(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous avons constaté le quorum. Je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes qui ont des cellulaires de bien les fermer, s'il vous plaît, pour la bonne marche de nos travaux.
Je veux souhaiter la bienvenue à tous nos collègues du côté ministériel, du côté de l'opposition. J'en profite parce que je n'ai pas eu l'occasion, Mme la députée, de vous souhaiter aussi une bonne année, et à tous ceux qui n'ont pas été salués.
Je vous rappelle le mandat de la commission, c'est de tenir des audiences publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'avant-projet de loi, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale.
Mme la secrétaire, qui a été remplacée par une nouvelle secrétaire qui est toute aussi compétente, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Bouillé, (Iberville) remplace M. Drainville (Marie-Victorin); M. Gauvreau (Groulx) remplace M. Cloutier (Lac-Saint-Jean).
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, merci, Mme la secrétaire. Je vais vous faire rapidement la lecture de l'ordre du jour. Je constate que la Coalition des familles homoparentales sont déjà en place, je vous souhaite la bienvenue par la même occasion. Il y aura, à 10 h 30, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec; à 11 h 30, la Fédération des parents adoptants du Québec.
Et, sans plus tarder, je vous donne les règles, qui sont fort simples, vous allez voir. Je veux vous redire, même si ça semble, pour ceux qui nous écoutent continuellement, que c'est redondant, mais ça ne l'est pas pour chacun d'entre nous qui assiste pour la première fois à cette commission ou vient faire la représentation... Donc, je veux vous souhaiter la bienvenue au nom des gens de la commission, au nom de la ministre bien sûr, elle va sûrement le faire d'elle-même, mais je veux, au nom de chacun des membres de la commission, vous souhaiter la bienvenue et vous dire que vous êtes chez vous ici, à l'Assemblée nationale, et que vous êtes toujours les bienvenus. Donc, soyez bien à l'aise de le faire.
Auditions (suite)
Donc, sans plus tarder, je vais vous demander de vous présenter. Et je vous donne les règles du jeu, qui sont fort simples, c'est 10 minutes de présentation de votre part, et vous pouvez vous séparer ça comme vous voulez, là, c'est à votre convenance. Il y aura 50 minutes d'échange de part et d'autre de l'Assemblée, qui vous permettra, qui nous permettra et vous permettra de mieux livrer votre message et, nous, de mieux comprendre le vôtre. Donc, sans plus tarder, à vous la parole.
Coalition des familles homoparentales (CFH)
Mme Greenbaum (Mona): Merci. Alors, bonjour. Je m'appelle Mona Greenbaum, de la Coalition des familles homoparentales. Je suis la directrice, et voici Gary Sutherland, notre coprésident. Donc, la coalition compte maintenant près de 1 000 familles membres à travers le Québec. Nous militons pour la reconnaissance légale et sociale de nos familles. Nous travaillons en collaboration avec les organismes gouvernementaux et les médias afin d'accroître la reconnaissance légale et sociale des familles avec parents lesbiens, gais, bisexuels et transgenres.
Un autre mandat de la coalition est de créer de nouvelles ressources qui peuvent être utilisées dans les écoles primaires et secondaires, les cabinets médicaux, les garderies, les services sociaux ou encore les organismes communautaires afin de sensibiliser le public à propos de nos familles et de l'impact de la discrimination homophobe.
Premièrement, nous souhaitons féliciter le gouvernement d'avoir proposé une législation pour mieux refléter la réalité et la diversité des familles québécoises. Bien évidemment, nos familles, dont plusieurs sont formées grâce à l'adoption, font partie de cette diversité. La coalition est particulièrement heureuse de voir certaines modifications proposées, telles que des dispositions pour simplifier la vie des familles recomposées, les nouvelles règles concernant les demandes de renseignements médicaux et l'adoption de l'enfant par le conjoint. De plus, à un niveau plus général, les membres de la coalition sont en faveur du droit de l'enfant de connaître ses origines et d'avoir accès aux informations pertinentes sur sa famille d'origine au moment où son développement personnel lui permettra de bien accueillir cette information.
Cependant, notre réalité n'est pas toujours bien reflétée dans cette proposition, et quelques modifications suggérées pourraient rendre la vie de nos familles difficile. Certaines dispositions pourraient également rendre les démarches pour adopter plus difficiles pour les couples gais et lesbiens. Je voudrais laisser Gary vous parler plus longuement des dispositions qui sont problématiques pour nous.
M. Sutherland (Gary): Merci, Mona. Bonjour et merci de nous avoir accueillis ce matin; on est très contents d'être là pour pouvoir vous donner notre point de vue sur cette législation très importante. Essentiellement, il y a trois parties de cet avant-projet de loi qui ont retenu notre attention: l'adoption sans rupture de lien de filiation, les dispositions concernant le nom de l'enfant et l'adoption ouverte.
Au niveau de l'adoption sans rupture de lien de filiation, les membres de notre coalition s'inquiètent de la portée de l'alinéa 14, à plusieurs niveaux. Premièrement, cet article spécifie qu'on peut avoir recours à ce type d'adoption afin de préserver un lien d'appartenance significatif. Qu'est-ce qui constitue un lien d'appartenance significatif? Dans la vaste majorité des placements d'enfants en bas âge parmi nos membres, depuis l'entrée en vigueur, en 2007, des modifications sur la Loi de la protection de la jeunesse, l'ordonnance de placement du juge spécifie que des visites régulières auront lieu entre l'enfant et les parents d'origine. Des visites de quelques heures par mois dont l'objectif est de déterminer: les capacités parentales des parents d'origine sont-elles suffisantes pour créer un lien d'appartenance significatif? Si, à l'issue de cette période de visites, les parents biologiques sont jugés inaptes à s'occuper de leur enfant, peut-on conclure quand même que le maintien de la filiation est justifié? En quoi est-ce que ce lien va bénéficier l'enfant? À notre avis, il faut déterminer, sans doute avec l'aide des intervenants de la DPJ, si ce lien d'appartenance significatif constitue pour l'enfant un lien positif de l'attachement qui va favoriser son développement.
**(9 h 40)** Deuxièmement, bien que les cas énumérés dans cet article soient très clairs et semblent effectivement justifier le recours à ce type d'adoption, le législateur a utilisé le mot «notamment», ce qui indique que ce n'est pas une liste exhaustive de cas où on pourrait invoquer le maintien de la filiation. Qu'est-ce qui empêcherait un juge, par exemple, de décider de ne pas rompre le lien préexistant de filiation dans le cas d'une adoption par deux hommes ou par deux femmes, et ce, même si aucune des situations énoncées à l'article 14 n'est applicable? Un juge qui a de la difficulté avec les familles homoparentales pourrait trouver qu'il est préférable, sur la base de ses convictions personnelles, de maintenir une filiation d'origine plutôt que de créer une filiation associée uniquement à une famille homoparentale. Malheureusement, nous ne pouvons pas encore dire que l'homophobie n'existe plus dans notre système judiciaire. Il faut également se demander si l'enfant pourrait développer des liens aussi solides avec ses parents adoptants sous ce régime.
Actuellement, le postulant en Banque-mixte doit juger le risque que l'enfant qui lui est confié ne soit pas rendu adoptable. Avec les modifications proposées, il aurait également à s'inquiéter de quelle forme l'adoption pourrait prendre. La Banque-mixte est une des seules options pour les personnes gaies qui souhaitent adopter. Ces nouvelles dispositions pourraient faire fuir des candidats en Banque-mixte qui doivent déjà faire face à de nombreux obstacles pour fonder leur famille et ainsi réduire le nombre de candidats prêts à accueillir un enfant qui a besoin d'une nouvelle famille. D'après la coalition, il faudrait réaffirmer la place centrale qu'occupe l'adoption plénière fermée dans la société québécoise. L'adoption fermée doit rester la norme, et, lorsqu'on propose une autre forme d'adoption, le demandeur devrait démontrer au tribunal que c'est dans le meilleur intérêt de l'enfant.
On est d'avis qu'il faudrait expliciter les cas précis où l'adoption sans rupture de lien de filiation pourrait évoquer et préciser l'âge limite lorsqu'il s'agit d'une mesure visant la préservation de liens significatifs pour un enfant plus âgé; tout autre recours à cette option exigerait qu'il soit démontré clairement que l'application de ce type d'adoption soit dans le meilleur intérêt de l'enfant.
Maintenant, en ce qui concerne le nom de l'enfant qui sera adopté, l'article 15 spécifie que, dans le cas d'une adoption sans rupture de lien de filiation, l'enfant conserverait un des noms des parents d'origine, auquel s'ajouterait un des noms des parents adoptants. Nous sommes inquiets pour le possible impact sur l'intégration de l'enfant dans son nouveau milieu de vie et pour le développement de son identité. Étant donné que les familles homoparentales ne bénéficient pas du même appui social que les familles hétéroparentales pour ce qui est de la composition de leur famille, elles doivent chercher d'autres façons à favoriser l'appartenance de l'enfant à sa nouvelle famille et l'aider à forger une identité. Et une de ces façons, c'est effectivement de donner le nom des parents adoptants à l'enfant. Quel serait l'effet sur l'identité d'une famille si tous les enfants adoptés au sein de la famille ne portaient pas le même nom? Il pourrait s'agir d'une occasion manquée pour consolider une famille créée par l'adoption et pour assurer des liens stables et durables entre frères et soeurs adoptés.
Pour les familles qui voyagent à l'étranger, surtout les familles homoparentales, qui surprennent souvent les responsables d'immigration lorsqu'ils arrivent à une frontière, comment expliquer qu'un enfant qui voyage avec nous porte un nom qui n'appartient à aucun des parents? Ou encore voyager avec plusieurs enfants qui ne portent pas les mêmes noms que les pères ou les mères? Ça leur vaudrait sûrement un détour à un bureau à côté pour expliquer plus longuement leur cas. Nous croyons donc qu'il faut laisser à la famille adoptante le soin de déterminer le nom de l'enfant, dont une partie pourrait refléter le nom d'origine si la famille adoptante et éventuellement l'enfant, lorsqu'il s'agit d'un enfant plus âgé, le souhaitent.
Maintenant, au niveau de l'adoption ouverte et la possibilité de conclure une entente de communication postadoption, oui, cette pratique existe déjà de façon informelle dans bien des cas ici, au Québec, mais une telle mesure répond aux besoins de qui exactement? La majorité des adoptions d'enfants résidant au Québec, comme vous le savez, se réalisent à la suite d'un jugement de la cour. Actuellement, lorsqu'un adolescent recherche ses origines biologiques, les services de retrouvailles de la DPJ procèdent de manière très douce. Force est de constater que souvent les parents d'origine en Banque-mixte sont aux prises avec des grandes difficultés, dépendance aux drogues ou à l'alcool, maladie mentale, pour ne nommer que celles-là.
Apprendre la vérité, toute la vérité sur sa famille biologique pourrait être très néfaste pour un jeune qui est déjà en quête d'identité. Lui dévoiler cette réalité plus tard semble a priori prudent. En vieillissant, l'enfant risque d'avoir des assises plus solides pour comprendre une réalité qui peut être difficile à accepter. Il ne s'agit pas de lui mentir ni de lui cacher quoi que ce soit, mais plutôt de l'accompagner à la mesure de son développement.
Mona l'a déjà dit, mais je tiens à le répéter, nous sommes d'avis qu'il faut absolument que l'enfant ait accès aux informations relatives à ses origines, accès, en fait, à son histoire personnelle. Ce sont ses parents adoptifs qui sont les mieux placés pour raconter cette histoire à l'enfant et pour l'aider à comprendre sa différence. D'ailleurs, certains experts pensent que les familles homoparentales, qui vivent déjà dans une société avec une différence de la plupart des familles, arrivent plus facilement à apprendre à l'enfant à vivre effectivement cette différence. La famille adoptante peut également lui dévoiler au fur et à mesure qu'il grandit les détails de ses origines. S'il a des visites postadoption avec les parents d'origine, la famille adoptante perd le contrôle sur la façon dont le jeune apprend ses origines. La famille d'origine pourrait également dire des choses sur la famille adoptante, créant ainsi des conflits de loyauté chez l'enfant ou affaiblissant son attachement à sa nouvelle famille. La prudence est donc de rigueur pour assurer un bon développement à l'enfant. Il faut à tout prix protéger l'enfant et lui assurer un développement sain dans une famille dont il peut être fier.
Dans une entente de communication, un échange de lettres et de photos une fois par année, c'est une chose. Organiser des visites entre l'enfant et le parent d'origine, c'est tout à fait autre chose. Exposer un enfant trop jeune à la désorganisation de son parent d'origine pourrait avoir un effet dévastateur sur son développement, sur son estime de soi et sur son attachement à sa nouvelle famille.
Est-ce qu'il faut rendre ces ententes obligatoires? Si les parents adoptants acceptent une entente qui prévoit qu'un échange... prévoit seulement un échange de lettres et de photos, et que cette entente est entérinée par le tribunal, qu'est-ce qui empêcherait les parents d'origine de pétitionner le tribunal, deux ou trois ans plus tard, pour modifier l'entente initiale afin d'y ajouter des visites avec l'enfant? Sous prétexte que le parent d'origine a réussi à se sortir de la drogue ou ne boit plus ou suit un nouveau traitement permettant de contrôler sa maladie mentale, est-ce que la nouvelle famille vivrait sans cesse avec la crainte d'être appelée encore une fois au tribunal pour examiner une nouvelle demande des parents d'origine?
La coalition suggère les mesures suivantes: de permettre l'établissement d'une entente de communication postadoption uniquement lorsqu'un telle mesure est justifiée dans l'intérêt de l'enfant; et d'éviter, dans toute entente de communication, des visites postadoption entre l'enfant et les parents biologiques, sauf dans les rares cas où les experts de la DPJ pensent qu'un tel contact serait bénéfique pour l'enfant.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Sutherland, est-ce que vous en avez encore pour un petit bout de temps ou...
M. Sutherland (Gary): Non.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Est-ce qu'il y a consentement pour dépasser le temps de présentation? Oui. Allez-y.
M. Sutherland (Gary): Merci. Et finalement: supprimer la disposition voulant que l'entente de communication soit entérinée pour valoir jugement; privilégier plutôt le recours à des mécanismes de médiation en cas de désaccord entre les parties dans la négociation de l'entente ou encore dans sa mise en oeuvre.
On dit souvent que dans l'adoption il y a un triangle: les enfants, les parents d'origine et les parents adoptants. Équilibrer les droits des trois côtés des triangles, c'est toujours délicat. Il n'y a aucune recette miracle. Afin de pouvoir correctement dévoiler toute son identité à l'enfant, les familles adoptantes doivent être bien formées et outillées. Quand faut-il raconter son histoire? Que faut-il dire, et de quelle façon?
À l'heure actuelle, les familles Banque-mixte ne reçoivent aucune formation pour les aider à bien gérer cette différence chez l'enfant adopté et lui expliquer de la meilleure façon possible son histoire. La société québécoise manque cruellement de ressources postadoption pour mettre à la disposition de ces familles. Peut-être qu'une partie de la solution se trouve dans le meilleur accompagnement de la famille adoptive pour l'aider à se construire et à se consolider et à aider le jeune à intégrer son identité multiple, plutôt que le renforcement d'un lien de sang qui peut lui être douloureux et fragilisant. On souhaiterait voir finalement qu'on établisse et qu'on mette en oeuvre des mécanismes pour soutenir les familles adoptantes et mieux les outiller pour raconter à leurs enfants leur histoire de vie et pour les aider à vivre avec leurs différences. Des services postadoption, qui manquent actuellement, devront être offerts à tous les adoptants, aussi bien pour l'adoption internationale que pour l'adoption nationale. On vous remercie.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Sutherland. Donc, je vais donner l'opportunité à Mme la ministre... J'ai compris, Mme la ministre, et aussi du côté de l'opposition, qu'on fonctionnait un peu de la même façon, c'est-à-dire qu'on séparait les blocs, à peu près 10 minutes; ça vous va, ça?
Mme Weil: Oui.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Allez-y, Mme la ministre.
**(9 h 50)**Mme Weil: Merci. Alors, bienvenue, merci beaucoup pour votre point de vue. Et, aujourd'hui, on aura l'occasion aussi de rencontrer l'Association des centres jeunesse, donc beaucoup des questions que vous soulevez. Ça va nous permettre aussi de leur poser ces questions pour voir les types de solutions qu'eux peuvent imaginer. Parce qu'évidemment c'est un dossier où, là, on lance un avant-projet de loi justement pour entendre tous les points de vue, pour le valider, le peaufiner, l'améliorer; et il y a toutes sortes de points de vue sur toutes sortes de choses. Et d'ailleurs...
Mais dans un premier temps on va peut-être regarder certains aspects plus techniques, puis ensuite j'aimerais vous poser des questions sur les aspects de confidentialité, etc., d'autres modèles qui existent ailleurs au Canada, ce que vous en pensez, etc. Et je suis bien sensible, je ne l'avais pas vu avant, évidemment, mais en lisant votre mémoire, les craintes que vous avez par rapport à la Banque-mixte; je saisis ce que vous dites, et donc il s'agira de voir comment on peut faire pour éviter ce genre de dérapage ou de confusion, donc.
Alors, on va peut-être aller à l'article 14, et cette notion de... lorsque le juge remarque qu'il y a des liens d'appartenance. Donc, c'est plus un état de fait qu'il prend en compte, ce n'est pas pour établir ou maintenir nécessairement des liens d'appartenance. Parce que vous avez évoqué tout à fait le genre de scénario: c'est souvent, souvent un parent qui est très désorganisé, toxicomane ou autre, et donc l'idée, c'est justement de permettre à ces enfants d'avancer dans leur vie. On parle de projet de vie, de projet de vie permanent, c'est le langage du milieu des centres jeunesse.
Et l'argumentaire qu'on nous donne, ou la raison pour cette nouvelle forme d'adoption, c'est justement pour débloquer pour l'enfant, débloquer... Parce qu'il connaît son parent, et, même s'il voit son père ou sa mère une fois par année, même si c'est un appel le jour de son anniversaire, il y a un attachement émotif, là, et que l'enfant reste pris entre deux mondes, et il n'est pas capable d'avancer. Mais, en lui permettant de ne pas renier nécessairement, c'est quelque chose, c'est émotif plus que physique, c'est quelque chose dans, comment dire, son attachement qui lui fait dire qu'il va... il renie son père ou sa mère s'il dit: Bon, bien, là, j'ai un nouveau nom, des nouveaux parents, et puis je t'oublie, tu n'es plus dans la vie. Alors, c'était pour régler ce problème-là.
Hier, évidemment, il y avait beaucoup de réactions positives à cette idée. Maintenant, il restera, et vous avez raison de le souligner, toute cette question de: Qu'est-ce que ça veut dire, lien d'appartenance? Est-ce qu'ils vont avoir une entente de communication? Et, moi, j'aurais l'intention, cet après-midi, de fouiller vraiment cette question avec l'Association des centres jeunesse, voir un peu comment tout ça pourrait être géré. Donc, ce n'est pas... Comme je vous dis, dans beaucoup de cas, non, il n'y aura peut-être plus de lien, comme lorsqu'il était en foyer, en famille d'accueil, il voyait rarement ses parents, pour les raisons que vous avez évoquées. Mais je comprends bien l'alerte que vous faites, et on va poser des questions, on va creuser ça un peu plus.
Évidemment, il y a un consentement, hein, l'idée de cette notion d'adoption sans lien de filiation, il faut qu'il y ait une entente. Ce ne serait pas le tribunal qui... Le juge s'assure au préalable que l'adoptant et les parents d'origine connaissent les effets d'une telle décision. Donc, il y aurait sûrement -- mais on va en discuter -- des recommandations du DPJ. Je ne sais pas si, vous, vous recommanderez même qu'il y ait une évaluation psychosociale dans ce cas.
M. Sutherland (Gary): C'est peut-être un élément qui manque actuellement, c'est de savoir si réellement c'est la meilleure solution pour l'enfant en question.
Mme Weil: D'accord. Et vous parlez de démontrer au tribunal que c'est, dans votre mémoire, dans le meilleur intérêt de l'enfant, bien c'est justement cet exercice-là. Donc, vous, ce que vous dites essentiellement, c'est qu'il faut y aller de façon plus précise, avoir des règles plus claires par rapport au fonctionnement de ce type d'adoption.
M. Sutherland (Gary): Je pense que vous avez dit un mot clé, là, que je n'ai pas osé employer dans le mémoire, c'est dérapage. Je pense que les cas qui sont présentés sont tout à fait justifiables pour avoir le recours à ce type d'adoption. J'aurais peur, pour des raisons qu'on n'a pas vues au moment où on rédige la législation, que cette option-là est utilisée pour autre chose. Lorsqu'effectivement un couple de deux hommes se présente devant le tribunal, il y a eu une certaine relation entre l'enfant et ses parents adoptifs, ce qui est, en Banque-mixte, presque toujours le cas maintenant, lorsque les parents se présentent aux visites, puisque dans le... Depuis 2007, dans les faits, le juge va ordonner presque toujours un placement temporaire... bien ce qu'on appelle un placement permanent, mais d'une durée d'une année ou de deux ans, pour justement évaluer le parent. Alors, il y a des visites régulières qui sont planifiées, parfois les parents ne viennent pas, parfois ils viennent de manière très assidue. S'ils viennent, il y a une certaine relation qui s'établit entre l'enfant, et je pense que, dans certains cas, il y a un lien d'appartenance effectivement qui s'établit.
Maintenant, moi, je vois une distinction entre un lien d'appartenance et un lien d'attachement, un autre mot que vous avez utilisé qu'on ne retrouve pas dans l'avant-projet de loi mais, pour moi, qui est clé, c'est l'attachement de l'enfant et l'attachement envers qui doit être déterminant là-dedans. Et, pour moi, c'est là où la DPJ doit très, très clairement intervenir et décider de l'état de l'attachement, de son degré d'intensité et envers qui cet attachement est positif pour l'enfant.
Mme Weil: D'ailleurs, dans votre mémoire, vous avez parlé de préservation de liens significatifs, alors que le projet de loi parle de préserver des liens d'appartenance significatifs, c'est-à-dire que l'idée, c'était plus par rapport à son identité, pas nécessairement de liens permanents qui vont s'établir. Mais je pense que l'essentiel de votre point, c'est qu'il faut clarifier tout ça, puis on aura l'occasion d'en parler avec les centres jeunesse.
M. Sutherland (Gary): Oui. Et, de surcroît, je pense que, même s'il s'agit d'un lien d'appartenance, de filiation pur qui ne comporte pas de visites ni de contacts avec le parent biologique, l'adoption, c'est tout dans le symbolique, et l'appartenance à une nouvelle famille, tout est symbolique. J'aurai la chance de vous parler plus longuement de mon histoire personnelle cet après-midi. Le symbolique, ça régit nos jours. Au jour le jour, c'est: les enfants ne nous ressemblent pas, on doit chercher d'autres manières de solidifier l'appartenance dans une nouvelle famille, et tout passe par le symbolique. Alors, une filiation, pour moi, là, est très, très symbolique. Et je pense que c'est là-dessus qu'il faut faire très attention avec les enfants en bas âge qui n'ont pas eu ce contact-là avec leurs parents d'origine, qui n'ont pas encore créé ce lien symbolique avec eux, qui n'ont pas encore vécu leur filiation. Ce sont ces cas-là, là, qui me rendent un petit peu inquiet.
Mme Weil: Oui. Et l'idée, c'était vraiment que ce serait dans des cas très précis, et ce serait vraiment circonscrit, le... Et donc vous parlez de l'âge de l'enfant, qu'il faudrait que ce soit un certain âge. Est-ce que vous avez une idée de quel est cet âge magique?
M. Sutherland (Gary): Savez-vous que c'est une question épouvantable, là. Je ne pourrais pas vous dire. Ça, je me référerai plutôt aux experts de la DPJ. Un enfant qui pourrait être beaucoup plus âgé n'a pas un lien d'appartenance positif envers ses parents biologiques, pour x raisons; un enfant plus jeune pourrait l'avoir. Alors, c'est vraiment du cas par cas, et il faut qu'on se fie aux experts dans le domaine, et ça, ce sont les intervenants sociaux, qui connaissent à la fois les parents d'origine, les enfants et les parents adoptants, qui sont les seuls à pouvoir réellement évaluer ce genre de choses.
Mme Weil: Oui. Et vous parlez de... Pour ce qui est de l'entente de communication, vous recommandez qu'on supprime «que ce soit entériné pour valoir jugement». Beaucoup de juridictions ont aussi des jugements, on est en train d'analyser, mais il y en a beaucoup au Canada. C'est ce qu'on propose, c'est-à-dire que l'entente de communication est entérinée par le tribunal. Votre inquiétude, c'est cette... Il y aurait une judiciarisation, il y aurait trop de contestations, c'est votre...
M. Sutherland (Gary): J'ai peur à la fois que ça crée un problème, une crainte continue pour la famille adoptive, pour la nouvelle famille qui est créée. On ne sait pas, au moment de l'adoption, ce qui pourrait arriver 10 ans plus tard dans la vie d'un enfant. Comment l'enfant va réagir à une entente de communication, même s'il s'agit juste d'un envoi de lettres ou de photos? On n'a pas forcément besoin de le dire à l'enfant au moment où ça se fait. Ça, c'est le genre d'arrangement, là, que le parent adoptant pourrait prendre et pourrait s'en occuper. Sauf qu'à un moment donné l'enfant va avoir des questions, et je pense qu'il y a beaucoup de parents adoptants qui ne veulent pas mentir à l'enfant au niveau de ses origines, qui veulent rester extrêmement transparents. On a eu des dérapages par le passé, l'enfant qui n'était pas au courant d'une partie de son histoire ou de la totalité de son histoire.
Donc, en tant que parents adoptants, je crois qu'on est toujours très conscients du fait qu'en autant que le développement de l'enfant le permet on doit lui donner la vérité. Alors, 10 ans après la signature d'une entente, si l'enfant ne veut plus que sa photo soit envoyée à ses parents d'origine parce qu'il est en rébellion, il ne veut rien savoir de ça, qu'est-ce qu'on fait? On retourne vers le tribunal? C'est compliqué. On a déjà assez de choses à gérer avec un enfant de 10 ans, là, pas évident toujours. Mais de devoir prendre ça en considération en plus de tout le reste, je pense que ça pourrait effectivement faire fuir certains candidats à la Banque-mixte.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre, nous y reviendrons. Mme la députée de Joliette.
**(10 heures)**Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup de votre présentation très claire et, je pense, avec des arguments, aussi, très, très précis. Merci beaucoup.
Tout de suite, pour donc la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation, je comprends qu'une de vos demandes -- puis vous y revenez aussi pour l'adoption ouverte -- c'est vraiment que ça se situe clairement toujours dans l'intérêt de l'enfant. C'est sûr que c'est un principe de base en droit de la famille, et je pense qu'on l'a dans le portrait toujours. Mais effectivement je pense que vous faites bien de le souligner, parce qu'il y a des endroits dans la proposition qui est devant nous où on réaffirme l'intérêt de l'enfant, mais il y a des endroits où on ne le met pas comme critère, je dirais, spécifique. Et effectivement, quand on lit l'article 14, il n'apparaît pas comme tel, et je pense qu'on peut se demander si, dans des cas, un juge pourrait aussi penser à regarder le tout en... je dirais, en lien davantage avec les besoins des parents biologiques, aussi, plutôt qu'uniquement du point de vue des liens d'appartenance significatifs ou d'attachement significatif pour l'enfant. Donc, je pense que c'est un... c'est un point intéressant que vous soulevez, de le ramener même au cas par cas.
De ce que je comprends de vos propos, c'est que vous craignez une trop grande discrétion -- on est toujours, là, dans le cas de figure de l'adoption sans rupture du lien de filiation -- du tribunal, qui pourrait, selon différentes circonstances, être influencé par ses propres valeurs, et tout. Donc, vous, vous plaidez non pas pour éliminer complètement, si je vous suis bien, la possibilité qu'il y ait une adoption sans rupture du lien de filiation, mais pour que ce soit très, très balisé. Est-ce que c'est le cas?
M. Sutherland (Gary): C'est tout à fait ça. Je pense qu'il y a des cas de figure qui sont difficilement traitables sous la loi actuelle. Effectivement, on doit donner des options pour que ces enfants-là qui parfois souhaitent être adoptés -- et l'adoption pourrait être très, très bénéfique pour eux -- que cette adoption puisse avoir lieu. C'est tout à fait le cas. Le mot «dérapage» me revient à l'esprit, là.
On m'a évoqué dernièrement un cas où peut-être ce type d'adoption sans rupture de lien de filiation pourrait s'appliquer, lorsqu'il s'agit d'un enfant autochtone qu'on ne voudrait pas... qui serait en bas âge, qui n'a pas forcément de lien avec sa famille biologique mais qui a un lien avec la plus grande communauté autochtone à laquelle il appartient. Effectivement, ça porte à réflexion. Est-ce que ça pourrait être le cas, que ce lien-là est suffisamment important qu'on le garde par une mesure comme l'adoption sans rupture de lien de filiation? Que fait-on, maintenant, avec un enfant issu d'une communauté ethnique? Est-ce que la même... le même raisonnement ne pourrait pas s'appliquer? Est-ce que ça ne créerait pas un problème pour la famille qui en résulte, lorsqu'on sait déjà que, s'il est issu d'une autre origine ethnique, bien, déjà il y a une différence, dans la famille, par-dessus laquelle il faut qu'on saute pour créer une cohésion familiale? J'ai peur qu'on élargisse l'application de cette... de ce type d'adoption là à d'autres cas. Et j'ai évoqué le cas de deux hommes ou de deux femmes qui se présentent devant le tribunal. D'autres mémoires qui ont été présentés à la commission l'ont mentionné. Il y a lieu peut-être de faire un peu de formation d'ouverture à la diversité dans le milieu judiciaire, puisque ce n'est pas toujours évident.
Et je comprends qu'un juge, il prend une très, très grande décision lorsqu'il prononce un jugement d'adoption. Alors, est-ce qu'à un certain moment il ne pourrait pas penser que ce serait bien de garder un lien de filiation d'origine lorsqu'il s'agit de deux hommes en face de lui? Parce qu'au moins, comme ça, l'enfant aura toujours sa mère dans le portrait. Ce sont des cas de figure que, moi, je vois, qui pourraient être problématiques, et qui pourraient être problématiques pour l'enfant dans son développement dans sa nouvelle famille, par la suite.
Mme Hivon: Puis c'est ça, tout à l'heure, la ministre disait que l'article 14, en fait, sous-tend l'idée du consentement des parents adoptants, bien qu'il ne soit pas écrit comme tel que les parents adoptants doivent consentir. Mais, moi, un problème que je vois, c'est dans la réalité de la Banque-mixte. Si un enfant est déjà placé dans une famille d'accueil depuis un an ou depuis deux ans, parce que la période s'allonge, parce qu'il continue à avoir des contacts, le parent biologique essaie de se réorganiser, tout ça, et qu'au bout du compte la réalité est, pour les parents adoptants, que le parent biologique consentirait à l'adoption mais avec maintien du lien de filiation, par exemple, ça peut mettre les parents adoptants dans une situation de: Oui ou non? Et je n'ai pas le choix d'accepter, dans le fond, parce que cet enfant-là, je m'y suis attaché, je l'ai pris dans ma famille dans l'optique de l'adopter, et maintenant je suis face à une réalité où, pour simplifier les choses, plutôt que d'aller en déclaration judiciaire d'admissibilité... Je pense qu'il pourrait y avoir des situation difficiles et très déchirantes pour les parents adoptants. Donc ça, là-dessus, je vous suis, puis je vous dirais que vous avez allumé d'autres lumières par votre témoignage.
J'aimerais vous entendre... Parce qu'évidemment vous vivez une réalité qui est très spécifique, des familles homoparentales. Vous parlez des craintes de discrimination ou de... je dirais, de préjugés devant les tribunaux qui... Effectivement, je pense, que... La demande qu'on entend souvent, qu'il y ait une plus grande formation, ou l'ouverture à la diversité de... je dirais, de nos magistrats, je pense qu'on la reçoit bien.
Est-ce que vous pouvez nous donner un peu des... Est-ce que, dans la réalité actuelle, les adoptions en Banque-mixte, puis tout ça, vous sentez déjà certains préjugés? Est-ce qu'il y a des histoires qui vous sont données de cas où on dirait que l'adoption se fait moins facilement et que le placement, par exemple, s'éternise ou même qu'il y a une réticence à mettre l'enfant en famille d'accueil en milieu homoparental?
Mme Greenbaum (Mona): ...
M. Sutherland (Gary): Non? C'est beau. Vous savez, c'est récent, hein? Les premiers placements vraiment en vue d'adoption dans les familles homoparentales, c'était quand même post-2002. Alors, est-ce qu'on a suffisamment de recul pour voir réellement des problèmes? C'est sûr qu'il y a des problèmes peut-être plus d'ordre administratif, au niveau des connaissances. On travaille souvent beaucoup avec les centres jeunesse. Vous avez parlé de l'Association des centres jeunesse, tantôt, qui présente cet après-midi. On a eu l'occasion de travailler de très près avec l'association pour faire un guide d'adoption pour les personnes gaies et lesbiennes. Donc, on l'a vraiment écrit avec eux, avec leur input, du début à la fin.
Devant le juge, est-ce qu'il y a eu des difficultés? Jusque-là, le juge a toujours eu à dire oui ou à dire non à une adoption plénière fermée. La conséquence de dire non à un dossier qui est bien monté et bien ficelé est quand même énorme. Moi, je présume que peut-être des juges ont dit oui tout en n'étant pas tout à fait à l'aise avec leur décision, mais parce que les avis des experts de la DPJ, des psychologues, etc., étaient tellement bien évidents, bien faits, là, qu'on ne pouvait pas dire autre chose. Maintenant, je ne sais pas si Mona a autre chose à...
Mme Greenbaum (Mona): ...mais, pour continuer, le juge n'a pas le... ne peut pas dire non sans... avec un dossier bien monté, sans être accusé d'être homophobe. Mais, maintenant, avec les nouvelles propositions, il y a beaucoup plus de marge de manoeuvre dans ça, et puis donc c'est encore des décisions qui peuvent être faites dans notre cas. Comme deux parents de même sexe, un juge peut nous voir comme une famille manquant quelque chose, donc c'est...
M. Sutherland (Gary): Et j'aimerais revenir aussi au commentaire que vous avez fait sur le couple, les parents adoptants qui pourraient se trouver en situation de fait accompli devant le juge. Effectivement, on ne voudrait pas, avec un enfant qui est chez nous depuis un an ou deux ans, mettre en péril son adoption, donc, probablement, on serait prêts à dire, à peu près, oui à n'importe quoi.
Dans un deuxième temps, il y a une difficulté supplémentaire pour les postulants en Banque-mixte, et, moi, je ne vois pas encore, dans l'avant-projet de loi, la solution à ça, c'est à quel moment ça devient évident que l'enfant X ira vers une adoption sans rupture de lien de filiation. Je présume que ce n'est pas au moment du placement dans sa famille d'accueil en vue d'une adoption, puisqu'on n'a pas toutes les données sur la manière dont ça se passe, sur son lien d'appartenance. Lorsqu'on se lance en Banque-mixte, il y a une évaluation de risques à faire. Je pense que tout le monde la fait. Est-ce que je suis prêt à accepter un tel niveau de risque ou je ne peux pas? Est-ce que je suis prêt à accepter le dossier de l'enfant qui est devant moi, sachant que ça, ça ou ça pourrait arriver, ou, non, ça, c'est en dehors de ma zone de confort? Alors, de savoir qu'il y a des décisions qui pourraient se prendre en bout de ligne, je ne connais pas forcément la portée de ces décisions-là dans la vie de tous les jours, ça pourrait être un élément de plus de risque pour ce postulat-là, et effectivement on ne sait pas ce que ça pourrait donner, une adoption sans lien de filiation.
Toute la question du nom, moi, lorsque j'ai vu ça pour la première fois, j'étais tout à fait à l'aise avec, et c'est vraiment en pensant à mes propres expériences, des questions de voyage et des questions d'appartenance symbolique à la nouvelle famille, que des doutes ont commencé à essaimer dans mon esprit.
Mme Hivon: Oui, c'est ça. Je pense que vous soulevez un point, avec le nom notamment, parce qu'en fait toute la question de l'adoption sans rupture du premier lien de filiation a aussi une composante symbolique et identitaire forte, et ça procède beaucoup, je pense, de l'idée de peut-être amener cette nouvelle réalité là dans le droit. Mais effectivement, pour la famille adoptante, il y a énormément d'enjeux symboliques et identitaires aussi, et je pense que votre témoignage le rappelle beaucoup. Mais, pour le nom, concrètement, si je vous suis, vous, vous dites: Ce serait vraiment aux parents adoptants de voir l'ouverture qu'ils ont, selon le cas de l'enfant qui va vivre avec eux. Et donc ce serait à eux de faire les représentations en conséquence devant le juge au moment du jugement d'adoption, et donc au juge ultimement de suivre ou non la recommandation des parents adoptants uniquement, ou s'il pourrait y avoir une recommandation autre, par exemple de la DPJ ou...
**(10 h 10)**Mme Greenbaum (Mona): ...c'est une question de vie privée de l'enfant, parce que ce n'est pas seulement le changement de nom, mais, sur l'acte de naissance, si je comprends bien, la proposition dans les lois, ça pourrait être un acte de naissance qui a beaucoup d'informations sur le passé de l'enfant, le fait qu'il était adopté, qu'il avait des parents biologiques versus les parents adoptants. Et puis je ne vois pas, comme, la nécessité que... Pour moi, un acte de naissance, c'est... L'information importante dans ça, c'est qui sont les personnes en autorité, qu'est-ce qui est la date de naissance et puis la citoyenneté, mais pas plus que ça. Je ne vois pas la nécessité... Je pense que l'information, l'accès à cette information est superimportante, mais est-ce que ça doit être dans un document qu'on donne à l'école, ou quand on voyage, ou... Parce que, moi, j'ai deux enfants d'âge scolaire, et puis on utilise ce document, c'est un document public.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci. Des interventions du côté ministériel? Oui, Mme la ministre.
Mme Weil: Alors, évidemment, c'est sûr que l'adoption plénière... Vous dites: Il faudrait vraiment réaffirmer que c'est la forme d'adoption courante, et c'est vraiment ça qu'on retrouve en Amérique du Nord. Et c'est vraiment l'intention de cet avant-projet de loi. L'idée, c'était d'ouvrir sur certaines choses parce qu'il y a beaucoup de... Par l'expérience et les témoignages qui nous sont donnés bien avant ce... le dépôt de cet avant-projet de loi, mais hier aussi, donc, les gens nous disent: Il faut, avec l'expérience aussi ailleurs, aux États-Unis en particulier, l'adoption ouverte. Cette notion d'adoption ouverte, c'est de connaître ses origines. Il ne faut pas cacher ça. Les gens sont capables de vivre avec ça. Et il y a tellement de frustrations par rapport à l'enfant adopté lorsqu'on bloque tout ça puis on efface tout ça. Donc, l'adoption plénière, oui, mais il y a ce mouvement d'ouverture, on est capables de vivre avec tout ça.
Et donc ça nous a amenés, hier, à beaucoup parler de connaître ses antécédents. Donc, évidemment, les gens qui sont venus hier, le Mouvement Retrouvailles et des personnes adoptées, ils aimaient bien le message qu'il y a dans l'adoption sans rupture de filiation. Ils ont bien compris que c'était circonscrit, mais c'est cette notion qu'on peut quand même connaître ses origines, que c'est... Eux, ils parlent de droit de connaître ses origines, et ils ont bien compris que c'était vraiment très balisé ou que ça devrait être très balisé dans certains cas.
Mais, vous, vous amenez une autre... un peu une autre perspective, c'est qu'on finit avec... Parce que l'expérience que vous avez, c'est très précisément par rapport à la Banque-mixte. Et je comprends tout à fait votre préoccupation, et je pense qu'il y a de la sensibilisation, de l'éducation. Comme vous le savez, j'ai déposé la politique contre l'homophobie. Là, il y a un plan d'action qui devra être fait, on va être en consultation avec le milieu. Et là je me rends compte, il y a tout ce domaine-là qu'il faudra regarder pour essayer de voir comment ça fait partie de ce grand champ de sensibilisation, d'éducation et même, bon, au niveau de la magistrature et des... et de tous ceux qui sont dans le monde de l'adoption. Donc, vous amenez, pour moi personnellement, un éclairage pour cet éventuel plan d'action.
Les antécédents, donc, pour... C'est quoi, votre point de vue sur... Je ne sais pas si vous avez suivi les échanges, hier, sur connaître ses antécédents, ouvrir un peu plus ou non les veto sur le contact ou l'information. Évidemment, beaucoup d'intervenants, hier, sont venus nous dire qu'il faut ouvrir plus parce que c'est... ils parlent d'un droit de connaître son identité. Donc, pour eux, c'est très fondamental, cette notion de ses origines biologiques, et sans nier le rôle des parents adoptants. Du point de vue de l'enfant qui devient adulte, ça, c'est très primordial.
Nous, l'approche qu'on a prise, c'est que, pour les adoptions postérieures à la loi, on ouvre plus, mais on maintient la loi actuelle pour les adoptions antérieures. J'aimerais juste vous entendre un peu sur vos points de vue sur connaître ses origines.
M. Sutherland (Gary): Je pense qu'on est dans un contexte bien différent qu'on l'était il y a 30 ou 40 ans, lorsque, on le sait bien, les adoptions étaient souvent quelque chose de très, très caché dans les familles de... On n'en parlait pas. L'enfant était un enfant naturel au même titre que tous les autres enfants. Souvent, l'enfant apprenait plus tard ses origines, et là c'était extrêmement douloureux.
Je regarde autour de moi, dans notre coalition, les couples qui ont adopté par la Banque-mixte ou même des couples qui ont adopté à l'international, c'est la même chose, on est très, très attachés au fait que l'enfant sache d'où il vient. Bien évidemment, un couple de deux hommes ne peut pas dire à son enfant qu'il est un enfant naturel, peu importe s'il ressemble à l'un des deux ou pas. Alors, la question ne se pose même pas pour nous. C'est une histoire qu'on va raconter, qu'on va raconter à l'enfant dès son plus jeune âge, d'une manière ou d'une autre. Pour moi, ça reste -- et je rejoins le Mouvement Retrouvailles là-dessus -- ça reste un droit pour l'enfant de connaître ses antécédents. C'est de l'information qui lui appartient, ça ne devrait pas être caché. Tout est une question de savoir à quel moment dévoiler cette information-là et à quelle dose le faire.
Alors, effectivement, ce qu'un enfant est capable de comprendre à six ans n'est pas la même chose que ce qu'il est capable de comprendre à 14 ans ou à 18. Ça, c'est vraiment le rôle de la famille qui l'adopte de voir où est-ce qu'il est rendu dans son développement: Est-ce qu'il est capable d'en prendre plus ou non? C'est quoi, la réelle signification de sa question? Ça revient à ça, parce que les enfants posent beaucoup de questions, et souvent ils veulent une toute petite partie de l'information, ils ne veulent pas toute l'histoire. Et c'est là où je trouve qu'au niveau de la Banque-mixte il y a de la formation qui manque cruellement, c'est que les parents adoptants, une fois que l'adoption est prononcée, ils partent avec l'enfant, l'enfant est souvent en bas âge et ne pose pas encore de questions sur ses origines, ça vient plus tard. Mais ces questions-là sont souvent extrêmement percutantes, et, en tant que parent adoptant, on a toujours une réponse toute faite, dans notre tête, à donner à l'enfant, puisque ça fait des mois, voire des années, qu'on a pensé à ça, mais ce n'est pas forcément cette réponse-là que l'enfant cherche, c'est peut-être juste une toute petite partie de la vérité, à un moment spécifique dans sa vie. Alors là, si on veut vraiment assurer que l'enfant ait accès à ces antécédents-là, je pense que la première chose à faire, c'est de bien former ces parents-là pour pouvoir être l'élément qui dispense l'information à l'enfant.
