(Neuf heures quarante minutes)
Le
Président (M. Marsan) : À l'ordre, s'il vous plaît! Et je m'en voudrais de ne pas commencer cette
importante séance en souhaitant un bon anniversaire à M. le ministre de la
Justice.
M. St-Arnaud : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Marsan) :
Alors, une bonne journée, M. le ministre.
Mme
St-Laurent : M. le
Président, je le félicite pour ses 35 ans.
Le
Président (M. Marsan) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission des institutions ouverte et je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 28, loi
instituant le Code de procédure civile.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Duchesneau (Saint-Jérôme) est remplacé par Mme St-Laurent
(Montmorency).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Marsan) : Je vous remercie. Ce matin, nous allons
entendre le Barreau du Québec, et je voudrais d'abord souhaiter la
bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de
bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez d'une période
d'environ 30 minutes — et,
après consultation avec les collègues, ça
pourrait excéder le 30 minutes — et par la suite nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Mme la bâtonnière,
la parole est à vous.
Barreau du Québec
Mme
Brodeur (Johanne) : Bonjour.
Alors, le Barreau s'est déplacé pour souligner l'anniversaire d'un de
ses membres aujourd'hui. Il nous fait plaisir, donc, d'être ici, et pour parler
du Code de procédure, évidemment.
Alors, je
vais commencer par la présentation des gens qui m'accompagnent ce matin :
Me Robert-Jean Chénier, Me Jocelyn
Verdon, Me Jean Saint-Onge, Me Dominique Trahan, Me Louis Payette, Me Réa Hawi
et Me Marc Sauvé.
Alors,
d'abord, je voudrais remercier tous les membres du Barreau, qui sont plus de
90, qui ont participé, commenté, regardé,
analysé les propositions qui sont sur la table. Alors, leur contribution est
incalculable, et je les en remercie. Je voudrais aussi souligner le travail de mes membres qui sont juristes ou
légistes, et qui travaillent au gouvernement, et qui ont aussi mis leur savoir à contribution pour rédiger,
vraiment, une pièce législative d'importance et qui, j'espère, changera,
pour le public, son approche et son accès à la justice. Donc, merci à tous, c'est
un travail apprécié.
La première
chose que j'aimerais souligner, c'est l'importance du Code de procédure civile
et l'importance qu'il soit adopté. C'est une question d'accès à la
justice, et je crois qu'il y a un momentum à l'heure actuelle. Ce nouveau code est axé sur la gestion d'instance, sur la
communication, sur la recherche de solutions, et, selon nous, il s'agit
d'un dossier d'intérêt public. Nous sommes
prêts aussi, comme Barreau, nos membres en ont entendu parler, nous
sommes prêts à rédiger et à modifier nos
manuels. Donc, nous comptons sur votre collaboration à tous afin que nous
puissions mettre en oeuvre cette pièce législative importante.
Mon deuxième commentaire sera sur la technologie
et la formation. Je dois vous dire que nous serons prêts, lorsqu'il sera adopté, à former nos membres. Il
s'agit, lorsqu'on adopte un dossier tel que celui-là, d'une pièce
législative importante qui devra être enseignée à nos membres, c'est un
changement d'éducation, un changement de paradigme. Le Barreau est ouvert à cela et est prêt à regarder ces modifications
l'esprit ouvert et collaborer avec la magistrature et les autres
intervenants de la justice. Je sais qu'il y a le projet TOJ par rapport à la
technologie, et nous souhaitons que la technologie supporte les modifications
aussi qui viennent avec ce code, et que les investissements soient faits, et
que les palais soient prêts pour nous permettre la mise en oeuvre de ce nouveau
code là.
J'aurai aussi
un commentaire bref sur la version anglaise du code. Le Barreau de Montréal a
écrit un texte donnant quelques exemples, qui sont joints en annexe B de
notre mémoire. Il s'agit là d'exemples. Je sais et je reconnais le travail que les légistes, les jurilinguistes ont
fait pour faire cette traduction et travailler à la rendre la meilleure
possible. Cependant, je vous soumets qu'il
reste du travail encore à faire.
Mais, comme je vous l'ai dit, nous souhaitons que ce code voie forme et, dans ce
contexte, nous vous offrons notre entière collaboration pour améliorer
la version anglaise afin que la totalité des textes soient prêts. Nous
souhaitons cette collaboration parce que c'est important pour le citoyen que
les deux textes soient d'égale qualité, et
vous le savez, sinon ça nécessite des interprétations devant les tribunaux, et
c'est finalement les citoyens
qui doivent assumer une partie des frais lorsque nous devons faire ces
précisions. Alors, il y a des
améliorations à faire, nous reconnaissons le travail fait et nous sommes prêts
à collaborer pour améliorer les textes.
En terminant,
je voudrais mentionner que nous devons chercher aussi un équilibre.
Nous sommes préoccupés de l'équilibre entre le pouvoir des juges et la compétence, la reconnaissance du travail fait par les parties. D'une part, dans le code, on incite les parties à travailler en
médiation, à se parler, à arriver à des solutions, et, d'autre part, lorsqu'ils
arrivent à des ententes après avoir investi
du temps, de l'argent, des émotions aussi et qu'ils en arrivent à une entente,
ces ententes pourraient être révisées
par le juge. Écoutez, je suis convaincue que la magistrature userait
de sa sagesse et de sa compétence pour,
dans la mesure du possible, respecter
l'intention des parties. Mais nous, nous croyons qu'il pourrait y avoir un
meilleur équilibre, et je cite notamment les articles 48, 152, 159 et 172.
Ce que je vous dis, vous l'avez déjà, écrit dans notre mémoire, mais nous
attirons votre attention sur ce fin équilibre que nous devons rechercher.
Alors, je vous remercie du temps que vous allez
prendre pour nous écouter et, à ce stade-ci, je céderais la parole à Me Chénier, qui débutera la présentation.
Notre présentation se divise en trois grands axes : l'accès à la
justice, l'efficacité du système judiciaire et la qualité de la justice. Alors,
je cède la parole à Me Chénier.
M. Chénier (Robert-Jean) : Merci,
Mme la bâtonnière. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je vous salue au nom de
mes collègues qui vont s'adresser à vous par la suite, en même temps.
Je débuterai
avec les modes privés. Les articles 1 à 7 du projet de loi affirment l'existence des modes privés et volontaires de prévention et de règlement
des différends. Ils obligent les parties à considérer le recours à ces modes
avant de s'adresser aux tribunaux et à
coopérer activement dans la recherche d'une solution et, le cas échéant, dans l'élaboration et l'application d'un protocole judiciaire.
Alors, le
Barreau accueille favorablement l'introduction du protocole judiciaire…
préjudiciaire à l'article 2. Ce nouveau mécanisme d'échange d'information
au stade préalable à un recours judiciaire sera d'une grande utilité aux parties, dans certains domaines particuliers, afin
de définir l'essentiel de leur différend et négocier de manière
efficace. C'est une autre étape vers l'adoption
d'une nouvelle culture judiciaire visant l'accroissement de la
coopération entre les parties, en s'informant mutuellement des faits et
des éléments susceptibles de favoriser un débat loyal ou un règlement.
Toutefois, le
dernier alinéa de l'article 1 soulève des questionnements importants
lorsque les parties… lorsqu'il stipule
que «les parties doivent considérer le recours aux modes privés de prévention
[ou] de règlement de leur différend avant de s'adresser aux tribunaux». Quelle est la réelle portée de cette
obligation? Quelle sera la sanction d'un manquement à cette obligation?
S'agira-t-il d'une obligation préjudicielle? Le juge pourra-t-il considérer ce
manquement dans sa décision à l'égard de l'attribution des frais de justice?
• (9 h 50) •
Le Barreau est tout à fait favorable au développement
et à la consolidation d'une culture d'échange, de négociation et de collaboration entre les parties, il en fait la promotion depuis de nombreuses années.
Et cette culture doit se développer tout autant dans la phase judiciaire
que dans la phase préjudiciaire.
Cependant, l'obligation faite aux parties de
considérer les modes privés de résolution avant de s'adresser aux tribunaux ne
doit pas avoir pour effet de créer une hiérarchie entre les modes privés et le système
de justice civile. L'intention du
législateur n'est certainement pas d'empêcher les citoyens de s'adresser aux
tribunaux. L'accès au tribunal constitue
un droit enchâssé dans la Charte des droits et libertés de la personne. En
conséquence, le Barreau propose que l'article 1 devrait plutôt refléter une incitation à envisager les modes
privés de règlement des différends
plutôt qu'une obligation.
Le Barreau
est aussi préoccupé de la dernière phrase de l'article 7, alinéa un, qui fait en sorte qu'un juge
pourrait notamment reprocher à une partie son retrait trop hâtif
d'un processus de médiation. Ceci est d'autant plus vrai dans
le contentieux familial, où il est très
important de préserver le droit des parties de se retirer d'un processus
de médiation.
Par ailleurs, l'article 7, alinéa deux, prévoit une renonciation à la
prescription ou la suspension de la prescription pour la durée de la procédure sans que cette suspension excède deux
mois. Ce délai apparaît très court, et, pour permettre aux parties de pouvoir poursuivre le processus
de règlement de leur différend sans devoir s'adresser au système judiciaire, le Barreau considère
que les parties devraient pouvoir déterminer la durée de la suspension sans la
limiter à deux mois.
Je passerai maintenant
aux dépens, sujet dont on traite aux pages 13 à 16 du mémoire.
Concernant les dépens, le Barreau est
heureux de constater le choix du législateur de maintenir la règle générale de la succombance.
Les dépens demeurent un facteur qui favorise l'accessibilité à la
justice en permettant à celui qui a eu gain de cause de récupérer les frais
qu'il a dû engager pour faire reconnaître son droit et aussi pour inciter à la
prudence ceux qui poursuivent ou conteste un
recours sans justification. Le Barreau considère que la règle de la succombance
est conforme à l'objectif de l'accessibilité à la justice. Le Barreau considère
qu'il y aurait lieu de suppléer toutefois au pouvoir d'octroyer des frais de justice en permettant au tribunal d'accorder un
honoraire spécial dans une cause importante, selon les critères
développés par la jurisprudence.
Le Barreau recommande aussi de mieux baliser les
circonstances dans lesquelles le tribunal pourra accorder, en plus des frais de justice, une compensation
pour le paiement des honoraires professionnels de l'avocat. L'article 342 du
projet stipule que ce pouvoir pourrait être exercé en cas d'un manquement grave
constaté dans le déroulement de l'instance.
Il y aurait lieu d'en élargir l'application et baliser davantage
ce pouvoir discrétionnaire accordé au tribunal, car les règles concernant l'attribution des frais,
prévues aux articles 340 à 342, comportent une large part d'imprévisibilité.
Alors, je cède la parole à mon collègue
Me Jocelyn Verdon.
M.
Verdon (Jocelyn) : Bonjour.
Alors, je m'en vais en matrimonial. Vous retrouverez nos argumentaires de
notre mémoire aux pages 16 et 17. Mon intervention porte sur la durée de l'interrogatoire
au préalable. Alors, on parle ici de l'article 229.
Dans le projet de loi, il est prévu que les interrogatoires en matière familiale ne devraient
pas, principe général, excéder deux heures. Le Barreau n'est pas à l'aise
avec cette proposition-là, et je voudrais vous expliquer, de façon concrète,
les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas à l'aise avec cela.
Nous sommes d'avis, pour faire une histoire
courte, que l'interrogatoire au préalable, surtout en matière matrimoniale, où il y a des sentiments en jeu...
Les sentiments font en sorte que, des fois, les parties adoptent des
positions qui sont basées non seulement sur la logique, mais des fois, aussi,
par les sentiments. L'interrogatoire a pour effet, notamment, de structurer, d'obliger les parties à structurer leurs
demandes puis de passer un test juridique. Les avocats sont à même d'évaluer les réponses qui sont données, et
les parties aussi. Alors, des fois, quelqu'un va dire : Non, je ne
veux pas céder la maison, je ne reconnais pas les donations, je ne reconnais
pas la garde. Et, après avoir entendu les arguments que l'autre soumet, bien, ça permet aux avocats de donner des
recommandations, d'avoir l'heure juste pour la première fois dans le
dossier.
L'avantage aussi, de l'interrogatoire, c'est que
ça ne requiert pas de temps de cour, donc ça permet aux gens, justement, d'avoir
accès parallèlement à la justice, et, selon nous, c'est un déclencheur important
de règlement. Donc, ça favorise les
règlements, parce qu'une fois que les parties se sont expliquées les avocats et
les parties connaissent la version de l'autre et sont à même d'évaluer,
en fonction du droit, quelles sont les chances de succès compte tenu des
explications que nous avons entendues.
Et nous
sommes d'avis que le fait de restreindre à deux heures lancerait un signal
qu'en matrimonial les gens qui veulent
excéder deux heures devront faire une demande au tribunal. On comprend qu'on
veut éviter les abus, mais, en visant les abus, balance des
inconvénients, on pénalise ceux qui sont en processus d'échange d'information;
et on parle d'accessibilité. Alors, à mon
avis — je clos
sur ce point — je ne
vois pas d'avantage majeur, là, si on soupèse les balances des
inconvénients, et je suis d'avis qu'il serait dans l'intérêt des justiciables d'avoir
accès pleinement à cet échange d'information
pour une durée de cinq heures. Après cinq heures, effectivement, le Barreau est tout
à fait d'accord que ça nécessite une demande au tribunal pour allonger,
si c'est nécessaire. Mais il ne faut pas perdre de vue que ça touche la
garde des enfants, le patrimoine familial. Il y a quand même pas mal de sujets
abordés. Alors, c'était mon argument.
Le Président (M. Marsan) :
Merci. Me Saint-Onge.
M.
Saint-Onge (Jean) : Rebonjour à tous et à toutes. Sur le recours collectif… Bonjour. Sur le recours collectif, j'aborderai
les thèmes suivants : tout d'abord, l'article 574 sur la preuve
appropriée, également l'article 577 sur les recours multijuridictionnels,
et le droit d'appel de l'article 578. Et je commencerai avec le droit d'appel.
En recours
collectif, au stade de l'autorisation seulement, le droit d'appel est
asymétrique. En effet, seule la partie requérante,
conformément à l'article 1010, peut en appeler d'un jugement rejetant
l'autorisation d'un recours collectif. Le jugement accueillant l'autorisation
n'est pas sujet à appel de la part de l'intimé depuis qu'il fut supprimé en
1982.
L'amendement proposé par le Barreau permettrait
deux choses. La première, au requérant d'en appeler d'un jugement accueillant en partie seulement la
demande d'autorisation, soit que le juge ait réduit le groupe, la taille du
groupe, ou la description, ou encore qu'il n'accorde pas certaines conclusions.
À l'heure actuelle, il n'est pas possible pour le requérant d'en appeler parce que l'issue lui a été favorable,
l'autorisation a été accordée. Bref, il a gagné, donc il ne peut pas faire réviser par la Cour d'appel les éléments
quand même assez importants, entre autres le groupe et certaines
conclusions qui n'ont pas été accordées. Et,
deuxièmement, d'en appeler aussi d'un jugement accueillant la demande d'autorisation
mais sur permission seulement, sujet aux
règles des articles 29 et 511. Donc, dans le premier cas, celui du
requérant, ça serait un appel de
plein droit, alors que l'intimé, lui, qui ne dispose présentement d'aucun droit
d'appel, disposerait, aurait, donc bénéficierait d'un droit d'appel mais
sur permission, sujet aux règles usuelles.
Les motifs qui avaient amené le législateur à
supprimer le droit d'appel de l'intimé en 1982 n'existent tout simplement plus.
À cette époque, les appels qui étaient permis avaient pour effet de prolonger
indûment les délais au stade de l'autorisation. Il n'était pas rare, en 1982,
que les débats au stade de l'autorisation — et ça, c'est la première étape — durent quatre ou cinq ans. Or, cette époque
est révolue. En effet, le paysage est fort différent en 2013, puisqu'on
peut espérer, au stade de l'autorisation, d'être entendu, de procéder à l'intérieur
d'une période variant entre 12 et 18 mois,
et ce, entre autres, en raison des effets bénéfiques de la réforme de 2003 qui
a instauré la règle de l'oralité. Parce qu'auparavant, avant 2003, les contestations se faisaient par écrit, par
affidavit, ça prolongeait le débat. On a supprimé l'affidavit au soutien
de la requête en autorisation, donc le requérant ne peut plus être interrogé
par la partie intimée de plein droit en vertu de l'article 93, et tous les
dossiers de recours collectif sont sujets obligatoirement à la gestion particulière de l'instance. Donc, il y a un juge
qui gère le dossier, gère les échéanciers ainsi que les délais, de sorte
que les risques de dérapage et de trop longs délais par cette gestion de l'instance
sont à peu près nuls.
L'appel serait instruit et jugé en
priorité — l'article 573,
dernier alinéa, le prévoit déjà — et permettre l'appel ajouterait au
mécanisme de filtrage qu'est l'étape de l'autorisation, ajouterait donc au
mécanisme de filtrage pour écarter un recours autorisé, mais qui, ultimement,
est voué à l'échec, auquel il faudrait autrement consacrer du temps — et il y a des exemples — du temps et des ressources judiciaires
importantes, privant ainsi d'autres justiciables d'un accès aux
tribunaux pendant qu'on s'occupe de ces dossiers-là. Cela pourrait également
favoriser davantage des règlements hors cour du recours collectif si le
jugement sur l'autorisation devait être confirmé par un éclairage de la Cour d'appel. Cet aspect, je vous le soumets,
n'est pas à négliger. Et d'ailleurs bon nombre de recours collectifs se
règlent au stade d'autorisation après le jugement.
Bref,
le Barreau estime que le bénéfice surpasse de façon significative
l'inconvénient de prolonger le stade de l'autorisation de quelques mois
à peine, si l'on devait restaurer le droit d'appel pour la partie intimée. Nous
estimons également que la jurisprudence sur la permission se développerait assez rapidement.
Le Barreau n'anticipe pas d'abus sur l'exercice
de ce droit par la partie intimée, c'est sur permission. Et ça nous permettrait
également de faire l'arrimage avec les autres juridictions canadiennes, dont l'Ontario,
qui bénéficient… dans les dossiers où les défendeurs, sur une demande de
certification, bénéficient d'un droit d'appel sur permission également.
• (10 heures) •
Et je vous soumets également — et je
termine là-dessus, sur cet aspect — qu'il faut tendre le plus
possible à uniformiser les règles procédurales en recours collectifs au Canada,
au Québec entre autres, dans un paysage ou un environnement
où il y a de plus en plus de recours multijuridictionnels. Si on veut favoriser
la juridiction du Québec, il faut s'arrimer avec les règles qui sont en
vigueur dans les autres juridictions, mais, cependant, tout en maintenant la
spécificité du recours québécois… du recours de la procédure québécoise. Alors,
j'ai terminé sur cet aspect.
Brièvement,
j'aimerais vous parler de l'article 577 sur les recours
multijuridictionnels. Je n'irai pas sans détour. Le Barreau estime que l'article 577, tel que proposé, serait
susceptible de causer beaucoup de difficultés, voire même donner lieu à des contestations constitutionnelles. À
l'heure actuelle, le juge dispose de tous — de tous — les outils nécessaires pour se prononcer sur une question de suspension
du recours québécois ou de son désistement par le biais des règles du
Code civil, que ce soit le droit international privé, la litispendance, le
forum conveniens, le principe du comité, soit la règle de courtoisie entre les
tribunaux de différentes juridictions.
Il faut, en
tout état de cause, favoriser une justice de proximité et de ne pas faire en
sorte que ce soit à un juge de l'Ontario ou un juge de la
Colombie-Britannique de décider de se prononcer sur les droits des résidents du
Québec, surtout lorsque des questions
portent sur des questions d'ordre public, telle la LPC, le droit des assurances
ou encore les lois du travail. Mais,
plus important encore, il n'y aucune réciprocité dans les autres provinces
canadiennes, dans les autres juridictions canadiennes, ce qui risque de
rendre encore plus fluide l'assujettissement du recours collectif québécois à des instances pendantes et émanant de d'autres
juridictions canadiennes, et je pense surtout à l'Ontario. Et d'ailleurs
je ne vois pas le jour où l'Ontario va adopter une disposition semblable à l'article 577,
et il y a déjà beaucoup de pression pour que
les grands débats, dans des recours multijuridictionnels, se fassent en Ontario
et à Toronto. Mais surtout 577, tel qu'il
nous est présenté, est susceptible de causer des contestations inutiles sur son
application, alors que les règles sont déjà bien établies par la
jurisprudence. En d'autres mots, quand ça fonctionne bien, on n'y touche pas.
