To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Tuesday, March 26, 2013 - Vol. 43 N° 27

Special consultations and public hearings on Bill 22, An Act to amend the Crime Victims Compensation Act


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. Bertrand St-Arnaud

Mme Charlotte L'Écuyer

Mme Michelyne C. St-Laurent

Auditions

Mme Isabelle Gaston

Association des familles de personnes assassinées ou disparues (AFPAD)

Association québécoise Plaidoyer-Victimes (AQPV)

Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées
et en difficulté du Québec (FRHFVDQ)

Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel (RQCALACS)

Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

Autres intervenants

M. Luc Ferland, président

M. Guy Leclair, président suppléant

M. Robert Poëti

M. Gilles Ouimet

M. Jacques Duchesneau

M. Serge Cardin

M. Amir Khadir

*          M. Michel Surprenant, AFPAD

*          M. Bruno Serre, idem

*          Mme Arlène Gaudreault, AQPV

*          Mme Manon Monastesse, FRHFVDQ

*          Mme Karine Tremblay, RQCALACS

*          Mme Nathalie Villeneuve, Regroupement des maisons
pour femmes victimes de violence conjugale

*          Mme Louise Riendeau, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures une minute)

Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter les travaux. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme L'Écuyer (Pontiac) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin) et Mme St-Laurent (Montmorency) remplace M. Duchesneau (Saint-Jérôme).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Ferland) : Merci. Alors, ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires puis nous recevrons comme première invitée Mme Isabelle Gaston. Alors, sans plus tarder, je vous invite, M. le ministre de la Justice, à faire vos remarques préliminaires en vous mentionnant que vous disposez d'un temps de six minutes.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud : Oui, je vous remercie, M. le Président. Alors, M. le Président, permettez-moi d'abord de saluer tous les membres de la Commission des institutions, d'abord la députée de Pontiac, porte-parole de l'opposition officielle, sur les questions liées aux victimes d'actes criminels, le député de Fabre, le député de Marguerite-Bourgeoys et de saluer également, du côté de la deuxième opposition, la présence de la députée de Montmorency, qui nous fait le plaisir de sa présence aujourd'hui et, de ce côté-ci de la table, du côté du parti ministériel, le député de Beauharnois, le député de Sanguinet et le député de Sherbrooke. Alors, souhaitons-nous à tous de bonnes consultations particulières sur le projet de loi n° 22 aujourd'hui et demain.

Alors, M. le Président, le 19 septembre dernier, en me nommant ministre de la Justice, la première ministre du Québec me demandait de voir en priorité à aider et à soutenir davantage les victimes d'actes criminels. Le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, que j'ai déposé le 21 février dernier et qui fait l'objet, aujourd'hui et demain, de consultations particulières devant cette commission, est un des gestes posés par notre gouvernement qui va en ce sens, qui donne suite, donc, à ce mandat que m'a confié la première ministre en septembre dernier.

Comme vous le savez, M. le Président, il y a plus de 40 ans, les Québécoises et les Québécois manifestaient leur solidarité en se dotant d'un régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels qui est aujourd'hui le plus généreux au Canada. Cela dit, certaines lacunes particulièrement évidentes subsistent toujours. Ces lacunes mises en lumière dans la dernière année par notre premier témoin ce matin, la Dre Isabelle Gaston, doivent être corrigées d'urgence. Il faut corriger ces lacunes dans les plus brefs délais, sans attendre la grande réforme de notre régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, que nous devrons certainement faire un jour. Et j'ajouterais, M. le Président, certainement plus tôt que tard. Mais il y a des lacunes urgentes à combler, et c'est le but du projet de loi n° 22 que de les combler rapidement.

Nous proposons donc, pour adoption le plus rapidement possible, les mesures suivantes : d'abord, l'augmentation à 12 000 $ du montant de l'indemnité versée aux parents à la suite d'un crime ayant entraîné le décès de leur enfant mineur ou à charge — en comparaison, M. le Président, l'indemnité actuelle est bien moindre, soit 2 000 $ — puis l'augmentation de 3 000 $ à 5 000 $ du montant pouvant être remboursé à la personne qui a acquitté les frais funéraires d'une victime. Enfin, le paiement, jusqu'à un maximum de 3 200 $, des coûts de nettoyage de la scène d'un crime lorsque la victime est décédée dans une résidence privée. Le projet de loi n° 22 prévoit également, pour les victimes de violence conjugale ou d'agression sexuelle, la possibilité d'obtenir une compensation financière correspondant à deux mois de loyer jusqu'à concurrence de 1 000 $ par mois afin de couvrir les frais engagés pour la résiliation d'un bail résidentiel pour des raisons de sécurité tel que le prévoit le Code civil du Québec. Finalement, le délai pour produire une demande d'indemnisation passera, si le projet de loi n° 22 est adopté, d'un an à deux ans. Les coûts associés aux modifications de la loi, à terme, sont estimés à 2 millions de dollars, et une indexation annuelle s'appliquera par la suite aux montants prévus.

Telles sont donc, M. le Président, en quelques mots, les mesures proposées par le projet de loi n° 22, des mesures qui respectent la capacité de payer des contribuables, parce qu'il faut toujours avoir ça à l'esprit, M. le Président… qui respectent donc la capacité de payer des contribuables et qui ne nuiront pas à la santé financière à long terme du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Alors, cela étant, M. le Président, je suis maintenant prêt à entendre les remarques de mes collègues et à entendre également les personnes et les organismes qui ont été invités à nous faire part de leurs observations sur le projet de loi n° 22. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le ministre. Alors, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'indemnisation des victimes d'actes criminels et députée de Pontiac à faire ses remarques préliminaires, et vous mentionner que vous disposez d'un temps de six minutes.

Mme Charlotte L'Écuyer

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Je vais en profiter pour saluer le ministre et ses collègues ainsi que mes collègues et la recherchiste, qui me tolère et m'endure, et je vais débuter.

Nous débutons des consultations très importantes dans le cadre du projet de loi n° 22, un projet de loi qui aborde des questions très délicates, qui soulève des enjeux sur lesquels nous nous devons de réfléchir et d'agir. Nous entendrons, aujourd'hui et demain, des groupes ou des personnes qui ressentent le besoin de s'exprimer. Nous avons le devoir parlementaire de les écouter.

Bien que le ministre a laissé sous-entendre que nous voulions retarder l'adoption du projet de loi parce que nous avions demandé des consultations, au contraire, je lui réponds qu'afin de bien faire notre travail il est primordial de rencontrer les intervenants du milieu. Ce sont eux qui travaillent avec les victimes à chaque jour. Ils savent ce que les victimes vivent, les émotions qu'elles peuvent ressentir, les tragédies qui se cachent derrière leurs histoires. Les faits, gestes, récits qui nous seront présentés sont réels. Ne nous méprenons pas : c'est arrivé à nos soeurs, nos frères, nos mères, nos voisins et nos enfants. Ça arrive à Montréal, à Saint-Romain, à Prémont. Ce sont nos proches, ça arrive chez nous.

D'ailleurs, je tiens à dire aujourd'hui que nous aurions pu entendre une dame victime d'agression sexuelle, qui voulait s'adresser aux parlementaires afin de représenter les autres victimes qui, comme elle, ont subi des actes criminels. À mon grand désarroi, le gouvernement a refusé de l'entendre.

Tout en faisant notre travail de parlementaires, nous allons parler de chiffres, de statistiques, d'articles de loi, de fonctionnement du système judiciaire, mais il ne faut surtout pas oublier que, derrière ce projet de loi, il y a des humains, des personnes qui ont le courage de venir nous expliquer des problématiques sociales difficiles, des situationsinexplicables, tout en acceptant de se prêter à l'exercice parlementaire, et ce, afin de susciter une réflexion commune de trouver ensemble des pistes de solution acceptables pour les victimes.

Nous avons le devoir de soutenir ces personnes, de les écouter, d'entamer un dialogue ensemble, de les respecter. Je tiens à rappeler que le 21 mars 2012 le député de Saint-Laurent, alors ministre de la Justice, a présenté des mesures afin de bonifier le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Il a entendu l'appel des victimes d'actes criminels et a tenté d'améliorer le soutien qui leur est offert. Mais, à cause de l'obstruction systématique du PQ à l'adoption du projet n° 73, ces mesures n'ont pu être mises en vigueur.

Trois mesures parmi celles proposées n'ont pu être mises en vigueur face à l'adoption du projet de loi. Deux mesures ont été édictées par règlement le 1er août dernier, dans le cadre du Conseil des ministres, et seront en vigueur 15 jours après…

M. le Président, je crois que, durant les prochains jours, nous aurons le privilège et la difficile tâche d'entendre des témoignages et des faits vécus qui nous bouleverseront. Je souhaite que nous puissions tous faire preuve d'ouverture et de respect afin que ces consultations puissent bien se dérouler, et que nos discussions soient empreintes d'humanisme, et qu'elles puissent servir à bonifier le projet de loi déposé par le ministre de la Justice. Nous nous devons de reconnaître le courage des intervenants et ne jamais oublier les victimes, celles qui ont toutes subi ces actes effroyables.

En terminant, je souhaite remercier mes collègues qui m'accompagneront ainsi que le personnel de l'Assemblée nationale et les membres de la Commission des institutions. Merci, M. le Président.

• (10 h 10) •

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci, Mme la députée, pour vos remarques. Alors, j'invite maintenant la députée de Saint-Laurent à faire ses remarques préliminaires...

Mme Michelyne C. St-Laurent

Mme St-Laurent : C'est Montmorency, M. le Président. C'est Saint-Laurent, mon nom, mais c'est de Montmorency.

Le Président (M. Ferland) : Ah, excusez, c'est une erreur.

Mme St-Laurent : Oh, de rien.

Le Président (M. Ferland) : C'est députée de — alors, on le corrige à l'instant — Montmorency, c'est ça?

Mme St-Laurent : C'est ça.

Le Président (M. Ferland) : Excusez.

Une voix : Projet Saint-Laurent.

Mme St-Laurent : Projet Saint-Laurent.

Des voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Je fais souvent des tests comme ça, Mme la députée, pour voir si vous êtes attentifs, et alors...

Mme St-Laurent : Si je suis réveillée ce matin?

Une voix : On l'est tous, réveillés.

Le Président (M. Ferland) : Je remarque que vous l'êtes tous. Vous êtes tous éveillés ce matin. Alors, j'invite maintenant la députée de Montmorency à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de trois minutes, Mme la députée, en m'excusant encore une fois.

Mme St-Laurent : Merci, M. le Président. Je tiens à saluer mes collègues, tout le personnel et également les participants. Et je tiens à féliciter le ministre de la Justice.

Les remarques... La finalité d'une loi sur l'indemnisation, c'est de compenser et non de récompenser. Et vous savez que les victimes nous tiennent à cœur, c'est pourquoi l'article 7 de cette loi, qui prévoit à l'avenir 6 000 $ pour chacune des personnes à charge, le père et la mère... Ce que je propose aux intervenants et à tous ici, c'est de faire une réflexion. Si on compense une perte de revenus, au lieu de donner ce montant global de 12 000 $, ma proposition est à l'effet, M. le Président, qu'il serait important pour les victimes qu'ils aient une compensation monétaire sur la perte de revenus. Qu'on pense, par exemple, aux serveurs dans des restaurants, aux commis dans les stations de service, dans les épiceries, un peu partout, qui recevront 6 000 $ pour une personne ou 6 000 $ pour l'autre... ou 12 000 $, mais qui auront des pertes de revenus beaucoup plus considérables... Ça fait que c'est une option que j'offre à tous, et je pense qu'il serait important d'en tenir compte vu que c'est une loi sur l'indemnisation.

Je tiens à réaffirmer au ministre que nous sommes d'accord avec les positions antérieures sur le 5 000 $ pour les frais funéraires, sur les 3 200 $ de remboursement de frais de résidence et sur le 1 000 $ par mois pour les frais de loyer. Mais, si on veut vraiment faire une loi sur l'indemnisation, pensons indemnisation, perte de revenus, M. le Président. Je vous remercie et je vous souhaite une bonne journée.

Le Président (M. Ferland) : Merci, Mme la députée de Montmorency pour vos remarques préliminaires. Alors, peut-être juste aviser... Pour les journalistes, il n'y a pas de problème, c'est public. Pour les caméras, peut-être de permettre de filmer un peu, là, au début, de faire un tour... Ce qu'on me dit, c'est un peu les règles de l'Assemblée, mais il n'y a pas de problème pour prendre quelques images.

Auditions

Alors, merci. Nous allons maintenant, sans plus tarder, débuter les auditions. Alors, nous recevons maintenant le docteur... Mme Isabelle Gaston. Vous avez la parole pour présenter votre mémoire pour un maximum de 10 minutes. Ensuite, il y aura une période d'échange avec les parlementaires. Alors, Dre Gaston, à vous la parole.

Mme Isabelle Gaston

Mme Gaston (Isabelle) : Alors, est-ce qu'on me comprend bien comme ça? Oui? Bon.

Alors, bonjour tout le monde. Merci à la commission de m'avoir invitée et merci au ministre St-Arnaud d'avoir si rapidement mis de l'avant ce dossier. Si j'ai accepté de partir de Saint-Jérôme et de venir m'asseoir devant vous ce matin, c'est que je pense qu'il est primordial que vous ayez des gens qui ont été au coeur du programme qui a été conçu pour eux. Gardez à la tête que c'est en 72 que le programme a été créé par des gens comme vous. Puis, aujourd'hui, c'est des gens comme vous qui ont le pouvoir d'améliorer le système et de faire en sorte que la vie de bien des gens soit meilleure.

Je vais me concentrer sur les cas de meurtres à l'égard des enfants. Je connais bien la loi, j'ai révisé les différents régimes, j'ai posé des questions, j'ai passé la dernière semaine à revoir ça. Mais je me suis dit qu'aujourd'hui ce n'était pas pour ça que j'étais venue témoigner. Il y a des fonctionnaires, il y a des experts, il y a des avocats pour vous expliquer ça. Moi, si je suis ici aujourd'hui, c'est parce que je veux vous mettre les visages humains derrière les mots, derrière les chiffres qui sont contenus dans cette loi-là.

Les âmes sensibles, je vous avertis, je pense que c'est le temps d'aller prendre un café, d'aller aux toilettes parce que je vais utiliser des exemples concrets. Si vous trouvez ça difficile à entendre, dites-vous que nous autres, les parents qui survivent à un enfant assassiné, c'est notre quotidien, c'est notre réalité. Parce que nous autres, les parents d'enfants assassinés, on ne peut pas fermer la radio, on ne peut pas changer de poste. L'horreur que les gens ont de la misère à entendre deux, trois minutes, nous autres, là, c'est notre vie jusqu'à temps qu'on meure. Ça, il n'y a personne qui peut nous protéger. Derrière notre apparente résilience, on vit tous d'énormes difficultés, moi comprise. Ça prend du courage pour dire qu'on n'est plus à la hauteur de l'individu qu'on était. Ça prend du courage de dire : Oui, oui, ça va, quand ça ne va pas.

Je veux que vous preniez conscience que le système prive présentement des gens qui ont besoin d'aide, des gens qui ont besoin de services. C'est quoi, une victime? Une victime, c'est une personne qui, après la commission d'un acte criminel... elle a des conséquences physiques, psychologiques, sociales, émotionnelles, financières, mais aussi existentielles. Prenez des gens qui ont travaillé sur les guides... Allez n'importe où, vous allez trouver la même définition.

Quand on perd son enfant de crime... surtout dans un drame familial, on ne peut pas vivre son deuil dans l'intimité. On est limités dans notre liberté d'expression parce qu'il y a souvent des ordonnances de non-publication. On est souvent privés de ce qui est réellement arrivé à notre enfant, encore une fois, pour protéger le criminel, pour qu'il y ait un procès juste et équitable. Ça, ça nuit considérablement à la guérison, au processus de deuil. Souvent, on est entachés dans notre réputation lors des procès puis on n'a pas le droit, on n'a pas l'opportunité de rétablir les faits. On n'est pas représentés par avocat, on représente la société.

On est discriminés par nos compagnies d'assurance. Moi, j'ai été refusée, de même que plusieurs parents, pour une assurance vie, même avec des délais de deux ans. On nous trouve trop à risque de suicide. On est obligés d'aller témoigner. On doit repousser des procès personnels. Que tu sois prêt ou pas, il faut que tu ailles témoigner. En 2010, moi, j'ai perdu mon bébé. Secondaire… un stress énorme du procès préliminaire. J'ai eu les orteils bleus à cause que j'ai été tellement clampée au niveau du stress.

Lorsque j'entends les élus dire que nos programmes sont des plus généreux au monde, puis qu'on ne peut pas en faire plus, je me demande jusqu'à quel point ces gens-là ont pris le temps d'étudier les chiffres. Parce que moi, je suis allée sur votre site, j'ai pris le rapport 2011, celui qui a été donné, justement, au président, je pense : il y a eu 7 251 demandes, 52 dossiers pour des cas de meurtre, 10 enfants. Mais, si on prend les cas au complet, 52, ça représente0,7 % des demandes. On ne peut pas dire que, si on vient en aide aux parents, qu'on va créer une hémorragie dans notre système public. Si on appelle les gens qui se font inonder ou les gens qui se font voler leur argent des victimes, je pense qu'à juste titre il est inconcevable qu'un parent qui survit à son enfant assassiné ne soit pas reconnu comme ça.

Ça ne paraît pas, là. On aimerait mieux... Moi, j'aimerais mieux vous montrer mon oeil arraché, mon bras cassé. Ça serait plus facile, on aurait une preuve, j'aurais des photos, etc. Mais on s'est fait voler ce qu'on a de plus beau. Puis même si on faisait le tour du monde à genoux, on ne pourra jamais récupérer notre enfant puis l'être unique qui était dans notre vie. Il y a des choix politiques à faire. Le Québec, il est prêt. Il y a eu 32 000 signatures à la pétition. Les gens, ils m'arrêtent : Continuez votre combat, continuez votre combat. Il n'y a pas pire situation que celle de perdre son enfant de meurtre. Cessez de dire que les parents qui ne sont pas présents sur les lieux du crime ne sont pas des victimes parce que c'est une grave erreur. Il est temps qu'on reconnaisse puis qu'on répare cette erreur-là.

Vous pensez que je suis la seule à avoir vécu un drame en 2009? Il y en a eu d'autres avant moi, les Livernoche, les McInnis. Il y en a eu d'autres après puis il va y en avoir d'autres. Annie Lampron, la mère de Zackary et Florence… ses enfants, ils se sont fait exploser. Elle est allée à un centre médico-légal. Elle a vu la chair déchiquetée, les os brûlés. Mais on lui a refusé de prendre ses enfants. On lui a accordé cinq minutes. Elle est présentement en difficulté, cette maman-là. Elle est en arrêt de travail. Elle a un petit garçon à s'occuper, qui, lui, a survécu au drame. Nadine Brillant, Karen puis Lindsey se sont fait exploser et brûler à Warwick. Ils ont eu besoin des fiches dentaires pour reconnaître les enfants. Savez-vous ce que ça veut dire? Elle n'a pas eu la chance, elle, de les prendre ou de les voir. Elle en arrache, Nadine. Elle aussi, elle a besoin d'aide.

• (10 h 20) •

Patrick Desautels, le papa de Loïc, Anaïs et Lorélie. Ils se sont fait noyer. Il est arrivé le deuxième sur la scène de crime. Il a vu deux enfants alignés, un qui flottait encore dans le bain. C'est lui qui a appelé les secours. Qu'est-ce qu'il fait, lui, au lieu de se reposer? Il est en train de se battre devant vos avocats au Tribunal administratif pour prouver qu'il est une victime.

Moi, c'est sûr, tout le monde connaît mon histoire. Le liquide qui s'écoule des corps qui sont transpercés quand tu prends tes enfants… C'est sûr que ça paraît bizarre de vouloir prendre tes enfants, mais c'est tout ce qu'il te reste. On pense que mon drame a arrêté là, mais non, j'ai eu de la cyberintimidation, j'ai reçu des lettres de menace, j'ai été obligée d'aller voir la police — parce qu'il n'y a pas juste du monde équilibré, là, sur la planète — puis j'ai été atteinte dans mon intégrité physique. Ça fait cinq anesthésies générales que je subis dans l'espoir qu'un jour j'entende le mot «maman» dans ma maison.

Plusieurs d'entre nous, on est séquestrés par le système de justice. On dit protéger notre travail pour 104 semaines sans compensation financière, alors que, moi, ça fait déjà plus que 210 semaines; on annonce un appel en septembre puis peut-être un nouveau procès, etc. On vit continuellement... On réouvre nos plaies, ça nous empêche de compléter notre deuil.

Mais vous savez quoi? La société, elle a tout à gagner à investir dans une victime parce que la victime, quoi que vous puissiez en penser, elle ne fait pas juste recevoir du système. On oublie trop facilement que, sans victime, on ne peut pas combattre le crime. Vous aurez beau avoir les meilleurs policiers, vous aurez beau avoir les meilleurs procureurs, si vous n'avez pas de victime qui se tient debout puis qui a la force d'affronter un système, on ne peut pas protéger la vie humaine puis l'intégrité. C'est la meilleure assurance collective que la société puisse se donner, d'outiller et d'aider ces victimes.

Alors, ma première demande, telle que je l'avais faite dans la demande des pétitions, c'est qu'il faut reconnaître enfin qu'un parent survivant à un enfant assassiné soit reconnu à juste titre comme une victime. Je crois sincèrement que nous avons la légitimité de porter ce titre. Il est temps que les fonctionnaires reçoivent une formation sur la violence conjugale, c'était une des propositions du comité, d'ailleurs… qu'une des dernières étapes de la violence, c'est l'homicide et le suicide. Ce n'est pas moi qui l'ai écrit, là, c'est sur les sites.

Les autres demandes à côté de celle-là me semblent évidentes. Tout d'abord, c'est à nous tous de s'assurer qu'un enfant qui est tué ou une personne qui est tuée a des funérailles qui sont minimalement dignes. Ce n'est pas normal qu'un bébé secoué attende dans une boîte de carton que sa mère ait assez d'argent pour lui payer une pierre tombale puis le mettre en terre. Ce n'est pas normal. Les assurances privées, ça ne couvre pas quand il y a un geste criminel qui est posé à l'égard d'un membre de ta famille, quand c'est dans la même famille. Alors, de passer de 3 000 $ à 5 000 $, ça me semble minimal, surtout que ça fait la parité avec les autres programmes.

Finalement, concernant l'indemnité compensatoire pour la perte d'un être humain, je pense qu'il est primordial que le gouvernement et les élus prônent la parité avec les autres programmes. Ce n'est pas parce que tu es décapité, que tu es poignardé, que tu es brûlé, qu'on te fait sauter que tu vaux moins que quelqu'un qui est mort dans un accident de la route. Il n'y a aucune raison pourquoi la valeur devrait être moindre.

Si vous hésitez encore avant de prendre votre décision, fermez-vous les yeux, là. Ce soir, regardez vos enfants, là : imaginez-vous que c'est Olivier, que c'est Anne-Sophie, que c'est Jun Lin. Si vous n'y arrivez pas, là, vous amenez une petite portion de qu'est-ce que j'ai, moi, des photos puis des cendres. Je vous les donne, O.K., si c'est pour la cause, là, puis que ça vous aide à comprendre.

Est-ce que vous accepteriez, sans broncher, que votre vie soit rythmée à des procès, que votre vie soit rythmée à des procédures? Qu'on parle de vous sans que vous soyez d'accord, qu'on vous cite sans que vous soyez d'accord? Nous, on vit tout ça puis on voudrait qu'on soit comme avant : productifs, qu'on ne manque jamais, heureux, toujours de bonne humeur.

Je me tiens debout parce que je pense qu'on est un peuple où la solidarité, c'est important. Je crois à l'entraide, mais, par-dessus tout, je me tiens debout pour mes enfants, Patrick Desautels se tiendra debout pour ses enfants, mais pour vos enfants aussi.

Alors, c'est un sujet émotif, mais je suis prête à répondre à toutes vos questions afin qu'enfin on reconnaisse ce qu'on devrait avoir reconnu depuis très longtemps : c'est qu'un parent qui perd son enfant est une victime autant que l'enfant qu'il a perdu. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci beaucoup, Dre Isabelle Gaston. J'avais laissé couler le temps un peu, parce que vous comprendrez, M. le ministre, que j'ai amputé votre temps de quelques secondes. Alors, maintenant, nous allons débuter la période d'échange. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. St-Arnaud : Merci, M. le Président. Bien, bonjour, Mme Gaston. Merci d'être là, merci de vous être déplacée pour éclairer la commission, et je vous dirais aussi merci pour votre contribution au débat public sur cette question. Si on est ici aujourd'hui, c'est... Je pense qu'on ne serait pas ici aujourd'hui sans vous. Et merci pour ce que vous avez fait, et merci pour ce que vous faites en venant ici aujourd'hui, et merci pour ce que vous ferez parce que le projet de loi n° 22, c'est un premier pas. C'est un premier pas, je le disais tantôt dans mes remarques préliminaires, c'est un premier pas pour combler, là, certaines failles qu'il faut combler de manière urgente, dans les plus brefs délais, pour que ces failles énormes, là, soient comblées. Mais effectivement ce n'est pas la grande réforme, mais je pense qu'il va falloir rapidement se pencher sur cette réforme qui est attendue et, probablement plus tôt que tard, se pencher sur cette réforme de notre régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Aujourd'hui, en fait, ce printemps, avec le projet de loi n° 22, nous faisons un premier pas pour combler les lacunes les plus criantes de la loi et en ajoutant certains éléments supplémentaires, comme, par exemple, le délai de... pour déposer une demande d'indemnisation, qui, depuis 40 ans, était à un an et que maintenant nous augmentons, par le projet de loi n° 22, à deux ans.

Je voudrais aussi vous remercier de m'avoir personnellement sensibilisé — on s'est rencontrés en décembre dernier, et moi, je peux dire que ça a été une des belles rencontres que j'ai eues depuis que je suis ministre de la Justice, depuis six mois — de m'avoir sensibilisé lors de cette rencontre, mais aussi par différentes interventions que vous avez faites publiquement à certaines situations, et vous l'avez repris ce matin. Et, moi, ça me préoccupait beaucoup parce que j'avais hâte qu'on règle les failles les plus importantes du projet de loi n° 22, mais j'étais préoccupé par le fait qu'effectivement, dans les derniers mois, dans la dernière année, il y a eu des situations extrêmement préoccupantes, touchantes. Vous avez fait référence au cas de M. Patrick Desautels, au cas de Mme Nadine Brillant.           Alors, je vous remercie de nous avoir sensibilisés à ça.

Et, moi, ça me préoccupait parce qu'habituellement un projet de loi, ce n'est pas rétroactif, ça entre en vigueur au moment où c'est sanctionné. Et je me disais : Comment on peut donner une aide minimale à ces gens-là? Et je pense qu'en discutant avec certains parlementaires, on a trouvé une solution... Enfin, j'ai décidé de trouver ce qui n'est pas... Ce n'est pas une solution, mais ça va aider, parce qu'on ne compensera jamais la perte d'un enfant par un montant d'argent, mais une façon d'aider d'une manière plus concrète, là, ces cas particulièrement tragiques des derniers mois en annonçant que je vais verser un 50 000 $ de mon budget discrétionnaire à l'association... à l'AFPAD, l'Association des familles des personnes assassinées ou disparues, présidée par M. Michel Surprenant. Et, vendredi dernier, j'ai écrit à tous mes collègues, donc aux 124 députés de l'Assemblée... 124 autres députés de l'Assemblée nationale pour leur demander de contribuer à ce fonds d'aide exceptionnel qui sera créé par l'AFPAD pour aider, effectivement, des gens qui ne seront pas visés par le projet de loi n° 22.

Alors, ça, je pense qu'on a... Et c'est grâce à vous et c'est grâce à vos interventions, à celles de quelques autres personnes que plusieurs parlementaires et moi avons été sensibilisés à cette question de dire : Oui, on va combler certaines lacunes urgentes, mais qu'est-ce qu'on fait pour les cas récents qui ne seront pas couverts par le projet de loi n° 22 parce que ce n'est pas rétroactif? Ça, je pense qu'on a réussi à trouver un moyen, là, d'aider des gens comme Mme Brillant, comme M. Desautels.

• (10 h 30) •

Écoutez, moi, je n'ai pas de question particulière, si ce n'est cela, si ce n'est de vous remercier pour le combat que vous menez, que vous avez mené et que j'espère que vous allez continuer à... Votre voix est importante. Elle est importante pour tout le Québec, elle est importante pour toutes les victimes. Et sachez que, de ce côté-ci, nous accorderons toujours beaucoup d'importance à vos propos et sachez que vos propos d'aujourd'hui ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd. Je pense qu'il va falloir... C'est sûr qu'on a une situation, au niveau de nos finances publiques, qui n'est pas simple. Oui. Allez-y.

Le Président (M. Ferland) : Madame… Dre Gaston.

Mme Gaston (Isabelle) : Le rapport, là, c'est vous qui le demandez, puis je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, parce que je vous apprécie énormément, mais 0,7 % du budget de l'IVAC, si on aide les parents... Il y a un attaché politique qui a été tué, il y a une première ministre qui a failli être tuée. Je ne sais si elle avait emmené ses enfants ou si vous aviez emmené vos enfants pour une journée historique comme celle-là, mais ça aurait pu être un des vôtres.

Ce que je vous dis, que ce soit Nadine Brillant, qui est journaliste, qui a perdu, je ne sais pas combien de livres… Elle ne peut pas faire son travail. Dre Gaston, là, pas plus tard que voilà deux semaines, là, j'ai manqué 10 fois avec toutes les choses, là, on m'a reproché d'avoir été absente. J'ai gagné du tiers au quart de mon salaire. Je ne ferai pleurer personne au salaire que je gagne, il y a bien des gens qui ne peuvent pas vivre avec un tiers puis un quart de leur salaire. Je me demande si vous seriez capables, là, vous autres.

Je pense honnêtement, à tout le moins, ceux qui sont encore dans le système, puis je m'exclus de cette demande… Je pense que ceux qui sont encore dans le système à l'heure actuelle… Je veux dire, si on est capables de faire des impôts rétroactifs, là, qu'on est capable de se payer un nouveau logo parce que ça faisait 40 ans cette année, honnêtement, 0,7 %... C'est tout ce que je dis.

M. St-Arnaud : À mon avis, c'est très clair, et sachez que, je pense, tous les membres de la commission et moi, le premier, nous...

Mme Gaston (Isabelle) : ...malaise parce que, ce matin, j'ai pensé à tout ça toute la fin de semaine, mais, sincèrement, j'y crois à ce programme-là, je crois sincèrement que le travail qu'on fait pour vous à la cour est un travail essentiel pour notre système de justice. Je pense que vous pouvez envoyer vos enfants dans des écoles privées parce qu'il y a des enfants qui ont dénoncé, qui se sont fait abuser sexuellement. Je pense qu'on fait des grands pas avec les victimes, c'est une facette qu'on oublie. C'est ça que je voudrais qu'on retienne ce matin, là.

M. St-Arnaud : Bien, je vous remercie, et sachez que ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Il va falloir bouger sur ces questions à relatif court terme. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Maintenant... Oui. Merci, madame… Dre Gaston. Merci, M. le ministre. J'allais... ou si on a du temps pour le parti de l'opposition, à moins qu'il y ait quelqu'un du côté du gouvernement. Non. Maintenant, je me dirige du côté du parti de l'opposition officielle et pour un temps de 24 minutes pour la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer : Merci.

Le Président (M. Ferland) : 20 minutes, c'est-à-dire.

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gaston. Je vous ai écoutée. Et j'ai pensé aussi à vous en fin de semaine, c'est un sujet difficile. Ce qui ressort surtout, quand je vous écoutais, c'était votre résilience, votre courage d'avoir, d'une part, continué à vous battre, continué à mettre ça sur la place publique, nous obliger à nous interroger. Ça, je trouve que... Mais, dans le fond, vous avez aussi donné le courage aux autres personnes qui ont été victimes. Je vais tenter de ne pas être émotive, ça peut être difficile. Et je comprends, quand vous dites : La dignité envers les enfants… Vous avez donné des exemples.

Je ne comprends pas que, dans notre société, étant aussi évoluée, on retrouve de ces situations-là dont vous avez... dont vous nous avez parlé. Je ne comprends pas non plus le fait que les victimes qui sont là — et je ne parlerai pas des enfants qui n'y sont plus — ne soient pas plus aidées que ça, qu'il y ait cette discrimination-là au niveau des assurances, que ces obligations-là qui vous entraînent d'un procès à l'autre, ou d'une rencontre à l'autre, ou d'une négociation à l'autre, fait que, dans le fond, vous devenez victime d'un système, en plus d'être victime de la perte d'êtres chers.

Vous demandez de la protection et de la dignité et pour les victimes, et pour vous. Je comprends tout ça. Je sais c'est quoi perdre des enfants, j'en ai perdu un. Mais c'est une raison pourquoi je me sens près de vous. Et ça y est, c'est fait, là.

C'est vrai qu'on a une loi depuis 40 ans. Moi, je pense qu'il faut aussi prendre le temps de regarder qu'est-ce qui se passe aujourd'hui, comment ça se vit aujourd'hui. Je regardais des courriels que... Quand il arrive des incidents comme ça, les tweets, les Facebook, à quel point ça devient public, à quel point on vous déshabille du haut en bas et qu'on vous réhabille et qu'on vous déshabille... J'espère qu'on va réussir à répondre avec dignité, avec autant de courage et de résilience que vous nous avez montré et j'aimerais ça que vous parliez un peu, les conséquences psychologiques de quelqu'un qui est remis dans le bain. Moi, je dis toujours : On n'accepte pas le décès d'un enfant, on apprend à vivre avec, et, l'autre expression : Notre coeur, il pleure toujours.

J'aimerais ça que vous me parliez au niveau psychologique. Comment on peut continuer à cheminer? En se battant, en faisant des activités qui, dans le fond, vont changer un peu de ce qu'on doit vivre continuellement? Comment... Vous êtes là-dedans, là, continuellement, depuis quelques années. Vous retournez en appel. J'aimerais ça que vous me parliez, là, ça s'en vient, là, au mois de septembre, là.

Mme Gaston (Isabelle) : Bien, c'est ça, la principale difficulté. Moi, j'ai perdu mon conjoint dans un accident d'auto puis c'est un deuil très difficile. Souvent, on compare, on dit : O.K., c'est quoi, la différence? Tous les drames sont difficiles à vivre. La difficulté avec perdre quelqu'un d'un meurtre ou d'un homicide, c'est que c'est un individu, de son propre chef, de son libre arbitre, qui a enlevé la vie à une autre personne. Juste ça, c'est difficile en soi. L'horreur des gestes qui ont été commis à l'égard de la personne qu'on aimait, de savoir qu'elle est morte toute seule, qu'on n'était pas là pour lui tenir la main, qu'on n'a pas pu lui offrir une chaleur, c'est un autre processus. De s'imaginer, dans mon cas à moi, les cris, la douleur qu'ils ont dû subir. Alors, ça, c'est un gros, gros processus de deuil.

Puis, en fait, des fois, je m'imagine un peu comme si j'avais le visage complètement brûlé. Vous savez, quand on voit quelqu'un qui a les yeux... qui a le visage brûlé, on fait comme si on ne voyait pas qu'il était brûlé, là. Tu sais, comme : Oh! Mon Dieu! Il est brûlé. J'appelle ça le syndrome de la pupille qui dilate, là. Tu sais, le monde, il te reconnaît, mais... Alors, même si tu veux un calme, même si tu veux un repos, continuellement, tu es remis là-dedans, continuellement, continuellement, continuellement. Au travail, quand tu vas à l'épicerie, quand tu vas à la pharmacie, au Salon du livre, constamment... On te remet toujours là-dedans.

Les procès, on a besoin de savoir ce qui est arrivé. Ça prend des fois un an, deux ans. Le processus... On n'a pas de quoi nos enfants sont morts, tu sais. Ça, c'est l'enfer, de ne pas savoir. Un journaliste va amener un petit détail, parce que lui, il a obtenu de l'information que toi, tu n'as pas. Ça te fait décompenser. Tu t'en vas en vacances la journée qu'on annonce qu'on va donner le résultat de qu'est-ce qui s'est passé au Tribunal administratif. Tu passes tes trois, quatre semaines à aller voir sur Internet. Qu'est-ce qu'on dit? Qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce qui s'est passé? Les gens, ils ont le rapport en même temps que toi. Moi, là, les gens, les journalistes... C'est un journaliste qui m'a dit que le rapport, il était sorti. Alors, dans les autres cas de décès ou peu importe... Ça fait que ça... Puis ça dure, là. Moi, là, les gens, ils ont l'impression, là, que ça fait longtemps que mes enfants sont morts. Ça a fait quatre ans. Quand on a annoncé l'appel, ça m'a fait redécompenser. Tu es ambivalente, on te laisse... Tu n'as pas la paix d'esprit, tu sais. C'est continuellement comme ça. Alors, c'est ça.

Je pense que, comme vous dites, il y a des gens qui... Je reçois peut-être 3 000 lettres d'encouragement. J'en ai reçu des dizaines, des pas gentilles, mais celles qui m'ont atteinte pendant des semaines, bien, c'est les celles pas gentilles. On m'a jugé sur mon poids, sur mon apparence physique, sur mes cheveux attachés, pas attachés, sur d'être tannés que je parle de ça, qu'elle devrait changer de sujet… Bien, c'est ça.

• (10 h 40) •

Le Président (M. Ferland) : O.K., je vais y aller. Merci, Mme Gaston. Alors, je reconnais le député de Marguerite-Bourgeoys. Il vous reste encore un gros 13 minutes, allez-y, je vais vous laisser...

M. Poëti : Merci, M. le Président. Encore une fois, merci d'être ici ce matin. Je suis un nouveau politicien, je suis venu en politique parce que je pense qu'il y avait des choses qui devaient être changées, des choses qu'on pouvait peut-être améliorer, et puis... comme ceux qui vous écrivent puis qui n'ont rien à dire que des niaiseries; ils n'ont pas le courage de se lever, puis de se présenter, puis mettre leur visage sur un poteau — ce que je n'avais jamais rêvé de faire — pour venir ici puis tenter d'influencer des lois. Vous, dans des circonstances bien plus difficiles, évidemment, qui ne se comparent pas, vous vous levez debout toujours, puis vous êtes probablement tannée d'entendre les gens qui veulent parfois vous faire des commentaires négatifs et peut-être aussi des positifs parce qu'à un moment donné ça vient tout lourd, tout ça ensemble. Comme policier, j'ai vu beaucoup de gens, et, des vraies victimes, je les ai connues, et vous en êtes une. Je n'ai pas beaucoup de choses à vous dire, mais, peu importe le côté du gouvernement où on se retrouve, on a tous été élus pour faire avancer les choses, et ce que vous avez dit d'emblée, soyez assurée qu'on comprend peut-être davantage que peut-être vous avez la perception du mal qui vous a été fait.

Et, sur le volet de vous aider financièrement… Parce que c'est le terme, là, c'est «aider», quelqu'un a dit tantôt : Ce n'est pas un financement, ce n'est pas une cotisation. Mais je pense que, minimalement, l'État doit aider les citoyens qui vivent des atrocités comme la vôtre. Et, quand vous avez soulevé tantôt le fait de... les gens qui sont actuellement dans une demande devraient faire partie de ça... Parce que, là, il s'est fait... malheureusement, ont vécu, eux, un petit peu trop vite leurs malheurs comparés à ceux qui se retrouvent aujourd'hui dedans. Et il y en a combien? Est-ce qu'il y en a 1 000? Non. Est-ce qu'il y en a 300? Non. Alors, je pense que le gouvernement devra avoir une ouverture… les gens qui sont aujourd'hui dans le système aient droit à ces modifications-là, minimalement.

Et ma seule réserve, c'est pour les criminels. Quelqu'un qui est reconnu...

Mme Gaston (Isabelle) : Ils ne sont pas admissibles, les criminels.

M. Poëti : C'est ça. Alors, être certains que jamais ces criminels-là ne se retrouvent d'aucune façon là-dedans, et que les gens le comprennent et que les gens le sachent, parce que les gens ne le savent pas vraiment.

Et, peut-être, juste pour finir, au niveau de l'argent, Mme Gaston, inquiétez-vous pas, parce qu'il y a peu de gens encore au Québec qui savent d'où vient l'argent pour le fonds de l'IVAC. Il y a encore peu de gens qui ne savent pas qu'à chaque fois qu'un citoyen du Québec a un billet d'infraction il y a 10 $ qui vient dans un fonds justement pour l'IVAC.

Et savez-vous combien, par année, il rentre d'argent dans ce compte-là? Bien, je vais laisser le soin au ministre éventuellement de vous le dire. Et combien d'argent sort de ce compte-là? Je vais laisser le soin au ministre aussi de vous le dire. Il y a quelque chose qui ne marche pas, là. Il ne manque pas d'argent, Mme Gaston, il n'en manque pas du tout pour aider les gens qui sont les vraies victimes d'actes criminels.

Alors, moi, ici, sur ce côté-ci de nos discussions, je vais interpeller le gouvernement sur ça. Parce que, lorsqu'on dit, là : On fait une ponction dans une activité qui est la sécurité routière, que peu de gens ont compris… Bien, regardez : moi, là, c'était bon parce qu'il s'en donne des billets à la tonne pour des bonnes raisons, et il n'en manque pas, d'argent. Et savez-vous quoi? L'année prochaine, il va en avoir autant. Et aujourd'hui, avec les photoradars sur les postes de... les sites de construction… J'ai vu un policier en fin de semaine qui m'a dit : Il y a des sites de construction qu'on a 150 billets à l'heure, actuellement, qui sont donnés, là.

Ça fait que, là, madame, inquiétez-vous pas, Mme Gaston. Si quelqu'un vous dit qu'il n'y a pas d'argent, là, appelez-moi, parce qu'on va démontrer qu'il y en a assez. Et la force de l'État, sa capacité, de l'État, bien, dans ce domaine-là, est excellente parce qu'il en rentre, de l'argent, aux portes. Ça fait que moi, je vous dis : Je vais être un allié pour vous, et je pense qu'on doit vraiment... Si on a dit qu'on a pris ça pour ça, prenons cet argent-là pour ça. Et à ce moment-là on n'en manquera jamais parce que, malheureusement, la sécurité routière, il y a des gens qui ne comprennent pas. Tant mieux, parce qu'à certains égards les gens qui en ont besoin en profiteront.

Le Président (M. Ferland) : Merci, monsieur...

Mme Gaston (Isabelle) : Moi, ce que je vous dirais, c'est qu'aux dernières nouvelles, je pense, il y avait comme 40 millions qui dormaient là-dedans, ça fait que, même juste avec les intérêts, on réussirait à payer les soins pour ces gens-là.

M. Poëti : ...cette année. On recommence l'année prochaine, là. Tu sais, on revient encore avec 35 millions additionnels, là. C'est récurrent année après année, alors là, l'argent, là, ne devrait pas être une question ici alentour de cette table-là.

Mme Gaston (Isabelle) : Puis, les criminels, pour vous rassurer… C'est drôle que vous me parliez de ça, parce que, hier, je parlais avec un policier des crimes majeurs, qui... Parce que c'est la crainte souvent. Ce n'est pas pour rien qu'il y a 52 demandes. Dès qu'il y a un lien avec le crime organisé, aussi petit soit-il, même, nos policiers, ils vont témoigner au niveau du Tribunal administratif, puis ils ne sont pas admissibles, contrairement… en tout cas, je ne veux pas rentrer dans un autre débat… mais sous d'autres régimes. Alors, merci.

