(Dix
heures quatre minutes)
Le Président (M.
Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, s'il vous plaît.
La
commission est réunie afin de procéder à la consultation générale et aux
auditions publiques sur le rapport de la
Commission d'accès à l'information intitulé Technologies et vie privée à l'heure
des choix de société.
Avant
de demander à la secrétaire s'il y a des remplacements, j'aimerais avoir l'autorisation,
le consentement de la commission pour annoncer
un remplacement pour une partie de séance. Est-ce que j'ai le consentement?
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Mme la secrétaire, il
y a-t-il des remplacements? Il y en a.
La
Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Trudel (Saint-Maurice) remplace M. Ferland
(Ungava); Mme de Santis (Bourassa-Sauvé) remplace M. Poëti
(Marguerite-Bourgeoys); M. Dubé (Lévis) remplace M. Duchesneau
(Saint-Jérôme) pour l'avant-midi et la soirée; et M. Deltell
(Chauveau) remplace M. Duchesneau (Saint-Jérôme) pour l'après-midi.
Remarques
préliminaires
Le Président (M.
Reid) : Merci. Alors, sans plus
tarder, je vous invite, M. le ministre des Institutions démocratiques et
de la Participation citoyenne, à faire vos remarques préliminaires. Vous
disposez de six minutes.
M. Bernard Drainville
M.
Drainville :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, comme j'ai peu de temps, je vous salue
tous et toutes, en particulier le président de
la Commission d'accès, qui est parmi nous. Je nous souhaite de très bons
travaux.
On
a la chance extraordinaire, on ne se le dit pas suffisamment souvent, de vivre
en démocratie. On a la chance de vivre dans une société de droit qui protège notre
liberté d'opinion, notre liberté de défendre nos convictions, notre
liberté de débattre. Cet héritage
démocratique, c'est quelque chose de précieux, d'important, qu'il nous faut
protéger, qu'il nous faut garder en
bonne santé. Et c'est ce qu'on a fait au cours des derniers mois, je pense,
avec une série de projets de loi que
nous avons déposés, dont certains ont été adoptés à l'unanimité, dans le cas du
nouveau système de financement des partis
politiques, qui est, je pense, on en convient tous, gage de davantage d'intégrité,
de démocratie dans notre système politique.
D'autres mesures devraient être adoptées, on l'espère, comme par exemple le
projet de loi qui va permettre aux jeunes
de voter sur les campus. On va se pencher également sur cette idée de redonner
à la population la date des élections. Tout
ça, je pense, fait en sorte de renforcer notre démocratie, de la renouveler, de
la remettre, je dirais, sur des bases qui sont plus fortes et plus
saines.
Mais,
pour que notre démocratie soit en santé, il faut également améliorer l'accès à
l'information parce qu'une démocratie opaque,
ça ne doit pas exister. Une démocratie opaque contribue à des travers, à des
abus, dans certains cas, et je pense que c'est
ce genre d'abus, de travers qui peuvent contribuer parfois au cynisme de nos
concitoyens. Alors, une information accessible compréhensible,
traitable, c'est très bon pour la démocratie. Je pense qu'on est pas mal tous
unanimes là-dessus.
Alors,
depuis 30 ans, la Commission d'accès à l'information joue un rôle
extraordinaire pour assurer la vitalité de la démocratie québécoise. En même temps, il faut
prendre acte du fait que l'environnement a beaucoup évolué depuis que la
Loi d'accès a été créée et que la Commission
d'accès a été créée. L'arrivée d'Internet, l'arrivée des réseaux sociaux,
des chaînes d'information continue, ce sont
des éléments qui ont pas mal changé la donne et qu'il nous faut considérer
dans les travaux que nous allons maintenant entreprendre. Comme la façon aussi
de protéger la vie privée de nos citoyens, de protéger les renseignements
personnels à l'ère d'Internet. Ça aussi, c'est un enjeu qui est fort important.
Il faut le reconnaître, la frontière entre
la vie privée et le domaine public devient de plus en plus poreuse dans la
société numérique qui est la nôtre.
Ça nous oblige à se poser des questions, ça nous oblige à se remettre en
question, ça nous oblige à s'interroger.
Par exemple, comment
est-ce qu'on peut assurer le respect de la vie privée de nos citoyens à l'ère d'Internet,
à l'ère des réseaux sociaux, notamment les plus jeunes? Il faut également se
préoccuper de l'impact des incidents de sécurité,
les incidents de sécurité d'information qui peuvent parfois compromettre la
confidentialité des renseignements personnels. C'est une responsabilité
qui est partagée entre l'État et les entreprises privées. Il faut également
réfléchir à ça, et on va le faire.
Comment
est-ce qu'on peut mieux outiller la loi d'accès à l'information et la
Commission d'accès à l'information pour qu'elles
remplissent encore davantage, encore mieux leur mission? Est-ce qu'on doit
revoir cette mission-là? Comment est-ce qu'on peut réformer, moderniser la Loi d'accès et le rôle
de la Commission d'accès pour leur permettre d'atteindre encore mieux
leurs objectifs?
Dans
le cadre du processus de révision quinquennal de la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels, la Commission d'accès à l'information propose
21 recommandations qui visent à améliorer et à renforcer l'application de
la loi d'accès à l'information et la protection des renseignements personnels,
applicables au secteur public et également au secteur privé. Ces
recommandations, bien entendu, vont alimenter notre réflexion comme
gouvernement. Et on va entendre évidemment et écouter avec beaucoup d'attention
ce que les organismes et les citoyens auront à nous dire là-dessus.
• (10 h 10) •
Dans
notre esprit, toute la réflexion à laquelle nous sommes conviés dépasse
largement l'obligation de revoir le mandat de
la commission aux cinq ans. Dans les faits, ce qu'on va faire dans les
prochains jours, c'est contribuer à faire
entrer notre démocratie dans le XXIe siècle. Comment peut-on renforcer la
Loi d'accès pour nous permettre d'avancer dans la mise en place d'un véritable gouvernement ouvert, transparent,
qui va contribuer à outiller nos citoyens pour qu'ils soient encore davantage les chiens de garde de
notre démocratie, pour qu'ils contribuent encore davantage, par exemple,
à la lutte à la corruption et à la protection de nos institutions publiques?
Alors,
tous ces débats-là, nous les ferons, j'en ai la conviction profonde, M. le
Président, dans un climat qui est respectueux. Je pense, sur les grands principes,
qu'il sera possible de s'entendre. Maintenant, comme on dit souvent, c'est
dans le détail que se cachent parfois les désaccords. On va essayer, M. le
Président, de les aplanir au fur et à mesure où
nous discuterons. Et l'objectif, M. le Président, je ne m'en cache pas, je
l'ai déjà dit publiquement, l'objectif, c'est de recueillir les
meilleures idées, de recueillir les réflexions de tous et chacun et de proposer,
probablement à l'automne, une loi d'accès à
l'information qui sera modernisée et mieux adaptée aux circonstances présentes,
à notre environnement du XXIe siècle.
Alors,
encore une fois, merci à tout le monde d'être là. Et je suis très heureux qu'on
puisse échanger sur ces sujets qui sont très
importants pour l'avenir de la société québécoise. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Reid) : Merci, M. le ministre. J'invite
maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'accès à l'information
et députée de Bourassa-Sauvé à faire ses remarques préliminaires pour une durée
maximale de six minutes.
Mme Rita de Santis
Mme de
Santis : Merci, M. le Président. D'entrée
de jeu, je veux vous saluer, saluer le ministre, tous mes collègues députés qui
sont membres de la commission et toute autre personne qui est dans la salle,
ici, aujourd'hui.
J'ai
hâte de plonger dans le vif du sujet, car les enjeux que nous aborderons sont d'importance
capitale pour tous les segments de la société
québécoise. En effet, le rapport de la commission nous interpelle à la fois sur
les grandes questions de transparence gouvernementale et sur le respect du
droit à la vie privée. Nous aurions à réfléchir et sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements
personnels, les deux côtés d'une même pièce de monnaie, pour reprendre
une jolie expression employée dans la littérature juridique, dans l'arrêt Dagg
de notre Cour suprême. Il s'agit d'un défi de taille, car il commande un
délicat équilibre entre, d'une part, le droit de savoir et, d'autre part, «the
right to be left alone», comme l'a décrit le célèbre juriste américain Louis
Brandeis.
Dans ce rapport qui
date de juin 2011, la Commission d'accès préconise une transparence accrue au
sein des organismes publics québécois. Et on
est d'accord. La transparence doit être beaucoup plus que simplement un
slogan. En deux ans, beaucoup a déjà été fait dans ce domaine, car, un mois
avant même le dépôt du rapport, on s'engageait à devenir un gouvernement ouvert. L'équipe libérale avait dévoilé nombre d'initiatives
à être mises en oeuvre pour justement donner
suite au rapport Gouverner ensemble, produit par le député de Verdun,
notre collègue Henri-François Gautrin. Pour nous, la notion de gouvernement ouvert se base sur les principes
fondamentaux de transparence, de participation et de collaboration, et elle consiste, un, à offrir aux
citoyens la possibilité de consulter l'information publique dans des
formats plus accessibles et plus conviviaux, deux, à pouvoir se renseigner
davantage sur les activités gouvernementales, trois, à participer plus directement au processus décisionnel, quatre, à
collaborer avec les divers acteurs gouvernementaux. Et moi, j'ajoute un
cinquième… dans la mesure du possible, la divulgation de renseignements en
temps réel.
Pour
incarner cette volonté, le gouvernement précédent a déployé, en juin 2011, le
portaildonnées.gouv.qc.ca, grâce
auquel les utilisateurs peuvent maintenant obtenir une vaste gamme de données
ouvertes avec une licence pour les utiliser
librement et gratuitement. Le portail offre aussi un tableau de bord sur
plusieurs projets. Il permet aux citoyens, aux parlementaires et aux
journalistes de vérifier le respect des échéanciers et des budgets octroyés à
ces projets. Le portail offre également des
informations sur les ponts et les routes, de même que de nombreuses
applications géomatiques. Les
initiatives de gouvernement ouvert et données ouvertes ont maintenant essaimé
aussi au niveau municipal puisque Montréal, Québec et Gatineau se sont
dotées de portails ville données ouvertes. Un premier pas important a donc été
franchi, mais il reste encore beaucoup, beaucoup à faire pour se doter d'un
gouvernement véritablement ouvert.
Mais
je veux ici nous mettre en garde d'y voir la panacée à tous nos problèmes de
corruption et de collusion. En effet, combien
de fois entend-on dire, ces temps-ci, que plus des informations seront
divulguées, notamment dans le cas de l'octroi
de contrats gouvernementaux, moins il y aura de corruption et de collusion.
Attention! Dans la réalité, ça peut être tout le contraire. Pour s'en
convaincre, on n'a qu'à réécouter le tout premier témoignage entendu lors des audiences de la commission Charbonneau, celui de
Lino Zambito. On est tous restés bouche bée de l'entendre expliquer que
c'est à partir du moment où les entrepreneurs ont pu avoir accès aux listes des
entreprises qui venaient chercher les documents pour
préparer leurs devis et soumissions, aux listes des soumissionnaires qu'ils ont
pu s'entendre entre eux, développer leurs
stratagèmes de trucage et pervertir l'attribution de contrats. Auparavant, ils
ignoraient qui étaient leurs
concurrents qui soumissionnaient sur quels appels d'offres. Donc, attention
avant de conclure que plus d'information mène nécessairement à la fin de
la corruption et de la collusion. Ne soyons pas naïfs, n'adoptons pas une
approche superficielle. Il faut réfléchir. Mais, on est d'accord, l'approche
doit être à l'accès libre et facile. On doit partager les renseignements pour
élever le débat politique.
Quant
au second volet, à savoir le respect du droit à la vie privée, voilà un immense
défi. Si, au sein des organismes publics qui sont assujettis à la législation sur l'accès
à l'information et sur la protection des renseignements personnels, la situation est moins problématique, car les balises
sont connues et bien mises en oeuvre depuis une trentaine d'années, maintenant, il en va autrement dans le secteur
privé. Les nouvelles technologies, notamment les réseaux sociaux,
explosent à un rythme effarant, et tous ceux qui les utilisent ne sont pas
nécessairement aussi sensibles qu'ils devraient être aux grands dangers posés
par leur utilisation. Le rapport de la commission contient des recommandations à
cet effet, mais il faut s'interroger. Il
faudra bien réfléchir à savoir si ce sont les moyens appropriés pour atteindre
les objectifs visés, pour faire
comprendre toutes les conséquences de naviguer sur des sites Internet, d'utiliser
les réseaux sociaux, de mettre en ligne des données, des photos et d'autres
informations qui peuvent revenir les hanter des mois, voire des années plus
tard.
Je conclus en
remerciant la commission pour son rapport. Et je remercie toutes les personnes
qui ont préparé des mémoires fouillés, bien documentés et qui viendront les
discuter avec nous au cours de nos audiences. Merci, M. le Président, et à
vous et à tous nos collègues je souhaite de fructueuses consultations. Merci.
Le Président (M.
Reid) : Merci, Mme la députée de
Bourassa-Sauvé. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition
et député de Lévis à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale
de trois minutes.
M.
Christian Dubé
M. Dubé : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, rapidement, j'aimerais
remercier tout le monde de leur participation,
parce que je pense que ça va être non seulement très intéressant, mais c'est
important. Je salue le ministre de son
point sur la démocratie parce qu'effectivement l'information fait partie de...
une composante importante du processus démocratique.
Et,
étant donné que je n'ai pas beaucoup de temps, je pense que le point que... les
quelques points que je voudrais faire, M. le Président, se rapportent aux
types d'information, puis on aura l'occasion, tout à l'heure, d'écouter les
gens de la commission, mais j'aimerais
diviser en trois catégories l'information lorsqu'on parle d'information. Je
pense qu'il y a de l'information qui
est dite personnelle, puis on peut penser aux données personnelles, qu'elles
soient fiscales ou qu'elles soient
sur la santé. Je pense qu'il n'y a jamais personne qui va questionner que ces
informations-là devraient rester des informations
personnelles. Lorsqu'on parle d'informations plus de nature stratégique, c'est
là, des fois, que ça devient un petit
peu délicat pour la commission puis c'est peut-être là qu'il faudra faire des
grandes catégories. Je pense à des procès-verbaux de sociétés publiques,
ou des choses comme ça. C'est là que ça devient un peu une ligne importante à
tracer, puis on pourra y revenir, sur les
grands principes. Mais je pense qu'avec un gouvernement ouvert c'est la
troisième catégorie qui pourrait aider beaucoup à déblayer des choses. C'est
là qu'on doit avoir un gouvernement ouvert parce que, lorsqu'on parle de
données de gestion, de données d'opération, ce sont ces données-là qui
permettraient d'en enlever énormément, d'informations
qui sont dites cachées, qu'on pourrait rendre publiques. Puis à ce moment-là le
vrai travail, pour moi, de la commission sur l'information devrait être
beaucoup plus clair. On travaillerait sur les vraies choses, sur les choses
personnelles, que je disais tout à l'heure, ou des données qui sont de nature
stratégique, comme par exemple plus des contrats ou des procès-verbaux.
• (10 h 20) •
Ce qui m'amène à
dire... Et je salue encore le ministre et son équipe de dire qu'on veut en
faire un processus démocratique. Je ne mets pas en doute, mais je questionne...
Les exemples que l'on a vus à date, par exemple le tableau de bord informatique, par exemple les questions qui ont été
demandées dans le dernier processus des crédits et des dépenses, on n'a pas eu toujours, je le dis
souvent, les bottines qui suivent les babines. Alors, ce que j'aimerais
demander, à travers les écoutes qu'on va
faire des différentes personnes, comités, de s'assurer qu'on veut vraiment
faire les vraies choses, plutôt que de dire : Oui, on veut être
transparent, mais dans la réalité on ne l'est pas pour d'autres raisons.
Alors,
je salue cette initiative, M. le ministre, et votre équipe, et j'espère qu'on
aura des cas pratiques d'amélioration dans les
prochaines semaines. Merci.
Auditions
Le
Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Lévis. Nous allons, sans plus tarder, débuter
les auditions avec la Commission d'accès à l'information. Me Chartier, je vous
demanderais de vous présenter et de présenter les personnes qui vous
accompagnent. Et vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire.
Commission d'accès à l'information (CAI)
M. Chartier
(Jean) : Avec plaisir, M. le
Président. Je vous remercie. Alors, effectivement, les gens qui m'accompagnent :
à ma gauche immédiate, Mme Christiane Bétie, qui est directrice par
intérim de la Direction de l'analyse et de l'évaluation, en fait la division de la surveillance à
la commission, la division qui reçoit les plaintes; à ma droite,
Me Jean-Sébastien Desmeules, qui est secrétaire général de la commission
et directeur des affaires juridiques; et à ma gauche, un peu plus loin,
Me Cynthia Chassigneux, qui est à la Direction des affaires juridiques,
avocate à la Direction des affaires juridiques et qui a collaboré au contenu du
rapport quinquennal.
M.
le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je vous
remercie de me donner l'occasion de m'adresser
à vous aujourd'hui afin de vous livrer le sommaire de la réflexion engagée
depuis plusieurs mois par la Commission d'accès à l'information et qui a donné
lieu, en juin 2011, à la production de son rapport quinquennal.
Je
retourne brièvement en 2002, soit lors du dernier rapport quinquennal produit
par la commission, pour vous dire qu'à cette époque Facebook, Twitter,
YouTube, Google Street View, pour ne donner que ces exemples,
n'existaient pas encore. La popularité exponentielle de ces nouvelles
technologies est une des raisons qui a dicté évidemment à la commission le titre de son nouveau rapport
quinquennal : Technologies et vie privée à l'heure des choix de société.
Depuis 10 ans, le traitement
informatique des données personnelles et les technologies de communication ne
sont plus réservés aux États, aux gouvernements et aux grandes
entreprises. Durant cette période, malheureusement, l'évolution des technologies
a été plus rapide que le temps et la réflexion que l'on a mis à mesurer les
impacts de cette évolution.
Le
vol d'identité, la cyberintimidation, les failles de sécurité, le commerce en
ligne, la géolocalisation n'existaient pas ou presque il y a 10 ans. C'est la raison
pour laquelle le rapport de la commission s'est d'abord et avant tout
intéressé, dans ses premiers chapitres, à la protection des renseignements
personnels. Les ordinateurs portables, les téléphones intelligents, les tablettes numériques, la possibilité de se brancher
sur Internet maintenant partout où l'on est ont changé de façon drastique les modes de communication. Ces
nouvelles technologies posent évidemment des défis grandissants, en
matière de protection des renseignements personnels, mais ont aussi créé des
opportunités en matière d'accès à l'information.
La commission se préoccupe, dans son rapport, de la collecte grandissante des
renseignements personnels de nos concitoyens par les entreprises
commerciales et les organismes publics.
La
plupart des sites Web de ces entreprises et de ces organismes affichent, sur
leurs pages d'entrée, des politiques relatives
à la confidentialité qui sont destinées à rassurer et à informer les
utilisateurs ou les clients sur la collecte des renseignements personnels qui
est faite de leurs renseignements et sur la sécurité qui entoure, soi-disant,
ces renseignements personnels. Ces politiques sont décriées de toutes parts, y
compris par la commission, à cause de leur longueur
et de leur complexité. Il suffit de faire descendre la bande défilante d'une
politique de confidentialité d'une grande entreprise — vous le ferez à l'occasion de votre prochaine session
de Web — pour voir à quel point ces
politiques de confidentialité sont longues,
interminables, écrites dans un langage juridique à peine compréhensible. Et
elles méritent évidemment d'être revues, écourtées, rédigées en quelques
lignes, dans un langage clair et, tel que la commission le suggère par quelques illustrations dans son
rapport quinquennal, pourquoi pas, identifiées par des pictogrammes qui
les rendraient facilement compréhensibles.
Quoi
qu'il en soit de ce que l'Assemblée décidera de faire avec ces politiques de
confidentialité, il faut aussi être conscient
qu'il y a une portion de la population, notamment les jeunes, qui ne prennent
aucune précaution lorsqu'ils sont sur le
Web. C'est pourquoi la commission recommande que des programmes de
sensibilisation soient mis en oeuvre et développés à l'intention de
cette nouvelle génération, que nous avons appelée les natifs du numérique et
qui doivent être informés, dès leur plus
jeune âge, de l'importance du respect de la vie privée et de la protection des
renseignements personnels, tant les leurs que ceux des autres qui les
entourent.
De
même, les entreprises qui sollicitent cette clientèle en bas âge devraient être
sensibilisées et mieux informées de leurs
obligations en matière de collecte et de protection des renseignements
personnels. En outre, la commission recommande qu'on interdise la collecte de
renseignements personnels des enfants en bas âge. Cette collecte sert au profilage, et il y aura lieu, pour la commission
parlementaire et l'Assemblée nationale, de se pencher sur cette
question. Nous recommandons, comme je l'ai déjà mentionné, qu'une interdiction
soit faite pour la collecte des enfants. On pourra à ce moment-là déterminer
quel serait l'âge limite, mais voilà une de nos recommandations.
Nous recommandons
également que soit rendue obligatoire la déclaration, dans les paroles d'ouverture
des parlementaires — vous
l'avez mentionné — la déclaration des failles de sécurité, tant pour les organismes
publics que pour les entreprises privées.
Évidemment, nos lois prévoient déjà l'obligation, pour les entreprises et les
organismes, de prendre toutes les mesures de
sécurité afin de protéger les renseignements personnels qui sont collectés,
autant dans le secteur privé que dans le secteur public. Mais, s'il y a
une faille, s'il y a un vol, s'il y a une perte, par exemple, d'un ordinateur, de disques durs, de données
personnelles relatives aux usagers ou aux clients d'une entreprise privée, il
nous semble que dorénavant tous devraient être soumis à un régime de
déclaration obligatoire à la commission. Ce régime pourrait dès lors permettre
à la commission d'assister l'entreprise ou l'organisme, l'aider à prendre les
mesures de protection et l'aider à aviser
évidemment l'ensemble de nos concitoyens qui auraient ainsi été victimes de la
perte de leurs renseignements. Il faudra moduler, si cette suggestion
est retenue, il faudra moduler les cas où l'intervention de la commission sera nécessaire et il faudra déterminer
les circonstances où l'intervention de la commission sera nécessaire. On peut penser à des cas où il ne sera pas
nécessaire de mobiliser les ressources de la commission, mais je vous
dirais que, dans le monde, dans les pays qui
nous entourent, de plus en plus cette déclaration obligatoire des failles de
sécurité est maintenant devenue un standard.
De plus, après
20 ans d'application de la loi sur le privé, il nous apparaît maintenant
nécessaire de prévoir que les entreprises de plus de 50 employés — la norme de 50 employés est une suggestion de la
commission — que ces entreprises nomment dorénavant un responsable
de la protection des renseignements personnels pour oeuvrer au sein de l'entreprise
afin d'assurer une réponse efficace et diligente aux demandes d'accès aux
renseignements personnels des citoyens, ainsi que de veiller à faire la
promotion de la protection des renseignements personnels au sein même de l'entreprise
et de ses activités.
En ce qui concerne l'accès
à l'information, la commission croit que le temps est venu d'ouvrir encore plus les portes afin de
favoriser l'accès à l'information détenue par l'ensemble des organismes
publics, les ministères, le monde municipal, le monde scolaire et le
monde de la santé. D'abord, la commission croit qu'il faut absolument élargir
le règlement sur la diffusion automatique de
l'information, qui existe déjà, aux mondes municipal, scolaire et de la
santé. Sachez que ces trois grands secteurs de l'activité publique, collecteurs
de renseignements personnels, collecteurs, évidemment,
de beaucoup d'informations, pensons à l'ensemble des contrats que ces grands
organismes publics, ces grandes catégories d'organismes publics
collectent, ne sont pas encore assujettis au règlement sur la diffusion
automatique de l'information.
Il faut également élargir la portée du
règlement et faire en sorte de s'engager dans le gouvernement ouvert, soit la mise à la disposition de plus en plus de données,
de renseignements et de statistiques détenus par les organismes publics, et ce,
sous une forme qui permette aux citoyens la réorganisation et les
réutilisations de ces données.
•
(10 h 30) •
Le Président (M. Reid) : Me Chartier, juste pour vous avertir
que vous avez environ une minute qui vous
reste.
M.
Chartier (Jean) : Une minute? D'accord,
je me dépêche.
En
ce qui concerne le gouvernement ouvert, évidemment il y a déjà des initiatives
ailleurs dans le monde, en Australie, aux États-Unis, dans quelques villes
canadiennes, mais il faut absolument avancer et augmenter l'initiative qui a
été commencée par le rapport Gautrin.
Afin d'améliorer la transparence des
organismes publics, l'accès à leurs documents et l'efficacité, la commission recommande
également des modifications en matière d'accès — sur
lesquelles je pourrai revenir lorsque je serai à
votre disposition pour vos questions — modifications
en matière d'accès qui auraient pour effet d'augmenter la transparence.
En guise de conclusion, je voudrais rappeler
à cette commission parlementaire que les tribunaux judiciaires qui ont appliqué la Loi sur l'accès depuis 30 ans ont
reconnu à maintes reprises l'importance des droits qu'elle protège, qu'il s'agisse du droit d'accès à l'information ou
du droit à la protection des renseignements personnels. Ils y ont
reconnu un fort symbole d'une société démocratique. La commission et tous ses
employés s'y consacrent depuis 30 ans.
Cependant, qu'il s'agisse de ses
responsabilités actuelles ou de toute responsabilité que cette Assemblée voudra bien confier à la
commission dans l'avenir, la commission ne pourra remplir sa mission
adéquatement sans uneaugmentation à
court terme de ses crédits. J'ai déjà eu l'occasion de le mentionner sur d'autres
tribunes, les compressions budgétaires auxquelles la commission doit
faire face, notamment pour l'année financière qui commence, nous imposeront, à
la commission, dans les mois à venir des choix déchirants et de possibles
compressions de personnel dans le personnel déjà limité de la commission, qui
se chiffre à 60 employés pour couvrir la totalité du Québec.
Dans la foulée de la volonté maintes fois
exprimée par le ministre responsable de l'application de la loi, qui veut augmenter la
transparence des institutions publiques, la Commission d'accès à l'information
est un outil dont la population québécoise
ne peut se priver. Dans son rapport de 1981, qui avait précédé l'adoption de la
Loi sur l'accès, le journaliste Jean Paré écrivait — et je termine avec ça, M. le Président : «Nous
avons laissé, mes collègues et moi, un travail qui peut servir de base à un
régime amélioré et plus transparent, mais qui sera toujours tributaire de la
bonne volonté des gouvernements.» Je vous remercie.
Le Président (M. Reid) : Merci, Me Chartier. Nous allons
passer maintenant à la période d'échange. Et
nous allons commencer avec M. le ministre et le bloc de l'opposition... le
bloc, pardon, du gouvernement.
M. Drainville : Merci, M. le Président. Je souhaite,
M. le président de la Commission d'accès, que nous abordions le maximum de
sujets possible, alors je ne vais pas m'étendre trop longtemps, là, sur des
commentaires à caractère général, je vais aller tout de suite dans le
spécifique et le très concret.
Vous
avez abordé, à la fin de votre intervention, toute la question du règlement, le
fameux Règlement sur la diffusion. D'abord, j'aimerais ça que vous expliquiez,
en particulier pour les gens qui nous écoutent, en quoi consiste ce
règlement-là. On sait que pour le moment seuls les ministères et organismes
gouvernementaux sont assujettis à ce Règlement
sur la diffusion, donc le réseau de la santé n'est pas assujetti, le réseau
scolaire non plus, les sociétés d'État également
ne le sont pas. Alors, j'aimerais ça que vous nous fassiez un résumé
très succinct de ce Règlement sur la diffusion, qui a été adopté en 2009 et qui
prévoit donc une diffusion proactive de documents.
Donc, les gens en principe n'ont pas besoin de demander la diffusion de ces
documents-là, ils doivent être rendus disponibles notamment sur le site
Internet des ministères qui sont concernés. On parle de l'organigramme, on
parle… par exemple, le plan de classification des documents, les études, rapports
de recherche, et tout le reste.
Alors, parlez-nous un peu du fonctionnement
de ce règlement-là. Donnez-nous un peu votre bilan de l'application de ce
règlement-là. Est-ce que ça fonctionne, est-ce que ça ne fonctionne pas? C'est
quoi, les problèmes? Et pourquoi suggérez-vous que ce règlement-là soit
dorénavant étendu aux organismes scolaires, aux organismes de santé, aux municipalités également — j'ai
omis de le dire tout à l'heure, là — et également aux sociétés d'État
dont le gouvernement est
propriétaire à plus de 50 %? Alors, commençons par ça. Puis en sous-question, je vous
dirais, comment vous faites l'arrimage entre cet élargissement du
Règlement sur la diffusion et la mise en place d'un gouvernement ouvert?
Comment est-ce que cet élargissement-là s'inscrit dans ce projet de
gouvernement ouvert que l'on partage tous autour de cette table?
Le
Président (M. Reid) :
Me Chartier, à vous la parole.
M. Chartier (Jean) : Merci, M. le Président. Alors,
effectivement, comme vous l'avez mentionné, M. le ministre, ce règlement,
qui s'intitule Règlement sur la diffusion de l'information et sur la protection
des renseignements personnels, a été édicté en 2008. Certaines
dispositions sont entrées en vigueur un peu après, mais essentiellement elles
forcent maintenant tout organisme public qui
y est assujetti, et pour le moment, à l'heure où on se parle, ce sont les
ministères et organismes gouvernementaux, à
l'exception du secteur de la santé, à l'exception du secteur scolaire et à l'exception
du secteur municipal, mais elles
forcent — je reviens à ce que je vous disais — à
diffuser l'ensemble des renseignements qui
sont mentionnés à son article 4, que je ne vais pas vous lire, le ministre
y a référé assez rapidement, mais en fait, par exemple, l'organigramme, le nom du responsable de l'accès, le plan de
classification des documents, les études, les rapports de recherche que
l'organisme a fait préparer pour son compte, toutes les demandes d'accès
auxquelles il a répondu et que l'organisme
juge pertinentes, les projets de règlement publiés à la Gazette, les
renseignements relatifs aux contrats qu'il a conclus et prévus à l'article 22
de la Loi sur les contrats des organismes publics. Alors, tous ces
renseignements-là doivent être systématiquement et sans exception publiés sur
le site Web de l'organisme depuis 2009. Également, on peut y retrouver, par exemple, comme je vous l'ai mentionné, des
statistiques des demandes d'accès. Et il nous est apparu, avant de s'engager, avant de recommander au gouvernement
ou à l'Assemblée nationale de s'engager de façon pleine et entière dans ce qu'on appelle le gouvernement
ouvert, il nous est apparu nécessaire peut-être d'appliquer ce Règlement
sur la diffusion, qui était déjà, en 2008,
une avancée par rapport à tout ce qui était... tout ce qui existait en matière
d'accès, il nous est apparu nécessaire, voire indispensable, à tout le moins,
de soumettre l'ensemble des organismes publics qui n'y sont pas déjà
assujettis.
Le
ministre me demandait, dans sa question, d'élaborer également sur quelle serait
la différence entre l'application d'un tel règlement et le gouvernement ouvert. Et c'est
très différent, en ce sens que ce que le règlement vient faire, c'est d'obliger
systématiquement, comme je vous le disais, l'ensemble de ces organismes publics
à mettre sur leurs sites Internet l'ensemble des documents qui y sont
mentionnés et qui sont, à ce moment-là, assujettis, par exemple, à des
inspections de la commission. Je peux vous dire que la commission fait son
travail d'inspection, par exemple, auprès des
organismes publics qui sont assujettis actuellement. On est allés inspecter
pour voir si les documents sont sur leurs sites Web, et cette inspection a confirmé que tous ou presque s'y conforment.
Mais les documents qui sont là ne sont pas les documents que recherchent
les tenants d'un gouvernement ouvert parce que ce ne sont pas des données
réutilisables ou réorganisables. On prend le
contrat qui est là, on prend une demande d'accès, on prend l'organigramme du
ministère, on prend le nom du responsable de l'accès, on ne fera pas
grand-chose avec ça.
Le
gouvernement ouvert est une tout autre notion, qui prévoit de mettre sur un
site Web ou à la disposition des citoyens, d'une autre façon, des statistiques, des
données compilées par l'organisme, par exemple, si on parle d'éducation,
l'ensemble des inscriptions au niveau
primaire depuis 15 ans, par exemple. Ça pourrait être un exemple. Et ces
données-là doivent être réutilisables,
réorganisables par celui qui les détient ou qui peut y avoir accès. Et c'est l'ensemble,
finalement, des données compilables,
réorganisables, utilisables que nos ministères et organismes ont fait préparer
soit par l'Institut de la
statistique, soit par leurs propres services, dont ils n'ont plus nécessairement
besoin mais qui ont servi à, par exemple, mettre sur pied des programmes
sociaux, déterminer le coût de programmes sociaux, déterminer le coût de
mesures quelconques gouvernementales, de façon à permettre aux citoyens d'avoir
accès à ces informations-là. Mais vous aurez
compris qu'il y a un rattrapage à faire sur le règlement sur la diffusion
automatique mais qu'il faut aussi distinguer ce qu'on appelle le
gouvernement ouvert, qui est une nouvelle façon de mettre à la disposition des
citoyens des bases de données, dont il faudra évidemment extraire les
renseignements personnels.
Et enfin je termine en
vous disant que tant le Règlement sur la diffusion que le fait pour le
gouvernement de s'engager dans un programme de gouvernement ouvert ou dans une
initiative de gouvernement ouvert… je pense que,
compte tenu des complaintes que je vous ai laissées à la fin de mon discours…
auraient aussi pour effet de diminuer un peu le nombre de demandes de révision à la Commission d'accès, étant
entendu que toute cette information nouvellement disponible pour les
citoyens ne fera pas l'objet de demandes officielles auprès des ministères ou
des organismes.
• (10 h 40) •
Le Président (M.
Reid) : Merci, M. Chartier.
M. le ministre.
M.
Drainville :
Très bien. Très clair. Merci, M. le président de la Commission d'accès.
Autre sujet que je voudrais aborder avec vous, les délais, les délais pour
entendre les demandes de révision, qui sont en moyenne de plus d'un an,
hein? Évidemment, vous savez qu'il y a plusieurs groupes qui vont venir nous
dire à quel point c'est vexant et à quel point
ils trouvent que les délais sont trop longs, ce qui m'amène à poser la
question : Comment on règle ce problème-là? Je sais que vous allez me parler de ressources, vous l'avez
déjà fait, et c'est de bonne guerre, je pense que c'est important que
vous nous rappeliez à quel point la question des ressources, elle est
importante, mais j'essaie de concilier les délais déjà fort longs avec les responsabilités supplémentaires qui pourraient
découler de certaines de vos recommandations. Si, avec les responsabilités que vous avez déjà, les
délais sont longs et qu'on ajoute à vos responsabilités, dans une
volonté de transparence, dans une volonté de
rendre la loi encore plus performante, si je peux dire, ça risque de vous faire
plus de travail, ça. Alors, j'essaie de voir un peu comment vous allez
concilier ça. Est-ce que vous aviez prévu, à l'interne, des façons de faire
améliorées qui vont vous permettre d'être plus efficaces dans les tâches qui
sont déjà les vôtres? Et de façon générale...
Par
exemple, un des moyens qui a été évoqué, et j'aimerais bien vous entendre
là-dessus, c'est toute la question de la
médiation, rendre la médiation obligatoire. Donc, plutôt que de forcer quelqu'un
qui s'est vu refuser l'accès à un document à
devoir aller en révision... Pour les gens qui nous écoutent, c'est aller en
appel, si on peut dire, d'une décision défavorable. Donc, je demande un
document à un ministère, je me fais dire non et là j'ai une procédure, j'ai le
droit d'appeler de cette décision-là, donc d'aller
en révision devant la Commission d'accès. À ce moment-là, la Commission d'accès joue son rôle de
tribunal administratif. Alors, est-ce que la question de la... cette idée d'une
médiation obligatoire, qui ferait en sorte qu'avant d'aller en révision,
avant d'aller en appel, si je peux dire, on obligerait le demandeur et l'organisme
ou le ministère à s'asseoir à une même table, une même table, dis-je bien, puis
essayer de trouver un compromis pour faire en sorte que l'information soit
rendue publique en tout ou en partie et dans des délais, bien sûr, acceptables,
M. le président…
Le Président (M.
Reid) : Me Chartier.
M.
Chartier (Jean) :
Merci, M. le Président. Vous touchez évidemment un point douloureux, à la commission, parce que c'est
un peu la quadrature du cercle que nous tentons de réussir. Et je ne vous
cacherai pas que, compte tenu de la connaissance que j'ai prise des
ressources, lorsque j'ai été nommé comme président de la commission, au tout début de 2011, les premiers mois de ma présidence,
pendant lesquels évidemment nous avons dépensé beaucoup d'énergie,
notamment à faire ce rapport quinquennal, nous nous sommes aperçus qu'il était
peut-être un peu contradictoire de solliciter
de la commission... c'est-à-dire de l'Assemblée nationale de nouvelles
responsabilités, parce que nous croyons vraiment qu'elles doivent nous être imputées et confiées, tout en,
évidemment, admettant, bien sûr, que même à l'heure actuelle, sans aucune responsabilité
additionnelle, la commission n'est pas capable de remplir sa fonction, compte
tenu des crédits et de ses effectifs, ce qui
ne veut pas dire, comme je le mentionnais dans mon allocution d'ouverture, que
nous ne tentons pas, évidemment, d'améliorer les choses.
Vous
parliez au tout début de votre intervention, M. le ministre, des délais d'audience,
délais d'audience qui sont encore trop longs
mais qui depuis deux ans ont quand même été réduits de, je vous dirais, quelque
chose comme 20 mois, dans la région de
Montréal, à 14 à 15 mois actuellement. Et, dans la région de Québec,
touchons du bois, les délais d'audience
sont d'à peu près un maximum de six mois. Évidemment, il en est autrement...
Parce que, comme je vous le disais,
la commission doit couvrir l'ensemble du Québec, alors il en est autrement dans
certaines régions où, par exemple, je vous donne l'exemple de la Côte-Nord, l'exemple de la
Gaspésie, où
il faut attendre d'avoir une masse critique de dossiers avant de pouvoir y
envoyer un juge administratif, alors les délais sont habituellement, dans ces
cas-là, plus longs, compte tenu évidemment de la petitesse de nos ressources.
Mais il y a quand même des efforts qui ont été faits au niveau de la mise au
rôle.
Vous avez mentionné la
médiation. La médiation existe déjà depuis 15 ans à la commission. Nous
pouvons compter sur une dizaine de médiateurs qui sont consacrés... qui
consacrent en fait leurs journées entières à faire la médiation et à tenter de trouver
un terrain d'entente entre le demandeur d'accès et l'organisme public qui
détient les documents ou l'entreprise privée, et, je vous dirai, ça fonctionne
et ça fonctionne très bien. À l'heure où on se parle, la proportion — c'est ce que je vérifie avec mon secrétaire
général — la proportion actuelle des
dossiers réglés par médiation est d'à peu
près les deux tiers, bon an, mal an, ce qui veut dire qu'il reste un tiers à
confier au juge administratif. Et,
quand on parle de deux tiers de dossiers réglés sans l'intervention d'un juge
administratif, d'un commissaire, ça nous apparaît un grand succès. Mais, comme je vous le mentionnais, il demeure
une masse critique de dossiers. Nous ouvrons approximativement
2 000 à 2 500 nouveaux dossiers par année. Nous avons
actuellement sept juges administratifs, 10 médiateurs. Je vous dirai bien
honnêtement, il y a une limite à ce que l'on peut faire. On y met tous les
efforts, évidemment, pour améliorer. Tel que je vous l'ai mentionné, les rôles
sont maintenant cédulés de façon plus efficace. La commission peut compter
depuis quelques mois sur un nouveau système de gestion, pour lequel elle a
obtenu les crédits il y a quelques années et
qui vient tout juste d'être terminé. Un nouveau système de gestion des rôles et
de gestion de ses dossiers, qui apporte de l'efficacité, évidemment sans
effort supplémentaire, ça a apporté de l'eau au moulin et ça permet d'améliorer. Mais évidemment il demeure qu'avec
60 employés, M. le ministre, et avec tout le respect que j'ai
pour cette Assemblée, il y a une limite à ce que l'on peut faire.
Le Président (M.
Reid) : Merci, Me Chartier. M.
le ministre.
M.
Drainville :
Oui. Bon, vous avez bien fait le portait de la situation actuelle, là, au regard de la médiation,
mais je pense que votre... En fait, posons la question directement :
Est-ce qu'il faut envisager la médiation obligatoire? Parce qu'elle n'est
pas obligatoire présentement, n'est-ce pas?
