(Quinze
heures deux minutes)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte et demande à toutes les personnes présentes dans la
salle de bien éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder à l'audition du ministre de la Justice
concernant les commentaires de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse rendus
publics le 17 octobre 2013 sur les orientations gouvernementales au
sujet du projet de charte des valeurs québécoises ainsi que sur le caractère
inconstitutionnel du projet gouvernemental.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) est
remplacé par M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys) et M. Duchesneau
(Saint-Jérôme) est remplacé par Mme Roy (Montarville).
Organisation
des travaux
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le
secrétaire. Nous allons débuter par
les remarques préliminaires. Par
la suite, nous procéderons à l'audition du ministre de la Justice et la période
d'échange. Pour conclure, il y aura des remarques finales.
M. Tanguay :
…
Le Président (M.
Ferland) : Question de règlement?
M.
Tanguay : Question de directive pour nos travaux, M. le Président, très rapidement.
Dans un premier temps, vous
nous verrez, dans le mandat qui nous est confié — c'est un ordre de l'Assemblée
nationale — vous
nous verrez extrêmement coopératifs. Et je prends pour acquis probablement
qu'il y aura des rappels au règlement. J'aimerais que vous…
Le Président (M.
Ferland) : Vous auriez pu le faire dans vos remarques
préliminaires, par contre, mais je vous laisse le temps, oui.
M. Tanguay :
Non, mais j'aimerais… Rapidement, M. le Président. J'aimerais que l'on en
tienne compte, lorsqu'il y aura des rappels
au règlement, que le temps puisse être ajusté en conséquence
pour ne pas que l'un des groupes soit
pénalisé sur de longs débats si, le
cas échéant, il y avait
des rappels au règlement. Et pouvez-vous, M. le Président, préciser à ce stade-ci — ou
vous allez le faire plus tard, puis je vous suivrai là-dedans — quelle
a été la répartition du temps lors des échanges?
Le Président (M.
Ferland) : Je vais le préciser avant la période d'échange.
M. Tanguay :
Parfait.
Le
Président (M. Ferland) : Le temps est déjà tout réparti à l'avance, je suis très bien
secondé par mon secrétaire ici, à ma
gauche. Alors, juste avant la période d'échange, je vais vous faire mention.
Alors, vous faites bien quand même de le souligner. Rapidement, M. le
député de Sherbrooke.
M.
Cardin : Je me questionnais sur si jamais il y a des rappels
au règlement de seulement qu'un côté de la table…
Le Président (M.
Ferland) : Non, ça va être équitable des deux côtés,
inquiétez-vous pas.
M.
Cardin : Non, non, mais, je veux dire, à ce moment-là, ça va
être pris sur le temps de ceux qui font l'appel au règlement.
Le Président (M. Ferland) :
Le temps sera réparti en fonction des règles qui régissent les commissions.
Alors, il n'y a aucun problème là-dessus.
M.
Cardin :
…pas celle-là.
Remarques préliminaires
Le Président (M. Ferland) : Il
n'y a pas de problème. Merci, monsieur. Alors, nous allons maintenant procéder
aux remarques préliminaires. Le groupe parlementaire formant le gouvernement
dispose d'un maximum de 6 min 45 s. Je cède donc la parole au député
de Beauharnois, le premier ici, à ma droite. Allez-y, M. le député.
M. Guy Leclair
M. Leclair :
Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, mes salutations à vous, M. le
ministre, les gens qui vous entourent, chers collègues, en ce bel
après-midi à la Commission des institutions. Encore une fois, avec cette
commission, nous connaissons un peu les travaux que nous avons à établir et à
tenter d'achever avant la fin de cette session
intensive. Loin de là, le temps nous manque, mais nous sommes ici pour une
période de trois heures. Puis je ne le sais
pas, M. le Président, mais il y a eu à ce sujet-là des interpellations, des
débats en Chambre. Je pense que beaucoup de gens ont questionné, il y a
eu beaucoup d'échanges.
Je regarde
les collègues que j'ai la chance de côtoyer lors de notre commission, la
députée de Bourassa-Sauvé, le député
de Fabre, qui sont des gens que j'apprends à connaître, des gens avec vraiment
une belle éthique de travail, qui travaillent
en coopération dans tous les projets de loi que nous travaillons puis des
juristes reconnus, et on le voit par toutes les questions qu'ils posent lors de nos commissions parlementaires. Je
suis très surpris qu'aujourd'hui moi, le député de Beauharnois, je fais
les remarques préliminaires en disant à mes collègues, qui sont dotés d'une
expérience hors pair, qu'aujourd'hui je vais devoir expliquer qu'est-ce qui est
les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires qui entourent notre
législation, qui entourent l'Assemblée nationale.
Malheureusement, je trouve ça très déplorable
qu'aujourd'hui on passe trois heures ici, après tous les débats qu'il y a eu sur ce sujet, à dire que le rôle du
ministre de conseiller, ou donner ces pouvoirs, ou les refus de rendre
public les avis juridiques… Alors, je trouve
ça déplorable. Qu'on se le dise, M. le Président, avec tous les travaux qu'on a
à faire sur la Commission des institutions, je trouve ça très dommage.
Puis je suis convaincu… J'ai hâte d'entendre, l'opposition, les questions qu'ils auront à poser parce que je
sais que ces gens-là sont très qualifiés puis comprennent sûrement aussi
bien que moi, sinon plus, les trois pouvoirs — législatif, exécutif et
judiciaire — qui
nous entourent.
Alors, je
pense que le ministre aura la chance amplement cet après-midi de nous expliquer
les rôles. Mais, juste pour faire une
entrée de jeu, on comprend bien qu'à chaque fois qu'on a un projet de loi notre
rôle comme législateurs, c'est sûr, on
dépose les projets de loi, on entend les groupes. Alors, si le ministre de la
Justice aurait à toujours porter ses avis puis qu'on demande absolument qu'il sorte ses avis puis qu'il les dépose, on
prétend quasiment qu'on n'aurait pas besoin de faire venir, exemple, le Barreau du Québec lorsqu'on les
entend, on les questionne sur un paquet de questions, un paquet de
sujets différents. On a besoin de leur expertise. On a des juristes, alentour
de la table sur la CI, comme je disais tantôt, très professionnels, puis même
eux ont toujours des questions à ces gens-là qui sont toujours pertinentes. Les
gens nous apportent leur éclairage.
Puis on
demande au ministre de dire, bien, tes avis juridiques, où est-ce que toi, ton
rôle, c'est d'appuyer l'Exécutif, donc
le Conseil des ministres… puis on lui demande de rendre publics ces avis-là.
Alors, je suis très, très surpris, M. le Président, qu'on doive passer trois heures aujourd'hui à expliquer le
rôle avec l'éxécutif et le ministre de la Justice ainsi que tout le reste du monde judiciaire. Lorqu'un projet
de loi x, y est déposé, on a le droit, c'est notre devoir de
compréhension de questionner des gens. On
invite des groupes. Ils viennent ici, on les questionne. Eux nous donnent
souvent leur côté, leur vision des
choses. Souvent, deux groupes juridiques très bien qualifiés dédisent ou se
démentisent sur certains points. Puis
le but, c'est juste de nous éclairer. Alors, M. le Président, j'ai bien, bien
de la misère à comprendre, cet après-midi…
J'ai hâte
aussi d'entendre le ministre. Je ne suis pas inquiet, le ministre aussi a ses
propres compétences, je n'ai aucun
doute sur ses compétences. Puis il va sûrement nous expliquer, lui aussi, son rôle.
Mais j'ai surtout hâte de voir les questions
de nos juristes. Vous m'avez prouvé que vous êtes compétents. Alors, de dire
qu'aujourd'hui je suis surpris de comprendre… ou de ne pas comprendre
comment qu'on n'est pas capables de départir le législatif, l'exécutif et le
judiciaire face à notre rôle de législateurs.
• (15 h 10) •
Alors, moi, à
chaque projet de loi que j'ai travaillé depuis les années que je suis ici, on
s'est toujours fait un plaisir d'inviter
toutes sortes de juristes, comme je disais tantôt, le Barreau, souvent des
groupes spécialisés, souvent des gens qui viennent du monde normal juste
nous donner une opinion morale. Puis c'est notre rôle en tant que législateurs
d'entendre ces gens-là. Mais de dire au ministre : Toi, tes avis juridiques,
tu dois les rendre publics à chaque fois, surtout que c'est lui qui conseille
le Conseil des ministres, c'est comme de dire à un avocat : Viens plaider
ta cause, explique-nous les pour et les contre, puis on va savoir sur quoi
aller sur les contre où est-ce que tu es faible.
Alors, je trouve ça dommage qu'on va passer
trois heures ici. Mais j'espère qu'après les débats qu'on a eus, d'interpellation,
les débats en Chambre, un autre trois heures ici cet après-midi… Puis je suis
convaincu, je suis déjà convaincu, c'est une game, c'est politique, on joue
dans une enceinte politique ici, puis je suis convaincu que les législateurs, l'autre côté, qui sont juristes
comprennent déjà, on a peut-être affaire ici à une game purement politique
qui se passe entre les leaders. Puis on se doit d'être ici cet après-midi. Mais
je suis très surpris et très curieux d'entendre le questionnement qu'il va y
avoir, parce qu'à ce que je vois il y a beaucoup de juristes de l'autre côté de
la table, puis je suis convaincu, M. le
Président, qu'ils comprennent ça sinon mieux que moi, tous les avis juridiques,
puis surtout que le ministre, son
pouvoir qu'il a face à l'Exécutif et le Conseil des ministres… Puis il ne
faudra jamais tasser le monde judiciaire. On va toujours avoir la porte grande
ouverte pour aller chercher des conseils, des avis, des contre-avis.
Puis le but de ça, c'est de nous éclairer, nous, comme législateurs, avant de
prendre position, avant de finaliser un projet de loi. Alors, je tiendrai mes
remarques préliminaires sur ce, M. le Président, et j'ai bien hâte d'entendre…
Le Président (M. Ferland) :
M. le député, elles sont même terminées, vos remarques préliminaires, oui.
M. Leclair : Ah oui? Ça va
bien comme ça. Alors, je vous souhaite tous un bon et bel après-midi.
Le
Président (M. Ferland) : Nous allons passer un magnifique trois
heures, j'en suis convaincu. Alors, je cède maintenant la parole au
porte-parole du groupe de l'opposition officielle, le député de LaFontaine, je
crois, pour un temps de 5 min 25 s.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je pense qu'il est important… Vous avez
vu, je n'ai pas fait de rappel au règlement lorsque le député de
Beauharnois a dit, et je le cite : Il s'agit sûrement d'une game
politique. Fin de la citation. Je n'irai pas
sur le débat «est-ce qu'il s'agit d'imputer des motifs ou quoi que ce soit?»,
M. le Président. Nous, aujourd'hui,
on a des questions sérieuses qui méritent des réponses évidemment du ministre
de la Justice ici. Et je laisserai
les gens à la maison juger s'il s'agit d'une game politique quand le
gouvernement dépose des orientations qui, à leur face même, viennent réduire, viennent violer les droits et libertés
de toutes les Québécoises et de tous les Québécois.
Il est
important, M. le Président… Et j'aurai l'occasion, dans une minute, de rappeler
notre mandat aujourd'hui qui est
l'ordre de l'Assemblée nationale, mais, d'abord et avant tout, remettons le
tout dans le contexte. En septembre 2013, le gouvernement du Parti
québécois a déposé un document d'orientation intitulé Parce que nos valeurs,
on y croit. Là-dedans, il était proposé notamment, M. le Président, qu'il y
aurait des modifications à la charte québécoise des droits et libertés et qu'il y aurait une interdiction du port de signes
religieux ostentatoires par le personnel de l'État. Sur cet aspect, il y
a eu, M. le Président, des commentaires qui ont été émis par l'organe officiel
qui, en vertu de l'article 57 de la charte québécoise des droits et libertés…
Et là, à
titre d'experte, la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse a remis une opinion, M. le Président, une opinion qui ne vient
pas dire qu'elle a des craintes, une opinion qui vient clairement dire, et je
la cite : «Ainsi, l'interdiction des
signes religieux "ostentatoires" proposée porterait directement
atteinte à l'exercice de la liberté
de religion, mais également à la liberté d'expression ainsi qu'au droit à
l'égalité en emploi. En fait, elle découle non seulement d'une mauvaise
conception de la liberté de religion telle qu'elle est protégée par la Charte
des droits et libertés de la personne et par le droit international des droits
de la personne, mais elle traduit également de manière erronée l'obligation de
neutralité qui s'impose à l'État.» Fin de la citation, M. le Président.
Ce sont les commentaires de la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui, à la lecture du document d'orientation déposé en
septembre 2013, ne soulevait pas des craintes mais soulevait qu'il y
avait là une violation directe aux droits et
libertés de religion, de conscience de tous les Québécois et de toutes les
Québécoises.
Ici, quel est
notre mandat, M. le Président? Ici, que le ministre puisse mettre de côté son
argumentaire sur les avis juridiques. Parce qu'aujourd'hui le mandat,
quel est-il? Je le lis : «Que la Commission des institutions entende le
ministre de la Justice […] concernant les commentaires de la Commission des
droits de la personne [...] — déposés le 17 octobre dernier, M. le
Président —
rendus publics le 17 octobre […] sur les orientations gouvernementales…»
orientations gouvernementales qui veulent
interdire le port de signes religieux pour tous les employés publics,
parapublics. Et là on apprend dans le projet de loi n° 60 que ce seraient
les sous-contractants et également les subventionnés qui seraient
éventuellement touchés à ça, alors un premier groupe de 600 000
Québécoises et Québécois. Il y aurait un potentiel également de plusieurs
autres centaines de milliers de Québécoises et Québécois.
Donc, le
mandat aujourd'hui, M. le Président, c'est d'entendre la voix du ministre, que
l'on veut entendre — et c'est son rôle — que
l'on veut entendre sur les attaques que représente ce document d'orientation,
qui s'est traduit et qui a été confirmé par la suite lors du dépôt, le 7
novembre dernier, du projet de loi n° 60… qui vient effectivement mettre de l'avant un projet de loi. Donc, le
premier volet du mandat, M. le Président, c'est d'entendre la voix du
ministre quant à cette opinion de notre commission qui est experte en matière
de droits et libertés, Commission des droits de la personne, un rapport de 27
pages. Je lui poserai une question tout à l'heure, M. le Président. Ma première
question sera — il pourra se préparer une réponse :
Est-ce qu'il l'a lu, le rapport de 27 pages? Je prends pour acquis qu'il va
me répondre oui. Je lui donne déjà une question. Alors, une fois qu'il m'aura
dit qu'il l'a lu, par oui ou par non, on aura des questions concernant cela.
Deuxième volet, M. le Président. On voudrait
entendre la voix du ministre de la Justice sur le caractère inconstitutionnel du projet gouvernemental qui est
le projet de charte, le projet de loi n° 60. Inconstitutionnel, pour
les gens qui nous écoutent à la maison,
serait, par exemple, le cas d'un projet de loi qui découle du document
d'orientation et qui viendrait attaquer directement votre liberté de
religion, votre liberté de conscience, liberté d'arborer une croix, liberté d'avoir une kippa, selon votre religion, et
liberté, donc, d'arborer un signe religieux. Le gouvernement — et c'est toujours la distinction que
nous avons faite, M. le Président, dans l'importance d'avoir un État qui est
neutre et qui est un État de fait au
Québec — doit
faire la distinction entre la neutralité des institutions et la neutralité qui
n'existe pas des individus. Un individu n'a pas à être athée, selon une
vision du gouvernement. Et il y a un débalancement, et c'est ce que vient nous dire, comme un rappel à l'ordre, la
Commission des droits de la personne. Et nous aurons des questions, pas sur
des avis privilégiés ou confidentiels…
Le Président (M.
Ferland) : Et, sur ce, malheureusement, M. le député de
LaFontaine…
M. Tanguay : …nous aurons des
questions là-dessus.
Le
Président (M. Ferland) : Oui, vous aurez l'occasion à la
période d'échange. Maintenant, je me dirige vers la porte-parole du
deuxième groupe de l'opposition officielle, la députée de Montarville, pour un
temps de 1 min 20 s.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy
(Montarville) : C'est court. Merci beaucoup, M. le
Président. Bonjour à tous. D'abord, d'entrée de jeu, j'aimerais signaler
à notre collègue le député de Beauharnois que le mandat ici n'est pas, pour
nous, d'entendre le ministre sur des avis juridiques ou le dépôt ou non d'avis
juridiques, mais bien de commenter, pour les gens qui nous écoutent à la maison,
ce fameux document, ces commentaires qui ont été rédigés par la Commission des
droits de la personne du Québec. Alors, c'est là-dessus que porte l'audition
d'aujourd'hui.
Et je pense
qu'au moment où on se parle, M. le Président, il serait intéressant et même, je
dirais, intelligent de s'élever au-dessus des débats partisans parce que
c'est une question très importante pour la société québécoise que cette charte des droits… pardon, que cette charte
de la laïcité — on va
l'appeler comme ça pour simplifier les choses. Il faudrait s'élever
au-dessus du débat partisan parce que c'est une question qui touche le
bien-être, le bien commun de toute la société.
Et je pense
que nous aurions tous avantage à écouter ce que le ministre aura à nous dire
parce qu'on pourrait tous tirer
profit, tous autant que nous sommes ici, députés et ministres, de ses propos,
effectivement, pour être mieux éclairés. Parce que, jusqu'à présent, il n'y a pas eu beaucoup de débats sur cette
charte. D'ailleurs, le ministre responsable n'en a pas beaucoup parlé,
outre ses conférences de presse. Mais on n'a pas débattu ensemble en tant que
députés et élus pour le moment. Alors, je
pense qu'on pourrait tous tirer profit des enseignements ou des réponses qui
pourraient nous être donnés aujourd'hui.
Le Président (M. Ferland) :
J'ai même laissé déborder votre temps d'un gros cinq secondes, mais…
Mme Roy
(Montarville) :
Ah, mon Dieu! Vous êtes généreux.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup, Mme la députée
de Montarville. Maintenant, je reconnais le député indépendant, le
député de Blainville, pour la même période de temps, 1 min 20 s.
M. le député.
M. Daniel Ratthé
M. Ratthé : Merci beaucoup,
M. le Président. Eh bien, bonjour à tous les membres de la commission, M. le
ministre, M. le directeur du cabinet. Écoutez, je trouve que c'est drôlement
intéressant d'être ici, mais j'élaborerais peut-être
un peu plus tard. J'ai même trouvé intéressant parce qu'on a un commentaire, je
dis bien, hein, à mon sens… à moins
que je me trompe… peut-être que les éminents collègues avocats pourront… Mais
ce que j'entends... c'est qu'on a un commentaire de la commission des
droits de la personne et de la jeunesse, comme on en a plusieurs dans plusieurs
commissions parlementaires, comme plusieurs personnes viennent nous déposer des
mémoires, et je trouve quand même assez particulier qu'on ait convoqué un
ministre en commission parlementaire pour nous donner son opinion sur des
commentaires.
Mais la chose sera sûrement intéressante, M. le Président. Et tout ce que je souhaite, c'est qu'on n'en prenne pas une
habitude parce que, s'il fallait convoquer un ministre à toutes les fois qu'on
a des commentaires, on passerait nos journées
en commission parlementaire. Mais, comme le sujet est important, je pense que
ça va être intéressant d'entendre le ministre sur la position — moi,
je vais appeler ça «la position» — de la commission de la jeunesse et je
réserve des questions pour un peu plus tard, M. le Président.
