(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Simard): Veuillez prendre place, s'il vous plaît! Alors, je déclare la séance ouverte.
Et je rappelle le mandat de la commission. Nous sommes à poursuivre et à compléter les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 36, Loi sur la confiscation, l'administration et l'affectation des produits et instruments d'activités illégales.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Valois (Joliette) sera remplacé aujourd'hui par M. Bédard (Chicoutimi).
Consultations particulières
sur le projet de loi n° 36
Auditions (suite)
Le Président (M. Simard): Très bien. Vous avez l'ordre du jour devant vous. Nous entendrons d'abord, dans quelques secondes, le Service de police de la ville de Montréal, qui seront suivis par l'Association des juristes de l'État. Et nous aurons des remarques finales, pour terminer ? je vous l'annonce sans aucune hésitation ? à midi.
Alors, nous sommes heureux de recevoir le Service de police de la ville de Montréal, un des corps policiers les plus importants au Québec. En nombre, j'imagine, le deuxième ou... Oui? Ce doit être ça. Et nous avons avec nous l'adjoint au chef de division, Jimmy Cacchione, qui est avec nous, en uniforme, et il va nous présenter celui qui l'accompagne.
Vous connaissez nos règles. Vous avez une vingtaine de minutes pour faire votre présentation, et ensuite, alternativement, le gouvernement et l'opposition vous poseront des questions et discuteront avec vous. Alors, à vous la parole.
Service de police de la
ville de Montréal (SPVM)
M. Cacchione (Jimmy): Je vous présente le lieutenant-détective Costa Labos, des produits de la criminalité au SPVM, à Montréal.
M. Labos (Costa): Bonjour.
M. Cacchione (Jimmy): Mesdames, messieurs, membres de la commission, je tiens à remercier la commission pour l'opportunité qui m'est offerte, aujourd'hui, de commenter le projet n° 36 au nom du SPVM.
Alors, avant d'aborder le sujet, permettez-moi de défiler mes qualités et fonctions. Au cours des 20 dernières années, j'ai eu le privilège d'expérimenter diverses fonctions, ce qui m'a permis d'acquérir une expertise variée sur le crime organisé. De 1986 à ce jour, j'ai fait partie de 13 unités ou escouades différentes: de la patrouille à la moralité, de l'infiltration pendant près de six ans, gangs de rue, création de l'Unité des produits de la criminalité, des enquêtes de stupéfiants et de réseaux internationaux, des enquêtes spéciales, des homicides et l'Escouade régionale mixte de Montréal. Aujourd'hui, je fais partie de la Division du crime organisé à titre de commandant de l'Unité des produits de la criminalité qui chapeaute cinq autre modules.
Les enquêtes de produits de la criminalité, blanchiment d'argent et biens fractionnels représentent une quarantaine de dossiers annuellement, au SPVM. En termes de confiscation des produits de la criminalité et des biens fractionnels, nos activités, depuis les 10 dernières années, permettent de retirer des mains des criminels et de retourner au ministère de la Sécurité publique en moyenne 1,6 million annuellement.
En septembre 1996, au moment de l'étude et de la création de l'Unité des produits de la criminalité, nous étions deux. Aujourd'hui, nous sommes 25, ce qui fait de nous l'unité des produits de la criminalité la plus importante au Québec. Nous sommes sollicités régulièrement par les autres services de police pour notre expertise.
Avant d'aborder les bienfaits du projet de loi n° 36, il importe de situer Montréal sur l'échiquier mondial, sur le plan de la criminalité organisée. Depuis près de 80 ans, la métropole est un pivot important pour les organisations criminelles. Certains grands blanchisseurs du monde interlope ont passé par Montréal. Le positionnement géographique du Canada le rend attrayant, les points d'entrée aériens, terrestres et maritimes en font une enclave transitoire stratégique. Nos systèmes judiciaires et nos politiques sociales favorisent le dynamisme de ces groupes criminels. Il s'agit ici d'observations appuyées sur les déclarations de suspects, de conversations entre criminels et diverses enquêtes locales et internationales.
Les motivations des groupes criminels structurés convergent toutes vers le pouvoir. Ce dernier repose sur l'expansion économique et la capacité d'influence. Le nerf de la guerre est l'argent, et de l'argent, ils en ont. Le défi pour ces criminels est de pouvoir jouir de leur argent sans éveiller de soupçons, de profiter des avantages sociaux et des lois en fonction de leurs intérêts économiques. Le camouflage de leurs actifs et la conservation de leur statut respectable sont au premier plan de leurs préoccupations.
Quelques chiffres et questions de faits. Les divers experts, à travers le globe, suggèrent: 400 milliards de produits de la criminalité annuellement à travers le monde, entre 3 et 10 milliards d'argent blanchi annuellement au Canada, entre 1 % et 2,5 % du PIB des pays industrialisés. L'économie clandestine au Canada est estimée à 38 milliards, soit 4,5 % du PIB, selon un rapport du Vérificateur général du Canada. Les activités criminelles transnationales représentent 2 % du produit national brut annuel des pays industrialisés. Quotidiennement, près de 1 million de transferts internationaux par câble ou, si vous préférez, les «wire transfers» représentent plus de 2 trillions de transactions. 2 % de l'économie globale provient du trafic de stupéfiants. On évalue à 3,5 milliards les activités criminelles au Québec, surtout concentrées à Montréal.