M. Chartier
(Jean) : C'est-à-dire qu'à l'heure
actuelle, ce qui arrive, on a des processus qui prévoient que, dès qu'un dossier… dès qu'une demande de révision,
donc, de… Un citoyen mécontent de la réponse qu'il a obtenue de l'organisme fait sa demande à la commission, un
dossier est ouvert et il est immédiatement confié à un de nos
10 médiateurs. Et le médiateur... et une lettre est transmise au citoyen
et à l'organisme pour dire : Le dossier a été ouvert à la commission, vous avez... Et on mentionne les coordonnées du
médiateur en donnant le numéro de téléphone et on leur mentionne qu'un
médiateur entrera en contact avec eux. C'est certain que, si un citoyen ou un
organisme dit — passez-moi
l'expression : Je ne veux pas rien savoir de ton médiateur, je veux
obtenir le document en entier, ou, de l'autre côté, l'organisme dit : Il n'est pas
question que j'entre dans une quelconque tentative de négociation, il n'est
pas question que cette information-là soit
divulguée, nous attendrons une décision d'un commissaire, d'un juge
administratif, évidemment, on ne peut pas rien faire. Mais nos processus
prévoient déjà que...
M.
Drainville : Mais ça arrive, ça
arrive dans combien de cas, ça, monsieur… Me Chartier?
M. Chartier
(Jean) : Ah! je vous dirais que...
M. Drainville : Sur 10 offres de médiation, là,
il y en a combien qui sont refusées d'emblée par des gens qui disent : Non, non, non, moi, je veux aller devant le
tribunal, là?
M. Chartier
(Jean) : Moi, je vous dirais trois
sur 10, à peu près.
M.
Drainville : C'est
beaucoup. C'est beaucoup. C'est pour ça que la question de la médiation
obligatoire se pose. Qu'est-ce que vous en
pensez, vous, de la médiation obligatoire?
Le Président (M.
Reid) : Me Chartier.
• (10 h 50) •
M. Chartier (Jean) : Je vous dirais qu'elle aura toujours
ses limites, c'est-à-dire que, bien que je force deux parties à s'asseoir l'une en face de l'autre ou à se parler au
téléphone avec l'aide d'un juriste ou d'un médiateur, peu importe sa compétence, là — une
compétence en médiation va de soi — afin de négocier, M. le
ministre, en tout respect, c'est un peu comme n'importe quelle instance
devant n'importe quel tribunal pénal, civil, la Cour supérieure, la Cour
du Québec, il restera toujours des dossiers
où la négociation ne peut avoir lieu. Par exemple, vous vous souvenez très
bien que dans la Loi sur l'accès il y a
certaines dispositions où l'organisme public doit refuser le document. Il y a
des dispositions, dans la Loi sur l'accès,
où l'organisme public n'a aucune espèce de discrétion pour accepter de le
donner, mais ça, les citoyens ne le
comprennent pas toujours, et ça prend une décision pour dire aux
citoyens : L'organisme public n'a pas le choix, la loi lui oblige
de refuser de donner le document. Alors, il y aura toujours, je pense, malgré
une médiation qui deviendrait obligatoire…
je crois qu'il y aura toujours une proportion, que l'on espère la plus petite
possible, de dossiers à soumettre au juge administratif.
Le Président (M.
Reid) : M. le ministre.
M.
Drainville :
Merci, M. le Président. Il me reste deux minutes. Changeons de sujet, parlons
des failles ou des incidents de sécurité qui affectent la protection des données
personnelles. C'est l'autre mandat très important de notre... enfin de
toute cette discussion que nous aurons au cours des prochains jours, donc la
responsabilité de protéger les renseignements
personnels et, de façon plus large, la vie privée des gens. Est-ce que vous
avez des indicateurs de l'ampleur des failles de sécurité qui sont
survenues soit dans les organismes publics ou encore dans les entreprises
privées? Est-ce qu'on a un portrait global? Et quels dommages ces incidents de
sécurité ont-ils causés? Il me reste à peu près deux minutes, là, donc, si vous
pouvez nous donner à tout le moins un début de réponse sur cette question-là…
Le Président (M.
Reid) : Me Fortier.
M. Chartier
(Jean) : Oui, bien sûr. Merci, M. le
Président. La commission se préoccupe évidemment de ces choses-là, et la raison pour laquelle elle en a fait une recommandation
précise était appuyée sur des constatations qu'elle a faites, notamment
lors d'une inspection que la commission a menée en 2010, avant la rédaction de
son rapport quinquennal, auprès de tous les ministères et organismes québécois.
On parle de 21 ministères et de 117 organismes gouvernementaux, pour
un total de 138 — ce qu'on appelle des
MO — ministères et organismes
québécois. On est allés demander à ces gens ou enfin aux responsables de l'accès
et à la protection des renseignements personnels dans chacun de ces ministères
et organismes quels étaient les incidents de sécurité. En était-il arrivé dans
leur milieu au cours des trois années précédentes, c'est-à-dire entre 2007 et
2010? 107 incidents de sécurité, M. le ministre, ont été déclarés lors de l'inspection. Il s'agissait de
pertes de renseignements personnels, de vols de renseignements
personnels. Et on a même constaté, parmi ces
ministères et organismes, qu'il n'y en avait qu'un pourcentage de 23 % qui
avaient une politique sur la perte et le vol des renseignements
personnels en leur milieu.
M.
Drainville : Vous parlez d'organismes
publics, là.
M. Chartier
(Jean) : D'organismes et de
ministères, 138 ministères et organismes. Alors, constatant cela, on s'est dit : C'est peut-être la totalité, c'est
peut-être seulement la pointe de l'iceberg, et on s'est alors demandé... Parce
qu'une inspection de cette nature n'a pas eu lieu dans les entreprises privées.
Mais les entreprises privées sont encore plus nombreuses et elles sont très
nombreuses à détenir des renseignements personnels. Pensez évidemment à toutes
les banques, les grandes chaînes commerciales. Et là on s'est dit : Quelle
serait une éventuelle inspection faite dans les entreprises privées? Nous n'avions pas les effectifs pour le faire à ce
moment-là. Mais voilà le résultat de cette inspection que nous avons
faite en 2010.
Le
Président (M. Reid) : Merci, Me Chartier. Nous allons passer maintenant au bloc de l'opposition officielle. Et je donne la parole à la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis :
Merci, M. le Président. Mark Zuckerberg a dit : «Privacy is dead.» Aujourd'hui, on se trouve dans un monde où le commerce de l'information est
parmi les plus importants commerces mondiaux. Pour avoir accès à un site Web,
il faut que j'accepte les politiques, y compris les politiques de
confidentialité. Même les personnes qui comprennent les conséquences d'accepter
les conditions de... la politique de confidentialité cliquent parce qu'ils veulent avoir accès au Web. Alors, combien,
vraiment, refusent les conditions de confidentialité, même en comprenant
ces conditions-là? Et vraiment est-ce que les
pictogrammes sont une solution? On veut avoir accès, on va cliquer. En plus,
vous suggérez une politique condensée et une politique détaillée. Si je clique
sur la politique condensée, quels termes et conditions j'accepte, qu'on va
retrouver uniquement dans la politique détaillée? Qu'est-ce qui sera caché dans le détail? Comment vraiment réveiller toute
une société aux enjeux quant à la protection de leurs renseignements,
dans un monde, aujourd'hui, où les gens ne comprennent pas c'est quoi, le
contrôle de leur identité, qu'ils sont en train
de le perdre à tout moment, tous les jours, que perdre le contrôle sur leur
identité, c'est perdre leur liberté et c'est se perdre, encore plus, ce concept de démocratie dont le ministre parlait
tout à l'heure? Alors, s'il vous plaît, est-ce que c'est vraiment
simplement une poudre aux yeux de me dire : On va avoir des pictogrammes,
des politiques qui sont plus compréhensibles? Qu'est-ce qu'il faut faire?
Le
Président (M. Reid) : Me Chartier.
M.
Chartier (Jean) : Merci, M. le Président…
Mme
de Santis : Et est-ce que je peux
vous demander de garder vos réponses un peu plus courtes parce qu'on a beaucoup
de questions?
M.
Chartier (Jean) : Oui. Oui. Écoutez,
vous touchez un point évidemment très important : Est-ce que la réduction ou les recommandations de la commission
sur la réduction des politiques de confidentialité seraient assez? Il
est bien évident que, tout dépendant, en plus, de ce que les entreprises en
feraient… Est-ce que, par exemple, il faudrait que la commission propose un modèle de politique condensée? Peut-être.
Est-ce qu'il faudrait que la commission se fasse l'arbitre ou enfin le censeur des politiques condensées qui devraient
être mises par les institutions? À tout le moins, on pourrait penser à
au moins une première intervention auprès des organismes publics et des
différents ministères et organismes. Ensuite, les entreprises, évidemment, il
faut aussi comprendre que, si l'Assemblée nationale décidait de légiférer en ce
sens, ça ne serait que sur le territoire québécois ou enfin les entreprises qui
ont une place d'affaires au Québec, parce
que sinon les entreprises qui ont des places d'affaires ailleurs dans le monde
et qui ont des sites Web qui sollicitent notre propre population se
sentiraient plus ou moins liées par ce genre d'intervention.
Mais,
lorsque vous dites : Aurions-nous un quelconque effet? Nous avons mis,
dans le rapport quinquennal, un exemple où
le Québec a légiféré et où ça a eu certainement un effet. Souvenez-vous de la
législation québécoise en matière de protection du consommateur, où on
est venu interdire, au Québec, la publicité destinée aux enfants. Et aujourd'hui... À l'époque, je n'y étais pas,
évidemment, dans les débats qui ont donné lieu à cette intervention
législative, mais probablement qu'à l'époque
on se disait : Bien, voyons, on vit dans l'ensemble nord-américain, on vit
sur une bien petite planète, ça ne
sert à rien de mettre une intervention comme ça. Mais aujourd'hui il n'y a plus
de publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans. Et on pensait
un peu à ce genre d'intervention législative qui pourrait être faite. Mais,
lorsque vous dites : Y a-t-il vraiment des chances de succès?, nous
croyons que ça prend de l'éducation, de la sensibilisation et un minimum de
législation.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis : La...
Une
voix : …sensibilisation.
Mme de Santis : … — exactement — l'éducation, etc., on en a parlé
dans un autre forum. O.K. Mais à quel point
vous faites ça aujourd'hui? Parce que, si c'est essentiel pour qu'une société
comprenne les enjeux, il faut en faire. Qu'est-ce que vous faites aujourd'hui?
M. Chartier (Jean) : On fait ce qu'on peut,
malheureusement. On fait bien peu, mais depuis trois ans... depuis deux ans la
commission a diffusé, tant sur son site Web que dans le milieu scolaire,
primaire et secondaire, des dépliants, des affiches, d'une part, pour
informer les jeunes, les jeunes en très bas âge, du niveau primaire, des
dangers d'aller sur Internet et des précautions qu'on devrait prendre. Et on a
également procédé à la diffusion et à la distribution, dans le réseau scolaire,
d'affiches que nous avons préparées sur les 10 conseils de la CAI pour
surfer sur le Web de façon sécuritaire. Bon. Nous avons ajouté à cela la présence
de nos professionnels, qui sont allés évidemment faire des conférences,
expliquer, dans le réseau scolaire… Ils sont toujours très bien accueillis. Ils
sont très sollicités, mais ils ne sont que 10. Alors, évidemment, nous agissons
à la mesure de nos moyens, et nos moyens sont certes insuffisants.
Le Président (M. Reid) : Merci, Me Chartier. Je voudrais
passer la parole maintenant à la députée de l'Acadie.
Mme
de Santis : Parfait.
Mme
St-Pierre : As-tu fini?
Mme
de Santis : Moi, j'ai d'autres
questions, mais vas-y, et après…
Mme
St-Pierre : Vous comprenez que c'est
fort intéressant comme sujet. Je veux vous saluer et saluer les collègues
députés, saluer aussi les gens qui nous écoutent, et je suis sûre qu'ils
écoutent avec énormément d'intérêt.
Moi
aussi, je vais vous demander de faire des réponses très courtes parce que ma
collègue a des questions encore à poser. Vous avez parlé, dans votre rapport...
Dans les recommandations, vous ne parlez pas de la recommandation du
rapport Payette, qui recommandait que les journalistes aient un accès
privilégié lorsqu'ils font une demande d'accès à l'information. Est-ce que vous
vous penchez sur cette question-là, oui ou non? Êtes-vous d'accord, oui ou non?
• (11 heures) •
M. Chartier
(Jean) : Nous nous sommes penchés sur
cette question au moment où la rédaction du rapport quinquennal a été effectuée. La commission s'est mise en retrait, parce
qu'il y avait déjà deux dossiers qui étaient… pas suspendus, mais dont
on attendait l'audience en Cour du Québec, qui est le tribunal d'appel de la
commission, alors nous ne pouvions pas nous
positionner. Et dans le rapport quinquennal nous avons tout simplement dit...
nous avons exposé ce cas et nous
avons dit à l'Assemblée : l'Assemblée nationale devra régler ce
problème-là. Mais il nous apparaissait que l'Assemblée nationale ne
devrait pas régler le problème seulement pour les journalistes, de façon à ne
pas en faire une classe à part, de citoyens à part, qui pourraient avoir ainsi
plus de droits devant la Commission d'accès.
Aujourd'hui,
à l'heure où on se parle, les deux décisions dont je vous parle ont été
rendues. La Cour du Québec… Dans un cas, la décision est plus ou moins
pertinente, compte tenu de la façon dont le juge l'a rédigée. Dans l'autre
cas, la décision concernait un journaliste
de La Presse dont l'entreprise... dont l'organisme public
soumettait que la demande de révision
aurait dû être faite par un avocat représentant ce journaliste. Et le juge à la
Cour du Québec a décidé que la demande du journaliste était une demande
personnelle de l'individu, de la personne elle-même, qui, en vertu de l'article 9
de la Loi sur l'accès, a un droit d'accès à
l'information et un droit de demander toute espèce d'information à un
organisme public. Et le juge a dit : Il
n'y a rien là qui nécessite… ou qui fait la démonstration que la demande de l'individu
qu'il avait devant lui était la demande de son consortium employeur. Le juge a
conclu qu'il s'agissait d'une demande personnelle du journaliste et qu'à ce
titre il n'avait pas besoin d'avocat. Alors, nous, on a considéré que ça
réglait la question, à tout le moins en partie.
Mme
St-Pierre : …que vous ne répondez pas
vraiment à ma question, à savoir si la commission est d'accord ou pas d'accord,
mais enfin on pourra peut-être en rediscuter à un moment donné.
Vous avez fait
référence à vos effectifs, à vos budgets. Vos budgets sont en décroissance ou
en croissance? Avez-vous augmenté cette année? Ou, si vous êtes diminués, vous
êtes diminués de combien?
M. Chartier
(Jean) : Cette année, nous faisons
face à une ponction d'un peu moins de 200 000 $ sur un budget total
de 5 700 000 $.
Mme
St-Pierre : …pourcentage? Vous ne
savez pas? O.K., c'est correct.
M. Chartier
(Jean) : Je ne l'ai pas à l'idée, le
pourcentage, là, mais je peux vous dire qu'il n'y a pas que la ponction qui nous est imposée, parce que nous
avons aussi d'autres charges qui... par exemple, les augmentations de
salaire que nous devons assumer, etc., mais tout ça pour vous faire un chiffre
global, tout à l'heure, ce que je disais dans mon discours d'ouverture, toutes
choses étant égales par ailleurs, si la commission ne met personne à pied d'ici
la fin de l'année, nous allons être dans une situation déficitaire d'à peu près
400 000 $.
Mme
St-Pierre : O.K. Maintenant, une
dernière...
Le Président (M.
Reid) : Merci. Est-ce que je reviens
à la députée de Bourassa-Sauvé…
Mme
St-Pierre : Une
autre question, les failles de sécurité. Il y a eu un reportage à TVA récemment
sur le palais de justice et l'accès que les
gens ont, au palais de justice, aux dossiers personnels. Comme journaliste, je
me suis servie beaucoup de cette section-là des archives au palais de justice.
Ça vous dit quoi, là? Ça nous dit que c'est beau, l'ouverture, là, mais...
M.
Chartier (Jean) :
Non, au contraire, ça nous dit que tous les dossiers judiciaires, Mme la
députée, sont — et ça, je crois, en tout respect, c'est une erreur que le
journaliste a faite — tous les dossiers judiciaires sont
publics, et doivent l'être ainsi, et sont accessibles dans les lieux mêmes, là, des réseaux
judiciaires. Mais au surplus il y a une disposition de la Loi sur l'accès
qui rend inapplicable aux tribunaux judiciaires la Loi sur l'accès. Alors, vous
savez bien qu'au moment de faire ce reportage nous avons eu notamment des
demandes d'information des journalistes, et malheureusement on ne pouvait pas
faire quelque commentaire que ce soit, les tribunaux judiciaires sont hors du
champ d'application de la Loi sur l'accès.
Le Président (M.
Reid) : Merci. Nous revenons à la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : J'ai fait référence tout à l'heure à Gouverner
ensemble, le rapport d'Henri-François
Gautrin, où il y avait 32 recommandations. Parmi ces recommandations-là,
il y avait une recommandation n° 23 quant à la gouvernance, et ça
dit : «Que la gouvernance du projet — ici du projet de
gouvernement ouvert — soit placée sous l'autorité
directe du premier ministre afin qu'il ou elle fasse connaître, dans une
déclaration, sa volonté quant à la réalisation du projet, tout en rappelant que les
changements doivent se faire progressivement.» Et il amène la
gouvernance au niveau du premier ministre.
Je pense que ce qu'on veut atteindre, avec un gouvernement ouvert, ce n'est pas
simplement une législation, mais c'est aussi
un changement de culture. Comment atteindre ce changement de culture? Et je
pose ça même avec le renseignement suivant, que j'ai lu dans un autre
mémoire, qui était le mémoire qui a été présenté par la fédération des journalistes, qui nous dit que vous avez vous-mêmes
réalisé, l'année dernière, une étude sur la mise en oeuvre de la divulgation automatique sur les sites de
divers organismes publics et que cette étude sur la divulgation
automatique n'a pas été divulguée
automatiquement par vous sur votre site. Vous en avez fait mention, mais vous n'y
avez pas donné accès. Et, quand ils vous ont demandé… ils se sont fait
dire : Faites une demande d'accès à l'information. Qu'eux disent… c'est
suprême ironie. Alors, comment on change une culture partout?
Le
Président (M. Reid) : Me Chartier.
M.
Chartier (Jean) : Vous me voyez
sourire à la conclusion de votre question, parce que je dois dire que ce que vous soulevez, c'est tout à fait exact, mais c'était...
Ce qu'on soulève à... ce qu'on me souffle à l'oreille, c'est que c'était
une erreur, et qu'il est vrai que cette étude a été faite sur l'application et
le respect du Règlement sur la diffusion, et elle n'a absolument rien de
secret. Elle est sur le Web... ou elle va l'être. Elle va être sur notre site
Web sans avoir, évidemment, été de
quelconque façon modifiée. C'était une erreur, si la personne s'est fait
répondre : Vous devriez faire une demande d'accès, parce que c'est
exactement le genre de document qui devrait se retrouver sur le site Web de la commission, d'abord et avant tout. Compte tenu des
leçons que la commission a tendance à faire aux autres, elle devrait se
les imposer à elle-même, j'en suis tout à fait conscient.
Mme
de Santis : Alors, un changement de
culture, c'est très difficile.
M.
Chartier (Jean) : Mais je vous dirais
que chez nous ce n'était vraiment pas un changement de culture, c'était
beaucoup plus une erreur d'alignement.
Mme
de Santis : Mais est-ce que vous êtes
d'accord que ça devrait être à partir du premier ministre... la première
ministre que les changements doivent commencer?
M.
Chartier (Jean) : Oui, je suis tout à
fait en accord avec vous, il faut qu'il y ait une impulsion qui vienne de haut.
Mme de Santis : Maintenant, j'ai une autre question. À
la page 66 de votre rapport, vous parlez de
financement qui devrait... On parle maintenant de qui devrait être assujetti à
la loi, O.K.? Et on parle de filiales, de
sous-filiales, de fonds social, on parle de l'exemple d'Hydro-Québec, et vous
mettez beaucoup d'emphase sur un financement qui est assuré par l'État.
Donc, vous parlez, dans votre présentation, qu'on devrait avoir accès aux organismes dont le financement est largement
assuré par l'État. Sauf que, dans votre recommandation, ce n'est pas du
tout votre recommandation. Dans votre
recommandation, vous recommandez, à la recommandation 20, que... Le
commissaire recommande que soit modifiée la loi «afin d'assujettir tous les
organismes dont le fonds social est détenu à plus de 50 % par l'État».
Vous savez, on peut détenir 20 % d'une société d'État... pas d'une
société... d'une société ou d'une entreprise
et en plus leur donner une subvention qui leur fournisse 60 % de leur
financement. Alors, comment vous faites tout un argumentaire basé sur le
financement et vous arrivez à faire la recommandation que vous faites?
Le
Président (M. Reid) : Me Charftier.
•
(11 h 10) •
M. Chartier (Jean) : En fait, c'est qu'à l'heure actuelle,
de la façon dont la loi est libellée, Mme la députée, ce qui est prévu à l'article 4
de la Loi sur l'accès, c'est que les organismes gouvernementaux... sont assujettis
à la Loi sur l'accès ceux «dont le fonds social fait partie du domaine
de l'État». C'est le texte actuel, ceux «dont le fonds social fait partie du
domaine de l'État». Et la Cour d'appel — et c'est un peu ce qui nous a amenés à faire cette suggestion-là — la Cour d'appel, dans une
décision qu'elle a rendue récemment, a décidé que cette expression-là, «dont le
fonds social fait partie du domaine de l'État»…
le législateur voulait probablement dire : dont le fonds social fait
partie en totalité du domaine de l'État. Donc, voyant cela, on s'est dit :
Les citoyens ne pourront donc obtenir de l'information sur la provenance des sommes ou la façon dont elles sont
utilisées que s'ils font affaire à un organisme public créé par l'État
et financé en entier. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes dit :
Il y a certainement du travail à faire, il y a du progrès à faire en termes de
transparence. Il faut réduire cette proportion de capital public dans les
entreprises afin de pouvoir permettre aux citoyens d'obtenir l'information.
Pourquoi 50 %? Parce que nous nous
sommes... Et là, évidemment, nous nous rendrons à toute espèce de volonté exprimée par l'Assemblée
nationale. Mais pourquoi nous avons choisi ce pourcentage de 50 %? C'est
parce que nous nous sommes dit :
À partir de 50 %, on dépasse la majorité du financement provenant de nos
concitoyens, du financement public.
En bas de 50 %, si on devait rendre… par exemple, tout organisme créé par
l'État en tout ou en partie et financé par l'État, par exemple, à une proportion de 25 %, ça voudrait quand
même dire qu'il y a 75 % de capital privé et là ça voudrait dire
que nous assujettirions à la Loi sur l'accès des entreprises dont une majorité
du capital vient du privé, ce qui n'est pas le cas actuellement dans la Loi sur
l'accès. Les citoyens n'ont le droit d'obtenir de l'information que de leurs organismes publics ou financés par leur
gouvernement. Et c'est la raison pour laquelle on a placé le plancher à
50 %, parce que c'était la limite de la majorité de leur financement
venant de l'État.
Mme de Santis : Mais vous reconnaissez que le
financement se fait autrement que par un investissement dans le fonds social,
et donc, peut-être, votre recommandation était plus large que ce que je
retrouve à la recommandation n° 20?
M.
Chartier (Jean) : C'est-à-dire que ce
que je reconnais, c'est que nous ne l'avons pas mise dans le rapport
quinquennal, mais que, compte tenu de ce que l'on entend, par les temps qui
courent, notamment à la commission Charbonneau,
que vous avez évoquée et depuis la rédaction du rapport quinquennal, il y a
peut-être d'autres idées qui nous viennent, en termes de modifications à
la loi qu'on pourrait ajouter, afin d'obtenir un peu plus de transparence pour
les citoyens sur ce qui est fait avec l'argent public.
Le
Président (M. Reid) : Merci,
monsieur… Me Chartier. Le temps est terminé pour le bloc de l'opposition
officielle. Nous allons passer maintenant au bloc du deuxième groupe d'opposition.
Et je passe la parole au député de Lévis.
M.
Dubé : Merci, M. le Président. J'ai
combien de temps, en fait?
Le
Président (M. Reid) : Environ cinq
minutes.
M.
Dubé : O.K. Merci beaucoup. Alors,
peut-être, le premier volet de ma question, M. le président, c'est de regarder... Tout à l'heure, j'ai fait le point, au
début — vous étiez là — des trois catégories d'informations,
on peut dire, les personnelles, les stratégiques et celles qu'on peut appeler plus de
gestion d'opérations. Sans aller dans le détail, parce qu'on n'a pas le temps, vous avez fait référence à
environ 2 500 dossiers ou demandes qui sont faites. Est-ce que vous
pouvez me dire dans quelle catégorie se
situent les plus grands des besoins ou des demandes? Puis le corollaire de ça,
c'est de dire que, s'il y avait
vraiment un gouvernement ouvert, qui va prendre un certain temps, on en
convient, d'ailleurs vous avez quelques recommandations là-dessus, on
pourra en parler, mais, s'il y avait vraiment un gouvernement ouvert, est-ce qu'il y aurait un impact important sur le nombre
de demandes, qui ferait que les questions qui ont été posées sur les
délais, qui ont été posées sur le nombre de personnes que vous avez besoin, ça
pourrait avoir un impact? Alors, je voudrais vous entendre sur ça pour voir
comment le gouvernement ouvert peut avoir un impact sur votre organisation puis
la façon dont on répond aux contribuables.
Le
Président (M. Reid) : Me Chartier.
M. Chartier (Jean) : Merci, M. le Président.
Malheureusement, M. le député, cet exercice n'a pas été fait, compte tenu évidemment, encore une fois, de nos
ressources, mais il est certain que ce que vous touchez là — et je l'ai mentionné — constitue,
je dirais, une éventuelle amélioration de nos performances, si on allait vers
un gouvernement ouvert, parce que, oui, il y a une proportion des documents qui sont
demandés aux organismes publics par les citoyens, qui, s'ils étaient de façon automatique mis sur le Web
ou à la disposition des citoyens, limiteraient de beaucoup le nombre des
demandes d'accès. Pensons simplement à ce
que je faisais comme recommandation — quand je dis «je», la
commission — à l'effet d'élargir le Règlement
sur la diffusion. À l'heure actuelle, les municipalités — et ce ne sont pas les moindres acteurs dans le
contexte actuel — tous les établissements de
santé et tous les établissements scolaires, qu'on parle du scolaire primaire,
secondaire, universitaire, sont non assujettis au Règlement sur la diffusion.
Et, comme je vous le mentionnais, dans le
Règlement sur la diffusion, en outre, il est prévu : tous les contrats
conclus par l'ensemble de ces organismes-là doivent être publiés. Alors,
imaginez si le Règlement sur la diffusion était élargi à ces trois catégories.
C'est déjà... Ça, je peux vous le dire par connaissance personnelle, parce qu'en
plus d'être président je suis aussi juge administratif. Je peux vous dire qu'on
diminuerait, là, le nombre de demandes faites à la commission, parce qu'il y a
un grand nombre de ces documents qui se retrouveraient immédiatement à la
disposition de la population.
Le
Président (M. Reid) : M. le député de
Lévis, allez-y.
M. Dubé : Parce qu'en fait, M. le Président, si
je peux continuer là-dessus, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, c'est de vous dire : Le principe… puis je
crois que c'est au ministre à… par la suite, où on va entendre d'autres personnes… mais ça serait de s'assurer qu'on fait
une analyse de ces 2 500 demandes là parce que je pense que le
problème part de là. Si on est capable de savoir il y en a combien qui
pourraient être éliminées, bien on n'a plus de délais puis on a moins besoin de
personnes, ou peut-être que les personnes peuvent travailler sur les
renseignements personnels qui sont à protéger, etc. Donc, je pense que cette
analyse-là devrait être faite.
Mon deuxième point, c'est de respecter... je
voudrais vous entendre sur le principe. Malheureusement, aujourd'hui, je dirais
que le principe, c'est que l'information n'est pas fournie, puis c'est par
exception qu'on donne l'information. Je pense que la norme, selon moi, devrait être que l'information devrait
être disponible puis que l'exception, ça serait de protéger de l'information.
Puis j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, si on ne s'entend pas sur
la norme ou sur les principes, bien je pense qu'on ne s'en va nulle part.
Alors, j'aimerais vous entendre sur… Est-ce qu'il devrait y avoir une inversion
de la norme, si je me permets?
Le
Président (M. Reid) :
Me Chartier, il vous reste une minute pour répondre.
M.
Chartier (Jean) :
Je vous dirais que, dans un monde idéal, oui, sauf que, vous avez pu le
constater, dans le rapport quinquennal de la commission, nous ne sommes pas venus modifier
ou faire de recommandations relativement à plusieurs modifications, à l'heure actuelle, dans
Loi sur l'accès, parce que vous savez que la Loi sur l'accès, elle est
ainsi construite qu'elle contient plusieurs restrictions, comme vous l'avez
mentionné, à certains documents. Je pense qu'il y a quand même des restrictions
qu'il faut absolument maintenir, les restrictions, par exemple, relatives aux
enquêtes policières, les restrictions relatives aux documents qui émanent du
Conseil des ministres…
M. Dubé : Ce que j'ai appelé les informations stratégiques, peu
importe, là, cette catégorie-là.
M.
Chartier (Jean) :
C'est ça. C'est ça. Celles-là, elles doivent... Bon, maintenant, je pense, oui,
qu'il y a des efforts qui pourraient être faits, en termes de transparence dans la
loi, je pense qu'il y a des dispositions qui pourraient être ajoutées,
de façon, par exemple, à obtenir systématiquement la divulgation des contrats
des organismes publics, les montants des soumissions. Par exemple, pensons aux
questions qui nous sont souvent posées par les citoyens, aux municipalités, aux
organismes publics : Combien coûtent les services juridiques engagés?
Le Président (M.
Reid) : Merci. Merci,
Me Chartier…
M. Chartier
(Jean) : Il pourrait y avoir un
effort de transparence.
Le Président (M.
Reid) : Merci, Me Chartier.
Votre temps est terminé. Je remercie les représentants de la Commission d'accès
à l'information pour leur présentation.
Je vais suspendre les
travaux quelques instants, le temps de demander au Comité des orphelins
victimes d'abus de prendre place.
(Suspension de la séance à
11 h 18)
(Reprise à 11 h 21)
Le Président (M.
Reid) : Alors, la commission va
reprendre ses travaux. Alors, je souhaite maintenant la bienvenue au Comité des orphelins victimes d'abus. M. Landry, je vous
demanderais de vous présenter et de présenter les personnes qui vous
accompagnent. Je souligne également que vous avez distribué ou fait distribuer
aux membres de la commission un supplément ou un complément à votre mémoire.
Alors, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. M. Landry.
Comité des orphelin-e-s victimes d'abus (COVA)
M.
Landry (Lucien) :
Alors, merci, M. le Président, de nous accueillir au nom des personnes qu'on
appelle, pour nous, les personnes... orphelins du comité. On représente l'ensemble des
orphelins. J'ai préparé une courte présentation, qui nous sommes, en
premier lieu. En deuxième lieu, M. le Président, nous avons pensé de vous
présenter les raisons pourquoi nous sommes devant vous, puis, troisièmement,
par rapport avec le dossier qu'on appelle spécifiquement… sur votre document du
rapport des technologies et vie privée à l'heure du choix de la société, du
rapport quinquennal.
Il
faut vous dire, M. le Président, aussi que je suis accompagné… à ma droite,
Mme Suzie Quirion, qui collabore avec
nous auprès du comité, et M. Alexandre Martin, qui travaille avec moi au
bureau du comité, dans le cadre du programme
Emploi-Québec, comme stagiaire chez nous pour la période de 26 semaines.
Et nous sommes devant vous.
Je vais lire une
courte présentation, M. le Président, si vous me le permettez. M. le Président,
COVA est un organisme reconnu par le
gouvernement du Québec et enregistré depuis 2002. Nous avons le plaisir de vous
joindre à notre mémoire une copie de notre charte. Nous souhaitons vous
apporter quelques éléments d'information statistique sur le dossier des
victimes que nous représentons.
Nous
sommes les porte-parole de l'ensemble des orphelins, orphelines de Duplessis
victimes d'abus des années 30 à 60. On
dénombre au-delà de 60 institutions, crèches, orphelinats, instituts,
écoles d'industrie, écoles de réforme qui se
sont vu confier par l'État la garde des orphelins, mais aussi des instituts
médicolégaux ainsi que des prisons, juridiction provinciale. Les abus
physiques et sexuels étaient systématiques dans toutes ces institutions. On
comptait parmi 30 000 orphelins à
60 000 enfants déclarés illégitimes, selon la Commission du droit du
Canada. Puis les enfants placés en
établissement, les orphelins ont largement contribué à cette recherche. Notre
organisme représente l'ensemble des orphelins du Québec. Par… ceux-ci
aussi sont établis dans toutes les provinces à travers le Canada.
Au
Québec, certaines institutions ont changé de vocation pour devenir des
établissements à vocation psychiatrique, dans le seul but de recevoir des subventions
fédérales, au mépris des droits des orphelins. Les orphelins ont été
victimes de faux diagnostics psychiatriques de façon systémique. Nous espérons
grandement que ces informations additionnelles de notre présence, des victimes qui ont subi des abus physiques et
sexuels en établissement public, sauront vous convaincre de l'importance
de témoigner devant la Commission des institutions.
Les
raisons pourquoi nous sommes devant vous, M. le Président, il est facile
de nous distraire sur les moments difficiles de nos vies durant notre jeunesse, lors
des années 30-65 au Québec, en nous disant que ceux-ci font partie
du passé et qu'il faut regarder l'avenir.
Nous sommes heureux de venir devant vous sans encombre, ce qui témoigne votre
ouverture face à nos demandes envers une quête de vérité, ceci afin d'être
mieux informés pour tranquilliser nos esprits et dégager nos souffrances du
passé. Nous croyons sincèrement que notre communauté est composée de personnes âgées parmi les plus
vulnérables de la société et qu'ils ont droit au respect et à la reconnaissance
de la vérité. Par l'accès à l'information, nous avons l'opportunité
unique de connaître ce qui s'est passé avec les grands acteurs de l'époque des
années 30-60 mais également de connaître davantage sur l'élaboration du
Programme national de réconciliation avec les orphelins.
Alors,
M. le Président, c'est de ces témoignages-là, par la suite, que nous nous
sommes intéressés d'une façon active à pouvoir
permettre à l'ensemble des personnes que nous représentons de connaître ce qu'on
appelle, pour nous, la voie de la vérité. Et
la Commission d'accès à l'information, pour nous, elle est un étendard, elle
est le phare, la lumière, un outil de
vérité pour nous permettre de connaître ce qui s'est passé. Alors, c'est un
petit peu dans ce sens-là, M. le Président, qu'on a voulu faire cette
première présentation.
Suite
à cela, M. le Président, on a pris connaissance du document qui était vivement
intéressé par notre niveau, pas sur tous les aspects du mémoire, parce que c'est
sûr qu'on n'a pas toute une infrastructure organisationnelle comme le
gouvernement ou comme certains organismes parapublics. Mais, avec les faibles
moyens que nous avons, nous nous sommes
penchés sur l'ensemble des recommandations, et il y en a trois en particulier
qui nous ont interpellés, à savoir l'accessibilité aux documents
publics, la transparence, la question aussi de la représentation devant la
Commission d'accès à l'information, et,
troisième point, c'était spécifiquement aussi sur les moyens pour s'y rendre, à
avoir les outils nécessaires technologiques auprès des personnes qui
sont démunies, qui sont âgées. Alors, quand on parle de la technologie, M. le Président, ce qui est clair,
pour nous ce n'est pas si facile que ça. On est d'accord, on ne se
prononce pas contre la technologie, mais il faut penser aussi à la question de
la compréhension de l'accessibilité des personnes démunies à cette démarche-là.
Alors,
c'est un petit peu ces trois points-là, majeurs, qu'on a voulu traiter. Je ne
veux pas en faire toute la lecture des
documents, mais ce qui est clair, pour nous, il faut vous souligner notre
présence. On a regardé aussi dans la liste des organismes qui vont comparaître et on croit que nous sommes presque l'unique
groupe qui représente les personnes âgées, démunies, vulnérables. Et,
pour nous, c'était important, et on apprécie votre accueil à cet égard-là, d'entendre
la voix de ceux qui n'ont pas la possibilité de s'exprimer et que nous, comme
organisme, nous avons la responsabilité de les représenter et aussi de défendre
leurs droits, leurs intérêts devant les instances. Et ça, M. le Président,
ça fait partie de la charte que le ministère nous a accordée.
Le
Président (M. Reid) : Merci beaucoup, M. Landry. Nous sommes très heureux de vous entendre.
Et je constate que vous avez bien respecté les
délais qui vous avaient été donnés. Je passe la parole maintenant, pour le bloc
du gouvernement, au ministre.
• (11 h 30) •
M.
Drainville : Merci, M. le Président.
Alors, je vous salue, M. Landry, ainsi que les personnes qui vous
accompagnent. Et évidemment, d'entrée de jeu, on tient à redire, je dirais,
la... on comprend la douleur, je pense que c'est
important de le redire, là, on comprend la souffrance que vous avez vécue. Et votre
présence ici, parmi nous, témoigne de
votre engagement. C'est un combat que vous menez depuis plusieurs années, et on
tient à vous redire toute l'estime que nous vous portons.
Maintenant,
dans votre mémoire, vous soulevez un certain nombre de choses. Moi, j'aimerais
ça vous entendre d'abord sur les difficultés que vous rencontrez lorsque vous faites des
demandes d'accès. Dites-nous un peu... donnez-nous des exemples très
concrets, là, de difficultés que vous avez rencontrées, des informations ou des
renseignements que vous auriez souhaité obtenir, et comment ça s'est conclu,
tout ça. Donnez-nous un peu une idée, là, de... faites-nous un peu le portrait
de la situation, là.
M.
Landry (Lucien) :
Brièvement, M. le Président, comme réponse que je vais donner, oui, nous sommes en ce moment... nous avons formulé au-delà de
101 demandes devant la Commission d'accès à l'information.
M.
Drainville : 101 demandes de
révision, de révision, hein?
M.
Landry (Lucien) :
Non, pas nécessairement toutes de révision. Au total, 101 demandes depuis
un an et demi. Et, sur 101 demandes, nous avons eu 39 refus, 36 pas de
réponse, et d'autres parties, c'est en attente. En grande partie de nos demandes, c'est lié directement par rapport
aux réponses qu'ils nous donnent face à nos demandes. Puis on a voulu
évoquer aussi dans ça, par rapport avec l'article 33, si je ne me trompe
pas, là, O.K., que la plupart des orphelins...
M.
Drainville : 30. 30 et 33. 30 et 33,
oui, c'est ça.
M.
Landry (Lucien) :
… — 30 et... oui — pour
des raisons spécifiques de demandes… empêchant à la fois plus d'orphelins d'avoir
accès… Chacune des décisions évoque la possibilité d'inexistence du dossier ou
rappelle l'incroyable difficulté à tenter de formuler une demande
spécifique.
Je
vous donne un exemple. Nous, on a adressé une demande au ministère de l'Emploi
et de Solidarité, qui a hérité du ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté
dans les années 2001 à 2004. Et ce qui s'est passé, c'est qu'on
nous dit : C'est transféré au ministère
de l'Emploi. Souvent, la commission nous demande de préciser… le responsable de
la loi de l'accès à l'information au
ministère, de préciser la demande, la date, l'auteur, et nous, on ne le sait
pas. Mais on le sait qu'il existe un
document, exemple le protocole-cadre d'entente sur le dossier des orphelins.
Or, ce qui s'est passé, c'est qu'on
nous demande : Est-ce qu'il y a eu une date, est-ce qu'il y a eu l'auteur?
Nous, on n'a pas ça, mais on sait qu'il existe une entente-cadre. Parce
que, quand le gouvernement fait un décret, annonce un programme, met de l'avant
des critères, il a dû
y avoir des négociations, il a dû y avoir des démarches préparatoires, des
consultations pour en arriver à ce qu'on appelle une entente-cadre.
Comment on vient à s'apercevoir qu'il y a une entente-cadre? Bien, ce qui est
clair, du côté des autochtones, du côté des
autres organismes de victimes qui font des... il y a des dossiers comme ça qui
sont préparés pour en arriver à telle
démarche, telle démarche. Alors là, on nous demande la liste des auteurs, la
date de ces documents-là, mais, ces documents-là, on ne le sait pas.
Alors là, tu as ce problème-là.
D'autres démarches… exemples des difficultés,
ces documents-là relèvent du Conseil des ministres ou relèvent du Conseil du
trésor ou du Vérificateur général, et il y a certains critères très
spécifiques. On ne peut pas y avoir accès. Or, c'est là que, nous, en plus d'ignorer le titre exact du
document, on nous dit : Ah! bien, ça, ça relève du Conseil du trésor, puis
il y a des normes très précises à ce
niveau-là. Puis c'est évoqué à l'article 30 et 33… demandes,
empêchant à la fois plus d'orphelins d'avoir l'accès…
Et,
à l'article 137, refusant des demandes… celles-ci imposent… le nombre… des
caractères similaires. Cela rappelle l'incohérence
du système actuel en place qui... ressource d'information pour permettre au
demandeur d'effectuer précisément sa demande précise, le forçant
inévitablement à effectuer des requêtes multiples dans l'espoir d'obtenir la
moindre parcelle… Au moins pour préciser la demande.
