(Neuf heures trente-deux minutes)
Le Président (M. Marsan) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 28, Loi
instituant le Code de procédure civile.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Duchesneau (Saint-Jérôme) est remplacé par Mme St-Laurent (Montmorency).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Marsan) :
Alors, je vous remercie. Je voudrais dire bonjour à tout le monde, vous
souhaiter une bonne et belle journée. Et, ce
matin, nous allons débuter avec L'Association du Jeune Barreau de Montréal
et du Jeune Barreau de Québec puis nous recevrons l'Association professionnelle
des sténographes officiels du Québec, suivie du Curateur public du Québec.
Alors, je
voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à nos invités et, pour les
fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez d'une période d'environ 10 minutes pour
votre exposé, et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. La parole est à vous.
L'Association du Jeune
Barreau de
Montréal (AJBM) et Le Jeune Barreau de Québec
Mme Malacket (Andréanne) : M. le
Président, M. le ministre St-Arnaud, Mmes, MM. les membres de la commission, bonjour. Je tiens d'abord à remercier
la commission de nous accueillir aujourd'hui avec Le Jeune Barreau de
Québec.
Je me présente, Andréanne Malacket, je suis la
présidente de L'Association du Jeune Barreau de Montréal, l'AJBM. Je suis accompagnée par ma collègue
Me Marie-Hélène Beaudoin, qui est administratrice de l'AJBM et
également responsable du comité Recherche et législation, qui est à l'origine
du mémoire déposé par l'AJBM aujourd'hui.
M. Barsoum
(Jad-Patrick)
: Moi, je me présente,
Me Jad-Patrick Barsoum, je suis président du Jeune Barreau de Québec et je suis accompagné par
Me Audrey Gagnon, première vice-présidente du Jeune Barreau, ainsi
que Me Christian Tanguay, deuxième vice-président du Jeune Barreau
et président du comité sur les affaires publiques, qui a planché sur notre
mémoire que vous avez parmi vous.
Le Président (M. Marsan) : Je
vous remercie. Vous pouvez procéder.
Mme Malacket (Andréanne) : Alors,
avant d'aborder plus avant les points centraux de notre mémoire, laissez-moi
brièvement vous dire qui nous sommes. L'AJBM est une association fondée en
1898, qui regroupe les avocats de 10 ans et
moins de pratique inscrits à la section de Montréal du Barreau du Québec, ce
qui représente, grosso modo, 4 500 avocats. Elle est dirigée par un
conseil d'administration formé de 15 avocats, en collaboration avec une quinzaine de comités, une direction générale et plus d'une centaine de bénévoles. Notre comité Recherche et
législation, dont je parlais un peu plus tôt, assure une vigie législative,
réglementaire et jurisprudentielle visant à recenser les nouveautés juridiques
susceptibles d'avoir une incidence sur les membres de l'AJBM et le public en
général. Le projet de loi n° 28, vous l'aurez compris, s'inscrit donc dans
cet objectif.
Essentiellement,
aujourd'hui, puisque nous constatons que le législateur entend aller de l'avant
avec sa réforme, nous tenions à
saisir l'occasion pour vous faire part plus en profondeur de nos commentaires
sur le projet de loi n° 28. Ces
commentaires sont nombreux et font l'objet d'un mémoire de 56 pages. Les points
sur lesquels nous tenons à insister de manière toute particulière sont
toutefois les suivants.
D'abord, l'expertise.
L'AJBM considère que l'expertise est un moyen de preuve et qu'il doit être
traité comme tel. Le tribunal, certes, peut guider les parties dans l'utilisation
de ce moyen de preuve. Or, nous sommes d'avis que le choix de recourir à une expertise commune devrait revenir aux parties et
qu'il n'appartient pas au tribunal de l'imposer d'office. L'AJBM estime d'ailleurs qu'il existe d'autres moyens de
responsabiliser les parties et de les sensibiliser à la nécessité, dans certains cas, de faire appel à un
expert commun, par exemple en permettant au tribunal de mitiger les
frais de justice s'il estime que le recours à deux experts distincts dans un
dossier était inutile ou déraisonnable.
Deuxièmement,
les frais de justice. L'AJBM applaudit la réintroduction de la règle de la
succombance. Or, il faut plus. Nous
sommes vigoureusement opposés à l'abrogation pure et simple du tarif des
honoraires judiciaires des avocats. Ce tarif doit, à notre avis, de façon
urgente, être remplacé par un tarif qui inclut le paiement d'une portion
significative des honoraires d'avocat. Il en va, à notre avis, de l'objectif
même de la réforme, à savoir l'accès à la justice.
Troisièmement,
la gestion d'instance. Nous croyons qu'il est fort souhaitable que le tribunal
dispose de plus grands pouvoirs à ce
chapitre. Cependant, nous croyons que le législateur devrait établir les
balises de l'exercice de la discrétion judiciaire.
Nous recommandons également qu'une gestion d'instance particulière soit prévue
dans davantage de dossiers, par exemple les dossiers où la valeur de l'objet
en litige excède 500 000 $ lorsqu'une partie se représente seule ou
encore lorsque le litige met en cause la protection de la réputation.
Quatrièmement, l'abus de procédure. À ce sujet,
nous saluons plusieurs changements introduits par le projet de loi n° 28, en ce qu'ils permettront, à
notre avis, de rectifier des situations qui se sont avérées problématiques sous
le code actuel. Or, à notre avis, une réforme
plus en profondeur des mesures actuelles paraît s'imposer. Par exemple, pour
donner plus de poids à la règle de la
proportionnalité, les tribunaux devraient pouvoir sanctionner des manquements
manifestes à cette règle, et ce, même si la procédure n'est pas pour autant
abusive. Le fardeau de preuve qui s'impose à la partie qui invoque l'abus devrait également être révisé et clarifié, et le
dépôt d'une preuve appropriée devrait pouvoir être possible sur autorisation du tribunal. Enfin, nous croyons
que l'attribution de frais de justice plus représentatifs des coûts réels
du litige constituerait un frein important aux procédures abusives.
Dernier point maintenant concernant la
notification. Nous soulevons de manière très détaillée plusieurs irrégularités qui affectent les dispositions du
projet de loi n° 28 dans notre mémoire. Je ne les reprendrai pas ici,
puisqu'elles sont de nature plutôt technique, mais sachez que, si vous avez des
questions, il nous fera plaisir d'y répondre.
En somme, donc, le projet de réforme du Code de
procédure civile est, à notre avis, un projet colossal. Nous voulons saluer l'écoute dont le législateur a fait
preuve à la suite des consultations publiques qui ont été menées après
le dépôt de l'avant-projet de loi. Avec
votre aide, toutefois, nous souhaitons enrichir davantage le projet de loi
n° 28 afin que l'objectif poursuivi par la réforme soit atteint,
celui de l'accès à la justice pour le citoyen.
M. Barsoum
(Jad-Patrick)
: M. le Président, MM., Mmes les membres de la
commission, Le Jeune Barreau de Québec
est une société à but non lucratif qui oeuvre dans l'intérêt de ses membres
depuis près de 100 ans. Notre association regroupe tous les avocats et avocates de 10 ans et moins de pratique
dans les districts judiciaires de Québec, Montmagny et Beauce. Aujourd'hui, c'est près du tiers des
avocats de la section de Québec, soit plus de 1 200, qui y sont
représentés. Dans cette optique, c'est un
honneur pour nous, au nom du Jeune Barreau de Québec, d'agir à titre de
porte-parole pour la nouvelle génération d'avocats et d'avocates.
Permettez-moi
de vous partager la mission du Jeune Barreau de Québec. En effet, cette mission
est de contribuer au dynamisme de la
communauté juridique de la grande région de Québec en participant activement et
de façon significative notamment aux
discussions et au traitement des affaires de la section du Barreau de Québec,
aux décisions importantes de notre ordre professionnel et des sociétés
québécoise et canadienne.
• (9 h 40) •
À cet égard,
plusieurs comités oeuvrent au sein de notre organisation, dont le comité sur
les affaires publiques, celui-ci ayant pour mandat de conseiller Le
Jeune Barreau lors des prises de position sur divers sujets d'actualité, tant auprès du gouvernement du Québec, du Canada
que des autres instances. Le Jeune Barreau est ainsi attentif aux
travaux parlementaires ainsi qu'à la réglementation et aux directives ayant une
incidence sur la pratique des jeunes avocats du Barreau de Québec. C'est suivant
cette mission que Le Jeune Barreau de Québec avait d'ailleurs participé aux audiences
de la commission parlementaire responsable de l'étude de l'avant-projet de loi
sur la réforme du Code de procédure civile en janvier 2012. Cohérent avec la vision exprimée
à cette occasion, Le Jeune Barreau de Québec
accueille avec intérêt
le projet de loi sur la réforme du Code de procédure civile.
Cette réforme propose d'importantes avancées dans la pratique, la compréhension et la gestion du droit. De plus,
les suggestions du Jeune Barreau vont dans la lignée et le désir du ministère
de la Justice de rendre la justice plus rapide, plus efficace et moins
coûteuse.
Nous insisterons aujourd'hui sur deux
points : la division des petites créances et les moyens technologiques,
tous deux interreliés par le même objectif que vous vous êtes fixé.
Ainsi, notre association appuie la majoration
progressive du seuil d'admissibilité de 7 000 $ à 15 000 $
à la division des petites créances de la Cour du Québec. Toutefois, cette
majoration seule ne peut être une panacée. Un constat
s'impose : la majorité des plaintes adressées au Conseil de la
magistrature du Québec le sont à l'égard de la division des petites
créances de la Cour du Québec. Même en haussant les seuils d'admissibilité tout
en maintenant les règles d'usage et les
règles applicables devant cette instance, demeureront, si des ajustements en ce
sens ne sont pas faits, des vecteurs d'incompréhension et de frustration
envers le processus judiciaire et conséquemment préjudiciables à l'administration
de la justice.
En ce sens,
Le Jeune Barreau de Québec vous propose, M. le Président, de permettre la
représentation par avocat de moins de
10 ans d'expérience lorsque les sommes réclamées excèdent les
10 000 $. L'implantation de cette mesure par la création d'un service de référencement en
collaboration avec le ministère de la Justice permettrait de mieux
circonscrire les règles de représentation et assurerait une représentation
équitable de toutes les parties en cause dans un souci de perfectionnement de l'efficacité
de notre système judiciaire. Le rôle de l'avocat permettra d'aider le
justiciable dans l'administration de la preuve tout en gardant à l'esprit que
les règles de procédure qui devront être suivies demeurent propres à la
division des petites créances.
Quant à l'utilisation des nouveaux moyens
technologiques, celle-ci est de plus en plus favorisée au sein de l'appareil
judiciaire. Mais, afin d'être en mesure de s'arrimer avec la réforme du code,
le ministère de la Justice se doit de veiller à la modernisation des technologies afin de maximiser l'efficacité
de l'administration de la justice. Cette modernisation entourant le
système judiciaire québécois sera bénéfique non seulement pour les avocats,
mais pour l'ensemble des acteurs du milieu
et incidemment bénéfique pour le justiciable. La nouvelle génération d'avocats
2.0 ayant fait son entrée dans les
différents palais de justice a été élevée avec la technologie. Et quelle fut
leur surprise de savoir que leur principal lieu de travail n'était pas
doté d'Internet sans fil! Par le passé, Le Jeune Barreau de Québec a fortement
encouragé le ministère de la Justice à doter les palais de justice et les
greffes de la province d'outils technologiques appropriés et uniformisés comme Internet sans fil, le dépôt électronique
d'actes de procédure à toute étape de l'instance et la modernisation du
système de plumitif. Nous profitons donc de l'occasion qui nous est offerte
aujourd'hui afin de reprendre notre appel à la modernisation de nos
institutions juridiques.
Afin de vous
permettre de nous poser des questions sur le contenu de notre présentation, je
terminerais par vous remercier de
nous avoir permis d'exposer les préoccupations de nos membres et pour l'attention
et la prise en considération de ceux-ci. Nous sommes confiants sur le
fait que nos propositions sauront permettre d'atteindre plus rapidement les
objectifs visés par le projet de loi sur la réforme du Code de procédure
civile. Merci.
Le
Président (M. Marsan) : Je vous remercie. Nous allons
immédiatement débuter la période d'échange, et je vais donner la parole
à M. le ministre de la Justice. M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Oui, merci, M. le Président. Alors, bonjour à tous,
Mme la présidente, M. le président et les gens qui vous accompagnent. Merci d'être là. Merci d'être là ensemble, ça
nous permet de voir vos mémoires en parallèle. Et je peux vous dire d'entrée de jeu que, lorsque,
ces jours derniers, j'ai eu l'occasion d'avoir des discussions avec les
experts qui m'accompagnent derrière moi, Me
Longtin, Me Chamberland, Me Pelletier, on m'a souligné d'entrée de jeu à
quel point il y avait beaucoup d'éléments
intéressants dans vos mémoires respectifs. Évidemment, on n'aura pas l'occasion
d'aborder tous ces éléments-là ce matin, mais sachez que toutes et chacune des
propositions que vous avez mises de l'avant seront analysées au cours des
prochains jours, là, par les experts du ministère de la Justice.
Peut-être un
premier sujet, l'expertise. Vous y avez fait référence, Mme la présidente du
Jeune Barreau de Montréal, mais vous
y faites référence aussi... Le Jeune Barreau de Québec également y fait
référence dans... traite de ce sujet-là. Alors, en fait, j'aimerais vous entendre sur une ou deux choses. Vous dites...
Jeune Barreau de Québec, vous mentionnez qu'à votre avis il faudrait
retirer l'obligation faite à l'expert de dévoiler au tribunal les instructions
reçues des parties, qui est prévue à l'article 232, je crois, si je me rappelle
bien, là... Non, ce n'est pas 232, c'est 235. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Autre
élément, vous dites, Jeune Barreau de Québec… Évidemment, à 293, on dit que le rapport d'expertise
peut tenir lieu de témoignage. Et je vous avoue que… Et vous semblez avoir des
réserves là-dessus. Moi, mon premier réflexe, honnêtement, pour avoir pratiqué,
je trouvais que ce n'était pas mauvais qu'effectivement on arrive dans… l'expert arrive, et qu'on puisse déposer son
rapport, et que le rapport tienne lieu de témoignage, et ensuite… ce qui
fait en sorte qu'on n'a pas, comme avocat, à
reprendre, là, de la première page et faire finalement réciter son rapport à
l'expert pendant une heure.
L'idée qui
est à 293, qui est de dire : «Le rapport de l'expert tient lieu de son
témoignage», et ensuite, évidemment, chacune des parties, à 294, peut
interroger l'expert qu'elle a nommé sur des points qui font l'objet du
rapport... Il me semble… À première vue, je
trouvais l'idée intéressante. C'est pour ça qu'elle est dans le projet de loi d'ailleurs, à 293, 294.
Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce
que, comme je le disais, et
probablement que mon collègue de Fabre, qui a pratiqué aussi, se
rappelle de ça, ça évite à l'avocat, finalement, de prendre la première heure
pour faire réciter à l'expert son rapport,
et ensuite on va directement sur certains points du rapport sur lesquels on
souhaite avoir davantage de précisions.
Sur les
experts également… Est-ce qu'il
y avait un autre élément dont je voulais vous parler? Oui. Bien, ce
que vous dites, je pense que c'est vous, Mme la présidente du Jeune Barreau de
Montréal, vous dites le… attendez…
Une voix : …
M.
St-Arnaud : Oui, c'est ça. C'est ça, c'est à 159, sur la
possibilité pour le juge d'imposer. Alors, c'est à 159, cet élément-là,
comme me le rappelle Me Chamberland. C'est quand même encadré, là. Bon, ce
que je comprends de la réflexion qu'il y a
eu au cours des dernières années, on… Il y a des gens qui défendent évidemment
bec et ongles l'expert commun. Là, il y a un processus qui est mis dans
le code, qui ne va pas jusqu'à l'expert commun, qui, à un moment donné, effectivement, vous le dites, à 159.2°, l'expert
commun peut être imposé. Mais il me semble que c'est dans un cadre… Quand on relit le 2° de 159, est-ce que vous
ne trouvez pas que le… oui, à un certain moment, le juge peut, dans certains cas bien encadrés, à 159.2°, imposer l'expert
commun, mais c'est quand même bien encadré. Ne trouvez-vous pas que c'est quand même suffisamment encadré dans
le code pour faire en sorte que ce ne sont que dans des cas bien précis
que l'expert commun pourrait être imposé par le juge?
Alors, sur
ces différents éléments là, à la fois Le Jeune Barreau de Québec, Jeune Barreau
de Montréal, j'aimerais vous entendre davantage.
M. Barsoum
(Jad-Patrick)
: Merci, M. le ministre. M. le Président, pour
répondre à la question de M. le ministre concernant le système d'interrogatoire
ou, en fait, de rapport d'expert qui peut tenir lieu de témoignage, si on
reprend l'article, l'article précisément,
lui, dit : «Le rapport de l'expert tient lieu de son témoignage.» C'est l'article,
c'est la règle. Donc, à partir de ce moment-là, pour avoir le droit à
avoir l'autre article, c'est l'exception. Or, dans notre système contradictoire, dans
lequel on a des preuves d'expertise d'un bord et de l'autre, il faut — je trouve que c'est essentiel, et, en
fait, nous trouvons que c'est essentiel — que les parties puissent
avoir la liberté d'interroger, de contre-interroger son expertise.
Maintenant,
votre crainte à l'effet que, pendant une heure, un avocat puisse faire parader
le rapport qui est devant nous depuis
trois, quatre, cinq semaines, je ne crois pas, avec égard, qu'elle soit fondée
puisque le juge a toujours et aura toujours
l'autorité de cibler l'interrogatoire de l'expert qui est devant lui. Il est
toujours, en date d'aujourd'hui, et il le sera aussi par ses pouvoirs de
gestion… de dire : Écoutez, moi, l'expert qui est à côté de vous, je ne
veux pas qu'il parade sur l'expertise, je
veux l'entendre sur tel point, tel point et tel point. Alors, le juge, je pense
qu'on peut lui laisser cette discrétion-là de faire circonscrire le
débat, mais de ne pas le mettre en obligation de cette façon-là parce qu'après
ça on arrive dans l'exception, et là il va falloir
débattre sur l'exception, c'est quand est-ce qu'on a le droit d'interroger
ou quand est-ce qu'on n'a pas de le droit d'interroger.
Donc, c'est
juste… En fait, ça va, d'après nous, allonger le débat de faire le débat sur
pouvons-nous l'interroger ou pas,
alors qu'on peut juste laisser cette discrétion au juge. Et elle existe déjà et
elle est utilisée à bon escient, à notre avis. Je passerai la parole, peut-être,
à Me Malacket pour la question sur l'expertise en commun.
• (9 h 50) •
Le Président (M. Marsan) : Me
Malacket.
Mme
Malacket (Andréanne) : En
fait, je vais… M. le Président, je
vous remercie. Je vais passer la
parole à ma collègue, Me Beaudoin, pour ce point-là.
Mme
Beaudoin (Marie-Hélène) :
Bonjour, M. le Président. Donc, je vais répondre à la question
du ministre de la Justice au
niveau de l'article 159, qui prévoit effectivement des balises. Cela dit, c'est
toujours une disposition qui s'impose d'office
de la part du tribunal, et la vision du Jeune Barreau de Montréal
est que l'expertise est un moyen de preuve.
Donc, les moyens de preuve appartiennent aux parties. Évidemment,
il y a la proportionnalité qui doit toujours entrer en ligne de compte, mais, au début d'une instance, quand on
prévoit le protocole, souvent, le tribunal est nouveau, entre dans le dossier, n'en connaît pas tous les
tenants et aboutissants comme les parties, et nous jugeons que ça peut
être un terrain dangereux si le tribunal peut l'imposer d'office.
Donc, ce que nous proposons, c'est qu'une
partie, évidemment, peut faire la demande d'avoir une expertise commune et, dans ces circonstances-là, évidemment,
devra exposer les motifs, et le tribunal pourra juger du bien-fondé ou non de ce moyen de preuve là
et se prononcer à cet égard. Mais on trouve difficile de voir que deux parties
qui seraient d'accord pour produire chacune leur expertise devraient se voir
imposer une expertise commune pour des questions de proportionnalité qui, finalement,
sont étrangères à leurs représentations.
Mme
Malacket (Andréanne) : De manière
accessoire également, je le disais dans mon discours d'ouverture, un moyen de
responsabiliser les parties à l'égard de cette question-là, si, par exemple, le
tribunal juge que finalement, oui, l'expertise
aurait dû être commune, les parties n'en ont pas fait la demande, donc chaque
partie a eu son expert, ce serait de
mitiger les frais de justice en conséquence pour éviter, justement,
ce genre de comportement. Donc, le tribunal, dans cette mesure-là,
disposerait toujours d'un moyen d'encadrer la question.
M. Barsoum (Jad-Patrick)
: M.
le Président.
Le Président (M. Marsan) :
Oui.
M. Barsoum
(Jad-Patrick)
: Pour répondre aussi au questionnement de M. le ministre par rapport au mandat qui serait donné à l'expert et dévoilé devant le tribunal, j'aimerais juste
vous ramener aussi le fait que, concernant l'expertise, l'expert, soit, il est un administrateur de la
justice puis il est là pour éclairer le tribunal, et notre rôle aussi d'avocat
est d'éclairer le tribunal, est aussi un rôle d'administrateur de la justice et
d'officier de la justice.
On n'est pas
pour autant tenus de dévoiler le mandat qu'on a de notre client devant le juge,
et nous trouvons qu'il est quand même important de garder ce mandat-là dans
la mesure où c'est quand même l'expert qui est mandaté par une partie, que ce mandat-là soit un mandat qui
reste entre les parties, mais il ne faut jamais, jamais
sortir de l'esprit que cet expert-là, il le sait, et nous le savons, est
aussi un officier de justice pour les besoins de la cause, dans le besoin de
soumettre la preuve au tribunal.
Le Président (M. Marsan) :
Merci. M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Oui.
Bien, merci, ça répond. Enfin, vous présentez bien les différents éléments. Sur
le dernier élément, j'ai presque le goût de vous dire d'emblée que je
suis assez sympathique à votre proposition sur le 235, instruction qui est reçue d'une partie, là. Je pense qu'il y a
une réflexion... En tout cas, on va la faire, la réflexion, de façon... on va la faire sur tous les éléments. Mais, sur cet élément-là, je vous
avoue que, moi aussi, je ne suis pas encore convaincu du libellé tel qu'il
se retrouve à 235.
Juste une
chose. Le Jeune Barreau de Québec, vous parlez du wifi. Juste vous dire que le ministre de la Justice a demandé que ça
soit installé dans tous les palais de justice du Québec d'ici l'été prochain.
Alors, j'espère que ça sera fait, mais... La
commande est passée à la sous-ministre, qui, malheureusement, va se joindre à nous dans quelques
minutes. Ça m'aurait permis de le répéter une autre fois, mais on lui dira lors
de son arrivée, mais la commande est passée.
Par contre,
où vous avez, Le Jeune Barreau de Québec, un peu... où j'ai besoin de vous entendre
davantage, c'est sur votre proposition eu égard aux Petites Créances, où vous proposez — et je veux être bien sûr que j'ai bien
compris; d'ailleurs, je pense que vous aviez
déjà fait cette proposition-là lors de l'avant-projet de loi — de permettre la représentation par avocat, particulièrement ceux qui ont 10 ans
de moins d'expérience, pour les réclamations de plus de 10 000 $
aux Petites Créances. Je comprends que vous
êtes assez d'accord avec le fait qu'on va directement à 15 000 $, là,
contrairement à ce qu'il y avait dans l'avant-projet
de loi quand je suis arrivé. La petite histoire, c'est que j'ai vu qu'un de mes
prédécesseurs, Serge Ménard, avait
fait un discours en 1998 où il disait qu'il fallait que les Petites Créances
passent à 15 000 $. Alors, je pense qu'on était dus, en 2013, pour y aller directement à
15 000 $, là, d'un seul coup et non pas en deux temps comme le
prévoyait l'avant-projet de loi. Je présume que, ça, vous êtes d'accord. Est-ce
qu'éventuellement ça devrait être plus que 15 000 $?
Cela dit, j'aimerais ça vous entendre sur votre
proposition. Parce qu'effectivement est-ce que ça ne vient pas un peu dénaturer ce que sont, en fait, les Petites
Créances? Alors, j'aimerais vous entendre, vous êtes de jeunes avocats
et... Voilà. Je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Barsoum
(Jad-Patrick)
: Merci, M. le ministre. M. le Président, un petit
rappel sur ce que c'est, une petite créance. Une petite créance n'est
pas la façon d'être représenté, c'est plutôt la créance elle-même, et l'instauration
de la division des petites créances était une division pour alléger la
procédure qu'il y a autour d'une application envers... devant le tribunal afin
de recevoir le montant d'argent réclamé. La procédure en elle-même est allégée.
C'était dans un esprit d'aller plus vite, plus efficace et moins coûteux, tout
comme l'esprit de la réforme du projet de loi actuel.
Cependant, ce n'est pas parce qu'on augmente un
montant ou qu'on met des procédures qui sont plus accélérées ou plus légères, entre guillemets, que nous venons d'aider et
d'enlever toutes les règles de preuve qui doivent être soumises devant un tribunal afin d'être en mesure
d'obtenir sa réclamation. Le principe que Le Jeune Barreau a voulu tendre à appliquer dans notre objectif futur, c'est
la représentation par avocat lors des petites créances et de 10 ans et
moins de pratique… par des avocats de 10 ans et moins de pratique, puisque c'est
le créneau dans lequel nous sommes… nous représentons, dans un esprit de
favoriser et d'aider le juge et les parties à accélérer le dossier lors de la
présentation de leur dite requête.
Le juge, en
ce moment, doit être juge et partie. Il doit administrer… il doit gérer l'administration
de la preuve, gérer les
interrogatoires s'il y a lieu ou les questions qui sont données, alors qu'il est
donc la seule personne dans le tribunal qui doit, d'un bord et de l'autre,
essayer d'aller chercher les informations qui lui sont nécessaires pour juger
sans que ces parties-là aient de l'aide ou aient le droit d'avoir de l'aide. L'esprit
d'avoir un avocat qui pourrait être le représentant d'une ou l'autre des parties, toujours en gardant en tête que les règles
de procédure ne changent pas, toujours en gardant en tête que nous
proposons à ce que le législateur puisse faire un tarif fixe afin d'être
équitable pour tous, permettra, tant au tribunal qu'aux parties, d'aller plus
vite, moins coûteux et d'obtenir une réclamation qui est considérablement élevée. Je veux dire, on est rendus à un montant
où est-ce qu'il en est rendu à 15 000 $, nos créances. C'était à
7 000 $; 15 000 $ n'est
pas peu. Je comprends que c'est une procédure accélérée, mais nous ne sommes
pas les seuls à faire ça. En Ontario ou en France, il y a d'autres
juridictions qui utilisent le style Petites Créances avec représentation par
avocat, stagiaire ou parajuriste.
Alors, ceci
étant dit, je trouve qu'il est essentiel qu'on puisse faire cette avancée-là
afin d'obtenir… de donner le droit aux parties d'être mieux
représentées, plus rapidement et plus efficacement. Je ne sais pas si je
réponds à vos questionnements ou peut-être faire compléter, peut-être par Me
Tanguay, si jamais…
Le Président (M. Marsan) : Me
Tanguay.
M. Tanguay
(Christian) : Écoutez, mais
l'objectif qui est visé par la représentation par avocat, c'est de faire
jouer le rôle de l'avocat à titre d'officier
de justice, d'accompagnateur et pour permettre au justiciable de sentir qu'il
est pris en charge et que son point
de vue a vraiment été entendu par un professionnel du droit qui l'a guidé dans
l'accompagnement jusqu'au tribunal. Au Jeune
Barreau, nous avons un service d'accompagnement, justement, pour préparer les
justiciables qui ont à présenter une requête à la division des petites
créances, et c'est un élément qui… c'est un moment dans la vie du justiciable qui est stressant, qui amène de
l'incertitude sur comment est-ce que j'administre ma preuve, comment est-ce
que je m'adresse au tribunal, est-ce que tout le fardeau lui revient sur les
épaules de s'éviter, justement, une condamnation en dommages ou en vice caché
de 15 000 $. Donc, c'est un accompagnement, un vulgarisateur aussi.
Dans notre
mémoire, on a mentionné certaines statistiques qui sont quelque peu
inquiétantes à l'égard du Conseil de la
magistrature, qui se retrouve submergé de plaintes de gens qui ne sont pas
représentés par avocat, qui ne comprennent pas nécessairement ou qui ont senti qu'ils n'ont pas eu l'occasion de se
faire entendre adéquatement par le tribunal, alors que le juge jouait
réellement le rôle qu'il avait à jouer, c'est-à-dire, devant les Petites
Créances, d'être à la fois gestionnaire de l'instance mais aussi décideur.
Donc, c'est
un peu un ensemble de ces raisons qui nous amène à formuler cette
recommandation-là, parce que nous pensons que ça va atteindre les deux objectifs,
là, principalement l'efficacité dans la gestion des instances, là, au tribunal.
• (10 heures) •
Le Président (M. Marsan) : Je
vous remercie. M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Oui. Peut-être
une ou deux choses. Sur les interrogatoires préalables, vous avez probablement,
comme praticiens, comme praticiennes, là… j'allais dire plus d'expérience que
le député de Fabre et moi en matière d'interrogatoire préalable, en tout cas,
plus que moi. Je ne sais pas vous, M.
le député de Fabre,
mais, comme on pratiquait dans un
autre domaine que le droit civil, que la justice civile, on connaît un peu
moins ça. En tout cas, je parle pour moi.
À 229, on a
encadré les interrogatoires préalables. Et, comme vous pouvez le voir à 229,
donc : «Aucun interrogatoire préalable [...] n'est permis dans les
affaires où [...] la valeur est [de moins de] 30 000 $.
«[Et] aucun interrogatoire ne peut excéder une
durée de cinq heures ou, en matière familiale ou dans les affaires où la valeur en litige est inférieure à
100 000 $, de deux heures. [Et] les parties peuvent, en cours
d'interrogatoire, convenir de prolonger la durée de cinq heures [jusqu'à] sept
heures ou de deux heures à trois heures. Toute autre prolongation [nécessitant]
l'autorisation du tribunal.»
J'aimerais vous entendre là-dessus. Puis quel
est votre point de vue sur ce nouvel article, sur cet article 229?
M. Barsoum (Jad-Patrick)
: M.
le Président, sur… M. le ministre, merci pour la question sur... Dans notre
mémoire, nous faisons référence, bon, à l'article 229, effectivement. Et
ce que nous proposons, en fait, ce n'est pas tant le libellé de l'article, mais
plutôt le lieu où est-ce qu'on pourrait déroger à ce libellé-là. C'est de le
faire dès le protocole de l'instance. Les avocats qui font des interrogatoires
au préalable dans plusieurs dossiers, on est rendus habitués à savoir c'est
quand... On le sait, combien de temps ça va prendre, un interrogatoire. Et il
est évident que, quand on prend une zone financière puis qu'on délimite par une
zone financière, ce n'est pas parce qu'un litige est à 100 000 $ qu'il va prendre moins de... qu'il va avoir plus de
questions qu'un litige à 32 000 $. Ce n'est pas la valeur en
litige, mais plutôt les questions de droit et les questions de fait qui sont
reliées au litige.
Si on coupe
un arbre millénaire qui vaut un million de dollars, bien, il y a une
question : Avez-vous coupé l'arbre, là? Tandis que, si on parle de
questions de droit et de fait qui ont trait avec une... trouble de voisinage
puis que la valeur est de 32 000 $, il y a probablement plus de
questions de fait qui sont reliées à ce problème-là. Donc, c'est de demander à... de permettre aux parties, lors du
protocole de l'instance, de déroger à ces minutes précises là et de le
faire dès le début... l'établissement du
début puisqu'il ne faut pas oublier aussi que, dans cette gestion-là, il ne
faut pas... lors de l'interrogatoire,
gérer le sténographe, mais il faut aussi le réserver, il faut réserver les parties,
il faut réserver notre temps. Donc, je pense qu'il est essentiel, dans
notre saine gestion de nos dossiers et de ceux des clients, d'être en mesure d'y
déroger lors du protocole qui sera entériné par la cour.
Mme Beaudoin (Marie-Hélène) : Et j'ajouterais,
si vous me permettez...
Le Président (M. Marsan) :
Oui. Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Marie-Hélène) : Les
interrogatoires au préalable sont un processus qui est très important pour
mettre en état le dossier. C'est là où on apprend tous les faits du dossier
pour décider si on va aller à procès, si on
va régler... Donc, c'est certain que, quand on limite ce genre d'interrogatoire
là, on arrive moins préparés au bout du compte, et puis ça ne favorise pas nécessairement l'objectif du projet
de loi n° 28 de favoriser les méthodes alternatives de règlement.
Donc, c'est
certain que nous, on avait déjà présenté notre position au stade de l'avant-projet
de loi en disant que nous n'étions
pas nécessairement d'accord avec ce genre de limite là. Nous, on suggère, comme
le Jeune Barreau, que ce soit quelque
chose qui soit contrôlé au niveau du protocole de l'instance et que les parties
puissent expliquer au tribunal plus facilement, là, le genre de durée
dont ils auraient besoin pour les interrogatoires, pour réussir à faire l'enquête
qui est nécessaire pour trouver les faits du dossier.
59 1199 M.
St-Arnaud : Merci.
Une voix : …
M. St-Arnaud : Non, ça va.
Non. Il me reste quelques minutes?
Le Président (M. Marsan) :
Presque pas de temps. Peut-être un dernier commentaire, M. le ministre?
M.
St-Arnaud : Un dernier? Bien, peut-être… Bien, j'aurais aimé
vous entendre sur le seuil de compétence de la Cour du Québec, mais, peut-être, vous le prendrez sur le temps de l'opposition.
Et en vous disant cependant que je pense que l'opération… Ce que vous dites, le Jeune Barreau de Montréal, là, je
pense que c'est… À partir du moment où c'est à la Gazette officielle, je pense qu'avec les nouveaux mécanismes
on est capables de le rentrer directement dans la loi, là. Je pense que…
Mais j'aimerais ça vous entendre sur le seuil de compétence.
En vous
disant, en terminant, merci beaucoup. Évidemment, on survole, puis c'est
vraiment un survol quand on est en
commission parlementaire, et… Mais je peux vous dire que, comme je l'ai dit
tantôt, vos mémoires vont être analysés avec attention, d'autant plus que les
experts m'ont confié à quel point ils avaient trouvé qu'il y avait quand
même plusieurs éléments intéressants dans
vos mémoires. Alors, sachez qu'ils seront… toutes et chacune de vos
propositions vont être regardées de très près au cours des prochains
jours et des prochaines semaines en attendant l'étude article par article, M.
le député de Fabre, que nous aurons l'occasion
de faire en sous-commission, peut-être, sous peu. Alors… de façon à ce qu'on puisse adopter ce Code de procédure civile qui est
très attendu, si possible en décembre, sinon au plus tard en février, mais…
Enfin, c'est
mon intention de travailler très fort. Moi, je suis prêt à mettre toutes les
heures, M. le Président, tous les jours disponibles pour qu'on puisse l'adopter, ce code-là, qui est très
attendu, en décembre ou, au plus tard, en février et je sollicite la collaboration de l'opposition à cet effet pour qu'on puisse… Si on a été capables, en
1991, d'adopter le nouveau Code
civil, plus de 3 000 articles,
en quatre mois, de faire l'étude article par article en quatre mois en sous-commission,
je pense bien qu'on est capables, surtout
avec les compétences qui sont autour de cette table, n'est-ce pas… Je pense,
entre autres, à la députée de Montmorency,
et au député de Fabre, et, bien sûr, à mes collègues ici, la députée de
Mirabel, qui est également membre du
Barreau, le député de Sherbrooke. Je pense, M. le Président, que, si on a été
capables d'adopter plus de 3 000
articles en quatre mois en 1991, on est capables d'adopter 800 quelques
articles d'ici décembre ou février et de laisser à la communauté
juridique et au Québec tout entier un nouveau Code de procédure civile.
Alors, j'espère
bien, et je lance l'appel à l'opposition, et je sens que la réplique va venir
rapidement, parce que vous allez dire, M. le Président…
Le Président (M. Marsan) :
Merci.
M. St-Arnaud : …que je n'ai
plus de temps. Alors, j'arrête ici.
Le Président (M. Marsan) :
Merci. Alors, je vous remercie, M. le ministre. Nous poursuivons cette période d'échange avec l'opposition officielle, et je
donne la parole à M. le député de Fabre, qui est le critique en matière de
justice pour l'opposition officielle. M. le député.
M.
Ouimet (Fabre) :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour à tous. Évidemment, j'écoutais avec
beaucoup, beaucoup, beaucoup, comme d'habitude… l'intervention du ministre et
je me disais : On va peut-être procéder plus rapidement à l'adoption du
Code de procédure civile s'il termine sa remarque.
Ceci dit,
vous avez pu constater, et les gens qui suivent nos travaux le constatent, les
travaux à la Commission des institutions
se font de manière très sérieuse, mais également de façon… Il y a une
atmosphère que j'apprécie énormément, et
j'ai beaucoup de plaisir à taquiner le ministre, et il me rend bien la chose,
et de même que la députée de Montmorency et les autres collègues de la
commission, mais sachez qu'on fait un travail très sérieux, et on apprécie
énormément vos représentations, les mémoires, l'énergie, le temps que vous y
avez consacré.
Vous me
permettrez, M. le Président, une brève introduction sur le rôle des jeunes
barreaux. J'ai été membre du Jeune Barreau de Montréal, j'ai été un des
administrateurs du Jeune Barreau de Montréal il y a de cela quand même quelques
années. Et, quand j'ai été bâtonnier de Montréal, bâtonnier du Québec, j'ai
souligné, et je tiens à le faire encore ici, à quel point je suis d'avis que
les jeunes barreaux sont la conscience sociale des Barreaux… et le travail remarquable que font les jeunes barreaux, tous les
jeunes barreaux, les associations de jeunes barreaux du Québec, de Montréal, évidemment, et de Québec… Et ça, je
pense qu'il faut le souligner. Pour les gens de l'extérieur, ils
confondent le Barreau, les avocats, c'est
tout mélangé, mais les associations de jeunes barreaux sont très dynamiques et
défendent des points de vue, ils font
valoir des… posent des actions très concrètes qui touchent les gens au
quotidien dans des domaines souvent moins populaires. Et vos
représentations — vous
avez ciblé la Cour des petites créances — c'est une des illustrations de ce rôle-là que vous jouez, et je
tiens à vous rendre hommage et à vous féliciter pour votre bon travail.
Et vous pourrez transmettre nos remerciements à tout le monde dans vos
organisations.