• (15 h 20) •
Le Président (M. Ferland) :
Alors, merci, M. le député. Alors, nous allons maintenant débuter l'audition du
ministre. Peut-être avant, juste parce que
vous l'avez soulevé presque un à tour de rôle il est évident que le mandat
qui nous est confié, et le respect des discussions, et le ton des discussions,
je serai assez intolérant à ce niveau-là, c'est-à-dire que je vais m'assurer que ça, ça soit respecté, dans ce sens-là, parce
que c'est quand même une audition particulière. Et, ce que j'ai constaté depuis le début, ça se fait
dans l'ordre, et je suis convaincu que cela va se poursuivre de cette
façon.
Alors, je
vous souhaite la bienvenue, M. le ministre. Je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes maximum pour faire
votre exposé. Par la suite, nous procéderons à une période d'échange d'une
durée maximale de 120 minutes. Alors, M. le ministre, la parole est à
vous.
Exposé du ministre de la
Justice, M. Bertrand St-Arnaud
M. St-Arnaud : Merci, M. le
Président. Alors, je vous salue, M. le Président, je salue les membres de la
commission. Je suis effectivement accompagné de mon directeur de cabinet, Me
Daniel Payette. Alors, je salue les membres
de la commission, M. le Président, qui, cet après-midi, vont me donner
l'occasion une nouvelle fois de
faire preuve de pédagogie et d'exposer à tous et aux gens qui nous écoutent, M.
le Président, en quoi consiste le rôle du ministre de la Justice, qui occupe aussi la fonction… — et c'est au coeur de nos débats
aujourd'hui — qui
occupe aussi les fonctions de jurisconsulte du gouvernement,
c'est-à-dire, en quelques mots, de conseiller juridique du Conseil des ministres, du gouvernement et même du
lieutenant-gouverneur, quoique, dans ce cas-là, c'est un peu passé en
désuétude, M. le Président.
Je suis
heureux d'être ici. J'aurais, moi aussi, peut-être préféré que nous passions
cet après-midi sur un des projets de loi qui nous occupent ces temps-ci
à la Commission des institutions, notamment le n° 28 sur le nouveau Code de procédure civile, qui nous fait travailler
beaucoup ces temps-ci. Cela dit, M. le Président, j'ai trop de respect pour cette institution
pour ne pas respecter les demandes qui sont faites par la Chambre. Et il y a
une motion qui a été adoptée, et, conformément à nos règles, il me fait plaisir
d'être parmi vous cet après-midi, même si on aurait peut-être pu faire autre
chose cet après-midi.
Cela dit, M. le Président, il est important effectivement
de bien comprendre le rôle qui est défini, dans notre système démocratique au Québec — et
c'est le cas également au Canada — au
ministre de la Justice. Parmi ces rôles, tant les usages constitutionnels que la loi précisent
que le ministre de la Justice est le jurisconsulte, donc le conseiller
juridique du gouvernement. D'ailleurs,
M. le Président, c'est la Loi sur le ministère de la Justice qui le dit à son article 3, qui se lit
comme suit : «Le ministre de la Justice est le jurisconsulte du lieutenant-gouverneur
et le membre jurisconsulte du Conseil
exécutif du Québec», ce qui est le Conseil
des ministres, le gouvernement. Alors, c'est important de se rappeler ça, M. le Président, parce
que, dans notre système,
vous le savez — et le député de Beauharnois y a fait
référence — il y a
trois pouvoirs : il y a le pouvoir exécutif, ça, c'est le gouvernement; il
y a le pouvoir législatif, ça, c'est l'Assemblée
nationale; et il y a le pouvoir judiciaire, ce sont les tribunaux.
Alors, les tribunaux, on n'en parlera pas
aujourd'hui, M. le Président, tout le monde comprend que le pouvoir judiciaire, c'est les tribunaux, qui voient à
rendre jugement eu égard aux lois qui sont adoptées dans ce pays. Alors, on va parler plus, M. le Président, aujourd'hui du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif parce que
la préparation d'une loi… Et notamment on fait référence, dans la motion
qui a été adoptée en Chambre, à un débat qui tourne autour d'un projet de loi
qui a été déposé par mon collègue ministre des Institutions démocratiques. Un projet
de loi, il chemine, M. le Président, dans sa préparation, d'abord au pouvoir
exécutif avant d'aboutir dans le pouvoir législatif.
Je rappelle,
pour les gens qui nous écoutent, que le pouvoir exécutif, c'est le Conseil des ministres. Alors, c'est là que commence le travail
préparatoire qui éventuellement, M. le Président, amène le Conseil des
ministres à autoriser le dépôt d'un projet de loi devant l'Assemblée nationale, donc devant le pouvoir législatif, c'est-à-dire les 125 députés. Alors, on part de l'idée initiale de déposer un
projet de loi — ça,
c'est à l'Exécutif — et
ensuite on aboutit éventuellement avec
le dépôt, la présentation d'un projet de loi ici, à l'Assemblée nationale, où
le projet de loi devient un point de départ pour une discussion qui
implique les 125 députés qui auront à se poser des questions avant de savoir
s'ils adoptent ou pas à la majorité ledit projet de loi.
M. le
Président, donc, comme je le disais, le processus législatif au sens large
comprend deux étapes. Et on me donnait
ici une référence dans le document La procédure parlementaire du Québec,
le livre que tout le monde connaît, qui a été rédigé par l'ancien
secrétaire général François Côté, et d'autres, où je cite, à la page 295 :
«Ainsi, avant d'être présenté à l'Assemblée,
un projet de loi doit cheminer au sein de l'administration gouvernementale;
cela constitue en fait la phase gouvernementale du processus
législatif.» Et, comme l'a déjà indiqué la Cour suprême dans l'arrêt Renvoi
relatif au Régime d'assistance publique du Canada [1991] 2 RCS 525, page 559,
la préparation et la rédaction d'un projet de loi, la première partie fait
partie du grand processus législatif. Cette étape, la première partie, qui se
déroule au sein du gouvernement, du Conseil des ministres, elle ne revêt pas un
caractère public et elle est protégée par le secret ministériel.
Le ministre de la Justice évidemment est membre
du Conseil des ministres, du pouvoir exécutif, et, à titre de jurisconsulte du Conseil exécutif, il participe,
bien sûr, aux réunions du Conseil des ministres, du Conseil exécutif,
mais, dans cette première partie, avant
qu'on aboutisse à l'Assemblée nationale, le jurisconsulte donne des avis
juridiques qui peuvent être verbaux, qui peuvent être écrits à l'égard
de tous les sujets qui entourent un projet de loi et, je dirais, ses ramifications.
Alors, le jurisconsulte est donc le conseiller juridique du gouvernement à
cette étape, cette étape qui se déroule, comme l'a dit la Cour suprême, dans un
caractère privé — ce
n'est pas public — et
dans un contexte qui est protégé par le
secret professionnel et le secret des délibérations du Conseil des ministres.
Alors, c'est là que le jurisconsulte joue son rôle. Il conseille le
gouvernement, et éventuellement le gouvernement décide d'autoriser le dépôt
d'un projet de loi à l'Assemblée nationale.
Lorsqu'on arrive à l'Assemblée nationale, le
ministre de la Justice que je suis, le jurisconsulte n'est pas le conseiller juridique de l'Assemblée nationale, il
n'est pas… — et je
pourrai tantôt élaborer en vous donnant référence aux lois, à la doctrine, à la jurisprudence — il n'est plus le conseiller juridique de
l'Assemblée nationale. Là, le projet devient entre les mains, là… le dossier devient entre les mains des 125 députés,
qui peuvent aller requérir des avis juridiques. C'est ce qu'on fera dans le cas du projet de loi
n° 60 au mois de janvier. La Commission des institutions ici pourra
demander à à peu près tous les juristes du
Québec, à des avocats, à des professeurs d'université, à des spécialistes,
vraisemblablement à la Commission des droits
de la personne, au Barreau du Québec de venir éclairer la commission, les 125
députés, pour savoir si le projet de
loi a des failles, notamment au plan des chartes ou au plan constitutionnel,
mais on ne peut pas demander ça…
Donc, la commission, les 125 députés pourront
requérir des opinions juridiques d'à peu près tous les avocats au Québec. Mais, dans le cas du conseiller
juridique de l'Exécutif, du jurisconsulte, c'est bien dommage, mais il est visé
par le secret professionnel des conseils qu'il a donnés à l'Exécutif, il est
aussi visé par le secret des délibérations du Conseil des ministres. Et, en ce sens-là, c'est bien dommage, mais moi,
je ne peux pas conseiller l'Assemblée nationale, je ne suis pas le jurisconsulte des 125 députés, je
ne suis pas le conseiller juridique de l'Assemblée nationale, et, comme
je vous le dis, M. le Président, c'est très
clair dans notre doctrine, dans nos lois, dans notre jurisprudence. Alors,
c'est ça, le problème.
Si
la commission veut être éclairée, et je comprends qu'elle voudra l'être, elle
pourra s'adresser à des professeurs
d'université. Moi, je suis convaincu que le Barreau du Québec… ils me l'ont
dit, M. le Président, ils vont venir, le Barreau du Québec, dans les
consultations générales. La Commission des droits, son président, M. le
Président, Me Jacques Frémont, que je connais bien, avec qui j'ai déjà
travaillé — et
je vais vous révéler un secret, M. le Président — dont j'ai recommandé à la première ministre
la nomination à la présidence de la Commission des droits de la personne parce que c'est un juriste éminent,
ancien doyen de la Faculté de droit, ancien vice-recteur de l'Université
de Montréal, il va certainement venir avec
la commission lors des consultations générales. Et des professeurs
d'université intéressés vont certainement venir. Et la commission pourra être
éclairée sur tous les aspects juridiques du projet de loi n° 60 ou du dossier… appelons-le comme le disait la députée de
Montarville, le dossier de la laïcité. Mais ce n'est pas à moi… et je le dis avec beaucoup de respect, je
ne peux pas commencer à donner des opinions juridiques, des conseils
juridiques, des opinions sur des points de vue qui ont été abordés dans le
rapport de la Commission des droits, je ne respecterais pas ni le secret
professionnel ni le secret des délibérations du Conseil des ministres.
• (15 h 30) •
Alors,
M. le Président, on aura certainement l'occasion de revenir là-dessus au cours
des prochaines heures. Mais je pense
que j'ai bien placé le décor, et qui
m'amène à malheureusement avoir beaucoup de difficultés à aller de l'avant, M. le Président,
sur des sujets qui sont visés par les délibérations du Conseil des ministres, qui se tient, comme chacun le sait,
privément, et lié aussi par les avis que j'ai pu potentiellement donner au Conseil
des ministres ou au gouvernement au cours des derniers mois.
Alors,
c'est essentiellement ça, M.
le Président. Et ce n'est pas un
manque de transparence, ce n'est pas un caprice. J'aurais des
fois le goût, M. le Président, de donner… Encore ce matin, les journalistes me
sont revenus avec un sujet puis j'avais
quasiment le goût de leur donner mon opinion. Mais malheureusement je suis le ministre de la
Justice, dans certains cas il faut que je fasse attention à ce que je
dis et, dans d'autres cas, je suis le jurisconsulte, et là, bien, je suis le
conseiller juridique de l'Exécutif et non du législatif, je suis le conseiller
juridique du gouvernement et non de l'Assemblée nationale.
Mais je comprends que
les membres de l'Assemblée nationale souhaitent éventuellement être éclairés
sur ces questions, disons, de laïcité ou sur le projet de loi n° 60. Et
ça, ils auront amplement l'occasion de poser toutes les questions à tous les
témoins à caractère juridique qui, certainement en grand nombre, viendront se
présenter devant la commission en janvier et potentiellement également en
février prochain.
Discussion générale
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre, vos 10 minutes… le temps alloué est
épuisé. Alors, merci, M. le ministre. Nous
entamons maintenant la période d'échange. Je vous indique les temps que
disposeront, comme mentionné tout à l'heure par le député de LaFontaine,
les groupes parlementaires pour leur échange : le gouvernement, environ un temps de 54 minutes; l'opposition officielle,
environ 43 minutes; le deuxième groupe d'opposition, environ 11 minutes;
et M. le député de Blainville, environ 11 minutes.
Pour
faciliter nos échanges, je comprends qu'il y a entente pour fonctionner par
blocs d'échange en alternance. Il y aura
respectivement trois blocs pour le groupe parlementaire formant le gouvernement
et l'opposition officielle, et un bloc
chacun pour le deuxième groupe d'opposition et le député de Blainville. Est-ce
que vous me confirmez cette entente?
Des voix :
Oui.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, il y a confirmation. Nous
allons donc débuter avec un premier bloc d'échange avec le groupe
parlementaire formant le gouvernement. Je reconnais la députée de Mirabel. Vous
disposez, pour ce bloc-là, d'un temps de 20 minutes, Mme la députée.
Mme
Beaudoin : Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais
saluer le ministre et jurisconsulte, ainsi que son directeur de cabinet,
ainsi que tous mes collègues ici présents. Je suis très surprise, cet
après-midi, d'être ici, dans le sens que je
vais dans… je pense comme mon collègue de Beauharnois, ce n'est pas la façon de
procéder, dans le sens que nous, on
est ici parce qu'on veut faire avancer les dossiers. Je suis membre de la
Commission des institutions, on manque de temps, on cherche toujours des
journées où on pourrait compléter… surtout avec le projet de loi n° 28 où
on a simplement… on est rendus à 520… à peu
près 500 articles, et on voudrait compléter. Et là, aujourd'hui, on nous
convoque pour entendre le ministre de la Justice. Je trouve ça déplorable,
vraiment déplorable.
On
a déjà eu une interpellation. C'était un vendredi. L'interpellation avait été
demandée par le député de Fabre. C'était
un vendredi où on aurait pu à ce moment-là être dans nos circonscriptions
respectives, et là on nous a convoqués ici, à l'Assemblée nationale. Et, encore une fois, aujourd'hui, on nous
convoque un après-midi, pendant trois heures, pour entendre le ministre de la Justice, qui a déjà été
entendu, qui a déjà répondu à toutes les questions, et c'était très, très
clair.
Pour avoir pratiqué
moi-même pendant plus de 20 ans, je sais très bien qu'est-ce que ça veut dire,
le secret professionnel. Tantôt, le ministre
a expliqué qu'est-ce qu'il en était. Mais le secret professionnel, là, M. le
Président, c'est un droit
fondamental. En quoi ça consiste? C'est pour protéger la confidentialité des
rapports entre un professionnel et son client,
à l'égard d'autrui, et assurer la non-divulgation en justice des informations
confidentielles confiées par un client à un professionnel. Je sais très
bien, pour avoir pratiqué tant d'années, que c'est sacré. Puis mes collègues
d'en face, qui sont juristes aussi, connaissent très bien cette règle-là.
Cette protection est d'ailleurs garantie par
l'article 9 de la charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ce
droit au secret professionnel est reconnu par plusieurs lois : Code des
professions, Loi sur le Barreau, Code civil du Québec ainsi que la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, qui
consacrent ce droit au secret professionnel.
Je me suis
posé la question lors de
l'interpellation, et elle était la suivante : Pourquoi le député de Fabre voulait changer la règle de droit? Et
là c'est le député de LaFontaine qui veut changer la règle de droit. Et ils ont
déjà eu des réponses. On l'a eue à l'interpellation, la réponse. Le ministre de
la Justice a été clair, il a même nommé tous les ministres de la Justice
auparavant...
M. St-Arnaud : Je peux le
refaire aussi.
Une voix : On est sûrs.
Mme
Beaudoin : …qui se conformaient à cette règle de droit. Et
là, aujourd'hui, on veut changer la règle de droit. Je me suis posé la question aussi : Si
ces juristes étaient ministres de la
Justice et jurisconsultes, qu'est-ce
qu'ils diraient? Est-ce qu'ils
voudraient aussi changer la règle de droit? Pour moi, la réponse est claire,
c'est non. C'est impossible, à moins qu'ils veuillent faire
jurisprudence, alors là, ça, c'est autre chose.
Je trouve ça
déplorable, je suis d'accord avec mon collègue de Beauharnois, je n'irai pas jusqu'à dire que c'est une perte de temps, mais on a déjà répondu lors de
l'interpellation. On est en session intensive, on est ici pour une
période de trois heures, on va répéter la même chose. Et le député de Blainville
disait tantôt qu'il était surpris, lui aussi, parce qu'on commente un rapport.
On est ici pour entendre un ministre qui va commenter. Est-ce qu'on va
convoquer des ministres régulièrement pour commenter? Bien, ça, ça veut dire qu'il
n'y aura plus un projet de loi qui va avancer.
D'ailleurs,
là, on a perdu trois heures, là. Puis mes deux collègues, les collègues qui
sont en face, ils n'arrêtent pas de
dire qu'on a besoin de plus de temps, on a besoin d'entendre le Barreau, on a
besoin d'entendre les gens. Vous allez avoir l'occasion, là, on a déjà
des dates au mois de janvier, d'ailleurs c'est le 14 janvier, on va entendre le
Barreau, on va entendre des juristes, vous allez pouvoir entendre tous ces
gens-là. Aujourd'hui, on veut entendre le ministre de la Justice. Alors, je
trouve ça déplorable...
Je vais quand
même poser des questions au ministre, dans le sens qu'il a déjà répondu, il va
répéter. Il a expliqué son rôle.
C'est sûr qu'en tant que jurisconsulte il est conseiller du gouvernement. Tout
le monde le sait, mes collègues membres du Barreau, ils sont au courant,
ils sont au courant que c'est complètement ridicule de vouloir changer une
règle de droit.
Alors,
concernant le secret professionnel, j'ai eu l'occasion, lors de ma pratique,
là, de vraiment avoir beaucoup de respect pour cette protection-là, et
ça n'a pas changé, là, depuis très, très longtemps, et ça ne changera pas. Le
secret professionnel, c'est sacré, c'est un droit fondamental. Alors, je vais
poser la question à M. le ministre, là, qui est jurisconsulte : Est-ce que
vous êtes tenu au secret professionnel, tel que les autres professionnels, M.
le ministre?
Le Président (M. Ferland) :
Alors, M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Tout à fait. Tout à fait, M. le Président. La
députée a raison. Le jurisconsulte du gouvernement est lié au secret
professionnel dans sa relation avec le Conseil exécutif, de la même façon que
dans un rapport classique avocat-client, M. le Président. Et, je le disais
tantôt, le jurisconsulte du gouvernement, il est impliqué dès la première phase
du processus législatif.
Quand on
parle du processus législatif, là, je vais reprendre le terme que François Côté
donne dans son ouvrage, avec d'autres, là, il est l'un des auteurs sur
la procédure parlementaire. D'ailleurs, je pense que je l'ai ici, M. le Président. Voilà, je l'ai ici, vous l'avez tous.
Et je vais prendre le terme «processus législatif» au sens large, c'est-à-dire
processus législatif qui commence de l'idée
initiale qui a lieu, donc, au niveau du gouvernement, du Conseil
exécutif, jusqu'à la toute fin, l'adoption finale, ici, dans la deuxième
partie, à l'Assemblée nationale.