Il y a les
effets pervers que je soupçonne, et c'est là une inquiétude qui est partagée
très largement par les membres du
comité, autant en demande qu'en défense — je parle du Comité sur les recours
collectifs, qui regroupe les avocats qui ne pratiquent que dans ce domaine-là — c'est que ça risque d'encourager nos
collègues avocats des autres provinces de se présenter devant un juge de la Cour supérieure parfois pour favoriser
leur propre juridiction et demander la suspension du recours collectif
pour que le débat se fasse en Colombie-Britannique ou en Ontario. Donc, il faut
être très attentifs à cette réalité, et je préfère vous mettre en garde
maintenant.
Très
brièvement, je termine avec la preuve appropriée. Vous verrez que le Barreau
propose d'ajouter des termes, en tenant compte de l'entente entre les
parties, le cas échéant, au troisième alinéa de l'article 574 — c'est
dans notre mémoire, à la page 23 — parce que nous avons constaté qu'il y a encore trop de temps et de ressources qui sont
consacrés à débattre de requêtes en vertu de l'article 1002 pour présenter une preuve appropriée,
que ce soit une preuve documentaire ou
un affidavit que l'on désire introduire — habituellement, c'est l'intimée qui le présente — ou encore la permission d'interroger le requérant, qui n'est plus
automatique ou de plein droit comme auparavant. L'expérience démontre qu'il faut parfois attendre quelques semaines, et même des
mois pour pouvoir être entendu simplement sur une requête préliminaire, qui est l'article en
vertu de… qui est l'article 1002,
en raison de l'agenda des avocats ou encore des disponibilités ou des assignations des juges, et ça a pour effet
de prolonger l'étape d'autorisation.
Alors, le but
de la modification que nous proposons, c'est d'envoyer ce message que les
parties ont le droit de s'entendre entre elles afin de réduire le nombre
de requêtes, et qui sont encore trop nombreuses, et toujours, aussi, dans une perspective de réduire les délais et de
favoriser les ententes. Mais, dans tous les cas, ces ententes-là, le juge
a discrétion, pleine discrétion, et la
conservera. Les ententes devront être entérinées par le juge. Donc, malgré les
ententes, le juge pourra déterminer s'il y aura lieu de produire une preuve
appropriée.
Alors, voilà,
c'étaient mes commentaires. Merci, et je cède la parole à mon collègue
Dominique Trahan, Me Trahan, en droit de la jeunesse.
Une voix : L'efficacité du
système.
Le Président (M. Marsan) : Me
Trahan.
M. Trahan (Dominique) : L'efficacité.
Alors, on va essayer de l'être, et, si jamais il y avait des questions
ultérieurement, ça me fera plaisir d'y répondre.
Mais, à tout événement, il y a deux articles du
projet de loi qui visent le droit de la jeunesse et la Loi de la protection de
la jeunesse, à savoir les articles 821 et 37, troisième alinéa plus
particulièrement.
Alors, la
loi… ou le code prévoit déjà qu'en matière de protection de la jeunesse la loi
est une loi particulière, et, dans les matières relatives à la jeunesse,
la compétence de la cour, et la procédure à suivre, est déterminée par la loi
particulière. Alors, l'article 821 du projet de loi fait disparaître de l'article 85
de la Loi de la protection de la jeunesse l'énumération des articles du Code de
procédure qui peuvent s'appliquer dans la mesure où ces articles-là ne sont pas
incompatibles avec la Loi de la protection de la jeunesse, qui est évidemment
la loi spéciale.
L'énumération
des articles peut paraître lourde à la lecture, sauf que, pour la pratique au
quotidien, elle est utile. Les praticiens
savent qu'est-ce qui s'applique et qu'est-ce qui peut s'appliquer, et la
description, dans ce sens-là, est utilisée régulièrement. De la biffer
de l'article en question par un amendement via le Code de procédure civile
entraîne le fait qu'il n'y a plus de
référence, et tous les articles possibles seront sujets à débat sur les
nouveaux mécanismes, parce qu'à partir
de ce moment-là on pourra éventuellement plaider qu'il y a possibilité de
rendre ces dispositions-là compatibles avec la loi. Alors, dans le processus judiciaire de la pratique en protection
de la jeunesse, ces débats-là, quant à nous, n'ont pas leur place et vont à l'encontre de l'intérêt de
l'enfant en créant des délais supplémentaires. Il y aurait lieu aussi d'inclure
à l'énumération tous les nouveaux processus
judiciaires qui sont prévus au Code de procédure civile qui peuvent
recevoir application en vertu de la Loi de
la protection de la jeunesse par leur utilité. Alors, on pourrait revenir, mais
je pense, par exemple, à une situation de quérulence.
Ensuite,
l'amendement proposé à l'article 37, troisième paragraphe, permettrait à
la Cour du Québec, quand elle est
saisie d'une demande de protection ou d'adoption, de se prononcer sur les
demandes qui y sont liées concernant la garde de l'enfant, l'exercice de l'autorité parentale ou la tutelle demandée
par le directeur de la protection de la jeunesse. Le Barreau considère que cette disposition va à
l'encontre du principe que la loi particulière détermine la procédure à
suivre et la compétence de la cour. Cette loi particulière, la Loi de la
protection de la jeunesse, en aucun temps n'utilise le mot «garde». L'article 91 de la Loi de la
protection de la jeunesse prévoit que la cour peut maintenir un enfant dans son
milieu familial ou encore le confier à l'un ou à l'autre de ses parents ou à un
milieu substitut, style centre de réadaptation ou famille d'accueil. Alors, le libellé actuel de la loi spécifique permet
de s'occuper de l'enfant dans toute sa situation familiale et d'imposer
des mesures à l'enfant et à ses parents dans le but de mettre fin à une
situation de compromission, qui est l'objectif de la loi.
Il y aurait aussi une autre disposition, qui n'est
pas nécessairement visée par le projet de loi sur le Code de procédure civile,
mais vous avez sur la table actuellement un projet de loi en adoption qui
traite d'un amendement à la Loi de la protection de la jeunesse pour que les
jugements puissent être disponibles chez SOQUIJ, parce que c'est des jugements
qui doivent être balisés et aussi caviardés. Alors, cet amendement-là ne se
retrouvera pas au Code de procédure civile,
ce qui fait en sorte que, dépendant quelle loi sera adoptée en premier, il
serait utile de l'avoir pour le mettre en vigueur également. Voilà.
Alors, Me Verdon.
• (10 h 10) •
M. Verdon (Jocelyn) : Alors, nos
prétentions se retrouvent à la page 30 de notre mémoire, et ça porte sur
les conjoints de fait. Alors, le but de
la... Premièrement, on salue
l'initiative aux articles 411 et suivants, là, de permettre
aux conjoints de fait de procéder dans un seul dossier. Alors, ça, c'était le
but de la demande du Barreau; vous y donnez suite partiellement.
Puis
j'aimerais peut-être clarifier un malentendu qui aurait pu être
interprété. Ce que le Barreau recherche, ce n'est pas… puis j'ai cru comprendre… Nous voudrions que
les conjoints de fait puissent procéder dans un seul dossier qu'ils aient des enfants ou non. Alors, je vais vous
donner des exemples. Les conjoints de fait, on en retrouve de plus en plus. Au niveau procédural, ce qui se passe, c'est que, souvent, il y a des
réclamations de différents types : une réclamation pour
enrichissement injustifié, une réclamation en indivision pour mettre fin à la
copropriété, une demande en partage de meubles.
Ça donne lieu, techniquement, dans l'état actuel du droit, à trois dossiers
distincts et à trois auditions distinctes. Nous, ce que nous voulions soumettre au tribunal, c'est de permettre aux
justiciables… toujours pour respecter l'esprit du but de la loi, c'est
de déjudiciariser et favoriser, de permettre de procéder dans un seul dossier.
Alors, nos
recommandations, nos suggestions ne visaient pas, et je voudrais le clarifier,
à ce que, dès qu'il y a des enfants,
automatiquement les gens puissent choisir entre la Cour supérieure et la Cour
du Québec. Pour nous, ça va de soi, dans notre suggestion, dans notre
mémoire, lorsque les parties ont des enfants, nécessairement elles vont s'adresser
à la Cour supérieure dans un seul dossier,
c'est-à-dire on va procéder sur la garde, on va procéder sur l'indivision, s'il
y en a une, et on va procéder sur la
réclamation d'enrichissement injustifié, tout ça dans l'intérêt des parties. Si
les parties n'ont pas d'enfant, nous voudrions que le projet de loi
prévoie qu'ils pourront également s'adresser dans un seul dossier. S'il n'y a pas d'enfant, si la réclamation est
inférieure à 80 000 $, ils pourront s'adresser en Cour du Québec. Si
la réclamation est supérieure, ils s'adresseront en Cour supérieure… en
Cour du Québec, pardon, si c'est en bas de 80 000 $; Cour supérieure,
si c'est au-dessus de 80 000 $.
Alors, nous,
dans notre tête, la proposition qu'on faisait prenait pour acquis qu'on ne
changeait pas les dispositions puis
les juridictions de la Cour du Québec et la Cour supérieure. C'est un avantage
pour le justiciable, parce qu'actuellement, si vous êtes en présence de
conjoints de fait qui n'ont pas d'enfant, bien, ils se retrouveront avec l'ancien système, c'est-à-dire avec l'obligation
d'aller dans différents dossiers. Alors, je pense qu'il s'agirait
simplement de prévoir que, lorsqu'il y a des
enfants, c'est nécessairement en Cour supérieure. Sans enfant, bien, ils
pourront s'adresser en Cour du Québec
ou en Cour supérieure pour disposer de tous les litiges, là, qui découlent de
leur union de fait de 15, 20 ans.
Alors, c'était la recommandation du Barreau, et
nous sommes d'avis que ça répondrait à une accessibilité à la justice, ça
réduirait les coûts et ça réduirait également l'ouverture de dossier et le
temps d'audition. Parce qu'il ne faut pas sous-estimer l'impact d'un tribunal
qui entend une requête en enrichissement injustifié et ensuite qui se prononce sur l'indivision. Alors, au lieu d'avoir
deux auditions distinctes, nous en aurions une seule, réduction des
coûts, réduction du temps d'audition, réduction d'ouvertures de dossier. C'était
notre recommandation. Merci.
Maintenant, à mon confrère Louis Payette.
M. Payette (Louis) : Alors, mesdames
messieurs, je dois traiter de cette partie du code qui parle d'exécution des
jugements. Je dois dire, à ce sujet-là, que le Barreau salue les efforts qui
ont été faits pour simplifier le processus d'exécution des jugements en
général.
Vous
allez constater, à lire les commentaires dans le mémoire, que le Barreau s'est
intéressé plus particulièrement à la
vente sous contrôle de justice en l'examinant sous l'aspect des droits
hypothécaires et des recours hypothécaires. Et cet examen-là doit se
faire dans un contexte où on sait qu'une hypothèque porte sur un immeuble; c'est
la réaction première qu'on a en pensant à
une hypothèque, hypothèque pour acheter un immeuble, pour refinancer un
immeuble. Par exemple, c'est certain
que c'est un segment extrêmement important de l'économie du Québec. Le
Mouvement Desjardins indiquait, dans un prospectus, que les quelque
400 caisses du Québec avaient en cours 17 point quelques centaines de millions
de dollars de prêts hypothécaires résidentiels à la fin de l'année 2010.
Alors, c'est un chapitre qui est très important
pour l'économie et pour les citoyens qui empruntent. Mais l'hypothèque grève
aussi, depuis 1994, comme vous le savez, des biens meubles, de l'équipement,
des stocks, des recevables. L'hypothèque est au service de l'entreprise. Il
faut donc regarder ces dispositions sous un angle global.
Dans le
mémoire, je désirerais souligner trois éléments principaux. Il y en a d'autres,
et peut-être, dans la période de questions, qu'ils reviendront, mais un premier élément a trait à
l'article 760. Cet article change le paysage juridique qu'on connaît depuis probablement un siècle ou plus
en permettant de demander l'annulation d'une vente sous contrôle de
justice, qui est le nouveau nom de la vente en justice, si on estime, si le
requérant estime que la vente n'a pas été faite à un prix commercialement
raisonnable. Cette demande peut se faire dans les 60 jours suivant la
vente ou, si le tribunal le permet en vertu des pouvoirs donnés à l'article 84
du projet de loi n° 28, à l'intérieur d'un délai plus long.
Alors, cet
article suscite des interrogations, en ce sens que, dans la tradition juridique
québécoise et d'ailleurs, je suppose, le décret, c'est-à-dire la vente en justice, représentait la vente la
plus sûre qui soit. Elle conférait à l'acheteur une sécurité au
niveau du titre et du droit acquis.
Cette possibilité d'annuler une vente, en alléguant que le prix n'a
pas été suffisant, crée une insécurité juridique.
Seconde observation à ce sujet-là, c'est que le
prix commercialement raisonnable est défini, dans le projet de loi n° 28, comme étant le prix le plus près possible de la valeur marchande, et
ceci, également, suscite des questions. Si on consulte, par
exemple, le Guide de pratique de
l'Ordre des évaluateurs agréés, ceux-ci recommandent à leurs membres
de distinguer entre différents types d'évaluation, notamment l'évaluation de la valeur marchande et l'évaluation d'une valeur de liquidation.
Dans la valeur de liquidation, cet ordre introduit la vente forcée suite à une
saisie ou la vente suite à l'exercice d'un
recours hypothécaire. Il est donc conceptuellement difficile de voir comment
ces deux concepts peuvent vraiment se marier ou s'apparier.
Deuxième observation a trait à l'article 766,
qui, également, change le paysage juridique. Cet article prévoit qu'en cas de vente sous contrôle de justice, lors
de la distribution du prix, si la vente est consécutive à une saisie
faisant suite à l'obtention d'un jugement
par un créancier ordinaire, ou peu importe sa qualité, le saisissant a droit,
après paiement des frais de justice,
à 10 % du montant à distribuer.
Ceci bouleverse un peu le principe que les biens sont gage commun d'un
créancier et qu'il y a égalité des créanciers, puisqu'on donne une préférence
assez marquée à celui qui, le premier, a couru
vers la saisie et l'exécution. Ceci dévalue aussi la priorité ou l'hypothèque
des créanciers qui bénéficient d'une sûreté, et on peut se demander, du point de vue du justiciable, ou plutôt, je
devrais dire, des emprunteurs, si cette disposition n'a pas pour effet
de diminuer la valeur d'emprunt de leurs biens, en ce sens qu'un créancier va
être tenté d'escompter ce 10 % à l'avance, en disant : Bien, je
risque; même si j'ai une sûreté, quelqu'un peut passer avant moi.
Mon troisième commentaire, je vais le résumer
très succinctement, a trait à ce que le projet de loi inverse, au niveau
de l'exercice des recours hypothécaires, une démarche qui avait été adoptée par
le législateur en 1994, c'est-à-dire
que le législateur, à cette époque-là, avait créé, pour l'exercice des recours,
un régime particulier en dehors du régime général de saisie et d'exécution. La démarche, ici, est inverse, et on
crée un régime général pour aussi bien les créanciers ordinaires que des créanciers hypothécaires, avec
comme conséquences un certain nombre de difficultés d'interprétation
susceptibles de créer des débats, beaucoup de débats, à notre sens.
Dans la vente
sous contrôle de justice, un jugement, à l'origine, détermine les modalités,
établit les conditions lorsqu'il
s'agit d'une vente demandée par un créancier hypothécaire. Les conditions de la
vente sont établies au départ. Or, le
projet de loi n° 128 assujettit au chapitre sur la vente sous contrôle de
justice le créancier hypothécaire, donc le soumet à plusieurs incidents créés par l'article… la loi
n° 128, qui normalement auraient dû ou sont… en fait, font l'objet du
jugement d'origine. Alors, il y a une
difficulté d'interprétation qui va se poser quant à ce qui s'applique, quant à
ce qui ne s'applique pas, quant à ce qui s'applique partiellement ou
pas.
Alors, voilà, en très peu de mots, ce que je
voulais souligner du mémoire, et je cède maintenant la parole à Me Verdon.
• (10 h 20) •
M. Verdon
(Jocelyn) : Bonjour. Alors,
comme vous pouvez le constater, mon intervention porte sur deux
points : la confidentialité en matière matrimoniale et l'expertise
commune.
Alors, la
confidentialité, je vais tenter de vous… Je n'ai pas beaucoup de temps, là,
mais la confidentialité, écoutez, pour faire une histoire courte, à
votre article 16… Je commencerais par la conclusion, finalement. Dans le
milieu d'à peu près la première phrase, on semble dire que le dossier va être
confidentiel si ces pièces et autres documents sont déposés sous pli cacheté.
Je bifferais cela. Ça réglerait bien des problèmes, puis je m'explique.
En matière matrimoniale, le fait de déposer des
documents sous scellés ne règle pas le problème. Le droit a beaucoup changé au cours des 10 dernières
années. Les tribunaux nous demandent d'être beaucoup plus précis dans
les procédures, d'être beaucoup plus précis
dans les affidavits circonstanciés, dans lesquels on retrouve une foule de
détailsqui sont totalement
personnels. Les gens qui veulent avoir accès à la justice, justement, à mon
avis, on doit, nous, comme institution et comme gouvernement, je pense,
assurer la confidentialité pour que ces gens-là puissent se dire ce qu'il y a à dire, puissent aller à la cour sans crainte,
possiblement, qu'une fuite puisse porter atteinte à leur carrière. Donc,
dans ce cadre-là, vous avez des documents
comme 827.5, qui contient le numéro d'assurance sociale, le nom de l'employeur,
c'est des
renseignements absolument incroyables. Vous avez les affidavits — je me répète — la convention matrimoniale. Le fait de mettre ces documents sous scellés, alors que,
des fois, il y a des révisions de pension… On est en audition, le juge
ouvre les enveloppes, ferme les enveloppes, remet… C'est impossible à gérer.
Donc, ce que nous soumettons, c'est :
Inspirons-nous de l'article 13, l'ancien article 13 qui émet la
directive suivante : Lorsqu'il y a une
audition en matrimonial, elle est à huis clos. Donc, ce qu'on cherche à éviter,
c'est que les voisins, les gens puissent assister à cette cause-là.
Alors là, ce
qui se passe, c'est que, dans la minute qui suit la fin de l'audition, on émet
un principe qui est le huis clos,
mais les gens peuvent avoir accès au dossier. N'importe qui peut se présenter
au greffe et connaître, en lisant l'affidavit circonstancié, en lisant la requête ou, s'il y a eu une entente, en
lisant la convention… il peut avoir accès comme s'il avait été en
audition. Il voit, il entend tout, il lit tout.
Donc, le fait
de biffer le passage que je vous ai dit, ça ferait en sorte que les
journalistes pourraient encore avoir accès, seraient liés par le fait qu'ils
ne peuvent pas identifier les parties. Ça respecterait un certain équilibre sur
la transparence du système judiciaire, mais
ça respecterait aussi la particularité du droit de la famille, qui… Je ne vois
pas en quoi le fait de connaître le nom des
enfants, ce qui s'est passé, les comportements antérieurs puis les revenus des
parties… Je ne crois pas que ce soit dans
l'intérêt du public de connaître cette information-là. Et ça favoriserait un
procès, là, en toute quiétude — déjà que c'est complexe — sans
qu'il y ait des fuites.
L'expertise commune, c'est un autre élément qui
nous interpelle, et je m'explique. En vertu des articles 32 et suivants du Code civil… L'intérêt de l'enfant,
c'est la pierre angulaire de notre Code civil. Ce que nous demandons au justiciable,
parce qu'on parle d'accessibilité à la justice, c'est de se présenter… après
avoir franchi les étapes de médiation, etc., en souhaitant que ce processus
fonctionne. Mais, s'il ne fonctionne pas, le justiciable se retrouve devant un tribunal et, contrairement aux autres
expertises, il accepte de se conformer à la décision d'un tribunal qui
va décider à quelle fréquence il va voir son
enfant. C'est une décision majeure. Le fait qu'un juge puisse dire qu'à
défaut, par les parties, de s'être entendues
sur une expertise commune il va en ordonner une, à mon avis, c'est
catastrophique pour certaines
personnes. Qu'est-ce qui fait en sorte qu'après un processus judiciaire les
parties vont respecter cette entente-là puis vont s'y soumettre? C'est la possibilité d'avoir expliqué et
d'avoir soumis tous les arguments possibles, d'avoir été entendues puis
d'avoir été écoutées.