Bien qu'il soit justifié d'entretenir une certaine réserve à l'égard de l'envergure du phénomène et des chiffres, les résultats des enquêtes récentes démontrent la puissance économique des organisations criminelles et la disponibilité des fonds. Les structures complexes et coûteuses sont caractérielles des organisations criminelles financières solides. Il est pertinent de s'interroger sur les revenus déclarés et l'essor du marché des résidences luxueuses au Canada. Comment expliquer la capacité de payer de certains et le taux d'endettement élevé pour les contribuables moyens?
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(10 h 10)
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L'expérience des dernières années démontre une juxtaposition de l'économie légale à l'économie clandestine. Des sociétés de paille légalement constituées servent de paravent aux trafiquants et aux prêteurs usuraires afin de confondre la provenance des fonds. Évidemment, ces deux exemples de types de criminalité sont en résumé; évidemment, ils touchent à d'autres sphères d'activité criminelle. Les déclarations fiscales ainsi que les compagnies sont confectionnées par une batterie de professionnels véreux de façon à empêcher la détection. Les actifs et sommes confisqués des mains des organisations criminelles représentent moins de 1 %.
Les scandales boursiers des dernières années minent la confiance des investisseurs et du public en général. L'infiltration criminelle des marchés boursiers est une stratégie de choix pour les riches du crime car elle offre une dissémination mondiale rapide. Le monde virtuel, l'explosion technologique évidemment donnent des avenues intéressantes aux organisations criminelles. Les organisations criminelles ont su tirer profit de l'enseignement des mégaprocès où des méthodes d'enquête furent dévoilées. Cet apprentissage s'est développé en diversification des activités. L'analogie «ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier» illustre bien la capacité légendaire du crime organisé à s'adapter.
Qu'en est-il de nos lois et de nos méthodes d'enquête? Sur le plan philosophique, nous devons garder à l'esprit que le crime organisé exploite la misère en s'enrichissant sur le dos des consommateurs de stupéfiants ou des victimes d'arnaques frauduleuses. Il ronge le tissu social en affectant le sentiment de sécurité et en exposant nos institutions au point de les rendre vulnérables.
À titre d'exemple, à Montréal, en 1999, une organisation locale de trafiquants de cocaïne ayant pignon sur rue par l'entremise de commerces de restauration rapide fut démantelée. Près de 1,3 million de produits de la criminalité furent investis en Europe et confisqués par les autorités locales, faute de rapidité d'exécution dû justement aux contraintes de juridiction territoriale internationale. Ici, nous avons confisqué 750 000 $. Cette organisation ethnique avait bénéficié des services bancaires à l'insu des autorités grâce aux apparences légitimes des commerces. En termes de chiffres, revenus déclarés pour ces individus: entre 26 000 $ et 58 000 $. Ils ont écopé trois ans et confiscation des biens.
En 2000, une organisation modeste de Montréal générait 5,4 millions de revenus annuellement en trafic de cocaïne, entre 600 et 900 quarts de gramme de cocaïne vendus par jour. Le rayon d'action était limité à un quadrilatère au centre-ville. Un chef, deux lieutenants et quelque 28 collaborateurs et revendeurs. Ce groupe opérait depuis plusieurs années et avait débuté les phases de blanchiment ou d'intégration afin de masquer la provenance des fonds et de légitimer ses actifs par le biais de sociétés écrans a priori légitimes. Plus d'une trentaine de compagnies incorporées ou enregistrées ont dû être analysées financièrement afin de démasquer autant de prête-noms.
L'enquête aura duré 14 mois, monopolisant l'unité antigang et de produits de la criminalité du SPVM, 16 enquêteurs à plein temps, en plus des équipes de filature, des agents de surveillance électronique et des effectifs finaux pour le ratissage, plus d'une centaine d'autorisations judiciaires, totalisant un millier de pages de motifs au soutien des affidavits de blocage et d'écoute électronique, huit semaines de procès et autant en enquêtes préliminaires. L'analyse juricomptable s'est étendue sur autant de mois et a nécessité l'expertise de deux ressources à plein temps afin de passer au peigne fin les milliers de fausses factures, fiches de temps au noir, faux contrats de vente, les entrées de fonds variées, etc. Résultat: 350 000 $ en amendes compensatoires, 400 000 $ en biens confisqués, le chef de réseau écopant sept ans de pénitencier.
En 2001, la chance nous a souri un peu, nous avons saisi des mains d'un riche usurier montréalais 4,1 millions en billets de banque. Ce dernier entretenait des liens d'affaires avec les Hell's Angels.
L'évolution des enquêtes en matière des produits de la criminalité. Les récentes enquêtes révèlent que les alliances entre divers groupes s'organisent dans un but d'entraide et de partage des pertes. Les budgets d'opération de ces organisations sont sans limite. Ce jumelage d'affaires, temporaire ou permanent, favorise le développement de réseaux transfrontaliers et internationaux, ajoutant à la complexité des enquêtes, dû aux problèmes de juridiction. Les organisations sont toujours encombrées par d'imposantes sommes d'argent comptant. Le trafic de stupéfiants, une des activités privilégiées par le crime organisé, génère des milliers de petites coupures devant être converties en véhicules financiers légalement acceptables. Les organisations criminelles recrutent des professionnels de toutes les sphères d'activité pouvant leur être utiles dans l'élaboration de stratégies sophistiquées contrant les enquêtes antiblanchiment.
