(Onze heures trente-cinq minutes)
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 35, Loi modifiant le Code
civil en matière d'état civil, de successions et de publicité des droits.
Est-ce qu'il y a consentement pour permettre un
remplacement pour une partie de séance, Mme la députée de Saint-Laurent remplace M. le député de
Saint-Jérôme pour la deuxième partie de la séance? Est-ce qu'il y a
consentement? Oui.
Mme la secrétaire, y a-t-il d'autres
remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Beaudoin (Mirabel) remplace M. Cardin (Sherbrooke); Mme De
Santis (Bourassa-Sauvé) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin).
Auditions (suite)
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Ce matin, nous recevons comme premiers invités La Fondation des sourds
du Québec. Une interprète nous aidera dans
nos travaux pour cette audition. M. Forgues, vous disposez de
10 minutes pour votre présentation…
Une voix : …
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Ah oui! Est-ce qu'il y a consentement pour que Mme Blais puisse
participer, étant donné que c'est un cas spécial? Il y a consentement de part
et d'autre? Merci.
Alors, je demanderais de présenter quand même
les gens qui présentent le mémoire. Par l'interprète, évidemment.
La Fondation des sourds
du Québec (FSQ) inc.
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par
la langue des signes).
[Interprétation] Bonjour. Mon nom est
Daniel Forgues, je suis président-directeur général de La Fondation des sourds du Québec. Je vous présente
M. André Hallé, qui est adjoint au président pour La Fondation des sourds
du Québec. Je vous remercie beaucoup de votre invitation aujourd'hui.
Je vais vous présenter mon document. Marguerite
Blais, vous la connaissez déjà. Je peux commencer, ça va? [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui.
À vous la parole.
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par
la langue des signes).
[Interprétation] Donc, l'objet du
mémoire. Les personnes sourdes sont des citoyens québécois qui n'ont pas
toujours accès aux services publics offerts à la population en général. Les
personnes sourdes partagent une culture et une
langue commune qui se sont développées et transmises à travers les événements
qui ont jalonné l'histoire du Québec. Pour
la majorité, cette langue est la langue des signes québécoise, soit la LSQ, c'est
leur langue première et naturelle de communication. La reconnaissance et
l'utilisation de la LSQ est un droit linguistique fondamental pour les
personnes sourdes. Elle est indispensable pour accéder à des services de
qualité et aussi à leur compréhension.
Depuis sa
création en 1984, La Fondation des sourds du Québec a toujours eu à coeur l'expression
des besoins et des revendications des sourds ainsi que la défense de
leurs droits pour pouvoir vivre équitablement dans la société malgré leur différence, afin d'être tous égaux.
Nous sommes heureux aujourd'hui de participer aux consultations que
tient la Commission des institutions sur le
projet de loi n° 35, Loi modifiant le Code civil en matière d'état
civil, de successions et de publicité des droits. Nos commentaires
porteront sur les éléments suivants du projet de loi.
Articles du
projet de loi. Articles nos 23 et
722.1. Citation : «Le sourd-muet qui…» Fin de citation. Le
qualificatif «muet» inscrit dans le projet de loi est désuet et inadapté pour
parler des personnes sourdes, les sourds ne sont pas nécessairement muets. Nous
recommandons donc d'enlever le terme «muet» dans le projet de loi.
Il est aussi
mentionné dans le projet de loi que, citation,
le sourd «peut faire un testament
notarié […] en ayant recours à un interprète en langue des signes». Fin
de citation. Au Québec, les langues des signes sont la langue des signes québécoise, pour
les personnes sourdes francophones, et l'American Sign Language, l'ASL, pour
les personnes sourdes anglophones.
Donc, il nous apparaît donc nécessaire de mentionner les deux langues signées,
la LSQ et l'ASL, dans le projet de loi.
À ce sujet,
il est important de préciser dans le projet de loi que l'interprète doit
provenir des organismes offrant des services
d'interprétariat professionnel reconnus au Québec. L'interprète doit être de
niveau senior et n'avoir aucun lien de parenté ou d'amitié avec la
personne sourde.
• (11 h 40) •
On lit également que, citation, «l'interprète
doit préalablement prêter serment, par écrit, devant le notaire, le testateur et le témoin». Fin de citation. À ce
propos, nous désirons souligner que les interprètes provenant des
services d'interprétariat sont régis par un
code de déontologie, l'intégrité, l'impartialité et la confidentialité sont des
compétences et des comportements requis. Les
interprètes peuvent prêter serment mais ne peuvent jamais agir à titre de
témoin, c'est différent.
Pour la rencontre avec le notaire, le sourd, s'il
le désire, peut, en plus de l'interprète, avoir recours à des services d'aide à la communication offerts par des
établissements de réadaptation en déficience physique du réseau de la santé et des services sociaux qui offrent des
services aux personnes sourdes ou par un membre de sa famille, à la
condition de s'être assuré auparavant que la personne sourde ne sera pas
victime d'abus ou de chantage.
D'autre part, nous désirons souligner que les
notions de testament, de requête en vérification de testament, de mandat d'inaptitude, de succession, etc., sont
méconnues de plusieurs personnes sourdes. Ces notions font présentement l'objet de publications diffusées par le ministère
de la Justice. Il serait nécessaire que ces brochures soient traduites
en vidéo LSQ et sous-titrées afin de mieux
renseigner les personnes sourdes. N'ayant pas eu accès à des services
éducatifs offerts dans leur langue maternelle, la LSQ ou l'ASL, les sourds
comprennent difficilement le français écrit.
Articles nos 25 et 730.1. Au premier paragraphe,
citation : «Le sourd-muet qui, ne pouvant ni lire ni écrire, […]peut faire un testament devant témoins…» Fin
de citation. Ah non, pas fin de citation, excusez : «…en
ayant recours à un interprète en langue des signes.» Fin de citation.
Donc, à ce sujet, nous désirons préciser que toute personne ayant une
déficience auditive a droit d'avoir un interprète, même si elle sait lire et
écrire. La LSQ et l'ASL est sa langue
première de communication, le français est sa langue seconde. L'accès à un
interprète facilitera sa démarche et raccourcira le temps mis à faire un
testament.
Nous recommandons aussi de supprimer dans cet
article le texte «ni lire ni écrire», puisque la maîtrise du français varie d'une personne sourde à l'autre. Il
y a des sourds communiquant en signes, des malentendants, des sourds
oralistes, des personnes devenues sourdes.
Au deuxième paragraphe, citation : «…le
testateur déclare […] que l'écrit qui lui est traduit par l'interprète est son testament. […]le testateur appose son nom
ou sa marque personnelle[…]. À défaut, il le fait signer par un tiers…» Fin de citation. Je désire souligner que l'interprète
ne peut en aucun temps signer à titre de témoin, en vertu du code de
déontologie légiférant sa profession. Cependant, le notaire peut inscrire à son
acte notarié le nom de l'interprète qui a été assigné à ce dossier. Mais elle
ne peut pas signer, l'interprète ne peut pas signer.
Autres
recommandations à considérer. Pour faciliter la compréhension des textes
notariés, il est important que le notaire ait recours à des mots
simples, concis et clairs, puisqu'il n'existe pas de signes pour tous les mots
en français.
En conclusion,
nous espérons que nos commentaires et recommandations seront pris en
considération dans les amendements apportés au projet de
loi n° 35. Nous vous remercions de votre attention. [Fin de l'interprétation]
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Je vous remercie pour la présentation. Nous allons maintenant débuter la
période d'échange. M. le ministre de la Justice, la parole est à vous.
M.
St-Arnaud : Oui, merci, Mme
la Présidente. Alors, bonjour, M. Forgues, M. Hallé. Bienvenue à
l'Assemblée nationale et merci pour vos commentaires. Je puis d'ores et déjà
vous dire que, même si on n'aura probablement pas l'occasion de reprendre chacun des éléments que vous nous avez
mentionnés lors de nos discussions, lors de cet échange, sachez que nous allons relire attentivement les
commentaires que vous venez de nous mentionner et que nous allons en
tenir compte lors de nos échanges
éventuellement, lorsque nous étudierons à cette commission le projet de loi
article par article.
Peut-être une première question. Vous avez
dit : Il ne faudrait pas utiliser le terme «sourd-muet» qui est utilisé à l'article 23, à l'article 24
et à l'article 25 du projet de loi. J'aimerais que vous m'expliquiez
pourquoi vous suggérez donc de parler de sourds plutôt que sourds-muets.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Alors, la parole est à vous. Mme l'interprète.
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par
la langue des signes).
[Interprétation] C'est parce que les sourds partout, normalement
ils sont capables de parler, là. C'est juste qu'ils n'ont pas de contrôle sur leur voix, étant donné
qu'ils n'entendent pas. Ils n'ont pas appris à reproduire les sons. Mais
comme moi, vous voyez, j'ai une voix, là, vous m'entendez, je ne suis pas muet.
Donc, tous les sourds sont capables d'émettre leur voix, c'est juste qu'ils n'ont
peut-être pas nécessairement le contrôle sur leur voix.
Mais c'est un
mot qui est désuet, qui était utilisé anciennement et puis qu'on essaie de
bannir, là. Donc, dans les autres communautés sourdes, on ne parle pas
de sourds-muets. [Fin de l'interprétation]
M. St-Arnaud : Donc, ce que vous me
dites, c'est que le terme qui doit être utilisé — et je comprends que c'est
au-delà du projet de loi, là — dans la vie en général, le terme qui
devrait dorénavant être utilisé, c'est «sourd» plutôt que «sourd-muet».
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. Forgues.
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par
la langue des signes).
[Interprétation] Oui. Personne sourde, personne sourde. Nous, on se
définit comme des sourds avec un Smajuscule,
on fait partie de la communauté sourde qui parle en langue des signes
québécoise. Il y a des malentendants aussi,
il y a des devenus sourds. Mais le mot «muet», non, dans la vie en général on ne
l'utilise pas. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
ministre.
M.
St-Arnaud : Parce que je
comprends qu'ici, je présume, l'intention derrière l'utilisation de ce
libellé-là était de faire… d'exprimer
que la personne ne pouvait pas exprimer ses volontés quant à un testament, mais
ce que vous dites, c'est… Cela dit, le terme «sourd» serait suffisant.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui,
M. Forgues.
M. St-Arnaud : M. Hallé.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Ou
M. Hallé.
M. Hallé
(André) : J'aimerais ajouter
que la personne sourde, elle peut exprimer ses volontés, ses besoins, ce
qu'elle demande, mais elle l'exprime dans sa
langue, et sa langue, c'est la LSQ ou, si c'est un sourd anglophone, en
ASL. Mais, la personne sourde, on ne dit pas des sourds-muets, on dit des
sourds. Et tout à l'heure M. Forgues insistait sur un point : le terme généralement reconnu, c'est «sourd» avec un
grand S. Ça veut dire qu'il fait partie d'une
communauté et qu'il communique en langue des signes.
Alors, on ne
met jamais le qualificatif «muet» avec «sourd», parce qu'un sourd n'est pas
nécessairement muet. Il peut exprimer des sons, mais c'est des sons qui
ne correspondent pas à des mots oraux. Alors, un sourd n'est pas nécessairement
muet, alors c'est un sourd, point.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
ministre, à vous la parole.
M.
St-Arnaud : Mme la
Présidente, merci. Sur un autre sujet, vous avez dit : L'expression «ni
lire ni écrire» devrait être supprimée,
c'est ce que j'ai cru comprendre de votre intervention. En fait, ce que vous
dites, c'est : Il y a des gens qui savent lire un peu ou qui savent
écrire un peu, et, la façon dont le projet de loi est libellé, l'article 25,
le nouvel article 730.1 du Code civil ne s'appliquerait pas à eux, parce
qu'ils ont une connaissance minimale de la lecture ou de l'écriture. C'est ce que… Et vous dites… Est-ce que je comprends bien
votre propos? Ce que vous nous dites, c'est que… Parce qu'il faut quand même indiquer que le but du projet de loi, c'est
de viser une situation bien particulière où on a des sourds qui… En fait, au départ on disait «ne savent ni lire ni
écrire», mais ce que je comprends de votre propos, c'est que vous
souhaiteriez que ce soit plus large et…
«Qui ont une connaissance». Est-ce que c'est l'expression — je
vous en fais la proposition, là — «ayant une connaissance»? «Ne sachant ni lire ni écrire ou ayant une connaissance
minimale de la lecture ou de l'écriture». Est-ce que ça correspondrait à
ce que vous souhaitez voir inscrit?
La Présidente (Mme Beaudoin) :
M. Forgues.
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par
la langue des signes).
[Interprétation] Ça dépend de la phrase.
«Ni lire ni écrire», les sourds ne sont pas vraiment analphabètes, là. C'est que, les mots, ils sont capables de les
lire; c'est la syntaxe parfois qui les mélange, étant donné que ce n'est pas
leur langue. Toutes les personnes sourdes… Souvent, les personnes sourdes sont
capables de lire, ne sont pas capables de comprendre le sens de ce qu'elles
lisent, c'est ce qui est difficile souvent. Ce n'est pas de l'analphabétisme,
là.
Vous pouvez ajouter quelque chose,
M. Hallé, Mme Blais. [Fin de l'interprétation]
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Bon, il faudrait qu'il y ait consentement pour que la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne
puisse intervenir. Est-ce qu'il y a consentement? Et évidemment c'est sur le
temps, là, de l'opposition officielle. Est-ce qu'il y a consentement?
M.
St-Arnaud : …une situation
un peu inédite, là. Je n'ai pas de problème à entendre l'intervention et
l'expertise de la députée de Sainte-Marie… pas de Sainte-Marie mais de
Saint-Henri—Sainte-Anne,
qui est une experte sur ces questions.
• (11 h 50) •
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Est-ce qu'il y a consentement? Oui? D'accord.
Mme
Blais : Ce sera…
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme
la députée.
Mme
Blais : Oui. Ce sera très court, Mme la Présidente.
Premièrement,
l'expression «sourd-muet», c'est une expression qui est désormais
stigmatisante, parce qu'effectivement il y a des personnes sourdes
gestuelles profondes qui apprennent à parler, mais leur langue est fondamentalement la langue des signes, et il y a
des personnes sourdes gestuelles qui ne sont pas capables d'apprendre à parler
comme vous et moi.
Deuxièmement,
il y a des personnes sourdes — avec
un S majuscule — gestuelles
qui réussissent à obtenir un doctorat à l'université, donc ce sont des
personnes qui ont appris à lire et à écrire, mais il y a des personnes sourdes gestuelles qui n'ont pas été beaucoup scolarisées
et qui écrivent ce qu'on appelle un français sourd. Et un français
sourd, pour nous, quand on lit ça, c'est un
peu compliqué, parce que le verbe se retrouve à la fin d'une phrase. Et ce n'est
pas une phrase… le sujet, le verbe, le
complément, parce qu'ils écrivent le français comme la langue gestuelle, et ça
fait en sorte que, lorsqu'on lit l'écriture, pour un entendant et un
parlant, bien là on ne comprend pas tout à fait le sens des mots.
Alors,
je voulais seulement préciser ça. Et je suis pas mal certaine que,
M. Forgues, vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. Forgues.
M. Forgues
(Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).
[Interprétation]
Oui. Je suis d'accord, oui.
J'aimerais
ajouter quelque chose concernant la syntaxe de la langue des signes : Le
verbe est souvent à la fin, c'est vrai
que le verbe d'action est souvent à la fin. Le lieu est au début; le verbe d'action,
à la fin. Donc, la structure de phrase est différente du français. C'est
pour ça que, pour les sourds, le français, c'est une langue seconde, et c'est
ce qui fait que parfois ils ont de la difficulté à lire. Ils ne sont pas
certains du sens de ce qu'ils lisent. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. Hallé, à vous la parole.
M. Hallé
(André) : Ce que nous voulons dire, c'est que ça concerne l'article 722.1,
et il n'est pas nécessaire d'inscrire dans
cet article «ni lire ni écrire» parce que le sourd, peu importe son degré de
surdité, il a droit à des services d'interprétariat.
Alors, le fait d'inscrire «ni lire ni écrire» n'ajoute pas nécessairement
quelque chose. Ce qui est important, c'est
de reconnaître que le sourd, pour faire un testament notarié et exprimer ses
volontés, a droit à un interprète. C'est ça, le sens fondamental de l'article.
Ce n'est pas de savoir ni lire ni écrire, c'est d'avoir accès à un interprète.
Alors, il ne nous apparaît pas nécessaire d'inscrire «ni lire ni écrire».
M. St-Arnaud : Vous dites : Tout cet aspect-là, même en changeant les mots, ce n'est
pas nécessaire. L'important, c'est l'accessibilité à l'interprète en
langue des signes.
M. Hallé
(André) : C'est ça.
M.
St-Arnaud : O.K. Et, quand on utilise les mots «interprète en langue
des signes», c'est l'expression adéquate?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. Hallé.
M. Hallé
(André) : Oui.
M. Forgues
(Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).
[Interprétation]
En langue des signes québécoise. [Fin de l'interprétation]
M. Hallé
(André) : …langue des signes québécoise ou en ASL. C'est un
interprète. Un interprète, c'est des services
qui sont fournis par des services d'interprétariat. Au Québec, il y a plusieurs
services d'interprétariat. À Québec, il y a le SRIEQ. Il y a le SIVET à
Montréal. Il y a différents services.
Il
faut avoir recours à des interprètes professionnels. Et M. Forgues
mentionnait : C'est important que ce soient des interprètes
seniors, parce qu'il y a différents degrés de connaissance en interprétariat.
M.
St-Arnaud : Et comment on fait pour vérifier si un interprète en
langue des signes est senior ou pas?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. Hallé.
M. Hallé (André) : Vous le demandez. Quand on réserve un interprète, on dit qu'on veut
avoir un interprète senior, un interprète de haut calibre, là.
M.
St-Arnaud : Ma question, c'est : Est-ce que c'est une catégorie
qui existe? Parce que, si on met un terme comme
ça dans une loi ou dans un règlement, éventuellement, il faut que ça
corresponde à quelque chose de précis, là. Est-ce que c'est un terme
précis ou ça laisse place à l'interprétation?
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
M. Hallé, vous voulez répondre à la question? Ou M. Forgues.
M. Forgues, à vous la parole.
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par
la langue des signes).
[Interprétation] Les services d'interprétariat, il y en a dans
différentes régions. Il y en a six au Québec. Ils ont dans leurs services des catégories junior,
intermédiaire et senior, donc ils ont déjà ces catégories-là. Ceux de niveau
junior vont, par exemple, chez le
médecin, des choses comme ça, mais senior viennent comme ici, à l'Assemblée
nationale. Donc, ils ont déjà ces catégories-là. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
ministre.
M. St-Arnaud : Merci, Mme la
Présidente. Hier, on a reçu la Chambre des notaires, qui est venue nous
dire : On n'a pas de problème avec ce
qui serait le nouvel article 730.1 pour permettre à un sourd de faire un
testament devant témoins en ayant recours à un interprète en langue des
signes. Et ils nous ont dit : On pourrait même aider à ce que ça se fasse
correctement.
Ils sont, par
contre, venus nous dire : Le testament notarié, on ne peut pas utiliser un
interprète en langue des signes pour
faire un testament notarié, parce que le notaire ne peut pas comprendre… À
moins que le notaire ne parle la langue des signes, on ne peut pas
utiliser, donc, un interprète en langue des signes pour faire un testament
notarié. Et ils ont fait le parallèle avec,
par exemple, une personne qui parle une langue étrangère comme le mandarin, en
disant : Bien, un notaire ne
peut pas utiliser un interprète pour faire un testament pour une personne qui
ne parle que le mandarin, la personne qui parle le mandarin doit trouver un notaire qui parle le mandarin. C'est
ce que la Chambre des notaires nous a, à tout le moins, dit hier, lors
de son témoignage. Et eux nous disaient : Il ne faut pas étendre le tout
au testament notarié, pour ce qui est des sourds, parce que le notaire doit
avoir une conversation, doit avoir une… directe avec la personne qui fait son testament, il s'agit d'un acte authentique qui a
certaines conséquences juridiques. Et ils nous ont mis en garde, et même
plus qu'en garde contre le nouvel article 722.1.
Alors, j'aimerais vous entendre réagir à cette
position de la Chambre des notaires du Québec.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
M. Forgues.
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par
la langue des signes).
[Interprétation] Merci, Mme la Présidente. L'interprète en langue
des signes a un code de déontologie, elle a un code qui lui dicte la confidentialité, et puis normalement c'est une
personne intègre, impartiale. Donc, cette personne-là, normalement, elle
respecte son code de déontologie, une fois qu'elle quitte le bureau tout est
oublié. Elle est là pour transmettre le message. Une fois qu'elle est partie,
tout est oublié. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme Beaudoin) :
M. Hallé, à vous la parole.
M. Hallé
(André) : Le notaire n'a pas
besoin de connaître la langue des signes. Le notaire, il va faire son
testament en français ou en anglais, il va l'écrire, mais, quand il va lire son
testament ou quand il va recueillir les volontés de la personne sourde puis qu'il va écrire, bien, à ce moment-là, lorsqu'il va
lire le texte, bien l'interprète, ce qu'elle va faire, elle va le
traduire en signes. C'est l'interprète qui va rendre exactement le texte en
signes à la personne sourde.
Alors, elle
est très, très importante, l'interprète, dans cette rencontre avec le notaire,
parce que le notaire, s'il veut traduire exactement les volontés de la
personne sourde, bien il va falloir qu'il comprenne ce que la personne dit. Et
la personne sourde, elle, elle va le dire en
signant, et l'interprète va le traduire au notaire, et le notaire va l'inscrire,
il va l'écrire. Et après il va le relire, et là l'interprète, elle va
confirmer en signes ce que le notaire va dire. Alors, c'est très, très
important que l'interprète participe à cette rencontre avec le notaire.
M.
St-Arnaud : Hier, ce que le
président de la Chambre des notaires et les gens qui l'accompagnaient nous
ont dit, c'est : On ne peut pas fonctionner comme ça parce que… Ce qu'ils
nous ont dit, c'est la même chose, finalement, que pour une personne qui parle une langue étrangère, qui n'est pas
comprise par le notaire. Ce que j'ai compris, à tout le moins, c'est qu'ils
nous disaient : On ne peut pas procéder comme ça parce qu'il faut que le
notaire entende, ait un… il doit
effectivement recueillir les volontés de la personne, il doit avoir une
conversation importante avec elle, et par la suite confère à l'acte, au testament, un caractère
authentique à cet acte duquel découlent un certain nombre de
conséquences juridiques. Alors, la Chambre des notaires semblait avoir des objections
majeures, en fait, à ce qu'on étende le tout au testament notarié.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme
la députée de Sainte-Marie—Sainte-Anne,
à vous la parole.
• (12 heures) •
Mme Blais : Oui. J'aimerais
seulement dire que, dans le mémoire écrit par La Fondation des sourds, ils mentionnaient notamment qu'on ne pourrait pas
utiliser des membres de la famille parce qu'il y a plusieurs interprètes
qui sont nés de parents sourds, leur langue
maternelle est la langue des signes québécoise, ou l'American Sign
Language, ou la langue des signes de Suède ou du Danemark — il y
a 44 pays qui ont reconnu ces langues-là. Ils ne veulent pas un membre de la famille parce que, là, ce serait
difficile de faire, évidemment, un testament, avec un membre de la
famille. Ce serait compromettant.
Mais, lorsqu'on prête
serment, c'est un serment. Un interprète fait partie de la vie intrinsèque de
la personne qui est sourde. Et à une époque
lointaine, je pense que c'est au XVIe siècle, XVIIe siècle, les
sourds ne pouvaient pas obtenir leur
héritage parce qu'ils ne pouvaient pas parler. On est rendus maintenant à un
autre siècle, là. J'espère que, de nos jours, on va pouvoir permettre aux personnes sourdes gestuelles d'avoir accès à
un notaire. Et, si, au Québec, on reconnaissait la langue des signes, il y aurait peut-être des
notaires qui apprendraient la langue des signes, parce qu'aux États-Unis il
y a des psychologues, il y a des médecins, il y a des notaires, il y a des
avocats, parce que c'est beaucoup plus répandu.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M.
Hallé, à vous la parole.
M. Hallé
(André) : Le notaire, c'est
un professionnel, il fait partie d'une corporation professionnelle. L'interprète,
c'est également une professionnelle qui fait
partie d'une corporation, et, en vertu de sa corporation, il y a des
exigences et il y a un code de déontologie.
Et la langue des signes, ce n'est pas une langue
orale. C'est très différent du mandarin, c'est très différent de l'espagnol, du portugais ou des langues arabes. C'est
une langue qui est gestuelle, il n'y a pas de son qui s'émet avec la langue des signes. Le notaire ne pourrait en aucun
temps communiquer oralement avec une personne sourde. La seule façon de
pouvoir communiquer avec la personne sourde, c'est par les signes.
Le notaire ne connaît pas les signes, il a
besoin d'une professionnelle qui va dire à la personne sourde ce que le notaire dit oralement ou ce que le notaire a
écrit. L'interprète va le traduire en langue des signes, c'est une
personne qui est essentielle dans cette
relation entre la personne sourde et le notaire. La réflexion de la Chambre des
notaires à cet effet m'apparaît d'un autre temps
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
ministre.
M.
St-Arnaud : Merci, Mme la
Présidente. En fait, ce que la Chambre des notaires nous dit, c'est :
Pour faire un testament notarié, lorsqu'on
fait un testament notarié, il ne doit y avoir aucun intermédiaire entre la
personne qui fait son testament et le
notaire. C'est ce que la chambre nous dit, là, pour faire un testament notarié,
et ma compréhension, là, c'est que c'est
le cas présentement. Donc, il n'est pas possible d'utiliser, par exemple, un
interprète mandarin-français lorsqu'une personne qui ne parle que le
mandarin veut faire son testament, il faut trouver un notaire qui parle le mandarin, et ce qui amenait la Chambre des
notaires à nous dire hier : Bien, on s'engage à former des notaires qui
vont parler la langue des signes, là. C'est ce que… C'était l'engagement, hier,
du président de la Chambre des notaires.
Alors, j'aimerais, en conclusion, là, vous
entendre réagir à ces propos que je mets sur la table à la suite de la
rencontre qu'on a eue, de l'audition qu'on a eue hier du président de la
Chambre des notaires.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M.
Hallé, à vous la parole.
M. Hallé
(André) : L'interprète n'est
pas un intermédiaire. Ce n'est pas un intermédiaire, c'est la personne…
Le sourd est devant le notaire et le sourd
va signer ses demandes, ses volontés. Le notaire ne peut pas comprendre ça. Il
ne pourra pas nécessairement les écrire,
parce qu'il y a des sourds qui ont de la difficulté à bien écrire… ou il va
écrire un mot, mais le notaire ne
comprendra pas parfaitement ce qu'il va avoir… le sourd va avoir inscrit.
Alors, il faut une personne qui va interpréter oralement ce que le sourd
dit en gestes. C'est une personne qui est essentielle, c'est un… L'interprète,
là, est un prolongement de la personne sourde.
Et, le
notaire, bien je suis heureux d'entendre que les notaires sont prêts à
apprendre la langue des signes, mais apprendre
la langue des signes, c'est au moins deux, trois ans de formation, et il faut
pratiquer régulièrement, à toutes les semaines pour pouvoir communiquer
adéquatement avec la personne sourde. Alors, ça veut dire qu'il va y avoir
deux, trois ans ou il va y avoir une période de temps assez longue où les
sourds n'auront pas de testament. C'est un non-sens, je veux dire, je ne
comprends pas du tout cette réticence de la Chambre des notaires. C'est
inacceptable.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui,
M. le ministre.
M. St-Arnaud : Dernière question. J'aimerais
ça peut-être, M. Forgues ou M. Hallé, que vous nous disiez… Présentement, là,
un notaire qui veut faire un… un sourd qui veut faire un testament, il fait
quoi?
La Présidente (Mme Beaudoin) : M.
Forgues, à vous la parole.
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par
la langue des signes).
[Interprétation] Présentement, ils y vont
avec un membre de la famille qui essaie d'interpréter pour eux, un frère ou quelque chose comme ça, mais je pense qu'il
n'y a pas eu d'abus vraiment. Mais, quand il n'y a pas de membre de la famille disponible, ils sont un peu mal pris,
puis ils laissent tomber, puis ils ne font pas leur testament. C'est ce qui
fait qu'on ne peut pas dire que leurs droits
sont… les droits sont égaux. Normalement, au Québec, les lois doivent être
égales pour tout le monde. On doit avoir accès comme tout le monde, de façon
égale aux services. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme Beaudoin) : M.
Hallé.
M. Hallé (André) : Ce que j'ai
ajouté, c'est que c'est un droit…
Une
voix : Fondamental.
M. Hallé (André) : …fondamental, la possibilité de faire un testament, et il doit y avoir
une justice équitable pour toutes les personnes du Québec. Alors, les
sourds ont droit de faire un testament, et, pour faire un testament, bien il faut qu'il y ait… Il peut faire un testament chez
lui, avec sa famille, mais, si un sourd a besoin de faire un testament
devant un notaire, bien il va contacter un
notaire, il va appeler un interprète, puis l'interprète va venir avec lui. Puis
le notaire, bien, il va falloir qu'il
écoute l'interprète qui va traduire oralement les volontés du sourd, et le
sourd va signer ses volontés, il va les exprimer dans une langue
gestuelle.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. le ministre, il vous reste une minute.
M. St-Arnaud : Bien, ça complète l'essentiel de mes questions, Mme la Présidente. Je
remercie les gens qui se sont présentés
devant nous. Et je requiers déjà les services, Mme la Présidente, de la députée
de Saint-Henri—Sainte-Anne
lorsque nous ferons l'étude article par article, particulièrement lorsque nous
étudierons les articles 23, 24 et 25. Nous allons nous ajuster à son agenda,
parce que je pense qu'elle pourrait être d'un apport très important à l'étude
de cette portion du projet de loi n° 35.
Alors, merci beaucoup
d'être venus. C'est très clair. Et, quant à moi, Mme la Présidente, ça complète
mes questions.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci. Alors, je cède la parole aux membres de l'opposition
officielle pour une durée de 19 minutes. À vous la parole, le
député de Fabre.
M. Ouimet (Fabre) : Merci, Mme la Présidente. J'aurais quelques questions. Je sais que mes
collègues aussi ont des questions, alors je vais aller rapidement.
Tout
d'abord, merci. Merci d'être ici, de nous fournir votre éclairage. Je vais me
permettre… Puisque j'accorde beaucoup
d'importance au respect qu'on témoigne aux personnes qui viennent devant nous,
Mme la Présidente, vous me permettrez de présenter mes excuses et
regrets pour le retard, mais les travaux parlementaires quelquefois bousculent
l'horaire de nos auditions, et on est désolés que vous ayez dû patienter
au-delà de l'heure prévue pour l'audition. Je suis certain que tous mes
collègues partagent mes propos.
