(Quatorze heures quatre minutes)
Le Président (M. Drainville): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de procéder à l'audition du Protecteur du citoyen, Protectrice du citoyen, conformément à l'article 294.1 du règlement de l'Assemblée nationale.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) est remplacé par M. Drolet (Jean-Lesage); Mme Beaudoin (Rosemont) est remplacée par Mme Doyer (Matapédia); M. Cloutier (Lac-Saint-Jean) est remplacé par M. Bergeron (Verchères); Mme Hivon (Joliette) est remplacée par Mme Bouillé (Iberville); Mme Roy (Lotbinière) est remplacée par M. Grondin (Beauce-Nord).
Le Président (M. Drainville): Merci. Alors, la séance va débuter par une courte présentation de la Protectrice du citoyen, puis nous procéderons à une période d'échange avec les membres de cette commission.
Je vous indique que la commission a décidé de procéder à l'étude du rapport annuel 2008-2009 du Protecteur du citoyen, du rapport spécial sur la gestion de la crise de la listériose associée aux fromages québécois ainsi que du rapport spécial sur les services gouvernementaux destinés aux enfants présentant un trouble envahissant du développement.
Mme Saint-Germain, je vous demanderais donc de vous présenter formellement et de présenter également les gens qui sont à vos côtés.
Exposé de la Protectrice du citoyen,
Mme Raymonde Saint-Germain
Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, Merci, M. le Président. Donc, je suis Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen. À ma droite, M. Claude Dussault, vice-protecteur; à ma gauche, M. Marc-André Dowd, également vice-protecteur; et, à sa gauche, Mme Louise Rousseau, qui est directrice des études et des mandats d'initiative.
Alors, M. le Président, M. le vice-président, Mmes, MM. les députés, membres de la commission. Mes collaborateurs et moi tenons à vous faire part de notre appréciation et de nos remerciements pour le temps que la commission consacre aujourd'hui au Protecteur du citoyen, notamment à son rapport annuel 2008-2009 et à ses rapports spéciaux publiés en cours d'année. Nous avons le souci de vous rendre compte de manière à jouer un rôle utile et constructif dans votre travail de parlementaires et nous ferons tout en notre possible pour que cette séance y contribue. Avant de répondre à vos questions, je ferai un bref rappel des principaux enjeux du rapport annuel 2008-2009 et un survol de quelques développements survenus en cours d'année.
Quelques statistiques, très brièvement. Nous sommes intervenus auprès de 60 ministères et organismes, soit 70 % des 86 qui nous sont assujettis, et de 180 instances du réseau de la santé et des services sociaux, soit 58 % des 312 établissements publics assujettis également à la compétence du Protecteur du citoyen. Nous avons agi pour 21 330 citoyens, une hausse de 5,7 % par rapport à l'année précédente, et nous avons obtenu de plus un règlement collectif pour bon nombre de dossiers dont l'impact bénéficie à plusieurs autres citoyens. Les principaux motifs de plainte: les délais, les sommes dues par l'État, le manque de coordination des services et des programmes. Ces difficultés, les mieux nantis et les plus informés, comme les plus faibles et les plus vulnérables peuvent devoir y faire face.
Je vous parlerai maintenant de quelques constats, les principaux constats, en fait, du rapport annuel 2008-2009 et de nos rapports spéciaux. L'ensemble de notre action, en 2008-2009, m'a amenée à mettre en évidence certains constats et préoccupations en matière de prévention des préjudices au citoyen dans la prestation de services publics, contexte que je rappelle brièvement.
J'ai remarqué qu'un écart persiste entre les lois, leurs règlements d'application, les programmes et autres instruments de leur mise en oeuvre. Il y a encore un fossé à combler entre ce qui devrait être et ce qui est en diverses situations. Je constatais également, dans le dernier rapport annuel, que les principes relatifs au devoir d'agir équitablement inscrits à la Loi sur la justice administrative et dans l'esprit de la Loi sur les services de santé et les services sociaux n'étaient pas encore suffisamment connus et, en conséquence, compris et respectés par l'ensemble de l'administration. Si des efforts continuent d'être faits et des progrès se constatent, il faut faire davantage pour s'assurer du plein respect des droits des citoyens et d'une communication optimale avec les agents des services publics. Cette dimension continue d'être au coeur de nos préoccupations.
Les plaintes reçues et les résultats de nos enquêtes mettent également en évidence des dysfonctionnements de l'administration qui résultent en particulier de la complexité des systèmes et de la vision parcellaire de problématiques qui ne devraient pas être isolées. Ce fonctionnement compartimenté a parfois des conséquences lourdes pour les citoyens. J'en prends pour exemple les conclusions de notre rapport spécial déposé en octobre dernier sur les services gouvernementaux destinés aux enfants qui présentent un trouble envahissant du développement. Ces conclusions font état de problèmes importants de discontinuité dans les services publics, dans les approches et dans les rapports humains. Nous avons malheureusement observé plusieurs cas de manque de coordination. Le défi de rendre les organisations interconnectées au bénéfice du citoyen demeure important, et je tiens à dire que c'est un défi très complexe et que nous en sommes conscients aussi. Donc, ce défi il demeure important, et ce, dans toutes les sphères de l'administration.
Deux autres rapports spéciaux ont été déposés à l'Assemblée nationale au cours des derniers mois. Le premier l'a été en juin 2009, sur la gestion de la crise de la listériose associée aux fromages québécois. Ce rapport comportait 13 recommandations qui ont toutes fait l'objet d'un suivi rigoureux et transparent par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et, pour deux d'entre elles, par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Je tiens à le souligner.
**(14 h 10)** Puis, en février dernier, un rapport traitant de la procédure d'enquête appliquée au Québec lors d'incidents impliquant des policiers a aussi été déposé à l'Assemblée nationale. Ce rapport comporte huit recommandations visant à la fois le respect des droits des citoyens concernés et celui des droits des policiers, qui ont tout avantage à ce qu'il y ait justice réelle et aussi apparence de justice dans la conduite de ce type d'enquête. Il s'agit d'un rapport complexe, qui mérite une lecture approfondie et une compréhension fine et dont j'espère qu'il est examiné avec sérieux et ouverture à tous les niveaux. Les intentions relatives au suivi de ce rapport n'ont pas, à ce jour, été communiquées officiellement.
Je veux insister maintenant sur la qualité générale de la collaboration des instances avec le Protecteur du citoyen. Avec 99 % de nos recommandations suivies pour les dossiers individuels et à effet collectif, je suis reconnaissante aux instances de l'administration, tant les ministères et les organismes que les établissements du réseau de la santé et des services sociaux, de la qualité de la collaboration que la très grande majorité d'entre eux apportent au Protecteur du citoyen. Afin de prévenir la répétition de situations préjudiciables, je formule aussi, comme la loi m'y autorise, des recommandations sur des problématiques systémiques dont la mise en oeuvre a des exigences plus complexes et qui nécessitent en général plus de temps. Le rapport annuel 2008-2009 fait état du suivi de ces recommandations avec une appréciation spécifique pour chaque instance concernée. Cela permet de constater certains gains pour les citoyens et aussi de mesurer les écarts à combler.
L'impact de notre travail ne serait pas cependant aussi grand sans l'apport des parlementaires, sans votre apport. Voilà pourquoi nous nous efforçons, dans la mesure de nos moyens et en appui aux services aux citoyens, de fournir un éclairage accru et plus fréquent aux différentes commissions parlementaires et à l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale. C'est ainsi que nous effectuons, à partir d'une grille d'analyse adaptée, un suivi systématique de tous les projets de loi et de règlements pertinents soumis à la consultation respectivement par l'Assemblée nationale et par le gouvernement. En 2008-2009 par exemple, nous avons analysé 68 des 70 projets de loi déposés et 102 des 127 projets de règlement que le gouvernement a soumis à la consultation publique.
Nous soutenons aussi le travail de tous les parlementaires par diverses contributions à des commissions. Quelques exemples récents. Nous avons développé pour la Commission de l'administration publique une grille d'analyse afin d'évaluer la qualité des services des ministères et organismes et le respect des principes inscrits à la Loi sur la justice administrative. Nous avons examiné et fait rapport à huis clos à la Commission de la santé et des services sociaux de notre avis sur les rapports annuels de gestion de cinq agences de la santé et des services sociaux en prévision de leur audition par la commission. Enfin, nous communiquons, au premier chef, à la Commission des institutions, donc à votre commission, ainsi qu'à toute autre commission parlementaire intéressée en raison du contenu abordé, le résultat de nos analyses, en temps opportun, pour les interventions qu'elle pourrait juger pertinent de faire.
En conclusion, mon équipe et moi constatons d'année en année chez la plupart part des ministères, des organismes et des établissements une volonté réelle d'améliorer le service au citoyen dans des conditions d'exercice parfois et même souvent complexes. Nous constatons aussi des situations préjudiciables au citoyen, qui perdurent et ne le devraient pas, ainsi que de nouvelles situations inacceptables. Il reste, en conséquence, place à l'amélioration du rendement des services publics pour mieux assurer le respect des principes de la Loi sur la justice administrative, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux de même que des lois qui encadrent l'exercice des fonctions des ministères et organismes assujettis à la compétence du Protecteur du citoyen.
De manière continue et en faisant fructifier au maximum les ressources qui sont consenties au Protecteur du citoyen, institution de l'Assemblée nationale, je vous assure du maintien de notre grande vigilance et de notre travail impartial dans un esprit constructif et axé sur les solutions. Je vous remercie.
Le Président (M. Drainville): Merci, Mme Saint-Germain. Nous allons maintenant, sans plus tarder, débuter la période d'échange. Et je cède la parole à la députée de Matapédia.
Discussion générale
Rapport sur les services gouvernementaux
destinés aux enfants présentant un trouble
envahissant du développement
Constats et recommandations
Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, je vais y aller tout de suite parce que chaque instant est précieux avec vous, Mme Saint-Germain. messieurs, madame. Bienvenue à la commission. Alors, moi, je vais y aller tout de suite. Je vous demanderais peut-être d'aller à la page 12 de votre document, là où vous parlez des mesures concrètes qui doivent être mises en place pour répondre aux préoccupations et contrer les insatisfactions des parents. Puis là vous énumérez un... La page 12 de...
Une voix: ...
Mme Doyer: Du rapport spécial du Protecteur du citoyen sur les services gouvernementaux destinés aux enfants ayant un TED. Et, à partir de vos constats et à partir de vos recommandations, Mme Saint-Germain, on va suivre ensemble, à partir de cette page-là... Et ça devrait bien aller.
Alors, vous avez fait part d'un certain nombre de remarques ou de lacunes et, suite à ça, aux autres pages, vous arrivez avec des recommandations que vous faites aux trois principaux ministères concernés, c'est-à-dire celui de la Santé et des Services sociaux, celui de la Famille et celui de l'Éducation, Sport, Loisir, Activité physique.
Alors, vous vous êtes basés, pour faire vos recommandations... c'est à partir des plaintes que vous avez reçues, hein, dans le temps, des plaintes, et, j'imagine, de la hausse des plaintes mais aussi d'un constat qui est que, lorsque l'on traite des problématiques d'enfants souffrant d'un TED, d'un trouble envahissant du développement, le critère d'âge est quelque chose qui devrait être pris, je dirais, en relativité, en ce sens que c'est du cas-par-cas. Alors, ceux et celles qui connaissent ça, les cinq principaux, j'oserais dire, entre guillemets, syndromes, il faut prendre ça vraiment cas par cas.
Alors, si on prend, par exemple, le premier constat que vous faites, moi, j'aimerais que vous nous... d'abord que vous nous disiez, dans un premier temps, où en sont les plaintes, l'évolution. Est-ce que ça a diminué? Parce que votre rapport date de 2009, et déjà en 2007 vous vous étiez intéressés à ces problématiques-là. Donc, moi, j'aimerais ça savoir si les plaintes ont augmenté, si ça a été... si ça a évolué. Aussi... Ça, c'est une première des choses que j'aimerais que vous rendiez disponible aux membres de la commission, à moi particulièrement qui est porte-parole, mais à tous les parlementaires, dans le fond, l'état des plaintes maintenant par rapport à ce qu'on a eu dans les années antérieures, ensuite, des informations qu'on a...
On a l'air d'avoir des difficultés à avoir des informations sur les enfants qui ne sont pas inscrits parce que les parents se sont découragés. Alors ça, pour moi, ça m'apparaît quelque chose d'extrêmement important et majeur, en ce sens qu'en 2010, que des enfants ne soient pas inscrits dans les écoles du Québec parce qu'ils ont une problématique reliée à un trouble envahissant du développement... On doit avoir accès à ces données-là, on doit savoir où en est l'état par rapport à cette problématique-là.
La difficulté d'avoir un diagnostic. Par rapport à ce que, nous, nous avons fait, les parlementaires, l'an passé, avec la ministre... l'ancienne ministre de la Justice, nous avions voté et travaillé très fort sur la loi n° 21 -- d'ailleurs, vous la connaissez, je suis sûre, Mme Saint-Germain -- pour qu'on puisse élargir le spectre des... par rapport aux psychologues qui pourraient établir un diagnostic et faire en sorte qu'on accélère la mise en branle de services auxquels les parents et les enfants ont droit.
Donc, si on prend la première recommandation, le constat que vous avez fait: «1. Lorsqu'il y a soupçon d'un problème de développement de l'enfant: l'information, la sensibilisation, la capacité de détection et d'orientation vers les bonnes ressources ne sont pas toujours au rendez-vous.» Et vous recommandez... Vous faites deux recommandations à trois ministères, aux trois ministères concernés «pour que de manière concertée, les trois réseaux s'assurent que le personnel appelé à jouer un rôle d'assistance ait accès à l'information sur la nature des TED et sur les ressources disponibles à l'intérieur de ces trois réseaux». Alors, vous avez fait cette recommandation-là. On va y aller avec ces trois recommandations-là puis, après ça, on regardera qu'est-ce qu'il en est.
Deuxième constat, vous dites: «Le parent est [...] confronté aux controverses scientifiques et à la polarisation des écoles de pensée sur la nature des TED tout comme sur la nature des interventions...» J'ai fait l'exercice, Mme Saint-Germain, tantôt, et j'étais sur Google, les interventions par rapport aux enfants autistiques -- je suis sûre que vous l'avez fait -- et il en sort, il en sort, et ce qui est bon, ce qui n'est pas bon. Les deux qui nous concernent, c'est ICI, intervention comportementale intensive, et TEACCH, hein? Et ce qu'on dit, c'est qu'avant le processus de scolarisation c'est l'intervention comportementale intensive et, quand l'enfant est scolarisé, c'est TEACCH qui embarque, et là il y a comme... Et les parents et les gens qui sont... même les intervenants ont l'impression d'être sur des sables mouvants parce qu'il n'y a rien de trop sûr dans ces interventions-là. Alors, c'est difficile de s'en sortir pour...
Alors, est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir... Ma question que je vous adresse est: Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir un consensus, un consensus minimum sur un certain nombre de choses par rapport à l'ICI, par rapport à TEACCH et une... -- comment je dirais ça? -- une gradation, une progression vers quelque chose sur lequel tout le monde s'entend par rapport à l'intervention qui est faite, avec les parents et avec les milieux concernés?
Le troisième constat, c'est les multiples exigences pour obtenir l'accès aux services. Alors, vous faites des recommandations individuelles aux trois ministères pour que l'accès à leurs services soit facilité. Et, bon, ça, on n'a pas besoin d'élaborer longtemps, seulement déposer le bon diagnostic, que les parents arrêtent d'avoir un parcours du combattant. Vous aviez parlé d'un vrai chemin de croix; moi, j'ai déjà parlé de parcours du combattant. J'arrête ici, Mme Saint-Germain. Qu'avez-vous à dire sur toutes ces questions-là que je vous pose? Où on en est maintenant, en 2010?
Le Président (M. Drainville): Mme Saint-Germain.
**(14 h 20)**Mme Saint-Germain (Raymonde): Merci, M. le Président. Alors, effectivement, beaucoup de choses à dire. Commencer par vous remercier de l'intérêt que vous portez au suivi de notre rapport et qui rejoint exactement notre propre intérêt, parce que je suis en mesure de vous donner l'état du suivi, à ce moment-ci, de chacune des recommandations.
Je veux vous rappeler qu'au-delà des plaintes individuelles que nous avions reçues et qui ont légèrement diminué, parce qu'il y a quand même des choses qui progressent sur le terrain suite au dépôt du rapport, donc en plus des plaintes que nous avions reçues, la décision de faire un rapport spécial dans ce dossier-là a été prise après avoir consulté plus de 115 parents que nous avons réunis dans différents contextes, 165 autres personnes qui sont des adultes qui souffrent de TED -- parce qu'il y a un deuxième rapport en préparation pour les adultes -- et également 13 des commissaires régionaux aux plaintes dans les différentes agences régionales de la santé et des services sociaux.
C'est donc un portrait de la situation que nous avons pris avec les gens du terrain, mais aussi avec des spécialistes, parce que, votre question le soulève, et c'est une dimension extrêmement importante, c'est très complexe, cette question des TED, d'une part parce qu'il n'y a pas d'unanimité au niveau du diagnostic. Il y a un certain nombre d'écoles, autant au niveau de la définition de ce qu'est un trouble envahissant du développement et les quatre autres manifestations qui peuvent y être assimilées que des meilleurs traitements possibles. Et évidemment, pour l'administration publique, ça a jusqu'à maintenant entraîné une série, je dirais, de perceptions, et d'analyses, et de façons de faire qui n'étaient pas, je dirais, interconnectées.
Et c'est le premier constat, c'est le plus important constat de ce rapport, c'est qu'il faut que ces ministères, qui sont des ministères importants et complexes, comme le ministère de la Famille et des Aînés, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport et le ministère de la Santé et des Services sociaux, examinent conjointement cette problématique dans une perspective de services qui sont intégrés.
Alors, jusqu'à maintenant, ce que nous constatons, depuis le dépôt du rapport, c'est que, premièrement, ces ministères ont tous accepté nos constats et ont tous accepté le suivi des recommandations. Et ça, c'est vraiment déterminant pour la suite des choses, c'est ce qu'il y a de plus encourageant. On reconnaît qu'il faut avoir dorénavant, dans l'approche de services, un parcours du gouvernement qui soit axé sur le service à l'enfant atteint d'un trouble envahissant du développement et plus tard à cet enfant devenu adulte, qui aura toujours... qui vivra toujours avec ce trouble envahissant du développement.
Alors, une première série de rencontres ont eu lieu. Là, je réfère à la recommandation n° 1. D'abord, nous avons demandé qu'un répondant pour chacun des trois ministères nous soit identifié et nous fasse part du mécanisme qui sera retenu pour que ces équipes de travail puissent se parler. Alors, nous avons le nom de ces répondants qui ont été désignés dès le dépôt du rapport. Et nous avons aussi, depuis décembre dernier, le nom d'un répondant de l'Office des personnes handicapées du Québec, parce que l'office aura un rôle quand même de coordination assez important dans ce dossier-là.
Il y a eu un comité conjoint interministériel qui a été formé, et un programme de certificat et un programme de deuxième cycle au niveau des TED pour la formation des superviseurs est en cours d'élaboration. Alors, déjà, ça, c'est une démarche importante. Et on peut dire que ça arrive quand même assez rapidement. La mise en place de ce genre... ou l'élaboration de ce genre de programme prend souvent plusieurs années. Donc, on voit qu'il y avait des réflexions et qu'il y a une volonté d'aller quand même assez rapidement. Il y a des rencontres systématiques de suivi qui sont planifiées. Nous aurons d'ailleurs... nous ferons le point à la mi-octobre auprès de chacun de ces répondants ministériels. Et on devrait, de façon plus systématique, d'ici le 31 mars 2011, porter un jugement détaillé sur chacune des recommandations.
Nous avons également, dans le cas de cette première recommandation aussi, constaté qu'au niveau des exigences par rapport... -- vous y faisiez référence dans votre question -- par rapport au critère d'âge, il y a des réflexions qui sont en cours. Il est évident que, pour la dimension des services à la petite enfance et pour la dimension du réseau scolaire, ce sont... le critère d'âge est un critère déterminant parce que c'est un critère d'accessibilité pour tous les enfants, mais il est exact qu'il y a des situations où ce critère d'âge doit être compensé par des critères plus qualitatifs. Alors, nous sommes au fait qu'il y a une réflexion sur cette dimension-là. Et je pense -- je me tourne vers Mme Rousseau -- que nous allons, dans notre deuxième rapport sur les services aux adultes qui vivent avec un trouble envahissant du développement, aborder encore plus en détail cette dimension-là.
Vous parlez de toute cette question du diagnostic, qui effectivement fait partie des problématiques des parents et, je dirais, fait partie aussi des assouplissements que l'appareil public doit vraiment consentir, bon: premier diagnostic pour la garderie, qui n'est pas nécessairement basé, ou appuyé, ou exigé selon les mêmes critères que pour l'école; un autre diagnostic pour l'école, qui, celui-là, doit être médical; et, dans d'autres situations, on accepte, je dirais, des préadmissions sans avoir de diagnostic.
Alors, tout ça est effectivement une question importante qui interpelle les ordres professionnels. À ma connaissance, c'est étudié parmi les travaux, mais nous n'avons pas d'information précise sur l'avancement spécifique de cette dimension-là. Je laisserai tout à l'heure la parole, M. le Président, à Mme Rousseau, qui pourra peut-être commenter davantage. Ça fait partie du problème identifié, mais pour l'instant nous n'avons pas d'information à l'effet qu'il y aurait des changements dans les façons de faire à ce niveau-là.
Donc, pour ce qui est de la première recommandation, je dirais, si je résume pour l'essentiel, les ministères qui avaient des obligations de désigner un responsable, de mettre en place un groupe de travail conjoint ont rempli leurs obligations. Nous avons eu des échanges, et une rencontre est prévue au mois d'octobre.
Concertation des réseaux de services
Mme Doyer: Merci, Mme Saint-Germain. Alors, je vais continuer. Cette espèce de parcours de combattant que les parents ont, lorsqu'ils ont eu accès aux services de garde et que, là, l'horizon de l'école, de l'inscription à l'école arrive, pour eux c'est difficile de faire la transition, par exemple, s'ils ont eu, avec les CRDI, des services, avec les ICI, l'intervention comportementale intensive, et qu'ils arrivent à l'école pour avoir des services. Déjà là, il faudrait...