Maintenant, sur la question des veto, c'est plus... Je ne pense pas que notre coalition a une position bien arrêtée sur ça. Je peux vous dire, personnellement, c'est... pour moi, c'est un droit pour l'enfant d'avoir accès à ces informations-là, donc on ne devrait pas, en tant que parent biologique, pouvoir donner un veto pour ne pas que l'enfant puisse y accéder. Le parent biologique, il a vu l'enfant, il l'a porté. L'enfant, il ne connaît absolument pas ces parents-là, il a zéro information sur eux. Alors, lui, il part d'une situation qu'il n'a pas créée, l'enfant en question, il devrait avoir quand même le droit, à un moment donné bien spécifique dans sa vie, d'avoir cette information-là. Mais un mot de prudence: dans la Banque-mixte, il faut y aller très, très prudemment parce que c'est de l'information qui pourrait détruire l'estime de soi d'un enfant. C'est... Je ne parle même pas des visites, mais d'apprendre certaines choses sur la vie de ses parents biologiques pourrait être très, très déstabilisant pour un enfant.
Alors, c'est pour ça qu'on a vraiment besoin d'une meilleure coordination entre les parents adoptants et la DPJ pour ce genre de chose. Je trouve que le Service retrouvailles de la DPJ, ils font un travail extraordinaire, ils vont vraiment accompagner un enfant qui en fait la demande dans sa recherche d'antécédents et s'assurer, et peut-être sur des mois, voire des années, qu'il comprend bien quelle est la portée de sa demande avant qu'il y ait un contact quelconque entre l'enfant et le parent. Ça, c'est une façon très prudente de le faire, puis je pense qu'on a besoin de continuer à faire ça de cette manière-là.
Mme Weil: Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres questions du côté... Oui, M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Est-ce qu'il reste un peu de temps, monsieur... Oui?
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, il vous reste du temps.
M. Ouimet: Bien. Moi, je voudrais revenir sur la question que vous avez adoptée... que vous avez évoquée à deux reprises, concernant la formation des parents, et ce dont vous parliez dans la présentation de votre mémoire, les mécanismes, les mesures ou les services qu'on pourrait offrir aux parents, postadoption. Pourriez-vous peut-être élaborer? Vous y avez sûrement réfléchi. Est-ce qu'il y a lieu de l'introduire, cette notion-là, dans la législation? Comment est-ce que vous voyez ça?
**(10 h 20)**M. Sutherland (Gary): Moi, je suis en contact avec des parents adoptants un peu partout en Amérique du Nord, et ce que je constate, c'est que, dans beaucoup de juridictions, l'évaluation psychosociale s'accompagne toujours d'une formation sur quels sont les rôles et les responsabilités du parent adoptant. Alors, comment parler à son enfant de son adoption? Comment parler de ses parents biologiques? Comment lui dévoiler son histoire petit à petit? Souvent... Comment gérer une situation où l'enfant n'est pas de la même origine ethnique que les parents? Ça, il y a beaucoup de travail qui se fait aux États-Unis, où il y a pas mal d'adoptions transraciales qui se font, sur comment est-ce qu'on équipe cet enfant-là pour vivre dans une société où il y a du racisme encore. Il a été élevé dans une famille blanche, il a un certain privilège de Blanc lorsqu'il est avec ses parents, mais, à l'âge de 15 ans, le petit jeune qui va aller dans le magasin, il va se faire regarder d'une drôle de manière, même s'il a été élevé à Outremont ou ici, dans les meilleurs quartiers de Québec. Alors, ce genre de chose... On n'a vraiment pas accès à ce genre de service, que ce soit au moment du processus d'adoption en tant que tel ou après.
Actuellement, c'est les CSSS qui ont le mandat de dispenser les services postadoption. Il y en a deux au Québec qui le font. Moi, je suis assez chanceux, il y a un CSSS à côté de chez moi qui le fait, mais ils m'ont déjà dit très, très candidement: On n'a pas énormément de services à offrir à des parents de Banque-mixte, on est plutôt spécialisés dans l'adoption internationale; adressez-vous à la DPJ. La DPJ n'est pas forcément très, très organisée, là, pour accueillir ces demandes-là de parents qui justement... L'enfant a 14 ans, il a une crise d'identité, on a besoin peut-être d'un psychologue qui s'y connaît en termes d'identité liée à l'adoption. Ce n'est pas à n'importe qui qu'on peut s'adresser pour une question comme ça. Alors, ce serait plutôt ce genre de chose.
Mais je pense qu'à la base on a besoin de le dire aux parents, aux postulants à l'adoption, au tout départ, que ça fait partie de ses responsabilités et que ce n'est pas une chose facile. On en parle avec le travailleur social, c'est clair, on passe énormément de temps avec un travailleur social dans le processus d'évaluation, mais ce n'est pas une formation en tant que telle, c'est une discussion où on peut manquer certains éléments, on peut ne pas couvrir l'ensemble des choses. Mais je pense que ce serait très, très bénéfique que les postulants aient accès à ce genre de ressource.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?
M. Ouimet: Et -- dernière question, rapidement -- est-ce qu'il y a lieu de l'introduire dans la législation, cette notion-là? Comment est-ce que vous voyez ça? Je comprends tout à fait ce que vous dites, là, et je pense que votre propos est tout à fait... très fondé, là.
M. Sutherland (Gary): Je vais vous dire franchement, je pense que c'est aux juristes de déterminer si ce genre de chose doit être reflété dans la législation ou si c'est plutôt une exigence de la DPJ lorsqu'elle procède à une évaluation de candidats. Je sais, par exemple... Il y a un centre jeunesse à Montréal qui a commencé à dispenser des cours, c'était plus un groupe de discussion de parents de Banque-mixte, mais à travers lesquels on avait accès à beaucoup d'information. Malheureusement, c'est tombé à l'eau faute de ressources. Donc, je dirais, s'il y a quelque chose à ajouter dans la loi, là, c'est la possibilité d'ouvrir un peu les vannes du budget, là, pour ce genre de chose.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, M. le député de Marquette. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. Alors, c'est ça, j'aimerais, avant qu'on parle des services postadoption comme tels, parce que vous soulevez ça, puis je pense que c'est très pertinent, peut-être juste souligner, à la lumière des propos que vous tenez, pour le bénéfice de la commission: c'est intéressant de voir à quel point les parents adoptants... Et je pense que la réalité est de plus en plus présente, parce que les parents adoptants sont de plus en plus conscients, avec tous les travaux, les recherches, les études qui se font, de la réalité de l'enfant qu'ils accueillent et de l'importance que sa vie soit située sur un continuum et non pas faite de ruptures. Et donc il y a une grande sensibilité, je pense, qu'il faut noter chez les parents adoptants, de reconnaître le droit aux origines, la nécessité pour l'enfant qu'ils accueillent d'avoir accès à l'information sur son... sur son passé. Il y a beaucoup de sensibilisation qui se fait, et je pense que, justement, peut-être que certaines personnes peuvent être surprises de voir à quel point les parents adoptants ne s'opposent pas du tout à ces réalités-là; au contraire, ils veulent intégrer leur enfant le mieux possible et faire en sorte qu'il soit le plus épanoui, et que ça, ça comporte aussi une connaissance de ses origines.
Et c'est pourquoi des fois on a le sentiment peut-être un peu qu'avec l'avant-projet de loi on amène des nouvelles réalités comme pour pallier à des réalités qui étaient, peut-être plus dans le passé, je dirais, à certains égards, de maintenir une symbolique, de maintenir une identité, tout ça, qui, oui, était fondamentale et qui, je pense, a manqué beaucoup à beaucoup de gens dans le passé, mais maintenant, effectivement, il y a une beaucoup plus grande ouverture de la part des parents adoptants, ce qui fait que ces besoins-là, peut-être paradoxalement, sont peut-être mieux rencontrés qu'ils l'étaient dans le passé. Et maintenant on viendrait prévoir des nouveaux mécanismes. Donc, je voulais juste situer ça pour nous amener aux services postadoption, parce qu'effectivement c'est quelque chose qu'on entend beaucoup.
En Banque-mixte, en fait, il y a quand même une chance... je veux dire, un privilège, c'est que les gens sont accompagnés pendant le processus du placement par, quand même, le centre jeunesse, et tout ça. Mais effectivement il y a peu de services après, pour quand les questions viennent, et tout ça. Mais, en adoption internationale, il n'y a à peu près pas non plus d'accompagnement pendant... Selon les agences, il y en a qui en offrent plus, il y en a qui n'en offrent pas du tout, et c'est vraiment seulement lors de l'évaluation, qui a lieu à un moment précis avec le travailleur social, selon le travailleur social qui est au dossier, que l'information va être donnée sur toutes sortes de réalités, comme l'attachement, et tout ça. Donc, je pense que c'est un point très important. Puis d'ailleurs je pense qu'il y a juste un CLSC, vraiment, qui offre des services, à Montréal, en postadoption internationale, et, ailleurs au Québec, il n'y en a pas vraiment.
Est-ce que, pour vous, chez vos membres, c'est vraiment une lacune qui vous est... qui vous est confiée souvent, les gens se sentent un peu dépouillés de ressources lorsque viennent les questionnements, et tout ça?
M. Sutherland (Gary): Encore une fois, la grande majorité des adoptions qui ont été prononcées ou qui sont en cours parmi nos membres sont récentes, donc les enfants sont souvent en bas âge. Je dirais qu'on n'a pas vu de problème encore se poser, mais c'est peut-être justement parce que les enfants ne sont pas encore à un âge où il y a une crise d'identité encore, où il y a des problématiques spécifiques à ce niveau-là. Donc, c'est vraiment une question à laquelle je pourrais répondre mieux dans cinq ou 10 ans.
Mme Greenbaum (Mona): Parce que le Centre jeunesse de Montréal a juste commencé à nous confier des enfants en 2006, même si la loi a été passée en 2002. Donc, il y avait très, très, très peu d'enfants. Donc, les enfants sont superjeunes. Mais il y a déjà des inquiétudes parmi les parents autour de toutes ces questions d'identité et de l'identité, souvent, dans une famille biraciale. Donc, je pense que c'est quelque chose de très intéressant pour nos membres, c'est ça.
Mme Hivon: Vous avez dit -- peut-être une petite question technique -- tout à l'heure, contrairement à beaucoup de gens qu'on a entendus hier pour qui l'acte de naissance en soi... Je pense qu'au-delà du maintien du double lien de filiation ils seraient peut-être ouverts à... même pas à cette réalité-là, mais que, pour eux, vraiment l'acte de naissance qui comporte l'ensemble des réalités, donc le nom de la mère ou des parents biologiques et les noms des parents adoptants, pour eux, c'était vraiment essentiel. Ils estimaient que, pour les repères de l'enfant, que ce soit symboliquement, sur son acte, c'était très important. Là, je comprends que, vous, vous êtes plutôt d'une tendance inverse. Vous estimez que cette réalité-là est connue autrement et que, sur un papier formel, ça peut peut-être être plus compliqué que plus facilitateur. Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus?
M. Sutherland (Gary): Je dirais qu'un papier qu'on va utiliser de manière fréquente dans la vie d'un enfant ne devrait pas comporter toutes les informations sur son passé. C'est une question d'intimité pour l'enfant. Les gens sont curieux de nature; je ne suis pas sûr que j'aimerais ça aller à l'école et donner un papier à la directrice qui donne tout le pedigree de mon enfant de sa naissance jusqu'à aujourd'hui. Que cette information-là se retrouve sur un document très officiel, je pense qu'effectivement... qu'il y a une portée symbolique qui est importante et qu'il faut maintenir ça. Mais est-ce que c'est l'acte de naissance tel qu'on va l'utiliser de façon régulière? Je me demande. Je pense que ça pourrait peut-être être sur un registre officiel du gouvernement, auquel l'enfant aurait accès à un moment donné -- il peut y avoir toute son histoire, le nom de ses parents biologiques, la date de son adoption, etc. -- mais que l'acte de naissance que nous utilisons à tous les jours ne comporte que les informations qui sont essentielles à la personne qui le regarde.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Alors, oui, Mme la députée d'Iberville.
Mme Bouillé: Oui, merci, M. le Président. Je comprends, suite à votre dernière remarque, que ça s'applique à des enfants très jeunes. Et je comprends aussi que votre association, par la nature des modifications législatives qui ont été apportées, bon, c'est très récent que vous accueillez, parmi les couples qui sont membres de votre association, des enfants via la Banque-mixte. Cependant, vos remarques semblent porter beaucoup sur des enfants très jeunes. Mais, dans la Banque-mixte, il y a beaucoup d'enfants d'âge scolaire. Et les papiers qui sont présentés quand vous accueillez un enfant, dans la Banque-mixte, qui est d'âge scolaire, quand vous l'accueillez comme famille d'accueil en attendant l'adoption éventuelle, comportent, sur le certificat de naissance que vous présentez à l'école, les noms des parents biologiques, le lieu de naissance. Et aussi, le carnet de vaccination comporte plein de renseignements sur les antécédents de l'enfant. Est-ce que, pour vous... Vous vous êtes interrogés sur ça? Parce que vos remarques semblent concerner juste les enfants très jeunes, mais, la Banque-mixte, il y a beaucoup d'enfants d'âge scolaire, là, ou préscolaire.
**(10 h 30)**M. Sutherland (Gary): Je pense qu'effectivement, et même avec les enfants plus jeunes, sur le carnet de vaccination, il y a beaucoup, beaucoup d'informations sur les antécédents. Ceci dit, le carnet de vaccination, c'est un document qu'on présente dans des cas bien spécifiques et, en Banque-mixte, souvent aux mêmes intervenants. Il y a des médecins qui suivent les enfants en Banque-mixte d'une façon très, très régulière, qui sont au courant, de toute façon, de leur situation, qui parfois ont rencontré les parents d'origine, même. Alors, l'intimité de l'enfant est conservée, dans ce temps-là.
Pour un enfant plus âgé, effectivement, qui est peut-être à l'école, on a besoin de faire son inscription à l'école, moi, je vois une différence entre la préadoption et la postadoption. Effectivement, en situation de préadoption, on a besoin de ces renseignements-là, il faut les donner. En postadoption, un enfant qui est adopté depuis trois ans, qui a maintenant 10 ou 11 ans, peut-être qu'il n'a pas envie que tout le monde sache tout sur son passé. Alors, pour moi, il y aurait lieu de simplifier la chose un petit peu.
En fait, pour tout vous dire, là, l'acte de naissance, moi, je n'avais pas saisi l'importance de ça dans cette législation au tout début. Moi, je suis né en Colombie-Britannique, on ne montre jamais l'acte de naissance complet, dans quelque démarche que ce soit; c'est toujours le petit certificat qui ne dit rien, là. Ça donne le nom, le numéro d'enregistrement puis la date de naissance. Alors, c'est Mona, qui a des enfants plus âgés, qui m'a renseigné qu'au Québec c'est courant qu'on va demander le grand papier qui donne le nom des parents. Effectivement, je pense que ce papier-là, il faut que le papier reflète la situation de l'enfant au moment où on le montre. Donc, que ce soit avant l'adoption, effectivement ce sont ses parents d'origine qui sont notés, mais, après l'adoption, c'est les parents adoptifs, point à la ligne.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? On a écoulé... Oui, une minute, très rapidement.
Mme Hivon: Oui, très rapidement, ma dernière question. Pour ce qui est de l'adoption ouverte, donc avec entente de communication, vous soulevez, je pense, fort à propos aussi, les risques de surjudiciarisation, parce qu'effectivement on ne veut pas se ramasser avec un retour devant le tribunal à chaque fois qu'il y a un changement, je dirais, d'idée. Mais, outre ce risque de surjudiciarisation, est-ce que vous avez des objections à formaliser davantage l'idée de l'adoption ouverte? Est-ce que, vous, ça doit vraiment demeurer dans le domaine de l'informel, comme c'est le cas présentement, ou vous pensez qu'il faut peut-être formaliser plus?
M. Sutherland (Gary): Je pense qu'il faudrait que ça soit formalisé, dans le sens où ça soit très, très transparent pour le postulant à l'adoption que c'est une éventualité qui pourrait se réaliser dans le cas de l'adoption de son enfant, chose qu'à l'heure actuelle on ne voit pas systématiquement. Souvent, c'est en cours de route, là, que cette idée vient de façon informelle, et on dit: Bien, probablement, vu qu'il y a eu des contacts avec les parents biologiques, on va envoyer une lettre et une photo par année. Mais je pense qu'il faut que ça soit clairement dit au postulant dès le départ que ce contact postadoption, sous une forme ou sous une autre, pourrait effectivement exister. Je pense que ça pourrait être formel mais non pas entériné en tant que contrat. Lorsque je dis «formel», ce serait vis-à-vis de la DPJ, quelque chose qu'on s'engagerait à faire, tel ou tel geste; mais effectivement, si ça devenait problématique pour une raison ou une autre, il y aurait un système de médiation, mais via la DPJ.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, M. Sutherland, Mme Greenbaum, il ne me reste qu'à vous remercier pour votre présentation. Sachez que vous êtes toujours les bienvenus ici, et je vous souhaite un bon retour.
Et, dans l'espace de temps que nous allons avoir, je vais suspendre les travaux pour permettre à la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec de bien prendre place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 10 h 34)
(Reprise à 10 h 37)
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Mme Lévesque, Mme Desjardins, vous allez devoir vous fâcher, là, les gens ne veulent pas s'asseoir, là.
Une voix: ...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mais, moi, j'ai besoin de votre aide, là.
Une voix: ...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, je sais ça.
Une voix: ...de la visite.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, c'est vrai que vous êtes de la visite, et je vais le spécifier, d'ailleurs.
Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Vous voyez, Mme Desjardins et Mme Lévesque, je l'ai dit, «à l'ordre!», là, pour vous. C'est vrai que vous êtes nos invitées, puis je vais vous dire que vous êtes toujours les bienvenues à l'Assemblée nationale, particulièrement ici. C'est important pour l'ensemble des parlementaires de vous entendre parce que vous avez de l'expertise qu'ils n'ont pas nécessairement. Ça va sûrement guider leurs travaux dans le futur.
Donc, sans plus tarder, je vous rappelle les règles, qui sont fort simples: il y a 10 minutes de présentation de votre part, comme vous l'avez entendu, puis 20 minutes d'échange de part et d'autre, 20, 25 minutes, là. Et donc, sans plus tarder, je vais vous laisser faire votre présentation et vous présenter. Vous avez 10 minutes pour le faire. Allez-y.
Fédération des associations de familles
monoparentales et recomposées
du Québec (FAFRMQ)
Mme Lévesque (Sylvie): Merci beaucoup. Alors, merci. Mon nom est Sylvie Lévesque, je suis directrice générale de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Alors, j'ai déjà au moins une minute de passée, juste avec le nom de la fédération! À ma gauche, Lorraine Desjardins, qui est agente de communication et de recherche à la fédération. On va faire ça en duo. Et on devait aussi avoir Mme Nathaly Roy, la présidente de la fédération, mais qui malheureusement n'a pas pu venir avec nous, mais évidemment est sûrement avec nous en pensée pour... qui a aussi contribué à la présentation du mémoire.
Alors, d'abord, merci aux membres de la commission de nous permettre de venir présenter notre point de vue sur l'avant-projet de loi sur l'adoption. Notre fédération existe depuis plus de 35 ans et lutte pour l'amélioration des conditions de vie des familles monoparentales et recomposées. Nous nous intéressons donc vivement à ces sujets puisqu'ils touchent une bonne partie des familles que nous représentons.
D'entrée de jeu, la fédération tient à saluer le dépôt de l'avant-projet de loi. Nous croyons en effet que l'évolution des mentalités et la multiplication des modèles familiaux au Québec nécessitent une importante mise à jour des lois, programmes et mesures qui peuvent avoir des incidences sur la vie des familles. Par ailleurs, la FAFMRQ est d'avis qu'il sera essentiel de bien accompagner les familles qui devront faire face aux changements qu'entraîneront les modifications législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale. En effet, comme l'avant-projet de loi aborde des aspects très délicats de la vie des familles, des mesures concrètes d'information et d'accompagnement devront être offertes à l'ensemble des personnes visées, que ce soient les enfants eux-mêmes, que les adultes qui seront appelés à exercer un rôle de premier plan auprès d'eux.
**(10 h 40)** La FAFMRQ est en faveur d'une formule qui permettrait une adoption sans rupture de lien. La société québécoise a beaucoup évolué depuis l'époque où l'adoption des enfants illégitimes était faite dans le plus grand secret. À ce titre, nous croyons qu'il est temps de revoir la façon dont nous concevons l'adoption au Québec, et que l'adoption plénière ne saurait être l'unique option pour les enfants qui ont besoin d'une famille. Nous tenons également à réitérer l'extrême importance d'agir en amont des problèmes en assurant l'accès à des mesures d'accompagnement adéquates pour les parents en difficulté. D'ailleurs, en 2005, nous avons présenté un mémoire dans le cadre de la réforme de la Loi sur la protection de la jeunesse sous le titre évocateur de Pauvreté et préjugés: les premiers voleurs d'enfance! Ce n'était pas nous qui avions trouvé, évidemment, le titre du départ, nous étions inspirées d'un film. La fédération y faisait notamment valoir l'importance de s'assurer que les parents en difficulté aient des chances réelles de se reprendre en main avant de se voir retirer définitivement la garde de leurs enfants. Le traitement des dossiers d'adoption, particulièrement ceux qui impliquent les familles d'accueil en Banque-mixte, soulève également pour nous certaines inquiétudes et interrogations, Nous y reviendrons plus loin.
Nous questionnons également la pertinence de l'article 17 de l'avant-projet de loi, qui prévoit, dans les cas d'adoptions sans rupture du lien d'origine, que l'adopté conserve le droit à des aliments envers ses parents naturels dans le cas où ses parents adoptifs ne seraient pas en mesure de subvenir à ses besoins. D'abord, nous nous interrogeons fortement sur la probabilité que ce genre de situation se produise, puisque les familles adoptantes sont souvent mieux nanties que les familles dont les enfants ont fait l'objet d'une ordonnance d'adoption.
Cela soulève par ailleurs des préoccupations en lien avec le traitement actuel des pensions alimentaires pour enfants dans les programmes gouvernementaux, dont nous avons... depuis à peu près 15 ans, la fédération, nous luttons pour régler ce problème-là. Par exemple, présentement, les personnes assistées sociales qui reçoivent une pension alimentaire pour enfants voient leurs prestations diminuer d'autant, à l'exception du premier 100 $ par mois. Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale oblige même ces personnes à obtenir un jugement de pensions alimentaires pour enfants lorsqu'elles n'en ont pas. Notre fédération a d'ailleurs maintes fois dénoncé ces pratiques et réclame que les pensions alimentaires pour enfants cessent d'être considérées comme un revenu du parent gardien dans les programmes, tels que l'aide sociale, les prêts et bourses, les programmes d'aide au logement et l'aide juridique.
Admettons qu'il y a séparation entre les parents adoptifs et que l'un d'eux, ou les deux, se retrouve à l'aide sociale et qu'aucun ne soit en mesure de payer une pension alimentaire pour enfants, est-ce que le ministère obligera le parent adoptif à obtenir un jugement auprès des parents d'origine? Serait-ce là un nouveau moyen pour le gouvernement de réaliser des économies sur le dos des enfants les plus pauvres?
Finalement, nous questionnons la nécessité de limiter dans le temps les effets de l'article de loi visant la divulgation d'informations sur l'identité des parents naturels et des personnes adoptées, puisque ceux-ci ont le pouvoir d'inscrire un veto de non-divulgation. D'autre part, nous nous interrogeons sur la nécessité d'imposer des amendes aussi importantes aux personnes qui contreviendraient à un tel veto. Je vais laisser la parole à Mme Desjardins pour compléter.
Mme Desjardins (Lorraine): Merci également; j'aimerais ça vous remercier, moi aussi, pour nous avoir invitées.
Alors, comme ma collègue le mentionnait plus tôt, la fédération est en faveur d'une adoption sans rupture du lien préadoptif. Pour l'adopté, l'avantage d'une telle adoption nous apparaît évident; ceci est particulièrement vrai pour les enfants plus âgés qui ont conservé des souvenirs de leur famille d'origine. Mais, même pour les enfants qui auront été adoptés à la naissance ou en très bas âge, la question identitaire demeure centrale. D'autant plus que, de nos jours -- les intervenants précédents le disaient aussi -- en raison de l'évolution des mentalités, les parents adoptifs cachent rarement à leurs enfants qu'ils ont été adoptés. Or, pour ces enfants, même si leur attachement envers leur famille adoptive est réel et profond, une partie de ce qu'ils sont fondamentalement est ailleurs. Le besoin de savoir à qui on ressemble, d'où l'on vient est manifeste chez la plupart des adoptés. L'adoption sans rupture du lien préadoptif permettrait donc de maintenir une trace effective de cette appartenance de l'enfant à ses origines.
Pour les parents biologiques, particulièrement pour les mères, le fait de pouvoir maintenir un lien de filiation avec leur enfant peut également avoir une portée très significative. Par exemple, dans le cas d'une mère qui, pour toutes sortes de raisons, aura dû donner son enfant en adoption, cette partie importante de son vécu personnel, grossesse et accouchement, demeure inscrite dans son histoire de vie, peu importent les circonstances qui auront mené à l'adoption de son enfant. En rompant radicalement avec toute trace de filiation d'origine, l'adoption plénière a toujours nié une réalité pourtant fondamentale et toujours déchirante dans l'histoire de vie de ces femmes: avoir été séparées de leur enfant.
Encore une fois, nous croyons qu'il est indispensable de travailler en amont des problèmes avant de prononcer une ordonnance d'adoption pour les enfants en besoin de protection. Or, présentement, il existe peu de ressources qui permettent aux jeunes parents en difficulté de recevoir des services tout en conservant la garde de leurs enfants. C'est le cas de la Maison Oxygène, par exemple, qui offre des services d'hébergement pour les pères en difficultés conjugales et familiales. Cette maison-là n'a que de sept places disponibles...
Une voix: Dans tout le Québec.
Mme Desjardins (Lorraine): ...dans tout le Québec. Bien, il y a un projet, je pense, qui est en train de se développer à Québec, là, mais, à Montréal, c'est ça. Il y a le centre Portage également qui offre présentement un programme de traitement aux femmes enceintes et aux mères accompagnées de leurs jeunes enfants et qui souffrent d'une dépendance à la drogue ou à l'alcool. Ce sont là de rares exemples de services offerts aux parents en difficulté qui leur permettent de recevoir de l'aide tout en conservant une continuité du lien d'attachement parent-enfants.
Certaines de nos associations membres à la fédération offrent également des services aux jeunes mères en difficulté. Certaines de ces jeunes mères voient leurs enfants placés dans une famille d'accueil Banque-mixte. Or, il existe un déséquilibre évident entre les conditions de vie d'une mère en situation de pauvreté et d'une famille d'accueil Banque-mixte. C'est certain que, quand on se qualifie pour être famille d'accueil Banque-mixte, c'est parce qu'on a quand même un très, très bon dossier.
De plus, il existe un danger réel de confusion entre les deux objectifs poursuivis par le programme Banque-mixte, puisqu'il vise à la fois à fournir un environnement adéquat aux enfants en besoin de protection et à permettre à des couples en désir d'enfant de pouvoir adopter. D'une part, on veut offrir rapidement un projet de vie stable à l'enfant et favoriser son attachement à de nouvelles figures parentales. D'autre part, on demande au couple qui accueille l'enfant de mettre en veilleuse son désir d'adopter, le temps que la période de la durée maximale de placement ne soit écoulée.
Au plan humain, on s'en doute, cette situation est extrêmement difficile à vivre pour toutes les parties en cause de même que pour les intervenants chargés de gérer ces dossiers. Comment peut-on prétendre favoriser le développement ou le maintien de liens d'attachement significatifs entre l'enfant et sa mère naturelle en même temps que le développement de liens d'attachement envers la famille adoptive?
Pour toutes ces raisons, la fédération recommande que les objectifs de l'application des procédures relatives au placement d'enfants en famille d'accueil Banque-mixte soient clarifiés de façon à éliminer toute confusion entre les visées de protection de cette mesure et son effet possible de captation des enfants.
Quelques mots en terminant sur les nouveautés introduites dans l'avant-projet de loi concernant le partage de l'autorité parentale. Bien que nous reconnaissions les bénéfices d'une possibilité de partager l'autorité parentale avec d'autres personnes que les père et mère de l'enfant en permettant notamment une meilleure reconnaissance du rôle des belles-mères et des beaux-pères dans les familles recomposées, nous tenons toutefois à nommer certaines inquiétudes. Nous craignons en effet une possible augmentation du nombre des litiges envers les détenteurs, les multiples détenteurs de l'autorité parentale, notamment lorsque les parties ne partagent pas nécessairement les mêmes valeurs. En plus de nous inquiéter des effets d'éventuels conflits sur les enfants, on craint également que les décisions qui requièrent une intervention devant les tribunaux n'engendrent des coûts trop lourds pour les familles. Quand on connaît les seuils d'admissibilité actuels à l'aide juridique, on sait qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui sont capables de s'en prémunir.
Finalement, nous sommes d'avis que, dans sa forme actuelle, l'avant-projet de loi demeure incomplet et que certains éléments gagneraient grandement à bénéficier d'un éclairage additionnel. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on est ici, c'est pour essayer de clarifier tout ça. Nous croyons également qu'il serait essentiel de bien accompagner, on le répète, les familles qui vont vivre ces changements-là, des changements qui sont importants et, encore une fois, qui touchent des aspects très délicats de la vie des familles. Donc, ça serait important que des services d'accompagnement, d'information soient fournis à ces familles-là. Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Desjardins, pour votre présentation; merci, Mme Lévesque. Je vais donner l'opportunité à Mme la ministre de vous poser quelques questions. Mme la ministre.
**(10 h 50)**Mme Weil: Bonjour. Alors, merci, merci beaucoup. Beaucoup, là aussi, de questions que vous amenez, c'est vraiment intéressant parce que chaque groupe amène des points de vue, des analyses différentes, donc on en profite pour vous poser beaucoup de questions. Ça peut vous surprendre, parce que vous pensiez peut-être qu'on a des réponses à tout, mais non; c'est pour ça qu'on fait cette consultation. Évidemment, il y a beaucoup de juristes dans ces genres de dossiers, beaucoup de juristes qui ont analysé beaucoup de choses, mais vous amenez d'autres réflexions.
On va peut-être aller sur la question de l'obligation alimentaire subsidiaire. J'ai trouvé ça intéressant, votre commentaire. Évidemment, on s'inspire du rapport Lavallée, et c'est un principe de droit civil aussi, que, même avec déchéance d'autorité parentale -- et le rapport Lavallée y fait référence -- évidemment, il y a une inspiration de ce qui se fait en France et Belgique de cette adoption simple. Même si on n'adopte pas le modèle d'adoption simple, on ne propose pas de l'adopter, mais cet élément est resté.
Votre crainte -- et puis j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus -- vous dites: Pourquoi maintenir ça? Est-ce qu'il y aurait une pression ensuite si jamais... Et c'était vraiment prévu dans les cas très exceptionnels où vraiment... Et vous avez tout à fait raison de dire: C'est généralement l'inverse, là. Surtout pour les enfants en Banque-mixte, généralement, si c'est des parents adoptants, c'est qu'ils sont dans une situation de stabilité, puis... Alors, c'était vraiment pour préserver un peu cette notion de droit civil qu'il y a toujours cette obligation des parents naturels, surtout lorsqu'ils ont consenti à maintenir leur filiation. Maintenant, il y a peut-être quelque chose là: ils ont consenti, finalement c'était l'enfant qui voulait garder un nom. Et vous, ce que vous dites: Mais là, avec ça, ça va un peu plus loin que juste maintenir cette identité. Alors, j'aimerais peut-être... S'il y a des notions de droit là-dedans et de réalité, peut-être si vous pourriez aller un peu plus loin, ce que vous, vous avez vu un peu comme peut-être confusion de genres, ou est-ce que c'est vraiment votre inquiétude qu'à la limite il y aura une pression éventuelle sur les parents biologiques? Mais, excusez-moi, pression sur...
Une voix: ...
Mme Weil: Finalement, bien, les parents adoptants seraient dans l'incapacité, peut-être qu'ils sont décédés. On parle d'incapacité.
Mme Lévesque (Sylvie): Oui. Bien, c'est un peu ça, le questionnement aussi qu'on avait. C'est pour ça qu'on l'amène, c'est dans le sens: Comment se fait-il... C'est un peu la question qu'on pose. Quand on parle d'obligation alimentaire, on comprend que c'est un droit civil. Bien, on comprend tout ça au niveau légal, si on peut dire, sauf que comment se fait-il que, quand ça concerne justement l'obligation alimentaire, que ça, on doit le maintenir même dans le cadre de ce type de projet de loi là, quand on parle d'adoption, alors que, quand on parle de succession... Moi, souvent, j'ai fait à la blague: C'est le beau côté de la chose. Quand c'est la succession, ça, ça va, c'est-à-dire, on peut recevoir des choses à la succession pour ce qui est de la pension alimentaire, l'obligation alimentaire, le côté un peu moins le fun, dans le sens qu'il n'y a plus de lien, il n'y a plus de contact. Mais là, tout à coup, s'il y a un problème avec un parent adoptant, pour toutes sortes de raisons, on ne sait pas lesquelles, là, mais en principe ils sont mieux nantis, comme on disait, ils sont mieux capables, en tout cas ils ont plus de capacité de s'occuper des enfants à long terme que le parent de départ... En tout cas, dans nos membres chez nous, en tout cas, nous, on rejoint surtout des familles monoparentales ou en majorité des mères monoparentales qui sont dans des situations très difficiles. Donc, en général, si ces situations-là se passent à l'extrême, qu'elles doivent laisser leurs enfants en adoption, elles ne sont sûrement pas dans un état, en tout cas à notre point de vue, à long terme de recevoir aussi, en tout cas, une obligation alimentaire.
Donc, il nous semble qu'en tout cas il y a des inquiétudes importantes à ce niveau-là. Et, s'il n'y a pas de lien, comment ça se fait que ça, on doit le conserver, alors que tout le reste ne serait pas là? Enfin, c'est des inquiétudes, là, à long terme à ce niveau-là, puis c'est pour ça qu'on faisait le lien aussi avec: Comment se fait-il, encore une fois... C'est pour ça qu'on revient avec notre revendication, qui est là depuis longtemps aussi, quand on parle de: bien que l'obligation alimentaire... On comprend, dans le Code civil, qu'on veut le maintenir, et ça va, là, mais il reste que les pensions alimentaires pour enfant... Comment se fait-il, encore une fois, qu'on doit les déduire, par exemple, quand les gens sont dans des situations de pauvreté importante, là?
Mme Weil: Là, j'aimerais peut-être vous entendre sur vos préoccupations par rapport aux ententes de communication. Évidemment, l'adoption ouverte, c'est une forme d'adoption qui dans les faits existe, et légalement, juridiquement existe dans les autres juridictions. Moi, je ne suis pas experte, mais, évidemment, ayant consulté des experts, ça semble bien fonctionner généralement, et les gens que je connais qui ont vécu cette expérience. Mais, vous, vous avez une inquiétude à ce niveau-là. Est-ce que c'est parce que vous connaissez des gens qui l'ont vécue ou c'est parce que... Est-ce que vous aviez entendu des histoires où ça se complexifie ou...
Mme Desjardins (Lorraine): Je ne pense pas qu'on ait d'inquiétude par rapport à ça.
Mme Weil: ...
Mme Desjardins (Lorraine): Probablement que vous nous confondez avec d'autres personnes, parce qu'au contraire on...
Mme Weil: ...difficile à gérer au plan humain, non?
Mme Desjardins (Lorraine): Bien, c'est plus difficile à gérer, c'est sûr. C'est pour ça que, nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait des services d'accompagnement qui soient fournis aux familles.
Mme Weil: O.K., dans ce sens-là.
Mme Desjardins (Lorraine): Oui, c'est ça, dans ce sens-là.
Mme Weil: O.K. D'accord.
Mme Desjardins (Lorraine): Dans le mémoire, dans notre mémoire, on cite une lettre ouverte qui avait été envoyée à La Presse par Mme Marie-Christine Hendrickx, qui s'appelait Les deux mamans de Vanessa, où justement c'était une mère adoptante, et qui avait eu une petite fille handicapée, et qui avait gardé contact sans obligation de sa part, qui avait gardé contact avec la mère naturelle de cette enfant-là, et ça semblait très bien fonctionner. C'est sûr qu'on reconnaît que ça prend une maturité, une très grande maturité pour être capable de faire ça, il faut avoir fait un travail sur soi. Je comprends également le malaise de certaines familles adoptantes par rapport à ce genre de situation là. C'est sûr que, pour toutes sortes de raisons, ça s'est bien passé dans le cas de cette dame-là parce qu'il y avait une belle collaboration des deux côtés, donc nous répétons, nous réitérons l'importance de services d'accompagnement psychosociaux pour ces personnes-là, ces familles-là qui vivent des situations comme ça.
Mme Weil: Et vous évoquez la possibilité d'une entente notariée, dans votre mémoire, hein? Que ça pourrait être une façon de le faire.
Mme Desjardins (Lorraine): Ça, c'était plus au niveau des réflexions qu'on faisait dans notre annexe. Oui, effectivement, ça pourrait peut-être se faire de cette façon-là. C'est sûr qu'on n'est pas des experts au niveau juridique, vous le comprenez bien. Vous, vous l'êtes, beaucoup de personnes autour de cette table ont des formations de juriste. Mais on émettait ça comme hypothèse qu'il pourrait être une façon de gérer ça. Donc, déjà en le balisant, en l'inscrivant dans la loi déjà, ça va peut-être inciter plus de personnes à faire des ententes de communication, en tout cas pratiquer, avoir cette pratique-là.
Et aussi, même si les mentalités changent, si les lois ne changent pas, il y a... C'est des vases communicants, hein. Quand on dit que la société québécoise a énormément évolué et que les mentalités ont évolué mais qu'on est encore sur un principe d'adoption comme on était en 1959, il n'y a plus de... il faut vraiment qu'il y ait les deux. Donc, probablement que les changements législatifs vont aussi contribuer à ce que les gens aient une autre mentalité, et tout ça, puis qu'il y ait moins de... ce qu'on a souvent aussi soulevé dans le cas, par exemple, des enfants qui sont placés en Banque-mixte. C'est qu'on est dans une situation de concurrence très forte entre la mère biologique et la famille adoptante, parce que là les deux doivent faire la preuve qu'ils sont les meilleurs pour s'occuper de l'enfant.
S'il y a, par exemple, déjà un climat de collaboration puis qu'effectivement en bout de ligne on se rend compte que, pour le bien de l'enfant, c'est préférable d'avoir une adoption, mais, s'il y a déjà un bout de collaboration qui est faite puis qu'il y a une possibilité après de continuer cette collaboration-là, bien il y a des grandes chances que le climat de concurrence ne soit plus aussi fort puis qu'on ne soit pas obligé de voir l'autre comme une menace. Donc, on travaille conjointement pour l'intérêt de l'enfant, là.
Mme Weil: Sur la question de délégation et de partage d'autorité, vous avez une inquiétude qu'il y aurait peut-être trop d'acteurs dans ça. Évidemment, l'idée, c'était plus le conjoint du parent, évidemment, qui a besoin, qui est souvent avec l'enfant, qui doit souvent prendre des décisions. Donc, on ne prévoyait pas une multiplicité de personnes, mais... une multitude de personnes, mais est-ce que vous voyez, dans le cas où il pourrait y avoir plusieurs personnes, des solutions que vous envisagez pour gérer ce genre de situation où il y a finalement peut-être quelques adultes qui sont dans la vie de cet enfant?
Et de temps en temps c'est juste un adulte pendant une période de temps, pour toutes sortes de raisons, et qui... l'enfant est à l'école, évidemment, il y a des décisions à prendre dans un contexte de sorties à l'école ou de participation à des activités, en tout cas, problèmes de santé, bon.
Mme Desjardins (Lorraine): Bien, on l'a vu. C'est sûr qu'au moment où on faisait la rédaction du mémoire on était en pleine période de vaccination pour le H1N1. Donc, on imaginait très facilement, bon, un parent, un conjoint, un beau-père ou une belle-mère qui doit accompagner l'enfant à la vaccination parce que, pour toutes sortes de raisons, la conjointe ou le conjoint n'est pas disponible. Donc, c'est sûr que, dans des cas comme ça, ça pourrait être très utile.
Écoutez, notre mémoire pose beaucoup plus de questions qu'il apporte de réponses. Je pense qu'on voulait surtout réfléchir, puis réfléchir avec vous aussi. Je ne pense pas qu'il y ait de solution idéale. Encore une fois, des services d'accompagnement, d'information, donner justement les informations qui permettent aux personnes de prendre des décisions éclairées par rapport à la délégation, une délégation de l'autorité parentale, et tout ça. C'est juste que, nous, on a beaucoup de familles recomposées qui sont membres chez nous, et des fois ça fonctionne super bien, mais, ces familles-là, on ne les voit pas, nous. Il y a des familles recomposées...
**(11 heures)**Mme Lévesque (Sylvie): ...familles à problème chez nous.
Mme Desjardins (Lorraine): C'est ça. Quand ils viennent chez nous, quand ils fréquentent nos associations, habituellement c'est pour recevoir de l'aide. Donc, on ne voit pas les familles où ça se passe bien.
Mme Lévesque (Sylvie): Les gens heureux n'ont pas d'histoire.
Mme Desjardins (Lorraine): Non, les gens heureux n'ont pas d'histoire, effectivement. Donc, c'est sûr que c'est intéressant comme idée, parce que ça permet justement une meilleure reconnaissance des... des beaux-pères et belles-mères, comme on disait. Mais le bémol qu'on met là-dessus, c'est le risque qu'il y ait plus de litiges. C'est sûr que, si les personnes sont bien informées au départ puis qu'ils sont conscients des conséquences de la décision qu'elles auront prise, bien il a moins de possibilités de litige. Mais, en même temps, la vie fait en sorte qu'on peut s'entendre pendant un moment donné puis, à un moment donné, on ne s'entend plus, là.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. Alors, je vous remercie à mon tour de votre présentation. D'ailleurs, je dois vous dire que, pour des gens qui ne sont pas des juristes, votre annexe est assez impressionnante, parce que vous avez pris le soin...
Mme Desjardins (Lorraine): On a été coachés. On a été coachés un petit peu, là.
Mme Lévesque (Sylvie): On a des amis juristes, là, mais...
Mme Hivon: Je vous le souhaite!
Mme Lévesque (Sylvie): Mais on a beaucoup, aussi, d'expérience quand même, puis on part beaucoup du terrain aussi, en même temps.
Mme Hivon: Et je vous remercie parce que c'est... Évidemment, on est au stade du premier débat et on le veut le plus vaste possible, mais c'est quand même très éclairant d'avoir des gens qui vont jusqu'à suggérer comment de nouveaux libellés pourraient être faits. Alors, je vous en remercie.
Je veux aussi vous dire, c'est ma petite remarque politique d'entrée de jeu, qu'en ce qui concerne les pensions et le calcul des pensions alimentaires, de notre côté, c'est une cause qu'on appuie, parce qu'on a déposé, via la députée de Marguerite-D'Youville, un projet de loi en ce sens. Donc effectivement on pense qu'il y a une injustice de ce côté-là.
Alors, sur la question de l'avant-projet, tout d'abord sur la question de la délégation... c'est-à-dire, pas la délégation tout de suite, je vais y revenir, sur l'adoption sans rupture du lien de filiation. Je veux... je veux un peux faire un... le raisonnement avec vous. C'est que... En fait, c'est une nouvelle institution, là -- la ministre en a parlé -- qui s'inspire en partie de l'adoption simple, qu'on retrouve notamment en France mais dans une réalité tout à fait différente. Là-bas, c'est essentiellement pour donner des effets juridiques, à cause de, bon, les différences en matière testamentaire, successorale, là-bas, alors qu'ici ce n'est pas ça du tout, c'est beaucoup plus pour l'aspect identitaire, symbolique. Et là, vous nous dites: Le seul... «En fait, le seul effet vraiment juridique de cette nouvelle réalité là serait l'obligation alimentaire subsidiaire qui pourrait perdurer à l'endroit des parents biologiques.» Moi, je partage aussi un peu votre questionnement à savoir si c'est vraiment dans les faits réaliste de penser qu'il pourrait y avoir des cas où cette obligation alimentaire là aurait vraiment une portée pour les parents biologiques, quand on connaît un peu la réalité des adoptions. Mais, vous, dans votre logique, quand vous dites qu'on doit donc éliminer cette... la durée de cette obligation alimentaire là des parents biologiques, il y aurait donc à peu près plus d'effets juridiques à... au double lien de filiation, si ce n'est que les aspects plus identitaires: l'acte de naissance et le nom.
