(Seize heures trois minutes)
La Présidente (Mme Thériault): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leurs téléphones cellulaires ou de les mettre en mode vibration, s'il vous plaît.
Donc, la commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 43, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière électorale concernant l'identification des électeurs.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Paquet (Laval-des-Rapides) est remplacé par Mme Vallée (Gatineau) et M. Riedl (Iberville) est remplacé par M. Diamond (Marguerite-D'Youville).
Projet de loi n° 43
La Présidente (Mme Thériault): Bien, merci. Donc, avant de passer aux remarques préliminaires, je tiens à souligner la présence de Me Marcel Blanchet, le Directeur général des élections, qui est ici, aujourd'hui, avec son équipe pour répondre aux questions des parlementaires concernant le présent projet de loi. Je comprends que, dans l'éventualité où les membres de la commission souhaiteraient poser des questions à Me Blanchet, il y a consentement pour lui permettre de prendre la parole. Consentement?
Des voix: Consentement.
Remarques préliminaires
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, sans plus tarder, je vais inviter le ministre à prendre la parole. Vous avez un bloc de 20 minutes et par la suite il y aura l'opposition officielle et le deuxième groupe de l'opposition.
M. Benoît Pelletier
M. Pelletier (Chapleau): Merci, Mme la Présidente. Alors, je tiens, d'entrée de jeu, à saluer les députés qui participent, aujourd'hui, aux travaux de cette commission, fussent-ils du parti ministériel, ou de l'opposition officielle, ou du deuxième groupe d'opposition, et en particulier à saluer mon vis-à-vis dans le dossier de la réforme des institutions démocratiques, le député de Mercier, et également de saluer la personne qui remplace mon vis-à-vis habituel, toujours dans le même dossier, soit la députée de Lotbinière.
Et vous me permettrez aussi de saluer le Directeur général des élections et son équipe. Je suis heureux que vous soyez ici, aujourd'hui. Et effectivement je suis certain que nous ferons appel à vos conseils, qui sont toujours judicieux, et que nous ferons appel à vos commentaires tout au cours des travaux de cette commission.
Vous me permettrez aussi de souligner la présence, à ma gauche, de mon sous-ministre, André Fortier, ainsi que de son équipe qui provient du Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques et à l'accès à l'information.
Mme la Présidente, je serai très bref dans mes commentaires préliminaires. Je veux tout simplement mettre l'accent sur le fait que ce projet de loi n° 43 que nous examinons concerne effectivement l'identification des électeurs. Et ce qui motive ce projet de loi, c'est effectivement l'identification des électeurs, et je dirais que dans le fond c'est des objectifs démocratiques que poursuit ce projet de loi. Je le mentionne parce qu'il ne faudrait pas croire que c'est un projet de loi qui est, en fin de compte, contre quelque religion que ce soit, ce n'est pas le cas. Le but est de favoriser une identification claire et précise des électeurs et non pas de s'ériger contre quelque religion que ce soit dans la société québécoise. Et nous espérons d'ailleurs ne pas avoir dépassé ce qui est nécessaire pour assurer l'identification des électeurs, auquel cas nous aurons sans doute l'occasion de rectifier le tir.
Mais tout le monde sait que la société québécoise est fort préoccupée par l'intégrité de notre système électoral au Québec et également la crédibilité de notre système électoral au Québec. Et l'idée que des gens qui n'appartiennent à aucune religion en particulier mais tout simplement pour dénigrer notre système électoral se présentent voter, que ce soit voilés ou que ce soit à visage couvert ? mais encore une fois je répète, non pas pour observer des croyances religieuses mais au contraire pour dénigrer notre système ? cette idée-là évidemment est l'une des raisons pour lesquelles nous avons pensé déposer ce projet de loi. Nous voulons contrer à l'avance ce type de situation où des individus voudraient ridiculiser le système démocratique au Québec, dont nous sommes très fiers, bien entendu, et qui par ailleurs est envié par un grand nombre de sociétés dans le monde. Alors, ça nous a amenés à proposer ce projet de loi dont nous aurons à faire l'étude, une étude détaillée au cours des prochaines heures.
Alors, de nouveau, merci de votre contribution, chers collègues, attendue dans cette commission. J'espère que nos débats nous permettront d'adopter la meilleure mesure législative qui soit pour favoriser une identification claire des électeurs québécois,
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Donc, sans plus tarder, Mme la députée de Lotbinière, qui assume le rôle de porte-parole pour aujourd'hui, la parole est à vous.
Mme Sylvie Roy
Mme Roy: Merci, Mme la Présidente. D'emblée, je veux remercier tous ceux qui se prêtent à cette commission, parce que l'exercice de la démocratie est un fait majeur pas seulement quand on vit en politique, mais quand on vit sur un territoire où il y a une démocratie. Dans les quelques mois qui ont précédé, j'ai rencontré des parlementaires de partout... de la francophonie. On discute souvent d'institutions, et c'est clair qu'on constate qu'il y a des pays dans le monde où les institutions sont moins fortes que la nôtre. Mais ce n'est pas une raison pour laquelle il ne faut pas toujours vouloir l'améliorer. Parce que je vais reprendre une image du chef de l'Action démocratique, député de Rivière-du-Loup, qui disait que la démocratie, c'est comme un radeau: quand on est sur l'eau puis qu'on ne rame pas, on a l'impression que ça ne bouge pas, que tout va bien, mais on se rend bien vite compte qu'on a dérivé et puis qu'on a reculé. Donc, pour la démocratie, il faut toujours travailler, il faut toujours être extrêmement vigilant et viser à améliorer autant sa crédibilité dans le public que sa... qu'elle soit efficace au niveau des élections.
C'est un petit... je veux dire, en termes de nombre d'articles, six articles, ce n'est quand même pas un gros projet de loi, mais, de voir à quel point cette problématique-là a fait couler de l'encre pendant notre élection et pendant l'élection fédérale, je pense qu'il faut absolument se pencher sur cette question. On a vu qu'on était capables, au Québec, d'endiguer un peu la crise qui aurait pu venir secouer l'intégrité du processus. Par contre, je ne suis pas contre de mettre et des bretelles et une ceinture pour vraiment se positionner sur ce sujet-là. J'aurais peut-être aimé qu'on le fasse au niveau des chefs de parti, des trois chefs et non seulement des deux chefs de l'opposition, pendant la période électorale. Mais nous allons donner notre collaboration pour que ce projet de loi soit validé, amélioré et dans un esprit de sérénité, là, pour faire du bon travail ici, en commission.
n
(16 h 10)
n
La Présidente (Mme Thériault): Merci, Mme la députée de Lotbinière. Donc, maintenant, je vais céder la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition officielle, le député de Mercier, porte-parole notamment en matière de réforme des institutions. Donc, M. le député de Mercier, la parole est à vous.
M. Daniel Turp
M. Turp: Alors, merci, Mme la Présidente. Je voudrais saluer le ministre, mes collègues de l'opposition officielle, heureux de siéger avec la vice-présidente de cette commission, ma collègue la députée de Rosemont, saluer le Directeur général des élections du Québec et son équipe, tous ceux qui vont nous assister, nous aider dans le processus visant à faire adopter par la commission le projet de loi n° 43.
Nous avons eu l'occasion d'échanger sur ce projet de loi lors de son examen dans le salon bleu, à l'étape du principe, et ma formation politique avait exprimé son intention d'appuyer ce projet et de l'examiner attentivement aujourd'hui. Et je tiens aussi à répéter ? le ministre l'a fait tout à l'heure ? que nous considérons que ce projet de loi ne vise pas à porter atteinte à la dignité des femmes musulmanes. Et je tiens aussi à rassurer la communauté musulmane du Québec que l'appui des députés du Parti québécois à ce projet de loi est fondé sur une volonté d'éviter toute controverse relative à l'identification des électeurs au moment du scrutin ? je crois que c'est ça, l'objet de cette loi ? et toute perturbation du déroulement du vote.
Parce qu'il y en a qui ont cherché ou qui se sont proposés de perturber le déroulement du vote lors des derniers scrutins, qu'il s'agisse du scrutin général de mars dernier ou de l'élection partielle dans Charlevoix. Et d'ailleurs, à l'occasion de cette élection partielle, j'avais moi-même émis un communiqué souhaitant l'adoption d'une loi qui clarifierait les choses et préciserait que l'on doit s'identifier, qu'on doit assurer une identification des électeurs. Et j'étais heureux de constater que le Directeur général des élections, d'ailleurs en collaboration avec les partis représentés à cette Assemblée nationale, avait réussi à obtenir un consensus sur cette volonté de préciser les dispositions sur l'identification dans les trois lois électorales qu'on propose de modifier aujourd'hui. Et je tenais ? vous vous rappellerez ? à dire que nous sommes convaincus, de notre côté, que les musulmans et les musulmanes du Québec adhèrent aux valeurs fondamentales de la nation québécoise et ont fait et continueront de faire un apport considérable au développement du Québec.
Cela étant, nous allons examiner ce que vous nous proposerez. Je constate qu'il y a d'autres propositions, de nouvelles propositions. J'ai pu prendre connaissance du cahier explicatif, mais je vois qu'il y a d'autres changements qui nous sont proposés aux articles du projet de loi n° 43. Alors, nous aurons sans doute l'occasion de poser des questions sur les nouvelles dispositions et les nouveaux éléments que vous souhaitez voir adopter par cette commission. Mais nous offrons donc la collaboration de notre parti pour l'examen rigoureux de ce projet de loi. Merci, Mme la Présidente.
Étude détaillée
Loi sur les élections et les
référendums dans les municipalités
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le député de Mercier. Donc, nous en sommes rendus à l'étape de l'étude article par article du projet de loi n° 43. Donc, M. le ministre, je vais prendre en considération l'article 1 du projet de loi et je vous cède la parole pour la présentation.
M. Pelletier (Chapleau): Alors, merci, Mme la Présidente. Donc, l'article 1 se lirait comme suit:
1. L'article 213.2 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (L.R.Q., chapitre E-2.2) est modifié:
1° par l'insertion, dans le paragraphe 3° du premier alinéa et avant le mot «satisfaire», des mots «être à visage découvert et»;
2° par l'ajout, après le deuxième alinéa, de l'alinéa suivant:
«Malgré le paragraphe 3° du premier alinéa, le Directeur général des élections peut, pour des raisons de santé physique qui lui apparaissent valables, délivrer une autorisation permettant à l'électeur de s'identifier sans se découvrir le visage.»La Présidente (Mme Thériault): Oui. Merci, M. le ministre. Je comprends que la première portion que vous avez lue, c'était l'article 1 tel qu'il a été déposé et que, la deuxième portion, vous avez...
M. Pelletier (Chapleau): Non, j'ai lu...
La Présidente (Mme Thériault): Non, excusez-moi. Oui, c'est beau. Excusez-moi, M. le ministre.
M. Pelletier (Chapleau): Non. J'ai lu l'article 1 au complet, tel qu'il a été déposé. Et là je ferais une proposition d'amendement.
La Présidente (Mme Thériault): Je vous ai mal entendu. C'est beau. Allez-y.
M. Pelletier (Chapleau): Alors, je fais donc maintenant une proposition d'amendement. Il s'agirait, à l'article 1 toujours, de remplacer le paragraphe 2° par le suivant:
2° par l'ajout, après le deuxième alinéa, des deux alinéas suivants:
«Malgré les paragraphes 2° et 3° du premier alinéa, l'électeur qui ne peut s'identifier à visage découvert pour des raisons de santé physique qui apparaissent valables au Directeur général des élections ou à la personne qu'il désigne à cette fin, peut obtenir une autorisation lui permettant de s'identifier sans se découvrir le visage après avoir signé le serment prévu à cette fin devant les membres de la table de vérification.
«Le président de la table de vérification remet à l'électeur l'autorisation prévue au troisième alinéa.»La Présidente (Mme Thériault): Commentaires? Ça va? Est-ce qu'il y a des questions ou commentaires? Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy: Pour notre part, c'était déjà une préoccupation que vous avez répondu par votre amendement. Donc, ça répond au questionnement qu'on avait au niveau des articles 1, 3 et 5.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Mercier?
M. Turp: Écoutez, moi, je veux bien comprendre la différence entre le texte qui nous a été proposé, là, dans le projet original et le nouvel amendement qui est proposé. Alors, je crois comprendre que donc cette autorisation pourra être donnée maintenant par une personne autre que le Directeur général des élections et j'aimerais savoir pourquoi. Est-ce que vous anticipiez de si nombreuses demandes que le Directeur général des élections a besoin de quelqu'un et de désigner quelqu'un pour permettre ou donner les autorisations?
Et je voudrais aussi savoir pourquoi avoir ajouté, là, cette formule du serment, cette obligation, là, de signer le serment prévu avant que l'autorisation soit donnée? Parce que ça, ce n'était pas dans le projet original. Alors, peut-être que le Directeur général des élections pourrait nous éclairer, ou le ministre, ou son sous-ministre. Mais je pense que ce serait important pour les membres de la commission de savoir, connaître les raisons qui amènent le ministre à proposer cette nouvelle version.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. Merci, M. le député. Le ministre me fait signe: M. Blanchet. Me Blanchet, si vous voulez répondre à l'interrogation du député de Mercier.
M. Blanchet (Marcel): Merci, Mme la Présidente. Effectivement, ces demandes d'ajustement au projet de loi sont venues après coup. C'est que nos spécialistes, en examinant finalement le projet de loi et en voyant l'opérationnalisation de ce projet de loi là, m'ont fait remarquer deux choses. D'une part, en ce qui concerne effectivement la possibilité pour une personne de s'identifier autrement qu'avec ses cartes habituelles d'assurance maladie, permis de conduire ou passeport canadien, ces personnes-là doivent donc être référées à la table de vérification de l'identité. Et vous avez vu la mécanique qui y est prévue, hein? C'est soit présenter deux documents qui prouvent à la fois, finalement, le nom, l'adresse et l'âge de la personne ou encore être accompagnée d'une personne qui, elle, en fait, a ses cartes d'assurance maladie, de permis de conduire ou de passeport canadien.
La difficulté qui m'a été soulevée, c'est quand arrive une personne qui est hospitalisée par exemple. On risque de voir la situation d'une personne dont le visage est recouvert, pour cause de santé, d'un bandage à l'hôpital. Alors là, imaginez, ce n'est pas sûr que la personne qui est à l'hôpital va avoir en fait tous ces documents-là en main ou avoir une personne qui va pouvoir attester de son identité. En pareille circonstance, c'est le scrutateur et le secrétaire qui font voter la personne à l'hôpital, qui agissent comme table de vérification d'identité. Et on considère qu'en pareille circonstance, la personne devrait normalement détenir sa carte d'assurance maladie ou son permis de conduire, probablement très rarement son passeport canadien mais en tout cas une des cartes prévues par la loi, et, à ce moment-là, ça va faciliter l'exercice justement de la clientèle qui serait principalement visée par la mesure.
En ce qui concerne le serment, dans la formulation antérieure, c'était inclus que, lorsqu'on allait à la table de vérification de l'identité et qu'on devait faire la preuve de tous les éléments qui étaient marqués, c'était évident que le serment était prévu, là. Avec la nouvelle version, il fallait le prévoir précisément, le cas où la personne n'aurait pas à suivre toute la mécanique, une autre personne qui vient en fait l'identifier ou qui doit fournir encore une fois les documents, les deux documents qui prouvent à la fois le nom, la date de naissance et l'adresse de la personne. Alors, c'était ça qui était essentiellement voulu.
n(16 h 20)n En ce qui concerne votre autre question sur la personne qu'il désigne... que je pourrais désigner pour occuper... en fait pour exercer ce pouvoir-là, on comprendra effectivement que... j'ai appris ? je le savais, mais j'ai eu la confirmation ? que, par exemple, en 2006-2007, il y a eu 226 élections partielles au municipal, on est rendus fin de novembre 2007, là, 2007-2008, on est rendus à 254. Alors, c'est beaucoup d'élections partielles. Il y en a, autrement dit, à tous les dimanches et tout le temps.
Il est peu probable en fait qu'on ait besoin d'exercer ce pouvoir-là. On n'a jamais eu ce problème-là jusqu'à maintenant. Mais, si jamais effectivement il arrivait une difficulté, qu'il arrivait que je ne sois pas là pour quelque motif que ce soit, ça va prendre quelqu'un pour assurer que la personne visée pourra exercer son droit de vote. Alors, c'est dans cette optique-là finalement que j'ai suggéré, j'ai proposé cet amendement-là, pour avoir un petit peu de souplesse si jamais effectivement, pour une raison ou pour une autre, je ne serais pas disponible l'une des 250 et quelques élections qu'on aura.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, Me Blanchet. M. le député de Mercier.
M. Turp: Alors, pour être précis, est-ce que cette personne qui serait désignée, là, c'est une personne qui serait présente sur les lieux du scrutin? Parce que ? je pose la question ? vous êtes conscient, M. le ministre, qu'il y a un projet de loi à Ottawa, là, sur cette même question là qui a suscité certaines controverses, là. Et, dans le projet de loi C-6, là, ce que l'on croit comprendre, c'est que la personne serait dans la salle de scrutin pour le déroulement du vote, là. Est-ce que la personne qui serait désignée ou que vous désigneriez serait une personne qui serait présente ou non dans le lieu du scrutin ou est-ce que c'est une personne qui serait disponible à distance pour donner une telle autorisation?
La Présidente (Mme Thériault): Me Blanchet.
M. Blanchet (Marcel): Maintenant, dans ma conception, ça devrait être quelqu'un de mon bureau à Québec, un de mes adjoints qui pourrait, à distance, en fait, donner cette autorisation. Mais ça n'exclut pas par ailleurs, dépendamment finalement des cas qui se présenteront, que je puisse désigner quelqu'un sur place aussi. En réalité, la façon dont c'est rédigé, ça donne de la souplesse au Directeur général des élections de confier cette responsabilité-là à quelqu'un qui pourra l'exercer correctement et en fonction des critères qu'on s'est donnés, là, de respect de la loi et de respect des autres personnes en fait qui pourraient être visées par la mesure.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. M. le député de Mercier.
M. Turp: Alors, dans le temps, à quel moment cette désignation se ferait-elle? Est-ce que c'est une désignation qui se fera à l'avance, avant le scrutin, ou est-ce que ce sera comme sur demande et que vous pourriez désigner, même très rapidement, au moment même du scrutin ou de la demande, une personne?
M. Blanchet (Marcel): Là aussi, les situations peuvent très bien varier. Mais, si par ailleurs je dois m'absenter de mon bureau pour des raisons quelconques pendant un certain temps, c'est bien certain qu'à ce moment-là je vais m'empresser de désigner quelqu'un pour occuper ce rôle-là, exercer cette fonction-là durant mon absence. Mais, si effectivement on en arrivait avec un nombre énorme de demandes de cette nature-là, ça m'obligerait possiblement à décentraliser auprès de personnes plus près des lieux d'élection, par exemple lors d'une élection générale, là, l'exercice de ce pouvoir-là.
Pensons aux élections municipales, hein? Il y a à peu près... il peut y avoir un 500 ou 600, parfois, municipalités qui sont en élection en même temps. On peut penser qu'on n'aura pas une pluie de demandes de cette nature-là, mais, si jamais, pour une raison ou pour une autre, on en avait plusieurs, bien la modification proposée me permettrait d'avoir la souplesse de régler adéquatement la difficulté dans le plus grand respect évidemment des personnes concernées. Parce qu'il faut bien réaliser que ce sont des personnes qui généralement ont un problème de santé physique qui les empêche en fait de se montrer le visage. Alors, c'est ça qui est en cause, là. Je ne voudrais pas, finalement, à cause d'une mécanique trop complexe, les priver de l'exercice de leur droit de vote ou prendre un temps énorme pour en arriver finalement à donner l'autorisation en question, qui doit être faite assez rapidement. Mais encore une fois on verra, je dirais, à la lumière des événements qu'est-ce qu'il est mieux de faire. Mais, écoutez, la mesure telle que proposée me donnerait la souplesse finalement d'agir en temps opportun encore une fois dans le plus grand respect des personnes concernées.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va, M. le député? Oui, M. le député Mercier.
M. Turp: J'ai une autre question. Elle s'adresse plutôt au ministre, parce que je pense que c'est très, très important que les gens comprennent la portée de ce changement.
Dans les commentaires qui nous aident à suivre les travaux de la commission, il est dit, écrit très précisément, lorsqu'il s'agit de commenter le changement de ce premier article, là, dans la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, il est écrit ceci, et je cite: «Ainsi, les modifications aux trois lois concernées:
«2° sont libellées et placées dans le texte de manière à ne pas créer d'obligation qui, à toutes fins pratiques ? il faudrait mettre une virgule d'ailleurs, là, on a oublié une petite virgule ? pourrait constituer un empêchement majeur à l'exercice du droit de vote des électrices musulmanes portant la burqa ou le niqab.» Alors, je crois que, pour que les gens comprennent bien, là, la portée du changement, si cela devait se produire, et je crois que ça ne s'est pas produit souvent, je ne sais pas si ça s'est déjà produit qu'une électrice québécoise se présente dans un bureau de scrutin avec une burqa ou un niqab, ce que l'on doit comprendre, c'est que cette personne-là, si elle souhaitait voter, c'est qu'elle va en fait devoir se découvrir pour l'identification ? pour l'identification ? de telle sorte que, lorsque l'identification aura été faite et que la personne aura donc été autorisée puis elle aura signé le serment, cette personne pourra se rendre dans l'urne mais qu'elle ne sera pas nécessairement obligée de voter à visage découvert parce qu'elle pourra continuer de porter son niqab ou sa burqa pour exercer le droit de vote. Je voudrais que ce soit très clair, y compris par nous et par la population, que c'est ça, la portée du projet de loi. Et je demanderais au ministre si je comprends bien la portée du projet.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Pelletier (Chapleau): Oui, Mme la Présidente. Je ferai trois ou quatre commentaires, parce que j'en aurai qui seront également reliés aux questions que vous posiez tout à l'heure au Directeur général des élections.
Mais le premier commentaire est pour répondre directement à votre question, votre dernière, dans le sens suivant. Une personne peut avoir le visage couvert par un voile ou autrement au moment même où elle entre au bureau de vote. Le seul moment où il y a une obligation de se dévoiler ou de découvrir son visage, c'est pour les fins de l'identification, et la personne peut par la suite revoiler son visage ou recouvrir son visage pour aller donc remplir son bulletin de vote et même déposer son bulletin de vote dans l'urne. Alors donc, en quelque sorte, nous avons voulu limiter, limiter les restrictions au maximum et faire en sorte que ce ne soit que pour les fins de l'identification qu'une personne doive découvrir son visage.
D'autre part, justement, comme je viens de le dire, ça ne s'applique pas qu'au cas où des gens porteraient un voile, mais à tous les cas où quelqu'un, pour un motif ou pour un autre, aurait le visage couvert. Du reste, dans le projet de loi fédéral, ce qui est prévu, c'est que le scrutateur lui-même peut désigner quelqu'un d'autre pour effectuer la vérification. Ce n'est pas de ça dont on parle quand on regarde l'article 1, même amendé sur la recommandation du Directeur général des élections, ce n'est pas de cela qu'on parle. Et n'oublions pas que l'article 1 demeure limité aux cas de santé physique par ailleurs; c'est très important, là. C'est dans un cas où quelqu'un prétendrait devoir porter un bandage quelconque pour des raisons qui seraient reliées à sa santé physique, c'est dans ces cas-là que l'article 1 s'applique et permet, à ce moment-là, au Directeur général des élections de désigner quelqu'un qui va autoriser l'identification de l'électeur dont le visage va être couvert.
Alors, encore une fois, ça, ça nous distingue du cas de C-6, où le scrutateur peut désigner une autre personne pour les fins de la vérification, quelle que soit la raison, même si le visage est couvert pour des raisons religieuses. Ici, ce n'est pas le scrutateur qui désigne quelqu'un, c'est le Directeur général des élections qui désigne quelqu'un aux fins d'autoriser une personne à voter le visage couvert seulement dans des cas qui sont des cas dans le fond médicaux ou qui sont reliés à la santé physique des individus. Alors ça, ce sont deux distinctions importantes par rapport au projet de loi C-6.
n(16 h 30)n Et j'apporterai peut-être la dernière précision suivante. C'est qu'on espère également qu'après l'adoption de la loi le Directeur général des élections adoptera des directives ou un code qui permettra que l'identification à visage découvert se fasse également dans le respect des individus. Et je n'ai aucun doute que le Directeur général des élections, comme institution, verra à ce que cette identification se fasse dans le plein respect des individus. Mais ça va de soi que ce sera à visage découvert, à moins que, pour des raisons médicales ou des raisons de santé physique, une personne soit autorisée par le DGE ou une personne que le DGE désigne à voter à visage couvert.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Ça vous va, M. le député? ...intervention, j'ai la députée de... Oui, allez-y, on va vider la question. On va passer à vous après. Merci.
M. Turp: ...je voudrais aussi comprendre la portée de ce que vous venez de dire ou en tout cas une partie de ce que vous avez dit sur le respect des individus. Et je voudrais vous poser la question à la lumière de la controverse à Ottawa, parce que la controverse dont on a été saisis résultait non pas du texte du projet de loi C-6, vous vous rappellerez, mais d'un commentaire qu'un ministre avait formulé et qui laissait entendre que la personne qui pourrait délivrer une autorisation ou faire l'identification pourrait devoir être du même sexe que la personne qui ferait la demande. Et ça, ça a suscité, comme vous le savez, une controverse. Est-ce que c'est ce que vous avez à l'esprit lorsque vous parlez du respect des individus ou est-ce que c'est autre chose? Parce que, dans ce cas-là, ça pose une question peut-être un petit peu plus délicate et qui fait l'objet de grands débats dans notre société québécoise. Alors, j'aimerais savoir ce que vous entendiez par «dans le respect des individus».
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Pelletier (Chapleau): Oui, merci. D'abord, je dois dire que nous n'avons pas repris, dans notre projet de loi, les dispositions auxquelles vous faites référence dans le projet de loi C-6. On ne les retrouve pas, et rien n'est modifié en ce qui concerne la table de vérification et la vérification de l'identité des électeurs. Il n'y a aucune règle précise ici qui fasse en sorte qu'on modifie le processus d'identification des électeurs, si ce n'est qu'on impose des exigences, c'est-à-dire que les gens découvrent leur visage, bien entendu. Mais donc nous n'avons pas repris ni la flexibilité que nous retrouvions dans le projet de loi C-6 en quelque sorte en ce qui concerne l'identification de certaines électrices qui auraient le visage voilé, nous n'avons pas repris cela, ni cela ni en fait, si je puis dire... oui, c'est ça, la possibilité donc qu'une personne puisse exiger de se dévoiler devant une femme. Ça n'a pas été repris ici, bien entendu.
Mais en même temps on s'attend à ce que le dévoilement du visage ne se fasse pas d'une façon à ridiculiser une personne. Et cela, ça relève davantage des façons de faire que de la loi en tant que telle. Et c'est dans ce contexte-là qu'on s'en remet à toute l'autorité et la bienveillance du DGE pour s'assurer que les individus soient toujours respectés mais qu'en même temps le principe du vote à visage découvert, lui aussi, soit respecté, et toujours en rappelant que nous n'avons pas repris les dispositions du projet de loi C-6, parce qu'il y a une valeur également, dans la société québécoise, qui est l'égalité des sexes, qui guide évidemment l'élaboration de nos projets de loi.
M. Turp: Une dernière question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, allez-y.
M. Turp: Est-ce que cette façon d'agir ou ce que devra faire le Directeur général des élections... Peut-être, le directeur pourra ou voudra répondre à la question. Ça va se faire de quelle manière? Est-ce que c'est une... Au plan procédural, est-ce que ce sera un règlement ou... Ce n'est pas quand même le pouvoir d'adaptation que vous avez qui peut être utilisé en application de l'article 490 de la Loi électorale. De quelle façon vous procéderiez pour assurer le respect des droits des individus? Est-ce que vous avez déjà commencé à réfléchir et à songer quelles pouvaient être ces règles?
La Présidente (Mme Thériault): Me Blanchet.
M. Blanchet (Marcel): Merci, Mme la Présidente. Effectivement, chaque mesure législative qu'on met en application à l'occasion d'une élection fait généralement l'objet d'une directive que j'émets, et ces directives-là sont soumises notamment au comité consultatif prévu à la Loi électorale, et ça contient en fait la mécanique qui s'applique pour en fait assurer la bonne application de la loi. Donc, dans ce cas-ci, c'est certain qu'on est en train de préparer ce qu'il faut pour pouvoir mettre en application correctement et encore une fois dans le respect des personnes concernées par la mesure, tout ce qu'il faut pour s'assurer que ce soit fait correctement. Donc, on le fait tout le temps. Et c'est justement à l'occasion de la préparation de ces mesures-là qu'on s'est aperçus qu'il fallait ajuster le texte pour être encore plus respectueux finalement de la clientèle visée, notamment la clientèle hospitalisée. Alors, oui, il y aura une directive émise par le DGE et soumise aux autorités politiques aussi, comme on le fait toujours au moment de les rendre applicables.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, Me Blanchet. Donc, Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy: Oui. Bien, avec les précisions qui nous ont été apportées, moi, je considère que, pour des personnes qui portent le voile pour des raisons qui leur appartiennent, c'est bien de limiter à l'identification, parce que je crois qu'il faut toujours aller en faveur de plus de votes, de plus de souplesse et que, dans les considérations qui nous occupent, il faut toujours penser à ne pas empêcher le vote mais à le permettre, à le faciliter.
Cependant, quand ce débat-là est devenu, sur la place publique, assez gigantesque, de par ce fait, la population a vivement réagi, puis on vu des personnes qui disaient: Je vais aller voter avec un sac sur la tête, ou déguisé en Youpi, ou peu importe, puis ce que je considère faire un accroc au décorum, à l'exercice d'un droit démocratique, puis ce que je considère aussi transformer quelque chose d'assez important dans notre vie, notre vie démocratique, que le vote, en le rendant peu crédible, en le tournant à la blague, à la farce. Mais cette disposition-là n'empêcherait pas quelqu'un de venir voter avec un masque de Batman. Mais est-ce qu'il y a d'autres dispositions qui permettent d'assurer la sérénité et le décorum, le bon déroulement?
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre ou Me Blanchet? Me Blanchet.
M. Blanchet (Marcel): Merci, Mme la Présidente. Comme vous le savez, dans chaque endroit de vote, il y a un PRIMO, un préposé au maintien de l'ordre et à l'information. Alors, cette personne-là s'assure du bon déroulement du vote. Ce qui était craint, le printemps dernier, lors des élections du mois de mars ? et on a eu la même demande en fait pour l'élection encore une fois dans Charlevoix, dans toutes les élections scolaires qu'on a eues cet automne, les élections municipales, dont celle de Québec qui a lieu présentement, et même je viens de recevoir une demande aussi du président d'élection de la ville de Montréal ? ce qui est craint finalement, c'est des personnes qui viendraient perturber le déroulement du vote et encore une fois, comme vous le dites si bien, Mme la députée de Lotbinière, venir en fait causer du trouble. Écoutez, le printemps dernier, il y a des gens qui menaçaient finalement de ne pas venir voter, des officiers d'élection qui menaçaient de ne pas venir travailler, alors c'était majeur comme problème.
On s'assure effectivement de la sécurité, et, à chaque fois qu'il y a une élection, je rencontre aussi les corps policiers du Québec pour en fait les pressentir de l'événement qui s'en vient et m'assurer de leur collaboration, avec un lien direct avec eux si jamais il y avait du trouble qui survenait ici et là sur le territoire. Donc, on met en place des mesures de sécurité pour éviter que le vote ne soit perturbé et pour s'assurer que ça puisse se dérouler sereinement, comme ça a toujours été le cas au Québec. Le printemps dernier, on a eu peur un petit peu. On a réagi très rapidement pour assurer que ça se passe bien, et ça s'est bien passé.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy: J'ose espérer que ce soit le fait que les personnes voilées n'étaient pas identifiées qui a provoqué cette levée de boucliers et que c'est chose du passé, là, mais je pense que l'idée a peut-être germé à ce moment-là, et il va falloir être vigilant à ce niveau-là.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. C'est le député de Mercier qui a une autre intervention.
M. Turp: M. le ministre ou M. le Directeur général des élections, pour vraiment bien éclairer la population, dans l'hypothèse où quelqu'un, là, un plaisantin, là, quelqu'un qui veut tester ou ridiculiser le système, une personne... Puis on a eu des exemples, là, de gens qui disaient: Moi, je vais me présenter ? et la députée de Lotbinière vient de le dire ? puis je vais avoir un masque de Spiderman, là, ou de Mickey Mouse, là. Si une personne devait faire ça, est-ce que cette personne pourra voter après s'être identifiée en vertu de ce nouveau processus et se rendre à l'urne avec le masque que cette personne a décidé de porter? Je pense que c'est important qu'on le sache et on sache quelle est votre opinion là-dessus parce que c'est... Ou est-ce qu'il y a d'autres mesures, d'autres dispositions qui pourraient être invoquées pour empêcher une personne de, comment dire, se moquer un peu de notre système électoral en posant des gestes comme ceux-là?
La Présidente (Mme Thériault): Me Blanchet.
n(16 h 40)nM. Blanchet (Marcel): Merci, Mme la Présidente. Dans mon livre à moi, quelqu'un qui voudrait ainsi ridiculiser notre système serait interdit de se présenter dans un endroit de vote. Alors, quant à moi, c'est clair que cette personne-là ne rentre pas là. Et, si elle rentre, elle sort et elle doit se dévoiler et se démasquer. En fait, s'assurer qu'elle respecte les lieux de vote, quant à moi, ça fait partie effectivement du sain déroulement d'un processus électoral. Et, si jamais effectivement des problèmes majeurs se posent, bien là on demandera l'intervention de la police, je ne tolérerai pas une situation comme celle-là.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Mercier.
M. Turp: Est-ce que je comprends que le ministre partage cette interprétation?
M. Pelletier (Chapleau): Tout à fait.
M. Turp: Le ministre partage cette interprétation du Directeur général des élections?
M. Pelletier (Chapleau): Du DGE, oui, tout à fait. Je l'espère, d'ailleurs, j'espère que ce serait le cas. Mais, vous savez, ça me permet d'apporter une précision qui est importante, c'est que ce projet de loi qu'on présente aujourd'hui, il a un historique, que je n'ai pas rappelé en détail lors de mes propos introductifs mais que... Dans le fond, c'est que, chaque fois qu'il y a une élection, le Directeur général des élections utilise un pouvoir d'exception, qui est prévu à l'article 490 de la Loi électorale, pour régler ces situations où dans le fond des gens pourraient vouloir voter à visage couvert, et ça pose un problème de société. On le sait, à chaque fois que le Directeur général des élections a à utiliser ce pouvoir d'exception, ça pose tout un débat de société: Est-ce que nous devrions permettre à des gens qui ont le visage couvert de voter sans devoir s'identifier à visage découvert? Et ce débat est aussi un débat qui est dur à vivre pour les musulmans eux-mêmes, il ne faut pas l'oublier, parce qu'à chaque fois ils se sentent visés par ce débat public, pas par l'utilisation par le DGE nécessairement de son pouvoir d'exception, par le débat public qui a cours, du seul fait que la question à chaque fois se pose de savoir si le Directeur général des élections va, oui ou non, utiliser son pouvoir d'exception, il devrait l'utiliser ou ne devrait pas l'utiliser.