Ceci dit, j'aurais
aimé que vous nous parliez de la communauté — mais là je ne sais pas si le
terme est exact — des
personnes sourdes ou des sourds…
Une voix :
…
M. Ouimet
(Fabre) : …la communauté des sourds — merci, Mme la députée — en
fait, pour savoir exactement, là… qu'on connaisse un peu mieux les gens qu'on
essaie d'aider avec ce projet de loi.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. Forgues, à vous la parole.
M. Forgues
(Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).
[Interprétation] La communauté sourde, c'est important pour nous d'avoir accès aux
services de notaire avec un interprète pour que ce soit clair. Sinon, on
n'y a vraiment pas accès, on se sent un peu désemparés. C'est vraiment un
problème pour nous. [Fin de l'interprétation]
Une voix :
…
M. Forgues
(Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).
[Interprétation] O.K., O.K. La communauté sourde, ce que ça veut dire exactement, c'est
les personnes sourdes qui partagent
une même langue, les mêmes traditions — les
traditions qui appartiennent à la culture sourde — qui partagent une même histoire, qui ont une langue, une syntaxe différentes du français,
et puis que souvent ces personnes-là se regroupent, se voient, organisent des séances d'information où
est-ce qu'on donne de l'information pour l'accès, pour… C'est comme un
peu la communauté amérindienne. On peut dire qu'ils sont solidaires entre eux,
ils ont beaucoup d'échanges. C'est comme les groupes… les minorités. Dans le
fond, nous, on se regroupe, on échange et puis on se sent… On est semblables,
on se regroupe en communauté. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. Hallé, à vous la parole.
• (12 h 10) •
M. Hallé
(André) : J'aimerais peut-être ajouter une petite précision, c'est qu'il
y a des sourds dans toutes les régions du
Québec. Et, les sourds, parce qu'ils sont venus au Québec lors de la création,
la fondation de Québec, il y a des sourds qui étaient présents, et ces
sourds-là communiquaient en langue des signes. Et, dans les écoles où ils
allaient, les écoles primaires, par les religieux, les religieuses, on leur
montrait également la langue des signes, et les sourds apprenaient la langue des signes en 1830, quand ils sont venus au
Québec — Daniel
précisait «en 1830». Et, les sourds, si les enfants sourds avaient des parents sourds, ils apprenaient la langue
de leurs parents comme des enfants entendants vont apprendre la langue
de leurs parents, ils vont apprendre à parler. Alors, les enfants sourds
apprenaient la langue gestuelle de leurs parents, et à l'école on leur montrait
à lire et à écrire à partir de la langue des signes.
Alors,
aujourd'hui, il y a des écoles où on va enseigner les différentes matières au
programme du primaire, du secondaire, etc., en ayant recours à la LSQ,
qui est la langue de communication. C'est pour ça que c'est important de
reconnaître officiellement la langue, la LSQ, comme langue d'enseignement. Si
ce n'est pas reconnu comme langue d'enseignement, bien c'est assez difficile d'offrir
une éducation appropriée aux sourds.
Alors, les
sourds, il y en a partout au Québec. Ils se regroupent en associations, il y a
une quarantaine d'associations, et ils échangent entre eux, ils
organisent des activités entre eux.
Et aussi,
pour permettre aux sourds d'avoir accès à l'information… Parce que, dans
différents ministères, il y a beaucoup
de brochures, de documents, etc. Ce sont des documents d'éducation populaire,
alors c'est très important que ces documents-là
soient traduits en langue des signes, et, en les traduisant, on les met en
vidéo et on distribue les vidéos à toutes les associations des personnes
sourdes. On a fait plus d'une cinquantaine de vidéos comme ça. On en a fait
pour le ministère de la Justice, entre autres, sur les abus envers les aînés. C'est
fondamental.
Alors, sur le
testament, il existe une brochure là-dessus. Les sourds ne connaissent pas ça,
un testament, alors il faudrait qu'on
traduise cette information-là. Il y a aussi des musées qui ont commencé à
traduire leurs expositions en langue gestuelle.
Alors, c'est important. C'est la langue de
communication des sourds, hein? Alors, cette langue-là, les sourds l'utilisent à tous les moments de la journée, à
toutes les étapes de leur vie, alors c'est important que la langue soit
reconnue comme les langues gestuelles sont reconnues présentement, Mme Blais
soulignait tout à l'heure, dans plus d'une quarantaine de pays dans le monde. C'est
reconnu légalement, mais, au Québec, ça ne l'est pas encore, on a tout un
retard. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme
la députée de Sainte-Marie—Sainte-Anne,
à vous la parole.
Mme
Blais : Oui. Juste pour dire
que la LSQ, pour le Québec, ou l'American Sign Language, ce n'est pas
que la langue des sourds gestuels, c'est aussi la langue des enfants sourds,
des enfants qui sont nés de parents sourds et qui font partie intrinsèque de la communauté des sourds, tout comme les
interprètes qui font partie jusqu'à un certain point de la communauté
des sourds.
Il y a des sourds, il y a des oralistes, il y a
des malentendants, des devenus sourds qui n'ont aucun lien avec la communauté
sourde gestuelle. Pourquoi? Parce qu'ils ont appris à parler, et leur référence
est à la culture entendante. Alors, pour eux
autres, apprendre la LSQ, ça n'a pas de sens. Ils ont perdu quelque chose, c'est
comme le paradis perdu.
Mais, pour les sourds de naissance, ces
personnes-là n'ont rien perdu. Elles ne sont pas handicapées. Elles sont
minoritaires dans une majorité de personnes entendantes et elles veulent tout
simplement pouvoir vivre avec les entendants. Et je pense qu'on est rendus à une
époque… Quand on dit que c'est même difficile pour faire un testament chez le
notaire, je pense que c'est intéressant de commencer à s'ouvrir à cette
communauté-là, qui a pour seul handicap le
fait de ne pas entendre, mais ils dansent, ils font de la poésie, ils ont une
histoire, ils partagent entre eux parce qu'ils ont des congrès internationaux,
et c'est fantastique. Quand on dit, là, «un vrai dialogue de sourds», je
suis frustrée, parce que, dans des colloques
internationaux, il y a autant d'interprètes gestuels que de communautés
sourdes qui proviennent de pays différents. Et là, en plus, il y a des
interprètes oralistes qui interprètent pour les entendants, puis tu as la langue des signes internationale, la
langue des signes du pays qui accueille, tu as l'American Sign Language.
Alors, tu as une diversité de langues, et c'est tout à fait fascinant.
En terminant, pour un entendant qui arrive dans
la communauté sourde, c'est l'entendant qui est handicapé, et non pas le
contraire.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
député de Fabre, à vous la parole.
M. Ouimet
(Fabre) : Oui, merci. Un
point technique : lorsqu'on utilise l'expression, dans le projet de loi,
on parle de traduit en langue… un
interprète en langue des signes, je pense que c'est les termes utilisés dans le
projet de loi. Je pensais que c'était la bonne façon de décrire de façon
générale les moyens, les langues.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M.
Forgues, à vous la parole.
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par
la langue des signes).
[Interprétation] En langue des signes
québécoise, pas… ou en American Sign Language, oui, parce qu'il y a une partie des Québécois, par exemple à Montréal,
des sourds québécois qui utilisent l'ASL. Il n'y en a pas beaucoup, en
majorité c'est la LSQ, mais les deux sont parlées. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme Beaudoin) : M.
Hallé.
M. Hallé (André) : L'expression «en
langue des signes», dans le projet de loi, est incomplet… incomplète, excusez. Au Québec, elle est incomplète, l'expression
«en langue des signes» est incomplète. Au Québec, ça s'appelle la langue des signes québécoise… ou American Sign
Language, parce qu'il y a deux langues gestuelles, mais l'expression
exacte, c'est langue des signes québécoise, LSQ, ou American Sign Language,
ASL. C'est ce qu'on pourrait inscrire dans le projet de loi.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
député de Fabre.
M.
Ouimet (Fabre) : Oui. En fait, c'est parce que je ne comprends pas.
Quand on dit : En langue des signes, est-ce
que ce n'est pas une description générale des différentes langues? Parce qu'il
faut être prudent de ne pas être trop précis, hein, c'est ça. Est-ce que
c'est une erreur… Puis là c'est peut-être une question juridique, là, mais je
voulais savoir : Est-ce que c'est une erreur de décrire… d'utiliser les
termes généraux «en langue des signes»?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. Forgues.
M. Forgues
(Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).
[Interprétation] Merci. Il y a deux langues au Québec qui sont parlées, c'est l'American
Sign Language et la langue des signes
québécoise. S'il y a des nouveaux arrivants sourds, il va falloir qu'ils
apprennent une ou l'autre, on ne parle pas des autres langues des signes, là. Dans le monde, il y a la langue des
signes française, il y a la langue des signes japonaise, il y en a peut-être 119, là, au total, partout dans
le monde, mais, pour préciser qu'ici… pour préciser la langue des signes
d'ici, du Québec, c'est la langue des signes
québécoise et l'American Sign Language, là. C'est les deux qui sont parlées,
c'est tout. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. le député de Fabre.
M. Ouimet (Fabre) : Merci. Un dernier commentaire, et là je vais céder la parole. Vous avez
noté et tout à fait à juste titre, et
c'est un message que je retiens… Vous soulignez qu'il est important qu'un
notaire rédige un acte notarié en langage concis, simple, clair. Et, ce
message-là, en fait, je vais porter votre message un cran plus haut, plus loin,
je pense que toutes les lois devraient
respecter cette consigne, et on va essayer de faire notre possible à ce
chapitre. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à vous la parole.
M. Poëti :
Merci, Mme la Présidente. Merci d'être ici aujourd'hui, d'avoir présenté ces
demandes, qui m'apparaissent fort légitimes.
Dans
la société québécoise, on a tous évolué à travers les années. Toutes les
organisations, tous les professionnels doivent
le faire. Effectivement, le ministre a souligné tantôt qu'on a reçu le
président de la Chambre des notaires hier, qui nous dit qu'il doit entendre lui-même… Ils sont même prêts à former des
gens, ce qui m'a très surpris. Et j'ai offert comme solution, en fait
proposition de dire : Est-ce qu'on ne pourrait pas penser à une captation
vidéo et audio, en ce sens que, si jamais il
y avait un litige ou quelque chose sur le fait qu'il y aurait eu une mauvaise
interprétation de la chose, on pourrait
toujours se référer à une captation vidéo et audio scellée?, et je n'ai pas eu
droit à une grande réaction. Je dois vous dire que je suis un peu déçu.
Je pense que la
Chambre des notaires, comme les autres organismes au Québec, doit évoluer avec
la société. Et je pense qu'aujourd'hui, pour
certaines personnes en fauteuil roulant, il y a eu une grande amélioration de
l'ouverture des citoyens québécois et des
organisations professionnelles pour eux, mais, dans votre cas, parce que les
gens ne voient pas nécessairement à première vue le handicap, ça ne pose
pas de problème, et je trouve ça terrible.
Je
trouve vos demandes très légitimes. Je sais que mes collègues sont des juristes
de formation et je comprends la lourdeur,
parfois, du volet juridique de la chose, mais j'en appelle au ministre, une
ouverture de compréhension sur quelque chose
de base. Qu'un citoyen qui a… évidemment qui est sourd ait de la difficulté à
aller chez un notaire pour faire son testament, honnêtement, en 2013, je
trouve que ça n'a aucun bon sens, M. le ministre. Et je sais que vous avez
cette ouverture-là et je pense qu'on ne
devrait pas se bloquer sur des règles de notaire. Parce qu'hier je n'ai pas
senti d'ouverture en ce sens-là, où
le notaire doit entendre lui-même et ne veut pas, pour une raison, il me
semble, juridique, je pense — je ne pense pas que c'est de
mauvaise foi — considérer
un interprète. Et c'est ce que j'ai suggéré hier, un interprète, lorsqu'on parlait du mandarin, et vous avez été
très précis aujourd'hui en nous disant : Non, non, ce n'est pas la
même chose, là, c'est autre chose. Alors, un, je veux juste vous dire : J'espère
que, la Chambre des notaires, M. le ministre, vous allez avoir la capacité de les
convaincre de faire un pas en avant pour des gens de notre société qui ont
droit aux chartes, ont droit aux services.
D'ailleurs,
j'espère aussi — c'est
la première fois que j'en suis informé, par votre document — que
les choses importantes juridiques
pour votre communauté… qu'elles soient enregistrées sur forme vidéo, qu'on
puisse voir, justement, et aider à
faire une forme d'information à ces gens-là dans votre langage, dans votre
façon de vous exprimer. Je pense que c'est minimal. Je pense même que…
On n'a pas de point de charte, là, mais, tu sais, si on s'assoyait sur ça, ce
serait facile de vous aider.
Vraiment,
je connais moins votre communauté. Je la connais mieux avec vos deux simples
pages ici aujourd'hui, qui, à mon
avis, sont des demandes tout à fait légitimes. J'espère qu'on va les entendre,
j'espère qu'on va les approuver et les
inclure dans le projet de loi, sans, honnêtement, se bloquer sur des virgules
juridiques quand on parle d'êtres humains qui ont droit aux mêmes services que tout le monde. Soyez assurés que je
vais suivre cette commission-là et défendre vos simples demandes. Quand la Chambre des notaires en avait 15,
propositions, hier, là vous ne demandez pas grand-chose. Ce que vous
demandez est légitime, et vous pouvez compter sur moi pour vous aider.
M. Forgues
(Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).
[Interprétation]
Merci. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme Beaudoin) : M.
Forgues, à vous la parole.
M.
Forgues (Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).
[Interprétation]
Oui, je trouve ça un peu bizarre que la Chambre des communes s'oppose comme ça,
c'est quand même important. Vous le voyez
aujourd'hui, l'interprète est importante, on l'utilise aujourd'hui. Si la
personne sourde va à l'hôpital, elle a droit
à l'interprète. Si elle a à se faire opérer ou quelque chose comme ça, si elle
va en cour, elle doit rencontrer un
avocat, on a droit toujours aux services d'interprète. Partout on a droit aux
services d'interprète, on y a
recours. Je ne comprends vraiment pas pourquoi la Chambre des notaires, eux, s'y
opposent. Dans le fond, les gens vont peut-être aller ailleurs, je ne
sais pas qu'est-ce qu'ils vont faire, mais… C'est ça. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. Hallé.
M. Hallé (André) : Je vous remercie pour vos réflexions, vos réflexions partagent
également nos points de vue. Et je pense que le notaire doit s'adapter
au Québec d'aujourd'hui et de demain, il est urgent, parce que les autres professionnels, que ce soit dans le domaine de la
santé, les avocats, etc., ils reçoivent des interprètes, et c'est
important. Quand il y a un litige et qu'un sourd va en cour, il a droit à un
interprète.
Une voix :
Chez le médecin.
M. Hallé
(André) : Quand il va chez le médecin, il doit se faire opérer, il a
droit à un interprète.
Une voix :
Chez le psychologue.
M. Hallé
(André) : Le psychologue, etc. Pourquoi le notaire, lui, ferait fi de
ça? C'est incompréhensible.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme la députée de l'Acadie, pour environ deux
minutes. À vous la parole.
• (12 h 20) •
Mme
St-Pierre : Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, moi aussi, à mon
tour, je veux vous saluer pour votre
présence ici. Et je dois dire que moi-même, moi aussi, également, quand on
imagine qu'on est en 2013 puis on se penche sur cette question-là, je ne
comprends pas pourquoi ça n'a pas été fait avant. Mais, bon, on ne commencera à
avoir des blâmes partout. On va, nous autres, avancer puis on va le faire.
Je pense que la
Chambre des notaires a une attitude qu'on reproche souvent à des ordres
professionnels, c'est-à-dire ils résistent énormément au changement, difficulté
à s'adapter et à comprendre les problèmes des autres. Et là on a un très, très, très bel exemple, et j'espère que le ministre
va comprendre qu'on a ici, là, comme législateurs, une volonté très grande de régler cette situation qui
est totalement, dans une société comme la nôtre, totalement
inacceptable. Et vous pouvez compter sur nous, puis je pense qu'il n'y aura pas
beaucoup de résistance de l'autre côté. Ça va aller assez bien.
Moi, j'ai une
question tout à fait technique : Est-ce que ça veut dire qu'une personne
muette ne pourrait pas devenir notaire?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. Hallé, à vous la parole pour… brièvement, une minute.
M. Hallé
(André) : Une personne muette n'est pas nécessairement sourde, mais,
une personne sourde, ce que j'ai compris de votre question, c'est qu'une
personne sourde peut devenir notaire. D'ailleurs, il y a des sourds qui sont
avocats.
Mme
St-Pierre : Mais elle fait son testament comment, la personne sourde
qui est notaire?
M. Hallé
(André) : Bien, elle va recourir à un autre notaire puis elle va avoir
un interprète avec elle.
Mme
St-Pierre : …il y a quelque chose que je ne comprends pas. C'est parce
qu'on nous dit qu'il faut qu'on légifère pour que vous puissiez avoir un
interprète pour faire votre testament.
M. Hallé (André) : Non, mais, si… La personne qui est sourde, qui est notaire puis qui
veut offrir des services de notaire, bien elle va avoir recours à des
interprètes pour communiquer avec sa clientèle qui est entendante ou pour
communiquer avec…
Mme
St-Pierre : Alors, ils acceptent des personnes sourdes dans leur ordre
professionnel…
M. Hallé
(André) : Bien, je ne sais pas s'ils en acceptent.
Mme St-Pierre : …qui ont besoin d'avoir des services d'interprète pour faire leur
travail, mais ils n'acceptent pas qu'une personne sourde puisse faire
son testament.
M. Hallé
(André) : Je ne sais pas si…
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
M. Hallé, le temps est écoulé, alors… À moins qu'il y ait consentement
pour terminer l'explication, parce qu'il reste, pour le deuxième groupe d'opposition,
environ cinq minutes.
Mme St-Pierre : Moi, c'est correct.
C'est juste…
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Est-ce que ça va? Oui. Ça va. Alors, M. le député de Saint-Jérôme, à vous
la parole pour environ cinq minutes.
M. Duchesneau : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Moi aussi… Bonjour, M. Forgues, M. Hallé et chers collègues. Moi, avant même qu'on parle des
articles de loi, M. Hallé, vous avez mentionné tantôt un point qui est
fort important, c'est que vous disiez que
les personnes sourdes, souvent, ne connaissent même pas les besoins en matière
de testament, et ça m'amène à vous poser une
question : Quelle est la communication de l'État, du gouvernement avec
les personnes sourdes pour justement vous transmettre ces informations-là,
avant même qu'on touche au point de droit?
M. Hallé (André) : Il y en a très
peu.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M.
Hallé, à vous la parole.
M. Hallé
(André) : Il y a très peu…
Parce qu'au gouvernement il y a beaucoup d'information, hein? Juste un exemple :
la période des questions à l'Assemblée nationale. Pourtant, les sourds ont le
droit de vote, ils votent. Mais comment peuvent-ils exercer adéquatement leur
vote s'ils n'ont pas accès à l'information lors de la période des questions? Ça fait longtemps qu'on demande que la
période des questions soit traduite en LSQ en médaillon, alors c'est…
M.
Duchesneau : …faire juste
une boutade : L'interprète qui travaillerait à l'Assemblée nationale
aurait beaucoup de travail, des fois, à vous transmettre les messages,
parce que ce n'est pas toujours très, très, très élogieux. Mais je vais fermer
la parenthèse.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M.
Hallé.
M. Hallé (André) : Ça s'est déjà
fait.
M. Duchesneau : Oui, oui, on s'entend.
M. Hallé (André) : À titre d'exemple…
Une voix : …à la Chambre des
communes.
M. Duchesneau : À la Chambre des
communes, ça fonctionne. Le président des États-Unis, là, à chaque fois qu'il
parle…
Dites-moi, vous évaluez à combien la population
de personnes sourdes au Québec?
La Présidente (Mme Beaudoin) : M.
Forgues.
M. Duchesneau : Plus ou moins, pas…
500 000? Non?
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par
la langue des signes).
[Interprétation] Oui, 10 %. 10 % de la population est sourde, toutes formes de
surdité confondues, là. Le chiffre? Peut-être 700 000. [Fin de l'interprétation]
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme
la députée de…
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par
la langue des signes).
[Interprétation] 700 000 malentendants, devenus sourds,
personnes sourdes. Excusez-moi. [Fin
de l'interprétation]
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme
la députée de Sainte-Marie—Sainte-Anne,
à vous la parole.
Mme Blais : Je ne veux pas vous
corriger, Mme la Présidente, mais je tiens à mon Saint-Henri.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oh!
Excusez. Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme Blais : Ce n'est pas grave. Il y
a 10 % de la population qui est sourde mais toutes formes de surdité confondues. Chez les personnes sourdes gestuelles,
elles sont beaucoup moins nombreuses, il y a à peu près entre
15 000 et 20 000 signeurs, et, si on rajoute les membres des
familles, et tout ça, on peut aller jusqu'à 25 000, entre 25 000 et
30 000 personnes. Puis il y a des gens qui aiment apprendre la langue, ça
fait que ça fait partie de la communauté.
M. Duchesneau :
On parle quand même d'une proportion importante de la population qui ne reçoit
pas l'information qu'elle devrait recevoir. C'est ce que vous me dites? O.K.
J'ai bien
aimé la proposition de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys à l'effet que… le
vidéo, à l'heure des nouvelles
technologies, là, pour s'assurer justement que les propos sont bien transmis à
un notaire avant qu'il rédige un acte quelconque, que ça pourrait être
une solution. Parce que je comprends. Écoutez, on a eu tellement de débats lors
de l'étude de projets de loi article par
article ici, récemment, que sur un même mot on a de la difficulté à s'entendre,
mais, une chance, on a les enregistrements qui nous permettent d'aller voir si
on a bien compris. Donc, c'est un minimum qu'on
pourrait faire, parce qu'aussi je peux comprendre la position de l'Ordre des
notaires. Je l'ai vu aussi dans des procès criminels où les interprètes
ne donnaient pas la bonne interprétation de ce que venait de dire le témoin,
quand c'était dans une langue étrangère,
puis il y a même des interprètes qui se sont fait semoncer pour, justement,
avoir mal traduit. Alors, si on touche
à des mots très particuliers, il faut faire attention. Mais je pense que la
proposition de mon collègue d'avoir un vidéo viendrait régler tout le
problème, alors je ne vois pas du tout où pourrait être l'objection.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
M. Hallé, pour quelques secondes. En terminant.
M. Hallé (André) : Oui, c'est une
excellente suggestion.
• (12 h 30) •
La Présidente (Mme Beaudoin) : Il
vous reste encore…
M. Duchesneau : …Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
député de Saint-Jérôme, il vous reste encore quelques secondes.
M. Duchesneau : Quelques secondes
pour vous dire merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Alors, je remercie La Fondation des sourds du Québec de sa contribution. Merci
également à l'interprète qui nous a aidés dans nos travaux.
Et je
demanderais aux représentants du Directeur de l'état civil de bien vouloir
prendre place à la table des témoins.
Nous allons suspendre nos travaux pour quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 12 h 36)
La Présidente (Mme Beaudoin) : Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Directeur de l'état civil, Me Bernier. Vous disposez de
10 minutes pour votre présentation, et je vous demanderais de présenter
les gens qui vous accompagnent.
Bureau du Directeur de
l'état civil
M. Bernier (Reno) : Merci, Mme la
Présidente. Je débute en vous présentant ceux qui m'accompagnent, effectivement. Je suis avec des gens de l'équipe
du Directeur de l'état civil. Il y a M. Denis Bouchard à l'extrême
gauche, en arrière là-bas. Il y a Donna St-Coeur et Dominique Paré. Je suis
également accompagné de Jonathan Boisvert, qui est analyste au Directeur de l'état
civil.
La Présidente (Mme Beaudoin) : À
vous la parole pour 10 minutes.
M. Bernier
(Reno) : Alors, merci. Mme
la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, membres de la
commission, je tiens à vous remercier de m'offrir l'opportunité de présenter
les commentaires de l'organisation du Directeur de l'état civil concernant le
projet de loi n° 35.
Avant tout,
je me permets de vous présenter une brève mise en contexte permettant de situer
cette organisation qui célébrera en janvier 2014 son 20e anniversaire.
Du début des années 1600 jusqu'à 1993, l'État
civil était administré par des milliers d'officiers publics, essentiellement les ministres du culte et les
protonotaires. Durant cette période, 17 millions d'actes ont été
enregistrés dans 425 000 registres répartis dans 3 600 lieux
différents.
Le 1er janvier 1994, le gouvernement
instaurait la fonction de Directeur de l'état civil, lequel devenait ainsi le seul officier de l'État civil au Québec. Il
centralisait du même coup l'ensemble des registres papier en un seul
registre, soit le registre de l'état civil.
20 ans plus tard, les activités de mission
du Directeur de l'état civil sont demeurées sensiblement les mêmes. Il a toujours comme responsabilités
essentiellement de dresser les actes de l'état civil, de tenir le registre, d'en
assurer la publicité par la délivrance de certificats et de copies d'acte et de
décider des demandes de changement de nom ou de mention du sexe. Toutefois, les
pratiques d'affaires, les technologies, le contexte gouvernemental et les
besoins et attentes de la clientèle ont évolué.
Le registre compte
maintenant 20 millions d'actes, tous numérisés. Il est tenu en double
exemplaire, dont l'un sur support
informatique. Les activités de mission sont toutes réalisées à partir du
registre informatique uniquement. Le registre est supporté par une
infrastructure technologique actuelle qui comporte de nombreuses mesures de
sécurité rigoureuses.
Les données
du registre de l'état civil sont aussi de plus en plus utilisées par les
ministères et les organismes comme référence
pour déterminer l'admissibilité aux programmes et services ou valider l'identité
des citoyens. Le Directeur de l'état
civil a d'ailleurs conclu de nombreuses ententes d'échange de renseignements
électroniques pour faciliter l'administration des programmes des
ministères et organismes mais aussi pour simplifier la vie des citoyens. Entre autres, les citoyens peuvent maintenant, en un
seul clic, consulter une foule d'informations sur le site Internet du
Directeur de l'état civil, obtenir des
réponses par courriel et vérifier la validité des certificats et copies d'acte.
Ils peuvent aussi depuis 2007, depuis que nous avons lancé le service en
ligne DEClic!, faire des demandes de certificat ou de copie d'acte par Internet
au moyen d'un service en ligne sécuritaire, facile et à un tarif avantageux. Ce
service a été enrichi à quelques reprises depuis et vient tout juste d'être
rendu disponible dans nos comptoirs de Québec et de Montréal pour que les gens
puissent faire des demandes sur place.
En plus de
permettre des gains d'efficience importants, les services DEClic! sont très
populaires. Plus de 40 % des
quelque 400 000 demandes de certificat et de copie d'acte traitées
annuellement sont reçues par DEClic! maintenant, et des sondages
réalisés depuis 2012 démontrent que nos taux de satisfaction sont de l'ordre de
99 %. D'ailleurs, le Directeur de l'état
civil s'est vu décerner deux Octas de la Fédération de l'informatique du Québec
et un prix d'excellence de l'Institut d'administration publique du
Québec pour ce service en ligne.
Par ailleurs,
les attentes de la société quant aux services d'état civil ont évolué
passablement depuis 1994. Ça nous permet aujourd'hui de constater qu'il
y a certains problèmes d'application qui n'existaient pas avec autant d'acuité
il y a 20 ans. Malgré cette évolution,
le cadre juridique qui entoure les activités du Directeur de l'état civil, pour
sa part, n'a subi que peu de modifications. À notre point de vue, le
projet de loi n° 35 constitue une réponse positive à ce besoin d'actualisation
du Code civil.
• (12 h 40) •
Aux fins de notre analyse, nous avons regroupé
en deux blocs les mesures du projet de loi qui concernent l'état civil. Le premier bloc vise à solutionner,
selon ce que nous avons compris, des problèmes d'application constatés
dans des situations particulières qui
entraînent des difficultés bien réelles pour les citoyens concernés. Plus
spécifiquement, ces mesures visent à
attribuer au Directeur de l'état civil le pouvoir de dresser, à certaines
conditions, l'acte de décès d'un absent lorsqu'un tribunal a reconnu la culpabilité d'une personne pour des
actes ayant causé le décès ou la disparition du corps. Elles visent également à habiliter le Directeur de
l'état civil à modifier, dans certaines circonstances, la mention du
sexe figurant sur l'acte de naissance d'une personne née au Québec mais qui n'y
est plus domiciliée. Les mesures visent également à dispenser le Directeur de l'état
civil de l'obligation d'obtenir une preuve de publication des demandes de changement de prénom et de publier ces
décisions à cet égard lorsqu'il est manifeste que la demande de
modification du nom est liée à la modification de l'identité sexuelle de la
personne.
Le Directeur de l'état civil est d'accord avec
le constat voulant que les règles actuelles ne lui permettent pas d'agir de façon efficace dans ces situations. Il
est d'accord avec les mesures proposées et croit qu'elles permettront de
régler les problématiques identifiées. Par ailleurs, le Directeur de l'état
civil est au courant que d'autres demandes pourraient
être étudiées afin de tenir compte notamment des réalités des personnes
transgenres et transsexuelles et il tient à assurer la commission et le
ministre de la Justice de son appui à cet égard pour participer aux travaux d'analyse.
Le deuxième bloc de mesures vise à actualiser le
Code civil pour favoriser la mise en place de nouveaux services en ligne qui
permettront de faciliter la transmission par voie électronique des déclarations
et des constats de naissance et de décès. Précisons que, pour dresser un acte
de naissance ou de décès, une déclaration doit d'abord être transmise au
Directeur de l'état civil par les personnes concernées et un constat dans un
autre document séparé qui est généralement rempli par le médecin. Actuellement,
pour les quelque 85 000 naissances et 60 000 décès inscrits annuellement au registre, les déclarations et
constats sont remplis au moyen de formulaires papier et transmis par la
poste, ce qui entraîne certains délais. Aux délais postaux s'ajoutent ceux
engendrés par le traitement manuel inhérent à l'ouverture et au tri du
courrier, à la numérisation des documents, à la saisie des renseignements qu'ils
contiennent. De plus, lorsque les déclarations et les constats sont remplis à
la main, certaines erreurs peuvent se glisser ou certains renseignements
peuvent être omis et faire en sorte que le personnel doive communiquer avec l'auteur
du document pour préciser des choses, ce qui allonge encore plus les délais et
augmente les coûts.
Afin d'améliorer
l'efficacité du processus d'inscription tout en simplifiant les démarches des
citoyens, le Directeur de l'état
civil souhaite mettre en place de nouveaux services en ligne qui permettront la
transmission par voie électronique des
déclarations et des constats de naissance et de décès. Il demeurerait toutefois
possible pour le citoyen qui le préfère d'utiliser les formulaires papier, si c'est son choix, et ceci pour
favoriser une transition graduelle vers le mode électronique.
Plus précisément, le Directeur de l'état civil
souhaite que la déclaration de décès puisse être remplie chez le directeur de funérailles, comme ça se fait déjà
avec le formulaire papier, mais au moyen d'un service en ligne sécurisé.