Est-ce que, pour vous, dans un... si on allait de l'avant avec votre recommandation et que donc on enlevait l'effet juridique de la première obligation alimentaire, est-ce que c'est une nouvelle institution qui demeure quand même pertinente ou si vous pensez qu'on pourrait atteindre les objectifs identitaires et symboliques de l'acte de naissance et du nom de d'autres manières, par simple décision judiciaire, ou si vous pensez que vraiment on devrait inscrire dans le code la réalité d'une... d'adoption sans rupture du lien de filiation?
Mme Desjardins (Lorraine): Moi, je pense qu'on devrait effectivement conserver quand même une trace écrite de ça. Je pense qu'il faudrait effectivement l'adoption simple... Même... On ne l'a pas développé, cet aspect-là, dans notre mémoire, mais, quand on parle, par exemple, de droits successoraux, je ne sais pas si... je ne me souviens, pas, là, je m'excuse, je n'ai pas tout le projet de loi en tête, mais il me semblait qu'il en était un petit peu question quand même dans le projet de loi. Peut-être que je n'ai pas compris...
Mme Hivon: ...pas clair.
Mme Desjardins (Lorraine): O.K. C'est ça. Parce qu'effectivement la question se pose aussi au niveau des droits successoraux, c'est-à-dire que, si on garde effectivement un lien de filiation formel, bien effectivement l'enfant pourrait, lors du décès...
Mme Hivon: Bien, oui.
Mme Desjardins (Lorraine): ...de ses parents biologiques, peut-être avoir accès à des droits successoraux.
Mme Hivon: Ce n'est pas clair.
Mme Desjardins (Lorraine): Ce n'est pas clair, ce n'est pas... mais ça pourrait être une façon. Bien sûr, encore une fois, c'est un couteau à double tranchant, puisqu'on... De la même façon qu'on dit que les parents biologiques ont peu de chances d'avoir les moyens de payer une pension alimentaire, on peut penser qu'ils n'ont pas beaucoup les moyens non plus de donner un héritage, à moins que ce ne soit un héritage de dettes, hein? Puis là, l'enfant... l'enfant reçoit donc cet héritage-là. Bon, il a toujours le choix de refuser l'héritage, mais ça peut causer quelques problèmes également.
Donc, c'est sûr... Écoutez, je ne suis pas juriste, on ne peut pas... on ne peut pas vraiment... je ne pourrais pas vraiment vous parler de toute la portée, mais, en tant que personne humaine puis d'après ce qu'on a aussi tâté comme terrain autour de nous, parmi nos membres notamment, apparemment le symbole du papier, le symbole juridique du papier, de garder une trace, ce serait important.
Et, quand on parle de l'acte de naissance -- tantôt, j'écoutais les intervenants précédents qui avaient un malaise, par exemple, par rapport au fait que, sur l'acte de naissance, on puisse conserver les informations nominatives -- il y a peut-être une façon... Premièrement, moi, je n'ai aucun malaise avec le fait que toutes les informations soient sur l'acte de naissance puis qu'elles soient disponibles, mais, s'il y a un malaise, je pense qu'il devrait peut-être y avoir un moyen que l'acte de naissance soit en deux parties, c'est-à-dire une partie qui est usuelle, c'est-à-dire qui peut permettre pour une inscription scolaire ou, en tout cas, des choses pour lesquelles on demande l'acte de naissance, et une autre partie qui, elle, contient les données nominatives d'origine, là. Écoutez, encore une fois, je ne suis pas juriste, hein, je ne veux pas parler à travers mon chapeau, mais c'est peut-être quelque chose qui serait envisageable, là.
Mme Hivon: Bien, je vous remercie. C'est sur justement toute la question des droits successoraux. En fait, je pense que ce n'est pas prévu dans l'avant-projet de loi, donc il n'y aurait pas ces effets-là. Donc, il n'y aurait pratiquement pas d'effet juridique. Alors, c'est pour ça que je vous posais la question, parce que je pense que beaucoup reconnaissent le besoin identitaire. Mais est-ce que ce besoin-là, je dirais, dans beaucoup de cas, doit passer par le double lien de filiation ou plutôt par une reconnaissance autre, mais... En tout cas, notre réflexion, évidemment, avance là-dessus, là. Donc, merci.
Moi aussi, avant de céder la parole à mes collègues, j'avais une question sur la délégation de l'autorité parentale, parce que, de par votre réalité de représentation des familles essentiellement monoparentales ou recomposées, je pense que vous êtes les meilleures... les mieux placées pour un peu nous dire ce que vous en pensez, parce que c'est précisément dans l'optique de faciliter la vie de tous les jours des familles recomposées ou monoparentales, qui deviendraient biparentales éventuellement.
Puis là, je veux comprendre votre position vraiment clairement, parce qu'il y en a peu qui se prononcent sur cette question-là. À l'article 600.1, qui est amené par l'article 25 de l'avant-projet, O.K., de ce que je comprends de l'article, si on va à la fin du deuxième alinéa, là, on dit que «La délégation -- à la fin, là -- prive le délégant de l'exercice de tous les autres droits et devoirs liés à l'autorité parentale et à la tutelle légale». O.K.? Dans la première ligne, on disait que «la délégation ne peut [...] porter sur le droit de consentir à l'adoption, ni sur l'obligation alimentaire», parce qu'évidemment ça, ça reste en tout, mais qu'elle le prive de tous les autres droits, ce qui fait en sorte que le consentement, par exemple, en matière d'éducation, de soins, et tout ça, il serait vraiment délégué, dans un cas de figure, au nouveau conjoint. Donc, la mère le garderait, et son nouveau conjoint, le beau-père en l'occurrence, aurait la pleine autorité parentale, et donc le père biologique ne l'aurait plus. O.K.?
Et, dans un cas comme celui-là, quand vous parlez de risque de contestation ou qu'il y ait trop de gens, vous, votre préoccupation, est-ce qu'elle est du fait que vous vous dites: Le père biologique, dans certains cas, va vouloir revenir sur sa décision d'avoir consenti à la délégation? ou si c'est plus que vous dites qu'il est encore dans le décor, puis des fois il va vouloir s'immiscer, même si dans les faits il n'a plus l'autorité?
**(11 h 10)**Mme Lévesque (Sylvie): Bien, les deux, je dirais, parce que, dépendamment effectivement des situations... Comme je le disais tantôt, quand les situations, entre autres... Chez nous, quand ça se passe, notamment pour les familles monoparentales, quand ça arrive, le processus d'adoption, c'est que soit que la personne est vraiment dans une situation de pauvreté extrême ou vraiment dans une situation épouvantable, où on retire son enfant -- donc, ce n'est pas son choix -- alors que, quand, des fois, on le fait au niveau international ou autre, c'est autre chose, là. Donc, c'est vraiment dans des situations très difficiles de laisser son enfant.
Donc, dans le cas des familles recomposées, bien c'est un peu les deux dans le fond, c'est effectivement de... On sait que c'est des nouvelles réalités de plus en plus importantes, il va y en avoir de plus en plus, des familles recomposées. Ce que, nous, on dit, c'est qu'il faut effectivement être à l'affût de ça et être vigilants puis de voir justement comment ça... pour éviter que les enfants ou l'enfant se retrouvent dans toutes sortes de situations où il y a des liens qui se font ou, en tout cas, qu'il y ait des parents qui tout à coup, après... ou parents biologiques, et tout ça, reviennent puis qu'il y ait de la confusion. C'est surtout ça qu'on amène, dans le sens: comment on peut gérer pour éviter justement soit une surjudiciarisation, puis qu'on se retrouve devant les tribunaux, puis que... Bon. Je pense que ce n'est pas ça, l'objectif qui est visé, on le comprend, mais en même temps c'est qu'à cause justement de ça il y a des nouveaux parents, par exemple, ou des beaux-parents qui ont développé un lien significatif, parce qu'on en entend parler aussi de plus en plus, qui voudraient, eux autres aussi, avoir, en tout cas au niveau juridique ou légal, un certain droit aussi. Ça se parle aussi actuellement. En tout cas, chez nous, il y a des questionnements là-dessus, qui n'en ont pas nécessairement actuellement, mais c'est des questions qui se posent. Quand ça fait 10 ans ou huit ans que, par exemple, le beau-parent, le beau-père notamment, surtout des hommes qui ont des liens avec ces enfants-là, bien veulent éventuellement dire: Bien, après huit ans, moi, voilà, je m'en vais, puis je n'ai plus de lien, alors qu'ils voudraient aussi avoir un lien juridique.
Donc, c'est d'autre chose qu'on parle, mais il reste que c'est tous des questionnements qui... on n'a pas nécessairement de réponse, mais c'est des réalités actuelles des familles recomposées qui sont de plus en plus présentes, de plus en plus jeunes, et qui... en tout cas, je pense qu'il faut être vigilant là-dessus puis voir comment on pourrait... Parce qu'il y a beaucoup de praticiens ou d'avocats qui nous ont dit qu'eux autres aussi se questionnent beaucoup là-dessus, sur le fait: Qui, évidemment, va s'occuper de la pension alimentaire s'il y a un problème, bon. À un moment donné, c'est qui finalement, le parent qui va, quand il y a des problèmes... si l'enfant n'a pas les aliments, etc., à qui on va revenir? Est-ce qu'on va se retrouver devant les tribunaux pour refaire des nouvelles... trucs de garde ou au niveau... En tout cas. Donc, c'est des questionnements qu'on se pose là-dessus pour dire: Bien, souvent, en tout cas au niveau légal, on a des choses rigides, mais il faut tenir compte aussi des réalités familiales.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?
Mme Hivon: Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Joliette. Mme la ministre.
Mme Weil: Oui. Sur les questions... On n'a pas beaucoup abordé ensemble des questions d'accès à l'information, c'est-à-dire des antécédents. Je ne sais pas si vous aviez des opinions là-dessus, sur les veto de contact, d'information, etc., pour les adoptions postérieures ou les adoptions antérieures, toutes ces questions de la volonté et du besoin de l'enfant, même adulte évidemment, de connaître ses origines. Le milieu Retrouvailles parle d'un droit, les juristes qui parlent d'un droit à la vie privée, la jurisprudence aussi qui confirme que dans les chartes il y a... donc, toute cette question-là, d'autres juridictions qui ont trouvé une façon... Ils ne pouvaient pas ouvrir la porte très grande, par exemple, parce que, partout au Canada, c'est le même droit qui s'applique, mais ils ont quand même ouvert un peu plus que ce que, nous, on propose.
J'aimerais vous entendre là-dessus. On en profite de votre présence pour... parce que, dans tout cet avant-projet de loi, les éléments qui sont vraiment centraux pour tout le monde, c'est la question de connaître ses antécédents. Donc, tout ça, là, ça évoque beaucoup, beaucoup de réactions et pas de consensus, je vous dirais. Ça va vraiment dans deux sens complètement différents. Donc, on parle de pacte. Est-ce qu'il y a un pacte qui a été fait avec ces parents d'autrefois, etc.? Bon. Donc ça, c'est intéressant pour nous d'entendre tous les groupes qui... surtout avec autant de réflexion que votre groupe. Et évidemment il y a toute la question de ce nouvel... modèle d'adoption sans rupture, nouveau modèle d'adoption sans rupture de filiation, puis qu'est-ce que ça entraîne, etc. C'est vraiment deux grands éléments. Alors, sur la question de retrouvailles.
Mme Desjardins (Lorraine): Écoutez, c'est certain que, nous, on s'interroge sur la nécessité de limiter dans le temps, parce que, si les personnes ont le pouvoir d'opposer un veto, je veux dire, le veto a effet juridique, donc ils ne pourront pas vraiment avoir de contact.
Je pense que... C'est certain que l'accès aux renseignements est très, très important. Je pense que le veto devrait plutôt concerner le contact, parce que, de toute façon, j'imagine une situation où une personne aurait été adoptée, je ne sais pas, moi, au début des années soixante et qu'elle voudrait prendre contact avec sa mère naturelle, puis que cette mère-là ne veut pas, hein, elle met un veto sur le droit de contact, de toute façon, ce ne serait pas très enrichissant comme rencontre s'il y en a une des deux personnes qui n'est pas d'accord pour faire la rencontre.
Donc, au niveau du contact, le veto devrait être plutôt là. Puis, moi, j'irais un peu plus loin effectivement au Québec, c'est-à-dire que je ferais un peu comme en Ontario, c'est-à-dire que je rendrais disponibles les données nominatives, puis, à ce moment-là, s'il y a un veto de contact, bien là les personnes ne se rencontreront pas.
L'autre chose qu'on soulevait... ce qu'on soulevait qui était une interrogation qu'on avait, c'est les amendes qui sont prévues au projet de loi, qui sont énormes. Écoutez, on comprend que c'est un effet dissuasif qui est recherché, là, mais, entre 6 000 $... 3 000 $ et 50 000 $, là, c'est beaucoup, c'est beaucoup, alors qu'on parlait autrefois de... Bien, ce qui concerne, par exemple... Là, je parle... je fais référence à l'article 32, là, de l'avant-projet de loi, l'article «quiconque intervient», à l'article 72 de la Loi sur la protection de la jeunesse, c'était 1 000 $ à 6 000 $, puis, en cas de récidive, de 3 000 $ à 18 000 $. Puis là, maintenant, avec le nouvel article, on parlerait entre 3 000 $ et 50 000 $. C'est vraiment beaucoup, là. C'est... Bon, je comprends effectivement qu'il y a un effet dissuasif, mais on s'interroge sur les montants, là, impliqués. Bon.
Donc, notre position là-dessus, ce qu'on... c'est sûr qu'il n'y a pas de... c'est toujours très délicat comme situation, mais en même temps je pense que ce qu'il faudrait retenir surtout, c'est que le problème est au niveau du veto de contact, là, du désir de contact. Au niveau des informations nominatives, d'avoir droit... Je sais que présentement une personne adoptée peut quand même avoir des informations non nominatives. Il y a des tentatives de... c'est-à-dire que les services sociaux contactent la mère naturelle, puis là ils peuvent avoir un échange via l'intervenant ou l'intervenante des services sociaux, un échange d'information, mais il faut... il faut à ce moment-là que les deux personnes acceptent bien de faire cette démarche-là. Donc, c'est pour ça que, moi, je pense que le droit de tout enfant à connaître ses origines est réel et inaliénable, que son adoption ait eu lieu demain matin ou en 1960, là.
Mme Weil: Il y a... Peut-être pour partager avec vous d'où est venue cette idée de faire cette distinction antérieur-postérieur, parce que c'était qu'on allait plus loin que l'Ontario et d'autres provinces sur cette question de veto d'information, de divulgation. C'est qu'on oblige... Dans ces autres provinces, ce qu'on fait, c'est qu'on dit: O.K., d'accord, pour respecter la jurisprudence et le droit à la vie privée, on va permettre aux gens d'inscrire un veto, mais ça veut dire qu'il y a un acte à entreprendre, hein, les parents devront... ou la mère biologique -- souvent, c'est ça -- devra agir, devra faire quelque chose. Donc, on respecte quand même l'esprit de la jurisprudence. L'idée ici et la préoccupation de beaucoup de personnes, c'était qu'il y avait certaines femmes d'un certain âge, santé fragilisée -- on l'a évoqué hier -- donc cette notion au-delà du droit, cette... bien c'est une notion de droit aussi, mais de... On parle d'un pacte entre l'État, hein, l'État, qui a cette responsabilité, qui... L'État ne peut pas prendre cette responsabilité à la légère, hein, c'est... Des fois, je ne sais pas si les gens se rendent compte à quel point ça, c'est important, parce que c'est juste l'État finalement qui peut préserver la... comment dire, l'aspect solennel de cette entente. Il n'y a personne d'autre finalement qui a cette responsabilité que l'État, et c'est pour ça qu'on prend ça très au sérieux, et que l'État... donc de cette madame qui ne serait peut-être pas du tout au courant de tous nos débats et qui ne sait pas qu'elle doit enregistrer un veto...
Mme Desjardins (Lorraine): Oui, c'est ça.
Mme Weil: Je ne sais pas si vous vous êtes penchés là-dessus, mais...
Mme Desjardins (Lorraine): Oui. Bien, écoutez, c'est sûr.
Mme Weil: Je vous dirais que c'est vraiment le noyau dur de la problématique.
Mme Desjardins (Lorraine): Ah, c'est certain. Puis je suis... on est très sensibles à cette question-là. C'est sûr que ce qu'on vous présentait tout à l'heure, c'était plutôt le point de vue de l'adopté, de l'enfant adopté, mais je peux facilement imaginer... puis j'ai beaucoup de compassion aussi pour ces femmes-là qui ont dû... qui ont été obligées de donner leurs enfants en adoption, je ne sais pas, en... comme je parlais, du début des années soixante, que c'était considéré comme honteux, qu'elles avaient toute cette charge-là, qui ont fini par s'en sortir un petit peu, se sont remariées, ont eu des enfants, le secret est demeuré, et, je ne sais pas, moi, 50 ans plus tard, il y a ça qui arrive par la poste. Et puis là la dame doit dire: Pardon, chéri, je ne te l'avais jamais dit, mais, quand j'avais 19 ans, j'ai eu un enfant puis je l'ai donné en adoption. Peut-être que c'est un peu rough, là. C'est peut-être un peu difficile à vivre. Donc, j'ai beaucoup de compassion pour ces situations-là.
Mais, c'est ça, je ne sais pas comment le régler juridiquement, ce problème-là, mais il y a quand même... elles sont quand même contactées déjà, ces femmes-là, par les services sociaux si leur enfant naturel a fait une demande de retrouvailles, elles sont quand même interpellées, donc elles doivent réagir. C'est sûr que, là, à ce moment-là, leur mari ne le sait pas nécessairement, puis ça peut se faire encore dans le secret. Non, c'est sûr qu'on est dans deux... j'ai juste le mot anglais «time frame», là, mais on a juste le... pourtant je ne suis pas anglophone du tout, mais, enfin, je veux dire, on est dans deux périodes complètement différentes, où il y avait des mentalités complètement différentes.
**(11 h 20)**Mme Weil: Il y en a certaines qui vont venir nous proposer peut-être des solutions, et c'est la question du décès de la personne.
Des voix: Oui.
Mme Weil: Tu sais, c'est une ouverture, là, et on aura l'occasion d'échanger, mais... Mais je vous remercie.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?
Mme Weil: Ça va pour moi.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. En fait, je vais céder la parole à mes collègues qui ont des questions.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. M. le député de Groulx.
M. Gauvreau: C'est un peu drôle aussi de penser que la fermeture d'une existence devienne une ouverture pour une autre. C'est... il y a un petit quelque chose de drôle.
Sur la notion de la délégation de l'autorité parentale, actuellement, légalement, la procédure, si on veut que notre... que le nouveau conjoint puisse faire oeuvre d'autorité parentale vis-à-vis des enfants, la procédure actuelle, c'est de signer un consentement d'adoption. La mère donne son enfant à l'adoption, et il y a une entente avec le centre jeunesse que la mère va reprendre son enfant et que le conjoint va apparaître dans le décor. Donc, c'est une procédure d'adoption d'un bout à l'autre qui, dans certains cas, a causé de très mauvaises choses à la mère parce qu'il y a eu une encoche, il y a eu une rechute de toxico... d'intoxication, et elle avait signé un consentement d'adoption, donc il a fallu qu'elle se batte. Et, quand je regarde la procédure, moi, de délégation de l'autorité parentale, ça vise le conjoint qui n'est... qui n'a pas été, qui n'a jamais été ou qui ne fait pas office de parent vis-à-vis l'enfant. Donc, c'est une procédure qui est totalement... qui préserve le rôle du parent restant, de la mère. Et je vous dirais que, dans quelques cas au Québec, le rôle du père... parce qu'il y a étonnamment au Québec des enfants nés de mères inconnues, encore aujourd'hui, mais... Et je vous voyais un peu rétive, mais c'est une grande économie sur le plan juridique puis au niveau même des frais judiciaires que de faire ça, pensez-vous?
Mme Desjardins (Lorraine): Absolument. C'est une des raisons pour lesquelles on trouvait que c'est intéressant, parce que justement ça évitait au nouveau conjoint, au beau-père, belle-mère, d'avoir à adopter l'enfant pour exercer une autorité parentale, pour avoir ce droit-là d'autorité parentale puis pouvoir pratiquer cette responsabilité-là auprès de l'enfant. C'est certain que c'est très intéressant à ce niveau-là, là.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. le député de Groulx, êtes-vous assoiffé de...
M. Gauvreau: Ah, je suis... je suis repu.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Vous êtes tari? Rassasié. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté... Oui, Mme la députée d'Iberville.
Mme Bouillé: Merci, M. le Président. C'est aussi au niveau des procédures. Dans votre mémoire, j'ai... mon attention a été beaucoup attirée au niveau... quand vous parliez des procédures entourant le traitement des dossiers d'enfants placés en famille d'accueil, pour la Banque-mixte, là, mais vous semblez juste souligner l'aspect de la dyade... ou en tout cas de la relation entre famille d'accueil, famille biologique, famille Banque-mixte.
Je sais que ce que je vais soulever là -- puis je veux votre opinion sur ça -- ce n'est pas la majorité des enfants, mais il y a plusieurs enfants qui se retrouvent dans une situation où ils sont retirés de leur famille biologique en situation soit d'urgence ou pour négligence, maltraitance, et tout ça, s'en vont en famille d'accueil, qui joue pleinement son rôle de famille d'accueil, et par la suite il y a un plan de vie fait pour l'enfant. Donc, l'enfant s'en va dans une transition, dans une famille d'accueil qui a un plan de vie pour l'enfant en vue de l'adopter. Donc, pour l'enfant, il y a vraiment, là, trois liens, là: la famille biologique, la famille d'accueil où il réside puis la famille qui est prête à le recevoir en vue d'une adoption. Et, pour la famille biologique aussi, elle se retrouve à dealer subitement avec non seulement la famille d'accueil, sur les visites et tout ça, mais avec une autre famille qui se pointe.
Est-ce que ça, pour vous... Parce que je trouve que vous présentez des situations... Ça montre quand même que la complexité des situations, là, je pense, dans votre présentation... Puis vous ne le soulevez pas, ça. Est-ce que c'est un... est-ce que c'est un problème que vous vivez? Ou, s'il n'y a pas de problème, est-ce qu'on doit clarifier aussi les procédures face à ça?
Mme Desjardins (Lorraine): Nous, on a plus été mises au courant de... parce que c'est ça qu'on retrouve beaucoup dans nos associations, des jeunes mères monoparentales de très jeunes enfants, dont les enfants sont placés en famille d'accueil Banque-mixte. On n'a pas eu beaucoup de cas d'enfants plus âgés, par exemple, qui ont cette transition-là. Ils s'en vont directement en famille d'accueil Banque-mixte.
Une voix: C'est la réalité.
Mme Desjardins (Lorraine): C'est pour ça qu'on a plus parlé de cette réalité-là. Et ce qu'on disait, bien, comme on en avait parlé dans notre mémoire sur la Loi de la protection de la jeunesse, on trouvait que c'était extrêmement difficile comme situation pour ces jeunes mères là, parce qu'évidemment, nous, on... les associations travaillent avec ces jeunes mères là, puis c'était très difficile pour elles aussi de s'amender puis de... Bon. En même temps, on reconnaît qu'il y a un besoin réel de... que ces enfants-là ont un besoin réel d'avoir une famille. Donc, ce n'est vraiment pas simple comme situation. Maintenant, le... comme je vous dis, là, le... nous, on ne connaît pas beaucoup cette situation-là de migration d'une famille d'accueil à une famille d'accueil Banque-mixte, et tout ça, là, on a plus une connaissance terrain de transferts directement de très jeunes enfants... Bien, même, ce sont des enfants, souvent, qui... des femmes qui accouchent... qui sont déjà suivies par les services sociaux au moment de la grossesse, qui accouchent, il y a une travailleuse sociale qui débarque à l'hôpital puis que déjà il y a un suivi très, très proche, là.
Juste pour vous raconter une anecdote, il y a aussi... dans une de nos associations qui est en région, ces familles-là, ces jeunes femmes là dont l'enfant est placé en famille d'accueil Banque-mixte vont magasiner au centre d'achats puis y rencontrent la famille d'accueil Banque-mixte avec l'enfant puis la jeune mère. Donc, c'est pour ça, quand on parlait d'ouverture, là, d'entente de communication, et tout ça, là, bien peut-être que ça baliserait un peu plus que d'avoir à travailler... à débarquer chez Wal-Mart, pour ne pas le nommer, puis d'arriver face à face avec son enfant puis la famille d'accueil Banque-mixte, là.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la députée, allez-y.
Mme Bouillé: M. le Président, j'apprécie beaucoup, je pense, les commentaires et... C'est ça, je pense que ce que j'apprécie de votre mémoire et de votre intervention, c'est la complexité des situations, et vous m'ouvrez une porte pour souligner ce que... Je me suis questionnée beaucoup sur une des situations de la Banque-mixte, c'est que l'enfant est placé dans la même région administrative, et donc dans une région administrative où l'occasion est que... c'est sûr que, dans une grande région administrative, il y a peut-être moins de chances, là, mais les occasions que cet enfant-là qui est placé dans la Banque-mixte, dans la même région administrative, fait que, si ce n'est pas les parents biologiques, c'est quelqu'un qui connaît cet enfant-là, qui l'a vu, qui l'a côtoyé, et qui le retrouve tout d'un coup au centre d'achats, au centre des loisirs, à l'école, et qui dit: Hé, je te connais parce que tu es l'enfant de... Et donc je pense que ça, c'est quelque chose qu'il faut vraiment regarder, tout comme la... Puis là c'est peut-être un commentaire plus éditorial, mais je me questionne aussi sur beaucoup l'aspect successoral, parce que la perte d'autorité parentale ou déchéance parentale, elle n'est pas réservée à une classe sociale en particulier, là. Je veux dire...
Mme Desjardins (Lorraine): Ah oui! C'est sûr.
Mme Bouillé: Toutes les classes sociales, toutes les couches sociales, au Québec, peuvent être... sont touchées par ça, là, un problème de santé mentale, un problème de toxicomanie. Je veux dire, ce n'est pas réservé à des gens démunis monétairement, là. Et donc...
Mme Desjardins (Lorraine): Il y a une plus grande concentration, quand même, là.
Mme Bouillé: Oui, c'est sûr, mais ce n'est pas exclusif. Donc, je pense qu'il faut aussi regarder cet aspect-là, successoral, qui pourrait... qui pourrait... En tout cas, il y a un... il y a quelque chose à regarder de ce côté-là. Voilà. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): 1 min 30 s, Mme la députée.
Mme Hivon: Oui. Je voulais vous amener sur un... sur un autre point dans votre annexe fort étoffée. À l'article 29, vous soulignez... En fait, c'est l'article 71 de la Loi sur la protection de la jeunesse, et on proposerait un ajout, dans l'avant-projet de loi, là. Il est proposé que «de plus, le directeur doit informer les personnes appelées à consentir à l'adoption ainsi que les adoptants de leur droit de conclure une entente de communication». Et on les invite, dans la loi, à conseiller... à consulter un conseiller juridique, ce qui est assez inusité. Et je trouve que vous avez des... peut-être des commentaires pertinents là-dessus, compte tenu de vos positions. Donc, je ne sais pas si vous pouvez nous faire part de votre idée?
**(11 h 30)**Mme Desjardins (Lorraine): Bon, c'est intéressant d'ailleurs qu'on donne cette possibilité-là, mais qu'on invite à conseiller... C'est pour ça qu'on disait puis qu'on répète encore que c'est important de... en plus de faire ces changements-là dans la loi, de fournir des services, parce que «conseiller juridique» implique des frais. Avec les seuils actuels de l'aide juridique, on est certains que très peu de gens vont avoir accès à des services gratuits. Donc, moi, je pense que ce qu'il faudrait... bien, nous, hein, ce n'est pas juste moi, là, c'est la fédération, je pense qu'effectivement on invite... C'est bien beau d'inviter les gens à aller chercher des services juridiques, là, des conseils juridiques, je pense qu'on devrait fournir aux gens... tu sais, juste changer ce bout-là peut-être de l'article de loi, de s'assurer de fournir aux gens un encadrement ou des conseils juridiques là-dessus, de la même façon que c'est comme ça que ça se passe aussi... non pas dans le temps des fêtes, mais c'est comme ça que ça se passe au niveau de l'adoption, c'est-à-dire, quand il y a une adoption, il y a vraiment... l'enfant a... les enfants placés en familles d'accueil ou les enfants placés sous la protection de la jeunesse ont un avocat, de même que, souvent, leurs parents, et tout ça. Donc, il faudrait, en plus de fournir... de conseiller aux personnes d'aller chercher des conseils juridiques, de leur en fournir, puis de façon gratuite, là.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci...
Mme Lévesque (Sylvie): En fait, ce que je voulais compléter, c'est qu'en fait, aussi, le message qu'on a livré dans notre mémoire... Et ça fait partie beaucoup de nos recommandations. Souvent, on dit... Puis ça a été aussi quand on a présenté un mémoire dans le cadre de la protection de la jeunesse. Nous, on fait affaire, comme on disait tantôt, avec des familles qui ont des difficultés. Donc, ils viennent chez nous quand ils ont des difficultés; quand on n'a pas de problème, bien on vient moins souvent. Donc, le message qu'on veut livrer, c'est qu'il faut toujours essayer le plus possible de travailler en amont, donc d'offrir des services le plus possible, des ressources. Tantôt, j'entendais l'intervenant précédent qui disait qu'il faut avoir plus de ressources justement dans les centres jeunesse, et tout ça. C'est souvent le parent pauvre de notre système actuel. Et je pense que les familles qui viennent chez nous, c'est des familles qui sont dans le réseau, malheureusement qui sont... en tout cas, très, très... comment dire, judiciarisées, parce qu'elles sont beaucoup avec des conflits puis des problèmes. Je pense qu'il faut essayer le plus possible de leur offrir le maximum. C'est beau d'avoir des lois, mais il faut aussi offrir des ressources au réseau public actuel, notamment la DPJ et les centres de services sociaux, qui sont, je pense, importants, et les organismes communautaires aussi qui ont des besoins. Ça fait que, je pense, avec ça...
On peut aussi accompagner des familles sans nécessairement avoir toujours aussi... On peut avoir un avocat, mais je pense qu'on peut aussi accompagner des familles avec des ressources qui sont moins importantes aussi... qui coûtent moins d'argent aussi à l'État que des services juridiques, là.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, sur cette remarque, Mme Lévesque, permettez-moi... et aussi Mme Desjardins, au nom de mes collègues, de vous remercier pour la présentation de votre mémoire, de vous saluer, vous souhaiter un bon retour chez vous. Vous êtes toujours les bienvenues ici.
Je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que la Fédération des parents adoptants du Québec puisse prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 33)
(Reprise à 11 h 35 )
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons reprendre nos travaux. Donc, je vois que la Fédération des parents adoptants du Québec a pris place. Donc, je vous rappelle rapidement les règles. Vous étiez là, donc vous avez été témoins de l'énonciation de ces règles-là, et ça... rien n'a changé depuis le début. Je veux vous souhaiter la bienvenue, bien sûr, au nom de chacun de mes collègues et de l'ensemble des collaborateurs de cette commission. Je veux aussi vous dire que les règles sont fort simples: vous avez 10 minutes pour votre présentation, et il y aura un 50 minutes d'échange, là, bon an, mal an, du côté de l'opposition et du côté ministériel. Sur ce, je vous resouhaite la bienvenue et vous demande de vous présenter pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent et des gens de la commission. Allez-y, monsieur et madame.
Fédération des parents
adoptants du Québec (FPAQ)
Mme Gagnon (Claire-Marie): Merci. Bonjour, Mme la ministre, messieurs mesdames, M. le Président. J'aimerais d'abord remercier la Commission des institutions de l'opportunité qu'elle nous donne de nous exprimer sur l'avant-projet de loi.
Je me présente donc, je suis Claire-Marie Gagnon, je suis mère de trois enfants de 29, 22 et 19 ans dont les deux derniers ont été adoptés à l'international, en Colombie et au Guatemala. Je suis chargée de cours à l'École de travail social où j'enseigne le cours Intervention et adoption internationale depuis 1996 et je suis également, depuis plus de 20 ans, présidente de la Fédération des parents adoptants du Québec. Je suis accompagnée par mon... par Pierre Dorchies, mon conjoint, lui-même secrétaire-trésorier de la fédération.
Je ne ferai pas lecture de mon mémoire comme tel, mais je vais plutôt essayer d'en extraire les grandes lignes qui expliquent notre opposition face à l'avant-projet. Depuis la première loi sur l'adoption, en 1924, le fondement de l'adoption, au Québec, a reposé sur deux grands principes: le premier, c'est que l'adoption est plénière, c'est-à-dire qu'elle se substitue entièrement à la filiation antérieure, et le deuxième principe, c'est la confidentialité des informations concernant l'adoption et concernant les origines de l'adopté. L'avant-projet de loi touche... propose des modifications majeures à ces deux principes.
Dans les années soixante, soixante-dix, notre société jugeait pertinent, pour protéger l'intérêt supérieur de l'enfant, de cacher le passé des personnes adoptées. La société ayant évolué, le cadre juridique cherche maintenant à s'adapter à la nouvelle réalité des adoptions. Maintenant, les enfants sont abandonnés plus âgés, dans la majorité des cas d'adoption. Ce sont pour la plupart des enfants retirés à leurs parents puis confiés à des familles d'accueil avant d'être déclarés adoptables. Plusieurs informations sur la famille d'origine sont donc disponibles pour les uns et les autres, ce qui met en déroute tout l'aspect de la confidentialité.
L'avant-projet de loi va plus loin en proposant de favoriser l'adoption ouverte pour permettre de garder des liens entre les parents d'origine et les parents adoptifs et surtout l'enfant. Le terme d'«adoption ouverte» est par contre ambigu, car il ne s'agit pas d'une forme d'adoption mais plutôt d'une entente de communication entre les deux familles. Il faut préciser que l'adoption ouverte ne peut être initiée que par la mère, ou le père, ou les deux parents d'origine. L'adopté, ou les adoptants, ou la famille élargie d'origine ne peuvent pas demander l'adoption ouverte.
Nous avons décrit dans notre mémoire que fondamentalement nous ne sommes pas opposés à la levée de la confidentialité ni à la notion d'une forme ouverte de communication. Nous sommes favorables à l'existence d'une forme ouverte sans contact, c'est-à-dire sans qu'il y ait de rencontre entre la famille d'origine et l'enfant durant sa minorité. Une telle entente permettrait à l'adopté de connaître une très grande partie de son puzzle identitaire et aux parents d'origine d'être rassurés sur le bien-être de leurs enfants. Les services sociaux, comme détenteurs des dossiers d'adoption, pourraient servir d'intermédiaires pour faire transiter les informations des uns vers les autres.
Nous sommes plus réservés sur une forme ouverte avec contact, dans la mesure où l'entente serait judiciarisée, avec le risque que l'enfant se retrouve au centre de chicanes d'adultes, comme il existe dans plusieurs cas de garde partagée. Une entente de rester en contact pourrait être négociée suivant les relations possibles entre les deux familles. Certaines familles adoptives peuvent se sentir très à l'aise de conserver des liens de proximité avec la mère biologique, alors que, pour d'autres, les relations peuvent être problématiques. Obliger de garder des liens à l'encontre du désir des familles adoptives irait à l'encontre des intérêts supérieurs de l'enfant, lequel se sentirait déchiré entre ses deux familles. Donc, pour l'adoption ouverte avec contact, nous proposons que le choix de conserver ou non des contacts avec la famille biologique soit accordé aux seuls adoptants sans inscription de l'entente au tribunal, comme il existe présentement.
**(11 h 40)** Au sujet de l'accès aux antécédents et aux possibilités de retrouvailles à 14 ans et plus, nous tenons à rappeler les risques importants de déstabilisation émotive à l'adolescence, lors de la recherche identitaire. Nous croyons que 14 ans est un âge critique pour entamer des recherches d'une mère idéalisée. Nous proposons donc que la possibilité de retrouvailles soit reportée à 18 ans pour les adoptés, mais que soit maintenu à 14 ans et plus l'accès aux antécédents sociaux et médicaux sans divulgation de noms. Nous proposons également que le veto de divulgation d'identité ainsi que le veto de contact soit automatique pour l'enfant à son adoption jusqu'à sa majorité, et, s'il le désire, à ses 18 ans, l'adopté pourrait demander une levée d'un seul ou des deux veto. En ce sens, la loi offrirait la possibilité d'ouverture aux retrouvailles plutôt que de demander à l'adopté d'inscrire un refus.
Sur les deux filiations, soit celles d'une adoption sans rupture du lien d'origine permettant ainsi à un adopté de posséder deux filiations, les chercheurs sociologues, anthropologues et juristes qui sont à la base de la réflexion sur cet avant-projet de loi avancent l'importance, dans certains cas, du maintien de la filiation d'origine pour conserver l'identité complète de l'adopté. On nous a exposé que l'adoption plénière faisait disparaître des liens qui pouvaient être significatifs dans certains cas, et ceci, au détriment de l'intérêt supérieur de l'enfant. Mais quels sont ces liens que l'adoption plénière fait disparaître? L'adoption plénière fait disparaître des liens de filiation d'origine au sens juridique, c'est-à-dire qu'elle enlève tous les droits et devoirs de l'autorité parentale aux parents d'origine. Mais la double filiation enlèvera, elle aussi, tous les droits juridiques à la famille de naissance, sauf celui d'application, peu probable, de garantir à l'adopté le droit des aliments de ses père et mère d'origine s'il ne peut pas les obtenir de ses parents adoptifs. Dans les faits, donc, la filiation d'origine ne sera qu'un titre, puisque plus aucun droit ne lui sera attaché.
L'enfant peut, dans l'adoption plénière, tout aussi bien avoir accès à son histoire. Il ne faut pas confondre maintien d'un lien de filiation avec des parents par le sang et connaissance de sa famille d'origine. Il ne faut pas confondre les liens juridiques et les liens affectifs. On peut parler ouvertement de l'adoption à l'enfant, de l'existence de ses parents biologiques, sans que des liens juridiques soient gardés avec la famille d'origine. Il y a une différence entre donner accès aux informations à l'enfant et inclure les parents biologiques dans la famille d'adoption.
L'ouverture, dans notre droit, de la notion de double lien de filiation représente un risque sérieux de situations complexes, que ce soit vis-à-vis des droits sur les successions, du droit sur l'obligation alimentaire envers les ascendants ou des droits de citoyenneté quand un parent biologique aurait d'autres nationalités ou serait un résident permanent, par exemple. Un autre problème envisageable est l'inscription de la double filiation dans le certificat de naissance de l'enfant. Avec cette mention, toute personne qui aurait accès au certificat de naissance de l'adopté -- école, bureau d'émission de cartes d'assurance maladie, de permis de conduire, de passeport -- aurait aussi accès au fait que la personne a été adoptée. L'adopté ne bénéficierait donc pas de la... confidentialité, pardon, sur ses renseignements personnels, comme le veut la Loi sur l'adoption. En ouvrant la porte à la possibilité pour certains d'avoir deux filiations, nous allons créer deux catégories d'adoptés: ceux avec une double filiation et ceux qui n'auront que leur filiation adoptive. Il est légitime de se demander si c'est bien dans l'intérêt de l'enfant de conserver des liens juridiques avec ses parents biologiques. Le lien juridique ne créera pas de lien d'attachement, parce qu'on ne peut pas instituer une obligation d'aimer, mais il va créer une obligation pour l'enfant d'être en relation avec sa famille d'origine, ce qui est un lourd fardeau à porter pour celui qui ne voudrait pas le faire.
L'enfant, même celui adopté de façon plénière, même ceux adoptés à l'international, ressent des inquiétudes, des peurs d'être repris par sa famille biologique. Il ne comprend pas, lui, les subtilités de l'autorité parentale et de ses implications. À cause des abandons qu'il a subis, il craint que sa situation familiale ne soit jamais permanente. S'il devait être en contact avec sa famille d'origine, ses craintes pourraient être amplifiées car la possibilité serait bien réelle pour lui.
Pour satisfaire le besoin de lien identitaire chez les adoptés, le dossier rempli par les parents biologiques devrait contenir le maximum d'informations sur le pourquoi de l'abandon, sur les antécédents familiaux et sociaux -- la fratrie, l'âge des parents, la profession des parents -- ainsi que sur les antécédents médicaux. Cité par des gens en France: «Ce n'est pas le type d'adoption, plénier ou simple, qui cache le passé de l'enfant, qui installe le secret sur les origines, c'est le dossier de l'enfant tel [qu'il est] monté avant son adoption.» Nous apprécions, dans l'avant-projet de loi, l'ouverture face à la possibilité pour l'adopté majeur de rencontrer sa famille d'origine si ses parents de naissance ne s'y objectent pas.
Du point de vue des parents adoptants, beaucoup perçoivent la possibilité d'adoption sans rupture de lien de filiation comme plus intrusive dans la conception d'une famille comme les autres. Leur demander de conserver par un acte légal des liens avec la famille d'origine est vu comme une perte d'autonomie en tant que famille. Les adoptants ne peuvent pas être des demi-parents. Il est important que l'adoptant se sente entièrement parent de l'enfant pour que s'opèrent chez lui les affects nécessaires pour assumer sa parentalité dans toute sa plénitude, car, lorsqu'une situation d'incertitude persiste, il se produit un désengagement des membres de la famille les uns vis-à-vis les autres. Les enfants comme les parents ne s'investissent plus entièrement dans leur relation de peur de la perdre. Les adoptants ne peuvent pas être considérés comme seulement des accompagnateurs ou des agents sociaux ou comme des parents à temps partagé.
En conclusion, nous pensons que la création d'adoption sans rupture avec le lien de filiation d'origine n'est pas la solution à la recherche de l'identité pleine et entière à laquelle les adoptés ont droit. La loi devrait mettre en place un système d'accès facile aux antécédents pour ceux qui voudraient renouer des liens une fois rendus à l'âge adulte ou tout simplement pour qu'ils puissent obtenir des renseignements sur leur famille de naissance sans aller jusqu'aux retrouvailles. Il s'agit de donner à l'enfant adopté la possibilité de savoir, si tel est son désir. Nous pensons que la création d'adoption sans rupture avec le lien de filiation d'origine risque de créer plus de problèmes dans d'autres parties de notre droit que de bénéfices pour les adoptés. Voilà. Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Gagnon. Donc, Mme la ministre, à vous la parole.
Mme Weil: Merci. Merci beaucoup pour votre présentation. Je veux en profiter pour... pour qu'on puisse rentrer dans des questions très juridiques. J'apprécie votre expertise. Évidemment, nous... Ce que je propose, ce n'est pas l'adoption simple, la France, sans effet... Donc, pas d'effet juridique, mais, on va en venir, il y a peut-être une question sur le seul impact juridique, qui était cette obligation alimentaire subsidiaire, et c'était vraiment... L'adoption plénière, c'est vraiment vu et perçu comme... L'adoption vraiment généralisée, privilégiée, c'est vraiment l'adoption plénière. L'idée de l'entente de communication et de rendre ça légal, c'était pour se mettre au pas avec toutes les autres juridictions qui ont cette forme d'adoption, qui semble finalement faire en sorte que beaucoup de parents ou de mères qui ne sont pas aptes à garder leur enfant soient plus prêts à les mettre en adoption pour que l'enfant puisse avoir une adoption, mais qui... Le lien est complètement... Comme vous le savez, il n'y a plus de lien juridique dans le cas d'adoption plénière. Donc, ce sera la forme d'adoption, vraiment, qui serait la norme.