Quand on parle d'un intervenant pivot, l'intervenant pivot, l'intervenant pivot, et même à l'intérieur de tout ce que j'ai lu de vos recommandations et de ce que j'ai lu là-dessus, ce n'est pas si évident que ça, parce que, là, on se parle à deux niveaux, hein? On se parle du niveau des ministères, d'avoir un répondant, mais, sur le terrain... Parce que ces parents-là sont pris avec ICI maintenant sur le terrain, avec des enfants qu'on doit avoir... pour lesquels on doit avoir une inclusion, pas une exclusion. Et on a vu aussi qu'il y a des fois de l'exclusion par rapport aux services de garde, de l'exclusion par rapport à l'école aussi, parce que les enfants n'arrivent pas à entrer, à être acceptés dans un service de garde et qu'il n'y a pas ce qu'on appellerait la formation, la préparation des services de garde, qui sont quand même assez récents, hein? Les services de garde tels qu'on les a structurés au Québec, c'est quand même assez nouveau.
Alors, moi, c'est toute cette question d'évaluation de l'enfant, d'un intervenant qui serait issu du ministère de la Santé et des Services sociaux mais qui... dès que le diagnostic est posé, on se met en branle à chaque étape de ce que l'enfant doit vivre, en service de garde, à l'école et plus tard.
Et je sais, Mme Saint-Germain, que vous... là, on s'attarde sur les 0 à 7 ans, hein, c'était ça, votre rapport, mais il y a... vous voulez vous intéresser aussi aux adultes, à ceux qui suivent... Ils vieillissent, ces enfants-là, et on le sait que ces problèmes-là vont les suivre tout au cours de leur vie.
Quelle serait la meilleure recommandation que vous feriez pour qu'on finisse par avoir une intervention cohérente, sensée et que, pour les parents... -- comment je dirais ça? -- puissent, au-delà des difficultés qu'ils vivent avec leur enfant, avoir, eux aussi, de l'information cohérente et de l'action cohérente?
Le Président (M. Drainville): Mme la Protectrice du citoyen.
**(14 h 30)**Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, ce que vous décrivez est exactement le parcours et ce qu'on a constaté dans toutes les séances d'information, que ce soit avec les parents et avec les experts. Et la solution première est manifestement qu'il y ait une évaluation qui soit unique et qu'il y ait toute une approche qui soit le dossier ouvert pour chaque enfant et que son dossier le suive tout au long du parcours.
Prenons l'admission en service de garde avec le diagnostic, il n'y a pas de raison que ce diagnostic soit modifié par la suite. On peut compléter le dossier en parlant de l'évolution de l'enfant, de certaines situations qu'il aura vécues et qui auront eu un impact positif ou négatif. C'est pourquoi plusieurs des recommandations du rapport font abstraction de la structure compartimentée des ministères et se concentrent sur le dossier de l'enfant, donc, à la garderie, qu'il ait un diagnostic, que son dossier soit constitué, que, dans le trimestre précédant son entrée à l'école, sa responsable au service de garde puisse entrer en contact avec le futur ou les futurs enseignants pour faire un transfert du dossier, que par la suite ce dossier-là puisse continuer et que toutes les dimensions qui sont liées aux réactions de l'enfant, aux approches particulières à mettre en place, aux besoins additionnels, qu'on soit en réadaptation physique ou intellectuelle, dépendant des situations, que tout ça soit intégré dans un seul dossier et avec un intervenant qu'on appelle -- le nom, le nom était déjà connu, là, nous ne l'avons pas inventé -- l'intervenant pivot.
Vous soulignez que l'intervenant pivot, il n'a pas nécessairement une compréhension commune et que ce n'est pas facile, et c'est vrai, parce que c'est une approche quand même qui est pour l'instant favorisée mais qui n'est pas encore implantée. Et on voit même, dans les premiers travaux, qu'il y a des efforts qui doivent être faits parce que, selon le service de garde, on ne voit pas le même rôle à un intervenant pivot qu'au ministère de l'Éducation, donc dans le réseau scolaire, ou encore en Santé et Services sociaux. Alors, il y aura nécessairement des arrimages à faire. Mais ce qu'il faudra toujours garder en tête, et ce sera constamment la préoccupation du suivi du Protecteur du citoyen, c'est l'impact direct pour l'enfant et l'impact pour les parents, que l'on puisse vraiment abolir ou diminuer les aspérités de l'administration dans ce dossier-là.
Soutien aux familles
Mme Doyer: Merci, Mme Saint-Germain. Alors, pour ce qui concerne tout l'impact financier, l'impact aussi... Vous avez fait part, dans votre rapport, d'une certaine confusion au niveau des exigences qu'on fait aux parents lorsqu'ils doivent avoir accès à de l'aide financière, d'avoir accès à des programmes, et là aussi c'est un parcours du combattant. Comment est-ce qu'on pourrait, avec un dossier unique, faire en sorte qu'à chaque fois qu'ils s'adressent à un ministère ils puissent avoir... -- comment je dirais ça? -- qu'ils n'auraient pas à recommencer à toujours plaider ou donner des preuves du diagnostic qui est posé pour avoir accès à des services?
Alors, à la page 15 de votre rapport, vous dites: «Le parent est confronté à de multiples exigences pour obtenir l'accès aux services. [...]il est souvent pris au dépourvu avec chaque nouvelle étape qui peut causer des retards dans l'accès aux services et occasionner certains frais pour s'acquitter des exigences.» Votre recommandation, bon, c'est que l'accès aux services soit facilité, bien sûr. Puis vous émettez «une recommandation commune afin que les ministères harmonisent leurs exigences en matière de diagnostic ou autres modalités».
Et vous faites un constat aussi du support à la famille qui est déficient. Puis, moi, pour avoir, dans ma propre circonscription, des familles qui ont deux enfants, un qui est considéré comme inapte déjà à 7, 8 ans et l'autre qui va pouvoir se scolariser mais avec un appui... Dans une fratrie justement, il y en a deux, des fois. Alors, pour les parents, c'est d'autant plus important dans des familles, ou dans des familles où il y a deux enfants, puis, s'ils en ont seulement deux, quand ils ne seront plus là, ces parents-là, c'est désespérant un peu, de voir: Qu'est-ce qui va... qui va prendre soin de mon enfant quand je ne serai plus là? Et souvent ça tombe sur le frère ou la soeur qui doit supporter. Puis ça, on le voit, on le voit, Mme Saint-Germain. Alors, comment...
Le Président (M. Drainville): Mme la députée de Matapédia, il vous reste une trentaine de secondes pour conclure.
Mme Doyer: Bon. Je conclus là-dessus. Pour moi, c'est vraiment important, l'encadrement qu'on doit donner à la famille pour ne pas que les couples se séparent -- on le sait, c'est difficile -- et pour les frères et soeurs de ces enfants-là.
Le Président (M. Drainville): Allez-y, Mme la Protectrice, étant entendu que le temps... à moins qu'il n'y ait pas consensus, mais que le temps qui dépassera le 20 minutes sera soustrait du prochain bloc de l'opposition, là. Donc, je vous demanderais -- à moins qu'il n'y ait pas consensus -- je vous demanderais d'être relativement brève dans votre réponse, s'il vous plaît.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Merci, M. le Président. Ce que vous dites est tout à fait fondé. Et la première recommandation d'importance pour faire en sorte que la situation des parents et de la fratrie des familles soit mieux comprise est peut-être cette recommandation que l'on fait aux agents des services publics eux-mêmes pour que d'une part il y ait plus de formation et d'information sur les troubles envahissants du développement, parce que notre enquête nous a permis de comprendre que l'information n'était pas non plus optimale chez les agents des services publics, d'évaluer les modes présentement de fonctionnement, les méthodes et leurs possibilités d'adaptation.
Vous avez parlé tantôt du TEACCH, qui est au niveau scolaire et de l'ICC, l'évaluation... l'intervention comportementale intensive, qui est au niveau des garderies, donc de la petite enfance. Alors, déjà, c'est une dimension qui est importante, s'assurer que les professionnels appelés à aider les parents et la fratrie travaillent ensemble, ont la même compréhension et que leurs connaissances sont tenues à jour, parce que ça évolue, la connaissance sur les TED. Alors, c'est premièrement.
Deuxièmement, le fait d'avoir un guichet unique, un intervenant pivot, un seul dossier avec une continuité de services qui va suivre l'enfant et la famille va déjà en soi être vraiment très éclairant. Et, pour ce qui est des mesures ou des programmes d'aide, bien, que justement ces programmes soient interconnectés, qu'ils soient ceux des garderies, ceux du milieu scolaire, ceux du réseau de la santé, je dirai que non seulement ce sera aidant pour les parents, mais ce sera aussi une économie pour le gouvernement. Parce que, même si ce n'était pas notre angle d'étude, nous constatons qu'il y a des dédoublements, il y a des agents des services publics qui travaillent à plusieurs sur un dossier, avec une toute bonne volonté, mais qu'il y aurait là une source d'économie et en même temps une source de cohérence importante.
M. le Président, je ne sais si Mme Rousseau, qui a dirigé cette étude, s'il y aurait quelques minutes, mais je pense qu'elle est au coeur des suivis, peut-être ce pourrait être intéressant qu'elle apporte quelques précisions.
Le Président (M. Drainville): Bien, s'il y a consensus, allez-y, madame.
Constats et recommandations (suite)
Mme Rousseau (Louise): Oui, je vais essayer d'y aller brièvement. Peut-être vous expliquer un petit peu notre dynamique de suivi. On avait dit qu'on ferait un suivi serré; on fait effectivement un suivi très serré du dossier. Il a été déposé en octobre 2008. On suit effectivement nos plaintes de façon très, très régulière.
Peut-être répondre un peu rapidement. Il y a eu plus de plaintes du côté, évidemment, des adultes que des enfants. Mais on est actuellement à travailler sur la situation des sept ans et plus, ce qui nous permet aussi d'être en contact avec le terrain, qui nous a permis de regarder jusqu'à quel point aussi il y a eu appropriation du rapport par les intervenants du terrain. On a eu beaucoup de commentaires là-dessus et on est optimistes parce que les gens ont dit: Vous avez fait les bons diagnostics, les bons problèmes et les recommandations sont réalistes et structurantes. D'où le fait aussi que ces recommandations-là, étant donné leur nature structurante, prennent un certain temps.
Par contre, les recommandations majeures, l'intervenant pivot, l'évaluation pour résoudre les controverses scientifiques, les projets de recherche ont été lancés. L'intervenant pivot, tout le monde en discute, ils sont en train d'avancer sur la compréhension commune pour enfin en arriver à une solution. L'accès unique, le guichet unique pour l'accès au financement, il y a des travaux qui sont déjà très avancés; ça, c'était à plus court terme.
Donc, on est encouragés sur la façon dont ça s'installe. On a une bonne collaboration de l'ensemble des ministères et organismes à cet effet-là. On continue évidemment à suivre ça de très près. On avait planifié une rencontre en octobre pour faire un suivi d'étape pour la reddition de comptes qu'on a mise à chaque année au 31 mars. Mais on va suivre toujours en cours de route, on n'attendra pas une recommandation en 2012, pour voir juste avant ce qui se passe. Donc, on est toujours en contact avec eux.
Mme Doyer: Bien. Je vous remercie beaucoup de votre travail. C'est extrêmement important pour les parents et les enfants. Merci.
Le Président (M. Drainville): Merci, Mme Rousseau. Merci, Mme la députée de Matapédia. Alors, l'opposition officielle devait avoir un autre bloc de 20 minutes et par la suite un bloc de 28 minutes. Alors là, on vient de dépasser d'à peu près quatre minutes. Alors, s'il y a consentement, je vais le soustraire du dernier... dernier bloc, dis-je bien, le 28, qui serait donc un bloc de 24 à ce moment-là. Je cède maintenant la parole à la députée de Gatineau.
Méthodologie de l'étude
ayant donné lieu au rapport
Mme Vallée: Merci, M. le Président. Alors, Mme Saint-Germain, messieurs dames, bienvenue parmi nous. Vous nous avez remerciés tout à l'heure du temps qui était accordé par la commission à vos travaux, c'est à nous de vous remercier d'être ici et de nous donner un éclairage plus approfondi. Parce que recevoir un rapport, c'est une chose, mais échanger avec les auteurs du rapport sur les suites à donner, sur la méthodologie, sur l'ensemble des faits, c'est une grande chance pour les parlementaires, qui régulièrement croisent des situations qui sont parfois relevées à l'intérieur de votre rapport. Alors, c'est notre privilège de vous recevoir cet après-midi, et on vous remercie d'être là.
J'aimerais vous entendre et j'aimerais qu'on prenne le temps pour que vous nous parliez de la façon dont vous en êtes arrivés à vos constats, c'est-à-dire... Parce que, dans le rapport, vous mentionnez le cas type d'André-Tim et le parcours, les différentes... les difficultés rencontrées par la famille dans l'ensemble de l'évaluation. J'aimerais savoir un petit peu quelle a été votre méthodologie, comment vous avez fonctionné pour en arriver à dresser l'ensemble de ces recommandations-là, les gens que vous avez pu rencontrer, le nombre de parents, de spécialistes. Bref, j'aimerais bien savoir comment vous en arrivez avec des recommandations qui sont aussi particulières, aussi justes. Il y a quand même tout un travail derrière ça, et j'aimerais vous entendre là-dessus.
**(14 h 40)**Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, je vous remercie. Vos mots d'introduction sont très appréciés, et je les recommunique à toute mon équipe, qui a beaucoup de mérite effectivement. Une précision peut-être. Je voudrais passer le message aux parents qui nous écoutent que, bien sûr, nous sommes en suivi de ce rapport, mais, chaque fois qu'il y a une situation particulière ponctuelle pour laquelle nous pouvons agir, il ne faut pas hésiter à téléphoner au Protecteur du citoyen. Nous arrivons à régler parfois, là, quelques dossiers... même souvent, quelques dossiers sur une base individuelle.
Je peux qualifier cette étude-là d'étude scientifique parce qu'elle a été conduite par notre Direction des études et mandats d'initiative selon des règles et des critères qui permettent cette qualification. D'une part, nous avons fait un questionnaire qui était très exhaustif et qui a été administré auprès de 115 parents. Il fallait que ce soient les parents ou les personnes directement responsables d'un ou d'enfants qui vivent avec un trouble envahissant du développement ou l'une des problématiques associées. Nous avons par la suite fait des «focus groups» avec ces parents-là et nous avons aussi consulté les commissaires aux plaintes de 30 agences régionales de la santé et des services sociaux pour voir les manifestations concrètes sur le terrain.
Par ailleurs, nous avons fait une revue de littérature, pas seulement québécoise et canadienne, mais aussi la revue de la littérature la plus à jour, que nous continuons de mettre à jour parce que c'est un domaine qui est en constante évolution, pour faire effectivement plusieurs constats au niveau de ce qui est connu, mais aussi des constats au niveau de ce qui n'est pas connu, de ce qui demeure au niveau de l'interrogation, y compris les causes mêmes des troubles envahissants du développement.
Par la suite, nous avons rencontré une série d'autres parents et des travailleurs du secteur public -- c'est toujours important pour nous d'être en phase avec les travailleurs du secteur public qui sont au coeur des enjeux, au coeur des programmes et des services -- et nous avons également consulté différents experts, pour en arriver, donc, à croiser toutes ces données, à faire un certain nombre d'autres validations et à pouvoir élaborer une première liste de recommandations.
Maintenant, nos recommandations doivent toujours être réalisables, réalisables budgétairement. Non pas que, s'il n'y a pas d'argent, on ne fera pas de recommandations, mais il faut quand même être conscient qu'on peut faire des recommandations extrêmement ambitieuses, mais, s'il n'y a pas d'argent maintenant ou si, par rapport à d'autres priorités, ce n'est pas la priorité numéro un, il faut être capable de jauger la mesure et la capacité de l'État.
Deuxièmement, il faut aussi être capable de nous assurer que l'administration sera en mesure de mettre en oeuvre... non pas qu'on va se plier à la mise en oeuvre que voudra faire l'administration, mais il faut quand même valider le réalisme de nos recommandations. Alors, ça a été fait auprès principalement des trois ministères que j'ai nommés, aussi de l'Office des personnes handicapées. Je peux vous dire qu'il y a eu des négociations, il y a eu de l'amélioration sur les délais au fur et à mesure qu'on négociait, mais je pense qu'il y a eu une bonne entente, là, pour nous assurer, donc, que ce soit réaliste.
Parce que je me suis mise dans la peau des parents, et mon équipe aussi. Il y a certaines recommandations qui seront finalisées et implantées, si tout va bien, en 2013. C'est loin, hein? Mon fils, il a cinq ans, en 2013 il va avoir quel âge? Sauf que ce sont des recommandations structurantes. Ce sera déjà serré d'arriver jusque-là. Il y a des recommandations plus opérationnelles qui vont arriver avant et il y a surtout des allégements administratifs qui sont prévus entre temps. Mais ce ne serait pas responsable, pour faire plaisir, que de dire que tout ça va pouvoir se faire auparavant. Alors, on travaille sur du court terme, du moyen terme et du long terme. On travaille sur le suivi des avancements. Si jamais des administrations peuvent aller plus vite, on va le savoir et on va faire en sorte, avec elles, de pouvoir accélérer les choses.
Alors donc, ça a été notre façon de travailler, et on n'a pas fini. Je parle au passé, mais c'est encore un dossier qui est en suivi très intensif parce que, ce genre de dossier là, il ne faut jamais laisser tomber les suivis. Il faut que le Protecteur du citoyen... je n'aime pas toujours l'expression «chien de garde», mais il faut quand même qu'on soit là et qu'on sente que le Protecteur est là, surveille ses affaires parce que, sinon, c'est trop facile que les choses se perdent dans les dédales administratifs. Sous tous les gouvernements, quelles que soient les administrations partout dans le monde, c'est une problématique, là. Il faut vraiment faire un suivi sérieux.
Alors, c'est comme ça que nous avons travaillé. C'est comme ça que nous travaillons pour le rapport qui concerne les adultes, que nous croyons rendre public l'hiver prochain. Bien sûr, certaines des recommandations de ce rapport-ci, s'il y a un meilleur arrimage des administrations, les quatre concernées, ça va servir aussi pour les adultes. J'oublie les centres de la petite enfance, là, ça ne servira pas, mais, autrement, l'éducation, ça va servir. Il y a d'autres ministères qui sont associés. Et je pense que cette approche de travailler en commun avec les agents de l'administration, les experts, va être... va passer dans les moeurs et devrait donner des résultats porteurs à plus long terme.
Suivi des recommandations
Mme Vallée: Justement, vous parliez du suivi que vous devez faire. Comment, concrètement, vous arrivez à faire ce suivi-là, compte tenu de l'ensemble des mandats qui vous incombent et puis de tout ce que vous avez sur la planche à dessin? Comment arrivez-vous, depuis le dépôt de votre rapport, à assurer une continuité, dans ce qui se fait dans l'ensemble des... dans les trois principaux ministères, en fait, de vos recommandations?
Mme Saint-Germain (Raymonde): Bon. D'une part, nous avons, au Protecteur du citoyen, un processus très rigoureux et très détaillé de gestion... de ce qu'on appelle la gestion des données. C'est-à-dire que toutes les plaintes que nous recevons des citoyens sont, à chaque mois, non seulement enregistrées, mais analysées en faisant différents liens. C'est l'équipe des études et mandats d'initiative qui fait ça. Et donc nous faisons, d'une part, le monitoring de ce qui est nouveau dans un dossier ou ce qui continue d'entrer pour nous permettre de voir s'il y a un impact ou pas.
Deuxièmement, nous avons fait un calendrier, un plan détaillé de suivi, et l'équipe des études et mandats d'initiative, pour chacun de ces rapports spéciaux, a tout un... je dirais, un écran radar, là, qui est informatisé et qui fait en sorte que nous suivons la mise en oeuvre, les étapes. Nous parlons aux différents responsables. Et nous ne faisons pas qu'un suivi, je dirais, de calendrier, en disant: Oui, ils se sont réunis, c'est bien, mais non, mais: Qu'est-ce qu'il y a eu à la réunion? Là, on a une rencontre de mise au point à la mi-octobre. Comment les choses avancent? Et nous sommes assez actifs dans la dimension qualitative parce qu'il faut vraiment s'assurer qu'on va au bout, au maximum de ce qui peut être fait sur le plan qualitatif.
Alors, il y a tout un processus qui est établi, et c'est comme ça pour l'ensemble, là, de nos dossiers, parce que nous avons des délais de traitement dont nous rendons compte dans le rapport annuel de gestion et, pour avoir la connaissance de nos délais de traitement, nous-mêmes traiter les dossiers, bon, selon l'ordre de priorité, selon l'ordre d'urgence et dans les délais requis, alors nous devons avoir ce type, là, de tableau de suivi. Alors, c'est comme ça, donc, que nous fonctionnons.
Mme Rousseau, M. le Président, pourrait peut-être ajouter aussi, si vous souhaitez, dans ce...
Le Président (M. Drainville): Bien sûr. Mme Rousseau.
Méthodologie de l'étude ayant
donné lieu au rapport (suite)
Mme Rousseau (Louise): Oui, peut-être revenir brièvement sur votre question précédente sur les questions de méthodologie. Il faut savoir aussi qu'au niveau des revues de littérature on s'intéresse beaucoup à toutes les études qui concernent l'implantation des meilleures pratiques, donc, pour pouvoir avoir une certaine forme de réalisme. Par exemple, si on regarde l'intervenant pivot, il y a des enjeux, il y a des défis qui sont documentés. Donc, ça nous a permis d'avoir une idée de quel serait un échéancier réaliste pour proposer ce type de recommandation là.
Suivi des recommandations (suite)
Sur la question du suivi, peut-être aussi un ajout. Le fait qu'on reste en contact aussi avec les gens sur le terrain... Là, on est dans le rapport pour les adultes. Il y a toute l'équipe des enquêtes qui est toujours en lien avec les gens, qui nous donne aussi le pouls et le feed-back de qu'est-ce qui se passe sur le terrain, et donc ça nous permet d'améliorer notre capacité de poser les bonnes questions puis d'être au fait pour les suivis. La première année était beaucoup une année dans laquelle les gens devaient mettre en place toutes les choses pour faire avancer, et c'est ça qu'on surveillait, là, beaucoup, et comment les gens interprétaient aussi les recommandations sur le terrain. Parce que, pour que ça donne le résultat escompté, il fallait qu'on voie un peu si les gens comprenaient bien vers quoi on s'en allait avec les recommandations.
Mme Vallée: Merci.