M. Poëti : Ça, on ne veut pas que ça change, puis c'est pour ça que je voulais le soulever puis le dire. Parce qu'entre la victime puis le criminel, là, il y a quelque chose entre les deux, et celui qui souffre, c'est la victime. Et ce que vous avez vécu est intolérable, inacceptable, tout le monde a compris ça. Alors, écoutez, c'est plate de dire qu'il ne fallait pas attendre quoi que ce soit, mais votre courage, votre détermination, bien, s'il y a des gens qui doutaient, considérez que c'est terminé.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le député. Alors, je reconnais la députée de Pontiac...

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : ...pour un temps d'à peu près 8 min 30 s, là, mais on est généreux…

Mme L'Écuyer : Merci. Merci, M. le Président. C'est selon les normes.

Je pense qu'une démarche... Pour faire suite à mon collègue, une démarche qui pourrait être faite, c'est que ce fonds-là soit un fonds protégé et n'aille pas dans le fonds consolidé quand les argents ne sont pas utilisés. On en a, des fonds qui sont protégés. Ça, ça pourrait être quelque chose qu'il faudrait regarder, que le gouvernement devrait regarder.

Moi, j'aimerais revenir, puis là on s'en va un peu plus sur les indemnisations. Quand vous dites que les compagnies d'assurance refusent soit de vous assurer ou de payer, est-ce que l'ensemble des gens qui ont été dans ces situations — j'ai quasiment le goût de dire «d'horreur» — ont tous ce même problème là où les compagnies d'assurance refusent quoi que ce soit?

Mme Gaston (Isabelle) : Mais, en fait, moi, ma grande surprise... Avant que mes enfants décèdent, j'étais dans un processus pour avoir une assurance vie pour... J'avais tout prévu, sauf le scénario qui est celui-là, là, donc. Puis, quand je suis venue pour signer — parce que j'avais déjà passé tout au travers tout ça — on m'a dit : Non, la compagnie d'assurance refuse de t'assurer pour ton assurance vie. Mais là j'ai dit : Bien, O.K., donnez une clause de deux ans comme tout le monde, tu sais, pour le suicide. Puis je ne pensais pas au suicide à ce moment-là, là. Puis on a dit : Non, on refuse catégoriquement. Mme Lampron, ça a été la même chose. Ça, c'est pour notre assurabilité future, là. Quand j'ai renégocié mon hypothèque de maison, je ne peux pas avoir une assurance invalidité puisque j'ai été dépressive et j'ai consulté un psychologue. Vous avez tout un rapport. Donc, je ne peux pas avoir une d'assurance invalidité. Je suis dans l'impossibilité d'augmenter mon assurance invalidité présentement puisque je suis encore en invalidité temporaire. Aussi forte que je puisse paraître, il y a des mois que je suis à moins 20 %, il y a mois que je suis à moins 5 %. Tout est calculé par la compagnie d'assurance. Je ne suis jamais revenue la femme que j'étais. Alors, j'ai un mécanisme qui est obsessif : quand je suis plus fatiguée, je fais juste plus m'attarder. Donc, c'est un excellent mécanisme, je ne suis pas un danger pour mes patients, mais je vais un peu plus lentement. Donc, ça, c'est une chose.

Ensuite de ça, il y a des gens qui avaient souscrit une assurance vie en cas d'un décès de leur enfant. La loi est claire. Là, je ne veux pas perdre de temps, mais je vous ai... Il y a quelqu'un, il y a un avocat qui a travaillé là-dessus. La loi, dans le Code civil, stipule que toute personne qui est impliquée dans le geste criminel ne peut pas être indemnisée. Donc, si le nom du tueur apparaît sur l'assurance, comme c'est souvent le cas dans le cas d'enfants, alors on ne peut pas recevoir l'assurance. Ça a été le cas pour Mme Brillant, pour un de ses enfants. Ça a été le cas — j'ai oublié le nom, là — d'une femme voilà 15 ans que son mari avait étouffé les enfants, la compagnie d'assurance avait refusé. En fait, c'est un peu pour protéger l'ordre public parce que, si... Il y a des gens qui sont croches, hein? Donc, si, disons, on pouvait assurer une personne puis la tuer, puis recevoir l'assurance, bien, à ce moment-là, il y en a qui le commettrait. Ça s'est vu, hein? Donc, c'est pour ça que la loi, elle a été ainsi faite.

Ensuite de ça, moi, vous savez, des fois je pense à déménager en Ontario ou dans une autre province parce que justement, dans mon travail... Moi, je suis une urgentologue, je ne veux pas faire autre chose, là, je suis une urgentologue. Je suis très bonne dans ce que je fais, j'aime ce que je fais. Donc, des fois, je me dis : Peut-être que je vais être obligée de partir. Ça, c'est toutes des choses comme ça. Donc, oui, concernant les assurances, là...

• (10 h 50) •

Mme L'Écuyer : Dans le fond, ce que vous nous décrivez, c'est que les victimes vivent de la discrimination à différents niveaux. Là, vous venez de dire : Je pense de quitter parce que j'aime mon métier d'urgentologue. Est-ce qu'on vous empêche de pratiquer votre métier d'urgentologue, ou bien si c'est pour vous éloigner et changer complètement de milieu pour, dans le fond, que ça... on en parle moins, ou on n'en parle plus, ou...

Mme Gaston (Isabelle) : Écoutez, les gens ont de la compassion, hein, mais quand ça touche leur propre famille. Chaque fois que moi, je dois m'absenter ou demander un échange, c'est quelqu'un d'autre qui est obligé de le faire à ma place.

Pas plus tard que voilà deux semaines, je subissais une intervention le matin, puis on m'a dit : Ah, tu sais, tu as manqué quelques fois. Là, j'ai dit : Oui, O.K., pourquoi? En septembre. J'ai dit : Oui, mais j'ai fait une grossesse ectopique, j'avais droit à deux semaines. J'ai manqué trois jours de travail, j'ai pris six jours au total.

À chaque fois qu'il y a un tribunal administratif où on t'envoie la lettre quatre jours avant, ce n'est pas comme si tu avais le choix de ne pas être là, en... Parce que, dans les procès, tu n'as pas le choix. Dans les tribunaux administratifs, à la limite, on pourrait. Mais pensez-vous sincèrement, quand je reçois 20 tweets, là... pas 20 tweets, là, mais 20 textos ou des... 15 appels de journalistes, et qu'on parle de mes enfants à journée longue, que j'ai la tête à sauver quelqu'un qui fait un infarctus? Non. Donc, je suis logique, je m'absente, je demande un échange.

Je ne vais plus à des congrès en même temps que mes collègues, puisque je ne me sens pas légitime de demander cette semaine-là, alors que je sais très bien que tout le monde veut la même semaine. Donc, ça fait deux ans et demi trois ans que ma formation... Je vais à d'autres congrès, qui sont moins intéressants. Je me sens un peu mal quand c'est le temps de demander une semaine de vacances, donc...

Je m'excuse pour le temps, je ne suis pas habituée au protocole, là.

Une voix :

Mme Gaston (Isabelle) : Puis, tu sais, je ne suis pas ici pour quêter puis juste parler de ma vie privée, mais je trouve que tant qu'à sacrifier ma vie privée, parce que c'est un sacrifice, d'être public… C'est la même chose pour les autres, là.

Mme L'Écuyer : Dans le fond, ce que je retiens, c'est que la lenteur des différentes démarches juridiques, la lenteur, quand vous devez vous présenter régulièrement au tribunal administratif… Dans le fond, toutes ces démarches-là, qui s'étirent et qui semblent ne plus en finir, ont un impact et au niveau de votre travail parce que vous finissez que vous avez l'impression que vous dérangez, il y a quelqu'un qui va aussi vous dire : Bien, tu as manqué pas mal... Ça fait que ça a un impact dans le fond sur à peu près tout ce que votre vie peut être, et celles des autres, là, je ne parle pas juste de vous, je parle des gens.

Parce que, dès que vous rentrez dans ces systèmes-là, c'est que ça n'en finit plus. Il n'y a jamais personne qui s'est questionné, à dire : Qu'est-ce que ça fait, du fait qu'on… soit qu'on remette la cause ou bien qu'on étire, qu'on étire, qu'on étire? Entre-temps, la personne est toujours dans la même situation. Il me semble qu'on devrait peut-être commencer à regarder... Je ne suis pas juriste, ça fait que je n'ai aucune idée, mais je me dis : Ça ne finit plus.

Mme Gaston (Isabelle) : ...donc c'est un recommencement. C'est : Il y a une guérison qui se fait, puis on réouvre la plaie; il y a une guérison qui se fait, on réouvre la plaie. Puis on remet nos projets personnels. Moi, après avoir fait ma fausse couche, quand il y a eu le procès, j'ai reporté un essai de tentative, là, de FIV; j'ai reporté après parce que c'étaient les vacances d'été pour mes collègues, j'ai reporté parce que c'est Noël, c'est le congrès, oups, le Tribunal administratif... Il y a toujours un moment... Regardez dans les derniers quatre ans, là, je n'ai jamais eu une période tranquille. Mais c'est la même chose pour plein de gens, là.

Mme L'Écuyer : Ça fait que, dans le fond, l'ensemble des victimes ont leurs vies conditionnées par ce qu'elles vont vivre au niveau juridique, mais bousillées complètement. Vous ne pouvez pas avoir de projet de vie pour dire : Si je peux commencer quelque chose puis l'amener jusqu'au bout...

Mme Gaston (Isabelle) : Parce que pour payer votre loyer, là, puis pour manger vous ne pouvez pas envoyer un chèque de compassion. Ça fait que, Dre Gaston, elle, en une journée, elle fait le salaire probablement de ce que des gens font en une semaine, une semaine et demie, dépendamment de qui, là. Mais M. Tout-le-monde et Mme Tout-le-monde, là, ils en ont besoin, de leur cinquième puis de leur quatrième journée de travail. Je pense qu'on disait 60 % des gens qui n'ont pas cotisé à leurs REER parce qu'ils n'ont pas d'économies; je ne suis pas une exception, là.

Le Président (M. Ferland) : Je vais aller du côté de... J'ai laissé déborder le temps, là, parce que vouscomprendrez que je vais présider de façon différente que d'habitude, alors j'ai laissé débordé le temps, Mme la députée de Pontiac.

Une voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Ah, il n'y a aucun problème, c'est très comprenable. Alors, maintenant, je vais aller du côté du deuxième groupe d'opposition officielle et je reconnais la députée de Montmorency pour un temps de cinq minutes.

Mme St-Laurent : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour madame. Je vous remercie d'être venue témoigner, parce que, vous savez, nous, les élus, on présente un projet de loi, mais vous, qui avez vécu cette situation-là… Ça nous prend des personnes comme vous pour nous éclairer. On regarde ça comme des juristes et, avec vous, on regarde ça plus... comme des humains, mais on vit cette situation-là en vous écoutant. Et ça, c'est extrêmement important.

Mais ce que vous avez dit… Il y a une chose que je retiens, c'est ce que j'ai dit, moi, au début de mon allocution : Compenser une indemnisation pour la perte de revenus, si avez entendu...

Mme Gaston (Isabelle) : Je l'ai noté.

Mme St-Laurent : Vous l'avez noté, hein? Et je pense que ça, c'est extrêmement important, les personnes qui manquent de travail, qui n'ont plus de congé de maladie ou qui prennent des journées à leurs frais, on en retrouve tellement. Je pense que c'est mieux que recevoir 6 000 $ et ça soit terminé. Comme je disais au début : Il faut compenser et non une récompense. Il faut compenser la perte de revenus.

Et, dans votre cas et dans les gens que vous avez consultés, est-ce que la plupart des victimes... cette perte-là... Il y a d'autres pertes aussi, quand on parle de compensation : il y a la perte de revenus, par exemple, il pourrait y avoir des frais de garde, par exemple, comme on voit sur l'assurance automobile. Si, par exemple, une femme, puis son conjoint est tué, à un moment donné, elle est obligée d'aller pour des examens à l'hôpital, qu'elle a des jeunes enfants…

Et j'ai regardé tout à l'heure, M. le Président, on a regardé les prix... pas les prix, mais, c'est-à-dire, les montants accordés pour la Loi sur l'assurance automobile, et il n'y a pas grand différence. Il y a peut-être 1 million de différence, qu'on a... il y a à peu près 1 million de différence. Il n'y a pas grand différence entre les prestations données en vertu de la Loi sur l'assurance automobile et ce qu'on pourrait accorder, nous.

Et, comme disait mon collègue, là… Il disait tout à l'heure qu'évidemment des fonds, il y en a pour les victimes. Et je pense que toute loi d'indemnisation doit viser, en premier lieu, une indemnité pour perte de revenus en plus des frais, là… on parle de frais funéraires.

Et vous, lors de vos rencontres avec les gens, voulez-vous me dire : Est-ce que ça, c'est un... Justement, la perte de revenus, est-ce que vous en entendez parler souvent?

Mme Gaston (Isabelle) : C'est le problème majeur. Présentement, je nomme ces trois personnes-là, mais Annie Lampron, c'est une infirmière, elle est en arrêt de maladie; Nadine Brillant, qui est une journaliste-reporter, elle est obligée de travailler — alors qu'elle est en dépression majeure, amaigrie, elle pleure souvent — 15 heures par semaine. Son conjoint travaille ici, à l'Assemblée nationale, ce sont des gens qui ont besoin de deux salaires pour payer leur loyer. Ils ont un petit garçon qui a sept ans. Mme Lampron, elle a un petit garçon.

Ça ferait toute la différence si on ajoutait un seul mot dans la loi : toute victime d'un crime ou, si elle est tuée, ses parents lui survivant peuvent se prévaloir de la présente loi. En reconnaissant les parents comme étant des victimes, on reconnaît l'ensemble des soins, c'est-à-dire : compensation de leurs salaires perdus, s'ils doivent changer d'emploi, les aider à se réorienter, etc. Parce qu'à l'heure actuelle, si un adulte est tué, le conjoint et ses enfants ont des indemnités qui compensent comme si la personne avait été lourdement handicapée. Vous savez... En tout cas, c'est...

Moi, j'ai appelé pour avoir un petit collier, parce que j'étais inquiète, là, d'alarme, depuis que M. Turcotte a été libéré, puis on a dit : Ah! Oui, on va regarder ça, fais-nous une demande, alors que ma propre soeur puis ma propre nièce, le matin où je devais aller magasiner avec eux, sont arrivées face à face avec M. Turcotte.

Donc, ce que je veux dire, c'est que c'est... On a besoin d'être protégés. On a besoin d'être compensés.

Puis moi, je pense que, si les gens, ils prenaient vraiment la peine d'étudier c'est quoi, la définition d'une victime... Ce n'est pas frauduleux, là, ce que je demande là, c'est... On les subit, ces répercussions-là, donc... Bien, c'est ça. Dans tous les volumes, dans toutes les choses de médecine, de psychologie que j'ai regardés, je pense que j'entre très bien dans la définition de ce qu'est une victime.

Mme St-Laurent : La victime n'a pas à subir, en plus du stress psychologique d'être victime, n'a pas à subir… Je vais parler de pertes financières. Ils ne sont plus capables de travailler, ils n'ont plus de revenus, ils peuvent perdre leurs maisons, si c'est des pères de famille, etc.

Mme Gaston (Isabelle) : Mais il y en a beaucoup, de gens qui ont perdu leurs maisons, beaucoup. Il y a des gens qui ont perdu leur travail, ils ne sont pas capables de le faire. Il y a des divorces, il y a peu de parents qui survivent à la mort d'un enfant, peu de parents qui survivent à la mort d'un enfant.

• (11 heures) •

Le Président (M. Ferland) : Merci, Mme la députée de Montmorency. J'ai, encore une fois, laissé couler le temps, mais il en reste encore un peu pour la partie ministérielle. Alors, M. le ministre, il vous reste encore un sept, huit minutes, là.

M. St-Arnaud : Bien, peut-être juste une question sur la compensation. D'abord, j'ai noté vos propos sur la reconnaissance des parents comme victimes et sur la compensation pour la perte de revenus. Ma question, c'était : Est-ce que la nouvelle mesure fédérale, qui est entrée en vigueur le 1er janvier... J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que ça ne règle pas une partie du problème? J'aimerais vous entendre sur la mesure fédérale par rapport à ce que vous visez à terme.

Mme Gaston (Isabelle) : Bien, en fait, c'est certain qu'avec cette nouvelle mesure là qui a commencé le 1er janvier…Écoutez, c'est, pour au moins, la première année, ça peut... Bien, ça va aider les parents, là, ça, c'est certain. Donc, c'est sûr que, dans les politiques, quand on administre, s'il y a un montant qui est donné d'un endroit, bien, à ce moment-là, tu sais, ça peut regarder... Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que c'est un peu comme quelqu'un… C'est que le drame, là, ça, c'est la première année, ça, c'est le deuil, ça, c'est le deuil, hein?

M. St-Arnaud : Quelques dizaines de semaines au fédéral...

Mme Gaston (Isabelle) : Bien, en fait, c'est une trentaine...

M. St-Arnaud : ...35 ou... Une trentaine de semaines?

Mme Gaston (Isabelle) : Une trentaine de semaines.

M. St-Arnaud : Une trentaine de semaines.

Mme Gaston (Isabelle) : Là, c'est M. Boisvenu qui l'a mené à terme, ce projet-là, avec ses alliés. Donc, je ne le connais pas à outrance, mais, je pense, c'est une trentaine de semaines. Donc, ça, c'est... Parce qu'il y a diverses composantes à perdre quelqu'un de meurtre : il y a le deuil de perdre la personne, O.K., et il y a les procédures judiciaires et les autres choses qui surviennent par rapport au crime commis.

Donc, pour moi, les séquelles de perdre son enfant ne se règlent pas en 30 semaines. Puis, voyez-vous, si on prend Mme Brillant... Moi, je peux partir puis m'en aller, exemple, en Ontario, m'en aller ailleurs. Mais être attaché politique ou être député, bien, tu es moins mobilisable, si on veut, tu sais, pour t'en aller ailleurs, la même chose avec un journaliste. Donc, à ce moment-là, si ton visage est reconnu, si tu es amaigri, si tu n'es pas sharp, tu n'es pas capable de faire tes choses, bien, ton employeur, à un moment donné, va dire : Je regrette, là, il faut que tu t'en ailles chez vous. Donc, tu n'es pas compensé puis tu n'es même pas protégé en recours pour dire : Écoutez, là, moi... Ça fait que c'est ça, c'est un peu ça.

Mais, oui, vous avez raison que c'est une chose… Il faudrait comparer, voir... On ne se mettra pas riches, là, avec ce programme-là, hein? Puis le but, là... Si j'avais le choix, là, honnêtement, là, je sacrifierais ma vie, ma vie pour avoir cinq minutes avec mes enfants. Il n'y a aucun argent qui va réparer ce que j'ai. Mais, par contre, ça va m'aider à redevenir productive, à être quelqu'un qui donne à la société, quelqu'un qui se tient debout pour combattre les plus vulnérables. On parle des enfants, mais il y a les personnes âgées. Je veux dire… comprenez-vous, dans le sens qu'une victime qui se tient debout, elle le fait pour chacun de nous. Alors, je pense que... C'est ça.

M. St-Arnaud : Merci. C'est très clair et... Bien, je vous remercie, encore une fois, de votre présence aujourd'hui. Merci pour ce que vous avez fait et pour ce que vous continuerez à faire pour les victimes d'actes criminels. Je pense que tous les membres de la commission, aujourd'hui, ont été à l'écoute de vos propos, de votre témoignage. Merci d'être venue.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. le ministre. Moi, je veux vous remercier également de vous tenir debout et de faire ce que vous faites pour tous les autres, les victimes et tout le monde qui... Alors, merci beaucoup à Dre Isabelle Gaston.

Alors, je vais suspendre. Merci pour votre contribution. Je vais suspendre quelques minutes, le temps de... Et j'inviterais M. Surprenant et M. Serre à prendre place pour...

(Suspension de la séance à 11 h 5)

(Reprise à 11 h 15)

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci. On va remettre un petit peu d'ordre dans cette commission.

Des voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Alors, nous allons reprendre les travaux. Nous allons reprendre les travaux, s'il vous plaît. Alors, je souhaite la bienvenue à M. Surprenant ainsi qu'à M. Serre, qui l'accompagne, et vous mentionne que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour votre présentation, suivi d'un échange d'à peu près 45 minutes avec les différents partis des parlementaires. Alors, M. Surprenant, à vous la parole ou à M. DeSerres? Je ne sais pas lequel.

Association des familles de personnes
assassinées ou disparues (AFPAD)

M. Surprenant (Michel) : Bien, écoutez, d'entrée de jeu, c'est sûr que le projet de loi qui est sur la table présentement, pour nous autres, c'est primordial. Dans un premier temps, ce qu'il faut comprendre, c'est que, quand il arrive un incident comme ça et que vous perdez un proche par un incident criminel, automatiquement, souvent, ça va amener la famille dans l'endettement. Pourquoi? Parce que, quand vous avez à figurer tout ce qui va avec, c'est-à-dire l'enterrement puis toutes les procédures qui vont avec, ça coûte excessivement cher si on veut faire quelque chose de décent. Alors, à ce moment-là, souvent, ça va amener la famille dans l'endettement pour plusieurs années, ce qui veut dire que vous allez prolonger le traumatisme pour autant d'années que ça va prendre pour finalement finir de le payer, comme on dit.

Il y a un autre point où vous avez... qui a été amené, c'est-à-dire deux ans au lieu d'un an pour réclamer. Souvent, quand il arrive une situation où vous êtes pris dans une tempête par rapport à tout ce qui se passe, vous voulez savoir qu'est-ce qui passe, vous voulez prendre des arrangements, etc., et souvent vous allez dépasser ce délai, et alors, à ce moment-là, deux ans, ça va permettre d'amener les gens dans une situation où ils ont le temps de retomber sur terre puis prendre des dispositions qui sont correctes sans dépasser des délais. Parce que souvent les délais font qu'on ne peut pas revenir en arrière.

Si on veut aller plus loin — je vais être assez court — pour expliquer un peu tous les dommages qui peuvent être encourus lorsque vous avez un genre de traumatisme, là… Moi, ça a été une disparition, donc je n'ai pas passé au travers de tout ce système-là, mais Bruno, qui est avec moi, qui, lui, a perdu sa fille dans un incident, va être plus en mesure de vous expliquer les traumatismes que lui a vécus puis tous les problèmes qu'il a dû faire face. Alors, je vais céder la parole à Bruno Serre.

Le Président (M. Ferland) : Merci. M. De Serre... il n'y a pas de…

M. Serre (Bruno) : Oui, oui, Bruno Serre, vice-président de l'AFPAD. Moi, c'est ma fille Brigitte qui a été assassinée en 2006, à la station Shell à Montréal. Moi, ce que j'ai vécu, c'est, premièrement, je n'avais droit à aucune compensation du gouvernement vu que c'était une enfant mineure. Puis, dans ce temps-là, bien, il n'y avait aucun montant accordé, donc je me suis fait refuser. Donc, j'étais pris dans un engrenage où que j'étais devant rien et vraiment rien, là : c'est à mes dépens, avec une petite assurance de la compagnie où je travaillais. Puis, quand ils parlaient du délai pour remplir les papiers, moi, c'est arrivé sur les lieux du travail quand même, ça fait que, question CSST, elle a embarqué dans ce processus-là, et on avait trois mois, exactement trois mois pour remplir les papiers puis tout remplir, faire venir les certificats de décès, et tout. Puis ils disent : Si vous dépassez trois mois, vous n'avez rien.

Quand on vit un drame comme ça, on ne pense pas à remplir des papiers, on ne pense pas à qu'est-ce qu'il faut faire, c'est quoi la prochaine étape. On est dans une bulle. On est devant l'ignorance. De toute façon, on ne sait pas ce qu'on fait puis on ne comprend pas ce qui se passe. Juste essayer de comprendre ce qui s'est passé puis survivre la première étape, c'est déjà beaucoup. Puis là ils nous donnent les choses, puis vous avez trois mois pour rappeler. Donc là, c'est un an, puis là c'est rallongé à deux ans. Je pense que c'est très, très raisonnable. Ça laisse le temps de se retourner de bord, parce que les premiers mois, là, on ne vit pas un deuil. De toute façon, un enfant, on ne vit pas un deuil, ça ne se calme pas au bout de deux, trois ans. C'est à vie. Donc, ça prend plusieurs, mais plusieurs mois avant de passer à travers puis de commencer à penser à survivre à ça, de prendre un autre chemin et d'accepter ce qui s'est passé. Ça ne se fait pas dans les premiers mois.

Puis là les compensations qui disent d'aller plus loin, les montants qui vont monter... Ce n'est jamais assez, un montant. On ne peut pas mettre de montant sur un être humain, mais déjà c'est beaucoup. Comme expliquait Michel, le problème que, quand il arrive un événement comme ça, le plus gros drame qui arrive après, parce qu'il y a un deuxième drame qui survient… on vient de perdre un enfant, puis le deuxième, c'est les finances. Qu'on le veuille ou pas, on tombe dans un engrenage, là, on va tomber dans un autre drame, puis on se retrouve avec des dettes par-dessus la tête, puis on ne trouve plus les moyens de s'en sortir. Puis on est rendus à un deuxième drame. Puis je pense qu'on n'a pas besoin de vivre ça. Les familles de victimes n'ont pas besoin de vivre ce drame-là. Donc, je pense que c'est une belle chose que les montants soient augmentés. Pour moi, c'est quand même très bien.

C'est sûr que ce ne sera jamais assez. Ce qui serait bien, c'est qu'il y aurait quand même un montant donné aux parents surtout. Parce que présentement, les parents, comme moi, on n'était pas reconnus comme des victimes, mais on est vraiment des victimes. Quand on perd un enfant, on est une victime. Ce n'est pas seulement la personne qui a été assassinée, mais les parents, on est des victimes. Ça fait que je pense que ce côté-là aussi, mais qu'on sera reconnus de ce côté-là, puis tous les amendements, puis les choses que vous voulez faire… je pense que pour nous autres, pour nos familles, pour l'association, c'est une belle victoire.

• (11 h 20) •

M. Surprenant (Michel) : Il faut comprendre aussi que nous, on met l'emphase sur le fait que, quand vous vivez un traumatisme, il faut être capable de reprendre le contrôle de sa vie. Il faut être capable de reprendre la joie de vivre, si on peut dire. C'est évident que ça nous amène dans une situation où la joie de vivre, si on peut dire, elle a toujours une petite case noire, comme on dit, mais disons que ça nous permet d'apprécier mieux la vie d'une certaine façon.

Il ne faut pas oublier aussi que la sensibilisation vers laquelle nous avons dirigé nos efforts auprès des gouvernements nous amène à espérer à avoir une certaine parité avec ce que les détenus pourraient avoir comme services, c'est-à-dire qu'au niveau des services qu'on est en droit d'espérer, c'est-à-dire les soins psychologiques pour les gens qui en ont besoin, des... Souvent, ça va être des soins de toutes sortes. Ça peut être un dédommagement parce que, bon, il y a la perte de salaire, il y a toutes ces choses-là. Mais c'est d'avoir une certaine parité, d'avoir un certain droit à l'information par rapport à un certain suivi de l'enquête dans le domaine du possible aussi.

M. Serre (Bruno) : Oui, juste pour rajouter à tout ça, c'est vraiment... Mais, surtout, ce qu'on veut, on veut que... Nous, on travaille beaucoup pour nos familles, qu'on représente, soient reconnues comme des victimes, puis ça, c'est très important pour nous autres parce qu'il y en a beaucoup qui ne sont pas reconnues. On ne nous reconnaît pas comme des vraies victimes parce qu'ils disent qu'on est les victimes collatérales, mais ce n'est pas vrai. Quand on perd un enfant ou qu'on perd un frère, une soeur, on est une victime directe autant. Puis, je pense, ça, c'est important puis c'est là-dessus, vraiment, que moi, je voudrais vraiment qu'on nous reconnaisse. C'est comme des victimes. Ça commence, mais on a encore beaucoup de chemin à faire, puis j'espère qu'un jour on va être vraiment reconnus victimes à titre... comme les mêmes... dans les autres crimes ou choses qui se passent, qu'ils sont reconnus comme des victimes. On voudrait qu'on soit reconnus, nous aussi, comme des victimes.

M. Surprenant (Michel) : Voilà. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. Surprenant, merci, M. De Serre. Maintenant, nous allons aller à la partie d'échange, et, M. le ministre, vous avez la parole pour un temps de 24 minutes, et ce sera le même scénario que tout à l'heure.

M. St-Arnaud : C'est bon, M. le Président. Bien, d'abord, bonjour, M. Surprenant, M. le président, M. le vice-président, M. Serre. D'abord, merci d'être venus devant cette commission aujourd'hui. Merci d'être venus entendre... de faire entendre votre voix et la voix de l'association, l'Association des familles des personnes assassinées ou disparues, l'AFPAD, qui est une association que l'on connaît depuis plusieurs années. Pour ma part, j'ai eu l'occasion de rencontrer à maintes reprises celui qui a fondé cette association, le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, lorsque j'étais dans l'opposition, même de participer à certaines des activités qui sont menées par l'AFPAD, et bravo pour ce que vous faites. Je pense que c'est une association qui joue un rôle important dans notre société et qui contribue aussi à l'avancement du débat, du débat public sur ces questions liées aux victimes d'actes criminels et dont on écoute toujours avec beaucoup d'attention les propos.

Effectivement, vous le disiez, le projet de loi n° 22, c'est un premier pas. Il y a encore beaucoup de chemin à faire, c'est un premier pas pour combler certaines lacunes qui sont urgentes à combler et qui sont dans le décor depuis déjà plus d'un an, alors il est à peu près temps qu'on règle cette question-là et, si possible, là, dès les prochaines semaines. Mais, c'est sûr qu'éventuellement il faudra faire une réforme plus vaste sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

J'aurais peut-être une ou deux questions. D'abord, la première. Je sais que l'AFPAD aide des gens — vous y avez fait référence, M. Serre, là — dans leurs demandes d'indemnisation. Et souvent, ce qu'on me dit — ça me revient : C'est lourd, il y a de la bureaucratie, c'est compliqué. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus. Est-ce que c'est vrai que c'est si difficile, qu'il y a trop de bureaucratie dans les demandes d'indemnisation? Qu'est-ce qui pourrait être fait de plus pour que ça soit plus simple? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, compte tenu de votre expérience eu égard à ces questions.

M. Serre (Bruno) : Bien, si on peut répondre là-dessus, c'est : quand il y a une demande d'indemnisation, une famille a des formulaires à remplir. On ne s'en cachera pas, là, malheureusement, les formulaires qui viennent dugouvernement, souvent, c'est complexe, c'est beaucoup de papier, il y a beaucoup de papier à remplir. Puis c'est faire venir des certificats. Comme dans un cas d'assassinat, il faut faire venir un certificat de décès, qu'il faut retourner après ça au gouvernement. C'est beaucoup de bureaucratie, je trouve, c'est... Faire venir un document pour le retourner à l'autre porte à côté après... Mais c'est toutes des démarches qu'il faut faire.

Puis on avait... Là, on a un peu plus de temps, mais on n'a pas beaucoup de temps. Puis les gens... C'est beaucoup de papiers à remplir. Ça prendrait vraiment de l'aide pour les remplir parce que ce n'est pas évident à quelqu'un que... Moi, j'ai vécu ça une fois, je ne veux pas le vivre une autre fois, remplir les papiers, puis il n'y a pas personne qui veut vivre ça, avoir à remplir des papiers. Mais c'est très complexe, les formulaires à remplir pour des demandes d'indemnisation puis l'approche avec les CAVAC, puis…

Puis souvent on a moins de support, on a moins d'aide. Ça fait que, nous autres, il y a des familles qui viennent nous voir, ça fait qu'on essaie de rapprocher... Parce que des fois ça va être refusé parce qu'il y a une question qu'on a oublié de remplir une ligne ou... Malheureusement, la plupart des formulaires... une virgule est à la mauvaise place, puis là ça a été refusé, puis là ils se demandent pourquoi, puis là il faut... Nous, on fait des démarches auprès des CAVAC, là : C'est quoi qui manque? C'est quoi qui se passe? Parce qu'à un moment donné les familles ne sont plus capables. Puis je les comprends, j'ai vécu ça. C'est qu'à un moment donné on vient épuisés, puis c'est très, très complexe à remplir.

M. Surprenant (Michel) : Ce que ça prendrait, du côté du gouvernement, ça serait d'établir un protocole pour que chaque personne qui est impliquée de près ou de loin connaisse le protocole, pour savoir... Si, mettons... Je ne sais pas, moi, que tu rentres par n'importe quelle porte du gouvernement, si ce n'est pas la bonne porte, au moins que la personne soit capable de t'acheminer vers le bon département ou la bonne personne, tu sais? Alors, ça serait d'établir un protocole où tout le monde le connaît et tout le monde est conscient que, bon, bien, on a une demande, peu importe d'où elle vient, elle va être acheminée à la bonne place.

M. St-Arnaud : Est-ce que vous travaillez beaucoup avec les CAVAC? Parce que ça, c'est un réseau que je trouve assez extraordinaire, là, que j'ai eu l'occasion de voir un peu sur le terrain, là, les centres d'aide aux victimes d'actes criminels, qui sont maintenant un peu partout sur le territoire québécois. Est-ce que vous, vous travaillez avec ces centres?

M. Surprenant (Michel) : On travaille de façon collatérale, oui, oui, pour mettre les gens en contact avec les différents services qui sont offerts par le gouvernement.

M. St-Arnaud : Peut-être sur un autre sujet. Quand on a rédigé le projet de loi, une des préoccupations que j'avais, c'était : Est-ce qu'on va être en mesure de faire en sorte que ce projet de loi s'applique à des situations particulièrement tragiques qu'on a tous vécues comme société, là, et que des gens ont vécues d'encore plus près, et qui se sont passées en 2012? Et honnêtement à un moment donné je me disais : Est-ce qu'on pourrait le faire... Peut-être que le projet de loi pourrait être rétroactif au 19 septembre, donc l'entrée en fonction du nouveau gouvernement. Puis là on a porté à mon attention certaines situations particulièrement dramatiques qui se sont déroulées durant l'été 2012.

Alors, à un moment donné, je me suis dit : Est-ce qu'on peut le remonter au printemps? Puis ensuite on m'a dit : Bien, vous savez, il y a eu aussi un drame, notamment, à Saint-Romain, en février, donc il faudrait remonter encore.

Alors, j'avais vraiment une préoccupation là-dessus. Parce qu'habituellement, vous le savez, les projets de loi, sauf très rares exceptions, ne s'appliquent qu'à partir du moment où ils sont votés puis ils sont adoptés par l'Assemblée nationale.

Et, après avoir discuté avec certains collègues, notamment avec l'ancienne députée de Lotbinière, qui est maintenant députée d'Arthabaska, je crois... je ne peux pas prononcer son nom ici, mais du deuxième groupe d'opposition... En discutant avec elle et avec d'autres collègues de l'Assemblée nationale, on s'est dit : Bien, pourquoi, pour ces situations-là, assez exceptionnelles, qui se sont produites, là, dans les derniers mois, dans la dernière année, mais qui ne seront vraisemblablement pas visées par le projet de loi... en tout cas, qui ne le sont pas par le projet de loi n° 22 actuellement... pourquoi on ne créerait pas un fonds qui pourrait s'appliquer pour ces situations particulières?

Et j'ai eu des discussions à ce moment-là avec vous, M. Surprenant, et ce que j'ai décidé, c'était de donner... Parce que je pense que tous reconnaissent la compétence de votre association, de l'AFPAD, alors j'ai décidé de prendre un 50 000 $ qui est dans mon fonds discrétionnaire, de le verser à l'AFPAD. Ça sera fait la semaine prochaine, dès le nouvel exercice financier, le 1er avril. Et, la semaine dernière, vendredi dernier, j'ai écrit à tous mes collègues de l'Assemblée nationale, les 124 élus, peu importent les formations politiques, pour leur demander de contribuer au fonds. Peut-être un 500 $ par député, un 1 000 $ par ministre, ce qui va faire un fonds, là, d'aide exceptionnel, que je vous ai demandé de gérer pour justement aider... Puis encore une fois, là, on ne compensera pas la perte d'un enfant par des sous, là, par des dollars. Mais, si on peut aider certaines situations particulièrement tragiques que l'on a tous vues au Québec, notamment dans la dernière année, bien, c'est le but, là, de cet argent que je vous envoie comme ministre et que je vais demander à mes autres collègues de l'Assemblée nationale de vous envoyer au cours des prochaines semaines.

Alors, ma question, c'est : Alors, comment vous avez accepté, là, de créer ce fonds d'aide exceptionnel à l'AFPAD? Comment vous entrevoyez gérer ce fonds pour aider, justement, ces gens, là, qui ont vécu des situations particulièrement tragiques au cours de la dernière année et qui, dans le libellé actuel du projet de loi n° 22, là, ne seraient pas visés?

• (11 h 30) •

M. Surprenant (Michel) : Dans un premier temps, vous nous avez offert un montant de 50 000 $. Nous avons mis en lumière que les cas les plus proches, c'étaient ceux de la dernière année. Ça remontait jusqu'à Saint-Romain. Donc, il y avait les enfants de M. Desautels, les trois enfants; Nadine Brillant, les deux enfants; et, à Saint-Romain, les deux enfants. De ce 50 000 $ là, on a décidé qu'on allait vers ces familles-là.

Si le fonds vient se bonifier avec les montants que vous m'avez dit par rapport à vos collègues, à ce moment-là, on va faire un deuxième comité de sélection et puis, à ce moment-là, on va aller plus loin, vers d'autres familles qui, probablement, sont peut-être encore dans l'endettement par rapport à ces choses-là, pour être capables, justement, de permettre de tourner la page.

M. St-Arnaud : Et, quand vous parlez d'un comité de sélection, là, vous parlez... Je présume que vous, vous êtes sur le comité. Qui est là-dessus?

M. Surprenant (Michel) : Bon, dans un premier temps, pour le premier 50 000 $, le comité de sélection a été formé par moi, par Isabelle Gaston et de Marc Bellemare, monsieur l'avocat. Pourquoi? Parce que ce sont les trois personnes qui ont fait des démarches auprès du cabinet pour sensibiliser le gouvernement à cette problématique-là. Alors, Mme Gaston, on l'avait incluse, mais Mme Gaston a fait valoir sa situation financière, qui était un peu particulière par rapport aux autres. Elle a dit : O.K. Laissez-le pour les autres.

Maintenant, le deuxième comité, si on a des sous pour y arriver, bien, à ce moment-là, on va former un deuxième comité. C'est toujours pour... Dans un premier temps, c'est toujours par souci de transparence, hein? Parce que, bon, c'est des argents qui nous sont donnés. C'est important qu'ils soient gérés de façon honnête et équitable. Il faut être transparent. À quelque part, c'est de l'argent du public. Alors, à ce moment-là, bien, le deuxième comité, on verra qui y sera à ce moment-là. Probablement que Marc Bellemare va être là parce que, bon, pour nous, c'est quand même quelqu'un qui, au niveau du droit… il peut nous guider par rapport à ces choses-là, tu sais? Alors, à ce moment-là... Le deuxième comité n'est pas formé encore.

M. St-Arnaud : Écoutez, je vous remercie. Je vous remercie d'avoir accepté de créer ce fonds d'aide exceptionnel. Et je lance l'appel à mes collègues. Ils vont recevoir la lettre aujourd'hui ou demain alors puisqu'elle est dans la poste depuis vendredi après-midi. Alors, j'espère que tous mes collègues de l'Assemblée nationale pourront, à même leurs budgets discrétionnaires, qui sont modestes, mais faire une petite contribution de quelques centaines de dollars pour les députés et j'espère au moins 1 000 $ pour chacun des membres du Conseil des ministres pour vous aider à aller le plus loin possible. Parce que je crois comprendre donc que vous allez vouloir aller... En fin de compte, si vous avez des sous, pouvoir remonter encore plus loin dans le temps. Alors, j'invite tout le monde qui nous écoute, M. le Président, tous les députés autour de cette table et tous ceux qui nous écoutent dans leurs bureaux à contribuer à ce fonds d'aide exceptionnel. Et en vous remerciant d'avoir accepté de le créer. Alors, ceci étant dit, M. le Président, ça complète pour moi. Je vous remercie, M. Surprenant. Je vous remercie, M. Serre.

Le Président (M. Ferland) : Merci.

Une voix : Merci d'avoir pris le temps de nous écouter.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, maintenant, je vais aller du côté de l'opposition officielle. Et je reconnais la députée de Pontiac pour un temps de 20 minutes.

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Surprenant. Bonjour, M. Serre. La première question, c'est que vous dites... Vous disiez tantôt : On veut reprendre le contrôle de notre vie et on a besoin d'outils. Je sais que vous avez réclamé d'être informés, au fur et à mesure, des démarches qui sont faites lors d'un suicide... pas d'un suicide, d'un meurtre commis auprès de quelqu'un de la famille. J'aimerais ça que vous m'en parliez parce que, pour moi, ça m'apparaît comme étant des outils importants pour comprendre; si on comprend, on peut peut-être reprendre une partie. Ça, c'est ma première question. Ça fait que j'aimerais ça que vous m'en parliez un peu, des difficultés que vous avez eues à avoir des informations des corps policiers suite au meurtre de quelqu'un de la famille, de vos enfants.

M. Surprenant (Michel) : Bien, je peux commencer une partie de la réponse. C'est que dans mon cas à moi, c'est une disparition. Donc, à ce moment-là, chaque élément de l'enquête devient un élément qui est quand même assez sérieux. Et il faut comprendre, à travers tout ça, qu'il n'y a rien qui est laissé au hasard puis on ne peut pas savoir quelle information est plus sérieuse que l'autre. Mais il reste quand même qu'à ce niveau-là on est dans le néant, on ne sait pas. Puis à ce moment-là je fais référence à un certain officier de la Sûreté du Québec, qui, lui, a été supercorrect, dans le sens qu'il a été capable de nous dire : Bien, on s'en va par là, on s'en va par là, sans rentrer dans le détail. Alors qu'il y en a d'autres qui sont peut-être bons au niveau de l'enquête, sont moins bons au niveau de la communication. Mais disons que ce n'est pas un reproche, c'est juste un constat. Ce que je veux dire par là, c'est d'essayer de garder au moins la famille dans un état où on peut comprendre que les choses avancent, où on fait de notre possible pour y arriver, tu sais.

Bruno, lui, il l'a vécu d'une façon plus concrète, parce que les prévenus, ils étaient arrêtés, et, à ce moment-là, il y avait une enquête qui se produisait, etc. Alors, à ce moment-là, Bruno va être plus en mesure de vous en parler de ce niveau-là.

Le Président (M. Leclair) : Merci, M. Surprenant. Mme la députée de Pontiac, d'autres questions?

Mme L'Écuyer : Oui. Bien, c'était pour M. Serre. S'il veut compléter.

Le Président (M. Leclair) : M. Serre.

Mme L'Écuyer : Oui, ce serait important.

M. Serre (Bruno) : C'est juste que je peux compléter ce qu'il disait. Quand on parle de l'information qu'on demande à avoir, pareil, au même titre que les prévenus ou les autres, c'est qu'on est en cour... Quand on se présente en cour, puis qu'il y une enquête qui est en lieu, ils ne nous tiennent au courant de rien pour ne pas nuire à l'enquête. Ça, c'est la première chose qu'ils disent. Il y a une partie qu'on croit, oui, c'est correct. Mais il se passe un paquet de choses en cour qui se font qu'eux autres vont nous dire : Bien, c'est tout à fait normal. Bien, nous autres, on ne sait pas. Puis là on voit le détenu qui est là. Dans mon cas, il y en avait deux. Eux autres, ils ont droit aux informations, ils ont le droit de parole, ils ont le droit de contester, de demander quelque chose, de prendre des notes. Nous, c'est juste si on peu respirer. Puis, encore, si on respire trop fort, on se le fait dire.