Cette autre forme, c'était vraiment pour répondre à des cas très particuliers; on n'imagine pas que ce sera très fréquent. Et il y avait... il y a les centres jeunesse qui vont être... et DPJ qui seraient vraiment beaucoup impliqués dans ces dossiers, c'est vraiment... on en a beaucoup parlé hier, aujourd'hui: les enfants dans les Banques-mixtes, plus âgés. Il y a toute la question de savoir à quel âge est-ce que... quel âge l'enfant devrait avoir pour consentir à ça. Donc, c'est plus les enfants qui sont bloqués dans leur projet de vie parce qu'ils connaissent leurs parents, ils ne sont pas prêts à dire: Je ne porterai plus le nom de mon père ou de ma mère, c'est le nom qu'ils ont toujours porté, et que c'est plus du point de vue de l'enfant que cette solution a été imaginée pour lui permettre d'avancer dans son cheminement. Donc, l'idée, c'est qu'il n'y aurait pas... Comme vous évoquiez beaucoup l'adoption simple en France, en Belgique, etc., il n'y a pas de droits successoraux qui seraient attachés à ça, il n'y a pas de lien juridique et il n'y a aucune obligation de maintenir un lien, ça n'apporte pas tout ça.
Donc, est-ce qu'il y a lieu de clarifier tout ça? On est d'accord avec vous sur ces principes-là. Donc, c'était vraiment pour répondre à ça. Donc, peut-être vous entendre sur... Si je vous dis ça, qu'est-ce qu'il reste à clarifier pour vraiment rassurer? Et qu'est-ce que vous dites de ça? Qu'est-ce que vous dites justement de cette préoccupation qu'ont, je vous dirais, beaucoup le milieu des centres jeunesse, qui voient des enfants... DPJ, qui voient des enfants un peu bloqués. Imaginez qu'ils ont 10, 12 ans, donc ils connaissent le père ou la mère, et évidemment ils savent que le père et la mère ont beaucoup de difficultés, puis ne sont pas très présents dans leur vie, mais en même temps ça fait partie de leur identité. Et, sachant qu'ils peuvent garder le nom, ils seraient peut-être plus prêts à aller vers l'adoption sans lien de filiation.
Évidemment, dans le projet de... l'avant-projet de loi, le tribunal devra le prononcer et s'assurer que les parties comprennent bien ce que ça veut dire. Il a été suggéré aussi qu'il y ait obligation d'avoir une évaluation psychosociale aussi, peut-être, dans ces cas-là, pour être sûr que c'est la meilleure solution.
**(11 h 50)**Mme Gagnon (Claire-Marie): De qui?
Mme Weil: DPJ.
Mme Gagnon (Claire-Marie): Oui, mais une évaluation psychosociale de la famille adoptive?
Mme Weil: De l'enfant, pour s'assurer que...
Mme Gagnon (Claire-Marie): De l'enfant? O.K., d'accord.
Mme Weil: Oui. Dans l'optique du meilleur intérêt de l'enfant.
Mme Gagnon (Claire-Marie): D'accord.
Mme Weil: Parce que vraiment ça, c'est l'optique. Donc peut-être pour vous entendre en tant que juriste, ou votre...
Mme Gagnon (Claire-Marie): ...pas juriste du tout.
Mme Weil: Bien, pas juriste, mais votre expérience dans ce domaine, votre expertise, voir qu'est-ce que... Est-ce qu'avec cette optique-là vous avez toujours des préoccupations par rapport à cette forme...
Mme Gagnon (Claire-Marie): ...sûr, parce que, dans la loi actuelle, rien n'empêche que l'enfant garde son nom de famille d'origine. On voit même actuellement...
Mme Weil: En adoption plénière?
Mme Gagnon (Claire-Marie): En adoption plénière, l'enfant peut garder son nom d'origine. Il y a plusieurs... même des parents de l'adoption... il y a des parents de l'adoption internationale qui ont gardé le nom de famille d'origine, qui ont accolé le nom de famille adoptif pour garder le... parce que, pour eux, c'était important de garder l'identité de l'enfant. Alors, il n'y a pas de contre-indication.
Ce qui nous inquiète toujours, c'est les obligations par la loi. Qui va-t-on favoriser dans un type d'adoption? Qu'est-ce qu'on va favoriser? Parce que le nom de famille, oui, mais que ce ne soit pas une obligation. Si le parent adoptif dit: Ça ne... dans le fond, il a une signification pour toi, puis on va le garder, même le prénom d'origine, ça fait partie d'un... si l'enfant est plus âgé... Parce qu'il y a beaucoup d'aspects qu'on mélange comme des dominos. On ne sait plus à... Si on parle d'adoption ouverte, on peut mélanger l'obligation de lien. C'est assez complexe à faire le ménage dans tout ça et à garder une idée. Mais les parents adoptifs peuvent présentement, par la loi, décider de garder le nom de famille d'origine et l'accoler à leur nom de... à leur nouveau nom, si tel est l'intérêt supérieur de l'enfant jugé par les parents adoptifs. Mais, s'il y a plusieurs enfants et que chacun a un nom différent dans la famille, là ça crée des... ça crée un autre malaise, une autre difficulté. Je peux vous dire que j'ai... il y a des enfants qui ont été placés jusqu'à la majorité dans des familles d'accueil et qui, à leurs 18 ans, ont demandé à porter le nom de la famille d'accueil parce qu'ils se considéraient faire partie de cette famille-là qui les avait élevés. Alors, il n'y a pas... On ne devrait pas obliger par la loi de garder un nom de famille.
M. Dorchies (Pierre): Si vous permettez...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, bien sûr. Oui, allez-y.
M. Dorchies (Pierre): Vous avez dit à plusieurs reprises, et c'est très important: L'idée de la filiation sans rupture du lien de filiation d'origine, la nouvelle approche, concernait la symbolique identitaire. Or, la symbolique identitaire, on a vu et ça a été expliqué qu'il n'y avait aucun effet juridique rattaché à la double filiation, par rapport à la filiation d'origine. Mais, si c'est pour un maintien identitaire, il y a probablement énormément de portes ou d'avenues pour résoudre ce problème.
On a parlé, évoqué un peu plus tôt le problème des certificats de naissance. À l'heure actuelle, c'est vrai que la loi interdit de posséder le certificat de naissance antérieur. Ça, ça peut être changé dans la loi. Si l'enfant a accès à un document officiel de l'État qui reconnaît son nom d'origine, son lieu de naissance d'origine et toutes les informations, qu'il y a un document officiel, il n'a pas de portée officielle dans sa vie future, mais c'est juste un document historique qui fait partie de son histoire. À l'heure actuelle, il n'y a pas accès. C'est ce côté-là qui a... qui est identitaire.
D'un autre côté, le maintien du nom, ma conjointe a très clairement expliqué que la loi le permet, la loi québécoise permet les doubles noms, dans l'ordre que l'on veut, en plus. Donc, si c'est d'intérêt de l'enfant, on gardera le nom. Mais une des craintes fondamentales de notre réflexion sur une nouvelle forme d'adoption, c'est qu'avec le temps on dérive vers une véritable double filiation, avec toutes les conséquences que ça peut avoir et ce que d'autres peuvent comprendre de cela. C'est un débat extrêmement pointu, et on peut se poser la question, si, avec le temps, les interprétations des juges, avec le temps, ne vont pas conduire, dans notre droit, à cette... on n'ouvre pas une espèce de grosse boîte de Pandore. On ne sait pas exactement comment on pourra interpréter cette notion, cette nouvelle notion par rapport au droit de la citoyenneté, ce qui n'est pas de notre droit québécois, qui est du droit fédéral. Comment les juges vont l'interpréter, personne ne le sait, alors qu'actuel, par exemple, en France, même si c'est l'adoption simple, l'adoption simple enlève des droits de citoyenneté ou de transfert de citoyenneté aux enfants, en adoption simple.
Ce ne sera pas le cas, vous dites, ce n'est pas l'adoption simple. Mais y aura-t-il des conséquences? Y aura-t-il des jugements ou des interprétations? Ça, on ne peut pas le dire. Et on trouve que, pour résoudre des problèmes identitaires que l'on peut résoudre en aménageant quelques articles de loi qui ne sont pas ceux-là, on peut résoudre beaucoup, beaucoup les problèmes.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va, Mme la ministre? Oui? Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup de votre présentation. Je pense que vous mettez le doigt sur beaucoup d'éléments clés, vraiment, là, et ça apporte, encore une fois, un éclairage supplémentaire.
En fait, effectivement, je partage certaines de vos interrogations, parce que, quand on regarde l'avant-projet de loi, il amène vraiment deux nouveaux concepts: l'adoption ouverte et le maintien du premier lien de filiation, qui sont deux choses qui ont des objectifs complètement différents. Et je pense qu'on les confond des fois un peu. L'adoption ouverte, c'est vraiment... il y a rupture du lien, mais c'est pour reconnaître, par exemple, le besoin des différentes parties impliquées de garder de l'information et de pouvoir garder une certaine idée de ce que leur enfant est devenu, ou vice versa, avec plus ou moins d'intensité selon l'entente qui pourrait être convenue, avec contact ou non, là -- je comprends vos réserves aussi à cet égard-là -- alors que la toute nouvelle notion, un peu hybride et, je dirais, qui est vraiment unique, qui n'a pas son équivalent ni en Europe, ni dans les juridictions de common law... Parce que, dans les juridictions de common law, c'est davantage l'idée d'adoption ouverte qui prévaut; en Europe, en France, en Belgique, c'est davantage l'idée d'adoption simple. Donc, nous, on fait... on amène les deux.
Puis, en plus, la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation, elle n'aurait aucunement des effets juridiques mais est là pour, comme vous le dites, des besoins identitaires, ce qui fait en sorte qu'elle n'a aucun lien avec l'idée d'une adoption ouverte où il y aurait encore des contacts, ou tout ça. Peut-être qu'il n'y en aurait pas du tout, qu'il n'y aurait pas du tout d'information de part et d'autre. C'est vraiment plus de manière symbolique et identitaire, de venir maintenir quelque chose. Ça fait qu'effectivement je pense qu'il y a une confusion et je pense que c'est important de rappeler un peu, peut-être, la complexité d'amener l'ensemble de ces idées-là et dans quel objectif on veut les amener. Alors, je vous suis très bien là-dessus.
Pour ce qui est donc de l'adoption sans rupture du lien de filiation, vous, de ce que je comprends, vous reconnaissez pleinement les besoins identitaires auxquels on veut répondre ou les objectifs auxquels on veut répondre, mais ce que vous dites, c'est que ce n'est pas le bon moyen, parce qu'on est un peu en train de créer un monstre ou une nouvelle réalité très, très importante en permettant une double filiation pour répondre à des objectifs très précis, qui répondent à des besoins plus identitaires. Sur les... Là, je vous suis bien? C'est ça?
Mme Gagnon (Claire-Marie): Oui, c'est exact, oui.
Mme Hivon: Sur les besoins très précis, ceci étant dit, qu'est-ce que vous suggérez? C'est-à-dire que... Là, je comprends ce que vous dites sur le nom, ce qui est vrai aussi: dans des cas exceptionnels, effectivement le tribunal peut décider que l'enfant conserve son nom, ou tout ça. Sur le besoin, je dirais, d'acte de naissance, vous, votre solution, si je vous suis, c'est de dire: L'acte primitif pourrait exister, mais sans aucune valeur légale, ou ce n'est pas le document officiel que l'on présente; ça a une simple fin, je dirais, historique ou identitaire. C'est ça?
Mme Gagnon (Claire-Marie): Je crois que nous sommes les troisièmes à dire la même chose de façons différentes.
Mme Hivon: Oui, mais vous êtes les... vous êtes les premiers à vraiment parler de l'existence, disons... du maintien de l'existence d'un acte primitif, là, qui... Oui, c'est ça.
**(12 heures)**Mme Gagnon (Claire-Marie): Ah oui! Et que tous les adoptés auraient droit... ce serait un droit fondamental d'avoir accès à ce document. Et c'est ce qui est... ce qui est la demande des gens qui ont adopté... qui ont été adoptés dans les années passées, c'est l'accès à ce document-là. Et je crois que ceci répondrait à... Je peux vous dire que la majorité des enfants, dans l'adoption internationale, ils ont accès... on les a, on les a, leurs documents. Je leur offre à mes enfants, ils n'en veulent pas, de leurs documents, ils savent qu'ils peuvent l'avoir, ils ne sont pas intéressés. Ceux qui demandent à avoir ces documents-là sont ceux qui n'ont pas accès. Il y a d'autre monde dans leur... qui existent qui ont plus d'information sur eux-mêmes qu'eux-mêmes. C'est cette frustration-là. Et je comprends pourquoi la double filiation est arrivée: pour répondre à toutes ces souffrances, parce que ce sont des gens qui souffrent énormément, et c'est pour répondre à ces souffrances-là, mais qui n'existeront plus dans le prochain... parce que cette réalité-là, elle est dépassée.
Donc, qu'on donne accès à ce document essentiel qui fait partie... on dit «essentiel», l'essence de l'être humain, qui est essentiel pour... comme identité, mais qu'on n'incorpore pas la double filiation.
M. Dorchies (Pierre): Cette approche permet aussi de résoudre les objections qui avaient été proposées dans la vie courante, d'avoir cette double information sur un même document. En fait, l'acte de naissance ou le certificat de naissance d'origine, c'est un simple document historique et c'est la première trace de l'individu dans la société. Je veux dire, si on parle d'historien, c'est juste comme ça.
Mme Hivon: O.K. C'est ça, je ne sais pas si vous étiez ici ce matin, mais je disais que c'est ça, la réalité, aussi, des nouvelles familles adoptantes. Les parents adoptants, ils sont très, très conscients de l'importance de présenter la vie comme une succession de réalités et non pas des ruptures, et donc je pense qu'on le voit aussi très bien dans votre témoignage, puis là je voulais vous amener... Vous reconnaissez pleinement donc ce droit-là à l'identité, toute la symbolique. Et, vous, vous parlez très concrètement qu'il devrait y avoir une obligation. Puis là je veux voir jusqu'où vous allez, là, quand vous parlez que le dossier... que l'important dans le fond, c'est le dossier pour l'enfant, et qu'il puisse avoir le plus d'information possible dans le dossier.
Donc, ce que vous dites, c'est qu'au moment qu'un enfant est confié en adoption, que ce soit, par exemple, dans un contexte d'adoption interne en Banque-mixte, par déclaration judiciaire d'admissibilité ou via un consentement, il devrait y avoir... Est-ce que vous allez jusqu'à dire qu'il devrait y avoir une obligation pour le parent biologique de remplir beaucoup de documents, pour donner un maximum d'information, ou vous laissez ça au libre arbitre, je dirais, des centres jeunesse de voir jusqu'où l'information peut être obtenue?
Mme Gagnon (Claire-Marie): J'irais... Moi, je n'aime pas le mot... je n'ai jamais aimé le mot «obligation». Dans ma vie, ça ne marche pas. Mais inciter pour dire l'importance d'avoir des documents qui répondent à toutes les questions: À qui je ressemble? J'ai entendu encore cette question-là tout à l'heure: À qui je ressemble? Qui étaient... quels métiers faisaient mes parents? etc. Des questions que les adoptés vont s'être posées, qu'il puisse y avoir un questionnaire puis qu'il soit fait pour que... en donnant l'importance pour l'enfant de connaître des informations, qui peuvent paraître banales pour les parents biologiques mais qui seront, pour l'enfant adopté, des questions essentielles. S'ils ne se voient pas, au moins que ce soit dans un... que l'histoire soit complète, et le pourquoi de l'abandon, que ce soit écrit, et des choses essentielles, qui sont connues par les services sociaux depuis belle lurette. Il y a eu plein d'études sur qu'est-ce qui... quelles sont les informations qui sont recherchées par les uns et par les autres, qui pourraient être contenues donc dans cette...
M. Dorchies (Pierre): Si obligation il y a. Peut-être, les services sociaux qui traitent ces dossiers-là devraient avoir l'obligation de les garder puis de les codifier; au moins, on serait sûr qu'ils seraient quelque part. Sans porter l'obligation sur les parents d'origine, on pourrait au moins aller... Tous les gens qui traitent le dossier, à l'heure actuelle, le dossier reste confidentiel, hein, même si tout le monde en lit des petits bouts quelque part. Mais, quand l'adopté arrive à un âge où il veut savoir, il n'y a plus rien, chacun a gardé son petit bout à lui, et il n'y a pas de centralisation codifiée de l'information, on est à peu près assuré d'avoir tout ce qui est nécessaire pour bien comprendre son identité.
Mme Gagnon (Claire-Marie): Donc, certificat de naissance.
Mme Hivon: Pour revenir à la question de l'adoption sans rupture du lien, pour avoir lu le rapport de Carmen Lavallée, qui en fait est à peu près repris dans son entièreté dans l'avant-projet de loi, il y a quelque chose quand même qui m'a frappée et qui m'a fait dire qu'il y a peut-être, dans certains cas très rares, des situations où, juste par des moyens, je dirais, administratifs, on ne serait peut-être pas capable de répondre aux besoins identitaires identifiés. Je vous en soumets un puis j'aimerais avoir vos réactions là-dessus. C'est vraiment quand le parent biologique, par exemple, est décédé, et que l'enfant, par exemple, avait sept, huit ans, et que sa mère s'est remariée, a refait sa vie quelques années plus tard, et que donc vraiment le nouveau parent, le nouveau conjoint, le beau-père a pris toute la place et vraiment joue un rôle, pleinement reconnu de toutes les parties, de père, mais que l'enfant qui a quand même connu son père biologique pendant plusieurs années aurait beaucoup de difficultés à accepter, par exemple, que tout ça soit effacé, et donc a plus de difficultés, peut-être vit un conflit de loyauté important à l'endroit de son père d'origine, je dirais, et que, dans un cas comme ça, l'adoption sans rupture du premier lien de filiation pourrait être une avenue qui permettrait à la famille de vivre vraiment dans une nouvelle harmonie. Qu'est-ce que vous répondez à ça?
Mme Gagnon (Claire-Marie): D'abord, cet exemple est toujours repris, et je pense que la base de la... l'idée de la double filiation vient de cet exemple-là. Alors, je trouve que c'est prendre un exemple très exceptionnel pour créer tout un système de double filiation. Donc, dans ces cas, la mère qui a perdu son chéri dans cette... doit vouloir aussi garder des liens avec la famille d'origine du... la famille paternelle. Ce n'est pas parce que son mari est mort qu'elle veut couper tous les liens. Donc, en se remariant, elle peut elle-même dire: Écoute, tu as ton nom, Valiquette; maintenant, on va, par l'adoption, on peut... son conjoint peut l'adopter et mettre le double nom de famille, pour garder l'identité du nom dans le nom de l'enfant. Ou, s'il y a des conflits parce que l'enfant n'accepte pas le nouveau conjoint, il peut y avoir une délégation parentale donnée au conjoint, si l'enfant ne se sent pas bien dans cette nouvelle relation.
Alors, ne pas fonder, ne pas créer... Ce qui est important, c'est de pas créer la double filiation pour répondre à un cas très exceptionnel où il y aurait une chicane, où il y aurait une dispute, que la mère ne voudrait rien savoir de la filiation d'origine, que l'enfant ne voudrait pas être adopté par le nouveau conjoint. C'est tellement hypothétique et tellement exceptionnel qu'on pourrait... qu'il pourrait y avoir une solution trouvée pour accommoder, tout en gardant la filiation d'origine dans le nom de famille et en gardant des contacts avec la famille d'origine qui effectivement a toujours été présente.
Mme Hivon: Vous reconnaissez la légitimité, dans un cas comme ça, par exemple, qui effectivement, j'en conviens avec vous, est exceptionnel mais qui quand même se produit, là... Vous reconnaissez donc la légitimité, je dirais... moi, je me situerais vraiment au niveau de l'intérêt de l'enfant, là, qui, on s'entend, doit toujours être ce qui prévaut... de garder vraiment ses repères identitaires, mais, pour vous, même dans ce cas-là, ça ne peut pas passer par la double filiation?
M. Dorchies (Pierre): Vous parlez de la double filiation dans ce cas extrêmement précis et très pointu. Si on applique la loi avec la double filiation, j'en conclus pour... et ça a été fait dans l'intérêt de l'enfant, au niveau de la possibilité d'hériter de ses grands-parents, c'est zéro, grands-parents paternels, c'est zéro, d'origine, c'est zéro, puisque la double filiation ne crée pas ce lien juridique, et il va se mettre à pouvoir hériter de sa lignée, nouvelle lignée paternelle.
Est-ce que c'est dans l'intérêt de l'enfant de séparer ça? L'enfant, il a eu des grands-parents paternels, ils sont toujours là, et puis il va garder ces liens-là. Ce sera plutôt au deuxième conjoint qui aura la délégation parentale ou qui aura l'adoption, et chacun décidera de tester en faveur s'ils ont envie de maintenir une certaine relation entre personnes. Mais je pense que c'est... pour des quelques cas très, très, très pointus, on ouvre une possibilité extrêmement vaste dans beaucoup d'autres cas. C'est une notion extrêmement pointue, la double filiation, et ce n'est pas testé beaucoup dans beaucoup d'endroits. Et, avant qu'on essaie de régler un cas sur... J'aimerais savoir si on sait combien de cas sont passés au Québec dans les cinq dernières années là-dessus. Posez-vous la question. Si on en a réglé un sur les cinq dernières années, est-ce qu'on refait une réforme complète de la notion de filiation pour régler un cas tous les cinq ans? Je ne sais pas, ces notions-là, vous les avez peut-être dans vos statistiques juridiques, mais, moi, je ne ferai pas une loi pour un cas sur cinq... un cas par cinq ans.
**(12 h 10)**Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Joliette. Mme la ministre.
Mme Weil: Oui. Alors, évidemment, nous, c'est suite aux consultations et des travaux du rapport Lavallée. Puis évidemment il y a beaucoup d'experts qui vont venir dans les prochains jours, on pourra poser toutes ces questions. Et c'est vraiment, comme vous dites, c'était pour répondre... L'idée, c'était vraiment la question identitaire sans créer de lien juridique, ça, c'est évident. Qu'au-delà du nom que pourrait porter l'enfant c'est d'avoir l'historique de ça, c'est des enfants plus âgés. Mais on aura l'occasion de poser toutes ces questions que vous posez: Combien de cas très concrètement existent où vraiment cette solution-là pourrait venir débloquer, comme je dis souvent, cette situation? On aura l'occasion, donc. Je vous remercie de vos réflexions.
La question de... Vous proposez une modification afin que l'enfant ne puisse rencontrer ou retrouver l'identité de ses parents qu'à l'âge de 18 ans. Le Code civil est moins exigeant actuellement là-dessus. Vous, vous proposez donc de modifier le Code civil pour aller plus loin?
Mme Gagnon (Claire-Marie): Exactement, pour que, à 14 ans et plus ou 14 ans et moins avec l'accompagnement de ses parents adoptifs, il puisse avoir encore accès à ses antécédents sociaux, médicaux, mais qu'à partir... que seulement à partir de 18 ans il puisse avoir un contact.
Mme Weil: Est-ce que vous avez des cas en tête qui vous incitent à proposer cet amendement?
Mme Gagnon (Claire-Marie): C'est surtout au niveau de l'âge critique de 14 ans, où la mère est idéalisée ou la...
Mme Weil: En vertu de ça, O.K.
Mme Gagnon (Claire-Marie): C'est en vertu de ça, oui, plutôt que par des cas qui seraient arrivés concrètement.
Mais il y a toute la question aussi au niveau de l'adoption internationale qui a été touchée mais que je n'ai pas remis dans... je n'ai pas parlé... Je ne sais pas si la problématique autour du fait que le tribunal pourrait remettre en question le consentement éclairé d'une adoption internationale, ce qui ouvrirait la porte à ce que les parents doivent retourner dans le pays d'origine pour faire revaloir, refaire les documents pour s'assurer que le consentement était éclairé. Est-ce que... Je n'ai pas vu, j'ai vu... Il y a un article qui touche ce point-là. Est-ce que ça touche l'adoption internationale, ce projet de loi? Est-ce que vous pensez à la double filiation dans les cas d'adoption qu'on dit simple, mais dans les cas de... où il existe, par exemple, au Vietnam, en Haïti, au Brésil... Qu'est-ce que vous auriez... Qu'est-ce qui se passerait dans ces cas-là, si vous ouvrez la porte à la double filiation?
Mme Weil: ...les adoptions ici.
Mme Gagnon (Claire-Marie): Ce serait pour les adoptions...
Mme Weil: Oui. Parce que finalement il y a la loi... c'est le droit international...
Mme Gagnon (Claire-Marie): Exact.
Mme Weil: ...qui est en lieu. Donc, non, c'est vraiment pour des cas précis. Et je le répète assez souvent...
Mme Gagnon (Claire-Marie): Oui.
Mme Weil: ...l'idée, puis c'est à voir, là, en discutant avec d'autres experts, mais c'était vraiment pour des cas très... Ce ne sera pas la norme, hein? Ça, c'est sûr. C'est vraiment des cas d'enfants, beaucoup, en Banque-mixte ou des adoptions intrafamiliales, où vraiment les parents ne sont pas aptes du tout à jouer le rôle de parent, mais l'enfant connaît bien... Et c'est très identitaire, ce n'est pas juste une question du nom qu'ils vont porter, c'est de ne pas effacer... c'est peut-être symbolique à quelque part, mais de ne pas effacer ses parents d'origine de son historique. En tout cas, on va y revenir.
J'ai une autre question pour vous. Vous proposez que, pour l'enfant, le veto soit automatique à son adoption et qu'à 18 ans il puisse le modifier s'il en a le désir. Évidemment, ça veut dire que l'enfant doit être informé de son statut d'adopté, que ses parents adoptifs le lui révèlent. Or, hier, on a entendu des intervenants dire que certains parents adoptifs ne divulguent pas toujours cette information. Qu'en pensez-vous? Quelles sont vos réflexions là-dessus?
Mme Gagnon (Claire-Marie): Ça me surprend beaucoup qu'encore aujourd'hui il y ait des gens qui cachent l'adoption à des enfants, surtout potentiellement plus âgés, dans les cas d'adoption ici, au Québec. Dans tout le processus, c'est quand même étonnant qu'on puisse créer, encore là, une loi pour des exceptions, parce que c'est... l'adoption est tellement, maintenant, rendue quelque chose de facilement communicable aux enfants. Alors, on va créer quelque chose parce qu'on pense qu'il y a encore des secrets...
Mme Weil: ...par exemple. Là, je parle de votre proposition.
Mme Gagnon (Claire-Marie): Pardon? Oui. Alors, moi, je proposais qu'au lieu de demander aux... à 18 ans, aux jeunes adultes, de fermer en mettant un veto, je disais: Au contraire, si le veto est automatique, et qu'ils ont l'intention de lever le veto à la divulgation de leur identité et le veto au contact, là ils mettent... ils peuvent lever le veto. Ce serait une ouverture vers les retrouvailles plutôt qu'une fermeture.
Mme Weil: Vous présumez évidemment que l'enfant, comme vous dites, parce que c'est une société ouverte...
Mme Gagnon (Claire-Marie): Oui, je présume.
Mme Weil: ...vous présumez qu'il le sait, oui.
Mme Gagnon (Claire-Marie): Oui, c'est ça. En autant qu'il le sache.
Mme Weil: Avec la tendance actuelle et l'ouverture qu'on a.
Mme Gagnon (Claire-Marie): Oui.
Mme Weil: Moi, ça va, je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, il y avait M. Dorchies qui avait peut-être une intervention.
M. Dorchies (Pierre): Mme la ministre, pour... Une inquiétude se fait jour. Vous parliez... si effectivement la notion de double filiation s'appliquerait uniquement aux adoptions québécoises. Cependant, avec l'article imposant au... permettant au juge de vérifier le consentement éclairé de la mère, y compris pour les adoptions internationales, on pourrait craindre que la notion de double filiation soit interprétée, à un moment donné, dans les pays comme Haïti où c'est l'adoption simple, et que le consentement éclairé n'ait pas été acquis à la façon exacte, de la façon pertinente, et ça remet en cause toute la validité des jugements et des autorisations d'adoption faits dans les pays étrangers, en fonction de notre propre approche de loi, et ça peut poser de sérieux problèmes. On nous a opposé que ça forcerait probablement le gouvernement, compte tenu de la citoyenneté et de l'obligation d'avoir une rupture de lien... adoption plénière pour être citoyen canadien... ça forcerait la fermeture des pays qui potentiellement pourraient être avec des adoptions dites simples.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Mme la députée de Gatineau, j'avais cru comprendre... Oui, allez-y.
Mme Vallée: Alors, bonjour. J'aimerais vous entendre un peu davantage sur le projet de mise en place d'une entente de communication. Je comprends que vous avez certaines réserves quant au maintien des liens entre l'enfant adopté et sa famille d'origine, certaines réserves qui sont exprimées à la page 2 de votre mémoire, mais j'aimerais vous entendre davantage sur cet aspect. On a entendu, un petit peu plus tôt cet avant-midi, des craintes de surjudiciarisation, des suggestions visant peut-être à mettre en place une entente à travers un processus de médiation. En tant que représentants des familles adoptantes, que pensez-vous de cet aspect?
Mme Gagnon (Claire-Marie): Je dirais qu'il pourrait y avoir une... Comme il se fait en ce moment dans bien des cas, le service social reçoit les parents biologiques et les parents adoptifs dans une rencontre où il n'y a pas de noms de divulgués, et il y a une possibilité donc de médiation à ce moment-là et une possibilité d'entente. Ce qui me fait peur, c'est la judiciarisation de l'entente, parce que, si on dit à un parent adoptif... Il y a une maman qui veut laisser... confier son enfant à l'adoption, mais à condition qu'elle puisse le revoir après. Le parent adoptif va dire: Bien, certain, bien sûr, on va le faire. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse en plus? Oui, oui, bien sûr, on va le faire. Pour pouvoir avoir accès à l'enfant, il va être prêt à tout. Mais par après, si ça ne fonctionne pas, il va être obligé d'aller contester et demander... et ça, je trouve ça malsain. Par contre, si, à la base, il y a une médiation, une possibilité qui ne soit pas une obligation judiciarisée, je trouve que l'ouverture sera meilleure et l'état d'esprit sera meilleur aussi. Il n'y aura pas d'obligation, il y aura une entente de respect entre les gens.
Mme Vallée: Donc, si je vous comprends bien, les craintes des répercussions, parce qu'on comprend aussi qu'une entente judiciarisée a pour risque d'être traînée devant les tribunaux pour outrage au tribunal à défaut de respect, et le défaut de respect peut s'expliquer par x facteurs, la réaction de l'enfant entre autres... Alors, si je comprends, vous préféreriez davantage que ces ententes-là soient des ententes en parallèle, qui pourraient être prises cas par cas avec des professionnels et des gens formés qui pourraient, dans un contexte de médiation, en venir à une convention qui ne serait pas nécessairement sujette à approbation du tribunal et donc qui n'entraînerait pas de conséquences judiciaires pour la famille adoptante.
**(12 h 20)**Mme Gagnon (Claire-Marie): Exact.
Mme Vallée: Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Ça va, merci. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui, j'aimerais vous entendre un peu... on en a parlé ce matin, puisque vous êtes vraiment au coeur de cette réalité-là des familles adoptantes, des services postadoption. Et je sais que ce n'est pas partie intégrante de votre mémoire, mais vous avez sans doute une expérience et une certaine expertise...
Mme Gagnon (Claire-Marie): Une très grande, très grande expérience, oui.
Mme Hivon: Oui, c'est ça. J'aimerais savoir un peu comment vous vous positionnez par rapport à l'existence actuelle de services, notamment en adoption internationale. Parce que, oui, le projet de loi, pour beaucoup des réalités, il concerne essentiellement l'adoption interne, mais il y a aussi des réalités plus vastes de l'adoption internationale, qui risque d'ailleurs de... qui chemine, de ce que je comprends des explications de la ministre, aussi en parallèle et qui éventuellement pourrait faire l'objet d'une intégration dans un nouveau projet de loi, là, au même titre que l'adoption en milieu autochtone. Donc, les services, je dirais, postadoption, et aussi les services de retrouvailles, parce que ça, c'est quelque chose qui est assez... encore nouveau... Mais est-ce que vous avez une expérience en matière de retrouvailles en milieu international?
Mme Gagnon (Claire-Marie): Oui. D'abord, au niveau... Là, vous posez toute une question, là. Au niveau des services postadoption, depuis 1995, je fais partie du comité de concertation en adoption, et qui est devenu maintenant le nouveau comité, et c'est incroyable, le travail qui a été fait en collaboration avec les DPJ, et c'est incroyable, le cheminement qui a été fait depuis pour les services postadoption et pour l'harmonisation des règlements, parce que Québec et Montréal, par exemple, c'était complètement différent: les décisions, l'optique, la philosophie étaient complètement différentes. Donc, il y a beaucoup de travail qui s'est fait là-dessus. Il y a, en plus des deux CLSC, il y a énormément de personnes qui ont été formées: des intervenants, psychologues, travailleurs sociaux qui ont été formés en postadoption et qui donnent des services à travers le Québec entier. Et j'ai mis sur pied d'ailleurs un bottin des ressources pour les parents adoptants qui couvre tout l'ensemble.
Il y a des cliniques internationales de médecine et qui aussi apportent beaucoup de réponses en postadoption. Il y a même des cliniques de santé mentale spécialisées en adoption internationale et en ethno... tous côtés ethniques, en tenant compte du côté ethnique. Donc, c'est sûr qu'il y a toujours place à l'amélioration, mais il y a... Les gens sont très, très sensibles au développement de nouvelles avenues puis d'aide à apporter non seulement en postadoption, mais en préadoption, parce que souvent on dit que les problèmes en postadoption viennent d'une mauvaise préparation.
Ceci étant dit, vous parliez des retrouvailles. Il a été donc décidé que les retrouvailles, au niveau québécois, c'était régi par les DPJ, par les centres jeunesse, alors que les retrouvailles internationales sont régies par le Secrétariat à l'adoption internationale. Évidemment, les retrouvailles au niveau international, c'est tout jeune, jeune, jeune. Mais il y avait des gens très compétents qui ont aidé au... Je sais qu'au niveau du Secrétariat à l'adoption internationale il y avait une personne responsable des demandes. Mais ce n'est pas du tout les mêmes problématiques qu'à... Parce qu'à l'international... soit que c'est en Chine, où il n'y a rien, il n'y a aucune... aucun document, mais... ou bien que, comme nous, on... dans les pays d'Amérique latine, on a... on a même la photo de la maman et l'étude sociale de la maman. Donc, c'est très vaste comme différences, mais ce qui est important, c'est que les parents adoptifs ont tous les dossiers. Alors, nous avons le dossier au complet de nos enfants, ce qui n'est pas le cas des parents adoptifs ici, au Québec. Ils n'ont pas toutes les informations sur la famille d'origine. Nous, on a toutes les informations possibles.
Donc, question des retrouvailles, la tâche n'est pas la même du tout, que ce soit au Québec ou pour l'international. Ici, au Québec, les services sociaux donc peuvent communiquer. Souvent, lorsqu'ils ont une demande de retrouvailles, ils communiquent avec la personne qui est recherchée pour demander si elle est intéressée. Et il y a une possibilité d'accompagnement par les retrouvailles, ici et aussi prévue au Secrétariat à l'adoption. Est-ce que j'ai répondu à votre question?
Mme Hivon: Oui, merci.
M. Dorchies (Pierre): Et également, excusez-moi, et également pour...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, M. Dorchies.
M. Dorchies (Pierre): Et également pour compléter, compte tenu que la réalité de l'adoption internationale date d'une trentaine d'années, grosso modo, on commence à voir apparaître effectivement... Il y a un mouvement, qui s'appelle un mouvement pour les retrouvailles des adoptés à l'international, donc un regroupement des adoptés à l'international qui se penche sur ces problématiques de retrouvailles au niveau international, mais c'est un mouvement très, très récent, qui date de...
Mme Gagnon (Claire-Marie): De mars dernier.
M. Dorchies (Pierre): De mars dernier, donc d'à peine un an. C'est normal, puisque c'est dans l'échelle de temps de la vingtaine, trentaine, où les gens commencent à se reposer ces problématiques d'identité.
Mme Hivon: Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée d'Iberville.
Mme Bouillé: Merci, M. le Président. À la lueur, là, d'une journée et demie de consultations, il y a quelque chose qui me frappe, là, puis je pense qu'il va falloir s'interroger ici, c'est que... C'est l'iniquité ou... en tout cas, peut-être que le terme est fort, mais qui m'apparaît par rapport aux renseignements personnels des personnes adoptées. Je m'aperçois que ceux qui sont adoptés en très bas âge au Québec n'ont pas de renseignements, là, qui ont été adoptés en très bas âge ont très peu de renseignements ou pas de renseignements, alors que ceux à l'international, leurs parents adoptants ont un dossier, un dossier complet qui a été reconnu par la cour, et tout ça, mais ça... Oui, mais, quand même, il y a quand même un dossier, une proposition d'enfant, une histoire de vie, qui vaut ce qui vaut, mais, quand même, il y a un document, là, qui a été présenté à la cour pour l'adoption. Dans la Banque-mixte, il y a une histoire de vie qui a été préparée par les centres de services sociaux pour présenter le cas de l'enfant. Donc, les parents adoptants et l'enfant adopté a son histoire de vie dressée par les centres, et les enfants plus âgés qui ont été adoptés ont leur histoire de vie parce qu'ils ont connu, bien souvent, leurs parents biologiques ou des personnes significatives dans leur vie, ils ont des photos, ils ont des petits souvenirs, ils ont des choses, ils ont une histoire, en tout cas. Mais ceux qui ont été adoptés en très bas âge, enfants, n'ont rien. Et je pense qu'il va falloir s'interroger sur ça, là, parce que la recherche d'identité, elle est particulièrement avec eux, là, je pense, particulièrement avec eux.
Mme Gagnon (Claire-Marie): Avec ceux adoptés en bas âge au Québec?
Mme Bouillé: En très bas âge, où il y a à peu près... au Québec, où il n'y a presque rien dans leurs dossiers, où il n'y a rien parce qu'il y a une interdiction de divulguer des renseignements. En tout cas, il y a quelque chose à se pencher, là.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme Gagnon.
Mme Gagnon (Claire-Marie): Ça revient à dire l'importance de monter un dossier préadoptif qui soit vraiment le plus complet possible et de donner l'importance de parler de toute la réalité de la famille élargie, dans ce dossier d'adoption.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? M. Dorchies, vous aviez d'autres commentaires? Ça va? O.K. Donc, sur ce, je me joins à mes collègues pour vous remercier pour votre présentation. Merci d'être venus à notre commission. Je vous souhaite un bon retour. Je vais suspendre les travaux jusqu'à 14 heures. Vous pouvez laisser vos choses ici, le local va être barré. Merci. Bon appétit à tous et à toutes.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
(Reprise à 14 h 2)
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Donc, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes, si vous avez des cellulaires, de bien les fermer pour ne pas interrompre nos travaux ou déranger ceux qui aimeraient se faire entendre.
Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale.
Mais, avant même de... Je vais vous souhaiter la bienvenue, bien sûr, parce que vous faites maintenant partie des nôtres pour un... pour au moins une heure. Je veux vous saluer, messieurs mesdames, puis vous dire que vous êtes les bienvenus à la commission. Vous savez que votre présence est importante pour l'ensemble des parlementaires, parce que vous allez sûrement les alimenter de votre réflexion, et ça, c'est important pour tout le processus, mais pour tous les gens qui sont ici.
Document déposé
Mais, avant même de continuer, je veux... pour joindre à ces salutations mes intentions, Mme la députée de Joliette, nous allons déposer la compilation des consultations en ligne, avec un petit bémol qui n'est pas vraiment... qui ne modifiera pas l'ensemble de l'orchestre, là. C'est... ça va simplement faire état du fait que vous avez les graphiques, mais il n'y a pas de détails nominatifs. Parce que les gens, lorsqu'ils ont répondu en ligne, ne savaient pas qu'ils seraient éventuellement publiés. Mais vous avez tous les détails là-dedans, avec les réponses, les questions, puis c'est sous forme de graphique. Donc, je le dépose. Vous n'aurez pas de copie, puisque cette compilation-là sera présente sur le site Internet. Donc, si vous voulez en avoir connaissance puis le consulter, vous pourrez le faire à loisir. Est-ce que ça, ça vous satisfait?
Mme Hivon: Oui, tout à fait. Ma préoccupation, c'était d'être certaine que ces données-là, en fait, la compilation telle qu'elle a été faite par le secrétariat de la commission, on pouvait évidemment la rendre publique. Donc, il y a les statistiques, donc je comprends que c'est le cas. Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je joins vos intentions aux nôtres pour vous donner les résultats, puis je pense que tout le monde est satisfait de ça.
Donc, vous avez été salués, bien sûr, mais je vais vous donner les règles, que vous connaissez sûrement, mais je vous les rappelle, pour l'ensemble des gens qui nous écoutent, parce qu'il y a foule à l'écoute actuellement, vous savez, jeudi après-midi, pour connaître les intentions que vous vouliez exprimer. Donc, vous avez 10 minutes pour votre présentation. Vous la faites comme vous le voulez. Et, bien sûr, il y aura un 50 minutes d'échange, de part et d'autre, des parlementaires, et ça permettra à l'ensemble de tous ceux qui nous écoutent d'être mieux alimentés par votre réflexion. Donc, sur ce, et sans plus tarder, je vous cède la parole, messieurs. Je vais vous demander de vous présenter, par contre.
Association des centres jeunesse
du Québec (ACJQ)
Mme Berardino (Pascale): Alors, Pascale Berardino. Je suis directrice aux affaires juridiques à l'Association des centres jeunesse.
Mme Desmarais (Sylvie): Sylvie Desmarais, directrice-conseil pour les secteurs Protection de la jeunesse, Jeunes contrevenants et Adoption à l'Association des centres jeunesse.
M. Hotte (Jean-Pierre): Jean-Pierre Hotte, directeur général à cette association-là.
M. Thériault (Jean-Nil): Jean-Nil Thériault, président du conseil d'administration de l'Association des centres jeunesse du Québec.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, monsieur.
M. Thériault (Jean-Nil): Alors, Mme la ministre, M. le Président et chers membres de la commission, rapidement vous présenter les centres jeunesse. L'Association des centres jeunesse du Québec regroupe 16 centres jeunesse, qui sont les établissements spécialisés à vocation régionale. Ils ont le mandat d'offrir des services sociaux spécialisés aux enfants, aux jeunes en difficulté et à leurs familles, notamment ceux requis en vertu de la Loi de la protection de la jeunesse et la Loi sur les systèmes de justice pénale pour les adolescents. Les centres jeunesse sont également responsables des services offerts dans le contexte de l'adoption, de la recherche d'antécédents et des retrouvailles. Ils sont par ailleurs dépositaires des dossiers d'adoption.
L'avant-projet de loi aborde trois grandes questions: l'adoption, la délégation judiciaire de l'autorité parentale et la confidentialité des dossiers d'adoption. Chacune de ces questions soulève des enjeux spécifiques qui seront abordés dans le cadre de la présentation de notre mémoire.
Notre mémoire s'articule à partir d'un certain nombre de principes, essentiellement au nombre de trois. En premier lieu, il s'agit de se rappeler la primauté de l'intérêt de l'enfant et du respect de ses droits. L'intérêt de l'enfant ne doit pas être compris d'une manière restreinte mais doit prendre en considération la contribution de l'ensemble des acteurs en présence. Deuxièmement, les parents sont les premiers responsables de la famille et de la prise en charge des enfants. Et enfin l'intérêt de l'enfant est d'intérêt public. Nous n'avons qu'à penser à la volonté du législateur exprimée dans la Loi sur la protection de la jeunesse. En somme, l'enracinement familial d'un enfant, son sentiment d'appartenance et sa stabilité sont au coeur de nos préoccupations.
Et, sur ce, je cède la parole à notre directeur général.
M. Hotte (Jean-Pierre): M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, merci de nous donner l'opportunité de nous exprimer sur cet important avant-projet de loi.
Comme l'a mentionné M. Thériault, notre président, effectivement, pour nous, c'est un enjeu très important, crucial. Et évidemment, compte tenu du temps limité, je vais m'en tenir à, je dirais, des commentaires généraux -- vous avez certainement lu l'ensemble de notre mémoire -- pour vous donner aussi le maximum de temps lors de la période des questions pour aller sur des enjeux plus spécifiques. Et mes collègues, Me Berardino et Mme Desmarais, pourront certainement aussi apporter un éclairage, j'en ai... je n'en doute point, assez précis, je pense, à vos questionnements.