Ce service en ligne permettrait au directeur
de funérailles d'accéder à un extranet pour remplir le formulaire avec le
déclarant et ensuite le transmettre
électroniquement au Directeur d'état civil. Le Directeur de l'état civil a d'ailleurs
déjà commencé à développer son
extranet et il a commencé à le faire tester par certaines maisons funéraires
membres de la Corporation des thanatologues du Québec. Les essais sont
très concluants, et nous allons continuer à faire des essais avec d'autres
maisons funéraires dans les prochaines semaines et les prochains mois.
Cependant, pour l'instant, compte tenu du cadre
juridique actuel, les directeurs de funérailles doivent continuer à nous envoyer
la version papier de la déclaration, ce qui, vous comprendrez, diminue
de beaucoup les gains envisagés pour ce service en ligne.
Le
Directeur de l'état civil souhaite aussi que la déclaration de naissance, au
lieu d'être remplie à l'hôpital par les parents au moyen d'un formulaire papier
et transmise par la poste, puisse être remplie et transmise par les parents, de la maison ou d'ailleurs, au moyen d'un
service en ligne sécurisé. Des travaux sont en cours pour développer ce
service et préparer son déploiement graduel dès cet automne si les
modifications législatives sont adoptées.
Précisons
ici — et
c'est important de le dire — qu'il
ne s'agit pas de longs projets coûteux à réaliser pour l'État, au contraire. Le développement des services dont je vous
parle, il est déjà très avancé, et la mise en place des services en
ligne pourrait être amorcée dès la présente année. Les projets sont réalisés
entièrement par des ressources internes qui travaillent déjà pour l'organisation
puis qui connaissent très bien l'infrastructure technologique du Directeur de l'état
civil. Les coûts qui sont prévus, ce seraient des moindres coûts, de moins de
200 000 $ par service en ligne, puisqu'il y a déjà des travaux de réalisés et puisqu'on utiliserait l'infrastructure
technologique qui sert au service DEClic! dont je vous ai parlé tout à l'heure,
et les coûts seraient assumés à même les budgets actuels et compensés
rapidement par les gains escomptés des déclarations en ligne.
Par
la suite, une fois qu'on aura mis en place ces déclarations de naissance et de
décès, on souhaite travailler pour évaluer la possibilité de mettre en
place aussi les constats électroniques avec le réseau de la santé et le
ministère de la Santé, mais dans une deuxième étape.
Le
Directeur de l'état civil est d'avis, quant aux mesures qui sont prévues dans
le projet de loi à cet effet, qu'elles permettraient de faciliter la
mise en oeuvre des projets. Plus précisément, les modifications qui visent à
neutraliser de façon technologique le Code
civil nous permettraient d'y arriver plus facilement. Alors, dans l'ensemble,
nous appuyons ce projet de loi qui va nous permettre de mettre en place
les projets dont je vous ai parlé et qui va permettre aussi d'actualiser les
règles entourant l'état civil depuis déjà 20 ans d'évolution que nous
avons eus depuis 1994. Alors, je vous remercie.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, Me Bernier, pour votre présentation. M. le
ministre, à vous la parole pour environ 11 minutes.
M. St-Arnaud : Bien, merci, Mme la Présidente. Alors, je
remercie Me Bernier et les personnes qui l'accompagnent de leur
présentation.
Est-ce que je
comprends que, pour l'essentiel, donc, le projet de loi n° 35, là,
répond à vos préoccupations? Est-ce qu'il y
a des points particuliers où il y aurait des ajustements à faire, là, dans le
projet de loi n° 35, le libellé, tel qu'il est actuellement,
là, pour les différentes dispositions, à la fois pour le premier volet, les
situations particulières, que pour le
deuxième, pour la transmission électronique? Est-ce qu'il y a des ajustements
qui doivent être faits… ou vous êtes satisfaits, là, du contenu du
projet de loi n° 35?
M. Bernier
(Reno) : Nous, tout ce qui est…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Me Bernier.
M. Bernier
(Reno) : Pardon, Mme la Présidente. Merci beaucoup. Tout ce qui est
prévu actuellement, de la manière qu'il est
libellé et qu'il est présenté, nous convient. On est capables de mettre ça en
place sans problème anticipé.
M.
St-Arnaud : Écoutez, moi, je n'aurais pas vraiment de question, Mme la
Présidente, sauf peut-être juste une. On a
reçu une lettre de la Protectrice du citoyen. En fait, elle a écrit au
président de la Commission des institutions le 17 mai dernier sur une problématique, là, qu'elle nous soumet. Je
vous la soumets et j'aimerais vous entendre là-dessus. Elle nous dit à la page 2 : «…le Protecteur
du citoyen a dû intervenir à plusieurs reprises depuis 2004 afin que le
Directeur de l'état civil tienne compte des
spécificités culturelles au moment de l'inscription du nom d'un nouveau-né. En
effet, dans certaines cultures, les
noms de famille sont féminisés ou masculinisés selon le sexe de la personne. À
titre d'exemple, un père d'origine russe portant le nom de famille Safin
ne peut choisir, au Québec, le nom de famille Safina pour sa fille, bien qu'il
s'agisse de la coutume dans son pays d'origine et que, dans sa communauté même
au Québec, le nom de [fille] Safin pour une personne de sexe féminin porte au
ridicule.
«Suivant l'article 51
du Code civil, l'attribution de nom de famille féminisé ou masculinisé n'est
pas toujours possible. Cependant, depuis les interventions du Protecteur du
citoyen, les parents désirant inscrire un nouveau-né en féminisant ou en
masculinisant le nom de famille choisi pour leur enfant sont informés de la
possibilité d'obtenir, après l'inscription
de celui-ci selon les dispositions de l'article 51, un changement de nom
par voie administrative — via
58 du Code civil. Pour ce faire, les parents doivent satisfaire aux obligations
du Code civil, du Règlement relatif au changement
de nom et d'autres qualités de l'état civil et du Tarif des droits relatifs aux
actes de l'état civil, au changement de nom ou de la mention de sexe.
Parmi ces obligations, on retrouve celle de donner avis de sa demande une fois
par semaine, pendant deux semaines
consécutives, à la Gazette officielle du Québec et dans un journal
publié ou circulant dans le district judiciaire où il a son domicile. De
cette obligation découlent des frais d'environ 225 $.»
Et
la Protectrice du citoyen nous dit : «Cette exigence me paraît inutile. La
publication dans la Gazette officielle du Québec et dans
un journal local vise à protéger les droits des tiers en les informant de la
demande de changement. Or, quel tiers a
véritablement intérêt à connaître le changement de nom d'un nouveau-né?» Et la
recommandation qu'elle nous fait est la suivante : «Que le Code
civil du Québec soit modifié afin de soustraire les parents de nouveau-né de
moins de six mois aux exigences actuelles de publication. À cette fin, les
articles 63 et 67 du Code civil du Québec devraient être modifiés afin d'ajouter
une dispense de publication lors d'une demande par voie administrative du
changement de nom d'un nouveau-né.»
Alors,
j'aimerais vous entendre là-dessus, vous êtes un expert de ces questions. À
première vue, là, je lis ça, et ça m'apparaît
intéressant comme piste qui nous est formulée par la Protectrice du citoyen. On
accorde toujours beaucoup d'importance, Mme la Présidente, à ces avis
qui nous viennent de la Protectrice du citoyen. Alors, j'aimerais vous
entendre, Me Bernier, là-dessus.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Me
Bernier, à vous la parole.
M. Bernier
(Reno) : Oui, effectivement,
je suis au courant de ce dossier-là. D'abord, peut-être vous mentionner que, nous, à l'État civil, notre rôle, c'est d'appliquer
les règles et d'appliquer le cadre normatif qui est déterminé par le
législateur. Donc, peu importe le choix que vous allez faire, on va s'organiser
pour le gérer. Et puis on n'anticipe pas de problème non plus avec ce qui est
proposé là, qui fondamentalement fait bien du sens.
Je vous amènerais peut-être une petite précision.
C'est que, dans ce dossier-là, ce qu'il faut peut-être comprendre, c'est que la règle du Code civil, présentement, telle qu'elle
est établie, c'est que l'attribution du nom à l'enfant lors de la naissance se fait par les parents, et
les parents ne peuvent attribuer que leur propre nom de famille à eux ou
les deux combinés à l'enfant. Donc, il n'est
pas possible au Québec comme il est possible dans certaines autres
juridictions de féminiser ou de masculiniser le nom de famille de l'un ou de l'autre
des parents pour l'attribuer à l'enfant.
Par contre,
dans certaines situations bien particulières, il est possible, en application
du droit et de l'effet du mariage dans un autre pays, de prendre en
compte, dans le fond, que l'épouse — c'est bien souvent l'épouse — dans
le pays où elle était avant d'arriver au
Québec, avec les règles de droit qui existent là-bas, a changé de nom lorsqu'elle
s'est mariée et a adopté le nom de
son époux sous une forme féminisée. Depuis environ un an et demi, nous avons
mis en application une opinion
juridique qui nous a été fournie sur cet aspect-là, qui nous permet maintenant
de corriger la situation pour ces cas-là.
Donc, le problème, il est réglé un peu en partie avec cette nouvelle
application-là, mais il reste encore quelques cas peut-être qui peuvent
se produire.
• (12 h 50) •
M.
St-Arnaud : Et vous dites…
Donc, est-ce que vous êtes en train de me dire qu'au niveau de la… La
publication n'est plus obligatoire ou la publication doit toujours avoir lieu
dans ces cas où vous avez trouvé une solution?
La Présidente (Mme Beaudoin) : Me
Bernier.
M. Bernier (Reno) : Dans ces cas-là,
la solution est que la femme mariée a acquis le nom de son époux sous une forme féminisée, c'est l'équivalent d'un
changement de nom. Quand elle arrive ici, au Québec, et qu'elle s'établit,
et qu'elle… elle utilise même ce nom-là,
hein, quand elle arrive au Québec, elle utilise son nouveau nom, et elle a le
droit, donc, avec ce raisonnement-là, de l'accorder
à son enfant lorsqu'elle vient l'inscrire à l'État civil. Donc, dans ces
cas-là, nous sommes à l'étape de l'inscription
de l'enfant au registre, donc on peut lui accorder le nom, ce qui fait en sorte
qu'elle n'a pas besoin de passer par un changement de nom ensuite. Donc, c'est
ça que je précisais.
Puis, par ailleurs, pour les autres cas, par
exemple, que… et qui ne sont pas dans le cadre visé par l'opinion juridique, on a fait sortir certaines statistiques
pour nous donner un peu un ordre de grandeur des cas visés puis on a à
peu près une vingtaine de cas par année, dont parmi ceux-là il y a les cas que
je viens de vous décrire, qui sont réglés, là, par l'opinion juridique. Donc,
je suis embêté de vous dire combien il reste de cas qui ne sont pas réglés,
mais ce n'est vraiment pas nombreux.
Ceci étant
dit, ce n'est pas parce que ce n'est pas des cas nombreux que ce n'est pas une
problématique importante pour les
familles visées. Et puis, dans ce sens-là, c'est vrai que, pour le moment, les
personnes qu'on ne réglerait pas leur dossier avec l'opinion dont je
vous ai parlé doivent aller effectivement en changement de nom et venir
démontrer, dans le fond, que c'est important pour l'enfant d'avoir le nom de la
mère sous une forme féminisée ou vice versa. Et puis, dans ces cas-là,
effectivement, ils doivent publier.
Bon, quant à
la dispense de publication, comme je vous disais tout à l'heure, s'il est
décidé d'en aller ainsi, nous, on ne
voit pas de problème pour gérer ça. Il faudrait peut-être juste faire attention
quand on dit : Est-ce qu'il y a quelqu'un qui pourrait s'en
plaindre? Peut-être pas des créanciers, on s'en doute bien, mais peut-être les
grands-parents. Il faudrait être prudent. Il
faudrait regarder, dans le fond, s'assurer que… Parce qu'ils ont un droit d'accès
aux enfants en vertu de l'article 611 du Code civil. Donc, il
faudrait vérifier, peut-être analyser cet aspect-là, s'assurer qu'il n'y aurait
pas, là, de problème ailleurs, mais, à première vue, moi, je ne verrais pas de
problème, là, autre que ça.
M. St-Arnaud : Je vous remercie, Mme
la Présidente. Ça complète mes questions.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, M. le ministre. Je cède la parole maintenant à l'opposition
officielle. Mme la députée de l'Acadie, à vous la parole.
Mme St-Pierre : Merci. Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être parmi nous ce matin.
Moi, c'est une question tout à fait technique.
Vous avez parlé des nouveaux parents lorsqu'ils ont un nouveau-né, que de plus en plus vous allez demander à ce que ça se fasse
en ligne, l'enregistrement du nouveau-né. Je suis un petit vieux jeu sur
ces questions-là puis je pense qu'il y a des moments dans la vie où on doit
peut-être rester conservateur. Et je me
dis : Est-ce que ça peut… Même si je fais beaucoup de choses sur Internet,
je fais des transactions, je fais
plein de choses, je me dis : Il me semble que, quand on arrive à cette
question-là d'un enfant qui arrive au monde, ça devrait être encore la
méthode traditionnelle, parce qu'il n'y a rien de mieux que d'avoir le papier
devant soi, puis de prendre
son crayon, puis de le signer. Puis c'est encore plus… Peut-être que dans
quelques années les gens comme moi penseront… vont être rendus dans un
autre monde, puis ça ne sera plus nécessaire d'en parler. Et même chose pour un décès, là, vous me dites que ça se fait encore
de façon traditionnelle chez les entrepreneurs de pompes funèbres. Mais,
sur la question de la naissance, rassurez-nous, parce que, quand vous
dites : Les parents peuvent retourner à la maison, il y a différents types de parents aujourd'hui, on
est dans une société très changeante, il y a beaucoup de façons de
vivre, et on trouve ça… On est très ouverts sur toutes les questions, mais là
moi, j'ai un petit blocage. Rassurez-nous.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Me
Bernier.
M. Bernier
(Reno) : Oui. Merci pour
votre question, elle est très pertinente. C'est pour cette raison-là, d'ailleurs,
c'est pour respecter les gens que nous avons décidé que ce ne serait pas
obligatoire. Contrairement à certaines autres réformes
où on a mis en place des transactions électroniques puis que ça a été imposé,
bien, nous, ce qu'on voudrait pour favoriser la transition, c'est que
les parents auraient le choix de le faire selon le mode qu'ils préfèrent.
Maintenant, ceux qui choisiraient de le faire
par voie électronique, je vous rassure tout de suite, nous avons prévu un
ensemble de mesures qui permettent d'être aussi solide, là, si vous me
permettez l'expression, qu'avec les formulaires papier et même plus. Je m'explique.
Les parents,
comme ils le font déjà dans près de 70 % des cas pour le RQAP, le Régime
québécois d'assurance parentale… Il y
a près de 70 % des gens qui font ça par Internet maintenant, des nouveaux
parents. Et puis ce qu'ils font, c'est qu'ils vont se chercher un
identifiant avec l'authentifiant clicSEQUR, qui est l'orientation d'authentification
gouvernementale, et ensuite ils peuvent
accéder, dans le fond, à un formulaire électronique en ligne et le transmettre.
Nous, c'est ce qu'on voudrait faire avec les
naissances aussi. Et puis ensuite nous allons quand même… Comme nous
recevons la déclaration électronique à l'État civil, nous continuerions aussi
de recevoir en parallèle le constat de naissance rempli par le médecin. Ça nous
permet donc de corroborer les deux documents ensemble. Et on garde
précieusement les documents électroniques sur deux exemplaires informatiques du
registre, en parallèle, qui peuvent servir de relève, l'un et l'autre, si
jamais il y a un problème. Ils ne sont pas au même lieu physique.
En plus de
ça, on a des éléments de sécurité qui permettent de faire, excusez l'expression, mais
des copies de… des «backups» — mais j'ai l'expression en
français, dans le fond, je vais l'utiliser — des copies de sauvegarde qui
nous permettraient de reconstituer le registre s'il y avait quoi que ce soit de
toute façon.
Et on a l'expérience qui s'est faite aussi en
Ontario et qui commence à se faire aussi en Nouvelle-Écosse et en
Colombie-Britannique, ils l'ont fait eux autres aussi, et puis, sur un horizon
de quatre, cinq ans, ils ont atteint les bons résultats.
Alors, est-ce que ça vous rassure en partie ou…
Mme St-Pierre : Un petit peu.
Des voix : …
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, à vous la parole.
M.
Poëti : Merci, Mme la
Présidente. Je vérifiais l'âge de ma collègue. Donc, je suis un petit peu plus
jeune qu'elle.
Moi, honnêtement, vous savez, je suis un nouveau
parlementaire, et on a l'occasion et le privilège de recevoir toutes catégories
de gens qui viennent ici, d'organismes privés, publics, et le premier mot que j'aurais
pour votre organisation, dans la présentation que vous avez faite, c'est bravo.
Bravo à la capacité, vous et votre équipe ensemble — parce
que je sais que ça ne se fait pas tout seul, mais vous êtes un fier
porte-parole — d'avoir
cette ouverture à la modernité — et Dieu sait que j'aime ma collègue — à cette modernité qui aujourd'hui,
inévitablement, facilite le travail des gens. C'est beaucoup plus facile
aujourd'hui d'être capable de faire des choses. Et moi, je suis de l'époque du bélino, hein, qui était l'ancêtre du fax, qu'aujourd'hui
on n'utilise plus, M. le ministre s'en rappelle, et c'est rare de voir des organismes publics qui ont cette capacité d'adaptation
à la nouveauté, à la technologie, d'autant plus que vous dites que c'est vos gens à l'interne qui sont le plus
impliqués. Deux fois bravo, parce qu'ils connaissent vraiment ce qu'ils ont
à faire.
Maintenant, la technologie nécessite parfois,
évidemment, de l'aide externe, et vos demandes… Et c'est rare, je ne suis pas
souvent en demande, M. le ministre, vous savez, j'écoute plus que je demande,
mais là une deuxième demande ce matin. Je
pense que, si, dans l'exercice que vous faites pour moderniser toutes ces
transactions-là, vous avez besoin d'un
peu de fonds — vous
avez dit qu'ils ne sont pas très élevés — pour
régler des secteurs d'activité… je pense que
c'est une bonne idée, M. le ministre, de les aider dans ce sens-là, parce que,
toute cette légalité-là, si vous me permettez l'expression, cette
accessibilité-là, de pouvoir le faire, pour moi, c'est rassurant de voir l'évolution
et la capacité d'adaptation que vous avez.
Vous n'êtes pas en… Je comprends que vous êtes
en faveur dans l'ensemble du projet de loi, je ne vois pas de demande précise ou de contrainte au projet de
loi. Vous l'avez bien exprimé, vous avez la responsabilité de mettre en place ce que le législateur va décider, donc je
sais un peu c'est quoi. Dans une autre vie… Alors, on ne fait pas les
lois, on les applique. Mais je veux juste
aussi vous féliciter et vous dire que ce que j'ai entendu ce matin me rassure.
Et, quand je dis «moi», évidemment,
ça rassure l'ensemble des citoyens du Québec. C'est dans ce sens-là que je veux
vous le dire, c'est au-delà de mon opinion personnelle. Et je vous
encourage à continuer de le faire vraiment et j'espère que le ministre va vous aider à réaliser vos projets de
finalité dans la technologie accessible à des choses légales et
importantes de notre vie. Merci.
La
Présidente (Mme Beaudoin) : Est-ce qu'il y a d'autres questions? Oui?
Une voix :
…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Il reste environ quatre minutes. M. le député de
Fabre, à vous la parole.
• (13 heures) •
M. Ouimet (Fabre) : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous remercier pour vos
remarques et le travail, l'appui que
vous apportez. En fait, j'allais dire, c'est plus qu'un appui, là. Le Directeur
de l'état civil, là, vous êtes les spécialistes, hein, vous êtes les… On
compte sur vous pour s'assurer que les changements qu'on pourrait proposer ne mettent pas en péril les registres de l'état
civil, donc il faut être absolument certains que les changements… Parce
que, des fois, les parlementaires, on
essaie… on veut améliorer les choses, on veut apporter des changements qu'on
espère des améliorations, mais des fois on ne connaît pas toujours la
réalité et on compte sur vous pour nous mettre en garde si on va dans une
direction qui peut être imprudente.
Et je rejoins un peu
les propos, quoique je ne partage pas les craintes exprimées par ma collègue
de…
Une voix :
…beaucoup plus jeune.
M. Ouimet (Fabre) : … — je
ne ferai pas de commentaire sur l'âge — sur la question de l'utilisation d'Internet.
Ceci dit, il y a une question sur la
publication. Et je suis loin d'être un spécialiste, là, des questions d'état
civil, là, mais je suis toujours étonné de voir…
Quelle
est la valeur ajoutée aujourd'hui, en 2013, des petites publications dans les
bas de page de journaux, ou perdues dans un journal que personne ne lit,
ou, quand on le lit, c'est tout à fait par hasard? Pouvez-vous nous dire, là, la… J'imagine qu'il y avait une valeur ajoutée
à une époque. Qu'est-ce que ça nous donne, comme société, de forcer la
publication aujourd'hui, en 2013?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Me Bernier.
M. Bernier (Reno) : Merci. C'est, encore une fois, une question fort pertinente, parce qu'on
peut effectivement se demander… voir
ça plus comme un irritant, dans le fond, que d'autre chose. Mais ce qu'il faut
avoir en tête, c'est que le principe en arrière de ça, c'est la défense
des droits des tiers.
Donc, on a deux
principes. On a le principe, dans le fond, des personnes qui sont visées
elles-mêmes par le changement, qui ont le
droit, là, d'avoir un changement, et aussi les tiers. Et, par contre, pour ce
qui est de la… Et donc c'est à évaluer, là. Comme je vous disais tout à
l'heure, là, l'un ou l'autre, nous, on est capables de le gérer.
Maintenant, quant aux
publications qui sont faites dans les journaux locaux, il y a aussi, il faut le
rappeler, la publication dans la Gazette
officielle aussi qui est faite en plus des deux journaux locaux. Et on a
évalué, nous, l'automne dernier, mais c'est une évaluation maison, et je
ne voudrais pas vous donner de pourcentage ici parce que ce n'est pas assez, selon moi… ce n'est pas notre mission
de sortir des statistiques comme ça, mais on a évalué si c'était encore
lu vraiment, ces journaux locaux, là, les
avis, ces choses-là, puis on s'est fait conseiller de garder… en tout cas
d'appuyer encore ça parce que c'était encore lu, bon, semble-t-il. Maintenant,
il y a de plus en plus de ces journaux-là aussi qui sont sur l'Internet, sont
accessibles en ligne. Les petites annonces aussi s'y retrouvent.
Alors,
c'est un peu à ça que ça sert, la publication, là, pour permettre aux gens…
Parce que c'est un processus décisionnel.
Vous connaissez ça pour avoir été au… vous êtes avocat, vous êtes au Barreau.
Il faut donner le droit aux personnes d'exprimer leur point de vue.
Alors, c'est un peu pour ça, l'idée de la publication.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Merci, Me Bernier. Alors, je cède la parole maintenant au
député de Saint-Jérôme, du deuxième groupe d'opposition, pour environ
cinq minutes.
M. Duchesneau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais invoquer une question de
règlement en partant : Je suspecte le député de
Marguerite-Bourgeoys de lire mes notes, parce qu'il a dit exactement ce que je
voulais dire. Moi aussi, j'ai des bons mots
à dire à propos de la Direction de l'état civil, puis mon commentaire, non
décelé encore par mon collègue, c'est rigueur, innovation et
professionnalisme. J'ai eu à travailler beaucoup à un certain moment avec vous
et j'ai été impressionné par la qualité du travail.
Trêve
de louanges. Dites-moi, justement parce que vous avez, avec ce que j'ai lu, une
capacité à innover, est-ce qu'il y a
d'autres moyens techniques d'avant-garde qu'on pourrait mettre de l'avant pour
que les gens viennent copier ce qu'on fait ici, et non pas toujours
nous, nous référer à ce que d'autres font?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Me Bernier.
M. Bernier (Reno) : La première idée qui me vient en tête tout de suite — je
n'en ai pas parlé parce qu'il y avait une
question de temps aussi — c'est
que l'État civil aussi a mis en place une déclaration unique de naissance en
2010 qui est très populaire auprès des nouveaux parents, il y a 98 % des
nouveaux parents qui l'utilisent. Cette déclaration-là permet en une seule démarche, au moment où on déclare la naissance de l'enfant
au registre, d'informer jusqu'à neuf ministères et organismes de la
naissance et d'accéder à des programmes et services.
Ce qu'on pourrait faire et ce qu'on est en train
de faire et qu'on a lancé, justement
dès lundi ça va commencer, c'estfaire la même chose pour le décès. On veut,
avec la déclaration de décès, que les familles éprouvées par le deuilpuissent en une seule démarche informer du décès plusieurs
ministères et organismes et faciliter ainsi les démarches de liquidation de
succession. Ça commence lundi, ça, les nouveaux formulaires sont en place. Et
on veut faire la même chose… Et il y a un lien avec le sujet dont vous avez
discuté hier avec les groupes, on veut mettre en place une déclaration unique
de changement de nom aussi et de mention du sexe pour la fin juin qui va
permettre aux personnes qui changent de mention de sexe ou de nom d'informer plusieurs ministères en même temps de
leur changement. C'est une première étape qu'on a prévu livrer pour la fin juin, début juillet, puis ça fait
partie du plan de M. le ministre, là, au niveau de la lutte contre l'homophobie
puis du comité de suivi, sur lequel on collabore.
Donc, ça, c'est deux
exemples. Et on pourrait en parler longuement, mais je veux vous laisser le
temps si vous avez une autre question.
M.
Duchesneau : Oui, juste une question un peu plus technique : À
part des cas criminels, est-ce qu'il est possible que quelqu'un vienne au monde
au Québec ou décède au Québec sans que l'État ne le sache?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. Bernier.
M. Bernier (Reno) : Oui, c'est possible. On a un bon taux de couverture parce que, si on
regarde les statistiques de l'ISQ
puis les nombres d'inscriptions, ça concorde pas mal, mais il peut arriver
effectivement, dans… Par exemple, puis je ne veux pas cibler un groupe en particulier, mais peut-être il y a
certaines communautés autochtones… c'est déjà arrivé qu'on n'avait pas
toujours les naissances, ça, c'est un exemple, mais de moins en moins
maintenant, puisque de plus en plus les
naissances ont lieu en milieu hospitalier. Et, si elles n'ont pas lieu en
milieu hospitalier, elles ont lieu dans des maisons de naissance, avec
des sages-femmes ou autres, et eux autres aussi font des constats maintenant.
Donc, on a un bon
taux de couverture, mais, oui, je ne vous dirais pas, là, que… Ce n'est pas
impossible. C'est techniquement possible, mais il y en a très peu.
M.
Duchesneau : O.K., merci beaucoup. Ça répond à ma question.
Une voix :
…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Il reste environ 1 min 30 s.
M.
Ouimet
(Fabre) : Est-ce que je pourrais, de consentement…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. le député de Fabre.
Une voix :
…
M.
Ouimet
(Fabre) : Ne perdez pas ma minute à consentir.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Allez-y.
M.
Ouimet
(Fabre) : Vous permettez, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Oui, oui, ça va.
M. Ouimet (Fabre) : Question sur la publication, et peut-être que vous le faites déjà, mais
est-ce qu'il ne serait pas plus
efficace que ce soit également… Est-ce que c'est publié sur le site du
Directeur de l'état civil, les changements de nom et de… Est-ce que — et là peut-être vous pourriez nous fournir un
éclairage, là — ce ne
serait pas utile de mettre ça, là, tout en une section, pour les
publications, et, quand on veut vérifier, on va là?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Me Bernier.
M. Bernier
(Reno) : Merci. C'est effectivement une excellente idée, on est en
train de regarder ça.
M. Ouimet
(Fabre) : …parler au ministre.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Je remercie le Directeur de l'état civil de sa
contribution, ainsi que de votre équipe.
La commission suspend
ses travaux jusqu'à 15 heures. Et vous pouvez laisser vos effets
personnels ici.
(Suspension de la séance à
13 h 7)
(Reprise à 15 h 2)
La Présidente (Mme
Beaudoin) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses
travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Mme
la secrétaire… Est-ce qu'il y a consentement afin que je puisse remplacer le
député d'Ungava pour la deuxième partie de la séance? Est-ce qu'il y a
consentement?
Une voix :
…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Oui. M. le ministre, merci. Nous allons poursuivre sans
plus tarder les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n° 35, Loi modifiant le
Code civil en matière d'état civil, de successions et de publicité des
droits.
Alors, nous avons
Me François Brochu, directeur du programme. Alors, si vous voulez vous
identifier avec votre titre, s'il vous plaît.
M. François Brochu
M. Brochu (François) : Oui. Je m'appelle François Brochu. Je suis
notaire, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université
Laval et au Département des sciences géomatiques de l'Université Laval.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Alors, on va entendre votre présentation pour une durée de
10 minutes. À vous la parole.
M. Brochu (François) : Merci. Alors, je suis très reconnaissant aux
membres de la Commission des institutions de me donner l'opportunité de
commenter le projet de loi n° 35, plus particulièrement les
dispositions relatives à la publicité
foncière, qui constitue l'un de mes principaux domaines d'enseignement et de
recherche. Je vous présente aussi mes excuses pour l'heure tardive à
laquelle je vous ai transmis le mémoire, espérant qu'il pourra vous éclairer.
Une
professeure française a déjà qualifié la publicité foncière de mal-aimée, et on
pourrait certainement dire la même
chose du système québécois de publicité des droits. Le livre neuvième du Code
civil qui s'intitule De la publicité des droits, auquel le projet de
loi n° 35 vise à apporter quelques modifications, est perçu comme
étant très technique, voire rébarbatif
par bon nombre de juristes. Quant à la population québécoise, elle est peu
consciente du fait que le système de publicité foncière qui a été mis en
place au XIXe siècle a largement contribué à conférer aux immeubles la
valeur économique qu'ils connaissent aujourd'hui. En fournissant des
informations sur lesquelles s'appuient notamment des acquéreurs et des créanciers hypothécaires pour évaluer la validité d'un
titre de propriété, le registre foncier favorise la sécurité économique
des transactions et l'exploitation de la valeur des immeubles. Personne, à
titre d'exemple, ne serait intéressé à acheter un immeuble sans être certain
que le vendeur est bel et bien propriétaire. Donc, le système de publicité
foncière québécois revêt une grande importance, une importance capitale, même s'il
est méconnu des non-spécialistes. Il fait partie, là, de la mission de l'État.