L'expertise
matrimoniale est souvent un peu aléatoire. Ce n'est pas aussi précis qu'un
ingénieur ou… ce n'est pas mathématique.
Donc, le fait d'avoir deux expertises, exceptionnellement, peut amener le
tribunal à avoir deux visions différentes,
peut permettre au parent d'avoir la certitude qu'il a tout fait puis il a
soumis toute l'information requise au tribunal. Et je pense que tout
le monde bénéficie de cette approche.
Parce qu'il faut se poser la question. On ne règle
pas un vice caché, là. Si on a un enfant de
deux ans puis on décide à quelle fréquence le père ou la mère va voir cet
enfant-là, il faut... ces gens-là
doivent vivre avec la décision pendant peut-être 15 ans. Donc, le fait d'avoir une expertise
peut permettre de désamorcer le problème, de permettre à ces gens-là de s'exprimer
et d'accepter peut-être plus facilement la décision d'un tribunal en
ayant la certitude qu'ils ont été entendus.
Alors,
c'étaient les arguments... Ça nous préoccupe énormément qu'un juge puisse
dire : L'intention du législateur, c'est de restreindre les expertises,
j'en ordonne une seule, point à la ligne. Un juge qui… normalement, peut
réussir à sensibiliser les parties et peut-être les amener à en faire une
seule. Mais de l'imposer, ça nous semble carrément catastrophique en matière de
garde d'enfant.
Merci. Je cède la parole maintenant à mon
confrère Me Chénier.
Le Président (M. Marsan) :
Me Chénier.
M. Chénier (Robert-Jean) :
Concernant les sténographes, le Barreau est préoccupé par le délaissement de la
transcription d'un témoignage par le sténographe. Le code devrait énoncer
clairement que l'interrogatoire, hors de la présence du tribunal, devrait être
devant un sténographe à moins qu'il y ait consentement des parties à ce que le
témoignage soit seulement enregistré. Le Barreau favorise, à cet égard, le
respect du consentement des parties, mais, à défaut d'un tel consentement, la
présence du sténographe devrait être requise.
Il y aurait aussi lieu de s'assurer que la
législation et la réglementation donnent la flexibilité nécessaire pour
permettre des interrogatoires à distance, devant sténographe, si les parties y
consentent. Par ailleurs, tout interrogatoire,
qu'il ait lieu en présence du sténographe ou seulement par enregistrement de
consentement des parties, devrait
être transcrit par un sténographe pour être déposé aux dossiers de la cour. Il
est impératif que la transcription de tout interrogatoire dont on veut
se servir dans un débat judiciaire, en première instance ou en appel, soit
effectuée par un sténographe officiel. On ne saurait accepter le dépôt du seul
enregistrement sur son support électronique sans transcription officielle.
Concernant
l'appel, le Barreau note que le projet de loi prévoit que les mesures de
gestion relatives au déroulement de
l'instance peuvent faire l'objet d'un appel sur permission d'un juge de la Cour
d'appel, et cette mesure améliore la qualité
de la justice. Cette permission ne sera accordée que si la mesure ou la
décision apparaît déraisonnable en regard des principes directeurs de la
procédure. Le Barreau considère qu'il y a lieu d'élargir la portée de l'appel
sur permission dans la mesure où la décision sur la mesure de gestion n'a pas
été rendue judiciairement. Il y eut des cas où la Cour d'appel a dû infirmer des mesures de gestion lorsque le juge n'avait pas
exercé judiciairement sa discrétion, en privant une partie d'une preuve essentielle à la solution du litige. On ne
saurait accepter l'absence d'un droit d'appel lorsque le juge de
première instance n'a pas exercé judiciairement sa discrétion.
Finalement,
quant aux mesures de gestion, le Barreau note que le code accorde des pouvoirs
d'office aux juges en matière de
gestion aux articles 48, 152, 159 et 172. Le Barreau considère que, pour
atteindre un meilleur équilibre entre les pouvoirs de gestion du juge et le rôle des
parties, lesquelles demeurent maîtres de leurs dossiers, le juge ne devrait
pas intervenir s'il y a entente entre les parties. Le Barreau suggère de
remplacer l'expression «d'office» par l'expression «à défaut d'entente entre
les parties». Il faut rappeler que c'est lors de l'examen du protocole de l'instance,
en vertu de l'article 150, que le juge
l'examine selon les directives que le juge en chef établit pour le respect des
principes directeurs de la procédure et que l'article 18 prévoit
que les juges appliquent le principe de proportionnalité dans la gestion des instances qui leur sont confiées. Ces pouvoirs
généraux apparaissent bien suffisants pour permettre aux juges de
veiller au respect des principes directeurs de la procédure et à la bonne
administration de la justice.
Il
est évident que les juges seront beaucoup plus sollicités en matière de gestion
d'instance, mais il faut préserver un
sain équilibre en responsabilisant les parties, qui ont la maîtrise de leurs
dossiers, dans le respect des principes directeurs de la procédure et il
faut préserver et consolider cette confiance mutuelle. Mme la bâtonnière.
• (10 h 30) •
Mme Brodeur (Johanne) : Alors, merci à mes collègues pour leur
présentation. Merci de votre écoute.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Nous avons présenté ce
qui est l'essentiel pour nous, mais vous savez que notre mémoire contient bien
d'autres commentaires. Alors, nous sommes là pour vous éclairer. Merci.
Le
Président (M. Marsan) : Alors, à moi de vous remercier de nous
avoir donné le point de vue du Barreau du Québec sur le projet de loi n° 28. Nous allons débuter
immédiatement cette période d'échange, et je vais donner la parole à
notre jubilaire, M. le ministre de la Justice. M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Merci, M. le Président. Bien, bonjour, Mme la
bâtonnière du Québec, Me Brodeur. Bonjour à madame messieurs qui vous
accompagnent. Je me permettrais peut-être, vu qu'on en a pour quelques heures,
de vous présenter les gens qui m'accompagnent : à ma droite, la
sous-ministre en titre du ministère de la Justice, Me Nathalie Drouin, avocate émérite; également mes collègues
députés, le député de Mirabel, qui est également membre du Barreau du Québec, le député de Sherbrooke; à ma gauche,
Me Nadine Koussa, qui est conseillère politique à mon cabinet; et, j'allais dire, mon trio d'experts, qui est assis
derrière, qui m'a accompagné dans ce dossier depuis un an : Me
Longtin, avocate émérite, que vous
connaissez bien sûr tous; Me Chamberland, avocat émérite également; Me
Pelletier; et leurs équipes qui les accompagnent.
Bien,
d'abord, un énorme merci pour votre mémoire, pour votre témoignage, et ça s'adresse au Barreau et à ses différents comités. Je suis heureux de voir qu'on a fait pas mal de chemin, depuis
quelques années, sur ce dossier et qu'on est maintenant rendus aux
derniers éléments à perfectionner dans ce nouveau Code de procédure civile que
j'espère voir adopté au plus tard… sinon en
décembre, au plus tard en février — je regarde du côté de l'opposition, je
regarde du côté du bâtonnier qui est
devant moi. Je dis bravo, parce que, ce matin, en venant de Montréal, je
relisais le mémoire, et c'est concis,
c'est clair, il n'y a pas
300 pages, il y a 50 pages, et on va directement... Et, j'allais
dire, même un criminaliste peut
comprendre ça facilement. C'est important, parce que vous savez que la
quasi-totalité des membres de la commission sont des criminalistes. Alors, c'est important d'y aller d'une manière
qui soit appropriée, parce que c'est sûr que, pour certains d'entre nous
à tout le moins, la procédure civile n'est pas notre champ de spécialité.
Je
commencerais peut-être avec la confidentialité en matière familiale. Est-ce que
je comprends, Me Chénier, de ce que
vous nous avez... Me Verdon, excusez, Me Verdon. Est-ce que je comprends qu'à
l'article 16, si on enlevait «sous pli cacheté» dans le premier
alinéa, il n'y aurait plus de problème ou à peu près?
M. Verdon (Jocelyn) : Bien, ma compréhension, pour répondre à votre question, j'étais sous
l'impression que oui. Parce que, le
deuxième alinéa, on nous dit : «Lorsque l'accès à des documents est
restreint...» À ce moment-là, on viendrait d'établir qu'en matière familiale l'accès aux pièces et autres
documents, versés à un dossier, qui comportent des éléments d'identification est restreint. Puis là on
dit : «Lorsque l'accès à des documents est restreint, seuls peuvent les
consulter ou en prendre copie les parties,
leurs représentants, les personnes désignées par la loi et les personnes, dont
les journalistes», etc.
Donc,
ça répondrait au problème. Il faudrait juste s'assurer qu'on puisse dire au
greffe : Vous ne pouvez pas... Le voisin ne peut pas consulter le
divorce de son conjoint ou de… bien, quelqu'un qui se sépare, là, qui est en
politique, par exemple.
M.
St-Arnaud : En fait, que le greffe maîtrise bien, là,
l'article 16 au complet, notamment le deuxième alinéa, là, qui
est... quant à qui peut consulter ces documents-là. Parce que ce que je
comprends, c'est que, si on met «sous pli cacheté», ça ne se fera pas
nécessairement automatiquement. Il y a des endroits où ça...
M. Verdon (Jocelyn) : Bien, il y a des choses qu'on ne peut pas mettre sous... cachetées. Il
y a des procédures, des affidavits, on ne peut pas les cacheter. Les
requêtes, on ne peut pas, les conventions non plus. Donc, on règle une partie
du problème, mais l'essentiel... Les rapports d'impôt, de toute façon,
actuellement, on peut demander au tribunal de les mettre sous scellés ou...
M.
St-Arnaud : Mais ça ne se fait pas... Ce que je comprends,
c'est que ça ne se fait pas... Ça dépend des dossiers. Il y a des
dossiers où ça se fait, il y a des dossiers où les avocats...
M. Verdon
(Jocelyn) : Ça se fait très
peu, en toute honnêteté, parce que le procès, c'est trop lourd. On l'a
vérifié. Puis là on est en procès, c'est cacheté. Le juge ouvre, il faut le
refermer. Quelqu'un veut le reconsulter, il y a une modification de pension, on est aux mesures provisoires, on s'en va au
divorce. C'est, à mon avis, extrêmement complexe comme gestion.
M. St-Arnaud : Ce
que vous dites, Me Verdon, c'est : Oubliez le pli cacheté, là; qu'il y ait
un accès restreint. Allons avec l'accès restreint et avec un certain
nombre de personnes. Et ça, vous êtes d'accord, là, pour ce qui est du deuxième
alinéa.
M. Verdon
(Jocelyn) : Tout à fait.
M.
St-Arnaud : Écoutez,
je ne veux pas conclure, parce qu'on n'est pas rendus à cette étape-là, mais on
accueille avec beaucoup, beaucoup d'intérêt votre proposition. Hier, la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse nous a proposé de
mettre la clause… c'est-à-dire la clause dérogatoire de l'article 23…
c'est-à-dire la clause dérogatoire… de dire que l'article 16 s'applique malgré l'article 23
de la Charte des droits, là, ce que, probablement,
on pourrait insérer à l'article 16,
ou faire en sorte, là, que les articles 12 à 16
s'appliquent nonobstant l'article 23 et… Mais sachez que, sur cet élément-là,
je pense que nous sommes pas mal convaincus.
Vous n'en avez pas parlé beaucoup
dans votre présentation d'ouverture, le rapport d'expertise, les articles 238,240, 293, 294, j'aimerais… peut-être,
vous en avez parlé, puis je l'ai… ça m'a échappé, là, pendant les quelques minutes où vous en avez parlé. J'aimerais d'abord vous entendre sur le
rapport d'expertise. Je crois comprendre que vous avez essentiellement trois… il y a trois éléments, là, qui vous préoccupent eu égard
au rapport d'expertise. Alors, j'aimerais que vous les exposiez, et on
pourrait les prendre un par un par la suite.
M. Chénier (Robert-Jean) : Oui. M.
le ministre, concernant l'article 238, il stipule que «le rapport de tout expert doit être suffisamment
détaillé et motivé pour que le tribunal soit lui-même en mesure d'apprécier les
faits et les conclusions». Je vais vous
donner mon point de vue de praticien. Lorsqu'on demande l'opinion
d'un expert, le rapport est rédigé en termes scientifiques, en termes
qui sont opaques pour le profane, parce que l'expert se prononce dans son domaine, que ce soit en chimie, en médecine, en
informatique. Et demander à un expert de faire l'effort de vulgarisation
pour que tout profane… et le rôle de
l'expert est d'instruire un profane, mais que tout profane puisse le
comprendre, je l'ai déjà vu faire,
mais ça quintuple ou ça multiplie par 10 le coût du rapport. Il y a des experts
qui produisent des rapports où, pendant
des pages et des pages, ils expliquent la théorie puis, à la fin, ils donnent
de l'information. Autant les avocats en demande qu'en défense — et je me souviens que Me Ménard, devant la
commission, avait fait le commentaire — si on demande ça, on a plusieurs experts qui ne voudront pas agir en experts,
parce que ce sont des gens qui veulent pratiquer et non pas faire des
rapports d'expertise ad nauseam. Et ceux qui vont le faire, ça va être
extrêmement coûteux.
Et ce n'est pas une
mesure qui favorise, à notre avis, l'accessibilité et l'efficacité. D'autant
plus que 93 % des rapports qui sont produits ne se rendent pas à la cour
et ne sont jamais lus à un juge parce qu'il y a un règlement hors cour. Donc,
en recevant un rapport d'expertise, la partie adverse va consulter son propre
expert et va être à même de le comprendre. Alors, cette exigence, à notre
humble avis, ne rejoint pas les objectifs d'efficacité et d'accessibilité.
Allons maintenant à l'article 240,
qui est le deuxième point. C'est une innovation qui n'existait jamais
auparavant…
M.
St-Arnaud : …de vous interrompre. Peut-être juste sur ce que
vous venez de dire, puis je le reprends un peu sur le début, puis on ira à 240 après. C'est juste sur
ce premier élément là. Ce qui est souhaité ici, c'est que, finalement,
le rapport, le témoignage de l'expert devant
le tribunal soit limité par rapport à… On en a tous fait entendre, des
experts, et effectivement l'idée était de dire : On dépose un rapport d'expert
qui tient… Et on le retrouve à 293, oui, c'est ça. Alors, l'idée, c'était de
dire : On fait faire un rapport par l'expert, et, à 293, le rapport de
l'expert tient lieu de son témoignage, pour
éviter, là, ce qu'on voit… enfin, ce qu'on voyait dans la chambre où je
pratiquais, où on passait une heure à
faire répéter, finalement, à l'expert, pendant une heure, une heure et demie,
une grande partie de son rapport d'expertise. Alors, ce qu'on dit à ce
moment-là, ce qu'on dit à 293 : «Le rapport de l'expert tient lieu de son
témoignage.»
À partir du moment où
le rapport de l'expert tient lieu de son témoignage, est-ce qu'il ne doit pas
être suffisamment détaillé — pour
reprendre le libellé de 238 — et motivé pour que le tribunal soit
lui-même en mesure d'apprécier les faits et les conclusions?
• (10 h 40) •
M. Chénier (Robert-Jean) : Dans notre expérience, le juge va réellement
comprendre la position d'une partie puis
l'explication d'expert lorsque l'expert, dans son témoignage en chef, va
expliquer son opinion. Et, les juges, la tradition veut qu'ils absorbent
l'information selon des témoins qui viennent leur expliquer toutes les circonstances,
et ça aussi, quant à nous, ça s'applique à l'expert.
Et j'ai vécu une expérience,
récemment, où on était dans une conférence de règlement à l'amiable, on n'avait
pas d'expert avec nous puis on s'est rendu compte, à la fin de la journée, les
deux avocats des deux côtés, qu'on n'avait vraiment pas compris du tout les
rapports sur lesquels on se fondait pour régler la cause. Donc, l'éclairage,
dans le témoignage en chef, de l'expert est
absolument essentiel pour que nous, profanes, on arrive à comprendre son point
de vue.
J'abonde dans le sens de
l'article 238 quand on dit que le rapport doit mentionner les
instructions, doit mentionner les faits, doit mentionner la méthode d'analyse.
Mais, aller jusqu'à ce qu'on pense que le rapport va tenir lieu du témoignage,
je pense que c'est enlever la chance aux parties de vraiment présenter leurs
points de vue. Le rapport est déposé, il
fait partie de la preuve. En Ontario, dans d'autres provinces, il faut le lire
au complet ou il faut accepter qu'il soit…
de se dispenser de lecture. On n'a pas besoin de ça au Québec, mais par la
suite il faut quand même que l'expert puisse expliquer son point de vue
dans son témoignage en chef.
M. St-Arnaud : Mais, cet élément-là, il
pourra le faire, il pourra l'exposer, son point de vue, lors de l'interrogatoire
en chef. «Chacune des parties peut interroger — à
294 — l'expert qu'elle a nommé, [...]pour obtenir des
précisions sur des points qui font l'objet du rapport ou son avis sur des éléments de
preuve nouveaux présentés au moment de l'instruction; elles le
peuvent également, pour d'autres fins, avec l'autorisation du tribunal.»
M. Chénier
(Robert-Jean) : Ce libellé-là nous inquiète, M. le ministre, parce qu'être
restreint à fournir des précisions ou sur
des faits nouveaux survenus au cours de l'enquête, ça ne donne pas la
permission à l'expert de vraiment développer
et d'expliquer son point de vue, ce ne sont que des précisions. Donc, l'emphase
va être mise sur le contre-interrogatoire.
À la lecture actuelle du projet, on dépose un rapport d'expertise, on demande
quelques précisions, et le juge est surtout informé par le
contre-interrogatoire. Je ne sais pas si ça va vraiment aider à éclairer la
cour de façon satisfaisante.
M. St-Arnaud :
Mais, Me Chénier, qu'est-ce que vous proposez, autre que le statu quo, eu égard
au rapport d'expertise? Parce que ce que
vous semblez dire, là, c'est, bien : Qu'on fonctionne comme on fonctionne
présentement. C'est-à-dire, il y a un
rapport d'expert, et puis, sous réserve… ce que vous dites dans votre
recommandation 6, là, on s'en tient aux critères de la pertinence
et donc on peut interroger et contre-interroger l'expert, finalement, sans
limites. Est-ce que je vous comprends… Est-ce que vous proposez le statu quo,
finalement?
M. Chénier
(Robert-Jean) : Je comprends très bien. Et le Barreau est en faveur de l'évolution vers une nouvelle culture, et
on a déjà plusieurs outils dans le Code de procédure civile, dans
le projet de loi. Premièrement, il y a
l'application du principe de la
proportionnalité. Les experts ne devraient être entendus que sur ce qui est…
avec une durée par rapport au moyen de preuve, ce qu'on n'avait pas avant. Là, on
peut maintenant suggérer que les experts, au moyen de laproportionnalité, limitent leur témoignage à ce
qui est nécessaire, de
façon proportionnelle à la cause. On
a le principe de limiter l'affaire à
ce qui est nécessaire à l'article 19. On a la mission de l'expert, qui est
d'éclairer le tribunal, les réunions entre experts, l'exigence d'un
expert compétent et le pouvoir du tribunal d'ordonner une expertise pour le
tribunal, si requis. Et aussi le tribunal
peut… a des nouveaux pouvoirs dans la présentation de la preuve pour peut-être
entendre des experts en bloc ou par
panel. Et de plus on a la nouvelle exigence qu'il n'y a qu'un seul expert
par discipline ou par matière.
Alors, on a ajouté, dans le nouveau projet,
énormément de balises qui visent à limiter l'expertise à ce qui est
essentiel.
M.
St-Arnaud : Pour l'essentiel, vous dites, sauf peut-être le
fait d'avoir un expert par… Pour l'essentiel, vous dites : Le juge
a des poignées ici et là pour s'assurer que ça ne dure pas indéfiniment.
M. Chénier (Robert-Jean) :
Absolument.
M.