Ceci dit,
vous avez mentionné, je pense, Me Malacket, que vous espérez que le législateur
va être à l'écoute. Je vous assure
que le législateur est toujours à l'écoute de toutes les représentations qui
sont faites, et c'est très important, et on accorde énormément d'attention et d'importance aux témoins, aux gens qui
viennent, qui se donnent la peine de se déplacer à l'Assemblée nationale
pour nous faire part de leurs préoccupations face à un projet de loi. Et on va
le faire et on va lire et analyser très attentivement tous les mémoires qui
nous seront soumis.
Ceci dit, il
y a plusieurs points que je souhaiterais aborder. Il y a une question qui est
près de mon coeur, et mes collègues
de la commission m'entendent souvent parler de langage clair. Et, dans le cadre
de votre présentation initiale, vous
n'avez pas eu l'occasion d'en parler ou, en tout cas, je n'ai pas saisi, et je
pense que c'est le Jeune Barreau de Montréal qui a abordé cette
question-là dans leur mémoire, et j'aurais aimé, Me Malacket, que vous nous
expliquiez un peu, là, votre préoccupation à ce niveau-là.
• (10 h 10) •
Mme Malacket (Andréanne) : Bien,
essentiellement, de manière globale, on souhaite que la terminologie qui est utilisée soit vraiment uniformisée pour
éviter la confusion qui provient notamment de termes différents qui
désignent une même réalité. Par exemple, on
peut penser à «préavis» versus «avis» ou encore à «demande» versus «demande
en justice». On pense aussi que, plutôt que d'ajouter un nouveau jargon
juridique, changer les termes qu'on connaît actuellement,
peut-être qu'il vaudrait la peine d'insérer, à quelque part, un lexique qui
permettrait de définir, bon, à quoi on fait référence pour aider le
justiciable, parce que je pense que c'est ça, là, l'objectif de la réforme, c'est
l'accès à la justice pour le justiciable.
Donc, c'est essentiellement les préoccupations qu'on a. Et je passe la parole à
ma collègue, qui pourra compléter mon commentaire.
Mme
Beaudoin (Marie-Hélène) :
Oui. Entre autres, il y a une question nous préoccupe beaucoup, c'est au
niveau des délais dans le code. Donc, il y a certaines dispositions qui,
vraiment, introduisent de l'incertitude au niveau des délais. Donc, c'est vraiment important de clarifier ces dispositions-là
pour que le justiciable puisse savoir, là, dans quel délai il doit agir,
parce que ça peut avoir des conséquences graves, là. Un justiciable peut perdre
son droit en justice. Donc, quand on parle d'accès à la justice, c'est vraiment
la base.
C'est certain
qu'il y a certaines expressions qui ont été changées, et on peut s'interroger
sur les motifs pour lesquels ça a été
changé. Par exemple, le recours collectif est une notion que les justiciables
connaissent bien, alors que l'action collective
rentre une nouvelle notion qui n'était pas connue. Donc, à ce stade-là, quand
un des objectifs du projet de loi n° 28
est la clarté et l'accessibilité pour les citoyens, on veut s'assurer que le
fait de créer un nouveau code ne crée pas, là, des nouvelles sources,
là, d'inquiétude pour les justiciables qui, déjà, avaient de la misère à comprendre le contenu du code.
M.
Ouimet (Fabre) :
Merci. Un autre point qui est un peu lié à ça. Encore une fois, vous abordez,
dans votre mémoire, la question de la
version anglaise de la loi. Et j'aimerais… j'ai déjà eu l'occasion, en fait,
dans une autre vie, de faire des représentations à ce niveau-là et j'ai
également attiré l'attention du ministre, lors de l'étude des crédits, sur cette question. À mon point de vue, il est
important que nos lois soient bien rédigées en français et en anglais, tant
par respect pour les utilisateurs de nos
lois que pour la diffusion de nos lois à l'échelle internationale qu'aussi… et
surtout pour éviter des litiges inutiles. Et j'ai vu, dans votre mémoire, que
vous repreniez ces éléments-là et j'aurais aimé que vous nous en parliez.
Mme
Beaudoin (Marie-Hélène) : En
fait, dans la Charte de la langue
française, on prévoit que les deux
versions ont valeur équivalente. Donc, évidemment, si la version
anglaise diverge de la version française, ça peut créer des problèmes d'interprétation
qui n'étaient pas voulus au départ, donc. Et c'est certain qu'il y a certaines
des expressions qui sont employées en
anglais qui, déjà, ajoutent un niveau d'obscurité, si on veut, dans la
terminologie. Donc, c'est important d'éviter
ce genre d'expressions là. Entre autres, il y a… Là, je donne un exemple
particulier parce qu'évidemment on ne peut pas faire article par
article, mais même l'utilisation du mot «notamment» en français est constante,
alors qu'en anglais ça varie : «in
particular», «specifically», qui ont tous des significations différentes. Donc,
c'est important d'être conscients de
ça et de rédiger en conséquence. Et il y a des expressions, par exemple, et ça,
c'est juste une question de légistique... en français, on parle des
tribunaux, en anglais, on parle de «court». Donc, c'est juste des questions de terminologie comme ça qui pourraient être
raffinées, là, pour permettre une meilleure compréhension pour nos
justiciables qui sont anglophones, qui ont aussi accès à la justice de la même
manière que les francophones.
M.
Ouimet (Fabre) :
Merci.
M. Barsoum (Jad-Patrick)
: M.
le Président.
Le Président (M. Marsan) :
Oui, M. Barsoum.
M. Barsoum
(Jad-Patrick)
: Avec votre permission, je passerais la parole à
Me Gagnon par rapport au langage clair. On aurait peut-être un
petit commentaire à vous faire à cet…
Le Président (M. Marsan) :
Me Gagnon.
Mme Gagnon
(Audrey) : Merci, M. le
Président. M. le député, donc, dans la même perspective d'accès à la
justice et pour compléter les commentaires
de ma consoeur, il y a une enquête, menée en 2010 par L'Observatoire du droit à
la justice, qui a… en fait, qui a énoncé que 86 % de la population au
Québec n'était pas en mesure de bien comprendre les textes juridiques auxquels ils ont accès. Donc, fondamentalement, si
on veut un système de justice plus efficace, plus accessible, il faut que les gens pour qui on le
fait soient à même de bien comprendre la teneur des éléments contenus
dans ces textes de loi. Donc, évidemment, le
langage clair, les termes énoncés clairement vont de pair avec une
compréhension adéquate des justiciables, qui va assurer par le fait même l'accessibilité
à la justice pour tous.
Le Président (M. Marsan) : M.
le député de Fabre.
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le Président. Je suis tout à fait d'accord, et ça me fait très plaisir de vous
l'entendre dire. Peut-être
que mes collègues vont y accorder plus de poids parce que
ça vient de ce bout-là de la table. Ceci dit, il y a plusieurs points,
là. J'aimerais revenir sur la question des petites créances. Vous avez
souligné, et je n'ai pas, malheureusement, là, noté… Est-ce que vous proposez — parce que vous nous dites ouvrir la porte à cette idée — que les
avocats de moins de 10 ans puissent agir… Je simplifie, là. Est-ce que
vous avez une… Comment ça s'exprime, dans la
loi, cette ouverture-là, là? Comment on pourrait le libeller? Et ça, c'est ma
première question, et il y en aura une seconde qui va suivre.
M. Barsoum
(Jad-Patrick)
: Je vais prendre le rôle de législateur. À cet
égard, je pense que le meilleur moyen de le faire, c'est clairement dans l'énoncé de la représentation, c'est de
dire que les avocats de 10 ans, sur permission… bien, pas sur
permission, mais, dans les causes de 10 000 $ et plus, les avocats de
10 ans et moins de pratique pourront représenter les parties selon le
tarif qui sera fixé. Puis là ce serait le tarif, donc… Écoutez, je me fais le
législateur sur le fly, comme on peut dire, mais j'imagine que… Si vous me
donnez plus de temps, je peux vous le libeller avec des mots parfaits.
M.
Ouimet (Fabre) :
Merci. En fait, attendez le reste de mes questions, peut-être que…
M. Barsoum (Jad-Patrick)
:
Oui, j'imagine.
M.
Ouimet
(Fabre) : Mais en fait, là, on saute à… En fait, on comprend
que les associations des jeunes barreaux,
leurs membres, c'est 10 ans et moins de pratique. Mais ce qui est derrière
cette idée-là, dans le fond — et je le présume, et vous le confirmerez ou non selon le cas — c'est une question de taux horaire, de
tarification des services professionnels.
Et la prémisse de base de la proposition, je présume, c'est le fait qu'un jeune
avocat exige des honoraires moins élevés qu'un avocat plus expérimenté.
Est-ce que j'ai raison?
M. Barsoum
(Jad-Patrick)
: Je n'aimerais pas vous le dire de cette façon,
non. Mais en fait, non, ce n'est pas une question de taux horaire de
jeunes avocats ou des avocats expérimentés, c'est une question du fait que nous
représentons les avocats de 10 ans et
moins de pratique, mes membres sont des avocats de 10 ans et moins de
pratique, et nous ne sommes pas en autorité
de pouvoir discuter des membres de plus de 10 ans de pratique. Vous
pourrez poser la question au Barreau
du Québec. Ceci étant dit, ce n'est pas une question de taux horaire puisque
nous vous demandons de fixer un taux
unique qui sera applicable afin que tout justiciable partout au Québec ait le
même taux pour sa représentation, et
pour permettre une équité, et que ce soit donc un accès équitable et rapide
pour tous, d'un bout à l'autre de la province.
Mme Malacket (Andréanne) : J'aimerais…
M.
Ouimet (Fabre) :
Oui.
Mme
Malacket (Andréanne) : J'aimerais
revenir, si vous me permettez, sur la question de l'augmentation du
seuil. Je ne sais pas si ça faisait partie de vos questions, mais je sais que
votre collègue le ministre aurait voulu nous entendre.
Donc, évidemment, là, comme le Jeune Barreau de Québec le disait un peu plus
tôt, nous, également, on est en accord
avec l'augmentation de ce seuil-là à 15 000 $. Ce qui nous préoccupe
d'une manière particulière, c'est qu'évidemment avec un seuil haussé, bien, on peut penser que, finalement, les litiges
vont être un peu plus complexes et que le niveau de préparation des
justiciables va être conséquemment plus grand que ce qui peut être demandé
actuellement, de telle sorte que, de notre côté, c'est au niveau de la
réception de l'avis de convocation qu'on aimerait apporter, là, certains changements. On pense qu'actuellement dans le
projet de loi ce qui est prévu est un délai trop court et que,
finalement, en permettant aux justiciables de recevoir cet avis-là un peu plus
tôt, bien, ça leur permettrait de pouvoir se préparer davantage en conséquence. Donc, à cet égard-là, je pense que c'est
important également de penser à cette question-là.
M.
Ouimet (Fabre) :
Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?
Le Président (M. Marsan) :
Moins de cinq minutes.
M.
Ouimet
(Fabre) : Moins de cinq minutes. Ouf! Tant de sujets! Il
faut faire des choix. En fait, simplement pour clore sur la question des 10 ans et moins, en fait, je comprends
donc que, si le Barreau était, de façon générale, ouvert à cette idée, il n'y aurait pas cette limite de
10 ans, et tout le monde pourrait être… tous les avocats pourraient être
admissibles en respectant cette idée du
tarif. C'est ce que je comprends. Ceci dit, je croyais comprendre que vous
siégiez au Conseil général du Barreau du Québec. Vous n'êtes pas un
membre du Conseil général du Barreau du Québec, Me Barsoum?
M. Barsoum
(Jad-Patrick)
: Je suis effectivement un membre du Conseil
général du Barreau du Québec, mais je suis ici à titre de président du
Jeune Barreau de Québec. Et, M. le bâtonnier sortant, vous le savez comme moi
que je ne peux être un porte-parole du Barreau du Québec à ce titre ici. C'est
un de mes trois chapeaux.
• (10 h 20) •
M.
Ouimet (Fabre) :
Non, mais vous pourrez, M. le président, vous pourrez transmettre ce message-là
à vos collègues administrateurs. Ceci dit, je vais simplement vous souligner…
Vous vous rappelez que, dans le Code des professions,
il y a une disposition qui autorise le conseil d'administration d'un ordre
professionnel de proposer un tarif pour des services. Alors, c'est
peut-être une voie à explorer du côté du Barreau.
Ceci dit, j'aurais
aimé discuter de la question de l'interrogatoire préalable pour les quelques
minutes qui restent. Et, comme le ministre, notre expérience à nous
était dans un contexte en matière criminelle où il y avait un débat un peu semblable avec les interrogatoires préalables, c'est-à-dire
l'enquête préliminaire. Et on a assisté, de nombreuses années, à des discussions sur l'abolition de l'enquête
préliminaire. Et, dans le fond, tous ces débats-là ne portent que sur une
chose, c'est-à-dire éviter ce qui peut
sembler, à première vue, du gaspillage d'énergie et de temps quand on double
des interrogatoires.
Ceci dit, sur
la question, j'ai compris que la règle qui est proposée dorénavant, c'est que l'une
ou l'autre des parties pourrait déposer l'interrogatoire préalable — c'est
ce que j'ai compris — qui
est le changement où on propose, là, de rendre
plus utile le recours aux interrogatoires préalables, alors qu'à l'heure
actuelle ce n'est que la partie qui procède à l'interrogatoire qui a le droit de déposer, je pense. En tout cas, il y
a un changement qui est proposé. Est-ce que vous avez des commentaires
sur cet élément où on pourrait rendre plus utile le témoignage visant l'interrogatoire
préalable?
Mme
Beaudoin (Marie-Hélène) :
Avec respect, je crois qu'au niveau de l'avant-projet de loi,
effectivement, ce qui avait été changé, c'était
que l'une ou l'autre des parties pouvait déposer l'interrogatoire, mais il y a
des représentations qui ont été
faites de la part du Barreau, de la part des jeunes barreaux pour expliquer la
raison d'être des interrogatoires qui sont
vraiment exploratoires. Donc, c'est certain qu'ils ne sont pas toujours
déposés, mais ils ont néanmoins leur utilité.
Et, dans le
nouveau projet de loi, ça a été changé pour dire que c'était toujours la partie
qui a mené l'interrogatoire qui peut déposer la transcription. Donc,
évidemment, ça n'enlève pas l'utilité de ces interrogatoires-là, ce n'est pas du gaspillage de temps.
Un jour, on a décidé de réformer la procédure civile pour enlever le «trial by
ambush» pour que les parties sachent à quoi s'attendre. Et, si on saute
toutes les étapes préliminaires et on lance les parties, bien, elles vont aller à procès, elles ne vont jamais régler,
elles ne sauront pas qu'est-ce qui se passe d'un côté et l'autre. Nous,
on représente beaucoup des entreprises.
Bien, dans des entreprises, la connaissance est répartie entre divers
individus, et, tant que les faits ne sont pas exposés à tous, on ne peut
pas prendre des décisions qui sont éclairées.
Donc, c'est
un processus qui est vraiment important, c'est un processus qui est onéreux,
parfois. Il y a des mesures qui sont
prises dans le code pour enlever certains des frais. Entre autres, on comprend
que les frais de sténographie ne sont
peut-être plus nécessaires, c'étaient des choses qui étaient très onéreuses au
niveau des interrogatoires au préalable.
Donc, ce genre de choses là peut faciliter. C'est
certain qu'en diminuant aussi la période de temps qui peut être consacrée aux interrogatoires et aussi en
abolissant la notion des interrogatoires avant défense et après défense,
ça permet de limiter le nombre d'interrogatoires et de rendre ça plus efficace.
Donc, nous, on juge que ce qui a été fait entre l'avant-projet de loi et le
projet de loi n° 28 sont des mesures très efficaces pour rendre les
interrogatoires au préalable utiles.
Le Président (M. Marsan) :
Pour terminer, un dernier commentaire?
M.
Ouimet
(Fabre) : Un dernier commentaire. En fait, j'avais
effectivement… je m'étais arrêté à l'interrogatoire écrit, où j'avais vu
qu'on pouvait le déposer, l'une ou l'autre des parties, alors qu'on revient à l'ancienne
règle pour l'interrogatoire au préalable oral. Ceci dit, en tout cas, on aura l'occasion,
dans le cadre de la suite de nos travaux, lorsqu'on procédera finalement à l'étude
article par article, de discuter de cette question-là. Mais moi, je pense qu'il
y a peut-être… en tout cas, il y a des
discussions à avoir sur cette question-là, parce que l'interrogatoire
préalable, et, même si je partage
votre point de vue sur son importance, il faut essayer de le rendre le plus
efficace et utile possible. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marsan) : C'est
moi qui vous remercie. Nous poursuivons. Et je vais donner la parole à Mme la députée de Montmorency, qui est la critique
en matière de justice pour la deuxième opposition. Mme la députée.
Mme
St-Laurent : Merci,
M. le Président. Je tiens premièrement à vous remercier d'être ici et je tiens à vous remercier de votre mémoire. Sachez que, si je ne
vous pose pas beaucoup de questions, c'est que je n'ai pas beaucoup de temps, mais par contre tous et chacun ici,
on a pris connaissance sérieusement du mémoire, et nous allons en
tenir compte.
Quelque chose qui m'a frappée dans votre mémoire,
c'est l'apparence de partialité, le critère applicable qui a toujours
été ça. Et, je vous le dis, vous avez parfaitement raison. Ça, même quand je serai à l'étude
de chacun des articles, je le dis immédiatement, ma position est claire, j'avais déjà lu la jurisprudence, j'ai
déjà plaidé sur ce point-là aussi.
Ça, c'est le premier point.
Deuxième
point, à la page 24, prenez pages 23, 24, sur la notification. Je vois que, sur
la notification... Par contre, il faut se questionner. Vous dites, à la
page 24, le troisième paragraphe, là, le troisième point des principes :
«…il faut se questionner sur la fiabilité
que peut réellement présenter un bordereau non assermenté pour valoir à titre
de preuve de la notification par un moyen technologique.»
Je ne sais pas, j'ai lu le mémoire sur les
huissiers, par exemple. Et eux autres, ils ont une preuve électronique qu'on
appelle Notabene. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, de cette
preuve-là de retour... de procédé par l'huissier, parce qu'ils ont une preuve,
justement, ils ont toute cette preuve technologique là en passant le Notabene.
Est-ce que vous êtes d'accord par ce procédé technologique là en faisant appel
à des huissiers?
Mme
Beaudoin (Marie-Hélène) : Je
peux répondre à la question. C'est certain que ce procédé-là est un
dérivé de la notification par huissier, qui n'est pas quelque chose, peut-être,
qui favorise tant l'accès à la justice. C'est difficile de voir comment un
justiciable qui se représente seul peut avoir ce genre de moyen là, de s'inscrire,
de comprendre comment ça fonctionne. Nous,
ce qu'on avait compris, qui était l'objectif de favoriser les moyens
technologiques, était de rendre ça plus simple et plus accessible pour
le citoyen. Donc, nous, quand on pense à la notification par moyen
technologique, on pense plutôt à la notification par courriel ou ce genre d'échange
là.
Et, par rapport au bordereau, bien, pour nous,
quand on produit le courriel, bien, on peut produire l'accusé de réception. Ce qui nous rendait un peu plus
perplexes, c'était de remplir un bordereau en disant : J'ai envoyé un
courriel à telle heure à telle personne.
Donc, ça, on jugeait que ce n'était pas nécessairement un moyen de preuve
adéquat pour la notification technologique, d'autant plus qu'en soi il
existe des moyens d'obtenir l'information de quand ça a été envoyé. Donc, on ne
jugeait pas nécessaire, là, qu'il y ait un bordereau rempli par les parties.
Mme
St-Laurent :
Dernière question, justement parce qu'on a eu la dernière cause de
jurisprudence, que ça avait été signifié par Facebook parce que monsieur
était en Tunisie… On s'en souvient. Par contre, on peut prendre le moyen technologique et signifier par moyen
technologique, mais la partie adverse, lorsqu'elle n'a pas... elle s'entend
dire : Écoutez, on a signifié, mais la
partie adverse peut revenir. Est-ce qu'il n'est pas... Et je sais, je me suis
informée sur les coûts en passant par un huissier sur Notabene qui procéderait
de cette façon, c'est des coûts minimes par rapport à la sécurité et le retour. Parce que, si vous avez un client, et il
vous dit : Écoutez, moi, je n'ai jamais été signifié, l'autre
dit : Je lui ai envoyé par le courriel, le courriel a peut-être manqué. Je
le sais parce que je faisais des procédures pour la Cour pénale internationale
à La Haye, et, à un moment donné, on m'a dit qu'on m'avait signifié les
procédures. Ils m'avaient signifié ça sur un courriel qui n'était plus là. C'était
toute une histoire pour faire une rétractation, et tout ce que vous voulez, à l'international. Et je pense
que c'est très important de recevoir copie, de savoir vraiment si l'autre
a été signifié. Parce que j'ai eu ce
problème-là à la Cour pénale internationale. Les trois juges m'ont donné
raison, là, mais ça a créé un paquet de procédures à l'international.
Mme Beaudoin (Marie-Hélène) : Bien,
c'est pour répondre à cette préoccupation-là que nous, on propose que, dans le protocole de l'instance, les parties
conviennent de leur mode de notification. Donc, entre autres, s'il y a
une question de notification par courriel,
bien, elles pourront désigner les adresses courriel auxquelles elles pourront
recevoir les procédures de part et d'autre. Et, dans la mesure où il y a aussi
d'autres modes de signification qui sont... bien, de notifications qui sont ajoutées dans le code, la notification par
messager, par avis public, c'est un peu la même chose. On pouvait obtenir l'autorisation du tribunal de
publier un avis, ça ne voulait pas dire que la personne a vu cet avis-là.
Donc, c'est certain qu'il y a certaines circonstances où on ne peut pas être
certains de la réception, mais il y a quand même une diligence qui doit être
faite par les parties. Quand on sait qu'on est dans une procédure, et qu'on a
convenu qu'il y aurait notification par
courriel, et qu'on a un protocole de l'instance avec des échéances, bien, on peut
aussi surveiller, là, voir si on a reçu les procédures.
Mme
St-Laurent :
Juste un petit commentaire très court. Quand on s'entend entre les parties,
mais, quand c'est une mesure introductive d'instance, c'est là que c'est
différent.
Mme Beaudoin (Marie-Hélène) : Oui,
la différence, c'est que le code prévoit que ces significations pour les procédures introductives d'instances et pour d'autres
procédures qui sont très particulières pour lesquelles il doit y avoir
une preuve de réception... Donc, ça, c'est signification par huissiers.
Le Président (M. Marsan) :
Alors, ceci termine nos échanges. Et je voudrais vous remercier, Me Barsoum, Me Gagnon, Me Tanguay, Me Malacket, Me Beaudoin, de nous avoir donné le point de vue du Jeune Barreau de Montréal et du Jeune Barreau de Québec.
J'inviterais maintenant
les représentants de l'Association professionnelle des sténographes officiels
du Québec à venir prendre place.
Nous allons suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 30)
(Reprise à 10 h 35)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! La commission
va reprendre ses travaux. Je souhaite la
bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de
bien vouloir vous présenter à tour de rôle. Je vous rappelle que vous disposez… Ici, on m'informe que vous avez eu
une négociation très difficile avec les partis, et vous
avez obtenu un cinq minutes supplémentaire, donc vous avez 15 minutes pour
votre exposé. Par la suite, nous procéderons
à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole
est à vous, en vous identifiant, pour les fins d'enregistrement, pour
les débuts de la présentation.
Association
professionnelle des
sténographes officiels du Québec (APSOQ)
M. Clément (Jean-Philippe) :
Jean-Philippe Clément, sténographe officiel. Bonjour.
Mme
Fanizzi (Rosa) : Rosa
Fanizzi, sténographe officielle, présidente de l'association des sténographes
du Québec.
M. Boudreau (André) : Bonjour. André
Boudreau, sténographe officiel.
M. Longtin (Jean-François) :
Bonjour. Jean-François Longtin, avocat.
M. Noiseux (Jean-François) :
Jean-François Noiseux, bonjour, avocat.
Le Président (M. Ferland) : Merci
beaucoup. Alors, la parole est à… je ne sais pas qui, là, mais…
Mme
Fanizzi (Rosa) : Je vais
faire la présentation. Bonjour. Je me présente, je suis Rosa Fanizzi,
présidente de l'Association professionnelle des sténographes officiels du Québec
ainsi que la présidente du conseil
d'administration de l'École de sténographie judiciaire du Québec. Je suis
accompagnée de Me Jean-François Longtin, Me Jean-François Noiseux, qui sont nos conseillers juridiques,
ainsi que M. André Boudreau, sténographe, et M. Jean-Philippe
Clément, sténographe et membre du conseil d'administration de l'association. Nous vous remercions de nous permettre de
faire d'autres représentations suite à la commission parlementaire de janvier
2012.
Nous
aimerions vous souligner que l'association des sténographes a toujours eu comme
responsabilité la protection des
droits des justiciables en leur permettant d'avoir accès à du personnel
compétent permettant la prise, la transcription et la conservation de leurs interventions. Les
sténographes sont présents dans le processus judiciaire depuis plusieurs
siècles maintenant et, en tant que tels,
sont des témoins privilégiés de sa pratique quotidienne. Nous agissons
notamment dans le cadre de procès, d'interrogatoires
hors cour et aussi d'audiences disciplinaires. L'un de nos rôles lors de ces
activités est de prendre les notes de ce qui se dit, de les transcrire
fidèlement et de les conserver.
Je vais demander d'abord à M. André
Boudreau de vous expliquer et de vous faire un peu l'historique de la sténographie au Québec depuis les 25 dernières
années. Ensuite, Me Jean-François Longtin et Me Jean-François
Noiseux vous accompagneront lors de la période des questions. Merci.
M.
Boudreau (André) : Bonjour.
C'est toujours un plaisir d'être accueilli dans cette magnifique salle. Elle
est superbe. Nous aimerions vous dire qu'on a fait parvenir des documents,
annexe A à O, des documents pour fins de référence. Et le premier, c'était
plutôt la Loi sur les sténographes, qui dit que «les sténographes sont des
officiers de la Cour supérieure et soumis à son contrôle, mais ils sont choisis
par les parties».
Évidemment, dans le dossier Vilaire, qu'on
retrouve à la page A, nous aimerions vous référer aux pages 10, 15, 17, 18, 19, 21 et 30 du jugement de la Cour d'appel.
Juste vous rappeler que, dans ce jugement-là, les sténographes ont été
reconnus comme des officiers de justice. Au paragraphe 37, on disait que
«la fiabilité des transcriptions des dépositions
est nécessaire à la saine administration de la justice. Les parties à une
instance ne sont pas nécessairement les seules qui ont besoin de la fiabilité de la transcription des
témoignages. Cette fiabilité participe à des objectifs qui dépassent ceux des seules parties à l'instance et relève d'un
intérêt général et supérieur de l'administration de la justice [...] qui
leur confère un caractère impératif. Tous les témoins ont un intérêt réel à ce
que les dépositions soient prises et transcrites par une méthode fiable et
légalement garantie. Des tiers sont souvent affectés par un jugement auquel ils
ne sont pas directement parties...»
Et, au
paragraphe 41, la Cour disait ceci : «[La Cour est satisfaite] que la
nécessité de la prise des dépositions par [un sténographe] ou par un
autre mode expressément autorisé par le gouvernement et de leur transcription par
un sténographe officiel relève
incontestablement d'une intention législative d'assurer à la transcription des
dépositions un caractère probant,
pour ne point dire authentique, qu'elle ne saurait autrement avoir. Ce
caractère leur est conféré par le statut d'officier de justice du
sténographe officiel et par l'attestation de la fiabilité de la transcription
souscrite par ce dernier sous son serment d'office.»
• (10 h 40) •
Évidemment, nous avons déposé, en mai 2010, un
mémoire au comité Ferland. On a été invités à faire des représentations verbales. C'était suite à une question que l'on posait
dans le document de révision de la procédure civile, à savoir si le sténographe
avait encore son utilité dans notre système de justice, et voici ce que nous
disions : «Il serait souhaitable que la
profession soit plus structurée, que notre statut professionnel
soit reconnu[...]. Il serait contre les intérêts [du justiciable] de
remettre en question la fonction et l'utilité du sténographe officiel. Bien au
contraire, un meilleur encadrement assurerait une bonne administration de la justice et la protection des droits des justiciables conformément
à la législation et la réglementation québécoises.»
Sur ce, évidemment,
suite au jugement de la Cour d'appel, puisqu'il
y en a eu deux à l'époque — on vous a fait parvenir
le deuxième un peu en retard — et suite aux commentaires de l'APSOQ devant
le comité Ferland, l'APSOQ a demandé
une rencontre avec le Barreau du Québec pour lui suggérer un modèle d'encadrement.
Est né de ces rencontres le Comité
sur la sténographie, qui est entré en fonction le 20 décembre 2001. Il s'agit
d'un comité législatif implanté par le biais de la Loi sur le Barreau et
encadré par un règlement qu'on vous a remis, et, vous allez voir, le règlement
sur la formation est en annexe D.
Par la suite, nous nous sommes posé la question
si ce n'était pas utile de faire l'historique de la sténographie judiciaire au Québec, et nous avons demandé... l'APSOQ
a demandé aux avocats de préparer, en annexe E, les statuts, droits et obligations. Et, quand on regarde ce
document-là — il est
vraiment extraordinaire — on regarde puis on voit que la profession de sténographe
tire ses origines de 1608. Ça fait quand même plusieurs années.
Nous avons regardé l'article 404 du code de
procédure, qu'on vous a annexé, parce qu'on nous a... on entend souvent les
avocats dire que les interrogatoires sont faits devant sténographes comme s'ils
étaient faits devant le tribunal. L'article 404 du Code de procédure
civile a incité l'APSOQ, au début des années 2000, à demander au juge en chef de la Cour supérieure de nommer un juge
responsable de la gestion des sténographes et de la sténographie. Les
sténographes avaient constaté un certain recul relativement au respect du
témoin et au décorum lors d'interrogatoires hors
cours. Alors, un juge responsable a alors été nommé dans ce contexte. On
retrouve l'article 45.1 du Règlement de procédure civile, qui dit ceci, suite à nos rencontres avec le juge en
chef : «Le respect dû au témoin commande que tout interrogatoire hors de cour soit conduit de la
même manière qu'en audience du tribunal; s'il y a dérogation au décorum
ou au bon ordre, le sténographe peut
suspendre la séance pour obtenir sur-le-champ une directive du juge pour sa
continuation.»
Par la suite, on avait de la difficulté à avoir
des sténographes en région. Étant donné qu'il y avait un manque important de
sténographes, l'APSOQ a demandé au Barreau du Québec une rencontre dans le but
de mettre sur pied une école de haute
technologie. Ici, nous aimerions remercier le Barreau du Québec et ses
différents officiers qui ont cru dans
ce merveilleux projet. Au courant de l'année 2004, le programme d'attestation d'études
collégiales en sténographie judiciaire a été agréé par le ministère de l'Éducation,
et le point le plus fondamental est qu'elle enseigne la plus haute technologie mondiale en matière de prise de notes
sténographiques. On vous a fait parvenir un DVD pour vous montrer ce que l'école enseigne. Et ce qui est
fantastique, c'est que l'école enseigne ses cours à distance. Un candidat
pourrait être à Sept-Îles et étudier la sténographie judiciaire par le biais de
son programme.
Évidemment,
on vous a annexé aussi le volet théorique enseigné à l'école, ça s'appelle Matériel
didactique. Vous allez voir, c'est un document très exhaustif qui
parle des devoirs et obligations des sténographes officiels. Vous trouverez dans ces documents ce qu'un sténographe doit
savoir. On ne veut pas faire des sténographes des avocats, mais c'est un document extrêmement bien fait. Et
évidemment en le parcourant vous constatez toute l'information que
reçoivent les futurs sténographes et son extraordinaire utilité. Il revient au
juge coordonnateur de faire prêter serment aux
futurs sténographes accrédités par le Comité sur la sténographie. Nous avons
évidemment remis le mémoire déposé en commission parlementaire en
décembre 2011 et nous avons, de fait, été entendus en janvier 2012. Nous vous
avons remis le règlement de la prise des dépositions en matière civile; nous le
trouvons à l'annexe J.
Nous
aimerions faire un commentaire : Il
y a une énorme différence entre de l'enregistrement
pour l'écoute et de l'enregistrement
pour la transcription. C'est deux mondes complètement différents. On vous a
déposé tantôt — on
voulait le faire aujourd'hui parce qu'il y a des choses un peu, comme,
délicates là-dedans — des
pages frontispices avec le nombre d'inaudibles, avec le nombre de pages qu'on
retrouve dans cette journée-là.
Évidemment,
ce règlement figure parmi ceux les mieux rédigés, ne comporte aucune ambiguïté
et sans équivoque. Nous vous avons
remis aussi un tableau comparatif — on
laissera le soin à nos avocats de vous l'expliquer tantôt — sur ce qui était avant et suggéré. Nous vous avons fait
parvenir la lettre du 22 mai 2013 pour être entendus ici, deux DVD,
si vous avez eu l'occasion de les voir… Nous
pourrons vous donner des explications à la période de questions. Il y en a
un, c'est des interrogatoires à distance quant à l'assermentation du
témoin dans le cas de ces interrogatoires-là. Le deuxième DVD, c'est la méthode enseignée à l'école de haute
technologie au Barreau du Québec. Nous pourrons revenir à la période de
questions. On voit bien, sur le vidéo, que c'est une méthode en temps réel. En
plus, une personne pourrait être à Val-d'Or, à Percé ou une autre à Vancouver, et elles
pourraient toutes avoir accès à l'ordinateur du sténographe par ce que l'on
appelle de la diffusion en mode continue, du streaming.
Évidemment, ici, j'aimerais vous lire une lettre d'un
avocat qui a commencé à faire des interrogatoires à distance avec la visioconférence : «La présente fait suite à l'interrogatoire que
nous avons tenu par vidéoconférence le 19 juillet dernier, lors duquel un sténographe de votre
bureau a agi à partir de Joliette. Il s'agissait du deuxième interrogatoire
que nous tenions par vidéoconférence, l'autre
s'étant tenu avec un bureau d'avocats de Saint-Hyacinthe. Pour ces
interrogatoires, nous avons loué un système avec les entreprises du secteur.
Ces deux expériences se sont avérées très concluantes
pour nous et ont contribué à diminuer les coûts pour nos clients. Le procédé
est simple et convivial. Suite à cela, nous avons procédé à l'acquisition
d'un système de vidéoconférence installé en permanence à nos bureaux.»
Évidemment,
on a dit que c'était très important de régler le problème des régions, je pense,
c'était ça qui était la problématique beaucoup plus qu'à Montréal puis à
Québec, mais je pense qu'avec ça, c'est très bien.
Nous devons vous dire
que l'on a atteint un degré de stabilité jamais égalé. A-t-on les moyens de
perdre cette magnifique structure mise en place par l'APSOQ? Ce serait
replonger, à tout le moins, les régions dans l'incertitude et dans l'inconnu. Ça fait des années que l'APSOQ
cherche à aider les régions. C'est pour ça que l'on a pris des
procédures judiciaires au milieu des années 90.
En
conclusion, cette présentation vous a démontré tout le sérieux des démarches
effectuées par l'APSOQ depuis déjà 25 ans dans le but de former de
futurs sténographes officiels compétents, capables d'effectuer leurs tâches
avec professionnalisme et précision, tout en
s'adaptant à divers environnements. Quand on fait des interrogatoires, on le
sait que c'est très important. Qui plus est, la rigueur avec laquelle l'APSOQ a
traité les différents dossiers depuis ces mêmes dernières années a permis aux
sténographes de contribuer d'une façon particulière à l'administration de la
justice. Il n'y a pas beaucoup de plaintes concernant la structure de la
sténographie judiciaire. L'APSOQ a toujours collaboré avec les différentes instances
oeuvrant au sein du ministère de la Justice. En plus de collaborer au quotidien
avec justiciables, procureurs et
magistrature, nous avons participé, à plusieurs occasions, aux forums de
discussion en matière de justice, notamment en mai 2000 devant le
Dr Ferland, alors que nous avons commenté le document de consultation,
encore une fois, en 2012, lors du dépôt de
notre mémoire, et lors de notre présentation devant la commission parlementaire, et enfin devant vous aujourd'hui.
L'APSOQ
et les sténographes officiels sont des officiers de justice au comportement
exemplaire, au service de la justice et à celui des justiciables. Jamais
n'a-t-on manqué de respect envers le système de justice et particulièrement envers les justiciables. Au contraire, les
sténographes officiels sont devenus, au fil du temps, des alliés
indispensables à l'administration de la justice. Nous aimerions vous faire part que
les interrogatoires sont peu coûteux et indispensables.
• (10 h 50) •
Des voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y.
M. Boudreau
(André) : Je m'excuse. Lorsque l'on discute de la prise des
transcriptions, l'APSOQ aimerait faire
partie des groupes consultés. Comment peut-on ignorer des centaines et des
centaines d'années d'expertise? Nous vous avons remis tantôt la recommandation
de l'association. Vous avez vu un petit document, là, pas tellement épais, et
on l'a remis à… M. Lagacé, je crois? Bon. Je m'excuse de prendre un petit
plus de temps, honorable président.
Le
Président (M. Ferland) : …juste, je veux juste m'excuser parce
que je demandais, justement, aux partis le consentement pour déborder du
15 minutes qui vous était alloué. Il n'y a pas de problème. Et, voilà,
allez-y.
M. Boudreau (André) : C'est très honorable, merci infiniment. Alors, voici ce que l'association
recommande. Après avoir analysé et étudié la structure de la prise des
dépositions — et
vous savez qu'en mai 2000, là, on a fait un sondage partout au Québec chez
les avocats de 50 ans et plus — on a énormément d'information.
L'APSOQ recommande ce qui suit : reconduire
le Règlement sur la prise des dépositions en matière civile en modifiant son
libellé pour y ajouter la possibilité de tenir des interrogatoires à distance.
Nous proposons le libellé suivant… je vous fais grâce des
deux premiers paragraphes qui sont déjà là. On veut que vous regardiez la
possibilité d'ajouter : «Qu'elle soit faite au tribunal ou à l'extérieur
du tribunal, la prise des dépositions peut être effectuée au moyen de la visioconférence — on a vu la lettre de l'avocat tantôt — ou par conférence téléphonique.» Ça peut
devenir un peu moins… peut-être plus occasionnel. «Dans le cas de la
visioconférence, le sténographe assermente le témoin, dans le cas de la
conférence téléphonique, trois situations peuvent survenir.» Je vous fais grâce
des trois prochains paragraphes, vous pouvez évidemment le lire. Pour les
situations 2 et 3 de la recommandation, les procureurs doivent consentir au processus
d'assermentation — le
juge coordonnateur nous a toujours dit que c'était important d'être en présence
des témoins — lequel
consentement sera consigné dans la transcription des notes sténographiques.