Un
économiste connu, Hernando de Soto, écrivait à propos de la publicité foncière
qu'«en apprenant à fixer le potentiel économique de leurs biens grâce à des
registres de propriété, les Occidentaux se sont donné les moyens d'explorer
rapidement les aspects les plus productifs de leurs avoirs. [...]en rendant
aisément connaissable l'histoire des biens et des propriétaires, les régimes de
propriété formels ont transformé les citoyens occidentaux en un réseau d'agents
économiques individuellement identifiables
et responsables. Le processus de propriété formelle a fait naître un
ensemble de moyens de raccordements qui [permettent], à la manière des
aiguillages ferroviaires, [de faire circuler les biens] en toute sécurité d'une
personne à l'autre comme des trains d'une gare à l'autre.» Donc, je pense, ça
décrit assez bien, là, les objectifs du système de publicité.
Le législateur
québécois s'aventure assez rarement à apporter des modifications au livre
neuvième, bon, raison pour laquelle je me
réjouis, là, que le projet de loi n° 35 ait été déposé. Je me réjouis,
mais je me désole un peu aussi, parce
que le projet s'attaque à des problèmes concrets, réels qu'il était urgent de
régler, mais il en laisse d'autres sous silence. Alors, j'ose espérer
que la raison pour laquelle le projet de loi n° 35 est déposé maintenant,
c'est en raison d'impératifs économiques. L'objectif, notamment, de la
Direction générale de l'arpentage et du cadastre et de la Direction générale du registre foncier était de
mettre en place un service en ligne de réquisition d'inscription qui va
générer d'énormes économies pour l'État et qui va permettre de faire face à des
départs massifs à la retraite, et le projet de loi vise par ailleurs à instaurer un système de radiation des avis d'adresse
qui va permettre, lui aussi, de générer des économies en dispensant l'Officier de la publicité des droits
d'informer des personnes de certaines inscriptions alors que ces
personnes n'ont plus aucun intérêt à les connaître. Donc, ce sont deux
impératifs assez importants, qui justifient pleinement le dépôt du projet de
loi. Le législateur en a profité pour insérer d'autres modifications qui sont
très pertinentes, mais — encore
une fois, j'espère que c'est pour des raisons de rapidité — on
a laissé sur la glace d'autres dispositions. Alors, j'espère sincèrement
que ce projet marque le premier pas vers… d'une réforme un peu plus profonde,
un peu plus en profondeur du système de publicité des droits qui est réclamée,
là, depuis de nombreuses années, comme je tenterai, là, dans les minutes qui
viennent, de vous l'exposer.
Donc,
je suis très conscient du caractère technique du projet de loi, donc
probablement que la période de questions, là, sera plus pertinente, mais
un des changements, par exemple, qu'apporte le projet de loi, c'est celui qui
consiste, à l'article 27 du projet, à permettre la publication des renonciations
au bénéfice de l'accession.
Donc,
on sait qu'au Québec il y a des milliers de cas d'empiètement, des clôtures qui
empiètent sur le terrain voisin, cabanons, remises. Il y a aussi des cas
où quelqu'un sera titulaire d'un droit de propriété superficiaire. Pensons aux
éoliennes, aux gazoducs qui sont sur le terrain d'un agriculteur, les corniches
qui surplombent un terrain voisin.
Donc, à l'heure actuelle, il est assez
difficile de publier les renonciations au bénéfice de l'accession, parce
que ces renonciations sont des droits
personnels qui ne sont pas admissibles aux bureaux de la publicité des droits.
Par exemple, un bail dans lequel un
propriétaire d'un terrain renoncerait au bénéfice de l'accession en faveur d'un
locataire dans le but de permettre au locataire de devenir pleinement
propriétaire du chalet qu'il pourrait ériger — c'est souvent le cas des baux qui portent sur les terres du domaine
public — bien le
bail sera publié, mais la clause relative à la renonciation au bénéfice de l'accession qu'il contient n'est pas
considérée opposable aux tiers, même si elle fait partie d'un acte
publié. Donc, le but de l'article 27
est de permettre, justement, d'assurer l'opposabilité des renonciations au
bénéfice de l'accession.
Mais là où le projet
de loi aurait pu aller plus loin, c'est qu'une fois que la construction est
faite, une fois que la propriété
superficiaire prend naissance, on ne prévoit rien pour la publier, cette
publicité foncière. En fait, il y a des écueils qui vont empêcher ou qui vont rendre assez difficile la
publicité foncière relative à un empiètement mineur comme une corniche, par exemple, parce que, dans le but…
surtout lorsque la rénovation cadastrale s'est produite dans un secteur qui nous intéresse, pour pouvoir publier un droit
de propriété superficiaire sur une corniche qui empiète sur votre
terrain, on est obligé, à l'heure actuelle,
de faire cadastrer le volume occupé par la corniche, ce qui coûte affreusement
cher pour, finalement, un droit de
propriété qui se veut temporaire. Donc, il y aurait des façons d'améliorer la
situation pour bon nombre… en fait pour des milliers de propriétaires
qui font face à des problèmes d'empiètement.
• (15 h 10) •
J'ai proposé quelques
pistes dans le mémoire, là, que je vous ai soumis. Ce sont des pistes, des
solutions qui ont déjà été abordées, qui sont connues. Évidemment, l'objectif,
en présentant des pistes de solutions concernant les problèmes qui ne sont pas ciblés dans le projet de loi, ce n'est pas d'empêcher
l'adoption du projet de loi n° 35, qui à mon point de vue est le bienvenu et qui, mis à part
quelques petites coquilles ou quelques bonifications, trouve amplement
sa place et répond à des besoins urgents,
mais il serait important, encore une fois, de penser à une phase II pour
régler des problèmes comme celui que
je viens de mentionner et d'autres problèmes comme celui de la preuve du droit
de propriété.
À l'heure actuelle,
pour prouver que je suis propriétaire d'un bien, bien je ne peux pas me fier à
l'inscription de mon titre de propriété au
registre foncier. Les inscriptions au registre ne confèrent pas de force
probante, n'ont pas pour but de
valider les droits contenus dans les contrats qui sont publiés. Donc, pour
pouvoir prouver que je suis propriétaire, bien je dois m'assurer que la personne qui m'a vendu était elle-même
propriétaire, et ainsi de suite, c'est-à-dire remonter la chaîne des
titres jusqu'à la nuit des temps, en théorie. Heureusement, la prescription
acquisitive de l'ancien Code civil nous permettait de limiter nos recherches de
titres à une période de 30 ans sans nécessité d'obtenir un jugement.
Or, en 1994, lorsque
le nouveau Code civil du Québec est entré en vigueur, on a modifié les règles
sur la prescription pour aller de… pour, finalement, correspondre à des
changements qu'on voulait apporter aux règles de la publicité foncière. En 1994, le code prévoyait que l'inscription d'un
droit au registre foncier serait devenue incontestable après un certain
nombre d'années. Ces articles sur le rôle nouveau qu'on voulait conférer à la
publicité foncière n'ont jamais été en
vigueur, ils ont même été abrogés en 2000, et on a oublié, à mon point de vue,
de faire une modification ou une adaptation en revenant, finalement, en
reconférant à la prescription acquisitive le rôle qu'elle jouait sous l'ancien code.
Donc, au lieu de continuer de maintenir l'obligation d'obtenir un jugement pour
que la prescription acquisitive produise son effet, il aurait été bien de
profiter du fait que le registre foncier joue le rôle qu'il jouait sous l'ancien
code et il aurait été bien d'en profiter
pour conférer également à la prescription son ancien rôle. Et le problème
pratique que ça pose aujourd'hui, c'est que, lorsqu'on fait une recherche de
titres, on doit remonter jusqu'en 1964, donc on doit couvrir une période de 49 ans, alors qu'en 1994 l'objectif du
législateur consistait à réduire les recherches. On faisait 30 ans
sous l'ancien code. Sous le nouveau code, c'est 49 ans cette année. L'année
prochaine, ce sera 50, et plus on avance, plus… Il faudra toujours remonter à
la date butoir de 1964 parce que c'est celle, en fait, sur laquelle on s'appuie
pour bénéficier des effets de l'ancienne prescription acquisitive qui ne
nécessitait pas de jugement.
Donc,
par différents schémas qui se trouvent dans mon mémoire, là, notamment aux
pages 17, 18, 19, j'ai tenté d'illustrer un peu tous ces concepts,
qui peuvent paraître très abstraits mais qui, en réalité, touchent des milliers
et des milliers d'individus. Chaque année… En fait, en 2012, plus de
197 000 actes de vente ont été publiés au registre foncier. Dans ces 197 000 cas, il y a un
juriste qui a fait des recherches jusqu'en 1964, alors que, si les règles
avaient été plus… avaient été assouplies ou adaptées, les recherches
auraient été plus courtes, ce qui aurait généré probablement des économies pour
l'ensemble des acquéreurs et des créanciers hypothécaires.
Voilà
qui fait le tour peut-être des principaux points : prescription
acquisitive, nécessité de revoir les règles sur la publicité de la propriété superficiaire. Pour le
reste, mes commentaires portent surtout sur des points de détail qui, je
pense, là, ont été oubliés, qui permettraient, finalement, de bonifier un
projet de loi qui donne pleinement satisfaction, là, pour les points auxquels
il s'attaque mais qui déçoit un peu en ce qu'il est assez limité quant à sa
portée.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Je vous remercie, Me Brochu, pour votre
présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le
ministre de la Justice, la parole est à vous pour environ 24 minutes.
M. St-Arnaud : Merci, Mme la Présidente. Je ne devrais pas prendre les
24 minutes, ça devrait être assez bref.
D'abord,
je vous remercie, Me Brochu. Très heureux de vous recevoir à l'Assemblée
nationale et très heureux aussi de
vous connaître, parce que je ne vous connaissais pas. Alors, très heureux de
savoir qu'on a un expert sur ces questions pas loin de nous, parce qu'effectivement,
Mme la Présidente, c'est un domaine où il y a peu de spécialistes, et, de
savoir qu'il y en a un à portée de la main à l'Université Laval, bien, je l'enregistre
pour la suite des choses.
Je vous remercie
également d'avoir pris la peine de nous présenter un mémoire qui semble… on
vient de le recevoir il y a à peine quelques
minutes, alors qui, en apparence, me semble très complet, très intéressant. Et
je peux vous assurer, Me Brochu, qu'évidemment, d'une part, je vais
le lire attentivement, mais que les gens qui m'accompagnent ici aujourd'hui,
notamment les gens du ministère de la Justice, vont également le regarder.
Je
comprends que, pour la première partie de votre mémoire, vous dites
essentiellement, pour ce qui porte sur le projet de loi n° 35… Est-ce que je comprends que vous dites,
là : Il y a quelques coquilles, quelques bonifications qui pourraient être apportées? Et, pour l'essentiel,
est-ce que je comprends que, dans la première partie de votre mémoire, tout ça est clairement exposé, là, les ajustements
qui pourraient être faits à partir du projet de loi n° 35? C'est bien
ça?
M. Brochu (François) : Tout à fait.
M. St-Arnaud : Excellent. Alors, on
va les regarder, les gens qui m'accompagnent et qui sont les experts du ministère de la Justice aussi. Et soyez assuré qu'il
en sera pris en compte, là, lors de l'étude article par article, que, j'espère,
nous pourrons faire avant le 14 juin, là, de façon, si les délais nous le
permettent, à adopter le projet de loi avant l'ajournement d'été. Alors, sachez
qu'on va… Toutes et chacune des propositions que vous faites, on va les
regarder, je vais les regarder, on va les
analyser au ministère de la Justice, et, s'il y a moyen d'améliorer le projet
de loi n° 35, on le fera. Ce que je comprends, c'est que… Et
je suis heureux de voir que vous avez même mis des tableaux. Alors, pour le criminaliste que je suis et le criminaliste qu'est
mon collègue le porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, alors, ça va nous aider à bien saisir l'ensemble
des problématiques que vous mettez de l'avant. Alors, ça, c'est pour la
première partie de votre mémoire.
Pour la
seconde partie, vous dites : Il y a des problèmes qui subsistent toujours
en matière de publicité des droits au Québec. Et est-ce que je comprends
que vous cernez le tout en deux grands volets, est-ce qu'on peut dire ça, d'abord
la preuve du droit de propriété et ensuite,
le deuxième élément, l'opposabilité des acquisitions de parties de lot en
territoire rénové? C'est ça? J'aimerais vous
entendre davantage là-dessus. Comme je vous dis, je n'ai pas eu l'occasion, là,
de prendre connaissance de votre mémoire, qu'on a reçu il y a à peine
quelques minutes, mais est-ce qu'il y a des choses qui sont assez simples là-dedans? Est-ce qu'on pourrait profiter du projet
de loi n° 35 pour résoudre certaines de ces questions ou est-ce que c'est beaucoup plus complexe et ça
va nécessiter une réflexion plus longue pour… Parce que j'essaie de
voir, là, à partir de vos propositions, sans avoir lu votre mémoire, s'il n'y
aurait pas moyen d'intégrer certains des éléments dont vous parlez au sein du
projet de loi n° 35.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Me
Brochu.
M. Brochu (François) : Merci. Je
crois que la question de l'opposabilité des acquisitions de parties de lot en territoire rénové pourrait facilement être
intégrée au projet de loi n° 35. En ce qui concerne la prescription
acquisitive, ce serait peut-être un peu plus
compliqué, je pense, ça nécessite probablement des débats ou des échanges,
parce que ce que je proposerais… Je
trouve que le délai de prescription de 10 ans du Code civil du Québec de
1994 se justifiait pleinement dans une
optique où on souhaitait réserver la prescription à des cas vraiment très, très
rares, puisque c'est le registre foncier revu et revisité qui aurait joué le rôle que joue aujourd'hui la
prescription, mais, maintenant qu'on est revenu de l'arrière, est-ce qu'il est sage de maintenir une
prescription acquisitive de 10 ans, qu'on soit de bonne ou de mauvaise
foi, alors que sous le régime de l'ancien Code civil la prescription
était de 30 ans? Donc, est-ce qu'il y aurait lieu de privilégier un délai
intermédiaire, par exemple 15 ans, pour tenir compte du fait que
globalement, au Québec, une propriété change de
mains à peu près aux 15 ans? Et la personne qui se désintéresse de son
immeuble pendant 15 ans, bien elle ne mérite peut-être pas de conserver son titre? Peut-être qu'il
vaudrait mieux, à ce moment-là… Et c'est le rôle de la prescription acquisitive notamment. Il vaudrait peut-être mieux
faire en sorte que la personne qui, pendant 15 ans, a eu une
possession paisible, continue, publique, non équivoque d'un bien délaissé par
son véritable propriétaire… Ce serait peut-être bien que cette personne puisse
devenir pleinement propriétaire du bien par l'effet de la loi.
M. St-Arnaud : Parce que je
comprends qu'auparavant c'était 30 ans, là.
M. Brochu
(François) : C'était
30 ans lorsqu'on était de mauvaise foi, et, lorsqu'on était de bonne foi
et qu'on avait un titre de propriété, mais que le titre était vicié, le
délai était ramené à 10 ans. Mais il y avait tout de même deux conditions
pour que le délai soit de 10 ans : avoir un titre et être de bonne
foi. Dans les autres cas, le délai général était de 30 ans.
M. St-Arnaud : Et pourquoi vous
dites : C'est plus complexe de faire ces modifications-là?
• (15 h 20) •
M. Brochu (François) : Bien, plus
complexe… J'ai l'impression que probablement plusieurs personnes vont souhaiter s'exprimer sur ce que devrait être le
délai de prescription. Mais, pour le reste, pour ce qui est du rôle même de la prescription
acquisitive et des suggestions, là, qui consistent à faire en sorte que la
prescription puisse produire son effet sans
jugement, je crois sincèrement qu'il y a unanimité, là, auprès des notaires et
des membres du Barreau que j'ai pu consulter, parce qu'il y a quand même
beaucoup de comités qui se sont réunis et qui ont discuté de ces questions, et
ça fait quand même assez, là, l'unanimité.
M. St-Arnaud : Et c'est plus la
durée qui…
M. Brochu (François) : Bien, la
durée pourrait peut-être susciter des débats. Je pense que tout le monde s'entend sur le fait que 10 ans, c'est
peut-être un peu court. 30 ans, c'était trop long. Un délai intermédiaire,
15 ans, 20 ans, je pense que ça, ça pourrait… ça serait…
M.
St-Arnaud : Et, vous, votre proposition, c'est donc 15 ans?
M. Brochu
(François) : Ce serait 15 ans.
M. St-Arnaud : O.K. Mais je comprends que, quand on a fait la réforme du Code civil,
on a voulu… Parce que présentement, si je ne m'abuse, au Code civil, la
prescription maximale, enfin jusqu'à aujourd'hui, était de 10 ans, c'est
ça? On avait…
M. Brochu
(François) : En matière immobilière.
M.
St-Arnaud : Le 30 ans qu'on avait étudié, là, quand on était à l'université,
là, ça n'existe plus depuis 20 ans et… Mais vous savez qu'on a augmenté…
on a modifié le Code civil aujourd'hui?
Une voix :
…
M.
St-Arnaud : Non, le
lieutenant-gouverneur a sanctionné cet après-midi, à 14 h 30, alors à
partir d'aujourd'hui il y a une
nouvelle prescription de 30 ans dans une disposition particulière du Code civil.
Alors, j'accueille avec intérêt votre proposition.
Pourriez-vous…
Sur l'autre sujet, sur l'opposabilité des acquisitions de parties de lot en
territoire rénové, j'aimerais ça vous entendre davantage, être bien sûr
que je saisis ce dont vous parlez.
M. Brochu (François) : Bien, c'est vraiment très technique. Il
arrive assez souvent que, lorsqu'on est en territoire rénové… Vous vous
rappelez que la rénovation cadastrale avait pour but d'éliminer les nombreuses
parties de lot qui existaient au Québec.
Pendant longtemps, les gens avaient pris l'habitude, par souci d'économie, de
vendre des parties de lot. J'ai donné
un exemple, là, à la page 21, c'est ça,
un exemple d'acte réel où quelqu'un
vend un terrain borné d'un côté par
la grosse roche puis, d'un autre côté, par le poteau de la douche d'un terrain
de camping. Donc, c'est assez difficile aujourd'hui de situer ces terrains-là. L'objectif de la rénovation
cadastrale est d'éliminer les parties de lot pour que tous les immeubles, en fait tous les terrains qui
appartiennent à des propriétaires fonciers portent un numéro distinct de sept
chiffres. Et, une fois que la rénovation cadastrale est faite, qui est une
opération majeure qui tire à sa fin et qui représente un budget d'un
demi-milliard, une fois la rénovation cadastrale terminée, il ne sera plus
possible… il n'est plus possible de procéder
à des ventes de parties de lot. En fait, oui, on peut vendre des parties de
lot, mais on ne peut pas publier les actes de vente portant sur des
parties de lot au registre foncier.
Ça,
ça peut poser des problèmes à des personnes qui, par exemple, vont acquérir par
jugement une partie de lot rénové.
Pour pouvoir publier le jugement, il faudra qu'on fasse cadastrer la partie
acquise par jugement, qu'on lui fasse attribuer un numéro de lot,
première étape, et, pendant cette période-là, parce que ça peut être assez
long, ça peut prendre cinq, six mois facilement pour que l'arpenteur-géomètre
puisse obtenir toutes les approbations requises pour procéder au cadastrage, entre guillemets, de cette partie de lot là,
bien, pendant toute cette durée, pendant toute cette période, le bénéficiaire du jugement n'a aucun moyen de
rendre opposable aux tiers le fait qu'il détient maintenant un titre
dans la partie de lot en question. Donc, on
prive bon nombre de propriétaires de la faculté de rendre opposable aux tiers,
d'informer tout le monde qu'ils ont désormais un titre sur un bien.
Donc,
il suffirait, pour régler ce problème-là, d'élargir un peu un mécanisme déjà prévu
au Code civil qui est le mécanisme de
la préinscription. Donc, la préinscription permet de publier un droit au
registre foncier temporairement, le temps,
dans ce cas-ci, que l'opération cadastrale soit faite. Une fois l'opération
cadastrale réalisée, le propriétaire aurait l'obligation de procéder à
la publication du jugement sur le nouveau lot, sur le lot nouvellement
cadastré. Donc, la préinscription aurait un
effet temporaire, aurait pour effet temporairement, là, de permettre à un
propriétaire de publier, de faire valoir à l'ensemble de la population,
là, l'existence de son titre de propriété.
M. St-Arnaud : Et ce que vous proposez, c'est que la préinscription pourrait être
valable pour une période qui pourrait être limitée. Vous suggérez, par exemple,
six mois.
M. Brochu
(François) : Tout à fait. L'avantage de limiter la préinscription, ce
serait d'éviter que des gens passent à travers les mailles du filet et ne
fassent finalement jamais cadastrer leur immeuble, ce qui aurait pour effet de
détériorer, finalement, le cadastre québécois, ce qu'on ne veut surtout pas. Ça
nous a tellement coûté cher et c'est tellement utile, la rénovation cadastrale,
qu'on veut qu'elle conserve tous ses attributs.
M. St-Arnaud : Excellent. Bien, Mme la Présidente, écoutez… Me Brochu, merci
beaucoup, ça va compléter pour mes
questions. Je peux vous dire qu'on va prendre connaissance avec intérêt de
votre mémoire. Les gens qui m'accompagnent, qui sont des experts de ces
questions, vont regarder d'abord la première partie sur les bonifications qu'on
pourrait apporter, lors de l'étude article par article, au projet de loi tel qu'il
est proposé par le gouvernement. Et, quant aux pistes, quant aux problèmes qui subsistent en matière de publicité
foncière et où vous nous faites des propositions, je vais demander aux
gens qui sont les experts au ministère de la Justice de regarder ça et de voir
si on peut profiter du fait, parce que vous
en faites mention, là, ce n'est pas à toutes les semaines qu'on modifie ces
questions dans notre Code civil… si
on ne pourrait pas profiter de l'occasion pour faire certaines modifications
que vous nous proposez. En tout cas, on va analyser la situation, je
peux à tout le moins vous dire ça. On va au moins le regarder et voir s'il y a
des choses qui peuvent être faites sur ces questions.
Alors,
encore une fois, merci beaucoup d'être venu. Et soyez assuré qu'on va prendre
en considération et avec beaucoup d'attention toutes et chacune des
suggestions que vous nous faites. Merci.
Oui, je ne sais pas, peut-être mon collègue…
Oui. Mon collègue de Sherbrooke, je pense…
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui,
je cède la parole à M. le député de Sherbrooke.
M. St-Arnaud : …aurait quelques
questions supplémentaires.
M.
Cardin : C'est une petite
question bien simple mais qui… Je me mets à la place des gens qui peut-être
nous écoutent à la télévision, nos
auditeurs, et puis, question de les rassurer… Parce que tantôt vous parliez de
période de 10 ans et de
30 ans et dont quelqu'un pouvait devenir propriétaire de l'immeuble. Si
quelqu'un à la maison qui écoutait ça, il se disait : Aïe, moi, je ne fais pas beaucoup d'entretien, je vais-tu
finir par perdre mon immeuble?, voulez-vous, dans… Si vous êtes capable
de faire un portrait assez court pour peut-être sécuriser des gens qui vous ont
entendu tantôt.
M. Brochu
(François) : Bien, le droit
de propriété ne s'éteint pas par l'écoulement du temps. Si je suis
propriétaire d'un immeuble et que je ne l'utilise pas, j'en demeure
propriétaire. Le droit de propriété est imprescriptible.
En revanche,
si quelqu'un d'autre s'installe sur mon bien et exerce une possession — qui
doit remplir certaines conditions,
là, strictement prévues au Code civil — et
que cette personne-là exerce cette possession pendant 10 ans, elle
pourra devenir propriétaire du bien. Alors, ça, c'est une règle qui existe non
seulement au Québec, mais dans tous les pays civilistes. C'est là-dessus…
Bon, vous
allez dire : C'est injuste de prévoir ça, mais en réalité la prescription
acquisitive sert assez peu à voler des terrains,
là, ce n'est pas son objectif principal, et c'est très rare, finalement, que
quelqu'un va profiter de la prescription pour s'accaparer l'immeuble de
quelqu'un d'autre. On va plutôt se servir de la prescription — et c'est
ce que font les notaires à tous les jours — pour
venir éteindre les vices très anciens, c'est grâce à la prescription
acquisitive qu'on pourra limiter nos
recherches de titres dans le temps. La prescription confère un titre à l'acquéreur,
au dernier acquéreur, lui confère un titre lorsque lui-même a été en
possession pendant 10 ans, lui-même seul ou lui-même en joignant sa
possession à celle des personnes qui étaient propriétaires avant lui, donc la
prescription a pour effet de venir éteindre les vices qui se seraient produits
dans une chaîne de titres au-delà de 30 ans.
Bon, il
arrive assez souvent… bien, assez souvent, non, mais il peut arriver, par
exemple, que, lors d'une vente, on ait
oublié de faire comparaître à l'acte quelqu'un. Donc, cette personne-là, si la
prescription n'existait pas, aurait toujours le droit de se manifester, ce qui ferait peser un fardeau énorme, on aurait
une épée de Damoclès au-dessus de la tête de tous les propriétaires du
Québec, ce qu'on ne veut pas. Il faut, à un moment donné, que les droits non
exercés s'éteignent.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Ça
va, M. le député de Sherbrooke?
M. Cardin : En espérant que ça a
sécurisé les gens qui auraient mal saisi comme moi, là.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
D'accord. Alors, je laisse la parole maintenant aux députés de l'opposition
officielle. M. le député de Fabre, à vous la parole.
M. Ouimet
(Fabre) : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Me Brochu. À mon tour de vous saluer. Et merci,
merci pour votre éclairage, en fait, qui
est… Je suis heureux de voir que le ministre a bien compris, parce qu'il y a
des bouts que je vous avoue que je n'ai pas tout saisi.
Et en fait je
vais revenir… Si vous me permettez, Mme la Présidente, je voudrais revenir sur
la question du député de Sherbrooke
et peut-être souligner un élément dans le but de rassurer les gens. Vous l'avez
dit tantôt, mais peut-être qu'on n'a pas assez insisté : La
prescription acquisitive, pour qu'elle opère, une des conditions, c'est le
caractère public de la possession. Donc, ce
n'est pas… Il faut que les gens occupent l'immeuble de façon publique et non
pas de façon cachée. Alors, les gens
peuvent être rassurés, là, que c'est quelque chose qui doit être connu et au vu
et au su de tous, n'est-ce pas?
M. Brochu (François) : Tout à fait.
• (15 h 30) •
M.
Ouimet (Fabre) : J'aurai
au moins retenu ça de mon cours de droit.
Une voix : …
M.
Ouimet (Fabre) : Et
de bonne foi en plus. Il y a d'autres conditions, mais celle-là, le caractère
public, vise à éviter l'usage malveillant de l'occupation du territoire dans le
but de priver un propriétaire de son droit.
Je voudrais revenir
sur la… Vous avez mentionné qu'en 2000 on avait abrogé des dispositions qui n'avaient
jamais été mises en vigueur mais qui avaient
été adoptées dans le Code civil en 1994, et j'aimerais que vous nous expliquiez
un peu, là, pourquoi, parce qu'au départ vous avez souligné que l'intention du
législateur, en 1994, c'était de conférer au registre la possibilité de faire
preuve des titres de propriété et qu'on a changé d'idée. Alors, j'aimerais que
vous nous expliquiez un peu pourquoi.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Me Brochu.
M. Brochu (François) : Merci. L'objectif de la réforme était justement
de permettre de faire en sorte qu'un droit qui aurait été inscrit au
registre foncier pendant 10 ans sans qu'on le conteste devienne
irrévocable, qu'on ne puisse plus jamais le contester.
Donc,
il y a plusieurs raisons. En fait, en 1994, les dispositions concernant la
publicité des droits ont été parmi les dernières
à être rédigées par les légistes, parmi les dernières à être insérées au Code
civil, parce qu'on se rappelle que, pendant longtemps, on avait l'intention
d'adopter un code civil par livres plutôt qu'en blocs, et, quand on a décidé finalement de l'adopter en blocs, il a fallu
pédaler pour, finalement, adapter les dispositions sur la publicité foncière
qui ne… Malgré que ce soit passionnant et que j'en suis un passionné, ça ne
déclenche pas les passions. Il n'y a personne qui va monter sur une table en
disant : Réformons la publicité des droits, alors que pourtant c'est
fondamental.
Donc,
on a, en 1994, prévu des règles pour conférer plus de force au registre
foncier, mais, à cette époque-là, il manquait certaines conditions. La
rénovation cadastrale était à peine commencée, et, au rythme où allaient les choses, il y avait des ajustements à apporter en
ce qui concerne la rénovation cadastrale. On n'était pas avancés non
plus en ce qui concerne l'informatisation des registres, la numérisation des
actes. Toute l'infrastructure informatique, ça évolue tellement, l'informatique,
qu'à cette époque on imaginait des choses, on prévoyait des choses qui
finalement se sont avérées assez difficiles
à mettre en place. Puis un des gros problèmes qui a fait, finalement, avorter
ça, c'est que, pour avoir des
registres qui auraient fait état de droits qu'on ne puisse plus contester au
bout d'un certain nombre d'années, tout ça nécessitait ce qu'on appelait… ça nécessitait la confection d'un rapport
d'actualisation. En d'autres mots, pour passer du système qu'on connaissait à celui qu'on souhaitait
implanter, il aurait fallu, pour chacun des immeubles, procéder à un ultime examen des titres, un examen complet de
tous les titres de propriété de manière à reporter au nouveau registre
les droits encore en vigueur et radier ceux
qui sont éteints. Or, il arrive assez souvent que des droits soient incertains.
Quand on lie une servitude, on n'est pas
certain s'il s'agit réellement d'un droit réel, d'un droit personnel, d'une
servitude ou non, donc il y avait
beaucoup d'incertitude en ce qui concerne la confection des rapports d'actualisation
qui auraient permis d'alimenter le nouveau registre foncier.
Donc, pour toutes ces
raisons, le législateur a décidé de faire un pas en arrière, d'attendre,
finalement, que la rénovation cadastrale soit avancée, d'attendre que l'informatisation
soit plus avancée aussi puis d'attendre de trouver une solution au problème des
rapports d'actualisation, qui finalement était assez difficile.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. le député de Fabre.
M. Ouimet (Fabre) : Et, en 2013, si on faisait le même… Parce que je comprends que cet
exercice-là, c'était à la fin des
années 90, cinq ans à peu près après l'entrée en vigueur du Code civil.
Mais là, maintenant, 13 ans plus tard, avec la rénovation
cadastrale presque complétée, est-ce qu'on fait la même… est-ce qu'on pourrait
refaire cet exercice-là et revenir à l'intention initiale quant au rôle du
registre?
M. Brochu (François) : Je pense qu'il y aurait lieu de le faire, là, le
moment serait propice pour le faire, voir si les objectifs qu'on avait
en 1994 sont encore valables aujourd'hui, je pense que oui, essayer de voir si
les moyens qu'on avait imaginés sont encore
pertinents. Mais évidemment tout ça va demander du temps, et, comme, le temps,
on n'en a peut-être pas beaucoup, il y aurait lieu, je pense, de
colmater tout de suite certaines brèches qui sont flagrantes, là, notamment
celle concernant la prescription acquisitive qui nous oblige à remonter
systématiquement jusqu'en 1964. Donc, je
commencerais, si j'avais le pouvoir de le faire, par régler peut-être ce
problème-là, qui apporterait une solution vraiment attendue depuis
longtemps, avant peut-être de passer à une phase II.