St-Arnaud : O.K. Par rapport… Mais vous dites
essentiellement : Nous, on propose, là, essentiellement la même façon
de procéder qu'actuellement, mais en vous disant : Un peu partout dans le
code, si le juge veut, il y a
des poignées pour agir. Est-ce que je résume ça, là, en termes simples, là?
M. Chénier
(Robert-Jean) : Absolument.
Mais il y a beaucoup de réduction déjà, ne serait-ce que par le nombre d'experts et par la règle de la proportionnalité, par l'ordre de présentation des
témoignages et l'intervention du juge
dans la conférence préparatoire sur les modalités de l'expertise et la façon
dont on va procéder. Alors, il y a beaucoup plus d'outils de gestion d'instance
de la preuve d'expertise, qui en avait fort besoin, et le Barreau abonde dans
le sens de la réforme à cet égard-là.
M. St-Arnaud : Et votre
principal argument sur 238, c'est une question de coût? Vous dites…
M. Chénier
(Robert-Jean) : Notre
expérience, en pratique, M. le ministre, c'est que, si on demande aux
experts d'avoir des rapports qui vont expliquer la technologie ou les aspects
scientifiques sur lesquels ils se fondent pour que tout profane puisse comprendre, il va y avoir vraiment un accroissement
important des coûts; et nous, collègues autant en demande qu'en défense,
on abonde dans ce sens-là. Ça nous préoccupe énormément.
M. St-Arnaud : Vous
dites : J'aime mieux avoir un rapport écrit moins volumineux puis je l'interrogerai
lors du procès?
M. Chénier
(Robert-Jean) : Que l'expert
se prononce dans la terminologie qu'il utilise habituellement pour faire
ses rapports, et nous, comme avocats, avec
notre expert, on va s'organiser pour le comprendre et par la suite l'expliquer
au tribunal.
M.
St-Arnaud : Parce que, le 238, on peut… — si vous me donnez quelques minutes, M. le
Président, je vais essayer de
terminer ce sujet-là, puis ensuite je passerai la parole à mon collègue. Et
vous trouvez que c'est suffisamment détaillé,
là. Ce n'est pas… C'est quand même des termes… Il y a de la marge, là, avec
«suffisamment détaillé», à 238, là, mais,
pour vous, ce n'est pas suffisant, là? Parce qu'on indique qu'il faut que «le
tribunal soit [...] en mesure d'apprécier les faits et les conclusions»
à partir de ce rapport.
M. Chénier (Robert-Jean) : Et il me semble que je ne peux pas ne pas être
d'accord avec le fait que le rapport doit être suffisamment détaillé et motivé, mais ma préoccupation est de
revenir au concept «pour que le tribunal soit lui-même en mesure d'apprécier», et
c'est là qu'est le problème, à mon avis. Donc, on devrait avoir un rapport
suffisamment détaillé et motivé, qui énonce les faits, qui énonce les
conclusions, qui énonce la méthode d'analyse, mais sans dire que ça soit au
niveau profane.
M.
St-Arnaud : Ce que vous dites, c'est… Si on enlevait la phrase
«pour que le tribunal soit lui-même en mesure d'apprécier les faits et
les conclusions», vous pourriez vivre avec ça?
M. Chénier
(Robert-Jean) : Absolument, M. le ministre.
M.
St-Arnaud : O.K. O.K. Et par contre, si je reviens à 293, sur
cet élément-là, puis on pourra revenir à 240 après, là, qui est plus…
qui est problématique, là, une fois cela fait, vous avez de la...
M. Chénier (Robert-Jean) : On préférerait que l'article 294, par
exemple, stipule que chacune des parties peut interroger l'expert qu'elle a nommé, pour faciliter la bonne
compréhension du tribunal et expliquer les points de divergence des
experts.
M. St-Arnaud :
Mais c'est un peu ça.
M. Chénier
(Robert-Jean) : C'est peut-être le mot «précisions» qui nous
préoccupe, M. le ministre.
M. St-Arnaud :
Oui. O.K.
M. Chénier
(Robert-Jean) : Parce que les précisions, ce ne sont que de petits
ajouts…
M. St-Arnaud :
Que des détails, que de petits détails.
M. Chénier (Robert-Jean) : C'est des détails, alors que, l'essentiel de
l'opinion de l'expert, il devrait être capable de s'assurer de la
transmettre pour la bonne compréhension du tribunal.
M.
St-Arnaud : Parce que, si, 238, on enlève… Il faut que le
rapport soit suffisamment détaillé; puis évidemment on fait mention des
instructions reçues puis de la méthode d'analyse. Puis après ça, à 293, on
arrive, on le dépose et «tient lieu de témoignage», et qu'à 200… je comprends
que, ça, vous avez des réserves, là, mais… et, à 294, on élargit au-delà de
«précisions».
M. Chénier
(Robert-Jean) : Ça répondrait tout à fait aux préoccupations.
M.
St-Arnaud : O.K. Ce que vous voulez, c'est un cran de plus que
«précisions», là. Parce que j'essaie
de voir… Ma modeste expérience, là, pendant 15 ans, mais c'était,
évidemment, à la chambre criminelle et pénale, bien, je me rappelle que, la première heure, on passait une heure ou une
heure et demie à faire répéter le contenu du rapport écrit à l'expert,
là, en interrogatoire principal. Puis je comprends la préoccupation de ces
articles, les préoccupations des gens qui
les ont rédigés, et ça remonte quand même à quelques années, que c'était… La
préoccupation, c'était ça, c'était
d'essayer de sauver une heure, ou deux, ou trois, ou… en civil, c'est
probablement encore plus complexe à certains moments puis de… de sauver
quelques heures.
Donc, on dépose le
rapport, il tient lieu de témoignage, et là on veut essayer d'aller au coeur du
problème pour la suite des choses, là. On n'a pas besoin de recommencer de la
première ligne du rapport écrit, là.
• (10 h 50) •
M. Chénier (Robert-Jean) : Et le juge, en vertu de la règle de la
proportionnalité, devrait dire dès le départ : S'il vous plaît, ne
commencez pas à relire tout votre rapport, faites-moi l'explication des points
essentiels. Et ça, le code, lui, exige qu'il joue ce rôle-là en vertu de l'article 18.
M. St-Arnaud :
Une dernière chose, Me Chénier. Évidemment, on lit une partie de 294, mais,
comme la sous-ministre vient de me le faire remarquer, effectivement, on dit
aussi, à 294, que les parties peuvent aller au-delà des précisions avec l'autorisation
du tribunal. Hein, c'est ce qu'on dit. Elles le peuvent également pour d'autres
fins qu'aller chercher des précisions ou avoir l'avis sur des éléments de
preuve nouveaux. Elles peuvent également, donc, y aller plus largement avec l'autorisation
du tribunal. C'est quand même prévu qu'on peut, si... Ce n'est pas juste
«précisions», on peut aller un cran au-dessus de «précisions», déjà, avec le
libellé actuel de 294.
M. Chénier
(Robert-Jean) : Tout à fait.
M.
St-Arnaud : O.K.
J'aimerais vous entendre peut-être cinq minutes, avant de laisser la parole, juste
pour finir, sur 240. En fait, c'est
votre... vous avez des remarques sur
238, vous avez des remarques sur 293 et 294, et effectivement vous avez
des remarques sur 240. Et ça m'intéresse, ce bout-là.
M. Chénier (Robert-Jean) : Je pense qu'il y a une réelle volonté, parmi les
membres du Barreau, d'évoluer vers une
nouvelle culture judiciaire. Je peux vous dire que, des rencontres entre
experts, on en fait, on en fait sans préjudice, on en fait quand le juge les demande. On peut arriver
au moment du procès, et le juge peut dire à deux experts : S'il
vous plaît, allez vous rencontrer et revenez
demain avec un rapport commun. Donc, les rencontres entre experts, sous
l'article 413 actuel, fonctionnent très bien. Et on en fait de façon sans
préjudice et de façon formelle.
Cependant, là où 240
innove de façon étonnante, à mon humble point de vue, c'est qu'avant «le dépôt
du rapport[...], l'expert doit, à la demande
du tribunal ou des parties, fournir des précisions sur certains aspects du
rapport et rencontrer les parties afin de discuter de ses opinions en vue de l'instruction».
Mon
point de vue, comme praticien, c'est que ça veut dire que, le
moindrement que je reçois un rapport d'expertise, je vais envoyer une lettre en demandant des
précisions à l'expert, qui va devoir me répondre, et je vais appeler l'expert,
puis je vais dire : Je vous convoque à
venir me rencontrer au bureau, puis on va parler de votre rapport avec mon
client. Il n'y a pas d'enregistrement sténographique, c'est
informel. Je présume que l'autre avocat va venir là aussi. Mais c'est l'équivalent,
pour ainsi dire, d'un interrogatoire au préalable informel, ce qui ne s'est
jamais fait. Et là je m'interroge, dans les dossiers
où on a plusieurs experts, de l'accroissement des coûts que cela va
amener de devoir céduler une rencontre avec un expert. Et c'est très
large et très imprécis comme disposition.
Alors,
il y a des juridictions dans d'autres... Dans d'autres juridictions, le
préalable de l'expert existe; il n'existe pas ici. Mais ici on semble l'importer
de façon très floue, et ça nous interpelle au niveau de l'efficacité et des
coûts.
M.
St-Arnaud : Si, Me
Chénier, on... Moi, je vous avoue que, premier alinéa de... Je suis très
transparent, hein, je fais état de ma
réflexion au fur et à mesure. Mais je vous avoue que, 240, le premier alinéa,
j'imaginais, quand on pratiquait, M.
le député de Fabre,
mettre les deux... le psychiatre de la couronne puis le psychiatre de la
défense dans la même salle pour
essayer de discuter de leurs opinions, je ne sais pas ce que ça aurait donné,
mais je ne suis pas sûr que... Honnêtement, là, sur le premier alinéa,
je comprends vos préoccupations. On va les analyser plus attentivement avec les
experts, bien sûr. Mais, si on supprimait le
premier alinéa — je
comprends que c'est votre recommandation 8 — et qu'on
gardait le deuxième alinéa, avec le consentement des deux parties, vous vivriez
bien avec ça?
M. Chénier
(Robert-Jean) : Absolument. D'ailleurs, le deuxième alinéa reprend les
dispositions de l'article 413 actuel.
M. St-Arnaud :
O.K. Et ce qui se fait... ce que vous me dites se faire en pratique
régulièrement.
M. Chénier (Robert-Jean) : Ça se fait en pratique, et c'est profitable,
quand on le juge approprié entre parties. Par exemple, au niveau des dommages, alors que c'est surtout la
responsabilité qui est en cause, on propose aux experts de se rencontrer, puis ça amène une admission de...
quant au montant des dommages. Et ça, on peut le faire de façon
informelle ou bien avec un ordre de la cour.
M. St-Arnaud :
Excellent. Je pense qu'on a fait le tour du rapport d'expertise. Merci
beaucoup, c'était très éclairant et ça s'ajoute à notre réflexion pour les
décisions que la commission aura à prendre éventuellement. Merci beaucoup. Je
vais laisser la parole à M. le bâtonnier.
Le Président (M.
Marsan) : Je vous remercie, mais, avant de laisser la parole au
deuxième... à l'opposition officielle, nous allons suspendre pour quelques
instants, une période... une pause d'environ 10 minutes. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 55)
(Reprise à 11
h 12)
Le Président (M.
Marsan) : Alors, nous
reprenons nos travaux. Je vous remercie. Et je vais immédiatement donner la parole à M. le député de Fabre,
qui est le critique en matière de justice pour l'opposition officielle. M. le député.
M.
Ouimet (Fabre) : Merci,
M. le Président. En fait, tout
d'abord, je m'en voudrais, puisque
c'est la première occasion que j'ai ce matin de prendre la parole, de ne
pas souligner à mon tour l'anniversaire du ministre. Alors, contrairement à mon
habitude — et
c'est à la blague, évidemment — je vais être gentil avec le ministre de
la Justice. Ne craignez rien, M. le ministre.
Merci,
Mme la bâtonnière, merci, chers membres du Barreau, pour votre mémoire très
étoffé, très sérieux, très bien fait.
Merci pour votre présentation aujourd'hui. Je
pense que vos observations, fort utiles, le ministre l'a souligné,
vont permettre encore de raffiner,
d'améliorer le projet de loi, ce long processus qui est engagé depuis de
nombreuses années. Et, malgré toutes les énergies et tous les efforts
qui ont été consacrés dans ce dossier-là par le ministère de la Justice, les
différents ministres qui se sont succédé dans
ce dossier-là, on constate qu'il y a encore des choses à améliorer pour arriver
à ce produit final que nous voulons de qualité.
Et je pense
que, même si ça prend du temps, c'est un exercice qui le
justifie, et donc on va continuer à travailler, et qu'il faut prendre le temps nécessaire. C'est
ça, le message que moi, je retiens,
c'est que, oui, il faut aller de l'avant. Et nous voulons tous que
cette réforme de la procédure civile… Cet outil indispensable que nous voulons
adopter pour améliorer l'accès à la justice
de tous les concitoyens, et tous les Québécois, et toutes les Québécoises, il faut tout de même s'assurer qu'il est bien fait,
parce que ce n'est pas quelque chose qu'on reprend à chaque année. Et donc,
oui, il faut l'adopter, mais il faut tout de même
prendre le temps de bien faire les choses.
Mme
la bâtonnière, vous avez pris le soin, dans le…
En référence à ce travail de longue haleine, vous avez souligné le travail des juristes d'État qui travaillent
dans l'ombre, et le ministre a souligné les personnes qui l'accompagnent,
et je pense qu'effectivement il est important de souligner ce travail dans l'ombre. Et j'espère
que, s'ils ne nous écoutent pas, parce
qu'ils sont très certainement affairés à leurs tâches… Il est important de
rappeler à quel point nous sommes fiers et nous
apprécions le travail des juristes de l'État,
qui appuient les parlementaires et qui sont au service de l'État
québécois. Et donc je pense qu'on ne le dit jamais
assez, à mon point de vue.
Dernier
point, qui est une observation, et évidemment il ne faut pas… quand on regarde la brochette
de juristes exceptionnels que nous
avons aujourd'hui devant nous, des membres du Barreau, je ne peux tout de même
m'empêcher de souligner que, Mme la bâtonnière et
Me Hawi, vous êtes en nombre insuffisant, c'est-à-dire que les avocates
sont insuffisamment représentées, puisque le
Barreau est de plus en plus… approchede plus en plus de la parité entre les avocates et les avocats en termes de nombre — et
un jour il y aura plus d'avocates que
d'avocats. Mais, tout de même, le Barreau est très bien représenté, et
nous sommes très heureux de vous avoir aujourd'hui.
Ceci dit, il
y a de nombreux points à aborder. Je ne vais pas revenir, là, sur les points
qui ont été abordés par le ministre, parce qu'il y a d'autres points
aussi... Non pas que ça ne m'intéresse pas, mais je pense qu'il faut aborder d'autres
points.
La question
des Petites Créances, vous en parlez un peu dans votre
mémoire, vous faites référence à un projet pilote, la possibilité, là, de... Et là je ne veux pas aller trop loin, je vais vous lancer deux
points, puis vous pourrez renchérir en revenant
sur le contenu de votre mémoire. Les membres du Jeune
Barreau sont venus — Jeune Barreau de Montréal, Jeune Barreau du Québec — sont
venus et ont lancé l'idée que nous pourrions permettre à des jeunes avocats d'agir
devant la Cour des petites créances. Les membres du Jeune Barreau, les
représentants du Jeune Barreau ont dit :
Écoutez, on ne veut pas s'exprimer pour l'ensemble du Barreau, donc nous
limitons nos représentations aux avocats de 10 ans et moins, mais l'idée est tout de même cette ouverture à permettre
des services juridiques de la part d'avocats à la Cour des petites
créances, dont la juridiction serait haussée à
15 000 $, dans la mesure où il y aurait un tarif fixe pour ces
services-là.
Alors, c'est des idées qui sont lancées et mises sur la
table, et j'aurais aimé avoir vos observations sur cette idée-là et aussi,
et j'ajoute, un élément, qui est celui du rôle
des parajuristes, qui... J'ai cru comprendre que, dans d'autres
provinces, on avait ouvert la porte ou on
était à examiner la possibilité d'ouvrir la porte à des services rendus par des
parajuristes et j'aurais aimé savoir, là, les commentaires du Barreau,
connaître les commentaires du Barreau sur ces idées.
M. Sauvé (Marc) : Alors, M. le bâtonnier Ouimet, Marc Sauvé. On se
connaît... on se connaît bien…
M.
Ouimet (Fabre) : Un peu.
M. Sauvé
(Marc) : On s'est côtoyés un petit peu. En ce qui
concerne la possibilité de représentation par
avocat en matière de petites créances, c'est
vrai qu'on passe de 7 000 $ à
15 000 $, ce n'est pas rien.
Puis il faut quand même dire que c'est 15 000 $, mais il y a des causes qui
peut-être seraient à 20 000 $ puis que les gens ont décidé de
descendre ça en bas de 15 000 $ pour pouvoir passer aux Petites
Créances puis ne pas avoir besoin nécessairement de payer un avocat,
parce qu'il n'y a pas de représentation par
avocat en Cour des petites créances. Et à aucun moment le choix politique qui a
été fait en 1971 sous feu Robert Bourassa n'a
été remis en question dans les comités. Ça a toujours été clair, il n'y a personne qui a
déchiré sa chemise là-dessus.Ça a
toujours été clair qu'en matière de petites créances le choix politique qui avait été fait
en 1971, c'était qu'il n'y avait pas
de représentation par avocat en matière de petites créances.
Donc, ce n'est pas un enjeu, à ce moment-ci, pour le Barreau — même
si, quand même, on
parle de 15 000 $ — ce
qui ne veut pas dire que les avocats n'ont rien à
voir là-dedans.
On ouvre la porte,
bien sûr, à la médiation, médiation en matière
de petites créances. Actuellement, ça existe, la médiation en matière de petites créances, mais elle n'est pas obligatoire. On croit savoir, selon les
informations qu'on a, que les commerçants se font un peu tirer l'oreille, puisqu'ils n'ont pas nécessairement un intérêt
délirant à se ramasser en médiation. Donc,
ce qui est proposé, c'est un projet pilote, un
projet pilote en matière de médiation de petites créances, l'article 830 du projet de loi.
C'est sûr que les avocats pourraient jouer un rôle en
matière de médiation. Actuellement, le Barreau lui-même participe à une
table de concertation des partenaires de justice en matière de petites
créances. Cette table-là réunit des représentants
de la Cour du Québec, des représentants des sections
locales, les huissiers sont là, les notaires
sont là, pour favoriser l'échange d'information, qui fera en sorte
que la prévention et les règlements en matière de petites créances puissent
davantage se faire au Québec.
• (11 h 20) •
Donc, en conclusion, pour résumer, ce n'est pas un enjeu,
actuellement au Barreau, que de permettre la
représentation par avocat en matière de petites créances, mais ce qui est un
enjeu, c'est de jouer notre rôle en matière de
médiation, en matière de conseil aussi,
conseiller les citoyens qui vont aller à la Cour
des petites créances. Ça se fait, il y a des projets, les jeunes
barreaux… les membres du Jeune Barreau rencontrent régulièrement, à chaque année ou de façon régulière, les citoyens pour leur
donner des séances d'information sur les petites créances ou pour les
aider, pro bono, à faire leurs
dossiers, à monter leurs dossiers en matière de petites créances. Alors, c'est donc la contribution du Barreau, la contribution
des avocats, et je pense que ça, c'est important, on
ouvre la porte.
Maintenant,
on parle de médiation obligatoire.C'est certain que, dans la religion du Barreau, dans
le code génétique du Barreau,
obligation et médiation, ça ne fait pas des enfants forts. C'est certain parce que
c'est de l'essence même de la
médiation, il faut que les gens soient d'accord pour… qu'ils soient bien
disposés, de bonne foi pour qu'on puisse juger l'arbre à ses
fruits. Mais le projet pilote va nous aider à faire ça. Ce qu'on dit, nous, dans notre mémoire, c'est : On ne peut pas forcer un cheval à boire… ou d'aller à la fontaine, mais, une
fois qu'il est rendu à la fontaine, il
y a des chances peut-être
qu'il se mette à boire. Donc, à quelque
part, il y a peut-être
un effort, une obligation aux parties qui pourrait être faite de se rencontrer, de se parler, mais sans retarder indûment
l'accès aux tribunaux, parce que ça aussi,là, c'est
une préoccupation qu'on a.