Comme l'a souligné notre président, et ça, c'est important de le retenir, ça vient teinter... c'est une vision qui chapeaute, qui transcende l'ensemble de nos commentaires, la dimension de l'intérêt de l'enfant a été cruciale, évidemment, dans la présentation que nous avons déposée et que nous allons faire. De façon très simple, il faut se rappeler que, lorsque nous parlons d'adoption, il faut mettre toutes les chances du côté de l'enfant, et donc on parle de la recherche d'une famille pour un enfant et non pas un enfant pour une famille.
Ceci étant dit, je pense que... important de vous rappeler qu'il s'agit d'un avant-projet de loi. On tient à féliciter le travail qui a été fait par... Malgré que c'est juste un avant-projet de loi, il y a quand même des données assez précises. Bien sûr, on va vous dire en cours de route qu'il faut plus de précisions, mais il y avait quand même un matériel substantiel qui s'appuyait, entre autres, sur les données du rapport Lavallée. Et on tient, au passage, à souligner aussi la qualité des travaux qui ont été faits par ce groupe piloté par Me Lavallée.
Donc, d'entrée de jeu, aussi, on tient à ce qu'évidemment, en ce qui nous concerne, que des liens, même si on... s'il s'agit de deux lois de... aussi de... différentes... mais évidemment les prémisses, les enjeux, les principes que nous retrouvons dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse, évidemment on souhaite que des liens étroits soient faits lorsque les réflexions, les enjeux, les orientations devront être prises dans le cadre de cet avant-projet de loi ci.
Nous trouvons important aussi, dans nos commentaires généraux, de situer le fait que, je pense... qu'il serait souhaitable, dans un éventuel projet de loi, que soit clairement... beaucoup plus clairement affirmé le maintien prépondérant de l'adoption plénière par rapport aux autres modèles d'adoption qui sont proposés dans l'avant-projet de loi. Non pas que nous ne sommes pas d'accord avec l'idée de modernisation, au contraire, on vous l'a souligné dans notre rapport, mais on trouvait que cet élément central n'était pas suffisamment appuyé.
**(14 h 10)** Autre élément important, toute la question de la recherche des antécédents et des retrouvailles. Donc, nous sommes aussi évidemment... Je vous ai parlé de la dimension des enfants lorsqu'il est question d'adoption, mais on est conscients qu'autant pour les personnes adoptées adultes que pour les parents biologiques toute cette dimension-là, au niveau de la confidentialité, encore là, on est dans une zone qui touche de façon très importante une très grande question d'émotivité pour ces personnes-là, une très grande sensibilité. Donc, dans notre rapport, vous avez vu que nous sommes, là aussi, très favorables à ce qu'il y ait de l'ouverture. On comprend très bien que pour ces personnes-là il est important... Puis, quand on pense uniquement, à titre d'exemple, à l'évolution des connaissances médicales, ces gens-là, avec... de façon très légitime, sont souvent préoccupés aussi de connaître des antécédents à caractère médical qui les concernent. Donc, vous trouverez dans notre texte des éléments qui viennent baliser aussi la recherche de l'équilibre, qui doit être quand même prudent, à l'égard des... du pacte social, aussi, qui est établi depuis de nombreuses années au Québec, mais comment quand même trouver une façon de donner une ouverture plus grande. Pour nous, ce serait souhaité et, je pense, souhaitable pour plusieurs de ces personnes, en ayant évidemment des balises autour de ce cadre-là.
À l'égard de certains enjeux qui sont peut-être plus précis, nous souhaitons aussi évidemment que des précisions soient adoptées sur différentes questions, telles que l'adoption ouverte, l'adoption sans rupture de lien, ainsi que sur la délégation judiciaire de l'autorité parentale. Selon nous, il y a là une base intéressante dans ce qui est apporté, mais, pour éviter toute ambiguïté, parce que nous sommes, comme je le répète, dans des zones extrêmement sensibles pour la population, je pense qu'il faudra, dans un éventuel projet de loi -- et on espère contribuer à la clarification justement de ces concepts -- que ces concepts soient clairement définis.
Certaines prérogatives aussi qui ont été annoncées dans les intentions, quand même, nous préoccupent, et j'en nomme deux à titre d'exemples. Évidemment, la... les questions... Il a été mentionné que les règles concernant l'adoption ouverte et celles régissant la confidentialité des dossiers d'adoption pourraient aussi s'appliquer tant au niveau des adoptions internes qu'au niveau des adoptions internationales. Selon nous, cette sphère-là mériterait certainement des travaux ultérieurs substantiels avant d'intégrer cette dimension-là dans un éventuel projet de loi à court terme. Il y a là une complexité très grande avec... en lien avec des enjeux légaux, culturels de plusieurs pays, avec un contexte relativement complexe.
Il en est de même pour ce qui est de la question de l'adoption coutumière, en ce qui concerne évidemment les communautés autochtones au Québec. Nous sommes favorables à ce que des travaux... qu'il y ait déjà des travaux en cours. Je pense qu'il faut qu'ils continuent d'être approfondis avant qu'on arrive à les intégrer dans un projet de loi à court terme. Ce sont des sphères qui, selon nous, mériteraient des travaux, et nous vous tendons la main pour vous dire que nous serions prêts évidemment à collaborer à de tels travaux.
De façon très pratique, nous sommes préoccupés aussi pour le fait que toute la question de soutien financier à l'adoption puisse être éventuellement arrimée, en lien notamment, par exemple, avec les... la création de la tutelle, avec un appui financier qui a été créé dans le cadre du projet de loi n° 125, donc qui est devenu la Loi sur la protection de la jeunesse révisée, pour assurer, là aussi, une équité et évidemment s'assurer que, dans l'ensemble des projets de vie possibles pour un enfant... Évidemment, pour nous, le projet de vie prédominant sera toujours que l'enfant soit maintenu dans sa famille naturelle, mais, lorsque nous pensons à d'autres modèles, il ne faudrait pas que le choix des modèles soit fait en fonction de dimensions financières, mais toujours dans l'intérêt de l'enfant. Mais, pour une question aussi d'équité, de soutien, je pense qu'il faudra que cette question-là éventuellement soit aussi abordée.
Nous comprenons aussi... Puis déjà nous voyons certaines réactions. Il est assez clair pour nous aussi, puis on est... on sait que nous ne sommes pas rendus là, mais, tout au cours des travaux, il faudra assurer à la population une communication très importante. Déjà, des parents qui sont en voie... en cours de projet d'adoption se posent des questions sur ce que les nouvelles règles du jeu qui sont annoncées ici pourraient introduire, comment cela pourrait avoir un effet dans leurs projets actuels. Alors, je pense qu'il y a tout un travail de communication, extrêmement important, qui devra, de façon continue, être fait, ne pas attendre qu'on soit rendu à un projet de loi ou à l'adoption d'un projet de loi. Donc, je pense que toute la question des communications aussi doit être bien balisée. Nous, on voit déjà qu'il faut informer beaucoup de gens qui sont dans les projets de Banque-mixte, etc., pour essayer de leur faire comprendre les tenants et aboutissants de ce qui est sur la table, évidemment avec l'incertitude de quand cela pourrait s'appliquer, comment ça pourrait les affecter ou non.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Est-ce que, M. Hotte, vous êtes tout près de votre conclusion? Oui?
M. Hotte (Jean-Pierre): Oui, j'y arrive. Donc, effectivement... Et ce que l'on souhaite évidemment, c'est, lorsque le projet de loi sera sur la table et même dans l'éventualité de son adoption, prévoir aussi un délai réaliste, parce que, bien qu'il s'agit d'un domaine très précis, c'est quand même d'un haut niveau de complexité, et il faudra préparer des transformations importantes tant au niveau des pratiques que de l'information à la population, aux personnes concernées par ces nouvelles règles du jeu. Et évidemment tout ce qui concerne les modifications en regard des liens de confidentialité et du veto, il faudra aussi s'assurer qu'on se donne le temps nécessaire et aussi toute l'information requise.
Alors, voilà. Là-dessus, je souhaite qu'on puisse, dans le cadre de la période de questions, apporter évidemment un éclairage plus précis sur plusieurs de ces dimensions-là. Je vous remercie.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est moi qui vous remercie, M. Hotte. Donc, à vos voeux, Mme la ministre, pour la période de questions.
Mme Weil: Bonjour. Alors, bienvenue à cette séance cet après-midi. Évidemment, étant donné votre expertise et vraiment votre vécu dans le quotidien des genres de situations qu'on évoque et des situations auxquelles on a voulu apporter des solutions, on va, avec le temps qu'on a... Évidemment, on pourrait prendre, je pense, beaucoup de temps pour vous poser beaucoup de questions. On a été beaucoup alimentés depuis une journée et demie, alors je vais m'inspirer de certains commentaires qui ont été faits pour vous poser des questions.
Ce matin, on nous a dit que... en parlant des... on va y aller directement, l'adoption sans rupture de filiation... Parce qu'il y a beaucoup de débats là-dessus et beaucoup de débats sur le... l'accès à l'identité et aux informations pour les adoptions antérieures. Sur l'adoption sans rupture de filiation, évidemment l'intention, c'était de vraiment répondre beaucoup à ce que les centres jeunesse nous disaient, aux préoccupations par rapport à certains enfants qui sont pris entre deux réalités et qui ont besoin de ce projet de vie. Et, pour débloquer ce projet de vie, cette question identitaire est bien importante pour eux.
Un groupe, ce matin, nous disait: C'est vraiment très peu de cas, puis ça pourrait se régler par le nom, ce serait une solution plus simple. Et vous venez amener une notion étrangère, finalement, qui n'existe d'ailleurs pas ailleurs. Ce n'est pas vraiment «étrangère», mais une nouvelle notion, qui n'a pas été testée, et il y a très peu de cas. Moi, je voudrais vous entendre sur ça. Je sais que vous l'appuyez. C'est beaucoup à cause des... de l'expérience des centres jeunesse et... que le comité en particulier avait recommandé ça, très axé sur cette question identitaire, qui est une notion pas nécessairement facile à expliquer, ni en droit ni dans les faits, mais, de par votre expérience, vous l'avez vu, je pense, des enfants qui le ressentent. Et, s'il n'y a pas d'impact... même s'il n'y avait pas d'impact juridique... Nous, on parle d'une obligation alimentaire, mais, même si on enlevait ça et que ce n'est pas l'adoption simple, il y a quand même là, dans cette notion, quelque chose d'important. J'aimerais vous entendre là-dessus.
**(14 h 20)**Mme Desmarais (Sylvie): Je vais vous relever un peu ce qu'on a indiqué dans notre mémoire à l'effet que, pour nous, effectivement ça peut répondre à certains besoins de certains enfants dont on dessert, particulièrement des enfants plus âgés. Alors, je vais vous offrir une réponse plus clinique, et ma collègue pourra appuyer sur un plan davantage juridique.
Quand on fait référence à ces enfants-là... Je vais vous donner un exemple, par exemple, un enfant de sept ans, huit ans qui est en famille d'accueil depuis plusieurs années et pour lequel on est en mesure d'aller vers un projet de vie d'adoption parce que la famille d'accueil est ouverte à ça également. Alors, c'est un enfant qui connaît déjà son histoire, son identité, et tout ça, et le maintien de cette appartenance-là, identitaire, qui est significative, peut avoir tout un sens pour cet enfant-là, alors que, pour d'autres enfants plus jeunes, le besoin identitaire ne sera pas le même parce que l'enfant va intégrer une nouvelle famille et va développer son identité dans une nouvelle famille adoptive.
Alors, pour nous, cette option-là, telle qu'elle a été formulée dans l'avant-projet de loi, nous amène une préoccupation toutefois, qui a été notée d'ailleurs par d'autres groupes, à l'effet que, la façon dont c'est libellé actuellement, on indique un «notamment» et on donne quelques exemples de situations, mais on peut... ça peut laisser supposer qu'il y aurait d'autres types de situations. Et ce qu'on vous a indiqué dans notre mémoire, c'était la préoccupation qu'on avait à ce que ce soit exclusivement aux situations qui ont été visées, et elles mériteraient probablement d'être davantage précisées dans un futur projet de loi. Mais il est... il n'en demeure pas moins qu'effectivement, dans nos services, on croit que, pour répondre à ce besoin identitaire là, il pourrait être possible pour des enfants plus âgés d'avoir accès à cette option.
Mme Berardino (Pascale): D'autres éléments, sur un plan juridique, qui demeureraient à préciser, ce sont les conséquences de la... de l'adoption sans rupture de lien. On prévoit dans la disposition qu'il y a un droit effectivement aux aliments qui subsiste, mais ce n'est pas clair à savoir si c'est le seul et unique droit qui subsiste, et on pense que, si c'est le cas, alors le législateur devrait l'affirmer de façon très précise. On suggère par contre qu'un droit successoral pourrait très bien survivre également, puisqu'il serait à l'avantage de l'enfant, qui pourrait succéder et de son parent biologique et de son parent adoptif. C'est à l'avantage de l'enfant. Par contre, au niveau de la famille élargie, là aussi, il faudrait préciser quelle est l'intention du législateur, parce que d'aucuns pourraient penser que, par exemple, un grand-parent biologique pourrait recourir aux dispositions du Code civil qui prévoient un droit d'accès aux grands-parents. Alors, ce n'est pas tout à fait clair, dans la disposition telle qu'elle est proposée, à savoir quels seront les droits de la famille élargie biologique, une fois l'adoption sans rupture de lien... Alors, c'est des éléments, là, qui sont... qui seraient à préciser, à notre avis, dans un éventuel projet de loi.
Mme Weil: ...parce qu'on... sur cette question de droit successoral, évidemment, on a fait la distinction avec la France, où la France, évidemment, ça, c'est un élément essentiel de leur droit, alors qu'ici il y a la liberté testamentaire. Mais ce que vous dites, c'est que, s'il n'y a pas de testament, puis les parents sont décédés sans avoir laissé de testament, évidemment cet enfant-là, qui est peut-être même le seul enfant de cette mère biologique, aurait des droits en vertu du droit. Je pense qu'on va en entendre d'autres, spécialistes, nous parler de ça.
Donc, je comprends bien ce que vous dites. C'est d'avoir des balises plus claires, et comment ça va fonctionner. Je pense que ça aussi... beaucoup de questions là-dessus. Des évaluations psychosociales, on a parlé de ça. Comment les centres jeunesse vont gérer tout ça, administrer tout ça, il y a de la clarification à amener de ce côté-là.
La délégation d'autorité parentale, on a parlé de ça ce matin aussi. Il y a un groupe qui a dit: Bien ça, ça pourrait vraiment être la solution dans beaucoup de cas où... au lieu d'aller jusqu'à... le modèle sans rupture de filiation. J'aimerais peut-être vous entendre et peut-être... délégation d'autorité parentale avec évaluation psychosociale. Parce que je connais votre préoccupation à ce niveau-là, que peut-être, la structure familiale et tout le milieu familial, il y a des problèmes là. Alors, ce n'est peut-être pas... Donc, j'aimerais vous entendre sur cette question d'autorité... délégation d'autorité parentale et dans quelles circonstances ça pourrait être, sans aller jusqu'à l'adoption, ça pourrait être une solution mitoyenne.
Mme Berardino (Pascale): Pour nous, notre préoccupation au niveau de la délégation judiciaire d'autorité parentale, c'est les enfants, évidemment, en protection de la jeunesse. Et une... ce qu'on voudrait éviter, ce serait que la délégation judiciaire soit une manière de contourner l'intervention de l'État dans la vie des familles lorsque le directeur de la protection de la jeunesse est déjà impliqué dans la vie de ces gens-là. On peut même penser que ce serait un processus qui pourrait être utilisé pour contourner un processus d'adoption lui-même. Si on regarde l'amendement qui est prévu à l'article 559, on prévoit une exception pour les cas où il y a eu délégation judiciaire d'autorité parentale. Alors, on vous soulèverait... on vous soumet d'ailleurs qu'il peut y avoir un certain, là, danger d'utilisation à mauvais escient, je vous dirais, de cette délégation judiciaire d'autorité parentale. Et d'ailleurs, dans le rapport Lavallée, on en avait fait mention, de ce danger-là.
D'autre part, il y a la tutelle, dans la Loi sur la protection de la jeunesse, qui est une tutelle qui bénéficie d'une aide financière. Alors, quelqu'un qui déléguerait judiciairement son autorité parentale, à ce moment-là, la personne à qui on délègue l'autorité parentale ne pourrait pas bénéficier de cette aide financière et de cette tutelle, parce qu'on n'arriverait... ne serait plus dans les paramètres de pouvoir faire ordonner une tutelle par le tribunal en chambre de la jeunesse. Alors, c'est vraiment délicat, la délégation judiciaire d'autorité parentale dans les cas de protection de la jeunesse, parce qu'il y a des choses qui entrent en conflit avec l'intervention de l'État telle qu'elle est pensée dans la Loi sur la protection de la jeunesse sous sa nouvelle mouture, je vous dirais, depuis le projet de loi n° 125. Donc, pour respecter cette nouvelle philosophie, on croit qu'il faudrait vraiment exclure les enfants en protection de la jeunesse de la délégation judiciaire.
Mme Weil: O.K. Question du registre. Vous parlez d'un registre passif, d'autres juridictions au Canada qui ont ce registre, mais il y a quand même des différences entre leurs lois et ce que, nous, on a. Pourriez-vous en parler un peu? Comment vous voyez ce registre et comment il serait géré?
Mme Desmarais (Sylvie): En fait, dans notre mémoire, on a mis en lumière également une recommandation qui n'avait pas été retenue dans l'avant-projet de loi mais qui avait été amenée par Me Lavallée dans son rapport, à l'effet de s'adresser également aux fratries. Et ça, pour nous, c'est important. C'est une pratique qui s'est d'ailleurs développée dans les centres jeunesse depuis 2003 et une pratique, bien sûr, pour laquelle on n'a pas la disponibilité de ressources pour faire tout ce qu'on souhaiterait faire. Mais par ailleurs, lorsque c'est possible, et on a des conditions bien précises à cet égard-là, c'est-à-dire que les parents doivent être décédés, et il doit y avoir concordance entre la demande de un et de l'autre pour avoir finalement accès à l'information... Mais tout ça pour vous dire que... de l'importance, en tout cas, de s'adresser également à la dimension fratrie, parce que c'est... on en a... vous... J'étais ici hier, et vous avez entendu également les autres représentants faire état de cette importance pour plusieurs personnes adoptées. Alors, on est de ceux-là. Maintenant, la mise en place d'un registre passif viendrait justement faciliter ces inscriptions-là de personnes, de frères, de soeurs qui souhaitent, dans le fond, pouvoir se retrouver et mettre en place un mécanisme, dont on appelle le registre passif, qui pourrait faire en sorte que là on a une façon d'inscrire dans... et façon de s'y référer correctement aussi dans un registre, là.
Mme Weil: ...bien comprendre, donc, même si la personne avait enregistré un veto, vous, vous parlez d'après le décès, c'est-à-dire...
Mme Desmarais (Sylvie): Oui, oui.
Mme Weil: O.K. Donc...
Mme Desmarais (Sylvie): Oui, effectivement.
Mme Weil: Parce que, vous, vous iriez dans le sens d'ouvrir un peu pour les adoptions antérieures, hein, contrairement à notre...
Mme Desmarais (Sylvie): Oui, c'est ce que... Oui, ça nous...
Mme Weil: Vous allez un peu plus loin.
Mme Desmarais (Sylvie): Oui, effectivement, on va un peu plus loin, dans ce qui a été proposé au départ à l'effet que, pour les adoptions antérieures, quand... lorsque la personne est décédée, que ce soit l'adopté ou le parent biologique, qu'ils puissent avoir accès à l'information.
Mme Weil: Ça va? Est-ce qu'il reste du temps? Quelques...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, oui. Quelques secondes. On peut y revenir.
Mme Weil: On peut revenir. Parce que là j'aimerais rentrer dans toute cette question de pacte, d'entente, de droit privé, tout ça, et c'est tout un autre champ. Donc, peut-être...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Pas de problème, on aura un autre bloc, Mme la ministre. C'est sans problème. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. Alors, merci beaucoup de votre présence. Je pense qu'on aurait des tonnes de questions pour vous, vu votre expertise, donc on va y aller systématiquement.
Tout d'abord, je vous parlerais donc de la notion d'adoption sans rupture du lien de filiation. On en entend beaucoup parler, particulièrement ce matin. Du fait de votre expertise... Et je comprends que vous dites que ce... il y aurait lieu, si on conserve cette notion-là, de bien, bien la baliser, parce que, vous aussi, je comprends que vous vous inscrivez dans une logique que ce sont des cas exceptionnels qui pourraient commander une telle solution. Mais, puisqu'on nous dit beaucoup que cette demande-là vient des experts, et des centres jeunesse, et des gens qui sont dans la pratique quotidienne, c'est important de vous entendre vraiment sur la nécessité, je vous dirais, de créer une institution aussi forte que celle de maintenir une double filiation, quand on sait que la filiation, c'est vraiment une réalité juridique beaucoup plus qu'affective. Parce que, moi, depuis, là, qu'on travaille sur ce dossier-là, c'est sûr que je parle à toutes sortes de gens pour aussi avoir l'opinion des gens là-dessus. Et, juste la notion de filiation juridique, les gens ne sont pas particulièrement familiers. Donc, on peut être en droit de se questionner à savoir si, dans la réalité d'une personne adoptée, un enfant en l'occurrence de sept, huit, 10 ans... est-ce que c'est l'idée de filiation qui va faire une différence pour son attachement, son identité, la symbolique ou si ce sont plus les effets pratiques, comme le nom, l'idée de pouvoir avoir accès à son acte de naissance primitif? Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
**(14 h 30)**Mme Desmarais (Sylvie): Je vous reviendrais au début de votre question en disant, bon: En quoi ça répond aux besoins de nos enfants? Je vais vous offrir un peu la même réponse, dans ce sens que, vous le savez, avec les dispositions qui ont été apportées à la Loi sur la protection de la jeunesse, on visait beaucoup la stabilité des enfants et faire en sorte qu'on offre le meilleur projet de vie pour un enfant. Son premier projet de vie, pour tout enfant, c'est le maintien dans son milieu familial, ou le retour, et, quand ce n'est pas possible, on va vers d'autres alternatives. Et c'est un peu la même chose dans... actuellement quand on observe l'avant-projet de loi et dans ce qu'on souhaite dans un futur projet de loi, c'est d'avoir des options qui permettent de répondre aux besoins de différents enfants. Il n'y a pas une réponse unique nécessairement qui sied à chaque enfant, mais il faut s'assurer qu'on a... je vous rapporterais des paroles de DPJ, qu'on a dans notre coffre à outils des possibilités pour bien répondre aux besoins de chaque enfant. Et, pour nous, l'adoption sans rupture de lien pouvait être une opportunité pour certains enfants plus âgés qui... Le fait de rompre cette filiation-là avait un sens important, et donc le fait de ne pas le rompre, c'est-à-dire de maintenir... de favoriser l'adoption sans rupture du lien permettait de conserver ce sentiment-là d'appartenance à une filiation mais également à une histoire, à un passé, à un vécu avec des premiers parents. Alors, c'est un peu là-dessus qu'on a insisté à dire que c'était une option qui était favorable pour certains de nos enfants mais pas pour tous les enfants nécessairement dont on dessert, ou que ça devienne une option commune, effectivement.
Mme Hivon: Alors, c'est ça, c'est vraiment dans l'optique d'avoir une panoplie de solutions possibles pour chaque cas, en fait pour avoir la meilleure solution pour un cas donné. Vous avez entendu -- vous étiez ici ce matin -- évidemment l'avis un peu contraire qui dit: Est-ce qu'il faut introduire une toute nouvelle réalité qui pourrait avoir des effets juridiques, selon ce qu'on pourrait décider, importants ou moins importants -- là, pour l'heure actuelle, elle n'en a pratiquement pas -- mais qui pourrait peut-être en avoir aussi qu'on n'aurait pas prévus, et avec la discrétion judiciaire qui pourrait venir? Vous, vous dites, de ce que je comprends: Oui, il faut créer une telle institution parce que ça peut venir aider dans certains cas précis, mais en la balisant très clairement. C'est ça?
Et, juste pour avoir une idée, vu que vous êtes les experts sur le terrain...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je m'excuse, Mme la députée, je pense que M. Hotte voulait ajouter...
Mme Hivon: Ah! O.K.
M. Hotte (Jean-Pierre): Si vous le permettez, M. le Président...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, oui, absolument.
M. Hotte (Jean-Pierre): C'est parce que je trouve très important ce que vous soulevez, en vous rappelant ce que j'ai situé d'entrée de jeu aussi, que l'on souhaite que soit confirmé de façon plus claire que... le maintien, je dirais, d'une position prépondérante de l'adoption plénière, donc pas non plus envoyer le message qu'on ferait un virage à 180 degrés. Je pense, c'est important de situer ça aussi.
Mme Hivon: Donc, mes deux questions plus techniques. Vous qui êtes dans le concret de la pratique, est-ce que vous avez une idée, par exemple, dans une année donnée, dans combien de cas... Je sais que c'est toujours difficile, mais vous avez sûrement des cas en tête où cette idée-là aurait pu être applicable: On parle de combien de cas, peut-être, dans une année?
Et la deuxième question technique, c'est... Vous dites: Il faudrait des balises plus claires, enlevons le «notamment», minimalement, et venons préciser davantage. Est-ce que vous avez une balise quant à l'âge? Est-ce que vous avez des idées de balises que vous voudriez nous suggérer?
Mme Desmarais (Sylvie): C'est sûr que ça va demander des travaux supplémentaires à cet égard-là. Mais peut-être vous donner un exemple de situation. Je parlais tantôt d'un enfant de huit ans placé en famille d'accueil. La famille d'accueil décide d'adopter, mais plus tardivement, c'est-à-dire que peut-être l'enfant est rendu, même, des fois, à 10 ans, 11 ans, et l'adoption peut se faire. C'est ce genre de situation là.
Un autre type de situation, un enfant qui est placé chez sa tante, dans ce qu'on appelle «en famille d'accueil reconnue de façon spécifique» pour cet enfant-là. L'adoption sans rupture de lien pourrait avoir une signification aussi si l'enfant, encore une fois, est plus âgé mais a un vécu, a un passé avec sa propre famille, et d'autant plus que c'est un membre de la famille qui s'occupe de l'enfant. Donc, l'adoption sans rupture de lien de filiation devient une opportunité intéressante.
Quant au nombre de situations, ce serait difficile d'avancer un chiffre comme ça, je n'ai pas nécessairement les chiffres. C'est certain que, quand on regarde l'âge des enfants qui se retrouvent dans les familles d'accueil Banque-mixte, on a majoritairement des enfants qui arrivent là à l'âge entre 0-5 ans. Par la suite, on en a quand même dans la catégorie d'âge 5-11 ans. Et c'est davantage pour les... je dirais, les huit, neuf, 10, 11 ans que ça prend sens, là.
Mme Hivon: O.K. Je vous amènerais maintenant sur l'adoption ouverte. Certains plaident qu'en introduisant l'adoption ouverte il pourrait potentiellement y avoir plus de consentements à l'adoption des parents biologiques, par exemple en situation de Banque-mixte, tout ça, et qu'on ne serait pas... on serait moins obligés d'avoir les débats déchirants et d'avoir des déclarations judiciaires d'admissibilité. Est-ce que c'est votre point de vue aussi?
Mme Berardino (Pascale): Oui. Quoiqu'au niveau de l'adoption ouverte ce qu'on a dit aussi, c'est que le consentement à l'adoption ne doit pas être conditionnel à une entente de communication, hein? Une entente, c'est une entente. Donc, il faut que deux parties soient d'accord à ce qu'il y ait des contacts ou qu'il y ait communication d'information. L'adoption sans rupture de lien, qui peut être l'objet d'un consentement, peut également favoriser des consentements à l'adoption. Alors, on peut penser... on donnait des exemples tout à l'heure, on peut penser à une maman qui malheureusement a un problème de santé mentale important, qui n'est pas en mesure de s'occuper de son enfant, mais, sachant qu'il y aura une possibilité pour elle de consentir à une adoption sans rupture de lien, pourrait consentir à une adoption, et à ce moment-là les liens seraient préservés. Alors, voilà.
Mme Hivon: Puis, par rapport à ça, ce matin, vous entendiez peut-être mon questionnement: Si on est dans la réalité de la Banque-mixte, et que des enfants sont déjà dans une famille d'accueil, mais qui ont l'intérêt de les adopter... l'intention de les adopter, et qu'on se situe après un an et demi, deux ans, et que le consentement viendrait, mais avec... seulement dans le cadre d'une adoption sans rupture du lien de filiation, est-ce que vous avez le sentiment que les parents adoptants pourraient... ou potentiellement adoptants pourraient se sentir un peu pris, c'est-à-dire qu'évidemment ils sont attachés à cet enfant-là, ils souhaitent le garder avec eux mais ne sont pas nécessairement ouverts à l'idée du maintien du double lien de filiation, et que donc on pourrait avoir des situations un petit peu complexes au niveau des consentements à donner à ce projet d'adoption là?
Mme Berardino (Pascale): Je ne le pense pas, parce que la déclaration en admissibilité à l'adoption existe toujours. Alors, un enfant qui répond aux critères de la déclaration en admissibilité d'adoption pourra toujours être déclaré adoptable. C'est sûr que c'est beaucoup plus souhaitable de rechercher le consentement du parent biologique à une adoption, mais, si c'est dans l'intérêt d'un enfant d'aller chercher une déclaration en adoptabilité, le DPJ va continuer à aller chercher des déclarations en adoptabilité. Et d'ailleurs le projet... l'avant-projet de loi ne modifie pas les conditions de la déclaration en adoptabilité. Alors, je ne pense pas que les parents adoptants soient piégés dans ce sens-là, c'est-à-dire que, si on voit que c'est vraiment trop conditionnel, voyez-vous, au... C'est pour ça qu'on dit que le consentement à l'adoption ne doit pas être conditionnel à une entente qui n'existe même pas encore. Alors, si on voit que c'est un enjeu trop important, le DPJ pourrait alors choisir plutôt la voie de la déclaration en admissibilité à l'adoption.
Mme Hivon: Merci. C'est éclairant. Ma collègue...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la députée de... ou M. le député de Groulx?
Mme Bouillé: Vous êtes en complémentaire... Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. allez-y, Mme la députée d'Iberville.
Mme Bouillé: Merci. Peut-être en complément de la question posée par ma collègue: S'il y a plus de consentements ou une possibilité qu'il y ait plus de consentements, est-ce que vous avez l'impression que le fait d'introduire l'adoption ouverte va faire qu'il y aura moins de personnes intéressées à entreprendre des démarches d'adoption au Québec envers des enfants qui seraient adoptables?
Mme Desmarais (Sylvie): En fait, ce n'est pas le nombre de consentements, si je saisis bien votre question, c'est plus s'il y a des ententes de communication, s'il y a plus d'ententes...
Mme Bouillé: Oui, mais, si on va vers... Déjà, il y a des couples qui se tournent plus vers une formule d'adoption internationale, pour toutes sortes de raisons, là, mais, si on ouvrait sur l'adoption ouverte, avez-vous l'impression que ça va être encore plus difficile d'avoir des personnes qui vont être prêtes à entreprendre des démarches d'adoption pour des enfants adoptables au Québec?
**(14 h 40)**Mme Desmarais (Sylvie): Je pense qu'il faut faire la distinction aussi dans les différentes catégories d'adoption ouverte. Parfois, on parle d'une adoption ouverte, et je pense que, dans la population, c'est vu parfois comme étant des contacts fréquents, aux deux semaines, au mois, et tout ça, et je pense qu'il faut faire les distinctions par rapport à ça.
La littérature... Parce que l'adoption ouverte existe de façon morale, si on veut, dans des situations dont on... des enfants dont on dessert, et actuellement les recherches, même si elles sont peu nombreuses, nous démontrent que dans le fond le maintien des contacts se fait davantage au début, soit dans le préadoption ou encore au début du postadoption. Donc, il faut bien distinguer que, pour le parent adoptant, oui, il peut y avoir une insécurité à dire: Est-ce que le parent biologique va rester dans le portrait de l'enfant? Est-ce que mon enfant va être en mesure de s'intégrer, de s'adapter à sa nouvelle famille? Mais il faut bien distinguer qu'on n'est pas dans un mode de garde partagée non plus, là, on est dans un mode pour faciliter le passage de l'enfant dans sa nouvelle famille, éviter le conflit de loyauté. Et souvent, l'enfant, c'est un passage qui est intéressant s'il est supporté par son parent biologique également qui... Et, pour le parent biologique, ce passage-là permet le deuil, et le transfert de l'enfant, et le fait d'être sécurisé. Et le geste de l'adoption est alors vu comme un geste de responsabilité et non pas comme un geste d'abandon répréhensible aux yeux de la société.
Alors, c'est sûr que, pour répondre à votre question, les parents adoptants peuvent avoir des craintes, et elles sont légitimes, fondées. Et, pour certains parents adoptants, ce ne sera peut-être pas le mode d'option facile pour eux, mais, pour d'autres parents adoptants, on en voit, on en a dans nos services, ils sont capables de composer avec la situation et de faire face et en ressortent gagnants finalement, parce que parfois ça les amène aussi à changer leur point de vue du parent biologique, et à mieux comprendre d'où vient l'enfant, et comment ils peuvent le supporter dans son développement.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va, madame. C'est tout le temps dont nous disposons, Mme la députée d'Iberville. Mme la ministre.
Mme Weil: Pour revenir un peu sur comment vous voyez votre rôle et l'interaction avec l'enfant qui... Parce que, si je comprends bien, dans beaucoup de cas, peut-être l'intrafamilial, l'adoption sans rupture de filiation intrafamiliale, il y a quelques acteurs dans ça, mais, dans une situation d'un enfant dans une Banque-mixte, mais plus âgé, deuxième catégorie, puis... vous, vous voyez peut-être... sentez un certain blocage de la part de l'enfant, puis là vous allez peut-être pouvoir traduire pour l'enfant: Bien, voici, on a peut-être une solution pour toi, qui va se traduire dans cette forme légale, et ce serait peut-être beaucoup, d'ailleurs, les centres jeunesse qui pourraient jouer ce rôle pour débloquer, pour l'enfant, son projet de vie, alors qu'il va... il va être capable de maintenir cette identité, hein? Je pense, c'est vraiment quelque chose de très profond et simple comme ça, ce n'est pas nécessairement des liens affectifs, comme dit souvent la député de Joliette, ce n'est pas ça, on n'est pas là à dire: Bon, vous allez vous voir... Bon, il y aura peut-être une entente de communication, et peut-être pas.
Ce matin, on a entendu des groupes qui représentaient les parents homoparentaux qui avaient une inquiétude, et c'est un peu ce qui a été évoqué, c'est-à-dire qu'il y aurait une certaine pression que les parents adoptants homoparentaux ne seraient peut-être pas vraiment... ça n'aurait pas été le premier choix d'aller vers le sans rupture de filiation, mais, étant donné qu'ils ont connu cet enfant, ils veulent avoir... ils veulent adopter cet enfant, que les juges... que peut-être la magistrature a certains préjugés contre les parents de même sexe, pourrait vouloir recommander -- c'était le scénario évoqué ce matin -- ce genre d'adoption justement parce que, bon, on garde les parents biologiques dans le décor. C'est un peu... Quelle est la solution à ça, à part l'éducation, sensibilisation, et tout ça? Est-ce que, dans votre... C'est quoi, votre réaction à ça, des genres de solutions? Est-ce que vous auriez cette crainte qu'il y aurait cette fermeture et peut-être certains préjugés?
Mme Berardino (Pascale): Bien, dans notre mémoire, on spécifie le fait qu'on est un peu préoccupés par le moment où le tribunal va prononcer l'adoption et le type d'adoption qu'il va proposer. Notre préoccupation, elle est au niveau du respect des garanties procédurales. Et je pense que notre assurance que tout se passe dans les formes et que tout se passe dans le respect des intérêts des enfants se situe au niveau du respect des garanties procédurales, et ce que je veux dire par là, c'est le droit des parties d'être présentes et d'être entendues, toutes les parties, c'est-à-dire qu'au moment où le tribunal fait le choix du type d'adoption qu'il va prononcer... Pour l'instant, la façon dont c'est prévu dans l'avant-projet de loi, c'est au moment du jugement d'adoption. Ce qu'il faut savoir, c'est que dans la pratique, au moment du jugement d'adoption, seuls sont présents les parents adoptants, en salle de cour. Le DPJ n'est pas présent, les parents naturels ne sont pas présents. Alors, ça fait en sorte que le tribunal va prononcer un type d'adoption sans que toutes les parties qui pourraient avoir des motifs à faire valoir soient présentes. C'est pour ça qu'on recommande que dans le fond ce processus-là se fasse plutôt au niveau de l'ordonnance de placement, là où le DPJ est présent. Ça, c'est la première chose.
Ce que je voulais vous dire aussi, c'est que les consentements à l'adoption, tels qu'ils sont donnés par les parents biologiques, doivent aussi être respectés dans leurs conditions. Et, pour l'instant, dans l'avant-projet de loi, on ne voit pas ces garanties que le respect des conditions au consentement sera respecté par le tribunal. Donc, on voudrait s'assurer que soit le tribunal respectera ces conditions-là, ou encore, si le tribunal a des motifs pour ne pas respecter ces conditions-là, il faudra que toutes les parties qui ont des raisons, qui ont des motifs à faire entendre soient présentes, dont le DPJ, parce que c'est le DPJ qui reçoit les consentements, et là qui recevra des consentements sous certaines conditions, avec ou sans rupture du lien. Alors, c'est très important que le DPJ soit présent pour expliquer pourquoi, quels sont les motifs cliniques qui l'ont motivé à accepter ce consentement.
Mme Weil: Très bien, merci. Là, j'irais sur toute cette question de confidentialité, le pacte qui a été entendu avec la mère, on va revenir... juste un peu votre point de vue sur tout ça. Parce qu'hier on a beaucoup entendu des groupes et des individus parler du droit à l'information, et, de l'autre côté, évidemment, il y a tous ceux qui disent que, non, la confidentialité, elle est bien importante, surtout évidemment pour les adoptions antérieures. Évidemment, les pratiques ont beaucoup changé, il y a beaucoup d'ouverture, mais il y a une certaine génération de personnes qui ont bien compris que l'aspect très confidentiel... confidentiel de cette adoption serait maintenu. J'aimerais vous entendre là-dessus. Et votre... Parce qu'on aura des juristes qui vont venir la semaine prochaine, la semaine d'après, le Barreau, etc., parler justement de la portée légale de tout ça. Comment, vous, vous voyez cette notion qu'après le décès le pacte finalement tombe, dans un sens? Parce que vous allez... Vous, vous recommandez d'ouvrir. Qu'est-ce qui vous donne confort pour aller dans ce sens-là?
Mme Desmarais (Sylvie): Alors, bien, pour nous, effectivement on est davantage axés du côté d'une plus grande ouverture et on aurait souhaité d'ailleurs même encore plus d'ouverture dans l'avant-projet de loi, particulièrement pour les personnes décédées, pour que les personnes vivantes, adoptées ou parents biologiques, puissent avoir accès à l'information. Maintenant, disons que l'ouverture, elle est là, il faudra entendre l'ensemble des parties.
Par rapport au respect du pacte social, je pense que ce sur quoi il faut vraiment accentuer, c'est toute la question de l'accompagnement psychosocial, aussi, des gens lorsqu'ils viennent... soit lorsqu'ils enregistreront un veto ou encore lorsqu'ils auront... qu'ils auront le souhait, dans le fond, d'aller vers des retrouvailles. Et ça, on ne le voit pas nécessairement dans l'avant-projet de loi, mais je pense que c'est important de revenir là-dessus pour montrer et démontrer toute l'importance de l'accompagnement psychosocial de ces gens-là. Parce que c'est des gens souvent qui sont en recherche d'identité, c'est des gens parfois souffrants et c'est des gens qui ont besoin d'être accompagnés, et qu'ils sachent également que, même si leur décision était un refus, ils étaient placés devant un refus -- par ailleurs, on peut les amener parfois à dévoiler certaines informations sans dévoiler leur identité -- mais qui va être tout à fait considérable pour la personne adoptée toutefois, d'avoir accès à certaines informations complémentaires. Alors, cet accompagnement-là, on le fait déjà dans nos centres jeunesse, on a des gens qui ont de l'expertise à ce niveau-là, et ils sont capables d'amener, d'appuyer et de respecter également tous ces individus-là. Alors, c'est pour ça que je dirais que, oui, le pacte social doit exister, d'une certaine façon, mais en même temps il y a une façon d'accompagner ces gens-là, aussi.
Et, dans la pratique, on le voit également qu'il y a des gens... Par exemple, des femmes plus âgées pour lesquelles... elles n'auraient pas nécessairement fait la démarche de se rendre et de demander de l'information, mais, une fois qu'on les approche, elles sont contentes et elles acceptent finalement d'aller de l'avant et de donner l'information. Et, comme certaines personnes le disaient hier également, ces gens-là parfois sont près d'une fin de vie, et de partir avec un secret, ça demeure très difficile, et de pouvoir la voir ouvrir avant de partir, c'est parfois très soulageant aussi.
**(14 h 50)**Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme la ministre, encore deux petites minutes.
Mme Weil: Deux petites minutes? O.K. Bien, un, c'était... Vous parliez... J'ai deux... deux questions, mais il y en a peut-être d'autres qui ont des questions aussi. Question concernant l'exercice de veto à la divulgation. Vous parliez de certaines situations de personnes très vulnérables, santé mentale, etc., comment vous agissez actuellement dans des cas comme ça où vous avez évoqué des problèmes de santé mentale, de déficience intellectuelle, déficit cognitif? Comment, vous, vous traitez ces cas-là actuellement?
Mme Desmarais (Sylvie): Actuellement, ces cas-là, c'est que les... nos intervenants vont être en lien avec les intervenants de ces gens-là. Par exemple, si ces gens-là sont sous la curatelle, alors il y a aura un contact qui sera fait pour bien évaluer si la personne est en mesure de bien comprendre, saisir, et la personne sera accompagnée. Parfois, c'est des intervenants... Par exemple, si on pense à une personne qui aurait un problème de santé mentale, à ce moment-là il peut arriver qu'avec l'autorisation de la personne on va communiquer avec l'intervenant et faire en sorte que l'intervention puisse se faire conjointement, mais s'assurer que la personne est accompagnée dans cette démarche-là.
Mme Weil: Vous trouvez les peines qui sont proposées pour respecter le veto trop élevées. Évidemment, ça ressemble beaucoup aux mesures en Ontario, qui se sont dit: Finalement, c'est la seule façon, parce qu'il y aura toujours cette tentation d'avoir un contact physique. Peut-être vous entendre là-dessus, sur cette... que... Vous, votre impression, c'est que c'est trop fort comme mesure?
Mme Berardino (Pascale): Bien, vous savez, la clientèle des centres jeunesse, c'est une clientèle démunie souvent à tous les niveaux, socialement mais financièrement aussi, alors on peut penser que ces gens-là n'auront pas nécessairement les moyens de payer de telles amendes. Alors, c'est pour ça que les centres jeunesse voyaient ces amendes-là comme étant quand même assez élevées par rapport à la clientèle visée, par rapport aux gens qui sont concernés.
Mme Weil: Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Joliette, oui.
Mme Hivon: Oui. Je vais vous poser peut-être en bloc deux, trois questions, vous pourrez y répondre, parce que je sais que mon collègue a aussi des questions. Vous voyez, on se dispute le temps. Donc, on va essayer de faire ça.
Moi, c'est ça, je veux poursuivre dans le... sur le même sujet de l'ouverture aux retrouvailles. Dans votre mémoire, si j'ai bien compris, il y a comme un diplomatique silence... ou je ne sais pas si c'est voulu, mais vous dites: Bon, pour le futur, on est ouverts; pour le passé, on aurait aimé que dans le projet de loi soit prévu le cas du décès, dans lesquelles matières on pense qu'il devrait y avoir ouverture automatiquement. Mais, pour le reste, c'est-à-dire: Est-ce que, de manière générale, il devrait y avoir ouverture, pour les adoptions passées, d'un droit d'accès à l'information même quand les parents biologiques sont toujours vivants?, je n'ai pas vu de position dans le mémoire. Dans la lettre d'hier, j'ai semblé comprendre que vous trouviez qu'il y avait un équilibre ou enfin... dans la lettre qui est parue hier dans les journaux. Donc, j'aimerais que vous précisiez ça.