M. Ouimet
(Fabre) : Alors, j'espère, Mme la Présidente, que le ministre a bien…
a pris bonne note, parce qu'effectivement, et
vous l'avez dit tantôt, là, c'est un sujet qui peut-être ne soulève pas les
passions mais qui est important. Et,
puisqu'on n'entreprend pas ce genre de projet de loi fréquemment, je pense, Mme
la Présidente, qu'il serait intéressant qu'on prenne le temps de bien
examiner cette question-là, quitte à déposer des amendements avant d'entreprendre
l'étude article par article, là. Je pense que l'éclairage de Me Brochu est
très important, Mme la Présidente.
Un
dernier point en ce qui me concerne, je sais que ma collègue aura une question. Vous
êtes notaire, vous êtes professeur,
et je ne veux pas vous mettre dans une situation délicate, et peut-être que
vous ne pourrez pas répondre à ma question, mais on a un des volets du
projet de loi qui est celui de modifier les règles pour permettre aux personnes
sourdes de faire un testament devant notaire et…
Une voix :
…
M. Ouimet
(Fabre) : …non, mais qui… — oui, mais je vais à l'essentiel,
là, pour nous situer — la
personne sourde donc puisse faire un testament devant un notaire, un acte
notarié, et la Chambre des notaires a souligné que, par principe, compte tenu du rôle de conseil, de la nécessité, pour le
notaire, de s'assurer de la compréhension de l'acte de la part de son client, du testateur, l'intervention
de l'interprète, la personne qui traduit en langage des signes, fait
perdre le caractère essentiel à l'acte notarié. Les membres de la commission
ont à peu près tous été un peu troublés par cette prise de position de la part de la Chambre des notaires, et je voulais
savoir si, de votre côté, comme professeur… Et je vois… même vous êtes directeur adjoint de La Revue
du notariat. Êtes-vous en mesure de fournir un éclairage sur… soit
pour nous aider à comprendre la position de la Chambre, soit pour nous fournir
des arguments pour nous convaincre dans notre perception?
M.
Brochu (François) : Bien,
disons que je n'ai pas réfléchi en détail sur la question, mais il est vrai que
le notaire a mission, en tant qu'officier
public, de s'assurer que les personnes qui se présentent devant lui comprennent
parfaitement ce à quoi elles s'engagent. Le
législateur a réservé certains actes aux notaires justement parce qu'il s'agit
d'actes tellement importants qu'on ne veut pas que ce soit signé dans n'importe
quelles circonstances.
Donc, dans le cas de sourds-muets illettrés, le
fait de devoir passer par un interprète, ça crée… finalement, ça brouille un
peu le signal, le contact entre le notaire et son client, d'autant que le testament
est vraiment un acte très, très personnel,
contrairement peut-être à l'hypothèque, pour laquelle… qui est un acte
authentique aussi, mais, dans le cas de
l'hypothèque, il est possible pour la personne qui désire consentir une
hypothèque de se faire représenter par… de donner une procuration à
quelqu'un, par exemple. Le sourd-muet illettré pourrait, dans le cas de l'hypothèque,
mandater l'interprète, donner une
procuration à l'interprète afin que l'interprète puisse conclure l'acte à sa
place, alors que, dans le cas du testament, il m'apparaîtrait difficile,
pour le testateur, de confier un mandat de représentation à un interprète qui
pourrait agir pour lui, puisqu'on n'est pas dans le cas d'un contrat d'adhésion
comme peut l'être l'hypothèque.
Mais remarquez
que je n'ai pas réfléchi longuement sur la question, mais, à première vue, c'est
un peu contraire au rôle du notaire
que de devoir passer par l'intermédiaire de quelqu'un d'autre, parce que, si l'acte
est contesté plus tard, c'est le notaire qui doit… qui garantit, qui est
le garant de l'intégrité de l'acte et de la bonne compréhension que la partie
avait en le signant.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
député de Fabre.
M. Ouimet (Fabre) : Ça va être… C'est
tout pour les questions que j'avais. Je vous remercie, Me Brochu. Je sais
que ma collègue a des questions.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui.
Alors, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, à vous la parole.
Mme de
Santis : Merci, Mme la
Présidente. Pour continuer avec la question qui vient d'être posée, mais,
quand un notaire agit sur la base d'une
procuration, comment il peut savoir si la personne qui agit en tant que
procureur représente les intentions de celui qui vend, ou qui assume une
hypothèque, ou qui achète, ou etc.? Alors, je fais un suivi avec la remarque
que vous venez de faire.
• (15 h 40) •
M. Brochu
(François) : Ce sont les
règles générales du mandat qui s'appliquent. Le Code civil régit la
procuration, régit le mandat. Le mandant,
dans notre exemple le sourd-muet illettré, peut révoquer le mandat si jamais il
réalise que le mandataire ne respecte pas tout à fait ce qui était
convenu.
Le mandat sera… Évidemment, on s'assure que la
personne qui donne une procuration comprend ce à quoi elle s'engage en donnant la procuration en question, mais le Code civil
régit clairement la portée du contrat qu'est le mandat, la procuration.
Mme de
Santis : Et, le mandat, la
procuration, la forme que j'ai vue très souvent est tellement large que
celui qui a la procuration décide tout.
M. Brochu (François) : Certains
mandats, oui, peuvent être conclus en des termes larges.
Mme de Santis : Très larges.
M. Brochu (François) : D'autres peuvent être dans des termes plus
spécifiques. En fait, tout est une question de choix et de cas, c'est du
cas par cas.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme
la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Merci, Mme la
Présidente. La question que je veux poser touche les droits de superficie.
Dans mon autre vie, avant le
4 septembre, j'étais avocate et j'ai fait un peu de droit immobilier, et
on était très souvent en face des problèmes
de publication des droits de superficie. Pour les gens qui nous entendent,
peut-être vous pouvez expliquer c'est quoi, un droit de superficie, et
quels sont les problèmes, parce qu'il y a des véritables problèmes. Allez-y.
M. Brochu (François) : Bien, ce qu'on
appelait autrefois le droit de superficie, qu'on appelle maintenant la propriété superficiaire, c'est un droit qui permet
de créer un voisinage sur un plan vertical. Une personne sera
propriétaire d'un immeuble… Et, en droit, là, un immeuble, ça peut être un
édifice mais un terrain aussi. Donc, une personne sera propriétaire d'un
immeuble situé au-dessus de l'immeuble de quelqu'un d'autre. Par exemple, une
ville pourrait être propriétaire d'un
stationnement souterrain situé sur mon terrain, et je pourrais avoir également
consenti un droit de propriété superficiaire à quelqu'un qui a construit
quelque chose au-dessus. Dans le cas de la copropriété divise, les condos, on a également la propriété superficiaire. La
propriété superficiaire vise à court-circuiter la règle de l'accession voulant
qu'en principe, si je suis propriétaire du
sol, je deviens automatiquement propriétaire de tout ce qui est au-dessus, tout
ce qui est en dessous. Donc, dans le
cas des condos, on comprend que ce n'est pas parce que je suis propriétaire de
l'appartement au rez-de-chaussée que
je suis le propriétaire de tous les appartements au-dessus. On a court-circuité
la règle sur l'accession pour créer cette propriété superficiaire.
Et
le problème majeur — et
vous avez raison de le souligner — en
ce qui concerne la publicité de la propriété superficiaire, c'est que, bien, en territoire rénové, lorsqu'il y a eu
la rénovation cadastrale, on veut éviter que le cadastre rénové se détériore, alors on va forcer le
propriétaire superficiaire à faire cadastrer le volume occupé par l'objet de
son droit de propriété superficiaire. On va
le forcer à cadastrer le volume occupé par la corniche, on va le forcer à
cadastrer le bout de clôture qui empiète sur
le terrain du voisin, et tout ça, finalement, ça crée des délais, c'est long,
de telle sorte que plusieurs juristes essaient de contourner la
difficulté. Au lieu d'appeler un chat un chat, au lieu d'éviter d'employer le gros mot «propriété superficiaire» dans un
contrat, de peur que l'Officier de la publicité des droits refuse l'acte,
bien on va utiliser le véhicule de la
servitude, qui ne répond pas parfaitement au besoin qu'on a, mais on va
finalement jouer au… on va utiliser…
on va être un peu hypocrite, là, on va jouer au chat et à la souris avec l'Officier
de la publicité des droits pour réussir à faire publier des droits qui
ne pourraient pas l'être en raison des restrictions, là, qui existent
concernant l'inscription de droits sur des parties de lot rénové.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui,
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Est-ce que vous avez
des suggestions à nous faire de comment résoudre ce problème?
M. Brochu
(François) : Une des
suggestions, et je me suis permis de l'évoquer dans le mémoire
à la page 11, ça serait… Pour éviter d'avoir à morceler, de créer
un lot englobant le volume d'une corniche, par exemple, et de lui attribuer un numéro de lot distinct, une des
solutions, mais il pourrait y en avoir d'autres, là, mais une solution
facilement envisageable, je pense, serait de créer des fiches qui viendraient
compléter l'index des immeubles, qui viendraient compléter le registre foncier. On pourrait, par exemple, avoir une fiche
gouttière ou une fiche corniche. La fiche serait ouverte en fonction de la description du bien qui fait l'objet de la
propriété superficiaire, et, sur cette fiche corniche, par exemple, on pourrait relater le transfert de la
propriété de la corniche. Donc, cette fiche serait jointe au feuillet d'index
des immeubles. Elle aurait pour avantage de
ne pas morceler, de ne pas modifier le numéro de lot tout en rendant
facilement opposable aux tiers le droit existant sur la corniche.
Le problème se pose aussi beaucoup en ce qui
concerne les maisons mobiles. Vous savez que plusieurs maisons mobiles n'ont de mobile que le nom, hein, ce sont de véritables
immeubles, il y a un solage. Des gens louent des… pendant de nombreuses années, ont des baux à long
terme leur permettant d'occuper un espace sur un terrain de camping, par exemple. Or, pour pouvoir publier notre titre
de propriété sur notre maison mobile, bien, si on est en territoire
rénové, il faut cadastrer le volume occupé par la maison mobile, ce que
personne ne fait en pratique. Donc, on empêche les gens… En fait, la règle voulant qu'on doive cadastrer le volume occupé
par une propriété superficiaire, elle est parfois exagérée en ce qui concerne les empiétements
mineurs, les maisons mobiles. Donc, un système de fiches complémentaire
qu'on pourrait créer pour chacune des maisons mobiles qui se trouvent sur un
terrain de camping favoriserait la publicité des droits portant sur ce genre d'immeuble
sans qu'on opère une détérioration du cadastre rénové, ce qu'on ne veut surtout
pas, là.
Mme de Santis : Merci.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
député de Fabre, à vous la parole.
M. Ouimet
(Fabre) : Non, bien, en fait,
je vais en profiter peut-être pour faire une remarque suite aux
commentaires du Pr Brochu. En fait, est-ce qu'il ne serait pas utile d'entendre
l'Officier de la publicité foncière pour poursuivre notre réflexion, savoir si
on devrait aller de l'avant avec ces modifications-là ou pas? Est-ce que vous
pensez que ce serait utile à nos travaux d'entendre le côté de l'officier?
M. Brochu
(François) : Pourquoi pas? J'imagine
qu'il a pris connaissance, finalement, de tout le… Le contenu du projet
de loi ne lui est pas étranger, j'imagine qu'il s'intéresse de près à la
réforme en cours.
M. Ouimet (Fabre) : Merci.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Alors, je cède la parole au deuxième groupe d'opposition. La parole est à
la députée de Montmorency.
Mme St-Laurent : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Ça me fait plaisir de vous voir. Et je reviens à une question, tout à l'heure, qu'on a abordée. Vous
expliquez, dans le cas d'hypothèques… Ça ne concerne pas aujourd'hui mais un
problème qu'on a eu hier, entre autres, qu'on posait. Vous dites : Dans le
cas d'une hypothèque, il y a une procuration,
à ce moment-là, et vous pouvez en faire un acte authentique, la procuration
peut être révoquée, puis moi, je vous
dis : Dans le cas d'un testament d'une personne sourde et muette, c'est
encore mieux qu'une procuration, la personne est présente. Et là ce qu'on a entendu, écouté, c'est, un intermédiaire,
on n'est pas sûr de ce que la personne voulait, etc., mais quand même, si le notaire inscrit ce que l'intermédiaire,
l'interprète lui donne, on sait fort bien que la personne qui est sourde
et muette va signer. Il y a une lecture qui se fait, vous le savez comme moi.
Il y a la lecture du testament.
À ce moment-là, vous ne pensez pas que c'est
beaucoup plus près d'un contrat authentique, quand on procède de cette
façon-là, parce que la personne est présente, la personne signe le document, qu'une
procuration par hypothèque?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Brièvement, Me Brochu.
M. Brochu
(François) : Bien, vous
dites que la personne va entendre, là, la lecture, mais évidemment non
dans le cas du sourd-muet. Ça, c'est une
difficulté. Le notaire aura de la difficulté à communiquer, finalement, avec le
client, alors que, dans le cas… Donner une
procuration pour ça, est-ce qu'on est certain que le procureur… surtout que des
articles du code… Je crois que c'est l'article 711
qui prévoit qu'un tuteur, un curateur ne peut même pas tester pour la
personne qu'il protège. Donc, on prévoit dans le code déjà une exception en ce
qui concerne les testaments, la procuration est impossible — il
me semble que c'est en vertu de l'article 711 — pour
les testaments. Donc, c'est pour ça que j'hésiterais à adopter cette
solution pour… Je ne crois pas que ce soit faisable, finalement.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Alors, je vous remercie de votre contribution, le temps est déjà écoulé.
C'est déjà écoulé, on avait deux minutes.
Une voix : …
La Présidente (Mme Beaudoin) : Avec
la permission des collègues.
Mme St-Laurent : …vous permettez,
mes collègues?
La Présidente (Mme Beaudoin) : D'accord.
Consentement.
Mme
St-Laurent : Simplement, le
testament, on le ferait lire à la personne, c'est une solution, et elle
pourrait approuver d'un signe de tête ou non.
M. Brochu (François) : Remarquez que
je n'ai pas réfléchi longuement sur la question, mais ça peut être une piste.
Mme St-Laurent : Parfait.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci. Alors, je demanderais aux représentants du Comité Trans du
Conseil québécois LGBT de bien vouloir prendre place à la table des témoins.
Nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 50)
(Reprise à 15 h 55)
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue au Comité Trans du
Conseil québécois LGBT. Mme Beauchesne, vous disposez de 10 minutes
pour votre présentation, mais avant est-ce que vous pouvez présenter la
personne qui est à votre gauche?
Comité Trans du Conseil
québécois LGBT
Mme
Beauchesne (Julie-Maude) :
Absolument, Mme la Présidente, on va faire une petite présentation de
qui on est. Donc, merci, Mme la Présidente. Merci, M. le ministre. Merci, MM.
et Mmes les députés, de prendre le temps d'écouter nos propositions. Je vais
donner la chance à Mme Bouchard de se présenter.
Mme Bouchard (Gabrielle) : Donc, mon
nom est Gabrielle Bouchard. Je suis coordonnatrice du Service de support entre pairs et de défense des droits trans
au Centre de lutte contre l'oppression des genres, affilié avec l'Université
Concordia, et on est un organisme qui est dans le Comité Trans du Conseil
québécois LGBT.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Alors, vous avez 10 minutes pour votre présentation. À vous la parole.
Mme
Beauchesne (Julie-Maude) :
Bien, merci, Mme la Présidente. Et j'en profite pour signaler qu'au sein
du Comité Trans, en plus de faire la
coordination, je représente l'organisme AlterHéros, qui fait la démystification
auprès… de la diversité sexuelle depuis bientôt 10 ans — donc,
je voulais juste le mentionner — sur Internet. On est 100 % en ligne.
Donc, voilà.
Maintenant que les présentations sont faites, on
voulait vous remercier, M. le ministre, pour avoir inclus dans le projet de loi n° 35 certaines dispositions
concernant les personnes transsexuelles et transgenres. Ces modifications
sont les bienvenues.
Nous jugions que ces modifications, cependant,
étaient incomplètes et nous étions très heureux et heureuses d'apprendre la
semaine dernière officiellement que vous songiez à apporter des amendements.
Donc, la principale partie de notre présentation va porter justement sur des
propositions d'amendement.
D'ailleurs, ce qu'on va
vous présenter aujourd'hui, ce qui est intéressant, c'est qu'il y a déjà
plusieurs pays qui, en partie ou en totalité, ont déjà adopté ce genre de
législation pour enlever, dans le fond, les éléments qui sont discriminants et marginalisants pour les personnes
transsexuelles et transgenres. On parle de l'Autriche, on parle de la Suède, l'Espagne, l'Allemagne, l'Australie et de
nos chers voisins Ontariens, qui ont adopté de telles législations il y
a quelque temps. Toutefois, ce qu'on souhaite mentionner, c'est que, dans tous
ces pays-là, et même en Ontario, ces changements législatifs sont toujours
venus à la suite de décisions des tribunaux, qui ont jugé justement que les législations, les codes civils ou peu importe
étaient discriminants pour les personnes trans. Donc, aujourd'hui, dans
le fond, avec ce projet de loi n° 35,
si vous êtes d'accord avec les amendements qu'on va proposer, il y aurait
possibilité, dans le fond, de faire l'histoire,
d'une certaine façon, puisque nous serions la première législation dans le
monde à le faire seulement par la voie législative et non pas par la
voie juridique. Puis je pense que, si on y arrive, on serait pas mal fiers de
cette situation-là.
Donc, vous
parler un peu du Comité Trans du Conseil québécois LGBT. Rapidement, c'est
juste pour vous dire qu'on regroupe
une douzaine d'organismes qui ont un volet trans, donc qui ont des mandats pour
s'occuper des personnes trans. On a fait une grande démarche de
consultation. Les groupes, vous avez la liste sur les documents qu'on vous a envoyés, mais je peux les nommer rapidement. Il y
a Projet 10. Il y a la Coalition jeunesse montréalaise de lutte
contre l'homophobie, la CSN. Il y a AlterHéros que je représente, il y a le
Centre 2110 que Gabrielle représente. Il y a aussi l'ASTTEQ, dont Nora, qui est la coordonnatrice, va passer avec
Mme Françoise Susset tout de suite après nous. Il y a également un nouvel organisme dont je n'ai pas
avec moi… qui s'est joint à la coalition, qui s'occupe des personnes…
des enfants, finalement, transsexuels, donc
qui vient offrir un soutien aux parents qui ont des enfants trans. Bref, c'est
une très large coalition, puis on a fait une grosse démarche de concertation.
Les propositions qu'on va vous présenter font l'unanimité au sein de tous les
organismes et même au sein des professionnels qui travaillent auprès des
personnes transsexuelles et transgenres.
Donc, en 2012, en avril 2012, on déposait un
plan de revendications trans qui comportait une trentaine de revendications. Là-dessus, il y avait des points
qui concernaient justement le ministère de la Justice. Je vais les lire
très brièvement. Vous avez la liste, d'ailleurs, dans notre plan de
revendications.
La première revendication, bon, on comprend que
ce serait peut-être difficile d'inclure ça dans le projet de loi n° 35.
Par contre, on va vous la mentionner pareil, parce qu'on estime que c'est une
revendication qui est très importante pour les personnes trans. Ce serait d'inclure
dans l'article 10 de la Charte des droits et libertés le motif d'identité
sexuelle et d'expression de genre comme motif de discrimination. Vous savez, c'est
l'article qui prévoit des motifs de discrimination contre l'orientation
sexuelle, la grossesse, le sexe, la couleur, l'âge, l'état civil, et on estime
que les personnes transsexuelles et transgenres auraient besoin d'une telle
protection par la charte.
• (16 heures) •
Suite à ça,
un autre point qui était très important, c'était de revoir en profondeur les
règles à l'État civil, puisque c'est là que la législation pouvait être
discriminante pour les personnes transsexuelles et transgenres, donc faciliter
le changement de prénom, réviser les normes de publication des changements
apportés à l'état civil pour les personnes transsexuelles
et transgenres, faciliter le changement de prénom et de sexe pour les personnes
immigrantes, permettre le changement
de sexe sans devoir subir d'intervention chirurgicale, faire en sorte que le
changement de nom et le changement de
sexe de tout document produit par l'État civil — donc, on parle de certificats de mariage, de
certificats de naissance pour les
enfants de personnes trans — puissent être en accord avec les modifications
apportées au certificat de naissance. Et, finalement, un autre point important, c'est qu'on élimine les coûts
reliés au changement de prénom à l'État civil et dans les différents
bureaux et organismes gouvernementaux.
Donc, sachant
qu'il allait y avoir un projet de loi, on a travaillé sur des balises, dans le
fond, ou des retraits dans le projet de loi, parce qu'on estime, dans le
fond, que le projet de loi devrait être minimum et que ce serait plutôt au niveau de la réglementation à l'État civil que
beaucoup d'aspects devraient être, finalement, encadrés et modulés,
entre autres. Donc, nous, nos trois
principales balises ou revendications, ça serait que les articles suivants au
Code civil du Québec soient
retirés : donc, l'âge minimum pour effectuer une demande de changement de
nom et de la mention du sexe, donc les articles 59, 66 et 71; l'obligation
de citoyenneté canadienne pour le changement de nom et la mention de sexe,
donc, aux articles 59 et 71; et l'obligation, pour les personnes trans, de
subir des traitements médicaux impliquant une modification structurale des
organes sexuels et destinés à changer ses caractères sexuels apparents pour
obtenir la mention de changement de sexe et d'obtenir un certificat du médecin
traitant et une attestation du succès des soins établie par un autre médecin
qui exerce au Québec, donc les articles 71 et 72.
Donc, si on
retirait ces éléments-là du Code civil, nous croyons que la législation, en ce
moment, serait beaucoup plus
acceptable, éliminerait ces trois critères-là qui sont discriminants et qui
favorisent la marginalisation de beaucoup de personnes transsexuelles et
transgenres. Puis, pour expliquer les raisons plus profondes de ces
changements-là, je laisse la parole à ma collègue ici présente.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Alors, à vous la parole.
Mme
Bouchard (Gabrielle) : Donc,
les trois points qu'on parlait, il y a la question des chirurgies et des
traitements médicaux, il y a la question de
l'âge et il y a aussi la question de la citoyenneté. Donc, je vais les
reprendre rapidement un par un.
Dans les trois cas,
ce qu'on parle, c'est que présentement les personnes trans vivent une
marginalisation structurelle, c'est-à-dire
que, peu importe leur identité de genre qui précède, dans tous les cas, quelque
parcours transitoire que ce soit, leur identité légale n'est reconnue qu'à
la fin, qu'un seul parcours de transition qui est accepté par l'État. Donc, les gens ont très, très peu de choix pour décider quel
sera leur parcours de transition, si parcours de transition il y a, et… Ils n'ont pas de choix. Donc, on a une
difficulté, et c'est très difficile, pour les personnes trans, d'être
capables de vivre ces choses-là.
Il y a aussi une
marginalisation parce que la reconnaissance légale de la nouvelle identité n'est
qu'à la fin du parcours transitoire. Donc, structurellement, à cause de la loi…
Et je ne crois pas que c'était pour mal faire, mais la loi présentement, qui date de 1978 dans ces critères-là, oblige… mène
vers la marginalisation des personnes trans durant tout leur parcours
transitoire, peu importe lequel il sera.
Ce qu'il est
intéressant de savoir, c'est que les trois critères ou les critères médicaux et
chirurgicaux ont été inscrits dans la loi en 1978, et, de 1978, avec les modifications
de 1994, celles de 2004 — et,
en espérant, pas celles d'aujourd'hui — les
mêmes requis avec la même terminologie ont été utilisés depuis 1978. Alors, on
s'entend que, depuis 1978, il y a eu
des avancées importantes quant à la compréhension des enjeux et des réalités
trans qui font que maintenant ce
serait intéressant de revoir ça et de revoir aussi est-ce que le législateur, à
ce moment-là, avait comme idée de vouloir marginaliser les gens, ce que
je ne crois pas.
Un
point aussi qui est important, c'est qu'est-ce qu'on demande comme
modifications. Lorsqu'on commande des modifications
chirurgicales, pour une femme trans, on lui demande d'avoir une vaginoplastie,
donc la construction d'un vagin; pour
un homme trans, on demande d'avoir une hystérectomie complète, donc d'enlever
tous les organes reproductifs de la
personne. Si on essaie de voir le seul point qu'il y a en commun entre les
deux, c'est qu'à la fin de la journée ces personnes-là sont stériles.
Donc, si on essaie de trouver une logique dans… la raison pourquoi est-ce que
ça a été fait, c'est un petit peu difficile,
il n'y en a pas vraiment. Puis, comme je dis, je ne crois pas que le
législateur… Et même il y a des gens qui sont en train de
faire des recherches là-dessus. Je crois que l'intention était positive, mais
il y a quand même une stérilisation qui arrive à la fin de ce parcours-là qui
est le seul qui est possible pour les gens. Le…
La Présidente (Mme Beaudoin) : …Mme Bouchard, malheureusement. Je laisse la
parole maintenant à M. le ministre.
Je vous remercie pour votre présentation à toutes les deux, Mme Beauchesne et
Mme Bouchard. M. le ministre, la parole est à vous pour une période d'échange.
M. St-Arnaud : Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, bien,
bienvenue à l'Assemblée nationale, Mme Beauchesne, Mme Bouchard, et
merci pour vos commentaires. On a eu l'occasion hier d'entendre le groupe Aide
aux transsexuels et transsexuelles du Québec, là, qui nous ont présenté déjà un
premier aperçu, là, des revendications que vous avez. J'ai pris connaissance du
plan de revendications trans que le conseil trans du conseil québécois… ce qu'on
appelait à l'époque le Conseil québécois des
gais et lesbiennes — maintenant,
je crois comprendre que c'est le Conseil québécois LGBT — a présenté
à mon prédécesseur en avril dernier, l'actuel chef de l'opposition officielle,
et je comprends que là-dedans, dans vos
revendications que vous aviez présentées à l'époque, là, il y avait un certain
nombre de choses qui se retrouvent
dans le projet de loi n° 35, d'abord faciliter le changement de
prénom, réviser les normes de publication des changements apportés à l'état
civil pour les personnes transsexuelles et transgenres. Ça, je pense qu'on
règle ça par le projet de loi n° 35.
Vous
nous avez fait part, là, vous venez de nous en faire part, Mme Bouchard, d'une
autre de vos revendications qui était
de permettre le changement de sexe sans devoir subir d'intervention
chirurgicale, et ça, on a eu l'occasion hier d'en discuter longuement avec le groupe qui était devant nous. J'aimerais
savoir : Qu'en est-il de la personne mineure? J'aimerais vous entendre là-dessus, par rapport à
cette question du changement de sexe sans devoir subir d'intervention
chirurgicale. Est-ce que vous avez une réflexion là-dessus? Est-ce que ce
serait ouvert aux personnes mineures? Si oui, lesquelles? Et avec quel
encadrement?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Bouchard, à vous la parole.
Mme Bouchard (Gabrielle) : C'est une très bonne question, M. le ministre. On
croit sincèrement que l'âge de 18 ans est un âge qui est un petit
peu arbitraire mais principalement qui a un impact important sur les personnes
trans mineures, spécifiquement pour les
personnes durant leur adolescence, donc, pour une personne trans, si on s'entend
que, le corps, le changement du corps, la possibilité d'avoir son identité est
extrêmement importante, si on pense qu'au secondaire…
Et je suis sûre qu'on se souvient tous de périodes difficiles au secondaire. D'avoir
cette marginalisation-là additionnelle où est-ce qu'on va forcer les
adolescentes, les adolescents à vivre une dichotomie de leur identité légale et
de leur identité de genre vécue pendant les périodes les plus difficiles de
leur vie, donc, pour nous, il y a un impact important sur les jeunes personnes
trans.
Quant
à l'âge, quel âge ils devraient avoir, pour nous, on ne voit pas de nécessité d'encadrer
dans la loi, donc dans le Code civil,
de mettre un âge minimum, parce que la puberté peut arriver à peu près à n'importe
quel… On sait que ça arrive à des âges de plus en plus jeunes, les
changements. La détresse qui vient avec ces changements-là va devenir… peut
arriver à n'importe quel âge. Donc, d'une façon ou d'une autre, si on met un
âge dans la loi, cet âge-là va rester un âge arbitraire.
Par
exemple, il y a des gens qui vont proposer 14 ans. 14 ans, c'est trop
tard parce que, 14 ans, on a déjà commencé notre… on a déjà fait
notre entrée au secondaire. Donc, on va déjà vivre cette marginalisation-là
auprès de nos pairs qui va faire que, même
si on a notre changement d'identité à 14 ans, il va déjà être trop tard,
parce que tout le monde va le savoir, tout le monde va déjà être au
courant.
Donc, pour nous, c'est
extrêmement important de ne pas encadrer ça par la loi mais plutôt faire
confiance à l'entourage de ces personnes-là, au personnel qui d'une façon ou d'une
autre vont avoir à traiter avec ces gens-là, et ensuite de voir plus au niveau
administratif avec les familles comment est-ce que ces enjeux-là doivent se
prendre.
La
Présidente (Mme Beaudoin) : M. le ministre.
M. St-Arnaud : Merci, Mme la Présidente. Parce qu'on s'entend que de toute façon,
évidemment, les parents de la personne mineure devront consentir, là, c'est…
Mais est-ce que… Et si c'était 12 ans?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Bouchard… Mme Beauchesne, à vous la parole.
• (16 h 10) •
Mme Beauchesne (Julie-Maude) : Oui. Dans le fond, bien, pour compléter ce que ma
collègue disait, c'est qu'on comprend que, par exemple, un changement de
sexe à neuf, 10 ou 12 ans, par exemple, l'impact des parents, puis aussi du fait que la personne, elle est enfant,
les modalités seraient peut-être différentes qu'un changement de sexe à
14, 15, où est-ce que, là, finalement, à l'adolescence,
on estime déjà que, côté médical, la personne peut agir sans l'autorisation
de ses parents, par exemple. Donc, on est d'accord
qu'il y a des modalités qui peuvent être différentes à chaque âge, mais
on estime que ça ne devrait pas
nécessairement être dans la loi, pour permettre cette latitude-là, finalement,
à l'État civil de… et des autres autorités, finalement, de pouvoir en
arriver avec des modalités qui seront étudiées et qui pourront être aussi
malléables dans le temps, selon l'évolution, finalement, de la situation.
Mme Bouchard
(Gabrielle) : Et, juste pour ajouter…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Oui, Mme Bouchard.