Les périodes d'enquête ainsi que leur coût ont doublé. Nous avons évolué selon les paramètres dictés par la jurisprudence. Les enquêtes préliminaires sont très longues, les procès le sont autant. Le prolongement de ces étapes a un impact direct sur la capacité de traitement des dossiers d'enquête. Dans l'évaluation des enquêtes, nous devons en tenir compte, puisque cela limite l'envergure de nos enquêtes et leur nombre. Nous devons recourir à une batterie d'experts, nous aussi, qui collaborent étroitement avec nos enquêteurs. Les juricomptables, les civilistes, les notaires, les procureurs des unités spécialisées sont tous mis à contribution dès les premiers moments de l'enquête. Afin de répondre le plus adéquatement aux besoins des tribunaux, nous avons adapté nos méthodes de divulgation de la preuve de façon à en faciliter la transmission et la disponibilité. Nous devons prévoir la formation et la mise à niveau de nos systèmes, ce qui engendre des coûts supplémentaires. De puissants logiciels secondent les enquêteurs et les procureurs de la couronne chargés des dossiers.
Abordons le projet de loi n° 36. Vous avez, j'imagine, en main le mémoire préparé par le SPVM. Le Service de police de Montréal offre des services policiers de base et des services spécialisés de niveau 5 à ses 1 877 000 résidents, soit le quart de la population du Québec. Le SPVM protège également la population flottante qui transite quotidiennement sur le territoire de l'agglomération Montréal.
Plus de 4 150 policiers travaillent au SPVM. En 2004, les services policiers ont coûté 1,7 milliard aux citoyens du Québec. Le budget du SPVM représente 26 % de ces dépenses. Quant aux citoyens de la ville de Montréal, leur contribution, en 1995, représentait 30 % du total des budgets alloués à la police au Québec, soit 393 millions de dollars pour les services au SPVM.
Les spécialistes du crime organisé sont unanimes à dire que, pour ébranler un tant soit peu les organisations criminelles, il faut atteindre les têtes dirigeantes, les traduire devant les tribunaux pour les crimes dont elles commandent l'exécution à distance et confisquer l'argent et les biens qu'elles se procurent avec les fruits de ces crimes. Ces commentaires s'appliquent à toute organisation criminelle qui tire ses profits d'activités illégales: stupéfiants, prostitution, vols de véhicules, trafic de cigarettes, etc.
L'arsenal législatif doit donc être adapté pour atteindre deux objectifs: frapper les organisations criminelles en confisquant leurs biens issus de profits illégaux et redistribuer dans la lutte contre le crime une partie des sommes perçues. Le projet de loi n° 36 se veut la concrétisation de moyens pour réaliser cet objectif. Le SPVM reconnaît les efforts des ministères de la Justice et de la Sécurité publique pour tenter de résoudre les difficultés considérables rencontrées par les forces de l'ordre et les intervenants du système judiciaire pour contrer le crime organisé.
Le projet n° 36 se veut un moyen supplémentaire dans le coffre à outils des officiers de justice. Bien qu'il puisse sembler offrir des alternatives pratiques et stratégiques aux modes de confiscation, il n'est pas une alternative miracle en matière d'enquête de produits de la criminalité et du crime organisé. Il est évident que le renversement du fardeau de preuve et les règles de preuve civile sont des atouts importants du projet de loi. Cependant, la lutte au crime organisé et plus précisément aux revenus criminels passe forcément par les profils criminels des individus sous enquête. Les condamnations criminelles offrent l'avantage de situer les individus dans le temps et d'étoffer les arguments contre les patrimoines illégaux. La confiscation civile pourrait offrir une rapidité d'exécution dans les cas où l'enquête criminelle substantive ne serait pas complétée et où les risques d'évasion des fonds ou d'actifs seraient élevés. Le projet de loi n° 36 est un pas de plus dans la lutte au crime organisé.
Le SPVM considère que la confiscation des produits de la criminalité est une arme essentielle dans l'arsenal que les législateurs, tant provincial que fédéral, mettent à la disposition des officiers de justice pour combattre la criminalité et les organisations criminelles qui en tirent des profits. Il est donc essentiel que l'Assemblée nationale appuie les différents corps de police du Québec et les intervenants du système judiciaire en leur donnant les outils essentiels à la réussite de leur mission.
Le SPVM appuie les efforts du gouvernement du Québec et de façon générale les éléments du projet n° 36 qui fournissent assurément des outils supplémentaires aux forces de l'ordre et aux intervenants de justice engagés dans la lutte au crime organisé. Encore une fois, merci beaucoup de m'avoir écouté.
Le Président (M. Simard): Merci. Je sais que je vous ai fait un peu accélérer dans votre conclusion, mais nous aurons le temps de revenir sur les différents sujets, n'ayez crainte. J'invite tout de suite le ministre de la Justice à vous poser la première question.
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(10 h 20)
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M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Alors, bienvenue à M. Cacchione et M. Labos, et je voudrais vous remercier d'être présents et d'être venus en commission parlementaire, aujourd'hui, pour nous faire part à la fois de ce que vous faites, de vos expériences et de ce que vous appréciez comme principe du projet de loi n° 36.
Je sais que vous avez une expérience qui date de plusieurs années. Vous nous avez parlé de la mise sur pied de l'unité spécialisée et également de ce que vous avez fait dans certains cas plus particuliers. J'aimerais peut-être vous poser une première question. Vous parlez, enfin, à un certain nombre d'endroits, du partage des produits de la criminalité. Je pense que vous l'abordez dans votre mémoire.