**(14 h 50)**Le Président (M. Drainville): M. le député de Jacques-Cartier.
Organisation des services
M. Kelley: Merci, M. le Président. Et, à mon tour, bienvenue à Mme Saint-Germain et à votre équipe. Les premiers mots sont des mots de remerciement parce que vous avez fourni une version anglaise du rapport sur les troubles envahissants du développement, ce qui est très important, parce que, dans le réseau des commissions scolaires anglophones, c'est la Lester B. Pearson, qui est dans mon comté, qui est le centre d'excellence pour ces questions pour le milieu scolaire anglophone, alors ils ont reçu et lu votre rapport avec un très grand intérêt, parce que ça, c'est les défis qui sont de plus en plus importants. À moi, comme député, ils me donnent l'impression qu'à chaque année on rencontre de plus en plus des parents qui ont des enfants... soit de l'autisme, l'Asperger et toutes ces autres choses qui donnent l'impression d'être un défi croissant à la fois pour notre milieu scolaire, également pour notre milieu des centres de la petite enfance et pour le réseau de la santé.
Et, j'imagine, sans avoir lu le prochain rapport sur les 18 ans environ, on va trouver les mêmes problèmes de transition qu'on trouve entre les zéro-5 ans, où le moment où le diagnostic... où il y a une transition entre le préscolaire à l'école. Pas évident pour le parent surtout de... Il vient de mener une bataille pour obtenir les services pour en bas de cinq ans, puis la donne change complètement, on est en milieu scolaire. Tous les gourous pensent que c'est très important d'intégrer ces jeunes dans nos écoles dans la mesure du possible plutôt que les isoler dans un modèle des écoles uniquement destinées aux enfants TED. Alors, l'idée, c'est de les incorporer dans les écoles jusqu'à 18 ans, où, j'imagine, on va trouver, Mme Rousseau, une autre transition encore difficile.
Qu'est-ce qu'on fait après 18 ans? Parce que ça, ce n'est pas évident non plus. Et, je ne sais pas, dans vos recherches, vos réflexions, est-ce qu'il y a d'autres modèles dans d'autres provinces? Est-ce qu'on serait mieux de donner le tout au ministère de la Santé et des Services sociaux, par exemple, pour être vraiment le «quarterback», si vous voulez, d'avoir la responsabilité pour ces individus tout au long du processus ou est-ce que c'est un parcours inévitable parce que l'école est tellement importante qu'il faut transférer ces responsabilités?
Mais j'essaie toujours de revenir et mettre les souliers de ces parents, qui... C'est toujours très compliqué d'avoir un diagnostic, prendre le temps, une fois que le diagnostic est fait, d'avoir accès aux services en bas de cinq ans. On trouve peut-être un genre d'équilibre, et, tout d'un coup, il y a un bouleversement et on arrive à une autre étape, avec l'école, où on essaie peut-être d'avoir une aide additionnelle dans la salle de classe ou d'autres soutiens pour l'élève à l'intérieur de l'école. Je soupçonne que l'écart entre peut-être en première année ou les premières années du primaire, l'écart entre mon enfant et les autres enfants est moins grand, mais, avec le temps, l'écart devient de plus en plus important, le soutien nécessaire devient de plus en plus difficile. On arrive à 18 ans... on attend le rapport, mais, j'imagine, il y a d'autres séries de problèmes liés à la prochaine transition. Est-ce qu'il y a une autre façon de voir le problème et organiser des services?
Le Président (M. Drainville): Mme la Protectrice du citoyen.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Merci, M. le Président. Merci aussi de vos commentaires. On me fait remarquer, et j'aurais dû insister davantage, nous avons aussi rencontré des personnes qui, elles-mêmes, vivent avec un trouble envahissant du développement. Je m'excuse auprès d'elles, c'est la première chose que j'aurais dû dire, mais c'est tellement inné que j'ai oublié de le mentionner, ça m'apparaissait trop évident.
Est-ce qu'on devrait confier ce dossier ou la coordination de ce dossier au ministère de la Santé et des Services sociaux? Plusieurs formules possibles. Je suis portée à répondre, dans l'ensemble des dossiers que nous voyons, des plaintes que nous traitons, que le ministère de la Santé et des Services sociaux a beaucoup à faire et que peut-être que je n'alourdirais pas encore ses responsabilités. Je pense que c'est un acteur très important, mais il y a manifestement nécessité d'une symbiose des services publics. Oui, le ministère de la Santé est concerné, mais tout au long du parcours, face aux services publics des personnes qui vivent avec un trouble envahissant du développement, il y a des acteurs clés. Au fond, on le voit, ça commence par la garderie, ensuite c'est l'école.
Sur les 18 ans, on est très actifs. Je n'ai pas toutes les conclusions encore, on n'est pas rendus là, mais manifestement l'Emploi et de la Solidarité vont jouer à la fois pour l'intégration au travail, aussi pour la compensation dans certaines situations, des mesures de transition, d'intégration sociale. Donc, oui, le ministère de la Santé est un acteur clé, mais il n'est pas le seul, et je pense qu'il a beaucoup à faire dans d'autres types d'activités.
Pour ce qui est des expériences ailleurs, bien on voit d'une part que nous ne sommes pas les seuls à chercher des solutions. Nous ne sommes pas non plus, je dirais, les derniers sur la planète en termes d'avancement et de préoccupation, on voit qu'il y a quand même une sensibilisation. Maintenant, il est clair que l'organisation des services n'est pas au rendez-vous en fonction de la personne, et c'est notre défi principal. Et, quand on dit «organisation du service», bien ça va jusqu'au diagnostic, hein, on en a parlé, une même méthode, une habilitation la plus grande possible de personnes à pouvoir rendre le bon diagnostic. Et je ne veux pas entrer dans les querelles d'ordre professionnel, mais il faut quand même en avoir, des bons diagnostics, et, si on manque de ressources, bien il faudra trouver quand même des solutions. Après ça, les méthodes, l'ICI, le TEACCH et donc toute cette dimension-là du parcours qui devrait... Ça va un jour, je pense, s'imbriquer naturellement quand on aura franchi toutes ces premières étapes.
Alors, c'est vraiment ça qu'il faut suivre, y aller avec beaucoup de minutie, beaucoup de méthode, travailler sur le court terme et suivre tous les développements. Vous vous intéressez aux expériences étrangères. C'est Mme Rousseau, qui est la directrice des études et mandats d'initiative, qui a fait les revues de littérature et aussi certains échanges avec les experts. Elle pourrait, M. le Président, si vous le souhaitez, apporter davantage de précisions.
Le Président (M. Drainville): Alors, Mme Rousseau.
Mme Rousseau (Louise): Oui. Alors, pour ce qui est des... on a fait une revue très exhaustive des modèles. On le disait tout à l'heure, il y avait beaucoup de controverse en ce qui concernait les enfants. Quand on arrive au niveau du parcours scolaire et du passage à la vie adulte, les controverses scientifiques sont encore plus importantes. Il y a un manque important de connaissances pour venir supporter et appuyer la prise de décision.
Par contre, la prise en compte, avec les méthodes d'analyse scientifique, avec les entrevues qu'on fait à la fois des parents, à la fois des personnes elles-mêmes, nous donne un bon portrait de quelles seraient des voix porteuses. Il y a aussi des choses, et pas juste ailleurs, chez nous aussi, qui sont intéressantes. Il y a des initiatives, au Québec, à certains endroits, qui répondent bien aux attentes des personnes elles-mêmes et de leurs parents.
Donc, il y a des choses comme ça, de transfert de connaissances, à explorer. Et, sans vendre les... on n'a pas terminé nos analyses, mais on va avoir des choses quand même... malgré le peu d'études scientifiques, des choses quand même intéressantes à proposer, là, au niveau de l'organisation.
Le Président (M. Drainville): M. le député de Jacques-Cartier, il reste une minute au bloc. Je peux l'ajouter au prochain, si vous le souhaitez.
M. Kelley: C'est bon. Au prochain, je pense, c'est plus facile.
Le Président (M. Drainville): Très bien. C'est gentil. Merci beaucoup. Je vais céder la parole à la députée d'Iberville.
Enquête spéciale sur la gestion
de la crise de la listériose associée
aux fromages québécois
Suivi des recommandations
Mme Bouillé: Merci, M. le Président. Mme Saint-Germain, madame, messieurs, bienvenue. Je tiens, en partant, à vous dire, que votre travail est vraiment très utile pour nous, les parlementaires. Et on va donc discuter, dans les prochaines minutes, d'une enquête spéciale que vous avez faite sur la gestion de la crise de la listériose associée aux fromages québécois. Et c'était vraiment une crise, là, qui a été vécue à ce moment-là.
Je tiens à rappeler pour les auditeurs que les fromagers du Québec ont développé une industrie fromagère très originale, et qui se distingue de plus en plus, puis qui connaît un beau succès malgré les crises auxquelles ils sont confrontés. Et je rappelle à l'attention des auditeurs que le gouvernement fédéral avait, en 1996, tenté d'interdire carrément la production de fromage au lait cru et il a finalement battu piteusement en retraite, là, devant le tollé que ça a suscité parmi les consommatrices et les consommateurs, qui ont découvert parmi ces fromages-là des fromages de très grande qualité.
Mais on s'est retrouvé après ça, en 2008, face à la crise de la listériose, où il y a eu un samedi noir dans l'histoire de la consommation de fromage au Québec, le samedi le 6 octobre 2008, où il y a eu une décision du ministère de l'Agriculture de détruire les fromages chez plus de 300 détaillants. Et là on parlait vraiment de destruction, c'est-à-dire que ça n'a pas été des échantillons qui ont été pris pour des analyses, ça a été carrément de la destruction, souvent devant les clients, lors d'un samedi, en pleine boutique, où on détruisait carrément les meules de fromage en répandant de l'eau de Javel. Donc, ces fromages-là avaient fait l'objet d'un rappel, ce qui se fait généralement au niveau du ministère de l'Agriculture, mais, devant la décision... Le MAPAQ a décidé que ces fromages-là avaient pu être en contact avec d'autres produits dans les boutiques de fromagers, donc il y a eu destruction à ce moment-là.
n(15 heures)** Donc, vous avez fait votre rapport, et j'en suis très heureuse. Vous avez d'ailleurs soulevé, Mme Saint-Germain, qu'il y avait eu 13 recommandations -- et je vais vous citer -- dans votre présentation que vous nous avez remise: «Ce rapport comportait 13 recommandations qui ont toutes fait l'objet d'un suivi rigoureux et transparent par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et, pour deux d'entre elles, par le ministère de la Santé et des Services sociaux également.» Et vous teniez à le souligner, comme vous le disiez si bien dans votre introduction.
Pour ma part, en relisant les 13 recommandations, toutefois, j'aimerais savoir de votre part: Est-ce qu'il y en a qui ont été refusées carrément, là, que les deux... un des deux ministères ne voulait pas y donner suite ou... Est-ce que, les 13 recommandations, il y a eu une suite de chaque... des deux ministères?
Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le Président, oui, les 13 recommandations ont été suivies telles quelles ou, s'agissant de la recommandation 7, par une mesure que nous avons acceptée comme étant l'équivalent de l'intention de la recommandation. Je m'explique, la recommandation n° 7 était celle qui visait... . Excusez-moi, je me trompe de recommandation. C'est celle sur la compensation financière...
Une voix: ...la 4.
Mme Saint-Germain (Raymonde): C'est la 4. Voilà. Nous recommandions de faire examiner... au MAPAQ de faire examiner par une firme indépendante... évaluer le coût du préjudice qui avait été subi par les pertes qui étaient associées à deux usines de transformation qui ont été à tort identifiées comme étant la source de la contamination.
Alors, le ministère a accepté de faire faire cette évaluation, qui a été faite par une firme indépendante reconnue. Et ce qui a été octroyé -- nous avons été associés incidemment à des échanges et à des discussions avec le ministère à cette fin -- c'est que, plutôt qu'on parle de compensation, qui peut avoir une connotation juridique de faute ou mauvaise intention en ayant nommé ces firmes-là, ce qui n'était pas l'intention de l'Administration, alors le ministère a plutôt consenti un avantage équivalent à chacune de ces deux usines, qui a pris la forme d'un crédit spécial de 25 000 $ et d'une aide financière ponctuelle de 75 000 $, donc au total une valeur de 100 000 $ pour chacune de ces deux usines. Nous avons eu ces propositions, nous les avons examinées avant leur approbation et nous avons considéré que c'était un suivi adéquat. Donc, la réponse est oui à toutes vos questions quant au suivi.
Le Président (M. Drainville): Mme la députée d'Iberville.
Pertes associées au rappel de
fromages de la Société coopérative
agricole de l'Île-aux-Grues
et de la Fromagerie Blackburn
Mme Bouillé: Merci, M. le Président. J'imagine que le rapport d'une firme indépendante dont vous faites... à laquelle vous faites allusion, Mme Saint-Germain, est le rapport de Zins Beauchesne?
Mme Saint-Germain (Raymonde): Oui.
Mme Bouillé: Et les deux entreprises étant la société coopérative agricole de Grosse-Île?
Mme Saint-Germain (Raymonde): De l'île aux Grues.
Mme Bouillé: De l'île aux Grues, excusez-moi. Et...
Une voix: ...
Mme Bouillé: Oui.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Ce n'est pas loin.
Mme Bouillé: Petite confusion. Et la Fromagerie Blackburn. Cependant, si on regarde le rapport... la revue de presse qui a été remise avec votre rapport annuel... j'imagine? Ou cette revue de presse vient de l'Assemblée nationale, M. le Président?
Le Président (M. Drainville): Oui.
Mme Bouillé: O.K.
Le Président (M. Drainville): ...service de recherche de l'Assemblée nationale.
Mme Bouillé: C'était loin de, semble-t-il, dans la revue de presse, correspondre aux attentes des entreprises et de l'association des fromagers. C'était carrément une compensation qui était due à des pertes importantes, extrêmement importantes, là, de fromages.
Et je vous ferai remarquer aussi que, la Fromagerie Blackburn, entre autres, on avait ciblé carrément un fromage, qui était le Mont-Jacob, un fromage qui... bon, je pense, par la suite, on a reconnu que ça avait été accusé à tort. Mais d'ailleurs le Mont-Jacob vient de recevoir cette année le Caseus, un des plus grands prix dans le domaine des fromages, pour ce fromage-là en particulier, là. Et ça a fait un tort considérable à cette fromagerie-là, là.
Donc, il n'y a pas eu de compensation de la part du ministère parce que je comprends que le ministère ne voulait pas reconnaître son erreur, mais ce qui a été accordé à la Fromagerie Blackburn est très, très, très loin de correspondre à ce qu'elle aurait dû recevoir comme compensation et ne fait pas l'affaire de cette fromagerie-là, là, malgré... Je ne sais pas comment vous l'avez examiné. Puis j'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu plus. Vous avez dit que vous avez regardez l'offre.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le...
Le Président (M. Drainville): Mme la Protectrice du citoyen.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Pardon, M. le Président. La réponse... la question appelle deux types de réponse. Premièrement, la réaction des deux usines et comment nous avons travaillé avec elles et, deuxièmement, de façon plus générale, l'ensemble de l'industrie des fromages.
S'agissant des deux usines, nous avons été en contact constant avec leurs dirigeants. Nous avons obtenu copie de tous les documents, de toutes les preuves qui ont été transmises au ministère de l'Agriculture et nous avons constamment agi après avoir pris leur opinion et leur point de vue. Parce qu'à partir du moment où le Protecteur du citoyen conclut qu'un citoyen, sa plainte était fondée ou qu'il a subi un préjudice, à ce moment-là nous agissons pour son compte. Et je puis vous dire que, dans le cas de ces deux fromageries, l'accord qui est intervenu a été fait en toute non seulement connaissance de cause, mais en toute adhésion des deux fromageries en question. Alors, c'est l'information que j'ai.
Et nous avons constamment tenu à vérifier quelles étaient pour eux les possibilités. Et je crois que c'est un règlement, en fonction des chiffres que j'ai vus, c'est un règlement qui est tout à fait raisonnable et équitable, qui n'abuse ni d'un côté, je dirais, fonds publics... C'est quand même important que ce genre de compensation soit raisonnable sur des bases bien documentées. Alors, ça a été fait rigoureusement et raisonnablement. Et c'est équitable, de notre avis, également pour les deux fromageries, sinon nous n'aurions pas accepté que ça puisse être considéré comme étant un suivi adéquat de la recommandation.
Quant à votre deuxième question, vous en appelez plus largement, je dirais, des doléances de l'industrie du fromage face au ministère de l'Agriculture, notamment à toutes les questions qui sont liées au rôle qu'a le ministère dans l'encouragement et le développement de l'industrie du fromage, qui est considérée par le ministère lui-même, et à juste titre, comme un fleuron, là, de l'industrie agroalimentaire au Québec. Ce rapport a donné lieu à différentes rencontres avec autant les fromagers que les représentants du ministère, un certain nombre d'experts aussi, pour voir comment les mécanismes de prévention d'une telle crise... parce que c'est aussi important de voir... Il faut tirer des leçons de ce qui s'est passé.
Notre enquête, il faut bien le dire, démontrait qu'il fallait détruire ce qui était dans les commerces au détail parce que la listériose était manifestement... c'était contaminé au comptoir, et c'était trop difficile et surtout trop dangereux pour la santé publique de prendre des risques de ne pas l'éradiquer de cette façon-là. Alors, il fallait le faire de cette manière-là. Par contre, il y a une approche qui aurait dû être différente et il y a de la prévention pour l'avenir qui est manifestement importante.
Cette enquête a aussi été l'occasion d'examiner les processus et les méthodes d'enquête du ministère, s'agissant de l'industrie du fromage et de tout le soutien, que ce soit au niveau de la prévention, au niveau de l'information, au niveau des méthodes de détection, la façon de prendre les prélèvements, les propres inspecteurs du ministère, comment s'assurer que les guides, que les directives... que leur formation soit adéquate, que, s'agissant d'une industrie particulière que vous avez bien identifiée, là, comme ayant ses caractéristiques propres, il faille que les inspecteurs soient particulièrement spécialisés par rapport à cette industrie-là.
Alors, nous avons fait toute cette série de recommandations. Et les échos que nous avons eus de l'industrie sont très positifs à ce moment-ci. Je n'ai pas aucune autre plainte, et ça, c'est vérifié en date d'hier, nous n'avons reçu aucun autre plainte. Je pense que l'information est plus claire pour les gens de l'industrie, ils savent plus à quoi s'attendre. Les guides ont été produits en temps opportun. Les guides semblent aussi beaucoup plus clairs. La prise d'inspection... la prise d'échantillonnage, l'inspection se fait sur une base aussi plus rigoureuse, parce qu'on a constaté que certaines inspections n'avaient pas été faites, dans certains cas, depuis trois ans, alors que normalement ça doit se faire aux trois mois.
Alors, je pense que ça a été l'occasion pour tout le monde de prendre conscience qu'il y a eu un certain laxisme pour toutes sortes de raisons et que, s'agissant de la fragilité de cette industrie mais en même temps de son importance et de sa qualité, il y avait des gestes de redressement. Et, moi, je ne puis que saluer, il faut le dire, les fonctionnaires, l'administration et les autorités du ministère de l'Agriculture, qui ont pris ça vraiment au sérieux. Et ils ont mis sur leur site Internet... ce n'était aucunement exigé par nous, ils ont mis au fur et à mesure le suivi des recommandations du Protecteur du citoyen. Moi, je pense que ça a été très professionnel de leur part, et je tiens à les saluer.
**(15 h 10)**Le Président (M. Drainville): Très bien. Mme la députée d'Iberville, il vous reste un petit peu plus de sept minutes.
Mme Bouillé: Parfait. Merci. Bien, je vous remercie pour ces informations supplémentaires. Ça nous permet, donc, d'éclaircir la situation et d'avoir l'heure juste. Merci beaucoup.
C'est sûr que je faisais référence à la revue de presse qui nous a été fournie, aux membres de la commission. Puis ce qu'on voit dans les articles, c'est, bien sûr: Le ministre de l'Agriculture a fermé la porte a tout dédommagement, refuse d'admettre... de compenser deux fromagers. Il y a une série d'articles, là, qui datent de juin 2009. Donc, c'est dans cette optique-là que je vous amenais le fait qu'il y avait un suivi régulier et transparent, mais il semblait y avoir un refus très clair du ministre de compenser et d'indemniser ces deux fromagers-là que vous identifiez bien.
Je veux aussi souligner qu'il y avait urgence d'intervenir, et, j'en conviens, c'était la santé publique qui était mise en jeu, mais il y a eu aussi destruction de la preuve, et ça, c'était vraiment... On ne saisissait pas les fromages, on les détruisait sur place. Donc, on détruisait en même temps la preuve qu'il y avait contamination. Et le ministère ne voulait pas reconnaître qu'il y avait contamination croisée. Donc, finalement, en détruisant la preuve, on ne pouvait démontrer non plus que ça pouvait survenir d'une contamination croisée.
Je voudrais savoir de votre part, Mme Saint-Germain: Puisque vous avez analysé les documents de l'entente et vous dites: Ça semblait correspondre à une entente raisonnable pour tout le monde, ce qui ne m'a pas été rapporté, à moi, pour avoir conversé avec les deux fromagers, serait-il possible que vous nous déposiez les documents sur l'entente que vous avez en votre possession?
Mme Saint-Germain (Raymonde): M. le Président, ces documents appartiennent au ministère de l'Agriculture et aux fromagers, donc ce n'est pas au Protecteur du citoyen de les déposer. Je pense que ce sont des documents qui pourraient être rendus publics par l'un ou l'autre, à moins qu'il y ait une entente de confidentialité. Mais je ne suis pas en mesure de déposer ces documents.
Le Président (M. Drainville): Mme la député d'Iberville.
Gestion des risques
Mme Bouillé: Depuis le dépôt du rapport, est-ce qu'à votre connaissance, Mme Saint-Germain, il y a eu d'autres épisodes de listériose?
Mme Saint-Germain (Raymonde): Nous n'avons reçu, M. le Président, aucune plainte. Et, à notre connaissance, à moins que ce soit dans les inspections courantes, il peut arriver à l'occasion qu'on trouve de la listériose dans un produit, que ce soit un fromage ou un autre produit, et c'est pris en charge par le ministère. Mais, sur une base qui aurait l'allure, là, vraiment d'une éclosion, nous n'avons pas d'information à cet effet.
Mme Bouillé: O.K. Mais, Mme Saint-Germain, est-ce que vous considérez qu'un nouvel épisode est possible?