Dans sa
recommandation, l'APSOQ suggère d'instaurer un comité d'étude tripartite formé
de représentants du ministère de la
Justice, du Barreau du Québec et de l'association des sténographes; instaurer,
au besoin, via l'APSOQ, une équipe
volante pour que chaque région puisse avoir accès au service d'un sténographe;
poursuivre notre coopération entre
les sténographes et les différents palais de justice en matière criminelle et
pénale — ceux qui
ont des sténographes qui font la transcription; maintenir l'École de
sténographie judiciaire; et revoir le modèle d'encadrement.
L'article 300
du projet de loi n° 28, tel que libellé, éliminerait les différents moyens de
prise que l'on y retrouve et détruirait
entièrement tous les efforts effectués par l'APSOQ depuis les 25 dernières
années. Ce que nous proposons, nous le
croyons, éliminerait toute possibilité qu'un avocat ou un justiciable ne puisse
avoir accès au service d'un sténographe officiel. La structure est en
place, il suffit de continuer à l'améliorer. Nous croyons avoir fait la
démonstration que le sténographe est encore
utile et continuera de l'être. Nous vous remercions de nous avoir entendus.
Soyez assurés que nous demeurons à
votre entière disposition pour toute question éventuelle. Nous vous prions d'agréer,
membres de la Commission des institutions, l'expression de notre plus
haute considération. Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, je vous remercie pour votre
présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange, et,
M. le ministre, la parole est à vous.
M.
St-Arnaud : Oui, merci, M. le Président. Bien, d'abord, merci
de vous être présentés devant nous, de nous avoir fait part de vos
préoccupations sur une question qu'on connaît un peu parce qu'on a tous
pratiqué, donc on a tous eu affaire avec des sténographes, mais que vous
connaissez bien mieux que nous, étant sur le terrain.
Je veux juste
être sûr que je saisis bien, qu'on saisit bien vos inquiétudes. Parce qu'effectivement
je relisais, là, ce que vous aviez mentionné lors du dépôt de l'avant-projet
de loi il y a un an et demi, et vous disiez, finalement : Le sténographe a pratiquement disparu du Code de
procédure civile, là, on n'en parle à peu près pas. Puis ma
compréhension, c'était que c'est vrai que
souvent on ne mentionne pas le sténographe, mais il est implicitement là. Je
donne un exemple : à la Cour d'appel, à 353, on dit : «La
partie qui fait appel joint à sa déclaration une attestation certifiant qu'aucune
transcription d'une déposition n'est nécessaire aux fins du pourvoi ou
indiquant qu'elle a donné mandat de procéder à
la transcription des dépositions qu'elle entend utiliser.» Pour moi, là, c'est
clair que, quand on dit «elle a donné mandat», c'est : elle a donné mandat au sténographe de procéder à la
transcription des dépositions qu'elle entend utiliser, comme on le fait quand on prépare des mémoires d'appel. Est-ce
qu'il y aurait lieu de préciser à cet endroit-là que, quand on donne mandat, on donne mandat à un sténographe?
Peut-être qu'il y aurait lieu de l'écrire noir sur blanc dans le code, là,
mais, moi, par exemple, pour la Cour d'appel, ça m'apparaît assez évident.
Je comprends
que les… Et ce que je veux essayer de saisir — et c'est le moment, là, vraiment, pour,
aujourd'hui, vous faire part de nos
inquiétudes — c'est :
C'est quoi exactement, vos inquiétudes? Parce que, moi, il me semble
que, pour l'appel, ça m'apparaît clair;
quand il y a des audiences en cour, là aussi, là. Dans notre pratique
respective, il nous est tous arrivé, là, de demander la transcription de
tel ou tel témoignage, ou même d'un procès au complet, ou d'une enquête préliminaire. Bon, bien, la transcription se
faisait par des sténographes, là. On passait la commande, puis le palais de
justice envoyait la commande, puis ça nous revenait avec la transcription qui
avait été faite par des sténographes. Ça, ça reste là, là, dans la...
Le principal
point d'interrogation, c'est effectivement pour ce qui est de ce qui se fait à
l'extérieur du tribunal. Mais,
corrigez-moi, présentement je crois comprendre qu'on utilise déjà, présentement,
un sténographe ou, dans certains cas, on n'en utilise pas, là. Ce que je veux saisir, c'est quelles sont
exactement vos inquiétudes et où vous dites, par rapport au projet de
loi... vous y avez fait un peu référence en terminant, là, mais où vous dites,
là : Ce n'est pas clair, il faudrait que ça soit un sténographe. Et
effectivement, à 300, on donne une possibilité pour ce qui est des
interrogatoires ailleurs qu'au tribunal.
En même
temps, ce qu'on me dit, moi, c'est que, dans certaines régions, là, c'est
très... je pensais à l'Outaouais. Je pense que j'ai vu, à un moment
donné, passer des choses sur l'Outaouais, où on me disait : Des
sténographes, là, il n'y en a pratiquement
pas dans l'Outaouais, il faut les faire venir de l'extérieur de la région.
Alors, il y a ça aussi qu'on doit tenir compte.
Et puis je fais une petite question, j'aurais
peut-être dû commencer par ça : J'aurais aimé ça savoir combien il y a de sténographes présentement au Québec. Et
effectivement, au niveau de la répartition géographique, est-ce qu'il y
a effectivement des problèmes dans certaines régions? Moi, ce qu'on me dit, c'est
qu'effectivement, dans certaines régions, il
n'y en a plus, d'où la… il y en a moins, d'où l'importance... Bon, on leur
confère un certain nombre de choses comme
celles que je mentionnais tantôt, mais d'où la possibilité de donner l'alternative
aux avocats, à 300, lorsque les interrogatoires ont lieu à l'extérieur
du tribunal, soit de choisir un mode d'enregistrement approprié ou de faire
appel à un sténographe. Et je présume que, par exemple dans l'Outaouais, pour
parler de la région dont on m'a parlé plus spécifiquement, bien, je présume
que, plutôt que de faire venir un sténographe de Montréal, on va convenir que,
bon, les deux parties enregistrent l'interrogatoire, et puis voilà.
Alors, donnez-moi quelques
informations sur combien il y en a, la répartition géographique. Puis je veux
être bien sûr de saisir, puis les gens qui m'accompagnent
aussi, là, parce que je veux qu'on soit aujourd'hui très à l'écoute… on n'a pas beaucoup de temps, mais exactement vos
inquiétudes. Comme je vous dis, pour moi, c'est assez clair pour la Cour d'appel, quitte à le préciser dans le texte.
Mais je suis à l'écoute. On est tous ici, là, les gens qui m'accompagnent,
les experts du ministère de la Justice, pour
vous écouter. Où sont exactement vos inquiétudes et comment peut-on les
régler dans le nouveau Code de procédure civile?
Le Président (M. Ferland) :
Merci, M. le ministre. S'il n'y en a pas beaucoup dans l'Outaouais, il ne doit
pas y en avoir beaucoup dans le Nunavik, hein?
M. St-Arnaud : Oui, dans
votre comté, M. le Président, dans l'Ungava, là, il y a...
Le Président (M. Ferland) :
Bien, peut-être qu'on aura la réponse. C'est M. Boudreau ou... Qui répond
à la question?
• (11 heures) •
M. Longtin (Jean-François) :
Jean-François Longtin, avocat.
Le Président (M. Ferland) :
O.K. Allez-y, monsieur.
M. Longtin
(Jean-François) : Je pense
que M. Boudreau, contrairement à vous, M. le ministre,
qui posez une question cruciale dans le présent débat, M. Boudreau va
commencer par répondre à la dernière question.
M. Boudreau (André) : 160
sténographes.
M. St-Arnaud : Il y a 160
sténographes au Québec. O.K. Et la répartition régionale… Donc je comprends qu'il
y en a un paquet à Montréal.
M. Boudreau (André) : Et Québec.
M. St-Arnaud : Québec. Et,
après ça, on commence à avoir de la difficulté. Est-ce qu'il y en a dans d'autres
régions?
M. Boudreau (André) : Dans les
grands centres, mettons, Trois-Rivières, Joliette, Sherbrooke.
M. St-Arnaud : Quelques-uns.
M. Boudreau (André) : Oui, il y en a
quand même assez.
M. St-Arnaud : Mais il y a
des régions où il n'y en a pas du tout, là. C'est ça?
M. Boudreau (André) : Mais, dans les
régions, il n'y en a pas.
M. St-Arnaud : Il y a des
régions où il n'y en a pas du tout?
M. Boudreau (André) : Presque pas.
Dans la région, par exemple, de la Côte-Nord, c'est très rare.
M. St-Arnaud : Gaspésie?
M. Boudreau (André) : Gaspésie non
plus. C'est pour ça qu'on suggère de faire des interrogatoires par visioconférence. C'est commencé, là. Ce qu'on a
peur, avec les moyens appropriés ou les équipements appropriés, c'est qu'on revienne au temps où on a poursuivi… On est
allés à la cour avec ça parce qu'une entreprise de Montréal, dirigée par
un sténographe, avait implanté un système
comme ça. On avait tellement de plaintes sur la qualité des transcriptions
qu'à un moment donné on s'est dit : On va essayer de mettre de l'ordre.
Est-ce qu'on va permettre à un justiciable, parce qu'il y en a de plus en plus qui font des interrogatoires eux-mêmes, d'enregistrer
avec un iPod? Tu sais, je veux dire, on parle d'équipements appropriés.
C'est quoi, exactement, un équipement approprié?
On a une
bonne structure de sténographie judiciaire, on a la technologie actuellement qu'on
peut mettre en place. Il n'y a pas personne au Québec qui peut dire qu'il
n'a pas accès à un sténographe.
M. St-Arnaud : M. Boudreau,
par exemple, vous êtes un avocat en Gaspésie, là, vous êtes à Gaspé, il n'y a pas de sténographe. Vous voulez aller en appel de
votre procès. Là, vous commandez les notes sténographiques. Là, je
présume qu'à ce moment-là c'est fait à Montréal, c'est fait à Québec, là,
probablement, là, par un sténographe.
M.
Boudreau (André) : Bien, ça
dépend. Si c'est au palais de justice, c'est des sténographes qui ont signé
des contrats avec les différents palais de justice.
M. St-Arnaud :
O.K., mais qui ne sont pas nécessairement à Gaspé, là, ils sont à Québec. C'est
ça.
M. Boudreau (André) : Non, ils sont
ailleurs.
M.
St-Arnaud : Alors, ça, ça… L'avocat veut aller en appel, il
fait transcrire les notes du procès, il fait appel à… Bon, ça, ça va. Vous, votre point, c'est au niveau
des interrogatoires qui sont hors… à l'extérieur du tribunal. Pour le
reste, là… Mais là ce que vous dites, c'est :
À Gaspé, si je fais un interrogatoire préalable puis je n'ai pas de… vous
dites : Là, il faudrait
installer le système de visioconférence, faire le… pour permettre au
sténographe de prendre en note l'interrogatoire. Ce n'est pas un peu lourd, surtout quand vous me dites… Si vous me dites
qu'il y en a juste 160 au Québec, là, je pensais qu'il y en avait un petit peu plus… Est-ce que l'hypothèse
qui est dans le projet de loi, de dire : Pour ce qui est des interrogatoires qui sont à l'extérieur du
tribunal, les parties décident… soit qu'ils choisissent un mode d'enregistrement,
ils peuvent effectivement enregistrer chacun leur… les deux… il peut y avoir
deux mécanismes d'enregistrement personnel
qui permet d'avoir une certaine fiabilité de ce qui s'est dit, éventuellement,
s'il y a contestation, puis de le transcrire…
J'essaie de…
parce que, vous, ce que vous dites, c'est : Tous les interrogatoires à l'extérieur
du tribunal devraient être pris en
note par les sténographes, quitte à procéder avec des visioconférences pour
tous les interrogatoires préalables qui
ont lieu en région. Je vous donne ma première réflexion, puis convainquez-moi,
là. Il me semble, à première vue, est-ce
que ce n'est pas très lourd, compte tenu du nombre de… Si on me disait :
On a 3 000 sténographes au Québec, bon, bien, je vous dirais :
Il y en a partout, donc ça va… Mais là de dire : Bien, comme on n'a pas de
sténographe à Gaspé, on va prendre un
système de visioconférence. L'interrogatoire a lieu à Gaspé, tout le monde est
à Gaspé, puis on va avoir la visioconférence seulement pour avoir le
sténographe qui est à Montréal.
M. Boudreau (André) : Ce n'est pas
toujours le cas cependant.
M. St-Arnaud : Allez-y. Allez-y puis convainquez-nous, là, de
votre point de vue.
M.
Boudreau (André) : Ce n'est
pas toujours le cas cependant, parce que les interrogatoires à Percé, en
général, c'est en matière d'assurance. Les
avocats, ils viennent de Québec. Si vous faites une visioconférence, avocat de
Québec avec un avocat de Percé, savez-vous
combien il vient de sauver à son client? Son déplacement à Percé, combien ça
peut coûter, l'hôtel, etc.? C'est ça
que — je ne
peux pas nommer son nom — l'avocat fait, d'Alma. Il est à Alma, le client. Lui, il trouve ça fantastique parce qu'il a même
installé le système dans son bureau. Il n'aura même pas à se déplacer,
lui, pour faire des interrogatoires. Il va les faire à partir de son bureau.
Les sténographes officiels, pareil. On peut
installer un système de visio dans nos salles d'interrogatoire, vous savez, ce qui fait qu'il y a un déplacement qui va
être évité, à tout le moins, puis ça va évidemment diminuer les frais
aux justiciables. Parce que, nous, la
première impression qu'on a depuis… moi, je suis sténographe depuis 1967… c'est
qu'on a toujours travaillé pour la
protection des droits des justiciables. Et, quand on dit que les
interrogatoires sont plus coûteux, on
peut vous en faire la démonstration, mais, si on revient aux interrogatoires,
ce qu'on a peur, c'est que n'importe qui fasse n'importe quoi au niveau des enregistrements puis que les sténographes
soient pris à transcrire n'importe quoi. Et on continue à avoir des plaintes… On n'a plus de plainte, presque,
concernant... relativement aux sténographes actuellement parce qu'on
a atteint un degré de stabilité.
Alors, vous
vous imaginez tous les frais de déplacement que ça occasionne, un avocat de Montréal,
de monter, admettons, à Matane? S'il peut sauver ça, c'est considérable.
On l'a fait, l'étude, c'est des milliers, des milliers, probablement des
centaines de milliers de dollars, là, sauvés aux justiciables.
M.
St-Arnaud : Et vous,
M. Boudreau, votre position, c'est que tout interrogatoire qui est
susceptible d'être utilisé par la suite devrait être pris par les
sténographes.
M.
Boudreau (André) : Ça, c'est
évident. Mais, vous savez… Vous
permettez que je prenne deux minutes de votre temps? Moi, j'ai eu l'honneur de travailler, d'être le
sténographe d'un juge à la Cour supérieure qui est devenu juge en chef de la Cour suprême du Canada. Et j'étais jeune
sténographe à l'époque, puis mon président avait la malheureuse,
mettons, idée de toujours me confier des mandats, et j'ai commencé jeune. Je
lui posais souvent des questions, puis, à un moment
donné, il était tanné de m'entendre, il m'a dit : Écoute, Boudreau, je
vais t'expliquer c'est quoi, la justice, là. Tu as un demandeur, tu as un défendeur. Les avocats font les
interrogatoires respectifs, et les interrogatoires servent à régler les litiges, pas à faire des procès. Et, à ce
moment-là, si, admettons, ils ne s'entendent pas, ils s'en vont devant le juge,
qui, lui, est un avocat d'un certain nombre d'années d'expérience, puis là,
lui, sa fonction, c'est de juger. Et moi, je fais ça depuis 45 ans ici.
Si on prend
pour acquis sa philosophie, qui est la bonne, c'est très peu coûteux de faire
des interrogatoires. Et, en mai 2000, c'est ce qu'on avait visé, de
demander aux avocats, qui, à l'époque, faisaient beaucoup d'interrogatoires :
Est-ce que c'est vrai que tu réglais beaucoup
de dossiers? La plupart des dossiers étaient réglés suite à l'interrogatoire.
Parce qu'il ne faut pas avoir... il ne faut
pas perdre confiance au système des avocats. Parce qu'on passe notre temps
à dire qu'ils abusent de la procédure, mais
nous, on ne constate pas ça. Les interrogatoires qui sont fixés pour deux
heures, c'est rare que ça dépasse deux
heures. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas qui dépassent, mais lui, il avait
raison, parce qu'il disait qu'autrefois
il y avait comme un gros tunnel clair, pas loin, tu avais le justiciable sur un
côté puis le juge pas loin. Aujourd'hui, c'est un grand tunnel noir avec
un justiciable puis le juge à peine visible. Et je pense que c'est comme ça qu'il
faut voir l'affaire, pour nous, les sténographes. Si on prend pour acquis que
les interros sont faits pour régler les litiges, ça coûte quoi? Je peux vous donner
des chiffres, là, concernant des coûts d'une heure d'interrogatoire.
Vous allez voir, ce n'est pas tellement dispendieux.
Il ne faut
pas oublier, là, que... On parle de Montréal souvent puis de Québec avec des
gros dossiers de millions puis de millions, mais il y a des centaines et
des centaines d'interrogatoires qui sont faits en région, qui durent une heure,
trois quarts d'heure, deux heures. Puis on
sait que, quoi, il y a peut-être 14 % d'avocats qui font du litige? Je ne
me souviens plus. M. le bâtonnier peut-être pourra le dire.
3 500, peut-être? Ça ne fait pas beaucoup de monde. Je pense qu'on est capables de régler cette situation-là,
actuellement, d'interrogatoire à distance facilement. Peut-être 14 % ou
15 %. À Joliette, en tout cas, dans notre district, je pense que c'était
12,5 % quand on l'a étudié, là.
Mais tout ça pour dire que, si vous me
permettez, un interrogatoire qui dure une heure, O.K., mettons que ça dure… 50 pages à 60 pages, un
interrogatoire d'une heure, O.K.? Quand ça parle moins vite, 50 pages; un
peu plus vite, 60 pages. Vous
avez des avocats qui peuvent aller jusqu'à 65. Parfois, les témoins comprennent
moins bien quand ça parle trop vite,
mais, en tout cas, prenons, pour les besoins de la discussion, une heure à
60 pages. Le sténographe, lui, il est régi par un décret, les frais
du sténographe sont taxables. Ça, c'est un avantage énorme. Il n'y a pas de
déréglementation là-dedans, là, c'est par
décret. Il reçoit 70 $ de l'heure pour une heure de prise. L'avocat qui
interroge, qui prend une copie, le
sténographe fait 3,20 $ la page, ce qui fait 192 $ pour la
transcription, prise originale et copie. Et, si l'adversaire prend une
copie, c'est 0,60 $ la page, ça fait 36 $. Sur ça, le sténographe a
pris une heure de prise, ça prend trois heures pour faire la transcription et
ça prend une heure pour la faire, la correction. Alors, ça fait cinq heures de
travail pour une heure d'interrogatoire. Le sténographe reçoit 262 $ plus
36 $ pour la copie.
Est-ce que c'est
très dispendieux, ça? Quand on y pense sérieusement, là, si on revient en
arrière… parce que lui, il m'avait
dit : C'est-u compliqué, ce que je te dis? Puis là je renvoie la
balle : Est-ce que c'est compliqué, ce qu'il a dit, dans le fond,
que les interros sont là pour régler les litiges? Et ça, là-dedans, on ne prend
pas les frais d'un bureau de sténographes
qui a pignon sur rue avec adjointe, hein? On connaît tous, vous avez tous fait
de la pratique, combien ça coûte. Il
y a la responsabilité, les assurances, etc., bon, ce qui fait qu'on essaie de
fixer plusieurs interrogatoires dans une journée pour que ça soit plus payant pour le sténographe, ça soit plus
utile pour le client également, parce que, vous savez, en région,
particulièrement à Trois-Rivières, on avait installé un système avec le
bâtonnier, qui disait qu'on va fixer les interros le jeudi puis le vendredi,
puis tu vas m'envoyer un sténographe à toutes les semaines. Puis là eux autres,
ils avaient la responsabilité de tenir leur
agenda puis de fixer des interrogatoires pour permettre à un sténographe d'y
aller puis que ça soit plus intéressant.
• (11 h 10) •
Le Président (M. Ferland) :
…laisser encore 30 secondes, mais on a dépassé déjà le temps alloué pour le
ministre, alors…
M. Boudreau (André) : Je m'excuse,
M. le Président.
Le Président (M. Ferland) :
Ça me fait plaisir. Alors, maintenant, je…
M. St-Arnaud : Je cède la
parole au bâtonnier.
Le Président (M. Ferland) :
Bien, si le… Bien, son ancien titre. Maintenant, il est député de Fabre.
M. Boudreau (André) : C'est pour ça
que j'aime mieux lire des textes.
M. Ferland : Mais nous sommes
là pour écouter, et, après ça, lorsque nous allons aller à l'étape de l'analyse
détaillée, je suis convaincu que les
parlementaires vont prendre en considération les propos, les commentaires et le
travail que vous avez faits. Alors, M. le député de Fabre.
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le Président. Simplement, il y a cette particularité dans notre droit,
disposition peut-être archaïque, mais la Loi sur le Barreau prévoit que
le bâtonnier du Québec a droit de porter le titre de bâtonnier à vie.
Bien, je ne dis pas ça pour moi, là, mais pour les autres… Mais on pourra, M.
le ministre, changer la loi aussi.
Des voix : …
Le
Président (M. Ferland) : Maintenant, je comprends qu'il y a le président des États-Unis
et les bâtonniers qui peuvent garder leur titre pour le restant de…
M.
Ouimet (Fabre) : Et
voilà. On est en bonne compagnie.
M. St-Arnaud : Vous savez, M.
le Président, on va avoir un projet de loi omnibus justice à l'automne…
Le Président (M. Ferland) :
Pas un autre projet, monsieur…
M. St-Arnaud : Ça me donne
une idée supplémentaire.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Ferland) : Alors, M.
le ministre, je sais qu'on a déjà beaucoup
de projets de loi sur la table. Alors, M. le député de Fabre,
on ne veut pas empiéter sur vos précieuses minutes.
M.
Ouimet (Fabre) :
Non, non, ça va. J'ai quelques idées en réserve, M. le ministre, si vous avez
besoin d'aide.
Oui, merci. Merci d'être
là. Merci. On prend la peine de souligner à tous les gens qui se donnent la
peine de venir nous voir à quel point on
apprécie vos commentaires, et on en tient compte, et on va en tenir compte dans
l'étude plus avancée du projet de loi.
Ceci dit, il y a une…
Ça fait plusieurs années que je suis sensibilisé à cette problématique-là, étant
donné les fonctions que j'ai occupées au
Barreau du Québec, et j'ai toujours souligné… Vous savez, comme criminalistes — et
le ministre de la Justice vient de cette expérience professionnelle là et
la députée de Montmorency aussi, qui a pratiqué en droit criminel et pénal — pour nous, les criminalistes, on a toujours
vécu dans un environnement où le rôle du sténographe est relativement
limité. C'est une réalité, on fonctionne… D'abord, il n'y a pas d'interrogatoire
hors cour, c'est des enquêtes préliminaires,
tout se fait devant le tribunal, et c'est l'enregistrement mécanique qui est la
règle. Et le rôle du sténographe,
dans le contexte criminel, se limite à la transcription, à la conservation,
assurer le caractère fidèle de la preuve.
Mais il n'y a pas la prise de notes, s'assurer que ce qui est dit est bien
entendu. Tout ça, ça ne fait pas partie de notre quotidien, ça ne fait
pas partie des avantages dont on peut bénéficier.
Et
j'ai toujours eu le réflexe, lorsque j'entendais le… lorsqu'on avait des
discussions sur le rôle du sténographe et les changements potentiels en matière civile, j'ai toujours eu ce
réflexe de me dire : Oui, mais je ne considère pas que la justice
criminelle est moins importante que la justice civile. Et, si on a fait le
choix, à une certaine époque, dans notre société,
qu'on se contentait de l'enregistrement mécanique en matière criminelle, on
peut ne pas être d'accord avec ce choix-là, mais j'estime tout de même…
et mon expérience de 25 ans ne m'a pas permis de constater que le système de
justice ne fonctionnait pas en matière criminelle avec l'enregistrement
mécanique.
Alors,
sur ce bout-là, je dois vous avouer que — et là je m'exprime en mon nom personnel,
là — j'ai
toujours eu un peu de difficultés à
comprendre ou adhérer à ce discours qu'il y aurait un… on dévaloriserait la
justice civile si on ouvrait la porte
à d'autres moyens que la prise de l'interrogatoire par le sténographe. Ce bout-là, là, j'avoue que mon expérience
de 25 ans devant les tribunaux en matière criminelle… Je pense qu'on peut
fonctionner avec d'autres moyens.
La problématique qui
est soulevée, et que toute la création de l'école… La présence des sténographes
en région, c'est une réelle problématique, et il faut s'assurer… Parce que le
sténographe a un rôle fondamental dans le système de justice :
celui qui assure l'authenticité de la preuve recueillie, quelle que soit la façon
dont elle a été recueillie. Et là il y a
effectivement une problématique et il faut s'assurer que c'est suffisamment
intéressant pour attirer des personnes qui vont pratiquer cette
profession-là, qui vont assurer la pérennité du rôle du sténographe, cet
officier de justice dans notre système. Il est là, le défi.
Mais j'aurais aimé…
Ceci étant dit, on a parlé de l'école, et j'aurais aimé que vous fassiez
peut-être un peu le topo. Où est-ce qu'on en est avec l'école, le nombre de
personnes, le nombre de gradués? Est-ce que ça fonctionne bien? Parce que je sais qu'au début on a eu un peu
de difficultés à recruter des élèves. Pouvez-vous nous dire un peu où
est-ce qu'on en est au niveau de la formation des nouveaux sténographes?
Le Président (M.
Ferland) : M. Boudreau ou… Allez-y. Oui.
M. Longtin (Jean-François) : Merci. En fait, non. Je pense, M. Boudreau,
que vous allez répondre à la question de M. le député Ouimet, mais j'aimerais qu'on ait un petit trois minutes
pour répondre à la question qui m'apparaît cruciale, qui vient des
commentaires du ministre et de certains de vos commentaires d'ailleurs.
Le Président (M.
Ferland) : …le temps, M. Longtin ou…
M. Longtin (Jean-François) : On aura le temps probablement. Brièvement, là,
mais je pense que c'est essentiel d'aller dans le texte parce que c'est
des questions, là… C'est ce dont vous parlez.
M. Boudreau
(André) : Il y a une vingtaine de sténographes qui ont été accrédités
par le Comité sur la sténographie venant de
l'école. C'est considérable. Il y a eu 15 ou 20 ans qu'il n'y en avait pas.
Mais Mme la présidente ici, qui est la présidente du C.A., peut
peut-être élaborer davantage.
Mme Fanizzi (Rosa) : Effectivement, nous avons eu à peu près 20 étudiants depuis cinq, six
ans. Oui, c'est vrai, là, le début a été un peu chaotique, mais il
fallait mettre tout en place et tout gérer parce que ce n'est pas simplement un
sténographe, c'est le sténographe assisté
par ordinateur, alors c'est très complet. Ces sténographes-là, c'est difficile
à faire, ça ne se fait pas comme ça.
C'est de la vitesse, c'est de la concentration puis c'est beaucoup de travail.
Nous avons aussi engagé un nouveau directeur qui est vraiment très axé
sur la pédagogie, sur la profession comme telle, puis on voit vraiment une différence depuis, je dirais, les
deux dernières années. C'est vraiment… Mais ça va bien. À l'école, ça va
de mieux en mieux, puis cette année, pour la nouvelle cohorte qui a commencé le
2 septembre, on a eu 30 étudiants. Ça fait que ça va bien.
M.
Ouimet
(Fabre) : Alors, M. le Président, on peut peut-être donner la
parole à Me Longtin pour la réponse qu'il souhaite…
Le Président (M. Ferland) :
Allez-y, Me Longtin, pour les trois minutes réclamées.
M. Longtin (Jean-François) : Merci. Oui. Alors, très brièvement, d'abord,
effectivement, on est en présence ici, autour
de la table, d'avocats criminalistes, et votre commentaire est tout à fait exact,
il n'y a pas d'interrogatoire hors cour en matière criminelle. Et il n'y
a personne qui requiert — certainement
pas l'APSOQ, à moins qu'ils aient changé d'idée à mon insu — ou
recommande que, dans toute salle d'audience, en cours de procès, il y ait un sténographe.
L'enregistrement mécanographique en civil aussi est la règle, mais c'est
encadré par le Règlement sur la prise des dépositions
des témoins en matière civile, que vous connaissez, et, devant les tribunaux, l'enregistrement
mécanographique est fait par des outils
maintenant très sophistiqués. Et pourquoi on s'est assurés que c'était
sophistiqué? C'est pour permettre à
ces gens-là, une fois que sont requises les transcriptions, de le faire
correctement, parce que, si c'est enregistré tout croche, avec plein d'inaudible, le résultat ne sera pas
atteint, et ce qui est poursuivi, c'est-à-dire la justice égale pour tous, ne
sera pas atteinte non plus, parce que, selon
les moyens, on aura des choses de qualité ou non. Alors, ce n'est pas ça, je
pense, qui est recherché. Mais on est
d'accord que, devant les tribunaux, on ne demande pas qu'il y ait des
sténographes systématiquement.
• (11 h 20) •
Le
problème, il est hors cour, et je comprends que des criminalistes soient moins
familiers avec ça. Et pourquoi je voulais… j'insistais pour être capable
de placer cet élément-là? Ça rejoint un petit peu certains de vos commentaires,
M. le ministre. C'est que vous avez, dans le projet, l'article 300, qui vise à
remplacer l'article 324. Et je vais aller immédiatement — je
ne sais pas si vous l'avez à portée de vue ou à portée de la main — au deuxième alinéa du projet. Donc : «Le ministre de la Justice met à la
disposition du tribunal les systèmes d'enregistrement nécessaires — alors, ça, ça va, là, on est toujours dans le même topo — toutefois, si l'interrogatoire se tient
ailleurs qu'au tribunal, dans un lieu choisi
par les parties — je fais
une parenthèse, un bureau d'avocat, parce que c'est courant — il revient à celles-ci de choisir un
mode d'enregistrement approprié ou de faire appel à un sténographe.» C'est ça,
le problème.
Et,
M. le ministre, tantôt, vous avez fait référence à une problématique qui est
réelle, à savoir qu'en Gaspésie ou dans
des districts judiciaires éloignés, c'est plus difficile d'avoir accès à des
sténographes. Je vous soumets qu'ici on parle du Code de procédure civile et ce n'est pas mentionné que c'est le
district de Gaspé ou le district de l'Outaouais. C'est «at large», alors
ça va s'appliquer à Montréal, et croyez-moi que les gens vont se prévaloir, si
tant est que ça reste comme ça, de la
possibilité de prendre un mode d'enregistrement approprié. J'en ai un dans mes
poches, un iPhone. Je l'ai vu, des tentatives de ce genre de chose, même
avant.
Alors,
imaginez-vous, à partir du moment où c'est consacré dans le Code de procédure,
là, ça va devenir la règle pour beaucoup de gens. Et imaginez-vous… puis
rappelez-vous mon premier commentaire, à savoir la fiabilité des appareils mis à la disposition des parties devant
le tribunal pour les fins de la transcription. Bien là, on est de l'autre
côté de la clôture. À partir du moment où je
peux sortir mon iPhone, puis je m'entends avec mon confrère, puis on fait ça
comme ça… Et qui va faire la transcription
après ça? Parce qu'on ne sait pas qui fait la transcription. On le sait à la
Cour d'appel, mais, dans le
cheminement du dossier — et ça peut être l'une ou l'autre des adjointes des parties — on tombe dans un système complètement
anarchique. Puis c'est un praticien en litige qui vous parle, là. Parce que, si
on peut faire un enregistrement avec un
téléphone et qu'après ça on veut, pour une raison d'appel, demander à un
sténographe de faire la transcription,
bonne chance. Parce que M. Boudreau parlait d'inaudible; là, on va en avoir. Et
on sait, quand on pratique, que les inaudibles, puis même à la cour,
sont souvent dans des contextes cruciaux, à savoir quand tout le monde parle en même temps : objection, l'avocat
intervient, le témoin a dit quelque chose, là, on ne sait pas… Et moi, je… même
à la cour, évidemment, dans des procès, des
auditions qui le justifient… même ici, d'ailleurs… c'est une parenthèse…
mais, dans des procès qui le justifient,
moi, je préfère avoir un sténographe. Il faut que les parties puissent l'assumer
et que le dossier puisse le
supporter. Parce que le sténographe va dire : Écoutez, je ne peux pas vous
prendre, ça fait que parlez chacun
votre tour. Souvent, le juge lui-même, dans le feu de l'action, ne le fait pas.
Mais hors cour, là, c'est le «free-for-all».
Alors, moi, je vous
dis que c'est un effet pervers de cette disposition-là, à savoir qu'on ne
pourra pas obtenir le résultat. Puis
pourquoi je parle de ça? C'est qu'au début, M. le ministre, vous avez
dit : Écoutez, je ne vois pas de quoi les sténographes ont peur, puisqu'on le sait qu'à la fin, à la Cour d'appel,
aux fins du processus, bien, on va avoir les notes sténographiques. Pas
si sûr que ça que les notes sténographiques seront possibles si on a l'enregistrement
initial hors cour, qui devient très important, pris sur un iPhone. Ça, c'est un
commentaire.
Deuxièmement,
c'est que je ne suis pas sûr qu'on aura une justice égalitaire. Une justice
égalitaire, ça veut dire, ça, que les
parties qui ont les moyens pourront se payer des sténographes, mais ça va être
tellement plus économique de pouvoir utiliser un iPhone qu'on aura une
justice à deux niveaux. Et, compte tenu du coût qui n'est pas si énorme — je pense, M.
Boudreau l'a dit — je ne
suis pas certain qu'on doit institutionnaliser un système de justice à deux
vitesses, pas certain.
Et le troisième point
qui est fort important à ce chapitre-là, puis on en a glissé un mot, mais vous
connaissez probablement l'article 45.1 des
règles de pratique de la Cour supérieure, là, des règles de procédure civile,
le décorum... On a passé là-dessus, M.
Boudreau a passé là-dessus. Le sténographe, dans un interrogatoire hors cour, c'est
des représentations — puis j'avais participé à ça avec M.
Boudreau — puis les
juges sont sensibles à ça puisqu'ils ont intégré l'article 45.1 aux règles de procédure civile. C'est que, souvent, les
avocats s'enflamment, on sait comment on est, et, à un moment donné, c'est au mépris de l'intérêt de la
partie du témoin qui, lui, ce n'est pas son quotidien. Et le
sténographe, qui est un officier de justice,
va intervenir pour dire : Holà! Et, au pire, il peut appeler le juge
coordonnateur puis dire : Écoutez, ils ne s'entendent pas, on
suspend. Et ça, c'est le justiciable qui est visé et c'est dans l'intérêt de la
justice.
Alors, je termine, M.
le Président, si vous me permettez, parce qu'il y a un lien à faire, là, en
droit. C'est que l'article 300 du projet,
tel que libellé, qui prévoit que les parties peuvent choisir un mode d'enregistrement
approprié ou faire appel à un
sténographe, est incompatible en droit avec le Règlement sur la prise des
dépositions des témoins en matière civile
actuellement applicable. J'imagine que vous l'avez vu, mais je pense que c'est
essentiel d'attirer votre attention là-dessus.
Et, s'il y a un ajustement à faire, c'est dans la reconduction du règlement et
dans l'abrogation du choix laissé aux parties. S'il y a un message
urgent… Personnellement, je suis payé par mes clients, c'est normal, mais je
pense que, s'ils n'avaient pas voulu que je vienne, je serais venu pareil tout
seul pour vous dire ça comme avocat. Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, Me Longtin. Le temps
étant écoulé, malheureusement, même un peu… Nous avons débordé, mais c'est important
pour le bénéfice des parlementaires pour la suite des choses. Alors,
maintenant, je cède la parole à la députée de Montmorency.
Mme
St-Laurent : Merci, M. le Président. Je tiens au départ à
vous dire qu'on va tenir compte de votre mémoire et de ce que vous avez dit. Vous savez, ici, on est
différents partis, mais, quand nous sommes en commission parlementaire,
tout le monde est de bonne foi, tout le monde collabore. Je vais vous dire que
j'ai des collègues extraordinaires.
On
écoutait avec attention, parce que, comme on est juristes… Moi, je suis allée
aussi… j'ai fait un peu de civil, je
tiens à vous le dire. En criminel, on a besoin des notes d'enquête
préliminaire, par exemple, qui sont très utiles. On a compris exactement
ce que vous voulez. On va en discuter ensemble puis sans parti pris. Je n'ai
pas de question. Vous avez fait le tour, justement, et soyez assurés qu'on va
prendre en compte tout ce que vous avez dit. Je tiens à vous remercier.
Juste une petite
note, M. le Président. Vous savez que les articles du code ne concordent pas
avec votre mémoire, hein?
Une voix :
Le mémoire de décembre…
Mme
St-Laurent : Parce qu'il a été fait auparavant. Par exemple,
vous placez, à la page 10… Je pourrais vous en nommer plusieurs… Pour ce
qui est des articles 500 à 505, l'avant-projet de loi… Probablement, c'est dans
l'ancien, c'est pour ça. C'est 504 à 506. Mais, soyez sans crainte, on fait les
corrections nécessaires.
M. Longtin (Jean-François) : Le tableau comparatif, lui, il est correct. C'est
peut-être là, là, qu'est la meilleure référence.
Mme
St-Laurent : Oui. Non, non, c'est parce qu'il a été fait en
décembre 2011, sur l'autre avant-projet de loi, mais ça a changé de ministre depuis le temps. J'espère
que ça ne changera pas de ministre pour la finition… avant l'adoption du
projet.
M. St-Arnaud :
J'en ai manqué un bout. Vous parliez…
M.
Ouimet
(Fabre) : J'aimerais ça que le ministre termine…
Mme
St-Laurent :
Avant les prochaines élections, parce qu'à ce moment-là ce sera un autre
avant-projet…
Le Président (M.
Ferland) : Mais on n'en est pas encore à la sous-commission,
alors on va demeurer à la commission.
Mme
St-Laurent :
On a très bien compris.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, est-ce que vous avez d'autres commentaires,
Mme la députée de Montmorency?
Mme
St-Laurent :
Non, je n'ai pas d'autres commentaires, M. le Président.
M.
Ouimet
(Fabre) : S'il reste une petite minute…
Le Président (M.
Ferland) : Oui, 1 min 30 s. Allez-y, il y a
consentement.
M.