Donc, c'est très plate, c'est difficile à vivre parce qu'on n'est pas informés. Moi, dans mon cas, je n'ai pas été informé. Il y a eu ce qu'on appelle — excusez-moi l'expression — des deals de faits, mais ils nous le disent après. Ah! C'est des deals qu'on fait, mais c'est correct, ça. Mais moi, je n'étais pas d'accord avec ça. Moi, faire des deals pour que quelqu'un sauve des années de prison, non. À un moment donné, il y en a un qui a fait des deals puis il s'est retrouvé en liberté, puis on l'a vu qui était dans un autre pays avec des machettes puis tout.

Ça fait que je trouve ça très plate, parce qu'on n'est pas informés. Il y a des... Ils prennent des procédures puis ils prennent des décisions, puis ils ne nous tiennent pas au courant, parce qu'ils disent : Vous n'avez pas besoin de savoir. Mais c'est quand même... là, on parle... C'est un procès, parce que c'est ma fille qui a été assassinée, mais je n'ai pas le droit de savoir rien. Ça fait que c'est très difficile, puis je trouve ça plate. On devrait être informés. Sans qu'ils nous disent tout ce qu'ils vont faire, ou c'est quoi la sentence, puis toute la scène du crime, mais, au moins, qu'on soit informés sur les principes de base : c'est quoi, être en cour, puis c'est quoi, la présence devant les juges, puis c'est quoi... puis qu'on aurait le droit au moins de parler.

Quand on parle d'une victime de viol, quand elle va aller en cour, elle peut témoigner. Moi, ma fille, elle ne pouvait pas témoigner, elle a été assassinée. Ça fait que moi, à titre de parent, j'aurais été... Il me semble... c'est mon droit de parler en son nom. Parce qu'une victime d'un viol ou d'une tentative de meurtre peut parler, mais une victime qui a été assassinée, elle ne peut pas parler. Ça devrait être le droit des parents de parler en leur nom. Mais, on n'a pas ce droit-là, puis ça, je trouve ça bien plate.

Le Président (M. Leclair) : Merci, M. Serre. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer : Bien sûr, c'est un fait que, dans un cas de meurtre, vous n'êtes pas reconnus comme étant le parent de l'enfant qui s'est fait tuer. J'essaie de comprendre, là, pourquoi vous n'avez pas le droit de parler.

M. Serre (Bruno) : On n'est pratiquement pas reconnus comme une victime, parce que la victime, c'est la personne assassinée. Ça fait que, présentement, moi, quand on est passés, on n'est pas reconnus vraiment comme une victime. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. Vraiment, la victime... On est comme une victime collatérale. C'est comme ça qu'on est reconnus.

Le Président (M. Leclair) : Mme la députée de Pontiac.

• (11 h 40) •

Mme L'Écuyer : Vous avez parlé, bon... Je reviens toujours avec l'outil pour reprendre le contrôle de sa vie. Il y a du soutien psychologique qui est donné. Est-ce que ce que vous pouvez recevoir, dans votre livre à vous, avec l'expérience que vous avez vécue, vous en avez eu assez ou bien si, dans le temps, c'est trop court pour dans le fond vous outiller à continuer votre vie?

M. Surprenant (Michel) : Écoutez, dans un premier temps, ce qu'il faut comprendre, c'est que, quand il arrive un traumatisme de cet ordre-là, ça amplifie les traits de caractère déjà existants. Ce que ça veut dire, c'est que, quelqu'un qui est résilient va l'être encore plus, celui qui est plaignard va l'être aussi. Alors, à ce moment-là, pour nous, c'est de rediriger la personne vers une attitude positive, constructive, reprendre le contrôle de sa vie, il faut l'amener là, voyez-vous. Les outils, c'est plus le bagage qu'on a accumulé avec les années qui font que, à un moment donné, on est capables d'amener les gens à se reprendre en main et de reprendre le contrôle. C'est sûr que, quand...

On n'est pas des psychologues, alors c'est pour ça que les aides psychologiques, ils sont là, qu'ils vont aller jusqu'à 30 séances... Dans la plupart des cas, les gens, après deux, trois séances, vont être remis sur la track, comme on dit, puis ils vont être capables de fonctionner. Il y en a d'autres qui, après 30 séances, ne seront pas réhabilités encore d'une certaine façon, tu sais.

Mais, dans la moyenne, on peut dire qu'un petit coup de pouce, ça remet sur la track. C'est sûr que l'exemple qu'on peut donner, c'est la… thérapie encore.

Mme L'Écuyer : Ma question est pour M. De Serre... Merci, M. le Président. Ma question est pour M. Serre. Tantôt, vous avez dit, bon : Il y a toutes sortes de formulaires qu'on doit compléter, c'est compliqué, on va nous demander un premier certificat de naissance, il faut en avoir un deuxième. D'abord l'IVAQ aide beaucoup, les CAVAC aident beaucoup les gens qui sont aux prises avec un meurtre de quelqu'un... de son enfant à compléter des formulaires. Puis vous disiez : Si on avait un protocole de qu'est-ce que ça prend, combien ça prend de certificats de naissance — parce que je suis convaincue que ce n'est pas juste un — combien... Qu'est-ce qu'il faut faire? Est-ce que ça peut aider quelqu'un qui vient d'apprendre que son enfant a été tué? Ou bien : Quel formulaire compléter pour que vous soyez dans les délais et qu'en même temps, une fois que c'est fait, vous n'avez plus comme à vous occuper du côté paperasse?

M. Serre (Bruno) : Oui. Puis, quand on parle de... pas juste de certificats de naissance, ça prend des certificats de décès, puis ça, je trouve ça un petit peu aberrant qu'on demande un certificat de décès quand on sait que... Le gouvernement le sait, qu'il a décédé, mais, pour l'autre bureau à côté, ça lui prend un certificat de décès, qu'il faut payer en plus de ça, c'est toujours des frais encourus, faire venir... puis ça prend toujours les originaux, hein, jamais de photocopies.

Mais ce que je dis des formulaires, c'est les alléger parce que présentement c'est lourd. Il y a beaucoup, beaucoup de pages, beaucoup de questions. Puis je pense que... Est-ce que la personne est décédée? Des genres de questions des fois que, quand on remplit, on est là : Bien, là... Tu sais, des fois, il y a certaines questions qui pourraient être mises... ou ça devrait être un formulaire... une personne décédée, elle devrait déjà être là sans qu'on soit obligés de… certaines questions à remplir. Il y a des formulaires, c'est pour tous genres... Je ne sais pas, mais, tu sais, mettons que c'est pour des viols, bien... il va y en avoir pour tous genres. Souvent, c'est pratiquement le même formulaire. Mais là ça fait beaucoup à lire pour une personne qui a vécu un drame puis une personne assassinée. Bien là, il y a des questions pour les personnes disparues. Puis il faudrait peut-être juste alléger puis faire vraiment pour chaque catégorie.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, monsieur... Oui, complément de réponse, la parole, oui.

M. Surprenant (Michel) : Je voulais juste ajouter que ce qu'il faut comprendre...

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, monsieur.

M. Surprenant (Michel) : Pardon?

Le Président (M. Ferland) : Non, non... Parce que la députée a dit «complémentaire», mais on se retrouvera au salon bleu...

M. Surprenant (Michel) : Ce qu'il faut comprendre, c'est que, quand il arrive un traumatisme, vous êtes du jour au lendemain sur un dix cennes, vous êtes plongés dans une tempête. Si vous avez à vous adresser à des personnes au niveau du gouvernement puis vous avez l'impression qu'ils sont dans une tempête eux autres aussi parce qu'ils ne savent pas où s'ils s'en vont, on n'est pas bien avancés. Alors, c'est pour ça que je vous parlais tantôt d'avoir un protocole pour que tout le monde est sur la même longueur d'onde, tout le monde sait qu'est-ce qu'il a à dire, à qui référer. Là, à ce moment-là, au moins la personne sent qu'elle est épaulée.

Mme L'Écuyer : Je vais revenir avec les CAVAC. C'est des gens que j'ai rencontrés, c'est des gens... Dans certains endroits, ils sont directement avec les policiers, ils vont accompagner souvent les policiers pour être les premiers. J'ai l'impression qu'il y a un travail qui pourrait être fait là pour dans le fond — ce que vous venez dire, avec les formulaires — regarder avec le ministère : Est-ce qu'il y a moyen d'alléger? Est-ce qu'il y a moyen d'avoir cette espèce de kit qui serait donné à un membre de la famille pour dire : Regarde, là, la démarche... puis compléter avec eux dans un premier temps tous ces formulaires-là? Est-ce que ça deviendrait un outil de plus?

M. Surprenant (Michel) : En tant que premiers intervenants, nous avons imprimé justement des formulaires avec toutes ces informations-là pour remettre justement aux gens quand il arrivait un traumatisme comme ça. Souvent, à cause qu'ils sont dans une tempête, le livre, ils l'ont, mais ils ne le voient pas. Deux jours après, trois jours après, là, ils ont... ils retombent un peu sur la terre, comme on dit, là, puis là, à ce moment-là, ils ont le temps de regarder. Oui, nous avons ça.

Mme L'Écuyer : Merci.

Le Président (M. Ferland) : Merci, Mme la députée. Alors, je reconnais le député de Marguerite-Bourgeoys, je crois. Oui.

M. Poëti : Oui, c'est moi. Merci, M. le Président. Encore une fois, merci d'être ici. Et on comprend tous le courage et ce que ça demande de venir nous expliquer ça.

Vous savez, j'ai été policier pendant 28 ans — on s'est croisés à quelques occasions dans des discussions — et je veux vous dire qu'il y a aujourd'hui une évolution obligatoire, de fait, à faire chez les policiers dans le volet de la communication. Et je travaille présentement sur un projet de loi sur le Bureau des enquêtes indépendantes, donc les policiers qui enquêtent sur les policiers, et on disait qu'une des problématiques, c'était le manque d'information que les gens reçoivent. Évidemment, la clé, et mon collègue ancien bâtonnier va me rappeler à l'ordre, mais la clé de dire : Il y a une enquête, on ne peut rien dire ne peut pas être maintenant un outil pour s'empêcher de donner l'information.

J'ai enseigné pendant neuf ans au collège Ahuntsic et je disais aux étudiants : Si je vous enseigne la police comme je l'ai apprise il y a 28 ans, je vais être très mauvais parce que je n'aurai pas adapté l'évolution de la société. Maintenant, les règles de droit empêchent certains policiers de donner certaines informations. Mais je pense que les policiers doivent davantage, et les procureurs de la couronne aussi, s'approcher des victimes et des gens qui sont impliqués, comme vous l'avez dit tantôt vous-même, pour vous donner une partie d'information minimale, et que vous ne sentiez pas que le criminel a plus de droits que vous, ce qui est absolument inconcevable et impensable sur ce volet-là. Alors, je veux vous rassurer sur cette ouverture maintenant des policiers de pouvoir communiquer davantage l'information.

L'autre chose aussi que je pense, c'est que, vous savez, les formulaires, ça reste toujours des formulaires, c'est toujours complexe, et, quand vous venez de vivre ce que vous avez tous vécu, de vous demander de vous asseoir et de rédiger ça, honnêtement, là, je pense qu'on ne va jamais les mettre assez simples pour que vous soyez contents parce que ça n'a pas de bon sens, ce que vous vivez.

Ce qu'il faut, à mon avis, qui se produise, c'est qu'on soit capables d'avoir l'information que vous devez donner, hein, que vous devez faire remplir par une personne qui est près de vous ou une personne qui va vous assister à le faire. Et, quand la personne a été capable de faire l'ensemble du dossier, donc un appui pour vous, et qu'il reste des signatures, parce que vous avez confiance dans la personne qui est là, qu'elle soit capable de pouvoir le faire pour vous… Vous ne pouvez pas, quand vous venez d'avoir un accident face à face, sortir de la voiture puis commencer à planifier vos vacances de l'été qui s'en venaient dans deux semaines. Mais c'est ça. La caricature est mauvaise, mais elle est là.

Alors, moi, je pense qu'on doit faciliter une aide qui peut remplir pour vous, avec une procuration, l'ensemble de ces documents-là, toute la paperasse qui est lourde, qui est difficile et que vous êtes confrontés face à ça. J'ai aidé un collègue qui avait perdu sa fille pour l'ensemble de la funéraille. Il ne s'en est pas occupé du tout, il était incapable. Et je pense que le bout de chemin que j'ai pu faire l'a aidé. Alors, je pense que vous avez besoin aussi de quelqu'un, avec une procuration, qui pourrait faire peut-être 95 % de ce qui doit être fait au niveau légal. Vous le savez, qu'il y a des dispositions légales, puis certaines choses peuvent vous paraître complètement ridicules. Tu sais, le certificat de décès, pourquoi? Vous avez vu... Mais il y a un volet légal à ça qui est froidement nécessaire, mais que vous n'avez pas... que, je pense, vous n'avez pas, vous, à endurer, à traverser, à faire. Et que, par une procuration quelconque, que vous allez désigner une personne qui puisse faire 95 %, 98 % du travail, je pense que c'est peut-être... Dans le côté pratique, si c'est quelque chose qu'on peut faire, on va essayer d'en parler avec les gens. Merci.

M. Serre (Bruno) : Je voudrais juste rajouter quelque chose à ça. Les formulaires, c'est bien, parce qu'effectivement, s'il y aurait une personne qui remplirait déjà une partie… Parce que moi, dans mon cas, quand il y avait un formulaire à remplir, c'est : décrire l'événement, ce qui s'est passé, c'est très difficile, là... Là, le formulaire était tout plein d'eau. Puis on ne raconte pas vraiment ce qui est, c'est rien que les émotions, c'est difficile. Ça fait que, c'est sûr, s'il y a une partie comme ça, ça serait très bien, parce que ce n'est pas évident, de remplir des formulaires après un drame, que d'expliquer ce qui s'est passé, là.

• (11 h 50) •

M. Poëti : C'est exactement ce que je soulève. C'est que, si jamais on pense qu'en simplifiant les formulaires on va alléger votre peine, on vient de se tromper, là. Bien, je pense qu'on vient de se tromper. Mais si on pourrait permettre, par procuration, une personne fasse, comme j'ai dit tantôt, l'ensemble du travail, je pense que ça vous libérerait, ça libérerait les victimes de moments qui ne sont absolument pas nécessaires parce que vous les vivez déjà d'une façon assez dramatique.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député. Alors, je reconnais le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre) : Combien de minutes, monsieur...

Le Président (M. Ferland) : Ah, un gros cinq minutes.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, M. le député.

M. Ouimet (Fabre) : Bon. À mon tour, messieurs, de vous remercier pour votre participation à nos travaux. Je ne reprendrai pas tout ce qui a été dit, là, je vais aller plus spécifiquement sur le point. Je pense que M. Serre a fait référence à la difficulté qu'il a vécue avec le système de justice. Comme le ministre de la Justice, moi, ça fait 25 ans que je suis avocat, et je suis un criminaliste et j'ai oeuvré en défense et en poursuite. Alors, je pense connaître assez bien la réalité du terrain, du monde juridique, donc un des volets. Et, c'est vrai, et je l'ai constaté, de temps en temps, malheureusement, les avocats, les acteurs du système de justice n'ont peut-être pas manifesté toujours la sensibilité dont il faut faire preuve.

Je dirais deux choses. Premièrement, il faut rappeler une chose : le système de justice est administré par des êtres humains. C'est sa qualité mais en même temps son grand défaut, c'est-à-dire qu'il ne sera jamais parfait, il y aura toujours des lacunes, il y aura toujours des choses à améliorer, et dans ce sens-là vous avez tout à fait raison de réclamer un meilleur sort pour les victimes. Ce message-là doit être porté. Ce qui me console, ce qui me réjouit, c'est qu'effectivement les lois ont été changées, au fil des années, et entre autres le Code criminel prévoit que les parents d'une personne décédée sont considérés comme une victime au sens des représentations. Est-ce qu'on peut faire plus, est-ce qu'on peut faire mieux dans l'administration de la justice? Votre témoignage en est la preuve éloquente et c'est la même chose pour le témoignage de Mme Gaston.

J'essaie, moi, de... Je suis un partisan du régime minceur en termes de loi. Tant qu'on a des outils de base, après ça, c'est une question... il faut s'assurer que les gens qui administrent, que ce soient les policiers, les intervenants auprès des victimes; tous les acteurs de notre système doivent comprendre leurs rôles à l'égard des victimes.

Et, nous, comme législateurs, que ce soit au niveau administratif — et vous avez lancé des bonnes idées — je pense qu'on pourrait faire beaucoup pour améliorer votre sort malheureusement, qui... On ne changera jamais l'atrocité des gestes posés, mais par des petits gestes des fois, au niveau de l'administration de nos programmes, on peut faire beaucoup. Et donc je tenais simplement à souligner que votre message, en ce qui concerne... en ce qui nous concerne, est bien entendu, et on va travailler à essayer de bonifier nos règles. Alors, vous avez toute ma sympathie et je vous remercie encore une fois pour votre travail.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? O.K. Alors, je vais reconnaître la députée de Montmorency pour un temps de cinq minutes environ.

Mme St-Laurent : Merci, M. le Président. Je tiens particulièrement à vous remercier. Et, surtout, quand on voit, pour les victimes, ce n'est pas d'hier... Il y a Mme Gascon, mais, vous, ça fait beaucoup plus longtemps. Et également je m'engage, sur mon budget discrétionnaire de députée, à vous faire un don. Je n'ai pas encore reçu la lettre du ministre de la Justice, mais je m'engage ici, devant l'Assemblée.

Je tiens à vous demander, parce que tout à l'heure on parlait... Évidemment, on parle de... Vous savez, compenser les pertes à tout point de vue… Évidemment, on ne pourra jamais compenser la perte d'un enfant, d'un conjoint, d'un membre de la famille tué, tué ou blessé grièvement, là. Je voulais vous demander : Alentour de vous, aviez-vous d'autres enfants à l'époque?

M. Surprenant (Michel) : Moi, dans mon cas, j'ai deux filles. Mes deux filles avaient 13 mois. Julie est née le 31 mars; Andréanne, 1er mars, 13 mois exactement. Mes filles ont été élevées un peu comme des jumelles. Alors, quand Julie est disparue, vous comprendrez que pour sa soeur, ça a été un traumatisme double d'une certaine façon, parce qu'elle perdait sa soeur, elle perdait pratiquement sa jumelle, sa confidente. Ça a été une épopée assez difficile à remonter parce que, bon, Andréanne, écoutez, elle avait 17 ans à ce moment-là. C'était encore une adolescente. On la plonge dans un univers d'adulte où il faut penser en adulte. On la sort de son innocence, on la sort de son adolescence. Je ne vous cacherai pas qu'elle a fait des petits tours sur le côté des drogues, ces choses-là. Alors, pour moi, ça a été de travailler au quotidien avec elle pour la garder proche. Ça a été assez difficile. Je vous dirais qu'aujourd'hui ça fait 13 ans, ça fait trois ans qu'elle va bien. Mais ça a été… les 10 dernières années, ça a été assez difficile.

Mme St-Laurent : Et vous avez dû, à travers ça, gagner votre vie?

M. Surprenant (Michel) : Oui. Dans mon cas, j'ai... On peut-u appeler ça une chance? Je suis à mon compte, alors à ce moment-là je peux faire mon horaire un peu plus facilement. C'est sûr que l'association, pour moi, c'est excessivement important. Il y a énormément de travail à faire au niveau de la reconnaissance des victimes, ne serait-ce que de remettre la victime au centre du système judiciaire, de m'apercevoir qu'à chaque niveau de gouvernement, il y a toujours du laxisme à quelque part qui fait que la situation qui devrait fonctionner de telle, telle façon n'y arrive pas parce qu'il y a toujours un paquet de personnes qui sont là, puis qui ont les yeux arrangés comme ça, puis qui ne veulent pas reconnaître rien.

Il y a du travail à faire, mais je pense qu'après 13 ans, aujourd'hui, on peut dire que, si on regarde, juste au niveau de... Prédateur sexuel, il y a 13 ans, on ne savait pas ce que c'était, on pensait que c'était un voleur de sacoches. Alors, aujourd'hui, on sait que ça ne guérit pas, on sait que prison à vie, ce n'est pas assez. On sait que le traumatisme qu'il cause, c'est une sentence à vie pour la victime, puis lui, bien, encore là, il va s'en tirer. C'est le travail de sensibilisation tout le temps, tout le temps, tout le temps. Puis, en même temps, bien, de s'apercevoir où est-ce qu'il y a des choses qui ne fonctionnent pas, puis, bon, de sensibiliser la population au fait qu'il y a des choses qui ne tiennent pas debout à ce niveau-là puis qu'il faut que ça soit revu puis...

Mais je pense qu'on a réussi à avoir une bonne écoute au niveau des victimes. La sensibilisation est là au niveau des gouvernements, au niveau de la population, qui fait qu'on approche un peu d'une vitesse de croisière qui est plaisante à avoir au niveau des changements, où on est capables de remettre la victime au centre du système judiciaire plutôt que ça soit le criminel.

Mme St-Laurent : La même question à M. Serre.

M. Serre (Bruno) : Oui. Moi, j'ai un... avec ma conjointe, on a constitué un couple, on en avait quatre autres à la maison. C'étaient tous des ados. Brigitte, elle a été assassinée à l'âge de 17 ans, mais on avait une fille et un gars plus vieux, donc c'était de 21 ans jusqu'à 12 ans. Puis, effectivement, ça a été très difficile.

Premièrement, c'est que moi, j'étais dans une bulle quand c'est arrivé, donc... Puis je suis retourné au travail un mois et demi après, qui était vraiment trop vite. Je me suis moins occupé des enfants, puis la plus jeune, bien, elle est tombée, justement… elle a lâché l'école, elle est tombée dans la drogue, puis on était en train de la perdre. Aujourd'hui, ça va très bien, là, puis même, elle vient d'accoucher, c'est la première qui a un petit bébé. Mais elle s'est replacée, mais on était en train de la perdre parce que je n'avais pas le temps de m'en occuper parce que j'étais pris dans mes troubles à moi, dans ma bulle, puis ça, c'est triste. Puis quand je regarde aujourd'hui, je rencontre des familles puis je leur dis : Le plus important, c'est : il faut que tu sois bien en premier, guéris-toi, puis, après ça, tu as tes enfants, ceux qui ont d'autres enfants parce qu'on les perd. Puis c'est plate, parce que là, je suis en train de la perdre puis à un moment donné… Aujourd'hui, je regarde puis je dis : Mon Dieu, j'aurais pu en perdre plus qu'une, là. Parce qu'elle est tombée, elle était vraiment tombée dans pas les bonnes choses, mais on l'a récupérée, heureusement. Mais c'est ça qui est triste, c'est qu'on ne pense pas. Tu sais, on est, comme je vous dis, dans une bulle, on est pris dans un tourbillon, comme il dit, Michel, puis c'est de valeur pour les autres parce qu'on n'a vraiment pas le temps.

Aujourd'hui, là, si on a plus de temps avec les lois, c'est sûr que les montants d'argent qui augmentent, ça aide du côté finances. Ça fait que là, les gens peuvent rester plus longtemps à la maison. Parce que retourner au travail, puis on n'est pas prêts... Premièrement, on a à faire face à des préjudices, hein, dans la société. Moi, je m'en souviens, les premiers mois, j'allais faire l'épicerie puis les gens changeaient d'allée quand je rentrais dans une allée pour faire mon épicerie puis je me sentais mal. Je n'ai pas de maladie, mais les gens voulaient m'éviter pour ne pas avoir à me dire quelque chose. Ils ne savaient pas quoi dire. C'est tout à fait normal. Mais ça, on le vit quand on retourne au travail ou on retourne… des choses de même. C'est difficile. Puis là on le ramène à la maison le soir, ça fait que là, on est fatigués puis on s'emporte auprès de notre conjointe, nos enfants. Là, c'est eux autres qui subissent mes sautes d'humeur parce que moi, j'ai de la difficulté à passer à travers.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. Serre. Merci, Mme la députée de Montmorency. M. le ministre, il reste encore du temps si vous voulez un...

• (12 heures) •

M. St-Arnaud : Juste un dernier commentaire. Il a beaucoup été question de comment on peut faire administrativement pour faciliter les choses, là, quant aux demandes d'indemnisation. Alors, je peux vous dire que j'ai pris note, là, des commentaires qui ont été formulés par les différents membres de la commission et par M. Surprenant et M. Serre, en ajoutant peut-être une chose : ce qu'on me dit, c'est qu'effectivement au niveau des CAVAC il y a un travail qui se fait de ce côté-là, me dit-on, qui fait en sorte qu'on est en...

Et on peut être fiers de ce réseau des CAVAC, des centres d'aide aux victimes d'actes criminels. C'est un réseau qui a commencé à s'implanter dans les années 80. C'était mon prédécesseur Herbert Marx qui avait mis l'accent sur... qui avait créé ce réseau, qui s'est considérablement développé depuis 25 ans. On en a maintenant dans toutes les régions du Québec, et, pour avoir visité celui de Rimouski il y a quelques semaines, quelques mois, je peux vous dire qu'ils font un travail formidable. Et je pense que, pour le bénéfice des gens qui nous écouteraient, je pense que, quant àl'accompagnement et quant à l'aide pour les demandes d'indemnisation, je pense que ça pourrait être une piste intéressante, ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas regarder aussi comment on peut alléger les procédures administratives.

Ce qu'on me dit, c'est que, oui, du côté des CAVAC, on soutient, on aide les gens, on les aide à remplir leurs demandes, et bravo, et bravo pour ce réseau, qui existe maintenant, qui est à peu près partout, dans toutes les régions du Québec. Mais, effectivement, est-ce qu'il y a place à amélioration quant aux formulaires et quant aux demandes, comme vous le dites, M. Serre, de documents qu'on demande qui ne sont peut-être pas toujours nécessaires? Alors, sachez qu'on va regarder, de ce côté-ci, là, comment on peut améliorer les choses de ce côté-là.

Alors, ça complète pour moi, M. le Président. Je vous remercie, M. Serre, M. Surprenant. Merci beaucoup pour votre apport aux travaux de notre commission, et continuez votre bon travail. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Merci, merci, M. le ministre. Avant de vous remercier de façon officielle, juste vous mentionner, M. le ministre, que je contribuerai à votre message. On est rendu à deux.

Et pour ceux... tous les parlementaires qui nous écoutent, ce serait un petit peu plate d'apprendre que vous ne donnez pas. Alors, ceux qui me connaissent, vous savez que... Alors, je vous invite à considérer généreusement la demande du ministre.

Une voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Non, ce n'est pas de la pression, c'est tout simplement pour vous dire que ce ne serait pas le fun d'apprendre que vous n'avez pas donné.

Alors, M. Surprenant, M. Serre, alors merci pour votre contribution. Continuez votre travail.

Et juste vous mentionner aussi que la commission suspend ses travaux et nous reprendrons en après-midi, mais pas avant 15 h 30. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

(Reprise à 15 h 31)

Le Président (M. Ferland) : O.K. À l'ordre. À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Puisque la députée de Montmorency remplaçait le député de Saint-Jérôme, est-ce qu'il y a consentement pour que ce dernier participe à la séance cet après-midi et ce soir?

Une voix : Avec grand plaisir, on s'est ennuyés.

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député. Je constate qu'il y a eu consentement, même avec une légère hésitation, mais il y a consentement.    

Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes. Mme Gaudreault, je vous demanderais de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne, en vous mentionnant que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour faire votre présentation. Après, il y aura un échange avec les parlementaires d'une période d'environ 45 minutes. Alors, à vous la parole.

Association québécoise Plaidoyer-Victimes (AQPV)

Mme Gaudreault (Arlène) : Bien, je vais me présenter en disant simplement que je suis présidente de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes depuis 88 et que je suis un membre fondateur de l'association. Donc, je suis un membre bénévole de l'association depuis 82.

Je suis accompagnée par Mme Marie-Hélène Blanc, qui est notre directrice. Alors, je vais faire la présentation, et Mme Blanc va partager le temps de discussion avec moi.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, madame.

Mme Gaudreault (Arlène) : Alors, je voudrais quand même, en commençant, remercier le ministre de la Justice pour avoir répondu positivement à notre demande de tenir des consultations particulières sur ce projet de loi. Et je voudrais dire quelques mots quand même sur l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, très rapidement — parce que je sais que le temps est compté — quand même pour dire que cet organisme est un maillon important, là, dans toute la chaîne des acteurs qui ont fait en sorte que les victimes d'actes criminels et leurs proches maintenant ont une victime... une justice plus humaine.

Plaidoyer-victimes a supervisé et coordonné aussi le premier service d'accueil aux victimes et aux témoins au palais de justice de Montréal. Nous avons aussi mis en place le premier centre d'aide d'acte... de victimes... criminels au Québec, et ce, avant même qu'on adopte la loi 88 et avant même que le ministre Marx fasse sa tournée. Je pense que c'est important de le rappeler.

Et je vous dirais d'emblée que la question d'indemnisation est une question qui est très importante pour l'association. Nous avons fait les premières recherches au Québec et au Canada sur la question de l'indemnisation en rencontrant des victimes et en les interrogeant, les questionnant sur les problèmes qu'elles rencontraient. Nous avons organisé des colloques, des journées d'étude, des journées de travail aussi, avec nos partenaires de indemn pour indemnisation des victimes d'actes criminels - guylainel'indem. Nous étions présents au Sommet de la Justice en 92, nous avons travaillé sur la réforme sur la Loi sur l'aide et l'indemnisation en 93, nous avons participé à tous les travaux de consultation dans toutes les tentatives de réformes qu'on fait, et dont on parle qu'on a essayé de faire, et dont on parle depuis 40 ans.

Alors, je veux vous dire aussi que l'association, depuis 30 ans, accueille régulièrement des personnes victimes, et ce sont des personnes qui viennent à nous parce qu'elles rencontrent des difficultés très importantes dans l'exercice de leurs recours en indemnisation.

Je voudrais faire deux, trois remarques introductives pour dire qu'on a parlé d'irritants quand on a annoncé ce projet de loi là. En fait, on devait parler d'iniquité à l'endroit des proches qui ont perdu un être cher. Et je pense que le projet qui est devant nous vise à réparer ces irritants-là. C'est un geste de solidarité sociale à leur endroit, et je pense qu'on est contents de voir aussi qu'il y a des mesures pour répondre au problème du délai de prescription.

Nous appuyons l'ensemble de ces propositions. C'est évident que nous sommes ici parce que nous avons des propositions aussi pour bonifier l'ensemble du régime, mais on veut dire aussi d'emblée que nous sommes quand même déçus : on retrouve que c'est quand même un projet de loi qui reste décevant parce qu'il ne répond qu'en partie aux besoins des victimes de crime, il laisse en marge un très grand nombre de personnes. Et on s'attendait, et on souhaite une réforme plus en profondeur depuis plusieurs années.

Je voudrais dire aussi que nos commentaires, si parfois ils sont critiques, ne doivent pas être perçus comme des critiques négatives à l'endroit des personnes qui travaillent, hein? Dans l'administration de ce régime-là, on a toujours eu une très bonne collaboration. On est très conscients des efforts qu'ils doivent faire pour adapter ce régime-là, qui, au départ, s'est ajusté aux accidents du... les victimes d'accident de travail.

Alors, on va y aller article par article avec nos propositions. La première proposition sur les frais funéraires, l'article 2, bien, on appuie cette mesure-là. C'est un rehaussement du montant de 3 000 $ à 5 000 $. Ça rejoint un petit peu les barèmes de la Société de l'assurance automobile du Québec, qui sont de l'ordre de 4 913 $. Alors, on est d'accord avec cette mesure-là. Ça fait longtemps qu'on en parle. Alors, c'est une bonne mesure.

Les mesures de nettoyage de scènes de crime, alors on ajoute ici de nouveaux articles qui sont en lien avec les résidences des victimes. Le premier : les coûts du nettoyage de crime dans une résidence privée. Alors, c'est une demande qui a été formulée depuis quand même quelques années par l'AFPAD. C'est une demande... On est favorables aussi à cette demande-là, mais, nous, ce qu'on pense, c'est qu'elle devrait être élargie pour prendre en considération la situation d'autres victimes qui sont confrontées à des circonstances aussi graves et aussi éprouvantes que les proches de victimes d'homicide. On peut penser, par exemple, à des victimes de crime haineux, on peut penser à des victimes de violence sexuelle ou conjugale, de voies de fait graves, de tentatives de meurtre. Et ce sont des personnes qui n'ont pas toujours les assurances, ce sont des personnes qui n'ont pas toujours les moyens financiers non plus pour assumer les coûts de nettoyage après un crime.

Je vous invite à relire les débats que vous avez tenus dans cette salle-ci en 2006, au moment du projet de loi n° 25 sur les proches des victimes d'homicide. Vous en avez parlé, en tout cas les parlementaires, vous en avez discuté longuement de cette question-là, des coûts liés aux scènes de nettoyage, aux coûts pour le nettoyage d'une scène de crime. Et vous étiez presque... bien, d'abord vous étiez, les parlementaires, à ce moment-là, étaient d'accord pour qu'on assume ces coûts-là. Mais, en plus, on a eu toute une discussion autour de l'élargissement des coûts à d'autres personnes que les proches de victimes d'homicide. Et je vous invite à consulter, à revoir les débats que vous avez eus dans cette salle-ci, où, entre autres, M. Stéphane Bédard, qui est maintenant, là, président du Conseil du trésor et leader parlementaire, s'était montré très, très ouvert à examiner et trouver des solutions à très court terme pour tout type de crime. Alors, il était prêt à faire quelque chose dès le lendemain. Alors, au bout du compte, cette question-là a été reléguée aux oubliettes et puis le vote, il n'y a pas eu de ralliement autour du vote. Alors, on revient avec cette proposition-là.

Je voudrais dire que la réglementation actuelle permet, dans des circonstances exceptionnelles, d'assumer ce genre de frais là. On a vérifié auprès du personnel de l'IVAC. Ça fait partie des mesures exceptionnelles dans le cadre de la réadaptation, mais c'est des mesures qui sont peu souvent mises en application, c'est des mesures qui sont appliquées avec parcimonie et qui relèvent du pouvoir discrétionnaire. Alors, bien, tant mieux, tant mieux si on la met dans la loi. Et nous, on dit : Tant mieux que ce soit dans la loi, puis il faut que ce soit élargi. Alors, voici une première recommandation. Je ne vous la lis pas, je pense que vous avez compris le sens.

L'article 6.2 vise le paiement du loyer en cas de résiliation de bail pour les victimes de violence sexuelle et conjugale, donc ce qui permet de résilier leur bail avec un avis de deux mois. Alors, bien sûr, on est d'accord avec cette mesure-là. C'était déjà une des politiques de l'IVAC, c'est la politique 4.7 plus précisément. Alors, le fait qu'elle soit dans la loi, ça devient un droit, hein? Le fait que ça sort de la réglementation, ça devient un droit.

Mais nous, nous croyons que la portée de cet article devrait être élargie de manière à permettre des frais engagés pour la résiliation du bail pour d'autres victimes de violence, lorsque leur sécurité et leur intégrité sont menacées : on peut penser, par exemple, dans des cas d'invasion de domicile, dans d'autres cas de voies de fait graves et que ce n'est pas en contexte conjugal.

L'article 4, l'indemnité forfaitaire aux parents d'une personne à charge décédée, ça aussi, c'est un article... une mesure dont on parle depuis longtemps, on en parlait en 1993 aussi. Alors, on appuie, bien sûr, l'adoption de cette mesure. Ce qu'on voit, c'est que c'est une mesure plus large que pour les parents d'un enfant mineur parce qu'on parle là de personne à charge. Et ce n'est pas clair pour nous, peut-être que ça l'est pour vous, mais en tout cas on soulève la question ici.

Dans la réglementation actuelle, on voit qu'il y a trois catégories de personnes pour les personnes à charge : les jeunes de moins de 18 ans, les jeunes âgés de plus de 18 ans qui fréquentent assidûment une institution d'enseignement puis les jeunes ou les personnes âgées de plus de 18 ans qui sont invalides. Alors, notre question : Est-ce que ça couvre toutes ces personnes-là? Peut-être aussi que le libellé de la loi... ce n'est pas dans la loi, mais, quand on va donner de l'information aux victimes, quand on dit : «…il est le seul parent qui peut bénéficier des avantages de la présente loi», peut-être qu'il faudrait que ça soit clarifié, cet aspect-là, à qui on s'adresse et dans quelle mesure. Ça, c'est peut-être quelque chose qui peut être donné au moment où on transmet de l'information.

Ce qu'on a noté aussi, c'est que, quand on a modifié la loi en 2006 pour que les proches aient accès à un soutien thérapeutique, on a ajouté un article qui est l'article 20 c, hein, pour le mettre en concordance avec l'ensemble de la loi, en fait...

• (15 h 40) •

Le Président (M. Ferland) : Je vous rappelle qu'il vous reste une minute pour conclure, là, Mme Gaudreault.

Mme Gaudreault (Arlène) : C'est vrai?

Le Président (M. Ferland) : Oui.

Mme Gaudreault (Arlène) : Bien, je vais vous demander de faire...

Le Président (M. Ferland) : Ah! Mais vous pouvez déborder, je viens d'avoir le consentement du ministre...

Mme Gaudreault (Arlène) : Bien, vous avez été tolérants ce matin...

Le Président (M. Ferland) : ...emprunter quelques-unes de ses minutes.

Mme Gaudreault (Arlène) : ...peut-être tolérants avec nous aussi, hein? Vous avez été très tolérants ce matin, ça fait que nous aussi, on mérite d'être tolérants, je pense.

Le Président (M. Ferland) : Alors, Mme Gaudreault, allez-y, on va vous laisser poursuivre.

Mme Gaudreault (Arlène) : Alors... Oui, une minute, je ne passerai jamais à travers ça. Alors donc, en fait, c'est pour couvrir la notion de faute lourde. Et ce que ça veut dire, c'est que… quand le réclamant ne peut pas, hein, bénéficier de cette indemnité-là si la victime, par sa faute lourde, a contribué à sa propre victimisation ou si le réclamant lui-même a été partie à l'infraction. On comprend pour la question du réclamant, quand il a été partie à l'infraction, mais, quand que la victime a contribué à sa propre victimisation... On pourrait prendre le cas d'un enfant, d'un jeune, par exemple, d'un adolescent qui a été impliqué dans une transaction de drogue, qui est décédé, les parents n'ont rien à voir avec cet événement-là, ils sont tout à fait innocents. Et ça veut dire que ces parents-là, parce que la victime n'est pas... on ne la considère pas innocente en vertu de la loi, les parents n'ont pas accès ni à du soutien psychologique, ni à des frais funéraires, ni à une indemnité forfaitaire. Et on trouve qu'on laisse en marge des personnes qui sont très, très éprouvées, qui souffrent tout autant que les personnes qu'on a vues ce matin. C'est des personnes, souvent, qui n'attirent pas beaucoup l'attention des médias, on ne parle pas beaucoup de ces... même, souvent, ils sont plus stigmatisés qu'autre chose.

Alors, là-dessus, la recommandation qu'on vous ferait, c'est... M. le ministre, vous avez dit ce matin que vous allez revoir une réforme plus en profondeur, alors on s'attend à ça. Alors, on souhaiterait qu'on examine cette problématique-là dans le cadre d'une révision parce que, dans le fond, on laisse ces personnes-là en plan.

Le délai de prescription, je vais être obligée d'y aller plus rapidement par rapport à mon texte, mais vous avez quand même... vous avez bien compris qu'il y a des difficultés très importantes au niveau du délai de prescription. Alors, ce matin, il y a certaines difficultés qui ont été évoquées autour, bon, de remplir le formulaire, et tout ça, mais je pense qu'il y a des problèmes de fond qui sont plus importants que ça. Et la question du délai de prescription, elle est soulevée depuis, je dirais, 30 ans, au moins 30 ans en tout cas. Toutes les consultations, toutes les réformes, tous les comités de travail qui se sont penchés là-dessus ont demandé à ce qu'on harmonise la loi sur l'indem avec la Loi sur la Société d'assurance automobile du Québec et avec la CSST, c'est-à-dire qu'on accorde un délai de trois ans aux victimes d'actes criminels. Alors, ça, ces préoccupations-là, ça fait 30 ans dont on en parle. Mais cette loi-là n'a pas été promulguée, on le sait. Lorsqu'on a adopté la loi sur l'aide et l'indemnisation, ce délai de trois ans-là était présent dans la loi, et M. Rémillard a rappelé que ça correspondait aussi au délai, là, de prescription qu'on a dans le Code civil, qu'on a encore actuellement parce que le Code civil n'a pas été modifié.

Je veux le dire ici parce que c'est important, avec une des recommandations avec laquelle on voulait venir, c'est qu'en 93 aussi le Conseil du statut de la femme avait recommandé que, pour les victimes d'inceste, il n'y ait pas de délai de prescription. Alors, on pourrait parler pendant une demi-heure, peut-être on en reparlera dans le cadre des échanges, mais on pourrait parler de toutes les difficultés que rencontrent les victimes, particulièrement les victimes d'agression sexuelle, particulièrement les survivants et les survivantes d'agression sexuelle dans l'enfance, à dénoncer, à faire valoir leurs recours, à intenter des procédures.

Juste vous donner quelques statistiques sur les demandes hors délai, qui sont quand même importantes. Chaque année, si vous regardez les rapports annuels de l'IVAC, chaque année, il y a au moins 10 % des demandes qui sont des demandes hors délai. Il y a des années que c'est 15 % des demandes. Cette année, 533 personnes ont été refusées parce qu'elles étaient hors délai. C'est 35 % des rejets. C'est quand même important.

Et on a demandé des statistiques à l'IVAC, parce que ce n'est pas ventilé dans le rapport annuel. Ça devrait l'être, c'est une suggestion qu'on peut faire aussi. Ça ne fait pas partie de la loi, mais on peut bonifier un paquet d'affaires ici, là. Alors donc, sur les 533 dossiers, il y en a 159 qui ont été refusés, et c'étaient des personnes majeures qui avaient été victimes d'agressions commises dans l'enfance. Il y en avait 137, c'étaient des dossiers de violence conjugale. On a 237 dossiers pour lesquels on n'a pas de données.

Alors, il y a beaucoup de raisons qu'on connaît, qui sont documentées dans la pratique et dans la littérature, que l'on voit sur le terrain aussi, qui nous font comprendre que c'est difficile, hein, pour les victimes, souvent, de présenter des demandes dans un délai qui est très court. Et c'est particulièrement difficile pour les personnes qui ont vécu des agressions sexuelles.

Prouver qu'on est dans l'incapacité d'agir, là, on demande ça aux victimes d'actes criminels actuellement. Je rappellerai... Je trouve que c'est un propos très juste de la part du Barreau. Dans une lettre qui est adressée au ministre Fournier en mai dernier, par rapport à l'impossibilité d'agir, il dit : «La preuve de l'impossibilité d'agir en fait nécessite la tenue d'un débat coûteux, mais qui s'avère surtout cruel [pour] la victime.» On demande aux personnes victimes de faire la preuve de la blessure qu'elles ont subie, On leur demande aussi de faire la preuve de démontrer qu'elles ont fait le lien entre ce qu'elles ont subi et les conséquences dans leurs vies actuellement et qu'elles fassent la preuve de ces faits-là dans le cadre d'une thérapie qu'elles ont suivie au cours de la dernière année.

Moi, je vous dirais que, quand les agresseurs vont en prison, ils n'ont pas besoin de faire la preuve qu'ils ont besoin de traitement, hein? Ils peuvent suivre le cours de Toxicomanie I, Toxicomanie II, Gestion de la colère I, II, III... Ils sortent en libération conditionnelle... Ils ont besoin d'un suivi? Ils vont avoir un suivi. Pourquoi on demande ça aux victimes?