Mme Saint-Germain (Raymonde): La réponse prudente serait de dire qu'un nouvel épisode est toujours possible, mais ce que je préfère vous dire, c'est que, dans la mesure où le ministère a réagi en renforçant ses mesures de prévention, ses mesures d'inspection, je pense que les garanties sont plus grandes qu'on prévienne et que, s'il y avait éclosion, la prise en charge soit plus adéquate. Mais je pense que ce ne serait pas...
Je ne suis pas en mesure d'attester qu'il n'y aura pas d'éclosion et que les conditions d'une éclosion, là, ne seraient... ne pourraient pas à nouveau être réunies, que ce soit pour les fromages ou pour d'autres produits. D'ailleurs, c'est pour ça qu'il y a une agence... il y a l'Inspection des aliments au ministère de l'Agriculture et, dans le cas des industriels, eh bien c'est l'agence canadienne.
Le Président (M. Drainville): Mme la députée d'Iberville.
Mme Bouillé: Vous êtes prudente, Mme Saint-Germain, et je le reconnais, et vous faites bien parce que, vendredi dernier, vendredi soir dernier, il y a eu encore une éclosion... un épisode de listériose. Et ça a pris quatre mois au ministère de l'Agriculture pour émettre l'avis. Donc, les produits sont datés du 26 avril 2010 au 4 septembre 2010 et, malgré le suivi qui est donné, l'avis au public de ne pas consommer les mets cuisinés datés du 26 avril 2010 ont été identifiés par communiqué, par le ministère, 17 septembre 2010, 20 h 14. Donc, les recommandations que vous avez faites, malgré qu'elles semblent être suivies par le ministère ne donnent pas l'effet escompté, Mme la Protectrice du citoyen. Voilà. Est-ce que vous avez eu des échanges donc avec le MAPAQ sur les nouveaux épisodes possibles?
Le Président (M. Drainville): Et je vous souligne, Mme la Protectrice, qu'il reste un petit peu plus de deux minutes à ce bloc.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, le Protecteur du citoyen n'est pas l'inspecteur du ministère de l'Agriculture et de l'Inspection des aliments. Dans cette perspective-là, nous n'avons pas d'échange sur une base régulière pour être tenus au courant des nouvelles éclosions. Ce qui est certain, c'est qu'il peut y avoir des situations de listériose ad hoc venant d'une usine, venant d'un détaillant, et ça, c'est le lot du ministère de l'Agriculture, à l'Inspection des aliments, de gérer ces dossiers-là.
Ce qui nous fait intervenir, c'est lorsque nous-mêmes avons des plaintes des citoyens, que ce soient des entreprises, industriels, des détaillants ou des consommateurs. Alors, j'invite les citoyens qui en auraient à s'adresser à nous. Mais à ce moment-ci nous n'avons pas d'information. Je considère que nous ferons une vérification pour voir ce qui s'est passé dans la situation que vous nous décrivez, alors je vous demanderai quelques renseignements après cette séance.
Mme Bouillé: Merci.
Le Président (M. Drainville): Et je vais maintenant céder la parole au député d'Arthabaska.
Objectifs de l'enquête
M. Bachand (Arthabaska): Merci, M. le Président. Je vous mentirais si je vous disais que je ne me suis pas ennuyé de votre présence durant l'été. Donc, je veux vous saluer, votre secrétaire aussi, d'ailleurs. Je veux saluer les membres de l'opposition et mes collègues aussi qui sont à ma droite.
Mme Saint-Germain, vous savez que c'est toujours un plaisir de vous rencontrer parce que vous avez une foule d'informations à nous donner, puis de l'information pertinente. Mais je sais aussi pertinemment que vous faites un bon travail parce que vous avez une bonne équipe, donc vous me permettrez de les saluer aussi.
Je vous écoutais parler depuis tantôt du mécanisme de prévention puis que c'était important à l'intérieur d'une crise. Puis je vous entendais saluer le travail que le MAPAQ a fait suite aux 13 recommandations que vous aviez faites à la suite de votre rapport. Vous avez compris que j'aimerais parler des rapports spéciaux, mais particulièrement celui de la crise de la listériose associée aux fromages québécois. C'est surtout sur ça que va porter mon intervention.
Moi, je suis toujours fasciné de voir qu'après la crise on a beaucoup de solutions. Moi, j'ai remarqué, à l'intérieur même de votre rapport, que vous parlez beaucoup de prévention. Puis vous avez même dit, et vous l'aviez déjà dit à l'intérieur de certains articles de journaux, mais vous l'avez répété aujourd'hui, et ça, sincèrement, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, moi, là, je n'ai pas trouvé la solution à ça...
Parce que, quand on est en crise, là, bien, c'est parce qu'il n'y a pas eu de prévention de faite, là. Ou bien, quand il y a une crise, là, c'est parce qu'on n'a pas la solution pour répondre à cette crise-là. Parce que je veux juste vous dire, là, que, si on avait des solutions, il n'y en aurait pas, de crise, là, que ça soit la crise de la listériose ou une autre crise. C'est parce qu'en termes de gestion on n'a pas eu de gestion de prévention, parce que sinon il n'y en aurait pas, de crise.
Donc, je me dis... ça a l'air d'une logique implacable, là, puis un peu insignifiant de dire ça, mais je vous dirais que j'ai de la difficulté à comprendre comment on peut faire des reproches de... on peut faire certaines recommandations, ce que vous avez fait d'ailleurs, 13 recommandations sur la gestion de crise, mais des reproches fermes à une crise, c'est... La crise, c'est impersonnel, ça, parce que ça vient de notre organisation sociale. On ne peut pas faire tout un débat philosophique là-dessus, là, mais, quand on dit que la solution pour gérer une crise ou la solution pour ne pas qu'il y ait de crise, c'est de faire de la prévention, bien tout le monde est d'accord avec ça, hein? Mais la gestion de la crise, là... Autrement dit, quand on n'est pas les acteurs de la crise, puis on vient après la crise, puis on dit: Bon, bien, il aurait fallu faire ça, faire ça... Sans dénigrer le travail que vous avez fait, vous avez fait un travail exceptionnel.
Mais je vous dirais que, tu sais, on n'est pas en train d'éteindre le feu, là, on est après l'incendie. Ça fait qu'on s'en va sur l'incendie puis on dit: Qu'est-ce qui a causé ça, là? Mais ceux de la première ligne, là, les pompiers, eux autres, ils ont fait de leur mieux, là. Et, moi, je vais vous dire sincèrement, j'ai toujours un peu de misère avec ça, quand, après que les pompiers aient éteindu un feu, on arrive après le feu puis on dit: Bien, vous auriez dû faire ça. Oui, puis ça, je comprends ça. Sauf que les pompiers... Ce n'est pas ce que vous avez fait non plus, là, je veux bien qu'on s'entende là-dessus, là. Je pense qu'il faut être un peu... il faut être un peu diligent dans nos remarques qu'on fait là-dessus, parce que c'est trop facile de condamner, tu sais, après le fait accompli, là, surtout en état de crise.
Donc, moi, je me dis, on arrive sur les lieux... Puis là je voudrais savoir en gros par quel bout vous avez pris ça et est-ce que ça a fait partie de votre réflexion, à savoir que, bon, écoute, oui, les pompiers, eux autres, moi, je pense qu'ils ont travaillé de leur mieux, là, pour éteindre le feu... Ça, c'est clair, hein? Puis d'ailleurs, là, quand il y a eu la crise du... octobre dernier... septembre dernier, tout le monde a salué le travail des pompiers puis des gens qui étaient sur la première ligne. On n'a pas dit: Bien, ils auraient peut-être... Puis là, après, on a dit: Bien, il aurait dû y avoir de la prévention, puis il faudrait que les services soient plus présents puis qu'on soit plus en mesure de gérer ça. Mais, tu sais, par définition, une crise... Donc, j'aimerais savoir sous quel angle vous avez abordé ça. Ça, ça m'intéresse. J'aurais d'autres questions après.
**(15 h 20)**Le Président (M. Drainville): Mme la Protectrice du citoyen.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, merci, M. le Président. Je vous rappellerai qu'au moment où... avant de décider de faire ce rapport spécial, nous avons fait une pré-enquête pour constater d'une part que la population ne savait pas jusqu'où prendre au sérieux les communiqués et les informations qui étaient contradictoires émanant du ministère, que les fromagers n'avaient pas non plus d'information précise et adéquate à savoir sur ce qui avait dû être détruit, sur ce qu'il fallait faire avec les produits qui restaient soit dans les usines ou soit dans leurs comptoirs et qu'il y avait énormément de contradictions. Alors, nous avons fait une pré-enquête, pour constater...
Et nous sommes encore en période de crise parce que le consommateur se demande s'il doit ou non acheter et consommer des fromages québécois. Et je vous rappellerai que le ministère de l'Agriculture a deux mandats. Le premier, qui a primauté sur le deuxième, qui est donc le second dans ce sens-là... Donc, le premier, c'est d'assurer l'innocuité des produits alimentaires québécois. Et le deuxième, c'est d'assurer la promotion et l'expansion des produits agroalimentaires, donc de l'industrie agroalimentaire québécoise. Et il fallait absolument agir dans le respect de ce double mandat du ministère et dans le respect des priorités, comme je l'ai dit, santé, et ensuite appelons ça les priorités de nature commerciale.
Manifestement, en pleine gestion de cette crise, ni les producteurs ni les consommateurs n'avaient, de la part du ministère, l'information adéquate pour pouvoir se comporter en bons citoyens et pour pouvoir poser les gestes qui s'imposent en termes de santé publique. Nous avons même fait les vérifications auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux pour constater qu'il n'y avait pas eu d'arrimage entre les opérations information qui venaient du ministère de la Santé et celles du ministère de l'Agriculture pour faire en sorte de pouvoir renseigner adéquatement la population pour qu'elle puisse bien savoir comment se comporter face à la consommation des fromages et en même temps pour ne pas créer, je dirais, un psychodrame qui serait nuisible à tous égards.
C'est dans cette perspective-là que nous avons agi. Et je dirai que, bien sûr, quand on fait des rapports comme ceux-là, on travaille pour l'avenir, dans le sens où, quand la crise est passée, c'est difficile de dire «faites ceci», c'est fait, c'est trop tard. Mais il reste que nous avons constaté, dans ce rapport-là, que des gestes de base auraient dû être posés par le ministère et ne l'avaient pas été. Quand on constate que les inspecteurs n'avaient pas les gants, n'avaient pas les bottes, n'avaient pas les équipements stérilisés, il y a eu un problème. Quand on constate notamment que les guides d'inspection...
Parce qu'on préconise beaucoup l'autocontrôle en matière agroalimentaire, notamment au niveau des fromages. Donc, on demande aux fromagers d'être responsables et de faire eux-mêmes un autocontrôle de la qualité des produits avant qu'ils soient mis sur le marché. C'est doublé par une inspection et une surveillance du ministère. Quand on voit que, ces exigences-là de la part du ministère, les critères ne sont pas connus, ce n'est pas... les guides ne sont pas clairs... Ce sont des responsabilités qui sont extrêmement importantes. C'est une dévolution, on dit: On demande à l'industrie de se gouverner en conséquence. Mais il faut que l'État, qui a cette responsabilité, puisse vraiment bien supporter l'industrie et s'assurer qu'il lui donne les moyens d'agir correctement et qu'ensuite ce genre de crise sera prévenue.
Alors, je pense que la meilleure réponse que je puisse donner à votre question sur à la fois la pertinence et aussi l'utilité de notre rapport, c'est que, rapidement, sauf pour la recommandation sur la compensation dont j'ai parlé tout à l'heure, le ministère a accepté les recommandations et, avec sérieux, en a assuré le suivi. Et, moi, je suis d'avis que bien sûr c'est impossible de prédire qu'il n'y aura jamais une autre éclosion, on est dans le monde de la bactérie, dans le monde de l'innocuité, et c'est complexe, mais, moi, je pense que le ministère a agi avec sérieux, s'est rendu compte qu'il y avait un relâchement et a mis en place les garanties les plus grandes qu'on puisse donner à ce moment-ci puis dans la mesure où il continue d'agir comme ça, pour que les citoyens soient de mieux en mieux protégés et que l'industrie agisse avec professionnalisme et connaisse un essor en conséquence.
Et, vous savez, le rôle du Protecteur du citoyen peut être parfois ingrat, mais, si le Protecteur du citoyen n'avait pas fait ça, qui l'aurait fait? C'est vraiment le rôle de prévenir les préjudices et de faire en sorte que les organismes publics puissent améliorer la qualité des services et puissent faire en sorte que les citoyens reçoivent non seulement les bons services en temps opportun, mais les reçoivent dans le meilleur intérêt public. Alors, c'est dans ce sens-là que le Protecteur a agi.
Et je pense que nous ne sommes pas des gérants d'estrade. Nous avons beaucoup le souci de faire des recommandations et de ne pas seulement dire: Voici un problème, réglez-le. Nos recommandations sont généralement concrètes. Nous sommes conscients de la complexité de la gestion des services publics, nous sommes conscients de la situation des finances publiques et nous travaillons de concert avec les ministères et les organismes parce que, sans leur collaboration, c'est certain que ce n'est gagnant pour personne. Alors, moi, je suis très respectueuse de l'administration publique, je pense que toute mon équipe l'est, c'est les instructions que tous les gens ont. Et je pense que ça prend des gestes comme ceux-là et des rapports comme ceux-là pour faire avancer des choses et, oui, à l'occasion, dire: La prochaine fois, il faudra faire autrement parce que, bien, il est parfois trop tard pour corriger ce qui a été fait.
Le Président (M. Drainville): M. le député d'Arthabaska.
M. Bachand (Arthabaska): Si vous me permettez, oui.
Le Président (M. Drainville): Bien sûr.
Impact de la crise
M. Bachand (Arthabaska): Si vous me permettez, M. le Président, merci. Oui, vous dites qu'il faut prévenir les préjudices; ça, vous avez tout à fait raison. Puis je ne remets pas en question du tout l'utilité et la pertinence de votre rapport, hein, on s'est bien compris là-dessus. J'en reconnais toute la pertinence et puis toute l'utilité, ne serait-ce que par la réponse qu'on a eue du ministère en ce qui a trait à vos 13 recommandations. Ils ont pris ça au sérieux. Je voudrais les saluer aussi.
En passant, tant qu'à saluer ceux-là, je vais saluer aussi M. Dubois, qui est propriétaire d'Éco-Délices, qui fait un fromage excellent, le Mamirolle, chez nous, puis La Moutonnière aussi, qui fait un fromage assez inusité, depuis des années qui est une pionnière du fromage de brebis, et son village, Sainte-Hélène-de-Chester. Elle a appelé ça le Sein d'Hélène, son nouveau fromage, S-e-i-n, c'est assez... C'est pour le moins bucolique, là.
Je veux... vous avez parlé du préjudice puis de prévenir les préjudices. Moi, j'ai envie de vous poser la question bien directement: Est-ce qu'on peut gérer une crise sans préjudice?
Le Président (M. Drainville): Mme la Protectrice du citoyen.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Je vais être assez prudente pour ne pas répondre à cette question-là. On peut gérer une crise au meilleur de sa connaissance. On est mieux équipé pour la gérer si on a bien planifié ce qu'on a à gérer. Est-ce qu'on peut en gérer sans préjudice, à première vue, pourquoi pas?
M. Bachand (Arthabaska): Moi, j'ai envie de vous demander: Est-ce qu'une crise peut se passer sans préjudice?
Mme Saint-Germain (Raymonde): Je ne vois pas pourquoi une crise veut dire systématiquement des préjudices. Prenons l'exemple de cette crise sur les fromages. Le Protecteur du citoyen a consulté des experts vraiment scientifiques, Dr André Dascal de l'hôpital de McGill et l'hôpital général juif de Montréal. Et c'est le rapport du Protecteur qui a fait comprendre que, oui, il fallait détruire les fromages qui ont été contaminés par les détaillants parce qu'il était manifeste que le risque pour la santé était très grand et que la rapidité et le niveau de contamination était suffisamment grand pour que ça justifie cette mise à ras de tous ces fromages. Nous ne considérons pas que c'est un préjudice au sens de la santé de la population; c'était un acte nécessaire.
Dans le cas de ce rapport, il y a eu un préjudice à deux usines de fromages. Pourquoi? Parce qu'à tort elles ont été identifiées dans des rappels. Il y a eu une erreur administrative. Je ne blâme personne, ce n'était pas une erreur de mauvaise foi. C'est une erreur. Mais il faut quand même reconnaître que, lorsqu'il y a une erreur qui crée des préjudices à un citoyen, en l'occurrence à deux usines de fromage, on a une responsabilité de corriger cette erreur.
Alors, voyez-vous, c'est l'ordre des choses. Le ministère a bien agi en détruisant les fromages. L'erreur, elle a été là où on a trouvé cette identification. Et donc le ministère n'est pas blâmé pour avoir détruit les fromages, le ministère n'est pas, d'ailleurs, blâmé, le ministère est identifié comme ayant à corriger un préjudice causé à deux usines de transformation de fromage.
**(15 h 30)**M. Bachand (Arthabaska): Ça, c'est intéressant, ce que... pas seulement que ça, c'est tout intéressant, ce que vous me dites depuis le début. Vous dites qu'il y a eu deux préjudices causés à des usines. Vous, vous êtes la Protectrice du citoyen. Moi, ce que j'ai envie de vous dire, c'est que, quand on est en... Parce que, là, on est en crise, hein? Les conflits mondiaux, c'est des crises, un état de crise, hein?
Quand mon enfant était en crise, moi, là, là... on ne savait pas quoi faire. On l'a trouvé avec le temps, l'expérience, là. Mais sa première crise qu'il a faite, là, à l'âge de trois ans, je m'en souviens encore. Ça a créé des préjudices à mon émotivité. Et ça a créé des préjudices à ses jouets parce qu'il en a cassé trois, quatre.
Mais, quand je fais l'évaluation de cette crise-là, là, force est de constater que j'évalue les préjudices que ça a créés. Mais je veux juste vous dire, j'ai envie de vous dire que, quand il y a une crise, là, il y a souvent des préjudices, soit à des personnes, soit à des objets, soit à des gens, parce que sinon, on n'appellerait pas ça une crise, à mon avis, à mon humble avis.
Donc, ce qu'il faut voir, c'est l'étendue des préjudices que ça a causés et à qui ça a causé. Vous, vous me dites: Ça a causé un préjudice à deux industries. Je suis d'accord. Mais, sur l'ensemble de l'industrie, quand je regarde ceux qui sont... Nous, l'effet... du fromage, ça n'a pas tombé chez nous, ça fonctionne encore, puis il y a des Caséus d'or qui sont offerts à plein... Puis c'est à Warwick, ça. C'est voisin de chez nous. Donc, le fromage, c'est vrai que ça a ralenti l'industrie.
Mais, je regarde, au net, vous avez fait 13 recommandations, puis des recommandations qui sont fort intéressantes, elles ont été suivies. Puis aujourd'hui, quand on se retourne, quand on regarde le travail que vous avez fait avec votre équipe, puis je regarde le travail qui a été fait, de par vos recommandations, par le ministère, puis aussi ces recommandations-là ont été suivies par les fromagers, de sorte que... Est-ce qu'on peut dire qu'après cette crise-là on est mieux ou on est pires qu'on était?
Le Président (M. Drainville): Madame.
Mme Saint-Germain (Raymonde): M. le Président, sans fausse modestie, je pense qu'on peut dire qu'après le rapport du Protecteur du citoyen qui a été consécutif à la crise la gestion d'une crise prochaine est probablement mieux planifiée. Et il faut reconnaître que la gestion des préjudices -- parce qu'il y en a eu -- elle a été faite d'une manière très ciblée par rapport à ce que sont ces préjudices. Donc, on n'a pas établi les préjudices pour l'ensemble de l'industrie, mais on a dit très précisément: Ce sont deux usines. Il y a eu une étude indépendante. On a examiné la manière la plus réaliste et raisonnable de faire une compensation, et je pense que ça a été fait selon les règles, dans l'intérêt de ces personnes-là.
Et l'ensemble de l'industrie est bénéfique aussi des mesures additionnelles que le ministère a prises et, je dirais, ultimement, l'ensemble de la population. Parce que ça inspire quand même confiance de voir qu'il y aura quand même des mesures améliorées pour assurer la planification de l'innocuité, la prévention des crises, l'autocontrôle renforcé, une meilleure information des fromagers, que ce soient les détaillants ou les industriels, avec des meilleurs guides, et aussi des inspecteurs qui seront mieux outillés pour agir s'il devait y avoir une éclosion de cette même nature. Alors, je pense que c'est bénéfique pour tout le monde et qu'il faut y voir un effet constructif pour le Québec.
M. Bachand (Arthabaska): Ça va.
Le Président (M. Drainville): Vous avez encore un petit peu de temps. Vous avez encore quatre minutes.
M. Bachand (Arthabaska): Bien, je pense que la conclusion est excellente. Effectivement, je pense que les crises, on peut dire que, de temps à autre... Ce n'est pas drôle à passer, une crise, mais ça peut être constructif sur les relations interpersonnelles de moi et mon enfant, ça peut être aussi constructif à l'intérieur même d'une société. Quand cette crise-là se gère et est gérée, puis surtout, avec le travail que vous avez fait, on peut en retirer des bonnes recommandations, puis, quand ces recommandations-là sont suivies, ça nous permet d'espérer pour l'avenir. Merci beaucoup, Mme la Protectrice.
Le Président (M. Drainville): Merci, M. le député d'Arthabaska. C'est au tour maintenant du député de Beauce-Nord.
Contrôle et inspection
des fromages importés
M. Grondin: Alors, merci, M. le Président. Alors, on va continuer dans les fromages. Bonjour, à vous tous. Moi, je... en tout cas, je pense que je suis placé pour comprendre un peu parce que je suis un ancien producteur de lait. Alors, quand vous avez parlé que les fromages, c'est un monde de bactéries, je suis au courant de ça. Et puis on sait que c'est un domaine très délicat. Puis, aujourd'hui, les gens ne peuvent pas savoir comment ça peut être contrôlé à la base, parce qu'aujourd'hui chaque vache est contrôlée, le lait est contrôlé à la ferme, est contrôlé à la fromagerie.