Ouimet (Fabre) : Avec la permission de mes collègues, parce
que je n'ai pas eu l'occasion, après le vibrant plaidoyer de Me Longtin… Et je suis persuadé personnellement qu'au-delà
du mandat qui vous avait été confié vous êtes personnellement convaincu
de ce que vous nous avez dit, et il n'y a pas de doute dans notre esprit.
Ceci
dit, la question que vous posez, c'est : Est-ce qu'il y a une question d'intérêt
public pour imposer, de la part du
législateur, un mode, aux parties, d'enregistrement de l'interrogatoire, ou si
on laisse aux parties le choix, incluant le risque que ce moyen choisi
ne soit pas idéal et que la preuve recueillie ne soit pas d'aussi bonne
qualité? Elle est là, la question fondamentale.
• (11 h 30) •
M. Longtin
(Jean-François) : Oui, bien, j'ai beaucoup réfléchi à… C'est sûr qu'elle
est là, la question, et j'y ai réfléchi, à
la question, et c'est ce que j'appelle, moi, l'effet pervers de la volonté de
minimiser les coûts. Parce que, sous prétexte de régler le problème à
court terme en donnant l'impression qu'on rend la chose facile, c'est qu'au
bout du rouleau, là, du processus, on va
rencontrer des problèmes. Et c'est les mêmes justiciables qu'on veut aider
auxquels on va nuire, parce que, là, ils ne l'auront pas, la
transcription. Et, si vous garantissez… si vous trouvez une façon de garantir
que l'enregistrement… non pas d'un mode d'enregistrement approprié choisi par
les parties, parce que ça, c'est discrétionnaire... Alors, je pense que le
législateur ne peut pas se fier aux parties pour lui assurer justice. Et je
pense que le législateur doit encadrer. Et
ce à quoi je veux dire que j'avais réfléchi, c'est la possibilité d'utiliser… obliger
un enregistrement mécanographique…
Le Président (M.
Ferland) : Alors, monsieur… Me Longtin, je dois malheureusement
mettre fin parce que, quand que les bébés se mettent à pleurer, il est temps qu'on
mette fin à la…
M. Longtin (Jean-François) : Bien,
je ne l'ai pas pris personnel.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, je vous remercie beaucoup, je vous remercie beaucoup pour votre
présentation.
Nous allons maintenant suspendre quelques
instants. Et j'invite le prochain groupe à prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 31)
(Reprise à 11 h 35)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir
vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes et peut-être un peu plus. Vous avez vu qu'on déborde
si vous avez besoin d'un petit peu plus de temps. Par la suite, nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, la
parole est à vous.
Curateur public
M. Jutras (Normand) : Alors, je me
présente, dans un premier temps, Normand Jutras, Curateur public du Québec. Et
je vous présente la personne qui m'accompagne, qui est Me Nicole Filion. Me
Filion est directrice des affaires juridiques au Curateur public.
Alors, il
nous fait plaisir, le Curateur public et son équipe, de nous présenter devant
cette commission pour vous faire nos
représentations relativement au projet de loi n° 28. Alors, ce projet de
loi, il a pour objectif d'assurer l'accessibilité, la qualité et la célérité de la justice, et ces
objectifs-là nous animent aussi. Alors, nous avons 10 minutes. Je vous fais
une courte présentation de ce qu'est le Curateur public, de la mission du
Curateur public, ce que nous faisons au Curateur public, et, par la suite, Me
Filion vous présentera notre mémoire.
Alors, la
mission du Curateur public, c'est de s'occuper des personnes qui sont inaptes,
c'est-à-dire les personnes qui sont incapables de prendre soin d'elles-mêmes,
ou de leurs biens, ou des deux à la fois. Alors, par rapport à ces personnes-là,
quel est notre mandat en vertu du Code civil et en vertu de la Loi sur le
curateur public? Nous avons un devoir de protection. Nous devons voir au
meilleur intérêt de ces personnes, protéger leurs droits et voir à l'exercice de leurs droits, voir à l'administration de leur
patrimoine, et cela toujours selon le Code civil, toujours en
sauvegardant leur autonomie le plus
possible. Et toutes les décisions que nous prenons, nous devons toujours les
prendre dans l'intérêt des personnes inaptes, les personnes que nous
représentons.
En fait, nous
parlons de 42 000 personnes, au Québec, qui sont inaptes. Les personnes
qui sont sous régime public, c'est-à-dire
les personnes qui relèvent du Curateur public : 13 000 personnes. Les
personnes qui sont sur régime privé, personnes
qui sont sur régime privé quand la famille, quand un proche a accepté de
prendre la charge de curateur, ou de tuteur,
ou encore il y a les mandats homologués, les mandats d'inaptitude, qu'on
appelle : au nombre de 12 300 personnes.
Alors, je
vous disais donc 13 000 personnes qui sont sur régime public, donc qui
relèvent du Curateur public. Alors, nous
nous occupons du quotidien de ces personnes. Et, pour vous donner un exemple,
quelques exemples de l'ampleur de la
tâche et de la complexité de la tâche, je vous dis, au Curateur public,
annuellement, c'est 26 000 déclarations d'impôt qu'on fait, c'est-à-dire 13 000 au fédéral,
13 000 au provincial. Si la personne est dans son logement, on paie son
logement, mais on paie toutes les factures
qui sont afférentes à son logement. Si la personne est dans sa maison, on paie
l'hypothèque, s'il y en a une. Et on paie,
encore là, toutes les dépenses qui sont afférentes à la maison. On paie les
factures de médicaments de toutes ces
personnes-là, on consent aux soins. Au Curateur public, il y a 9 000
consentements aux soins qui sont donnés à chaque année. On a une équipe
de médecins qui travaillent au Curateur public et une équipe d'infirmières. Et,
quand il y a lieu de consentir à une opération quelconque ou à un traitement
quelconque, on a une équipe qui se renseigne et qui consent aux soins.
On s'occupe,
comme je vous dis, du quotidien de ces personnes-là. L'hiver s'en vient. S'il y
a des vêtements à acheter pour l'hiver,
on s'occupe de ça. L'été s'en vient. Si on a des vêtements à acheter, on s'occupe
de ça. On organise des funérailles.
Si la personne est esseulée, la famille ne veut pas en prendre charge, on
organise les funérailles. On gère un patrimoine au total, maintenant, de
400 millions de dollars et, entre autres, 450 immeubles à travers le
Québec.
• (11 h 40) •
Parce que le
phénomène qu'on constate… Au cours des dernières années, au Curateur public, il
y a eu... Il y a quelques années, au Curateur public, c'étaient des
déficients intellectuels qui avaient leurs chèques de sécurité du revenu et c'étaient des personnes âgées qui avaient leurs chèques de pension de vieillesse. Mais, avec le
vieillissement de la population, de plus en plus de personnes qui sont à risque
de devenir inaptes, entre autres être atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de
démence sénile… Ce que l'on constate, c'est que ces personnes-là ont de plus en
plus d'argent, les personnes âgées ont de plus en plus d'argent, de sorte qu'il
nous arrive des patrimoines d'importance, REER, actions, obligations, des placements à l'étranger, résidences, chalets,
immeubles à revenus. On s'est même retrouvés, au cours des derniers
temps, avec une ferme laitière qu'on a dû gérer. Alors, ça vous donne une idée
de l'ampleur de la tâche, là, de gérer ces
patrimoines parce qu'il nous faut toujours, nous, garder en tête
qu'à la fin il faudra rendre compte à la succession.
C'est rapidement dit, ce que nous
faisons pour les personnes qui relèvent du Curateur public. Il y a
les personnes qui sont sous un régime
privé de protection, à savoir quand un proche ou quelqu'un de la famille a
accepté de prendre la charge; c'est
17 000 personnes. Alors, à l'égard
de ces personnes, nous avons un devoir de surveillance de leur
patrimoine. Les curateurs et tuteurs privés doivent nous faire rapport
annuellement de leur administration. On examine les rapports. Si le rapport est
conforme, tout va bien, s'il y a quelque chose qui cloche, on pose des
questions. Si on a des réponses valables,
tant mieux. Si, par ailleurs, il nous apparaît, là, qu'il y a mauvaise
utilisation de l'argent ou peut-être dilapidation de l'argent, là on a un service d'enquête au
Curateur public, on fait enquête s'il nous apparaît qu'il y a un abus
financier, quitte à en venir à des procédures pour démettre cette personne.
Et
enfin il y a les personnes qui sont sous un mandat d'inaptitude. Alors, ça, c'est
12 000 personnes au Québec, et, généralement,
c'est plus les familles qui s'en occupent parce qu'un mandat d'inaptitude, c'est
un contrat qui intervient entre deux personnes. Le conjoint dit à sa
conjointe : S'il m'arrive quelque chose, je veux que tu prennes soin de
moi puis je veux que tu prennes soin de mes
biens, et vice versa. Alors, on intervient quand même, là, quand il y a l'ouverture
d'un régime de cette façon-là pour voir si le mandat est valide, si,
effectivement, le mandataire est en mesure de prendre la charge. Ce que l'on sait, d'après des sondages qu'on
a faits, c'est 36 % de la population au Québec qui a signé un
mandat d'inaptitude. Je profite de l'invitation et je profite de faire une
invitation ici à tous les parlementaires qui sont autour de la table. J'espère que vous avez tous fait
votre mandat d'inaptitude. Ce n'est pas compliqué, vous pouvez aller
visiter le site Web du Curateur public. Nous
avons un formulaire, et vous n'avez qu'à le compléter, le signer devant deux
témoins. C'est tout à fait valable.
Alors, c'est une
brève présentation pour vous mettre en contexte de ce qui se passe au Curateur
public. C'est 650 employés, il y a une équipe juridique de 35 avocats, on a des
comptables, des notaires, je vous l'ai dit, médecins. Et maintenant je laisse la parole à Me Nicole Filion, qui est la
directrice des affaires juridiques, qui va vous présenter notre mémoire
comme tel, là, par rapport aux matières non contentieuses. Parce que, s'il y a
un domaine du droit où le Curateur public oeuvre, c'est bien celui
effectivement des matières non contentieuses.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, Mme Filion, la parole est à vous.
Mme Filion (Nicole) : Merci, M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, permettez-moi d'insister
sur le fait que le législateur a confié au Curateur public, dans sa loi
constitutive — en
l'occurrence, il s'agit de la Loi sur le curateur public — des
pouvoirs d'intervention très précis. En effet, le Curateur public peut
intervenir dans toute instance qui concerne
l'ouverture d'un régime de protection, l'homologation ou la révocation d'un
mandat de protection, l'intégrité d'un
majeur inapte à consentir et qui n'est pas représenté par un représentant légal
ainsi que le remplacement du tuteur ou d'un
curateur. Le Curateur public peut aussi, en certaines matières, entreprendre
lui-même des demandes en justice. De plus, en vertu du Code de procédure civile actuel, le Curateur public doit
être signifié ou notifié de divers jugements et de demandes en matière
de capacité et d'intégrité. Dans ce dernier cas, le législateur a voulu que le
Curateur public soit informé et qu'il puisse
intervenir dans les procédures judiciaires susceptibles d'affecter les droits
des citoyens, des citoyens qui sont souvent isolés, dépourvus et parmi
les plus vulnérables de notre société.
L'accessibilité et l'efficacité
de la justice ainsi qu'une prise en charge plus facile des personnes inaptes
par leurs proches d'abord et avant tout sont
des éléments fondamentaux pour nous. Les commentaires que nous allons
vous formuler aujourd'hui vont dans ce sens-là. Ces cibles seront, selon
nous, atteintes si les procédures judiciaires en matière de capacité, d'intégrité
et d'état demeurent simples, efficaces et à moindres coûts.
D'emblée, nous sommes heureux de constater que plusieurs propositions qui ont été présentées
par le Curateur public, dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi en février 2012, ont trouvé écho. Nous tenons à
souligner l'à-propos de plusieurs mesures proposées dans le projet de
loi, et je vais vous en identifier quelques-unes.
Premièrement, l'introduction
du terme «mandat de protection», qui vient, selon nous, mettre un terme aux diverses appellations qui ont été utilisées et qui
semaient beaucoup de confusion au sein de la population.
De plus, cette nouvelle dénomination met plutôt l'accent sur la
protection au lieu des notions d'inaptitude ou d'incapacité.
Autre
bon coup, la spécification, à l'article 305, que le tribunal ou le notaire
doit agir dans l'intérêt premier de la personne
concernée par une demande en matière d'intégrité, d'état ou de capacité, tout
en veillant au respect de ses droits et à la sauvegarde de son
autonomie. Nous croyons qu'il s'agit de considérations fondamentales qui, par ailleurs,
sont déjà prévues à l'article 257 du Code civil du Québec.
L'article
320, qui prévoit qu'en l'absence d'opposition la nomination d'un tuteur à un
mineur ou la constitution d'un
conseil de tutelle à un mineur prend effet dès le dépôt du procès-verbal du notaire. Nous croyons que c'est avec raison que le législateur s'est gardé d'étendre aussi
cette possibilité aux matières relatives à l'état et la capacité, dans la
mesure où, en ces matières, on peut porter
atteinte à des droits fondamentaux des personnes qui sont concernées. Nous
croyons que les demandes en ces matières doivent continuer à être
soumises et tranchées par le tribunal seulement.
La
précision apportée à l'article 340, qui indique que les frais de justice
en matière de capacité sont à la charge de la personne concernée, nous
sommes d'opinion que cet ajout favorisera davantage l'implication des proches.
Enfin,
nous sommes très satisfaits de toutes les mesures favorisant le droit d'être
entendu, tant pour l'approche… la personne,
pardon, concernée par une demande que pour ses proches. Nous pensons, entre autres, à l'utilisation des moyens technologiques dans le cadre des
assemblées de parents, d'alliés ou d'amis et aussi l'introduction, à l'article 393
du projet de loi, d'un avis qui est joint à la demande afin d'informer la
personne de ses droits et de ses obligations, et notamment son droit fondamental d'être représentée. Cela s'inscrit tout à fait dans l'esprit de la disposition préliminaire du code qui permet,
en exergue, des procédés favorisant la participation des personnes.
Ceci étant
dit, nous nous permettrons de faire valoir certaines préoccupations à l'égard
de modifications législatives proposées qui, selon nous, s'éloignent des
objectifs très pertinents visés par le projet de loi.
Le
Curateur public avait déjà commenté l'article 312 dans son mémoire de l'avant-projet. À l'époque, il s'agissait
de l'article 309. Nous comprenons maintenant que le nouveau libellé
proposé…
Le Président (M. Ferland) :
Mme Filion, juste deux secondes pour vous dire qu'on a déjà dépassé
le temps d'au-delà de deux minutes.
Mme Filion (Nicole) : D'accord.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, peut-être 30 secondes pour conclure.
M. Jutras
(Normand) : Est-ce que c'est
possible… Est-ce qu'on peut vous demander, M. le Président, peut-être un
cinq minutes de plus?
Le Président (M. Ferland) :
Ah, si j'ai le consentement, je peux laisser aller.
M. St-Arnaud : Oui, oui,
allez-y, allez-y pour quelques minutes.
Des voix : …
Le Président (M. Ferland) :
O.K., il y a consentement, alors vous pouvez continuer votre…
• (11 h 50) •
Mme Filion
(Nicole) : D'accord. Alors,
je vais aller à l'essentiel parce que c'est un complément au mémoire que
nous avons déposé.
Alors, on comprend du nouvel article 312
que des mesures exceptionnelles, telles que des demandes en administration
provisoire et pour autoriser un tuteur à vendre un immeuble, continueront d'être
soumises et décidées par le tribunal. Alors,
pour éviter toute équivoque en ce sens, on pense que l'expression qui est
prévue au deuxième alinéa, «à l'exception de celles qui requièrent une
autorisation particulière du tribunal», s'applique à l'ensemble de l'article.
L'article 391
du projet de loi ne prévoit plus, comme c'est le cas à l'article 878 du
présent Code de procédure civile, que
le tribunal doit indiquer dans son jugement les motifs qui justifient la
dispense d'interrogatoire. Il nous apparaît que cette obligation doit
être réintroduite dans des matières aussi fondamentales que les demandes
portant sur l'intégrité, l'état ou la capacité d'une personne.
Maintenant,
le présent commentaire sur l'article 394 du projet de loi mérite une
attention toute particulière de la commission
dans la mesure où il vise le coeur de la mission du Curateur public en matière
de demandes d'homologation et de révocation de mandat de protection. Je m'explique.
Le premier alinéa de l'article 394 précise que les demandes en homologation et en révocation de mandat doivent
être notifiées au Curateur public.
Toutefois, on ne prévoit pas que
les pièces au soutien de telles demandes
doivent lui être notifiées, comme cela est prévu en matière de tutelle ou
curatelle. Comme je l'ai mentionné plus tôt,
en vertu de l'article 13 de sa loi constitutive, le Curateur public peut intervenir dans toute procédure relative à l'homologation
ou révocation d'un mandat. Sans ces pièces, le Curateur public ne pourrait se
positionner sur l'opportunité d'intervenir.
Nous demandons
donc que cette disposition soit modifiée afin de prévoir qu'on notifie également
au Curateur public les pièces en matière de mandat de protection, ce qui
lui permettra d'exercer son rôle en temps opportun et à moindres coûts.
Par ailleurs, à l'article 404, le Curateur public constate qu'on exige encore un nombre
important de notifications de ces
demandes. Nous, nous réitérons notre inquiétude quant à l'augmentation des
frais de la notification de telles demandes.
Finalement,
à l'égard de l'article 404, tel qu'il l'avait précisé dans son mémoire
de 2012, le Curateur public est d'avis qu'il est important qu'une
personne qui n'a pas intérêt à l'acte soit informée particulièrement de la
demande d'homologation du mandat afin d'assurer une meilleure protection du
mandant. Cependant, il se questionne sur le fait
que la demande doive être notifiée à deux personnes de la famille ou à deux
proches, et ce, considérant le caractère privé du mandat de protection.
En
conclusion, nous nous réjouissons que le projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile vise à assurer
l'accessibilité, la qualité et la célérité de la justice civile, l'application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure,
particulièrement lorsque les droits des personnes les plus vulnérables de notre
société sont en jeu.
Alors, je vous remercie de votre attention, et
nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, merci, Mme Filion, M. Jutras. Alors, la parole est au ministre.
M.
St-Arnaud : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M.
Jutras, Mme Filion. M. Jutras, vous connaissez bien l'endroit pour y avoir passé de nombreuses années. Je ne sais pas s'il
faut vous appeler M. le ministre. On a eu une discussion tantôt, il
fallait appeler le député de Fabre M. le bâtonnier à vie, à vie. Alors, je ne
sais pas s'il faut vous appeler M. le
ministre à vie, mais c'est toujours un plaisir de vous revoir, M. Jutras. Et
moi, j'éprouve toujours beaucoup de plaisir,
M. le Président, à rencontrer l'un ou l'autre de mes 20 prédécesseurs, ceux qui
ont occupé le poste de ministre de la Justice depuis 50 ans.
Écoutez, je
vais être très, très bref parce que, d'abord, votre mémoire est très clair, il
va sur quelques éléments bien précis
du Code de procédure civile, du projet d'un nouveau Code de procédure civile,
le projet de loi n° 28. Je crois comprendre aussi que, sur certains articles, par
exemple, l'article 316, l'article 404, alinéa deux, il y a eu des
discussions entre vos équipes et les hauts fonctionnaires du ministère de la
Justice, et qu'on est en train de trouver, si ce n'est pas déjà fait, un libellé, là, qui conviendrait à tous
pour ces articles-là. Alors, il y a déjà une partie des préoccupations
que vous formuliez dans votre mémoire qui sont, semble-t-il, en voie d'être
réglées à la satisfaction de tous.
Et je veux
vous rassurer sur 394. Dans les derniers jours, lorsque j'ai revu les mémoires,
évidemment, avec les experts qui m'accompagnent, lorsqu'on a procédé à
la révision des différents éléments qui se retrouvaient dans les mémoires qu'on reçoit cette semaine à la
Commission des institutions, on a effectivement porté, pour reprendre vos
mots, une attention toute particulière à l'article 394, et je puis vous dire qu'on
va regarder. Je comprends votre proposition, vous l'avez réitérée, Mme Filion.
On va regarder ça très sérieusement.
Je ne sais
pas si vous voulez ajouter quelque chose sur 394 pour nous convaincre
davantage, mais sachez que nous allons
effectivement porter une attention toute particulière au libellé de 394. Moi,
je pense que je comprends la préoccupation qui est celle du Curateur
public, et j'ai un préjugé favorable. On verra comment on le regarde au plan plus technique ou juridique, mais j'accueille avec
intérêt votre proposition d'amendement qui, grosso modo, veut éviter qu'on travaille en double, en quelque part, là. Je
le dis en des mots très simples, là, mais je vais vous laisser
poursuivre, nous convaincre, là, une
dernière fois, s'il y a lieu, des modifications que vous demandez à 394 en vous
disant, M. le Président, que ça sera
ma seule question. Moi, je pense que, pour le reste, c'est très clair.
Plusieurs articles ont été
retravaillés avec les hauts fonctionnaires du ministère
de la Justice. Il reste à statuer, à
prendre une décision sur 394, que nous prendrons avant l'étude article
par article, que nous ferons sous peu, vraisemblablement en sous-commission, M.
le député de Fabre.
Mais je vous
écoute une dernière fois, et, après ça, M. le Président, ça complétera pour moi
mes questions pour le Curateur public. En vous remerciant de vous être
présenté à nouveau et en vous disant que tous et toutes de vos propositions
seront analysées par les hauts fonctionnaires du ministère.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, Mme
Filion ou M. Jutras. Je ne sais pas qui des deux…
Mme Filion
(Nicole) : Alors, je vais
prendre la balle au bond, M. le ministre, pour essayer de vous
convaincre sur le bien-fondé de notre
demande sur 394. Alors, d'abord et avant tout, le Curateur public a des
pouvoirs d'intervention en vertu de l'article
13 de sa loi habilitante. Par ailleurs, en vertu du Code de procédure actuel,
le Curateur public doit être notifié des demandes en homologation et en
révocation de mandat. Tout ce qu'on reçoit, en pratique, ce n'est que la demande, la requête en tant que telle, qui est
souvent muette. Les pièces maîtresses, ce sont les mandats, bien
entendu, d'abord et avant tout, mais aussi les évaluations médicales et
psychosociales qui sont au soutien de la requête. Ces pièces-là nous en disent
beaucoup d'abord sur la conformité du mandat.
Je dois vous
dire que le Curateur public va intervenir et je vous donne des exemples très
concrets au niveau d'un mandat. Par exemple, un mandat dans lequel on
prévoit une clause où le Curateur public reçoit un compte annuel de gestion. Ce type de mandat là a été annulé par la
Cour d'appel. Des mandats de protection qui contiennent des clauses de modulation, alors qui permettent à un juge de
changer des clauses dans un mandat de protection, ça aussi, il y a
matière à contestation. On constate aussi des irrégularités dans la procédure
ou dans le mandat. Et il peut arriver, parce que le Curateur public reçoit des signalements… on pourrait recevoir un
signalement à l'effet que l'homologation d'un mandat n'est pas dans l'intérêt du majeur parce que le
mandataire… Je peux vous dire qu'il s'écoule en moyenne 6,7 années entre
la rédaction du mandat et son homologation.
C'est un temps suffisamment important pour que la relation entre le
mandant et le mandataire ait changé. Donc, l'évaluation psychosociale pourrait
nous révéler que le mandataire n'est plus adéquat et qu'il y aurait lieu de contester l'homologation du mandat. Sans ces
informations-là, le Curateur public ne peut intervenir. Et, souvent, la
famille ne fera pas d'intervention de peur de créer des conflits familiaux,
etc.
Par ailleurs, un autre argument, M. le ministre,
les pièces au soutien des mandats ne circulent pas, là. Ils sont envoyés au
contentieux du Curateur public et au greffe, bien entendu, et c'est le
contentieux qui décide ou non de l'opportunité d'intervenir. Enfin, je peux
vous dire que les dossiers qui sont maintenus par le Curateur public et qui
concernent une personne dont le mandat est homologué ou en voie de l'être… tous
ces dossiers-là sont visés par la Loi sur l'accès aux documents des organismes
publics et sur la protection des renseignements personnels puisqu'ils contiennent évidemment des renseignements
personnels sur une personne. Donc, ils sont tout à fait confidentiels en
vertu des articles 53 et suivants de la Loi sur l'accès.
Alors, sans l'accès
à ces pièces-là, nous sommes sans moyen pour agir à titre de rôle de protecteur
des personnes inaptes. Alors, c'est ce que je voulais vous dire. Je veux
aussi vous rappeler que le Curateur public, en vertu de son article 27 de la
Loi sur le curateur public, possède des pouvoirs d'enquête à l'égard des
mandats homologués. Alors, pourquoi saisir
le Curateur public d'une demande tout en le privant des pièces sur lesquelles
il doit se baser pour faire des interventions? Et, dans certains cas, M.
le ministre et membres de la commission, on est obligés de comparaître au dossier pour avoir les pièces, ce qui entraîne des
coûts et des délais supplémentaires. Alors, voilà. Et, ceci dit, en
matière de tutelle et de curatelle, nous avons communication des pièces.
Pourquoi en serait-il différemment eu égard aux mandats de protection?
M. St-Arnaud : Merci
beaucoup. Merci. Ça complète pour moi. Merci beaucoup.
Le Président (M. Ferland) :
Pas d'autres questions, commentaires, M. le ministre? Ça va?
M. St-Arnaud : Ça va pour
moi.
• (12 heures) •
Le Président (M.
Ferland) : Alors, le député de Fabre et bâtonnier. Bien, c'est
le nouveau…
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le Président. En fait, pas que je veux insister pour revenir sur ce sujet,
mais… parce que je me suis posé la question de l'usage du titre.
En fait, je ne suis pas bâtonnier, mais, selon la loi, on dit que la
personne peut porter le titre de M. le bâtonnier, Mme la bâtonnière. En tout
cas… jusqu'à ce qu'on abroge la loi.
Le Président (M. Ferland) : M.
le ministre, on va vérifier si on peut garder…
M.
Ouimet
(Fabre) : Non. Ça, malheureusement, je pense qu'à part le président des États-Unis
et les bâtonniers du Québec, et en France aussi...
Le Président (M. Ferland) :
…l'ancien premier ministre, dans l'ancien gouvernement.
Une voix : …
M.
Ouimet (Fabre) : Je
n'en doute pas.
Le Président (M. Ferland) :
Allez-y, M. le député de Fabre.
M.
Ouimet
(Fabre) : Alors, vous
voyez qu'on s'amuse bien, même si on travaille très sérieusement. Merci
de votre présence. Merci de vos observations.
Il y a deux points que j'aimerais aborder rapidement.
L'article 316, vous soulevez la question que je résume à la possibilité du conflit d'intérêts ou d'apparence de conflit d'intérêts
dans lequel le notaire se retrouve et vous vous questionnez sur l'opportunité
de permettre la possibilité que le notaire continue d'agir dans ce contexte-là.
Dans un premier temps, j'aurais aimé, pour
le bénéfice des membres de la commission et ceux qui nous écoutent, que vous décriviez
un peu le scénario visé par 316 et que vous nous parliez plus spécifiquement,
là, de votre préoccupation du fait qu'on permette au notaire de continuer d'agir
dans la mesure où les parties consentent.
Mme Filion
(Nicole) : En fait, là où…
Bien, disons que l'article a évolué par
rapport à l'avant-projet de loi,
et on s'en conforte davantage avec le projet de loi actuel. Nous avions fait des représentations, en février 2012, à l'égard
de cet article-là, mais, depuis, le projet
de loi, il a été modifié de façon tout à fait correcte. Les représentations que nous avions à faire, c'est juste de tenir compte du fait que ce
n'est pas parce qu'on se retrouve
dans une matière non contentieuse qu'un majeur inapte ne peut pas être représenté par un avocat ou un notaire.
Et, par ailleurs, même si un avocat représentait le majeur, rien n'empêche
au notaire de demeurer saisi du dossier, dans la mesure où il ne s'agit pas d'une
contestation réelle du bien-fondé de la
demande. Alors, la recommandation que nous faisons eu égard à 316 du projet de
loi, c'est tout simplement de modifier les termes «assisté» et
«assistance» pour «représenté» et «représentation». Voilà.
M.
Ouimet
(Fabre) : Je me suis… Vous avez tout à fait raison. C'est à 317
que vous soulevez la possibilité… vous vous interrogez sur la
possibilité que le notaire continue. C'est bien ça? Je lis dans votre mémoire,
là : «Qui plus est, le tuteur ou le
curateur ad hoc a un rôle de représentation et non d'assistance — ce qui rejoint le point pour
316. Ce dernier étant nommé lorsque le
majeur a des intérêts opposés à son tuteur ou curateur, le Curateur public se
questionne sur l'opportunité de prévoir, dans un tel cas, que le notaire puisse
conserver sa compétence. N'est-ce pas le tribunal qui devrait alors trancher?»
C'était cette question-là que je voulais aborder, là. Je m'excuse, tantôt, j'ai
parlé de 316.
Mme Filion (Nicole) : Alors, dans
la…
M.
Ouimet (Fabre) :
Parce que c'était la rubrique 316, mais on parlait de 317.
Mme Filion (Nicole) : Oui, d'accord.
Bien, effectivement, le tuteur et le curateur ad hoc, ce n'est pas un rôle d'assistance. C'est un rôle de représentation, et
on est d'avis que, lorsqu'il est question de représentation légale, que
ça devrait être une compétence exclusive confiée au tribunal et non pas à un
notaire. Voilà.
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci. Deuxième point, d'un tout autre ordre. Est-ce
que vous avez un service de médiation où
vous avez recours à la médiation et les autres modes de règlement des
différends dans le cadre du mandat du curateur?
Mme Filion (Nicole) : C'est-à-dire
qu'on n'a pas de service de médiation en tant que tel, sauf qu'il y a un travail… Avant même que les requêtes arrivent
dans notre secteur juridique, il y a tout un travail qui est fait au
service de l'accueil, chez nous, par exemple
en matière d'ouverture de régime de protection. Il y a des curateurs délégués à
l'accueil qui rencontrent les familles, qui rencontrent le majeur qui est visé
par la demande d'ouverture, qui rencontrent également les intervenants au
besoin. Alors, il y a tout un processus qui se fait de ce côté-là. Alors, quand
ça arrive chez nous, la médiation a déjà été entreprise.
Donc,
dans certains cas, on a beaucoup de succès. On sait que parfois il y a
des dynamiques familiales particulières, il y a des conflits familiaux.
Alors, déjà, en amont, les
intervenants exercent leurs fonctions en ce sens-là. Et, au départ,
alors qu'on nous a recommandé un régime public, bien, compte tenu des efforts
qui ont été investis par les curateurs délégués, il arrive que devant le tribunal
maintenant on recommande un proche au lieu du Curateur public. Le
Curateur public devrait toujours avoir un rôle supplétif, ça devrait être
toujours… la protection d'une personne inapte devrait normalement toujours être prise en charge par un proche qui connaît bien
le majeur, qui connaît ses valeurs, ses goûts, etc., son mode de vie et
qui est à même de répondre à ses besoins dans son meilleur intérêt.
Alors,
tout ce qui est conciliation, médiation, c'est fait particulièrement en amont.
Quand ça arrive chez nous, bien, on est heureux lorsqu'il y a des
recommandations de privatisation de régime de protection.
M. Jutras
(Normand) : Si vous permettez, M. le Président.
Le Président (M.
Ferland) : Oui, allez-y, M. Jutras.
M. Jutras (Normand) : Je voudrais rajouter pour… En fait, on reçoit annuellement
1 700 demandes d'ouverture de
régime, et, avec le travail de nos curateurs délégués sur le terrain, qui
rencontrent les familles, qui rencontrent les proches, qui rencontrent
la personne inapte, en bout de piste, c'est 1 200 régimes qui s'ouvrent.
Alors, ça vous montre, là, déjà le succès que l'on connaît à ce niveau-là.
Et
aussi ce qu'on peut rajouter, c'est qu'au Curateur public, au cours des
dernières années, on a pris davantage un virage famille, et on a adopté
une nouvelle politique d'ouverture de régime, puis on se pose plus fermement
certaines questions : Est-ce que c'est
vraiment nécessaire d'ouvrir un régime de protection? Parce que ce n'est pas
vrai, parce qu'une personne devient inapte, qu'il faut nécessairement
ouvrir un régime de protection. Alors, est-ce que c'est nécessaire? Est-ce que ça doit être un régime de protection
mur à mur ou il n'y a pas lieu d'adopter une certaine proportionnalité? Parce que, si on prend toutes les responsabilités
de cette personne-là, bien, moins elle en fait, moins elle va vouloir en
faire. Et on a l'obligation quand même, en
vertu du Code civil du Québec, de respecter le plus possible l'autonomie
de la personne et de sauvegarder cette autonomie.
Et, en fait aussi, ce
qu'il nous faut rappeler aux intervenants du milieu, c'est que le Curateur
public, c'est le dernier recours. En
premier, nous voulons que ce soient les familles, les proches qui s'occupent de
leur personne inapte, parce qu'ils la
connaissent, ont vécu avec elle, connaissent ses besoins, ses goûts, ses
désirs. Mais, s'il n'y a pas d'autres moyens, bien là, nous, on
intervient avec le jugement du tribunal.
M.
Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Merci. Il y a un
point, en fait, je comprends et je trouve ça admirable, là, le travail fait en amont pour diminuer les
situations où il peut y avoir un litige ou un différend, mais
malheureusement, à l'occasion, vous devez…
vous participez à des litiges devant le tribunal, toutes sortes de litiges.
Est-ce que vous avez une approche,
une politique pour favoriser le recours aux modes… ce que j'appelle les
modes alternatifs, là — à une autre époque, ça s'appelait
comme ça — pour
régler les différends, la médiation, la conciliation? Est-ce qu'il y a une
politique, au niveau du curateur, dans l'approche des litiges devant le
tribunal qui favorise ça?
Mme Filion (Nicole) : En fait, il n'y a pas une politique, en tant que telle, écrite en ce
sens-là, mais on adhère vraiment à ces valeurs-là, et souvent le juge
nous invite dans en ce sens-là. Malgré tous les efforts qu'on peut avoir investis pour arriver à un consensus, parfois les
familles sont fermées, et, devant le juge, tout à coup, il y a une
invitation à se rencontrer au cubicule et voir de quelle façon on pourrait
trouver un terrain d'entente, et c'est très aidant dans ces circonstances-là.
Alors, nous,
évidemment, on fait tout en notre pouvoir pour s'assurer que ça demeure des
matières non contentieuses, mais parfois, comme vous le dites si bien, c'est
contentieux, et on doit se retrouver devant le juge à ce moment-là.
• (12 h 10) •
M. Jutras
(Normand) : Alors, en fait, le contexte nous oblige à agir, comme Me
Filion le dit, parce qu'on s'occupe de personnes inaptes, on s'occupe de
personnes qui sont vulnérables, et notre clientèle, c'est des personnes qui sont atteintes de maladies dégénératives — démence
sénile ou alzheimer — c'est
des personnes qui sont déficientes intellectuelles,
des gens qui ont des troubles de santé mentale et aussi des personnes qui ont
été victimes d'un traumatisme crânien.
Alors,
souvent, c'est des personnes qui sont en difficulté, qui sont malades,
et les décisions, nous, que nous devons toujours prendre, au Curateur
public, et c'est ça qui doit toujours nous guider, c'est l'intérêt de la
personne. Et, assez souvent, évidemment,
cette personne est troublée, elle est troublée par les événements
qui se passent, alors on n'a pas à rajouter
au trouble. Et, quand on sait à quel point, entre autres, des gens sont
souvent stressés de se retrouver devant le tribunal, bien, dans la mesure
du possible, oui, on l'évite. Mais, quand on n'a pas le choix, quand, entre
autres, il y a un conflit important au sein de la famille… Parce que ça,
ce sont des situations qui, malheureusement, arrivent. C'est divisé en deux clans, il y a un clan qui soupçonne
l'autre d'exploiter la personne inapte. On nous parle d'abus financier,
il faut faire enquête. Alors, c'est le
contexte dans lequel on oeuvre, mais toujours en ayant en tête que c'est une
personne inapte et qu'on doit agir dans son intérêt et la protéger le plus
possible.
Le Président (M.
Ferland) : M. le député de Fabre?
M.
Ouimet (Fabre) : Tout simplement conclure. Merci de votre présence, merci de vos représentations. On va évidemment en tenir
compte lors de la suite de nos travaux.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, maintenant, je cède la parole à la députée de Montmorency.
Mme
St-Laurent :
Moi, je ne peux pas faire autrement que vous dire merci, vous nous renseignez.
Je me suis demandé si vous aviez fait votre mandat d'inaptitude.
M. Jutras
(Normand) : Oui, oui, oui.
Mme
St-Laurent : Bon, ceci étant dit, c'est cette procédure-là…
Je voyais : «La tenue d'une réunion devant le notaire dans le cadre d'une demande d'homologation
d'un mandat de protection.» Vous vous questionnez sur l'opportunité de tenir une réunion dans le cadre d'une demande d'homologation.
Pourriez-vous élaborer un petit peu sur ce sujet-là?
Mme Filion (Nicole) : Bien, oui, absolument. J'ai compris également que les représentants de
la chambre étaient du même avis, à l'effet
qu'une réunion nous apparaissait une étape additionnelle, qui, selon nous, est
superflue dans la mesure où il y a déjà une assemblée de parents, d'alliés
et d'amis. Obliger à une étape supplémentaire, ça veut dire des délais encore
qui doivent être assumés par la personne inapte, des coûts aussi de
notification, de convocation de réunion,
etc., des coûts qui sont aussi assumés par le patrimoine de la personne inapte.
Alors, on ne voyait pas la plus-value
d'une réunion dans la mesure où il existe déjà ce forum-là d'assemblée de
parents, d'alliés et d'amis qui fait parfaitement le boulot.
Mme
St-Laurent :
Je vous remercie. Je n'ai pas d'autre question.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la députée de
Montmorency. Alors, merci pour votre présentation.
Et,
compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à
14 heures. Et, ceux qui le désirent, vous pouvez laisser vos
documents ici pour l'heure du repas.
(Suspension de la séance à 12
h 14)
(Reprise à 14 h 3)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend donc ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Alors, je demanderais aux membres du Barreau de garder le
silence, s'il vous plaît. C'est parce que j'entends des bruits de fond, là.
Alors, nous allons
poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 28, Loi instituant le nouveau Code de
procédure civile.
Je
souhaite donc la bienvenue à nos invités, et, pour les fins d'enregistrement,
je vous demande de bien vouloir vous présenter,
et je vous rappelle que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour votre
exposé. S'il y a besoin d'un peu plus de
temps, avec le consentement des deux partis… depuis le début, ils sont très généreux, je vous le dis à vous, là, en
secret. Et, par la suite, nous procéderons à
la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à
vous.