Mme Bouchard (Gabrielle) : Mme Susset va aussi pouvoir peut-être vous donner
un éclairage professionnel sur ce point-là.
M. St-Arnaud : Ce point-là, merci. Une autre des revendications que vous aviez
formulées l'an dernier à mon prédécesseur, c'était de faciliter le
changement de prénom et de sexe pour les personnes immigrantes, et j'aimerais
vous entendre là-dessus parce que j'aimerais que vous m'expliquiez, là, la
distinction que vous faites, là, ici en parlant des personnes immigrantes.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Madame…
Mme Bouchard
(Gabrielle) : Bouchard.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Bouchard. À vous la parole.
Mme Bouchard (Gabrielle) : Oui. La personne… La différence, pour une
personne immigrante, c'est qu'une personne
qui va arriver ici, au Québec, va recevoir des services de l'État, va recevoir
des services de soins médicaux, va être capable de faire un parcours citoyen, faire une intégration, peu importe
le niveau, mais va faire une intégration, et, là encore, on parle de marginalisation structurelle, donc c'est-à-dire
qu'on oblige une citoyenneté canadienne… Et par ailleurs on est la seule province au Canada qui demande cette
citoyenneté canadienne là pour avoir un changement de sexe et de genre… sexe et de nom, donc on marginalise
structurellement les personnes qu'on essaie d'intégrer ici, au Québec. Donc,
pour nous, c'est très problématique.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Beauchesne, à vous la parole.
Mme Beauchesne
(Julie-Maude) : Oui, tout à fait. Puis je voudrais ajouter : Dans
le fond, si on va sur le site du
gouvernement canadien, de Citoyenneté et Immigration Canada, il y a une liste
des droits du résident permanent, et un des points importants, c'est le
droit de vivre, de travailler et d'étudier n'importe où au Canada. Et nous, on
constate sur le terrain — et
Mme Susset pourra dire davantage et Nora également après — c'est
que, quand tu as un sexe sur tes papiers qui
ne correspond pas à ton sexe identitaire sous lequel tu te présentes
socialement, bien ça devient difficile de travailler, parce qu'il y a de
la discrimination, justement. Il y a des personnes qui refusent d'employer des
personnes transsexuelles et transgenres parce que justement leur sexe sur leurs
papiers ne correspond pas à ce qu'ils sont.
Même
chose pour les universités, où est-ce que c'est encore très difficile, à l'exception
de l'Université Concordia, qui fait des exceptions là-dessus, mais ça
veut dire que l'étudiant ou l'étudiante va devoir fonctionner durant ses études universitaires, parce que les matricules
sont genrés, là, avec un sexe qui ne correspond pas à son sexe sur… et
même son nom. Parce qu'on est dans une drôle
d'absurdité. C'est qu'on peut changer notre nom, devenir légalement une
femme, donc comme moi, Julie-Maude
Beauchesne, j'ai pu changer de nom, mais le changement de sexe est venu plus
tard, alors que, quand on m'appelle Julie-Maude, on présume que je suis
une femme. Mais les papiers, pendant une longue période, indiquaient le
contraire, donc il y avait une drôle d'absurdité. Puis je crois que, justement,
en favorisant le changement de sexe pour les
personnes transsexuelles et transgenres sans nécessairement subir les
changements corporels, on va permettre de régler ce problème-là. Et,
bien sûr, les personnes immigrantes sont encore plus vulnérables à ces
discriminations-là dû à… de leur statut, des difficultés d'intégration qu'elles
vivent déjà, puis on leur en ajoute une supplémentaire qui est encore… qui est
majeure. Donc, c'est pour ça qu'on estime que, dans le fond, la législation
québécoise devrait être la même que dans les autres législations canadiennes,
dans les autres provinces.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
ministre.
M.
St-Arnaud : Oui, Mme la
Présidente. Ça complète mes questions pour nos invités. Je pense
que mon collègue de Sherbrooke aurait une question supplémentaire.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui,
M. le député de Sherbrooke. À vous la parole.
M. Cardin : Merci, Mme la
Présidente. Ma question s'adresserait à Mme Bouchard. Lorsque vous avez dû
terminer votre présentation, vous parliez du
parcours de changement de genre qui était unique, il n'y en avait
seulement qu'un, et vous parliez que ça menait à la stérilité. J'aimerais vous
entendre sur ce que vous deviez rajouter dans votre présentation, que ce soit…
comme des recommandations ou une autre voie à suivre.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme
Bouchard.
Mme
Bouchard (Gabrielle) : C'est
une bonne question. La raison pour laquelle ce point-là est important
pour nous, c'est que la réalité vécue par
les gens, c'est que, justement, à la fin de la journée, plusieurs vont devoir suivre
un parcours avec lequel ils ne sont soit pas
d'accord ou encore pas d'accord au moment où est-ce qu'ils le font, mais
qu'ils vont le faire pour avoir un statut
légal, avoir un statut légal, une identité qui va être la leur. Et là on parle
de stérilisation. Et, dans la loi,
lorsqu'on dit modification… lorsqu'on parle de caractéristiques apparentes,
moi, je n'ai jamais vu d'utérus. Pourtant, c'est ce qu'on demande aux
gens de retirer.
Donc, on est un petit peu à l'encontre de la
loi, si on veut, là, ou l'esprit de la loi dans ce qui est demandé. Il y a des
gens qui ont besoin de l'opération, on ne remet pas ça en question, on ne remet
pas… mais le fait que c'est le seul
parcours, c'est le parcours qui est unique, il n'y en a pas d'autre, donc, on
oblige ce parcours-là et on oblige une seule façon de le faire. On oblige les gens à être reconnus socialement, on
oblige les gens à être reconnus dans leur communauté, et tout ça, et, une fois qu'ils auront passé
toutes ces barrières-là, qu'ils auront passé des opérations — et
vous l'avez entendu hier, lorsque les gens
de l'ATQ ont parlé des barrières et des opérations — une
fois que ça, c'est fait, là, après ça on va faire une reconnaissance.
Donc, c'est extrêmement difficile et ça peut être très, très, très long.
Pour nous, c'est pour ça qu'on dit : De le
retirer de la loi tout en continuant de permettre ces opérations-là est extrêmement important, parce que, là, on enlève
cette marginalisation-là structurelle qui fait que c'est le seul
parcours qui est disponible pour les gens.
Pour nous, on ne devrait pas en mettre un autre, on ne devrait pas dire :
On va remplacer telle opération par telle autre chose, on va garder les
traitements médicaux qui… Encore là, qu'est-ce qu'on parle comme traitements médicaux? Puis on s'entend qu'on parle
principalement de l'hormonothérapie. Mais est-ce qu'on devrait… On doit enlever ces choses-là pour permettre une
capacitation citoyenne des personnes trans, transsexuelles et
transgenres.
M. Cardin : Merci, Mme la Présidente.
Merci, Mme Bouchard.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Est-ce qu'il y a d'autres questions? C'est terminé? Alors, je cède la parole
maintenant aux membres de l'opposition officielle. M. le député de Fabre, à
vous la parole.
M. Ouimet (Fabre) : Merci, Mme la Présidente. À mon tour de vous
remercier pour vos observations. Pour ma part, quand j'ai abordé l'examen du projet de loi n° 35, outre
le fait que je connais… Je ne suis pas un spécialiste du Code civil,
mais, toute cette réalité-là, tous ces drames-là qui se cachent derrière ce
qui, pour nous, sont des dispositions législatives,
des changements qui peuvent paraître un peu techniques, avec vos témoignages
vous ajoutez… en fait, vous incarnez
les drames qui sont cachés derrière ces dispositions techniques là, et c'est un
éclairage qui est très, très, très utile pour nous, ça nous permet de mieux orienter les choix et les changements
qu'on va devoir faire. Donc, je vous remercie énormément d'avoir pris le
temps de venir nous rencontrer et de nous suggérer des façons de bonifier la
loi. Et je sais que le ministre est à l'écoute, et on va s'assurer qu'il va
bien réfléchir à tous ces changements.
Ceci dit, j'aimerais
revenir sur la dernière question qui a été abordée par le député de Sherbrooke,
et c'est toute la question du parcours. Pour bien comprendre et pour le
bénéfice aussi de ceux qui nous écoutent, là, une fois… et tenant pour acquis que vous faites le plaidoyer
pour éliminer la nécessité du traitement chirurgical, là, ce que vous
avez appelé la fin du parcours unique, là,
de transformation, vous pouvez expliquer? À l'heure actuelle, si on vous suit
dans ce changement-là, ce que ça voudrait dire, c'est que la personne pourrait
changer et son nom et son sexe, là, au niveau de l'état civil, son genre dès le
départ? C'est ce que je comprends qui est la revendication?
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme
Bouchard.
• (16 h 20) •
Mme
Bouchard (Gabrielle) : Je
veux juste m'attarder sur… Oui, c'est ce qu'on demande, mais je vais m'attarder
sur le mot «départ». Lorsqu'on parle de départ, on parle d'un départ
administratif d'un processus. Lorsqu'on parle d'identité
trans, on parle de coming out, on parle de réalisation de son identité. On
parle de tergiversations longues, de torture
psychologique pour savoir si c'est ça ou si ce n'est pas ça. On parle de coming
out à son entourage, à son travail, juste avant de le perdre. Et après ça, une fois que toutes ces choses-là sont
faites, là, ensuite, on trouve peut-être la force pour arriver à faire
un changement légal, pour dire : Oui, je suis assez sûr que je vais le
faire. Je sais la marginalisation que je vais vivre.
Peu importe le cadre de loi, je suis prêt ou prête à accepter cette
marginalisation-là parce que c'est assez important, pour moi, de le
faire.
Donc,
lorsqu'on parle de départ, on parle de quelque chose qui est quand même
relativement loin dans le temps. C'est pour ça qu'un petit peu plus
tard, lorsqu'on parlait de délai de deux ans… ou hier, quand on parlait de
délai de deux ans
pour faire ces changements-là, pour nous, ici, c'est un petit peu
problématique, parce que ce deux ans là s'ajoute déjà à quelque
chose qui était déjà en place avant, là. Si, Julie-Maude, tu veux…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Beauchesne.
Mme Beauchesne (Julie-Maude) : Non, tout à fait, parce que, quand on parle de
point de départ, ce n'est pas vraiment
un point zéro, c'est probablement un point 10 dans le parcours de la
personne où est-ce que, là, elle est prête à vivre socialement son identité, et c'est à ce moment-là que l'identité
légale devient importante. Parce que j'étais ici présente hier pour
écouter les délibérations, puis ce qui était intéressant… Puis j'ai ici tout un
article de Jean-Sébastien Sauvé et Marie-France Bureau dont on vous a envoyé
copie, qui ont écrit un article il y a à peu près un an et demi, deux ans dans la Revue de droit de l'Université de
Sherbrooke. C'est que le droit n'a pas à décider ce que la médecine
détermine c'est quoi, un homme et une femme.
Il y a des caractéristiques médicales et biologiques sur ça. Le droit, on est
là plus au niveau social, comment bien fonctionner en société, qu'est-ce
qui fait en sorte que… Si je vous dis que vous êtes un homme ou une femme, légalement, qu'est-ce que ça permet de faire? Bien,
ce que ça permet de faire, d'être un homme légalement, ça veut dire que,
quand je vais louer une voiture, par exemple, comme quand je suis venue à
Québec, bien, quand j'ai présenté mon permis
de conduire, puisque mon sexe était en concordance avec mon nom et en plus
avec ce que je dégage, mon apparence, mon
comportement social qui est attribué à femme, bien je n'ai pas eu de problème à
louer ma voiture. Mais la personne qui,
elle, sur son permis de conduire… Si je serais arrivée avec un permis de
conduire que ce serait marqué M,
comme ça a déjà été le cas, comme dans le passé, j'aurais pu avoir des
problèmes, à un point tel que, par exemple,
il y a déjà un policier qui s'est permis de saisir mon permis de conduire parce
qu'il trouvait qu'il y avait une non-concordance entre mon prénom, entre
ce que j'étais et mon sexe.
Donc,
je crois que la législation ici, c'est pour faire en sorte que, socialement, on
est capables de bien fonctionner en société.
Et je crois que c'est ça, le but du Code civil du Québec en premier lieu, c'est
de mettre des règles qui font en sorte que vous et moi, on est capables…
Parce que, quand je vous appelle «M. Ouimet», je ne suis pas en train de faire
une interrogation quels sont vos organes
génitaux pour vous appeler monsieur. Je vous regarde, vous avez l'air d'un
monsieur, puis je regarde vos caractéristiques sexuelles secondaires, votre
attitude…
Des voix :
…
Mme Beauchesne (Julie-Maude) : Non,
mais je comprends qu'on va dans des trucs très, très basiques, là, mais c'est ça. C'est comme ça que tous les jours, dans
la rue, chaque personne qu'on rencontre, on ne regarde pas les organes
génitaux de la personne… À part les chiens qui nous reniflent, là, eux autres,
ils ont peut-être d'autres dons, là. Mais nous
autres, on regarde ce qu'on a de l'air, puis c'est ça qu'on… c'est ce qui fait
en sorte que je vous appelle «monsieur» en ce moment. Si vous aviez une
autre allure, peut-être que je vous appellerais «madame», mais ce n'est pas le
cas. Donc, voilà.
Et,
dans leur article, ce qui était intéressant — je vais vous lire juste un court passage ici de
leur article — c'est
que «les raisons pour lesquelles le droit détermine le sexe et y attache, dans
certaines juridictions, différents droits et obligations
ne relèvent aucunement de raisons médicales, mais bien de raisons politiques et
sociales». Donc, on parle de sexe
social, en ce moment, et c'est pour ça que nous proposons les amendements, de
pouvoir permettre à n'importe quelle personne
qui s'identifie socialement et… de pouvoir vivre son identité sexuelle à plein,
et ne pas avoir des embûches, et ne pas vivre de marginalisation qui
serait due, finalement, à des réglementations de l'État, finalement.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. le député de Fabre.
M. Ouimet (Fabre) : Oui, merci. En fait, je vous remercie d'avoir corrigé l'utilisation du
terme «départ». En fait, je l'utilisais,
«départ», par opposition au point final, là, donc… Mais vous avez tout à fait
raison, et je ne voulais pas… En fait, ma question témoigne de mon
ignorance par rapport aux drames et aux situations qu'on essaie de corriger, et
donc j'espère que vous aurez compris que mes propos n'étaient pas… J'essaie de
m'éclairer, j'essaie de… Je progresse, je progresse, il y a de l'espoir.
Un dernier point,
pour moi, c'était la question de la citoyenneté, et là vous avez souligné que
le Québec est la seule juridiction canadienne qui insiste sur ce critère.
Est-ce qu'on a creusé pourquoi, au départ, on le demandait? Puis là je m'adresse
tant du côté ministériel qu'à nos témoins.
Mme Beauchesne
(Julie-Maude) : On a…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Beauchesne.
Mme Beauchesne (Julie-Maude) : Oui, excusez-moi. Oui, on n'a pas de raison
précise pour ça, on n'a pas eu le temps d'investiguer. Je pense que ce
serait un bon travail.
Toutefois, en parlant, par exemple, avec Roger
Noël, qui est coordonnateur du Bureau de lutte contre l'homophobie, on
lui amenait les mêmes propositions qu'on vous amène aujourd'hui pour pouvoir en
discuter et approfondir. La seule piste de
réflexion qui serait vraiment à vérifier, c'est que, puisque le Québec est la
seule province également qui a des dispositions particulières en termes
d'immigration, avec le fédéral on a une responsabilité partagée, peut-être que c'est
une raison pourquoi ça a été mis, mais on n'en a pas plus, de raisons, que ça.
Peut-être que nos collègues qui vont suivre vont avoir des réponses plus
approfondies, mais malheureusement c'est à peu près la seule réponse.
Par
contre, ce qu'on peut ajouter, c'est qu'on ne verrait pas pourquoi un résident
ou une résidente permanente ne pourrait
pas obtenir ces changements-là, alors qu'avec l'État, à part quelques
exceptions, elle a le même avantage, les mêmes droits que n'importe quel
citoyen, finalement.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
député de Fabre.
M. Ouimet
(Fabre) : Merci, Mme la
Présidente. Je peux céder la parole à mes collègues de l'opposition
officielle.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, à vous la parole.
M.
Poëti : Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être là également. Écoutez, vous comprenez que notre
présence ici est de tenter de comprendre les
difficultés les plus importantes dans lesquelles vous voulez des modifications
dans un projet de loi, et je salue le
fait que vous veniez pour nous l'expliquer et de le dire. D'ailleurs, je salue
aussi votre ouverture à l'humour, parce que vous l'avez fait avec mon
collègue, puis nous, on n'aurait pas osé faire une blague parce qu'on aurait eu peur de vous blesser ou de vous faire
vivre quelque chose de négatif. Donc, je trouve que ça permet peut-être
des échanges plus faciles.
Est-ce que vous avez l'impression que… Si je
vous dis, dans le temps de 10 ans, que l'ouverture générale, au Québec, sur les gens transsexuels ou trans a
évolué… Et je sais que vous nous avez parlé des côtés les plus sombres
de ce que vous vivez, parce que la vie, c'est
aussi comme ça. Mais est-ce que vous croyez qu'il y a une évolution positive
au Québec face aux réalités que vous devez vivre?
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme
Bouchard.
Mme
Bouchard (Gabrielle) : Une
partie de mon travail, c'est d'être un support, une écoute active pour les
gens qui viennent au Centre de lutte contre l'oppression des genres à
Concordia. L'autre partie de ma job, c'est de parler et de défendre les droits trans. Dans les deux cas, j'ai des personnes
trans qui viennent et qui à chaque jour ont à faire face aux barrières qu'on vous a mentionnées depuis deux
jours. Donc, dans la vie des gens, à l'exception de quelques stations de
télévision qui vont faire des films, qui commencent à sortir, il y a des
reportages, bien, dans la vie de tous les jours, ces barrières-là sont vraies,
les risques de suicide sont vrais, puis la marginalisation est très, très, très
vraie et très, très, très vécue.
Donc, pour
répondre à votre question, je crois qu'on est peut-être un petit peu plus sous
la caméra des médias ou on est plus
dans l'oeil du public, mais les marginalisations sont encore là et ne sont pas
moindres qu'il y a 10 ans. Elles ne sont pas moindres qu'il y a
10 ans.
M.
Poëti : Écoutez, pour garder
le volet confidentiel de l'information que je vais vous donner, est-ce que
vous croyez que c'est possible, dans une
école du Québec, qu'une mère vienne dire dans la classe que son fils de neuf
ans va être opéré, en fait qu'il est
une fille et qu'il va revenir à la prochaine session comme une fille, et qu'elle
demande aux gens dans la classe… et que l'école et le professeur ont
accepté de faire expliquer ça aux enfants? Est-ce que vous croyez que ça, c'est
possible au Québec…
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme
Bouchard.
M. Poëti : …une situation comme
celle-là d'ouverture où une mère de famille va dans la classe expliquer qu'elle
va faire opérer son fils, qui en fait est une fille, et qu'au retour elle
demande la collaboration de l'ensemble des enfants pour lui permettre une
intégration plus facile?
Mme Bouchard (Gabrielle) : Est-ce
que vous me demandez si je suis au courant d'un cas comme ça?
• (16 h 30) •
M. Poëti : Si vous pensez que ça, c'est
possible au Québec aujourd'hui. Neuf ans.
Mme Bouchard (Gabrielle) : Bien, j'ai
peur que c'est une question piège. Je vais te laisser répondre.
M. Poëti : Ce n'est pas piège du
tout, c'est parce que ça s'est produit. Ce n'est pas piège.
Je veux juste
vous dire que ma question de départ, c'était dire : Est-ce que vous ne
croyez pas qu'il y a eu une évolution au Québec? Je comprends que, de
votre côté, vous ne recevez que les gens qui ont des difficultés, mais, moi, il y a deux semaines, il y a quelqu'un qui m'a
rapporté cet événement-là. Et j'ai eu une surprise sur le premier… La
première fois qu'on me l'a dit, j'ai été un peu surpris que ça se soit passé
avec l'autorisation de l'école, l'autorisation des parents, l'autorisation… et que des jeunes de neuf ans se sont fait
expliquer ça dans la classe. C'est un niveau, c'est neuf ans. Moi, pour
moi, ce que ça me dit, c'est qu'il y a une ouverture beaucoup plus grande que
ce que j'entends depuis quelques jours, honnêtement, là. Et je veux vraiment
être honnête avec vous, il n'y a pas de piège là, mais peut-être que par votre fonction… Je pense que vous entendez
probablement le côté le plus sombre, pas le côté évolutif puis d'ouverture
des citoyens du Québec dans le fait qu'une personne soit trans ou
transsexuelle.
Mme Beauchesne (Julie-Maude) : J'aimerais…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Beauchesne.
Mme
Beauchesne (Julie-Maude) :
Si vous me permettez, j'aimerais répondre à cette question-là. Puis je
vais en profiter pour juste élargir ma
réponse que juste pour les enfants, parce que ce qui est intéressant dans votre
question… Puis, moi, ça ne me surprend pas que ça puisse bien se passer
dans certaines écoles. Parce que, oui, on décrit les cas problématiques, les
difficultés que rencontrent des personnes parce que ça se vit encore. Comme par
exemple, si on prend l'homophobie, il y a eu une campagne qui a été lancée en
mars dernier, puis on a réalisé que l'homophobie, au Québec, ça existait
encore, c'est encore présent, même s'il y a eu un bout de chemin qui s'est
fait, puis on est tous d'accord qu'il y a
encore du travail à faire. Je crois que c'est la même chose pour la
transsexualité, qui a eu un cheminement parallèle. On a travaillé beaucoup à faire évoluer les choses. Il y a
des gens dans le Comité Trans qui travaillent depuis 30 ans à faire ça, moi, ça fait plus de
10 ans que je le fais, puis, oui, il y a une évolution. Ça, je suis
entièrement d'accord avec vous. Par
contre, là, on touche un point, c'est des outils pour aider à faire ce qu'on
appelle une transition, soit en milieu
de travail, à l'école ou quoi que ce soit. Veux veux pas, on est tous des êtres
humains, puis on peut être choqués par certaines choses comme on peut
être très empathiques. Ça dépend comment on nous présente les choses. Ça dépend
comment on se fait des alliés pour faire une transition.
Ça fait que,
dans cette école-là, possiblement, je ne sais pas comment ça s'est
produit, mais moi, je sais que, quand je… Moi, je fais beaucoup de consultation, d'aide, soutien aux syndicats
pour aider des gens à faire leur transition en milieu de travail. Donc, il y a des choses qui sont
intéressantes à faire pour faciliter un processus transitoire à l'intérieur
d'un milieu de travail. Possiblement que c'est
la même chose dans une école primaire ou quoi que ce soit, où d'abord on
cherche des alliés, la direction,
etc., pour voir si elle nous appuie dans cette démarche-là, après ça voir si on
peut communiquer avec les employés ou
avec les parents avec une lettre, des choses comme ça, puis en bout de ligne,
après ça, la transition peut se produire dans un milieu qui est
relativement sécuritaire. Mais il y a beaucoup de monde qui n'ont pas ces
outils-là. Ça fait d'ailleurs partie de
notre plan de revendications, que le gouvernement pourrait participer à un site
Web ou des outils, où est-ce qu'on
pourrait mettre en ligne des outils pour faciliter cette intégration sociale
là. Mais là je sais qu'on s'écarte du projet de loi, mais c'est des
choses qui sont vraiment intéressantes qu'on pourrait amener.
M.
Poëti : Bien, c'est pour ça
que je voulais vous dire… Ma perception, c'est qu'il y a une évolution
beaucoup plus grande que ce que j'entends
sur l'ouverture des gens qui vivent ce que vous vivez, et c'est pour ça que je
voulais savoir si vous le perceviez.
Je ne le sens pas tant que ça. Je vous ai donné un exemple concret parce que… C'est
un hasard, je ne le savais pas il y a
deux semaines, là, nécessairement, que je vous entendrais aujourd'hui. Et je
pense qu'il y a quelque chose de
positif dans l'ouverture du Québec en ce sens-là, en terminant. Au moins,
prenez-le comme… Moi, je pense que c'est une bonne nouvelle.
Dernière chose. Je ne suis pas juriste, mais j'en
côtoie beaucoup. Peut-être une suggestion : Je ne sais pas si vous avez consulté avec des avocats vraiment,
mais, à sa face même, quand les gens nous écoutent ici aujourd'hui, nous
qui sommes ici, les gens qui ne vivent pas
ce que vous vivez, quand… Et ça, c'était le point sur lequel on a le plus
discuté depuis deux jours, c'est
permettre le changement de sexe — je le lis parce que je ne veux pas faire d'erreur — permettre
le changement de sexe sans devoir subir d'intervention
chirurgicale. À sa face même, les termes utilisés sont mauvais, parce qu'à mon avis… Et c'est pour ça que je
dis : Peut-être le présenter autrement. Si vous demandez de pouvoir
changer de nom pour un nom féminin, bien, de
dire… Changement de sexe, par définition, les gens, et la société, et les gens
de droit définissent le sexe par les organes
génitaux, je veux dire, c'est comme ça depuis le début des temps, et je pense
que vous allez vous frapper à peut-être beaucoup plus de difficultés. Ce serait
plus facile si vous aviez une interprétation différente
du terme comme tel. Parce qu'hier on en a parlé, et je sais que vous étiez
là, mais j'ai dit : Par définition, quand un enfant naît, on
définit immédiatement le sexe par ce qu'on voit. Alors, peut-être un conseil…
ou peut-être vous avez consulté au niveau juridique, mais ces termes-là, pour
moi, causent problème, de pouvoir permettre un changement de sexe sans changer
de sexe.
Mme Beauchesne (Julie-Maude) : Vous
avez tout à fait raison…
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Mme Beauchesne.
Mme
Beauchesne (Julie-Maude) :
Oui. Excusez-moi si je réponds trop vite. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Oui, M. Poëti, on est d'accord avec vous là-dessus. On a d'ailleurs
quelqu'un qui… un avocat qui nous a beaucoup conseillés,
c'est Jean-Sébastien Sauvé, dont je vous ai fait parvenir l'article
là-dessus, et il amenait les mêmes points que vous apportez, là, en ce moment, que justement, dans le droit, on s'est
beaucoup basé sur les raisons médicales par le passé.
Toutefois, je vais vous lire un autre extrait,
parce qu'il dit justement : Avec la manière que la loi puis le Code civil,
toute la législature est faite, justement, il n'y aurait plus besoin d'avoir ce
lien entre les organes génitaux… D'ailleurs,
je vous invite à lire cet article-là. Pour tous les avocats que vous êtes, je
suis sûre, il va être très, très instructif. Mais l'extrait ici, c'est : «…de même qu'il a été possible de
dépénaliser certains phénomènes comme l'avortement, la contraception ou
l'homosexualité, il est possible de penser au retrait du diagnostic de
transsexualisme des conditions pour obtenir la modification de la mention du
sexe à l'état civil, sans pour autant arriver à le démédicaliser au point de
remettre en cause la prise en charge de certains traitements que l'on considère
toujours justifiés.»
Et, dans tout l'article, justement, ça dit que
finalement… Je reviens à la notion de sexe social. La seule raison pourquoi que
le sexe est relié, en droit, aux organes génitaux, c'est parce que, quand il y
a un bébé naissant, c'est le seul moyen de déterminer le sexe d'une personne.
Les caractéristiques sexuelles secondaires ne sont pas là, l'enfant n'a aucun comportement sexué parce qu'il est trop jeune pour
le faire, donc, pour pouvoir le faire légalement, c'est le seul moyen. Sauf que ce qu'on indique, c'est que ce moyen-là n'est
pas fiable à 100 %. Il y a beaucoup… il y a un nombre… suffisamment
d'exceptions, notamment les personnes transsexuelles et transgenres, mais
également les personnes intersexuées, qui ont des organes génitaux ambigus, on
n'est même pas capable de dire si la personne est un mâle ou une femelle.
La Présidente (Mme Beaudoin) : En
terminant, Mme Beauchesne.
Mme
Beauchesne (Julie-Maude) :
Oui, bien, c'est ça. Donc, tout ce que je voulais vous dire, c'est que,
dans le fond, il faudrait peut-être faire
une réflexion de dire que les organes génitaux ne sont pas nécessairement le
seul et unique moyen de déterminer le
sexe d'une personne, et qu'il y a beaucoup d'autres moyens, et que c'est pour
ça qu'il faudrait adapter la législation, finalement, à cette façon de
faire.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Alors, maintenant, je laisserais la parole à Mme la députée de
Montmorency, du deuxième groupe d'opposition.
Mme St-Laurent : Oui. Je vous
remercie d'être ici. Je vais vous faire part de deux propositions, moi.
Première proposition, je vais vous dire que… Je
l'avais dit hier, j'ai fait des requêtes en changement de nom pour des transsexuels. Pour
moi, la personne qui a obtenu par jugement un changement de nom, on devrait lui
permettre le changement de sexe, parce que
déjà c'est toute une preuve à faire, dans un premier temps, parce qu'on en voit
beaucoup qui ont eu le changement de nom
avec les procédures judiciaires, et, pour moi, ça devrait être une formalité
administrative.
Deuxième point : Quand je relis l'article 71
du Code civil… Et je sais comment se font les opérations et j'en ai visionné
une, opération qui venait d'être faite. Je vous dis, je regarde ça et je me
dis : Ce n'est pas croyable! Pour permettre
de modifier un registre d'état civil, on demande de castrer les gens, dans le
fond. On demande de les castrer, de les
stériliser. Plus que les stériliser, les castrer. Et je me demande jusqu'à quel
point… On parle de circoncision aussi. On trouve ça épouvantable, les
circoncisions qui sont obligatoires dans certains pays. Et pas seulement la
circoncision, parce qu'on en a eu au Québec, mais on parle, chez les femmes
aussi, ce qui s'est produit, l'excision. On trouve ça épouvantable, l'excision. Et, je vais vous dire, ce n'est rien au prix
de l'opération qu'on fait à ces gens-là. Et, pour pouvoir changer de
sexe, on les oblige à subir cette castration-là qui n'est pas en surface, qui n'est
pas en apparence, là, je vais vous dire que c'est quelque chose. Je me demande
jusqu'à quel point c'est constitutionnel quand je regarde ça, quand tu as vu,
tu as visionné les opérations.
Ça fait que, donc, moi, je vous dis : Au
départ — et
je pense que vous allez me dire ce que vous en pensez — ceux
qui ont déjà obtenu le changement de nom par jugement, ça devrait être une
formalité administrative.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Mme Bouchard. À vous la parole.
Mme Bouchard (Gabrielle) : Merci
beaucoup. Votre suggestion est extrêmement intéressante, la première. Là où
est-ce que je ferais peut-être une surenchère ou une modification à votre
suggestion : Je ne suis pas sûre que d'y
aller par la voie légale est nécessairement quelque chose qui serait accessible
à tout le monde. Présentement, les gens font leur changement de nom par
les voies administratives, donc font des demandes à l'État civil, et ensuite l'État
civil fait marcher la machine, et ensuite ça
se passe. Et ça fonctionne relativement bien, mais c'est très dispendieux.
