses employés, ses clients et ses partenaires projet
après projet. Les firmes veulent retrouver
le plus rapidement possible cette confiance de la part de leurs clients et de
la population et faire en sorte qu'une telle situation ne se reproduise
plus jamais.
• (16 h 20) •
Elles ont aujourd'hui pris les moyens
nécessaires pour rompre les liens avec certaines pratiques inacceptables ayant eu cours par le passé ainsi qu'avec ceux qui
y ont participé. Au cours des dernières années, et plus particulièrement
au cours des derniers
mois, des changements importants ont été effectués au sein des firmes. Parmi les actions au coeur d'une véritable transformation figurent
d'importants changements au plus haut niveau des directions de firme, l'établissement de nouvelles règles de
gouvernance, la mise en place de protocoles d'enquête interne en lien avec des
allégations de pratiques répréhensibles,
l'accès à des lignes de dénonciation, la mise sur pied de comités chargés
d'assurer la conformité au code de
conduite des firmes, des formations afin de renforcer les valeurs éthiques et
de responsabilité sociale, etc. Ces exemples de transformation témoignent de la volonté du génie-conseil québécois
d'effectuer des changements positifs et surtout durables et s'inscrivent
dans un changement de culture nécessaire dans le cadre duquel les firmes se
sont engagées à adopter des pratiques d'affaires responsables.
Le présent projet de loi propose des pistes de solution intéressantes à la crise actuelle. Les membres de l'AICQ
souhaitent un aboutissement adapté aux
réalités et aux enjeux du secteur. L'avenue d'un remboursement volontaire
est certainement une bonne initiative du gouvernement en ce sens, et, une fois le projet de loi adopté,
chaque firme concernée pourra
entreprendre ses démarches afin de convenir des modalités de leur participation
au programme de remboursement.
Dans l'optique de favoriser la plus grande
participation possible des firmes de génie-conseil, l'AICQ propose d'inclure
dans le programme de remboursement certains éléments déterminants.
Premièrement, le programme de remboursement prévu par le projet de loi devrait offrir
la possibilité de négocier non seulement sur la base de
chacun des contrats visés, mais bien pour l'ensemble des contrats visés
d'une même firme. L'AICQ observe un grand désir chez ses membres de
prendre part activement au virage amorcé, et ce, de manière efficace. Les
membres craignent qu'en procédant par contrat la période nécessaire à établir
les remboursements soit inutilement
prolongée. Il est crucial que le programme créé par le gouvernement soit facilitateur et incitatif afin d'atteindre rapidement ses objectifs.
Deuxièmement, le programme devrait permettre la possibilité pour les firmes
impliquées d'acquitter leurs dettes envers la société québécoise. Le
climat actuel entourant le milieu de la construction est nuisible tant pour l'industrie
que pour la population. La fragilisation de
l'industrie freine les investissements et la croissance des firmes de génie-conseil,
et celles-ci bénéficieraient grandement d'un
processus qui, une fois complété, leur permettrait de repartir sur de
nouvelles bases. Ainsi, toute transaction effectuée dans le cadre du programme
devrait régulariser la situation de ces firmes de façon décisive et complète.
Troisièmement, finalement, le programme devrait offrir une protection à l'encontre des
recours parallèles visant le même
objet. Dans la poursuite des mêmes objectifs, l'AICQ soumet que le remboursement consenti par une firme et la transaction en résultant devraient
assurer une immunité de poursuite face à toute partie, gouvernementale ou pas, pouvant avoir intérêt à faire une
réclamation relativement à une fraude ou une manoeuvre dolosive dans
l'attribution ou la gestion d'un contrat public. À l'heure actuelle, le projet
de loi du gouvernement et l'institution de certains recours collectifs de droit
civil font double emploi, ce qui aura pour effet de nuire à l'efficacité du
processus engagé par le gouvernement. La possibilité que des entrepreneurs et sous-traitants désirent éventuellement entreprendre des poursuites sur la base des faits visés par le projet
de loi risque également d'en perturber l'application.
En
conclusion, le projet de loi, tel que rédigé, contient par ailleurs peu d'incitatifs à la participation des entreprises au programme
de remboursement. La crainte des conséquences d'un éventuel remboursement sur l'issue
de recours criminels et pénaux est
susceptible de nuire à sa mise en oeuvre. L'AICQ est d'avis qu'un mécanisme
devrait être mis en place afin
d'éviter que la participation des firmes au programme n'entraîne des
conséquences négatives quant à l'application de tels recours. Nous
sommes convaincus qu'avec des règlements équitables adaptés aux réalités
actuelles ce projet permettra de trouver une solution qui aidera le secteur à
tourner la page une fois pour toutes. Il importe donc que l'application du projet
de loi n° 61 permette à ce secteur de finaliser l'exercice d'assainissement
déjà amorcé afin qu'il soit en mesure de faire fructifier à nouveau le talent
des gens honnêtes et talentueux qui le composent. Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme Desrochers. Alors, maintenant, je cède la parole à M. le
ministre pour un temps de 23 minutes à peu près.
M.
St-Arnaud : Oui, merci, M. le Président. Mme Desrochers, Me Morin, merci beaucoup. Merci d'être là. Merci pour votre contribution, pour votre mémoire.
On l'a reçu seulement cet après-midi, mais ce n'est pas un blâme, parce que je
sais que les délais sont très courts. Et sachez qu'on va le regarder avec
attention et on va regarder notamment… J'ai vu, là, que vous avez fait
un tableau article par article, là, avec des points d'interrogation que vous
soulevez sur un certain nombre d'articles, et sachez que, de ce côté-ci, nous
allons le regarder avec beaucoup d'attention, les gens qui m'accompagnent, les gens du Trésor, les gens de la
justice, mais, je suis convaincu, aussi tous les membres de la commission lorsque nous allons étudier article
par article le projet de loi n° 61.
Je note que
vous dites qu'il serait à peu près temps, là, qu'on tourne la page une fois pour
toutes sur ces années difficiles. Et,
en ce sens-là, vous rejoignez un peu l'Ordre
des ingénieurs, qui nous disait tantôt : Transformons cette crise en élément positif pour la suite des choses, qu'on
puisse tous… et que le Québec tout entier, là, puisse sortir grandi de
cette difficile crise des dernières années.
Cela dit, il
y a un élément qui m'a… où je vois une certaine contradiction dans ce que vous
dites, parce que vous faites référence au fait qu'un certain nombre de
firmes souhaitent rembourser des sommes, et ça, on l'a entendu, on l'a lu aussi
dans les journaux ces derniers temps, on l'a entendu, manifestement il y a… et
en même temps vous nous dites : Le programme
qui est proposé par le gouvernement au projet de loi n° 61, programme
de remboursement, n'a pas d'incitatif.
Donc, vous semblez nous dire : Bien, les gens ne viendront pas
nécessairement participer à ce… les firmes, en fait, ne viendront pas
participer à ce programme parce qu'il y a peu d'incitatifs et il n'est pas
assez facilitateur, pour reprendre votre expression.