Alors, moi, ce que je peux en déduire, de tout ça, ce qui était... ce que j'ai trouvé le plus dommage dans tout ça, c'est que la matière première était excellente, c'est des équipements qui ont contaminé le fromage. Mais, là où je trouve le plus gros problème, c'est qu'on a été identifier des fromages comme étant des fromages problèmes, tandis que ce n'était pas ça du tout, c'était l'équipement qui a fabriqué ces fromages-là qui était le problème. Ce n'était pas la matière première qui était le problème, c'étaient les équipements. Alors, c'est là où ça a causé un problème dans l'industrie de toute la production de lait. Je pense ça a été là le plus gros... je pense, le plus gros problème.
Aujourd'hui, là, c'est sûr que... C'est sûr que, si je me mets à la place du MAPAQ, il n'avait pas beaucoup de choix. Quand on sait que la santé publique est en cause, c'est sûr qu'il faut prendre des moyens qui s'imposent. Mais il y avait quand même beaucoup de fromages qui étaient en meules qui n'avaient pas encore été séparées, rien de ça. Ils ont tous été «scrappés». Et puis je suis persuadé que 80 % de tous ces emballages-là qui étaient complets n'étaient pas affectés du tout. Mais ils n'ont pas pris de chance. En tout cas, on a réduit la crise le plus rapidement possible.
Mais, moi, je voudrais savoir qu'est-ce qu'il en est des produits qui viennent des importations de fromage, des fromages de lait cru, à base de lait cru. Est-ce qu'ils ont les mêmes contrôles, les fromages qu'on importe aujourd'hui, que les fromages qu'on produit au Québec? Parce qu'on sait que, là, on a resserré les normes. Au Québec, on tient les normes... dans le domaine de l'agriculture, dans le domaine des fromages, dans le domaine des viandes, les normes sont très sévères, mais on ouvre la porte à beaucoup d'importation. Est-ce qu'on exige les mêmes choses des produits importés au Québec?
Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le Président, cette question amène à répondre que les fromages d'importation sont contrôlés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ACIA, et donc ce n'est pas sous la responsabilité du Québec, ce n'est pas sous la responsabilité du ministère de l'Agriculture. Je sais que les normes ont aussi été resserrées, par suite, entre autres, de notre rapport, même à ce niveau-là, parce qu'il y a eu des vérifications qui ont été faites, il y a des... le ministère de l'Agriculture a travaillé avec l'agence fédérale. Mais, pour ce qui est de répondre de façon très précise et pointue sur l'écart et les divergences entre les normes, je vous référerais plutôt, là, éventuellement aux spécialistes, là, du ministère de l'Agriculture. Mais votre question réfère à la responsabilité de l'agence fédérale d'inspection des aliments.
Rapport annuel 2008-2009
Plaintes concernant la Commission
de la santé et de la sécurité du travail
et la Société de l'assurance automobile
M. Grondin: Alors, merci. Alors, on va changer de sujet un petit peu, vu que, moi, je vais passer juste une fois. Je voudrais savoir, au niveau de la Société de l'assurance automobile, au niveau de la CSST, vous avez marqué, dans votre rapport, qu'il y a... les attentes ont diminué, mais il y a encore beaucoup d'attentes. Mais, dans tous les... je pense que, tous les députés, on reçoit des gens fréquemment qui ont des problèmes avec la Société de l'assurance automobile, CSST. Moi, j'ai toujours de la difficulté à comprendre comment est-ce que la société... ces deux société-là peuvent toujours contredire les médecins des individus.
Si j'ai un accident, moi, je vais voir un spécialiste chez nous en... un spécialiste qui me fait un rapport. J'arrive à la société, puis la société dit: Bon, bien, là, on va étudier ton rapport, mais ils l'amènent à un autre médecin qui contredit ce rapport-là. Eh bien, là, le temps qu'ils s'obstinent, ces médecins-là, les personnes n'ont pas de revenus, et, c'est souvent, on se ramasse en cour avec des avocats. Et puis, quand on a formé la Société de l'assurance automobile, c'était pour éviter ça. Puis là on est rendu que, si tu veux gagner ta cause, la seule manière de t'y prendre, c'est de prendre un avocat puis d'amener tout le monde en cour. Alors, on revient à ce qu'on a voulu éviter. Comment est-ce qu'on peut expliquer ça à nos gens?
**(15 h 40)**Mme Saint-Germain (Raymonde): Vous touchez, M. le Président, une question très sensible. Et effectivement c'est une question de gros bon sens. Ces deux régimes-là, que ce soit l'assurance automobile ou la santé et la sécurité du travail, sont des régimes, d'abord, à fort volume. C'est sûr qu'on a beaucoup de plaintes, mais c'est... je ne dirais pas normal, mais ça s'explique du fait qu'il y a beaucoup de citoyens qui sont admissibles ou concernés par ces régimes. Et ils sont administrés dans une perspective évidemment d'économiser le plus possible, que ces régimes coûtent le moins cher possible, que ce soit aux employeurs, ou à l'État, ou aux assurés.
La question de la contrevérification -- en particulier pour l'assurance automobile, c'est le sens de votre question, mais ça vaut aussi, je l'ajoute, là, pour la CSST -- des preuves ou des diagnostics médicaux, c'est une problématique importante parce qu'effectivement souvent le médecin traitant du citoyen va établir un diagnostic et, sur le plan administratif, on revient à la société en disant: On n'a pas suffisant de preuves, ce n'est pas suffisamment documenté. Et donc, on veut vraiment s'assurer que -- ce qu'ils appellent dans le jargon, c'est la lésion -- donc la lésion, elle est fonction d'un accident d'automobile ou d'un accident de travail. Alors là, on a une propre équipe de médecins dans ces deux organisations et aussi on fait affaire avec des médecins sur une base à contrat. Souvent, ça va être des médecins retraités ou qui font cela à temps partiel.
C'est une problématique importante parce que, d'une part, ça allonge les délais pour les citoyens, deuxièmement, ça mobilise du personnel médical dans le réseau de la santé et des services sociaux et, troisièmement, ce n'est pas la moindre des raisons, le citoyen, pendant ce temps-là, il n'a généralement que très peu d'autres sources de revenus. C'est un travailleur qui a eu un accident de travail, c'est un accidenté automobile qui, seul, peut être assuré par son assurance automobile.
Alors, c'est pourquoi, le Protecteur du citoyen, on interpelle beaucoup ces deux organisations-là, pour pouvoir alléger les procédures, s'assurer que les médecins généralistes qui font les diagnostics ont tout de suite la bonne information sur ce qui est les bons formulaires -- parce qu'on a aussi... parfois le médecin n'a pas rempli le bon formulaire, et ça retarde le tout -- donc, pour que ces médecins-là agissent le plus rapidement possible et que la validité du premier certificat médical, sauf dans des cas de fraude suspectée, parce qu'il faut reconnaître qu'il y a aussi parfois des situations de fraude potentielle, et ça, il faut quand même que l'État puisse exercer un certain contrôle... donc, qu'on agisse une seule fois, avec le bon certificat, le bon diagnostic médical et que ce soit allégé autant pour l'Administration que pour le citoyen.
Donc, c'est une problématique qui tend, par ailleurs, à s'améliorer. Depuis deux ans, je dois le dire, avec la Société de l'assurance automobile, les délais sont passés de plus de 100 jours, en fait, 115 jours à 30 jours, ce qui a un effet domino, par ailleurs, sur le Tribunal administratif du Québec lorsqu'il y a des contestations. Alors là, c'est le tribunal qui a maintenant... la chambre des assurances a un arriéré de dossiers.
Mais il reste qu'effectivement c'est un bel exemple de situations où il y a des gains qui sont obtenus, mais il faut encore être vigilant pour qu'il y ait de l'allégement administratif et qu'on utilise à bon escient les ressources du réseau de la santé qui font des diagnostics médicaux pour des programmes de l'État de la manière la plus efficiente possible.
M. Grondin: Vous savez, aujourd'hui -- puis, moi, c'est arrivé chez nous à mon bureau, j'imagine que ça arrive ailleurs aussi -- les citoyens viennent nous voir, qui ont des problèmes avec la Société d'assurance automobile surtout, parce qu'aujourd'hui beaucoup de gens n'ont pas de médecin de famille, et ça prend un médecin pour remplir les papiers. Il faut commencer par trouver un médecin pour remplir les papiers. Puis je dois vous dire que les médecins ne veulent pas remplir les papiers parce que c'est des dossiers qui sont... il y a beaucoup de paperasse, puis c'est long, puis... C'est un problème qu'on vit. Il faut commencer par trouver un médecin qui veut remplir ces papiers-là. Puis je trouve ça, moi... je trouve ça un petit peu, là... Je ne sais pas où le Protecteur du citoyen peut se situer là-dedans, mais il reste que le citoyen, là, qui n'a pas de médecin de famille, il est dans l'embarras.
Le Président (M. Drainville): Mme la Protectrice du citoyen.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le Président, en entendant le député, j'ai l'impression d'être au téléphone au Protecteur du citoyen. C'est une problématique tellement réelle que nous l'entendons régulièrement. C'est pourquoi nous avons fait des recommandations pour justement alléger les exigences, ne pas les démultiplier et faire en sorte aussi que, dans certaines situations, des documents qui sont au dossier médical, lorsque le citoyen accepte qu'ils soient transmis, puissent être remis sans que le médecin puisse à nouveau devoir signer, parce qu'effectivement, pour les médecins, c'est très onéreux en temps et ce n'est pas ce pour quoi d'abord ils ont été formés.
Alors, on continue d'y travailler, mais le meilleur message ou le message le plus concret que je puisse dire aux citoyens, c'est: Dans ces situations-là, adressez-vous au Protecteur du citoyen. On va voir directement chacun des dossiers. On a des interlocuteurs dans les deux organismes publics et on essaie, là, le plus vite possible, d'obtenir le règlement de ces dossiers-là. Alors, on travaille parallèlement sur l'allégement, mais aussi sur le règlement de chacun des dossiers individuels.
Le Président (M. Drainville): M. le député de Beauce-Nord, il vous reste encore sept bonnes minutes.
Confidentialité dans le
traitement des plaintes
M. Grondin: Alors, merci. Je vais en profiter, moi, pour amener des cas que je vis chez nous, dans mon comté, parce qu'on en profite pour passer nos cas de comtés dans ce temps-là. Qu'est-ce qui arrive avec des personnes... On parlait, tout à l'heure, beaucoup des enfants en difficulté qui ne trouvent pas leur place, où on les situe dans le système. Vous savez qu'il y a beaucoup... J'imagine que vous êtes au courant des... Vous, vous êtes au courant des gens qui font des plaintes, mais il y a beaucoup de gens qui n'en font pas, de plainte parce que...
Je connais des enseignants, moi, qui se disent: On sait qu'on a des problèmes, dans notre école, avec des enfants en difficulté, mais on ne peut pas faire de plainte parce que notre situation est précaire. Si je fais une plainte pour dire au Protecteur du citoyen ou aux organismes gouvernementaux que j'ai des enfants... que j'ai des problèmes dans mon école, c'est moi, l'année prochaine, quand il va arriver de signer mon contrat pour... parce que mon emploi est précaire, je vais être sur la liste noire, alors je n'aurai pas de contrat. Alors, je me ferme la boîte puis j'essaie de toffer ça. Comment est-ce qu'on peut gérer une situation semblable?
Mme Saint-Germain (Raymonde): M. le Président, ce que le député affirme, au niveau des plaintes, dans le fond, des citoyens qui ne se plaignent pas même s'il y aurait matière, ça correspond à ce que j'appelle souvent... ce qu'on voit, au Protecteur du citoyen, ça peut être la pointe de l'iceberg parce qu'il y a des gens, d'abord, en santé et services sociaux, qui sont malades, qui s'occupent le plus possible de leur situation, et c'est un recours de deuxième niveau, donc c'est en appel déjà des plaintes qui sont logées auprès des commissaires. Alors, ça veut dire qu'il y a quand même un nombre important de situations qui ne viennent pas nécessairement à notre connaissance. C'est pourquoi, dans le cadre de nos enquêtes, de nos communications sur le terrain, nous sommes très sensibles à observer tout ce qui peut se passer et à essayer de rejoindre les citoyens.
Vous référez, au fond, à la crainte des représailles. Qu'est-ce qui arrive si quelqu'un sait que je me suis plaint au Protecteur du citoyen? Alors, moi, j'assure, et mon équipe aussi, les citoyens: Nous agissons vraiment de manière confidentielle, et, lorsque les citoyens craignent des représailles, ils peuvent nous en informer, mais, même nous, on a toujours ça vraiment en tête. Alors, quand on agit...
Prenons l'exemple d'une plainte dans un CHSLD. Une dame... la fille d'une dame va se plaindre que sa mère, par exemple, n'a pas sa médication en temps opportun et qu'on met à son dossier qu'elle a des bains tous les jours, mais, dans les faits, ce n'est pas ça. Alors, nous, dans ces situations-là, on va aller au CHSLD sans s'annoncer puis on va regarder 10 dossiers, dont bien sûr celui de la dame. On ne va pas regarder un seul dossier parce que, d'une part, ça peut être un cas exceptionnel, et 10 dossiers nous donnent aussi plus d'enseignement qu'un seul, et ça nous permet d'assurer la confidentialité de la personne.
Votre exemple dans le réseau scolaire, je me permets, M. le Président, de le commenter, parce qu'évidemment le Protecteur du citoyen a compétence sur le ministère de l'Éducation, mais n'a pas compétence sur les écoles. Par contre, je peux vous dire que des situations nous sont transmises, soit par des parents mais parfois aussi par des professeurs, qui nous permettent d'intervenir auprès du ministère de l'Éducation. Notamment, on a une situation qui nous préoccupe présentement, c'est que parfois des parents vont se plaindre en commission scolaire et vont recevoir des mises en demeure. Et c'est un phénomène, là, qui semble émergeant. Alors, c'est une situation que nous sommes à documenter pour pouvoir en informer le ministère et demander au ministère d'agir dans ce sens-là, dans la mesure où ça nous apparaît, là, assez préoccupant. Mais donc, au Protecteur du citoyen, on protège le citoyen, y compris par rapport à la crainte de représailles.
Je dois dire aussi que le régime de traitement des plaintes, c'est un régime d'amélioration de la qualité. Dans les services publics, lorsqu'on constate des situations qui devraient être améliorées, des gestes qui n'ont pas été posés et qui devraient l'être, très souvent ça donne lieu à de l'information à l'ensemble du personnel, des modifications des pratiques, et c'est bénéfique à toutes les personnes. Et la collaboration des agents des services publics, elle est vraiment... elle est vraiment là pour améliorer la situation. Alors donc, dans ce sens-là, le Protecteur du citoyen est bien reçu dans les établissements, dans les ministères. C'est sûr que, quand le Protecteur vient, c'est parce qu'il y a une plainte. On aimerait mieux qu'il n'y ait pas de plainte, mais, de façon très générale, nous ne sommes pas reçus comme des gens, au fond, qui viennent causer problème, mais, bien au contraire, notre façon de travailler est constructive, et les gens nous ouvrent les portes, et il n'y a pas de relations tendues.
M. Grondin: Merci.
Le Président (M. Drainville): Encore deux bonnes minutes, M. le député de Beauce-Nord.
Protection de la jeunesse
M. Grondin: Bon. Alors, une autre petite question. Moi, j'ai des familles, mettons, qui ont des enfants en difficulté, qui viennent nous voir, nous disent, mettons: J'ai deux enfants qui ont des problèmes, je n'ai pas de support de l'État du tout. Si je prenais mes enfants, puis que j'irais les porter au CLSC, puis je dirais: Occupez-vous-en, ils seraient placés en famille d'accueil avec un support de tous les temps, et on n'est pas capable de donner le même support à la famille si elle veut garder ses enfants chez eux.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Là, vous touchez le domaine de toutes les plaintes au niveau de la jeunesse, des services de soutien à domicile, des directions de protection de la jeunesse. C'est un nombre de plaintes qui est en hausse. Je fais une nuance. Si quelqu'un dit: Je ne suis plus en mesure de subvenir, pour toutes sortes de raisons, aux besoins de mes enfants, que ce soient des raisons comportementales ou financières, et qu'on va au CLSC, ça ne sera pas aussi simple que de dire: Le CLSC va les prendre, va les confier au DPJ. Il y a quand même un certain nombre de règles assez strictes. Et éventuellement, avant qu'il y ait un placement, il faut recourir au tribunal, à une ordonnance du tribunal.
Les centres jeunesse sont là pour des situations particulières, mais je dirais qu'il y a plusieurs services publics qui peuvent aider des parents dans un contexte comme celui-là. La première porte d'entrée, c'est le CLSC. Une des difficultés, c'est que les CLSC, en particulier en région, pour différentes raisons, ils sont souvent débordés et ils ne sont pas toujours en mesure de donner un service immédiat, parce qu'il faut faire de la référence, il y a des pénuries de professionnels. Alors, ce n'est pas toujours simple pour les parents. Mais il reste que, lorsque des situations comme ça sont portées à notre connaissance, on examine rapidement le dossier et là on appelle au CLSC concerné pour voir quelle aide peut être apportée. On donne des conseils aussi aux parents.
Au Protecteur du citoyen, c'est une équipe multidisciplinaire, il y a des travailleurs sociaux et des infirmières, des avocats, il y a des physiothérapeutes, mais on a, disons, des bons interlocuteurs partout dans le réseau. Alors, selon la gravité et la priorité des dossiers, on peut voir comment conseiller les citoyens pour qu'ils puissent obtenir de l'aide. Et c'est certain que les cas qui seraient graves et lourds, manifestement, là, il y a une façon d'obtenir ce qu'on appelle une cote de priorité pour faire en sorte que ces citoyens soient pris en charge par le service qui est adapté.
Mais chaque cas est parfois individuel, alors il ne faut pas hésiter, on fait tout notre possible. Et j'en profite pour souligner que nous avons des références des bureaux de comté de tous les députés de toutes les formations politiques. Et notre rôle est aussi de vous aider à aider vos concitoyens. Alors, je vous remercie de nous faire confiance, et nous sommes à votre disposition.
**(15 h 50)**M. Grondin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Drainville): Merci, M. le député de Beauce-Nord. Je vais maintenant céder la parole au député de Jean-Lesage.
Rapport spécial sur les services
gouvernementaux destinés aux
enfants présentant un trouble
envahissant du développement (suite)
Expériences menées en région
afin d'améliorer les services
M. Drolet: Merci, M. le Président. Mme Germain, ce ne sera pas très long dans mon cas. C'est pour peut-être revenir un petit peu sur mon collègue, dans certaines questions par rapport aux troubles, naturellement, envahissants de développement. Et tantôt, Mme Rousseau, si vous me permettez, vous avez parlé un petit peu de votre affaire et vous avez dit aussi que vous aviez, quelque part en région ou du moins à certains endroits, des expériences. J'aimerais ça que vous me parliez de ça, les expériences comme telles que vous avez mises en place ou peut-être des suggestions pour être capable d'améliorer ou de donner un service adéquat à ces problèmes-là qu'il peut y avoir.
Le Président (M. Drainville): Mme Rousseau.
Mme Rousseau (Louise): Oui. Bien, il y a beaucoup d'initiatives, effectivement, qui sont prises en région, des initiatives qui viennent de la base, les intervenants qui sont en contact avec les parents. On essaie aussi de prendre en compte les volontés des personnes. Par exemple, si on prend les personnes autistes qui manifestent la volonté d'aller vivre par eux-mêmes, en fait, ils aspirent à l'autonomie, ce qui est tout à fait légitime, et il y a des ressources... Quelquefois, on dit: Bon, ce n'est pas tout à fait adapté parce qu'on les regroupe avec des gens avec des déficiences intellectuelles ou des choses comme ça. Donc, il y a des expériences pour essayer de trouver, avec les ressources de la communauté, en mettant à contribution l'ensemble des partenaires, des formes d'appartements supervisés, avec une supervision qui est adaptée aux besoins de ces personnes-là et qui va leur permettre d'avoir la plus grande autonomie possible et le meilleur soutien.
C'est ce genre d'expériences là que certaines régions développent au Québec, et qui sont des modèles qui sont très intéressants, et qui nous sont propres, si on parle, par exemple, d'autres modèles qu'on peut regarder dans la littérature, où des fois c'est des choses avec des structures plus lourdes. Alors, nous, on a beaucoup de choses qui émergent de la base, et souvent le problème qu'on a, c'est qu'on ne les publicise pas souvent suffisamment, il n'y a peut-être pas assez d'échange d'information des bons coups, mais, dans quelques régions, il y a vraiment des efforts qui mériteraient, là, d'être mis en lumière, là, pour répondre aux besoins de ces gens-là.
M. Drolet: Merci, Mme Rousseau.
Le Président (M. Drainville): M. le député de Jacques-Cartier.
Rapport annuel 2008-2009 (suite)
Recommandations concernant
les services correctionnels
M. Kelley: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Dans une autre section de votre rapport annuel, vous avez pris le souci de peut-être prendre la parole pour les personnes qui n'ont pas grande représentation ici. Ça, c'est les personnes qui sont incarcérées dans nos centres de détention. Parce que ce n'est pas vraiment un grand enjeu politique, ce ne sont pas les personnes... On vote dans... On voit dans nos résultats des élections, il y a toujours un, ou deux, ou trois qui votent dans nos comtés. Alors, parfois, j'ai gagné le vote de mes électeurs qui sont en prison, d'autres années j'ai perdu le vote, ou deux, de ces détenus. Mais ce sont des personnes qui existent vraiment sur les marges de notre société.
Et vous avez formulé une série de recommandations. Nous avons constaté ça devant la Commission de la santé et des services sociaux quand nous avons fait un mandat sur l'itinérance. Et c'est un autre endroit où les personnes ne sont souvent, à l'intérieur de nos centres de détention, pas pour très longtemps, et, je pense, ça fait un petit peu partie du problème, parce que peut-être leur séjour est mesuré même en semaines ou sinon dans deux, trois, quatre mois, alors ce n'est pas toujours évident de bien trouver soit les services, soit les programmes, parce qu'ils sont un petit peu de passage, surtout à Montréal. Peut-être que je reflète la réalité à Bordeaux, mais, je pense, c'est partagé à d'autres endroits.
Mais, souvent, de greffer les problèmes, moi, je pense... J'ai les itinérants en tête. Parce qu'il y avait un autre phénomène, que les personnes qui n'ont pas de sous ne peuvent pas payer leurs contraventions qui sont données pour rester dans le parc et ne pas respecter un couvre-feu, ou traverser la rue pas au bon endroit. On donne les contraventions, et, les contraventions, pas de moyens de payer, alors ils vont passer un cinq semaines ou un sept semaines à Bordeaux pour purger leur sentence. Alors, ça devient un genre de cercle vicieux.
