(Quinze heures huit minutes)
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vous redis: À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes: Donc, si vous vouliez fermer vos cellulaires, vous seriez bien gentils. Pour la poursuite de nos travaux, ça va faciliter nos échanges.
Donc, le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 53, Loi instituant le poste de Commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Cloutier (Lac-Saint-Jean) est remplacé par Mme Beaudoin (Mirabel) et M. Drainville (Marie-Victorin) est remplacé par M. Bouchard (Vachon).
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vous souhaite la bienvenue, chers collègues du côté ministériel, du côté de l'opposition. Mme la ministre, c'est un plaisir de vous voir à notre commission. Et, pour ceux qui nous écoutent, vous êtes nos invités, puisque vous allez nous alimenter de votre réflexion, et il y aura des questions. Je vais revenir un peu sur la forme avec laquelle on va faire les échanges. Donc, je vais vous faire part de l'ordre du jour, mais rapidement parce qu'on va y revenir, de toute façon. Je vais simplement vous indiquer, pour cet après-midi, que nous allons rencontrer le Conseil des relations interculturelles ? ils sont déjà assis ? et le Conseil interprofessionnel du Québec, et finalement on va terminer avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Donc, mesdames, je vous rappelle que vous êtes nos invitées ici, à la commission, et c'est un plaisir pour nous de vous rencontrer. Donc, avant même de vous écouter, nous allons débuter par les remarques préliminaires. Vous me dites ça, vous, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Tout à fait.
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(15 h 10)
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Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons débuter par les remarques préliminaires. Par la suite, nous entendrons le Conseil des relations, suivi de l'audition de ceux que je vous ai mentionnés tout à l'heure.
Remarques préliminaires
Donc, je vais, sans plus tarder, permettre à la ministre des remarques préliminaires pour 7 min 30 s. Donc, à vous, à vos remarques préliminaires, Mme la ministre.
Mme Kathleen Weil
Mme Weil: Merci, M. le Président. Nous avons déposé, le 10 juin dernier, le projet de loi n° 53, dont l'objet principal est de créer une fonction de Commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles. Depuis, certains groupes nous ont fait part de leur intérêt à formuler des commentaires. Donc, je suis heureuse que nous puissions les entendre en commission afin de bonifier notre réflexion sur ce projet de loi. Nous aurons donc l'occasion d'entendre le Conseil des relations interculturelles, le Conseil interprofessionnel du Québec, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ainsi que la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec.
Avant de débuter ces consultations, rappelons en quelque mots l'objet du projet de loi, ne serait-ce que pour mieux nous préparer à accueillir et à bien comprendre ce que viennent nous dire ces groupes. L'objectif général du projet de loi n° 53 est de faciliter aux personnes compétentes formées à l'extérieur du Québec l'obtention du permis des ordres professionnels. Le projet de loi n° 53 s'attache plus précisément à s'assurer de la bonne application des règles visant leur admission, mais aussi à s'assurer de la qualité et du fonctionnement des mécanismes administratifs de reconnaissance de ces compétences professionnelles par les ordres.
Le projet de loi n° 53 vise, en effet, à répondre à certaines difficultés d'intégration constatées dans le cas de personnes formées à l'extérieur du Québec, difficultés étant parfois liées à la reconnaissance de leurs compétences professionnelles initiales ou à l'impossibilité de recevoir dans un délai raisonnable une formation prescrite par un ordre, formation qui permettrait d'acquérir les compétences requises pour que l'ordre puisse délivrer un permis. Ces difficultés peuvent être de nature à décourager les nouveaux arrivants ou, à tout le moins, à les empêcher de s'intégrer convenablement à la mesure des compétences dont ils peuvent nous faire bénéficier. Nous voulons nous assurer que les personnes qui cherchent à s'intégrer au Québec pour faire bénéficier notre société de leurs compétences puissent avoir un recours lorsqu'elles s'interrogent sur l'application qui leur a été faite des divers mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles. J'entends ici les règlements d'équivalence ou des modalités administratives d'intégration.
Il est très important de préciser que l'action du commissaire s'inscrit dans le cadre de la mission fondamentale du système professionnel, c'est-à-dire la protection du public. C'est pourquoi nous avons conservé aux ordres la plénitude des pouvoirs en matière d'évaluation des équivalences aux fins de la reconnaissance des qualifications professionnelles et d'application administrative de leurs règles d'admission. Le Commissaire aux plaintes viendra de façon complémentaire aider à l'ensemble du processus. Ce commissaire sera, en effet, chargé de recevoir et d'examiner toute plainte d'une personne contre un ordre professionnel concernant le fonctionnement des mécanismes de reconnaissance de ses compétences professionnelles.
Il s'agit aussi, pour l'Office des professions, de prendre, en concertation avec le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, les mesures visant à assurer la collaboration entre les établissements d'enseignement et les ordres professionnels dans une optique d'accessibilité à des formations d'appoint.
Quant au suivi sur l'évolution des mesures de collaboration prises par l'office, le commissaire aura un pouvoir de recommandation auprès du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport afin que des mesures appropriées soient prises pour que la formation visée soit offerte. En l'occurrence, l'intégration des personnes formées à l'extérieur du Québec pose des défis particuliers que nous devons relever comme société, chacun devant contribuer à la solution en adaptant au besoin ses programmes ou son offre de services en général. Le commissaire verra, en partenariat avec tous, à ce que les besoins de formation inhérents à l'intégration utile des personnes formées ailleurs fassent l'objet d'une attention particulière et surtout coordonnée de la part de l'ensemble des intervenants.
Avant d'entendre les groupes qui sont venus nous voir, j'aimerais faire quelques dernières remarques. Aussi attentifs puissions-nous être aux préoccupations de chaque milieu, nous nous rappellerons que nous avons affaire à une problématique complexe qui demande la collaboration de tous. La problématique à traiter est importante, et nous souhaitons mettre en place les outils pour assurer une intégration des immigrants à leur plein potentiel. De la même manière, une meilleure coordination de tous les intervenants aboutira sans doute à réduire le nombre de plaintes que pourrait engendrer ce processus.
Cela dit, ce dossier est important et soulève des questions sensibles. Donc, nous allons écouter attentivement les commentaires de celles et ceux qui viennent nous entretenir. Je remercie à l'avance les groupes de s'être déplacés pour nous aider à éclairer de la façon la plus utile possible les travaux parlementaires sur ce projet de loi qui, rappelons-le, vient au soutien d'une priorité gouvernementale. Je remercie également les députés de toutes les formations politiques qui, par leur participation à cette commission, nous aideront à bonifier notre réflexion sur ce projet de loi. Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Donc, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Mirabel à faire ses remarques préliminaires. Mme la députée.
Mme Denise Beaudoin
Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. Alors, c'est avec plaisir que j'interviens devant cette commission à titre de porte-parole pour l'opposition officielle en matière de lois professionnelles sur la Loi instituant le poste de Commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles. Ce projet de loi, M. le Président, prévoit donc la mise en place d'un poste de Commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles.
Récemment, nous avons adopté un autre projet de loi qui va faciliter la reconnaissance des qualifications professionnelles pour des professionnels venus de France. D'ailleurs, comme nous l'avions souligné lors de l'étude du projet de loi n° 3, l'opposition officielle estime que le Québec aurait tout intérêt à signer le même genre d'entente avec d'autres pays. Nous l'avons répété plusieurs fois, et je tenais à le répéter encore une fois.
Et, comme ce fut le cas également pour le projet de loi n° 3, ce nouveau projet de loi soulève la problématique de la reconnaissance des qualifications professionnelles des personnes issues de l'immigration. Toutefois, l'étude du projet de loi n° 53 nous amène à nous demander si le gouvernement libéral va assez loin dans cette démarche nécessaire de reconnaissance des qualifications professionnelles. L'étude des différents articles de ce projet de loi laisse, en effet, une impression mitigée quant au rôle dévolu au commissaire qui sera chargé de répondre aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles, des plaintes qui pourront être déposées par des candidats refusés par tel ou tel ordre professionnel. C'est une avancée qui, au premier abord, peut paraître intéressante, puisque la Loi permettant la mise en oeuvre de l'Entente entre le Québec et la France en matière de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles ainsi que d'autres ententes du même type, adoptée au printemps dernier, prévoyait, dans son article 3, la mise en place d'un processus de révision de la décision subie par un candidat sur une demande de reconnaissance des qualifications professionnelles, et ce, par des personnes différentes de celles qui l'ont rendue concernant l'étude des reconnaissances professionnelles.
Néanmoins, M. le Président, une étude plus précise de ce projet de loi laisse penser que ce commissaire n'aura pas de véritable pouvoir de décision et qu'il pourra au mieux faire des recommandations. Il est donc parfaitement logique de s'interroger sur le poids que ces recommandations auront sur les décisions d'un ordre professionnel qui aura refusé un candidat ayant voulu faire reconnaître ses qualifications professionnelles. Et, au final, il est à craindre que ce futur commissaire n'ait aucune compétence sur les décisions rendues par un ordre professionnel. La création d'un poste de commissaire nommé par le gouvernement aurait véritablement, sans doute, mieux permis d'assurer son indépendance vis-à-vis des ordres professionnels et de l'Office des professions du Québec, notamment.
Par ailleurs, le projet de loi confie également à l'Office des professions du Québec la responsabilité, en concertation avec le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, de prendre les mesures visant à assurer la collaboration entre les établissements d'enseignement et les ordres professionnels afin que, lorsqu'un ordre professionnel exige d'une personne qu'elle acquière une formation d'appoint, cette formation soit effectivement offerte par un établissement d'enseignement et que cet établissement permette à la personne de la suivre. Il y a là matière à s'interroger, M. le Président.
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(15 h 20)
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De même, la lecture du projet de loi peut laisser craindre une certaine forme d'ingérence de l'Office des professions du Québec dans la façon de faire des établissements d'enseignement. On peut, en effet, se questionner sur l'obligation qu'auront les établissements d'enseignement de collaborer avec l'office pour que, lorsqu'un ordre professionnel exige d'une personne qu'elle acquière une formation d'appoint, cette formation soit effectivement offerte par un établissement d'enseignement et que cet établissement permette à la personne de la suivre.
Tout comme le projet de loi n° 3 ne répondait pas à cette question, le projet de loi n° 53 ne nous renseigne pas véritablement sur les conditions d'adaptation exigées pour obtenir les conditions requises pour exercer. Cette incertitude soulève également la question de la capacité des établissements d'enseignement de pouvoir dispenser les formations exigées des candidats et candidates par les ordres professionnels.
Nous espérons que les auditions d'aujourd'hui et de demain permettront de mieux cerner les enjeux de ce projet de loi et nous espérons que la ministre acceptera de bonifier ce projet de loi en conséquence. Merci, M. le Président.
Auditions
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je vous rappelle qu'il y a 10 minutes pour l'exposé de l'organisme, 20 minutes pour les échanges avec les membres de la commission. Donc, je vous souhaite la bienvenue, mesdames, à notre commission. Et, pour les besoins de la cause, je vais vous informer rapidement des règles. Vous savez, c'est très simple, vous allez avoir, donc, 10 minutes de présentation, et, à la suite de ça, il va y avoir, de côté et d'autre, des questions qui vont vous être posées pour 25 minutes, chacun des groupes parlementaires. Donc, je vous ferai signe quand ce sera aux alentours de 10 minutes. Sur ce, je vais vous céder la parole et vous demander de vous présenter pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent. Allez-y, mesdames.
Conseil des relations interculturelles (CRI)
Mme Rimok (Patricia): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mme et MM. les députés, je me présente, Patricia Rimok, présidente du Conseil des relations interculturelles du Québec. Permettez-moi aussi de vous présenter Mme Florence Sallenave, à ma droite, qui est consultante et présidente de Florence Sallenave Conseils. Mme Sallenave pourra nous faire bénéficier de son vécu personnel en tant qu'immigrante ayant eu à faire face au système québécois de reconnaissance des compétences et à un ordre en particulier qui est l'Ordre des psychologues. Elle est aussi intervenante auprès des personnes immigrantes en matière de cheminement de carrière. J'aimerais remercier la Commission des institutions aussi d'avoir invité le conseil à faire part de ses commentaires.
La reconnaissance des compétences constitue l'un des enjeux les plus importants dans l'intégration socioéconomique des personnes immigrantes formées à l'étranger. C'est à ce titre que le conseil et organisme, chargé de conseiller la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles surtout de questions relatives aux relations interculturelles des personnes immigrantes, participe à ces travaux. Le conseil se réjouit de la volonté manifestée par le gouvernement de mettre en place un poste de commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles. Ce poste est d'autant plus nécessaire que ce commissaire pourra se pencher en profondeur sur les biais systémiques amenant à la déqualification des personnes immigrantes. Cependant, le conseil se demande pourquoi ne pas créer également un tel poste visant l'ensemble des métiers réglementés, étant donné qu'ils représentent environ 185 000 travailleurs. Il est conscient que cela dépasse le cadre du projet de loi n° 53, mais il demeure néanmoins convaincu qu'il est nécessaire de développer des mécanismes clairs et uniformes de reconnaissance des compétences.
Le conseil considère que la création d'un poste de commissaire chargé de recevoir et d'examiner toute plainte d'une personne contre un ordre professionnel qui concerne les mécanismes de reconnaissance des compétences devrait permettre de répondre à des préoccupations d'équité, d'impartialité et de transparence. Toutefois, pour que ce rôle soit pleinement assumé, le commissaire se doit d'être indépendant dans l'exercice de ses fonctions et doit avoir les pouvoirs nécessaires pour faire des enquêtes, des analyses et des rapports.
Parlons un peu de l'indépendance du commissaire. Le conseil accueille favorablement la proposition du projet de loi visant à rattacher le poste de commissaire à l'Office des professions du Québec pour son expertise dans les mécanismes de reconnaissance des compétences. En attribuant une telle fonction spécifiquement au Commissaire aux plaintes, ce dernier pourra dès lors examiner de façon approfondie l'efficacité des mécanismes et l'absence d'éléments discriminatoires systémiques. Néanmoins, afin de garantir une indépendance réelle du commissaire, il ne faudrait pas qu'il ait le statut d'un employé de l'Office des professions du Québec mais qu'il en soit plutôt un membre, à l'instar des cinq membres déjà en place. Ceci pourrait aussi avoir un impact positif sur la confiance des personnes immigrantes formées à l'étranger sur notre système. En conséquence, le conseil recommande de modifier l'article 4 du Code des professions de façon à intégrer la nomination d'un commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences comme membre de l'Office des professions du Québec. Il recommande aussi de supprimer l'article 2 du projet de loi lui conférant le statut d'un employé de l'Office des professions du Québec.
En matière de gouvernance, le commissaire, qui devrait être membre d'un ordre professionnel, ne peut pas, à lui seul, faire tout le travail. Il devrait être entouré d'un personnel ayant notamment des connaissances et des compétences en matière d'immigration, de relations interculturelles et de connaissances des différents ordres. Il s'agit de s'assurer que les plaintes soient traitées sans préjugés défavorables en raison d'une méconnaissance des réalités entourant la diversité ethnoculturelle. Ainsi, le conseil recommande d'inclure un article au projet de loi portant sur la création d'un secrétariat ou d'un bureau du commissaire et les compétences souhaitées de ce personnel.
En matière de fonctions du commissaire, le conseil est conscient que la mise en place d'un commissaire aux plaintes ne lèvera pas toutes les barrières limitant l'accès aux professions des personnes immigrantes qui représentent des atouts précieux pour le développement économique du Québec. Il importe que l'ensemble des acteurs concernés collaborent à cette initiative et suivent, le cas échéant, les recommandations du commissaire. Pour ce faire, en plus des fonctions du commissaire prévues au projet de loi, le conseil recommande d'ajouter les fonctions suivantes: alors, la fonction de conseiller la ministre de la Justice et les autres ministères et organismes gouvernementaux concernés, les organismes communautaires, les collèges, les universités et les ordres professionnels en matière de mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles; et, deuxièmement, la fonction de faire rapport annuellement à la ministre de la Justice et de le rendre public. Florence pourrait vous en parler plus étroitement, de son expérience, et dans quel sens nous apportons ces recommandations.
En termes de reddition de comptes, le conseil n'est pas favorable à l'idée que le commissaire fasse rapport de ses activités au président de l'office. Il importe que le commissaire dispose d'un pouvoir de recommandation auprès de la ministre responsable de l'application des lois professionnelles, en l'occurrence la ministre de la Justice, et non pas auprès du président de l'office. Ceci lui donnera plus de crédibilité ou de légitimité lors de ses enquêtes auprès des différents ordres professionnels, et ce, dans un souci de transparence.
Le projet de loi devrait aussi préciser les éléments sur lesquels le rapport devrait porter. Il devrait inclure des informations pertinentes visant à aiguiller et à donner une vision d'ensemble à l'office dans ses interventions auprès de ses membres. Il pourrait notamment comprendre les profils des plaignants, les motifs des plaintes reçues, le nombre de plaintes reçues, les ordres visés, les types de recommandations émises, le suivi accordé par les ordres professionnels sur ces recommandations.
Mentionnons que le bureau du Commissaire à l'équité de l'Ontario, qui traite de la reconnaissance des compétences professionnelles des personnes formées à l'étranger, rend annuellement compte de ses activités au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Ainsi, le conseil recommande que l'article 6 du projet de loi introduisant l'article 16.17 au Code des professions soit modifié de sorte que le commissaire fasse rapport à la ministre de la Justice et que ce rapport contienne les éléments pertinents sur les plaintes et les décisions rendues.
En ce qui concerne la formation d'appoint, par ailleurs le projet de loi fait valoir à juste titre l'importance de la collaboration avec le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport relativement aux mesures appropriées sur les formations d'appoint. Cependant, il ne faudrait pas que cela devienne une pratique systématique laissant croire que toutes les personnes formées à l'étranger ont des carences en termes de formation. À cet égard, le commissaire devrait aussi examiner les problématiques de reconnaissance des diplômes et des compétences par les collèges et les universités. Les ordres posent problème, et les institutions d'enseignement aussi parce qu'elles ont chacune leurs propres critères. Le commissaire devrait donc avoir le pouvoir d'analyser les plaintes concernant la reconnaissance des diplômes visant les collèges et les universités. Par conséquent, le conseil recommande l'ajout d'un article en ce sens au projet de loi.
En ce qui concerne l'article 6, il recommande aussi que l'article 6 du projet de loi introduisant l'article 16.10 au Code des professions soit modifié afin que des plaintes puissent aussi être déposées par une tierce partie, plusieurs personnes ou un regroupement. Cela pourrait permettre de mieux établir quelles sont les barrières systémiques au regard de la reconnaissance des compétences professionnelles.
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(15 h 30)
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En ce qui concerne les renseignements aux plaignants, aussi le conseil recommande que le projet de loi soit modifié par l'insertion d'un article mentionnant que le commissaire devrait également informer tout plaignant des autres instances concernant sa plainte et des délais impartis afin que le plaignant puisse agir rapidement si nécessaire. Il devrait également l'informer sur la recevabilité de la plainte.
En conclusion, le conseil salue la création d'un poste de Commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles. La révision des pratiques d'admission aux professions réglementées par une instance externe offrira une garantie d'impartialité et de transparence pour les personnes immigrantes qui en font la demande. Je vous remercie.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, je vais permettre aux parlementaires de vous poser des questions. Mais, avant même, j'aimerais juste qu'on s'entende sur la procédure. Je vais vous en proposer une: 25-25 minutes chacun, compte tenu que la deuxième opposition semble ne pas être présente actuellement. Et on fait des petits blocs de 10 minutes, à moins que vous désiriez procéder dans un bloc tout d'un bout de 25 minutes. C'est à vous à... Moi, je vous suggère le 10 minutes parce que ça donne un peu plus de... ça vous permet, chacun, d'intervenir puis ça vous permet aussi d'intervenir sur chacune des questions. Des fois, on est inspiré par l'opposition ou on est inspiré par la partie gouvernementale.
M. Ouimet: ...également, M. le Président...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui.
M. Ouimet: ...d'avoir des échanges et puis s'enrichir des propos de nos collègues.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, du côté de l'opposition, est-ce que ça vous va que le parti ministériel s'enrichisse de vos propos?
Mme Beaudoin (Mirabel): Non, ça va.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. J'en étais convaincu. Donc, nous en sommes à la période d'échange. Mme la ministre, pour une période d'échange... les 10 premières minutes.