Alors, j'ai un peu de difficultés à
concilier les deux positions, parce que, bien honnêtement, moi, j'ai l'impression
que, si le programme de remboursement était
mis sur pied demain matin, il y aurait déjà des firmes qui seraient
prêtes à venir s'asseoir pour faire des remboursements de sommes, là. C'est ce
que je crois entendre…
Mme Desrochers
(Johanne) : Oui, absolument.
M.
St-Arnaud : …et comprendre et lire. Mais… Et vous nous
dites : Bien, votre programme… En même temps, vous nous dites de la même façon : Il n'est
pas assez… il n'y a pas assez d'incitatifs. Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez
la…
Et
une sous-question : Quand on parle d'incitatifs, si vous trouvez qu'il n'y
a pas assez d'incitatifs, je sais que vous l'avez un peu dit dans vos réponses, mais vous pensez à quoi en termes
d'incitatifs supplémentaires, disons, supplémentaires?
Mme Desrochers
(Johanne) : D'accord. Merci, M. le ministre. Bien, écoutez,
honnêtement, là, en lisant ce paragraphe-là, j'ai senti un peu le… Ce que vous
me dites, ça ne m'étonne pas.
Je vais commencer par
d'abord spécifier et vous rassurer sur la volonté des firmes de réellement participer
au programme. Bon, le programme, en fait, il
va être développé, alors dire qu'il n'est pas facilitateur, là, je pense que ça
aurait dû être plus dans un style
«souhaitons que» où il faut s'assurer que le programme sera facilitateur,
peut-être à partir des trois éléments
que j'ai soulevés, là, qui sont des éléments importants. Je pense que c'est
plus à ça que ça faisait référence, de bien en tenir compte quand on
développera le programme.
Alors,
à ce stade-ci, je ne pense pas qu'on puisse dire ce que je vous ai dit. Alors,
je suis désolée. C'est des choses qui arrivent dans la vitesse, mais en
tout cas soyons honnêtes. Et, pour le reste, je pense que je peux assumer tout
ce qui est là, mais j'avoue que ce paragraphe était un peu mal conçu, là, pour…
D'abord,
pour avoir fait une rencontre avec l'ensemble des firmes nommées à la
commission, concernées, dont TVA a
parlé dernièrement, je peux vous assurer que l'ensemble des firmes concernées
souhaitent contribuer, participer, tourner
la page. Et ça, c'était unanime pour ce qui est des firmes qui participaient à
la rencontre que l'association, donc, avait organisée en prévision du
dépôt de ce projet de loi, alors je pense que vous pouvez avoir la certitude qu'il
y a une volonté.
Évidemment, il y a des éléments juridiques dont
peut-être Patrice pourrait d'ailleurs vous faire état plus spécifiquement,
et que l'on reprend dans le mémoire, mais
qui font référence aux trois points que je mentionnais. Puis je vais lui
laisser la parole pour ne pas prendre trop de temps, je pense que c'est
important.
Le Président (M.
Ferland) : Me Morin, allez-y.
• (16 h 30) •
M. Morin
(Patrice) : Alors, M. le ministre, justement sur cette question d'un projet
de loi peut-être, comme Mme Desrochers
disait, là, pas assez facilitateur, c'est vrai que c'est un peu prématuré de
faire le commentaire alors que certains éléments ne sont pas
connus encore, mais c'est au niveau de ces inconnues-là, peut-être, qui sont à
la source du commentaire qui a quand même été écrit là.
D'abord,
sur la question du remboursement, j'ai suivi avec intérêt, là, les travaux de la commission
ici qui sont commencés depuis la
semaine dernière et je pense que ça revient chez la plupart des intervenants,
les gens sont intéressés de savoir comment on va faire ce calcul-là pour
d'abord être capables de savoir dans quoi ils s'embarquent. Et ça, je pense que
je n'ai pas à m'étendre longuement là-dessus, mes prédécesseurs l'ont fait
amplement.
Il y a
certains éléments au niveau de l'impact de la participation au programme
de remboursement aussi qui sont peut-être à parfaire. Et je
comprends, là, que le gouvernement est à gérer une crise, et, quand on gère une
crise, on ne pense pas nécessairement à tous les détails, mais, par exemple, il
serait peut-être intéressant pour certaines firmes d'être rassurées que le fait de participer au programme,
par exemple, la simple participation ne pourrait pas
être un fait pris en considération
par un tribunal éventuellement. Le projet
de loi dit déjà que
les écrits qui seront rédigés ou échangés lors d'un éventuel processus de conciliation ne peuvent pas être mis en
preuve, mais on ne parle pas de la simple participation. Et, vous savez, en droit, là, il y a
des présomptions qui naissent de certains faits. Et c'est sur ces petits
éléments là, je pense, que, s'il
y avait des précisions à apporter, les firmes emboîteraient peut-être le pas
plus facilement, parce qu'elles auraient une meilleure compréhension du terrain
sur lequel elles s'aventurent.
Mme
Desrochers (Johanne) : Parce que souvent, en fait, on a entendu les
membres mentionner que d'un côté ils ont
leur avocat, de l'autre côté il y a l'assureur, et puis, si le simple fait de
participer, de vouloir contribuer, de vouloir passer effectivement à
autre chose fait en sorte que ça te rend coupable, là, de tout, tu es dans un…
Tu sais, tu veux y aller, tu veux contribuer
puis vraiment tu veux prendre tes responsabilités comme entreprise, mais il
faut que le cadre permette, là, justement…
M.
St-Arnaud : Et, en ce sens-là, est-ce que je comprends que vous… Parce qu'il y a quand même une certaine protection qui est accordée, aux articles 14
et suivants. Dois-je comprendre que, la protection que l'on retrouve dans
le projet de loi, vous ne la trouvez pas
suffisante? Et, si vous ne la trouvez pas suffisante, qu'est-ce que vous
souhaiteriez voir là comme protection eu égard à ce qui se dit à l'intérieur
du processus de remboursement, du processus du programme de remboursement?
M. Morin (Patrice) : Bien, je pense
qu'au niveau du contenu c'est déjà très bien protégé, là. C'est le silence sur
le fait de participer peut-être qui est à considérer pour justement que le fait
de la participation comme telle ne soit pas nécessairement
préjudiciable aux entreprises et aux personnes, là, parce qu'on sait qu'il y a
des représentants également qui sont inclus. Alors, c'est l'amélioration
principale. Évidemment, c'est toujours à parfaire, mais c'est la principale qu'on
pourrait ajouter, là, à ce niveau-là.
M. St-Arnaud : Je veux juste
être sûr. Vous pouvez répéter ce que vous venez de dire sur le… Excusez, j'ai
manqué le dernier bout de votre réponse quant à ce qui pourrait être fait comme
élément supplémentaire.