Donc, il
y a une ouverture du Barreau là-dessus,
et je ne sais pas si ça répond à votre question, mais c'est à peu près ce que je pourrais vous dire là-dessus.
M.
Ouimet
(Fabre) : Mme la bâtonnière.
Le Président (M.
Marsan) : Oui. Mme la bâtonnière.
Mme Brodeur (Johanne) : …parajuristes, pour
compléter le deuxième volet de votre question, nous sommes en… nous avons eu
des discussions, les parajuristes nous ont approchés.
Nous regardons de près ce qui s'est fait en Ontario avec nos
collègues et le «Treasurer», là, le bâtonnier
de l'Ontario, Tom Conway, et nous regardons
les succès et les difficultés que ça a causées. J'ai moi-même… Dans mon organisation, je m'occupe des dossiers professionnels,
et j'ai regardé de près les règlements
de délégation d'actes qui peuvent être faits à l'intérieur des ordres professionnels. Alors,
c'est une réflexion que nous faisons.
À
l'heure actuelle, les parajuristes sont, en grande partie aussi, embauchés dans
les cabinets d'avocats et ils ont une
excellente collaboration. Alors, il
faut voir… D'abord, nous, on va
l'analyser, par la suiteil faut
aussi parler à l'Office des professions, et regarder… avoir un profil, aussi, uniforme
de leur formation, et vraiment voir quelle est leur formation. Alors, c'est un sujet
qui nous intéresse.Nous sommes en
train d'avancer dans ce domaine-là, mais,à l'heure actuelle, ça prend des modifications, là, pour… Et je ne crois pas qu'au moment où on
est, là, pour la modification du Code de procédure civile, on puisse vous en dire plus que ça, parce qu'il n'y a pas de règlement ou de texte
actuellement sur la table. Et Me Sauvé me
fait signe qu'il souhaite compléter.
Le Président (M.
Marsan) : Oui. Me Sauvé.
M. Sauvé (Marc) : L'année dernière, dans Le Journal du
Barreau, le bâtonnier Nicolas Plourde a écrit un Propos
du bâtonnier sur la possibilité pour les
techniciens juridiques, les «paralegals», les
paralégaux, d'occuper peut-être un certain espace. Évidemment, moi, comme un
vieux routier du Barreau, quand j'ai regardé son éditorial, je me suis dit :
Coudon, c'est un peu inhabituel que ces propos-là
viennent du bâtonnier. Mais l'idée de base est quand même bonne, c'est-à-dire : possibilité élargie pour le public d'avoir accès à la
justice. Et il y a une association… Évidemment, suite à cet
éditorial-là, l'association
des techniciens juridiques, une association canadienne, qui, récemment, a créé un
chapitre québécois, a été intéressée par cet éditorial-là et a demandé de
rencontrer le bâtonnier, qui a demandé à
rencontrer le Barreau.
Et on a, nous, un comité, un comité au Barreau, sur les techniciens
juridiques, les paralégaux et on rencontre ces gens-là pour les
entendre, savoir qu'est-ce qu'ils veulent exactement, est-ce qu'ils s'enlignent
sur la formation d'un ordre professionnel, est-ce qu'on a vraiment besoin d'un
autre ordre professionnel, est-ce qu'ils se satisferaient d'un encadrement par
le Barreau. Bon. Et on est loin de la coupe aux lèvres là-dedans, mais il y a
des démarches qui sont faites, effectivement, pour aller dans ce sens de voir exactement qu'est-ce
qu'il y a à faire avec cette question-là.
M.
Ouimet (Fabre) : Merci. On va suivre ça avec beaucoup
d'intérêt. Sur la question de la médiation, je ne veux pas y revenir,
mais j'avais cru comprendre que la disposition,
effectivement, visait à ce que les parties
amènent le cheval à l'abreuvoir mais qu'on ne voulait pas forcer le cheval à
boire. Mais on pourra revoir la disposition.
J'aimerais
avoir une idée… En fait, non, je vais aller à un autre sujet. Mme la
bâtonnière, vous avez évoqué un peu rapidement — à cause des contraintes de temps, non pas à cause du
peu d'importance que vous accordez au sujet — la question de la version
anglaise du Code de procédure civile. En fait, je suis persuadé que vous
tiendriez le même discours à l'égard de toutes les lois québécoises, la qualité
des lois étant importante, toutes les lois, mais,
plus particulièrement sur la version anglaise, j'aimerais vous entendre,
l'expérience du Barreau, sur la diffusion du droit québécois au niveau
international, le rayonnement de la justice québécoise au niveau international,
et de quelle façon la qualité des versions anglaises de nos lois et de notre
jurisprudence peuvent contribuer à cette question.
Mme Brodeur (Johanne) : Alors, merci pour la question, ça me donne
l'opportunité de vous dire que les membres du Barreau du Québec sont
reconnus de façon vraiment notoire à l'international. Dans mon domaine, je
travaille beaucoup à l'Organisation mondiale
du commerce, à l'OMC, et les principaux juristes sont des Québécois.
Pourquoi? D'abord,
par leur bilinguisme, deuxièmement, par leur connaissance du droit civil et du droit
commun et l'habitude qu'ils ont à
travailler avec des textes bilingues. Et donc cette expertise permet aux
avocats du Québec de rayonner, de rayonner à l'international, et leur expertise est recherchée et grandement
appréciée. Et ça découle aussi de la facilité qu'ils
ont et de l'obligation qu'ils ont
de travailler avec ces deux textes, et donc
l'importance d'avoir des textes vraiment solides, qui donnent justice tant au français qu'à l'anglais, qui donnent justice, en
fait, au justiciable, et qui permettent, donc, que les deux textes soient équivalents, valables, qu'ils
soient… qu'ils découlent de source, qu'ils puissent être appliqués
exactement de la même façon afin d'éviter des litiges.
Et
donc, profitant de cette expertise et de la connaissance des avocats du Québec,
particulièrement dans la région de Montréal,
les avocats du Barreau de Montréal ont regardé
attentivement les textes, et ce qui est en annexe du mémoire du Barreau, ce sont vraiment
des exemples précis… et quelques exemples précis, là, on n'a pas fait la
totalité des exemples, mais quelques
exemples précis où il pourrait y avoir une incongruité. Et c'est dans ce
contexte-là qu'on vous dit : Avant la mise en oeuvre, on souhaite vraiment pouvoir s'asseoir,
discuter, peaufiner, travailler avec ceux qui ont déjà fait une large part
de travail, mais… afin, comme je le disais, d'amener les deux versions à
cohabiter parfaitement afin d'éviter des litiges.
Alors, on reconnaît le travail fait, mais, comme je l'ai dit d'emblée, le texte
actuel, on n'y est pas encore, et on doit, je pense, coopérer, et je suis certaine que vous êtes ouverts à nos
commentaires. Et on doit, par ailleurs, effectivement, améliorer cette
traduction, de sorte que…et bénéficier de l'expertise particulière que les
juristes du Québec ont.
M.
Ouimet (Fabre) : Merci. Merci, M. le Président.Il
y a un point qui touche plus particulièrement le Barreau, l'organisation,
dans la mesure où nous aurons, un jour, un nouveau code de procédure civile.
Portera-t-il un autre titre? On verra. Mais
est-ce que le Barreau a déjà un plan de match, et, si oui, pouvez-vous me
donner une indication en termes de
délai et de temps entre l'adoption de cette loi très
importante et sa mise en oeuvre, là, pour… Qu'est-ce que ça
pourrait avoir l'air en termes de formation, délai, etc.?
• (11 h 30) •
Mme Brodeur
(Johanne) : Alors, d'abord, chaque
année, le Barreau du Québec publie une collection qui s'appelle la Collection de droit.
Dans cette collection, la totalité de l'information nécessaire à la formation
de nos étudiants est mise à jour et
est publiée. Il faut donc absolument tenir en compte
des délais qui nous sont obligatoires pour réécrire notre Collection
de droit. On a estimé qu'il faudrait retoucher à peu près à 60 %, 70 % de la collection si le texte,
fort important, entrerait en vigueur.
Donc,
dans le meilleur des mondes, dans un monde idéal, si nous avions un texte
presque final pour décembre, nous pourrions immédiatement mettre nos professeurs,
avec ce texte en main, à la rédaction d'une collection qui, à ce moment-là,
pourrait être publiée. Et ce que l'on souhaite, c'est enseigner le même code à
toute une cohorte d'une année. Donc, l'idéal, pour nous, ce n'est pas d'enseigner à ceux qui débutent en juin une version, puis, par la suite, à ceux qui
commencent en janvier une autre version. Pour nous, c'est beaucoup
plus facile d'enseigner la même
version à toute la cohorte. Donc, ça, il faut aussi en tenir compte.
D'autre
part, on a déjà lancé l'idée avec la magistrature, si on fait une collection de
droit, si on prépare des textes, si on prépare notre formation pour nos
membres, on a un congrès qui a lieu en juin, ce serait fantastique de pouvoir faire un blitz de formation, en juin, de nos
avocats, si c'était possible. Sinon, il faut vraiment reporter le tout, là,
pour essayer d'arriver avec la nouvelle cohorte de juin l'année
prochaine. Alors, c'est ça, nos contraintes.
Par
ailleurs, on a déjà lancé l'idée… Et on parle avec la magistrature, la
magistrature va devoir former ses juges, et nous devrons former nos
avocats. Ne serait-ce pas fantastique que, dès le début, nous ayons une espèce
de complicité d'idées qui ferait en sorte
que tant la magistrature que les avocats n'auraient peut-être pas exactement la
même formation mais une formation semblable? Alors, j'ai déjà ouvert les
portes et je pense que j'ai une bonne écoute et que nous pourrions, la magistrature, la Chambre des
notaires, les avocats, s'asseoir, et les autres ordres professionnels, les
huissiers, les sténographes — qui ne sont pas un ordre professionnel mais
qui sont importants pour nous et avec qui oncollabore — pour
vraiment essayer de dégager de l'intention du législateur une formation commune
afin d'essayer d'éviter le plus de litiges possible sur notre
compréhension des textes.
M.
Ouimet (Fabre) : Mais cette formation de l'ensemble des
membres, là, peu importent le programme et les modalités, on estime être capables de réaliser tout ça, la rédaction, la
formation, dans un délai de, quoi, 12 mois, 18 mois?
Mme Brodeur (Johanne) : Je pense qu'on est capables de le faire à
l'intérieur d'un délai de 12 mois, et nous le ferons dans le délai que vous nous impartirez.
Mais on trouve important que ça soit… Comme je vous disais tout à l'heure,
là, on est… vous avez raison, il faut… La qualité doit être là, mais l'efficacité
et l'accès, pour reprendre les termes de notre mémoire, doivent aussi être là.
M.
Ouimet (Fabre) : Un point, si vous me permettez, sur la
question de l'argent, des dépens, du tarif — vous
n'avez pas eu l'occasion d'en parler lors de
votre présentation — j'aurais
aimé que vous nous expliquiez, rapidement, la mécanique du tarif. On
propose l'abolition, c'est ce que je comprends, mais vous faites des
représentations dans ce sens-là, vous
mentionnez que le tarif est un outil d'accès à la justice. Alors, si je peux…
si vous pouviez nous parler un peu des
dépens et du tarif, de la mécanique, et comment vous pensez que ça peut
contribuer, et ce qui devrait être amélioré, dans le projet de loi, à ce
chapitre.
M. Chénier (Robert-Jean) : Certainement. Alors, à l'article 339, on
comprend maintenant que les frais et les honoraires liés à la signification, les actes de procédure, les
allocations aux témoins et les frais d'expertise, la rémunération des interprètes, bref, quoi, tous les déboursés
vont constituer les frais de justice, et il n'y a plus les honoraires qui
étaient accordés par le tarif, qui est aboli. Donc, celui qui poursuit, la
règle de la succombance s'appliquant, va récupérer tout ce qu'il a dû engager
comme coûts dans la procédure mais pas les honoraires, qui sont payables à son
procureur.
Il y a encore
une grande discrétion judiciaire, parce que l'article 340 dit : «Les frais
de justice sont dus à la partie qui a
eu gain de cause, à moins que le tribunal n'en décide autrement», ce qui est la
règle actuelle, ce qui laisse donc place à la discrétion du tribunal à
cet égard-là.
Ce qu'on
propose, c'est que… Vous le savez, actuellement il est possible, dans les
causes de grande importance, d'avoir un honoraire spécial, en vertu de l'article 15,
du tarif qui n'existera plus; et il y a une jurisprudence à cet égard-là, Aztec Iron et autres, qui énonce tous
les critères. On pense que ceci devrait être ajouté parce que, dans des
cas exceptionnels, il y aura lieu d'ajouter un honoraire spécial.
L'autre préoccupation qu'on
a vise l'article 341 et 342 : «Le tribunal peut, [...]avoir entendu
les parties, sanctionné les manquements
graves constatés dans le déroulement de l'instance», et on ne sait pas ce que
l'on entend par «manquements graves».
Vous savez qu'à l'article 19 il y a une obligation, et ce… le nouveau
code, moi, je l'applaudis à cet égard-là, parce qu'il établit des
principes directeurs, ce qui n'existait pas auparavant. Ce n'était pas stipulé
de cette façon-là. Mais il y a une
obligation, à l'article 20, des parties de coopérer, de divulguer de la
preuve, de s'échanger de l'information, et donc ne pas prendre l'autre
partie par surprise mais bien dévoiler tout ce qui est nécessaire pour
peut-être faciliter un règlement et mieux faire comprendre les positions des
parties.
Or, qu'est-ce que va constituer un manquement grave constaté dans le déroulement de
l'instance? Est-ce que c'est quelqu'un
qui n'a pas respecté ses engagements ou quelqu'un qui n'a pas,
justement, fait la divulgation de la preuve, ce qui a engagé des coûts,
etc.? Le Barreau considère que cette expression-là est trop vague et qu'on
aurait avantage à mieux baliser les circonstances dans lesquelles le juge va
accorder une compensation pour le montant des honoraires professionnels. Actuellement, on est sous la règle
de Viel, en cas d'abus de procédure. Ça, c'est bien couvert. Mais dans quelles circonstances le juge pourra-t-il accorder
des honoraires fondés sur... les honoraires professionnels de l'avocat?
C'est en cas de manquement grave, et on estime que ça devrait être mieux
balisé.
Le
Président (M. Marsan) : Alors, merci. Nous terminons cet
échange avec l'opposition officielle. Nous allons poursuivre avec la
deuxième opposition, et je vais donner la parole à Mme la députée de
Montmorency, qui est la critique dans le domaine de la justice pour la deuxième
opposition. Mme la députée.
Mme
St-Laurent :
Merci, M. le Président. Écoutez, moi, je ne peux pas faire autrement que de
vous remercier, au départ. Je dois
vous dire, vous avez fait un travail extraordinaire. Et, je vais vous dire, je
vais souligner que, plusieurs des points que vous avez notés, je les
avais notés, moi aussi.
Et je tiens à
vous dire également que, la commission, lorsque nous avons des débats, il n'y a
pas de parti politique, hein? Il y a
une collaboration de mon collègue… du ministre de la Justice, il y a une
collaboration du député de Fabre, et, je vous le dis, nous formons un trio d'enfer pour travailler sur le droit.
C'est aussi simple que ça. Parce qu'on va dans l'intérêt de la justice, l'intérêt des justiciables. Et,
s'il y a des questions qui ne vous ont pas été posées, qui sont dans le
mémoire, ne vous en faites pas, nous scrutons les mémoires mot à mot, virgule
par virgule.
Mais je tiens à vous féliciter parce qu'il y a
des points que j'ai trouvés extraordinaires, je vais vous dire, et auxquels je vous donne raison. J'irai sur
l'expertise après, parce que moi, j'ai fait du criminel, comme mes collègues,
j'ai fait un peu aussi de familial et de civil, donc ça me permet de distinguer
les experts : les experts techniques et les experts qu'on dit plus
sensibles, comme les experts pour les enfants en matière familiale. Il y a une
différence entre un ivressomètre… un expert
qui vient répéter la même chose, bien souvent, qu'un expert… par exemple, un
psychologue pour les enfants ou un expert en matière familiale. Et je ferai la
différence tout à l'heure par rapport à l'expertise.
Mais je vais
aller sur le premier point à la page 17. On parlait d'un interrogatoire au
préalable d'une durée plus longue que deux heures. C'est Me Verdon qui
recommandait d'ailleurs le cinq heures aussi, en matière familiale, pour l'interrogatoire au préalable; je pense qu'il
l'a très, très bien expliqué. Parce qu'il y a tellement de sujets. Je
vous le dis tout de suite : Je vous
donne raison. C'est extrêmement important. Je sais que vous êtes un expert en
matière familiale, et, pour le bénéfice des gens, vous recommandez
combien d'heures? Le cinq heures qui est là ou... Qu'est-ce que vous
recommandez? Parce que je trouve ça important, on joue sur l'humain.
• (11 h 40) •
M. Verdon
(Jocelyn) : Oui. On pense
que... Règle générale, pour répondre à votre question d'une façon
précise, puis selon les statistiques, là, qu'on consultait, puis il y a
certains juges qui sont d'accord avec nous là-dessus, grosso modo, deux à trois heures, c'est suffisant. Grosso
modo. Puis, toujours, le Barreau, dans l'esprit de s'ajuster au projet
de loi qui disait : Accessibilité,
réduction, certains contrôles, on en est venus à la conclusion que le cinq
heures nous semblait tout à fait justifié et constituait la zone de
confort du Barreau.
Bien, pourquoi cinq heures, alors que je viens
de vous dire que deux, trois heures, ça pouvait être suffisant? C'est simplement parce que nous sommes d'avis que,
si un interrogatoire doit durer plus de deux heures… Ce qui nous perturbe, c'est : Pourquoi demander à ces
gens-là d'avoir une autorisation du tribunal? C'est-à-dire, c'est comme une
course à obstacles, finalement, de s'expliquer, d'avoir... Tu sais, un
interrogatoire, c'est important. Alors, oui, on veut éviter les abus, mais nous sommes d'avis que, tant et
aussi longtemps que l'interrogatoire va se tenir en deçà de cinq heures,
on n'est pas en présence d'abus, on est en présence de gens qui ont besoin de s'expliquer,
on est en présence de gens qui se transfèrent de l'information, on est en
présence d'experts, des avocats, et on va ressembler de plus en plus à des médecins
avec des radiographies, puis on va être capables de poser le bon diagnostic.
Mais le fait
d'inclure deux heures, ça va faire
en sorte que certains juges, dans le
feu de l'action, parce qu'on
leur demande beaucoup de gestion, vont
dire : L'intention du législateur, c'est deux heures, on arrête ça là,
point. Et là ça va entraîner des
débats puis des coûts qui nous semblent injustifiés par rapport aux abus qu'on
tente d'éviter. Alors, au-delà de cinq heures, on arrive dans la zone où
on se dit : Effectivement, peut-être, ça deviendrait des abus. Cinq
heures, ça nous semble tout à fait adéquat pour disposer des problèmes de
garde, de patrimoine, etc. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
Mme
St-Laurent : Oui, très bien. Maintenant, moi, c'est
l'expertise. L'expertise, j'ai un problème avec ça. Le premier problème… Et je regardais d'ailleurs le
Jeune Barreau par rapport à l'expertise, la divulgation des instructions
données à l'expert. Lorsqu'on rencontre un
expert, on le sait, que ce soit… expert technique sur une faculté affaiblie,
ça va, mais, quand on arrive en matière
familiale ou des causes plus complexes en matière civile, à ce moment-là les
instructions que l'on donne… Est-ce que vous pensez — et
vous me le direz — qu'il
y a… les instructions que l'on donne à nos experts,
par exemple d'analyser tel point, tel point, tel point… mais, au-delà des
instructions, on leur donne quand même des renseignements, est-ce que
vous trouvez que ça représente un danger? Parce que, là, on ne s'entendra plus
sur les instructions de... La divulgation
des instructions données à l'expert, est-ce que vous êtes d'accord avec ça, ou,
pour vous, ça représente un danger? Jusqu'où vont aller les informations
que vous allez donner à l'expert, que vous allez être obligés de divulguer?
M. Chénier (Robert-Jean) : L'expert peut être consulté de façon
confidentielle et privilégiée, et on peut décider par la suite de ne pas
l'amener comme témoin expert devant le tribunal. Et il est clair qu'à ce
moment-là toutes les consultations sont absolument confidentielles et
privilégiées.