Et, dans un deuxième cas, de manière plus pratique, combien de demandes actuellement vous pouvez avoir, dans une année donnée, de retrouvailles? J'imagine que le gros s'est fait dans les premières années, quand on a ouvert à cette possibilité-là, mais combien vous pouvez avoir de demandes dans une année, et combien de ressources sont affectées chez vous au traitement de ces demandes-là de retrouvailles?
Mme Desmarais (Sylvie): On revient avec la première question. Vous pouvez me rappeler la première question?
Mme Hivon: Oui, en fait, c'est sur le fond des choses, votre position...
Mme Desmarais (Sylvie): Ah oui!
Mme Hivon: ...outre la question quand quelqu'un décède, pour les adoptions passées, si vous êtes ouverts à ce qu'il y ait une ouverture avec veto ou balises?
Mme Desmarais (Sylvie): En fait, je vais peut-être reprendre des paroles de Mme Weil à l'effet que, dans cet aspect-là de l'avant-projet de loi, c'est difficile d'avoir des consensus, hein, il y a différentes positions. Alors, je vous dirais que la position qu'on a reflétée dans notre mémoire tient compte de... probablement pas d'un consensus à l'unanimité de nos membres des centres jeunesse, mais à tout le moins ce qu'on pensait qui était le plus respectueux en fait du passé et de l'avenir.
Alors, ce que vous retrouvez là-dedans, c'est notre position à l'effet qu'on souhaitait qu'il y ait davantage d'ouverture que ce que prône actuellement l'avant-projet de loi, et on l'a... on l'a inscrit au niveau des personnes décédées. Maintenant, s'il devait y avoir encore plus d'ouverture pour les personnes qui ne sont pas décédées, à notre avis, il va falloir que ce soit aussi très bien balisé pour que les gens concernés puissent avoir aussi la possibilité d'inscrire des veto et de respecter aussi le pacte social de l'époque. Et, pour ça, il faudra avoir les moyens, les ressources nécessaires pour bien accompagner ces gens-là. Alors, c'est ce que je pourrais vous traduire à cet égard.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, M. Hotte.
M. Hotte (Jean-Pierre): En ce qui concerne les statistiques pour l'année 2009, qui s'est terminée au 31 mars, on a reçu... on a traité 857 demandes au niveau des recherches d'antécédents et... mais, pour 1 169 personnes, on a pu les accompagner, là, dans un processus de retrouvailles. Ça vous donne un ordre de grandeur, là, pour la dernière année.
Mme Hivon: O.K. Puis à peu près le nombre de ressources? Je sais que ça peut varier d'une région à l'autre, là, mais...
M. Hotte (Jean-Pierre): Oui. Malheureusement, je ne pourrai pas vous donner le nombre exact...
Mme Hivon: Non? O.K. c'est beau. On pourra...
M. Hotte (Jean-Pierre): Je peux vous assurer qu'il y a quand même des professionnels qui sont dédiés à ces activités-là, évidemment, dans tous les centres jeunesse; il n'y a pas de région où il n'y a pas ce type de service.
Mme Hivon:. O.K. Avant de céder la parole à mon collègue et de me faire chicaner si je ne lui laisse pas de temps, je voulais juste dire qu'il y a un certain questionnement. C'est pour ça qu'à la lecture du mémoire je trouvais qu'il y avait un peu... Je comprends que vous ne vous êtes pas prononcés formellement sur l'ouverture avec veto, parce qu'il n'y a peut-être pas... Il y a encore des questionnements, et vous auriez... vous vous seriez prononcés s'il y avait eu une proposition formelle dans l'avant-projet, et c'est ce qu'on aurait souhaité aussi pour pouvoir vous entendre. Mais, du fait que vous accordez une telle importance au maintien des repères identitaires, à la symbolique, tout ça, des premières, je dirais, en lien de l'enfant avec ses parents biologiques, j'imagine qu'il y a quand même une certaine préoccupation chez vous que les données soient le plus accessibles possible, compte tenu du fait que vous dites: Il nous faut un coffre à outils très important. L'adoption sans rupture de filiation, tout ça, ça s'inscrit dans la même logique, pour vous?
Mme Desmarais (Sylvie): Oui, tout à fait. Et je vais réitérer encore une fois que cette ouverture-là, toutefois, doit s'accompagner d'interventions et de services de support auprès des gens qu'on dessert. On a développé une expertise. Les gens le font avec respect, avec beaucoup d'empathie aussi, que ce soit autant pour la personne adoptée que pour le parent biologique, les besoins ne sont pas les mêmes, mais, la résultante, il peut y avoir des impacts très importants. Alors, pour nous, le besoin identitaire, mais en même temps de respecter aussi le parent biologique dans sa démarche et dans son évolution également.
Mme Hivon: Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...M. le député de Groulx.
M. Gauvreau: Je vais essayer d'être rapide. En 2009, M. Hotte, il y a eu à peu près... un peu plus de 250 adoptions au Québec?
M. Hotte (Jean-Pierre): Un peu plus, plus que ça. Selon nos chiffres, là, c'est autour de 333 adoptions québécoises et 316 adoptions internationales.
M. Gauvreau: Donc, à peu près les mêmes chiffres que l'année précédente. Sur ces 333 adoptions québécoises, quel est le pourcentage des adoptions, selon vous, qui ont été faites suite à la signature de consentement à l'adoption?
M. Hotte (Jean-Pierre): Je n'ai pas cette donnée-là.
Mme Desmarais (Sylvie): C'est vraiment... Le pourcentage, je vous dirais: On a peut-être à peu près 50 consentements annuellement au Québec, par année.
M. Gauvreau: Et avez-vous mesuré l'impact des dispositions de l'avant-projet de loi, compte tenu de ce que vous avez dit tout à l'heure, Mme Desmarais, que ça pourrait avoir un impact positif dans certains cas de ne pas aller en admissibilité? Ou c'est peut-être Mme Berardino, oui, qui l'a dit.
Mme Desmarais (Sylvie): Vous voulez dire un impact...
M. Gauvreau: Un impact sur le nombre de consentements, compte tenu de... qu'il y aurait moins de batailles. Et, dans les dossiers, dans les dossiers qui ont fait l'objet d'une bataille judiciaire -- quand on dit «bataille judiciaire», là, je suis bien placé pour vous dire, une guerre de tranchées judiciaire dans à peu près tous les cas -- est-ce que les parents fournissent, après la fin d'une bataille qu'ils ont perdue, malheureusement pour eux, là... les parents biologiques sont enclins à fournir des informations médicales, personnelles, familiales, souvent celles qu'on retrouve dans le rapport de l'intervenant dans le cadre de l'admissibilité à l'adoption?
Mme Desmarais (Sylvie): Oui. Bien, en fait, on a... on a un guide de pratique. Avec les années, on a développé un guide de pratique et on s'assure de colliger dans le fond l'information nécessaire pour être en mesure de produire un sommaire des antécédents. Alors, c'est une pratique qu'on a développée et qu'on ne cesse de peaufiner, de façon aussi à avoir une pratique harmonisée dans l'ensemble de nos centres jeunesse.
M. Gauvreau: Et est-ce que les parents qui ont été... qui ont perdu leur cause, si je puis dire, collaborent, rendus à cette étape-là?
Mme Desmarais (Sylvie): Oui. À quelque part, je pense qu'il s'agit d'un processus aussi, hein? Tout ne se passe pas à un moment donné, dans un temps, alors les sentiments évoluent aussi, et on a la collaboration des parents.
**(15 heures)**M. Gauvreau: Me Berardino, on a parlé de la possibilité que les juges fassent un peu un tri de... selon leurs... leurs valeurs à eux et à elles. Est-ce que vous verriez d'un bon oeil que les requêtes soient distinctes, un peu comme la requête en tutelle est distincte d'une requête en protection ou une requête en vue d'un régime d'une adoption ouverte, soit une requête distincte d'une autre pour empêcher les juges de jouer, là, au... à la desserte, si on peut dire, qui leur est offerte?
Mme Berardino (Pascale): Moi, ce qui me préoccupe le plus, c'est le respect des conditions du consentement. Le moyen, après ça, on pourra voir quel moyen le législateur choisira pour le faire. Mais, à mon avis, il faut respecter l'intention des gens qui ont consenti à l'adoption ou encore le projet qui est présenté par le directeur lorsque le directeur choisit d'aller aussi en déclaration en admissibilité à l'adoption. Le directeur a un projet de vie en tête, et je pense qu'il faut respecter les intentions cliniques du directeur également.
M. Gauvreau: Finalement, sur les amendes, je vais me permettre un commentaire. Compte tenu de la clientèle, que l'on connaît bien puis que j'ai bien côtoyée, là, durant les 20 dernières années, que l'amende soit de 5 000 $, 50 000 $ ou 500 000 $, une grande partie de la clientèle s'en fout complètement, parce qu'ils vont le faire pareil. Ils n'ont rien à perdre, ils n'ont pas d'argent. Est-ce que j'ai raison quand je pense ça, vous pensez?
Mme Berardino (Pascale): Je pense... je n'irais pas si loin dans l'affirmation, je vous dirais. J'irais aussi loin dans leurs moyens, dans le sens où ils n'ont pas beaucoup de moyens. Alors, c'est pour ça qu'on faisait cette recommandation-là. Je ne suis pas prête à dire qu'ils sont aveugles aux conséquences de leurs actes, je ne suis pas prête à faire cette affirmation-là par contre, mais je ne suis pas certaine que l'amende, ce soit le moyen le plus favorable pour changer les comportements.
M. Gauvreau: Ça va. Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est tout le temps dont nous disposons, M. le député de Groulx.
Il ne me reste que, au nom de nos collègues, de vous souhaiter un bon retour et de vous remercier pour votre contribution à cette commission. Et je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que M. Sutherland prenne place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 15 h 2)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons reprendre nos travaux. Donc, M. Sutherland, vous allez nous faire bénéficier de votre présence une fois de plus. Donc, je vous resouhaite la bienvenue à notre commission. Ça a été une agréable rencontre, et il n'y a pas de raison pour que ça ne continue pas comme ça. Je veux aussi donc vous rappeler, mais vous le savez déjà, mais, quand même, pour ceux qui nous écoutent, les règles. Vous avez 45 minutes en tout pour l'ensemble de la présentation et de l'échange avec nos parlementaires, dont 10 minutes de présentation. Et, sans plus tarder, donc... vous n'avez plus besoin de présentation, donc à votre mémoire, M. Sutherland.
M. Gary Sutherland
M. Sutherland (Gary): Merci, M. Bachand. Je m'adresse à vous cet après-midi en tant que parent et je remercie la commission d'avoir accepté d'entendre encore aujourd'hui ma voix, mais cette fois-ci pour parler de l'histoire de ma famille.
Mon nom est Gary Sutherland, je vis à Montréal avec mon conjoint, Antonio Ortega, et nos deux enfants âgés de quatre ans et de 15 mois. Nous avons fait appel à la Banque-mixte de la DPJ afin de former notre famille. L'ouverture de la société québécoise à l'égard des couples de même sexe est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles nous sommes venus nous installer au Québec.
Raphaël, notre aîné, est arrivé dans nos bras à l'âge de quatre mois. Son adoption a été finalisée en janvier 2008. Notre fille, quant à elle, est arrivée à l'âge de huit mois, en juin 2009. Légalement, nous sommes toujours sa famille d'accueil, son adoption étant loin d'être finalisée. Je ne peux donc pas vous dire son nom ni vous parler beaucoup de sa situation ni de celle de ses parents de naissance. Pourtant, j'ai clairement dit qu'elle était notre fille et que nous sommes ses parents. Ceci ne dépend pas d'une décision de la cour mais d'un attachement de coeur. Tout comme notre fils, qui était notre fils bien avant que la juge de la chambre de la jeunesse l'ait dit, mademoiselle est déjà notre fille, et son frère est fier de dire à qui veut bien l'entendre que c'est sa soeur.
Lorsque j'ai lu dans le journal que la ministre déposait un avant-projet de loi sur l'adoption pour mieux refléter les réalités des familles québécoises d'aujourd'hui, j'étais très content. Le processus d'adoption de la Banque-mixte est long. Son adoption, de notre fille, si elle a lieu, et on le souhaite fortement, sera probablement prononcée sous la nouvelle loi, et, comme on fait partie de la nouvelle réalité des familles québécoises: deux hommes, deux néo-Québécois, avec enfants d'origine haïtienne, j'ai osé croire que cette nouvelle législation pourrait nous rendre le chemin vers l'adoption moins difficile. Cependant, cet espoir s'est un peu changé en inquiétude, puis je vais vous expliquer pourquoi.
Il faut par contre, pour que vous compreniez bien ces inquiétudes-là, que je vous explique un peu là où on en est avec l'adoption de notre fille. Notre décision d'agrandir la famille a été difficile à prendre, compte tenu des difficultés de la Banque-mixte. On a quand même décidé d'aller de l'avant, puisqu'on voulait un deuxième enfant, et Raphaël voulait une soeur. Nos préoccupations étaient surtout non pas par rapport à nous, mais par rapport à notre premier enfant qui pourrait vivre des situations difficiles au fur et à mesure que les montagnes russes de la Banque-mixte avançaient.
Et donc, un beau jour, le téléphone a sonné. Une petite fille de sept mois retirée de la garde de ses parents biologiques à la naissance. Ses parents la voyaient une fois par semaine au moins depuis sa naissance, mais, d'après la DPJ, ils n'avaient pas les capacités parentales pour s'en occuper à temps plein. Donc, le juge avait ordonné un placement d'un an pour évaluer les parents. Si on acceptait donc ce placement, on devait composer avec des visites hebdomadaires pendant un an. On l'a vue deux fois, la décision était prise. Quand Raphaël l'a vue pour la première fois, il m'a dit: «Daddy -- Daddy, c'est moi, division linguistique dans la famille oblige -- elle est comme moi et comme papa, elle est brune.» Je dois vous dire qu'Antonio, d'origine mexicaine, est quand même pas mal plus bronzé que moi.
Ses parents biologiques, par contre, quand ils ont appris que la petite allait changer de famille d'accueil et en plus qu'elle allait être placée avec deux hommes, ont fortement réagi. D'après eux, elle allait être forcément pervertie, on allait tous aller en enfer, puis je vous en passe les commentaires. Finalement, environ deux semaines plus tard et après avoir surmonté plusieurs obstacles qui ont quelque peu perturbé notre garçon, le placement a bien eu lieu. Donc, on avait une visite de deux heures avec les parents biologiques une fois par semaine. La petite réagit beaucoup, pleure, elle est épuisée après, elle dort de longues siestes et son sommeil est perturbé la nuit. D'après les travailleurs sociaux -- il y en a deux qui nous suivent de très près -- et d'après son pédiatre, elle est déjà bien attachée à nous et son développement est tout à fait normal. Au fur et à mesure que le temps avance, elle réagit de moins en moins à cette visite hebdomadaire.
J'ai donc lu l'avant-projet de loi -- je remercie la ministre et le gouvernement d'avoir déposé ça pendant mon congé parental, ça m'a donné beaucoup de temps pour le voir -- le document de consultation et le rapport Lavallée. Bravo pour ces dispositions facilitant la vie des familles recomposées. Bravo d'avoir pris le temps de comprendre la réalité autochtone. Bravo de permettre l'accès au dossier médical des parents biologiques. On a déjà mentionné que le rapport ainsi que la loi donnent d'excellents exemples dans lesquels l'adoption ouverte et l'adoption sans rupture de lien de filiation pourraient être bénéfiques.
**(15 h 10)** Mais je m'inquiète, comme je l'ai dit ce matin, que ces nouvelles options pourraient être utilisées à des fins qui ne sont pas prévues par le législateur. Si l'adoption de notre fille est jugée sous le nouveau régime, qu'est-ce qui empêcherait un juge qui n'est pas à l'aise avec notre famille de proposer une adoption ouverte ou une adoption sans rupture de lien de filiation? C'est de nouveau la question de dérapage possible. Au cours de l'adoption de Raphaël, je me suis retrouvé en face de deux juges. J'ai senti qu'un des deux était beaucoup plus ouvert à l'égard de notre famille quelque peu différente. Si jamais on nous proposait, dans notre cas, une adoption sans rupture de lien de filiation, notre fille pourrait garder un de ses noms de famille d'origine. On y ajouterait vraisemblablement un des nôtres. Premièrement, lequel?
Depuis l'âge de deux ans, notre garçon est fier de dire qu'il s'appelle Sutherland-Ortega. Il a mis du temps à comprendre que, moi et mon conjoint, on ne s'appelle pas Sutherland-Ortega comme lui, mais qu'on porte seulement un des deux noms. Mais, quand il a enfin saisi le fait qu'il avait à la fois mon nom et celui d'Antonio, le regard de fierté sur son visage valait de l'or. Il a compris que c'est lui qui nous unit, qui porte une partie de chacun en lui. Cet été, Raphaël m'a demandé comment s'appelait sa soeur. Pourtant, il connaissait son prénom. Alors, en le questionnant, j'ai compris qu'il voulait savoir ce qui venait après. Quand j'ai compris qu'il parlait du nom de famille, je ne savais pas quoi dire. Est-ce que je pouvais lui dire avec certitude qu'elle s'appellerait pareil que lui? Comment je pourrais lui expliquer qu'elle est bel et bien sa soeur mais qu'elle ne s'appelle pas pareil? Pour lui, son nom est une partie importante de son identité. Est-ce que sa soeur se sentirait moins partie de notre famille si elle ne porte pas son nom? Est-ce que leur relation en tant que frère et soeur serait aussi forte s'ils ne partageaient pas un nom de famille? Et qu'est-ce qu'on fait quand on va rendre visite à ma belle-famille qui vit au Mexique? Déjà, quand on arrive à la frontière, les sourcils se lèvent pas mal, mais, si on a deux enfants avec deux noms de famille différents, je crains le pire.
Alors, si on proposait une adoption ouverte dans le cas de notre fille? On dit que cette option aide les parents biologiques à consentir à l'adoption de leur enfant. On sait bien, par contre, au Québec, que la grande majorité des adoptions se réalisent à la suite d'une déclaration judiciaire d'admissibilité à l'adoption. Je connais les parents biologiques de ma fille, j'ai eu l'occasion de les côtoyer à plusieurs reprises avant les visites hebdomadaires. Ce contact a été très bénéfique pour eux, ils se sentent plus en confiance vis-à-vis de nous, ils voient bien qu'on s'occupe bien de leur fille et, j'ose penser, ils ne nous voient plus comme des pervertis qui vont aller direct en enfer. Pour ma part, j'estime qu'à la suite de ce contact je serai plus en mesure d'expliquer un jour à notre fille qui étaient ses parents d'origine. Cependant, je suis certain qu'ils ne consentiraient jamais à l'adoption de leur fille. Ils croient réellement être en mesure de s'en occuper. Et je crois que, malgré un certain rapprochement qu'on a réussi à effectuer, leurs préjugés à l'égard des homosexuels perdurent. À l'heure actuelle, nous n'aurions pas de problème a priori à envoyer une lettre et des photos une fois par année. En discutant avec notre travailleur social, j'ai compris que, de toute façon, c'est ce qui se passe généralement dans les cas comme le nôtre.
Mais, dans 10 ans, si notre fille nous dit qu'elle ne veut plus de tout ça? Si l'entente était entérinée par le tribunal, on a un problème. Comment réagirait-elle si elle sait qu'on va être dans un tribunal, en plus, dans le cas où les parents biologiques demanderaient une modification... si on lui dit un jour qu'on va aller au tribunal et qu'on sera dans la même salle que ses parents biologiques?
J'ai dit qu'on serait a priori correct avec l'idée de l'envoi des lettres et des photos, mais, des visites après l'adoption, là je ne suis pas d'accord. En tant que parent, j'ai une certaine responsabilité à raconter à mon enfant de façon douce et petit à petit son histoire de vie. Bien sûr, on ne lui dira pas toute la vérité, à tout le moins pas tout de suite. Face aux différentes problématiques des parents biologiques des enfants de la Banque-mixte, c'est une grande responsabilité qu'on a de savoir doser l'information, la donner au bon moment et ne pas fragiliser nos enfants en leur racontant leur histoire.
Je tiens à vous dire que notre relation avec les parents biologiques est bonne. J'ai beaucoup d'estime et de la compassion pour eux. Lorsque j'ai entendu parler du tremblement de terre en Haïti, j'ai tout de suite pensé à eux et à leurs proches. Mais poursuivre les contacts avec eux après l'adoption, je ne pense pas que ce serait bénéfique pour ma fille. Si je dois l'amener, une fois par année par exemple, voir ses parents biologiques, je perds le contrôle, à savoir doser cette information et lui donner correctement. Lors des visites, ses parents biologiques pourraient dire n'importe quoi sur nous pour expliquer à l'enfant qu'on va aller en enfer parce qu'on est gais. Ses parents sont des personnes désorganisées, dans le jargon de la DPJ. Ils ne sont pas toujours dans la réalité, ils ne pensent pas toujours au bien-être de l'enfant et ne se rendent pas bien compte de la portée de leurs faits et gestes. J'estime que je devrais pouvoir aussi mettre fin à cette communication sans avoir recours au tribunal si, un jour, cette communication n'est plus bénéfique pour elle. Sinon, je ne remplis pas mon devoir de parent.
J'ai commencé ce mémoire en me présentant comme parent. Il n'y a pas un jour qui passe sans que je doive me battre pour faire valoir cet état de parent. Combien de fois que j'ai entendu la question que je déteste tant: Qui sont ses vrais parents? Ses vrais parents, c'est nous. On n'est pas ses parents de naissance, c'est vrai, mais ses vrais parents, oui. J'ai reçu un courrier de la DPJ dernièrement au sujet de notre garçon, pourtant adopté depuis plus de deux ans maintenant. Mon conjoint et moi étions identifiés en tant que la ressource. Non, nous ne sommes pas qu'une ressource, nous sommes ses parents. Il serait temps que la DPJ, le gouvernement et la société nous reconnaissent comme tels. Il serait temps aussi, je l'ai mentionné ce matin, que les parents adoptants aient accès à des formations pour apprendre à bien expliquer à l'enfant son histoire de vie ou encore à bien gérer une situation d'adoption interraciale. Il serait temps aussi qu'il y ait des services postadoption qui s'adressent à des familles issues de la Banque-mixte qui seraient mis en place.
Je suis inquiet que l'adoption de notre fille, si elle est jugée admissible à l'adoption, ne soit pas une adoption fermée comme celle de mon fils. Je suis inquiet qu'on se retrouverait avec une situation dans notre famille qui serait différente pour Raphaël et pour sa petite soeur. Je m'inquiète que le juge, possiblement mal à l'aise à briser une filiation biologique pour la remplacer par une filiation dans une famille homoparentale, privilégie l'adoption ouverte ou sans rupture de lien pour notre fille. Je suis inquiet qu'on se concentre tellement sur la relation qu'elle a avec ses parents biologiques, une relation, à mon avis, qui nourrit bien plus les parents biologiques qu'elle nourrit ma fille, qu'on juge nécessaire de maintenir cette relation d'une façon ou d'une autre au-delà de l'adoption. Si on avait su au début qu'on exposait notre famille à ce risque, on aurait peut-être décidé de ne pas l'agrandir.
Il me semble que cet avant-projet de loi offre beaucoup aux parents biologiques. On veut que ce soit moins dur pour eux. On accorde beaucoup d'importance aux liens de sang. Je vois peu de chose, en revanche, qui pourrait faciliter la vie des nouvelles familles créées par l'adoption. Je ne vois pas non plus de signal clair à la société comme quoi les familles formées par l'adoption sont des familles au même titre que toutes les autres. Rien qui dit clairement qu'on est une vraie famille.
Pour cette nouvelle loi sur l'adoption, je vous demanderais de reconnaître que la vraie famille de l'enfant est celle qui l'élève, lui donne de l'amour et l'accompagne dans son développement. Cette famille a besoin d'acceptation et de soutien. Le chemin vers l'adoption est déjà assez long pour cette famille, s'il vous plaît, ne la rendez pas plus difficile.
Je vous demanderais de réaffirmer que l'option par défaut au Québec devrait demeurer l'adoption fermée, d'assurer que la loi identifie de façon très claire les usages des autres formes d'adoption et d'exiger qu'on justifie en fonction de l'intérêt de l'enfant le recours à une autre forme d'adoption que l'adoption plénière fermée, de donner aux vrais parents, les parents adoptants, le droit de nommer leur enfant comme ils veulent pour assurer que son identité corresponde bien à celle de la famille permanente, d'assurer que nos familles formées par l'adoption aient accès aux ressources et aux formations qui nous outillent adéquatement pour bien accompagner nos enfants dans toute leur spécificité.
Nos enfants n'ont pas eu un début très facile dans la vie. Essayons de rendre la suite plus agréable et leur donner un environnement où ils peuvent s'épanouir et grandir en paix. Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci. Fort intéressant, votre mémoire. Mme la ministre, je vais vous donner l'opportunité de...
Mme Weil: Oui. M. Sutherland, une question préliminaire: Est-ce que vous êtes allé en immersion en Colombie-Britannique, ou... Parce que bravo pour le système d'éducation là-bas!
M. Sutherland (Gary): Ah! merci.
Mme Weil: ...c'est incroyable.
M. Sutherland (Gary): L'éducation publique, parfois ça fonctionne, hein? C'est tout ce que je peux vous dire.
**(15 h 20)**Mme Weil: C'est vraiment impressionnant. Donc, vous parlez de beaucoup de choses, et évidemment on a entendu l'Association des centres jeunesse, d'ailleurs plusieurs qui nous demandent de réitérer d'une manière... on verra comment, que l'adoption plénière vraiment demeure l'adoption privilégiée, et que ce sera vraiment la majorité des cas, et que l'autre forme d'adoption, c'est vraiment très exceptionnel. Maintenant, vous, vous rajoutez aussi l'autre élément qui est que cette histoire de communication... évidemment, ça, ça a été amené pour confirmer un état de fait, pour rendre ces ententes de communication légales, parce que ça se faisait dans les faits. Donc, c'est vraiment le consentement des parties et c'est... puis ça, c'est exactement comment ça se passe partout en Amérique du Nord. Donc, c'était vraiment pour moderniser la loi, pour refléter cette réalité.
Ce qu'on me dit, c'est que, dans la majorité des cas, il n'y a pas de lien qui se poursuive, parce que, la plupart des gens, c'est dans des situations où vraiment les parents sont inaptes, ils perdent... Et d'ailleurs l'Association des centres jeunesse l'a confirmé, qu'avec le temps c'est vraiment... ça va en s'estompant, cette relation. Et beaucoup de gens que je connais qui ont adopté, aux États-Unis ou ailleurs, c'est exactement ce qu'ils vivent. Donc, comment le déclarer? On pourra... on tient compte de vos commentaires.
Il y a aussi l'affirmation de l'Association des centres jeunesse que... ce qu'eux perçoivent, et d'autres qui l'ont évoqué, les experts du comité Lavallée, c'est que c'est vraiment beaucoup l'enfant qui est dans la deuxième tranche... plus adulte. Ce ne serait pas un bébé, là, qui est... Et ce ne serait pas le juge ou la DPJ qui va le recommander. Mais peut-être à clarifier tout ça. Mais la manière que, nous, on a vu ça, c'est... le déclencheur, c'est beaucoup l'enfant. Et c'est le DPJ, en évaluant la situation, qui va faire en sorte qu'il pourra avoir son projet de vie. Évidemment, si l'adoption plénière se positionne comme la meilleure forme d'adoption, je pense que la DPJ, tout le monde va aller dans ce sens-là. Mais, s'ils voient, et c'est un peu la question que je posais, c'est... suite à une évaluation avec l'enfant, que c'est... le blocage, c'est ça, c'est son identité, bien c'est pour l'aider à trouver cette stabilité dans la famille. Dans le cas que, vous, vous évoquez, votre cas personnel, je ne le vois pas, c'est-à-dire, dans ce qui a été visionné. Reste peut-être à clarifier et trouver comment donner l'assurance à des gens comme vous que ce n'est vraiment pas ce qui a été imaginé et que, comme vous dites... Évidemment, vous, je regarde les faits de ce que vous racontez, puis on n'est pas ici pour discuter de cas particuliers, mais toute l'évaluation qui serait faite par le DPJ... Justement, le fait que vous avez déjà adopté un enfant, vous, vous avez des indicateurs très favorables, hein, qui vont dans le sens d'une adoption plénière, parce qu'il y a du vécu, et tout ça. Mais je ne suis pas là pour évaluer votre cas. Mais tout ça pour dire que ce n'était pas... et je pense qu'on a eu la confirmation de l'Association des centres jeunesse de ce qui était vraiment visionné. Mais on tient compte de ce que vous dites, parce que ce que vous nous dites, c'est que vous avez besoin qu'on trouve des façons de lancer ce message-là plus clairement dans le projet de loi. Donc, on va trouver des façons de faire ça.
Alors, je n'ai pas beaucoup de questions, parce que je pense qu'on a regardé beaucoup ces éléments-là, mais peut-être... compte tenu de la discrétion laissée au tribunal en ce qui concerne l'attribution du nom de famille... Ah oui! toute la question du nom. Évidemment, dans votre cas particulier, il se peut fort bien que ça ne va même pas se poser, parce que ce serait l'adoption plénière. Alors, je pense que ce qu'on imaginait, c'est beaucoup la situation d'un enfant plus âgé, 10 ans, 11 ans, 12 ans, qui... déjà, son identité, c'est ses parents. Donc, je ne sais pas si c'est toujours dans... vous avez des opinions là-dessus, pour l'enfant plus âgé, une objection ou si vous trouvez ça problématique qu'il porte les deux noms?
M. Sutherland (Gary): Je l'ai mentionné ce matin, je trouve que les formes d'adoption qu'on propose dans cet avant-projet de loi sont tout à fait justifiables dans certains cas. Mon point, si je peux le dire ainsi, ce serait surtout qu'on identifie très clairement dans quels cas ça pourrait s'appliquer. Et d'où une raison d'une partie de mes inquiétudes lorsque j'ai lu le rapport de Mme Lavallée... Je suis peut-être tout à fait à l'aise avec ça, les exemples sont très, très clairs, je ne voyais pas que ça pourrait s'appliquer à ma fille. Lorsque j'ai lu l'avant-projet de loi, par contre, là mes inquiétudes ont commencé, puisque... On n'a pas les exemples qui viennent appuyer le type d'article qu'on voit là. Donc, c'est là où on se projette dans cinq ans ou dans 10 ans, et on est un juge, on a une option sur la table, peut-être que ça pourrait se justifier.
Mme Weil: Donc, d'enlever ce «notamment» et d'être un peu...
M. Sutherland (Gary): Le «notamment» nous pose problème.
Mme Weil: Bien, il y en a plusieurs qui recommandent ça, c'est ça.
M. Sutherland (Gary): Pour l'enfant plus âgé, je pense qu'effectivement il y a tout à fait des cas où on est dans des impasses maintenant pour l'enfant, on ne peut pas lui donner une adoption en bonne et due forme, puisque ça ne correspond à son identité déjà établie. Donc effectivement tout tourne autour de l'identité de l'enfant.
Je voudrais juste venir peut-être réaffirmer que dans beaucoup de cas l'identité de l'enfant est très, très reliée à sa nouvelle famille. Là, on a parlé beaucoup du retrait de l'enfant de ses parents de naissance, on a parlé beaucoup de la période pendant laquelle on va déterminer quel est son avenir, mais on a très, très peu parlé de la suite de la décision d'adoption et des 20 années qui vont suivre. C'est là où l'enfant développe son identité, c'est là où il s'identifie à sa famille, où il se constitue personnellement. Et je le vois très, très bien avec mon garçon, il construit son identité dans sa famille adoptante d'abord. Peut-être, à un moment donné, il y a une partie de sa famille d'origine qui va venir se greffer à ça, mais le premier pas, c'est de construire son identité en tant que Raphaël Sutherland-Ortega, et, dans sa démarche, c'est exactement ça.
Mme Weil: Ça va.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Est-ce que quelqu'un... Oui, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée: En fait, en vous écoutant, puis c'est une réflexion peut-être davantage qu'une question, j'ai l'impression, en vous écoutant, que, pour vous, à vos yeux, l'adoption sans rupture du lien de filiation serait davantage dans l'intérêt de l'adulte que dans l'intérêt de l'enfant, et on met de côté un petit peu l'article 33.
M. Sutherland (Gary): La question de quête identitaire, du point de vue de l'enfant, je ne vois pas ce que ça vient ajouter, honnêtement. Moi, je n'ai pas accès officiellement au nom des parents de naissance de mes enfants, mais je les connais. Par la force des choses, dans la Banque-mixte, soit on côtoie les parents, soit on a leur nom sur des documents x, y et z, dans le carnet de vaccination, différents formulaires d'approbation pour plein de choses. Ce sont des genres d'information que je pourrais facilement donner à mes enfants, et que je donnerais à mon fils. Même si son adoption a été prononcée avant la nouvelle loi, je n'aurais aucune inquiétude à ce niveau-là.
Peut-être juste un mot... On a parlé de la rétroactivité de la loi, je suis dans ce cas de figure, mon fils a été... son adoption a été prononcée sous l'ancienne loi. Ma fille, elle risque d'être adoptée sous la nouvelle loi. On risque de se retrouver avec une différence, une différentielle de traitement entre les deux enfants dans la famille. Alors, qu'est-ce qui arriverait si, à l'âge de 18 ans, ma fille va aller chercher le nom de ses parents, que ce soit sur un acte de naissance primitif auquel elle a accès, que ce soit sur un autre document, enfin quelconque, et mon fils ne pourrait pas le faire? Ça, ça nous poserait problème à l'intérieur de la famille. Et je ne vois pas pourquoi, lui, il ne pourrait pas avoir accès aux mêmes informations. Je peux lui donner ça, je peux lui donner les noms des parents, mais ce ne n'est pas la même chose que d'avoir ça sur un papier officiel du gouvernement.
Mme Vallée: Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. Alors, merci de ce témoignage très personnel. Mais ce qui est magnifique de cette commission, c'est que je pense qu'il y a un équilibre entre les témoignages plus institutionnels et plus techniques et les témoignages plus personnels, et les deux sont aussi importants, parce que votre témoignage permet de vraiment visualiser et comprendre l'ampleur des enjeux de certaines réalités des familles adoptantes.
Je veux vous remercier parce que je pense qu'effectivement on focusse beaucoup, beaucoup, notamment avec toutes les questions qu'on pose, sur les antécédents puis la possibilité d'ouvrir sur les repères identitaires, et c'est comme si on les mettait dans le cadre toujours des repères identitaires biologiques. Mais, pour les enfants adoptés, leurs vrais repères identitaires, le défi est beaucoup davantage dans leur enracinement et dans leur épanouissement dans leur nouvelle famille. Et je pense que, comme société, on a un défi, encore là, à offrir la pleine reconnaissance à cette réalité-là, qui est une réalité qui est extraordinaire pour tous ceux qui ont la chance de la vivre, autant pour les enfants que les parents qui forment une famille de cette manière-là. Et, dans ce sens-là, je pense vraiment que votre message est important, parce qu'il ne faut pas oublier aussi, comme législateur, d'envoyer un message clair sur la reconnaissance, tout aussi importante, que l'on veut donner à la famille qui est formée via l'adoption. Et, de ce que je perçois un peu de votre propos, c'est que vous semblez dire: Avec l'accent qu'on met sur certaines choses dans l'avant-projet de loi, c'est comme s'il restait encore des petits relents de la primauté qu'on veut donner à la réalité de la famille biologique aux dépens de la famille adoptante. Donc, merci de nous rappeler à l'ordre et de nous faire ce message-là. Je pense que c'est très important aussi qu'on garde toujours ça à l'esprit.
**(15 h 30)** Ceci étant dit, la ministre vient de le dire, je pense qu'effectivement les craintes par rapport à un cas comme le vôtre, de... ou, en fait, vos craintes de voir, par exemple, un consentement qui serait conditionnel à une acceptation d'une adoption ouverte ou du maintien du double lien de filiation, ça peut être minimisé du fait qu'on n'est pas dans une des situations exceptionnelles qui sont envisagées notamment dans le rapport Lavallée, quand on le lit bien, pour une telle ouverture, je dirais, ou un nouveau scénario. Mais je reçois très bien ce que vous amenez comme, je dirais, avertissement, et il faut en être aussi conscients. C'est de dire: Ça, c'est une chose, la volonté, mais après, dans l'application, si on est trop ouvert, il pourrait y avoir des situations imprévues, parce que le juge aurait une discrétion, et toute la question de la conditionnalité des consentements pourrait entrer en compte, et certains préjugés ou a priori. Alors, je vous remercie. Ça aussi, c'est... je dirais, c'est très clair.
Ceci étant dit, est-ce que, de par... je dirais, de par le vécu spécifique que vous avez, vous pensez qu'il serait quand même fondamental -- on entendait les centres jeunesse -- de prévoir le coffre à outils le plus étendu possible pour pouvoir tenir compte de ces cas exceptionnels, ou vous dites, un peu comme le dernier intervenant ce matin: ce sont des cas vraiment exceptionnels, et il ne faut peut-être pas créer des nouvelles réalités juridiques mais davantage des moyens administratifs pour y répondre?
M. Sutherland (Gary): J'aimerais vous remercier ainsi que la ministre, premièrement, pour vos rassurances. Je vous rassure de mon côté, là, que je ne suis pas particulièrement inquiet pour l'adoption de ma fille. Je voulais plus... Parce que je suis dans une situation assez particulière, je ne sais pas s'il y en a beaucoup, de parents dans mixte qui ont un enfant déjà adopté sous l'ancien régime et qui risquent d'avoir un deuxième adopté sous le nouveau. Même lorsque j'en parlais aux travailleurs sociaux, ils tombent des nues un petit peu quand je leur dis que, oui, peut-être la loi va être en vigueur avant que l'admissibilité soit prononcée. Alors, ils ne sont pas encore vraiment au fait des choses non plus. C'est surtout ça que je voulais vous démontrer par ce témoignage.
Maintenant, en ce qui concerne votre question, personnellement je suis d'avis qu'il y a des enfants actuellement qui n'ont pas de solution, sous la loi actuelle, pour effectivement intégrer une famille adoptive. Je ne connais pas de statistique à ce niveau-là. Je ne sais pas combien d'enfants se retrouvent dans une situation qui ne peut pas être traitée sous la loi actuelle. Malgré mes inquiétudes, je pense qu'il faut qu'on prévoie des mécanismes pour ces enfants-là, parce qu'il y en a, et ils sont dans le besoin, et c'est important visiblement qu'ils puissent être adoptés par une famille.
Ceci dit, je pense que vraiment il faut que le langage, qui a une importance symbolique extraordinaire dans ce cas-là, soit très, très bien défini et soit très clair pour qu'on comprenne bien que ce sont des cas d'exception, et c'est ça que je ne vois pas actuellement dans l'avant-projet de loi, ça ne ressort pas assez clairement. Ça a été dit et redit, je le redis encore une fois, parce qu'on ne sait jamais, la répétition, c'est la communication, comme disent certains, mais je pense que c'est surtout ça.
La Présidente (Mme Vallée): O.K. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui, Mme la Présidente, mon collègue aurait des questions.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. le député de Groulx.
M. Gauvreau: J'aurais deux commentaires, premièrement. Si des personnes vous ont appelés «la ressource» alors que vous avez adopté un enfant, c'est des personnes qui, sur le plan linguistique, sont des personnes incompétentes, puisque, quand vous êtes un parent, vous êtes un parent, vous n'êtes plus une ressource. Et ça, de tout plan juridique, c'est un non-sens. Je le regrette amèrement, qu'on vous ait appelés comme ça. Ça n'a pas de... C'est inacceptable. C'est à la limite de la politesse.
Deuxièmement, j'ai eu l'occasion, durant les 20 dernières années, de côtoyer un grand nombre d'enfants, un grand nombre de parents, tous souffrants, et j'ai compris de ma pratique, et on parle d'un millier de dossiers en protection de la jeunesse et quelques... un certain nombre en adoption, que celui qui entretient un enfant, qui l'éduque et qui le protège, c'est lui, le parent, peu importe son lien, biologique ou pas. J'ai vu des oncles, des tantes, des grands-parents être bien plus parents que les parents eux-mêmes. Et cette réalité-là, elle est incontournable.
Finalement, si vous expliquez à un juge ce que vous croyez relativement au nom de famille de votre fille, éventuellement, avec la même candeur et la même précision, je ne connais pas un juge qui n'appliquera pas la règle, la règle... j'utilisais l'arrêt Young, l'arrêt Young de la Cour suprême: la primauté du droit de l'enfant, c'est ce qui doit aller avant toute autre décision. Et je ne vois pas comment un juge pourrait aller à l'encontre de ce que vous avez si brillamment plaidé. Mais je n'ai pas de question. Je vous remercie, vous m'avez ému.
M. Sutherland (Gary): Merci. Je peux vous rassurer, qu'effectivement, lorsqu'on se retrouvera devant le juge, là on va bien se défendre à ce niveau-là.
Peut-être juste un mot sur la reconnaissance de la famille adoptante, puisque je pense que, là, on ouvre une canne qui n'a pas été ouverte de cette manière-là depuis très, très longtemps, puis je pense que c'est vraiment l'occasion à saisir en ce moment pour réaffirmer une valeur de la société qui parfois est un petit peu oubliée, hein?
Je vous ai dit que la question que je déteste autant, là, c'est: Qui sont ses vrais parents? C'est très, très fréquent, là, qu'on me pose cette question-là. Les gens ne réfléchissent pas forcément, là, à la portée de cette question-là. Mon garçon leur répond tout franchement, là: Bien, c'est lui puis c'est lui. Ça s'arrête là. Mais il y a l'importance symbolique de cette question-là, puis ça m'amène à réfléchir beaucoup sur la manière dont on conçoit la famille. Cet avant-projet de loi là pourrait envoyer un signal très, très clair comme quoi la famille qui est issue de ce processus-là, c'est la famille de l'enfant, point à la ligne. Il y a d'autres personnes qui sont dans sa vie, bien évidemment comme beaucoup d'enfants ont beaucoup de personnes très, très significatives dans leur vie, à un niveau ou à un autre. Mais c'est toute une importance d'essayer de donner à cette notion de famille adoptante la pleine notion de famille, et je pense qu'on n'est pas encore là dans la société québécoise d'aujourd'hui.
La Présidente (Mme Vallée): Merci. Mme la députée de Joliette, avez-vous...
Mme Hivon: Oui. Oui, mais en fait c'est pour peut-être l'aspect pédagogique, je pense que ce n'est vraiment pas un élément à négliger et je pense effectivement que cet éventuel projet de loi là pourrait envoyer un signal très fort, comme société, d'où nous en sommes rendus dans la reconnaissance de la réalité des familles adoptantes. Et on se rend compte, quand les gens nous racontent leurs histoires d'adoption, à quel point il y a beaucoup de méconnaissance et encore de préjugés. Et les gens qui ont la chance d'adopter sont ouverts à cette réalité-là parce qu'il y a de bons travailleurs sociaux, quand on a la chance d'en connaître, qui accompagnent à certains égards et qui vont sensibiliser les familles adoptantes à toutes sortes de réalités sur l'attachement, sur l'enracinement, bon, tout ça, et qui malheureusement ne sont pas le lot de tous les gens de la société d'avoir ces connaissances-là.
Alors, je pense que, nous, comme parlementaires, on doit être conscients qu'il y a encore beaucoup de travail de pédagogie à faire sur les défis, je dirais, des familles adoptantes et sur leur réalité et sur leur légitimité. Et j'espère que la ministre... et je suis confiante qu'elle l'entend aussi, le message sur l'oeuvre pédagogique qui devrait être associée à ce projet de loi là à cet égard-là et, de manière plus globale, la responsabilité qu'on pourrait avoir comme société de mieux, je dirais, éduquer les gens quant aux défis et aux réalités de l'adoption. Alors, merci beaucoup, c'était un très beau témoignage.
M. Sutherland (Gary): Merci.
La Présidente (Mme Vallée): Sur ce, je vais céder la parole à Mme la ministre.