Mais, à la
première étape, M. le Président, de l'idée initiale, quand on commence à
réfléchir à l'idée d'avoir un projet de loi sur une question donnée, le
ministre de la Justice, dès ce moment-là, et la députée de Mirabel a raison, il
agit comme l'avocat du gouvernement. Il agit
comme l'avocat du gouvernement, et, à ce titre, les communications qu'il
entretient avec son client, qui est le gouvernement, et les opinions qu'il lui
donne sur toutes sortes de questions... Et notamment, tantôt, le député de
LaFontaine, pour qui j'ai le plus grand respect, faisait référence à la
liberté... à l'atteinte à certaines libertés
fondamentales. Les communications que le jurisconsulte donne au gouvernement,
donc, avec son client, et les
opinions qu'il lui donne, elles sont effectivement, la députée a raison, protégées
par le secret professionnel, au même titre que toute autre consultation
juridique. Et, la députée y référait, notamment c'est justement la charte
québécoise des droits et des libertés de la personne qui prévoit, à son article
9... qui fait de cette importante question du secret professionnel un élément important
au sein même de la charte, à l'article 9.
• (15 h 40) •
Alors, M. le Président, la députée a raison, c'est le rôle du jurisconsulte que de donner ses
conseils juridiques au gouvernement, à l'Exécutif. Ses conseils juridiques sont visés
effectivement par le secret professionnel. Et, au
surplus, comme plusieurs
de ses conseils juridiques sont donnés dans le cadre des délibérations du Conseil des ministres, ils sont visés par un autre élément de
notre droit qui est bien connu, qui s'applique dans tous les pays, et c'est le
secret des délibérations du Conseil des ministres.
Et d'ailleurs
j'ai eu l'occasion, lors du discours qu'on a fait, il y a
deux semaines, en Chambre, sur toutes ces questions, de rappeler que ce principe-là ne s'applique pas qu'au
Québec, M. le Président, il s'applique au Canada, il s'applique également à Westminster. C'est codifié en Grande-Bretagne,
dans un document qui s'appelle le Ministerial Code,
qui énonce effectivement que les délibérations du Conseil
des ministres se déroulent à huis clos. C'est légalement codifié en Australie,
dans le Cabinet Handbook; c'est codifié en Nouvelle-Zélande, dans le Cabinet
Manual. Alors, il y a un principe
constitutionnel dans tous ces États d'inspiration britannique, et dont le
nôtre, M. le Président, qui veut que les délibérations du Conseil des
ministres se déroulent à huis clos. Et, à l'intérieur de ces délibérations, le
jurisconsulte, qui a un statut particulier…
Et il y a
beaucoup de textes d'ailleurs. Là, on n'aura peut-être pas l'occasion de tout
regarder ça, mais, j'ai regardé ça
ces derniers jours, M. le Président, il y a quelques textes extrêmement
intéressants qui ont été écrits sur la fonction même de jurisconsulte,
et effectivement tout le monde convient que cette fonction-là, elle donne un
statut un peu spécial aux membres qui l'exercent au sein du Conseil des
ministres, qui est un statut un peu particulier à l'intérieur des délibérations du Conseil des ministres, puisqu'il
donne des avis juridiques au conseil, dans le secret des délibérations
du Conseil des ministres, et qu'il a un rapport, comme le dit la députée de
Mirabel, un rapport avocat-client avec le gouvernement,
avec le Conseil des ministres, et donc ne peut pas se retourner par la suite et
venir révéler… venir donner des opinions, ou venir révéler ses opinions,
ou venir aborder des questions qui justement ont fait l'objet de délibérations sur la place publique parce qu'il n'est pas
l'avocat de l'Assemblée nationale, il n'est pas le jurisconsulte de
l'Assemblée nationale. Ça, c'est on ne peut plus clair, M. le Président, que le
ministre de la Justice n'est pas le jurisconsulte de l'Assemblée nationale.
J'avais un
texte — j'en ai
beaucoup, M. le Président, je vais essayer de le retrouver — justement qui nous disait effectivement à quel point... voilà, à quel point,
nulle part… Si la Loi sur le ministère de la Justice nous dit très
clairement que le ministre de la Justice est
le jurisconsulte du gouvernement et du Conseil exécutif, nulle part on
n'indique dans une quelconque loi, et ce serait de toute façon
contradictoire et c'est pour ça que ça n'existe pas, nulle part on n'a dit
qu'il est le jurisconsulte ou le conseiller juridique de l'Assemblée nationale.
Il y a une
loi sur l'Assemblée nationale, et, comme vous le savez, M. le Président, la
seule place… la seule fois où on parle de jurisconsulte, on parle du
jurisconsulte de l'Assemblée nationale, celui qui s'intéresse notamment, M. le Président,
à nos questions éthiques, effectivement. On en parle notamment aux articles
85.1, 85.3, 85.4 de la Loi sur l'Assemblée nationale et on en parle également à
l'article 108 du Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale. Donc, c'est le seul endroit
où on parle du jurisconsulte, et évidemment on ne fait pas référence à
l'individu qui occupe la fonction de ministre de la Justice, à ce moment-là.
Alors, c'est très, très clair que, d'une part, le jurisconsulte, en vertu de la loi, il est le jurisconsulte, le
conseiller juridique de l'Exécutif du gouvernement, il n'est absolument
pas le conseiller juridique de l'Assemblée nationale. Et, comme je l'ai dit
tantôt…
Et je comprends, M. le Président, je comprends
la préoccupation des membres de la commission de vouloir avoir des avis juridiques sur un projet de loi,
c'est tout à fait normal. Parce que qui va décider de l'adoption d'une
loi? Ce sont les 125 députés, et, au
préalable, ce sont les membres ici — si on parle du projet de loi
n° 60 — de la
Commission des institutions. Alors, c'est
tout à fait normal que les membres de cette commission veuillent avoir un
éclairage juridique sur un projet de
loi, et ça, j'en suis. Et j'espère qu'ils en demanderont beaucoup, d'éclairage
juridique sur le projet de loi n° 60, comme sur n'importe quel
autre projet de loi.
Ce matin, on parlait… on était justement à votre commission,
M. le Président, sous votre présidence, on étudiait… on avait commencé
les consultations particulières sur le projet de loi… On a commencé sur le
projet de loi n° 61, qui vise à permettre le remboursement de certaines
sommes payées injustement. Alors, on a commencé les consultations particulières, et le député de Fabre disait :
C'est très important d'entendre le Barreau du Québec pour qu'on ait une
opinion juridique, un avis juridique éclairé
sur le projet de loi n° 61. Il a tout à fait raison. Et, dans bien des projets
de loi, vous le savez, M.
le Président, on aime bien avoir le
Barreau, on aime bien avoir des professeurs d'université pour nous
éclairer. C'est tout à fait normal. Et donc, sur le projet de loi n° 60,
ce sera tout à fait normal qu'en janvier, en février, lors des consultations
générales, on entende, bien sûr, le Barreau du Québec, la Commission des droits
de la personne, qu'on entende, bien sûr,
M. le Président, des professeurs d'université spécialistes en
droit public, spécialistes de nos chartes. Et j'espère que la commission,
donc, pourra avoir un éclairage qui fera en sorte que la commission et éventuellement
les 125 membres pourront voter une loi qui
sera légale, constitutionnelle et conforme à nos chartes, comme on le fait
dans chacune de nos lois, pour chacune de nos lois.
Mais ce n'est pas… On ne peut pas demander à
celui qui a conseillé l'Exécutif, à l'avocat qui a conseillé l'Exécutif — ça
s'adonne que c'est moi, je suis le jurisconsulte, M. le Président, du gouvernement — on
ne peut pas lui demander des conseils
juridiques parce qu'il est le conseiller juridique du gouvernement et le jurisconsulte du gouvernement et il a donné son opinion, il
a donné son avis juridique à l'Exécutif, il l'a donné dans le secret des délibérations
du Conseil des ministres. Et, sur toutes ces questions, est-ce qu'il y a eu… On
peut le présumer, M. le Président. Parce que jamais je ne confirmerai même les
débats que nous avons eus au Conseil des ministres, mais on peut présumer que le jurisconsulte donne ses avis
juridiques sur les différents projets
de loi. Et, quand arrivent des
projets de loi particulièrement importants, je pense qu'on peut présumer qu'un
jurisconsulte normal va aborder ces questions au Conseil des ministres. Mais
tout ça se fait dans une relation avocat-client et tout ça se fait dans le
secret des délibérations du Conseil des ministres.
Et, si,
après, quand le projet de loi est déposé à l'Assemblée nationale, on
souhaite avoir un éclairage juridique, bien il ne faut pas s'adresser à
celui qui a donné des conseils juridiques, qui est visé par le secret
professionnel, il faut s'adresser à… Puis il n'en manque pas, de juristes, M.
le Président. Il y a 24 000 avocats au Québec. Des professeurs
d'université spécialistes des chartes, il y en a pas mal. Puis, en plus de ça,
on a le Barreau du Québec, qu'on connaît bien,
qui nous donne toujours un éclairage important. On a la Commission des droits
de la personne, qui va se faire un plaisir de revenir, M. le Président,
nous donner son avis. Mais on ne peut pas demander au jurisconsulte de
l'Exécutif de devenir tout d'un coup le jurisconsulte de l'Assemblée nationale.
Et, je vous dis, M. le
Président, là, ce n'est pas juste moi, là, c'est comme ça que ça se passe
depuis 48 ans qu'existe le ministère de la
Justice. Je ne vous nommerai pas tous mes prédécesseurs, M. le Président, il y
en a 20, puis il est seulement
3 h 45, je vais garder ça pour plus tard. Mais c'est comme ça qu'on
fonctionne au Québec, M. le Président, depuis toujours, et c'est comme
ça qu'on fonctionne au Canada, et c'est comme ça qu'on fonctionne à l'étranger.
Et c'est fascinant, quand on se met à
s'intéresser à cette question, de lire ça. Et je peux comprendre que, des fois,
ce n'est pas tous les membres de l'Assemblée nationale qui sont bien au
fait de ces notions-là. Des fois, honnêtement, je me dis : Je suis un peu
surpris, M. le Président, que cette question-là vienne de certains
parlementaires de cette commission qui sont d'éminents parlementaires et
d'éminents juristes, hein?
Une
voix : …
M.
St-Arnaud : Non, non, mais on va en convenir, M. le Président.
Alors, des fois, je me dis : Est-ce qu'ils sont sérieux, M. le Président? Est-ce qu'ils ont
vraiment regardé le sujet? Parce que, bon... Mais on est dans une
enceinte… M. le Président, on est dans une enceinte politique.
Le Président (M. Ferland) : …
M. St-Arnaud : Alors, vous savez, ce n'est pas moi qui vais commencer à…
Je peux comprendre qu'on est dans une enceinte politique et que, des
fois, le politicien ou la politicienne prend le dessus sur le juriste, sur
l'avocat ou sur l'avocate. Mais ça fait
partie du décor. Et je peux comprendre que chacun fasse valoir son point de
vue, mais, des fois, c'est quand même
un peu surprenant. Parce que je connais assez le député de Fabre pour savoir à
quel point il est compétent. La députée
de Bourassa-Sauvé, je la connaissais peu, mais je la connais depuis deux mois,
où on siège pratiquement tous les jours sur le Code de procédure civile,
c'est une juriste de grande qualité. Et le député de LaFontaine, M. le
Président, croyez-le ou non, on a même fait
une élection l'un contre l'autre, il y a déjà quelques années, alors ça fait
déjà plusieurs années que je le
connais et que je le respecte, et je sais que c'est un avocat brillant et
compétent. Alors, je suis toujours un peu
surpris de voir les questions qu'on me lance aujourd'hui, parce que,
malheureusement, je pense que tout le monde conviendra, s'il fouille le
moindrement le dossier, que le jurisconsulte ne peut pas se prononcer, lui qui
a conseillé le gouvernement et qui, dans un dossier…
Prenons un
dossier, parce que je ne veux pas rentrer trop dans le dossier du projet de loi
n° 60, mais prenons un dossier
hypothétique. On peut penser que, sur un projet de loi, le jurisconsulte a
donné des avis — et
oublions le projet de loi n° 60,
là — sur la
constitutionnalité, sur la conformité aux chartes. On peut penser que
normalement, dans son travail de jurisconsulte, il fait ça. Il fait ça
dans le cadre de la relation qu'il a avec le gouvernement. Il fait ça dans le
cadre du secret des délibérations du Conseil des ministres. Et, après ça, on ne
peut pas lui demander de venir... tout à coup, devenir le conseiller juridique
de l'Assemblée nationale. Alors, pour reprendre mon souffle, M. le Président, je
pense que… Je ne sais pas si la députée aurait une autre question.
• (15 h 50) •
Le Président (M. Ferland) :
On va vous permettre... Il reste encore deux minutes et…
Mme
Beaudoin : Tout de
suite? O.K. On peut la reprendre…
Le Président (M. Ferland) :
Oui, mais, si vous ne l'avez pas tout de suite…
Mme
Beaudoin : Non.
Bien non, je vais continuer.
Le
Président (M. Ferland) : …on va vous le transférer sur votre autre bloc. Allez-y, Mme la députée de Mirabel.
Mme
Beaudoin : Oui, M.
le Président...
Le Président (M. Ferland) :
Il reste environ deux minutes.
Mme
Beaudoin : ...je pensais tout simplement que, si on
était ici, là, pour continuer l'étude du projet de loi n° 28, projet de loi que mes collègues d'en
face... le député de Fabre et le député de LaFontaine insistent pour qu'on
finisse l'étude, bien, on aurait peut-être
certains articles, là, vraiment qui auraient été étudiés. Et, au
lieu d'être là à étudier le bon projet
de loi, puis tout ça, bien, on est
ici à écouter M. le ministre qui va répéter la même chose. Parce que
c'est clair et net, je pense que tout ce qu'il raconte, tout ce qu'il dit,
bien c'est une règle de droit qui a toujours existé. Alors, ma question est la
suivante, M. le ministre : Comment les autres ministres de la Justice
agissaient concernant cette règle de droit?
M. St-Arnaud : Ah, c'est ma question
préférée, mais il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Ferland) :
...ça va être plate parce que, pour votre…
Mme
Beaudoin : Ce sera
la prochaine fois.
Le Président (M. Ferland) :
…préférée, il vous reste 1 min 15 s à peu près.
M. St-Arnaud : 1 min 15 s?
Le Président (M.
Ferland) : Une minute, oui, une minute à peu près.
Mme
Beaudoin :
Bien, la prochaine fois...
M. St-Arnaud :
Voulez-vous que j'essaie, M. le Président?
Une voix :
Même pas le temps de tous les nommer.
Le Président (M.
Ferland) : Allez. Au moins, commencez.
M. St-Arnaud :
O.K. J'essaie.
Le Président (M.
Ferland) : Je vous laisse… Allez-y.
M.
St-Arnaud : Tous mes
prédécesseurs ont fait la même
chose : Claude Wagner, celui qui
a fondé le ministère, Jean-Jacques Bertrand, Rémi Paul, M. le Président,
ensuite Jérôme Choquette de 1970 à 1975, ensuite Gérard D. Levesque 1975-1976,
Marc-André Bédard 1976-1984, Pierre Marc Johnson jusqu'en 1985, Herbert Marx,
pendant trois ans, suivi de Gil Rémillard, M. le Président, jusqu'en 1994. Ensuite, il y a eu Paul Bégin, il y a
eu Normand Jutras, il y a eu Linda Goupil, il y a eu Serge Ménard. Les
libéraux reviennent, il y a Marc Bellemare, il y a eu Jacques
Dupuis, M. le Président, et ensuite il y a, bien sûr, le député de Saint-Laurent,
la députée de Notre-Dame-de-Grâce et le député de Vaudreuil.
Voilà, M. le
Président, vous avez les 20 ministres qui ont toujours eu la même attitude
depuis 1965 : on ne révèle pas les avis
juridiques que l'on reçoit et ni les conseils juridiques qu'on a pu donner dans
le secret des délibérations du Conseil des ministres, compte tenu du
secret professionnel et de ce dit secret des délibérations du Conseil des
ministres. Voilà, M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci pour cette courte histoire des ministres
qui se sont succédé l'un après l'autre. Alors, maintenant, nous allons
aller du côté de l'opposition officielle. Et, pour un temps de 14 minutes, je
reconnais le député de LaFontaine, je crois.
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M.
Ferland) : Allez.
M.
Tanguay : Bonjour, M. le ministre. L'avis de 27 pages, d'octobre 2013, de la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse, M. le Président, est-ce que le ministre peut nous dire
s'il l'a lu?
M. St-Arnaud :
Deux fois plutôt qu'une, M. le Président.
M.
Tanguay : Bon. M. le Président, le ministre a-t-il eu des discussions avec son collègue en
charge du dossier, le ministre responsable des Institutions
démocratiques, quant à ce document, cet important document?
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Vous
savez, M. le Président, le problème de cet avis, c'est qu'il concerne, M. le Président, des questions à caractère juridique. Et le député, tantôt, dans
son introduction, y a fait référence en disant : Cet avis nous dit très clairement que le projet
de… — en fait, pas le projet de loi parce que
c'est avant le projet de loi — que
le document gouvernemental porte atteinte à la liberté de religion ou à
la liberté d'expression, à nos libertés fondamentales.
Alors, ce document-là,
il porte sur des questions, M. le Président, à caractère juridique, toutes des questions,
là, qui portent… — prenons
un mot, et tantôt la députée de Montarville l'a bien dit, là — qui
portent sur toutes les questions de la laïcité eu égard au respect de la
Constitution, de nos chartes, M. le Président, et de la loi. Et toutes ces questions
font l'objet, M. le Président, de
conversations potentielles que le ministre
de la Justice puis jurisconsulte a pu
avoir avec ses collègues du Conseil des ministres, des discussions qui
sont visées, M. le Président, comme je l'ai dit tantôt, par le secret
professionnel et par le secret des délibérations du Conseil des ministres. Alors,
c'est difficile, M. le Président, bien honnêtement...
Puis,
je vais vous dire, là, au cours des derniers jours, j'ai lu un certain nombre d'articles,
là, sur le droit sur ces questions-là et je
pense que… je pense
bien honnêtement qu'il m'est difficile d'aller plus loin eu égard au contenu de
cet avis parce qu'on rentre dans des questions juridiques sur lesquelles, M. le
Président… questions juridiques liées au dossier
de la laïcité, sur lesquelles potentiellement — mais, comme je disais tantôt,
on peut présumer que ça a été le cas compte tenu de l'importance de ce
dossier — le
jurisconsulte a eu des discussions avec ses collègues.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci, M. le ministre. Avant de céder la
parole, juste vous rappeler un peu les
règles. C'est que je vous invite, là, de part et d'autre, lorsque la question
est quand même assez courte, la réponse… Pour permettre le plus d'échanges possible, juste vous
rappeler cet aspect-là. Et c'est bien parti, continuez de cette façon-là, et je
n'aurai pas à intervenir d'ici 18 heures. Alors, allez-y, M. le...
M.
Tanguay : Parfait.
Oui. Merci beaucoup, M. le
Président. Et puis, pour faciliter...
Parce qu'on a beaucoup de questions, et force est de
constater que le ministre, je pense, ne veut pas... aura peut-être souvent
cette objection-là, pourra peut-être
y référer. Donc, il pourra refuser de répondre, si c'est son désir, en
soulevant son privilège. Je pense qu'il a eu l'occasion de bien étayer
cela. Mais on a d'autres questions. J'aimerais revenir, M. le Président, sur
le...
Le
Président (M. Ferland) : Mais ce n'est pas... Juste vous dire aussi, parce que...
Quand la question est posée, le ministre
donne sa réponse. Ça se peut qu'elle ne soit pas à votre satisfaction, mais c'est une réponse. Alors, moi, je ne peux pas présumer que le ministre
ne répond pas à votre question. À ce
moment-là, vous reviendrez avec
d'autres questions...
M. Tanguay :
Bon.
Le Président (M.
Ferland) : ...jusqu'à ce que vous ayez satisfaction à vos...