Cependant,
quand on prend le choix de demander à un expert de venir témoigner,
l'article 22 nous dit bien que sa mission,
c'est d'éclairer le tribunal, d'agir avec objectivité, impartialité, rigueur.
Et, dans une nouvelle culture judiciaire, on considère que l'expert doit divulguer complètement les informations
qu'il a reçues, le mandat qu'on lui a donné, les faits sur lesquels il s'est
fondé, et il doit y avoir transparence à cet égard-là.
Donc,
jusqu'ici, il y avait une jurisprudence de la Cour d'appel, dans Poulin et
Prat, qui considérait que toutes les communications antérieures avec l'expert
demeuraient confidentielles et privilégiées, mais on conçoit très bien qu'avec les nouvelles dispositions du Code de
procédure civile ce qui a été échangé avec l'expert préalablement ne
sera plus confidentiel et privilégié :
parce qu'on veut favoriser la perception que l'expert est là pour éclairer le
tribunal — c'est sa mission — et qu'il
doit y avoir une certaine transparence aux instructions qui lui ont été
données.
Mme
St-Laurent :
Est-ce que vous êtes d'accord avec la formulation?
M. Chénier (Robert-Jean) : Oui. Au Barreau, quand on l'a regardée, on
considérait que les instructions, ça voulait dire le mandat ainsi que les informations qui ont été données à l'expert
pour lui donner sa tâche d'évaluer le dossier et qu'on doit savoir… Et, je dois vous dire, je le vis en
pratique. Quelquefois, on sort en contre-interrogatoire puis on se rend
compte qu'on n'a donné à l'expert que
certaines parties du dossier, qu'on lui a aussi donné des versions des faits
qui ne sont pas démontrés devant le
tribunal par la suite. Alors, c'est utile de voir que l'expert,
malheureusement, quelquefois, a pu être teinté, de sorte qu'en toute
équité, quand il arrive devant le tribunal, bien là, il faut qu'on sache
exactement toutes les informations qu'il a reçues. Le choix demeure toujours à
une partie de ne pas appeler l'expert devant le tribunal.
Mme
St-Laurent : Maintenant, relativement au témoignage de
l'expert… Et c'est pour ça que je disais tout à l'heure : Il y a l'expert technique, qui peut reprendre les termes
ou ne pas les reprendre. Parce que les juges les avisent, habituellement : Monsieur, ne répétez pas ce
qu'il y a — ou
madame — dans le
rapport. Cependant, est-ce que vousjugez…
Puis on le voit en matière familiale. Je vais le demander aussi à Me Verdon, je
trouverais inconcevable que l'expert ne puisse pas… que ça ne soit pas
la même règle qu'antérieurement, où l'expert pourrait venir expliquer plus
loin. Par exemple, dans l'expertise d'un enfant, on le sait, et j'appelle ça «dans
l'humain» — «expert
technique», c'est moins... disons que c'est plus technique et il y
a moins d'extrapolation — à ce moment-là, l'expert qui vient, comme en
matière familiale, souvent dans l'expertise,
il ne rend pas compte, je vais dire, par exemple, des sentiments de l'enfant,
des émotions, ou des parents, ou,
dans les causes avec expertise psychologique… On en trouve ailleurs, dans
certaines causes, aussi, des experts,
si vous allez en diffamation, ça vous a causé tel tort psychologique, etc.
Comment verriez-vous une adaptation au projet
de loi pour permettre automatiquement de faire votre preuve en toute liberté,
sans toujours demander la permission au tribunal pour faire entendre
votre expert?
M. Verdon
(Jocelyn) : Écoutez, c'est une bonne question. Je crois que l'article 294
répond à la question. Normalement, le tribunal est tout à fait conscient de l'importance
du dossier de garde, va permettre aux parties ou à l'avocat de poser des questions additionnelles pour que l'expert puisse
vraiment expliquer le fondement de son raisonnement.
Vous avez tout à fait
raison quand vous dites : C'est très aléatoire, les dossiers de... Tu
sais, on peut être pro-garde partagée, c'est
quoi, l'intérêt d'un enfant? C'est difficile à... Il n'y a pas de règle, là.
Alors, à compter de quand on confie
la garde à quelqu'un? À compter de quand on ne la confie pas? Puis, surtout
aujourd'hui, de plus en plus, on voit que
les pères et les mères ont des rôles équivalents, de plus en plus. Les deux ont
des aptitudes parentales. Donc, ça rend le travail des experts
extrêmement complexe.
Alors, moi, je pense
que les tribunaux... À mon avis, le texte tel que rédigé, l'application par les
tribunaux… Si on se fie à ce qu'on voit
actuellement, j'ai rarement vu un juge empêcher un expert ou une partie, là,
d'apporter des précisions. Je
répondrais par contre que d'où l'utilité d'en avoir deux, rapports d'expertise,
en matière légale, parce que, si on a
un seul rapport, là on a un problème sérieux de ne pas pouvoir aller au-delà.
Mais, quand vous avez les deux versions, l'autre rapport d'expertise va normalement apporter l'éclairage
différent. Alors donc, on a déjà notre partie de réponse. Je ne sais pas
si…
Mme
St-Laurent :
Ça ne répond pas tout à fait à mes questions. Les textes de loi présentement,
par rapport à l'expertise et par rapport… Vous savez que l'expert ne rendra pas
un témoignage oral automatiquement, selon les nouveaux
textes de loi, d'accord? Est-ce que vous verriez une modification à ce texte de
loi… reprendre l'ancien texte de loi par rapport au témoignage de l'expert?
M. Chénier
(Robert-Jean) : Sans
retourner à l'ancien texte de loi, la proposition est que l'article 294
soit modifié pour que chacune des
parties puisse interroger l'expert qu'elle a nommé pour faciliter la bonne
compréhension du tribunal et expliquer les points
de divergence des experts, et, à d'autres fins, avec l'autorisation du
tribunal. Si on veut proposer concrètement une modification, ça serait
celle-ci.
Mme
St-Laurent :
D'accord. Vous savez, puis je vous le demande aujourd'hui… On a reçu les
différents mémoires. Cependant, si vous avez d'autres points, d'autres
suggestions, vous pouvez nous les envoyer, on va en tenir compte.
M. Chénier (Robert-Jean) : Oui.
Mme
St-Laurent :
Ensuite, le huis clos et confidentialité est quelque chose… En matière
familiale, on parlait tout à l'heure…
on exige le huis clos. Vous savez que, le nouveau code, par exemple, je pense…
je ne sais pas s'il y a un oubli, on
nous a souligné ça, c'est que, les jeunes qui vont au Tribunal de la jeunesse,
vous savez que c'est confidentiel, on ne peut pas… il y a un interdit de publication. Cependant, quand ils vont
en appel en Cour supérieure ou en Cour d'appel, il n'y a pas de huis
clos, tu sais, il n'y a pas de huis clos pour ces appels-là, et c'est vrai. À
ce moment-là, est-ce que vous préconisez quelque chose? Parce que je ne le vois
pas dans votre rapport.
M. Trahan (Dominique): On n'a pas fait de
commentaire là-dessus…
Le Président (M. Marsan) : Je
vous demanderais une très courte réponse, le temps est presque écoulé.
M. Trahan (Dominique) : Je n'ai pas
compris…
Le Président (M. Marsan) :
Alors, vous avez la parole.
M. Trahan (Dominique) : Excusez-moi?
Le Président (M. Marsan) : Je
demanderais une très courte réponse puisque le temps est presque écoulé.
• (11 h 50) •
M. Trahan
(Dominique) : Alors, on n'a
pas de commentaire à ce sujet-là parce que, dans les instances d'appel,
et qu'on parle de Cour supérieure ou encore
de Cour d'appel, les parties sont rarement présentes. Alors, dans un
premier temps, c'est ça.
Et, pour
nous, ça a toujours été quelque chose d'inclusif, dans le sens où, en première
instance, c'est la situation et donc
ça devrait être la même chose ailleurs. On a fait souvent des représentations
sur la question des rôles écrits qui
sont disponibles aux greffes, pour ne pas que les noms apparaissent. Et il y a
eu des discussions avec le greffe de la Cour supérieure et le greffe de la Cour
d'appel à cet effet-là, qu'on parle de protection de la jeunesse ou encore de
cas de délinquance. Et, même, on incite les gens du Barreau à intituler leurs
procédures avec les initiales des enfants pour ne pas qu'ils soient
identifiables.
Il y a peut-être un autre point
que je pourrais rajouter sur la question de la confidentialité : En
matière matrimoniale, au niveau de l'accès à
des dossiers, je peux référer les gens à l'article 96 de la Loi de la
protection de la jeunesse, qui défile
les parties qui ont accès aux dossiers, et il n'y a jamais eu, de mon
expérience à moi, là, puis je ne prétends
pas que je possède la vérité, mais de problème majeur avec cette
disposition-là. Et donc, si on faisait quelque chose de semblable en
matière matrimoniale, je pense que ça pourrait rejoindre bien des intentions.
Mme
St-Laurent : M. le
Président, juste leur demander quelque chose. Ce n'est pas une question.
Le Président (M. Marsan) :
Rapidement.
Mme
St-Laurent : Je vais vous demander… Votre recommandation n° 10, à la page 23, je vais peut-être vous demander de la formuler, de
rajouter quelque chose à la recommandation n° 10. Parce que, dans le fond,
ce que vous reprochez, c'est la possibilité… il n'y a pas lieu de la possibilité de prévoir la
tenue de l'interrogatoire. Vous voyez, à la page 22, vous faites des commentaires, et, votre recommandation, je la trouve incomplète. Ça fait que moi, j'aimerais ça si vous
pourriez compléter la recommandation n° 10 et nous la faire parvenir, parce
qu'elle est incomplète.
Le Président (M. Marsan) :
Mme la bâtonnier.
Mme Brodeur (Johanne) : D'accord, je
comprends la…
Le Président (M. Marsan) : D'accord.
Mme
Brodeur (Johanne) : On va le
prendre en délibéré puis on va vous revenir avec quelque chose. Compte tenu du temps, on fait ce qu'on peut.
Le
Président (M. Marsan) :
Alors, je vous remercie. Ceci met fin à cette période d'échange avec les
oppositions. Nous revenons avec le parti ministériel, et je vais donner la
parole à Mme la députée de Mirabel.
Mme
Beaudoin : Merci,
M. le Président. Alors, je vous remercie à mon tour pour la présentation de
votre mémoire, et je reconnais tout
le professionnalisme du Barreau du Québec lorsqu'il s'agit de préparer et de
présenter des mémoires en commission parlementaire.
J'ai
eu le bonheur, moi-même, aussi, de pratiquer en pratique privée, autant au
niveau criminel que civil. Et je partage
aussi les propos de mon collègue de Fabre à l'effet que… je me réjouis que les
membres du Barreau aient presque atteint la parité hommes-femmes, parce
que, quand j'ai commencé à pratiquer, ce n'était pas le cas.
J'avais trois
questions, vous avez répondu à deux en particulier. J'avais des interrogations
concernant la confidentialité en matière
familiale et je pense que vous avez très bien répondu. J'ai encore des
interrogations concernant la durée de
l'interrogatoire au préalable. Me Verdon, vous avez répété vos arguments, mais
je me pose encore des questions, parce
que vous semblez dire, parce qu'il y a un côté émotif, qu'on devrait
extensionner le délai, puis tout ça. J'irais plutôt a contrario, à l'effet
que, si c'est émotif, vous ne pensez pas qu'on devrait plutôt l'encadrer,
encadrer le délai? Alors, j'aimerais vous entendre encore à ce sujet-là, parce
que mes collègues ont posé des questions aussi puis on revient toujours sur le
fait que ça ne semble pas clair.
M. Verdon (Jocelyn) : Oui. O.K. Le côté émotif, lorsque je l'ai abordé, c'était pour porter à
votre attention que le côté émotif fait en sorte qu'il y a une difficulté
d'analyser objectivement une proposition ou la réalité. Alors, cet élément-là
étant présent en matrimonial, l'interrogatoire a pour, justement, effet d'obliger
les parties à structurer leur pensée. C'est ça, le but de l'interrogatoire, c'est
un échange d'information.
Alors,
je vous donne un exemple, là. On est en milieu de procès, le monsieur dit… de
procédure, je veux dire, le monsieur
dit : Moi, j'ai eu un héritage — par exemple, on parle du patrimoine
familial — j'ai eu
un héritage, puis tu n'as pas droit à
la maison. Alors, souvent, il va y avoir un non catégorique, de la part d'une
ou l'autre des parties, à cet argument-là. L'interrogatoire peut, en
cours de route, permettre à l'avocat d'aller loin dans les demandes, dans les
précisions, dans l'explication de cette
affirmation-là de monsieur. Ça permet à madame d'assister à l'interrogatoire
et, alors qu'il disait constamment
non, d'entendre les réponses, d'avoir accès aux pièces justificatives et de
voir le processus qui s'enclenche, autre
que sentimental. Les sentiments, c'est une chose, mais répondre à des
questions, donner des faits, expliquer notre raisonnement puis sur quoi
on se base pour dire oui ou non, c'est un élément qui est fondamental.
Et
c'est ça, l'élément déclencheur qui fait des règlements. Parce que ça permet à
l'avocat, qui, lui, en bout de ligne, lorsqu'il
est en présence de ce refus d'une partie… On doit l'accompagner dans son
processus. Puis on a besoin d'outils pour montrer au client qu'on est
sensible à sa demande mais qu'on est capable aussi d'exercer notre travail, de
dire : Écoutez, ce que vous me demandez
est impossible en droit, à cause des réponses et des pièces auxquelles j'ai eu
accès en interrogatoire. Donc, l'élément de
l'interrogatoire est fondamentalement important pour la transmission d'information.
Puis
je reviens avec le fait que, je ne l'ai peut-être pas assez précisé,
c'est un déclencheur de règlement, à mon avis. On ne peut qu'être gagnant par un interrogatoire. On obtient des informations, ça peut réduire la preuve, on va déposer la transcription, le juge… Souvent, le juge va nous
dire : Écoutez, ce témoignage-là, écourtez-le, j'ai lu la preuve.
Donc, tout le monde est gagnant.
Et
c'est la raison pour laquelle nous pensons que le cinq heures est nécessaire. Le
restreindre à deux heures, ça va faire
en sorte qu'une des deux parties
n'aura pas eu la chance de s'expliquer ou, si elle veut le faire, elle devra
payer encore une fois, et j'appelle ça la course à obstacles.
Il y
avait la médiation, il y a
eu plein de processus. Là, je suis en présence de quelqu'un
qui est essoufflé, je suis en présence
de quelqu'un qui ne veut qu'aller voir un juge. Et mon dernier
filet, c'est l'interrogatoire où j'ai de l'échange d'information. Puis là ça va structurer le dossier, dans le cadre d'une simulation de
procès, avec quels sont les droits. Je vous dirais que c'est l'étape finale avant la chirurgie, c'est : le
radiologiste a les radiographies, les prises de sang, et là il est capable, pour la première fois, de dire… de donner
un diagnostic extrêmement précis. Et des fois, bien, ça nous permet de
dire : Malheureusement, ce que vous me demandez est impossible en droit,
et ça, c'est là que notre travail est le plus facile, après avoir entendu
la personne.
Mme
Beaudoin : Merci.
Mon autre question s'adresse à Me Saint-Onge, concernant les recours
multiterritoriaux, article 577. Je vous cite : «Le Barreau exprime
des doutes sur la nécessité de», l'article 577 du projet. Et vous
dites : Le Barreau craint que cette disposition soit la source de débats importants
sur la territorialité des lois et des aspects conditionnels.
Vous avez mentionné que vous pensez que c'est difficile quant à son application, et vous êtes allés plus loin, vous avez parlé de suspension de
certains recours collectifs. J'aimerais vous entendre sur ce sujet-là, pour
éclaircir tout le monde.
M. Saint-Onge (Jean) : C'est que, typiquement, je parle non pas de
recours que je vais qualifier «d'indigènes», là, des recours qui sont intentés ici, au Québec, et qui ne visent
qu'une classe de résidents québécois,
mais je parle davantage de recours multijuridictionnels. Exemple, on
poursuit Honda Canada ou GM parce qu'il y a un problème de freins qui occasionne un rappel. Donc, on intente
typiquement… Il y a des bureaux d'avocats qui vont intenter, simultanément
dans huit ou neuf provinces, des recours collectifs avec des classes qui se
chevauchent et des classes… ce qu'on appelle des
classes nationales, donc qui incluent tous les Canadiens, simultanément. Donc,
il y a un chevauchement important.
Il est clair qu'on ne
peut pas procéder dans huit juridictions. Et normalement, contrairement aux
États-Unis où il y a la règle du NDL… Et la
procédure du NDL, ici, c'est la bonne entente entre les parties qui fait en
sorte que, pour éviter les dépenses
inutiles, on va procéder dans une juridiction par rapport à une autre; et c'est
souvent la juridiction en Ontario ou la Colombie-Britannique qui est
privilégiée, pour toutes sortes de raisons historiques. Ça veut dire que, généralement, les avocats vont s'adresser aux
autres juridictions pour leur demander de suspendre le recours. Le juge
a discrétion, le juge analyse la demande,
et, dans la plupart des cas, le recours québécois est suspendu, parce qu'il y a
un recours qui va
évoluer, qui va être priorisé, qui est celui de l'Ontario ou la
Colombie-Britannique, et parfois ça peut être le Québec aussi, incidemment, là, pas dans tous les cas mais à l'occasion,
de sorte que le débat sur l'autorisation va se faire… ou la certification dans les autres provinces va
se faire dans une seule province, et un jugement éventuel pourra
affecter, là, les droits des membres québécois, des résidents dans l'autre
juridiction. Mais, pendant ce temps-là, le recours du Québec est suspendu.
Un des problèmes qu'on voit, c'est toute la
question de la notion de la classe nationale. Il y a des constitutionnalistes,
là, qui estiment qu'un tribunal de l'Ontario ou un tribunal du Québec ne peut
pas rendre un jugement qui lie des justiciables de d'autres juridictions
canadiennes que celle du Québec. Les Cours d'appel ne se sont pas prononcées là-dessus, la Cour suprême a évité la question, de
sorte que, lorsque la question sera soumise éventuellement devant un tribunal d'appel, il n'est pas du tout certain que
la conclusion sera que le tribunal… la Cour supérieure du Québec peut
rendre un jugement qui lie les… qui vise des résidents de d'autres juridictions
canadiennes, et vice versa.
Alors,
au niveau de la suspension, c'est par nécessité qu'on le fait, c'est pour
éviter d'avoir à multiplier des débats dans plusieurs provinces. Et il
est très bien qu'il en soit ainsi, d'ailleurs, là.
• (12 heures) •
Mme
Beaudoin :
Merci, M. le Président.
M. Saint-Onge
(Jean) : Est-ce que je réponds à votre question?
Le Président (M.
Marsan) : Mme la députée de Mirabel.
Mme
Beaudoin :
Oui. Vous parlez... dans la plupart des cas, il y a suspension. Quelle est la
proportion?
M. Saint-Onge (Jean) : Ah! Je vous dirais, quand cette demande-là est
adressée à un juge, le juge va s'assurer que les droits des... avant de suspendre le recours québécois, que les
droits des justiciables dans les autres… qui feront partie du
justiciable québécois, les membres du groupe qui seront inclus dans le groupe
national, dans un recours qui va être tranché
et débattu dans une autre province, sont bien protégés, de sorte que... Et,
généralement, le juge va conserver son dossier
ouvert une fois la suspension accordée, de temps à autre va contacter des
avocats pour s'assurer que le litige... que le recours collectif en
Ontario ou dans une autre province progresse, progresse bien, dans l'intérêt
des membres du Québec. Typiquement, c'est comme ça que ça se présente.
Mme
Beaudoin :
Merci.
Le Président (M.
Marsan) : M. le ministre, pour une dernière intervention.
M.
St-Arnaud : Oui. Bien, écoutez, peut-être, en rafale, quelques
éléments, là. D'abord, sur l'article 7, si on mettait «un délai
pour la suspension n'excède pas six mois», est-ce que vous pourriez vivre avec
ça?