Actuellement, il y a un décret qui existe, où on prévoit, là ? parce que c'est possible de le faire en vertu du Code criminel présentement, uniquement ? 50 % qui retournent aux services policiers qui ont participé à l'enquête, et 25 % au Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, et 25 % à des organismes qui sont impliqués dans la prévention de la lutte à la criminalité. Est-ce que vous considérez que c'est un partage qui est équitable et que, pour les produits de la criminalité qui seraient saisis et confisqués en vertu du projet de loi n° 36, le même type de partage devrait également prévaloir?
M. Cacchione (Jimmy): Moi, je considère qu'évidemment, lorsqu'on dit que les enquêtes ont doublé, évidemment il serait souhaitable d'avoir un peu plus que 50 %. Bon. On comprend les contraintes en ce sens-là. Le décret 99... ou 349 répond bien justement... ou pourrait très bien répondre au projet de loi n° 36. Alors, les dispositions de partage, là, nous conviennent. Alors, on pourrait référer au décret justement pour...
M. Marcoux: Est-ce que vous pourriez peut-être, et vous basant sur des expériences d'enquêtes, peut-être préciser, pour vous, en quoi le projet de loi n° 36 serait utile? Parce que, compte tenu... Il existe déjà des dispositions dans le Code criminel. Mais quels sont les principaux éléments, selon vous, du projet de loi n° 36 qui permettraient une lutte plus efficace finalement à la criminalité?
M. Cacchione (Jimmy): Évidemment, la rapidité d'exécution, dans les cas où les profits ou les biens des organisations criminelles risqueraient de s'envoler. Nos enquêtes, j'ai décrit partiellement un peu les mois et toutes les procédures, le nombre d'experts qui doivent collaborer avec nous pour étoffer ces preuves-là. Alors, il arrive des moments où nous sommes pris de court, où nous devons agir un peu plus rapidement. Il serait dommage justement de perdre ces actifs-là. Et ça se produit dans certains dossiers où les produits quittent le pays, quittent le territoire, et ça vient complexifier nos méthodes, nos alternatives, par la suite. Par ce que je comprends du projet n° 36, c'est que nous pourrions bénéficier d'une confiscation avant jugement, une saisie avant jugement. Et de toute façon on aurait des tribunes par la suite ou un forum pour débattre justement de ces choses-là. Ça m'apparaît un avantage certain dans la lutte aux produits de la criminalité.
Également, il y a des victimes de fraudes. Les fraudes: 5 760 dossiers présentement, au SPVM. Souvent, les fraudeurs organisés... On pense au télémarketing, on pense aux organisations. Évidemment, je crois que le coeur du projet de loi n° 36 vise le crime organisé, et c'est de quoi je parle ce matin. Alors, les fraudeurs organisés justement enlèvent des actifs et des biens à des victimes innocentes, de vraies victimes. Je pense que le projet de loi n° 36 pourrait nous aider justement à confisquer, toujours dans la même question de rapidité, toujours entreprendre des procédures criminelles, mais également compléter avec la confiscation.
M. Marcoux: Vous avez indiqué que, dans évidemment des situations d'enquêtes que vous avez menées, les revenus déclarés souvent ne coïncident pas avec la vie des personnes concernées ? c'est-à-dire, souvent, ils vont avoir des maisons plus luxueuses ou des automobiles, ou etc. ? avec le train de vie. Pour vous, dans des cas comme ceux-là, le projet de loi n° 36 permettrait, si je comprends, d'intervenir plus rapidement ou plus facilement pour bloquer soit des argents ou des biens? Comment vous voyez ça, là?
M. Cacchione (Jimmy): Évidemment, afin d'identifier les criminels qui se sont enrichis avec les produits de la criminalité, nous devons faire enquête. Et les façons d'enquêter, bon, la plus usuelle vient de renseignements policiers ou de renseignements de citoyens ou d'informateurs. Évidemment, nous entreprenons des démarches d'enquête afin de corroborer les informations. Il arrive un moment où, pour des raisons d'intégration ou des raisons de jumelage de compagnies, les organisations criminelles vont intercaler des compagnies, des sociétés, ils vont confondre les produits de la criminalité avec des revenus légitimes, d'où la participation des juricomptables. Alors, dans ces cas-là, nous pourrions justement saisir avant jugement des propriétés qui seraient justement menacées de quitter ou de passer à d'autres mains.
Évidemment, la réalité du projet de loi n° 36, présentement, elle est théorique. Je comprends qu'il y aura tout de même une bonne partie de travail d'enquête à faire avant de poursuivre en saisie avant jugement. Alors, si tel est le cas, je crois que c'est un très bon outil justement pour saisir des mains des criminels les actifs qui sont en danger ou menacés de quitter.
M. Marcoux: Vous parliez évidemment de nouvelles méthodes, là, qui ont fait l'objet d'application depuis les mégaprocès, où évidemment les organisations criminelles ont pu constater quelles sortes de méthodes d'enquête, et donc, je comprends, ils s'adaptent. La technologie aujourd'hui permet également de pouvoir utiliser des méthodes qui n'existaient pas il y a 10 ans.