Chambre des huissiers de justice du Québec (CHJQ)
M. Maranda
(Louis-Raymond) : Alors, bien, bonjour à tous. Pour fins d'enregistrement,
Louis-Raymond Maranda, président de la Chambre des huissiers de justice du
Québec.
M. Gravel
(Sylvain) : Sylvain Gravel, président de la Coop des huissiers de
justice du Québec, propriétaire de bureau.
M.
Dubé (Ronald) : Ronald Dubé, syndic de la Chambre des huissiers
et consultant de la chambre sur le nouveau Code de procédure civile.
M. Trudel (Sylvain) :
Bonjour. Sylvain Trudel, avocat-conseil pour les huissiers de justice.
Le
Président (M. Ferland) : Merci beaucoup, messieurs. Bienvenue.
Alors, la parole est à je ne sais pas qui pour débuter la présentation.
M. Maranda (Louis-Raymond) : M. le Président, merci. Alors, à titre de
président de la Chambre des huissiers de justice du Québec, il me fait plaisir de vous présenter les personnes
qui m'accompagnent aujourd'hui, chose qui a été quand même faite par
eux-mêmes. Alors, Me Sylvain Trudel est avocat de litige et associé
chez Beauvais Truchon, avocats, qui va aussi prendre la parole
éventuellement dans les échanges.
Chers
parlementaires, comme vous le savez, la Chambre des huissiers de justice du
Québec est un acteur important du processus judiciaire. C'est pourquoi
nous sommes très heureux d'apporter notre contribution aux travaux de la Commission des institutions concernant le projet
de loi n° 28, Loi instituant le
nouveau Code de procédure civile. Je tiens d'ailleurs, en tout premier
lieu, à remercier le ministre de la Justice, les membres de cette commission
ainsi que les légistes du ministère de la Justice de prendre le temps d'écouter
notre point de vue sur cet important projet de loi.
Avant de débuter, permettez-moi
de vous dire quelques mots sur notre organisation. La Chambre des huissiers de justice du Québec est un ordre
professionnel d'exercice exclusif comptant quelque 430 membres, et il
existe 109 études qui s'affairent au quotidien à
répondre et à soutenir les 43 % des citoyens qui se représentent eux-mêmes
devant les tribunaux ainsi que les avocats représentant des citoyens.
En 2012, c'est plus
de 205 millions de dollars qui ont transité dans les mains des huissiers,
ce qui fait de nos membres de véritables acteurs de l'économie québécoise. On
constate par ailleurs que les huissiers sont des acteurs importants du nouveau Code de procédure civile. En
effet, on y retrouve près de 200 fois le terme «huissier». Ainsi,
la Chambre des huissiers de justice du
Québec est satisfaite dans l'ensemble du projet de loi n° 28, qui attribue
aux huissiers d'importantes responsabilités, notamment au chapitre de l'exécution
forcée des décisions de justice. Toutefois, des dispositions importantes
concernant la signification, la notification, les transmissions électroniques,
l'exécution des jugements et la prévention
du coulage d'information doivent être revues puisqu'elles auraient des
conséquences graves sur la sécurité juridique ainsi que la protection du
public.
Tout
d'abord, nous croyons que la signification et la notification, lorsque les
droits des parties peuvent être affectés, devraient être sous l'autorité d'un huissier de justice chaque fois qu'elles
sont permises par le nouveau Code de procédure civile ou par une autre
loi, comme il est exprimé à la page 7 de notre mémoire. Ainsi, le lien des
articles 110 et 132 proposés... Notre
position est claire : il faut supprimer les services de messagerie comme
mode de notification. Les termes «ou d'un autre porteur» aussi, à l'article 110,
doivent être d'ailleurs supprimés.
À
cet effet, je laisserais maintenant la parole à Me Sylvain Trudel,
praticien du droit spécialisé en litige, qui nous accompagne aujourd'hui, car il partage les
préoccupations de la chambre quant à l'avenir du système de justice
québécois. Me Trudel vous expliquera les impacts liés à ces deux articles
du projet de loi, notamment sur le plan de la sécurité juridique.
Me Trudel.
M. Trudel (Sylvain) : Merci, M. Maranda. Bonjour, Mmes, MM. les parlementaires. Pour moi, il
est clair que tout acte de procédure judiciaire qui peut affecter les
droits des parties doit être sous l'autorité d'un huissier de justice,
garantissant ainsi la sécurité juridique. Les services de messagerie emploient
des personnes dont les compétences ne peuvent
aucunement se comparer à celles des huissiers de justice. En effet, l'expertise
et les qualifications professionnelles des
huissiers leur permettent d'être en mesure de répondre adéquatement aux questions
des citoyens et de leur fournir des renseignements pertinents en lien
avec les documents remis. Les huissiers connaissent depuis toujours l'importance
et les effets des procédures judiciaires qui ont des conséquences sur les
droits des gens. Ils possèdent, en plus, des assurances responsabilité et sont
encadrés par un code de déontologie.
En
l'absence d'un recours à un professionnel certifié, tel l'huissier, la sécurité
juridique pourrait être compromise autant
que le droit des citoyens d'être notifiés des procédures judiciaires dans
lesquelles leurs intérêts peuvent être lésés. De plus, les services de messagerie ou un quelconque porteur que ce soit
ne sont pas qualifiés pour valider l'identité du destinataire et la nature du document juridique remis, d'autant plus que
la réception d'une procédure judiciaire engendre généralement des
réactions chez le destinataire, auxquelles l'huissier de justice est habitué
puisqu'il y fait face au quotidien et qu'il
peut répondre au questionnement, comme le lui permet d'ailleurs l'article 12
de la Loi sur les huissiers, en donnant des renseignements.
Le fait d'employer un
service de messagerie ou un quelconque porteur risquerait de donner l'occasion
à des citoyens peu scrupuleux de prétendre qu'ils n'ont pas été régulièrement
notifiés des procédures judiciaires dont ils faisaient
l'objet. Ces derniers, avec des requêtes en rétractation de jugement, vont
augmenter le nombre de procédures, l'incertitude
ainsi que le fardeau du travail des officiers de justice, des avocats et des
juges. Tous ces coûts importants
qui en découlent ne sont aucunement synonymes d'un meilleur accès à la justice.
Je redonne la parole à M. Maranda.
• (14 h 10) •
M. Maranda (Louis-Raymond) : Merci, Me Trudel. Par ailleurs, nous sommes d'accord
avec la simplification et la
modernisation du processus judiciaire. Il faut se tourner vers les technologies de l'information, des communications pour moderniser nos
procédés judiciaires et rendre la transmission des procédures plus efficace et
moins coûteuse. Il faut cependant le faire en vertu de la Loi concernant le cadre juridique
des technologies de l'information, cela afin de garantir la sécurité juridique à tous les intervenants ainsi
que d'assurer la protection du public, la qualité du service et de l'uniformité.
Ainsi, en lien avec
les articles 133 et 134, nous demandons que les huissiers soient reconnus dans
le Code de procédure civile comme étant les
seuls professionnels autorisés à effectuer les transmissions électroniques
telles que la notification ou la signification. Nous avons, à cette fin,
développé une importante plateforme de notification et de signification électronique sécurisées, nommée
Notabene. Celle-ci permettrait d'éviter la prolifération des véhicules
de notification. Vous trouverez plus d'information à ce sujet aux pages 8 et 9
de notre mémoire.
Sur le plan de l'exécution
des jugements, nous tenons à saluer l'initiative du législateur de vouloir
mettre en avant-plan la résolution des
conflits contre des citoyens. Cependant, l'absence d'un mécanisme d'exécution d'une
entente apparaît être un enjeu important,
notamment afin d'éviter des procès inutiles lorsque l'entente aura été conclue
à la suite d'un processus de médiation.
Et,
bien que des modes alternatifs de résolution de conflit soient recommandés dans
le nouveau Code de procédure civile, il y aura toujours des procès qui
résulteront par des jugements à exécuter. En lien avec l'article 694, dont il
est question à la page 19 de notre mémoire, nous constatons qu'il sera
pratiquement impossible d'identifier des biens saisissables dans un domicile. L'exclusion de l'expression «nécessaires
à la vie» rend inefficace la saisie. Que vaudra alors, pour le justiciable, un jugement qui ne peut être exécuté? Les
dispositions législatives du projet de loi proposé font en sorte que l'exécution des jugements sera
impossible. Nous suggérons aussi, à la page 20 de notre mémoire, la suppression
de l'article 695 concernant la saisie d'un
véhicule automobile puisqu'elle crée plusieurs catégories de débiteurs et
complique inutilement les mesures d'exécution des jugements.
Concernant la vente
sous contrôle de justice en matière de recours hypothécaire à l'article 742,
abordé à la page 22 de notre mémoire, je tiens à exprimer ici haut et fort que
les huissiers détiennent toute l'expertise nécessaire à l'exécution de ce type de mandat. C'est d'ailleurs
sans doute pourquoi l'avant-projet de loi octroyait l'exclusivité aux huissiers, réfutant ainsi les propos de ceux qui
prétendent que nous n'avons ni la formation ni l'expertise en la
matière.
Avant
de terminer, j'aimerais attirer votre attention sur l'article 684, que nous
abordons aux pages 17 et 18 de notre
mémoire. Deux aspects causent problème dans cet article. Il faudrait y inclure
les organismes gouvernementaux tels que
Revenu Québec, le Curateur public, les registres de l'état civil, les
compagnies de crédit comme Equifax, TransUnion et des institutions
financières qui détiennent de l'information sur une personne, pouvant ainsi
faciliter l'exécution des jugements et
prévenir le coulage d'information. Je tiens par ailleurs à souligner les
efforts importants qui ont été mis en oeuvre pour prévenir le coulage d'information,
mais il faut aller encore plus loin. Il faudrait aussi prévoir une clause
pénale si le tiers refuse de collaborer.
Nous
souhaitons vivement que les recommandations émises par la Chambre des huissiers
de justice du Québec se retrouvent
dans le nouveau Code de procédure civile. Nous avons la conviction que l'exécution
d'un jugement, pour qu'il soit efficace, doit être réalisée par des
professionnels du droit crédibles, et disposent des outils adéquats pour le
faire, et ce, à des coûts accessibles sur l'ensemble du territoire du Québec.
Merci à tous de votre écoute.
Le Président (M.
Marsan) : Je vous remercie, Me Maranda et l'équipe qui vous
accompagne. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange, et je vais
donner la parole à M. le ministre de la Justice. M. le ministre.
M. St-Arnaud :
Oui, merci, M. le Président. Bien, d'abord, bonjour, M. Maranda, bonjour aux
gens qui vous accompagnent. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire très
instructif, très clair, très précis. On a eu l'occasion récemment de se rencontrer, M.
Maranda, et je peux vous assurer, là, que chacune des propositions que vous nous faites va être
analysée, là, par l'équipe qui m'accompagne avant l'étude article par article que nous ferons sûrement sous peu, en sous-commission, il va sans
dire. M. Maranda, peut-être juste… Évidemment, on n'aura pas le temps de
repasser l'ensemble des propositions que vous nous faites, mais je tenais quand même, d'entrée de jeu, à vous dire, là, qu'elles vont être
regardées, analysées et en vue des travaux qu'on aura par la suite.
Peut-être
commencer sur 694. J'aimerais vous entendre sur 694. Ce que vous nous dites, essentiellement, c'est… Si je reprends 694, on dit : «Peuvent être
soustraits à la saisie les meubles qui garnissent ou ornent la résidence
principale du débiteur et les objets personnels que celui-ci choisit de
conserver, jusqu'à concurrence d'une valeur marchande de 7 000 $
établie par l'huissier.» Et ce que vous nous dites, c'est : La plupart des
foyers n'ont pas plus de 7 000 $ en valeur marchande. Et vous
nous dites ensuite : «En laissant l'article 694 du nouveau Code [civil]
tel qu'il apparaît dans le projet de loi, la
Chambre des huissiers […] constate qu'il sera pratiquement impossible d'identifier
des biens saisissables dans un domicile. L'exclusion de l'expression
"nécessaires à la vie" rend inefficace la saisie.»
Et ensuite, dans un
autre commentaire, vous dites, lorsqu'on parle de l'activité professionnelle du
débiteur : Il y aurait peut-être lieu de dire l'«activité professionnelle
principale».
Mais
j'aimerais vous entendre sur 694. Et concrètement, là, il n'y a personne autour
de la table qui est huissier, là, j'aimerais
que vous nous décriviez, là, concrètement ce que ça veut dire, et par rapport
au droit actuel aussi, quels sont les changements et où vous voyez le
problème qui pourrait se présenter si on conserve le libellé actuel de 694.
M. Maranda (Louis-Raymond) : Alors, j'ai quelques huissiers chevronnés avec
moi, et on va se partager un petit
peu l'article 694, qui est quand même assez important. Dans l'état actuel des
choses, c'est 6 000 $ de biens nécessaires à la vie. Et, juste pour donner un petit cours
huissier 101, là, je me présente chez vous, vous avez deux télés, vous
avez un plasma et vous avez une télé 12
pouces de 1960. Bien, je vais vous laisser votre TV 12 pouces de 1960 et je
vais saisir votre écran plasma.
Aujourd'hui,
dans la proposition, ça fait en sorte que vous avez beau avoir un système de
son, et une télévision, puis des
appareils électroniques de dernier cri, qui peuvent être très tentants pour
pouvoir exécuter un jugement, je ne pourrai pas le faire. Alors, on se ramasse dans une position aujourd'hui, parce que
vous avez tous acheté des meubles, essayé de les revendre après puis…
M.
St-Arnaud : Parce que c'est ça, là, le droit actuel, c'est 552.
Là, on dit : «Il doit être laissé au débiteur […] les meubles qui
garnissent sa résidence principale, servent à l'usage du ménage et sont
nécessaires à la vie de celui-ci, jusqu'à
concurrence d'une valeur marchande de 6 000 $ — comme vous le dites — établie par l'officier saisissant...»
Alors, c'est 6 000 $. Vous choisissez, présentement, là, lesquels
sont nécessaires à la vie du débiteur. C'est ça?
M. Maranda (Louis-Raymond) : Non. La personne qui va arriver… Puis je vois mon
collègue, M. Dubé, là, qui veut
prendre la parole, je vais lui céder après. Mais, dans l'état actuel, si la
personne a plus que 6 000 $ de biens — vous
me corrigerez — on
va lui laisser la faculté de choisir. Mais sauf que… 6 000 $ de biens
nécessaires à la vie, et c'est le «nécessaires à la vie» qui est important.
Je
vous donne un exemple concret. Je vais chez vous et je vais vous laisser votre
matelas, qui est un bien nécessaire à
la vie, mais votre set de chambre, là, qui vaut 5 000 $, on va le
saisir. Alors, ces distinctions-là sont importantes. Et là je vois mes
deux collègues qui voudraient prendre la parole, alors je vais laisser la parole
à M. Gravel, là.
M. Gravel
(Sylvain) : Les biens essentiels à la vie, c'est très…
M. St-Arnaud :
Je veux juste être bien sûr que je comprends la distinction, là, entre 552
actuel puis 694 puis où exactement vous voyez le problème quand vous dites que,
si on maintient 694, ça va rendre inefficace la saisie. Je ne le saisis pas
tout à fait. J'aimerais ça que vous puissiez nous éclairer là-dessus.
M.
Dubé (Ronald) : La différence fondamentale, c'est que, dans l'article actuel, on prévoit les meubles nécessaires
à la vie du ménage. Et, dans le code actuel,
dans le code qu'on propose, c'est pour le débiteur. Alors, qu'est-ce que c'est, un ménage? Un ménage,
c'est une unité d'une ou plusieurs personnes habitant un même logement. C'est
ça, la définition d'un ménage. Alors, cette
notion disparaissant de l'article... dans le nouveau code, ça vient changer toute
la dynamique. On parle du débiteur. Le
débiteur, c'est une personne, ce n'est pas une unité de personnes qui habitent
un même logement. Et puis il ne faut pas oublier non plus que les biens sont
laissés au choix du débiteur. Il faut que les biens, actuellement, soient
indispensables à la vie du ménage. Il peut y avoir des biens qui ne sont pas
indispensables à la vie du ménage. Dans le nouveau code, on parle aussi
des biens qui ornent. Dans le code actuel, on n'en parle pas, des biens qui ornent, donc les biens qui ornent sont toujours
saisissables. Alors, ce sont des nuances fondamentales, et je pense que
l'on devrait tenir compte... reprendre, revenir avec l'expression «ménage», le
mot «ménage», dans le code. Ça, c'est le premier volet.
Le deuxième
volet que l'on retrouve dans l'article 694, qui pose difficulté et qui pose actuellement difficulté dans le code actuel, c'est l'exercice de la fonction… de
la profession principale. Aujourd'hui, dans le contexte d'aujourd'hui, il peut
arriver que des personnes cumulent plusieurs professions, mais c'est les biens
qui souvent… pour la fonction… l'exercice
professionnel de la fonction principale devraient être exclus, tandis que les
autres pourraient être saisis. Et ça, c'est une question d'appréciation
de l'officier saisissant, et la décision de l'officier saisissant est toujours
révisable par le tribunal.
• (14 h 20) •
M. St-Arnaud : ...par exemple,
une personne qui aurait quatre ou cinq activités professionnelles qu'elle fait
à son domicile, avec le libellé actuel de 694, tous ces biens-là liés à toutes
ces activités professionnelles là pourraient être soustraits à la saisie?
M. Dubé (René) : C'est ça actuellement.
M. St-Arnaud : C'est ça. O.K.
Ça va pour ça. Peut-être vous... Oui?
Le Président (M. Marsan) : M.
Gravel.
M. St-Arnaud : Oui, allez-y.
M. Gravel
(Sylvain) : Juste revenir
sur le 6 000 $ de biens
nécessaires à la vie. Si les biens nécessaires à la vie de la personne sont au-delà de 6 000 $,
cette personne-là a le choix des biens qu'elle veut garder comme étant
nécessaires à la vie, ce qui veut dire...
Tantôt, il parlait d'une TV 12 pouces 1960 et d'un écran plasma qu'il
pourrait saisir. Mais, si la personne
a un écran plasma qui vaut 5 000 $ puis à peu près... puis les autres
biens essentiels à la vie valent 3 000 $, la personne va avoir
un choix à faire.
M.
St-Arnaud : Vous en avez contre le choix… que le choix soit
laissé à la personne, parce que, si la personne a trois téléviseurs, on
peut considérer qu'un téléviseur, c'est nécessaire à la vie, mais elle va
pouvoir choisir lequel des trois elle décide de garder.
M. Gravel (Sylvain) : Non, non. Ça,
non.
M. St-Arnaud : Non?
M. Gravel (Sylvain) : C'est nous qui
décidons lequel des trois. Mais, si la personne a un téléviseur qui vaut 6 000 $, puis elle n'a pas d'autre
téléviseur, puis ses articles de cuisine valent un autre 5 000 $,
elle aura un choix à faire, là, parce qu'elle a 10 000 $ de
biens essentiels à la vie.
M. Maranda (Louis-Raymond) : Parce
que, là, on ne parle plus de... Si vous me permettez, M. le ministre, à 694, on ne parle plus de biens nécessaires à la
vie, là. Là, on parle de : «Peuvent être soustraits à la saisie les
meubles qui garnissent — écoutez,
qui garnissent, là, ça, c'est... — ou ornent — ça va loin, là — la
résidence principale du débiteur et les
objets personnels que celui-ci choisit de conserver jusqu'à concurrence d'une
valeur marchande de 7 000 $...»
Ça, là, la
différence est très majeure avec l'état actuel des choses, parce que, comme
huissier, j'ai la faculté de choisir ce que je vais saisir. Le bien
nécessaire à la vie... Là, on parle de «garnissent», «ornent». Avec tout le
respect que j'ai pour les citoyens, ceux qui vont demander d'exécuter des
jugements, on ne sera pas capables d'exécuter, là.
M.
St-Arnaud : Parce que, pour reprendre l'exemple des
téléviseurs, là, la personne pourrait décider qu'elle garde ses trois
téléviseurs, avec le 694.
M. Maranda (Louis-Raymond) : Bien,
oui. Absolument.
M. Gravel (Sylvain) : 694, oui.
M. St-Arnaud : Oui, avec 694,
oui.
M.
Maranda (Louis-Raymond) : Absolument.
M. Gravel (Sylvain) : Je vais y aller plus loin que ça. Si on rentre dans un domicile et que
les électroménagers, son set de
chambre, tout ça vaut 1 000 $ et que le monsieur possède un piano qui
vaut 5 000 $, je ne peux pas saisir le piano. Je ne vois pas pourquoi je priverais un demandeur dans une cause,
qui a obtenu un jugement, de se faire rembourser la somme qui lui est
due parce que je ne peux pas saisir un piano, qui n'est pas essentiel à la vie
de personne.
M. St-Arnaud :
Mais que la personne décide, en vertu de 694, de conserver, parce que c'est
dans le 7 000 $. C'est ça?
M. Gravel
(Sylvain) : Elle ne décidera pas, elle n'a même… Elle a juste un piano
puis 1 000 $ de biens essentiels. Ça fait que je n'atteins pas la
somme de 7 000 $, ça fait que je ne peux pas saisir à cet endroit-là.
M. St-Arnaud :
Même si le piano n'est pas essentiel, effectivement, n'est pas nécessaire à la
vie…
M. Gravel
(Sylvain) : Il fait partie de la valeur marchande.
M.
St-Arnaud : Il fait partie de la valeur marchande, mais la
personne peut le mettre dans son 7 000 $, puis, vous, il ne
vous reste plus grand-chose…
M. Gravel
(Sylvain) : Il ne reste rien.
M.
St-Arnaud : …parce que sont insaisissables les autres choses
qui sont plus loin dans l'article 694, là. O.K.
M. Maranda (Louis-Raymond) : …comme un bloc, au fond. Si vous me permettez,
là, pour faire une métaphore, on
vient faire un bloc. Alors, à moins qu'on ait des peintures qui sont de haute
valeur et tout, là… Mais, si on parle de… on vient de faire un bloc.
Avant,
on était capables de faire la saisie, mais là tous les jugements, là…
Honnêtement, on se regarde tous puis on
se demande tous ce qu'on va faire avec ça. Alors, on risque de dire à beaucoup
de citoyens : Malheureusement, on n'est pas capables d'exécuter vos
jugements, là. C'est la problématique qu'on voit, puis je pense que l'essence
même du législateur, c'est de ne pas priver
les citoyens de l'exécution, alors il faut juste peut-être… comme on disait, si
vous me permettez l'anglicisme, c'est un petit peu de «fine-tuning» qu'on a à
faire, là.
M.
St-Arnaud : Bien, écoutez, on va regarder ça avec attention. C'est
un des éléments, là, sur lesquels on doit se repencher.
L'article 566,
vous avez exprimé des réserves quant au fait… en vous demandant quelle était la
pertinence d'introduire un mécanisme permettant au créancier de saisir lui-même
les revenus du débiteur en préparant l'avis d'exécution
et en le notifiant. Et, si j'ai bien compris votre mémoire, vous dites que
cette responsabilité, donc, devrait vous être confiée. J'essaie de voir,
dans le mémoire… parce que, si je comprends bien, présentement, il existe une procédure, là, qui est faite au greffe, qui est
faite par le greffier. Donc, on facilite finalement… on facilite la
possibilité pour le créancier de… ça existe déjà, cette… Oui.
M. Maranda (Louis-Raymond) : Mais là la saisie en main tierce, O.K., puis là
je me demande juste si on s'en va avec les Petites Créances ou si on s'en
va «at large», là.
M. St-Arnaud :
Là, on est dans les Petites Créances.
M. Maranda (Louis-Raymond) : Alors, si on est dans les Petites Créances, bon,
comme je l'ai déjà dit, on crée deux systèmes, là. Mais, ceci étant dit,
premièrement, le tiers saisi, là, c'est une nouvelle partie au litige. Alors,
on ne peut pas la signifier juste par
courrier comme ça, premièrement. Deuxièmement, je vais revenir à la sécurité
juridique puis à l'expertise, il y a le
défaut de… il y a de l'information qu'il faut donner à ces gens-là. Alors, le
défaut d'informer, le défaut d'envoyer
les sommes… On ne peut pas demander au demandeur de faire le travail lui-même,
là. À un moment donné, je pense qu'il
y a une suite logique et je comprends que l'objectif, c'est aussi que ça coûte
le moins cher possible aux justiciables ou aux citoyens, mais ça va
apporter, en bout de ligne, des problèmes qui vont être beaucoup plus grands.
Et M. Dubé aimerait surenchérir là-dessus, là.
M. Dubé (Ronald) :
Oui. M. le ministre, les trois premiers alinéas de l'article 566 n'apparaissaient
pas dans l'avant-projet de loi sur le code. Ils ont été ajoutés. Alors, ces
trois articles-là viennent à l'encontre du grand principe d'exécution forcée
des décisions de justice que l'on retrouve à l'article 658. «658. Les
actes nécessaires à l'exécution […] sont [exercés] par l'huissier de justice
qui agit [comme] officier de justice, sous l'autorité du tribunal.»
Alors, ce qu'on
permet par l'article 566, c'est de permettre au créancier qui a obtenu un
jugement d'exécuter lui-même sa décision de justice. Actuellement, dans le code
actuel, le créancier… le code prévoit que le créancier va voir un huissier ou un avocat pour exécuter sa
décision. Maintenant, il pourra l'exécuter lui-même. Et ça va plus
loin : il va même pouvoir signifier, même pouvoir préparer l'avis d'exécution,
alors qu'on voit que, dans le code, préparer l'avis d'exécution, c'est un
exercice dévolu à l'huissier de justice.
De
plus, à l'article 685, l'huissier
a un devoir d'impartialité envers tous. Alors, ce n'est pas celui qui lui
confie nécessairement un mandat de recouvrement; le devoir d'impartialité va s'appliquer
envers toutes les personnes qui vont lui poser des questions, et même il devra
lui expliquer la procédure de saisie-arrêt. Alors, moi, je pense… nous pensons sincèrement
que cet article-là devrait être supprimé, au moins les trois premiers alinéas.
• (14 h 30) •
M.
St-Arnaud : Ce que
vous me dites, là, c'est : 658, c'est le principe général hein? C'est ça?
«658. Les actes nécessaires à l'exécution
du jugement sont accomplis par l'huissier de justice qui agit, à titre d'officier
de justice, sous l'autorité du tribunal.» Quand on arrive aux Petites
Créances, 566 prévoit une procédure particulière pour les petites créances.
Moi, ce qu'on me dit, c'est que — et corrigez-moi si je fais erreur — ça se
fait déjà aux petites créances. S'inspirant du droit actuel, il y a une
pratique qui s'est établie, au niveau des greffes, à l'effet, et toujours dans
une optique d'accessibilité à la justice, de rendre les choses plus simples, de
limiter les coûts des procédures. Ce que je comprends,
c'est que le personnel aide les gens à préparer les procédures en vue de la
saisie en main tierce. Et donc c'est un peu ce qu'on a fait…
Ce qu'on m'indique, c'est que, réalisant qu'on
le faisait déjà aux Petites Créances, on a dit : Bon, bien, effectivement, par rapport à l'avant-projet…
on va le rentrer dans le projet de loi, à 566, comme mesure… Donc, on va
codifier cette pratique qui existe déjà aux Petites Créances, qui, semble-t-il, fonctionne
bien et qui facilite l'accès à la justice, qui facilite les choses, qui rend les procédures plus souples, plus
simples. Alors, c'est ce qui explique l'arrivée de 566 dans le projet de
loi par rapport à l'avant-projet de loi. Si je fais erreur sur ce qui se passe présentement
ou sur ma compréhension de 566, je vous écoute.
M. Maranda (Louis-Raymond) : M. le
ministre, vous ne faites pas erreur. Présentement, de la façon que ça fonctionne aux Petites Créances, écoutez,
n'importe quel citoyen peut rédiger son bref, là. N'importe qui, il va
rédiger son bref, va aller au comptoir puis
le… C'est le rôle du greffier de regarder si les choses sont correctes, et il
va apposer son étampe. Et, nous, à
partir de là, on va exécuter le… Parce
que c'est la première chose qu'on
fait, s'assurer que ça a bel et bien
été autorisé par quelqu'un au palais
de justice. Ça, à ce niveau-là, c'est une chose. C'est comme ça que ça se
passe.
Je veux juste, brièvement, pour les membres du
comité ici… en 1994… Les saisies, aux Petites Créances, là, avant 1994, étaient
gérées par les palais de justice. Ce sont les employés du palais de justice qui
envoyaient ça aux huissiers et le lien se
faisait entre greffier et huissier. En 1994, pour des raisons, sans doute, économiques, je ne le sais pas, on a décidé de ne plus donner ce
service-là et de donner ça aux huissiers. Alors, quand vous recevez votre
jugement aujourd'hui, comme citoyen, il y a une belle lettre qui dit : Si,
dans 30 jours, la personne ne vous a pas payé, vous pouvez vous adresser à
un huissier.
Moi, M. le ministre, au risque de me répéter, je vous le dis encore, on est devenus un
centre d'information. Là, les gens nous appellent : J'ai
un jugement. Ils font la même chose que donner… On donne l'information, comment
ça fonctionne. Là, il arrive deux
choses : soit que la personne va au greffe pour faire autoriser son bref
ou elle vient chez nous puis elle
dit : Moi, je ne veux pas gérer ça, et on rédige le bref et on va aller le
faire autoriser pour eux. À date, ça va bien. Là, après ça, on dit qu'il
va notifier le tiers. C'est une signification, c'est un acte introductible d'instance
pour un nouvel employeur, un employeur ou
une banque, alors que l'huissier… L'huissier, il va rédiger des brefs, là, mais
c'est surtout au niveau de la notification
où c'est un tiers. Et la jurisprudence, à cette étape-ci, aujourd'hui, elle est claire : un tiers
est une nouvelle partie, c'est un acte introductible d'instance et il faut le
signifier par huissier. Puis, je vous le dis…
Je reviens à ce que je disais au début : En
bout de ligne, ce n'est pas des économies. On a quand même un travail à faire. Vous savez, je fais une
métaphore, mais on est un peu la police du civil, là. Alors, quand on arrive
puis on est en mode exécutoire, bien, on se
présente dans une banque ou on se présente chez un employeur, on explique ce
qui en est et des conséquences aussi, parce qu'il y a des conséquences
si la personne ne le déclare pas.
Le Président (M. Marsan) :
Merci. En terminant, M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Oui, bien, en terminant, M. le Président, comme
vous me dites que je n'ai plus de temps, j'aurais aimé ça vous entendre
davantage sur 110, l'autre porteur. Vous prendrez ça sur le temps de l'opposition.
Des voix : Ha, ha, ha!
M.
St-Arnaud : Non pas de la deuxième opposition, vous n'avez
presque pas de temps, Mme la députée, alors je n'oserais pas. Mais j'aurais aimé ça vous entendre sur 110, sur le
libellé, sur… vos commentaires sur 110, si jamais ça s'inscrit,
évidemment, là, dans… je le dis en blague, mais… si jamais ça s'inscrit à l'intérieur
des questions de mon… à l'intérieur d'une réponse à une des questions de mon
collègue de Fabre.
Le Président (M. Marsan) :
Me Maranda, si vous voulez répondre, sur 110, très rapidement, s'il vous plaît.
M. Maranda (Louis-Raymond) : M. le
Président, si vous permettez, je vais vous demander juste de faire attention
parce que je dois vous dire que je ne suis pas maître, parce que je ne voudrais
pas que le Barreau s'élève et porte plainte contre moi pour exercice illégal,
et je me dois de vous le dire.
Alors, bien,
écoutez, ça se résume assez rapidement. Vous savez, la messagerie et autre
porteur, là… Je reviens à ce que je
disais au début : On veut faire sauver de l'argent aux citoyens, mais je
pense qu'en bout de ligne des coûts assez importants vont finalement résulter. Vous savez, les huissiers ont l'expertise.
On parle de sécurité juridique et de protection du public. Je ne sais pas, là, j'essaie juste de
voir le messager et avec égard avec ceux qui exercent ce métier-là, là,
qui n'est pas facile par bouts. Tu vas te
présenter à une résidence avec… Parce que, vous savez, il y a les avocats, mais
il y a aussi les citoyens. On fait
quoi avec ça? Le M. Tremblay qui va signifier à M. Bernard… une enveloppe
par un messager… Il y a trop d'implications importantes dans les
procédures judiciaires. Puis je ne veux pas prendre trop de temps, mais je
pense que j'ai… Me Trudel qui n'arrête pas de m'en parler, de ça, puis que
lui a des inquiétudes. Me Trudel.
Le Président (M. Marsan) :
Très rapidement, Me Trudel.
M. Trudel
(Sylvain) : Très rapidement.
On a parlé… On était contre. Je suis aussi, personnellement, contre le fait de se servir d'un service de messagerie.
Alors, évidemment, le terme «autre porteur» non seulement est confus, ça
crée de l'incertitude, mais aussi ce n'est aucunement balisé et c'est vraiment
hors du contrôle des huissiers. Donc, c'est à proscrire, à notre avis.
Le Président (M. Marsan) :
Alors, merci. Ceci termine cette période d'échange avec le parti ministériel.
Nous poursuivons avec l'opposition officielle, et je vais donner la parole au
critique en matière de justice, M. le député de Fabre.
M.
Ouimet (Fabre) :
Merci, M. le Président. Est-ce qu'il me reste du temps?
Le Président (M. Marsan) :
Oui, oui, vous avez raisonnablement du temps.
M.
Ouimet
(Fabre) : Mais sachez, M. le Président, que ça me fait plaisir
de collaborer avec le ministre, comme je le fais toujours quand ses
demandes sont raisonnables, et je vais continuer de le faire.
Mme
St-Laurent : …
M.
Ouimet (Fabre) :
Vous permettez? Bonjour, messieurs, merci. À mon tour de vous remercier pour
votre éclairage, votre mémoire. On le dit à chaque personne qui vient, le
ministre le dit : Ce n'est pas parce qu'on n'aborde pas toutes les
questions soulevées dans les mémoires qu'on n'en tient pas compte, là. Pour la
suite de nos travaux, évidemment, on tient compte de tout ça.
Il y a
quelques points, très rapidement, que j'aimerais aborder. Et je vais revenir,
très rapidement, encore une fois, sur
la question des biens nécessaires, là, sur l'exécution, là… j'oublie le numéro
de l'article, là, vous avez eu la discussion tantôt. En fait, c'était
simplement pour souligner à quel point ce projet de loi, qui est le fruit de
travail depuis de nombreuses années… et vous
faites ressortir… il y a encore des choses à ajuster. Et, lorsque le ministre
nous dit : Bien, on va procéder
rapidement à l'étude article par article, moi, je veux bien, M. le Président,
qu'on procède avec célérité, mais il faut bien faire le travail. Le Code
de procédure, là, on ne revoit pas ça à toutes les années et même pas à toutes
les décennies, et donc je pense que ça vaut
la peine qu'on prenne le temps de bien faire les choses. Et je rappelle au
ministre que l'opposition officielle va
collaborer à ce processus-là, mais il faut le faire du mieux possible, la
perfection n'étant pas de ce monde,
mais le mieux possible. Et il faut prendre le temps de le faire, et les points
que vous avez fait ressortir méritent qu'on s'y arrête.
Il y a une
chose qui transcende l'ensemble de votre mandat, et je pense que c'est
important de le dire pour les gens qui nous écoutent, c'est que nous
sommes confrontés, comme législateurs, à un choix. Et ce que vous nous dites,
et les observations que vous faites, dans le
fond, c'est dire : La profession d'huissier, c'est essentiel à notre
système de justice, à notre société,
c'est une profession au coeur de la justice, et il faut s'assurer qu'on la
préserve, que les gens qui
pratiquent soient attirés à la pratiquer et
puissent gagner leur vie. Ça, c'est, je pense... Et tout le monde s'entend sur ce point-là qu'il est important de souligner. Et je
tenais à le dire, que ce message-là, dans votre... qui, s'il n'est pas
explicite, il est à tout le moins implicite dans votre mémoire, mais c'est un
message important.
Ceci dit, de l'autre côté de l'équation, il y a
cette volonté du législateur de mettre en place des mécanismes où, si possible, on peut sauver des coûts, réduire
des délais. Et c'est ce qui nous
anime comme législateurs, essayer de trouver cet équilibre entre changer certaines procédures pour sauver
des coûts, économiser du temps, mais
s'assurer qu'on ne met pas en péril, par ailleurs, la profession d'huissier.
Et est-ce que j'ai bien compris cette... un des problèmes que vous soulevez?
• (14 h 40) •
M. Maranda
(Louis-Raymond) : Bien, M. le député de Fabre, avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger
souvent lorsqu'il était bâtonnier, il est pas mal au parfum. Et je ne dirai
pas... je vais dire, la profession… Vous savez, je vous dirais : Oui, il y a des gens qui se lèvent à tous les matins pour
aller évincer des gens et saisir des gens. Je vous dirais qu'on vient au monde huissier, hein, on le découvre par
la suite. Mais ce n'est pas n'importe qui qui fait ça, ce n'est pas n'importe
qui qui veut se lancer là-dedans.
Alors, moi, comme président de l'ordre, là, ce que je viens dire aujourd'hui, c'est que j'ai des inquiétudes... pas par rapport à la
profession, là, plus par rapport à la sécurité juridique des gens et l'exécution
des jugements.
Je veux dire, si on ouvre les tribunaux aux gens
pour venir régler leurs litiges, bien, ils ont aussi le droit à l'exécution de
leurs jugements, là. Et des avocats vont venir dire à leurs clients, en bout de
ligne : Chers clients, malheureusement, je ne peux pas faire exécuter votre jugement parce que
le nouveau code ne nous le permet pas. On vient ici, là, pour vous soulever des problématiques... Oui, ça
va avoir un impact et, oui, en bout
de ligne... On peut vous donner un exemple très simple, là, mon collègue
M. Gravel peut vous entretenir là-dessus, il l'est, propriétaire d'étude. Alors, ce n'est pas la chambre qui va
parler, c'est un propriétaire d'étude qui va vous entretenir là-dessus.
M. Gravel
(Sylvain) : En tant que propriétaire d'étude, j'ai vérifié des chiffres, j'ai
demandé à d'autres études d'huissiers de vérifier des chiffres, ils me
sont arrivés avec des chiffres. C'est sûr qu'il va y avoir une baisse de travail chez les huissiers, c'est sûr et certain.
Juste le fait d'augmenter le niveau des petites créances à 15 000 $,
c'est un paquet de procédures introductives d'instance qu'on n'aura plus
à signifier. Et c'est sûr qu'il va y avoir des correctifs sur la saisie, tout
ça, là, mais c'est peut-être des procédures que nous n'aurons plus.