M. Chénier (Robert-Jean) : Dans le mémoire, le Barreau n'a pas mentionné de
délai, mais, dans les discussions en
comité, c'est un délai auquel on pensait. On considère qu'un délai de deux
mois, c'est vraiment trop tôt dans les causes où il faut obtenir tous
les faits, les expertises, et tout. Mais un délai de six mois apparaît tout à
fait raisonnable.
M.
St-Arnaud : Ça va. Me Saint-Onge, sur l'action collective, on a
écouté avec beaucoup d'attention, là... vous êtes revenu à deux reprises
sur 577. On va regarder ça de très près.
M. Saint-Onge
(Jean) : C'est une préoccupation, M. le ministre.
M. St-Arnaud :
Ce que je comprends, c'est que vous proposez qu'on enlève complètement 577.
M. Saint-Onge
(Jean) : Oui, parce qu'on peut arriver au même résultat avec la
jurisprudence qui s'est développée au fil
des ans, mais de là à l'inscrire dans un texte législatif, alors qu'on n'a
pas... alors que les autres provinces ne
le font pas, c'est une invitation, à coup sûr, d'assurer une érosion des
recours québécois au profit de d'autres juridictions. Il faut éviter ça
à tout prix.
M.
St-Arnaud : Ça va. Me Trahan, sur l'article 85, là, il va
reprendre... Là, il y a un libellé qui est effectivement au code
présentement, là, dans les dispositions, à la toute fin du projet de loi, mais
éventuellement l'article 85 va être réécrit dans le même style, là, que l'actuel,
là.
M. Trahan
(Dominique) : Avec une nomenclature. Mais c'est parce que...
M. St-Arnaud :
Avec une nomenclature, oui, oui, c'est ça. Alors, je veux juste...
M. Trahan
(Dominique) : ...parce que l'énumération n'apparaît pas au code
actuellement.
M. St-Arnaud :
Non, non, pas présentement, parce qu'il faut, là, faire les retouches, mais il
y aura une nomenclature. Ça va?
M. Trahan
(Dominique) : Alors, à ce moment-là, ça rejoint ce qu'on suggère.
M.
St-Arnaud : Excellent. Juste sur l'inquiétude quant à
l'expertise commune en matière familiale, c'est quand même... C'est à
quel article? 159? C'est quand même... c'est le juge…
Une voix : …
M. St-Arnaud : C'est ça,
c'est le juge. 159.2°, c'est ça, c'est le juge qui... ce n'est pas... C'est
loin d'être automatique, là. On laisse un pouvoir au juge de l'imposer dans
certaines circonstances, là.
M. Verdon
(Jocelyn) : Oui, tout à
fait. Mais c'est parce qu'on est sur le terrain. On a un conflit, on a des
problèmes de... les juges ont des problèmes
de gestion, de raccourcir leurs délais. Ils ont leurs contraintes; nous, on a
les nôtres, c'est de faire valoir le droit de nos clients. Ce que je
veux dire par là, c'est que, le désir du législateur, on peut inférer de cette possibilité-là, de dire : Écoutez, je vais
l'ordonner. Et souvent c'est dans... le réflexe, ça va être un dossier
extrêmement litigieux. C'est dans ces
dossiers-là que ça va se produire. Et là le juge, voyant cela, va dire :
J'ordonne la production d'un rapport. Nous, on pense que ça pourrait
constituer une erreur et... C'est parce que ça ne peut qu'être dans les
dossiers extrêmement conflictuels. Puis
nous, on pense que, dans les dossiers extrêmement conflictuels, il faut
laisser, justement, ces gens-là aller
au bout du processus, c'est-à-dire s'expliquer, faire valoir leur position,
parce qu'on est en matière de garde d'enfants. C'est la prétention.
M.
St-Arnaud : Écoutez, je ne suis pas un expert en droit
familial, mais est-ce que, rendu là, à un moment donné, le juge ne pourrait pas dire, justement : Dans
l'intérêt de l'enfant, j'aimerais ça avoir un éclairage... un expert...
j'aimerais imposer, finalement… reprendre le terme, imposer une expertise
commune?
M. Verdon
(Jocelyn) : Bien, le
problème que je vois avec ça, c'est que l'expertise... Le juge peut nommer
son propre expert, s'il le juge approprié,
mais le problème que je vois, c'est que… Compte tenu du caractère un peu
abstrait des expertises de garde, le fait de
nommer un seul expert, comme je vous dis, c'est qu'on va avoir un expert — puis c'est reconnu dans le
milieu — qui
a une philosophie. Et, si ce n'est pas celle de l'autre parent qui perd la
garde, nous, on pense que c'est déplorable,
parce qu'on va avoir quelqu'un qui va subir une garde avec toujours le
sentiment que, s'il avait pu avoir accès à une autre expertise, il
aurait peut-être gagné. Et ça, bien, ça ne fait que retarder le problème, qui
va ressurgir une année plus tard.
M.
St-Arnaud : Mais,
comme Me Chamberland vient de me le faire remarquer, quand vous lisez 159.2°, si on le lit jusqu'au bout : «…imposer, le cas échéant, l'expertise commune, si
le respect du principe de proportionnalité l'impose et que cette mesure, tenant compte des démarches déjà
faites, permet de résoudre efficacement le litige sans pour autant
mettre en péril le droit des parties à faire valoir leurs prétentions», là, c'est
quand même…
M. Verdon
(Jocelyn) : Bien, c'est
vrai, sauf que c'est le justiciable. On parle d'accessibilité à la justice puis
on parle de garde. Quand on lit cet
article-là, la préoccupation du Barreau, c'est, à la fin du procès, qu'importe
la décision du tribunal, quelles sont les mesures les plus efficaces
pour nous assurer que les gens vont se conformer au jugement et vont mieux
accepter la défaite. Le fait de l'ordonner, pour nous, c'est dans les dossiers
extrêmement problématiques. L'expérience nous démontre que, dans les dossiers
problématiques…
M. St-Arnaud :
…Me Chamberland, c'est un bon argument, ça. Je pense que vous avez marqué
un point, là, dans votre dernier 30 secondes.
Écoutez,
parce que le temps passe, puis le président va m'interrompre à un moment donné,
mais juste une chose, honnêtement,
j'ai de la difficulté avec votre deux heures qui doit aller à cinq heures. Il
me semble que… Mettons, dans l'hypothèse
où on déciderait de le mettre à trois heures, trois heures par personne, là,
par témoin. Aïe! trois heures, là, je ne sais pas, là, en pratique, là, trois heures, là, tu as le temps de faire
un bon tour d'horizon, là. Puis évidemment il y a toujours le pouvoir du juge, dans certains cas qui
nécessitent une attention plus particulière, d'autoriser de dépasser le deux
heures, présentement, que peut-être on pourrait mettre à trois heures pour
répondre en partie à votre préoccupation. Mais il me semble que, trois heures, tu aurais le temps de faire le tour, puis,
si jamais ça nécessite d'aller plus loin, bien, le juge a le pouvoir d'autoriser
d'aller plus loin que le nombre d'heures prévues.
M. Verdon (Jocelyn) : Écoutez, je
reviens encore, là…
Le Président (M. Marsan) : En
terminant.
M. Verdon (Jocelyn) : Pardon?
Le Président (M. Marsan) : En
terminant.
M. Verdon (Jocelyn) : En terminant, bien, le problème du trois heures, c'est certain que tout le monde, y compris la cour, peut
dire : Écoutez, c'est suffisant,
deux heures. La préoccupation du Barreau, c'est le justiciable, parce
qu'actuellementle seul endroit où les
justiciables ont accès à la Cour supérieure, c'est par l'entremise du droit à
la famille. Alors, ça, c'est la théorie de base.
Notre
réflexion, c'est : Que vont — puis, écoutez, excusez-moi la
caricature — dire les
justiciables, dans leurs partys de Noël, concernant leur expérience à la
cour? C'est ça, la préoccupation du Barreau. Comment ils vont réagir par
rapport à ça? Puis, nous, ce qu'on veut comme Barreau, c'est que les gens
disent : Moi, j'ai été écouté, j'ai été respecté, on m'a offert des modes
alternatifs. Je suis allé à la cour parce que je n'avais pas le choix et j'ai
été écouté.
Puis,
pour la garde d'enfant — vous
remarquez, j'insiste beaucoup pour la garde — c'est
fondamental. Alors, c'est pour ça que l'interrogatoire, c'est la même
chose. L'interrogatoire, pour nous, ça semble simple. Pour nous, froidement, c'est évident, mais je suis en période
de divorce, je mets fin à 25 ans d'union… Et, à ce moment-là, je
pense que l'efficacité de le mettre à cinq
heures… C'est simplement que, dans la majorité des cas, le trois heures peut
être suffisant. Mais, nous, ce qui
nous préoccupe, c'est pourquoi exiger, si on excède le deux heures ou le trois
heures, pourquoi exiger que ces gens-là déboursent davantage d'argent,
alors que cinq heures, ça risque de régler tous les problèmes puis c'est à cinq heures que, là, on part? Le but, c'est que
ces gens-là s'expliquent. C'est comme des joueurs de hockey : on les
laisse se battre puis, quand ils ont terminé, on les sépare, ils sont fatigués.
M. St-Arnaud :
Merci. Écoutez, on va réfléchir à tout ça. Oui?
M. Saint-Onge (Jean) : Si je pouvais ajouter concernant l'expert commun.
Me Verdon a bien dit à quel point ordonner
un expert commun en matière de garde d'enfant, ça perturberait la perception du
justiciable concernant un débat contradictoire. Et puis la position du
Barreau concernant l'expert commun a toujours été, et elle l'est encore — elle l'était dans le mémoire de décembre 2011 et
en septembre 2013 — que 159 ne devrait pas être d'office, devrait seulement être à défaut d'entente entre les parties. Quand
les deux parties s'entendent pour avoir chacune leur expert, le Barreau prend la position que le juge ne devrait pas
pouvoir ordonner un expert commun à l'encontre du consentement des
parties.
M.
St-Arnaud : Dans les deux cas, que ce soit l'expert commun ou
que ce soit la durée de l'interrogatoire préalable en matière familiale, vous dites : C'est
l'intérêt du justiciable. C'est votre argument pour les deux éléments. Est-ce
que… M. le Président, avec le consentement de l'opposition, je vais prendre du
temps de l'opposition. C'est ma fête, ils me donnent quelques minutes, M. le
Président.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. St-Arnaud :
Il y a un sujet, il y a un dernier sujet dont on n'a pas parlé, c'est…
Une voix :
…
• (12 h 10) •
M.
St-Arnaud : … — oui, exactement — c'est l'article 1, et je trouve ça
triste, là, qu'on n'en ait pas parlé, parce que vous en avez… c'est «doivent considérer», là, c'est le dernier
alinéa de… Et j'ai remarqué, dans
votre mémoire, que vous
faites référence aux notes explicatives du projet de loi pour peut-être
nous inspirer dans d'éventuelles modifications.
Mais,
si je reviens à vos questions, là, juste en une ou deux minutes, vous vous
interrogez sur la réelle portée de l'obligation
«doivent considérer», quelle est la sanction, comment peut-on contrôler le
respect de cette obligation. Hier, on
a reçu Mmes Huguette St-Louis, Céline Pelletier, Marie-Claude Sarrazin, de
l'observatoire, qui nous ont dit… quinous
ont présenté l'idée de peut-être avoir une attestation, qui serait signée par les
parties, sur le fait qu'ils ont effectivement considéré et qui nous ont proposé aussi la possibilité d'envisager
certaines sanctions si… Est-ce que, si on allait de ce côté-là, avec une attestation avec qui… en
précisant ce qui arriverait en termes
de non-respect de cette
obligation-là, est-ce qu'il y a une
piste qui vous sourirait ou si vous maintenez qu'il faudrait y aller un cran
plus bas que «doivent considérer»?
M. Chénier (Robert-Jean) : Absolument. Je pense que ce serait une solution, une piste dans la
bonne direction. Je reprends les cinq points du Barreau, puis ils sont
aux pages 63 à 69 de l'annexe.
Premier
point : Le Barreau appuie l'objectif de valoriser et promouvoir les modes
privés mais tout en préservant le rôle
capital du tribunal. Deuxième point : Il y a des situations où les
modes privés ne sont pas appropriés. Prenons la victime d'un acte criminel. On ne peut pas lui demander de
s'asseoir avec son abuseur le lendemain matin pour discuter calmement de la situation. Le tribunal a sa place d'emblée. Il y a
la question des coûts dont parle le Barreau aussi. Il n'y a
rien qui arrive par l'effet du
Saint-Esprit, et ce n'est pas tout le
monde qui est capable d'avoir accès.
Le quatrième point, c'est qu'on croit à des mesures incitatives, et ce
dont vous parlez, pour moi, ça tombe dans les mesures incitatives. Et le
cinquième point, c'est qu'il va falloir
avoir des études, voir comment ça fonctionne, parce qu'on rentre dans du nouveau territoire, M. le ministre. Le Barreau veut appuyer, veut
avoir un engagement dans ce sens-là, et par la suite, il le dit à la
page 68, on devrait avoir vraiment des bonnes études pour voir si ces
modes privés respectent les principes directeurs qu'on se donne dans le Code de
procédure civile. Alors, globalement, c'est le point de vue du Barreau à ce
sujet.
M.
St-Arnaud : Ça va. Écoutez, on va… parce que «doivent
considérer», c'est déjà bas un peu, là, parce que ce que… Mais, écoutez, je retiens ce que vous avez
dit. Vous dites… Ce que j'ai mentionné, ce qui a été mentionné hier par
l'observatoire en termes d'idées concrètes, ce serait une piste à explorer, qui
pourrait peut-être répondre à une partie de vos interrogations.
M. Chénier (Robert-Jean) : Absolument. Et ce n'est pas la position du
Barreau, mais je vais donner mon opinion personnelle : «doivent
considérer», c'est un peu des termes qui sont…
M.
St-Arnaud : C'est flou.
M. Chénier (Robert-Jean) : …contradictoires. L'un est une obligation, puis l'autre, c'est
d'évaluer. Peut-être, ce serait «peuvent considérer». Enfin…
Le
Président (M. Marsan) :
Alors, je vous remercie. Ceci termine cette période d'échange. Vous voulez
dire un dernier mot, le mot de la fin?
M. Verdon (Jocelyn) : Bien, c'est parce que ça pourrait peut-être vous aider dans
votre réflexion, je pense, là. La Loi sur le divorce a déjà prévu,
lorsqu'elle a été adoptée, l'obligation pour les gens d'aller en médiation, de
voir s'il y a des possibilités de
réconciliation, et, dans les procédures matrimoniales, maintenant
c'est systématique. C'est
écrit : L'avocat déclare sous serment
qu'il a discuté des possibilités de réconciliation. L'avocat a discuté des
modes alternatifs. Donc, peut-être
que cette… Les avocats, je pense, n'ont aucune objection, au contraire, à ce
que ça apparaisse dans chacune des
procédures. Là, vous venez de régler un immense problème. La procédure est
prise, ça a été discuté, le justiciable a lu la procédure, donc il est
informé que ça existe. Puis, à ce moment-là, ça pourrait être une solution
intéressante. Mais le Barreau s'était prononcé sur la Loi sur le divorce puis
on avait collaboré avec ça.
Le
Président (M. Marsan) : Alors, merci. M. le député de Fabre, au
nom de l'opposition officielle, vos dernières questions ou commentaires.
M.
Ouimet
(Fabre) : Il reste deux minutes? Deux, trois minutes?
Le Président (M.
Marsan) : Un peu moins de 10 minutes.
M.
Ouimet (Fabre) : Ah bon! Mon Dieu! C'est là où on se rend
compte que d'être généreux, ça paie toujours. Il y a plusieurs points
sur… Je vais revenir sur la question de la médiation, l'obligation de
considérer les règles… les différents… les
modes alternatifs, là, ce que j'appelle les modes alternatifs. Mon expérience
en droit criminel, et je pense que
le ministre réagissait de la même façon : il faut faire attention de
ne pas faire un énoncé trop large quand on dit que c'est inapproprié
pour une victime d'acte criminel de rencontrer son agresseur, parce que l'expérience
sur le terrain est à l'effet contraire, c'est-à-dire qu'évidemment, quand c'est bien fait, quand c'est bien encadré,
quand le terrain est bien préparé, c'est
une mesure de réconciliation, de réparation du tort causé à la victime, qui
peut être utile. Alors, je nous invite à ne pas être trop absolus ni
dans un sens ni dans l'autre. Vous vouliez m'interrompre, M. le Président?
Le Président (M.
Marsan) : Non. Allez, allez.
M.
Ouimet (Fabre) :
Donc, c'était le commentaire par
rapport à ça. Il y a
un point que vos observations ont fait ressortir,
et ça me frappe, et je pense que ça vaut la peine d'y revenir, c'est toute la question
du consentement des parties. Et je pense que vous avez raison
de... Il y a, à mon point
de vue, une certaine contradiction au niveau
de l'esprit du nouveau code, c'est-à-dire, d'une part, on met de l'avant les modes alternatifs ou on incite les
parties à collaborer, à trouver des solutions,
à se parler, mais, par ailleurs, à plusieurs endroits dans le code où les parties pourraient
s'entendre, on juge ou on estime que
ce n'est pas suffisant pour leur permettre d'agir sur cette base-là. Et je pense que nous sommes peut-être en
flagrant délit de contradiction dans notre volonté...
Et
je n'ose pas penser que ce qui anime le refus de permettre aux parties d'agir
de consentement, c'est cette idée qu'on ne peut pas faire confiance aux
avocats pour conseiller adéquatement leurs clients. Et ça, je pense que, comme législateurs, on ne peut pas, on ne peut pas baser
le choix législatif sur cette idée que les avocats ne font pas leur
travail de façon professionnelle et compétente. Qu'il y ait eu des abus, qu'il
y ait à l'occasion des dérapages, ça, je pense que tout le monde peut le
constater. Mais je pense que nous devons nous mettre en garde, comme
législateurs, d'éliminer cette possibilité que les parties consentent, à moins
qu'il y ait des raisons impérieuses de le faire.
Et les observations
du Barreau, en tout cas, moi, m'interpellent sur certaines dispositions,
notamment sur la question de l'interrogatoire préalable. J'avoue que de forcer
les parties à être obligées d'aller devant le tribunal alors qu'elles s'entendent... J'ai tendance à penser,
là, qu'il y a peut-être un... dans la mesure où on fixe une balise
extrême, là. En tout cas, bref, on pourra y
revenir, mais j'apprécie... Vous avez touché une corde très, très sensible en
ce qui me concerne.
Sur
la question des actions collectives, j'aurais aimé revenir — il me reste quelques minutes — très rapidement, sur... Vous avez dit… Me Saint-Onge, vous
avez expliqué la réduction des délais antérieurement, au niveau du
processus d'autorisation des actions collectives, et vous avez... J'ai noté que
deux des trois facteurs que vous avez soulignés, qui avaient contribué à la
réduction des délais, c'était au niveau des interrogatoires préalables, en fait
vous avez mentionné : Puisqu'il n'y a
plus d'affidavit du requérant, on n'avait plus... il n'y avait plus
d'interrogatoire au préalable, de même
que la gestion particulière, ce qui démontre la nécessité d'intervenir au
niveau du code, à mon point de vue, pour essayer de baliser davantage
ces aspects de la procédure. Vous êtes d'accord avec nous?
M. Saint-Onge
(Jean) : Tout à fait. Et je pense que, pour les praticiens, les
avocats ou même les plaideurs d'habitude,
là, qui sont interpellés dans les recours collectifs, il n'y a personne qui
voudrait revenir en arrière avec ce qui existait,
là, avant la réforme de 2003, parce que ça a grandement aidé les choses. Ça a
fait en sorte que les débats se déroulent de façon plus sereine et plus
rapidement aussi. On parle de 12 à 18 mois.
Et
c'est dans ce contexte-là qu'on pensait que nous étions maintenant
collectivement assez mûrs pour réintroduire le droit d'appel, et faire en sorte que le jugement d'autorisation — parce qu'à l'heure actuelle il n'y en a
pas — puisse servir aux justiciables, et faire en
sorte qu'on évite de prolonger des débats qui ne tiendront pas la route
ultimement, au mérite, après avoir consacré
du temps, des énergies, des ressources judiciaires à un recours qui a été
autorisé mais qui pourrait peut-être
bénéficier de l'éclairage de la Cour d'appel.