Il y a un groupe qui est venu devant la commission et qui nous parlait de l'utilisation des prête-noms, que c'est devenu très fréquent, semble-t-il, aujourd'hui. Et c'est sans doute une référence à ce que vous mentionniez lorsque vous disiez que les criminels vont utiliser, par exemple, le marché boursier. Donc, il y a une coïncidence ou une coexistence de l'économie légale avec l'économie clandestine. Bien, est-ce que c'est une façon, ça, les prête-noms? Et normalement les personnes utilisées comme prête-noms, est-ce que ce sont des personnes qui se retrouvent dans l'entourage des criminels, des personnes de la famille? Pourriez-vous nous donner un peu, là, peut-être, plus d'explications là-dessus? Et comment le projet de loi n° 36 pourrait justement faciliter vos enquêtes?
M. Cacchione (Jimmy): Évidemment, les facilitateurs ou les collaborateurs immédiats des organisations criminelles sont souvent des membres de la famille, sont souvent des amis proches qui ont une très grande connaissance de ces criminels-là. Et l'utilisation de prête-noms pose problème, et pose problème dans le sens que, comme je disais, le dossier criminel souvent positionne l'individu dans le temps. Donc, quelqu'un qui a un dossier criminel en trafic de stupéfiants, par exemple, est plus facile de nous convaincre de ses activités criminelles, évidemment. Lorsqu'ils n'ont pas de dossier criminel, nous devons multiplier les démarches de vérification et de corroboration justement pour arriver à cette fin-là. Nous y parvenons tant bien que mal. Dans des dossiers, nous y sommes parvenus, mais c'est une tâche titanesque de pouvoir arriver à les démasquer.
Alors, des gens, des collaborateurs proches des criminels sont des membres de la famille. Souvent, ça peut être un gérant de banque, qui souvent, au début, à l'insu de ces gens-là et que par la suite découvre, s'aperçoive d'un train de vie un peu exorbitant, mais il est déjà trop tard parce que le gérant de banque est déjà pris dans cet engrenage-là. Il en est de même aussi d'autres professionnels dans l'entourage de ces gens-là. Évidemment, le crime organisé, quand je parle de collaborateurs, fait affaire avec des professionnels de toutes les catégories. Alors, le projet de loi n° 36 pourrait aider justement à saisir des actifs des prête-noms au nom des criminels.
M. Marcoux: Bien. Alors, moi, je n'ai pas d'autre question pour le moment, peut-être que je reviendrai s'il reste quelques minutes.
Le Président (M. Simard): Très bien. Il vous restera environ trois minutes, si vous le souhaitez.
M. Marcoux: Trois minutes? Parfait.
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(10 h 30)
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Le Président (M. Simard): Et j'invite maintenant le critique officiel de l'opposition pour les questions de justice, le député de Chicoutimi, à prendre la parole.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci à vous deux de votre présentation. Je vois, dans votre mémoire ? vous ne l'avez peut-être pas abordé dans votre présentation ? que vous avez une demande relative aux groupes terroristes, qu'ils soient inclus dans la loi. C'est ce que j'ai compris?
Une voix: Oui.
M. Bédard: Donc, de faire en sorte que les biens... Et, ce que j'ai compris, là ? et sans reprendre mot à mot ? qu'une telle législation existe ailleurs, je pense, en Grande-Bretagne... au Royaume-Uni, plutôt, puis à d'autres endroits.
M. Cacchione (Jimmy): Oui. C'est exact, c'est exact. Même ici aussi, au niveau des dispositions fédérales, nous avons des nouveaux articles qui permettent de s'attaquer justement au phénomène terroriste, dans ce sens-là.
M. Bédard: Et là ce que je vous demande: Pourquoi voulez-vous l'ajouter dans cette procédure-là?
M. Cacchione (Jimmy): Évidemment, lorsque je disais que les procédures, les procédures criminelles sont longues... Et, quand on parle de terrorisme, nous parlons justement de phénomènes internationaux, alors ce qui ajoute justement au problème des juridictions. En sol montréalais, nous avons des collaborateurs ? sans être alarmistes, évidemment ? nous avons certains collaborateurs alentour qui ont un rôle peut-être effacé mais tout de même un rôle de financiers. Alors, dans cette mesure-là, avec le projet de loi n° 36, dans la même logique de tiers et de prête-noms, nous pourrions atteindre les actifs qui servent justement au financement de ces organisations.
M. Bédard: Ce serait donc dirigé vers les groupes qui sont reconnus groupes terroristes, j'imagine?
M. Cacchione (Jimmy): Exactement.
Une voix: Par le fédéral.
M. Bédard: Par le fédéral, c'est ça, par la législation fédérale.
M. Cacchione (Jimmy): Évidemment, toute amorce, comme je le disais...
M. Bédard: C'est le fédéral qui détermine qui...
Une voix: Il y a une liste.
M. Cacchione (Jimmy): Il y a une liste.
M. Bédard: Il y a une liste de groupes qui sont reconnus comme terroristes... ayant des activités terroristes...
M. Cacchione (Jimmy): Terroristes reconnues et documentées.
M. Bédard: O.K. Oui. Mon collègue a peut-être une petite question là-dessus.
Le Président (M. Simard): Oui. M. le député de Dubuc.
M. Côté: Simplement pour complément de votre réponse: Est-ce que ça vous permettrait, par exemple, d'aller saisir des biens chez une personne dont vous êtes à peu près assurés qu'elle finance un groupe terroriste?
M. Cacchione (Jimmy): Évidemment, comme je disais ce matin, le projet de loi n° 36 est un peu virtuel parce que nous ne l'avons pas testé. Parallèle à ça, je dois vous parler de la loi C-53 du fédéral, qui reprend les dispositions de la criminalité organisée, où on introduit les notions de renversement du fardeau de preuve. Et c'est évidemment le 25 novembre 2005 que le projet a été accepté, on n'a pas eu le temps de l'essayer, ça, encore.