M. Tanguay :
Parfait.
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y, M. le député.
M. Tanguay :
M. le Président, le ministre de la Justice peut-il nous confirmer qu'avant le
dépôt d'un projet de loi, face à tout projet qui semble mettre en cause les
droits et libertés — parce
qu'il a parlé du processus un peu plus
tôt — il y a
des vérifications accrues qui sont effectuées dans tout processus? Peut-il nous
le confirmer, oui ou non?
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M.
St-Arnaud : «Accrues» est un terme peut-être excessif. M. le
Président, je pense que ce n'est pas
inintéressant de... Un jour, sûrement que le député de LaFontaine, le député de
Fabre, la députée de Bourassa-Sauvé, le député de Marguerite-Bourgeoys, la députée
de Montarville — je
le souhaite également — le
député de Blainville auront l'occasion d'être membres du Conseil exécutif. Le
plus loin possible, M. le Président, hein...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M.
St-Arnaud : ...pas avant un 10, 12 ans, quand même, là. Mais
ils verront qu'effectivement... Puis je pense que, sans révéler de
grands secrets, le processus premier, avant... Parce que la décision finale, M.
le Président, c'est l'autorisation par le
Conseil des ministres de déposer un projet de loi. Ça, il y a une décision, à
un moment donné, là, du Conseil des ministres : Nous autorisons le
ministre Untel à déposer un projet de loi.
Mais
effectivement c'est assez fascinant de voir tout le processus
préalable qui se fait, notamment au plan juridique. Je ne dirais pas que c'est accru, j'aurais de la difficulté
à parler de... On peut s'entendre... Il faudrait voir que... Mais il y a
un processus qui se fait sur tous les projets de loi qui cheminent, M. le
Président, par le Comité de législation, que je préside, où siègent un certain
nombre de ministres, et donc...
La
question du député, c'était : Est-ce
qu'il y a une réflexion à caractère
juridique préalable au dépôt d'un projet de loi? La réponse est, bien sûr,
oui. Est-ce que ce projet de loi... cette réflexion-là est accrue
dans certains cas? C'est sûr qu'elle est plus importante quand on parle
d'un projet de loi plus costaud que dans un projet de loi... Il y a des projets
de loi, M. le Président, vous le savez, qui sont beaucoup plus simples. Voilà.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Ma
question, M. le Président : Est-ce
que, lorsque des droits et libertés
sont en cause, il y a dans le
processus une attention toute particulière parce qu'il risquerait d'y avoir justement
une atteinte aux droits et libertés? Est-ce qu'il y a à tout le moins une
attention particulière lorsque les droits et libertés sont en cause?
Le Président (M.
Ferland) : Merci. M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Je vous
dirais que ça fait partie du... C'est certain que ça fait partie des... On a
d'extraordinaires juristes au gouvernement du Québec. L'équipe, au Conseil
exécutif, qui travaille... qui me supporte et qui supporte le Comité de législation,
M. le Président, est composée de grands juristes, et je pense qu'ils ont
toujours... Je parle pour eux, alors
je ne peux pas vraiment aller trop loin, mais je pense qu'ils ont toujours la
préoccupation, pour n'importe quel projet de loi, de voir à la conformité, de s'interroger sur la conformité par
rapport à la Constitution, bien sûr, à nos chartes, à notre corpus législatif dans son ensemble. Alors, je
pense qu'ils ont cette préoccupation-là sur l'ensemble des projets de
loi. Évidemment, ça se pose d'une manière
plus importante dans certains cas par rapport à d'autres. Je pense à... Je ne
sais pas, je cherche un exemple, M. le
Président. Mais c'est sûr que, dans certains cas, c'est plus évident que
d'autres. Mais je pense qu'ils ont cette préoccupation-là pour
l'ensemble des projets de loi.
Le Président (M. Ferland) :
Merci, M. le ministre. M. le député.
M. Tanguay :
M. le Président, est-ce que, lorsque les droits et libertés, dans un projet de loi,
sont affectés, est-ce qu'il s'agit là d'un
de ces certains cas où l'attention est particulière parce que l'on ferait face,
le cas échéant, à des contestations judiciaires visant
l'inconstitutionnalité? Est-ce que, oui ou non, c'est un «certain cas»?
Le Président (M. Ferland) :
M. le ministre.
• (16 heures) •
M.
St-Arnaud : Je pense que, quand il y a des points d'interrogation qui se posent, je pense
qu'au Secrétariat à la législation on les fouille. On les fouille et…
Voilà.
M. Tanguay : Dans son commentaire…
Et aujourd'hui l'objectif est de regarder le tout à la lumière du commentaire de la Commission des droits
de la personne. À la page 1, 17 octobre 2013, la Commission des droits de
la personne, et je la cite, disait : «Les présents commentaires sont
produits, d'une part, à la lumière des travaux que la commission mène sur le droit à l'égalité et la liberté de religion
depuis de nombreuses années et, d'autre part, en se fondant sur son
expertise dans le traitement des plaintes en matière de discrimination et des
demandes d'accommodement raisonnable.» Fin
de la citation. Le ministre, M. le Président, convient-il que, dans ce
contexte-ci, l'avis de la Commission des droits de la personne revêt un
intérêt et une importance toute particulière?
Le Président (M. Ferland) :
M. le ministre.
M.
St-Arnaud : M. le Président, je pense que je l'ai dit ou, si je
ne l'ai pas dit, je vais le dire, moi, dans un premier temps, là, j'ai un très grand respect pour la
Commission des droits de la personne et la commission des droits de la
jeunesse. C'est une institution importante
de notre société démocratique. Elle relève de moi administrativement, M. le
Président, et, pour moi, c'est une institution importante.
Et, lorsque la question s'est posée… En fait,
depuis que je suis en fonction, le mandat du président précédent était venu à terme, et il fallait éventuellement
le remplacer. Je peux vous dire, M. le Président, que j'ai accordé
beaucoup d'importance à la nomination du
nouveau président de la Commission des droits de la personne et des droits de
la jeunesse et j'ai cherché qui pourrait être la meilleure personne.
C'est vous dire l'importance que j'accorde à cette question-là.
Et j'ai
pensé, à un moment donné, à Me Jacques Frémont parce qu'en 2004 j'ai eu
l'occasion de travailler un an à Paris,
à l'Organisation internationale de la Francophonie comme conseiller — on n'appelle pas ça les droits de la
personne à Paris, on appelle ça les droits de l'homme — comme
conseiller, M. le Président, à la démocratie et aux droits de l'homme à Paris, et un des experts internationaux
auquel on faisait beaucoup affaire et qui venait de temps en temps à
Paris passer une semaine pour qu'on réfléchisse sur des questions de droits et
libertés, c'était le Pr Jacques Frémont. Alors, j'ai pensé à lui, et c'est le
nom que j'ai recommandé à la première ministre, donc Jacques Frémont non
seulement expert international sur ces questions, mais également ancien doyen
de la Faculté de droit et vice-recteur de l'Université de Montréal.
Alors, je
pense que juste ça est déjà révélateur, M. le Président, de l'importance que
j'accorde à cette commission. Je
pense que c'est une… Et je pense que tous ont convenu… D'ailleurs, la
recommandation qui a été faite par la première ministre à l'Assemblée
nationale de nommer Me Frémont président de la commission a été adoptée à
l'unanimité. Ça prend un vote des deux
tiers, comme vous le savez, M. le Président. Et je pense que seulement cela, la
recommandation qu'a faite la première
ministre, à ma suggestion, à l'Assemblée nationale révèle l'importance et le
respect que j'accorde à la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse.
Le Président (M. Ferland) :
Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
Oui, M. le Président. Alors, on a entendu un peu plus tôt le ministre de la
Justice, effectivement à raison,
souligner, et je le cite, que Me Prémont, Jacques Prémont, le président de la
Commission des droits de la personne est
un éminent juriste. Il l'avait d'ailleurs fait le 24 octobre dernier, lors du
contexte de l'étude du projet de loi n° 28. Et c'est sous la
présidence de Me Prémont que… Frémont, pardon, que le rapport de la commission…
le commentaire a été divulgué, donc suite… C'était sous sa présidence de cet
éminent juriste. M. le Président, est-ce que…
M. St-Arnaud : Mais…
M. Tanguay : ...juste poser
ma question.
M. St-Arnaud : Oui, allez-y.
M. Tanguay :
Le ministre de la Justice est-il en accord avec l'affirmation suivante,
justement, du commentaire de la
Commission des droits, sous la présidence de l'éminent juriste, Me
Frémont — je
cite : «La commission tient à rappeler que […] d'importantes
considérations doivent être prises en compte lorsqu'on envisage de modifier la
Charte des droits et libertés de la personne, et que […] la notion de laïcité
doit être interprétée de façon à garantir la liberté de religion et de le droit
à l'égalité.» Fin de la citation. Est-ce que le ministre de la Justice est
parfaitement en accord avec cette citation?
Le Président (M. Ferland) :
M. le ministre.
M. St-Arnaud :
Oui, M. le Président. Si je reconnais que Me Frémont est un éminent juriste et
un expert, ça ne veut pas dire que je suis nécessairement toujours d'accord
avec lui. Et ça permet de meilleures discussions, M. le Président, quand on est… Des fois, on est d'accord, des fois on n'est
pas d'accord. Je considère que le député de LaFontaine est un éminent juriste, mais je pense qu'on n'est
pas toujours d'accord sur tout, quoique, sur certains sujets, je suis
sûr qu'on est amplement sur la même longueur d'onde.
Ceci étant,
je l'ai dit, M. le Président, la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse, c'est une
institution importante, et moi, je pense qu'un avis… Honnêtement, M. le
Président, je vais vous dire ce que je pense, je pense que la
commission… Si vous me demandez mon avis personnel — mais je le dis avec
beaucoup d'égards pour la commission — disons que personnellement j'aurais peut-être préféré qu'ils attendent le dépôt du projet de loi. Cela dit, ils avaient
parfaitement le droit… Du projet de loi n° 60. Ils avaient
parfaitement le droit, et je respecte ça, ils sont indépendants, ils font...
ils travaillent comme ils veulent.
Moi, j'ai rencontré l'ancien président et Me
Frémont une fois ou deux depuis qu'il est en fonction, l'ancien président à
quelques reprises, là, dans la première année de mon mandat, et ils travaillent
en toute indépendance. Moi, je suis là pour
les aider au plan administratif, mais, pour le reste, là, sur le fond, ils sont
indépendants, je respecte leur façon de faire. Personnellement, j'aurais
préféré qu'ils attendent le projet de loi n° 60, mais ils ont choisi
d'émettre des commentaires sur le document
préloi n° 60. Je respecte ça, ils ont tout à fait le droit de le faire. Et
je pense que les commentaires qu'ils
ont faits, pour répondre plus directement à la question du député, ce sont
des... Bien, je vois que le député veut poser une question, mais ce sont
des commentaires... J'ai dit que la commission, pour moi, était une institution
et je pense que les commentaires de la commission doivent être... C'est un
avis... Je ne sais pas si on peut appeler ça un avis, là, ils appellent ça
commentaire, mais il faut y accorder, M. le Président...
Le Président (M. Ferland) :
Il va rester à peu près 20 secondes, si vous avez... Bien, 20 secondes.
M. St-Arnaud : J'allais
dire...
Le
Président (M. Ferland) : Je ne sais pas si on va avoir le temps
d'avoir une réponse, mais au moins... poser la question.
M. St-Arnaud : J'allais dire
que c'est un avis, M. le Président, important.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, merci, M. le ministre.
M. Tanguay :
M. le Président, en quelques secondes. Le ministre est-il d'accord avec la
commission à l'affirmation suivante : Le port d'un signe religieux
peut être une pratique ou l'extension d'une croyance religieuse honnête et
sincère?
Le Président (M. Ferland) :
Alors, sur ça, M. le député, la réponse va aller au prochain bloc, parce que...
M. Tanguay : Mais peut-il
répondre, M. le Président?
Le Président (M. Ferland) :
Non, on n'a pas le temps. Le 14 minutes étant écoulé...
M. Tanguay : Bien, M. le
Président, vous me voyez extrêmement calme et serein...
Le Président (M. Ferland) :
Ah! O.K. Vous pouvez déborder...
Une voix : …
Le Président (M. Ferland) :
Non, non... Écoutez, écoutez... Attendez un peu.
M. Tanguay : Est-ce qu'on
peut avoir la réponse du ministre?
Le Président (M. Ferland) :
Oui. Bien, le temps qu'il va prendre sera déduit sur votre prochain bloc.
M. Tanguay : Parfait.
Le Président (M. Ferland) :
O.K. Allez-y, M. le ministre.
M. St-Arnaud : Oui, M. le
Président. Je pense que le député sait que je ne répondrai pas à cette
question-là, mais je vais quand même lui répondre en partie. J'ai dit à quel point,
pour moi, la commission est une institution importante
au Québec. Deuxièmement, je l'ai dit à la toute fin, mais... quant à moi, un
avis ou... — tu sais,
on appelle ça un avis ou un commentaire — de la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse, c'est un document important
qui fait partie du décor, de la réflexion d'ensemble. Il y a beaucoup d'avis,
mais, pour moi, c'est un avis important.
Cela
dit, une fois qu'on a dit ça, si vous me demandez : Est-ce qu'à la page
22, quand on parle qu'il y a atteinte à telle chose, ou l'article untel, ou l'article untel, êtes-vous d'accord
ou êtes-vous en désaccord?, je pense que c'est là que je me dois
d'arrêter, M. le Président, compte tenu des raisons que j'ai données
précédemment.
Le Président (M. Ferland) :
Merci, M. le ministre. Alors, maintenant, je cède la parole au deuxième groupe
d'opposition officielle, la députée de Montarville, pour un temps de 10 min 55
s exactement.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à la
lumière des explications que vous avez fournies,
M. le ministre, nous comprenons que la réflexion de l'Exécutif est faite. Elle
a été faite, parce que vous nous avez donné
un cours droit 101, exécutif, législatif et judiciaire. Donc, la réflexion de
l'Exécutif, elle est faite. Nous comprenons aussi que la réflexion du
gouvernement, des ministres et du ministre responsable, elle est faite. Elle
est tellement bien faite, cette réflexion,
que le projet de loi est fait, le fameux projet de loi n° 60, il est fait,
il a même été déposé. Nous l'avons tous, d'ailleurs, entre les mains,
nous l'avons lu, nous l'avons décortiqué.
Maintenant,
on aimerait tous être éclairés, mais on aimerait éclairer aussi tous les
citoyens, les citoyens qui nous écoutent à la maison actuellement, les
journalistes qui nous posent des questions, parce qu'actuellement on a peu d'information qui nous est fournie par le
collègue, votre collègue qui est responsable du dossier. On profite du fait
que vous soyez là, et c'est la raison pour
laquelle on voudrait savoir plusieurs choses, parce qu'il y a beaucoup de
confusion encore dans la tête des gens.
Les gens que
nous rencontrons nous interpellent et croient, par exemple, que ce projet de
loi touchera les gens dans leur vie privée, touchera les gens sur la
rue. On a de la difficulté à faire la différence entre le privé et le public,
quels types d'emplois seraient visés. Donc,
il y a beaucoup de questions. C'est une situation, comme je le disais tout à
l'heure, qui est sensible. On touche à des
cordes très sensibles, et nous voulons vous entendre parce que les citoyens
nous posent des questions
constamment, et j'imagine que vous également, comme ministre, mais aussi comme
député, dans votre belle région, on vous pose des questions.
• (16 h 10) •
Naturellement, les citoyens veulent être
éclairés parce qu'ils veulent que les accommodements religieux au Québec soient encadrés, et nous le voulons, nous
partageons avec vous cette volonté. Les citoyens veulent également que l'égalité hommes-femmes soit édictée, édictée dans
une charte. C'est une priorité pour nous tous, et nous en sommes tous
conscients ici au premier chef, et c'est extrêmement important. Les citoyens
veulent aussi que la laïcité de l'État, cette laïcité soit encore une fois
édictée dans une charte. Il n'y a rien de plus important pour nous.
Donc,
éclairer les citoyens, les citoyens qui veulent savoir, je pense
que c'est d'une extrême importance, c'est d'une importance qui s'élève
au-delà de la partisanerie. Mais, M. le ministre, ce qu'il est important de
dire ici, c'est que ce qu'on vous demande,
ce n'est pas le dévoilement d'avis juridiques, contrairement à ce que votre collègue
de Beauharnois disait. On ne vous demande pas de dévoiler des avis
juridiques ici, ça a déjà été fait devant une autre enceinte à un autre moment. Ce n'est pas non plus votre opinion
de juriste que l'on réclame aujourd'hui. Non plus, on ne vous demande pas
d'enfreindre votre secret professionnel. Là, également, on a déjà fait la
discussion à cet égard-là.
Cependant, on a un document intéressant entre
les mains, ce commentaire de la Commission des droits de la personne. Votre collègue, dont le fameux projet de loi n° 60 relève,
a été très laconique à cet égard. Comme nous avons la chance de vous avoir
assis ici avec nous aujourd'hui, je crois qu'il serait intéressant que nous
puissions discuter du moins de ces quelques
commentaires sur 27 pages, mais également du fait que toute la question
reposera à savoir dans quelle mesure
il y aura… Puisque nous nous entendons, les différents groupes parlementaires,
sur plusieurs choses, nous voulons cette charte, jusqu'à quelle mesure
l'interdiction du port des signes religieux pourra s'étendre? Et là je pense
que c'est la problématique.
Du côté de la première opposition, c'est clair
qu'on est contre l'interdiction des signes de port… contre toute interdiction d'interdire le port de signes
religieux, pardon. Pour ce qui est de notre position, nous croyons, tout
comme le gouvernement, qu'il faille interdire pour certaines catégories
d'emploi le port de signes religieux. Et, à cet égard, le commentaire de la
Commission des droits de la personne est intéressant dans la mesure où ici on
va parler de droits fondamentaux, de droits de la personne qui seront limités.
Mais j'aimerais savoir, j'aimerais que vous
puissiez m'expliquer, en tant que député, en tant que député de Chambly, vous
faites-vous poser des questions par vos commettants? Qu'est-ce que les gens ont
besoin de savoir? Dans quelle mesure
faudrait-il être plus précis à cet égard? C'est vraiment à titre informatif que
je vous pose la question et ce n'est pas une question piège. Vous
connaissez notre position. Vous savez que nous trouvons que votre collègue et
votre parti vont trop loin et qu'il y aura des complications dans
l'applicabilité. Parce qu'il y a de fortes chances que les commentaires de la
Commission des droits de la personne soient justes à certains égards.
Cependant, je vais vous dire tout de suite, M.
le ministre, que nous croyons que la liberté religieuse n'est pas absolue. Là, vous aimez les décisions
jurisprudentielles, alors je vous cite celle du Droit de la famille, 39, (1983)
CS 74, donc : La liberté religieuse n'est
pas absolue et elle est limitée par la liberté des autres citoyens de la
société, ce que nous croyons également. Mais vous, M. le ministre,
lorsqu'on vous interpelle, lorsque des citoyens dans votre comté, qui est
limitrophe au mien d'ailleurs…
M. St-Arnaud : …plus beau
comté après le mien.