Mme Weil: Je n'ai pas d'autre chose pour... À mon tour, remercier beaucoup M. Sutherland, c'est généreux, comme disait la députée de Joliette, généreux de votre part d'avoir donné votre expérience personnelle, parce que, pour nous, ça nous permet, lorsque viendra le temps de traduire tout ça en mots juridiques... On parle du Code civil, après tout. C'est un code qui demeure, qui est perpétuel, hein, qui sera toujours là, et c'est rare qu'on modifie le Code civil. C'est quand même quelque chose de bien important dans les juridictions de common law. Bon, c'est des projets de loi... c'est des lois qui changent la société parce que la société a évolué. Mais, dans notre cas, évidemment c'est plus complexe de modifier le code, donc on le fait avec beaucoup de délicatesse. Alors, ces cas précis, comment traduire ça, comment rassurer, comment amener cet aspect pédagogique, c'est un défi. C'est un défi, alors... mais on entreprend ce défi. Alors, je vous remercie beaucoup.
M. Sutherland (Gary): Merci à vous.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions? D'autres questions? Alors, sur ce, je vous remercie, M.Sutherland, et je vais suspendre et inviter notre prochain invité, M. Filion, à prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 39)
(Reprise à 15 h 41)
La Présidente (Mme Vallée): Alors, bonjour. Alors, M. Michel Filion, vous êtes accompagné de Joël Filion. Alors, bienvenue parmi nous. Tout simplement vous rappeler que vous disposez de 45 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous... de 10 minutes, pardon, pour votre exposé. Par la suite, nous aurons une période d'échange de 35 minutes qui sera partagée entre le parti ministériel et l'opposition. Alors, sans plus tarder, M. Filion.
M. Michel Filion
M. Filion (Michel): Mme la présidente de la commission, Mme la ministre de la Justice, Mmes et MM. les représentants du peuple, bonjour et merci de m'avoir invité. Je suis accompagné de mon fils Joël. Je suis un avocat et un auteur de livres de droit.
Dans mon mémoire relativement à l'adoption sans rupture du lien de filiation, j'ai écrit qu'un enfant ne devrait pas avoir plus de parents légaux qu'il n'a eu de parents biologiques. Prenons un exemple. Un couple a un enfant. Supposons que ce couple manque à ses obligations de parents et que finalement un deuxième couple adopte l'enfant. Supposons que ce deuxième couple manque également à ses obligations et qu'un troisième couple adopte l'enfant. Je suis contre l'idée que le droit pourrait permettre à l'enfant d'avoir éventuellement quatre ou même six parents.
La notion de parenté légale permet de préciser quels sont, à un moment donné dans le temps, les parents d'un enfant. Par comparaison, c'est le droit qui permet de dire qu'à un moment donné deux personnes sont mariés, indépendamment de leurs histoires conjugales antérieures. Par comparaison, en droit des biens, une maxime dit: Donner et retenir ne vaut. On ne peut pas donner un bien et le garder en même temps. Lorsque le tribunal décide qu'un enfant a de nouveaux parents, les anciens parents ne sont plus les parents légaux de l'enfant. Cela ne nie pas le passé de l'enfant. Cela n'empêche pas en soi le maintien de relations avec les anciens parents, mais cela clarifie pour l'enfant quelle est sa nouvelle identité et cela clarifie pour les nouveaux parents que c'est aujourd'hui leur enfant et à personne d'autre.
Je change de sujet. Dans mon mémoire, j'ai proposé que l'on introduise dans le Code civil un nouveau régime juridique, le parrainage civil d'enfant. D'une part, cela permettrait à des parents, notamment à des familles monoparentales, d'être assistés financièrement et humainement. D'autre part, cela permettrait à des personnes, notamment à des couples infertiles et à des célibataires, de développer des liens affectifs avec un enfant. La ministre de la Justice tiendrait une liste des personnes intéressées à devenir parrain ou marraine. Cette liste ne serait accessible qu'aux avocats, notaires ou travailleurs sociaux afin de leur permettre de mettre en relation des parents avec des parrains ou marraines éventuels. Les engagements de chacun seraient consignés dans une entente de parrainage. Les parents devraient favoriser le développement de liens affectifs entre leur enfant et son parrain et sa marraine.
En principe, le parrain et la marraine devraient fournir une petite assistance financière pour le soutien de l'enfant. En contrepartie, ils pourraient entretenir des relations personnelles avec l'enfant conformément aux orientations précisées dans l'entente. Contrairement à ce que j'ai écrit dans mon mémoire, le parrain et la marraine garderaient ce statut tant qu'ils seraient inscrits à ce titre auprès du ministère de la Justice. Ce sont les droits et obligations respectifs des parents et des parrains qui prendraient fin lorsque l'enfant atteindrait l'âge de 14 ans.
Permettez-moi d'illustrer par une mise en scène comment pourrait se passer une rencontre de parrainage. Imaginez qu'à ma gauche se trouvent une mère célibataire, Mme Viau, et son fils de trois ans, Martin. Imaginez qu'à ma droite se trouve un couple infertile, Mme Tremblay et M. Trépanier. Mme Tremblay, M. Trépanier, il y a une semaine, Mme Viau m'a téléphoné pour que je lui explique le régime du parrainage civil. Je lui ai répondu qu'il s'agit d'un régime par lequel des parents peuvent être assistés financièrement et humainement, tout en répondant en partie au désir d'autres adultes de développer des liens affectifs avec un enfant. À la suite de l'appel de Mme Viau, j'ai consulté la liste du ministère de la Justice qui mentionne des noms de personnes intéressées à devenir parrain ou marraine. C'est là que j'ai vu vos noms, Mme Tremblay et M. Trépanier. Je vous ai téléphoné et vous m'avez expliqué votre situation.
Mme Tremblay m'a permis de répéter ses propos. Elle m'a parlé de sa souffrance morale, du profond vide qu'elle ressent dans sa vie parce qu'elle ne peut pas avoir d'enfant. C'est dans la nature des femmes de donner la vie, m'a-t-elle dit. Elle m'a raconté que toutes ses grandes amies de fille ont pu avoir des enfants. Et elle a ajouté: C'est trop injuste, je n'ai rien fait pour mériter une telle privation. Mme Viau, je vous ai fait part des propos de Mme Tremblay pour que vous sentiez qu'ils seront pleins d'attention pour votre fils Martin.
Mme Tremblay et M. Trépanier auraient préféré adopter un enfant québécois, mais le temps d'attente est trop long. Ils m'ont expliqué qu'ils n'étaient pas riches, bien qu'ils travaillent à temps plein tous les deux. C'est dans ces circonstances que je vous ai tous appelés en vue de la présente rencontre.
J'ai préparé un projet d'entente calqué sur le modèle du ministère de la Justice. Ce projet tient compte des préoccupations dont vous m'avez fait part respectivement. Le parrain et la marraine pourront communiquer à leur guise avec Martin. Comme Martin n'a que trois ans, Mme Viau aimerait que les rencontres de Martin avec son parrain et sa marraine n'aient lieu qu'en sa présence ou uniquement chez elle tant que Martin n'aura pas cinq ans. Le parrain et la marraine donneraient ensemble 100 $ par mois à Mme Viau pour l'aider à subvenir aux besoins de Martin. Cette entente pourra être résiliée en tout temps par l'un de vous. Lorsque Martin aura atteint l'âge de sept ans, il pourra, lui aussi, exiger une telle résiliation. Vous devrez alors m'en informer ou en informer le ministère de la Justice Je souligne que l'entente prendra fin lorsque Martin atteindra 14 ans. À partir de cet âge, seul le statut de parrain et marraine subsistera, à moins que Martin ou son parrain ou sa marraine ne désirent mettre fin à ce statut.
Voici ce que je vous propose. Apprenez à vous connaître un peu plus et revenez me voir dans quelques semaines en vue de signer une entente. Après, j'en aviserai le ministère de la Justice. Cela termine la mise en scène.
Il y a annuellement 300 adoptions d'enfants québécois et 900 adoptions d'enfants non québécois. L'État a consacré beaucoup d'efforts et d'argent à la modernisation du droit de l'adoption. L'État ne devrait-il pas, si cela est nécessaire, en consacrer encore plus à l'établissement du parrainage civil d'enfants? Tant de personnes pourraient en bénéficier.
**(15 h 50)** D'un côté, voici les principales personnes susceptibles de vouloir parrainer un enfant: des couples infertiles, environ 13 % des couples sont infertiles, soit plus 100 000 couples, des célibataires, des personnes à leur retraite. De l'autre côté, voici les principales personnes susceptibles de vouloir faire parrainer leur enfant: des familles qui aimeraient bénéficier d'une assistance financière et humaine, notamment des familles monoparentales; en 2006, il y avait près de 353 000 familles monoparentales, pour un total de plus de 500 000 enfants. Un autre groupe est celui des femmes enceintes qui doutent de vouloir ou de pouvoir garder leur enfant à naître; le parrainage constituerait une option supplémentaire aux possibilités suivantes: garder seule l'enfant, le confier à l'adoption, l'avortement. Ne voyez-vous pas comme moi que le parrainage pourrait bénéficier aux enfants grâce à l'entraide entre ces personnes? Le Québec peut établir un régime de parrainage facilement et à peu de frais, tout dépend de la volonté ou non des représentants du peuple.
Je vous remets la parole, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Vallée): Vous avez fait ça... vous avez manoeuvré votre temps à la perfection. Alors, je cède la parole à Mme la ministre.
Mme Weil: Alors, juste pour comprendre: L'enfant, dans ce cadre-là, serait de temps en temps seul avec le couple parrain, c'est ça? C'est-à-dire que... pourrait être pendant une semaine ou... C'est quoi, la garde? C'est quoi, l'obligation ou la responsabilité des parrains vis-à-vis l'enfant, dans votre scénario? Est-ce que c'est des visites supervisées avec la mère biologique ou est-ce que l'enfant est de temps en temps exclusivement avec les parrains?
M. Filion (Michel): Bien, ces modalités, Mme la ministre, sont à déterminer dans l'entente. Vous voyez, dans l'exemple, c'est un enfant de trois ans, et là la mère célibataire se sentait inconfortable que les parrains gardent seuls l'enfant. Donc, elle, elle voulait une formule où les parrain et marraine pourraient, mettons, chez eux, sans la présence de la mère, O.K., garder l'enfant. Donc, il faudrait que l'enfant ait cinq ans ou plus pour que cela puisse se faire. Donc...
Mme Weil: Parce que...
M. Filion (Michel): Excusez-moi. Donc, ça se ferait selon des modalités consensuelles, O.K., à déterminer.
Mme Weil: La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est que, bon, vous parlez d'une mère, par exemple, qui serait dans une situation de vulnérabilité...
M. Filion (Michel): Pas nécessairement, parce que...
Mme Weil: Elle confie son enfant de temps en temps à quelqu'un d'autre. Donc, dans tous nos systèmes, à moins que vous ayez trouvé un modèle semblable ailleurs, c'est que l'État a une obligation de protéger l'enfant.
M. Filion (Michel): Oui.
Mme Weil: Donc, il y a un système de garde, système d'éducation et, bon, système d'adoption, système de familles d'accueil. On ne peut pas laisser, à moins qu'il y ait un autre régime juridique auquel vous pensez, mais laisser un enfant sans savoir qui clairement a la responsabilité de cet enfant, surtout en bas âge, ou à d'autres âges, jusqu'à un certain âge. J'essaie de comprendre le régime juridique qui assure la protection de cet enfant, dans votre schéma.
M. Filion (Michel): Bien, Mme la ministre, c'est une bonne question. C'est que la mère célibataire demeure clairement la parente. C'est elle qui a l'autorité parentale. Le lien avec le parrain et la marraine, c'est un lien secondaire, O.K.? Et je pense qu'il vaut mieux parler de relation personnelle, de lien plutôt que de droit de garde puis de visite, comme je l'avais d'abord envisagé dans le mémoire. Je pense que l'approche dans l'avant-projet de loi est un petit peu plus intéressante au niveau de la formulation. Donc, il n'y a pas de changement de personne qui a l'autorité parentale, c'est la mère qui a l'autorité parentale, mais, pour toutes sortes de considérations, elle sent qu'elle aurait besoin d'un soutien, un petit soutien financier et soutien humain aussi, parce qu'en pratique, dans une telle situation, c'est que la mère célibataire et les parrain et marraine vont développer des liens, et tout ça va se faire dans l'intérêt de l'enfant. Et je répète, Mme la ministre, que ce lien-là, c'est un lien secondaire.
Mme Weil: Vous ne voyez pas des risques, alors qu'on parle d'argent, de soutien financier et d'un manque de clarté par rapport aux responsabilités par rapport à l'enfant, surtout lorsqu'on parle d'un parent qui est en besoin financier... En tout cas, tout ça pour dire que le régime actuel, dans toutes les sociétés, partout au Canada, partout... il y a un filet social évidemment, un filet social qui fait en sorte que l'État prend en charge d'assurer la surveillance donc par différents modes, donc qui vont de... Évidemment, il y a les parents et la famille qu'on connaît, traditionnelle, et, dans des cas où les parents ou la mère souvent n'est pas en mesure de prendre soin ou a des difficultés, il y a toutes sortes de services qui sont là pour aider cette mère-là. Parce que, dans notre droit, et je pense que dans tous les régimes de droit il y a vraiment... il faut qu'il y ait des parents qui soient responsables en tout temps de l'enfant, d'où la nécessité de formes d'adoption.
Peut-être pour revenir sur les formes d'adoption, vous dites que vous n'êtes pas favorable à l'adoption sans rupture de filiation. Vous voyez ce régime-là comme répondant mieux aux besoins, si je comprends bien. Mais, le «sans rupture de filiation», vous parlez de plusieurs couples de parents. En fait, ce qui est envisagé, c'est que les parents qui sont investis de l'autorité parentale, c'est les parents adoptants, c'est vraiment ça qui est proposé dans l'avant-projet de loi, et que le lien de filiation, c'est une question identitaire.
Il y en a certains qui ont proposé que plus ou moins de conséquences juridiques... pour l'instant, ce qui est envisagé, c'est une obligation alimentaire subsidiaire. Je pense que c'est l'Association des centres jeunesse qui parlait peut-être même... non, c'est le groupe avant, peut-être envisager un droit à la succession. Bien, ceci étant dit, l'important, là, c'est l'autorité parentale, et vraiment investie avec les parents adoptants, parce que le besoin de clarté, le besoin de clarté par rapport à qui joue le rôle de parents, qui est responsable en tout temps de cet enfant... Donc, soit qu'il y a déchéance de l'autorité parentale, et on trouve des solutions, que ce soit la tutelle ou autres, ou on trouve une solution d'adoption, parce que l'intention de toutes les sociétés, c'est de trouver une stabilité pour l'enfant. Si je comprends bien, vous, ce n'est pas nécessairement que le parent, dans ce cas-là, est nécessairement inapte, c'est qu'il cherche un oncle et une tante un peu... c'est ça, il cherche quelqu'un qui pourrait être un grand frère, une grande soeur, un peu ça.
M. Filion (Michel): En ce moment, Mme la ministre, je pense que vous revenez à la question de l'idée du parrainage, n'est-ce pas?
Mme Weil: Oui. Bien, j'essaie de voir comment... pour répondre...
M. Filion (Michel): Écoutez, l'idée...
Mme Weil: ...pourquoi vous serez défavorable, dans un premier temps, à l'adoption sans rupture de lien de filiation. J'essaie de mieux comprendre pourquoi vous n'êtes pas favorable à ça.
M. Filion (Michel): Pourquoi je m'oppose à l'adoption sans rupture de lien de filiation? Parce que les objectifs recherchés, O.K., par cette adoption sans rupture de filiation... Puis on ne parle pas, là, d'un cas où il s'agit d'ajouter, mettons, un parent à une situation où il y a juste un parent, puis on complète par le conjoint, on parle de la situation où un enfant pourrait se retrouver avec éventuellement quatre parents. Je suis totalement contre cette idée parce que je pense que les objectifs qui sont recherchés, O.K., au niveau de l'acte de naissance, au niveau du maintien des liens ou les autres, dont je ne me rappelle pas en ce moment, que ces objectifs-là peuvent être atteints, O.K., sans qu'on vienne rajouter des parents. Moi, je pense qu'au contraire pour clarifier l'identité légale de l'enfant, les parents... souvent l'enfant va savoir quels sont ses parents biologiques, O.K.? Mais je pense que ce qui est en cause ici, c'est beaucoup l'identité légale, et je pense qu'un enfant ne devrait pas avoir plus de parents légaux qu'il n'a de parents biologiques.
**(16 heures)**Mme Weil: Mais c'est là que je voudrais peut-être amener une clarification. Il n'y a pas plusieurs parents légaux. Il y a le couple adoptant, ou les parents adoptants, qui sont les parents avec l'autorité parentale. Il y a une question identitaire pour l'enfant, et on parle d'enfants plus âgés. Je ne sais pas si vous avez suivi les échanges qu'on a eus hier et aujourd'hui, on a amené beaucoup de... on en a beaucoup parlé avec l'Association des centres jeunesse par ailleurs, c'est envisagé pour vraiment une minorité, vraiment une minorité de cas, c'est des enfants plus âgés qui connaissent bien leurs parents, mais les parents ne sont pas aptes à en prendre soin. Donc, ce n'est pas le scénario que, vous, vous évoquez, où vraiment la mère semble être vraiment dans le portrait.
Dans le cas de l'adoption sans rupture de filiation, il y a vraiment des parents adoptants qui sont présents dans la vie de l'enfant. Et ce n'est pas envisagé pour maintenir des liens, c'est un constat de liens qui existent déjà qui ferait en sorte que le juge prononcerait, avec le consentement des parties, cette forme d'adoption. Et on avait beaucoup de difficultés, avec l'Association des centres jeunesse, souvent c'est vraiment l'enfant, le jeune, l'enfant qui est d'un certain âge qui est le déclencheur de cette forme d'adoption. C'est parce qu'il n'est pas capable... l'enfant n'est pas capable de dire que «mon identité, telle que je la connais actuellement, n'existe plus». C'est vraiment ça. Et c'est un concept assez difficile peut-être, pour nous tous, à maîtriser, et on va continuer à creuser cette notion dans les prochains jours, les prochaines semaines. Mais je pense que c'est important de clarifier que, non, il y a vraiment... C'est les parents adoptants qui sont les parents. Donc, je voulais juste... Ça, c'est ça. Et ensuite on pourra parler de votre modèle de parrainage.
M. Filion (Michel): Écoutez, ça peut être une question de terminologie. Si on met... Si on dit «sans rupture de lien de filiation», ça veut donc dire que l'enfant aurait éventuellement quatre liens de filiation: la filiation biologique antérieure, qu'on maintiendrait, parce qu'on dit «sans rupture de filiation»... Moi, pour moi, ça, si on maintient le lien de filiation, ça veut dire qu'ils sont légalement encore les parents, bien que l'autorité parentale va être exercée exclusivement par les parents adoptifs, adoptants, ceux qui vont adopter, là. Il n'en demeure pas moins, qu'on appelle ça filiation ou parent, c'est la même idée, parce que le lien de filiation, c'est de dire: Tel enfant a telle personne comme parent, puis tel parent a tel enfant. C'est ça, l'idée du lien de filiation. Et, moi, je m'oppose à l'idée que le lien de filiation pourrait légalement... Ce qui est en cause ici, ce n'est pas la biologie, c'est l'identité légale. Moi, je pense que, dans l'intérêt même de l'enfant, il vaut mieux que ça soit bien clair, O.K., que les adoptants sont les parents légaux de l'enfant.
Et les autres objectifs qui sont recherchés, O.K., ce que j'ai vu... Dans le rapport Lavallée, aussi... Parce que je me suis dit: C'est peut-être moi qui ne suis pas assez ouvert à ces réalités nouvelles là. Je suis allé voir les problèmes, les cas vécus qui étaient présentés, et je n'ai trouvé là aucune raison, à mon point de vue, Mme la ministre, aucune raison suffisante pour maintenir le lien de filiation dans ces cas-là, alors qu'il y avait d'autres façons, soit par le nom, soit par la date de naissance, de régler ça.
La Présidente (Mme Vallée): Je vais céder la parole à Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui, merci. Alors, merci de votre présentation, c'est toujours intéressant de voir à quel point des citoyens prennent le temps de réfléchir à des nouveaux modèles et à avoir des propositions donc pour les parlementaires. Donc, je vous remercie de votre présence et de votre dynamisme à venir partager avec nous votre projet.
Juste pour peut-être poursuivre sur la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation, en fait je comprends que, de par votre formation juridique, vous vous dites: C'est que c'est un peu une vue de l'esprit de dire qu'effectivement légalement il y a juste les parents adoptants, mais tout en maintenant un double lien de filiation, c'est un peu contraire, de ce que je comprends, à ce qu'on nous enseigne en droit. Et ça me fait réfléchir à dire qu'en fait peut-être que ce qu'on veut dire, c'est: sans rupture des liens primaires ou en fait de... Sans dire que c'est sans rupture du lien de filiation, parce qu'effectivement c'est plus une notion juridique, c'est des liens primaires d'attachement de l'enfant ou de la première réalité de l'enfant. Donc, peut-être que, si on parle comme ça, vous allez... vous allez saisir la réalité qui est amenée. Je pense, vous la saisissez pleinement, mais effectivement, pour nous, on est en processus de réflexion, donc il faut se poser aussi la question sur la terminologie d'une éventuelle nouvelle réalité.
En fait, je vais résumer ce que je comprends du projet que vous soumettez, c'est qu'en fait vous vous dites... Et c'est vrai que, dans un premier temps, ça peut surprendre, parce que, nous, on arrive ici dans un point de vue très juridique, qui est très axé sur l'adoption, et là c'est venir créer encore une nouvelle réalité. Mais, si on s'y arrête, ce que je comprends, c'est que vous vous dites: Il y a des gens qui sont en situation où ils ont très peu de soutien dans leur entourage, par exemple famille monoparentale ou famille qui vit des difficultés, et qui n'ont pas de ressources extérieures, famille élargie, ou amis, ou voisins, ou gens proches d'eux pour les aider un peu à assumer dans le quotidien leur réalité parentale, si je comprends bien.
M. Filion (Michel): ...c'est beaucoup plus que ça, O.K.? Je pense que ça permet de mettre en contact, O.K., deux... plusieurs groupes dans la société, O.K.? Je parlais, d'un côté, des couples infertiles. C'est du monde, ça, plus de 100 000 couples au Québec, là. L'adoption permet de répondre en partie aux besoins de ces gens-là. Mais les 99 000 autres, là, peut-être qu'eux aussi, ils ont un besoin d'enfants. Et peut-être qu'on pourrait innover au Québec puis amener une formule juridique. Puis, en l'amenant dans notre droit, aussi on la rendrait légitime, ce qui est très important. Le droit permet de légitimer certaines choses, certains régimes. Donc, les couples infertiles, des célibataires, O.K., même des personnes à la retraite, d'un côté, puis, de l'autre côté, des familles qui sentent qu'ils ont un besoin humain... les finances, c'est même secondaire, dans tout ça, O.K., et ça permettrait d'innover au Québec avec une formule qui pourrait répondre aux besoins de beaucoup, beaucoup... de milliers de personnes, O.K?
Je ne vous garantis pas que dès demain les gens se précipiteraient pour devenir parrains ou pour dire: Moi, je vais aller consulter la liste du ministère de la Justice pour savoir s'il y a des personnes dans mon coin qui pourraient être intéressées à parrainer. Mais je pense que c'est une formule extrêmement intéressante, qui peut être établie facilement, de façon très économique, qui met en relation des personnes qui pourraient avoir des besoins, pour toutes sortes de raisons, ça pourrait même être des personnes généreuses qui pourraient dire: Bien, moi, je suis à la retraite, j'ai du temps à consacrer, bien je vais donner mon nom, peut-être que je pourrais aider des gens dans la société.
Puis, d'un autre côté, les besoins, il y a des gens qui ont... il y a des gens qui ont des besoins, d'autres qui peuvent répondre aux besoins. C'est un peu comme dans l'économie, il y a des biens et services. Le défi de faire marcher l'économie, c'est de mettre en contact des gens qui ont, d'un côté, des besoins puis, de l'autre côté, des gens qui ont des moyens de répondre à ces besoins-là, O.K.? Juste la question des couples infertiles, il y a des... il y a, mettons, environ 100 000 couples. Beaucoup de ces couples-là ont un besoin légitime d'enfants. L'adoption, c'est un peu la solution du tout ou rien, mais qui va être atténuée avec les propositions de l'avant-projet de loi, où on va maintenir éventuellement des... on va permettre éventuellement le maintien des relations... des relations avec les... de l'enfant avec les parents biologiques, O.K.? Bon. Oui?
Mme Hivon: Alors... Oui, c'est ça, alors, si je vous suis, c'est donc qu'il y aurait des besoins de part et d'autre. En fait, il faudrait sonder évidemment les coeurs de ces gens-là. C'est sûr que certains vous diraient que des couples infertiles ou des gens qui ont une réalité... qui souhaitent se tourner vers l'adoption vont vouloir vivre pleinement la réalité de la famille et d'être parents pleinement. Et donc je ne sais pas si c'est vraiment une alternative à l'adoption ou si ce n'est pas plutôt tout autre chose, comme, par exemple, le mouvement des Grands Frères et Grandes Soeurs peut jouer un rôle. Et, à ce sujet-là, j'aimerais ça vous entendre, à savoir: Dans votre projet, en quoi, je dirais, les ressources actuelles, ou ce qui se fait dans un cadre plutôt informel mais quand même un peu balisé, si on pense à des associations comme Les Grands Frères et Grandes Soeurs, présenteraient vraiment un plus ou une réalité différente, là?
M. Filion (Michel): Bon. Mme Hivon, premièrement, je soulignerais que ce n'est nullement une alternative à l'adoption, O.K.? C'est quelque chose qui vient s'ajouter pour répondre, bien qu'incomplètement, O.K., bien qu'imparfaitement, notamment aux besoins de couples infertiles, d'un côté, puis, de l'autre côté, à des familles qui pourraient avoir des besoins financiers ou humains, mais principalement humains. Bon. Puis l'autre question, c'était?
Mme Hivon: ...c'était ce en quoi c'est différent par rapport, par exemple, à la réalité des Grands Frères, Grandes Soeurs qui donnent du temps à des enfants dans... et qui ont cet intérêt-là de jouer un rôle significatif dans la vie d'un enfant.
M. Filion (Michel): Bon, c'est, je dirais, comparable à la situation des Grands Frères et Grandes Soeurs. Toutefois, je pense que, dans le cas des Grands Frères et des Grandes Soeurs, c'est... ce sont des relations qui vont être en général provisoires, alors que la relation du parrainage civil, O.K., c'est une relation... dans la mesure où les gens y consentent, une relation à vie, O.K.?
Et l'exemple que je vous donnais dans mon mémoire, c'est celui... c'est celui de mon aîné, mon garçon, qui a eu des parents extraordinaires, des parents... des parrains, pardon, des parrains religieux extraordinaires qui ont cheminé avec lui, O.K., depuis sa naissance, O.K.? Il a développé un lien extrêmement précieux avec d'autres adultes que ses... que ses parents. Et la malchance du destin a fait qu'eux, ils n'ont pas pu avoir d'enfants, mais toutefois je pense que, leur besoin légitime d'avoir des enfants, mon garçon a pu en partie répondre à ce besoin-là. Et c'était une relation, finalement, humaine vraiment gagnant-gagnant.
Mme Hivon: Il me reste du temps? Oui.
La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste du temps, oui, trois minutes.
**(16 h 10)**Mme Hivon: En fait, en fait, je pense que personne ne va remettre en doute l'intérêt que peut avoir, dans la vie d'un enfant, je dirais, la présence significative d'autres adultes que ses parents; les parrains jouent souvent ce rôle-là. Et je peux comprendre qu'il y a des situations où les gens ont moins de personnes, de parrains ou de personnes significatives, et cette idée-là pourrait venir. Mais c'est sûr que c'est l'idée de passer d'un cadre informel à formel qui, je pense, peut être... d'un point de vue très pratico-pratique, poser certains défis.
L'entente, je comprends que, vous, ça sous-entend une entente, donc des consentements mutuels et des modalités de chaque côté. Mais vous allez sûrement comprendre qu'à partir du moment où, par exemple, le ministère deviendrait détenteur et gestionnaire d'une liste de personnes qui sont intéressées à devenir les parrains civils d'un enfant il doit y avoir une obligation. Et là l'État rentre en compte... rentre en jeu: il doit s'assurer que les personnes qui seraient d'éventuels parrains sont des personnes bien intentionnées, que des enquêtes soient faites, que ce seraient des gens qui pourraient jouer un rôle... jouer le rôle qui est attendu d'eux correctement. Parce que, sinon, on pourrait se retourner vers l'État et dire: Quelle caution vous avez donnée pour que cet enfant-là puisse parrainer civilement un enfant de la famille de monsieur X? Alors, j'aimerais que vous nous disiez comment vous pensez que l'État pourrait assumer cette caution-là qui doit impliquer des coûts, beaucoup, quand même, des ressources et non pas... Il ne peut pas juste gérer une liste et se déresponsabiliser des noms qui sont sur la liste.
M. Filion (Michel): Mme Hivon, moi, je pense qu'en général l'État n'aurait pas à enquêter comme le cas d'adoptants. Il s'agit d'un lien... premièrement, il s'agit d'un lien secondaire qui pourrait se développer conformément à des modalités prévues dans une entente entre des parents et des parrains ou marraines éventuels, modalités qui peuvent varier selon l'âge de l'enfant. Je peux vous dire... Puis, qu'un enfant, dès qu'il a 7 ans ou... s'il... ou même 10 ans... Dites-vous que l'enfant, là, il sait ce qui est correct puis ce qui n'est pas correct. Puis les parrains... les parents puis les parrains, ils vont développer des liens, ils vont apprendre à se connaître, O.K.?
Il est certain que, si le ministère de la Justice savait qu'une personne a commis par le passé des actes répréhensibles, le ministère de la Justice pourrait ne pas mettre le nom de cette personne-là sur la liste. Mais le fait qu'il y a une liste, le fait que ça se fait par l'intermédiaire d'avocats, de notaires, de travailleurs sociaux et le fait que c'est un lien, je dis bien, secondaire, le fait également que l'entente peut être résiliée en tout temps, O.K., en tout temps... Puis l'enfant lui-même, dès qu'il... dès qu'il aura 7 ans, pourra demander la résiliation de cette entente-là, O.K.? Puis, après 14 ans, dans le fond, si ce système-là fonctionne bien, puis l'enfant est confortable, après 14 ans, ma dernière idée, c'est que seul l'enfant pourrait demander finalement cette rupture du lien de parrainage civil.
La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. Filion. Alors, Mme la ministre.
Mme Weil: Tout simplement pour vous remercier. Je comprends, je comprends ce que vous évoquez, parce que je pense que, c'est vrai, il y a beaucoup de gens qui voudraient jouer ce rôle-là, qui voudraient venir en aide aussi à des personnes qui ont peut-être quelques difficultés, et peut-être des difficultés financières ou autres, et il y a des couples qui voudraient jouer ce rôle purement pour aider cet enfant, pour aider cette maman et pour le plaisir de connaître cet enfant.
Là où je vois les difficultés, c'est tout le cadre juridique, la responsabilité, comme évoquait aussi la députée de Joliette, c'est la caution de l'État. Il faut qu'on ait une liste, évidemment. On ne va pas refaire... parce que je comprends tout à fait votre point de vue. Je voulais tout simplement vous remercier d'avoir pris le temps d'évoquer tout ça. Et je comprends très bien l'esprit dans lequel vous faites cette proposition. Merci.
La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, est-ce que, du côté de l'opposition, il y avait d'autres commentaires, des questions? Ça complète?
Mme Hivon: C'était très clair.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, là-dessus, je vous remercie, M. Filion.
M. Filion (Michel): Ça me fait plaisir.
La Présidente (Mme Vallée): Merci pour votre présentation.
Et je vais inviter nos prochains invités, les membres de la Chambre des notaires, à prendre place.
...suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 15)
(Reprise à 16 h 17)
La Présidente (Mme Vallée): Alors, bonjour. Alors, nous allons reprendre nos travaux avec la Chambre des notaires du Québec. Alors, j'inviterais les participants à se présenter.
Chambre des notaires du Québec (CNQ)
M. Lambert (Jean): Alors, Jean Lambert, président de la Chambre des notaires. Je devrais dire: nouveau président de la Chambre des notaires.
M. Aubé (Georges): Georges Aubé, notaire à Montréal.
La Présidente (Mme Vallée): Bienvenue, Me Aubé.
M. Aubé (Georges): Merci.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, vous... nous aurons une période de 60 minutes et nous entendrons votre présentation.
M. Lambert (Jean): Alors, Mme le ministre, je tiens à vous remercier, hein, parce que nous avons présenté notre mémoire il y a peut-être deux jours. Alors, on expliquait dans la lettre à Mme la ministre que le départ de mon prédécesseur en septembre, et mon arrivée à la mi-décembre, a fait que la balle avait roulé un petit peu sur les tables avant qu'elle soit reprise. Mais on est très heureux donc que vous nous ayez fait une place pour nous entendre, ce que nous allons faire dans le respect du cadre habituel.
Je me permets d'ajouter un mot de présentation quant à mon collègue le notaire Aubé, qui m'accompagne, qui est l'auteur du rapport. Il écrit sur ces sujets pour nous au Répertoire de droit en collaboration avec le notaire Alain Roy, depuis 1990. Mais ce qui rend sa participation aujourd'hui intéressante, c'est qu'il est le père adoptant de deux enfants. Alors donc, je pense que vos questions auront aussi... ou pourront peut-être prendre cet aspect. Je sais que vous êtes tout à fait sensibles à cette dimension des choses et je pense que cette dimension-là se reflète aussi dans notre mémoire, qui n'est pas très technique mais plutôt philosophique.
Avant de passer la parole à Me Aubé, j'ajoute un simple commentaire de départ pour dire que, la vie humaine n'étant pas simple, il ne faut pas s'attendre à ce que ce sujet-là soit traité d'une façon simple. Je sais que, sur certaines questions, on aime beaucoup répondre par noir ou blanc, vrai ou faux, oui ou non. Et Dieu sait que, dans ce qui est mis de l'avant, ça ne peut pas être le cas, particulièrement en matière de confidentialité et d'autres sujets.
La Chambre des notaires est un ordre professionnel qui régit la pratique des notaires. Je pense que c'est un professionnel qui... les notaires sont bien connus au Québec. Ce qui est parfois peut-être un peu moins connu, c'est qu'ils sont aussi actifs en matière d'adoption, lorsqu'il n'y a pas de contestation. C'est un juriste de l'entente. À la journée, on rencontre des gens, on fait de la médiation ou de la conciliation, au besoin, et on consigne les accords d'une façon très officielle, en dispensant l'information pour que les parties aient une approche et aient... soient armées d'une façon aussi équilibrée et aussi connaissante que possible. C'est-à-dire que le notaire, comme juriste impartial, n'est pas un juriste neutre. S'il s'aperçoit qu'il y a une des parties qui est moins pourvue que l'autre, il doit s'attarder à cet aspect et lui fournir l'information, de sorte qu'à la fin, lorsqu'on consigne et qu'on appose des signatures à l'entente, les parties ont valablement, autant que possible, toute l'information et sont donc en mesure de donner un consentement vraiment équivalent, libre et éclairé, ce qui est particulièrement important pour cet aspect des conventions qui arriveront un peu plus loin.
Un mémoire... il est fait, on y a mis la dernière main il y a deux semaines, ça ne veut pas dire qu'on a cessé de réfléchir. Et en fait on a continué de réfléchir, et on aura des petites modifications. On va peut-être un peu plus loin sur certains points, notamment en ce qui concerne la responsabilité des aliments pour les parents d'origine, la question de la confidentialité, l'accès, et on sera donc très ouverts à vous répondre. Alors, pour les minutes qui restent, je passe la parole au notaire Aubé.
**(16 h 20)**M. Aubé (Georges): Merci, notaire Lambert. Alors, pour juste des fins de précision, j'ai deux enfants adoptés: une de neuf ans à l'international, par Haïti, et le deuxième via la Banque-mixte, le programme Centre jeunesse de Montréal. Alors, je me sens tout à fait à l'aise d'aborder le sujet dans cet esprit-là puis je veux que vous vous sentiez à l'aise aussi de poser des questions dans cet esprit-là, parce qu'évidemment ça a animé tout le travail de réflexion qu'on a fait puis qui se concrétise dans le mémoire qu'on vous soumet aujourd'hui.
Alors, je veux vous dire d'entrée de jeu qu'on avait deux préoccupations ou deux fils conducteurs au moment d'initier les travaux. Le premier, c'est de se soucier que l'impact de cet avant-projet de loi là soit positif pour les trois membres, les trois membres du triangle adoptif, et évidemment en particulier pour l'enfant, compte tenu, là, des dispositions, en particulier l'article 33 du Code civil du Québec. C'est vraiment l'intérêt de l'enfant qui est au centre de nos préoccupations, mais on le met en relief avec les gens qui l'encadrent, qui l'entourent, ses parents de naissance, qu'on va appeler plutôt les parents d'origine, et puis ses parents adoptants, un peu plus tard dans son cheminement.
L'autre préoccupation qu'on a comme ordre professionnel, Chambre des notaires -- parce que vous nous connaissez aussi -- c'est une préoccupation de prévention des litiges, une prévention... une préoccupation d'avoir des accords, des ententes, une approche consensuelle des rapports, dans cet esprit-ci, familiaux entre les parents d'origine, les parents adoptants. Par exemple, s'il y avait entente de communication, adoption ouverte, s'il y avait partage de l'autorité parentale ou délégation de l'autorité parentale, on souhaite aussi que l'approche consensuelle soit privilégiée. Donc, ça anime aussi notre rapport, cette préoccupation pour le consensualisme, et aussi par la façon de régler des différends. Il y a une approche intéressante ici où on va diriger les gens vers des méthodes de résolution des conflits qui sont à l'extérieur des tribunaux. Et évidemment la Chambre des notaires souscrit à ce type d'approche que vous semblez privilégier à cette étape-ci de l'avant-projet.
Si je touche, maintenant, les grands thèmes de l'avant-projet de loi, au plan des principes, beaucoup d'ouverture, beaucoup de transparence, beaucoup de préoccupation pour la préservation des liens d'appartenance. Alors, c'est sûr qu'on est très, très réceptifs à cette vision de l'adoption qui marque vraiment une rupture avec ce qu'on a connu tout au long du XXe siècle dans la législation qui encadrait l'adoption au Québec. Alors, c'est très, très, très bien reçu par la Chambre des notaires du Québec.
Pour nous, l'idée qu'il puisse y avoir une adoption sans rupture du lien de filiation, c'est positif. On reconnaît des situations familiales, des situations sociales auxquelles le législateur n'a pas répondu jusqu'à ce jour. Alors, c'est très positif pour nous que des enfants puissent avoir des parents d'origine mentionnés sur son acte de naissance, ainsi qu'une filiation additive, c'est-à-dire la nouvelle filiation adoptive. C'est une façon de transcrire dans un document juridique que l'enfant a une continuité, qu'il est né de parents de naissance, de parents d'origine, et qu'à un moment donné, son parcours, pour des raisons x, y, il a été adopté, et la documentation dorénavant pourra refléter cette situation. C'est vrai dans les cas qui sont soumis à notre attention; on pense particulièrement aux enfants qui sont adoptés quand ils sont plus âgés ou encore dans les cas d'adoption intrafamiliale ou par un proche conjoint.
Par contre, ce qu'on nous... ce qu'on vous soumet dans notre mémoire, c'est qu'on souhaite que cette ouverture-là soit, j'allais dire, réellement ouverte, c'est-à-dire que les cas qui sont mentionnés sont des illustrations, mais ça ne signifie pas, dans notre esprit, qu'il ne pourrait pas y avoir d'autres cas qui mériteraient qu'on adopte sans rupture du lien de filiation.
Alors, l'exemple qui nous est venu à l'esprit, pour être un peu plus concrets, c'est le cas, par exemple, des enfants d'origine ethnique ou culturelle différente des parents adoptants. Alors, ces enfants-là, par exemple, pourraient ne pas avoir de liens d'appartenance significatifs avec leurs parents d'origine, mais par ailleurs, pour leurs propres besoins identitaires... C'est-à-dire que c'est une discussion qui a un volet psychosocial ou même anthropologique, mais, les besoins identitaires de ces enfants-là, leur filiation passée, leurs parents d'origine, un juge pourrait estimer qu'un enfant qui va être... qui est sur le point d'être adopté, qui est originaire du Moyen-Orient ou qui est originaire des Caraïbes, d'Haïti, on pourrait, pour des fins identitaires, lui conserver son nom de famille d'origine, même si par ailleurs ces liens d'appartenance significatifs n'étaient pas présents. Alors, c'est une ouverture qu'on souhaite avoir... voir exprimée de façon peut-être un peu plus, peut-être, détaillée, explicite dans une éventuelle législation qui reprendrait le projet d'adoption sans rupture du lien de filiation.
Un autre sujet qu'on a touché, toujours à propos de l'adoption sans rupture du lien de filiation, c'est l'obligation alimentaire. On a exprimé un certain nombres de réserves dans le mémoire. Notamment, est-ce que ça va... Est-ce que ça risque de diminuer les consentements volontaires à l'adoption? Est-ce que les parents d'origine, cette obligation subsidiaire là, ils auront les ressources, les moyens au moment opportun? Ce sont souvent des familles qui sont issues de milieux défavorisés. Et on a posé aussi la question de la réciprocité, c'est-à-dire que les parents d'origine auront toujours cette obligation alimentaire, mais ils n'auront pas par ailleurs un droit d'accès à l'enfant. Alors, comme ça a été évoqué un peu plus tôt cet après-midi, on suggère peut-être d'explorer aussi la vocation successorale. Est-ce que c'est possible d'imaginer une vocation successorale en lieu et place d'une obligation alimentaire? Alors, c'est une piste qu'on vous lance pour votre réflexion.
Au sujet des ententes de communication, je vous dirais qu'on a assez peu de choses à dire, parce que c'est vraiment une belle manifestation d'une intégration au Code civil de pratiques qui ont cours à l'heure actuelle mais qui n'étaient pas encadrées par le législateur. Donc, la possibilité que des parents adoptants et des parents d'origine puissent avoir des ententes sur des échanges de lettres, de photos, des contacts personnels, pour nous, c'est très, très positif, d'autant plus que ça se fait de façon consensuelle, évidemment avec le regard du tribunal, et qu'en cas de différend on puisse les régler à l'amiable par des processus de résolution de conflits comme la négociation, la médiation ou la conciliation.
On insiste par contre, dans ce volet entente de communication, qu'il y ait une présence, j'allais dire, un conseiller juridique, et aussi de ressources dans le domaine psychosocial. C'est assez innovateur, c'est assez audacieux, et on pense que ce sera important qu'il y ait des ressources qui soient mises à la disposition des parents dans le... via probablement le directeur de la protection de la jeunesse, mais également, au plan juridique, que le DPJ n'hésite pas, pour les ententes de communication et pour l'adoption sans rupture de lien de filiation, à inviter les parents à consulter des juristes dans ces situations.
Sur le volet confidentialité des dossiers, beaucoup de choses à dire, parce que c'est probablement le sujet le plus chaud de l'avant-projet de loi.
La Présidente (Mme Vallée): Je m'excuse, Me Aubé...
M. Aubé (Georges): Oui?
La Présidente (Mme Vallée): Avant que vous alliez plus loin, est-ce que j'ai le consentement pour qu'on puisse poursuivre? Parce qu'on a excédé le temps de présentation. Consentement. Parfait.
M. Aubé (Georges): Il reste deux thèmes...
La Présidente (Mme Vallée): ...
**(16 h 30)**M. Aubé (Georges): ...puis ça va être réglé assez rapidement. Sur la confidentialité des dossiers, encore là, une belle ouverture, une belle transparence, qu'on apprécie, évidemment pour les adoptions postérieures à la réforme. Alors, c'est sûr qu'on apprécie le renversement qui fait en sorte que dorénavant les gens auront droit d'accéder à leur dossier, à moins que des droits de veto n'aient été exercés par l'autre partie. Ça ouvre évidemment la discussion sur l'équilibre entre le droit aux origines et le droit... le respect de la vie privée.