Donc, suite à
ça, moi, si je regarde mon secteur à moi, j'ai un bureau à Longueuil et j'ai un
bureau à Montréal. J'ai un huissier,
moi, à Sorel, qui est à 65 kilomètres de mon bureau. Il est le seul à
Sorel. Si la baisse d'ouvrage fait en sorte que cet huissier-là n'est pas capable de survivre, il va fermer son bureau,
c'est sûr et certain. Donc, tous les gens de Sorel, le palais de
justice, les contribuables, les aides juridiques, tout ça, vont faire affaire
avec l'huissier le plus près, qui est moi;
je suis à Longueuil, ce qui veut dire que toutes les procédures à Sorel, je
vais aller les signifier, ils vont avoir les frais de kilométrage à
partir de Longueuil, ce qui veut dire qu'il n'y a plus aucune procédure qui va
coûter en bas de 150 $ avec les taxes.
Ça, c'est un coût important pour tous les citoyens. Et de plus un citoyen qui
va être obligé de faire affaire avec
un huissier, un citoyen de Sorel va être obligé de faire 130 kilomètres
aller-retour pour venir me porter la procédure à mon bureau. Moi, le lendemain, je vais aller la signifier à Sorel, je
vais aller lui charger, naturellement, le 65 kilomètres que je me dois de charger. Je vais revenir à mon
bureau, remplir mon procès-verbal de signification et rappeler le
contribuable et lui dire : Regarde, là,
viens chercher ta procédure, fais encore 130 kilomètres aller-retour pour
ta procédure. Sais-tu, si on ne fait pas attention de garder un réseau d'huissiers
viable, et ce, partout au Québec, je pense que le coût auprès des contribuables va de beaucoup augmenter. Ce n'est
pas juste la poste, et tout ça, c'est le coût global. Il ne faut pas
juste regarder ça sur un point de vue, il faut regarder ça sur plusieurs points
de vue.
M.
Ouimet (Fabre) :
Merci. Merci, M. le Président. Un autre point que j'aimerais aborder — merci
de ces observations — sur la question de l'information, là, j'avais
noté, vous avez parlé de l'article 684. Parce que, quand vous avez fait référence à ajouter Revenu Québec, là, c'est
peut-être allé un petit peu vite, et… Vous pouvez revenir sur ça,
M. Maranda, s'il vous plaît?
M. Maranda (Louis-Raymond) : En
2008, j'étais ici et j'ai profité de la tribune que j'avais un peu pour
dénoncer le coulage d'informations au Québec. Comme officier de justice, pour l'exécution
des jugements, je me dois d'appeler un
dépisteur ou un enquêteur privé — appelez-le comme vous voulez, là — qui va être en mesure de me fournir de l'information sur les comptes bancaires
des gens, l'endroit où ils travaillent. Je ne comprenais pas pourquoi, comme officier de justice, comme agent de la
paix — en vertu
de l'article 2 du Code criminel, en passant — que je n'avais pas le pouvoir d'aller chercher l'information pour
amener à terme l'exécution d'un jugement. Alors, il y a des gens qui ont
pris ça en considération, le ministère a
pris ça en considération, il y a des dispositions qui ont été mises que
maintenant on a le pouvoir d'interroger un
débiteur, mais aussi des tiers. Et les tiers sont qui? Bien, des organismes,
des employeurs, des banques. Mais je pense qu'il faudrait le
circonscrire pour ne pas qu'à un moment donné, exemple, Revenu Québec vienne se
cacher derrière sa loi et dire : Écoutez, je ne peux pas vous donner l'information.
Il faut mettre en place un système pour que je
sois en mesure, que les huissiers soient en mesure, de façon sécuritaire, à obtenir l'information sur les gens
sans qu'on ait à passer par des organismes qui obtiennent de l'information
je ne sais pas trop comment. Alors, voilà.
Donc, il faut, quant à moi, pour qu'on puisse y arriver, qu'on donne
instruction au moins à ces personnes-là qu'ils doivent collaborer, et, s'il y a
un refus, surtout si on regarde les employeurs ou des banques, je veux dire, ça prend une sanction aussi. Parce qu'on ne peut
pas juste dire à quelqu'un : Tu as l'obligation de… Mais on va
faire quoi s'il ne le fait pas? Alors, tout ça s'englobe dans un processus d'exécution
et de sécurité aussi pour les citoyens québécois.
M.
Ouimet
(Fabre) : Très
rapidement, parce que je sais, M.
le Président, je pense que vous aviez
une question. Mais ma lecture de 684,
ce que ça permet, c'est que l'huissier peut contraindre en obtenant l'autorisation
du tribunal. Et le troisième alinéa
prévoit même qu'on ne peut pas opposer le… une disposition incompatible d'une loi qui empêcherait la divulgation, là. C'est ma lecture, là, et… Juste m'assurer
que les gens qui ont à comprendre ce bout-là le comprennent quand on va
faire l'étude article par article, là. Parce que je ne veux pas m'éterniser sur
ce point-là.
M. Maranda (Louis-Raymond) : Dans un
premier temps, là, si vous me permettez… O.K. «684. Dès la signification de l'avis d'exécution, le débiteur
est tenu de fournir…» 50 % du temps, là, depuis le temps où la
poursuite est arrivée, je dirais, on peut
aller à la cour, puis on va se ramasser qu'on va se cogner la porte sur la
personne, elle est déménagée, je ne peux même pas lui poser de
questions. Alors, il faut que j'aille à une autre étape, il faut que je la
retrouve. Alors, étape un.
Si,
admettons, elle est là, je vais lui poser des questions : Où tu
travailles, tout ça? Elle va me répondre, mais on ne peut pas prendre pour acquis que je vais l'avoir
du premier coup. Alors, si quelqu'un refuse, bien là ça dit que je peux avoir
un contrôle judiciaire qui va obliger la personne à le faire. Me Trudel
était très, très d'accord avec ça, là, que ce contrôle
judiciaire là était là, puis je pense que M. le député de Fabre aussi. Mais il
est là, et ça protège tout le monde.
L'ordonnance exécutoire, bien, écoutez, pour les
criminalistes, vous savez tous comme moi que le ministère du Revenu, pour des criminels, si on veut avoir de
l'information sur eux, c'est Revenu… ils vont être assignés devant le
juge et puis ils vont donner l'information en matière criminelle. Mais, de ce
que je sais et ce qu'on m'a dit, Revenu Québec ne peut pas être contraint, alors… Je fais
juste soulever une lumière, là, et puis juste peut-être qu'on regarde
ça. Puis M. Dubé voulait juste conclure.
M. Dubé
(Ronald) : Oui, oui. Une question de cohérence aussi avec l'article 658,
qui donne un statut d'officier de justice
à l'huissier. Alors, ce statut d'officier de justice, maintenant, ça lui
permettra de poser des questions au débiteur, et il devra lui répondre. Et la même chose, par la force… comme corollaire, de poser des questions à des tiers qui
devraient lui répondre. Alors, c'est un peu ça, là, qu'on veut…
• (14 h 50) •
M. Maranda
(Louis-Raymond) : Puis les citoyens
sont protégés. On a aussi l'obligation du secret professionnel. Alors, il y a
tout un mécanisme de protection qu'on connaît tous, là.
Le
Président (M. Marsan) :
Alors, je vous remercie. J'aimerais ajouter cette question,
et le temps sera pris sur le temps de
l'opposition officielle : Vous avez mentionné, dans votre préambule, que
la chambre a développé une
importante plateforme de notification et de
signification électronique sécurisée que vous avez baptisée Notabene, alors
j'aimerais ça que vous nous parliez un petit peu rapidement de ce système-là.
Mais l'autre
question qui vient avec, c'est : Pourquoi est-ce que ce seraient les huissiers seulement qui
pourraient gérer cette nouvelle plateforme?
M. Maranda
(Louis-Raymond) : Bien,
merci de la question. Dans
un premier temps, cette plateforme-là
a été faite, et construite, et bâtie
selon les normes établies par la loi
habilitante, qui est la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information. Alors, si on parle
d'opposabilité, de documents qui ne doivent pas être altérés, d'intégralité
de support qui va procurer une stabilité et
une pérennité, l'intégrité qui doit être assurée… Il y a des critères, dans la
loi, qui, à notre avis… on doit respecter, et ce qu'on a dit, c'est :
Bien, de facto, les huissiers signifient, et il ne faudrait peut-être pas
changer… on peut changer de véhicule, mais peut-être pas changer le principe.
Et je vais
vous faire un parallèle avec les photoradars. Les photoradars, présentement,
là, ils sont sur les autoroutes. Et
ce n'est pas juste le photoradar qui prend une photo, là, il y a des agents,
qui sont au BIA, en arrière d'un ordinateur, qui vont grossir la plaque,
qui vont émettre le constat d'infraction. Pourquoi? C'est un agent de la paix.
Alors, ça a été fait selon les normes de la
loi. Eh bien, dans notre rôle d'huissier, d'officier de justice, mais surtout d'officier
qui veut maintenir une sécurité
juridique, on l'a mis de l'avant, on l'a mis à la disposition des avocats, on l'a
mis à la disposition des citoyens et elle remplit les critères de la
loi.
Et en réponse à votre question : Pourquoi
un huissier? Bien, par notre statut, mais il y a aussi une autre chose : il y a des délais. Qu'est-ce qui
arrive si la procédure n'est pas récupérée? Ça prend un huissier en arrière, en
back-up, c'est le filet de sécurité. Alors,
la sécurité juridique, c'est nous qui allons la garantir. Et je vous dirais
que, dans d'autres pays, si vous me
permettez un aparté, exemple, en France, la signification électronique se fait
par huissier, et c'est dans la loi depuis
septembre 2012. Alors, pour ces raisons, on croit que Notabene devrait
être la plateforme, éviter la prolifération, et, de cette façon-là,
bien, la sécurité juridique va être maintenue et la protection du public aussi.
Le Président (M. Marsan) : Je
vous remercie, M. Maranda. Nous allons poursuivre, et je vais demander à
la représentante, la critique en matière de
justice de la deuxième opposition si elle veut prendre la parole. Mme la
députée de Montmagny.
Mme
St-Laurent : Oui, merci,
M. le Président. J'aurais bien des questions,
mais je vais me contenter du peu de temps
qu'il me reste. Ce qui m'intrigue… On a reçu la Chambre des notaires hier, et
la Chambre des notaires demande… recommande au législateur de prévoir,
au minimum, que l'huissier de justice doive se faire assister d'un notaire lors
du processus de vente d'un immeuble saisi en exécution d'un jugement et qu'il
soit, au minimum, tenu de faire appel à un juriste à l'égard des autres questions.
Et ma première question et ma deuxième se
rattachent ensemble. Premièrement, vous allez dire ici, à la commission, depuis combien d'années que vous
faites justement… que vous procédez à la vente des immeubles saisis en
exécution de jugement et est-ce que vous avez besoin d'un notaire pour vous
accompagner.
M. Maranda
(Louis-Raymond) : Bon.
Depuis 1994, les ventes sous contrôle de justice, comme on l'a déjà dit, dans
l'état actuel des choses, peuvent être faites par n'importe qui. On a réussi, dès 1994, à s'imposer dans ce domaine-là, et des états de collocation, on en fait régulièrement. Il
y a toujours un avocat, un juriste qui n'est pas loin, là, que ça soit
pour le créancier, que ça soit pour le
défendeur. Même en matière de saisie
de biens meubles, actuellement, on rédige des états de collocation. Je veux dire, si à un moment donné on a besoin d'un avocat… Premièrement, si j'ai besoin d'informations ou d'être
conseillé, c'est un avocat que je vais appeler, ce n'est pas un notaire que je
vais appeler. Il y a un courant jurisprudentiel constant qui se fait, il y a de
la doctrine constante qui se fait. Les avocats, premièrement, sont déjà au parfum de tout ce qui se fait, et je serais plus
tourné à aller voir les avocats. Que des notaires veulent s'imposer dans
ce processus-là… bien, on parle d'alléger le processus, on parle que ça
soit moins coûteux, je ne vois vraiment pas la nécessité. Nous avons l'expertise
et, je dirais, une grande expertise en cette matière-là. Alors, je ne sais pas
si mes collègues veulent rajouter quelque chose. Peut-être même…
M. Dubé
(Ronald) : Oui. Avec beaucoup
de bonheur, nous avons vu, dans le nouveau code, que le mot «shérif»
disparaît. Ça veut dire que c'est l'huissier de justice qui procède à la
saisie-exécution des immeubles en exécution des jugements, donc c'est une avancée majeure. Pourquoi
le législateur nous confie-t-il cette
mission-là avec sécurité? C'est parce
qu'on a développé l'expertise depuis 1994, et cette expertise-là va se
continuer par la formation continue des membres que nous dispensons de
façon régulière.
M. Maranda
(Louis-Raymond) : Et, si
vous me permettez, c'est une formation que je donne depuis plusieurs
années, qui dure sur trois jours, les ventes sous contrôle de justice. Et on a
même sensibilisé des juristes à certaines dispositions, comment faire les
choses, et puis il y a des jugements qui ont confirmé ça. Alors, pour moi, d'avoir
les notaires dans le dossier, je ne vois pas
la pertinence. Peut-être que Me Trudel a peut-être quelque chose, lui, qu'il
veut ajouter par rapport à ça.
M. Trudel
(Sylvain) : Je pense que le
législateur a fait un choix de choisir, en fait, les huissiers. Jusqu'à présent,
les ventes sous contrôle de justice se faisaient aussi par le biais de shérifs.
Les shérifs n'avaient pas besoin de notaires pour
être conseillés juridiquement pour faire ces ventes-là. Ils n'avaient pas plus
de formation que n'en ont les huissiers. De toute façon, juridiquement,
aujourd'hui, c'est encore plus évident, les formations des huissiers, parce qu'ils
ont des cours de formation professionnelle.
Ce sont des gens de terrain qui sont aguerris depuis des années à faire des
saisies, à faire des états de
collocation. Des hypothèques mobilières, c'est aussi important aujourd'hui,
économiquement, souvent, que les hypothèques
immobilières. Et pourquoi les hypothèques immobilières causeraient problème? Je
ne vois pas de problème, juridiquement,
à cela. Et, comme disait M. Maranda, il y a de nombreux intervenants
judiciaires qui sont des avocats qui font du litige, qui sont là pour
conseiller les huissiers si besoin est, comme la loi, d'ailleurs, le permet.
M. Maranda
(Louis-Raymond) : Et, si
vous me permettez, je veux juste rajouter : Dans des cas de saisie de
biens meubles, mettons pour des
contraventions impayées, 300 $, 400 $, 500 $, 600 $, je
vais dresser un état de collocation s'il y a des gens à colloquer et là je vais rentrer un notaire dans le
dossier? Donc, combien ça va coûter finalement au défendeur?
Le Président (M. Marsan) : En
terminant.
Mme
St-Laurent :
En terminant, c'est parce qu'on parle de vente d'un immeuble et non de meubles.
N'est-il pas exact que, lorsque vous faites le processus de vente d'un
immeuble, présentement, vous y allez, vous êtes seul, vous procédez, vous avez un état de collocation et que,
si jamais il y a un problème, bien, évidemment, c'est un avocat… une
partie, bien souvent, c'est un avocat qui vous envoie pour la saisie? S'il y a
un petit problème, vous communiquez avec le juriste, en cas de problème, en
question. C'est exact?
M. Maranda
(Louis-Raymond) : Oui, oui,
en effet. Nous, ce qu'on fait, c'est… dans le processus de vente sous
contrôle de justice, on est, à la demande du créancier, nommés par le tribunal,
donc le lien est l'avocat du créancier. Et,
lorsqu'on termine le dossier, on tient toujours le créancier au courant de l'évolution
du dossier, et on soumet même l'état de
collocation aux juristes, qui sont des avocats. Alors, il y a toujours un
avocat pas loin. Puis, si à un moment donné… dans le cas d'une
incertitude quelconque, l'avant-projet de loi… bien, le projet de loi prévoit
que je peux m'adresser à un avocat.
Le
Président (M. Marsan) : Merci, M. Gravel, M. Maranda,
M. Dubé, Me Trudel, de nous avoir donné le point de vue de la
Chambre des huissiers de justice du Québec sur le projet de loi n° 28.
J'inviterais
maintenant les représentants de l'Observatoire du droit à la justice de l'Université
de Montréal à venir prendre place et je vais suspendre pour quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 heures)
(Reprise à 15 h 5)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre! À l'ordre,
s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement,
je vous demande de bien vouloir vous présenter et vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé.
Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Alors, je vous cède la parole, en vous identifiant.
Observatoire du droit à
la justice (ODJ)
Mme St-Louis (Huguette) : Alors,
merci. Bien, je vais présenter mes collègues. Alors, M. le ministre, M. le Président,
Mmes et MM. les parlementaires, nous vous remercions très sincèrement de nous recevoir aujourd'hui et de nous donner l'occasion et même le
privilège de vous présenter les grandes lignes du mémoire que nous vous avons
soumis relativement au projet de loi n° 28 et de répondre aussi à vos questions.
Alors, je me nomme Huguette St-Louis, je suis vice-présidente
de l'Observatoire du droit à la justice et je vous présente mes compagnes, qui
sont également membres de l'observatoire : Mme Céline Pelletier, juge
retraitée de la Cour du Québec, et Me Marie-Claude Sarrazin, qui est
membre du comité... c'est-à-dire associée au cabinet Sarrazin et Plourde.
L'Observatoire du droit à
la justice est une organisation sans but lucratif qui met en lien des
praticiens, des penseurs et des chercheurs,
tous bénévoles. Préoccupé par les problèmes de l'accès à la justice, l'observatoire mène
ses activités depuis septembre 2005 et il
est soutenu par le Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal. Les travaux de l'observatoire visent à la fois à
documenter empiriquement la situation de la justice au Québec, à refléter les principes généraux qui sous-tendent le droit à
la justice et à proposer des solutions viables et efficaces aux
problèmes contemporains de l'accès à la justice, et ce, dans une perspective
centrée sur le citoyen.
Alors, à l'instar
du mémoire que nous vous avions présenté en janvier 2012, à
l'occasion de la consultation
générale et des auditions publiques tenues sur l'avant-projet de loi instituant
le nouveau Code de procédure civile, nous avons cette fois-ci encore ciblé notre intervention sur les aspects novateurs
du projet de loi n° 28, sur les défis que cela pose et sur l'importance d'un suivi et d'une évaluation
empirique de la réforme proposée. Le nouveau code est innovateur en ce
sens qu'il se veut être davantage
un code procédural de règlement des
conflits civils plutôt qu'un code de procédure civile qui s'inscrit dans la tradition judiciaire à laquelle
nous participons de longue date et qui relève davantage du débat contradictoire.
Le nouveau
code vise à faire du justiciable un acteur dans sa propre histoire judiciaire
plutôt que ne lui laisser que le rôle
de figurant dirigé par les experts du droit que sont les avocats et les juges.
Pour ce faire, le nouveau code, un, oblige les parties, avant même d'ester en justice, à considérer le recours au
mode alternatif des conflits et, deux, confie aux juges un nouveau rôle
beaucoup plus actif à l'intérieur même de l'instance, tant pour concilier les
parties que pour assurer une saine gestion
de la procédure judiciaire. Nous souscrivons à cette réforme, qui incite le
justiciable à prendre en charge la résolution de ses propres conflits,
seul ou avec l'assistance de tiers, et lui propose des moyens de ce faire.
Il s'agit
cependant d'un changement important de la culture judiciaire. Ce que nous
sommes venus vous dire, c'est qu'une telle réforme, un tel changement ne
se fait pas sans heurt ni sans risque d'échec à l'égard des objectifs visés s'il n'y a pas de prévu un encadrement incitatif
et même coercitif. C'est un peu le bâton et la carotte qui est pratiqué.
Il n'y a pas de tel encadrement dans le
projet de loi à l'égard de l'obligation de considérer le recours au mode
alternatif de règlement. C'est
pourquoi nous proposons, comme mesure pour promouvoir et faciliter ce recours,
l'instauration d'un préavis d'exercice
d'une demande en justice transmis au moins 60 jours avant la notification
de la demande en justice. Cela permettrait au demandeur et au défendeur
de communiquer, de s'échanger de l'information, de prendre une décision éclairée sur l'opportunité de recourir à un mode
alternatif de règlement. Ce délai permet également d'équilibrer, si on
veut, la situation conflictuelle entre les parties plutôt que de placer le
défendeur dans un état de surprise et de réaction.
C'est dans le
même sens que nous proposons une autre mesure qui constituerait un geste
personnel et positif pour attester et
rendre compte que les parties ont effectivement considéré le recours au mode
alternatif, et c'est la production d'une
attestation avec la demande en justice et sans laquelle cette dernière ne
pourrait être reçue pour dépôt au greffe. Dans notre mémoire, on explique qu'il y aurait trois formes d'attestation :
le refus de recourir à un mode, ou attestation d'impossibilité de régler
le différend, ou alors une attestation qui demande une conférence de règlement
à l'amiable.
• (15 h 10) •
Pour favoriser les discussions de règlement,
nous suggérons également d'autres mesures, telles la suspension des délais de
prescription, la mise sur pied d'un service de médiation civile et la création
d'un corps de médiateurs civils accrédités.
Le nouveau code confie aussi aux juges un rôle
plus important dans la gestion du processus judiciaire. Nous croyons qu'à partir des résultats du projet pilote de Longueuil le code devrait prévoir l'intervention du juge le plus tôt possible dans l'instance ou dès
après la comparution. L'expérience a démontré que plus vite un juge intervient
dans un dossier, plus vite les différents
aspects du dossier se mettent en place, plus vite le dossier est réglé ou alors
plus vite il s'oriente vers une
conférence de règlement ou vers le procès, mais en encadrant les réels
enjeux juridiques et factuels de ce procès.
Dans tous les cas, les délais et les coûts sont mieux contrôlés, d'où une
justice plus accessible. Ce projet, le projet de Longueuil, a été évalué scientifiquement
et a démontré, entre autres, que même les avocats réticents, au départ, à y
participer ont, dans une large proportion,
été satisfaits du procédé et des résultats. Le nouveau code devrait, de façon
plus impérative, adopter cette approche.
Enfin, le dernier point que nous avons voulu
aborder dans notre mémoire est l'importance d'un suivi et d'une évaluation
empirique de la réforme proposée par le projet de loi n° 28. La seule
façon d'évaluer si les objectifs visés par la réforme ont été atteints et de
vérifier quels en ont été les effets attendus et inattendus, c'est par l'évaluation
systématique des expériences réalisées au sein de l'institution judiciaire. L'État
québécois, s'il veut vraiment améliorer l'accès
à la justice, ne peut faire l'économie d'une évaluation empirique continue des
résultats attendus et réels des
réformes de la justice civile en fonction des objectifs que recherche à
réaliser le législateur. Dans l'idéal, il faudrait créer l'Institut québécois de la réforme du droit,
imaginé il y a bien longtemps dans un projet de loi de 1992 qui n'a
jamais été sanctionné. Mais, dans un contexte pratico-pratique, reconnaissons
qu'il faut tout au moins mettre en place des mécanismes de suivi et d'évaluation.
Alors, pour
résumer notre position et en conclusion, l'observatoire est persuadé que la
réforme de la justice civile proposée par ce projet de loi veut mettre
au centre de ses préoccupations le droit des justiciables et leur
participation, contrairement à toutes les réformes antérieures davantage axées
sur les besoins des praticiens. Ce projet de loi a la qualité de faire ressortir la fonction première de l'institution
judiciaire, qui est de pacifier nos rapports interpersonnels et nos
rapports collectifs plutôt que d'accentuer nos incompréhensions et nos
conflits. Cela correspond à l'évolution de la société québécoise.
Cependant, pour opérer ce virage dans la culture
judiciaire, il faut changer les pratiques. Si l'on veut que le justiciable et
son avocat explorent prioritairement le recours au mode alternatif de règlement
des conflits, il faut des mesures qui l'y
incitent et l'obligent à en rendre compte. Si l'on veut que le juge exerce un
leadership plus efficace dans le
processus judiciaire, il faut qu'il intervienne le plus rapidement possible
dans l'instance et qu'il ait même, le cas échéant, la possibilité
d'évaluer des démarches de règlement amorcées avant le début de l'instance. Si
l'on veut savoir que la réforme atteint ou
non ses objectifs, et notamment celui d'améliorer l'accès à la justice, il faut
instaurer des mécanismes de suivi et d'évaluation empiriques de la
réforme à court, moyen et long termes.
Alors, merci de votre attention et bons
délibérés. Ne prenez pas trop de temps.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, merci beaucoup. Alors,
je vous remercie pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter
la période d'échange. Alors, je laisse la parole à vous, M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Oui. Merci, M. le Président. Bien, bonjour, Mme
St-Louis, Me Sabourin, madame... je vais vous appeler encore Mme la juge
Pelletier, quand même. Ça nous rappelle, probablement au député de Fabre
également, d'excellents souvenirs de ces années...
Mme St-Louis (Huguette) : C'est pour
ça qu'on a amené une criminaliste, nous aussi.
M. St-Arnaud : Ah oui! C'est ça. Il y en a beaucoup, autour
de la table, pour faire cette réforme du Code de procédure civile. J'espère que
ça va faire une bonne réforme en bout de ligne.
Écoutez,
merci beaucoup. Je vais vous dire, j'apprécie beaucoup votre rapport, il est
différent de celui d'autres intervenants
qu'on a eus depuis hier matin parce qu'il y a une réflexion aussi derrière
votre texte, là, au-delà de mesures ponctuelles pour améliorer le projet
de loi n° 28, et il y a beaucoup de belles idées, tellement que je... La
sous-ministre a dû quitter, mais je pense que je vais lui... elle va revenir
tantôt, je vais lui suggérer que votre mémoire soit transmis à certains hauts
fonctionnaires du ministère, notamment à la Direction des orientations et des politiques.
La voilà. Mme la sous-ministre, on vous attendait. J'étais en train de dire que le mémoire
de l'Observatoire du droit à la
justice est particulièrement… est intéressant au
niveau de la réflexion, et au-delà du
projet de loi n° 28, et que c'est un texte qui pourrait
circuler au ministère, notamment au niveau de la Direction des orientations et politiques,
parce que je pense qu'il y a des éléments intéressants.
Et j'ai presque le goût de vous interroger,
surtout sur certaines idées que vous mettez de l'avant, là, qui vont au-delà du projet de loi n° 28. Évidemment, je n'ai pas besoin de vous dire
que le mémoire que vous avez présenté, eu égard notamment à certaines mesures plus précises sur le projet de loi
n° 28, va être analysé par les hauts fonctionnaires du ministère et
évalué en vue d'éventuelles modifications.
Mais quelques mesures, là. Quand vous parlez de
déduction fiscale pour les frais encourus par des poursuites judiciaires et les recours à des modes alternatifs
de règlement, j'aimerais vous entendre là-dessus. Moi, ça me préoccupe.
On a eu des discussions là-dessus. Comment, dans un prochain budget, on
pourrait faire une place à de telles déductions fiscales? Alors, j'aimerais
savoir ce que vous avez en tête puis si vous avez réfléchi au-delà du principe.
Et est-ce que vous avez des exemples à l'extérieur du Québec à cet égard?
Mme
St-Louis (Huguette) : Je ne
pense pas qu'on ait des exemples. Nous, en fait, je pense que ce qui nous
avait allumés un peu là-dessus, c'est de se dire : Est-ce que c'est juste
que les compagnies, tous ceux qui ont à faire avec la justice pour défendre leurs droits, ont le droit de déduire comme
dépenses les frais engagés, les frais d'avocat, puis tout ça, alors que le particulier, qui est obligé, lui, de
se défendre, qui n'a pas le choix dans bien des conditions, avec la
plupart des situations — parce que je pense que, si le justiciable a
le choix, il ne va pas prendre des procédures judiciaires — donc,
lui, il doit payer, avec de l'argent déjà
taxé, les services d'un avocat? Puis l'avocat, qui doit, lui, après, charger de
la TPS…
Alors, ce qu'on se dit, c'est que : Est-ce
qu'il ne serait pas normal qu'une personne qui prend des recours en justice — et là on pourrait même peut-être voir à
étendre si les gens vont régler avec un mode alternatif — enfin, qui doit, dans le fond,
assumer des dépenses, que ce soit pour un médiateur ou que ce soit pour un
avocat, mais qu'il devrait avoir, comme les autres, droit à la déduction
fiscale?
M.
St-Arnaud : C'est ça. Par exemple, on pourrait décider que,
dans un premier temps, on y va plus… comme on veut mettre l'accent davantage sur les modes alternatifs de règlement,
peut-être mettre l'accent là-dessus. Les gens qui décident d'utiliser ces modes alternatifs, que ce
soit, par exemple, un médiateur, est-ce qu'on pourrait envisager
certaines déductions fiscales à cet
égard-là? Moi, en tout cas, j'enregistre l'idée et je le dis à haute voix pour
la suite des choses.
Et ça m'amène
à parler d'une autre de vos idées que vous mettez de l'avant au-delà du projet
de loi n° 28, c'est la mise sur
pied d'un service de médiation civile. Encore là, est-ce que… Je comprends que
vous faites un peu le parallèle avec le service de médiation en matière
familiale, qui a connu effectivement… qui connaît beaucoup de succès puis qui
fonctionne…
Mme St-Louis (Huguette) : Les
Petites Créances aussi que…
M.
St-Arnaud : Bien, c'est
ça. Comment vous… votre réflexion là-dessus, sur ces médiateurs civils accrédités.
Mme Sarrazin
(Marie-Claude) : C'est une mesure incitative pour avoir recours aux
modes alternatifs de règlement des différends. On ne peut pas, d'un côté, tenter
de réduire le coût de l'accès à la justice... Parce que c'est ça, le
grand problème, là, pour les justiciables, ça va dans la même veine qu'une
déduction fiscale. Parce que c'est plus les entreprises que les particuliers qui réussissent à saisir
les tribunaux et à obtenir sanction de leurs droits avec les
particuliers. Donc, si on demande à un
justiciable d'avoir recours aux méthodes alternatives, bien, encore faut-il que
ce soit à un coût raisonnable. Actuellement, on saisit les tribunaux par une requête
introductive d'instance pour avoir accès gratuitement, accompagné de son
avocat, certes, mais au service de conciliation par un juge.
Si
on comprend bien le sens de la réforme, et c'est ce qu'on salue, c'est qu'on
invite les justiciables à tenter de trouver
eux-mêmes une solution à leurs différends puis on fait le
pari que la solution va probablement être meilleure que ce qu'un juge peut donner dans un jugement. Donc, à ce moment-là, il faut permettre au justiciable de le faire à un coût raisonnable. On a un beau succès par la médiation en matière familiale, pourquoi ne pas tenter la
même expérience en matière civile?
Pensez juste à tous les gens qui achètent leur première maison, puis qui se
retrouvent avec un vice caché, puis qui doivent passer à travers des
années et des années de frais d'expertise, de frais d'avocat pour finir par
régler, probablement à rabais, puis ne pas avoir de solution à leur problème.
Si tout ça pouvait être réglé très rapidement avec des médiateurs compétents à
moindre coût, tout le monde y gagnerait.
• (15 h 20) •
Mme St-Louis
(Huguette) : Oui, parce que ce qui a fait le succès de la médiation en
matière familiale… en matière de petites créances, c'est que c'était gratuit.
Il ne faut pas se leurrer, là. Et le succès même de la médiation aux Petites Créances a été, je dirais, plus
important à l'époque où il y avait des médiatrices — moi, je dis «médiatrices» parce que c'étaient toutes des femmes — au palais de justice. Ils oeuvraient dans
les palais de justice. Les gens n'avaient pas à se promener à droite et
à gauche. Mais ça a été… il y avait, je pense… c'était 80 % de taux de
succès.
Alors,
c'est sûr que, si on veut vraiment faire le virage… Parce que c'est ce que le
projet de loi propose : le procès devient
la dernière alternative, alors que toute notre carrière, on l'a faite avec…
Quand on parlait de litige ou d'avocat, tout le monde voyait déjà, là, les effets de toge, puis c'était le procès,
là, on allait plaider, alors que, maintenant, ce qu'on est en train d'expliquer là-dedans… Et moi, j'en suis
fort aise, là, parce qu'on… je trouve qu'on démocratise beaucoup. Ça
devient moins une affaire d'experts. C'était
vraiment… c'était le monopole des avocats puis des juges, tandis que, là,
maintenant, même leur vocabulaire est
beaucoup plus accessible. Je le lisais, le projet, puis j'en… Tu sais, ça me
faisait plaisir, là, parce que,
pendant des années, on avait un vocabulaire ampoulé, les gens ne pouvaient pas
comprendre. Puis les avocats, ils disaient : Oups! Mais c'était une
question d'expert, là, c'est… J'ai étudié pour ça, moi.
M.
St-Arnaud : Mais c'est un peu ça, en fait. Moi, quand je m'adresse
à des citoyens, je leur dis ça, là, je résume ça en disant : On passe d'une… la justice du XXe siècle, où c'étaient
deux avocats qui s'affrontaient dans un combat qui coûtait cher devant
un juge… mais là on passe à une justice du XXIe siècle, qui fait davantage
appel à la médiation, à la conciliation, etc.
Ça m'amène à une
autre de vos propositions, sur laquelle j'espère qu'on pourra réfléchir au ministère.
À la division des Petites Créances, bon, on va maintenant à 15 000 $.
Il y aura, vous le savez… il est prévu, dans le projet de loi, je pense au dernier article du projet de loi, un projet pilote
de médiation obligatoire, à 830, qui ajoute… on verra les conclusions, mais qui, je pense, est une piste
intéressante pour l'avenir puisqu'on me dit que ça serait à peu près
50 % des dossiers qui se rendent en…
Évidemment, c'est pour certains types de contrats, là, mais 50 % des
dossiers qui passent par la médiation se règlent à cette étape.
Ce
que vous dites, c'est : Il y a aussi quelque… Ce qui serait important d'avoir
aussi aux Petites Créances, surtout qu'on va monter la juridiction à
15 000 $, ça serait d'avoir des avocats qui assisteraient les gens qui
se présentent aux Petites Créances.
Mme St-Louis (Huguette) : Bien, moi, je pense que ça va devenir essentiel,
parce que le problème, aux Petites Créances, c'est qu'il faut que la
justice soit rendue, mais que l'apparence de justice aussi soit rendue, puis
que, quand les gens ont terminé le
processus, ils aient l'impression qu'ils ont eu justice et non pas que, bah, c'est
comme d'habitude, il n'y a pas de
justice. Et le problème, aux Petites Créances, c'est que les gens sont très mal
informés sur les règles de preuve, sur la façon dont il faut présenter
sa preuve, les témoins qu'il faut avoir. Et ce qui risque d'arriver, c'est
que... Bon, actuellement, là, les juges
finissent par… ou ils remettent les causes, ou des causes sont renvoyées, ou
alors ils… mettons, je dirais, ils
prennent un peu des raccourcis avec les règles de preuve. Mais, quand c'est
rendu à condamner quelqu'un à 15 000 $, on ne peut pas prendre
des raccourcis. Et il y a des fortes chances que les dossiers, ça ne sera pas
juste des dossiers de 15 000 $, ça
va être des dossiers de 30 000 $. Je vous dirais franchement que moi,
si j'ai une poursuite à faire contre quelqu'un à 35 000 $,
bien, je vais la réduire à 15 000 $.
Et c'est devenu difficile et complexe. Quand j'ai
commencé comme juge, en 1984, on pouvait mettre 15, 16 dossiers par jour
aux Petites Créances. Maintenant, là, quand on en met six, sept, puis, des
fois, bien, il faut les remettre parce que
ça… Heureusement, là, qu'on n'a jamais du 100 % de… que ça ne procède pas
à 100 %, mais on met trois, quatre, ça… Puis, à Montréal, des fois,
on en met un peu moins, ça dépend de la complexité. Puis les greffiers, bien,
ils sont un peu formés pour savoir si on…
Mais ce n'est pas tout le temps non plus. Et, à date, les greffiers, ils ne
sont pas autorisés à donner une opinion ou à expliquer aux gens comment
préparer leur preuve, ce qui fait que, si le juge est très, très sympathique, il n'est pas trop rigoureux, bien, il
va remettre le dossier. Mais est-ce que les gens peuvent revenir deux, trois fois pour la même cause de
10 000 $ ou 15 000 $? Ils vont dire : Il n'y a pas de
justice. Si le juge renvoie le dossier parce
qu'il n'aurait pas les éléments de preuve, même s'il explique : Vous n'avez
pas les éléments de preuve, où est-ce qu'il est, votre mécanicien?, bon,
il n'est pas là, votre mécanicien, bien, je ne peux pas... Alors, il faudrait
absolument qu'il y ait une forme d'assistance pour que les justiciables sachent
comment s'orienter devant le tribunal.
Il
y a déjà eu des expériences avec le Jeune Barreau, qui avait préparé des
espèces de pamphlets. Je pense qu'il a déjà été question de monter un
vidéo pour expliquer aux gens comment. Mais ça ne leur donnera pas des
références jurisprudentielles ou des choses comme ça. Alors, s'il y avait
effectivement… je pense, ça prend une assistance professionnelle qui pourrait même, à la limite, des fois, servir à
alimenter le juge en… peut-être un genre de petit service de recherche
sur place, là, avec des avocats, des avocates qui… Mais il faut aider.
Le Jeune Barreau aussi, je
pense qu'il a fait des sessions. Parfois, il donne 20 minutes ou 15 minutes d'avis,
d'opinions. Mais il faut trouver une façon
que, quand les gens vont sortir du processus des Petites Créances, ils aient
le sentiment, quand même, qu'ils ont reçu la justice.
M. St-Arnaud : C'est très
intéressant. Est-ce que ça pourrait être… Est-ce qu'on pourrait dégager un ou deux
avocats de l'Aide juridique, qui seraient affectés comme avocats… En fait, ce n'est
pas des conseils comme de l'assistance, ce n'est pas… Est-ce que ça prend
nécessairement des avocats, point d'interrogation?
Mme
St-Louis (Huguette) :
Peut-être. Je ne sais pas. Il faudrait voir avec le Barreau dans quelle mesure
quelqu'un peut émettre…
M. St-Arnaud : Parce que, là,
on parle…
Mme St-Louis (Huguette) : …des
techniciens judiciaires, je ne sais pas. Peut-être avec des étudiants, il y a peut-être des cliniques qui peuvent se penser. Les
avocats de l'aide juridique… Je pense que les services d'aide juridique trouvent déjà qu'ils sont coupés dans leurs
budgets, ça fait que, je ne sais pas, est-ce qu'ils peuvent se passer de
certains avocats pour les mettre au service
des Petites Créances? Je ne le sais pas. Ce n'est pas forcément la vocation des
avocats d'aide juridique. Je dis ça en riant parce que madame… on est sur le
conseil d'administration…
M. St-Arnaud : J'ai connu Mme
Pelletier à l'aide juridique. Je ne peux pas…
Mme Pelletier (Céline) : Pardon?
M. St-Arnaud : Je disais que
je vous ai connue à l'aide juridique. Je pense vous étiez aux appels quand j'ai
fait mon stage.