Mme
Roy
(Montarville) : Bien, enfin, c'est discutable. Mais,
cela dit, il y a cette nécessité d'être plus précis à l'égard de l'interdiction du port des signes
religieux. J'aimerais que vous élaboriez dans cette voie et nous dire s'il
est possible de modifier la position du Parti québécois,
pour le moment, qui est trop extrême et qui pourrait faire en sorte que la charte ne soit pas applicable alors que
nous voulons qu'elle soit applicable et que nous vous disons qu'il serait
peut-être préférable de limiter aux
personnes en position d'autorité, comme nous le soutenons, comme nous l'avons
fait en déposant notre propre projet
de loi sur la laïcité, c'est-à-dire interdire le port de signes religieux aux personnes
en position d'autorité coercitive, c'est-à-dire les juges, les
procureurs de la couronne, les policiers, les agents de la paix, les
représentants juridiques et également les enseignants du primaire et du
secondaire… C'est très important d'avoir ce message qui sera un message très,
très fort dans la société.
Alors,
j'aimerais vous entendre à cet égard, mais surtout que vous me parliez des
interrogations de vos propres citoyens, parce que nous en avons tous, et
les gens, pour le moment, il faut le dire, sont mêlés parce qu'on n'a pas
d'information. M. Drainville s'est limité à ses conférences de presse. On n'a
pas commencé à travailler, ça ira à la mi-janvier. Alors, y a-t-il possibilité
de modifier le projet de loi pour qu'il soit applicable?
Le Président (M.
Ferland) : Alors, M. le ministre, c'était une longue question.
Vous avez le droit à une longue réponse.
M.
St-Arnaud : Oui, M. le Président. Bien, d'abord, c'est vrai
qu'elle a un beau comté, M. le Président, une belle circonscription,
parce qu'elle a hérité de la nouvelle circonscription de Montarville, qui
comprend Boucherville et Saint-Bruno-de-Montarville.
Et j'ai eu le privilège de représenter les gens de Saint-Bruno-de-Montarville,
qui faisaient partie de l'ancienne
circonscription de Chambly, alors, M. le Président, je sais à quel point c'est
un beau coin de pays. Et je pense que nous sommes plusieurs autour de
cette table à partager cette opinion, M. le Président, que c'est un beau coin
de pays. Je n'irai pas plus loin.
Mais je vais vous
dire, moi, je me suis donné une façon de travailler depuis que j'ai été nommé ministre,
le 19 septembre 2012, qui est la
suivante. Je ne commente pas publiquement les dossiers de mes collègues.
Et il y a eu une décision
de prise par la première ministre le 19 septembre 2012, qui a été de
dire : Le dossier, appelons-le de la laïcité, certains auraient peut-être
voulu que ce soit un dossier qui relève du ministre de la Justice — j'ai
cru voir ça dans certains commentaires, dans certains journaux — mais il
y a eu une décision de prise dès le départ, que le dossier, appelons-le de la laïcité, serait confié au ministre
des Institutions démocratiques. Et donc c'est lui qui est le porte-parole de ce dossier-là, c'est lui
qui s'exprime sur ce dossier-là.
Et
moi, je pense que, dans un gouvernement, M. le
Président… la façon que j'ai, que les
journalistes trouvent très plate parce qu'ils me trouvent très drabe… parce que
presque à chaque matin on me pose une question sur une taxe, sur un élément qui relève d'un autre collègue, et j'ai
toujours la même réponse : Adressez-vous au ministre des Finances;
non, je m'excuse, adressez-vous au ministre
des Affaires municipales; adressez-vous à… Et je pense que c'est la façon de
faire.
Honnêtement, après
14 mois, M. le Président, je pense que, dans un gouvernement, chacun a ses
dossiers et qu'il possède, qu'il maîtrise à
la perfection. Moi, quand on me parle de justice, là, je commence à être pas
mal bon, M. le Président. Mais, quand
on me parle des dossiers des autres, je les laisse aux autres et je pense que
c'est l'attitude responsable qu'on
doit avoir, quand on est membre d'un gouvernement, de laisser la responsabilité
aux autres de s'exprimer publiquement sur leurs dossiers.
Dans
le cas, M. le Président, de la laïcité, du dossier de la laïcité, du dossier du
projet de loi n° 60, bien, c'est un projet de loi qui a été déposé par mon collègue ministre des
Institutions démocratiques. C'est lui qui s'exprime au nom du gouvernement sur le contenu de ce projet de loi.
Et évidemment, M. le Président, comme pour tout projet de loi, il y a
des discussions à l'interne, c'est normal. Mais vous le savez, M. le Président,
aussi qu'il y a un autre de nos principes qui
fait en sorte qu'à partir du moment où le projet de loi est autorisé par le
Conseil des ministres, déposé à l'Assemblée nationale, la solidarité ministérielle s'exprime, et, en ce sens-là,
nous sommes tous d'accord sur le contenu du projet de loi.
Et,
M. le Président, alors c'est pour ça que je dis à la députée : Les
questions sur le fond doivent être adressées à mon collègue ministre des Institutions démocratiques. Je suis un peu
surpris de voir qu'elle dit qu'elle ne l'entend pas beaucoup. Moi, j'ai
eu l'impression de l'entendre beaucoup, M. le Président, depuis deux mois,
trois mois, sur ces questions. Mais il y aura une consultation générale
sous peu, en janvier, le 14 janvier. Il y aura éventuellement, par la
suite, l'étude article par article.
Le
Président (M. Ferland) : …il reste à peine 50 secondes.
Peut-être permettre à la députée, si elle a une courte question, pour le
temps qui… Il ne reste même pas… il reste 40 secondes à peu près.
Mme
Roy
(Montarville) : Bien, alors, brièvement, est-ce que
vous avez des citoyens qui sont inquiets ou qui se posent des questions
parce qu'ils manquent d'information?
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M.
St-Arnaud : M. le Président, je vous dirais que c'est un
dossier, M. le Président, qui est plus important que d'autres, disons,
hein, et c'est sûr que, M. le Président, il n'y a pas beaucoup de gens qui…
Même, M. le Président, même mon beau projet de loi n° 28, qui institue un
nouveau code de procédure civile, imaginez-vous que, dans ma circonscription,
il n'y a pas un seul électeur qui m'en a parlé.
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre, c'est malheureusement tout le temps
qui était…
M. St-Arnaud : Mais c'est sûr
que… Si vous permettez…
Le Président (M. Ferland) :
Non, c'est parce que les deux groupes d'opposition n'ont pas d'autre bloc,
donc je ne peux pas transférer le temps sur… À moins que…
M. St-Arnaud :
On peut le prendre sur notre temps, peut-être, avec…
Le Président (M.
Ferland) : À moins qu'on peut prendre le temps sur…
M. St-Arnaud :
…si les gens de notre côté sont d'accord.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, allez-y, M. le ministre.
• (16 h 20) •
M.
St-Arnaud : Bien, juste en quelques secondes. Là, tu sais, je
blague un peu, mais effectivement, sur le projet de loi n° 28, qui institue un nouveau code de
procédure civile, projet de loi important qui va permettre d'avoir une
justice plus rapide, moins lourde, moins
coûteuse, plus adaptée aux nouveaux mécanismes de résolution des conflits qui
sont la médiation, la conciliation, l'arbitrage, etc., il n'y a pas un électeur
qui m'en a parlé.
C'est
sûr que, sur un projet de loi comme le 60, c'est un débat de société qui s'est
amorcé depuis l'été dernier. C'est un débat, je pense, important. Je
pense que dans plusieurs sociétés il se pose, notamment en Europe, M. le Président, il y a des questions qui se soulèvent
sur cette question de la laïcité. Pas plus tard qu'hier on a vu le
jugement, je pense que c'est la Cour de
cassation, en France, là, sur des questions
qui ressemblent un peu à ce qu'on vit ici, et, quand on regarde… Sans
révéler de grands secrets, notre collègue nous a quand même présenté la situation
dans plusieurs pays dans le monde. Et c'est
un débat important, et, en
ce sens-là, c'est sûr, M. le Président, que c'est un débat de société
et que les gens en parlent plus qu'un débat sur des questions plus mineures. On
est dans un débat de société.
Mais je veux juste
dire à la députée, M. le Président, en une minute que moi, je pense que la commission
va avoir l'occasion, à partir du 14 janvier, d'avoir — pour
reprendre votre mot, là, en termes d'éclairage — beaucoup d'éclairage parce que là on va avoir une consultation
générale, la commission va avoir à décider qui elle entend… et je présume qu'on va entendre des gens qui vont avoir
toutes sortes d'opinions par rapport au projet de loi n° 60,
notamment des juristes qui vont pouvoir
donner leur point de vue sur des questions juridiques. Je pense que,
l'éclairage, on va l'avoir, dans un
premier temps, de la société via les gens qui vont venir témoigner à partir du
14 janvier. Et, par la suite, il y aura aussi… Là, on est rendus à
l'étude article par article, le ministre aura l'occasion de répondre sur
chacun des points et probablement…
Parce
que, là, le projet de loi, là, il n'appartient plus au gouvernement, là, il est
rendu la propriété des 125 députés, qui
vont entendre les experts et qui vont décider ce qu'ils adoptent, là. Le
gouvernement a mis au jeu un projet, mais là c'est aux députés de l'Assemblée nationale, dans un
premier temps, ceux de la Commission des institutions, que de réfléchir
sur ces questions-là, de demander
l'éclairage des gens qui viendront témoigner en consultation générale, puis
éventuellement de faire une idée. Puis
éventuellement, si l'adoption du principe est adoptée, bien là, il y aura
l'étude article par article, puis là il y aura moyen de… Le projet de
loi, là, il n'appartient plus vraiment au gouvernement. Là, maintenant, il
appartient aux 125 députés, qui devront s'entendre sur un texte, là, s'ils
veulent que ce projet de loi là soit… Alors, je pense que l'éclairage, il va
venir…
Moi, j'ai
l'impression, bien honnêtement, j'ai l'impression que mon collègue a pris pas
mal la parole, M. le Président. En tout cas,
moi, je m'en rends compte parce qu'on m'accroche souvent en me prenant pour M.
Drainville. Et je peux vous dire
qu'il y a pas mal de gens qui me parlent de mon projet de loi. Puis là je suis
toujours content, M. le Président. Pas plus
tard que la semaine dernière, là, je pense qu'ils veulent me parler du 61 ou du
28, et là ils me parlent, M. le Président, de la charte. Mais là je suis un peu déçu, je pensais que c'était un de
mes projets de loi. Mais c'est sûr que les gens nous en parlent, c'est
un débat de société, et il y a beaucoup d'opinions diverses, hein, on l'a vu,
depuis… sur le projet de loi.
Mais
je pense que c'est un débat de société qui devait se faire. Et je pense que,
l'éclairage, il y en a eu beaucoup depuis trois mois. Vous savez qu'il y
a eu quand même un document qui a été envoyé à toutes les résidences, si je ne
m'abuse, qui donne les grandes lignes du document d'orientation. Mon collègue,
honnêtement, je trouve que… j'ai l'impression
qu'il travaille sept jours par semaine ou presque, là. On l'a vu sur à peu près
tous les médias, je pense qu'il ne refuse à peu près rien en termes
médiatiques. Des fois, je me demande même comment il fait pour faire sept,
huit, neuf entrevues par jour dans des médias, à la télé ou ailleurs. Alors,
j'ai l'impression qu'il y a eu beaucoup de choses de faites, et ça va se
poursuivre, M. le Président, ça va se poursuivre avec la commission et ça va se
poursuivre éventuellement avec l'étude article par article où le ministre sera
questionné.
Mais
sur le fond, là, pour revenir, je pense que je ne suis pas la bonne personne,
M. le Président, pour répondre à des questions sur le fond du dossier,
ce n'est pas moi, le ministre responsable de ce dossier. Comme je vous dis,
j'ai lu dans certains commentaires de
certains chroniqueurs qui disaient : Ça devrait être le ministre de la
Justice qui s'occupe de ça. Bien, ce
n'est pas ça qui a été la décision. Et la décision, ça a été de dire :
C'est le ministre des Institutions démocratiques qui s'en occupe. Et, en ce sens-là, les questions sur : Est-ce
qu'on devrait aller plus loin, moins loin?, je pense que ça relève davantage de lui et, en ce sens-là, bien, je m'en
tiens à ma position, M. le Président, qui est toujours de dire : Je
laisse mes collègues responsables de leurs dossiers répondre aux questions sur
leurs dossiers, et ce n'est pas à moi à donner des opinions sur les dossiers
des autres, au-delà du fait que je suis membre du gouvernement, M. le
Président, je suis membre du Conseil des
ministres et qu'à partir du moment où un projet de loi est… le Conseil des
ministres a autorisé le dépôt d'un projet de loi, bien, je suis
solidaire de la décision du Conseil des ministres.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci, M. le ministre. Alors, on constate que
de ressembler un peu trop au ministre porteur du projet de loi n° 60, à ce
moment-ci, n'est pas un avantage. Mais vous pouvez être deux à vous partager les neuf entrevues dans une journée. Alors, sur ce,
je vais aller du côté du gouvernement pour un temps… On va recalculer le temps,
là, mais…
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Environ 14 minutes? Environ 14 minutes. Alors, je
cède la parole au député de Sherbrooke.
M.
Cardin : Merci, M. le Président. D'abord, laissez-moi
l'occasion de remercier le ministre de la Justice de sa présence, même si la convocation n'était pas
nécessairement dans les délais, même
si vous êtes passablement occupé, comme nous d'ailleurs. C'est vous qui
nous occupez passablement, je devrais dire et l'avouer… Donc, c'est ça, c'est qu'on est installés ici pour trois heures, trois
longues heures qui auraient pu être profitables dans des dossiers qui
sont qualifiés d'urgents, mais l'opposition en a décidé autrement.
Maintenant,
si on reprend même la convocation comme telle, dès le départ : «Que la
Commission des institutions entende
le ministre de la Justice…» Et vous l'avez très bien dit, je voulais
l'apporter aussi, donc vous m'avez précédé là-dedans, mais je voudrais
le répéter, le porteur du dossier, c'est le ministre des Institutions
démocratiques, c'est le député de Marie-Victorin. Et, à ce moment-là, je me
demande comment l'opposition officielle a pu errer, s'égarer à ce niveau-là.
Donc, ça me fait
penser étrangement à l'interpellation, si je ne me trompe pas — mais
je vais dire comme un avocat — le ou vers le 1er novembre, l'interpellation
qui avait été faite, bien sûr, principalement par le député de Fabre et
qui visait justement à faire en sorte que vous puissiez apporter… et même faire
une entorse à votre secret, le secret professionnel
qui vous lie à vos fonctions. Il voulait en savoir plus sur l'ensemble des
autres avis juridiques concernant effectivement
le projet de loi sur la laïcité. Et, à ce moment-là, je crois qu'on l'a
tellement bien défendu qu'il n'a pas été le porteur de cette motion-ci et… Mais, par contre, le ballon a été repris
par le député de LaFontaine, qui aussi, à travers des commentaires qui
ont été faits par la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse, essaie de vous faire prendre position sur le dossier porté par le
ministre et député de Marie-Victorin.
Donc,
ça m'apparaît… C'est qu'aujourd'hui c'est comme si on rejouait un vieux film.
Disons que le scénario du film
antérieur, de l'interpellation, n'était pas tellement au point, mais
aujourd'hui il semble passablement bien monté, le scénario, et on sait
très bien qu'on veut vous faire dire des choses qui sont en… qui vous lient
encore au secret professionnel. Et c'est dans ce sens-là que je vous
demanderais, justement, si on se fie à l'avis... Donc, le député de LaFontaine
vous a posé plusieurs questions qui, dans la plupart des cas, pourraient faire
référence à des avis que vous avez déjà probablement demandés et qui feraient
en sorte de privilégier l'opposition dans un sens qu'on a… D'ailleurs, il faut
le dire, là, tout est prévu. Les consultations particulières sont le 14
janvier, elles vont débuter…
Des voix :
…
M.
Cardin :
Pardon?
Des voix :
Générales.
M.
Cardin : Générales. Et, à ce moment-là, bien, c'est comme
précéder un peu, vouloir savoir, vouloir faire des choses bien avant pour pouvoir alimenter les
discussions pendant la période de relâche, du travail dans la
circonscription.
Donc, ce que je vous
demanderais, M. le ministre… Puis donner, en fin de compte, donner aujourd'hui
votre opinion sur l'avis de la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse, vous feriez
indirectement… vous commenteriez indirectement le projet du gouvernement,
lorsque vous êtes tenu, effectivement, au secret professionnel, au caractère
confidentiel des délibérations du Conseil des ministres.
Pouvez-vous, un,
l'expliquer encore une fois — parce que vous l'avez effleuré — pour
que les gens puissent vraiment, là, comprendre? Parce que trop souvent
l'opposition fait un petit peu d'information. Donc, la population qui nous
regarde aujourd'hui pourrait mieux comprendre la différence et les nuances.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, M. le ministre, la question est posée. Petite
réponse, peut-être. Allez-y.
M. St-Arnaud :
Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Ferland) : Oh! Vous avez… À peu près combien, M. le…
M. Leclair :
Excusez, M. le ministre, je ne veux pas interrompre à cette étape ici…
M. St-Arnaud :
Vous voulez répondre, M. le député de Beauharnois?
• (16 h 30) •
M. Leclair :
Oui. J'aimerais ça vous aider un peu. Non, c'est juste qu'on a pris une entente
un peu avec les oppositions pour dire que, tant qu'à vous poser des questions
et vendre notre projet de loi, on sait qu'il va y avoir des… Le projet de loi va être rapporté le 14 janvier, donc on va avoir
amplement le temps pour avoir des consultations. Alors, on n'utilisera
pas tout notre temps, puis la commission va demander le consentement de tous
les membres, puis on va laisser les oppositions poser leurs questions...
Le Président (M.
Ferland) : Bon.
M. Leclair : …comme ça, on
pourra finir peut-être un petit peu plus tôt.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, vous avez compris, M. le ministre, qu'on…
M. St-Arnaud : On va finir
plus tôt? On va nous permettre de finir plus tôt, M. le Président?
Le
Président (M. Ferland) : Alors, ça va me prendre le consentement pour que le temps
non utilisé par le parti formant le gouvernement ne soit pas utilisé par
les partis d'opposition. Est-ce que j'ai le consentement?
Des voix : Oui.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, il y a consentement. Alors, maintenant, M. le
ministre, vous n'êtes pas
obligé de répondre à la question, si vous voulez, bien, si vous voulez finir
plus tôt, si vous voulez finir plus tôt.
M. St-Arnaud : Ah! Si j'ai
bien compris, M. le Président, vous savez que… Si j'ai bien compris, il reste peut-être,
là, je ne sais pas, une trentaine de minutes à l'opposition, même pas, une
vingtaine de minutes?
Le Président (M. Ferland) :
Ah! Il reste, oui, 14 minutes…
M. St-Arnaud : 14 minutes.
Alors, on fait le 14 minutes et ensuite…
Le Président (M. Ferland) :
Deux blocs de 14. Après, on s'en va aux remarques finales.
M. St-Arnaud : Alors, il
reste deux blocs de 14 à l'opposition. Et donc on ferait deux blocs de 14,
plus…
Le Président (M. Ferland) :
...plus un 10 pour le député indépendant, mais on…
M. St-Arnaud : Plus un… Ah!
M. le député de Blainville.
Le Président (M. Ferland) :
Voilà.
M. St-Arnaud : On a déjà fait
des choses en commission tous les deux. Je me rappelle, on avait auditionné
quelques…
Le Président (M. Ferland) :
Alors, M. le ministre…
M. St-Arnaud : Ça avait été
spectaculaire, c'est le moins qu'on puisse dire.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, M. le ministre, maintenant nous
allons aller immédiatement au groupe formant l'opposition officielle, le
député de LaFontaine, pour un bloc de 14 minutes.