Et on sait que, dans bien des cas, ces jugements-là sont... peuvent être infirmés. Donc, c'est pour ça qu'on
trouvait que le contexte et que le moment étaient venus de reconsidérer
ou de réintroduire le droit d'appel qui existait à l'origine.
• (12 h 20) •
M.
Ouimet (Fabre) :
Alors, merci, M. le Président. Merci. Je vais terminer là-dessus.
Donc, merci aux membres du Barreau, à ceux qui sont ici aujourd'hui.
Mme la bâtonnière, vous transmettrez également nos remerciements à tous
ceux qui ont participé de près ou de loin à vos travaux. Merci.
Le Président (M.
Marsan) : Alors, merci, M. le député de Fabre. Ceci termine
cette période d'échange entre les oppositions.
M. St-Arnaud :
...de ce que vient de dire le député de Fabre, en 30 secondes.
Le Président (M.
Marsan) : Toujours votre anniversaire.
M.
St-Arnaud : Je vais
en profiter, ça revient juste une fois par année. Mais effectivement, Mme la bâtonnière, et mesdames
et messieurs, merci beaucoup. Je
pense qu'on a eu un trois heures très
constructif. Je pense qu'on a... En tout cas, moi, dans ma tête,
j'ai réglé un certain nombre de questions, qu'on va évaluer avec les gens pour la suite
des choses. Et je veux vous dire
qu'on n'a pas eu l'occasion d'évaluer l'ensemble des éléments qui sont... l'ensemble
des propositions qui sont faites au mémoire, mais sachez
que même... Évidemment, vous le savez, vous venez régulièrement devant les commissions parlementaires, mais sachez que toutes et chacune des propositions que vous avez faites, des recommandationsqui
ont été faites dans votre... qui furent faites dans votre mémoire
vont être analysées par les gens qui m'accompagnent en vue de prendre
une décision sur chacun des points que vous avez soulevés.
Je pense
qu'on a fait un bon bout de chemin depuis deux ans, depuis un an et demi, avec
l'avant-projet. J'étais heureux de voir que vous étiez satisfaits des modifications
qui avaient été faites dans la foulée des consultations sur l'avant-projet. Et
là je pense qu'on franchit une autre étape. Sachez que les points qui n'ont pas
été abordés ce matin vont être attentivement étudiés. Merci.
Le
Président (M. Marsan) :
Mme la bâtonnière, je suis certain que vous voulez nous adresser quelques
mots.
Mme Brodeur
(Johanne) : Oui, mais, en fait, je vais céder le temps de parole qu'il
me reste à mon confrère Me Verdon.
Tout simplement, d'abord, merci de votre écoute. Je voudrais aussi
souligner la présence de Me Lauzon avec nous, qui n'a pas pris la parole, compte tenu de la situation et du temps, mais qui a été d'une grande
expertise, une aide dans le dossier. Il y a
un sujet qui n'est pas dans notre mémoire, pour lequel vous n'avez pas posé de question
mais par ailleurs qui est une
réplique à ce que vous avez entendu cette semaine, et je terminerais tout
simplement en donnant l'opportunité à Me Verdon de vous en toucher mot.
Le Président (M.
Marsan) : Rapidement, Me Verdon.
M. Verdon (Jocelyn) : C'est concernant la possibilité pour les notaires d'homologuer des ententes
matrimoniales. La position du Barreau sur
cela... Et, entendons-nous bien, ce n'est pas un réflexe, là. Je tiens à le
préciser, ce n'est pas du tout un réflexe. Dans l'absolu, posons-nous la
question suivante... La perception que nous avons, c'est qu'il y a un risque de banaliser. On pense que la perception de
la Chambre des notaires banalise ce que ça veut dire, homologuer une convention. Nous sommes en présence d'un dossier
où, quelques fois, même dans plein de fois, il y a
un rapport de force qui n'est pas en
équilibre. Et les gens peuvent bien convenir d'une entente, ce n'est pas nécessaire
que... ce n'est pas évident qu'elle
sera nécessairement conforme à la
loi. Vous avez des dispositions d'ordre public. La loi sur le patrimoine, qui
est d'ordre public, on ne peut pas y renoncer par écrit. Vous avez des pensions
alimentaires pour enfants, on ne peut pas y renoncer par écrit. C'est le choix
du législateur dans le Code civil.
Ce
que ça implique, tout ça, c'est que, lorsqu'on fait une convention, la
protection qui reste au système législatif et légal, c'est le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure. Qu'est-ce
que ça veut dire? Ça veut dire que l'avocat arrive avec la fameuse procédure...
Ce n'est pas une question de bataille, ce n'est pas ça. La question, c'est la
possibilité pour l'avocat, lorsqu'on arrive
devant un tribunal... C'est pour ça que je m'explique, on ne banalise pas,
là... Quand on arrive avec une convention qui a été réglée, le juge pose
des questions, le juge valide la convention. Ce n'est pas du «rubber stamp» automatique. Le juge doit s'assurer
que la convention est conforme au patrimoine familial, est conforme aux pensions alimentaires pour enfants. Si tel
n'est pas le cas, l'avocat répond aux questions, l'avocat fait des
représentations devant le tribunal.
Or, la
position des notaires, c'est de dire : Nous connaissons d'avance le
résultat, nous savons que la convention est conforme et nous savons qu'il n'y aura aucune représentation de faite.
Ce n'est pas dans l'intérêt des justiciables qu'un notaire se présente et qu'il soit incapable de
répondre aux questions. Ce n'est pas son travail. Donc, on a un problème
de champ de pratique selon les lois constitutives. Mais l'avocat, c'est la
raison pour laquelle nous insistons, doit être en mesure de terminer le travail par une requête, de répondre aux questions
du tribunal. Et ça, ça constitue, selon nous, de l'argumentation. L'intérêt
du justiciable, c'est d'avoir un seul intervenant pour faire des
représentations devant le tribunal. Mais homologuer une convention, ce n'est
pas juste mettre une étampe.
M. St-Arnaud :
...Me Verdon, je me demande si c'est sa fête aussi.
M. Verdon (Jocelyn) : Bientôt.
M. St-Arnaud : Il a réussi à
avoir un cinq minutes non prévu par le règlement.
Le
Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie, tous et
chacun, particulièrement vous, Mme la bâtonnière, et toute l'équipe avec
laquelle vous vous êtes présentée aujourd'hui, de nous avoir donné le point de
vue du Barreau du Québec sur le projet de loi n° 28.
Mémoires déposés
Nous allons passer aux remarques finales, et
vous êtes invités à rester ici pour les écouter; vous pouvez demeurer dans vos
sièges. Mais, avant de passer aux remarques finales, je dépose les mémoires des
organismes qui n'ont pas été entendus.
Remarques finales
Et j'invite maintenant Mme la députée de
Montmorency à formuler ses remarques finales et peut-être un petit commentaire
aussi. La parole est à vous, Mme la députée de Montmorency.
Mme Michelyne C. St-Laurent
Mme
St-Laurent :
Oui. Le premier commentaire avant de commencer mon allocution finale, c'est de
vous dire, donc, que vous n'êtes pas
d'accord pour rendre les conventions en matière de séparation… les rendre non
contentieuses, à ce que j'ai compris, pour
que les notaires les homologuent. Ce que les notaires demandaient, c'est qu'ils
voulaient faire l'homologation et
faire les conventions, les rendre dans les matières non contentieuses. À ce
moment-là, en les rendant en matières
non contentieuses, ils pouvaient, à ce moment-là, agir en matière de divorce.
Je ne vous pose pas la question, je passe
le commentaire, là, de ce qui s'est passé et je vous dis immédiatement :
Je vous donne raison dans votre réponse, c'est la réponse que j'avais
apportée.
Maintenant,
je vais commencer mon allocution finale. M. le ministre, M. le Président, M. le
député de Fabre, mes autres collègues
et tout le personnel, nos juristes très expérimentés, je tiens à vous
remercier, mais je tiens à remercier tous
les participants. Sans eux… Parce que vous savez qu'un avant-projet de loi
n'est jamais parfait, loin de là, et je pense qu'ici on a une équipe, je vous le disais tout à l'heure, une équipe du
tonnerre pour travailler et prendre pas seulement connaissance de ce qui
est dans le mémoire, de ce que vous avez rajouté aussi.
Tout le monde ici… Je sais que mes collègues,
tout le monde et les juristes vont travailler énormément à l'amélioration de cet avant-projet de loi. Votre
expertise nous est à tous bénéfique, et sachez que vos recommandations
ainsi que celles contenues dans les mémoires qui nous ont été remis seront
toutes évaluées. Même, M. le Président, il y
a des gens qui ont dit : Est-ce qu'ils vont prendre connaissance de nos
mémoires? Est-ce qu'ils vont en tenir compte, on n'est pas allés devant
la commission? Écoutez, oui, tout le monde, on a à coeur, ici, l'intérêt du
public, et, tous les mémoires, nous en tiendrons compte.
Et je tiens à
dire, en finissant : C'est extraordinaire la réponse que nous avons eue en
termes de mémoires, des mémoires bien travaillés, des mémoires qui ont
abordé à peu près tous les points du projet de loi, et je pense que les
juristes, les mémoires… tout le monde a fait un travail extraordinaire.
Maintenant, c'est à nous de nous mettre à l'ouvrage,
et c'est ce que nous ferons. Mais il ne faut pas oublier la remarque du
Barreau. Il faudrait que ce projet de loi soit adopté dans les meilleurs délais afin qu'il puisse s'y préparer
d'avance. Est-ce que nous aurons une sous-commission? Je laisse ça entre
les mains de mes collègues pour y réfléchir, pour faire ce projet de loi, pour
ne pas… pour que ce projet de loi avance et qu'il y ait une adoption finale
dans les meilleurs délais et un travail bien fait. Merci, M. le Président, et
merci à tous.
Le Président (M. Marsan) :
Merci, Mme la députée. M. le député de Fabre, vos remarques finales.
M. Gilles Ouimet
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de
remercier les collègues députés, M. le ministre ainsi que le personnel, Mme la sous-ministre, les juristes de l'État qui
ont participé à cet important projet de société. En fait, je remercie
aussi nos techniciens, les gens qui nous rendent plus intelligents quand on
pose des questions, aussi, c'est important, qui facilitent notre vie.
C'est
un important projet de loi. À mon point de vue, c'est majeur. La question de l'accès
à la justice, pour moi, est une question
fondamentale dans une société de droit comme la nôtre, une société libre et
démocratique, et nous avons une
obligation, comme société, comme parlementaires, à nous attaquer… à mener à
bien ce projet-là, et je peux vous assurer que l'opposition officielle
va y travailler avec diligence pour mener à bien ce projet.
• (12 h 30) •
Ceci dit, je
le répète, à chaque fois, pratiquement à chaque commission
parlementaire, le travail législatif
est un travail qu'on ne peut bousculer, qu'on ne peut précipiter, et il
est nécessaire de prendre le temps nécessaire. Et donc, dans ce sens-là — je
sais que mes collègues prennent un malin plaisir à faire des blagues sur la question
de l'utilité d'une sous-commission ou d'autres moyens pour accélérer le processus — sachez
que je serai toujours ouvert à discuter de moyens pour améliorer notre processus
législatif, mais je m'opposerai toujours avec véhémence à des mesures qui ne servent pas l'intérêt public dans le processus
législatif. Et donc on verra comment nous pourrons mener à terme et à
bien, et le plus rapidement possible, cet important projet de loi.
Ceci dit,
vous me permettrez, M. le Président, une brève remarque sur la mécanique, parce que je pense que nous avons
vécu, au cours de ces consultations
particulières… On a un peu dérogé à nos habitudes. C'est-à-dire que,
compte tenu de l'importance du projet de loi
et compte tenu de l'importance de l'avis du Barreau sur ce projet de loi, je
pense qu'il était tout à fait approprié que nous prenions le temps
nécessaire pour écouter les représentations du Barreau sur ce projet de loi et donc que nous ayons accordé trois
périodes d'une heure… Je pense qu'au début on pouvait penser qu'on n'aurait
pas suffisamment de questions pour toute la période de trois heures, et l'expérience
a démontré qu'on a été obligés de nous
limiter, parce que ces échanges ont été fructueux, nécessaires, et il y a
plusieurs des observations qui vont enrichir
la réflexion du ministre et qui vont bonifier le projet de loi. Et donc, encore
une fois, ça a fait la démonstration de l'utilité des consultations
particulières.
Et donc je
nous convie à la prochaine étape, qui pourra être la semaine prochaine — M. le ministre, vous nous le
direz — et
je réitère, en terminant, la collaboration de l'opposition officielle dans cet
important projet de loi.
Le Président (M. Marsan) :
Merci, M. le député. M. le ministre de la Justice.
M. Bertrand St-Arnaud
M. St-Arnaud : Oui, merci, M.
le Président. Merci pour votre travail aujourd'hui. Je remercie tout le monde.
Je ne reprendrai pas tous ceux qui ont participé aux travaux de cette
commission depuis mardi matin.
Effectivement,
le député y a fait référence, le député de Fabre y a fait référence, on vient
de franchir une autre étape, une autre étape. C'était la dernière série
de consultations en commission parlementaire sur le nouveau Code de procédure civile. Et effectivement j'espère que,
dès la semaine prochaine, peut-être dès mardi… mais, pour faire ça
mardi, ça prend le consentement de
l'opposition, puisqu'il y aura rapport de la commission mardi, et ça prend le
consentement pour, dès mardi soir, commencer le débat en deuxième lecture.
Alors, si vous le souhaitez, M. le député de Fabre, on pourrait, dès mardi
soir, procéder à ce qu'on appelait, dans le temps, la deuxième lecture, c'est-à-dire
les débats pour l'adoption du principe. En tout cas, si ce n'est pas mardi, ce
sera dans les prochains jours, sans nul doute, en tout cas, sans nul doute dans
mon esprit.
Et après ça,
bien, on arrive à la dernière étape législative avant l'adoption finale, qui
est l'étude article par article. Et là
la balle va être dans le camp des parlementaires. Moi, là, rendu là, c'est dans
le camp des parlementaires et notamment et principalement les parlementaires qui sont autour de cette table. Et je
pense, M. le Président, que nous avons, à cet égard, une responsabilité historique à l'endroit de notre
communauté juridique et du Québec tout entier. Depuis deux semaines, j'ai
eu l'occasion, notamment avec la
sous-ministre en titre, avec Me Drouin, de faire le tour de quelques rentrées
des tribunaux dans plusieurs districts judiciaires, et c'est assez
fascinant de voir à quel point les avocats, les juges attendent ce Code de procédure civile. D'ailleurs, dans
l'esprit de certains, c'est comme s'il allait sans problème être adopté à
Noël, puis les gens nous disaient… Quand je
leur disais : Bien, écoutez, ce n'est pas sûr que ça va être adopté en décembre,
les gens étaient souvent surpris. Ah non? Comment ça? Alors, c'est dire à quel
point les gens attendent ce nouveau Code de procédure civile, qui découle de
10, 15 ans de réflexion, d'études, de propositions. Et on l'a vu avec le
Barreau, M. le Président, on voit à quel
point, là, ça a cheminé au cours des dernières années, puis là on est rendus
dans les derniers ajustements au projet de nouveau code, auquel ont
contribué — puis
je le dis souvent, bien honnêtement — plusieurs de mes prédécesseurs, et notamment le député de
Saint-Laurent qui a déposé l'avant-projet de loi il y a un an et demi,
presque deux ans, deux ans.
Alors, on a une responsabilité, M. le Président,
et je pense qu'il faut absolument que tous les membres de cette commission fassent le maximum. Moi, je peux vous dire, de ce
côté-ci, là, je l'ai mis dans mes priorités et je suis prêt, avec mes collègues, la députée de
Mirabel, le député de Sherbrooke, tout le monde, avec les hauts fonctionnaires, qui, évidemment, jouent un rôle extrêmement important
sur ce dossier, je suis prêt à mettre toutes les énergies. Décembre, c'est peut-être rapide, mais février, c'est certainement faisable. Et je pense que, si… Parce qu'après ça ce n'est pas un secret de le dire qu'on rentre,
à partir du mois de mars, dans une zone incertaine, M. le Président, quant à l'existence
même de la présente législature. Et je ne
peux pas croire, moi, que tout ça retomberait, le compteur repartirait à zéro
dans une prochaine législature.
Alors, on est à une étape législative d'adopter
ce nouveau Code de procédure civile, il faut mettre toutes les énergies. De ce côté-ci, moi, je suis prêt à les
mettre, M. le Président, même si, vous le savez, j'ai déposé sept projets
de loi au printemps. Il y en a eu seulement deux d'adoptés, mais on en a sept
qui ont été déposés. Je prévois en déposer probablement
quelques-uns cet automne encore, mais la priorité va demeurer le nouveau Code
de procédure civile. Il faut qu'on mette toutes
nos énergies. Et je lance, bien sûr, à cet égard-là… Je sens la collaboration
de l'opposition et je la sollicite, parce qu'on a une responsabilité à cet
égard-là, responsabilité d'aboutir avec ce dossier.
Alors, M. le
Président, sur ces quelques mots, j'espère vivement qu'on sera en mesure, dans
les prochains jours, peut-être dès mardi soir, sinon la semaine
prochaine, à un autre moment, de faire… de passer… d'adopter le principe du projet de loi, donc ce qu'on appelait avant la
deuxième lecture, et ensuite, bien, c'est l'étude article par article. Et
déjà j'ai demandé aux hauts fonctionnaires qui m'accompagnent qu'on puisse très
rapidement, sur le livre I, sur le livre II, avoir des propositions d'amendement qui vont dans le sens de ce qu'on a
entendu cette semaine pour que rapidement on puisse avancer. Et l'Assemblée
nationale ajourne le 6 décembre. Donc, 6 décembre, c'est peut-être un
peu vite, à travers tout le reste, pour
adopter les 830 articles et étudier tous les amendements qui seront… Mais
je pense que février, c'est faisable, M. le Président.
Et, je l'ai dit en introduction — et je
conclus là-dessus — au
printemps, j'ai eu l'occasion de rencontrer Gil Rémillard, qui a été ministre de la Justice, à qui je demandais :
Mais comment vous avez fait pour adopter le nouveau Code civil en trois
mois et demi? Parce qu'ils avaient formé… ils avaient commencé à étudier
article par article le 27 août 1991
et ils ont fini le 13 décembre 1991, trois mois et demi, plus de
3 000 articles. Comment vous avez fait? Et donc, si on a été capables en 1991, si le ministre
de la Justice de l'époque, Gil Rémillard, la porte-parole de l'opposition
officielle de l'époque, Louise Harel, ont
été capables d'adopter un nouveau code civil, plus de 3 000 articles,
en trois mois et demi, en article par article, je ne peux pas croire qu'on
n'est pas capables, surtout avec la collaboration de tous. Et on en a une… Effectivement, vous y faisiez référence,
Mme la députée de Montmorency, je pense, qu'on a… Depuis un an, on travaille bien, je pense qu'on travaille bien,
on avance. Et, pour l'intérêt de la justice et pour l'intérêt de tous, je
pense qu'on est capables. Je ne peux pas croire, M. le Président, qu'on n'est
pas capables, en cinq, six mois, d'adopter un nouveau code de procédure civile
d'à peu près 800 quelques articles. Je pense qu'on est capables.
Alors, il va
falloir mettre les énergies et, s'il le faut, multiplier les réunions, les
séances le soir, le lundi, le vendredi. Je sens que peut-être mes
collègues trouvent que — à
ma droite — j'en
mets un peu trop, mais il va falloir mettre les énergies, parce que, M. le
Président, ce code de procédure… ce nouveau Code de procédure civile, il est
attendu, et il faut le livrer au plus tard… sinon en décembre, au plus tard en
février, les gens nous attendent là-dessus, et il faut enfin aboutir sur ce
dossier. Je vous remercie, M. le Président.
Le
Président (M. Marsan) :
À mon tour de vous remercier, M. le
ministre, et les gens qui vous
accompagnent de même que les députés du parti ministériel, les députés des
oppositions officielles et critiques dans le domaine de la justice. Je voudrais remercier nos secrétaires,
qui nous aident à paraître beaucoup mieux, comme vous avez bien mentionné, nos
techniciens, techniciennes audio et vidéo, nos transcripteurs et
transcriptrices, qu'on ne voit pas mais qui sont toujours présents et
présentes, nos pages, et enfin nos téléspectateurs.
La commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux sine die. Merci et bon retour à tous.
(Fin de la séance à 12 h 40)