Donc, je crois qu'on rendrait ça peut-être inaccessible pour les gens si c'était
par voie judiciaire.
Mais votre
idée, par contre, de dire que, lorsqu'il y a un changement de nom et qu'il y a
un changement de sexe, les deux peuvent se faire en même temps, c'est
extrêmement intéressant de permettre les deux. Peut-être pas de le rendre
obligatoire, mais à tout le moins de le permettre, parce que déjà il y a des
gens qui vont attendre de faire leur changement
de nom une fois qu'ils vont faire leur changement de sexe parce que c'est
tellement long et tellement coûteux, et tout ça, qu'ils vont décider d'attendre
les deux.
Quant à votre deuxième point, la jurisprudence
est relativement là quant à la stérilisation forcée. Toutes les juridictions
qui ont été amenées devant les tribunaux ou encore devant les commissions des
droits de la personne ont toutes perdu, là. Elles ont perdu en Angleterre,
elles ont perdu en Suède, elles ont perdu en Allemagne aussi. Donc, chaque
juridiction qui a été amenée devant la cour a perdu, donc on a déjà une bonne
jurisprudence pour dire que qu'est-ce qu'on veut faire aujourd'hui est très
légitime.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Il
vous reste quelques secondes, Mme la députée de Montmorency.
Mme
St-Laurent : Simplement vous
dire qu'on va regarder, étudier sérieusement le projet de loi tout le
monde ensemble, et, grâce à vous, on va faire une bonne réflexion. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Alors, je vous remercie de votre contribution.
Je
demanderais à Mme Susset, cofondatrice de l'Institut pour la santé des
minorités sexuelles, et à Mme Butler Burke de bien vouloir prendre place à la table des témoins.
Nous allons
suspendre nos travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
16 h 43)
(Reprise
à 16 h 49)
La Présidente (Mme
Beaudoin) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à Mme
Susset. Et vous disposez de 10 minutes
pour votre présentation. J'aimerais que vous présentiez les gens qui vous
accompagnent pour les fins de l'enregistrement.
Mme Françoise Susset
Mme Susset (Françoise) : Oui. Merci, Mme la Présidente. M. le ministre,
messieurs dames les députés. Alors, je vais
commencer par me présenter. Je suis psychologue et thérapeute conjugale
familiale à Montréal. Je suis aussi membre de l'association canadienne pour les professionnels en santé
transgenres, transsexuels — vous
avez un mémoire qu'on a déposé ce matin, qui présente la position de
cette association nationale. Je suis aussi membre de WPATH, qui est l'association
mondiale pour la santé des personnes transgenres, transsexuelles. À ma droite,
immédiatement à ma droite, c'est Mme Nora
Butler Burke, de l'association ASTTEQ — elle
vous en parlera — et
sa collègue Ana Christina Alvarado Stapf.
• (16 h 50) •
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Merci. À vous la parole.
Mme Susset
(Françoise) : J'ai été interpellée par les questions qui ont été
posées aujourd'hui. J'ai même pu entendre
des questions qui ont été présentées aux membres de l'ATQ qui étaient ici hier
et je voulais revenir peut-être et préciser certains points.
Je
pense que la question de la transition, c'est-à-dire ce qui est communément
appelé le changement de sexe, c'est un
processus qui est encadré, qui est encadré depuis les années 1970 par l'association
mondiale pour les professionnels en santé trans, qui émet des lignes
directrices, la dernière, version 7, ayant été émise en septembre 2011, et
qui encadre l'évaluation et le suivi des personnes trans désirant accéder à des
moyens médicaux pour ajuster leur corps à leur réalité identitaire. Donc, je pense que c'était important de savoir que
ce qu'on demande — et
j'appuie entièrement les trois
amendements qui ont été proposés — que
ce qui est demandé est tout à fait en ligne non seulement avec WPATH, CPATH,
mais aussi avec l'association canadienne de psychologie, les trois
recommandant — et
vous l'avez dans le mémoire que j'ai
présenté, de CPATH — que la
stérilisation forcée ne soit pas une condition à la possibilité d'accéder
à la pleine citoyenneté, comme ça devrait être le cas.
La transition est un
parcours ardu, je le sais, je rencontre des gens dans mon bureau tous les jours
pour les soutenir dans ce processus. Comme
Julie-Maude et Gabrielle ont mentionné tout à l'heure, c'est un processus qui
prend plusieurs années, mais l'identité de genre, elle, est établie, on le
pense à ce stade-ci, dès la naissance. Donc, il n'y a rien de nouveau pour une personne de 30 ans, ou de 40 ans, ou
même de 60 ans qui arrive dans mon bureau pour entamer ces
démarches-là. Ce sont des personnes qui souvent ont déjà considéré tout ce que
ça va requérir d'eux, tout le poids de marginalisation que ça va représenter.
Comprenez
bien. On parle de directeurs d'entreprise. On parle de professeurs d'université.
On parle de médecins, on parle d'avocats.
On parle de travailleurs sociaux, de psychologues. On parle de travailleuses du
sexe. On parle de tous les membres de
la société qui peuvent être impactés, qui peuvent avoir cet impact-là de vivre
une dysphorie de genre. Donc, il s'agit là de comprendre que j'ai des
clients que je dois soutenir en allant vers la marginalisation, des personnes
qui doivent vivre très publiquement un
processus de changement qui est impossible à cacher. On peut peut-être cacher
une orientation sexuelle homosexuelle si on
ne se présente pas au party de Noël avec son conjoint ou sa conjointe; on ne
peut pas camoufler une transition. C'est un phénomène déjà extrêmement public,
qui marginalise et qui vulnérabilise les personnes transsexuelles au maximum.
Les statistiques, les
études que nous avons, des études canadiennes et des études américaines, nous
parlent d'un niveau de risque, pour ces
populations, extrêmement élevé non seulement à la discrimination, mais aussi à
la violence. Les personnes, dans les
études, les plus vulnérables sont les femmes transsexuelles, et les femmes
transsexuelles issues de groupes
minoritaires en particulier. De ne pas accorder au moins la légitimité que l'état
civil peut accorder à ces populations dans leur parcours fait en sorte
que cette vulnérabilité-là est accrue. Les personnes qui sont convaincantes,
qui passent inaperçues — et
je peux parler des enfants aussi, je travaille beaucoup avec les familles, je
répondrai à vos questions par rapport aux familles — cette visibilité, les
personnes qui passent inaperçues sont, à ce moment-là, vulnérabilisées dès qu'elles sortent une pièce d'identité. Pour les
personnes qui sont clairement en transition, qui ne sont pas encore convaincantes, les hormones n'ont pas
encore fait tout leur travail, etc., elles sont marginalisées
automatiquement et vulnérabilisées. Le fait d'avoir des papiers qui confirment
leur identité, c'est un niveau de sécurité, parce que, quand l'État dit que je
suis une femme ou je suis un homme, ça a un impact et ça protège.
Je
voudrais…. Pour la question de l'immigration, les intervenantes d'ASTTEQ
travaillent avec cette réalité-là beaucoup plus que moi, et je vais leur
laisser la parole pour présenter.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Butler Burke, à vous la parole.
Mme Butler Burke
(Nora) : Oui. Donc, merci beaucoup pour l'accueil aujourd'hui. C'est
un moment historique pour nous d'être ici, d'être
capables de parler, d'avancer ces mesures législatives. On attend depuis des
années pour ces changements, pour ces
modifications. Donc, nous, on ne représente pas juste nous-mêmes comme des
membres de la
communauté mais des centaines, même des milliers de personnes ici, au Québec,
qui attendent ces changements. Donc, on est très contents d'être ici.
Je parle de
notre organisme, ASTTEQ, Action Santé Travesti-e-s et Transexuel-le-s du
Québec. C'est un projet de CACTUS
Montréal qui existe depuis l'année 1998. On est vraiment l'organisme qui reçoit
les personnes trans qui vivent la marginalisation au-delà de la
transphobie, donc des personnes qui sont sans emploi, des travailleuses du
sexe, des personnes qui vivent avec des problèmes de santé mentale et des
immigrants aussi. On voit la vie quotidienne de ces personnes. On travaille avec eux et elles pour les accompagner dans
leurs démarches pour faire un changement de sexe, oui, mais aussi dans leurs démarches pour trouver un
logement adéquat ou même un refuge pour une nuit quand ça fait froid dans l'hiver. On travaille avec les personnes pour
les aider à trouver un emploi mais aussi pour contester la
discrimination vécue par l'employé. On
travaille dans la rue, on rejoint des travailleuses du sexe pour amener des
condoms, des lubrifiants, ces mesures
de prévention de VIH. Malheureusement, les taux de VIH sont très élevés chez
les femmes transsexuelles. On parle de chiffres même de 25 % jusqu'à
80 % des populations de femmes transsexuelles autour du monde qui sont
séropositives.
Donc, nous, on travaille vraiment sur la
première ligne. On voit l'impact quotidien des législations comme laquelle on discute aujourd'hui, on voit l'impact
des discriminations, donc nous sommes des experts dans plusieurs sens. Puis je suis contente d'être aussi avec Françoise,
qui peut offrir une vision complémentaire de ce qu'on fait, parce qu'on
travaille beaucoup avec les professionnels de la santé et des services sociaux
pour créer un réseau, pour améliorer la qualité de vie des personnes trans.
Donc, si on
parle de questions d'immigration, 30 % au minimum de nos clientèles sont
des personnes immigrantes, la majorité,
des réfugiés, donc des personnes qui ont quitté leur pays pour beaucoup de
raisons mais surtout la question de la violence,
persécution, discrimination. Ce sont des personnes qui arrivent souvent
à Montréal avec personne, personne, aucune communauté, aucun
soutien autour de lui ou d'elle, qui commencent leur vie de nouveau, en fait.
Donc, on les reçoit à notre organisme puis on travaille avec.
Mais malheureusement il y a des difficultés pour
l'intégration des personnes immigrantes au Québec et au Canada en général, c'est une réalité même quand on accueille beaucoup de
personnes… des réfugiés. Puis une des raisons pour cette difficulté, c'est
la question de l'obligation d'être citoyen pour changer les papiers.
C'est certain
que je peux élaborer plus sur ça dans la période de questions. Je ne suis pas
avocat, mais, comme je dis, nous sommes des experts. On connaît cette
réalité, on voit l'impact. Donc, on sait, par exemple, qu'une personne qui reçoit la résidence permanente dans d'autres
provinces peut accéder à un certificat de changement de nom et changer
le nom sur la carte de résidence permanente.
Au Québec, comme on doit être citoyen pour avoir ce certificat, on ne
peut jamais changer la carte de résidence permanente. Donc, voilà, c'est juste
une de plusieurs raisons pourquoi on doit…
La Présidente (Mme Beaudoin) : En
terminant.
Mme Butler Burke (Nora) : Merci.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Désolée, il faut tenir compte du droit de parole.
Mme Butler Burke (Nora) : C'est
correct.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Alors, on va faire la période d'échange. La parole est au ministre.
• (17 heures) •
M. St-Arnaud : Oui, merci, Mme la
Présidente. Bien, bonjour, Mme Susset. Bonjour, les gens qui vous
accompagnent. Merci pour votre mémoire. On l'a reçu, là, il y a quelques
instants, mais sachez qu'on va en prendre connaissance, là, les gens qui m'accompagnent
vont en prendre connaissance également.
Je l'ai
regardé un peu en diagonale. Mon attention a été attirée par la page 2, où
vous faites deux citations qui, je pense…
la première, d'abord, qui rejoint un peu ce que la députée de Montmorency nous
disait tantôt, une citation de WPATH qui se lit comme suit :
«Aucune personne ne devrait avoir à subir une intervention chirurgicale ou accepter
la stérilisation comme condition de la
reconnaissance de l'identité. Si une mention du sexe est nécessaire sur un
document d'identité, cette mention peut reconnaître l'identité de genre vécue
par la personne, quelle que soit sa capacité de reproduction. Le conseil d'administration
de WPATH exhorte les gouvernements et autres organismes à éliminer les exigences pour la reconnaissance de l'identité qui
requièrent des procédures chirurgicales.» Et vous citez également la Société canadienne de psychologie, qui ajoute que
«tous les adolescents et les adultes ont le droit de définir leur propre
identité de genre, peu importent leur sexe chromosomique, leurs organes
génitaux, le sexe qui leur a été assigné à la naissance
ou le rôle de genre initial. De plus, tous les adolescents et [tous] les
adultes ont le droit à la libre expression de leur identité de genre qu'ils définissent eux-mêmes.» Alors, sachez qu'on
va, j'allais dire, méditer sur votre document, certainement le regarder
avec beaucoup d'attention.
Ça
m'amène à… Bon, on a eu l'occasion, depuis hier, de recevoir l'organisme Aide
aux transsexuels transsexuelles du Québec, tantôt vous avez entendu les
représentants, là, du Conseil québécois LGBT, du Comité Trans du Conseil québécois LGBT, et je pense qu'on a assez bien
saisi l'élément qui concerne le retrait de toute exigence médicale, le
fait de ne plus exiger de démarche médicale
pour changer de prénom, mais j'aimerais vous entendre sur, dans vos
recommandations, là, votre troisième
recommandation qui dit : «Que le processus de changement de prénom et de
mention du sexe se fasse par une
déclaration sous serment ou [par] une affirmation solennelle du requérant qui
atteste qu'il vit dans le genre choisi, ainsi que la déclaration d'un
garant attestant que le requérant assume l'identité sexuelle concordant avec la
désignation du sexe
demandé. De plus, il vit en tout temps avec l'identité sexuelle concordant avec
la désignation du sexe demandé et il entend garder cette identité
sexuelle.»
Et
là je vois que vous citez… c'est tiré d'un document de ServiceOntario. Ma
compréhension, c'était qu'en Ontario on exigeait plus qu'une déclaration
sous serment ou une affirmation solennelle. Ce n'est pas le cas?
Mme Susset
(Françoise) : En fait…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Susset.
Mme Susset (Françoise) : Pardon. Ce qui est écrit là, c'est qu'on exige en
fait la déclaration sous serment et aussi la déclaration d'un garant. Je pense que le garant est défini comme un
professionnel appartenant à un ordre professionnel ou à une association
professionnelle, donc étant régi par des règlements au niveau déontologique,
éthique, mais ma compréhension, c'est que c'est là que l'exigence arrête. La
question aussi de reconnaître que l'identité est une chose permanente, je vous dirais, en tant que
psychologue qui… je suis chargée de faire des évaluations, justement, pour
les personnes qui accèdent aux chirurgies. Et on a beaucoup parlé des
chirurgies, mais, attention, ne démonisons pas les chirurgies. On s'est battu
longtemps, au Québec, pour que les chirurgies soient payées. Les chirurgies, c'est
aussi des chirurgies qui sauvent des vies, on ne parle pas de la chirurgie
comme étant quelque chose de non désirable pour la personne qui en a besoin, qui la désire, qui souffre énormément dans le
corps qu'elle habite. Donc, c'est important aussi de rappeler ce
bout-là. Mais l'identité de genre, c'est quelque chose de permanent.
Moi,
je suis chargée, comme j'ai dit, de faire ces évaluations-là. Écoutez, comment évaluer
l'identité de genre de quelqu'un? Si
je vous demande de me décrire pendant les cinq prochaines minutes, chacun et
chacune, ce qui fait que vous vous sentez homme ou femme, vous aurez
peut-être du mal à trouver les mots. Ce n'est pas évident d'être capable d'exprimer pourquoi on se sent homme ou femme.
Donc, en fait, et c'est ce que les «guidelines» de WPATHrecommandent, les lignes directrices, c'est qu'on
n'évalue pas très directement l'identité de genre. On évalue le degré de
souffrance, ce qu'on appelle la dysphorie de
genre, et, à partir de la dysphorie de genre, on évalue la capacité à
consentir de l'individu : Est-ce que la
personne a la capacité psychologique, mentale de consentir aux soins qu'il ou
elle demande?
Dans ce contexte-là,
ce que l'Ontario a décidé de faire est tout à fait raisonnable. L'Ontario
dit : Écoutez, si quelqu'un se donne la peine de venir nous voir et de
dire : Moi, je veux changer la mention de mon sexe sur mes papiers, on va la croire sur parole. Moi, je crois
mes clients. Je n'ai pas de prise de sang, je n'ai pas de test
psychologique pour évaluer leur identité de genre. J'ai ce qu'eux me disent par
rapport à leur identité de genre.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. le ministre.
M. St-Arnaud : Oui, Mme la Présidente. Parce que ce que vous nous dites, c'est :
Le processus de changement de prénom
et de mention du sexe devrait se faire par une déclaration sous serment, donc,
de la personne concernée ou une affirmation solennelle, et vous
dites : Elle devrait aussi être accompagnée de la déclaration d'un garant.
Et, pour vous, le garant… Parce que vous
dites : Ça pourrait, par exemple, être un médecin ou un
psychologue, là, c'est ce que… c'est votre compréhension du mot
«garant». Parce qu'hier on a entendu le représentant d'Aide aux transsexuels et
transsexuelles du Québec qui disait :
Ajouter cette option ou cette nécessité-là de… cette nécessité, en fait, du
garant, ajouter une attestation d'un psychologue, ce serait alourdir le
processus. Il n'y a pas beaucoup de psychologues qui veulent faire ce genre d'attestation, c'est coûteux. Et,
si j'ai bien compris le représentant, hier, de l'association, il nous
disait… il semblait nous dire que cet
élément-là de la déclaration du garant ne devrait pas faire partie du processus
de changement de prénom et surtout, bien sûr, de mention du sexe, là.
Alors,
j'aimerais vous entendre là-dessus. Je regardais l'Ontario. L'Ontario,
effectivement, demande soit la lettre d'un médecin ou d'un psychologue
praticien et autorisé à pratiquer au Canada soit une autre preuve. Alors, un
des éléments qui peut être demandé en
Ontario, c'est la lettre d'un médecin ou d'un psychologue praticien et autorisé
à pratiquer au Canada. Donc, la
définition de «garant» en Ontario, on semble dire, c'est… Je lis en même temps
que je vous parle, Mme la Présidente,
ou que je parle aux invités, mais… Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus,
sur la nécessité de cette déclaration
d'un garant et de ce que, dans votre optique, doit être un garant, en ayant à l'esprit
ce qui nous a été dit hier.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Susset.
Mme Susset
(Françoise) : Oui. En fait, j'ai lu de plus près le document ontarien
et je pense que quelque part dans les
documents il est précisé que le garant, que le médecin ou psychologue doit
avoir suivi ou évalué la personne. Vous savez, on peut imaginer un
scénario avec un jeune de 14 ans, ou de 13 ans, ou de
12 ans — et
d'ailleurs ça se fait déjà — qui
est suivi par un médecin spécialisé, qui, lui-même, peut signer le papier sans
évaluation psychologique. Ce n'est pas absolument nécessaire qu'il y ait une
évaluation de fond en comble.
Vous savez, ces
jeunes-là, ces enfants-là, pour revenir aux enfants, je les suis souvent depuis
l'âge de cinq, six ans. C'est à l'âge de
cinq, six ans que les parents viennent dans mon bureau parce que leur enfant ne
cadre pas avec les attentes d'une masculinité ou d'une féminité
stéréotypée ou typique, et c'est de là que commence le parcours. Est-ce que je suis les enfants? Je suis les enfants
particulièrement par rapport à l'adaptation au milieu scolaire et les
ajustements nombreux, les ajustements qu'on doit faire au niveau scolaire, mais
surtout je travaille avec les parents, pour soutenir les parents dans leurs démarches.
Mais ces enfants-là n'ont pas nécessairement besoin… Vous savez, quand on est
rendu à 13 ans et que ça fait cinq, six, sept ans que je les suis,
ces enfants-là, je n'ai pas besoin de faire des grandes démarches pour
confirmer leur identité de genre.
Vous savez, les individus
connaissent leur identité de genre, et, depuis 50 ans, on travaille, à
WPATH, pour retirer toutes les embûches qu'on
a mises dans leur passage pour avoir à leur… pour qu'ils aient à nous prouver
leur identité de genre. Et quelque
part il y a quelque chose là-dedans qui est vraiment problématique. Et, quand
en plus ce n'est pas seulement à un psychologue, un psychiatre ou un
médecin qu'on doit prouver son identité de genre, mais en plus à l'État, à ce
moment-là ça devient autrement plus complexe.
Vous savez, c'est
des questions que je conçois être des questions qui demeurent dans la sphère
personnelle et avec les professionnels de la santé, oui, mais, avec l'État…
Vous savez, on s'est retiré de la chambre à coucher de nos citoyens, mais l'État peut aussi se retirer des
pantalons et de ce que les gens ont dans leurs corps comme citoyens. Je
pense que c'est quelque chose qui est décidé
de façon très personnelle, le parcours de chacun et de chacune, et je trouve
que cette obligation constante d'avoir à convaincre tout le monde autour de soi
qu'on est vraiment une femme ou vraiment un homme est très, très problématique.
• (17 h 10) •
M. St-Arnaud : Alors, si je
comprends bien votre témoignage, là, donc, ce que vous dites, là, c'est :
La déclaration… Pour le processus de
changement de la mention du sexe, ce que vous nous suggérez, c'est que la
déclaration d'un garant accompagne l'affirmation solennelle ou la déclaration
sous serment de la personne qui fait la demande…
Mme Susset (Françoise) : Oui.
M. St-Arnaud : …que la
personne soit mineure ou majeure.
Mme Susset (Françoise) : Absolument.
M. St-Arnaud : Vous ne faites pas de
distinction. Ça va.
Pour ce qui
est des mineurs, si je comprends bien votre mémoire, vous proposez qu'il n'y
ait pas d'âge — présentement
je comprends que c'est 18 ans, là — il n'y ait absolument aucun
âge minimum. Tantôt, on évoquait
14 ans, 12 ans. Vous nous exprimez, là, que, par votre pratique, vous
voyez des cas beaucoup plus jeunes que ça et des cas qui sont, si j'ai
bien compris, très clairs. Et hier un des intervenants qui a témoigné, là, nous
a, lui aussi, parlé de sa situation personnelle d'une manière assez
convaincante quant au fait que cette prise de conscience, si je peux employer l'expression, remontait très loin
dans le temps de son enfance. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus,
sur l'âge minimum.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Mme Susset.
Mme Susset
(Françoise) : Il y a une
étude… En fait, on a une grande richesse, une fois de plus, juste à côté
de chez nous, en Ontario. Il y a une étude
très importante, reconnue mondialement d'une équipe de chercheurs qui s'appelle
Trans Pulse — je
vous en ai… j'en ai distribué des extraits — qui parle justement de la
permanence de l'identité de genre, que les
jeunes s'identifient très jeunes, et cette identification-là demeure. Il y a un
centre en Hollande, aux Pays-Bas, qui se spécialise dans le suivi de ces
familles et de ces jeunes et qui confirme que, les jeunes qui sont identifiés
avec ce qu'on appelle une dysphorie de genre
à l'âge de 11, 12, 13, 14 ans, quand on va vérifier à l'âge adulte, c'est
toujours la même identité à 100 %, il n'y
a eu aucun changement. La souffrance est là de façon permanente chez quelqu'un
qui vit une incongruence entre son corps et son identité, et c'est
beaucoup, beaucoup…
Justement,
vous parliez au niveau des écoles. Au niveau des écoles, il y a beaucoup de
choses à faire. Si on peut permettre
aux jeunes de s'exprimer, d'exprimer qui ils sont… On fait la distinction entre
l'expression de genre, l'identité de genre.
C'est deux choses différentes. Mais, si je suis une petite fille dans un corps
masculin, est-ce que je peux aller du côté des petites filles? Est-ce que je peux jouer avec les petites filles?
Est-ce que l'école ne peut pas… Est-ce que l'école peut me laisser la place de me positionner comme je veux
avec les petites filles ou avec les petits garçons? Alors, c'est
beaucoup au niveau de l'expression de genre qu'on ouvre dans les écoles, qu'on
essaie de créer de l'espace pour les enfants.
À partir de la puberté, par contre… Et la
puberté, vous savez, maintenant ça peut commencer déjà à huit ans, neuf ans, on a déjà des caractéristiques sexuelles
secondaires qui commencent à se développer, donc d'où le problème de
légiférer un âge minimum. Ce qu'on sait, et les études sont claires là-dessus, c'est
que, quand le corps se met à se développer,
c'est vécu comme une trahison profonde de la part des jeunes, qui jusque-là
pouvaient s'imaginer d'être de l'autre
sexe. Pourquoi? Parce qu'en réalité la différence entre un corps d'un petit
garçon puis d'une petite fille, ce n'est pas grand-chose, jusqu'à ce que
la puberté embarque.
À la puberté, on est très préoccupés, dans ma
profession, par l'effet psychologique d'avoir un corps qui se développe et qui trahit l'identité de genre, qui
est vécu comme quelque chose d'extrêmement souffrant pour l'enfant. Une des choses qu'on fait, par exemple, avec les parents,
c'est de préparer les parents, de préparer les parents, de chercher les
signes avant-coureurs : Est-ce que votre enfant commence à se retirer?
Est-ce que l'enfant commence à porter des vêtements plus amples pour cacher ce
qui se passe, etc.?
Donc, on sait
que ces questions-là se présentent à des âges… à partir du moment où les
hormones embarquent, mais des fois même avant ça il y a des jeunes qui
sont très vulnérables. Pourquoi changer la mention du sexe chez ces jeunes-là?
Écoutez, vous n'allez pas avoir une tonne de gens qui vont se précipiter à l'État
civil pour changer la mention du sexe de
leur enfant de six ans ou de sept ans, oubliez ça, mais, dans
certains cas, ça risque d'être important, parce qu'à l'école… Et je fais aussi, comme Julie-Maude, beaucoup d'interventions
dans les écoles. Les écoles sont, en fait, obligées de s'ajuster aux
besoins des jeunes trans. Pourquoi? Parce que c'est une condition médicale. Et,
tant que c'est une condition médicale, les écoles, donc,
sont appelées à s'ajuster pour aller dans le sens des besoins de ces jeunes-là. Et WPATH est très claire, ces jeunes-là
ont besoin de pouvoir s'exprimer, ont besoin de pouvoir vivre dans le
genre qui les représente. Le problème, c'est que ce n'est pas tous les enfants
de huit ans, neuf ans, 10 ans qui vont vouloir que toute la
classe le sache, justement.
En passant,
les chirurgies, c'est seulement à partir de 18 ans. Il n'y a aucune
chirurgie légalement accessible avant 18 ans.
Donc, ce qui est possible, c'est ce qu'on appelle la transition sociale. La
transition sociale, c'est : Je me présente au féminin avec un corps
masculin ou vice versa. À ce moment-là, il y a des jeunes qui veulent que ça
reste privé, cette information-là, et l'école
est obligée de maintenir privé, ne serait-ce que parce que c'est une condition
médicale. Alors, à ce moment-là, ce n'est
pas vrai que les jeunes vont tous vouloir déclarer… ou se présenter en
disant : Je suis trans, ce n'est pas vrai à 10, 11, 12 ans, mais ça se fait à l'école primaire. Ce n'est
même pas à l'école secondaire, ça se prépare déjà à l'école primaire. Donc, ils arrivent à l'école primaire
déjà transformés. Il faut compter sur la bonne volonté de l'administration
de l'école, et de tous les enseignants, et
de tout le personnel scolaire pour maintenir le secret, pour garder l'information
sur la réalité physique de l'enfant et respecter l'identité de genre.
J'imagine un scénario où l'enfant aurait eu la
possibilité, avant le secondaire, de changer sa mention du sexe pour que l'école
ne soit pas impliquée, justement pour qu'on n'ait pas besoin de faire un grand
coming out à toute l'école, à toute la
classe. Ça ne se passe pas très bien, c'est loin d'être idéal comme solution.
Et je ne dis pas que c'est tous les
jeunes trans qui vont choisir cette solution-là, mais il y en a qui y auront
accès et qui pourront maintenir leur vie privée.
Je me trouve,
en tant que psychologue, dans la fâcheuse situation parfois d'avoir à
recommander à des parents qu'ils fassent cesser l'école à des enfants,
la situation étant tellement insupportable. Les études nous disent — et
les études Trans Pulse sont très éloquentes à ce sujet — que
ces enfants-là sont la cible de harcèlement homophobe et de violence à un taux absolument dramatique. Les
idéations suicidaires, les pensées suicidaires chez les jeunes entre 16
et 24 ans sont de l'ordre de 77 % — c'est un chiffre qui devrait
nous alarmer au plus haut point — en partie, justement, parce qu'on ne leur donne pas l'accès au niveau
législatif et au niveau médical comme on devrait pour qu'ils puissent
vivre leur vie de façon privée.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
ministre, il reste deux minutes.
M. St-Arnaud : Oui. Bien, ça va
compléter, Mme la Présidente, mes questions. Je vous remercie beaucoup, Mme Susset, les personnes qui vous
accompagnent. Nous allons lire avec attention, là, le mémoire que vous nous
avez déposé pour voir… Parce que, bon, il y a un projet de loi qui est sur la
table qui est le projet de loi n° 35, qui visait à répondre à certaines
des revendications qui avaient été formulées au gouvernement. Nous sommes à
réfléchir à la possibilité, éventuellement, d'amener des amendements sur… à la
suite des témoignages que nous avons entendus hier
et aujourd'hui, et l'éclairage que vous venez de donner, là, va s'ajouter à
notre réflexion quant aux amendements qui pourraient être apportés, à la
réflexion du gouvernement mais aussi à la réflexion de l'ensemble des membres
de la Commission des institutions lors de l'étude
article par article, que j'espère que nous pourrons tenir au cours des deux
prochaines semaines ou des trois prochaines semaines.
Alors, je vous remercie beaucoup de votre
présence, de votre éclairage. Merci. Merci, mesdames.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci. Alors, je cède la parole aux membres de l'opposition officielle. M.
le député de Fabre, à vous la parole.
• (17 h 20) •
M. Ouimet
(Fabre) : Merci, Mme la
Présidente. Alors, à mon tour de vous remercier de votre participation à
nos travaux. Je pense que vous avez eu l'occasion
d'entendre les… j'ai fait les mêmes commentaires, et, comme le ministre
et mes collègues, on apprécie énormément le temps que vous avez pris de venir
nous rencontrer, le temps que vous avez mis
à préparer des documents. Et hier j'ai souligné… et le ministre l'a dit, là,
malheureusement on n'a pas pu accorder tout le soin qu'on aurait voulu à préparer, à lire les documents, et j'insiste
immédiatement pour dire qu'il n'y a absolument aucun reproche qui est
adressé à tous les témoins. Plutôt, le reproche, je l'adresse aux
parlementaires. Les contraintes imposées par
les travaux parlementaires, la convocation à brève échéance des témoins fait en
sorte que, malheureusement, vous êtes
placés dans une situation très difficile, voire impossible. Malgré tout, vous
faites un travail remarquable, vous êtes ici. Alors, je trouve dommage
de ne pas pouvoir bénéficier de votre présence avec une lecture complète de
votre mémoire, mais on va essayer d'en tirer le maximum. Mais je tenais à vous
remercier infiniment pour votre apport.