M. Tanguay :
Oui, M. le Président. Et je vais utiliser les premières minutes du bloc et je
céderai la parole à mon collègue de Fabre. Si on a besoin du
consentement, je suis pas mal sûr que nous l'obtiendrons. M. le Président…
Des voix : …
Le
Président (M. Ferland) : Je demanderais le silence, s'il vous
plaît, parce qu'il y a des voix qui proviennent de je ne sais pas où
mais qui font écho ici à mon micro. Alors, M. le député de LaFontaine, allez-y.
M. Tanguay :
Oui, M. le Président. Que quelques questions rapides, et je compte sur la
collaboration notoire du ministre de
la Justice pour que les réponses soient proportionnelles aux questions posées.
J'aimerais lui poser la question : Le ministre de la Justice
considère-t-il que le port d'un signe religieux peut être une pratique qui
participe d'une croyance religieuse honnête et sincère?
Le Président (M. Ferland) :
M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Honnêtement, M. le Président, je pense que, là, on
rentre dans le fond du dossier, d'une part, et ce n'est pas moi le ministre responsable du dossier.
Si on voulait des questions… si on voulait poser ce genre de questions,
on aurait pu demander, là, de faire adopter
une motion pour auditionner le ministre responsable des Institutions
démocratiques.
D'autre part, une fois cela dit, M. le
Président, évidemment cela fait partie des — je vais le prendre au sens large — aspects juridiques du dossier de la laïcité
sur lequel, j'ai eu l'occasion de le dire, potentiellement le
jurisconsulte que je suis a eu l'occasion de donner des avis professionnels,
des conseils juridiques à l'Exécutif.
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
M. le Président, le ministre de la Justice convient-il que le processus de
recherche d'un accommodement après une demande formulée est partie
intégrante de la protection des droits et libertés de tous les Québécois et
Québécoises?
M.
St-Arnaud : À nouveau, M. le Président, ce sont des questions
extrêmement, intellectuellement, intéressantes et sur lesquelles j'aurais peut-être le goût de débattre. Et un jour
peut-être qu'on aura l'occasion d'en débattre dans un autre forum, quand
nous serons membres de l'Amicale des parlementaires, M. le Président, des
anciens parlementaires. Mais, vous
comprenez, M. le Président, c'est un peu la même réponse. C'est-à-dire que
toutes les questions liées aux aspects juridiques
du dossier de la laïcité au sens large, là, et ça inclut tous les différents
éléments notamment toute la question des accommodements, font partie, M.
le Président, potentiellement… parce que je ne veux même pas confirmer qu'il y
a eu des avis verbaux, écrits, etc., on peut
présumer que, sur un dossier comme ça, il y en a eu… mais potentiellement
des avis que j'aurais pu donner sur ces questions au Conseil des ministres.
M. Tanguay :
M. le Président, avec votre permission. Le ministre a eu l'occasion de
souligner, un peu plus tôt, qu'il avait lu évidemment deux fois plutôt
qu'une ce qui fait l'objet de notre audition aujourd'hui, le commentaire de la Commission des droits de la personne, donc,
qu'il l'a lu deux fois plutôt qu'une. Le ministre a pu voir que la
commission a appliqué le test de raisonnabilité de la charte québécoise,
l'article 9.1, que le ministre connaît très bien. Le ministre convient-il que
le test appliqué par la Commission des droits de la personne pour analyser le
respect de la charte du Parti québécois en vertu de la protection de nos droits
était le bon test à appliquer, oui ou non?
Le Président (M. Ferland) :
M. le ministre.
M. St-Arnaud : M. le
Président, que de débats intéressants nous pourrions faire sur toutes ces
questions! Tout comme le
député de Fabre, M. le Président, pas tellement la charte québécoise, comme la Charte
canadienne, comme l'article 1 de la Charte canadienne, c'est des questions
sur lesquelles, M. le Président, j'ai eu l'occasion de plaider pendant des années devant les tribunaux, et ce sont des choses qui
m'intéressent, que je connais un peu, que je connais…auxquelles je m'intéresse davantage, encore plus, que
j'ai eu l'occasion d'approfondir depuis que je suis ministre de la Justice. Mais ce sont des questions,
les chartes, notamment la Charte canadienne, notamment l'article 1, ce sont des
choses que j'ai plaidées maintes fois, des dizaines de fois devant les
tribunaux. Alors, ce sont des questions qui m'intéressent, M. le Président.
Et éventuellement dans une discussion — je blaguais, mais il y a un peu de vrai là-dedans — un
jour… j'espère que, dans plusieurs années, on pourra échanger sur ces questions
intellectuellement fort intéressantes.
Mais, aujourd'hui, à titre de jurisconsulte du gouvernement, M. le Président, j'ai potentiellement donné des avis au Conseil
des ministres, à mon client, le gouvernement du Québec, le Conseil des
ministres, sur des questions liées à la question de la laïcité, aux aspects juridiques de la laïcité
et, par ce fait même, M. le
Président, aux questions liées à
nos chartes et notamment
aux articles mentionnés par le député. Alors, c'est pour ça qu'à ce moment-ci, M. le Président, je ne peux répondre à la question du
député…
M. Tanguay : M. le Président…
M. St-Arnaud : …avec respect et pas parce que
je ne veux pas, M. le Président, mais, vous l'avez compris depuis le début,
parce que je suis lié par le secret professionnel
à titre de jurisconsulte du gouvernement, je suis lié par le secret des délibérations du Conseil des ministres. Ce
n'est pas un manque de transparence, ce n'est pas un caprice, c'est la règle,
ce sont nos usages constitutionnels, ce sont
nos règles de droit. Et j'aurais même le goût, M.
le Président, peut-être,
de jaser de ces choses et de discuter
de choses… On ferait des débats juridiques fort intéressants. Mais je suis le
conseiller juridique du gouvernement. J'ai potentiellement donné des
conseils juridiques au gouvernement, notamment sur tout le dossier de la laïcité, notamment eu égard aux chartes. Et, en ce sens-là, le député pourra certainement poser ses questions d'abord à toute une
série d'experts qui viendront en consultation générale à partir du mois de
janvier et aussi au ministre, M. le Président, lorsqu'il étudiera le projet de
loi, article par article.
Le Président (M. Ferland) : Merci,
M. le ministre. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : M. le
Président, on parle de l'avis de la Commission des droits de la personne et de
son président, éminent juriste, Me Jacques Frémont. Le ministre
reconnaît-il, par contre et par ailleurs, au ministre responsable des
Institutions démocratiques une expertise quant aux accommodements en matière
religieuse? Est-ce qu'il lui prête une telle expertise, oui ou non?
Le Président (M. Ferland) : M.
le ministre.
M. St-Arnaud : M. le
Président, je ne commencerai pas à commenter les qualifications des uns et des
autres membres du Conseil des ministres. Voilà.
M. Tanguay : M. le Président,
avec votre permission, le reste de mon temps…
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député de
LaFontaine…
M. Tanguay :
…M. le député de Fabre.
Le
Président (M. Ferland) : Ah! M. le député de Fabre. Oui, ça me
surprenait aussi qu'il ne parle pas aujourd'hui. Alors, M. le député de
Fabre, allez-y.
M. St-Arnaud :
Ah, M. le député de Fabre!
M.
Ouimet
(Fabre) : Bon après-midi, M. le Président…
Le Président (M.
Ferland) : C'était même inquiétant.
M.
Ouimet
(Fabre) : Puisque j'ai peu de temps et quelques questions que
j'aimerais aborder et profiter de la présence du ministre, que je salue bien sincèrement...
M. le Président, le ministre a fait référence tantôt qu'il avait le privilège
de travailler avec de grands juristes au sein du ministère de la Justice, qui
l'appuyaient dans ses différents projets. Peut-il, pour le bénéfice de ceux qui
l'écoutent, nommer ces grands juristes qui travaillent avec lui?
M. St-Arnaud :
M. le Président, il y a presque 1 000.
M.
Ouimet (Fabre) : Mais vous pouvez… les plus proches
collaborateurs, les principaux, les plus grands juristes. Essayez avec
quelques-uns, M. le Président.
M.
St-Arnaud : Je commencerais par… M. le Président, j'ai d'abord
une sous-ministre, au ministère de la Justice, exceptionnelle, Me
Nathalie Drouin, qui a à peine… est au milieu de la quarantaine, je ne veux
pas… mais qui a déjà été reconnue comme
avocate émérite du Barreau du Québec, et, comme le député de Fabre, d'ailleurs,
M. le Président, j'avais assisté à son intronisation…
Une voix :
…
M.
St-Arnaud : Oui, ça, c'est du bon calibre, ça, M. le Président.
Alors, ma sous-ministre est avocate émérite, même si elle est très
jeune. Elle a à peine 44, 45 ans et elle est déjà avocate émérite. C'est une
sous-ministre en titre exceptionnelle, d'une compétence remarquable, qui a
exercé d'importantes fonctions, notamment à l'Autorité des marchés financiers et dans d'autres institutions,
et elle dirige une équipe au ministère de la Justice. Et je suis
accompagné, bien sûr, de mon directeur de cabinet, Me Daniel Payette, qui est
un avocat, également, d'expérience et qui dirige mon cabinet.
Et, au ministère de
la Justice, il y a, M. le Président, des centaines de juristes éminents. Moi,
je suis très impressionné par la qualité des
juristes avec lesquels je travaille — ils sont nombreux — sur toutes sortes de dossiers. D'ailleurs, je le dis, M. le Président, c'est
assez… quand vous arrivez, comme ministre de la Justice, c'est assez… je
vais vous dire, c'est assez… vous avez une
réunion à 1 heure sur du droit civil, à 2 heures sur du droit criminel, à 3
heures sur du droit commercial, et là il y a des juristes dans chacun des dossiers…
• (16 h 40) •
Le Président (M.
Ferland) : Alors, M. le ministre, juste vous rappeler que…
M.
St-Arnaud : …il faut
que vous soyez attentif, M. le
Président, il faut que vous soyez
vite pour suivre tout ça.
Le Président (M. Ferland) :
C'est ça.
M.
St-Arnaud : Mais je
suis accompagné, et c'est ça qui est formidable, vous savez. M. le Président, vous me permettez, en 30
secondes, de vous dire que… Regardez le dossier de la procédure civile, c'est extraordinaire, c'est un…
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Non, mais parce que j'avais mentionné tout à l'heure
que, lors de la… si la question est courte, peut-être essayer d'avoir une
réponse…
M. St-Arnaud :
Non, mais c'est parce que je voulais vous dire, M. le Président, que, sur ce
dossier-là, je suis accompagné de juristes
éminents. Pensons à Me Marie-José Longtin, Me Luc Chamberland, c'est
extraordinaire, on est… Je donne ce
dossier-là parce que tout le monde le connaît. Tout le monde connaît les éminents
juristes qui m'accompagnent. Mais, sur chacun des dossiers, il y a
toujours d'éminents juristes. Le député le sait, il y en a… Je pense qu'il n'y
en a pas loin de 1 000 au ministère de la Justice.
Le Président (M.
Ferland) : Ça va. C'est une question de règlement, Mme la
députée de…
Une voix : …
Le Président (M.
Ferland) : Ça va. Bon, O.K. Allez-y, M. le député de Fabre.
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le Président. M. le ministre, vous avez
souligné qu'en vertu de l'article 3 de la Loi sur le ministère de la Justice et plus particulièrement le paragraphe d
on indique que vous donnez des avis aux ministres titulaires des divers
ministères. C'est la responsabilité du ministre de la Justice de donner des
avis sur les questions de droit. Est-ce qu'il y a un autre ministre qui a cette
responsabilité au sein du gouvernement?
M.
St-Arnaud : Le ministre de la Justice est le ministre qui donne
des avis juridiques aux différents ministères. D'ailleurs, vous le savez, M. le Président, les directions des affaires
juridiques dans chacun des ministères, les avocats, qui sont tous
d'éminents juristes, qui composent ces directions des affaires juridiques,
relèvent du ministère de la Justice, sont
des employés du ministère de la Justice, même s'ils travaillent physiquement,
bien souvent, dans des ministères comme le ministère de l'Environnement
ou le ministère de l'Éducation. Mais les juristes, donc, qui… Parce que ce
n'est pas, évidemment, la personne même du jurisconsulte, du ministre de la
Justice, qui donne tous les avis juridiques, M. le Président, on n'en finirait pas. Alors, c'est par le biais de mes juristes…
de nos juristes, au ministère de la Justice, qui sont un peu partout sur
le terrain, dans les différents ministères, c'est par ce biais-là que les avis
juridiques sont donnés dans les différents ministères.
Le Président (M. Ferland) :
Merci, M. le ministre. M. le député de Fabre.
M.
Ouimet (Fabre) :
Alors, M. le Président, je comprends que la réponse à la question, c'est qu'il
y a… le ministre de la Justice est le seul ministre responsable des avis
juridiques pour le gouvernement. Ceci dit, est-ce que le ministre de la Justice
a autorisé qu'on obtienne un avis juridique, dans le cas qui nous occupe, de Me
Henri Brun, un avis juridique à l'externe du ministère de la Justice?
M.
St-Arnaud : C'est-à-dire que, je vais vous dire, M. le
Président, là, sur… Il faut faire attention, être bien, bien… J'ai dit, M. le Président, que, dans chacun des
ministères, il y a une direction des affaires juridiques, donc des
avocats qui travaillent dans un ministère,
qui relèvent du ministre de la Justice et qui conseillent, au plan juridique,
l'autorité de ces ministères. Cela
étant, évidemment ils sont dans ces ministères et, cela étant, ils travaillent
aussi en étroite collaboration avec
les autorités du ministère concerné. Alors, évidemment, M. le Président, tout
ne passe pas par moi. Et, par exemple, un avocat au ministère de l'Environnement, M. le Président, son lien est
particulier, dans le sens où il relève hiérarchiquement de moi et de notre direction, mais ça n'empêche
pas que, dans le quotidien, lorsque des problèmes à caractère environnemental
se posent, il y a un travail qui se fait avec les autorités du ministère
concerné sans nécessairement, dans tous les cas, avoir à en référer au
ministère de la Justice, M. le Président.
Le Président (M. Ferland) :
Merci, M. le ministre. M. le député de Fabre.
M.
Ouimet
(Fabre) : Ma question, c'était : Est-ce qu'il a autorisé
qu'on obtienne un avis juridique de Me Henri Brun dans ce dossier? Pas
du ministère de l'Environnement, là, dans ce dossier. C'est ça, la question qui
est posée, M. le Président.
Le Président (M. Ferland) :
M. le ministre.
M. St-Arnaud : Oui, M. le
Président. Cette réponse-là, je l'ai donnée à de nombreuses reprises. Sur
quelque dossier que ce soit, qu'on parle du
projet de loi n° 60, de n'importe quel autre projet de loi ou de n'importe
quel autre sujet, je ne confirme
jamais s'il y a eu des avis juridiques ou s'il n'y en a pas eu. S'il y en a eu,
je ne confirme pas s'ils sont verbaux
ou écrits et encore moins, bien entendu, vous l'aurez compris depuis deux
heures, M. le Président, je ne confirme pas le contenu de ces avis,
oraux ou verbaux, si avis il y a eu.
Alors, ça, c'est la position. Et le député le
sait très bien, M. le Président, que c'est la règle. Je tente de trouver une
citation du député de Fabre à cet effet, mais il sait très bien, M. le
Président, que le ministre, dans sa fonction de jurisconsulte… Et, si vous me permettez, M. le Président, j'essaierais
de le trouver. Mais, dans sa fonction de jurisconsulte, le ministre ne doit même pas confirmer s'il y a eu des avis
ou pas sur un sujet donné. Alors, ça, c'est la première étape. Et,
alors, évidemment, par la suite, on ne confirme pas la nature de l'avis, évidemment
encore moins à qui on a demandé l'avis et encore, encore moins le contenu de
cet avis, si avis il y a eu.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci. 15 minutes, M.
le député de… Bien, vous pouvez
déborder parce qu'il vous
reste un autre bloc de…
M.
Ouimet (Fabre) : On
va prendre le 15 secondes sur le prochain bloc, si vous permettez, parce qu'il
ne reste plus…
Le
Président (M. Ferland) : Oui, oui, oui. Bon. Donc, nous sommes…
J'irais à ce moment-là au porte-parole indépendant, député de
Blainville, pour un temps de 10 min 55 s. M. le député.
M. Ratthé :
Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, vous savez, j'ai joint cette
commission lundi…
M.
St-Arnaud : Vous en avez pour votre argent depuis lundi.
M.
Ratthé : Et j'en ai pour mon argent. Et, je le dis, vous savez,
M. le Président, je suis, de par la nature de mes fonctions maintenant, à titre de député
indépendant... ça a son lot d'inconvénients, par exemple 10 minutes dans le
cadre d'une heure, mais ça a aussi des
avantages, des avantages parce que, comme je le disais hier, je n'ai pas trop
de difficultés à m'entendre avec mon
caucus, et j'ai aussi la possibilité d'exprimer les opinions qui, selon mon
gros bon sens, hein, sont les miennes.
Et j'ai aussi… Quand j'ai joint cette commission, on m'a demandé si j'avais une
formation d'avocat. Bien non, je n'ai
pas de formation d'avocat non plus. Ça a aussi des inconvénients parce que,
quand on arrive dans le projet de loi n° 28, ça m'oblige peut-être à faire un peu plus de
recherches ou à poser des questions que peut-être tout le monde connaît
les réponses, mais moi que je ne connais
pas, mais ça a aussi des avantages parce que, quand je regarde nos auditeurs,
je suis convaincu qu'il y en a plein comme moi qui regardent la
commission puis qui se posent les mêmes questions que moi à titre de néophyte.
J'ai
une certaine expérience parlementaire, mais je n'ai que cinq ans derrière moi.
Et la première question que je voudrais
poser au ministre, je voudrais lui demander si, à sa connaissance, il est déjà
arrivé souvent qu'une commission parlementaire se réunisse suite à la
réception d'un mémoire. Puis je veux aussi demander l'opinion d'un avocat, hein,
qui est le ministre de la Justice. Parce
qu'on parle d'avis, on met de l'emphase sur le document, c'est un avis.
Pourtant, quand je le lis, on dit que la
commission émet un commentaire… ou des commentaires sur un document
d'orientation politique, même pas sur un projet de loi qui a été déposé encore,
là. Là, il a été déposé, mais…
Alors, M. le
Président, si je pose la question c'est qu'au cours de la semaine j'ai reçu
plein de mémoires, même un du Barreau.
J'imagine que le Barreau, c'est quand même un organisme important. Je n'enlève
pas de l'importance à la commission
des droits de la personne et de la jeunesse, mais j'ai l'impression qu'on lui
donne une prépondérance incroyable et
que, basé là-dessus, on est en train de vouloir effectivement faire le procès
du projet de loi. Alors, moi, à titre de
néophyte, M. le Président, je voulais savoir de la part du ministre :
Est-ce que j'ai dans les mains un avis juridique? Parce que… — malheureusement,
je ne le connais pas, excusez mon ignorance — parce que Me Frémont est à la
présidence de la commission des… Est-ce que, M. le ministre, j'ai dans les
mains un avis juridique?
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Bien, vous avez, en fait, les commentaires de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse sur un
document gouvernemental. Mais, pour répondre à votre question, moi, je ne me
rappelle pas de précédents… Tout comme vous, j'ai été élu en 2008 et je n'ai
pas de précédents semblables à la réunion que nous tenons aujourd'hui.