Mme Weil: Oui. Bonjour. Alors, merci beaucoup. C'est un plaisir de vous avoir ici pour nous permettre d'enrichir et de bonifier ce projet de loi. Alors, évidemment, il y a beaucoup de questions. Peut-être une question par rapport à votre crainte qu'il n'y a pas assez d'indépendance pour le commissaire, et vous proposez donc que le commissaire soit nommé par le gouvernement comme les membres du conseil d'administration. En quoi pensez-vous que ça va le rendre plus indépendant? C'est quoi, votre crainte, là? Et, par rapport à une mission d'un conseil d'administration qui est évidemment la mission entière de l'office, c'est-à-dire concernant tous les ordres professionnels, là on parle vraiment d'un mandat très spécifique, hein, celui du Commissaire aux plaintes, ce n'est pas comme un membre de conseil d'administration qui a un mandat beaucoup plus général. Donc, peut-être vous entendre un peu plus là-dessus.
Mme Rimok (Patricia): Au conseil, nous pensons qu'il serait plus pertinent d'avoir ce commissaire être plus indépendant et rendre compte plutôt au ministre de la Justice. La raison principale, c'est que l'Office des professions travaille déjà à la surveillance, au fond, des plaintes qui peuvent être déposées par des ordres. Ceci vient compléter, en fait, son rôle en recevant, en fait, des plaintes venant des individus. L'enjeu que nous voyons ainsi, c'est que, si c'est le même personnel de l'Office des professions qui est utilisé pour faire l'analyse des dossiers puis, ensuite, le remettre au commissaire, il n'y a pas nécessairement une distance à la fois sur l'objectivité qu'on pourrait avoir sur les plaintes déposées par les individus. Et l'autre aspect, c'est de s'assurer qu'on pourrait voir au niveau du public une distance par rapport au rôle qui est conféré à l'Office des professions par rapport à celui qui serait conféré au commissaire, et de l'avoir comme membre plutôt qu'employé permettrait d'assurer cette complémentarité de choses.
Mme Weil: Oui, mais vous acceptez quand même, là, dans votre mémoire... le conseil appuie la proposition de rattacher le poste de commissaire à l'office. Donc, le fait qu'il soit au sein de l'office, ça ne vous préoccupe pas.
Mme Rimok (Patricia): Non.
Mme Weil: Donc, il peut garder sa distance tout en étant au sein, mais c'était par rapport...
Mme Rimok (Patricia): C'était la... Parce que, là, il est assujetti à la Loi de la fonction publique, ce qui fait qu'il serait employé de la fonction publique. Là, il serait...
Mme Weil: Donc, c'est ça qui vous...
Mme Rimok (Patricia): Là, il serait plutôt membre, donc ça lui permet une distance supplémentaire.
Mme Weil: D'accord. À la page 6 de votre mémoire, à la rubrique concernant la formation d'appoint, vous dites, en parlant de la collaboration avec le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport relativement aux mesures appropriées sur les formations d'appoint, qu'«il ne faudrait pas que cela devienne une pratique systématique laissant croire que toutes les personnes formées à l'étranger ont des carences en termes de formation» et que «personne ne devrait avoir à reprendre une formation déjà réalisée avec succès». Pourriez-vous nous préciser ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de «pratique systématique laissant croire que toutes les personnes formées à l'étranger ont des carences en termes de formation»?
Mme Rimok (Patricia): Je vais vous l'expliciter par un exemple concret. Florence l'a vécu. Donc, si tu veux bien expliquer comment, dans quel sens est-ce que ça vient éclairer.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Bien, allez-y, Mme Sallenave.
Mme Sallenave (Florence): Oui. Juste préciser un petit peu ma situation. Je suis immigrante, je suis Française, depuis 16 ans au Québec et j'ai donc toujours travaillé dans mon domaine de départ, c'est-à-dire le conseil aux entreprises, la psychologie industrielle, conseil aux individus. Pour des raisons de reconversion professionnelle, voici deux ans et demi, j'ai demandé, donc, mon adhésion à l'Ordre des psychologues, donc, pour être psychologue du travail et, après toutes les péripéties, en deux ans, donc, je suis passée par toutes les étapes d'analyse de mon dossier et toutes les difficultés, etc., alors que je...
Bon, je n'ai pas à cacher mon âge, hein? Ça fait 25 ans que je travaille en psychologie internationale, France et puis maintenant... et Québec depuis 16 ans. Donc, l'ordre, en fait, dans sa décision finale, m'a préconisé un retour aux études. Donc, j'ai 55 ans, ce qui fait que, bon, je suis plutôt en fin de carrière, on devrait dire, qu'en début. Donc, un retour aux études, ça, ce n'est pas trop gênant parce qu'on peut toujours apprendre, et je suis déjà retournée aux études il y a quelques années, ça m'a beaucoup servi. Mais ce qu'il m'a préconisé, c'est 800 heures d'internat en stage comme une étudiante qui sort de l'université, et ça, je vous dirais que je l'ai trouvé un petit peu difficile. Et je pourrais très bien, d'ailleurs, être... Je peux choisir mon tuteur de stage. Et imaginez un petit peu, si je voulais faire une farce un peu à l'ordre, je pourrais très bien prendre un jeune doctorant tout sorti de l'université mais qui, lui, est reconnu par l'ordre pour me servir de tuteur de stage.
Alors, ce qu'il faut savoir, donc, mon cas n'est absolument pas exceptionnel. Moi, je travaille auprès de centaines d'immigrants par année, c'est devenu mon travail principal au jour d'aujourd'hui, et il est très rare qu'un ordre donne une reconnaissance comme ça, d'emblée, si vous voulez, pratiquement toujours la décision est de suivre une formation et de suivre... ou est de suivre, de faire un stage pratique, un internat, etc. Donc, moi, dans mon cas, je me suis vraiment demandée, en fait, à quoi me servirait cet internat dans la mesure où ça fait 25 ans que je travaille dans mon domaine. Et donc on peut véritablement se poser des questions parce que, si ça devient effectivement systématique, c'est-à-dire, oui, on vous permet de, mais à condition que, je trouve ça un petit peu dommage.
Donc, vous vous doutez que j'ai abandonné ma procédure de reconnaissance à l'Ordre des psychologues, puisque, de toute façon, ces 800 heures de stage, je ne peux absolument pas les réaliser. En tant que travailleur autonome, je ne peux pas me permettre de... Donc, c'était, de toute façon, une recommandation qu'ils savaient, puisqu'ils savaient que je faisais ça parce que je devenais responsable d'une entreprise, et donc ils savaient absolument que je ne pouvais pas matériellement... matériellement, je ne pouvais pas faire ce stage en internat.
Mme Weil: Donc, votre préoccupation, ce n'est pas nécessairement que la manière que l'article est rédigé mène à ça, c'est juste votre crainte que, dans la pratique... C'est ça?
Mme Sallenave (Florence): Oui, parce que c'est déjà le cas actuellement.
Mme Weil: Donc, ce n'est pas que vous proposez peut-être, comment dire, proposez quelque chose qui pourrait protéger contre ça, c'est juste d'être bien conscient que c'est possiblement une problématique, de veiller à ça un peu.
Mme Sallenave (Florence): Exactement.
Mme Weil: Et évidemment que le Commissaire aux plaintes soit aussi... C'est un peu son rôle, hein, finalement? Le rôle du Commissaire aux plaintes, c'est de faire rapport sur tout ce qu'il va observer, ou elle.
Mme Rimok (Patricia): Pardon, si je pourrais juste rajouter, le fait que ces formations d'appoint qui seraient proposées... En même temps, il faudrait s'assurer que la reconnaissance de ces compétences se fasse déjà, au départ, dans le pays d'origine. Dans le cas du traitement qui a été évalué, dans le cas de Florence, par exemple ? et c'est représentatif de plusieurs autres qui se plaignent de la manière dont les traitements sont faits ? c'est qu'on ne regarde absolument pas l'expérience de travail ou la... ou presque, à la limite, la diplomation qui s'est faite dans le pays d'origine. Donc, toute cette expérience et tout ce bassin de compétences qui est là n'est pas nécessairement regardé quand il y a cette évaluation qui se fait. Alors, c'était un peu son cas et c'est ce qu'on a voulu expliquer.
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(15 h 40)
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Mme Weil: À la page 6 de votre mémoire, dans la rubrique concernant la formation d'appoint, vous dites également que «le commissaire devrait aussi examiner les problématiques de reconnaissance des diplômes et des compétences par les collèges et les universités». Vous ajoutez que «les ordres posent problème, mais les institutions d'enseignement aussi parce qu'elles ont chacune leurs propres critères. Vous concluez que «le commissaire devrait donc avoir le pouvoir d'analyser les plaintes concernant la reconnaissance des diplômes visant les collèges et les universités».
Pourriez-vous nous préciser ce que vous voulez dire lorsque vous parlez d'analyser les plaintes concernant la reconnaissance des diplômes visant les collèges et les universités spécifiquement?
Mme Rimok (Patricia): Oui. Alors, vous avez plusieurs collèges, universités qui n'ont pas nécessairement la même évaluation sur les compétences ou la diplomation. L'immigrant, quand il arrive ici, il ne le sait peut-être pas. Donc, il se retrouve à avoir des reconnaissances d'universités différentes d'un autre collège ou une autre université, ce qui ne lui permet pas toujours de comprendre à la fois comment le système fonctionne et à quoi il devrait s'en tenir au niveau des évaluations qui sont faites. Donc, il serait pertinent de s'assurer que ce n'est pas juste au niveau de l'ordre, mais c'est aussi au niveau des établissements de s'assurer qu'il y aurait peut-être une plus grande uniformité ou une standardisation qui se fait aussi au niveau de ces évaluations.
Mme Weil: Peut-être une question vraiment d'ordre général, un peu le rôle... Pour parler généralement de la vision derrière cette notion de Commissaire aux plaintes et l'idée de s'assurer qu'on ait une plus rapide intégration de ces professionnels venus d'ailleurs, quel rôle pensez-vous que vous... ou avez-vous l'intention de jouer par rapport à ce système de reconnaissance, généralement?
Mme Rimok (Patricia): Ah! vous nous invitez à avoir un rôle? On serait très contents de savoir qu'on aurait un rôle.
Mme Weil: Voyez-vous que vous avez un rôle? Voyez-vous que vous avez un rôle?
Mme Rimok (Patricia): Bien, vous savez, nous, au niveau du conseil, on reste plutôt macro, on n'est pas des spécialistes non plus du traitement qui est accordé par individu et tous les ordres, etc., qui sont là. Donc, on a plutôt une vision de comment l'immigration, les immigrants en général perçoivent le système qui est en place. Mais, si on avait un rôle à jouer, ce serait de peut-être regrouper l'ensemble des acteurs qui sont concernés par la reconnaissance des compétences professionnelles au Québec. On aurait rajouté aussi les métiers contingentés aussi à la démarche, et il aurait été intéressant de garder, au fond, ces acteurs, en fait, si je peux dire, actifs dans l'ensemble des actions qui sont portées par rapport aux plaintes qui auraient été déposées à date. C'est-à-dire que, chaque année, sur le nombre, je ne sais pas, moi, de plaintes déposées, on pourrait examiner, en fait, l'ensemble des décisions qui ont été prises et des recommandations qui ont été faites par le commissaire et mettre de l'avant peut-être des propositions pour mieux arrimer ou mieux cerner les difficultés qui soient faites avec l'ensemble des acteurs concernés.
Alors, un coup, ça peut être des ordres qui sont rattachés, par exemple, à un secteur comme la santé. À un autre moment, ça peut être des professions qui sont rattachées au secteur, je ne sais pas, moi, juridique ou autre, ou engineering. Ce sont des éléments qui sont différents et qui sont amenés à, peut-être, arrimer auprès des différents acteurs. Les équivalences qui sont faites, par exemple, au ministère de l'Immigration ne sont pas nécessairement reconnues par certains ordres, ne sont pas nécessairement reconnues par d'autres universités. Donc, il n'y pas nécessairement de grande uniformité ou d'arrimage entre ces reconnaissances. Il y aurait cet aspect-là en termes de coordination.
L'autre aspect, c'est qu'on n'est pas très sûrs... c'est sur, en fait, l'apport exact que ce commissaire pourrait avoir à terme si les recommandations qu'il fait auprès des ordres ne sont pas nécessairement reprises par ces ordres parce que ça occasionne peut-être des coûts supplémentaires de mise à niveau, etc. Donc, ce serait de regarder aussi ces aspects-là parce que ça... imaginer toutes les recommandations qui sont faites à chacun des ordres pour mettre à niveau tous les processus qui devraient être en place et de regarder si l'ensemble des biais systémiques sont là ou pas là ne viendrait pas nécessairement établir des bases très claires sur, finalement, le traitement ou la connaissance qu'il faut avoir au niveau du traitement des compétences.
Alors, pour vous donner un exemple, en France, par exemple, la reconnaissance des compétences est faite beaucoup plus au niveau de l'entreprise. Et l'entreprise joue un grand rôle dans sa capacité de reconnaître ces compétences, et donc il y a une décentralisation au niveau des professions, au niveau du secteur privé, alors qu'ici il y a plus une centralisation de ces compétences-là, et je ne suis pas sûre... et c'est un grand travail pour le commissaire de voir quelles sont les... l'uniformité des compétences qui pourraient exister dans tous les ordres et à une échelle macro pour s'assurer qu'en bout de ligne l'intégration des personnes immigrantes au marché du travail se fasse d'une façon un petit peu plus fluide parce qu'en bout de ligne, nous, ce qui nous intéresse, c'est le résultat, c'est que ces personnes se retrouvent le plus rapidement possible en emploi.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Rimok. Nous allons céder la parole à l'opposition. Nous aurons l'occasion d'y revenir. M. le député de Marquette, je ne vous oublie pas au retour pour votre 10 minutes. Donc, Mme la députée de Mirabel.
Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. Mme Rimok, Mme Sallenave ? c'est comme ça qu'on le prononce? ? alors bienvenue et merci pour la présentation de votre mémoire et de l'intérêt que vous portez à ce projet de loi, qui est très important.
Dans votre mémoire, à la page 3, vous précisez que, en attribuant la fonction de vérifier le fonctionnement des divers mécanismes mis en place au sein de l'ordre en application du Code des professions, le Commissaire aux plaintes pourra dès lors se pencher de façon approfondie sur l'efficacité des mécanismes et l'absence d'éléments discriminatoires.
La question que je me pose, c'est, au regard du projet de loi, les pouvoirs du commissaire, en réalité, sont extrêmement limités. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec ça, mais en quoi, selon le Conseil des relations interculturelles, ce poste de commissaire permettra véritablement d'arriver à une absence d'éléments discriminatoires? J'aimerais vous entendre à ce sujet-là.
M. Rimok (Patricia): Je pense que c'est un début, mais ce n'est pas une fin en soi. La première chose que ce commissaire, à notre avis, aura à déterminer ou, en fait, à colliger, si je peux dire, c'est qu'il va devenir un expert sur l'examen, en fait, de l'ensemble des biais possibles dans les processus et mécanismes de reconnaissance. Donc, ce côté-là, il me semble que c'est correct. Donc, on va avoir à un certain moment... s'il en fait rapport et que son rapport est assez étoffé, on va être capables de voir où se trouvent vraiment les difficultés de reconnaissance à la fois dans le traitement et dans les mécanismes qui sont mis en place pour... ou les mécanismes de processus qui sont mis en place.
Je vous donne un exemple. Une traductrice qui vient de France, qui parle parfaitement français, qui l'écrit parfaitement, fait son examen auprès de l'ordre des traducteurs et se voit refoulée pas parce que, techniquement, elle ne sait pas écrire le français, pas, techniquement, parce qu'elle ne le parle pas assez bien, pas, techniquement, parce qu'elle n'aurait pas la capacité, finalement, de traiter le dossier, mais c'est la terminologie qu'elle utilise qui n'est pas celle qui est utilisée ici. Qu'est-ce qu'on fait avec quelqu'un comme ça? Si cette madame ? et c'est un cas réel ? dépose une plainte au commissaire, est-ce que le commissaire va considérer les mécanismes, ou est-ce qu'il va considérer le traitement, ou est-ce qu'il va demander à l'ordre en particulier de mettre à sa disposition, je ne sais pas, moi, des mises à niveau qui lui permettraient de comprendre le lexique ou la terminologie ici, qui pourraient durer peut-être, je ne sais pas, moi, une ou deux semaines ou trois semaines et non pas nécessairement la renvoyer à refaire tout un parcours universitaire? Alors, ce serait un peu l'exemple que...
Donc, au début, oui, c'est bien pour regarder si, effectivement, ce genre d'exemple ne ressort pas. Et la deuxième partie, ce qui est peut-être plus difficile, c'est que les ordres suivent les changements de ces recommandations si ça demande des financements importants pour pouvoir les mettre à niveau. Alors, ce seraient un peu les éléments. Mais je ne suis pas sûre qu'on pourrait se dédouaner d'avoir ce commissaire au départ, je pense qu'il est important de l'avoir. Et, pour pouvoir compléter le reste, ça demanderait une coordination de l'ensemble des acteurs qui travaillent étroitement ensemble, quitte à faire un comité interministériel sur ces questions-là.
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(15 h 50)
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Mme Beaudoin (Mirabel): À la page 4 de votre mémoire, vous proposez que le commissaire ne soit pas le seul à faire ce travail. Vous proposez d'ailleurs qu'il soit «entouré d'un personnel ayant, notamment, des connaissances et des compétences en matière d'immigration, de relations interculturelles et de connaissances de différents ordres». J'aimerais vous entendre à ce sujet-là et d'élaborer votre position.
Mme Rimok (Patricia): Si on revient sur, en fait, la proposition de s'assurer que l'ensemble des acteurs concernés fassent partie, au fond, de la chaîne d'évaluation qui soit faite surtout après rapport, ce serait un élément. Le secrétariat de cet office permettrait, à la limite, de séparer ce que l'Office des professions fait dans son quotidien par rapport au traitement et, disons, à l'évaluation qui peut être faite sur les plaintes qui sont déposées par des individus ou des plaintes qui sont déposées en collectif. Donc, ceci viendrait compléter et distancer l'analyse et assister le Commissaire aux plaintes à faire ce travail. Donc, pour nous, un, c'est le secrétariat, c'est le commissaire qui renvoie pas juste au président de l'Office des professions, mais aussi au ministre de la Justice et aussi à l'ensemble des acteurs qui, quelque part, font de l'évaluation d'une certaine manière ou pas, comme, par exemple, le MICC le fait, comme les établissements scolaires le font, comme éventuellement le ministère de l'Éducation va le faire dans les formations de mise à niveau. C'est une chaîne. Si on ne travaille que sur les biais et qu'on ne travaille, à la limite, que sur les ordres, alors que vous avez aussi des métiers contingentés qui représentent un autre 185 000 et quelques travailleurs, je ne suis pas sûre qu'on fasse... en fin de parcours, je ne suis pas sûre qu'on règle tous ces éléments-là en même temps.
C'est pour ça que je pense que le commissaire, c'est important, c'est un début, mais il ne faut pas oublier qu'il faut qu'il soit rattaché à l'ensemble des autres chaînes d'acteurs qui sont partie prenante et qui sont des acteurs clés pour assurer que ce soit plus fluide.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme la députée de Mirabel.
Mme Beaudoin (Mirabel): Je laisserais la parole à mon collègue.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. M. le député de Vachon.
M. Bouchard: Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Bonjour, madame. Vous soulevez en page 6 ? et vous venez de le mentionner ? la possibilité que l'article 6, qui introduit l'article 16.10, soit modifié afin qu'on puisse y recevoir des plaintes de type collectif ou d'une partie tierce. Alors, je vais vous exposer un problème, une situation qui est à la fois réelle puis qui peut être théorique en même temps. Il y a un taux de chômage important, par exemple, dans la communauté maghrébine qui oscille autour de 30 % depuis longtemps. Comment votre proposition viendrait-elle améliorer leur capacité de plainte au sujet, par exemple, d'une situation qui est collective? Comment la plainte pourrait-elle être formulée? Quelle sorte d'éléments ou d'arguments pourraient être soumis au commissaire? Et comment le commissaire serait-il à la fois obligé, un, et, deux, outillé pour faire un travail d'analyse systémique?
Mme Rimok (Patricia): Je ne sais pas si, nécessairement, on devrait l'accrocher à une communauté en particulier.
M. Bouchard: Non, je pose la question à partir d'une communauté en particulier pour bien illustrer le propos, mais vous pouvez choisir la communauté que vous voulez. Sauf que voilà un cas réel.
Mme Rimok (Patricia): O.K. D'accord. En fait, c'est dans le sens de choisir une communauté comme étant ce que, nous, on considère être une plainte en collectif. Ce n'est pas tellement dans ce sens-là qu'on voulait amener ce point-là, c'était beaucoup plus le collectif d'avoir des individus qui font partie du même ordre, par exemple, qui se retrouvent... enfin, qui souhaitent faire partie du même ordre, qui ont de la difficulté à l'être parce que, collectivement, ils se butent aux mêmes problèmes de processus. Donc, ce n'est pas nécessairement raccroché à une communauté, c'est raccroché à des individus qui se retrouvent aux prises avec... collectivement au processus au même ordre. Donc, est-ce que la question reste pertinente pour vous de dire dans quel sens?