Mme Pelletier (Céline) : Ah! Oui.
M. St-Arnaud : Vers… je ne
veux pas dire… je ne dirai pas l'année, je ne veux pas vous vieillir tant que
ça.
Mme
Pelletier (Céline) : Mais l'idée
dans tout ça, c'est que, quelle que soit la personne qui intervienne pour
porter assistance aux justiciables, c'est qu'il y a quelqu'un pour un peu l'orienter
sur la façon de présenter la preuve et la nécessité d'expertise dans certains
cas, et tout, parce qu'autrement c'est certain que ces gens-là ont de la
difficulté à réussir. Les causes sont soit remises ou ils ne réussissent pas à
faire leurs preuves correctement.
M. St-Arnaud : Bien, en tout
cas, c'est des idées extrêmement intéressantes. Est-ce qu'il me reste du temps,
M. le Président?
Le Président (M. Ferland) :
Il vous reste, M. le ministre, 14… cinq minutes et quelques.
M. St-Arnaud : Cinq minutes?
Le Président (M. Ferland) :
Oui, oui.
M. St-Arnaud : Peut-être…
bien, en tout cas, soyez assurée…
Une voix : …
M.
St-Arnaud : Vous voulez que je vous en laisse M. le… Mais j'allais
aller sur les mesures particulières. Je ne sais pas si vous aviez l'intention
d'y aller, monsieur. En fait, c'est plus une réflexion, là, ce sur quoi je vous
ai questionnée tantôt. Mais je veux qu'on le regarde, je veux qu'on… J'en
parlais avec la sous-ministre, qui est à ma droite,
là, je veux qu'on réfléchisse à certaines de ces belles idées que vous mettez
de l'avant dans votre mémoire. Si j'en viens
à… Évidemment, vous mettez… Par rapport au projet de loi n° 28, vous
formulez un certain nombre de propositions. Et je ne veux pas… peut-être mon collègue va y revenir, mais,
rapidement, sur l'attestation, il y a deux… il y a quelques idées, là,
qui méritent qu'on… sur lesquelles il y a lieu de réfléchir. Il y a l'attestation,
il y a le préavis d'exercice de 60 jours. Sur l'attestation, est-ce que vous
pourriez élaborer davantage sur comment vous voyez ça?
• (15 h 30) •
Mme
Sarrazin (Marie-Claude) :
Bien, en fait, l'idée, c'est de créer tout un nouveau contexte de pratique où
les acteurs du système vont devoir changer
leurs réflexes. On a essayé de le faire, je crois, avec l'entente sur le
déroulement de l'instance, mais le fait que c'est purement et simplement déposé
au greffe, ça n'a peut-être pas apporté tous les fruits que ça devait porter parce que ça n'a pas mis en place un dialogue. Par
l'attestation, ce qu'on essaie de faire, c'est d'ouvrir un dialogue entre les juges, les avocats et les
justiciables. C'est cette idée qu'il faut… De la même façon, là, vous
allez m'excuser la comparaison, mais, quand vous allez faire, à la banque, un
prêt, puis qu'on vous demande d'initialiser comme
quoi vous renoncez à assurer, en cas d'invalidité, votre prêt, on vous fait
réfléchir à la décision que vous venez de prendre. Bien, l'idée de l'attestation, c'est, un, que l'avocat, bien, aura
probablement l'obligation d'avoir la discussion avec
son client.
On a vu, le
Barreau propose, par l'ajout de l'article 45 au Code de déontologie des avocats, l'obligation
d'offrir les modes alternatifs à son client.
Mais, en plus, le client, c'est de le faire signer et dire : Oui, j'ai
tenté, j'ai essayé, ça n'a pas fonctionné pour telle, telle, telle
raison, pour obliger cette espèce de bilan là avant de saisir les tribunaux.
Puis, une fois que les tribunaux sont
saisis, permettre au juge d'intervenir rapidement, puis, sur une poursuite d'un montant, je
ne sais pas, moi, de 40 000 $, de convoquer les parties,
puis de dire : Bien, pouvez-vous m'expliquer sur quoi vous avez
achoppé? Puis faire une dernière tentative
pour trouver une solution, puis peut-être faire en sorte qu'il y a un dossier
de moins qui s'ouvre, puis qu'il y
ait des gens qui attendent des années avant d'obtenir un jugement ou finalement
d'aller en conférence de règlement à l'amiable et trouver, deux ans plus
tard, le compromis qui aurait pu être trouvé, à l'aide du juge, dès l'introduction
de la poursuite.
M.
St-Arnaud : En fait, ce que vous dites, là, parce qu'évidemment
il y a les articles 1 à 7… Grosso modo, ce que je comprends, c'est que, quand on regarde l'article 1, par exemple,
où, finalement, le libellé du projet de loi, après de nombreuses
discussions, se termine à l'article 1… «Les parties doivent considérer le
recours aux modes privés de prévention et de
règlement de leur différend avant de s'adresser aux tribunaux.» Vous, vous
trouvez que c'est très modeste que l'expression considérée… Et vous
dites : Est-ce qu'on ne pourrait pas faire un peu plus puis ne serait-ce
qu'une attestation démontrant le fait qu'on
a considéré, là? Je comprends que, si c'était juste de vous, ça irait encore
probablement peut-être plus loin.
Mme
Sarrazin (Marie-Claude) :
Peut-être un petit peu plus loin, mais on s'est dit : C'est tellement le
coeur de la réforme, puis ça, c'est
une proposition qu'on fait depuis notre premier mémoire, puis ça a animé de
nombreuses discussions au sein de
notre groupe. On s'est dit : Mais ce nouveau devoir, cette nouvelle
obligation là, comment peut-on concrètement l'exercer ou démontrer qu'on l'a exercée? Aussi, pour éviter qu'il y ait
tout un courant de jurisprudence qui se développe, qu'on tend… bien, on fait rejeter une procédure
parce qu'on accuse l'autre partie de ne pas vraiment avoir tenté de
régler son différend, là, avec l'attestation,
on règle toute ambiguïté, on oblige les gens à poser un geste positif, qui va
dans le sens de leur donner du
contrôle sur leur différend, parce que c'est ça, le sens, en tout cas, qu'on
lit de la réforme, puis, en même temps, on permet à tous les acteurs d'agir
positivement dans le sens de trouver une solution.
M. St-Arnaud : …une étape, finalement,
pour franchir une étape de…
Le Président (M. Ferland) :
En 30 secondes, M. le ministre.
M.
St-Arnaud : … plus par rapport à quelqu'un qui pourrait dire : Oui, oui, on y a pensé pendant 15
secondes, là, puis on l'a… mais finalement…
Mme St-Louis (Huguette) : C'est
mieux que ce qui…
M. St-Arnaud : Bien, enfin,
ce sont vos termes.
Mme St-Louis (Huguette) : Non, mais
c'est parce que si… On le sait très bien, là, ça fait assez d'années qu'on est dans le milieu judiciaire : pour
faire avancer quelque chose dans le milieu judiciaire, ça prend plus que des
mots, ça prend… C'est pour ça que je
dis le bâton et la carotte. Le bâton tout seul, ce n'est pas bon, c'est
trop fort; la carotte toute seule, ce n'est pas assez efficace. Alors,
ça prend des mesures incitatives…
Le
Président (M. Ferland) : Et je vais vous emprunter le bâton, madame, pour vous arrêter parce que
le temps imparti est terminé. Malheureusement, j'ai un rôle très ingrat,
mais peut-être que, dans un élan de générosité, le député de Fabre va
poursuivre la question du ministre. Alors, je reconnais le député de Fabre
pour…
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le Président. Bienvenue, et merci de votre présence, et merci… le contenu de votre mémoire. En fait, je vais reprendre votre dernière
observation. C'était l'introduction que je voulais faire. J'ai lu, dans votre mémoire, vous parlez de cette idée de changement, changer
la culture judiciaire et la résistance qui est inhérente à notre milieu,
et je me plais à répéter que, les avocats, on est les professionnels de la
stabilité. On est formés à assurer la stabilité de la règle de droit, et donc c'est
par… la résistance au changement étant humaine, nous, on est, en plus, formés à résister. Donc, il y a
une résistance additionnelle qu'il faut vaincre, parce que moi, je crois que
les avocats doivent être des agents de changement et je pense que le
Barreau fait beaucoup de travail dans ce sens-là.
Et d'ailleurs,
et vous le soulignez dans votre mémoire, vous faites référence au prochain et au nouveau
code de déontologie qui devrait être adopté
très prochainement, et vous faites référence à l'article 45 qui prévoit, et
là je vais me permettre de le citer : «Tout au cours du mandat, l'avocat
informe et conseille le client sur l'ensemble des moyens disponibles pour régler son différend, dont l'opportunité
de recourir aux modes de prévention et de règlement des différends.»
Et
je pense… et, bien que je suis d'accord que, de temps en
temps, il faut prendre des mesures plus énergiques, j'avoue que, sur la
question d'exiger un autre formulaire ou exiger une autre déclaration, une
attestation, j'ai besoin d'être convaincu de
la nécessité d'aller là. Je pense qu'avec les autres changements majeurs qu'on
va faire, cette nouvelle disposition
déontologique, la formation qui se fait de plus en plus au niveau du
Barreau… Parce qu'avant on n'enseignait
pas ça, les modes
alternatifs de règlement, la négociation, la médiation, tout ça. Maintenant, c'est
enseigné même au niveau des
universités. D'ailleurs, le Barreau du Québec — je vais faire un peu de publicité — a créé un prix, il y a quelques années, pour récompenser les élèves dans ces
cours-là qui sont enseignés à l'université. Donc, il y a du travail qui se
fait, il faut continuer.
Ceci
dit, j'aime bien l'idée que vous avez évoquée, et, je ne sais pas, on pourra en
reparler, mais, de changer même le
titre du code… Parce qu'on peut bien le réécrire et dire : C'est le Code
de procédure civile, mais, si on allait jusqu'à proposer un nouveau nom
à cette loi-cadre, là, ça envoie un signal, et le titre que vous proposez, code
procédural du règlement des différends, en tout cas, on pourra en reparler,
mais moi, je trouvais que ça avait du mérite, et on pourra en rediscuter.
Ceci
dit, là, j'en suis dans mes commentaires introductifs, il y a une question… Le
ministre tantôt a fait référence à la
suggestion que vous faites d'explorer les déductions fiscales en lien avec les
honoraires, les frais judiciaires. Et là je ne veux pas commettre d'impair, mais mon prédécesseur, le bâtonnier
Chagnon, avait lancé cette idée. Alors, je ne sais pas si le bâtonnier Chagnon s'était inspiré des
gens de l'observatoire ou si, chacun de votre côté, vous avez eu cette
idée, mais déjà, en 2009, le bâtonnier
Chagnon avait lancé cette idée, et, à ma connaissance… et quelque part dans les
filières au ministère de la Justice, il devrait y avoir des rapports ou des
comptes rendus parce que cette idée avait été explorée. Et je pense que, tel que vous l'avez souligné, il y a une forme d'injustice
dans notre système fiscal, qui désavantage le particulier qui a recours
aux services d'un avocat ou même au système judiciaire.
Je
vais arriver à une question, M. le Président. Mais c'est parce que j'écoute les
représentations du ministre et les représentations de nos invités, et ça
m'inspire tellement…
Le Président (M.
Ferland) : Vous pouvez prendre le temps qu'il faut pour…
M.
Ouimet
(Fabre) : Et je suis patient.
Le Président (M.
Ferland) : Il vous reste 12 minutes pour poser votre
question.
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci.
Mme
St-Laurent :
Il n'est pas obligé de les prendre, là.
Le Président (M.
Ferland) : Et je vois la députée de Montmorency qui rêve de
récupérer quelques minutes de votre temps.
Mme
St-Laurent :
Non, non, pas du tout, écoutez.
M.
Ouimet (Fabre) : Je vais vous amener… Vous avez soulevé une
question tantôt, c'était la question, en fait, de l'exclusivité des services juridiques à la Cour des petites créances,
là. Je simplifie. Et vous m'avez regardé en pensant : Qu'en
penserait le Barreau?, en vous interrogeant.
J'avais
l'intention de vous poser cette question. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée
de remettre en question le monopole,
l'exercice exclusif, que ce soit à la Cour des petites créances, donc de
permettre des services juridiques par des parajuristes, par exemple, à
la Cour des petites créances? Ça, c'est le premier volet de ma question.
Le deuxième volet,
qui est un peu plus osé et plus théorique, plus peut-être un peu même
ésotérique, c'est celui de remettre en
question l'acte exclusif, là, le monopole de l'avocat dans le conseil
juridique. Est-ce que ce serait une mesure qui serait utile, dans une
perspective d'accès amélioré à la justice? Voilà.
• (15 h 40) •
Mme St-Louis (Huguette) : Si ce que vous voulez dire, c'est qu'il pourrait
y avoir des personnes qui représentent les parties plutôt que ce soit un
avocat, je mettrais des réserves, dans le sens que, s'il n'y a pas d'avocat aux
Petites Créances pour pouvoir aller plus
rapidement, qu'il n'y ait pas… que les coûts soient limités… Et il avait été
déjà question, quand on a augmenté la juridiction de la Cour des petites
créances à 7 000 $, il avait été question, dans certains cas, d'entrer… qu'il puisse y avoir, là… je ne parle
pas des cas d'exception qui sont déjà prévus, mais… Et là, à la cour, on
avait dit non, parce que, si on commence à
faire que chaque partie soit représentée, bien, oublions qu'on puisse avoir
le volume d'affaires qu'on a actuellement, là, le volume de dossiers qu'on peut
traiter.
Donc,
si c'est ce que vous voulez dire, je pense que ça poserait une difficulté, et il faudrait voir avec la cour. Ce n'est plus mon problème, je ne suis plus là, mais il reste que j'ai mes
réflexes, et ça, j'avoue que je ne serais pas vraiment d'accord. Que,
par ailleurs, il y ait un noyau, là, qu'il y ait un service auquel les gens ont
accès pour préparer leur dossier et qu'il puisse y avoir, dans ce service-là,
des techniciens… Parce que, dans les bureaux d'avocats, on utilise beaucoup de
techniciens ou techniciennes judiciaires et avec beaucoup d'efficacité. Ils
rendent des services…
Alors,
il s'agirait peut-être d'encadrer, mais ces gens-là, je pense, effectivement, pourraient rendre des services importants, orienter les gens, leur apprendre à rédiger les… Bon, puis
les orienter sur Internet, parce que, faisons-nous pas d'illusion, les gens
rentrent chez les médecins en ayant déjà regardé la maladie. Bien, ils viennent
dans les bureaux d'avocats puis ils ont déjà
consulté sur Internet le Code civil ou le Code criminel ou ils sont allés voir
les lois, là, puis ils les interprètent
à leur façon, puis ils pensent que l'avocat se trompe quand il l'interprète d'une
autre façon. Alors, je pense qu'il y a toute une démarche comme ça qui
est faite, mais effectivement, si le Barreau allégeait, peut-être, bien, les
techniciens judiciaires ou des gens qui ont une formation pourraient servir d'assistant,
là, donner des conseils aux personnes qui ont recours, parce qu'à 15 000 $,
je vous le dis, là, il faut de l'aide.
Est-ce
que je peux revenir sur une chose que vous avez dite? Parce que vous avez parlé
de notre attestation, que ça serait peut-être… bon, vous êtes réticent
parce qu'il va y avoir… Mais je vous rappellerai qu'il y a très longtemps, quand on a sorti la loi du divorce, c'était
indiqué que les avocats devaient dire à leurs clients, bon… Puis c'est
devenu juste une formule qu'ils remplissaient puis ça restait comme ça.
Je trouve qu'il
ne faut pas trop être naïf en pensant que, juste parce qu'il y a une règle
déontologique qui dit de la faire,
que ça va permettre aux gens de tout de suite s'orienter vers des services de
médiation. Je pense vraiment qu'il faut plus que ça, parce qu'on ne va
pas changer la culture judiciaire s'il n'y a pas des étapes à franchir. Je suis
d'accord qu'il y a beaucoup plus de
formation, que les nouveaux avocats sont davantage formés et orientés vers ces
pratiques-là. Mais, si on veut avoir un code…
Et dites-vous
que ce n'est pas pour ajouter une procédure, ce qu'on a fait. On a mis ça en
espérant que ça sauve toutes les
autres procédures après, parce que, si le dossier se règle, là, il y aurait eu
un préavis puis il y aurait eu après une attestation si on va… Et l'attestation,
si elle était bien faite, puis on met suffisamment d'information là-dessus, ça peut permettre à un juge de savoir qu'est-ce qui s'est
passé là puis même d'accélérer le processus après qui va suivre. Je m'excuse
d'avoir pris…
M.
Ouimet (Fabre) :
Non, non, non, c'est bon.
Mme St-Louis (Huguette) : J'ai pris
de vos minutes à vous, là, mais…
M.
Ouimet (Fabre) :
Oui, mais c'est correct. Je suis habitué. Mais, en fait, je n'ai pas exprimé
une opinion définitive sur cette question-là, mais je voulais simplement
mentionner que je suis un peu, à prime abord, réticent à la formulite, disons ça comme ça. Mais je pense
que ce que vous mentionnez est tout à fait pertinent et mérite… et on va
le faire, on va y revenir.
Il y a une
question… Ah oui! J'aimerais vous entendre, parce que je suis convaincu que
vous y avez réfléchi, les membres de
l'observatoire… Il me semble qu'il y a un lien évident entre l'augmentation des
coûts et des délais dans notre système
et donc une diminution de l'accès à la justice, en lien direct avec la
complexité ou l'augmentation de la complexité de la règle de droit. Et
je vais vous aider, parce que je vois que…
Mme St-Louis (Huguette) : Non, non.
On a réfléchi, là. Parce que vous avez pris votre temps pour poser la question,
on va prendre notre temps d'y réfléchir, mais…
Veux-tu répondre ou tu veux que j'aille…
Parce que c'est
sûr qu'il y a eu une complexification. Quand j'ai commencé à agir comme juge,
dans une même journée, on entendait deux, trois dossiers, là, puis je ne
parle pas des Petites Créances, je parle… On entendait deux, trois dossiers facilement. Et puis maintenant,
bien, ça prend deux, trois jours pour entendre la même sorte de dossier,
et c'est sûr qu'il y a eu une complexité. C'est
sûr que ça amène une augmentation des coûts, et je dirais même que ça
amène une désertion des justiciables à l'égard
du système de justice, parce que, si vous regardez une personne physique qui
se représente seule… pas seule, mais même avec un avocat, là… Mais une personne
physique qui prend une instance judiciaire, il n'y en a plus beaucoup. C'est
surtout des personnes morales qui vont devant les tribunaux.
Quand on
regarde les rôles à chaque matin, là, ce n'est pas beaucoup
du monde comme, je ne sais pas, moi, un nom de personne, là. C'est inc., ou Co., ou tout ce que vous voudrez, ou
faisant affaire sous les noms et raisons sociales de, parce
que les gens n'ont plus beaucoup
les moyens. Et même les corporations maintenant, quand on parle avec des gens qui ont des commerces ou des petites PME,
bien, ils vont nous dire eux-mêmes : Il y a des recours qu'on
n'exercera pas, parce qu'on n'a pas les moyens dans notre budget de mettre 35 000 $, 40 000 $,
50 000 $ par année pour payer des avocats. Alors, il y a tout
ce problème-là.
C'est sûr qu'il
y a un problème d'accès qui est de plus en plus critique. Il existe depuis
longtemps, le problème d'accès, là.
On peut lire des discours de juges en chef de 1800 quelque chose, qui parlent d'accès,
les problèmes d'accès. Mais, actuellement, il y a vraiment, là…
Mme
Sarrazin (Marie-Claude) :
Mais je pense que ce qui rebute le plus le justiciable de saisir les
tribunaux, c'est la complexité d'avoir accès puis de se rendre à bon port pour
qu'un jour un juge nous écoute.
Puis juste pour revenir sur… Je vais prendre l'attestation
comme exemple. On parle de l'avocat, mais qu'en est-il du justiciable qui se représente lui-même, qui décide de ne pas
faire appel à un avocat? Bien, lui aussi, il va avoir à signer l'attestation et il va savoir qu'il y avait
une solution. Ça va aussi permettre à l'avocat, qui, lui, représente la
partie qui a décidé de faire appel à ses
services, d'engager le dialogue avec le justiciable puis, j'allais dire, aller
en 2.16 au palais de justice à Montréal, là.
Puis regardez
les gens qui tentent eux-mêmes d'entreprendre des recours parce qu'ils n'ont
pas les moyens ou parce qu'ils pensent qu'ils sont capables, là, ils
sont convaincus de leurs droits, puis de la façon de l'exercer. Puis la frustration qu'ils ont qu'on leur dise, la
première fois qu'ils vont devant un juge, puis ils essaient de déballer leur
histoire : Non, mais, monsieur, là,
premièrement, vous êtes juste ici pour me dire est-ce que vous contestez ou pas
la requête. Déjà là, est-ce que vous
contestez ou pas la requête, peut-être que ça ne fait même pas de sens dans
leur esprit, parce qu'eux ils viennent raconter leur histoire puis ils
veulent une décision sur leur différend.
Ça
fait que la règle de droit, c'est une chose, puis peut-être que c'est là, le
rôle de l'avocat, qui est encore justifié : expliquer la règle de
droit en des termes simples et faire preuve de créativité pas juste dans la
recherche d'arguments, mais dans la recherche de solutions. Puis, si on faisait
juste ça, bien, les avocats, puis que, tout le reste, on atténuait la procédurite pour permettre au justiciable d'avoir le
contrôle sur son dossier et la recherche de sa solution, bien, on améliorerait
grandement l'accès à la justice.
Mme St-Louis (Huguette) : Puis je vous dirais que, pour réduire la
procédurite, il faut faire entrer un juge dans le dossier le plus vite
possible.
1199 12245 M.Ouimet (Fabre) : Je ne suis pas en désaccord, et, l'importance
de réduire la procédurite, on est tous sur la même page, mais je voulais… Parce qu'il me semble qu'on met beaucoup de
pression sur les avocats, on leur reproche beaucoup, et, à mon point de vue… Et je reviens sur la question de l'augmentation
de la complexité de la règle de droit : quand on compare les jugements de la Cour suprême qui étaient rendus
dans les années 70 ou dans les années 60 puis qu'on regarde aujourd'hui ce qui se fait, et l'impact se
répercute à tous les niveaux des tribunaux et donc dans les procédures
des avocats, c'est demander beaucoup aux avocats de tout comprimer, de tout
faire plus vite, de tout faire pour que le justiciable,
lui, ne subisse pas les contrecoups au niveau de son accès à la justice, alors
que tout augmente, la complexité des lois...
Et ça, j'interpelle mes collègues régulièrement quand on adopte des lois, on ne
se pose pas la question, on va adopter une loi plutôt que se dire :
Est-ce qu'on a vraiment besoin d'en rajouter une couche de plus?
Ceci
dit, c'est une question qu'on n'abordera pas dans le cadre de la procédure,
mais moi, je pense que c'est un point sur lequel, comme société, on doit
réfléchir également. Et merci infiniment.
Mme Pelletier
(Céline) : Si vous me permettez un commentaire, suite à ce que vous
venez de dire…
Le Président (M.
Ferland) : Quelques secondes.
Mme Pelletier (Céline) : Oui. Vous parlez de la complexité et tout ça, d'où
l'intérêt des propositions qu'on fait de soit de faire intervenir le juge tôt ou de favoriser les modes
alternatifs, parce qu'à ce moment-là le conflit, pour le citoyen, s'exprime en termes simples, et il n'y a pas trop
de complications juridiques qui sont déjà dans le dossier. Plus le
dossier va progresser dans le processus, plus il va se complexifier.
• (15 h 50) •
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup. Alors,
maintenant, je reconnais la députée de Montmorency.
Mme
St-Laurent :
Merci, M. le Président. Bonjour, ça me fait plaisir de vous recevoir et ça nous
fait plaisir également parce qu'il faut que
vous pensiez qu'on n'est pas des ennemis. On est de partis différents, mais on
travaille, évidemment, ensemble, et je vais vous dire qu'on travaille très bien
ensemble. On s'entend très bien. Je tiens à vous dire au départ qu'il n'y a pas de conflit, puis on va pour les citoyens.
Je vous assure que nos discussions, de même que vos rapports, nous sont
extrêmement utiles, et on les revoit lorsqu'on fait l'étude particulière.
Moi,
il y a quelque chose qui m'intriguait. C'est que vous avez parlé de déductions
fiscales, dans un premier temps, vous avez parlé qu'on devait mettre sur
pied un service de médiation civile et de créer un corps de médiateurs civils accrédités. On regarde les coûts… En tout cas,
vous n'aurez pas votre déficit zéro, vous autres, d'ici bien longtemps,
si vous acceptez tout ça comme ça.
Ce
que je veux vous dire, c'est que, les médiateurs, je suis pour ça, mais ne
pourrait-on pas… Parce que vous savez que
les avocats, on a des cours de formation obligatoires. Il y a des jeunes stagiaires
qui cherchent des stages, même non rémunérés. On ne pourrait pas faire
des cliniques, par exemple, dans les universités, des cliniques de médiation?
Les avocats, leurs heures de formation, ils pourraient aller les faire là. Les
jeunes qui cherchent des stages pourraient les faire là, et le public pourrait donner un coût minime. Il pourrait y
avoir une formation, même dans le cadre du Barreau, dans le cadre de l'université, de quelques heures
pour former des médiateurs. Et, à ce moment-là… ou faire un projet
pilote, tout simplement, pour commencer.
Mme St-Louis (Huguette) : Bien, moi, j'aurais un peu des réserves, là,
parce que, pour être médiateur, pour faire un bon travail, il faut être d'abord un professionnel du droit. Quant à
moi, c'est fondamental. Il faut connaître la loi parce qu'il y a des enjeux importants quand les gens,
ils ont des intérêts différents. Alors, on essaie de concilier les intérêts
des uns et des autres, mais il faut en même temps protéger les droits qui sont
là puis, pour les protéger… ou alors dire aux
gens : Bien, vous faites des concessions, bien, il faut d'abord connaître
le droit que chacun défend. Et j'aurais un petit peu de difficultés à faire d'un médiateur chevronné… des étudiants en
droit qui travaillent dans une clinique. Qu'ils soient sous le mentorat d'un médiateur spécialisé,
chevronné, qui a de l'expérience, soit, mais qu'on en fasse, bon… Que,
par ailleurs, on forme des cliniques pour
renseigner les gens, ça, c'est d'autre chose, c'est faire de l'information.
Mais rendre un service de médiation ou de conciliation, bien, je pense
que ça prend un professionnel qui a tout le background qu'il faut et puis qui a
une connaissance des enjeux légaux qui sont là.
Mme
St-Laurent :
C'est que vous n'avez peut-être pas bien compris. Quand je parlais d'un
stagiaire, je ne parlais pas d'un étudiant.
Un stagiaire, c'est quelqu'un qui a fait son Barreau, c'est quelqu'un qui a
fait son droit. C'est quelqu'un qui a fait son Barreau. Ils pourraient
même avoir suivi des cours de médiation, soit dans le cadre de leur formation
en droit, etc. Mais je ne parlais pas d'un étudiant universitaire — à ce
moment-là, ils peuvent aller dans les cliniques
populaires faire des stages — mais je parlais de quelqu'un qui avait reçu
toute sa formation juridique, que ce soit au Barreau… le Barreau
complété.
Mme
Sarrazin (Marie-Claude) :
Mais, si je fais juste penser au parcours de ma pratique, les meilleurs
règlements que j'ai pu réussir à obtenir, c'est
que j'ai eu la chance de discuter avec un avocat qui avait beaucoup plus
d'expérience que moi, qui en avait vu d'autres
puis qui m'a proposé une façon différente de voir le conflit dans lequel je
représentais mon client. Je pense que, malheureusement — puis
la profession juridique est un peu bâtie comme ça, par le transfert des
connaissances, des compétences, et c'est bien ainsi — ça
prend un peu de vécu pour trouver des bonnes solutions.
Ceci dit,
juste revenir sur votre commentaire par rapport aux coûts. On semble prendre
pour acquis que ce qu'on propose, c'est
une dépense supplémentaire. Bien, je pense qu'il faut voir nos propositions
comme une façon de réallouer les ressources financières attribuées à la
justice, de la même façon qu'on a pu avoir le débat, il y a quelques années, en
santé, entre la prévention, le préventif, puis le curatif. C'est un peu la même
chose, et d'où l'importance d'avoir… de colliger
des données sur comment va évoluer le système, notre grand système du règlement
des différends et le comportement des
citoyens et des professionnels du système
de la justice, pour voir, effectivement, combien ça coûte, un dossier à la cour qui se règle après une déclaration de dossier complet
versus le coût d'un médiateur qui règle le problème au tout début, la
satisfaction que les gens retirent, l'impact économique.
Regardez, même les grands litiges dans des
compagnies qui ont les moyens d'entretenir ces litiges-là, c'est beaucoup d'argent qui est retenu. Donc, même pour
les corporations, régler un litige tôt, c'est une façon de faire rouler l'économie. Je ne suis pas économiste, on n'a pas
encore d'économiste autour de la table de l'observatoire. Vos
commentaires vont peut-être nous amener à réfléchir à cette idée-là pour voir
comment on peut mieux travailler cet aspect-là,
mais il ne faut pas voir nos propositions comme des dépenses supplémentaires,
mais comme une suggestion de revoir la façon dont on attribue les
ressources dans le système de la justice.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, je vous remercie. Le temps étant écoulé... même, j'ai laissé...
Une voix : …
Le Président (M. Ferland) :
Non, j'ai débordé déjà d'un peu de temps. Alors, sur ça, je vous remercie.
Je vais suspendre les travaux quelques instants
et j'invite le prochain groupe à prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 56)
(Reprise à 16 h 4)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Je souhaite donc la bienvenue
à nos invités. Et, pour les fins de…
J'entends des échos à droite et à gauche, mais je sens que ça se termine.
Alors, pour les fins d'enregistrement, je
vous demande de bien vouloir vous présenter et je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes environ, et, ce que j'ai vu aujourd'hui, on peut
déborder facilement, alors... pour votre exposé, bien sûr. Par la suite, nous
procéderons bien sûr à la période d'échange avec les membres de la commission.
Alors, Me Frémont, je vous laisse la parole et le soin de présenter les
personnes qui vous accompagnent.
Commission des droits
de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Frémont (Jacques) : Merci
beaucoup. M. le Président, M. le ministre de la Justice et Mmes et MM. les
députés, je suis Jacques Frémont, président de la Commission des droits de
la personne et des droits de la jeunesse du
Québec, et, aujourd'hui, accompagné de Me Renée Dupuis, qui est
vice-présidente de la commission,
de Me Daniel Charpentier, qui est directeur adjoint à la recherche,
ainsi que de Me Evelyne Pedneault, qui est conseillère juridique à la
commission.
Comme vous le
savez, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a
été instituée en vertu de la charte
québécoise des droits et libertés de la personne. Elle a reçu de l'Assemblée
nationale le mandat d'assurer la promotion et le respect de l'ensemble
des droits reconnus dans la charte. C'est dans le cadre de ce mandat que la commission procède à l'examen des textes
législatifs afin d'en vérifier la conformité aux principes contenus dans la
charte et qu'elle fait les recommandations
qui s'imposent, le cas échéant. Conformément à ce devoir, nous sommes heureux
de participer aux travaux de la commission
consacrés à l'étude du projet de loi n° 28, notamment parce que l'adoption
du nouveau Code de procédure civile
constituera un moment important de l'évolution contemporaine du droit au
Québec.
La commission
a analysé le projet de loi n° 28 tant à l'aune des droits et libertés de
la personne qu'eu égard à la protection de l'enfant et au respect des
droits qui lui sont garantis en vertu de la Loi sur la protection de la
jeunesse. Notre mémoire, que vous avez reçu,
est divisé en deux chapitres. Dans le cadre du premier chapitre consacré aux
droits de la personne, le mémoire de la
commission traite principalement de trois questions, à savoir de l'importance d'assurer
l'accès à la justice en pleine égalité;
deuxièmement, des règles qui doivent guider l'utilisation de la dérogation
expresse à la charte; et enfin,
troisièmement, du principe de proportionnalité qui est contenu, comme vous le
savez, au projet de loi. Le deuxième chapitre de notre mémoire est,
quant à lui, consacré aux droits de l'enfant reconnus par la Loi sur la
protection de la jeunesse. À cet égard, la commission s'attarde plus
particulièrement aux articles 14, 451 et 821 du projet de loi.
Vu le temps qui nous
était imparti aujourd'hui, nous souhaitons plus particulièrement aborder en
déclaration liminaire deux éléments de notre
analyse, à savoir, tout d'abord, l'importance d'assurer un accès à la justice
en pleine égalité et,
deuxièmement, les règles qui doivent régir le recours à la disposition
dérogatoire de la charte, celle que, dans mon temps, on appelait la
clause nonobstant. J'essaie de me reprogrammer pour utiliser l'expression
«clause dérogatoire».
Tout d'abord, l'accessibilité
à la justice en pleine égalité. Nous avions souligné, dans le cadre de l'analyse
de l'avant-projet de loi instituant le
nouveau Code de procédure civile, que la commission souscrit pleinement aux
objectifs de cette loi. Cela dit, la
commission s'interroge sur certains des moyens que le projet de loi prévoit
mettre en oeuvre en vue d'atteindre ces objectifs. La réforme proposée
introduit beaucoup de souplesse quant aux normes, critères et modes de procédure que les parties peuvent emprunter.
Or, les considérations de souplesse ne doivent pas écarter pour autant
les considérations de justice et particulièrement celles relatives au droit à l'égalité
garanti par la charte. Pour paraphraser le
Groupe de travail sur l'accessibilité à la justice, il ne suffit pas d'avoir
accès à un système de justice, encore faut-il qu'il donne des résultats qui
soient individuellement et socialement justes. Les tribunaux ont maintes fois
souligné que le principe d'égalité formelle
n'est plus le seul à entrer en ligne de compte dans l'analyse d'une
législation, on doit aussi considérer le contexte social dans lequel
elle s'inscrit ainsi que les effets discriminatoires qui peuvent en découler.
Dans
le contexte de l'approche consensuelle qui est préconisée par le projet de loi
n° 28, la commission doute que le
seul critère du libre-choix soit suffisant pour protéger les droits
fondamentaux en cause, notamment ceux des personnes en situation de vulnérabilité. Ainsi, on semble
oublier que l'accord des parties peut être teinté par une situation d'inégalité,
d'autorité, de dépendance, de violence, de pression sociale ou même d'oppression.
Cela est d'ailleurs d'autant plus préoccupant
que ces questions touchent plus particulièrement certains groupes de personnes
en fonction de leur condition sociale, de leur âge, de leur origine
ethnique ou nationale, de leur handicap ou de leur sexe. Rappelons qu'il s'agit
là de motifs de discrimination interdits qui sont prévus à la charte.
• (16 h 10) •
Dans
ce contexte, la commission, dans son mémoire, insiste tout d'abord sur l'importance
du caractère volontaire et consensuel
du recours aux modes alternatifs de prévention et de règlement des différends
et des litiges. Nous recommandons, d'une part, d'amender l'article
premier du projet de loi afin de remplacer le terme «doivent», «les parties
doivent considérer», par un libellé qui traduit mieux l'objectif du projet de loi, qui est d'inciter les parties à recourir à ces modes.
La
diversification des modes alternatifs de prévention et de règlement
des différends et des litiges constitue certes une avancée notable. Il faut toutefois s'assurer que ces nouveaux modes demeurent soumis
aux garanties et protections relatives aux droits de la personne telles
que celles qui sont prévues aux articles 10 et 23 de la charte. C'est pourquoi la commission recommande aussi dans son mémoire
de préciser, à l'article premier du projet de loi, que le choix
laissé aux parties l'est quant aux normes,
et critères, et modes de procédure qu'elles empruntent, que tout ça, ça doit se
faire sous réserve du respect des droits et libertés
de la personne et des autres règles d'ordre
public. Il s'agit d'un libellé qu'on trouvait dans l'avant-projet de
loi, qui est disparu de l'avant-projet de loi.
Pour la commission,
des garanties procédurales doivent encadrer ces modes. La réflexion devra
certainement se poursuivre quant aux moyens
à prendre pour assurer le respect des droits et libertés dans les contextes non
judiciaires. Elle met de l'avant, dans son
mémoire, certaines avenues pour ce faire. Au sein du titre premier du livre
premier du projet de loi, des garanties devraient s'inspirer notamment
de celles qui sont proposées dans le cadre de la médiation un petit peu plus
tard dans le projet de loi.
Deuxième
proposition. L'article 3 du projet de loi devrait être amendé afin que les
tiers qui y sont cités, donc les tiers qui aident les parties, aient l'obligation
d'agir équitablement à l'égard des parties. Ils devraient de plus avoir l'obligation de s'assurer de l'équilibre des
parties et de prendre les mesures pour pallier au déséquilibre, le cas
échéant. Afin de s'acquitter de ces
responsabilités, ces tiers pourraient par ailleurs avoir l'obligation de suivre
une formation sur le respect des droits et libertés.
Troisièmement,
les parties qui souhaiteraient s'engager dans un mode alternatif de prévention
et de règlement des différends et des
litiges devraient pouvoir bénéficier des ressources nécessaires, que ce soit en
termes d'information, de conseils, de soutien ou autrement.
Enfin,
les règles relatives à l'aide juridique devraient être adaptées afin de tenir
compte du recours de plus en plus fréquent
à des modes alternatifs de prévention et de règlement des différends et des
litiges. À défaut de tels mécanismes d'encadrement
et d'accompagnement qui permettent une détection appropriée de ces situations d'inégalité,
la souplesse mise en valeur par le
projet de réforme pourrait accentuer éventuellement le déséquilibre des
parties. Et nous conviendrons que c'est ce que nous cherchons tous à
éviter.
Ce
sont par ailleurs les mêmes considérations relatives au droit à l'accès à la
justice en pleine égalité qui ont mené la commission à s'attarder, dans
son mémoire, au principe de proportionnalité et à l'autorité qu'aurait
désormais le tribunal d'imposer une
expertise commune aux parties lorsque les circonstances s'y prêtent. Pour la
commission, le droit de recourir à l'expertise commune est protégé par
les balises intrinsèques prévues au projet de loi, et l'autorité accordée aux
tribunaux contribue à donner pleine vigueur au principe de proportionnalité en
permettant de créer un meilleur équilibre entre les parties.