Alors, c'est ça, M. le ministre, des genres
de... Puis il y a aussi la question aussi... On nous refuse, on doit en appeler de la décision
et par la suite, pour en appeler de la décision, on doit passer devant le
tribunal. Là encore, il y a des complications. Exemple, on doit avoir
les services d'un procureur, sinon on ne peut pas comparaître devant le
tribunal d'accès à l'information. Mais ça, on va en parler plus... C'est une
autre de nos préoccupations.
M. Drainville : Bien, justement, on va enchaîner avec
ça, là, quitte à revenir à la première question que je vous ai posée, parce que je veux vous entendre là-dessus,
justement, sur l'obligation qui vous est faite, lorsque vous allez en révision, d'être accompagnés d'un avocat. Est-ce
que vous avez effectivement essayé de convaincre la commission d'accès que vous agissiez à titre de citoyen et donc que
vous n'aviez pas l'obligation d'être représenté par un avocat ou d'être
accompagné par un avocat? Est-ce que vous avez tenté de convaincre la
commission?
M. Landry (Lucien) : Non, parce qu'il faut vous dire que les
demandes, ce qui est très clair, sont faites pour
l'organisme qui représente l'ensemble des orphelins. C'est sûr que ça m'a été
soulevé, la question : Est-ce que vous avez réfléchi à faire cette
demande-là? Mais, moi...
M.
Drainville : À titre de citoyen.
M. Landry (Lucien) : À titre de citoyen. Mais je me suis
dit… je me suis fait à l'image que c'était
plus facile au nom d'un organisme qui représente l'ensemble des orphelins. C'était
un petit peu dans ce sens-là. Maintenant, est-ce qu'il faut voir les détails
par rapport à ces deux choix-là?
Mais il faut vous dire aussi, M. le ministre,
que nous, nous avons fait une demande de conseiller juridique. Nous nous sommes
présentés devant la Commission des services juridiques. On a été refusés. Nous
en avons appelé devant la Commission
des services juridiques à un autre niveau, et là aussi on nous a refusés pour
avoir les services d'un avocat.
M.
Drainville : Et sur quelle base vous
a-t-on refusés?
M. Landry (Lucien) : Que l'ensemble des orphelins, à cause
des règlements de régie interne de l'aide
juridique, qu'à cause de l'échelle des montants il fallait divulguer, auprès de
la commission, la liste de toutes les personnes, les moyens des revenus qu'ils ont. Et c'était tout un «embryonnement» de
démarches que nous... Et on n'était pas d'accord de partager cet aspect-là d'informations personnelles
des orphelins, des avoirs financiers, du contenu de leurs rapports d'impôt
pour pouvoir justifier, oui ou non, son admissibilité auprès de la Commission
des services juridiques. Et ma réaction première
devant la Commission de révision… J'ai dit : Je pense qu'à mon avis ces
gens-là ont assez souffert. De demander qu'on leur produise des copies
de leurs états de revenus d'impôt de l'année précédente pour pouvoir valider ou
pas l'admissibilité, c'était inadmissible, pour notre part.
Le
Président (M. Reid) : M. le ministre.
•
(11 h 40) •
M. Drainville : Merci, M. le Président. J'imagine
que, lorsque vous avez entendu parler du jugement très récent de la Cour du
Québec, qui a permis à un journaliste de pouvoir se représenter lui-même devant
la Commission d'accès pour faire...
pour demander la révision d'une décision, j'imagine que vous vous êtes
dit : Bien, si c'est bon pour un journaliste, ça devrait être bon pour nous également. Je ne
sais pas, je vous pose la question. Vous avez entendu parler de ça, n'est-ce
pas, de cette décision de la Cour du Québec, qui a dit : Le journaliste se
représente... On juge que le journaliste se représente,
d'abord et avant tout, à titre de citoyen et non pas à titre de représentant de
son employeur? Et donc vous avez dû faire
un plus un puis vous dire : Bien là, on pourrait plaider la même chose.
Moi, je pourrais plaider qu'à titre d'orphelin
qui a subi des traitements que je juge inacceptables, c'est d'abord et avant
tout ma situation, ma condition qui est en cause dans ma demande, et
donc je veux me prévaloir, moi aussi, de cette possibilité-là à l'avenir.
Est-ce que vous avez fait une réflexion là-dessus?
Le
Président (M. Reid) : M. Landry.
M. Landry (Lucien) : Je vais dire clairement, M. le
Président, que, M. le ministre, non, je ne suis pas au courant des faits
précis de cette démarche-là. Par contre, M. le ministre, M. le
Président, membres de la commission, nous avons accompagné un autre journaliste, d'un autre niveau, qui a fait cette
même démarche-là à titre personnel, et je peux vous dire que nous avons
suivi de très près cette demande-là. Par coïncidence, M. le Président, il
a fait les demandes que nous aussi, on a
fait ces mêmes démarches-là. On voit qu'est-ce qui se passe, au moment où on se
parle, de son traitement de dossier devant la commission et devant l'appel
qu'il a fait devant le tribunal. Et en plus de ça, M. le Président, c'est
que le gouvernement du Québec en appelle de la décision de la Commission d'accès
à l'information. Et ça, on est au courant,
on suit, on a tout le dossier de ça. Ça nous inquiète. Même à titre personnel,
on voit les difficultés qu'il rencontre. Imaginez-vous, nous, si on fait la même chose, on répète ces mêmes
démarches-là. Ça nous interpelle, M. le ministre, de voir ça à ce niveau-là, ce qui se passe dans un
des dossiers d'un autre journaliste qui a fait les mêmes demandes que
nous à la Commission d'accès à l'information.
Le Président (M.
Reid) : M. le ministre.
M.
Drainville :
Oui. On va vérifier, M. le président, ce dont il s'agit, là, quand vous
dites : Le gouvernement en appelle de la
décision de la commission... Comment vous avez dit ça, là?
M.
Landry (Lucien) :
Oui, du tribunal de la Commission d'accès, qui lui a donné raison pour avoir
accès aux documents sur les boîtes que les
ministères du Conseil exécutif et de la Justice détiennent. Et il avait gagné
sa cause par le biais de la Commission d'accès,
le tribunal de la Commission d'accès, et le gouvernement du Québec en
appelle par la procédure d'appel devant la
Cour du Québec. Et ça, au moment où on se parle, M. le Président, on suit ça de
très près, et ça nous inquiète, M. le
Président. Vous nous suggérez, M. le ministre, qu'on puisse agir… semblable, à
titre personnel. Mais, quand on voit ce qui se passe, on se pose des
questions. Comment devrons-nous agir? Puis nous, on est moins équipés, on est moins organisés, on a moins d'infrastructures
que ces gens-là qui font ces démarches-là, dont l'employeur n'a pas voulu s'immiscer davantage, mais qu'à
titre personnel il a fait ces démarches-là. On voit ça, M. le Président,
ça nous inquiète. Puis on est prêts à collaborer, à vous donner de l'information
pertinente à ce niveau-là.
M.
Drainville :
Très bien. Bien, c'est gentil de nous l'offrir parce qu'on va faire des
vérifications de notre côté, mais, si
effectivement on a besoin de plus de renseignements, on pourra entrer en
contact avec vous.
Par
ailleurs, M. Landry, puis c'est sans arrière-pensée, là, que je pose ces
questions-là, je suis vraiment... c'est des questions très ouvertes, c'est l'information que
je souhaite obtenir de vous, là, mais j'imagine que vous êtes
confrontés, dans certains cas, à la protection des renseignements personnels
également. Quand vous faites une demande d'accès qui concerne le cas précis d'une
personne, à un moment donné, le fameux équilibre entre l'accès à l'information et la protection des renseignements
personnels, la protection de la vie privée, cet équilibre-là, il est
nécessairement questionné par certaines de vos demandes, c'est évident. Alors,
comment vous composez avec ça?
Le Président (M.
Reid) : M. Landry.
M.
Landry (Lucien) :
Ça, à titre d'expérience, au moment où on se parle, depuis environ 2003… 2001
que je travaille
pour accompagner les orphelins, dans le cadre de leur programme de
réconciliation, où, d'une façon très claire, depuis 2001, je m'implique à accompagner les orphelins, faire leurs
demandes, remplir les formulaires, aller chercher leurs dossiers personnels d'internement, leurs dossiers
qu'on appelle d'antécédents sociobiologiques, au sein des différents ministères, il existe des procédures, ce qu'on
appelle d'autorisation de l'accès aux documents personnels, et ça, on
respecte ça. Et par cette voie-là, dans
cette démarche-là, on demande à l'orphelin, idéalement, puis c'est une
politique claire, avant d'intervenir, avant de demander de l'information
sur son dossier personnel, nous lui demandons son accord. Et on établit des
mécanismes de relation de confiance, de confidentialité, de personnalisation de
démarche face à cette démarche-là. Et je peux vous dire qu'en connaissance nous
avons accompagné beaucoup d'orphelins dans leurs démarches, où déjà leurs dossiers étaient en traitement. Au moment où on
se parle, M. le Président, on a des dossiers qui sont en traitement
par le ministère, on a obtenu une copie, mais ça, avec le consentement
implicite de la personne, en relation de confiance, de respect, de
confidentialité.
Alors, c'est clair qu'à
ce niveau-là le ministère a des procédures clairement établies, puis nous, à l'interne,
au comité, on a des procédures claires, à ce niveau-là, de confidentialité. C'est
une question de relation de confiance, d'équilibre.
Je vous donne un exemple où il y a un orphelin, il fallait avoir sa permission
pour avoir accès à des documents de nature médicale par rapport à sa
situation. Là encore, il fallait avoir l'autorisation de la personne elle-même
pour nous autoriser à contacter son médecin, pour envoyer une communication au
sein du ministère. Alors, c'est une question de relation de confiance, de
relation de respect avec la personne.
Le Président (M.
Reid) : M. le ministre.
M.
Drainville : Et
donc ce que vous nous dites, c'est que, dans certains cas, ça fonctionne, dans
certains cas, vous réussissez à obtenir l'information
que vous cherchez.
M. Landry
(Lucien) : Oui. Dans certains cas,
oui. Ce qui est plus difficile, c'est au niveau de l'organisation
administrative. Les dossiers personnels, quand la personne a droit à son
dossier, a le droit... Mais, quand il s'agit des dossiers d'organisation, d'implantation des
programmes, l'analyse, l'évaluation, la recherche, c'est là qu'on a le plus
de difficultés. Ce qu'on appelle, pour nous, des dossiers personnels et des
dossiers administratifs, c'est différent.
M.
Drainville :
Juste avant de passer à ma dernière question, je veux juste être bien sûr que
je saisisse bien votre position sur la
présence de l'avocat, là. Est-ce que vous nous demandez de permettre à un
citoyen qui représenterait un organisme comme le vôtre de pouvoir aller en
révision sans être accompagné d'un avocat? Est-ce que vous nous en faites la
demande formelle?
M.
Landry (Lucien) :
Oui. Oui, M. le Président. D'ailleurs, M. le ministre, on a fait la
demande dans ce sens-là, parce qu'on croit qu'aussi la personne qui est
devant la commission est la plus... c'est elle qui a vécu des problèmes,
c'est elle qui connaît le dossier, c'est
elle qui en somme peut apporter ce qu'on appelle, en langage clair, la vérité
même des situations. Et on se pose la
question : Pourquoi que les personnes morales… On n'est pas contre aussi
la présence d'un avocat, mais aller
dire que ça prend un avocat, vous ne pouvez pas y participer, même si vous êtes
sans avocat… Il y a cette question.
L'autre
question, c'est : quand on implique des services qu'on appelle, entre
guillemets, juridiques, on judiciarise le
dossier, ça a des implications, M. le Président, ce qu'on appelle des
implications financières. Il y a des OSBL, les personnes morales, il y a
beaucoup d'organismes qui n'ont pas les moyens financiers pour pouvoir se
permettre d'avoir les services juridiques.
M.
Drainville : Il me reste seulement
une minute, M. Landry. Vous parlez du gouvernement ouvert, hein, dans votre
mémoire. En une minute, là, si je vous demandais la première chose qu'il
faudrait changer pour qu'on ait un vrai gouvernement ouvert, ce serait quoi,
selon vous? S'il y a une chose, là.
• (11 h 50) •
M.
Landry (Lucien) :
Ce qui serait intéressant, c'est que les structures permettent à vulgariser
toute la liste des informations que le
gouvernement possède à tel niveau puis d'accompagner les personnes à préciser
davantage, pas arriver puis de jouer ce qu'on appelle, pour nous, un jeu de
difficultés.
Je
vais vous conter une petite anecdote rapidement, M. le ministre. Quand il
y a eu la décision du gouvernement du Québec, dans les années 99, de ne pas
poursuivre, dans le dossier des orphelins des communautés religieuses, des
abus sexuels, des sévices et du... officiellement le gouvernement du Québec a
décidé cette décision-là. On a rencontré le ministre
responsable à l'époque et on avait demandé, lors de cette rencontre-là qu'on a
eue, une copie de son document qu'il
s'est appuyé, des recommandations du procureur… du substitut du Procureur
général du gouvernement du Québec de ne pas poursuivre. Il nous l'a remis sur place. On l'a demandé à son
attaché politique, son attaché politique s'est adressé au ministre, il
nous l'a autorisé. 20 ans après, on fait la même demande. On avait tous
les détails de la page couverture, tous les renseignements. On nous dit :
Ce document-là est ultraconfidentiel. Nous, on se dit : Ça n'a pas de bon
sens, ils ne veulent pas nous le remettre. Alors, on le savait, la date, qui c'était
adressé, qui a signé ce rapport-là.
Alors,
quand on précise davantage et qu'on a cette information-là de tous les détails
de tel type de document, oui, M. le Président,
je pense qu'à ce niveau-là ça permet de prendre connaissance, d'une façon plus
détaillée, de la liste des documents ou de nous accompagner pour préciser nos
demandes, faciliter cette démarche-là.
M.
Drainville : Très bien, M. Landry.
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Reid) : Merci, M. Landry. Nous allons passer maintenant au bloc de l'opposition officielle. Et je donne la parole à la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis :
Merci, M. le Président. M. Landry, M. Martin, Mme Quirion, je suis
vraiment fière que vous soyez là aujourd'hui. C'est très important pour
nous d'avoir votre présentation pour mieux comprendre comment les lois qui sont adoptées par la législature fonctionnent.
Et vous venez ici avec une bataille de longue date. Ça m'impressionne
énormément. Votre persévérance… Je vous salue vraiment, au fond de mon coeur.
Je crois que tout le monde autour de la table, on se sent comme ça.
Beaucoup
de questions que je voulais poser, le ministre a déjà posées, mais je veux
continuer dans la même veine. Vous avez dit que
vous avez 101 demandes que vous avez faites depuis un an et demi. Est-ce
qu'avant un an et demi, vous n'avez pas fait de demande à la commission, de
demande d'accès à l'information?
M.
Landry (Lucien) :
Non, parce que la structure elle-même, pour votre information… Nous, on avait travaillé plus sur… à
défendre l'existence de notre organisme, de s'occuper davantage des besoins des
personnes qui sont encore dans,
disons, la séquelle. Et on se préoccupait davantage des personnes que de faire
des grandes démarches à caractère…
Mais, suite aux
demandes des orphelins, qui veulent connaître la vérité, ils veulent savoir ce
qui s'est passé, pourquoi ci, pourquoi ça…
Pourquoi a-t-on décidé, exemple, de demander aux orphelins, dans leur
quittance, de signer une quittance pour renoncer à leur droit de
poursuivre le fédéral? Pourquoi le gouvernement du Québec prend-il la parole du gouvernement fédéral pour demander aux
orphelins de ne pas poursuivre pour des sévices sexuels? Ça, on se pose de sérieuses questions. C'est l'ensemble des
orphelins. Je vous donne une situation concrète qu'on a demandé d'avoir
des informations. Y a-t-il eu une entente entre le gouvernement du Québec et le
fédéral pour demander aux orphelins de renoncer
à leur droit de faire des démarches au niveau fédéral? Je vous donne un exemple
concret de ces demandes-là. Ça, c'est venu après que l'ensemble des
orphelins ont exprimé…
Mais en premier lieu il fallait créer l'organisme, il
fallait établir des relations de confiance, aller chercher un budget de fonctionnement. C'est tout ça qu'on a fait en
premier lieu. Puis, c'est pour ça, depuis rien qu'un an et demi, on est à
actualiser des dossiers qui touchent des dossiers collectifs des orphelins.
Mme de
Santis : Regardons cet exemple que
vous donnez. Est-ce que vous avez reçu une réponse, s'il y a une entente entre
le provincial et le fédéral?
M. Landry
(Lucien) : Au moment qu'on vous
parle, non. Mais il y a une demande devant la Commission d'accès, qui est adressée au ministère de l'Emploi
et de Solidarité sociale pour savoir, à l'époque des années 2000...
1998, 1999, 2001, quand ils ont instauré ce programme-là, ils ont confectionné
ce programme-là… On a demandé cette information et on ne l'a pas reçue encore,
au moment où on se parle.
Mme de
Santis : Depuis quand vous avez
formulé votre demande, plus ou moins?
M. Landry
(Lucien) : Ah! je n'ai pas les dates
précises, mais ça fait environ un an.
Mme de
Santis : Et depuis un an…
M. Landry
(Lucien) : Aussi bizarre que ça
peut... il y a un orphelin qui a fait sa demande personnelle pour s'adresser auprès du ministère de la Justice
fédéral, qui a posé cette question-là : J'ai une quittance. On me demande
de ne pas poursuivre le gouvernement fédéral. Avez-vous eu une entente? Le
ministère de la Justice fédéral a très bien mentionné
à l'orphelin qu'il n'y avait pas eu d'entente, aucune autorisation donnée au
gouvernement du Québec de pouvoir parler
au nom du gouvernement fédéral, demandant aux orphelins de renoncer à ces poursuites-là.
Puis, quand on sait très bien,
M. le Président, que ces orphelins-là ont été victimes aussi avec une
implication fédérale… Mais on veut comprendre, on veut savoir. C'est
tout à fait normal. C'est de connaître la vérité à cet égard-là.
Mme de
Santis : Vous avez dit que vous avez
eu 39 refus. Est-ce que vous avez porté vos refus en appel?
M.
Landry (Lucien) :
Une grande partie, oui. Et, au moment où on se parle, c'est en procédure de
traitement par le biais du tribunal de la
Commission d'accès à l'information.
Mme de
Santis : Est-ce que vous êtes
représentés par avocat?
M.
Landry (Lucien) :
Non, au moment où on se parle, et on a fait des démarches, en ce moment,
avec... Il faut vous dire qu'on est imaginatifs un peu, on se vante un peu, on s'est
associés avec certaines facultés de droit, l'Université McGill, l'Université
de Sherbrooke, l'Université de Montréal, l'Université du Québec à Montréal. Il
y a certaines facultés qui offrent des
supports aux organismes démunis communautaires pour les accompagner dans leurs
dossiers, et ça, ça nous permet d'éviter des frais. Il y a aussi l'organisme
Juripop qui tout récemment s'intéresse à notre dossier. Ils vont nous
accompagner à cet égard-là.
Mme
de Santis :
Alors, vous avez aussi dit qu'il y avait 36 sans réponse, et le délai de
sans réponse... Est-ce que vous avez posé vos
101 questions il y a un an ou...
M.
Landry (Lucien) :
Non, c'est durant... Pendant un an, il y a eu différentes démarches, parce que
de plus en plus il fallait, nous, faire de la recherche pour pouvoir préciser nos
demandes, et cela, ça a été pas facile, ces difficultés qu'on a rencontrées, parce qu'on avait déjà les premières
demandes, voilà un an, qu'il fallait clarifier nos demandes, mentionner
le nom de l'auteur, à qui c'était adressé,
qui a signé. Bizarrement aussi, M. le Président, on a été informés qu'il y
a certains ministres qui ont
travaillé dans ce dossier-là. Ils avaient donné leur consentement qu'une partie
de leurs mémoires présentés au Conseil des ministres puisse être rendue
publique, et, du revers de la main, on refuse de nous avoir accès à ces documents-là, et ça, c'est assez éloquent. On a
des preuves, on a des noms de ces personnes-là. Alors, c'est pour vous
dire qu'avec minutie on suit différentes étapes de nos dossiers.
Le Président (M.
Reid) : Mme la députée de l'Acadie.
Mme
St-Pierre :
Merci, M. le Président. Moi aussi, à mon tour, je veux vous saluer. D'ailleurs,
on se connaît depuis plusieurs années. Je vous
ai connu dans une autre vie, et ça a toujours été très, très agréable de vous rencontrer. Et j'avais suivi, à une certaine
époque, votre bataille, et c'était assez touchant. Et ça l'est toujours parce qu'on vous écoute encore aujourd'hui puis on
ne peut pas imaginer encore que le Québec ait vécu une époque aussi triste.
Vous parlez ici...
Dans un des documents, à la page 2, vous dites, dans les recommandations,
que «nous croyons que les organismes religieux qui sont actuellement financés
en partie par l'État doivent être assujettis à la loi de l'accès à l'information».
Ça veut dire que, si je comprends bien, quelle que soit la demande que vous
pourriez faire à un organisme religieux, un archevêché, un évêché, tout ce qui
touche l'Église catholique en son ensemble,
vous n'avez absolument pas accès à rien, parce que l'Église catholique ou enfin
les organismes religieux ne sont pas inclus dans la loi.
M. Landry (Lucien) : C'est ça. Effectivement, on a
communiqué avec la Commission d'accès. On leur a
demandé cette information-là, s'ils sont assujettis. Ils nous ont répondu que
non, parce que c'est considéré comme un organisme privé.
Mais,
M. le Président, là encore on recommande haut et fort que ces organismes-là...
Parce que, M. le Président, ces organismes-là sont financés, une partie, par l'État.
Je regarde les maisons d'enseignement. Voilà trois semaines, on a eu une manifestation. On accompagnait les
victimes sourdes-muettes qui ont été violentées par des clercs de Saint-Viateur.
Il y a le responsable qui me
demandait : M. Landry, pouvez-vous nous aider à avoir accès au
rapport financier du collège des
Clercs de Saint-Viateur? Bien, j'ai dit : Oui, on va faire cette
démarche-là. On a commencé à communiquer avec la commission s'ils sont
assujettis. On a communiqué avec les clercs. Ils nous ont revirés royalement,
disant que c'est un organisme privé. Vous n'avez
pas accès. Alors, ce qu'on dit, nous, si l'État contribue financièrement, il
reçoit de l'argent. Jusqu'à combien?
On ne le sait pas, depuis certaines années. À quelque part, ça doit être rendu
public. C'est nos argents que le gouvernement administre et qu'il donne
aux communautés religieuses. Alors, on s'est dit, nous : Pourquoi ça ne
doit pas être inclus parmi les organismes publics ou parapublics, si vous
voulez?
• (12 heures) •
Mme
St-Pierre :
Donc, il faudrait un amendement législatif. Mais il y a quand même, si je
comprends bien, tout un pan d'information qui
vous manque. Vos demandes d'accès à l'information, vous les faites dans quels
domaines, si ce n'est pas dans les endroits
où vous viviez, où vous étiez accueillis? Puis c'étaient des communautés
religieuses. Et malheureusement il y
a des choses qui se sont passées qui étaient terribles. Mais il y a des
religieux puis des religieuses qui ont été très dévoués puis qui ont
bien travaillé, puis ça, il ne faut pas non plus noircir tout le portrait.
M. Landry
(Lucien) : Loin de là.
Mme
St-Pierre :
Donc, vos demandes d'accès à l'information, si ça ne touche pas des communautés religieuses ou des
organismes qui vous ont accueillis, ça touche quoi, exactement? Vous avez parlé
de certains rapports du Conseil des ministres, de ministres...
M.
Landry (Lucien) :
Mais spécifiquement… Comme, un exemple, quand ils ont fait la confection du programme de
réconciliation, ça a été réfléchi à l'intérieur du ministère de l'Immigration,
qu'ils appelaient Immigration et Solidarité sociale sous le ministre Rémy Trudel. Et on a demandé, s'il existait des
ententes entre la Conférence des évêques, des communautés religieuses, des ententes avec le gouvernement du Québec,
pourquoi ils ne participent pas conjointement au programme de réconciliation. Parce qu'on disait que ce sont des
acteurs. Ils avaient des contrats signés avec l'État. Pourquoi ils ne
participent pas à ça? Alors, on voulait comprendre puis savoir, à cet égard-là…
Alors,
on s'est adressés au ministère concerné qui pilote ce dossier-là et qui nous a
dit : Bien, tout ce qui est aspect religieux... Coïncidence encore, nous, on a eu
accès à des documents des années 1997, 1998, des communications par l'ancien président, Bruno Roy, qui était très
actif dans ce dossier-là et qui nous faisait une démonstration, en léguant
ses dossiers chez nous, au comité, qu'il y a
eu des communications avec une attachée politique du bureau de Rémy
Trudel. Coïncidence, elle s'appelle telle
personne comme ministre… sous-ministre, puis là, nous, on apprend qu'elle est
nommée, aujourd'hui, sous-ministre au ministère de l'Emploi et de Solidarité
sociale. C'est elle qui a confectionné… c'est elle qui a dirigé le programme, c'est elle qui a collaboré avec les
différentes étapes de négociation, à différents niveaux. Là on a eu une rencontre avec elle. On lui a posé la
question : Est-ce que c'est vous qui avez traité… c'est vous qui avezcommuniqué… c'est vous qui avez participé à
la mise en place de... Elle nous a confirmé que oui. On était fiers.
Bien, on a dit : Ça y est, on va pouvoir avoir l'information.
Là
encore, ce n'est pas facile. Ce qu'on a le goût, c'est de lui rappeler la
mémoire : Vous avez participé à telle démarche, telle démarche, telle démarche, à tel
niveau, tel niveau. On a certaines informations. Pouvez-vous nous aider
à préciser nos demandes pour que, via la Commission d'accès, on précise… Puis
comment ça fonctionne? Chaque ministère, il
y a une entente avec la commission, qui ont des responsables de l'accès aux
documents et aux renseignements personnels, et on communique avec la
liste de chaque ministère concerné.
Mme
St-Pierre : Mais,
s'il y avait une ouverture de la loi, si la loi était refondue, ça serait, pour
vous, absolument essentiel que l'on inclue
dans la loi les communautés religieuses. Parce qu'elles ont des archives qui
sont assez bien documentées, je vous remercie…
M. Landry
(Lucien) : Énormes, énormes, et qui
nous...
Mme
St-Pierre : …et ça, ça serait, pour
vous, quelque chose d'absolument important, essentiel, primordial.
M.
Landry (Lucien) :
Oui. On pourrait vous dire même avec coeur qu'ils nous ont enseigné de
connaître la vérité. Mais qu'ils agissent donc en ce sens-là. Ils nous disent : On vous
prône de dire la vérité. C'est eux qui nous enseignent ça. Mais qu'ils
commencent donc par eux autres. Il y a un proverbe qui dit : Faites ce que
je vous dis, ne faites pas ce que je fais.
Mais c'est important, pour nous, que les communautés religieuses aujourd'hui
puissent être au même pied d'égalité
que la société civile. Mais ça, c'est un autre dossier qu'on va revenir plus
tard par rapport avec le dossier de la laïcisation.
Et on en a beaucoup sur le coeur. Mais ça, on a hâte de venir. On suit ça de
près, M. le ministre. Je vous parle avec coeur. Mais, ce qui est important, on croit que, nous, tous doivent
être égaux, pas de distinction à cet égard-là, pour connaître la vérité.
Et la diffusion de l'information, la diffusion des renseignements, c'est la
vérité.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Est-ce
qu'on a une autre question du côté de l'opposition officielle? Oui, Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : C'est quoi, l'âge moyen des
orphelins?
M.
Landry (Lucien) :
Ah! ça, c'est un autre point majeur. Aujourd'hui, madame... M. le
Président, ce qui est clair, c'est que la moyenne d'âge, c'est 60 ans et plus. On a de
60 ans à 92 ans. Puis en ce moment, M. le Président, durant qu'on vous parle, il y en a beaucoup qui sont dans
des hôpitaux, dans des CHSLD, des habitations à prix modique, et le
temps presse, M. le Président, par rapport à notre dossier, par rapport à
nous permettre à connaître la vérité.
Mme de
Santis : Je veux revenir au fait que
vous avez dit qu'il y avait 101 demandes et il y avait 26 en attente. Qu'est-ce
que vous voulez dire par ça?
M. Landry (Lucien) : C'est parce que là, en attente, c'est pour justement les
mécanismes de recherche pour préciser nos demandes. Parce qu'on nous informe qu'ils
ne peuvent pas traiter notre dossier, tant et aussi longtemps qu'ils n'ont pas des... Refaire nos demandes. Il y
a encore une question de délai de 20 jours, 10 jours additionnels.
Puis, deuxièmement, c'est dû aussi... occasionné à cause des transferts de
responsabilité entre certains ministères. Alors là, il faut reformuler, encore
là, des demandes. C'est pour ça qu'il y a encore des dossiers en suspens.
Mme
de Santis : Vous
avez séparé... Vous dites qu'il y a des dossiers personnels et des dossiers administratifs. Dans ces 101 demandes, combien sont
personnelles et combien sont administratives?
M.
Landry (Lucien) :
Aussi bizarre que ça peut être, M. le Président, c'est presque 75 % à
80 % des chances. Dans l'ensemble des dossiers personnels, c'est très facile, ça va très
bien, parce qu'il y a déjà, à l'intérieur de chaque ministère, des mécanismes prévus.
Lorsqu'il y a un dossier ouvert à tel niveau, tel niveau, ça prend l'autorisation
de la personne, il y a des formulaires appropriés, à cet égard-là, et on
se conforme, à cet égard-là. Et, du côté administratif, c'est là qu'il est le
plus difficile…
Mme de
Santis : Mais, des 101 demandes
que vous avez faites, combien sont des demandes administratives?
M. Landry
(Lucien) : Bien, presque 80 %,
90 % des demandes.
Le Président (M.
Reid) : Ça va, du côté de l'opposition
officielle? M. le député de Fabre, oui.
M.
Ouimet (Fabre) :
Oui. Bonjour. Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer et de vous
remercier pour vos représentations. Petite question, là, et, si vous ne l'avez pas, c'est
correct, mais avez-vous un tableau qui présente, là, les... vous nous parlez des 101 demandes,
avec des statistiques? Ça pourrait illustrer un peu, puisqu'on parle d'accès à l'information et qu'on parle
beaucoup de vos demandes. Ah! La réponse, c'est… vous avez un tableau?
M. Landry (Lucien) : Oui.
M. Ouimet
(Fabre) : Mais en fait, c'est...
Mme de
Santis : C'est au président…
M. Ouimet
(Fabre) : Oui, c'est ça, là.
M. Landry
(Lucien) : Sauf, ce n'est pas précisé
spécifiquement, les demandes. Je vais vous dire pourquoi il y a encore... pourquoi on n'a pas pu vous préciser
davantage. C'est qu'il y a certains dossiers qui sont devant ce qu'on
appelle le niveau judiciaire. Et, lorsqu'il y a des dossiers qui sont dans des
instances judiciaires, on sait qu'on se fait répondre :
C'est sub judice, en voulant dire qu'on ne peut... le niveau politique ne peut
pas intervenir au niveau judiciaire, c'est
délicat. Tant et aussi longtemps que c'est en traitement devant les tribunaux,
le niveau politique ne s'immisce pas, à cet égard-là. C'est pour ça qu'on
n'a pas voulu en élucider, parce qu'on est en train de faire l'analyse de tout
ça.
L'autre
démarche — juste un petit point, M. le Président — c'est que la Commission d'accès a un milieu qu'on appelle… d'une personne qui agit comme négociatrice
ou...
• (12 h 10) •
Une voix : Médiateur.
M. Landry
(Lucien) : …médiateur, et là on va s'asseoir,
on va réviser certaines de nos demandes, puis on va essayer de voir comment...
On va participer à cette démarche-là, là encore dans le but d'éviter la
judiciarisation de nos démarches.
Le Président (M. Reid) : Les membres de la commission… Ce bloc
est terminé. Les membres de la commission
trouveront sûrement les réponses dans un document qui est en train d'être
photocopié, qui correspond à la liste, je pense, des demandes, n'est-ce pas? Alors, en
attendant, je passe la parole au député de Lévis pour le bloc du
deuxième groupe d'opposition.
M.
Dubé : Merci, M. le Président. Alors,
moi, je voudrais vous dire, M. Landry, là, qu'au contraire de mes collègues je ne vous connais pas. C'est la
première fois que je vous rencontre, puis je suis sans mot. Sans mot, dans
le sens… je suis impressionné du travail que vous faites. Je peux vous dire que
je suis sans mot.
J'aimerais vous dire, j'ai lu votre rapport
et j'essaie d'être complémentaire à mes différents collègues. Il y a une chose qui m'a
frappé, c'est quand vous expliquez, à votre recommandation 15, qu'«il y a
un manque de cohérence dans l'affirmation
d'indépendance de la commission quand il est indéniable qu'elle joue à la fois
le rôle du juge et de l'arbitre auprès
des demandes». Je pense qu'on peut assez facilement lire entre les lignes, avec
tout ce que vous venez d'expliquer de vos
difficultés avec la Commission d'accès à l'information. J'aimerais vous
entendre clairement : Qu'est-ce que vous pensez que le gouvernement
essaie de vous cacher?
Le
Président (M. Reid) : Ça, ce n'est
pas une question très...
M.
Landry (Lucien) : Juste pour me
permettre de préciser, vous êtes la deuxième opposition.
M.
Dubé : ...alors...
M.
Landry (Lucien) : Non, mais je veux
voir quel parti...
M.
Dubé : La Coalition avenir Québec.
M.
Landry (Lucien) : Ah! O.K., la CAQ,
avec M. Duschesneau, si je me...
M.
Dubé : Voilà.
M.
Landry (Lucien) : Bon, bien, je
pense...
Des
voix : ...
M.
Landry (Lucien) : Mais j'ai...
M. Dubé : On est très à l'aise avec la
transparence, vous le savez, alors, c'est pour ça que je veux vous entendre sur la transparence.
M. Landry (Lucien) : C'est un petit peu dans ce sens-là
que je veux vous aborder, parce que c'est ce qu'on appelle votre étendard,
votre bouclier, l'indépendance, la transparence, l'ouverture, que vous seriez,
à nos yeux, un allié principal à nos
demandes, par rapport à cette demande-là d'autonomie, d'indépendance puis d'ouverture,
parce que dans votre discours vous
êtes, pour nous, sans vous offenser, mais comme l'époque des religieux qui nous
disent : Il faut connaître la
vérité. Nous la demandons, cette vérité-là, et on croit que vous pouvez
collaborer avec nous, à cet égard-là, qui est une de vos principales
batailles de la...
M. Dubé : Je vous le redemande, parce que je n'ai
pas beaucoup de temps, M. le président, qu'est-ce que vous pensez que le gouvernement essaie de cacher lorsque
vous dites qu'il n'y a pas d'indépendance?
Le Président (M. Reid) : Pardon. Excusez-moi, M. le
député, c'est un terme qui n'est pas parlementaire et c'est la deuxième fois que vous l'employez. J'aimerais que
vous trouviez une autre formule, s'il vous plaît.
M.
Dubé : Alors, qu'est-ce que vous
aimeriez savoir?
M.
Landry (Lucien) : Bien, c'est clair.
C'est, comme un exemple, de connaître davantage pourquoi attendre 25 ans.
Pourquoi ça passe par des procédures qui sont fort complexes pour pouvoir y
avoir accès?
Exemple, quand on a adressé au Conseil du
trésor une demande par rapport aux statistiques des montants dépensés, pas personnels à chaque orphelin, mais
globalement, suite à la parution d'un document du Conseil du trésor, qui a été rendu public, que nous, on a examiné, qu'on a
demandé des précisions, on nous réfère au Conseil des ministres, parce
que les demandes qu'on doit adresser au Conseil du trésor, au Vérificateur
général doivent passer par le président de l'Assemblée.
Nous, comme citoyens, on ne peut pas faire ces demandes-là. Mais ça les
concerne, c'est suite à leurs rapports. Alors, là encore, il y a des complications. Alors, ce qu'on demande,
dans la mesure du possible, que tous les organismes, qu'ils soient
gouvernementaux, parapublics et religieux, puissent au moins être sur le même
pied d'égalité pour produire et rendre les documents accessibles.
M.
Dubé : Alors, moi, je voudrais, s'il
me reste quelques minutes...
Le Président (M.
Reid) : Une minute.
M. Dubé : ...pour proposer... j'aimerais vous
demander de continuer. Et vous avez dit — et je pense que les... il
n'y a pas de partisanerie ici, que ça soit notre parti et les autres — de vous donner le maximum d'encouragement aujourd'hui. C'est
tout ce que je peux vous dire. Parce que vous avez démontré à tout le monde que
vous voulez faire la lumière là-dessus. Je
pense qu'il vous manque de temps parce que, vous l'avez dit, vos gens... Il y a
à peu près juste vous qui n'avez pas
l'air de vieillir, à ce que je comprends de mes collègues. Alors, je vais vous
dire de continuer. Puis j'espère que
l'initiative qui est lancée par le gouvernement va entre autres avoir un
client. Vous êtes des gens qui ont besoin d'aide, puis j'espère que cette démarche-là qui est organisée par le
gouvernement va vous donner des réponses rapidement et pas attendre
encore un autre 10 ans.
Le Président (M.
Reid) : Alors…
M. Dubé : ...Landry, et à votre équipe.
Le Président (M.
Reid) : Il vous reste 30 secondes
pour un commentaire, M. Landry, si vous le souhaitez, 30 secondes.
M.
Landry (Lucien) :
Mais seulement vous sensibiliser, auprès des membres de la commission, que,
suite à notre témoignage, nous avons un mot à dire : C'est par la vérité… Il faut
connaître… et de voir la lumière au bout du tunnel. Nous, notre journal d'information que l'on envoie
à tous nos orphelins, c'est De l'ombre à la lumière. Alors, vous
êtes, pour nous, le phare de la lumière pour connaître la vérité, et on espère
que nos demandes vont être entendues puis on vous souhaite bonne chance. Et on se pose la question… Peut-être que je
pourrais la poser au ministre concerné. Juste un petit
renseignement : Est-ce que vous prévoyez éventuellement enclencher, d'ici
peut-être l'automne ou l'hiver prochain, un projet de loi pour amender la loi
de l'accès à l'information?
M.
Drainville : La réponse, c'est oui.
Le Président (M.
Reid) : Merci, M. Landry, merci, Mme
Quirion, merci, M. Martin, c'est ça. Et je vais...
La
commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, soit environ
vers 15 heures. Merci. Alors, on vous demande de ne pas laisser vos affaires ici
puisque la salle va être utilisée à d'autres fins pendant la période du
midi.
(Suspension de la séance à 12 h
17)
(Reprise à 15 h 27)
Le
Président (M. Marsan) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Et je demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous
allons poursuivre, sans plus tarder, la consultation générale et les auditions
publiques sur le rapport de la Commission d'accès
à l'information Technologies et vie privée à l'heure des choix de société.
Je
voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Monique Dumont. Mme Dumont, la
parole est à vous. Et vous disposez d'une
dizaine de minutes pour nous présenter votre point de vue.
Mme Monique Dumont
Mme Dumont
(Monique) : Merci. Bon après-midi à
tous et toutes. Tout d'abord, je voudrais vous remercier de m'accueillir et
aussi de vous intéresser à ce sujet de l'accès à l'information, qui n'est pas
le plus jazzy des sujets mais qui, à mon humble avis, est un élément
fondamental de la démocratie parce que la démocratie passe par l'information,
et les citoyens ont droit à cette information avec le plus de rigueur et de
transparence possible.
Alors,
évidemment, je pratique les lois d'accès depuis plus de 25 ans, donc j'ai
de l'expérience non seulement au Québec, mais avec les lois d'accès canadienne,
britannique, américaine, australienne. J'ai pu comparer certaines
pratiques, et ce qui m'a désolée, c'est de
voir la manière dont la loi du Québec a été détournée, à mon avis, de son sens.
L'esprit initial de la loi... Et j'ai mis
dans le mémoire plusieurs citations qui remontent à l'origine de la loi, soit
des citations du rapport de la
commission Paré, Information et libertés. Et ce que je constate, c'est
qu'il y a des dérapages incroyables qui font que cette loi-là a perdu
son esprit initial. Il y a donc urgence, et c'est pourquoi mon mémoire parle
relativement peu de protection de la vie privée et renseignements personnels,
mais parle beaucoup plus d'accès à l'information, essentiellement, en fait. C'est
ma préoccupation.
Je
vous dirais d'emblée que je croirais que cette loi-là mérite d'être révisée
presque totalement, d'être réécrite, qu'on
doit lui redonner toutes ses lettres de noblesse, qu'on doit y réintroduire la
notion d'intérêt public comme étant un critère prépondérant de divulgation de l'information.
Je crois aussi… et je le suggère, en tout cas, d'envisager la possibilité de scinder la loi, c'est-à-dire un peu
sur le modèle fédéral, c'est-à-dire une loi d'accès à l'information, d'accès
aux documents des organismes publics, et une loi sur la protection des
renseignements personnels, avec deux entités différentes
pour gérer ces deux paramètres, si on veut, là, de l'information, un peu sur le
modèle fédéral, qui n'est pas si mauvais que ça, pour ce qui est de
cette partie-là, parce qu'on peut reprocher évidemment à la loi d'accès
fédérale bien, bien des lacunes aussi.