M. Bouchard: Oui, mais...
Mme Rimok (Patricia): C'est parce que, si, en collectif, on retrouve... Alors, imaginez des individus qui viennent de partout dans le monde et qui souhaitent, je ne sais pas, moi, faire partie de l'Ordre des architectes ? j'invente, là, l'ordre en particulier ? bien ça nous permettrait de voir si, en fait, le problème, il est beaucoup plus basé sur le parcours et de la reconnaissance des compétences de ces individus ou qu'il soit plus accroché au processus ou aux mécanismes de reconnaissance des compétences que l'ordre a mis en place, qui ne sont peut-être pas soit suffisants, soit n'ont pas pris en compte un certain nombre de choses qui auraient pu probablement les aider à finir leur, disons, leur processus de reconnaissance. Alors, c'était plutôt dans ce sens-là que la possibilité de plainte en collectif se faisait.
Je peux vous donner un autre exemple qui n'a rien à voir avec la reconnaissance des compétences, mais c'est, par exemple, quand la Commission des droits de l'Ontario, contextuellement, considère que, si le profilage racial dans une ville est cumulé et se regroupe toujours vers un certain groupe d'individus, qu'on pourrait contextuellement considérer que, peut-être, il y a des éléments dans le processus de profilage qui fait défaut dans le système. Donc, c'est plutôt dans ce sens-là que la plainte en collectif était considérée comme pertinente.
M. Bouchard: Bon. Alors, moi, j'entends bien ce que vous dites, là, et votre proposition ne manque pas d'intérêt. Cependant, ce que vous ajoutez par vos commentaires à ma question, c'est qu'il s'agit d'une représentation collective ou de tierce partie qui pourrait porter plainte au sujet d'une profession ou d'un type de formation à propos d'un ordre professionnel spécifique.
Mme Rimok (Patricia): Oui.
M. Bouchard: O.K. Si bien que, dans votre esprit, les biais de discrimination n'entreraient pas dans une analyse qui serait portée devant le commissaire. Le biais de discrimination sur, par exemple, la provenance, l'origine culturelle des personnes, par exemple.
Mme Rimok (Patricia): Il pourrait si, dans le rapport final du commissaire, qu'il y aurait, disons, une surcharge, si je peux dire...
M. Bouchard: Une surreprésentation.
Mme Rimok (Patricia): ...surreprésentation de certains individus venant d'un certain bassin.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...c'est tout le temps dont nous disposons, mais nous y reviendrons, M. le député de Vachon. Mme la ministre, est-ce que vous vouliez compléter avant que je cède la parole au député de Marquette?
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(16 heures)
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Mme Weil: Bien, j'avais aussi... je voulais juste creuser cette question de tierce partie. Évidemment, la manière, et je trouve ça intéressant aussi, la manière... Quand on regarde la manière que c'est rédigé, on parle d'une personne qui peut déposer une plainte par rapport à des mécanismes. Le langage ne spécifie pas nécessairement qu'il y a un intérêt particulier. Le langage est quand même assez ouvert parce que je pense que... Finalement, on pourrait imaginer une situation où plusieurs ? comme un peu le scénario ou la situation évoquée par le député de Vachon ? plusieurs personnes sont en train de vivre un peu le même problème, et tout le monde dépose une plainte. D'ailleurs, ce serait peut-être, à quelque part, aidant parce que c'est là que le commissaire va voir: Il y a vraiment un problème ici. Donc, dans un premier temps, on a voulu qu'on examine les mécanismes. Peut-être qu'il y a lieu de peaufiner puis de le renforcer dans ce sens-là, mais, a priori, il n'y a rien qui empêcherait... Il faut le voir.
En tout cas, j'apprécie la question parce que je pense que ce que vous faites, vous êtes en train d'identifier comment peut-on aller chercher un état de situation puis d'amener éventuellement des correctifs. Donc, vous, dans votre vision, un peu la vision qu'on avait du rôle de ce commissaire, ce serait que ce commissaire va être dans une position de développer une expertise. Donc, vous trouvez que c'est utile à ce niveau-là. Vous trouvez que peut-être qu'il n'a pas assez d'indépendance, vous aimeriez que ses pouvoirs soient renforcés.
Mais, ceci étant dit, le fait que ce commissaire existe, et là c'est quelqu'un qui va développer une expertise, j'aimerais vous entendre un peu et puis... Donc, moi, la façon que je voyais ça, c'est qu'il fait un rapport, un rapport qui est déposé, et la ministre ou le ministre qui aura ce rapport éventuellement, c'est déposé au gouvernement, et de voir comment vous voyez ce processus. C'est sûr que, les dispositions là, on pourrait peut-être trouver des façons de renforcer cette notion d'alimenter justement un système qui ferait en sorte que... s'il y a des corrections à apporter, comment on pourrait les faire. C'est un peu ce que voyez, dans un premier temps, le rôle qu'il pourrait jouer.
Mme Rimok (Patricia): Oui, effectivement...
Mme Weil: Il ou elle.
Mme Rimok (Patricia): Oui, il ou elle, oui. Il ou elle, oui. Je pense que c'est la qualité du rapport qui va faire toute la différence, et sur, en fait, ce qu'on décide de prendre comme collecte de données. Quand M. le député de Vachon parlait de la... enfin, bien, expliquait un peu le... disons, une personne par rapport à un mécanisme, par rapport à un ordre, et que, nous, on pourrait y voir éventuellement s'il y a surreprésentation d'un groupe en particulier aussi qui est à rattacher à ça, ce sera quelque chose qui se fera dans le rapport final, un peu pour voir si l'origine ethnique ou nationale fait partie d'un biais systémique ou pas. Ça ne veut pas dire qu'il l'est au départ, mais peut-être, peut-être qu'il pourrait l'être à la fin. Et ça pourrait aussi nous indiquer, par exemple, si la formation qui provient, par exemple, de certains bassins fait toujours défaut par rapport à la reconnaissance des compétences qu'on se retrouve à avoir ici. Donc, ça permettrait aussi de distinguer cette partie-là aussi.
Mais, encore une fois, nous sommes macro, nous n'avons pas l'expertise spécifique pour chaque ordre et de savoir... de présupposer savoir toutes les problématiques qui viennent se rattacher à ces mécanismes et ce processus. Ce qu'on vous dit d'une manière macro et par rapport à certaines personnes qui sont venues au conseil, notamment, par exemple, l'exemple de la traductrice, l'exemple de quelqu'un qui a travaillé depuis 25 ans dans ce métier-là dans son pays d'origine, alors que, quelque part, on a aussi dit qu'on fait une entente Québec-France, hein, donc il faut faire attention sur l'expérience parce que, si la reconnaissance des compétences est beaucoup plus basée sur les diplômes, bien comment est-ce qu'on va faire pour reconnaître l'expérience de ces personnes dans le pays d'origine si ça fait comme 20 ans ou 30 ans qu'ils l'ont fait?
Alors, c'est peu ces questions-là qu'on peut poser, et, bien sûr, on est conscients que ce commissaire ne peut pas tout savoir et tout avoir, et puis que c'est pour ça qu'on vous suggère de lui donner une structure légère, pas beaucoup, mais un secrétariat suffisant pour soutenir et supporter son travail d'analyse, et qu'on aurait souhaité idéalement qu'il soit un petit peu plus indépendant que l'Office des professions en tant qu'employé. C'est juste si possible.
Mme Weil: Ça va pour moi.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va, Mme la ministre? M. le député de Marquette, pour cinq minutes.
M. Ouimet: Bien, merci, M. le Président. Dans un premier temps, je salue tous les collègues autour de la table, Mme Remok et Mme Sallenave, que je connais très bien, qui oeuvre sur le territoire à la fois du comté de Marquette et de Marguerite-Bourgeoys, qui fait un excellent travail au sein d'un organisme communautaire. On a eu le plaisir de travailler ensemble à plusieurs reprises, donc, moi, ça me fait plaisir de vous saluer. Je n'étais pas au courant de votre expérience personnelle que vous avez relatée, mais j'aurais aimé... Dans la présentation de Mme Remok, bon, vous avez parlé d'éléments de discrimination systémique, de barrières systémiques, de biais systémiques, pourriez-vous l'illustrer davantage? Pourriez-vous peut-être décrire davantage... On a eu, bon, le cas de Mme Sallenave, mais, au niveau de votre conseil, comment est-ce que vous en arrivez à faire ce qu'on entend? On l'entend très bien, mais basé sur quoi? Illustrez-le et parlez-nous-en davantage.
Mme Rimok (Patricia): Alors, des biais systémiques, ce sera peut-être au commissaire de nous les faire ressortir, mais ça pourrait être dans le traitement de l'évaluation. C'est-à-dire on pourrait considérer, par exemple, que les diplômes qui ont été obtenus dans un pays en particulier ne soient pas suffisamment reconnus ici. Les raisons qui seraient invoquées pourraient ne pas être vraiment, disons, suffisamment éclairées sur les raisons qui sont données. Ou peut-être une absence de raisons qui sont données suite à un traitement qui est fait, donc la personne reste un peu dans le néant. Donc, ça peut être aussi dans les réponses qui sont données ou les explications qui sont données sur la manière dont l'ordre a rendu son jugement.
Ça pourrait être aussi sur la façon dont on décide de traiter le dossier. Il y a certains ordres qui vont faire des examens d'équivalence, il y en a d'autres qui vont mettre en place des comités d'évaluation. Donc, ce n'est pas tout à fait la même chose. On pourrait considérer qu'un comité, c'est plus subjectif que peut-être un examen, surtout s'il est à choix multiples ou je ne sais pas, on ne connaît pas l'ensemble des examens. Mais, s'il y a une variance très importante sur la manière dont les évaluations sont faites, l'immigrant pourrait considérer ça comme un biais discriminatoire en sa défaveur, par exemple. Ou si on lui dit: Bon, il te manquerait, je ne sais pas, moi, 300 heures, ou 600 heures, ou deux ans de ci, ou trois ans de ça, mais que ces formations ne sont pas là, là on vient de corriger un petit peu le tir sur cette question-là, puisqu'on fait une entente avec le ministère de l'Éducation. Mais, s'il n'y a pas de mécanisme pour, finalement, assurer que la personne peut finaliser son évaluation parce qu'on lui permet d'avoir l'accès égal à ce traitement, bien ça pourrait être considéré comme un biais systémique dans le système qui est en place. Ce serait un peu ces exemples.
M. Ouimet: Et est-ce que le rôle et le travail du Commissaire aux plaintes pourraient avoir comme effet de davantage uniformiser les pratiques au niveau de l'ensemble des ordres professionnels? Est-ce que c'est ce que...
Mme Rimok (Patricia): Ce serait l'idéal. Ce n'est pas évident, mais ce serait l'idéal.
M. Ouimet: Très bien. Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci beaucoup, M. le député de Marquette. Mme la députée de Mirabel.
Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. Puisque vous vous démarquez, là, dans votre mémoire concernant les plaintes collectives, j'aurais d'autres questions concernant ça. Vous proposez, vous dites que vous voulez un amendement. Ça, c'est à la page 8 qui dit: «La modification de l'article 6 du projet de loi introduisant l'article 16.10 au Code des professions afin que des plaintes puissent aussi être déposées par une tierce partie, plusieurs personnes ou un regroupement.» J'aimerais savoir quel est le rôle du Commissaire aux plaintes par rapport à ce que vous proposez.
Puis ma deuxième question, j'aimerais ça savoir si le processus que vous suggérez, là, ça ressemble à un recours collectif, là. Est-ce qu'il y a des coûts reliés à ça? De quelle façon vous envisagez tout ça?
M. Rimok (Patricia): Ah! c'est une bonne question sur les coûts. Je ne pense pas que les coûts soient nécessairement supplémentaires si un collectif s'est adressé particulièrement à un ordre. Si le nombre de personnes absolu en collectif se retrouvent à avoir la même nature de plainte par rapport à un ordre, ça viendrait simplement mieux expliciter les problématiques qui sont ramenées aux mécanismes que cet ordre-là a mis en place. Donc, au contraire, ça viendrait plutôt l'expliciter peut-être plus rapidement. Donc, dans ce sens-là, je n'y vois pas nécessairement de coûts supplémentaires au-delà du traitement peut-être que ça prendrait pour analyser chaque dossier, et, de là, c'est pour ça que le commissaire, quelque part, devrait avoir un secrétariat. Mais c'est une fonction qu'on considère ne pas être quelque chose qui sera fait très fréquemment. C'est difficile d'aller chercher en collectif tout un regroupement qui va venir critiquer ou enfin... ou ramener à l'ordre un processus ou un mécanisme de l'ordre, mais ça pourrait arriver.
Mme Beaudoin (Mirabel): J'aimerais vous entendre également concernant les délais. Qu'est-ce que vous suggérez?
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(16 h 10)
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M. Rimok (Patricia): Alors, pour les délais... C'est parce qu'ici il n'y a pas nécessairement d'appel, hein, de recours d'appel dans ce projet de loi. Ça avait été évoqué par certains groupes qui nous ont manifesté leur intérêt à avoir un appel là-dessus. Ce qu'on propose pour être plus simples et pour être efficaces, c'est simplement d'assurer que nous sommes capables d'avoir une assez bonne idée sur les mécanismes qui sont mis en place. En termes de mécanismes sur la question, disons, de la... voyons, j'ai perdu mon...
Une voix: ...
Mme Rimok (Patricia): Oui, des délais, c'est que les... il y a des personnes qui pourraient se plaindre auprès de la Commission des droits de la personne pour des raisons de discrimination. Si, suite à la décision du Commissaire, par exemple, aux plaintes qui donnerait, disons, gain de cause au plaignant et que... Disons que l'ordre, pour des raisons x, y, z, ne peut pas suivre la recommandation du commissaire, le plaignant pourrait aller à la Commission des droits de la personne pour déposer la même plainte pour des raisons de discrimination. Si elle dépose cette plainte-là, elle peut aller jusqu'à un tribunal administratif, alors que ce n'est pas nécessairement le cas quand elle le fait auprès du Commissaire aux plaintes. Mais, pour qu'il le fasse, il faut qu'il le fasse à l'intérieur des deux ans, suite au dépôt qu'il fait au Commissaire des plaintes, ou il peut le faire en même temps. Donc, il aurait des recours sans avoir à y mettre nécessairement à une autre instance pour recours si toutefois le plaignant considère que le commissaire n'a pas jugé favorablement sa plainte.
Mme Beaudoin (Mirabel): Dans un autre ordre d'idées, pensez-vous que le Commissaire aux plaintes doive avoir le pouvoir de remettre en cause, voire même d'annuler, la décision prise par un ordre professionnel vis-à-vis de tel ou tel candidat ou candidate?
Mme Rimok (Patricia): Ça va dépendre beaucoup de la plainte déposée, de la nature de la plainte déposée. On n'a pas d'opinion nécessairement là-dessus, on n'est pas suffisamment éclairés sur la nature des plaintes qui pourraient être déposées pour répondre.
Mme Beaudoin (Mirabel): Vous souhaitez également que les fonctions dévolues au commissaire soient élargies. J'aimerais vous entendre sur ça. Est-ce que vous pensez que le projet de loi actuel... les fonctions sont trop limitées pour assurer une véritable indépendance du commissaire?
Mme Rimok (Patricia): Dans le projet de loi, ce qui est explicité, c'est la relation qui existe entre le Commissaire aux plaintes et le président de l'Office des professions, beaucoup moins sa relation avec, disons, le ministre de la Justice ou les autres ministères concernés par ces questions-là. Donc, c'est un peu dans ce sens-là qu'on aurait souhaité un élargissement ou avoir la capacité de conseiller... que ce commissaire ait la capacité de conseiller aussi l'ensemble des intervenants responsables de ces mécanismes-là.
Mme Beaudoin (Mirabel): Est-ce que vous pensez que le Commissaire aux plaintes devrait être complètement indépendant de l'Office des professions du Québec pour une véritable impartialité en matière de jugements?
Mme Rimok (Patricia): On considère qu'il est suffisant qu'il soit quand même rattaché à l'Office des professions mais qu'il le soit au niveau du conseil d'administration et qu'il ne soit pas nécessairement assujetti à la Loi sur la fonction publique pour pouvoir exercer son rôle pleinement.
Mme Beaudoin (Mirabel): Puis est-ce que vous pensez que, dans sa version actuelle, le projet de loi répond aux attentes d'impartialité dont devrait faire preuve un commissaire?
Mme Rimok (Patricia): Oui, je pense que c'est correct. Comme je l'ai dit, c'est un bon début, mais il va falloir voir la suite des choses par rapport au rapport qui sera déposé.
Mme Beaudoin (Mirabel): J'aimerais revenir à la page 3 de votre mémoire. Vous prétendez que le conseil appuie la proposition de rattacher le poste de commissaire à l'Office des professions du Québec. J'aimerais que vous puissiez élaborer un peu plus là-dessus et nous dire en quoi cela est une bonne proposition pour vous.
Mme Rimok (Patricia): Qu'il soit rattaché à l'Office des professions?
Mme Beaudoin (Mirabel): Oui.
Mme Rimok (Patricia): Bien, l'Office des professions fait déjà un travail de surveillance et de protection. Maintenant, il pourra le faire aussi auprès des individus. Donc, qu'il soit rattaché là, il n'y a aucun problème. Qu'il soit leur employé et qu'il réponde au président, c'est plutôt là où on a un problème de distance et de transparence. Donc, pour nous, il n'y a aucun problème. Au contraire, c'est un complément, puis ça va exercer à la fois une meilleure expertise pour les deux, qui vont se complémenter mais qui pourront quand même avoir une certaine distance pour garder une transparence et une objectivité.
Mme Beaudoin (Mirabel): Dans un autre ordre d'idées également, pensez-vous que l'étude des dossiers des candidats doive se faire lorsque le candidat est encore dans un pays d'origine, et non pas une fois arrivé ici?
Mme Rimok (Patricia): Alors là, c'est une question intéressante parce que, souvent, la reconnaissance de ces compétences professionnelles se fait sans la rencontre des individus, même quand ils sont ici. Donc, ça se fait déjà. Est-ce que c'est bien? Il y en a qui vont vous dire: Ce n'est pas bien, mais certainement une partie pourrait se faire, et puis peut-être que la deuxième partie pourrait se faire ici, sur place. Florence.
Mme Sallenave (Florence): C'est déjà le cas pour l'Ordre des ingénieurs, avec les ingénieurs venus de France. Quand ils arrivent ici, la plupart du temps, leur dossier... ils ont à peu près gagné, on va dire, une année au niveau de la reconnaissance avec l'Ordre des ingénieurs, puisque la grande... enfin, la grande partie du traitement de leur dossier se fait depuis la France avec l'Ordre des ingénieurs du Québec. Donc, c'est déjà le cas dans certains cas. Donc, on pourrait, pourquoi pas, l'envisager dans d'autres cas, pour d'autres ordres et d'autres origines culturelles.
Mme Beaudoin (Mirabel): Il me reste encore du temps?
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Quelques minutes.
Mme Beaudoin (Mirabel): Oui. Vous proposez également un amendement, et je le lis ici: «L'ajout d'un article au projet de loi mentionnant que le commissaire devrait informer tout plaignant sur la recevabilité de sa plainte.» Qu'est-ce que vous voulez dire exactement?
Mme Rimok (Patricia): C'est surtout pour gérer les délais. On n'a aucune idée du nombre de plaintes qui seront vraiment déposées à partir du moment où il y a un commissaire aux plaintes qui est là. Si le traitement d'un dossier prend trois ans, ou quatre ans, ou cinq ans, vous comprendrez que c'est un problème pour l'immigrant qui attend cette reconnaissance. Donc, ce serait de lui dire le plus rapidement possible si sa plainte est recevable, si elle est recevable, et lui expliquer un petit peu... si c'était possible, d'avoir une idée du temps imparti pour pouvoir répondre à sa demande parce que c'est important pour ces personnes, qui ne peuvent pas pratiquer pendant que ces dossiers-là sont évidemment en évaluation. Donc, c'est surtout pour répondre à ça. Tu veux...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme Sallenave.
Mme Sallenave (Florence): Je voulais juste rajouter que, dans mon cas, moi, ça a pris deux ans et demi, en fait, mon traitement du dossier par l'Ordre des psychologues déjà. Donc, si vous rajoutez en plus x mois de traitement à partir du moment où la plainte est déposée, c'est sûr qu'à un moment donné il va y avoir un abandon, c'est clair, donc la personne va abandonner.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Merci. Ça va, Mme la députée? Oui?
Mme Beaudoin (Mirabel): Oui...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va, oui. Merci, Mme Sallenave, Mme Rimok. Merci infiniment de vous être présentées à la commission, et je vous souhaite un bon retour chez vous.