Et je rappellerais ici que, quand cette loi-là a été adoptée puis qu'elle a été créée, à l'époque, la vision du législateur, c'était que ça soit un programme le moins contraignant possible, et qu'il soit le plus large possible aussi dans sa façon d'envisager la preuve. Et on devrait revenir vers ça.

On pourrait parler du manque d'information, on en reparlera tout à l'heure, des difficultés de contester les décisions...

Nos recommandations sont à l'effet d'élargir le délai de prescription à trois ans pour l'ensemble des victimes de crimes, de... que ce régime-là soit administré d'une façon souple, de façon à ce que les victimes... pour qu'on puisse prendre en compte les motifs des victimes, pour expliquer leurs retards à faire une demande. Et notre dernière recommandation, c'est qu'il n'y ait pas de délai pour les victimes d'agression sexuelle, comme on l'a fait dans d'autres provinces, comme on l'a fait, par exemple, en Colombie-Britannique.

Dernière recommandation, nous voudrions parler d'un article qui n'est pas dans la loi, mais d'un problème et d'une réalité qui touchent beaucoup de victimes et dont on parle aussi depuis 30 ans. Cette loi-là, pour être admissible, hein, il faut que les crimes soient listés dans une annexe. Cette annexe-là n'a pas été révisée. Il y a eu une petite révision en 85. Ça fait 30 ans qu'on dit qu'on devrait avoir une loi... un système qui est modernisé avec une loi qui tient compte de l'évolution du droit, qui tient compte des changements dans le Code criminel, et qu'on devrait donc réviser l'annexe de la loi.

J'ai l'impression... Ça, ce que je dis là, là, je l'ai dit en 92, on l'a dit dans les années 80, on l'a dit en 2007, le rapport Lemieux l'a dit en 2008. Alors donc, réviser l'annexe de la loi et y inclure tous les crimes de la personne. Je pense que le Québec est capable de faire ça.

En conclusion... Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y.

Mme Gaudreault (Arlène) : Vous avez été super.

Le Président (M. Ferland) : Le ministre a été généreux, alors je suis la générosité du ministre. Il va être surpris du temps qu'il lui reste tout à l'heure.

Des voix : ...

Mme Gaudreault (Arlène) : En conclusion... En conclusion, c'est...

• (15 h 50) •

Des voix : ...

Mme Gaudreault (Arlène) : C'est sur ton temps à toi, je... C'est bon. Alors, en conclusion, c'est sûr que le projet de loi représente certaines avancées, mais vous avez compris qu'on trouve qu'il ne va pas assez loin. Notreassociation a souligné, dans le passé, là, de nombreux problèmes auxquels font face les victimes, le manque de soutien juridique... On était ici, dans cette même salle-là, lorsque le projet de loi n° 83... les problèmes reliés à la faute lourde.

Mais nous, on voit beaucoup, beaucoup de victimes qui ont des problèmes avec les recours, hein, l'IVAC. On voit des personnes qui ont de la difficulté à exercer leurs recours, qui ne sont pas capables de payer un avocat, qui se retrouvent devant des procédures complexes. On voit des personnes aussi qui ne peuvent pas aller au Tribunal administratif du Québec parce que ce n'est pas prévu dans la loi que leurs demandes puissent se rendre à ce niveau-là.

Alors, puis je pense qu'on a encore beaucoup, beaucoup de travail à faire pour bonifier puis améliorer cette loi-là. Puis, ce que j'aimerais vous dire aujourd'hui, au nom de notre association, c'est que les victimes méritent mieux que des réformes à la pièce. Et elles méritent enfin une réforme en profondeur.

Puis on espère, M. le ministre, que vos allez être le ministre, avec un grand L puis un grand E, qui allez vous attaquer à ce dossier-là et qui allez faire en sorte qu'on va pouvoir réduire les dysfonctionnements puis les sources d'iniquité. Et je peux vous assurer que vous pouvez compter sur notre entière collaboration pour le faire.

Le Président (M. Ferland) : Merci, merci beaucoup, Mme Gaudreault. Alors, M. le ministre, la parole est à vous pour un temps d'environ une quinzaine de minutes.

M. St-Arnaud : Excellent. Bien, d'abord, Mme Gaudreault, Mme Blanc, merci beaucoup, merci pour votre témoignage. Je comprends pourquoi on vous a décerné, Mme Gaudreault, le Prix de la Justice il y a quelques années. C'était sous notre gouvernement, c'était sous notre gouvernement. C'est M. Paul Bégin qui avait eu ce privilège de vous décerner le Prix de la Justice.

J'ai le goût de vous dire : Je suis pas mal d'accord avec pas mal de choses que vous avez mentionnées. Et, bon, dans un premier temps, je constate effectivement que vous appuyez les mesures qui sont inscrites dans le projet de loi n° 22, et vous en ajoutez un certain nombre sur lesquels, je vais vous dire, je.. Moi-même, quand je suis arrivé comme ministre de la Justice, ai-je besoin de vous dire que j'ai demandé qu'on regarde certains des aspects dont vous avez parlé? J'ai demandé, par exemple, qu'on... Pourquoi on n'ajouterait pas — vous en avez parlé à la fin de votre intervention — le harcèlement criminel, les menaces de mort, deux crimes de plus? Et ça m'est revenu avec un rapport qui me disait : Si vous faites ça, M. le ministre, ça va coûter 15 millions de dollars de plus récurrents. O.K. Parce qu'évidemment le...

C'est important de le dire, là : Vous savez, dans... Quand j'ai pris la situation, là, il y avait un projet de loi qui avait été déposé par l'ancien gouvernement qui mettait 500 000 $ de plus en mesures diverses, là, en augmentant les montants au niveau de l'indemnisation. Moi, j'ai dit : Je veux qu'on aille un peu plus loin. Avec à peu près, là, ce qu'on a mis sur la table, l'augmentation du délai de un an à deux ans, c'est 1,5 million de dollars de plus, là, récurrent, l'augmentation du délai. Ce qui fait que, là, l'ensemble des mesures du projet de loi n° 22 actuellement sont... il y a de l'argent. Il y a quatre fois plus d'argent dans le projet de loi n° 22 qu'il y en avait dans le projet de loi déposé par le précédent gouvernement.

J'aurais aimé ça aller plus loin, moi aussi, à la fois sur les actes criminels... C'est une des premières questions que j'ai posées dans les premiers jours à Mme Madore, qui est cadre au ministère — elle le sait très bien — c'est une des premières questions : Pourquoi on n'ajoute pas un certain nombre d'autres infractions contre la personne : menaces de mort, harcèlement criminel? On m'est revenu quelques jours après avec l'étude : Si vous voulez faire ça, M. le ministre, 12 millions. O.K. Bon...

Le délai, là, il est là, vous pourrez me le confirmer, il est là depuis 40 ans, le délai d'un an? Bon, bien, je leur demande... Le projet de loi n° 22, ce n'était pas prévu par le gouvernement précédent, on l'augmente à deux ans. J'aurais-tu aimé ça l'augmenter à trois ans? Je vais vous dire, c'était ma... c'est ça que j'ai demandé aux fonctionnaires : On peut-u le monter à trois ans, le délai? Ils sont revenus en disant : Chaque année que vous ajoutez, c'est 1,5 million récurrent. O.K.

Ce n'est pas simple, hein, ce n'est pas simple. Moi, si c'était juste de moi, là... Puis c'est la même chose avec ce que ce matin Mme Gaston nous a dit. Moi, je l'ai dit tantôt aux journalistes : Moi, je suis ouvert à ce que Mme Gaston nous a dit tantôt, quand elle nous dit : Est-ce qu'on pourrait élargir la définition de victime ne serait-ce que dans les cas de parents qui ont perdu leurs enfants des suites d'un acte criminel — il n'y en a pas des milliers — l'élargir aux proches et aux parents? Bon, bien, j'ai demandé qu'on le vérifie, comment ça va coûter. Mais c'est terrible parce que, sur toute une série d'aspects, de ce que vous dites, vous savez, vous avez raison. Moi, j'aimerais ça que le délai, il soit à trois ans, puis on l'a regardé. Puis j'aimerais ça qu'on y ajoute d'autres actes criminels.

Et ça m'amène peut-être à une première question parce qu'il y a quelque chose que je ne comprends pas puis peut-être que… Vous avez une énorme expertise sur ces questions, vous allez peut-être pouvoir m'éclairer là-dessus : Comment se fait-il... D'abord, confirmez-moi… Évidemment, on met à peu près 100 millions de dollars, là, 90, 100 millions de dollars au niveau de l'indemnisation des victimes d'actes criminels au Québec. C'est plus que toutes les autres provinces réunies. Et on me dit qu'en Ontario on couvre tous les actes criminels, on couvre, notamment, vous parlez d'intrusion de domicile, l'invasion de domicile, les introductions par effraction. Il y a un certain nombre de crimes contre les biens qui peuvent être assez traumatisants, merci là, c'est le moins qu'on puisse dire. Ceux qui ont pratiqué le droit ou qui ont été policiers savent de quoi je parle.

Comment ça se fait qu'on réussit, par exemple en Ontario, à couvrir tous les actes criminels, infractions contre la personne, infractions contre les biens, et, au niveau des infractions de la personne, à aller plus loin que ce qu'on fait, nous, en incluant les menaces de mort puis le harcèlement criminel, puis tout ça pour 30 millions de dollars? J'aimerais ça que vous m'expliquiez ça parce qu'il doit y avoir quelque chose, là, qui ne marche pas en quelque part, parce que moi, j'aimerais ça ajouter plus que ça, j'aimerais ça ajouter tous les actes criminels. Puis je ne sais pas si c'est vous ou d'autres, là, qui faisiez à un moment donné une liste qui allait au-delà du harcèlement criminel puis des menaces de mort. Moi, j'aimerais ça qu'on... notre système d'indemnisation des victimes d'actes criminels couvre tous les actes criminels. Parce qu'il y a des infractions contre les biens qui peuvent être effectivement très traumatisantes. Mais je regarde la situation, là, puis comment je peux faire ça avec... Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus tout en vous disant que je suis très sensible à ce que vous dites.

C'est il faut aller vers ça, mais là on a une situation d'urgence, on a des problèmes urgents, des lacunes importantes sur lesquelles Mme Gaston a attiré notre attention il y a un an puis qu'il faut régler le plus vite possible, là, si possible dès les prochaines semaines. J'aimerais ça aller plus loin, mais ce n'est pas simple dans le contexte de nos finances publiques.

Puis, à chaque fois, moi, parce que je suis le ministre de la Justice, mais, à un moment donné, ce n'est pas moi, comme disait Mme Jérôme-Forget à l'époque, ce n'est pas moi qui tiens la sacoche, hein? C'est quelqu'un d'autre qui tient la sacoche. Puis, quand je veux piger dedans, il me dit : Bien, là, Bertrand, là, déjà tu mets quatre fois plus d'argent que les libéraux il y a un an, ça fait que ce n'est pas si pire. Ça fait que tu sais, ce n'est pas simple.

D'ailleurs, en passant, je le dis amicalement parce que c'est vraiment un de mes amis, si vous avez d'autres citations du président du Conseil du trésor, je suis preneur. Parce que tu sais, c'est... Je le dis amicalement parce que c'est vraiment quelqu'un avec qui je m'entends très bien, qui est un bon collègue, mais, si jamais vous avez des bonnes citations de lui quand il était porte-parole de l'opposition en matière de justice, là, je vous prends ça n'importe quand.

Une voix : ...

M. St-Arnaud : Parce que vous savez, non, mais, tu sais, c'est… J'aimerais ça aller plus loin. Bien, j'aimerais ça que vous répondiez à ma question, puis j'aurai une autre petite question sur un autre élément.

Le Président (M. Ferland) : Mme Gaudreault.

• (16 heures) •

Mme Gaudreault (Arlène) : Écoutez, je n'ai pas fait, je n'ai pas fait d'étude comparative, là, entre les différents régimes. De toute façon, je pense que, si vous m'aviez demandé d'en faire une, j'aurais eu besoin d'un peu plus qu'une semaine. Mais c'est difficile de comparer les régimes entre les différentes provinces aussi, là, parce que, par exemple, nous, au Québec, on donne des rentes, hein, on donne des rentes à vie, il y a des systèmes qui ne donnent pas de rente à vie. On a quand même aussi des remplacements d'indemnité pour perte de revenus, là, qui peuvent, tu sais, donner des sommes plus importantes que, par exemple, dans d'autres provinces. On a un système de rentes qui nous coûte quand même assez cher. On a choisi aussi, au moment où on a adopté la loi, qu'on donnait des rentes jusqu'à la fin de la vie, hein? Il y a eu des propositions du Protecteur du citoyen de dire que peut-être qu'à 65 ans on pourrait arrêter de donner des rentes, peut-être qu'on devrait revoir le système des rentes puis des montants forfaitaires. Et, si on l'avait fait avant, peut-être qu'on ne se retrouverait pas actuellement avec des régimes qui continuent à gonfler, si je puis dire ça comme ça.

Et je voudrais vous dire aussi qu'il y a... Jusqu'en 92, le fédéral contribuait au régime d'indemnisations dans les provinces, il donnait un petit montant, là, par tête d'habitant, ce qui faisait que chaque province recevait tant de millions de dollars et pour les services et pour l'indemnisation. Le fédéral s'est retiré de ce financement-là et a demandé aux provinces d'assumer tout le financement, alors le Québec a continué à le faire. Et c'est vrai, il y a des provinces qui n'ont pas de régime d'indemnisation, il y a des provinces effectivement qui ont un régime d'indemnisation avec des paliers, là, des seuils pour les indemnités, qui sont beaucoup moins importants que nous.

Alors, je pense que ce qu'il faudrait faire, c'est regarder notre régime puis voir où est-ce qu'on pourrait couper certaines choses, voir comment on pourrait le réaménager. Nous, on se pose des questions cette année, parce que, bon, vous avez annoncé, vous nous dites : Bon, 2 millions. C'est difficile de calculer combien ça va coûter, parce que, quand, en 2006, on a mis en place des mesures, on a adopté la loi n° 25, là, on avait pensé que ça coûteraitbeaucoup plus cher pour le soutien thérapeutique des proches des victimes. Mais regardez le rapport annuel de l'an dernier, ça a coûté 44 000 $. Tu sais, ce n'est pas une grosse affaire. Et ce que vous proposez, là, pour les proches des victimes, c'est bien, mais ce n'est pas ça qui va coûter cher.

Le délai aussi, j'aimerais vous dire que c'est difficile de savoir dans quelle mesure ça va augmenter, le nombre de... les coûts du régime, parce qu'il y a beaucoup de personnes qui vont demander rapidement de l'aide à l'indemnisation, là. Ce n'est pas tout le monde qui attend trois ans puis deux ans...

M. St-Arnaud : Mais ce qu'on me dit, c'est qu'on a fait l'évaluation, là, pour les gens qui ont vu leurs demandes refusées parce qu'hors délai entre un an et deux ans, et je pense qu'on parlait d'à peu près 600 personnes ou 700, là, c'étaient plusieurs centaines de personnes, donc, qui auraient vu leurs demandes acceptées avec... En fait, c'est l'évaluation qui a été faite par les hauts fonctionnaires, ce qui amenait l'évaluation à dire... à évaluer à peu près à 1,5 million de dollars récurrents, là, seulement d'augmenter le délai, qui est une grosse... Tu sais, ça paraît anodin, dans un projet de loi, augmenter de un an à deux ans, là, mais c'est la première fois qu'on fait ça en 40 ans, puis ça va amener des centaines de personnes à avoir droit à l'indemnisation, alors qu'ils n'y auraient pas eu droit. Tu sais, j'essaie... Je comprends qu'idéalement il faudrait le monter au moins à trois ans, puis j'en suis aussi, mais c'est...

Mme Gaudreault (Arlène) : M. le ministre, j'ai envie de vous dire : Ça va nous coûter combien, là, la construction des prisons? Ça va nous coûter combien, tout le système correctionnel, là? Ça va nous coûter combien, les impacts du C-10? Ça nous a coûté combien quand on a décidé d'élargir, là, les frais pour les avocats de l'aide juridique pour... dans les mégaprocès? Bien, des millions de dollars, puis ce n'était pas 1 million, c'étaient des millions de dollars. Je ne sais pas.

On regarde le rapport annuel cette année, il y a quand même une diminution de 3 millions pour les frais de réadaptation. Bon. On a questionné là-dessus, on a obtenu des réponses. On n'est pas sûrs qu'on comprend les réponses, on va essayer d'aller plus loin. On se dit : Bon, est-ce qu'on est en train de diminuer ce type de service là?

C'est sûr que, nous, ce qu'on souhaite, c'est que ce soit un système qui est plus équitable. Et ce pourquoi on trouve ce projet de loi là décevant, c'est que ça paraît bien, le public a le sentiment qu'on aide les victimes, et les médias contribuent à répercuter cette image-là, qu'on aide les victimes. On aide une petite partie de victimes qui avaient bien besoin qu'on les aide, mais on laisse de côté des problèmes importants qui laissent hors marge la majorité des personnes.

M. St-Arnaud : On s'entend là-dessus, Mme Gaudreault, là. C'est sûr que... Puis moi, je l'ai dit ce matin, puis, à un moment donné, il va falloir la faire, la vraie réforme. Moi, ma préoccupation à court terme, là — ça fait six mois que je suis ministre — c'était de régler certains irritants qui auraient dû être réglés il y a longtemps, parce que ça fait un an et demi qu'on en entend parler, là, grâce, notamment, à Mme Gaston. Puis j'en ai profité pour allonger le délai puis augmenter, par rapport au projet de loi qui avait été déposé l'an dernier.

C'est sûr qu'il va falloir, à un moment donné, dire, et là aussi, là, il y a une réflexion à faire : Est-ce qu'on décide finalement de... Parce que, quand tu regardes, là, on met 100 millions. Je pense que l'Ontario met une trentaine de millions puis les autres provinces mettent 10 millions, dans l'Ouest, certaines, puis il y en a d'autres, c'est à peu près zéro, là. On met plus d'argent que toutes les... Alors, peut-être que la piste, effectivement, sur les rentes, est-ce qu'on devrait revenir à d'autre chose, une autre façon de faire que des rentes? Maintenant, là, il faudrait aller racheter les rentes, et ça, on me dit que ça serait quelques centaines de millions, hein?

Mme Gaudreault (Arlène) : C'est un gros problème.

M. St-Arnaud : On me dit que ça coûterait, si on rachetait les rentes, là, 333 millions, me dit la députée de Pontiac. Alors, ce n'est pas simple.

Moi, je voulais régler un problème, là, mais sachez que je suis très conscient de l'ampleur de la situation, puis j'espère qu'on va pouvoir revenir rapidement. On va essayer de voir ce qu'on peut faire de plus. Évidemment, on est dans un contexte de finances publiques difficiles, mais certainement sur l'article du nettoyage, là, ce que vous me dites essentiellement, c'est, pour le 1 000 $ pour la résiliation de bail : C'est une bonne chose que vous l'ayez rentré dans la loi d'une manière claire. Et ce que je comprends, c'est qu'au niveau du nettoyage vous me dites : Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de l'étendre et de le mettre dans la loi? Parce que, ce qu'on me dit, là, derrière moi, les experts me disent que déjà, là, quand la victime n'est pas décédée, si elle veut déménager, réaménager la maison, déménager, elle reçoit des montants pour ça. Ce que vous me disiez, peut-être avec parcimonie, vous dites : Sion le mettait dans la loi, comme on le fait pour le 1 000 $ pour la résiliation de bail, on clarifierait les choses de façon très claire.

Mme Gaudreault (Arlène) : Oui. Puis ça devient un droit, à ce moment-là, puis c'est un droit pas juste pour certaines catégories de personnes, mais c'est un droit pour tout le monde. Et puis il reste quand même que les gens qui administrent le régime, là, ils l'administrent avec jugement, et puis ça reste des mesures exceptionnelles, puis ça reste des mesures dans un cadre de réadaptation. Ils le font dans un cadre de réadaptation. Ça fait que je pense que ce n'est pas ça qui va faire augmenter... Et je pense qu'on témoigne, à ce moment-là, de notre compassion, de notre solidarité à l'endroit de d'autres personnes. Et ça, pour nous, c'est important aussi.

M. St-Arnaud : Je pense qu'on devrait être capables de voir, comme... puisque, de toute façon, ce qu'on me dit, c'est que ça ne change pas les choses au niveau des montants qui sont...

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. St-Arnaud : ...octroyés. Je pense que ça, on peut certainement le rédiger pour effectivement le rentrer puis l'élargir à plus qu'à l'ensemble des victimes, même celles qui ne sont pas décédées.

En tout cas, en terminant, merci beaucoup. Je ne pense pas que c'est la dernière fois qu'on se parle de ce sujet, c'est un... Il y a un chantier, éventuellement, qu'il va falloir ouvrir sur toute cette question. Moi, ça me préoccupe. J'aimerais ça qu'on puisse vraiment le... Puis j'aurais d'autres questions, parce que j'aurais bien aimé savoir comment ça se fait qu'en 1993 la loi n'est jamais entrée en vigueur, là, la loi qui avait été... Parce qu'il y en a eu une, réforme, en 1993, il y a un projet de loi qui a été adopté.

Mme Gaudreault (Arlène) : Bien, c'est une raison de coûts, M. le ministre. Puis aussi, c'est parce qu'on suggérait, à ce moment-là, de détacher l'IVAC de la CSST, que ça soit le ministre de la Justice, donc ça supposait aussi toute une réorganisation... Ça ne vous tenterait pas d'avoir ça, nécessairement, comme autre responsabilité...

M. St-Arnaud : Bien...

Le Président (M. Ferland) : Rapidement.

Mme Gaudreault (Arlène) : C'est déjà une responsabilité, mais d'avoir toute... Et, entre autres, c'est des questions de coûts, c'est... Donc, la loi n'a pas été promulguée.

M. St-Arnaud : C'est qu'on revient toujours à ça. Je conclus en 30 secondes, M. le Président, parce qu'il y a eu...

Le Président (M. Ferland) : On est déjà dépassé. Je vais empiéter sur le temps de…

M. St-Arnaud : ...tu sais, il y a eu 1993 puis, après ça, il y a eu 2006, il y a eu le rapport Lemieux. Ce n'est pas pour rien que le précédent gouvernement n'a pas fait la réforme par la suite, parce que, c'est ça, il s'est retrouvé avec le problème de...

Ce n'est pas simple, mais, en tout cas, là, je trouve qu'on fait un bout, un bout, un certain bout. On va essayer, en commission, de voir si on peut en faire un petit peu plus à la lumière des témoignages rendus aujourd'hui. Bon.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Merci beaucoup. Malheureusement, je dois...

M. St-Arnaud : On me dit que je suis rendu comme aux crédits.

Le Président (M. Ferland) : Oui. Et...

M. St-Arnaud : Mais je suis... Bon, bien, j'arrête ici.

Le Président (M. Ferland) : Je vous dirais, comme un de vos collègues célèbres : En terminant.

M. St-Arnaud : J'ai terminé, M. le Président. C'est vous qui dites toujours ça au caucus.

Le Président (M. Ferland) : Bien, je ne peux pas me nommer.

M. St-Arnaud : Vous commencez toujours vous interventions en disant : En terminant.

Le Président (M. Ferland) : Et voilà.

M. Duchesneau : Mais j'ai appris… Je vais pouvoir continuer à parler au-delà de mon trois minutes...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. St-Arnaud : On a droit à une petite marge, M. le député de Saint-Jérôme.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup. Merci beaucoup. Merci, M. le ministre.

M. St-Arnaud : Merci, merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Gaudreault. Merci, madame.

Le Président (M. Ferland) : Alors, maintenant, je reconnais la députée de Pontiac, du parti de l'opposition officielle, pour un temps de 20 minutes. Ou à peu près.

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Bonjour mesdames. Juste quelques petites minutes, là... Au niveau de l'Ontario, c'est un régime très similaire qu'on a, mais eux autres ont un plafond, maximum 150 000 $ à une personne, et c'est des maximums : 25 000 $ ou tant, mais c'est très, très encadré et très plafonné au niveau des montants.

Moi, je voudrais qu'on parle du délai, du délai de demande, qui revient dans presque tous les mémoires, de dire : Compte tenu de ce que les gens vivent comme situation, les délais sont trop courts. Est-ce qu'on peut l'augmenter à trois ans? Le ministre a fait une proposition à deux ans, et on a eu des exemples assez concrets de gens qui disent : Bien, après un an, les formulaires sont compliqués.

Ma première question, vous avez parlé de deux ans. Est-ce que, dans deux ans, on est capables de rejoindre plus de clientèle? Parce qu'on en perd quand même. Puis on sait qu'il y a des coûts, mais ce n'est pas juste au niveau des coûts qu'il faut regarder le pourquoi on est là.

L'autre, vous parliez... quand il faut contester, les difficultés de contestation… J'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu qu'est-ce que c'est, la contestation, dans un cas de quelqu'un qui a été victime d'un acte criminel de nature assez violente, soit qu'un parent a perdu un enfant qui s'est fait tuer ou bien... des enfants, on a des exemples, là, qui nous viennent en mémoire. Pourquoi ils doivent contester?

• (16 h 10) •

Mme Gaudreault (Arlène) : Bien, ils peuvent devoir contester parce qu'on refuse leur demande, hein, parce qu'on va dire que leur demande n'est pas admissible, parce que, par exemple, ils sont hors délai, hein, ils ne sont pas dans le délai d'un an puis ils n'ont pas fait la preuve de l'acte criminel. Ils peuvent contester aussi parce qu'ils ne sont pas satisfaits des indemnités qu'on leur donne. On peut décider que, par exemple... ou que, quand on calcule leur déficit, un expert va dire, par exemple : Bien, vous avez un déficit qui équivaut à 5 %, cette personne-là dit : Bien, moi, je suis presque handicapée dans ma vie de tous les jours, j'ai de la difficulté à faire mes activités quotidiennes, je ne suis pas capable de reprendre mon travail, ce n'est pas assez au niveau des indemnités, alors on peut contester les indemnités.

Alors, ça, c'est le premier palier. Alors, il y a une décision qui se fait en révision à IVAC puis il y a une décision qui peut aller au Tribunal administratif du Québec. Et on peut contester aussi dans ce qu'on appelle une révision administrative. Admettons que vous avez été victime d'un acte criminel, que vous avez subi des blessures et que vous avez le droit à des services de thérapie ou à un ergothérapeute ou un physiothérapeute. Vous avez le droit à 10 traitements, mais vous, vous estimez que vous en avez besoin de 30. Votre médecin traitant trouve ça aussi. Alors, dans ce cas-là, vous pouvez demander une révision, mais c'est l'IVAC qui va donner la révision et qui va faire la révision. Et donc, ça ne se rend pas au Tribunal administratif du Québec.

Donc, il y a eu des recommandations par le passé, plusieurs recommandations en disant que toutes les victimes devraient pouvoir aller au Tribunal administratif du Québec parce que, dans le cas, entre autres, des reconsidérations administratives, bien, c'est le même organisme qui révise sa décision.

Mais, nous, les victimes qu'on rencontre, ce sont des personnes qui... Quand on décide, là, qu'on mène une bataille contre une institution comme l'IVAC ou la CSST, ou la SAAQ, c'est la même affaire, je veux dire, c'est David contre Goliath, là. On ne se rend pas devant le Tribunal administratif sans être capables de faire la preuve de nos blessures, sans être capables de faire la preuve de nos réclamations. Alors, ça prend des avocats. Il faut payer pour les avocats, on n'a pas toujours l'argent pour payer pour les avocats.

Ce qu'on a observé, nous, c'est qu'il n'y a pas énormément d'avocats non plus, hein, qui s'intéressent aux questions de l'IVAC, CSST, la SAAQ, là; ce n'est pas le système le plus intéressant peut-être pour les avocats. C'est même difficile de trouver des avocats qui sont spécialisés dans ce domaine-là. Ce sont des procédures qui sont très lourdes, ce sont des procédures qui sont complexes pour les victimes, ils se ramassent devant ces tribunaux-là, ils ne comprennent pas.

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme Gaudreault. Juste, s'il vous plaît, à la demande de la députée de Pontiac, tentez d'avoir des réponses courtes vu qu'elle a plusieurs questions.

Mme Gaudreault (Arlène) : Oui, c'est vrai. J'oubliais que le temps...

Le Président (M. Leclair) : Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer : Oui. C'est parce que j'ai d'autres questions de clarification. Quand vous dites, la contestation… Est-ce que la contestation est à peu près semblable que qu'est-ce qui se passe avec la CSST? Est-ce que...

Mme Gaudreault (Arlène) : Ça semble...

Mme L'Écuyer : ...IVAC est géré avec des normes? Je sais que ce n'est pas supposé être géré par la CSST, mais la gestion est là, mais est-ce que l'ensemble des intervenants d'IVAC sont des gens de la CSST ou si IVAC a son propre personnel?

Mme Gaudreault (Arlène) : C'est une direction de la CSST...

Mme L'Écuyer : C'est une direction.

Mme Gaudreault (Arlène) : ...c'est un moyen, c'est un système qui est calqué sur la CSST.

Mme L'Écuyer : Bien, c'est sûr qu'il y a des problèmes là.

Mme Gaudreault (Arlène) : Donc, les personnes se retrouvent sensiblement avec les mêmes difficultés, sauf que ce ne sont pas des personnes qui ont des maux de dos, là, hein...

Mme L'Écuyer : Non. Non. C'est ça. O.K.

Mme Gaudreault (Arlène) : ...des personnes qui ont vécu des agressions sexuelles, de la violence conjugale, qui ont vécu des voies de fait graves.

Mme L'Écuyer : Et c'est ce qui va faire qu'ils vont devoir aller, des fois, contester au Tribunal administratif.

Mme Gaudreault (Arlène) : C'est ce qui fait que c'est plus lourd aussi parce que, psychologiquement, ils n'ont pas nécessairement l'énergie pour se battre, et ce qu'on voit, c'est qu'il y a beaucoup de victimes qui vont abandonner leurs recours parce qu'ils n'ont pas l'énergie pour faire ça.

Mme L'Écuyer : Ce matin, quand on écoutait les personnes que nous avons reçues, elles disaient : C'est un processus qui est lourd, qui est long et qui finalement peut nous garder pendant des années dans ce que nous avons vécu, et il n'y a comme pas de guérison possible. Ce serait une raison que quelqu'un qui est indemnisé par IVAC et, à un moment donné, va contester, rentre dans le processus de ce que les gens souvent doivent vivre quand ils sont avec la CSST.

Mme Gaudreault (Arlène) : Bien, des fois, ils se sentent revictimisés par ces processus-là.

Mme L'Écuyer : Vous avez parlé de souplesse dans la gestion, les gens de ce matin aussi ont parlé qu'on devrait avoir plus de souplesse dans la gestion des demandes. Pouvez-vous nous donner quelques exemples au niveau de souplesse qui pourrait être faite? Ça, des fois, de rédiger ou d'avoir moins de paperasse, tu peux... ça ne coûte pas nécessairement d'argent, au contraire, on peut économiser des sous.

Le Président (M. Leclair) : Alors, Mme Gaudreault, la parole est à vous.

Mme Gaudreault (Arlène) : Je ne suis pas sûre de comprendre votre question.

Mme L'Écuyer : Bien, vous dites : La gestion, elle est lourde, il y a beaucoup de formulaires à compléter. Ce que je demande, c'est des exemples qui pourraient alléger la gestion du programme, qui feraient que, dans le fond, il y a des économies qui pourraient être intéressantes et, en même temps... Puis, ce matin, les gens nous disaient : Ça n'a pas de bon sens, on reçoit des formulaires. Il y a des questions qui ne nous concernent pas, puis on ne s'en sort plus. Puis, si on oublie une case, ça nous revient parce que c'est mal complété. Ça veut dire que c'est des délais, là, qui commencent, là.

Mme Gaudreault (Arlène) : Oui. Bien, c'est sûr que la... Bon, on a soulevé, ce matin, la question des formulaires. Les CAVAC actuellement font un travail très, très important, là, auprès des victimes d'actes criminels pour les aider puis les accompagner à remplir ces formulaires-là. Les formulaires en soi ne sont pas si compliqués que ça, c'est juste que, parce que les personnes sont dans des états psychologiques où c'est difficile de parler du décès d'un proche, ou d'une agression sexuelle, ou d'une voie de fait grave... Ce n'est pas que les formulaires sont si compliqués que ça. Mais ils pourraient simplifier des choses.

J'en avais apporté un exemple. Moi, je le trouve super. Excusez-moi, je vais vous le donner parce que je trouve que ça fait bien comprendre pourquoi des fois c'est lourd puis pourquoi les victimes aussi, quand on parle des recours, pourquoi c'est difficile aussi pour les victimes de se retrouver dans ce système-là. Je voudrais donner l'exemple des réponses par exemple qu'on reçoit… Je vais essayer de le trouver dans mon texte. Ah oui! L'exemple d'une personne qui reçoit une décision de l'IVAC, O.K.? Vous allez vous mettre, 30 secondes, à la place de la victime qui reçoit cette décision-là. C'est une décision d'un refus dans le cadre d'une demande hors délai, la personne a présenté sa demande hors délai. On lui répond ceci pour lui dire qu'on rejette sa décision : «De l'avis de la commission, en choisissant de ne pas réclamer plus tôt, la réclamante renonçait à se prévaloir de ses droits, alors que, par ailleurs, aucun élément de preuve soumise ne démontre qu'elle était dans l'incapacité d'agir. La preuve ne permet donc pas de renverser la présomption de renonciation. En conséquence, la demande de prestation est rejetée.» Alors, c'est évident que quelqu'un ne comprend pas ce genre de réponse là, et, quand on ne comprend pas la réponse, on n'est pas capables d'exercer ses recours non plus. Ça, c'est un bon exemple. Et donc on peut simplifier.

C'est le rapport Lemieux... le rapport Lemieux parlait du devoir d'assistance qu'on a à l'endroit des victimes pour les aider. Les CAVAC font ce travail-là et l'IVAC peut faire ce travail-là. Nous, on le fait dans le cadre de notre travail aussi, d'autres organismes que vous allez entendre aussi.

Alors, c'est sûr que simplifier... Donner de l'information… Allez voir sur le site de l'IVAC et regardez l'information qu'on donne aux victimes. Vous allez voir que c'est de l'information qui est minimaliste, qui est peu élaborée. Alors, en dehors de la loi, il y a du travail à faire pour améliorer les pratiques et les politiques aussi. Allez voir les politiques de l'IVAC, ça tient en 132 pages. Qui peut se retrouver là-dedans? Peut-être vous parce que vous avez une formation en droit pour plusieurs d'entre vous, mais, pour le commun des mortels, c'est difficile.

Le Président (M. Leclair) : Merci, Mme Gaudreault. Alors, Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer : Dernière question, brièvement, parce qu'il y a des collègues qui ont des questions, c'est au niveau du délai pour les agressions sexuelles. Tout le monde revient avec la même chose : il ne devrait pas y avoir de délai. Ça devrait être plus long. On regarde, quand on suit un peu ce qui se passe dans l'actualité, on voit que des gens vont témoigner 20 ans après, 30 ans après, souvent ça va être un entraînement de quelqu'un qui a dénoncé puis que la personne va dire… Puis je pense qu'on a un cas qui se promène ces temps-ci, là, il y a un cas récent en Ontario où là il y a des gens qui arrivent 10 ans, 15 ans, 20 ans après. Est-ce que, pour ces types d'agression sexuelle, surtout quand c'est un prédateur qui est auprès des jeunes, c'est quelqu'un qui s'occupait des scouts, du hockey, ça fait qu'il a pu faire plusieurs années, là, d'agressions sexuelles, est-ce qu'à ce moment-là les délais ne devraient pas exister pour ce type de délit et d'agression?

Mme Gaudreault (Arlène) : Bien, nous, notre recommandation est assez claire, c'est pour toutes les victimes d'agression sexuelle, parce que c'est reconnu dans la jurisprudence, c'est reconnu par les tribunaux, les études le montrent, le travail qu'on fait sur le terrain avec les victimes montre à quel point c'est difficile de dénoncer, à quel point c'est difficile d'exercer les recours. Alors, d'autres régimes d'indemnisation tiennent compte de la situation particulière des victimes d'agression sexuelle, particulièrement des survivants d'inceste. Alors, on devrait aller dans ce sens-là.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme Gaudreault. Alors, maintenant, je reconnais le député de Fabre, en vous rappelant qu'il reste quand même encore neuf minutes. Alors...

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président.

Mme L'Écuyer : Tu es un avocat, tu peux…

M. Ouimet (Fabre) : Oui. Je ne ferai pas de commentaire sur cette remarque. Bonjour. Bonjour, mesdames. Merci de participer à nos travaux. On a l'occasion de le souligner à tous les groupes qu'on a le privilège de recevoir, c'est vraiment un apport inestimable aux travaux de la commission, à l'amélioration de notre... un aspect important de notre système de droit dans la mesure où on traite... on vise à améliorer le sort de personnes qui sont à la base victimes d'une injustice. Être victime d'un crime, c'est être victime d'une injustice. Et je sais que tous les parlementaires ont à coeur d'améliorer le sort des victimes, mais il y a des choix à faire, et le ministre doit faire des choix. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec tous les choix qu'il fait particulièrement, et, quand je vous entends parler de...

M. St-Arnaud : ...me sortir l'article du Devoir du mois de février, là.

• (16 h 20) •

M. Ouimet (Fabre) : Oui. Non, mais je suis généralement gentil avec le ministre. On me reproche, même, de l'être trop. Alors, je vais aller au vif du sujet, si vous le permettez.

Vous avez mentionné les procédures de contestation. Vous avez cité, même, une décision et vous avez fait référence au rapport de la bâtonnière Lemieux, qui parlait de la notion du langage clair. Et je pense que ça, c'est une... quelque chose qui ne coûte vraiment pas cher, qui ne coûte rien en termes d'administration. Mais, en termes de services aux citoyens, si on est capables de s'assurer que nos décisions, les services qu'on rend à nos concitoyens respectent les règles du langage clair... J'essaie d'en faire la promotion au niveau des lois ici, mais votre message porte plus spécifiquement sur l'administration d'un programme, celui des victimes d'actes criminels. Alors, ça, je pense que c'est un message qu'il faut continuer à porter, M. le ministre, dans l'administration. Je sais que vos… que les personnes qui travaillent avec vous en sont convaincues aussi, mais je tenais à le dire parce que c'est un message important pour améliorer un peu une des dimensions.

J'aimerais parler de la question... Il y a une question, la rente, qui m'interpelle. Et je peux imaginer, lorsque le ministre va s'attaquer, très, très prochainement, à la réforme majeure de la loi, là, comme il nous l'a annoncé... La rente. Votre position, par... Si on vous disait, là : Le ministre est d'accord et envisage une réforme majeure, et on va modifier le système des rentes, vous répondez quoi à cette demande-là?

Le Président (M. Ferland) : Mme Gaudreault.

Mme Gaudreault (Arlène) : Bien, c'est une bonne question, c'est une grosse question. Je pense qu'il va falloir la regarder par rapport à l'ensemble des mesures qui vont être proposées. C'est-à-dire qu'on ne peut pas enlever... Si on enlève la rente, c'est parce qu'il va falloir, à côté, donner plus en termes de réadaptation. Une des idées qu'on a toujours défendue à l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, c'est que ce régime-là devrait permettre aux personnes de reprendre le plus rapidement possible le contrôle de leur vie puis de retrouver leur équilibre. Alors, c'est de regarder les mesures et... Alors, c'est sûr qu'il y a des choix à faire. Puis c'est un régime qui date de 40 ans, qui n'a pas été modernisé. Ça fait qu'il faut regarder... On le reconnaît aussi, que c'est un régime généreux puis que le Québec fait un effort important.

En même temps, ce qu'on a déjà demandé au ministre de la Justice précédent — puis au ministre actuel, on demande la même chose — c'est de regarder aussi, dans toute l'économie, je dirais, des services aux victimes... On a besoin d'un portrait. Parce que, quand on parlait de l'indem il y a 40 ans, il n'y avait pratiquement que l'indem. Maintenant, il y a des centres d'aide pour les victimes d'actes criminels, pour les victimes d'agression sexuelle. Il y a plus de maisons d'hébergement, il y a plus d'organismes. Ça fait que c'est de regarder aussi l'IVAC, là-dedans, dans cette synergie de services, quel est son rôle. Et on n'a pas de portrait de l'ensemble des services actuellement. Et puis aussi, comment on répond aux demandes des victimes.

Ça fait que je pense que cette réflexion-là... C'est difficile de répondre à votre question, mais, cette réflexion-là, elle doit se faire dans un ensemble, je pense.

M. Ouimet (Fabre) : Je vous remercie. Merci. C'est encore...

Le Président (M. Ferland) : Oui, il vous reste encore 4 min 20 s.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Je vous remercie pour cette précision, en fait, et je suis certain que le ministre a pris bonne note. Et, lorsqu'il lancera le chantier prochainement, on va... ça va être des discussions intéressantes.

Ceci dit, j'aimerais revenir... La question du délai, je vous avoue qu'elle m'interpelle parce que... Le délai pour la réclamation. Et je vous avoue que je suis un peu surpris. Je comprends, là, je comprends la réalité du ministre et des ministres précédents, qui étaient sensibles à la préoccupation au niveau économique. Mais je vous avoue que, d'un point de vue de juriste, de me dire qu'on exclue des gens parce qu'ils ont tardé — et là on parle d'une année — j'ai un peu de difficulté avec le principe qui vise à indemniser une victime d'acte criminel… Ceci dit, je suis conscient des limites, là, mais, au plan des principes, j'ai de la difficulté avec l'idée qu'on exclue une victime parce qu'elle a trop tardé — au-delà d'une année — à faire une réclamation.

Ceci dit... Et avant, je vais juste ajouter un dernier point avant que vous puissiez, peut-être, clore. Sur la question de la rétroactivité. Parce qu'on a parlé tantôt de... Bon, la loi, on veut agir rapidement, il y a l'urgence d'agir. Mais le gouvernement précédent avait déposé une projet de loi au printemps dernier, hein, donc au printemps 2012, et, bien que ce soit un peu arbitraire de décider de faire rétroagir des nouvelles mesures, on pourrait s'entendre qu'à compter de la date du dépôt du projet de loi, en 2012… c'est la date à partir desquelles ces nouvelles mesures urgentes entrent en vigueur… de sorte que, même si nous prenons un mois ou quelques semaines de plus pour étudier le projet de loi, les gens ne seraient pas pénalisés par l'important travail qu'on fait maintenant, parce qu'on veut bien le faire… mais les gens ne seraient pas pénalisés. Alors, c'est une idée que je voulais lancer. Je ne sais pas quelle est votre réaction.

Mme Gaudreault (Arlène) : Écoutez, ce n'est pas une question qu'on a eu le temps d'examiner — on n'est pas des juristes non plus, là — sur des questions de rétroactivité des lois. C'est plus les juristes qui peuvent examiner ces questions-là. Je n'ai pas vraiment de... Je pense que, si c'est faisable, là, au point de vue de la loi, pourquoi pas?

Le Président (M. Ferland) : Merci Mme Gaudreault. Il reste une minute, presque deux minutes, là, si vous avez...

M. Poëti : Peut-être juste... Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti : En profiter également pour vous féliciter pour votre travail puis votre présence ici aujourd'hui. Aussi vous dire que dans ma vie, en fait, mon ancienne vie de policier, vous avez parlé de victimes non médiatisées, et celles-ci souffrent au même niveau, et vous les représentez très bien ici aujourd'hui. Et je vais me joindre à mon collègue pour dire que la rétroactivité, c'est une chose, mais que des gens qui ont dépassé un délai d'un an, qui ont été victimes d'actes criminels ne peuvent le faire. C'est un peu troublant pour moi comme ancien policier. Et je vais appuyer, évidemment, mon collègue et tenter, évidemment, de travailler avec le gouvernement pour faire changer ça. Parce que, lorsqu'on parle de priorités dans la vie, bien, il faut les choisir, nos priorités. Et je pense que la cause des victimes d'actes criminels doit être une priorité, compte tenu de ce si long temps où, évidemment, il y a eu de la difficulté à modifier les choses. Bien, on amorce de le faire, on travaille sur ça, on l'avait déjà commencé. Allons de l'avant et mettons les priorités aux bonnes places pour les gens qui souffrent. Merci de les défendre.