Mais on va se dire
les vraies choses, M. le Président. On est loin du droit aujourd'hui, on est
plutôt dans la politique. Et je le dis avec
respect, M. le Président, pour tous les membres de la commission, mais on est
plus dans… Parce que le droit, je
pense qu'il est très clair. Et, pour l'avoir regardé ces derniers jours, là,
quand on lit — puis je
pourrais citer des articles, des textes de doctrine très
intéressants — le
droit, il est très clair.
Mais
aujourd'hui on fait de la politique parce que quoi? Mon Dieu, ça donne
l'impression que le ministre veut cacher des choses, qu'il manque de
transparence, qu'il cache des avis juridiques. Alors, ça fait des belles
manchettes. Mais c'est parce que, le
problème, ce n'est pas un caprice, ce n'est pas parce qu'il manque de
transparence, ce n'est pas parce
qu'il cache des avis, c'est parce que le droit est à l'effet que lui, comme
conseiller juridique du gouvernement, les avis juridiques qu'il donne,
il les donne au Conseil des ministres, il est visé par le serment professionnel
puis il les donne dans le secret du Conseil des ministres.
Alors,
vous savez, M. le Président, honnêtement, je pense qu'aujourd'hui… puis je le
dis avec respect parce qu'on est un
Parlement, puis c'est normal qu'on fasse de la politique, mais aujourd'hui, des
fois, je trouve que certains avocats ou avocates membres de cette
commission sont plus des politiciens et des politiciennes que des avocats et
des avocates parce que honnêtement, comme
avocats et comme avocates, on connaît le droit puis on sait que le ministre de
la Justice, jurisconsulte du
gouvernement, ne peut pas commencer ni à divulguer des avis juridiques ni à
donner des commentaires sur des avis qu'il a donnés au Conseil des
ministres. Mais on est dans de la politique, puis c'est de la politique, puis,
que voulez-vous, ça fait des belles
manchettes : Le ministre refuse de donner les avis juridiques, refuse de
commenter l'avis de la Commission des
droits de la personne, alors que je ne peux pas le faire. Si je le faisais,
j'irais à l'encontre du secret professionnel et à l'encontre du secret
des délibérations du Conseil des ministres.
• (16 h 50) •
Le Président (M.
Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député de Blainville.
M.
Ratthé : Bien, je trouve ça intéressant parce qu'il semble que
j'ai au moins compris quelque chose, là, depuis le départ. J'écoutais, en début de commission, mes
collègues de la partie gouvernementale ont fait quand même, justement,
allusion à ce que vous dites, là, votre rôle, l'Exécutif, le fait que vous ne
puissiez pas donner des avis juridiques au législatif.
Puis on avait, du côté de l'opposition officielle, des gens qui disaient :
Bien, on n'est pas là pour ça, ce n'est pas ça qu'on est venus faire. Je trouvais intéressant que le député de Fabre, à
la fin, revienne là-dessus, sur les avis juridiques.
Alors, si j'apporte
ces points-là, c'est que je me demande si on est dans une pratique d'audition
du projet de loi n° 60. Je me demande si, dès que le Barreau va nous
envoyer ses mémoires, est-ce qu'on va nous reconvoquer pour questionner le ministre sur le mémoire du Barreau. Et, si je pose
la question, M. le ministre, je veux savoir aussi, de par votre expérience, qui est équivalente à la
mienne comme parlementaire, mais, comme avocat, vous en avez plus que
moi : Est-ce qu'il est commun aussi dans une commission parlementaire
qu'on demande au ministre de commenter les mémoires qui sont déposés par chacun
de groupements, par chacun…
Parce
que, là, on a une opinion, un commentaire. On sait très bien qu'au nombre de
mémoires qu'on va avoir, de commentaires
qu'on va avoir, on risque d'avoir des opinions contraires aussi. Je n'ai rien
contre les avocats, mais c'est facile
de trouver un avocat qui défend une position; c'est aussi facile d'en trouver
un autre qui en défend une autre. Et la raison que je me demande
pourquoi je suis ici… puis je ne dis pas que je perds mon temps, moi,
j'apprends, je suis content, j'apprends des
choses, mais je me demande pourquoi est-ce qu'on pratique… J'ai l'impression
d'être dans une pièce de théâtre puis
qu'on fait des répétitions pour le projet de loi n° 60. Est-ce qu'il est
commun, M. le ministre, qu'on demande à un ministre de donner ses avis
sur tous les mémoires qui peuvent être déposés en commission, sur les
documents? Est-ce que…
M. St-Arnaud : Je trouve, M.
le Président… la question est très bonne. C'est que…
Des voix : …
M. St-Arnaud : Non, non,
mais…
M. Ratthé : Non, je suis
indépendant, moi. Je suis un électron libre, mon cher monsieur.
M. St-Arnaud : Non, non, mais
je peux-tu répondre, M. le Président?
Des voix : …
M. St-Arnaud : Non, mais la
question est bonne parce que, M. le Président, je comprends…
Le
Président (M. Ferland) : Excusez! Excusez! Est-ce qu'on peut
entendre la réponse? Parce que semble-t-il qu'elle est très bonne.
Alors, M. le ministre, la réponse.
M.
St-Arnaud : C'est parce que, M. le Président, je peux
comprendre que les membres de la Commission des institutions aient des préoccupations sur les aspects juridiques d'un
projet de loi aussi sensible que le projet de loi n° 60. Mais c'est pour ça, M. le Président, que vont se
tenir, à partir du mois de janvier, des consultations générales où
seront entendus le Barreau du Québec, la Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse, probablement des
professeurs d'université, d'éminents juristes spécialistes des questions,
notamment des droits de la personne, ou des juristes spécialistes de la
laïcité. Alors, c'est là qu'est le forum pour que les membres de la commission
s'informent, posent des questions, vérifient
les aspects juridiques par rapport à la charte, par rapport au droit, par
rapport aux conventions internationales, etc.
Mais,
aujourd'hui, pourquoi on s'en prend — d'une manière agréable et gentille — au ministre de la Justice? C'est que,
là, on ne fait plus du droit. On n'est pas vraiment intéressé par le fond des
choses, par l'article 1 de la Charte canadienne,
par la charte québécoise ou par ci ou ça. Aujourd'hui, on veut démontrer que le
ministre refuse de donner son opinion juridique, veut cacher des avis
juridiques, refuse de se prononcer sur les commentaires de la Commission des droits de la personne. Aujourd'hui, on est plus
dans la politique. Et je le dis avec respect, parce qu'on est membres
depuis cinq ans, moi, j'ai été député d'opposition, M. le Président, puis on
fait de la politique ici, on ne fait pas du droit, parce que le droit il pourra
se faire…
Les questions
juridiques pertinentes, si on veut vraiment savoir qu'est-ce qu'il en est, bien
la Commission des droits, elle va
venir, le Barreau il va venir, les professeurs d'université ils vont venir,
j'en suis convaincu, puis des experts il va y en avoir, M. le Président,
qui effectivement risquent de donner des opinions partagées. Puis, à un moment
donné, la commission va se faire une opinion puis éventuellement elle va
transmettre un rapport en Chambre, puis la Chambre va se faire une opinion.
Parce que, comme je l'ai dit tantôt, le projet de loi n° 60, là, il n'est
plus entre les mains du gouvernement, il est
entre les mains des 125 députés qui, à bon droit, ont le droit de poser des
questions sur les aspects juridiques du projet de loi et éventuellement
se faire une idée, parce que, pour adopter un projet de loi, ça prend la majorité. Alors, il va falloir que les députés se
posent des questions avant de décider s'ils votent pour ou s'ils votent
contre.
Mais aujourd'hui en posant des questions au
ministre de la Justice, comme vous dites… C'est un fait un peu rare qu'on voit ça, poser des questions au
ministre de la Justice sur un commentaire découlant d'un document
d'orientation gouvernementale pendant trois
heures, alors qu'il y aurait d'autres choses à faire. Mais je respecte ça, moi,
là, on a le droit. Puis, M. le
Président, ma première job, moi, ici, à l'Assemblée nationale, ça a été comme
conseiller… ma première job, comme
avocat, il y a 30 ans, ça a été comme conseiller parlementaire ici, à
l'Assemblée nationale. Alors, j'ai un grand respect pour l'institution,
c'est ici que j'ai commencé ma carrière puis c'est ici, peut-être, que je vais
la finir. En tout cas, je me le souhaite, M.
le Président. Je vais prendre ma retraite à un âge quand même raisonnable. Mais
tout ça pour vous dire, M. le Président, que j'ai un grand respect pour
l'institution puis pour les parlementaires.
Mais on va se dire les vraies choses, aujourd'hui,
ici, on fait plus de la politique parce que c'est payant politiquement d'avoir des manchettes, là : Le ministre
refuse de commenter l'avis de la Commission des droits, refuse de donner
des avis juridiques, refuse de donner une opinion juridique. Mais, que
voulez-vous, je suis lié, M. le Président, par la loi, par la jurisprudence,
par nos usages constitutionnels, qui m'imposent de ne pas parler de ce qui
s'est dit au Conseil des ministres, de ne pas parler des avis juridiques que
j'ai donnés au Conseil exécutif, au Conseil des ministres. C'est la loi qui me donne ce mandat d'être le conseiller
juridique du Conseil des ministres et non pas le conseiller juridique
des 125 députés. Ça, les 125 députés, s'ils
ont besoin d'avis juridiques, et je comprends qu'ils en ont besoin, bien ils
pourront s'adresser à
pratiquement tous les avocats du Québec, et même de l'international, mais
certainement pas à celui qui a déjà un mandat là-dessus qui est de
conseiller le Conseil des ministres.
Le
Président (M. Ferland) : M. le ministre, je vous sens sur une
envolée terrible, mais il reste à peine 40 secondes, je voudrais
peut-être les laisser au député de Blainville pour des remerciements ou peu
importe.
M. Ratthé :
Non. Je vais conclure…
Des voix :
…
M.
Ratthé : Je vais
conclure, M. le Président. Même si ça fait rire les gens de l'opposition, je le rappelle, je suis un électron libre, j'ai le droit de penser
ce que je veux. Mais ce que je voulais aussi démystifier aujourd'hui, c'est que
ce n'est pas parce qu'on a une opinion, un mémoire d'un groupe, qui a une très
grande crédibilité, là — qu'on
ne se méprenne pas — ce n'est pas parce qu'on reçoit ça que ça
fait force de loi, que c'est la seule opinion qui existe, que c'est
l'opinion unique. Et je pense que c'est ce qu'on tente de faire aujourd'hui. On
tente de faire croire aux citoyens que, parce que la Commission des droits de
la personne émet une opinion, qui est très valable probablement…
Le Président (M.
Ferland) : M. le député de Blainville…
M. Ratthé :
…c'est la seule et unique et c'est la seule qu'on doit défendre. Merci, M. le
Président.
Le
Président (M. Ferland) : C'est tout le temps qui vous était
imparti. Alors, merci beaucoup. Alors, je vais du côté de l'opposition
officielle et je reconnais le député de Fabre, pour un temps de
14 min 35 s.
M.
Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Alors, M. le
Président, le ministre nous a, lors de l'interpellation, le 1er novembre
et encore aujourd'hui, même à quelques reprises, là, rappelé qu'il s'inspirait
de tous ses prédécesseurs en ne révélant pas
ni le fait qu'il a demandé des avis juridiques, ni leur existence, ni la forme,
ni leur contenu, et je crois même, M.
le Président, qu'il s'inspirait de… en ce sens-là, il avait référé à la
ministre de la Justice Linda Goupil. Et donc j'aimerais savoir de la part du ministre s'il estime que les conclusions
d'un avis juridique font partie de l'avis juridique.
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Là, on est rendus, M. le Président, dans des
questions pointues. Ce que je peux vous dire, M. le Président, c'est que la
position qui a été suivie par tous mes prédécesseurs… Et tantôt, là... J'en ai
ici, là, des précédents, là, M. le
Président : Gil Rémillard, le 30 avril 1992; tiens, Linda Goupil,
justement, le 17 novembre 1999, qui, alors qu'elle était ministre de la Justice, a réitéré, le 17
novembre 1999, que le jurisconsulte du gouvernement ne déposait pas les
avis juridiques du gouvernement à l'Assemblée nationale. Cette réponse faisait
suite à la demande que lui avait faite le leader
de l'opposition officielle à l'époque, l'actuel député de Brome-Missisquoi, qui
a demandé un avis juridique en lien avec
la commission scolaire de Montréal. Et Mme Goupil avait alors dit, je
cite : «…en regard des avis juridiques, vous le savez, nous l'avons déjà mentionné en cette
Chambre, ce n'est pas la première fois, nous n'avons pas déposé
d'opinions juridiques… [nous n'avons pas à déposer d'opinions juridiques] de la
jurisconsulte, et je maintiens la même ligne qu'un
éminent ministre de la Justice aussi. qui était M. Gil Rémillard, qui a
toujours mentionné qu'on ne déposait pas les avis juridiques de la
jurisconsulte en cette Chambre.»
J'ai un autre
exemple, M. le Président : le 5 décembre 2005, M. Thomas Mulcair — ça
vous dit quelque chose — qui était au même effet et qui disait qu'il
ne rendait pas public… on ne rendait pas public les avis juridiques. Et
d'ailleurs, M. le Président, plus que ça, le député de Fabre lui-même a dit
qu'on ne révélait pas les avis juridiques. Dans
une conférence de presse qu'il a tenue il y a quelques semaines, avant
l'interpellation, il disait ceci, et Robert Dutrisac lui
demandait : Si vous étiez ministre de la Justice, vous, M. le député de
Fabre, est-ce que vous… Si vous étiez à la place
de M. St-Arnaud, vous divulgueriez des avis juridiques du gouvernement que le
gouvernement obtient pour chacun de ses projets de loi? Est-ce que c'est
ça que vous êtes en train de me dire? Et le député de Fabre de répondre :
Non, la question n'est pas là. Alors, il
fait dévier le débat, M. le Président, fait dévier le tir, et après ça il
répond… Mais écoutez la suite, M. le Président, écoutez la suite…
M.
Ouimet
(Fabre) : Question de règlement.
M. St-Arnaud :
Non, non, M. le Président, je veux finir la citation.
M.
Ouimet
(Fabre) : Selon les directives, M. le Président…
M. St-Arnaud :
Non, non. M. le Président, je veux lire la citation.
Le Président (M.
Ferland) : Rapidement, M, le ministre, rapidement.
M. St-Arnaud : Le député de
Fabre dit : C'est un principe fondamental qu'un avis juridique est
confidentiel. Je ne remets pas ça en question. C'est un principe fondamental.
Le Président (M.
Ferland) : Et voilà. Merci, M. le ministre.
M.
Ouimet (Fabre) : M.
le Président, j'ai posé une question simple au ministre, à savoir si les
conclusions d'un avis juridique font partie de l'avis juridique. C'est la
simple…
• (17 heures) •
Le
Président (M. Ferland) : Non, mais je veux juste vous… Non, je
sais, mais, je veux vous dire, ce n'est pas parce que la question prend
cinq secondes, si la réponse est toujours en lien avec la question que vous
avez posée, je vais laisser quand même le
temps au ministre. C'est lui qui est ici aujourd'hui pour répondre à vos
questions, je vais quand même lui laisser un peu de temps pour répondre
aux questions. Mais, encore là, je vous rappellerais à tous, O.K., que je vais quand même essayer de faire en sorte que,
le temps que la question prend, la réponse soit un peu… partagé. Alors,
sur ce, M. le député de Fabre, allez-y.
M.
Ouimet
(Fabre) : Alors, M. le Président, j'aimerais savoir ce que le
ministre a à dire lorsque Mme Goupil, qui
était ministre de la Justice, le 4 juin 1999, a reconnu en Chambre
que le gouvernement avait, et je cite ses propos : «Dans l'affaire
qu'il a appelée le FLQ, on a déposé, encore une fois, les conclusions de l'avis
juridique du ministère de la Justice.»
4 juin 1999, M. le Président. Est-ce que le ministre de la
Justice est d'avis que les conclusions d'un avis juridique font partie
de l'avis juridique?
Le Président (M. Ferland) :
M. le ministre, en 1999.
M.
St-Arnaud : Oui, M. le Président. En fait, d'abord, je réitère,
M. le Président, que le ministre de la Justice nous a dit il y a peu de temps, en réponse à une
question de Robert Dutrisac, que «c'est un principe fondamental qu'un
avis juridique est confidentiel». Et il ajoute : «...je ne remets pas ça
en question. C'est un principe fondamental.» Parce qu'évidemment il avait tenté
de me blâmer, M. le Président, dans son point de presse.
Mais, fort
heureusement, Robert Dutrisac lui a posé une bonne question : «[Êtes-vous]
en train de [nous] dire [...] que, si
vous étiez [ministre de la Justice], vous divulgueriez des avis juridiques du
gouvernement que le gouvernement obtient pour chacun de ses projets de
loi? Est-ce que c'est ça que vous êtes en train de me dire?», de dire Robert
Dutrisac du Devoir.
Et le député de Fabre a tenté, dans un premier
temps, de faire dévier le tir, M. le Président. On sait c'est quoi en politique, il répond : «Non, la question
n'est pas là.» Puis là il essaie de revenir, mais M. Dutrisac ne lâche pas
et Dutrisac dit : «...vous savez
que le gouvernement ne divulgue pas les avis juridiques d'habitude.» Et
M. le député de Fabre répond : Effectivement, «c'est un principe fondamental qu'un avis juridique est
confidentiel. [...]je ne remets pas ça en question. C'est un principe fondamental.» Alors, c'est ça,
le principe, M. le Président. Là, on l'a, la… La vérité, c'est ça, là.
C'est ça, le droit, on ne donne pas…
Et
j'ajouterais, M. le Président, sans aller dans la nuance que fait le
député entre l'avis, les conclusions, tout ça, là, on ne rentrera… On est dans le pointu, puis je ne
veux pas affirmer… Ici, M. le Président, je suis ici pour vous
donner des réponses les plus justes et je ne
commencerai pas à faire des nuances de juriste, là, à savoir si telle partie ou
telle autre fait partie de l'avis
juridique. Ce que je peux vous dire, par ailleurs, toujours en lien avec ça,
c'est que, M. le Président, ce que nous donne la jurisprudence sur
la renonciation au secret professionnel, c'est que la simple évocation de
l'existence d'une opinion juridique
n'entraîne pas une renonciation au secret professionnel. Alors, ce n'est pas
inintéressant de savoir ça, c'est-à-dire que même, si dans un moment…
Le Président (M. Ferland) :
Brièvement, M. le ministre, pour permettre au…
M.
St-Arnaud : …d'égarement, un jurisconsulte s'échapperait et
donnerait… évoquerait l'existence d'une opinion juridique, il ne faudrait pas voir là une renonciation au secret professionnel.
Et ça, c'est tiré, M. le Président, d'une décision de la Cour suprême qui a étudié cette question-là
en 2002, Lavallee, Rackel et Heintz contre Canada, Procureur général du
Canada, et R. contre Fink, 2002, 3 RCS 209, à la page 61. Voilà, M. le
Président.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, je
reconnais le député de Fabre. Encore une fois, je vais vous le rappeler…
M.
Ouimet (Fabre) :
...Bourassa-Sauvé.
Le
Président (M. Ferland) : La députée de Bourassa-Sauvé, excusez.
Je vais vous vous rappeler : essayez autant que possible de… La question est posée, je veux quand même, je l'ai dit
tantôt, laisser le temps au ministre de répondre, mais, M. le ministre
aussi, peut-être de... pour permettre le plus d'échange possible entre les
parlementaires. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis :
Merci, M. le Président. J'aimerais adresser le ministre de la Justice en tant
que ministre chargé de l'application
de la Charte des droits et libertés de la personne. La charte a été adoptée à
l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975, toutes modifications à la
charte ont aussi été adoptées à l'unanimité. La charte est un document qu'on reconnaît, a un caractère quasi
constitutionnel. Est-ce que le ministre accepte que des modifications y soient
apportées avec une simple majorité?