Alors, vous avez formulé une série de recommandations, sur un registre, sur un meilleur accès aux programmes de réinsertion sociale, aux questions qui touchent les toxicomanies et d'autres programmes de services sociaux qu'ils ont besoin. Alors, peut-être, prioriser ou expliquer davantage la hiérarchie des besoins dans ce domaine et peut-être des réponses qui sont accordées par le ministère de la Sécurité publique aux recommandations que vous avez formulées.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le Président, je remercie vraiment le député de cette question-là parce que, comme vous le soulignez, les citoyens qui sont judiciarisés, les personnes détenues sont souvent des citoyens pour lesquels on n'a pas, disons, une sympathie à première vue ou en priorité, il faut bien le dire. Le rôle du Protecteur du citoyen, qui lui a été confié par le législateur, est notamment d'agir comme ombudsman correctionnel, c'est-à-dire de s'assurer que les personnes qui sont dans les centres de détention du Québec, pendant qu'elles y sont détenues ou prévenues -- j'expliquerai la différence tout à l'heure -- sont quand même traitées dans le respect des droits dont elles ne sont pas privées et aussi que la réinsertion sociale de ces personnes, puisque c'est, dans la Loi sur les services correctionnels, un objectif de les réinsérer socialement, elle est le plus possible préparée.
Le premier constat que j'ai fait lors de la première année de mon mandat, lorsque j'ai visité un certain nombre de centres de détention, c'était, je dirais, la lourdeur des problématiques des personnes qui y sont et, de façon générale, les problématiques de santé mentale, un peu de déficience intellectuelle, mais beaucoup de problématiques de santé mentale.
Le fait que c'est un travail extrêmement exigeant de la part des agents des services correctionnels, leur rôle premier, qui est incontournable, c'est de maintenir la sécurité et de maintenir le bon ordre dans les centres de détention, et c'est un rôle en soi exigeant. C'est pour cela qu'ils sont d'abord formés, et outillés, et ils en ont plein leur 35, 40 heures-semaine à assumer ce rôle-là.
Par ailleurs, j'ai aussi constaté que ces personnes-là, et vous avez raison, M. le député, de le dire, et c'est partout, l'ordre du maintien... le taux moyen de fréquentation des centres de détention, la moyenne, c'est 60 jours par année. Et il y a quand même une série de personnes qui reviennent sur une base régulière, là. C'est une question de portes tournantes.
Il y a les prévenus. Il faut bien préciser qui se sont, les prévenus. Ce sont des personnes qui sont jugées trop dangereuses pour être libérées. Elle sont donc détenues en l'attente de leur procès, et ce sont des procès au criminel, donc, qui normalement, si elles sont condamnées au terme du procès, vont purger leur peine dans un pénitencier fédéral.
Donc, problématique assez lourde de personnes qui souvent sont abandonnées par leur famille ou souvent devront retrouver une famille mais qui n'y sont pas préparées sans que certaines mesures soient prises. Alors, ces mesures-là, c'est: Comment on prépare la sortie notamment au niveau des problématiques de violence conjugale, alcoolisme et toxicomanie? Ce sont des problématiques majeures, souvent exacerbées par la condition de santé mentale.
Alors, il faut qu'avant qu'une libération ait lieu, que ce soit une libération conditionnelle ou la libération totale, il faut s'assurer que ces personnes détenues ont accès à des programmes de réinsertion sociale à l'intérieur des centres ou avec des organismes communautaires ou des institutions spécialisées, pour que, dans le meilleur intérêt d'abord de la société, il faut le dire, dans le meilleur intérêt de leurs proches, leur femme, leurs enfants, leurs voisins, lorsqu'ils sortiront, ils soient en mesure d'avoir un comportement qui ne compromette pas et leur sortie et la santé et la sécurité de leurs proches.
**(16 heures)** Alors, c'est pour ça que j'ai fait des recommandations au ministère de la Sécurité publique, mais qui n'est pas le seul. Le ministère coordonne le plan de réinsertion sociale gouvernemental, mais ça comporte aussi l'implication du ministère de l'Emploi et de la Solidarité parce qu'il y a aussi... Dans certains cas, il y a des personnes qui sont en prison parce que, bon, elles ont délaissé le marché du travail, elles sont sans revenus, elles ont commis des vols, des recels. Et il y a des programmes spéciaux au ministère de l'Emploi et de la Solidarité pour favoriser la réinsertion sociale, donc que les personnes détenues commencent à suivre ces programmes-là pendant leur incarcération et qu'elles y soient inscrites tout de suite après.
Il y a la question de l'hébergement. Quand on quitte la détention et qu'on n'a pas... on est itinérant... M. le député le soulève à juste titre, plusieurs personnes itinérantes sont en détention. Certaines s'organisent pour l'être à partir de ce moment-ci et d'un petit peu plus tard parce qu'elles ont simplement froid et sont sans abri. Donc, il faut qu'on s'assure qu'il y ait des ressources de transition pour pouvoir les loger, subvenir à leurs besoins premiers et s'assurer de les soutenir dans leur plan de réinsertion.
Alors, c'est dans cette perspective-là que j'ai interpellé le ministère, comme coordonnateur gouvernemental, pour travailler sur un plan d'action en réinsertion sociale. Je sais que des travaux ont été faits. Il y a quelques mois, nous avons eu la présentation d'un plan en présence de plusieurs intervenants du gouvernement. Les annonces ne sont pas publiques, donc je ne voudrais pas faire d'annonces qui appartiennent au gouvernement, mais disons que je sais qu'il y a des travaux qui sont faits.
Je suis consciente que tout ne peut pas se faire en six mois, en une année, mais je pense que le seul fait que le gouvernement ait retenu cette recommandation et ait commencé à poser des gestes est quand même révélateur de la prise de conscience qu'on a qu'il faut maintenant passer à l'action et que, autant pour les victimes, que pour les personnes détenues, que pour la réintégration en société, on a vraiment intérêt à faire pas seulement de la garde sécuritaire en prison, mais à commencer à préparer la sortie. Alors, c'est...
Services offerts aux détenus
en préparation de leur sortie
M. Kelley: Merci beaucoup. Parce qu'effectivement, moi, j'ai fait une visite au centre de détention Bordeaux, mais -- avant de commencer des rumeurs -- c'était dans le cadre de mes fonctions comme attaché politique au ministre de l'époque, Claude Ryan. Alors, il faut le voir et aller à l'intérieur de ces murs. Et juste d'imaginer le bruit, le nombre de détenus... Parce que, Bordeaux, je pense, il y a les six ailes, mais ce n'est pas loin de 1 000 personnes, de mémoire.
Et il y a toujours les statistiques, dans la vie, M. le Président, Mme la Protectrice, qu'on n'oublie jamais. Et, à l'époque, j'ai posé la question au directeur du centre de détention, et deux tiers des personnes là n'ont jamais une visite. Alors, c'est une des choses qui m'ont frappé, d'une énorme tristesse, que, pendant les 60 jours ou les trois mois que vous êtes là, il n'y a pas une personne sur la planète qui a trouvé une heure pour venir vous visiter. En tout cas, j'ai trouvé ça triste. Je ne sais pas si la réalité a changé. Je parle du début des années 1990. Mais c'est un chiffre qui m'a parlé beaucoup, de... Vous avez évoqué l'abandon de la famille.
Et également on était heureusement surpris par l'engagement de M. le ministre de la Sécurité publique, à l'époque, quand nous avons fait les travaux sur l'itinérance. Effectivement, à l'époque, le plan de réinsertion, c'était juste de donner les numéros de téléphone d'Old Brewery Mission ou La Maison du Père. Et ça devient un genre de cercle vicieux, qu'ils vont passer un certain temps sur la rue à Montréal, revenir dans les... Et on ne fait pas de progrès comme ça, malgré le fait que c'est une clientèle difficile à travailler. Mais on était agréablement surpris par l'engagement du ministère de la Sécurité publique devant la commission, d'aller, de travailler davantage.
Mais comment, pratico-pratique, vu qu'ils sont là tellement... une soixantaine de jours pour... Ils ont des lacunes ou des carences au niveau de la scolarité ou avoir accès aux programmes d'Emploi-Québec, d'avoir accès à certains programmes de toxicomanie. Est-ce qu'il y a des modèles ou est-ce qu'il y a des choses qu'on peut faire pour mieux aider ces personnes? Parce qu'on veut couper le cercle vicieux. Ce n'est pas une logique qu'ils sont sur la rue un certain temps, reviennent dans les prisons ou... même s'ils ne sont pas itinérants, mais des personnes qui récidivent. Est-ce qu'on a des modèles ou est-ce qu'il y a des façons de faire... Vous avez évoqué le développement d'un registre utilisé par les gestionnaires. Est-ce qu'il y a des choses pour mieux assurer le suivi, pour essayer dans la mesure du possible de prévenir les deuxièmes et les troisièmes visites au centre de détention pour ces personnes?
Mme Saint-Germain (Raymonde): Il y a, M. le Président, plusieurs modèles. Il y a même des projets-pilotes qui sont en cours. Ce qui est le plus prometteur pour l'instant, c'est les modèles qui sont en lien avec les ressources de la communauté, c'est-à-dire, par exemple, le centre local d'emploi qui va faire des liens avec les organismes communautaires et, lorsque, la personne détenue, on sait qu'elle va sortir dans trois semaines, dans un mois, déjà il y a des mesures qui sont prises pour faire en sorte qu'une résidence soit localisée, qui sont prises pour que, quand il y a des problèmes de toxicomanie, par exemple, bien, les premières séances soient faites avec le CLSC, qu'il y ait les intervenants qui se rendent en détention. Après ça, il y a toute la participation à des sorties qui sont provisoires.
Lorsqu'il y a une perspective soit d'employabilité ou de perfectionnement pour être employable, le lien qui est fait avec la commission scolaire... Et, moi, parmi les plus belles expériences que j'ai vues -- et certains ici m'ont accompagnée -- ce sont des professeurs de commission scolaire que j'ai rencontrés, qui donnent aussi du temps dans les centres de détention. Quand je dis «donnent du temps», ils sont payés pour le faire, mais c'est une partie de leur charge. Et, pour eux, d'aller enseigner le français, des mathématiques de base dans une centre de détention, là, c'est une vocation, puis ils aiment ça, puis ils ont la confiance de certaines personnes. C'est vraiment remarquable de voir ça. On n'entend pas souvent des histoires comme celle-là, mais c'est quand même assez impressionnant.
Donc, tout ça tourne autour des gestes très concrets, pratico-pratiques pour préparer la sortie et combler le plus possible l'écart entre la capacité de s'intégrer progressivement à la société, l'emploi, la santé, la désintoxication et l'éducation, la scolarisation, là, pour pouvoir quand même faire certains emplois.
Dans ce sens-là, il y a deux expériences que, moi, je trouve intéressantes et sur lesquelles j'espère que le ministère de la Sécurité publique va arriver avec des propositions bientôt. Vous savez, à un moment, il y a eu, il y a quelques années, une critique de ce qu'on appelle les fonds locaux d'aide à l'emploi. Ça venait -- et je peux comprendre ces critiques-là -- d'entreprises qui avaient perdu ou qui menaçaient de perdre des contrats, par exemple, de buanderie avec soit un hôpital ou avec les Forces armées. Encore une fois, je comprends les entreprises privées. Par contre, ces contrats-là sont donnés à des personnes détenues à moindre coût pour leur apprendre à avoir un métier puis, en sortant, essayer de se replacer.
Alors, moi, ce que j'ai dit, ce que j'ai recommandé au ministère, c'est: Pourquoi ne pas faire un comité avec les chambres de commerce, les gens d'affaires, les gens de la détention pour trouver des secteurs où c'est difficile de trouver des employés. On le voit, le nettoyage de petits appareils électroniques, les téléphones, j'ai vu qu'à l'établissement de Québec on fait des nettoyages comme ça. C'est très difficile de trouver du personnel. Or, les détenus peuvent faire ce genre de chose là, il n'y a pas de danger en termes de sécurité, et tout. Alors, je pense qu'il ne faut pas mettre de côté les fonds. Il faut bien comprendre la prérogative et les préoccupations fondées des gens d'affaires, mais trouver des solutions pour toutes sortes de tâches qui seraient créatrices d'emploi. Alors, il y a des formules comme celles-là qui sont vraiment des formules intéressantes.
Il y a aussi, au niveau de la santé, parce qu'on prépare différentes... En tout cas, on valide un certain nombre d'hypothèses. Au niveau de la santé, il y a des expériences intéressantes. J'ai en tête à Sherbrooke, je suis allée au CHUS à Sherbrooke, et on a vu qu'il y a un corridor spécial au niveau de l'urgence psychiatrique, l'équipe du CHUS, avec le centre de détention. Non pas qu'un citoyen qui aurait des problématiques particulières va passer après une personne détenue, mais il y a au moins une façon de faire qui fait en sorte que les personnes détenues sont aussi considérées comme des citoyens qui sont desservis par le CHUQ, et il y a une approche qui est quand même, je pense, intéressante, et qui mérite d'être examinée. Parce qu'une des problématiques de la détention, c'est... des personnes qui ont des problématiques de santé mentale, c'est que très souvent il n'y aura pas de place dans les centres hospitaliers généraux avec une aile psychiatrique ou des centres comme Pinel, et, au fond, les policiers qui vont intercepter sur la rue ces personnes parce qu'il y a comportement délinquant, déficient, bien, au fond, leur chance la plus assurée de s'assurer qu'elles vont au moins dormir dans des conditions moins dangereuses, c'est de les amener en détention. C'est souvent comme ça que ça va se passer. Alors donc, c'est un travail vraiment multidisciplinaire. Et vous savez qu'on prépare un rapport spécial sur la santé mentale et la détention. C'est une rapport qu'on espère vous présenter au début de l'hiver prochain, où on touche... on veut toucher toutes les dimensions...
Parce que c'est complexe, hein? Il y a beaucoup d'interventions qui interpellent l'action des policiers, qui sont déterminants dans ces dossiers-là, l'action des refuges, l'action des organismes communautaires, les tribunaux, tout le secteur hospitalier, mais je dis hospitalier et services sociaux, ainsi que la détention. Alors, c'est complexe.
Je pense que le Québec, il faut le dire... on est là pour évidemment voir à s'améliorer, mais le Québec a, je pense, une bonne sensibilisation, fait des efforts importants. Et, avec mes collègues des autres provinces, on fait des comparaisons de différents dossiers, et je dois dire qu'au niveau de la réinsertion sociale, oui, on a encore des choses à faire, on n'est pas... on n'est pas parfaits, loin de là, mais on fait partie des administrations qui sont conscientes et motivées à agir. Alors, moi, je trouve ça vraiment encourageant et encourageant pour la société aussi, c'est important.
**(16 h 10)**M. Kelley: Et, juste en conclusion, M. le Président, juste dire merci beaucoup encore, parce que nous avons abordé la question via le volet itinérance, mais, beaucoup des éléments, on peut généraliser sur d'autres clientèles de notre système de détention. On est très conscients du problème de surpeuplement aussi, il y a... On est en train de construire quatre nouvelles prisons, mais c'est comme 500 millions de dollars pour ajouter 400 places, alors c'est très dispendieux. Ce n'est pas la clientèle souvent qu'on pense en premier, mais, je pense, c'est très important.
Alors, merci beaucoup pour le souci des conditions et également la coordination. Parce que c'est également qu'est-ce que nous avons fait comme membres de la commission sur l'itinérance. Il y a beaucoup d'acteurs, à la fois communautaires, à la fois gouvernementaux. Juste le comité ministériel que le gouvernement a mis en place pour répondre à la situation de l'itinérance: 10 ou 11 organismes, ministères qui sont autour de la table. Et, on sait, toujours, au gouvernement, dès qu'il y a plus qu'un intervenant, déjà la vie est compliquée, mais rendu à 10 ou 11, qui fait quoi, qui est responsable pour quoi, il y a toujours la tendance de: Non, c'est l'autre personne, c'est l'autre ministère, c'est l'autre direction qui doit prendre soin. Et, je pense, tout appel qu'on peut faire pour une meilleure coordination et une reconnaissance, entre autres, du rôle que les organismes communautaires ont à jouer dans ce domaine, c'est fort apprécié. Alors, merci beaucoup pour le souci. Et on va lire avec intérêt le prochain rapport sur la santé mentale, avec grand intérêt.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. M. le député de Verchères.
M. Bergeron: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, Mme la Protectrice du citoyen, de vous remercier d'être des nôtres, du travail que vous faites avec les membres de votre équipe. On ne peut imaginer à quel point il est important pour un citoyen, dans toute son individualité, qui se retrouve face à la machine gouvernementale qui peut apparaître des plus imposantes, de dire à quel point il est important pour ce citoyen d'avoir accès à un service comme le vôtre pour pouvoir, d'une part, faire part de son désarroi face à la situation qu'il vit ou qu'elle vit, mais également de pouvoir escompter éventuellement une correction, un correctif qui va non seulement éventuellement le servir, lui ou elle, mais qui pourra servir l'ensemble des citoyennes et des citoyens par la suite.
Et notre collègue de Beauce-Nord... C'est bien ça, Beauce-Nord? Notre collègue de Beauce-Nord faisait référence tout à l'heure à des cas de CSST, SAAQ, où les citoyens et les citoyennes sont en plus dans une situation d'extrême vulnérabilité, et c'est d'autant plus important effectivement de pouvoir compter sur un service comme le vôtre. Alors, merci de ce que vous faites.
Je voulais, un peu dans la foulée de notre collègue de Jacques-Cartier, aborder des questions de sécurité publique, mais je dois dire que la comparaison étonnante que notre collègue d'Arthabaska a établie entre la gestion de la crise de la listériose par le MAPAQ et la lutte contre un incendie par les pompiers m'a interpellé comme porte-parole en matière de sécurité publique, il va sans dire. Alors, je me suis senti interpellé par cette comparaison pour le moins étonnante.
Je pense qu'il faut assumer de la bonne foi de toutes les personnes qui font partie de la fonction publique. D'emblée, il faut assumer... présumer de la bonne foi de l'ensemble des fonctionnaires de l'État. Mais, si tant est que tout s'exerçait uniquement par bonne foi puis que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, on n'aurait pas besoin du Protecteur du citoyen. Or, le fait est que, même si on assume que tout le monde agit avec toute la bonne foi possible et imaginable, on a besoin effectivement du Protecteur du citoyen. Donc, il est normal, il m'apparaît que, lorsqu'il y a une situation de crise, on puisse analyser cette crise puis voir si on a géré la crise correctement et si a posteriori on est en mesure d'apporter des correctifs pour éviter qu'une telle crise puisse se reproduire ou à tout le moins qu'elle puisse donner lieu aux conséquences auxquelles la précédente aura donné lieu.
Alors, évidemment, la comparaison avec l'incendie m'est apparue étonnante, parce que, certes, il faut faire confiance aux pompiers lorsqu'ils sont appelés à combattre un incendie, mais, si, pour mettre un terme à un incendie, les pompiers arrosent, bien sûr, la maison en question, mais arrosent tout le quartier, provocant la perte totale de non pas simplement la maison qui était incendiée, mais de deux, trois, quatre maisons du quartier, bien, je pense qu'il y a lieu de s'interroger sur l'incident pour voir si les pompiers ont fait leur travail de façon adéquate, et de telle sorte à prévoir, lors d'une crise ultérieure, qu'une telle situation ne puisse se reproduire.
Surpopulation carcérale
et réinsertion sociale
Alors, M. le Président, j'aimerais maintenant passer plus spécifiquement aux parties du rapport touchant le ministère de la Sécurité publique. On sait que, d'une façon générale, les ministères prennent acte et se conforment aux recommandations du Protecteur du citoyen, ce qui est une excellente chose. On est dans un exercice un peu particulier dans la mesure où on fait une analyse a posteriori d'un rapport annuel 2008-2009 puis qu'il y a peut-être, évidemment, par rapport aux informations qui sont contenues dans le rapport, des données qui ne sont peut-être pas à jour. Alors, on va pouvoir vérifier ça, valider ça avec vous.
Mais, je dois dire, à la lumière de ce que vous nous écrivez dans votre rapport, il m'est apparu qu'au chapitre du fait de se conformer aux directives et aux recommandations du Protecteur du citoyen le ministère de la Sécurité publique ne m'est pas apparu comme étant... comme faisant figure d'enfant... d'élève exemplaire, si je puis dire, dans la classe des différents ministères et organismes dont le Protecteur du citoyen assure le suivi.
Notre collègue de Jacques-Cartier faisait état de la bonne volonté dont le ministère a fait preuve... a démontré dans le dossier de l'itinérance. Mais, au-delà des bonnes intentions, je pense qu'il faut que ça puisse se traduire en gestes concrets. Or, à plusieurs endroits dans votre rapport -- et on va les prendre un à un -- vous faites état de choses que vous avez demandées au ministère et dont on a, ou bien vous-même, constaté que ça n'a pas été rencontré, ou on peut présumer aujourd'hui que le ministère n'a toujours pas encore rencontré les recommandations.
Je prends, par exemple, le premier point, Plan d'action gouvernemental en réinsertion sociale et conclusion des contrats des fonds locaux de soutien à la réinsertion sociale. Vous dites, en recommandation: «...recommande que le ministère accorde la priorité à la poursuite des travaux et intensifie ses efforts afin de respecter l'échéance annoncée -- puis, soit dit en passant, il y avait déjà un retard par rapport à l'échéance annoncée -- et, à ce titre, demande que le ministère dépose le plan d'action gouvernemental en réinsertion sociale au plus tard le 30 juin 2009.» Que je sache... corrigez-moi si je me trompe, que je sache, le ministère, à ce jour, n'a toujours pas déposé ce rapport, ce plan d'action.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le Président, la question du député m'amène à préciser que, le 30 septembre, je rendrai public le rapport annuel 2009-2010 et qu'évidemment le suivi de l'ensemble des recommandations, comme je me fais un devoir de le faire à chaque année pour les parlementaires, va être indiqué. Il est par ailleurs exact qu'aujourd'hui ce rapport, ce plan d'action gouvernemental n'est pas déposé. Je puis cependant me permettre de vous dire que nous avons eu -- j'en ai fait état brièvement tout à l'heure -- une présentation d'un plan gouvernemental. Nous avons été consultés en cours d'année, mais, à ce moment-ci, il n'y a pas de dépôt officiel, et je n'ai pas d'information spécifique à ajouter.