Dans
mon mémoire, j'ai montré aussi combien la culture de l'Administration, et je
prends «Administration» avec un grand A pour
un peu englober toute l'activité gouvernementale, combien cette culture-là n'est
pas à l'heure de la transparence et
de la divulgation. Il faut être pas nécessairement journaliste, mais il faut
avoir un très bon sens de l'humour, pour faire des demandes d'accès à l'information,
et avoir beaucoup de détermination mais surtout de l'humour parce qu'il y a de quoi être frustré. Je ne dirais pas
que j'ai développé des tendances suicidaires à force de faire des
demandes d'accès, mais je dois dire que j'ai eu régulièrement ma minute d'indignation,
et ça a probablement contribué à faire augmenter ma pression plusieurs fois,
surtout lorsqu'on vous ment effrontément et qu'on vous prend vraiment, là, pour
une valise, et vraiment c'en est frustrant.
• (15 h 30) •
C'est
pourquoi aussi je questionne le peu de pouvoir de la Commission d'accès à l'information,
son manque de volonté à vouloir exiger des organismes une véritable reddition de
comptes. La Commission d'accès à l'information ne fait peur à personne. Les commissaires sont d'une
complaisance absolument incroyable devant l'argumentation des
organismes, de telle sorte que s'est
développée une jurisprudence avec laquelle maintenant on est tenu et qui fait
en sorte qu'un exercice d'accès à l'information
devient un chemin de Damas. Il faut vraiment l'avoir pratiqué pour le
savoir. Donc, il faudrait une commission d'accès
avec beaucoup plus de mordant, beaucoup plus de dents, une volonté, et
qui repose sur des responsables de l'accès à
l'information dans les organismes qui soient vraiment des tenants de la
divulgation de l'information. J'ai montré,
dans mon mémoire, plusieurs moyens qui sont utilisés par les organisations pour
camoufler de l'information, cacher de l'information,
détruire des documents, les rendre, à toutes fins pratiques, non divulgables,
en se cachant sous des argumentations tels le secret professionnel ou
même la protection des renseignements personnels.
En
bout de ligne, je crois qu'on a une responsabilité aussi envers les générations
futures, parce que la conservation des archives, des documents gouvernementaux fait
de telle sorte que l'histoire se fait à tous les jours et que ce volet-là
est essentiel. Le hasard veut qu'aujourd'hui,
ou enfin hier, je crois, a été publié un ouvrage, La Bataille de Londres,
dont vous avez probablement entendu parler aujourd'hui, puisque votre
collègue M. Cloutier semble vouloir demander en tout cas que des documents
soient divulgués par Ottawa. Mais il faut se rappeler que l'historien a dû
utiliser la loi d'accès britannique pour avoir accès à ces documents-là et non
pas ni la loi... non pas la loi canadienne.
Alors,
simplement, je crois qu'il est important de mettre sur pied différents
chantiers, de s'inspirer, à travers un exercice de «benchmarking», des meilleures
pratiques à travers le monde — il y a des
lois qui sont très innovatrices, la loi
australienne notamment, même la loi britannique, la loi américaine est fort
intéressante aussi — et à ce moment-là de
vraiment faire de l'accès à l'information une priorité, parce que c'est le
pilier de la démocratie et sinon ça ouvre la porte à l'arbitraire et au
totalitarisme.
Le Président (M.
Marsan) : Ça va?
Mme Dumont
(Monique) : Oui.
Le Président (M.
Marsan) : Eh bien, je vous remercie
beaucoup pour cette présentation, Mme Dumont. Alors, nous allons immédiatement
procéder à la période d'échange. Et je vais demander au ministre des
Institutions démocratiques et à la Participation citoyenne de commencer nos
échanges. M. le ministre.
M.
Drainville : Merci, M. le Président.
Bonjour, Mme Dumont. Content de vous revoir.
Je
vais y aller, d'entrée de jeu… Parce que je pense que c'est important que vous
nous donniez un peu plus de détails sur les propositions que vous faites pour
passer de ce que vous appelez… de la culture de la discrétion à une
culture de gouvernement ouvert. Vous avez l'air
un petit peu sceptique sur, comment dire, la mise sur pied ou la mise en
place, je devrais dire, du gouvernement
ouvert. Dans votre conclusion, vous écrivez : «Est-on prêt pour un
gouvernement ouvert?» Alors, j'ai le goût de vous demander :
Comment est-ce qu'on passe d'une culture de la discrétion à une culture de
gouvernement ouvert? Très concrètement, là, quels seraient, selon vous, les
deux ou trois changements absolument prioritaires qu'il nous faudrait apporter
à la loi d'accès à l'information?
Mme Dumont
(Monique) : Alors, vous savez
certainement — tous les
gestionnaires étudient ça, tout le monde — que le changement de culture est probablement ce qu'il y
a de plus difficile à faire dans une organisation. J'ai même mis une
citation du rapport de la commission Paré, qui disait même à l'époque, et on
parle de 1981, qu'il fallait instaurer ce changement de culture là, déjà
à cette époque.
Mon expérience me
montre que le changement de culture est loin d'avoir été fait. Je pense que...
Bon, pourquoi ma réticence face à un
gouvernement ouvert? C'est que je pense que c'est un peu mettre la charrue
avant les boeufs. Je comprends que la
technologie peut permettre effectivement… Puis je cite souvent Google et
ses microrobots, là, qui se promènent un peu partout. La technologie
peut effectivement permettre, en apparence, de rendre disponible l'information
gouvernementale aisément. Je vous donne juste un exemple. Dans le rapport Information
et libertés, on recommandait déjà, là,
de faire une espèce de liste de toutes les bases de données qui étaient
disponibles au gouvernement. Au
fédéral, ils ont une publication qui s'appelle Info Source, qui est
disponible et qui vous donne justement ce répertoire-là. Ceci n'a même pas encore été fait au Québec. On n'a
aucun outil de cette nature-là. Et, même lorsqu'on demande à un organisme, mettons, même en accès à l'information,
quelles sont leurs bases de données accessibles, c'est très difficile d'avoir
cette information-là. On ne l'obtient même pas en matière d'accès.
Changer une culture,
je pense, d'abord, le premier élément, comme dans toute gestion, ce serait de
donner un signal fort de la part du
politique. Le politique n'est jamais très loin. J'ai montré l'absence de mur
entre les responsables de l'accès et le pouvoir politique. Quand je donnais des exemples de
destruction de documents, je ne le mentionnais pas, mais les exemples que nous avons eus de gens et
des témoignages que j'ai eus, c'étaient des sous-ministres qui donnaient
cette directive-là d'aller nettoyer les dossiers, O.K.? Et je peux vous dire qu'il
y a, de l'autre côté, des fonctionnaires honnêtes qui avaient gardé des copies
des documents et qui les remettaient dans les dossiers par après, O.K.? Mais la
directive venait des sous-ministres. Donc, premier, je crois, élément pour
changer la culture, c'est qu'il y ait une tolérance zéro face à des actions de
cette nature-là. Il faut que le message du politique, donc de vous, des
ministres, du premier ministre, soit très clair qu'au Québec c'est la
divulgation de l'information.
Le
deuxième… pour changer la culture, c'est de revoir de façon très approfondie
les multiples restrictions qu'il y a dans la
loi. Les restrictions occupent les articles 18 à 41 de la loi.
Généralement, elles sont écrites avec le verbe «peut». Ça veut dire que le document «peut» être disponible.
Malheureusement, les responsables de l'accès… Et je vais revenir à un autre élément qui est important au
niveau de la culture, c'est-à-dire choisir… enfin le recrutement, enfin, des responsables de l'accès dans les
différents organismes et ministères. Alors, il faudrait donc que le «peut»
soit vraiment un «peut» et ne devienne pas
un «doit», O.K., autrement dit, que les responsables n'interprètent pas les
restrictions de façon large plutôt que restrictive.
Ce message du
politique peut prendre aussi différentes formes. J'ai montré, aussi,
concrètement combien le gouvernement
lui-même crée des organismes ou permet à ses créatures, comme les
municipalités, de créer des organismes qui sont à l'abri de la loi d'accès
à l'information, alors, exemple, les paramunicipales, exemple, les municipalités
qui confient à des organismes sans but
lucratif la gestion d'arénas ou d'amphithéâtres. Récemment, votre gouvernement
a aboli la SOGIQUE. La SOGIQUE était une
société qui gérait les centaines de millions de dollars des contrats
informatiques du ministère de la Santé et des Services sociaux. Maintenant, ils
sont rapatriés dans le ministère. J'ai hâte, je vais faire quelques petites demandes d'accès à l'information, éventuellement,
au ministère pour voir s'il y aura transparence dans la divulgation des contrats. Mais le gouvernement lui-même crée des
organismes ou crée une situation qui favorise la non-divulgation de l'information
en créant des organismes comme la SOGIQUE.
• (15 h 40) •
Pourquoi est-ce que le
gouvernement aussi — quand je disais «un
message fort» — permet à Hydro-Québec de ne pas divulguer ses contrats? C'est vous, les
députés, qui avez dû faire une demande d'accès à Hydro-Québec pour les obtenir. Ça vous a... Ça a été une croix et la
bannière pour les obtenir. Vous n'avez eu que des contrats parcellaires,
même pas avec toute l'information, et en plus de ça dans un format complètement
inutilisable. Je le sais parce que nous, à Radio-Canada,
à l'époque on a fait l'exercice de devoir tout retranscrire les contrats dans
un fichier Excel pour pouvoir les manipuler
et faire du «data journalism». Alors, vous-mêmes, il faut donc que le message
soit clair pour que le changement de
culture se fasse. Tant que ce changement-là ne sera pas fait... Excusez-moi, je
veux bien croire... Je suis une optimiste, moi, par rapport à la nature humaine, je suis humaniste, hein, dans ma
philosophie de base, mais je crois que la réalpolitique est toujours
celle qui parle.
Alors,
les gestionnaires de l'accès à l'information qui relèvent d'un sous-ministre
qui va jusqu'à donner ordre de détruire des documents, ou de les cacher, ou de
changer les noms de telle sorte qu'on ne puisse pas les repérer, comment
voulez-vous qu'ils puissent appliquer de façon ouverte et transparente la loi
et appliquer les restrictions de manière à favoriser l'intérêt public? Alors,
le changement de culture se fait par une multitude de gestes mais au départ par
un signal fort que c'est une priorité et, ma foi, un sine qua non de l'activité
gouvernementale. C'est pour ça que je suis sceptique face au gouvernement
ouvert, parce qu'on va être tributaire de ladite bonne foi des fonctionnaires
ou des dirigeants. Ils vont dire : Mais
tout est sur Internet, hein? On vous les a mises, les bases de données, alors
tout est accessible. Il y a eu un petit incident récemment au Conseil du
trésor, là, sur des bases de données qui auraient été mises en ligne mais qui
auraient été un peu manipulées. Alors, imaginez, ce n'est pas pour donner
confiance, au départ. Et personnellement je
me pose la question : Sur qui va reposer le fardeau de la preuve de
démontrer que ce qui est sur le site Internet ou ce qui est supposément
divulgué est vraiment tout ce qu'il y a à être divulgué et que les documents n'ont
pas été modifiés, transformés?
Alors,
je veux bien croire, moi, pas de manière utopique, au gouvernement ouvert, mais
je pense qu'au départ il y a toute une série
de gestes qui devraient être posés avant de penser au gouvernement ouvert.
Le Président (M.
Marsan) : M. le ministre.
M.
Drainville : Et
un de ces gestes-là, nous dites-vous, c'est de renforcer et de blinder — c'est
le mot que vous utilisez, là — l'indépendance des responsables de l'accès.
Mme Dumont
(Monique) : Absolument.
M.
Drainville :
Comment on fait ça? Est-ce que vous avez des exemples à nous donner de ce qui
se fait ailleurs ou est-ce que vous avez votre
propre recommandation là-dessus?
Mme Dumont
(Monique) : Bon, moi, j'ai de la
difficulté et j'ai toujours eu de la difficulté à comprendre, comment
dirais-je, la pusillanimité, la fragilité, la peur de certains fonctionnaires à
faire leur travail tel qu'il devrait être.
Ce sont des gens qui sont syndiqués mur à mur. O.K., peut-être que leur
carrière va plafonner, hein, s'ils ne font pas ce que le sous-ministre
leur dit. Je connais peu, mettons, comment ça se passe dans les arcanes, bon,
de la fonction publique. Le tablettage,
probablement, est une pratique qui se fait encore, je n'en sais rien. Quelles
seraient les conséquences, pour un responsable de l'accès, d'y aller en
fonction de ce qu'est son rôle?
J'ai vu une description de
tâches de responsable de l'accès. Je pense qu'un certain nombre de principes devraient être émis à
la base pour blinder l'indépendance. Le responsable de l'accès ne devrait
rendre compte... ne devrait pas avoir à rendre compte, par exemple, à un
responsable des communications ou des relations publiques. Il ne devrait pas parler des demandes d'accès. Il ne devrait pas
identifier les demandeurs, notamment les demandeurs journalistes. Je ne
veux pas dire que les journalistes sont particulièrement ciblés, mais comme par
hasard… Et je l'ai montré dans le cas du
ministère du Transport. On a même fait un reportage à Radio-Canada sur ça, où
une demande d'accès pour avoir le nom
des membres des comités de sélection était refusée aux journalistes mais
diffusée allégrement aux ingénieurs qui les demandaient. Et je sais
pertinemment qu'il y a des réunions qui se tiennent où est-ce que les
responsables de l'accès identifient, avec les responsables politiques, les
demandes d'accès. Ça m'apparaît tout à fait, peut-être, légitime, on veut voir venir les coups, mais là il y a une
indépendance, à mon avis, qui devrait être renforcée et écrite, même, et
qui permettrait au responsable de l'accès de
vraiment faire son travail. Quand un responsable de l'accès, dans un
ministère que je ne nommerai pas, me dit : C'est ce qu'on m'a dit de vous
écrire — en réponse à ma
demande d'accès — allez en révision, vous avez des bonnes chances de gagner,
je pense qu'il y a un problème sérieux d'indépendance dans les faits.
Je
pense aussi que le mode de recrutement, le choix des responsables de l'accès
devrait être beaucoup mieux balisé. Il y a
une ambiguïté. Quand on regarde la liste des responsables de l'accès dans les
organismes, ça va du président de l'organisme au secrétaire général,
souvent un avocat. Je n'ai rien contre les avocats. Ils font preuve de beaucoup
de créativité en matière d'accès à l'information,
pas une créativité qui soit nécessairement toujours très positive, je dois
dire.
M.
Drainville : ...regards se tournent
vers le député de Fabre.
Mme
Dumont (Monique) : Je ne le sais pas.
J'aime bien...
M.
Drainville : Il aura l'occasion d'intervenir.
On s'excuse de vous interrompre.
Mme Dumont (Monique) : J'aime bien les avocats, j'adore les
avocats, j'aime les avocats. S'il n'y avait pas
eu les cours de procédure civile, j'aurais
peut-être fait une avocate. Mais, ceci étant dit, il y a beaucoup de
créativité, et ce sont souvent les
avocats, les secrétaires juridiques des organismes qui sont nommément
responsables de l'accès. Moi, je pense
que là il y a un problème. Quand le président de l'organisme est responsable de
l'accès, alors qu'on peut faire, dans une demande d'accès, des documents
qui peuvent le mettre, disons, dans une situation difficile, j'ai des doutes
sur l'indépendance.
Alors, comment le faire concrètement?
Écoutez, je ne suis pas, comme je vous dis, dans les arcanes de la fonction publique, et
des descriptions de tâches, et des descriptions de poste, mais je pense que là
il y a un travail à faire. On ne doit pas non plus confier l'accès à l'information
à quelqu'un qu'on veut tabletter, là, puis dont on ne sait pas trop quoi faire
dans l'administration, puis qui n'y connaît strictement rien.
Dans les municipalités, c'est pathétique, les
responsables de l'accès à l'information. Souvent, c'est le greffier. Je me demande si le greffier est la meilleure
personne. Je pose la question. Dans les petites municipalités, c'est absolument
pathétique. Ça peut être la secrétaire du
directeur général de la ville. Non, il y a une panoplie, là… Si on faisait une
petite cartographie de qui est responsable,
quelle formation ces gens ont… Je me pose souvent la question, parce que
parfois ça m'est arrivé, comment dirais-je, de faire une formation in situ d'un
responsable de l'accès en lui rappelant quelques vérités : Bien non, la rédaction d'un article, tu sais, notamment…
Et puis, tu sais, tout le monde a le Doray-Charette, qui est à peu près la bible en matière d'accès à l'information.
Alors, quelle est la formation des responsables? Est-ce qu'il y a un suivi qui se fait à ce niveau-là? Je pense que là
il y a un travail à faire, très sérieusement, de regarder ça. Il y a
plusieurs chantiers en fait, hein, qui devraient être ouverts. On aime ça, ce
mot-là.
Le
Président (M. Marsan) : Merci. M. le
ministre.
M.
Drainville : Vous posez la question
également, à la page 10 de votre mémoire : «Faut-il scinder la loi et
par [elle-]même la commission en deux? Une
loi accès à l'information, une loi protection des renseignements
personnels.» Et là vous dites, je vous cite, là : «Au XXIe siècle,
[est-ce qu'il y a] lieu de revoir cette façon de voir les choses? Au fédéral,
il y a deux lois et deux organismes. Un commissaire à l'information est très
efficace pour intervenir quant à l'application
de la Loi d'accès fédérale. Ce qui est loin d'être le cas au Québec.» Et là
vous continuez sur ce thème-là. Est-ce que vous soutenez, vous, que le
fonctionnement à Ottawa, la séparation des deux fonctions, renseignements...
protection de la vie privée, dans le fond, et accès à l'information, est un
système qui fonctionne bien?
Mme
Dumont (Monique) : Je pense...
M.
Drainville : Est-ce que ça marche
mieux à Ottawa qu'à Québec?
Mme Dumont (Monique) : Bon, évidemment, on n'est pas ici
pour faire le procès de la Loi d'accès
fédérale. La Loi d'accès fédérale, je
pourrais aussi écrire un mémoire sur... J'ai eu des choses extraordinaires avec
les responsables de l'accès. Mais il y a quand...
M.
Drainville : Au Québec, vous voulez
dire?
Mme
Dumont (Monique) : Non, au fédéral.
M.
Drainville : Au fédéral.
• (15 h 50) •
Mme Dumont
(Monique) : Oui, oui, ils sont extraordinaires,
surtout la question des délais, au fédéral, la question aussi de la
compréhension des demandes, bon, il y a plein de choses. Mais il y a quand
même... Pourquoi est-ce que… Dans le rapport de la commission Paré, le
principal argument pour joindre les deux, c'était le risque de duplication, O.K.? On disait : Comme ça, il n'y
aura pas deux lois, là, qui vont parler de choses à peu près semblables
et puis il n'y aura pas de doublon, et tout.
On le voit dans le rapport du président de la Commission d'accès, la très
grande majorité de son mémoire porte sur la protection des renseignements
personnels. Aujourd'hui, c'est un enjeu en soi, la protection de la vie privée, on le sait, avec le vol d'identité, la
protection des renseignements personnels aussi. Au fédéral, je peux
faire des demandes d'accès en vertu des deux lois, tu sais, à la fois en vertu
de la Loi d'accès et en vertu de la Loi sur la protection des renseignements
personnels, en autant que j'aie une autorisation ou une procuration de la personne,
bon, avec qui je suis en contact. Bon.
Personnellement,
je pense que de scinder les deux permettrait à une commission d'accès à l'information québécoise de vraiment
se concentrer sur sa mission. Une double mission… Quand la Commission d'accès
oeuvre avec les organismes, quand elle est en matière d'accès à l'information,
en principe elle surveille, elle demande des redditions de comptes. Elle devrait taper sur les doigts, elle devrait
sanctionner, elle devrait imposer des amendes. Un responsable de l'accès
qui serait pris en flagrant délit de mentir pourrait être sanctionné, etc.
Mais, quand elle est avec ce même organisme au ministère, là, sur le volet renseignements personnels, elle devient dans
une relation d'affaires, puis ce n'est pas du tout la même mission ni le
même mandat. Alors, personnellement, je pense que de scinder les deux
permettrait de rendre les missions beaucoup
plus claires entre l'accès aux documents des organismes publics et la
protection des renseignements personnels, et d'aller de façon beaucoup
plus profonde dans chacun des volets.
Le Président (M.
Marsan) : Je vais vous demander de
conclure pour laisser une dernière question à M. le ministre. Allez-y.
Mme Dumont
(Monique) : Je voudrais terminer sur
le fait que ça permettrait aussi de réduire les délais en révision de la
Commission d'accès, qui sont absolument frustrants. J'ai fait un petit
échantillonnage. À peu près les trois quarts des décisions portent sur des
demandes ayant trait aux renseignements personnels et non pas en matière d'accès
à l'information. Donc là, il y aurait un gain d'efficacité aussi.
Le Président (M.
Marsan) : M. le ministre, en
terminant.
M.
Drainville : Il me reste une minute?
Deux minutes?
Le Président (M.
Marsan) : À peu près.
M.
Drainville :
Très bien. Une autre question que j'ai le goût de vous poser — ça risque d'être la
dernière — vous souhaitez
réintroduire dans la loi la notion d'intérêt public, qui, dites-vous, a disparu
après 2006. Qu'est-ce que ça changerait,
selon vous, de réintroduire cette notion d'intérêt public? Et est-ce que cette
notion-là qui existait avant 2006 a permis de faire des choses qui sont
devenues impossibles après 2006, après que cette notion-là ait été retirée, si
je comprends bien, de la loi, là?
Mme
Dumont (Monique) :
Je n'ai pas analysé la jurisprudence ou les décisions antérieures à 2006 pour pouvoir répondre de façon précise à votre question, mais
la notion d'intérêt public, si on regarde des décisions récentes de la Cour
fédérale, notamment en matière d'accès à l'information dans une cause,
notamment, impliquant Bibliothèque et Archives Canada, la notion d'intérêt
public a été prédominante pour permettre l'accès à l'information que voulait ne
pas divulguer Bibliothèque et Archives
Canada, qui était dépositaire, là, de certains documents. De plus en plus, dans
les décisions de la Cour suprême du Canada,
la notion d'intérêt public, de bien commun, devient un critère prépondérant
et permet, à ce moment-là, de transcender des critères accessoires ou secondaires.
Et je pense que, si on réintroduisait cette notion-là... D'ailleurs je ne sais
pas pourquoi elle a disparu. Bon, je me pose la question.
M.
Drainville : Et je me la pose aussi.
Mme
Dumont (Monique) :
Oui. Je ne le sais pas, je ne suis pas retournée dans les débats à l'époque
pour savoir pourquoi elle a disparu, mais il y
a eu un jugement impliquant Investissement Québec et, à la suite de ce
jugement-là, qui était favorable au
demandeur, il y a eu une modification à la loi, et la notion d'intérêt public a
disparu. Investissement Québec est une société d'État et elle a été
déboutée à ce moment-là. Alors, est-ce qu'on trouvait qu'«intérêt public»
devenait un élément trop fort qui permettait, à ce moment-là, de divulguer des
documents? Je ne le sais pas, mais je pense qu'il faudrait qu'on l'affiche dans
un article 1.
Le Président (M. Marsan) : Merci, madame. Ceci termine cette
première période d'échange. Nous allons
poursuivre avec l'opposition officielle. Et je vais céder la parole à
M. le député de Fabre.
M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Merci, Mme Dumont. Je trouve
ça très intéressant. J'aurai l'occasion de revenir sur les avocats et... Non,
mais en fait vous pourriez être surprise parce que je les connais quand même
assez bien.
Mme
Dumont (Monique) : Moi aussi.
M.
Ouimet (Fabre) : Et je pense que je
peux comprendre pourquoi, dans certaines situations, on a cette perception du
rôle de l'avocat. Mais, ceci étant dit, je suis convaincu qu'il y en a encore
plus qui travaillent de façon constructive et j'aurai l'occasion de vous en
reparler peut-être privément.
Donc, merci pour la présentation que vous
faites. C'est particulièrement intéressant d'avoir des citoyens, des gens qui utilisent une loi et qui sont confrontés aux
lacunes, aux difficultés. Et je trouve ça... Et je suis convaincu que la
commission apprécie l'éclairage que vous apportez parce que c'est très concret.
Vous l'avez vécu et vous partez de situations
que vous décrivez et que vous nous avez décrites aujourd'hui. Et je trouvais ça
quand même bien, et vous l'avez souligné,
vous êtes optimiste, vous utilisez l'humour malgré les situations désolantes
que vous avez vécues. Parce que je
pense qu'effectivement, quand on vit avec des délais et des situations que vous
avez décrites, des situations frustrantes
quand on veut avoir accès à de l'information, je pense qu'il faut avoir un bon
sens de l'humour pour ne pas se déprimer
et ne pas se décourager. Donc, bravo, pour votre travail en général et pour les
représentations que vous nous faites.
Ceci dit, je vais revenir sur un élément
important, parce que je pense que vous avez frappé le clou sur la tête lorsque vous avez parlé de changement de culture. Et je
pense qu'effectivement, du point de vue juridique, c'est très difficile d'imprimer ou d'assurer un changement de culture
par la loi. Je pense que ça se fait plus par l'exemple. Et, vous l'avez
dit, et je veux revenir sur ça brièvement, je pense que ça part d'en haut. Et,
à mon point de vue, je pense que ça part de l'Assemblée
nationale. Et, quand on parle de changement de culture, hein… On a déjà eu l'occasion
d'en discuter depuis le début de la
présente législature, on a fait référence à l'exercice qui est peut-être l'exercice...
un des exercices importants à l'Assemblée
nationale, c'est les crédits. Et ça, c'est notre exercice où l'opposition
demande au gouvernement del'information
pour procéder à la reddition de comptes. Et je pense que, et là je fais le pont
avec ce que vous nous avez dit quand vous parlez de changement de
culture, il serait important que nous, les députés, qui avons… Ceci dit, je le
rappelle à toutes les occasions que j'ai, on a un code de déontologie, les
valeurs de l'Assemblée nationale, les valeurs auxquelles
les députés adhèrent, et les députés, parmi ces valeurs-là, recherchent la
vérité. Alors, je pense qu'on a déjà,
dans notre code de déontologie, cette obligation d'ouverture. Et je pense que,
si à l'Assemblée nationale on envoyait ce message-là, ça pourrait aider
au changement de culture.
Je
vais aller à un aspect très pratique que vous soulevez, qui me rejoint aussi
dans ma pratique, c'était le volet des enquêtes. Vous avez abordé ça, je pense,
à la page 3 de votre mémoire, et j'aurais aimé vous entendre sur, concrètement, comment ça se vit. On parle, là, d'enquêtes
puis on ne sait plus que l'enquête se termine... Parlez-nous donc un peu
de ce volet-là de votre expérience.
Mme Dumont (Monique) : Oui. Ça, c'est assez... ça, c'est
vraiment un très grand sujet de frustration, quand on fait une demande d'accès
et qu'on nous invoque ces fameux articles-là, parce qu'automatiquement
«enquête» nous ferme totalement les portes. On
n'est même pas capables de valider qu'il y a vraiment une enquête. On n'est
même pas capables de valider où en est l'enquête. Le responsable de l'accès
nous répond : Je ne peux rien vous dire, hein? Je ne peux rien vous dire.
Et
là on ne parle pas seulement d'enquêtes. Moi, j'ai donné l'exemple des enquêtes
menant à des poursuites judiciaires, mais ça
touche aussi les enquêtes de type administratif. Moi, on m'a déjà refusé, au
ministère de l'Environnement, avant qu'il y ait un changement de
politique il y a à peu près trois ans, l'accès, par exemple, aux documents
menant à des sanctions administratives. Il était impossible, il y a quatre ans,
de savoir quelle compagnie avait été
sanctionnée, par exemple, ou avait reçu des avis du ministère de l'Environnement.
On ne pouvait même pas savoir s'il y
avait des enquêtes qui étaient menées sur ces entreprises-là. On m'a même...
Une fois, un responsable de l'accès m'a même invoqué que c'étaient des
renseignements personnels. Excusez-moi, une entreprise, c'est une personne
morale. Les renseignements personnels n'ont strictement rien à voir dans ça. Je
ne demande pas des renseignements sur le président de l'entreprise, je demande
sur l'entreprise.
Les ministères sont excessivement frileux. L'Autorité
des marchés financiers est excessivement frileuse. Avec l'Autorité des marchés financiers, c'est
extraordinaire. À un moment donné, j'ai fait des tests où j'avais reçu des documents et... Je les avais et j'ai fait quand
même une demande d'accès à l'information, ne serait-ce que pour protéger
mes sources. C'est extraordinaire, ce qu'on
m'a répondu et la façon dont on avait caviardé ça, incluant le «ticket
symbol», donc le code d'identification de la
compagnie à la bourse. Alors, tout ce qui est enquête tombe dans une espèce de
coffre-fort totalement blindé. Et ce
qui est frustrant, c'est qu'on n'est pas capable de dire : Y a-t-il
vraiment une enquête? Et où elle en est?
•
(16 heures) •
Le
Président (M. Marsan) : M. le député.
M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. En fait, je
ne voulais pas vous interrompre. C'est juste parce qu'on a quelques questions et on veut essayer de tout
couvrir. Mais est-ce qu'on a une solution? Avez-vous une solution à proposer
dans cette...
Mme Dumont (Monique) : Je vous ai dit : Je ne suis pas
juriste, hein? Donc, il faudrait un juriste avec une belle imagination créative. J'espère qu'il y en a. Mais je
pense qu'il y aurait certainement moyen de baliser ces articles-là pour
permettre une divulgation qui n'empêche pas ou qui ne mette pas en péril le
processus, que ce soit d'enquête administrative ou d'enquête judiciaire. Parce qu'il faut bien se rendre
compte que la justice, elle est publique, au Québec. Une fois qu'une
poursuite est déposée, tous les documents deviennent publics, bien sauf s'il y
a des ordonnances de non-publication, ou
bien si le dossier nous est camouflé, pour quelque raison que ce soit, ou si
des documents sont sous scellés. Mais
de façon générale le processus est public, et on devrait y avoir accès. Et à ce
moment-là c'est dans cet esprit-là que
devraient être réécrits les articles en question pour qu'ils soient cohérents
avec la philosophie de publicité de la justice.
Je donnais l'exemple aussi, dans un autre
cas, du régime de divulgation qui s'applique aux compagnies cotées en bourse et
comment le ministère des Ressources naturelles m'avait refusé les documents
alors que je les ai trouvés dans les rapports
annuels. Alors, c'est comme si la Loi d'accès vit dans un monde clos, par
elle-même, puis là il se crée toute une série de jurisprudences et toute une série d'obstacles à la divulgation.
Et le cas des enquêtes n'est pas unique au Québec. Quand j'ai enquêté
sur le cas CINAR, je peux vous dire que la GRC et le ministère de la Justice
fédéral ont tout été sauf transparents,
hein? Alors là, il y a là comme une culture. Faites une demande d'accès à la
Sûreté du Québec, c'est extraordinaire.
Oui, savez-vous que la Sûreté du Québec ne divulgue même pas les heures
supplémentaires de ses gens, contrairement à la GRC? Non, elle met sous
le couvert de l'enquête toute une série de documents qui devraient normalement
être des documents dits administratifs et qu'elle cache sous ces articles-là.
M. Ouimet (Fabre) : Merci. En fait, la raison... M. le
Président, la raison pour laquelle j'abordais ce volet-là, c'est que j'ai été
aux poursuites criminelles, j'ai été en défense. C'est un milieu que je connais
assez bien, et effectivement j'ai pu
constater que la culture du secret est imprégnée... Et pas de mauvaise foi, là,
quand je dis ça, à la base, c'est pour une bonne raison, mais je pense
que la notion d'accès à l'information n'a pas été véritablement intégrée au
niveau des enquêtes, qu'elles soient administratives ou qu'elles soient
criminelles.
Ceci dit, dernier point avant de céder la parole à
la députée de l'Acadie, M. le Président, je voudrais juste, simplement, souligner… Vous mentionnez le délai de
20 jours qui est systématiquement non respecté. Mais à ce moment-là peut-être qu'on court après le trouble en mettant
un délai qui est trop court, parce que 20 jours, c'est quand même
relativement court, alors que je note, dans votre mémoire… vous indiquez
qu'après 30 jours, généralement, vous avez la réponse.
Mme Dumont (Monique) : Bien, au début, là, moi, je me
rappelle, le 20 jours était respecté, hein?
Il faut dire que c'est un 20 jours calendrier, là. Bon. Alors, le
20 jours était respecté. Mais soudainement est arrivée une pratique, puis
je pense que c'est un copier-coller, là. La demande d'accès arrive. Elle est
sitôt arrivée sur le fax de l'organisme qu'on
reçoit par fax 10 jours additionnels. Ils ne l'ont même pas regardée.
Remarquez qu'au fédéral — on pourrait
éventuellement en parler — bien là les
délais peuvent être beaucoup plus longs. Bon. Mais ça, c'est un autre cas. Je dirais qu'en
général les organismes respectent assez le délai de 30 jours. Mais c'est
une illusion de penser le 20 jours, donc c'est factice, là. En réalité, c'est 30 jours et plus. Il nous
arrive que le responsable de l'accès va nous appeler et nous demander
des délais additionnels. Nous autres, de façon générale, on est toujours très
souples et flexibles, tant que ça ne va pas jusqu'à l'abus.
Le
Président (M. Marsan) : Merci. Mme la
députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci. Merci beaucoup. Vous savez, c'est
un sujet qui nous passionne, évidemment, et c'est
un très beau sujet. Et, quand le ministre a confirmé, ce matin, son intention
de faire une nouvelle loi, je pense que c'est une très bonne idée, une très
bonne chose. D'ailleurs, on ne fait que commencer nos travaux, et je me disais,
en vous écoutant : Peut-être qu'on
aurait dû entendre la Commission d'accès à l'information en dernier et non pas
en premier, on aurait peut-être eu des questions différentes, et peut-être les
entendre encore plus longtemps. Mais, quoi qu'il en soit, c'est fort
intéressant.
Moi, ce sur quoi je voudrais vous poser des
questions, c'est... Vous êtes une journaliste. Vous êtes une journaliste qui est
connue. Vous êtes dans le métier depuis plusieurs années. Le rapport Payette
recommandait, à larecommandation 26,
l'imposition à tout ministère, organisme, régie gouvernementale ou municipalité
d'accorder la priorité aux demandes d'accès à l'information faites par
des journalistes professionnels. Évidemment, ça, ça sous-entend qu'il y ait un statut de journaliste
professionnel. Est-ce que vous êtes en faveur avec cette recommandation, c'est-à-dire
que quelqu'un qui fait un métier de journaliste puisse avoir un accès
privilégié ou enfin un accès prioritaire?
Mme Dumont (Monique) : Actuellement, l'article 9 dit
«toute personne». Personnellement, je suis pour un accès égal à l'accès à
l'information. Je ne voudrais pas, personnellement, même si je suis journaliste,
que mes demandes aient une priorité d'accès, ou autres. Je suis plutôt
pour l'égalité d'accès.
Maintenant, ce que je n'aime pas, c'est que
les demandes des journalistes soient traitées différemment en accès à l'information.
J'ai donné le cas du ministère des Transports, qui traitait différemment… J'ai
donné le cas des réunions où est-ce qu'on identifie le journaliste alors
que ça devrait être confidentiel. Même mon nom devrait être confidentiel. Or,
je me suis fait appeler par un responsable des communications d'une université
pour me demander qu'est-ce que je voulais, exactement, dans ma demande d'accès
à l'information. Il faut le faire, là. O.K.?
Donc, non, je ne serais pas pour un canal
privilégié pour les journalistes professionnels. Je veux avoir une égalité de traitement, une égalité d'accès...
Mme
St-Pierre : Vous ne voulez pas être
mise en dessous de la pile. Ni au-dessus, ni en dessous.
Mme Dumont
(Monique) : Je ne veux pas être mise
en dessus, ni en dessous. Je veux être traitée également et de façon absolument
juste.
Mme St-Pierre : C'est des questions qui sont
effectivement très sensibles, l'accès à l'information, que ce soit encore plus ouvert, plus accessible. Puis il y a des
organismes qui ne sont pas soumis à la loi d'accès à l'information, puis je pense qu'il faut soumettre ces
organismes-là à la loi d'accès à l'information. Ce matin, on entendait
les — pardon,
je n'ai pas fermé mon téléphone — on
entendait les orphelins de Duplessis dire que des communautés religieuses ne sont pas soumises à la loi d'accès à l'information. Alors,
il y a vraiment des pans, là, qu'il faut absolument ouvrir. En même temps, il peut y avoir des effets pervers dans
tout ça, c'est-à-dire avoir... on peut salir facilement la réputation de
quelqu'un. Il y a le jugement diffusé aussi.
Il y a le traitement que le journaliste ou la personne veut en faire, mais, une
fois que le traitement est fait, il y
a le jugement aussi là-dedans. Et salir des réputations, on n'est pas plus
avancé. Alors, l'équilibre, il n'est pas si facile que cela.
L'autre
chose, l'autre question, la question que je voulais vous poser, c'est sur la
question des secrets d'entreprise. Par exemple, une organisation comme Hydro-Québec,
ça fait des affaires, puis ça fait des affaires à l'international, puis
ça fait des affaires au Québec, ça fait des affaires au Canada. Il y a des
secrets importants non pas uniquement pour la société
d'État, mais pour l'ensemble du Québec. Comment on gère ça? Et est-ce qu'on
laisse entre les mains d'une seule personne
la décision de livrer l'information ou pas? Parce que vous sembliez dire :
Il faut qu'il y ait une sorte de coupe-feu entre le sous-ministre ou
enfin la direction générale puis la personne responsable de l'accès à l'information.
Mais la personne responsable de l'accès à l'information
a besoin d'avoir du jugement pour être sûre que l'information qu'elle
livre, c'est une information qu'elle peut livrer.
• (16 h 10) •
Mme
Dumont (Monique) :
Des responsables de l'accès m'ont confié qu'aussitôt qu'un sujet est le moindrement sensible,
politiquement, la demande remonte immédiatement au cabinet, et c'est au cabinet
que ça se fait. Maintenant, bon, ce n'est
pas qu'au Québec que ça peut se faire. On sait comment ça se passe, enfin, au
fédéral, où est-ce que le Bureau du Conseil
privé a vraiment un contrôle important sur toutes les demandes d'accès, à tel
point que les délais au fédéral sont maintenant
encourus parce qu'il y a cette consultation-là au Bureau du Conseil privé, qui
est le bureau du premier ministre.
Bon,
il y avait deux volets sur la question des sociétés, O.K., les sociétés comme
Hydro-Québec, Investissement Québec, toutes les sociétés qui ont des activités
commerciales. Moi, je suis sensible évidemment à la question du secret
commercial, du secret industriel, mais il faut bien se rendre compte, par
contre, là, que… Je ne sais pas si vous faites un peu de recherche, mais, tu sais, les brevets, là, c'est public, ça,
hein, si vous connaissez les bases de données des brevets, là. Alors,
moi, quand Hydro-Québec me refuse des choses mais que je suis capable de les
avoir autrement... C'est ce qui est arrivé avec le ministère des Ressources
naturelles.
Donc là, le problème
des restrictions, là, que ce soient secret commercial, secret industriel,
secret financier, m'apparaît, moi, être
devenu, là, des espèces de fourre-tout dans lesquels maintenant tout passe.
Alors, j'ai de la difficulté à comprendre.
Investissement Québec, ce n'est pas une banque, là. Alors, c'est très
difficile, par exemple, de documenter l'intervention d'Investissement
Québec dans certains dossiers. Il peut y avoir des aspects des contrats qui
soient confidentiels. Moi, je n'ai aucun
problème avec ça qu'on regarde un document puis qu'on caviarde, O.K., des
éléments qui peuvent être concurrentiels, mais que tout le document, tout d'un
coup, tombe sous la chape de plomb de l'article sur les secrets industriels, commerciaux, idem sur les renseignements
personnels, alors à tel point que maintenant c'est rendu un fourre-tout, ou le secret professionnel…
Je donne l'exemple des noms d'avocats qui sont mis sur des listes de
distribution de documents pour qu'on puisse invoquer cet argument-là pour ne
pas rendre les documents divulgables.
Alors,
je pense qu'il y a lieu, dans la loi, de baliser, encore une fois, l'interprétation,
mais au départ il faut rappeler aux
responsables de l'accès que les interprétations doivent être interprétées,
hein, de façon très restrictive, mais ce n'est
pas le cas actuellement. Et je suis sensible à cet équilibre-là entre le
secret, qui peut être nécessaire, et la divulgation. C'est, comme vous le dites, un équilibre fragile,
O.K., et qu'il faut bien mesurer. Mais là, actuellement, on est rendu où
est-ce que le balancier est véritablement du côté de la non-divulgation, de la
non-transparence.
Le Président (M.
Marsan) : Alors, je vous remercie
beaucoup, Mme Dumont, de nous avoir donné votre point de vue sur un sujet
aussi intéressant.
Et sur ce je vais
suspendre quelques instants, mais je vais inviter les représentants de la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec à venir prendre place.
Alors, nous suspendons pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
16 h 12)
(Reprise à 16 h 14)
Le
Président (M. Marsan) : Alors, nous reprenons nos travaux. Et il nous fait plaisir d'accueillir
les représentants de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Et je vais
demander à M. Brian Myles, qui en est le président, de nous
présenter les gens qui l'accompagnent et de débuter sa présentation pour une
période d'environ 10 minutes.
Fédération professionnelle des
journalistes du Québec (FPJQ)
M. Myles
(Brian) : Merci beaucoup. Vous avez,
à votre droite, Pierre Craig, qui est vice-président de la fédération et journaliste à La facture, et
ici, à votre gauche, Claude Robillard, secrétaire général de la fédération. Il
y a également un grand absent avec nous, mais sa force d'esprit plane
sur notre mémoire. C'est Raymond Doray, avocat au cabinet Lavery de Billy, et il a planché sur
notre mémoire. Me Doray était l'assistant de recherche de la
commission Paré, qui avait dessiné l'esquisse
de la loi il y a 30 ans. Il a révisé notre mémoire et il a fait quelques
recommandations et suggestions pour améliorer la loi ou refondre, à partir de
zéro, une nouvelle loi. On lui doit un gros merci pour ce travail très
rigoureux.
La FPJQ attendait avec
impatience ce rendez-vous à la commission parlementaire. Nous étions prêts,
mais malheureusement les élections ont eu
raison des travaux. On l'attend parce que c'est un rendez-vous important. À
notre avis, les députés ont une occasion
unique aujourd'hui de s'élever au-dessus de la partisanerie et de poursuivre
une valeur à laquelle on croit tous,
en démocratie, c'est-à-dire la recherche du bien commun et de l'intérêt public.
La réforme de la loi d'accès à l'information est nécessaire, nécessaire
pour accroître la transparence de l'État dans tous les domaines.
Inutile de vous dire
qu'avec la multiplication des scandales dans les journaux, les travaux de la
commission Charbonneau, il y a la
démonstration qui a été faite de l'appétit du public pour l'information et pour
la transparence et la nécessité
également de rendre publique cette information. À la fédération, nous plaidons
toujours que l'information, c'est l'oxygène
d'une démocratie. Et, sans la transparence, sans la reddition des comptes, les
efforts que ce gouvernement a entrepris
pour assainir les moeurs et juguler la corruption et la collusion, avec l'appui
des partis d'opposition, bien ces efforts
vont être incomplets. Dans votre réflexion, vous devez doter les Québécois d'une
loi d'accès à l'information digne de ce nom, une loi qui va tenir compte des outils du XXIe siècle et de
cette réalité du gouvernement ouvert. Alors, à notre avis, le
rendez-vous qui est le vôtre, c'est un rendez-vous historique qui est tout
aussi important que celui qui avait mené à la création de ladite loi il y a
30 ans.
Cette loi,
malheureusement, vieillit mal. Elle accuse très mal le poids de ses
30 ans. Récemment, j'ai été à un congrès du Barreau avec Jules Brière, qui
est un des pères fondateurs de la loi, et Me Brière nous disait :
Écoutez, l'objectif de départ n'a pas été
atteint, malheureusement. Cet objectif, c'était que la loi soit tellement
efficace, tellement claire, tellement
comprise de tous les fonctionnaires et titulaires de charge publique qu'elle
devienne obsolète au bout de cinq ans
et qu'on n'ait plus besoin d'une loi d'accès à l'information, parce qu'on
aurait transformé à jamais la culture et que les fonctionnaires et les
détenteurs de charge publique, plutôt que d'avoir la main sur le robinet fermé,
allaient l'ouvrir et qu'on allait permettre la circulation tous azimuts de l'information.
Me Brière
était... en fait nous a déprimés énormément mais nous a rassurés, également,
dans cette bataille ou ce combat que l'on mène pour avoir davantage de
transparence. Cet objectif-là de départ, qui est de casser les
monopoles, les petits monopoles des
fonctionnaires ou des titulaires de charge publique sur l'information, bien c'est
encore un objectif qu'on doit poursuivre. On se doit de transformer
cette culture du secret, que Monique Dumont a très bien décrite, et favoriser l'ouverture et le partage de l'information.
L'information, ce n'est pas la propriété de l'État, ce n'est pas un bien
privé. L'information, c'est un bien public,
et c'est à partir de ce bien public là que les citoyens peuvent faire des
décisions éclairées dans une démocratie.
Comme
Me Brière, comme Mme Dumont, la FPJQ et les journalistes qui
utilisent régulièrement la loi d'accès à l'information constatent qu'il y a des nombreuses
difficultés, nombreuses restrictions. On les détaille un peu dans notre mémoire, on pourra vous donner des exemples dans
la période des questions, mais en résumé ce que l'on constate, c'est qu'il est toujours plus difficile et plus complexe
d'obtenir des documents qui sont pourtant publics. Les journalistes vont
se heurter à des multiples exceptions. Le
cas du document qui a circulé dans un cabinet d'avocats puis qui devient
frappé soudainement, comme par miracle, du
secret professionnel, il est trop réel. Le cas du document qui n'est jamais
divulgué parce que c'est un processus
décisionnel non terminé, c'est réel. Donc, les exceptions, les délais, la
judiciarisation également et des coûts toujours plus grands.
Un
exemple parmi tant d'autres — et, pour nous, c'est le meilleur — de cette culture du secret, pour obtenir une étude de la
Commission d'accès à l'information sur l'évaluation d'une politique de
divulgation automatique, la fédération a dû faire une demande d'accès à
l'information sur recommandation de la vice-présidente de l'organisme. J'insiste,
la Commission d'accès nous a fait faire une demande d'accès pour ses propres
documents. Et, ce problème-là, on l'a rencontré également quand on a voulu
avoir, il y a deux ans, le résultat de l'évaluation de la divulgation
automatique qui avait été faite à titre d'expérience pilote.
La commission,
malheureusement, n'a pas bien rempli son rôle au fil des ans. Quand
Hydro-Québec a décidé d'utiliser la Loi sur
le Barreau pour empêcher les journalistes de se représenter eux-mêmes en appel,
la commission a été très silencieuse. Elle n'est pas montée au bâton
pour défendre les journalistes. Au contraire, elle a souhaité que les parties s'entendent
entre elles. Le résultat, c'est qu'il a fallu attendre quatre ans, compter sur
le courage des grandes entreprises de presse
et de leurs contentieux pour obtenir un jugement sans équivoque de la Cour du
Québec récemment. Et l'indignation qu'on attendait de la Commission d'accès
est venue de la Cour du Québec, Dieu merci.
La
Commission d'accès a également un pouvoir, vous savez, en vertu des
articles 158 et 164, pouvoir qui lui
permet de poursuivre et de sanctionner ceux qui font de la rétention d'information.
C'est une disposition pénale qui permet d'imposer des amendes de 500 $ à
1 000 $ pour les fautifs. Encore une fois, on a fait des
vérifications. En 30 ans, la commission n'a jamais utilisé ce pouvoir de
sanction ne serait-ce qu'une seule fois.
• (16 h 20) •
Bon
an, mal an, enfin, le Québec récolte la note F dans le palmarès ou le
bulletin qui est fait par l'Association canadienne
des journaux. L'association fait une série de demandes d'accès à l'information
en bloc. Pour chacune des provinces, on va cibler des ministères, des agences
gouvernementales, des villes. Et on demande toujours les mêmes documents et on compare les réponses et les délais
de réponse. Et bon an, mal an on fait partie des cancres de la classe,
au Québec, à quelques exceptions près. On va
trouver parfois un ministère ici, une ville là qui sont les premiers de
classe, mais globalement nous sommes
finalement très pauvres en matière d'accès à l'information. Alors, nous vous
invitons à ne pas vous laisser bercer par les rêves ou les illusions que
certaines institutions pourraient entretenir devant vous. Non, la loi d'accès à l'information
et la Commission d'accès ne font plus l'envie du monde. C'était peut-être le
cas il y a 30 ans, malheureusement ça ne l'est plus.
C'est pourquoi, nous,
ce qu'on demande, dans un premier temps, c'est un leadership de la première
ministre, Pauline Marois, et qu'elle déclare
publiquement sa volonté de rendre l'État plus transparent. Il faut que l'ordre,
la directive vienne d'en haut pour qu'elle se répande dans tous les
ministères et pour qu'on commence à penser réellement à un changement de
culture. Le député Drainville a des très bonnes intentions de réformer la loi,
et on ne doute pas de sa sincérité, mais aux
États-Unis, quand on a voulu insuffler une culture de transparence et de
gouvernement ouvert, c'est Barack Obama lui-même qui a pris les devants
et qui a enjoint, par une directive présidentielle, toutes les agences à se doter d'un portail unique pour transmettre les
données et à rendre ça beaucoup plus simple et clair, que les données publiques devaient être publiques et accessibles à
partir de bases de données qu'on peut exploiter et non pas de fichiers
obscurs, de PDF, ou autres, avec lesquels on ne peut rien faire à l'ère du
Web 2.0.
Ce
changement vers un gouvernement ouvert exige davantage d'une déclaration de la
première ministre. Il nous faut aussi une véritable politique de divulgation
automatique qui sera claire et qui s'appliquera au monde municipal. La dernière fois où on a tenté le coup, le monde
municipal a crié au loup, que c'était impossible pour eux d'avoir ce
fardeau-là. On vous invite encore une fois à
ne pas vous laisser effrayer par les cris d'épouvante que pourra certainement
pousser le monde municipal, puis il faut qu'il
soit inclus dans la divulgation automatique. Vous savez, là, l'appétit, encore
une fois, du public pour la chose
démocratique, la chose municipale se fait très bien sentir cette année, à plus
forte raison avec une élection qui s'en vient en novembre dans toutes
les villes. On se doit de rendre les municipalités plus transparentes, au même
titre que le gouvernement provincial.
On
voudrait également que les documents, dans ce contexte-là, soient identifiés
plus clairement sur les sites Internet des
ministères et des villes, et qu'on retire le pouvoir discrétionnaire qui permet
de diffuser les documents qu'on juge d'intérêt
public. Quand on a fait la politique de divulgation automatique, on a laissé
cette possibilité-là. C'est l'agence ou le ministère qui décide ce qui
est d'intérêt public ou pas. Alors, on a des situations où des ministères tout
entiers jugent qu'ils n'ont aucun document d'intérêt
public. Bref, il faut enlever cette espèce d'outil qui finalement permet
de contourner carrément la politique de divulgation.
Enfin,
comme je le disais, bien, il faut avoir des bases de données qui permettent de
tirer le plein potentiel des données. On a eu des cas où, pour avoir accès à
des données d'une commission scolaire, il fallait acheter un logicielà 2 000 $. Qui va faire ça? Et, une fois
qu'on a installé le logiciel, il n'est pas dit qu'on va être capable d'exploiter
les données d'une façon telle qu'on va en
créer une application ou un graphique interactif sur le site Web qui soit
viable.
En
conclusion, j'aimerais vous rappeler que dans les dernières années, si vous y
pensez, il n'y a à peu près pas une enquête journalistique qui s'est faite au Québec
et même au Canada sans passer, un moment ou l'autre, par la loi d'accès
à l'information. On se souviendra d'un exemple qui semble lointain aujourd'hui,
celui du scandale des commandites. Mais le
scandale des commandites a commencé par une demande d'accès à l'information de
Daniel Leblanc, qui a obtenu trois rapports identiques de Groupaction
payés 600 000 $, et on connaît le reste de l'histoire. Ce besoin, et
cette utilisation, de l'accès à l'information par les journalistes ne va pas
aller en diminuant. D'une part, on a une crise des médias très importante. Dans un contexte où nos revenus publicitaires
diminuent, on cherche à se distinguer des autres, et la valeur ajoutée, la distinction en information
passe maintenant par l'enquête. Et donc, pour faire des enquêtes, il
faudra assurément avoir une loi d'accès à l'information viable et efficace.
Les demandes d'accès
aussi se multiplient parce qu'il y a une culture du secret dans les ministères
et dans les municipalités. On a vu récemment qu'un fonctionnaire à la ville de
Montréal, qui est quand même une grosse ville au Québec, qui a un bilan
généralement positif en accès à l'information, on a vu qu'il y a un
fonctionnaire qui a été suspendu cinq jours
parce qu'il avait parlé, sous le couvert de l'anonymat, à la presse de l'affaiblissement
des mesures de lutte à la collusion. Cette culture du secret empêche les
gens de parler et rend nécessaire l'utilisation de l'accès à l'information pour
arriver à obtenir ce que l'on veut, soit des histoires d'intérêt public.
Voilà. Nous vous
invitons, en conclusion, à ne pas négliger que l'information, une information
réelle, accessible, facilement accessible est
essentielle dans vos réflexions pour accroître la transparence et le lien de
confiance du public à l'égard de l'État. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Marsan) : Alors, je vous remercie,
M. Myles. Et nous allons immédiatement débuter cette période d'échange. Je vais donner la parole au
ministre des Institutions démocratiques et de la Participation
citoyenne. M. le ministre.
M.
Drainville :
Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Je suis bien
content de vous voir. Je me faisais la
réflexion, tout à l'heure, qu'on est suffisamment de journalistes dans cette
salle pour faire un bulletin de nouvelles.
On aurait les caméras, là, je pense qu'on pourrait s'arranger puis on aurait un
pas pire bulletin de nouvelles, M. le
Président, si on se fie sur, comment dire, les historiques des différentes
personnes qui sont autour de cette table.
J'aimerais
y aller tout de suite avec les questions. D'abord, allons-y sur les
municipalités parce que visiblement c'est un irritant majeur pour vous. J'ai plusieurs
questions à vous poser, donc, si c'est possible de donner des réponses
assez courtes. Dans le fond, le principal
problème que vous rencontrez, quand vous faites des demandes d'accès
auprès des municipalités, c'est quoi, et quelle est la solution à ce
problème-là?
M. Myles
(Brian) : Il y a un bout de la
solution qui appartient au ministère des Affaires municipales. Le principal problème, c'est qu'on est obligé de
faire des demandes d'accès pour des documents qui sont publics et qui ne
devraient pas être soumis à la loi d'accès,
exemple le procès-verbal de l'assemblée, l'ordre du jour, les sommairesdécisionnels des comités exécutifs. Dans certaines petites
villes, où le maire règne sans partage, il a pris l'habitude de ne pas partager
l'information. Ça, c'est un problème important.
L'autre,
c'est qu'on n'a pas assujetti les municipalités à la divulgation automatique.
Les municipalités ont dit : Ça va nous
inonder de demandes, ça va être un fardeau trop lourd. On vous dit de les
inclure et de les accompagner avec les
outils et la formation nécessaires pour qu'ils puissent se faire des sites
Internet et rendre cette information-là disponible. Ce n'est pas si
complexe que ça, mais on doit le faire.
M. Craig
(Pierre) : Si vous me permettez, dans
le mémoire de la FPJQ, on lit que...
Le Président (M.
Marsan) : …M. Craig.
M. Craig
(Pierre) : Merci. Oui, sur la
procédure, je ne suis pas habitué, vous me pardonnerez. On lit donc, dans le
mémoire, qu'en Gaspésie un survol fait par nous, par la FPJQ, au début de 2013
montre que 22 municipalités sur 42 ne
placent pas les procès-verbaux — là, on ne parle pas de secret industriel, on parle des
simples procès-verbaux de ces municipalités-là — sur leurs sites Web. Est-ce qu'une municipalité est une
entreprise privée ou est-ce que c'est un
pouvoir public dépensant des fonds publics et devant servir le public? Ça pose
ces questions-là.
Il
y a une municipalité, qui s'appelle Saint-Modeste, qui avance un argument de
poids pour refuser de divulguer
automatiquement certains documents. Elle dit que la divulgation automatique
pourrait donner des munitions à l'opposition
et pourrait permettre des poursuites. C'est un exemple qu'on vous donne. On est
en relation avec le ministère des
Affaires municipales parce que, dans nombre de municipalités du Québec, les
journalistes, on leur interdit de faire leur métier, on leur interdit de
procéder à des enregistrements. On voudrait écouter les enregistrements qu'ils
font pour donner un imprimatur quelconque, ou je ne sais trop. On essaie de
régler ces problèmes-là.
Mais
encore une fois… Et je reviens à ce que Mme Dumont dit. J'ai un immense
respect pour elle. Si on a une commission Charbonneau, c'est en partie, je dis
bien «en partie», à cause de gens comme elle. Elle a dit : La loi
devrait être réécrite complètement. C'est
vraiment une question de culture. Le Québec, là... Moi, vous savez, je suis
moins savant que Claude, et Brian, et
Mme Dumont, parce que je débarque, là, comme vice-président depuis
quelques mois seulement, je ne suis
absolument pas savant en matière d'accès à l'information. Mais, quand j'ai lu
ces affaires-là, la colère m'a monté, vous
ne pouvez pas imaginer à quel point. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point
je me retiens actuellement, parce que c'est
un lieu quand même assez… hein, ça impose une certaine, comment dire,
tranquillité ici. Mais je suis en colère, en colère profonde, M. le député, parce que, quand ils m'ont appris qu'Hydro-Québec
avait dépensé des fonds publics pour nier
le droit du public à l'information, que le Barreau d'ailleurs supportait cette
cause-là, vous ne pouvez pas imaginer la colère dans laquelle... Et j'espère
que vous étiez en colère aussi.
Parce que finalement
la question que je me pose, et je ne prendrai pas trop de temps… Est-ce que
vous, les représentants du peuple, l'État et
l'Administration, et nous, le public et les journalistes, sommes en guerre, une
guerre dont l'enjeu, c'est l'information, ou est-ce qu'on veut la même chose?
Moi, je pense qu'on peut parler des détails, et c'est important, mais je pense qu'il y a des questions fondamentales à
aborder. On est-u en guerre, l'État, l'Administration, le gouvernement et nous, ou est-ce qu'on veut la
même chose, c'est-à-dire que le public reçoive l'information, toute l'information?
• (16 h 30) •
M.
Drainville : Je vous assure qu'on n'est
pas en guerre...
M. Craig
(Pierre) : J'espère, mais ce n'est
pas l'impression que j'ai.
M.
Drainville : …et je dois vous dire
que notre intention, c'est d'aller vers beaucoup plus de transparence et beaucoup plus d'accès à l'information. C'est ça,
notre intention, et on va aller aussi loin qu'on peut aller. Évidemment,
il va falloir travailler avec les autres
partis qui sont autour de cette table, mais notre intention, c'est d'aller le
plus possible vers une refonte de la
loi, une réforme de la loi, parce qu'effectivement on a l'impression, par
moments, qu'elle sert davantage à bloquer l'accès qu'à nous donner l'accès.
Je
veux revenir sur votre mémoire et sur les propositions que vous faites. Vous
dites : Il faut mettre en place un
système de données ouvertes qui seraient versées sur un portail qui
regrouperait l'ensemble de ces données-là. Et vous recommandez également que
ces données-là soient obligatoirement des données brutes et non des données
préalablement traitées. Alors, données ouvertes sur un seul portail, est-ce que
ça existe ailleurs? Et, deuxièmement, quand
vous dites «données brutes», est-ce que ça ne pose pas la question de la
vulgarisation puis de l'organisation de ces données-là? Parce que j'entends,
moi aussi, les organismes qui favorisent l'accès et qui nous disent :
Donnez-nous les données brutes, puis nous
autres, on va les travailler puis on va pouvoir arriver à des résultats. On ne
veut pas être pris avec des PDF, là, on ne veut pas être pris avec de la
matière déjà... Mais, si on part avec des données brutes, est-ce qu'on ne risque pas de se faire reprocher que c'est
un magma de données, justement, qui est incompréhensible pour le commun
des citoyens?
M. Myles (Brian) : Bien, ça sera le rôle des
journalistes, à ce moment-là, de traiter, prioriser, hiérarchiser le réel et de lui donner un sens. Ce que l'on demande, c'est
de changer le paradigme. En ce moment, on n'y a pas accès, à ces données brutes
là, et ça freine notre travail et ça ne permet pas de tirer le plein potentiel
du Web 2.0. Alors, dans un premier temps, il faut réfléchir à comment on
va le faire. Et l'heure où il faut se questionner sur est-ce qu'on le fait, oui ou non, à mon avis, est passée. Il faut
dire : Oui, on embarque dans le jeu de la modernité et on trouve les
solutions pour le
faire. Et vous allez trouver quantité d'experts, à ce moment-là, qui pourront
vous éclairer sur le comment. Moi, je ne
crains pas la masse d'informations. Vous savez, récemment les journalistes du
consortium d'enquête à travers le monde ont eu 12 millions de
documents qui ont permis d'exposer la fraude fiscale et l'utilisation des
paradis à l'échelle planétaire. On ne devrait pas avoir peur de la divulgation
parce qu'il y a une masse de documents qui nous attendent.
Pour ce qui est du portail, que ça soit un
portail unique ou un portail pour chacun des ministères, on n'a pas une préférence. Je vous
dirais que c'est peut-être même plus pratique de le faire par ministère, à
condition que ce soit bien identifié. En ce moment, avec la divulgation
automatique, on a fait l'exercice, c'est un fouillis incompréhensible sur
certains sites. Il n'y a pas un onglet «données», ou «gouvernement ouvert», ou
«divulgation automatique» identifié nommément qui nous permet de s'y retrouver
rapidement.
M. Drainville : Autre sujet que vous abordez, vous
dites qu'il faut inclure la participation des citoyens dans la mise en place du
gouvernement ouvert, notamment en utilisant les réseaux sociaux et la
collaboration avec la société civile pour
concevoir et améliorer le système de gouvernement ouvert. Pouvez-vous nous
préciser un peu ce que vous voulez dire quand vous parlez d'utiliser les
réseaux sociaux et la collaboration avec la société civile?
M. Myles (Brian) : C'est une façon pour nous d'inclure,
cette société-là, les développeurs, les créateurs de demain qui ont déjà
réfléchi. Je pense aux gens de Québec ouvert, qui ont fait un travail
considérable pour avancer, lesprogrammeurs.
C'est des gens qui ont une expertise puis une réflexion beaucoup plus avancée
que la nôtre sur le comment. Nous, on agit sur le principe. Le principe,
c'est que les données publiques devraient l'être et qu'un gouvernement
transparent ne devrait pas craindre la diffusion de l'information. Il nous
apparaît essentiel de s'adjoindre du plein potentiel
de la société civile, qui a des idées à faire valoir. Vous pouvez trouver des
pistes de solution intéressantes dans le rapport de M. le député Gautrin, qui a fait, honnêtement, un
travail remarquable. Le rapport Gautrin sur le Web 2.0, le gouvernement ouvert donne d'excellentes pistes de
réflexion pour poursuivre vers le gouvernement ouvert. Et je vous dirais que l'esprit de cohabitation et de
coalition qui préside à un gouvernement minoritaire rend l'exercice de
consulter Gautrin encore plus intéressant. On a appuyé à peu près tout ce qu'il
y avait dans son rapport, nous, à la FPJQ.
M.
Drainville : Mais je suis d'accord
avec vous qu'il y a beaucoup, beaucoup de bonnes choses dans ce rapport-là, M.
Myles.
Juste avant de quitter le thème, là, des
données ouvertes, vous savez qu'il existe actuellement un portaildonnes.gouv.qc.ca? Je ne sais pas si vous l'avez
déjà consulté, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M.
Robillard (Claude) : Bien, écoutez,
on sait qu'il existe, là...
Le
Président (M. Marsan) : Alors, M.
Robillard.
M. Robillard (Claude) : Merci. Oui, on sait qu'il existe,
évidemment, on l'a consulté, mais ce que... Disons, notre expertise, notre
compétence là-dessus vient surtout des gens qui font du «data journalism» puis
que vous allez peut-être entendre
bientôt, là, comme Jean-Hugues Roy. Et, dans le fond, on n'a pas une évaluation
du portail comme tel, mais ce que nous disent ces gens-là, c'est que c'est
un début. Ce n'est pas le bout du chemin du tout, puis tout ça. Donc, c'est vraiment à encourager, c'est à
développer, c'est à consolider, puis tout ça, mais les spécialistes du «data
journalism» nous disent : Ce n'est pas le bout.
Et,
dans la question que vous posiez, justement, sur la collaboration avec les
gens, avec la société, il y a eu hackethon,
qui a essayé de créer des logiciels, des applications qui permettraient de
déjouer la corruption, c'est-à-dire d'identifier
plus facilement là où les problèmes se posent, etc., et là ils se sont frappés
au fait que des fois, par le format des
données, etc., c'était très difficile pour eux autres. Ils ont été obligés de
traduire, un peu comme ce que disait tantôt Mme Dumont, dans d'autres logiciels pour réussir à combiner avec,
par exemple, le système électronique d'appel d'offres, de combiner ce qui est là avec d'autre chose.
Donc, en ce moment, il y a encore du travail à faire pour que cette
utilisation-là soit plus simple pour les gens qui connaissent ça, le commun des
mortels ne le fera pas, là, mais... Donc, c'est
ça, c'est un début, et il faut l'ouvrir de manière à ce qu'il soit utilisable
pour des croisements comme ce dont je parle.
M. Drainville : L'une de vos recommandations, c'est
de remplacer le concept d'information de valeur par celui qui présente un intérêt pour l'information du
public... Ou c'est l'inverse plutôt, excusez-moi. Vous voulez remplacer le
concept qui présente un intérêt pour l'information du public par le concept d'information
de valeur. Qu'est-ce que ça changerait, ça?
M. Myles (Brian) : Bien, ça changerait l'espèce de
caricature qu'on a eue de divulgation automatique avec certains ministères.
Écoutez, ça fait quoi, déjà, deux ans, la divulgation automatique, qu'on trouve
des ministères qui… trois ans qu'on trouve des ministères qui jugent qu'ils
n'ont aucune information d'intérêt public à divulguer, c'est la preuve qu'on n'a pas réfléchi sérieusement et qu'on
ne veut pas en divulguer, de l'information. Donc, ce critère d'intérêt
public devient comme un outil de censure, comme je le disais précédemment. L'information
de valeur, ça oblige à un questionnement
plus profond sur : Est-ce que l'information que je détiens dans mon
ministère, est-ce que l'étude dont je suis en possession pourrait avoir un intérêt pour un citoyen? L'amène-t-elle
à prendre une décision éclairée, à mieux comprendre comment les
décisions et les fonds publics... comment les décisions sont prises, et les
fonds publics, dépensés en son nom? Alors, c'est
ce principe plus général d'intérêt public qu'on veut... On veut l'élargir pour
éviter que ça soit strictement soumis au bon vouloir et à l'opinion qu'un
gestionnaire peut s'en faire.
Le Président (M. Marsan) : Oui, M. Robillard.
M.
Robillard (Claude) : C'est ça, c'est
que nous, on a été très troublés par le fait qu'il y a le même critère d'intérêt public pour les demandes d'accès à l'information.
Celles qui sont jugées d'intérêt pour l'information du public doivent être divulguées sur les sites. Mais nous,
on a fait nous-mêmes des demandes d'accès à l'information et on ne les trouve pas sur les sites. Comme par exemple,
récemment je regardais sur le site de la Commission d'accès à l'information.
C'est marqué : Nous n'avons aucune
demande d'accès qui est d'intérêt public. Mais, la demande que nous avons
faite sur son étude, son rapport d'inspection,
sa divulgation, pour moi, c'était d'intérêt public, c'est d'intérêt public.
Elle n'est pas là. Bizarre. Nos
demandes qu'on a faites au Conseil exécutif pour avoir leur propre rapport sur
la divulgation automatique ne sont
toujours pas, un an après, sur le site du Conseil exécutif. Alors là, on est en
train ici, tous ensemble, d'examiner l'accès à l'information puis la
divulgation automatique. Le Conseil exécutif a deux rapports là-dessus, de l'ENAP et de Paul-André Comeau.
Aucun des deux ne se trouve sur leur site. Bien, si ce n'est pas d'intérêt
public, c'est quoi, tu sais? Donc, aussitôt
qu'on connaît un petit peu les documents qui existent, on voit que... ou,
dans ce cas-ci, les demandes d'information
qui ont été faites, on s'aperçoit qu'ils ne sont pas sur les sites. Bien, à ce
moment-là, c'est parce qu'il y a une échappatoire qui leur permet de ne
pas mettre ça sur les sites, et l'échappatoire, c'est «jugé d'intérêt public».
Et récemment — je
conclus là-dessus — quand la Commission d'accès à l'information a fait son rapport d'inspection,
à l'été dernier, sur la divulgation automatique, quand elle a signalé à
certains organismes publics : Comment ça
se fait qu'il n'y a aucune demande d'accès à l'information sur votre site?, ils
ont répondu : Il n'y en a aucune qui est d'intérêt public. O.K., dans ce
cas-là, si vous le dites, c'est vrai. Donc, ça, le citoyen ne peut pas savoir, lui, ce qu'il y a, sauf s'il a fait
une demande. Mais nous, ayant fait des demandes, on s'aperçoit que ce
critère-là sert d'échappatoire pour...
•
(16 h 40) •
Le
Président (M. Marsan) : Oui, M.
Craig, vous voulez faire une courte intervention?
M. Craig (Pierre) : Oui. Bien non, je vous le répète, on
demande à la Commission d'accès à l'information
du Québec, dont la mission — je fouillais ça ce matin sur leur site — est de promouvoir l'accès à l'information — puis, quand vous
regardez la définition du verbe «promouvoir», ça veut dire «favoriser l'essor,
le succès de» — on lui demande une étude qu'elle
a réalisée sur la divulgation automatique, et la vice-présidente de la Commission
d'accès àl'information — je
ne parle pas de la commission du non-accès à l'information, là — la
vice-présidente de la Commission d'accès à l'information nous dit : Faites une
demande d'accès à l'information. Le bureau du premier ministre, à qui on
demande des études, une de Paul-André
Comeau, l'autre de l'ENAP sur le même sujet, nous dit : Faites des
demandes d'accès à l'information.
17 % — ça, ça vient de l'étude de l'ENAP — 17 %
des organismes mettent en ligne les documents des demandes d'accès satisfaites. La divulgation
automatique leur demandait de le faire. 17 %, ce n'est pas un sur
cinq. 86 % des responsables affirment qu'aucun des documents transmis
suite à une demande d'accès ne représente un intérêt pour le public. J'aimerais
beaucoup voir la définition de ce qu'est l'intérêt pour le public de ces
gens-là. On aurait beaucoup de plaisir à
discuter. Je termine là-dessus, M. le Président, et ça va un petit peu dans le
sens de ce que je viens de dire, la moitié ont des critères pour identifier
ce qui est d'intérêt pour le public. Je m'excuse, hein, encore une fois, j'ai
mon indignation à vous offrir, eux ont les renseignements, alors on va vivre
comme ça, bicéphalement.
Le
Président (M. Marsan) : Alors, M. le
ministre.
M. Drainville : Oui, je veux juste dire, là, les deux
documents dont vous parlez, là, qui faisaient l'évaluation de la politique de
divulgation, là, politique de diffusion, sont sur le site du secrétariat. On s'en
est assurés depuis la semaine dernière.
Quand on est arrivés, ils n'y étaient pas, mais là on s'est assurés qu'ils y
soient. Alors, c'est fait. Vous pourrez les consulter.
Et
je pense, M. le Président, que le député de Saint-Maurice aurait une
question.
Le
Président (M. Marsan) : M. le député
de Saint-Maurice, la parole est à vous.
M.
Trudel : Oui. Merci beaucoup, M. le
Président. Il y a un mot que j'entends beaucoup, depuis le début de votre présentation, le terme «culture». Moi, je
suis du comté de Saint-Maurice. La ville principale, c'est Shawinigan.
Puis chez nous, depuis une vingtaine d'années où je fais de la politique, j'ai
entendu parler beaucoup de mots comme «commandites»
mais aussi «Ressources humaines», «Shawinigate». Et puis depuis un certain
temps on a entendu parler beaucoup ici,
à Québec, de garderies, rapport Duchesneau, commission Charbonneau, et ainsi de
suite. Moi, c'est une question fondamentale que je désire vous poser. On
réclame aujourd'hui des modifications à la loi, mais la question fondamentale que je me pose, que je vous pose, c'est
que, malgré toutes les lois qu'on peut avoir, n'est-ce pas plutôt une question de comportements, d'individus, de choix
personnels? Et c'est en ça que je touche plus, là, votre terme de
«culture», culture organisationnelle, ainsi de suite. Est-ce que juste changer
des lois ne vient pas comme masquer une partie de la réalité? Est-ce que ça
garantit l'accès du public à l'information, nécessairement?
M.
Myles (Brian) : Moi, je veux être
très clair là-dessus, là, la loi est obsolète. La Commission d'accès, dans l'interprétation de la loi, a évolué vers une
protection exacerbée des renseignements personnels et de la vie privée, à
un point tel qu'on a assimilé à des renseignements personnels l'expression d'opinion
par un titulaire de charge publique. On a de la difficulté à avoir des rapports d'inspection.
C'est impossible de savoir quel propriétaire a été condamné pour
insalubrité de ses logements. Bref, c'est très difficile, en ce moment, de
travailler vers la recherche d'intérêt public avec cette loi-là, et c'est pour
ça qu'il faut un sérieux coup de barre.
Notre
recommandation qui est la plus importante dans le mémoire, c'est la 17. On veut
que le Commission de l'accès à l'information soit transformée, qu'elle agisse davantage comme
la Commission des droits de la personne le fait, qu'elle prenne fait et cause pour le demandeur d'accès à l'information,
pour casser cette culture-là. Et, sur la question précise de savoir si c'est
des comportements individuels, on se l'est posée, la question. Et on se fait
dire parfois cet argument-là par des parlementaires et par même des
fonctionnaires. Si c'était des problèmes individuels, on ne les verrait pas
apparaître aussi souvent, dans autant de ministères, avec autant de personnes,
avec autant de roulement de personnel et
roulement de journalistes. Les visages changent, les années passent, les
gouvernements se succèdent, mais le problème
de fond demeure. Alors, par conséquent, je ne peux pas accepter l'idée que ça
soit juste un problème d'individus. Il y a une culture où, dès que l'information
a un potentiel néfaste, qu'elle peut être dommageable, on a un réflexe de
prudence et de rétention, et non pas un réflexe d'ouverture et de divulgation.
Le Président (M.
Marsan) : Je vous remercie. En terminant,
M. Craig, une dernière intervention.
M.
Craig (Pierre) :
Oui, si je peux, rapidement, la réponse à votre question, M. le député, c'est
non. Une loi, ce n'est pas suffisant du tout, du tout. Le député de Fabre tout à l'heure
disait : L'Assemblée nationale pourrait faire quelque chose. Une de nos recommandations, c'est que la
première ministre du Québec prenne le leadership de cette affaire-là. Je
pense qu'il faut aller plus loin que ça
encore. Il faut que l'Assemblée nationale prenne le leadership, il faut qu'il y
ait — je présume que vous
pensiez à ça — qu'il y ait une résolution
unanime de l'Assemblée nationale. La CAQ disait dans les journaux ce matin : Nous autres, on veut que le refus de
fournir des documents soit l'exception. Moi, je pense qu'au plus haut niveau de l'État et surtout de vous, les
représentants du peuple, il faut que ça soit dit clairement que ça
suffit. Tu sais, ce n'est pas un complot,
là. Ils ne sont pas méchants, les fonctionnaires qui nous disent non, il n'y a
pas de méchanceté là-dedans. L'impression que j'ai, c'est qu'ils
aimeraient ça nous les donner, mais ils ont peur. Comme on dit en bon Québécois, ils ont la chienne. Il faut donc aller
au-delà de ça, leur dire : Nous voulons que ce soit fait. Pas faire
comme la ville de Montréal, qui a suspendu
pendant cinq jours — très bon message, ça va marcher
100 %, cette affaire-là — qui a suspendu pendant cinq jours un fonctionnaire
courageux, qui devrait avoir une médaille de l'Assemblée nationale, parce que
lui, il a eu le courage de dénoncer quelque chose qui ne marchait pas.
Le
Président (M. Marsan) : Alors, merci, M. Craig. Ceci termine le premier échange, avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec l'opposition
officielle. Et je vais donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis :
Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je m'excuse que j'étais en retard
parce que je siégeais à une autre commission
parlementaire. Alors, excusez-moi. Il y a beaucoup de questions, donc, très
vite… Ce n'est pas dans votre mémoire comme
tel ni dans le rapport quinquennal de la Commission d'accès dont cette
commission est chargée de faire l'étude,
mais j'aimerais vous demander si vous avez des commentaires, si vous avez des
observations à partager avec nous sur le système
mis en place dans d'autres juridictions, aux États-Unis par exemple, où on a
introduit la notion d'«expedited process», un système qui fait en sorte que les
demandes d'accès présentées par des journalistes sont traitées en priorité. Comment verriez-vous cela? Est-ce que ça
serait une façon de réduire les délais dans le traitement d'une demande
et la divulgation d'information? Est-ce que ça serait une façon d'incarner la
notion d'intérêt public, qui est soulevée à plusieurs reprises dans votre mémoire?
Le Président (M.
Marsan) : M. Myles.
M. Myles
(Brian) : On ne demande pas un
traitement préférentiel, et ça ne réglerait pas le problème de fond. Le problème de fond, ce n'est pas qu'il y a trop
de demandes puis que les gestionnaires n'ont pas le temps, c'est que la
mécanique est plus complexe. On multiplie les exceptions, en retient les
documents et on rend la chose plus proche d'un tribunal de droit commun.
Je vais vous donner un
exemple. Daniel Tremblay, pour ne pas le nommer — tout le monde le connaît sous le pseudonyme de DT, en
accès à l'information — avait
demandé des renseignements sur les orphelins de Duplessis. À l'origine, on lui a signifié qu'il devrait y en
avoir pour deux semaines d'audience. Alors, d'être journaliste ou pas ne
change rien à ces délais-là. Les délais sont dus au fait que l'on multiplie les
entraves à la divulgation, et c'est pour ça qu'on
demande à ce que le rôle de la commission se transforme et que déjà, dès le
départ, ils agissent comme une espèce de...
comme la Commission des droits le fait, ex parte, s'il le faut, et, quand un
document est refusé, qu'ils aillent tout de suite s'enquérir auprès de l'organisme,
dire : Pourquoi vous avez refusé et à quel but? Est-ce que c'était
justifié, oui ou non?, pour être capable d'avoir
une décision rapide. Parce qu'en ce moment, c'est absurde, on peut avoir des
journalistes qui sont pendant une semaine de temps dans un tribunal, dans le
couloir, à attendre pendant qu'on plaide leur cause, parce que c'est trop sensible. Le simple fait de plaider des arguments
va révéler des informations sur le document que le journaliste
recherche, alors on fait la chose à huis clos, en son absence. On veut une
transformation du rôle de la commission pour
qu'elle ait plus de dents, plus de mordant et un souci pro-information. Et, que
ce soit pour les journalistes ou pour le public, à notre avis, c'est du
pareil au même.
M. Craig
(Pierre) : Juste un petit complément,
M. le Président, si vous permettez…
Le Président (M. Marsan) : Oui, M. Craig.
M.
Craig (Pierre) : …on veut que la
commission entende rapidement, effectivement, les arguments, mais on veut aussi
qu'en cas de refus de l'organisme la commission prenne fait et cause pour le
demandeur. Si la commission dit à l'organisme :
Vous devriez donner le document, et que l'organisme continue à refuser, ce qu'on
demanderait, c'est que les procureurs
de la commission deviennent les procureurs du demandeur, soient ses avocats,
bref que la commission joue son vrai rôle de chien de garde du droit du
public à l'information.
Le
Président (M. Marsan) : Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Dans votre mémoire, vous faites état
des délais indus, d'importants retards dans l'examen des refus de
divulgation des documents suite à des demandes d'accès. Vous recommandez que
les fonctions de la commission soient scindées en deux, comme le modèle
qu'on retrouve en matière de droits de la personne, qu'il y ait une section qui
mène des enquêtes et une section qui ait une fonction de tribunal.
Que
pensez-vous du modèle qui existe dans d'autres provinces, par exemple en
Alberta, où le Commissariat à l'information mène d'abord une enquête quand il y
a une plainte parce qu'un organisme a refusé de divulguer un document? Durant cette enquête, on offre un
processus de médiation entre l'auteur de la demande d'accès et l'organisme
qui l'a traitée. Et par la suite, si les
parties n'arrivent pas à une entente ou à s'entendre, l'affaire est soumise au
commissaire, qui rend une ordonnance. Est-ce que ce modèle, ce serait un modèle
qui vous plairait?
•
(16 h 50) •
Le
Président (M. Marsan) : M. Myles.
M.
Myles (Brian) : Je vous réponds à
chaud, parce que je n'ai pas étudié les fins détails du modèle, mais ça ressemble un peu à ce qu'on propose et ce que la
Commission des droits fait dans le domaine des droits de la personne. Et
ce qu'on veut, dans le fond, on partage
cette préoccupation-là, c'est d'accélérer... À partir du moment où un
organisme refuse, on veut court-circuiter l'inaction,
accélérer la procédure par laquelle on va forcer la divulgation ultimement et
que les demandes qui se rendent sur le fond
à la Commission d'accès, avec un débat, soient réservées à des véritables enjeux qui posent problème, ne serait-ce que pour
préserver une enquête de police, des droits fondamentaux, mais qu'on
soit en mesure de circonscrire au strict minimum les causes difficiles et
complexes devant la commission d'accès.
Alors, la réponse, oui, sous réserve de l'étudier davantage, ce modèle-là, ça
pourrait être une très belle option.
Il y a une chose que je voudrais dire
aussi — ou à moins que tu veuilles le préciser — sur
la séparation. On ne voit pas d'un bon oeil la
séparation du renseignement personnel et de l'accès à l'information. On a
décidé, il y a 30 ans, de jumeler les deux. On est d'accord avec ça. Nous,
ce qu'on craint, c'est que, si on sépare comme le fait le modèle fédéral, on va avoir deux organismes qui se
disputent l'un et l'autre, un qui voudrait plaider pour l'information, l'autre,
pour les renseignements personnels, et au final on ne sera pas mieux servis du
point de vue journalistique.
Le
Président (M. Marsan) : Oui, M.
Robillard.
M.
Robillard (Claude) : Oui, bien, ce
que je voulais ajouter, c'est que dans notre proposition c'est vraiment d'essayer de rétablir aussi l'équilibre des
forces. Parce qu'en ce moment, quand on voit des organismes publics
arriver avec un gros bureau d'avocats contre
un pauvre plaideur en révision, la disproportion des forces est trop
considérable. Avec notre proposition,
c'est que la Commission d'accès devient un militant pour l'accès. C'est un
organisme qui défend l'accès, qui promeut
l'accès, qui fait en sorte que ça existe. Et, quand la commission dirait :
Ce document-là est public, si l'organisme refuse, c'est la commission
qui met ses propres procureurs en opposition aux procureurs de l'autre, de l'organisme
public, et donc, à ce moment-là, l'organisme
public sait qu'il va avoir affaire à forte partie, et ce n'est plus le
demandeur qui a sur ses épaules le fardeau d'engager des avocats, ce qu'il ne
peut pas faire, etc.
Le
Président (M. Marsan) : Merci.
Madame...
Mme
de Santis : Combien de temps il
reste, s'il vous plaît?
Le
Président (M. Marsan) : Une dizaine
de minutes. Allez-y, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis : Merci. Dans votre
mémoire, vous abordez ce que vous appelez la politisation du rôle, des fonctions du responsable de l'accès au sein de l'organisme
public, peu importe que ce soit au niveau de la province ou une municipalité assujettie à la Loi sur l'accès.
C'est pour le moins ironique, car, quand la législation a été
développée, c'était justement pour marquer l'importance de l'accès comme outil
pour favoriser l'imputabilité et la transparence que le législateur avait décidé de confier cette responsabilité au premier
dirigeant de chaque organisme public assujetti à la loi. Si on comprend bien les commentaires et
recommandations à ce sujet dans votre mémoire, il faudrait que le
responsable de l'accès ne relève pas de l'organisme
où il gère l'accès. Le responsable relèverait fonctionnellement de l'organisme
dont il est le responsable de l'accès mais hiérarchiquement du ministère du
Conseil exécutif responsable des dossiers des institutions démocratiques et la
participation des citoyens. Vous aimeriez voir que soient séparés, que soient
distincts ces liens hiérarchiques et fonctionnels. Est-ce que c'est ça?
M. Myles (Brian) : C'est exact. On voudrait être en
mesure d'éviter que le gestionnaire d'accès, le
responsable soit soumis à un risque de
politisation et que les demandes sensibles remontent tout de suite au cabinet,
au ministère et soient bloquées. Cette solution-là nous apparaît être
une bonne façon, mais on est ouverts à toute réflexion, le but étant de donner un peu une zone de confort à la
personne qui prend la décision pour qu'elle puisse la prendre à la face
même du document et de la loi qu'elle a à interpréter, et non pas des qu'en-dira-t-on
et du potentiel de dommage qui pourrait être
causé par la divulgation de l'information. Parce que la réalité, c'est ça. C'est
que, dès que l'information est sensible, c'est là que ça bloque dans la
machine.
Mme
de Santis : Merci.
Le
Président (M. Marsan) : Mme la
députée... M. le député de Fabre.
M.
Ouimet (Fabre) : Bien, je vais céder
la parole, mais j'aimerais avoir une petite minute à la fin.
Le
Président (M. Marsan) : Alors, Mme la
députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci beaucoup. Alors, bienvenue à
cette commission parlementaire. C'est un plaisir de vous voir. Vous avez parlé évidemment de transparence, de
politique de divulgation automatique. Vous avez parlé d'une déclaration claire de la première ministre en
faveur d'un plus grand accès à l'information. Mais, de votre côté, la
Fédération professionnelle des journalistes,
quel est le message que vous envoyez à vos membres, c'est-à-dire en termes
d'éthique, en termes de jugement, en termes
de présentation de l'information? L'information, lorsque vous la recevez, elle
doit être traitée, et il y a des
réputations qui peuvent être considérablement amochées. Alors, je me
demande : Est-ce que de votre côté, si c'est, pour vous...
Évidemment, c'est, pour vous, très, très important, ce que vous demandez à la
commission, ce que vous demandez au ministre,
au gouvernement, mais en même temps, de votre côté, est-ce que vous avez des engagements à prendre, par rapport à la manière,
la façon dont l'information peut être traitée? Parce que je sais que les médias, vous le savez, les médias sont en
compétition les uns envers les autres. Il y a des médias qui peuvent
aller très rapidement avec une information, sans aller vérifier si tout ça est
exact ou pas, et il y en a d'autres qui vont
prendre plus de temps. Il y a des médias qui ont beaucoup d'argent, il y en a
qui n'en ont pas. Il y a des petits
journalistes, dans des régions, qui peuvent être victimes d'une demande d'accès
à l'information. Alors, il y a quand
même des choses, là, de votre côté, sur lesquelles vous devriez... En fait,
est-ce que vous avez réfléchi sur
certaines choses? Je comprends que M. Craig est en colère, mais il peut y
avoir des gens qui sont en colère aussi.
M.
Craig (Pierre) : Oui, mais on… je
peux la calmer, je peux la calmer.
Le
Président (M. Marsan) : Allez-y, M.
Craig.
M. Craig (Pierre) : Mais, vous savez, Mme St-Pierre,
Saint-Juste disait : Je suis totalement contre ce que vous dites, mais je me battrai pour vous permettre d'exprimer
votre opinion. Oui, transmettre l'information au public ou aux journalistes, ça peut faire mal à des gens, ça
peut faire mal à des politiciens, ça peut faire mal au gouvernement,
mais ce n'est pas une raison pour ne pas la
transmettre. La raison est simple : elle ne vous appartient pas, elle ne
nous appartient pas, elle appartient au public. L'information...
Mme
St-Pierre : Non, mais comprenez-moi
bien, là, ce n'est pas ça que j'ai voulu dire.
M.
Craig (Pierre) : Non, non, je vais
juste finir en deux secondes. L'information appartient au public. Il est
possible que des journalistes fassent mal leur boulot puis fassent des coches
mal taillées. Il y a des instances où ces choses-là
se règlent, mais... Il est possible, oui. Mais est-ce qu'on va dire : On
transmet l'information, oui, mais… ou on dit : On transmet l'information?
Mme St-Pierre : Sur les délais, qu'est-ce qui serait,
pour vous, raisonnable? Je vous comprends, sur les délais, parce que j'ai eu une expérience récemment, une
déclaration qui a été faite en commission parlementaire concernant le ministère dont j'ai eu la responsabilité. J'ai
demandé à l'attaché de presse l'information. On m'a répondu : Faites
une demande d'accès à l'information. Alors, j'avais 30 jours. L'information
venait de sortir.
M.
Craig (Pierre) : Il vous a prise pour
une journaliste.
Mme St-Pierre : Alors, voilà. J'ai été moi-même assez
abasourdie de la réponse. Et qu'est-ce qui serait, pour vous, acceptable? Parce que peut-être qu'il faut le
chercher, le document, puis, si ça fait des années que c'est perdu, c'est dans les archives, ça peut prendre du temps. Est-ce
que vous dites : Il y a des choses qui devraient être immédiatement diffusées, aussitôt que l'information
est prête, et qu'on n'ait pas à faire de demande d'accès à l'information,
ou vous faites une demande d'accès à l'information? Comment vous voulez que ça
soit géré, ça?
M.
Myles (Brian) : On a regardé un peu
du côté fédéral, où on est un petit peu plus proactif, en première instance,
pour favoriser la divulgation de l'information, et on constate que là-bas les
délais de traitement, ultimement, là, c'est de deux à six mois, et c'est réglé, et 97 % des dossiers se
règlent sans qu'il soit nécessaire de faire une audience au fond. Ça, ça peut être une belle façon
de l'envisager. Transformer le rôle de la Commission d'accès, c'est permettre de réduire les délais. Je n'ai pas un
chiffre en tête, je ne vous dirai pas 30 jours, 60 jours, mais je
vous dirai : Les réduire au strict
minimum, couper court aux arguties judiciaires, à la procédurite, aux
exceptions déclinatoires, privilégier l'intérêt
public au détriment de la protection des renseignements confidentiels, qui
parfois n'en sont pas vraiment, c'est là qu'on veut agir. Écoutez, le cas d'Hydro-Québec a pris quatre ans. Qu'est-ce
que le recherchiste de La Presse aurait trouvé, dans ces
documents-là, qui était pertinent il y a quatre ans, on l'ignore, mais ça n'obéit
pas à un principe de saine gouvernance, ni pour un gouvernement ni pour les journalistes, d'attendre aussi
longtemps des informations qui sont pourtant publiques.
Le
Président (M. Marsan) : M. le député
de Fabre.
•
(17 heures) •
M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Vous
permettrez... Merci pour vos observations, là. Je vais aller à l'essentiel et je ne peux pas m'empêcher de ne pas
faire suite aux propos de M. Craig sur le dossier... En fait,
M. Myles aussi a parlé du dossier Hydro-Québec et de l'intervention du
Barreau. Moi, je suis fier du rôle joué par le Barreau, la protection du public, mais je ne suis pas d'accord avec tout
ce que fait le Barreau. Et je n'étais plus bâtonnier au moment où le Barreau a pris cette position-là. J'ai
tout de même un devoir de réserve et je ne ferai pas de commentaire sur
cette position-là. Ceci dit, je pense que c'est une excellente décision de la
Cour du Québec.
Un dernier point, avant de vous donner l'occasion
de répondre, vous avez tantôt fait référence à mes propos au niveau des valeurs,
et je pense qu'effectivement vous avez interpelé la première ministre. Pour ma
part, je pense que c'est le devoir de
tous les députés, et ce message-là doit être porté par l'Assemblée nationale.
Je réfère continuellement au code de déontologie
et aux valeurs que nous avons adoptés en 2010, et, pour moi, ça doit partir de
là. L'obligation de rechercher la vérité,
c'est une obligation à laquelle... qui s'applique à tous les députés, dans
toutes les facettes de notre rôle, députés, qu'on soit ministre ou pas. Et ça, je pense que, si on partait de là, ce
serait... Parce qu'au-delà de la loi… Malheureusement, là, ce n'est pas quand on écrit dans une loi… On va
toujours trouver une façon de... les gens vont soulever des arguments
contre ou invoquer des exceptions. Alors, il
faut bien rédiger les lois, je le dis tout le temps, simples, claires,
efficaces, mais il faut aller au-delà
de ça, et, pour moi, c'est une question de mentalité et ça doit partir de l'Assemblée
nationale. Voilà.
M. Myles (Brian) : Bien, on dit qu'il y a un problème
culturel, et, pour nous, la solution, c'est une solution totale, c'est l'appel
du pied de la première ministre, c'est aussi une loi la plus simple possible, c'est
des sanctions également, pour les fautifs qui vont faire de la rétention d'information,
et c'est de revenir à la base. L'information est un bien public, et la
Loi d'accès n'est pas là simplement pour les
journalistes, elle est là pour les citoyens également. Alors, à mon avis, il nefaut pas se soucier que l'information puisse
être dommageable ou non pour d'éventuelles réputations. Il faut se
préoccuper de savoir si... Est-elle
publique, oui ou non? Doit-elle être divulguée au nom de l'intérêt public? Le
cas des firmes de génie-conseil qui
obtiennent des renseignements que l'on refuse à des journalistes, ce n'est
quand même pas banal, et on voit à quel point il était utile et pertinent d'obtenir ces informations-là, en ce moment.
Alors, pendant des années la commission a été un peu molle dans les sanctions, pour ne pas dire tout à
fait inefficace, et elle s'est laissé gagner par les arguments de protection du renseignement personnel et de la
vie privée. Moi, je vous invite à donner un sérieux coup de barre et
ramener ça vers la divulgation au nom de l'intérêt public et du nécessaire lien
de confiance entre la population et la classe politique.
M.
Craig (Pierre) : Dans le fond, si
vous permettez, M. le Président…
Le
Président (M. Marsan) : Oui, M.
Craig, en terminant.
M. Craig (Pierre) : …il ne s'agit pas d'inventer la roue.
Je regardais la loi d'accès à l'information ce matin. C'est une belle loi qui
date de 1982. L'article 9, qui est, dans le fond, l'article
fondateur — en télévision, on appelle ça l'idée
maîtresse, Mme St-Pierre, vous vous en rappelez, M. Drainville aussi — ça dit — et c'est vraiment le
premier article après les définitions :
«Toute personne — toute
personne — qui en fait
la demande a droit d'accès aux documents d'un
organisme public.» Là, il y a un point après ça. Ça devrait être ça, le
principe. Et je suis sûr que tous les députés de tous les partis doivent se mettre ensemble pour mettre l'épaule à la
roue. Mes collègues m'ont demandé de vous dire ça.
Vous
savez, moi, ça fait 10 ans que j'anime La facture, et ce que j'ai
constaté, en 10 ans, c'est que le citoyen rapetisse de plus en plus. Vous le savez, M. le député, j'ai fait
une entrevue avec vous sur l'accès à la justice. Le ministre de la
Justice de l'époque, M. Fournier, disait : Trop long, trop cher. Les
citoyens n'ont pas accès à la justice. La juge en chef de la Cour suprême du Canada, Mme McLachlin, dit : Les
citoyens... la classe moyenne n'a pas accès à la justice. Le citoyen
rapetisse face au monde marchand et face aux pouvoirs publics de façon
constante et inexorable. L'accès à l'information,
c'est un des derniers boucliers que vous, les élus du peuple... Vous savez, c'est
des grands mots, là, mais je pense
que c'est important de les redire. Je regardais le film Lincoln il y a
quelques jours. Je vous conseille de le regarder. C'est un film assez
inspirant. Je pense qu'il y a des grands moments. Et je pense que le travail
que vous faites sur la loi d'accès à l'information est un de ces grands moments
là, un moment qui vous donne l'occasion de redonner un minimum d'existence et
de pouvoir aux citoyens.
Le Président (M. Marsan) : Alors, merci, M. Myles,
M. Craig, M. Robillard, de nous avoir donné le point de vue de la Fédération professionnelle des journalistes
du Québec. Je vais inviter les gens qui représentent le Québec ouvert et le
Nord ouvert à venir se présenter à cette table.
Et nous allons
suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
17 h 4)
(Reprise
à 17 h 8)
Le Président (M.
Marsan) : Alors, nous reprenons nos
travaux. Je vous remercie.
Il
nous fait plaisir d'accueillir M. Jonathan Brun, qui est le cofondateur de
Québec ouvert. M. Brun, ça nous fait plaisir de vous avoir avec nous. Vous avez une
dizaine de minutes pour nous présenter le point de vue de votre
organisation.
Québec ouvert et Nord ouvert inc.
M.
Brun (Jonathan) :
Bonjour. Merci. Alors, aujourd'hui, je représente non seulement Québec ouvert
en tant que cofondateur, mais également l'organisme
Nord ouvert, donc je porte deux chapeaux. Très brièvement, donc en
10 minutes, on va faire le plus possible.
Juste pour un petit
survol, Québec ouvert est une initiative citoyenne pour promouvoir l'accès aux
données publiques du gouvernement du Québec. Donc, initiative citoyenne, il n'y
a pas de structure légale, il n'y a pas de financement.
On milite, on organise des événements et on travaille… on essaie de
sensibiliser les élus et les fonctionnaires, et notamment on travaille avec des élus des trois grands partis, on travaille
avec M. Drainville, M. Gautrin et M. Duchesneau. Donc, on
fait le tour, on est non partisans et on promouvoit les données ouvertes.
Nord
ouvert, à côté, est un organisme à but non lucratif, incorporé, financé, qui
effectue des projets avec les données du gouvernement, non seulement le gouvernement du
Québec, mais également les municipalités et le gouvernement fédéral.
Donc, Québec ouvert, on milite, on fait du lobbying, Nord ouvert, on effectue
des projets. Et je suis cofondateur des deux. Je siège sur le C.A. de Nord
ouvert.
• (17 h 10) •
Alors,
les données ouvertes, très brièvement, je pense que c'est bien décrit dans nos
mémoires ainsi que dans les mémoires des
autres organismes. Mais ce qu'on souhaite, c'est un accès aux données publiques
du gouvernement du Québec, dans des formats
ouverts et numériques, avec une licence qui permet la réutilisation, donc, très
brièvement, pas des PDF, mais plutôt des bases de données ou des
fichiers Excel, avec une licence qui permet aux entrepreneurs, aux organismes et aux citoyens de prendre ces
informations et de créer des outils, de les mélanger avec d'autres
informations pour produire quelque chose de valeur aux citoyens.
Comme vous le savez
probablement, le Québec se classe dernier parmi les provinces, au point de vue
accès à l'information, selon l'organisme
Newpapers Canada, donc de quoi être très fier. Alors, nous croyons qu'il y a
beaucoup de travail à faire et on est ici
pour vous aider. On n'est pas ici pour faire la guerre ou pour vous engueuler, mais
pour vous aider et pour vous donner
quelques pistes de réflexion et quelques outils qui pourraient faire avancer le
Québec en matière de transparence et accès aux informations publiques.
On comprend que vos
emplois, en tant que députés, sont très difficiles, très chargés. Vous avez
beaucoup d'obligations et à tous les quatre
ans, plus ou moins, vous devez demander de garder votre emploi, et on comprend
ces contraintes. Mais nous croyons que c'est
fondamentalement vous qui devez prendre un rôle de leadership, comme il a été souligné… les personnes
juste avant moi. Si les fonctionnaires ne voient pas de leadership, en
matière de transparence, parmi les élus, les fonctionnaires ne vont pas avancer
en matière de transparence. Donc, premièrement, il faut que les députés
prennent ça en main. Et, encore une fois, on est là pour vous aider.
Comme
également, je vais essayer de ne pas répéter ce que les autres ont dit, mais je
crois fondamentalement que la loi d'accès à l'information, c'est un geste...
ou la réforme est quelque chose qui affecte tous les départements, tous
les ministères et donc qui est extrêmement
important. Si on réussit à bien faire la réforme, ça peut véritablement
améliorer la qualité de vie de tous les Québécois et Québécoises. Je le crois,
et nos organismes le croient. Donc, on est ici pour vous aider. C'est vraiment
une opportunité de faire un grand pas vers l'avant si on le souhaite. Ça peut,
bien sûr, nous aider au point de vue de la
lutte contre corruption, la qualité des services, santé, éducation. Vraiment,
ça affecte tout et c'est assez rare qu'on voie des projets de loi qui
vont affecter tous les ministères et tous les citoyens.
Et fondamentalement,
cette réforme, on l'espère, va permettre de restaurer la confiance des citoyens
envers leur gouvernement, parce que, je crois, très souvent, lorsque les
citoyens font des demandes d'accès à l'information, elles sont refusées. C'est une société... Le gouvernement du Québec est
très... Il y a beaucoup de secrets, on divulgue très peu, et les
citoyens se disent : Bien, le gouvernement ne m'écoute pas. Le
gouvernement est là-bas, à Québec, sur la colline parlementaire. Ils font leur
truc, et ça ne m'affecte pas, et je n'ai aucune influence sur le gouvernement.
Et, lorsque les citoyens croient ça, ils se désengagent. Ils ne participent
plus aux commissions, ils ne participent plus aux consultations, et on devient
une société avec deux groupes, des élus et des citoyens, qui ne se parlent plus
et qui ne se respectent plus.
Je veux citer trois
exemples, très rapidement, de demandes d'accès à l'information, au Québec, qui
n'ont pas fonctionné. Premièrement, un
journaliste que je connais bien a fait une demande d'avoir une liste de tous
les documents vendus par le gouvernement du Québec, et cette liste a été
fournie en PDF encrypté. Donc, au lieu de fournir une base de données avec tous les documents vendus, les montants, les prix,
la réponse a été en fichier PDF encrypté, et il a dû dépenser beaucoup d'heures,
beaucoup d'argent pour décrypter ce document, pour ensuite pouvoir le mettre
dans une base de données et comptabiliser les revenus qui ont été tirés de la
vente de ces documents. Donc, bref, ils ont mis les bâtons dans les roues de ce
journaliste pour réduire sa capacité de communiquer avec le public.
Un
autre exemple, que moi, j'ai fait personnellement, j'ai fait une demande d'avoir
les inspections de salubrité des
établissements alimentaires depuis 2005 pour Québec. Est-ce que les restaurants
ont reçu des amendes? Est-ce qu'ils ont réussi leurs inspections de salubrité?
Est-ce que les inspections ont été effectuées, etc.? Et j'ai été refusé. Les
seules informations qu'on a au Québec, à propos de la salubrité de nos
établissements alimentaires, sont les amendes parce que ça a passé par le système judiciaire. Si
on compare ça à d'autres endroits au Canada ou aux États-Unis, lorsqu'on
va à Toronto, lorsqu'on va dans plusieurs
autres villes en Amérique du Nord, lorsqu'on entre dans un restaurant, on
voit, affiché sur la porte, est-ce que le restaurant a été inspecté, est-ce qu'il
a réussi, est-ce qu'il a reçu un avertissement, est-ce qu'il a reçu une amende, ce qui permet au citoyen, au
consommateur de prendre des décisions. Est-ce que je souhaite manger dans un restaurant qui a reçu cinq
avertissements de manque de salubrité depuis 2010? Et bien sûr ça met de
la pression sur les restaurateurs de garder
leurs établissements propres. Et, quand ils ont implanté ce système à Los
Angeles, le taux d'intoxication alimentaire
a baissé de 25 % en trois ans. À Los Angeles, ça équivaut à peu près à
1 000 personnes qui ne sont pas
allées à des hôpitaux pour se faire traiter pour l'intoxication alimentaire,
donc ça veut dire des journées de congé qui n'ont pas été prises. Ça
aide l'économie. Ça met moins de pression sur les hôpitaux, sur les cliniques
et sur les familles, bien sûr. Et ça, c'est
les personnes qui sont allées à l'hôpital. Il y a beaucoup de personnes qui ont
des intoxications alimentaires qui
restent chez eux. Donc, on voit qu'en divulguant de l'information on peut
sauver des vies. On a également l'exemple
des informations pour la maladie légionnelle… ou C. difficile,
excusez-moi, C. difficile. Lorsqu'on a divulgué les résultats des
hôpitaux, ça a aidé à réduire la transmission de cette maladie.
Dernier exemple, les
amendes qui sont données par l'intérim des lois environnementales au Québec. J'ai
fait une demande. J'ai également une
entreprise à but lucratif qui travaille dans ce milieu. Et on a reçu... J'ai
demandé toutes les amendes qui ont
été données depuis l'an 2000, et on a reçu un document écrit à la main avec une
liste des amendes qui ont été données depuis 2000, ce qu'on a dû
retaper, le mettre dans une base de données, pour ensuite écrire un rapport et expliquer au public que ces amendes ont été
données ou... très peu d'amendes ont été données, en réalité. Mais c'est
toujours un exemple de mettre des bâtons dans les roues des personnes qui
souhaitent améliorer le Québec.
Alors,
je vais conclure avec un dernier exemple. Au Royaume-Uni, il y a un portail Web
qui s'appelleWhatDoTheyKnow?, donc ce
qu'on peut traduire «Je veux savoir» ou «Qu'est-ce qu'ils savent?», qui permet
aux citoyens de faire les demandes d'accès
à l'information au gouvernement, et les réponses sont affichées sur ce même
portail. Donc, si le gouvernement répond avec des informations, c'est
affiché sur le portail, donc on ne va pas faire la même demande deux fois, et
en moyenne, ces demandes, les résultats sont consultés plus de 20 fois.
Donc, on peut économiser des ressources au gouvernement en mettant en place un
portail comme ça. Et plus de 15 % des demandes d'accès à l'information au
Royaume-Uni maintenant passent par ce portail. Et c'est un portail qui n'est
pas géré par le gouvernement. C'est un portail qui est géré par un organisme à
but non lucratif, et qui envoie des demandes au gouvernement, et qui reçoit les réponses. Également, on voit les temps,
les délais pour les réponses, donc on peut voir la performance de chaque
ministère et de chaque département au Royaume-Uni, point de vue… en temps réel,
point de vue… l'accès à l'information. Alors, ça, ça tombe un petit peu dans l'accès
proactif.
Et,
parmi nos recommandations qui sont énumérées dans nos mémoires, c'est notamment
d'obliger lesdépartements à répondre en format numérique et ouvert, les bases de
données, pas des fichiers PDF, etc. Et je veux juste conclure en disant que je crois fondamentalement
que c'est les députés qui doivent prendre un rôle de leadership là-dedans,
sinon les fonctionnaires ne vont jamais suivre.
Le Président (M.
Marsan) : Je vous remercie. M. le
ministre, la parole est à vous.
M.
Drainville :
Oui. Bonjour, M. Brun. Allons-y tout de suite avec le contenu. L'actuelle
licence du gouvernement québécois qui est
appliquée au site données.gouv.qc.ca, qu'est-ce que vous en pensez? Et
qu'est-ce qu'on devrait faire pour l'améliorer?
Je note, dans votre mémoire, que vous suggérez que le Québec adopte la licence
gouvernement ouvert, Open Gov, qui
est utilisée par la province de Colombie-Britannique. Alors, quelle est la
différence entre la licence qui est
actuellement appliquée au site québécois données.gouv.qc.ca… Et qu'est-ce
que nous permettrait... quel bénéfice supplémentaire obtiendrions-nous
si nous utiliserions la licence qui est utilisée, donc, par le gouvernement de
la Colombie-Britannique ou par l'État de la Colombie-Britannique?
• (17 h 20) •
M.
Brun (Jonathan)
L'an dernier, en 2012, le Conseil du trésor nous a demandé de préparer un document avec nos recommandations juste à propos de la
licence. On l'a fait. On l'a envoyé. Je ne l'ai pas devant moi, mais de mémoire je crois que, la licence du
Québec, le gouvernement retient la possibilité de retirer les données du
portail sans préavis, ce qui nuit au
développement des logiciels, dans le sens que, si quelqu'un va investir son
temps et son argent pour développer un logiciel qui va prendre des
données du portail du gouvernement du Québec, et, du jour au lendemain, le gouvernement du Québec peut
dire : On enlève ces données, et donc le site Web qui utilise les données
va tomber en panne, bien le développeur, ou l'entreprise, ou l'organisme à but
non lucratif va être moins enthousiaste de créer telle application.
On
prend l'exemple Resto-Net, qui est un site Web qui affiche les amendes
en matière de salubrité des restaurants. C'est
un site Web qui est basé sur les données du gouvernement. Mais ces données...
la licence qui est disponible en ce moment n'est
pas suffisante pour justifier plus d'investissement dans le site Web. Donc, ça
veut dire... C'est un exemple parmi d'autres,
mais... Honnêtement, je n'ai pas toutes mes recommandations devant moi pour la
licence, mais le problème fondamental…
La licence, il faut l'améliorer, oui, mais, si on n'a pas de données, la
licence ne nous sert pas à grand-chose non plus. Donc, en priorité, je
pense qu'il faut régler le problème de publication de données et de la loi d'accès
à l'information avant même qu'on commence à penser à améliorer la licence.
M.
Drainville : Donc, vous, vous militez
pour une politique de données ouvertes?
M. Brun
(Jonathan) : Oui.
M.
Drainville : Pouvez-vous nous dire
concrètement, là, pour les gens qui nous écoutent puis qui ne sont pas nécessairement familiers avec cette question-là,
qu'est-ce que ça changerait, une politique de données ouvertes? D'abord,
qu'est-ce qu'on a présentement, selon vous, au Québec, là? Ça s'appelle
comment?
M. Brun (Jonathan) : Bien, il n'y a rien. Il n'y a rien.
Il y a un portail de données ouvertes, mais, à ma connaissance, il n'y a pas de
politique annoncée par le gouvernement. Ça aurait été le gouvernement
précédent. Mais, à ma connaissance, il n'y a pas de politique officielle
qui a été émise par le bureau du premier ministre ou par n'importe quel
ministère à propos de la publication des données en format ouvert, à ma
connaissance.
M.
Drainville : Ça veut dire quoi, ça,
des…
M. Brun
(Jonathan) : Donc, on pourrait...
M.
Drainville : «Données ouvertes», ça
veut dire quoi, ça, très concrètement?
M. Brun
(Jonathan) : Donc, les données
ouvertes, juste pour peut-être prendre un peu de recul, les données ouvertes, il y a plusieurs critères qui sont
énumérés dans notre mémoire, mais, version courte, c'est publié dans des
formats ouverts. Donc, un PDF, en réalité, c'est
un format propriétaire, et le format appartient à l'entreprise Adobe,
juste comme le format DOC appartient à l'entreprise
Microsoft ou l'entreprise... ou il y a différents formats. Donc, au lieu de publier dans des formats qui sont
contrôlés par les entreprises privées, c'est de publier dans des formats qui
sont ouverts, donc qui peuvent être lus par
n'importe quel logiciel libre. Donc, au lieu d'un fichier XLS, qui est
Excel, c'est publier en CSV. Donc,
ça, c'est sans rentrer dans tous les détails techniques. Mais c'est publier
dans des formats qui peuvent être lus
sans avoir besoin d'aller acheter un logiciel qui appartient à une entreprise
particulière. Ensuite, c'est de publier avec une licence qui permet la
réutilisation et finalement d'offrir ces données dans un endroit centralisé qui
est permanent, qui ne bouge pas et qui est
alimenté d'une façon continue. Donc, ça, c'est peut-être les trois critères
parmi 12, mais, si on faisait ces trois, déjà, ce serait formidable.
Et,
pour répondre à la question de la politique, par exemple, à Montréal, ils
viennent d'annoncer une politique, donc c'est
une politique qui a été votée au conseil de la ville… comité exécutif,
excusez-moi, qui oblige maintenant les différents
départements de la ville de Montréal à publier de l'information en format
ouvert. Comme ça, les fonctionnaires qui souhaitent publier en format
ouvert ou même les citoyens peuvent dire : Non, vous avez publié en fichier PDF.
Maintenant, vous êtes obligés de publier en
format ouvert. Et c'est la même chose qu'on a faite aux États-Unis, auRoyaume-Uni. Ça peut être un règlement, ça peut
prendre différentes formes. Aux États-Unis, il y avait un «executive order», je crois, qui a été émis par le président
Barack Obama, qui dit : Vous êtes obligés de publier en format ouvert
et, non seulement ça, vous êtes obligés de
publier des ensembles de données importants. Donc, pas simplement l'état
des patinoires, mais plutôt les dépenses de
votre ministère devraient être disponibles sur votre site Web ou sur le portail
des données ouvertes, en format ouvert. C'est important de publier des données
qui ont de la viande, qui ont de la chair. Donc,
ça peut prendre différentes formes, point de vue légal, mais, à ma
connaissance, au Québec, pour le gouvernement du Québec, il n'y a pas
encore de politique de données ouvertes. J'espère que ça répond à votre
question.
M.
Drainville :
Oui, absolument. La publication de données brutes en format ouvert, donc des
données brutes qui ne sont pas organisées,
est-ce que ça ne risque pas de mener certains à dire... ou d'amener certains à
dire : C'est incompréhensible, c'est
impossible d'utiliser cette information-là parce que justement c'est une
information qui est brute, qui est
pêle-mêle, qui n'est pas facile à comprendre? Et donc est-ce que ça ne risque
pas de mener à l'effet contraire que l'on désire? Ce qu'on désire, dans le fond, c'est que le public ait davantage
accès à l'information. Certains pourraient nous accuser de chercher
plutôt le contraire en, comment dire, libérant des tas de données qui ne sont
pas organisées. Alors, toute la fonction, je dirais, vulgarisation,
organisation de la matière, transmission de cette matière-là dans une forme
ordonnée est perdue. Certains pourraient dire : Bien, moi, je ne veux pas
les données brutes, je veux que ces données-là
soient rendues publiques, oui, sur un site, oui, mais je veux être capable de
les comprendre, je veux être capable d'en saisir le sens. J'aimerais ça
que vous me répondiez à cet argument-là.
M.
Brun (Jonathan) :
Oui. Juste pour clarifier, quand on dit «données brutes», ça ne veut pas dire
les données qui
ne sont pas organisées. Donc, nous, ce qu'on souhaite, quand on dit «données
brutes», il faut imaginer des immenses bases
de données, par exemple des contrats. Bon, comme dans un fichier Excel, on va
avoir une colonne qui va être le nom de l'entreprise, le montant, le
contrat, la date, etc. Donc, c'est des données qui sont organisées. Oui, ça
peut être des ensembles de données immenses, qui ne sont pas nécessairement
compréhensibles en cinq minutes. Mais, comme les personnes avant moi ont
indiqué, ça, c'est le rôle des journalistes, des citoyens, des entreprises, des
organismes à but non lucratif de prendre ces données, de les traiter et de les
rendre accessibles à M. et Mme Tout-le-monde.
Alors,
on prend l'exemple de Resto-Net, qui prend les données du MAPAQ et qui
les affiche sur son site Web avec une carte qui permet de voir quel restaurant
a reçu quelle amende à quelle date. Ça a reçu plus de
125 000 visites en 18 mois,
je crois. PatinerMontreal est un autre site, qui affiche l'état des
patinoires extérieures de la ville de Montréal. Donc, ça, ce sont des
données qui sont publiques et qui sont disponibles sur le site Web de la ville
de Montréal ou le site Web du MAPAQ, mais c'est
des fichiers qui sont difficiles à lire. Il faudrait passer un après-midi à
faire ça. Mais des développeurs en
informatique prennent ça puis créent des applications pour téléphones
intelligents ou pour sites Web, qui facilitent la compréhension.
Mais, juste pour conclure, je ne veux pas qu'on confonde
gouvernement ouvert, données ouvertes et loi d'accès
à l'information. Le but ultime du mouvement
des données ouvertes, qui est international et qui se retrouve dans
plusieurs pays à travers le monde ou
beaucoup de pays à travers le monde, c'est de passer d'un gouvernement qui est
fermé par défaut, ce qu'on a
actuellement, où il faut demander d'ouvrir un ensemble de données à la fois,
éventuellement à un gouvernement qui
est ouvert par défaut et où le gouvernement doit justifier pourquoi tel
ensemble de données n'est pas public, n'est pas disponible. Mais entre ces deux points il y a du chemin à faire, et,
pour faire ce chemin, on a besoin de légiférer. Parce qu'il ne faut pas se faire d'illusions il y a des
fonctionnaires... il y a des députés, je veux dire, qui ne souhaitent pas
faire ce chemin entre un gouvernement qui
est fermé par défaut et un gouvernement qui est ouvert par défaut. Et le seul
moyen de le faire et de le faire à long
terme, peu importe le gouvernement qui est au pouvoir, peu importe les
fonctionnaires qui sont là, c'est de légiférer. Et c'est pour ça qu'on
croit qu'il faut réformer la loi d'accès à l'information, pour intégrer les
recommandations qu'on a faites mais les recommandations du rapport quinquennal,
et autres. Donc, voilà.
M.
Drainville :
Donc, vous dites qu'il ne faut pas les confondre, mais en même temps l'un est
dans le prolongement de l'autre.
M.
Brun (Jonathan) :
Oui, mais très long. Il y a prolongement... On ne va pas être là demain, ou
dans cinq ans, ou dans 10 ans. Ça va
prendre...
M.
Drainville : …être là où? C'est dans
un gouvernement ouvert, vous voulez dire?
M. Brun
(Jonathan) : Oui, dans un gouvernement
vraiment
ouvert.
M.
Drainville :
Mais on s'entend qu'une loi d'accès à l'information renforcée, réformée pour
lui redonner peut-être davantage de son sens
initial, de son sens originel, ce serait un pas dans la bonne direction vers la
mise en place d'un gouvernement ouvert. On s'entend là-dessus.
M.
Brun (Jonathan) :
Oui. Ça va surtout être un outil pour les fonctionnaires, pour les élus, pour
les citoyens, pour les organismes qui
souhaitent faire ce chemin. C'est un outil, mais ce n'est pas une solution.
Donc, c'est pour ça qu'il faut le renforcer.
M.
Drainville : Ce
n'est pas une solution magique, ce n'est pas la solution qui règle tout, c'est
une des solutions.
• (17 h 30) •
M.
Brun (Jonathan) :
C'est une des solutions si on réforme bien la loi et si on l'utilise. On a des lois
formidables mais qui ne sont pas appliquées. On ne va pas juste... loi d'accès
à l'information, mais il y a plein de lois
qui sont là, qui sont dans... qui sont écrites, qui sont passées à l'Assemblée
nationale, mais on ne les applique pas. Donc, c'est pour ça que je dis : Il faut non seulement réformer la
loi d'accès à l'information, mais il faut créer une culture, il faut
financer les organismes qui vont utiliser la loi, que ça soit les journalistes,
ou les organismes à but non lucratif, ou autres. Donc, c'est un outil qui va
nous aider à faire ce chemin vers le gouvernement ouvert, mais ça va être un
chemin qui va durer très longtemps.
M.
Drainville :
Vous proposez, dans votre mémoire, d'offrir une liste en format ouvert de
toutes les demandes d'accès à l'information qui sont adressées, donc, à l'État québécois,
qui ne toucheraient pas des informations à caractère nominatif. Bon. Comment ça fonctionnerait, ça?
Comment on s'assure que l'information qui est déposée en format ouvert, que les demandes d'accès qui sont déposées en
format ouvert sur un site ne portent pas atteinte, justement, au droit à
la vie privée, par exemple? Est-ce qu'il y a
des cas où ça fonctionne déjà comme ça, des États où ça fonctionne…
M. Brun
(Jonathan) : Oui, il y a plusieurs
pays, notamment le Royaume-Uni, où ils publient une liste des demandes d'accès
à l'information qui ont été faites, certaines qui ont été... Comme ça, on peut
quantifier le nombre qui ont été refusées,
les autres où on a répondu. Donc, c'est très simplement un fichier qu'on va
déposer sur le site données.gouv.qc.ca,
avec une liste de toutes les demandes qui ont été faites aujourd'hui, ou cette
semaine, ou sur une période x, et les réponses... pas
nécessairement les réponses mêmes, mais au moins est-ce qu'on a répondu avec la
demande, ou est-ce qu'on a refusé, ou est-ce que c'est en période de
clarification. Donc, ça pourrait se faire, mais...
M.
Drainville : Est-ce que c'est un site
gouvernemental, dans le cas de la Grande-Bretagne, ou c'est le site WhatDoTheyKnow?
dont vous parliez tout à l'heure?
M.
Brun (Jonathan) :
Non. Bien, il y a WhatDoTheyKnow? qui le fait à l'extérieur du
gouvernement, mais il y a également le gouvernement de la Grande-Bretagne qui
dépose ce document. Parce que WhatDoTheyKnow?, ça ne gère pas toutes les demandes d'accès à l'information,
ça gère seulement les demandes des personnes qui le font par l'intérim de ce portail. Il faut noter… Par exemple, le
portail ne donne pas la possibilité d'avoir... en anglais, on dirait «an
embargo». Donc, les journalistes qui
souhaitent écrire un article veulent que leurs demandes ne soient pas diffusées
tout de suite sur le site, parce qu'ils
ont besoin d'un peu de temps pour faire leurs recherches et écrire l'article.
Le siteWhatDoTheyKnow? ne permet
pas de faire ça. Donc, les journalistes vont quand même faire leurs demandes
directement auprès du gouvernement. Donc, ça gère à peu près 15 %
des demandes au Royaume-Uni...
M. Drainville : ...WhatDoTheyKnow?.
M. Brun (Jonathan) :
WhatDoTheyKnow?, oui, le site
Web, qui est géré par un organisme à but non
lucratif.
M. Drainville : Donc, est-ce que les citoyens
britanniques passent par le site WhatDoTheyKnow? pour faire des demandes d'accès?
M.
Brun (Jonathan) : Ils ne sont pas
obligés...
M.
Drainville : Mais certains le font.
Certains le font.
M.
Brun (Jonathan) : Oui. 15 % des
demandes sont faites par ce site, mais ce n'est pas obligatoire de passer par
ce site.
M. Drainville : Mais j'essaie de comprendre quel
est... Si vous nous dites qu'à terme la demande qui est faite au gouvernement du
Royaume-Uni finit par être déposée sur un site gouvernemental où apparaissent
toutes les demandes d'accès, quel est
l'intérêt, à ce moment-là, de passer par WhatDoTheyKnow?, si de toute
façon le site gouvernemental va avoir
l'ensemble des demandes et éventuellement s'ils ont eu une réponse ou pas,
peut-être pas la réponse comme telle, dites-vous,
mais à tout le moins s'ils ont eu une réponse ou pas? Alors, j'essaie de voir
en quoi le siteWhatDoTheyKnow? est complémentaire au site
gouvernemental, en quoi l'un apporte plus que l'autre ou en quoi il apporte
quelque chose de différent à l'autre.
M.
Brun (Jonathan) : Alors, WhatDoTheyKnow?,
ça permet de voir les demandes qui ont déjà été faites et les résultats. Alors,
les demandes où ils ont réussi à avoir le résultat sont sur le site et elles
sont consultées à peu près 20 à 50 fois par résultat.
Deuxièmement, c'est centralisé. Au Québec, je
pense qu'on a à peu près 1 300 ministères, bureaux, départements, différentes
choses, organismes où on peut faire des demandes. Donc, au lieu d'aller
chercher l'organisme où il faut faire la demande, on peut passer par un site qui est centralisé. On peut faire la
demande à plusieurs organismes, des fois, à plusieurs niveaux, plusieurs
paliers de gouvernement, et les résultats vont être affichés. Également, WhatDoTheyKnow?
aide les personnes à formuler leurs
demandes. Souvent, les personnes sont... leurs demandes sont refusées parce qu'il
y a des erreurs, ce n'est pas bien
formulé. Donc, le site permet de voir comment est-ce qu'on formule bien une
demande, qu'est-ce qui fonctionne, qu'est-ce qui ne fonctionne pas.
Donc, ça a plusieurs avantages et, d'une manière générale, c'est plus
«user-friendly», c'est plus facile à utiliser que les sites du gouvernement en
général.
Le
Président (M. Marsan) : Merci. M. le
député de Sanguinet.
M. Therrien : Oui. Merci. D'abord, je vous remercie
pour votre présence. C'est très instructif. Je voudrais revenir sur un élément de votre analyse. Quand vous
parlez, là, de format ouvert, vous condamnez, d'une certaine façon, l'utilisation
du PDF. Est-ce qu'il n'y a pas des... Parce que moi, à un moment donné, j'avais
une entreprise puis des fois j'envoyais des
documents par PDF tout simplement dans le but de… que ça ne soit pas falsifié
puis que ça soit... que l'original
soit respecté, d'une certaine façon. Quand vous parlez, là, d'utiliser le
format ouvert absolument, est-ce qu'il n'y a pas des exceptions? Parce
qu'il y a des moments où est-ce qu'on peut envoyer de l'information par PDF
pour justement rendre la falsification plus difficile un peu, faire en sorte qu'il
n'y ait pas de troncage, là, d'informations qui pourraient être utilisées à
mauvais escient. Est-ce que vous ne considérez pas, à quelque part, que le PDF
peut avoir son utilité pour ces raisons-là ou vous le condamnez
systématiquement?
M. Brun (Jonathan) : Non. Le PDF ne va pas régler les
problèmes de trucage ou de modification des
documents. C'est une illusion. On peut
truquer un PDF, on peut le modifier puis vraiment donner l'impression que c'est
l'original. Le seul moyen, avec les formats
numériques, de s'assurer que quelque chose, c'est l'original, c'est de le
prendre à la source. Et c'est pour ça que le gouvernement doit gérer un
portail de données ouvertes où les données sont publiées par le gouvernement. Et, lorsqu'on va sur données.gouv.qc.ça,
on sait que c'est les données originales et pas des données qui ont été modifiées. Que ça soit PDF, Excel ou autres,
on peut toujours le falsifier. Et également, si on regarde Wikipédia,
qui est un site Web qui est créé 100 %
par des utilisateurs, si je vous disais en 2002 : Je vais créer un site
Web que n'importe qui peut modifier
sans autorisation, et ça va devenir le site Web avec le plus d'information
presque le plus fiable sur Internet,
vous allez dire : Vous êtes complètement cinglé, c'est fou, ça ne va
jamais fonctionner. Et pourtant c'est ça qu'on a aujourd'hui. Parce qu'avec
les technologies numériques on est capable d'avoir l'historique d'un document,
les modifications qui ont été effectuées et on peut remonter à la source, et c'est
le seul moyen de s'assurer que quelque chose n'a pas été modifié. Donc, que ça
soit PDF, Excel, ça ne va pas assurer la sécurité du document.
M.
Therrien : Donc, à ce moment-là,
pourquoi eux utiliseraient le PDF?
M.
Brun (Jonathan) : Qui, eux?
M. Therrien : Bien, je parle, là… les gouvernements, là, qui vont
utiliser le PDF. Pourquoi, à ce moment-là, ils l'utiliseraient si...
M. Brun (Jonathan) : Le PDF a...
M.
Therrien : Mais...
M. Brun (Jonathan) : Oui. Le PDF a certains avantages de
présentation physique. On peut préparer un
document qui est beau, qui a l'air d'être un
document imprimé. Nos habitudes sont formées avec le papier, et avec les
livres, et avec tous ces documents
avec quoi on travaille depuis 1444, là. Donc, ça, c'est nos habitudes, puis
elles sont difficiles à changer, mais c'est juste des habitues, ça n'a
aucun... Tantôt, j'ai cité l'exemple d'un PDF encrypté qui a été envoyé par le gouvernement à un journaliste. Bien, ensuite, il l'a
décrypté, ce qui en pratique est impossible, mais bien sûr tout est
possible dans le numérique, pour ensuite le mettre dans une base de données
pour pouvoir faire ses calculs. Donc, le PDF, ce n'est pas la sécurité, ça n'égale pas la sécurité. Oui, on peut
présenter un peu mieux, du point de vue physique, présentation, mais c'est
tout. Il n'y a pas d'autre avantage.
M. Therrien : J'aurais une dernière petite
question, 30 secondes. Écoutez, juste savoir… Parce que là vous parlez de la situation parfaite puis de la situation où
est-ce que le gouvernement est fermé, là. Je parle d'un gouvernement ouvert, là. D'abord, très rapidement, parce que je
ne veux pas emprunter le temps sur les autres, là, dans le monde, quel
est le gouvernement qui serait le plus ouvert, puis comment ils y sont arrivés,
à ce quasi-nirvana-là?
Le
Président (M. Marsan) : Répondez en
très peu de temps, parce que...
M.
Therrien : ...donner les éléments d'information,
là, comment y arriver?
M.
Brun (Jonathan) : Au niveau national,
ça serait le Royaume-Uni ou les États-Unis, probablement. Comment ils sont
arrivés là, c'est du leadership politique. C'est le premier...
Une
voix : ...
M. Brun (Jonathan) : Du leadership politique. C'est le
premier ministre ou le président qui a dit : On va faire ça, on va ouvrir
les bases de données, on va répondre aux demandes d'accès à l'information d'une
manière rapide et bien faite, et c'est
ça. Et au Québec on n'a pas eu ça encore. On espère que la première ministre va
entamer ce processus pendant son mandat.
Le Président (M. Marsan) : Merci. Nous allons maintenant
poursuivre avec l'opposition officielle. Et je
vais donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président.
Bonjour, M. Brun. Merci d'être là. C'est très intéressant. J'ai une question sur WhatDoTheyKnow? : Est-ce qu'il
y a un coût pour la personne qui demande l'assistance de cette organisation
pour avoir accès aux documents au Royaume-Uni?
• (17 h 40) •
M.
Brun (Jonathan) : Non, c'est gratuit.
Mme
de Santis : C'est gratuit? O.K.
Maintenant, je regarde plutôt le mémoire de Nord ouvert, O.K., et à la page 6 du mémoire, à la rubrique Accès aux
données nous concernant, vous mentionnez les sites Internet Blue
Button et Green Button, qui permettent aux Américains d'avoir accès en
ligne, dans un cas, à leurs dossiers médicaux et, dans l'autre, à leur consommation énergétique. J'imagine que
vous faites référence à leur consommation d'électricité. Est-ce qu'on doit comprendre que, pour ce que vous décrivez
comme les informations médicales, vous prenez un dossier de santé unique
pour chaque personne, dossier qui
comprendrait les renseignements de tous les praticiens de la santé visités en
cabinet, toutes les notes et tous les
résultats de test, lorsqu'une personne est hospitalisée, toutes les données de
pharmacie où des prescriptions sont
remplies? Est-ce que c'est ce genre de dossier que vous pensez? Qui serait
responsable de constituer un tel
dossier? Qui le mettrait en ligne? Qui en assurerait la mise à jour constante,
puisqu'on parle d'informations médicales, un terme large qui pourrait
aussi englober, disons, les visites chez un physiothérapeute, un
ergothérapeute, etc.? Dans le modèle que vous proposez, qui assumerait le coût
d'une telle initiative?
D'autre part, en ce qui a trait aux
renseignements concernant ce que vous appelez la consommation énergétique, qu'est-ce que vous entendez par cela? Ça peut
être assez large pour englober aussi, disons, par exemple, l'essence que consume une personne qui utilise une voiture.
Si vous voulez parler plutôt de la consommation d'électricité, est-ce que ces informations ne sont pas déjà disponibles
via Hydro-Québec? Est-ce que chaque personne ne peut pas déjà avoir sans grande formalité les renseignements sur sa
consommation d'électricité et même sur la consommation d'électricité d'un
logement où une personne envisage de déménager?
M. Brun (Jonathan) : Pour répondre à la première question
ou les premières questions à propos du Blue Button, qui va
assumer les coûts et gestion de ce système...
Mme
de Santis : Est-ce que vous proposez
ça pour nous?
M. Brun (Jonathan) : Oui. Bien, je pense… et je ne suis
pas du tout spécialiste du domaine de la santé,
mais, à ma connaissance, il y a déjà des démarches en cours pour centraliser
les données médicales pour chaque patient dans un système, mais je ne suis pas du tout au courant des détails. Donc, ça
serait, les coûts et gestion, mise à jour, tout ça,ça devrait être géré par le gouvernement, le
ministère de la Santé ou d'autres ministères qui sont responsables de centraliser les informations qui proviennent des
différents médecins, différents cabinets, etc. Donc, ça, c'est la réponse n° 1.
Énergétique,
le Green Button, en effet Hydro-Québec offre déjà l'accès à ses propres
données de consommation d'hydroélectricité. On pourrait aller beaucoup
plus loin avec Hydro-Québec. Je pense que mes collègues ont parlé de
leur manque de transparence. Ça, c'est une
autre modification à la réforme qu'on souhaite apporter, c'est d'appliquer la
loi d'accès à l'information, d'élargir l'application à tous les ministères,
tous les organismes qui sont financés par l'État, plus ou moins, ou qui sont contrôlés par l'État, ou qui ont été créés
par l'État. Donc, la loi d'accès à l'information devrait appliquer à tous ces organismes et pas seulement
les organismes auxquels elle s'applique aujourd'hui. Hydro-Québec a
plusieurs manques ou lacunes de transparence qu'on aimerait régler, mais c'est
seulement en élargissant l'application de
cette loi et en l'améliorant qu'on va réussir à faire ça. Mais le Green
Button, oui, c'est semblable à ce qu'Hydro-Québec offre déjà, mais on souhaite aller plus loin, au
point de vue de l'accès aux données énergétiques du gouvernement... de
la nation québécoise, et des Québécois et Québécoises.
Mme de
Santis : Hydro-Québec est déjà soumis
à la Loi sur l'accès.
M. Brun
(Jonathan) : Oui, en principe, mais,
comme on voit, les batailles qu'il faut mener avec Hydro-Québec pour avoir de l'information sont très
coûteuses, très longues ou très complexes, ce qui fait en sorte que,
même s'il est soumis, il n'est pas... le
simple citoyen a beaucoup de difficulté à extraire de l'information d'Hydro-Québec,
on va le dire comme ça, peut-être.
Mme de
Santis : O.K. Je vais procéder à une
autre question. En ce qui a trait à la réception et au traitement des demandes d'accès en vertu de la loi, pas des
demandes informelles, mais des demandes formelles, vous proposez, à la page 7 du mémoire de Nord ouvert, de
mettre en place un portail centralisant les demandes d'accès à l'information,
soit directement par le gouvernement ou la Commission d'accès à l'information.
Est-ce que vous êtes en train, par là, de transformer
le rôle de la Commission d'accès pour en faire le dépositaire de toutes les
réponses à des demandes d'accès traitées
en vertu de la loi, que les réponses de toutes les demandes de toutes les
lois... de tout... de partout, peut-être des quelques milliers d'organismes
publics assujettis à la loi soient numérisées et mises en ligne sur un site qui
gérerait la Commission d'accès? Est-ce que
ça ne serait pas mieux d'avoir un modèle comme aux États-Unis, au niveau
fédéral, ou au niveau fédéral ici, au Canada, où c'est plutôt chaque organisme
qui répond à une demande d'accès qui rendrait disponibles sur son site Internet
les documents, les renseignements, les données communiquées en réponse à une
demande d'accès?
M.
Brun (Jonathan) :
Pour répondre à votre question, je pense qu'il faut, en premier, commencer par obliger les organismes
qui sont assujettis à la loi d'accès à l'information à répondre en format
électronique et à accepter les demandes en format électronique, notamment le courriel. Donc, déjà ça, si on
réussit à faire ça, ça veut dire que les demandes et les réponses vont
être en format électronique. Lorsqu'ils sont en format électronique, donc,
déjà, si on accomplit ça, on peut ensuite soit les mettre sur un portail qui
est géré par le gouvernement, que ça soit la commission, ou un autre organisme,
ou un autre ministère, ou on peut financer des organismes extérieurs pour créer
des portails semblables à WhatDoTheyKnow? pour l'avoir au Québec, et ça peut être géré par
des organismes à l'extérieur du gouvernement. Et les demandes qui
passent par ce portail et les réponses, comme ils vont être obligés de répondre
en format électronique, ce qui n'est pas le
cas actuellement, elles vont être sur ce portail, et ça accomplirait le travail
d'ouvrir les demandes et les réponses d'accès à l'information.
Donc,
ce n'est pas nécessaire que la commission fasse tout le travail. Il faut, en
premier, obliger les organismes à répondre et
à accepter des demandes en format électronique, ce qui n'est pas le cas au
niveau fédéral. Au fédéral, il faut faire
des demandes en format papier. Il faut payer 5 $ pour chaque demande, et
le gouvernement peut répondre avec des CD, avec des choses écrites à la
main, avec n'importe quoi. Ils peuvent nous envoyer un éléphant si ça répond à
la demande. Donc, un, c'est obliger la
numérisation des demandes et des réponses, et, après qu'on a fait ça, on peut
avoir un portail. Et le portail est relativement simple à faire. Si on a les
données, on peut les mettre sur un site Web. Ce n'est pas coûteux, ce n'est pas
compliqué.
Mme de
Santis :
WhatDoTheyKnow?,
est-ce que c'est le gouvernement qui subventionne ça?
M.
Brun (Jonathan) :
Je ne connais pas leur modèle exact de financement, mais le gouvernement donne beaucoup d'argent à l'organisme qui gère ce site Web, l'organisme
qui s'appelle MySociety. C'est un organisme à but non lucratif et c'est financé
par Nesta, en partie par Nesta, qui est l'équivalent de Loto-Québec. Donc, au
Royaume-Uni, ils ont un fonds qui est
financé par leur loterie nationale, qui finance des organismes à but non
lucratif, des choses dans la communauté, etc., et ils financent en
grande partie MySociety, qui gère le portail WhatDoTheyKnow?.
Mme de
Santis : D'après la recommandation
n° 7, toujours de Nord ouvert, «la Commission d'accès devrait tenir des indicateurs de performance quant aux
réponses des organisations sollicitées : taux de refus, temps de
réponse moyen, etc. Le commissaire devrait
être habilité à blâmer les organisations avec des indicateurs en dehors de la
moyenne.» Ça, c'est
votre recommandation. Alors, vous proposez de transformer la Commission d'accès
en organisme de surveillance de la
performance des organismes publics qui traitent des demandes d'accès. La commission
a été constituée pour être ce qu'on
appelle en droit un tribunal administratif, c'est-à-dire un tribunal qui exerce
des fonctions quasi judiciaires, qui est saisi d'un litige, qui entend
les parties et qui rend une décision de nature quasi judiciaire. Vous verriez
la commission assumer aussi le rôle de gendarme, de vérificateur de la
performance de chaque organisme qui traite des demandes d'accès, puisqu'il aurait la responsabilité, le rôle de blâmer les
organisations avec des indicateurs de performance en dehors de la
moyenne. Est-ce que vous êtes, là, en train de nous proposer que la commission
soit scindée en deux, qu'il y ait une commission de surveillance, et l'autre
qui soit le tribunal? Ou comment vous voyez tout ça?
• (17 h 50) •
M.
Brun (Jonathan) :
Je crois que les personnes avant moi ont proposé quelque chose dans le même
axe. Je ne suis pas avocat et je ne suis
surtout pas spécialiste des structures du gouvernement, mais, s'il faut faire
ça pour avoir quelqu'un qui surveille la
performance des organismes du gouvernement du Québec, oui, il faut le faire. Il
faut bien que quelqu'un surveille la performance, et pour le moment, à
ma connaissance, il y a très peu de surveillance, à part ces associations de journaux qui émettent des rapports
tous les deux, trois ans. Donc, il faut faire quelque chose pour mettre de la pression sur les différents organismes, les
différents ministères qui tardent à répondre, ou qui ne répondent pas,
ou qui dépensent des fortunes à aller en
cour pour se battre avec des personnes qui font des demandes d'accès à l'information.
Il faut faire quelque chose pour mettre plus de pression à répondre à temps.
Mme de
Santis : Merci.
Le Président (M.
Marsan) : Mme la députée de l'Acadie.
Mme
St-Pierre :
Merci. D'abord, bienvenue à cette commission. Ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, c'est un peu le procès, si vous voulez, de la
Commission d'accès à l'information, procès disant que la Commission d'accès à l'information
ne mettait pas suffisamment de pression sur les organismes, sur les ministères
pour que l'information soit rendue
rapidement, et qu'on semblait, enfin, nous dire que la commission était plus
progouvernement que pro-demandeur d'accès à l'information. Alors, c'est un peu
ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. J'imagine que ça va se poursuivre
pendant la commission.
Moi, j'ai simplement
un questionnement sur votre organisme qui s'appelle Nord ouvert. Je regarde sur
vos sources de financement. Vous êtes un jeune organisme, d'abord, 2012, et
vous avez des contrats avec... vous avez du financement
principalement du gouvernement fédéral, ministère des Ressources naturelles,
gouvernement du Canada. Est-ce que c'est parce que vous faites du
travail pour le ministère des Ressources naturelles ou vous conseillez le
ministère des Ressources naturelles sur comment livrer de l'information ou
diffuser de l'information? C'est quoi, votre
relation? Et est-ce que vous... En plus, vous nous avez dit que dans votre
autre organisme vous aviez un rôle de lobbyiste. J'essaie un peu de
faire la part des choses. Mais tout d'abord expliquez-moi votre relation par
rapport au ministère des Ressources naturelles, gouvernement du Canada. La
majorité de vos fonds viennent de là, 87 000 $.
M.
Brun (Jonathan) :
Oui. Nord ouvert, comme vous avez indiqué, est un organisme très jeune. On a
reçu un contrat
d'un organisme, au niveau fédéral, qui s'appelle GeoConnections, qui, je
pense, se retrouve dans le département des Ressources naturelles, mais c'est un contrat pour développer un standard
pour les travaux routiers. Donc, en ce moment, chaque gouvernement, que ça soit au niveau provincial, municipal ou
fédéral, au Canada publie des informations à propos des travaux routiers
dans différents formats. Donc, ils disent : Telle voie est fermée entre
9 heures et 5 heures le mardi et
le jeudi sur telle route, mais tout le monde publie dans un format différent,
ce qui rend la tâche d'intégrer ça dans les systèmes de navigation GPS, Google
Maps, ou autres, quasiment impossible ou tellement chère que ce n'est pas possible. Donc, on a reçu un contrat en 2012 ou
2011, si je me souviens bien, pour créer un standard ouvert qui va être
disponible gratuitement à tous les gouvernements, non seulement au Canada, mais
à l'international, et c'était un contrat qui était relativement grand pour
notre organisme. On a d'autres sources de financement. On a des sources de
financement qui proviennent d'entreprises privées, la ville de Montréal. On a
effectué plusieurs contrats pour eux. Mais
ça, c'est le plus gros du financement, parce que c'est un gros contrat puis c'est
pour créer un standard ouvert pour les travaux routiers.
Mme
St-Pierre : Mais les travaux routiers
relèvent du gouvernement du Québec, enfin, au Québec.
M.
Brun (Jonathan) :
Bien, ce qu'on crée, c'est un standard de publication. Donc, si le gouvernement
du Québec, qui a été invité d'ailleurs à
participer au projet, ferme une route ou ferme une partie d'une route, au lieu
de le publier dans leur format, qui est juste utilisé par le gouvernement du
Québec, ils vont le publier dans... Ce n'est pas notre standard, mais c'est un standard développé par Nord ouvert. Et, si tout
le monde publiait dans ce standard, vous, en tant que conductrice, pourrez utiliser votre système GPS,
et votre système GPS va vous aviser : Ne prenez pas telle route
parce qu'il y a des travaux qui sont en cours, et donc il risque d'y avoir plus
de trafic ou des embouteillages. Donc, le standard est neutre. Ça ne relève pas
d'un gouvernement ou d'un autre. C'est un standard qui a été créé avec des
fonds du gouvernement fédéral, mais ça va
être... c'est disponible gratuitement à tout le monde, à n'importe quel
gouvernement, que ça soit municipal, provincial ou fédéral.
Mme St-Pierre : Mais vous avez dit : Le
gouvernement du Québec a été invité à y participer. Est-ce qu'il y participe?
M.
Brun (Jonathan) : Non, il ne
participe pas, à ma connaissance.
Mme
St-Pierre : Et le ministère?
M.
Brun (Jonathan) :
Montréal participe, Vancouver. Je n'ai pas tous les détails du contrat devant
moi, mais il y a plusieurs gouvernements au
Canada qui y participent, mais le gouvernement du Québec a refusé, à date.
Mme
St-Pierre : Vous avez aussi des fonds
pour développer MaMairie.ca. Qu'est-ce que c'est, ça?
M.
Brun (Jonathan) :
Oui, MaMairie.ca — puis je vais peut-être essayer de
faire le pont vers la loi d'accès à l'information — MaMairie.ca, c'est un site Web qui regroupe de l'information
à propos des élus au niveau municipal. Alors,
on tire de l'information des réseaux sociaux, par exemple Twitter, Facebook,
ce que les élus mettent sur leurs comptes à
eux. On tire de l'information du site Web de la ville en question. Ça peut être
Montréal, ça peut être Québec, peu importe. On tire de l'information des
réunions de conseil, des votes, comment est-ce que les élus votent, quelles sont leurs dépenses, quels sont leurs salaires, qu'est-ce
qu'ils disent en comité, etc. On met tout ça sur un site, et le citoyen
peut aller sur le site, mettre son adresse ou son code postal, et ensuite voir
qu'est-ce que ces élus sont en train de faire ou qu'est-ce qu'ils ont fait il y
a deux mois. Mais c'est au niveau municipal.
Mme
St-Pierre :
Donc, pour obtenir l'information pour pouvoir alimenter ces contrats-là, vous
avez besoin de la Commission d'accès à l'information, parce que vous avez besoin de faire
des demandes d'accès à l'information, non?
M.
Brun (Jonathan) :
Idéalement, on souhaite que le gouvernement publie ces données d'une façon proactive et dans un format ouvert, mais, s'il refuse
de... On ne peut pas créer un site Web en faisant des demandes d'accès à l'information
parce qu'un site Web a besoin d'être alimenté tout le temps. On ne va pas faire
les demandes d'accès à l'information à
chaque mois. On espère qu'en faisant des demandes d'accès à l'information le
gouvernement va réaliser que ça va être plus productif, plus efficace de
simplement publier ces données sur le portail des données ouvertes, que ça soit
pour le gouvernement du Québec, ou Montréal, ou le gouvernement fédéral. Donc,
ça, c'est le but. Comme je vous ai dit
tantôt, la loi d'accès à l'information est un outil pour encourager l'ouverture
des organismes, des ministères et des
gouvernements en général. Mais idéalement, et je dis bien «idéalement», le
gouvernement publierait toute donnée non nominative en format ouvert et
en temps réel, d'une manière proactive. Mais...
Le
Président (M. Marsan) : Alors, M. Jonathan Brun, merci beaucoup de nous avoir donné le point de
vue du Québec ouvert et de Nord ouvert.
Et la commission
suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Vous pouvez laisser vos effets
dans cette salle, ça va être barré. Bon appétit.
(Suspension de la séance à
17 h 57)
(Reprise à 19 h 33)
Le
Président (M. Marsan) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et je
demande à toutes les personnes dans la salle
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous
allons poursuivre, sans plus tarder, la consultation générale et les auditions
publiques sur le rapport de la Commission d'accès
à l'information Technologies et vie privée à l'heure des choix de société.
Je voudrais souhaiter
la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux, Mme Pineau et Mme
Lacas. Et je vous demanderais de nous
indiquer qui est Mme Pineau, qui est Mme Lacas, d'abord. Et ensuite vous
disposerez de 10 minutes pour faire votre présentation. Je vous remercie.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Mme
Pineau (Anne) :
Suspense. Alors, Mme Pineau, c'est moi. Je suis Anne Pineau, adjointe au
comité exécutif de la Confédération des syndicats nationaux, et Me Isabelle Lacas,
du Service juridique de la CSN, qui m'accompagne. M. Jean Lortie, secrétaire général de la CSN,
devait être présent ce soir avec nous. Il est retenu à Montréal pour une
affaire urgente. Il en est désolé. Et nous tenons à faire nos excuses
relativement à cette absence impromptue.
Donc,
le mémoire sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information…
J'ai 10 minutes. Donc, la CSN s'intéresse depuis ses tout débuts à la loi
sur l'accès à l'information et la protection des renseignements
personnels. Nous avons été de toutes les révisions
quinquennales de la loi d'accès à l'information depuis ses tout débuts. Nous
avons participé à différentes consultations
sur les cartes d'identité, sur la carte à puce en santé. Nous avons fait des
représentations au niveau fédéral aussi pour que le Québec soit exclu de l'application
de la loi fédérale. Donc, c'est un sujet qui nous tient à coeur.
Le rapport qui est présenté par la commission
aujourd'hui, bien qu'il porte le nom de rapport quinquennal, est en fait un rapport décennal. C'est un peu dommage. Le
fait est que 10 ans ont passé, et il s'est passé beaucoup de choses depuis ces 10 années, comme le note d'entrée
de jeu le commissaire, le président de la commission. Twitter,
Facebook, des mots
qui n'avaient aucun sens en 2002, sont maintenant devenus des incontournables.
Alors, ça change effectivement la donne. Et le rapport qui nous est
présenté en ce sens est un rapport 2.0, un rapport moderne, qui se
préoccupe de ces questions-là, et je pense qu'il fallait effectivement le
faire.
Donc, nous sommes en accord généralement avec
les propositions qui sont présentées par la commission pour une simplification des politiques de confidentialité,
l'idée des pictogrammes de protection qui permettraient de savoir rapidement et
sans avoir à se taper une lecture, que personne finalement ne fait, de
politique de confidentialité… le signalement
de tout mécanisme d'identification permettant de localiser une personne lors de
l'utilisation d'un produit, la fameuse…
l'identification par radiofréquence — alors, effectivement, il faut qu'on encadre ces
procédés-là — l'obligation de dénoncer toute autre technologie ciblant
les individus. C'est, pour nous, des avancées intéressantes.
Évidemment, les natifs du numérique, tout
natifs qu'ils soient du numérique, semblent ne pas nécessairement avoir conscience du caractère public, finalement, de tous
ces médias-là, sociaux, d'Internet, des blogues. Et c'est essentiel que les jeunes soient sensibilisés à toute la
question du respect de la vie privée, comment se protéger relativement
aux données qui sont rendues publiques sur ces systèmes-là. Et je vous dirai qu'il
n'y a pas que les jeunes qui devraient être éduqués et sensibilisés autour de
ces questions-là. Je pense que bien des adultes ne sont pas conscients de la
portée de mettre des données sur ces sites-là.
Les
déclarations de faille de sécurité, évidemment, il faut s'intéresser à ça. Ça
doit être obligatoire. Et c'est la commission qui est la mieux placée pour
recevoir les déclarations à cet effet-là.
La
fonction de responsable dans le secteur privé, oui, c'est intéressant. Il faut
moduler en fonction de la taille de l'entreprise, mais ça ne règle pas tout si
le responsable n'est pas bien formé et n'est pas bien renseigné quant à l'application
de la loi.
Le
passage à la transparence vers un gouvernement ouvert, c'est essentiel. La Loi
d'accès de 1982 a mal vieilli. La lourdeur
des processus, les multiples restrictions d'accès, les délais interminables et
l'impunité dont bénéficient les
gestionnaires en cas de refus compromettent le droit d'accès à l'information.
Il est grandement temps de revoir la loi de fond en comble et d'y aller vers une véritable divulgation proactive.
Alors, nous appuyons évidemment lesrecommandations
pour pousser plus loin le principe de la divulgation automatique, étendre le
Règlement sur la diffusion aux organismes publics et donner accès aux
données brutes, sans pour autant que le gouvernement ne délaisse la tâche de
formaliser, en quelque sorte, ces données-là, de les analyser et de produire
des enquêtes et des rapports qui soient lisibles.
Le délai pour motiver un refus d'accès, il
est... ça fait des années qu'on demande ça, un respect strict des délais pour motiver les refus.
La représentation par avocat, depuis ses tout
débuts nous demandons qu'on puisse se représenter par quelqu'un d'autre qu'un
avocat, devant la Commission d'accès à l'information. Nous l'avons toujours
fait. Et la récente décision de la Cour du Québec ne règle pas tout,
selon nous.
L'assujettissement
des organismes dont le fonds social fait partie du domaine public, c'est
effectivement, pour nous, un plus d'assujettir toute filiale qui détient des
actions à plus de 50 % par l'État.
Les
autres revendications, maintenant, de la CSN, portées depuis des années. Nous
avons presque des revendications ancestrales
sur certains sujets, notamment la surveillance en emploi. Depuis des années,
nous demandons que des mécanismes
soient intégrés à la Loi sur les normes du travail, de sorte à s'assurer que la
surveillance qui s'exerce sur les employés, en entreprise, soit encadrée
et qu'on ajoute un chapitre à la Loi sur les normes qui garantirait que toute
surveillance devra préalablement être autorisée après démonstration que des
motifs sérieux le justifient et que d'autres méthodes d'enquête ont été
utilisées en vain. C'est un aspect important, pour nous, de la protection des
renseignements personnels.
•
(19 h 40) •
Maintenant, la modification assurant l'accès
aux contrats conclus avec les organismes publics. La Loi d'accès, je l'ai dit, a mal vieilli. Les restrictions sont
tellement nombreuses qu'il est très difficile d'avoir accès à des contrats publics conclus par des ministères, par des
organismes du gouvernement, alors que ces contrats-là portent sur des
sommes souvent astronomiques. C'est des
projets majeurs qui concernent les deniers publics, la façon dont on utilise
ces deniers publics là, et il y a une espèce de secret qui entoure l'attribution
et les termes de ces contrats-là, et, pour nous, il est temps qu'on agisse sur
cette question-là si on veut vraiment parler d'un gouvernement ouvert.
En
conclusion, contrairement à l'idée que peuvent entretenir plusieurs organismes
publics, l'information gouvernementale n'appartient
pas au gouvernement. Elle appartient aux citoyennes et aux citoyens. En langue
swahilie, l'un des termes utilisés pour
«gouvernement» signifie «secret», «farouche». Les gouvernements démocratiques
eux-mêmes aimeraient mieux poursuivre leurs travaux à l'abri des regards
du public. Les gouvernements trouvent toujours de bonnes raisons pour justifier leur goût du secret. L'accès à l'information
est l'un des piliers d'une société démocratique. Les enquêtes
journalistiques ayant mis à jour, ces dernières années, des pratiques de
collusion et de corruption dans l'octroi de contrats publics démontrent toute l'importance
qu'il convient d'apporter à la transparence administrative et gouvernementale.
Cela étant, la loi québécoise sur l'accès
doit prendre un virage. Il faut en finir avec la logique de l'information disponible mais sur demande seulement. Il
faut revoir les très nombreuses exceptions permettant de faire obstacle à une demande d'accès, surtout lorsque des motifs
facultatifs sont en cause. Il faut de plus revoir l'approche, sortir du
modèle qui judiciarise à outrance l'accès à l'information. Tout retard dans l'accès
à un document ou à un renseignement est une atteinte au droit à l'information.
Or, l'obtention d'une audition à la CAI peut facilement prendre de 18 à
24 mois. De tels délais rendent sans objet plusieurs demandes d'accès.
Le
cinquième rapport quinquennal de la commission, sans répondre à toutes nos
attentes, présente tout de même plusieurs recommandations intéressantes qui
vont dans le sens de ce nécessaire renouveau en matière d'accès à l'information.
Merci.
Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie, Mme Pineau. Et
nous allons immédiatement débuter cette
période d'échange. Et je vais donner la parole au ministre des Institutions
démocratiques et de la Participation citoyenne. M. le ministre.
M.
Drainville :
Merci beaucoup. Merci, mesdames, d'être présentes parmi nous ce soir. On l'apprécie. Première question que j'ai le goût de vous poser, vous
prenez position en faveur de l'application du Règlement de diffusion aux organismes
qui sont à propriété étatique, là, pour plus de 50 %. Est-ce que je peux
vous demander si vous êtes favorables également à ce que le Règlement de
diffusion s'applique, par exemple, au réseau de la santé, au réseau scolaire,
aux municipalités également? Est-ce que vous avez une position là-dessus?
Mme
Pineau (Anne) :
Oui, oui, tout à fait, tout à fait. On parle d'une véritable ouverture, là. Il
faut ouvrir pour terminer, en quelque sorte,
le travail concernant le Règlement sur la diffusion.
M.
Drainville :
O.K. Bon, par ailleurs, vous prenez position pour que la Loi sur la protection
des renseignements personnels dans le secteur
privé soit modifiée pour créer la fonction de responsable de l'accès et de la
protection des renseignements personnels.
Vous êtes d'accord avec l'avis de la Commission d'accès qui suggère que cette
fonction-là devrait être créée en fonction de la taille de l'entreprise.
Est-ce que je peux vous demander comment vous définissez une taille qui justifierait, donc, la création d'un
poste comme celui-là? Est-ce que vous parlez, par exemple, du nombre d'employés? Est-ce que vous souhaiteriez, je ne
sais pas, moi, une entreprise qui compte plus de 50 ou de
100 employés? Créer cette fonction-là, est-ce que vous avez réfléchi aux
modalités d'application, dans le fond?
Mme Pineau
(Anne) : Écoutez, pas plus à fond que
ça. Je sais que ce matin, par exemple, le président de la commission parlait de
50 et plus. Je pense que ça fait partie, là, des modulations habituelles qu'on
utilise dans les lois du Québec, notamment en ce qui concerne l'équité
salariale. Un responsable de la protection des renseignements personnels pour une entreprise de 10, ça serait
difficilement compréhensible, difficilement justifiable, d'autant que, pour nous, il faut qu'on mette
effectivement du sérieux dans ce poste-là, c'est-à-dire que la personne
qui serait nommée responsable devrait être formée et devrait être informée des
tenants et aboutissants de la loi et posséder une véritable expertise, ce qui suppose qu'il y ait certaines sommes de
déboursées, là, pour faire cette formation-là. Donc, je pense qu'à
partir de 50 employés ça peut être justifié. Mais ça ne réglerait
effectivement pas tout si la personne, finalement, ignore comment appliquer la
loi.
M.
Drainville :
Très bien. Par ailleurs, à quel niveau de l'entreprise situez-vous la personne
qui serait justement responsable de la
protection des renseignements personnels? Est-ce que vous avez...
Mme
Pineau (Anne) :
Bien, écoutez, moi, je pense que ça serait, à ce moment-là, à l'entreprise à
définir elle-même qui elle entend nommer sur
ce poste-là. On peut difficilement imposer...
M.
Drainville : Vous souhaiteriez que ce
soit quelqu'un dans la direction, au sein de la direction, ou ça pourrait être
quelqu'un des...
Mme
Pineau (Anne) :
En fait, on espère et on pense qu'il faut que ce soit quelqu'un qui puisse
avoir les coudées franches. C'est surtout ça qui est important. Alors, effectivement, plus
on aura quelqu'un qui est en autorité, plus ça sera facile. Mais il faut que ça soit quelqu'un qui
puisse réellement voir à l'application de la loi et qui ait la latitude pour
le faire.
M.
Drainville : Bon, par ailleurs, si j'ai
bien compris, vous êtes d'accord avec la recommandation de la Commission d'accès
à l'information à l'effet d'ajouter une obligation de déclarer à la CAI les
failles de sécurité qui surviennent dans les organismes publics ou encore dans
les entreprises privées et qui impliquent des renseignements personnels. Est-ce
que je peux vous demander... Bon, par exemple, vous savez, il y a toujours un
débat au sein du secteur privé quant à
savoir s'il faut demander aux entreprises de s'autoréguler ou est-ce qu'il faut
créer une obligation légale. Qu'est-ce que vous en pensez, là-dessus?
Mme
Pineau (Anne) :
Une obligation légale, ça ne fait aucun doute, parce que l'autorégulation, c'est
bien pour ajouter
à des obligations légales, pour peaufiner, peut-être, pour faire plus que ce
que la loi prévoit, mais l'autorégulation, ce n'est jamais, selon nous,
suffisant si on veut vraiment obtenir un résultat.
M.
Drainville : O.K. Bon, par ailleurs,
vous avez abordé un certain nombre de thèmes qui ne figuraient pas,
explicitement du moins, dans le rapport de la Commission d'accès. Par exemple,
vous soutenez que seuls les motifs d'ordre
public devraient pouvoir être invoqués pour refuser une demande d'accès. Qu'est-ce
que vous voulez dire?Est-ce que c'est
la notion d'intérêt public, là? Parce que ça nous a déjà été suggéré ou plaidé,
effectivement, qu'on devrait réinsérer dans la loi la notion d'intérêt public
qui existait auparavant et qui a été retranchée.
Mme Pineau (Anne) : Bien, en fait, quand on dit qu'il
faut revoir la loi de fond en comble, c'est un peu le modèle qui est proposé
par la loi qu'il faut revoir, parce qu'il y a tellement de restrictions dans
cette loi-là, tellement d'occasions de faire échec à une demande d'accès
que ça devient un parcours du combattant. Alors, les articles 18 à 41, là,
sont là pour faire autant d'obstacles, O.K., à une
demande d'accès. Là-dessus, il y a des motifs qui sont d'ordre public, hein,
des motifs obligatoires, qui doivent même être soulevés d'office par la
Commission d'accès à l'information. Bon, il y a ces motifs-là, mais vous avez
plein d'autres motifs qui sont discrétionnaires pour l'organisme.
Je
vous donne un exemple, qui est peut-être le plus patent pour nous, qui est
67.1. Vous avez, à 67.1 de la loi d'accès à l'information, une obligation qui
prévoit que l'organisme public peut donner accès à un renseignement si cela est
nécessaire à l'application d'une convention collective. Alors, on a eu un cas,
nous, en 1988, qui est monté jusqu'en Cour d'appel,
O.K., où on a pris... On a demandé, par exemple, à un organisme public les
feuilles de remplacement des
travailleurs, O.K., et des travailleuses pour voir si les remplacements… si les
appels des occasionnels étaient faits correctement. C'est nécessaire à l'application
de la convention collective. On a démontré à la commission que c'était
nécessaire à l'application de la convention collective. La commission a
dit : Oui, c'est vrai, mais c'est «peut». Alors, si l'organisme ne veut...
M.
Drainville : C'est quoi?
•
(19 h 50) •
Mme Pineau (Anne) : «Peut.» C'est une discrétion. Le mot
«peut donner», c'est une discrétion. Alors, on
est montés jusqu'en Cour d'appel en
disant : Ça n'a pas de sens, ça ne peut pas… L'organisme, à ce moment-là,
peut retenir, à sa discrétion, le renseignement. Or, c'est un
renseignement qui pourrait être donné mais qui ne l'est pas. Alors, ça, c'est un exemple patent de ce qu'on dit quand on
dit qu'il y a des motifs dans la loi… Pour nous, il devrait y avoir une
seule règle : un document est public ou il ne l'est pas, et ça ne devrait
pas dépendre du calcul que fait l'organisme, O.K., sur : Ah! je vais-tu le donner, je ne le donnerai pas? Ça, c'est un
problème, pour nous. Alors, si on veut vraiment opter pour un
gouvernement ouvert et une véritable transparence, bien il faut revoir toutes
les restrictions de cette loi-là, parce qu'autrement je ne vois pas ce qu'on va
rendre public, honnêtement, sur le site...
M. Drainville : …c'est ça, dans… une de vos
recommandations, c'est justement de modifier 67.1, voilà, pour faire en sorte qu'une information qui est nécessaire
à l'application d'une convention collective soit transmise.
Mme Pineau (Anne) : Soit obligatoirement transmise, parce
que sinon, nous, qu'est-ce qu'on fait? On fait
un grief, hein, puis, dans le cadre du
grief, on a droit d'accès, parce qu'on est dans le cadre d'un procès quasi...
des règles quasi judiciaires, et on
fait constater qu'on a besoin de l'information. L'information est divulguée.
Mais à quoi on joue, là? On a perdu temps, argent pour avoir accès à une
information qui aurait dû être donnée dès le départ.
M. Drainville : O.K. Par ailleurs, vous demandez de
modifier la loi pour que toute surveillance en emploi soit préalablement
autorisée. Puis ça, c'est dans les milieux de travail. Et vous ajoutez, là, je
pense que ça résume assez bien votre
recommandation, vous ajoutez : «...de même que pour interdire toute
utilisation clandestine de moyens de contrôle ou de surveillance en
emploi.» L'autorisation devrait être accordée uniquement pour des motifs
sérieux, «sur preuve que d'autres méthodes d'enquête ont été utilisées en
vain». Pouvez-vous nous donner un peu le contexte de cette recommandation que
vous nous faites?
Mme Lacas (Isabelle) : Bien, en fait, actuellement, lorsqu'il
y a de la surveillance en emploi ou de la surveillance clandestine, on doit aller devant les
tribunaux pour la faire déclarer illégale. On la découvre souvent après coup, c'est-à-dire
qu'on ne sait pas que la surveillance est là. C'est souvent à l'occasion... Je
vous donne l'exemple d'une mesure
disciplinaire, ou on va découvrir, à l'occasion d'un bris d'équipement, par
exemple, qu'il y avait quatre, ou cinq, ou six caméras qui étaient là,
qu'on ne connaissait pas. L'employeur ne nous l'avait pas dit. C'étaient des
caméras cachées. Évidemment, dans
certains... Et là on va aller en grief, on va aller en arbitrage, on va plaider
la charte. On va plaider soit que c'est une condition de travail qui
était abusive au sens de 46 ou qu'il y a violation de la vie privée et que ça contrevient à 5 de la charte. On va devoir
faire déclarer par l'arbitre que le moyen utilisé était trop attentatoire
à la vie privée et que l'employeur n'a pas
pris d'autres mesures. Et là, pendant tout ce temps-là, les travailleurs ne le
savaient pas, ce n'est pas divulgué,
c'est caché. Et de plus en plus on constate, à cause de la technologie qui
évolue, qu'il est extrêmement facile de poser toutes sortes de moyens de
surveillance.
Évidemment,
les décisions des tribunaux parlent plutôt de caméras, là, vidéo, mais de plus
en plus il y a des mécanismes de contrôle et de surveillance évidemment qui s'installent
à l'intérieur des ordinateurs, qui permettent
de savoir le nombre de frappes que quelqu'un va faire à l'ordinateur, qui
permettent de savoir, dès le moment où une personne entre sur le réseau, ce qu'elle fait, si elle
travaille ou si elle ne travaille pas, si elle se lève pour aller à la salle de
bains. Évidemment, on ne la surveille pas, on ne la suit pas nécessairement
avec une caméra, mais elle est constamment
espionnée et elle ne le sait pas. Généralement, les salariés ne le savent pas.
Ce n'est pas divulgué. Et on va l'apprendre dans un contexte de procédure judiciaire, souvent, parce que l'employeur va
utiliser ces données-là. Et on va... La
mécanique que l'on propose, c'est-à-dire la mécanique qui permettrait d'ajouter
aux normes un préalable, dans le fond,
une autorisation, bien c'est exactement pour éviter la procédure judiciaire.
Parce qu'actuellement en arbitrage ce qu'on fait, c'est de
déterminer : Y aurait-il eu ou n'y aurait-il pas eu autorisation?
Donc, lorsqu'on gagne le grief, évidemment,
on en comprend… souvent, parce que la preuve est rejetée, l'arbitre va
dire : Bien non, cette surveillance-là n'aurait pas dû être autorisée.
Elle est illégale. J'en rejette tout le contenu. Or, ce que l'on propose ou ce que l'on souhaite, c'est que l'employeur,
avant d'installer ce type de mécanique-là doive être autorisé par l'organisme
à installer les moyens de surveillance. Parce que...
M. Drainville : Par qui? Qui devrait donner l'autorisation?
Est-ce que vous suggérez que ce soit la
Commission d'accès?
Mme
Lacas (Isabelle) :
Oui, je pense que la Commission d'accès a l'expertise pour s'assurer de ces questions-là. Effectivement, on suggère ça.
M.
Drainville : Donc, ce serait quelqu'un,
par exemple, qui travaille pour la protection des renseignements personnels au
sein de la Commission d'accès à l'information qui serait responsable d'évaluer...
Mme
Lacas (Isabelle) :
D'autoriser ce type de surveillance là, de préautoriser… ou enfin de déterminer
que la surveillance peut... que les moyens de
surveillance qui sont déterminés par l'employeur peuvent être installés, parce
qu'il y a un motif raisonnable et parce qu'il n'y a pas d'autre moyen d'arriver
aux fins que l'employeur recherche que d'installer
ce type de surveillance là. Parce que, dans bien des cas, il faut comprendre que
la surveillance est installée parce qu'elle
est disponible et que c'est un moyen plus simple. Souvent, on a des dossiers
ou en tout cas on a eu des dossiers où il y
a des caméras de surveillance qui sont déjà installées dans l'entreprise, et c'est
correct. Il arrive parfois que le syndicat y a consenti ou que ça a été
reconnu pour des motifs de sécurité parce qu'il y a une problématique. Et l'employeur ensuite va en installer, des caméras
supplémentaires, en disant : Bien, il y en a déjà, des caméras. Ça
change quoi que j'en installe d'autres? Et il faut à chaque fois aller
vérifier. Bien, elles sont installées pourquoi,
dans quel but? Elles vont surveiller
qui et à quelles fins? Et on va utiliser le produit de cette surveillance-là à
quelles fins? Parce que c'estextrêmement
difficile, lorsqu'on ne sait pas ce qui nous surveille, de demander son dossier
personnel pour aller vérifier les informations qu'il contient. Par
exemple, est-ce qu'on me surveille 24 heures sur 24? Si je ne sais même
pas que je suis surveillée, bien, évidemment, il n'y a pas de demande d'accès
au dossier personnel qui devrait contenir le produit de la surveillance.
Le Président (M.
Marsan) : Oui, Mme Pineau.
Mme
Pineau (Anne) :
Si je peux me permettre, d'ailleurs, la Commission d'accès à l'information, en
juin 2004, recommandait
qu'effectivement l'utilisation de la vidéosurveillance soit soumise à un
processus d'approbation devant être à la fois simple, souple et
efficace. Alors, ça faisait déjà partie, en 2004, des recommandations de la
commission sur cette question-là suite à une vaste consultation relativement à
l'installation de caméras de surveillance.
M. Drainville : Mais à ce moment-là, ces autorisations-là, il faudrait
éventuellement les rendre publiques après un certain nombre de mois ou d'années.
Comment vous voulez gérer ça? Une fois que vous avez désigné quelqu'un pour autoriser de la
surveillance, cette décision-là devient en soi de l'information, là, à laquelle
certaines personnes, par exemple une centrale
syndicale, pourraient vouloir avoir accès. Comment on gère ça, une fois qu'on a
créé cette fonction-là?
Mme
Pineau (Anne) :
Bien, en fait, ce qu'il faut voir, c'est que la commission a émis des règles
qui doivent être respectées pour pouvoir
procéder à une vidéosurveillance. Le problème, à l'heure actuelle...
M.
Drainville : Ça, c'est dans le
secteur public.
Mme
Pineau (Anne) :
Oui, effectivement, dans le secteur public. Mais ici, là, la recommandation, éventuellement, ça pourrait... On a pratiquement les mêmes
règles au niveau de la Loi de protection des renseignements personnels dans le secteur privé. C'est les mêmes principes
qui s'appliquent, hein? On ne peut recueillir que l'information qui est nécessaire, O.K.? On doit donner accès au dossier.
Alors, c'est les mêmes règles. Le problème, c'est que l'encadrement
existe, mais personne ne s'assure vraiment que préalablement il y ait une
autorisation.
M.
Drainville : O.K. Bon, par ailleurs,
vous demandez d'examiner les articles 21 et 27 de la loi d'accès à l'information,
qui concernent les renseignements ayant des incidences sur l'économie. Ce sont
des articles qui sont parfois invoqués pour
interdire ou refuser, dis-je, des demandes d'accès sur les contrats. Comme vous
le savez, dans certains cas, même, je
dirais, très souvent, ces demandes d'accès là sont refusées au nom du secret
commercial. Vous, est-ce que vous
êtes d'avis que le secret commercial ne peut en tout temps être invoqué pour
refuser une demande d'accès? Est-ce que, pour vous, c'est un critère qui
devrait être carrément mis de côté? Ça n'a pas de justification pour vous, le
secret commercial, pour refuser une demande d'accès?
• (20 heures) •
Mme
Pineau (Anne) :
Bien, effectivement, nous, on pense qu'on est rendus au point où il devrait
être normal que, si je veux contracter avec le gouvernement, bien je vais devoir être
transparente, je vais devoir mettre cartes sur table et je vais devoir
indiquer quels sont mes prix et à quelles conditions je fais le contrat. Je
pense que les révélations qui se succèdent à la commission Charbonneau depuis
quelque temps devraient nous amener à revoir sérieusement toute la question du secret commercial des contrats
énormes, par exemple en PPP. Dans le mémoire, là, on vous parle
notamment d'une enquête qui a été faite par un chercheur de l'IRIS et qui
visait à analyser, là, le bien-fondé d'une utilisation en PPP au CHUM et CUSM. Et il n'a pas pu aller aussi
loin qu'il aurait voulu dans son analyse parce qu'il n'a pas accès aux
contrats. Ça nous semble tout à fait déplorable.
Je pense qu'il faut revoir — et ça, ça fait partie d'une révision complète, pour nous,
des règles d'accès, ça fait partie de tout ce dont on vous parle depuis le début — toutes les restrictions d'accès. Et l'une de celles-là,
régulièrement évoquée, concerne effectivement les contrats, où on a finalement toujours accès
au montant global, mais il n'y a aucune ventilation quant aux termes du contrat. Et on a plein d'exemples,
là. Je veux dire, on parle de choses, là, comme, mettons, quelqu'un qui veut avoir accès à... Les documents, l'appel d'offres
et le contrat ont été communiqués au demandeur, cependant ces documents
ne précisent pas les montants payés par l'organisme. Alors, ces informations
échappent à la transparence administrative.
Et là c'était quelqu'un qui voulait recevoir copie du dernier contrat de
services en vigueur entre l'UQTR et une
certaine entreprise. Non, moi, je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est
normal qu'on ne puisse pas avoir accès à cette information-là.
Dans
une autre affaire, on nous explique, voyez-vous, que, si on donnait accès à
cette information-là, la divulgation permettrait sans doute de procurer un avantage
appréciable à une autre personne. Ce faisant, les compétiteurs,
nombreux, pourraient approcher la MRC dans le
but d'offrir un partenariat qui serait plus avantageux. Oui, moi, je pensequ'effectivement, comme organisme public, on
a droit d'avoir accès à des termes plus avantageux si c'est possible.
Alors, je pense qu'il faut remettre en cause toute cette notion-là, qui sert
souvent d'échappatoire, tout à fait.
M.
Drainville :
Bon, par ailleurs, vous avez par le passé, et vous le refaites dans votre
mémoire, demandé une modification à l'article 128 de la Loi sur le Barreau pour
permettre la représentation sans avocat devant la Commission d'accès à l'information. Je comprends très bien
les raisons qui vous amènent à suggérer ce changement-là à la Loi sur le
Barreau, là, vous l'expliquez bien dans votre mémoire, mais laissez-moi me
faire un peu l'avocat du diable. Certains diront :
La CSN a un service du contentieux, des services juridiques qui sont reconnus.
Il y a beaucoup d'avocats auxquels vous pouvez avoir accès. Certains
diront : Bien, si on permet à la CSN de pouvoir permettre à un de ses
conseillers syndicaux, par exemple, de se
présenter devant la CAI, à ce moment-là il va falloir le faire également pour
les entreprises. Donc, en d'autres
mots, on ne parle pas, par exemple, d'un organisme communautaire ou d'organisations
qui n'ont pas nécessairement les
moyens de se payer des services juridiques. Alors, si vous le souhaitez pour
une centrale, est-ce que vous êtes
prête à accepter, à ce moment-là, que cet amendement à la Loi sur le Barreau s'applique
à tout le monde et donc que dorénavant ce soit possible pour n'importe
qui, peu importe son statut, de pouvoir se représenter sans la présence d'un
avocat en révision devant la Commission d'accès à l'information?
Mme
Lacas (Isabelle) :
Oui, tout à fait. Tout à fait. De toute façon, à l'heure actuelle, c'est
exactement la situation qui se passe, pour parler de quelque chose que je
connais bien, de la Commission des relations du travail, hein, il n'y a
pas d'obligation d'être représenté par avocat. Je connais peu d'employeurs qui
n'utilisent pas les services d'un avocat,
par ailleurs. Et tant mieux si Hydro-Québec ne délègue plus de bureau d'avocats
pour venir devant la Commission d'accès.
J'en doute, mais tant mieux, on ne s'y objectera pas. Mais effectivement je
pense qu'il y a plein de tribunaux administratifs où la représentation
par avocat n'est pas nécessaire, et c'est généralement à l'avantage de ceux qui
n'ont pas les moyens de se payer la
représentation par avocat. Ça leur donne un accès à la justice qui est plus
grand et ça n'enlève pas d'accès à la justice, certainement pas, à une
entreprise. Et, si les entreprises... une grande corporation décide demain matin qu'elle va à la Commission d'accès
sans avocat et que c'est le responsable de l'accès qui est là, bien,
tant mieux, je ne pense pas que quelqu'un va s'en plaindre.
M.
Drainville : Vous lui souhaitez bonne
chance.
Mme
Lacas (Isabelle) :
Bien, en fait, je pense que... et je ne veux pas parler pour eux, mais pour
nous la difficulté, elle est beaucoup plus du côté… oui, pour nous de la centrale mais, vous
l'avez dit, d'un organisme communautaire, des associations, c'est beaucoup plus là que se vit la difficulté. On a eu
affaire, nous, à la CSN, à énormément de dossiers en exception déclinatoire, récemment, où, parfois,
même nos conseillers syndicaux ont été déboutés, là. La cause Hydro-Québec, on en a eu des semblables, et il y a eu
des conclusions à l'inverse pour nous. Et ça prend énormément de temps.
Et en bout de ligne, le fond du dossier, la
question de l'accès, le document, on n'en parle pas. Et donc cette
modification-là rendrait la Commission d'accès
semblable à la plupart des autres tribunaux administratifs, comme la CRT, comme
la CLP.
Le Président (M.
Marsan) : En terminant.
M. Drainville :
Il me reste 30 secondes. Je devine la réponse, mais, par acquit de
conscience, je vous la pose, je vous l'ai posée tout à l'heure, la question des
failles de sécurité. Les personnes qui sont concernées par la faille devraient
être informées qu'il y a eu faille et que leurs renseignements personnels
pourraient être mis en cause dans la faille de sécurité?
Mme Pineau
(Anne) : Oui, oui, tout à fait.
M.
Drainville : Ça va de soi pour vous?
Mme Pineau
(Anne) : Oui, oui, ça va de soi, mais
effectivement ça transite par la Commission d'accès à l'information.
M.
Drainville : ...d'accès à l'information.
Le
Président (M. Marsan) : Alors, merci
bien.
M.
Drainville : Très bien. Merci
beaucoup, hein?
Le
Président (M. Marsan) : Ceci termine cette première période d'échange. Nous poursuivons avec l'opposition officielle. Et je vais donner la parole à
Mme la députée Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir. La simplification des politiques de confidentialité, est-ce
que vous croyez vraiment que cela va régler le problème que, je crois, est le
problème réel, que les gens ne prennent pas assez le temps de considérer, c'est quoi, la protection des
renseignements personnels, c'est quoi, la perte de contrôle sur leur identité, etc.? Quand quelqu'un veut
avoir accès à un site sur le Web, il va vouloir accès au site. Aujourd'hui,
on trouve une politique qui est écrite de telle façon que très peu de gens,
même pas les avocats, comprennent. Mais, même
si on réduit ça et on simplifie cette politique, est-ce que vous croyez qu'on
aura résolu un problème? Parce que, que
ce soit un pictogramme, que ce soit quelque chose où on utilise le langage
ordinaire, est-ce que les gens ne vont pas simplement cliquer?
Mme
Pineau (Anne) :
Bien, je pense qu'il y a deux ordres de préoccupation ici. Le problème, avec les longues listes,
O.K., qu'on trouve sur les sites, c'est-à-dire les longs contrats qu'on nous
demande de confirmer qu'on a bien lu
et que personne ne lit... Moi, je ne les lis pas non plus parce que je veux
avoir accès à mon Black, je veux avoir accès à un site, je veux avoir... Et j'ai toujours un
pincement de coeur, en me disant : Bon, j'accepte, mais je ne devrais donc
pas puis je devrais tout le lire. Mais personne n'a le temps de lire ça,
personne non plus n'est capable de tout comprendre ce qui est écrit là. Mais je pense que c'est là que les pictogrammes
doivent servir à quelque chose. Moi, ce que j'aimerais pouvoir savoir, c'est : Est-ce que ce site-là est
ISO, loi d'accès à l'information? Est-ce que je peux savoir que la commission
est passée derrière cette politique-là de confidentialité, qu'elle l'a lue, qu'elle
me dit : Oui, ça, c'est O.K., ça respecte les principes de la loi, soit privée, soit publique, O.K., et je peux dire que... Parce que, pour moi, un
pictogramme doit signifier quelque chose, c'est la preuve qu'on répond à
certaines normes, O.K.? Alors, je ne sais pas comment vous, la
commission ou... Ce n'est pas très détaillé,
la question des pictogrammes, mais, pour moi, il y a une valeur associée au
pictogramme, celle d'un organisme qui serait, par exemple, la Commission d'accès
à l'information.
Mme de
Santis : …pictogramme va vous dire
que... Parce que vous allez consentir qu'ils peuvent utiliser les renseignements qu'ils vont pouvoir cerner, du fait
que vous allez sur leur Web, pour toutes fins qu'eux déterminent. C'est
ça que le pictogramme va dire. Vous, vous allez cliquer, et ensuite, c'est
quoi... Qu'est-ce qu'on a résolu avec ça?
• (20 h 10) •
Mme
Pineau (Anne) :
Oui, bien, c'est parce que là on n'a rien résolu si on ne fait rien. Parce que
là il y a vraiment des... plein d'occasions où on est appelé à confirmer qu'on accepte de
souscrire à tout ce qui est écrit là alors qu'on ne sait même pas ce qui est écrit là et on ne prendra pas
le temps de lire ce qui est écrit là. Alors, moi, je pense que le
pictogramme ne résout pas tout, vous avez
entièrement raison là-dessus. Il y a bien d'autres choses à faire, et moi, je
pense qu'il y a une bonne part d'éducation, en plus, à faire. Mais je
pense que le pictogramme, c'est un des outils qu'on pourrait avoir pour
permettre de savoir : Bon, bien, voici, est-ce que ce site-là ou cette
politique-là respecte au moins l'obligation de
ne recueillir que les renseignements nécessaires, O.K., que j'ai droit d'accès,
que... Donc, les grands principes de la Loi d'accès ou de protection des
renseignements personnels sont respectés.
Donc,
ce n'est pas une panacée, ça, c'est vrai. Je pense qu'il y a beaucoup plus à
faire au niveau de l'éducation, de ce côté-là. J'en prends à témoin toutes les fois
où je vois des gens qui consomment un bien, et qui arrivent à la caisse,
et à qui on demande «votre numéro de téléphone», et qui le donnent sans
problème, «votre adresse»… Il n'y en a pas, d'éducation, relativement à ça. Les
gens ont le droit de refuser de donner cette information-là, mais ils n'ont pas
nécessairement le réflexe de refuser de donner cette information-là.
Mme
de Santis :
Alors, qu'est-ce que vous proposez, en termes d'éducation? Parce que ce n'est
pas simplement éduquer les tout jeunes, c'est éduquer notre population «at large». C'est
quoi, les suggestions quant à l'éducation? Et est-ce que vous, comme syndicat, vous faites quelque
chose chez vous pour sensibiliser les gens de chez vous sur ce sujet-là?
Mme
Pineau (Anne) :
Oui, effectivement... Je passerai peut-être la parole aussi à Isabelle sur
cette question-là. Bon, évidemment, nous, il y a les jeunes. Dans les cursus scolaires, c'est
essentiel, au primaire et au secondaire. Je pense qu'il faut, à des
degrés divers et de façon de plus en plus complexe, alerter les jeunes, leur
apprendre, O.K., tous les pièges qui les
guettent sur ces médias sociaux là et le prix qu'ils peuvent devoir en payer
longtemps d'avoir, O.K., diffusé à tout vent plein d'informations les
concernant.
Mais je suis tout à
fait d'accord avec vous que les adultes aussi ont besoin d'être éduqués,
particulièrement sur la question des réseaux
sociaux. Nous, on le voit beaucoup, là, dans nos milieux de travail, les gens
de plus en plus sont confrontés, par exemple en arbitrage de grief, à
des profils Facebook, à de l'information qu'ils ont donnée sur le Net, dans des blogues, et ils se voient opposer ça par
l'employeur, et ils découvrent que, mon Dieu, finalement, ce n'est pas
si privé que ça, le réseau social. Ils ont
plein d'amis, mais ils ne réalisent pas que ça fait autant de personnes pour
diffuser les informations les concernant.
Alors, effectivement,
on fait notamment des bulletins d'information, on alerte nos membres. Mais je
pense qu'on est tous en besoin, je pense, de ce côté-là, d'apprendre, par exemple,
à définir nos profils, comment les rendre confidentiels,
ouverts à certaines personnes seulement. Mais je pense qu'il y a beaucoup d'éducation
à faire. Je ne sais pas si, Isabelle, tu veux...
Mme
Lacas (Isabelle) :
Bien, d'éducation à faire puis d'éducation qui se fait, malheureusement,
souvent suite à un incident malheureux, là. Vous venez d'en avoir un exemple, mais ça,
on en a beaucoup, des salariés qui vont écrire tout et n'importe quoi sur leur statut Facebook, par exemple, et
ensuite être absolument étonnés que ça ait été entre les mains, par exemple, de l'employeur, alors même qu'ils
étaient amis avec l'employeur, ou avec le fils de l'employeur, ou avec, sans le savoir, là, avec l'ami d'un ami qui
lui-même était ami avec l'employeur. De plus en plus, dans les milieux
de travail, effectivement, il y a de l'éducation
qui se fait. Il y a une volonté, qui vient souvent avec les
renouvellements de convention collective, de
connaître les politiques d'utilisation d'Internet, de participer à l'élaboration
des politiques d'utilisation des outils informatiques chez l'employeur
et des réseaux sociaux. Et là-dessus les conseillers syndicaux et les syndicats eux-mêmes se donnent de la
formation. Plusieurs syndicats vont eux-mêmes avoir un site Facebook,
par exemple, ou un site Internet, une page Facebook
et, via ça, vont donner de l'information, effectivement, aux syndiqués
parce qu'il manque énormément d'information là-dessus.
Et,
bon, la recommandation pour les natifs du numérique qui doivent savoir que ce n'est
pas leur vie privée, je vous dirais que, pour
plein de gens qui ne sont pas natifs du numérique, ils croient également qu'un
statut Facebook, qu'un tweet ou même
qu'un commentaire laissé sur un blogue est aussi privé qu'un commentaire qu'on
peut faire au 5 à 7, dans un cocktail. Or, évidemment, on le sait, ce n'est
pas le cas. Ça fait que donc, effectivement, on a notre bout à faire, au niveau de l'éducation, pour éduquer nos
membres à ce que ça veut dire que la confidentialité, que la vie privée,
à ce que c'est et aussi à ce que ce n'est pas, la vie privée.
Mme
de Santis : J'aimerais
retourner à l'article 67.1. L'article 67.1, c'est une exception à la
règle générale qui dit que les renseignements
personnels ne peuvent pas être divulgués sans le consentement de la personne
concernée. Donc, 67.1, c'est une exception. Vous voulez que cette exception
soit absolue, donc qu'on pourrait à tout moment communiquer un renseignement
personnel à une personne ou un organisme si c'est nécessaire à l'application d'une
convention collective. Est-ce que vous ne
croyez pas que vous allez un peu loin avec l'exception? J'aimerais aussi
vous demander… Vous avez donné un exemple d'un
cas où les renseignements n'ont pas été fournis en vertu de 67.1, mais
vous dites aussi, dans votre mémoire, qu'il
y avait d'autres demandes syndicales où vous avez... on vous a
systématiquement rejeté la demande. J'aimerais connaître c'est quoi, ces
exemples-là.
Mme
Pineau (Anne) :
Bien, écoutez, je n'ai pas... Vous savez, après Émilie-Gamelin, là… Il y avait quelques demandes d'accès qui traînaient encore, mais avec
Émilie-Gamelin on ne peut plus rien faire, parce que, même si on démontre que c'est une information nécessaire à l'application
d'une convention collective, on se rive au mur que… Oui, mais je ne suis pas obligé de le donner. Alors, ça
devient un exercice inutile. À quoi ça sert de faire une demande d'accès
et si je peux démontrer que c'est nécessaire à l'application de la convention
collective, si de toute façon l'organisme peut me dire : Oui, mais ce n'est
pas grave, je ne te le donne pas. C'est ça, l'enjeu, là.
Mme
de Santis : Mais
on parle de renseignements personnels, et ces renseignements personnels sont
protégés. Est-ce qu'on peut avoir le
consentement de l'employé en question ou des employés en question?
Mme Pineau
(Anne) : Pour l'application de la
convention collective, on ne peut pas faire dépendre du consentement de l'employé… D'ailleurs, on ne le sait même pas,
éventuellement, qui a été rappelé pour faire le rappel ou pas.
Mme de
Santis : …le mettre dans votre
convention que...
Mme
Pineau (Anne) :
Oui. Oui, mais la loi sert à quoi, à ce moment-là? L'article ne sert absolument
à rien. Bon, c'est sûr qu'on peut le mettre
dans la convention et c'est vrai que suite à ça il y a des syndicats qui ont
réussi à négocier ça dans leurs conventions collectives, mais ce n'est pas tous
les syndicats qui y sont parvenus. Et pour les milieux non syndiqués, bien, le problème reste entier parce que ça peut
être aussi pour l'application d'un contrat. On n'a pas... Je suis convaincue que, pour l'application
d'un règlement, ces débats-là ne se font pas. Si c'est pour l'application
d'un règlement, l'organisme va normalement sans problème le donner. Mais ici on
a neutralisé l'effet, en quelque sorte, d'une disposition en disant : Même
si vous démontrez que c'est nécessaire — ça devrait servir à
quelque chose, ça — nécessaire à l'application
d'une convention collective, bien, même si on démontre ça, vous ne l'aurez pas quand
même.
Mme de
Santis : ...est-ce que vous suggérez
qu'on modifie la définition de «renseignement personnel»? Présentement, c'est
un renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier.
Est-ce que vous proposez un amendement à la définition de «renseignement
personnel»?
Mme Pineau
(Anne) : Non, pas du tout. Pas du
tout.
Le Président (M.
Marsan) : Oui, monsieur ou madame…
Une voix : Combien de temps?
Le
Président (M. Marsan) : Il reste huit
minutes, un petit peu moins de huit minutes. Alors, Mme la députée de l'Acadie.
Mme
St-Pierre : Moi,
j'ai une question qui est plus d'ordre général, à savoir que, bon, on est en
train d'étudier évidemment un rapport quinquennal — un rapport, comme vous nous avez dit, qui n'est pas
quinquennal du tout — de la Commission d'accès à l'information. On est en train
aussi de regarder la possibilité d'une refonte complète de la loi parce qu'évidemment cette loi-là, elle a vieilli
puis elle a probablement besoin d'être remaniée complètement. Vous avez parlé de révision complète des règles d'accès à l'information,
vous avez parlé des informations en provenance... vous avez parlé dans le secteur public, secteur privé,
évidemment l'accès à l'information, un accès le plus vaste et large
possible à l'information. Qu'en est-il du secret syndical? Est-ce que vous
accepteriez que les syndicats soient soumis à la loi d'accès à l'information?
Mme
Pineau (Anne) :
Bien, écoutez, dans la mesure où vous mettez toutes les entreprises privées,
parce qu'il n'est pas question qu'on soit
traité de façon différente.
Mme
St-Pierre : Non, non, mais juste
que...
• (20 h 20) •
Mme
Pineau (Anne) :
Moi, honnêtement… On n'a pas considéré ça. Je vous dirais qu'on a déjà des
règles qui s'appliquent
à nous, on fait déjà preuve de beaucoup de transparence. Il y a des règles, au
niveau du Code du travail, qui régissent les renseignements qui doivent
être donnés. Moi, je ne pense pas qu'on est dans ce débat-là, à l'heure actuelle, c'est-à-dire à moins que vous proposiez
que l'accès à l'information s'applique à l'entreprise privée. Je ne sais
pas si c'est ce que vous entendez soutenir, mais en tout cas, pour l'heure, on
n'est pas là, là.
Mme
St-Pierre : Non,
c'est parce qu'on est évidemment dans le domaine des hypothèses, et comment on devrait élargir la loi,
et à qui la loi devrait s'appliquer. Et, la question, évidemment, il y a des
gens qui se la posent dans le public. Est-ce
qu'on devrait en savoir plus sur les activités des syndicats, et comment les
syndicats fonctionnent, puis qu'est-ce qui se passe, puis quels sont les
rapports qu'ils ont et toute la documentation qu'ils ont? Simplement, je vous
pose la question : Où est-ce que vous
logez, en tant que centrale syndicale, puisque, depuis trois quarts d'heure,
vous nous faites la démonstration de
l'importance d'avoir accès le plus possible à de l'information? Vous recevez
des cotisations syndicales, donc vous
êtes aussi responsables de ce que vous... de comment vous gérez l'argent des
syndiqués. La question se pose, je
Mme
Pineau (Anne) :
Bien, écoutez, vous savez qu'on est en campagne contre la loi C-377, si c'est
là où vous voulez en venir. On estime que c'est
une attaque clairement antisyndicale, de la part du gouvernement conservateur, qui a carrément ciblé les syndicats comme... et
dans le but de contrôler leurs activités. Alors, si c'est le type d'intervention
dont vous parlez, évidemment on n'est pas d'accord avec ça.
Le Président (M.
Marsan) : M. le député de Fabre.
M. Ouimet
(Fabre) : Merci, M. le Président. Il
me reste...
Le Président (M.
Marsan) : Quatre minutes.
M.
Ouimet (Fabre) :
Merci. Deux points que j'aimerais aborder : la question de la surveillance
des employés et la question du Barreau. En
fait, je vais y aller avec le Barreau en premier, si vous me permettez,
question de dissiper...
Des voix : …
M. Ouimet
(Fabre) : Je ne sais pas pourquoi,
mais, quand on parle du Barreau, les regards se tournent vers moi. Je l'accepte.
Une voix : ...
M.
Ouimet (Fabre) :
Oui, quand même, quand même. Non, mais en fait je tiens à dire… Parce que, pour moi, c'est... sur ce sujet-là,
je crois qu'il faut permettre le plus grand accès possible au mécanisme de
révision, et je considère que, si l'article 128
de la Loi sur le Barreau constitue un frein au mécanisme de révision de la
Commission d'accès à l'information, c'est une erreur, et il faudrait amender la
Loi sur le Barreau parce que, pour moi, je pense que ça ne devrait pas être le
cas. Maintenant, je ferai un vibrant plaidoyer à l'effet que la Loi sur le
Barreau...
M.
Drainville : ...
M.
Ouimet (Fabre) :
C'est déjà fait. Inquiétez-vous pas, M. le ministre, vous aurez mon appui
sur ce point-là.
Je
veux aller sur la surveillance des employés parce que c'est un point très
important. J'ai lu votre mémoire et j'écoutais les questions du ministre, qui
avait ciblé aussi cet élément-là, et je dois vous avouer que je suis un peu demeuré sur ma faim, parce que je connais très peu la
jurisprudence en matière civile, relations de travail,
au niveau de la protection de la vie privée, je connais beaucoup plus au
niveau criminel, et j'aurais aimé en avoir un peu plus en termes de c'est quoi, l'état du droit sur la protection
de la vie privée. Parce que ce que vous proposez, c'est de baliser ce
domaine du droit, et je n'ai pas beaucoup d'éléments pour comprendre, là, ce
qui est favorable, ce qui est défavorable. Parce qu'en matière de protection de la vie privée
et de surveillance des employés, là, parce que c'est dans ce domaine-là
qu'on se situe, il y a le côté de l'employeur, le pouvoir de gérance, et, de l'autre,
la vie privée, et c'est un équilibre à trouver entre les deux, et c'est un
équilibre délicat. Et j'aurais aimé avoir un peu plus de détails sur cette
question pointue.
Mme Pineau (Anne) : Je pense qu'il y a deux ordres de questions.
Il y a la surveillance en entreprise, O.K.,
qui est… On parle souvent de caméras de
surveillance en entreprise. Bon, un des problèmes, c'est qu'en général on ne le
sait pas, qu'on est surveillé. Ce n'est pas
«fair», hein, on ne le sait pas. Il y a un mécanisme de surveillance, on ne
sait pas qu'on est surveillé.
Pourtant, la jurisprudence nous dit que la surveillance en entreprise n'est
autorisée que si elle remplit certains critères,
hein? Alors, il y a plein de jurisprudences élaborées depuis 20, 30 ans,
O.K., autour de… D'abord, ça doit faire suite à des incidents importants
en matière de sécurité ou de vol. On doit avoir essayé d'utiliser d'autres
alternatives. La surveillance ne doit être
limitée que pour le temps qu'on endigue le problème, O.K.? Elle ne doit pas
servir à des fins disciplinaires.
Elle ne doit pas être dirigée constamment sur le salarié comme s'il était un
moustique sous le microscope. Alors,
on a plein de beaux principes comme ça, mais évidemment, s'il y a une
surveillance clandestine, bien on ne le sait même pas qu'on est surveillé, on ne peut même pas faire vérifier que les
critères établis par la jurisprudence sont respectés. Donc, si jamais l'employeur
décide, à la suite d'une surveillance clandestine, d'utiliser en preuve contre
un salarié… c'est là qu'on apprend que... et
c'est là qu'on fait le débat, un débat qui n'est pas sur devait-il, pouvait-il
installer des caméras, mais un débat de
preuve, hein, est-ce que la preuve est recevable ou pas. Alors, premier
problème. Alors, les règles n'ont pas
été respectées, mais c'est sans conséquence pour l'employeur en quelque sorte.
Et même il peut profiter de la preuve qu'il a obtenue, alors qu'il n'aurait
pas pu, normalement, éventuellement poser des caméras.
M.
Ouimet (Fabre) : Il me reste peu de
temps…
Le Président (M. Marsan) : Non, c'est terminé. Je voulais vous
remercier. Je vais maintenant céder la parole
au porte-parole du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Lévis,
vous avez la parole.
M. Dubé : Je suis vraiment désolé, M. le
Président, d'interrompre les questions du Barreau, mais je vais profiter des quelques minutes que j'ai. Je vais m'essayer
pour deux questions. Une, la première, plus tôt aujourd'hui, j'ai indiqué que,
pour moi, il y avait trois catégories d'information, un peu dans le sens de ma
collègue ici, de dire : Bon, il y a de l'information qui est vraiment
personnelle. Il n'y a pas beaucoup de gens qui s'obstinent que ça, ça devrait
rester confidentiel. Il y en a d'autres, une
deuxième, que je mettrais, de l'information de gestion, puis je donnerai l'exemple
que vous avez dit tantôt pour l'application,
par exemple dans votre cas, d'une convention collective. Ça, c'est
probablement, puis je dis «probablement», de
l'information qui devrait être disponible. Puis il y a une troisième catégorie
que j'aimerais vous entendre, c'est ce que j'appelle de nature
stratégique. Tout à l'heure, M. le ministre a peut-être parlé, des fois, au
niveau commercial, où... Mais, quand je lis votre mémoire, vous avez l'air de
dire que c'est l'un ou l'autre, qu'il n'y aurait pas cette troisième catégorie
là. Je veux vous entendre un peu là-dessus parce que, quand on vous dit :
Bien, y a-tu des choses que vous ne seriez pas prêtes à dire, en tant que
centrale syndicale?, je vous pose un peu la même question : Est-ce que
vous comprenez qu'il y a peut-être des natures… même pour un gouvernement qui a à travailler au niveau stratégique dans ses
sociétés d'État, etc., de sa vision… Est-ce que vous croyez qu'il y a des
informations qui sont de nature stratégique qui ne devraient pas être
communiquées?
Mme Pineau (Anne) : Bien, écoutez, d'abord, il y a dans
la loi des distinctions à faire entre les
renseignements personnels puis les renseignements qui concernent le gouvernement.
Là, il n'y a aucun problème avec ça, et on ne remet pas ça en cause. 67.1, c'est
sûr que c'est une exception au droit de divulguer des renseignements...
M. Dubé : ...la donne, celle-là, là. Je dis,
pour fins de notre discussion, là, je vous dis : L'information que vous, vous considérez
de gestion, qu'il serait tout à fait normal, dans une norme de travail d'une
entreprise avec ses syndiqués, de dire : Je dois vous donner ça
parce qu'on a une convention... Je vous le donne, ça. Ce n'est pas ça mon
point. Moi, je vous dis : On s'entend qu'il y en a deux. Moi, je pense qu'il
y en a une troisième, qui s'appelle de l'information de nature stratégique, que, même pour un gouvernement…
devrait dire… Puis là je vous demande si vous êtes d'accord avec ce principe-là qu'il y en a. Puis c'est un peu dans
le même sens que ma collègue disait. Si je m'appliquais le… Est-ce que
vous me diriez qu'à la CSN il y a des informations qui sont de nature
stratégique, que vous aimeriez protéger?
Mme Pineau (Anne) : Bien, moi, je... En tout cas, nous,
ce qu'on avance, c'est que les dispositions, là, sur les renseignements à
saveur économique, là, 22, 23, 24 de la loi d'accès à l'information et qui
concernent sur… les secrets commerciaux sont trop facilement invoqués
pour faire échec à de l'information qu'il est normal d'avoir, selon nous. C'est
anormal qu'on ne sache pas à quel prix un contrat a été attribué, qu'on
puisse...
M.
Dubé : ...stratégique, ça. Ce que je
vous demande, c'est...
Mme Pineau (Anne) : Non, mais ça, à l'heure actuelle...
M.
Dubé : Oui, O.K., vous me dites que c'est
économique, mais…
Mme
Pineau (Anne) :
Oui, mais alors moi, bon, je ne suis pas... on n'est pas entrés dans le détail.
Quand on vous dit qu'il faut réviser de fond en comble la loi, il y a place à
discussion, là, sur ce qui pourrait rester. Mais à l'heure actuelle, là, tout est en pain. Dans 22, 23, 24, tout passe
par… un, on invoque secret... et, à partir de ce moment-là, tout ce qui
est contrat conclu avec le gouvernement...
M.
Dubé : Donc,
pour bien préciser ma question mais comprendre aussi votre réponse, vous
dites : Il pourrait y avoir, selon vous,
comme...
Mme
Pineau (Anne) :
Bien, en tout cas, c'est effectivement à voir au vu de la jurisprudence. Mais
les exemples que je vous ai donnés tantôt, ce
n'était quand même pas, là, extraordinaire, ce qu'on demandait là, là.
• (20 h 30) •
M. Dubé : …pas les débattre ici parce que malheureusement on n'a pas
beaucoup de temps.
Et ma deuxième
question, juste par curiosité, là, il y a eu beaucoup de discussions sur la
surveillance, pourquoi… Puis j'ai revenu
là-dessus, tantôt, dans votre mémoire. Mais pourquoi ça ne se fait pas au
niveau des normes de travail plutôt
qu'à la... Si, par exemple, il y avait cette discussion-là, et c'était dans les
documents de normes de travail qu'on encadrait la surveillance des
employés, on n'aurait pas besoin d'aller, encore une fois, à la Commission d'accès.
Parce que c'est un peu...
Mme
Pineau (Anne) :
Bien, effectivement, nous, c'est d'abord au niveau de la Loi des normes, effectivement, qu'on prévoit...
M.
Dubé : Bon. Je
voulais juste bien... Parce que M. le ministre vous a posé la question de
dire : Est-ce que vous vous rendez compte que vous demandez à la
Commission d'accès d'avoir ce rôle-là? Mais ce n'est pas tout à fait ça
que vous dites. Vous dites : C'est
parce qu'en ce moment ce n'est pas nulle part, ce n'est notamment pas dans les
normes du travail.
Mme
Pineau (Anne) :
Effectivement. Nous, ce qu'on dit, c'est que, par exemple, ça devrait être dans
la Loi sur les normes du travail qu'on retrouve les dispositions qui concernent l'encadrement
de la surveillance en emploi. Dans le cadre où il y aurait un mécanisme d'autorisation, bien ça serait soit la
Commission d'accès, soit la Commission des normes, là.
M. Dubé : O.K. Je voulais avoir cette précision-là. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Marsan) : Ceci...
M. Dubé : …est-ce que j'ai étiré mon temps du Barreau, en plus, un
peu, là?
Le
Président (M. Marsan) : C'est très bien. Alors, ceci termine nos échanges. Et je voudrais vous remercier, Mme Pineau, Mme Lacas, de nous avoir
donné le point de vue de la CSN.
La
commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 10 avril 2013, après les
affaires courantes, vers 11 heures, afin
de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le
rapport de la Commission d'accès à l'information Technologies et vie privée
à l'heure des choix de société. Merci et bonne fin de soirée.
(Fin de la séance à
20 h 32)