Le Président (M. Ferland) : Merci.

Mme Gaudreault (Arlène) : Il faudrait quand même préciser...

Le Président (M. Ferland) : Rapidement, Mme Gaudreault. Il reste à peu près 30 secondes.

Mme Gaudreault (Arlène) : Oui. Il faut quand même préciser que les victimes, là, quand elles sont hors délai, elles peuvent faire la preuve, là, qu'elles étaient dans l'incapacité d'agir. Ça existe, ça. Sauf que cette preuve-là, elle est difficile à faire, c'est ça, l'affaire. Parce que toutes les lois, là, tous les régimes d'indemnisation, il y a un délai, puis c'est normal aussi qu'il y ait un délai pour présenter une demande. On ne dit pas : Qu'il n'y ait pas de délai. On dit juste : Donnez la chance aux gens, compte tenu des circonstances particulières, compte tenu que c'est difficile, que c'est des gens qui vivent des épreuves, donnez-leur la chance avec un délai qui est un petit peu plus long et soyez souples quand ils sont hors délai, soyez compréhensifs. On ne dit pas, là, d'ouvrir la vanne. Parce qu'il y aura toujours un processus d'examen pour voir s'il y a eu une faute puis voir s'il y a des motifs raisonnables.

Le Président (M. Ferland) : Merci, Mme Gaudreault. Je...

Mme Gaudreault (Arlène) : Je sais que je donne des explications très longues.

Le Président (M. Ferland) : C'est parce que je ne peux pas aller plus loin, sans ça je vais empiéter sur le temps de l'autre groupe.

Mme Gaudreault (Arlène) : C'est bien. C'est correct, c'est correct.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup. Alors, je reconnais maintenant le député de Saint-Jérôme avec un bloc de cinq minutes.

M. Duchesneau : Je suis gâté. Merci, M. le Président. Il y a 30 ans, en 1983, j'étais professeur au cégep Maisonneuve et je travaillais avec une jeune femme qui était une boule d'énergie, qui se battait pour les victimes, et elle est assise devant moi aujourd'hui. Bravo.

Tout ça pour vous dire, je pense que les victimes vous doivent beaucoup. Je pense que c'est important de le mentionner. J'écoute tout ça puis je trouve un peu paradoxal : si on était dans une commission parlementaire sur la santé, c'est à peu près comme si on demandait au médecin qui doit donner deux injections à un patient qui rentre dans une salle… qu'on lui demandait que, par souci d'économie, on en donne juste une, pour faire souffrir pas trop trop, mais pas assez pour régler le problème. Puis c'est un peu, je pense, la façon dont on regarde les victimes, hein? Et je trouve vraiment ça aussi paradoxal qu'on est obligés de parler des victimes en termes de dollars et de cents, alors qu'on devrait aussi parler de ceux qui commettent les crimes, qui devraient peut-être payer la facture, puis que, si elle est de 100 millions, 200 millions, bien, qu'on trouve les moyens de le faire. On le fait déjà, là, par le biais des contraventions puis tout ça, mais je trouve dommage qu'à un moment donné, il y a des gens qui subissent des crimes et qui soient obligés de porter ce fardeau-là seuls sur les épaules.

• (16 h 30) •

Quand on parle de meurtre vs tentative de meurtre, là, à l'article 6.1, la grande différence entre les meurtres dont on a négocié il y a 40 ans et les tentatives de meurtre aujourd'hui, c'est que notre système de santé les sauve plus. Mais c'est la même victime. Une est sauvée, l'autre ne l'est pas. Mais pourquoi on les traite différemment? Pourquoi on ne les met pas dans cette même liste là? Justement, pour tenter de peut-être leur faire porter mieux, sur leurs épaules, les méfaits causés par un crime.

Crime haineux? On va avoir quelqu'un victime d'un crime haineux, la police prend rapport, s'en retourne, puis il reste avec son problème. Comment ça se fait qu'on ne touche pas à ça? Puis les victimes de violence sexuelle et conjugale, vous avez raison, il faut les sortir de là. On sait que la police, de toute façon, ne peut pas assurer la sécurité de ces gens-là. Moi, je pense que c'est une responsabilité de l'État.

La liste des infractions annexée à la loi : vous avez raison, ça doit être revu. Le contexte a complètement changé. Le phénomène des gangs de rue est venu amplifier le problème à certains égards. La violence conjugale : encore, malheureusement, trop de personnes pensent que, par la violence, on est capables de régler des problèmes. Mais le système bureaucratique n'a pas suivi cette évolution.

Alors, c'est beaucoup plus un commentaire que des questions, parce que je connais déjà vos réponses, Mme Gaudreault, de toute façon.

Délais. Vous allez m'entendre parler, M. le ministre, justement, des délais. Moi aussi, là... Délais pour faire une évaluation... Mes collègues ont été très clairs là-dessus. Ça, encore là, je trouve qu'on tombe dans la bureaucratie, il faudrait peut-être trouver des moyens.

Puis vous avez soumis une excellente question : Pourquoi, en Ontario, ça coûte 35 millions et, ici, 100 millions? J'aimerais savoir quelle est la part qui est administrative versus la part qui est reliée au rang. On va regarder ça, je ne porte pas de blâme, là, mais c'est sûrement un aspect qu'on doit regarder.

Puis, en terminant… Est-ce qu'il me reste du temps? Qu'est-ce que vous suggéreriez au niveau de la faute lourde? Comment on pourrait avoir un système qui ferait le départage entre la pertinence de dire oui ou de dire non? Est-ce que c'est… Est-ce que ça doit demeurer bureaucratique? Est-ce qu'il y a une autre instance qui pourrait juger... Parce qu'il y a des gens qui sont artisans de leurs propres malheurs, on en convient, puis ce n'est pas ceux-là finalement qu'on veut nécessairement protéger, mais c'est pour ceux qui ont finalement souvent pas grand-chose.

Mme Gaudreault (Arlène) : Oui. Bien, je pense...

Le Président (M. Ferland) : En une minute, Mme Gaudreault, à peu près.

Mme Gaudreault (Arlène) : Il y aurait peut-être... il y aurait certainement une étude à faire sur les dossiers de faute lourde qui sont actuellement, là, refusés en IVAC, c'est quand même... On retrouve la question de faute lourde dans tous les régimes d'indemnisation, puis c'est normal, c'est dans son application. L'exemple qu'on a donné est un très bon exemple pour des familles, là, qui sont complètement laissées à part puis même qui sont jugées, hein, à cause du comportement de leurs enfants.

Si j'ai 30 secondes pour répondre à une question comme ça, c'est sûr que je ne serai pas capable de fournir un argumentaire qui est suffisant.

Le Président (M. Ferland) : La question a été longue beaucoup, hein, c'est...

M. Duchesneau : C'est de ma faute. Je plaide coupable.

Mme Gaudreault (Arlène) : Oui. C'est ça. Mais je dirais, là, en terminant...

Le Président (M. Ferland) : Allez-y.

Mme Gaudreault (Arlène) : ...que le Québec, on devrait être fiers plus que l'Ontario d'accorder 80 millions de dollars pour les victimes dans le régime d'indem. Je pense qu'on devrait avoir une fierté plutôt que de se questionner puis essayer de dire comment est-ce qu'on peut se comparer avec ce niveau-là.

Le Président (M. Ferland) : Bien, merci beaucoup, Mme Gaudreault. Je vous remercie, l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, pour votre contribution.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants. Et, en même temps, je vais demander à la représentante de la Fédération des ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec de bien vouloir prendre place à la table. Merci beaucoup. Donc, on suspend quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Alors, nous allons... Nous allons...

Des voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Excusez, messieurs... Mesdames, messieurs, nous allons reprendre les travaux. On a déjà un petit retard, alors nous devons terminer à 17 h 30. Alors, je souhaite la bienvenue à la Fédération deressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec. Mme Monastesse, je vous demanderais de vous présenter, et vous disposez de 10 minutes pour présenter votre mémoire.

Fédération de ressources d'hébergement pour
femmes violentées et en difficulté
du Québec (FRHFVDQ)

Mme Monastesse (Manon) : Alors, merci, M. le Président. Merci à la commission de nous avoir invités. Manon Monastesse, directrice de la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, qui regroupe 36 maisons d'hébergement dans 11 régions administratives du Québec.

Alors, d'entrée de jeu, nous tenons à remercier la Commission des institutions de nous avoir invités afin de présenter nos commentaires et recommandations dans le cadre du projet de loi n° 22, la Loi modifiant la Loi surl'indemnisation des victimes d'actes criminels, fondée sur le risque social. En effet, le Québec, à l'instar de gouvernements d'autres provinces canadiennes et de d'autres pays, a adopté cette loi dans le but de reconnaître que le crime contre la personne est un risque social dont les conséquences devraient être assumées par la collectivité. Il s'agit d'une loi de nature sociale qui doit être interprétée de manière large et libérale afin de mieux promouvoir son but, qui est d'indemniser les victimes de crimes contre la personne pour les blessures subies à l'occasion de ces crimes.

Alors, on souligne d'abord l'importance de son régime et on reconnaît ses succès, notamment sur la question de la résiliation du bail résidentiel, qui est un incitatif pour les victimes de violence conjugale de quitter leur conjoint violent. Nous soulignons l'initiative du gouvernement de procéder à quelques amendements appréciables et pertinents dans ce projet de loi. Toutefois, nous réitérons, comme en 2007, lors de notre audition devant le groupe de travail sur la révision du régime, qu'une refonte en profondeur est nécessaire et que celle-ci est demandée depuis nombre d'années.

Le rapport Lemieux, rendu public en 2011, fait état de 68 recommandations en ce sens. En effet, nous soulevons à nouveau les besoins toujours actuels des femmes violentées et de leurs enfants face au traitement des demandes, à l'offre de service de soutien, d'accompagnement, de sécurité, de réadaptation, tant sur le plan psychologique, physique, de la réintégration sociale ainsi que face aux mécanismes administratifs d'accès au régime.

Rappelons qu'au moment de l'adoption de la loi de l'IVAC, en 1972, le législateur ne visait pas l'indemnisation des femmes et des enfants violentés, qui représentent actuellement une grande partie de la clientèle desservie, d'où découlent les problèmes d'application de la loi que nous soulevons. Le gouvernement aurait pu saisir cette opportunité, entre autres, pour bonifier l'annexe listant les crimes couverts par l'indemnisation. En effet, tous les crimes au Code criminel ne sont pas listés, par exemple, le harcèlement criminel, les menaces, les enlèvements d'enfants, le proxénétisme et la traite des personnes.

En ce qui concerne les critères et les conditions d'admissibilité, dans la liste des crimes, des actes criminels couverts, nous recommandons une révision et un élargissement de la liste des actes criminels permettant de se prévaloir des avantages de la loi, notamment les menaces et le harcèlement, la traite des personnes, la reconnaissance des enfants comme des victimes directes. J'essaie d'aller vite, alors... Il y a la question aussi de la reconnaissance des enfants comme des victimes directes... Pardon?

• (16 h 40) •

Le Président (M. Ferland) : Vous pouvez prendre votre temps. On a un ministre qui est généreux de son temps.

M. St-Arnaud : ...Saint-Jérôme...

Le Président (M. Ferland) : Alors, vous pouvez continuer, madame.

Mme Monastesse (Manon) : Et, bon, bien sûr, nous, ce qui est important pour nous — et on l'a déjà fait lors de notre audition en 2007 — il y a la reconnaissance des enfants comme victimes directes, la notion de faute lourde comme critère d'exclusion, et on a listé comme exemples, dans notre mémoire, deux jugements qui sont contradictoires. D'un côté, on notait que madame A avait mal choisi ses relations. Il est certain que madame A avait été la cause première de l'agression qu'elle a subie. Son comportement face à un individu manifestement dangereux pour sa sécurité constitue une faute lourde, au sens de l'article 20 b, et la déchoit du droit au bénéfice de la loi sur l'IVAC.

Dans une autre situation, la littérature scientifique et même juridique démontrent que le phénomène de la violence conjugale n'est pas simple et qu'il fait l'objet de beaucoup de préjugés pour le commun des mortels, le premier de ces préjugés étant de dire qu'une femme battue le mérite et que ça lui plaît. Or, faire porter le blâme sur la victime de cette violence équivaut d'une certaine manière à la perpétuer. La soussignée ne voit pas comment on pourrait reprocher une faute à une femme qui se décide finalement à quitter un conjoint violent.

Au niveau des difficultés et des lacunes du régime, on soulève la question des problématiques des délais de traitement des dossiers. Le délai de prescription, ça, c'est central, et la présomption de renonciation, les délais sont souvent dépassés au moment où la femme est prête à faire sa demande à l'IVAC; les maisons d'hébergement soulignent que certaines femmes attendent souvent entre un et deux ans avant même de demander de l'aide, de l'accompagnement et du soutien. Considérant la problématique de violence conjugale, ces délais s'expliquent par les nombreux facteurs qui empêchent une femme victime de violence conjugale de quitter son conjoint et vont de la reconnaissance de la violence subie à la peur des représailles contre elle-même et ses enfants.

Dans cette perspective, l'ajout d'un an ne changera pas significativement l'accessibilité du régime pour les victimes de violence, considérant la nature et les impacts des actes commis sur la capacité de diligence à demander réparation. Nous demandons, par conséquent, l'abolition totale du délai ou, minimalement, la bonification du délai de prescription d'au moins trois ans, comme dans le Code civil du Québec, comme le recommande précisément Me Louise Langevin. Compte tenu de la clientèle de la LIVAC et des effets à long terme de la violence sexuelle et conjugale, nous proposons d'abolir le délai pour ces victimes. Il ne s'agit pas ici de créer une catégorie spéciale de victimes, puisque les victimes de violence sexuelle et conjugale constituent la majorité de la clientèle de l'IVAC. Ces victimes devraient jouir d'une présomption selon laquelle elles n'ont pas établi le lien entre le problème actuel et les agressions passées avant de déposer leurs demandes d'indemnisation. Cette modification allégerait le fardeau de preuve de ces réclamantes.

Si le gouvernement n'est pas prêt à adopter cette position innovante, nous proposons que le délai de l'IVAC soit porté à trois ans, comme dans le Code civil. Il est difficile de justifier que les victimes qui intentent une action civile jouissent des délais plus longs que celles qui présentent une demande d'indemnisation auprès de la direction de l'IVAC, alors que leur préjudice est similaire. Le rapport Lemieux recommandait aussi un délai de trois ans. Il est cependant clair que cette harmonisation avec le CCQ ne se transforme pas... ne transforme pas ce délai de trois ans en délai de prescription. Il équivaut à une présomption de renonciation aux avantages de la loi, présomption que la réclamante peut renverser, comme le permet l'annexe 2 du formulaire. L'extension du délai ne change en rien la jurisprudence et la pratique à l'IVAC, qui tiennent compte des circonstances particulières qui empêchent certaines victimes de violence sexuelle de faire le lien entre les agressions subies dans le passé et le problème actuel et de déposer une demande d'indemnisation à l'intérieur des délais imposés par la loi.

Il y a une question aussi de célérité des traitements, de critères d'admissibilité et de procédure, la qualité aussi des services offerts, la reconnaissance professionnelle au coeur de l'intervention. Ici, nous réitérons la difficulté souvent soulevée par la non-reconnaissance professionnelle des intervenantes en maison d'aide et d'hébergement celles qui ne sont pas membres d'un ordre professionnel malgré leur expertise manifeste en matière de violence conjugale. Nous suggérons que soient admissibles les références des intervenantes issues d'un service d'aide aux victimes ou rattachées à un établissement du réseau social ou d'ordre professionnel prodiguant des services à la personne requérante, au même titre que dans la loi n° 133 et au Code civil, en vue de la résiliation du bail pour motif de violence conjugale ou d'agression sexuelle.

Alors, je pourrais dire, en conclusion, que nous rappelons que le Canada est signataire de la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, qui stipule, entre autres, que les États doivent condamner la violence à l'égard des femmes et ne pas invoquer de considérations de coutumes, de traditions, de religions pour se soustraire à l'obligation de l'éliminer et que les États doivent prévoir, dans leurs législations nationale, pénale, civile, du travail ou administrative, les sanctions voulues pour punir et réparer les torts causés aux femmes soumises à la violence. Les femmes victimes d'actes de violence devraient avoir accès à l'appareil judiciaire, et la législation nationale devrait prévoir des réparations justes et efficaces du dommage subi. Les États devraient, en outre, informer les femmes de leur droit à obtenir réparation par le biais de ces mécanismes.

Dans cette perspective, l'indemnisation des victimes est donc reconnue par les instruments internationaux comme outil d'élimination de la violence faite aux femmes. L'IVAC s'inscrit, par conséquence, dans cette visée, et le gouvernement du Québec, en tant que... bien, pas... indirectement signataire de la déclaration, assume une obligation de diligence et de devoir d'actualisation de mesures pertinentes inscrites dans le nouveau plan d'action en violence conjugale.

Alors, de même que Me Langevin, nous constatons qu'une révision en profondeur de l'IVAC est donc urgente. Son régime d'indemnisation doit être bonifié, notamment afin que les barèmes d'indemnisation des autres régimes d'indemnisation, sans égard à la faute, lui soient appliqués. Nous croyons qu'il n'y a aucune raison valable de distinguer entre les victimes indemnisées par les différents régimes, qu'ils soient financés en partie ou en totalité par les contribuables. Elles doivent être traitées aussi avantageusement les unes que les autres. Pourquoi alors le gouvernement met-il autant de temps à modifier cette loi lorsqu'il est connu que les principales personnes qui en bénéficient sont des femmes et des enfants victimes de violence conjugale et sexuelle intrafamiliale? Merci.

Le Président (M. Ferland) : Merci, Mme Monastesse. Je vous remercie pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec M. le ministre de la Justice, en vous disant que vous disposez d'un temps de 21 minutes. M. le ministre.

M. St-Arnaud : Merci. Merci, M. le Président. Bien, bonjour, Mme Monastesse, heureux de vous revoir. On s'est rencontrés il y a quelques semaines pour discuter de l'ensemble des dossiers qui vous préoccupent.

Écoutez, je ne veux pas reprendre... Sachez, peu importe, là... On n'aura pas le temps d'aborder l'ensemble de vos recommandations, mais sachez que nous allons les regarder avec attention, pour la suite des choses, lorsque nous arriverons à l'étude article par article du projet de loi n° 22.

Bien, moi, je ne reprendrai pas sur certains éléments... Vous m'avez entendu probablement, tantôt, sur les crimes. Je ne peux faire autrement, effectivement, que souscrire à certains des propos que vous tenez là-dessus. Quand je suis arrivé comme ministre, dans les toutes premières heures, j'ai demandé qu'on regarde la possibilité d'élargir le nombre de crimes visés par l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Et vous avez entendu ma réponse : Ce n'est pas simple parce que, seulement pour les menaces de mort et le harcèlement criminel, si on ne faisait qu'ajouter ces deux crimes, on m'a dit que ça coûterait environ 15 millions de dollars récurrents par année. Même chose pour le délai.

• (16 h 50) •

Je ne peux pas faire autrement que constater que la loi a été adoptée en 1971 par le ministre Jérôme Choquette. Il était le quatrième ministre de la Justice de notre histoire — le ministère a été créé en 1965 — le premier ministre de la Justice étant Claude Wagner, le père du nouveau juge à la Cour suprême. Alors, Jérôme Choquette a fait adopter, en 1971, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Il était le quatrième ministre et il a mis un délai d'un an. Moi, je suis le 21e ministre de la Justice; il en a passé 17 depuis ce temps-là, il n'y en a pas un qui a touché au délai. Les 17 ont dit : On le maintient à un an. Moi, j'arrive en fonction et je le fais passer... je le double à deux ans.

Puis ce n'est pas simple, dans le contexte des finances publiques, je peux vous dire ça. Je peux vous dire ça parce que la première réponse que j'ai eue du Conseil du trésor, ça a été de dire : Bien, qu'est-ce que vous voulez... Pourquoi vous faites ça? On a prévu 500 000 $, là. C'était l'année passée. Parce qu'évidemment au Conseil du trésor ceux qui conseillaient l'ancien gouvernement sont probablement les mêmes qui conseillent le nouveau gouvernement. Alors, ils ont dit : On a approuvé, l'an passé, 500 000 $ pour ça. Qu'est-ce que c'est que ça, cette affaire-là? Vous arrivez, vous, M. le ministre, avec... Vous voulez monter le délai puis monter ça, la facture, à 2 millions de dollars? C'est ça que j'ai eu comme réaction.

Alors, des fois, c'est un peu frustrant, je vous l'avoue, parce que je pense que le projet de loi n° 22, il apporte des choses. Puis sur le délai, bien, maudit, je suis le premier, en 40 ans, qui décide de l'augmenter. Puis, moi aussi, j'aimerais ça, le mettre à trois ans. Puis c'est la première affaire que j'ai demandée à mes hauts fonctionnaires, à Mme Renée Madore, qui est à ma droite, puis aux autres, quand je suis arrivé dans ma première semaine : On peut-u le mettre à...Vous comprenez ma frustration. Parce qu'il en est passé 17, ministres, puis il n'y en a pas un qui a touché à ça. Moi, je suis le premier ministre de la Justice en 40 ans à l'augmenter, le délai, à le monter à deux ans. Puis je trouve ça dur par bouts, là, aujourd'hui, parce que je trouve que j'en fais...

Une voix : On va vous aider.

M. St-Arnaud : Vous allez m'aider? Merci, M. le député de Fabre. Mais, vous savez, c'est... Parce que vous avez raison sur le fond, vous avez raison sur les crimes. Puis je l'ai dit tantôt : Si c'était juste de moi, on l'élargirait non seulement aux infractions contre la personne... Puis vous avez des bons exemples. Moi, j'aime beaucoup vos exemples, là. C'est dans votre mémoire que je les avais trouvés, effectivement, là; tantôt, je pensais que c'était dans l'autre, mais c'était dans votre mémoire, où vous avez ajouté un certain nombre d'actes criminels, effectivement ça serait utile de les avoir dans l'annexe.

Alors, je vous dis ça, ne prenez pas ça personnel, Mme Monastesse, on se connaît un peu, mais, des fois, c'est un petit peu frustrant quand on est ministre. Parce que moi, j'ai l'impression, là, par rapport au projet de loi de l'année passée, l'argent disponible est quatre fois plus grand puis le délai de présentation, bien, ce n'est pas juste le gouvernement précédent, c'est tous les gouvernements confondus depuis 40 ans, ceux issus du Parti libéral comme ceux issus du Parti québécois… il n'y a pas un ministre qui a touché à ça. Moi, j'arrive en fonction puis, dans ma première semaine, je dis aux fonctionnaires : On va le monter, le délai. Puis on peut-u le monter à trois ans? Puis là ça m'est revenu : Vous ne passerez pas au Trésor avec ça. Bon, bien, on va le monter quand même, on va le monter à deux ans. Ça coûterait combien? 1,5 million de dollars. Alors, je vous exprime un peu ma frustration...

Des voix : ...

M. St-Arnaud : Merci. Parce que ce n'est pas simple. Parce que vous avez raison, Mme Monastesse. Vous avez raison à la fois sur les actes criminels et à la fois sur le délai. Alors, sachez que nous entendons ça, et la Commission des institutions, et pas seulement moi, on va avoir l'occasion de réévaluer tout ça et de voir si on peut faire plus. Je l'ai dit ce matin, Mme Gaston nous est arrivée avec une proposition quant au fait... Est-ce qu'on pourrait élargir la définition de victime aux parents d'enfants assassinés ou qui meurent dans des circonstances découlant d'un acte criminel? Bon.

Là, vous, vous arrivez, vous dites : Il faudrait aussi rentrer les enfants témoins de violence conjugale. Tu sais, ce n'est pas facile. Alors, je vais vous poser quelques questions, maintenant que ça m'a fait du bien, comme dit le député de Fabre.

Mme Monastesse (Manon) : Je me sens solidaire dans les frustrations, alors...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. St-Arnaud : C'est une bonne réponse, c'est une bonne réponse. Mais on avance. Moi, j'ai l'impression... Puis, je vais vous dire, je suis bien conscient des limites du projet de loi n° 22 puis j'espère... je ne sais pas si on va être capables d'ouvrir ce chantier, parce qu'on en a plusieurs, chantiers. Quand vous êtes ministre de la Justice, vous avez aussi toute une série de chantiers, comme le député disait. Mais moi, je suis ouvert à l'idée de l'ouvrir, ce chantier-là, mais c'est toute une tâche, puis ce n'est pas pour rien que, depuis 20 ans, il n'y a pas un gouvernement qui a touché à ça. Plus que ça : en 1993, le ministre de la Justice, Gil Rémillard, avait fait adopter un projet de loi, puis il n'est jamais entré en vigueur. Alors, c'est quand même assez... Il n'y a personne, ni le gouvernement libéral de l'époque de Robert Bourassa, ni celui de Daniel Johnson fils, ni les gouvernements péquistes qui ont suivi ne l'ont fait rentrer en vigueur, le projet de loi. Tu sais, ça fait 20 ans. Et on en a adopté un.

Puis ce n'est pas pour rien non plus qu'en 2006 le député de Vaudreuil actuel, quand il était ministre de la Justice, il a commandé un rapport. En fait, il l'a commandé en 2004, ça fait que là il gagnait deux ans, hein? Deux ans, il y a un rapport. Quand le rapport est arrivé, 2006, ça a pris cinq ans, puis il a fallu des interventions en Chambre de ma collègue de Joliette pour qu'on réussisse à le rendre public.

Une voix : ...prend du mieux.

M. St-Arnaud : Le collègue de Fabre dit que je prends du mieux. Mais ce n'est pas pour... Vous savez, ce n'est pas simple. Mais moi, je ne demande pas mieux que de voir… d'aller plus loin. Mais, de temps en temps, j'aimerais ça qu'on dise que, coudon, vous allez plus loin, ne serait-ce que sur le délai, que vos 17 prédécesseurs. Mais, cela dit, vous avez raison, puis on va regarder ce qu'on peut faire. Mais ce n'est pas simple.

J'aurais quelques questions rapides. Vous dites que les délais de traitement des demandes, spécialement en cas de violence conjugale, sont réduits dans un laps de temps... en fait, devraient être réduits dans un laps de temps inférieur à trois mois. Ça ne se fait pas présentement? Ça ne se règle pas en dedans de quelques mois, les demandes d'indemnisation en matière de violence conjugale?

Mme Monastesse (Manon) : C'est sûr qu'il y a eu beaucoup d'amélioration, mais, quand même, ce n'est pas de manière... La diligence n'est pas de façon uniforme.

M. St-Arnaud : Parce que ça aussi, c'est un de mes problèmes. Ils ne relèvent pas de moi, ce monde-là, hein? Ils sont à la CSST. Ça fait que je ne peux pas faire irruption dans le bureau puis leur dire : Accélérez les affaires, là. Ce n'est pas simple, ça non plus. Je partage ma frustration, parce que tantôt j'avais le goût de dire : Bien, je vais aller les voir. Il faut faire attention. Mais...

Une voix : Envoie un courriel.

Des voix : ...

M. St-Arnaud : Merci. M. le député de Saint-Jérôme va venir avec moi. Mais, vous savez...

Mme Monastesse (Manon) : Ça va vous prendre une table de concertation pour étudier ça.

M. St-Arnaud : Mais ce que vous me dites, là, Mme Monastesse, c'est que les délais de traitement en bas de trois mois, ce n'est pas la règle?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, ce que nous, on voit dans les cas dans lesquels on soutient les femmes, ce n'est pas une pratique qui doit être uniforme, et on doit beaucoup soutenir encore les femmes qui font des demandes et les aider, les soutenir dans leurs demandes, dans le processus de la demande.

M. St-Arnaud : Peut-être une autre question. Quand vous dites : Les critères d'admissibilité et les procédures devraient être assouplis afin de répondre plus adéquatement aux besoins des victimes et de leurs proches, vous faites référence à quoi spécifiquement?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, en général...

M. St-Arnaud : En général.

Mme Monastesse (Manon) : ...c'est la loi que... ce qui est de plus de souplesse au niveau... Il faut... Bien sûr que c'est une loi dura lex, sed lex, mais n'empêche qu'on fait affaire avec des gens qui ont un lourd passé de victimisation, et le fait… et d'autant plus en violence conjugale, que le gouvernement...

Il ne faut pas oublier que le gouvernement du Québec, c'est le seul qui a une politique gouvernementale en matière d'intervention en violence conjugale. Ça n'existe pas à travers le Canada. Oui, il y a des plans d'action et tout, mais le gouvernement du Québec est fort dans le domaine, et même au niveau international. Et c'est clairement stipulé que la violence conjugale, c'est une problématique sociale. Donc, de ce fait, il faut considérer... et même la loi de l'IVAC, c'est fondé sur le risque social. On traite avec des personnes qui sont lourdement affectées. Et le fait qu'elles soient de nouveau revictimisées par une loi, bien, c'est quand même paradoxal quand on a un gouvernement qui, socialement, reconnaît qu'il y a des victimes de violence conjugale, des plans d'action, une politique, une loi qui est basée, qui est fondée sur le risque social.

M. St-Arnaud : En ce sens-là, que l'on ait inclus, dans le projet de loi, là, le 1 000 $ pour la résiliation de bail...

Mme Monastesse (Manon) : Ça, c'est... Je vous dirais à quel point ça aide énormément les femmes victimes de violence conjugale. Elles sont profondément soulagées quand elles savent qu'elles vont pouvoir briser leur bail, qu'elles vont avoir une indemnisation. Ça les aide énormément dans leur prise de décision à quitter un conjoint violent.

M. St-Arnaud : Bon, bien, ça, c'est un autre ajout qu'on a fait qui n'était pas dans le projet de loi qu'on a étudié l'année dernière.

Mme Monastesse (Manon) : Voilà. Tout à fait.

• (17 heures) •

M. St-Arnaud : Alors, ça, le 1 000 $, c'est... Mais... Et, dans ce sens-là, ce que... Je présume que vous êtes assez d'accord avec Mme Gaudreault, qui disait, tantôt : Là, ce qui est le fun avec... ce qui est intéressant avec le 1 000 $, c'est que vous le rentrez dans la loi.

Mme Monastesse (Manon) : Tout à fait.

M. St-Arnaud : Donc, ça devient dans un article de loi. Et est-ce que je comprends que, si on faisait la même chose pour ce qui est du... ce qu'on appelle le nettoyage de la scène de crime, là... Ce qu'on me dit, que c'est couvert par les règlements internes à la CSST, mais, si on le rentrait dans la loi et qu'on le prévoyait spécifiquement, ça serait un plus, là. C'est ce que je comprends de...

Mme Monastesse (Manon) : Oui, parce que ça devient un droit effectivement.

M. St-Arnaud : Ça devient un droit qui est dans une loi, clairement énoncé.

J'aimerais vous demander... une autre de vos recommandations, qu'on n'aura pas le temps de toutes les passer — peut-être que l'opposition reviendra sur certains éléments — mais, quand vous dites : «La victime de violence conjugale ou d'agression à caractère sexuel ne [devrait pas être] tenue de coopérer avec les agents de l'IVAC concernant toute demande touchant son agresseur afin d'avoir droit à une indemnisation», est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus?

Mme Monastesse (Manon) : C'est que, quelquefois, il y a des informations qui sont demandées via la victime au niveau de l'agresseur, et la victime n'a pas à répondre.

M. St-Arnaud : Comme quoi, par exemple?

Mme Monastesse (Manon) : Ah, là, je ne pourrais vous... Je pourrais vous faire un retour là-dessus, là, mais je n'ai pas en tête, là, une situation précise. Mais ça arrive, toutes sortes d'informations, puis la victime n'est pas une courroie de transmission à ce niveau-là.

M. St-Arnaud : O.K. Écoutez, M. le Président, je ne sais pas si mes collègues ont... Oui, peut-être mon collègue de Sherbrooke. Je vais laisser la parole à mon collègue de Sherbrooke, il nous reste quelques minutes.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. le ministre. M. le député de Sherbrooke.

M. Cardin : ...votre temps, monsieur. D'abord, bonjour, c'est un plaisir de vous rencontrer. Ce matin, on a rencontré des gens, bien sûr, qui ont vécu des drames assez importants, et donc ça nous avait amenés dans certaines orientations, mais là, cet après-midi, c'est plus... un peu plus diversifié. Mais, que ce soit au niveau des délais, de cette façon-là, je veux dire, je pense, tout le monde voudrait aller plus loin. C'est pour ça que, moi aussi, je partage la frustration de mon ministre. Sur plusieurs éléments, ce serait intéressant d'avoir la possibilité, la capacité d'aller plus loin.

Mais il y a une chose qui m'a frappé ici, dans votre document. Vous nous avez parlé de madame A, on disait que son comportement face à un individu… disons que, en français, elle avait couru après. C'est ce que le jugement disait. Et, dans l'autre, c'est comme les histoires un peu plates, là, des gens qui faisaient : Bien, si elle a été battue, c'est parce qu'elle le méritait. Là, vous nous dites qu'«à la lumière de ces [deux] jugements[-là vous vous inquiétez] du pouvoir discrétionnaire des agents de l'IVAC». Qu'est-ce qui se passe?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, c'est dans l'interprétation justement de la situation. Quand on parle de faute lourde, on a des... Il y a quand même eu une interprétation, là, de la situation de violence conjugale en fonction de leur compréhension de ce que c'est que la violence conjugale. Et il y a encore des stéréotypes qui... Là, je vous parle de cas en 1997, en 1995, mais on le voit même dans la société en général : il y a encore des stéréotypes qui, malgré tout, malgré la sensibilisation, les campagnes gouvernementales contre la violence, malheureusement, il y a encore des stéréotypes et des préjugés, dont celui de pourquoi elle retourne avec lui, pourquoi elle ne fait pas simplement que quitter un conjoint violent, un conjoint qui est violent de toutes sortes de façons, pas seulement physiquement, économiquement. Mais pourquoi elle ne le quitte pas? Pourquoi elle ne le quitte pas tout simplement? Pourquoi elle va retourner avec lui? Et n'empêche que ça joue dans la vision qu'ont des gens de l'IVAC. Oui, ça joue de la façon qu'ils vont intervenir auprès des victimes, de la façon qu'ils vont évaluer la question de la faute lourde.

M. Cardin : Puis l'interprétation des actes...

Mme Monastesse (Manon) : Puis là vous avez deux cas très significatifs de cette question dépendamment de leur connaissance de la problématique et des impacts que cette problématique a sur les victimes.

M. Cardin : Puis les agents qui font des jugements de ce genre-là, bien, je veux dire, c'est sans appel, ça, pour les personnes ou s'il y a des processus?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, je veux dire, nous, on va les soutenir. Les femmes qu'on soutient, on va les soutenir dans leurs démarches. Mais revenir contre un agent, revenir contre... Oui, bien sûr, là, on a des jugements, là, où est-ce qu'on voit vraiment qu'il y a eu une mésinterprétation de ce que c'est que la violence conjugale, tout ça.

Mais, moi, je peux vous dire que ça peut se faire aussi au niveau des échanges avec l'agent. Alors ça, c'est encore plus difficile de revenir et d'avoir une preuve de ce qui a été dit. Des femmes qui vont venir à l'IVAC, puis on va les regarder, ils vont dire : Bien, vous n'avez pas l'air d'une victime, ou des femmes qui ont vécu de multiples formes de violence, de l'inceste, qui ont été dans des systèmes... qui ont été dans la traite des personnes, et tout ça, mais, parce qu'elles ont fait de la prostitution : Bien, on ne va pas vous indemniser pour les conséquences ou les actes criminels qui ont été commis, mais on va vous indemniser parce que vous avez été victimes, dans l'enfance, d'inceste, vous avez été victimes d'exploitation sexuelle, en ne comprenant pas que ça fait partie de ce pourquoi elles sont arrivées à la prostitution.

M. Cardin : Mais là ça se produit moins souvent, là, j'imagine, là, parce que vous parliez d'exemples de 97, là, j'imagine que... Y a-tu un raffinement qui se fait au niveau de l'IVAC, là?

Mme Monastesse (Manon) : Oui, mais ça aussi, c'est inégal. Il y a eu beaucoup d'amélioration au niveau de la réception des agents de l'IVAC, mais c'est inégal encore et ça prend une meilleure formation, comment mieux intervenir auprès de ces victimes-là, notamment de violence conjugale, et de la formation pour être capables de mieux les accompagner dans leurs processus de demande.

M. Cardin : Merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions, d'autres commentaires?

Une voix :

Le Président (M. Ferland) : Alors, oui, il reste un temps de trois minutes, peut-être à conclure à la fin. Alors, maintenant, je reconnais le parti d'opposition officielle et Mme la députée de Pontiac, je crois, pour un temps de 17 minutes.

Mme L'Écuyer : Oui. Merci, M. le Président. Je vais vous ménager, M. le ministre, parce qu'on m'a dit... mon collègue m'a dit que vous étiez fragile. Cependant, je vais clarifier, là, le remboursement des frais de résiliation de bail, là, le 25 mars 2013, Protecteur du citoyen : ce n'est pas une nouvelle indemnité, c'est une politique formelle, consignée au manuel des politiques de l'IVAC, administrée par la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Je ne lirai pas tout. Et ce qu'il dit : C'est administré sans trop de rigidité administrative. Ça fait qu'on peut dire que ça existe déjà, et c'est administré aussi pour les femmes qui viennent de maisons d'hébergement et qui sont violentées. Je voulais juste... Pardon?

Une voix :

Mme L'Écuyer : Oui, de rembourser le loyer sans limite maximale, limite à 1 000 $ par mois, dans le projet de loi. C'est ce que vous avez dans votre projet de loi.

M. St-Arnaud : O.K.

Mme L'Écuyer : Je voulais juste... Ça fait que je vous ai ménagé, je n'ai pas été trop...

Bien le bonjour, madame, je suis contente et heureuse de vous entendre. Pour avoir travaillé longtemps dans ce domaine, je fais des liens avec l'ensemble de ce que vous avez dit. J'ai aussi accroché à la fin, quand vous parliez de... pourquoi une femme retourne, et pourquoi il y a certains préjugés, et des choses comme ça. Vous avez tout à fait raison, ça existe encore aujourd'hui. Pourquoi elles retournent, c'est toute une démarche que souvent les femmes, avant de quitter définitivement, doivent faire. Ça peut être un processus long. Je me souviens d'avoir reçu des femmes, moi, trois, quatre, cinq et six fois, dans ma vie antérieure, et en recevoir une pour lui dire : Qu'est-ce que tu attends, qu'il te tue? Il lui avait assené un coup de crosse dans le visage et elle avait tout un côté du visage qui était brisé. C'est une démarche longue, une chance qu'on a les maisons d'hébergement. Je suis d'accord aussi avec vous, quand vous dites : Il faut reconnaître et faciliter les démarches de ces femmes-là.

J'avais une question. Quand vous dites : Au niveau du nettoyage... je vais revenir à des choses... ça se fait et c'est remboursé quand la victime est décédée, mais, si elle n'est pas décédée, qu'il y a eu un crime — elle peut avoir été battue, il peut y avoir du sang partout dans l'appartement — puis qu'elle voudrait demeurer dans son appartement, elle doit assumer les frais. Parlez-moi donc un petit peu de ça, là, et de certains exemples que...

• (17 h 10) •

Mme Monastesse (Manon) : Je n'en ai pas, on n'en a pas parlé précisément dans notre mémoire, mais,effectivement, en ce qui concerne le nettoyage des scènes de crimes, je pense que, quand on a été victime, effectivement, comme le mentionne la députée, puis qu'on est toujours vivante, je crois qu'on a droit d'avoir une indemnisation à ce titre, là, qu'on n'a pas besoin d'être morte pour qu'il y ait une indemnisation.

Mme L'Écuyer : Au niveau du délai pour présenter une demande, vous dites que deux ans, ça va, ou bien si ça devrait être un délai plus long? Deux ans, ça ne va pas.

Mme Monastesse (Manon) : Nous, c'est : pas de délai.

Mme L'Écuyer : C'est : pas de délai?

Mme Monastesse (Manon) : Pas de délai, mais, minimalement, que ça soit en accord avec le Code civil, qui est de trois ans.

Mme L'Écuyer : Pourquoi, pas de délai? Vous en avez parlé, mais dites-moi donc, là, quelle est la différence entre une femme battue qui est dans un centre d'hébergement et un père ou une mère qui a un de ses enfants qui a été tué? Pourquoi, pas de délai dans le cadre d'une femme qui est en centre d'hébergement ou en maison d'hébergement pour femmes violentées?

Mme Monastesse (Manon) : Moi, je ne suis pas contre pour les autres victimes, là, ce n'est pas ça. Mais moi, je... On s'est... On a fait le focus spécifiquement en violence conjugale, compte tenu de la nature et compte tenu du délai aussi que les femmes prennent. Comme on le dit, ça peut prendre un an, deux ans avant qu'elles fassent affaire avec nos services, soit d'hébergement ou soit à l'externe. Alors, moi, je ne parle pas des victimes en général, je pense que je suis tout à fait... En général, nous, on parlait ici des victimes de violence conjugale, que, pour nous et par notre expertise, c'est important. Parce que souvent c'est seulement après deux ans, ce qu'on va... on va pouvoir être en contact avec ces femmes-là. Et c'est une question d'équité, d'accessibilité à une loi, à l'indemnisation.

Mme L'Écuyer : Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que souvent la femme va faire une demande seulement qu'à partir du moment où elle va être hébergée.

Mme Monastesse (Manon) : Oui. Parce que, dans la société en général, on ne peut pas dire que c'est très connu, et c'est lorsqu'elle fait appel à nos services qu'on va l'informer des recours qu'elle puisse avoir.

Mme L'Écuyer : Vous avez, à votre recommandation 5 du projet de loi, qu'on reconnaisse aussi les traumatismes que les enfants vivent, de violence, puis qu'ils soient considérés comme des victimes directes, et non pas des victimes proches de la... non pas comme des proches de la victime.

Mme Monastesse (Manon) : Oui, tout à fait.

Mme L'Écuyer : Ça veut dire quoi pour vous dans une demande à l'IVAC?

Mme Monastesse (Manon) : C'est qu'elles doivent être considérées comme victimes pleines et entières, en tant qu'enfants exposés à la violence conjugale. Alors, c'est une demande à part.

Mme L'Écuyer : Mais on sait que l'IVAC, c'est l'indemnisation pour des gens qui sont victimes d'actes criminels. À ce moment-là, l'enfant...

Mme Monastesse (Manon) : Est victime d'acte criminel, ne serait-ce que du fait qu'il est exposé à la violence conjugale. Et ça fait suite aux nombreuses études qui ont été faites dans ce domaine, que les enfants qui sont exposés à la violence conjugale développent les mêmes... des traumatismes aussi importants que s'ils étaient... et là je ne dois pas dire «simplement témoins», mais… C'est pour ça qu'on ne fait plus la distinction entre témoins ou victimes; ils sont exposés et ils subissent les conséquences et les traumatismes au même titre que toute victime.

Mme L'Écuyer : Vous voulez qu'ils soient reconnus comme victimes.

Mme Monastesse (Manon) : Oui.

Mme L'Écuyer : À part entière, autonomes, dans un milieu...

Mme Monastesse (Manon) : Pleines et entières.

Mme L'Écuyer : Merci. Vous avez, dans... Vous parlez d'une réforme complète, plein de monde parle de réforme. On a proposé au ministre d'ouvrir un chantier. Dans vos propositions, la reconnaissance du droit de la réadaptation par la CSST, direction IVAC, est-ce que ça, ça veut dire que les femmes violentées qui viennent d'une maison d'hébergement pour femmes n'ont pas droit à cette réadaptation-là parce qu'elles ne seraient pas considérées comme — comment je dirais ça — victimes à part entière?