M. Bergeron: Hum! Même s'il s'agissait d'une priorité et qu'il y avait déjà un retard, le document n'est toujours pas produit. J'en prends acte.
Sans vouloir révéler le contenu des discussions que vous avez eues avec le ministère de la Sécurité publique, je vais plutôt poser la question en fonction de votre propre évaluation de la situation. Mais, compte tenu du fait que, d'une part, on constate une surpopulation carcérale et que, d'autre part, il y a des problématiques de réinsertion sociale, est-ce que le Protecteur du citoyen évalue qu'il faille accorder davantage d'importance ou accroître le rôle des maisons de transition pour nous permettre d'influer sur ces deux problématiques, la problématique de la surpopulation carcérale et la problématique de la réinsertion sociale?
**(16 h 20)**Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le Président, ce sont des questions très... très importantes. Et je vais y répondre de manière très, très, très précise.
Pour la première question concernant la surpopulation et les maisons de transition, ce qui est évident, c'est qu'en aucune situation la surpopulation ne doit se régler par des libérations prématurées, que ce soit sur la base de libérations conditionnelles, de préparations à la libération ou de libérations pleines. Alors, ça, c'est vraiment important. Et c'est d'ailleurs dans cette perspective-là que j'interpelle le gouvernement pour s'assurer qu'il y a une saine gestion de la surpopulation et qu'on ne considère pas la libération comme étant une des solutions. Ça, c'est vraiment très clair.
Dans la foulée de cette question-là, je me permets de dire aussi qu'on parle beaucoup des libérations conditionnelles et de leur gestion, et j'ai aussi fait une recommandation à quatre instances, le ministère de la Sécurité publique, ministère de la Justice, Commission québécoise des libérations conditionnelles et Directeur des poursuites criminelles et pénales, pour qu'on prenne vraiment les moyens pour faire en sorte que la gestion des libérations conditionnelles, c'est-à-dire la production des dossiers en temps opportun pour que la Commission québécoise des libérations conditionnelles puisse juger de la pertinence ou non de donner des libérations selon les règles prévues, que ce travail se fasse avec beaucoup plus de minutie. Parce qu'il y a beaucoup de reports, le nombre des reports est croissant, et ça, je considère que c'est inquiétant, parce que le bien-fondé d'une libération conditionnelle, lorsque les conditions sont respectées, c'est une préparation de la sortie, parce que déjà ça veut dire que la personne se soumet à des programmes qui sont liés à son état, donc des programmes de désintoxication, lutte contre la violence conjugale, bon, j'en passe. Et, s'il y a des reports systématiques, ce qui va arriver, c'est qu'au bout de la peine la personne va être libérée mais sans avoir fait aucun de ces programmes-là. Alors, ça, c'est vraiment quelque chose d'important. Et j'attends aussi des nouvelles du suivi de cette recommandation-là. Donc, surpopulation, ne jamais la régler ou penser à des solutions de libération pour... faute de place dans les prisons.
Deuxièmement, la question des maisons ou des ressources intermédiaires à laquelle vous parlez. Il est exact que, s'il y a des libérations conditionnelles autorisées et dans l'intérêt public quand la personne remplit les conditions, les ressources intermédiaires sont très importantes parce que, d'une part, elles sont beaucoup plus sur le terrain. Il y en a généralement partout au Québec. Et elles sont bien habilitées, souvent à des coûts moindres que les ressources des services publics, entre autres du réseau de la santé et des services sociaux, elles sont bien habilitées pour la prise en charge. Alors, il est clair que, dans tout ce continuum de services qui mènent de l'incarcération à la libération conditionnelle, à l'intégration en société, les ressources communautaires sont vraiment importantes. Elles sont bien formées et elles sont vraiment déterminantes. Dans ces ressources intermédiaires, j'inclus aussi, là, les maisons ou les organismes comme Old Brewery, et tout ça, qui jouent un rôle quand même important et jouent aussi un rôle de référence. Alors, c'est extrêmement important.
Report des auditions relatives
à la libération conditionnelle
M. Bergeron: Merci, M. le Président. Là, vous avez abordé plusieurs des questions que je souhaitais aborder un peu plus tard, ça fait qu'on va les prendre au fur et à mesure. Merci infiniment de votre réponse.
Quand vous dites que vous voulez assurer le suivi de la recommandation touchant les libérations conditionnelles, je me permets d'en faire état en disant que vous recommandiez «que les ministères de la Justice et de la Sécurité publique, le Directeur des poursuites criminelles et pénales ainsi que la Commission québécoise des libérations conditionnelles s'associent pour analyser les écueils du système actuel à cet égard, non seulement dans le but d'améliorer les pratiques, mais, si nécessaire, en vue d'apporter les modifications appropriées à la réglementation pour simplifier, si possible, le fonctionnement, et qu'ils lui fassent rapport des changements au plus tard le 31 janvier 2010».
Puisque vous nous dites que vous voulez assurer le suivi de cette recommandation, c'est qu'on doit comprendre que le ministère n'a pas respecté, encore une fois, l'échéance fixée au plus tard au 31 janvier 2010.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Effectivement, M. le Président. D'abord, je tiens à préciser que, si j'ai devancé certaines questions, ce n'est pas parce que je les avais, c'est peut-être parce qu'il y a un ordre logique dans le déroulement des idées. Effectivement, nous faisons le suivi de chacune de nos recommandations. Et, pour l'ensemble des recommandations qui ont été faites concernant le report chronique des audiences, je peux vous affirmer qu'il y a eu des travaux qui ont été faits, mais que pour l'instant les quatre instances concernées n'en sont pas arrivées à un plan d'action concret.
Entre autres, il y a des rencontres à venir... Il y a eu des rencontres régulières entre la Commission québécoise des libérations conditionnelles, le ministère de la Sécurité publique, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, mais il n'y a pas encore de... Il y a des aspects qui seraient réglés, selon l'information que j'ai mais que je ne pourrais pas vous divulguer, mais il y a encore des gestes à poser pour qu'il y ait convergence de vues entre les différents acteurs. Alors, ce n'est pas une question réglée, c'est une question en cours de règlement.
Surpopulation carcérale et
réinsertion sociale (suite)
M. Bergeron: Vous avez fait référence tout à l'heure à la problématique des reports des audiences pour les libérations conditionnelles et vous stipuliez, à juste titre, dans votre rapport, et je cite: «La courte durée moyenne des peines d'incarcération laisse très peu de marge de manoeuvre aux intervenants. Trop [peu] de reports font perdre à plusieurs...»«Trop de reports -- dis-je -- font perdre à plusieurs contrevenants tout intérêt pour les programmes de mise en liberté sous condition. Or, pour nombre d'entre eux, ces programmes sont nécessaires afin d'assurer entre autres la prévention de récidives, de contrer la violence conjugale et de traiter les problèmes de toxicomanie.» Alors, vous ne pouviez insister davantage sur l'importance des programmes de réinsertion sociale à l'intérieur du système carcéral.
Et ça m'amène à une question touchant justement la problématique de la surpopulation carcérale. On parle de la construction de bâtiments modulaires temporaires dans plusieurs prisons. Et j'ai même écho, et j'aimerais savoir si vous avez eu écho des mêmes choses que... des mêmes rumeurs que moi à l'effet que certaines salles de classe justement destinées normalement aux programmes de réinsertion sociale ont été converties en cellules de telle sorte de pouvoir accueillir davantage de détenus et accroître la capacité de nos centres de détention. Est-ce qu'il n'y a pas là une démarche un peu contre-productive dans la mesure où, en installant des cellules dans des salles de classe, par le fait même, on a moins de ressources pour pouvoir assurer la prestation des programmes de réinsertion sociale?
Mme Saint-Germain (Raymonde): Effectivement, M. le Président, il est arrivé, dans différents centres, en cours d'année, que des salles ont dû être converties en raison de la surpopulation pour assurer, donc, l'hébergement des personnes et, dans ce contexte, trouver des solutions alternatives pour les programmes de réinsertion sociale, ce qui a, dans certains cas, entraîné, oui, l'annulation de formations, notamment des programmes de préparation à la sortie, violence conjugale, etc.
Par contre, je dois souligner qu'il y a eu aussi dans trois centres l'installation de structures modulaires temporaires qui ont eu un certain impact, mais, évidemment, cet impact-là, ce n'est pas dans les situations les plus lourdes. Par exemple, ce n'est pas dans des situations comme celles qu'on peut vivre à l'établissement de détention de Montréal parce que, pour être admissible dans des établissements modulaires, il faut évidemment avoir un dossier sécuritaire qui est plus... je dirais plus léger, dans le sens moins complexe que dans les installations à sécurité maximale. Alors, je sais que ça a pu contribuer à améliorer les conditions de détention et possiblement les mesures de réinsertion sociale, mais il fallait tenir compte toujours du classement en fonction du statut des prévenus et des détenus, qui ne sont pas, les prévenus, admissibles dans ce cas-là, de la protection qui doit être accordée aussi à certains individus, qui se trouve au nombre des contraintes, parce qu'il faut voir que...
Je ne dis pas ça pour excuser, là, la situation, mais je veux bien expliquer qu'il y a une problématique extrêmement importante, en détention, qui fait que ce n'est pas tout d'avoir des places, il faut être capable de déplacer les bonnes personnes au bon endroit. Il y a parfois des questions de personnes protégées, des questions de groupes criminalisés pour lesquels les personnes ne doivent pas être mises en contact en aucune façon, d'aucune manière, et il y a aussi différentes situations de problématiques de personnes qui doivent être isolées. Alors, ça ajoute à la problématique.
Mais, si je reviens au fond de votre question, il est exact que la surpopulation, cette année, a encore fait en sorte que, la première obligation étant d'héberger les personnes dans des conditions sécuritaires, ça a eu un impact négatif sur des formations ou des programmes de préparation à la sortie.
M. Bergeron: M. le Président, avez-vous des discussions, des échanges avec le ministère quant à cette situation éminemment problématique d'utilisation de salles de classe et de formation à des fins d'hébergement?
**(16 h 30)**Mme Saint-Germain (Raymonde): Nous avons de façon régulière une communication avec d'abord chacun des centres de détention. Vous savez que nous avons une ligne directe pour les personnes détenues et que toute intervention se fait en étroite communication avec le personnel de ces centres. Alors, nous sommes informés au fur et à mesure du niveau de surpopulation. Le ministère publie un tableau à chaque mois, et nous avons toujours cette information-là. Nous regardons avec eux, à partir des plaintes que nous avons, les possibilités qui se trouvent. Alors donc, nous sommes en contact constant.
Et je peux vous dire que, dans certaines situations, il y a eu des formules qui ont pu être trouvées. C'est toujours plus facile dans des plus petits centres que dans des gros centres. Dans d'autres situations, il y a eu soit report ou soit annulation. Et, comme vous le disiez tout à l'heure, dans certains cas, il y a des personnes pour qui la sortie, c'est dans un mois, c'est dans cinq semaines, alors évidemment la possibilité de reprendre ça... il faut trouver d'autres façons. À ce moment-là, ce qu'on recommande aux centres, c'est, avec les agents de réinsertion sociale, avec les organismes communautaires, de trouver une façon pour qu'il y ait une reprise à la sortie, là, et un suivi personnalisé.
M. Bergeron: M. le Président, bien, d'entrée de jeu, je suis heureux de voir que vous avez accès aux statistiques concernant la population carcérale et des données mises à jour à tous les mois, considérant le fait que, nous, nous sommes encore en train de courir après l'information depuis plusieurs mois. Alors, en tout cas, on pourra voir si c'est une information que vous pouvez partager. Mais, quoi qu'il en soit, j'aurais peut-être une question à vous poser concernant toujours la question de la surpopulation.
D'aucuns ont prétendu que l'application des nouvelles dispositions fédérales visant à prolonger le temps de détention pour certains crimes aurait un effet sur la population carcérale des prisons, des centres de détention québécois. Donc, est-ce que c'est quelque chose qui, selon vous, est pris en considération par le ministère de la Sécurité publique actuellement ou est-ce que ça va s'ajouter au problème de surpopulation qu'on vit puis qu'il faudra éventuellement s'adapter à cette nouvelle réalité?
Mme Saint-Germain (Raymonde): Ça, je pense que c'est une question qui interpelle plusieurs dimensions dans la réponse. D'abord, il y a eu un accord du Québec comme de toutes les provinces pour faire en sorte que le temps comptant en double ne soit plus cumulé en double, parce qu'on sait qu'il y a quand même des effets pervers au niveau des détentions, je peux parler du Québec, là, mais de l'ensemble des détentions provinciales, parce qu'il est souvent favorisé par les personnes prévenues et leurs avocats de faire plus de temps au Québec en détention, de telle sorte que, lorsqu'il y aura condamnation, s'il y a condamnation, bien, ce temps ait pu compter en double. Donc, c'est quand même avantageux pour les personnes détenues.
Sur le plan du Québec, bien, ça veut dire quand même des coûts qui sont assumés, ça veut dire un temps encore plus important de fréquentation du centre de détention dans un contexte, comme vous dites si bien, où il y a surpopulation. Alors, il est clair que cette situation, si elle devait se régler au niveau fédéral, pourrait apporter un nombre intéressant d'avantages ou d'impacts positifs sur la surpopulation et sur la gestion des programmes de réinsertion sociale.
Maintenant, il y a une dimension sur laquelle je ne puis commenter parce que ce n'est pas un aspect que j'ai étudié, à moins que mes collaborateurs ne m'aient pas encore donné certaines informations, mais c'est toute la question qui est liée à la gestion et au partage des coûts et des mesures qui seront prises pour accélérer, dans ces cas-là, les comparutions, parce qu'à ce moment-là ça concerne toute l'accessibilité à la justice, donc la capacité du système judiciaire, des tribunaux d'entendre dans des délais qui seraient raisonnables ces personnes-là. Alors ça, c'est une toute autre dimension qu'à ce moment-ci nous ne commentons pas.
Mais il est clair que, sur le strict plan de la gestion des centres de détention au Québec, si la peine comptait tant pour tant, donc une année pour une année, il pourrait y avoir des ouvertures intéressantes pour une meilleure gestion et de la surpopulation et de la réinsertion sociale.
Services de santé dans les
établissements de détention
M. Bergeron: À la page 20 de votre rapport, vous nous indiquez que «les négociations actuelles sur le transfert éventuel de la responsabilité des services de santé dans les établissements de détention vers le ministère de la Santé et des Services sociaux ne peuvent justifier l'inertie du ministère de la Sécurité publique». Ça, c'est dans le dossier de la salubrité des établissements. Vous y revenez un petit peu plus loin concernant le traitement des requêtes écrites pour des services de santé.
Or, je vous entendais répondre à notre collègue de Matapédia tout à l'heure que vous estimiez que tout nouveau transfert de responsabilité au ministère de la Santé et des Services sociaux était plus ou moins indiqué compte tenu de la lourdeur à laquelle doit déjà faire face ce ministère. Est-ce que le transfert qui est en négociation présentement entre le ministère de la Sécurité publique et celui de la Santé et des Services sociaux vous apparaît, dans les circonstances un... des négociations indiquées?
Mme Saint-Germain (Raymonde): Effectivement, M. le Président, je pense que ce transfert-là, il est souhaitable, mais qu'il ne faut pas considérer qu'il devrait y avoir un abandon du ministère de la Sécurité publique de l'ensemble des responsabilités qui sont liées à la santé et, je dirais, à la dimension sociosanitaire. Si je peux me permettre un exemple, c'est comme si on disait, au fond: La salubrité des garderies, ça devrait concerner le ministère de la Santé parce qu'au fond la salubrité, c'est du sociosanitaire.
Alors, présentement, dans différents centres de détention, les efforts liés à la salubrité, certains sont faits, mais il y en a beaucoup qui doivent être faits encore, je dirais, de manière plus accentuée. Nous visitons les centres, nous faisons une inspection, nous n'y arrivons pas sur une base annuelle mais aux deux ans. Nous inspectons certains de ces centres, et la question de la salubrité est un des critères que nous examinons. Et nous trouvons encore trop d'installations qui sont insalubres, qui sont malpropres, des sources de contamination, des cellules d'isolement qui ne sont pas adéquates. Et, dans cette perspective-là, je pense que ça incombera toujours au ministère de la Sécurité publique d'agir adéquatement et de préserver la qualité sociosanitaire de ces installations-là qui sont publiques.
Par ailleurs, et je ne veux pas... je ne pourrai pas aller dans les détails parce que ça fait partie de ce que nous examinons dans notre rapport en préparation sur la santé mentale et la détention, il reste que les prisons au Québec ne peuvent pas être des hôpitaux et que les problématiques de santé majeures et de santé mentale en particulier, pour tout citoyen, qu'il soit une personne judiciarisé ou non, doivent être prises en charge dans un contexte d'expertise et de spécialité. Et manifestement les centres de détention, qui peuvent à l'occasion avoir à distance des collaborations avec des centres hospitaliers -- je parlais du CHUS de Sherbrooke, mais il y en a d'autres aussi -- ou avec des instituts particuliers comme Pinel ou d'autres, ces centres-là ne peuvent pas se spécialiser et embaucher des psychiatres à plein temps. Déjà, dans le domaine de la psychiatrie, on a des pénuries.
Alors, il m'apparaît qu'il est important de s'assurer de la prise en charge médicale et que les personnes détenues qui ont des problématiques de santé mentale, compte tenu de leurs besoins, compte tenu aussi, il faut le dire, de leur dangerosité, soient prises en charge par les bonnes ressources avec l'expertise requise et en temps opportun. Et c'est dans cette perspective-là que nous travaillons. Donc, ça ferait partie, quant à moi, des responsabilités qui incombent au ministère de la Santé, bien sûr, en collaboration, dans ce cas-là, avec le ministère de la Sécurité publique pour ce qui est des nécessaires liens d'interface et de certains services de base qui doivent être rendus dans les centres de détention.
Le Président (M. Drainville): C'est tout, M. le député de Verchères. Je vais maintenant céder la parole, pour le dernier bloc, un bloc de 28 minutes, à la députée de Gatineau.
Rapport spécial sur les services
gouvernementaux destinés aux
enfants présentant un trouble
envahissant du développement (suite)
Bilan des progrès accomplis
Mme Vallée: Merci, M. le Président. Mme Saint-Germain, j'aimerais revenir sur votre rapport spécial concernant les enfants qui présentent des troubles envahissants de comportement, parce qu'on en a parlé en début de rencontre, mais j'ai encore certaines questions. C'est un sujet qui me touche, c'est un sujet qui interpelle beaucoup les gens qui viennent nous rencontrer. Et je sais que votre rôle n'est pas toujours évident parce que vous êtes considérés parfois comme étant ceux qui interpellent les différents ministères sur ce qui ne va pas, qui lèvent les drapeaux, qui donnent les signes... les petits pépins sur le chemin. Mais vous avez aussi... dans le cadre de vos évaluations, vous êtes à même de constater ce qui fonctionne bien.
Et, dans le dossier des enfants qui présentent des troubles envahissants du développement... Les appeler les TED, moi, ça m'agresse un peu. Je n'aime pas appeler un enfant par un acronyme, ça me... je trouve ça impersonnel. Dans le dossier de ces enfants-là, je me demandais... Je sais qu'il y a des choses qui ont quand même été faites par les différents ministères. Il y a eu des mesures qui ont été mises de l'avant pour tenter d'apporter une aide additionnelle aux familles, une aide additionnelle aux enfants. Il y a des choses qui doivent quand même bien fonctionner. Puis j'aimerais...
Parce que vous apportez... vous éclairez le parcours et vous mettez en évidence ce qui doit être amélioré, et ça, c'est très important. Par contre, pour ne pas perdre le fil, je crois que c'est important également qu'on puisse savoir qu'est-ce qui fonctionne bien, quels sont les acquis que nous avons ici, que nous possédons ici au Québec, les ressources qui doivent continuer de recevoir des investissements, qui doivent continuer de recevoir une attention particulière et qui doivent se prolonger dans l'avenir. Parce qu'il n'y a pas juste des choses problématiques, il n'y a pas juste des problèmes, il y a quand même des trucs qui fonctionnent. Puis c'est important aussi de savoir quels sont ces programmes-là pour s'assurer de leur accorder l'attention qu'ils méritent.
Alors, j'aimerais ça si c'était possible de vous entendre sur, bon, les éléments, les pratiques, les mesures qui sont les acquis intéressants et qu'on se doit, au Québec, de préserver dans le meilleur intérêt de ces enfants-là. Parce qu'il faut toujours penser non pas dans le meilleur intérêt nécessairement du parent, hein? Lorsqu'il s'agit de l'enfant, il faut vraiment regarder le meilleur intérêt de l'enfant. Et c'est avec cette paire de lunettes là que je m'adresse à vous aujourd'hui.
**(16 h 40)**Mme Saint-Germain (Raymonde): Merci, M. le Président. Vous abordez la question dans une perspective qui est tout à fait celle du Protecteur du citoyen, c'est-à-dire de reconnaître les avancées et de miser sur ce qui est là pour construire davantage pour l'avenir. On appelle souvent le Protecteur un médiateur, et c'est un peu ça, le rôle aussi entre la population et les services publics, de trouver des voies de passage pour qu'on puisse régler les problèmes. Et, chaque jour, on ne le dit pas nécessairement dans tous les rapports, mais il y a des dossiers qui se règlent pour un citoyen dans la confidentialité, sans que ce soit étalé. Et, chaque fois qu'on pense qu'un règlement qu'on a trouvé pourrait être utile à d'autres personnes éventuellement, bien, on demande aux organismes publics de dorénavant adopter cette attitude-là, ce qu'on appelle régler pour un, régler pour tous. Et, dans le dossier des personnes qui vivent avec un trouble envahissant du développement ou les autres phénomènes associés, je pense qu'on en règle aussi de manière régulière.
Oui, il y a des choses qui sont bien au Québec et qui sont... que c'est important de conserver et que les recommandations que nous avons faites vont aussi permettre de conserver. Je dirais, dans un premier temps, et ça, ce n'est peut-être pas écrit nulle part, c'est votre question qui m'inspire cette réponse-là, c'est la bonne volonté de tous les acteurs, qui veulent manifestement comprendre, aider et comprendre pour aider. Parce que ce n'est quand même pas évident, ce n'est pas un phénomène qui est si documenté et connu. Oui, il est documenté, mais d'une manière encore tellement évolutive que personne ne peut arriver avec toutes les certitudes. Et ça, c'est le cas autant... le fait autant des parents, que des personnes adultes qui vivent avec des troubles envahissants, que des différents experts. Alors donc, la bonne volonté, c'est peut-être le premier élément.