M. Bédard: Il n'y a pas encore eu de procédures qui ont utilisé...
M. Cacchione (Jimmy): À ma connaissance, et certainement pas au SPVM, nous n'avons pas encore eu la chance de le mettre en pratique. Nos dossiers continuent. Nous avons des dossiers qui sont enquêtés présentement.
Pour répondre à votre question, monsieur, évidemment, aller chercher... théoriquement, oui, ce serait possible, mais évidemment sur des individus où on a la certitude qu'ils ont un rôle actif. M. et Mme Tout-le-monde ne sont pas visés par nos enquêtes. De toute façon, M. et Mme Tout-le-monde, lorsqu'ils arrivent en cours d'enquête ? parce que nous en rencontrons dans nos enquêtes ? sont vite élargis et épargnés. Donc, c'est très perceptible justement, la connaissance... Quand je parlais «à l'insu du banquier» tantôt, le banquier, quand je parle aussi d'un commerçant quelconque, nous avons vite fait de réaliser qu'ils se sont fait prendre dans un système et nous pouvons les...
M. Bédard: Tantôt, j'écoutais votre explication concernant les... Ce que vous percevez du projet de loi, c'est qu'il vous donnerait des moyens additionnels pour agir, entre autres, au niveau... Vous disiez: Lorsque les biens quittent ou peuvent quitter le pays, la loi nous permettrait d'agir par requête introductive d'instance et de saisir même avant le jugement, jusqu'à un jugement final. Je ne suis pas un spécialiste en droit criminel, mais, le Code criminel actuellement, lorsque vous faites une enquête qui arrive à terme, j'imagine que vous avez le droit de saisir tous les biens sur lesquels vous avez des motifs raisonnables de croire qu'ils ont servi à la perpétration d'un crime. À partir du moment où l'enquête a abouti, la procédure actuelle vous permet de saisir ces biens avant qu'ils quittent?
M. Cacchione (Jimmy): Nous avons des procédures de mandat... des mandats spéciaux de saisie. Alors, l'exemple le plus éloquent est les coffrets de sûreté dans les succursales bancaires. Lorsque nous visitons les succursales bancaires, après plusieurs autorisations judiciaires, des fois, nous avons des surprises et nous sommes pris devant un coffret plein. À ce moment-là, nous allons procéder avec l'urgence de l'événement. Ça, c'est un exemple en matière criminelle. Il ne faut pas perdre de vue, par exemple, qu'à partir du moment où est-ce que je rentre dans le coffret je viens de sonner l'alarme à l'organisation criminelle.
M. Bédard: Exactement.
M. Cacchione (Jimmy): Alors, le projet de loi n° 36 peut répondre à des cas ou des rôles... les individus de rôle secondaire, tout aussi important dans l'organisation, mais un rôle plus secondaire. Alors là, ça va être du cas par cas dans des questions de stratégie...
M. Bédard: Vous allez...
M. Cacchione (Jimmy): ...stratégie d'enquête, et c'est vraiment du cas par cas.
M. Bédard: Je ne suis pas un spécialiste, c'est vous, les spécialistes, mais j'imagine difficilement, dans le cadre d'une enquête, que vous alliez chercher des biens de gens impliqués dans le crime principal mais qui sont périphériques, de façon à ne pas compromettre le résultat de votre enquête. Ça doit être plutôt rare que vous allez procéder comme ça.
M. Cacchione (Jimmy): Rare.
M. Bédard: C'est pour ça que j'essaie de voir en termes de... pour éviter la fuite, pour éviter la disparition de ces biens, ce que je comprends de la loi actuelle et du fonctionnement du Code criminel, c'est qu'il vous permet, au moment où l'enquête est terminée et que vous portez les accusations, que vous faites les perquisitions, de saisir l'ensemble des biens liés directement ou indirectement à la commission du crime. Est-ce que c'est le cas?
M. Cacchione (Jimmy): En matière criminelle.
M. Bédard: En matière criminelle, oui.
M. Cacchione (Jimmy): En matière criminelle. Mais les affidavits de blocage ont une longue procédure, une longue enquête.
M. Bédard: Sauf que les biens, en attendant, ils sont saisis, ils ne peuvent pas être... On peut contester, j'imagine. Ceux et celles qui font partie du crime organisé mais dont les biens ont été saisis peuvent contester la saisie, sauf qu'elle demeure tant qu'un tribunal ne l'a pas levée ? c'est ce que je comprends ? puis jusqu'à ce que l'audition, au fond, de la commission d'acte criminel soit entendue. Est-ce que c'est à peu près comme ça que ça fonctionne?
M. Cacchione (Jimmy): Oui.
M. Bédard: À peu près.
M. Cacchione (Jimmy): Oui.
M. Bédard: O.K. Au niveau de la prescription ? je ne m'étais pas attardé à ça ? ce que vous souhaitez finalement, c'est que le recours prévu à la loi, on ne puisse lui opposer d'aucune façon quelque prescription. Et là je comprends qu'ailleurs il y a différentes prescriptions qui ont été utilisées, parfois 15 ans. Et, la plupart du temps, on prévoit une disposition particulière qui, elle, prévoit qu'il n'y a aucune prescription acceptée. C'est ce que je comprends?