Le Président (M.
Ferland) : M. le ministre.
M. St-Arnaud : M. le
Président, je pense qu'il faudrait… S'il est vrai que la charte québécoise des
droits et libertés a été adoptée à l'unanimité, je pense qu'il faudrait faire
la vérification, bien honnêtement, quant aux différentes modifications qui ont
eu lieu depuis 1975. Je pense qu'il y a eu un certain nombre de modifications à
la charte qui n'ont pas été faites à l'unanimité, bien respectueusement. Ça,
c'est pour la charte québécoise. Je pense que,
dans certaines lois, depuis 30 ans… et on fera la vérification, là, mais
je ne pense pas que toutes les modifications à la charte ont été faites
à l'unanimité. Ça, c'est la première chose.
Quant à la
Charte canadienne, M. le Président, vous comprendrez qu'elle est partie intégrante de la constitution de 1982, constitution de 1982 que le Québec n'a
jamais signée, je le mentionne au passage, là. Il faut quand même le...
Je le mentionne sans faire de commentaire au-delà de ça, mais c'est un état de
fait que la Charte canadienne fait partie d'une
constitution qui n'a jamais été signée par le gouvernement du Québec, peu
importe les partis politiques. Qu'on prenne bien mon commentaire, M. le
Président, comme étant un simple état de fait, point.
Et, sur la
charte québécoise, si elle a été adoptée à l'unanimité en 1975, à l'initiative
de mon prédécesseur, qui a été d'ailleurs un grand ministre de la
Justice… C'était un libéral, M. le Président, mais il faut reconnaître que
c'était un grand ministre de la Justice,
M. Jérôme Choquette, que je salue, M. le Président. Il est maintenant
âgé... il a maintenant un certain âge, mais ça a été un grand ministre
de la Justice qui a fait des réformes importantes en matière de justice, notamment à la Loi sur l'aide juridique, notamment
à la charte québécoise des droits et libertés. Mais, pour répondre à la
question de la députée, il faudrait vérifier l'historique et...
Mme de Santis :
Mais d'abord sur la question précise : Est-ce que le ministre est prêt à
accepter une modification à la charte aujourd'hui avec une majorité
plus... avec 50 % plus un?
M. St-Arnaud : M. le
Président, c'est une question sur laquelle j'aurais besoin de réfléchir.
Mme de Santis :
Alors, je vous pose... Je pose une autre question au ministre de la Justice
maintenant en charge… et c'est le ministre responsable de la Loi sur l'accès à
l'égalité en emploi dans les organismes publics. L'imposition d'obligations par
la charte de la laïcité ou la charte des... — à l'époque, on appelait ça la
charte des valeurs québécoises — assujettie à cette loi, la Loi sur l'accès à
l'égalité en emploi dans des organismes publics… à une situation
difficile. On va entraîner un déséquilibre important entre les organismes
assujettis à la loi et ceux qui sont prévus
dans le projet de loi n° 60. Que pense le ministre responsable de
l'application de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des
organismes publics de cela?
M.
St-Arnaud : En fait, M. le Président, la députée prend une voie
détournée pour me poser une question sur le fond du projet de loi... sur le projet de loi n° 60 et sur les
aspects juridiques du projet de loi n° 60 en passant par un autre
chemin, mais ma réponse est la même que depuis maintenant deux heures et
quelques, M. le Président, à cet égard.
Mme de Santis :
O.K. Est-ce que le ministre est d'accord que la finalité de la laïcité, de la
neutralité de l'État, c'est la
protection de la liberté de conscience et de religion et du droit à la
légalité? Est-ce qu'il est d'accord avec la commission que l'État ne peut contraindre quiconque à avoir
ou ne pas avoir certaines croyances
ou ne pas adopter certaines pratiques religieuses? L'État ne peut ni
favoriser ni défavoriser une religion.
Et je vais faire l'argument suivant. On propose maintenant
d'interdire des vêtements ou bijoux marquant ostensiblement
par son caractère démonstratif une apparence religieuse. En tant que
chrétienne, je peux porter une petite croix
ou, comme j'ai fait il y a deux semaines, une croix de
6, 7 pouces. En tant que Juive, je peux porter une kippa noire
sur des cheveux noirs, ce n'est pas
ostentatoire, mais une kippa noire sur des cheveux blancs, c'est ostentatoire.
Un voile, comment un voile ne peut
pas être ostentatoire? Il n'y a pas de petits voiles ou grands voiles, c'est un
voile. Un turban, comment un turban
peut ne pas être ostentatoire? Soit c'est ostentatoire, soit on ne le met pas.
Alors, que dit le ministre, si je lui dis que l'État est en train de
favoriser certaines religions sur d'autres?
M. St-Arnaud : M. le
Président, c'est la même réponse, c'est la même réponse que je donne depuis
plus de deux heures maintenant.
La députée ne m'amènera pas, M. le Président, à commenter
les aspects juridiques du projet
de loi n° 60 ou même à aller sur le fond du dossier. J'ai dit que c'était
un dossier qui relevait du ministre responsable des Institutions démocratiques. Cela dit, M. le Président, ça augure
bien pour des débats qui vont avoir lieu en janvier, en février. Non,
mais il y a des questions extrêmement...
Une voix : …
• (17 h 10) •
M. St-Arnaud : Peut-être en
mars, comme dit le député de Blainville. C'est des questions qui... Justement, là, le dossier, il est maintenant entre les mains
des 125 députés, qui vont pouvoir entendre des experts non seulement sur
les aspects juridiques, mais sur toutes ces
questions qui nécessitent une réflexion, là. Et, intellectuellement, moi, je
suis sûr qu'on pourrait faire, si on n'était pas ici, un bon souper avec...
autour de ces questions.
Mais je dis à la
députée : Voilà, c'est un débat que le gouvernement a proposé via un
projet de loi qui est maintenant entre les mains
des 125 députés, qui pourront tenir une commission parlementaire à compter
du 14 janvier, entendre tous les experts juridiques et non
juridiques sur ce débat. Et éventuellement il y aura une adoption de principe. Et, s'il y a une adoption de principe au salon
bleu, il y aura des échanges article par article sur le projet de loi
n° 60. Et voilà, M. le Président.
Et toutes les
questions que la députée pose, elle pourra les adresser à toute une série de
témoins qui viendront témoigner en
commission parlementaire. Et je reconnais, M. le Président, la compétence
de la députée de Bourassa-Sauvé. Moi,
je suis très impressionné. Depuis deux mois qu'on travaille quotidiennement
ensemble sur un projet de loi, c'est une députée qui pose des questions
qui sont toujours très pertinentes. Et je suis sûr qu'elle en posera de très
bonnes aux témoins qui viendront témoigner, M. le Président, en commission
parlementaire.
Le
Président (M. Ferland) : La dernière minute peut-être au député
de Marguerite-Bourgeoys. Alors, il reste à peu près une minute.
M.
Poëti : Merci, M. le Président. Premièrement, j'aimerais
m'excuser de ne pas être avocat, parce qu'évidemment peut-être que je n'aurais pas compris ça comme ça.
Mais qu'est-ce que je comprends, moi, aujourd'hui, de l'exercice qu'on
vient de vivre, c'est que le ministre est couché dans une couverte, une couette
tellement confortable qui s'appelle le secret
professionnel. Et ça, vous m'avez convaincu après une minute, en ce qui me
concerne, je ne suis pas avocat, mais je voyais bien que jamais, jamais vous n'allez dire aux citoyens
du Québec qui nous écoutent aujourd'hui qu'il pourrait être possible que
vous avez eu des avis juridiques qui vous disent clairement qu'on pourrait
aller droit dans un mur avec l'adoption d'un
tel projet de loi, qui pourraient vous dire hypothétiquement que ce projet de
loi là ne traversera pas la légalité des
droits au Québec et au Canada. Et on va s'en aller dans une campagne de
bataille juridique, un peu comme vous l'avez soulevé aujourd'hui, M. le ministre, et qui va coûter des milliers
de dollars aux citoyens du Québec qui nous écoutent, dans une bataille que vous dites qui n'est pas
juridique, mais vous acceptez un peu que ce soit politique. Mais il me
semble que la politique, M. le ministre, devrait vous arrêter…
Le Président (M.
Ferland) : Député de… Non, mais il n'y a plus de temps pour…
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Non, il n'y a plus de temps. Et là je ne le
dépasserai pas parce qu'on s'en va aux remarques finales. Alors, je vous
demande votre attention, s'il vous plaît. On va aller…
Une voix :
...
Le
Président (M. Ferland) : Bien, je pense que ça… Si j'étais vous, j'aimerais mieux ne pas
répondre, mais...
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Mais, M. le ministre, non, le temps est écoulé, je
ne peux plus déborder, à ce moment-ci. Je ne peux pas demander ni à un parti ni
l'autre de prendre du temps sur leur… il n'en reste plus. Alors, vous allez
m'excuser. Pas parce que je suis pressé, moi, je peux dépasser jusqu'à… pas de
problème, mais je dois respecter les règles.
Une voix :
On siège ce soir...
Remarques finales
Le Président (M.
Ferland) : Oui, je vais le dire tout à l'heure sur quel projet.
Alors, nous allons maintenant procéder aux remarques finales. J'invite le
député de Blainville à faire ses remarques pour un maximum de
1 min 20 s.
M. Daniel Ratthé
M. Ratthé :
Ah! Bien, écoutez, vous me gâtez, M. le Président. Je ne pensais même pas
que j'avais le droit à des remarques.
Le Président (M.
Ferland) : Je le sais, c'est trop. Je me sens généreux, M. le
député, allez-y.
M.
Ratthé : Bien, écoutez, je vous l'ai dit tout à l'heure, je
pense que ça a été une bonne pratique pour le projet de loi n° 60
qui s'en vient. Je pense qu'il y aura des commentaires fort intéressants.
J'écoutais les commentaires des membres de
l'opposition puis je pense ce seront des questions très pertinentes à poser
justement à tous les groupes qui vont venir ici, pas juste à un seul et
ne pas accorder plus d'importance à un qu'à l'autre. Et on aura tous l'occasion
de se faire une opinion, une opinion personnelle sur tous les avis que nous
recevrons. Et j'ai hâte qu'on puisse débattre de ce projet de loi.
Et je remercie
évidemment le ministre de s'être... j'allais dire «prêté au jeu», mais de
s'être présenté à la commission
parlementaire. Je remercie mes collègues également d'avoir été présents, vous,
M. le Président, évidemment, les membres de votre personnel. Puis on se
revoit dans pas très longtemps, M. le Président, hein?
Le Président (M. Ferland) :
Tout à l'heure, tout à l'heure. Alors, merci, M. le député de Blainville.
Maintenant, je reconnais la députée du deuxième groupe d'opposition officielle,
la députée de Montarville, pour un temps de 1 min 20 s.
Mme Nathalie Roy
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le
Président. À mon tour, je salue les collègues, je les remercie, je remercie le ministre pour sa participation,
quoiqu'il a les mains bien liées, vous me l'avez répété plus d'une fois.
Cependant, moi, j'ai hâte, personnellement,
en tant que députée mais aussi personnellement, que les citoyens soient bien,
bien éclairés. On entend beaucoup de
choses, on lit beaucoup de choses. Même le ministre responsable du dossier
change d'avis au gré des
informations, on l'a vu dans les journaux, avec les garderies. Alors, il y a un
devoir d'éducation à faire. Je pense que tous les parlementaires, ici,
ont ce devoir à faire. Nous avons besoin d'une charte pour édicter ces
accommodements religieux, pour les encadrer,
pour crier notre égalité hommes-femmes au Québec, pour faire en sorte que
l'État québécois soit laïc maintenant. De grâce, élevons-nous tous
au-dessus des discours partisans pour avoir une charte.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup, Mme la députée
de Montarville. Maintenant, je reconnais le porte-parole du groupe de
l'opposition officielle, je crois, le député de LaFontaine, j'imagine, là, pour
un temps de 5 min 25 s.
M. Marc Tanguay
M.
Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, aujourd'hui,
M. le Président, nous avions un mandat qui nous avait été confié par l'Assemblée nationale, mandat qui visait
d'avoir l'interprétation, les commentaires, la vision, entendre la voix, peu importe comment on
pourrait la qualifier, du ministre de la Justice quant au caractère
inconstitutionnel d'un aspect de la charte.
Il est important, M.
le Président, de réitérer une chose, comme nous l'avons toujours fait au Parti
libéral du Québec, c'est que la première ministre, et le ministre de la Justice, et le ministre responsable de la charte des valeurs, M.
le Président, doivent tabler sur ce qui unit les Québécois. Très clairement,
nous avons toujours exprimé le fait que la neutralité des institutions
de l'État est un élément qui unit tous. Nous voulons l'inscrire dans la charte
des droits et libertés en respectant la liberté
de religion, ce que ne ferait pas l'obligation ou l'interdiction de porter tout signe religieux
pour les 600 000 et plus employés de l'État dans le
secteur public et parapublic. Évidemment, des balises pour les
accommodements afin qu'ils soient raisonnables,
c'est un élément sur lequel nous nous entendons. La nécessité que les services
publics soient donnés et reçus à visage découvert, demain matin on
s'entend tous là-dessus.
Et
il est important de voir que l'avis qui
a été déposé par la Commission des droits de la personne et droits de la
jeunesse, M. le Président… On a entendu
le ministre dire qu'elle avait… et je le cite :
«...c'est un avis [particulièrement] important.»
Il a eu l'occasion de souligner que la commission était présidée par
un éminent juriste dont la nomination... il a lui-même recommandé cette nomination-là. Bien, l'éminent juriste qui
fait affaire avec des experts de la commission... Comme payeurs de
taxes, nous faisons en sorte d'avoir, et c'est extrêmement important, une
commission des droits de la personne qui est là pour veiller, avec toute son
expertise, M. le Président, qui est là pour veiller à ce que toute initiative gouvernementale...
Et
je mets de côté l'argument extrêmement légaliste de dire : Bien, j'aime moins qu'il n'ait pas statué sur le projet
de loi n° 60, mais qu'il ait statué davantage sur un
document de réflexion. Ça ne change rien, le projet de loi n° 60
reprend, copier-coller, ce qu'il y avait
dans le projet de document de réflexion. Bien, cette Commission des droits de
la personne fait en sorte d'envoyer
un message très clair. Et cet avis-là, M.
le Président, on ne peut pas dire que
c'est un avis parmi tant d'autres,
c'est un avis central, extrêmement important sur un élément bien précis, M. le Président, c'est l'interdiction de port de
signes religieux. Que l'on soit catholique, Juif, musulman et autres, peu
importe la religion, il y aurait une interdiction, M. le Président, ne
serait-ce que d'aborder un accommodement. Les accommodements...
Et
j'ai posé la question au ministre un peu
plus tôt. Je lui ai demandé : Est-ce que
le port d'un signe religieux peut être lié à une croyance sincère, une
croyance religieuse sincère? Il n'a pas voulu répondre. Or, c'est un élément
qui est reconnu par tous, M. le Président, il n'y a personne qui conteste ça. C'est un élément lié à
la croyance religieuse. Si, au Québec, en 2013, on a toujours le droit
d'avoir une croyance religieuse, force est de constater que le ministre aurait dû répondre oui à la question : Est-ce que
le port d'un signe religieux peut être lié à une croyance sincère en une
religion? Il n'a pas voulu, ne serait-ce que
sur cet élément-là, qui était une balle donnée, M. le Président, il n'a pas
voulu confirmer cela, et c'est ce qui est doublement inquiétant.
Doublement
inquiétant, parce que l'on sait que le ministre a eu l'occasion,
entre autres — et
je cite — le
11 septembre 2013, de dire qu'il était, selon lui, «confiant» de la
validité de la charte des valeurs, mais n'a pas voulu en dire plus. Et aujourd'hui il avait une belle occasion de le faire et faire
en sorte, M. le Président, que les
Québécoises et Québécois puissent savoir ce qu'il y a réellement
et confirmer ce que d'éminents juristes... Mais là la Commission des
droits de la personne vient nous dire, c'est que ça ne tient pas la route et ça
vient violer les droits et libertés de toutes les Québécoises et Québécois.
Et
vous me permettrez, M. le Président, deux choses, la première, de vous faire une
demande... de vous formuler une demande en vertu de l'article 176 pour
que l'on puisse déterminer, lors d'une séance de travail, les observations et les conclusions. Et j'aimerais déposer
l'extrait extrêmement pertinent de mon collègue de Fabre
qui soulignait que, oui, il y a eu des exceptions et il y a eu des cas
où il y a eu dépôt des conclusions des opinions juridiques. Ça complétait cet
aspect du débat, M. le Président. Alors, j'en fais le dépôt officiel et je vous
remercie pour votre... Merci.
Document
déposé
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le député de
LaFontaine. D'ailleurs, la motion prévoit, là, le dépôt d'un rapport, mais ça sera une double précaution, là,
assurer qu'on aura un rapport. Mais la motion le prévoyait. Alors,
merci, M. le député de LaFontaine.
• (17 h 20) •
Maintenant, je reconnais le parti formant le
gouvernement à faire ses remarques finales pour un maximum de
6 min 45 s et je crois que c'est la députée de Mirabel.
Mme Denise Beaudoin
Mme
Beaudoin :
Merci, M. le Président. Ce sera très, très court. Vous savez, cet après-midi,
pour nous, cette convocation du
ministre a été complètement inutile. Je suis d'accord avec le député de
Blainville que c'était presque une pièce
de théâtre. Et je voudrais, pour les
fins de l'enregistrement, que les juristes et les Québécois
et les Québécoises sachent que, cet après-midi, on aurait
pu continuer l'étude du projet de loi n° 28, le nouveau Code de procédure
civile que tout le monde attend impatiemment. On aurait passé trois
heures, on aurait fait avancer l'étude, on aurait adopté d'autres amendements, peu importe,
d'autres articles. Et là on est ici puis on convoque un ministre
qui dit exactement la même chose que lors de l'interpellation.
Alors, c'est
difficile pour moi de remercier mes collègues de nous avoir convoqués cet après-midi. Alors, je termine comme ceci.
Je voudrais quand même que les Québécois et les Québécoises sachent qu'on a
d'autres projets de loi qu'on aurait pu continuer à analyser et à étudier. Et
j'aurais aimé ça entendre le ministre nous énumérer le nombre de projets de loi qui sont en suspens actuellement.
Et on aurait passé l'après-midi à faire avancer d'autres projets de loi
au lieu d'entendre le ministre qui a déjà été entendu lors d'une
interpellation.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, Mme la députée de Mirabel. Et
moi, avant de suspendre, je vais quand même en profiter aussi pour
remercier les membres de la commission, M. le ministre surtout aussi pour avoir
répondu aux questions des membres de la
commission. Je remercie les gens qui m'accompagnent, le secrétaire, le
personnel, les pages, qui, à toutes
les fois, sont gentils et répondent à toutes nos demandes, et, bien entendu,
l'équipe des techniciens, qui nous permet d'être entendus à travers la
planète, M. le Président.
Alors, sur ce, bon souper… Eh non! Je dois
suspendre quand même avant, là.
Ceci met fin à l'audition d'aujourd'hui. Je
suspends les travaux. Ayant accompli son mandat, la commission reprendra ses
travaux à 19 h 30 sur un autre mandat.
(Fin de la séance à 17 h 22)