Alors, dans le fond, en réglant le problème de façon systématique, nous libérons des gens qui se sentent ciblés par le débat public, de ce débat qui, à chaque fois, revient et qui dans le fond ruine nos rapports sociaux, en quelque sorte. Mais nous le faisons dans le contexte où nous voulons en même temps encourager les gens qui, à titre d'exemple, portent un voile à aller voter. Alors, c'est pour cela que nous leur permettons d'entrer voilés, mais nous nous assurons que nos mesures ne portent que sur l'identification des électeurs et que la personne par la suite pourra se voiler à nouveau. Mais, s'il s'avérait qu'un comportement soit de nature à dénigrer notre système électoral, là il y a d'autres dispositions, comme l'a dit le DGE, qui permettent de couvrir ce type de situation. Alors, oui, donc, je suis d'accord avec l'intervention du Directeur général des élections.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. M. le député de Mercier.
M. Turp: Écoutez, M. le Directeur général des élections, juste une question pour... C'est le passé, parce que l'avenir pourra être réglé, mais qu'est-ce qui vous a fait hésiter, la dernière fois, dans le cas de Charlevoix? Parce qu'à moins qu'on se soit trompés on avait, je pense, certains, fait une demande d'utilisation du pouvoir d'adaptation, puis vous ne l'aviez pas fait ou ne vouliez pas le faire, mais vous avez été appelé, vous avez changé votre position là-dessus. Peut-être, ce serait intéressant pour nous de savoir qu'est-ce qui vous a amené à hésiter et qu'est-ce qui a fait que vous avez finalement décidé de l'utiliser à nouveau, comme vous l'aviez fait pour l'élection générale, ce que vous ne devriez plus faire maintenant si cette loi était adoptée.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Me Blanchet.
M. Blanchet (Marcel): Merci, Mme la Présidente. Alors, la raison est très simple, c'est qu'effectivement le pouvoir spécial dont je dispose en vertu de l'article 490 de la Loi électorale ne peut être utilisé qu'en cas d'urgence, dans des cas exceptionnels. Alors là, écoutez, au moment où l'élection dans Charlevoix a été décrétée, il n'y avait pas, comme tel, de situation d'urgence exceptionnelle. C'est dans les jours qui ont suivi que, là, ça a recommencé, en fait les journaux s'en sont mêlés, et là en fait le problème s'est de nouveau finalement exacerbé. Alors là, on était déjà de nouveau rendus dans une situation exceptionnelle qui me justifiait d'utiliser le pouvoir prévu à l'article 490.
Avant cette nouvelle crise qui était en train de se faire, je n'avais pas finalement de raison à invoquer comme mesure exceptionnelle pour intervenir, surtout qu'il ne nous apparaissait pas finalement que, dans Charlevoix, le problème des femmes voilées pouvait se poser d'une façon importante. Et c'est encore une fois non pas le problème des femmes voilées qui me préoccupait, ce qui me préoccupait, c'est la saine administration de l'élection, m'assurer que tout le monde qui voulait voter ou qui voulait travailler dans des bureaux de vote cette journée-là puisse le faire de façon sereine et en toute quiétude.
Alors, au moment où l'urgence m'est apparue suffisante, c'est là que j'ai utilisé le pouvoir que la loi m'accorde justement d'intervenir en cas d'urgence, et c'est uniquement cela. Alors, c'est pour ça que je suis intervenu au moment qui m'apparaissait approprié, compte tenu de l'habilitation légale que j'avais.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, Me Blanchet. Donc, je crois qu'il n'y a plus de commentaire ou de question. Est-ce que l'amendement proposé par M. le ministre est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Est-ce que l'article 1, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. M. le ministre, l'article 2.
M. Pelletier (Chapleau): Alors, merci, Mme la Présidente. L'article 2 se lit comme suit: L'article 215 de cette loi est modifié par l'insertion, dans la première ligne du troisième alinéa et après le mot «identité», des mots «à visage découvert».
La Présidente (Mme Thériault): Est-ce qu'il y a des commentaires? Non, c'est beau? Est-ce qu'il y a des questions? Ça vous va? Oui, Mme la députée de...
Mme Roy: Je pense qu'on a bien émis les principes directeurs de ce projet de loi là à l'article 1, là. Puis l'article 2, c'est une simple question de cohérence avec l'article 1. Donc, pour ma part, le débat se situait, là, au niveau de l'ensemble du projet de loi. Ça va de soi pour l'article 2, à moins que mon collègue me fasse... ait plus d'imagination que moi et que je revienne sur ce sujet.
M. Turp: J'aurai une question pour l'autre article après.
La Présidente (Mme Thériault): D'accord. Donc, puisque nous sommes à l'article 2 et qu'il n'y a pas de question pour cela, l'article 2 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Loi sur les élections scolaires
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. M. le ministre, l'article 3.
M. Pelletier (Chapleau): Alors, Mme la Présidente, l'article 3 se lit comme suit: L'article 112.2 de la Loi sur les élections scolaires (L.R.Q., chapitre E-2.3) est modifié:
1° par l'insertion, dans le paragraphe 3° du premier alinéa et avant le mot «satisfaire», des mots «être à visage découvert et»;
2° par l'ajout, après le deuxième alinéa, de l'alinéa suivant:
«Malgré le paragraphe 3° du premier alinéa, le Directeur général des élections peut, pour des raisons de santé physique qui lui apparaissent valables, délivrer une autorisation permettant à l'électeur de s'identifier sans se découvrir le visage.»La Présidente (Mme Thériault): Oui. Vous avez un amendement?
M. Pelletier (Chapleau): Et j'aurais une proposition d'amendement concernant l'article 3. Alors, il s'agirait de remplacer le paragraphe 2° par le suivant:
2° par l'ajout, après le deuxième alinéa, des deux alinéas suivants:
«Malgré les paragraphes 2° et 3° du premier alinéa, l'électeur qui ne peut s'identifier à visage découvert pour des raisons de santé physique qui apparaissent valables au Directeur général des élections ou à toute personne qu'il désigne à cette fin, peut obtenir une autorisation lui permettant de s'identifier sans se découvrir le visage après avoir signé le serment prévu à cette fin devant les membres de la table de vérification.
«Le président de la table de vérification remet à l'électeur l'autorisation prévue au troisième alinéa.»La Présidente (Mme Thériault): Je crois comprendre que le député de Mercier a une intervention à faire.
M. Turp: C'est vrai que ça ressemble beaucoup à l'autre, hein, à l'autre disposition. Mais juste une question d'information ? j'aurais pu la poser bien sûr avant: L'autorisation, là, c'est concrètement quoi? Est-ce qu'il y un document qui est remis à la personne ou... Est-ce que ça suppose quelque chose de nouveau ou est-ce que... Je ne la connais pas aussi bien que vous, la Loi électorale. Mais est-ce que cette notion d'autorisation existe en d'autres circonstances? Est-ce qu'il y a un document qui est remis à la personne? Quelle est la forme que prend ce document? Je pense que ce serait utile aussi que les membres de la commission puissent avoir des précisions, là, sur cette autorisation et la forme qu'elle prend.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, merci. Me Blanchet.
M. Blanchet (Marcel): Merci, Mme la Présidente. Effectivement, oui, il peut y avoir des circonstances, à l'occasion d'une élection, où le Directeur général des élections donne des autorisations à voter à des personnes pour différents motifs, là, en fait, suite, par exemple, à une décision spéciale prise en vertu de l'article 490, parce que la personne n'était pas inscrite dans le bon secteur électoral ou au bon endroit, au bon bureau de vote. À ce moment-là, pour corriger l'erreur et pour ne pas priver la personne de son droit de vote, il m'arrive de devoir prendre des décisions spéciales pour autoriser justement l'émission d'une autorisation à voter, une DGE-50, comme on les appelle, là, pour corriger la situation. Oui, cette mécanique-là existe déjà. Donc, ce sera un motif de plus.
n(16 h 50)nLa Présidente (Mme Thériault): Oui. Ça va?
M. Turp: Et c'est un document émis par le Directeur général des élections ou une personne désignée... Est-ce que ce serait une personne désignée par le Directeur général?
M. Blanchet (Marcel): Oui, effectivement, là-dessus, dans la mesure, on peut penser que, sur le coup, la personne qui serait en attente au bureau de vote d'avoir l'autorisation, bien l'autorisation pourra être verbale, mais elle sera confirmée par un écrit consigné. Ça, c'est clair. Aussitôt finalement que les motifs me seront en fait communiqués, je pourrai donner l'autorisation ou autoriser encore une fois une personne à agir à ma place. Mais il y a déjà effectivement ce pouvoir de donner des autorisations à voter dans la loi, donc ce sera un motif additionnel.
M. Turp: Juste pour que ce soit...
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Mercier.
M. Turp: Excusez-moi, Mme la Présidente. Juste pour être clair. L'autorisation, finalement elle est verbale, elle est donnée à l'officier électoral ou est-ce qu'elle est donnée à la personne qui obtient l'autorisation?
M. Blanchet (Marcel): C'est exactement... Mme la Présidente, c'est une autorisation qui sera donnée à la personne de pouvoir voter en s'identifiant sans se découvrir le visage. Donc, c'est une autorisation donnée à la personne de pouvoir s'identifier sans avoir à se découvrir le visage pour des motifs de santé.
M. Turp: Elle est transmise par une personne qui relève du Directeur général des élections au moment où la demande est faite, là, au lieu où la personne fait la demande?
M. Blanchet (Marcel): Exactement. Là-dessus, la façon première d'agir, c'est que je reçois la communication, les officiers de la table de vérification de l'identité des électeurs me communiquent ce qu'ils observent, et, à la lumière en fait de la preuve que j'entends, je prends une décision d'autoriser la personne à voter sans avoir à se découvrir le visage pour des motifs de santé physique. Et, à ce moment-là, bien sûr qu'il y aura un écrit qui va constater ça et qui sera en fait consigné dans la procédure électorale.
M. Turp: Et la personne qui... Il y a quand même un intermédiaire. Ce n'est pas vous qui parlez directement à l'électeur, là. C'est une personne à qui vous parlez qui dit à l'électeur: Vous avez l'autorisation de voter sans avoir à découvrir votre visage dans ce cas-là.
M. Blanchet (Marcel): Dans la mécanique effectivement qu'on est en train de mettre en place et qu'on est en train d'imaginer, il y aura effectivement une autorisation qui pourra être donnée à la personne par la table de vérification de l'identité, disant: Le Directeur général des élections vous autorise à vous identifier sans en fait vous découvrir le visage pour des motifs de santé physique. Donc, il y aura, autrement dit, un formulaire, là, qui sera remis aux personnes qui agissent à la table de vérification de l'identité pour assurer finalement une bonne application de cette mesure-là.
M. Turp: D'ailleurs, la personne, si je lis bien la loi, elle est désignée, là, c'est le président de la table de vérification.
M. Blanchet (Marcel): Oui, qui en fait sera, je dirais, la personne ressource, si on peut dire, qui me servira finalement d'intermédiaire pour pouvoir autoriser la personne à s'identifier sans se découvrir le visage.
M. Turp: ...par exemple, vous dites que c'est oral. Le président à la table de vérification ne peut pas remettre à l'électeur l'autorisation. Ou il va avoir un document écrit par le président de la table de vérification?
M. Blanchet (Marcel): Il va agir en mon nom, là. En fait, il va autoriser la personne à s'identifier sans avoir à se montrer le visage pour des motifs de santé physique parce qu'autorisée par le Directeur général des élections à ce faire. C'est un formulaire en réalité qu'on est en train de préparer pour que cette personne puisse agir en ce sens-là.
M. Turp: O.K. Donc, je comprends qu'il va y avoir un document sous la forme d'un formulaire qui aura été préparé à l'avance. D'accord, merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le ministre.
M. Pelletier (Chapleau): Bien, au cours de l'échange, on a souvent entendu «l'autorisation de voter sans être obligé de découvrir son visage», mais dans le fond c'est l'autorisation de s'identifier sans avoir à découvrir son visage.
La Présidente (Mme Thériault): Parfait. Merci. Est-ce que l'amendement à l'article 3 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Est-ce que l'article 3, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. M. le ministre, l'article 4.
M. Pelletier (Chapleau): Alors, l'article 4 se lit comme suit: L'article 114 de cette loi est modifié par l'insertion, dans la première ligne du deuxième alinéa et après le mot «identité», des mots «à visage découvert».
La Présidente (Mme Thériault): Est-ce qu'il y a des commentaires sur l'article 4? Non? L'article 4 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Loi électorale
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. L'article 5. M. le ministre.
M. Pelletier (Chapleau): Alors, l'article 5 se lit comme suit: L'article 335.2 de la Loi électorale (L.R.Q., chapitre E-3.3) est modifié:
1° par l'insertion, dans le paragraphe 3° du premier alinéa et avant le mot «satisfaire», des mots «être à visage découvert et»;
2° par l'ajout, après le deuxième alinéa, de l'alinéa suivant:
«Malgré le paragraphe 3° du premier alinéa, le Directeur général des élections peut, pour des raisons de santé physique qui lui apparaissent valables, délivrer une autorisation permettant à l'électeur de s'identifier sans se découvrir le visage.» Et j'aurais maintenant une proposition d'amendement, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault): Allez-y.
M. Pelletier (Chapleau): ...concernant l'article 5. Alors, il s'agit de remplacer le paragraphe 2° par la suivant:
2° par l'ajout, après le deuxième alinéa, des deux alinéas suivants:
«Malgré les paragraphes 2° et 3° du premier alinéa, l'électeur qui ne peut s'identifier à visage découvert pour des raisons de santé physique qui apparaissent valables au Directeur général des élections ou à toute personne qu'il désigne à cette fin, peut obtenir une autorisation lui permettant de s'identifier sans se découvrir le visage après avoir signé le serment prévu à cette fin devant les membres de la table de vérification.
«Le président de la table de vérification remet à l'électeur l'autorisation prévue au troisième alinéa.»La Présidente (Mme Thériault): Alors, j'imagine que, puisque c'est un amendement de concordance, ça va pour les parlementaires? Parfait. Est-ce que l'amendement à l'article 5 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Est-ce que l'article 5, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. M. le ministre, l'article 6.
M. Pelletier (Chapleau): Alors, l'article 337 de cette loi est modifié par l'insertion, dans la première ligne du deuxième alinéa et après le mot «identité», des mots «à visage découvert».
La Présidente (Mme Thériault): Il y a des commentaires? Non, ça va? Oui, M. le député de Mercier.
M. Turp: Écoutez, je ne sais pas si je devrais la poser maintenant ou après 7, là, mais j'en profite pour la poser maintenant à M. le ministre et peut-être au Directeur général des élections: Avec l'adoption de cette loi, là, est-ce que vous êtes d'avis que ça règle l'essentiel des problèmes, ou est-ce que vous anticipez des problèmes d'une autre nature qui pourraient se poser, qui pourraient nous amener à devoir agir à nouveau dans d'autres domaines, ou est-ce que vous croyez que, là, parce que vous n'aurez plus besoin d'invoquer votre pouvoir d'adaptation, la solution est quand même bonne et elle n'est pas temporaire? Est-ce que vous anticipez d'autres problèmes de la même nature?
La Présidente (Mme Thériault): M. le Directeur.
M. Blanchet (Marcel): Merci, Mme la Présidente. J'espère bien effectivement que les modifications que vous allez apporter à la Loi électorale... aux trois lois électorales qui sont concernées vont régler les problèmes parce que je vous assure que ça a été plutôt difficile à vivre, le printemps dernier. Ça a été un moment en fait, j'allais dire, d'hystérie collective, là, qu'il a fallu en fait régler très, très rapidement.
Et les mesures qui sont proposées dans le projet de loi, surtout avec les amendements qui ont été apportés, ont été longuement réfléchies et elles m'apparaissent tout à fait appropriées pour éviter que ce genre de difficultés ne se représentent, en tout cas celles qu'on a connues. Il y en aura peut-être d'autres, difficultés qu'on n'a pas encore pu imaginer, mais, celles qu'on a eues, là, je pense qu'effectivement ça répond bien à la question et qu'on pourra en fait exercer notre droit de vote dans la plus grande sérénité. Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, ça vous va? Parfait. Est-ce que l'article 6 est adopté?
Des voix: Adopté.
Entrée en vigueur
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. M. le ministre, le dernier article, l'article 7.
M. Pelletier (Chapleau): Alors, l'article 7 se lit comme suit: La présente loi entre en vigueur le (indiquer ici la date de la sanction de la présente loi).
La Présidente (Mme Thériault): Est-ce que l'article 7 est adopté? Oui, M. le député de Mercier.
M. Turp: Vous avez des intentions précises à cet égard-là, M. le ministre? Quel serait votre souhait, s'agissant de la date d'entrée en vigueur? Il va y avoir des élections partielles, là, j'imagine, dans des municipalités bientôt, là. Est-ce que vous avez un souhait particulier sur la date d'entrée en vigueur?
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Pelletier (Chapleau): Le plus tôt possible, dès la passation en Chambre. Mais le plus tôt possible, effectivement. Dès le moment où ça passe en Chambre, on va...
M. Turp: Est-ce qu'il y a des élections dimanche prochain, là, de membres... On ne sait pas. Il y en a à Québec...
La Présidente (Mme Thériault): Me Blanchet, je crois que vous vouliez faire...
M. Blanchet (Marcel): Merci, Mme la Présidente. Effectivement, il y a une élection à Québec dimanche, mais, suite à la demande du président d'élection, M. Ouellet, j'ai déjà finalement pris une mesure, en vertu de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, pour s'assurer que toute personne qui vote doit se découvrir le visage.
J'ai eu très récemment une nouvelle demande du président d'élection de la ville de Montréal. Il y aura des élections à Montréal le 16 décembre prochain et bien sûr, la semaine précédente, le vote par anticipation. Alors là, dépendamment, finalement, du moment où sera sanctionnée la présente loi, j'aurai à prendre aussi, le cas échéant, ou non une décision pour rassurer, je dirais, le président d'élection de la ville de Montréal.
n(17 heures)nLa Présidente (Mme Thériault): Merci.
M. Turp: Bien, alors, je comprends que vous souhaitez que ça entre en vigueur, comme le ministre l'a dit, le plus rapidement possible.
La Présidente (Mme Thériault): ...pour répondre à votre questionnement, M. le député de Mercier, vous savez que, de consentement, dans cette Assemblée, nous pouvons tout faire. Donc, moi, je pense que, si les trois partis s'entendent, il y a toujours possibilité d'aller en accéléré, selon les différentes étapes qu'il reste à faire, et il n'en tient qu'à nous que le projet de loi soit adopté le plus rapidement possible.
M. Turp: Mais il y a une autre solution aussi. Puis, de notre côté, on a souvent insisté... J'ai siégé souvent avec mon collègue le député de Chicoutimi, qui généralement insiste pour qu'on mette une date précise, une date précise plutôt que d'indiquer que ça entrera en vigueur à la date de la sanction, et mon collègue insiste fréquemment pour que nos lois comportent une date précise plutôt que de créer une certaine discrétion lorsqu'il s'agit de la sanction. Est-ce que, M. le ministre, vous envisageriez une solution comme celle-là pour rassurer le Directeur général des élections?
La Présidente (Mme Thériault): Oui. M. le ministre.
M. Pelletier (Chapleau): Non, non, non. D'abord, je pense que vous pouvez être convaincus que le gouvernement va agir avec célérité, là. Dès le moment où c'est adopté en Chambre, je veux dire, on va présenter le projet de loi pour sa sanction. Et on est aussi conscients que vous de l'importance de régler cette problématique le plus rapidement possible.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va? Est-ce que l'article 7 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. M. le député de Mercier, avez-vous des remarques finales?
M. Turp: Bien, je suis content qu'on ait bien étudié ce projet de loi. C'est important de faire de la bonne législation puis de bien comprendre la portée d'un projet de loi. Je remercie le Directeur général des élections d'avoir pris le temps de bien répondre à nos questions. M. le ministre, on a fait les choses rondement, mais on a obtenu des réponses à nos questions. Je pense que c'était souhaitable.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Merci, M. le député. Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy: Pour ma part, vous savez que, moi, je suis plutôt critique de l'opposition en matière de sécurité publique, c'est un domaine extrêmement différent. C'était agréable pour moi de parler de grandes idées de démocratie, j'ai profité du débat avec plaisir et puis j'espère qu'on renouvellera l'expérience.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le ministre.
M. Pelletier (Chapleau): Alors, merci de nouveau à la députée de Lotbinière. Merci au député de Mercier. Merci également au Directeur général des élections pour sa collaboration dans ce dossier.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Alors, la commission ayant accompli son mandat, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures, alors que nous procéderons à l'étude détaillée du projet de loi n° 11. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 20 h 3)
La Présidente (Mme Thériault): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leurs téléphones cellulaires ou de les mettre en mode vibration, s'il vous plaît.
Donc, la commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 11, Loi sur la confiscation, l'administration et l'affectation des produits et instruments d'activités illégales.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Roy (Lotbinière) est remplacée par M. L'Écuyer (Saint-Hyacinthe) et M. Cloutier (Lac-Saint-Jean) est remplacé par M. Bédard (Chicoutimi).
Projet de loi n° 11
Organisation des travaux
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, nous en sommes rendus aux remarques préliminaires. Donc, M. le ministre, sans plus tarder, je vous cède la parole. Tous les porte-parole ont un maximum de 20 minutes pour faire leurs remarques.
M. Dupuis: Je vais décliner votre aimable invitation de faire des remarques préliminaires, mais je vais plutôt suggérer une façon de procéder pour la commission parlementaire qui va se dérouler bientôt.
Il s'agit d'un projet de loi qui est déposé dans cette législature, projet de loi sur la confiscation des produits de la criminalité, projet de loi de nature civile. Ce projet de loi avait été déposé sous l'ancienne législature, sous le vocable projet de loi n° 11, et il avait fait l'objet d'une étude en commission parlementaire, une étude pas complète mais assez exhaustive sur les 24 premiers articles. Le député de Chicoutimi d'ailleurs avait travaillé de façon importante lors de cette commission parlementaire qui était évidemment... à laquelle mon prédécesseur le député de Vaudreuil, qui était alors ministre de la Justice, était présent.
Ce que je suggère, c'est qu'on pourrait peut-être faire l'adoption article par article en procédant en deux blocs, un premier bloc qui consisterait à écouter les représentations que les gens de l'opposition, qu'elle soit officielle ou qu'elle soit la deuxième opposition, auraient à faire sur les 24 premiers articles qui avaient déjà été étudiés en commission parlementaire. Moi-même, il y a quatre articles où j'aurais à signaler des ajouts que nous avons faits dans le libellé. On pourrait faire un premier bloc qui concernerait les 24 premiers articles, ça pourrait aller assez rapidement, puis ensuite on ferait... Je vous le propose humblement. On pourrait ensuite faire la lecture des articles 25 à 35 puis là discuter comme on le fait dans une commission parlementaire régulière. C'est ce que je propose.
Remarques préliminaires
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Donc, évidemment, chacun des porte-parole va avoir l'opportunité de se prononcer sur votre proposition. Vous savez, de consentement, tous les parlementaires savent que nous pouvons aller de l'avant. Donc, sans plus tarder, je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Claude L'Écuyer
M. L'Écuyer: Alors, merci, Mme la Présidente. Je dois dire, d'entrée de jeu, je vais me permettre de faire mes remarques préliminaires et par la suite je commenterai la proposition du ministre de la Justice et de la Sécurité publique.
Premièrement, je suis honoré de pouvoir intervenir, aujourd'hui, au nom de ma formation politique et de pouvoir prononcer ces remarques préliminaires concernant le projet de loi n° 11, Loi sur la confiscation, l'administration et l'affectation des produits et instruments d'activités illégales.
Je vous salue, Mme la Présidente, à titre de présidente de cette commission, de même que tous les députés du groupe parlementaire, ainsi que mes collègues le député d'Iberville, le député de Joliette et le député de Lévis, ainsi que les députés du deuxième groupe d'opposition.
Nous voulons, dans un premier temps, souligner le travail déjà accompli par le ministre de la Justice au moment de l'étude du projet de loi n° 36, de M. Yvon Marcoux, député de Vaudreuil, et de M. le député de Chicoutimi, qui ont travaillé quand même lors du projet de loi, du premier jet du projet de loi n° 36.
Je profite de l'occasion aussi pour remercier également tous les intervenants qui se sont présentés à la Commission des institutions le 21 novembre 2006, les 24 et 25 janvier 2007. Leur travail n'est pas resté sans effet. D'ailleurs, Mme la Présidente, à la suite de ces travaux parlementaires à la Commission des institutions, vous remarquerez que le projet de loi n° 11 est l'ancien projet de loi n° 36 qui a été actualisé selon la réalité juridique d'aujourd'hui.
Alors, ce projet de loi est un outil supplémentaire nécessaire afin de combattre le crime organisé au Québec. Il a comme objet premier la confiscation civile de biens provenant d'activités illégales ou utilisés dans l'exercice d'une telle activité. D'entrée de jeu, on parle de confiscation civile, c'est-à-dire la possibilité d'entreprendre des procédures devant les tribunaux civils.
Cette approche a comme utilité première de permettre au Procureur général de déposer une demande de confiscation civile comme toute autre requête introductive d'instance devant un tribunal civil. Le fondement juridique de cette demande est que ces biens, qui sont des biens provenant d'activités illégales ou utilisés dans l'exercice de telles activités, soient confisqués. Et cette demande, comme toute autre demande, sera signifiée au propriétaire des biens s'il est connu, de même qu'à tout possesseur ou détenteur de ces biens au moment de l'introduction de la demande ou qui était propriétaire de ces biens au moment où ces biens ont été saisis par un corps de police, ou une autre autorité habilitée à le faire.
Il est certain que, durant les travaux parlementaires, nous poserons certaines questions quant à certains articles de ce projet de loi et certains principes proposés, comme la notion de bonne foi qui, à l'article 1, semble être utilisée comme fondement à une défense acceptable pour que ces biens puissent faire échec à cette confiscation.
Aussi, la notion des améliorations payées avec des produits d'activités illégales, qui deviennent un produit d'activités illégales, quelle sera la règle de la présomption légale qui sera utilisée? De même, lorsque le Procureur général discutera la confiscation d'un bien qui, pour son acquisition, a fait l'objet d'une dette dont une partie a été payée avec des produits d'activités illégales, quelle sera la règle de la présomption applicable?
Je vous soumets ces points, Mme la Présidente, car je crois fermement que plus ce projet de loi utilisera de façon précise les notions de droit et de principe de droit, ceci évitera des procès longs et coûteux, ce qui veut dire que plus ce projet de loi va être précis, ça nous permettra peut-être d'éviter des longs procès, autant pour le Procureur général que pour les intervenants, les gens qui seront en défense dans ce projet de loi.
n(20 h 10)n En effet, il faut être très précis dans l'adoption de ce projet de loi, car la personne qui est réellement de bonne foi dans l'acquisition d'un bien peut y perdre sa chemise avant d'établir sa bonne foi. Voici pourquoi l'opposition officielle veut adopter un projet de loi qui est sévère et permettra la confiscation des biens provenant d'activités illégales ou utilisés dans l'exercice de telles activités tout en conservant à tout citoyen son droit à un procès juste et équitable. En effet, il ne faudrait pas que cette poursuite civile devienne une deuxième chance pour le Procureur général qui n'a pas réussi à faire condamner l'accusé.
Il faudra être prudent dans l'adoption et par la suite dans l'application de cette loi, car il y a un changement de qualité de preuve en matière criminelle. La preuve doit être hors de tout doute raisonnable, alors qu'en matière civile c'est la prépondérance de preuve qui est la règle. Quelle est la thèse la plus probable? Est-ce bien un bien provenant d'activités illégales ou un bien acquis de bonne foi? Il faudra être prudent dans l'utilisation des mots et surtout les articles qui précisent, quand le tribunal fera droit à la demande de confiscation, quelle sera la règle de la preuve exigée. Le tribunal devra être convaincu que les biens qui y sont visés sont des produits d'activités illégales ou des instruments de telles activités, et, dans ces derniers cas, il devra être aussi convaincu que le propriétaire de ces instruments savait qu'ils étaient utilisés lors de l'exercice de ces activités.
Comme vous pouvez le constater, Mme la Présidente, comme il est important de clarifier si nous voulons atteindre le but visé, à savoir la confiscation de ces biens provenant d'activités illégales... Le tribunal, en vertu de cette loi, se devra d'être bien informé et aussi il devra toujours faire respecter la règle de droit qui veut que toute personne a droit à un procès juste et équitable, et, même lorsque le renversement du fardeau de preuve est sur les épaules de celui qui prétend être propriétaire de bonne foi, il devra prouver qu'il ne connaissait pas cette caractéristique de ce bien qui est un produit d'activités illégales.
Comme vous pouvez le constater, Mme la Présidente, les préoccupations de ma formation politique dans l'étude de ce projet de loi, il y a en plus des notions comme le caractère fictif ou simulé et la définition de la personne liée au propriétaire du bien confisqué dans un processus de suivi du lien de parenté et aussi avec la notion d'allié. Alors, il va falloir être prudent dans la rédaction du deuxième alinéa de l'article 10.
Aussi, nous allons discuter de la question de la disproportion marquée entre le revenu légitime du défendeur et son patrimoine, son train de vie, ou l'un et l'autre, afin de pouvoir déterminer si les biens confisqués ou les biens qui sont l'objet d'une demande de confiscation sont des biens présumés être des produits d'activités illégales selon une preuve que le défendeur a participé fréquemment à des activités illégales et selon des critères adoptés et proposés par ce projet de loi.
Donc, comme vous pouvez le constater, Mme la Présidente, il faut être prudent dans l'adoption de ce projet de loi afin de toujours avoir en tête de conserver le droit des individus et aussi faire droit à l'objet poursuivi par la loi, c'est-à-dire confisquer les biens de produits d'activités illégales.
Nous allons aussi questionner le principe de l'administration des produits et d'instruments d'activités illégales lorsque le Procureur a l'administration des biens devenus la propriété de l'État par suite d'une confiscation civile. Au sujet de cette administration par le Procureur général, qui peut confier cette administration soit à un centre de services, ou Centre de services partagés du Québec, ou toute autre personne qu'il désigne le mandat d'administrer des biens dont il a l'administration... Voici pourquoi il faut une gestion transparente de ces fonds publics, car, dès que confisqués et dès que la demande de confiscation a été accordée, ces biens deviennent la propriété de l'État, et une reddition de comptes et une ventilation des sommes ainsi partagées... Ces biens devenus propriété de l'État par suite d'une confiscation civile, de même que celui des biens confisqués en application des dispositions du Code criminel ou de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, sont, sous réserve des dispositions de l'article 25, versés au fonds consolidé du revenu aux dates et dans la mesure que détermine le gouvernement.
Bien que déposé à l'Assemblée nationale, ce rapport à notre avis devrait faire l'objet d'une discussion annuellement devant la Commission parlementaire des institutions. Le parti de l'opposition que je représente, de même que ma formation politique, voit d'un bon oeil et permet que le produit visé, soit le produit de l'aliénation des biens devenus propriété de l'État, soit partagé en tout ou en partie à l'un ou l'autre des ministères ou organismes suivants, et plus particulièrement au Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, ces victimes d'actes criminels qui souvent sont laissées à elles-mêmes, sans appui et sans réconfort à long terme.
Vous savez, lorsqu'une personne est victime d'un acte criminel, c'est sa vie entière qui est affectée à la suite de cette commission d'un acte criminel. La personne victime subit toute sa vie ces séquelles dans son intégrité physique et psychique. De même, nous croyons que ces montants devraient être davantage octroyés à des organismes communautaires dont l'objet principal est la prévention d'activités illégales, notamment auprès de la jeunesse, et aussi favoriser la médiation dans des conflits potentiels. Nous croyons que l'affectation de ces sommes doit se faire de façon à répondre à un objectif d'aider les victimes d'actes criminels et aussi de prévenir ces actes criminels.
Mme la Présidente, tout au long de l'étude de ce projet de loi, Loi sur la confiscation, l'administration et l'affectation des produits et instruments d'activités illégales, projet de loi n° 11, nous tenterons d'obtenir des explications afin que cette loi soit claire, précise et efficace, qu'elle puisse compenser les victimes d'actes criminels, car il s'agit d'un outil supplémentaire nécessaire afin de combattre le crime organisé au Québec, et nous croyons qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction. Nous aurons l'occasion de bonifier ce projet de loi de la meilleure façon possible, et les parlementaires des autres formations politiques peuvent avoir l'assurance que l'opposition officielle va travailler dans ce sens-là.
En ce qui concerne la demande de M. le ministre de la Justice, nous sommes d'accord à étudier les 24 premiers articles tels quels et par la suite apporter nos commentaires sur les articles qui vont être appelés à être discutés séance tenante. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Donc, maintenant, je vais passer la parole au porte-parole de la deuxième opposition. M. le député de Chicoutimi, la parole est à vous.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Au contraire de mon collègue de l'opposition officielle, je vais être bref dans mes commentaires. Par contre, j'ai bien pris note de la proposition du ministre, mais vous savez à quel point j'aime bien légiférer et je connais bien effectivement ce projet de loi pour avoir participé, je vous dirais, entre guillemets, à son amélioration, bien humblement, mais je pense que, pour faire un travail qui est à la hauteur, d'autant plus qu'il touche à des domaines qui sont quand même assez importants, soit le droit pour certains citoyens de jouir de leurs biens, qui est à la base de notre économie de marché, je pense que le moins qu'on puisse faire, c'est justement de traiter de ce projet de loi article par article mais en tenant compte de la réalité qu'ils ont fait l'objet de discussion, pour nous permettre, Mme la Présidente, pour un projet de loi aussi technique, qui emploie... où le choix des termes est bien important...
Il risque d'être interprété d'ailleurs à plusieurs reprises devant les tribunaux parce que c'est une loi qui va, selon moi, être contestée sûrement à certains égards, du moins qui va être éprouvée par l'originalité de tous nos plaideurs qu'on a dans ce domaine-là. Alors, on a avantage, je pense, à en préciser les termes, et pas strictement référer aux débats de la 37e Législature où le projet de loi n° 36 avait été appelé.
Et je vous dirais que, même pour ma compréhension personnelle, et je le fais encore humblement, parce que j'y ai participé... Je suis le seul d'ailleurs, peut-être avec mon collègue le député de Mercier qui a participé à chacune des étapes, peut-être certains députés du gouvernement étaient là. Mais je vous dirais que j'aurais de la misère à faire un travail intelligible, pour ma part, là, si on ne procédait pas article par article. La première raison, c'est que... bien, je vous l'ai donnée, pour faire un travail intelligible évidemment, donc qu'il y ait une séquence dans la compréhension que nous avons de chacun des articles ? et je le souhaite pour mes collègues de l'opposition ? mais aussi, plusieurs articles, on a repéré peut-être à peu près une dizaine de modifications qui ont été faites, et certaines, je vous dirais, dont j'ai à peu près la réponse, mais dont je vais souhaiter voir préciser vraiment dans l'ordre dans lequel ils sont apparus, donc.
Et c'est pour ça que, mes commentaires préliminaires, à ce moment-ci, je vais strictement vous référer à ce que j'avais mentionné lors de l'adoption... lors plutôt de mes commentaires préliminaires à l'étape du projet de loi n° 36, en mentionnant au surplus que la plupart des amendements, d'ailleurs la totalité se retrouve dans le projet de loi, mais encore là avec d'autres modifications qui ont été apportées, qui ne sont pas énormes. Sur les 24 articles, j'en ai vu une dizaine environ sur lesquels il y a des petites modifications.
Donc, je suis prêt à faire le travail d'opposition, à poser des questions. Et, quand nous constaterons plutôt que l'article représente ce que nous souhaitions et nous l'avons compris, eh bien notre but n'est pas de rester le plus longtemps et de ne pas profiter des heures que nous offre la session intensive. En plus, on est les premiers à profiter de ces belles heures qui nous permettent de travailler jusqu'à minuit. Donc, c'est presque un honneur qu'on a, là, d'ouvrir ce beau bal là de la session intensive...
M. Turp: De ce cycle.
n(20 h 20)nM. Bédard: ...de ce cycle-là, comme le disait le député de Mercier, d'ailleurs qui va être sûrement utile quant au choix des mots. Vous savez sa perspicacité pour nous aider à trouver les bonnes expressions, alors...
M. Turp: Il y a toutes sortes de lois étrangères d'Ontario, du Commonwealth qui vont nous être utiles, d'ailleurs.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Mercier, je m'excuse, la parole est au député de Chicoutimi.
M. Bédard: Nous ne formons qu'un en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault): Si vous voulez faire une intervention, vous n'avez qu'à lever la main, je vais vous reconnaître.
M. Bédard: Mais je le fais en toute amitié pour le ministre puis mon collègue aussi, mais je souhaite effectivement qu'on lise les articles et que par la suite on les adopte un par un.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Mercier, ça va?
M. Turp: Bien, moi, je voulais juste signaler qu'une chose qui avait été intéressante dans les travaux relatifs au projet de loi n° 36 et les témoignages qui étaient utiles, c'est les aspects de droit comparé parce que l'Ontario nous... On nous avait présenté le règlement, là, et qui peut nous inspirer. Alors, il faudra voir peut-être, et, M. le ministre, vous pourrez nous dire s'il y a des choses qui ont été empruntées, depuis nos travaux, à ce qui s'est fait en Ontario ou à la loi modèle du Commonwealth, là, parce que je crois que ça vous avait inspiré un petit peu. Alors, moi, c'est un aspect qui m'intéresse beaucoup. Puis il y a le Barreau et la Commission des droits de la personne dont vous rappelez qu'ils avaient fait des représentations dont on devrait tenir compte.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le député de Mercier. J'ai le député de Robert-Baldwin qui veut faire une intervention. M. le député, la parole est à vous.
M. Marsan: Oui. Je vous remercie, Mme la Présidente. Simplement pour manifester un peu ma surprise, parce qu'avec tout le respect que je vous dois ? et vous savez que nous en avons beaucoup ? nous avons eu beaucoup de discussions, dans la dernière législature, nous avons, je pense, passé article par article, et de bonne façon, avec beaucoup, beaucoup de commentaires et beaucoup de temps qui ont été associés à ça. Alors, je me permets quand même de souligner ma surprise, là, à l'effet que vous n'acceptez pas qu'on puisse regarder l'ensemble des 24 articles qui ont déjà été approuvés et que vous nous demandez de nouveau de repasser article par article. C'est un petit peu surprenant. Mais nos règles parlementaires sont ce qu'elles sont, et je pense qu'on va sûrement les suivre, mais je voulais quand même manifester ma surprise, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, ça va pour les remarques préliminaires? Avant de débuter l'étude article par article, j'aimerais, de consentement, faire un remplacement qu'on a oublié d'annoncer, malheureusement. J'aurais la députée de Gatineau qui remplacerait le député de Laval-des-Rapides. Est-ce qu'il y a consentement pour faire la modification?
Des voix: Consentement.
La Présidente (Mme Thériault): Consentement. Merci beaucoup.
Une voix: ...
Étude détaillée
Objet et champ d'application
La Présidente (Mme Thériault): Merci beaucoup, cher collègue. Effectivement, ça va montrer à quel point vous êtes prêt à collaborer. Très bien. Donc, sans plus tarder, nous allons passer à l'étape de l'étude article par article du projet de loi. M. le ministre, je prends en considération l'article n° 1. La parole est à vous.
M. Dupuis: Je veux simplement, avant de lire l'article 1, indiquer qu'à ma droite vous constaterez que Me Patrick Michel, que vous connaissez déjà bien, est encore présent, et, à ma gauche, Me Patrick Nolin, qui pratique au ministère de la Justice et qui est le spécialiste en droit civil. Il y a également... Le légiste, est-il arrivé? Oui, il est ici. Me Pierre Charbonneau, qui est le légiste. S'il devait y avoir des rédactions d'amendements, on est parés pour l'expression d'amitié du député de Chicoutimi.
Alors, article 1: «La présente loi a pour objet de permettre la confiscation civile de biens provenant d'activités illégales ou utilisés dans l'exercice de telles activités, de manière que les personnes qui, à quelque titre que ce soit, sont titulaires de droits sur ces biens ou se servent de ces biens ne puissent, sous réserve de leur bonne foi, en conserver le bénéfice.
«La présente loi pourvoit aussi à l'administration de ces biens ou de biens saisis, bloqués ou confisqués en application de lois fédérales et permet leur affectation, ou celle du produit de leur disposition, à des fins socialement utiles, notamment l'aide aux victimes d'actes criminels et la prévention, la détection ou la répression de la criminalité.»La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Saint-Hyacinthe, des commentaires?
M. L'Écuyer: Oui, certains commentaires au sujet de l'article 1. Dans un premier temps, on parle de la confiscation civile. On remarque, dans le projet de loi, qu'il n'y a pas de définition concernant «confiscation civile», dans un premier temps. Et je demande en tout cas pourquoi on n'aurait pas donné une notion de confiscation civile. Parce qu'effectivement, en droit criminel, on connaît la confiscation, en vertu de certaines lois, on saisit, on s'approprie, l'État devient propriétaire automatiquement, mais là on est dans une procédure qui s'appelle une procédure civile, une confiscation, alors on parle de confiscation civile.
Et, deuxièmement, aussi, dans le projet de loi, on parle d'une expression qui dit «droits sur ces biens ou se servent de ces biens». Alors, se servir de ces biens, moi, habituellement, j'ai une formation, comme vous savez, juridique, on parlait de l'usus, l'abusus puis du fructus, alors là «se servent», je ne sais pas, est-ce qu'on veut dire utiliser un bien ou bien est-ce qu'on veut dire quand même la propriété du bien? En tout cas, c'était une question qu'on avait, nous, à se poser parce que «servir», «se servent d'un bien», alors j'avais quand même des questions à cette expression-là, alors qu'on aurait peut-être pu dire: «utilisent ces biens sous réserve de leur bonne foi». Bon.
Il est certain que je vais aussi parler de la notion de bonne foi. Cette notion de bonne foi devient comme une défense. c'est une défense potentielle. Et la personne qui utilise cette défense-là, comment elle va s'actualiser dans les faits au niveau d'une procédure civile? Parce qu'on est en requête introductive d'instance. Si je comprends bien la démarche, en vertu de l'article 6, le Procureur général va procéder à une requête introductive d'instance en alléguant les différents paragraphes, comme quoi effectivement c'est des biens acquis illégalement, et par la suite il va devoir signifier cette procédure-là, et, à la suite de la signification, bien le défendeur ou le possesseur de bonne foi va être en mesure de faire une défense en disant: Je suis de bonne foi.
Alors, comme on est à l'étape, là, de la présomption, on est à l'étape aussi d'une défense, la personne a droit à une défense pleine et entière. Et aussi on est à l'étape quand même importante, là, on est au début d'une longue procédure civile. Alors, c'est les propos au sujet de l'article 1, mes préoccupations, mes interrogations concernant l'article 1.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le ministre.
M. Dupuis: Alors, pour ce qui concerne la question de l'expression de la confiscation civile, évidemment il s'agit de confiscation en vertu des règles de preuve civile, de nature civile. Le fardeau de preuve n'est pas le même qu'en matière criminelle, vous le savez, je pense, aussi bien que moi. Le fardeau de preuve en matière criminelle est un fardeau hors de toute doute raisonnable, alors que le fardeau de preuve en matière civile est un fardeau de prépondérance de preuve. C'est simplement parce que c'est un champ d'application qui est à la fois de nature criminelle et de nature civile, la question des produits de la criminalité.
Dans le projet de loi qui est devant nous, le projet de loi n° 36, on parle de confiscation civile simplement pour bien indiquer qu'il ne s'agit pas du même régime de droit de preuve que le régime qui prévaut en vertu du Code criminel. On aurait pu marquer «confiscation», mais c'est plus précis en marquant «confiscation civile».
Pour ce qui concerne l'expression «sont titulaires de droits sur ces biens ou se servent de ces biens», évidemment une voiture ? je donne un exemple ? une voiture qui sert au trafic de stupéfiants est un bien infractionnel et ce bien-là est un produit de la criminalité au sens de la loi, il peut être confisqué. Alors, c'est lorsqu'un bien est un produit de la criminalité in se ou lorsqu'un bien sert à la commission d'infraction criminelle, c'est ce qu'on appelle en droit criminel un bien infractionnel, mais c'est un bien qui sert à la commission d'infraction criminelle, on peut se saisir de ce bien-là. On ne peut pas permettre à un bandit qui fait du trafic de stupéfiant de se servir d'une voiture pour faire le trafic de stupéfiant. On va aller chercher la voiture. On va aller la chercher, la voiture.
Le but, c'est d'éviter que les personnes qui ont des activités illégales puissent se procurer des biens à l'aide de ces activités illégales, hein, ou puissent se servir de biens pour accomplir des activités illégales. Elles sont teintées. Ces biens-là sont teintés et, parce qu'ils sont teintés, ils pourraient faire l'objet... ils peuvent faire l'objet d'une requête par le Procureur général au civil. Évidement, on ne parle ici que de la requête en vertu du civil.
Votre troisième remarque, c'était? Je ne me souviens pas de votre troisième. C'était quoi, la troisième remarque?
M. L'Écuyer: Sur la bonne foi.
n(20 h 30)nM. Dupuis: La bonne foi. Alors, la bonne foi, vous allez voir qu'à l'article 9 la personne qui... En fait, la défense du bien est à l'article 9, puis la défense de bonne foi est toujours ouverte. C'est le Procureur général qui doit faire la preuve, par prépondérance de preuve, que le bien est un bien qui peut faire l'objet d'une confiscation. Si la personne qui le détient entre ses mains le détient de bonne foi ou doit faire valoir sa bonne foi, elle ne peut le faire valoir à la cour qu'en vertu des règles de preuve, que vous connaissez mieux que moi ? moi, j'ai pratiqué en criminel, vous, vous avez pratiqué en civil, vous les connaissez mieux que moi, j'imagine ? mais elle peut toujours faire valoir. Si Me Nolin veut ajouter quelque chose, là, il peut.
M. L'Écuyer: Oui, avec votre permission, Mme la Présidente, simplement...
La Présidente (Mme Thériault): Juste avant, M. le député de Saint-Hyacinthe: Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter, Me Nolin ou ça vous va?
M. Nolin (Patrick): Bien, ça va, j'attendrai au prochain.
La Présidente (Mme Thériault): Vous allez attendre le prochain? Parfait. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Mme la Présidente, je comprends quand même, quand M. le ministre dit «confiscation civile», on parle... On connaît la confiscation au niveau criminel, mais pour faire une distinction... Ma question était beaucoup plus: Pourquoi ne pas définir la notion de confiscation civile?
M. Dupuis: C'est l'objet de la loi.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: C'est l'objet de la loi. C'est ça, le but de la loi. Honnêtement, je ne la comprends pas, votre question. Le but de la loi, là, c'est d'être capable de confisquer, en vertu d'un fardeau de preuve qui est le fardeau de preuve de la prépondérance de preuve, des biens qui sont des produits de la criminalité. C'est ça, le but de la loi.
M. L'Écuyer: Et, à ce moment-là, simplement pour actualiser, là, mon propos, on fait une requête introductive d'instance, le Procureur général va faire une requête introductive d'instance dans laquelle il va...
M. Dupuis: Alléguer.
M. L'Écuyer: ...alléguer, et sa conclusion va être: Confisquez les biens de M. Untel, a, b, c, d, je ne sais pas, le nombre de biens qu'il peut avoir. Et, à ce moment-là, il va obtenir un jugement du tribunal...
M. Dupuis: Oui. Et, pour être en mesure d'obtenir un jugement favorable, il devra démontrer la nature illégale ou illicite des biens par prépondérance de preuve, contrairement au fardeau qui serait le sien, le Procureur général, s'il était devant un tribunal criminel, où il devrait prouver hors de tout doute raisonnable que le bien est un produit de la criminalité, qui est évidemment un fardeau de preuve plus contraignant pour le Procureur général. Alors, c'est pour ça que le projet de loi n° 36, c'est un projet de loi de nature civile.
M. L'Écuyer: Oui, je l'ai bien compris, ça. Ça, j'ai bien compris qu'effectivement, au niveau civil, il y a, si je peux m'exprimer comme ça, une preuve moins exigeante qu'au niveau criminel.
M. Dupuis: Le fardeau de la preuve n'est pas le même.
M. L'Écuyer: Parce qu'habituellement on doit prouver hors de tout doute raisonnable. Là, à ce moment-là, on prouve selon une prépondérance de preuve. Ça pourrait aller jusqu'à hors de doute, mais c'est prépondérance de preuve. Par contre...
M. Dupuis: C'est ça. Et c'est important de mentionner que... Je ne sais pas si Me Nolin va être d'accord avec moi, ou Me Michel, mais il m'apparaît que, dans une procédure criminelle de cette nature-là, l'objet de la procédure, c'est l'accusé. Ses biens, c'est ça, c'est un corollaire au dossier. Le but, c'est d'obtenir une condamnation contre une personne, alors que le projet de loi qui est devant vous, le projet de loi n° 36, son objet, c'est le bien, on veut confisquer le bien. L'objet n'est pas de faire condamner quelqu'un, l'objet, c'est de confisquer un bien pour empêcher que les biens qui sont acquis par le biais de crimes ne puissent continuer d'être en circulation.
Dans le fond, ce qu'on veut, c'est punir la personne qui a des activités illégales là où ça lui fait le plus mal, c'est-à-dire dans l'acquisition de ses biens, et empêcher que n'entrent dans l'économie des biens qui sont acquis par le fruit du crime. Mais le projet de loi n° 36, son objectif, c'est le bien, on veut confisquer le bien. La procédure criminelle, c'est de faire condamner un individu pour un crime, son corollaire étant qu'on confisque les biens qu'il s'est procurés à l'aide de son crime. Il y a une nuance qui est très importante entre les deux.
La Présidente (Mme Thériault): Merci...
M. Dupuis: Ce qui veut dire, ce qui veut dire... Je vais aller plus loin et simplement pour qu'on saisisse bien l'esprit du projet de loi: ce qui veut dire que des policiers pourraient avoir fait une enquête de nature criminelle, apporté un dossier au procureur de la couronne pour que le procureur de la couronne porte des accusations criminelles contre un individu qui est du crime organisé, par exemple, puis qui a commis des activités criminelles et au sujet duquel on veut faire saisir ses biens. Le procureur de la couronne regarde le dossier, dit: Je n'ai pas assez de preuves, je ne suis pas capable de le faire condamner en vertu du fardeau de preuve qui m'incombe, c'est-à-dire hors de tout doute raisonnable, mais allez-vous-en donc au civil. Je ne pourrai pas faire condamner le gars parce que je n'ai pas assez de preuves contre le gars, mais je pense qu'au civil vous allez être capable de faire saisir ses biens.
Alors là, l'État va chercher les biens acquis par la criminalité, mais il ne fait pas condamner l'individu dans ce cas-là. Voyez-vous? C'est vraiment une façon de plus qu'on se donne d'éviter que les biens qui sont acquis à l'aide du crime puissent continuer à profiter à leur auteur. C'est ça, le but du projet de loi.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Je reviens à la question de l'expression «se servent», et ça illustre bien mon propos, c'est qu'on est en matière civile et on utilise à quelques reprises des termes habituellement utilisés en matière criminelle, et je me place, moi, dans un champ d'activité de droit civil et non pas dans un domaine de droit criminel, et c'est pour ça que, quand je vois des expressions comme celle-là et qu'il y en a quand même quelques-unes à l'intérieur du projet de loi, je me replace dans un contexte civiliste et je me dis qu'il va y avoir quand même des débats sur certaines expressions. Et, quand je veux clarifier ces expressions-là, c'en est une qui à mon avis ? à mon avis, humblement ? pourrait peut-être créer quand même un problème. Parce que, vous, vous...
Je comprends très bien, lorsqu'on parle de biens qui ont servi, quand on parle d'instruments, on parle quand même d'instruments qui vont servir à une activité illégale. Ça, je le comprends très bien. Mais, lorsqu'on utilise un terme qui est à tendance criminelle, à tendance de droit criminel puis là un terme utilisé dans un domaine civil, bien là, à ce moment-là, j'ai des...
M. Bédard: ...de quel terme on parle.
M. Dupuis:«Se servent».
M. Bédard: Ah! Au lieu «d'utilisent», quoi? T'aimerais mieux «utilisent»?
M. Dupuis:«Sont titulaires de droits de ces biens ou se servent de ces biens».
M. Bédard:«Ou utilisent ces biens», c'est-u ça?
M. Dupuis: Non, mais regardez, là, voulez-vous on va essayer juste de ne pas couper les cheveux en quatre?
M. L'Écuyer: En fait, c'est des propos, M. le ministre...
M. Dupuis:«Se servent», là, c'est...
M. L'Écuyer: Je comprends.
M. Dupuis: Moi, je résiste à votre demande, là, parce que d'abord l'article 1...
Une voix: ...
M. Dupuis: J'ai le droit, hein, je pense? L'article 1, là, c'est simplement d'établir l'objet et le champ d'application du projet de loi. C'est important de garder l'expression «se servent» parce qu'on veut que ce soit extrêmement indicatif du fait qu'un individu qui se sert d'un objet pour commettre... ou enfin aux fins d'une activité illégale, cet objet-là, qui sert, entre dans le champ d'application de la loi.
Et vous allez voir plus loin que les recours sont précisés. Vous allez le voir plus loin, vos réponses à vos questions puis vos remarques... qui sont pertinentes, là. Je ne dis pas qu'elles ne sont pas pertinentes. Au contraire, elles sont pertinentes. Puis, vous allez voir, à mesure qu'on va avancer dans le projet de loi, ça va se clarifier pour vous, tous ces termes-là vont se clarifier.
Mais il n'y a pas de doute, puis ça ne me fait rien de le discuter maintenant, il n'y a pas de doute que, dans le projet de loi, vous allez retrouver des expressions que vous entendez la plupart du temps dans des instances criminelles parce qu'il s'agit d'un projet de loi qui quand même ne peut pas ignorer son objet. Son objet, c'est l'activité illégale; son objet, c'est le produit de la criminalité; son objet, c'est le bien qui sert à commettre des infractions. On ne peut pas éviter ça. Puis au contraire il faut être très... Il m'apparaît à moi que, si le vocabulaire se retrouve à la fois dans une instance criminelle et dans cette instance civile, c'est parfait, on ne pourra pas commettre d'erreur, on va savoir exactement de quoi on parle. C'est dans ce sens-là.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Ça va, M. le député de Saint-Hyacinthe?
M. L'Écuyer: Ça va, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Moi, je n'en ai pas.
La Présidente (Mme Thériault): Non, ça va? M. le député de Mercier.
M. Turp: M. le ministre, dans la deuxième partie, deuxième alinéa de l'article premier, quand on parle d'«affectation, ou celle du produit de leur disposition», de l'affectation donc du produit de leur disposition, j'imagine qu'on renvoie aux articles de la section IV, les articles 20 et suivants. Et, dans cette section, il est question d'affectation non seulement des produits, mais d'instruments d'activités illégales.
Alors, j'aimerais peut-être que vous nous le précisiez parce que la notion d'instruments d'activités illégales ne se retrouve pas dans le deuxième alinéa. Alors, est-ce que c'est parce que ce n'est pas nécessaire d'être aussi précis dans la disposition sur l'objet...
M. Dupuis: Vous avez raison.
M. Turp: ...ou est-ce que ce serait utile de l'ajouter dans l'énumération, là? Pourquoi ça n'a pas été ajouté, la notion d'instruments?
M. Dupuis: Parce que, dans la... Mais vous avez raison de poser la question. Mais vous avez raison de donner... Vous avez donné un embryon de réponse qui est la bonne réponse. C'est qu'évidemment, là, on est dans l'article qui est sur l'objet et le champ d'application de la loi. «Permet leur affectation, ou celle du produit de leur disposition». L'affectation, bien, évidemment, on affecte le bien à quelqu'utilité que ce soit, mais c'est surtout le produit de leur disposition.
Une voiture, par exemple, qui aurait servi à commettre des crimes, l'État va en acquérir la propriété par le biais de la confiscation puis là l'État peut décider d'en disposer. Il peut décider de la vendre à un tiers, par exemple. Et donc il la vend à un tiers, il réalise un... j'appellerai ça un bénéfice pour les fins de la discussion, pas question de faire de profit, là, mais c'est tout simplement: l'argent qui lui vient de cette vente-là reste la propriété de l'État. C'est ça, le produit de la disposition du bien. C'était ça, votre question, je pense?
n(20 h 40)nM. Turp: Oui. Mais alors, l'affectation des instruments, là, est-ce que vous pourriez nous rappeler c'est quoi, les instruments qu'on affecte et pourquoi ça ne se retrouve pas dans le paragraphe deux? Parce que c'est couvert par le mot «affectation», point?
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Les instruments, comme vous les appelez, ce sont les biens qui servent à la commission d'une activité illégale. Alors, les instruments, là, ce sont les biens qui servent à la commission. Je vais pousser le raisonnement très loin puis je faire une affirmation qui est grosse, mais simplement pour illustrer: la voiture qui sert au transport des stupéfiants est un... en fait, en droit criminel, moi, je l'appellerais un bien fractionnel, puis Me Michel aussi, il appelle ça un bien fractionnel, mais, quand je parle avec Me Nolin, lui, il appelle ça un instrument qui sert à la commission d'activités illégales. Mais une auto pour un instrument, là, c'est un peu exagéré, j'en conviens, là. Mais peut-être le député de Chomedey aurait un exemple d'instrument qui sert à l'activité illégale, là, qui lui vient plus rapidement. Mais c'est ça qu'on veut dire. C'est ça. Bien, tu sais...
M. Turp: ...couvert par le mot «biens» qui est avant...
M. Dupuis: Oui. C'est ça, exactement, qui est au premier paragraphe.
M. Turp: ...et «leur», là, donc.
M. Dupuis: Oui. Oui.
M. Turp: Et donc ce n'est pas nécessaire de répéter ou d'inclure le mot «instrument» après «produit», là, ici.
M. Dupuis: C'est ça. C'est ça. À cause de l'expression «ces biens», qui font référence à ceux du premier alinéa.
M. Turp: O.K.
M. Dupuis: Ça va?
La Présidente (Mme Thériault): Ça va?
M. Dupuis: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. L'article 1 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. M. le ministre, l'article 2?
M. Dupuis:«Pour l'application de la présente loi, sont des activités illégales les activités visées par le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues ou autres substances.
«Sont également des activités illégales donnant ouverture à l'application de la présente loi les infractions pénales prévues par une loi mentionnée à l'annexe 1.» Et vous avez l'annexe 1, évidemment, à la fin du projet de loi, qui vous donne une nomenclature des lois provinciales qui sont touchées par le projet de loi. Pour ce qui concerne évidemment les activités illégales visées par le Code criminel, je pense que vous les connaissez aussi bien que moi, de même que les activités qui sont réglementées par la Loi réglementant certaines drogues ou autres substances, qui sont toutes les questions de stupéfiants, toutes les substances que nous connaissons.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Y a-t-il des commentaires? Ça va? M. le député de Chicoutimi?
M. Bédard: Non. Simplement, bien, je vois qu'ils ont gardé l'amendement, et c'est bien, avec l'annexe, là. Et peut-être pour le légiste, là, j'ai vu que vous aviez modifié «prévues» par «visées»... plutôt l'inverse, c'était «visées» et «prévues». J'imagine qu'après un effort rédactionnel il y a quelqu'un qui s'est rendu compte qu'on avait une mauvaise appellation?
M. Dupuis: Peut-être que les gens ont pensé que le député de Mercier pourrait avoir une question sur «prévues» plutôt que «visées» et se sont dit que «visées», c'était peut-être plus un anglicisme que «prévues». Alors, ils ont changé pour «prévues». Et j'avais raison de le penser.
M. Turp: Je pense que oui. Je pense que c'est mieux comme ça.
M. Dupuis: Bon! Quand on est capable de prévoir les questions du député de Mercier, là, je vous dis qu'on commence à être pas mal...
M. Turp: ...fier, fier de vous.
Une voix: ...bon légiste.
M. Dupuis: Oui, c'est ça. Me Charbonneau, bravo!
M. Bédard: Ce n'est pas le légiste.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, ça va pour l'article 2? Est-ce qu'il est adopté?
M. Dupuis: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. L'article 3, M. le ministre.
M. Dupuis:«Les dispositions de la présente loi visent des biens situés au Québec.
«Elles sont applicables non seulement à des activités illégales exercées au Québec, mais également à des activités illégales exercées à l'extérieur du Québec lorsque ces activités constitueraient aussi des activités illégales au Québec si elles y étaient exercées.» Le deuxième alinéa ajoute que les activités illégales exercées dans un autre État peuvent également être visées par le projet de loi si ces activités sont illégales tant dans cet État qu'au Québec. Par exemple, l'immeuble situé au Québec, propriété d'un narcotrafiquant ontarien, pourrait être confisqué même si cet individu ne commet aucune activité illégale sur le territoire québécois.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Y a-t-il des commentaires? M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Oui. Là, on a rajouté à nouveau...
M. Dupuis: On a rajouté «illégales».
M. Bédard: Et voilà. Et ce que je veux être sûr, c'est que... Et j'ai regardé à nouveau les notes, là. Ce que je veux être sûr qu'on couvre, c'est... Une activité qui n'est pas illégale... qui est illégale au Québec et qui n'est pas illégale dans le pays d'origine n'est pas couverte par la loi. C'est ce que je comprends. Donc, quelqu'un qui a acquis son bien, même par une infraction qui ne serait pas couverte ? par exemple, je ne sais pas, moi, la prostitution ? ou qui serait peut-être permise dans un pays, nous, à ce moment-là, on ne peut rien faire contre cette personne-là.
M. Dupuis: Ce sont des règles de droit international privé.
M. Bédard: International, et c'est pour ça qu'on l'a...
M. Dupuis: C'est ça. C'est ça. On ne peut pas aller...
Une voix: ...
M. Dupuis: C'est ça. On ne peut pas donner une portée extraterritoriale à nos lois, là, dans ce sens-là.
M. Bédard: ...poursuivre quelqu'un qui a des activités illégales à l'extérieur du pays, qu'on considère illégales ici. Ça, on peut faire ça.
M. Dupuis: Oui, puis là c'est le bien qu'on vise, évidemment. Le bien va être situé ici.
M. Bédard: Par exemple, il y a des pays où le blanchiment d'argent pourrait ne pas être une activité illégale, par exemple, et là on ne peut rien faire.
M. Dupuis: Je n'en vois pas, honnêtement, dans le cas du blanchiment d'argent. Mais, je veux dire, en théorie, si on parle en théorie, ça peut peut-être... Je ne sais pas, moi, s'il y a des... Ça m'apparaît comme n'étant peut-être pas un bon exemple, là, le...
M. Bédard: Bien, j'imagine, il y a sûrement une ou deux oasis de paix où les gens justement vont... Ça n'existe pas?
M. Dupuis: Me Michel peut peut-être donner une explication, si vous le permettez, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. Me Michel, la parole est à vous.
M. Michel (Patrick): Merci. Le blanchiment d'argent d'une part est souvent... ou en fait toujours précédé de la commission d'une autre infraction. Alors, l'opération de blanchiment d'argent, c'est une nouvelle infraction en soi qui vise à dissimuler l'origine criminelle, en fait l'origine d'un bien, d'un bien précédemment obtenu grâce à la commission d'une infraction, qui sera, la plupart du temps, le trafic de stupéfiants ou d'autres du même acabit propres à la criminalité organisée.
Et ce qu'il faut savoir, c'est que le blanchiment d'argent fait l'objet de conventions internationales, la convention sur la criminalité transnationale frontalière. Et les États évidemment, la plupart des États ont ratifié cette convention-là. Il y a des États qui ne l'ont pas ratifiée, mais souvent c'est que, si... C'est que les activités illégales vont avoir eu lieu au Canada ou au Québec, les biens vont transiter vers l'État où le blanchiment d'argent n'est pas en soi sanctionné, mais à la base il y aura eu une activité illégale commise sur le territoire canadien ou sur le territoire québécois qui nous permettra de donner ouverture à la procédure de confiscation.
M. Dupuis: Oui. Ah oui, oui, je comprends. C'est ça, il peut y avoir une activité illégale qui est commise ici, mais le produit aboutit en Suisse, et là on va pouvoir aller chercher l'argent en Suisse.
M. Bédard: Non, mais ma crainte, c'est toujours de voir aboutir ici quelqu'un qui a fait fortune justement dans un commerce illégal à l'extérieur, là, tu sais, puis qui est connu, su, mais qui... Parce que, j'imagine, c'est un des buts de cet article-là, c'est d'être capable d'aller... que ce soit une mafia internationale quelque part ailleurs ou dans un...
M. Dupuis: Par exemple, si ce n'est pas illégal de faire de la sollicitation pour fins de prostitution dans un pays X, que la personne l'a fait dans le pays X et ce n'est pas illégal, elle a fait de l'argent, décide de s'acheter une grosse... le domaine des Lavigueur, à Laval ? en tout cas, je ne suis pas sûr qu'il vaut autant qu'il valait, là ? mais là on serait empêchés de...
M. Bédard: On ne pourrait pas agir.
M. Dupuis: On serait empêchés d'agir. C'est ce que je comprends, moi.
M. Bédard: C'est beau.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Mercier.
M. Turp: Moi, je veux bien comprendre l'objet du deuxième paragraphe. Le premier, c'est assez clair, là. C'est une loi sur la confiscation, l'administration et l'affectation des produits et instruments d'activités illégales. Donc, on confisque les biens situés au Québec seulement, puis on les administre, et on voit à leur affectation. Mais je veux comprendre très bien pourquoi le deuxième paragraphe est là.
n(20 h 50)nM. Dupuis: Alors, le deuxième paragraphe ne peut pas se lire sans qu'on lise le premier. La clé du deuxième paragraphe, c'est le premier. Là, vous voyez que, dans le premier paragraphe, on vise des biens situés au Québec seulement. Le deuxième paragraphe, ce qu'il vous dit, c'est: s'il y a une activité illégale qui est exercée à l'extérieur du Québec et qui constituerait au Québec une activité illégale et que le bien se situe au Québec, on peut faire une requête pour confisquer ce bien.
Alors, trafic de stupéfiants en Ontario, c'est un crime; trafic de stupéfiants au Québec, c'est un crime. La personne fait un trafic de stupéfiants en Ontario, se procure le domaine des Lavigueur au Québec, on va faire une requête pour confisquer le domaine des Lavigueur au Québec.
Et là, évidemment, la preuve que le Procureur général doit faire, M. le député de Mercier, c'est que... Là, il y a une preuve supplémentaire à faire à cause du deuxième paragraphe. Il faut prouver que l'activité illégale qui a été... D'abord, il faut prouver qu'il y avait une activité illégale en Ontario, que cette activité illégale en Ontario... Et là il va falloir faire la preuve du droit: l'activité illégale en Ontario est une activité illégale... excusez-moi, l'activité est illégale, faire la preuve de ça, faire la preuve que... Évidemment, le juge a connaissance judiciaire que l'activité est également illégale au Québec. Et là on fait la preuve que le bien est situé au Québec, qu'il appartient à l'individu qui a commis le crime puis on fait une requête pour confisquer le bien.
M. Turp: O.K.
M. Dupuis: Là, ça, c'est pour éviter que des gens ne puissent avoir une protection légale quand ils commettent des actes criminels dans un endroit autre, qui est aussi et qui serait aussi un acte criminel chez nous. Ce serait trop facile de permettre à des gens d'une autre province ou d'un autre pays d'avoir des activités illégales à l'extérieur puis venir se procurer des biens ici avec ces produits de la criminalité. C'est pour éviter ça.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau? M. le député de Mercier, ça va?
M. Turp: Mais, alors donc, c'est toujours... La question de mon collègue était pertinente dans la mesure où, si une activité n'est pas illégale...
M. Dupuis: Toutes les questions de vos collègues sont pertinentes.
M. Turp: ...dans un territoire étranger, là l'article ne peut même pas s'appliquer.
M. Dupuis: C'est ça. Toutes les questions de votre collègue sont pertinentes, les vôtres aussi.
M. Turp: Même s'il y ... Il pourrait y avoir un problème d'ordre public, non, là? Est-ce que cet article-là donne au tribunal... Il n'y a aucune discrétion qui peut être exercée par un tribunal sur le caractère légal ou illégal des activités à l'étranger.
M. Dupuis: Bien oui. Non, non, mais, regardez, il va toujours falloir...
M. Bédard: Ça ne prend pas nécessairement une condamnation, là.
M. Turp: Là, c'est une question de...
M. Dupuis: Non, mais il va toujours falloir que le Procureur général prouve les faits. Il y a des faits qui donnent lieu à l'ouverture d'un recours puis à l'ouverture d'un jugement éventuel. Il faudra toujours qu'il prouve les faits. Si le Procureur général n'est pas capable de prouver les faits, il ne réussira pas.
Ce qu'on dit, c'est que les faits... enfin, toute la preuve devra être présentée, et le juge devra mesurer cette preuve, mesurer cette preuve en fonction du fardeau de preuve de nature civile, c'est-à-dire la prépondérance de preuve, qui est un fardeau moins lourd que celui du hors de toute doute.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le député de Mercier.
M. Turp: ...Mme la Présidente. Mais est-ce que c'est une question finalement de droit international privé? Parce que, pour déterminer si une activité est légale ou ne l'est pas à l'étranger, c'est le droit étranger qui est applicable, qui va devoir être examiné par le juge québécois.
M. Bédard: Bien, c'est ça. Pour compléter, finalement, est-ce que ça prend une condamnation à l'extérieur?
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Finalement, est-ce que l'activité devra avoir été déclarée illégale dans le pays d'origine?
M. Dupuis: Non, pas nécessairement une condamnation. Mais ça, là, dans toutes les lois de nature de confiscation, c'est du droit régulier, ça, qu'on fasse...
M. Bédard: ...n'a pas été poursuivi, là, justement.
M. Dupuis: Oui, oui, absolument, absolument.
M. Bédard: Activités de drogues en Ontario, par exemple. Lui, il arrive ici, mais là il faut... La démonstration de l'activité illégale, est-ce qu'on le fait aussi par prépondérance de preuve?
M. Dupuis: Oui.
M. Bédard: O.K. Cette démonstration-là aussi?
M. Dupuis: Oui. Oui. Il faut que vous enleviez de votre esprit, parce que je sais que vous avez pratiqué en criminel et en civil...
Une voix: ...
M. Dupuis: Oui, mais vous avez pratiqué en criminel un petit peu aussi. Il faut que vous enleviez de votre esprit tout ce que vous avez appris du droit criminel. Encore une fois, je le répète, on ne s'en va pas faire condamner un individu, on s'en va chercher un bien. Quand je dis «chercher», je veux dire: transférer la propriété d'un bien de la personne entre les mains de laquelle le bien se situe, si elle est de mauvaise foi, à l'État, puis là l'État confisque le bien.
M. Bédard: Ailleurs... on fonctionne partout comme ça?
M. Dupuis: Oui.
M. Bédard: Autrement dit, on fait comme une preuve, avec le droit existant dans l'autre pays, devant notre tribunal que cette activité qu'il pratique est...
M. Dupuis: Oui. C'est Me Michel qui a fait l'étude de droit comparé, mais Me Michel m'indique qu'effectivement c'est le cas dans les autres juridictions qui ont des lois semblables. C'est ça?
Une voix: Les autres provinces...
M. Turp: Donc, Mme la Présidente, la qualification d'activité illégale en est une qui peut être faite par nos propres tribunaux sans égard à un prononcé d'illégalité par une juridiction étrangère.
M. Dupuis: Il m'apparaît ? mais là je dis ça parce que j'ai pratiqué, mais je veux que Me Michel m'écoute, ou Me Nolin ? il m'apparaît que le plaideur devant le tribunal du Québec devra prouver la loi étrangère. Mais ensuite, une fois qu'il a prouvé la loi... C'est-à-dire, il faut qu'il démontre que, dans le code... bien, dans le Code criminel... c'est partout au Canada.
Mais, par exemple, si c'était une loi provinciale, il faudrait qu'il prouve la loi provinciale. Bon. La loi provinciale ontarienne, il la prouve. Mais après ça, là, dans les faits, il devra prouver par prépondérance de preuve les faits qui donnent ouverture à la confiscation. Alors, les faits, c'est quoi? C'est une activité illégale.
M. Bédard: Est-ce qu'on peut lui opposer un... pas un plaidoyer, mais une non-culpabilité sur une accusation? Comme il doit être démontré... le procureur, par exemple...
M. Dupuis: Honnêtement, là, honnêtement, oui, mais ce ne serait pas pertinent. C'est la défense qui soulèverait...
M. Bédard: Donc, ce serait comme un nouveau procès pour lui.
M. Dupuis: Bien oui.
M. Bédard: O.K., c'est ça.
M. Dupuis: Bien, c'est-à-dire, oui, mais ce ne serait pas pertinent, M. le député de Chicoutimi, parce ce que ce n'est pas parce qu'il a été acquitté au criminel en Ontario... Il n'a pas la défense d'autrefois acquit parce qu'on est au civil. C'est ça?
M. Bédard: Oui, mais il pourrait invoquer un droit...
M. Dupuis: Oui, oui.
M. Bédard: ...ce que je dirais le principe de ne pas être jugé deux fois pour la même infraction. Tu vas me dire: Normalement, c'est dans la...
M. Dupuis: Mais il n'est pas condamné, c'est ça, la beauté de l'affaire.
M. Bédard: Oui. Ah oui, il n'est pas condamné...
M. Dupuis: C'est qu'au Québec dans une instance civile, il n'est pas en péril d'être condamné. La défense d'autrefois acquit, la défense d'autrefois convict, la défense de «double jeopardy», là, que les gens soulèvent en droit criminel, elle ne s'applique pas dans ces matières-là parce qu'il n'est pas en péril d'être condamné.
M. Turp: Il n'y a pas de garantie...
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le député de Mercier. Juste pour le bien-être de tout le monde, là, juste me faire signe et je vais vous donner la parole. Ça va être beaucoup plus facile pour les fins d'enregistrement et d'identification des gens qui parlent, je pense que ça va faciliter un petit peu l'organisation de nos travaux. M. le député de Mercier, la parole est à vous.
M. Turp: Je fais de mon mieux, Mme la Présidente, hein? Est-ce que c'est donc une preuve qui n'est pas du tout liée au caractère criminel ou non de l'activité? Parce que...
M. Dupuis: Non, elle est...
La Présidente (Mme Thériault): Je m'excuse, M. le ministre, on va laisser terminer l'intervention du député, je vais vous donner la parole après.
M. Turp: Parce que l'activité dont il est question, elle est illégale parce qu'il y a un lien avec une infraction de type criminel. Non?
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le ministre.
M. Dupuis: Vous avez raison et pas raison. Vous avez raison dans votre intelligence; vous n'avez pas raison dans la preuve qui sera faite devant le tribunal. Mais vous avez raison de dire qu'on ne sera pas obligé de faire la preuve d'une infraction criminelle, vous avez raison de dire ça. Le Procureur général sera obligé par contre de faire la preuve d'une activité illégale par prépondérance de preuve. Pourquoi? Toujours, le lien, là, la règle d'or que vous pouvez tenir dans votre esprit, c'est qu'au civil on ne cherche pas à faire condamner un individu, donc on ne cherche pas à prouver qu'il a commis une infraction criminelle, on cherche à prouver que, parce qu'il a des activités illégales, l'État peut aller chercher le bien qu'il s'est procuré à l'aide de ses activités illégales ou qui a servi à la commission de ses activités illégales. L'objet du projet de loi n° 36, c'est le bien; l'objet du droit criminel, c'est l'individu.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Oui, M. le député de Mercier.
M. Turp: Alors, mais quand même, là ? moi, je veux vraiment comprendre ? la légalité de l'activité, là, c'est la légalité d'un acte qui est de nature criminelle.
M. Dupuis: Oui. Oui, mais c'est...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Oui, vous avez raison. Quand le Procureur général va être devant le tribunal et qu'il devra faire la preuve par prépondérance d'une activité illégale, il va faire la preuve d'une activité de nature criminelle ou d'une activité de nature pénale. Parce qu'il ne faut pas que vous oubliiez qu'il y a des lois provinciales qui peuvent s'appliquer. Il va faire la preuve de ça, mais il ne sera pas obligé d'obtenir de la cour un jugement que l'individu a commis une infraction criminelle, il va juste obtenir de la cour qu'il y a eu des activités illégales exercées par un individu qui s'est procuré un bien ou qui s'est servi d'un bien pour les faire, puis là il va confisquer le bien. L'individu va s'en aller chez eux en toute liberté ensuite ? comprenez-vous? ? alors qu'au criminel, l'individu, souvent, il va rester en dedans à la suite du jugement parce qu'au criminel on va chercher l'individu avant d'aller chercher le bien, alors qu'au civil on va aller chercher le bien puis pas du tout l'individu.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre, de cette précision. Ça va? M. le député de Saint-Hyacinthe, maintenant.
M. L'Écuyer: Alors, simplement au sujet de cet article-là, si j'ai bien compris les propos de part et d'autre, je dois comprendre qu'avec une requête introductive d'instance on pourrait simplement produire la feuille de route ? on sait c'est quoi, en... ? l'état, en fait le statut criminel de l'individu qui est de province de l'Ontario, avec...
M. Dupuis: Non.
M. L'Écuyer: On ne pourrait pas produire en preuve cette chose-là et lier sa criminalité, son état en fait de criminel avec ce qu'on appelle souvent la feuille de route ou le...
M. Dupuis: Bien, la feuille de route...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
n(21 heures)nM. Dupuis: La feuille de route est pertinente, vous allez le voir tantôt à l'article 12, là ? merci, Me Michel ? la feuille de route est pertinente parce qu'elle sert de présomption que la personne qui a été condamnée pour une infraction participait à cette activité-là, mais toujours parce qu'on envisage l'activité illégale, comprenez-vous?
M. L'Écuyer: Oui, oui, toujours par son activité illégale, et c'est ça que...
M. Dupuis: C'est ça. Et la feuille de route est pertinente, mais on ne peut pas simplement déposer la feuille de route puis dire: C'est ma preuve?
Une voix: ...
M. Dupuis: Oui, on pourrait.
M. L'Écuyer: Il faut que ce soit quand même une activité...
M. Dupuis: En l'absence d'une défense, peut-être.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: ...activité illégale et aussi une activité avec des produits de la criminalité, qu'il y ait une connotation économique à l'intérieur de ça.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. L'Écuyer: Il faut qu'il y ait une activité économique à l'intérieur de cette activité criminelle.
M. Dupuis: Je ne vois pas un procureur du civil déposer la feuille de route puis dire: M. le juge, c'est ma preuve. Je pense qu'il manquerait quelques éléments. Par contre, il aurait créé une présomption contre la personne, il aurait créé une présomption. Mais c'est un élément de la preuve seulement, une activité illégale. Mais il y a bien d'autres preuves à faire, là, c'est juste un élément de la preuve.
Là, il aurait prouvé peut-être la présomption d'activité illégale, mais il faut qu'il prouve le bien, il faut qu'il prouve l'achat du bien. Ce n'est pas tout de prouver que l'individu a des activités illégales, il faut être en mesure de démontrer que cette maison-là, là, par prépondérance de preuve toujours, a été achetée avec l'argent qui lui vient de son crime. Alors: M. le juge, il fait du trafic de stupéfiants. Son seul revenu, c'est du trafic de stupéfiants. Regardez son train de vie, hein? Puis il s'est acheté une maison superbe à Laval-sur-le-Lac avec les produits de son crime; on veut la confisquer. C'est ça, là. L'histoire qu'on va raconter au juge, c'est celle-là.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau? Ça vous va, M. le député de Saint-Hyacinthe? Oui? M. le député de Mercier.
M. Turp: M. le ministre, je veux juste... Je retourne au Commonwealth Model Legislative Provisions On The Civil Recovery Of Criminal Assets Including Terrorist Property, hein? Vous vous rappelez, on avait parlé de terrorisme, là, la dernière fois. C'est-u inclus, là, dans...
Une voix: Non, ce n'est pas inclus.
M. Turp: Ce n'est pas inclus? O.K. Alors, vous voyez, c'est assez intéressant, parce que, dans leur modèle, ils définissent «unlawful activity». Nous, on ne définit pas «unlawful activity», on dit «activité illégale». Et là, eux autres, ils le définissent en disant: «Means an act or omission that, whether it occured before or after this Act comes into force, (i) would constitute an offence...»«Offence»...
M. Dupuis: Est-ce que je peux vous arrêter?
La Présidente (Mme Thériault): Oui?
M. Dupuis: Mme la Présidente, est-ce que je peux l'arrêter?
La Présidente (Mme Thériault): Bien, je pense que le député de Mercier va...
M. Dupuis: Avec sa permission.
M. Turp: Mais avec la permission de la présidente.
M. Dupuis: Mais c'est défini à l'article 2. Allez voir l'article 2. Votre «unlawful activity», là, il est à l'article 2. C'est tout ce qui est au Code criminel, tout ce qui est à la loi réglementant les drogues puis les infractions pénales de l'annexe 1.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le député de Mercier.
M. Turp: ...on a adopté. Mais vous ne m'avez pas laissé finir. La deuxième, c'est: «Would constitute an offence under a law of a foreign State which, had it occurred in [name of State] would also have been an offence...» Est-ce que c'est couvert par l'article 2 aussi?
M. Dupuis: 3.
M. Bédard: ...ça devient 3, ce qui constituerait une offense ailleurs.
M. Dupuis: ...
La Présidente (Mme Thériault): Oui. M. le ministre, si vous voulez vous rapprocher pour qu'on entende, parce qu'on n'entend pas vos paroles.
M. Turp: Donc, c'est «à l'extérieur du Québec», les mots «extérieur du Québec».
M. Dupuis: Oui, c'est ça qu'on appelle une «foreign country».
M. Turp: Bien, «foreign State» puis «extérieur du Québec», c'est un peu différent, là.
M. Bédard: C'est que l'article 3... ce principe-là... qui est à l'extérieur, dans un État étranger.
M. Turp: O.K.
Une voix: ...
M. Turp: Non, non, non, je ne l'ai pas posée, la dernière fois.
La Présidente (Mme Thériault): Est-ce que ça vous va, M. le député de Mercier? Ça répond à vos questions?
M. Turp: Ça me va.
La Présidente (Mme Thériault): Parfait, merci. Donc, est-ce que l'article 3 est adopté?
Des voix: Adopté.
Confiscation civile des produits
et instruments d'activités illégales
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. M. le ministre, l'article 4.
M. Dupuis: L'article 4: «Le Procureur général peut demander à un tribunal de juridiction civile que soit confisqué en faveur de l'État tout bien qui, en tout ou en partie et même indirectement, provient d'activités illégales ou a été utilisé dans l'exercice d'activités illégales.
«Il peut aussi, de manière incidente, demander au tribunal que des droits sur les biens visés par la demande soient déclarés inopposables en raison de leur caractère fictif ou simulé ou du fait qu'ils ont été acquis à même des produits d'activités illégales.
«Les demandes sont introduites et instruites suivant les règles du Code de procédure civile et la preuve en l'instance est régie par les règles applicables en matière civile.» Alors, commentaire, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Allez-y, M. le ministre.
M. Dupuis: La section II du projet de loi contient 12 articles prévoyant les nouvelles règles du régime de confiscation civile.
Le premier alinéa introduit la voie de droit permettant au Procureur général de demander la confiscation civile des produits ou instruments d'activités illégales.
La demande incidente décrite au deuxième alinéa permettra au Procureur général de faire déclarer, par exemple, qu'une hypothèque publiée sur un immeuble lui est inopposable en raison du fait que la somme prêtée et garantie par l'hypothèque provenait d'activités illégales. La demande incidente ne vise pas le propriétaire ou le possesseur du bien, mais celui qui est titulaire de droits sur un bien, locataire, droit d'usage ou autre démembrement de propriété.
Enfin, le dernier alinéa précise que les règles du Code de procédure civile s'appliquent aux demandes de confiscation civile, tout comme les règles de preuve civile principalement contenues au septième livre du Code civil. Par exemple, la preuve par prépondérance de probabilité s'appliquera au dossier de demande de confiscation civile.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Questions ou commentaires? Pas de questions, pas de commentaires? Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Oui, avec votre permission. On parle du «caractère fictif ou simulé ou du fait qu'ils ont acquis à même des produits d'activités illégales». Alors, qu'est-ce que le ministre entend par «caractère fictif ou simulé»?
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Moi, mon réflexe, à moi... je vais demander à Me Nolin de compléter s'il le souhaite, là, mais mon réflexe à moi, c'est toute la question des prête-noms. Souvent, dans ce genre d'activités là, il y a des gens qui prétendent que le bien appartient à quelqu'un d'autre ou des gens qui prétendent que le bien leur appartient, alors qu'effectivement il a été payé par le sujet qu'on veut toucher. Alors là, évidemment, il y a une représentation fictive de propriété. Alors, on veut que ce soit clair que toute représentation fictive ou simulée soit couverte. C'est-à-dire qu'on ne veut pas qu'un tiers qui soit un prête-nom, par exemple ? j'emploie l'expression ? puisse opposer, c'est ça, un faux droit au bien. Alors, c'est ces situations-là qu'on veut couvrir.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député.
M. Dupuis: C'est fréquent dans ce genre... Moi, pour avoir pratiqué en droit criminel, là, c'est très, très, très fréquent, dans ce genre d'activités là, que les gens qui ont des... les bandits ? il faut les appeler comme ça, les bandits ? se servent de prête-noms pour se mettre à l'abri des confiscations, et on veut éviter ces situations-là.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député, allez-y.
M. L'Écuyer: Simplement pour essayer d'obtenir un éclaircissement sur ce point-là. On dit, dans le deuxième alinéa, là, qu'«il peut aussi, de manière incidente, demander au tribunal que des droits sur les biens visés par la demande soient déclarés inopposables en raison de leur caractère fictif ou simulé». Alors, il faut se replacer toujours dans mon contexte de requête introductive d'instance et de preuve civile. Et comment, dans les faits, cet article-là va se vivre? Si vous arrivez avec une situation, et il est certain que vous allez, dans un premier temps, saisir le bien d'un individu qui commet des activités...
M. Dupuis: ...
M. L'Écuyer: Bien, en fait... vous le confisquez. Vous allez faire votre requête en...
M. Dupuis: Non, on ne peut pas confisquer tant qu'on n'a pas le jugement; on peut saisir avant le jugement.
M. L'Écuyer: Vous pouvez saisir avant jugement. Vous faites une requête en confiscation. Et, à l'intérieur de la requête en confiscation, c'est lors de la défense que vous allez vous apercevoir qu'il y a un caractère fictif ou simulé, parce que vous ne pouvez pas, dans une première instance ou dans le premier jet, être capable de savoir qu'effectivement c'est simulé ou fictif.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Thériault): Oui. On va juste le laisser compléter...
M. L'Écuyer: Alors, c'est dans ce sens-là. Je regarde toujours la pratique, l'application.
M. Dupuis: Mais, dans la pratique... Si vous me permettez de répondre, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le ministre.
M. Dupuis: Dans la pratique, oui, il peut arriver que ce soit en défense, que ce soit par le biais de la défense qu'on soit capable de faire la preuve... c'est-à-dire qu'on fasse la preuve de la simulation, mais il peut arriver que, dans la preuve de la poursuite, on ait déjà des éléments de preuve qui permettent d'indiquer une simulation.
Je vous ferai remarquer qu'au chapitre 1451 du Code civil on parle de simulation, là: «Il y a simulation lorsque les parties conviennent d'exprimer leur volonté réelle non point dans un contrat apparent, mais dans un contrat secret aussi appelé contre-lettre.» C'est ça, la simulation au sens civil du terme.
Mais il peut arriver que, dans notre preuve, dans la preuve du Procureur général... Par exemple, souvent ? il n'y a pas de préjudice dans ce que je vais dire, là, puis il n'y a pas de discrimination non plus ? l'épouse, la conjointe sert de prête-nom, ou la famille, le cousin, le beau-frère servent de prête-noms. Et souvent, dans l'enquête qui a été faite par les policiers, on connaît déjà ces faits-là. Alors, à ce moment-là, déjà, dans la preuve de la poursuite, dans la preuve du Procureur général, on va demander que soit déclaré inopposable, par exemple, une contre-lettre, ou tel contrat, ou une hypothèque, ou, bon, un droit de mutation, etc. Ça peut arriver dans la preuve de la poursuite. Mais, vous avez raison, ça pourrait arriver en défense aussi.
n(21 h 10)nLa Présidente (Mme Thériault): M. le député.
M. L'Écuyer: Dans la preuve de la poursuite ou dans la requête ? je reviens à ma requête introductive d'instance ? je dois comprendre que le procureur, de manière incidente, va demander que les droits de madame X ou monsieur X qui sert de prête-nom ne soient pas reconnus à l'intérieur d'une éventuelle défense.
M. Dupuis: Et la requête va lui être signifiée, etc.
M. L'Écuyer: ...
M. Dupuis: Mais évidemment on va signifier la requête à tout le monde.
M. L'Écuyer: Avec une allégation concernant le Procureur général, qui va dire...
M. Dupuis: Bien oui.
M. L'Écuyer: Il vient faire du droit préventif en défense, en disant même: Madame ou monsieur, si vous intervenez, à ce moment-là n'attendez pas à avoir une défense, parce qu'on ne vous permettrait pas de défense. C'est à peu près...
M. Dupuis: Si la personne veut contester cette allégation-là, elle pourra le faire devant le tribunal.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau?
M. L'Écuyer: Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): D'accord. Donc, est-ce que ça vous va pour l'article 4? L'article 4 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci.
M. Turp: On est encore sur 3, nous.
La Présidente (Mme Thériault): L'article 5, s'il vous plaît. M. le ministre.
M. Dupuis: Non, mais vous ne nous dérangez pas.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre, l'article 5, s'il vous plaît.
M. Dupuis:«Le bien auquel sont apportées des améliorations payées avec des produits d'activités illégales est également un produit d'activités illégales.
«Il en est de même du bien qui, pour son acquisition, a fait l'objet d'une dette dont une partie a été payée avec des produits d'activités illégales.»La Présidente (Mme Thériault): Questions ou commentaires?
M. Dupuis: Je pense que ça va de soi, ça s'explique de soi.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau?
M. L'Écuyer: ...ça va de soi au niveau de l'article 5.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. C'est beau?
M. L'Écuyer: Oui, sauf que j'ai un petit point. Pourquoi, M. le ministre, vous n'avez pas, dans vos explications ou commentaires... Je ne sais pas si je peux le retrouver. Vous utilisez, à un moment donné...
Si on regarde le libellé de l'article 5: «Le bien auquel sont apportées des améliorations payées avec des produits...» pourquoi qu'on ne met pas la notion de ventiler un peu, là, «payées d'une façon importante» ou «de façon appréciable»? Dans vos explications, vous utilisez ? vos commentaires ? «ont reçu des améliorations appréciables grâce à des produits d'activités illégales». Alors là, on ne voit pas «appréciables» ni «importantes». Alors, il y a une évaluation à faire.
Ce que je veux dire: si vous ajoutez à un bien... une maison, vous ajoutez les fenêtres, est-ce qu'effectivement ça devient une activité illégale, le produit devient un produit d'activités illégales parce que vous avez acheté des fenêtres? Alors, c'est un peu la pertinence d'«importantes» ou d'«appréciables», là.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Le principe, c'est que, dès qu'entre dans... Comment je pourrais m'exprimer, donc? Dès qu'il est teinté... Il est teinté s'il y a eu des améliorations. Peu importe, peu importe la nature des améliorations ou l'importance des améliorations, s'il a été amélioré avec des produits de la criminalité, on est capable de le démontrer, il est teinté. O.K.?
Le juge, lui, peut exercer une discrétion. Au moment du prononcé du jugement, le juge pourra apprécier et il aura une discrétion pour dire: Écoutez, là, voici un bien, par exemple, qui... voici un bien qui à l'origine valait 50 000 $. Il est teinté, ce bien-là, parce que vous avez fait des améliorations, puis vous y avez mis 10 000 $ d'améliorations, mais ces améliorations ont été faites à l'aide d'argent qui provenait du trafic de stupéfiants.
Le Procureur général me demande de confisquer ce bien-là. Alors, mon jugement est le suivant. Bon, là, il pourrait confisquer une partie du bien, remettre le bien en partie au propriétaire, pour la partie qui était légale, ou alors il peut dire: Le Procureur général aura le droit de disposer du bien, le vendre, par exemple, mais il devra partager avec le propriétaire le produit de la disposition en tenant compte de la part d'argent illicite qui est entrée dans sa confection.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau, M. le député de Saint-Hyacinthe?
M. Dupuis: Mais, nous, là, c'est important, c'est important, M. le député de Saint-Hyacinthe, que, dès qu'un bien fait l'objet d'une dépense qui est faite à l'aide d'argent qui provient du crime, il soit teinté. On ne veut pas le mettre à l'abri, on ne veut pas être obligés... Autrement dit, on veut que ce soit le juge qui exerce la discrétion, pas les enquêteurs, pas le Procureur général. Dès qu'il entre dans sa fabrication des activités illégales, il est teinté, on va devant le tribunal, puis là le tribunal exercera sa discrétion.
La Présidente (Mme Thériault): ...encore, oui, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Avec votre permission. Simplement, au niveau de la décision, je comprends que le tribunal, à ce moment-là, va faire la ventilation, mais ce que j'ai de la difficulté à saisir, c'est que, dans un premier temps, on ne quantifie pas l'amélioration et après on laisse au tribunal décider de la valeur dans le fond de cet ajout de produits d'activités illégales. C'est ça que j'ai... J'essaie de trouver la logique là-dedans. Ou bien, à ce moment-là, si effectivement elle est... c'est totalement activités illégales, il faudrait que ce soit totalement activités illégales, la fin, en tout cas.
M. Dupuis: C'est parce que vous lisez l'article sans avoir lu l'article 8. L'article 8 évidemment traite de la question que je viens de discuter avec vous, directement. On peut le lire tout de suite, si vous voulez, là, pour votre compréhension: «Le tribunal peut, lorsqu'il statue sur la demande principale ou incidente, prescrire toute mesure qu'il estime nécessaire ou utile dans l'intérêt de la justice, notamment en prévoyant la remise au défendeur de tout excédent du prix d'aliénation d'un produit confisqué sur la valeur de la partie de ce produit provenant d'activités illégales.» Plus le deuxième paragraphe.
M. L'Écuyer: Sauf que, si je comprends bien, dans un premier temps, on intègre, on dit que ça devient un produit d'activités illégales et, au moment du jugement, on retire cette partie, ou le défendeur, le juge fait une certaine ventilation. Parce qu'ici, quand je regarde, au paragraphe 8: «Le tribunal peut, lorsqu'il statue sur la demande principale ou incidente, prescrire toute mesure qu'il estime nécessaire ou utile dans l'intérêt de la justice, notamment en prévoyant la remise au défendeur...» à mon avis, le défendeur, c'est celui qui effectivement a obtenu des produits d'activités illégales, «...de tout excédent du prix d'aliénation d'un produit...» Alors, on a pris un produit confisqué, on l'a vendu. Après ça, on fait une ventilation.
M. Dupuis: Bien oui, c'est ça.
M. L'Écuyer: En tout cas, j'essaie de suivre la logique juridique à l'intérieur de ça.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le ministre.
M. Dupuis: La logique, elle est claire: il n'est pas question que circulent au Québec des biens qui ont été acquis par suite de l'activité illégale, de crimes ou d'infractions commises à des lois provinciales. Le message doit être clair: si vous avez un bien et que vous acceptez que ce bien-là d'abord soit acquis à la suite d'argents qui ont été gagnés par commission de crimes ou si vous améliorez un bien à l'aide de l'argent qui a été acquis par la commission d'un crime, votre bien est teinté, là ? ça, c'est mon expression à moi, là, ce n'est pas l'expression de la loi ? votre bien peut faire l'objet d'une demande de confiscation par le Procureur général.
Mais on n'est pas iniques, nous ne sommes pas injustes. Il sera confisqué. Si on dispose du bien, la partie que vous avez acquise légalement du bien vous sera remise. En fait, le montant qui aura été légitimement acquis vous sera remis, puis on va garder la partie illégale, la partie qui était teintée. C'est ça, le message. C'est ça, la logique. La logique, là, dans ce projet de loi là, c'est: on ne veut pas qu'au Québec les bandits profitent de leurs crimes, point final. C'est ça, la logique.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Je le comprends, M. le ministre. Mais pourquoi alors «la remise au défendeur de tout excédent»? Si effectivement vous l'avez... si ça a été teinté... À ce moment-là je reviens avec mon exemple de fenêtre. Les fenêtres, on a dit que c'était un produit d'activités illégales et après on fait... On remet les fenêtres puis on garde la maison.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le ministre.
n(21 h 20)nM. Dupuis: Aller au-delà de ça, ce serait exagéré, ce serait être inique à l'endroit du défendeur qui avait acquis son bien à l'aide d'argent qui était gagné honnêtement mais qui avait malheureusement accepté qu'il soit amélioré avec de l'argent illégal. Alors, on va le punir là où ça fait mal, on va le punir dans l'activité illégale. On ne veut pas punir l'individu puis on ne veut pas punir l'activité légale, on veut punir l'activité illégale. C'est ça, la logique. Il peut arriver des circonstances où effectivement le bien n'a pas été acquis complètement avec de l'argent qui provient du crime, puis on le reconnaît. Alors, le défendeur fera valoir...
Je veux dire, par exemple, quelqu'un qui a vécu une vie honnête toute sa vie puis il a acquis sa maison, bon, puis, un jour, pour des raisons qui sont les siennes, il décide de commencer à s'adonner au trafic de stupéfiants puis il fait faire une rallonge à sa maison. Puis là ? envoie donc! ? la salle de «pool», puis, tu sais, la machine à vidéo. On sait comment ça marche, on en a assez fait, de ces causes-là. Bien, c'est bien de valeur, mais on va faire une requête, puis on va alléguer l'activité illégale, puis on va démontrer au juge tous les faits que je viens de vous déterminer. Le juge, s'il en vient à la conclusion qu'il peut confisquer le bien, va ordonner la confiscation, le transfert de propriété à l'État. Nous autres, la maison, on ne la veut pas, on va la vendre, on va la mettre sur le marché puis on va la vendre, puis, le produit de la vente, on va dire: Pendant que tu étais honnête puis que tu as gagné ta vie, bien voici le montant qu'on te remet, puis, nous autres, on garde le montant que tu as investi qui venait de tes activités illégales. Honnêtement, là, faire plus que ça, ce serait, je pense, exagéré. Puis trouvez-moi un bon terme légal, là, mais ce serait exagéré. On ne veut pas faire ça, ce n'est pas ça qu'on veut faire. Le message, il est bien clair.
M. L'Écuyer: Une dernière intervention. Simplement, c'est pour ça que je demandais s'il était possible d'aller chercher une qualification de l'investissement avec des produits d'activités illégales concernant l'ensemble du bien. Et, si, à un moment donné, il y avait une question où on a 80-20, à ce moment-là je pense que ça devient un peu gênant de faire en sorte que ce n'est pas un produit d'activités illégales. C'est dans ce sens-là.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Me Michel a une bonne réponse, là. Peut-être que je ne lui rendrai pas justice en répétant la réponse qu'il m'a donnée dans l'oreille puis en l'interprétant dans mon cerveau, à moi. Mais, à partir du moment où on réalise qu'une personne a une activité illégale et qu'elle fait entrer dans son patrimoine des produits de cette activité illégale, il faut agir tout de suite. Donner dans ce que vous... Enfin, si je vous comprends bien, aller dans le sens de ce que vous dites, dans le fond on s'assoirait, là, puis on le regarderait investir dans sa maison, on le regarderait investir. Puis, à un moment donné, quand il serait rendu à 51 % d'investissement illégal, paf! là, on saisit, puis là on va devant le juge, puis on dit: 51 % d'activités illégales, on saisit tout puis on garde tout.
On ne peut pas agir comme ça. Dès la minute qu'on réalise que quelqu'un est en activités illégales, qu'il se procure des biens avec ses activités illégales ou qu'il améliore les biens qu'il a déjà à l'aide des activités illégales, il faut tout de suite intervenir, il faut tout de suite intervenir. Ça, c'est une question d'intérêt public, là. Tu sais, on ne peut pas permettre, on ne peut pas permettre, quand on connaît une activité illégale de quelqu'un, de le laisser continuer.
M. Bédard: ...
M. Dupuis: C'est ça. Oui, c'est ça. On va attendre que ce soit 60 %, on va être sûrs de gagner la cause. On ne peut pas faire ça, ce serait... je pense que ce serait...
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va, M. le député de Saint-Hyacinthe?
M. L'Écuyer: Une dernière intervention, simplement. Parce que vous nous avez quand même précisé, M. le ministre, qu'on était... des notions de confiscation au criminel, des notions aussi qu'il ne faut pas obtenir des biens à la suite de l'activité illégale, et là on a quand même une disposition qui vient dire qu'on peut faire des améliorations, qu'on peut ajouter, et puis on fait des présomptions.
M. Dupuis: Bien non, bien non, bien non.
M. L'Écuyer: Et, à l'intérieur de ça, après ça, on fait une ventilation.
M. Dupuis: Bien non, bien non, bien non.
M. L'Écuyer: C'est dans ce sens-là que...
M. Dupuis: Ce n'est pas ça, ce n'est pas ça. Aïe, c'est retenu pour la postérité, ça, là, là! Ce n'est pas ça qu'on dit, là. Moi, je ne vous dis pas qu'on permet qu'il y ait des améliorations qui soient faites, ce que je vous dis, c'est...
Regardez, là, on ne se contera pas d'histoires, là, c'est des policiers qui vont faire ces enquêtes-là. Même quand on va aller devant le tribunal civil, les preuves qu'on va présenter, ça va être des preuves qui vont avoir été colligées par les policiers. Alors, dès que les policiers réalisent que quelqu'un a des activités illégales et se disent en mesure de prouver devant le tribunal que l'individu qui commet les crimes se procure des biens avec l'aide de l'argent de son crime ou alors qu'il améliore son patrimoine avec de l'argent qui provient du crime, il faut intervenir tout de suite.
Il peut arriver, dans cette intervention-là, que la personne n'ait fait qu'une rallonge de 10 000 $ sur sa maison de 50 000 $. On ne le laissera pas continuer à améliorer sa maison en sachant qu'il a des activités illégales, on va aller tout de suite devant le tribunal et là on va dire au tribunal: Clac! on vous demande la confiscation. Oui, mais j'ai investi 50 000 $ de mon argent légal. Oui, oui, on va en tenir compte. Mais ça cesse tout de suite, puis c'est juste ça qu'on dit.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Mercier.
M. Turp: Moi, je pense que c'est quand même un débat, tu sais, pertinent. Et est-ce que vous avez envisagé de... Parce que vous ne voulez pas qualifier «appréciables» ou non, là, puis que la qualification vient indirectement par ce qu'un tribunal peut faire avec l'article 8, avez-vous envisagé de fonctionner avec une présomption, là? Parce que...
M. Dupuis: Précisez-la.
M. Turp: Bien, une présomption qu'un bien qui a été acquis et payé par des produits d'activités illégales est un bien qui est présumé être un produit d'activités illégales. Donc là, on n'a pas besoin de quantifier, comme on le suggère. C'est parce que c'est vrai que ça laisse une très large mesure d'appréciation au juge de faire quelque chose qui est assez grave, là, finir... dire qu'un bien, c'est un produit d'une activité illégale sans qualification de la notion de partie.
M. Dupuis: Honnêtement...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Oui. Merci, Mme la Présidente. Mais honnêtement, M. le député de Mercier, ce sera tout le débat devant le tribunal. Le projet de loi, lui, a un objectif qui est bien précis, avec évidemment un message qui est précis aussi, et un message qui n'est pas nuancé: Paf! si vous prenez l'argent qui provient du crime puis vous améliorez votre patrimoine, on va être dans vos jambes. Ensuite, là, la qualification, la mesure, etc., c'est le tribunal qui va décider ça.
Moi, je vais vous dire, par expérience, il y a des gens qui ont un patrimoine extraordinairement étendu, ils se sont acheté des maisons, des résidences secondaires... Écoutez, il y a de ces gens-là qui ont quatre, cinq automobiles, six motos, des bagues en or en veux-tu, en v'là, dans toutes les pièces de la maison. Et évidemment le juge est toujours obligé de revenir à la preuve qui a été faite devant lui pour déterminer qu'un tel de ces produits fait partie de sa décision ou non, puis il faut être capable de le démontrer.
Et souvent les gens ont commencé leur carrière criminelle sans que personne ne le sache. On n'est pas capable de savoir à quel moment exactement ils ont commencé leurs activités criminelles. C'est à partir du moment où les policiers... où ils ont été pris une première fois qu'on est capable de commencer à avoir un déclenchement d'une activité criminelle prouvable. Alors, il faut laisser au tribunal... Ça, tout ça, c'est le débat devant le tribunal, M. le député de Mercier. Honnêtement, là, tu sais, on ne peut pas aller plus loin.
M. Turp: Donc, vous confirmez que...
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Mercier.
M. Turp: Excusez-moi, Mme la Présidente. Donc, vous confirmez qu'il y a une marge d'appréciation très, très large de la part du juge qui est appelé à déterminer ce qu'est une partie, ce qu'est une partie. Et là vous ne craignez pas qu'il y ait des problèmes de compatibilité avec le droit de propriété, là?
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Peut-être que je vous ai... peut-être que j'ai induit, par mon enthousiasme... Il faut savoir que la plupart de ces requêtes-là, M. le député de Mercier, le député de Chicoutimi le sait, la plupart de ces requêtes-là vont viser des biens extrêmement précis. Ce ne sera pas, là, ce ne sera pas une requête pour confisquer le patrimoine de M. le député de Mercier; ce n'est pas comme ça que ça marche. C'est vraiment, dans la requête introductive d'instance...
Une voix: ...
M. Dupuis: Non, mais, dans la requête introductive d'instance, il y a une résidence avec une adresse, il y a une voiture, elle est décrite, et d'habitude... Ils vont tous faire partie de saisie avant jugement, là. Je ne peux pas voir beaucoup comment on va aller en requête introductive d'instance sans saisir avant jugement. Trop facile de s'en débarrasser si on ne les saisit pas avant jugement. Comprenez-vous? C'est pour ça qu'au criminel on bloque avant de confisquer. Bloquer, ça veut dire: on saisit le bien tout de suite, là, puis on met un lien dessus, puis vous ne pouvez pas vous en débarrasser tant que la cause n'est pas finie. Sans ça, c'est trop facile de vendre en attendant d'avoir le jugement.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau?
M. Dupuis: On fait affaire avec des bandits, là.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Mercier, ça vous va? Oui? Une autre question?
M. Turp: Je ne comprends pas le lien que vous venez de faire, là, avec 5, deux.
M. Dupuis: Non, mais c'est simplement pour vous expliquer mieux. Ne cherchez pas le lien.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va? Oui?
M. Turp: Ça me va, même s'il n'y a pas de lien.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Thériault): L'article 5 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. M. le ministre, l'article 6.
n(21 h 30)nM. Dupuis:«La demande de confiscation civile est signifiée au propriétaire des biens, s'il est connu, de même qu'à tout possesseur ou détenteur de ces biens au moment de l'introduction de la demande ou qui l'était au moment où ces biens ont été saisis par un corps de police ou une autre autorité habilitée à le faire.
«Elle est également signifiée à toute autre personne connue dont les droits sur les biens sont susceptibles d'être atteints par la demande.» Alors là, évidemment, le député de Saint-Hyacinthe va constater la préoccupation du législateur pour aviser tout le monde qui peut prétendre à la possession légitime du bien. On ne prend pas personne par surprise. Puis alors, le possesseur, celui qui se prétend être possesseur légitime du bien ou celui entre les mains duquel le bien se situe, qui estime être possesseur légitime du bien, se verra signifier la requête introductive d'instance et pourra faire valoir son opposition soit à la saisie avant le jugement ou son opposition à la confiscation éventuelle.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Je vais céder la parole à mon collègue le député de Lévis, avec votre permission.
La Présidente (Mme Thériault): Si vous me permettez, je vais lui céder la parole, il n'y a pas de problème. M. le député de Lévis.
M. L'Écuyer: Avec votre permission.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, merci.
M. L'Écuyer: Après, je voudrais intervenir, par exemple, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Il n'y a aucun problème.
M. Lévesque: Juste une question. Je ne suis pas habitué au niveau criminel ou au niveau normal, là, mais...
Une voix: ...
M. Lévesque: Merci. Mais au niveau des banques, qui, elles, restent propriétaires, ou qui ont un lien sur ces activités-là, est-ce qu'elles perdent leur lien? Ou de quelle façon vous autorisez le... Sur le bien lui-même, la banque, elle, comment est-ce qu'elle peut réagir face au fait qu'on l'appelle puis on lui dise que le bien a été saisi? Ou est-ce qu'elle va être avisée?
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Me Nolin peut peut-être, avec votre permission...
La Présidente (Mme Thériault): Me Nolin? Oui, certainement. Me Nolin, la parole est à vous.
M. Nolin (Patrick): Merci. Donc, ce qui va se passer pour une banque, c'est que, premièrement, oui, la requête va lui être signifiée pour qu'elle soit informée de la situation. Et, si le Procureur général avait un doute sur la validité de l'hypothèque, bien, à ce moment-là, on irait avec... Quand on regarde l'article 4, deux, c'est à ce moment-là que le Procureur général demanderait à ce que le droit lui soit déclaré inopposable. Mais donc, s'il n'y a pas de doute sur la validité de l'hypothèque, bien, à ce moment-là, le Procureur général va confisquer le bien et va devoir le prendre avec les hypothèques qui sont enregistrées sur le bien. Donc, ensuite de ça, bien, il va falloir payer l'hypothèque et liquider le bien, tout simplement.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va, M. le député de Lévis?
M. Dupuis: C'est ça. Alors donc, avec votre permission, Mme la Présidente, donc prenons une auto sur laquelle la banque a un lien. La personne qui exerce des activités légales a payé la moitié de l'auto avec de l'argent qui provient du crime. Elle va être confisquée, puis on va en disposer, puis la moitié de l'argent va aller à l'État puis l'autre moitié va aller à la banque. C'est ce que je comprends. Autrement dit, la banque devient un lien légitime, puis on va le reconnaître.
Des voix: ...
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le député.
M. Dupuis: Les banques se manifestent au début de la procédure, toujours. Mais les banques, là, je vais te dire, là, dans le cas des activités illégales, en tout cas, si je me fie à mon expérience au criminel, la banque signifie au début de la procédure son intérêt, et, au moment de la confiscation au criminel, là, le juge fait les déterminations qui sont nécessaires. Et, moi, je n'ai pas de raison de penser qu'au civil ce sera différent. Même chose.
La Présidente (Mme Thériault): Merci.
M. Dupuis: Merci de votre question.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va, M. le député de Lévis? Oui? M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Simplement, au sujet de l'article, je pense que le ministre de la Justice et de la Sécurité publique avait raison de faire le commentaire à l'effet que j'aurais été satisfait de la signification à toutes les parties intéressées. Et je pense qu'effectivement, si on parle d'un bien immobilier, ou un bien mobilier enregistré sur lequel il y a un droit, ça va de soi qu'il va être signifié à ces créanciers-là. Cependant, est-ce que vous avez envisagé la possibilité de faire une signification par voie des journaux...
Une voix: ...
M. L'Écuyer: ...des journaux, qui serait quand même une signification publique qui permettrait à l'ensemble des citoyens de savoir que, sur ce bien-là, il y a une requête introductive d'instance de la nature d'une confiscation sur ces biens-là, ce qui permettrait à tout individu qui pense avoir un droit ou un intérêt dans ce bien d'intervenir et de faire valoir sa bonne foi, si je regarde la préoccupation première de l'article 1.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Dans les situations où ce serait nécessaire, on pourrait le faire par les journaux. Mais, dans ces cas-là, en général, on signifie au propriétaire, et là c'est du droit privé, là, c'est vraiment... Les gens entre les mains desquels on allègue qu'il y a eu des activités illégales et de l'achat de produits, dans ces instances-là, c'est toujours connu. Signifier par les journaux, c'est si on veut signifier en général au monde. Mais on n'a pas besoin, dans ces matières-là, de faire ça. Si on jugeait que c'est nécessaire, on le ferait. Mais on n'a pas à aviser la population en général, là, tu sais, d'une requête introductive d'instance parce qu'en général on connaît les individus. C'est toujours à la suite d'enquête criminelle, c'est très précis.
La Présidente (Mme Thériault): Ça va, monsieur?
M. L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Oui? Une intervention du député de Chicoutimi?
M. Bédard: Oui. Je m'attendais que le ministre allait en faire le commentaire. On a tout simplement soustrait les termes «en vertu de la loi», puis ça m'étonne, là, à la fin du premier paragraphe «ou une autorité habilitée à le faire en vertu de la loi». Est-ce qu'on avait peur de l'habilitation qui se fasse... Est-ce que ça peut être autre chose qu'en vertu de la loi?
La Présidente (Mme Thériault): Me Nolin.
M. Nolin (Patrick): C'est que le commentaire n'était pas nécessaire. À partir du moment où est-ce qu'une autorité est habilitée, on n'a pas besoin de préciser qu'en vertu de la loi elle doit être habilitée.
M. Dupuis: C'était superfétatoire, c'est ce que je comprends.
M. Bédard: Donc, ce que vous confirmez, c'est que nous avions mal rédigé, la première fois, et vous aviez mal rédigé, la première fois?
M. Dupuis: Jamais on n'oserait faire ça, Mme la Présidente.
M. Bédard: Et le fait de l'enlever, bon, «une autre autorité habilitée à le faire», donc on convient tous que c'est en vertu de la loi? Ça ne peut avoir d'autre habilitation qu'en vertu de la loi? Ça peut être une habilitation... Ça ne peut pas être par contrat? Ça ne peut pas être par...
La Présidente (Mme Thériault): M. Nolin?
M. Turp: Non?
M. Nolin (Patrick): Pas par contrat.
M. Turp: Privée? Une habilitation privée? PPP?
M. Nolin (Patrick): Je ne pense pas qu'il y ait... Il n'existe pas d'autorité qui soit habilitée de façon privée, là, à saisir des biens, là.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va? Est-ce que c'est beau? Oui.
M. Bédard: Ce que vous me dites, c'est que, quand on trouve le terme «habilité», c'est nécessairement en vertu de la loi?
Une voix: ...
M. Bédard: Ça m'étonne. En général, là, en général, quand on trouve le terme «habilité», c'est nécessairement en vertu de la loi?
M. Dupuis: Oui. Ça m'apparaît comme étant clair comme de l'eau de roche.
M. Bédard: Bien, on peut être habilité d'à peu près toutes les manières, par...
M. Turp: On va aller chercher ça... Le pouvoir habilitant dont on parle dans le projet de loi n° 22, là, c'est-u une loi?
(Consultation)
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Me Charbonneau m'indique, et je trouve ça intelligent, là, il m'indique que le pouvoir de saisir, c'est un pouvoir qui est exorbitant et que donc il ne peut être exercé que par une autorité habilitée à le faire, et cette habilité, c'est une habilité légale. Alors, en fait, ce serait superfétatoire que d'ajouter... mais ça ne ferait pas injure, mais ce serait superfétatoire d'ajouter «habilitée à le faire en vertu de la loi» parce qu'il ne peut pas y avoir une autre habilité que celle qui est déterminée par la loi.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Mercier.
M. Turp: En tout cas, il faudrait dire ça au législateur ontarien, parce que le législateur ontarien, lui, met «habilitée en vertu de la loi» dans ses lois. Je viens d'apprendre...
M. Dupuis: Une nuance de la langue française et de la langue anglaise.
M. Turp: Oui. Les Ontariens ont besoin des conseils du ministre de la Justice.
M. Bédard: Me Charbonneau hésite un peu? Non, non, pas d'hésitation?
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va? On met aux voix l'article 6. Est-ce que l'article 6 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. M. le ministre, l'article 7.
M. Dupuis:«Le tribunal fait droit à la demande de confiscation s'il est convaincu que les biens qui y sont visés sont des produits d'activités illégales ou des instruments de telles activités; dans le cas de ces derniers ? donc, dans le cas des instruments ? il doit aussi être convaincu que leur propriétaire a participé aux activités illégales dans lesquelles ces instruments ont été utilisés ou savait qu'ils étaient utilisés dans l'exercice de ces activités.
«Lorsque les activités illégales alléguées constituent des infractions pénales prévues par une loi mentionnée à l'annexe 1, le tribunal doit, dans tous les cas, être en outre convaincu que ces activités ont procuré un gain économique appréciable au propriétaire, possesseur ou détenteur de ces produits ou instruments.
«Le tribunal peut, selon la preuve qui lui est faite, ne faire droit à la demande de confiscation qu'à l'égard de certains biens qui y sont visés.»Le Président (M. Lévesque): ...M. le député de Saint-Hyacinthe.
n(21 h 40)nM. L'Écuyer: Simplement, à cet article-là, on vient directement dans le coeur même de la législation au niveau de la prépondérance de preuve. Je dois comprendre que le tribunal, s'il est convaincu, s'il est convaincu selon les preuves habituelles du Code civil, du Code de procédure civile... c'est-à-dire que dans le fond du Code civil, qu'il est convaincu par prépondérance de preuve que les biens qui y sont visés sont les produits d'activités illégales ou des instruments de telles activités, et tout en étant quand même... tout en retenant qu'«instrument» n'est pas défini comme tel dans la loi, mais c'est un bien qui sert à ? j'utilise d'ailleurs le même mot que tout à l'heure, «sert» à ? la commission d'un acte criminel. C'est dans ce sens-là qu'il faut comprendre cette loi-là.
Et je dois dire quand même que, dans l'autre partie du projet de loi, «dans le cas de ces derniers», quand on parle d'instruments, la preuve est beaucoup plus accablante à faire, c'est qu'il doit aussi être convaincu que le «propriétaire a participé aux activités illégales dans lesquelles ces instruments ont été utilisés ou savait qu'ils étaient utilisés dans l'exercice de ces activités». Ma question était: «Ou savait», est-ce que... «ont été utilisés ou savait» ou on aurait pu utiliser «ou aurait dû savoir»?
Le Président (M. Lévesque): M. le ministre.
M. Dupuis: Bien, «aurait dû savoir», évidemment ça fait appel à l'aveuglement volontaire. L'aveuglement volontaire... En fait, s'il y avait une preuve d'aveuglement volontaire, il y aurait une preuve qu'il savait, par extension. En fait, ce qu'on veut viser, vous l'aurez compris, c'est la complicité. En fait, toute personne qui aide, toute personne qui aide par son silence aussi une autre personne à commettre une infraction est également coupable de l'infraction, enfin en droit criminel. Alors, s'il savait que son auto était utilisée dans le trafic de stupéfiants ? tu sais: Passe-moi ton auto, je vais aller faire un deal de drogue ? c'est bien de valeur, mais on va saisir l'auto. Passe-moi ton auto que j'aille faire un deal de drogue. On va saisir votre auto. C'est un message clair.
M. L'Écuyer: Ou: Passe-moi ton auto, j'ai une commission à faire.
M. Dupuis: Non, non: Passe-moi ton auto, j'ai une commission à faire, c'est une défense.
M. L'Écuyer:«Aurait dû savoir», à ce moment-là? L'aveuglement volontaire?
M. Dupuis: Bien oui, c'est ça. Bien, si on est capable de faire la preuve, vous avez raison. Il faut que ça soit un message clair. Pardon?
M. Bédard: Par exemple, tu sais, dans le crime organisé, quelqu'un qui est rompu à tout ça, tu dois faire la démonstration qu'il le savait, donc c'est une connaissance réelle. On sait que ces gens-là ont seulement à ne pas se parler. Par exemple, pour l'auto, il sait très bien qu'il s'en va faire une transaction de drogue, il dit: Est-ce que je peux prendre ton auto. Oui, tu peux la prendre. Il vient témoigner: Écoutez, il m'a demandé s'il pouvait prendre mon autre, je lui ai dit oui. Je ne lui ai pas demandé où il allait, puis ce qu'il faisait, puis l'autre ne me l'a pas dit. Est-ce que c'est pas facile, ça?
M. Dupuis: Non, ça, c'est trop... Oui.
M. Bédard: Non, mais le «savait», ça veut dire, là, que c'est une connaissance réelle, ce n'est pas une connaissance présumée, là.
M. Dupuis: Non, mais, je veux dire, il peut y avoir une preuve circonstancielle qu'il savait.
M. Bédard: Non, mais...
Le Président (M. Lévesque): Pardonnez-moi, mesdames et messieurs. J'aimerais juste vous rappeler de vous adresser à la présidence.
M. Dupuis: Excusez-nous, M. le Président.
Le Président (M. Lévesque): Merci.
M. Dupuis: On profitait du fait que la présidente est partie.
Le Président (M. Lévesque): Effectivement. Alors, je vous remercie de revenir à l'ordre. Alors, je voudrais juste savoir, premièrement, si le député de Saint-Hyacinthe avait fini son point.
M. L'Écuyer: Oui, j'avais terminé, M. le Président.
Le Président (M. Lévesque): Oui. Merci beaucoup. Alors, maintenant, le député de Chicoutimi. Je vous inviterais à formuler votre question.
M. Bédard: C'est ce que j'ai fait d'ailleurs. Ce que je me disais simplement, c'est que, sans faire un article de trafiquant en semblable matière ? tu sais, c'est presque le cas, là ? pour éviter finalement que les gens aient une défense facile, à la limite même sur les maisons, sur une maison... Le fait de savoir... Parce que c'est une bonne question. «Savait qu'elles étaient utilisées dans l'exercice...» Parce que le fait de ne pas poser la question, on ne peut pas te reprocher. Bien, est-ce que c'est mieux de... «Ou aurait dû savoir»? Est-ce que le fait de mettre «aurait dû savoir», est-ce que ça allège finalement la...
Le Président (M. Lévesque): M. le ministre.
M. Dupuis: Donnez-moi une seconde.
M. Bédard: Parce que, dans ma tête, j'avais comme une présomption...
M. Dupuis: Donnez-moi une seconde.
M. Bédard: ...d'un trafiquant en semblable matière.
M. Dupuis: Me permettez-vous de réfléchir trois secondes?
M. Bédard: Vas-y. Moi, ça me fait plaisir.
M. Dupuis: Réfléchir avec mes génies.
M. Bédard: Oui. Veux-tu qu'on prenne une pause? Voulez-vous qu'on prenne une pause? Voulez-vous qu'on prenne une pause deux secondes, aller prendre un café?
M. Dupuis: Non, non.
(Consultation)
M. Dupuis: Est-ce que je peux me permettre de suggérer, M. le Président, qu'on suspende l'étude de cet article-là? Mais nous retenons votre intervention et l'intervention du député de Saint-Hyacinthe qui avait la même intervention, là, à l'effet que vous souhaiteriez ? et nous pensons que c'est pertinent de le faire, il faut juste le rédiger comme il faut ? qu'on ajoute, au premier paragraphe, après «savait», quelque chose qui dirait «et/ou ne pouvait raisonnablement ignorer qu'ils étaient utilisés dans l'exercice de ces activités».
Vous voulez prévoir, là: Regarde, là, arrête de nous conter des histoires, là, tu ne pouvais pas ne pas le savoir. Tu es trafiquant, ton chum, il est trafiquant, vous vivez du trafic de stupéfiants. Ne viens pas me dire que, quand il t'a demandé de passer ton auto, puis qu'il te l'a ramenée une heure après, puis qu'il t'a dit: Viens-t-en, on s'en va au... ce qu'ils voudront, tu ne le savais pas. O.K. C'est ça qu'on va essayer de couvrir. O.K.
Le Président (M. Lévesque): Merci, M. le ministre. J'aimerais savoir si nous avons le consentement pour suspendre l'article 7, pour l'instant.
Des voix: Oui.
M. Dupuis: Je peux-tu aller plus loin, M. le Président, une seconde?
Le Président (M. Lévesque): Oui, M. le ministre.
M. Dupuis: Est-ce que vous seriez satisfait en principe ? on va le faire rédiger, là ? par «ont été utilisés ou savait ou ne pouvait raisonnablement ignorer qu'ils étaient utilisés dans l'exercice...»? On pensait que ce serait la meilleure... que ce serait peut-être la meilleure formulation. O.K. Ça fait qu'on va le faire rédiger comme ça puis on regardera tantôt.
Le Président (M. Lévesque): Merci beaucoup. Maintenant, l'article 8.
Alors, on va suspendre les travaux pour 10 minutes et en même temps on va pouvoir... la rédaction.
(Suspension à 21 h 48)
(Reprise à 22 h 2)
La Présidente (Mme Thériault): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous reprenons les travaux. Et l'amendement du ministre pour l'article n° 7 est rendu au secrétariat, nous allons en prendre connaissance. M. le ministre, si vous voulez le lire, oui.
M. Dupuis: Je vais le lire: L'article 7 du projet de loi est modifié par le remplacement, à la fin du premier alinéa, de ce qui suit: «ou savait qu'ils étaient utilisés dans l'exercice de ces activités» par ce qui suit: «, qu'il savait qu'ils étaient utilisés dans l'exercice de ces activités ou, encore, qu'il ne pouvait raisonnablement ignorer qu'ils étaient ainsi utilisés».
C'est exactement ce dont on avait parlé avant la suspension.
La Présidente (Mme Thériault): Questions ou... L'amendement est recevable. Oui. On va seulement, si vous me permettez, M. le député de Saint-Hyacinthe, on va suspendre quelques instants, le temps d'imprimer l'amendement et de le distribuer aux parlementaires, et par la suite nous allons continuer les travaux. Nous suspendons pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 22 h 4)
(Reprise à 22 h 7)
La Présidente (Mme Thériault): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, puisque l'amendement a été distribué aux parlementaires, il a été lu par le ministre également, à l'article n° 7, j'avais une intervention du député de Saint-Hyacinthe sur l'amendement. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Oui. Merci, Mme la Présidente. Concernant cet amendement, nous sommes en accord avec sa formulation. Et d'ailleurs, si on regarde la logique un peu du projet de loi, à l'article 9, on a une formulation a contrario mais semblable qui dit: «...ne pouvait raisonnablement le connaître au moment de l'acquisition de ses droits sur ce produit.» C'est lorsqu'une personne fait l'acquisition d'un bien, et raisonnablement elle vient dire qu'elle ne pouvait pas ignorer qu'elle avait acheté un produit qui était un produit d'activités illégales. Alors, nous, on est d'accord avec l'amendement tel que formulé à l'article 7, tel que proposé.
La Présidente (Mme Thériault): Parfait. Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Et je vous suggère rapidement que le «encore» est de trop, tout simplement.
M. Dupuis: Non, non, non. Le «encore» est là, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le ministre, allez-y.
M. Dupuis: Merci, Mme la Présidente. Le «encore» est là pour bien indiquer qu'il y a trois situations.
M. Bédard: ...mettre «encore». Le «ou», avec le «ou» à la fin, c'est «ou» pour chacun. Donc, la première, qu'il doit être convaincu que le propriétaire a participé; deuxièmement, qu'il savait qu'ils étaient utilisés; ou qu'il ne pouvait raisonnablement... qu'ils avaient été... Parce qu'il y a une virgule. Alors, si tu mets ton «ou»... Parce que, moi, «ou encore»...
M. Dupuis: C'est une bonne façon de l'exprimer.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Avec consentement, on va passer la parole à Me Charbonneau, qui est le légiste. Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Quand on indique «encore», ça marque davantage le fait qu'il s'agit vraiment de trois choses distinctes. Il est certain que le «ou» aurait pu suffire, mais, pour éviter tout doute... Et ça marque beaucoup plus le fait qu'il s'agit de trois situations distinctes, trois possibilités distinctes qui s'offrent au tribunal.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, Me Charbonneau. Questions ou commentaires? M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Moi, j'ai beaucoup de respect pour les légistes, c'est pour ça que j'hésite toujours. Mais honnêtement, moi, je ne l'aurais pas gardé. Parce que, si on avait mis un «et», là c'est sûr que ça aurait porté à ambiguïté. Mais le fait de mettre un «ou», c'est sûr que ça devient des conditions qui sont séparées.
M. Dupuis: Mais, regardez, là, l'important...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Bédard: Non, non, je le sais. Mais c'est rare que... «Ou encore», honnêtement... Vous le voyez souvent, M. le légiste?
La Présidente (Mme Thériault): Oui.
M. Charbonneau (Pierre): Personnellement, je m'en sers assez souvent, oui, pour marquer vraiment qu'il s'agit de... mais écoutez...
M. Dupuis: Est-ce qu'on pourrait respecter son intégrité professionnelle, s'il vous plaît?
M. Turp: Mais donnez-moi donc un exemple...
M. Charbonneau (Pierre): Dans le projet de loi, je ne pourrais pas vous en donner...
M. Turp:«Ou encore» dans d'autres lois?
M. Charbonneau (Pierre): Est-ce qu'on a des instruments de recherche?
n(22 h 10)nM. Dupuis: Non, mais mettez-le pas, mettez... Regardez, là, on peut-u s'entendre, là?
M. Bédard: C'est beau.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau? Parfait, merci. Je pense que ça va, M. le ministre.
M. Dupuis: Adopté. Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): L'amendement à l'article 7 est adopté. Est-ce que l'article 7, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. L'article 8. Nous revenons à l'article 8, M. le ministre.
M. Dupuis:«Le tribunal peut, lorsqu'il statue sur la demande principale ou incidente, prescrire toute mesure qu'il estime nécessaire ou utile dans l'intérêt de la justice, notamment en prévoyant la remise au défendeur de tout excédent du prix d'aliénation d'un produit confisqué sur la valeur de la partie de ce produit provenant d'activités illégales.
«Il peut également prescrire toute mesure qu'il estime nécessaire ou utile pour protéger les droits des personnes de bonne foi, pour déterminer la nature ou l'étendue de leurs droits ou pour fixer, à la demande du Procureur général, le montant des créances garanties, le cas échéant, par une sûreté qu'elles détiennent sur les biens confisqués.»La Présidente (Mme Thériault): Questions ou commentaires?
M. L'Écuyer: Il n'y a pas de commentaire, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Non? C'est beau? Du côté du deuxième groupe d'opposition, c'est beau aussi? Non? M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Non. Je vois qu'on a modifié «utile dans» pour... Auparavant, c'était «pour assurer l'intérêt de la justice», c'est ça? C'est ce que je comprends.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre ou une des personnes qui vous accompagnent. Me Nolin.
M. Nolin (Patrick): Je n'ai pas compris la question, j'étais encore sur le «ou encore».
M. Dupuis: Non, c'est fait.
M. Bédard: J'ai peut-être convaincu quelqu'un. En tout cas, au moins, j'ai semé le doute. C'est la première étape. Non, non, simplement, la deuxième ligne, vous voyez, c'est tout simple, là, par rapport à la rédaction initiale où on avait indiqué plutôt... c'était «pour assurer l'intérêt». Parce que c'est un texte qu'on avait étudié longuement, donc je me dis toujours: Pourquoi l'avoir modifié?
M. Dupuis: ...faire fâcher.
M. Bédard: Pour me faire parler, peut-être? Alors, je ne veux pas les décevoir.
M. Turp: Ce serait peut-être pour abréger le texte dans ce cas-là.
M. Bédard: Avez-vous une idée? Ça n'a pas été fait consciemment?
M. Nolin (Patrick): Il faudrait que j'aille revoir l'ancien texte, là.
(Consultation)
La Présidente (Mme Thériault): Oui. M. le député de Chicoutimi, une autre intervention?
M. Dupuis: ...
M. Bédard: Non, c'est ça, mais je veux simplement comprendre pourquoi on l'a fait.
M. Dupuis: On pourrait peut-être poursuivre cette discussion en d'autres lieux et en d'autres circonstances, ce serait très intéressant. Si vous n'avez pas d'objection, on va adopter l'article.
M. Bédard: Bien, on peut passer à 9 en attendant qu'on me donne la réponse. Aucun problème.
M. Dupuis: On va adopter. C'est beau? On va l'adopter.
La Présidente (Mme Thériault): On adopte l'article 8, d'accord. Est-ce que l'article 8 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. L'article 9, M. le ministre.
M. Dupuis:«Un produit d'activités illégales conserve ce caractère en quelques mains qu'il passe, à moins que son propriétaire ne prouve qu'il ne le connaissait pas et ne pouvait raisonnablement le connaître au moment de l'acquisition de ses droits sur ce produit.»La Présidente (Mme Thériault): Commentaires, questions?
M. Dupuis: C'est un peu ce que vous disiez tantôt.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va? C'est beau? Du côté de la deuxième opposition, c'est correct aussi? Est-ce que l'article 9 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. L'article 10.
M. Dupuis:«10. Lorsque le tribunal fait droit... Ça, c'est une rédaction qui est différente de celle qui existait: «Lorsque le tribunal fait droit à la demande, il statue, le cas échéant, sur la demande incidente en inopposabilité présentée par le Procureur général, en déclarant inopposables tous les droits portant sur les biens confisqués qu'on lui démontre avoir été acquis à même des produits d'activités illégales ou dont le caractère fictif ou simulé lui est démontré et en ordonnant la radiation de ces droits.
«Le caractère fictif ou simulé d'un droit est présumé chaque fois que son titulaire est une personne liée au propriétaire du bien confisqué, notamment son conjoint, un parent ou [un] allié jusqu'au deuxième degré, une personne vivant sous son toit, ou encore un associé ou une personne morale dont il est l'administrateur ou qu'il contrôle.»La Présidente (Mme Thériault): Commentaires ou questions? M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Un commentaire au sujet du deuxième paragraphe: «Le caractère fictif ou simulé ? nous en avons débattu antérieurement ? d'un droit est présumé chaque fois que son titulaire est une personne liée au propriétaire du bien...» Ma préoccupation, c'est à la fin, lorsqu'on parle de la «personne morale dont il est l'administrateur ou qu'il contrôle». Alors, «dont il est l'administrateur», c'est l'administrateur d'une société. Alors, mon interrogation se pose par rapport aux autres administrateurs de la société qui, eux autres, ne peuvent être ignorés... ou ignorants complètement de cette situation-là. Alors, j'essaie de trouver une application à cette interprétation-là. Lorsqu'on dit que... L'allié du deuxième degré, une personne vivant sous son toit, ça va. «Ou encore un associé ou une personne morale dont il est l'administrateur ou qu'il contrôle». Contrôler une compagnie, ça va, mais l'administrateur, j'ai de la difficulté. Est-ce que c'est ou/et qu'il contrôle?
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Ou/et qu'il contrôle, vous me dites?
M. L'Écuyer: Oui, l'administrateur qu'il... Parce que «ou qu'il contrôle»...
M. Dupuis:«Dont il est l'administrateur ou qu'il contrôle».
M. L'Écuyer: Est-ce que c'est l'administrateur qui contrôle la société?
M. Dupuis: Non, c'est le propriétaire.
M. L'Écuyer: C'est le propriétaire.
M. Dupuis: Oui. Là, c'est une présomption. C'est une présomption qui prend sa force lorsqu'il est l'administrateur d'une personne morale qui prétendrait détenir un contrat, par exemple, ou qui prétendrait avoir un droit sur le bien. C'est la personne morale qui prétendrait avoir le droit sur le bien innocemment, mais, parce qu'il est l'administrateur de cette personne morale là, le contrat est présumé être fictif ou simulé. C'est ça.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député, c'est beau?
M. Dupuis: Est-ce que ça va?
La Présidente (Mme Thériault): Ça répond?
M. Dupuis: C'est parce que c'est les autres administrateurs qui vous inquiètent?
M. L'Écuyer: Oui, c'est les autres administrateurs.
M. Dupuis: Les autres, si on est capable de démontrer pour les autres... En fait, il n'y a pas de présomption qui joue pour les autres administrateurs, mais ça ne veut pas dire qu'on n'est pas capable de prouver le contrat fictif ou simulé à l'endroit des autres administrateurs. C'est simplement la personne qu'on vise, la personne qu'on vise... Lorsque la personne morale dont il est l'administrateur prétend avoir un droit inattaquable, opposable, il y a une présomption qui joue que la personne morale ne peut pas détenir le bien de façon inopposable parce qu'il y a une présomption qui joue contre elle quand la personne est l'administrateur de cette personne morale là. Alors, dans le fond, les quatre autres administrateurs pourront prétendre, eux, avoir un droit qui est opposable, puis là on verra ce que le Procureur général est capable de faire comme preuve. C'est ça? La présomption ne joue pas contre les autres.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau?
M. L'Écuyer: Sauf que la procédure... Avec votre permission, Mme la Présidente. Sauf que la procédure va être signifiée à la compagnie...
M. Dupuis: Oui, à tout le monde, on l'a vu avant.
M. L'Écuyer: ...à tout le monde, et les administrateurs ? prenons l'exemple des trois autres, quatre autres administrateurs ? devront faire une preuve et intervenir à l'intérieur de ce procès-là.
M. Dupuis: C'est ça.
M. L'Écuyer: Parce que la compagnie et les administrateurs vont être poursuivis personnellement, donc on a tout le processus du vol corporatif qui va être soulevé à ce moment-là. Est-ce que c'est ça que je dois comprendre?
M. Dupuis: Présomption réfragable.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. L'Écuyer: Irréfutable.
Une voix: Juris tantum.
M. L'Écuyer: Juris tantum ou...
M. Dupuis: Juris tantum. Juris tantum. Exact. Pas juris et de jure.
M. L'Écuyer: Juris tantum. Alors, je comprends quand même que les autres administrateurs vont devoir quand même intervenir dans le dossier et faire une preuve de bonne foi pour être capables de se retirer, en fait de se faire...
M. Dupuis: Oui.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau? Merci. D'autres interventions? M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: On a inversé, je vois, dans le premier paragraphe.
M. Dupuis: C'est ça.
M. Bédard: Est-ce que c'est pour une meilleure compréhension? Parce que je ne suis pas sûr si c'est atteint, si c'est le cas.
M. Nolin (Patrick): C'est effectivement pour une meilleure compréhension qu'on est venu rassembler...
M. Bédard: Mon collègue me disait justement: C'est illisible. Je ne veux pas vous décevoir.
M. Turp: Et j'ai une suggestion pour le rendre lisible.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. Faites votre suggestion peut-être, M. le député.
M. Turp: Ma suggestion, c'est de... Ça pourrait se lire comme suit: Lorsque le tribunal fait droit à la demande, il statue, le cas échéant, sur la demande incidente en... Attendez, excusez-moi.
Oui, c'est ça: Lorsque le tribunal fait droit à la demande, il statue, le cas échéant, sur la demande incidente en inopposabilité présentée par le Procureur général. Il déclare inopposables tous les droits portant sur les biens confisqués qu'on lui démontre avoir été acquis à même des produits d'activités illégales ou dont le caractère fictif ou simulé lui est démontré et ordonne la radiation de ces droits.»n(22 h 20)nM. Dupuis: Alors, on va suggérer...
M. Turp: Au lieu de mettre deux «en», «en ordonnant», «et en ordonnant»...
M. Dupuis: Regardez, là, regardez, je vais vous suggérer, par souci d'efficacité, Mme la Présidente, rédigez l'amendement, vous nous le donnerez, puis on le regardera. O.K.?
M. Turp: O.K.
M. Dupuis: On suspend l'article.
La Présidente (Mme Thériault): On suspend 10. Parfait. L'article 10 est suspendu. Il y a consentement? C'est beau. L'article n° 11.
M. Dupuis:«Lorsqu'il existe une disproportion marquée entre les revenus légitimes du défendeur et son patrimoine, son train de vie ou l'un et l'autre, les biens visés par la demande sont présumés être des produits d'activités illégales dès lors que ce défendeur:
«1° participe fréquemment à des activités illégales qui sont de nature à lui procurer un avantage économique;
«2° participe aux activités illégales d'une organisation criminelle au sens du Code criminel ou agit en association avec une telle organisation;
«3° est une personne morale dont l'un des administrateurs ou dirigeants participe aux activités illégales d'une organisation criminelle au sens du Code criminel ou une personne morale dans laquelle une personne qui participe à de telles activités détient une participation importante.
«Celui qui a été déclaré coupable d'une infraction d'organisation criminelle au sens du Code criminel est présumé participer aux activités illégales d'une organisation criminelle ou agir en association avec une telle organisation.»La Présidente (Mme Thériault): Questions, commentaires? Questions, commentaires sur l'article 11? Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: ...Mme la Présidente. Je comprends la substance de l'article 11. On pense à la Loi sur l'impôt, qui quelquefois fait faire des bilans à des individus pour être en mesure d'obtenir une certaine... une preuve. Lorsqu'on parle d'«une disproportion marquée entre les revenus légitimes du défendeur et son patrimoine, son train de vie» et aussi quand je regarde la façon que l'article est rédigé, on dit «sont présumés être des produits d'activités illégales dès lors que ce défendeur», est-ce que c'est «participe» 1°, ou 2° «participe», 3° ou...
M. Dupuis: C'est «ou».
M. L'Écuyer: C'est «ou». Donc, 1°, alors «participe fréquemment»...
Une voix: ...
M. L'Écuyer: O.K.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau?
M. L'Écuyer: Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Bien, je me demandais l'intérêt d'avoir ajouté «ou l'un et l'autre». On a seulement à prouver un ou l'autre, c'est ce que je comprends. Mais pourquoi mettre... Si on met «l'un et l'autre»...
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le ministre.
M. Dupuis: Souvent, dans ce genre d'activités là, on est obligé de faire la preuve de l'un et de l'autre, c'est-à-dire qu'on est obligé de faire la... C'est-à-dire, lui oppose ses revenus légitimes; nous autres, on lui oppose son train de vie et son patrimoine ou son train de vie et son patrimoine ou son patrimoine.
M. Bédard: Non, non, je suis d'accord. Mais l'idée, c'est qu'on crée artificiellement un troisième moyen qui n'existe pas dans les faits. Bien, on démontre soit la différence marquée, «lorsqu'il existe une disproportion marquée entre les revenus légitimes du défendeur et son patrimoine, [ou] son train de vie...» C'est ça? Puis là on dit plutôt, on dit: «Son train de vie ou l'un et l'autre».
M. Dupuis: Non, c'est ça. Regarde bien, c'est parce que, dans ces cas-là, souvent on compare devant le tribunal, on fait la comparaison devant le tribunal de ses revenus qui sont légitimes, donc qui lui proviennent d'une activité légale, et son patrimoine, et souvent on est obligé d'ajouter le train de vie. Souvent, le patrimoine est limite ? puis c'est l'expression de Me Nolin, mais je la retiens ? souvent son patrimoine est limite puis son train de vie est limite, mais les deux combinés ensemble font que la disproportion entre les revenus légitimes puis le reste est tellement grande qu'on présume que ses biens sont acquis par suite de ses activités illégales.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Chicoutimi.
M. Dupuis: Regarde, regarde, M. le député de Chicoutimi, il travaille comme gérant au bar-salon X. Il a un salaire plus des pourboires puis il allègue ça. Il a une maison qui est à la limite, là, de ce que tu peux acheter quand tu es gérant dans un bar puis que tu fais des pourboires. Mais, écoute, il roule, il roule, comprends-tu? Tu sais, je veux dire, le manteau de vison, la bague en diamant, il la marie quatre, cinq fois. Là, à un moment donné...
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau?
M. Bédard: Non, le seul bout, c'est ce qu'on prévoyait auparavant, c'est seulement ça. Auparavant, on disait: Il existe une disproportion marquée entre les revenus légitimes du défendeur et son patrimoine ou son train de vie. Non, mais là on dit: «Son train de vie ou l'un et l'autre».
M. Dupuis: Parce que c'était mis dans l'ancienne...
M. Nolin (Patrick): C'était un ou l'autre, mais là on peut cumuler les deux. C'est qu'on peut cumuler une petite disproportion du patrimoine plus une petite disproportion du train de vie pour cumuler...
M. Bédard: Un petit bout de train de vie puis... C'est une habitude que j'ai prise de ne pas vous écouter, puis ça m'a servi jusqu'à maintenant. O.K. Là, je comprends bien.
M. Dupuis: Mais tu es dans l'opposition pareil, la deuxième opposition, puis je suis encore au pouvoir.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, Me Nolin, de vos éclaircissements.
M. Bédard: Donc, les justifications ne sont pas liées.
La Présidente (Mme Thériault): Donc, l'article 11 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. L'article 12, M. le ministre.
M. Dupuis:«Une personne qui a été déclarée coupable d'une infraction relativement à une activité illégale alléguée dans la demande est présumée, sauf si elle a été absoute de l'infraction, avoir participé à cette activité.»La Présidente (Mme Thériault): Questions ou commentaires? Est-ce que l'article 12 est adopté?
M. Dupuis: Adopté.
M. Bédard: Oui, mais...
La Présidente (Mme Thériault): Oui. Vous avez un commentaire, M. le député de Chicoutimi?
M. Bédard: C'est qu'on a changé encore... Et là je ne voudrais pas avoir l'air de ne pas être aux aguets, mais on a changé encore la terminologie. Là, je vois qu'on a enlevé «criminelle» à «infraction».
M. Dupuis: Oui, parce qu'une infraction, c'est soit criminel soit provincial.
M. Bédard: Elle peut être donc une infraction pénale relativement à une activité illégale.
M. Dupuis: Exact, comme l'annexe 1 le prévoit.
M. Bédard: Et là «d'une infraction relativement à une activité», et là vous ajoutez «illégale».
M. Dupuis: Oui.
M. Bédard: Oui, mais, si c'est une infraction à une activité pénale, on n'a pas besoin de mettre «illégale».
M. Dupuis: Je suis trop fatigué pour décider ça, là, mais je pense que c'est bien rédigé.
M. Bédard: Bien, moi, je commence, là, il est 10 h 30.
M. Dupuis: C'est très bien rédigé. C'est très, très bien rédigé. C'est très précis. C'est précisé.
Une voix: On l'a précisé.
M. Dupuis: C'est ça, c'est une précision utile et agréable.
La Présidente (Mme Thériault): Me Michel.
M. Michel (Patrick): C'est un peu par souci justement de concordance avec d'autres dispositions, notamment l'article 3, qu'on a adoptées précédemment, où est-ce qu'on a précisé dans chaque cas qu'il devait s'agir d'une activité illégale. Parce que le Barreau, notamment le Barreau, avait fait pour commentaire que le terme «activité» pouvait donner lieu à des interprétations plus larges que ce qu'on visait réellement, à savoir uniquement des activités illégales. C'était plus de concordance par rapport à des amendements qui ont été apportés précédemment, notamment à l'article 3.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va, M. le député de Chicoutimi? Oui? Est-ce que l'article 12 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. L'article 13, M. le ministre. Oui?
M. Bédard: Est-ce qu'on peut être absout d'une infraction pénale? On est absout normalement d'une infraction criminelle. C'est ça qui m'étonne. Moi, je ne connais pas d'absolution pour une infraction pénale. Ça existe, ça?
La Présidente (Mme Thériault): Me Michel.
M. Michel (Patrick): Oui. Merci, Mme la Présidente. Non, l'absolution n'est pas une mesure sentencielle au niveau pénal provincial. Mais il va de soi que l'absolution à laquelle on réfère ici, ce n'est...
M. Bédard: ...parce que l'absolution, moi, il me semble que c'est seulement dans des... C'est le Code criminel qui prévoit l'absolution.
M. Michel (Patrick): Oui, mais en fait ce qu'on veut ici, c'est que la présomption qu'il a participé aux activités illégales pour lesquelles il a été reconnu coupable s'applique autant aux activités illégales prévues au Code criminel qu'aux activités illégales...
M. Dupuis: C'est ça.
M. Bédard: Mais là, pour la partie criminelle...
M. Michel (Patrick): Pour la partie criminelle, on exclut l'absolution.
M. Bédard: O.K. C'est beau, c'est correct.
La Présidente (Mme Thériault): D'accord pour la précision. Merci, Me Michel. Donc, M. le ministre, l'article 13, puisque le 12 a déjà été adopté.
M. Dupuis: Merci, Mme la Présidente. «L'ordonnance de confiscation vaut titre de l'État sur les biens confisqués et en a tous les effets. L'ordonnance fait perdre à ces biens le caractère de produits d'activités illégales.»La Présidente (Mme Thériault): Commentaires ou questions?
M. L'Écuyer: Pas de commentaire, madame.
La Présidente (Mme Thériault): Pas de commentaire. Du côté de la deuxième opposition, ça va?
M. Bédard: Non, c'est parfait, oui, effectivement.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau? Parfait. L'article 13 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. L'article 14, M. le ministre.
n(22 h 30)nM. Dupuis:«Le Procureur général peut, à tout moment de l'instance ou même avant, demander à un juge l'autorisation de saisir avant jugement les biens visés par la demande ou qui y seront visés, lorsqu'il est à craindre que, sans cette mesure, les objets de la présente loi soient mis en péril.
«Les règles du Code de procédure civile s'appliquent à la saisie.» C'est un peu ce que je disais un petit peu plus tôt dans les explications. Souvent, dans ces circonstances-là, on va vouloir saisir avant jugement les biens pour ne pas évidemment qu'ils disparaissent du patrimoine de celui entre les mains duquel on veut les confisquer.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Questions, commentaires? M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Simplement à la lecture, je dois comprendre qu'il s'agit d'une requête en fait pour saisie avant jugement, un 733 au point du vue du Code de procédure civile...
M. Dupuis: ...telle qu'elle est prescrite dans le Code de procédure civile. Exact.
M. L'Écuyer: ...avec une preuve comme quoi il y a fraude ou...
M. Dupuis: Exact. Exact.
M. L'Écuyer: D'accord.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Lévis.
M. Lévesque: Est-ce que, dans le terme «biens», on inclut aussi des titres?
M. Dupuis: Oui.
M. Lévesque: Des titres d'entreprise, des choses comme ça.
M. Dupuis: Oui, oui. Ça peut être des actions. Bien oui, ça peut être des actions, des certificats.
M. Lévesque: Des actions. C'est inclus dans les biens?
M. Dupuis: Oui, oui. Absolument, absolument.
M. Lévesque: O.K.
M. Dupuis: Ce sont d'ailleurs, à moins que je ne me trompe, là ? c'est Me Nolin qui est spécialiste du civil, j'ai plus pratiqué en criminel ? mais ce sont même des biens qui sont considérés comme des biens meubles. Des actions, c'est des biens meubles, considérés comme des biens meubles. C'est ça?
M. Lévesque: ...devient propriétaire d'une part d'entreprise. Il deviendrait propriétaire des parts de l'entreprise.
M. Dupuis: Si les actions ont été acquises avec de l'argent qui provient de la commission de crimes, je verrais... sans présumer, là, mais je verrais l'État disposer de ces actions, prendre le produit de la vente des actions et le réaliser.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Lévis.
M. Lévesque: Mme la Présidente, dans le cas où on est propriétaire de 25 % d'une entreprise, c'est aux trois autres à faire la preuve qu'ils ne font pas partie, mais le 25 % de la valeur doit être revendu. Alors, s'il y a trois...
M. Dupuis: C'est-à-dire que le fait de la loi, c'est qu'à partir du moment où le juge prononce la confiscation, il la prononce évidemment entre les mains de la personne qui la détient. L'État devient propriétaire du titre et l'État peut en disposer comme bon lui semble.
M. Lévesque: Donc, il peut revendre le 25 % de l'entreprise à qui elle veut?
M. Dupuis: C'est-à-dire que, là, je vous donne une extension de la pratique que j'ai faite. Quand on dispose du bien, évidemment on dispose du bien entre les mains d'une personne qui est une personne ? là, j'emploie l'expression entre guillemets ? qui est une personne qui n'est pas dans des activités illégales. On ne revendra pas à un... D'ailleurs, on fait des enquêtes là-dessus. On fait des enquêtes. Les gens qui veulent acheter des biens qui sont des produits de la criminalité, quand on les met en vente, on fait des enquêtes pour ne pas que l'ancien propriétaire, par toutes sortes de stratagèmes, puisse redevenir propriétaire. C'est ça.
Une voix: ...
M. Dupuis: C'est ça. C'est ça.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau? Ça vous va? M. le député de Saint-Hyacinthe, oui.
M. L'Écuyer: Mme la Présidente, une question de précision au sujet de l'article 14 et puis aussi au niveau de toute la dynamique en ce qui concerne ce projet de loi là. On voit que «le Procureur général peut, à tout moment de l'instance ou même avant, demander à un juge l'autorisation de saisir avant jugement». Pourquoi le ministre de la Justice n'a pas adopté l'effet contraire? C'est-à-dire qu'on confisque et après ça on fait le renversement de la preuve à l'effet que l'individu doit venir prouver qu'effectivement ces biens-là ne sont pas des biens du produit de la criminalité. Parce que, là, vous vous placez dans une situation où on fait une saisie avant jugement, et par la suite on fait une requête de confiscation, et par la suite il y a tout un processus, là, civil qui s'enclenche à ce moment-là.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le ministre.
M. Dupuis: Alors, parce que les dispositions du projet de loi n° 36 s'inscrivent à l'intérieur du régime de preuve du Code de procédure civile, c'est-à-dire la prépondérance de preuve. Alors, nous, on voulait que les dispositions soient conformes au régime qui est en vigueur, de prépondérance de preuve en matière civile. Donc, ce qu'on a prévu, c'est qu'on doit faire une preuve, prépondérance de preuve pour obtenir la confiscation, et la saisie avant jugement est ouverte au Procureur général par voie de demande ou de requête avant de commencer l'instance, au moment de la saisie, ou pendant l'instance, si on pense que la personne entre les mains de laquelle est le bien, ou sont les biens, commence ou a des velléités de se soustraire éventuellement à un jugement de confiscation. Alors, c'est tout simplement parce qu'on a voulu que le régime de la preuve civile s'applique à ces dispositions-là. On n'a pas voulu faire une loi qui soit une loi particulière avec un régime de preuve différent. On n'a pas voulu faire ça. On n'a pas voulu faire ça.
La Présidente (Mme Thériault): Merci.
M. Dupuis: Maintenant, je signale, pour les fins de la discussion... Excusez-moi, Mme la Présidente, je sais que vous trouvez que je parle trop longtemps. Mais je signale, pour les fins de la discussion, qu'en matière criminelle on a demandé un renversement du fardeau de la preuve ? et là c'est le fédéral qui va légiférer là-dessus ? en matière criminelle parce que le fardeau est tellement important et tellement imposant en matière criminelle, le hors de tout doute raisonnable, c'est un fardeau très, très lourd, on a demandé qu'il y ait renversement du fardeau de la preuve au criminel. Mais ça arrive. Mais pas au civil, on a voulu procéder en vertu du régime que vous connaissez: prépondérance de preuve.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre.
M. Dupuis: Donc, pas de renversement de fardeau.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va, M. le député? Oui? M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Bien, je suis étonné un peu de la rédaction à la fin du premier paragraphe. Parce que la requête pour saisir avant jugement, c'est quand même quelque chose d'assez exceptionnel, par définition, là. C'est pour ça que le Code de procédure limite l'application aux cas justement de mise en péril. Dans ce cas-ci, on finit... on a modifié la rédaction antérieure, là, en mettant que «lorsqu'il est à craindre que, sans cette mesure, les objets de la présente loi soient mis en péril», ce qui est assez, je vous dirais, large et même en même temps flou, alors que normalement le principe justement, en droit civil, d'une... pas d'une confiscation, là, on parle d'une requête en saisie avant jugement, c'est toujours la disparition des biens ou que le patrimoine soit dilué ou... Alors, auparavant, on avait mis «la confiscation des biens», donc on identifiait les biens en tant que tels qui étaient en péril, et là on parle des objets de la loi en péril. Autrement dit, ce qu'on vise... Parce que les objets de la loi, c'est la distribution des biens aussi, ce n'est pas... Tu sais, c'est plus large.
La Présidente (Mme Thériault): Me Nolin.
M. Nolin (Patrick): Si le bien disparaît, évidemment on ne pourra pas, plus tard, l'affecter ou on ne pourra pas non plus l'administrer, donc c'est pour ça qu'on l'a mis de façon générale. Mais ce qu'il fallait... Nous autres, le parallèle qu'on a fait vraiment avec 733, c'est qu'à 733 on prévoit que c'est une créance qui est mise en péril, mais, dans ce cas-ci, ce n'est pas une créance, puisque l'État ne détient pas une créance sur un bien qu'il va, dans un futur rapproché, confisquer un bien. Alors que, dans ce cas-ci, on vise vraiment les objets ? les objets, c'est la confiscation civile ? pour permettre par la suite la prévention, la distribution. C'est tout ça, les objets, là.
M. Bédard: O.K. Mais là on parle de biens meubles en particulier, c'est le but de la loi, là, saisir des autos...
M. Nolin (Patrick): Bien, ça peut être des biens immeubles aussi.
M. Bédard: Bien, des biens immeubles aussi d'ailleurs. Mais des biens immeubles, c'est plus dur à... qu'une créance, je vous dirais, là. Une créance, c'est un droit. Un bien immeuble, c'est dur à cacher. Quand c'est mis en péril, ça veut dire, par exemple, en matière immobilière, si, par exemple, la personne n'entretient plus son immeuble ou tente, bon, par des manoeuvres x... Mais on vise les biens, et le but de la loi, c'est de viser les biens meubles et immeubles en général.
M. Nolin (Patrick): Les biens.
M. Bédard: Alors, pourquoi on parle d'«objets» de la loi? La mise en péril, ce n'est pas, ce n'est jamais... L'objectif de la loi, c'est de saisir les biens, de les vendre, de les distribuer dans le cas où ils sont produits dans le cadre d'activités illégales. Le but d'une requête en... excusez-moi, là ? on est plus tard un peu ? une requête... une saisie avant jugement, excusez-moi, c'est justement de s'assurer que des biens ne disparaîtront pas, ou seront dilapidés, ou, bon, mal entretenus. Donc, on vise les biens en tant que tels, on ne vise pas l'objet. L'objet, il va se faire par la suite, dans l'application des requêtes ou dans l'application de la procédure qu'on a prévue à l'intérieur du projet de loi. C'est pour ça que je suis étonné...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: L'article, là, M. le député de Chicoutimi, ce qu'il dit, l'article, c'est: Lorsqu'il est à craindre que les divers objectifs de la présente loi soient mis en péril. C'est quoi, les objectifs de la loi? C'est la confiscation, la disposition et l'application du produit. C'est ça, les objets de la loi. C'est pour ça que ce sont les objets de la loi. C'est parce qu'évidemment je comprends votre raisonnement. Vous, vous dites: Les objets, dans le fond, c'est les biens. Mais ce n'est pas ça que l'article dit. Ce que l'article dit, c'est...
M. Bédard: Non, je sais.
M. Dupuis: O.K.
M. Bédard: C'est pour ça que c'est un problème, parce que les objets de la loi...
M. Dupuis: Pas un gros.
M. Bédard: Bien, c'est un problème assez fondamental. Pourquoi? Parce qu'une saisie avant jugement, c'est l'exception. Ça, ça veut dire qu'avant même de prouver quoi que ce soit, et là tu n'as fait aucune démonstration, tu va saisir des biens. O.K.? Donc, c'est...
M. Dupuis: Ta, ta, ta! Il y a un fardeau. Il y a un fardeau pour le Procureur général qui souhaite obtenir un jugement de saisie avant...
M. Bédard: Oui, oui.
M. Dupuis: C'est-à-dire, on va saisir avant jugement, mais il faut justifier devant le tribunal pourquoi on a fait la saisie avant jugement. Or, la saisie avant jugement, ce qu'on dit dans la loi, c'est qu'elle pourra être accordée par le juge, la requête en saisie avant jugement, si on réussit à prouver que «les objets de la présente loi soient mis en péril», c'est-à-dire la confiscation, la disposition et la distribution du produit.
n(22 h 40)nLa Présidente (Mme Thériault): M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Ce qui m'étonne, M. le ministre, amicalement... Je le sais, mais là on est à la requête avant justement que le juge soit pris devant le dossier sur la requête pour distribution du bien, finalement, là, on est au début, et le critère normalement, c'est soit la disparition mais d'un bien en tant que tel, pas qu'on n'atteindra pas le but visé par la loi. Et c'est d'ailleurs ce qu'on retrouvait dans l'ancien texte. L'ancien texte parlait d'une confiscation civile de ces biens serait mise en péril.
M. Dupuis: Non, mais, regardez, là...
M. Bédard: Autrement dit, qu'on ne puisse pas... Parce que les biens en tant que tels... donc la possibilité de confisquer serait mise en péril parce que ces biens sont en train de disparaître, les biens en tant que tels, ou sont mal entretenus, ou, pour une auto, elle est en train de passer... je ne le sais pas, elle est sur un bateau pour s'en aller quelque part, là. C'est ça, le but.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Si vous regardez l'article 733 du Code de procédure civile: «Le demandeur peut, avec l'autorisation d'un juge, faire saisir avant jugement les biens du défendeur, lorsqu'il est à craindre que sans cette mesure le recouvrement de sa créance ne soit mis en péril.» C'est exactement, je veux dire, mutatis mutandis, là, en appliquant le raisonnement de 733 que l'article 14 a été rédigé. C'est-à-dire que c'est clair, dans l'article 733, que ce qui est à craindre, c'est que le recouvrement de la créance ne soit mis en péril. C'est ça, l'objet de l'article 733. L'objet de, nous, l'article 14, c'est que la confiscation, la disposition et la distribution de l'argent soient mises en péril par des agissements du défendeur, c'est sûr.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: C'est ça. Mais la créance, c'est un droit existant, ça, c'est une dette. Elle est réelle. Là, dans ce cas-ci, si on peut intervenir... Là, on n'a aucun droit, on part de zéro, là. On parle de gens qu'on pense qu'ils ont des activités qui sont illégales, O.K., et dont on veut saisir les biens pour les vendre. En partant de zéro...
M. Dupuis: Non, mais entre les mains desquels on veut obtenir une ordonnance de confiscation pour être en mesure de disposer du bien.
M. Bédard: Et voilà, Ça, c'est le but de la loi. Ça, c'est le but de la loi.
M. Dupuis: C'est ça, c'est l'objet de la loi.
M. Bédard: Mais là c'est comme si vous tourniez en rond. Vous dites: Je vais saisir avant jugement, parce que le but de la loi, c'est de justement confisquer les biens. Or, le droit que vous donnez, moi, je pense, justement, de... alors qu'une créance, elle existe, elle est réelle. Là, à ce moment-ci, vous partez ne d'aucun droit. Vous partez de soupçons, de possibilités. Alors, moi, je pense que normalement un régime qui tiendrait compte de la propriété... Si tu veux agir en amont de ta procédure, c'est dans le cas où tu as une crainte de la disparition d'un bien, du bien en tant que tel qui va faire l'objet de la confiscation.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le ministre.
M. Dupuis: M. le député de Chicoutimi, Mme la Présidente, on va se parler en termes concrets, là. On se présente devant le juge pour obtenir un jugement de saisie avant jugement en alléguant la chose suivante: Nous avons une requête pour confiscation d'une maison, d'une auto et d'un bateau, M. le juge, et nous craignons que les agissements du défendeur fassent en sorte que nous ne puissions aboutir à cette ordonnance de confiscation, qui va faire en sorte qu'on va pouvoir disposer du bien et distribuer le produit de la vente. C'est pour ça qu'on va en saisie avant jugement, et c'est ça qu'on va alléguer.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Oui, mais, M. le ministre, si vous lisez votre article, vous allez voir: «Le Procureur général peut, à tout moment de l'instance ou même avant...» Ça veut dire qu'il n'y a aucune procédure, il n'y a rien. Tout ce qu'il y a tout d'un coup, il apparaît cette requête-là qui dit simplement: Il y a une possibilité. Mais là il n'y a rien au dossier, si ce n'est qu'on a un but qui est... excusez-moi, là, qui est celui de prévoir que ces biens visés par la demande qui... Dans ce cas-là, elle n'existera pas, la demande, là.
M. Dupuis: M. le député de Chicoutimi, c'est exactement, exactement la même situation, celle-ci, qu'en matière criminelle, où on va devant un juge pour bloquer des biens, faire bloquer des biens. C'est une expression juridique en droit criminel, «faire bloquer des biens»...
M. Bédard: Quand il y a des accusations, quand il y a des accusations.
M. Dupuis: Même avant qu'il y ait des accusations. Souvent, on fait une demande de confiscation à l'aide d'un affidavit qu'on va présenter en chambre, devant le juge. Il n'y a pas un accusé encore, là.
M. Bédard: Oui, mais là c'est pour la preuve.
M. Dupuis: Non, mais c'est parce que c'est des matières... C'est parce que c'est en urgence qu'on y va, M. le député de Chicoutimi. Là, on parle de bandits qui acquièrent des biens à la suite d'activités illégales. Il y a des situations qui sont urgentes.
M. Bédard: Moi, ce que je prévois, là, M. le ministre, regardez...
M. Dupuis: Il ne faut même pas que le défendeur sache qu'on va faire une ordonnance de confiscation éventuelle parce qu'il va se débarrasser du bien. C'est ça. On va devant le juge. On va devant le juge. Là, on va devant le juge puis on dit: Voici les preuves qu'on a. On voudrait saisir avant jugement un certain nombre de biens parce que nous craignons que nous ne puissions être en mesure de donner suite à notre loi qui permet qu'on confisque un certain nombre de biens entre les mains du défendeur. C'est ça qu'on fait.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Ce qui est étonnant, là, ça ouvre la porte à des abus, honnêtement. Et je vais vous le dire. Pourquoi? Parce qu'on prévoit avant. Et là il faut bien comprendre l'impact, là, pour une personne qui, elle, n'a rien à se reprocher, qui fait l'objet d'une telle requête. Le seul fardeau qu'a à démontrer l'administration publique, c'est de dire: Moi, éventuellement, je vais présenter une requête. Et cette personne-là...
Une voix: ...
M. Bédard: Non, non, non! Lisez l'article comme il faut, là. Alors, l'article, il dit: «Le Procureur général peut, à tout moment de l'instance ou même avant...» Ça veut dire, il n'y a aucune procédure de prévue. Et il commence en disant: Moi, j'ai ciblé ce bien-là ? un immeuble quelconque ? j'envoie une saisie avant jugement. Mais je n'ai rien, là, je n'ai pas une créance, là, je n'ai rien, je n'ai pas de requête, je pars à zéro, et j'envoie une requête qui a un effet assez... un impact assez fort, mais où la discrétion du juge est très limitée parce que, le juge, tout ce qu'il doit déterminer, lui: les objets qui sont prévus à la loi. Alors, même si le bien n'est pas en péril, est-ce que ça va empêcher de réaliser la loi... les objets de votre loi, même si je n'ai aucun dossier d'ouvert, s'il n'y a aucune requête qui est présentée pour confisquer ces biens-là?
M. Dupuis: Non, non, mais, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre, pour la réponse, et après ça...
M. Dupuis: Mme la Présidente. Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, juste 30 secondes, M. le ministre.
M. Dupuis: Le défendeur peut s'opposer à la saisie avant jugement. Il va avoir quelque chose...
M. Bédard: ...les moyens.
M. Dupuis: Non, non, mais c'est la même chose que dans les biens bloqués. Dans les biens bloqués, à partir du moment où on a une ordonnance de blocage, on doit le signifier à la personne entre les mains de laquelle on bloque. Alors, dans une saisie avant jugement, on va être obligé de signifier au défendeur la saisie avant jugement. Il peut s'opposer à la saisie, il peut faire obtenir une mainlevée de saisie; il y a une procédure qu'il peut faire valoir devant le tribunal. On est en matière d'urgence. Et il va falloir démontrer aussi qu'on a un bien qui est confiscable, M. le député de Chicoutimi, il va falloir faire une preuve au juge qu'on a un bien qui est confiscable. Donc, il va falloir donner au juge des... Il va falloir qu'on commence une preuve devant le juge qu'on a des biens qui sont à être confisqués.
La Présidente (Mme Thériault): Là, j'ai...
M. Dupuis: Et Me Nolin voudrait ajouter quelque chose, avec votre permission.
La Présidente (Mme Thériault): Je vais laisser Me Nolin compléter la réponse du ministre, je vais revenir au député de Chicoutimi, mais j'ai la députée de Gatineau qui m'a signalé depuis longtemps son intention de faire une intervention sur le même sujet. Donc, je vais accepter son intervention après la vôtre, M. le député de Chicoutimi. Me Nolin.
M. Nolin (Patrick): Je voulais seulement ajouter concernant le fait qu'on peut démarrer le processus de saisie avant que la procédure soit déposée. Si vous regardez l'article 740 du Code de procédure civile, il prévoit que, «lorsque la requête introductive d'instance n'a pas été signifiée au défendeur avec le bref de saisie, le demandeur doit la produire au greffe dans les cinq jours, avec une copie pour le défendeur». Donc, c'est le même principe qu'en droit civil.
M. Bédard: C'est ça.
M. Nolin (Patrick): Donc, on va pouvoir déposer la demande et après ça faire la demande.
M. Bédard: La différence, c'est que j'ai un droit. En droit civil... Parce que, là, on est en droit civil, il faut un peu réfléchir en droit civil. On utilise ça à des fins autres, mais il reste qu'on est en droit civil.
M. Nolin (Patrick): Mais le Procureur général croit qu'il a le droit de confisquer ce bien-là en vertu de cette loi-là...
M. Bédard: Avec rien.
M. Nolin (Patrick): Avec quoi?
M. Bédard: Avec rien.
M. Dupuis: Non.
M. Nolin (Patrick): Bien non. Il va se présenter avec un affidavit. Il va arriver avec un...
M. Bédard: Non, non, mais qui dit simplement: Je veux atteindre les buts prévus par la loi. Je veux atteindre les objets.
M. Nolin (Patrick): Non. Ce qu'il va venir dire, le Procureur, dans son affidavit, c'est de dire: Il y a tel bien, tel bien, tel bien qu'on va demander la confiscation si la requête introductive d'instance n'est pas encore prête, puis il y a urgence, c'est qu'on veut confisquer ces biens-là, et que, si on ne peut pas avoir, obtenir la saisie avant jugement dans ce cas-ci, bien il y a des risques que, par exemple, le défendeur se sauve en Ontario avec ces biens. Donc, là, nous, c'est pour ça que les objets de la loi ne pourront pas être respectés. Donc, on va invoquer cela.
M. Bédard: Pourquoi vous avez modifié l'ancienne rédaction?
M. Nolin (Patrick): C'est parce qu'il faut aller plus loin que seulement parler de confiscation civile. Parce que je peux arriver avec un bien puis dire: Bon, regardez... Exemple, je prends un immeuble. Donc, l'objectif, si je limite ça à la confiscation civile, c'est que je vais dire: Ah, O.K., l'objet de la loi, c'est d'obtenir la confiscation civile de la maison, et l'affectation, et tout ça avec; sauf que, si je le limite à la confiscation civile et que je confisque une maison, puis le défendeur, lui, ce qu'il décide de faire, c'est de briser la maison pour lui enlever toute valeur, donc les objets de la loi ne seront pas remplis parce qu'il va avoir détruit l'immeuble pour lui enlever sa valeur, mais ça n'empêchera pas le Procureur général de confisquer l'immeuble, en bout de ligne, même s'il n'a plus de valeur.
n(22 h 50)n Donc, les objets de la loi, c'est l'affection puis de permettre justement, grâce aux sommes qui seraient récupérées sur cette maison-là avant qu'elle soit détruite... bien, va pouvoir servir à des sommes pour la prévention, etc. C'est l'ensemble qu'il faut regarder, là. Parce que, si on le limite à juste dire «confiscation civile», bien on pourrait confisquer une maison qui est en piteux état puis priver dans le fond le...
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Ça va, Me Nolin? Merci. Je reviendrai à vous après, M. le député de Chicoutimi. J'ai la députée de Gatineau.
Mme Vallée: Merci, Mme la Présidente. Mon intervention était similaire à celle qui vient d'être faite, c'est-à-dire que le Code de procédure civile va continuer d'avoir application. Il y a des mesures d'exception, entre autres l'article 740. Et, comme on est en matière civile, peut-être faire une analogie avec toutes les procédures d'injonction, une injonction interlocutoire provisoire, qui peut être émise avant même le dépôt de l'injonction principale. Alors, on est en mesure de protection, protection d'un patrimoine, parce qu'on sait que dans certains cas les individus visés pourraient être informés des procédures qui se préparent et tenter de porter atteinte. Alors, c'est la protection à quelque part du public, d'une certaine façon, ne pas permettre aux criminels et aux gens visés par la loi de s'en sortir et avoir en place des mesures d'exception. Alors, c'est ce qui en est. Et ce n'est pas quelque chose d'exceptionnel. Quiconque a pratiqué en droit civil connaît ces mesures-là, connaît ces mesures au Code de procédure civile. Alors, je pense qu'on fait un gros débat, ce soir, pour peu de chose, là, c'est très clair.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Bien, c'est son avis, et je le respecte, là, oui. Le jour où vous aurez une requête comme ça sur votre immeuble... Non, mais le but, c'est quoi? C'est toujours éviter justement les dérapages. Là, on crée un recours exceptionnel qui a toute l'apparence d'une procédure criminelle mais avec un... de preuve qui est, lui, civil, dans un objectif qu'on... Et on le respecte, ça, et même qu'on l'élargit à l'occasion, on souhaite l'élargir. Mais il reste quand même qu'entre vous et moi, là, avoir une saisie avant jugement civil, puis avoir une saisie avant jugement en vertu de l'article 14, dans ta vie, là, c'est quand même assez différent, merci, là.
Une voix: ...
M. Bédard: Non, non, mais la réalité, c'est que c'est ça, quelqu'un qui a à se défendre, au départ, je peux vous dire que, là, ça lui fait un lourd fardeau. Puis on a des gens, ça peut être des actionnaires de compagnie qui ne savent même pas et là ils sont pris. Ça peut s'étendre à plein de choses. Et c'est pour ça que... et on l'avait... Parce que, là, ce que je me rends compte, c'est qu'on l'a laissé même passer ou même avant, alors que ça peut très bien se faire lors du dépôt de la requête. Au moins, tu as toute la preuve au dossier, qui ne porte pas strictement sur le bien en tant que tel, sa disparition, mais bien sur le fondement de ta requête, le fondement de ta demande: Voici la preuve que j'ai à présenter dans ma requête. Alors que le juge, lui, n'a qu'à étudier: Est-ce que le bien correspond... Est-ce que ça peut être en péril, selon les objectifs de la loi? C'est tout ce qu'il a à répondre en vertu de l'article 13, il ne doit pas se poser la question: Est-ce que c'est vraiment un bien acquis dans le cadre d'activités illégales? Il n'y a même pas l'apparence de droit qu'on peut retrouver d'ailleurs dans le cas d'une injonction, il n'y a rien.
M. Dupuis: M. le député de Chicoutimi...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: ...je respecte votre intervention et votre opinion sur ce sujet-là, mais, de bonne foi, là, je pense que vous êtes dans l'erreur. La requête, la requête pour la saisie avant jugement doit obligatoirement... la preuve qui est faite devant le tribunal doit obligatoirement alléguer et être en mesure de prouver que le bien dont on veut obtenir éventuellement la confiscation et la disposition est un bien qui est acquis à la suite d'activités illégales absolument, absolument, absolument, parce que le juge, sans ça, ne la donnera pas, la saisie avant jugement.
M. Bédard: Là, excusez-moi, où je ne fais pas erreur, puis en tout respect...
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Chicoutimi, je m'excuse, on va juste essayer de garder un petit peu de contrôle.
M. Bédard: Oui, oui, mais, c'est ça, mais on a le contrôle.
La Présidente (Mme Thériault): Excusez-moi. Est-ce que vous aviez terminé?
M. Dupuis: Non.
La Présidente (Mme Thériault): Je vais laisser le ministre terminer. Par la suite, je vous redonnerai la parole, M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Où le ministre fait une erreur, c'est sur sa prémisse, là.
La Présidente (Mme Thériault): Bien, regardez, M. le député de Chicoutimi, je vais laisser...
M. Dupuis: ...
M. Bédard: Bien, vas-y, mais c'est clair que ce n'est pas ça.
La Présidente (Mme Thériault): Je vais laisser le ministre terminer et je vous redonnerai la parole après. M. le ministre.
M. Dupuis: Alors, dans ces matières-là, quand le Procureur général va se présenter devant le tribunal pour demander la saisie avant jugement d'un bien, il va devoir alléguer qu'il y a un péril que l'objet de la loi ne puisse être rencontré, c'est-à-dire la confiscation et la disposition, là. Ça, vous êtes d'accord avec ça. Pour être en mesure de démontrer qu'il y a un péril qu'il ne puisse pas y avoir de confiscation par suite des agissements du défendeur, le Procureur général, il va être obligé d'avoir une preuve que le bien est acquis par des activités illégales. Sans ça, la demande de saisie avant jugement n'a aucun objet, n'a aucun objet.
Et là je fais la relation avec la saisie avant jugement qui est prévue au Code de procédure civile, à l'article 733. Il faut évidemment que le demandeur, au moment où il fait sa demande de saisie avant jugement, comme en injonction, comme le disait la députée de Gatineau... doit démontrer ? en tout cas, j'emploie une expression qui est moins juridique ? la pertinence de sa demande devant le tribunal. Il va être obligé de démontrer ça. Sans ça, le juge va dire: Un instant, là, vous me demandez à moi de saisir un bien puis vous n'alléguez pas que ce bien-là est obtenu à la suite d'activités illégales. Vous venez me demander quoi? C'est comme ça qu'il va réagir, le juge.
Mais non seulement ça, M. le député de Chicoutimi, puis je termine là-dessus, mais non seulement ça, M. le député de Chicoutimi, mais il va devoir signifier à la personne entre les mains de laquelle le bien est détenu la requête pour saisie avant jugement ou déposer au greffe dans les cinq jours sa demande de saisie avant jugement pour que le défendeur puisse faire valoir ses arguments. Si, par exemple, ça devait, comme votre hypothèse le soulève, être une personne de bonne foi qui n'a aucune activité illégale, elle va pouvoir faire valoir ses droits. On ne veut pas prendre personne par surprise. Ce qu'on veut éviter, par contre, M. le député de Chicoutimi, c'est qu'une personne dilapide son patrimoine pour que l'État ne puisse pas réaliser le bien. Et ça, ça arrive, ça arrive.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Là, j'ai le député de Chicoutimi, j'ai également le député de Mercier, et j'ai le député de Saint-Hyacinthe, et vous êtes tous sur le même sujet. Donc, je vais le faire en alternance, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Donc, M. le député de Chicoutimi, la parole est à vous.
M. Bédard: Alors, simplement, c'est qu'à cette étape-là, et j'en ai fait, des saisies avant jugement, j'ai fait des injonctions, tout ce qu'ils ont... ils ont seulement à alléguer qu'il y aura une requête. Le juge, tout ce qu'il va vous dire, c'est: Vous ferez votre preuve au moment du fond; moi, ce que j'ai à déterminer, c'est la mise en péril.
Non, non, mais ça, c'est la réalité, là. Parce que, lui, ce qu'il a à juger, c'est la mise en péril. Il n'a pas à juger de: Est-ce que vous avez commis ou non une activité illégale? Ça ne l'intéresse même pas. Elle est alléguée, c'est une preuve. À partir du moment où elle est alléguée, c'est une preuve. Tu ne peux même pas faire la preuve contraire, il va dire: Vous ferez valoir vos moyens au fond, Me Bédard... peu importe, à l'avocat: Vous ferez valoir vos moyens sur le fond; à cette étape-ci, tout ce que j'ai à déterminer, moi, c'est si les biens sont en péril ou non, parce que les activités illégales sont alléguées.
Alors, on n'a pas à faire la démonstration, il y a un affidavit. Un affidavit vient... c'est un témoignage qui crée l'apparence de droit qu'il y a une violation, qu'il y a une activité illégale. Et, même si tu as un affidavit qui dit: Il n'y en a pas, le juge, il prend les deux affidavits: Ça, c'est le juge de fond qui va déterminer ça, ce n'est pas moi. Moi, l'étape où on est, c'est: Est-ce qu'il y a une mise en péril ou non? Il y en a une, puis vous alléguez que vous allez avoir une requête, j'ordonne la saisie avant jugement.
Et je reviens. Donc, c'est quand même assez exceptionnel. Alors que personne ne peut invoquer... par exemple, dans une saisie avant jugement, si tu n'invoques pas ta créance, tu ne peux pas avoir ta saisie avant jugement. Et, dans ce cas-ci, on ne peut pas rien invoquer, si ce n'est qu'ultimement il y aura une requête: Il y a eu des activités illégales. C'est quand même...
Où je suis un peu, je vous dirais... où j'ai peur qu'on aille trop loin, c'est que c'est exceptionnel, cette procédure-là. Et là on lui donne tous les avantages de la procédure civile, mais avec des conséquences qui restent quand même, pour l'individu, pas mal criminelles. Et là c'est pour ça que, moi, j'invite le ministre peut-être ? on ne finira peut-être pas ce soir, là ? et ceux qui l'entourent à réfléchir là-dessus: Est-ce qu'on a besoin d'aller jusque-là?
Et, moi, je suis d'accord, des fois il faut prendre par surprise, puis souvent les criminels, il faut les prendre par surprise puis il ne faut pas... Mais, moi, je pense qu'il y a moyen de faire coordonner les deux en même temps, là. Il n'y a rien de très difficile, là, au moins à cette étape-ci, d'avoir en même temps la demande au fond et, si on veut, en plus, de revenir à l'ancienne...
Une voix: À l'ancien libellé.
M. Dupuis: Je vais régler, je vais régler.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
n(23 heures)nM. Dupuis: Je vais accepter votre suggestion qu'on y réfléchisse parce que manifestement on ne finira pas ce soir, là, c'est évident. Mais êtes-vous d'accord avec moi? Vous n'avez pas besoin de répondre à ça, mais je pense que, si on réussissait à vous démontrer qu'au moment de la requête pour saisie avant jugement le Procureur général doit alléguer qu'il y a un instrument qui provient de... qu'il y a un instrument qui a servi à une activité illégale ou qu'il y a une activité illégale qui a eu lieu, je pense que vous allez être d'accord avec moi qu'à ce moment-là l'article est rédigé correctement. Parce que dans le fond votre objection, c'est que vous dites: Aïe, aïe! vous arrivez devant le juge puis vous n'êtes même pas obligé d'alléguer qu'il y a une activité illégale ou même de faire une preuve qu'il y a une activité illégale. Si on vous démontre que ce n'est pas le cas, peut-être qu'on pourra s'entendre facilement. Ça va? O.K. Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Donc, à ce moment-là, est-ce que vous voulez poursuivre les interventions?
M. Dupuis: On va le suspendre. Bien, on va le suspendre.
La Présidente (Mme Thériault): Non? On suspend pour cet article-là?
M. Dupuis: On va le suspendre.
M. L'Écuyer: (Panne de son) ...et, à l'intérieur de l'affidavit sur le 733, bien il faut être en mesure de prouver que c'est l'équivalent à une fraude pour être capable d'obtenir la saisie avant jugement. Et, cinq jours après, on va déposer notre requête comme telle. Et, à ce moment-là, je pense que, si jamais la saisie avant jugement ne passait pas ou n'était pas acceptée par le juge, ça ferait pitié un peu pour le reste de la procédure, selon moi.
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Mais ça, c'est que ce qu'il faut savoir, c'est que, dans les faits, pratiquement parlant ? puis c'est ça qu'on discutera la prochaine fois ? avec la requête pour saisie avant jugement il y a l'affidavit. Dans l'affidavit, il y a l'allégation qu'il y a un instrument qui a servi à des activités illégales ou que le bien a été acquis à la suite d'activités illégales. Sans ça, vous avez raison, ça ne repose sur rien. Sans ça, ça ne repose sur rien. Mais ça ne se peut pas que ce soit ça. C'est dans ce sens-là. O.K?
La Présidente (Mme Thériault): J'avais encore le député de Mercier, mais j'ai le député de Lévis aussi qui a une question d'ordre général ou d'information, M. le ministre, avant de suspendre l'article.
M. Lévesque: Juste pour ma compréhension. On parlait tantôt de titres qui devenaient des biens...
Une voix: ...
M. Lévesque: Des titres qui deviennent un bien meuble. En devenant propriétaire des titres, est-ce que le gouvernement se trouve à être régi par la convention entre actionnaires ou s'il en est exempté? Je donne un exemple. Parce que, moi, aussitôt que j'acquiers le titre, est-ce que je deviens régi par le fait qu'il faut que je revende absolument aux trois autres actionnaires? Parce que, dans la convention d'actionnaires... disait qu'il fallait que je revende aux trois actionnaires avant de proposer à l'extérieur. Ou est-ce que le gouvernement en est exempté complètement?
M. Dupuis: Normalement, oui.
M. Lévesque: La convention d'actionnaires...
M. Dupuis: Normalement, oui, à la condition ? attention, là ? à la condition qu'il n'y ait pas une preuve qui a été faite à l'effet que les autres actionnaires ont aussi des activités illégales.
Une voix: ...
M. Dupuis: Bien, oui, c'est ça. Mais, si les trois autres actionnaires ont fait valoir leurs droits ou ont fait valoir leur possession de bonne foi, hein, puis qu'on obtient le jugement contre la partie qui provient d'activités illégales, on sera obligés de respecter la convention des actionnaires puisqu'on est substitués au propriétaire avec les obligations qui y sont attachées.
Alors, moi, je répondrai oui à votre question. Le Procureur général sera guidé, entre autres sur la disposition du bien, par la convention des actionnaires. Il pourrait, à ce moment-là, s'il y a dans la convention, l'obligation d'offrir aux autres actionnaires l'action, il pourra le faire. Il ne faut pas oublier que ces trois actionnaires-là sont honnêtes, là, dans l'hypothèse que vous soulevez, alors on va agir correctement.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Mercier, une dernière petite intervention avant de suspendre définitivement l'article et de passer à l'article n° 15.
M. Turp: En fait, Mme la Présidente, mon intervention portait sur l'article 10 parce que tout à l'heure le ministre nous invitait à faire une nouvelle rédaction. Non?
Une voix: ...
M. Turp: Je l'ai fait. C'est juste pour vous en informer. Je pourrais vous la lire et la distribuer.
La Présidente (Mme Thériault): Alors, l'article 10 est suspendu.
M. Turp: L'article 10, on avait suspendu pour permettre de faire une nouvelle rédaction.
La Présidente (Mme Thériault): Bon. Là, ça me prendrait, premièrement, un consentement pour revenir sur l'article 10. Sinon, puisqu'on a déjà suspendu 14, on peut attendre également lorsque nous allons revenir, puisqu'on ne terminera pas ce soir, c'est évident à l'heure qu'il est là. Donc, à ce moment-là, on pourrait...
M. Dupuis: Donc, ce qui serait utile, Mme la Présidente, si vous me permettez...
La Présidente (Mme Thériault): Oui. C'est utile pour la suite?
M. Dupuis: Oui. Il serait utile qu'il puisse déposer son amendement. S'il veut le lire, je n'ai pas d'objection. Mais il pourrait le déposer tout de suite, qu'on le regarde jusqu'à temps qu'on revienne.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. On va distribuer l'amendement, s'il vous plaît, M. le député.
M. Turp: ...au secrétaire.
M. Dupuis: ...
M. Turp: Non, non...
La Présidente (Mme Thériault): Puis-je vous suggérer...
M. Turp: Si vous voulez, mais je n'y tiens pas nécessairement.
La Présidente (Mme Thériault): Je vais vous suggérer qu'on puisse le déposer, qu'on le reçoive, qu'on le photocopie. On va passer à l'article n° 15 et on reviendra à l'article n° 10 après, lorsque tous les parlementaires auront copie de l'amendement et qu'on pourra en discuter plutôt que de suspendre nos travaux, le temps des photocopies. De consentement, ça vous va? Parfait. Donc, M. le ministre, je vais vous demander de passer à l'article 15.
M. Dupuis: Alors, l'article 15 se lit ainsi: «Nul ne peut opposer le moyen de la prescription extinctive à une demande introduite en application des dispositions de la présente section.
«Un propriétaire de bonne foi peut toutefois, relativement aux biens que la demande vise, y opposer le moyen d'une prescription acquisitive accomplie en sa faveur ou en faveur de ses auteurs.»La Présidente (Mme Thériault): Commentaires, questions à l'article 15? M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Oui. Oui, comme le dit si bien le ministre, ça va de soi. Sauf qu'«acquisitive», je n'ai pas de problème avec la question acquisitive au niveau de l'application, mais «extinctive», la prescription extinctive, est-ce que vous avez un exemple concernant le trois ans, exemple, de prescription extinctive? Ou comment vous voyez l'application d'une prescription extinctive à une demande introduite en application des dispositions de la présente section?
La Présidente (Mme Thériault): Oui, Me Nolin.
M. Nolin (Patrick): Alors, concernant la prescription extinctive, vous pourriez avoir le cas d'une personne qui a utilisé une voiture pour faire des activités illégales, elle ne pourrait pas invoquer, au bout de trois ans, que ça fait trois ans qu'elle possède son véhicule et qu'on ne peut pas entreprendre un recours contre elle. Donc, évidemment, c'est des règles qui sont prévues au Code civil, tout ce qui concerne la prescription extinctive. Donc, on ne peut pas dire que votre recours est prescrit parce que ça fait trois ans que le véhicule a été utilisé pour une transaction de drogue, par exemple.
M. Dupuis: Et je vais illustrer...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Avec votre permission, Mme la Présidente. Et je vais illustrer pourquoi on l'indique dans la loi. Souvent, on ne déposera pas de demande de confiscation d'un bien parce que l'enquête policière n'est pas terminée puis on ne veut pas brûler l'enquête policière, on ne veut pas que les sujets de l'enquête soient alertés à l'enquête policière. Donc, on va laisser entre les mains de l'individu pendant une période de plus trois ans, par exemple, une voiture dont éventuellement on va demander la confiscation. C'est pour ça qu'on... Ça, c'est l'illustration de la situation.
M. L'Écuyer: ...demander à M. le ministre, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de député de Saint-Hyacinthe, oui.
M. L'Écuyer: Simplement, acquisitive, je vous suis au niveau de la prescription acquisitive. La prescription extinctive, j'ai de la difficulté...
M. Dupuis: Extinctive de droit.
M. L'Écuyer: Oui, extinctive de droit, oui, mais pas... Là, on va en parler. Dans le deuxième paragraphe, on parle de l'acquisition acquisitive. Alors, à ce moment-là... La prescription acquisitive. J'obtiens un bien, ça fait tant d'années que je l'ai, donc, à ce moment-là, je peux invoquer qu'effectivement j'ai une prescription sur ce bien.
Mais, lorsque j'arrive à la prescription extinctive, je comprends que, lorsque je pars du principe que peu importe au moment où vous prenez votre action, votre requête introductive d'instance sur la confiscation des objets comme tels, des produits et activités, mais il n'y a pas de prescription, parce que, comme on dit, ce qui est un acte illégal, je pense, automatiquement, personne ne peut invoquer une prescription de non-poursuite, si je peux m'exprimer comme ça, parce que je n'ai pas été poursuivi. J'ai en fait trois ans de prescription. Mais j'ai de la difficulté à rattacher cet article-là à la prescription extinctive et aussi aux dispositions de la présente section.
La Présidente (Mme Thériault): Me Nolin.
M. Nolin (Patrick): Vous avez, par exemple, un immeuble, vous êtes propriétaire d'un immeuble, et votre immeuble a été acquis il y a plusieurs années, à la suite d'une transaction de drogue. Nous, on l'ignorait et on le découvre. Donc, à partir du moment où est-ce qu'on le découvre, on ne pourra pas venir nous dire: Ah, nous, ça fait tant d'années qu'on possède ce bien-là et... ça fait plus de trois ans, par exemple, que les activités illégales ont été commises, donc il n'y a pas de poursuites qui peuvent être entreprises contre nous. On ne pourra pas invoquer ça, on ne pourra pas invoquer ces faits-là pour opposer, à partir du moment où est-ce qu'on dépose l'action, pour dire: Regardez, ce n'est pas opposable.
Mais on est en matière civile, on n'est pas en matière criminelle. En matière criminelle, il n'y a pas de prescription sur les actes, mais, en matière civile, il existe des prescriptions générales, là. Donc, on ne pourra pas opposer que le fait générateur pour faire la confiscation a eu lieu il y a plus de trois ans.
J'ai une voiture de quatre ans que j'ai achetée il y a quatre ans avec de l'argent provenant de sources illégitimes. Bien, au bout de quatre ans, même si le Procureur général vient demander la confiscation, moi, je ne pourrai pas lui opposer: Regardez, ça fait plus de trois ans que j'ai le bien, et, moi, je l'ai acquis... Même si les activités illégales ont été faites avant, je ne pourrai pas lui opposer ça. C'est ça, l'objectif. C'est un peu pour donner un peu le même effet qu'en matière criminelle, alors qu'il n'y a pas de prescription pour les...
M. L'Écuyer: Mme la Présidente; le principe de la non-prescription, je le comprends bien au niveau de l'extinctive, mais, au niveau... Habituellement, je prends une action parce qu'il se passe telle situation, on va prendre en responsabilité civile, il se passe telle chose, alors j'ai trois ans de prescription. Là, ce que l'on fait, c'est qu'on prend une requête introductive d'instance en disant: Je confisque ces biens-là. Alors, en défense, on ne pourrait pas m'invoquer quelque prescription extensive. Mais basée sur quoi? Basée sur quel fait? Basée sur quel contrat? Il faut...
n(23 h 10)nM. Nolin (Patrick): Bien, basée sur des activités illégales qui ont été commises il y a plus de trois ans, par exemple. On ne pourrait pas dire: Regardez, moi, ça fait plus de trois ans que mes activités illégales sont faites, donc vous ne pouvez pas demander la confiscation du bien puisque c'est prescrit, le fait générateur est prescrit.
M. Dupuis: On ne peut pas... C'est ça.
La Présidente (Mme Thériault): Je pense que le légiste aimerait intervenir. Me Francoeur, regardez, ici, si vous vous approchez par ici, là, il y a un micro. Il n'y a pas de problème.
M. Charbonneau (Pierre): Est-ce que vous m'entendez? Oui? Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Oui, la régie...
M. Charbonneau (Pierre): Simplement parce que c'est une action, c'est un recours en confiscation civile, et, en matière civile, la prescription pour exercer un recours ou une action, c'est trois ans, et c'est tout simplement pour ça qu'il faut le préciser. La précision a été apportée, je pense, pour ce motif-là. Mais on est...
M. Dupuis: Autrement dit, là, si on n'avait pas...
M. Charbonneau (Pierre): Alors qu'en matière pénale...
M. Dupuis: Mais, s'il n'y avait pas cette disposition-là, une personne pourrait prétendre dans les faits: Oui, j'ai acquis ce bien-là à la suite d'activités illégales, mais il y a cinq ans. Ça fait cinq ans que je le possède. Je n'ai eu aucune activité illégale depuis cinq ans, donc vous ne pouvez pas me poursuivre.
Alors, c'est pour éviter cette situation-là. Autrement dit, quand le bien a été acquis à la suite d'activités illégales, peu importe à quelle date, on pourra toujours aller le chercher. C'est ça, l'objectif du projet de loi. C'est dans ce sens-là.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau?
M. Dupuis: Par contre, le propriétaire de bonne foi, lui, va pouvoir invoquer la prescription acquisitive de droit, s'il est de bonne foi, s'il est de bonne foi. S'il n'est pas de bonne foi, non.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau? Merci.
M. L'Écuyer: Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Du côté de la deuxième opposition, est-ce que ça va?
M. Bédard: Bien, peut-être, on va profiter de...
La Présidente (Mme Thériault): Oui. M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Mais, même la prescription extensive, si tu es de mauvaise foi, tu peux l'invoquer quand même?
M. Dupuis: Non, on ne pourra pas...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Bédard: Mais extinctive?
M. Nolin (Patrick): Bien, la mauvaise foi, dans un cas comme celui-là... Bien, si on ne parle pas d'activités illégales. Mais, dans un autre cas, au civil, si je suis de mauvaise foi puis je vous cause un dommage, vous avez encore trois ans pour me poursuivre, que je sois de bonne ou de mauvaise foi. C'est la même chose, là, donc...
M. Bédard: Effectivement.
M. Nolin (Patrick): Pour l'extinctive, là.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau?
M. Bédard: C'est beau.
La Présidente (Mme Thériault): Parfait. Est-ce que l'article 15 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Ça me prend le consentement pour revenir à l'article n° 10. Consentement pour l'article n° 10?
Des voix: Oui.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Mercier, puisque vous déposiez un amendement, je vais vous demander de le lire et après on en débattra? M. le député de Mercier, pour votre amendement.
M. Turp: Merci, Mme la Présidente. C'était tout simplement pour alléger cette disposition, là, et la...
Des voix: ...
M. Turp: Ça va? Je continue?
La Présidente (Mme Thériault): Oui, vous pouvez faire la lecture de l'amendement.
M. Turp: Alors donc: «Lorsque le tribunal fait droit à la demande, il statue, le cas échéant, sur la demande incidente en inopposabilité présentée par le Procureur général. Il déclare inopposables tous les droits portant sur les biens confisqués qu'on lui démontre avoir été acquis à même les produits d'activités illégales ou dont le caractère fictif ou simulé lui est démontré. Il ordonne la radiation de ces droits.»La Présidente (Mme Thériault): Parfait. Oui, M. le ministre.
M. Dupuis: Moi, à première vue, ça m'apparaît être très correct. Par contre, mon expérience, et la vôtre, de nos amis les légistes et les spécialistes de ces matières-là m'indique qu'il faut toujours avec prudence regarder les textes. Et là je voudrais leur donner la possibilité de les regarder attentivement. On va vous revenir rapidement là-dessus, mais on vous signifiera, même. Mais, moi, ça m'apparaît correct à première vue. Il faut juste vérifier les nuances. Ça va?
M. Turp: Parfait.
M. Dupuis: Merci. Alors, toujours suspendu.
Administration des produits
et instruments d'activités illégales
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, c'est ça. Avec le consentement, nous suspendons encore une fois l'article 10. Et nous revenons à l'article 16. M. le ministre.
M. Dupuis:«Le Procureur général a l'administration des biens devenus la propriété de l'État par suite d'une confiscation civile.
«Le Procureur général a également l'administration des biens qui ont été saisis, bloqués ou confisqués en application des dispositions du Code criminel, de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ou en vertu d'une autre règle de droit, relativement à une poursuite qu'il intente ou une procédure qu'il engage, à savoir:
«1° les biens saisis qui, à sa demande, lui ont été confiés par une autorité judiciaire compétente ou par une autre personne qui les détient;
«2° les biens saisis en vertu de l'article 462.32 du Code criminel;
«3° les biens visés par une ordonnance de blocage et qui, à sa demande, lui ont été confiés par une autorité judiciaire compétente;
«4° les biens confisqués en faveur de l'État ainsi que les amendes qui tiennent lieu de la valeur de ces biens.»La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Questions, commentaires sur l'article 16? C'est beau? C'est beau pour l'opposition officielle. Est-ce que ça va au parti de la deuxième opposition? Oui. M. le député de Mercier.
M. Turp: M. le ministre, il me semble que c'est la première fois qu'arrive la notion de blocage dans la loi. Non?
M. Dupuis: Oui.
M. Turp: Et j'aimerais savoir qu'elle est la portée. Le mot «bloquer» revient dans le deuxième paragraphe, là, «biens qui ont été saisis, bloqués ou confisqués», puis ensuite ça revient donc au paragraphe 3°. Alors, de quoi il est question?
M. Dupuis: Alors, l'article 16 rapatrie, si vous voulez, tous les pouvoirs que le Procureur général possède à l'égard des biens qui seront confisqués en vertu de cette loi qui est d'application civile, si elle devait être adoptée. Mais le deuxième paragraphe et les aliénas subséquents concernent les pouvoirs que le Procureur général possède sur les biens confisqués en vertu du Code criminel. Bon.
Le blocage, c'est une notion juridique de nature criminelle qui s'apparente, si vous voulez, à la saisie avant jugement, c'est-à-dire que le Procureur général peut faire bloquer des biens. L'expression «bloquer» signifie que le Procureur général obtient un jugement d'un juge qui met un lien sur le bien pour empêcher que l'accusé ? parce que c'est une notion criminelle ? ne se départisse du bien, ne dilapide le bien ou ne pose des gestes qui lui fassent diminuer la valeur du bien. L'expression «blocage», c'est une expression du Code criminel.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va? M. le député de Mercier.
M. Turp: Comment se fait-il que cette notion n'arrive que maintenant dans l'administration? Pourquoi est-ce qu'il n'y avait pas besoin, dans la première partie ou dans le titre ou la section II, de parler de blocage avant qu'il n'en soit question dans la partie sur l'administration?
La Présidente (Mme Thériault): Me Nolin.
M. Nolin (Patrick): C'est parce que c'est sûr que la section II traite de confiscation civile, donc on apporte des règles propres pour être capables de confisquer des biens. Donc, le principe, c'est qu'on les confisque et on tente de les saisir avant jugement, donc c'est les deux étapes qu'on fait en matière civile.
Lorsque vous tombez au deuxième alinéa, cela c'est des biens qui sont administrés à la suite d'une confiscation ou d'un blocage en matière criminelle. Donc, c'est pour ça qu'on vient reprendre, si vous regardez dans le cahier de commentaires, les articles 32.11 à 32.14 qu'on vient résumer et qu'on vient insérer à cette partie-là de la loi.
Parce que la loi, en général, ce qu'elle fait, c'est qu'elle a une première partie, quand on regarde le premier alinéa de l'article 1, où on parle de la confiscation et les autres où on parle de l'administration et l'affectation des biens d'activités illégales mais en général, et ça inclut ce qui était dans la Loi sur le ministère de la Justice, puisqu'on le verra plus tard on va abroger les articles qui sont dans la Loi sur le ministère de la Justice. Donc, on fait vraiment deux administrations: l'administration des biens confisqués en vertu de la section II et les autres biens que le Procureur général a déjà obtenu la confiscation, le blocage ou la saisie.
La Présidente (Mme Thériault): Ça répond à votre question, M. le député de Mercier? C'est beau?
M. Turp: Oui, oui, ça répond à ma question...
La Présidente (Mme Thériault): Parfait.
M. Turp: C'était difficile à comprendre dans la mesure où on avait l'impression que la loi ne portait que sur l'administration des biens qui avaient fait l'objet d'une confiscation civile. Mais là vous étendez finalement l'administration à des biens qui sont obtenus autrement.
M. Dupuis: Attends! Attends!
La Présidente (Mme Thériault): Oui. M. le ministre.
M. Dupuis: Mme la Présidente, il faut expliquer, M. le député de Mercier. Parce que vous avez raison de poser votre question: Quand on ne sait pas que le Procureur général a déjà l'administration des biens qui sont bloqués ou confisqués en vertu du Code criminel... Alors, dans le fond, ce qu'on fait, dans l'article 16, là, c'est qu'on fait la nomenclature de toutes les situations où le Procureur général a l'administration de biens confisqués ? au premier paragraphe ? en vertu de la loi que nous allons adopter, je l'espère, et des autres biens qui sont confisqués ou bloqués en vertu du Code criminel. C'est simplement un résumé de ce que le Procureur général a comme administration.
n(23 h 20)nLa Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. M. le député de Mercier. J'ai une intervention aussi du député de Lévis.
M. Turp: Juste une dernière précision. Le blocage porte sur des produits et instruments d'activités illégales aussi ou...
M. Dupuis: Oui. Le blocage concerne des produits de la criminalité ou ce qu'on appelle dans le jargon criminel des biens infractionnels, c'est-à-dire les biens qui servent à la commission d'un crime.
Je vous donne un exemple: les serres hydroponiques. Les serres hydroponiques servent à la culture de la marijuana ou du haschisch, ou peu importe, là. Alors, c'est un bien infractionnel, une serre hydroponique. C'est-à-dire que la serre, s-e-r-r-e, sert, s-e-r-t, à la production de cannabis, c'est un bien infractionnel, c'est considéré comme un bien infractionnel. La voiture dont le trafiquant se sert pour aller faire porter ses différentes substances illicites est un bien infractionnel aussi. Alors, oui, les confiscations puis le blocage sur des biens infractionnels ou sur des produits de la criminalité.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le... Oui.
M. Turp: En fait, la raison pour laquelle je vous posais la question, c'est que, si, comme vous le dites, c'est de la même nature, on aurait raison de dire que la loi, c'est une loi sur la confiscation, l'administration et l'affectation des produits et instruments d'activités illégales. Mais, si ce qui est visé par le blocage relève d'autres choses que les produits et instruments d'activités illégales, la loi ne devrait pas porter ce titre-là. Donc, la question: Est-ce que les biens infractionnels, là, c'est des produits et instruments d'activités illégales?
M. Dupuis: Oui, oui, ce sont des instruments d'activités illégales.
M. Turp: O.K.
M. Dupuis: Non, mais, par l'exemple que je vous donne, là. La voiture, c'est un instrument d'activités illégales. La serre hydroponique, c'est un instrument d'activités illégales.
M. Turp: Puis est-ce que c'est des instruments d'activités illégales au sens de l'article 2 du projet de loi?
M. Dupuis: Ce sont des instruments d'activités...
M. Turp: Parce que c'est là que les activités...
M. Dupuis: Absolument. Absolument.
M. Turp: Oui?
M. Dupuis: Oui, oui.
M. Turp: O.K.
M. Dupuis: Oui, oui. La seule différence, M. le député de Mercier, c'est le fardeau de preuve de l'un ou de l'autre des régimes qui fait en sorte qu'on réussit à bloquer, confisquer au criminel ou confisquer civilement, c'est le fardeau de preuve.
La Présidente (Mme Thériault): O.K.?
M. Turp: O.K.
M. Dupuis: Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le député de Mercier. J'ai le député de Lévis qui a une intervention. Non? Le député de Saint-Hyacinthe? D'accord. M. le député de Saint-Hyacinthe, sur l'article 16, toujours.
M. L'Écuyer: Simplement, sur l'article 16, on va voir, un peu plus loin dans le projet de loi, qu'on a l'administration de ces biens-là, et il va y avoir, à un moment donné, une ventilation des biens. Je veux dire, l'administration, on va déduire certains frais, là, on va voir, après la vente de ces biens-là. Est-ce qu'il y a une entente fédérale-provinciale?
Parce que je vous donne un exemple. Au niveau de confiscation par, disons, la GRC de produits, boissons, cigarettes ou autres, ou biens, disons, comme une voiture qui a servi au trafic de cigarettes ou au trafic, transport de boisson, c'est confisqué par la GRC. Est-ce que ça reste à l'administration fédérale ou bien ça devient de l'administration générale du Procureur de l'État du Québec?
La Présidente (Mme Thériault): Oui. Je crois que c'est Me Michel ou... Oui? Non, M. le ministre.
M. Dupuis: Il y a des enquêtes policières où plusieurs corps de police participent. Quand on fait la distribution des produits de la criminalité, on doit tenir compte des différentes agences policières qui ont participé à l'enquête et qui ont permis la confiscation d'un bien, de telle sorte que, lorsqu'on dispose de ce bien-là, on distribue en fonction de la loi puis des règlements, là, et les agences policières doivent participer.
Maintenant, lorsque la GRC, par exemple, fait une enquête en matière de stupéfiants, qu'elle réussit à confisquer des biens, à ma connaissance à moi, à moins que Me Michel ou le député de Chomedey me contredise, c'est l'instance fédérale qui a confisqué les biens qui va en disposer selon ses règlements, sa loi et ses règlements. Moi, le Procureur général du Québec a l'administration des biens que le procureur de la couronne provincial a réussi à obtenir devant les tribunaux. Mais le procureur de la couronne provincial peut avoir travaillé avec la GRC, la Sûreté du Québec puis la police de Montréal. Il y aura une distribution équitable du produit. Mais c'est le Procureur général du Québec, à ce moment-là, qui va...
Une voix: ...
M. Dupuis: ...oui, qui va avoir l'administration. Si c'est la GRC avec les procureurs fédéraux, ça va être le Procureur général du Canada. À moins que je ne me trompe?
Une voix: ...
M. Dupuis: C'est beau, ça va.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Lévis.
M. Lévesque: On me dit que «le Procureur général a l'administration des biens devenus la propriété de l'État par suite d'une confiscation civile». Est-ce que le gouvernement prend en charge les obligations des parts dont il détient les droits?
Alors, je deviens propriétaire de biens, on va dire, meubles, des parts d'entreprise. Mais je vous donne un exemple. Il y a quatre «payloaders», une entreprise de déneigement. La personne détient 25 % des actions, mais, parce qu'elle a amené son «payloader» dans l'entreprise puis parce qu'elle doit faire le déneigement d'un centre d'achats, la journée qu'on saisit le camion, la journée... il n'y a plus personne qui doit faire cet entretien-là, les trois autres doivent continuer de faire leur travail, mais leurs actions risquent de perdre de la valeur si les contrats ne sont pas observés ou remplis. Est-ce que le gouvernement va remplir ces besoins-là pour le respect des trois autres actionnaires de l'entreprise ou bien si...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: On va le voir tantôt, Mme la Présidente, à l'article 18. Mais il existe la même disposition en matière criminelle. Une personne peut se faire nommer administrateur du bien plutôt que le Procureur général, pendant l'instance. Dans celle que vous soulevez, si, des quatre administrateurs, il devait y en avoir un entre les mains desquelles on veut saisir une partie des biens mais que, les trois autres, on n'a pas de preuve d'activités illégales, il est possible qu'on accepte que l'un des autres actionnaires soit nommé administrateur du bien, puis, à ce moment-là, ils font les contrats puis ils se servent du «payloader», puis ils l'entretiennent, puis...
M. Lévesque: ...le «payloader» n'est pas saisi.
M. Dupuis: Ils pourraient faire ça.
M. Lévesque: O.K. Dans un cas comme ça.
M. Dupuis: Oui, c'est ça. Oui, oui. Oui, oui.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va?
M. Dupuis: C'est-à-dire qu'il y a un lien, il y a un lien qui est institué sur l'objet, mais on en confie l'administration à quelqu'un d'autre que le Procureur général, puis ils peuvent se servir du bien. Et là il y aura des obligations qui seront imposées à l'administrateur: bien huiler votre «payloader» puis bien l'entretenir pour en garder la qualité. Ça va?
La Présidente (Mme Thériault): Parfait? Ça répond à votre question? Parfait. Est-ce que l'article 16 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. M. le ministre, l'article 17.
M. Dupuis:«Le Procureur général a la pleine administration des biens devenus la propriété de l'État par suite d'une confiscation civile et des biens visés au paragraphe 4° du deuxième alinéa de l'article 16.
«Pour les biens visés aux paragraphes 1°, 2° et 3° du deuxième alinéa de l'article 16, l'administration du Procureur général est régie par l'ordonnance rendue par l'autorité judiciaire compétente.»La Présidente (Mme Thériault): Merci. Questions ou commentaires sur l'article 17? C'est beau? Est-ce que, pour le deuxième parti de l'opposition, ça va? Oui, ça va? Donc, à ce moment-là...
M. Bédard: ...
La Présidente (Mme Thériault): Ah, M. le député de Chicoutimi, oui.
M. Bédard: J'ai lu rapidement le projet de loi de l'Ontario, je crois... pas le projet de loi, la loi de l'Ontario. On est beaucoup plus descriptif par rapport aux pouvoirs dans l'administration des biens, puis on est même très descriptif, il me semble, là. Il y a une série d'articles qui portent sur qu'est-ce qu'on peut faire, qu'est-ce qu'on ne peut pas faire, à quelles fins. Est-ce que c'est possible alors que nous... Est-ce que c'est parce qu'on fait référence à d'autres lois ou le concept d'administration générale est suffisant?
La Présidente (Mme Thériault): Me Nolin.
M. Nolin (Patrick): Donc, les concepts de la pleine administration ou de la simple administration sont déjà prévus au Code civil. Donc, si vous regardez, c'est les articles 13.06 et suivants. Donc, le Procureur général, il faut comprendre qu'à ce moment-là on est propriétaire, l'État est propriétaire des biens, et l'État a comme mandat de dire: On prend les biens une fois qu'ils sont confisqués, on les vend pour les affecter par la suite, là, et les partager suivant la loi, là.
M. Bédard: Il existe, et là je ne suis pas... comme accommodement, là. Mais est-ce qu'il existe des dispositions semblables, là, sur l'administration, dans le droit ontarien? Parce que c'est ça qui m'étonne. Avez-vous... Bien, vous l'avez vu sûrement. Il me semble qu'on décrit en détail ce qui est possible, ce qui n'est pas possible, alors qu'il aurait été simple de référer au principe qui doit exister aussi, celui de la... C'est un principe de common law qui doit exister, j'imagine, l'administration du bien d'autrui... bien, ou du bien tout court?
La Présidente (Mme Thériault): Je crois que M. Charbonneau pourrait... le légiste peut intervenir. Allez-y.
n(23 h 30)nM. Charbonneau (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Écoutez, pour avoir travaillé pendant presque 14 ans sur la réforme du Code civil, et j'ai travaillé sur les règles portant sur l'administration du bien d'autrui, c'est une des particularités du code d'avoir unifié une série de règles qui étaient éparses un peu partout, et de sorte que c'est un trait caractéristique du Code civil qu'on ne retrouve pas, à l'heure actuelle, dans les provinces de common law.
M. Bédard: Merci.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau? Merci. M. le député de Mercier.
M. Turp: Moi, je voudrais comprendre le lien entre la pleine administration dont il est question dans l'alinéa premier de l'article 17 et la notion d'administration tout court de l'article 16, premier alinéa de 16. Parce que l'alinéa, le premier de 17, on dit qu'il porte sur le paragraphe 4° donc de l'alinéa deux de l'article 16. Mais alors qu'est-ce que ça veut dire, le premier, où il n'y a pas la notion de pleine... Puis vous avez même utilisé la notion de simple administration, tout à l'heure, quand vous avez fait un commentaire.
La Présidente (Mme Thériault): Me Nolin.
M. Nolin (Patrick): Oui, merci. À l'article 16, on vise tous les cas d'administration en général. On vient dire: Voici l'ensemble des cas d'administration du Procureur général. Et, ensuite de ça, on vient nous dire, à l'article 17, quels types de règles d'administration qui s'appliquent à chacun des cinq cas qui sont à l'article 16. Donc, on vient nous préciser, dans deux cas, quand l'État est propriétaire, c'est qu'on a la pleine administration, et ensuite de ça, pour les autres cas, bien ça dépend de l'administration qui est déterminée dans l'ordonnance de confiscation, de blocage ou de saisie.
M. Turp: Donc, la nature de l'administration est prévue par l'article 17, alors que 16 ne parle que du pouvoir d'administration. Et, tout à l'heure, vous parliez de la notion de simple administration. Qu'est-ce que vous vouliez dire par là, par opposition à pleine?
La Présidente (Mme Thériault): Me Nolin.
M. Nolin (Patrick): La pleine administration implique des pouvoirs plus importants de l'administrateur. La pleine administration permet à un administrateur d'aliéner le bien, alors que la simple administration, de façon générale, c'est qu'on prend le bien et c'est de le gérer et de le faire fructifier. Donc, quand on parle de faire fructifier un bien, généralement on ne parlera pas, comme on va le voir plus tard, de destruction d'un bien, alors que, quand on a la pleine administration puis là on est dans un cas où on devrait le détruire, bien là le Procureur général va avoir le pouvoir de le détruire, ce bien-là.
M. Turp: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): Oui. Allez-y, M. le député de Mercier.
M. Turp: Donc, il n'est pas ici question, dans 17, de la simple administration, la notion n'est pas utilisée. Parce que, dans le deuxième alinéa, là, parce qu'il est question de l'ordonnance, là, c'est... La nature de l'administration est déterminée par l'ordonnance. Donc, la notion de simple administration n'est pas utilisée en rapport avec l'article 16. O.K.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va?
M. Turp: Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Parfait. Est-ce que l'article 17 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. M. le ministre, l'article 18.
M. Dupuis:«Le Procureur général peut donner au Centre de services partagés du Québec ou à une autre personne qu'il désigne le mandat d'administrer certains [...] biens dont il a l'administration, ainsi que la responsabilité d'aliéner des biens confisqués.»La Présidente (Mme Thériault): Questions ou commentaires? M. le député de Mercier.
M. Turp: Alors là, ce ne sont que des biens confisqués, donc ça ne comprendrait pas des biens bloqués, saisis, bloqués. Pourquoi ça ne comprend pas les autres sortes de biens, là, saisis, bloqués, qui sont prévus par l'article 16? On ne voudrait pas...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Tous les biens, M. le député de Mercier.
M. Turp: Tous les biens?
M. Dupuis: Parce que, regardez, lisez l'article, là: «...qu'il désigne le mandat d'administrer certains des biens dont il a l'administration, ainsi que la responsabilité d'aliéner des biens confisqués», le cas échéant.
M. Turp: Donc, l'aliénation, ça ne peut que porter sur des biens confisqués.
M. Dupuis: Bien oui, oui.
M. Turp: O.K.
M. Dupuis: Mais c'est de l'essence même du projet de loi. On ne peut pas disposer d'un bien ? «disposer» dans le sens d'«aliéner» ? tant qu'il n'est pas confisqué puis qu'on n'en est pas propriétaire. On ne peut pas vendre le bien de quelqu'un d'autre.
M. Turp: ...surtout, Mme la Présidente, par rapport aux biens bloqués ou saisis... qui sont administrés quand même. On s'entend pour dire que ces biens-là sont administrés en vertu de 16. Là, en vertu de 18, on dit que ces biens qui sont administrés peuvent être aliénés, mais on dit seulement... on ne dit que des biens confisqués qu'ils peuvent aliéner. Pourquoi? Parce que ceux qui sont saisis ou bloqués ne peuvent pas ou ne pourraient jamais être aliénés?
M. Dupuis: Mais non, parce qu'on n'en est pas propriétaire, donc on ne peut pas en disposer. On n'a que l'obligation de les conserver. Parce qu'il pourrait arriver que le jugement n'ordonne pas la confiscation. À ce moment-là, il faut redonner le bien puis il faut l'avoir conservé dans un bon état pour ne pas être poursuivi.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Là, j'ai le député de Chicoutimi, mais j'ai le député de Saint-Hyacinthe aussi. Donc, on va commencer avec le député de Chicoutimi, on va vider les questions du parti de la deuxième opposition.
M. Bédard: 18, le droit actuel, c'est quoi, le droit actuel? Est-ce qu'on change le... Là, ce qu'on voit, c'est que, bon, «peut donner au Centre de services partagés du Québec ? est-ce que c'est le cas? ? ou à une autre personne». Est-ce qu'on modifie le droit existant par rapport à l'administration de ces biens-là ou à leur aliénation?
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Non, pas du tout, M. le député de Chicoutimi. D'ailleurs, la Loi sur le ministère de la Justice, en son article 32.17, s'exprime exactement comme...
M. Bédard: On n'a pas vos cahiers d'ailleurs, cette fois-là.
M. Dupuis: Ah! Je peux vous lire l'article 32.17 si vous voulez.
M. Bédard: Non. Non, mais auparavant vous étiez plus généreux, on avait le cahier avec les explications, l'article. C'est vrai, je pense à ça, là.
M. Dupuis: C'est parce qu'on pensait que vous seriez d'accord pour étudier les 24 premiers articles rapidement.
M. Bédard: Ah, c'est pour nous punir, M. le ministre, que vous nous avez privé des cahiers.
M. Dupuis: Non, non, non. Moi, je ne punis personne, je me punis moi-même.
M. Turp: Donc, après 24, on va avoir un cahier?
M. Dupuis: Ils l'ont. Tout le monde me dit qu'ils l'ont, le cahier, là. Alors, regardez sur vos tables.
La Présidente (Mme Thériault): Ça va, M. le député de Chicoutimi? C'est beau? Je peux passer au député de Saint-Hyacinthe? Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe, allez-y.
M. L'Écuyer: Simplement une question technique. Au niveau de l'administration, on parle des produits bloqués et des produits confisqués. Est-ce que, lorsqu'il y a l'administration des produits bloqués, est-ce que le Procureur général va avoir un coût pour l'administration de ces biens-là? Est-ce qu'il y a un coût?
M. Dupuis: ...vous avez une question qui est extrêmement pertinente. Souvent, le Procureur général a l'administration des biens bloqués, donc ils ne sont pas confisqués. Puis on regarde le bien, puis on se dit: Ça coûte plus cher de le garder que si on en disposait maintenant. Alors, c'est la grande question. Mais, comme il ne nous appartient pas au stade du blocage ou de la saisie avant jugement, on ne peut pas en disposer. À moins évidemment que le propriétaire n'y consente, là, mais ça, c'est... En général, on ne s'entend pas tellement bien avec le propriétaire, c'est difficile de discuter. En plus qu'on ne peut pas le contraindre de nous parler, en criminel, parce que c'est un accusé.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Une question supplémentaire, oui, concernant, là, le petit point qui... J'ai un petit point d'interrogation au sujet... «Ou à une autre personne qu'il désigne». Est-ce que je dois comprendre que le Centre des services partagés du Québec ne peut pas disposer ou aliéner un bien? Est-ce que c'est pour ça que vous les confiez à une autre personne qu'on ne connaît pas? Est-ce que c'est un huissier qui va s'occuper de la vente ou bien est-ce que...
La Présidente (Mme Thériault): ...non, mais ça pourrait dire: Les autres administrateurs.
M. Dupuis: Non, mais, moi, je pensais tantôt... J'en discutais avec Me Nolin. Je pensais tantôt à des situations où on pourrait confier à un courtier en immeubles le soin de vendre l'immeuble à un meilleur prix, quelqu'un qui connaît bien le marché. Parce qu'évidemment, quand on dispose du bien une fois qu'il est confisqué, on veut évidemment réaliser le meilleur profit possible. Alors, je pense à ça, là, c'est une situation à laquelle je pense. Mais est-ce qu'il y a une meilleure réponse? C'est beau? Alors, il dit que c'est une bonne réponse, Me Nolin.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau?
M. Dupuis: Il a l'instinct de conservation, Me Nolin.
La Présidente (Mme Thériault): Est-ce que l'article 18 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. M. le ministre, l'article 19.
M. Dupuis:«Dans le cas des biens visés au paragraphe 4° du deuxième alinéa de l'article 16, le Procureur général peut requérir la radiation, sur le registre foncier ou sur le registre des droits personnels et réels mobiliers, de toute inscription relative aux droits s'y rapportant qui n'ont pas fait l'objet, conformément aux dispositions régissant la confiscation, d'une ordonnance indiquant que ces droits ne sont pas modifiés par la confiscation et déterminant la nature et l'étendue de ces droits.
«La réquisition doit être accompagnée d'un certificat attestant de ce fait délivré par le greffier du tribunal qui a rendu l'ordonnance de confiscation. Celui-ci délivre le certificat si les conditions suivantes sont réunies:
«1° il lui est présenté une preuve qu'un avis conforme au modèle prévu à l'annexe 2 a été donné au titulaire des droits visés avant que l'ordonnance de confiscation soit rendue, de même qu'une preuve de la signification de l'ordonnance;
«2° l'ordonnance de confiscation a acquis force de chose jugée;
«3° le cas échéant, la décision rejetant la demande de délivrance d'une ordonnance prévue au premier alinéa a acquis force de chose jugée.»n(23 h 40)nLa Présidente (Mme Thériault): Merci. Questions ou commentaires? M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Simplement, je dois comprendre qu'effectivement, après la confiscation, maintenant que l'État est devenu propriétaire, il y a une radiation des droits... ou purger, qu'on appelle, dans le fond, l'État... C'est la...
M. Dupuis: C'est ça.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Est-ce que ça va pour le parti de la deuxième opposition? C'est beau?
M. Bédard: C'est parfait.
La Présidente (Mme Thériault): Parfait. L'article 19 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Affectation des produits et
instruments d'activités illégales
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. M. le ministre, l'article 20.
M. Dupuis:«Le Procureur général peut, aux conditions fixées par le gouvernement, prêter à court terme au fonds consolidé du revenu tout ou partie des sommes dont il a l'administration. Tout prêt au fonds consolidé du revenu est remboursé sur ce fonds.»La Présidente (Mme Thériault): Questions ou commentaires sur l'article 20?
M. L'Écuyer: Il n'y a pas de commentaire.
La Présidente (Mme Thériault): Non, pas de commentaires? Est-ce que, pour le deuxième parti de l'opposition, c'est beau, cet article-là? Oui? C'est beau. L'article 20 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. M. le ministre, l'article 21.
M. Dupuis:«Le Procureur général peut, si l'intérêt public le requiert, détruire ou aliéner à titre gratuit les biens confisqués. Les aliénations à titre gratuit peuvent notamment être faites en faveur de corps de police à des fins de recherche ou de formation ou, encore, en faveur d'organismes à but non lucratif poursuivant, entre autres, des fins historiques ou éducatives.»La Présidente (Mme Thériault): Merci. Questions ou commentaires sur l'article 21? M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci, Mme la Présidente. Je suis un peu surpris qu'on peut détruire à titre gratuit. Aliéner à titre gratuit peut-être, mais détruire à titre gratuit... Ça veut dire quoi, ça, exactement, «détruire à titre gratuit»?
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Je vais vous donner un exemple qui me tient particulièrement à coeur, puisque j'étais le procureur de la couronne qui a obtenu le blocage du local des Hell's Angels à Saint-Nicolas. Je ne sais pas si je devrais rappeler ça normalement à la télé, là, ça va... Mais alors on l'a détruit. Une fois qu'on a obtenu l'ordonnance de confiscation, il a été détruit, tout simplement. On a...
M. Turp: Peut-être que je comprends que les mots «à titre gratuit» ne s'appliquent pas à «détruit». Est-ce que ce serait une meilleure compréhension, là?
M. Dupuis: Seulement à l'aliénation.
M. Turp: C'est détruire...
M. Dupuis: Oui, oui. S'applique...
M. Turp: ...aliéner à titre gratuit.
M. Dupuis: Oui, c'est ça, ça s'applique seulement à l'aliénation.
M. Turp: Mais, vous voyez, vous a permis de donner l'exemple.
M. Dupuis: C'est ça, exact. Merci beaucoup, M. le député de Mercier.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc...
M. Dupuis: D'autant plus qu'à 11 h 45 il y a tellement de monde qui nous écoute.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Merci. Donc...
M. Turp: ...on salue les gens qui nous écoutent à cette heure-ci, vous êtes courageux.
M. Dupuis: Vous avez raison.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Il n'y a pas de commentaire non plus du côté du député de Saint-Hyacinthe. Donc, l'article 21 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. Merci. M. le ministre, l'article 22.
M. Dupuis: L'article 22, Mme la Présidente: «Le produit de l'aliénation des biens devenus la propriété de l'État par suite d'une confiscation civile correspond, pour une année financière, à la somme du produit de l'aliénation, faite au cours de cette année, de biens devenus la propriété de l'État par suite d'une telle confiscation et des dépens perçus au cours de la même année, déduction faite, en considérant cette même période:
«1° des dépenses liées à l'administration et à l'aliénation de biens visés par une demande de confiscation civile ou devenus la propriété de l'État par suite d'une telle confiscation, établies conformément aux usages comptables généralement reconnus;
«2° des dépenses effectuées par le Procureur général pour le paiement de frais judiciaires et de dépens;
«3° des dépenses ou avances effectuées ou versées pour couvrir les sommes auxquelles peuvent avoir été condamnées les personnes à qui le Procureur général confie l'administration des biens;
«4° des dépenses ou avances effectuées ou versées pour financer les activités reliées aux confiscations civiles par le ministère de la Justice.»La Présidente (Mme Thériault): Questions ou commentaires? M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Oui, Mme la Présidente. Alors, M. le ministre, en fait, je comprends qu'on prend les produits de l'aliénation des biens et ensuite on déduit ou on défalque les dépenses qui ont été occasionnées. Dans le cas ou l'hypothèse d'une demande reconventionnelle, est-ce qu'effectivement ce serait à même ce fonds-là? Si jamais il y avait une demande reconventionnelle ou une demande en justice contre soit un abus de procédure ou soit une saisie, est-ce que ce serait à même ce fonds-là que seraient puisés les argents nécessaires ou bien ce serait dans un autre fonds?
M. Dupuis: Non.
M. L'Écuyer: Ce serait le fonds consolidé de...
M. Dupuis: Oui. C'est ça, ce n'est pas visé.
Une voix: ...
M. Dupuis: C'est ça. Si une erreur avait été commise ou si une demande reconventionnelle est instituée, on ne prendra pas l'argent qui est prévu pour ces motifs-là.
La Présidente (Mme Thériault): Parfait. Oui?
M. L'Écuyer: Une question supplémentaire, Mme la Présidente. Je dois quand même comprendre aussi qu'à la suite de cet exercice-là la répartition des montants d'argent qui va avoir lieu, c'est la somme totale que nous allons obtenir ou la somme finale que le ministère va obtenir?
M. Dupuis: Une fois qu'on a déduit les montants qui sont prévus à l'article 22, c'est cette somme-là qui va être partagée.
M. L'Écuyer: Merci, M. le ministre.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. Donc, est-ce que l'article... Oui, M. le député de Mercier.
M. Turp: Juste une question d'information: Quel sort va être réservé au décret, là, qui est la source des dispositions qu'on retrouverait dans ce nouvel article 22? Parce qu'on laisse entendre dans le commentaire que la source des règles, c'est le décret. Est-ce qu'il va être aboli ou...
La Présidente (Mme Thériault): Me Michel.
M. Michel (Patrick): L'article 22 s'applique uniquement aux confiscations civiles. Donc, c'est la formule de calcul du produit découlant des confiscations civiles qui va être disponible pour les fins du partage, alors que le décret actuel vise le partage des produits confisqués à l'issue des procédures criminelles. Donc, il n'y a pas de lien, là, entre le décret qui existe actuellement...
M. Turp: Mais le décret va survivre à...
M. Michel (Patrick): Oui, effectivement. D'ailleurs, il y a une mesure transitoire pour assurer la survie du décret pour les fins du partage des sommes confisquées en vertu des dispositions du Code criminel ou de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau? Merci. Est-ce que l'article 22 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. L'article 23, M. le ministre.
M. Dupuis:«Le produit de l'aliénation des biens confisqués en application des dispositions du Code criminel ou de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances correspond, pour une année financière, à la somme du produit de l'aliénation, faite au cours de cette année, des biens visés au paragraphe 4° du deuxième alinéa de l'article 16 et des amendes qui tiennent lieu de la valeur de ces biens perçues au cours de la même année, déduction faite, en considérant cette même période:
«1° des dépenses liées à l'administration et à l'aliénation des biens visés aux paragraphes 1° à 4° du deuxième alinéa de l'article 16, établies conformément aux usages comptables généralement reconnus;
«2° des dépenses effectuées pour le paiement des indemnités relatives aux engagements pris par le Procureur général en application du paragraphe 6 de l'article 462.32 ou du paragraphe 7 de l'article 462.33 du Code criminel;
«3° des dépenses ou avances effectuées ou versées pour couvrir les sommes auxquelles peuvent avoir été condamnées les personnes à qui le Procureur général confie l'administration des biens.»La Présidente (Mme Thériault): Questions, commentaires sur l'article 23? M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Pas de commentaire, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault): C'est beau. Du côté du deuxième groupe de l'opposition, est-ce qu'il y a des commentaires? Non? Parfait. Est-ce que l'article 23 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Adopté. M. le ministre, l'article 24.
M. Dupuis: Il n'est que 11 h 50. «Le produit de l'aliénation des biens devenus la propriété de l'État par suite d'une confiscation civile, de même que celui des biens confisqués en application des dispositions du Code criminel ou de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances sont, sous réserve des dispositions de l'article 25, versés au fonds consolidé du revenu aux dates et dans la mesure que détermine le gouvernement.»La Présidente (Mme Thériault): Questions ou commentaires sur l'article 24? M. le député de Saint-Hyacinthe.
n(23 h 50)nM. L'Écuyer: Avec votre permission, Mme la Présidente, j'ai annoncé au début que cette administration-là, selon une suggestion, pourrait faire peut-être partie d'une commission... d'une présentation... peut-être pas d'une reddition de comptes, mais presque en fait devant la Commission des institutions. Est-ce que ce serait une chose qui serait acceptable dans les circonstances pour être capable d'avoir un peu une échelle ou une valeur de ces biens, et aussi l'administration de ces biens, et voir aussi l'ensemble de tout ce processus administratif là? On saisit des biens, on en fait l'administration. On a un certain montant qui va être versé aux victimes d'actes criminels. D'avoir une comptabilité indépendante, parce que, lorsque c'est versé au fonds consolidé de la province, à ce moment-là on perd complètement la provenance de ces sommes-là. Alors, ce serait...
La Présidente (Mme Thériault): M. le ministre.
M. Dupuis: Mme la Présidente, est-ce que je dois comprendre que ce que vous souhaitez, outre le rapport que le ministre doit déposer à l'article 27, là... À l'article 27, il est prévu que le ministre doit déposer un rapport, O.K.? Vous souhaitez qu'on fasse une commission parlementaire annuellement pour venir justifier la répartition des sommes?
M. L'Écuyer: Pas justifier la répartition, mais prendre l'image ou capter la résultante de toute cette opération-là annuellement pour être en mesure de faire la répartition de... On a fait... De toute façon, il y a un processus d'administration qui est prévu dans la loi. On prend les sommes obtenues, on déduit les sommes qu'on doit déduire, on défalque ces sommes-là, par la suite on arrive à une somme x qui représente la somme que nous allons partager par la suite, que le Procureur général va partager par la suite à différentes instances.
Et ce que je dis, ce que je suggère ou ce que je propose, ce que je soumets: Est-ce que ça pourrait être étudié devant une commission annuellement, devant la Commission des institutions, pour qu'on sache si ce produit des activités criminelles, si tout cet exercice que l'on fait soit un exercice qui est quand même rentable ? bon, parlons de rentabilité ? ou même rentable avec un certain bénéfice et aussi qu'on soit capable de voir les sommes qui vont être distribuées aux personnes, aux victimes d'actes criminels, entre autres, et aussi à la prévention du crime?
M. Dupuis: Mme la Présidente, je n'ai pas d'objection à ce que cette reddition de comptes soit faite dans une commission parlementaire, mais je veux signaler au député de Saint-Hyacinthe qu'à l'étude des crédits, le rapport du ministre de la Justice étant déposé à l'Assemblée nationale, à l'étude des crédits il y aura toutes les possibilités de poser des questions au Procureur général, quel qu'il soit, sur la répartition des comptes.
Et je vais aller un petit peu plus loin que ça, je vous dirais que... Prenons l'opportunité des crédits pour faire cette reddition de comptes. Parce qu'évidemment le danger de ce que vous demandez, c'est qu'il ne faut pas non plus dévoiler... Il y a des protections qu'on doit respecter en vertu de la loi sur les renseignements personnels, il y a des protections qu'on doit respecter parce qu'il y a des enquêtes qui ont été effectuées. Il y a toutes sortes de dangers, de lumières jaunes qui s'allument lorsqu'on répond à ces questions-là dans une commission parlementaire qui ne ferait qu'étudier. Mais gardons ça pour les crédits. Aux crédits, vous pouvez toutes les poser, les questions, pour ce qui concerne la répartition du produit. Donc, je ne fais pas de réticence à votre demande, mais je vous dis qu'il m'apparaît à moi que le meilleur forum, ce sont les crédits pour poser ces questions-là. Le ministre va répondre, il est obligé de répondre.
La Présidente (Mme Thériault): Ça vous va, M. le député de Saint-Hyacinthe?
M. Dupuis: C'est ce que je vous soumets. Donc, votre demande est intelligente et pertinente. Ce que je vous réponds, c'est que je ne fais d'objection à votre demande, mais je vous suggère que tout ça peut se faire aux crédits et que c'est le meilleur endroit pour le faire. C'est ce que je dis.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Ça vous va?
M. L'Écuyer: Bien que le forum soit peut-être le forum du crédit, je pense qu'annuellement ? parce que, dans un sens, le rapport doit être produit annuellement ? ce serait une bonne occasion de le faire en Commission des institutions et puis être en mesure de ventiler ces dépenses-là, et aussi parce qu'on a une fin en soi, qui est une fin qui est louable pour le gouvernement, qui est de redistribuer ces montants d'argent là.
Et puis à mon sens, lorsqu'on a des produits de confiscation, quand on regarde une requête introductive d'instance, demain matin je peux aller à la cour et savoir que la requête introductive d'instance, c'est contre M., Mme Unetelle, et je peux l'avoir, une requête en confiscation, une requête introductive d'instance ou une confiscation, j'ai toutes les informations nécessaires, c'est public, là, je veux dire, je suis... Donc, peut-être pour les biens bloqués, mais les biens bloqués dont on demanderait la disposition. Mais, sur le dossier des confiscations, je ne pense pas qu'il y a une confidentialité à outrance.
M. Dupuis: Encore une fois, Mme la Présidente, brièvement, je ne fais pas de réticence mentale à votre demande, mais j'estime toujours que le meilleur forum, c'est la commission sur les crédits. Ça va? Merci.
La Présidente (Mme Thériault): J'ai le député de Mercier qui aurait une intervention à faire, et après on pourrait peut-être passer à l'adoption de l'article 24 ? sans présumer de la longueur de votre question ? ce qui nous permettrait par la suite d'ajourner les travaux.
M. Turp: Non, mais en fait je comprends votre réponse, l'étude des crédits. Mais, juste pour être un petit peu plus concret, là, de mémoire, je ne me rappelle pas ? on était aux études de crédits il y a quelques mois ? ça représente quoi, le versement au fonds consolidé du revenu pour l'année financière 2006-2007? Juste pour avoir une idée de ce que ça représente.
M. Dupuis: Me Michel va trouver la réponse précise à votre question. Évidemment, ça fluctue d'une année à l'autre, dépendant des enquêtes, dépendant des jugements, mais, pour l'année qui vient de s'écouler, on va vous le donner dans deux minutes. Avez-vous votre deuxième question?
M. Turp: Ma deuxième question, c'est: Le «dans la mesure», est-ce que c'est le quantitatif, là? Aux dates que détermine le gouvernement, ça, je comprends bien. Mais «et dans la mesure», qu'est-ce que ça signifie précisément? C'est la partie, la proportion qui est versée au fonds consolidé du revenu?
M. Dupuis: Alors, on va revenir à votre première question: C'est combien? 1 680 423 $ au... C'est quoi, la date? Vas-y donc.
M. Michel (Patrick): Au 31 mars 2007.
La Présidente (Mme Thériault): Ça, c'était Me Michel qui parlait.
M. Turp: Mais, pour l'année financière 2006-2007, donc 1er avril 2006 au 31 mars 2007, c'était 1 million de dollars?
M. Dupuis: Est-ce que ça va vous empêcher d'adopter l'article 24 si je vous dis qu'on va vérifier cette information-là puis on va vous la donner, là?
M. Turp: Non, mais ça nous donne un ordre de grandeur, ça, 1 million, un peu plus que 1 million?
M. Dupuis: Je le trouve petit, le montant, là.
M. Turp: Oui, ça me paraît petit. Bon, alors donc, on peut compter...
M. Dupuis: Le montant total...
M. Michel (Patrick): Le montant total des sommes partagées est beaucoup plus important que ça. Ce qui va au fonds consolidé du revenu, c'est uniquement 50 % de l'excédent des cinq premiers millions partagés.
M. Dupuis: O.K. Alors, on n'embarquera pas là-dedans, là. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il a été confisqué, avant partage, pour la dernière année financière, 10 millions?
M. Michel (Patrick): Oui, 10 173 000 $.
M. Dupuis: Et ça, c'est un chiffre qui est plus réaliste, là. Parce que, moi aussi, j'avais mal compris votre question. Mais il a été confisqué à la suite de jugements au criminel bien sûr ? parce que la loi civile n'existe pas encore ? 10 millions pour la dernière année. Ensuite, ce 10 millions là est partagé, et n'entre au fonds consolidé du revenu qu'une partie de ces 10 millions là parce qu'il y a un partage qui se fait avec différents groupes communautaires, avec les corps de police qui ont fait les enquêtes, etc.
M. Turp: Et donc ma deuxième question, c'était «dans la mesure où». Ça, c'est la proportion. C'est ça?
M. Dupuis: Oui, c'est ça. «Dans la mesure que détermine le gouvernement», c'est le décret sur le partage des produits de la criminalité. Parce que ça ne va pas en exclusivité au fonds consolidé du revenu, il y a des groupes communautaires qui viennent partager, il y a des victimes d'actes criminels qui viennent partager, il y a aussi les corps de police qui ont participé aux enquêtes qui doivent y trouver un certain profit.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le ministre. Ça répond à votre question, M. le député de Mercier?
M. Turp: Oui, tout à fait.
La Présidente (Mme Thériault): D'accord. Est-ce que l'article 24 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault): Il est adopté? D'accord. Donc, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux sine die. Et je remercie tous les parlementaires ainsi que le personnel qui nous a accompagnés dans cette première soirée de la session intensive. Bonne nuit.
(Fin de la séance à 23 h 59)