Mme Monastesse (Manon) : À ma connaissance, là...

Mme L'Écuyer : C'était à la page 15 de votre mémoire... la page 15 de votre mémoire.

Mme Monastesse (Manon) : Oui, oui, oui, je le sais, oui… Ah! Oui.

Mme L'Écuyer : À la page... Puis vous parlez aussi d'aller au Tribunal administratif pour toute décision portant sur la réadaptation. Si je comprends bien, c'est qu'il y aurait une grande difficulté pour les femmes qui viennent de maisons d'hébergement pour ce domaine-là.

Mme Monastesse (Manon) : Oui, tout à fait. Oui, pour toute femme violentée, oui.

Mme L'Écuyer : C'est refusé?

Mme Monastesse (Manon) : Oui. Mais il faudrait que je vous revienne là-dessus. Ça, ce sont des recommandations qu'on avait aussi émises dans notre mémoire en 2007. Mais, oui, effectivement.

Mme L'Écuyer : Je serais intéressée à comprendre un peu plus pourquoi elles sont refusées, si jamais vous avez... On pourrait demander de le faire suivre...

Mme Monastesse (Manon) : Oui, je vais vous faire suivre la précision.

Mme L'Écuyer : ...à la commission, qui va nous le remettre.

Mme Monastesse (Manon) : Oui, oui.

Mme L'Écuyer : Merci. As-tu une question?

M. Ouimet (Fabre) : Oui.

Mme L'Écuyer : Je vais passer la parole à mon collègue.

Le Président (M. Ferland) : Alors, c'est moi qui va la lui passer, si vous le permettez.

Mme L'Écuyer : Excusez.

Le Président (M. Ferland) : Alors, je vous remercie beaucoup. Je ne fais beaucoup d'interventions, mais, quand j'en fais une…

M. Ouimet (Fabre) : Ça compte.

Le Président (M. Ferland) : Ça compte. Alors, je reconnais le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Vous voyez que j'attendais...

Le Président (M. Ferland) : Pour un temps... je vais vous dire quand même le temps dont vous disposez : à peu près neuf minutes, environ.

M. Ouimet (Fabre) : Je vais en laisser... avec votre permission, M. le Président...

Le Président (M. Ferland) : Vous l'avez.

M. Ouimet (Fabre) : Je vous repasserai le...

Le Président (M. Ferland) : Vous l'avez complètement et utilisez-la à bon escient.

M. Ouimet (Fabre) : Je vous remercie, M. le Président. Deux petits points. J'aimerais revenir sur l'intervention de la députée de Pontiac. Un point... On a discuté de la question résiliation du bail. Et je veux juste qu'on s'entendre, là, et mon but, ce n'est pas d'attribuer des mérites ou des blâmes, là, ce n'est pas ça du tout. Le point, c'est... Mais, quand je lis, dans le rapport du Protecteur du citoyen, toute la question de la résiliation du bail, ce que je crois comprendre — et vous m'éclairerez, là, si j'ai tort — c'est qu'il y a une politique qui semble être plus généreuse que ce qu'on met dans le projet de loi. C'est ce que je lis dans la lettre du Protecteur du citoyen. Je voudrais juste m'assurer qu'on n'aille pas là, parce que je suis convaincu que ce n'est pas l'objectif poursuivi par le ministre. Mais ça, il faut s'assurer que ce qu'on va mettre dans le texte de loi respecte la politique.

Alors, est-ce que vous avez regardé cette... Là, peut-être que ma question est un petit peu pointue par rapport à... Mais vous êtes une spécialiste, ce que je ne suis pas, là.

Mme Monastesse (Manon) : Je suis une spécialiste en violence conjugale, oui. Et on avait une semaine pour émettre nos recommandations. Là, vous me dites que c'est plus généreux...

M. Ouimet (Fabre) : Bien, en fait, vous n'avez pas eu le bénéfice, j'imagine, de l'avis du Protecteur du citoyen sur le projet de loi n° 22, auquel faisait référence ma collègue de Pontiac tantôt. Ce que je lis dans ça… Et je ne veux pas vous mettre sur le spot, comme on dit, là, si ce n'est pas un point que vous avez creusé. Mais le Protecteur du citoyen semblait indiquer que la politique appliquée de manière souple au niveau administratif semblait plus généreuse que les conditions qu'on s'apprêtait à inscrire dans la loi. Est-ce que...

Mme Monastesse (Manon) : Bien, la politique... Vous me parlez de la politique.

M. Ouimet (Fabre) : C'est-à-dire que ce qu'on nous dit...

Mme L'Écuyer : ...résiliation du bail.

Mme Monastesse (Manon) : Oui, oui, oui.

M. Ouimet (Fabre) : Donc, sur cette question-là. Et, si ce n'est pas quelque chose avec laquelle vous êtes...

Mme Monastesse (Manon) : Bien, je pourrais vous revenir, là, sur la question, mais il y a déjà des améliorations notables. Il faut dire que le délai est revenu. Au début, c'était trois ans pour la… pardon…

M. Ouimet (Fabre) : La résiliation.

Mme Monastesse (Manon) : La résiliation. Et c'est maintenant de deux... pas trois ans, là, trois mois, et c'est tombé à deux mois. Donc, ça, ça a été un projet de loi qui est passé juste avant Noël, au mois de novembre, dans une loi omnibus... non, une loi particulière, là, je ne me souviens plus exactement. Alors, le délai est passé de trois mois à deux mois. Alors, c'est déjà une avancée pour la résiliation du bail. Bien là, il faudrait faire les vérifications...

M. Ouimet (Fabre) : Sur ce point-là.

Mme Monastesse (Manon) : ...puis ensuite vous revenir sur la question.

M. Ouimet (Fabre) : Merci. En fait, je ne voulais pas, comme je vous dis, je ne voulais pas vous embêter avec ma question un peu pointue. Et peut-être que je devrais connaître ces réponses-là, mais je ne suis pas un spécialiste de la mécanique.

Mme Monastesse (Manon) : Demain, vous allez recevoir Mme Louise Langevin, qui est une spécialiste du droit.

M. Ouimet (Fabre) : Que je connais.

Mme Monastesse (Manon) : Alors, elle va pouvoir répondre plus en profondeur à vos questions.

• (17 h 20) •

M. Ouimet (Fabre) : Je vous remercie. Et j'ai déjà eu l'occasion... Je connais Me Langevin, elle était à l'Université de Montréal, pas à la même époque que le ministre de la Justice, mais à mon époque à moi, beaucoup plus tard, beaucoup plus tard.

Un autre point, et là, je vais revenir sur la... parce que ça m'apparaît... J'ai eu l'occasion, plus tôt, de m'exprimer sur la question du délai. Mais là où il y a un autre volet qui me touche, et c'est une de vos recommandations, c'est sur la liste des infractions, qui n'a pas été révisée. Et j'avoue encore une fois que, même si je peux comprendre les préoccupations budgétaires qui ont pu empêcher ou décourager le législateur de réviser la liste des infractions, je pense qu'une simple actualisation des infractions en matière criminelle, les plus susceptibles de causer des dommages à des victimes, il me semble que c'est un exercice auquel nous devons absolument nous livrer, quitte à en enlever, quitte à cibler des infractions. Mais j'espère que... En tout cas, on aura l'occasion d'y revenir. Mais, quand on regarde votre mémoire, quand on regarde les représentations qui nous sont faites et quand on regarde la liste des infractions, je pense qu'il faut constater qu'il y a un écart marqué entre la réalité des infractions criminelles qui font des dommages à des victimes et ce qu'on a dans notre loi.

Mme Monastesse (Manon) : Je pense qu'au Québec on est quand même très avancés au niveau de reconnaissance sociale. Et c'est pour ça que je l'ai mentionné plus tôt… c'est que le Québec est quand même fort au niveau de la reconnaissance sociale de nombreuses problématiques. Et, dans cette perspective-là, c'est, mon Dieu, paradoxal de parler d'argent quand on fait affaire avec des victimes, des victimes de crime, et on dit que la tolérance... C'est supposé être la tolérance zéro vis-à-vis la violence conjugale, alors on n'est pas arrivés encore à éliminer… Malgré une politique, malgré trois plans d'action, il y a toujours de la violence conjugale, et, majoritairement, ce sont des femmes et des enfants qui en sont victimes. Alors, je peux comprendre... bien, non, je ne peux pas, mais, mon Dieu, je peux entrevoir qu'il y a des questions budgétaires, mais là on parle de personnes humaines, et, quand on... Moi, je vous dirais, là on parle peut-être de d'autre chose, mais, quand on a parlé du registre des armes à feu, et un journaliste... et en commission, aussi, parlementaire fédérale, parle d'argent, d'argent, d'argent... Mais, quand on parle du registre des armes à feu, on dit : Combien vaut une vie humaine?

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président.

Mme Monastesse (Manon) : Alors, combien vaut l'indemnisation d'une victime qui a souffert de crimes, combien ça vaut quand le gouvernement du Québec, justement, est un gouvernement qui a une sensibilité aux problématiques sociales et aux victimes?

M. Ouimet (Fabre) : Merci, madame, merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Alors, il reste environ une minute. Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys, si vous l'avez...

M. Poëti : Oui. Merci, M. le Président. Écoutez, je vais être rapide, en fait, aussi vous remercier de venir nous présenter ce que vous avez dit.

Je travaille actuellement aussi sur le projet de loi du Bureau des enquêtes indépendantes policières, donc les policiers qui enquêtent sur les policiers, donc on va créer, le gouvernement ensemble, tous, on va créer un bureau d'enquêtes indépendantes, mon collègue est aussi avec moi, et on appuie le gouvernement dans cette démarche-là. Alors, ce n'est pas... C'est peu dire, de penser que des policiers vont accepter tout ce que d'autres policiers peuvent faire, compte tenu de la perception du public. Mais il y a des gens, pas votre organisation, mais d'autres, qui voulaient utiliser ce véhicule-là du Bureau des enquêtes indépendantes pour... vous avez parlé de fautes lourdes sur les policiers, les conséquences d'un travail policier.

On a pensé que ce n'était pas le bon véhicule, et je n'aurai pas le temps de vous l'expliquer là, mais je le ferai après, et je ne pense pas non plus que ce véhicule-là, ici, sera le meilleur, mais je salue que vous vouliez le faire, que vous êtes préoccupée par la chose, parce qu'en fait les policiers...

Le Président (M. Ferland) : En terminant, M. le député.

M. Poëti : Oui... sont encadrés par, évidemment, la déontologie policière, les poursuites civiles et criminelles, sont aussi encadrées par la discipline interne, et aujourd'hui les policiers sont congédiés et poursuivis devant les tribunaux lorsqu'ils commettent des actes de faute lourde. J'ai de la difficulté à vous refuser quoi que ce soit, mais je voulais quand même soulever le point que, sur ce volet-là, il y a un encadrement très, très rigoureux qui existe actuellement.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, merci, M. le député. Maintenant, je reconnais le député de Saint-Jérôme pour un bloc de 4 min 30 s.

M. Duchesneau : Merci, M. le Président. Je vais prendre les 30 premières secondes, parce que la frustration que j'ai entendue du ministre de la Justice, je peux vous dire qu'elle est réelle parce qu'on a eu cette conversation-là il y a trois semaines. Alors donc, les commentaires décourageants de tantôt, ce n'était pas pour la galerie, je sais que vous êtes sincères là-dessus. Ça n'empêche pas qu'il y ait une obligation quand même d'aller un peu plus loin. On pourra rediscuter de ça. Votre message, Mme Monastesse, est très clair là-dessus, je pense qu'on est tous conviés à être un peu plus innovateurs qu'on l'a été dans le passé. Moi non plus, je ne veux pas... j'ai fait sortir des chiffres, je ne veux pas me comparer à l'Ontario.

Je vous parlais des frais d'administration tantôt, c'est plus bas au Québec que ça peut l'être en Ontario. Donc, sur leurs 35 millions, ils ont près de 20 % qui sont des frais d'administration, alors qu'on parle de 13 %. Alors, l'idée, ce n'est pas de lancer la roche à personne, mais je pense qu'on doit vraiment regarder le problème par l'autre bout de la lorgnette et ne pas regarder ça comme étant un problème de dépenses, mais regarder comment on pourrait aller chercher des revenus supplémentaires. Parce qu'encore là, si on ne le fait pas, ça va être les victimes qui vont en payer la note.

Maintenant, j'ai remonté le moral de mon ministre; vous, Mme Monastesse, vous allez remonter mon moral. Vous avez donné deux exemples à la page 9, madame A et… Mais c'est des dossiers de 95 et de 97. Donc, dans le but de remonter mon moral, qui en a beaucoup besoin, dites-moi que la situation s'est améliorée quand même.

Mme Monastesse (Manon) : Oui, quand même, quand même.

M. Duchesneau : Bon. Là, le ministre n'a pas écouté, mais dites-moi, madame, que ça s'est amélioré.

Mme Monastesse (Manon) : Oui. Ça s'est amélioré.

M. Duchesneau : Bon.

Mme Monastesse (Manon) : Mais on n'est pas encore dans le meilleur des mondes, et il y a encore des préjugés, comme je le disais, au niveau de la connaissance, de ce que ça implique, la violence conjugale, et puis ça, c'est dans la société en général, mais aussi, au niveau... et là on parle de l'IVAC, mais au niveau de d'autres instances et de d'autres organismes gouvernementaux, c'est encore le cas, alors...

M. Duchesneau : Oui. Les préjugés, je suis d'accord avec vous, qu'ils sont inacceptables en 2013, on s'entend là-dessus. Maintenant, il a été question aussi du travail des enquêteurs de l'IVAC qui posaient des questions, puis tout ça. Mais, peu importe, que ce soit à l'IVAC ou une autre instance, il y a aura toujours quelqu'un au gouvernement qui devra poser des questions pour éviter que des gens abusent du système, vous convenez de ça? Parce qu'il peut arriver que des gens abusent du système des deux côtés.

Mme Monastesse (Manon) : Bien, c'est fort possible, mais, écoutez, nous, on vous fait part de la réalité que nous, on perçoit, que, nous, les femmes, rencontrent, en tant que victimes de violence conjugale et puis… oui. Oui, c'est ça.

M. Duchesneau : Oui, mais je ne remets pas ça en question, remarquez bien, là. Moi, ça va être tout, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Il vous reste 1 min 30 s.

M. Duchesneau : Les propos étaient tellement clairs et convaincants que...

Le Président (M. Ferland) : ...1 min 30 s, ça va très bien, M. le député.

M. Duchesneau : Non, mais je lève mon chapeau, j'aime ça que des gens s'impliquent et y croient. Alors, merci pour votre passion, vous aussi.

Le Président (M. Ferland) : Alors, vous êtes en train de me dire que vous avez terminé, c'est ce que je comprends?

M. Duchesneau : C'est exactement ce que je suis en train de vous dire. Je suis un homme heureux.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Le bonheur ramène à une réduction du temps. Alors, maintenant, je reconnais le député de Mercier pour un temps de 3 min 30 s. M. le député.

M. Khadir : D'accord. Merci, M. le Président. Merci, Mme Monastesse, pour votre mémoire. Je voudrais juste profiter, quelques instants, juste pour rappeler, je pense qu'il faut souligner le travail du ministre actuel. C'est quand même un accomplissement si, depuis 40 ans, rien n'a été fait. Mais je crois qu'on doit sérieusement se demander si les... Hein, vous le savez, dans le rapport, on cite... Mme Monastesse cite le rapport de Me Langevin, lorsqu'elle était venue témoigner, et on sait que les principales victimes des actes criminels, c'est des femmes et des enfants.

Si les principales victimes des actes criminels, au Québec, depuis 40 ans, étaient des présidents de chambre de commerce, des banquiers, des présidents de compagnies de Québec inc., des commerçants bien en vue, est-ce qu'on aurait attendu 40 ans pour refondre la loi? Est-ce qu'on aurait soulevé la question que ça coûte peut-être 1,5 million de plus si on augmente le délai de deux à trois ans? Est-ce qu'on aurait invoqué ce genre d'argument là? L'aurait-on surtout invoqué de la part d'un gouvernement qui, déjà, juste pour soulager l'angoisse, pas pour dédommager des victimes de viol, mais pour soulager l'angoisse fiscale du Québec inc., de ces messieurs, de ces mesdames très puissants, leur a accordé en fait une exemption d'à peu près 1 million de dollars en impôt que le Parti québécois voulait introduire?

Donc, je pense qu'il faut reprendre un peu la juste mesure des choses. Et je pense que le ministre devrait accueillir très favorablement les propositions, surtout la proposition de Mme Monastesse, qui dit de prolonger le délai de deux à trois ans, qui rejoint la proposition de la Protectrice du citoyen.

Mme Monastesse, pour ce qui est... Bien, une question très précise : Vous dites qu'il faut traiter distinctement les différents types de préjudice; pouvez-vous un peu expliquer plus en détail, donner quelques arguments au ministre pour distinguer justement pour les victimes de violence conjugale sans emploi ou... enfin, je m'excuse, je me suis trompé là-dessus, surtout les victimes de crime à caractère sexuel, comme le viol, tout ça… Vous dites que le délai devrait être carrément aboli. Pouvez-vous expliquer, pour les besoins de la cause, pourquoi ces victimes-là nécessitent plus de temps avant de pouvoir se manifester?

• (17 h 30) •

Mme Monastesse (Manon) : Oui. Moi, je parle, entre autres, oui, je parle de victimes de violence sexuelle et de violence conjugale et de violence intrafamiliale. C'est important parce que, déjà, le fait, dans leurs démarches, avec les impacts qu'elles ont vécus de leur victimisation, ça peut prendre, comme je vous le dis, ça peut prendre... Les femmes qui font appel à nos services, c'est souvent après le fait d'avoir vécu pendant au moins deux ans de la violence, puis elles ne réalisent même pas qu'elles ont été victimes de violence. Alors, c'est un délai très long dans leur processus de reconnaissance qu'elles sont victimes de violence et dans leur processus aussi d'aller chercher de l'aide.

Et c'est souvent, quand elles font appel à nos services ou appel aux services des CALACS, qui sont les centres spécialisés qui interviennent auprès des victimes d'agression sexuelle, c'est à ce moment-là qu'elles ont connaissance qu'il existe une loi… auxquels elles peuvent faire une demande.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci beaucoup. Le temps étant écoulé, je vous remercie.

Une voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Ah! Il vous restait trois minutes, c'est vrai. Excusez.

Une voix : Il en reste toujours un peu.

Le Président (M. Ferland) : Excusez, M. le ministre. J'allais vous frustrer à nouveau, hein? Alors, je vous...

M. St-Arnaud : C'est assez pour cet après-midi, M. le Président. Mais juste...

Le Président (M. Ferland) : Vous avez environ trois minutes, M. le ministre.

M. St-Arnaud : Écoutez, deux choses. D'abord, peut-être juste pour répondre au député de Mercier, là, lui signaler que, dans le cas d'une victime d'agression sexuelle, si la blessure apparaît cinq ans, par exemple, après la commission de l'acte criminel, le délai pour présenter une demande sera de deux ans avec le projet de loi à compter de la survenance de la blessure, donc à partir du moment où la personne réalise que certains troubles qu'elle peut avoir sont liés à un acte criminel commis il y a cinq ans ou il y a 10 ans. Alors, c'est important de le dire alors parce que c'est important dans les cas spécifiques d'agression sexuelle.

Au niveau de la violence conjugale, c'est plus complexe, et on aura l'occasion d'y revenir. Parce que ce qu'on me dit, c'est que c'est plus... il y a du mou, il y a du mou dans... Mais sachez qu'au niveau des crimes à caractère sexuel le délai commence... Et le Tribunal administratif du Québec, là, applique vraiment ce que la Cour suprême a établi, là, dans certains arrêts, à savoir que le délai de carence se commute à partir du moment où la victime prend conscience du préjudice subi et de son lien probable avec l'agression, peu importe le moment où a eu lieu l'agression.

Non, ce que je voulais, au-delà de cette réponse au député de Mercier, ce que je voulais vous dire, Mme Monastesse, c'est : Merci beaucoup. Sachez que toutes et chacune des recommandations que vous nous avez formulées aujourd'hui vont être analysées de notre côté. Et surtout ne prenez pas... On se connaît bien, on s'est rencontrés il y a quelque temps, alors ne prenez pas personnel ma frustration. Vous le savez, ça ne vous visait pas, vous, mais...

Mais sachez, en tout cas, que j'ai à coeur, et c'est d'ailleurs au coeur de la mission que la première ministre m'a confiée au mois de septembre, d'aider et de soutenir davantage les victimes d'actes criminels. Alors, sachez que c'est là. Et je pense que c'est partagé, comme le disait un membre de la commission précédemment, je pense que c'est partagé par tous les membres de la commission.

Je retiens la suggestion du député de Saint-Jérôme. Et je pense que, tantôt — la députée de Pontiac me le disait hors micro — j'ai demandé à Mme Madore : Comment on pourrait trouver plus de revenus? Et effectivement je pense que ça va faire partie de la réflexion d'ensemble, la réflexion d'ensemble qu'on devrait avoir pour... Parce qu'il faut regarder le problème, le député de Saint-Jérôme a raison, là, il faut le regarder sous tous ses angles. Puis je pense que le député de Saint-Jérôme comme les autres membres de la commission sont conscients des problèmes eu égard aux finances publiques. Alors, comment on peut trouver une solution qui fasse en sorte d'aller encore plus loin? En tout cas, ça fait partie de la réflexion qu'on aura.

Et merci beaucoup pour nous avoir alimentés eu égard à toutes ces questions et principalement quant aux victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale. Je pense qu'on a beaucoup, tous et toutes, apprécié votre témoignage. Merci.

Mme Monastesse (Manon) : Merci de m'avoir reçue et de votre ouverture, M. le ministre, et en espérant que vous serez le ministre qui fera la différence.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, attendez juste une seconde, M. le ministre, parce que je dois quand même... Sans ça, vous êtes en train de me frustrer, là.

Alors, je vous remercie, Mme Monastesse, je remercie la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec de votre contribution.

Je vous informe que vous pouvez, ceux qui le désirent, laisser vos documents ici. La salle sera sous surveillance ou barrée, je ne sais pas trop quoi. Donc, on reprend... Je suspends donc les travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 36)

(Reprise à 19 h 31)

Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Je souhaite donc la bienvenue au Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Mme Tremblay, je vous demanderais de vous présenter et vous informe que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour votre exposé et après une période 45 minutes environ pour les échanges avec les groupes parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Regroupement québécois des centres d'aide
et de lutte contre les agressions à
caractère sexuel (RQCALACS)

Mme Tremblay (Karine) : Merci. Donc, mon nom est Karine Tremblay. Je représente aujourd'hui le Regroupement québécois des CALACS. Nous sommes un organisme féministe à but non lucratif, qui existe depuis près de 35 ans. Nous regroupons 23 centres des quatre coins du Québec. Notre regroupement représente un important réseau d'échange d'informations et de formation pour les CALACS membres mais aussi pour la population en général. Notre mission, entre autres, est de développer une meilleure réponse à apporter aux femmes et adolescentes agressées sexuellement et de contribuer à la prévention de la violence sexuelle et aux changements des lois et des mentalités.

Au fil du temps, nous en sommes venus à dénoncer la violence qu'on dit ordinaire, la violence qui n'est pas reconnue comme telle parce qu'elle est malheureusement très banalisée. C'est pourquoi en 2002 nous avons pris une position abolitionniste concernant la prostitution, que nous considérons comme une forme de violence sexuelle faite aux femmes principalement. Et, depuis les années 90, nous nous sommes aussi dotés de principes visant à lutter contre toute forme de racisme, de discrimination et d'exclusion.

Si on en vient maintenant à l'objet de ces consultations, c'est-à-dire le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, ou l'IVAC, nous considérons que la philosophie de base du régime, soit la solidarité sociale, est très pertinente. L'État prend à juste titre la responsabilité d'indemniser les victimes d'actes criminels, entre autres parce que, bon, les agressions à caractère sexuel relèvent d'une problématique sociale et aussi parce que les protections individuelles en cas de crime sont rares, dispendieuses et limitées. L'IVAC peut permettre aussi à des personnes qui survivent aux crimes, telles que les victimes d'agression sexuelle, de maintenir leur place sur le marché du travail plutôt que de tomber sur la sécurité du revenu.

Malheureusement, l'IVAC rencontre plusieurs problèmes d'accessibilité pour bon nombre de victimes. Aucune réforme en profondeur a été faite depuis la mise sur pied du régime en 1972, et ce, malgré plusieurs tentatives. La dernière tentative en lice, ce fut le groupe de travail sur la révision du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels en 2007, auquel le regroupement des CALACS avait aussi participé et qui avait abouti au rapport Lemieux. Et, avant ça, un peu avant ce groupe de travail, il y avait eu la loi n° 25, adoptée en 2006, qui comportait principalement des indemnités pour les proches des victimes. Donc, le projet de loi n° 22, que nous examinons ici, va dans la même veine que la loi adoptée en 2006. Il s'agit surtout de mesures pour les proches. Ce sont, aux yeux de regroupement des CALACS, des mesures pertinentes, mais qui touchent une faible proportion des réclamantes et des réclamants. En fait, selon le dernier rapport annuel... bien, le rapport d'activité de l'IVAC de 2011, c'est 1 % des demandes acceptées qui sont en lien avec un meurtre, tandis qu'il y a en 26 % qui sont en lien avec des agressions sexuelles.

Une bonne mesure du projet de loi que nous voulons souligner, c'est l'article 6.2, qui vise le remboursement par l'IVAC de deux mois de loyer en cas de résiliation de bail pour violence conjugale ou agression à caractère sexuel. C'est la correction d'une lacune que nous avions déjà soulignée en 2007.

Une autre mesure du projet de loi sur laquelle nous aimerions porter votre attention, il s'agit bien sûr de la prolongation du délai pour déposer une demande qui passerait de un à deux ans, ce qui nous apparaît nettement insuffisant, en particulier pour les victimes d'agression à caractère sexuel. Et c'est même en dessous de la recommandation du rapport Lemieux.

Quelles sont les difficultés du délai pour les victimes d'agression à caractère sexuel et pour les victimes d'inceste? Il s'agit en fait du principal obstacle pour les femmes qui déposent une demande à l'IVAC. En 2011, l'IVAC a refusé environ 21 % des demandes, et la prescription est le principal motif du rejet. Pour le tiers des demandes rejetées, c'était une question de prescription. C'est le principal motif, comme je l'ai mentionné.

Pour vous illustrer les difficultés du délai à déposer une demande pour les victimes d'agression sexuelle, permettez-moi de partager quelques données que nous avons recueillies dans nos centres membres au cours des dernières années.

Une donnée qui est stable, c'est que nous observons qu'il y a près de la moitié des femmes rencontrées dans les CALACS qui ont attendu 13 ans ou plus pour demander de l'aide. On rencontre une proportion à peu près de 40 % de femmes de 30 à 40 ans. Et, quand on sait qu'environ trois femmes sur quatre que nous rencontrons font une demande d'aide pour une agression qui est survenue dans l'enfance ou dans l'adolescence, on peut parler de 13 ans ou plus, de 20 ans, de 30 ans et même plus. C'est, en fait, une minorité de femmes et d'adolescentes, le quart, environ, qui arrivent dans nos centres dans l'année suivant la ou les agressions qui motivent la demande, et elles ne sont pas nécessairement prêtes à entreprendre d'autres démarches.

En effet, parce que, on le sait, les conséquences des agressions à caractère sexuel peuvent être très graves pour les femmes... Pour les victimes, il peut même être difficile de faire le lien entre ces conséquences et le crime qui a été subi dans le passé, d'autant plus que les préjudices peuvent apparaître graduellement. Les conséquences, elles sont d'ordre de problèmes de santé physique et mentale, et il y a même le fait de refouler au fond de sa mémoire l'agression sexuelle qui a été commise, et cet oubli, entre guillemets, permet de survivre au traumatisme.

Donc, si on revient au délai pour déposer une demande à l'IVAC, il peut être renversable, mais cela ne suffit pas. Nous considérons que ce fardeau est trop lourd pour les victimes d'agression sexuelle et d'inceste. Pour plusieurs d'entre elles, il est décourageant de devoir justifier le retard à déposer une demande.

Nous recommandons donc l'abolition du délai de réclamation pour les victimes d'agression sexuelle et d'inceste. De même, pour les victimes de violence conjugale, ce délai devrait être aussi aboli. Ma collègue du regroupement des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, qui va être entendue suite à mon intervention, pourra vous expliquer mieux que moi les raisons de cette recommandation.

• (19 h 40) •

Enfin, en général, pour tous les autres crimes, tel que recommandé par le rapport Lemieux, le délai devrait être porté à trois ans, tout en gardant une souplesse dans l'application, donc, la notion de renversabilité du délai.

Un autre sujet qui, malheureusement, n'est pas abordé dans le projet de loi n° 22, c'est la liste des crimes admissibles à l'IVAC, et nous croyons qu'elle mérite clairement une mise à jour pour y inclure, entre autres, d'autres formes de violence sexuelle comme l'exhibitionnisme ou les actes criminels en lien avec la prostitution, comme le proxénétisme, et des actes criminels qui sont très souvent présents en contexte de violence conjugale, tels que le harcèlement criminel et les menaces de mort. Plus généralement, nous recommandons une mise à jour complète de l'annexe de la Loi sur l'IVAC, de cette liste de crimes admissibles pour y inclure l'ensemble des crimes contre la personne, en incluant les crimes en lien avec la prostitution parce que, je le répète, nous considérons la prostitution comme une violence sexuelle faite aux femmes et aux adolescentes.

En fait, il y a plusieurs préoccupations qui sont liées à l'IVAC qui ne sont pas réglées par le projet de loi n° 22. Par exemple, la quasi-absence de recours pour les victimes d'agressions à caractère sexuel hors Québec, le fait que les indemnités ont peu augmenté depuis la mise en place du régime, le fait que les frais de transport vers nos ressources ne sont plus remboursés depuis 2011, alors que les CALACS sont pourtant reconnus pour aider les femmes à compléter le formulaire de demande IVAC.

Ce ne sont que quelques exemples qui font que nous recommandons une réforme en profondeur du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels parce que les projets de loi ponctuels, comme le projet de loi n° 22, même s'ils ont leurs bons côtés, ne suffisent pas. Et plusieurs aspects de la Loi sur l'IVAC doivent être revus et bonifiés afin, entre autres, d'améliorer l'accessibilité à ce régime. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci, Mme Tremblay. Alors, je vous remercie pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole pour une période de 24 minutes.

M. St-Arnaud : Merci. Merci, M. le Président. Bien, bonsoir, Mme Tremblay. D'abord, merci pour votre éclairage, qui s'ajoute à celui que nous avons entendu aujourd'hui. Je ne sais pas si vous étiez ici durant la journée, mais vous rejoignez, là, un certain nombre de préoccupations qui nous ont été formulées cet après-midi, notamment par l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, par la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté duQuébec. Alors, vous rejoignez sur un certain nombre de sujets, là, certaines préoccupations qui nous ont été mentionnées aujourd'hui.

Évidemment — je l'ai dit ce matin en commençant — vous comprenez que le projet de loi n° 22 visait et vise toujours avant tout à corriger certaines lacunes, là, qui ont été mises en lumière, notamment par la Dre Isabelle Gaston, il y a déjà plus d'un an, et qui n'ont jamais réussies à être adoptées. Et là quand je suis arrivé comme ministre de la Justice, là, je me suis dit : Là, il est à peu près temps qu'on adopte ces mesures qui sont des faiblesses importantes de notre loi, notamment quant aux montants d'indemnités. Et effectivement ce sont des mesures qui ne touchent que peu de gens mais des mesures qui doivent être absolument adoptées rapidement.

Quand on a revu ce... Donc, j'ai décidé de reprendre l'ancien projet de loi, qui avait été déposé par le précédent gouvernement, de le bonifier au niveau des indemnisations. Tous les montants qui sont au projet de loi n° 22 sont supérieurs à ceux qui étaient dans l'ancien projet de loi déposé par mon prédécesseur, le député de Saint-Laurent. Et d'ajouter aussi un élément qui était réclamé, d'augmenter le délai pour déposer une demande d'indemnisation…

Je le disais cet après-midi, et je vais le répéter parce que c'est important, je pense, la loi, elle a été adoptée effectivement il y a 40 ans par l'ancien ministre Jérôme Choquette. Et, depuis 40 ans, il y a 17 ministres de la Justice qui sont passés, et il n'y en a pas un qui a touché au délai, il est toujours resté à un an. Là, quand je suis arrivé au ministère, ça a été une de mes premières demandes, il faut l'augmenter. Vous dites : Il est nettement insuffisant. Idéalement, je vous donne raison dans le sens où, moi aussi, j'aimerais peut-être l'augmenter plus. Mais je veux au moins dire que c'est la première fois depuis 40 ans qu'on tente de l'augmenter dans un projet de loi et je pense que c'est important de le mentionner.

Alors, je vous remercie, là, pour vos commentaires positifs sur le projet de loi. J'accueille aussi les commentaires, là, notamment quant au délai, que vous jugez notamment nettement insuffisant. J'aimerais ça vous entendre sur les cas d'agression sexuelle parce que, ma compréhension, c'est que, même si le projet de loi est adopté tel que proposé, donc le délai sera de deux ans... Mais ma compréhension, je le disais au député de Mercier, avant l'heure du souper, avant l'ajournement cet après-midi, ma compréhension, c'est que, si une personne a été victime d'une agression sexuelle il y a six ans ou il y a sept ans et que ce n'est que dans la dernière année qu'elle a fait un lien entre certains troubles qu'elle peut avoir et l'agression sexuelle dont elle a été victime il y a cinq ou six ans, je comprends que le délai de deux ans… dans le cas du projet de loi, ne commencerait à courir qu'à partir du moment où elle fait ce lien entre certains troubles qu'elle peut avoir et l'acte criminel. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que ma compréhension, c'est que, oui, on fixe un délai de deux ans, mais, pour reprendre l'extrait d'une décision du Tribunal administratif du Québec, le cas que je citais cet après-midi en réponse à une intervention du député de Mercier, le délai de carence compute à partir du moment où la victime prend conscience du préjudice subi et de son lien probable avec l'agression.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, et vous donner, par exemple, un exemple... Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Oui, c'est vrai, c'est à deux ans mais en fait c'est interprété comme étant plus si la personne... pour reprendre les termes exacts, là, le délai commence à courir à partir du moment où la victime prend conscience du préjudice subi en lien avec l'acte criminel. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Tremblay (Karine) : Il faut comprendre premièrement que, pour une victime d'agression sexuelle, nous, ce qu'on observe, dans les centres, c'est qu'il y a des femmes qui viennent... des adolescentes, pour simplement comprendre que ce qu'elles ont subi, est-ce que c'était vraiment une agression sexuelle? Il y a cette idée-là premièrement. Et il y a le fait que bon nombre de victimes, qui sont très jeunes au moment où les agressions sont commises… Donc, il y a l'idée du choc de se rendre compte de ce lien-là et de juste... Avant de dire : Bon, je vais remplir un formulaire, je vais faire des démarches, tout ça...

Et c'est l'idée, dans le cas d'un recours qui est aussi important que l'IVAC, qui touche bon nombre de victimes, comparé particulièrement pour les victimes d'agressions sexuelles, on le sait, il y a peu de plaintes au criminel malheureusement pour toutes sortes de raisons. Les recours civils sont aussi peu accessibles, donc l'IVAC, c'est vraiment très important de favoriser l'accessibilité.

Et pour les victimes d'agression sexuelle, c'est sûr que la renversabilité du délai a son utilité, mais il reste que le... C'est toujours à la réclamante, dans le cas de l'IVAC, de faire la preuve qu'elle n'a pas pu... qu'il n'a pas pu être possible qu'elle fasse le lien avant entre le crime et le préjudice qui est subi. Et c'est à ce niveau-là... On sait aussi que la prise de conscience peut être graduelle et c'est à ce niveau-là… Quand je disais, dans ma présentation : Ça peut être décourageant pour les victimes, je pense qu'il y a plusieurs victimes que probablement se disent : Bien, ça ne vaut pas la peine que j'essaie de le demander parce que de toute façon, là, ça fait deux ans que je suis en démarche puis là je me rends compte que... peut-être que j'irais poursuivre ma démarche avec une psychologue, par exemple, puis c'est le genre d'indemnité que je pourrais recevoir de l'IVAC, mais là il est trop tard parce que je sais déjà que... ça fait déjà deux ans que j'ai fait le lien entre mes problèmes et le crime que j'ai pris connaissance que j'avais subi, et, même si ça s'est produit plus tard... Bien, c'est ce qu'on voulait dire par «le fardeau est trop lourd».

• (19 h 50) •

M. St-Arnaud : ...le fardeau est trop lourd, j'aimerais ça que vous nous disiez, là, concrètement, ce que ça veut dire, quand vous dites : Le fardeau est trop lourd, il faut justifier le retard. Si on parle seulement des cas d'agression sexuelle... la violence conjugale, ça pourrait faire l'objet d'un autre débat. Mais, quand vous dites «le fardeau est trop lourd», là, concrètement, c'est quoi qui est demandé au niveau des gens qui sont chargés d'administrer le régime? Est-ce qu'il y a...

Mme Tremblay (Karine) : Mais c'est comme un peu, compte tenu de la lourdeur des conséquences d'une agression sexuelle puis le délai...

M. St-Arnaud : Mais quelle est la... Quelle est la dimension de l'enquête finalement qui est faite, là, par rapport à ça?

Mme Tremblay (Karine) : La dimension de l'enquête de la part du régime? Bien, c'est toujours de trouver le moment où justement, la prise de conscience, elle s'est faite. C'est un petit peu… Bon, la comparaison est boiteuse sur certains aspects, mais c'est un petit peu comme les recours au civil, ça avait été apporté... Il y avait eu un projet de loi, avant les dernières élections, le projet de loi n° 70, qui proposait de... Puis, bon, malheureusement, il est tombé au feuilleton, parce que, dans les causes au civil, c'est toujours de démontrer l'impossibilité d'agir aussi que... Puis c'est souvent des défenses de prescription qui vont être faites. Et, de la même façon pour l'IVAC, c'est sûr, c'est moins... Bon, c'est à ce point-là que la comparaison est boiteuse, ce n'est pas la même chose que d'aller en cour devant son agresseur, tout ça, mais c'est de toujours relater cette histoire-là, répéter cette histoire-là.

Et je pense que, dans le cas des victimes d'agression sexuelle, quand elles sont rendues à faire ces démarches-là, on pourrait présumer qu'auparavant, avant de décider de faire la démarche, elles étaient dans l'impossibilité d'agir parce qu'elles étaient occupées à prendre soin des conséquences très lourdes qu'elles peuvent vivre puis à juste comprendre que, tu sais, c'est, quand on est aux prises avec ce traumatisme-là, quand on vient de se rendre compte que, ce souvenir enfoui là, on s'en rend compte en donnant le bain à sa propre fille que, quand nous-mêmes on se faisait donner le bain par notre beau-père au même âge, on a été victime d'attouchements, et ça remonte dans notre mémoire. Et là il faudrait tout de suite remplir un formulaire, relater tout ce qui s'est passé et puis dire que, bon, bien, peut-être que, la dépression que j'ai faite en 1989, il y avait un lien avec ça. Voyez-vous le casse-tête auquel les victimes d'agression sexuelle font face? C'est pourquoi, en demandant l'abolition du délai, on demande de reconnaître cette réalité particulière des victimes d'agression sexuelle.

Nous, dans les CALACS, là, c'est près de la moitié des femmes que nous rencontrons que c'est pour des agressions qui ont eu lieu entre zéro et 11 ans, puis un autre quart, c'est entre 12 et 17 ans. Imaginez la vulnérabilité de ces femmes, de ces filles-là qui, déjà peut-être décrocher puis aller au CALACS pour demander de l'aide, ça a peut-être pris 20 ans, 30 ans, puis il faudrait tout de suite qu'elles se mettent à remplir des formulaires, à faire d'autres démarches. Heureusement, au criminel, tu sais, il n'y a pas de prescription, il n'est jamais trop tard. Au civil, il y en a une.

Puis l'IVAC, qui est le recours qui est le plus accessible pour elles, c'est en disant que leur demande est prescrite qu'on va leur refuser ce recours-là, alors que les agressions à caractère sexuel, c'est une problématique de société qui fondée sur les inégalités entre les femmes et les hommes et puis qui est faite principalement envers les femmes, les enfants.

Et puis, ces femmes-là, avec l'aide que pourrait leur procurer l'IVAC, elles pourraient faire un bon bout de chemin puis peut-être en arriver à faire une contribution plus significative à la société, alors qu'elles sont prises avec leurs traumatismes puis peut-être que ça leur prend des années à comprendre d'où ça vient, donc...

Puis, en plus, on a un peu une philosophie… Tu sais, les professionnels qui traitent des dépressions ou d'autres problèmes, ils ne vont pas nécessairement chercher la cause qui peut être une agression sexuelle dans l'enfance, dans l'adolescence ou même à l'âge adulte, ce qui peut renforcer ou cristalliser des conséquences. Et, avant que la femme... Si le professionnel ne s'en doute même pas, avant que la femme fasse le lien... Puis, à ce moment-là, si, par exemple, elle a été traitée pour dépression puis elle fait une demande à l'IVAC quelques années plus tard parce qu'elle fait le lien... Ah bien, vous avez été traitée pour dépression il y a cinq ans, vous auriez dû vous rendre compte du lien à ce moment-là.

Tu sais, il y a une réalité particulière, puis c'est la reconnaissance de cette réalité particulière là pour ces femmes victimes d'une forme de violence des plus intimes, des plus traumatisantes, qui portent les conséquences toute leur vie... C'est dans cet esprit-là que nous demandons l'abolition des délais pour les victimes d'agression sexuelle et d'inceste.

M. St-Arnaud : Vous dites : C'est une réalité particulière. Même si c'est moins votre champ d'expertise, est-ce que, donc, vous demandez l'abolition du délai pour présenter une demande d'indemnisation dans les cas d'agression sexuelle ou d'inceste? Qu'en est-il au niveau de la violence conjugale? Est-ce que vous vous prononcez là-dessus ou vous réservez vos commentaires sur ces autres types d'infractions criminelles?

Mme Tremblay (Karine) : C'est moins... Comme vous le dites, c'est moins notre champ d'expertise. Mais le contexte conjugal, où il peut se produire des agressions sexuelles aussi… Bien sûr, il faut comprendre qu'entre le crime, là, qui, pour la plupart du temps, est une voie de fait, ce n'est pas nécessairement toujours une escalade, hein? C'est cette violence-là, qui est aussi sous d'autres formes, psychologique, verbale, qui fait que le conjoint garde le contrôle sur la victime. Et puis il peut se passer plusieurs années entre la voie de fait ou une agression sexuelle et la fin de la relation, et, typiquement, les femmes victimes de violence conjugale feront rarement des demandes d'indemnisation pendant qu'elles sont encore dans la relation violente. Donc, en gros, c'est ça, le principe. Et c'est aussi basé sur les rapports de domination entre les femmes et les hommes puis les inégalités entre les sexes. Mais ma collègue du regroupement des maisons d'hébergement pourra mieux vous l'expliquer que je le fais moi-même.

M. St-Arnaud : Excellent. Je vous remercie là-dessus. Sur l'augmentation... la mise à jour de l'annexe quant aux types de crimes qui sont prévus, je ne répéterai pas ce que j'ai dit aujourd'hui, mais je partage votre point de vue qu'il y a un certain nombre de crimes qui, notamment au niveau des infractions contre la personne, devraient être ajoutés.