M. Cacchione (Jimmy): Oui.
M. Bédard: Et c'est ce que vous souhaitez.
M. Cacchione (Jimmy): Oui.
M. Bédard: À l'article 17, sur la destruction, l'article 17 qui prévoit, bon: «Le Procureur général peut donner au Centre de services partagés du Québec ou à une autre personne qu'il désigne le mandat d'administrer certains [...] biens dont il a la garde, ainsi que la responsabilité d'aliéner des biens confisqués.» Ce que vous demandez, vous, vous dites: «Cet article devrait également prévoir la possibilité, par le Procureur général, d'autoriser la cession, le don ou l'aliénation à titre gratuit de certains biens en faveur des corps policiers ou d'autres organismes...» Pourquoi une telle précision?
M. Cacchione (Jimmy): Souvent, les organisations criminelles ont les moyens de se payer des systèmes sophistiqués, des logiciels. Pour les étudier, dans le but justement de parfaire nos connaissances, ce serait peut-être souhaitable... Ça, c'est un cas où nous pourrions étudier ces systèmes-là et en profiter justement pour voir au développement de nos enquêteurs et de nos unités.
M. Bédard: O.K. Mais pourquoi prévoir l'aliénation à titre gratuit?
M. Cacchione (Jimmy): À titre gratuit, j'imagine qu'on fait référence... Je pense, c'est la cession, une cession.
Une voix: ...l'article 20.
M. Bédard: C'est ça. Et là je vois l'article 20, où on prévoit: «Le Procureur général peut, si l'intérêt public le requiert, détruire ou aliéner à titre gratuit les biens confisqués. Les aliénations à titre gratuit peuvent notamment être faites en faveur de corps de police à des fins de formation ou, encore, en faveur d'organismes à but non lucratif poursuivant, entre autres, des fins historiques ou éducatives.» Donc, et là je veux bien comprendre, là, est-ce que l'article 20 vous permet de faire cela?
M. Cacchione (Jimmy): Comme je vous disais, on commence à dépasser un peu les champs de ma compétence légale, vous comprendrez.
Des voix: Ha, ha, ha!
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(10 h 40)
n
M. Turp: Parlez aux avocats qui ont rédigé le mémoire.
Des voix: ...
M. Bédard: C'est parce que, c'est ça, dans le mémoire, vous... Bon, sur l'article 20... mais on y reviendra peut-être lors de l'étude en commission. Et vous souhaitez aussi qu'on prévoie, à l'article 17... «il devrait prévoir également la destruction des biens». Et là je me demandais pourquoi prévoir une telle disposition. J'imagine que c'est...
M. Cacchione (Jimmy): Pour les biens?
M. Bédard: Oui.
M. Cacchione (Jimmy): Évidemment, c'est un peu le pendant ou les notions relatives à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. C'est les seules que j'ai apprises, en passant, je peux me permettre de les commenter. Les biens infractionnels. Le bien infractionnel. À Montréal, nous démantelons 175 serres hydroponiques annuellement, ce qui en fait environ quelques par semaine. Évidemment, les outils qui servent à l'exploitation des serres hydroponiques, je pense aux lampes au lithium, je pense aux dispositifs électriques, je pense aux pots et je pense à tout ce qui sert justement à cet effet-là, la destruction pourrait être inscrite, là, selon... à l'article.
M. Bédard: O.K.
M. Turp: J'ai une question là-dessus.
M. Bédard: Oui.
M. Turp: Là-dessus, est-ce qu'il est aussi vrai qu'on souhaite parfois détruire des immeubles qui ont appartenu à des groupes comme les Hell's Angels parce qu'il est déjà arrivé qu'ils aient réacheté leurs mêmes immeubles? Et est-ce que c'est pour ça que vous souhaiteriez que ce soit précis?
M. Cacchione (Jimmy): Bien, c'est un exemple. Évidemment, l'expérience passée nous suggère des options comme celles-ci. Et aussi il y a des questions aussi d'immeubles qui deviennent insalubres justement dû, à cause de la contamination. Les serres hydroponiques contaminent les maisons, les résidences, par les champignons.
Le Président (M. Simard): Vous avez terminé?
M. Bédard: Ma collègue de Papineau...
Le Président (M. Simard): Pardon. Excusez-moi, Mme la députée de Prévost.
M. Bédard: ...de Prévost, Mme Papineau.
Le Président (M. Simard): Il vous reste trois minutes.
Mme Papineau: Ce ne sera pas long, M. le Président. Moi, je veux bien comprendre, là. Vous avez dit, dans votre... D'abord, bonjour, messieurs. La confiscation civile ferait «accélérer le processus», ce que vous avez dit. Par contre, vous avez dit: Bon, c'est un projet de loi théorique. Et vous avez dit aussi qu'on ne pourrait pas saisir justement des biens avant jugement à moins qu'il y ait enquête. Bon. Et ce que j'ai cru comprendre, c'est que le processus serait presque aussi long qu'au criminel. Est-ce que j'ai bien entendu? Parce que vous semblez dire que l'enquête, même pour une confiscation avant jugement, serait quand même assez longue si on la compare... peut-être pas aussi longue, mais elle serait quand même assez longue si on la compare au criminel.