Je vais demander, donc... je vais suspendre quelques instants et demander au Conseil interprofessionnel du Québec de bien prendre place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 16 h 19)
(Reprise à 16 h 20)
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Donc, j'ai cru comprendre que le Conseil interprofessionnel du Québec avait pris place. Bonjour, messieurs. M. Gagnon et M. Thuot, c'est bien ça?
M. Thuot (Jean-François): C'est bien ça.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vous remercie de vous être présentés à la commission. Je sais que vous étiez présents, mais, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent ? et Dieu sait qu'ils sont nombreux à cette heure ? je vous rappelle les règles, c'est une formalité. Vous avez, donc, 10 minutes de présentation, puis, de part et d'autre, du côté de l'opposition et du côté ministériel, ils auront aussi 25 minutes à vous poser des questions. Donc, sans plus tarder, je vais demander de vous présenter et de faire votre présentation. Allez-y, messieurs.
Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)
M. Gagnon (Richard): Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Richard Gagnon. Je suis administrateur agréé et le président élu du Conseil interprofessionnel. Et je suis accompagné de M. Jean-François Thuot, qui est le directeur général du Conseil interprofessionnel.
Alors, écoutez, Mme la ministre et M. le Président de la commission, Mmes, MM. les députés, au nom des 45 ordres professionnels qui sont regroupés au sein du Conseil interprofessionnel, j'ai le plaisir de vous présenter notre mémoire sur le projet de loi n° 53, qui crée le poste de Commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles. Je remercie Mme la ministre et les membres de cette commission de nous donner l'occasion d'exprimer notre point de vue sur cette important projet de loi qui vise à bonifier le fonctionnement du système professionnel québécois, un système, d'ailleurs, en passant, qui fête cette année ses 35 années d'existence et dont nous sommes, honnêtement, très fiers.
Les ordres professionnels et le Conseil interprofessionnel se sont engagés à améliorer l'accès aux professions réglementées par les personnes formées à l'étranger. En effet, dès 2001, le CIQ entreprenait la réalisation d'un plan de travail sur l'admission des personnes immigrantes aux ordres professionnels. En 2006, les ordres demandaient et obtenaient du gouvernement du Québec de soutenir financièrement leurs efforts. À l'heure actuelle, plus d'une trentaine de projets sont réalisés par les ordres ou en voie de l'être grâce au soutien du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. En 2006, les ordres et le CIQ ont appuyé une modification importante du Code des professions qui créait de nouveaux types de permis en vue de faciliter l'exercice d'une profession réglementée par des professionnels formés à l'étranger. Et enfin, le 8 février 2008, le CIQ et le gouvernement du Québec, dans une déclaration conjointe sur la mobilité initiée par le premier ministre du Québec, convenaient de travailler en étroite collaboration afin d'accélérer la reconnaissance des compétences professionnelles. Cette démarche a d'ailleurs contribué ou rendu possible, le 15 octobre de la même année, la signature d'une entente historique entre la France et le Québec en matière de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles.
Le projet de loi n° 53, que nous examinons aujourd'hui, s'inscrit dans cette mouvance. C'est pourquoi le CIQ accueille favorablement la volonté gouvernementale d'instituer un commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences professionnelles. Nous sommes convaincus, au conseil, que les ordres s'acquittent adéquatement de leur mandat d'évaluer la compétence professionnelle des candidats à l'exercice d'une profession, incluant les candidats issus de l'immigration et formés à l'extérieur du Québec.
Le travail qu'accomplissent les ordres dans ce domaine est plus qu'exigeant, c'est un travail difficile, soumis à des normes et à des procédures strictes, déterminées par des règlements approuvés par le gouvernement. Les ordres travaillent sous le regard de l'Office des professions et celui d'un ministre responsable de l'application des lois professionnelles devant l'Assemblée nationale. Ce travail d'évaluation des compétences est requis par la loi. Il s'exerce au nom de la protection du public. Il s'accomplit sur la base d'exigences qui sont les mêmes pour tous, que l'on soit formé au Québec ou hors Québec.
Mais la responsabilité des ordres est aussi de garantir la confidentialité des renseignements contenus dans les dossiers de demande d'admission. Ils doivent ainsi éviter de commenter publiquement des cas individuels sur la base de faits allégués rapportés par les médias. Cette prudence n'est pas le signe d'un défilement, mais l'exercice d'un devoir de silence requis par la loi dans l'intérêt de tous les intervenants. Et, dans ce contexte, la création d'un poste de Commissaire aux plaintes permettra d'apporter l'éclairage approprié et, à juste titre, réclamé par l'opinion publique à l'égard de certaines situations sans toutefois compromettre un ordre eu égard aux obligations que lui impose la loi. Cette transparence accrue du processus de reconnaissance des compétences professionnelles, nous en sommes persuadés, accroîtra la confiance du public à l'endroit des ordres. Ce sera un gain pour tous.
Permettez-moi maintenant, sans prétendre résumer l'intégralité de notre mémoire, de formuler d'autres remarques qui me paraissent particulièrement importantes. En premier lieu, le conseil constate avec satisfaction que le Commissaire aux plaintes sera désigné par l'Office des professions et rattaché administrativement à celui-ci. Il aurait, selon nous, été hasardeux, en effet, de faire agir le commissaire en dehors de l'instance gouvernementale qui est spécifiquement dédiée à la surveillance des ordres professionnels. L'office possède les pouvoirs appropriés à cette fin. À l'échelle gouvernementale, c'est l'office qui détient l'expertise, à tel point que, ces dernières années, le législateur a même jugé opportun d'accroître ses responsabilités à travers différents projets de loi.
Mais le défi sera de taille pour l'office, qui aura aussi à désigner le bon Commissaire aux plaintes. À cette fin, le conseil estime que les critères de sélection qu'établira l'office en vue de désigner le commissaire devront tenir compte de la nature inédite de ce poste ainsi que de la spécificité de l'environnement dans lequel le commissaire sera appelé à évoluer. On parle ici d'un système complexe, unique en son genre, avec sa loi-cadre, ses 500 règlements et ses multiples acteurs, sans oublier l'indépendance d'action qui caractérisera ce poste. L'office doit donc être soumis au moins de contraintes possible, selon nous, pour pouvoir être en mesure de désigner la personne la plus apte à exercer les fonctions visées.
J'aimerais maintenant aborder l'article 4 du projet de loi. Cet article propose d'élargir les pouvoirs de l'office en permettant à celui-ci d'effectuer tout type d'enquête sur un ordre professionnel sans l'autorisation du ministre responsable. Le motif de ce changement substantiel du fonctionnement de l'office serait de donner au futur Commissaire aux plaintes la latitude nécessaire pour exercer ses fonctions, ce dont il ne disposerait pas apparemment dans l'état actuel du code, du Code des professions. Tout en comprenant le motif exposé, le CIQ s'oppose à la modalité proposée, car la solution qu'elle sous-tend, selon nous, excède largement la difficulté que l'on cherche à résoudre. En effet, vouloir doter le commissaire de pouvoir d'initiative nécessaire à l'exercice de ses fonctions est une chose, et il faut le faire. Élargir, toutefois, tous azimuts le pouvoir d'enquête de l'office en l'émancipant de l'autorisation ministérielle en est une autre, car l'article 14 a un sens qui lui est propre. Voyons lequel.
Posons d'abord la question suivante: La nécessité de révoquer l'autorisation ministérielle pour tout type d'enquête est-elle démontrée? Il nous apparaît que non. L'histoire du système professionnel ne comporte pas d'épisode permettant de conclure que l'office ne disposait pas au moment opportun, lorsque l'urgence le commandait, la marge de manoeuvre nécessaire pour agir envers un ordre dans l'intérêt public. Le pouvoir d'enquête de l'office est défini à l'article 14 du Code des professions. Cet article stipule que «l'office peut enquêter ? et je cite ? sur tout ordre qui présente une situation financière déficitaire ou dont les revenus sont insuffisants pour remplir ses devoirs ainsi que sur tout ordre qui ne remplit pas les devoirs qui lui sont imposés par [la loi]». L'enquête de l'office a toutefois un préalable qui nous apparaît légitime et qu'il faut maintenir, l'autorisation de la ou du ministre responsable. L'article 14 énonce une règle générale. Son application est selon la gravité d'une situation, comme l'atteste d'ailleurs l'histoire des débats parlementaires à son sujet. On pense, par exemple, à une situation où l'office aurait un doute sérieux quant à la capacité d'un ordre de protéger le public. D'ailleurs, dans le code, une enquête de l'office est le point de départ d'une démarche qui pourrait déboucher, le cas échéant, sur la mise sous administration d'un ordre par le ministre responsable. C'est ce que prévoit l'article 14.5 du code.
Le travail du commissaire se situe dans une tout autre perspective. Il examine une plainte et, le cas échéant, formule des recommandations en vue d'améliorer le processus de reconnaissance des compétences. Il fait annuellement rapport au président de l'office. Clairement, nous ne sommes pas dans la même logique. Le problème de l'article 4 du projet de loi, c'est qu'il appelle à modifier une règle générale aux seules fins de gérer des situations particulières, celles concernant uniquement les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles. Le conseil recommande donc le retrait de l'article 4 du projet de loi.
Quant à l'autre aspect du problème, celui du pouvoir d'initiative nécessaire au commissaire pour exercer correctement ses fonctions, nous suggérons l'ajout d'une mention à la nouvelle section II du code qui indiquerait que l'office, pour l'application de cette section, et seulement pour celle-ci, n'est pas soumis à l'autorisation ministérielle.
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(16 h 30)
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Je terminerai sur un sujet en apparence périphérique mais qui n'en concerne pas moins l'objet même du projet de loi, c'est-à-dire la reconnaissance des compétences professionnelles. Je veux parler de la collaboration nécessaire entre les ordres professionnels et les établissements d'enseignement. C'est une question importante, car la moitié, au moins, des candidats qui font une demande de reconnaissance d'une équivalence de diplôme ou de formation se voient prescrire par un ordre professionnel une formation d'appoint en vue de la reconnaissance complète de leur équivalence. D'ailleurs, depuis 2001, le nombre de demandes de reconnaissance d'une équivalence a augmenté de 500 %. Or, l'offre de formation d'appoint, qui ne peut venir que des établissements d'enseignement, n'est pas encore adéquate. En 2009, alors que le volume des candidats à l'exercice d'une profession réglementée formés à l'étranger est, comme on vient de le voir, en croissance.
Des initiatives récentes ont permis de faire des pas dans la bonne direction. Je pense, par exemple, aux orientations gouvernementales prises en 2008 en vue d'accélérer la mobilité professionnelle qui permettent dorénavant au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et au ministère de l'Éducation de financer substantiellement des projets novateurs de formation d'appoint. Je pense aussi aux discussions récentes entre le Conseil interprofessionnel et la CREPUQ sur le point d'aboutir à un accord de principe en matière de formation d'appoint. C'est pourquoi le CIQ est favorable à l'article 3 du projet de loi qui confère à l'Office des professions la responsabilité de prendre des mesures, en collaboration avec le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, visant à assurer la collaboration entre les établissements d'enseignement et les ordres professionnels afin que la formation d'appoint soit effectivement offerte par un établissement d'enseignement. Le conseil voit dans la mesure envisagée une condition adéquate pour parvenir à la convergence espérée des actions entre les ordres, les collèges et les universités.
En terminant, j'aimerais assurer les membres de cette commission, du gouvernement et de l'Office des professions de la pleine collaboration du conseil et de tous les ordres professionnels à la poursuite de l'examen de ce projet de loi et à sa bonification s'il y a lieu. Nous sommes maintenant disponibles, M. Thuot et moi, pour répondre à vos questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est nous qui vous remercions, M. Gagnon. Donc, je vais donner l'opportunité à Mme la ministre d'échanger avec vous. Mme la ministre.
Mme Weil: Oui. Alors, bienvenue, M. Gagnon, M. Thuot. Je voudrais dire d'entrée de jeu à quel point on est heureux de la collaboration qu'on reçoit de votre part dans ce grand dossier de la mobilité de la main-d'oeuvre. C'est exigeant, nous le savons, pour vous, pour les ordres que vous représentez, le rythme est accéléré, et, en tout cas, je peux vous dire que je suis très, très... personnellement sensible aux efforts que vous faites, et on apprécie beaucoup votre collaboration. Vous êtes un partenaire de premier plan pour mener à terme ce grand, grand chantier pour le Québec de la mobilité de la main-d'oeuvre, et je prévois qu'on a des années devant nous de collaboration.
Alors, j'aimerais peut-être revenir sur une discussion qu'on a eue avec le Conseil des relations interculturelles. Le conseil avait une préoccupation par rapport à l'indépendance du commissaire, donc voulait renforcer la notion d'indépendance en nommant le commissaire ou en faisant en sorte que le commissaire soit nommé par le gouvernement au conseil d'administration de l'office. J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous, vous êtes confortables avec le fait que le commissaire soit au sein de l'office, en particulier parce que c'est rattaché à ce rôle primaire, fondamental qui est protection du public. J'aimerais peut-être vous entendre un peu plus là-dessus.
M. Gagnon (Richard): Avec plaisir, Mme la ministre. Écoutez, nous, on pense qu'il faut éviter... D'abord, rappelons-nous, là, que le système professionnel québécois est un système qui est unique, qui est complexe ? 51 professions réglementées, 45 ordres professionnels, 500 règlements et même un peu plus ? il faut éviter de disperser les expertises. Et on est, à l'Office des professions, à se doter depuis 35 ans d'expertises spécialisées dans la gestion d'un système complexe, et il nous apparaîtrait inopportun de prendre un volet important qui est l'analyse de la reconnaissance des acquis, la reconnaissance professionnelle et de l'extraire de l'office, la placer dans une autre entité qui, même pire encore, pourrait plus difficilement bénéficier de l'expertise interne déjà en place à l'office. Il y a une expertise à l'Office des professions, notamment au niveau de la mobilité, qui est en train de se développer de façon extrêmement intéressante. Inévitablement, ça a des liens avec la reconnaissance professionnelle, et, en conséquence, on pense que le Commissaire aux plaintes, qui aura à, de temps à autre, prendre acte des plaintes de citoyens sur le processus de reconnaissance des ordres, doit absolument se retrouver au sein de cette expertise qui est celle de l'Office des professions.
Mme Weil: Très bien. J'aimerais vous entendre sur la question des pouvoirs, l'article ? question un peu plus complexe, là ? l'article 14, je crois...
Une voix: 4.
Mme Weil: 4, c'est ça, où l'office, de son propre chef, vous avez parlé de ça... Évidemment, je vais prendre le temps de bien lire tout ça, mais je pense que c'est très important de bien comprendre votre préoccupation. Donc, vous parlez de la situation actuelle, qui, selon vous, est satisfaisante, et là vous avez des inquiétudes par rapport à ce pouvoir d'enquêter de son propre chef.
M. Gagnon (Richard): Oui, tout à fait. Il y a un élargissement, Mme la ministre, là, des pouvoirs de l'office, qui pourrait intervenir au sein d'ordres professionnels, dans le cadre d'enquêtes notamment, sans l'autorisation de la ministre. Ça nous apparaît un peu dangereux, en ce sens que la personne responsable du système professionnel devant le public, devant l'Assemblée nationale, c'est le ministre responsable, et il nous apparaît que le ministre responsable ne doit pas être déconnecté de décisions aussi graves que celle d'intervenir au sein d'un ordre pour faire enquête, intervention qui peut même mener à la mise sous tutelle de l'ordre en question.
On comprend que la volonté exprimée dans cet article est à l'effet de donner au Commissaire aux plaintes la capacité, lui, de faire enquête quand il reçoit des plaintes, il va sans dire, mais on pense que le moyen qu'on utilise n'est peut-être pas le meilleur. On y va de façon peut-être un peu trop large, on pense qu'il serait probablement possible de permettre qu'effectivement l'office puisse intervenir dans le cadre d'enquêtes limitées aux juridictions liées au Commissaire aux plaintes pour éviter effectivement que le ministre responsable soit un peu déconnecté de ses responsabilités, là, de supervision des ordres professionnels et du système professionnel.
Alors, c'est un peu ce qui nous préoccupe, on ne pense pas que ce soit nécessaire. D'ailleurs, on le voit ? puis je lisais récemment, là, je pense qu'on le revoit dans notre mémoire ? les pouvoirs de l'Office des professions pour bien faire son travail de supervision des ordres sont déjà satisfaisants. Le président de l'office le signalait lui-même dans son rapport annuel de gestion 2008-2009, là. Dans notre mémoire, vous en avez un extrait, et il exprime dans ce rapport de gestion très clairement que l'office a la capacité d'intervenir et de poser les gestes appropriés auprès d'ordres qui auraient besoin de support ou d'intervention. Alors, on ne voit pas pourquoi il serait nécessaire maintenant d'aller plus loin aujourd'hui, là.
Mme Weil: Très bien. Maintenant, j'aimerais parler un peu de vos relations avec les universités, donc, dans ce domaine-là. Donc, le conseil a toujours travaillé très fort pour améliorer le processus de reconnaissance des compétences, et là vous participez à la stratégie gouvernementale en matière de mobilité, l'adhésion à la déclaration conjointe du gouvernement du Québec et le Conseil interprofessionnel du Québec intitulée Des professionnels pour le public de demain. J'aimerais vous entendre un peu sur comment se déroulent les échanges avec la CREPUQ afin de dénouer les impasses concernant les formations liées aux mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles.
M. Gagnon (Richard): Alors, je vais assez rapidement céder la parole à notre directeur général, qui est au coeur de ces discussions, mais je peux vous dire qu'on sent une bonne volonté de part et d'autre, là, autant du côté des universités que des ordres professionnels ou du conseil. Il y a un net progrès, là, je pense que tout le dossier mobilité professionnelle, qui est omniprésent actuellement, fait en sorte que tous les intervenants sentent la nécessité de se concerter de mieux en mieux pour arriver à des résultats concrets, faciliter les processus d'admission, d'intégration et de développement de programmes de formation. Bien sûr, ce n'est jamais parfait, et on pense que l'initiative d'introduire un pouvoir supplémentaire à l'Office des professions dans le projet de loi va exactement dans le sens de ce qui est amorcé et va venir soutenir les démarches, là, qui sont bien amorcées à cet égard. Je vais demander peut-être au directeur général de compléter là-dessus.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, M. Thuot.
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(16 h 40)
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M. Thuot (Jean-François): Merci, M. le Président. Je dirais que, dans ce dossier-là, nous sommes partis de loin, s'agissant des rapports entre deux systèmes qui sont très bien circonscrits par la loi, le système de l'éducation, le système professionnel, et nous nous sommes rapprochés parce qu'on s'est aperçu rapidement, au-delà des difficultés de compréhension, que le problème de la formation d'appoint appelle à des solutions novatrices. Et, à partir du moment où chacun des intervenants s'est convaincu de l'importance de solutions novatrices, ça a décoincé un peu les acteurs. Ça, c'est un premier élément de notre expérience.
Le deuxième, c'est que, si nous étions partis à quelques-uns, le CUQ, la CREPUQ, avec quelques ordres professionnels, rapidement la table s'est augmentée avec l'ensemble des intervenants au dossier, l'Office des professions, le MIQ et même le ministère des Relations internationales. Et c'est pour vous dire que, l'esprit dans lequel nous avons mené ces discussions, nous le retrouvons un peu dans la disposition prévue au projet de loi qui prévoit expressément aménager une zone de collaboration par l'initiative, en partie, du MELS et de l'Office des professions. Donc, il y a vraiment un élément de continuité en ce qu'on retrouve dans le projet de loi et notre propre expérience.
Un dernier élément, lorsque j'évoquais le caractère novateur de nos discussions, c'est que le problème de la formation d'appoint, comme nous l'avons souligné, est un problème important, puisque près... au moins la moitié des demandeurs de reconnaissance d'une équivalence, pour utiliser notre jargon, se voient prescrire une formation d'appoint. Et, dans ce cadre-là, les ordres professionnels ne sont pas seuls au bâton, il y a nécessairement des partenariats qui doivent s'établir, d'autant plus que la formation d'appoint est une formation, par définition, qui est hors normes, elle est hors programmes. Alors, vous pouvez vous imaginer, pour les établissements d'enseignement qui fonctionnent d'une certaine manière, ça demande des adaptations. Et nous sentons aujourd'hui une ouverture, mais c'est un dossier spécifique qui appelle à des ressources spécifiques. Et je pense que c'est pour ça que, depuis les dernières années, nous avons tant insisté sur l'enjeu de la formation d'appoint et sur le fait d'avoir autour de la table des établissements d'enseignement. On parle des établissements d'enseignement parce que ce sont eux qui sont sur la sellette dans le projet de loi, mais on pourrait ajouter également dans la chaîne de reconnaissance des compétences les employeurs, tant publics que privés. Mais ça, ça pourrait être pour une autre discussion.
Mme Weil: Tantôt, on va écouter la Commission des droits de la personne. La commission recommande de permettre au commissaire d'assurer le suivi des recommandations qu'il aurait formulées à un ordre professionnel et que l'ordre... La recommandation de la commission, c'est que l'ordre devrait être tenu d'informer par écrit le commissaire des suites qu'il entend donner à cette recommandation et, s'il n'entend pas y donner suite, l'informer du motif justifiant sa décision. Le commissaire devrait faire part du suivi des recommandations adressées aux ordres professionnels dans son rapport annuel. Qu'en pensez-vous?
M. Gagnon (Richard): Bien, on pense que ce type de suivi se réalise presque quotidiennement dans l'évolution des dossiers des ordres professionnels avec l'Office des professions. Et nous avons, comme ordre professionnel, à rendre compte de nos décisions et de nos actions et de répondre aux questions de l'office de façon régulière, alors le Commissaire aux plaintes étant au coeur même de l'Office des professions, il va sans dire que je suis assuré que l'office fera un suivi, de par la nature même de son mandat, des recommandations qui seront exprimées par le Commissaire aux plaintes, et tout ça risque de se faire dans le cadre, là, des opérations tout à fait normales qui se déroulent, là, quotidiennement dans le système professionnel, finalement. Alors, c'est une recommandation, je pense, de laquelle nous n'avons pas trop à s'inquiéter, là. Connaissant bien le travail des ordres avec l'office, je sais que ce suivi va se faire inévitablement.
Mme Weil: Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la ministre. Merci, M. Gagnon. Donc, M. le député de Robert-Baldwin, prochain bloc. M. le député de Marquette. Mme la députée de Mirabel.
Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. M. Gagnon, M. Thuot, bienvenue. Merci pour la présentation de votre mémoire. J'aimerais vous entendre parler sur la transparence. Vous parlez, à la page 9, de la transparence en prétendant que le «Commissaire aux plaintes serait susceptible d'apporter l'éclairage approprié tant réclamé par l'opinion publique à l'égard de certaines situations».
De quoi parlez-vous exactement? Et en quoi les personnes, disons, qui viennent de France, là, sont-elles concernées par ces situations? Et en quoi le fait que ce commissaire puisse se pencher sur des plaintes de candidats étrangers refusés améliorera-t-il le système?
M. Gagnon (Richard): Bonne question, Mme la députée. Il est clair qu'actuellement on entend des commentaires, là, provenant du public à l'effet qu'il y a certaines interrogations sur les processus de reconnaissance des compétences de personnes venant de l'étranger et il est souvent difficile pour les ordres professionnels concernés ? et certains sont plus visés que d'autres parce que le volume y est ? il est difficile pour eux de justifier publiquement leurs décisions parce que la reconnaissance de compétences d'une personne, c'est très individuel, là. Bien sûr, il y a la reconnaissance des diplômes qui est une chose. Tu as le diplôme ou tu ne l'as pas. Le diplôme que tu détiens répond-il à un certain nombre de critères prévus par règlement? Mais il y a aussi l'expérience professionnelle, les connaissances professionnelles, le dossier personnel de l'individu si cette personne pratiquait dans une autre juridiction ou pratiquait dans un autre pays. Et il est clair que l'ordre professionnel est tenu à un devoir de confidentialité des renseignements personnels l'empêchant de se défendre sur la place publique, et ça laisse, pour la population, une certaine perception que, bon, ils ont des choses à cacher ou les ordres sont hermétiques, ne sont pas ouverts à l'accueil.
Un commissaire indépendant, rattaché à l'institution même qui a le mandat de surveiller les ordres, l'Office des professions, va, lui, être en mesure d'aller voir l'ordre, de faire enquête, de vérifier si le processus a été correctement suivi, s'il y a des biais dans le processus qui sont incorrects, s'il y a des perceptions qui ont biaisé le processus qui n'auraient pas dû être là. Ce Commissaire aux plaintes va donc faire une analyse objective, indépendante et lui, dans le cadre de son rapport et du rapport de l'office, va être en mesure de dire: Il y a ou il n'y a pas problème. Et c'est là que tout le système professionnel va en être gagnant et toute la société va en être gagnante, en ce sens qu'une personne indépendante va avoir eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur le processus et de rendre avis à l'effet que, oui, le processus a été correctement suivi ou, non, il y a des défaillances dedans, et voilà les recommandations que je fais comme commissaire pour améliorer la situation. Alors, c'est un net pas en avant, là, et auquel on est très favorables.
Mme Beaudoin (Mirabel): J'aimerais vous entendre aussi sur les critères, selon vous, que ce commissaire, là... De quelle façon il devrait être désigné?
M. Gagnon (Richard): Oui. Alors, le commissaire, bon, va travailler au sein de l'office, bien sûr, doit relever du président de l'Office des professions et des membres de l'office, du conseil d'administration de l'Office des professions. Maintenant, c'est une personne qui va avoir un travail délicat à faire. C'est une personne qui va avoir à référer à des expertises spécialisées, spécifiques, une personne qui va avoir à travailler avec 51 professions différentes, donc quelqu'un qui va devoir avoir la capacité, et le jugement, et les connaissances appropriés pour faire le travail dont tout le monde va s'attendre.
J'ajouterais à ça que c'est une personne qui va détenir une certaine indépendance. On le voit, son mandat est clairement exprimé dans une loi, ce qui va lui conférer, donc, une certaine indépendance. Et, avec cette indépendance, viennent des capacités de jugement qui sont assez importantes, de sorte que le travail de sélection de l'office va devoir se faire avec le moins de contraintes possible, va devoir, dans la mesure du possible, s'adresser à un bassin de candidats potentiels le plus large possible pour être en mesure de trouver la bonne personne parce que c'est un travail qui va être difficile à faire.
Mme Beaudoin (Mirabel): Qui va faire partie de ce comité de sélection?
M. Gagnon (Richard): Bien, moi, je laisse la responsabilité à ceux qui vont avoir à superviser le travail de cette personne de composer le comité qui va être le plus apte à choisir la meilleure personne, et, moi, je fais bien confiance aux dirigeants de l'Office des professions, là, pour constituer ce comité de sélection.
Mme Beaudoin (Mirabel): Et avez-vous une opinion? Est-ce qu'on parle d'une, deux personnes, un comité élargi?
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(16 h 50)
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M. Gagnon (Richard): Je pense qu'il faut un comité de quelques personnes, Mme la députée, là, certainement un comité de, minimum, trois personnes, peut-être un peu plus, mais avec un éventail de membres du comité de sélection qui détiennent des compétences suffisantes pour bien comprendre le mandat du commissaire et les qualités qu'il devra détenir pour l'exécuter correctement. L'office est habitué de recruter des personnes de qualité, est habitué de recruter des personnes qui ont des compétences spécifiques. Alors, pour l'Office des professions, ce n'est pas une problématique nouvelle.
Mme Beaudoin (Mirabel): Dans votre mémoire, à la page 8, vous notez «avec satisfaction que le Commissaire aux plaintes soit désigné par l'Office des professions et rattaché administrativement à celui-ci». Vous précisez ensuite qu' «il aurait été hasardeux [...] de faire agir le commissaire en dehors de l'instance gouvernementale spécifiquement dédiée à la surveillance des ordres professionnels». On en a parlé tantôt, j'aimerais ça vous entendre sur ça et de préciser les raisons.
M. Gagnon (Richard): Oui. Bien, un peu comme je disais tout à l'heure, le lieu d'expertise concernant la gestion du système professionnel, il se retrouve à l'Office des professions. Et le système professionnel québécois, on en est fiers, mais il est unique, il n'y a pas beaucoup de modèles duquel on peut se référer, et donc il est important qu'on détienne au Québec un lieu d'expertise valable, sérieux, solide. Et, d'ailleurs, c'est un lieu d'expertise qu'on construit depuis 35 ans, là, ça fait 35 ans que le système professionnel existe et qu'on ajoute à l'Office des professions année après année des compétences qui nous assurent que la supervision du système est faite correctement. On trouverait malheureux que cette nouvelle expertise qui va s'ajouter à l'office soit désincarnée de l'office et se retrouve dans un bureau avec un commissaire distant, si on veut, de l'Office des professions, qui, même, pourrait plus difficilement avoir accès à l'expertise interne de l'office.
On le sait que, peu importe le domaine d'activité, le travail d'équipe est de plus en plus important. À l'office, il y a des juristes, il y a des gens qui connaissent le système professionnel mieux que quiconque, il y a des personnes qui sont en contact quotidiennement avec les ordres professionnels. Il est extrêmement important, selon nous, que le commissaire puisse profiter de cette expertise-là et puisse être un des collègues ? avec le statut d'indépendance qu'il aura, mais un des collègues ? des employés de l'Office des professions pour être capable de faire les meilleures analyses possible des plaintes qui lui seront proposées et rendre des recommandations aussi qui sont pertinentes.
Mme Beaudoin (Mirabel): Mais vous croyez vraiment que ce commissaire-là va pouvoir être complètement indépendant?
M. Gagnon (Richard): Bien, moi, je le pense honnêtement parce que j'ai un peu vécu, Mme la députée, à un autre niveau cette situation-là. Comme dirigeant d'un ordre professionnel, j'apparente un peu le Commissaire aux plaintes au syndic au sein d'un ordre professionnel. Le syndic est totalement libre de déterminer ce qu'il fait avec la plainte, est-ce qu'il porte plainte, quel processus il va donner, est-ce qu'il donne droit au plaignant, est-ce qu'il ne lui donne pas droit, quelle défense ou quelle représentation il va faire au comité de discipline. Et le syndic, au sein de l'ordre, fait ça en toute indépendance, et pourtant ce syndic est dans une organisation avec des collègues de travail, avec un directeur général ou un président de l'ordre professionnel qui travaille avec lui, et ça ne l'empêche pas de travailler en toute indépendance. Alors, d'autant plus à l'Office des professions, qui est une institution habituée à travailler avec ces notions d'indépendance au sein des ordres professionnels, moi, je suis convaincu qu'au sein de l'office le commissaire devra... ou sera en mesure de profiter de l'indépendance qui lui est nécessaire pour bien faire son travail. Peut-être en complément, M. Thuot, si vous me permettez, M. le Président.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, absolument, allez-y, M. Thuot.
M. Thuot (Jean-François): Et j'ajouterais que la disposition relative à l'indépendance du commissaire ? je pense, c'est le 16.18 ? est à peu près un calque d'une disposition similaire qu'on retrouve dans le code à propos du syndic, donc, et le syndic et le commissaire, pour autant qu'ils sont des employés tantôt de l'ordre, tantôt de l'office, ne sont pas des employés comme les autres.
Mme Beaudoin (Mirabel): Mais pourquoi pensez-vous que d'autres organismes sont inquiets quant à cette indépendance-là?
M. Gagnon (Richard): Bien, moi, je pense, Mme la députée, que ça fait partie de la nature humaine, là. Et les ordres, on a été habitués de vivre avec cette réalité. Les ordres professionnels vivent de la cotisation de leurs membres et sont là, d'abord et avant tout, pour encadrer la pratique, policer la pratique de leurs membres en toute indépendance s'il y a des problèmes, et ça fait 35 ans que ça fonctionne bien. Alors, on comprend que, dans la nature humaine, ça puisse inquiéter un peu, de dire: Oui, mais, si la personne est redevable au président de l'office, est-ce qu'elle va être totalement indépendante? Moi, je pense qu'il faut se fier à l'expérience passée, il faut se fier à ce qui a fait ses preuves, et le système professionnel a démontré, notamment à travers les syndics, ceux qui gèrent les plaintes des citoyens par rapport aux professionnels, que ce système fonctionne très bien.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Merci, Mme la députée de Mirabel. Donc, Mme la ministre, est-ce que vous vouliez prendre la parole, oui, quelques instants?
Mme Weil: Moi, ça va.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. le député de Robert-Baldwin. Allez-y, M. le député.
M. Marsan: Alors, merci. Je voudrais saluer Mme la ministre, M. le Président, les collègues...
Une voix: ...
M. Marsan: Oui. Ça irait mieux, merci. Alors, je voudrais vous saluer et remercier les représentants des ordres qui sont avec nous aujourd'hui, puis d'avoir pris le temps d'être avec nous.
En relisant votre mémoire, je me suis aperçu, à un moment donné, que vous nous parlez d'un gain de transparence. Et j'imagine que c'est suite à la nomination du poste de Commissaire aux plaintes, et j'essayais de faire la différence entre le fait que... On a toujours le stéréotype, là, du chauffeur de taxi qui est médecin, qui pratiquait dans son pays, qui ne peut pas pratiquer ici puis qui a toujours des difficultés. Alors, d'un côté, on a ce stéréotype-là et, de l'autre, on a aussi l'obligation... Vous, vous avez l'obligation des renseignements confidentiels, l'obligation légale de garantir la confidentialité des renseignements et vous vous imposez également un devoir de silence à l'égard des faits allégués. Et souvent ça peut être des faits allégués par des médias, alors comment est-ce qu'on... vous trouvez qu'on a un gain de transparence si, d'un côté, on a encore notre stéréotype ou, en tout cas, des personnes peut-être dans ce moule-là et, de l'autre, bien vous avez l'obligation de ne rien dire et de garder tout ça confidentiel? Alors, où est le gain de transparence?
M. Gagnon (Richard): C'est sûr que l'image est toujours assez frappante, là, du chauffeur de taxi qui est médecin ailleurs, c'est assez visible au plan médiatique. Et, même s'il y a un commissaire aux plaintes, ça ne permettra pas plus au Collège des médecins, si on prend cet exemple-là, de définir pourquoi monsieur qui était médecin ailleurs demeure chauffeur de taxi ici ou ne peut accéder à la profession médicale, l'ordre professionnel va demeurer tenu au même secret confidentiel et au même traitement de la confidentialité. Mais la grande différence au niveau de la transparence, c'est qu'il y a une personne indépendante qui va regarder la plainte du chauffeur de taxi et qui va dire à la population, à travers l'Office des professions: Oui, le Collège des médecins a tout à fait raison de ne pas permettre l'accès à monsieur le chauffeur de taxi pour telle, telle raison. Et, quand l'avis vient d'une personne neutre, indépendante, qui est totalement en dehors de l'ordre professionnel, bien il me semble que c'est de nature à rassurer la population et c'est de nature à rassurer les médias, qui, en conséquence, vont dire: Parfait, le système a fait des gains de transparence parce qu'il y a une personne indépendante qui vient jeter un coup d'oeil sur la plainte et déterminer si, oui ou non, il y a eu un traitement correct de la part de l'ordre professionnel concerné. Alors, c'est un gain important, M. le député.
M. Marsan: La transparence ne vient pas du fait que les gens vont en savoir plus sur le dossier, comme la personne neutre qui est le commissaire en question, là, qu'on étudie, qui va être nommé, et, de cette façon-là, vous nous dites, à juste titre, je pense, que la population en général va se sentir mieux protégée. Et le stéréotype en question, bien, s'il est encore, après avoir passé tous les examens et même le Commissaire des plaintes, s'il est encore chauffeur de taxi, bien on pourra penser pourquoi.
M. Gagnon (Richard): Vous savez, il doit y avoir une raison, hein? Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre comme la pénurie qui touche plusieurs ordres, notamment en santé, quand un candidat est refusé à l'exercice, il doit y avoir une raison parce que le Collège des médecins a tout intérêt à répondre à la demande de la population en termes de services médicaux. Et, à chaque fois qu'un candidat ne peut être admis à l'exercice, il doit y avoir des raisons sérieuses, et c'est ce que le Commissaire aux plaintes va probablement venir dire quand il va examiner le processus qui a été suivi.
M. Marsan: Juste un commentaire en terminant. C'est un très bon point que vous nous dites par rapport à la pénurie de main-d'oeuvre, mais encore plus dans ce qui s'en vient, je pense. Je lisais hier des rapports publics, là, c'était même à la télévision, que, d'ici quatre ou cinq ans, les besoins vont être tellement nombreux par rapport à différentes professions particulièrement, aussi l'ensemble des travailleurs... Mais votre point est juste, et c'est bien... votre réponse est bien appréciée.
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(17 heures)
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M. Gagnon (Richard): Et c'est ce qui explique à quel point les ordres déploient des efforts importants pour attirer de la relève. Il y avait le Salon de l'emploi récemment, il y a quelques semaines, et c'était dans le cadre de la Semaine des professions, qui a été pilotée, là, par le CIQ en collaboration avec l'office justement, et plusieurs ordres étaient présents, avaient des kiosques pour attirer des jeunes, attirer de la relève parce qu'on a besoin, au sein des ordres professionnels, du maximum de compétences. Alors, malheureusement, quand on refuse un candidat, c'est parce qu'il y a eu une analyse sérieuse et qu'on n'a pas cédé, M. le député, à la facilité de baisser les critères et d'ouvrir les portes, de sorte que, plus tard, on se retrouve avec d'autres problèmes. Et ça, pour les ordres, ça pourrait être facile de dire: Bon, bien, on cède à la pression, on cède à la facilité et on est plus poreux dans notre admission, et, tout à l'heure, la population québécoise risque de nous le reprocher. Alors, on évite de céder à cette facilité et on pense que le Commissaire aux plaintes va être un outil qui va nous permettre d'expliquer à la population que, quand des candidats ne sont pas admis à une profession, c'est parce qu'il y avait des raisons sérieuses.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, merci, M. le député. M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'accepter de participer aux travaux de cette commission. Je prends acte, dans votre mémoire, vous accueillez très favorablement cette idée de créer un poste de Commissaire aux plaintes, vous l'avez... vous avez élaboré pourquoi en long et en large. Vous dites également, à la page 8 de votre mémoire, que vous êtes convaincus, au conseil, que vos membres...
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Excusez-moi, M. le député de Marquette, c'est qu'il va y avoir un vote en Chambre, donc je vais devoir suspendre les travaux. Il y a un appel des députés en Chambre, donc je vais suspendre les travaux quelques instants, à peu près... Je dois m'excuser auprès de vous, messieurs. Je le sais que vous êtes nos invités, mais, malheureusement, le devoir nous appelle ici et ailleurs, et je vais donc suspendre les travaux et vous reconvier à la séance dans quelques instants, 15 minutes, le temps de faire le vote, et puis on revient tous ici. Ça vous va? Donc, je suspends les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 2)
(Reprise à 17 h 17)
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Nous en étions donc à la question de M. le député de Marquette. Nous avons interrompu, notre législation a interrompu votre inspiration. Allez-y, M. le député.
M. Ouimet: J'essaie de retrouver mon inspiration, M. le Président. Je faisais état, je pense, bon, de l'accueil favorable dans un premier temps. Dans un deuxième temps, vous êtes convaincus que les membres s'acquittent adéquatement de leur mandat. Et, dans les pages précédentes, vous parlez de la perception, vous parlez du discours ambiant sur les difficultés d'intégration et là vous donnez des chiffres comme pour corriger la perception. Vous parlez de 15 % de refus, et ça, c'est des chiffres fournis à la fois par l'Office des professions et le Conseil interprofessionnel depuis 2001. Dans le deuxième paragraphe, à la page 7, il reste à peu près 85 % de cas qui sont acceptés. Là, vous dites: «Les données recueillies [relèvent] la nette prédominance de cette seconde catégorie», c'est-à-dire les demandes qui sont acceptées en partie, et là soit une reconnaissance partielle d'une équivalence où ça prend des cours d'appoint ou des stages. Avez-vous des proportions à cet égard-là, hein? Le 85 %, c'est-u possible de le ventiler davantage? Parce que la question que je veux vous poser, c'est... Vous avez entendu le Conseil interculturel avant vous qui vont de... La présidente, je pense, parlait d'éléments de discrimination systémique, de barrières systémiques et de biais systémiques. Donc, je veux juste vous donner la possibilité, là... Je ne veux pas me porter comme juge, là, mais vous donner l'opportunité peut-être de rectifier ça.
M. Thuot (Jean-François): Parfait. Alors, s'agissant de statistiques, le conseil, pour sa part, a colligé des données en matière de demandes de reconnaissance d'équivalence jusqu'en 2007, et je vais vous expliquer par la suite pourquoi nous avons cessé de le faire. Selon les données que nous avons recueillies pour la période de 1997 à 2006, le volume, le pourcentage des demandes de reconnaissance d'équivalence refusées se situait à 16 %, le pourcentage des demandes faisant l'objet d'une reconnaissance partielle d'équivalence se situait à 50 % et le pourcentage de demandes de reconnaissance complète se situait à 33 %. Alors, c'est ce qui nous autorise, selon nos statistiques, à déclarer qu'au moins la moitié des demandeurs se voient prescrire une formation d'appoint. Ça, c'est au niveau de l'acceptation.
La bonne nouvelle, c'est aussi au niveau du refus parce qu'encore une fois le discours ambiant donne à penser que les ordres font systématiquement un blocage en matière de demandes de reconnaissance, et, nous, nous disons: C'est faux. Avec 16 %, je pense que c'est un pourcentage qui est normal, étant donné qu'un ordre professionnel, il est tenu par la loi de vérifier la compétence, et son devoir, c'est de s'assurer que les demandes sont analysées avec équité et objectivité. L'objectif n'est pas d'avoir 100 % d'acceptation, sinon on n'aurait pas de système professionnel. Alors ça, c'est pour les statistiques.
Depuis 2007-2008, le règlement sur le rapport annuel des ordres professionnels a été modifié de sorte que, dorénavant, l'Office des professions requière des ordres qu'ils leur transmettent toutes les données relatives à la reconnaissance d'une équivalence. Et le dernier rapport... le premier rapport de... le rapport annuel de gestion de l'office, pour l'année 2008-2009, présente pour la première fois, du côté de l'office, des statistiques faisant état des demandes acceptées et reconnues partiellement, en totalité. On n'y retrouve pas de données sur le refus, et je comprends pourquoi dans la mesure où est-ce que, d'une année à l'autre, des demandes peuvent s'échelonner entre deux années, et donc il est plutôt difficile d'avoir une donnée exacte sur le volume de refus. Mais, moi, je pense que, lorsqu'on amalgame sur une certaine période ? et c'est ce que nous avons fait pour la période de 1997 à 2006 ? lorsqu'on amalgame un ensemble de demandes, on peut avoir une approximation sur le niveau de refus.
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(17 h 20)
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M. Ouimet: ...vous saluez la venue du Commissaire aux plaintes parce que le Commissaire aux plaintes va pouvoir venir apporter ces nuances-là, j'imagine. Mais le cas de Mme Sallenave, elle tombe dans le 50 % d'acceptation partielle, sauf qu'elle dit: À 55 ans, ça fait 25 ans que je fais des travaux comme psychologue, on me prescrit... Je pense, c'étaient 800 heures de stage. On comprend que le Commissaire aux plaintes pourrait peut-être apporter des nuances par rapport à son cas particulier. Et je ne veux pas dire que son cas à elle, c'est le cas de tous les autres non plus, là, je comprends qu'il faut faire les nuances, mais le mérite du Commissaire aux plaintes, ça va être de pouvoir départager la réalité de la perception?
M. Gagnon (Richard): Tout à fait, M. le député. C'est un bel exemple, effectivement, de situation où l'Ordre des psychologues ne commentera jamais le cas de madame publiquement, il n'a pas le droit de le faire, mais, effectivement, le Commissaire aux plaintes va être en mesure de regarder le cas de madame et de rendre compte, à savoir: Oui, la décision de l'ordre était justifiée ou j'ai adressé à l'ordre certaines recommandations pour voir s'il n'y a pas moyen de faire autrement ou s'il n'y a pas moyen d'améliorer le processus de telle façon ou de telle autre. Et, en ce sens-là, c'est un progrès important.
M. Ouimet: Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, M. le député. Mme la députée de Mirabel.
Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, à la page 10, vous avez deux paragraphes concernant le délai d'examen d'une plainte. C'est marqué: «Le nouvel article 16.13 du code décrirait les obligations du commissaire eu égard à l'examen d'une plainte. Le commissaire doit informer le plaignant et, "s'il y a lieu," l'ordre professionnel concerné et leur transmet, le cas échéant, ses recommandations.» Et vous dites: «On note l'absence de délai pour l'examen d'une plainte. Afin d'assurer la crédibilité du processus, nous suggérons la mention d'un délai indicatif à l'article 16.13. On pourrait s'inspirer du délai indicatif de 90 jours imposé au syndic d'un ordre professionnel dans le cadre de son enquête sur un professionnel ? article 123.1 du Code des professions.» Et vous dites: «Par ailleurs, l'ordre professionnel devrait dans tous les cas être informé par le commissaire du résultat de l'examen d'une plainte afin d'être en mesure de répondre à celle-ci s'il est publiquement interpellé.» Alors, si je comprends bien, vous considérez qu'il y a une lacune, là, actuellement quant au délai. J'aimerais vous entendre à ce sujet-là. Et pourquoi 90 jours? Vous faites référence au syndic, mais vous avez sûrement d'autres références en tête, là, quant au délai.
M. Gagnon (Richard): Tout à fait. Écoutez, on pense, effectivement, que... Et ça va un peu dans le même sens des personnes qui nous précédaient à ce micro tout à l'heure, là, effectivement, il n'y a pas de délai actuellement dans le projet de loi requérant que le Commissaire aux plaintes réagisse assez rapidement, là, dans le cas du traitement d'une plainte.
Maintenant, on parle de 90 jours parce qu'au sein des ordres professionnels on vit avec de délai, le syndic qui reçoit une plainte a 90 jours non pas pour compléter tout le travail d'analyse, etc., mais a 90 jours pour au moins rendre compte au plaignant de l'état du dossier, alors, pour faire un suivi auprès du plaignant. Et, dans certains cas, 90 jours sera suffisant au Commissaire aux plaintes pour se faire une idée et rendre avis. Dans d'autres cas, peut-être que son délai sera trop court. Mais, au moins, dans un délai de 90 jours, il nous apparaît raisonnable qu'il informe le plaignant de l'état de situation du dossier sur lequel il enquête et également qu'il informe aussi l'ordre professionnel concerné de l'évolution du dossier. Et, dans la mesure où, bien sûr, il rend avis, bien, si on veut que ce soit constructif et que l'ordre professionnel puisse s'inspirer de ces recommandations, il est important qu'il les connaisse.
Mme Beaudoin (Mirabel): Vous mentionnez également: «Il est également recommandé d'y prévoir que le commissaire doit dans tous les cas informer l'ordre professionnel de ses conclusions.» Pourquoi?
M. Gagnon (Richard): Parce que, comme je le disais, là, si on veut que la démarche du commissaire soit constructive, il est important que l'ordre professionnel soit bien informé de l'avis du commissaire, et puisse en tirer bénéfice, et même amender, quand ce sera requis, sa procédure ou ses comportements si le commissaire pense que c'est une orientation à privilégier.
Mme Beaudoin (Mirabel): Quand vous suggérez un délai de 90 jours, est-ce que vous parlez d'un délai de rigueur?
M. Gagnon (Richard): C'est un délai de rigueur, comme je le disais tout à l'heure, en ce sens qu'il faudrait que, dans les 90 jours, le Commissaire aux plaintes ait fait un rapport d'étape, ait informé le plaignant et l'ordre professionnel concerné de l'avancement du dossier ? donc, je suis rendu à telle place dans mon enquête, il me manque certaines informations, etc. ? pour que le plaignant ne soit pas dans le vide, là, et ne sache pas trop si le commissaire a terminé son travail ou s'il est encore en train de chercher de l'information.
Alors, il nous apparaît que c'est un délai de rigueur pour informer le plaignant. Ce n'est pas nécessairement un délai de rigueur pour compléter son enquête. C'est toujours très dangereux de mettre des délais de rigueur pour compléter une enquête parce que, quand on débute l'enquête, on ne sait jamais trop, trop la capacité qu'on aura d'aller chercher toute l'information, les délais requis de ceux à qui on demande l'information, alors... Mais 90 jours... Et je pense que, dans le code, pour les syndics, on parle de 90 jours en 90 jours, le syndic doit rendre compte de l'évolution de son enquête. Je pense, je ne veux pas dire de folies, M. le directeur général.
M. Thuot (Jean-François): Non, je pense que c'est 30 jours...
M. Gagnon (Richard): Après, prenez 90 jours...
M. Thuot (Jean-François): C'est 60.
M. Gagnon (Richard): C'est 60, voilà. Pour être sûr que le plaignant ou les personnes concernées sont informées de l'évolution du dossier.
Mme Beaudoin (Mirabel): Puis, selon vous, quel serait le délai raisonnable pour compléter une enquête? Le maximum, ce serait quoi?
M. Gagnon (Richard): Ça dépend tellement de chacun des cas, Mme la députée. Je vous dirais n'importe quoi, de vous dire: C'est six mois, c'est 12 mois, ça dépend de chaque situation. Et il y a toujours des cas d'exception. Un plaignant qui, soudainement, devient inaccessible, il est malade, il est hospitalisé, il a eu un accident, tout est possible, ce plaignant-là ne peut pas donner au commissaire toute l'information dont il a besoin. Alors, on doit se donner le délai requis pour lui permettre de recueillir l'information.
Mme Beaudoin (Mirabel): Dans la version actuelle du projet de loi, le Commissaire aux plaintes n'aura aucune véritable possibilité de remettre en cause la décision de tel ou tel ordre professionnel. Pensez-vous qu'un tel pouvoir devrait lui être accordé?
M. Gagnon (Richard): Bien, nous, on pense que le commissaire va être beaucoup plus efficace si l'approche est plutôt constructive, c'est-à-dire que le commissaire fait analyse de la plainte, fait des constats, rend avis. Et l'avis d'un commissaire indépendant au sein de l'office, ça a du poids, là. Honnêtement, ça va certainement amener certains ordres, s'il y avait des comportements à corriger ou des procédures à corriger, à les corriger. Alors, je pense qu'il serait même hasardeux que le Commissaire aux plaintes se substitue au pouvoir des ordres pour prendre des décisions sur l'admissibilité d'un candidat étranger à une profession. C'est une expertise un peu particulière, et là je ne suis même pas sûr qu'on rendrait service au Commissaire aux plaintes parce que, là, on le met vraiment dans le bain: Toi, quelle est ta décision concernant tel candidat? Ce n'est pas de cette façon, on pense, qu'il pourra être le plus utile au système professionnel, c'est beaucoup plus en rendant des avis éclairés et en adressant des recommandations aux ordres professionnels concernés.
Mme Beaudoin (Mirabel): Tantôt, on a entendu des représentants du Conseil des relations interculturelles. Je pense que vous étiez présent.
M. Gagnon (Richard): Tout à fait, madame.
n(17 h 30)nMme Beaudoin (Mirabel): J'aimerais avoir votre opinion sur leur suggestion ou leur demande de modification à l'article 6 du projet de loi qui introduit l'article 16.10 au Code des professions afin que des plaintes puissent aussi être déposées par une tierce partie, plusieurs personnes ou un regroupement. Qu'en pensez-vous?
M. Gagnon (Richard): Écoutez, on n'a pas analysé cette question-là, mais, à prime abord, moi, je trouve ça délicat, pour être honnête, là, parce que la reconnaissance des compétences d'une personne, c'est très intime à une personne, là, et de commencer à prendre des plaintes en bloc ou à... ça me paraît un peu curieux comme processus, d'autant plus que le Commissaire aux plaintes, quand il va avoir à considérer la plainte d'une personne, bien le processus qu'il va examiner va être le processus qui est habituellement utilisé pour tous ceux qui font une demande au même ordre professionnel. Alors, je ne suis pas sûr que ça ajouterait vraiment, vraiment au processus qui est déjà prévu au projet de loi, là.
Mme Beaudoin (Mirabel): Et que pensez-vous également d'un autre ajout qu'ils suggéraient: «L'ajout d'un article au projet de loi mentionnant que le commissaire devrait informer tout plaignant sur la recevabilité de sa plainte.»?
M. Gagnon (Richard): Oui, je pense que ce serait de bon aloi, Mme la députée, là, que le commissaire puisse, dès le départ, exprimer au plaignant s'il ne peut pas traiter la plainte parce qu'elle n'est pas recevable, n'étant pas du tout de son ressort, de ne pas laisser poireauter un plaignant qui attend une réponse qui ne viendra jamais, là.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...
Mme Beaudoin (Mirabel): Dernière question: Pensez-vous qu'une nomination par le gouvernement, en dehors de toute interférence de l'Office des professions du Québec, puisse mieux défendre les intérêts d'un candidat refusé?
M. Gagnon (Richard): Alors, moi, je ne le pense vraiment pas. L'Office des professions a déjà son indépendance par rapport aux ordres professionnels. Ce que le Commissaire aux plaintes va examiner, c'est une plainte en regard du processus en place chez un ordre professionnel, et le Commissaire aux plaintes va avoir toute l'indépendance, d'ailleurs prévue au projet de loi, pour rendre avis tel qu'il l'entend. Et, moi, je vois travailler l'Office des professions en toute indépendance quasi quotidiennement, alors je ne vois pas pourquoi ça changerait dans ce cas-là.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?
Mme Beaudoin (Mirabel): Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée. Merci, M. Gagnon. Donc, il ne me reste plus qu'à vous remercier, au nom des gens de la commission, de vous être présentés, et, M. Huot, merci infiniment pour votre présence et votre contribution à cette commission. Je vous souhaite un bon retour chez vous. Soyez prudents. Avant de suspendre les travaux, je vais demander à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de bien prendre place, s'il vous plaît, et je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps de vous permettre...
(Suspension de la séance à 17 h 32)
(Reprise à 17 h 34)
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Je vais vous demander le consentement, puisque, compte tenu du vote, nos travaux ont été quelque peu retardés... Est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre les travaux après 18 heures? Est-ce que ça vous va? Si, toutefois, on en a besoin. Si on n'en a pas besoin...
Donc, nous reprenons nos travaux. Donc, M. Cousineau, M. Carpentier, Mme Montminy et M. Ducharme, je vous souhaite la bienvenue à notre commission. Merci de vous présenter. Vous savez que vous êtes nos invités. Je vous rappelle, même si vous étiez déjà présents, mais, à toutes fins pratiques, pour ne pas avoir quelque reproche que ce soit, je vais vous redire un petit peu le fonctionnement. Donc, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation ? il y a une certaine souplesse qui vous sera accordée, bien sûr ? et, de part et d'autre, il y aura 25 minutes de questions, approximativement, qui vous permettront de vous exprimer puis de mieux comprendre, en fait, la présentation que vous allez nous faire dans quelques instants. Donc, à vous la parole, et je vais vous demander de vous présenter, s'il vous plaît, là, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent.
Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Cousineau (Gaétan): Alors, bonjour. Mon nom est Gaétan Cousineau. Je suis président de la Commission des droits de la personne des droits de la jeunesse du Québec. Merci de nous avoir invités à commenter ce projet de loi.
Alors, la Commission des droits de la personne accueille favorablement le projet de loi n° 53, Loi instituant un poste de Commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles. Le projet de loi va dans le sens d'une recommandation formulée à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles dans notre mémoire que nous avions présenté lors des consultations publiques en septembre 2007, soit la mise en place d'une instance indépendante de reddition de comptes qui veillerait à ce que les normes et les pratiques des ordres professionnels et des établissements d'enseignement en matière de reconnaissance des acquis n'aient pas d'effets discriminatoires sur les personnes formées à l'étranger.
La commission est d'avis que la création d'un poste de commissaire dédié spécifiquement à l'examen des mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles contribuerait de façon significative à améliorer les processus en place au sein des différents ordres professionnels. La commission constate que l'absence d'encadrement et le manque d'uniformité dans leur application par les ordres professionnels font en sorte qu'encore aujourd'hui le processus mène, dans une grande proportion, soit au refus complet de la demande de la reconnaissance du diplôme ou de la formation du travailleur formé à l'étranger, soit à son acceptation sous condition de compléter un programme de formation qui, dans bien des cas, s'avère difficile à obtenir.
Nous avons retenu, aux fins de l'analyse du projet de loi, et ce, dans une perspective systémique, le respect du droit à l'égalité ? article 10 de la charte ? c'est-à-dire des personnes formées à l'étranger dans l'admission à un ordre professionnel ? article 17 de la charte ? ainsi que dans la conclusion d'un acte juridique, article 12 de la charte. Nous examinerons certains éléments d'ordre contextuel et nous formulerons des commentaires regroupés en quatre thèmes: l'indépendance du Commissaire aux plaintes; ses pouvoirs d'enquête à l'égard des ordres professionnels; le suivi des mécanismes de collaboration entre les ordres professionnels et les établissements d'enseignement; et, enfin, le suivi des recommandations adressées à un ordre professionnel.
Rappelons la responsabilité qui est dévolue au ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles en matière de sélection des ressortissants étrangers en vertu de la Loi sur l'immigration au Québec. Selon cette loi, le processus de sélection des ressortissants étrangers vise un certain nombre d'objectifs parmi lesquels on retrouve celui de favoriser la venue de ressortissants étrangers qui pourront s'intégrer avec succès au Québec et aussi contribuer à la stimulation du développement de son économie. C'est dans cet esprit que le gouvernement québécois a adopté une politique en matière d'immigration et d'intégration en privilégiant la venue de travailleurs hautement qualifiés.
Selon les données d'admission recueillies par le ministère pour 2008, les travailleurs qualifiés représentent 59,2 % de toutes les personnes qui immigrent au Québec. Cette orientation a eu pour effet de mener à une augmentation importante du niveau de scolarité dans la population immigrée. Ainsi, pour la région métropolitaine de Montréal, la proportion d'immigrants détenant un diplôme universitaire parmi les immigrants reçus entre 2001 et 2006 est non seulement largement supérieure à celle des immigrants arrivés avant 1981, mais elle l'est encore plus par rapport à celle de la population née au Canada.
Malgré tout, une proportion importante des personnes immigrées détentrices d'un diplôme d'études universitaires se trouvent à occuper des emplois mal rémunérés et peu qualifiés. Une étude pancanadienne réalisée en 2007 a démontré que 60 % des immigrants sur le marché du travail ont un emploi de niveau inférieur à celui de l'emploi qu'ils avaient avant d'immigrer au Canada, et ce, peu importe le niveau d'études complété. Le recensement canadien de 2001 nous permet d'observer qu'un nouvel arrivant sur trois, 34 %, occupe un emploi pour lequel il est surqualifié, alors que cette proportion s'élève à 19 % dans la population née au Canada.
À cette déqualification d'une portion importante des immigrants récents s'ajoute la difficulté qu'ont plusieurs immigrants hautement qualifiés à se trouver un emploi. Au Canada, en 2007, le taux de chômage des nouveaux immigrants ayant un diplôme universitaire était de 10,7 % contre 2,4 % pour les diplômés universitaires nés au Canada. Les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles acquises à l'étranger sont régulièrement pointés du doigt pour expliquer la déqualification des immigrants récents. Ce sont surtout les ordres professionnels et les établissements d'enseignement qui dispensent les formations d'appoint qui jouent un rôle déterminant dans la dynamique d'insertion professionnelle des immigrants qualifiés.
Le Conseil interprofessionnel du Québec signalait que près de 20 % des demandes de reconnaissance d'équivalence de diplôme ou de formation acquis à l'étranger entre 1997 et 2004 avaient été refusées. Un demandeur sur cinq se voit donc refuser complètement l'accession à la pratique professionnelle, car son dossier ne correspond pas aux exigences de l'ordre professionnel auquel il s'adresse. Cette proportion est encore plus élevée dans les professions relevant du domaine de la santé et des services sociaux, un demandeur sur quatre.
n(17 h 40)n Toujours selon le conseil, près de 45 % des demandeurs d'équivalence doivent réussir une formation ou un stage d'appoint pour obtenir un permis d'exercice professionnel. Ces formations sont généralement contingentées, et les critères d'admission, qui ont souvent un caractère discrétionnaire, varient selon que le candidat a été formé au Canada ou à l'étranger.
La commission est d'avis que la création d'un poste de commissaire devrait favoriser l'exercice général du droit à l'égalité des professionnels formés à l'étranger. Cependant, la commission estime que, pour exercer ce rôle efficacement, le commissaire se doit de bénéficier d'une pleine indépendance dans l'exercice de ses fonctions et de pouvoirs d'enquête exclusifs qui feront l'objet d'une présentation dans les sections suivantes.
Le projet de loi propose d'instituer un poste de Commissaire aux plaintes au sein même de l'Office des professions. Ce choix, selon la commission, est judicieux. Cependant, le statut accordé au commissaire suscite certaines interrogations quant à son indépendance. En fait, il serait un employé de l'office nommé suivant la Loi sur la fonction publique. La responsabilité de prendre les mesures pour préserver en tout temps son indépendance dans l'exercice de ses fonctions serait confiée à son employeur, l'Office des professions. Dans un tel contexte, la commission doute que le projet de loi offre suffisamment de garanties afin d'assurer la pleine indépendance et l'impartialité du Commissaire aux plaintes dans l'exécution de ses fonctions.
La commission croit qu'il y a lieu de renforcer le statut et l'indépendance du commissaire et propose des amendements au projet de loi. Le commissaire devrait être membre et non employé de l'office, ce qui signifie qu'il serait nommé par le gouvernement, à l'instar des cinq membres actuels. L'article 4 du Code des professions devrait être modifié en conséquence.
Au même titre que le président et le vice-président, il devrait être tenu de s'occuper exclusivement, au sein de l'office, des responsabilités qui lui sont attribuées par le projet de loi, ce qui devrait être prévu à l'article 7 du Code des professions. Ainsi, son mandat exclusif porterait sur le processus de reconnaissance des compétences professionnelles.
Il devrait être tenu de faire rapport annuellement de ses activités à l'Office des professions plutôt qu'à son président, lequel rapport devrait être transmis ultérieurement au gouvernement. L'article 6, 16.17, du projet de loi devrait être modifié dans ce sens. Le rapport devrait énumérer les motifs des plaintes reçues, les recommandations émises aux ordres professionnels et le suivi qu'ils en ont fait. Le gouvernement disposerait ainsi d'un bilan complet des réalisations du commissaire, ce qui pourrait guider des actions en matière de reconnaissance des compétences professionnelles.
Les pouvoirs d'enquête du commissaire. L'article 6 du projet de loi circonscrit les responsabilités du Commissaire aux plaintes: recevoir, examiner toute plainte contre un ordre professionnel concernant le fonctionnement des mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles, vérifier ces mécanismes et suivre l'évolution des mesures de collaboration entre les ordres professionnels et les établissements d'enseignement.
Ce niveau de responsabilité commande que le commissaire soit investi de pouvoirs qui lui permettent de procéder à une analyse exhaustive du fonctionnement des mécanismes de reconnaissance des compétences au sein d'un ordre professionnel. Selon la commission, le projet de loi ne lui offre pas la pleine assurance qu'il aurait accès à tout document, rapport ou renseignement dont il a besoin dans l'exercice de ses fonctions ou encore les moyens pour les obtenir.
La commission propose un ajout au projet de loi à l'effet que, lors de l'examen d'une plainte, le commissaire est investi des pouvoirs et immunités des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, sauf du pouvoir d'ordonner l'emprisonnement. Concrètement, cela signifie qu'il pourrait prendre tous les moyens légaux pour s'enquérir des éléments signalés dans une plainte: assignation de témoins, la possibilité de les déclarer coupables d'outrage au tribunal s'ils refusent de produire devant lui les papiers, livres, documents ou écrits en sa possession ou sous son contrôle et dont il juge la production nécessaire.
Enfin, il serait opportun de préciser que plusieurs personnes peuvent se regrouper pour déposer une plainte. La commission propose que l'article 6, 16.10, du projet de loi soit modifié en conséquence.
Le suivi des recommandations. Le projet de loi propose, à l'article 6, 16.13, qu'au terme de l'examen d'une plainte le commissaire informe le plaignant et l'ordre professionnel concerné de ses conclusions et leur transmette ses recommandations. Cependant, le projet de loi ne prévoit aucun mécanisme de suivi sur des recommandations adressées à un ordre professionnel. En effet, sachant qu'il ne s'expose à aucune conséquence particulière en ne donnant pas suite à une recommandation et en ne motivant pas cette inaction, l'ordre pourrait être incité à n'apporter aucun correctif. La commission recommande l'ajout d'une disposition prévoyant qu'au terme d'un délai fixé par la loi l'ordre professionnel informe par écrit le commissaire des suites qu'il entend donner et, s'il n'entend pas y donner suite, l'informe du motif justifiant sa décision.
Le suivi des mécanismes de collaboration. La commission accueille favorablement l'attribution des responsabilités qui permettront à l'Office des professions de favoriser une plus grande cohérence entre les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles et les conditions qui sont liées à l'accessibilité aux formations d'appoint exigées pour exercer une profession. L'examen de cette cohérence devrait toutefois s'inscrire dans l'attribution des responsabilités du commissaire prévue à l'article 6 du projet de loi. Cette responsabilité devrait être assumée par le commissaire de façon autonome et exclusive à titre de membre de l'Office des professions et faire l'objet d'une présentation spécifique dans le cadre du rapport annuel. Il serait opportun d'ajouter à l'article 3, 16.10, que le commissaire puisse demander au ministère de l'Éducation, Loisir et Sport de prendre des mesures appropriées quant à l'offre effective de formation d'appoint, mais également à l'accessibilité des formations offertes.
Selon le Conseil interprofessionnel du Québec, 2 500 personnes par année formulent des demandes de reconnaissance auprès des ordres professionnels. Durant la période 1997-2004, 37,1 % des demandes traitées ont été acceptées sans autre formalité, 18,3 % ont été refusées et 44,6 % ont été acceptées sous condition de compléter un stage ou une formation supplémentaire. Ainsi, chaque année, plus de 1 100 immigrés hautement qualifiés ont été demandés de suivre une formation pour parfaire leurs connaissances. L'obtention d'une équivalence de diplôme devrait permettre à ces professionnels d'accéder aux formations dispensées. Cependant, il en est souvent autrement. Les pratiques adoptées par les établissements d'enseignement du Québec ont fréquemment un effet d'exclusion sur la population immigrée diplômée à l'étranger.
La commission se réjouit de la responsabilité attribuée au commissaire d'assurer le suivi des mesures de collaboration. Il importe cependant que l'action du commissaire puisse permettre d'identifier toute autre pratique ou norme qui pourrait avoir effet d'exclure de manière directe ou indirecte les professionnels formés à l'étranger des programmes de formation dispensés. La commission est d'avis qu'il est toutefois essentiel d'attribuer à un commissaire un certain nombre de pouvoirs non prévus dans l'actuel projet de loi. Ainsi, le commissaire devrait être en mesure d'exiger du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport que ce dernier lui transmette sur une base annuelle toutes les données jugées nécessaires pour qu'il puisse réaliser un portrait de l'accessibilité aux formations. Le commissaire pourra faire part de son analyse au ministère, émettre des recommandations en vue d'assurer que les exigences requises ne comportent pas de biais discriminatoires et assurer qu'il prenne les mesures nécessaires pour que les établissements collaborent avec les ordres professionnels à identifier les pistes de solution à une plus grande accessibilité. Le ministre devrait informer le commissaire des mécanismes mis en place et des résultats obtenus dans ces collaborations. L'article 6 du projet de loi devrait être modifié dans ce sens. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci beaucoup, M. Cousineau. Oui, je voyais votre regard, Mme la députée de Mirabel. Non, si vous le permettez, je vais prendre un peu de votre temps sur leur présentation. Ça, ça vous va, hein? Parce qu'effectivement vous avez dépassé amplement le temps, mais, compte tenu que vous êtes nos invités, donc vous avez le bénéfice. Donc, Mme la ministre, à vous la parole.
Mme Weil: Oui. Alors, dans un premier temps, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue. On a eu l'occasion de se voir pour d'autres projets de loi, dont la sécurité dans les palais de justice, et une contribution fort appréciée dans ce projet de loi. Alors, peut-être quelques éléments assez détaillés. Vous parlez de, donc, 16.17, vous... votre proposition va dans le sens de renforcer le rôle du commissaire, s'il fait rapport annuellement de ses activités, au lieu que ce soit au président de l'office, que ce soit à l'office lui-même. Parmi vos autres recommandations de renforcer le rôle du commissaire, donc il y a ça, est-ce que vous pourriez peut-être résumer d'autres éléments de renforcer son rôle? Il y a la question d'indépendance, la nomination, vous croyez que... On a entendu cette recommandation, d'ailleurs, par le Conseil interculturel, de vous entendre là-dessus, c'est-à-dire par rapport à la nomination par le gouvernement au lieu que ce soit par le président, de vous entendre là-dessus, sur...
M. Cousineau (Gaétan): Bien, nous croyons que le rôle de ce commissaire, c'est un rôle très important, d'être celui de commissaire aux plaintes dans ce type d'interventions. Nous croyons que le dossier a suffisamment d'importance, et l'envergure du défi, il est grand. Alors, pour qu'il ait des coudées franches, nous croyons qu'il ne devrait pas être un employé de l'office, mais un membre de l'office et que, dans ce sens-là, c'est pour ça que son rapport, au lieu d'être remis au président, regardé à travers tous les autres aspects des responsabilités de l'office, être traité et être présenté aux autres membres de l'office par un filtre qui est celui du président ou un regard autre, nous croyons qu'il serait important que ce Commissaire aux plaintes puisse être membre de l'office pour... Son statut serait d'importance aussi face aux ordres, mais aussi face aux autres membres de l'office, et ça deviendrait sa responsabilité exclusive que celle d'être l'expert dans les mécanismes, l'examen des mécanismes de traitement des demandes.
n(17 h 50)nMme Weil: Le Conseil interprofessionnel a fait des représentations à ce sujet. Leur inquiétude par rapport à ça, c'était qu'il y a une expertise qui se développe actuellement à l'office et qui se développe depuis 35 ans, puis que, si le commissaire est trop détaché de cet organisme, il ne pourra pas bénéficier de toutes ces expertises ou toute l'expertise globale qui est en train de se développer et que... Finalement, leur point de vue, c'est que le fait qu'il soit attaché à l'office et non purement indépendant va enrichir ses connaissances, son rôle et sa contribution à l'amélioration des mécanismes de reconnaissance. Qu'est-ce que vous pensez de ce point de vue là?
M. Cousineau (Gaétan): C'est curieux parce que le même regard sur la situation en arrive à des conclusions différentes. Pour nous, il est important qu'il soit dans l'office. On l'avait recommandé, d'ailleurs, il y a deux ans. On avait recommandé que le meilleur endroit où ce commissaire doit se trouver, c'est à l'Office des professions. Cependant, qu'être un employé de l'office, c'est ce qui, quant à nous, fait défaut quant à l'indépendance, quant au statut et à l'importance du dossier à traiter. Et d'être membre de l'office et de ne pas être un employé de l'office lui donnerait le statut nécessaire pour bien piloter son dossier, s'assurer que son rapport annuel avec toutes les recommandations... On a fait beaucoup de recommandations quant au contenu du rapport, un rapport qu'il serait hautement intéressant pour le gouvernement de bien saisir et d'avoir le pouls de la situation, autant des recommandations, celles suivies, non suivies, les enjeux, les biais qu'il... les obstacles qu'il a identifiés qui devraient être démolis ou traités. Alors, ce sont des avantages que d'avoir cette indépendance dans l'office. Mais son indépendance ne le coupe pas de l'office, il reste membre de l'office, il pourra bénéficier... Et c'est là, je veux dire, que le même regard... Il pourra bénéficier de toute l'expertise de l'office. Il en fait partie, il est toujours de l'office. Il n'est pas à l'extérieur de l'office, il n'est pas un commissaire avec un pignon sur rue ailleurs, là.
Mme Weil: ...de statistiques sur les difficultés de chômage, surtout de personnes immigrantes avec un niveau d'éducation souvent supérieur même à des gens d'ici. Je connais bien ces statistiques, d'ailleurs, à l'échelle du Canada. Et, selon vous, l'existence, maintenant, de ce nouveau poste de commissaire, voyez-vous... J'aimerais vous entendre plus généralement sur, peut-être, la contribution de l'existence de ce rôle de commissaire dans tout ce grand champ d'activité qui est reconnaissance et intégration au marché du travail de ces gens hautement qualifiés. Et c'est ça qui est très désolant, finalement, de ces statistiques que vous avez nommées. Puis je ne pointe pas le doigt à personne, je pense que tout le monde est en train d'essayer de trouver des façons de reconnaître ces diplômes avec, évidemment, l'optique de protection du public, je pense qu'il faut le retenir, mais de s'assurer en même temps que c'est fait de façon transparente, équitable, etc. Donc, peut-être, vous entendre généralement là-dessus, sur la percée peut-être qu'on fait avec la création de ce poste.
M. Cousineau (Gaétan): Je pense que c'est... il faut se réjouir de cette intention de ce projet de loi qui va créer ce poste-là. La commission a reçu et traite actuellement une demande d'enquête systémique de médecins étrangers, un groupe de médecins, près d'une centaine, qui cherchent à être reconnus et puissent exercer leur travail. Je ne parlerai pas trop de l'enquête parce qu'on est en train de la faire, mais ce que je peux dire de cette enquête, c'est qu'elle est fort complexe. C'est un domaine fort complexe parce qu'on doit traiter avec le Collège des médecins, on doit traiter avec les universités. Donc, il y a plein de facteurs, et c'est complexe. D'avoir quelqu'un qui deviendra un expert des mécanismes des ordres professionnels dans sa reconnaissance de diplômes, c'est là l'importance de la chose.
La commission va rester intéressée à ces dossiers-là. D'ailleurs, l'individu, ou la personne, ou un groupe de personnes qui voudrait porter plainte pourrait porter plainte à la commission et pourrait aussi, en même temps, faire sa démarche auprès du Commissaire aux plaintes, et les deux pourraient collaborer. On y voit une heureuse collaboration. Nous, avec notre expérience en enquêtes systémiques, de biais discriminatoires, de discrimination en vertu des articles de la charte, c'est une expérience qu'on peut partager avec le Commissaire aux plaintes, qui, lui ou elle, pourrait regarder tous les mécanismes, deviendrait cet expert, et on pourrait échanger. On sait que ces mécanismes sont complexes. On a tenu un colloque, la commission, sur le droit au travail sans discrimination au Québec, et il y a eu un atelier spécifiquement sur la reconnaissance des diplômes. Plusieurs intervenants du milieu, déjà, reconnaissaient ? et ça fait plus d'un an ? l'importance d'avoir une intervention semblable, un endroit où on peut se plaindre et regarder, jeter un regard critique, une analyse critique sur les normes, les critères, les disponibilités, l'accessibilité des formations d'appoint demandées.
Mme Weil: C'est ça, vous demandez que le projet de loi soit amendé afin que le commissaire puisse procéder à l'examen de la cohérence entre les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles et les conditions qui sont liées à l'accessibilité aux formations d'appoint exigées pour exercer une profession. Donc, ma question, c'était ? mais je pense que vous avez répondu: Pourriez-vous nous préciser ce que vise cette demande? Mais c'est un peu la réponse que vous donnez.
M. Cousineau (Gaétan): Oui. J'ai participé à plusieurs rencontres sur le sujet parce qu'on aborde souvent, à la commission, ce sujet-là. Les gens sont, je dirais, presque désespérés de pouvoir exercer leur profession, leur métier et de le faire rapidement parce qu'on peut perdre notre expertise en attendant une acceptation. La cohérence des formations, la disponibilité, l'accessibilité, il y a plusieurs joueurs sur le terrain, il y a les ordres professionnels, il y a les établissements d'enseignement. Il faut qu'il y ait une cohérence, il faut qu'on se parle, il faut qu'on trouve les moyens de rendre disponible et accessible... Chez les médecins, par exemple, on a vu, année après année, qu'il y avait des postes qui sont demeurés vacants alors qu'il y a ces médecins qui font des plaintes chez nous. Alors, comment on... Quelqu'un qui regarde ça, c'est incohérent, il y a de l'incohérence là-dedans. Alors, c'est cette cohérence qu'il faut examiner, traiter. Et est-ce que c'est une norme? Est-ce que c'est un critère? Est-ce que c'est une approche, un regard sur... un biais culturel? C'est toutes ces questions qui doivent être posées, examinées de façon... et analysées, et avec des recommandations, et là ça devrait changer les choses.
Mme Weil: Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Mme la députés de Mirabel.
Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. M. Cousineau, Me Carpentier, Me Montminy, M. Ducharme, bienvenue, et merci pour l'intérêt que vous portez à ce projet de loi et pour la présentation de votre mémoire.
Dans les conclusions de votre mémoire vous dites que «la commission est favorable à l'institution d'un poste de Commissaire aux plaintes puisqu'il offre une meilleure garantie de respect du droit à l'égalité au travail dans le contexte du processus de reconnaissance des compétences professionnelles pour les personnes formées à l'étranger». Cependant, on constate que vous vous posez beaucoup de questions concernant la pleine indépendance à l'égard des ordres professionnels. Pensez-vous que le Commissaire aux plaintes devrait être totalement indépendant de l'Office des professions du Québec pour avoir une véritable impartialité en matière de jugements?
M. Cousineau (Gaétan): On n'a pas retenu cette solution-là. D'ailleurs, notre recommandation, il y a deux ans, à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles... On nous demandait d'intervenir sur les niveaux d'immigration, et on avait déjà soumis cette difficulté-là, et on avait dit: Non, le meilleur endroit où situer cette personne, ce serait au sein de l'office. À cause de l'expertise qu'elle a, la connaissance qu'elle a, son rôle auprès des ordres, c'est probablement le meilleur endroit où le situer, et on n'a pas changé d'avis à ce sujet-là. De situer le commissaire en dehors de cela, je pense que ça représenterait un plus grand défi pour la personne ou les personnes qui travaillaient à se bâtir ce niveau d'expertise et avoir ce lien, et ça créerait un autre joueur sur l'échiquier, qui est déjà complexe, là.
Mme Beaudoin (Mirabel): Vous proposez plusieurs amendements et vous vous démarquez par rapport aux autres représentants d'organismes. Dans un des amendements proposés, vous dites: «La commission propose un [...] amendement afin d'accroître les pouvoirs du Commissaire aux plaintes. [Alors,] lors de l'examen d'une plainte, il devrait être investi des pouvoirs et l'immunité des commissaires nommées en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Il devrait de même se voir accorder les immunités contre les poursuites en justice et l'exercice des recours extraordinaires lorsqu'il omet ou accomplit des actes de bonne foi dans l'exercice de ses fonctions. [Et ajoutons:] Afin qu'il puisse exercer pleinement ses fonctions, le commissaire devra disposer des ressources nécessaires.» Alors, ma question est la suivante: D'abord, pourquoi cet amendement, vous êtes inquiets? Et ma deuxième question: Vous parlez des ressources nécessaires, vous parlez de quelles ressources?
n(18 heures)nM. Cousineau (Gaétan): D'accord. Commençons par le pouvoir d'enquête. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse fait enquête, comme vous le savez, sur des plaintes, et c'est mentionné clairement dans la charte que ses membres, ses employés, ses professionnels ont aussi ces pouvoirs d'enquête pour effectivement effectuer des enquêtes. Faire enquête veut dire avoir toute l'information nécessaire pour traiter de la justesse d'une plainte et décider, recommander des modifications. Alors, de ne pas avoir ce pouvoir d'enquête qui donnerait au commissaire l'outil nécessaire d'aller chercher toute l'information qu'il a besoin, demander aux ordres des documents... Tantôt, j'écoutais, vous vous interrogiez sur les délais. Vous voyez, alors, les délais, un des importants délais dans une enquête, c'est d'obtenir l'information pour... tous les documents nécessaires sur lesquels on doit enquêter. Alors, de ne pas avoir ce pouvoir pourrait déjà créer un délai important du début d'enquête parce qu'on attend des documents. Le pouvoir d'enquête donné dans cette loi forcerait parce que ça rendrait exécutoire. Autrement, vous n'avez pas aucune force, aucun élément contraignant face à... pour recevoir les documents, ce serait sur la bonne volonté des gens.
Mme Beaudoin (Mirabel): Et pouvez-vous élaborer sur la recommandation que vous faites à l'effet que vous demandez des ressources nécessaires? Quelles ressources comme telles?
M. Cousineau (Gaétan): Bien, je pense que ce sera à l'office et au commissaire de déterminer, mais on ne pouvait pas s'imaginer une personne seule remplir ce rôle. Il y aura des gens qui devront l'assister, des experts, des professionnels, des gens de soutien pour traiter des plaintes et faire les suivis, les rapports, et tout cela. Alors, je pense qu'on laisserait à l'office... mais on voulait justement assurer l'attention que ce ne sera sûrement pas une personne seule.
Mme Beaudoin (Mirabel): Dans un autre amendement, vous parlez de permettre à plusieurs personnes de se regrouper pour déposer une plainte. On a entendu une recommandation similaire par le Conseil des relations interculturelles. Leur modification proposée est la suivante: «La modification de l'article 6 du projet de loi introduisant l'article 16.10 au Code des professions afin que des plaintes puissent aussi être déposées par une tierce partie, plusieurs personnes ou un regroupement.» Est-ce que ça va dans le même sens que cette proposition qu'ils ont recommandée?
M. Cousineau (Gaétan): Notre expertise à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, c'est qu'il y a... on a souvent des plaintes individuelles, un individu, une personne porte plainte à la commission en vertu de l'article 10, pour avoir été discriminée en vertu d'un des 13 motifs de l'article 10. De la même façon, devant le commissaire, une personne pourrait dire: Bien, moi, je pense avoir été lésé, on n'a pas reconnu équitablement mes diplômes, on n'a pas voulu reconnaître mon expérience. Mais cette personne-là, elle n'est pas isolée, elle fait partie d'une communauté, elle fait partie d'un groupe, elle connaît probablement d'autres personnes dans la même situation que la sienne, et ils seront tentés, évidemment, à dire: Bien, on va y aller ensemble, là, on a souffert, on a subi le même préjudice, un préjudice semblable.
J'écoutais la réponse qu'on vous avait donnée, qu'on dit: Bien, chaque cas devrait être regardé en son mérite. Oui, il est fort possible que, les gens qui se regroupent, certains aient de l'expérience et les compétences nécessaires, et d'autres qu'ils n'aient pas tous les critères que l'on souhaite, mais il y quelque chose, là, de systémique qu'on regarde quand on regarde des mécanismes. Il y a des critères, il y a des normes qui s'appliquent à plusieurs. Alors, c'est presque inévitable que ce type de demande va se rendre au commissaire. Est-ce qu'il doit les traiter individuellement ou s'il peut jeter un regard plus systémique en groupe? C'est un peu ça, la question. On dit: Bon, il faudrait peut-être lui donner cette opportunité de choisir selon les circonstances.
Mme Beaudoin (Mirabel): J'aimerais vous entendre également sur un amendement que vous recommandez, c'est que vous semblez être inquiets sur le suivi des recommandations. Alors, vous marquez ? ça, c'est à la page 26 de votre mémoire: «Par ailleurs, la commission recommande un sixième amendement afin de permettre au Commissaire aux plaintes d'assurer le suivi des recommandations qu'il aurait formulées à un ordre professionnel. Ce dernier devrait être tenu d'informer par écrit le commissaire des suites qu'il entend donner à cette recommandation et, s'il n'entend pas y donner suite, l'informer du motif justifiant cette décision.» J'aimerais vous entendre sur cet amendement-là parce que vous semblez être inquiets.
M. Cousineau (Gaétan): Bien, inquiets... Je vous dirais qu'il y a deux aspects à ce regard sur le suivi. Le commissaire fera une recommandation dans un dossier particulier, je pense que ça va être intéressant pour le commissaire de savoir si sa recommandation a un impact et quel impact ça a eu, est-ce que ça a changé des choses. Je pense, ça fait partie de son apprentissage et ça fait partie de son expertise. Je pense que ce serait l'empêcher d'obtenir une partie de la réponse, et des solutions, et de la connaissance qu'il doit avoir dans le traitement des plaintes, d'une part. Et, de l'autre côté, si un ordre néglige, ou retarde, ou, finalement, ne rend pas une décision face à cette recommandation, je pense qu'il est important... ou la rejette tout simplement, peut-être qu'avec un argument bien valable je pense qu'il est important que le commissaire le sache. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose à ce niveau-là.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Carpentier.
M. Carpentier (Daniel): Oui, Daniel Carpentier. Bien, il y a aussi qu'on l'a... le législateur l'a retenu dans certains cas, le Protecteur des usagers dans le réseau de la santé, alors, pour s'assurer que, quand on fait des recommandations, ceux à qui on les adresse disent: Oui, je vais considérer la recommandation ou, non, je ne considérerai pas la recommandation, et pour quel motif. Je pense qu'il y a une importance de donner des suites quand on donne des pouvoirs de recommandation à un commissaire.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?
Mme Beaudoin (Mirabel): Ça va.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Mirabel. J'ai cru comprendre que le député de Laurier-Dorion voulait intervenir.
M. Sklavounos: Oui. Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Cousineau, Me Carpentier, Me Montminy, M. Ducharme. Merci pour votre présence, votre présentation.
Je veux reprendre, en quelque sorte, une question posée par ma collègue. Nous avons entendu deux points de vue ce soir concernant cette espèce de recours collectif ? je pourrais l'appeler, là ? devant le commissaire. Évidemment, il y a des questions qui ont été posées concernant une discrimination systémique, et on entendu deux points de vue: que regrouper pourrait permettre de faire... d'avoir un point de vue plus global sur une question et pouvoir voir ce qui se passe au niveau plus macro; et on entendu un autre point de vue disant: Écoutez, là, on étudie le dossier cas par cas évidemment, comme vous l'avez mentionné, et on prend position par la suite, à la lumière des faits qui sont amenés devant nous, dans chaque dossier.
Lorsqu'on se met à parler des statistiques de la discrimination systémique reliée à certains groupes ? et on les connaît, elles ont été mentionnées, ces statistiques, ici plus tôt ? je me demande, si on se met à mélanger ce type de considérations au travail du commissaire, est-ce qu'on rentre un petit peu dans votre compétence à vous. Parce que, quand, moi, je commence à écouter quelqu'un qui me dit: Je ne sais pas, là... Et on le voit très bien, les gens maghrébins qui sont souvent très qualifiés, on voit un taux de chômage qui est très, très élevé, et on se pose des questions concernant le pourquoi, et on arrive au niveau d'équivalence et reconnaissance des acquis, etc., mais là on commence à aborder une autre question qui est peut-être une question de discrimination à cause de leur religion, culture, etc.
Je ne sais pas quel type de synergie ou quel type de problèmes on aurait si on donnait ça au commissaire parce que, moi, je vois ça comme quelque chose que vous seriez peut-être en mesure de faire, que vous faites déjà, il me semble, ou vous êtes censés faire, et que vous avez évidemment une expertise pour le faire. Et je me demande, dans un tel type d'enquête qui comporterait un volet comme ça, comment vous voyez votre rôle à vous ou est-ce qu'on n'est pas mieux de dire: Écoutez, M. ou Mme la commissaire, vous allez regarder strictement la qualification professionnelle, tout ça? Du moment qu'on commence à débarquer dans les arguments de discrimination raciale, culturelle, religieuse, etc., bien, woup! on transfère peut-être... ou on dit que c'est un dossier qui devrait aller devant la commission et que c'est vous autres qui devriez regarder cette partie-là du problème.
n(18 h 10)nM. Cousineau (Gaétan): Le rôle de la commission est définitivement... Il y a un complément, là. La personne qui ferait une plainte à la Commission des droits de la personne, droits de la jeunesse pourrait... nous, on pourrait rendre une décision qui va amener un redressement, une compensation financière de dommages subis, etc., des choses que le Commissaire aux plaintes ne pourra jamais faire. Alors, vous voyez, la raison qu'on pourrait... chez nous, l'objectif peut être différent en bout de ligne versus le Commissaire aux plaintes. Donc, on peut voir un peu les rôles différents. Par contre, vous avez raison de mentionner que, si le Commissaire aux plaintes regarde des mécanismes, des normes, des critères et qu'il se rend compte qu'il y a peut-être de façon directe ou indirecte... Parce que la discrimination, ça peut être aussi de façon indirecte, peut créer un biais, peut créer un obstacle supplémentaire à des gens à l'étranger et qui n'auraient pas ce... qu'il n'y aurait pas un obstacle pour les gens d'ici, les gens nés et éduqués au Canada. Donc, il pourrait y avoir un biais. Je pense que ce rôle-là, il faut lui laisser, de regarder les mécanismes. Il pourrait bien sûr... puis là notre rôle sera de collaboration. D'ailleurs, on l'a mentionné dans le document qu'on est prêts à jouer ce rôle de collaborateurs. On a développé une expertise, mais on n'a pas, nous, toute cette expertise des mécanismes des ordres, des normes des ordres. Quand on a une enquête, c'est beaucoup de travail et c'est une expertise fine qu'il faut développer, c'est complexe. On le fait, là, dans les métiers étrangers, mais, écoutez, ça fait plusieurs mois qu'on y compense, là. Si on avait été dans ce métier-là au départ, ça aurait été plus simple et plus court pour nous, mais c'est fort complexe.
M. Sklavounos: Et je suis d'accord avec vous que c'est complexe, et c'est pour ça que j'essaie d'imaginer un cas particulier, parce que je crois que, lorsqu'arrive un dossier devant le commissaire concernant la reconnaissance, le retour à un internat, à un stage, je ne sais pas trop quoi, il n'y a personne qui va dire: Écoutez, à partir de ce moment-là, ça devient un dossier de discrimination ou de discrimination systémique. Je veux dire, on regarde les faits, on regarde ce qui s'est passé dans la situation, à un moment donné on se rend compte que peut-être qu'il y a ce volet-là dans un dossier. Je me demande comment que... Je veux dire, moi, idéalement, dans un cas comme ça où on soupçonne... je verrais quelqu'un de chez vous avec le commissaire, quasiment du début jusqu'à la fin, ensemble en train d'enquêter le dossier parce que ce n'est pas divisé clairement, là, cette affaire-là.
Lorsqu'on se met à regarder des barrières possibles qui dénotent une discrimination systémique, il y a le volet strictement reconnaissance, acquis, évaluation, pondération du dossier, etc., mais là, en arrière de ça, si on soupçonne, en quelque part, qu'il y a de la discrimination, à quel moment vous vous impliquez, à... Je veux juste essayer d'imaginer une situation et aussi, en même temps, dire: Je suis très conscient que ça se chevauche, vos responsabilités sur un dossier de ce genre-là se chevaucheraient, mais on veut aussi éviter qu'il y ait des décisions contraires, contradictoires, des choses qui cheminent en parallèle, et je pense que c'est à ce niveau-là que, si vous pourriez nous éclairer, ce serait intéressant pour...
M. Cousineau (Gaétan): Bien, si la plainte est faite au Commissaire aux plaintes puis elle n'est pas faite chez nous, on ne traitera pas le dossier. Si elle est faite au Commissaire des plaintes, c'est là que va se passer le dossier. Si, en traitant le dossier, le Commissaire aux plaintes souhaite échanger et avoir la collaboration, l'expertise de la commission pour... s'il s'aperçoit qu'il y a peut-être un regard de discrimination systémique et veut connaître notre... avoir nos conseils, notre opinion, on sera collaborateurs. Si la plainte est déposée des deux côtés, il va falloir... Bon, il n'y a rien qui empêchera ça jamais, hein? La personne va regarder les mécanismes, il peut y avoir autre chose aussi chez nous. Alors là, c'est sûr qu'il va falloir se parler, traiter de la chose. Mais ça arrive, ça, dans différents dossiers. Écoutez, on est habitués à ces choses-là.
Je vais vous donner un exemple. L'exploitation des personnes aînées, nous, on fait un cas de... on regarde l'abus, la plainte d'abus chez les personnes aînées. Il y a le Curateur qui aussi va traiter avec les mécanismes de protection, la protection des biens, etc., donc on se parle, on s'entend sur des choses comme ça. Je ne sais si...
M. Carpentier (Daniel): Écoutez, c'est parce que vous abordez la question, effectivement, la question des recours, qui fait quoi. Nous, ce qu'on pense, et compte tenu du pouvoir, de la responsabilité qui est confiée à ce commissaire dans le projet de loi, écoutez, s'il examine la plainte d'une personne, oui, mais qui concerne le fonctionnement des mécanismes, ce n'est pas juste du dossier individuel, ça, c'est des plaintes qui concernent le fonctionnement de mécanismes. Ensuite, il vérifie le fonctionnement des mécanismes. Ensuite, il s'assure des ententes, là, il regarde au niveau des ententes entre les universités, dans le fond, et les ordres. On est dans le global.
Nous, ce qu'on pense, c'est que, quand il va examiner ces mécanismes-là, il peut trouver qu'un des mécanismes ne fonctionne pas bien, qu'il y a des gens qui ont un certain niveau de compétence qui pourraient plus facilement accéder à la profession et va dire: Votre mécanisme de reconnaissance, il est lacunaire sur certains aspects. Nous, ce qu'on pense, c'est que, si on corrige ça, ça va avoir un impact sur les populations qui pourraient venir déposer des plaintes chez nous, à la Commission des droits, en disant: Nous avons un impact discriminatoire. Nous, le seul bout de lorgnette par lequel on peut le prendre, il faut démontrer que ça a un impact discriminatoire. Lui, il peut le prendre: Le mécanisme n'est pas efficace, corrigez-le. Ça va contribuer à ce qu'on fait, mais ça va être un moyen qui va peut-être faciliter les correctifs dans ce sens-là. Mais c'est pour ça que, nous, on dit: C'est plus du global que de l'individuel, ce recours-là.
M. Sklavounos: Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. C'était fort intéressant. Vous allez devoir vous interrompre, c'est tout le temps que nous avons.
M. Sklavounos: Il n'y a pas de problème. S'il ne reste plus de temps, il ne reste plus de temps.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, Mme la députée.
Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, M. le Président. À la page 21 de votre mémoire, vous mentionnez, au deuxième paragraphe: «Bien que l'acquisition de connaissances liées au contexte de pratique en milieu québécois puisse sembler constituer un préalable raisonnable pour assurer la réussite des professionnels formés à l'étranger dans les programmes de formation exigés par les ordres professionnels, il n'en demeure pas moins que les appréhensions "culturelles" formulées par les établissements d'enseignement peuvent parfois s'avérer injustifiées et discriminatoires.» J'aimerais vous entendre à ce sujet-là et je voudrais savoir si vous pensez que la mise en place d'un commissaire aux plaintes va véritablement changer la situation.
M. Cousineau (Gaétan): Nous, on se rend compte qu'il y a effectivement des appréhensions culturelles. On parle de culture dans les établissements, d'acclimatation aux processus, aux modèles québécois dans l'exercice d'une profession. Alors, il y a peut-être un jugement ou un préjugé, un stéréotype, une appréhension, un biais qui peut venir de cela et qui peut nuire à une acceptation d'une candidature, là, quand on fait ce type de demande. Alors, c'est pour ça qu'on dit qu'il faut s'assurer «d'expurger le processus de sélection des candidats aux formations professionnelles de toute exigence subjective en lien avec la race ou l'origine ethnique ou nationale», donc des critères qui se libèrent de tous les stéréotypes qui sont plus recherche de faits plutôt que de ce type de demande. Oui, je pense, nous pensons que le Commissaire aux plaintes pourrait justement, en regardant les processus, les critères, les normes, la façon de traiter les choses... peut faire des recommandations positives qui vont aider au changement.
Mme Beaudoin (Mirabel): À la page 17 de votre mémoire, là, dans le sujet, Le suivi des mécanismes de collaboration entre les ordres professionnels et les établissements d'enseignement, à la fin du paragraphe, là, vous mentionnez: «S'il apparaît nécessaire que le commissaire puisse procéder à l'analyse du processus de reconnaissance des acquis professionnels mis en place par les ordres professionnels afin que celui-ci soit exempt d'effets discriminatoires pour les personnes formées ou ayant acquis leur expérience à l'étranger, il est essentiel qu'il puisse procéder au même examen en ce qui concerne les conditions liées à l'accession aux formations dispensées par les établissements d'enseignement et qui sont exigées par les ordres professionnels pour obtenir un permis d'exercice.» Et vous dites: En ce sens, il serait opportun d'ajouter à l'alinéa 3° de l'article 16.10 que le suivi des mesures de collaboration et la possibilité pour le commissaire de demander au ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport de prendre les mesures appropriées...» J'aimerais savoir qu'est-ce que vous entendez par les mesures appropriées et d'élaborer sur vos recommandations.
M. Cousineau (Gaétan): Ce que nous recommandons, c'est que le Commissaire aux plaintes ait accès annuellement, du ministère de l'Éducation, Loisir, Sport, des formations d'appoint, mais aussi de l'accessibilité aux formations offertes. Donc, il aurait dans son bagage d'informations ces informations nécessaires pour qu'il puisse faire l'analyse des disponibilités sur le terrain de ces formations et, lorsqu'il y aura une plainte, tenir compte de ces facteurs d'information dans l'examen des mécanismes, et des opportunités, et de l'accessibilité.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Ducharme.
n(18 h 20)nM. Ducharme (Daniel): Oui. Bien, il faut aussi que le commissaire soit en mesure d'avoir toutes les données nécessaires qui lui permettront de vérifier pas seulement que les formations sont disponibles, que les établissements d'enseignement consentent à donner ce type de formation là, mais qu'on puisse vérifier, pour des groupes qui seraient davantage vulnérables, quelle est leur accessibilité à ces formations-là, est-ce qu'ils sont, dans une large mesure, exclus de ces formations-là en fonction des conditions d'admission.
Je pense que le Conseil interculturel a avancé un peu sur cette proposition-là aussi précédemment dans la journée de dire qu'ils puissent avoir tous les éléments nécessaires qui lui permettent d'avoir des données qui lui permettent de comparer l'accessibilité de ces formations-là pour des groupes de gens qui sont formés à l'étranger versus des gens qui auraient été formés ici, au Québec, pour pouvoir apprécier la situation, et puis exiger des correctifs, et puis faire des propositions au ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport pour qu'il soit en mesure de s'assurer que les établissements d'enseignement, les collèges et les universités, puissent procéder à des modifications en accord avec les ordres professionnels dans leurs critères d'admission.
M. Cousineau (Gaétan): Il faudrait se rappeler qu'il y a 45 % des demandeurs qui doivent obtenir cette formation d'appoint, et plusieurs n'y ont jamais accès. Alors, même s'ils n'ont pas refus, c'est un refus éventuellement, à ne pas jamais compléter cette formation souhaitée pour avoir accès au permis d'exercice.
Mme Beaudoin (Mirabel): Tantôt, vous avez parlé des délais. Vous étiez présents lorsque le Conseil interprofessionnel du Québec a mentionné qu'il croyait qu'il y avait une faille, là, concernant les délais. Eux, ce qu'ils disent, c'est qu'on note l'absence de délai pour l'examen d'une plainte, et ils suggèrent: «Afin d'assurer la crédibilité du processus, nous suggérons la mention d'un délai indicatif à l'article 16.13.» J'aimerais vous entendre à ce sujet-là et qu'est-ce que vous suggérez comme délai, de quelle façon vous voyez ça.
M. Cousineau (Gaétan): Écoutez, la commission a toujours un grand défi elle-même, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, dans le respect de ses délais. Par contre, c'est sûr qu'on se fixe des cadres. Par exemple, si on considère que c'est un dossier simple, nous, on va se dire: Bien, c'est de quatre à six mois où on peut traiter la plainte, y faire des recommandations et l'acheminer vers les membres. Un dossier plus complexe pourrait prendre une année et plus. Alors, c'est difficile. Un dossier régulier, c'est peut-être six mois.
Ce que j'entendais comme réponse, c'est qu'on veut, on souhaite que le plaignant, le demandeur puisse avoir une réponse de l'état du traitement de sa plainte dans trois mois, donc qu'il soit informé. Pas que la plainte soit traitée ou réglée, où on est rendu au niveau des recommandations, et je vous ramènerais, à ce niveau-là, au pouvoir d'enquête. Pour commencer à analyser une plainte, et vraiment faire une analyse, et commencer à faire des recommandations, il faut avoir tous les documents, alors d'où l'importance d'avoir ces pouvoirs d'enquête contraignants pour recevoir l'information nécessaire avant même de pouvoir traiter parce qu'au bout de trois mois il risquerait de dire: J'attends des documents. J'ai fait la demande de documents, j'attends les documents. Alors, je pense qu'il faut... C'est surtout ça qui est important pour nous. Les délais, ces cadres-là, bien sûr il faut que les délais soient raisonnables.
Mme Beaudoin (Mirabel): Alors, si je comprends bien, vous êtes d'accord, là, finalement, que c'est une lacune, là, parce qu'on ne mentionne pas de délai. Vous suggérez qu'il y ait un délai?
M. Cousineau (Gaétan): Moi, je trouverais très difficile de légiférer un délai. Si le législateur choisit d'instituer un cadre, ce serait peut-être la rétroaction face au demandeur. Mais d'établir un cadre de traitement, plus le dossier sera systémique et complexe, ça pourrait prendre beaucoup plus de temps que trois mois. Ce serait peut-être un corset difficile à porter.
Mme Beaudoin (Mirabel): Vous avez entendu qu'ils se basaient sur le fait que le syndic, c'est la même chose, là, ils suggéraient 90 jours imposés au syndic d'un ordre professionnel dans le cadre de son enquête sur un professionnel. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette suggestion?
M. Cousineau (Gaétan): L'approche du syndic, c'est de laisser savoir au demandeur où on en est avec sa demande dans les, donc, premiers 30 jours... excusez, trois mois. Ensuite, il y a un six mois. Ça force l'organisation, l'ordre à donner un renseignement. Ça, dans ce sens-là, c'est intéressant.
Mme Beaudoin (Mirabel): Merci.
Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Alors, c'est moi qui vous remercie, Mme la députée de Mirabel. Donc, M. Cousineau, Mme Montminy, M. Carpentier et M. Ducharme, merci infiniment de vous être présentés à notre commission. Merci pour votre contribution, et je vous souhaite un excellent retour. Et, sur ce, je vous remercie tous de votre grande attention.
Cela met donc fin à la séance d'aujourd'hui. La commission ajourne ses travaux au jeudi 19 novembre 2009, après les affaires courantes. Merci. Bon retour à tous.
(Fin de la séance à 18 h 25)