Le problème, évidemment, c'est que ce n'est pas simple au plan financier. Je suis obligé de le dire comme ça. Parce que, je l'ai dit cet après-midi, moi, quand je suis arrivé en poste, mon premier réflexe, c'était, à tout le moins… et vous avez ajouté d'autres crimes, là, qui effectivement pourraient être ajoutés, mais, à tout le moins, d'ajouter le harcèlement criminel et les menaces de mort. Je pense que c'est réclamé par de nombreux groupes depuis longtemps. Évidemment, ce qu'on m'a dit, c'est : M. le ministre, c'est 15 millions de plus par année récurrents. On peut faire le débat puis peut-être, effectivement, dire : Bien, on va essayer de le trouver autrement puis ça s'impose. Mais c'est sûr que c'est... Parce que juste les menaces de mort, évidemment, il y a énormément d'accusations de menaces de mort devant nos tribunaux.

Bien, écoutez, moi, ça complète, M. le Président. Je vous remercie beaucoup pour votre éclairage très particulier que vous avez ajouté à notre réflexion et je vous remercie de vous être déplacée. Et je vais laisser la parole à mes collègues pour la suite des choses.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. De toute façon, il restera un peu de temps si vous voulez, à la fin... conclusion ou avec des commentaires. Alors, maintenant, je reconnais le groupe de l'opposition officielle et Mme la députée de Pontiac, je crois, ou... Oui, allez-y, à vous la parole pour un temps de 17 minutes.

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Bonsoir, madame.

Mme Tremblay (Karine) : Bonsoir.

Mme L'Écuyer : Je vous ai écoutée attentivement, je connais un peu les CALACS. Je dis bien «un peu» parce que je n'ai jamais travaillé à l'intérieur d'un CALACS et je pense qu'on connaît ces ressources-là quand on est présents sur le terrain de façon importante. J'aimerais ça... Bon, j'ai pris quelques notes, dont une, entre autres : vous parliez d'un problème d'accessibilité. Est-ce que c'est l'accessibilité à l'aide ou l'accessibilité une fois que la personne est chez vous? J'aimerais ça que vous me dites un petit peu plus, là… Quand vous avez parlé du problème d'accessibilité puis, tout de suite après, vous avez complété en disant : Ça fait longtemps que ça existe et il n'y a eu aucune réforme de cette loi-là, est-ce que c'est en lien avec ça ou si c'est en lien avec la difficulté d'avoir accès à l'IVAC?

Mme Tremblay (Karine) : C'est vraiment la difficulté d'avoir accès à l'IVAC parce qu'il y a beaucoup de demandes qui sont rejetées pour cause de prescription.

Mme L'Écuyer : Pour cause de... Et avez-vous...

Mme Tremblay (Karine) : Bien, entre autres, là.

Mme L'Écuyer : Oui, entre autres. Avez-vous une idée qu'est-ce que ça peut représenter? Mettons, sur 100 demandes, combien il y en a qui sont rejetées pour cause de prescription?

Mme Tremblay (Karine) : Sur 100 demandes, d'après le rapport d'activités annuel de l'IVAC, c'est environ le tiers des demandes, c'est le principal motif de rejet.

• (20 heures) •

Mme L'Écuyer : Pour continuer dans la vague de l'accessibilité, et c'est mon collègue qui m'a fait penser à ça, pour faire une réclamation à IVAC, est-ce qu'une plainte doit avoir été portée à la police ou bien...

Mme Tremblay (Karine) : Non. Heureusement.

Mme L'Écuyer : On n'est pas obligé. Bon. Tu as eu une réponse à ça.

Mme Tremblay (Karine) : Ça avait été déjà proposé dans un autre projet de loi dans le passé, qui n'a jamais... en tout cas, qui n'a jamais été mis en vigueur. Puis, pour nous, en particulier, avec les victimes d'agression sexuelle pour qui, tu sais, on sait, la plupart du temps, l'agresseur est connu de la victime, c'est un proche, un membre de la famille souvent, et il y a aussi des raisons au niveau de la difficulté à porter plainte, là.

Donc, c'est pourquoi, pour nous, c'est très important que ce soit maintenu tel quel, qu'il n'y ait pas de lien entre le fait de déposer une plainte et avoir droit à cette indemnisation-là. Donc, oui, c'est très important que ça reste tel quel pour nous.

Mme L'Écuyer : Pour un bout de temps. Je vais revenir avec...

Mme Tremblay (Karine) : Pas pour un bout de temps, que ça reste tel quel...

Mme L'Écuyer : Comme ça, pour toujours.

Mme Tremblay (Karine) : Pour toujours. Oui.

Mme L'Écuyer : J'aimerais ça juste revenir au niveau de l'accessibilité, bon, un tiers des demandes serait… pour délais de prescription, les autres, c'est quoi?

Mme Tremblay (Karine) : Il faudrait revenir à la... Je l'ai sorti ici, quelque part.

Mme L'Écuyer : Tantôt, dans votre présentation, vous disiez : Ils doivent faire la preuve, ils doivent expliquer pourquoi. Ce que j'entendais comme message, dans le fond, c'était de dire : La personne qui va demander de l'aide devient quasiment celle qui... je n'aime pas le mot «accuser», mais doit dire qu'est-ce qui s'est passé, quand ça s'est passé. Dans le fond, elle doit réexpliquer l'ensemble... les événements qu'elle a vécus. Puis est-ce que le rejet...

Mme Tremblay (Karine) : Oui, bien, les motifs de rejet, le deuxième après la prescription, c'est l'absence de preuve d'un acte criminel. Et, tu sais, dans les cas d'agression sexuelle, quand il y a une plainte, on remarque que le nombre de plaintes retenues, il y a une difficulté avec ce crime-là parce que les preuves sont difficiles à colliger dans le cas des agressions sexuelles. Et donc, faute de preuve, et pas parce que le crime n'a pas été commis, mais parce que le procureur juge qu'il ne peut pas raisonnablement obtenir un plaidoyer de culpabilité, la plainte ne sera pas retenue et donc, normalement, ce n'est pas lié avec l'idée de prendre une plainte ou non.

Mais un cas nous a été signalé dernièrement dans un CALACS, où la femme avait porté plainte et, clairement, elle avait... Bon. La plainte n'a pas été retenue parce que le procureur, bon, il avait... c'était une femme qui avait été agressée sexuellement par son garagiste, et il y a eu un doute qu'elle ait eu initialement une entente d'échange de services, donc une espèce de lien prostitutionnel. Mais la femme a clairement dit à l'enquêteur qu'elle ne voulait pas, bon, il l'avait forcé à faire des choses qui la dégoûtaient, etc. Mais le procureur a jugé qu'étant donné ce petit doute là il ne pouvait pas retenir la plainte. Et, par la suite, la femme s'est vu refuser une indemnisation à l'IVAC. Ça fait que ça, c'est un bon exemple de faille dans le pouvoir discrétionnaire, là, des agents de l'IVAC, là, malheureusement, mais, sinon, normalement, il n'y a pas de lien entre la plainte ou la rétention de la plainte.

Et il y a un autre motif, bon, c'est que le crime est non mentionné dans l'annexe de la loi et, sinon, il y a la notion de faute lourde, là, que justement elle ne doit être... qui ressemble un peu à l'exemple que j'ai donné, mais qui devrait être interprété, selon nous, de façon plus large puis de façon à ne pas nuire aux femmes parce que, par exemple, il y a des femmes qui peuvent se retrouver en prostitution parce qu'elles sont recrutées d'une manière ou d'une autre, et on considère que ce n'est pas un choix et justement qu'elles sont victimes de violence, donc on ne peut pas leur attribuer une faute lourde dans ce cas-là ou dans l'exemple que je vous ai donné. Donc, c'est les principaux motifs de rejet, là, d'après le rapport annuel d'activité de l'IVAC que j'ai consulté sur Internet.

Mme L'Écuyer : Dans les cas des jeunes enfants qui ont été abusés, là, en bas âge, comme vous avez dit tantôt, il y a deux groupes de 0-11 ans, après ça, de 12. Est-ce qu'au moment où ces personnes-là dévoilent ce qui leur est arrivé... ou réalisent que c'étaient réellement des abus, est-ce que, dans ce groupe de personnes là, est-ce qu'il y en a beaucoup que les demandes sont rejetées par IVAC?

Mme Tremblay (Karine) : Je n'ai pas de donnée là-dessus. Je ne peux pas croiser les données, là, parce que les femmes que nous rencontrons dans les CALACS vont peut-être faire la demande à l'IVAC ou l'ont peut-être déjà faite par le passé. Tu sais, il peut y avoir des demandes qui ont été acceptées, la femme est allée voir une psychologue, mais cette approche-là ne lui convenait pas, et après ça elle entend parler du CALACS, elle se reconnaît plus dans notre approche féministe, centrée sur la reprise de pouvoir. Mais on ne peut pas faire le lien dans nos statistiques. Moi, les données que je vous donne, c'est des données qu'on compile à partir... sur les femmes qui sont rencontrées dans notre volet d'aide directe. Donc, on leur demande c'est quoi l'agression qui motive la demande et on remarque que c'est environ trois femmes sur quatre que c'est des agressions qui ont été subies dans l'enfance, dans l'adolescence et, pour une bonne part, de l'inceste, là, bon, interprété au sens que nous le faisons. C'est-à-dire, on s'entend que, dans le Code criminel, la définition de l'inceste est assez restreinte, là. Donc, pour nous, quand ça s'est passé dans le cadre familial, et peu importe la forme de violence sexuelle, on va nommer ça comme de l'inceste, là, avec les femmes qu'on rencontre, mais ça ne pourra pas faire l'objet d'une plainte pour ce crime-là spécifiquement, là. Donc, juste pour... Mais c'est le trois quarts des femmes, là, qui viennent pour des agressions subies alors qu'elles étaient mineures.

Mme L'Écuyer : Est-ce que le fait qu'il y ait autant de demandes — un tiers, c'est quand même beaucoup, là — quisont rejetées, est-ce que ça a un impact pour les femmes qui apprennent ça, d'aller vers IVAC? Dans le sens que... Un peu moins, mais souvent on entendait : Je ne vais pas au tribunal parce que je suis obligée de tout conter ma vie, puis ça ne donne rien. Est-ce que les femmes ont le même réflexe de dire : Même si je me présente, je fais une demande à l'IVAC, elle va être rejetée parce que je ne suis pas en mesure d'avoir exactement ce qu'ils veulent que je leur donne ou ce qu'ils veulent entendre?

Mme Tremblay (Karine) : Bien, il y a plus du tiers des demandes qui sont rejetées pour motif de prescription. Ça, ça peut être des femmes qui n'ont pas réussi à démontrer... le délai renversable, là, comme on le disait tantôt, mais, en dehors de ces statistiques-là, et je n'ai malheureusement pas de donnée pour étayer mon propos, là, ce n'est pas quelque chose qu'on compile… mais, en dehors de ces données-là, je suis persuadée qu'il y a bon nombre de victimes d'agressions sexuelles qui se disent : Ah! Ça ne me donne rien de me le demander, ça fait cinq ans que je sais que ça s'est passé, que j'ai fait le lien, et puis le délai est prescrit, et… Pourtant, j'aurais besoin d'indemnités pour payer des services d'une psychologue ou du sexologue, peu importe, pour poursuivre ma démarche de guérison, mais malheureusement il est trop tard.

Mme L'Écuyer : Dernier commentaire, puis je vais passer à mon collègue. Vous êtes un des regroupements aussi qui demandez une réforme en profondeur de ça. Ça fait qu'on a un beau mandat pour notre ministre : réforme en profondeur du système, un important chantier. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la députée. Je reconnais le député de Fabre, avec un temps de tout près de six minutes, quand même.

• (20 h 10) •

M. Ouimet (Fabre) : Quand même. Merci, M. le Président. Bonsoir. Merci de nous aider dans nos travaux, nos importants travaux.

Il y a un point sur lequel j'aimerais revenir parce qu'à quelques reprises, dans le cadre de votre témoignage, vous avez fait référence aux données ou à l'absence de données pour vous permettre de compléter vos représentations. Et j'aimerais vous entendre sur ça, là, sur... Vous connaissez le milieu, vous connaissez la problématique. Qu'est-ce qui, selon vous, pourrait être fait pour améliorer le système en termes de données? Rapports annuels plus détaillés... Avez-vous eu l'occasion d'examiner cette question-là et faire des recommandations?

Mme Tremblay (Karine) : Bien, les données que je cite sont principalement celles que nous avons décidé nous-mêmes, comme regroupement, faute d'autres recherches, de recueillir dans les CALACS qui sont membres de notre regroupement pour avoir un meilleur portrait des femmes que nous rencontrons. Nous savons par exemple qu'il y a plus de 80 % des agressions pour lesquelles il y a des demandes d'aide dans nos centres qui ont été commises dans un domicile privé, alors que dans les cas déclarés à la police, c'est 70 %, c'est sept cas sur 10 qui se sont passés dans une résidence privée. Donc, ça, ça démontre que probablement que ce type d'agression là est proportionnellement moins dénoncé, tu sais. On peut supposer que. Là, ce n'est pas très scientifique, mon affaire. Bref, les données qui nous sont plus utiles, c'est souvent les statistiques policières. Parce que celles-ci sont recueillies de façon plus systématique, par contre, on sait que ce n'est que la pointe de l'iceberg d'une réalité qui est beaucoup plus complexe, qui est beaucoup plus enfouie, si on veut, parce que, tu sais, c'est vraiment une minorité qui est à peu près estimé à une femme... une victime sur 10 qui va dénoncer à la police.

Donc, c'est sûr qu'on aurait besoin de recherches pour mieux comprendre le phénomène ou documenter entre autres le parcours des femmes dans le système judiciaire, quels sont les obstacles rencontrés ou mieux comprendre pourquoi justement les femmes portent si peu plainte, celles qui décident justement de ne pas le faire, comme plusieurs des femmes qu'on rencontre dans les CALACS. Donc, c'est ça, au niveau des données, c'est bien au-delà de l'indemnisation, là. Donc, c'est ça.

M. Ouimet (Fabre) : Bien, en fait, si je peux... M. le Président, il me reste encore un peu de temps?

Le Président (M. Ferland) : Oui, il vous reste encore tout près de trois minutes et quelques secondes.

M. Ouimet (Fabre) : Merci. En fait, parce que j'ai compris tantôt, à la question de ma collègue de Pontiac, vous avez mentionné qu'il y a des demandes d'indemnisation qui ne passent pas par le processus judiciaire, donc les personnes s'adressent directement à l'IVAC.

Mme Tremblay (Karine) : Oui.

M. Ouimet (Fabre) : Ils font une demande d'indemnisation et ne vont pas au niveau judiciaire. Est-ce que, dans ce contexte-là, il y a des données qu'on pourrait obtenir à partir du système tel qu'il existe, là, mais, si on le raffinait un peu, qui pourraient nous donner... et sur ça, avez-vous des suggestions?

Mme Tremblay (Karine) : Ce serait peut-être... Parce que je sais, j'ai lu, dans le rapport Lemieux, que c'est à peu près 74 % des réclamantes, réclamants qui collaborent avec la police, là, tous crimes confondus. Ça pourrait être intéressant de croiser les données de plaintes versus quel est le crime pour lequel il y a une réclamation, puis peut-être que là on pourrait mettre en lumière justement que c'est souvent des victimes d'agression sexuelle qui ne portent pas plainte à la police, là, et qui ont recours seulement à l'IVAC et non au recours criminel, par exemple.

M. Ouimet (Fabre) : Mais dans le but de nous aider à améliorer le système, compte tenu de votre connaissance du terrain, est-ce que vous voyez qu'il y a des façons simples de colliger ces informations-là?

Mme Tremblay (Karine) : Vous m'en demandez...

M. Ouimet (Fabre) : Ah, je ne veux pas vous mettre...

Mme Tremblay (Karine) : Tu sais, bien, ce serait... Puis, quand je regardais le rapport de l'IVAC, tu sais, je me disais : Il y a un tiers des demandes rejetées qui sont pour cause de prescription, mais on ne sait pas pour quel crime non plus. Est-ce que c'était plus proportionnellement des agressions sexuelles ou des voies de faits commis en contexte conjugal qui ont été rejetées pour cause de prescription, tu sais? Je ne sais pas s'il y a moyen de croiser ces données-là. Je ne suis pas statisticienne.

M. Ouimet (Fabre) : Moi non plus.

Mme Tremblay (Karine) : Vous non plus, c'est ça.

M. Ouimet (Fabre) : Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Alors, il vous restait une minute. Alors, le député de Saint-Jérôme va être très heureux d'apprendre qu'il dispose d'un temps de 4 min 30 s.

M. Duchesneau : Merci beaucoup, M. le Président. Bravo, Mme Tremblay. Merci beaucoup pour ces informations. Juste quelques questions pour parfaire mes connaissances que je n'ai pas, là. Vous avez parlé de victimes hors Québec.

Mme Tremblay (Karine) : Oui.

M. Duchesneau : Vous parlez de quoi exactement? Victimes agressées dans un autre pays qui est...

Mme Tremblay (Karine) : Dans une autre province.

M. Duchesneau : Dans une autre province.

Mme Tremblay (Karine) : Parce que le régime de l'IVAC va indemniser les résidentes et les non-résidentes, mais pour des crimes qui sont commis au Québec seulement. Mais il y a...

M. Duchesneau : Et on parle de combien de cas par année?

Mme Tremblay (Karine) : Bien, encore là, malheureusement...

M. Duchesneau : Le chiffre noir, oui.

Mme Tremblay (Karine) : Je n'ai pas de donnée pour étayer mon propos. Crimes commis hors Québec, oui, ce n'est pas... c'est une vingtaine de cas en 2011. Mais il y a le...

Je reviens à la nécessité que la collaboration avec la police ne soit pas une condition pour avoir accès à une indemnisation. Et la seule autre alternative pour les victimes d'agression sexuelle hors Québec en particulier, c'est qu'il y a un régime fédéral qui offre des indemnisations, mais, la condition, c'est d'avoir collaboré avec la police dans le pays où a eu lieu le crime ou encore avoir été à l'ambassade, puis on sait que, quand le crime vient d'être commis, la victime n'est pas en état d'aller à la police... bien, rarement, là, rarement en état... Le plus souvent, elle ne porte pas plainte, même ici, au Québec, où on s'entend que la police est moins corrompue que dans d'autres endroits de ce monde, par exemple, et la police est quand même... quoiqu'il y a bien des failles, mais est quand même plus sympathique aux femmes qui vont porter plainte que dans d'autres pays aussi, bon, etc.

Donc, cette condition-là n'a aucun sens de notre point de vue. Donc, ça laisse les victimes d'agression sexuelle hors Québec sans aucun recours, alors que, quand elles reviennent ici et puis... elles ne laissent pas le traumatisme derrière elles, elles pourraient avoir besoin d'indemnisation pour avoir accès à différents... soutien, accompagnement, soutien psychologique ou autre.

M. Duchesneau : Oui. Juste, encore là, ce n'est pas un concours de statistiques, là, moi aussi, je suis contre les statistiques, mais les CALACS... 20, non... vingtaine de CALACS au Québec?

Mme Tremblay (Karine) : En fait, il y a 23 CALACS qui sont membres de notre regroupement, mais, en tout, des ressources de type CALACS, là, il y en a environ 30 au Québec.

M. Duchesneau : Et on parle de combien de personnes qui font appel à vos services par année?

Mme Tremblay (Karine) : Ah, Seigneur...

M. Duchesneau : Mais une idée de grandeur, Mme Tremblay. Je n'essaie pas de vous prendre, j'essaie juste de comprendre, parce que ça a des impacts, là, sur les discussions qu'on va avoir quand on va parler article par article, là. 1 000, 2 000, 3 000?

Mme Tremblay (Karine) : Je pense qu'on parle... Mais c'est parce que... Non, les nouvelles demandes d'aide, je pense, c'est... Tu sais, mais… C'est de l'ordre de 1 500 par année.

M. Duchesneau : 1 500 par année.

Mme Tremblay (Karine) : Dans les CALACS membres. Ça, je ne compte pas les CALACS non membres, et il ne faut pas oublier aussi que ce n'est pas notre seul volet d'action, dans les CALACS. On a un important volet de prévention et de sensibilisation, et, comme je le disais au début de la présentation, si on veut changer les mentalités, combattre les mythes et préjugés qui sont encore beaucoup trop nombreux par rapport aux agressions sexuelles, il faut continuer... Pour nous, c'est incontournable, là...

M. Duchesneau : La sensibilisation.

Mme Tremblay (Karine) : ...de faire des activités de prévention et de sensibilisation.

M. Duchesneau : En fait, mon questionnement est de tenter de percevoir quelle peut être la portée de certaines des décisions qu'on prendrait si on... Exemple, on parlait des délais, là, pour déposer une réclamation… a passé de deux ans à trois ans. On a eu du ministre plus tôt aujourd'hui le nombre de cas si on allait d'une année à deux ans, et on poussera plus loin nos réflexions pour tenter de savoir : Si on allait de deux ans à trois ans, on parle de combien de cas supplémentaires? Ça fait que c'est ça qu'est le but de mon questionnement.

Et d'autres statistiques importantes que vous avez données tantôt, les gens qui ont été victimes de zéro à 11 ans, après ça de 12 ans à 17 ans, donc, qui viennent vous voir, souvent des dizaines d'années plus tard pour...

Mme Tremblay (Karine) : Bien, c'est ça, c'est...

Le Président (M. Ferland) : Rapidement, en 30 secondes. J'ai laissé couler le temps, quand même.

Mme Tremblay (Karine) : En 30 secondes. Oui, bien, c'est...

Le Président (M. Ferland) : J'ai... le député de Fabre, aussi.

• (20 h 20) •

Mme Tremblay (Karine) : C'est ça. C'est souvent près de la moitié des femmes que nous rencontrons que c'est 13 ans et plus, mais, en donnant aussi les données sur l'âge au moment de l'agression qui motive la demande, ce que je voulais illustrer, c'est que le «et plus» est plus, plus, hein?

Il y a une intervenante qui me disait, justement, récemment qu'elle était en suivi avec une femme de 82 ans qui a été agressée pendant l'adolescence. Donc, tu sais, des fois, c'est d'un ordre assez... Et c'est sûr que, bon, les conséquences vont varier d'une femme à l'autre, mais elle en parle à 82 ans. Il n'est jamais trop tard pour bien faire, mais ça... Un exemple.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci, Mme Tremblay. Alors, je reconnais maintenant le député de Mercier pour un temps de 3 min 30 s.

M. Khadir : Merci, M. le Président. Moi, Mme Tremblay, je... Moi, je comprends très bien votre demande pour demander qu'il n'y ait pas de délai de prescription pour les victimes d'agression sexuelle. Je sais que le Regroupement des centres d'aide et de lutte pour les agressions à caractère sexuel a une longue expérience là-dessus.

Mais il a été porté à mon attention, et je le dis pour — en fait dans l'échange qu'on a avec le ministre — éclaircir ce sujet-là. D'abord, dans votre projet de loi, vous venez juste changer un mot, en fait quelques mots dans l'article 11, qui change «l'année» par les mots «les deux ans» au lieu de parler du délai. Mais, quand on regarde l'article 11 que vous voulez changer, il n'est pas du tout fait mention de cette nuance que vous apportez, que ça commence à compter à partir du moment où les conséquences sont reconnues. Donc, c'est laissé quand même à la discrétion de ceux qui doivent juger de tout ça. Ce n'est pas formalisé.

Deuxièmement, pour vous illustrer les problèmes, il a été apporté à mon attention… d'une victime d'agression sexuelle… j'ai besoin de l'attention du ministre… victime d'agression sexuelle dans l'enfance ou à l'adolescence, consulte en 2007 pour un problème psychologique autre. En 2010, une agression qui vient réveiller tout le passé. La personne finalement reconnaît l'importance de ça dans sa vie, les impacts sur sa vie, demande à l'IVAC une compensation. Et là, l'IVAC dit : Bien, en 2007, vous avez consulté un psychologue. Le psychologue a beau certifier qu'il n'a pas été mention du tout, du tout de l'agression dans l'enfance, mais sa demande est rejetée parce qu'elle aurait dû dès 2007 établir un lien. Alors, vous voyez devant quelle incertitude puis preuve insurmontable on met les victimes quand on permet, quand on limite, on donne cette interprétation limitative, un pouvoir discrétionnaire qui peut être très mal utilisé par ceux qui doivent juger.

Je rappelle au ministre que Gil Rémillard, déjà, au début des années 90, voulait augmenter à trois ans, déjà, au début des années 90.

Une voix : ...

M. Khadir : Oui, parce que le travail parlementaire ne l'a pas permis. Mais il y avait une volonté donc de le faire.

M. St-Arnaud : Le travail parlementaire l'a permis, mais il n'a jamais été mis en vigueur.

M. Khadir : Bon. Mais ça a été reconnu comme une nécessité, donc, c'est, bon... Vous parlez d'argent, tout le temps d'argent. D'abord, je ne crois pas que ça soit l'argument. On est ici pour des lois. On n'établit pas des lois et la justice en comptabilisant d'abord combien ça coûte. Y a-tu quelque chose de juste à faire ou pas? Puis après on agit. Françoise… Ma députée de Gouin vous a amené une lettre pour donner un autre moyen d'épargner 1 million de dollars, qui serait à faire passer les demandes de la RAMQ directement au ministère plutôt que de passer par la CSST. Ça serait déjà 1 million d'épargné.

Je demande à la madame une question, à Mme Karine Tremblay. Est-ce que, vous, vous pourriez répondre aux victimes, qui écoutez votre réclamation dans notre centre, de demander justice, réparation pour ce qui a été fait? On ne peut pas le faire parce que, cette année, le gouvernement doit atteindre le déficit zéro. Et peut-être l'année suivante. Et peut-être les cinq années suivantes. Donc, attendez dans cinq ans pour entreprendre vos démarches, parce que le gouvernement a un déficit à respecter. Attendez que la justice s'applique après le déficit zéro. Est-ce que vous pouvez dire ça à vos...

Le Président (M. Ferland) : Assez rapidement, Mme Tremblay. Même que je vais vous laisser...

Mme Tremblay (Karine) : Je pense que poser la question, c'est d'y répondre, tu sais. Tu sais, pour le nombre de victimes qui sont déjà revictimisées, qui dévoilent plus d'une agression, c'est une… leur refuser cette indemnisation-là, surtout pour des raisons économiques, c'est une autre forme de violence presque.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, merci, Mme Tremblay. Alors, M. le ministre, il reste... J'ai laissé quand même couler le temps, parce qu'il en reste un peu moins au ministre, mais je pense qu'il a compris. Il est généreux depuis hier. Et alors, M. le ministre, il vous reste à peu près… il vous reste à peu près quatre minutes. Ce n'était pas lui hier. Ils sont tous généreux de même.

M. St-Arnaud : Ah, M. le Président, vous reconnaissez la générosité des membres du gouvernement. Juste une ou deux choses, là. Je pense que c'est important de le mentionner, sur la prescription, moi, ce qu'on me dit, c'est qu'avec le projet de loi n° 22 la... pas la prescription, mais... oui, le refus d'une prestation en raison de la prescription qui était d'un an, donc en 2011 il y en avait eu 533, donc c'était le tiers de tous les rejets. On me dit qu'avec le projet de loi n° 22, il y en aurait eu à peu près la moitié, de ces 533 rejets, qui n'auraient pas été rejetés parce qu'ils seraient rentrés entre un an et deux ans.

L'autre élément que je veux apporter… Vous avez fait référence au projet de loi n° 70, et je pense que c'est important de dire un petit mot là-dessus. Le projet de loi n° 70 a été déposé par l'ancien gouvernement, il visait à allonger le délai de prescription au Code civil pour les recours civils d'une victime à l'encontre de... à l'endroit de son agresseur. Le projet de loi qui avait été déposé par mon prédécesseur visait à faire en sorte que ce délai de prescription au Code civil, qui est présentement de trois ans, soit porté à 10 ans.

Alors, je tiens à vous dire que je vais redéposer un projet de loi sur cette question, qui va viser à allonger le délai de prescription pour les recours civils et qu'il est hors de question d'aller en deçà de ce que mon prédécesseur avait fait. Alors, je tends plutôt à regarder dans l'autre direction, il va sans dire, que par en bas. Et ça, je pense, c'est important aussi de le réaliser pour les gens...

Puis aujourd'hui, on a beaucoup parlé de l'indemnisation, là, mais c'est important de se rappeler qu'il y a effectivement un régime d'indemnisation, mais le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels n'exclut pas un recours civil, et ça, c'est important, parce que dans d'autres régimes d'indemnisation de l'État, comme l'assurance automobile, oui, il y a des montants, mais on exclut le recours civil. Alors, je pense, c'est important.

Et moi, je peux vous dire qu'il y a... dans les principes qui guident le projet de loi qui va être déposé ce printemps, il y a bien sûr d'allonger le délai de prescription au Code civil, ça, c'est très clair. Il y a aussi, parce que vous y avez fait référence tantôt, de faire en sorte que le délai de prescription ne courre pas contre la personne mineure. Alors, ça, c'est un principe que je veux insérer dans le projet de loi.

Et le troisième principe, bien, c'est de codifier, dans le projet de loi, ce qui est l'État de droit, à ma connaissance, quant au fait que le délai de prescription ne commence à courir qu'à partir du moment où la personne...

Mme Tremblay (Karine) : Mais il va rester qu'il y a toujours cette faille-là, je dirais même ce fossé-là dans lequel certaines victimes risquent fort de s'engouffrer au moment de faire un recours et que l'accusé, le défendeur fasse une défense de prescription et que ce soit encore à la victime de démontrer son impossibilité d'agir malgré qu'en effet... Moi, je dis, oui, prolonger le délai, ça demeure un pas et le prolonger jusqu'à 10 ans, comme le suggérait le projet de loi n° 70, c'était un bon pas, mais... Et même, à ce moment-là, quand ce projet de loi là était...il n'y avait pas juste nous qui demandaient l'abolition pour les victimes d'agression sexuelle, le Barreau l'avait recommandé aussi. Il avait demandé d'arrimer ce projet de loi là avec la loi sur l'IVAC.

Donc, ce n'est pas nouveau. La jurisprudence aussi en matière civile démontre que, justement, même les juges interprètent ce délai-là avec une compréhension de la réalité, en particulier des agressions sexuelles dans l'enfance, une compréhension, justement, qui permet une souplesse d'interprétation, mais qui fait en sorte qu'il y a toujours le fardeau pour la victime de montrer qu'elle était au préalable dans l'impossibilité d'agir.

C'est pourquoi nous recommandons l'abolition du délai de prescription et, pour l'IVAC, ça touche un bien plus grand nombre de victimes parce que le recours civil, ça demande de l'argent, des frais d'avocat et ça demande aussi que l'agresseur puisse payer les dommages qui vont être demandés si jamais la cause est entendue, que ces dommages-là sont octroyés par la cour. Donc, il y a beaucoup de conditions, puis l'IVAC, ça touche quand même un beaucoup plus grand nombre de victimes d'agression sexuelle. Donc, il faudrait... Un n'exclut pas l'autre, comme vous l'avez vous-même bien dit.

M. St-Arnaud : L'un n'exclut pas l'autre. On va faire le débat sur l'indemnisation. Moi, ce que je veux vous dire... Oui. Il me reste une ou deux minutes?

Le Président (M. Ferland) : Bien, 30 secondes.

• (20 h 30) •

M. St-Arnaud : 30 secondes. Ce que je veux juste vous dire, Mme Tremblay, deux choses. Premièrement, vous dire qu'effectivement il y aura aussi ce débat sur la prescription au niveau civil. Je peux vous dire qu'on n'ira pas en deçà de ce qui avait été proposé par l'ancien gouvernement, et, présentement, la réflexion, elle se fait.

Je suis très bien conscient qu'il y a des gens qui prônent l'imprescriptibilité dans certains cas; ça pose un certain nombre de problèmes à caractère juridique sur lesquels on aura à se pencher comme commission éventuellement. Alors je ne suis pas sûr qu'on va aller jusque-là, mais je veux que vous sachiez qu'on est sensibles à ça et aussi qu'on est, en 10 secondes, aussi sensibles au fait qu'effectivement — et je l'ai dit dès ce matin — je pense, on constate tous que, plutôt tôt que tard, il faudra faire une réforme d'ensemble de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Mais, cela dit, évidemment, vous avez compris que le n° 22, c'était de régler certains problèmes urgents rapidement, peut-être d'en régler un ou deux autres, comme le délai de prescription, qui était déjà dans le rapport Lemieux, même si on ne va pas aussi loin que ce que le rapport Lemieux nous disait… mais on règle, selon les chiffres que j'ai, peut-être la moitié des cas. Mais je comprends que vous, ce n'est pas... Vous souhaiteriez qu'on aille plus loin que ça.

Mme Tremblay (Karine) : ...pas les cas qui posent... Bien, ces statistiques-là ne comptabilisent pas les...

Le Président (M. Ferland) : Malheureusement, je dois vous arrêter parce que...

Mme Tremblay (Karine) : ...les cas qui ne font pas de morts, parce qu'ils considèrent que c'est déjà prescrit.

Le Président (M. Ferland) : ...bien, c'est parce qu'on empiète sur le temps de l'autre groupe, malheureusement. Alors...

Mme Tremblay (Karine) : ...

Le Président (M. Ferland) : Alors, sur ce... Attendez un petit peu, M. le ministre, avant d'aller...

Une voix :

Le Président (M. Ferland) : Oui. Je sens qu'il n'y a plus aucune frustration.

Alors, je vous remercie, Mme Tremblay, je remercie le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et sa contribution.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants. Et je demanderais aux représentants du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 20 h 32)

(Reprise à 20 h 35)

Le Président (M. Ferland) : Alors, nous allons poursuivre, reprendre les travaux. Alors, je souhaite la bienvenue au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Mme Villeneuve, je vous demanderais de présenter la personne qui vous accompagne, en vous mentionnant que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour votre présentation. Et vous avez compris qu'il y aura un échange après d'environ 40, 45 minutes. Alors, je vous laisse la parole, Mme Villeneuve.

Regroupement des maisons pour
femmes victimes de violence conjugale

Mme Villeneuve (Nathalie) : Parfait. Merci beaucoup. Alors, bonsoir. Merci de nous accueillir et d'être là pour entendre nos recommandations. Je vous présente ma collègue, Louise Riendeau, qui est responsable des dossiers politiques au regroupement, et moi, je suis la présidente du regroupement. Alors, voilà, on va faire notre présentation à notre tour.

Le regroupement reçoit positivement le projet de loi n° 22 parce qu'il y a un effort qui est mis pour mieux reconnaître le droit des victimes et surtout le droit des proches des victimes. Cependant, vous comprendrez que, si on est assises ici ce soir, c'est qu'on a quand même quelques petites déceptions et quelques petites recommandations à faire.

En ce qui concerne les frais funéraires, le regroupement est content de savoir qu'on a pensé à augmenter les montants qui étaient prévus, donc c'est reçu positivement de la part du regroupement.

Pour l'article 3, lorsqu'il est question de nettoyage de scène de crime, là encore, bien évidemment, c'est une très bonne idée, on est contentes d'entendre ça, de savoir que les familles pourront recevoir une indemnisation pour faire nettoyer les scènes de crime, mais malheureusement on ne pense pas aux victimes qui ne sont pas tuées et qui parfois se retrouvent dans des situations où l'appartement a été saccagé, où il y a du sang, où il y a des traces de sperme quand ça a été une agression sexuelle, que ce soit dans les cas de violence conjugale où une femme a pu échapper à une tentative de meurtre et où on retrouve un appartement qui est complètement saccagé. Qui va ramasser? C'est les femmes qui doivent ramasser. Donc, il faut aussi penser à ça. Tant mieux qu'on pense... si la personne est tuée, que la famille ait de l'aide financière, mais pensons aussi aux victimes qui vont peut-être s'en sortir, mais qui, elles, n'auront pas d'aide pour ce genre de chose là. Ensuite de ça... dans le fond... Et c'est pour ça que le regroupement recommande qu'il y ait une modification au libellé de l'article 2 afin que les victimes qui auraient survécu à un tel crime puissent se voir rembourser les frais de nettoyage de la scène de crime dans leurs résidences.

On revient aussi sur le paiement du loyer en cas de résiliation de bail. Bien entendu, là encore le regroupement reçoit ça de façon positive parce que, depuis que c'était en vigueur, on demandait que le délai soit plus court, que ce ne soit pas deux mois, que ce soit un mois, que les victimes soient indemnisées, parce que souvent les femmes n'ont pas les moyens de payer deux appartements. Donc, on est contentes de savoir que là elles pourront avoir recours à cette aide-là.

Bien évidemment, ce qu'on aimerait qui soit ajouté, c'est de faire la promotion de cette aide-là; les femmes ne connaissent pas l'aide qu'elles peuvent recevoir, donc d'en faire la promotion. Il y en a de moins en moins, ça fait déjà quelques années que ça existe, et plus les années avancent, moins les femmes ont recours à cette mesure-là.

Ensuite, l'article 4 sur l'indemnité forfaitaire aux parents. Bien entendu, c'est reçu par le regroupement comme étant une très bonne mesure, d'augmenter le montant de 2 000 $ à 12 000 $ pour l'indemnité qui pourrait revenir aux parents. Chacun des parents pourra recevoir la moitié de l'indemnité. Cependant, on a besoin d'une clarification au niveau du libellé de l'article 7.1, où on dit qu'un des parents pourrait ne pas recevoir cette indemnisation-là s'il était le parent impliqué directement dans le crime qui vient d'être commis. Quand on le lit, on le comprend comme ça, mais ce n'est pas si clair que ça, donc on pense... Dans le fond, on fait la recommandation que ce point-là soit clarifié justement pour ne pas qu'il y ait de mésentente. Je cède la parole à ma collègue.

• (20 h 40) •

Mme Riendeau (Louise) : Sur la question du délai de prescription, effectivement, comme nos collègues du regroupement des CALACS, nous, on pense que... on salue l'allongement du délai, mais on aurait souhaité qu'on atteigne ce qui est au moins là maintenant au niveau du Code civil. On parle de l'allonger. Pensons que, pour utiliser des poursuites privées, il faut avoir un agresseur qui est solvable, ce qui n'est pas toujours le cas. C'est une première condition. Et le régime d'IVAC est là pour justement permettre un mécanisme de solidarité sociale. Donc, on trouve ça un peu particulier, en fait, que le régime qui va toucher le plus de personnes ait un délai plus court que ce qu'on va permettre au civil. Donc, on se dit : Il faudrait au moins aller rejoindre, pour l'ensemble des victimes, le délai de trois ans et, pour les victimes d'agression sexuelle ou de violence conjugale, tout comme nos collègues, on souhaiterait qu'il n'y ait plus ce délai.

Je vais vous parler particulièrement de la violence conjugale. On pense souvent que c'est une problématique qui va en escalade; ce n'est pas nécessairement le cas. Avant des agressions physiques, il y a à peu près toujours des violences qui ne sont pas criminalisables, donc n'ouvrent pas droit à l'IVAC. Mais il arrive que des conjoints battent leurs femmes pour leur faire suffisamment peur qu'ils n'aient plus besoin d'utiliser la violence physique par la suite. Et ces femmes-là vont rester sur leur contrôle pendant trois ans, quatre ans, cinq ans, je ne sais trop. Et évidemment ces femmes-là ne feront pas de demande à l'IVAC. Imaginez, pour le conjoint, ce serait un affront de dire : Elle est allée me dénoncer à l'IVAC pour avoir des soins.

Et ces femmes-là peuvent être conscientes du traumatisme. Pensons à une femme qui a été frappée très violemment à la tête, qui peut avoir une perte de vision. Elle va être consciente du traumatisme qu'elle a, mais elle n'ira pas faire une demande à l'IVAC tant qu'elle ne quittera pas le conjoint.

Donc, on a un problème avec le délai, et même avec le fait que la présomption de renonciation puisse être renversée parce que ces femmes-là peuvent être conscientes. Dans certains cas, effectivement, elles ne seront pas conscientes tout de suite de l'ensemble des traumatismes que les crimes vont avoir engendrés, mais, dans certains cas, elles vont l'être, mais elles vont être dans une situation où elles ne feront certainement pas de demande. Donc, on demande que le délai soit allongé pour l'ensemble des victimes à trois ans, et qu'il n'y en ait pas pour les victimes de violence conjugale et d'agression sexuelle.

Aussi, on parle des cas refusés, mais, comme disait Mme Tremblay tantôt, il y a toutes les personnes qui ne feront pas de demande pensant qu'elles vont être refusées. Ça fait que je pense qu'il faut regarder ça.

Comme nos collègues aussi, on aurait souhaité que le projet de loi n° 22 puisse permettre de mettre à jour l'annexe. On nous dit, là, dans un article, que les modifications vont s'appliquer pour les crimes couvrables, donc les crimes à l'annexe. Et ce qui... Ça fait longtemps qu'on le dit, on le dit depuis 1993, là, en fait, et on pense particulièrement à des crimes comme le harcèlement criminel, comme les menaces. On peut penser que ces crimes-là ne sont pas couverts parce qu'ils sont marginaux. Quand on regarde les statistiques, on voit que c'est des crimes importants. Quand on regarde en nombre, quand on voit les statistiques en violence conjugale seulement, les femmes sont sept fois plus victimes de harcèlement criminel et presque cinq fois plus victimes de menaces que les hommes. Donc, ce sont des crimes qui touchent les femmes, qui touchent les femmes avec lesquelles on travaille.

Et, quand on regarde au niveau de la littérature, on voit que ces crimes-là ont des impacts très importants. Imaginez-vous traquée par votre ex-conjoint qui est à la porte chez vous, chaque fois que vous sortez, qui vous appelle, qui multiplie toutes sortes de mesures de harcèlement, ces personnes-là vivent dans la frayeur, et cela a des conséquences. Ces personnes-là ont besoin de réadaptation. À l'heure actuelle, elles ne sont absolument pas considérées par l'IVAC.

Donc, nous, on dit : Il faut arrêter d'exclure autant de victimes et il faut que l'annexe puisse être mise à jour pour ces crimes-là, pour d'autres crimes, effectivement, comme le proxénétisme, la traite, qui ne sont pas considérés dans le Code criminel comme des crimes contre la personne, mais qui créent des dommages humains épouvantables. Donc, nous, notre souhait serait que l'annexe soit mise à jour, et que, chaque fois que le Code criminel est amendé pour ce genre de crime là, automatiquement l'annexe soit amendée. Pour nous, c'est un élément important.

Autre élément important dont on parle depuis longtemps, c'est la situation des enfants victimes de violence conjugale. Et, quand je parle des enfants victimes, les victimes directes, celles-là qui vont être blessées, par exemple, dans une altercation, bien sûr, sont considérées comme des victimes par l'IVAC, mais tous les enfants qui vivent dans la terreur, qui voient leur mère violentée, qui entendent les violences, développent aussi toutes sortes de problèmes : problèmes de santé physique, des maux de tête, des maux de ventre, de l'asthme… Écoutez, il y a une étude qui, en 1990-1991, déjà, avait documenté ça. Depuis, on en a plusieurs. Ces enfants-là développent aussi des problèmes psychologiques, des problèmes d'adaptation scolaire. Ils sont traumatisés. Et pourtant, à l'heure actuelle, ils ne sont considérés que comme des proches de la victime et ils ne peuvent recevoir des services que si on juge que c'est utile à la réadaptation de la victime. Alors, nous, on pense qu'il faut que ces enfants-là soient également considérés comme... c'est des victimes indirectes, mais qu'ils soient considérés comme des victimes parce qu'ils vivent des traumatismes très importants de l'exposition à la violence qu'ils vivent.

Évidemment, comme beaucoup d'autres, on aurait souhaité une réforme beaucoup plus complète. Il y a des choses à discuter : l'application de la faute lourde par rapport à certains crimes, la formation des experts qui sont chargés d'évaluer les impacts, particulièrement, les traumatismes psychologiques dans des cas de violence conjugale. On n'est pas certaines que les experts soient toujours bien formés pour être capables d'évaluer qu'est-ce que ça veut dire comme incapacité, qu'est-ce que la personne aurait besoin. La question de l'information des victimes, la question des recours, il y a plusieurs sujets qui méritent une discussion de fond. Alors, on espère qu'une telle réforme pourra avoir lieu rapidement.

Le Québec a une charte, le Québec souscrit à plusieurs conventions, pactes internationaux. On a pris des engagements en ce sens-là. Il y a quelques semaines, moi, j'étais très heureuse de voir la ministre de la Condition féminine aux Nations Unies participer au dévoilement du plan d'action sur les violences faites aux femmes et aux filles. Ce plan d'action là engage les pays qui sont signataires à adopter, à appliquer des lois qui vont prévoir des recours et des réparations pour les violences, dont les dommages que subissent les femmes et les filles. Ce plan d'action là dit aussi qu'il faut allouer les ressources publiques adéquates pour mettre en oeuvre les lois, les politiques existantes.

Donc, nous, on se dit : C'est un devoir de l'Assemblée nationale, de l'État. On a un ministre qui est responsable de la politique en matière de violence conjugale, des orientations en matière d'agression sexuelle. Alors, pour nous, c'est une occasion de tenir compte des besoins de l'ensemble des victimes, mais aussi des besoins importants des victimes de violence faite aux femmes et aux filles.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, Mme Riendeau. Alors, je vous remercie pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Alors, M. le ministre de la Justice, la parole est à vous pour un temps de 22 minutes à peu près.

M. St-Arnaud : Ça varie selon les intervenants, hein, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Parce que j'ai laissé quand même à Mme Riendeau...

M. St-Arnaud : Vous, M. le député de Saint-Jérôme, vous réussissez à... Quand ça bouge comme ça, vous vous adaptez.

Une voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Je vous ferai remarquer, M. le ministre, que, lorsque je vous alloue votre temps, j'ai une petite pensée pour le député de Saint-Jérôme. Alors...

Des voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Et le député de Mercier également.

M. St-Arnaud : Bien, d'abord, Mme Villeneuve, Mme Riendeau, merci beaucoup, merci d'être venues ce soir. Il commence à se faire tard, mais merci d'être là. Et merci de nous éclairer.

Je suis heureux que vous parliez du plan d'action sur la violence conjugale parce que moi, j'ai été très fier... Quand on dit qu'on pose un certain nombre de gestes, puis ce n'est jamais assez, mais, quand même, en six mois, moi, je regarde, on a posé toute une série de gestes eu égard aux victimes d'actes criminels, en tout cas on en a posé quelques-uns, et notamment, effectivement, ce plan de violence conjugale qu'on a annoncé le 6 décembre, sur cinq ans, où on a quand même annoncé 57 millions de dollars, et là-dessus il y en a 18, là, qui sont sous la supervision du ministère de la Justice.

Moi, je veux juste vous remercier. Écoutez, votre mémoire, il est très complet, il est très clair. Moi, je l'ai beaucoup apprécié. C'est vraiment très, très clair. Vous avez d'ailleurs étayé certains des éléments, dont, notamment... d'extraits d'études scientifiques, là, que ce soit au niveau des crimes visés, ou au niveau de la situation des enfants à titre de victimes. Alors, j'ai peu de questions à vous poser, parce qu'effectivement j'ai trouvé votre mémoire très clair, très facile à comprendre, puis les éléments sont là, les recommandations sont là, et, pour un certain nombre de sujets, vous étayez ça avec des études scientifiques.

• (20 h 50) •

Je peux juste vous dire une ou deux petites choses... Mais, sur le nettoyage des scènes de crime, là, vous n'êtes pas les premiers à, peut-être... je ne sais pas si vous avez suivi nos travaux aujourd'hui, mais vous n'êtes pas les premiers qui nous avez parlé de ça. Et effectivement la Protectrice du citoyen nous avait fait des représentations dans le même sens, et, comme toujours, c'est toujours intéressant de lire les documents qui nous sont acheminés par la Protectrice du citoyen. Alors, je pense qu'on va essayer de regarder, là, comment on peut... Parce que ce qu'on me dit, c'est que c'est déjà en bonne partie remboursé quand il y a un déménagement ou quand il y a des changements qui doivent être apportés dans la résidence, mais, comme on le fait pour la résiliation du bail, pour le paiement du loyer, comme on nous l'a dit ce matin, il y aurait peut-être lieu effectivement de le préciser dans la loi.

Quant au paiement de loyer, bien, là aussi, il va falloir... Quant au remboursement du loyer dans le cas de résiliation de bail, bien, là aussi, effectivement — et cet après-midi, là, nos collègues de Pontiac, de Fabre nous ont fait la remarque — il va falloir juste être bien sûrs, là, qu'on le fait comme il faut puis qu'en voulant aider on ne vient pas nuire, là. Parce que je pense que ça a été bien, bien expliqué par mes collègues de l'opposition officielle cet après-midi. Alors, ça aussi, on va voir, là, pour être bien certain qu'on fait le bon choix dans le libellé du projet de loi.

J'ai noté, là, ce que vous venez de dire verbalement quant à la promotion. On me dit, de cette dernière mesure, on me dit… parce qu'effectivement on constate que ce n'est pas beaucoup utilisé, on me dit qu'on a déjà, au ministère de la Justice, fait des efforts il y a quelques années là-dessus, que, effectivement, me disent les experts qui sont là depuis bien plus longtemps que moi, il y aurait peut-être lieu de refaire une démarche de promotion eu égard à cette modification quand le projet de loi n° 22 sera adopté.

Je prends note de vos commentaires et nous prenons note de vos commentaires quant à l'article 4 sur l'indemnité forfaitaire aux parents, là, être bien sûrs que le libellé est exact. On pense que oui, mais on va refaire la recherche la semaine prochaine — peut-être pas cette semaine, mais la semaine prochaine — pour s'assurer que tout est conforme.

Sur les délais de prescription, bien, je vous remercie pour vos propos que vous venez de tenir précisément quant à la problématique reliée à la violence conjugale. En tout cas, c'était éclairant, ce que vous avez mentionné, et ça va s'ajouter à la réflexion qu'on devra faire tant eu égard aux agressions sexuelles, mais, en ce qui vous concerne, là, ce que vous nous avez exposé quant à la problématique de la violence conjugale.

Quant aux crimes couverts, je ne sais pas si vous m'avez entendu aujourd'hui, je l'ai dit quelques fois, mais c'est sûr qu'il va falloir, à un moment donné, mettre à jour l'annexe. Ça, c'est très, très clair. Est-ce qu'on sera en mesure de le faire dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 22, ou si ça ne devrait pas s'inscrire dans le cadre d'une réforme plus globale, qui amènerait des changements plus fondamentaux au régime? Ça fera partie de la réflexion que la commission, là, aura à faire lors de l'étude article par article. Je prendrai également de vos commentaires sur les enfants à titre de victimes et de la nécessité de faire une réforme.

Alors, nous avons du pain sur la planche avec tout ça. Mais encore une fois, merci de votre éclairage, notamment quant aux situations de violence conjugale. Merci de votre mémoire. Sachez que, comme je vous dis, peut-être pas cette semaine, mais sachez que la semaine prochaine on va le regarder avec attention pour voir, préalablement à la démarche que nous ferons tous et toutes dans les prochaines semaines, lors de l'étude article par article… Alors, voilà.

Moi, je n'ai pas vraiment de question, M. le Président, si ce n'est de vous remercier pour votre contribution, et sachez que nous allons l'ajouter à la réflexion que nous ferons sous peu. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Peut-être pas la semaine prochaine, mais dans deux semaines.

Une voix : ...ministre part avec ça, M. le Président...

Le Président (M. Ferland) : Dans deux semaines. Dans deux semaines, parce que la semaine prochaine...

Une voix : ...du travail de comté...

Le Président (M. Ferland) : Je ferai juste vous rappeler que...

Une voix : ...projets de loi n° 17 et n° 22.

Le Président (M. Ferland) : Je sais qu'il y en a une série, mais la semaine prochaine est une semaine de relâche, voyez-vous, où nous serons dans nos circonscriptions. Alors, maintenant...

Une voix :            Une voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Oui, mais nous allons... Le ministre a tout à fait raison : lors de la reprise des travaux, à l'analyse détaillée, ces choses-là seront considérées.

Alors, maintenant, je reconnais le parti de l'opposition officielle et la députée de Pontiac pour un temps de 17 minutes.

Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. Je suis de l'avis du ministre — on n'est pas toujours en désaccord — votre mémoire est très bien fait. Moi, je vais partir de la conclusion. Je trouve ça très important que vous ayez fixé où nous étions par rapport aux droits de la femme, par rapport à ce qu'on avait accepté au niveau de l'international — et il y en a une surtout qui est intéressante, là — l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, assurer des recours efficaces, incluant des dédommagements et puis prendre des mesures. Je ne lirai pas tout, mais un qui m'a peut-être frappé, c'est de dire qu'on se doit d'assurer des services et de contrer la violence faite aux femmes et aux filles. Et, si on va un petit peu plus loin, c'est le ministère de la Justice, qui est à la fois responsable de cette politique ainsi que de l'application de la Charte des droits et libertés de la personne.

Vous continuez en disant : Malgré cela, il y a nombre de victimes qui n'ont pas... dont beaucoup de femmes sont toujours exclues de l'IVAC. Un peu plus loin, dans votre annexe, on parle du profil des femmes victimes de violence, l'appauvrissement de ces femmes-là. Et il y a comme une suite, hein, logique : elles s'appauvrissent, difficulté de recevoir des services de réadaptation, difficulté d'avoir accès aux services comme tels de base, d'avoir accès à l'IVAC. Elles se font souvent refuser les services.

Et, en continuant, vous demandez une réforme complète, qu'on revoie le système. Est-ce que vous pensez qu'en allant vers une démarche de réforme du système il y a certains de ces problèmes-là qu'on peut retrouver? On doit faire telle chose parce qu'on a signé tel accord et on a tel programme… Est-ce que vous pensez que la réforme permettrait ne serait-ce que de s'assurer que toutes les personnes qui se présentent à l'IVAC soient entendues? Est-ce que vous pensez qu'une réforme arriverait à régler ce type de problème là?

C'est un problème qui est revenu dans tous les gens qui se sont présentés. Ça revenait continuellement, cette difficulté-là d'être accepté à l'IVAC.

Mme Riendeau (Louise) : Bien, en fait, on espère, nous, qu'avant même cette réforme qu'on va regarder déjà au niveau des personnes qui vivent des... qui ont subi des crimes qui ne sont pas couverts pour le moment. Et, effectivement, on espère qu'une réforme sera guidée par ces engagements-là qu'on a pris par ces mécanismes-là qui nous donnent des devoirs et qui nous amènent, comme société, à dire : On doit agir pour protéger les personnes qui vivent des discriminations, qui vivent des violences, qui vivent différents problèmes, pour lesquels elles ont et elles vivent des sévices qui donnent des traumatismes et pour lesquels il faut, comme société, être capable d'apporter un soutien.

Mme L'Écuyer : Mon autre question va toucher au niveau des enfants. On les appelait les enfants dans un milieu violent et là on veut qu'ils soient considérés comme des victimes directes. Est-ce qu'il y a des exemples, là, où ces enfants-là ont été bel et bien reconnus comme des victimes directes de la violence dans un milieu familial?

Mme Riendeau (Louise) : Vous voulez dire par d'autres juridictions qui ont des programmes...

Mme L'Écuyer : Bien, même par nous. Même par nous.

Mme Riendeau (Louise) : Bien, nous, je vous dirais que les spécialistes en violence, les gens qui travaillent dans la recherche au CREVF, les gens qui sont sur le terrain sont à même de constater, effectivement, que ces enfants-là ne sont pas des simples témoins.

Et je vous dirais, il y a 20 ans, quand j'ai commencé à travailler au regroupement, nous, on parlait d'enfant victime, mais tout le reste de la société parlait d'enfant témoin. Depuis, le vocabulaire a changé. On parle d'enfant exposé, on parle d'enfant victime parce qu'on reconnaît effectivement qu'ils ne sont pas là et à faire fi du contexte dans lequel ils vivent. Ces enfants-là sont exposés jour après jour, après jour à du dénigrement, à des gestes de violence physique. Certains vont s'interposer pour essayer de protéger leur mère, etc.

Donc, effectivement, ces enfants-là subissent la violence que subit leur mère.

Mme Villeneuve (Nathalie) : Souvent, on va avoir comme conséquence des enfants aussi qui peuvent être parentifiés, qui vont avoir beaucoup comme le rôle de protéger la mère.

Donc, on voit des enfants arriver en maison d'hébergement, les mères nous disent : Tu sais, il ne dort pas bien, il ne mange pas bien, il fait des grosses crises de colère. Je ne sais pas si ça va être une bonne idée d'aller en maison, parce que, tu sais, il n'est vraiment pas facile, il fait des grosses crises. Mais, quand il arrive en maison d'hébergement, où c'est plus calme, bien, déjà, les mères... On a une maman, là, qui nous disait : Mon Dieu, je ne reconnais pas ma fille. Elle faisait des crises incroyables à la maison puis là, tout d'un coup, elle est plus calme. Mais on sait que ces conséquences-là qu'elle avait à la maison vont revenir. C'est dans les premiers jours, on dirait qu'il y a comme... la tension baisse, l'enfant peut récupérer un peu.

Donc, on... Mais ces enfants-là ne sont pas nécessairement des enfants qui ont été frappés, des enfants qui ont été dénigrés, mais qui vont avoir été témoins, qui vont avoir vu des choses qu'un enfant ne devrait pas voir. On a une petite fille de quatre ans en ce moment qui nous racontait que : Tu sais, maman, là, quand il essayait de t'ouvrir la bouche comme ça, là, puis qu'ils nous expliquent ça, les enfants sont témoins de ça. Non, il n'y a personne qui l'a touchée, cette enfant-là, mais elle a quand même vu ces choses-là. Tu sais, maman, quand je te console, là, après, là... Les enfants sont... C'est plus qu'un témoin, là, c'est une enfant qui est victime. Cette enfant-là, elle a quatre ans, elle a deux ans, a cinq ans, c'est les choses qui restent. Donc, c'est important que ça soit reconnu.

• (21 heures) •

Mme L'Écuyer : Mais actuellement ils n'ont pas accès à aucun des services, ni médical ni de réadaptation... ils n'ont pas accès aux bénéfices de la loi.

Mme Riendeau (Louise) : À l'heure actuelle, ils peuvent avoir accès comme proches de victimes...

Mme L'Écuyer : Ah, comme proches.

Mme Riendeau (Louise) : ...si le fait d'avoir des services... Puis c'est ça, c'était dans le projet de loi n° 25, si, effectivement, le fait qu'ils aient des services concourt à la réadaptation de la mère. Mais le seul fait d'avoir des besoins devrait être suffisant pour pouvoir recevoir du soutien pour ces enfants-là.

Mme L'Écuyer : ...ce que vous dites, l'enfant n'est pas considéré comme un individu à part entière. Si ça concourt à la réadaptation de la mère, il a accès, sinon...

Mme Riendeau (Louise) : Il a accès. Pour les proches, si je me rappelle bien, c'est au niveau du soutien psychologique, c'est 20 séances ou quelque chose comme ça. C'est quand même plus restreint que pour les victimes.

Mme L'Écuyer : Est-ce que c'est trop s'avancer que de dire que presque 95 % des victimes d'actes criminels sont des femmes, ou si je peux monter même un peu plus haut?

Mme Riendeau (Louise) : Moi, je n'ai pas étudié... Bien, d'actes criminels, non, je pense qu'il y a quand même toute une proportion qui sont des hommes, si on pense à des violences de rue ou des choses comme ça.

Une voix : ...violence conjugale.

Mme Riendeau (Louise) : Conjugale? Les statistiques de la police nous disent 85 %. Par ailleurs, tout comme en agression sexuelle, il y a un chiffre noir très important. Certaines études nous disent qu'à peu près le quart des agressions en violence conjugale seraient dénoncées, d'autres nous disent le tiers. Il reste en tout cas au moins 60 %... plus de 60 % des agressions qui ne le seraient pas. Mais, oui, on peut penser que ce que nous, on appelle la violence conjugale, là, que d'autres appellent du terrorisme intime, ou en tout cas qui est une construction, ce n'est pas un geste, ce n'est pas quelqu'un qui perd les pédales une fois, là, c'est vraiment : on contrôle sa conjointe… La très, très grande majorité sont des femmes.

Mme L'Écuyer : M. le ministre annonce qu'il va y avoir une réforme complète.

Une voix : Un grand chantier.

Mme L'Écuyer : Un grand chantier. C'est quoi, vos attentes quand on parle de réforme? Tout le monde a parlé de réforme, j'ai oublié de demander c'étaient quoi vos attentes par rapport à ça.

Mme Riendeau (Louise) : Bien, on...

Des voix :

Mme L'Écuyer : Bien, il est 9 h 5, là.

Mme Riendeau (Louise) : Bien, on a nommé un certain nombre de sujets qui devraient être revisités. La question de l'application de la faute lourde. Les collègues tantôt parlaient de la prostitution. À l'heure actuelle, effectivement, il y a des prostituées qui ont de la difficulté à être indemnisées, même si elles étaient prises dans un système. Parce qu'on dit : Vous avez contribué à être traumatisées. Bon, ça fait partie... Plus maintenant, mais, je vous dirais, à une certaine époque, là, on voyait qu'on disait aux femmes victimes de violence conjugale : Si vous êtes retournée avec votre conjoint, vous avez contribué à une faute lourde. Par bonheur, on ne voit plus ça, mais il y a des choses comme ça à regarder.

Toute la formation des experts, quel pourcentage d'incapacité une victime de violence qui a plus des sévices psychologiques va avoir? Ce qu'on voit à l'heure actuelle dans les évaluations, on est loin d'être sûrs que ça prend l'ensemble du problème en compte. Donc, ça, c'est des choses à regarder.

Le droit à la réadaptation. La loi permet la réadaptation, mais on ne parle pas d'un droit réel à la réadaptation, toute la possibilité d'en appeler au Tribunal administratif pour toute décision sur la réadaptation et le remboursement. À l'heure actuelle, tout ne peut pas aller au TAQ.

En tout cas, il y a plusieurs choses, je pense, qu'il faudrait regarder, puis toute la question des indemnités aussi, également, là. Mais ça, il y a différents points de vue sur ces questions-là.

Mme L'Écuyer : C'est ma dernière question puis après ça je vais laisser la place. Au niveau des évaluations, vous venez de dire : Elles ne couvrent pas nécessairement tous les besoins. On sait que IVAC est une direction de la CSST. Est-ce que, d'après vous, les évaluations ont plus, pour ceux qui connaissent la CSST... Est-ce que c'est plus cette expertise-là qui s'est développée ou si c'est une expertise qui est propre aux gens qui se présentent à l'IVAC, qui ne sont pas des accidentés du travail, là?

Mme Riendeau (Louise) : Bien, moi, je pense qu'il y a une expertise qui s'est développée à l'IVAC, mais il y a des fois des façons de faire ou des façons de gérer qui ressemblent peut-être plus à la CSST, mais on n'a pas fait une grande étude sur ce sujet-là. Alors, je ne m'avancerai pas plus loin.

Le Président (M. Ferland) : Merci, Mme la députée. Alors, je reconnais le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Poëti : Merci, M. le...

Le Président (M. Ferland) : Vous avez environ neuf minutes, M. le député, à peu près.

M. Poëti : Ça ne sera pas si long. Merci, M. le Président, Mme Villeneuve, Mme Riendeau, on s'est déjà croisés, je salue et félicite votre persévérance. Je veux aussi souligner la qualité de votre mémoire et des chiffres qu'on peut y retrouver, les informations qui y sont, à l'intérieur. Vraiment, vous avez un allié avec moi pour défendre votre mémoire.

Je ne serais pas honnête si je ne vous disais pas qu'il y a une chose sur laquelle je ne vous suis pas, et... Parce que vous en avez parlé deux fois, je suis obligé de vous dire que la faute lourde que vous voulez intégrer dans un projet de loi, à mon avis, n'est pas encore le bon véhicule pour le faire parce qu'il existe déjà, ce véhicule-là. J'ai des victimes d'actes criminels, de violence, qui m'ont dit qu'ils ont eu la vie sauve grâce aux policiers. J'ai des victimes qui m'ont dit qu'après, évidemment, l'agression, l'appui et la présence des policiers les ont empêchées de commettre un geste irréparable.

Cependant, quand des policiers commettent des fautes, des erreurs de jugement ou une mauvaise façon d'avoir évalué une victime dans leurs interventions, les poursuites judiciaires, les poursuites civiles, la déontologie policière, la discipline interne et plusieurs de ces paliers-là sont d'un niveau juridique important. Alors, c'est le seul point sur...

Mme Riendeau (Louise) : Bien, je pense qu'on s'est mal compris. Quand on parle de faute lourde, on parle de l'article 20 de la Loi d'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui définit les exclusions des bénéfices à la loi. Et un des paragraphes est : Ne peut bénéficier de l'IVAC quelqu'un qui a commis une faute lourde, c'est-à-dire quelqu'un qui a participé au crime, et donc au traumatisme qui s'en est suivi.

M. Poëti : ...allusion plus tôt de la faute lourde des policiers. Je suis désolé.

Mme Riendeau (Louise) : Pas celle des policiers. C'est la faute lourde au sens de LIVAC.

M. Poëti : Bien, c'est une bonne nouvelle, parce que, là, je vais vous appuyer dans l'ensemble de vos affaires.

Merci beaucoup de votre persévérance, parce que, ce que je comprends depuis ce matin, c'est grâce à des gens comme vous que des choses vont changer. Nous, on est l'outil, hein, pour tenter, évidemment... et, en finale, le ministre de faire cette loi-là, mais la réalité du terrain vient de gens comme vous. Merci.

Mme Villeneuve (Nathalie) : …tout à l'heure, on est persévérantes parce que ça fait 20 ans... Toutes les deux, ça fait chacune 20 ans qu'on travaille dans le domaine, alors on ne lâche pas facilement.

M. Poëti : Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Merci... Mme Riendeau. Alors, je reconnais le député de Saint-Jérôme pour un temps de 4 min 30 s, mais, vous me connaissez, je vais...

M. Duchesneau : Oh, je sais que vous êtes lousse, M. le Président, je le sais.

Le Président (M. Ferland) : Je peux vous laisser jusqu'à cinq, si vous voulez. Alors, allez...

M. Duchesneau : Oui. «Persévérance», je pense que c'est un euphémisme pour vous décrire toutes les deux. On se voit régulièrement, par les temps qui courent, parce que le ministre de la Justice nous tient occupés.

On a parlé que la majorité des victimes étaient des femmes puis tout ça, mais il y a quand même des hommes qui sont victimes d'agression sexuelle, dont on n'entend presque pas parler, où, ici, ça pourrait avoir un impact. C'est parce que les hommes n'osent pas déclarer... Là, vous êtes rendue ma référence, Mme Riendeau. Mais je sais que votre spécialité, c'est les femmes, mais comment on explique ça, que les hommes ne rapportent pas les crimes ou, quand ils le rapportent... on le voit notamment dans les cas d'agression sexuelle, là, dans les collèges ou les choses comme ça, où les gens, 30, 40, 50 ans plus tard le dénoncent? Mais pourquoi on n'a pas plus de regroupements d'hommes victimes d'agression sexuelle? Est-ce que ça existe?

Mme Riendeau (Louise) : Peut-être leur poser la question.

M. Duchesneau : Non, mais je vous l'ai dit : Vous êtes ma référence. Vous devez sûrement vous parler, dans...

• (21 h 10) •

Mme Villeneuve (Nathalie) : Il y a certains organismes qui sont mixtes, qui viennent en aide aux hommes et aux femmes. Qu'est-ce qui fait que les hommes demandent moins d'aide, je pense que c'est... je pense que ça fait partie de la mentalité des hommes. C'est plus difficile d'admettre qu'on a été agressé, peut-être plus difficile. Mais, en même temps, j'aurais envie de vous dire aussi que, pour les femmes qui sont victimes, c'est aussi difficile d'admettre qu'elles ont été agressées. On le disait tout à l'heure, ça peut prendre de 10 ans à 15 ans avant qu'elles dénoncent. Donc, ce n'est vraiment pas notre spécialité, donc c'est difficile, mais, bon...

M. Duchesneau : Non. J'essaie avec le projet de loi n° 22 d'avoir le portrait le plus global possible sans oublier personne. Mais, en tout cas, disons que...

Mme Riendeau (Louise) : Mais il faut réaliser qu'effectivement il y a des hommes qui sont victimes de violence conjugale, il y a des hommes qui sont victimes d'agression sexuelle, mais c'est un nombre qui est quand même plus petit. Et ça s'explique par les rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes, ça s'explique par toutes sortes de raisons. Mais on ne peut pas penser qu'il y a un chiffre noir qui est aussi important.

M. Duchesneau : Non.

Mme Riendeau (Louise) : Moi, je ne nie pas qu'il y en a un, mais...

M. Duchesneau : Mais c'est que dans l'immédiat, je suis d'accord avec vous, les moeurs on changé puis tout ça. Mais les agressions sexuelles dont ont été victimes des hommes sont en train de bouleverser l'Église catholique, par exemple. Donc, si on ouvrait justement peut-être la couverture, ça peut avoir un impact qui est quand même important, puis je pense que ce n'est pas près de se résorber. C'est ça qui était ma question.

L'autre chose que j'ai trouvé intéressante, moi aussi, c'est la faute lourde, mais éviter l'arbitraire. C'est un peu ce que vous nous dites, là, dans l'interprétation qu'on aura de la faute lourde, d'éviter que, si on n'a pas des balises précises, là, que le système dérape, puis qu'on fasse d'une victime une autre victime maintenant de la bureaucratie. Ça, je l'entends.

Puis les difficultés — une dernière question, s'il me reste du temps — lors des demandes, vous en avez parlé brièvement, mais vous les situez dans quel ordre? Est-ce que c'est encore là une exception ou...

Mme Villeneuve (Nathalie) : Non parce que ça arrive quand même assez fréquemment. Parce que, vous savez, c'estun petit peu comme dans les cas d'agression sexuelle, puis Louise le disait très bien tantôt, des femmes qui, tant et aussilongtemps qu'elles sont avec le conjoint, ne vont pas faire de demande d'indemnisation parce qu'elles sont encore avec le conjoint. Elles peuvent avoir rencontré quelqu'un dans ce processus-là qui va dire : Bien, tu sais, tu aurais le droit. Et bon, tu sais, elle va prendre conscience, mais ne va pas le faire encore. Ça fait que, donc, ça peut arriver quand même assez régulièrement — je n'ai pas de chiffre malheureusement — mais que les femmes vont être refusées malheureusement.

M. Duchesneau : Donc, c'est une immense contrainte, c'est que vous nous dites?

Mme Villeneuve (Nathalie) : Bien, oui, tout à fait. Tout à fait. Puis, c'est sûr que, quand il y a un risque que la femme soit refusée, c'est quand même assez lourd remplir tout ça, il faut qu'elle se rappelle qu'est-ce qui est arrivé, donc c'est retourner dans toute, toute cette lourdeur-là, toute cette charge émotive là. Quand tu n'es pas certaine que tu vas être acceptée, souvent les femmes ne vont même pas essayer, là, parce que c'est trop lourd puis c'est comme... Si on ne leur presque garantit pas que ça va passer, des fois les femmes vont dire : Ah! Non, tu sais, je n'ai pas l'énergie.

Puis il faut se dire une chose, c'est que les femmes qui sont victimes de violence conjugale, l'énergie qu'elles ontau moment où elles vivent ça, c'est de survivre, c'est de survivre et de prendre soin de leurs enfants. Elles développent des mécanismes incroyables pour la survie, les femmes qui sont victimes de violence conjugale. Alors, on est loin de : Je vais revendiquer mes droits, je suis centrée sur moi, il n'a pas le droit, je vais... On est loin de ça, là. On est vraiment loin de ça.

M. Duchesneau : Vous avez raison que, lorsqu'elle est victime, la femme protège les enfants, heureusement c'est souvent les enfants qui disent à la mère éventuellement de porter plainte quand les enfants sont rendus plus vieux.

Mme Riendeau (Louise) : Ici, on peut... Tu sais, moi, je pense qu'au niveau des victimes de violence conjugale comme au niveau des victimes d'inceste, c'est des personnes qui ont eu des victimisations qui ont duré très longtemps et qui se sont fait dire : Personne ne va te croire. Alors, avoir l'assurance qu'on va nous croire, là, ça prend beaucoup de soutien. C'est sûr que les victimes qu'on voit, on peut les aider, on peut les accompagner. Mais toutes celles qui sont seules, ça devient parfois mission impossible.

Le Président (M. Ferland) : Merci, Mme Riendeau. Là, nous avons largement dépassé le temps du député de Saint-Jérôme. Mais c'est important...

M. Duchesneau : Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Ça me fait plaisir. Non, c'est important quand même de laisser ceux qui prennent le temps de venir nous présenter les mémoires, et vous avez travaillé fort. Alors, maintenant, je reconnais le député de Mercier. Je vais vous arrondir à quatre minutes, tiens.

M. Khadir : Vous êtes trop aimable. Franchement, M. le Président, je vais vous adopter.

Le Président (M. Ferland) : Je suis chic de même.

M. Khadir : Je ne veux pas accabler le ministre ou le gouvernement actuel parce qu'il y a des éléments dans ce que je vais dire qui remontent à au moins 10 ans, mais qu'on doit assumer collectivement.

Quand je rappelle au ministre : Si on est ici pour établir une nouvelle loi, réformer la loi qui prévalait sur la base des besoins des victimes, des besoins légitimes des victimes d'actes criminels, on peut... on ne peut pas... En fait, je pense que c'est moralement inacceptable qu'on puisse invoquer des considérations financières, surtout pour un gouvernement… et ce n'est pas le vôtre uniquement, collectivement, des gouvernements successifs qui ont accordé au cours des 10 dernières années pour plus de 10 milliards de dollars de baisses d'impôt qui ont contribué en grande partie… qui ont bénéficié aux citoyens les plus riches, d'un gouvernement… parce que c'est le gouvernement du Québec que vousreprésentez qui a donné 200 millions à un milliardaire pour construire un amphithéâtre pour une équipe de hockey professionnelle, un gouvernement qui a accepté d'effacer la moitié des revenus de dividendes dans le calcul de l'impôt, souvent de l'impôt des citoyens les plus riches, qui font des affaires et qui ont des revenus importants de dividendes, qui a abandonné 1 milliard tout récemment pour tenir compte de l'angoisse fiscale des plus riches, a abandonné 1 milliard de revenus légitimes qu'il comptait pourtant aller chercher.

Donc, dans ce contexte-là, surtout dans ce contexte-là, on ne peut pas invoquer des problèmes financiers pour dire : Là, là... Excusez. Regardez, comme ministre, vous, comme nous comme députés, si notre maison était détruite par quelqu'un, on trouverait inacceptable que la police nous dise : Bien, revenez quand le budget va balancer pour qu'on appliquele budget. D'accord? Qu'on applique la justice. Donc, je pense qu'il faut qu'on s'entende là-dessus. On ne peut pas baser les délais, par exemple, les délais pour reconnaître l'indemnisation, on ne peut pas le baser sur ces considérations-là.

Tous les organismes... Le rapport Lemieux dit que, pour l'ensemble des causes, c'est trois ans. Et là, il y a un consensus qui se dégage, qui rejoint d'autres provinces où ça a déjà été appliqué, comme Colombie-Britannique. La Colombie-Britannique, abolition du délai pour les victimes d'agression sexuelle...

M. St-Arnaud : ...sur l'indemnisation, toutes les provinces sont à un an sauf deux qui sont à deux ans. Nous sommes la première province au niveau du délai d'indemnisation à deux ans pour ce qui est de l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Ne confondons pas avec le délai de prescription, qu'on aura l'occasion d'étudier dans un autre projet de loi plus tard ce printemps.

M. Khadir : Oui, oui. Je sais. Je comprends. Mais, pour ce qui est des victimes d'agression sexuelle, parce que, mesdames, on... Réaffirmer comme d'autres que, pour ce qui est des victimes d'agression sexuelle et pour les victimes de violence conjugale, il faut vraiment abolir le délai de prescription.

Question : Que pensez-vous des victimes hors Québec? Parce qu'actuellement par exemple un couple de coopérants qui va à l'extérieur, même une femme qui est victime de la violence de son conjoint — on ne parle pas d'un ressortissant étranger, là, le conjoint — n'a pas de recours actuellement. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec ça?

L'autre question. Le rapport Lemieux estimait à peu près à 50 millions ce que ça coûterait l'application de ses recommandations. Le rapport Lemieux ne fait pas l'unanimité, mais, sur certains aspects, va plus loin que le projet de loi actuel. Si on intégrait les meilleurs éléments du rapport Lemieux, là, qui coûteraient aux alentours de 50, 70 millions, est-ce que vous penseriez que ça, ça rencontrerait mieux vos attentes que la loi actuelle ou pas?

Mme Riendeau (Louise) : Bien, écoutez, quand on a pris connaissance du rapport Lemieux, on a trouvé qu'il y avait beaucoup d'éléments qui effectivement permettraient d'améliorer le régime. Nous avions participé à la consultation que le comité Lemieux avait faite. Et, quand on lit le rapport, effectivement beaucoup de choses pourraient nous permettre d'améliorer le système. Il faudrait, je pense, rediscuter sur cette base-là. Ce serait une très bonne base pour rediscuter de quel genre de régime nous voulons ici.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci madame...

Mme Riendeau (Louise) : Hors Québec, on n'a pas pris position maintenant sur cette position-là, sur cette question-là. Précédemment, on avait pris position pour limiter au Québec, mais je pense qu'on a à continuer la réflexion sur cette question-là.

Le Président (M. Ferland) : Merci, Mme Riendeau. Alors, le temps du député de Mercier étant écoulé... Alors, il restait du temps au ministre. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole pour les quelques minutes.

• (21 h 20) •

M. St-Arnaud : Mais — peut-être juste pour répondre au député de Mercier, là — pour ce qui est du délai pour présenter une demande d'indemnisation, toutes les provinces canadiennes sont à un an, sauf la Saskatchewan et l'Ontario, qui sont à deux ans. Et ce que nous proposons dans le projet de loi n° 22, c'est de mettre deux ans comme les deux autres provinces, Ontario et Saskatchewan, qui ont le délai le plus grand. Pour ce qui est du délai de prescription quant au Code civil, c'est un autre débat plus complexe qu'on aura l'occasion de faire ce printemps.

Moi, je voudrais juste terminer, M. le Président... Et c'est la même chose, on l'a regardé, ce qui se fait ailleurs au Canada, là, puis je pense que, avec ce qui est dans le projet de loi n° 22, on... Vous avez raison, M. le député de Mercier, ce ne sera jamais assez, mais on au moins on est en avant de toutes les provinces canadiennes, et l'argent qu'on met pour l'indemnisation des victimes d'actes criminels, je le répète, je l'ai dit ce matin, le gouvernement du Québec met 100 millions pour l'indemnisation des victimes d'actes criminels, c'est plus que toutes les provinces canadiennes ensemble; l'Ontario met une trentaine de millions, l'Alberta, une dizaine de millions. Mais le Québec met 100 millions, c'est plus que toutes les provinces canadiennes ensemble. Et, plus que ça, nous, on ajoute aussi un 20 millions pour aider, par exemple, les CAVAC, aider les... en aide pour les victimes d'actes criminels, il y a un 20 millions supplémentaire.

Et je veux conclure... Ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas faire plus, là. Puis le projet de loi n° 22 fait plus. Puis peut-être que, à la lumière des débats qu'on aura, en article par article, on jugera que peut-être. Puis peut-être, en regardant des pistes comme celle que le député de Saint-Jérôme a mis de l'avant aujourd'hui, de dire : Est-ce qu'on pourrait envisager... Puis je la lance comme ça, vous savez que, sur les infractions, quand il y a une condamnation à une loi québécoise, il y a un 14 $ qui est perçu, 10 $ s'en va au Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, au FAVAC, il y a un 4 $ maintenant qui s'en va pour le Fonds Accès Justice. Est-ce qu'on pourrait envisager d'ajouter un montant, payé sur les contraventions, sur les petites infractions, un montant de quelques dollars et qui viendrait dans un fonds qui cette fois-ci, contrairement à au FAVAC, qui va dans l'aide, qui irait cette fois-ci à l'indemnisation?

Mais je veux juste terminer notre journée, M. le Président, on va continuer demain, on a quelques auditions demain. Mais je veux juste lancer un message quand même, un message un peu plus encourageant sur ce qu'on fait au Québec. Moi, j'ai commencé à pratiquer le droit en 1982-1983. Je peux-tu vous dire, M. le Président... puis le député de Fabre à peine quelques années plus tard. Mais je peux-tu vous dire, et vous pourriez me le confirmer sûrement, mesdames, puis Mme Gaudreault aussi, les victimes d'actes criminels, en 1982-1983, c'était zéro, les policiers s'en foutaient, les procureurs de la couronne s'en foutaient. Non, mais c'était ça la réalité. Puis il y a eu un ministre de la Justice, qui était de la formation politique du Parti libéral, Herbert Marx, qui a dit : Moi, j'en fais une de mes trois priorités. Puis là on a eu des messages publicitaires sur la violence conjugale, puis on a vu apparaître, vous vous en rappelez, M. le député de Fabre, et sûrement que le député de Marguerite-Bourgeoys, le député de Saint-Jérôme se rappellent de cette époque, là on a vu apparaître des déclarations de victimes. Puis, dans ma pratique, puis le député de Fabre l'a vécu aussi, tout à coup ou a vu apparaître, au palais de justice de Montréal, le fameux 611, c'est-à-dire qu'on a dit, là : Au lieu de faire de la violence conjugale à travers un vol qualifié puis une introduction par effraction, là, comme ça se faisait puis c'était banalisé par tous les intervenants judiciaires, là, disons-le comme c'était, là on a décidé qu'on avait une salle spécialisée, puis des procureurs spécialisés, puis travailleurs sociaux qui rencontrent les victimes avant, puis on ne fait plus n'importe quoi dans ce genre de crime. On a vécu ça, là, dans les années 90. Le réseau des CAVAC, je parlais d'Herbert Marx, mais le réseau, là, il était à zéro, en 1986-1987. Aujourd'hui, on a un réseau, j'ai eu l'occasion de visiter celui de Rimouski, mais un réseau partout sur le territoire, puis, dans les dernières années, on l'a étendu partout sur le territoire. Je le disais, le gouvernement du Québec met 20 millions en aide... aux différents organismes qui viennent en aide aux victimes d'actes criminels.

Alors, comme votre champ de spécialité est la violence conjugale, disons-nous aussi que, dans les années 90, sous les gouvernements Parizeau et Bouchard, on a mis de l'avant la première politique de violence conjugale, puis le gouvernement précédent des années 2000 a donné la deuxième politique sur la violence conjugale, puis, moi, j'ai eu le plaisir de lancer, le 6 décembre dernier, la troisième politique de violence conjugale, 57 millions, 18 millions sur cinq ans, et avec des mesures, puis... Évidemment, ça avait été en bonne partie élaboré par le gouvernement précédent, j'ai ajouté ma petite touche sur un certain nombre de mesures. D'ailleurs, on avait eu l'occasion de s'en parler cet automne.

Alors, je dis tout ça pour dire que... M. le Président, pour laisser un certain message de... Quand même, là, qu'on se le dise entre nous, je pense que, depuis 25 ans, on a fait un méchant bout de chemin, puis, je vais vous le dire bien honnêtement, je pense qu'il n'y a pas grand monde au Canada qui fait ce qu'on fait au Québec.

Cela dit, oui, il y a des lacunes, puis c'est pour ça qu'on a déposé le projet de loi n° 22 : parce qu'il y a des lacunes, des choses urgentes à régler. Oui, il y a des choses à améliorer, je l'ai lu, le rapport Lemieux, puis effectivement, sur le délai pour déposer une indemnisation, elle disait trois ans. Oui, on fait un bout de chemin là-dessus. À la lumière des témoignages qu'on a entendus aujourd'hui, qu'on va entendre demain, est-ce qu'on peut faire plus? Est-ce qu'on peut, par exemple, regarder l'idée qui a été mise de l'avant par le député de Saint-Jérôme, de voir si on pourrait aller chercher plus de revenus, qui nous permettraient peut-être de...

Mais je veux juste qu'on termine la journée quand même en disant : Oui, on a fait un bon bout de chemin depuis 25 ans. Le projet de loi n° 22 nous amène à faire un autre bout de chemin. Et puis, aujourd'hui, on a entendu des pistes pour aller plus loin. Et, moi, je le reconnais, je l'ai reconnu dès mon introduction… mon message d'ouverture ce matin, effectivement, à un moment donné, il va falloir la faire, la vraie réforme. Et je souhaite, et je l'ai dit dès le départ ce matin, plus tôt que tard. Évidemment, ça s'inscrit, puis les membres de la commission le savent, à l'intérieur de toute une série de dossiers qu'on a, là, parce qu'effectivement on doit être rendus, en matière de justice, de lois professionnelles et puis de protection du consommateur, qui sont les domaines que j'ai sous ma responsabilité… je dois être rendu à 10 projets de loi. Puis j'en ai un, le député de Fabre le sait, la réforme du Code de procédure civile, c'est 775 articles, que je vais déposer dans quelques semaines. Alors, je suis rendu à 1 500 articles.

Alors, il faut juste essayer de regarder, là, puis de dire : Qu'est-ce qu'on peut faire tout de suite pour régler certaines lacunes urgentes dans les plus brefs délais et peut-être aller plus loin encore? Puis, effectivement, je pense qu'il y a des pistes qu'on va avoir l'occasion, tous les membres de la commission, de regarder ensemble pour voir si on peut aller plus loin que le libellé du projet de loi n° 22. Puis, oui, ça va prendre une réforme plus globale, à un moment donné, puis il va falloir la faire à un moment donné.

Mais je veux juste terminer notre journée en se disant que je pense qu'on a fait bien du chemin depuis 25 ans. Je pense qu'on va en faire dans les prochaines semaines, puis c'est sûr qu'on va en faire dans les prochaines années. En tout cas, vous le savez, moi, j'espère être là plusieurs années, alors j'aurai le temps de faire toutes ces réformes, toutes ces réformes et de quitter... ensuite, je pourrai prendre ma retraite. Alors, merci beaucoup, mesdames. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci.

Une voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Non, attendez.

Une voix : ...775 articles, il va falloir que le ministre… par article.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Ferland) : Mais je vous demanderais juste...

Une voix : ...des heures de plaisir en plus, M. le député.

Le Président (M. Ferland) : ...quelques minutes encore. Merci. Merci, M. le ministre. Alors, oui, on sait que vous avez 10 projets de loi de déposés. Je vous rappelle que je suis président de la Commission des institutions, et je sais le nombre de projets de loi que vous avez déposé à date, et il y a de vos collègues également qui en ont déposé. Je pense qu'on va manquer de temps.

Mais, ceci étant, Mme Riendeau et Mme Villeneuve, je vous remercie pour votre présentation, votre travail surtout que vous faites, mes collègues l'ont fait ici de façon éloquente. Alors, vous avez à votre manière l'occasion aussi de changer les choses dans notre société, vous le faites bien. Alors, sur ce, je vous remercie. Je remercie le Regroupement des maisons des femmes victimes de violence conjugale pour votre présentation, votre contribution.

Et la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi le 27 mars 2013, après les affaires courantes, soit vers 11 h 30, dans cette même salle, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 22. Sur ce, je vous souhaite une bonne fin de soirée. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 28)

Document(s) related to the sitting