Ceci dit, il
y a une question sur laquelle je veux revenir, et c'est toute la question, là,
des formalités qu'on impose, ou qu'on imposerait, ou qu'on déciderait de
retirer liées à la question du changement de sexe à l'état civil. On a ciblé sur la question du traitement médical, là, qui est
la condition actuelle. Si j'ai bien compris vos observations cliniques,
vos observations sur le terrain, là, avec
les gens qui vivent ces difficultés-là, ce que vous nous dites, c'est que cette
décision-là d'assumer un changement de sexe au niveau de l'état civil, c'est
une décision qui est tellement grave et difficile à prendre, pour les
personnes, qu'on n'a pas besoin, comme État, d'imposer d'autres conditions, il
y a déjà une forme de protection que… face aux demandes frivoles ou qui
seraient faites pour des motifs non valables. Est-ce que je résume vos propos?
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Mme Susset.
Mme Susset (Françoise) : Oui. Vous savez, la question de la fraude a été
abordée, je pense, hier, et vous y faites un petit peu allusion. Il
faudrait vraiment avoir un manque d'imagination complet pour s'imaginer que ce
serait une bonne façon
d'être frauduleux que d'aller changer sa mention du sexe quand on sait toute la
difficulté qui est vécue par les gens
dont la mention du sexe est en conflit avec leur apparence. Alors, ce serait,
en fait, d'attirer le regard vers soi doublement et triplement que de se
servir de cette façon-là de faire.
Ce
qu'on dit, c'est que la question des chirurgies, c'est une question qui est d'ordre
personnel et donc qui ne devrait pas être liée à l'accès à des papiers,
à des documents qui correspondent à ce que je présente dans la vie de tous les jours, par exemple; que ces questions-là de chirurgie,
comme j'ai dit tout à l'heure, quand on en a besoin, c'est absolument
essentiel, mais, quand ce n'est pas quelque chose qu'on est prêt à vivre… Vous
savez, il y a des longues périodes de convalescence,
alors il faut pouvoir quitter son emploi, il y a des considérations pratiques
par rapport à ces chirurgies-là.
Mais je pense que j'ai
peut-être perdu la question.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : M. le député de Fabre.
M. Ouimet (Fabre) : Merci, Mme la Présidente. Non, mais, en fait, je vais poursuivre dans
cette veine-là, mais j'aimerais
explorer tout de même la… Je pense qu'on s'entend tous. Si on peut envisager l'idée
d'éliminer le traitement médical comme étant la condition prérequise… ou
le prérequis, pardon, il faut tout de même qu'il y ait certaines formalités. Je pense que tout le monde accepte
cette idée qu'il doit y avoir certaines formalités. La question, c'est :
Quelles sont ces formalités? Et qu'est-ce qu'on va exiger?
On a parlé de
répondant, par exemple. On a évoqué la possibilité que ce soit un
professionnel, une attestation professionnelle, une intervention
professionnelle quelconque.
Est-ce
que, du point de vue de la réalité des gens qui le vivent, on peut songer
également à demander un certain nombre
de répondants, deux personnes, par exemple, dans l'entourage de la personne?
Est-ce que c'est quelque chose qui est, d'une part, réaliste et qui
serait utile pour donner une certaine assurance à l'État que la démarche a…
Au-delà de l'aspect… du prix que la personne
doit payer, là, au niveau humain, au niveau psychologique, est-ce que le fait
d'exiger un certain nombre de répondants dans l'entourage, c'est quelque chose
de réaliste?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Susset.
Mme Susset (Françoise) : Oui. Je pense que, si vous voulez rajouter un ou
deux affidavits d'un ami proche, un membre de la famille qui déclare que
la personne… Et je pense que c'est ce qui se passe au niveau du nom pour les personnes qui ne sont pas trans, il y a un
affidavit ou il y a quelque chose qui est… Donc, de dire : Oui, je connais
cette personne-là depuis un certain temps, cette personne-là vit sa vie au
féminin, au masculin, et voilà, pourquoi pas? Je pense que ce ne serait pas
nécessairement problématique.
Mais
je vais demander à Nora de s'adresser à cette question-là, parce que Nora
travaille avec une population qui n'a pas nécessairement le même accès
que la population que moi, je rencontre.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Butler Burke, à vous la parole.
Mme Butler Burke (Nora) : Oui, merci. Donc, je suis d'accord avec
Mme Susset, c'est possible d'ajouter un affidavit. Souvent, quelque chose que nous, on a demandé de faire :
présentement, la façon que ça fonctionne pour changer le nom légal, ça
peut être aidant d'avoir une lettre par notre organisme. Donc, comme on
travaille avec beaucoup des personnes qui
vivent l'isolement, qui n'ont pas un réseau de soutien, souvent nous sommes la
communauté, on crée l'espace communautaire. Donc, ça peut être aussi une
façon de valider qu'est-ce qui se passe dans la vie des personnes, dans leur changement de sexe, je vois ça pas
nécessairement comme une barrière. Mais, pour nous, c'est certain qu'on
essaie de diminuer les barrières qui sont présentement vécues.
Puis,
si vous me permettez aussi de parler un peu plus de cette réalité des personnes
immigrantes, si on parle d'une intégration
dans la société québécoise, il y a eu des questions soulevées : Mais
pourquoi c'est juste Québec qui garde l'obligation d'être citoyen? Puis, je
crois, c'est dans l'intérêt du Québec d'éliminer cette obligation parce que… Je
donne l'exemple d'école de francisation. On
travaille avec beaucoup de personnes immigrantes, réfugiées qui vont aller
immédiatement, dès qu'il y a un accès, à l'école pour la francisation. On
comprend déjà bien, je crois, les enjeux à l'école,
mais ce sont des adultes qui souvent arrivent à déjà peut-être mi-transition ou
qui ont déjà fait même un changement de
sexe mais d'un pays où c'est impossible de changer leurs documents, puis ils
vont arriver ici dans une situation où c'est toujours impossible, des fois pendant des années. Si la personne n'a pas
des moyens pour payer pour la citoyenneté, si une personne n'est pas capable de passer par l'examen
de citoyenneté, si la personne a un dossier criminel, pour n'importe
quelle raison, la personne ne peut même pas avoir accès à la citoyenneté, puis
ça les empêche. Donc, à l'école, on voit
beaucoup de problèmes, les personnes ne sont pas capables d'apprendre le
français parce qu'il y a une discrimination qui se passe autour d'elles dans l'administration de l'école, des
professeurs qui ne comprennent pas les enjeux, qui vont appeler la personne en avant de toute la classe,
toute la salle comme monsieur quand c'est une madame ou vice versa.
Donc, si on pense à cette question d'intégration, je crois que d'enlever cet
aspect d'obligation de citoyenneté peut être très, très important.
Puis, si vous
permettez aussi, je laisse la parole à ma collègue Ana Christina pour amener un
peu d'autres perspectives.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Oui. Mme Alvarado, à vous la parole.
Mme Alvarado Stapf (Ana
Christina) : Ça fait sept ans que je vis ici, à Québec. La raison que
j'avais quitté mon pays, c'était parce que ce n'était pas facile pour vivre. C'est
sûr que je suis ici, et la réalité qu'on vit, c'est vraiment difficile, parce que, déjà, être une immigrante, ce n'est pas
facile. En plus, j'ai un accent. C'est vraiment difficile, c'est sûr. Ça fait un an et quatre mois à peu près
que j'ai eu mon opération, et je n'ai pas encore changé mes papiers. Je
dois vivre toujours… N'importe où, dans la pharmacie, je dois montrer, je dois
dire aux gens mon identité. C'est quelque chose que ce n'est pas facile.
Moi, avant
mon opération, j'étais la même personne. Quand Françoise parlait des enfants
qui étaient transsexuels, moi,
toujours, je me sentais comme une fille, je peux dire que j'étais toujours
sûre. Et, même quand j'avais choisi de faire mon opération et tout, je
me demandais : À l'intérieur, est-ce que je suis une femme?, et j'ai
dit : Oui, toute ma vie j'ai été une femme. Alors, ça veut dire que la
femme que je suis est ici, dans ma tête, à l'intérieur. Ce n'est pas une
opération qui va dire qu'est-ce que je suis vraiment.
Et c'est
vraiment important, parce que les immigrants, nous sommes… pour beaucoup de
raisons, quitté notre pays, et nous sommes ici pour travailler aussi
pour ce pays — moi,
je me sens Québécoise comme tout le monde ici — et pour avoir une… Mais une…
c'est important aussi, faire comme des changements, et j'espère que ça va
arriver. Merci.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
député de Fabre.
M. Ouimet (Fabre) : Combien de
temps?
• (17 h 30) •
La Présidente (Mme Beaudoin) : Il
reste environ huit minutes.
M. Ouimet
(Fabre) : Excellent. Donc,
juste pour… Merci de ces précisions-là. Si je résume, l'idée d'exiger
des répondants dans la… autour de la
personne qui présente une demande, ce n'est pas quelque chose qui serait
exorbitant, si je comprends, là, parce que, le message d'éliminer des barrières
qui rendent la chose difficile, voire impossible, si ce message-là est retenu, on ne voudrait pas remplacer une barrière par une
autre barrière, et ce qu'on… Ma question, donc, c'est : Ça ne semble pas impossible d'exiger des répondants dans l'environnement
de la personne qui fait la demande?
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Mme Susset.
Mme Susset (Françoise) : Vous savez,
les répondants ne vont pas vous assurer de l'identité de genre de la personne, ils ne le sauront pas plus que vous et
moi. Je suis spécialisée dans ce domaine. Moi, je ne peux pas vous
garantir l'identité de genre de qui que ce
soit, sauf la mienne. Donc, ce que le garanteur va faire, c'est simplement de
dire : Je connais cette personne, et cette personne vit sa vie au
féminin, au masculin depuis un certain temps. Et donc je dis qu'elle vit sa vie
de cette façon-là, c'est tout. L'identité de genre, ce n'est que la personne
qui peut l'annoncer.
Je voulais
dire, par rapport à ce qu'Ana Christina vient de présenter, c'est que j'ai eu
des clients qui sont réfugiés. Vous
savez, ces gens-là viennent ici parce qu'ils sont… ils viennent de pays où ils
sont persécutés et parfois même mis à mort. Ils arrivent ici, c'est
complètement irréaliste de penser qu'ils vont pouvoir se retourner vers ce
pays-là et dire : Ah, pouvez-vous, s'il
vous plaît, modifier mon acte de naissance, parce qu'au Québec on me demande
des papiers de mon pays d'origine? Ça ne se fera jamais. Donc, ça, c'est
important aussi.
J'appuie l'idée de la pleine citoyenneté, parce
que finalement, vous savez, c'est nous qui sommes gagnants, au Québec. On
accueille des personnes qui viennent ici pour contribuer, comme disait Ana
Christina. Il faut leur donner la
possibilité de contribuer, des jeunes qui ne travaillent pas et des adultes qui
ne travaillent pas parce qu'ils n'ont pas accès au changement de la mention du sexe sur leur relevé de notes
scolaire pour une recommandation pour un emploi. Comment est-ce que je
vais avoir un emploi si de toute manière, après ça, je dois continuer d'être
référée… qu'on se réfère à moi au masculin
quand je suis en fait une femme ou vice versa? Qui est-ce que je vais donner en
référence? C'est extrêmement contraignant. Donc, c'est une question
aussi de pouvoir changer les documents antérieurs, tous les diplômes, tout ce
qui se rapporte à l'emploi.
Même arrivé à l'emploi, si c'est su… Parce que j'ai
des personnes qui arrivent dans une entrevue et qui sont embauchées, où alors on leur dit : Bien,
écoutez, passez aux Ressources humaines, passez à la comptabilité, on sort
le numéro d'assurance sociale, hop, on tape le nom, on arrive avec un M ou un
F, et là, c'est surprenant, l'emploi disparaît :
Écoutez, je suis vraiment désolé, mais le contrat qu'on voulait vous donner, il
a disparu, il n'y en a pas, puis trois semaines
plus tard il y a quelqu'un d'autre d'engagé par miracle. Ça, c'est des
situations qui arrivent couramment. La personne est convaincante. La
seule chose qui a révélé son parcours de vie privé, son parcours médical, si on
veut, c'est la mention du sexe qui n'a pas été changée.
Alors, on s'attend
à ce que les gens vivent en suspension. Même ceux qui veulent avoir accès aux
chirurgies, même ceux qui ne
demandent que ça, d'avoir accès à la chirurgie, on leur demande de vivre en
suspens pendant des années, parce que
l'accès à la chirurgie, ça prend du temps. Parce que moi, j'ai à faire un
certain travail, en tant que professionnelle de la santé, et c'est ça aussi qu'il faut savoir, c'est
que les personnes trans sont encadrées, hein? Pour avoir accès aux
hormones, pour avoir accès aux chirurgies,
il y a des professionnels de la santé qui les encadrent. Donc, ce n'est pas que
vous, vous changez quelque chose, les
amendements changent, et puis tout d'un coup n'importe qui se présente à vous
pour changer de sexe, comme si c'était quelque chose de complètement
désirable pour tout le monde à faire s'ils ne sont pas trans.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
député de Fabre.
M.
Ouimet (Fabre) : Très
rapidement, oui, parce que j'aurais aimé ça que mon collègue puisse poser sa
question, mais il y a une question importante qui est sur l'âge, on l'a
mentionné. Puis, bon, jusqu'à 14 ans, là, on prévoit au Code civil actuellement qu'à 14 ans la
personne peut présenter une demande de changement de nom. Je comprends,
on a compris que la personne vit même avant ça, là, son changement, son
identité sexuelle, même avant l'âge de 14 ans, mais est-ce qu'on peut… Si on envisageait que, jusqu'à l'âge de
14 ans la demande peut être présentée par un parent, est-ce que ça,
c'est quelque chose qui…
Mme Susset (Françoise) : Tout à
fait, tout à fait. Écoutez…
La Présidente (Mme Beaudoin) : Mme
Susset.
Mme Susset
(Françoise) : Désolée. Tout
à fait. D'ailleurs, je pense… il me semble que je l'avais mis dans… Je pense que c'est mentionné dans le mémoire, oui. En
fait, la recommandation de CPATH, c'est qu'à moins de 14 ans les
parents, évidemment, présentent la demande. C'est certain, c'est certain.
De toute manière, je vous dirais que, dans les
faits, un enfant qui vit chez lui ou une enfant qui vit chez elle à
16 ans, à 17 ans, et qui est dépendante économiquement de ses
parents, et qui veut des hormones, et qui veut accès aux chirurgies, je veux dire, bon, O.K., on va en parler à tes parents,
parce que, si tes parents n'embarquent pas dans ce projet-là, tu vas te
retrouver dans la rue. Et d'ailleurs un bon nombre de jeunes trans se
retrouvent à la rue, assez fréquemment à la rue, et heureusement il y a ASTTEQ
qui est là pour les accueillir.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à vous la parole.
M.
Poëti : Oui. Merci, Mme la
Présidente. Une question peut-être pour mademoiselle. Vous avez dit que ça
fait un an et quatre mois qu'en fait vous avez eu l'intervention et que vous n'êtes
pas allée pour changer le nom, en fait, à… voyons, à l'autorité civile, là, pour un nom féminin. Pourquoi vous ne l'avez pas
fait? Je ne sais pas si vous voulez le dire ou pas, mais je comprends
que c'est un enjeu important et que… J'entendais tantôt : Si j'avais loué
une voiture avec un permis de conduire qui aurait été féminin, ça n'aurait pas
été compliqué. Vous, ça fait un an et quatre mois que vous pourriez le faire,
vous ne l'avez pas fait. Pourquoi? Est-ce que c'est à cause des coûts?
Mme Alvarado Stapf (Ana Christina) :
Parce qu'avant…
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Mme Alvarado.
Mme
Alvarado Stapf (Ana Christina) : Excusez-moi. Parce qu'avant j'étais résidente permanente. Ça fait,
je pense, un mois que je suis devenue
canadienne. Mais, pour moi, c'était comme… j'étudiais beaucoup parce que
savais que, si je perdais ma chance d'avoir la citoyenneté, c'est fini, je vais
attendre plus de temps, c'est plus difficile. Mais c'est à cause que j'étais
résidente permanente.
M. Poëti : O.K., parfait. Peut-être…
Oui?
Mme Alvarado Stapf (Ana Christina) :
…aussi que, même que maintenant je peux changer tout, il faut attendre six mois
aussi pour…
Mme Butler Burke (Nora) : C'est
possible…
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui,
Mme Butler Burke.
Mme Butler
Burke (Nora) : J'aimerais
juste ajouter que nous, on travaille avec, comme je disais, beaucoup des
personnes immigrantes. Je connais une femme
transsexuelle qui habite ici depuis 25 ans, puis, pour raison d'un
dossier criminel depuis longtemps qui était
là, elle ne peut pas avoir la citoyenneté. Elle n'a pas des moyens de payer
pour son pardon, donc elle ne peut pas avoir la citoyenneté. Donc, elle
est toujours obligée d'être au masculin puis avec le nom masculin.
Une autre histoire. Je connais une femme
transsexuelle immigrant ici, au Québec, qui a aussi eu même sa chirurgie, elle
vivait temps plein femme; elle a été obligée d'aller en Colombie-Britannique, à
Vancouver, pour changer son nom légal.
Là-bas, comme résident permanent, vous pouvez rester trois mois, changer le nom
légal. Elle a retourné, mais il y a
beaucoup d'autres personnes qui vont partir permanent parce que ce n'est pas
possible de rester ici. Le temps à partir d'arriver au Québec, jusqu'au
moment que la personne peut avoir la citoyenneté, ça peut être long, ça peut
durer des années et des années. Donc, pour beaucoup de personnes, ce n'est pas
vivable. C'est impossible de retourner à l'école, c'est impossible d'avoir un
travail.
Donc, pour
ces raisons, c'est très important pour nous de retirer ces obligations de
citoyenneté des articles 59 et 71.
M.
Poëti : Alors, il y a deux
problèmes : il y a un problème de citoyenneté, il y a
un problème de trans. Et question…
La Présidente (Mme Beaudoin) : En
terminant.
M. Poëti : Oui, peut-être pour juste vous dire quand même que je vais
vraiment lire l'ensemble des documents, parce que… Puis n'interprétez pas mes propos sur : Ce n'est pas un
allié, ou : Ça va être un allié, mais vous ne m'avez pas
aidé beaucoup quand vous avez fait des commentaires sur 77 % des taux de
suicide plus ou moins dus à la législation.
Ma perception, depuis quelques jours, c'est que je pense que cette réalité que
ces gens-là vivent est très difficile et au-delà de la législation, et…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Je dois vous interrompre, malheureusement. Je cède la
parole à Mme la députée de Montmorency, du deuxième groupe d'opposition.
Mme St-Laurent : Merci, Mme la Présidente. Moi, je veux simplement vous remercier d'être
ici, ça nous éclaire beaucoup. Je vais prendre connaissance de tous les
rapports.
J'aurais
simplement une petite question d'information. Vous avez parlé qu'en bas de 18
ans il n'y avait personne qui avait
subi d'opération. Est-ce que vous avez eu connaissance, en bas de 18 ans,
de jeunes qui auraient suivi à partir de l'adolescence, par exemple, des
traitements hormonaux?
Mme Susset
(Françoise) : Oui. Alors…
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Mme Susset.
• (17 h 40) •
Mme Susset (Françoise) : Pardon. Le traitement hormonal, en fait, c'est un
parcours un peu particulier, parce que ce
qu'on fait pour les adolescents, pour l'instant, et c'est ce qui est préconisé
par WPATH, les lignes directrices de WPATH, c'est qu'on retarde la puberté. Alors, on se gagne quelques années de
temps pour que le jeune ou la jeune aussi puisse se présenter au
secondaire de façon relativement convaincante… ou convaincant, et c'est un
traitement qui est assez efficace parce que ça nous fait gagner deux, trois
ans.
Les hormones,
officiellement, commencent à 16 ans au Québec; les chirurgies, à
18 ans. Je vous dirais que ce chiffre-là va changer, est en train de
changer. Il y a un médecin qui fait partie de WPATH qui est à Boston, Dr Spack, qui, lui, dit : Écoutez — et je commence à vraiment être de son
avis — pourquoi
est-ce qu'on porte entrave au développement
naturel de l'adolescent trans en retardant sa transition, en retardant l'administration,
donc, d'hormones sexuelles de l'autre
sexe? Pour faire en sorte que ces jeunes-là puissent vivre leur vie de façon
beaucoup plus naturelle que simplement de bloquer les hormones
émergentes.
Alors,
écoutez, c'est un petit peu technique, un petit peu compliqué, tout ça, mais,
oui, c'est possible d'avoir des hormones,
définitivement. À partir de 16 ans, je vous dirais qu'au Québec, à partir
du moment où les jeunes sont sur des médicaments
qui retardent la puberté, on n'attend pas toujours à l'âge de 16 ans. Et
je vous dirais aussi, comme j'ai dit tout
à l'heure, que d'attendre jusqu'à 16 ans, et même des fois d'attendre
jusqu'à 14 ans ou d'attendre jusqu'à… quand ça fait des années qu'on suit le jeune ou la jeune et
qu'ils sont d'une stabilité absolue au niveau de leur identité de genre,
les parents sont complètement embarqués, le pédiatre aussi, etc., ça devient… c'est
ça, c'est que ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas toujours nécessaire. Mais c'est
16 ans officiellement pour les hormones.
Mme
St-Laurent : Merci. Je n'ai pas d'autre question.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Alors, je vous remercie de votre contribution.
Nous allons suspendre
pour quelques instants avant les remarques finales.
(Suspension de la séance à
17 h 42)
(Reprise à 17 h 44)
La Présidente (Mme
Beaudoin) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. À
l'ordre, s'il vous plaît! Oui, d'accord.
Mémoires déposés
Avant de passer aux
remarques finales, je dépose les mémoires des organismes qui n'ont pas été
entendus. Alors, je les dépose en vrac.
Remarques finales
J'invite maintenant
la députée de Montmorency à formuler ses remarques finales, pour un maximum de
trois minutes.
Mme Michelyne C. St-Laurent
Mme St-Laurent : Voici, Mme la
Présidente. Moi, je vous dis, présentement je n'ai pas terminé de lire les
rapports parce qu'on les a eus à la dernière minute, mais ça nous fait beaucoup
de choses à penser, parce qu'il faut penser au départ que
le projet de loi n° 35 couvre beaucoup. Il ne couvre pas seulement l'identité,
le changement de nom, mais il couvre aussi,
comme vous le savez, en matière immobilière, les prescriptions acquisitives. Et
moi, j'ai été… Je vais vous dire,
avec tous les invités qu'on a reçus, tous les gens qui sont venus passer des
commentaires, je pense qu'ils ont été d'une aide précieuse, et tout ce
que je peux dire présentement, c'est qu'on ne peut pas faire autrement que remercier tous les groupes et les gens qui sont
venus, qui sont venus nous éclairer, parce que nous, les parlementaires,
on n'a pas la connaissance… comme je vous
dirais, on n'a pas pleine connaissance de tout. On étudie les projets de loi,
on les regarde. Sur les projets de loi en droit, je pense qu'on est très
connaisseurs, mais, sur ce que la population peut nous apporter, sur la
connaissance directe, sur les faits, c'est inestimable.
Et mes remarques se terminent là, parce qu'évidemment,
tout le monde ici, on va se mettre au travail après. Je remercie encore. Je remercie M. le ministre d'avoir présenté ce
projet de loi, c'est un grand pas en avant pour tout le monde. Ce n'est
pas terminé, parce qu'il y aura des améliorations, mais je tiens à remercier le
ministre de la Justice et à saluer mes collègues, qui ont été formidables.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, Mme la députée de Montmorency. Maintenant, j'invite le porte-parole de l'opposition officielle en matière de
justice et député de Fabre à faire ses remarques finales, pour un
maximum de six minutes.
M. Gilles Ouimet
M. Ouimet (Fabre) : Merci, Mme la
Présidente. Alors, merci, tout le monde. Merci à nos personnes qui sont venues
nous éclairer. Merci aux collègues. Merci au personnel de la commission, tout
le monde. Ceux qui ne sont pas là, qui étaient là, vous les remercierez.
Encore une fois, ces consultations ont démontré
la nécessité de ce processus dans la réflexion qui mène à l'adoption de
meilleures lois. Et je ne le dirai jamais assez et j'espère qu'on va arrêter d'être
obligés de discuter pour convaincre le
gouvernement quand on doit dire : Il faut tenir des consultations, c'est
utile. Je sais que le ministre le sait, mais je tenais à le redire une
dernière fois aujourd'hui. Je vais le dire demain encore.
Sur le fond
du dossier, le projet de loi n° 35, ce que les consultations nous ont
appris… D'ailleurs — et
je vais prendre le relais des propos de la députée de Montmorency — oui,
je remercie le ministre d'avoir déposé le projet de loi n° 35, qui reprenait des dispositions de deux projets de
loi antérieurs du ministre de l'ancien gouvernement, et donc…
Une voix : …
M. Ouimet
(Fabre) : Bien, en bonne
partie. Mais, ceci dit, je ne veux pas faire de… ce n'est pas le but de
mon propos à ce moment-ci. Il y a beaucoup de matière dans ce projet de loi qui
à première vue semblait très technique, et, après avoir entendu les
observateurs…
D'une part, il y a le volet que je qualifie… qui
touche les personnes, donc l'identité, l'état civil. Ça, ça touche… il y a un aspect très humain, et on a été…
en tout cas, moi, je peux dire que j'ai été bouleversé par la réalité
que ces gens-là vivent et les difficultés
que la loi leur cause. Et donc il faut s'arrêter et bien examiner. Est-ce qu'on
va régler le problème avec le projet de loi n° 35? Est-ce qu'il
n'y a pas des amendements qui sont nécessaires? Et je pense que le ministre
doit faire une réflexion de ce côté-là avant d'aller de l'avant.
L'autre
volet, c'est celui qui touche le registre foncier, qui à première vue semblait
être des petites modifications techniques simples, mais on a eu la
démonstration cet après-midi qu'il y a un élément de… Tant qu'à faire le
travail, faisons-le bien, parce que c'est
vrai qu'il faut penser… On n'entreprend pas des changements à la loi — surtout
pas au Code civil — à
toutes les semaines, et, oui, il faut profiter des occasions qu'on a de faire
le travail. Là, on en a une, occasion, et j'encourage le ministre à s'assurer,
à prendre le temps qu'il faut. Une fois que le projet de loi est déposé, là, je
l'ai dit et je le redis, la vitesse ne doit
pas faire partie du processus législatif, une fois que le projet de loi est sur
la table et qu'on commence. Alors, on
a commencé le travail. Là, je pense que, Mme la Présidente, j'invite le
ministre à prendre le temps de tenir compte des consultations, de s'assurer
qu'on va avoir des amendements qui vont nous permettre de corriger les lacunes
qu'on doit corriger.
Donc, on a du
travail devant nous, et je ne pense pas que c'est un objectif réaliste de
penser qu'on va passer au travers de ce travail-là de façon complète, de
façon efficace, à la hauteur de nos obligations d'ici la fin de la session. Et je pense, M. le ministre, qu'il faudrait
prendre le temps, être certains qu'on ne manque pas notre coup. Et je
vais… Avec mes collègues de l'opposition officielle, on va continuer à
collaborer comme on l'a fait depuis le début de la 40e législature. Merci,
Mme la Présidente.
• (17 h 50) •
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, M. le député de Fabre. M. le ministre, la parole est à vous pour vos
remarques finales, pour une durée de six minutes.
M. Bertrand St-Arnaud
M. St-Arnaud : Oui, Mme la
Présidente. Écoutez, je serai bref. Il est tard, et nous devons tous — enfin,
plusieurs d'entre nous — retourner
dans nos circonscriptions. Mais effectivement, encore une fois, nous avons tenu
des consultations particulières extrêmement
enrichissantes. Je suis heureux de voir que l'opposition officielle s'est
inspirée de nos pratiques quand nous étions dans l'opposition, Mme la
Présidente, parce que nous avions initié cette pratique de demander
systématiquement des consultations particulières. Et j'en parlais récemment
avec le député de Beauce-Sud, qui me disait
s'être inspiré de nos façons de faire quand on était dans l'opposition pour
demander systématiquement des consultations
particulières. Et, enfin, je le dis un peu à la blague, mais, sur le fond, je
pense que le député de Fabre a raison, et
on l'a encore constaté hier et aujourd'hui sur ce projet de
loi n° 35, qui touche plein de sujets, effectivement, qui
touche des personnes dans certains cas, des
personnes sourdes, des personnes transsexuelles, transgenres, qui touche aussi
des questions beaucoup plus techniques et…
mais on a eu, sur toutes ces questions, un éclairage extrêmement intéressant
et, dans certains cas, très, très
enrichissant et même touchant. Moi, je vais vous dire, je sors personnellement
enrichi de cette consultation particulière qui nous a permis d'aborder
un certain nombre de sujets qu'on n'aborde pas à tous les jours.
Alors, Mme la Présidente, je suis très heureux
de ces consultations. Effectivement, nous allons, à la lumière de ces consultations, je le disais aux gens qui m'accompagnent,
du ministère de la Justice, revoir, réévaluer l'ensemble des éléments, l'ensemble du projet de loi, le
réévaluer à la lumière de ce qu'on a entendu. Je pense qu'il faudra tenir
compte de ce qui nous a été mentionné lors
de ces consultations, alors, pour éventuellement revenir lors de l'étude
article par article et, encore une fois, comme on l'a fait avec le
projet de loi n° 22, comme on le fera sûrement avec le projet de
loi n° 17, bien faire en sorte que
le projet de loi n° 35 soit le meilleur projet de loi possible, qu'il
réponde aux besoins de certaines personnes et aux besoins plus larges
des Québécois.
Alors, Mme la Présidente, merci d'avoir présidé
nos travaux aujourd'hui en l'absence du président habituel de la Commission des institutions. Merci à tous
les parlementaires qui ont participé à cette consultation particulière.
Je pense qu'encore une fois nous avons bien travaillé. Merci à tout le
personnel qui a permis de tenir ces consultations. Et, Mme la Présidente, je nous souhaite une bonne fin de semaine, et nous
allons revenir à la charge la semaine prochaine. Nous allons revenir au
travail la semaine prochaine avec encore beaucoup de travail, beaucoup de pain
sur la planche, mais c'est toujours
intéressant, Mme la Présidente, ces débats que nous avons sur ces questions de
justice, et je pense que, tous ensemble, nous contribuons à apporter
notre petite pierre pour faire en sorte que… pour un Québec meilleur. Alors,
merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, M. le ministre de la Justice.
La commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux sine die. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 17 h 53)