M. Morin
(Patrice) : Ah, bien, c'est
simplement de spécifier, même si on sent que c'est sous-entendu dans le projet
de loi, mais que la simple participation ne…
M. St-Arnaud : N'engage pas.
M. Morin
(Patrice) : …ne pourrait pas
être un fait considéré par un tribunal, ou un organisme quasi
judiciaire, ou tout autre organisme appelé à juger et à évaluer ces cas-là.
M. St-Arnaud : Que ça n'engage
pas la responsabilité de l'entreprise, là, c'est ce que vous dites…
M. Morin (Patrice) : Exactement.
M. St-Arnaud : …le fait de
participer au programme de remboursement.
M. Morin
(Patrice) : C'est ça. Et ne
crée pas une présomption non plus. Puis, vous savez, des fois juste un
petit peu plus de précision ne nuit pas. En disant clairement dans le projet de
loi que la simple participation ne serait pas un
fait pertinent pour un organisme, ça pourrait simplement rassurer les firmes.
On est beaucoup… C'est le sujet de l'heure, dans le sens où les entreprises sont prêtes à
participer. Là, elles envisagent les modalités de leur participation, ce que ça va vouloir dire pour elles, et une spécification
comme ça serait peut-être de nature à faciliter le pas.
M. St-Arnaud : Et, quand vous
dites que, parmi les autres inconnues, il y a comment va se faire le calcul, évidemment, à l'intérieur du programme
de remboursement, il y a un dialogue qui se crée sous la… j'allais dire
«sous la supervision» mais d'une personne tierce. Est-ce que vous voyez un lien
avec le pourcentage qu'on retrouve… Ce qui vous
amène à dire : Comment va se faire le calcul?, est-ce qu'un
des éléments, c'est que vous faites un lien avec la première partie du projet
de loi ou…
M. Morin
(Patrice) : Bien, c'est-à-dire que le projet de loi, à
l'heure actuelle, parle d'un pourcentage. On n'a pas élaboré grandement
sur les calculs, je pense qu'il n'y a pas personne qui a osé s'adonner à l'exercice
encore de façon précise, mais, s'il y a une
chose qui nous frappe, lorsqu'on évalue cette question-là, c'est qu'il y a
plusieurs participants, dans un
processus collusionnaire, et donc retrouver le dollar égaré n'est peut-être pas
une simple affaire de pourcentage. Il va
falloir essayer de déterminer le mieux possible… C'est un exercice qui, je
pense, est voué à être imparfait mais qui devra quand même être fait, de dire : Bon, bien le… appelons-le le
dollar volé ou égaré, là, il est allé où? Et qu'est-ce qui va être attribuable spécifiquement à l'entreprise,
quelle part va venir des autres acteurs? Parce qu'on l'a vu au niveau
public lorsqu'il y a eu collusion sur des chantiers ou sur des projets, il y a
beaucoup plus qu'un receveur et un donneur, si je peux dire, il y a des
participants également alentour, et eux aussi ont peut-être une responsabilité.
Donc, sur le calcul, est-ce que c'est une
affaire de pourcentage? Je n'ai pas mandat de dire oui ou non mais simplement de soulever qu'essayer de développer le
mécanisme qui va permettre d'évaluer ça correctement et de façon précise
est probablement un défi, à l'heure actuelle, qui fait en sorte que les
entreprises ne sont pas capables, en ce moment, d'évaluer financièrement ce que
la participation pourrait être pour elles.
M.
St-Arnaud : Mais ce qui… Je pense que je l'ai dit publiquement
quand j'ai présenté le projet de loi. L'optique du programme de… la façon dont je vois le programme de remboursement,
dont le gouvernement voit le programme de remboursement, c'est donc qu'on
confie à une personne tierce — là, j'ai envisagé… j'ai mis de l'avant l'hypothèse
d'un juge à la retraite — une
personne qui serait désignée par le gouvernement le soin de faire certaines
rencontres. Évidemment, le juge, par
exemple, si c'était un juge à la retraite, il serait assisté de
juriscomptables, on s'entend, avec des experts, des experts
éventuellement sollicités notamment par le Conseil du trésor, mais c'est sûr qu'il
y a une analyse qui serait derrière cette…
j'allais dire «cette négociation», mais en tout cas cette discussion dans le
cadre du programme de remboursement.
Peut-être un
élément. Sur un autre élément, vous dites à la page 5 de votre
mémoire : «…le projet de loi n° 61 devrait offrir la
possibilité de négocier non seulement sur la base de chacun des contrats visés,
mais bien pour l'ensemble des contrats visés d'une même firme.» Alors, j'aimerais
vous entendre là-dessus. Dans la réflexion qui nous a amenés au projet de loi, on se disait : Bon, bien, une firme
vient, elle nous dit : Sur tel, tel, tel contrat, voici. Dans le cadre du programme de remboursement, il y a un
règlement qui intervient. Évidemment, s'il y a règlement, il n'y a pas
de poursuite civile sur ces contrats précis. Mais vous, vous allez plus loin
que des contrats précis ou des contrats visés, vous dites : Est-ce qu'il
n'y aurait pas moyen qu'une entreprise fasse un règlement global, là?, c'est un
peu ça. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur cet élément qui n'est
pas nécessairement à l'origine du projet de loi, où on pensait plus à des
contrats particuliers.
Mme
Desrochers (Johanne) : Oui. En fait, la réflexion qui a eu cours au
cours des dernières semaines, là, faisait référence au fait qu'on ne veut pas… Ça fait quatre ans qu'on est dans
ça. Les compteurs d'eau, c'est il y a quatre ans. On peut choisir d'y
rester encore pendant 10 ans, mais ça ne devrait pas être ça, l'objectif,
ni de la population québécoise ni d'aucune
des industries qui sont concernées. Et donc, pour faire en sorte qu'on puisse…
Et quelqu'un a parlé, tout à l'heure, d'Afrique du Sud, puis il y a eu d'autres
pays aussi où ça s'est fait. À un moment donné, on décide, là, de vraiment
faire le point puis…
M. St-Arnaud : Tourner la
page, là, c'est ce que vous dites.
Mme
Desrochers (Johanne) : Tourner la page. Pas gratuitement, ça, vous
aurez compris qu'on est d'accord tout à fait avec ça, mais quand même de tourner la page puis réaliser que…
Parce qu'autrement on est en train, là, de laisser s'effriter une
ressource naturelle qu'on a, presque, au Québec, là, qui est notre génie.
Alors, c'est ça un peu, le but. Et donc, si
on y va contrat par contrat, sans compter tous les recours… Parce que, là, il y
a des recours collectifs, il y a des…
M. St-Arnaud :
Ce que vous dites, c'est : Si on y va contrat par contrat, on en a pour
des années et des années…
Mme Desrochers (Johanne) : Ah, bien,
on en a pour 30 ans, je ne sais pas.
M. St-Arnaud : …alors qu'il y
aurait peut-être moyen de trouver une solution globale.
• (16 h 40) •
Mme Desrochers (Johanne) : Bien, que
ce soit une volonté de l'ensemble des intervenants, l'ensemble des joueurs. Que tout le monde prenne conscience, oui,
qu'il faut collectivement passer à autre chose et que c'est
collectivement qu'on peut régler cette situation.