Quelques
commentaires maintenant, si vous le voulez, au sujet du recours à une clause,
une disposition dérogatoire. Sur un tout autre plan, la commission
discute, dans la deuxième partie de son mémoire, des principes devant guider l'utilisation
de la dérogation expresse à la charte. À ce chapitre, nous aimerions rappeler
les considérations générales à prendre en
compte lorsque le législateur juge nécessaire de déroger aux articles de la
charte. En vertu de son article 52, la
charte affirme la prépondérance des droits et libertés édictés aux articles 1 à
38 sur toute autre loi. C'est d'ailleurs ce qui lui confère un statut quasi constitutionnel. Dans ce même article, la
charte reconnaît par contre au législateur la faculté de déroger
expressément à ces articles par le biais d'une disposition législative, et ce,
sous réserve que cette dérogation soit énoncée de façon explicite. Tels sont
les termes de l'article 52.
La commission a eu à se prononcer à maintes
reprises sur la portée de cette disposition et a notamment souligné qu'une dérogation à la charte est un
geste grave qui ne doit être entrepris qu'avec la plus grande
circonspection. La
commission a d'ailleurs souvent rappelé que seules des circonstances
exceptionnelles peuvent justifier le recours à une disposition dérogatoire et que celle-ci doit toujours se limiter à
la stricte mesure exigée par une situation. De l'avis de la commission, une dérogation peut en ce sens
apparaître nécessaire dans la mesure où, par exemple, elle vise à
protéger davantage les droits et libertés de la personne et non à restreindre
ceux-ci. Elle — la
commission — rappelle
par ailleurs dans son mémoire que le recours à une disposition dérogatoire à la charte doit donc être encadré et notamment soumis à des exigences de forme en
vertu de l'article 52 de la charte, et il convient de rappeler que, depuis
1982, moment d'une modification à l'article 52, le législateur doit identifier de façon précise la disposition de la loi qui déroge à la charte. Mais, en plus, nous sommes d'avis,
toujours dans le même esprit, que l'esprit de la charte et le caractère
fondamental des droits et libertés qu'elle énonce imposent en outre l'exigence
d'identifier les dispositions de la charte auxquelles le législateur entend
déroger, donc des exigences de forme assez précises. En somme, le législateur
doit formuler une disposition dérogatoire de façon précise.
Dans le cadre
de son mémoire, la commission a appliqué ces principes à deux dispositions dérogatoires du projet de loi n° 28, à savoir les articles
11 et 542. L'examen de ces dispositions a amené la commission à faire certaines
recommandations afin d'élucider toute confusion qui pourrait résulter d'une
formulation imprécise et que ces articles soient conformes aux exigences de la
charte. Nous vous référons à notre mémoire pour plus de précisions quant à ces recommandations.
Enfin, M. le Président, nous restons évidemment à votre disposition pour répondre à vos questions et à celles
des membres de la commission.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup, Me Frémont. Alors, je vous remercie de votre présentation. Nous
allons maintenant débuter la période d'échange. Alors, je cède donc
la parole à M. le ministre. À vous la parole.
M.
St-Arnaud : Oui. Merci, M. le Président. Bien, d'abord, bienvenue à l'Assemblée nationale, M. le président nouvellement choisi à l'unanimité, je pense qu'il faut le mentionner,
par les membres de l'Assemblée
nationale. On est très heureux, et, ce matin, j'avais une conversation
avec le député de Fabre,
et on se disait à quel point nous étions heureux de vous voir accéder à
la présidence de la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse. Mme la vice-présidente, madame, monsieur.
Peut-être
quelques questions. D'abord, sur l'article 1, ce que je comprends de vos
propos, c'est… vous dites… Quand on indique à la fin de l'article 1, au
dernier alinéa, «les parties doivent considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend
avant de s'adresser aux tribunaux», vous y voyez un accroc à... si j'ai
bien compris, vous y voyez un accroc, tel que
libellé à... vous souhaitez qu'on indique, à la toute fin, «, sous réserve du
respect qu'elles doivent aux droits et
libertés de la personne et autres règles [du droit] public». Est-ce que vous y
voyez un accroc...
M. Frémont (Jacques) : Pour l'alinéa
trois?
M. St-Arnaud : Oui, l'alinéa
trois.
M. Frémont
(Jacques) : Oui. C'est qu'on
ne voit pas un accroc, mais on voit un potentiel. Vos notes, d'ailleurs,
parlent, si je me souviens bien...
expliquent... vos notes explicatives disent qu'on tient à inciter les parties.
La position que nous avançons dans le
mémoire est que le «doit», on ne sait pas comment ça va être interprété et
quelle est la sanction. Par exemple, si les parties doivent, est-ce qu'elles
doivent consentir ensemble? Auquel cas nous sommes inquiets. On peut penser,
par exemple, à des citoyens qui, dans le cadre de litiges avec des compagnies
qui font affaire un peu partout au Québec
avec des millions de citoyens… on les inciterait fortement à s'engager dans un
processus de médiation sans que les
parties n'aient véritablement toute l'information, tous les moyens de prendre
une décision éclairée à cet égard. Donc,
c'est l'inquiétude, si vous lisez nos commentaires, c'est l'inquiétude que nous
avons. Nous aurions préféré dire que les
parties sont incitées à considérer ou… On a discuté entre nous sans venir à une
conclusion. C'est que chaque partie doit considérer le recours ou chaque
partie doit considérer le recours. Mais on pense que, dans certains cas, les
gens, à cause notamment de leur vulnérabilité, des déficits d'information qu'il
peut y avoir, ne seront tout simplement pas en mesure de faire un choix
éclairé.
Et évidemment
se pose la question aussi de la sanction de cette obligation. Quand une loi, le
code de procédure, dit «doit», qu'est-ce
qui se passe si on se ramasse devant les tribunaux? Est-ce qu'on va demander la
preuve que les parties ont effectivement considéré le recours aux
mesures alternatives, aux modes alternatifs? Et quelle serait la sanction si, d'aventure,
quelqu'un disait : Bien, moi, non, je ne l'ai pas considéré? J'aurais voulu
le considérer.
Autrement dit, s'il y a une obligation, il faut qu'il y ait une sanction. On est un
peu mal à l'aise vis-à-vis la sanction et on a peur, dans certains cas, que des gens vont arriver et ne seront
pas en mesure, peut-être de façon aussi éclairée qu'elles ne le
devraient, de prendre une décision au sujet du recours à ces modes alternatifs.
• (16 h 20) •
M.
St-Arnaud : Ça va. Toujours
sur l'article 1, quand vous dites, là, à la fin du premier alinéa : On
devrait ajouter «, sous réserve du respect qu'elles doivent aux droits
et libertés de la personne et aux autres règles d'ordre public», ce n'est pas
implicite en quelque part?
M. Frémont (Jacques) : Écoutez, premièrement, on préférerait… C'est une erreur,
c'est à la fin du second alinéa, on pense, que ça devrait aller si ça
devait aller quelque part. C'est qu'il y avait un article, dans l'avant-projet,
qu'on avait dénoncé à l'époque, mais qui disait précisément : Les
parties sont libres, finalement, de prendre n'importe quelle règle pour régler leur conflit, leur
différend. Et, à ce moment-là, ça nous paraissait dangereux. C'est qu'on
pouvait aller véritablement vers des règles
qui pouvaient être… aller contre l'ordre public ou contre les intérêts des
parties. Mais on ajoutait, à ce moment-là, ce qui était intéressant, à
la fin de cette disposition, on ajoutait : «…sous réserve du respect [que
les parties] doivent aux droits et libertés de la personne et aux autres règles
d'ordre public.»
Donc,
par rapport aux normes qui règlent les litiges, on disait quand même
qu'il faut que ça se fasse dans le respect des règles de base de la société
québécoise. Et là, ayant éliminé, finalement,
la question des normes en vertu desquelles les parties ont eu… Le code reste silencieux, on dit : Il faudrait quand même
que et la procédure et le fond… les règles soient respectueuses des
règles d'ordre public ainsi que de ce que la charte impose.
M. St-Arnaud :
Mais effectivement on a enlevé cet article-là suite à de nombreuses discussions
et… mais en disant, entre autres… Est-ce qu'on a… Je n'ai pas le libellé de l'ancien… C'était l'article
5, je pense, de l'ancien… On se disait, quant à la deuxième
partie : On n'a pas vraiment besoin de le dire. Il me semble que c'est
implicite que le tout se déroule — pour
reprendre votre expression — sous
réserve du respect qu'on doit aux droits et libertés de la personne et
aux règles d'ordre public. C'est un peu… Et là ce que vous nous dites, c'est :
Il y a une partie de l'article 5 que vous pourriez réintroduire dans l'article
1. Et mon point d'interrogation, c'est : Est-ce vraiment nécessaire?
M. Frémont (Jacques) : Écoutez, le vieux prof en moi va vous dire qu'il
y a certaines règles qu'on ne répétera jamais
assez, d'une part. D'autre part, je vous rappelle qu'on se situe dans des modes
alternatifs, dans des modes autres, où
il n'y aura pas rien que des médiateurs formés et des arbitres, on peut
présumer, qui sont formés et qui savent ces choses, mais il va y avoir des tiers. Une querelle de
voisinage va pouvoir se régler avec votre voisin de gauche, votre voisin
de droite, et puis vous allez aller avec
votre voisin d'en arrière, aller devant quelqu'un qui n'a absolument pas de
formation, et c'est acceptable et c'est
accepté. Mais, à ce moment-là, on dit : On ne peut pas faire n'importe
quoi, on ne peut pas avoir des solutions qui violent… qui seraient
discriminatoires au sens de la charte ou qui iraient à l'encontre de l'ordre
public.
Alors,
c'est un rappel précisément parce qu'on sort du monde professionnel
traditionnel où, là, on n'a pas besoin du rappel. Il y a certainement… peut-être est-ce que c'est dit, je pense,
dans le préambule, on fait une référence à la charte, donc… Mais, étant donné que les gens qui vont être
appelés, ils ne liront pas nécessairement le préambule, mais ils vont
peut-être lire les premiers articles qui s'appliquent aux modes alternatifs de
résolution des conflits... Et c'est pour ça qu'on
serait plus confortables s'il y avait ce rappel, dans tous les cas, en termes
de… pour ce qui est de la procédure et pour ce qui est des règles de
fond, que ça doit être respectueux des règles fondamentales de l'État
québécois.
M. St-Arnaud :
Et ce que vous dites, là…
Le Président (M.
Ferland) : Le temps est…
M. St-Arnaud :
Est déjà fini?
Le Président (M.
Ferland) : Oui, 19 minutes et quelques.
M. St-Arnaud :
On vient de commencer.
Le
Président (M. Ferland) : Même, j'ai dépassé le temps. Très
intéressant, d'ailleurs, mais c'est pour ça qu'on… Mais je vois passer
le temps, moi. Je vous surveille. Mais, non, je reconnais maintenant…
M. St-Arnaud :
Il me semble que ça a passé vite.
Le Président (M.
Ferland) : Bien, c'est 19 minutes et… Et voilà.
M.
Ouimet
(Fabre) : M. le Président, je peux permettre au ministre de… je
lui…
Le Président (M.
Ferland) : Ah! Avec le consentement, je peux…
M.
St-Arnaud : …sujet
supplémentaire. D'abord, je comprends que, contrairement à la recommandation 1
de votre mémoire, vous dites : Finalement, c'est au deuxième alinéa qu'on
l'insérerait.
M. Frémont (Jacques) : Ça serait plutôt… C'est qu'on ne savait pas où
aller le porter. Si on va le porter à 6, ce n'est pas le bon endroit. C'est
une règle générale, de un, et c'est peut-être le moins mauvais endroit.
M. St-Arnaud :
L'autre chose, là, je comprends que, pour ce qui est de l'article 11, ce que
vous dites, c'est : Le troisième alinéa de l'article 11, on ne peut pas
écrire ça comme ça, là : «Les exemptions à la règle de la publicité s'appliquent
malgré l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne.» C'est
ce que vous dites. Et vous dites, si on fait référence à l'article actuel... C'est
quel article, l'article actuel?
Une
voix : …
M. St-Arnaud : Oui,
c'est ça, c'est l'article 13. Vous dites, à l'article 13, qui correspond
davantage à l'article 16, je pense,
hein, du projet de loi n° 28 : C'est plutôt à l'article... On devrait
plutôt le... Est-ce que je saisis bien? Il faudrait y aller plus précisément. Quand on dit, là, «les
exceptions à la règle de la publicité s'appliquent malgré l'article 23 de
la Charte des droits et libertés de la personne» à l'article 11, ce que vous
dites, c'est qu'il faudrait plutôt faire comme à l'article 13 actuel où, à la
fin du deuxième alinéa de l'article 13 actuel, on dit : «Le présent alinéa
s'applique malgré l'article 23 de la Charte des droits et libertés…» On l'intègre
à la disposition précise qui correspond, pour ainsi dire, à l'article 16 du
projet de loi. C'est un peu... Est-ce que c'est clair, ce que je dis?
M. Frémont
(Jacques) : Tout à fait, c'est...
M.
St-Arnaud : Et, si on fait ça… Est-ce que vous avez des
commentaires sur l'article 16 comme tel? L'article 16, qui dit... Évidemment, là, s'il est retenu, la
proposition que vous nous faites, là, donc, c'est plutôt d'envoyer le
troisième alinéa de 11 dans 16, en quelque part dans 16. Mais 16, là,
dit : «En matière familiale, l'accès aux pièces et autres documents, versés à un dossier, qui comportent des
éléments d'identification généralement tenus pour confidentiels est restreint si ces pièces et autres documents sont
déposés sous pli cacheté. [Et, dans les autres] matières, notamment
celles relatives à l'intégrité ou à la
capacité de la personne, l'accès aux documents portant sur la santé ou la
situation psychosociale d'une personne est également restreint si ces
documents sont déposés sous pli cacheté.
«[Et]
lorsque l'accès à des documents est restreint — dans le premier alinéa — seuls peuvent les consulter ou en
prendre copie les parties, leurs représentants, les personnes désignées par la
loi et les personnes, dont les journalistes, qui, ayant justifié d'un intérêt
légitime, sont autorisées par le tribunal selon les conditions et modalités d'accès
que celui-ci fixe.» Le ministre de la Justice peut, lui, y avoir accès. Et
voilà.
Et ensuite, au
troisième alinéa : «Les personnes ayant eu accès à un dossier en matière
familiale ne peuvent divulguer ou diffuser
aucun renseignement permettant d'identifier une partie à une instance ou un
enfant dont l'intérêt est en jeu dans une instance», etc.
Est-ce
que ça vous apparaît, dans la mesure où on ajouterait le... malgré l'article 23
dans l'article 16, est-ce que ça vous apparaît adéquat?
M. Frémont (Jacques) : Moi, je ne pense pas qu'on ait de commentaire sur
le fond de l'article 16. C'était plutôt... vous avez compris, c'est que,
la clause de l'article 11, on parle des exceptions à la règle de la publicité,
mais...
M. St-Arnaud :
C'est très large.
M. Frémont (Jacques) : C'est très large, et il faudrait dire... Si c'est
les exceptions de la règle à la publicité des articles 12 à 16 inclusivement, là, on n'a pas de problème. On pointe.
Mais là on est dans le flou, et c'est le renvoi qui nous causait
problème et non pas le contenu de la règle de 16. Je ne sais pas si, Me
Carpentier, vous voulez ajouter quelque chose.
M. Carpentier (Daniel) : Tout simplement, notre commentaire, c'est que
chaque article où il y a une exception au caractère public doit
indiquer... chaque article doit indiquer qu'il s'applique malgré la règle qui
est… de l'article 23 de la charte...
M. St-Arnaud :
Pour prendre les propos du président, qu'on pourrait dire, 12 à 16?
M. Carpentier (Daniel) : Bien, il faudrait le vérifier, parce que ce n'est
pas certain que 14 n'est pas ce qui déroge.
M. St-Arnaud :
O.K. On va...
M. Carpentier (Daniel) : C'est là qu'il faut être précis sur... Parce que
l'intérêt, c'est que chaque disposition qui déroge, disposition du code qui déroge, on sache qu'il y a une
dérogation, et ne pas avoir un article qui renvoie à une série de
dérogations, 14 endroits dans le code. Et donc, quand on lit l'article, on sait
qu'on est en train de déroger à un principe que la justice est publique.
M. St-Arnaud :
Excellent. Alors qu'ici les exemptions à la règle de la publicité, c'est plutôt
large.
M. Frémont (Jacques) : Et peut-être aussi, à l'alinéa deux, on dit : «Il est
fait exception à ce principe lorsque la loi prévoit le huis clos...» La
loi, on parle de quoi au juste, là? Alors, est-ce que c'est le code? Est-ce que
c'est la loi, en général, au sens générique, auquel cas ça fait une exception extrêmement
large pour être soumis à une clause... à une disposition dérogatoire? C'était
le sens de notre commentaire.
• (16 h 30) •
M.
St-Arnaud : On va évidemment
regarder ça de très, très près, comme, d'ailleurs, et je conclus là-dessus,
là, l'ensemble de vos recommandations. Évidemment, en commission
parlementaire, vous le savez, M. le président, on fait plus un survol que d'autre chose. Mais il y a, qui m'accompagnent
aujourd'hui, là, les experts et hauts fonctionnaires du ministère de la Justice... Toutes
et chacune des propositions que vous faites, en fait — et,
quand ça vient de la Commission des droits de la personne, on y accorde
toujours une importance toute particulière — seront considérées, là, pour
la suite des choses.
Je
conclus en disant : 16, c'est qu'on a eu une série de cas récents de gens
qui, dans les médias, ont vu leurs dossiers et plusieurs informations
très, très personnelles dans leurs dossiers de divorce se retrouver dans les
médias. Alors, on essaie de trouver une
façon de l'encadrer davantage qu'il ne l'est dans le code actuel. Mais nous
prenons note du fait que vous
dites : C'est bien parfait, mais indiquez à l'article précis ou aux
articles qui sont visés le fait qu'on déroge à 23 d'une… et non pas y
aller d'une façon très large comme on le fait dans le libellé à 11.
Alors,
écoutez, je conclus là-dessus et je laisse la parole à mon collègue de Fabre.
Et merci beaucoup, et sachez que, comme
je le dis, chacune des propositions que vous nous faites vont être analysées
lors de l'étude article par article, en vue de l'étude article par
article au cours des prochaines semaines.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le ministre. Si vous
l'aviez voulu, j'aurais pu vous accorder encore un quatre minutes, là,
si vous voulez encore un peu de temps. Mais la bonne nouvelle pour le député de
Fabre, c'est que ça n'a pas empiété sur votre temps, donc vous disposez encore
du même temps. Alors, je ne sais pas où on a trouvé ça, mais on m'a dit que j'avais
du temps.
M.
Ouimet (Fabre) :
Mais, vous savez…
Mme
St-Laurent : On a
commencé plus tôt.
Le Président (M. Ferland) :
Mais, quand on a quand même des… Mais on le fait, pas parce que c'est la Commission des droits de la personne, mais c'est
pour l'ensemble des gens qui viennent nous présenter… qui prennent le temps de présenter un mémoire pour permettre aux
parlementaires de réfléchir et d'adopter, en bout de piste, le meilleur
projet de loi possible. Alors, M. le député de Fabre, c'est à vous la parole,
et, si je récupère des minutes, soyez sans crainte, je vais vous les laisser.
M.
Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le Président. Vous voyez qu'on essaie de
mettre en application le principe d'égalité entre les partis. En fait,
je ne reprendrai pas, là, les commentaires du ministre sur l'importance de vos
observations, de votre mémoire. Le rôle de
la commission est fondamental. Et, à mon tour, simplement souligner, et vous
féliciter pour votre nomination, M. le président, et remercier, par la
même occasion, votre prédécesseur, qui a fait aussi un travail remarquable comme président. Et donc continuez,
tous les membres de la commission. Et en fait on félicite le président, mais on devrait féliciter également la
vice-présidente, qui vous accompagne. Alors, on vous souhaite un bon mandat,
et continuez votre bon travail parce que les
élus de l'Assemblée nationale ont grand besoin de l'éclairage de la
commission, et on apprécie énormément vos commentaires.
Sur la
question… Je vais revenir sur l'expert unique parce que — je vous ai entendu — je l'avais lu, je suis retourné lire pour être bien sûr que j'avais lu parce que,
dans tout ce débat sur l'expert unique et l'expertise commune, en tout
cas, bref, peu importe comment on l'appelle,
qui a fait couler énormément d'encre, il est rare qu'on entend des groupes
ou des personnes qui nous disent :
Écoutez, on pense que c'est raisonnable ce que vous proposez. Et donc ça fait
du bien de se le faire dire, et je
vais vous donner l'occasion de le répéter. Alors, si vous voulez juste revenir
sur ce point-là, prendre le temps d'exposer le point de vue de la
commission, là, sur les dispositions en matière de l'expertise…
M. Frémont
(Jacques) : Merci pour vos bons
mots, c'est… Effectivement, on s'est demandé si on devrait faire un
détour pour dire notre satisfaction à l'égard de l'expertise commune parce qu'en
général on fait des commentaires plutôt pour
faire modifier les choses. Mais, dans le contexte actuel, les commissaires ont
cru sage de faire un détour et de dire qu'effectivement… Parce qu'on a lu
toutes sortes de choses, il y a eu toutes sortes de commentaires qui ont
été exprimés, certains… Le constitutionnaliste en moi a été interpellé par
certaines lectures un peu surprenantes de certains commentateurs sur cette
question. On se demandait enfin s'ils parlaient vraiment de l'expertise commune
quand on lisait leurs commentaires, donc on a regardé ça de façon très, très
attentive.
Pour nous, ce
qui est important, et ce qui était très important, et vous le trouverez aux
pages 26 et suivantes de notre mémoire,
c'était la question de l'équilibre des moyens, et ça, évidemment, ça va dans le
prolongement de notre mission, de notre
souci pour que les parties puissent véritablement avoir les moyens d'ester en
justice si l'expertise commune est une approche alternative qui sert la
justice sans desservir les parties, qui ne sert pas outre mesure la partie...
Et on croit comprendre qu'il y a
une possibilité, dans le Code de procédure, que les coûts ne
soient pas nécessairement distribués 50-50, mais qu'à l'avance le juge et les parties conviennent d'un
partage différent des coûts, parce qu'on peut imaginer que les moyens au cours du
litige ne sont pas du tout les mêmes.
Pour ce qui
est du droit d'être entendu par un tribunal indépendant, écoutez,
là, c'est... comment dire, la notion d'indépendance des tribunaux, ce n'est
pas à vous que je vais faire un dessin, c'est au coeur... et c'est extrêmement important. Et je dirais qu'en droit canadien, moi,
c'est ce que j'ai vu de mieux au monde en
termes de balises, en termes de... les racines profondes, la compréhension
profonde, je dirais. Et les consensus qui émergent de la jurisprudence, de la
compréhension des magistrats eux-mêmes, et du milieu juridique, et du législateur,
c'est absolument remarquable, et il ne faut pas distortionner les choses, et c'est
un peu la lecture que nous en faisons.
Le test,
comme vous savez, qui a été défini par la Cour suprême, vous l'avez à la
page 31, deuxième paragraphe : «…la personne raisonnable et bien informée [est-elle] en mesure de
conclure que le tribunal dispose d'une indépendance intellectuelle
suffisante pour rendre [une décision qui respecte] les droits protégés par la
charte et les principes de justice naturelle» parce qu'on a eu recours à une
expertise commune? Pour nous, ça nous paraît clair que la personne raisonnable, bien informée va tirer ces
conclusions-là, et de façon extrêmement facile parce que, si l'expertise
commune, comment dire,
il y a des doutes, il va y avoir moyen d'interroger l'expert, de le
contreinterroger, et le tribunal pourra, le cas échéant, écarter cette
expertise ou prendre les parties de l'expertise qui sont plus crédibles.
Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter
quelque chose là-dessus.
Mme Dupuis
(Renée) : J'ajouterais
peut-être juste un mot si vous me permettez. J'ajouterais rapidement que
les commentaires qu'on fait sur ce point-là
en particulier rejoignent les autres commentaires qu'on a faits, donc sous
réserve des droits et libertés, de la
garantie des droits et libertés. Notre préoccupation principale, si on parle d'accès
à la justice, c'est l'équilibre des
forces en présence et les mécanismes de rétablissement de l'équilibre quand il y
a déséquilibre. Et, dans ce sens-là,
il nous apparaît que l'expertise commune peut contribuer non seulement à
rétablir ces déséquilibres ou à assurer l'équilibre, mais aussi à permettre que les questions en litige soient
peut-être mieux précisées, mieux définies et mieux cernées par le
tribunal. Et ça rencontre ce qui, à notre avis, est important dans le sens du
respect du droit à l'égalité et de lutter contre la discrimination en fonction
de la condition sociale.
Mme Pedneault (Evelyne) : J'ajouterais
simplement, peut-être : Tout cela dans la mesure où on considère
extrêmement importantes les balises qui sont établies à l'article 159.2 du
projet de loi, c'est-à-dire que ce n'est pas automatique ou obligatoire.
M.
Ouimet (Fabre) : Je
peux... M. le Président, oui?
Le Président (M. Ferland) :
Il vous reste amplement de temps, M. le député.
M.
Ouimet
(Fabre) : En fait, évidemment, là, je n'ai pas pris la peine de
le souligner et de le rappeler, le code de la... le projet de loi n'impose pas l'expertise commune, là, ce n'est
pas ça du tout qui est en cause. Et vos commentaires font ressortir... En fait, ce que vous avez fait dans
votre mémoire et ce que vous venez de faire devant nous : simplement
recadrer les mesures qui sont proposées en insistant sur le fait que ce sont
des moyens qui visent à rééquilibrer un potentiel déséquilibre entre les parties au niveau des moyens ou autrement. Et
donc c'est une mesure qui est, somme toute, mesurée, pondérée et qui
respecte les droits et libertés. C'est ce que je comprends de votre message, et
je suis heureux, et je pense que mes collègues aussi vont l'être.
Évidemment,
ça illustre aussi que, dans le merveilleux monde du droit, on peut diverger d'opinion.
Des gens qui ont... De grands
juristes peuvent émettre des opinions avec lesquelles on n'est pas
nécessairement d'accord. D'ailleurs, c'est ce que je soulignais dans... je notais dans le mémoire, là. Vous citez
un grand juriste qui exprimait une opinion qui semblait contraire à
celle de la commission sur ce point-là. Je trouvais ça intéressant de le faire
ressortir. Et donc merci d'avoir pris la peine de dire ces bons mots pour les
législateurs.
Sur un autre point, là, on va revenir dans les critiques, c'est
la question de la vulnérabilité. Et en fait on est toujours
dans le domaine de l'équilibre et de préserver le plus possible l'équilibre au chapitre de l'accès à la justice. Vous faites ressortir le danger qu'il y a dans les mesures qu'on
propose pour encourager les recours aux modes que j'appelle toujours les
modes alternatifs, là… ce n'est pas le bon vocable, mais les règlements des
différends par les...
• (16 h 40) •
Une voix : …
M.
Ouimet
(Fabre) : Voilà, vous avez compris. Parce que, quand on discute
avec les spécialistes, les médiateurs, les associations qui accréditent
les médiateurs, qui donnent la formation, tous ces gens-là nous disent, nous
répètent qu'il est au coeur du rôle du médiateur de porter attention à un
potentiel déséquilibre ou une situation de potentiel déséquilibre qui aurait un effet sur la capacité des parties de
participer librement. Parce qu'à la base le recours à la médiation ou
aux autres mécanismes de règlement des différends, le fondement de ces
mécanismes, c'est le libre choix. Et il n'y
a pas libre choix s'il n'y a pas un consentement éclairé, libre, et donc une
situation de déséquilibre pourrait influencer et nier l'existence de ce
consentement libre. Alors, les médiateurs, les spécialistes nous disent que c'est
au coeur du travail qu'ils doivent faire, d'où l'intérêt d'avoir des médiateurs
accrédités. Et donc votre crainte serait, si je suis ce message-là qu'ils nous
livrent, non fondée. Je veux vous relancer sur cette discussion.
M. Frémont
(Jacques) : Écoutez, je vais
commencer, je vais passer la parole à mes collègues. Ce qui est clair, c'est que, lorsqu'on parle d'arbitrage, lorsqu'on
parle de médiation, on a là des tiers qui interviennent, qui sont
formés, qui sont sensibilisés à ces questions, et qui connaissent, par exemple,
la charte, son impact, le fait que les ententes ne peuvent pas aller contre l'ordre
public, et qui sont tout à fait conscients qu'une mauvaise entente pourrait
être rouverte éventuellement. Ce n'est pas
dans l'intérêt de personne, comment dire, c'est balisé, et je pense que l'expérience
québécoise est remarquable, à cet égard, à travers le monde. On est très
avancés, moi, tout ce que j'ai vu, par rapport à ailleurs.
Évidemment, ce qu'on recommande, nous, dans
notre rapport, on dit : C'est parce que, non sans raison, là, on dit : Un tiers, ça peut être un médiateur,
un arbitre, mais ça peut être toute personne qui se saisit d'un conflit. Et
c'est là où nous avons des inquiétudes quant à la vulnérabilité des gens qui
pourraient être en cause, quant au déséquilibre du rapport de force qu'il pourrait y avoir. Par exemple, je ne le sais pas,
moi, une multinationale qui dit : Bien, madame, nous, on a quelqu'un qui connaît ça, là, les conflits,
là. Écoutez, signez ça, on va passer vite, ça ne vous coûtera rien. Vous
allez avoir une décision vite, et puis «that's
it». Et les gens, pensant bien faire, n'auront pas les garanties qui sont
attachées, par exemple, et que le code prévoit, d'ailleurs, le projet de code
pour ce qui est des médiateurs, le rôle du médiateur par rapport au
déséquilibre des parties.
Et on sait à quel point c'est
un rôle difficile à jouer. Il s'agit de parler à nos collègues juges, quand ils
ont des gens qui sont devant eux qui ne sont
pas représentés, vous le savez comme moi, ça impose au juge un rôle difficile à
jouer de rester neutre, de compenser le
déséquilibre sans perdre sa position, etc. C'est du grand art, dans certains
cas, pour les magistrats. Je pense que c'est la même chose pour les
médiateurs, les arbitres, mais ils ont été formés pour ça.
Ce qu'on dit,
c'est que le tiers qui n'a pas été formé, le tiers qui arrive, le voisin dans
la querelle de voisinage ou un système
de justice privé, comment dire, commercial, là, des gens qui offriraient des
systèmes, on y va, là, au volume, et puis on règle ça, nous autres, les problèmes d'avec vos… les gens des
télécommunications — vous n'êtes
pas content de vos factures de
cellulaire? Venez chez nous, vous allez voir qu'on règle ça — et qu'il
y a… pas une collusion, mais il y a une entente de bons procédés et on règle
ça, là. Est-ce que la justice va être servie? Est-ce qu'on ne pourrait pas se ramasser… ou les gens vont se ramasser chez eux
et, deux ans après, vont dire : Aïe! Je me suis fait avoir, est-ce que
je devrais… C'est un peu comme en matière
familiale : s'il y a eu une mauvaise médiation… À un moment donné, on
peut avoir un contrat bétonné dans lequel quelqu'un renonce à sa pension
alimentaire et, trois ans après, même si on a été conseillés par des avocats, revenir devant la cour puis dire :
Bien, je n'ai pas compris, on ne m'avait pas expliqué ce que ça voulait
dire. Et là la cour, vous le savez, rouvre ce genre d'entente à l'occasion.
Alors, ce qu'on voudrait éviter, c'est…
Travaillons en amont, essayons… les garanties, les devoirs qui sont imposés au
médiateur par le code de procédure pourraient être exportés, moyennant les
adaptations, pour tout tiers. Autrement dit,
si vous êtes tiers, vous ne pouvez pas faire n'importe quoi parce que faire n'importe
quoi, ça pourrait être : on va
mettre deux chiens dans une arène, ils vont se battre puis on va voir qui
gagne, puis le conflit va être réglé. On sait que ce n'est pas ça.
Et ça revient aussi à une autre dimension de ce
qu'on dit en tout début de mémoire : pour nous, ce sont certes des modes privés de résolution des conflits, mais
la résolution des conflits conserve un caractère public et c'est encadré
par le code de procédure, donc c'est
important. Comment dire, si on veut l'appeler privé, appelons-le privé, mais
le caractère public doit être toujours
présent dans le respect des droits et dans le respect des chartes, de l'équilibre
des parties et pour diminuer la vulnérabilité. Donc, c'est par rapport à
ces cas-là où on a une certaine inquiétude.
Mes collègues ont…
Mme Dupuis (Renée) : Je voulais
juste ajouter aussi que, quand on parle de «mode privé», dans le deuxième
alinéa, ce qui nous préoccupe, c'est que les modes privés, c'est très bien,
mais ça doit être… et c'est pour ça qu'on préfère
le terme «alternatif», parce qu'il ne s'agit pas d'avoir, en dehors du système
public de justice, un système privé qui permet de recourir à tout autre
mode qui convient aux parties, qu'ils peuvent considérer adéquat, et qui
emprunte ou non à ces modes, et qui fait
référence à des règles de droit qui ne seraient pas les règles de droit public
ou les règles de droit du Québec, et
qui ne respecteraient pas les garanties d'égalité des… Et donc c'est dans ce
sens-là que, pour nous, c'est très important, si on parle d'assurer une
plus grande accessibilité à la justice, qu'on s'assure que tout mode de
règlement consensuel ait un minimum de garanties pour faire en sorte qu'on
reste rattachés au système de justice public, et aux règles d'ordre public du
droit québécois, et aux garanties des droits et libertés.
Le Président (M. Ferland) :
…une dernière question…
M.
Ouimet
(Fabre) : Ah! Non, mais il y avait une… Je n'ai pas d'autre
question, mais je vais avoir un dernier commentaire.
Le Président (M. Ferland) :
Ça va? O.K. Mais peut-être un dernier élément de réponse, mais…
Mme Pedneault (Evelyne) : Si je peux
me permettre, en fait, c'est que c'est justement parce que la riche tradition qu'on a au Québec, en termes de
médiation et d'arbitrage, repose sur des cadres et des garanties en termes
de formation, d'accréditation ou autres que
notre crainte est fondée quant au titre I du livre I du projet de loi
parce que, là, on s'écarte,
justement, des garanties qu'on s'est données collectivement et des garanties
qui ont incité les gens à avoir recours à ça. Je pense, entre autres, à la médiation familiale : c'est parce
qu'il y a des cadres établis que les gens n'ont pas hésité une seconde
avant d'y avoir recours et n'ont pas été obligés d'être fortement incités ou…
Le Président (M. Ferland) :
Alors, merci. Alors, je reconnais maintenant la députée de Montmorency.
M.
Ouimet (Fabre) :
Est-ce que j'ai juste le droit de dire merci?
Le
Président (M. Ferland) : Oui. Bien, il vous restait quelques…
oui, vous avez le… bien oui. On peut le faire deux, trois fois dans la
même… Allez-y, Mme la députée de Montmorency.
• (16 h 50) •
Mme
St-Laurent :
Premièrement, je veux vous remercier de votre contribution, contribution très
importante, soit dit en passant,
parce que j'en ai pris connaissance d'un bout à l'autre. Et je ne reviendrai
pas sur ce que mes confrères ont posé comme questions, mais moi, je suis
particulièrement attirée par le dernier bout… Il n'y a pas, en vertu de la Loi
sur la protection de la jeunesse… tribunal, protection de nos jeunes… On sait
que nos jeunes, là, lorsqu'ils passent au Tribunal de la jeunesse, à ce
moment-là, il ne peut pas y avoir d'enregistrement, etc., et, dans le fond, on
ne peut pas identifier les personnes, les dossiers sont détruits. Cependant, le
problème arrive — et
ça, je l'ai vécu dans la pratique — lorsqu'ils vont en Cour
supérieure ou en Cour d'appel, etc.
Pourriez-vous
dire… passer… J'ai votre recommandation 11 à la page 41, et vous allez nous
expliquer ici — vous
allez l'expliquer bien mieux que moi — le pourquoi de votre
recommandation et comment ça se passe.
M.
Carpentier (Daniel) : Oui,
bon, c'est qu'on… Donc, ce qu'on a constaté à la lecture de l'article 14
du projet, c'est qu'il n'y a pas de
règle spécifique concernant les matières jeunesse qui sont inscrites à cet
article-là, alors qu'actuellement le Règlement de la Cour du Québec le
prévoit spécifiquement. C'est l'article 12 du Règlement de la Cour du Québec qui dit : «Sauf à la chambre
de la jeunesse, l'enregistrement audio par les médias [...] et de la
décision est permis…» Donc, la règle de… l'enregistrement est permis, sauf en
matière jeunesse.
Ce que la
commission recommande et souhaite, c'est qu'on précise, dans le Code de
procédure, vraiment de façon explicite,
qu'en matière jeunesse il n'y a pas de tel enregistrement. Et effectivement,
puisque ces décisions vont… peuvent être portées en appel ou en
évocation… ce n'est certainement pas le bon terme, là, moi aussi, ça date, mais
à la Cour supérieure ou à la Cour d'appel.
Donc, il faudrait avoir une règle claire et explicite dans le code de procédure
pour prévoir cela et non pas le laisser comme on… tel que le libellé,
là, de l'article 14 le prévoit, que c'est la décision du juge.
Mme
St-Laurent : Je
vais vous poser une question relativement à ça. Vous savez qu'en matière
familiale les journalistes n'ont pas le
droit, le public n'a pas le droit d'y entrer. Est-ce que vous recommandez la
même interdiction en matière jeunesse au niveau de la Cour d'appel et de
la Cour supérieure?
M. Carpentier (Daniel) : On ne s'est
pas prononcés sur cette question-là, on n'a pas examiné cet aspect-là.
Mme
St-Laurent :
Est-ce que vous avez des recommandations à faire sur… J'aimerais avoir votre
opinion sur ça. Si vous avez des recommandations, vous pouvez toujours
nous les envoyer.
M. Frémont (Jacques) : On va
certainement regarder et on en discutera avec les membres de la commission à
une prochaine réunion. On fera le suivi là-dessus.
Mme
St-Laurent :
Je trouve que c'est un bon point. Puisqu'en matière familiale on détermine que
les personnes autres que les parties ne peuvent pas y assister, en
protection de la jeunesse, moi, je pense que ça prend une double protection à
tous les niveaux.
M. Frémont (Jacques) : On vous
revient là-dessus, mais probablement.
Mme
St-Laurent :
Parfait, je vous remercie.
Le Président (M. Ferland) :
Merci, madame…
Mme St-Laurent : …
Le Président (M. Ferland) :
Oui. Allez-y, oui, allez-y.
Mme
St-Laurent :
J'aimerais juste dire un petit mot, M. le Président : Je ne vous poserai
pas de question sur la charte des valeurs aujourd'hui.
Le Président (M. Ferland) :
Ça sera un autre point de discussion pour la commission lors d'une prochaine
occasion.
Alors, sur ce, je vous remercie. Merci beaucoup
pour le temps que vous avez pris pour préparer le mémoire.
Compte tenu
de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à vendredi le
13 septembre, à 9 h 30, afin de poursuivre les
consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 28. Et, sur ce, bonne soirée.
(Fin de la séance à 16
h 54)