Pour ce qui est des options postérieures à la réforme, ça peut sembler réglé, mais on pousse la réflexion un peu plus loin en disant: Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas aussi, pour l'enfant, la possibilité d'un accès, d'un accès à la divulgation de l'identité de ses parents d'origine, qui ne serait pas soumis à un veto par les parents d'origine? Donc, on souhaite peut-être aller un peu plus loin puis donner cette option-là aux enfants sans que le parent d'origine ait... puisse avoir le... un droit de veto. Encore une fois, pour des besoin identitaires qu'on estime importants.
L'autre volet, c'est que, quand on considère qu'il y aura peut-être dorénavant beaucoup plus d'adoptions sans rupture du lien de filiation, il faut savoir que les noms des parents d'origine figureront sur l'acte de naissance, de telle sorte que cette piste-là, c'est-à-dire le facteur identitaire, sera déjà connue par l'enfant. Donc, ça s'appliquerait uniquement aux cas d'adoption plénière, mais on souhaite que, pour ces gens-là, ils puissent peut-être avoir accès à l'identité de leurs parents d'origine. La question des adoptions antérieures à la réforme, il y a sûrement des groupes qui vont se présenter ici pour militer et revendiquer beaucoup plus... de façon beaucoup plus intense que nous. On veut quand même attirer votre attention sur le fait qu'on initie une réforme. Et, comme le mentionnait la ministre de la Justice, on ne refait pas le Code civil très, très souvent, alors c'est intéressant d'explorer, peut-être à la limite de ce qu'on peut faire en termes d'adoptions antérieures, pour les adoptions antérieures à la réforme, en s'inspirant, puis on le cite dans notre mémoire, du cas de l'Ontario, le cas de l'Ontario qui ne distingue pas selon que l'adoption a été prononcée... pour l'accessibilité au dossier, selon que c'est antérieur ou postérieur à la réforme.
Dernier sujet au sujet de la confidentialité, la question des vetos qui survivent après le décès. À ce sujet-là, on partage l'opinion des centres jeunesse, qui a été publiée dans Le Devoir hier, à l'effet que les droits de veto devraient mourir avec les auteurs de ces droits de veto, de telle sorte que les enfants ou les parents d'origine qui veulent avoir accès aux informations puissent y avoir droit après le décès. À ce moment-là, évidemment, le respect de la vie privée, dans la balance, pèse beaucoup moins lourd que les besoins identitaires des enfants.
Dernier sujet, l'autorité parentale, que ce soit partage ou délégation. Des très, très belles pistes pour les familles recomposées, dans le partage. En matière de délégation, des belles pistes aussi pour des relations intrafamilliales, qui n'auraient pas besoin de déboucher sur une adoption. Les réserves qu'on a, c'est que le cadre ou les modalités ne sont pas nécessairement bien définis, de telle sorte que ça pourrait susciter beaucoup plus de litiges en matière familiale devant les tribunaux. Alors, on pense, entre autres, à la concurrence qui pourrait exister entre les parents d'origine et les conjoints qui se greffent à ce noyau-là. Est-ce qu'on va fonctionner aux deux tiers, aux trois quarts, à l'unanimité pour prendre des décisions? Comment vont être définies les modalités? Comment va intervenir le tribunal? Et aussi, en fin de processus, quand il y aura fin du partage ou fin de la délégation, est-ce qu'il pourrait subsister, comme en matière de rupture, de divorce, des formes d'obligations alimentaires ou d'accès aux enfants qui ne sont pas encore prévues, en termes de modalités, à l'avant-projet de loi?
Donc, ça fait le tour des quatre grands thèmes que couvre l'avant-projet de loi. C'est un survol rapide, et on recevra vos questions pour les discuter avec plaisir.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, je vous remercie. Alors, j'invite la ministre à commencer cette première période d'échange.
Mme Weil: Bien, merci. Merci beaucoup de votre présence. Évidemment, c'est un peu une surprise pour moi, puis on anticipait beaucoup votre présence parce qu'il y a beaucoup de questions qui touchent évidemment votre domaine d'expertise, alors je vais vraiment faire de mon mieux, espérant être bien assistée par ma collègue.
On va peut-être regarder dans un premier temps si des questions... On peut se permettre de vous poser des questions très techniques. De par votre expérience, aussi votre expérience personnelle, c'est bien intéressant aussi, puis le fait que vous êtes notaire... Toute la question du modèle d'adoption sans rupture de filiation, les gens... certains qui ont évoqué que ça ressemble au modèle français, mais, nous, on dit bien: Non, ce n'est pas l'adoption simple. Mais, nous, on proposait de garder l'obligation alimentaire, mais... Je comprends tout à fait votre commentaire, qui ressemble aussi au commentaire de l'Association des centres jeunesse ou à un autre groupe là-dessus, mais l'Association des centres jeunesse, qui par ailleurs a évoqué la possibilité d'avoir le droit successoral, surtout à la lumière... contrairement au droit français où l'adoption simple est presque conçue pour accommoder ce droit successoral qui est de première importance en Europe et en France, alors qu'ici c'est la liberté testamentaire... donc qui ne viendrait pas du tout nuire, si je comprends bien, à notre liberté testamentaire et nuire... Donc, ce ne serait pas invoqué pour les mêmes raisons. Donc, on retiendrait cet élément-là de l'adoption simple, sans l'appeler ça -- ce n'est pas l'adoption simple... donc la question identitaire, mais avec... au lieu de l'obligation alimentaire, parce que, comme vous dites, ça pourrait être un frein à certains couples, à certaines adoptions en Banque-mixte, mais pourquoi pas l'obligation... le droit testamentaire? Est-ce que j'ai bien compris l'esprit de votre recommandation?
M. Aubé (Georges): Oui, absolument. L'adoption sans rupture du lien de filiation, moi, j'ai l'impression, en lisant l'avant-projet de loi, qu'on a voulu y donner un sens en mettant de la chair autour de l'os. Alors, ce n'est pas seulement le fait d'énoncer qu'il y aura des noms additionnels sur un acte de naissance, on s'est dit: Il faut qu'il y ait quelque chose pour concrétiser, en termes d'effet juridique, cette continuité qu'on voit dans l'acte de naissance. Ce qui a été imaginé, c'est une obligation alimentaire. On a quelques réserves à ce sujet-là, mais notaire Lambert va les mitiger dès que j'aurai terminé. Alors, c'est vous dire aussi que notre réflexion évolue là-dessus.
Mais, oui, l'idée qu'on a évoquée, c'est de créer une vocation successorale, et, si je ne l'ai pas dit tout à l'heure, vous l'avez précisé, c'est important, ça ne vient pas limiter par ailleurs notre liberté de tester. Parce que c'est sûr que, comme notaires, on va vous tenir le discours, et puis c'est propre à notre ordre professionnel depuis des dizaines d'années, on tient évidemment à préserver la liberté testamentaire pour nos clients, pour nos citoyens, ça fait partie de notre tradition civiliste au Québec, et il n'est pas question de remettre ça en question. Alors, oui, vous avez bien saisi, là, notre suggestion.
M. Lambert (Jean): Sur cette question, rapidement, de la liberté, ce n'est pas juste de la fantaisie de la Chambre des notaires, mais, au moment des travaux du Code civil, auxquels j'ai été étroitement associé pendant six ans, c'est qu'on avait fait une cueillette d'information officielle et scientifique dans la population du Québec, et ce qui était extraordinairement éclairant, c'est que, toutes couches confondues, peu importe le degré de scolarité et même l'origine ethnique, on jouait entre 62 % et 68 % d'appui à la liberté de tester, au Québec, et c'est ça qui a fait qu'il y a eu une orientation qui a délaissé les projets de réserve ou de quotité qu'on pouvait avoir à l'époque.
Je reviens sur la question de l'obligation alimentaire. On s'est aperçu, et la réflexion s'est faite en s'en venant à Québec, curieusement, puis ce n'est pas la première fois que ça arrive -- pour avoir eu un peu d'expérience dans les commissions parlementaires comme celle-ci, les neurones se font aller -- et je me suis aperçu qu'on n'a jamais considéré un peu cette question-là sous l'angle de la responsabilité de ceux qui, dans le fond, mettent un enfant au monde. Et, si on le regarde sous l'angle de la responsabilité, on voit que, là, soudainement cette question d'aliments, elle prend un autre aspect. Et là, évidemment, je déborde complètement du mémoire, là, je vous fais juste part qu'on réfléchit, mais... Et on comprend bien que l'obligation alimentaire, comme ça se fait dans toute autre question, il faut que celui à qui c'est demandé, il faut qu'il ait les moyens. Donc, j'imagine que ça, c'est un principe de base qui demeure. Donc, qu'en est-il de ces jeunes qui peuvent enfanter et qui par la suite, bon, laissent aller leur enfant à l'adoption? On maintient ce lien, mais ils ne sont pas nécessairement tout le temps démunis. Et, la carrière aidant et se développant dans la vie, ils peuvent être très bien en position, à un moment donné, de satisfaire à cette obligation-là. Pourquoi pas? Je soumets juste cette réflexion. Et là, si on regarde ça sous cet angle-là, on est peut-être moins prompts à écarter cette hypothèse, hein?
Et, si on regarde aussi cette question de la confidentialité sous l'angle de la responsabilité, on s'est interrogés: pourquoi il n'y avait pas de responsabilité? Ce n'est pas parce qu'on avait écarté la responsabilité, c'était une conséquence du secret. Nous étions dans une société qu'il fallait conserver un secret, et on sait très bien pourquoi, et l'aspect responsabilité était plutôt une culpabilité, et la religion s'occupait de ça. Ça, c'est le passé. Mais, si on regarde aujourd'hui, les êtres humains ont des moyens de ne pas avoir d'accident. Donc, si, à un moment donné, il y a un enfant qui vient, je pense qu'aujourd'hui on peut parler de responsabilité pas mal plus qu'on pouvait le faire il y a 40 ans ou 50 ans.
Alors, je termine ici ce propos, mais, quand on regarde ça sous cet angle-là, vous allez voir que, là, on peut peut-être commencer peut-être à mettre... à maintenir certaines responsabilités, à tout le moins la vocation successorale. Merci.
**(16 h 40)**Mme Weil: J'aimerais revenir sur la question identitaire. On a beaucoup parlé de ça. Et donc, dans la proposition... On a beaucoup parlé avec l'Association des centres jeunesse aussi, cette notion de... Parce qu'il y en a qui sont favorables à ce modèle d'adoption, d'autres, moins favorables, qui voudraient plus qu'on maintienne strictement l'adoption plénière, mais... On a évoqué beaucoup ces enfants en Banque-mixte, mais d'un âge plus... un peu plus avancé, ce n'est pas les... c'est plus pour les enfants qui ont un attachement à leur identité, qui connaissent leurs parents. Mais, vous, vous rajoutez autre chose, et la... C'est-à-dire que c'est peut-être parce qu'il ne connaît pas ses parents, mais, de par ses origines, c'est important dans son identité. Et la proposition de plusieurs groupes, c'est d'avoir une liste, c'est-à-dire, au lieu d'avoir le «notamment» dans l'article qu'on propose, qu'on soit beaucoup plus défini dans la proposition. Qu'est-ce que vous en pensez? C'est-à-dire qu'on dise exactement les situations dans lesquelles on prévoit l'adoption sans rupture. Parce qu'ils ne veulent pas que ça devienne... L'inquiétude, c'est que ça devienne un modèle d'adoption plus élargi, privilégié, au même titre que l'adoption plénière.
M. Aubé (Georges): Notre réaction initiale, c'est qu'on vient restreindre la discrétion qu'on vient accorder au tribunal, son pouvoir d'appréciation des différentes situations, des différents contextes qui peuvent se présenter devant le tribunal. Vous le disiez un peu plus tôt à un autre intervenant, le Code civil, on y touche à l'occasion et on essaie d'initier des réformes. Celle-ci est audacieuse, elle va bousculer certaines idées reçues, mais je pense que c'est intéressant que ce soit une liste qui ne soit pas limitative. C'est, pour moi, plus important d'ouvrir, parce que, quand est-ce que sera l'occasion de réouvrir le Code civil sur cette situation-là, quand on sait que les situations familiales et sociales vont continuer d'évoluer? On est à une étape qui n'est pas nécessairement un tournant; on veut marquer un pas en 2010 avec cet avant-projet de loi là, mais, d'après moi, ce sont des situations qui vont continuer d'évoluer, et ça mérite de le laisser ouvert en toute confiance à l'appréciation qu'en fera le tribunal. Parce que j'ai l'impression qu'on ne peut pas soupçonner tous les cas de figure qui vont se présenter, et, nous, on ne faisait qu'évoquer la situation qui n'était pas un lien d'appartenance significatif mais qui était peut-être tout simplement un repère ethnique ou culturel. C'est-à-dire qu'un juge pourrait dire: Bien, je trouve ça spécial qu'un enfant d'origine, par exemple, asiatique, va se faire nommer dorénavant Pierre Parenteau, alors qu'on... ce serait peut-être mieux pour son identité, sa quête identitaire, et ça, ce sont peut-être des gens du secteur de l'anthropologie, du monde psychosocial qui pourront vous l'expliquer mieux que moi, c'est plus intéressant pour sa propre image personnelle, sa personnalité, son développement, son bien-être, qu'il puisse peut-être s'appeler Pierre Chan Parenteau, à plus long terme. Donc, c'est une porte qu'on veut laisser ouverte plutôt que fermée.
Mme Weil: On avait un groupe qui avait évoqué la possibilité que les ententes puissent aussi être par... les ententes de communication par acte notarié, qui pourraient peut-être éviter une certaine judiciarisation aussi. Qu'est-ce que vous en pensez? Ça n'a pas beaucoup été évoqué, c'était même entre parenthèses, je pense, si je me souviens bien, mais on l'a évoqué ce matin.
M. Lambert (Jean): On a effectivement fait cette discussion. Évidemment, c'est sûr qu'on attache beaucoup d'importance, et non pas dans un esprit corporatiste, mais à l'institution notariale, qui, je pense, existe depuis au moins un millénaire. Et, bien entendu, c'est un système qui est très préventif. Pourquoi? Je l'ai expliqué un petit peu tantôt, c'est que le notaire se doit non pas uniquement de consigner servilement ce qu'on lui demande, il doit intervenir, il est obligé par son devoir de conseil. Et je puis vous dire, moi, que les tribunaux attachent de plus en plus d'importance à ce volet-là de notre pratique. Mais aussi le notaire doit s'assurer, comme je le disais tantôt, que c'est bien compris et que, s'il s'aperçoit qu'une partie n'a pas l'information et même ne peut peut-être pas bien saisir le sujet, comme ça m'est arrivé dans quelques cas dans mes 40 ans de pratique, tout simplement refuser d'agir en disant aux gens: Vous savez, il y a quelque chose qu'il vous manque; moi, je vous conseille d'avoir recours, avant d'aller plus loin, à telle ressource, ou etc. En ce sens, nous sommes très préventifs.
Maintenant, est-ce qu'on va aller jusqu'à obliger? Et, là-dessus, on n'est pas allés aussi loin. Mais il est certain que nous nous chargerons de faire la promotion de ces avantages, comme nous l'avons fait pour le mandat de protection, qui à l'origine avait été voulu par celui qui en avait eu l'idée, obligatoirement notarié, pour les raisons qui ont été, à l'époque, exprimées en commission parlementaire, mais disons que, par la suite, on s'est organisé, par l'information de... je pense, de bien servir le public là-dessus.
M. Aubé (Georges): Si je reviens à la question que vous posiez, est-ce que les ententes de communication devraient être reçues sous forme notariée? c'est sûr que vous n'entendrez pas de deux notaires une réponse négative, vous vous en doutez bien. Ce qu'on veut mettre en contexte, puis ça fait partie de nos discussions, c'est que, la plupart du temps, les ententes de communication vont être négociées...
M. Lambert (Jean): Dans le cadre du...
M. Aubé (Georges): ...dans le cadre du processus d'adoption. Donc, on se situe à l'étape de l'ordonnance de placement ou du jugement d'adoption, on est souvent, parce que je l'ai vécu, là, dans le réseau de la protection de la jeunesse de notre région. Donc, on n'est pas en consultation en pratique privée quelque part sur le territoire, on est beaucoup, beaucoup encadré par les intervenants des centres jeunesse, en lien avec les tribunaux locaux. Donc, il faut être réaliste aussi. Quand on pense aux ententes de communication, quand on pense à l'exercice des droits de veto, nos discussions étaient à l'effet qu'on a l'impression qu'il va y avoir une espèce de congestion où tout va se décider de façon assez intense au moment des ordonnances de placement et des jugements d'adoption.
Alors, ce que j'ai souligné dans ma présentation tout à l'heure, c'est que le DPJ devrait avoir la délicatesse de dire aux gens: Prenez le temps d'aller consulter des conseillers juridiques à l'extérieur, autant pour s'informer sur l'adoption sans rupture du lien de filiation que sur les ententes de communication. Et, de son côté, le DPJ fera son travail d'encadrement plutôt psychosocial.
Alors, oui à la consultation, oui à la présence des notaires. Ça peut se transposer dans un acte notarié, oui. Mais on est très conscients par ailleurs que ça va se faire dans un environnement très centre jeunesse, tribunal, de façon assez intense.
La Présidente (Mme Vallée): Merci, Me Aubé. Alors, je vais céder la parole à Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Alors, merci beaucoup. Je suis très heureuse de vous entendre. Et félicitations à M. le nouveau président de la chambre aussi.
Comme vous le voyez, on est plusieurs juristes ici, comme parlementaires, autour de la table et on est habitués à des projets de loi souvent très juridiques, très techniques, et là on se trouve vraiment aux confins, je dirais, du droit et vraiment de l'aspect beaucoup plus humain, protection de la jeunesse, social. Et ce que je trouve particulièrement réjouissant de votre présentation, et je pense que ça fait honneur encore une fois à la Chambre des notaires, c'est que vous nous accompagnez aussi en vous situant pas juste très, très, je dirais, dans un contexte purement juridique, mais vous avez étendu votre réflexion aux dimensions plus sociales et identitaires. Donc, je vous remercie d'avoir pris le soin d'avoir recours aux bonnes personnes pour que la Chambre des notaires se positionne sur l'ensemble, je dirais, de la problématique qui est devant nous.
Je vous dirais... Bien, je voudrais aborder deux sujets essentiellement: premièrement, l'adoption sans rupture du lien de filiation et, deuxièmement, l'aspect de l'accès aux antécédents, à l'identité.
Pour ce qui est de l'adoption sans rupture du lien de filiation, votre position, je dois dire, tranche quand même passablement avec la majorité de ce qu'on a entendu à ce jour, parce que la plupart des intervenants, particuliers ou groupes, qu'on a entendus sont, pour certains, ouverts à cette nouvelle réalité. D'autres disent: Est-ce que c'est vraiment en créant une nouvelle réalité comme celle-là qu'on répond au besoin identitaire ou est-ce que ce ne serait pas plutôt par des mesures autres qui auraient trait vraiment spécifiquement au nom, en prévoyant certaines choses à l'acte de naissance, en prévoyant que, par exemple, l'acte primitif pourrait être disponible?
Par ailleurs, d'autres disent: C'est une bonne idée; par ailleurs, il faut vraiment baliser pour restreindre les cas d'application, pour que ça reste vraiment exceptionnel comme réalité, dans des cas très, très précis d'enfants plus âgés et de décès du parent biologique. Et, vous, de ce que je comprends, vous arrivez et vous dites: C'est vraiment une institution intéressante, et il faudrait l'ouvrir et prévoir vraiment la possibilité qu'elle s'applique selon la discrétion du tribunal.
Certains nous ont dit, notamment la Coalition des familles homoparentales, qu'ils ont des craintes justement si on ouvre et qu'on ne balise pas correctement, que, du fait de la très grande ouverture qui serait faite pour le tribunal, qu'il puisse y avoir certaines incompréhensions par rapport à des situations et que la conditionnalité du consentement pour que, par exemple, l'adoption se fasse au sein d'une famille homoparentale mais que la famille biologique y serait un peu moins ouverte... ou qu'eux pourraient dire: Puisque je n'ai pas le choix juste entre oui et non au projet de vie de cet enfant-là qui m'est soumis via une adoption plénière, le juge pourrait dire: Je vais venir mettre des conditions, comme le maintien du double lien de filiation ou une entente de communication. Qu'est-ce que vous répondez aux personnes qui tiennent ce discours-là?
**(16 h 50)**M. Aubé (Georges): Je suis tenté de vous dire qu'on a fait des grands pas en avant au cours des dernières années, malgré le statu quo sur les dispositions en matière d'adoption, c'est-à-dire que les personnes gaies et lesbiennes peuvent adopter. Donc, j'ai de la misère à croire qu'on puisse faire marche arrière en termes de société. Et j'ai aussi confiance aux juges des tribunaux de la jeunesse qui, depuis un certain nombre d'années, accordent l'adoption plénière à des couples homosexuels. Donc, je vous... Bien, ils peuvent légitimement avoir des inquiétudes, mais j'ai confiance qu'on a fait un pas en avant comme société et que nos tribunaux aussi ont intégré ces pratiques-là, et que tous les signaux que vous envoyez avec cet avant-projet de loi là, c'est pour aller encore plus loin, ce n'est pas pour reculer. Alors, je peux comprendre leurs inquiétudes, mais, moi, je le vois plutôt comme des nouvelles ouvertures qu'il ne faut pas limiter.
L'autre chose que je veux préciser à propos de l'adoption sans rupture du lien de filiation, c'est qu'il faut examiner les effets juridiques. On peut en parler comme juristes, là, au plan technique. On va ajouter sur... on ne va pas ajouter, on va conserver l'acte de naissance initial et on va y ajouter la filiation adoptive. C'est un des effets. Deuxième effet, obligation alimentaire subsidiaire pour les parents d'origine. Je peux comprendre des inquiétudes légitimes des gens qui se sont adressés à vous, mais, quand on regarde objectivement les deux seuls effets juridiques que j'ai décodés de l'avant-projet de loi, dans quelle mesure est-ce qu'ils me suscitent des grandes inquiétudes? On voit deux noms additionnels, qui ne figurent pas actuellement sur un acte de naissance, et, dans le temps, si jamais il y avait un manquement à une obligation alimentaire, un parent d'origine pourrait être appelé en renfort pour les besoins alimentaires de l'enfant. Chez moi, ça ne suscite pas d'inquiétudes. Parce que, quand on a analysé l'avant-projet de loi, vous le remarquerez en lisant notre mémoire, on a voulu analyser les impacts sur les trois membres du triangle adoptif. Et, quand il s'agit des parents adoptants, en matière d'adoption sans rupture du lien de filiation, on a pris le soin de préciser que leur autorité parentale n'est jamais menacée à aucun moment et d'aucune façon. Ils seront titulaires de l'autorité parentale comme ils le sont actuellement sous le régime d'adoption plénière. Alors, ça vient encore renforcer, d'après moi, le fait que je n'ai pas nécessairement d'inquiétudes comme celles qui vous ont été exprimées peut-être un peu plus tôt, hier et aujourd'hui.
Mme Hivon: Oui, c'est ça. En fait, de ce que je comprends, c'est que, vous, vous êtes même portés à dire: Il pourrait y avoir plus d'effets juridiques. Vous parlez de la possibilité d'effets en matière successorale, alors que, dans la philosophie qui est présentée dans l'avant-projet de loi, c'était plutôt de s'éloigner de réalités comme l'adoption plénière, bien que ça a des similitudes, et de dire qu'ici la préoccupation à laquelle on tentait de répondre, c'était vraiment la préoccupation identitaire, beaucoup plus que des effets juridiques. Et les effets juridiques, oui, ils ont maintenu la... ils ont gardé l'idée de l'obligation alimentaire, mais ça suscite beaucoup de questionnements, dont de votre part, personnels aussi, je crois. Il y a, oui, l'acte de naissance et il y a le nom aussi.
M. Aubé (Georges): Oui.
Mme Hivon: Oui, c'est ça. Mais certains nous disent: Si le but -- là, mettons qu'on... on met de côté l'idée de la Chambre des notaires de pousser plus loin les effets juridiques -- si le but, il est vraiment identitaire, est-ce que c'est en gardant une notion juridique très formelle, qui est celle du lien de filiation, qu'on vient remplir ça, ou est-ce qu'on ne devrait pas simplement prévoir dans le code que l'acte primitif est disponible, le nom, peut être, composé du nom de famille d'origine et du nom de la famille adoptante? Je ne sais pas si vous me suivez? Si on se situe dans ce cadre-là, est-ce que vous pensez que c'est encore pertinent d'instituer la réalité d'une double filiation?
M. Aubé (Georges): En deux temps. Je vous dirai d'abord que, quand on lit le rapport Lavallée et qu'elle réfère aux pratiques qui ont lieu dans les provinces de common law au Canada ou encore aux pratiques en matière d'adoption dans les pays de tradition civiliste en Europe, on a en parallèle des régimes d'adoption plénière et des régimes d'adoption, vous l'avez mentionné, simple. Alors, moi, je n'ai pas de difficultés à concevoir que deux régimes peuvent coexister en répondant à des besoins différents. Alors, une partie de ma réponse, c'est de dire: Ça se fait ailleurs, c'est très pertinent dans d'autres régions de l'Amérique et d'Europe, l'idée doit ou peut être intéressante pour nous aussi.
L'autre observation, c'est que la filiation, c'est une abstraction, alors... C'est une abstraction; elle est juridique. Alors, moi, je n'ai pas d'objection de principe à ce qu'un besoin identitaire se formalise aussi à travers une filiation juridique. La filiation juridique vient, comment dire, poser des assises sur lesquelles reposent des besoins identitaires. Certains réfèrent à l'article 7 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant, où on dit que l'enfant a droit à un nom et puis que ses origines font partie de son droit au nom. Donc, il y a des articles de loi, il y a des... Bon, d'accord, ce sont des textes abstraits, mais ça vient asseoir d'une certaine façon juridique les besoins identitaires, les besoins qui s'expriment de façon psychosociale. Donc, moi, je vois une complémentarité entre les deux, puis je vois un intérêt d'appuyer l'un sur l'autre pour que des revendications légitimes soient reconnues dans des textes législatifs sous forme d'adoption sans rupture du lien de filiation.
Mme Hivon: Puis peut-être pour terminer sur ce thème-là, il y en a plusieurs qui nous ont dit qu'ils craignaient, avec les nouvelles notions qui sont introduites, une surjudiciarisation, notamment avec l'adoption ouverte, qu'il pourrait y avoir des recours devant les tribunaux pour revoir une entente. Même chose avec possiblement le maintien du premier lien de filiation. Vous, de ce que je lis dans votre mémoire en ce qui concerne l'adoption sans rupture du lien de filiation, vous dites que ça pourrait permettre de déjudiciariser. De ce que je comprends, c'est que vous dites qu'il pourrait y avoir plus de consentements à l'adoption. Donc ça, ça pourrait effectivement contribuer à ce qu'il y ait moins de requêtes en déclaration d'admissibilité à l'adoption. Puis, pour l'adoption ouverte, j'aimerais ça vous entendre sur les effets sur la judiciarisation des dossiers.
M. Aubé (Georges): Il faut comprendre des ententes de communication que ce sont des ententes consensuelles, c'est-à-dire que les parties vont y adhérer de leur plein gré. Donc, d'emblée, ce n'est pas comme une pension alimentaire qui est imposée par le tribunal. C'est un pas en avant que feront les gens pour s'entendre entre eux sur des modalités, pour des échanges de photos, des échanges de correspondance ou des contacts entre eux. Tout ça, c'est fait sur une base libre et volontaire, de façon... O.K. Dans le temps, évidemment, il peut se poser des problèmes d'exécution, puis c'est pour cette raison-là qu'avec l'homologation ça va devenir possible de les rendre exécutoires.
L'option de référer les gens à la médiation, l'accès à des services juridiques, soit ceux des notaires ou des avocats, tout ça dans un cadre consensuel, d'après moi, fait en sorte que c'est possible d'assurer une durée de vie à ces ententes-là, non seulement de leur assurer une durée de vie, mais une possibilité de les moduler dans le temps en fonction de l'évolution de la situation. Par exemple, un déménagement de parents dans une autre... en province, en région ferait en sorte qu'un contact personnel ne serait plus possible. Alors, moi, j'essaie de croire à la possibilité de faire évoluer de façon consensuelle des ententes de communication sans passer nécessairement par le tribunal. Parce qu'au départ il y a cette volonté-là des gens, puis je ne suis pas convaincu que les gens vont sauter là-dessus à pieds joints, là, au départ. C'est audacieux. C'est courageux. Je pourrais témoigner de façon un peu plus personnelle là-dessus. On a été approché pour des échanges de photos, mais qu'on s'est beaucoup questionné avant de le faire. Puis on n'est même pas encore dans le cadre des ententes de communication dont on parle à l'avant-projet de loi.
Donc, ceux qui auront l'audace d'y aller vont y aller de façon, j'espère, structurée et encadrée aux niveaux psychosocial et juridique et, par leur ouverture, d'après moi, ils auront la même ouverture à faire évoluer ces ententes-là dans le temps en fonction de l'évolution de la situation, la leur et celle de l'enfant concerné, toujours. Alors, j'essaie de faire confiance au consensualisme et puis où il y a le risque que le tribunal soit là. Mais, quand l'intérêt de l'enfant est concerné, je suis désolé, mais l'ombre du tribunal va toujours planer au-dessus de ces ententes-là et des gens qui les ont conclues.
La Présidente (Mme Vallée): Merci, Me Aubé. Alors, je vais céder la parole au parti ministériel.
**(17 heures)**Mme Weil: Je voudrais vous remercier pour l'échange sur la question identitaire, parce que... C'est vrai que, dans un sens, et vous l'exprimez bien, c'est peut-être une abstraction, mais quand même avec un impact réel. Et les groupes qui étaient plus favorables, en fait, si je me souviens bien, c'est beaucoup ceux qui étaient dans le Mouvement Retrouvailles, ceux qui attachent beaucoup une importance à ça. Et c'est quelque chose de profond. Notre droit, comment le reconnaît-il? C'est tout ça. Je sais qu'il y a d'autres juristes qui vont venir, ceux qui ont participé à la commission... au comité Lavallée, qui vont aussi venir, aller dans le même sens que vous. Alors, j'apprécie beaucoup vos commentaires. Mais c'est un concept qui est difficile, pour beaucoup de gens, à comprendre, parce qu'évidemment, s'il y a un concept légal, on imagine tout de suite des conséquences juridiques, et on est un peu entre les deux.
Moi, je voudrais vous entendre sur la question de confidentialité, pour les adoptions postérieures. Vous trouvez que le délai qu'on a mis est trop long, de deux ans. C'est-à-dire, pourquoi l'avoir... pourquoi aussi long que ça après le décès de la personne? Peut-être...
M. Aubé (Georges): Non seulement on trouve que le délai de deux ans est trop long, mais on va jusqu'à vous écrire qu'il faut se questionner sérieusement sur la présence même d'un délai de deux ans, la présence même d'un délai tout court. C'est-à-dire qu'une fois la personne, l'auteur du veto décédé, est-ce qu'on peut encore invoquer son droit au respect de sa vie privée, à sa tranquillité d'esprit? Cette personne-là est décédée. Des gens nous disent: C'est pour leur environnement immédiat, la famille élargie, des frères, des soeurs qui pourraient tomber des nues en apprenant qu'ils ont un demi-frère, une demi-soeur. Et puis, là, on se pose la question: Quand on soupèse l'intérêt, bon, par exemple, de la famille élargie à la protection de sa vie privée, à sa tranquillité d'esprit, versus le droit de l'enfant adopté à ses origines, à sa quête identitaire, après le décès, dans notre esprit, c'est très, très clair que les besoins identitaires de l'enfant doivent avoir préséance sur la protection de la vie privée des membres de la famille élargie de l'auteur du droit de veto qui est maintenant décédé. C'est très clair dans notre esprit.
Mme Weil: Et pourriez-vous me rappeler votre position pour les adoptions antérieures, sur ça, sur cette question?
M. Aubé (Georges): Pour les adoptions antérieures, ce qu'on porte à votre attention, c'est que, puis vous l'avez souligné vous-même, à quel point on a une certaine ouverture d'esprit par rapport à l'avant-projet de loi, même, on pousse un peu plus loin que certains autres intervenants ont pu le faire... Alors, pour les adoptions antérieures à la réforme, ce qu'on porte à votre attention, c'est: examinez ce qui se fait, par exemple, en Ontario, où on ne distingue pas l'accès au dossier selon que les adoptions ont lieu antérieurement ou postérieurement à la réforme. Est-ce qu'on doit être aussi radical qu'en Ontario? Je ne suis pas certain, parce qu'il faut toujours trouver, c'est l'expression qu'on utilise, l'équilibre optimal entre le respect de la vie privée et les besoins identitaires des personnes concernées. Mais on vous invite à aller un peu plus loin que ce que vous avez considéré jusqu'à présent pour les adoptions antérieures, la limite ultime étant ce qui se fait en Ontario, où on ne le distingue plus.
La Présidente (Mme Vallée): Mme la ministre.
Mme Weil: Très bien. Merci.
M. Lambert (Jean): Vous m'avez vu sourire, parce qu'on a des discussions, puis évidemment... Mais il s'agit dans le fond de faire l'équilibre entre deux droits: droit à la vie privée mais droit aussi à un enfant qui, lui, dans le fond, n'y est pour rien, dans cette décision originale. Et c'est pour ça que je vous soulignais tantôt, quand vous regardez ces mêmes questions là sous l'angle de la responsabilité, c'est différent, et à ce moment-là ça nous permet peut-être d'être un peu plus intrusifs dans la vie privée. Et d'autant plus qu'on ne parle plus des situations des années... d'il y a 60 ou 50 ans, on parle maintenant d'un monde beaucoup plus actuel où, donc, la naissance, là, ça rentre dans un cadre de responsabilité. Et, si on regarde les choses sous cet angle-là, c'est même... on irait même plus loin. Mais, bon, je m'en tiens à ce qu'on a dit. Mais vous me permettrez d'avoir une opinion personnelle.
La Présidente (Mme Vallée): Merci, Me Lambert.
Mme Weil: Merci.
La Présidente (Mme Vallée): Ça va pour le côté ministériel?
Mme Weil: Pour moi, oui.
La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. le député de Groulx.
M. Gauvreau: Je vais rajouter une pierre à l'argumentaire que vous venez de faire. Et vous avez fait allusion à, bon... excusez-moi, là, je ne vous vois pas, je fais un choix intellectuel. Vous avez fait, à bon escient, référence à l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Je vais vous lire deux extraits de l'article 8, qui est exactement dans la discussion... laquelle nous avons maintenant.
Alors: «Les États parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale.» Et le deuxième paragraphe, plus croustillant encore: «Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d'entre eux, les États [...] doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible.» Combiné à l'article 7, on appelle ça le droit de connaître ses origines. Signé par le Canada en 1999... quatre-vingt-neuf, je pense, si ma mémoire est bonne. Donc, incontournablement, pour l'instant, le Québec est tributaire de cette convention-là et la signera lui-même dans quelque temps.
Le projet de loi n° 125, qui est entré en vigueur en 2007, qui modifiait la Loi sur la protection de la jeunesse, donnait aux juges de la chambre de la jeunesse un rôle tout à fait nouveau dans la loi, celui d'être médiateurs. Et j'ai eu l'occasion d'être témoin, d'être participant à des séances où, en protection de la jeunesse, des juges spécialement formés, il faut le dire, et identifiés exerçaient un rôle de médiateur, et, contre toute attente, parce que j'étais très réfractaire, ça a donné d'assez bons résultats. Naturellement, c'étaient des causes qui étaient choisies, où il y avait possibilité d'entente. Mais est-ce que vous verriez, par exemple, une médiation qui pourrait être faite par ces mêmes juges médiateurs, qui ont été bien formés et qui, soit dit en passant, sont très bien payés pour faire ce travail-là?
La Présidente (Mme Vallée): Alors, Me Aubé.
M. Aubé (Georges): Au sujet de l'article 7 d'abord. Bien, je suis content que vous en fassiez la lecture, mais des gens vont mettre dans la balance qu'il existe la Charte canadienne des droits, un document constitutionnel qui garantit le respect de la vie privée. Alors, ce n'est jamais blanc, ce n'est jamais noir, hein, on met tout ça dans une balance.
L'autre volet, accroître le pouvoir des juges pour leur permettre de prolonger leur pouvoir de médiateur dans les matières dont on discute? Oui. Oui, absolument.
M. Lambert (Jean): Absolument.
M. Aubé (Georges): Absolument. Si des gens, bon, dans des ententes de communication par exemple, veulent référer à un notaire ou à un avocat de pratique privée pour faire évoluer, par exemple, une entente de communication dans le temps, pourquoi pas? Si le litige se produit puis qu'il est porté à l'attention du tribunal, je suis très ouvert et la Chambre des notaires est très ouverte à toutes les initiatives de médiation ou de conciliation qui viennent diminuer la judiciarisation qui embourbe -- puis vous le savez mieux que nous -- la vie de nos tribunaux et de nos juges. Alors, oui, oui, on est très, très, très favorables à ce genre d'initiative pour solutionner les différends mais également, comment dire, préserver les rapports entre les gens à plus long terme.
La Présidente (Mme Vallée): Mme la députée de...
M. Lambert (Jean): Si vous me permettez un court commentaire là-dessus... Parce que, là, on parle d'adoption, mais, dans bien d'autres domaines... Je vous ai signalé en début de présentation que j'avais été très associé aux six ans de travaux sur le Code civil, qui est notre nouveau Code civil, et ce débat-là, sur bien des questions, revenait toujours. Dès l'instant qu'on touche et qu'on change des attitudes, des habitudes, des cadres avec lesquels on a appris à être relativement à l'aise... Et je pourrais faire référence, entre autres, au mandat en prévision de l'inaptitude; les juristes ont tous levé les bras en l'air pour dire que c'était une aberration qu'un mandat survive à l'inaptitude de celui qui normalement doit en contrôler l'exécution, et pourtant, aujourd'hui, c'est admis. On peut penser au patrimoine familial. On peut penser donc à certains choix qui ont été faits à l'occasion de l'adoption de ce nouveau Code civil, où on a dérangé les habitudes. Et, à ce compte-là, on est peut-être audacieux en vous disant que, oui, ce sont les veines à... Et on n'a pas de craintes. Je pense qu'on va accumuler le bagage et l'expérience qui va faire que ça va bien fonctionner, parce que tous ces gens-là fonctionnent toujours avec l'intérêt de l'enfant en tête d'abord et avant tout.
La Présidente (Mme Vallée): Je vais céder la parole à Mme la députée d'Iberville qui trépignait d'impatience.
**(17 h 10)**Mme Bouillé: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci pour votre contribution. C'est très éclairant, particulièrement... comme, moi, je ne suis pas une juriste, là. J'ai deux questions.
Vous avez abordé la question, entre autres, dans le cadre des besoins identitaires de l'adopté, la possibilité d'inclusion du nom de famille d'origine. Mais je me demandais pourquoi vous l'abordez sous cet angle-là, alors qu'actuellement, actuellement, là, on peut garder le prénom d'origine, on peut même faire un prénom composé avec... On pourrait même inclure le nom de famille d'origine. Vous parliez de Chang, par exemple, ça peut être Fé-Chang Tremblay, là, je veux dire, Fé, trait d'union, Chang Tremblay. Bon. Donc, je me demandais pourquoi vous ameniez cet élément-là, alors que ça me semble assez simple de l'identifier dans le prénom, qui est généralement en plus... ce qui est le plus utilisé, puisqu'on va s'adresser dans le quotidien à la personne par son prénom.
M. Aubé (Georges): C'est que l'avant-projet de loi -- puis ça m'obligerait à trouver l'article précis -- donne le pouvoir au juge -- c'est à l'article 15, qui vient modifier l'article 576 -- donne précisément le pouvoir au juge d'attribuer un nom de famille formé de deux parties, l'un provenant de la famille d'origine et l'autre de la famille adoptante. Donc, on s'est dit, on peut, comment dire, matérialiser cette volonté-là du législateur non seulement dans le cas de l'existence de liens d'appartenance significatifs, mais strictement à des fins identitaires. Donc, on s'est dit: Pourquoi pas utiliser le moyen technique qui est prévu là pour bonifier la finalité de l'adoption sans rupture du lien de filiation, non seulement des liens... C'est bon?
Mme Bouillé: L'autre question... Est-ce que j'ai le temps?
Le Président (M. Ouimet): Oui, il vous reste environ...
Mme Bouillé: C'est maintenant un président.
Le Président (M. Ouimet): Il vous reste trois minutes, Mme la députée.
Mme Bouillé: Merci. Là, l'autre est un peu plus... m'a peut-être un peu plus touchée dans mes valeurs, je vous avoue, d'égalité hommes-femmes. Quand vous avez abordé la possibilité de maintenir des responsabilités pour les parents adoptants, c'est que ma première réaction a été que généralement, sur l'acte de naissance, en tout cas généralement, là, on pourra me reprendre, mais, ma compréhension, c'est que souvent, en tout cas sur l'acte de naissance, à l'hôpital, là, seul le nom de la mère biologique est indiqué. Père inconnu, il n'y a pas de père. Et là, bien, si on inclut des responsabilités pour les parents biologiques, seule la mère va porter le poids, la mère biologique va porter le poids de responsabilité pour l'enfant qu'elle a confié à l'adoption, parce que bien souvent le père n'est pas sur le document légal.
Donc là, j'ai comme un problème. Vous savez, au niveau gouvernemental, on appelle ça... quand on regarde les politiques en termes d'analyse différenciée selon les sexes, là. Mais c'est de dire... il ne faut pas désavantager les femmes au détriment des hommes ou des hommes par rapport aux femmes, et là ça m'apparaît comme, je ne sais pas, une mesure qui risque de faire porter le poids sur beaucoup, beaucoup de femmes au Québec.
M. Aubé (Georges): Bien, quand l'obligation alimentaire subsidiaire est créée en régime d'adoption sans rupture du lien de filiation, bien c'est à l'égard des parents d'origine. Et puis ce que vous dites est vrai, c'est que, dans la plupart des cas, entre guillemets, problématiques, il n'y a que le nom de la mère qui va figurer à l'acte de naissance. Donc, c'est vrai que ça va reposer uniquement sur ses épaules, d'où notre commentaire, de dire: d'une part, ça va probablement la restreindre ou la contraindre à dire: Non, je ne veux pas donner mon enfant en régime d'adoption sans rupture du lien de filiation, parce que je m'engage, puis, deuxièmement, si c'était effectivement le cas, au moment opportun, là, où on ferait appel à moi pour des aliments de façon subsidiaire, je n'aurai probablement pas les ressources, les revenus. Donc, on avait aussi cette préoccupation-là quand on a discuté de l'obligation alimentaire subsidiaire à l'égard des parents d'origine. On ne l'avait pas ciblé sur la personne de la mère, mais vous avez raison de dire que c'est plus souvent le cas qu'autrement, des mères qui le supporteraient.
Mme Bouillé: Ce que je souhaiterais, que, si c'est analysé, qu'on porte vraiment une attention particulière -- là, je m'adresse à la ministre -- mais de façon à ne pas faire porter plus le poids d'une éventuelle mesure comme ça sur les femmes.
Mme Weil: Si je peux me permettre, parce que... et ensuite donc... mais que l'obligation... ou le droit testamentaire ne viendrait pas, ne serait pas un fardeau, parce que, hein, si j'ai bien compris, pour cette mère, parce que, premièrement, il y a la liberté de tester, mais, si elle a des actifs au décès, elle a des actifs au décès, et puis ce n'est pas... Donc, j'ai trouvé ça intéressant comme discussion. On va regarder tout cet élément-là.
M. Aubé (Georges): Ça vient renchérir peut-être sur l'option qu'on explorait en vocation successorale.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, là-dessus, il ne me reste qu'à vous remercier, au nom de tous les parlementaires, pour votre participation et votre contribution fort importantes aux travaux de la commission.
Et, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux au 20 janvier, à 9 h 30, où la commission se réunira afin de poursuivre ce mandat. Alors, merci, et bon retour à tous et à toutes.
(Fin de la séance à 17 h 15)