Puis,
collectivement, on a parlé beaucoup de changement de culture mais faire… puis
vraiment, à ce moment-là, pour
profiter de cette crise de manière positive, oui, en faire une opportunité, là.
On en parlait il y a un an, puis c'était moins bienvenu, mais, oui, il
faut faire de cette crise-là une opportunité.
Et je ne sais pas si tu veux ajouter peut-être,
Patrice, au niveau plus…
M. Morin
(Patrice) : Bien, je pense
que l'idée, puis c'est un des éléments qui ressort, je pense,
du mémoire qui a été
confectionné, là, par les membres, c'est qu'il y a un souci d'efficacité dans
tout ça. Et, bon, évidemment, il y a un aspect
imparfait à essayer de tout englober en même temps, mais, si on ne veut pas que
ça traîne… Et je le sais pour en voir, des recours judiciaires, là,
depuis presque 20 ans que je fais ce métier-là. C'est long, c'est coûteux.
Et, si on se dit désireux de passer à autre
chose rapidement, c'est une bonne idée, je pense, de permettre aux firmes de
régler leur sort une fois pour toutes.
Et,
j'insiste, n'insinuons pas que ça doit se faire facilement. S'il doit y avoir
de la souffrance, il y en aura. Mais, une fois que ce sera fait, que ce
soit fait de façon complète et définitive pour qu'à l'intérieur d'un laps de
temps… Bon, la loi prévoit cinq ans
d'application, là. Qu'au moins, si on conserve ce délai-là, lorsqu'on aura
passé ces cinq ans-là, on pourra dire : Bien, voilà, on y est
arrivé, c'est terminé.
M.
St-Arnaud : Sur un autre élément, à la page 9 de votre
mémoire vous faites référence à l'article 12, justement, là, l'article qui donne le cadre législatif pour
créer le programme de remboursement, et vous dites, dans la dernière
colonne à la page 9 : «Nous
croyons qu'il serait opportun d'intégrer un volet confidentialité aux
dispositions concernant le programme de
remboursement. En effet, une telle mesure favoriserait la collaboration des
entreprises et personnes visées au programme de remboursement.» Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que,
depuis le départ des travaux de la commission et dans l'esprit du gouvernement aussi, on a toujours voulu que ça soit
très… que tout ça soit le plus transparent possible. Et je pense que
même dans les règles du programme de remboursement plusieurs nous disent qu'il
faudrait même suivre les règles habituelles,
qu'il y ait un projet de règlement, qu'on… Même le député de Fabre disait
aujourd'hui : On pourrait même
consulter en commission parlementaire sur le projet de règlement, donc... Et là
vous nous arrivez en disant : Nous, on voudrait quand même qu'il y
ait un volet confidentialité. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Et je rappelle que ce que nous avons dit comme
gouvernement aussi, c'est que tout règlement serait public, c'est-à-dire qu'il serait très clair que tout cela
ne se ferait pas en cachette mais se ferait aux yeux de la population,
quant au résultat que pourrait donner le
programme de remboursement, là, visé au projet de loi. Alors, j'aimerais vous
entendre là-dessus parce que ça détonne un peu, là, quand on voit ça. Alors, qu'est-ce
que vous voulez dire exactement?
Mme
Desrochers (Johanne) : Oui. Alors, pour ce qui est de l'idée de faire
une consultation quant au programme de remboursement, un peu comme ici,
un travail de groupe, ça, nous sommes tout à fait d'accord avec ça. On pense
que c'est important de faire l'exercice et on endosse ça tout à fait.
Pour ce qui
est de… Et, pendant cet exercice-là, vous pourrez déterminer qu'est-ce qui doit
être ou qu'est-ce qui peut être confidentiel ou non. On n'a pas, a
priori, pensé à tout ce qui devrait être… Nous sommes tout à fait en faveur d'une
transparence au niveau des règles du jeu, au niveau de… et que ce soit très
connu et très bien connu par l'ensemble, et qu'elles s'appliquent à tous de la
même façon.
Ceci dit, lorsqu'il y
aura des discussions… Et je reviens… Quelqu'un mentionnait l'importance du
choix des personnes qui vont administrer ce programme, qu'on ait confiance en
ces personnes, que la population ait confiance en ces personnes. À partir du moment où on est dans un contexte comme
celui-là et que les règles du jeu sont connues, on doit faire confiance, j'ose espérer qu'on peut
encore faire confiance à certaines personnes au Québec, là, quand même,
et donc faire confiance que le travail va se
faire à partir des règles connues de tous et décidées par tous ici, au
Parlement.
La confidentialité de certains aspects, je pense
que, quand on a eu des discussions, c'était plus, bon : Est-ce que… Puis c'étaient des questions,
là. Est-ce que, par exemple, on est obligé de donner le résultat de chacune
des… pas des transactions mais des négociations? Est-ce qu'on peut donner plutôt le montant global qui
aura été récupéré et la façon dont ces
montants-là seront par la suite utilisés? Alors, c'était le genre plus de questionnement. Puis, Patrice, peut-être,
dans votre groupe plus juridique, vous avez
parlé d'autre chose, mais au départ, là, c'était un peu dans cet esprit-là, non
pas de vouloir cacher mais… Puis chacune des
entreprises peut avoir aussi des considérations particulières, que l'on soit
une entreprise publique, privée, bon, enfin, etc., alors…
M. Morin (Patrice) : Bien, je pense qu'effectivement tout le monde, M. le ministre, était
conscient, là, lorsqu'on a eu les discussions… Puis ça s'est fait
évidemment dans un contexte condensé, pour dire le moins. Tout le monde est conscient
qu'il est crucial pour l'exercice qu'il se fasse publiquement. Je pense que les
entreprises, par ailleurs, sont soucieuses de
protéger parfois certaines de leurs données financières, par exemple, des
choses qui pourraient éventuellement
leur nuire, et je pense qu'il y avait surtout ça derrière la tête de ceux qui s'inquiétaient
de cet aspect-là, mais je ne pense
pas que personne ne conteste qu'ultimement l'exercice… Si on veut redonner
confiance à la population, on a
compris que la population doit être capable de mesurer ce qui se passe, et il
s'agira simplement, lorsque le programme sera élaboré, d'avoir une sensibilité peut-être pour certains aspects
commerciaux des entreprises ou certains détails qui pourraient éventuellement leur nuire, qui ne sont
pas nécessaires à la bonne compréhension du public mais qui peuvent être
par ailleurs nécessaires à l'accomplissement du programme. On est évidemment
encore un peu dans le flou, parce qu'on ne connaît pas les lignes précises du
programme, mais c'est ce qui était pensé.