M. Cacchione (Jimmy): Évidemment, on revient à du cas par cas au niveau des stratégies, des stratégies d'enquête. Et il est certain que le facteur temps va jouer dans la prise de décision d'y aller en vertu d'une procédure civile. Les exigences du projet de loi sont peut-être un peu plus basses que le Code criminel, mais il est clair qu'il va arriver un moment, dans une enquête, où nous allons devoir choisir d'y aller vers l'aspect blocage criminel ou blocage au civil, et on va évaluer les dommages que ça va faire dans le contexte général de l'enquête. Alors, comme je vous dis, demain matin, le projet de loi rentre en vigueur, on va étudier les divers scénarios et comment est-ce qu'on va s'y prendre justement.
Mme Papineau: O.K. Donc, ce projet de loi là ne serait pas nécessairement juste pour réduire, je vous dirais, le délai de l'enquête, la durée de l'enquête. Parce que ce que je comprends, c'est que vous allez avoir le choix, à un moment donné, à faire entre le civil et le criminel, mais l'enquête, elle, va quasiment être au... Ce serait au même niveau, là, vous pourriez intervenir autant au criminel qu'au civil?
M. Cacchione (Jimmy): Exactement.
Mme Papineau: Parfait.
Le Président (M. Simard): Très bien. Alors, je vous remercie beaucoup. M. le ministre, vous aviez une dernière question. Il vous reste en fait 4 min 45 s.
M. Marcoux: Oui. Merci, M. le Président. Peut-être revenir à un point quand même important qui a été soulevé, c'est celui soit de la destruction, ou de la vente, ou de l'aliénation, là. Vous en faites état dans votre mémoire. Il y a des questions qui ont été posées à cet égard-là. Ce qu'on m'indique, c'est que la pratique actuellement qui s'est appliquée dans le cas de confiscation de biens en vertu des dispositions du Code criminel, c'est que, dans le cas d'armes, par exemple... Évidemment, avant jugement, on doit les administrer parce qu'elles ne nous appartiennent pas encore, il faut attendre le jugement, autant au criminel que ce sera le cas au civil. Mais, s'il s'agit d'articles comme des armes, évidemment on va procéder à la destruction parce que je pense que ce n'est pas souhaitable qu'il y en ait d'autres qui les réutilisent.
Même chose pour des logiciels qui ont mené à la fraude. Dans ces cas-là, semble-t-il, oui, ça pourrait être aliéné à titre gratuit pour des fins de formation, pour permettre, comme vous le disiez tantôt, les nouvelles technologies donc, que ceux qui font des enquêtes puissent les connaître pour mieux lutter contre le crime.
Dans le cas d'édifices ou de maisons... Puis on a eu un exemple ici, dans la région de Québec, je pense, là, dans le temps, il y a quelques années, à Saint-Nicolas, où il y avait eu une maison de saisie, une maison des motards qui avait été détruite parce qu'on voulait l'éliminer. Puis souvent elles ne respectent pas non plus les règlements municipaux. Alors, c'est un peu la pratique.
Je sais qu'en Ontario on m'indique qu'à un moment donné il y a une propriété qui avait été revendue puis qui avait été rachetée par le groupe criminel qui avait été accusé et déclaré coupable. Alors, je pense que la... Donc, quand ce sont des produits qui peuvent être réutilisés, la tendance est de dire: Bien, écoutez, on va les détruire parce qu'on ne veut pas que ça resserve à nouveau. Et le reste, bien, c'est vendu sur le marché, là.
Alors, peut-être que ce sera regardé, mais c'est clair que l'intention, c'est de ne pas conserver dans le réseau, là, des armes ou d'autres produits qui pourraient être réutilisés pour commettre à nouveau des crimes. Alors, je voulais simplement apporter cette distinction-là, tout en indiquant que c'est un point important.
Le Président (M. Simard): Enfin, c'est un commentaire, je pense, qui n'appelle peut-être pas de réponse. Le temps étant écoulé, je vais remercier les représentants du SPVM et suspendre quelques minutes nos travaux.
(Suspension de la séance à 10 h 47)
(Reprise à 10 h 51)
Le Président (M. Simard): Nous allons attendre les juristes de l'État. Est-ce qu'ils sont là? Bon, il est là.
Alors, j'en conclus que vous êtes Me Marc Lajoie, président de l'Association des juristes de l'État. Bienvenue. Vous connaissez évidemment mieux que quiconque ici nos façons de procéder. Et nous vous invitons à nous faire part de vos remarques.
Nous n'avons reçu qu'il y a quelques secondes une copie de votre mémoire qui comporte une dizaine de pages et de très nombreuses annexes. Nous aurions, vous vous en doutez bien, souhaité pouvoir y avoir accès plus tôt. C'est toujours beaucoup plus facile pour la commission de pouvoir disposer des mémoires à l'avance, vous le comprendrez. Donc, le défi est d'autant plus grand pour vous de nous le synthétiser et de nous le faire comprendre dans les 20 minutes qui vous sont imparties.
Veuillez nous présenter celui qui vient de se joindre à vous, s'il vous plaît.
Association des juristes de l'État (AJE)
M. Lajoie (Marc): D'accord. Alors, mon nom, c'est Marc Lajoie, je suis président de l'Association des juristes de l'État. La personne qui m'accompagne est notre vice-président, Me Jean Denis, qui est vice-président de l'Association des juristes de l'État.
Alors, tout d'abord, j'aimerais remercier les membres de la commission de leur aimable invitation. Ça a été un petit peu à la dernière minute, on s'en excuse, concernant la production du mémoire. Ça a été transmis hier soir, donc dans les derniers milles.
Alors, écoutez, peut-être un peu pour présenter l'Association des juristes de l'État. