(Dix heures trois minutes)
Le
Président (M. Reid) : À l'ordre,
s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires et
je vais commencer par la mienne.
La commission
est réunie afin de terminer la consultation générale et les auditions publiques
sur le rapport de la Commission d'accès à l'information Technologies
et vie privée à l'heure des choix de société.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme De Santis (Bourassa-Sauvé) remplace M. Poëti
(Marguerite-Bourgeoys) et M. Dubé (Lévis) remplace M. Duchesneau
(Saint-Jérôme).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Reid) : Merci.
Alors, nous recevons ce matin MM. Samson et Niang. Et, messieurs, je
vous demanderais tout d'abord de vous
présenter, et ensuite vous avez la parole pour une période de 10 minutes, après
laquelle nous aurons une période de questions.
MM. Martin M. Samson et
Elhadji M. Niang
M. Samson
(Martin M.) : Oui, Martin
Samson, je suis directeur exécutif associé chez Nurun en technologie et
sécurité de l'information.
M. Niang
(Elhadji M.) : Bonjour. Mon
nom est Elhadji Niang, je travaille dans la même compagnie que M. Samson
à titre de conseiller en sécurité et technologie.
M. Samson (Martin M.) : Avant de
débuter, si vous permettez, mon collègue aurait un petit mot personnel à adresser.
M. Niang (Elhadji M.) : Exactement,
c'était juste pour saluer ma mère, qui, certainement, par la magie de cette technologie qui nous préoccupe aujourd'hui,
va regarder cette intervention. C'était pour lui dire : Bonjour,
maman, et de lui dire l'honneur et le plaisir que j'ai aujourd'hui d'être
devant des représentants du peuple québécois.
M. Drainville : Nous nous joignons à
vous pour saluer votre maman également.
M. Samson
(Martin M.) : Merci. Alors,
si vous permettez, je vais débuter ma courte présentation qui est un
résumé du document qu'on a déposé.
Les technologies de l'information sont devenues
un tremplin privilégié pour les pouvoirs publics. On a vu évoluer rapidement
les technologies, ça a permis de faire plein de choses, entre autres d'améliorer
la participation citoyenne et la relation
Administration-administrés avec la prestation électronique de services, le
gouvernement ouvert, et ça va
tellement à une grande vitesse, c'est incroyable. L'utilisation toujours plus
grande des technologies de l'information comporte aussi de réels enjeux
en ce qui concerne la vie privée des citoyens, c'est ce qui nous a portés à
venir discuter de ça devant vous.
Ce qu'on
voit, c'est un accroissement exponentiel des possibilités de collecte de
renseignements personnels. Avant, quand on était sur Internet, on
pouvait naviguer assez facilement, on était relativement anonymes. Aujourd'hui,
à chaque fois qu'on va sur un site, on nous
demande, en cliquant ici, qu'on a bien lu le texte de 14 pages de long,
qu'on est d'accord avec l'utilisation qu'on va faire des renseignements
personnels qu'on va y déverser. Les technologies de téléphonie sans fil sont capables de dire maintenant, à quelques mètres
près, où vous êtes, où vous étiez dans la journée. J'ai une telle
application dans mon téléphone qui permet de voir exactement le trajet de ma
journée au complet en comptant le nombre de pas puis si j'ai fais du jogging.
Alors, il y a eu un accroissement qui est tellement rapide, puis ça va
continuer comme ça.
Il y a aussi
la problématique de la juridiction applicable dans le contexte d'infonuagique,
communément appelé le cloud computing. Aujourd'hui, les données peuvent
être déversées dans des endroits qu'on ne connaît pas. Si on fait affaire avec
des compagnies de cloud, ils peuvent entreposer nos données un petit peu
partout, ça fait que le côté légal lié à ça
est très important. Entre autres, une fois que les contrats vont être terminés
avec ces compagnies-là, il faut s'assurer que les données personnelles
vont être bel et bien détruites.
La question suivante, c'est
le contrôle des couplages technologiques. On a des caméras de surveillance un petit peu partout. Les technologies nous ont
permis maintenant de faire de la reconnaissance faciale, entre autres. Il y
a des puces qui peuvent être insérées dans les billets d'avion, ce qui permet
de savoir que M. Untel, qui est dû pour le vol
123, est à tel endroit dans l'aéroport. Puis, on parle de reconnaissance faciale,
la petite tablette que j'ai dans les mains permet de faire de la reconnaissance faciale pour la débarrer. C'est
rendu à ce point-là. Avant, on avait besoin de«supercomputers» pour être en mesure de faire ce type de chose là.
Aujourd'hui, c'est de la technologie qui est disponible à M. et Mme
Tout-le-monde.
L'avènement de la nanotechnologie, qui est
invisible, élaborée, indétectable, on ne sait pas qu'est-ce qui va se passer
avec ça. Je pense que c'est important, au niveau légal, que ça soit encadré.
Donc, ça nous
amène à la nécessité de prendre appui sur les bonnes pratiques en sécurité de l'information.
On parle de mise en oeuvre d'un référentiel de bonnes pratiques en sécurité
pour que les gens qui ont à travailler avec les renseignements personnels
soient en mesure de comprendre, un, qu'est-ce qu'ils ont à protéger, mais aussi
quels moyens ils peuvent utiliser pour le faire.
Donc, ce qu'on suggère, c'est de concevoir des
processus qui permettent de s'assurer, dès la conception, de l'équilibre entre les exigences de respect de la
vie privée puis les finalités du système. Je vous fais une image, c'est
un petit peu comme quand on commence à avoir une idée. Il faut vraiment être en
mesure de déterminer, à l'intérieur du système
informatique qu'on va monter, de l'idée qu'on va faire, qu'est ce qu'il y a
comme renseignements personnels qui va naviguer à travers ça?
On a vu trop souvent — puis
j'ai travaillé dans le domaine des TI depuis plusieurs dizaines d'années — des systèmes qui sont sur le point d'être mis en
service et qu'il n'y a pas eu de questionnements qui ont été faits sur les
aspects de sécurité de l'information et de
protection des renseignements personnels, et on réalise qu'il y a des données,
comme des numéros d'assurance sociale, des identités
quasi complètes, qui vont circuler en clair ou librement sur les
réseaux, sur Internet, ou des choses comme ça. C'est très important, au niveau
légal, qu'on soit en mesure de s'assurer que, dès qu'il y a un début d'un projet, qu'on soit en mesure de catégoriser l'information,
puis de prendre cette information-là, puis de suivre le cycle de vie
complet de l'information pour s'assurer qu'on la protège pendant tout son cycle
de vie.
• (10 h 10) •
L'autre point
qu'on apporte, c'est de réaliser, suivant une périodicité définie, des analyses
de vulnérabilité des systèmes
contenant les renseignements personnels afin de s'assurer de leur niveau de
sécurité. Ce n'est pas tout de les bâtir, ces systèmes-là, ce n'est pas
tout de dire : Tel item, il faut le sécuriser. Il faut aussi s'assurer,
pendant qu'ils sont entreposés, pendant qu'ils sont en transit, pendant qu'ils
sont utilisés, que nos données sont toujours sécuritaires. Donc, pour faire ça, il faut s'assurer, via le
biais de tests de vulnérabilité, qu'on est en mesure de prouver que nos
données sont toujours sécuritaires.
Gérer les accès utilisateurs en fonction de la
sensibilité des renseignements personnels contenus dans le système. Là, je vous conte une petite anecdote. On
est dans un ministère, un organisme, une compagnie privée, peu importe.
La personne A travaille dans le département des finances. Il a une promotion,
il s'en va travailler au département des ressources
humaines. Ça fait longtemps qu'il est dans l'entreprise, il s'en va dans une vice-présidence.
Je suis presque assuré que, si je
fais un audit des accès qu'il a, il a encore les accès de tous les endroits où
il a passé dans l'entreprise, donc accès
à des renseignements personnels. C'est important de gérer les accès des
utilisateurs puis de s'assurer, lorsque les gens quittent, surtout à l'intérieur d'une entreprise, que les accès
dont il n'a pas besoin pour son travail sont révoqués.
Favoriser la mise en oeuvre de solutions de
lutte — technologie
et humaine — contre
la fuite d'information pour les systèmes sensibles. Il n'y a pas juste des
solutions technologiques à apporter, il y a le côté humain, le côté
sensibilisation aussi qui est important pour que la personne soit en mesure de
comprendre l'importance des renseignements
avec lesquels elle travaille. C'est un petit peu… Une image que j'utilise, là,
c'est comme la personne qui est au
casino, là, puis qui compte les billets, là, à la fin de la journée. Il lui
passe des millions et des millions dans les mains. Mais, pour elle, c'est
juste du papier qu'elle est en train de compter puis de mettre dans des
machines.
Souvent, quand on utilise des renseignements
personnels, c'est un petit peu ça. Je travaille aux ressources humaines, j'ai
accès au dossier complet d'une personne, son numéro d'assurance sociale, son
nom, son adresse, son téléphone. Je peux prendre cette information-là, puis la
revendre facilement, puis faire un petit peu d'argent avec ça. Mais, pour les gens, c'est quelque chose qui est
standard. Ils travaillent avec ça, les numéros d'assurance sociale, à
tous les jours. Dans certains systèmes, on a besoin de savoir qu'il y a un
numéro d'assurance sociale, par exemple pour créer
le dossier, mais on n'est peut-être pas obligé de l'afficher à tous les jours à
tout le monde, à moins que la personne en ait vraiment besoin. Tout ce
qu'elle a besoin de savoir, c'est : Est-ce qu'il y a un numéro d'assurance
sociale valide qui est dans ce dossier-là
puis qui permet de le faire cheminer? Donc, il y a des méthodes qui sont
simples pour permettre de continuer à travailler avec l'information,
mais de s'assurer de sa sécurité.
Promouvoir la
formalisation de processus de gestion des incidents. La gestion des incidents,
c'est très important. Souvent, on banalise un incident de
sécurité : Ah, ce n'est pas grave, c'est arrivé; oui, Charles a réglé ça.
Mais il faut vraiment que ça soit formalisé puis qu'on soit en mesure de
suivre, quand il y a des incidents qui mettent en jeu des renseignements
personnels, qu'est-ce qui s'est passé, comment ça a été réglé et comment on va
faire pour éviter que ça se reproduise de nouveau.
Implanter une
véritable stratégie de défense en profondeur pour la sécurité des systèmes
contenant des renseignements personnels. Puis là je vous ai fait un beau
dessin, c'est un vieux château fort. Mais, si vous remarquez, le château fort,
il a plusieurs étages, il a plusieurs parties. On parle de lignes de défense. J'aime
ça utiliser aussi le principe de l'oignon.
On a notre donnée qui est au milieu de notre oignon puis on a des pelures qui
sont autour pour la protéger. Donc, la première ligne de défense qu'on
préconise, c'est l'analyse des risques. Il faut… Oui?
Le
Président (M. Reid) : Il vous reste deux minutes. C'est très
intéressant, mais...
M. Samson (Martin
M.) : Deux minutes, oui. Je vais arriver dans deux minutes.
Le Président (M.
Reid) : C'est beau.
M. Samson (Martin
M.) : Donc, on parle d'analyse des risques, analyse des impacts,
mesures de mitigation, être en mesure de savoir à quoi on s'attend, catégoriser
les actifs pour en connaître leur importance. La deuxième ligne de défense : les politiques de gestion,
l'autoévaluation des contrôles, les tests de sécurité. Et la troisième :
les contrôles internes, ne pas arrêter, encore une fois, une fois que
les systèmes sont en place, de les contrôler.
Donc,
les règles de droit ne peuvent pas à elles seules régir la protection de la vie
privée des citoyens face à des technologies
de plus en plus complexes et mieux élaborées. Ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut
pas qu'on base la loi sur les technologies existantes, il faut qu'on
base la loi sur les grands principes de gouvernance et qu'on soit en mesure de
s'appuyer sur des bonnes pratiques de sécurité pour, à ce moment-là, réaliser
ce qu'on veut. Et voilà.
Le Président (M. Reid) : Merci de votre présentation. Nous allons passer
maintenant à la période de questions, en commençant par le bloc
gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Drainville : Merci, M. le Président. J'en profite pour vous saluer. On est bien
contents de vous accueillir parmi nous. Je salue les collègues
également, que je retrouve avec plaisir.
Merci
pour votre présentation. Écoutez, on n'a pas beaucoup de temps, ça fait qu'on
va aller directement dans le vif du
sujet. Vous êtes visiblement préoccupés, sinon inquiets par la présence de
mécanismes qui sont susceptibles d'identifier ou de localiser une personne lors de
l'utilisation de produits, d'appareils. Est-ce que vous pouvez nous donnerdes exemples d'incidents qui sont survenus
et qui sont liés justement à l'existence et à la présence de ces
mécanismes-là dans des produits que nous utilisons tous les jours, des exemples
connus, là, qui illustrent les risques qui viennent avec cette fonction, donc,
de géolocaliser une personne quand elle utilise un appareil électronique?
Le Président (M.
Reid) : M. Niang.
M. Niang (Elhadji M.) : Oui, exactement. Je dirais que, par rapport à
votre question, des incidents connus qui font état de cette
problématique, à ma connaissance, il n'y en a véritablement pas, hormis l'une
des choses que vous connaissez ou que vous
avez dû entendre parler, Big Brother en Europe, où le gouvernement américain,
si ma mémoire est bonne, avait mis en place des mécanismes de
surveillance des citoyens à leur insu et contre leur corps défendant.
Dans
le fond, le fondement de notre préoccupation, c'est d'inciter le législateur d'avoir
une position avant-gardiste par rapport à cette problématique, parce
que, nous, nous pensons, de l'endroit où nous sommes, qu'il serait vraiment dommage et dommageable qu'on attende qu'il y ait
des incidents d'une envergure telle que la vie privée des citoyens — qui sont des droits fondamentaux reconnus et protégés
par les chartes — puisse
être mise à mal par justement l'utilisation de technologies dont on a de
la misère à contrôler l'usage qui peut en être fait.
Parce
que, si vous voulez, si je poursuis ma réflexion de manière beaucoup plus avancée,
à l'heure actuelle, la question que l'on
devrait se poser, ce n'est pas, à proprement parler, les technologies en
elles-mêmes qui posent problème, mais
c'est plutôt l'usage qui peut en être fait. Donc, c'est de ce point de vue là
que, justement, comme je le disais tantôt, que nous, nous pensons qu'il
va falloir véritablement avoir une position avant-gardiste, initier une
véritable réflexion autour de l'usage de ces technologies-là, que ce soient des
technologies de géolocalisation ou des technologies relatives à l'utilisation
de puces RFID pour pouvoir coupler des technologies autres, afin de protéger,
justement, la vie privée des citoyens. Donc...
M. Drainville : …s'il y a des cas très concrets, là, des États, par exemple, qui ont
mis en place des politiques de
prévention. Dans le fond, c'est ce que vous nous dites, là. Il faut prévenir
plutôt que d'attendre qu'il y ait un problème. Alors, est-ce qu'il existe déjà des lois, des règlements, ou est-ce qu'on
serait les premiers, là, à agir sur ce front-là, là, sur toute la
question de la géolocalisation?
M. Niang (Elhadji M.) : Les premiers, je dirais que non, parce que, moi,
j'ai vécu... j'ai fait aussi mes études en France et j'ai eu, dans le
cadre de travaux de doctorat sur, justement, la problématique technologie et
sécurité de l'information par rapport à la
protection de la vie privée, j'ai eu à m'intéresser à ces questions-là. Et je
peux vous dire qu'aujourd'hui, au
niveau de l'Europe, si ma mémoire est bonne, il y a eu des réflexions qui ont
été initiées par rapport, justement,
à l'utilisation des technologies de puces RFID couplées à des technologies de
reconnaissance faciale, par exemple. C'est, je pense, si ma mémoire est
bonne, le système ou le projet OpTag. L'objectif…
M. Drainville :
Comment vous écrivez ça?
M. Niang (Elhadji
M.) : OpTag. Je pense que c'est O-p-T-a-g.
M.
Drainville : O.K.
M. Niang (Elhadji M.) : Et l'idée qui était recherchée à ce niveau, c'est
de regarder jusqu'à quelle mesure, sous le prétexte d'utiliser ou de s'assurer
de la sécurité des usagers au sein des aéroports, on pouvait justement utiliser
ces technologies-là. En d'autres termes, l'idée qui était recherchée, c'est de
véritablement réfléchir pour s'assurer que… C'est
vrai que, pour des impératifs de protection de la sécurité des citoyens au
niveau de l'espace public, que ce soit dans les aéroports ou dans les
aérogares, il était intéressant d'avoir à recourir à ce type de technologie,
mais comment allons-nous faire pour assurer l'équilibre de la protection de la
vie privée des citoyens par rapport à l'usage de ces technologies?
• (10 h 20) •
M. Drainville : Expliquez-nous, là, faites un peu notre éducation là-dessus, là. Ce
dont on parle, par exemple, c'est la
capacité, par exemple, qu'un gouvernement ou qu'un État pourrait avoir de
capter un signal provenant d'un appareil que j'aurais, un iPhone, par
exemple, ou un iPad, ou un BlackBerry, et donc ce serait possible, pour un gouvernement, pour un État, de se donner le
pouvoir de capter ce signal-là en provenance de mon appareil, et donc de
savoir où je me trouve, quels sont mes déplacements. C'est de ça dont on parle?
M. Niang (Elhadji
M.) : Absolument. Et...
M.
Drainville : Et ça, ça existe déjà, ça, cette capacité-là?
M. Niang (Elhadji M.) : Absolument, parce qu'au niveau... Je ne sais pas
si nos amis de la GRC ou de la Sûreté du Québec me contrediront, mais je
peux vous assurer qu'à quelque part ailleurs, aujourd'hui, quand on regarde les
possibilités technologiques qui existent sur le marché, il est possible d'aller
capter des fréquences ou même d'utiliser des technologies qui vont me permettre
de repérer des citoyens.
Alors,
bien évidemment, ce que je voudrais dire à ce niveau, c'est qu'il m'est
impossible de penser que ce sont des choses que les gouvernements
peuvent… surtout dans le contexte québécois, vont pouvoir faire parce que ça
leur tente, dans la mesure où nous savons tous qu'il existe des instruments — que
ce soit la charte québécoise des droits et
libertés — qui
apportent une certaine forme de protection qui va faire de sorte qu'on puisse
préserver notre intimité, ou, si vous voulez, la bulle à l'intérieur de
laquelle on vit, contre le regard de l'État.
Je suis conscient qu'un
citoyen qui est poursuivi pour un acte criminel revêtant une certaine gravité — à
titre d'exemple ce qui fait la une des médias aujourd'hui — il
est possible de recourir à des technologies pour pouvoir géolocaliser la
personne avec la collaboration des compagnies, ou des fournisseurs de services
de téléphonie, ou les compagnies fournisseurs des services Internet afin de
pouvoir le repérer. Donc, la possibilité existe, mais je reste fondamentalement persuadé que nous avons en place
des instruments qui nous permettent justement d'éviter qu'il y ait des
abus à ce niveau.
M.
Drainville : Encore une fois, je pose des questions très ouvertes
parce que je veux que nous soyons tous sur la même longueur d'onde et que nous
comprenions tous le potentiel assez effrayant de certaines technologies, là.
Est-ce que vous nous dites qu'actuellement tout appareil électronique
sophistiqué peut être retracé?
M. Samson (Martin M.) : On l'a vu dans des cas d'enquêtes policières où
on retrouve, exemple, le pédophile par
rapport à l'adresse IP qui est branchée sur Internet, qui est une adresse
physique. Ils peuvent retracer, via la compagnie fournisseur de
services, à quel endroit est situé cet appareil-là. Ça, c'est un exemple.
M.
Drainville : Mais, à ce moment-là, il faut que la compagnie collabore?
M. Samson (Martin
M.) : Absolument.
M.
Drainville : Il faut que la compagnie donne accès au signal ou
identifie le signal pour qu'après ça les autorités puissent le capter.
M. Samson (Martin M.) : Et les corps policiers sont en mesure de faire
ça, ils ont des équipements sophistiqués qui leur permettent de faire ça
puis de retracer, effectivement.
M. Drainville : Alors, je vois mal comment quand vous dites que vous souhaiteriez que
les organismes publics et les
entreprises privées soient dans l'obligation de signaler la présence de
mécanismes de géolocalisation. Vous trouvez qu'actuellement les citoyens
ne sont pas suffisamment informés sur le fait que d'être propriétaire d'un
iPhone, ou d'un Black, ou d'un iPad vous rend vulnérable? Ça, vous croyez que
les citoyens ne sont pas au courant de ça, hein?
M. Samson (Martin M.) : Absolument. Absolument. Si on regarde, à l'intérieur
du iPhone, si vous allez voir toutes vos applications, vous avez tous un
petit bouton, puis là, quand vous partez votre application, vous l'installez :
Acceptez-vous que vous receviez des données
«push» ou acceptez-vous que l'application sache où vous êtes
géolocalisé? Puis, par défaut, tout le
monde, on dit : Oui, oui, il n'y a pas de problème, c'est mon iPhone. Ça
fait que mon iPhone à moi, il est capable de me dire partout où j'ai
marché aujourd'hui puis même quand je me suis déplacé en voiture de telle place
à telle place.
M. Drainville : Si on coche non,
est-ce qu'à ce moment-là on est...
M.
Samson (Martin M.) : Sinon...
M.
Drainville : Est-ce qu'on pourrait être encore... Est-ce que ce serait
encore possible d'être identifié?
M. Samson (Martin M.) : Pour l'application comme telle, non, mais, pour
le téléphone en général, oui, parce que,
le téléphone, il reste que, lui, il est sur le réseau de Bell, ou de Rogers, ou
etc., donc il est relié à un réseau, comme l'ordinateur, avec son
adresse IP, est relié à Internet.
M.
Drainville : O.K. Alors, qu'est-ce que ça... Disons que les... Prenons
pour acquis, là, qu'on réussisse effectivement à éduquer davantage nos
concitoyens, qu'ils soient davantage... dis-je, conscients du risque réel que
représente cette possibilité-là, donc, de te localiser à partir de l'appareil
que tu as. Je veux dire, ça n'empêchera pas les autorités éventuellement de
demander l'accès à ton signal?
Une voix :
…
M.
Drainville : En d'autres mots, ce n'est pas parce que tu es informé
puis que tu connais le risque que tu ne seras pas soumis au même risque.
M. Niang (Elhadji M.) : Absolument, j'en conviens parfaitement avec vous.
Et, pour étayer mon raisonnement ou
ma réflexion, je dirais que, fondamentalement, la problématique devrait être
posée de cette façon : Quelles peuvent être les dérives qui peuvent résulter de l'utilisation sur une base
volontaire ou volontariste, si vous voulez, de l'utilisation des
technologies de l'information dans une perspective de protection de la vie
privée? Et, de ce point de vue là, de l'endroit où nous sommes, nous pensons
que le Parlement devrait approfondir sa réflexion sur un axe à trois niveaux.
C'est,
de part et d'autre, le problème du consentement une fois que je rentre dans un
système informatique ou une fois que je donne des données identifiantes
qui peuvent permettre de m'identifier à un opérateur privé ou à un organisme
public.
Le
deuxième point, c'est la question de la transparence. Autrement, si j'accepte
de rentrer dans un réseau social ou si j'accepte de confier mes
informations personnelles à un organisme gouvernemental parce que j'en attends
des services en retour, que le législateur puisse faire de sorte à ce qu'il ne
puisse pas y avoir des dérives, autrement que la finalité pour laquelle mes
informations personnelles ont été communiquées, ne peuvent pas être détournées.
Et, de ce point de
vue là, je veux juste ouvrir une petite parenthèse, parce que l'idée me vient
en tête. J'avais entendu M. Mark Zuckerberg, le président fondateur de Facebook,
dire, il y a quelques années de cela, qu'on devrait repenser le concept de vie
privée à la lumière des technologies de l'information. Pour ma part et me
concernant, je m'inscris totalement en faux
par rapport à cette affirmation-là dans la mesure où les technologies de l'information
en tant que telles, comme je l'avais
dit tantôt, sont là et que ce n'est pas les technologies elles-mêmes qui
peuvent porter atteinte à notre vie privée, mais plutôt l'utilisation
qui peut en être faite. Donc, je ne pense pas que l'idée ici, c'est vraiment de
remettre en cause la protection de la vie
privée des citoyens en regard à l'utilisation des technologies de l'information
telle quelle, mais plutôt l'usage qui peut en être fait.
Le
dernier point, selon moi, qui devrait être débattu au sein du Parlement, c'est
la question du droit à l'oubli. Ça veut
dire : Une fois que je décide de sortir du système, est-ce que
véritablement mes informations ont été effectivement supprimées? Et, de ce point de vue là, le risque,
c'est ce qu'on appelle la question de la persistance des données. En d'autres
termes, si on prend la technologie aujourd'hui
ou l'informatique en tant que telle, à partir du moment où on écrit sur
un disque dur et qu'on clique sur «effacer», par exemple, ou «mettre à la
corbeille», ce qui se passe en réalité, c'est juste le chemin d'accès qui est
supprimé, mais la donnée en elle-même peut être tout le temps retracée. Et, de
ce point de vue là, quand tu es dans la Loi sur l'accès à la protection des renseignements
personnels, on parle de suppression, mais «suppression», en français standard,
par rapport à une personne raisonnable, je la comprends comme étant la
possibilité de supprimer une chose sans possibilité de la retrouver. Donc, à
partir du moment où on regarde cette disposition de la loi en regard avec la
réalité technologique, il y a comme deux poids, deux mesures. Donc...
• (10 h 30) •
M. Drainville : Mais je vous repose la question, là. Vous posez... enfin, vous nous
soulevez des questions qui sont fondamentales.
Mais est-ce qu'il existe des États qui ont commencé à légiférer là-dessus?
Est-ce qu'il y a un modèle à suivre?
Est-ce qu'il y a un État qui a pris les devants, qui est avant-gardiste ou
est-ce que, pour le moment, en tout cas, à votre connaissance, ça n'existe
pas, ce cadre-là très...
Écoutez,
vous nous soulevez, là, des questions d'une grande complexité, là. Vous nous
dites, en d'autres mots... Je pense bien vous comprendre si je dis que
vous nous posez la question de la gestion des données, par exemple, que les
compagnies de télécommunication pourraient conserver à notre insu,
éventuellement d'autres entreprises privées également, dans le domaine de la
gestion de l'information, qui pourraient éventuellement être assujetties à un
cadre comme celui-là, là. Vous vous rendez
compte de la complexité, là, de ce que vous nous posez comme problème, là,
et pour lequel problème vous nous demandez d'apporter des solutions, là.
D'ailleurs, je me
pose la question : Est-ce qu'un État comme le nôtre pourrait voter un
cadre réglementaire? Est-ce qu'on pourrait
assujettir des entreprises comme Bell, et Rogers, et Telus, et Québecor, par
exemple, à un cadre comme celui-là ou est-ce qu'en vertu de la
juridiction du gouvernement fédéral sur la radiodiffusion… Est-ce que c'est
vraiment de notre compétence que de se pencher là-dessus? Je pense qu'il faut
en débattre, il faut en discuter, puis votre intervention est très utile
là-dessus, elle nous amène là où on n'avait pas encore discuté. Mais je me pose
la question : Est-ce que vous, vous vous êtes posé cette question-là de la
juridiction québécoise sur ces questions-là?
M.
Niang (Elhadji M.) : Oui,
tout à fait. Et là je vais endosser mon manteau de... surtout devant le député,
l'ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats de Québec. Je disais donc que j'allais
enfiler mon manteau d'étudiant de l'École du Barreau
de Québec pour probablement dire qu'aujourd'hui, quand on regarde les
dispositifs légaux, effectivement, avec la Loi sur la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé, à Québec, les entreprises
privées doivent respecter les dispositions de la loi ou les dispositions
subséquentes.
Et, d'autre part, quand je prends le Code civil
du Québec — si
ma mémoire est bonne, c'est vers les articles 34
ou 35, dans ces eaux-là — il
y a une obligation, pour une compagnie privée qui constitue des dossiers sur
des citoyens, de respecter leur droit au consentement, ça veut dire que
les citoyens doivent consentir à la constitution d'un dossier qui peut
comporter des renseignements personnels, mais également leur consentir des
droits d'accès, d'opposition, de modification et de suppression.
Fondamentalement,
ce qui pose problème au niveau du privé, c'est l'effectivité de la mise en
oeuvre de la loi. Je m'explique. La substance de notre intervention n'est
pas à l'effet d'inciter le Parlement à créer une loi pour, mettons, mettre à l'oeuvre
des contraintes quelconques. La substance de notre raisonnement, c'est de
dire : Quand on regarde l'évolution des technologies de l'information
aujourd'hui, il est prétendument impossible de suivre la cadence ou la frénésie
des technologies de l'information avec un texte de loi. Et c'est à ce niveau qu'on
se dit : Est-ce que ce n'est pas plus
intéressant d'imaginer inciter les organismes publics à prendre appui sur un
référentiel gouvernemental qui va, par
exemple, venir préciser les bonnes pratiques afin de protéger l'identité et la
vie privée des citoyens dans un contexte d'utilisation à grande
envergure des technologies de l'information?
Par rapport à
votre question : Est-ce qu'il y a des États qui ont initié cette
démarche?, l'exemple que je pourrais vous
citer est l'exemple du gouvernement français. Dans le cadre des travaux de
modernisation de l'État, pour prendre appui
davantage sur les technologies de l'information dans la prestation d'une
mission des services publics, ils ont mis en oeuvre quelque chose qu'on
appelle le RGS, le référentiel gouvernemental de sécurité.
L'objectif
qui est recherché à ce niveau, c'est d'uniformiser les façons de faire afin d'en
arriver à des objectifs qui vont pouvoir garantir l'idée à l'effet que
le citoyen qui va confier ses informations à un organisme public, bien, peut avoir des attentes ou peut être raisonnable dans
la mesure où l'organisme à qui il a confié ses informations personnelles
sont protégées et que le système, en tant que tel, dispose de certains
mécanismes qui vont faire de sorte qu'une personne qui n'y a pas accès ne puisse
pas venir là-dessus. Donc, c'est en gros la substance de notre réflexion.
Le Président (M. Reid) : Merci. M.
le ministre.
M.
Drainville : Merci, M. le
Président. Là, il me reste six minutes, hein? Un référentiel
gouvernemental, là, en quelques mots, c'est quoi, ça, un référentiel
gouvernemental? C'est quoi? C'est une politique gouvernementale qui fixe un
certain nombre de normes?
M. Samson (Martin M.) : En fait, le
référentiel, ce qu'on rechercherait, c'est quelque chose qui permettrait à tous les organismes gouvernementaux… et
aussi qui pourrait être utilisé dans le privé, pour s'assurer que,
premièrement, on identifie correctement quels sont les renseignements
personnels avec lesquels on travaille, ensuite, comment les protéger — encore
là, dans les grandes lignes — et être en mesure aussi que, durant toute
la durée du cycle de vie de l'information, on soit en mesure de s'assurer de sa
protection et, à la fin, de sa destruction sécuritaire.
M. Drainville : O.K. Donc, dans le fond,
c'est la gestion de l'information et de son cycle de vie.
M. Niang
(Elhadji M.) : Oui. D'ailleurs,
de ce point de vue là, je dirais que, de mémoire, il y a eu une
initiative assez intéressante qui avait été réalisée par le ministère des
Services gouvernementaux d'alors à travers un modèle de pratique en protection
des renseignements personnels. C'est une sorte de référentiel ou, si vous
voulez, un recueil de bonnes pratiques que j'ai eu à consulter.
C'est sûr, pour un profane, son intelligibilité
peut poser problème, mais, personnellement, pour ceux qui sont capables de comprendre les préoccupations en
matière de protection de la vie privée, c'est un outil sur lequel, je
pense, aujourd'hui, on pourrait capitaliser,
qui peut servir de base de travail pour justement en arriver à une meilleure
prise en charge et une meilleure protection des renseignements
personnels que les citoyens confient à des organismes publics.
M. Drainville : Par ailleurs, dans
votre mémoire, bon, vous dites que la Commission d'accès à l'information
pourrait jouer un rôle comme réceptacle des déclarations de failles de
sécurité. Donc, vous dites que, s'il y a failles de... s'il y a incidents de sécurité, dis-je, il faut effectivement que
ce soit rendu public, il faut que ce soit connu, il faut que les
personnes qui en sont victimes en soient informées. Hein, je pense que vous
êtes d'accord avec ce principe-là.
Et là, dans un langage que j'ai peine à décoder,
vous donnez une certaine responsabilité à la CAI, mais vous dites en même temps : Il devrait y avoir un
autre organisme public avec l'expertise dans ce domaine-là. Et là vous
dites : Par exemple, le Secrétariat aux
institutions démocratiques pourrait développer éventuellement l'expertise qui
lui donnerait… donc, qui pourrait lui permettre éventuellement d'assumer
une responsabilité dans la déclaration des failles
de sécurité et la gestion des failles de sécurité. Précisez-nous un peu votre
pensée là-dessus, là, le rôle de la CAI, le rôle du secrétariat ou d'un
autre organisme. En d'autres mots, la question plus directe, c'est :
Pourquoi vous ne dites pas «ça devrait être la responsabilité de la CAI»,
point à la ligne?
Le Président (M. Reid) : M. Samson.
M.
Samson (Martin M.) : Il
faudrait en discuter. En fait, c'est une idée qu'on lance. Et ce qu'il est
important de comprendre, c'est que la
sécurité de l'information, ce n'est pas quelque chose que M. et Mme
Tout-le-monde est capable de comprendre
en profondeur assez facilement. Donc, il faut qu'on soit en mesure, si on met
dans... peu importe l'organisme, là, qui va être le réceptacle, des gens
qui vont être en mesure de comprendre de façon approfondie la sécurité puis
aussi de faire avancer les choses.
Donc, lorsqu'il
va y avoir un incident, il va falloir qu'il y ait un postmortem pour qu'on soit
en mesure d'éviter que ce type d'incident là se reproduise, qu'on rende
public aussi... sans aller dans trop de détails, mais qu'on rende public qu'est-ce
qui s'est passé puis qu'on avise les entreprises, les gouvernements municipaux,
provinciaux, des façons potentielles de régler ces problèmes-là.
Donc, ce qu'on veut, c'est un genre de principe
d'amélioration continue. Quand on se rend compte qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas bien, on le
règle, il y a un incident, on le règle, on regarde qu'est-ce qui s'est
passé, on fait un postmortem puis on s'arrange
pour ne pas que ça se reproduise. Donc, on publicise l'information puis on
s'assure que tout le monde est au courant, peu importe dans quel réceptacle,
là, ça peut se retrouver. Mais ce qu'on dit grosso modo, c'est que ça prend des
spécialistes qui vont être en mesure de faire avancer le processus.
M. Drainville : Donc, est-ce que ce
serait possible que le référentiel gouvernemental, donc l'ensemble des normes
de gestion de sécurité, là — on
résume ça comme ça — puisse
être sous la responsabilité d'un organisme qui gérerait également les incidents de sécurité, en d'autres mots, que la
mise en place d'une politique générale sur la sécurité des
renseignements personnels, les bonnes pratiques, relève du même organisme qui
serait également responsable de recevoir les déclarations d'incidents de
sécurité puis qui serait chargé éventuellement aussi d'informer les personnes
victimes de ces incidents-là? On peut-u tout mettre ça à la même place ou
est-ce qu'il faut séparer ça?
M. Samson
(Martin M.) : Deux
choses : en autant qu'on y retrouve de la transparence, donc qu'il n'y ait
pas, comme on dit en bon québécois, des petites cachettes; et, deux, qu'on soit
en mesure, après ça, d'utiliser ça, et de le reproduire ailleurs, puis de faire
progresser tout le gouvernement, toutes les entreprises des incidents qui vont
se produire. Il faut éviter qu'on...
Je dirai, on a
déjà vu ça : Ah, il y a un incident de sécurité? Ah, c'est correct, ça a
été réglé, c'est beau, on n'en parle plus,
alors que ce n'est pas ça qu'il faut qui se produise. Ça fait que l'organisme
qui va être en charge de ça, il faut qu'il soit capable de dire en toute
transparence : Oui, il y a un incident, oui, ça a été pour telle, telle,
telle raison, voici comment ça s'est réglé et voici comment on peut faire pour
éviter...
M. Drainville : Pour éviter
que ça se reproduise.
M. Samson (Martin M.) : ...que ça se
reproduise. Oui.
M.
Drainville : Je veux vous
remercier. C'est très utile. Et je veux juste vous dire, en terminant, que vous
êtes conscients du fait, sans doute, qu'il y a beaucoup de groupes qui sont
venus nous voir pour dire que le problème avec la Loi d'accès, c'est l'accès, l'accès
à l'information, et qu'ils nous ont même dit, dans certains cas, que le fragile
équilibre entre l'accès et la protection des
renseignements personnels avait été brisé en faveur d'une trop grande
protection des renseignements personnels,
que c'était devenu une espèce de prétexte pour empêcher l'accès. Et vous, vous
nous dites : Attention, la question des renseignements personnels
est encore très, très, très pertinente, peut-être plus que jamais, et vous
devez vous en occuper dans la mise à jour sur laquelle vous réfléchissez.
M. Samson (Martin M.) : C'est exact.
M. Drainville : C'est ce que
je retiens de votre message. Je vous en remercie.
• (10 h 40) •
Le Président
(M. Reid) : Merci, M. le
ministre. Nous allons passer maintenant au bloc de l'opposition
officielle. Et je passe la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Merci, M. le
Président. Merci, MM. Samson et Niang. La protection des renseignements personnels, de la vie privée, est très, très
importante, dans une démocratie comme la nôtre. Ce que j'aimerais
comprendre...
Je veux commencer au tout début.
O.K.? Je vois un article dans La Presse du 15 avril 2013, et on
dit : Les Québécois, moins inquiets que les autres Canadiens quant à la
protection de la vie privée. Et les Canadiens ne sont pas vraiment tellement
préoccupés, environ 20 %, 23 % sont préoccupés. Donc, on parle de
quelque chose dont le public n'est pas vraiment...
M. Samson (Martin M.) : ...
Mme de Santis : Oui. Allez-y.
M. Samson
(Martin M.) : Sauf si ça
vous arrive, sauf si vous vous faites voler votre identité et que vous
vous retrouvez avec : plus de permis de
conduire, plus de carte d'assurance maladie, que quelqu'un a vendu votre maison
sans que vous ne vous en rendiez compte parce qu'ils ont volé votre identité.
Le petit pourcentage, c'est des gens qui ont déjà
vécu ça. Moi, personnellement, ça m'est arrivé. Heureusement, ce n'était pas dans le temps où Internet existait,
là, on recule dans les années 80. Je me suis fait voler mon porte-monnaie,
et, à l'intérieur de 30 minutes, les
voleurs, après avoir coupé le cadenas qui était sur ma case, étaient déjà
rendus au centre-ville à Montréal en train de faire des achats, manger
dans un restaurant, ils ont même acheté des meubles en faisant des faux chèques
à mon nom.
Si ça vous
arrive, à ce moment-là vous êtes très intimement lié à ça. C'est sûr que, quand
on ne voit pas les risques, on a tendance à dire : Ah, c'est plus
ou moins important parmi les autres choses de la vie.
Mme de Santis : Donc, c'est très
important de sensibiliser la population québécoise...
M. Samson (Martin M.) : Exact.
Mme de Santis : ...aux risques
associés à la perte de sa vie privée.
M. Samson (Martin M.) : Exactement.
Mme de
Santis : Maintenant, j'aimerais
vous poser la question. On utilise cette expression-là, «vie privée», on
utilise aussi l'expression «renseignements
personnels». De quoi, exactement, on parle? O.K.? Parce qu'il y a
beaucoup... dans ces deux expressions-là, qui ne sont pas exactement les mêmes,
ne veulent pas dire exactement la même chose, mais j'aimerais comprendre, de
votre point de vue, de quoi on parle.
M. Niang
(Elhadji M.) : Là, je vais,
encore une fois de plus, me lancer à une définition devant l'ancien
bâtonnier, l'honorable député Ouimet. La protection de la vie privée, si vous
voulez, la façon dont je pourrais probablement essayer de la vulgariser, c'est
la protection que la loi apporte à des attributs. Par exemple, droit à l'honneur,
droit à la réputation, tout le kit. Ça, on appelle «protection de la vie
privée».
Par
«renseignements personnels», d'un point de vue spécifique, un renseignement
personnel, au sens de la Loi sur l'accès
et de la protection des renseignements personnels, c'est toute donnée qui peut
permettre d'identifier une personne au sens du Code civil du Québec.
Par exemple,
mon nom et mon prénom que je vais saisir dans un système d'information est une
information… surtout que mon nom de famille est Niang. Ça aurait été Tremblay,
on pourrait dire que le doute aurait été permis. À partir du moment où, mettons, je saisis un nom, mon prénom, l'adresse,
toutes ces informations-là qui peuvent, de manière directe ou indirecte,
servir à identifier une personne, eh bien, c'est un renseignement personnel.
Donc, c'est quelque chose de beaucoup plus précis par rapport à la vie privée
qui est un concept beaucoup plus global.
Mme de Santis : D'après la Loi sur
accès aux documents, on parle de renseignements personnels dans un document,
O.K., dans un document. Mais la vie privée, et je crois que vous êtes d'accord,
c'est aussi où je peux être à n'importe quel moment de la journée, n'est-ce
pas?
Une voix : …
Mme de Santis : Parfait.
Donc, ça va au-delà de données qu'on peut avoir d'un document, et vous en avez
précisé au tout début de votre présentation.
Maintenant, quand je regarde votre mémoire, je
lis que, dans la section sur l'infonuagique, on peut avoir un serveur aux Indes
qui sert à garder des renseignements qu'on donne à quelqu'un ici, au Québec.
Maintenant, est-ce que c'est réaliste de
croire qu'on peut vraiment garder confidentiels une vie privée ou des
renseignements personnels avec une loi seulement ici, au Québec, si les
renseignements concernant Rita vont se retrouver sur un serveur aux Indes?
M. Samson (Martin M.) : En fait, les
données comme telles... Je ne suis pas un spécialiste en loi du tout, du tout, mais la loi peut permettre d'encadrer
certaines choses. C'est plus au niveau contractuel, à ce moment-là, qu'on
peut voir, avec les contrats qui vont être
liés avec la compagnie d'infonuagique, comment les données vont être
protégées.
Parce que la technologie pour
protéger, elle existe. Avant, quand on recule un 10, 15 ans dans le temps, quand on arrivait puis on disait au spécialiste
réseau : Il faut chiffrer, exemple... — quand on dit «chiffrer», là, c'est de la cartographie — à ce moment-là, on veut chiffrer les données, bien
on se faisait dire : Ah, c'est impossible, ça va ralentir le
réseau, ça va être trop lourd, ça prend des grosses, grosses machines. Aujourd'hui,
la technologie permet de chiffrer un champ — exemple,
le numéro d'assurance sociale — à
l'intérieur d'une base de données immense. Alors, la technologie nous
permet de faire ça. La loi ne doit pas aller jusque dans ce détail-là, mais
doit peut-être parler, à ce moment-là, de lien contractuel sécuritaire pour s'assurer
de protéger la donnée.
Mme de Santis : Mais comment on...
Je m'excuse, mais je ne comprends pas exactement comment je peux protéger ça
uniquement avec un contrat ici, au Québec, quand mes données se retrouvent aux
Indes.
M. Niang (Elhadji M.) : Je dirai que
la substance de notre raisonnement à ce niveau, c'était de montrer effectivement que, compte tenu du critère d'extraterritorialité
de l'usage qui peut être fait des technologies de l'information, la loi,
à elle seule, ne peut pas régir la vie privée.
L'objectif...
ou, si vous voulez, ce qu'on recommande, plutôt, c'est : Est-ce que le
Parlement ne devrait pas plutôt initier une réflexion, à savoir passer des
conventions — parce
que ce sont des instruments qui existent en droit international privé ou public — afin
de faire de sorte à ce que, dans un contexte où je vais confier mes données à
un fournisseur d'infonuagique qui va
impartir ces données aux États-Unis, lequel va l'impartir en Inde, l'autre va
l'impartir au Sénégal… de faire de sorte à ce qu'au niveau de cette chaîne de
possession à ce qu'on fixe, si vous voulez, d'une certaine façon, les règles du
jeu?
En
définitive, comme on le souligne dans notre mémoire, vouloir appliquer la loi
privée à un fournisseur qui est physiquement localisé en Inde, c'est
prétendument impossible parce que je ne vois pas en quoi le gouvernement indien va autoriser l'application de la loi
québécoise au niveau du territoire indien. Par contre, est-ce que l'idée, ça
ne serait pas d'initier une réflexion pour
dire à nos collègues... aux autres collègues ou aux autres États
internationaux : Est-ce que ce ne serait pas intelligent, compte tenu du
fait que nous avons une technologie aujourd'hui qui se joue des frontières, d'initier
une réflexion afin de mettre en oeuvre des conventions internationales qui vont
régir ou qui vont servir à protéger la vie privée dans un contexte d'utilisation
des technologies de l'information?
De ce point de vue
là, on a voulu attirer l'attention du Parlement sur le fait que voici une
possibilité de dérive technologique qui
existe, à savoir — l'exemple
qu'on donne — une
compagnie québécoise qui va faire du commerce en ligne mais, pour préserver son compte d'exploitation, va recourir aux
services d'un fournisseur d'infonuagique qui est situé en Inde. C'est
sûr que le fournisseur qui est à Québec, il reste assujetti aux dispositions de la Loi pour la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé, mais par contre le fournisseur qui est
en Inde et qui contrôle physiquement les serveurs, l'application de la loi peut
être problématique. Donc, grosso modo, l'idée qu'on recherche ici, c'est plus de sensibiliser le Parlement ou d'attirer l'attention
à l'idée que, avec les critères d'extraterritorialité des technologies
de l'information, il peut y avoir problématique à ce niveau en regard à la
protection de la vie privée.
M. Samson
(Martin M.) : Et de là… Si
vous permettez? Et de là l'importance des contrats qui lient l'entreprise
avec son fournisseur d'infonuagique, de s'assurer que les contrats ne sont pas
juste une photocopie du contrat original puis qu'on signe dans le bas, mais s'assurer
qu'on a des clauses de sécurité qui permettent de protéger ces données-là — encore
une fois je reviens avec l'expression — «durant tout son cycle de
vie».
Mme de Santis : Est-ce qu'il y a
déjà des démarches au niveau international dans cette direction-là?
• (10 h 50) •
M. Niang
(Elhadji M.) : La seule
démarche que je connais... Je vais me lancer à donner l'exemple du gouvernementfrançais ou, de manière générale, de tous
les États européens qui ont signé la convention sur la protection des
données personnelles. Ça a été fait, si ma
mémoire est bonne, dans les années 2001, 2002. L'idée qui était recherchée à ce
niveau, c'est de dire : Tout
gouvernement qui est signataire de la présente convention ne devrait pas
favoriser la divulgation de données personnelles des citoyens dans un
État où la protection est moindre.
En d'autres termes, si, par exemple, un jour, le
gouvernement français décide d'envoyer mes informations nominatives dans mon
pays d'origine, à partir du moment où le gouvernement sénégalais n'accorde pas
le même niveau de protection, normalement il
ne devrait... en tout cas, si on le fait, ce sera en violation de la
convention. Mais, pour répondre à votre question succinctement, oui, il
y a des accords à ce niveau, mais c'est plus pour tout ce qui a trait au
transfert d'informations à caractère nominatif ou des renseignements
personnels.
Mme de Santis : Mais il n'y a pas de
charte de la vie privée.
M. Samson (Martin M.) : À l'international,
non, pas à notre connaissance.
Mme de Santis : Et il n'y a personne
qui est en train de lancer ça comme projet.
M. Samson (Martin M.) : On ne suit
pas ça au niveau international, malheureusement.
Mme de Santis : J'aimerais
comprendre un peu ce que vous prévoyez comme étant des problèmes qui peuvent
survenir de l'avancement avec la nanotechnologie. Ce n'est pas quelque chose
que je connais du tout et, pour beaucoup de
personnes, ce n'est pas compréhensible. Donc, si c'est quelque chose dont on
devrait se préoccuper, pourquoi? Où est-ce que ça va nous amener, la
nanotechnologie?
M. Samson (Martin M.) : La
nanotechnologie, ça peut être... C'est une technologie qui est en avancement. Ça va permettre, à ce moment-là, peut-être de
guérir des maladies, à un moment donné, mais ça va aussi permettre, via
soit une puce ou quelque chose que vous allez ingérer, d'être en mesure de vous
géolocaliser. C'est sûr qu'on n'est pas
rendus là encore, là. Ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait ne pas oublier le
facteur des nanotechnologies dans l'avenir.
M. Niang (Elhadji M.) : Je vais
également intervenir par rapport… dans la même lignée que mon collègue Martin.
En fait, la problématique que soulèvent les nanotechnologies aujourd'hui, c'est,
d'une part, encore une fois, l'usage qui
pourrait éventuellement en être fait. Parce que la nanotechnologie, c'est de
réduire quasiment à un milliardième de mètre une technologie quelconque.
Donc, le problème à ce niveau, c'est qu'on va peut-être se retrouver dans un
contexte où on ne saura pas si on a une technologie qui est à côté de nous, à l'intérieur
de nous, au-dessus de nous et qui nous surveille dans tous nos mouvements.
L'idée qui est recherchée ici, c'est,
encore une fois, de sensibiliser le Parlement à l'effet que c'est une
technologie qui est en train de se
développer, et même à l'intérieur du Québec avec nanoquébec.org, si ma
mémoire est bonne, et que, de ce point de vue là, il est important d'initier
une réflexion afin d'instituer une gouvernance, en quelque sorte, de l'utilisation
qui peut éventuellement être faite des nanotechnologies. Et, de ce point de vue
là, je pense que la position du Parlement
devrait être à l'effet qu'on devrait, tout le temps, en toute époque et en tout
lieu, essayer de nous assurer de l'équilibre entre la protection de la
vie privée des citoyens et l'utilisation qui pourrait éventuellement en être
faite.
Et l'exemple que je
pourrais aussi vous rapporter. J'ai suivi récemment un reportage, en Europe,
justement par rapport à l'utilisation de la
nanotechnologie, où des magasins, à des fins d'exploitation ou à des fins
commerciales, installaient de petits
appareils à l'entrée des magasins, qui permettent de décompter le nombre de
personnes qui passent et le nombre de personnes qui en ressortent après
avoir acheté quelque chose.
Alors,
bien évidemment, aujourd'hui ça ne pose pas problème parce que tout ceci est
fait de manière anonyme. Mais, imaginez-vous, à partir du moment où on
aura des technologies qui seront capables, avec une technologie de reconnaissance faciale ou je ne sais quelle autre
technologie, de pouvoir savoir qui nous sommes, qu'est-ce que nous avons
dans nos poches, quels types de cartes de
crédit, quelle est notre capacité de paiement. Donc, l'idée, c'est vraiment
de lever un drapeau pour que, au moins, à ce stade-ci, on institue un débat,
une réflexion à savoir jusqu'où on pourra aller dans l'utilisation des
nanotechnologies.
Mme de Santis : Si on regarde un peu le secteur privé, je crois que vous avez souligné
qu'un problème que nous avons, c'est
de vérifier qu'en effet les lois qui sont là sont respectées. Est-ce que vous
pouvez commenter plus là-dessus?
M. Niang (Elhadji
M.) : Oui. Je dirais que, quand on regarde aujourd'hui le corpus légal
qui est en vigueur à Québec, que ce soit la charte québécoise des droits et
libertés, que ce soit le Code civil du Québec ou toute autre loi, mais principalement ces deux-là, les
mécanismes pour permettre de sanctionner l'usage abusif qui peut être fait
d'un droit connu et protégé est là.
Le problème qu'on
essaie de soulever, c'est que nous pensons, de l'endroit où nous sommes, que la
véritable position du législateur devrait
être en quelque sorte d'éviter qu'une violation de la vie privée puisse arriver
et sanctionner par la suite. Parce qu'en bout de ligne la norme ou la
règle de droit, en quelque sorte, sert à sanctionner, mais sert aussi à
prévenir les usages abusifs en fixant les règles du jeu et en précisant quelle
sanction on encourt une fois qu'on aura franchi le pas. Je ne sais pas si vous
suivez mon raisonnement.
Et, d'autre part, ce
qu'on préconise, c'est, quand on regarde l'utilisation des technologies de l'information…
Évidemment, comme je le disais tantôt, la
loi peut sanctionner les usages abusifs qui peuvent en être faits. Donc, en
gros ou en bout de ligne, ce qu'il faudrait faire, c'est comment on pourrait, d'une
certaine façon, vu qu'il s'agit d'une technologie,
avec des moyens technologiques, arriver à un niveau de protection encore plus
élevé. Et, de ce point de vue là, comme on le dit en substance dans
notre mémoire, à ce niveau, ce qui devrait être recherché par le législateur n'est pas à l'effet de mettre en place
des règles de droit incontrôlables qui, d'une certaine façon, ne
pourront jamais suivre l'évolution des
technologies, et que la solution passerait par un recueil ou un référentiel de
bonnes pratiques qui va harmoniser les façons de faire pour apporter des
solutions technologiques, et que, donc, en bout de ligne, avec une seule
disposition dans la Loi sur l'accès, on pourrait atteindre cet objectif-là.
Mme de
Santis : S'il me reste un peu de temps, je vais poser une autre
question avant que je passe à mes collègues. J'aimerais savoir,
maintenant : La Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et la
protection des renseignements personnels
protège les renseignements personnels des individus. Est-ce qu'il y a une place
pour la protection de renseignements, entre guillemets, personnels de
personnes morales?
M. Niang (Elhadji
M.) : Les personnes morales, en tant que telles, sauf... Il y a
certains attributs que la loi ne leur
reconnaît pas. Par exemple, le droit à la vie privée, ce n'est pas quelque
chose que la charte... Tous les droits et libertés fondamentaux sont
reconnus à des personnes identifiées comme étant des personnes physiques.
Mme de Santis : Je vous demande : Est-ce qu'une personne morale aurait droit aussi
à la protection de renseignements quant à cette personne morale? Je
parle de petites et moyennes entreprises, par exemple.
M. Niang (Elhadji
M.) : Si je comprends très bien le sens de votre question, mettons, ce
serait le cas de protéger des renseignements confidentiels…
Mme de Santis :
Oui.
M. Niang
(Elhadji M.) : …de la petite ou moyenne entreprise. Bien, de ce point
de vue là, je pense que présentement, que ce
soit au niveau du champ de compétence provinciale qu'au niveau du champ de
compétence fédéral, il existe des outils pour permettre de protéger la
confidentialité de certaines informations.
L'exemple que je
pourrais donner, c'est : si, aujourd'hui, je m'amuse à aller rentrer dans
les serveurs d'une personne morale, à
regarder ses états financiers, à regarder ses planifications, ses projets d'affaires,
et autres, je peux être poursuivi tant au criminel qu'au civil. Donc,
pour les personnes morales, à véritablement parler, je pense qu'on a aujourd'hui
des mécanismes ou des textes de loi qui vont faire de sorte qu'un pirate
informatique ou un citoyen non avisé qui se
permettrait d'aller regarder des informations confidentielles auxquelles il n'a
pas accès peut être poursuivi aussi bien au civil qu'au criminel, avec l'actuel
dispositif légal que nous avons.
Le
Président (M. Reid) : Merci, M. Niang. Il reste deux minutes au bloc
de l'opposition. Je vais passer la parole à la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Oui. C'est très, très court, ma question. Vous avez parlé de la
convention qui a été signée par la France puis d'autres pays. C'est une
convention internationale? Est-ce que c'est une convention internationale de l'UNESCO,
de l'ONU, de...
M. Niang (Elhadji
M.) : C'est une convention qui est en vigueur au sein des États
membres de l'Union européenne.
Mme
St-Pierre : O.K., l'Union européenne.
M. Niang (Elhadji
M.) : Exactement.
Le Président (M.
Reid) : Oui. Le député de Fabre. M. le député de Fabre.
M. Ouimet
(Fabre) : Il reste une minute?
Le Président (M.
Reid) : Mais il vous reste de moins en moins de temps si vous parlez
plus... Allez-y.
M. Ouimet
(Fabre) : Merci. En fait, je veux simplement... Bonjour à tous les
collègues.
Merci pour vos remarques. Vous m'avez... Plusieurs
groupes en ont parlé, mais, je pense, ce matin, ça m'a frappé plus qu'à
l'habitude, le formidable défi que nous avons, comme société, d'établir un
équilibre entre la vie privée, la protection
de la vie privée et, dans une perspective d'intérêt public, la sécurité
publique. Et c'est deux forces qui... Nous sommes confrontés, comme parlementaires, à trouver, à rechercher cet
équilibre. Et le message que vous nous livrez d'être proactifs et d'être visionnaires, dans le fond...
On veut un cadre légal qui va être visionnaire, qui va nous permettre de
régler des questions qu'on n'est pas
capables d'imaginer aujourd'hui. Mais, très clairement, ce défi est posé à tous
les parlementaires. Et moi, je crois que c'est
aux parlementaires de l'aborder et non pas simplement laisser cette
question aux tribunaux. Merci, M. le Président. Merci.
Le Président (M.
Reid) : Vous avez encore une minute si vous voulez commenter.
• (11 heures) •
M. Samson (Martin M.) : En fait, ce qui est important, c'est que, quand
on parlait de recueil de bonnes pratiques, c'est qu'il ne faut pas que le recueil de bonnes pratiques se retrouve
attaché à l'intérieur de la loi. Il faut que ça soit quelque chose que les spécialistes vont être en mesure de
faire évoluer au fur et à mesure que les technologies de l'information
vont évoluer. Puis c'est de là l'importance, là, d'avoir un recueil de bonnes
pratiques qui va être libre et pas trop attaché après la loi.
Le Président (M. Reid) : Merci, M. Samson. Je vais passer la parole
maintenant au député de Lévis pour le bloc de l'opposition… du deuxième
groupe d'opposition.
M. Dubé :
Merci beaucoup. En fait, je salue mes collègues aussi de revenir pour cette
dernière journée. Vous avez une
excellente présentation, je dois vous dire. Je souscris beaucoup à la
préoccupation de tout le monde ici de regarder qu'est-ce qu'on peut
faire dans la vie privée. Ce que j'ai trouvé intéressant, votre point, c'est
la... J'aimerais vous entendre parler un
petit peu sur la mouvance entre les jeunes et les gens plus comme moi, là, qui
sont moins jeunes, et, en fait, d'essayer de tenir compte comment ces
jeunes-là, aujourd'hui, sont peut-être moins préoccupés par la vie privée — on
peut voir qu'est-ce qui va sur les réseaux sociaux — et de penser que c'est
ces jeunes-là qui vont faire les prochaines lois un jour.
Alors,
quand vous parliez de cette mouvance-là et de certaines bonnes pratiques, je
veux vous entendre un petit peu là-dessus. Parce que vous faites
référence, aux pages 9 et 10, là, à des meilleures pratiques. Mais, par
exemple, je peux penser à la France, où il y
a... je pense qu'il y a un avancement assez important du côté des réseaux
sociaux là-bas. Alors, je voudrais
vous entendre sur la question de passer de… les gens qui font les lois aujourd'hui,
mais de s'assurer qu'il y a un cadre
réglementaire qui va tenir compte de cette mouvance-là au cours des prochaines
années. Puis je reviendrai un petit peu sur la technologie, s'il me
reste quelques minutes.
Le Président (M.
Reid) : M. Niang.
M. Niang (Elhadji
M.) : Par rapport à ça, je pense que la question, elle a été
développée en substance dans le rapport quinquennal de la commission sur l'accès,
à l'effet qu'il faut davantage sensibiliser les jeunes, et c'est une démarche à
laquelle on souscrit beaucoup. Et, fondamentalement...
M. Dubé :
Les sensibiliser à la protection de la vie privée, c'est ça que vous dites?
M. Niang (Elhadji M.) : Oui,
exactement. Ou, amplement, je dirais que… les sensibiliser sur les possibilités
d'utilisations qui ne seraient pas conformes, qui pourraient éventuellement en
être faites. J'ai conscience que souvent il m'arrive, quand je parle à des jeunes, surtout
à mes jeunes frères ou à mes jeunes soeurs qui sont restés au Sénégal,
sur les problématiques qui peuvent découler
aujourd'hui, à 18 ans, quand ils vont se prendre en photo dans une situation
plus ou moins compromettante… Est-ce qu'ils ont idée de qu'est-ce que ça va
être 40 ans plus tard ou quand ils auront la cinquantaine? Et je pense que, de
ce point de vue là, effectivement, il serait intéressant que le Parlement
initie une réflexion sur les formes que doit
revêtir la sensibilisation à l'égard des jeunes, qui, comme vous le dites,
tantôt, sont les personnes qui ultérieurement vont devoir légiférer sur
ce genre de question là. Et est-ce qu'ailleurs...
M.
Dubé : Je veux juste vous
interrompre. Mais, dans cette analyse-là qui a été faite, est-ce qu'on a écouté
les jeunes aussi pour leur demander ce qu'eux en pensaient? Parce que, là, je
comprends que vous dites : On devrait les protéger. Mais est-ce qu'on a
écouté un peu leur demande ou de ce qu'ils s'attendent de ces limitations-là?
M. Niang
(Elhadji M.) : Alors,
indubitablement, je dirais que, basé sur ma propre expérience — donc,
ce que je dis, ça n'engage que moi — généralement,
quand je parle avec des jeunes pour comprendre un tout petit peu c'est
quoi, la motivation qui les pousse à aller vers les réseaux sociaux, à aller
sur Facebook, souvent c'est pour garder... pour être en contact avec leurs amis. Donc, l'idée, à ce
niveau, c'est de regarder, comme je l'avais dit tantôt par rapport aux
questions de M. Drainville… c'est de faire de sorte, à partir du moment où le
jeune va confier ses données identifiantes ou ses renseignements personnels à
un réseau social, par exemple, qu'il y ait un consentement, qu'à partir du
moment où il n'y a pas une possibilité de consentement qu'il y ait au moins un
droit à l'information, qu'on lui dise : Vous nous confiez vos informations pour tel ou tel autre usage. Pendant qu'il est
à l'intérieur du système : transparence. Autrement, on ne devrait
pas faire un profilage commercial ou faire je ne sais quoi d'autre, chose à
laquelle il n'a pas consenti au moment où il est rentré dans le système.
Et le troisième point, c'est le droit à l'oubli.
Parce que, comme je le disais, pour un jeune, évidemment c'est toujours le fun, quand on 18 ans, d'être avec ses
chums de fille ou ses chums de gars lors d'un party, de se prendre en
photo et de le mettre sur Facebook à la disposition de tout le monde.
Par contre, je doute fort que ce jeune-là, rendu à 40 ans, 50 ans, devenu père de famille, il serait très content qu'on lui
ressorte des photos compromettantes à ce niveau. Donc, comme je le
disais, aujourd'hui la seule défaillance que je vois au niveau de la loi, si
vous me le permettez, est la notion de suppression de droit à l'oubli. Parce qu'avec
l'informatique...
M. Dubé : ...
M. Niang (Elhadji M.) : Exactement.
M. Dubé : Oui. O.K. O.K. Je vous
suis très bien. Donc, dans ces bonnes...
Le Président (M. Reid) : Il reste 30
secondes, M. le député de Lévis.
M. Dubé : Alors, je veux juste vous
féliciter, s'il me reste juste 30 secondes, pour vous dire que vous avez insisté plusieurs fois sur la différence entre les
technologies et l'usage, et ça, je pense que c'est important de le
mentionner parce que, souvent, vous l'avez
bien dit, ce n'est pas les technologies qui sont le problème, mais l'usage qu'on
en fait. Alors, comme je n'ai pas
beaucoup de temps, je voulais vous souligner ça et de s'assurer qu'on va plus
travailler, au cours des prochains
mois, prochaines années, sur l'usage et non de se limiter par la technologie,
qui va continuer d'évoluer, si je comprends bien votre point de vue.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Reid) : Merci, M.
le député de Lévis. Merci, M. Samson. Merci, M. Niang.
Nous allons suspendre nos travaux quelques
instants.
Et je demanderais à M. Jean-Hugues Roy de
prendre place à la table.
(Suspension de la séance à 11 h 5)
(Reprise à 11 h 7)
Le Président (M. Reid) : Oui. La
commission reprend ses travaux.
Je souhaite maintenant la bienvenue à M.
Jean-Hugues Roy. M. Roy, je vous demanderais de vous présenter d'abord, et
ensuite vous aurez 10 minutes pour faire votre exposé.
M. Jean-Hugues Roy
M. Roy
(Jean-Hugues) : Merci à tous
de me recevoir. Alors, je suis professeur depuis deux ans au programme
de journalisme de l'École des médias de l'Université du Québec à Montréal. Je
viens ici à titre non pas de représentant de l'UQAM, mais à titre personnel,
là. Ça n'engage que moi. Et je viens vous présenter trois recommandations,
trois recommandations qui complètent des
choses que vous avez déjà entendues ici des présentations qui vous ont été
faites par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, la FPJQ,
par la citoyenne Monique Dumont, par exemple, ainsi que par Québec ouvert et
Nord ouvert.
Alors,
trois recommandations, on va y aller avec une à la fois. La première, c'est
de... je vous recommanderais d'abroger un article de la loi, l'article
15, l'article 15 qui se lit comme suit : «Le droit d'accès ne porte que
sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison
de renseignements.»
Pourquoi je
vous demande ça? Pour comprendre ma recommandation, je vais vous raconter une
anecdote. On recule en 2001, à l'époque où j'étais journaliste dans la
salle de nouvelles, télévision, donc, de Radio-Canada. Je couvrais les élections de Laval à ce moment-là. Et, à l'époque,
il y avait une opposition à la ville de Laval, il y avait trois
conseillers sur 21, là, qui étaient dans l'opposition contre le maire Gilles
Vaillancourt. Et donc, lorsqu'est venu... Et là j'avais couvert la campagne, l'opposition avait fait une bonne campagne, et, le
jour du vote, j'ai été surpris de constater, bien, que Gilles
Vaillancourt, bon, pas qu'il ait été réélu — ça, on s'y attendait — mais
qu'il anéantisse son opposition comme il l'a fait. Donc, 21 conseillers sur 21
étaient de son parti politique. Ça, ça a été une surprise pour moi.
Alors, dans
les années qui ont suivi, j'ai cherché à comprendre un peu plus comment ça
fonctionnait à Laval. Et, au fil de
différents contacts, je suis venu, donc, à parler à des personnes qui
connaissaient bien les systèmes informatiques utilisés par la ville, et ils m'ont dit, en gros, là : Bon, c'est
le fun de regarder tels contrats qui ont été attribués par la ville de Laval, mais allez voir plus profondément, allez
voir derrière, allez chercher le fichier des factures qui sont payées
aux fournisseurs, là vous allez peut-être trouver des patterns intéressants. Ah
bon! Alors, j'ai demandé cette base de données là, les factures payées aux
fournisseurs, à la ville de Laval; on m'a refusé l'accès. Je suis allé en
révision, et, en révision, le commissaire Michel Laporte m'a débouté à chaque
fois, donc, s'appuyant sur ce fameux article 15 là.
Le calcul, il était où, hein, dans le refus de
la ville? Où est-ce qu'il y avait calcul dans ma demande d'accès à l'information, c'est que, la façon qu'une base de
données est construite... Vous savez, vous, vous faites des... Quand
vous utilisez un fichier, un traitement de texte, vous travaillez sur Word ou
sur OpenOffice, et parfois il peut vous être arrivé
d'exporter un document en PDF, hein? Bon, bien, ça, ça peut être assimilé à un
calcul. Alors, ce que je demandais, c'était
un peu la même chose. Je demandais un seul fichier informatique à partir d'une
myriade de fichiers informatiques.
• (11 h 10) •
Une base de données, de la façon que c'est fait,
là, très, très synthétiquement, c'est composé... Une base de données
relationnelles fait des relations entre différentes feuilles Excel, si vous
voulez. Alors, moi, je demandais une feuille Excel construite à partir de
quelques-unes. Et donc l'exportation d'une base de données vers une autre base
de données, c'était assimilé à un calcul, c'était assimilé à la création d'un
nouveau document, et ma demande d'accès a été refusée.
Donc, pour
moi, il faut abroger cet article-là parce que, pour moi, toute donnée publique,
hein — on
s'entend sur le mot «publique», hein, ça exclut évidemment tous les
renseignements personnels qui sont possédés dans les bases de données possédées par l'État — donc,
toute donnée qui est publique, qui est contenue dans une base de données
qui est gérée par ou au nom d'un organisme public, bien, à mon sens, elle
devrait être divulguée dans un format ouvert à tout citoyen qui en demande l'accès,
en tout ou en partie.
Et donc cette
demande-là, elle m'amène à la deuxième recommandation, la notion de base de
données gérée au nom ou par un
organisme public, deuxième recommandation qui est de déclarer organisme public
le système électronique d'appel d'offres,
le SEAO, que vous connaissez sans doute, là. Depuis une dizaine d'années, tous
les organismes publics du Québec gèrent leurs appels d'offres et tout ce
qui concerne leurs contrats publics avec ce SEAO là, sauf qu'il y a un petit
problème.
Justement, moi, dans le cadre de mes activités
comme professeur, j'enseigne ce qui s'appelle le journalisme de données. Le
journalisme de données, qu'est-ce que c'est? Oui, c'est une nouvelle façon de
faire du journalisme d'enquête, si on veut,
là, en allant puiser dans des bases de données publiques. Vous en avez eu un
exemple il y a quelques jours. Si vous lisez le Journal de Montréal et
le Journal de Québec, là, ils avaient une carte interactive très intéressante où on pouvait voir toutes les
condamnations des restaurants pour insalubrité, et tout ça, puis c'est...
Donc, ça, ça en est un, exemple de journalisme de données.
Alors, je me
suis dit : Tiens, je vais aller... je vais demander au SEAO sa base de
données pour faire des activités en classe avec les contrats, hein, les
contrats publics au Québec. Ça m'a été refusé, on m'a dit non. Et là je me suis
dit : Bon, O.K., on me refuse, est-ce
que je peux aller en révision? Est-ce que je peux faire une demande d'accès au
SEAO? Bien non, ça ne fonctionne pas parce
que ce n'est pas un organisme public, le SEAO, c'est un partenariat
public-privé entre, d'une part, le Conseil du trésor et, d'autre part,
CGI, compagnie de consultants en informatique, et Transcontinental.
Ils disent
même que... Oui, le SEAO est la propriété de CGI dans leurs conditions d'utilisation,
et ça, ils parlent du contenant, évidemment,
les systèmes informatiques, mais ils vont même plus loin dans leurs
conditions d'utilisation. À l'article 4, ils
laissent même entendre que le contenu leur appartient, en disant : «Le
droit d'auteur sur le contenu de ce site, [...]appartient à CGI et
Médias Transcontinental.» Ça, je trouve ça un peu fort. Évidemment, le SEAO dit bien, toujours dans ses conditions d'utilisation,
que l'accès aux données qui sont publiées sur son site peut être rendu
public à tout organisme qui lutte contre la corruption, l'évasion fiscale ou le
travail au noir. C'est intéressant, c'est louable, sauf que le verbe opérateur,
là-dedans, c'est «peut», et, si CGI... bien, c'est ça, si le SEAO refuse l'accès,
bien on n'a pas de recours, le citoyen n'a pas de recours.
L'État peut
avoir eu des raisons d'externaliser la gestion des contrats, là, des avis
publics, mais j'ai l'impression qu'on a perdu... qu'on a
malencontreusement privatisé le contenu au passage. Alors, je recommanderais
donc que le gouvernement affirme le caractère public du SEAO par décret ou par
tout autre moyen et qu'il l'assujettisse à la loi d'accès à l'information.
Enfin, ma troisième recommandation, elle est
toute simple : de rendre gratuit l'accès aux données publiques qui sont contenues dans les bases de données
publiques. Déjà, dans les portails de données ouvertes qui ont été mis
sur pied récemment par plusieurs organismes
publics — je pense
à la ville de Québec, la ville de Montréal, le gouvernement du Québec également — l'accès est gratuit, mais le gouvernement
possède beaucoup de jeux de données qui sont tout aussi intéressants,
qui favorisent tout autant la participation citoyenne.
Je vais vous
donner un seul exemple de ça. Le ministère des Ressources naturelles possède
une base de données de tous les
forages qui ont été effectués à la recherche de gaz naturel ou de pétrole dans
l'histoire du Québec. C'est fascinant, ça
recule à... on remonte... Le premier de ces forages-là a été effectué en 1860.
C'est fascinant comme base de données. Elle est publique. On peut y
accéder à la pièce, aller voir un puits à la fois. Mais, si on veut avoir une
vue d'ensemble, si on veut toute l'avoir sur notre ordinateur, il y en a 960,
ce n'est pas une très, très grosse base de données, eh bien, là, il faut sortir
son chéquier, il faut sortir sa carte de crédit. Pour avoir l'ensemble, avec
tous les rapports d'inspection et tous les rapports qui touchent chacun de ces
puits-là, ça coûte 1 600 $. Si on veut juste la base de données des
points pour faire une carte, ça, juste ça, ça coûte 125 $, incluant TPS et
TVQ. O.K.? Alors, pour moi, ça ne fait pas de sens, parce que cette
base de données là, c'est un document numérique public. Pourquoi payer? Voilà.
Je pose la question.
Et donc je conclus en comptant sur vous, sur
votre volonté politique, votre leadership pour changer la loi afin : de faciliter l'accès aux bases de
données publiques qui contiennent des données publiques, en excluant
évidemment celles qui contiennent des renseignements personnels ou, en tout
cas, les parties de ces bases de données là
qui contiennent des données, des renseignements personnels; deux, d'étendre la
portée de la loi aux bases de données privées,
comme le SEAO, mais qui contiennent des données publiques; et, troisièmement, d'éliminer
les coûts d'accès aux données
publiques qui sont sous format numérique, donc qui seraient facilement
téléchargeables pour tout citoyen qui s'intéresse à la vie publique.
Voilà. J'espère que j'ai respecté mon temps d'antenne.
Le Président (M. Reid) : À la
seconde près.
M. Roy (Jean-Hugues) : À la seconde
près?
Le Président (M. Reid) : Oui. Alors,
merci, M. Roy. Je passe maintenant au premier bloc d'échange avec le
gouvernement et je donne la parole au ministre.
M. Drainville : Merci, M. le
président. Bonjour, Jean-Hugues. Ça va?
M. Roy (Jean-Hugues) : Bonjour.
Vous-même?
M.
Drainville : Très bien, et
content de vous voir. Merci pour la présentation. J'aimerais ça qu'on
passe une par une, là, vos trois recommandations, qui sont très précises, d'ailleurs.
Je trouve ça très utile que vous soyez aussi
concret, là. Parlons d'abord, donc, de cette première recommandation, l'élimination,
donc l'abrogation de l'article 15, qui
dit : «Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la
communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements.»
Bon, on
comprend le principe, là, qui vous guide. L'exemple que vous donnez avec le cas
de Laval est très parlant. Est-ce que
ça pose des difficultés particulières? Mettez-vous un peu à notre place, là.
Vous voyez les avantages de votre côté, mais, de notre côté, on risque d'être
confrontés à un certain nombre de difficultés si on souhaite aller de l'avant
avec ça. Vous ne pensez pas?
M. Roy (Jean-Hugues) : Lesquelles?
M. Drainville : Bien, je me demande,
par exemple : Est-ce qu'il peut y avoir un enjeu de renseignements
personnels, de protection de renseignements personnels si on décide, par
exemple, de rendre publics l'ensemble des documents ou même l'ensemble des
banques de données publiques?
M. Roy
(Jean-Hugues) : Bien, c'est
clair qu'à chaque fois où je demandais ça je disais évidemment : À
l'exception des données nominatives, tu
sais, les bases de données... Je ne demanderais pas l'ensemble des déclarations
de revenus de tous les Québécois, là.
Je comprends bien que, s'il s'agit de documents de données nominatives, il y a
des renseignements personnels très, très...
M.
Drainville : Mais aidez-nous
un peu à voir… Est-ce que ça existe ailleurs, ça, je dirais une politique
comme celle-là, qui dit : Les banques de données publiques sont publiques
et, à part la restriction, évidemment, là, sur la protection des renseignements
personnels, un accès aussi large et aussi ouvert, si je peux me permettre?
M. Roy (Jean-Hugues) : Dans d'autres
États?
M. Drainville : Oui, dans d'autres
États.
M. Roy
(Jean-Hugues) : Je n'ai pas
fait la recherche à savoir quelles étaient les protections, mais ce que j'ai
fait, par contre, avant de venir vous voir,
je suis allé consulter une amie, une bonne amie, elle ne veut pas que je la
nomme, mais elle est responsable de l'accès dans une institution publique puis
elle connaît bien cet article-là. Elle m'a dit : En général, on en fait, des exportations, on le fait,
là, quand même, là, quand un citoyen nous demande justement une partie d'un
document qui est informatisé, puis, si c'est dans un autre format, on va le
faire si ce n'est pas trop long. Mais...
M.
Drainville : On va faire quoi?
M. Roy
(Jean-Hugues) : On va le faire, on va faire l'exportation d'un
document informatisé d'un format à un autre,
on va faire de l'exportation. Donc, elle pourrait refuser des demandes d'accès
en se basant sur l'article 15, mais, si c'est dans un souci de
transparence, si ce n'est pas trop compliqué pour ses employés, bien, elle ne
refusera pas la demande d'accès en se basant sur l'article 15. Mais c'est...
• (11 h 20) •
M. Drainville : Qu'est-ce que ça implique? Qu'est-ce que ça implique, très
concrètement? Quand elle fait ça, là, qu'est-ce que ça implique
mécaniquement, là? Elle fait quoi? Elle fait la saisie puis elle la transpose?
M. Roy (Jean-Hugues) : Oui. Ça peut être... Elle ne m'a pas donné d'exemple
précis, mais ça peut être, dans une base
de données, Oracle, par exemple… c'est d'exporter une partie de la base de
données en format CSV, par exemple. Alors, ça le requiert, oui, du temps
de calcul. Je ne sais pas combien de temps ça prend, mais ça... De ce que d'autres
personnes me disent, ce n'est pas très, très compliqué de faire ça. Et donc, si
c'est pour rendre service aux citoyens, si
le temps n'est pas trop long, si ce n'est pas un fardeau trop important sur les
épaules de ses employés, bien elle va donner accès aux documents que
demande le citoyen en créant un nouveau document, bien qu'elle pourrait s'appuyer
sur l'article 15.
Alors,
si vous voulez, je vous donne un autre cas, un cas, donc, d'un organisme public
qui penche plutôt vers l'accès…
M. Drainville :
…la transparence.
M. Roy (Jean-Hugues) : …vers
la transparence en faveur du citoyen. L'autre exemple que je vous ai donné
dans mon mémoire était plutôt un organisme
public qui… non, en fin de compte, qui fait le contraire. Alors, j'aimerais
que, dans la loi, ça soit plutôt le deuxième exemple, où on favorise l'accès,
qui prévale.
M.
Drainville : Avant de passer à votre deuxième recommandation, parlons
un peu du site donnees.gouv qui existe. Bon,
dans un article qui a été publié dans Le Devoir en fin de semaine, vous
disiez que l'État québécois méritait un E pour ce qui est de...
M. Roy
(Jean-Hugues) : Un D. Un D, quand même.
M. Drainville : ...méritait — non,
attendez, laissez-moi terminer — méritait
un E si ce n'est du fait qu'il y avait dorénavant ce nouveau site, donnes.gouv.qc.ca,
qui faisait en sorte qu'au net vous accordiez à l'État québécois un D. Donc, le
site données.gouv nous permettait d'éviter le E et de se retrouver, donc, avec
un D.
M. Roy
(Jean-Hugues) : Oui. C'est une bonne initiative, en effet.
M.
Drainville : Alors, parlez-nous-en, de ce site-là, justement. Vous
semblez dire, là, que c'est un pas dans la bonne direction.
M. Roy (Jean-Hugues) : C'est un pas dans la bonne direction, mais, pour
l'instant, les données qu'il contient, c'est, bon, c'est encore bien peu
de choses. Hein, ce qu'on voit sur le portail des données ouvertes du
gouvernement ou des municipalités, on voit des polygones, comment, hein,
faire... des polygones des municipalités, des
régions du Québec, les arrondissements lorsqu'on est sur le portail d'une
municipalité. Sur le portail de la ville de Québec, par exemple, il y a la localisation des lieux de culte. À
Montréal, on peut localiser des arbres. C'est intéressant, mais ce n'est pas… Pour favoriser réellement une
participation citoyenne, je pense qu'il faudrait aller encore plus
loin : divulguer les contrats, tous les
contrats des organismes... tous les organismes publics, comme le fédéral le
fait, et même, à la limite, divulguer l'ensemble des chèques qui sont
faits à des fournisseurs pour repérer des patterns.
Je
reviens au SEAO, là. Si, le SEAO, on avait pu avoir accès à l'ensemble de la
base de données il y a quelques années,
vous ne pensez pas qu'on aurait vu émerger des patterns dans l'attribution des
contrats dans les municipalités avant que
la commission Charbonneau ne nous le dévoile? Alors, je crois que la
transparence numérique est extrêmement utile.
M.
Drainville : C'est assez troublant de vous entendre dire et de lire
dans votre mémoire qu'effectivement le caractère public des données contenues
dans le système électronique d'appel d'offres nous aurait peut-être permis de
découvrir les patterns de collusion avant qu'on soit obligés d'attendre des
reportages journalistiques, d'enquête notamment,
et par la suite les révélations que nous avons entendues devant la commission
Charbonneau. Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus? Parce que c'est
quand même assez lourd comme affirmation, assez lourd de conséquences comme
affirmation. Qu'est-ce qui vous permet de dire ça?
M. Roy (Jean-Hugues) : C'est que, justement, j'avais... Moi, j'avais
commencé, en 2009, quand j'étais encore à Radio-Canada, à constituer... J'avais fait une demande d'accès auprès de
toutes les municipalités de la région de Montréal, leur demandant toutes
leurs listes de contrats de plus de 50 000 $ dans les cinq dernières
années, et ce que j'ai eu comme... J'ai eu des documents papier. Je les ai
encore dans mon bureau. Ça fait à peu près trois pieds de haut. Et là j'ai commencé
à faire la saisie des données, puis c'était fastidieux.
Et, si j'avais pu avoir ça
en format électronique, faire les recoupements, déjà je pense, je... Parce que,
déjà à l'époque, on avait, en parlant à des
sources, des gens qui nous disaient : Il y a... Par exemple, la ville de
Laval, c'est un gâteau qui est
partagé toujours entre les mêmes entreprises. On en parle, là, en ce moment à
la commission Charbonneau. Bien, à l'époque, on aurait déjà pu
identifier... mettre le doigt, identifier certains patterns en faisant ce
travail-là de recoupement, en ayant, donc,
la vision d'ensemble. En ayant toutes les données, on aurait... oui, on aurait
peut-être pu voir ces patterns-là. Je
ne dis pas qu'on les aurait nécessairement vus, mais j'ai l'intuition qu'on les
aurait peut-être vus.
M. Drainville : Est-ce qu'il y a des
exemples dont on doit s'inspirer, des exemples existants?
M. Roy (Jean-Hugues) : Ailleurs?
M. Drainville : Oui, ailleurs.
Est-ce que vous avez pu... dont vous avez pu prendre connaissance. Disons les
États avant‑gardistes desquels on devrait s'inspirer, là.
M. Roy (Jean-Hugues) : Si on parle
de la divulgation des...
M. Drainville : Des données.
M. Roy
(Jean-Hugues) : Des données.
Bien, les contrats publics, bien, juste sur les sites Internet des
ministères du gouvernement fédéral, tous les sites web sont construits de la
même façon. À gauche, en bas, il y a toujours une section Divulgation proactive. Quand on clique là-dessus, ce qu'on
a, d'une part, on a tous les contrats octroyés par ce ministère-là, par
cet organisme public là...
M. Drainville : Tous les contrats ou
à partir d'un certain montant?
M. Roy
(Jean-Hugues) : Peut-être à
partir d'un certain montant, mais, effectivement, peut-être... Je ne me
souviens plus quel serait le seuil, mais on
en a plusieurs. Pour avoir compilé ceux du ministère de la Défense nationale,
il y en a vraiment beaucoup.
M. Drainville : Elles sont en
données ouvertes?
M. Roy (Jean-Hugues) : Elles sont en
données... C'est une simple liste. Non, ils ne sont pas en données ouvertes.
Ils sont en liste, là. Il faut...
M. Drainville : Donc, vous n'avez
pas accès à la banque de données sur laquelle on s'est appuyé pour...
M. Roy
(Jean-Hugues) : Non, on n'a
pas accès à la banque de données. Il faut faire un petit transfert, là, il
faut faire du copier-coller...
M. Drainville : ...saisir, là. Oui,
c'est ça.
M. Roy
(Jean-Hugues) : Oui. On a
accès aussi également — ça, c'est intéressant — aux demandes d'accès qui sont faites par d'autres citoyens avant nous. Et
là… Déjà, donc, si on a une idée... Dans peut-être... pas dans toutes
les organisations, mais, dans plusieurs
organisations fédérales, on a une liste de... bien, quelles sont les demandes
d'accès qui ont été... auxquelles on a
répondu favorablement dans les derniers mois. Et là on a une liste, justement,
par mois puis par année. Alors, on
peut aller consulter ça, voir si notre demande... la demande qu'on a ou la demande
qu'on veut faire n'a pas déjà été
faite par un autre citoyen. Alors, ce n'est peut-être pas des exemples de
données ouvertes nécessairement, mais ça, c'est des exemples, je crois,
dont le gouvernement du Québec pourrait s'inspirer.
Le Président (M. Reid) : Merci. M.
le ministre.
M.
Drainville : Par ailleurs,
sur la question des coûts, vous n'êtes pas le premier à nous en parler. Moi, ce
qui me... ce qui a piqué ma curiosité, c'est
la distinction, là, c'est-à-dire la donnée est disponible — je
parle, bien entendu, là, des données
de forage — alors,
la donnée est disponible, mais la saisie de la donnée, elle, implique un coût
qui est assez élevé. Donc, si vous
voulez vous saisir de la banque de données, des chiffres, puis, si vous voulez
les transporter sur votre ordinateur pour, après ça, faire des
recoupements, et tout ça, là, vous devez payer. J'essaie de... D'abord, est-ce
que c'est fréquent, ça?
M. Roy (Jean-Hugues) : Que? C'est
fréquent que quelqu'un veuille faire ça?
M. Drainville : Est-ce qu'il y a d'autres
exemples comme ceux-là au sein de l'État québécois?
M. Roy
(Jean-Hugues) : Je n'en ai pas retrouvé, à part peut-être le SEAO, où
ça pourrait être intéressant également d'avoir l'ensemble de la base de
données sur son ordinateur ou une partie, en tout cas, d'avoir la possibilité de demander au SEAO, par exemple, tous les
contrats de plus de 50 000 $ dans toutes les municipalités de la
région de Montréal, par exemple. Ce serait intéressant de pouvoir télécharger
ça.
Mais donc, pour
revenir au SIGPEG, là, du ministère des Ressources naturelles, est-ce qu'il y a
d'autres exemples? Je n'en connais
pas, honnêtement. Je n'ai pas fait de recherche. Il n'y en a pas qui me
viennent à l'esprit. Mais, c'est ça, c'est intéressant, parce que ce
système-là du ministère des Ressources naturelles, il est ouvert. On peut aller
obtenir toutes les informations d'un puits
donné, un puits à la fois. Mais il y en a 960. Et ce qui est intéressant pour
un citoyen qui s'intéresse à ce
phénomène-là, au phénomène de l'exploration pétrolière ou gazière, c'est d'avoir
une vue d'ensemble, et ce n'est pas possible de la façon que la base de
données est structurée en ce moment.
• (11 h 30) •
M. Drainville : Et vous, votre
position…
M. Roy (Jean-Hugues) : C'est
possible — pardon — mais
il faut payer. Il faut payer. Voilà.
M. Drainville : Oui, puis j'ai été
surpris par le montant d'argent qu'il faut effectivement débourser. C'est quand
même... Comme vous l'écrivez, je pense, dans votre mémoire — ou est-ce
que c'est dans l'entrevue au Devoir — vous dites : «Une
entreprise peut peut-être se payer ça, mais un citoyen qui voudrait le faire,
ça finit par coûter cher.»
M. Roy
(Jean-Hugues) : Exact. Donc,
pour favoriser la participation citoyenne, je pense qu'il y a des
données... Hein, les ressources naturelles,
ça appartient à tout le monde. Le ministère a produit des rapports ou a reçu
des rapports des entreprises pétrolières, qui sont déjà rendus publics,
mais un à la fois, je pense que, si on souhaite avoir une vue... Mais, même si on peut… Par exemple, sur un puits donné, on
peut aller chercher ces rapports-là et ne pas débourser
1 600 $, mais, à chaque fois, il faut payer 15 $, 20 $,
25 $ pour obtenir des rapports. Et, pour obtenir l'ensemble, il faut payer
le 1 600 $.
Mais pourquoi, pourquoi payer pour un document
déjà numérisé, qui appartient au public? Il n'y a pas de photocopies… Il n'y a pas d'employé qui va faire
des photocopies, là, qui va... Il n'y a pas de temps… de temps-homme, de
temps d'employé, là, qui va être utilisé si
on télécharge un document numérisé qui est public? Je ne comprends pas
pourquoi il faut devoir payer pour obtenir ce genre de document là déjà
numérisé.
M.
Drainville : Est-ce qu'il y
a, à votre connaissance, d'autres banques de données privées mais contenant
des données publiques comme la banque de données du SEAO?
M. Roy (Jean-Hugues) : À ma connaissance,
non.
M.
Drainville : O.K. Et, à
votre avis, pour quelle raison est-ce que la banque de données SEAO n'est pas
publique?
M. Roy
(Jean-Hugues) : Je pense qu'ils
le précisent bien dans leur... Ils considèrent que ça leur appartient.
Ils ont mis au point un système, ils considèrent que... Mais je trouve ça
audacieux de dire : Le droit d'auteur appartient à CGI et Médias
Transcontinental. C'est fort. Pourquoi ils le...
M.
Drainville : Et ça, est-ce
que ça veut dire qu'à partir du moment où ils sont propriétaires puis à partir
du moment où ces données-là sont...
Bien, en tout cas, peut-être qu'il y a des entreprises qui argumenteraient, qui
soutiendraient que ces données-là ne
sont pas des données publiques. Mais moi, je suis plutôt du même avis que vous,
là. À partir du moment où il est question de deniers publics, il me
semble que ça devient des données publiques.
M. Roy (Jean-Hugues) : Oui.
M. Drainville : Est-ce que ça veut
dire que ces données-là pourraient éventuellement être commercialisables par
soit CGI ou Transcon?
M. Roy
(Jean-Hugues) : Oui. Je
pense que l'objectif de CGI et de Transcontinental, c'est de donner un
service qui est surtout utilisé par des
entrepreneurs, dans le domaine de la construction, par exemple, ou des
consultants qui veulent voir quels sont, hein, les appels d'offres des
organisations publiques pour pouvoir déposer une soumission. Alors, ce qui arrive... Là où il y a un volet... Là où je
pourrais avoir une objection, justement, à ma demande de faire en sorte que
le SEAO devienne public, ce serait de
dire : Bien, CGI et Transcontinental, ça fait partie de leurs affaires,
ça, de vendre cet accès aux documents d'appels d'offres à d'éventuels
soumissionnaires.
Ce que je
répondrais à ça, c'est : Bien, oui, je comprends, il y a une partie qui
peut demeurer payante parce que, dans une soumission, par exemple, pour
faire un ouvrage d'art en génie civil, il y a des plans, il y a des devis, donc tout ça, ça peut intéresser le
citoyen, mais ça intéresse surtout les soumissionnaires. Donc, ça, je pense,
ça pourrait continuer à être vendu aux
soumissionnaires. Mais tout le reste, tout ce qui en découle, les appels d'offres
eux-mêmes, et, après, les octrois de contrats, les listes de contrats de plus
de 50 000 $ dans les municipalités, pour moi, ça, c'est
entièrement public et ça devrait être ouvert.
Le Président (M. Reid) : Merci, M.
Roy. Je passe la parole maintenant au député de Sanguinet.
M.
Therrien : Merci, M. le Président. Je reviendrais sur votre exemple de
puits, là. J'ai trouvé ça très intéressant, d'ailleurs.
M. Roy
(Jean-Hugues) : …
M.
Therrien :
Ça, c'est des données gouvernementales?
M. Roy (Jean-Hugues) : Ce sont des données gouvernementales, oui, qui
sont hébergées sur le site du ministère des Ressources naturelles.
M. Therrien : O.K. Là, je ne connais pas ça du tout, là, donc je vais vous poser des
questions relativement, là, à la
compilation de ces informations-là. Donc, quand vous demandez un puits à la
fois, c'est gratuit. Quand vous demandez les 900 puits sur un fichier
quelconque où est-ce qu'on peut le voir, là, ça coûte, vous avez dit,
1 000 $?
M. Roy (Jean-Hugues) : Bien, il y a plusieurs produits, entre
guillemets, qui sont vendus. Si on veut juste des coordonnées
géographiques — latitude,
longitude et la profondeur des puits — ça, c'est 125 $ avec
taxes, là, à peu près. Mais, si on veut...
Ce qui coûte 1 600 $, c'est ça, plus tous les rapports qui sont
associés à chacun des puits. Il y a des diagraphies, il y a des
rapports... les relevés géologiques, des rapports de forage où sont consignées
à tous les jours la quantité de ciment, de boue... Enfin, bref, si on veut
avoir l'historique complet, c'est 1 600 $.
M. Therrien : Bon. Là, mon autre question, c'est : Moi, je désire prendre les
données un puits à la fois et faire une structure, là, avec un logiciel,
je ne sais pas quoi, là, pour avoir les 900 puits…
M. Roy
(Jean-Hugues) : Je l'ai fait moi-même.
M. Therrien :
Combien ça prend de temps, faire ça?
M. Roy
(Jean-Hugues) : Écoutez, j'ai couvert le gaz de schiste pour
Radio-Canada, donc, dans les années 2010‑2011, alors ça fait longtemps que je
veux le faire. Je sais qu'il y a moyen… J'ai des compétences... certaines
compétences en informatique mais pas jusque-là. Je n'ai jamais réussi à
automatiser cette saisie de données là. Chaque
fois que je programmais un petit machin, le système du ministère était très
bien fait, il me disait : Non, accès refusé, il faut passer par la
porte d'entrée, manuellement. Bref, je l'ai faite manuellement, donc, cette
saisie de données là. Ça a pris plusieurs dizaines d'heures.
M. Therrien : O.K. Donc, si on charge un montant d'argent pour les 900 puits, c'est
parce qu'il y a un effort qui est associé à ça. Là, là, dites-moi si je
me trompe, là. Moi, je suis au ministère des Ressources naturelles, je me
dis : Écoutez, on devrait faire une
marque disponible de 900 puits. Bon. Ça fait que, là, les gens autour de la
table trouvent que c'est une bonne
idée, et là on se met au travail. Mais ça, ça coûte des sous, ça demande des
efforts de la part des fonctionnaires, ainsi de suite.
Et
là tu dis : Oui, mais là, je veux dire, il faut rentabiliser cet effort-là
à quelque part. On a beau être legouvernement,
mais, je veux dire, si on décide de mettre beaucoup d'énergie là-dedans, il
faut, à quelque part, rentabiliser l'expérience. Donc, ils disent :
Bien, ce qu'on va faire, c'est que le fruit de notre labeur, bien, ça va être
justement un montant d'argent que les gens devront payer pour avoir déjà tout
fait cette information-là.
Alors, là, je vous
pose la question mais vraiment de façon débonnaire, je ne veux pas vraiment,
là, tu sais, condamner qui que ce soit. Mais je me dis : Si vous dites au
gouvernement : Maintenant, il faut que ce soit gratuit, est-ce que les
gens du MRN vont tout simplement dire : Ah bien, si c'est gratuit, ils s'arrangeront
avec, je ne vois pas pourquoi on passerait tant d'heures à travailler dans le
vide pour faire en sorte de donner par la suite l'information, moi, je ne vois pas l'intérêt? Ça fait que, si on
rend ces informations... On est tous, hein, des économistes à petite
échelle. Ça veut dire que, si on se
dit : Bien, regarde, si on n'est pas plus payés pour faire tout cet
ouvrage-là, bien, à ce moment-là, ça ne
donne rien de le faire. Ça fait que, si vous voulez avoir un composé de 900
puits, bien faites comme vous l'avez fait, faites-le vous-même. Il n'y a
pas ce danger-là d'avoir une gratuité de l'ensemble des données qui va faire en
sorte qu'on va rapetisser l'offre des données disponibles pour les citoyens? Je
vous pose la question…
M. Roy (Jean-Hugues) : Je ne vois pas comment on rapetisserait l'offre
de données parce que les données existent déjà. Toutes les coordonnées géographiques, elles existent déjà. Le
gouvernement, le ministère des Ressources naturelles a déjà en sa possession cette base de données là. Et
d'autre part les citoyens du Québec sont de plus en plus capables de
faire des choses, de produire leurs propres cartes avec ces données-là si elles
étaient gratuites. Alors, on ne demandera pas d'effort supplémentaire à l'État.
M. Therrien :
Donc, ce que vous me dites, c'est que ce travail-là, ils le font déjà de toute
façon. C'est ce que vous me dites?
M. Roy (Jean-Hugues) : Le travail a déjà été fait. Les données sont...
le gouvernement les possède déjà dans le cas des puits, là, de forage.
Alors, pour moi, c'est ça, je ne comprends pas pourquoi on demande de l'argent
pour un citoyen qui voudrait avoir cette base de données là entre ses mains et
avoir la vue d'ensemble qu'il lui manque.
M.
Therrien : Mais le travail de synthèse d'information est déjà fait
pour d'autres raisons que pour des raisons pécuniaires.
M. Roy (Jean-Hugues) : Il n'y a pas de travail de synthèse qui est fait.
Je veux dire, c'est des données brutes, c'est des données... c'est des coordonnées géographiques brutes avec
des... Je veux dire, chaque puits est une ligne avec plusieurs colonnes.
Une colonne : le nom du puits, la latitude, la longitude, la profondeur,
et ainsi de suite. C'est tout simplement un gros... un immense fichier Excel
qui est déjà là...
M. Therrien : Je repose ma question : Ça veut dire que le traitement de l'information
qui nous amène dans un schéma de 900 puits, ils le font déjà de toute
façon.
M. Roy
(Jean-Hugues) : Oui.
M. Therrien :
Donc, ce ne sont pas pour des raisons pécuniaires qu'ils font ça.
M. Roy
(Jean-Hugues) : Honnêtement... C'est-à-dire que ce n'est pas... Je ne
sais pas pourquoi on charge. Je n'en sais rien.
M.
Therrien :
…
Le Président (M.
Reid) : Oui? Il reste encore une minute, si vous voulez, M. le
ministre.
M.
Drainville : Non, moi, ça me convient.
Le Président (M.
Reid) : Oui? Alors, nous allons passer...
• (11 h 40) •
M.
Drainville : Je vais céder mon temps aux gens de l'opposition.
Le Président (M.
Reid) : D'accord. Merci. Alors, nous allons passer au bloc de l'opposition
officielle. Et je passe la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour votre mémoire et
pour les points qui sont très clairs,
mais j'ai quelques questions, quand même. Quand vous dites que vous recommandez
que l'article 15 de la loi soit
abrogé, j'aimerais lire l'article 15 pour les gens qui nous écoutent : «Le
droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de
renseignements.» Donc, il n'y a pas de travail additionnel qui devra
être fait pour remettre les renseignements.
J'aimerais
maintenant venir à votre mémoire, vous faites référence à votre expérience avec
la ville de Laval et vous dites quand
même qu'on vous a répondu qu'on pouvait vous donner des extraits sur papier, ce
que vous avez refusé.
M. Roy
(Jean-Hugues) : …
Mme
de Santis : O.K.
Est-ce qu'on voulait vous remettre des extraits sur papier parce qu'il y avait
des éléments dans les renseignements que vous demandiez qu'eux
considéraient étaient confidentiels?
M. Roy
(Jean-Hugues) : On ne m'a pas dit ça, non.
Mme de
Santis : Est-ce que vous n'avez jamais obtenu les extraits sur papier?
M. Roy (Jean-Hugues) : Je ne les ai pas obtenus, non, parce que ce qui m'apparaissait...
Et ça de plus en plus de citoyens vont demander ça, de plus en plus de
citoyens sont capables de traiter, ils trouvent plus facile de traiter, de faire parler des documents
informatisés, des bases de données, et c'est ce que je cherchais à faire à
l'époque. Donc, le document papier ne m'était
d'aucune utilité, il aurait fallu que je numérise, que je fasse une saisie de
données de cet ensemble de documentation papier là, ça aurait été fastidieux.
Et c'est d'autant plus étrange qu'à la base des
documents papier, ils sont sur base informatique, ils sont dans une base de données informatisée.
Alors, pourquoi s'obstiner à me donner ça sur support papier, alors que
le support informatisé, plus pratique, plus
facile, qui favorise davantage la participation démocratique, à mon
sens… pourquoi refuser d'en exporter une version au citoyen qui en fait la
demande?
Mme de Santis : Est-ce que vous pouvez nous expliquer qu'est-ce qu'eux voulaient dire par
«ils devaient créer une vingtaine de fichiers externes»?
M. Roy
(Jean-Hugues) : Je n'ai pas compris trop, trop moi-même. Parce que c'est
peut-être... ils faisaient peut-être
référence à... C'est peut-être mal rapporté aussi dans la décision. Mais, une
base de données relationnelles, il s'agit
schématiquement de plusieurs fichiers Excel, si vous voulez, plusieurs tableaux
Excel entre lesquels on fait des liens. Et,
quand on fait un affichage à partir d'une base de données, bien on va puiser
dans un fichier Excel qui peut être la liste des fournisseurs par
exemple, dans un autre fichier Excel qui est la liste des jobs, des travaux qu'on
fait faire, et un troisième fichier Excel qui est la liste des factures, par
exemple, ou enfin... Donc, c'est ça, une base de données relationnelles. C'est difficilement exportable en
soi, en entier, là, c'est difficilement exportable, mais, dans leur vie courante, les organisations publiques
demandent des affichages particuliers, font des exportations de ces bases de données là. Alors, je ne vois pas
pourquoi ils ne pourraient pas le faire pour un citoyen qui en fait la
demande.
Mme de
Santis : Je comprends que, peut-être dans ce cas-là — je ne
sais pas la situation, je n'ai pas lu le jugement — peut-être, ça aurait été facile de vous
donner accès à ce que vous demandiez. Mais, si on abroge l'article 15, est-ce que ça veut dire que, si vous voulez avoir
accès à des renseignements, et avoir accès à ces renseignements voudrait
dire que les fonctionnaires devraient faire
des calculs ou devraient faire une comparaison de renseignements, que vousdemanderez à l'État de vous fournir ça
gratuitement, que les fonctionnaires doivent vous donner ces renseignements,
et ces renseignements-là, après le travail qu'eux vont faire pour vous remettre
les renseignements-là, doit être gratuit?
M. Roy
(Jean-Hugues) : Je suis conscient que... Je vois où vous voulez en
venir et je suis conscient que je demande où est le ciel. Ce que je demande, c'est
que cette excuse qu'ont certains organismes, hein, qui se réfugient derrière l'article 15 pour refuser d'exporter les
bases de données, elle soit éliminée. Pour faire ça, il ne faut
peut-être pas abroger l'article 15, mais ce que je vous demande, comme
législateurs, c'est de faire en sorte que... c'est
ça, que les organisations publiques ne puissent plus se réfugier derrière l'article
15 pour exporter des bases de données qu'elles possèdent. Voilà l'essence
de mon message.
Mme de
Santis : Alors, vous vous objectez à la façon que l'article 15 est
appliqué...
M. Roy
(Jean-Hugues) : Oui.
Mme de
Santis : ...et pas nécessairement au fond de l'article 15. Parce qu'il
y a un sens à cet article qui peut-être a un rôle à jouer dans la loi.
M. Roy (Jean-Hugues) : Oui, absolument. Les organismes publics ne
sont pas forcés de créer des documents qui n'existent
pas. Ça, je peux comprendre, absolument, pourquoi ça a été écrit comme ça à l'époque. Mais, à mon sens, il est
utilisé abusivement dans le cas de bases de données. Et je ne sais pas
par quel moyen vous pourriez lever cet obstacle-là, mais c'est ce que je
demande dans cette recommandation-ci.
Mme de
Santis : Je comprends votre position et je l'accepte. Maintenant,
quant à rendre gratuit l'accès aux données publiques, maintenant, si on rend
gratuit accès à toutes les données publiques contenues dans les bases de
données publiques à tout le monde, ça veut dire que c'est tout le monde, ce n'est
pas nécessairement seulement des journalistes
ou des citoyens, c'est à tout le monde. Et ça coûtait un certain montant d'argent
déjà aux citoyens de collecter ces renseignements-là à travers nos
taxes, impôts, etc.
Il y a des
tiers qui peuvent prendre ces renseignements et se faire, dépendant comment ils
vont potager… je m'excuse, ce n'est pas le
bon mot, mais mettre ensemble, ils peuvent produire de nouveaux produits qu'ils
peuvent vendre. Est-ce que l'État aurait droit à une certaine redevance
si quelqu'un prend ces renseignements-là qui sont disponibles gratuitement et
en fait un beau profit? Qu'est-ce qu'est votre opinion là-dessus?
M. Roy (Jean-Hugues) : Écoutez, je n'ai pas l'esprit aussi retors, donc
je n'ai pas réfléchi en ce sens-là.
Il s'agit de renseignements publics, donc, si les gens font un profit avec le
bien public, mon Dieu! peut-être que,
oui, effectivement. Comme les sociétés minières vont puiser dans le sous-sol
québécois et vendre une ressource qui appartient à tout le monde, on va
chercher des redevances auprès d'elles, peut-être qu'il y aurait des redevances
à aller chercher auprès de gens qui exploitent les données publiques. Mais je n'ai
pas réfléchi à ça.
Mme de Santis : O.K. Parce que la recommandation 3 est très large parce que vous
dites : «Rendre gratuit l'accès» à tout le monde. Et là, moi, je
pense : Wow! O.K., parfait. Alors, j'ai fait mon point.
Là,
maintenant, vous, vous avez dit — et c'est ma dernière question avant que
je laisse la parole à ma collègue — que vous êtes d'accord avec
le mémoire de Québec ouvert.
M. Roy
(Jean-Hugues) : Oui.
Mme de Santis : O.K. Dans le mémoire de Québec ouvert, on parle de «proactivement
rendre disponible toute information non nominative à travers le portail
de données ouvertes du gouvernement». O.K.?
Maintenant, alors, «toute information sauf
information nominative devrait être disponible», mais qu'est-ce que vous
voulez dire par ça? Est-ce que des renseignements qui pourraient être
importants pour la sécurité de l'État, est-ce que c'est nominatif, ça? Est-ce
que des renseignements qui touchent les dossiers de personnes morales, leurs
dossiers financiers, est-ce que ça, c'est
nominatif? Alors, pouvez-vous me décrire qu'est-ce que vous voulez dire par
«nominatif»?
M. Roy
(Jean-Hugues) : Bon, ce qui est nominatif, c'est ce qui touche à la
vie privée…
Mme de Santis : C'est ça.
M. Roy (Jean-Hugues) :
…hein, des renseignements personnels de personnes physiques. Maintenant, vous
parlez de… bon, les exemples que vous
donniez : Est-ce que des données qui pourraient compromettre la sécurité
de l'État? Non, je pense qu'il y a des balises qui existent déjà, là. Pour
les secrets, oui, professionnels, le secret d'entreprise, ça, à ma
connaissance, il y a déjà des articles de la loi qui empêchent ça.
Mais
moi, ce à quoi je pense quand je suis d'accord avec cette recommandation-là de
Québec ouvert, c'est par exemple aux
données du ministère des Ressources naturelles, qui sont, oui, publiques mais
difficiles d'accès et qui, si elles étaient rendues publiques dans un
format ouvert et intégralement permettraient aux citoyens une bien meilleure
participation à la vie démocratique.
• (11 h 50) •
Mme de Santis : Je comprends. Sauf
que la recommandation va beaucoup…
M. Roy (Jean-Hugues) : Oui, elle va
beaucoup plus loin.
Mme de Santis : ...est beaucoup plus
large, parce que…
M. Roy
(Jean-Hugues) : …mais elle
était libellée par des gens qui ont une moins bonne connaissance, hein,
des processus législatifs. Donc, pour eux,
ça s'arrête à tout ce qui est nominatif et ils n'ont peut-être pas pensé aux
exemples que vous donnez. Mais je pense que les exemples que vous donnez sont
déjà bien protégés par la loi, là.
Mme de Santis : Et vous êtes d'accord
avec ces protections?
M. Roy (Jean-Hugues) : Je suis
généralement d'accord, hein, bien qu'encore une fois le secret d'entreprise, il est interprété souvent abusivement, à mon sens.
Donc, là aussi, il y a un équilibre à atteindre entre des renseignements
qui sont possédés par le gouvernement mais qui viennent de tiers, qui viennent
d'entreprises, par exemple, je crois que parfois on les interprète abusivement…
on les protège abusivement.
Mme de Santis : Merci beaucoup.
Le Président (M. Reid) : Merci. Je
passe maintenant la parole à la députée d'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci. Il reste
combien de temps?
Le Président (M. Reid) :
Huit minutes, environ. Huit, neuf minutes.
Mme St-Pierre : Parfait, merci.
Alors, évidemment, étant donné le décorum de l'endroit et la commission parlementaire, je peux me permettre de vous
appeler M. Roy, même si nous nous connaissons personnellement.
Alors, bienvenue à cette commission
parlementaire qui est fort intéressante. Je ne sais pas si vous avez suivi tous
les travaux, mais vraiment on a eu des choses absolument incroyables qui
nous ont été dites. On a découvert des champs sur lesquels on avait... enfin,
dont on n'avait pas soupçonné, je pense, l'ampleur, et c'est fort intéressant.
Vous avez entendu aussi, certes, cet appel pour
une refonte de la loi, refonte qui semble être assez urgente. Vous êtes de cet avis-là. Vous enseignez, vous êtes
dans le milieu universitaire, vous avez été à Radio-Canada, vous comprenez très, très bien l'enjeu. Selon vous, est-ce
qu'il devrait y avoir, dans des délais assez courts, un dépôt d'une nouvelle
loi sur l'accès à l'information?
M. Roy
(Jean-Hugues) : Absolument.
Je pense qu'il y a, parmi les parlementaires, à l'heure actuelle, un
nombre record d'anciens journalistes, alors
je pense qu'il faudrait... hein, qui sont sensibles à cette ouverture ou, en
tout cas, qui savent où est le bobo, où sont les obstacles. Mme Dumont
vous en a parlé, la FPJQ aussi. Je pense que, oui, cette refonte de la loi est
urgente.
Mme St-Pierre : …à Radio-Canada?
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme
St-Pierre : Je voudrais vous poser... Moi aussi, je veux
parler de la gratuité, parce que, oui, si on le regarde du côté, bon, du
citoyen, je pense que ça serait tout à fait normal, mais, lorsqu'on regarde des
entreprises, et peut-être du côté des
organismes sans but lucratif, les médias communautaires, et tout cela, ça, ça
peut être compréhensible, mais, si on
regarde des entreprises aussi importantes que Radio-Canada, La Presse, Le
Journal de Montréal, Québecor, à mon avis, il y aurait quelque chose de pas tout à fait juste en disant : Bon,
bien, c'est la gratuité totale. Parce que Radio-Canada, même si c'est
payé par les contribuables, a quand même des revenus aussi, là. On est capables
de demander à ces entreprises-là qui vendent des produits de contribuer pour
une recherche qui est quand même... C'est précieux, là, ce qu'on demande, ça vaut quelque chose. Alors, je
pense que j'aurais un petit peu de difficultés à dire «la gratuité
totale». Je serais prête à écouter, bien
sûr, à entendre des commentaires là-dessus, mais de dire : Il faut que
tout ça soit tout à fait… entièrement gratuit, je ne suis pas sûre que
je partagerais votre opinion là-dessus.
M. Roy
(Jean-Hugues) : Je pensais,
évidemment, surtout aux citoyens, aux journalistes indépendants que...
ou à la personne, à l'individu, oui, que je suis devenu. Comme professeur, je n'ai
pas de doctorat, je n'ai pas de fonds de recherche,
donc, hein, il faut que je paie tout ça de ma poche, là. J'en ai acheté, des
produits du SIGPEG, mais je les ai payés
de ma poche. Et je ne comprenais pas pourquoi, et c'est pour ça que j'ai ajouté
la gratuité. Mais je comprends votre point de vue. Je ne suis pas le
seul, la seule personne qui pourrait avoir un intérêt pour des données
possédées par le gouvernement.
Alors, une tarification... oui, peut-être que je
serais d'accord à mettre de l'eau dans mon vin sur la troisième recommandation et à admettre une certaine
tarification, mais je pense qu'il faudrait qu'elle soit modulée, là, en
fonction de la capacité de payer. Parce que
c'est ça, la base de données du SIGPEG, à 1 600 $, les citoyens qui
veulent en savoir… n'ont pas les moyens. Ce ne sont que les entreprises
pétrolières et gazières qui peuvent se payer ces montants-là. C'est peut-être fait juste pour eux aussi, là, le
système a peut-être été conçu seulement pour l'entreprise, sans qu'on imagine que les citoyens puissent s'y
intéresser. Mais, sur la gratuité, donc, c'est ça, effectivement, il y
aurait peut-être moyen de faire une tarification modulée en fonction de la
capacité de payer.
Mme
St-Pierre : J'aimerais vous
entendre, puisque vous êtes dans le milieu universitaire et, encore une fois,
vous avez été journaliste, j'aimerais vous entendre sur la protection des
sources journalistiques. C'est une question qui, à mon avis, est fondamentale et très, très, très importante. Et, bien sûr,
les journalistes demandent à avoir accès, le plus de transparence
possible, mais évidemment un journaliste a besoin que son matériel soit
sécurisé, que son matériel soit protégé, et je pense que ça, ça doit être très,
très clair.
Il y a une
déclaration qui m'a vraiment fait sursauter, il y a deux semaines, de la
première ministre, qui réclamait et disait
même vouloir faire la bataille avec le premier ministre Stephen Harper pour
aller chercher et obtenir des renseignementssur des Québécois qui auraient de l'argent dans des paradis fiscaux et
de forcer ce consortium de journalistes international vraiment à livrer ces informations-là. J'en
appelle vraiment à tous ceux qui pratiquent la profession de journaliste en
leur disant : S'il vous plaît,
levez-vous pour dénoncer cette demande, dénoncer cette attitude. Et, pour moi,
c'était très, très, très surprenant, d'autant plus qu'il y a trois
anciens éminents et grands journalistes qui siègent autour du Conseil des
ministres. Alors, vraiment, là, j'étais tout à fait abasourdie.
Est-ce que
vous verriez quand même un endroit ou un point où, à un moment donné, le
matériel journalistique — pas uniquement les sources, parce qu'on parle de matériel
journalistique — pourrait,
dans certaines circonstances, être rendu
public ou, si, selon vous, ça doit être... Moi, selon moi, ça doit être l'étanchéité
totale, à moins qu'on parle peut-être de terrorisme ou de pédophilie ou
de... Mais est-ce que ça, c'est vraiment sacré, dans l'esprit des journalistes
de 2013? Moi, ça fait longtemps, ça fait
depuis 2007 que j'ai abandonné le métier, puis ça a beaucoup, beaucoup changé.
Est-ce que, pour vous, comme chercheur,
comme professeur, comme ancien journaliste, c'est quelque chose d'absolument
sacré?
M. Roy
(Jean-Hugues) : Bon, je
reviens sur la déclaration de Mme Marois. J'ai été surpris aussi, hein,
d'autant plus que ce qu'elle demandait,
bien, c'est un peu bizarre. Elle demandait juste la liste, hein, des
contribuables québécois qui se trouvaient dans cette base de données là, alors
que ce qui est plus sensible, c'est le
fameux disque dur qui a permis aux journalistes de faire enquête. Alors, avec
juste la liste, il y aurait… Je ne vois pas qu'est-ce que... En tout
cas, oui, ça aurait permis d'aller cogner aux portes de chacun de ces
contribuables-là, mais ça n'aurait pas permis à personne de trouver les sources
qui ont été, donc, à la source, à la base de cette enquête journalistique là.
Mais, non, moi, j'ai été très surpris aussi d'entendre cette demande-là et je
pense que les journalistes autour de la table du Conseil des ministres ont dû
sursauter.
Mais par ailleurs, pour la deuxième partie de
votre question, comme… oui, comme professeur maintenant,
et je l'ai dit, j'appuie tous les principes de gouvernement ouvert, dans toute
ma vie, dans toute ma carrière, j'ai
tâché de faire un journalisme aussi ouvert que possible. Hein, on demande de la
transparence au gouvernement, on demande
de la transparence à… oui, aux
entreprises privées, mais je pense que les entreprises de presse aussi
devraient être transparentes et montrer comment elles fonctionnent
aussi, mais jusqu'à un certain point.
Dans le cas
de sources journalistiques comme celles qui ont permis de dévoiler ces paradis
fiscaux là, non, ça, non, je pense
que des sources sensibles, ça, là, il faut les protéger au maximum. J'ai été
très prudent quand j'ai parlé des gens qui m'ont permis… qui m'ont
expliqué comment ça fonctionnait à Laval, là. Je veux les protéger aussi, là,
tu sais? Alors, ce principe-là de la
protection des sources journalistiques, pour moi, il est fondamental, mais c'est
selon, ce n'est pas toutes les sources qui ont besoin d'être protégées,
là.
Mme St-Pierre : Est-ce qu'il devrait
y avoir...
Le Président (M. Reid) : …il reste
30 secondes.
Mme St-Pierre : O.K. Bien, est-ce
que des secteurs devraient être soumis à la loi d'accès à l'information? Je pense
aux syndicats, par exemple.
M. Roy (Jean-Hugues) : Hum...
Une
voix : ...
Le Président (M.
Reid) : ...secondes à répondre, hein?
• (12 heures) •
M. Roy
(Jean-Hugues) : Excusez-moi. Est-ce que les syndicats devraient être
soumis à la loi d'accès à l'information? Je
n'ai pas réfléchi à ça, mais mon premier réflexe, c'est de dire non. Je ne
verrais pas pourquoi. Leurs membres
pourraient avoir un intérêt, oui, savoir comment ça fonctionne. Je ne sais pas
qu'est-ce qui est... Mais autrement… Je n'ai pas assez réfléchi à ça
pour offrir une réponse éduquée.
Le Président (M. Reid) : …au deuxième groupe d'opposition. Peut-être que
le député de Lévis aura des questions à poser sur ce sujet-là.
M. Dubé :
Écoutez, avec beaucoup d'intérêt, M. le Président. M. Roy, merci beaucoup d'être
là. Trois petites choses. Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais
vous poser ça rapidement. Je suis limité à cinq minutes.
Alors,
la première chose. Sur votre recommandation n° 2 sur le système
électronique, là, d'appel d'offres, juste vous... je suis certain que vous êtes au courant, mais il y a une
pétition, en ce moment sur le site de l'Assemblée nationale, que nous
avons supportée depuis le tout début avec M. Duchesneau. Je pense qu'elle va
bien, mais elle continuerait. On a plus de 500 signatures dessus maintenant.
Alors, je voulais vous le rappeler. Je suis content que vous soyez au courant
puis je pense qu'il faut le partager.
M. Roy
(Jean-Hugues) : Je l'ai signée, je crois bien.
M. Dubé : Très bien. Merci beaucoup. Deuxièmement, on a parlé, tout à l'heure, de
donneesgouvernementales.qc.ca. Vous savez qu'un des éléments, là, qui
est là-dessus, c'est le fameux tableau des données informatiques. En tout cas,
je vous suggère d'aller le voir parce que, selon moi, c'est... On en a parlé
ici, à la Commission de l'administration publique. J'avais demandé à obtenir
des informations sur comment avancent les différents dossiers informatiques. Je
vous suggère d'aller le voir parce que je pense que, quand vous allez voir ce document-là, je pense que vous allez revenir à un
E à votre évaluation parce qu'en ce moment le gouvernement s'était engagé à le mettre à jour… Parce que tout le monde
sait que les données qui sont là, elles ne sont pas à jour, elles sont...
Même le DPI nous a dit qu'il y avait des données qui étaient fausses dedans,
qui n'étaient pas correctes. Et on s'était engagé
à les mettre à jour avant le 31 mars, puis, comme vous savez, on est rendu le
23 avril puis, vous irez voir sur le document, ce n'est vraiment pas à
jour. Alors, je pense que votre évaluation d'un E ne vient pas s'améliorer avec
le site de donnees.gouv.
C'est
mon commentaire. Et j'aimerais vous demander si vous allez continuer à pousser
ça. Parce que je pense que vous auriez intérêt à aller voir ce
document-là avec beaucoup, beaucoup de rigueur.
M. Roy (Jean-Hugues) : D'accord. Je vais y jeter un coup d'oeil,
effectivement. On va voir si la note va changer, mais déjà, un D, ce n'est
déjà pas très, très fort.
M. Dubé :
Ce n'est pas très fort. Maintenant, s'il me reste encore un petit peu de temps,
sur la vision de gouvernance des données…
Parce que je pense que vous aviez soulevé un point, puis ça, on va le
mentionner plusieurs fois au cours
des prochaines semaines, en tout cas, en suivi à cette commission-là, ce que
vous avez dit tout à l'heure, c'est
que vous avez dit… Bon, si je regarde le principe des données, de la façon dont
elles sont construites — je
pense à vos puits de forage ou à toutes sortes de données que vous avez données
comme exemple — ces
données-là ont été faites en fonction d'une
certaine technologie. Les gens qui ont la vision, ce sont des technologues et
pas des gens qui ont une vision de
gouvernance de l'information. Et je ne sais pas comment vous avez réfléchi à
ça, mais — parce
que vous êtes un professeur aussi, si
je comprends bien — c'est
un des enjeux, je pense, du gouvernement qui veut vraiment aller vers un
gouvernement ouvert. Nos bases de données sont pensées sur une base de
technologie et non de dire qu'elles doivent
être pensées pour les gens qui vont avoir à s'en servir. Alors, je ne sais pas
si vous pouvez commenter là-dessus. Mais, avec vos étudiants, là, c'est
sûrement un sujet qui va vous intéresser dans les prochains mois.
M. Roy (Jean-Hugues) : Oui. Je sais qu'il y a plusieurs systèmes. Le
Québec, à certains égards, est un pionnier, hein, dans la constitution
de bases de données. Si on a un plumitif aussi facile d'accès, c'est grâce à
des pionniers au ministère de la Justice, si je me rappelle bien, ou, en tout
cas... ou si c'étaient des avocats, je ne sais plus qui a pris l'initiative, mais l'informatisation de tous les
dossiers des tribunaux, c'est quelque chose de... Je ne sais pas si c'est
unique en Amérique du Nord, mais c'est assez
unique d'avoir des dossiers qui ont commencé en 1975, donc. Et là le
SIGPEG, donc, si on revient à cet
exemple-là, je ne sais pas quand est-ce que ça a commencé à être constitué,
mais j'ai... Je ne sais pas quelle
est la base de données qu'il y a en dessous de ça, mais... Puis, tous les
systèmes, il y en a une variété, des bases de données en… Oracle, là, il y a des vieux systèmes qui utilisent encore du
Cobol. Je veux dire, c'est un cafouillis complet.
M. Dubé :
Le point dont je veux vous faire prendre connaissance, puis je pense qu'avec
vos recherches ou ce que vous faites avec
vos étudiants… Les données sont faites pour être traitées par le gouvernement
avant d'être rendues disponibles. C'est
pour ça que je vous inviterais à aller voir le tableau de bord sur l'informatique,
parce qu'on ne publie pas... on n'a pas encore la vision de gouvernance
de l'information de publier le «raw data». On veut y faire une transformation, et c'est
ce qui retarde. Et je pense que, lorsque vous demandez la gratuité des services
dont vous parliez tout à l'heure, il
pourrait y avoir un échange, qu'on rend les données disponibles, mais que l'extérieur
doit faire un traitement là-dessus.
Alors, c'est peut-être un échange qui... C'est d'ailleurs le principe d'un vrai
gouvernement ouvert. Puis je vous demanderais...
vous avez... quelqu'un vous a posé la question tout à l'heure, à savoir :
Est-ce qu'il y a des beaux exemples...
Le Président (M. Reid) :
...secondes.
M.
Dubé : Je vais terminer, ce
ne sera pas long. Il me restait une minute que le gouvernement m'avait
offerte. Alors, le point que je veux vous
faire, c'est que, dans le gouvernement ouvert, exemple, je vous inviterais à
aller voir le site de la ville de New
York sur leur base de données puis d'aller voir de nombreux exemples qui ont
été mis en liste pour justement des données qui sont, en fait, très
gratuites et très pertinentes.
M. Roy (Jean-Hugues) : Merci de
cette invitation-là. Je suis allé voir, évidemment, le site du gouvernement
américain, mais pas celui de la ville de New York. Alors, je vais aller y jeter
un coup d'oeil.
M. Dubé : C'est intéressant. Il y a
8 millions de personnes. Alors, c'est...
M. Roy (Jean-Hugues) : Oui, c'est
vrai.
M. Dubé : ...assez comparable à ce
qu'on essaie de faire ici.
M. Roy (Jean-Hugues) : Au Québec,
effectivement. Merci.
M. Dubé : Merci. Merci beaucoup, M.
Roy.
M. Roy (Jean-Hugues) : Merci à vous.
Le
Président (M. Reid) : Merci,
M. Roy. On a peut-être eu l'impression, de temps en temps, qu'on s'enlignait
vers un conventum d'anciens journalistes de Radio-Canada avec la présence du
ministre et de la députée d'Acadie. Alors, merci de votre contribution.
Nous allons
maintenant suspendre les travaux jusqu'après les affaires courantes, soit
vers 15 heures, et je vous demande de ne rien laisser, il y aura d'autres
activités dans la salle.
(Suspension de la séance à 12 h 6)
(Reprise à 15 h 53)
Le
Président (M. Marsan) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre sans plus tarder la
consultation générale et les auditions publiques sur le rapport de la
Commission d'accès à l'information Technologies et vie privée à l'heure des
choix.
Je souhaite la bienvenue à M. Louis Clapin. Et
je vous demanderais tout d'abord de vous présenter, et vous disposerez ensuite
d'une dizaine de minutes pour nous présenter votre point de vue. La parole est
à vous.
M. Louis Clapin
M. Clapin
(Louis) : D'accord. Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, je suis Louis Clapin de Démocratie
ouverte. Tout d'abord, merci beaucoup de me
donner la chance de pouvoir m'exprimer. Je suis en premier lieu un simple
citoyen et je suis un technicien en
télécommunications. Je ne suis pas un expert en données ouvertes ou en gouvernement
ouvert, mais, depuis quelques mois, j'ai la
chance de faire partie du collectif Démocratie ouverte et je crois
fondamentalement aux valeurs du numérique. J'ai
été le genre de citoyen plutôt cynique qui allait voter tous les quatre ans
sans s'intéresser vraiment à la politique. Depuis que j'ai connu le
collectif Démocratie ouverte, Québec ouvert, Cocoriko et
plusieurs autres, j'ai pris espoir que les simples citoyens pourront, dans les
années ou les décennies qui suivront, avoir une réelle influence sur le
processus décisionnel et devenir à la fois plus responsables.
En premier lieu, j'appuie totalement le mémoire
de Québec ouvert concernant les données ouvertes. En voici un extrait :
«Le but ultime du mouvement des données ouvertes est de transformer notre
gouvernement fermé par défaut [en] un
gouvernement ouvert par défaut. Avec la création de plus en plus d'informations
par le gouvernement, il devient essentiel de mettre en place une
politique de données ouvertes qui s'applique à toutes les instances du
gouvernement pour améliorer l'efficacité de l'accès à l'information par les
citoyens et entreprises.»
La pierre
angulaire d'un gouvernement ouvert est de veiller à améliorer l'accès des
Québécois à l'information publique. Donc, rendre accessibles les données
est une chose, mais il faut que ces données soient compréhensibles pour le citoyen moyen. Les ressources naturelles,
les ressources économiques, les ressources humaines sont trois types de ressources très vastes et très complexes à la
fois. Si l'ensemble des données non nominatives concernant ces
ressources pouvaient être rendues publiques de façon
ouverte et permanente, il faudrait encourager les initiatives pour les rendre
facilement compréhensibles et manipulables pour le commun des mortels. Elles
pourraient être transformées par la suite sous forme de cartes géographiques,
de diagrammes, de graphiques ou de plateformes, etc., le tout étant le plus
interactif possible.
D'une façon
générale, j'ai été aidé par Nicolas Gignac, de Démocratie ouverte, on s'est
posé quelques questions. D'abord,
pourquoi viser une démocratie ouverte au Québec? Pour afficher plus de
transparence dans le service donné au public; rendre publiques les
données détenues par les gouvernements, les institutions, les entreprises à
capitaux ou contrats publics, tant que ces données ne sont pas confidentielles
ou personnelles; développer et stimuler les services de géolocalisation et de géomatique; appliquer un système d'appels d'offres
ouvert avec la possibilité d'organisation de concours ou défis ouverts pour les entreprises et citoyens; atténuer le
cynisme politique, particulièrement chez la jeunesse; stimuler la participation citoyenne aux débats par
le numérique, sans égard à ses moyens techniques; impliquer la société civile — par
exemple, Démocratie ouverte, Institut de la gouvernance numérique, Québec
ouvert, Nord ouvert — dans
la recherche de solutions.
Deuxième question : De quoi le Québec
a-t-il besoin pour devenir un leader dans le domaine? Il faudrait : un
leadership fort venant des hautes sphères politiques, du poste de premier
ministre jusqu'aux hauts fonctionnaires; une
stratégie claire pour garantir une réutilisation facile des données, données
ouvertes, service Web ouvert, API, indexation de données; catalyser les
forces émergentes citoyennes vers l'innovation ouverte et se placer en
situation compétitive avantageuse dans le
domaine des TI; une divulgation proactive obligatoire des données ouvertes et
des objectifs précis par les
ministères et les organismes; le développement de nouveaux outils collaboratifs
conjoints — par
exempleParlement & Citoyens — pour
favoriser la coopération entre la société civile, l'administration publique,
les entreprises privées, le milieu universitaire, les citoyens, etc.
Démocratie
ouverte a recensé sept valeurs du numérique : premièrement, le partage d'informations,
d'idées, de contenus; la liberté avec, notamment, les logiciels libres,
la gratuité, l'échange plutôt que l'achat, l'effacement des frontières; la mise
en capacité d'actions — beaucoup
d'informations, de données et d'actions deviennent accessibles rapidement et
facilement pour un grand nombre de personnes; la transparence — on le
voit, par exemple, avec le mouvement de l'«open
data»; les modèles collaboratifs et le faire ensemble, par exemple dans la
création sur Wikipédia... dans la
rédaction sur Wikipédia et dans la conception de logiciels «open source»; la
participation sur les réseaux sociaux avec
les commentaires sur les plateformes de mobilisation comme Avaaz; la
transversalité et l'horizontalité, l'échange et la production de pair à
pair, les organisations en réseau.
Je mentionne toutes ces valeurs, car elles sont
toutes interreliées. Les finalités du numérique tendent vers la transparence,
la collaboration, la participation, tandis que les finalités du système actuel
tendent plus vers le secret, la compétition.
Bien qu'il n'y ait pas qu'une seule bonne façon de faire, il y a toujours des
meilleures pratiques que d'autres. Le
gouvernement, les organismes, les coopératives et même les entreprises
pourraient collaborer pour adopter les meilleures pratiques possible. Plus les données seront
ouvertes, intelligibles ou manipulables, plus les chances d'avoir les
meilleures pratiques pourront être atteintes.
J'ai ici quelques recommandations de personnes
politiques. Amir Khadir, de Québec solidaire, a notamment soulevé quatre paramètres
pour pouvoir être plus accessible au niveau de l'industrie minière. Il s'agit
des tonnages extraits, des produits dérivés, du niveau des redevances payées et
de l'ampleur des profits réalisés, en incluant les profits délocalisés par le
«transfer pricing». Je rajouterais les différents produits dérivés de ces
ressources naturelles.
Toutes ces
données et plus pourraient être ouvertes, et les entreprises minières
pourraient être géolocalisées. Nous
aurions une carte géographique assez étoffée que nous pourrions rendre le plus
simple d'approche possible pour que les citoyens puissent interagir avec
ces nouveaux outils.
• (16 heures) •
Il y a
Philippe Couillard, du Parti libéral du Québec, qui écrit dans un
communiqué : Je propose de divulguer de manière proactive des renseignements gouvernementaux via Web. Les
citoyens pourraient ainsi consulter les dépenses en temps réel,
notamment les frais de voyage et d'accueil, les subventions accordées, les
coûts des conférences et des formations. De
plus, des tableaux de bord interactifs permettraient de suivre l'évolution des
échéanciers et des budgets alloués aux projets gouvernementaux.
Et quatre
autres points plus techniques ont été suscités dans le communiqué : qu'un
portrait financier produit par un tiers indépendant du gouvernement soit
déposé à l'Assemblée nationale avant le déclenchement d'une élection générale;
que l'accès aux renseignements demandés par les partis d'opposition soit
facilité; que l'exercice des crédits budgétaires,
en collaboration avec les élus de l'Assemblée nationale, soit revu dans le but
d'en faire un véritable forum de reddition
de comptes pour les ministères et les organismes; que les partis d'opposition
aient, de manière plus formelle, accès à des sessions de renseignements
relatives au contenu des projets de loi présentés par le gouvernement avant son
étude détaillée en commission parlementaire. L'administration publique pourrait
ainsi répondre aux questions soulevées par les parlementaires, et ceux-ci
seront mieux préparés à légiférer.
Les deux ont
abordé des points au niveau soit des ressources naturelles ou des ressources
financières. Je crois que ces deux éléments seront les plus difficiles à
rendre plus transparents et qu'il faut un grand courage politique pour s'y attaquer. Philippe Couillard met aussi l'accent
sur ces éléments : l'interactivité, le temps réel, le dynamisme.
Pour un domaine aussi complexe que la
finance, il faudrait peut-être un nouveau genre de plateforme permettant aux
citoyens de suivre en temps réel et de façon
claire l'évolution des finances de la province. Les citoyens pourraient ensuite
commenter, voter, etc. Il pourrait y avoir
une plateforme semblable aussi au niveau des ressources naturelles. L'idée est
de donner les outils aux citoyens moyens leur permettant d'avoir le plus
d'influence décisionnelle et les rendre à la fois plus responsables de leur
destinée.
Par
exemple, le budget et la mortalité. Au niveau du budget, il faudrait qu'il y
ait plus d'ouverture et qu'il soit mis à jour quotidiennement et à
perpétuité, autant au niveau des dépenses que des revenus, consultable sous
plusieurs formes, par organigrammes, par
catégories, par graphiques, etc., facilement accessible pour le citoyen moyen
et que ces données soient accessibles 24 heures sur 24, sept jours sur
sept.
L'année
dernière, LeJournal de Montréal a publié un graphique assez
complet sur les dépenses du gouvernement. Cependant, je crois que rien n'a
été fait au niveau des revenus et, cette année, rien n'a été fait du tout.
Donc, les initiatives restent sporadiques,
et nous sommes un peu à la merci de ce que la presse peut nous offrir. Cette
année, nous avons droit à un
graphique sur la mortalité. C'est très bien, mais ces données pourraient être
mises à jour régulièrement et à perpétuité,
consultables sous plusieurs formes, par organigrammes, par catégories, par
graphiques, facilement compréhensibles pour le citoyen moyen, et que ces
données soient accessibles de façon permanente.
Donc, à propos de la démocratie ouverte, la
démocratie ouverte est un système de gouvernance, un mode d'organisation démocratique de la société fondé
sur des principes de transparence, de participation et de collaboration.
Une démocratie ouverte implique chaque
partie prenante dans les décisions et la mise en oeuvre des politiques
publiques. Elle permet d'améliorer l'efficacité et la responsabilité des
organisations, gouvernements, collectivités, entreprises, syndicats,
institutions, associations, etc.
Le Président (M. Marsan) : Alors,
merci, M. Clapin. Et nous allons immédiatement commencer la période d'échange.
Je vais donner la parole à M. le ministre des Institutions démocratiques. M.
le ministre.
M.
Drainville : Merci. Merci,
M. Clapin. D'après vous, là, quelles devraient être les informations qui
devraient être rendues publiques prioritairement, des informations qui ne le
sont pas présentement et qui devraient l'être? C'est quoi, là, si vous deviez,
là, prioriser, là, vous commenceriez par quoi, vous, là, là?
M. Clapin
(Louis) : C'est sûr qu'entre
les ressources naturelles puis les ressources financières c'est deux
grands domaines de ressources, disons qu'avec
les ressources naturelles je n'ai pas trouvé beaucoup d'information sur
Internet à cette date, ou dans les journaux, nous informant clairement des
ressources dont on a au Québec.
M.
Drainville : O.K. Donc, les
données financières puis les données sur les ressources naturelles. Vous,
vous souhaitez, là — vous
revenez beaucoup là-dessus, là — vous souhaitez une licence Open Gouv,
donc une licence gouvernement ouvert ou
ouverte, là, pour les données. Pour les gens qui nous écoutent, là, qu'est-ce
que ça changerait, ça? Qu'est-ce que ça permettrait de faire qu'on ne
peut pas faire dans le contexte actuel, dans le cadre actuel?
M. Clapin
(Louis) : Exactement, ce qu'on
ne pourrait pas faire… Déjà, on s'en sort quand même très bien, mais ça pourrait améliorer l'efficacité, je crois, au
niveau des finalités, soit au niveau des ressources naturelles, la
durabilité, comment qu'on pourrait les exploiter, ces ressources-là.
Des voix : …
M. Drainville : Quand vous dites qu'une
politique de gouvernement ouvert générerait beaucoup, beaucoup de bénéfices, la libération des données
engendrerait des bénéfices importants pour la société, donnez-nous des
exemples concrets de bénéfices que ça nous apporterait collectivement. C'est
quoi, les avantages de libérer les données?
M. Clapin
(Louis) : Ça pourrait donner
un certain poids au citoyen, comme un genre de lobby citoyen. On sait qu'il y a des lobbys pour les grandes entreprises
qui peuvent influencer, mais il pourrait y avoir un consensus populaire
qui pourrait exister puis qui pourrait avoir plus des qualités s'il y en a
moins au niveau de l'économie, au niveau des ressources.
M. Drainville : O.K. Donc, vous,
dans votre esprit, là, la libération des données, c'est une façon de donner
plus de pouvoir aux citoyens.
M. Clapin (Louis) : Oui.
M. Drainville : Le Règlement sur la
diffusion de l'information et sur la protection des renseignements personnels,
est-ce que vous connaissez ça un petit peu?
M. Clapin (Louis) : Pas vraiment.
M.
Drainville : Non? Parce que c'est
un règlement qui ne s'applique pas à l'ensemble des activités
gouvernementales. Puis le président de la Commission d'accès à l'information,
lui, dit que ce règlement-là, qui prévoit la diffusion proactive, dans le fond,
de l'information...
C'est un
règlement qui dit : Les ministères doivent rendre publique l'information
et ne pas attendre qu'elle leur soit
demandée. O.K.? Je résume, là, très succinctement. Ce règlement-là, il ne s'applique
pas à l'ensemble de l'administration publique actuellement, puis le
président de la Commission d'accès à l'information souhaiterait que le
règlement en question s'applique au réseau de la santé, au réseau scolaire, aux
municipalités. Qu'est-ce que vous en pensez?
M.
Clapin (Louis) : Je crois que ça pourrait être une bonne idée. Je
crois qu'on est... Je ne suis pas tout seul à
penser comme ça. Puis les arguments que j'ai entendus, c'est qu'il pourrait
peut-être y avoir des déchirages de chemise ou que les gens pourraient
être inconfortables... certaines personnes pourraient être inconfortables en
divulguant plus d'information. Mais, tant
que les données ne sont pas nominatives, là, il ne faudrait pas s'arrêter à ça,
il faudrait y aller, parce que je crois qu'il y a beaucoup plus de
bénéfices qu'il pourrait y avoir de...
M.
Drainville : ...de désavantages.
M. Clapin
(Louis) : ...de désavantages.
M. Drainville : Puis le déchirage de chemise dont vous parlez, c'est le déchirage de...
Qui c'est qui déchire sa chemise dans cette histoire-là?
M. Clapin (Louis) : Ah bien, c'est les personnes qui pourraient être embarrassées par la
divulgation de données, qui pourraient peut-être avoir des intérêts
personnels en lien avec ces données-là.
M. Drainville : O.K. Donc, vous, là, dans le fond, si on voulait résumer, vous nous
dites qu'on est dus, au Québec, pour un bon changement de culture, là,
dans la façon de gérer notre information, dans la façon de gérer notre État. Il
faut se sortir d'une certaine culture pour aller vers une autre culture qui va
favoriser davantage la transparence, puis l'accès à l'information, puis...
M. Clapin (Louis) : Oui, c'est un peu ça que j'ai à l'esprit. Puis ce que j'ai entendu
aussi en faisant des recherches sur le sujet... Je suis quand même... Je
suis passionné un peu par la démocratie ouverte. Puis il y a beaucoup de personnes qui disent que le changement est en
train de se faire, qu'on est dans ce changement-là, que le changement
est inéluctable, ça dépend du temps que ça va prendre. Donc, tout dépendant le
leadership qui va être exercé dans cette voie-là,
soit qu'on peut arriver dans les premiers, au Québec ou au Canada, ou qu'on
puisse suivre la parade par rapport aux autres pays.
M.
Drainville : Qu'est-ce qui vous a amené à ça, à vous intéresser à ça?
• (16 h 10) •
M. Clapin (Louis) : C'est vraiment depuis l'avènement des réseaux sociaux. J'ai vu qu'il y
avait plus d'horizontalité avec toutes les valeurs qui étaient arrivées
avec l'Internet, avec Wikipédia, comment que ça s'est fait. Ça m'a
impressionné, puis je me suis dit que peut-être qu'avec un meilleur Internet,
optimisé, on pourrait avoir une meilleure démocratie. Puis je suis tombé sur
ces groupes-là, Québec ouvert, Démocratie ouverte, Cocoriko aussi
au Québec. Donc, j'ai vu qu'il y avait d'autres personnes qui pensaient comme
moi, puis en plus c'est des personnes que je trouve assez brillantes, là.
M.
Drainville : Assez comment?
M. Clapin
(Louis) : Brillantes.
M. Drainville : Donc, dans le fond, est-ce que je me trompe ou si je vous... je saisis
bien votre intervention? Dans le fond,
vous vous voyez un peu, je pense, comme le citoyen intéressé, impliqué, qui
vient parler, d'une certaine façon, au nom des citoyens. Est-ce que c'est
un peu comme ça que vous vous percevez?
M. Clapin (Louis) : Oui, un peu, oui. Donc, que je m'intéresse à ça… Les personnes, je crois
que, s'ils peuvent avoir plus de pouvoirs puis qu'ils puissent en être
conscients, je crois que tout le monde aime avoir un certain contrôle ou un
certain pouvoir, donc, si on peut répartir plus équitablement ce pouvoir-là, je
crois que les citoyens embarqueraient dans ce bateau-là.
M.
Drainville : On en sortirait gagnants comme citoyens et comme
démocratie.
M. Clapin
(Louis) : Oui.
M.
Drainville : Merci. Merci.
Le Président (M. Marsan) : Alors, je vais maintenant donner la parole à Mme
la députée de Bourassa-Sauvé.
M. Therrien :
Excusez-moi.
Le Président (M.
Marsan) : Oups! Excusez-moi. Oui. Oui. Il resterait du temps, oui.
Excusez.
M. Therrien :
Y reste-tu beaucoup de temps ou...
Le Président (M. Marsan) : Deux
minutes, à peu près.
M. Therrien : Juste très, très, très rapidement. Bonjour, M.
Clapin, merci d'être ici. J'aurais une petite question très simple. Je vais vous parler de modèle coopératif
comme Wikipédia, mais au niveau des données. Moi, la question qui
me hante un peu quand on parle de données
comme ça, c'est au niveau de la fiabilité. Alors, si on s'échange des
données, ce que je comprends, c'est que les gens vont s'échanger les données,
mais comment peut-on vérifier la fiabilité de ces données-là? Est-ce que vous
avez une tête de comment on pourrait fonctionner pour justement voir que les
données qu'on reçoit d'une tierce personne, c'est des données qui sont
crédibles?
M. Clapin (Louis) : Oh, c'est sûr que, d'une personne inconnue, je ne sais pas exactement,
mais, si les données sont accessibles via le ministère, les ministères,
le gouvernement, je crois qu'il n'y aurait aucun problème, là, à ce que les
données soient correctes, là.
M. Therrien : Mais, quand vous parliez de modèle coopératif, à ce moment-là, c'était
avec les ministères, avec les différents... avec des sources
compétentes?
M. Clapin (Louis) : Oui, c'est sûr. Il faut toujours se fier à la source des informations.
Donc, c'est toujours en soutien à ça. Donc, les citoyens, si on voudrait
s'échanger des données ou collaborer, il faudrait donner notre vraie identité,
donc il faudrait être retraçable.
M. Therrien : O.K. Bon. C'est parce que vous parliez de Wikipédia, parce que,
là, je posais la question, mais là vous avez bien répondu à ma question.
M. Clapin
(Louis) : Ah! O.K. Parfait. Merci.
M. Therrien :
Merci beaucoup. Merci.
Le Président (M.
Marsan) : Alors, maintenant, je vais reconnaître... Merci, M. le
député de Sanguinet. Alors, maintenant je vais reconnaître Mme la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Merci, M. le Président. M. Clapin, merci d'être là, merci d'avoir
présenté un mémoire et d'avoir pris le temps de venir ici, devant nous. Je
trouve ça très intéressant et aussi très important. Et vous avez expliqué... je crois, j'ai compris que toutes ces
démarches vers un gouvernement plus ouvert, ça vous a donné plus le goût
de participer dans la vie démocratique du Québec.
M. Clapin
(Louis) : Absolument.
Mme de
Santis : Et est-ce que vos amis se rallient avec ce point de vue?
M. Clapin
(Louis) : Disons que je me suis fait de nouveaux amis pour l'instant.
Donc, les personnes... Mais ceux à qui j'en
parle, ils trouvent ça un peu compliqué, ils sont un peu... il y a encore un
peu de cynisme par rapport à ça. Mais
je crois qu'avec les nouvelles plateformes, par exemple, Parlement et Citoyens
qui est en branle en Europe, en France, cette plateforme-là... puis il y a de plus en plus de participation, ça
fait que peut-être qu'elle va venir au Québec aussi. Donc, comme j'ai dit tantôt, si on donne plus de pouvoir
décisionnel aux gens puis que les gens puissent voir que c'est efficace,
que ça marche, bien là il y aurait plus de gens qui pourraient embarquer.
Mme de
Santis : J'aimerais comprendre comment vous faites le lien de recevoir
plus de renseignements et exercer plus de
pouvoirs. Si on reçoit plus de renseignements, ça, c'est une chose, mais qu'est-ce
qu'il faut faire, en tant que citoyens, pour exercer plus de pouvoirs?
M. Clapin
(Louis) : Oui, c'est… Mais, comme dans les réseaux sociaux, on peut
commenter beaucoup puis on peut voter aussi. Donc, le vote, c'est un pouvoir si
on peut voter sur quelque chose. Donc, si on peut voter plus souvent, s'il peut
y avoir plus de référendums, disons, les gens ont un pouvoir de plus.
Mme de
Santis : Est-ce que Démocratie ouverte, c'est une organisation?
M. Clapin (Louis) : C'est un collectif à but non lucratif. Donc, c'est vraiment... C'est
vaste. Les personnes qui croient en ça peuvent être membres. Ici, au
Québec, il y a Jean-François Gauthier, qui va venir à la commission un peu plus
tard, là, qui a donné un autre bras directeur au collectif, c'est l'Institut de
gouvernance numérique. Donc, ça, c'est un peu plus formel au Québec, là.
Mme de
Santis : Mais, Démocratie ouverte, combien de membres il y a?
M. Clapin
(Louis) : Combien de membres? Il doit y avoir une vingtaine de membres
à travers l'Europe, le Québec puis la Tunisie.
Mme de Santis : Ça, c'est des
personnes, des individus ou des groupes?
M. Clapin
(Louis) : Ah oui! Des individus, environ une vingtaine.
Mme de
Santis : O.K. Alors, j'aimerais
comprendre les données qui seraient rendues publiques, les renseignementsqui seraient rendus publics par un
gouvernement. On parle de données brutes, O.K.? Est-ce que cela, c'est ce que
vous voulez? Parce que des données brutes,
ce n'est pas nécessairement quelque chose que M. Mme Tout-le-monde ou
même moi peut nécessairement comprendre.
Comment vous vous attendez de recevoir les renseignements, dans quelle
forme?
M. Clapin (Louis) : Surtout en
données brutes, mais principalement pour les ressources naturelles puis les finances. C'est quand même des données assez
importantes, si on peut dire, donc. Puis c'est vraiment très interrelié
avec le gouvernement. Donc, soit lancer des
initiatives populaires ou faire appel à des groupes. Il y en a de plus en plus
qui émergent, des groupes, pour faire soit
des applications Web ou des plateformes pour que ces données soient
intelligibles pour les citoyens.
Mme de
Santis : Les données qui
seraient disponibles seraient disponibles à tout le monde, pas
nécessairement seulement aux citoyens ou aux
résidents du Québec. On peut prendre ces données et on peut en faire d'autres
produits qui pourraient être lucratifs pour
la personne qui fait le nouveau produit. Donc, quelqu'un prend les
renseignements qui sont donnés par le gouvernement, les rend dans une
autre forme et fait payer d'autres pour ce nouveau produit. Quand le gouvernement a collecté ces renseignements, il l'a
mis disponible au public, il y a des frais pour le gouvernement, et ces
frais, c'est tous les citoyens qu'on paie pour ça. Est-ce que vous trouvez
normal, après, que quelqu'un ait accès à ces renseignements gratuitement et en
fait argent avec?
M. Clapin (Louis) : Oui. C'est...
Non, ce n'est pas une des meilleures pratiques. Je ne crois pas que ce serait
vraiment avantageux, mais, s'il y a des gens qui sont prêts à payer pour ça, qu'est-ce
qu'on peut faire?
Mme de
Santis : Est-ce que vous
croyez que celui qui va faire de l'argent doit une redevance au
gouvernement et au peuple du Québec?
M. Clapin (Louis) : Oui, absolument…
Mme de Santis : Pardon?
M. Clapin (Louis) : Oui.
Mme de Santis : Oui?
M. Clapin (Louis) : Oui.
Mme de
Santis : O.K. Bon. Vous avez
dit que vous êtes d'accord avec Québec ouvert, et Québec
ouvert dit que tout renseignement
devrait être public, autre que des renseignements nominatifs, O.K., qui
touchent la personne, des renseignements
personnels. Mais vous ne croyez pas que des renseignements qui pourraient faire
du tort à la sécurité de l'État
devraient être confidentiels ou qu'il y a des secrets industriels ou d'affaires
qui devraient être gardés confidentiels?
• (16 h 20) •
M. Clapin
(Louis) : Oui, c'est sûr que
c'est quand même assez épineux dans ce contexte-là. Peut-être pas du
jour au lendemain, mais je crois que même les entreprises... Il faudrait
peut-être l'essayer avec quelques entreprises. Mais le fait de se rendre plus
transparent à la population, peut-être que ça pourrait donner des opportunités,
justement, aux entreprises, au lieu de la culture du secret.
Mme de
Santis : Alors, c'est tout
pour moi. Merci beaucoup, M. Clapin. Est-ce que vous avez des questions?
Le Président (M. Marsan) : Oui. Mme
la députée de l'Acadie, la parole est à vous.
Mme St-Pierre : Bonjour, monsieur,
je vous remercie d'être ici, à cette commission parlementaire qui s'achève, mais qui a été fort intéressante et même
passionnante et qui nous a amenés sur des volets qu'on ne soupçonnait
pas. Vous venez de dire que, pour les entreprises, ça peut être avantageux pour
elles d'être plus transparentes, mais, en
même temps, ça peut être très dangereux, parce que, là, il y a une question de
secret, ça peut être dangereux aussi non pas uniquement au Québec, mais
aussi s'il y a des compétiteurs sur la scène internationale. Maintenant, avec l'Internet,
il n'y a plus de frontières. Comment une entreprise peut essayer de gérer ça,
le risque et l'avantage?
M. Clapin
(Louis) : Oui, exactement.
Mais le risque aussi, c'est que l'entreprise ne va peut-être pas avoir...
si elle a une bonne idée, une idée géniale,
peut-être qu'elle ne va pas en bénéficier tout de suite en faisant beaucoup de
profits, peut-être qu'elle va avoir un peu plus de compétition, mais je crois
que les compagnies ne vont pas être perdantes à tout casser. Peut-être qu'il va
y avoir des gens qui ont beaucoup, beaucoup de pouvoir, qui ont beaucoup,
beaucoup d'argent, ils ont peut-être moins
intérêt à devenir plus transparents, mais, au bout du compte, peut-être que ça
va avoir un effet d'un meilleur équilibre, là, au niveau des entreprises.
Mme St-Pierre :
Est-ce que vous considérez que cette transparence que vous souhaitez… et, pour
le citoyen, cette transparence devrait être à tous les niveaux? Je pense
évidemment au niveau gouvernemental, les paliers aussi de gouvernement,
municipal, provincial, national. Est-ce qu'on devrait également faire en sorte
que les syndicats soient aussi assujettis à une loi d'accès à l'information?
M. Clapin (Louis) : Oui.
Mme St-Pierre : Êtes-vous syndiqué,
vous?
M. Clapin (Louis) : Non, je ne suis
pas syndiqué.
Mme St-Pierre : O.K.
M. Clapin (Louis) : Je ne suis pas
syndiqué. Je l'ai déjà été.
Mme St-Pierre : Puis?
M. Clapin
(Louis) : Puis... Bien, je
crois que, oui, ça peut rendre plus responsables les personnes. Des fois,
les personnes vont trop se cacher derrière les syndicats, puis les compagnies
vont trop... ça va être une ambiance souvent lourde.
La compagnie dans laquelle j'étais syndiqué nous mettait dans une ambiance
quand même lourde, là, il y avait
toujours les chicanes entre les syndicats puis les entreprises. Je crois qu'en
étant plus transparents les employés pourraient moins se cacher en
arrière d'un syndicat puis devraient être plus responsables, devraient devenir
plus responsables.
Mme
St-Pierre : Mais, encore là,
il y a avantages, désavantages. Par exemple, dans le cas d'un conflit de
travail, le syndicat n'a pas intérêt à dévoiler toutes ses cartes parce que ça
peut être aussi néfaste pour les travailleurs.
M. Clapin (Louis) : Oui.
Mme
St-Pierre : En fait, c'est
cet équilibre-là qui va être difficile à trouver. Et moi, je me dis : Bien
oui, il faut... Aujourd'hui, on est
dans un monde moderne, on est en 2013, il faut vraiment regarder ces
questions-là de façon globale et il faut
faire en sorte qu'on puisse analyser tous les secteurs de la société. Je vous
remercie encore d'être ici, parmi nous. Je pense que mon collègue a une
question.
Le Président (M. Marsan) : Très
rapidement, il reste un peu... une minute.
M. Ouimet (Fabre) : En fait...
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marsan) : Un
commentaire?
M. Ouimet
(Fabre) : Un bref
commentaire. Merci, monsieur, d'être là. Vous savez, la démocratie, ça se
décline de différentes façons, et la participation des citoyens aux débats, aux
échanges à l'Assemblée nationale, c'est un geste important dans cette recherche de l'avancement de notre société, c'est
la démocratie en action. Et je tenais à joindre ma voix à mes collègues,
vous remercier d'être venu, d'avoir partagé vos réflexions, et on va en tenir
compte. Alors, merci.
Mme St-Pierre : Merci.
Le Président (M. Marsan) : Merci
bien, M. le député. Nous poursuivons, et je vais donner la parole à M. le
député de Lévis.
M.
Dubé : Merci beaucoup, M. le
Président. Et je voudrais dire à mon collègue ici que je partage son
commentaire tout à fait parce que, lorsqu'on a des gens qui viennent nous
donner la réalité du terrain, je pense qu'il faut profiter de ces occasions-là.
Alors, je vous remercie.
J'aimerais peut-être vous demander de nous
parler un petit peu de la démocratie, mais plus chez les jeunes parce que... Est-ce que vous sentez… Parce que
vous avez dit au début, vous avez parlé un peu de cynisme politique.
Dites-moi ça dans vos mots, de ce que vous
entendez, là, des gens qui viennent vers votre mouvement pour... En fin de
compte, ça doit être encourageant de voir
des jeunes s'y intéresser puis de voir ça comme une façon de contrer le cynisme
politique. Parlez-moi-z-en un petit peu, dans votre quotidien ou lorsque vous
avez vos rencontres, qu'est-ce que ça fait.
M. Clapin
(Louis) : Dans mon
quotidien, je sais que... Dans les personnes plus vieilles que moi, dans les
baby-boomers, il y avait beaucoup de chialage. L'expression «la dictature, c'est :
Ferme ta gueule, c'est moi qui mène, puis la démocratie, c'est : Gueule
tant que tu veux, c'est moi qui mène», bien je trouve qu'ici elle était
vraiment en application de la génération des baby-boomers.
De ma génération, j'ai
31 ans, on n'en parle pas, on n'en parle pas, de politique. Puis la génération
qui est après moi, puis ce que j'ai embarqué parce que justement ça venait
soulever des questions puis ça venait vraiment rentrer en jeu, même si ça a été quand même assez
lourd… Mais le printemps étudiant, le printemps érable, les jeunes se
sont mobilisés, se sont plus intéressés à la politique, puis, bon, bien, c'était
sur un point vraiment spécifique, les frais scolaires,
mais il y a eu quand même 200 000 personnes qui ont tapé dans des
casseroles puis qui ont dit : On a de quoi à dire. Donc, si on peut leur donner les outils avec
l'Internet, si on peut optimiser ça... Puis on voit qu'il y a des
émergences, je ne sais pas comment que ça va finir, mais, si on peut travailler
là-dessus, c'est...
M. Dubé :
...il me reste encore une petite minute. Pour pousser ça un petit peu plus
loin, parce que, tout à l'heure, il y a un de mes collègues ici qui a demandé
que vous donniez des exemples, vous avez parlé des ressources naturelles ou
vous avez parlé des données financières. Ça me semble, surtout les données
financières, peut-être des choses qui sont
moins intéressantes, là. Est-ce que vous avez des exemples peut-être plus
proches des jeunes, le genre de choses
auxquelles le gouvernement devrait réfléchir, qui susciteraient cet intérêt-là
par rapport à leurs centres d'intérêt justement, en dehors des
ressources naturelles puis des chiffres?
M. Clapin (Louis) : Oui, oui, oui, exactement. En politique, ce qu'on parle le plus, c'est
vraiment au niveau des universités,
donc la gérance des universités. Mais ça, il pourrait sûrement y avoir des
plateformes puis optimiser ça, ces plateformes-là, pour justement que la
gérance puisse être plus transparente puis qu'on puisse avancer dans ça.
M. Dubé :
Je vous remercie beaucoup. Merci encore une fois.
Le Président (M. Marsan) : Merci, M. le député. Merci, M. Louis Clapin, de
nous avoir donné votre point de vue.
Et j'inviterais maintenant les représentants du
Centre québécois du droit à l'environnement de venir prendre place.
Et nous allons
suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
16 h 28)
(Reprise à 16 h 30)
Le Président (M. Marsan) : …nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir
les représentants du Centre québécois du
droit de l'environnement. Et je vais demander à M. Baril, je crois, de
nous présenter... de vous présenter, de présenter les gens qui vous
accompagnent. Et vous avez par la suite une dizaine de minutes pour nous
présenter votre point de vue. La parole est à vous.
Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)
M. Baril
(Jean) : Oui, merci. Présentation. Mon nom est Jean Baril, je suis
avocat, administrateur du Centre québécois du droit de l'environnement. Je
viens de finir une thèse de doctorat en droit qui porte sur le sujet du droit à
l'accès à l'information environnementale au Québec. C'était mon fantasme le
plus cher qu'une fois la thèse soutenue il y ait une commission parlementaire
sur ce sujet-là; il se réalise.
J'en
profite pour remercier les parlementaires présents parce que, vous ne le savez
peut-être pas, mais l'Assemblée nationale m'a donné, pour cette thèse-là,
il y a deux semaines, la Médaille de l'Assemblée nationaleL'annonce du prix pour M. Baril...
http://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/communiques/CommuniquePresse-2403.html
, le prix Jean-Charles-Bonenfant
pour la meilleure thèse de doctorat, donc, en tant que parlementaires, vous
êtes impliqués dans ce processus-là. Ceci dit, en tout respect, j'échangerais n'importe
quand la Médaille de l'Assemblée nationale contre un projet de loi de l'Assemblée nationale portant sur le droit d'accès à l'information.
J'espère que ce qui a été annoncé en début va se réaliser dans les plus
brefs délais.
Je suis accompagné
par mon jeune confrère du Centre québécois du droit de l'environnement,
M. Alexandre Desjardins, qui est aussi
avocat, qui est détenteur d'une maîtrise en droit de l'environnement à l'Université
Laval à Québec.
Le
CQDE, très rapidement parce que le temps nous est compté, c'est un organisme
sans but lucratif qui existe depuis
1989, qui regroupe des juristes, des étudiants en droit, des professeurs, mais
aussi des gens intéressés par l'environnement qui ne sont pas des
juristes. C'est un organisme qui ne bénéficie d'aucun financement public.
Je
vous remercie d'avoir accepté de nous entendre, même si le rapport de la
Commission d'accès à l'information ne porte absolument pas sur la
question du droit de l'accès à l'information en matière d'environnement. D'ailleurs,
le mot «environnement», dans le rapport de la Commission d'accès, n'apparaît qu'à
«environnement technologique». Ça nous
déçoit, c'est sûr, parce qu'on est des juristes en droit de l'environnement,
mais aussi parce que ça nous semble écarter plusieurs événements
juridiques importants qui sont survenus depuis le dernier rapport de la mise en
oeuvre de la Loi sur l'accès, qui touchent le droit de l'environnement, mais
qui touchent aussi le droit de l'accès.
En
premier lieu, en 2006, le gouvernement, l'Assemblée nationale, a adopté la Loi
sur le développement durable, qui est
le nouveau mode de gestion de l'ensemble des organismes publics qui sont visés
par la Loi sur l'accès. Dans la Loi sur le développement durable, on a
reconnu le principe de transparence, d'accès au savoir, d'accès à l'information,
de participation du public. Mais il y a d'autres principes qui sont importants
parce qu'ils ne peuvent pas être mis en oeuvre si le citoyen n'est pas informé.
Je pense, entre autres, au principe de prévention qui est dans la loi. Comment
voulez-vous prévenir une situation si vous n'êtes pas au courant des risques
éventuels, des problèmes qui peuvent survenir, des mesures d'urgence qui sont
prévues, des plans d'urgence?
Comment voulez-vous
appuyer ou que la population puisse jauger la mise en oeuvre du principe de
pollueur-payeur par le gouvernement si on n'est
pas au courant du niveau de pollution? Parce que, le principe pollueur-payeur,
pour voir s'il s'applique correctement, il faut connaître le niveau de
pollution et il faut connaître le prix qui est payé en contrepartie. Il faut connaître, par exemple — un
exemple concret sur les mines — la
quantité de minerai extraite et le niveau de redevances qui est payé à l'État
pour avoir extrait cette ressource non renouvelable.
Le principe de capacité de support des
écosystèmes, qui est aussi dans la Loi sur le développement durable, comment le citoyen, la population, les groupes
environnementaux peuvent contribuer à la mise en oeuvre du principe de capacité de support des écosystèmes s'ils n'ont pas
accès à l'ensemble des informations détenues sur l'état des écosystèmes?
Donc, il y a plusieurs principes juridiques qui interpellent la question de l'accès
à l'information.
En 2006, on a
aussi, par la même occasion, mis dans la charte québécoise des droits et
libertés de la personne un droit
fondamental à un environnement sain et respectueux de la biodiversité. Donc, ça
veut dire qu'au Québec,théoriquement
du moins, on a deux droits fondamentaux qui appuient le droit d'accès à l'information
environnementale : l'article 44, le droit à l'information, qui est là
depuis 1975; l'article 46.1, le droit à un environnement sain.
L'article 53
de la charte dit qu'en cas de problème d'interprétation d'une disposition
législative, que ça soit une disposition
de la Loi sur l'accès ou une disposition de la Loi sur la qualité de l'environnement,
les dispositions doivent être interprétées
à partir des droits fondamentaux qui sont affirmés dans la charte, dont le
droit à l'information, en particulier s'il porte sur les informations
environnementales qui permettent de mettre en oeuvre le droit à un
environnement sain et respectueux.
En 2006, on a
aussi modifié la Loi sur l'accès de différentes façons. Ça faisait longtemps qu'elle
n'avait pas été modifiée. En 2006, on a introduit dans l'article 41.1
de la Loi sur l'accès une disposition qui était depuis 1978 dans la Loi sur la qualité de l'environnement, c'est la
disposition 118.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui donne
à toute personne le droit de demander — à l'époque, c'était seulement au ministère
de l'Environnement — les
renseignements concernant la présence de contaminants ou les contaminants émis,
dégagés dans l'environnement.
En 2006, on a — c'est
41 — on
a pris l'article 118.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement, on l'a
introduit dans la Loi sur l'accès, ce qui était une réforme intéressante, et,
depuis ce temps-là, cet article-là ne s'applique pas seulement au ministère de
l'Environnement, il s'applique à l'ensemble des organismes publics, donc tout
ministère, mais aussi les municipalités.
En 2009, il a
été aussi adoptée la loi sur l'eau — je
vais résumer le titre, là, la loi sur l'eau — qui fait d'un de ses quatre principes le principe de transparence et
qui dit textuellement, donne à toute personne le droit d'avoir accès aux
informations concernant les ressources en eau au Québec.
Donc, nous,
ce qu'on s'attendait dans un rapport de mise en oeuvre de la Loi sur l'accès, c'est
que ces événements-là devaient être minimalement traités, à
savoir : Est-ce que ces changements-là ont changé quelque chose à l'accès
à l'information, au Québec, pour les citoyens, pour les groupes
environnementaux, pour les groupes de citoyens? Malheureusement, on n'aura pas
de réponse dans le rapport quinquennal de cette année.
C'était aussi
important pour nous parce qu'il faudrait peut-être le rappeler, le droit de l'environnement,
au Québec, a joué un rôle précurseur sur la question de l'accès à l'information.
La première fois qu'on a donné à un citoyen québécois
le droit de demander à un organisme public de lui rendre des informations qu'il
demandait, c'est en 1978, par la Loi
sur la qualité de l'environnement, l'article 118.4, qui faisait en sorte… C'était
quatre ans avant l'adoption de la Loi sur l'accès québécoise. Il n'y avait pas de loi sur l'accès au Canada — qui
a été adoptée aussi 1982. C'était très novateur, en 1978, d'introduire
ces mécanismes-là.
Et, par la même occasion, on a créé aussi un
registre public. On parle beaucoup de gouvernement… «open government» et de distribution automatique de l'information.
En 1978, on a créé l'article 118.5, le registreenvironnemental, qui obligeait et qui oblige toujours le ministère à
rendre publics les demandes d'autorisation, les certificats d'autorisation. Et aujourd'hui, si vous allez voir
l'article 118.5, vous allez voir, il y a 17 rubriques, là. Au fil des
années, le législateur a cru bon rendre de plus en plus accessibles un certain
nombre de documents. Par contre, si vous allez sur le site 118.5, n'essayez pas de cliquer sur le site pour avoir accès aux
documents qui sont mentionnés, contrairement à ce qui existe en Ontario et en Colombie-Britannique.
Ça, ça n'a pas besoin de changement législatif et réglementaire. On ne
le fait pas. Ça avait d'ailleurs été dénoncé dans le dernier rapport du
Commissaire au développement durable. Ça, ça pourrait être fait sans changement
législatif, réglementaire.
Donc, un des
points qui nous apparaît important d'apporter à votre attention, c'est que, de
façon très paradoxale, la loi sur l'accès à l'information vient très
souvent contrecarrer, depuis son adoption, les mécanismes particuliers qui
avaient été adoptés en 1978 pour permettre l'accès à l'information
environnementale à des citoyens, l'article 118.4, l'article 118.5. Et là on n'aura
pas le temps d'embarquer dans les détails, mais le mémoire en fait... survole
ça aussi. La thèse a 500 pages, elle va être
éditée le mois prochain aux Éditions Yvon Blais. Il y a peut-être des gens
parmi vous qui auront le temps de lire ça dans vos temps libres.
Mais donc il
y a trois problèmes qui sont généraux, là, à l'application des lois, mais qui
sont… dans ce cas-ci, qui nous apparaissent importants. Il y a un
problème de texte de loi : le texte même de la loi sur l'accès à l'information,
particulièrement l'ensemble des restrictions. Parce que l'article 9, son
principe, il est très clair, là. Pour un citoyen normal, là, tout citoyen a
droit aux documents détenus par un organisme public. Tu ne fais pas une thèse
de doctorat, là-dessus, là, c'est clair et net.
Malheureusement, le texte des restrictions… Pour
donner un exemple rapide, la restriction, l'article 23 sur les renseignements à caractère industriel,
financier, technique, en 1982, quand ça a été adopté, il n'y a personne qui a
pensé qu'une information de nature environnementale qui est demandée par un
citoyen, ou un groupe de citoyens, ou un groupe environnemental… Une
information environnementale, c'est très souvent de caractère industriel,
financier, technique
ou scientifique; c'est rarement une information à caractère culturel, une
information de nature environnementale. En vertu du texte de l'article
23, il y a une quantité incroyable, il y a plus de 300 décisions de la
Commission d'accès à l'information qui sont étudiées là-dedans, où les citoyens
n'ont plus accès aux certificats d'autorisation, en vertu des restrictions de
la Loi sur l'accès, autant 118.5, autant 118.4.
Le texte des restrictions, qui vous concerne
particulièrement, les parlementaires — une minute — c'est
les restrictions… puis, entre autres, les articles 37 à 39 sur les avis, les
recommandations, c'est la même chose au niveau environnemental, on ne peut... Les citoyens… Il y a des grands débats
publics qui se passent à l'heure actuelle — gaz de schiste,
pétrole éventuellement, peu importe, stratégie énergétique — et
on ne peut pas avoir accès à l'expertise payée, financée par les citoyens au sein des ministères, qui est une expertise
compétente. Toutes les analyses, tous les avis qui sont préparés ne sont pas disponibles. Il y a seulement
les avis du BAPE, les analyses du BAPE qui sont disponibles parce que c'est prévu textuellement dans la Loi sur la
qualité de l'environnement. Parce que le même type d'analyse, de rapport
qui n'est pas fait par le BAPE mais qui est
fait par la Direction des services hydriques, par exemple, ne sera pas
communicable en vertu des restrictions de la Loi sur l'accès.
Donc, le développement durable, pour revenir
là-dessus et conclure, le développement durable, c'est aussi un changement parce que ce n'est pas seulement
connaître la décision une fois qu'elle est prise, c'est participer à la
prise de décision. C'est ça, le
développement durable, puis c'est écrit dans la loi, et au niveau international
aussi. Pour participer à la prise de décision, il faut connaître les
avis, les recommandations qui sont faits par la fonction publique.
• (16 h 40) •
Le
Président (M. Marsan) : Je
vous remercie. Et nous allons immédiatement débuter la période d'échange.
Et je vais donner la parole à M. le ministre responsable des Institutions
démocratiques.
M.
Drainville : Bien, d'abord,
félicitations pour votre prix Jean-Charles-Bonenfant. Vous avez remporté le
prix du ministère des Relations internationales également, je pense, n'est-ce
pas? Mes sources sont bonnes, hein? Elles ont toujours été pas mal bonnes, mes
sources. Je dis ça... manque un petit peu à l'humilité élémentaire, là.
Alors,
sérieusement, je vous félicite pour votre mémoire. Je dirais que c'est... C'est
un aspect qu'on n'a pas couvert jusqu'à maintenant, pour être bien franc
avec vous. Si je vous demandais de nous résumer en une minute les deux ou trois choses qu'on ne peut pas faire avec la Loi d'accès
présentement et qu'on pourrait faire si on appliquait les
recommandations que vous nous suggérez, les deux ou trois choses, là, qu'il
vous semble nécessaire de divulguer, les deux, trois choses auxquelles on
devrait avoir accès, auxquelles on n'a pas accès et on l'aurait, cet accès-là,
si on allait de l'avant avec les suggestions législatives que vous proposez.
M. Baril (Jean) : Juste spécifier
que les propositions, nos constats, ils concernent l'environnement, mais pas
seulement l'environnement. Par exemple, on parle beaucoup de transparence, le
niveau de corruption, commission Charbonneau.
C'est la même chose. Les avis, les recommandations d'un service d'urbanisme qui
étaient défavorables au fait qu'on
dézone un milieu humide pour permettre le développement d'un développement
domiciliaire, si la population y avait accès avant la décision du maire
de favoriser éventuellement ce développement-là, il pourrait y avoir des gens
qui posent la question : M. le maire,
pourquoi vous allez à l'encontre des recommandations de vos services
spécialisés? C'est vrai au niveau environnemental. Il y a des projets
qui sont mis de l'avant, et on sait particulièrement qu'il y a des différences, il y a différents services
spécialisés qui sont remplis de gens compétents avec des diplômes, des
biologistes, des... peu importe, et les citoyens ont besoin de cette
contre-expertise-là.
Je vais faire
le lien, entre autres, avec la question aussi des firmes de génie-conseil. Vous
savez tous, le BAPE, le Bureau d'audiences
publiques en environnement, sur les grands projets, l'étude d'impact, elle est
préparée par le promoteur. La loi le
prévoit ainsi, c'est correct. On se rend compte de plus en plus... Par exemple,
le projet la Romaine, 8,5 milliards de dollars, les études d'impact
du projet la Romaine pour les audiences du BAPE ont été faites par les firmes de génie-conseil, tout le temps les mêmes,
Genivar, Dessau, Cima+, Soprin, etc., les mêmes firmes de génie-conseil qui vont éventuellement, si le projet est
approuvé, construire. Où est l'expertise citoyenne, là, la façon de
développer une contre-expertise citoyenne
qui… La seule façon de l'avoir, c'est celle qui est développée à l'intérieur
des ministères pour les audiences,
mais qui n'est pas accessible et qu'en vertu de ce qui est écrit dans les
articles 37, 38, 39 ne sera rendue accessible qu'une fois la décision
prise.
Donc, tantôt, les différents intervenants… Parce
que j'ai suivi vos travaux sur Internet. Il y a plein de gens qui sont venus vous dire — orphelins de Duplessis, M. Roy, les
journalistes : Si on veut participer de façon intelligente puis développer une contre-expertise, il faut
avoir accès au maximum d'information. Je ne dis pas nécessairement que
tout est divulgué. Il y a toujours des restrictions qui vont devoir rester,
mais, à l'heure actuelle dans notre Loi sur l'accès, c'est les restrictions qui ont pris toute la place. Donc, on n'est pas
capable d'avoir les avis spécialisés, on n'est pas capable même d'avoir les autorisations, les conditions d'autorisation.
En 1978, on a donné un droit à tous les citoyens — l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de
l'environnement, qui était précurseur — de prendre une injonction
pour faire respecter les conditions d'autorisation des projets.
Donc, pour faire respecter les conditions d'autorisation
des projets, il faut que vous soyez au courant des conditions d'autorisation
des projets. Je dois vous dire que, dans la grande majorité des cas, à cause
des décisions de la Commission d'accès à l'information,
à cause comment sont libellés les articles 23, 24 sur les tiers, on n'a pas
accès aux conditions d'autorisation. Parce que si, dans le certificat d'autorisation
qui est délivré par le gouvernement ou le ministère — vous
en avez souvent vu, vous êtes des législateurs — on fait référence, on
dit...
Par exemple — un
exemple concret — sur
la rivière Magpie, sur la Côte-Nord, on disait : Le débit réservé,
qui est la quantité d'eau qui devait... que le promoteur doit laisser circuler
dans son barrage, c'est selon la lettre qui nous a été envoyée par le directeur général de la
compagnie X. Bon. Ça fait que, là, on a un certificat d'autorisation, on l'a,
la lettre de deux, trois pages, puis, même
si, à la fin du certificat d'autorisation, ça dit : Tous les documents
mentionnés font partie intégrante du certificat d'autorisation, on n'a
pas, en vertu de la décision, d'accès aux documents des tiers. Donc, il n'y a personne... Il y a eu des audiences du BAPE
sur ces projets-là, il y avait eu des engagements publics du promoteur,
il y avait eu des recommandations du BAPE dans son rapport sur... il y a eu un
décret d'autorisation publié à la Gazette officielle, puis encore
aujourd'hui Fondation Rivières ni personne ne peut savoir quel est le débit
réservé qui a été accordé, à cause de l'article 23, 24. Donc, c'est des exemples,
là.
M. Drainville : À cause de l'article
23, 24, parce que la divulgation pourrait...
M. Baril
(Jean) : Parce que ça dit
que c'est un document qui a été fourni par un tiers. Parce que c'est sûr que
la lettre du monsieur sur les débits réservés, c'est un document qui a été
fourni par un tiers, parce que, dans le domaine de l'environnement, le ministère de l'Environnement, ce n'est pas un
promoteur. La majorité des documents qui sont dans les mains du ministère de l'Environnement, ils
viennent de promoteurs, de gens qui, pour demander une autorisation, un
permis, une subvention quelconque, ils sont obligés de fournir des
renseignements.
Ces
renseignements-là, comme ils sont fournis par un tiers et que, le tiers — les
critères qui ont été établis à partir du
texte de 23, 24 — si
lui, il dit : Bien, moi, là, c'est traité confidentiel, j'ai mis le sceau
confidentiel là-dessus, puis, le soir, c'est
fermé dans une armoire à clé, c'est confidentiel, et le ministère de l'Environnement
n'a aucune latitude, là. Ce n'est pas comme
les autres restrictions que le ministère peut divulguer. 23, 24, c'est
restrictif : il n'a pas le droit de divulguer, il ne se pose même pas la question. Sur les gaz de schiste,
là, qui étaient un débat fondamental, on a fait une demande d'accès à l'information qui a duré presque trois ans avant
que les entreprises acceptent de divulguer la liste des produits
utilisés.
M. Drainville : Alors, quelle est la
solution que vous proposez à ça?
M. Baril
(Jean) : C'est de réécrire l'ensemble
des restrictions et de faire en sorte... Vous avez parlé, il y a 15
jours, de peut-être une déclaration de la première ministre. Moi, je pense que
ça prend une déclaration de l'Assemblée nationale, qui… un peu comme le
président Obama a fait. Son premier geste juridique quand il est rentré au
pouvoir, en 2009, ça a été un «executive order», en disant : La
présomption, c'est la divulgation; l'exception — parce qu'il va
toujours y en avoir — c'est
les restrictions à l'information. À l'heure actuelle, ce n'est pas ça qui se
passe.
Et, quand
tantôt, je parlais du texte de loi, bien il y a un problème d'application. Par
exemple, le registre public, là, le
registre public de 118.5, on peut régler ça demain matin. À l'exemple de d'autres
juridictions au Canada ou ailleurs, l'accès
au certificat d'autorisation, il se fait par un simple lien Internet. Je ferai
remarquer que le ministère del'Environnement
reçoit, en moyenne, 13 000 demandes d'accès à l'information par année. C'est
énorme, là, en termes de temps puis d'énergie
qui se gaspillent là-dedans, quand, si vous aviez... Vous cliquez dessus, le
certificat d'autorisation, vous l'avez.
Mais là vous voyez qu'il existe parce que c'est écrit «date d'émission», «date
de demande», «date d'émission», «nom du demandeur» puis «objet». C'est
tout ce que vous savez. Là, vous êtes obligé de faire une demande d'accès, avec
les délais, avec tout ce que ça signifie. Donc, ça, c'est un exemple de
gouvernement ouvert, de transparence puis qui favoriserait une participation
publique plus intelligente au débat.
M.
Drainville : Où est-ce que
vous tirez la ligne, vous, là, là? Est-ce que vous êtes en train de dire que,
dans... Enfin, c'est des tiers qui
fournissent l'information, qui ont préparé l'information, qui l'ont soumise,
cette information-là. Où est-ce que vous tirez la ligne, là, si... Parce
que c'est ce que vous proposez. Vous proposez un changement législatif. Vous remettez en cause la définition de «secret
industriel» notamment, puis la nature confidentielle aussi, là. Mais où
est-ce que vous tirez la ligne entre ce qui devrait être divulgué, dévoilé dans
une éventuelle nouvelle mouture de la Loi d'accès et ce qui pourrait rester
confidentiel? Vous avez réfléchi à ça, j'imagine.
M. Baril
(Jean) : Si on regarde, par
exemple, au Québec comme au Canada, il n'y a pas de définition de
«secret industriel» dans aucune loi. C'est des définitions qui se sont bâties
au fil des décisions des tribunaux. Il y a une convention internationale très
importante sur ces questions-là, qui s'appelle — elle a un grand nom,
là — convention
sur l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice
en matière d'environnement, qui a une définition de «secret industriel».
Le New Jersey
voisin, l'État du New Jersey, le secret industriel est respecté tant et aussi
longtemps qu'il est en usine. À
partir du moment qu'il sort dans l'environnement, il perd toute protection. Ça
oblige les promoteurs... Puis je ne pense pas que le New Jersey est
tombé en faillite. Le capitalisme continue là pareil. Mais ça oblige les
promoteurs à prendre les moyens, à mettre les filtres qu'il faut, à prendre des
moyens techniques, technologiques pour empêcher que leurs supposés secrets
industriels...
Parce que c'est une notion tellement vaste que
le dernier rapport du Commissaire à l'information au Canada dénonçait cette
question-là, que lui, dans toute sa carrière, il avait vu des milliers et des
milliers de documents puis il dit : Si j'ai vu une fois ou deux des
véritables secrets industriels, c'est beau. Mais il dit : Mes
fonctionnaires, d'un clignement d'oeil, acceptent la revendication de secret
industriel. Le secret industriel, c'est sûr que ça doit avoir un traitement particulier,
mais il faut le définir, et on ne peut pas accepter que tout soit du secret
industriel.
• (16 h 50) •
Juridiquement,
l'air et l'eau sont des choses communes dans notre système juridique, puis, en
2009, on a fait de l'eau un patrimoine commun de la nation. Comment ça
se fait que les informations sur l'eau, sur l'air pourraient être appropriées au nom du
secret industriel quand on a dit que c'est des choses communes qui nous
appartiennent à tous, qui appartiennent
au patrimoine commun de la nation? On ne dit pas : Il faut absolument
abolir tout, mais on dit : L'expérience de 30 années — parce
que depuis 1982 — sur
ces restrictions-là fait en sorte qu'au niveau environnemental, là, c'est
très clair, et on parlait de cynisme tantôt, les citoyens, les groupes de
citoyens, les groupes environnementaux ne croient plus à la Loi sur l'accès ni
à la Commission d'accès à l'information.
Le
Président (M. Marsan) : Je
vous remercie. Nous allons poursuivre cette période d'échange, et je vais
donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé. Madame.
Mme de
Santis : Merci beaucoup, M.
le Président. Félicitations pour les prix que votre thèse électorale a
bien reçus pour, je présume, la qualité. J'aimerais
savoir si c'est possible d'avoir copie de votre thèse ou il faut attendre que
vous allez la publier. Je vois que vous nous avez remis la table des matières,
mais ça, ça ne me dit pas beaucoup.
M. Baril
(Jean) : J'ai remis ça en
vous écoutant, il y a 15 jours, parce que vous avez eu un échange, par
exemple, sur les standards internationaux, puis, bon, dans notre mémoire, on n'a
pas parlé de ça. Et je me suis dit : Bon, je vais leur remettre, parce que la table des matières peut vous donner des
indications qu'il y a peut-être différents sujets que vous pensez qui
peuvent être traités là-dedans. Lire une thèse, je ne souhaite pas ça à tout le
monde. Mais, oui, elle va être publiée, mais
elle est déjà disponible sur le site de la bibliothèque de l'Université Laval.
Mais elle va être publiée, comme j'ai dit, aux Éditions Yvon Blais, là,
mais ça ne fera pas un best-seller.
Mme de Santis : Disponible sur le
site de l'Université Laval.
M. Baril (Jean) : Oui.
Mme de Santis : Merci beaucoup. Que pensez-vous du règlement sur
la divulgation automatique? Je présume que vous croyez que ça devrait
être bonifié. Et, si oui, comment?
M. Baril
(Jean) : Bon, je suis
content que vous me posiez cette question-là parce que c'est une des
principales recommandations du rapport de la commission pour améliorer l'accès
à l'information. J'ai fait une petite recherche parce qu'entre autres ce règlement-là, il contient toujours que les
ministères, les organismes publics doivent mettre à la disposition du
public, sans qu'on en fasse la demande, les demandes d'accès à l'information qu'ils
ont reçues et qui ont un caractère d'intérêt public.
Si vous allez
voir aujourd'hui sur le site du Bureau d'audiences publiques en environnement,
en vertu du règlement, il y a zéro document qui n'a jamais été publié
là-dessus. Si vous allez sur le site du ministère de l'Environnement,
Développement durable, Faune et Parcs — il change souvent de
nom — il
y en a quatre depuis 2008, il n'y en a pas eu en 2012. Si vous allez sur le
ministère des Ressources naturelles, il y a une demande d'accès à l'information
qui a été jugée d'avoir de l'intérêt public.
Donc, moi, qu'on
assujettisse quelque chose qui fonctionne, à mon avis, très peu… Parce que, que
lesorganigrammes des organismes
publics soient disponibles, c'est comme un minimum, là, en 2013. Mais que les
demandes d'accès qui leur sont envoyées, et
ils en reçoivent beaucoup, qu'ils en considèrent si peu d'intérêt public pour
les diffuser en vertu du règlement, ça montre qu'ils n'ont pas une
grosse vocation à divulguer l'information.
Et, un
exemple concret, nous, encore là, le CQDE, on a fait une demande d'accès à l'information
au ministère de l'Environnement sur les fameux produits chimiques
utilisés par l'industrie des gaz de schiste que les entreprises, au bout de deux ans et demi, ont divulgués. C'était
certainement une question d'intérêt public, ça l'est encore, on est dans
un processus d'évaluation environnementale stratégique sur les gaz de schiste,
et il va y avoir un Bureau d'audiences publiques
en environnement en 2014 là-dessus. Alors, n'essayez pas de trouver ça sur le
site du ministère de l'Environnement. Vous
devez venir sur le site du CQDE, qui, bénévolement, on a essayé de recoller
toutes les informations qu'on a reçues des entreprises au fur et à mesure quand normalement c'est très clairement,
à notre avis, une demande d'accès à l'information qui revêt un intérêt
public et qui devait, en vertu du règlement, être publiée.
Donc, l'élargissement,
assujettir plus d'organismes à ce règlement-là, on ne peut pas être contre,
mais ça aurait été bien, dans un
rapport de mise en oeuvre, qu'on fasse le bilan : Depuis 2008, est-ce que
ça a vraiment donné des résultats, ce règlement-là? Est-ce que les
changements — tantôt,
j'ai mentionné d'autres changements — est-ce qu'ils ont donné les
résultats avant de dire : On va l'élargir, la portée du règlement? À notre
avis, en tout cas, du point de vue environnemental, sur les ministères
concernés, ça n'a pas facilité l'accès à l'information.
Mme de
Santis : D'après vous,
est-ce c'est qu'il y a une réticence par le ministère de fournir ces
renseignements-là, même s'ils sont, dans certains cas, obligés de les
divulguer?
M. Baril
(Jean) : C'est clair. Ça, ce
n'est pas particulier au Québec, là. La tradition de secret dans lesadministrations publiques, dans le parlementarisme
britannique, entre autres, c'est quelque chose qui date de centaines d'années
et qui ne va pas se transformer du jour au lendemain. Le Québec, en 1982, quand
on a adopté notre Loi sur l'accès, on a fait
un grand pas en avant, on était parmi les précurseurs. En 1989, sur la planète,
il y avait 13 États qui avaient des
lois sur l'accès à l'information. C'est à partir de la chute des régimes
communistes, de la fin des dictatures d'Amérique du Sud qu'aujourd'hui
on a près d'une centaine d'États qui ont des lois sur l'accès. À l'époque, il y
a 30 ans, on était d'avant-garde.
On n'a pas bougé, on n'est plus d'avant-garde. Si on regarde les standards
internationaux, si on regarde ce qui
est mis de l'avant puis si on regarde l'expérience réelle, concrète des
citoyens dans différents domaines avec notre Loi sur l'accès, elle a
besoin d'une sérieuse réforme.
Mme de
Santis : Vous recommandez
que les avis, les recommandations et les analyses en matière d'environnement
soient rendus publics avant qu'une décision ne soit prise. Vous êtes les
premiers à suggérer une telle approche. Tous ceux
qui demandent que la restriction sur la divulgation des avis et des
recommandations soit modifiée plaident pour que le libellé actuel de l'article
qui permet de refuser de le divulguer pendant un délai de 10 ans soit changé
pour que les avis, les recommandations
soient divulgués en réponse à une demande d'accès après qu'une décision a été
rendue. Vous, vous demandez que cette
divulgation soit faite avant que la décision se prenne. Est-ce qu'il y a une
juridiction ailleurs, au Canada ou dans le monde, où c'est le cas? Et...
Une voix : Oui.
Mme de Santis : O.K. Et est-ce qu'il
y a des lois d'accès qui ont des dispositions qui vont dans ce sens-là?
M. Baril (Jean) : Certainement. De
plus en plus. Par exemple, en vertu de la convention que j'ai mentionnée tantôt sur… ce qu'on appelle, pour résumer, la
convention d'Aarhus, là, la ville où est-ce que ça a été signé, la
convention sur l'accès à l'information qui a
été ratifiée par l'Union européenne, il y a plus d'une trentaine de pays
européens qui… Et là les détails… parce que chaque pays ajuste un peu,
fignole, là. Mais les avis, les recommandations sur des sujets précis doivent être divulgués avant la décision parce
que — le
développement durable, dans Rio, 1992 — c'est que les citoyens doivent participer, au même titre que les décideurs, que les
entreprises, que les milieux sociaux, que les milieux économiques, à la
prise décision. Comment voulez-vous participer si l'expertise… Parce que n'importe
quel citoyen ordinaire... j'en suis un
aussi, là, il y a plein de débats que je vois, je ne connais rien dans ces
domaines-là, mais je sais pertinemment
qu'au sein des ministères il y a des gens qui connaissent très bien ça et qui
font des avis documentés. Je voudrais
les avoir pour vérifier si ce qui m'est dit par l'avis documenté du promoteur — parce
que c'est la seule autre source — est-ce
que ça se tient, est-ce que c'est véridique et que je puisse faire un débat public
avec l'ensemble des faits.
Donc, oui, au niveau environnemental, ça saute
aux yeux qu'il faut absolument avoir ça. À mon avis, ce n'est pas juste au niveau environnemental, comme je
disais tantôt, même au niveau de la transparence, les avis internes dans
les municipalités, ça devrait être connu, et puis ça allumerait peut-être des
petits signaux «wake-up call» sur ce qui est en train de se passer.
Mme de Santis : Combien de temps il
reste?
Le Président (M. Marsan) : 5
minutes.
Mme de Santis : O.K. Alors...
Le Président (M. Marsan) : Mme la
députée de l'Acadie.
Mme de Santis : Merci.
Mme
St-Pierre : Merci et bravo.
Moi aussi, je joins ma voix à mes collègues pour vous féliciter pour vos
prix. On pourrait vous entendre, je pense, pendant plusieurs heures, ça serait
fort intéressant. Je me demande, avec tout ce que vous nous dites, je vous
écoute, là, depuis tout à l'heure, un peu bouche bée, mais je me dis : Les
groupes de pression, là, ils prennent où leur information pour être contre…
M. Baril (Jean) : Malheureusement...
Mme St-Pierre : …d'à peu près tout,
là?
M. Baril (Jean) : Malheureusement...
Mme St-Pierre : Ils se basent sur
des choses qui sont...
M. Baril (Jean) : Malheureusement,
et je suis obligé de l'admettre...
Mme St-Pierre : …erronées, qui n'existent
pas?
M. Baril (Jean) : …ça fait partie des lacunes. Et ça, collectivement, on en souffre tous,
là. Moi, je me considère comme un écologiste, comme un environnementaliste,
mais je vois des débats qui... Il y a des discours… Je reprends l'exemple des
gaz de schiste. On a des discours des deux bords. On avait un discours lunettes
roses : Les produits qui sont utilisés,
vous les avez en dessous de votre évier — je
ne nommerai pas de nom — ce
n'est pas pire qu'un pet de vache. Les renseignements qu'on a obtenus,
ils ne montrent pas ça du tout. Si ça avait été connu au moment où on l'a fait,
là, en octobre 2010,
avant les audiences du BAPE… Parce qu'on a fait notre demande pour que ces
renseignements-là soient justement débattus intelligemment. Mais on
avait leur contrepartie : les discours de fin du monde. À soir, on fait
peur au monde. Bon.
Et
donc comment on peut remédier à ça? À mon avis, c'est en rendant public et en
étant de plus en plus transparent, parce
que, comme j'ai dit… Et moi, je travaille sur l'évaluation environnementale
stratégique des gaz de schiste. Ce matin, j'étais au ministère de l'Environnement
pour déposer un autre rapport, là, sur les recommandations législatives, sur l'encadrement de cette industrie-là. Et, dans les
recommandations… Et c'est ce qui se fait ailleurs sur ces questions-là, parce que les débats sont les mêmes partout, là,
on n'inventera rien, là. Les gaz de schiste, par exemple, c'est les
mêmes débats. Ils sont vrais en Colombie-Britannique, ils sont vrais en
Pennsylvanie, mais la quantité d'information qui est disponible, elle varie
énormément. Donc, nous, on peut améliorer ça.
• (17 heures) •
Mme St-Pierre : Le président Obama s'est quand même fait réélire là-dessus, là, sur les
avantages... Une partie de sa
réélection, c'est sur les avantages du développement du gaz de schiste. Mais,
moi, c'est vraiment…je suis vraiment
étonnée et même inquiète, un peu comme ce que vous venez de le dire : À
soir, on fait peur au monde. Alors, ça veut dire que les groupes de
pression, les gens, là, qui s'investissent là-dedans se basent sur de l'information...
ils n'ont pas d'information, ils imaginent l'information, ou ils finissent par
en avoir?
M. Baril
(Jean) : Bien, je veux dire...
Mme St-Pierre : Comment on peut leur donner, à la télévision, des heures, et des
heures, et des heures d'antenne, si ce
que vous nous dites... Enfin, vous avez écrit une thèse de 500 pages pour dire
qu'il n'y a rien d'accessible. Expliquez-moi ça, là.
M. Baril (Jean) : Bien, il n'y a rien d'accessible en vertu de notre Loi sur l'accès,
mais il y a des problématiques environnementales
qu'il y a plein d'information qui circule ailleurs. Avec Internet aujourd'hui,
puis ça, on n'y pourra pas, personne, là… c'est facile, tu mets des mots
clés puis tu peux aller voir les études. Par exemple, l'évaluation
environnementale stratégique de New York porte sur exactement les mêmes
problématiques que nous autres. Il y a eu
des études scientifiques beaucoup plus développées que les nôtres. Et, à partir
de ça, il y a des gens qui peuvent se faire une opinion en disant : Ce n'est pas bon… puis, je veux dire, tu
peux partir. Ce n'est pas parce que notre Loi sur l'accès ne fonctionne pas, surtout avec Internet, que les
gens ne peuvent pas être informés et que les gens ne peuvent pas prendre
des positions qui, si elles ne font pas notre affaire, peuvent être informés.
Mais l'information qu'ils ont, elle ne vient sûrement pas en vertu des
mécanismes d'accès à l'information québécois.
Mme
St-Pierre : Ce que vous nous dites, c'est que l'information n'est pas
complète, elle est parcellaire.
J'aurais une autre question — c'est ma dernière, peut-être que mon
collègue va avoir des questions : Si, dans le domaine de l'environnement et du développement
durable, on retrouve ces lacunes-là d'accès à l'information, il y a
quand même... il y a certainement d'autres secteurs. Je comprends que votre
spécialité, c'est l'environnement. Mais est-ce qu'il y a d'autres secteurs où c'est la même chose, que c'est toujours
un blocage à cause du caractère industriel? Je pense à l'agriculture,
par exemple, ça peut être aussi un autre secteur, le secteur minier, qui ne
sont pas nécessairement des choses environnementales mais qui sont sur d'autres
sujets, d'autres affaires, d'autres...
M. Baril (Jean) : Bien, effectivement, parce que c'est pour ça que, bon, c'est sûr qu'on
parle… comme exemples concrets, on
amène des exemples concrets vécus dans la question de l'environnement, mais,
quand on lit les décisions de la Commission d'accès à l'information sur
les ressources naturelles, que ce soit la forêt, que ce soit l'agriculture, que
ça soit sur les questions municipales, c'est
les mêmes restrictions qui s'appliquent, là. C'est soit, si c'est un document
qui vient d'un tiers, on dit non parce que,
si le tiers dit non, c'est un veto, peu importe, là, qu'on peut être en
désaccord ou en accord; et, si c'est une recommandation, peu importe d'où
elle vient, là c'est à la discrétion de l'administration. Si vous êtes, donc... Si c'est une information qui
vous est favorable à vos idées politiques, vous dites oui, puis, si ce n'est
pas favorable, bien vous êtes tenté de dire non. C'est un des problèmes de la
discrétion...
Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie. Ceci termine la période d'échange
avec l'opposition officielle. Le deuxième groupe d'opposition, et je
vais donner la parole à M. le député de Lévis.
M. Dubé :
Bien, écoutez, je me rallie non seulement à mes collègues, mais je vous
félicite pour ce que vous avez eu. J'espère
que vous n'aurez pas à sacrifier votre médaille pour un projet de loi. Je pense
que vous aurez tout le mérite de garder votre médaille puis d'avoir un
projet de loi. Je vous dis ça, là. Vous l'avez dit tout à l'heure, mais on ne
vous en tiendra pas rigueur si vous gardez votre médaille.
J'aimerais
rapidement vous demander... Vous avez parlé un petit peu tout à l'heure de l'Europe,
puis là je vous ai perdu. C'est parce
que c'est assez impressionnant, ce que vous avez dit. Mais je ne suis pas
certain que j'ai tout retenu exactement chaque mot. Si je vous demandais
s'il y a un pays ou une région qui a l'ensemble de ces meilleures pratiques là dans sa loi — vous
avez parlé tout à l'heure de ce qui se faisait en Europe — si
j'avais à vous le demander, rapidement, là, ce serait quoi, votre
modèle?
M. Baril (Jean) : Il n'y en aurait
pas. Il n'y a pas une place… Ce n'est pas tout blanc, tout noir, puis il y a un
beau pays où tout va bien puis un autre pays où tout va... Mais il y a…
M. Dubé :
...sur une échelle de 10, là.
M. Baril
(Jean) : Sur différents
points, il y a des pays qui sont plus à l'avant-garde puis, par contre, sur
d'autres, ils vont l'être moins.
M. Dubé : Dans les pays scandinaves
ou dans...
M. Baril (Jean) : Les pays
scandinaves faisaient partie de la première vague d'accès à l'information
environnementale, mais, comme beaucoup de pays occidentaux, se sont un peu
assis sur leurs lauriers. C'est un peu paradoxal,
mais les endroits où on a favorisé, dans les lois les plus récentes, le maximum
d'information, c'est les endroits où on avait souffert de la dictature,
les pays de l'Est et les pays latino-américains.
M.
Dubé : Tout à l'heure, vous
avez... moi, en tout cas, vous m'avez surpris. Puis je fais le lien avec une
autre présentation qu'on a eue d'un
journaliste qui nous avait parlé de certains problèmes à avoir de l'information
au niveau municipal. Le commentaire
que vous faites, est-ce qu'il s'applique autant au municipal qu'au provincial,
ou il y aurait des...
M. Baril (Jean) : Il s'applique
autant au niveau municipal, sinon plus, parce que, les municipalités étant
petites, souvent, tu connais le demandeur d'accès, puis il y a déjà une espèce
de...
M. Dubé : C'est parce que vous avez
dit tout à l'heure que vous aviez...
M. Baril
(Jean) : ...de tamisage de
réponses qui peut se faire, tamisage qui existe au niveau fédéral. Le
rapport du juge Gomery l'avait bien
mentionné, là, dépendant qui fait la demande, il y avait déjà des logiciels…
Ça, quand c'est gros, tu peux le faire par logiciel, puis, quand c'est
petit, c'est assez facile de le faire parce que tu sais qui est en train de te
faire la demande puis tu as une idée de ce que peut-être il ferait avec ce
résultat-là.
M.
Dubé : Puis dernière
sous-question — parce
que j'en aurais plusieurs autres. Le développement durable, il y a un volet social, il y a un volet environnement
puis il y a un volet économique. Les études dont vous parlez, est-ce que
vous demandez que ce soit également disponible sur les trois aspects, incluant
l'économique? Parce que, là, j'essaie de
voir comment des fois, lorsqu'on rentre dans l'économique, comment c'est un
petit peu plus stratégique. Parce que je vois que vous avez écouté d'autres
commissions, d'autres mémoires qu'on a entendus, je voudrais vous entendre sur
l'aspect économique des études.
M. Baril
(Jean) : Bien, très
rapidement. À Québec, il y a 15 jours, il y avait M. Joseph Stiglitz, qui est
l'ancien président de la Banque mondiale,
qui a écrit beaucoup sur la question du «open access» au niveau économique.
Parce que, lui, ce qu'il dit, c'est «levelling the playing field», c'est
que tout le monde, toutes les entreprises devraient avoir le même accès à l'information. Et là c'est les
meilleurs, dans la théorie libérale, c'est les meilleurs qui vont survivre.
Et donc, lui, il défend l'idée que toutes
les exemptions commerciales qu'on retrouve très fréquemment dans les
premières législations de droit sur l'accès devraient être écartées aujourd'hui.
Il va en rester quelques-unes. Si vous avez une définition du secret industriel, le brevet va rester, il y a plein de
choses qui vont rester, mais l'idée générale, défendue même par les gens
des secteurs économiques, Banque mondiale, OCDE, c'est de libéraliser l'accès
aux informations.
M.
Dubé : Donc, le principe que
vous confirmez… en tout cas, que vous avez référé tout à l'heure, que l'essentiel
devrait être disponible puis l'exception devait être la… Je dirais, la
confidentialité devrait être l'exception, vous dites que ça s'applique aussi au
niveau économique, si je vous comprends.
M. Baril (Jean) : Oui. Vous aviez
dit, vous aviez tout à fait raison, il y a 15 jours, que c'est l'interprétation
large et libérale des droits qui sont... le droit, à l'article 9, qui devrait
être la règle, et que c'est une interprétation restrictive des exceptions, là,
ça ne devrait pas... Tandis qu'aujourd'hui dans ma tête, je dis, à un moment
donné, qu'on devrait changer le nom de la loi pour la loi sur comment empêcher
l'accès à l'information et la protection des renseignements commerciaux.
M.
Dubé : Mais, s'il me reste à
peu près 50 secondes, rapidement, je voudrais vous entendre sur ce modèle-là
que vous avez dit tout à l'heure. Est-ce que vous pensez qu'étant donné l'ouverture
qu'on sent du gouvernement en ce moment, de
dire : O.K., on avait un problème d'accès à l'information, mais la
gouvernance de l'information... Est-ce que vous en traitez? Je regardais
votre thèse : là-dedans, vous en parlez un peu, de la gouvernance de l'information
sur l'environnement.
M. Baril
(Jean) : Qu'est-ce que vous
appelez de la... Parce qu'il y a des débats sur le terme «gouvernance»,
là. Mais qu'est-ce que vous appelez par...
M.
Dubé : Oui. Bien, je
voudrais vous entendre... Parce qu'on a dit que c'était peut-être un principe
de base, là, ce qu'on vient de dire.
Est-ce que vous voyez ça comme... ou on devrait continuer d'aller essayer de
faire nos améliorations dans l'accès
à l'information ou de prendre ça à part puis de traiter la gouvernance, de
façon générale, de l'information?
Le Président (M.
Marsan) : Vous avez le mot de la fin, Me Baril. C'est parce que...
M. Baril
(Jean) : Oui. Bien, moi, je
pense que, oui, l'accès à l'information fait partie de ça et qu'il faut
changer, libéraliser la loi, là, mais ce n'est
pas seulement par la Loi sur l'accès que ça va se passer, mais les
modifications à la Loi sur l'accès font partie de ce mouvement de
transparence là.
Le Président (M. Marsan) : Alors, Me
Baril, à mon tour de vous féliciter pour ce prix d'excellence, de vous
remercier également, vous et Me Desjardins, de nous avoir présenté le point de
vue du Centre québécois du droit de l'environnement.
J'inviterais
maintenant les représentants de l'Association sur l'accès et la protection de l'information
à venir se présenter à notre table.
Et je vais suspendre pour
quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 8)
(Reprise à 17 h 10)
Le
Président (M. Marsan) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les
représentants de l'Association sur l'accès et la protection de l'information.
Et je vais d'abord donner la parole à M. Alexandre Chabot et vous demander de vous présenter et de présenter
la personne qui vous accompagne. Et vous avez une dizaine de minutes
pour nous faire la présentation de votre point de vue sur le sujet.
Association sur l'accès
et la
protection de l'information (AAPI)
M. Chabot
(Alexandre) : À tout
seigneur, tout honneur. Vous me permettrez de passer la parole à Mme
Hélène David, c'est la présidente de notre association.
Le Président (M. Marsan) :
Parfait.
Mme David
(Hélène) : Alors, bonjour.
Merci de nous recevoir. Alors, je suis la présidente de l'Association
pour l'accès et la protection de l'information,
l'AAPI, mieux connue sous le sigle AAPI. Je suis avocate de formation, je
suis conseillère d'affaires juridiques et
responsable de l'accès et de la protection de l'information pour mon organisme, la
Société québécoise d'information juridique, plus connue sous le nom de SOQUIJ.
J'ai avec moi M. Alexandre Chabot, qui est…
Chabot — excuse,
Alexandre — vice-président
de l'association, de l'AAPI, et secrétaire général de l'Université de Montréal...
de l'Université de Montréal. Voilà.
Alors, l'AAPI, c'est un organisme à but lucratif
qui a été fondé en 1991, qui a pour mission de favoriser le développement et la
compétence en accès à l'information et en protection de renseignements personnels.
Nous avons environ 500 membres, soit à titre
de membres individuels ou comme employés de nos membres corporatifs. Les
membres sont principalement des intervenants en accès à l'information et en
protection des renseignements personnels, des juristes, des gestionnaires et
des archivistes. Nos membres proviennent de différents milieux, milieu
municipal, de l'éducation, secteur de la santé et services sociaux, du secteur
privé, mais surtout du secteur gouvernemental.
Je vais laisser mon confrère Alexandre vous
présenter les grandes lignes de notre mémoire.
M. Chabot
(Alexandre) : Très
rapidement. Je ne couvrirai pas tous les aspects, compte tenu
du peu de temps qu'on a. Et, vous me
permettrez, pour avoir suivi vos travaux, je sais que vous avez entendu beaucoup
parler d'accès et de gouvernement
ouvert et je voudrais peut-être insister davantage sur le volet protection des
renseignements personnels parce que c'est un défi très important à l'ère
du numérique et de l'infonuagique et des nouvelles technologies.
D'abord, cependant, je voudrais mentionner — on le
mentionne dans le mémoire — le
rôle... rappeler le rôle des responsables d'accès et de protection des
renseignements personnels dans les organismes et dans les ministères. Peu importent les choix que vous ferez comme
législateurs, ça appellera un changement de culture dans nos
organisations, et nous croyons que les responsables d'accès et de
protection — parce
que souvent on a tendance à leur accoler juste l'étiquette «d'accès» parce que c'est ce qui est le plus visible, mais
nous sommes aussi responsables de la protection des renseignements personnels — c'est beaucoup plus que des gens justement
qui répondent aux questions... aux demandes des journalistes ou aux
demandes d'accès, et ça peut être des acteurs de changement. Et, peu importent
les choix qui seront faits par le législateur, nous croyons que ces personnes
peuvent jouer un rôle clé dans la mise en oeuvre des virages que nous avons à
prendre tant au niveau de l'accès que de la protection des renseignements
personnels.
Protection des renseignements personnels.
Évidemment, je le mentionnais tout à l'heure, dans l'enjeu du numérique, de l'infonuagique,
des logiciels qui gèrent les données de façon intégrée, c'est un défi criant,
défi dont on parle peu mais qui va bien
au-delà du simple vol d'identité, qui est peut-être le volet le plus visible,
et défi qui n'est pas sans menace. Certains intervenants parlaient — je
fais le parallèle avec le gouvernement ouvert — de risques pour la démocratie. Bien, au niveau de la
protection des renseignements, pour le citoyen il y a des défis. Et je pense
que, comme État, comme société, on doit se poser ces questions-là.
Je vous donne simplement l'exemple
qui a été publié récemment au niveau de profilage. Les chercheurs de l'Université de Cambridge, juste avec les données Facebook — où,
vous savez, dans Facebook, on peut cliquer «j'aime» ci, ça, ça — ils
ont réussi à faire des profilages des individus en fonction des réponses
données, et des profilages fiables à 80 %,
85 %, 90 %, où, selon les réponses fournies, ils étaient capables de
déterminer le sexe, l'orientation sexuelle, le niveau de revenu, l'origine ethnique, et tout ça. Et donc tout ça pour
dire qu'au-delà du renseignement personnel la donnée comme telle est
aussi source de certains pièges pour nos citoyens et qu'il faut s'en
préoccuper.
Ça appelle
aussi un défi au niveau de la formation, de l'éducation d'abord, de l'éducation
des jeunes notamment, parce qu'au
niveau des médias sociaux… je parlais de Facebook tout à l'heure, mais
aussi un défi dans nos organisations, défi de formation. Et
malheureusement il y a peu de fonds, il y a peu de ressources pour ces
formations-là, pour la formation des gens
tant au niveau scolaire que dans les organisations comme telles, et là aussi on
pourra y revenir avec vos questions, mais il y aurait beaucoup à faire.
La protection des renseignements personnels à l'ère
du numérique appelle également, évidemment, certaines normes, certaines réglementations au niveau des logiciels et des outils.
Et, comme on parle d'un environnement numérique qui est de plus en plus ouvert, nous croyons que le gouvernement du
Québec ne peut pas faire cavalier seul et qu'il y aura nécessité
inévitablement que certaines normes soient faites en concertation avec d'autres
législations, que ce soient d'autres provinces, d'autres États américains, de
sorte que les fournisseurs de logiciels, les fournisseurs de solutions numériques puissent arriver avec des produits qui
seront, entre guillemets, standardisés. Parce que, malheureusement, la taille du marché québécois n'est pas suffisamment
intéressante pour eux et nous craignons que, si le Québec cherche à être trop, trop spécifique sur certaines mesures
de sécurité, par exemple, bien il y a un coût supplémentaire à l'adaptation
des plateformes logicielles qui sont développées par les grands fournisseurs
informatiques.
Je reviendrais également sur le rôle des
responsables d'accès dans l'entreprise privée. La CAI, et nous souscrivons tout à fait à ces recommandations-là,
dans sa série de recommandations suggère que l'entreprise privée... qu'on
permette au privé de désigner des responsables d'accès. Bien, avec justement
tout ce défi de la protection des renseignements personnels à l'ère du
numérique et d'essayer de protéger l'identité, bien on croit qu'effectivement
la désignation de responsables dans le secteur privé est un élément intéressant
et pourrait contribuer aussi à développer des communautés de bonnes pratiques,
parce qu'au-delà de la législation les technologies évoluent tellement vite. Et
c'est un peu aussi ce que fait l'AAPI, c'est-à-dire
de permettre aux responsables, chacun dans leur milieu, de mettre en
commun des communautés de bonnes pratiques et de développer à cet égard des
pratiques innovantes tant dans le secteur privé que dans le secteur public.
Autre
élément — j'y vais
très, très rapidement — soulevé dans le rapport et sur lequel on voulait revenirrelativement — toujours en lien avec la protection des
renseignements — aux
divulgations des failles de sécurité. Comme certains groupes qui ont
comparu devant vous... Évidemment, on souscrit tous au fait qu'il faut gérer
les failles de sécurité, il faut agir
rapidement. Le cas échéant, il faut les divulguer aux citoyens lorsque les
risques de vol d'identité ou les risques d'atteinte à l'intégrité sont
importants.
Cela dit, on n'est pas
nécessairement convaincus de la pertinence que la CAI joue un rôle de premier
plan dans ces questions-là, compte tenu
notamment que ces questions-là doivent être traitées avec diligence. Est-ce que
d'ajouter une strate supplémentaire, une intervention de la CAI qui viendrait
guider l'organisation dans la recherche d'une solution… On pense que c'est
juste un ajout de délai et que l'établissement de bonnes pratiques par les
différents intervenants va permettre une forme d'autoréglementation, là, des
milieux à cet égard.
Je m'en
voudrais de ne pas souligner quand même, même si on a dit qu'on parlerait
beaucoup de protection des renseignements
personnels, un mot sur le gouvernement ouvert parce qu'évidemment nous sommes
favorables. Il faut mettre des
balises. Vous me permettrez, très rapidement, de faire une allégorie : On
est pour la transparence, mais pas pour la nudité. Il y a une nuance, et
on pense qu'à cet égard il y a quand même des balises qui doivent être établies
par le législateur. On pourra peut-être
revenir, compte tenu que le temps nous manque, sur notamment le droit à
l'anonymat dans le contexte d'un gouvernement ouvert. Je ne sais pas si tu veux
dire deux mots là-dessus?
• (17 h 20) •
Mme David
(Hélène) : En fait, à
SOQUIJ, on diffuse les décisions, toutes les décisions des tribunaux
judiciaires et administratifs des organismes juridictionnels, et, on voit… c'est
très ouvert, c'est public, alors c'est de l'information, toutes les décisions sont diffusées sur Internet.
Et moi, je reçois des appels de citoyens en panique parce que, oui, il y
a des balises sur certains... En famille,
nous, on appelle ça du «caviardage», parce qu'on enlève plus que les noms, on
enlève tout ce qui peut identifier une
personne. Ce n'est pas juste son nom qui permet de l'identifier, parce que,
même dans la loi, on dit que le nom
tout seul, ce n'est pas un renseignement personnel, mais souvent il y a des
informations beaucoup plus larges qui
nous permettent d'identifier une personne. Donc, nous, on fait du caviardage
dans les jugements. Et même parfois, quand c'est des jugements qui sont
caviardés, je reçois des appels, souvent de demandeurs d'accès, pour qu'on...
Le Président (M. Marsan) : ...
Mme David (Hélène) : Pardon?
Le Président (M. Marsan) : En
terminant.
Mme David
(Hélène) : C'est ça. Alors,
je pense que le droit... unanimement, ce qu'on disait, c'est que, pour
les jugements en droit criminel, les gens ont droit au pardon, alors ils ont le
droit, un jour, que leur décision soit retirée, mais, en droit civil, c'est là
pour toujours. Alors, le droit à l'anonymat, les gens ne l'ont pas. Alors, c'est
important, quand on pense à un gouvernement ouvert, que
ça soit vraiment caviardé, qu'il n'y ait rien qui permette d'identifier quelqu'un,
puis d'avoir un souci très important à ce niveau-là, parce que les gens… comme
on dit, pas dans ma cour.
Le Président (M. Marsan) : Merci
pour votre présentation. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange.
Je vais donner la parole à M. le ministre des Institutions démocratiques.
M.
Drainville : Bonjour, merci
d'être là. Est-ce que vous diriez que, de façon générale, les responsables
d'accès ont toute la liberté pour faire respecter la Loi d'accès?
M. Chabot
(Alexandre) : C'est une très bonne question. Je parlais de culture d'organisation tout à l'heure et, je vous
dirais, même, je pense, d'un ministère ou d'une organisation à l'autre, ça peut
varier. Ça dépend du… Comment dire?
Ça dépend du responsable. C'est-à-dire que la liberté, on l'a si on exerce
vraiment notre rôle, qui est vraiment un rôle de faire appliquer la loi. Donc, je ne pense pas que, dans la loi…
Les textes sont clairs sur le rôle du responsable et sur notre capacité
d'aller à l'interne chercher de l'information, de poser un jugement sur cette
information-là et après ça de juger qu'est-ce qui doit être divulgué ou pas, en
prenant pour acquis que la prémisse de base est : par défaut, on divulgue — sauf
les cas d'exception que vous connaissez. Cela dit, il est vrai que, dans
certaines organisations, peut-être que certains responsables sont moins
à l'aise de jouer ce rôle-là, moins confortables, surtout sur des dossiers
sensibles. C'est possible.
M. Drainville : Si j'étais
journaliste, je vous dirais : Ça, c'est une réponse de politicien. Madame,
est-ce que vous pouvez préciser la réponse?
Mme David
(Hélène) : ...moi, je suis
responsable pour mon organisme, et c'est sûr que je relève de mon
directeur général, je relève d'un conseil d'administration
également. Je pense que c'est la volonté de la personne qui est au-dessus
du responsable qui fait que le responsable
va être à même de remplir bien son rôle. Alors, la loi est claire, on a une
responsabilité, on doit appliquer
certaines dispositions, mais je pense que parfois, si le responsable... Comme,
moi, c'est une délégation que j'ai
eue. Alors, normalement, c'était mon directeur général qui aurait dû être
responsable en titre, il m'a délégué sa tâche. Comme dans plusieurs organismes et ministères, c'est la volonté qui est
au-dessus de nous, qui fait qu'on peut... Moi, je peux parler pour mon
organisme. Et l'accès est la priorité, chez nous. Alors, on donne accès, c'est
très rare qu'on ne donne pas accès.
M. Drainville : Alors,
sentez-vous... D'abord, je comprends très bien votre réponse. Je savais
très bien dans quelle position je vous
plaçais, d'ailleurs, en vous posant la question. Est-ce que vous sentez
justement, chez les cadres supérieurs, chez les dirigeants, de façon
générale, les dirigeants des ministères, pour ne pas dire les responsables au sens très large, y compris les responsables
politiques, est-ce que vous sentez qu'on est mûrs pour un changement de
culture dans la façon de gérer l'information,
pour justement passer à une autre étape qui favoriserait davantage, qui
privilégierait davantage l'accès à l'information, sans pour autant — puis
ça, c'est une des leçons, je pense, qu'on va tous retenir de nos journées d'audience — sans
pour autant compromettre la protection des renseignements personnels? Est-ce
que vous pensez qu'on est mûrs pour passer à une autre étape?
M. Chabot (Alexandre) : Ça ne sera
pas facile. Ça ne sera pas facile. Il y a un changement de culture... Je vous
dirais, comme responsable d'accès, par exemple quand j'ai une demande d'accès
puis que je me tourne vers un directeur de service pour obtenir le document, la
première question, très, très souvent, qui est posée, ce n'est pas tant de
savoir : Est-ce que ce document-là est confidentiel, et tout ça, c'est de
savoir : Qui a posé la question? Qui a fait la demande d'accès? Qu'est-ce
qu'il va faire avec ça?
Mme David (Hélène) :
Pourquoi?
M. Chabot (Alexandre) : Pourquoi? Et
donc, c'est...
M. Drainville : Ça, c'est une
réaction politique.
M. Chabot (Alexandre) : ...de
culture, les gens, comme vous dites, le gèrent politiquement plutôt que de se dire : Bien, est-ce que ce document-là, oui
ou non, à sa face même, est un document qu'on peut transmettre, peu
importe qui l'a demandé, peu importe l'usage qu'il va en faire? Et nous...
M. Drainville : C'est une réaction
de protection, hein? C'est ça, hein?
M. Chabot (Alexandre) : …dans la
majorité des cas, c'est souvent ça.
M.
Drainville : Et ce que vous
dites, c'est que ça ne sera pas facile de... Parce que c'est un réflexe très
humain de vouloir se protéger.
M. Chabot (Alexandre) : Oui.
M.
Drainville : Alors, justement, est-ce que... Vous, ce qui est
intéressant dans votre mémoire… Puis vous êtes
des praticiens de l'information, de l'accès à l'information, donc, c'est pour
ça que votre témoignage est si important. Ce que vous dites, c'est :
Ce n'est pas nécessairement par une voie législative qu'il faut passer, hein?
Vous parlez d'autorégulation. Pensez-vous vraiment que ça peut marcher, l'autorégulation,
quand on s'est fait dire — en
tout cas, comme on se l'est fait dire, nous — que,
là, la loi avait besoin d'être refondée, réformée, dépoussiérée,
modernisée… C'est ça, les messages qu'on a
eus. Est-ce que vous pensez que l'autorégulation peut être suffisante pour
nous permettre de procéder au rajeunissement de cette loi-là, qui,
semble-t-il, en a bien besoin, en tout cas d'après les témoignages qu'on a eus?
M. Chabot (Alexandre) : Bien, évidemment, les gens focussent sur les
quelques dossiers qui se retrouvent devant la Commission d'accès puis
qui font les médias. Mais je vous dirais que, pour un dossier où on va à la
CAI, chez nous, en tout cas, il doit y avoir 10 dossiers où on règle, on répond
à la demande et dont on n'entend jamais parler. Et même dans les dossiers qui
vont à la CAI, et là ce n'est pas notre fait, si on ne faisait que raccourcir
les délais de traitement — parce que, vous le savez, ça peut prendre un
an, un an et demi, voire deux ans avant de comparaître, dans certains
cas — bien,
je pense que le citoyen serait beaucoup mieux servi. Donc, tout ça, on est dans
les processus beaucoup plus que dans de la
législation, là. La loi permet déjà beaucoup de choses et donne déjà énormément
d'accès à beaucoup de choses. Mais ce que les gens...
M.
Drainville : …vous trouvez que la loi fonctionne plutôt bien, si je
vous comprends bien, là.
M. Chabot (Alexandre) : Bien, du point de vue du responsable de l'accès,
évidemment on l'applique, mais, oui, à prime abord, au-delà de...
Mme David (Hélène) : C'est dans son application, c'est de la façon qu'on l'applique. Ce n'est
pas la loi comme telle, c'est la façon... Monsieur disait tantôt :
Les restrictions, on applique... Bon, c'est quoi, la restriction qu'on peut
appliquer? Le réflexe de certaines personnes, c'est ça, mais ce n'est pas ça
que la loi, elle dit, là. Alors, c'est de la façon qu'on l'applique, la loi.
M. Drainville : Et vous, là, est-ce que vous souhaitez qu'on la change, la loi, ou vous
souhaitez qu'on la garde?
M. Chabot (Alexandre) : Bien, c'est-à-dire qu'on est favorables… Il y a
un certain nombre de recommandationsqui
sont faites par la commission avec lesquelles on est favorables; vous les
retrouvez dans le mémoire. Mais, je vous dirais, on parle plus de
modifications plutôt que d'une refonte en profondeur, là.
M. Drainville : Est-ce que vous êtes favorables à ce que le Règlement sur la diffusion
soit étendu aux réseaux scolaire, de la santé et des municipalités?
M. Chabot (Alexandre) : Tout à fait. Et je vous dirais même, écoutez,
nous, pour l'Université de Montréal, on le fait déjà. Par exemple, je
vous donne un exemple — puis,
comme responsable de l'accès, ça fait mon affaire parce que ça m'enlève du
travail — les
conditions salariales des officiers, du recteur, vice-recteur, et tout ça, on
les met sur Internet. On n'a pas attendu la réglementation pour décider de le
faire de façon proactive. Puis ça nous évite d'avoir des demandes d'accès parce
que ça vient… Mais donc, tout à fait.
M. Drainville : Mais ça, c'est un bon argument, ça, pour... Comment je dirais bien ça?
On s'est fait dire qu'il fallait...
Le système était... enfin, croulait sous les demandes et les délais que
génèrent ces demandes-là, et on s'est fait dire, à un moment
donné : Une gestion proactive des documents pourrait peut-être justement
permettre de diminuer les délais parce que
ça diminuerait le nombre de demandes, parce que l'information, plutôt que de la
demander, elle serait rendue disponible en mode proactif. Vous
confirmez, vous, que c'est ce qui s'est passé chez vous, là.
M. Chabot
(Alexandre) : Absolument. Absolument. Pour ce type de demande là.
Évidemment, il y en a de d'autres types,
mais les demandes standard, là, où on veut savoir la rémunération, les primes,
etc., ça revient presque à chaque année dans les universités, mais nous,
on le divulgue et ça va très bien.
• (17 h 30) •
M. Drainville : Oui. Le critère d'intérêt public, qui est mentionné dans le Règlement
de diffusion, comment vous l'interprétez,
vous? Est-ce que c'est difficile de déterminer ce qui est d'intérêt public?
Est-ce que ça vous arrive de vous gratter la tête puis de dire :
Oui, là, ce qu'ils me demandent là, c'est-u d'intérêt public, est-ce que c'est
autre chose? Comment vous gérez ça?
M. Chabot
(Alexandre) : Bien, comme on fait déjà beaucoup de divulgations au
niveau de tout ce qui est salarial, primes, comptes de dépenses, et tout ça, je
vous dirais, ce qui reste en termes de demande d'accès, on... La question ne s'est pas posée chez nous, bien
honnêtement, là, ou on n'a pas eu à définir ce qui était un enjeu d'intérêt
public qu'on aurait dû divulguer suite à une demande d'accès.
M. Drainville :
Sur la protection des renseignements personnels, est-ce que vous voyez poindre
à l'horizon des dangers auxquels il faut s'attaquer dès maintenant, pour
lesquels il faut trouver des solutions rapidement? Est-ce que vous sentez qu'on est à une étape cruciale sur
la question de la protection des renseignements personnels?
M. Chabot
(Alexandre) : Bien, toute
cette question de profilage, là, de comportement des individus où on
arrive... Je pourrais vous donner un autre exemple, puis ça aussi, c'est
préoccupant. Vous savez, il y a beaucoup d'analyses qui se font au niveau de la génétique et de la génomique, où on diffuse
sur Internet les profils génétiques. Il y a une étude qui a été faite
aux États-Unis, une banque de données où on donne les profils génétiques des
individus, de façon très anonyme, en ne
donnant que le sexe, l'âge, et c'est tout... et l'État, et l'État de
provenance. Et cette base-là est disponible pour les chercheurs, etc.
Cette base-là
a été croisée à une autre base de données, toujours de profilage génétique, où,
cette fois-ci, c'est une divulgation volontaire où les individus
divulguent leur génétique. Et ça sert notamment à des fins généalogiques où les
gens veulent retracer leurs ancêtres par les profils génétiques. Et, en
croisant la base de données où les gens divulguaient
leur profil génétique sur une base volontaire avec celle qui était une base de
données complètement anonyme mais en
ayant seulement l'âge, le sexe et la provenance mais sur une base très
confidentielle, les gens ont pu identifier les participants de la base de données confidentielle en disant : Bien
oui, mais lui, on est capables de croiser l'information avec l'autre. Comme certains profils génétiques sont
très, très particuliers, ils ont été capables d'identifier certains, pas
tous, mais certains, là, des participants à l'enquête.
Donc, toute
cette question du profilage des individus est certainement un enjeu dans un
univers où la donnée, prise isolément, ne veut pas dire grand-chose
mais, agglomérée avec un ensemble d'autres données puis en combinant
différentes données...
Mme David (Hélène) : ...
M. Chabot
(Alexandre) : ...l'interconnexion,
comme dit Hélène, permet de faire énormément de choses. Et il ne faut
pas s'étonner que des choses comme Twitter, Facebook sont
gratuites, c'est que ça devient une base de données extraordinaire pour les entreprises, pour le profilage des
consommateurs, et tout ça. Même chose pour tout ce qui est points Air
Miles, Aéroplan, et compagnie. Encore là, c'est une façon de suivre le
comportement du consommateur. Et cette donnée-là vaut une fortune pour les
entreprises. Donc, sur ce plan-là, il y a des questions, effectivement, à se
poser…
M.
Drainville : L'exemple que
vous venez de donner, en passant, c'est un exemple d'interconnexion, ça?
Parce que vous utilisez le mot.
M. Chabot (Alexandre) : Celui de la
génétique? Oui, tout à fait.
M. Drainville : Oui? C'en est, ça,
de l'interconnexion?
M. Chabot
(Alexandre) : Bien, ça
pourrait en être un. Oui, parce que c'est deux bases de données
différentes.
M. Drainville : Donc, c'est du recoupement.
Dans le fond, l'interconnexion, c'est du recoupement.
M. Chabot (Alexandre) : Oui, oui,
oui.
M. Drainville : Excusez-moi, je vous
ai interrompu. Vous alliez rajouter?
M. Chabot (Alexandre) : ...
M. Drainville : Je vous ai fait
perdre votre idée, je suis désolé. Je vais juste revenir sur le Règlement de diffusion. Vous nous avez dit : On est
favorables effectivement à ce que son application soit élargie aux écoles,
hôpitaux et municipalités. Par contre, vous
dites, dans votre mémoire, que ceux qui appliquent ce Règlement sur la
diffusion des documents publics par
les ministères et organismes n'ont pas tous les mêmes moyens d'assurer l'objectif
de transparence qui est poursuivi par le Règlement sur la diffusion. Là,
vous nous dites : Oui, il faut continuer à élargir l'application, mais
vous nous dites que les organismes qui sont déjà assujettis n'ont pas
nécessairement tous les mêmes moyens pour répondre à la commande de diffusion
proactive...
M. Chabot (Alexandre) :
Essentiellement, ça, c'est une question très pratico-pratique, là. Dans les
petites organisations ou... je pense à des petites municipalités notamment, où
le responsable de l'accès est aussi responsable de sept, huit, neuf autres dossiers, là, évidemment... Parce que la
diffusion, ça veut dire formater le document, le mettre en ligne, s'assurer
d'une mise à jour, et tout ça. Passez-moi l'expression, il y a de l'huile de
bras derrière ça, là, ça ne se fait pas tout
seul. Et évidemment, dans les petites organisations, même si tout le monde
souscrit au principe, ça peut être un peu
plus demandant pour une seule personne qui a aussi sept, huit, neuf autres
tâches à accomplir. Mais, cela dit, c'est juste une question très pratico-pratique, là, sur la faisabilité. Si, par
exemple, on devait exiger que cette diffusion-là se fasse dans un délai très, très précis au niveau de la mise à
jour des documents, ça pourrait être difficile pour certaines
organisations qui ont peu ou pas de ressources pour le faire, là.
Mme David (Hélène) : Plus tu diffuses de documents, plus il faut que
tu les mettes à jour. Alors, quand tu es seul dans ton organisation,
puis tu es responsable d'accès, puis tu ne fais pas ça à temps plein parce que
c'est 5 % aux tâches connexes… Plus je
vais diffuser de documents sur Internet, plus il va falloir que je les mette à
jour et plus, bien, la tâche
augmente, augmente, ce qui fait que c'est que les documents ne sont pas
toujours mis à jour comme on le voudrait, à chaque année, à un délai x,
y, là, qui serait idéal pour une diffusion systématique de documents.
M.
Drainville : Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Marsan) : Trois minutes.
M. Drainville : Trois minutes? Je veux revenir sur l'interconnexion. Parce que, dans le
fond, ce que vous nous dites, c'est comme une mise en garde, ça, sur la
divulgation des bases de données, hein, c'est un petit peu ça, là, le message,
là. Vous dites, c'est...
Mme David
(Hélène) : Protéger les renseignements personnels, comme je vous dis,
ce n'est pas juste en dénominalisant... en
enlevant les noms des personnes. Il y a plein de renseignements. Si tu croises
deux, trois bases de données
ensemble, tu vas pouvoir peut-être identifier quelqu'un, puis c'est un risque
qui est quand même assez grave.
M.
Drainville : Mais c'est un risque qui est gérable. C'est un risque qui
est gérable.
Mme David
(Hélène) : Mais, c'est ça, il faut le gérer. Il faut le gérer, c'est
ce qu'on dit.
M.
Drainville : Puis on gère ça comment?
Mme David (Hélène) : Je pense que d'avoir le souci qu'il n'y ait vraiment aucune information
qui permette... Je donnais l'exemple,
en droit de la famille, on caviarde toutes les décisions, on enlève... Bon,
bien, si le juge dit que monsieur était,
je ne sais pas, moi, politicien et madame était commissaire à ta, ta, ta, bien,
juste ces deux informations là, on peut essayer de savoir c'est qui. Alors, ça peut permettre d'identifier
quelqu'un. Alors, ce n'est pas juste les noms, ça peut être... Tu sais,
tantôt, Alexandre, il parlait... on avait, juste dans la première base de
données, l'âge, le sexe puis…
Une voix :
L'État, je pense.
Mme David
(Hélène) : L'État. Alors, ces trois informations là ont permis d'identifier
les gens de la base confidentielle. C'est ça qu'il faut...
M.
Drainville : On s'entend que, dans ce cas-ci, tu peux avoir une très,
très bonne loi, mais tu n'es pas nécessairement
à l'abri d'incidents comme ceux-là. Puis, à un moment donné, ça relève
quasiment du bon jugement de la personne
qui rend publique l'information, qui gère la demande d'accès de voir le danger
potentiel. Je ne sais pas, moi, il me semble
que c'est difficile d'écrire une loi qui va nous protéger contre toutes les
possibilités d'incident ou de dévoilement malheureux, de divulgation
malheureuse ou malencontreuse ou encore d'interconnexion, comme vous l'appelez.
Mme David (Hélène) : Bien, c'est pour ça qu'on dit que, nous, le rôle du responsable des
conseillers en accès, là… Parce que,
bon, dans certaines organisations il y a un responsable en titre, mais il y a
plusieurs conseillers parce que, disons, l'organisation est plus grande.
C'est ça, le rôle des responsables… Je pense qu'il faut favoriser puis
sensibiliser nos responsables puis leur donner
une certaine… sans dire on leur donne du pouvoir, mais une certaine autorité
sur ça, parce que, selon le Règlement
sur la diffusion, le responsable de l'accès a un comité, que nous, on appelle
le comité AIPRP, conformité
législative, etc., il a un rôle à jouer. Mais, pour ça, il faut qu'il connaisse
un petit peu la sécurité informatique, il faut que ses connaissances
soient plus élargies que juste être en possession de sa Loi d'accès puis...
Le Président (M. Marsan) : Alors, merci. Nous allons poursuivre avec l'opposition
officielle. Je vais donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
• (17 h 40) •
Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci d'être venus ici pour nous
présenter votre mémoire. C'est fort
intéressant. J'ai quelques questions. D'abord, vous vous occupez de l'accès à l'information
à l'Université de Montréal. Est-ce que les procès-verbaux des réunions
du conseil d'administration sont publiés?
M. Chabot
(Alexandre) : C'est-à-dire que les résolutions, oui, prises par le
conseil d'administration sont publiées. Oui, tout à fait.
Mme de
Santis : Mais pas les procès-verbaux.
M. Chabot (Alexandre) : C'est ça. Oui, c'est-à-dire la délibération comme
telle est publiée, mais pas les verbatims des échanges.
Mme
de Santis : Mon expérience a
été que, quand on sait que quelque chose va être publié, on fait très
attention pour s'assurer qu'on donne le minimum d'information. Est-ce que ça a
été votre expérience?
M. Chabot (Alexandre) : On est une organisation publique. Non, puis, je
vous dirais, pas particulièrement. Non, je ne pourrais pas dire ça comme
ça.
Mme de Santis : Non?
M. Chabot (Alexandre) : Pas chez
nous, à tout le moins, là.
Mme de Santis : O.K. Je retourne à
votre mémoire et j'aimerais comprendre, parce que je ne comprends pas tout à fait. Quand on parle des incidents de
sécurité, les failles à la sécurité, vous dites : «À notre avis, l'alliance
entre les responsables de la sécurité [d'une part] et ceux de la protection des
renseignements personnels [d'autre part] est davantage
porteuse...» Maintenant, je ne comprends pas exactement ces mots. C'est qui,
les responsables de la sécurité, et c'est qui, ceux de la protection des
renseignements personnels? C'est quoi... De quelle alliance vous parlez?
M. Chabot
(Alexandre) : Bien, souvent,
quand on parle des responsables de la sécurité, ici, on parle... on fait
beaucoup référence aux responsables de la
sécurité informatique parce que souvent dans les ministères, les
organisations, le... Parce qu'évidemment on parle de fuite de documents, mais
souvent par l'entremise informatique. Donc, les responsables qui vont être
responsables des codes, de l'encryptage des données, et tout ça, c'est souvent
les gens des services informatiques, d'un côté, et, de l'autre côté, il y a les
responsables de l'accès et de la protection, que nous sommes, qui sont habilités à juger en fonction de la loi aussi de ce
que... du risque que peut représenter cette fuite au niveau de la donnée
personnelle et pour l'individu, là.
Mme de Santis : Alors, vous croyez
que c'est deux personnes à l'intérieur de la même entité qui devraient
collaborer pour trouver la solution. Et vous ne voyez pas de rôle pour la
Commission d'accès.
M. Chabot
(Alexandre) : Bien, pas dans
la recherche de la solution à tout le moins. Parce qu'une des choses qui
est importante, c'est la rapidité d'exécution pour répondre au problème une
fois qu'on constate, par exemple, qu'un employé
a perdu son ordinateur avec des données personnelles à l'intérieur. La
combinaison des deux… Donc, la personne à l'informatique va être capable
de nous dire quel est le niveau de risque. Est-ce que l'ordinateur a un mot de
passe? Est-ce que l'information qu'on y retrouve
est encryptée et donc ne pourra pas être décodée par quelqu'un qui n'a pas
la clé d'encryptement? Et...
Une voix : ...
M. Chabot (Alexandre) : Exactement.
Est-ce qu'elle peut être détruite à distance aussi? Parce qu'il y a des logiciels qui permettent, pour l'administrateur du
réseau, d'aller effacer le disque dur à distance. Donc, ça, c'est notre responsable de sécurité informatique qui va nous
permettre d'évaluer notre risque. Et après ça nous, comme responsables de la protection des renseignements, bien là on
peut juger, en fonction du risque, les actions à prendre, est-ce qu'il y
a lieu ou pas d'informer la personne qui a
été victime... pour laquelle l'information a été égarée, par exemple, et des
mesures correctrices à prendre, là, notamment pour prévenir le vol d'identité,
mais aussi faire en sorte que ça ne se reproduise plus dans le futur.
Mme de
Santis : Donc, vous laissez
ça à la discrétion de quelqu'un à l'interne. Est-ce que, dans le privé,
dans des entreprises petites, moyennes,
larges, il y a toujours deux personnes qui sont responsables, comme… Vous dites
ici : Un est responsable de la sécurité et l'autre de la protection des
renseignements personnels.
M. Chabot
(Alexandre) : Il n'y a
pas... Souvent, dans... Bien, puis c'est un peu ce qu'on disait tout à l'heure,
où on souscrit à la recommandation de la commission de désigner dans le secteur
privé... de permettre la désignation d'un responsable
de l'accès et de la protection, parce que, dans l'entreprise privée, ce n'est
pas le cas. En fait, ce n'est pas le cas… ça dépend des entreprises. Si
vous allez dans le domaine de l'assurance, dans le domaine bancaire, très
souvent il y a des gens qui ont cette responsabilité-là, mais ce n'est pas
systématique.
Mme de
Santis : Mais ça veut dire
que vous voyez une personne dans une entreprise, pas deux maintenant…
Parce que vous parliez d'une alliance, tout à l'heure, entre deux personnes.
Vous me parlez maintenant d'une personne.
Mme David
(Hélène) : En fait, la
personne responsable de la sécurité existe, je pense, dans toutes les
entreprises, qu'elles soient privées ou publiques, mais, au niveau du privé, la
personne qui a la responsabilité de la protection des renseignements personnels présentement, c'est souvent le CIO ou le
dirigeant de l'entreprise. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'au niveau du secteur privé il y ait vraiment
une personne d'identifiée, c'est sa tâche, ça fait partie… Parce que,
bon, parmi les multiples autres tâches, souvent, des dirigeants, bien, c'est
une chose qui... je ne vois pas... en tout cas, les gens se parlent peut-être
moins à certains niveaux que si on a deux personnes du même niveau, sécurité et
protection des renseignements personnels.
Mme
de Santis : Mais, d'après
vous et d'après votre mémoire, vous dites que cette obligation ne devrait pas
être imposée à toutes les entreprises. Vous
savez, même les petites entreprises avec très peu de personnes peuvent
collecter énormément de renseignements personnels sur des individus. Donc, je
ne comprends pas tout à fait votre déclaration.
Mme David
(Hélène) : Bien, en fait, ce
qu'on voulait dire, c'est que, dans une petite entreprise, que ça ne
soit pas une personne... ça pourrait être le
dirigeant de l'entreprise qui a le chapeau responsable de la protection des
renseignements personnels ou responsable
même de l'accès. Alors, c'est ça qu'on voulait faire comme différence. C'est
que, dans certaines entreprises où il n'y a pas beaucoup d'employés,
bien, de créer un nouveau poste, c'est peut-être plus lourd que de le faire
assumer par le dirigeant ou un des dirigeants, là.
Mme de
Santis : Vous dites aussi
que vous appuyez la recommandation de la commission «que soit modifiée
la Loi sur l'accès afin d'assujettir tous les
organismes dont le fonds social est détenu à plus de 50 % par l'État».
Maintenant, dans leur rapport, pour moi, il
y a... d'un côté, ils font une recommandation qui n'est pas une recommandation
formelle, mais ils disent que tous les
organismes dont le financement est largement assuré par l'État devraient être
assujettis, et leur recommandation formelle, c'est les entités dans
lesquelles ils ont… 50 % et plus est détenu par l'État. C'est quoi, votre opinion? Est-ce que c'est ou l'État investit
un montant important d'argent ou ça semble être un contrôle par l'État?
M. Chabot
(Alexandre) : Bien, écoutez,
on n'a pas travaillé à ce niveau de nuances là. Le principe était : là
où l'État contrôle, où l'État met... où il y a une grande quantité de fonds
publics, c'est normal qu'on assujettisse ces organismes-là à la loi, là. Mais
on n'a pas creusé à savoir est-ce que c'est 50 % ou...
Mme de
Santis : Comment vous croyez
qu'on devrait s'assurer que le public soit sensible à la protection de
leur vie privée et des renseignements personnels?
M. Chabot
(Alexandre) : Bien, écoutez,
ça commence effectivement dès le primaire d'abord, parce que, on le voit, il y a des campagnes... Si vous regardez ce
qui se fait au niveau du commissaire à la vie privée au fédéral... L'AAPI
a aussi fait une trousse qui est utilisée
dans certaines commissions scolaires. Sensibiliser le jeune, à l'ère des médias
sociaux et de tout ce qui se passe de ce côté-là, sur les traces qu'il laisse à
chaque fois qu'il utilise les médias sociaux et sur l'importance de son
identité virtuelle versus ses renseignements personnels, ça, c'est une première
chose.
On a le même
phénomène à l'autre bout du spectre, si vous me passez l'expression, au niveau
de nos aînés, nos aînés qui n'ont pas
été familiers avec ces outils-là et qui découvrent aussi les nouvelles
technologies. Là aussi, il y a des défis de formation, de
sensibilisation qui sont importants. Il y a des choses à démystifier parce que
certains ont trop peur des nouvelles technologies, mais, en même temps, il y a
de la formation à donner puis de l'éducation à faire. Et dans nos organisations
également parce qu'il y a des changements de culture à faire aussi. Donc, c'est
vraiment à tous les niveaux.
Mme de
Santis : D'après un article
récent dans La Presse, il y a moins que 20 % des Québécois,
beaucoup moins, environ 14 %,
15 % des Québécois qui sont préoccupés par la protection de la vie privée.
Comment vous répondez à ça? Comment
on informe les gens qui sont entre 18 et 65 ans? Vous parliez de ceux qui sont
jeunes, ceux qui sont plus âgés. Si on
ne fait rien à ce moment-ci, on va avoir toutes... quelques générations de
personnes qui vont avoir perdu le contrôle de leur identité. Quoi faire?
• (17 h 50) •
M. Chabot
(Alexandre) : C'est une
vaste question. C'est sûr qu'il faut d'abord que les gens prennent
conscience des conséquences susceptibles, que ça soit un étudiant, par exemple,
au niveau de ses premiers emplois, toute la question
des relations de travail qui est impliquée, l'individu au niveau du vol d'identité
pour les secrets bancaires ou les assurances, toutes les questions liées
à la santé également, à la maladie... Ça prend différentes facettes. C'est sûr
que plus… — malheureusement, parce que, des fois, l'être
humain n'apprend que par les erreurs — plus
les médias vont relayer des histoires d'horreur, de vol d'identité ou de
situation où un individu a été pris par son compte Facebook puis ça... malheureusement, c'est peut-être par ces quelques
cas là, médiatisés, qui vont... ou ça fera la leçon à d'autres. Mais on
pense quand même qu'avant d'en arriver à ces cas extrêmes là l'éducation
permettrait déjà, si on commence au primaire, de sensibiliser beaucoup,
beaucoup.
Le Président (M. Marsan) : Je vous
remercie. M. le député de Fabre.
M. Ouimet (Fabre) : Oui, oui, merci,
M. le Président. Je voulais revenir, si vous me permettez… Vous avez mentionné
tantôt… vous avez fait référence au pardon. Vous avez fait un parallèle entre
le pardon et le jugement, les conséquences pour une partie au niveau civil. Et
je ne suis pas certain que j'étais tout à fait d'accord avec le parallèle et je voulais revenir sur ça. Le pardon n'efface
pas le passé. Le pardon vise à éliminer, à l'avenir, les conséquencesdécoulant d'une condamnation. Bon, je vais
rapidement, là, mais c'est ça, l'essentiel. Mais ça n'efface pas le passé,
de sorte que quelqu'un qui aurait été jugé,
il y a un jugement qui a été rendu en matière criminelle, on ne va pas
retourner cinq ans ou, maintenant, 10 ans en
arrière pour effacer, caviarder ce jugement-là. Alors, pour le bénéfice
de ceux qui nous écoutent, je ne voulais pas que...
Une voix :...
M. Ouimet (Fabre) : Et, en fait, je vais vous donner l'occasion...
peut-être qu'on vous a bousculé parce qu'on n'avait pas beaucoup de
temps dans la présentation que vous avez eu à faire, mais j'avais compris qu'on
pouvait laisser entendre qu'en matière criminelle il y avait un régime plus
favorable qu'à l'égard des personnes impliquées au niveau de la justice civile.
Mme David
(Hélène) : Présentement, oui, parce qu'on retourne en arrière. On va
caviarder les décisions cinq ans plus tard,
parce que c'est la finalité du pardon. Si vous allez au palais de justice, le
dossier, il est scellé, le dossier, il est
inaccessible. On retire le plumitif de la banque informatisée. Nous, on diffuse
le jugement. Alors, là, le citoyen s'adresse à nous, il nous demande de retirer le jugement. Nous, ce que j'ai dit,
on ne retire pas le jugement. Le jugement va demeurer, mais on va le
caviarder. Alors, il est accessible, mais la personne... la finalité du pardon
est respectée. Et on a eu la commission des
libérations conditionnelles pour ça. Alors, c'est pour ça que je faisais le
parallèle. Le droit à l'anonymat sur Internet, oui, au niveau criminel,
il n'y a plus de noms, c'est anonymisé, puis, de l'autre côté, en droit civil,
bien, non, ça va rester tout le temps.
Puis
c'est très récent que je reçois des demandes de gens du civil pour faire
retirer les décisions. Alors, c'est pour ça que je faisais le parallèle.
Ça fait juste montrer que, sur Internet, puis le papier, puis le troisième
sous-sol du greffe, il y avait... il y avait
quand même une distance. Internet aujourd'hui, là, c'est mondial, n'importe qui...
Et ça crée certaines paniques chez certaines personnes. Alors, c'est
pour ça que nous, ce qu'on disait, c'est que, oui, gouvernement ouvert, oui, on est pour ça, mais de faire
attention à la protection des renseignements personnels et de sensibiliser
tous les gens qui diffusent l'information dans le gouvernement ouvert à cette
problématique-là, parce que ça vient vite.
M. Ouimet (Fabre) : Je vous remercie pour cette précision, je vais me coucher moins
niaiseux, comme on dit. Ça valait la peine d'écouter attentivement.
Dernier point, un
commentaire en terminant, il ne reste plus de temps. Quand on parle de
changement de culture, et puis on a… au
cours de nos auditions, on a beaucoup parlé de ça, et, pour moi — puis
je l'ai vécu, j'ai été au gouvernement,
je l'ai vécu de différentes façons, le réflexe du secret, la culture du secret — et,
pour moi, le changement de culture, ce n'est pas tant de changer le
moyen, c'est-à-dire la Loi d'accès, que de changer l'objectif qu'on poursuit.
Et l'objectif qui doit être intégré par tout le monde, c'est la reddition de
comptes. La journée qu'on acceptera une véritable obligation de reddition de
comptes, on pourra atteindre le souhait du père de la loi d'accès à l'information
puis de se débarrasser de la loi, ce ne sera plus nécessaire de l'avoir. C'était
mon commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie, M. le député de Fabre.
Et nous terminons. Et je vais laisser la parole au député de Lévis du
deuxième groupe d'opposition. M. le député.
M. Dubé :
Merci, M. le Président. Et j'espère qu'on a pris bonne note de votre
recommandation, parce que ça… c'est intéressant, ce que vous...
M. Ouimet
(Fabre) : Le fait que je me couche moins niaiseux?
M. Dubé :
Oui… Non, non, l'autre, la dernière. J'aimerais vous... Quand je regarde le
titre de votreassociation, où je
vois l'Association sur l'accès et la protection de l'information, si j'avais à
vous demander lequel des deux vous préférez, est-ce que c'est l'accès ou
la protection? Puis, avant de répondre, je vais vous dire pourquoi je vous demande ça, parce que ça change un peu de ce
qu'on a entendu depuis plusieurs semaines. Parce qu'on a entendu beaucoup de favoriser l'accès. Mais vous avez
aussi entendu d'autres rapports, d'autres mémoires. Et, je me demande,
si on isolait en trois catégories l'information, dont une qui est de nature
très personnelle, si on changeait un peu le ton de votre mémoire... Vous
comprenez ce que je veux dire?
Parce
qu'on a discuté beaucoup au cours des dernières semaines, que ce soit, là… on a
des gens qui nous ont parlé d'environnement cet après-midi, on a des
gens qui ont parlé d'information de gestion. Si on excluait l'information de
gestion, est-ce que vous auriez le même ton, la même, je dirais, crainte par
rapport à l'accès à l'information?
Donc,
j'ai deux questions. Qu'est-ce qui est le plus important pour vous, c'est la
protection ou l'accès? Puis, si on prenait
une catégorie à part, est-ce que vous seriez plus confortable avec certaines
des recommandations? Vous me suivez?
M. Chabot (Alexandre) : Pour votre première question, évidemment c'est
difficilement dissociable. Je ne vais pas…
à exprimer de préférence, mais c'est sûr que le côté accès est plus... (panne
de son) …parce que c'est souvent les médias, c'est la partie médiatisée
et dont on parle beaucoup. Mais, si vous me posez la question : Qu'est-ce
qui vous empêche de dormir?, c'est beaucoup
plus la question des protections. Parce que, si j'ai des préoccupations, puis
nos défis, dans nos organisations, puis de s'assurer que toutes les
personnes qui ont accès à la donnée sont les bonnes et l'usage qu'ils en
font...
M. Dubé :
Vous dites que c'est plus l'accès, très bien. Maintenant, est-ce que vous
donnez la même préoccupation aux trois catégories d'information dont j'ai
parlé tout à l'heure, que ce soit de nature personnelle, de nature, on va dire,
stratégique, par exemple, et... Est-ce que vous donnez la même préoccupation à
l'accès de ces trois catégories d'information là?
M. Chabot (Alexandre) : Bien, c'est
sûr qu'on parlait du règlement sur la divulgation volontaire, il y a toute une partie information de gestion qui va de soi,
en tout cas, qu'on devrait donner… Il reste la partie analyse
stratégique. Vous savez, j'ai un bien, je travaille dans
une université, quand on parle du gouvernement ouvert, quand on dit : La donnée est accessible... Souvent, quand nos profs
font de la recherche, il va y avoir, sur l'utilisation de la donnée,
tout un chapitre sur la méthodologie, puis sur la façon dont la donnée a été
collectée, puis qu'est-ce qu'elle veut dire. Et donc il y a plein de nuances.
Si vous me
permettez d'exprimer une crainte, et là c'est plus mon chapeau Université de
Montréal, quand on parle de gouvernement ouvert, même si j'y souscris, c'est
que ces nuances-là ne seront peut-être pas toujours faites par les utilisateurs de la donnée finale. Et donc, là, il
y a des balises, puis il y a des questions éthiques qui vont se poser
également quant à l'utilisation de ces
données-là, sans parler aussi des risques d'utilisation à l'étranger. Parce
que, si c'est ouvert, c'est ouvert à travers le monde. Donc, oui, on
veut favoriser les entreprises, mais est-ce qu'on serait très heureux que le développement se fasse par une entreprise chinoise
ou indienne ou est-ce qu'on ne serait pas mieux de favoriser l'utilisation
de ces données-là par des entreprises québécoises, par exemple? Je n'ai pas les
réponses.
Le Président (M. Marsan) : Je vous
remercie, M. le député de Lévis. Et à mon tour de vous remercier, Mme David, M. Chabot, pour nous avoir donné le
point de vue de l'Association sur l'accès et la protection de l'information.
Et, sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 19 h 30. Vous pouvez laisser vos effets ici, les portes
devraient être barrées. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 19 h 30)
Le Président (M. Marsan) : À l'ordre,
s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
Nous allons poursuivre sans plus tarder la
consultation générale et les auditions publiques sur le rapport de la
Commission d'accès à l'information Technologies et vie privée à l'heure des
choix de société.
Une voix : M. le Président?
Le Président (M. Marsan) : Monsieur…
oui?
M. Gautrin : Je sollicite le
consentement unanime des membres...
Le Président (M. Marsan) : Je
voulais le faire, M. le député de Verdun.
M. Gautrin : Vous allez le faire
pour moi.
Le
Président (M. Marsan) : Mais
auparavant, bien, puisqu'on est dedans, est-ce que vous êtes d'accord à ce
que le député de Verdun puisse prendre la parole pendant nos débats?
M. Drainville : M. le Président,
est-ce que c'est possible de demander réflexion?
Le Président (M. Marsan) : Bien, c'est
oui ou non.
M. Drainville : Non, mais c'est une
taquinerie. C'est une taquinerie.
Le Président (M. Marsan) : J'ai
compris ça.
M.
Drainville : Comment
pourrions-nous refuser à l'honorable député de Verdun de pouvoir siéger parmi
nous?
M. Gautrin : Est-ce qu'on est en
ondes…
M. Drainville : On est en ondes.
Le Président (M. Marsan) :
Oui, on est en ondes.
M.
Drainville : Il nous fait l'honneur d'être parmi nous, M. le
Président, comment pourrions-nous refuser de lui donner le consentement?
Le Président (M. Marsan) : Alors, je
comprends qu'il y a consentement. Et maintenant je...
Une voix :...
Le Président (M. Marsan) : Oui, c'est
ça. Alors, je souhaite la bienvenue...
M.
Gautrin :
…consentement.
Le Président (M. Marsan) : Je
souhaite la bienvenue à l'Institut de gouvernance numérique. M. Gauthier,
je vous demanderais de vous présenter et de nous présenter les personnes qui
vous accompagnent. Et vous disposerez par la suite d'une dizaine de minutes
pour nous faire valoir votre point de vue. Soyez les bienvenus.
Institut de gouvernance
numérique
M.
Gauthier (Jean-François) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, les
membres de la commission. Grand, grand plaisir d'être avec vous ce soir. Donc,
mon nom est Jean-François Gauthier, je suis président-directeur général d'un nouvel organisme qui s'appelle l'Institut
de gouvernance numérique. Je vous présente sans plus tarder les
personnes qui m'accompagnent. Peut-être, Stéphane, si tu veux te nommer, à ma
droite.
M. Dion
(Stéphane) : Stéphane Dion,
secrétaire trésorier de l'Institut de gouvernance numérique et président
de Paradigme Affaires publiques.
M. Gauthier (Jean-François) : M.
Cartier?
M. Cartier (Michel) :
Michel Cartier. Je suis dans plusieurs réseaux de veille à travers le
monde.
M. Perron (Mario) : Mario Perron,
administrateur de l'Institut et président de société à base numérique.
M. Gauthier (Jean-François) :
Également, j'ai un autre administrateur qui est derrière nous, M. Jean-Yves
Fréchette, qui nous accompagne, qui est notre vice-président de l'Institut de
gouvernance numérique, également.
Une voix : ...
M. Gauthier (Jean-François) :
M. Jean-Yves Fréchette.
Le Président (M. Marsan) :
Jean-Yves?
M.
Gauthier (Jean-François) :
Exact. Alors, merci beaucoup de nous accueillir ce soir. Essentiellement,
notre propos vise à discuter avec vous un peu d'innovation ce soir. On veut
vous amener dans des nouveaux paradigmes, dans
des nouveaux champs. On sait qu'il y a beaucoup de personnes que vous avez
entendues dans le cadre de vos travaux, qui vous ont parlé de gouvernement ouvert, qui vous ont parlé de ce vers
quoi on pourrait amener notre gouvernement et notre nouvelle relation
avec les citoyens.
On a voulu
déposer un mémoire qui s'inspire des meilleures pratiques. Parce que moi,
personnellement, ça fait deux ans que j'ai cette chance-là de me
consacrer à temps plein sur les approches de gouvernement ouvert à travers le
monde, étudier comment les pays sont en train de se transformer, comment les
gouvernements sont en train de se transformer pour, à quelque part, faire face aux
changements qui s'en viennent. Parce que les défis qui confrontent le Québec ne
sont pas uniques au Québec. Évidemment, il y a une tendance très forte, à
travers les différents pays dans le monde, vers le gouvernement ouvert.
Vous avez peut-être entendu parler du
Partenariat pour un gouvernement ouvert, qui regroupe actuellement 57 pays dans le monde, qui est présidé par le
président Obama et par la présidente du Brésil. Et on constate que, dans
ces 57 pays là, actuellement les pays
francophones sont assez largement absents, donc, ce qui m'a conduit
personnellement, il y a deux ans, à créer un mouvement citoyen qui s'appelle Démocratie
ouverte, qui se veut et qui se voulait un nouveau
moyen de coopter l'intelligence et le savoir-faire des gens de la société
civile pour aider les gouvernements à prendre le virage qu'on souhaite
qu'ils prennent, donc prendre les avantages du gouvernement ouvert.
Donc,
essentiellement, ce qu'on veut vous entretenir, c'est qu'on pense qu'au niveau
de notre organisme il y a urgence d'agir. Il y a urgence de se doter de
nouvelles façons de faire, d'un nouveau modèle d'affaires au niveau de notre gouvernement. Et ce modèle d'affaires là...
ce nouveau modèle d'affaires là, qu'on voit émerger dans plusieurs pays à travers le monde, à travers les leaders à
travers le monde, dans le gouvernement ouvert, à travers les pays de l'OCDE
particulièrement, est un modèle d'affaires
qui est basé sur la transformation assez profonde des gouvernements, c'est-à-dire
qu'on passe d'un statut dans lequel les
gouvernements produisent des services, se dotent d'infrastructures
importantes pour répondre aux besoins de la population en matière de services
publics, particulièrement sur le Web évidemment, et on passe dans un statut
dans lequel on se transforme progressivement vers un rôle beaucoup plus de
diffuseur et de récepteur d'information à
partir du patrimoine informationnel qu'on a amassé collectivement à travers les
différentes années, à travers les
investissements qu'on a faits dans chacun des pays, dans les technologies de l'information
particulièrement.
On a
collectivement un patrimoine informationnel immense qui est très, très, très
largement, vous le savez, vous en avez sans doute entendu parler, qui
est largement inutilisé actuellement et qui est, à quelque part, la matière
première qui devrait servir à la
transformation de notre gouvernement et assurer l'avenir de la prestation de
services publics, parce que c'est le modèle qu'on voit émerger de plus
en plus.
Donc,
ce nouveau modèle d'affaires là, évidemment il est basé sur un grand principe
qui est celui du rétablissement de la confiance. On le voit partout dans
le monde, il y a une crise de confiance majeure. Les citoyens décrochent des institutions publiques, les citoyens n'acceptent plus le
vote aux quatre ans et n'acceptent plus de se faire interpeller seulement à cette fréquence-là. Les citoyens
veulent participer à la décision publique beaucoup plus activement. Et
on pense qu'à travers la mise à profit intelligente du patrimoine informationnel
les gouvernements sont en mesure de se doter
d'une nouvelle façon d'interagir avec le citoyen et de rétablir la confiance
par la transparence que les gouvernements doivent se donner.
La solution aux
matières... à tout ce qu'on a entendu, aux enjeux de corruption, enfin, tout ce
qu'on voit à la commission Charbonneau, si
on avait eu, il y a cinq ans, un gouvernement ouvert, au Québec, si on avait
mis en place une stratégie de gouvernement ouvert, probablement qu'on n'aurait
pas eu besoin d'une commission Charbonneau. Je pense que ça, il faut être
conscient de ça, là. La transparence, la publication de l'information sur ce
qui se passe à l'intérieur des ministères,
des organismes publics, ce qui se passe à l'intérieur des municipalités, la
façon de contracter, tout ça peut et devrait
être rendu public massivement, dans un format qui permet la récupération puis
qui permet au citoyen de jouer le rôle de
chien de garde, donc de créer des applications avec... de cocréer avec le
gouvernement des services publics à forte
valeur ajoutée. Et ça, c'est tout un potentiel économique qui pourrait
permettre la création de richesse au Québec qu'actuellement on ne fait à
peu près pas.
Donc,
il y a un changement dans le rôle de l'État — et j'y reviens — parce que le gouvernement doit se
transformer dans une plateforme de collaboration avec les citoyens. Cette
vision-là du gouvernement comme plateforme, c'est la vision qu'on voit émerger du côté américain, qu'on voit émerger en
Angleterre. En Australie, dans la plupart des pays à travers le monde qui sont les leaders en
gouvernement ouvert, c'est cette vision-là qu'on tend à voir émerger, donc
un gouvernement qui met à profit son information et qui dorénavant se limite à
sécuriser l'information qu'il a, la rendre disponible
à travers des API, des services Web qui permettent aux gens d'utiliser cette
information-là pour créer dorénavant, à l'avenir, les nouveaux services
publics.
Donc, le gouvernement cesse de produire et se met
dans un rôle de réception puis de production, avec la société civile, de ces nouveaux services là. Et ça, c'est
la transformation qu'on doit faire à l'interne pour le gouvernement.
Puis les impacts que ça a à l'externe, bien,
évidemment, c'est la création de richesse, c'est la création d'une nouvelle
économie numérique qui est absolument fondamentale pour l'avenir du Québec.
Parce que l'économie numérique, à mon avis, c'est le fondement même de ce que
doit se doter une société, c'est-à-dire que toutes les sociétés modernes...
Le numérique, aujourd'hui il est partout, il
intervient de façon horizontale dans tous les domaines d'activité. Donc,
quand on parle de se doter d'une stratégie
numérique pour l'avenir du Québec, on parle de se doter des fondements d'un
projet de société pour le Québec. Et ça, je
pense que, dès maintenant, on doit comprendre cette nouvelle façon d'interagir
avec les gens à travers le numérique parce que l'avenir est numérique. Voilà.
Le Président (M.
Marsan) : Alors, je vous remercie pour cet exposé. Nous allons
immédiatement débuter notre période d'échange. Et je vais reconnaître M. le
ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne. M. le
ministre.
• (19 h 40) •
M. Drainville : Oui. Dans votre mémoire, vous recommandez l'adoption d'une directive
similaire à celle adoptée par l'administration Obama, qui se lit comme
suit, et, je pense, ça vaut la peine de la citer, cette directive. C'est votre
traduction, si je ne m'abuse, mais elle me semble plutôt bien faite.
Alors,
je cite, donc, cette directive : «Face au doute, c'est l'ouverture qui
prévaut. Le gouvernement ne doit pas maintenir
la confidentialité de l'information au seul motif que des responsables publics
puissent se trouver dans l'embarras après
sa révélation ou à cause des erreurs ou des échecs qu'elle révélerait, ou à
cause de peurs spéculatives ou abstraites. La non-divulgation ne devrait
jamais se justifier par l'entreprise de protéger des intérêts personnels de
responsables gouvernementaux aux dépens de ceux qu'ils devraient servir.»
Vaste chantier, vous
l'admettrez. Vous avez quand même déjà travaillé, vous, dans le domaine
politique dans un passé pas si lointain.
Vous comprenez très bien ce que ça implique, ça, cette directive-là. Ça
implique éventuellement un responsable... Ça pourrait vouloir dire que
des responsables politiques pourraient décider de doter le Québec, de doter l'État québécois d'une nouvelle loi qui pourrait
faire en sorte qu'éventuellement de l'information pourrait se retourner
contre eux.
Alors,
comment vous voulez convaincre... Je me fais l'avocat du diable, vous l'aurez
compris, là. Comment on convainc des responsables politiques, peu
importe le parti politique, qu'une directive comme celle-là est dans leur intérêt? On comprend que c'est dans l'intérêt de
la démocratie, et que c'est dans l'intérêt de la société, et que c'est
dans l'intérêt du fonctionnement de l'État, au nom de la transparence, de l'efficacité
et de la participation citoyenne, mais comment vous convainquez les
responsables politiques, peu importe le parti, d'adhérer à une vision comme
celle-là?
M. Gauthier
(Jean-François) : Bien...
M.
Drainville : …mettre à risque.
M. Gauthier (Jean-François) : Tout à fait. Tout à fait. Tout à fait. Il faut qu'on
comprenne maintenant que la politique a changé et que les façons de
faire la politique ont changé. Donc, les exigences des citoyens, les exigences de ce qu'on voit actuellement c'est... moi, ça m'apparaît
très clair, en tout cas, qu'à cause des nouvelles façons de communiquer
l'information, à cause du fait que jamais dans l'histoire du monde les citoyens
n'ont eu accès aussi rapidement à l'information et à la communication entre eux
de cette information-là…
Il faut que les politiques comprennent que tout
ce qui est public n'est pas de la nouvelle. Donc, ça veut dire que, si, vous-même, vous êtes proactif dans la
divulgation de l'information, vous êtes en mesure de rétablir la
confiance avec vos commettants. Et ça, ça ne sera même
plus, à mon avis... Une directive comme celle-là, c'est Obama qui l'a adoptée quand il est arrivé au pouvoir parce que,
dès le départ, il a compris qu'il y avait une crise de confiance majeure
et qu'il y avait des solutions majeures à
mettre en conséquence de ça. Il faut absolument qu'on prenne le virage le plus
tôt possible pour changer le modèle d'affaires, changer la culture du
gouvernement.
M.
Drainville : Mais est-ce que
je viens de vous entendre dire qu'à partir du moment où l'information est
publique ce n'est plus de la nouvelle? Est-ce que c'est ça que vous avez dit?
M. Gauthier (Jean-François) :
Absolument! Absolument! Moi, je...
M.
Drainville : Donc, ça, c'est
l'argument à la question... C'est la réponse à la question que je vous pose.
Vous dites aux responsables
politiques : Si vous rendez publique l'information, cette information-là,
même si elle est révélatrice d'une
erreur, par exemple, ou d'un manquement, ou d'une faiblesse, ou d'une faille,
le fait que vous la rendiez publique par vous-mêmes va limiter le
dommage que vous allez vous-mêmes vous infliger parce que, de par cette
attitude d'ouverture et de transparence, vous en diminuez l'impact médiatique.
C'est ça?
M.
Gauthier (Jean-François) :
Absolument. Absolument. C'est toute l'idée de la donnée ouverte, à quelque
part. Il faut que nos politiciens comprennent qu'à l'heure de l'information
dans laquelle on vit actuellement tout se sait. Donc, il ne s'agit pas de... Le rôle de l'État dorénavant, c'est de
protéger les vraies informations nominatives, s'assurer que ce qu'on rend public, ce sont des informations
qui ne portent pas à conséquence sur la sécurité nationale ou qui ne
mettent pas en cause les individus. Donc, ça, c'est le rôle de l'État,
sécuriser l'information publique, une fois qu'on a compris ça... puis rendre accessible
l'information de façon massive. Tout ce qui concerne la sécurité nationale ou
qui concerne
des informations nominatives, tout le reste sans exception devrait être publié
massivement par nos gouvernements et faire en sorte que les citoyens
puissent utiliser ces informations-là pour jouer le rôle de chien de garde qu'on
veut qu'ils jouent actuellement.
M.
Drainville : Mais est-ce
que... D'abord, je trouve votre réponse très intéressante. Le problème,
évidemment, c'est que le seul moyen de
savoir si ça marche, c'est de l'essayer, n'est-ce pas? Tant et aussi longtemps
qu'on reste dans un modèle théorique,
on ne peut pas vraiment savoir si ça fonctionne ou pas, donc il faut se mettre
à risque pour savoir si votre théorie fonctionne.
Là où elle a
été essayée, en tout cas sous la forme d'une directive... puis plus qu'une
directive, il faut être honnête, là, il y a quand même toute une vision
qui a été déployée par Obama, est-ce que... Là, ça fait quoi, là, ça fait,
disons, cinq ans qu'il est là, Obama, plus
ou moins, là. Est-ce qu'on peut déjà tirer quelques leçons de l'expérience
américaine en matière de gouvernement ouvert? Qu'est-ce que ça a changé
véritablement, là?
M. Gauthier (Jean-François) : Bien…
M.
Drainville : Parce que, moi, je suis quand même assez au fait
de l'actualité américaine, là, je me considère assez bien informé sur ce qui se passe aux États-Unis et je n'ai lu nulle
part que ce virage-là avait provoqué unetransformation radicale et profonde du fonctionnement de l'État
américain, là. Ça, je n'ai pas lu ça nulle part. Qu'il ait posé des gestes qui vont dans la bonne direction,
dans la direction que nous souhaitons tous ici et que vous souhaitez
aussi, ça, je ne mets pas ça en doute, là,
mais, de là à dire que l'approche d'Obama et de son administration sur le
gouvernement ouvert a provoqué une révolution dans le fonctionnement de l'administration
publique américaine, ça, je demande à être convaincu parce que je n'ai
pas lu ça nulle part.
M.
Gauthier (Jean-François) :
Bon. D'abord, plusieurs éléments de réponse à ce que vous interpellez. Il
faut comprendre que, dès l'arrivée au pouvoir d'Obama, il est allé chercher
3 milliards d'économies dans un an par la divulgation proactive des
projets en technologie de l'information. Vous savez comment il s'y est pris, c'est
bien simple, il a fait prendre une photo de
lui en train de regarder le fameux tableau de bord, sur lequel tableau de bord,
si vous y allez, sur itspending.gov,
vous allez voir la photo des gestionnaires, vous allez voir les contrats que
ces gestionnaires-là donnent, tout est
accessible, et les citoyens peuvent commenter directement sur le Web ce qui est
publié parl'Administration. Quand il
a fait ça, une semaine après avoir lancé le tableau de bord, il a envoyé une
photo de lui-même à tous les
administrateurs publics, les présidents d'organismes, en disant : Voici qu'est-ce
qui va se passer, les citoyens dorénavant auront accès à l'information
sur comment vous gérez.
Et donc les
gestionnaires publics, le premier impact que ça a eu, il y a une agence, entre
autres, qui a radié 42 projets dans 30 jours, et ça, ce sont des vrais
chiffres que je vous mentionne là, et ça a donné, en bout de ligne,
3 milliards d'économies sur 80 milliards de projets.
M. Drainville : Qui a chiffré ça, ce
chiffre-là, 3 millliards?
M. Gauthier (Jean-François) : C'est
le gouvernement américain. Ce sont des chiffres qui sont accessibles sur les sites américains. Vous allez voir, c'est
très facile d'accès, ce sont des vraies données que je vous mentionne
là.
M. Drainville : Donc, c'est des
contrats qui avaient été accordés?
M. Gauthier
(Jean-François) : Oui, des contrats qui avaient été accordés pour
80 milliards de projets. Dans un an, on
est allé chercher 3 milliards d'économies sur 80 milliards de
projets. Ce que ça veut dire, ça, ça veut dire que la publication, la transparence, l'imputabilité qu'on
donne aux gestionnaires qui engagent les fonds publics en publiant ce qu'ils font sur le Web, c'est-à-dire en leur
demandant… On prend carrément une photo et on leur dit : Donnez-nous
votre opinion sur comment va votre projet.
Il ne s'agit pas de mettre en place un outil de BI compliqué, avec des
indicateurs à ne plus finir, il s'agit…
«keep it simple». C'est ce qu'ont fait les Américains : Dites-nous, comme
administrateurs publics, ce que vous
pensez de votre projet, cotez-le par niveau de risque de zéro à 10. Et les gens
peuvent, à ce moment-là, réagir sur l'évaluation que les gens font de
leurs propres projets, et là le mouvement est amorcé.
Il s'est
passé la même chose en Angleterre. Vous savez, ce que je cite souvent comme
exemple, c'est l'exemple que David
Cameron donne sur toutes les tribunes depuis deux ans. David Cameron, ça lui a
pris un an à faire le changement… amorcer
le changement de façon très importante au niveau du gouvernement ouvert. Il est
allé chercher 50 % d'économies, il
est allé chercher 50 % — excusez-moi — de réduction du taux de mortalité en
chirurgie cardiaque, 50 % de moins de mortalité en chirurgie cardiaque dans un an. Comment il a fait ça? Il a
fait ça en publiant les données, les taux de succès, par hôpital, par type de chirurgie, en format
ouvert. Et là il y a des gens dans les... des citoyens qui ont pris ces
données-là, qui ont créé des applicatifs qui
permettent… Si vous résidez à Londres, vous êtes capables, avec votre téléphone
mobile, de savoir à quel hôpital vous
devriez vous faire traiter en fonction de la maladie que vous avez. Et ça, ça a
eu un impact majeur sur la performance des établissements.
Parce qu'il ne s'agit pas de
mettre un outil de contrôle pour en mettre un, il s'agit, à travers un geste
comme celui-là, de permettre le partage des
meilleures pratiques. Les gens qui sont impactés par ça, les hauts
fonctionnaires doivent comprendre que, oui, ça fait mal, peut-être, sur
le coup, d'ouvrir le kimono, comme on dit, mais, une fois qu'il est ouvert, ce n'est pas juste pour la population qu'il
est ouvert, il est ouvert pour nos pairs. Donc, les hauts
fonctionnaires, tous les gens qui sont dans le réseau sont capables de prendre
le téléphone et d'appeler pour dire : Telle, telle expérience que vous avez faite, ça a marché comment? Comment
vous vous y êtes pris pour atteindre cette performance-là? Et là le résultat de ça, c'est l'amélioration de la
performance de l'État, parce que les bonnes pratiques se propagent. C'est
comme ça qu'il faut le comprendre. Un
tableau de bord, ça sert à ça. La divulgation proactive, ça a un impact
économique fantastique et ça peut générer des économies puis ça peut
surtout améliorer la performance de l'État.
M.
Drainville : Quand vous
dites : Ça peut créer de la richesse, le gouvernement ouvert et, de façon
plus générale, le plan numérique, là…
M. Gauthier (Jean-François) : Oui?
M. Drainville : Parce que ce
que je comprends, puis corrigez-moi si je me trompe, j'en sais plus que j'en savais au début de ces consultations-là, mais je
réalise à quel point ce champ d'études puis d'action est vaste. Moi, j'avais,
sincèrement, sous-estimé, je vous dirais, le
niveau de complexité que tout ce débat-là, dis-je bien, soulève, là.
Alors, ce que je comprends, c'est que le gouvernement ouvert, c'est une des
dimensions du plan numérique, n'est-ce pas?
M. Gauthier (Jean-François) : Tout à
fait.
M.
Drainville : Alors, j'aimerais
ça que vous nous expliquiez où est-ce qu'elle est, la création de richesse
là-dedans?
• (19 h 50) •
M.
Gauthier (Jean-François) :
Bon. Là-dessus, je vais demander à M. Cartier de parler parce que M.
Cartier, évidemment, vous savez, c'est un
des trésors nationaux qu'on a, au Québec, sur ces questions-là, en termes de
réflexion sur comment on devrait prendre la
route vers une société de la connaissance. Parce que c'est de ça dont il est
question quand on parle d'un plan numérique
au Québec, c'est : Comment peut-on se faire un projet de société collectif
qui soit rassembleur puis qui permet
justement à toutes les composantes de la société d'utiliser l'intelligence, d'utiliser
l'information pour justement créer une nouvelle richesse, créer une nouvelle
économie numérique? Et donc c'est là qu'il est, le capital. C'est-à-dire que, quand on parle du patrimoine informationnel,
il faut le comprendre comme une richesse naturelle pour l'avenir. Et c'est comme ça qu'il faut
concevoir qu'on pourra susciter la création de richesse à travers le
développement d'applications, à travers le développement de nouveaux
services à très forte valeur ajoutée pour les citoyens. Puis je peux vous
donner un exemple dans le domaine de la santé, par exemple. Puis je…
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Gauthier (Jean-François) : …je passe la parole à M. Cartier là-dessus, qui pourrait en parler
plus que moi, là. Mais il y a énormément d'exemples qu'on pourrait
donner sur les services à valeur ajoutée.
M. Drainville : Alors,
M. Cartier, expliquez-nous en quelques mots — parce qu'on n'a pas
tant de temps que ça, là — un
plan numérique, c'est quoi? Dit simplement pour que M. et Mme Tout-le-monde,
là, les très nombreux téléspectateurs qu'on a ce soir, là, qui n'écoutent
pas le hockey mais qui nous écoutent, là, pour que tout le monde saisisse bien
c'est quoi, ça, un plan numérique.
M. Cartier
(Michel) : O.K. Deux
exemples. J'ai été longtemps, 23 ans, à l'UQAM, donc, en tant que professeur. Je sais très bien, en analysant les 40 pays de l'OCDE,
qu'à peu près en dedans de 10 ans 30 % des jobs vont disparaître et
30 % des
nouvelles jobs vont apparaître. Est-ce qu'il y a, en quelque part, une analyse,
exemple, dans nos universités des jobs qui s'en vont
puis des jobs qui s'en viennent? Moi, je peux vous dire non.
Et
j'ai été surpris, l'autre jour — parce
qu'on m'a demandé d'y retourner, de visiter l'UQAM — de voir qu'on donnait des cours de photographie, quand, dans l'avenir, la
photographie — il est
où ton petit bidule, là? O.K. — quand la
photographie, elle va se faire en grande
partie là et que les nouveaux emplois vont être dans des formes d'intelligence,
c'est-à-dire de traitement de l'information. On aurait grand avantage, par
rapport au monde de l'éducation, à faire une
étude des emplois qui s'en vont, des emplois qui s'en viennent, et, pour ça, ça
nous prend une série de recherches sur ce type d'emplois là.
La deuxième chose, je relève, moi et mon épouse,
d'une période pas facile, qui a été neuf ans de... c'est une question de cancer dans un hôpital du nord de la
ville. Ce n'est pas moi qui étais atteint, c'était mon épouse, mais je
servais de secrétaire. Elle faisait affaire avec l'infirmière, l'infirmière
pivot, le médecin, l'administratrice et finalement la pharmacienne. Comment se fait-il qu'une personne qui ne connaissait rien
à un hôpital devait faire face à cinq dossiers différents pour gérer son
cas à elle? Comment ça se fait qu'on n'a pas un maudit dossier patient? C'est
impossible, dans le monde de l'éducation et
dans le monde de la santé, aujourd'hui, qu'on n'ait pas un dossier patient puis
un dossier étudiant en 2013. Voyons donc!
M.
Drainville : …peut-être pour
ça, en passant, là, que j'étais porte-parole en santé. Je ne veux pas m'étendre
là-dessus. Mais disons qu'on a demandé que ça se fasse, et ça ne se faisait
pas. Mais, encore une fois, je n'ai pas le goût
de lancer le débat là-dessus. Ça commence à se faire, là. Ça commence à se
faire, mais ça a pris du temps. Ça a pris du temps. Mais vous m'avez...
M. Cartier (Michel) : …je revenais d'Amérique
du Sud où tous les dossiers patients, en Amérique du Sud, étaient en cinq
langues. Comment ça se fait que ça prend 10 ans pour que je me présente devant
une assemblée telle que la vôtre pour vous dire qu'il y a 10 ans déjà on en
parlait à Montréal?
M. Drainville : …plan numérique, là,
un plan numérique, c'est quoi, c'est…
M. Cartier (Michel) : ...
M. Drainville : …c'est l'idée de
développer… développer une série de...
M. Cartier
(Michel) : C'est gérer des
milliers et des milliers, pour ne pas parler de milliards de données qui
sont dans les 26 ministères, de façon
croisée, à aider les gens qui vont passer sur le pont Champlain, qui vont aller
à l'Hôpital Sacré-Coeur ou qui vont aller à l'UQAM, là. C'est ça.
M.
Drainville : Et ce que vous
dites, vous, votre hypothèse, c'est que, si on libère ces données, on va
nécessairement susciter des idées, des...
M. Cartier (Michel) : …dans 20 pays
à travers le monde, c'est déjà fait. C'est l'administration de toutes les données que tous les ministres et les ministères
mettent ensemble, les décloisonner pour empêcher d'avoir 28 silos et de créer des applications pour que le gars qui s'en
va sur le pont Champlain ou à l'hôpital Untel ou à l'université Untel
soit capable, avec les applications, d'être mieux servi par son État. C'est
tout simplement ça.
M. Drainville : …ça, je comprends l'intérêt
pour le citoyen. Mais ma question portait sur la création de la richesse à travers ça. C'est que cette
disponibilité d'information donne naissance à des entreprises, par exemple, c'est
ça…
M. Cartier (Michel) : Non seulement
ça...
M. Drainville : ...qui offrent des
services, qui développent des applications?
M. Cartier
(Michel) : …ou, à la fois,
vous avez des nouvelles entreprises, vous avez des nouveaux emplois,
mais surtout — et
c'est là, notre message d'aujourd'hui — vous allez avoir probablement
40 % de moins de choses à faire et
30 % que vous allez gagner avec l'information que vous avez déjà. Le
problème, c'est que vous avez déjà tout ça, vous êtes assis dessus. Excusez, ce n'est pas tellement poli de vous dire ça.
Mais vous êtes assis sur toute cette information-là et vous ne la... je ne dis pas vous personnellement,
mais elle n'est pas gérée correctement. Il faut que chaque information
ait quatre dimensions, qu'elle soit rentrée pour être gérée par l'autre ministère,
par Untel ou par Untel. Le coût de ça, c'est
30 % plus de bénéfices. Elle est là, la valeur ajoutée, c'est dans le
service ajouté grâce à tout le matériel que vous avez déjà.
Le Président (M. Marsan) : M. le
député de Sanguinet.
M. Therrien : …combien de temps?
Le Président (M. Marsan) : Il reste
environ sept minutes.
M. Therrien : O.K., merci. Merci beaucoup. Merci. Écoutez, tantôt, vous avez parlé des hôpitaux. J'ai
comme allumé une cloche, là, parce que moi,
j'ai lu quelque chose récemment sur la productivité, parce qu'on essaie
toujours d'améliorer la productivité des hôpitaux, et, aux HEC, ils ont une
chaire, là, qui étudie la productivité. Et Robert
Gagné, qui est en charge de ces études-là, a écrit quelque chose, à l'automne, de
très intéressant. Il mentionnait que, pour améliorer les services au
niveau des hôpitaux, il fallait les rendre concurrentiels, il fallait instaurer
de la concurrence entre les services hospitaliers pour faire en sorte de faire
plus avec moins, puis diminuer les coûts, puis améliorer même les services à la
population. Moi, j'ai trouvé ça très, très intéressant, mais...
C'est
des dossiers que... Votre réflexion est très profonde, et moi, je n'ai pas
cette réflexion-là. Ça fait que j'ai lu ça puis j'ai mis ça de côté. J'ai
dit : Ah bien, c'est intéressant! Puis là, quand vous avez parlé
tantôt — j'ai
pris ça en note — là j'ai allumé. En Europe, ils le font. Les
pays scandinaves, ils le font. Ils sont capables d'irriguer l'argent
vers les hôpitaux qui sont performants. Il faut que la population soit informée
des hôpitaux performants, et les argents sont envoyés pour les encourager à
devenir performants.
Moi,
j'aimerais ça vous entendre sur... Et là je viens de comprendre que, sans ce
que vous dites, c'est impossible. Moi,
j'aimerais ça que vous me parliez rapidement, là, de l'expérience de ces
pays-là et à quel point on pourrait transférer ces applications-là ici,
si ça se fait, parce qu'on est sur quelque chose de très, très intéressant.
M. Gauthier (Jean-François) : Tout à fait. Et je vais vous donner un exemple
qui ne sera pas de l'extérieur, qui va
être du Québec. Nous, dans le cadre des mandats qu'on a faits, Mario et moi,
entre autres, on a fait un mandat chez SOGIQUE,
qui est un gestionnaire d'actifs important dans le réseau de la santé. On a
évalué les actifs... Parce que vous savez
que SOGIQUE, à l'époque... parce que, maintenant, c'est intégré au ministère,
là... mais SOGIQUE gère des actifs très, très, très critiques pour,
entre autres, le maintien des personnes âgées à domicile.
Si on pense... Puis je vous amène dans cette
réflexion-là. Pensez à l'impact de la libération des informations qui concernent les besoins au niveau du maintien des
personnes âgées à domicile, pensez-y dans le sens qu'on est capables de libérer cette information-là, pas sur les besoins
de Mme Gagnon sur la rue... Il faut que ça soit dénominalisé, on s'entend,
là. Mais il y a une possibilité de
sécuriser, libérer cette information-là pour faire en sorte que les
entreprises... Le réseau capillaire, comme dit souvent mon ami Mario,
dans toutes les entreprises d'économie sociale qui veulent cette information-là
pour être capables d'être plus performantes,
ne serait-ce que pour céduler, par exemple, les besoins, les soins de pied,
la popote roulante, les ci, les ça… Vous
savez comment ça se fait actuellement. Il y a un préposé au téléphone, à tous
les jours, qui prend le téléphone puis qui «booke» ces soins-là pour les
personnes âgées à domicile. Le jour où on rend accessibles de façon
intelligente ces données-là, bien il y a des gens dans le champ...
Parce que, vous le savez, la différence entre l'informatique
moderne puis l'informatique du passé, là, c'est de créer une application sur iPhone. Aujourd'hui, pour des
gars comme ça, qui sont des spécialistes, là, on parle de quelques
jours, on ne parle pas de semaines, ni de
mois — l'application
iPhone qui est sur App Store, là — donc
on parle de peut-être entre 10… peut-être entre 10 et 20 jours de
travail. On n'est pas du tout dans la même dimension. Donc, cette
information-là peut permettre à des entreprises d'utiliser cette information-là
puis de permettre, par exemple, aux proches
aidants, sur leurs téléphones mobiles, d'être capables d'accéder à un
applicatif qui va permettre de supporter la prise en charge des
personnes âgées à domicile. Et ça, on l'a démontré dans le cadre de l'étude qu'on
a faite chez SOGIQUE. Puis, Mario, si tu veux compléter la réponse...
• (20 heures) •
M. Perron (Mario) : Pour répondre à la question sur la création de richesse, je vais vous
donner un exemple passé puis un exemple moderne. L'exemple passé :
grâce à la social-démocratie du Québec ou nos grands programmes, on avait, à la Société d'assurance automobile, créé,
dans les années 80, un excellent système de dossier unique du permis de conduire et de l'immatriculation qui n'avait pas d'égal
en Amérique du Nord. Les firmes qui avaient créé ça avec l'aide du
gouvernement se sont mises à en faire la promotion aux États-Unis, et on a
commencé à déployer cette solution-là, à
faire rentrer de l'argent au Québec, à nos firmes à nous, qui étaient des
firmes d'informatique, au lieu d'être des firmes qui construisaient des barrages comme au bon vieux temps. Donc, ces
firmes-là ont commencé à revendre cette expertise qui avait été créée
par la conjonction de l'innovation québécoise et du modèle sociétal québécois,
qui est légèrement différent, qui avait
permis la création d'un fichier unique dont les Américains ne s'étaient pas
dotés avant. Il y avait un potentiel de 2 milliards de dollars de
revente de ces technologies-là qu'on avait créées ici, souveraineté numérique
dans ce cas-là.
Prenons
l'exemple, aujourd'hui même, du réseau de santé américain, que vous connaissez
bien. L'ObamaCare est basé en grande partie sur la transformation des
organisations américaines sous la forme de ACO, Accountable Care Organization, modèle, comme par hasard, que nous
avons déjà commencé à déployer avec les GMF, de sorte que, si vous ouvrez les données, des compagnies comme les nôtres
vont créer des applications pour les GMF qu'on va aller revendre aux États-Unis parce qu'on est en avance sur ce
modèle sociétal là, puisqu'effectivement, si on met la conjonction,
encore une fois, de l'ouverture de la donnée, de la collaboration de la société
civile dont je fais partie, créateurs de logiciels et du numérique, on est capables de créer avant les
autres parce qu'on a déployé le modèle avant les autres. Il y a un
immense appétit chez nos amis américains,
chez qui on fait la promotion de ces solutions-là. Et on pourrait créer de la
richesse. C'est un bel exemple, au niveau de la santé, qui est énorme en termes
de production de richesse.
M. Therrien : Autrement dit, l'économie de marché fonctionne avec l'information des
prix. C'est-à-dire qu'on va orienter
nos allocations de richesse au niveau des prix, puis c'est l'appât du gain qui
va faire en sorte qu'on soit efficaces, puis c'est ça qui attire l'efficacité. Dans le cas de la fonction
publique puis la bureaucratie, on n'a pas ce stimuli-là parce qu'on n'axe pas vers la profitabilité nos actions
et on manque d'information parce que le système des prix ne fonctionne
pas à ce niveau-là.
Et
ce que je viens de comprendre, je viens d'allumer, là, c'est qu'on peut
réaliser de la création de richesse puis une amélioration de l'efficacité de la fonction publique, de la
bureaucratie justement par la transmission d'informations qui va faire en sorte qu'on aura une amélioration de l'utilisation
des ressources, des ressources humaines au sein de notre gouvernement.
Le
Président (M. Marsan) :
Alors, M. le député de Sanguinet. On termine en même temps... Le temps est
écoulé. Nous poursuivons avec l'opposition
officielle. Et je vais donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Madame.
Mme de Santis : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci et merci beaucoup d'être là pour présenter votre mémoire. C'est très, très intéressant. Alors, je
vais laisser la parole plutôt à mon collègue, mais j'ai une ou deux
questions. Vous faites trois recommandations. La première recommandation, c'est
que le gouvernement s'associe aux leaders de
la société civile et amorce le chantier qui dotera le Québec d'une véritable
stratégie nationale du numérique. C'est qui, ces leaders de la société?
M.
Gauthier (Jean-François) :
Bon, les leaders de la société... Moi, je pense que la question, j'aurais envie
de l'inverser : Qui ne devrait pas être
dans cette réflexion-là? Parce que, je vous l'ai dit tout à l'heure, les
leaders de la société qui sont impactés par le numérique en général, je
ne pense pas... moi, je ne suis pas capable de penser à un groupe qui, à quelque part, ne sera pas impacté par le
numérique, par la transmission de l'information. Parce que l'information
est absolument le nerf de la guerre dans l'avenir.
Donc, on parle de gouvernance de l'information, de se donner un modèle
de transport de cette information-là puis de valorisation de cette
information-là. Donc, pour moi, c'est toute la société.
Évidemment,
quand on parle du numérique, traditionnellement, on a toujours le réflexe de
penser aux technologies. Il faut arrêter de penser aux technologies
quand on pense au numérique. Ça a l'air drôle à dire ce que je vous dis là, parce que le numérique, ce n'est plus un enjeu
technologique, c'est un enjeu de société qui doit rejoindre tout le
monde. Tous les citoyens sont impactés par
ça. Savez-vous combien... Puis M. Cartier me donne l'information puis il a
parfaitement raison. À chaque jour, on
transige pour 2 milliards de dollars en valeurs avec les Américains, tous
les jours. Les Américains, on le sait, sont déjà équipés pour transiger
électroniquement avec les entreprises.
J'entendais l'exemple
de Boeing tout à l'heure, Mario nous le donnait, Boeing, le plus gros de ses
affaires vient de la vente de pièces
qui se fait sur Internet. On ne vend plus des avions, on vend des pièces sur
Internet. Le volume d'affaires qui est en train de se transiger
électroniquement à travers ce virage-là, il est gigantesque.
Actuellement,
au Québec, malheureusement on est en retard là-dessus. Donc, ça impacte au
niveau sociétal, au niveau
économique, au niveau culturel. Il n'y a pas un secteur d'activité de la
société québécoise, à mon avis, qui n'est pas concerné par cette
réflexion-là sur l'avenir de la modernité de ce qu'on doit aller. Parce qu'actuellement
le problème qu'on vit, c'est que, pendant qu'on
réfléchit, nous, là, il y a des technopoles qui se créent à travers le monde,
il y a des pays qui sont en train de prendre une avance qu'on va avoir
beaucoup de difficultés à rattraper malgré la créativité de nos entrepreneurs,
malgré notre bonne volonté. Il y a vraiment... Puis moi, c'est ce qui me
désole, on prend du retard, un retard important.
Mme de Santis : Si j'ai compris, il
y a 20 pays qui ont adopté déjà un plan numérique. Lesquels?
M. Gauthier (Jean-François) : Les
Américains, l'Australie, les villes sont en train de se doter de plans numériques, l'Asie, la Malaisie — bon,
nommez-les tous — Taiwan.
La plupart des pays modernes industrialisés sont déjà avec des plans
numériques.
Je vais vous donner l'exemple, celui de la ville
de New York, parce que celui-là est très fort. Quand Michael Bloomberg est arrivé... La semaine dernière, on a
organisé une conférence téléphonique avec la directrice des affaires
numériques de la ville de New York, un nouveau poste, une nouvelle dénomination
de poste, qui est très parlante, à mon avis.
On ne parle plus de technologie, on parle du numérique. Donc, la directrice des
technologies de la ville de New York, elle a 29 ans, et c'est elle qui,
depuis deux ans avec Michael Bloomberg, avec un leadership politique très fort,
a réussi à livrer un des meilleurs plans numériques au monde pour la ville de
New York.
Mme de
Santis : Si on va vers un
gouvernement ouvert et les renseignements deviennent disponibles pour
tout le monde, c'est énormément de renseignements. Et les renseignements, c'est
le pouvoir. Dans une société comme la nôtre,
où on est aujourd'hui, où on n'a pas une population qui est rendue à ce
niveau-là, est-ce que c'est possible qu'on va laisser des gens derrière
nous? Vous parlez d'un monde qui est très «futuristic», et alors je me demande
comment nous faisons pour faire suivre la population vers cette direction et
est-ce qu'on va en perdre.
M. Gauthier (Jean-François) : Bien,
vous avez raison, il y a...
Mme de Santis : Il y a toute une
discussion à avoir là-dessus.
M.
Gauthier (Jean-François) :
Tout à fait. Il y a une fracture numérique au Québec, puis, quand on parle de
cette fracture-là, on pourrait en parler
longuement, mais il y a effectivement à se doter de moyens puis à penser à
comment on ne largue pas le 40 % de la
population qui n'est pas... qui ne sont pas tous au même niveau, la difficulté
que ces gens-là vont avoir à suivre. Mais il reste qu'au niveau de notre
rôle, en tout cas, au niveau du gouvernement, c'est de marquer le pas puis d'amener
l'innovation. Et c'est maintenant, je pense, qu'il faut le faire. Oui, il y
aura un enjeu évident pour ramener, pour s'assurer qu'on ne largue pas personne en cours de route,
effectivement, mais on ne peut pas, à cause de ces préoccupations-là, s'empêcher de faire ce qu'on doit faire pour
rattraper le retard qu'on doit se donner. Moi, je pense que c'est
absolument fondamental là-dessus. M. Cartier.
M. Cartier (Michel) : Le point
intéressant, c'est qu'on parle du Québec, mais on pourrait parler des 40 pays de l'OCDE ou des 57 pays qui sont à peu près les
mêmes. Tous les pays, on est comme tous alignés sur la piste de course ensemble, et là tout le monde essaie d'avancer. Il
y a une vingtaine de pays qui sont en avance par rapport à ce qu'on
fait, mais, d'une façon ou d'une autre, ils
ne sont pas rendus... je ne veux pas dire très loin, ils ont des avances — exemple,
les Américains, les Australiens ou les
Malaisiens — où
ils sont rendus très loin. Mais le problème qui s'est posé, c'est que,
partout, les mêmes problèmes concernant ceux qui sont analphabètes, handicapés,
ou etc., ils sont partout pareils à travers le monde.
Moi, ce que
je pense, c'est qu'à un moment donné c'est un peu comme la débâcle au printemps
quand les glaces partent. Et il y a des pays qui vont aller plus vite
que d'autres. Je vous envoie juste — pas à vous, mais à tout le monde — quelques chiffres intéressants. Il y a 10 ou
12 ans, à l'OCDE, le Canada était le cinquième pays au monde au ratio de
personnes connectées sur Internet. Aujourd'hui, le Canada est le 15e pays, et
le Québec, dans l'ensemble des 10 provinces canadiennes, est la cinquième
province. Autrement dit, aujourd'hui, on est le 20e pays, où on était cinq.
• (20 h 10) •
Le Président (M. Marsan) : M. le
député de Verdun.
M.
Gautrin : Je vous remercie.
J'ai quelques questions à vous poser. Je vais d'abord répondre à mon
collègue le ministre. À l'heure actuelle,
vous avez posé, tout à l'heure, une question qui est : Qu'est-ce qui
incite les gens à donner une information exacte? Et c'est vrai qu'un des
grands...
M. Drainville : C'est se mettre à
risque.
M. Gautrin : C'est se mettre à
risque, justement. Vous avez remarqué, et je crois que c'est vous qui êtes
responsable, actuellement, du site www.gouv.qc... Des données gouv., c'est vous
qui l'avez ou pas?
M. Drainville : Non, c'est le
Trésor.
M.
Gautrin : C'est le Trésor.
Vous avez regardé, au Trésor, à l'heure actuelle, la difficulté qu'on avait
d'avoir une information qui soit cohérente?
On a, par exemple, le tableau de bord sur les données en informatique, et vous
regardez que la tendance sur les tableaux de
bord, c'est que tous les projets marchent très bien. Comme vous le connaissez,
actuellement, il y a un certain nombre de
projets qui ne marchent pas bien, et parce que là, là, c'est la difficulté qu'on
a, à l'heure actuelle, de pouvoir s'assurer que l'information qu'on
donne soit une information exacte. Parce que, vous avez parfaitement raison, il
y a une réaction de la part de ceux qui génèrent l'information de devoir...
M. Drainville : De vouloir se
protéger.
M.
Gautrin : …de vouloir se
protéger. Donc, il ne faut pas lire que toute l'approche gouvernement ouvert
n'est pas sans avoir un certain nombre de
problèmes inhérents, quand même, derrière ça, et vous avez parfaitement raison
lorsque vous l'avez soulevé.
Le deuxième
élément que je voudrais aborder avec vous, vous avez parlé, tout à l'heure, de
la question : Quel était l'avantage de création de richesse? Le
problème, c'est qu'à partir du moment où l'information est divulguée, l'information est accessible, là, à ce moment-là,
vous pouvez retravailler, à partir de cette information brute,
construire quelque chose — c'est
ce que mon collègue a appelé l'implication — et qui devienne quelque chose
qui a une valeur économique. Donc, à partir
de quelque chose qui, au départ, n'a pas de valeur et qui est dans l'ensemble
de l'information que vous détenez ou
qu'on détient tous et qui est l'intervention gouvernementale, on peut
permettre, à ce moment-là, de créer des objets qui viennent de valeur...
Le collègue...
M. Drainville : C'est littéralement…
si vous me permettez, c'est littéralement une mine d'informations...
M. Gautrin : Absolument.
M. Drainville : Une mine d'informations.
M.
Gautrin : Le collègue a
donné, tout à l'heure, l'exemple de la santé. Je vais vous donner un exemple
qui s'est fait ailleurs. Vous prenez, par exemple, les temps d'attente
dans les urgences, les cartes et la position des hôpitaux, et, à ce moment-là, vous pouvez alors créer
quelque chose qui est commercialement utile et vendable, à ce moment-là,
pour vos citoyens. Vous avez créé un bien nouveau qui devient, à ce moment-là,
commercialisable. C'est comme ça que le gouvernement ouvert va dire la
richesse.
Je
voudrais rentrer sur deux questions que je voudrais vous poser. La première, c'est…
C'est clair que donner l'information
est quelque chose d'important, mais il faut savoir aussi comment le citoyen
peut réagir. C'est-à-dire que moi, la
participation du citoyen… et ces lois... Vous êtes ministre, actuellement… Je m'excuse,
je m'adresse, M. le Président, au ministre, à travers vous. Mais savoir comment
on va être en mesure de baliser la participation des citoyens pour
pouvoir après exactement savoir que le gouvernant que vous êtes et que le
parti… ne va pas seulement dire : La
participation... Mais il faut participer pour le plaisir de participer, mais on
va vouloir en tenir compte et comment on va pouvoir tenir compte d'une
véritable participation.
Vous
avez soulevé, tout à l'heure, tout à fait à juste titre... Prenez par exemple
la surveillance que… l'imputabilité qu'on
peut faire en dévoilant les données. Mais il faut que le citoyen puisse réagir
et que le décideur puisse tenir compte de cette réaction du citoyen. Et, je vous dis très franchement, je n'ai pas
résolu ce problème-là, hein? C'est un problème que je trouve qui est ouvert, qu'il faut qu'on
réfléchisse et qu'on avance. Comment on peut être en mesure de baliser, de ne
pas non plus tomber dans quelque chose où
quelque personne va contrôler parce qu'elle contrôle les lignes
informatiques, etc., ou Internet, mais dans lequel on tient vraiment compte
aussi du point de vue du citoyen? Je pense que c'est un débat qui est sérieux.
Et
c'est non seulement dans le gouvernement ouvert, la transparence, qui est un
élément important, mais il est aussi important d'avoir le deuxième
élément qui est de vouloir mieux baliser la participation des citoyens. Et,
quand je dis «participation», ce n'est pas le mécanique, technique, pour dire…
trouver un… mais savoir comment le dirigeant que vous êtes… Enfin, je dis «vous» et, M. le Président, j'entends… à
travers ça, je dis le gouvernement comme tel, le dirigeant. Et je voudrais savoir aussi si vous pouvez… Ça, c'était
ma première question. Ma deuxième question, je pourrais donner...
M.
Drainville : C'est une excellente question.
M. Gautrin :
Non, non, mais...
M.
Drainville : La commission est terminée, malheureusement.
M. Gautrin :
Mais j'ai encore une deuxième question.
Le Président (M.
Marsan) : Rapidement, M. le député.
M. Gautrin :
Non, non, mais, peut-être, ils peuvent répondre à ma première question?
Le Président (M.
Marsan) : Oui. Allez-y, M. Gauthier.
M. Gauthier (Jean-François) : C'est une question très, très, très fondamentale,
comment on assure la participation citoyenne,
comment on devient un gouvernement plus intelligent, donc un gouvernement qui
se connecte avec l'intelligence citoyenne
et qui permet effectivement de bénéficier de l'intelligence qui aujourd'hui est
partout. La connaissance, elle est partout, on est capables de se
connecter dessus.
Donc,
nous, l'Institut de gouvernance numérique, c'est au coeur de notre mission, ça,
de rendre disponibles des plateformes qui sont créées par l'intelligence
citoyenne à partir des nouvelles approches qui vont permettre justement aux
citoyens de participer activement aux décisions publiques.
Et
je vous en parle très, très rapidement, il y en a deux. Il y en a une que vous
avez déjà entendu parler, qui s'appelle Parlement & citoyens. Vous le savez, on est allés à Paris pour en discuter. Il reste que c'est
une approche pour permettre aux citoyens de participer à l'élaboration
des processus législatifs, qui est très structurée, très méthodologique, qui
actuellement est en cours d'expérimentation en France à travers nos
partenaires.
La
deuxième plateforme, qui, à mon avis, qui est... deuxième idée, il faut
globalement trouver des sujets qui vont aller chercher vraiment l'intérêt
des citoyens, ce qui les concerne directement. Entre autres sujets qui
concernent légèrement les citoyens
actuellement dans l'actualité, c'est toute la question des appels d'offres. On
peut penser développer des façons de faire qui pourraient permettre aux
citoyens de participer activement à l'élaboration des critères et la
priorisation des critères dans les appels d'offres dans le secteur public.
Donc, ça, c'est une autre façon qu'on peut faire pour aller chercher le citoyen
avec les préoccupations qu'il a et l'amener dans la décision publique.
M. Gautrin :
Est-ce que je peux soulever une autre dimension?
Le Président (M.
Marsan) : Oui, M. le député de Verdun.
M. Gautrin : Je comprends ce que vous avez dit. Une autre dimension qui est… Et je
vais revenir tout à fait sur la protection des renseignements personnels
parce que, dans le fond, l'objectif de cette commission, c'est de regarder le rapport, actuellement, de la CAI. Or, autant j'ai
plaidé, j'ai plaidé beaucoup pour le gouvernement ouvert et l'importance
de donner accès à l'ensemble de l'information,
autant je suis un défenseur de la protection des renseignements
personnels. Et jusqu'à quel point on est en mesure de faire des couplages de
fichiers, etc., de découvrir des renseignements qui deviennent des
renseignements personnels? Autrement dit, si je prends trois ou quatre fichiers
et je vais finir par tomber… il n'existe qu'une
personne… Je ne sais pas quelle auto vous conduisez, M. Drainville… enfin, M.
le député de Marguerite...
M.
Drainville : Une Sentra.
Des voix : …
M. Gautrin :
Non, non, mais excusez, là. Mais c'est ce que je prenais comme exemple. Vous
connaissez la marque de l'automobile, vous
prenez les fichiers d'endroits et vous finissez, à ce moment-là, par
avoir une information qui est une
information à caractère personnel. Donc, dans la réflexion qu'on doit dire,
tout à l'approche du gouvernement
ouvert, et c'est important parce qu'on est ici dans le rapport de la Commission
d'accès à l'information… être en mesure, lorsqu'on dévoile des fichiers
qui sont des fichiers en principe extrêmement généraux, et on va dire : Il
n'y a aucun danger, dans le fichier,
de donner un renseignement personnel… le fait qu'on puisse coupler de nombreux
fichiers peut avoir comme effet de dévoiler des renseignements à caractère
personnel. Et je n'ai pas de réponse
encore à ça, hein? Mais je dois dire qu'on
doit avoir une sensibilité… une sensibilité... Non, mais il faut qu'on ait
cette sensibilité.
M. Perron (Mario) : ...c'est une
préoccupation essentielle.
Le Président (M. Marsan) : M.
Perron.
M. Perron
(Mario) : Et elle est
tellement essentielle, cette préoccupation, que, depuis une dizaine d'années,
s'est développée toute une technologie qu'on appelle l'anonymisation, qui
permet a priori, avant même de projeter ces données-là,
de s'assurer exactement de ce que M. Gautrin nous rappelle, qu'on ne va pas
projeter quelque chose qui va nous
permettre d'aller croiser des données pour tomber sur un seul individu. Donc,
il y a des solutions informatiques qui devront
absolument être mises en oeuvre, étant donné que l'État est, bien entendu, le
fiduciaire de ces données-là et de la protection des renseignements
personnels, pour s'assurer qu'au moment du dévoilement il n'y a aucune
possibilité de recouper des données. Et, je vous dis, ces solutions-là, elles
existent depuis environ une dizaine d'années et se développent à chaque année
davantage pour être rigoureusement exactes. C'est un domaine de l'informatique
qui est très nouvellement développé, mais qui fonctionne très bien.
Le Président (M. Marsan) : Alors, M.
le député de Verdun, il reste encore trois minutes.
M.
Gautrin : Ah! Il reste...
Est-ce que madame ma collègue voudrait peut-être intervenir? Parce que, moi, je
peux les prendre, hein? Vous savez, j'ai...
• (20 h 20) •
Mme de
Santis : Je vais poser la
question à mon collègue : Est-ce qu'on ne va pas vers un monde où il y
aura la tyrannie de l'information? Parce que
le dernier point qui a été soulevé, c'est quelque chose qui me préoccupe
beaucoup. Je ne suis pas assez fourbe — je reconnais mes limites — je ne suis pas assez fourbe de savoir quelle
information peut être couplée avec quelle information pour arriver à d'autres
renseignements. Et je ne crois pas qu'il y a un moyen de s'assurer que quelqu'un n'est pas capable de
prendre des renseignements là et arriver à des fins qui sont moins
souhaitables pour la société. Pouvez-vous m'aider à mieux comprendre?
M. Perron (Mario) : Je pense qu'il y
a une énorme oeuvre éducative à faire auprès de la population. Et c'est quelque
chose de fondamental dans un plan numérique et dans un projet de société que de
se doter collectivement de l'éducation
nécessaire pour que... Par exemple — puis je vais vous donner des exemples
concrets qui n'ont pas besoin du gouvernement
ouvert pour ramener des problèmes réels à la population en général — sur les médias sociaux, les gens,
aujourd'hui, indiquent des choses aussi horribles que, par exemple : Nous
sommes, toute la famille, en vacances à Cancun. Je pense que ce n'est pas
exactement une bonne idée de faire ça, par exemple, sur Facebook, O.K.,
donc d'aller dire à la population en général...
Puis là on n'est pas rentrés du tout dans les
problèmes d'anonymisation. Donc, il y a toute une éducation collective à se
faire, entre nous, de la gestion de notre propre identité, de la gestion de
notre identité numérique. On commence à
citer des cas, notamment aux États-Unis, où des gens, lors d'entrevues d'embauche,
ont préalablement fait des recherches
sur tous les médias sociaux et sont allés vérifier, dans les 10 dernières
années, qu'est-ce que vous avez bien pu inventer comme partys de fin de
session et de photographies compromettantes. Donc, c'est le genre de choses
dont il faut absolument discuter entre nous pour voir comment on se dote des
meilleurs outils et de l'éducation nécessaire pour ne pas tomber dans ces travers.
M. Gautrin : J'ai une dernière
question, si vous me permettez.
Le Président (M. Marsan) :
Rapidement, M. le député de Verdun.
M.
Gautrin : Oui. Hier, madame
ma collègue de... — vous
permettez, une toute petite question, je veux... — regardez, a
soulevé la question de : trop d'information, ça équivaut à pas d'information.
Et ça, vous le savez parfaitement, la manière, par exemple, de ne pas... de cacher quelque chose, c'est donner
énormément d'informations. Donc, c'est important, ce que vous dites, dans le gouvernement ouvert. Bien sûr,
il faut dévoiler l'information, mais il faut être en mesure de savoir la
hiérarchiser, de savoir l'archiver et savoir de la manière dont on... à
laquelle on va pouvoir l'utiliser. Parce que, si on donne un énorme paquet d'information, ça équivaut à dire... à chercher
une aiguille dans une botte de foin, en disant : On vous donne du
foin, puis, vous savez, il y a une aiguille quelque part, trouvez-la. Allez-y.
M. Gauthier (Jean-François) : Vous
avez raison, M. Gautrin. Ce qu'il faut passer, c'est qu'il faut passer dans une
ère de gouvernance de l'information. Et là on ne parle plus de la gouvernance
des technologies, on parle de la gouvernance de l'information. Et, je vous le mentionne dans mon
mémoire, à mon avis, on est largement en train de se faire un peu arnaquer dans le vocabulaire, hein?
Parce que, je le mentionne dans mon mémoire, on parle des ressources informationnelles au Québec, on parle de dirigeant
principal de l'information, alors que, dans les faits, ce ne sont pas
ça. On parle de dirigeant principal de l'informatique et on parle des
ressources informatiques et non pas des ressources informationnelles. Donc, ça,
c'est une chose qu'il faudra comprendre. Il y a toute une dimension qu'il faut
qu'on réfléchisse par rapport à ça.
Le Président (M. Marsan) : Merci, M.
Gauthier. Nous poursuivons avec le deuxième groupe d'opposition. Et je vais
donner la parole à M. le député de Lévis.
M.
Dubé : Merci beaucoup, M. le
Président. En fait, j'aimerais mentionner au ministre… Je trouvais ça
intéressant lorsqu'il a fait la comparaison
avec la mine d'information. J'aimerais peut-être penser que le plan numérique
va peut-être faire plus d'argent que
le Plan Nord. Mais ça, on pourra y revenir. Ça serait intéressant de faire la
comparaison. Parce que ce que vous
avez indiqué tout à l'heure, monsieur, avec le potentiel autant d'économies que
de création de revenus, je pense que
vous avez frappé un clou qui doit commencer à résonner dans notre économie. C'est
un excellent point que vous avez fait.
J'aimerais citer, un peu comme l'a fait le
ministre tout à l'heure, un des paragraphes dans votre communiqué. Vous dites : «La fonction de contrôle du
député est primordiale. C'est essentiellement lors de l'étude des crédits que
les parlementaires remplissent cette
fonction.» J'aimerais vous dire qu'on n'a peut-être pas toujours l'information,
mais, en tout cas, je continue la
citation : «L'instauration d'un gouvernement ouvert permettra à tous les
citoyens intéressés d'étudier ces crédits, [et par conséquent] de
participer à cette surveillance des décisions prises par les gestionnaires
publics…»
Je ne sais
pas où est-ce que vous avez pris ça, mais j'aimerais vous remercier de cette
citation parce que je crois qu'on
devrait tous se rallier derrière ce point-là, qu'il y a une raison derrière le
gouvernement ouvert. Cette transparence-là de l'information, on veut la donner aux citoyens pour que les citoyens
soient informés des changements qu'on veut faire. Quand ils sont
informés, habituellement les changements sont plus possibles.
Et j'aimerais
peut-être vous donner quelques minutes, parce que, moi, je n'ai pas beaucoup de
temps… de vous dire : J'ai vu dans d'autres technologies, puis on
peut penser aux cellulaires, où des pays n'avaient pas l'ancienne technologie,
des vieux téléphones avec les poteaux, etc., et, le fait de pouvoir passer tout
de suite aux cellulaires, ils ont fait des bonds énormes.
Je vous ai
entendu tout à l'heure. Je pense que le retard qu'on a peut-être dans le
gouvernement ouvert, on pourrait le
reprendre assez rapidement s'il y avait une volonté du gouvernement ici de
pouvoir le faire. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus, parce que
je pense qu'on a la chance de faire ce genre de rattrapage, pardon, mais aussi
de dépasser bien d'autres. C'est un peu ce que vous avez dit tout à l'heure. J'aimerais
vous entendre quelques minutes là-dessus, si vous permettez.
M.
Gauthier (Jean-François) :
Bien, tout à fait. Je pense que c'est fondamental. On parle ici de
gouvernance, donc, de la mise en place de ce
qu'on doit faire à très court terme, là, pour réussir à rattraper le retard du
Québec puis à se donner une
gouvernance de l'information qui va être efficiente, qui va nous permettre de
mettre à profit toute la créativité puis
le savoir-faire qu'on a au niveau de nos entrepreneurs, etc. Il y a là un
leadership à prendre et une transformation profonde de l'État — on s'en est parlé — un changement de culture magistral à opérer
à l'intérieur de la fonction publique.
Partout dans
le monde, on le voit, il y a deux éléments majeurs. Premièrement, ça prend un
leadership au plus haut niveau de l'État. Ça ne peut pas être un
ministère sectoriel, quel qu'il soit, qui a cette capacité de transformer puis d'avoir le leadership suffisant pour assurer que l'ensemble
des ministères vont suivre, parce que c'est transversal, parce que ça concerne tout le monde et parce que tout le
monde est en compétition, on est dans un monde de compétition. Donc, le leadership au plus haut niveau de l'État, dans ce
cas-ci, le leadership de la première ministre, partout où ça a réussi
dans le monde, on le voit, ce sont les
premiers ministres directement qui ont le leadership, Obama, Michael Bloomberg,
Cameron. Partout dans le monde, les leaders, ce sont eux qui s'impliquent
personnellement dans la mise en oeuvre de cette nouvelle gouvernance-là puis
dans la transformation de leur gouvernement.
Une voix : ...
M. Gauthier (Jean-François) : Tu
peux peut-être compléter, Stéphane, sur le volet de l'étude des crédits. Vous
aviez raison, là, c'est parce que...
M. Dion (Stéphane) : Oui,
rapidement. En fait, là, la citation que vous avez soulevée est de moi, en
fait, bien humblement. L'idée...
Une voix : ...
M. Dion (Stéphane) : Merci. Bien, en fait, l'idée, c'est d'imaginer,
nous, à l'institut, le député qui a une fonction importante de contrôle
de la gestion des deniers publics, on l'imaginait avec des centaines, voire des
milliers de recherchistes, là — la
cave de l'Assemblée nationale ne serait pas suffisamment grande pour les poster
là — qui
seront ou sont des citoyens intéressés à la
gestion de leurs deniers publics et qui vont pouvoir, dans le fond, vous
accompagner dans cette fonction-là de surveillance de dépense des
deniers publics.
J'aimerais
aussi rapidement dire, quant aux risques que les politiciens pourraient être
appelés à prendre en ouvrant le kimono, si
je reprends l'expression de mon collègue Jean-François, nous, on pense que ce
risque-là que des politiciens
pourraient être appelés à prendre, que d'autres ont pris à travers le monde par
ailleurs, serait plutôt un partage de l'imputabilité.
Et je pense que les gens qui seraient plus à risque, bien ce ne sont pas tant
les politiciens que les gestionnaires de
l'État, les fonctionnaires, qui des fois prennent des mauvaises décisions. Il
faut se le dire, ça arrive, il y en a eu pour au moins 3 milliards sur 80 milliards de projets de TI aux
États-Unis, des mauvaises décisions qui ont été prises, mais qui, comme
par enchantement, les décisions ont été renversées par les gestionnaires
eux-mêmes qui, parce qu'ils étaient surveillés publiquement, bien là, tout à
coup, prenaient des meilleures décisions. Alors, l'imputabilité du politicien,
elle est claire, vous êtes clairement aux premières lignes. Le gouvernement
ouvert, pour nous, permet d'amener à la première ligne également les
gestionnaires de l'État qui gèrent nos sous, dans le fond.
Le Président (M.
Marsan) : Bien, merci beaucoup. Ceci termine cette période d'échange.
Et, M. Gauthier, M. Dion, M. Cartier, M. Perron, M. Fréchette, merci de nous
avoir donné le point de vue de l'Institut de gouvernance numérique.
J'inviterais
maintenant la Protectrice du citoyen de même que les gens qui l'accompagnent à
venir prendre place à cette table. Nous allons ajourner pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
20 h 29)
(Reprise à 20 h 33)
Le Président (M.
Marsan) : Alors, nous reprenons nos travaux.
Et
c'est avec plaisir que nous accueillons Mme la Protectrice du citoyen. Je sais
que vous n'avez plus besoin de présentation,
je vais quand même vous demander de présenter la personne qui vous accompagne.
Et vous avez environ une dizaine de minutes pour nous dire ce que vous
pensez de ce dossier. Alors, la parole est à vous, Mme la protectrice.
Protecteur du citoyen
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. Je suis accompagnée de Me
Jean-François Bernier, qui est secrétaire général et directeur des
affaires juridiques au Protecteur du citoyen et il est également responsable de
l'accès et de la protection des renseignements.
M.
le Président, M. le ministre, Mmes MM. les membres de la commission, je vous
remercie de me permettre, avant de
conclure vos travaux, de partager avec vous certaines réflexions énoncées dans
le mémoire que nous vous avons adressé.
Je ferai un effort pour être très succincte, compte tenu de l'heure et des
nombreuses auditions auxquelles vous avez assisté aujourd'hui. Pour respecter, donc, le temps qui m'est imparti, je
me limiterais à vous présenter quelques constats qui découlent de nos
activités d'enquête auprès de la Commission d'accès à l'information et des
observations par suite de notre analyse de
son rapport quinquennal 2011, avant de vous formuler une recommandation précise
de modifications législatives.
Le Protecteur du
citoyen a compétence sur les fonctions de nature administrative qu'exerce la
CAI, il traite annuellement une trentaine de
plaintes à son endroit, pour lesquelles le premier motif de celles qui sont
jugées fondées concerne la
problématique des délais d'inscription au rôle d'audiences. Le délai moyen de
fixation des audiences serait passé
de 10 à huit mois à Québec et de 18 à 13 mois à Montréal, selon les données que
m'ont fournies les autorités de la CAI au mois de mars dernier.
Si les résultats des
efforts de la commission sur ce plan sont encourageants, l'écart demeure
important pour satisfaire pleinement les
objectifs de célérité et d'accessibilité énoncés à l'article premier de la Loi
sur la justiceadministrative, car,
entre la fixation de la date d'une audience, la tenue de cette audience et la
publication de la décision du
commissaire, les délais peuvent varier en moyenne de 434 jours, dans les cas où
il n'y a pas de remise, à 870 jours, dans les cas où il y a une remise, selon les données qui sont rendues
publiques par la CAI dans son rapport annuel de gestion 2011‑2012. Nous
avons également constaté des délais non négligeables dans l'exercice des
fonctions de surveillance de la CAI, le délai moyen de traitement des enquêtes
étant de 470 jours, selon le même rapport annuel de gestion.
Mais
quelles sont donc les causes de cette difficulté récurrente de la CAI à
entendre diligemment les citoyens qui s'adressent
à elle et à effectuer plus rapidement ses enquêtes en matière de protection des
renseignements personnels? L'une d'elles, plausible, serait le nombre
insuffisant de commissaires pour entendre les causes et d'employés affectés aux
enquêtes, situation que le président de la commission a lui-même soulevée lors
de son audition devant vous le 9 avril dernier.
Bien
que n'étant vraisemblablement pas la seule cause des délais au sein de ces deux
sections, force est de constater que
le niveau de ressources actuel freine l'optimisation de la performance de la
commission et la pleine réalisation de sa mission. C'est en gardant en tête ce constat que nous avons examiné le
rapport quinquennal 2011 et ses recommandations. Ce constat, vous le
verrez, trouve écho dans le cadre des autres sujets que j'aborde à l'instant.
L'impact
de la Loi sur l'accès sur la mission du Protecteur du citoyen en matière de
santé et de services sociaux. Comme vous le savez, le Protecteur du
citoyen exerce depuis 2006 les fonctions qui étaient auparavant dévolues au Protecteur des usagers en matière de santé et de
services sociaux. Il est donc chargé d'assurer le respect des droits des
usagers, notamment par une intervention en deuxième niveau à la suite de
conclusions rendues par les commissaires locaux ou régionaux aux plaintes et à
la qualité des services.
Or, l'exercice de cette
mission est freiné par l'article 173 de la Loi sur l'accès, qui impose au
Protecteur du citoyen l'obligation de
transmettre à la CAI toute plainte relative à une matière qui relève de sa
compétence. Cet article, qui existe depuis les origines de la Loi sur l'accès
en 1982, a été pensé à une époque où le Protecteur du citoyen n'intervenait qu'auprès des ministères et
organismes publics, donc auprès de l'Administration, sans évidemment
considérer la réalité propre au réseau de la
santé et des services sociaux et certaines modalités prévues à la Loi sur les
services de santé et les services
sociaux relativement au dossier de l'usager. En effet, les droits des usagers
introduits aux articles 17 et suivants
de cette loi incluent l'accès et la confidentialité des informations. Ces
dispositions, qui ont préséance sur la Loi sur l'accès, ont eu pour effet d'autoriser les commissaires aux plaintes et
à la qualité des services à se saisir, indépendamment des responsables de l'accès et de la protection
des renseignements personnels, de récriminations d'usagers relatives à
la protection des renseignements personnels inscrits dans leur dossier.
Il est
également pertinent de noter que l'article 27 de la LSSSS permet à un
usager de contester devant la CAI, mais
également devant trois autres instances, soit la Cour supérieure, la Cour du
Québec et le Tribunal administratif du Québec, contester, donc, le refus
d'accès à son dossier par un établissement. On constate donc que la CAI ne
détient pas une compétence exclusive en matière d'accès aux renseignements
personnels inscrits dans un dossier d'usager.
Conformément
au régime de traitement des plaintes prévu à la LSSSS et à la Loi sur le
Protecteur des usagers en matière de
santé et de services sociaux, ce dernier se saisissait légitimement, en
deuxième niveau, jusqu'en 2006, de telles plaintes puisque l'article 73 de la Loi sur l'accès ne s'appliquait
qu'au Protecteur du citoyen. Or, depuis avril 2006, alors qu'il a pour mandat non équivoque de veiller au
respect des droits des usagers prévus à la LSSSS, dont ceux
spécifiquement consacrés au dossier de l'usager,
le Protecteur du citoyen doit dorénavant en référer à la CAI et ne peut plus
légalement agir en deuxième niveau.
Cette
situation est souvent source de confusion et de frustration pour les usagers
qui s'adressent à nous à la suite de
conclusions rendues par des commissaires aux plaintes et à la qualité des
services sur des questions de bris deconfidentialité,
confusion, frustration et inefficacité puisque, pour les dossiers que nous lui
référons, la CAI demandera aux
usagers de s'adresser, obligatoirement par écrit, de nouveau à l'établissement
pour exiger du responsable de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels une
décision formelle qui, elle, pourra être contestée devant la section
juridictionnelle de la CAI, avec les délais que l'on connaît. La CAI pourrait
aussi décider de saisir sa section de
surveillance de tels cas, là encore avec les importants délais d'enquête
constatés, si elle le juge opportun et si l'usager est en mesure de
fournir des pièces justificatives, ce qui n'est pas toujours possible.
• (20 h 40) •
À la lumière
de mes précédents commentaires relatifs aux ressources actuelles de la CAI et
de ses difficultés à traiter
diligemment les demandes de révision et les dossiers relevant des fonctions de
surveillance et par souci d'efficacité pour
les usagers, je ne peux qu'insister sur la pertinence de remédier à ce
dysfonctionnement qui n'a malheureusement pas été porté à l'attention du législateur en 2005. Il m'apparaît avisé de permettre
au Protecteur du citoyen, sans qu'il y ait nécessité de le doter d'aucune ressource additionnelle, de se saisir des
situations concernant les droits des usagers relatifs à la confidentialité de leur dossier, parce que, dans
la plupart des cas, le motif de manquement à la protection desrenseignements personnels n'est que l'un des
motifs de nos dossiers d'enquête. Cette modification à la loi n'aurait
pas un impact significatif sur les ressources du Protecteur du citoyen ni sur
ces délais.
J'ajoute que
mes délégués ont toute l'expertise nécessaire, étant déjà formés sur l'interprétation
des articles de la Loi sur les services de santé et les services sociaux
consacrés aux dossiers d'usagers et à la confidentialité à y accorder.
Maintenant,
je ferai quelques commentaires sur les autres... les recommandations du rapport
quinquennal 2011. Le Protecteur du
citoyen recherche et promeut la transparence optimale de l'administration dans
le respect des impératifs de la bonne
gouvernance. Je souscris donc généralement aux recommandations du rapport
quinquennal de la CAI qui visent cette
transparence directement ou par incidence. Je souligne que la majorité des 21
recommandations de la CAI n'a pas d'incidence budgétaire ou, s'il en
est, elles ne sont pas importantes.
J'ai aussi
noté, et je le salue, la forte préoccupation de prévention qui se traduit
notamment par la recommandation d'imposer
des obligations accrues aux organismes publics et aux entreprises afin de
prévenir les préjudices en matière de confidentialité
et de protection des renseignements personnels. Il en est ainsi des
recommandations qui prônent le passage vers
le gouvernement ouvert et l'assujettissement de tous les organismes publics,
incluant le Protecteur du citoyen, et les instances du réseau de la santé et des services sociaux au Règlement sur
la diffusion de l'information et sur la protection des renseignements
personnels.
Nous l'avons
constaté, et le président de la CAI lui-même le souligne, la commission n'a pas
présentement les ressources
nécessaires pour remplir pleinement sa mission. Et certaines des
recommandations formulées dans son rapport quinquennal auront, si elles
sont suivies, un impact indéniable sur sa capacité d'exercer les fonctions
additionnelles qui lui seraient alors dévolues
par la Loi sur l'accès. C'est pourquoi je veux attirer votre attention sur la
recommandation 9 concernant le rôle de la CAI en ce qui a trait à la
déclaration des failles de sécurité. La commission réclame ici un pouvoir additionnel, celui — je
cite la recommandation — «d'ordonner
aux organismes publics et aux entreprises d'aviser, aux conditions qu'elle déterminera, les personnes
concernées d'une faille de sécurité impliquant leurs renseignements personnels et de prendre les mesures qu'elle
jugera nécessaires pour assurer une protection adéquate de leurs renseignements
personnels». Fin de la citation.
La philosophie qui sous-tend cette
recommandation en est une de contrôle a priori. Il me semble qu'une recommandation de faire obligation aux organismes
publics d'aviser, à certaines conditions, dont celle de le faire sans
délai, les personnes concernées par de
telles failles serait du plus grand intérêt. Cela aurait aussi l'important
avantage que cet avis soit communiqué
en temps opportun pour prévenir au maximum les préjudices. Cette obligation
faite aux organismes publics étant dorénavant légale, la CAI aurait
automatiquement le pouvoir d'agir en cas de non-respect.
L'obligation
parallèle qui devrait être faite aux organismes publics d'informer la CAI sans
délai de ces failles ou incidents lui
permettrait, de plus, d'assurer son rôle de surveillance d'application de la
loi. Sur le plan de la surveillance, je souligne que le Secrétariat du
Conseil du trésor est l'organisme central qui régit, pour une majorité d'organismes
publics, la gestion des technologies de l'information.
Il me semble manifeste que la CAI peut jouer, avec pertinence et en priorité,
un rôle important en matière de prévention des préjudices à ce chapitre, ce qui
serait également source d'optimisation de ses efforts.
Finalement,
je ne peux passer sous silence mon entier appui à la recommandation 20 à l'effet
d'assujettir à la Loi sur l'accès les organismes dont le fonds social
est détenu à plus de 50 % par l'État. L'obligation d'une transparence accrue dans le respect des prérogatives de bonne
gouvernance s'inscrirait dans l'effort de renforcement de la démocratie
qui a été salué à l'ouverture de cette commission parlementaire. Je vous
remercie.
Le
Président (M. Marsan) : Alors,
merci, Mme la Protectrice du citoyen. Et immédiatement je vais donner la
parole à M. le ministre des Institutions démocratiques. M. le ministre.
M.
Drainville : Sur les failles
de sécurité... D'abord, bonsoir. Merci d'être là. Sur les failles de sécurité,
je trouve ça intéressant, ce que vous suggérez. Donc, si je vous ai bien
compris, ce que vous dites, c'est que les organismes qui ont connaissance qu'il y a une faille devraient
avoir la responsabilité d'en informer la victime ou les victimes de cette
faille-là pour qu'elles le sachent
rapidement, pour qu'elles puissent se gouverner en conséquence. Et ce que vous
dites, c'est que, parallèlement à ça, il faudrait que l'organisme en question
ou éventuellement l'entreprise informe aussi la CAI qu'il y a eu incident pour
que la CAI puisse jouer son rôle de surveillante, pour qu'elle puisse assumer
son pouvoir de surveillance.
Donc, le
pouvoir d'informer la personne qui a fait l'objet de l'incident de sécurité ne
serait pas entre les mains de la CAI,
il resterait aux mains de l'organisme ou de l'entreprise dont ce serait la
responsabilité. Comme c'est elle... ou c'est chez elle ou au sein de cette entreprise ou de cet organisme-là que s'est
produite la faille, je suis assez d'accord avec vous que la première
responsabilité échoit à celui ou à celle qui est à l'origine du problème. Et
donc elle aurait... cette entreprise-là ou
cet organisme-là aurait la responsabilité, donc, de s'assurer que les personnes
concernées soient informées le plus
rapidement possible de ce qui s'est produit. Par ailleurs, la CAI s'assurerait,
dans le fond, que tout se fasse dans les règles et que l'information a été transmise aux personnes concernées.
Donc, ils auraient un pouvoir, si je vous suis bien, de vérification,
hein? C'est ça? De contrôle?
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Tout
à fait. En fait, l'obligation serait faite dorénavant aux organismes publics de
déclarer ces incidents, d'en tenir le registre.
M. Drainville : ...les entreprises
aussi parce que...
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Et
les entreprises, tout à fait, tout à fait...
M. Drainville : Voilà, O.K.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
...de déclarer ces incidents, d'informer, lorsqu'il y a matière bien sûr,
la ou les personnes concernées, que ce
soient des citoyens ou des entreprises, des incidents le plus tôt possible — donc,
moi, je suggère que ce soit écrit «sans délai» — et d'informer
parallèlement la CAI non seulement de la nature de l'incident, mais de confirmer que l'information a été donnée
aux personnes concernées et de confirmer aussi les mesures qui seront prises pour prévenir la répétition de ces
incidents, ce qui permettrait à la CAI de pouvoir contrôler a posteriori et
d'obtenir ce qu'elle souhaite, le mandat ou
le pouvoir d'ordonner, lorsque ça n'aurait pas été fait à la satisfaction de la
CAI, d'ordonner à l'organisme public ou à l'entreprise d'informer les
citoyens et d'agir de la manière qui est souhaitable.
M.
Drainville : Et vous
soulevez la question des ressources limitées de la Commission d'accès à
l'information. Est-ce que vous croyez qu'elle
a les ressources pour assumer les responsabilités dont vous parlez, que vous
nous recommandez?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
Bien, tenant compte de ces ressources limitées, qui sont même limitées
par rapport à sa capacité de remplir son
mandat actuel, ce que je propose justement tient compte de cela et fait en
sorte que les organismes publics et
les entreprises assumeraient leurs responsabilités et que cela serait
facilitant pour assumer le rôle de
surveillance de la CAI. Faudrait-il ajouter des ressources additionnelles?
Possiblement, ce serait à voir, mais, certainement, moins de ressources
seraient nécessaires que ce que recommande elle-même la CAI dans sa
recommandation 9.
En fait, le contrôle a priori non seulement
serait plus avantageux pour les citoyens parce qu'il permet... et je dirais pour les administrations parce qu'il permet
d'agir plus rapidement, il responsabilise les organisations, mais, en
même temps, il permet à la CAI de cibler là
où il y a des problématiques et d'intervenir à ce niveau-là, et non pas de
déresponsabiliser, d'une certaine manière, les organismes et les entreprises.
M.
Drainville : Je suis tout à
fait d'accord avec vous sur la responsabilisation. Je pense que c'est un
principe qui doit nous guider de
façon générale. Maintenant, est-ce que vous avez eu connaissance, vous, de
failles de sécurité dont nos concitoyens auraient été victimes, dont
certains de nos concitoyens auraient été victimes? Dans le cadre de votre travail, est-ce qu'il y a
des cas de failles de sécurité qui ont été portés à votre attention à un moment
donné et qui vous auraient rendus sensibles à cette question-là,
justement?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
Notamment, dans le réseau de la santé et des services sociaux, deux
plaintes récentes que nous avons, transmission d'un dossier d'usager à un autre
usager...
M. Drainville : Par erreur.
• (20 h 50) •
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Par erreur,
évidemment, des noms qui se ressemblent. Et ce n'est pas une question
technologique dans ce cas-ci, c'est vraiment une erreur humaine. Et on parle de
dossiers papier. Alors, c'est quand même préoccupant parce que ce que ça
démontre, c'est qu'il n'y a pas de vérification de sécurité avant de transmettre des dossiers dans certains cas et dans
certains établissements, là. Je ne veux pas généraliser, parce que ça, c'est
un autre risque de toujours généraliser. Alors, ça, ça peut être un... c'est un
exemple concret.
On a eu
aussi, encore une fois... ce qui est allégué, parce que nous n'avons pas pu
enquêter, nous avons dû référer à la
commission, c'est un usager qui s'est adressé au commissaire local d'un CSSS
parce que l'employée… en fait, d'un centre hospitalier parce que l'employée
de ce centre, qui s'avère être une des voisines de l'usager, a partagé avec son
conjoint des informations inscrites au dossier de l'usager. Donc, vous voyez un
problème de manque de discrétion de la part d'un employé.
Je ne sais si Me Bernier, qui m'accompagne, avec
votre permission, aurait d'autres exemples à donner. Nous en avons aussi dans
le domaine de l'administration publique, là, mais je pensais au réseau de la
santé, pour lequel nous souhaitons pouvoir agir.
M. Bernier
(Jean-François) : C'est
relativement difficile pour le Protecteur du citoyen de témoigner de ce
type d'incident puisqu'en vertu de l'article 173 dont nous parlions tout à l'heure,
surtout en matière d'administration publique,
c'est clair, depuis 1982, que tout élément relatif à la compétence, là, de la
CAI inscrite à sa loi, le protecteur a l'obligation
de transférer immédiatement la plainte ou le dossier à la CAI. Donc, ça va être
rare, des cas majeurs, je vous dirais,
de failles, mettons, relatives aux technologies de l'information qu'on aurait
pu constater ou qu'on aurait reçu la plainte. On ne va jamais assez loin
dans le traitement de la plainte pour être en mesure de faire des constats
sérieux puisqu'on envoie le dossier rapidement à la CAI puis c'est elle qui s'en
saisit dès ce moment-là. On transfère donc le citoyen ou le plaignant vers la
CAI.
M.
Drainville : O.K.
Très bien. Changement de sujet. Dans votre mémoire, page 3, je cite :
«Tout en appuyant le principal enjeu
de transparence soutenant [la] recommandation...» C'est la 12, la 13 ou la
14... C'est la 12, pardonnez-moi. Alors :
«Tout en appuyant le principal enjeu de transparence soutenant cette
recommandation — la
12 — le
Protecteur du citoyen invite à une certaine prudence et à la recherche d'un
équilibre entre, d'une part, le respect des obligations légales et les réalités relatives à la confidentialité des données chez
certains organismes publics et, d'autre part, le degré de transparence
attendu par les citoyens.»
Alors, la 12,
c'est l'élargissement de l'application du Règlement sur la diffusion aux
organismes publicsactuellement
exemptés, donc, pour résumer, là, l'application du règlement de diffusion
proactive aux municipalités ainsi qu'aux
secteurs scolaire et de la santé. Donc, vous dites : Attention, il faut
être prudent et il faut établir un équilibre entre le respect des
obligations légales relatives à la confidentialité des données au sein de
certains organismes et l'obligation d'être transparent, donc de donner accès à
l'info. Qu'est-ce que vous voulez dire? Élaborez un petit peu là-dessus, Mme la
Protectrice.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
Alors, c'est un enjeu d'équilibre. Si, au départ, nous favorisons la
transparence, il est clair que la majorité des documents et des
informations qui sont de nature à éclairer le citoyen pour les débats publics, à éclairer un citoyen sur son propre
statut, son propre dossier dans une organisation, c'est tout à fait
souhaitable que ce soit rendu public. Mais l'invitation
à la prudence, c'était pour faire en sorte qu'on évite un certain mur-à-mur et
qu'on oblige, avec les mêmes exigences,
toutes les organisations sans faire les nuances sur la nature, par exemple, des
dossiers particuliers qui sont possédés ou qui sont entre les mains des
organisations.
Prenons le
seul exemple du Protecteur du citoyen. Bien que la transparence soit une de nos
valeurs, il est évident que nous ne pourrions pas, par exemple, publier,
dans certains cas, le résultat de toutes nos enquêtes, même en les dénominalisant, parce que, dans certaines
situations, les préjudices, le contexte sont tels qu'on pourrait deviner que...
on pourrait identifier, en d'autres termes, la personne, deviner que cette personne
provient de telle région, que ça s'est passé, l'incident ou les incidents, dans
tel établissement.
Alors, c'est
l'idée de ne pas y aller d'une manière théorique, mais de considérer que l'équilibre
doit être constant entre les enjeux d'accès et les enjeux de protection
des renseignements personnels. Pour l'essentiel, c'est ça. C'est qu'il y a souvent une tendance à être un peu
dogmatique ou théorique sur ces questions-là et à dire, au fond, que tout
devrait être accessible, sauf l'exception, mais une exception qu'on n'est
jamais capable de nuancer ou de moduler selon les contextes particuliers. Et je
pense que c'est cette importance de tenir compte de tous les contextes, de tous
les enjeux… elle est vraiment fondamentale.
M. Drainville : Pouvez-vous être plus précise? Pouvez-vous nous... Vous nous suggérez
justement d'être près du terrain puis de prendre acte des circonstances
très particulières des scénarios qui pourraient se poser. Moi, j'aimerais ça vous entendre sur...
Parce que, j'ai l'impression, quand vous avez écrit ça, vous deviez avoir
quelque chose à l'esprit, là. On parle santé, scolaire et municipalités.
Est-ce que c'est davantage au secteur de la santé auquel vous pensez quand vous
tenez de tels propos?
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Non, et je pense davantage... Ce n'est pas fonction des
secteurs, c'est fonction de la nature des
dossiers et des informations et, je dirais, de la nature des risques qui sont
encourus si certaines informations sont rendues publiques, des
informations qui sont de nature à avoir un impact sur des personnes ou sur un
groupe de personnes, par exemple.
On
peut penser... Entre autres, on le voit, les dossiers de fiscalité sont
vraiment protégés par la Loi sur la fiscalité, mais, dans d'autres situations, les dossiers ne sont pas toujours
protégés d'une manière aussi ferme par la loi. Prenons l'exemple, notre propre exemple, Protecteur du
citoyen, il est évident que nous ne pourrions pas publier, comme je le
disais, tous les dossiers qui contiennent des renseignements personnels, même
en les dénominalisant.
Si
l'obligation faite aux organismes publics était large au point de dire :
Tous les dossiers de nature personnelle dénominalisés doivent... la liste doit être publiée, moi, j'aurais un
problème par rapport à cette nécessité que nous avons de protéger non
seulement la confidentialité, mais le caractère, je dirais, très privé des
renseignements que les citoyens nous confient. Dans certains cas, ne protégeant
pas suffisamment ces renseignements, ça pourrait aussi entraîner des préjudices
aux citoyens. Me Bernier, avez-vous d'autres exemples, peut-être...
M. Bernier (Jean-François) : Je vais essayer d'être le plus pragmatique
possible, à votre demande, M. le ministre. Je vais prendre l'exemple du
Protecteur du citoyen qui, dans sa loi constitutive, a des dispositions très
particulières et presque uniques — il
y en a d'autres, organismes, qui ont ce genre de dispositions là — par
exemple, une qui dit qu'il est incontraignable devant les tribunaux, il
ne peut pas être obligé de dévoiler un renseignement obtenu dans l'exercice dans ses fonctions. Bon. Donc, l'aspect
confidentialité... Et il y a un autre article qui dit que nos enquêtes sont
conduites privément. Donc, il y a manifestement une volonté du législateur, à l'époque,
de dire : Ce qui se passe au protecteur, c'est protégé, c'est
superconfidentiel, il faut faire attention.
Si,
dans le cadre du règlement... D'ailleurs, je tiens à souligner que le règlement
actuel sur la diffusion de l'information, qui est applicable à la très,
très grande majorité des ministères et organismes, n'est pas applicable au Protecteur du citoyen, mais il s'est doté d'une
politique relative à la diffusion qui est calquée, je vous dirais, à 98 %,
sur le règlement. Donc, c'est assujetti volontairement déjà aux dispositions du
règlement.
Mais,
si on constatait qu'une des dispositions du règlement qui favoriserait la
diffusion d'un type de renseignement particulier
mettrait le protecteur en porte-à-faux avec ses propres obligations légales en
regard de la confidentialité… c'est là qu'on
vous dit que le mur-à-mur est un peu dangereux dans certaines situations, parce
qu'il y a des organismes qui ont des dispositions très particulières en
regard de la confidentialité, qui, si on ne fait pas attention puis on
dit : On applique le règlement à tout
le monde aveuglément, pourraient poser problème. Donc, avant de faire ça,
peut-être s'assurer que tous les fils
sont bien attachés avec ces organismes-là qui sont plus sensibles, je vous dirais,
au niveau de la confidentialité des données des citoyens ou de certaines
autres données plus confidentielles qu'ils détiennent.
• (21 heures) •
M. Drainville : De façon générale, moi, j'entends bien votre appel, Mme la Protectrice,
à l'équilibre, à cenécessaire
équilibre entre la transparence, la divulgation de l'information et la
protection des renseignements personnels. Et je dois vous dire qu'on a eu beaucoup, beaucoup de témoignages, beaucoup
d'appels de groupes qui ont participé à ces consultations que nous terminons ce soir — vous êtes d'ailleurs notre dernière
intervenante — donc
beaucoup d'appels de groupes qui sont
venus nous dire : La Loi d'accès ne sert plus l'objectif d'accès qui était
le sien au départ, elle a perdu… elle a
perdu de... Je ne dirais pas qu'elle a... Ils ne disaient pas qu'elle avait
perdu de son sens, mais son utilité pour permettre l'accès, pour obtenir
l'accès, était mise en doute par beaucoup, beaucoup de groupes.
Par
ailleurs, d'autres personnes nous ont mis en garde et nous ont rappelé l'importance
d'assurer la protection des renseignements
personnels. Et ce qui est intéressant, c'est qu'il y a des groupes qui
disent : L'accès a été diminué au nom d'une plus grande protection des renseignements personnels. C'est comme
si… l'un étant affaibli par le renforcement de l'autre. Et, moi, je
pense qu'un des grands dilemmes ou un des grands défis auxquels nous allons
être confrontés comme législateurs, ça va
être de renforcer à la fois l'accès à l'information et la protection des
renseignements personnels. Il va
falloir trouver l'équilibre qui va nous permettre… pas de renforcer l'un au
détriment de l'autre, ce qui, pour certains groupes, est survenu ces dernières années, depuis, en fait, que la loi a
été votée en 1982. Il y a certains groupes, notamment les journalistes,
qui soutiennent que, si l'accès a diminué, c'est parce qu'on a mis trop l'accent
sur la protection des renseignements personnels. En tout cas, il y a eu des cas
où ça a été ça. Je ne dis pas qu'ils ont raison, je vous dis que c'est ça qu'ils
nous ont dit. C'est certainement une hypothèse qui circule.
Moi,
je pense qu'il faut s'assurer du renforcement des deux et je... On est un peu
plus philosophiques, là, mais on peut
se le permettre. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous avez quand même
une bonne expérience de l'administration publique. Est-ce que vous
croyez que c'est... Avez-vous réfléchi à ça, vous, cette double mission qui est
la nôtre, qui est incorporée dans la loi?
Puis est-ce que vous croyez que c'est réaliste qu'on se donne ce mandat-là de
dire : Il ne faut surtout pas que l'un souffre de l'autre, il faut
s'assurer que les deux soient portés et renforcés dans une éventuelle nouvelle
législation ou une loi refondée, réformée? Appelez ça comme vous voulez.
Le Président (M.
Marsan) : …
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
Alors, M. le Président, je vous remercie. M. le ministre soulignait que j'ai
une certaine expérience de l'administration publique, et j'ai aussi un certain
âge, qui fait qu'en 1981 j'étais au ministère des Communications et j'étais la
répondante du ministère pour ce qu'on a appelé la commission Paré, donc.
J'ai même le rapport avec moi.
M. Drainville : Ah bien, vous auriez
dû nous dire ça dès le départ.
Mme Saint-Germain (Raymonde) : J'ai
même le rapport avec moi et je ne vous dirai pas mon âge.
M. Drainville : Je ne vous le
demanderai pas.
Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est
un renseignement personnel, il faut le protéger. Cela étant, à l'époque — et je vais revenir à mon interprétation de
ce qui est peut-être à corriger — à l'époque, il était entendu que l'équilibre
devait être assuré entre l'accès le plus large possible à l'information d'intérêt
public et la protection des renseignements
personnels. Ce n'était pas l'un plus que l'autre, c'était l'un et l'autre. C'était
fondamental. À l'époque aussi, il
était convenu — et nous
avions discuté un certain temps — que ce serait, oui, un organisme d'adjudication,
donc qui devait avoir certains pouvoirs d'un
tribunal, mais surtout un organisme facilitateur, un organisme de surveillance
qui ferait rapport à l'Assemblée nationale.
Et ça m'amène
aux causes, et c'est une interprétation qui est personnelle, qui n'engage que
moi, mais je pense que les causes, je
dirais, d'un certain manque de fluidité dans à la fois l'accès et l'équilibre
entre les enjeux de protection, qui
ne doivent pas non plus devenir des freins à l'accès lorsque ces... ou des
prétextes au non-accès... J'y vois deux causes. J'y vois, d'une part, une résistance de l'administration, qui, avec le
temps, il faut le dire, pour certaines administrations, s'est beaucoup
atténuée, mais, dans certaines organisations, il y a un profil ou une culture
qui fait en sorte que la fermeture est plus automatique ou est davantage
recherchée que dans d'autres, donc une certaine fermeture de l'administration
qui, oui, dans ces situations-là, peut facilement trouver dans la loi des
articles et des dispositions qui vont justifier un refus, qu'il soit un refus
total ou un refus partiel.
Et la deuxième raison, à mon avis, c'est qu'avec
le temps — et
ce n'est pas une critique de la Commission d'accès,
c'est un constat — comme d'autres
tribunaux administratifs, il y a eu une approche juridictionnelle quand
même formaliste, même si je reconnais que la
commission a fait beaucoup d'efforts. Elle fait de la médiation. Il y a quand
même eu des efforts. Mais je pense quand
même que la fonction du tribunal administratif prend beaucoup d'importance. Et
c'est pour ça que je suis d'avis, moi, qu'il faut continuer de travailler les
deux de pair. C'est une législation qui doit avoir cette double fonction d'accès
et de protection parallèles, qui ne s'opposent pas, mais qui se complètent et
se renforcent.
Et également il faut responsabiliser davantage
certains organismes publics. Et là-dessus ce n'est pas qu'une seule
responsabilité. On dit toujours : Ça doit être le plus haut niveau du
gouvernement, mais on pourrait le dire pour toutes
les fonctions. Je pense que ça doit de plus en plus… Parce que moi, je
reconnais une évolution, mais ça doit de plus en plus être une responsabilité qui est valorisée au sein des
administrations et qui, à terme, sert très souvent la compréhensiondes enjeux et la complexité de ce que font les
organisations. Donc, voilà une interprétation personnelle, je le redis
encore une fois, mais c'est mon interprétation des enjeux qui nous ont amenés
à, je dirais, un certain retard dans l'atteinte des objectifs qui étaient visés
à l'époque par la commission Paré.
M.
Drainville : Mais, dans
votre esprit… Puis là, encore une fois, je vous sors un peu de votre rôle, là,
mais, si je vous pose la question, c'est
parce que je fais confiance à votre... enfin je veux entendre votre opinion.
Mais donc, vous, vous croyez que la
structure actuelle, où cohabitent les deux missions, renseignements et accès,
et où s'ajoute à ces deux missions la fonction judiciaire, enfin de
tribunal quasi judiciaire, ça, cette structure-là, là, ce modèle de
gouvernance, pour utiliser un terme à la
mode, pour vous, ça, ça va, cette structure-là, elle est toujours... ça va, on
n'est pas obligé d'aller jouer dans cette structure-là?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
Bon, moi, je pense que cette structure-là, ça peut aller dans la mesure
où le président de la commission pourrait avoir plus de marge de manoeuvre pour
répartir les ressources entre ce que sont les
fonctions juridictionnelles et les fonctions de surveillance. Hein, on sait que
la loi, en 2006, a été modifiée, et on a été très précis, on nomme un commissaire, qu'on appelle juge administratif,
pour le secteur de la surveillance, et les six autres, incluant le
président... c'est-à-dire, les cinq autres sont pour le secteur juridictionnel,
et le président, lui, peut agir dans un secteur comme dans l'autre. Je pense qu'il
faudrait laisser plus de marge de manoeuvre au président de la commission dans
ce sens-là.
Mais ce que
je pense surtout, c'est qu'un tribunal administratif avec cette fonction de
surveillance et, je dirais, à la fois une fonction de promotion et de
soutien aux instances publiques, ça peut très bien survivre. Et je trouve que
la situation qui pourrait être contraire, c'est-à-dire celle de séparer dans
deux organisations ces fonctions-là, à mon avis, créerait une dualité et, je
dirais même, dans certains cas, un dédoublement, parce que certains dossiers
comportent à la fois des enjeux qui sont
liés à l'accès et à la protection des renseignements personnels. Alors, je ne
vois pas l'intérêt de diviser à ce niveau-là.
Et je dois aussi ajouter, et ça, ça fait partie
des progrès, le Secrétariat du Conseil du trésor est responsable, je dirais, du contrôle des technologies de l'information,
planification, contrôle, soutien aux organismes publics. Donc, il vient faire un travail opérationnel, pour le
gouvernement, qui a une grande importance. Et, si la commission cible
bien ses enjeux de surveillance et travaille
en amont tout en respectant les prérogatives d'un tribunal administratif… mais,
dans la fonction, je dirais, de surveillance, il y a une dimension support qui
est très importante. Et il y a aussi les propres responsabilités du ministre et du ministère, donc, du Secrétariat aux
institutions démocratiques, qui sont des responsabilités très importantes au niveau de la mobilisation, des enjeux de
la responsabilisation des dirigeants, et je pense qu'il faut voir ça comme un tout dans l'appareil étatique. Et
donc le rôle de la commission, il est là, à son niveau, mais, en même temps, il faut reconnaître que l'administration s'est
dotée de structures, de ressources d'encadrement qui n'ont pas encore
toutes fait leurs preuves, mais qui justement vont de plus en plus être de
nature à permettre l'atteinte des objectifs.
Le Président (M. Marsan) : Je vous
remercie, Mme Saint-Germain. Ceci termine cette première période d'échange avec
le parti ministériel. Nous poursuivons avec l'opposition officielle. Et je
donne la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci d'être là ce soir pour présenter votre mémoire. C'est
déjà 9 h 10. J'aimerais revenir un
moment sur les failles de sécurité. Il y a une différence entre une faille de
sécurité et un incident de sécurité,
comme vous avez indiqué dans votre mémoire. Faille de sécurité est beaucoup
plus large qu'incident. Les incidents devraient être rapportés. Est-ce
que vous croyez vraiment que toutes les failles de sécurité devraient être
rapportées, même s'il n'y a pas d'incident et... Alors, je pose la question.
• (21 h 10) •
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
Alors, je pense que le critère doit être la conséquence de l'incident ou
de la faille et non pas, de façon générale, le rapport d'un incident ou d'une
faille. En d'autres termes, s'il n'y a pas de bris de confidentialité, s'il n'y a pas de préjudice anticipé pour le
citoyen, un ou des citoyens ou une entreprise, je ne vois pas l'intérêt
de rapporter à ce citoyen, ces citoyens ou cette entreprise qu'il y a eu un
incident ou qu'il y a eu une faille. L'intérêt,
c'est de constater qu'il y a eu l'incident qui a pu mener à une faille, et de
juger s'il y a ou non des préjudices potentiels,
et là de le rapporter à ces citoyens. Et c'est aussi un intérêt pour l'organisation,
dans tous les cas, d'aller chercher la
cause de l'incident, d'en mesurer les impacts et de trouver, de prendre les
mesures pour que ça ne se reproduise pas.
Mme de Santis : Même s'il n'y a pas
d'incident. Mais est-ce que les...
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Même
s'il n'y a pas de conséquence.
Mme de Santis : De conséquence.
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Tout
à fait.
Mme de
Santis : O.K. Mais, s'il y a
une faille de sécurité, est-ce que ça ne serait pas approprié de le
rapporter à la commission, même s'il n'y a pas de conséquence?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
Tout à fait. À mon avis, il faut les rapporter à la commission. D'ailleurs,
la commission a commencé à travailler dans
ce sens-là. Et il faut voir aussi que le Secrétariat du Conseil du trésor qui
est responsable, entre autres, de la
politique de diffusion de l'information, ce n'est pas encore obligatoire, mais
il travaille de plus en plus dans le
sens de demander aux organismes publics de prévoir un registre des incidents et
éventuellement un registre des failles
et que ces incidents-là soient systématiquement rendus accessibles à la
Commission d'accès à l'information.
Alors, ça
permettrait à la commission de voir non seulement s'il y a eu des failles et
des incidents, mais où ça a eu lieu
et si l'organisme public concerné a bien agi, a bien réagi, a bien pris les
mesures. Et, dans les cas où c'est positif, tant mieux, la commission le
constate, son rôle de surveillance est assuré; dans les cas où ce ne l'est pas,
à ce moment-là, la commission, là, elle intervient. Et, à mon avis, cette
intervention ciblée serait efficace, ce serait une façon efficace d'utiliser
les ressources de la commission.
Mme de
Santis : J'aimerais
maintenant regarder la recommandation 14 qui a été faite par la commission etje lis la recommandation 14 : «La
commission recommande qu'un débat public regroupant l'ensemble despartenaires — parlementaires, citoyens, associations, experts — soit
instauré afin d'établir un modèle pour l'ouverture du gouvernement québécois fondé sur la
participation et la collaboration.» Vous dites, vous, que vous êtes d'accord
que ce débat public se fasse. Pouvez-vous m'expliquer comment ce débat devrait
se faire, me donner plus de détails de ce débat que vous prévoyez?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
Bon, ce n'est pas, quant à moi, quelque chose… un débat où on doit tout
réinventer. Je pense qu'il y a eu, il faut le souligner, le rapport Gautrin,
qui est un rapport...
Une voix : …
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Non,
mais il faut le souligner. C'est quand même un travail qui a été un travail
quand même de longue haleine, qui a déjà, en soi... qui comporte, en soi, le
fruit de différentes consultations et
différentes recommandations. Moi, je pense qu'une commission parlementaire
serait bien placée, à partir de ce qui existe, à partir même des réflexions de la présente commission, pour mettre sur
la table, au fond, des comparables, l'étalonnage avec d'autres
administrations et, à partir de ce qui existe au Québec, voir jusqu'où on est
prêts à aller ou jusqu'où ce serait possible d'aller pour atteindre davantage
des objectifs qui sont ceux d'un gouvernement ouvert, mais dans le respect des
prérogatives de la saine gouvernance.
Et, quand je dis «débat
public», ça ne veut pas dire que tout ce qui est dit dans un débat public ne
doit pas être contrevérifié ou documenté. Mais ça permettrait — et le
rapport quinquennal le souligne aussi — dans certaines situations où
il y a un manque de sensibilisation, si ce n'est un manque d'information qui
conduit à un manque de sensibilisation de certains citoyens, de certains
groupes au Québec, et je pourrais même dire de certains membres des services publics… et ça pourrait être une
occasion, un débat comme celui-là, de faire également oeuvre d'information
et de sensibilisation. Alors, je le vois
dans ce sens-là. Mais je ne vois pas… Comment dire? C'est un débat qui quand
même devra être encadré et ne pas — le
sujet est déjà assez vaste — ne
pas trop s'étendre ou s'élargir. Mais il y a quand même des assises à un débat comme celui-là. Et, je le
redis, le rapport Gautrin, ce rapport quinquennal, les conclusions
auxquelles cette commission en arrivera sont déjà des éléments intéressants d'encadrement
du débat.
Mme de Santis : J'ai d'autres
questions, mais mon collègue de Verdun...
M. Gautrin : Non, non, non, mais...
Est-ce que je peux entrer une toute, toute brève…
Le Président (M. Marsan) : Allez-y,
M. le député de Verdun.
M.
Gautrin : Parce que vous
avez abordé cette question, j'aimerais le faire avec vous et tester une idée
que j'ai. Alors donc, on reste dans
une notion de gouvernement ouvert. Les gens insistent beaucoup sur la dimension
transparence. Moi, j'insiste maintenant sur
l'étape participation, c'est-à-dire, comment faire en sorte que les gens
participent. Et je vais vous interpeller à l'heure actuelle.
Est-ce que,
jusqu'à maintenant, vous réagissez aux plaintes quasiment individuelles?
Autrement dit, monsieur, ici, m'a maltraité parce qu'il y a... Donc, il
est un officier public, et je me plains à la Protectrice du citoyen. Vous avez glissé au fur et à mesure, depuis que vous êtes
Protectrice du citoyen, bon, en prenant des fois des sujets qui vous
étaient propres… Je fais référence à votre
rapport, par exemple, sur les prisons, la situation à l'intérieur des prisons,
etc. Est-ce que vous ne pourriez pas
être, dans le temple de participation citoyenne, l'endroit vers lequel se
dirigent les plaintes ou les remarques des citoyens, non pas sur le plan
individuel, mais sur le plan des failles ou des éléments qui ne marchent pas à l'intérieur d'un gouvernement, ce qui est à
l'origine d'un débat? Parce que le problème que j'ai, moi, au niveau de
la participation, c'est : Tout le monde
dit «la participation», mais je participe, j'envoie ça où, et il se passe quoi
après avec? Je ne sais pas si vous comprenez ma question ou pas. Je vais
prendre... ou sinon je pourrais expliciter un peu encore.
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je
comprends...
M. Gautrin : C'est-à-dire, j'étends
votre mandat. Est-ce que vous comprenez bien?
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
Disons qu'il ne faudrait pas que ce soit au détriment de l'extension
dans d'autres domaines. Mais je comprends...
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
Je comprends de votre question que vous… — vous me corrigerez — que
vous considérez que les citoyens, présentement, qui considèrent avoir un
déficit de participation ou de ne pas avoir la possibilité de participer... à manifester au gouvernement certaines de
leurs idées ou certains de leurs enjeux, pourraient, à travers le
Protecteur du citoyen... Je ne suis pas certaine...
M.
Gautrin : Autrement dit, je
vais m'expliquer. Regardez, étape un, je donne accès à l'information. Donc,
je ne sais pas si vous avez entendu tout le débat qu'on a eu au niveau... on
donne accès aux données gouvernementales. Étape deux, évidemment, on peut
utiliser les données gouvernementales pour produire des biens, etc., des
éléments d'amélioration, mais on peut aussi
avoir, dans ces données gouvernementales, un élément pour dire... c'est un
élément de surveillance sur le gouvernement.
Autrement
dit, soyons plus concrets, voici. Je remarque, après avoir fait trois études de
corrélation dans les contrats qui
sont donnés dans le ministère de la Culture — volontairement, j'ai pris le ministère de la
Culture — qu'il
peut y avoir une forme de collusion.
Est-ce que je peux m'adresser... voyez-vous comme… l'élément du citoyen, de…
oui, de s'adresser à quelqu'un. Et, dans ma réflexion personnelle, j'en
arrive à m'adresser vers le Protecteur du citoyen. Je ne sais pas si vous
comprenez mon...
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je
comprends...
M.
Gautrin : J'ai pris
volontairement la Culture. Je n'ai rien contre le ministère de la Culture. J'aurais
pu prendre les Transports, mais ça aurait été trop facile.
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je pense que l'angle, dans un cas comme celui-là,
serait l'article 13 de notre loi, dans le cas où le Protecteur du
citoyen a déjà un pouvoir d'initiative lorsqu'il constate qu'il y a un
préjudice potentiel pour un groupe, une association ou
une personne. Dans cet exemple-ci, en plus, le Protecteur du citoyen a
compétence sur le ministère de la Culture. Par contre, l'exemple que vous
donnez appelle, je dirais, dans ce cas-ci, l'angle de cet exemple-là appelle,
quant à moi, beaucoup la compétence du Vérificateur général. Donc, ce serait
une situation où je référerais ces allégations au Vérificateur général.
M. Gautrin : Je poursuivrais le débat avec vous, mais vous voyez un peu dans quelle
direction j'aimerais... Ce n'est pas seulement parce qu'il y a eu
préjudice. C'est parce qu'il y a un préjudice sociétal. Vous voyez le concept que j'essaie... Et je sais que vous n'avez pas
beaucoup de compétences dans la loi actuelle, mais ici on est des
législateurs, on peut changer les lois, vous savez.
• (21 h 20) •
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Le protecteur est une institution de l'Assemblée
nationale, M. le Président, qui acceptera tous les mandats que l'Assemblée
nationale voudra bien lui confier.
Le Président (M.
Marsan) : C'est ça. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Vous dites que vous êtes d'accord que les organismes dans lesquels l'État
a une participation de 50 %
soient assujettis à la loi sur... à la loi. Est-ce que... Dans leur mémoire ou
dans leur rapport, la Commission d'accès avait aussi fait référence aux organismes dont le financement est
largement assuré par l'État, qui n'est pas nécessairement des organismes
dans lesquels l'État a une participation de 50 %. Est-ce que vous avez une
opinion là-dessus?
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Moi, je considère raisonnable ce qui est proposé,
c'est-à-dire que ce soient les organismes au sein desquels l'État a une
contribution minimale de 50 %.
Mme de
Santis : 50 % de quoi?
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : C'est 50 % du financement, 50 % des fonds
publics, des fonds de l'organisme qui sont d'origine publique. Je pense que c'est...
Mme de
Santis : Alors, ce n'est pas le contrôle, c'est le financement que
vous regardez.
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Pour moi, c'est le financement, oui. Et c'est comme ça
que j'interprète la recommandation du...
Des voix :
…
Mme Saint-Germain (Raymonde) : …c'est ça, dont le fonds social est détenu à plus
de 50 % par l'État. Donc, pour moi, c'est...
Mme de
Santis : Pour vous, c'est le financement.
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Pour moi, c'est le financement. Est-ce qu'il faut le lire
autrement?
Mme de
Santis : Si c'est des actions, je pense à 50 % des actions…
Alors, c'est clair, pour vous, c'est le financement.
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Pour moi, c'est... Et les actions, s'il y avait
une participation sous forme de parts du gouvernement, donc
investissement de fonds publics, pour moi, c'est également couvert.
Mme de Santis : Parfait. Ce qui est intéressant, c'est que vous êtes les seuls avec la
fondation des archivistes qui suggèrent
que les délais soient augmentés. Je parle maintenant des 20 jours plus 10
jours. Vous dites, si les autres mesures qui sont proposées sont
adoptées, vous dites qu'on devrait aller plutôt à des jours ouvrables. Donc, c'est
20 jours ouvrables plus 10 jours ouvrables.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous croyez que ce délai devrait être
augmenté?
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Je vais demander, avec votre permission, M. le Président,
au secrétaire général, Me Bernier, de répondre à cette question.
Le Président (M.
Marsan) : Me Bernier.
M. Bernier
(Jean-François) : Compte tenu de la nature de la recommandation de la
Commission d'accès à l'information qui dit, dans le fond : On constate qu'il
y a parfois des abus au détriment des citoyens qui se présentent ultimement
devant la commission, dans sa section juridictionnelle, et qui se font opposer,
à ce moment-là, soit des nouvelles
exceptions soulevées, à ce moment-là, par l'organisme ou... Et même, des fois,
ces situations-là sont une des causes
des longs délais actuellement, parce qu'on est souvent obligé d'accorder des
remises parce que le commissaire juge que le citoyen est pris un petit
peu au dépourvu et par surprise. Alors, s'il y a une demande de remise, il va
plus facilement l'accepter.
Bref,
notre réflexion était plutôt à l'effet de dire... Écoutez, on est tout à fait d'accord
avec le principe, au nom de l'équité
procédurale aussi, de dire : Il faut annoncer ses couleurs et, d'emblée,
dire : Voici les exceptions que je soulève, et ne pas permettre
ultimement, plus tard dans le cadre du processus, d'en soulever des nouveaux.
Ça, on est tout à fait à l'aise avec ça.
Cependant, en
contrepartie de ça, il faut accorder le temps requis. Et là on cite aussi
surtout l'exemple des gros organismes qui ont un gros volume de demandes
d'accès et qu'il faut qu'ils traitent tout ça, mais souvent ils n'ont pas 32 personnes qui travaillent là-dessus, ils en
ont un, deux ou trois maximum. Et ces personnes-là, si elles veulent
bien analyser la nature de la demande et
évaluer, à la lumière des exceptions prévues à la commission... de la Loi sur
l'accès, pardon, si l'une ou l'autre de ces exceptions doit être soulevée ou s'ils
souhaitent la soulever, il faut leur accorder le temps requis.
On constate,
puis c'est souvent une coïncidence, mais on le constate, qu'il y a beaucoup de
demandes d'accès à l'information ou
de renseignements personnels qui arrivent dans les moments de l'année où il y a
le moins de personnel en place, les
vacances d'été, les vacances de Noël, etc. On le vit tous comme organismes
publics, le protecteur inclus. Parce qu'on
n'est pas une grosse équipe qui s'occupe de l'accès à l'information. Il y a
moi, il y a une conseillère qui m'assiste dans ce rôle. Mais le fait de
donner des jours ouvrables et d'en faire une condition de rigueur, de
dire : Une fois ce délai-là écoulé, tu
ne peux pas arriver plus tard puis soulever une nouvelle exception, je pense
que ça... On est toujours à la recherche
de cet équilibre dont Mme Saint-Germain parlait plus tôt, là. C'est bien d'imposer
des nouvelles obligations aux organismes,
on est d'accord avec le principe, mais, en contrepartie, il faudra laisser la
chance de bien analyser le dossier, surtout sachant qu'ils ne pourront
plus soulever quoi que ce soit par la suite. C'est pour ça, la notion du
ouvrable.
Mme de
Santis : Vous êtes la
Protectrice du citoyen, et je veux examiner avec vous le fait que les citoyens
ne sont pas sensibilisés suffisamment à la protection de leur vie privée et
leurs renseignements personnels. Le citoyen est en train de perdre, avec les
nouvelles technologies, avec leur participation sur le Web, etc., contrôle de
leur identité. Qu'est-ce que vous avez à proposer quant à sensibiliser les
jeunes et les moins jeunes? Et qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer que le
citoyen comprend vraiment c'est quoi, sa vie privée, et qu'est-ce que sont les
enjeux s'il perd contrôle de cette identité?
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je
pense qu'il y a des recommandations intéressantes de la part de la commission, notamment — je n'ai pas les numéros des commissions,
là — celle
qui préconise qu'il y ait, entre autres au niveau scolaire, plus de
formation et d'information dans les programmes scolaires, qu'on ait une
préoccupation à ce niveau-là, qu'on ait
aussi des modifications à la Loi sur la protection du consommateur pour donner
aussi des obligations à certaines
entreprises. Et je pense que… Comment le faire et est-ce que c'est toujours une
responsabilité du gouvernement? Mais je pense que la CAI pourrait
elle-même faire de la sensibilisation et faire de l'information.
Mais, vous
savez, je voudrais apporter une nuance, si vous me le permettez, M. le
Président. On a tendance à faire souvent le lien entre nouvelles
technologies et menace pour la sécurité de la protection des données. Je pense
qu'il faut être conscient que, dans certaines situations — et je
pense, entre autres, au domaine de la santé et des services sociaux — la non-informatisation des données est une
menace au moins aussi grande, les dossiers papier sont une menace au
moins aussi grande.
Je sais que
vous référez aux nouvelles technologies et à tout ce qu'on appelle les médias
sociaux, lesFacebook, etc., c'est une dimension importante aussi, mais
il y a une notion de responsabilisation qui doit être celle qui doit
être partagée entre les utilisateurs et ceux qui tirent profit de ces médias
sociaux là. Donc, c'est pour ça que moi, ça me plaît, cette possibilité de
modifier la Loi sur la protection du consommateur.
Il y a
certaines responsabilités qui sont de niveau fédéral aussi, au niveau du...
entre autres ce qui concerne le CRTC. Alors, je pense qu'il faudrait
réfléchir sur tous les enjeux possibles, mais dans une perspective de
responsabilités partagées entre les utilisateurs et les entreprises, les
bénéficiaires de ça, et pas seulement considérer que c'est la seule
responsabilité du gouvernement ou même d'un organisme comme la CAI.
Le Président
(M. Marsan) : Merci, Mme
Saint-Germain. Nous poursuivons nos échanges, et je vais donner la
parole à M. le député de Lévis.
• (21 h 30) •
M.
Dubé : Merci beaucoup, M. le
Président. En fait, vous êtes notre dessert, si je peux me permettre. Alors,
moi, je suis honoré de vous rencontrer. Ça fait longtemps que j'entends parler
de votre organisme. Alors, de vous rencontrer ce soir... Je pense que vous faites
un excellent boulot, qu'on le voit à tous les jours. Alors, je veux vous
remercier.
J'aimerais prendre un petit exemple de votre
mémoire, si je peux me permettre, où vous parlez de certains motifs — la page, c'est la page 5 — vous parlez des motifs de certaines plaintes
et vous dites, là, que c'est sensiblement une question de délai, hein?
Et j'ai posé un peu la même question lorsque les gens de la CAI sont venus, en
leur disant : Quel est le problème?
Est-ce que c'est un problème d'information personnelle, ou d'information
stratégique, ou d'information de gestion?
Parce qu'un des bons
éléments qu'on a discuté depuis plusieurs semaines, de tous les mémoires, c'est
de dire : Si on pouvait isoler un type
d'information, comme par exemple les informations de gestion, on aurait
peut-être moins de demandes si on
focussait uniquement sur, par exemple, les informations dites personnelles ou
stratégiques. Vous me suivez? J'ai trouvé ça intéressant de voir que les
gens se plaignent beaucoup des délais puis j'aimerais vous entendre sur ça. Est-ce que ça aiderait, selon vous, de
votre expérience… Et vous êtes très jeune, donc je ne sais pas comment
de temps est votre expérience. Mais j'aimerais vous entendre sur si ce serait
une bonne façon d'adresser une partie du problème des
délais si on excluait les choses qui n'auraient peut-être pas à être protégées
comme telles. Je parle des informations de gestion, par exemple.
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : D'abord, M. le Président, je remercie le député pour ses commentaires
positifs et je les accepte au nom de toute une équipe qui effectivement
travaille fort et est bien compétente.
Au
fond, votre question amène à chercher les solutions possibles — qui
ne sont pas une seule solution — à
des causes d'une même problématique qui est des délais qui sont démesurés. Il
est exact que, dans certaines situations, il y
a des informations d'une nature qui devrait normalement être publique, sans
vouloir parler au nom de lacommission,
mais qui pourraient être, je dirais, de manière plus automatique, divulguées et
que la commission pourrait identifier ces situations-là.
Par
exemple, on pense à des organismes qui vont se servir de la présence de
certains renseignements personnels à l'intérieur d'un document pour
refuser de rendre public l'ensemble du document alors qu'il existe la
possibilité de caviarder des documents. Je
pense que ça, ça fait partie non seulement du rôle de surveillance, mais, je
dirais, des constats qu'on peut tirer
de l'exercice de la fonction de la CAI et de faire en sorte qu'on trouve des
solutions et qu'on dise : Dans des situations comme celle-là, au
lieu de l'étudier au cas par cas, de façon systématique, nous allons, dès la
recevabilité, dès l'acceptabilité des
demandes, considérer qu'on fait une demande au requérant. Ça pourrait être une
approche comme celle-là. Il y a différentes façons qui pourraient être
utilisées.
Parce
que, si, encore une fois, si on procède trop de manière formaliste, de manière
judiciarisée, dossier par dossier, il est certain qu'on ne réglera pas
cette question des délais et qu'à ce moment-là, sans autre changement, ce sera
une question de dire : Bien, si on veut
que les délais soient plus raisonnables, on ajoute des ressources. Et il faut
éviter d'ajouter trop de ressources.
Je ne dis pas que ce ne serait pas pertinent d'ajouter des ressources, là, au
contraire, mais il faut limiter le nombre de ressources additionnelles le plus
possible.
M. Dubé :
...source du problème plutôt que d'ajouter des ressources. Alors, je vous
remercie. Merci, M. le Président. Merci beaucoup...
Le Président (M. Marsan) : Alors, merci, Mme Saint-Germain, Me Bernier, de
nous avoir donné le point de vue de l'organisation du Protecteur du
citoyen.
Je vais suspendre
quelques instants. Je vais vous demander de revenir immédiatement à vos places
pour qu'on puisse procéder aux remarques finales. Alors, je suspends quelques
instants.
(Suspension de la séance à
21 h 33)
(Reprise à 21 h 34)
Le Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie. J'invite maintenant
le... Excusez. Nous allons reprendre nos travaux.
Mémoires déposés
Avant de passer aux
remarques finales, je dépose les mémoires des organismes et personnes qui n'ont
pas été entendus. Et c'est fait.
Remarques finales
Et
j'invite maintenant le député de Lévis à formuler ses remarques finales pour un
maximum de trois minutes.
M. Christian Dubé
M. Dubé :
Alors, merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais tout d'abord remercier le
ministre d'avoir fait preuve... et tous mes collègues. Mais j'aimerais vous
dire que moi non plus, je ne m'attendais pas d'entrer dans cette commission-là
et en apprendre autant. Et je veux saluer votre ouverture et toute l'équipe des
personnes qui ont été sur cette commission-là, parce que je pense qu'on a tous
beaucoup appris. Mais je me rends compte qu'on a encore beaucoup à apprendre.
Alors, je pense que
ce serait bon de dire qu'on a eu une commission très ouverte. On a parlé
beaucoup de gouvernement ouvert, on a parlé
beaucoup de Commission d'accès à l'information. J'aimerais remercier les gens
qui sont venus, parce qu'on a eu des gens de qualité, on a eu des
mémoires de qualité, qui ont été préparés avec beaucoup de diligence, puis ça,
je pense qu'il faut officiellement remercier les gens.
C'est
sûr que la commission, ce n'est pas vu négativement, mais, plusieurs l'ont dit,
elle a besoin d'unrajeunissement qui
est majeur. Je pense qu'il y a des raisons, autant technologiques, mais il y a
un besoin de plus en plus d'avoir de l'information plus rapidement,
effectivement. Puis là je pense que la CAI a un petit besoin d'une cure de
rajeunissement puis je pense que tout le monde en convient.
Moi, il y a
une phrase qui m'a frappé, d'un des mémoires où, en fait, les gens de la
fédération desjournalistes… — je
ne sais pas si c'est exactement le bon titre — la Fédération professionnelle des journalistes du
Québec qui a
dit : Il faut éviter que le citoyen rapetisse davantage — vous vous souvenez de ça, en disant... — devant
l'incapacité d'avoir accès à l'information.
Je pense qu'effectivement lorsque les organisations prennent de la taille, bien
le citoyen devient de plus en plus petit.
Et je crois
qu'on a une chance, et on le voyait tout à l'heure avec la présentation d'un
des derniers participants qui nous a bien indiqué que, si on peut
redonner, comme c'est fait dans d'autres organisations, que ce soit aux
États-Unis ou ailleurs, en Angleterre, et même, je dirais, en
Colombie-Britannique… Ici, il y a une dame qui fait un très bon travail là-dedans. Ça permet justement de
reconnecter avec le citoyen. Puis le travail que les gens peuvent faire ou
l'intérêt qu'il peut y avoir est très complémentaire à notre travail de député,
je crois. Alors, il y a beaucoup à relire de ces différents mémoires là, puis
je suis certain que vous allez pouvoir le faire.
On a parlé
beaucoup, puis je ne me souviens pas exactement d'où vient l'idée, mais de
reclassifier peut-être les données en
trois types d'information. J'aimerais vous dire que ce n'est pas parfait — parce
qu'on en a parlé, plusieurs ont apporté des éléments là-dessus — mais
je pense que c'est peut-être une piste pour aider à prendre une des sections, c'est-à-dire
la section qui est de l'information de gestion, dont on parlait, et de l'exclure
de la Commission d'accès à l'information
pour focusser plutôt sur les deux autres catégories, c'est-à-dire de l'information
dite personnelle, puis ça, on sait qu'on
ne veut pas toucher à cette information-là, on veut la protéger, mais aussi des
informations dites de données stratégiques.
Alors, je pense qu'il y aurait peut-être
intérêt, lorsque vous allez repenser à partir de cette commission-là puis aller éventuellement vers un projet de loi,
je pense que, peut-être, vous verrez qu'est-ce que vous pouvez faire
avec cette catégorisation-là d'informations. Ça, c'est une chose qui serait
intéressante. Puis le principe de dire aujourd'hui effectivement : Ce qui est secret est par défaut, puis ce qui est
ouvert est par... je dirais, par définition, je pense qu'il faut vraiment inverser, il faut vraiment aller vers une
information qui, par défaut, est ouverte et disponible, puis c'est
vraiment ce qu'on veut protéger qui est secret. Et je crois que ça pourrait
être un grand principe.
Le Président (M. Marsan) : Merci. En
terminant.
M.
Dubé : Merci beaucoup. En
terminant, j'aimerais dire que la... et je vais le faire en quelques secondes.
Je suis un grand partisan de l'information
et je dis que, des fois, le député ne peut pas faire tout son travail parce que
l'information n'est pas disponible. Et ça,
je le dis depuis que je suis arrivé en septembre dernier. Et j'aimerais ça que
ce gouvernement-là puisse démontrer qu'on peut avoir cette
information-là pour les députés et pour les citoyens. Mais ça, il va falloir
que ça vienne d'en haut, puis il va falloir
que ce gouvernement-là décide qu'il veut partager l'information, puis j'espère
que vous pourrez en être complices. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Marsan) : Alors,
merci, M. le député de Lévis. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Rita de Santis
Mme de
Santis : Je vous remercie,
M. le Président, de me donner la parole à l'occasion de la clôture des
travaux de cette commission. Le grand
philosophe britannique Frances Bacon avait bien raison de dire : L'information,
c'est le pouvoir, le pouvoir de ceux
qui la détiennent et qui s'en servent dans l'élaboration de politiques, dans la
prise de décision, dans leur
reddition de comptes, et l'information qui donne aussi du pouvoir à ceux qui la
reçoivent pour qu'ils puissent mieux
comprendre les facteurs qui ont été pris en compte par les élus et par les
fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, du pouvoir de les
tenir imputables de leurs décisions, de leurs actions.
Si Bacon
avait raison, le grand juriste américain, Louis Brandeis avait tout aussi
raison de dire : Le droit à la vie privée, c'est le droit de ne pas être importuné. C'est à réfléchir sur
ces deux grands pôles du droit à l'information, d'une part, et du droit à la protection des renseignements
personnels, d'autre part, que la commission a été conviée dans le cadre
de notre étude du dernier rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.
• (21 h 40) •
Pendant deux semaines, nous avons eu l'occasion
de nous pencher sur 25 mémoires. Nous avons aussi eu la chance d'entendre une vingtaine de témoins qui sont venus partager leurs
réflexions, leurs recommandations. Je suis certaine que je me fais l'écho de tous mes collègues députés
membres de cette commission pour les en remercier, l'éclairage qu'ils ont jeté sur nombre de questions à la fois
fascinantes et importantes ne manquera pas de guider nos propres
réflexions dans la préparation d'un nouveau projet de loi ou d'un rapport,
mais… dans ce qu'on va faire dans l'avenir avec tout ce qu'on a devant nous aujourd'hui, tout comme je veux remercier Mme Anik
Laplante et toute son équipe pour leur bon travail et leur gentillesse.
Pour donner
suite aux audiences de notre commission, il y a soit des recommandations et des
mesures propres à faire au projet de
loi pour respecter le droit à la vie privée dans un contexte où les nouvelles
technologies se multiplient à un rythme fulgurant. Il faudra, par
exemple, décider du meilleur mécanisme à mettre en place pour alerter les
individus que des renseignements personnels
les concernant ont été compromis suite à des failles de sécurité. Il faudra
aussi trouver comment simplifier et
rendre compréhensibles les politiques de confidentialité pour que les
internautes comprennent sans l'ombre
d'un doute à quoi ils consentent lorsqu'ils utilisent un site Internet, à qui
sont divulgués leurs renseignements personnels et avec qui ils sont
partagés, renseignements souvent de nature très délicate, et les conséquences
qui peuvent en découler.
Quelle sera l'approche
à privilégier? Un éventail de pictogrammes, des énoncés simplifiés et d'autres
plus élaborés ou un énoncé
standardisé, comme l'a recommandé Éducaloi, surtout lorsqu'il est question d'enfants,
de jeunes, de jeunes particulièrement vulnérables
aux nouvelles techniques de séduction, de manipulation commerciale ou
publicitaire, des jeunes qui peuvent être
victimes sans le savoir de profilages qui les suivront dans l'âge adulte et qui
pourront avoir un impact négatif dans leur vie professionnelle et dans
leur vie privée.
Et, du côté
de l'accès aux informations détenues par les organismes publics québécois, il
faudra aussi s'atteler à la tâche de renforcer et d'actualiser les
régimes gouvernementaux d'accès à l'information. C'est vrai, un bon bout de chemin a déjà été fait avec le règlement sur la
diffusion automatique, avec l'initiative du gouvernement ouvert et avec
le déploiement du portail de données ouvertes donnees.gouv.qc.ca, mais il reste
encore beaucoup à faire pour avoir un gouvernement véritablement ouvert,
véritablement transparent et où les citoyens se sentent vraiment partie
prenante.
Il faut
trouver comment augmenter le volume d'informations rendues accessibles sans
formalité, en faciliter leur consultation
et, lorsqu'approprié, les offrir en format ouvert, c'est-à-dire dans des
formats conviviaux, avec une licence autorisant leur utilisation
ultérieure. Est-ce que c'est gratuit ou sur des sites payants? C'est une
question. Il faudra aussi voir, dans un
premier temps, si et comment d'autres organismes publics peuvent être
assujettis à la législation; dans un second
temps, quels autres organismes devraient avoir à mettre en oeuvre le règlement
sur la divulgation automatique : les municipalités, les réseaux
scolaires, le réseau de la santé?
Nous sommes
par ailleurs tous interpellés par l'environnement dans lequel opèrent les
responsables de l'accès, tant ceux du
secteur public que ceux du secteur privé. Il faudrait voir, par exemple, s'il est
pertinent qu'un responsable relève
fonctionnellement de l'organisme où il voit à la gestion de la Loi sur l'accès
mais qu'il relève hiérarchiquement d'un autre organisme, comme le
Conseil exécutif, comme cela a été suggéré. Il faudra aussi s'interroger sur le
rôle dévolu à la Commission d'accès à l'information :
Doit-elle continuer à exercer des fonctions quasi judiciaires ou
devrait-elle être transformée en ombudsman, comme c'est le cas dans d'autres
juridictions?
Le Président (M. Marsan) : En
terminant.
Mme de
Santis : En terminant, je
souhaite que tout cet exercice va nous amener vraiment à une refonte de
cette loi après 30 ans, au moment où le
Québec l'a adoptée, on était à l'avant-garde. Maintenant, d'autres nous ont
dépassés. C'est le moment de retourner à l'avant-garde.
Le Président (M. Marsan) : Alors,
merci. M. le ministre, pour vos remarques finales.
M. Bernard Drainville
M. Drainville : Merci, M. le
Président. De l'ensemble des interventions entendues lors des travaux de cette commission parlementaire, il ressort clairement qu'un
changement de culture s'impose tout autant que des modifications visant à moderniser et à renforcer la loi sur l'accès
à l'information et la protection des renseignements personnels. Les deux
mandats sur lesquels nous nous sommes penchés sont également importants. Il
faut actualiser, renforcer, moderniser à la fois l'accès, mais aussi la
protection des renseignements personnels.
Parlons d'abord,
donc, de cette première grande mission, de cette première grande vocation
qu'est l'accès à l'information. Je pense qu'on
peut conclure de nos travaux que l'État québécois est mûr pour un
gouvernement beaucoup plus ouvert qui va mettre de l'avant une diffusion
proactive, large des données et des documents qui sont produits par les ministères et les organismes publics et le faire en
format numérique ouvert. Au nom de quoi? Au nom de valeurs, je pense,
auxquelles nous adhérons tous : la transparence, l'efficacité et également
la participation citoyenne. Nous sommes
absolument convaincus qu'un gouvernement ouvert peut contribuer au renforcement
de nos institutions et au renforcement de la qualité de notre vie
démocratique.
La mise en oeuvre du projet de gouvernement
ouvert à l'ère numérique, projet qui s'appuie sur un portail de données
ouvertes, nécessite aussi un arrimage essentiel avec le règlement sur la
diffusion obligatoire des documents publics,
diffusion obligatoire qui va tenir compte, bien entendu, du contexte budgétaire
difficile dans lequel nous nous trouvons, qui va tenir compte également
de la capacité organisationnelle des ministères et organismes publics. Mais, qu'importe, il va falloir se poser la
question : Est-ce que nous voulons étendre l'application de ce règlement
sur la diffusion aux municipalités, aux sociétés d'État dans lesquelles
nous détenons plus de 50 % des fonds ainsi qu'au réseau de santé et d'éducation?
Il ressort clairement des travaux de cette
commission qu'il va falloir se pencher sur les moyens d'améliorer le portail donnees.gouv.qc.ca. L'une des avenues
qui s'offrent à nous, c'est un accès plus grand aux contrats, aux
contrats octroyés par les ministères et les
organismes publics. Mais, chose certaine, dans la foulée du rapport Gouverner
ensemble,qui a été piloté par le député
de Verdun dans le gouvernement précédent, le débat public en matière de
gouvernement ouvert est maintenant bien engagé grâce aux travaux de
cette commission.
Par ailleurs,
l'autre grand volet, le volet protection privée, est tout aussi important, on l'aura
dit. Nous allons devoir réfléchir longuement sur la notion de risque que
présente la société numérique pour le respect de la vie privée des citoyens à l'heure où l'utilisation du portable,
du iPhone, du iPad, de l'Internet, des réseaux sociaux occupe une place
de plus en plus grande dans nos vies. La
députée de Bourassa-Sauvé aura soulevé à maintes reprises la question des
politiques de confidentialité qui devront
être simplifiées, de l'utilisation des pictogrammes pour justement permettre
une plus grande protection de la vie privée. C'est des discussions, des
réflexions auxquelles nous sommes conviés dans la foulée de ces travaux, et je
la remercie pour ses nombreuses interventions sur ce sujet.
Le temps
file. La question des incidents de sécurité également nous interpelle. Il va
falloir se pencher là-dessus. Les obligations de dévoiler ces incidents,
à qui on doit le dévoiler, qui est responsable de s'assurer que les personnes concernées sont
informées, qui fait le suivi, qui assure la surveillance, voilà un certain
nombre de questions sur lesquelles nous allons devoir réfléchir.
L'autre
question également qui a été soulevée lors de nos travaux, la question de la
représentation par un avocat devant
la Commission d'accès dans la foulée du récent jugement de la Cour du Québec, c'est
un enjeu sur lequel je vais me
pencher et à propos duquel j'aurai des discussions avec mon collègue de la
Justice, qui est responsable de la Loi sur le Barreau. Je sens que le député de Fabre porte une attention toute
particulière à mes propos à ce temps-ci... à ce moment-ci.
• (21 h 50) •
Bref, des
modifications importantes devront être apportées à la loi sur l'accès à l'information
et la protection des renseignements personnels, en fait afin, dis-je
bien, d'en faire une version 2.0 beaucoup mieux adaptée à l'évolution de notre société et à l'évolution des
technologies. Tout comme lors de l'adoption de la Loi d'accès, il y a 30
ans, les modifications législatives devront poursuivre l'atteinte d'un
équilibre entre l'accès aux documents publics et la protection de la vie privée des citoyens. Le gouvernement va s'appuyer,
bien entendu, sur le rapport du président de la Commission d'accès, mais
aussi beaucoup sur les travaux que nous avons menés, sur les leçons, conclusions
que nous tirerons de ces travaux.
Et, M. le
Président, je termine en nous félicitant tous pour la qualité des échanges que
nous avons eus ici. On a appris à se connaître. Pour certains d'entre
nous, c'était... enfin, c'est la première fois qu'on travaille ensemble. Et, moi, j'ai beaucoup apprécié le travail que nous
avons fait. Je remercie les députés de ma formation politique qui
étaient là, toujours présents, fidèles au
poste. Je remercie les députés... le député de Lévis, le député de Bourassa-Sauvé...
la députée de Bourassa-Sauvé, dis-je
bien, le député de Fabre, on a fait du bon boulot. Je vous remercie, M. le
Président, je remercie toute l'équipe,
Mme la secrétaire. Je remercie les gens qui m'accompagnent, M. le sous-ministre
à ma gauche, M. le conseiller politique
à ma droite, toute l'équipe du secrétariat qui est à l'arrière, Mme la chef de
cabinet qui est là-bas, tranquille, mais qui travaille fort.
Alors, on a bien travaillé. On est maintenant
conviés à un rendez-vous, M. le Président. Il faut que tous ces travaux
cheminent et débouchent sur quelque chose de concret qui fera en sorte que le
principe sacré de l'accès à l'information et
le principe sacré de la protection des renseignements personnels puissent être
encore mieux protégés, mieux sauvegardés et qu'on réussisse à les faire
avancer, M. le Président, et à les ajuster, à les adapter à la société contemporaine québécoise. Je pense que c'est ce
que les Québécois attendent de nous. Et, M. le Président, nous allons livrer, et nous allons le faire comme
gouvernement, mais nous allons le faire également comme Parlement, en
travaillant tout le monde ensemble, comme on l'a fait au cours des travaux de
cette commission, M. le Président.
Le
Président (M. Marsan) :
Merci, M. le ministre. Merci, MM. les députés ministériels et des oppositions,
et merci à tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à nos travaux.
La
commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au jeudi 25 avril, à
13 heures, pour une séance de travail. Alors, merci et bon retour.
(Fin de la séance à 21 h 52)