M. St-Arnaud :
Quand vous dites à la page 6, là : «…la transaction résultant du
programme devrait assurer l'immunité de poursuites face à toute partie,
gouvernementale ou pas, pouvant avoir intérêt à faire une réclamation relativement à une fraude ou une manoeuvre
dolosive dans l'attribution ou la gestion d'un contrat public», on s'entend
qu'on ne parle pas d'une immunité criminelle ou pénale, là, à caractère… On s'entend
là-dessus?
M. Morin
(Patrice) : On s'entend.
M.
St-Arnaud : C'est bon. Mais vous faites référence à d'autres
poursuites, là, qui ont cours présentement. Ça va. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. le ministre.
Maintenant, je reconnais le député de Fabre pour
16 min 20 s.
M.
Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Alors, à mon tour
de vous saluer et de vous remercier pour votre excellent mémoire. Je le
dis…
Mme Desrochers
(Johanne) : …du court laps, mais…
• (16 h 50) •
M.
Ouimet (Fabre) : Ah non, non, non! Je dis à tous les groupes
que nous recevons, malheureusement, qu'ils sont convoqués à trop brève
échéance. Un jour, un jour nous adopterons des règles qui nous… où on va donner
plus de temps aux gens pour produire un
mémoire, ce qui va nous permettre plus de temps pour le lire, et donc
bénéficier davantage de votre participation à la consultation. Aujourd'hui,
je tiens à vous remercier.
J'aurai
quelques observations, quelques questions. Je dois avouer que, sur la question
de… toute la question du programme de
remboursement, bon, je ne suis pas dans le secret des dieux et je ne sais pas
ce qui se passe, mais je dois vous avouer
que, quand j'ai vu ça dans le projet de loi, au départ, je me suis dit :
Ah! Moi, je pensais qu'il n'y a absolument rien qui nous empêche, qui empêche le gouvernement, le Procureur général, au
nom d'un organisme public, d'entreprendre une négociation. Je veux dire, on est en train… Je ne sais pas si vous
êtes au courant, mais on discute depuis au moins 10 ans de
moderniser nos règles de procédure civile, et ce qui est au coeur de ces
nouvelles règles là, c'est toute l'emphase
qu'on met sur la médiation, la conciliation, ce qu'on appelle les modes
alternatifs, les modes de règlement des différends qui sont en amont ou à l'extérieur des tribunaux. Et donc je
suis un peu étonné quand j'entends, je veux dire, qu'on crée un projet
de loi pour baliser ce processus qui existe depuis toujours.
Et il existe
tellement depuis toujours que les tribunaux ont… et ça évolue, mais les
tribunaux ont reconnu un privilège associé au processus de négociation
justement pour encourager des parties à trouver une solution, ce qui ne veut pas dire… Et c'est important, M. le
Président, de ne pas confondre la confidentialité qui est absolument
essentielle à une négociation de la confidentialité qui peut s'attacher au
résultat ou à, dans ce cas-ci, la nécessaire transparence de la reddition
de comptes au niveau du résultat de cette négociation. C'est
deux choses complètement différentes, et il ne faut pas confondre dans l'esprit des gens. Qu'il y ait des négociations
confidentielles, pour toutes sortes de raisons valables, vous avez
mentionné, là, des informations financières liées à une entreprise qu'on peut
vouloir garder privées ou en tout cas dans
le cadre des négociations, pour ne pas que ça soit diffusé publiquement, c'est
une chose, c'est très valable, et donc
cette confidentialité-là, c'est un aspect essentiel d'un processus de
négociation. Mais, le résultat, lui, particulièrement compte tenu du
problème on s'attaque, tous s'entendent sur la nécessité qu'il y ait une
transparence, une reddition de comptes valable pour que le public comprenne que
les gestes que nous dénonçons ont été compensés adéquatement. Alors, on se comprend
bien.
Ceci dit, mon point, M. le Président,
c'est… J'avoue être un peu surpris de l'emphase qu'on met, l'importance
qu'on met sur les dispositions qui créent un mécanisme que je croyais qu'il
existait déjà, on avait déjà les outils pour faire cette négociation-là, de la
même façon que je tenais pour acquis… Et c'est le piège d'un projet de loi qui
vise à encadrer un processus de négociation, c'est de dire qu'il faut s'attendre
à ce qu'une entreprise qui arrive à la table de négociation souhaite régler l'ensemble
des problèmes et pas juste un petit problème et revenir la semaine d'après. Ce processus-là, M. le Président, pour qu'il soit
efficace, il faut qu'il offre un avantage à toutes les parties de régler le
problème une fois pour toutes. C'est ça,
l'intérêt de la négociation, et il me semble que ça allait de soi. Ceci dit,
s'il faut l'écrire plus clairement dans la loi, nous allons le faire.
Un
point important : vous soulevez la question de la double pénalité qui
découle des intérêts dans l'hypothèse où il y a une condamnation et que l'intérêt s'applique dès le dernier
versement effectué par l'organisme public. Simplement vous entendre sur
cette question-là, tout en vous rappelant le parallèle qu'on peut faire avec l'imposition
des pénalités avec le ministère du Revenu, par exemple. C'est un peu un… Il y a
une similitude, selon nous, et j'aimerais vous entendre sur cette question-là.
Le Président (M.
Ferland) : Me Morin, allez-y.
M. Morin (Patrice) : Bien, vous savez, le projet de loi est déjà, et je l'ai entendu… il est
passablement musclé, là, en ce sens
qu'on peut déjà retourner plusieurs années derrière pour aller étudier les
infractions, demander le remboursement des sommes, et techniquement, si
on a bien compris les règles de la prescription qui s'appliquent et l'application
de l'intérêt, on pourrait computer des
intérêts pour un contrat qui a fait l'objet d'une problématique il y a 10 ou
15 ans, alors que l'acte
lui-même est prescriptible par cinq ans. Ça a soulevé des questions, et certaines
entreprises, certains membres disent :
Bien là, c'est déjà passablement… Et là comment on va faire pour payer des…
Est-ce que vraiment on doit payer au-delà
de la prescription de l'acte lui-même? Il y a comme une double pénalité. C'est
peut-être l'intention aussi, mais ça a soulevé des questions, là, au
niveau des membres, la question de savoir si c'était vraiment l'intention
derrière le projet de loi.
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y, M. le député de Fabre.
M.
Ouimet (Fabre) : En fait, sur la question de la
prescription, j'aimerais clarifier ce point-là. Je comprends que, si le projet de loi est adopté tel quel, ce qu'il
propose, c'est que le gouvernement dispose… le Procureur général dispose
d'un délai de cinq ans pour entreprendre un
recours, dès l'entrée en vigueur du projet de loi, mais que ce recours peut
porter sur des actes qui remontent à
15 ans et même des actes qui ont déjà bénéficié d'un jugement qui
concluait à la prescription de l'acte. Alors, quand on parle de
prescription, je pense qu'il est important de le souligner : l'exercice du
recours, il y a un délai de cinq ans, mais
les gestes posés, eux, c'est 15 ans. Alors, on peut parler d'une
prescription de 15 ans à l'égard des gestes, là. C'est important de
faire la distinction, je pense, sauf erreur de ma part.
M. Morin (Patrice) : Non, vous avez raison. C'est un peu comme l'histoire de… c'est un peu
comme le principe de la garantie légale du constructeur, le fameux
article 2118, je comprends que c'est le même type de régime. Et
effectivement ça rend… ça fait reculer la période de prescription à
15 ans, dans les faits, ce qui peut poser certaines problématiques qu'on a soulevées dans le mémoire
aussi, notamment au niveau de la conservation de la preuve, là. Je ne pense
pas qu'il y a beaucoup de gens qui s'attendaient à devoir aller chercher dans
leurs filières aussi loin derrière. Mais peut-être qu'on est rendus là, mais
certainement que ça a soulevé des questions.
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, c'est tout pour moi. Je sais que mon collègue
de Chomedey...
Le Président (M.
Ferland) : Alors, je cède la parole au député de Chomedey.
M.
Ouellette :
Merci, M. le Président. Mme Desrochers, M. Morin, c'est toujours un
plaisir de vous voir.
D'entrée de jeu, je vais aller avec votre conservation de la preuve. Dans une ancienne
vie, mon collègue Jacques, le député de Saint-Jérôme, pour avoir
témoigné pendant tellement d'années, est très au fait de cela. Et effectivement
on parle d'une défense pleine et entière puis
15 ans en arrière parce que...
pour s'arrimer avec les travaux de Charbonneau, alors que vos obligations légales sont de 10 ans dans les archives.
Ça crée une autre dynamique. J'apprécie beaucoup que vous l'ayez
souligné dans votre mémoire, parce que c'est des éléments qu'il va falloir
réfléchir puis qu'on prenne en considération
et c'est des éléments qui m'ont été soulevés sur le terrain. Effectivement, si
on retourne 15 ans en arrière, je fais
quoi pour me défendre si je ne suis plus là depuis 12 ans ou depuis
13 ans, je n'ai pas accès à rien? Puis comment... Parce qu'il y a toujours... on vit encore, au
Québec, dans une société de droit. J'espère que ça va toujours être la
même chose, que ça va toujours être comme ça. Et je pense que vous avez bien fait
de le souligner.
Dans votre mémoire,
vous savez, vous l'avez mentionné à la page 5, il y a beaucoup de choses qui
ont été faites. Dans le premier paragraphe,
vous dites «une véritable transformation», «d'importants changements». Les
processus actuels égalent licence pour
soumissionner sur des contrats. Ça fait que, oui, il y a eu des
transformations, il y a eu des transformations
volontaires, mais il y a eu des transformations aussi obligatoires. L'AMF a...
Vous avez tout rencontré votre monde.
Il y a sûrement des firmes qui ont dû vous parler qu'on les avait obligées, par
culpabilité familiale, à tout mettre... tous ceux qui portaient le même
nom, là, mettre ça dehors, sans ça ils ne considéreraient même pas le fait d'avoir
une licence. Ça fait que c'est beau, c'est extraordinaire, on peut bien avoir
toutes les meilleures intentions du monde, mais, dans la vraie vie, là, c'est
la licence qui est importante. Ça fait que, si l'AMF nous dit : Bon, bien,
parfait, tu fais une
élimination familiale, bien l'élimination familiale se fait. Tu engages telle firme pour tes processus
internes, ça coûtera 100 000 $, 200 000 $,
1 million. Tu dois engager telle firme parce que peut-être tu ne l'auras
pas, ta licence.
Votre paragraphe, tantôt vous avez bien
mentionné de… nous dire la question des incitatifs à participer au programme volontaire. Effectivement, si on part du
principe de la licence à n'importe quel prix, je suis bien prêt à
régler, mais je ne veux pas avoir des
«rebounds» ou je ne veux pas avoir des retours pendant des années et je veux
que ça se fasse de la meilleure façon possible. Ça fait que, donc, si je
n'ai pas l'assurance ou une certaine assurance que ça va être considéré pour avoir un règlement, je regrette,
là, on pourra se conter toutes les histoires qu'on veut… C'est ça. Je me
dis : Il faut regarder une question
d'immunité, peut-être une question d'amnistie, peut-être une question logique
transparente tout en gardant la
confidentialité, parce que c'est des fleurons, puis je ne voudrais pas que demain
matin on se ramasse avec des étrangers partout pour faire nos contrats.
Je ne sais pas si vous avez un commentaire suite
aux commentaires que je viens de vous faire, mais j'ai l'impression qu'on...
Mme Desrochers (Johanne) : …quand
vous parlez de ça, puis je vais essayer de ne pas trop...
M.
Ouellette : Vous
pouvez être émotive, Mme Desrochers, là, ce n'est pas grave.
• (17 heures) •
Mme
Desrochers (Johanne) : Non,
mais ça ne me va pas toujours. Mais, non, écoutez, c'est fondamental, ce que vous dites. En fait, je pense que tout le monde est de bonne volonté, tout le
monde veut régler un problème.
D'abord, on a pris conscience, là, d'un état
de fait dont on ne pouvait pas se douter personne, et là, à gauche, à droite, tout le monde essaie de trouver des solutions, bon, le gouvernement, évidemment,
mais à l'extérieur de ça je pense que tout le monde essaie de
trouver des façons, là, de faire en sorte que l'on puisse utiliser ça, comme on
le disait tout à l'heure, positivement et qu'on retrouve une fierté d'être entrepreneur, d'être ingénieur, bon,
d'être fonctionnaire, d'ailleurs, parce que, là, on parle des entreprises, là, puis des ingénieurs qui
y travaillent, mais en réalité c'est l'ensemble des intervenants sur le
terrain qui souffrent de la situation
actuelle. C'est vrai avec tous les fonctionnaires municipaux, provinciaux qui
ont à gérer des projets, négocier des honoraires, etc. C'est l'horreur.
Ils ont chacun en arrière d'eux un enquêteur, un vérificateur, un juriscomptable, etc. La gestion de projet, on
l'oublie presque. Alors, ce n'est vraiment pas un climat qui permet, à l'heure
actuelle, je pense, de même bien réaliser des projets au Québec. On aura peut-être
une autre commission dans 20 ans d'ici
puis on dira : Ah, on était en pleine crise, là, mais c'est certain qu'à
l'heure actuelle il y a un climat très négatif quand on pense à la
meilleure… les meilleures pratiques puis les meilleures façons de faire pour
bien gérer et bien réaliser des projets au Québec.
Ceci dit,
dans ce que vous dites, il m'apparaîtrait important, là, qu'on ait une table
comme ça, de travail, avec tous ceux qui se penchent sur toutes sortes d'idées,
et ça, ça n'existe pas. Il n'y a eu aucun forum… Et ce forum-là permet un peu d'aborder des questions, mais il n'y a pas
eu de forum, depuis un an, deux ans, trois ans, là, où est-ce qu'on
pourrait s'asseoir, ceux qui sont concernés
par ça, et discuter puis essayer de voir par quel bout on prend ça. Parce que,
là, il ne faut pas ajouter, ajouter, ajouter. Puis je ne parle pas juste
de règlements ou de lois, je parle de toutes sortes d'initiatives. Il y en a des bonnes. Il y en a des plus farfelues
mais qui peuvent nous permettre de faire avancer les choses. En tout
cas, ça m'apparaîtrait important. S'il y
avait quelque chose qui pouvait se faire et assez rapidement, ça serait
certainement de mettre sur pied cette table, ce forum d'échange.
Je vous dirais que le Conseil du trésor a des
tables d'échange comme ça, on en a eu dernièrement. Pour les meilleures pratiques, bon, en tout cas, est-ce que
c'est ça qu'on peut élargir? Mais un peu le même genre de forum, là, où
est-ce qu'on pourrait parler de ces choses-là, parce que ce n'est pas dans le
contexte ici, mais il est certain qu'il faut faire
attention de bien entendre, là, toutes les possibilités qui s'offrent à nous et
de ne pas sauter dessus dans trois ans, parce qu'effectivement il sera
trop tard et effectivement…
Tu sais,
quand on dit qu'aujourd'hui, là, les donneurs d'ordres sont gênés, ça ne va pas
passer le test du micro s'ils donnent un mandat à une firme qui a été
nommée à la commission, bien, écoutez, si c'est ça, disons-le tout de suite et puis vendons-nous, parce qu'en réalité, là, il
n'y a pas d'avenir. Je participe à des congrès internationaux, et puis,
les concurrents à l'externe, pour eux, à
l'heure actuelle, c'est extraordinaire, l'opportunité qui se… En plus à rabais.
Ils sont tous convaincus, là, qu'ils peuvent venir acheter nos firmes,
celles qui restent, à rabais. Et puis, bon, tu sais, peut-être que ça ne fera pas pleurer personne, mais je pense que
le génie-conseil, là, c'est quand même 5 milliards de revenus, c'est
23 000 emplois, c'est une industrie du
savoir. Il faut y penser, là. Puis ce n'est pas une manufacture dont on ferme
la clé, puis que c'est robotisé, puis
qu'on dit : Dans trois ans, quand le lock-out sera fini, on ira. Ce n'est
pas ça. Une industrie du savoir, c'est des cerveaux, puis, quand on a
perdu le «capacity building», bien on l'a perdu.
Alors, voilà. Je vous avais dit qu'il ne fallait
pas me laisser parler. Je m'excuse.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, c'était tout le temps qui était
à la disposition du parti d'opposition. Alors, je reconnais le député de
Saint-Jérôme pour le presque éternel 4 min 20 s. M. le député.
M. Duchesneau : Pour
poursuivre sur ce que vous venez de dire, je serais très intéressé, moi, à
aller voir les firmes qui veulent nous
acheter, voir si elles ont d'aussi belles pratiques que ce qu'elles prétendent.
Je pense qu'au Québec on a au moins eu le courage d'aller fouiller et de
sortir des choses.
Et,
oui, c'est une crise, mais, oui, on peut aussi s'en sortir. Puis je pense qu'on
doit profiter de cette conjoncture négative qui sévit actuellement pour
nous projeter peut-être dans un monde meilleur, concurrentiel et un monde juste — je reviens souvent là-dessus — et je trouve que ce serait intéressant si
l'AICQ pouvait convaincre ses 34 membres — parce que c'est moi qui parlais de la
commission de vérité et réconciliation tantôt — de poser un geste que tout le monde attend. Et là on tente, avec une loi, d'essayer de se
faire rembourser ce qui nous a été volé, mais ce serait intéressant que vos 34 membres viennent de l'avant
et disent : Là, on a peut-être des choses à vous raconter. Parce qu'on ne peut pas seulement se fier à
ce qu'on entend à la commission Charbonneau, parce qu'il y a des membres, de
vos membres, qui n'ont pas encore été
mentionnés. Est-ce qu'on doit attendre ça? Je pense que ce n'est pas nécessaire qu'on le fasse. Si on venait de
l'avant… Moi, je suis convaincu que, si on pouvait poser un tel geste, s'il y
avait des aveux de malversation, parce qu'il y en a eu, et que, si tout ça
était suivi de gestes de réparation volontaires de votre part… Puis je l'entends quand vous dites, à la première
page, que vous êtes d'accord avec le principe, donc, mais c'est un acte
contre nature que d'aller avouer une chose comme ça si on ne pave pas la voie,
justement, avec notre projet de loi pour que
des gens viennent avouer mais qu'ils ne soient pas obligés de fermer la porte
par la suite. Là, actuellement, il y a des firmes qui sont aux prises
avec une situation comme celle-là, et ce ne sera pas bon pour personne. Et donc
je rejoins ce que vous dites, là, sur le peu d'incitatifs à la participation.
Je pense que c'est un aspect qu'on doit regarder très attentivement.
Votre page 5 du
mémoire qui est un peu en relation avec l'article 13, quand vous parlez de
la possibilité de négocier non seulement sur la base de chacun des contrats
visés, mais sur l'ensemble des contrats, vous avez raison. Soyons honnêtes. Jamais on ne pourra faire la
preuve sur chacun des contrats pour trouver le montant exact, pour
dire : On s'est fait rembourser. Réalisons ça, soyons d'accord avec ça et
trouvons un moyen que les gens qui ont fait ces malversations paient quand même un certain montant ou un montant
certain, encore là par respect pour les firmes qui ont toujours respecté
les règles.
Là-dessus,
j'avais aussi une question à vous poser. Ah oui! Je suis d'accord avec votre
idée du secret entourant les activités
commerciales. Ça s'est toujours fait. D'ailleurs, c'est un des effets pervers
de la collusion, c'est qu'il n'y en avait plus, de secret commercial,
parce que tout le monde savait ce que les gens étaient pour mettre comme prix.
Si on veut avoir une société où il n'y aura
pas de collusion et de corruption, il faut maintenir ces données commerciales
là secrètes, sinon on est aussi bien
de faire affaire avec l'association, vous allez connaître les prix de tout le
monde. Alors, ce n'est pas ça qu'on cherche, pas du tout, non. Je pense
que vous ne voulez pas faire ça, parce que le gouvernement est très dur.
En
fait, j'ai fait le tour. En fait, c'était un commentaire que je voulais vous
faire plus qu'une question. Ça m'a fait du bien. Moi aussi, je suis
émotif.
Le Président (M.
Ferland) : Dans le fond, vous n'aviez pas de question, M. le député.
C'est…
M. Duchesneau :
Ah, bien j'en avais une, mais je vais laisser le temps à Mme Desrochers de
répondre.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, en 30 secondes environ, à peu près.
Mme
Desrochers (Johanne) : Oui. En fait, peut-être sur la question de
l'argent, des règlements, là, des sommes à être remboursées
éventuellement, bon, il y a eu… tout à l'heure j'ai entendu l'Ordre des
ingénieurs souligner que ces argents-là… ou
une partie en tout cas pourrait peut-être servir à mettre en place un institut.
Le message, c'est certainement ça
aussi de notre part, là, de ne pas penser juste à un chèque qui va aller dans
un fonds consolidé. Je ne devrais probablement pas dire ça au micro d'une
commission parlementaire, mais, en privé, en privé… Non, mais sérieusement on
se disait souvent : Ils en ont assez fait, des chèques.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, ceci étant dit, Mme Desrochers… Mais
c'est enregistré, hein, vous le savez, alors…
Mme Desrochers (Johanne) :
Mais… Oui. Non, c'est ça. Mais…
Des voix :
…
Mme Desrochers
(Johanne) : Est-ce que je peux juste terminer?
Le Président (M.
Ferland) : On a dépassé le temps, malheureusement. On a… Là, je
vais me diriger vers…
Mme Desrochers
(Johanne) : Ah oui? Ah, bien je vous écrirai.
Le
Président (M. Ferland) : Je m'excuse. J'ai un mauvais rôle,
hein, je dois tout le temps vous bousculer. Mais je vais aller au député
de Blainville pour le même bloc, 4 min 20 s. M. le député.
M. Ratthé :
Si ce n'est pas très long, je vais vous laisser quelques secondes.
Le Président (M.
Ferland) : Et voilà.
M. Ratthé :
J'ai quatre minutes, j'ai quatre minutes, alors…
Mme Desrochers
(Johanne) : …quelques secondes. Non, juste pour dire : La Banque
mondiale, lorsqu'ils condamnent des
entreprises, ils leur demandent entre autres de faire des conférences, raconter
leur histoire. Et je pense que, quand on pense à
un programme de remboursement, si on veut que ça serve puis que ce soit
durable, il faudrait avoir des éléments comme ça dans la… comme ça ou comme
quoi que ce soit mais pour que ces expériences-là puissent servir aux
générations futures.
• (17 h 10) •
M.
Ratthé : Alors, tout d'abord, bienvenue à mon tour. Vous
soulevez dans votre mémoire… Et vous n'êtes pas les premiers à le soulever, d'autres l'ont soulevé,
mais je voulais vous entendre un peu là-dessus. Vous soulevez le fait
que… vous nous demandez de faire une réflexion à savoir qui devrait avoir les
conséquences, en fait, et vous donnez des exemples : le payeur, le
receveur. Il y a des gens qui sont venus nous dire ici : L'individu ou
l'entreprise, il y a des entreprises qui sont condamnées parce que des individus
ont mal agi. Vous nous parlez de personnes morales ou privées, et effectivement je rejoins ce qu'on disait tantôt, là. Nos
belles grandes entreprises, là, nos fleurons, il y a plusieurs... j'en connais même personnellement, il y a des
employés qui ont perdu leur emploi, qui sont des conséquences de ça
parce que... justement à cause de ce qui s'est passé pour l'entreprise.
Alors,
si vous nous demandez de réfléchir à ça, vous y avez peut-être déjà, vous,
réfléchi, à savoir : La part de responsabilité, là, vous la voyez
justement comment?
Mme
Desrochers (Johanne) : En fait, ce que les entreprises veulent, c'est
assumer leur juste part de responsabilité en tant qu'entreprises sociétalement responsables. Ce qui a été fait et
ce que des individus pourraient devoir à la société, le criminel va s'en
charger, mais nous, on pensait vraiment aux entreprises. Et, quand vous parlez
du receveur, bien là c'est ça, c'est de dire : Quand on va examiner le
cadre, là, du programme, il faudra se souvenir qu'effectivement les montants
auxquels on arrivera, bien, ils doivent peut-être être divisés en deux, en
trois, en quatre, peu importe, là, mais de prendre ça en considération.
Mais
vraiment le discours, chez nous, c'était : On veut, nous, assumer, là,
notre part de responsabilité et penser à l'avenir. Donc, ce n'est pas de dire : On l'est, on ne l'est pas.
Il y a des individus qui étaient à notre emploi. Ils n'y sont plus, mais
ils ont avoué avoir fait ces actes répréhensibles, et donc, comme entreprise,
on veut voir jusqu'où et on verra jusqu'où on peut aller dans le... Mais
essayons de s'assurer que le cadre permette bien de nous... nous permette bien,
c'est-à-dire, d'assumer cette responsabilité sociétale.
M. Ratthé :
Est-ce que j'ai encore du temps, M. le Président?
Le Président (M.
Ferland) : Oui, il vous reste environ une minute, M. le député.
M. Ratthé :
Il me reste encore une minute? Bon.
Le Président (M.
Ferland) : Ah, oui, oui.
M.
Ratthé : Il y a également... J'entendais maître tantôt qui
disait : Bien, écoutez, on est prêts à acquitter, puis, s'il y a des conséquences... Il y a des groupes qui
sont venus nous dire : Bien, il y avait quand même des firmes, des
entreprises honnêtes qui, pendant qu'il s'est posé des gestes malhonnêtes, ont
été peut-être privées de contrats parce que ça s'est fait de façon... Et on a ici beaucoup de personnes autour de la table
qui étaient aussi… qui se posaient la question : Est-ce qu'il s'agit juste de régler un chèque? Les firmes
qui auront le plus d'argent, bon, les chèques puis on tourne la page, c'est
ce que vous souhaitez de toute façon. Mais
il y avait des gens qui nous amenaient une notion, disaient : Bien,
peut-être qu'il pourrait y avoir
quand même quelques petites conséquences par la suite, même si c'est réglé,
pour redonner une chance justement à
ceux qui ont toujours été honnêtes d'avoir une chance, par exemple, de se
qualifier. Alors, je voulais vous entendre peut-être un peu là-dessus,
là.
Le Président (M.
Ferland) : 30 secondes à peu près, oui.
Mme
Desrochers (Johanne) : Le portrait est différent pour la construction,
ne serait-ce qu'à cause du nombre d'entreprises concernées. Vas-y.
M. Morin (Patrice) : Bien, effectivement, j'ai entendu ça. Je dirais, mon premier réflexe,
c'est que l'entreprise qui va devoir
rembourser des montants portant à intérêts depuis plusieurs années risque déjà
de voir son avantage concurrentiel entamé.
Je ne veux pas exprimer un accord ou un désaccord, mais je pense qu'il y a déjà
dans le projet de loi un aspect punitif quand même que je pense
important. Et l'autre aspect...
Le Président (M.
Ferland) : Alors, malheureusement, Me Morin, j'ai
encore...
M. Morin
(Patrice) : Je vais arrêter là.
Le
Président (M. Ferland) : Peut-être lors d'une autre séance,
vous êtes des habitués maintenant. Alors, sur ce, je vous remercie pour
votre présentation, Mme Desrochers, Me Morin.
Et la commission
ajourne ses travaux au mardi 3 décembre, à 10 heures, où elle
poursuivra ce mandat. Sur ce, bon souper et bonne fin de soirée. C'est fini.
(Fin de la séance à
17 h 14)