Je dirais, au niveau du premier service public, qui est en général celui des services à la petite enfance, l'ICI, quand même, l'intervention comportementale intensive, ce n'est pas quelque chose qu'il faut balayer du revers de la main. Bien au contraire, c'est déjà quand même une évaluation qui est faite sur des bases relativement documentées, toujours en évolution, qui est appliquée généralement partout de la même manière et qui permet d'avoir un certain nombre de diagnostics et d'éléments éclairants pour l'enfant.
J'ajouterais aussi, même si nous avons beaucoup de plaintes sur le fait qu'il n'y en aurait pas suffisamment, vous savez, les programmes de répit qui sont accordés, bon, par les CLSC, les différents organismes communautaires qui sont subventionnés. Bon, il faut reconnaître le besoin de ces parents-là, mais, en même temps, il faut aussi reconnaître que l'État contribue à alléger la situation de ces parents-là, comprend la situation et essaie au... le mieux possible, avec les moyens qui sont mis à sa disposition, de trouver des façons pour faire en sorte que ces parents puissent avoir du répit et mieux, au retour, assumer leur rôle avec les enfants.
Du côté scolaire, il y a évidemment le TEACCH, qui est aussi quand même une avancée. On sait que c'est utilisé au niveau scolaire. Là où il y a une difficulté, et c'est encore l'évidence, là, du fonctionnement compartimenté, c'est qu'il y a une méthode au niveau des garderies, des services de la... des centres de la petite enfance, pardon, il y a une autre méthode au niveau du ministère de l'Éducation, et ce n'est pas interconnecté, ce n'est pas interrelié, alors qu'on aurait tout intérêt, surtout s'agissant de ce type de troubles envahissants, sachant que tout changement dans la routine, dans la normalité est quelque chose qui fait régresser, on aurait manifestement intérêt ici à avoir une considération extrêmement particulière pour la continuité, pour l'harmonie dans les passages d'un niveau à un autre.
Alors, oui, le TEACCH aussi, c'est un acquis, mais en même temps le défaut de ces deux acquis-là, c'est que ce sont des acquis parallèles et compartimentés. Alors, je pense que, quand on dit dans le rapport: Il faut que les groupes se parlent, les équipes se parlent, c'est quand même très important.
Ce qui est aussi important, et ça ne tient pas, je dirais, aux services publics, mais les services publics l'ont reconnu, c'est le courage et la détermination des parents qui se sont regroupés dans des associations, Autisme Québec, TED Québec international, et qui ont ensemble examiné des littératures, fait des rencontres, fait des demandes pour essayer de faire avancer à la fois la situation de leurs enfants, mais aussi, je dirais, la capacité des services publics de bien comprendre. Et ils essaient ainsi de faciliter aussi la tâche des services publics. Et ça, je trouve qu'il faut reconnaître que ces parents-là sont des parents responsables, qui ont à coeur le bien de leur enfant, mais qui ont à coeur une très bonne collaboration avec les services publics. Et, tout au long du rapport, nous avons constaté qu'il y a des interfaces entre ces associations de parents, que ce soit locales, régionales ou à l'échelle du Québec, et les différents ministères. Et, moi, je trouve que ça, c'est à saluer vraiment aussi de part et d'autre. Maintenant, je ne sais pas si Mme Rousseau, qui a été très, très près du dossier, l'est encore au plan du terrain, souhaiterait, M. le Président... Est-ce que j'ai fait le tour ou...
Le Président (M. Drainville): Mme Rousseau.
Mme Rousseau (Louise): Oui. Ça a fait un beau portrait. En fait, il y a des dynamismes à la fois de la part de... Mme Saint-Germain l'a mentionné, de la part des associations de parents, à la fois de la part des intervenants. Il y a des collaborations qui sont à préserver. Dans le rapport, on parle de plus de concertation, de meilleurs arrimages, mais c'est inspiré aussi beaucoup de modèles qui marchent, de gens qui ont fait des efforts particuliers. Ce qui est souhaité, c'est que ce qui va bien soit généralisé à l'ensemble du Québec.
Déjà, on le disait dans le rapport, les services qui ont été organisés et offerts aux enfants, c'était déjà une grande avancée. Il n'y a pas si longtemps, il n'y avait pas d'organisation de services pour les enfants avec un trouble envahissant du développement. Oui, c'est une problématique qui est émergente. Le Québec s'est donné des services pour les enfants, c'est à bonifier, il y a des choses à améliorer, mais c'est effectivement quelque chose qu'on considère qui est très positif. On va aussi regarder la question des adultes. Il y a des choses qui sont positives dans les services organisés pour les adultes. Il y aura également des choses à bonifier aussi.
Financement des services
et allocation budgétaire
Mme Vallée: Merci. On pourrait continuer sur ce sujet-là, mais vous aviez, dans votre rapport, également, au point 3, je crois... Attendez. À la page 49, vous parliez de l'importance de décloisonner, je dirai, les enveloppes budgétaires. En fait, vous avez un chapitre qui porte sur le financement et l'allocation budgétaire. Vous dressez un portrait, là, des différentes enveloppes, à travers les différents ministères, qui sont accordées pour la problématique. Maintenant, est-ce que vous avez des recommandations à proposer...
Parce qu'évidemment les ministères sont soumis à certaines règles en matière de finances. Le Vérificateur général doit, en quelque sorte... a un mandat de surveillance, il doit s'assurer que tout se fait à l'intérieur des règles de l'art. Donc, vous amenez une idée, une recommandation qui est intéressante. Vous demandez une collaboration puis une concertation supplémentaire des ministères. Je pense qu'on le voit dans ce dossier-là, mais on le voit dans un grand nombre de problématiques.
Mon collègue tout à l'heure faisait état de la situation de l'itinérance. Il est clair que la question de l'itinérance ne relève pas exclusivement de la Sécurité publique, de la Justice, c'est vraiment... ça va chercher l'ensemble de l'action gouvernementale. Même chose au niveau des dossiers jeunesse qui vont... c'est vraiment... ça demande vraiment une mobilisation de l'action gouvernementale. Mais, lorsque vous apportez, dans votre recommandation... vous demandez une meilleure continuité dans les services et les approches, que l'on mette l'accent sur la concertation et la collaboration entre les ministères, comment on pourrait y arriver tout en respectant les exigences qui sont mises de l'avant par le Vérificateur général? J'imagine que vous avez peut-être des petites idées puis j'aimerais vous entendre là-dessus.
**(16 h 50)**Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le Président, tout ceci, toute cette question qui est liée à la gestion des enveloppes budgétaires, elle est beaucoup liée au guichet unique, qui est l'approche que nous préconisons dans ce dossier-là, et un guichet unique qui serait, au fond, le guichet qui est le point de service, mais par rapport à toute une planification des services, qu'on soit à la petite enfance ou qu'on soit à l'âge adulte.
Tout ça n'est pas contradictoire avec les règles comptables actuelles du gouvernement et avec les vérifications que peut faire le Vérificateur général. Je dirais même, ça va aussi dans le sens de faciliter la reddition de comptes. Parce que nous n'avons pas réussi à obtenir exactement l'utilisation des sommes qui avaient été accordées en 2005, et ça, ça nous arrive souvent dans différents dossiers, là, la comptabilité fine... Il y a des annonces, on va dire: On annonce, c'est de l'ordre de 16 millions, ce qui est accordé en 2005 pour les troubles envahissants du développement et autres troubles associés. Mais, quand on arrive au ministère de la Santé, ce n'est pas dans un programme Troubles envahissants du développement et autres troubles associés; ministère de l'Éducation, c'est la même chose, Famille, c'est la même chose, si bien qu'on n'est pas en mesure de faire le suivi de l'utilisation détaillée et précise de ces sommes-là. On n'est pas non plus en mesure d'identifier s'il y a eu des dédoublements ou si les sommes ont été accordées en fonction de ce que devraient être les véritables priorités.
Alors, c'est dans cette perspective-là que, moi, je pense, autant du point de vue de l'investissement public mais aussi du point de vue du dossier de chaque parent, ou de chaque enfant, ou de chaque citoyen concerné, on pourrait voir quelle est, par rapport au bassin disponible, quelle est la capacité d'aider et tenir le dossier à jour concrètement pour s'assurer que l'aide disponible, elle a été donnée et elle a été donnée selon les règles et aussi dans une juste mesure par rapport aux besoins. Alors, c'est vraiment dans cette perspective-là que le guichet unique aussi aurait une fonction de faire le suivi des dimensions qui sont financières.
J'ai oublié d'inclure les programmes de répit, qui sont quand même des programmes qui entraînent des coûts et qui sont comptabilisés, là, par ailleurs. Alors, voilà. Et, moi, je pense que c'est réalisable. C'est exigeant, j'en suis consciente, c'est un changement de paradigmes, mais, si on veut que les services publics soient tournés vers le citoyen, bien, c'est des projets comme ça qu'il faut mettre en place. C'est concret, c'est terrain. Et, nous, on voit, dans le milieu, la capacité des gens de... et la volonté d'agir dans ce sens-là. M. le Président, Mme Rousseau aurait, si vous êtes d'accord, un complément d'information.
Le Président (M. Drainville): Bien sûr.
Mme Rousseau (Louise): C'est certain, le problème des gestions en silo, c'est un problème qui est évoqué partout. Ce n'est pas un problème qui est propre à la problématique des troubles envahissants du développement, ce n'est pas propre au Québec non plus. On a toujours ce problème-là. Par ailleurs, l'idée que le citoyen, lui, n'ait pas à supporter les lourdeurs administratives qui sont derrière une gestion des budgets en silo vient supporter cette idée aussi du guichet unique. Que chacun des ministères, des organismes réponde aux règles budgétaires qui lui sont propres, et tout ça, c'est une chose, mais que le citoyen, pour lui, avec le guichet unique, ne verrait pas tous ces silos-là derrière, lui, il n'aurait qu'une seule formule à remplir. Il n'aurait pas à dédoubler l'information, il n'aurait pas un papier qui manque quelque part pour un qui n'était pas exigé pour l'autre. Donc, c'est cette optique-là aussi d'essayer de simplifier pour le citoyen tout en préservant les règles de bonne gestion financière et comptable.
Mme Vallée: Avez-vous eu l'opportunité d'échanger avec le Vérificateur général sur cette recommandation-là?
Mme Saint-Germain (Raymonde): Non, pas spécifiquement sur cette recommandation-là, mais je suis convaincue que ça respecte bien les règles et la volonté, en reddition de comptes, de bien s'assurer que les sommes qui sont allouées, qui sont votées servent pour les fins auxquelles elles ont vraiment été votées. Et, je dois vous dire, à ce moment-ci, c'est difficile, même pour le ministère de la Santé, d'attester que ces sommes-là sont allées pour les troubles envahissants du développement. C'est ce que le ministère nous a dit. Et c'est comme ça dans beaucoup de secteurs. Et je dirais que ça permet, cette reddition de comptes axée sur vraiment les projets ou les problématiques particulières, ça permet de s'assurer en cours d'année... à moins qu'il y ait une nécessité de changer des priorités, ce qui est autre chose, mais ça permet de s'assurer que les budgets sont bien utilisés aux fins pour lesquelles ils sont votés. Alors, non, je n'ai pas parlé avec le Vérificateur général, mais je ne crois pas qu'il y ait de problématique. De toute façon, il serait en mesure de répondre pour lui-même.
Rapport annuel 2008-2009 (suite)
Suivi des engagements des
ministères et organismes
Mme Vallée: J'aimerais vous entendre parce que vous avez, en début de présentation, présenté ou parlé de ce que vous aviez présenté à la Commission de l'administration publique, c'est-à-dire la grille de l'évaluation de l'efficacité des ministères. Je ne sais pas si je résume bien, mais j'aimerais vous entendre davantage sur cet outil, parce que j'imagine qu'il pourra aussi être utilisé dans le cadre de vos travaux futurs.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Oui. Alors, M. le Président, j'étais très heureuse que la Commission de l'administration publique souhaite associer le Protecteur du citoyen à ses travaux d'examen, notamment des rapports annuels de gestion des ministères, des organismes, et aussi à ses travaux d'examen des déclarations de services aux citoyens. L'intention de la commission est de compléter son examen des rapports du Vérificateur général par ceux du Protecteur du citoyen.
Nous avons donc développé une grille qui nous permet, pour chaque ministère et organisme qui sera entendu par la commission, lorsque ce sera le souhait de la commission, que nous puissions examiner en fonction, d'une part, des engagements de ce ministère, de ses obligations légales et des plaintes reçues au Protecteur du citoyen, de même que notre examen de leurs activités et des conclusions de nos enquêtes, alors, le respect par ce ministère de ses obligations en matière de justice administrative, le respect de ses obligations en matière de qualité des services, notamment incluses dans sa déclaration de services aux citoyens, le respect de toutes ses autres obligations en vertu des lois qui le régissent, des règlements d'application de ces lois-là, en vertu également des programmes qui ont été mis en place. Alors: Est-ce que ça a été fait? Comment ça a été fait? Est-ce qu'il y a eu des écarts? Est-ce qu'on a des recommandations à faire?
Et ça permettra aux parlementaires d'avoir, je dirais, un complément d'information qui vient leur permettre d'exercer davantage leur rôle de surveillance, donc, de l'exercice de ces responsabilités par l'Administration. Alors, il y a toute une série de démarches, d'analyses, une grille très spécifique en fonction des obligations, grille de traitement des plaintes. Bien sûr, lorsqu'on a des plaintes, ont-elles été fondées ou pas, sur quelle base? Quelles ont été nos recommandations? Ont-elles été suivies? Alors, c'est une grille assez importante.
M. le Président, si la Commission de l'administration publique accepte que ce document vous soit transféré, je pense que ça pourrait être intéressant de... Je n'y verrais, moi, personnellement, aucune objection.
Le Président (M. Drainville): On pourra, Mme la Protectrice, s'adresser à la présidence de cette commission-là pour voir, là, s'ils veulent nous faire parvenir les informations.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Et, si je peux me permettre, M. le Président, peut-être en conclusion à cette question-là, je trouve que le rendement des services publics doit être mesuré à la fois... et c'est incontournable, à la fois sous l'angle de la performance économique, administrative et budgétaire, mais aussi beaucoup à la fois sous l'angle du respect des engagements envers les citoyens, du respect des lois et des règlements, de la qualité des services et de la correction, lorsqu'il y a lieu, des préjudices. Alors, je trouve que c'est vraiment extrêmement important, ce travail combiné. Et, de plus en plus, le vrai rendement des services publics, il passe par la qualité de l'administration et la qualité du service rendu. Alors, c'est dans cette perspective que j'ai toujours plaisir à collaborer avec les commissions parlementaires.
Mme Vallée: Merci.
Le Président (M. Drainville): Il vous reste encore sept minutes.
Mme Vallée: Je voyais l'heure filer, je croyais qu'on arrivait à la fin de notre séance.
Le Président (M. Drainville): Non, vous avez encore du temps, vous avez encore du temps.
Mme Vallée: Alors, je vous remercie. Mais, pour...
Une voix: ...
Mme Vallée: Merci, cher collègue. Trop gentil. Non, ça va.
M. Kelley: Quel galant!
Le Président (M. Drainville): Alors, pour que les gens nous suivent bien, là, le député de Verchères a offert à la députée de Gatineau de prendre le temps restant et la députée de Gatineau a décliné l'invitation avec un grand sourire que vous avez pu voir.
**(17 heures)**Mme Vallée: Merci. Alors, j'imagine, Mme Saint-Germain, pour revenir à la grille, est-ce que cette grille-là pourrait être utilisée par, par exemple, les membres de cette commission pour faire un suivi de vos recommandations? Est-ce que cet outil-là pourrait être aussi utilisé dans le cadre de l'évaluation ou du suivi de vos rapports?
Mme Saint-Germain (Raymonde): C'est-à-dire, elle n'a pas été conçue, M. le Président, pour cela. C'est plutôt le suivi des engagements des ministères face à leur rapport annuel de gestion, à leur déclaration de services, face aussi à certains engagements. Mais elle n'est pas aussi adaptée au suivi de nos rapports spéciaux que ne l'est notre propre grille de suivi interne.
Et, moi, je m'engage à vous rendre accessible cette grille de suivi là. Évidemment, je ne puis pas le faire aujourd'hui parce que nous avons encore certains suivis en cours, mais, lorsque les suivis... les dates d'échéance seront rendues, donc, et que nous aurons assumé les suivis, il m'apparaît pertinent de les rendre accessibles aux membres de la Commission des institutions, qui est la commission à laquelle d'ailleurs le Protecteur du citoyen fait rapport.
Impact des récentes modifications
au Code des professions
Mme Vallée: Mme Saint-Germain, cette commission, en juin 2009, a apporté des modifications au Code des professions, avec le projet de loi n° 21, en fait, le projet... la loi n° 21. Et, lorsque cette loi-là va être mise en oeuvre, pour les gens qui nous écoutent, elle va prévoir des nouveaux titres et des nouvelles activités qui vont permettre à certains professionnels de poser certains actes et, entre autres, permettre aux psychologues qui oeuvrent dans les services de réadaptation de poser un diagnostic. Et donc ça permettra aux parents d'enfants vivant certaines difficultés de s'adresser à un autre type de professionnel qu'exclusivement un médecin. Et j'aimerais connaître votre opinion. Pensez-vous... dans le contexte de votre rapport, croyez-vous que l'impact du projet de loi n° 21 va permettre d'améliorer l'ensemble des services qui sont offerts à la population? Pensez-vous que c'est un pas de plus vers une plus grande accessibilité à des diagnostics?
Mme Saint-Germain (Raymonde): J'ai une opinion, mais je veux rester dans le cadre des responsabilités du Protecteur du citoyen, parce qu'évidemment vous référez à des arrangements et des responsabilités qui se négocient avec des ordres professionnels, sur lesquels nous n'avons pas compétence, bien que nous ayons en différentes occasions des échanges avec eux, d'autant plus que, dans plusieurs de nos enquêtes, lorsque nous devons examiner certaines situations, nous en référons aux critères et aux règles de qualité des ordres professionnels.
Je vais répondre d'une façon plus générale, par ailleurs, pour dire qu'en particulier dans le réseau de la santé et des services sociaux plus il y aura certaines dévolutions et plus il y aura certains décloisonnements... Je pense à un rôle accru qui pourrait être joué par des pharmaciens. Je pense au rôle accru qui est prévu pour les infirmières cliniciennes. Je pense aussi à un rôle accru qui pourrait être joué par d'autres professionnels, dont des psychologues. Je pense que c'est de nature à désengorger le réseau, à accroître l'accès, notamment l'accès en région, et à contrer les pénuries.
Mais, cela étant, je vous donne cette opinion dans la perspective où nous voyons souvent que la plainte est fondée parce qu'il n'y a pas eu accès à un spécialiste qui n'existe pas dans cette région et que, pour avoir accès au spécialiste, il faudra, dans trois semaines, aux frais de l'État, venir à Québec, venir à Montréal, venir à Sherbrooke. Alors, c'est certain que ce genre de constat que nous faisons régulièrement nous amène à dire: Oui, mais pourquoi un pharmacien n'aurait pas pu, pourquoi le physiothérapeute, dans ce cas-là? Mais je sais qu'il faut établir des règles. Je sais que ça ne se fait pas en amateur, il faut des règles précises, il faut s'assurer qu'il y a les bonnes formations. Il y aura certainement... il doit y avoir des mises à niveau de ces professionnels de la santé et de ces professionnels des services sociaux.
Donc, je ne veux pas m'engager plus avant, mais je pense qu'il y a là une voie, une autre voie de décloisonnement et, je dirais, de travail multidisciplinaire qui est, je crois, incontournable. Mais encore là ça déborde... la façon de le faire, le moment débordent bien sûr la compétence du Protecteur du citoyen qui n'est pas clinique, s'agissant des médecins, des pharmaciens et des dentistes.
Mme Vallée: Je comprends que vous aviez, en 2009... je me souviens de vous avoir entendue justement sur le projet de loi n° 21, vous étiez venue apporter certains éclaircissements et certaines lumières. Et puis vous mettez le doigt également sur une problématique, effectivement, l'accès en région ou en région éloignée à des professionnels et à des spécialistes pour représenter certains... des citoyens qui sont un petit peu plus éloignés des centres. On entend souvent les gens réclamer davantage d'accès aux spécialistes, parce que ce n'est pas toujours facile de se déplacer vers Montréal, vers Québec ou vers Sherbrooke lorsqu'on habite Maniwaki, Grand-Remous et Sainte-Thérèse.
Mais, ceci étant dit, on espère que les mesures qui ont été mises de l'avant permettront une meilleure accessibilité, tout en le faisant évidemment à l'intérieur de barèmes très sérieux et en respectant, évidemment toute la... les règles de l'art qui doivent s'imposer. Parce que, lors des auditions, des consultations sur le projet de loi n° 21, la préoccupation générale était de vraiment assurer un respect des connaissances et des règles de l'art chez les différents professionnels, donc. Mais là-dessus il y a un comité de travail qui a été mis en place, et je prends pour acquis que le comité se penchera là-dessus avec tout le sérieux que ça demandera.
Le Président (M. Drainville): ...
Mme Vallée: Alors, je vous remercie infiniment pour cette rencontre et ces échanges.
Le Président (M. Drainville): Et ce sera le mot de la fin. Mme Saint-Germain, ça a été un plaisir de vous recevoir cet après-midi, vous et toute votre équipe, M. Dussault, M. Dowd et Mme Rousseau. Et nous allons entendre parler de vous prochainement, lorsque vous déposerez le prochain rapport qui fera l'objet d'une audience dans les mois qui viendront. Ça nous fera plaisir, à ce moment-là, de vous revoir à nouveau. Merci beaucoup du travail que vous faites, c'est très apprécié. Je pense que c'est de bon aloi de vous remercier au nom des citoyens du Québec pour lesquels vous travaillez. Merci beaucoup.
Mme Saint-Germain (Raymonde): Merci, M. le Président, M. le vice-président et tous les membres. Et je vous redis notre entière disponibilité pour l'ensemble des parlementaires. Merci.
Le Président (M. Drainville): Et je suspends les travaux quelques instants.
Nous allons nous réunir dans quelques minutes à la salle RC.171 pour une séance de travail. Merci à tous et à toutes.
(Fin de la séance à 17 h 7)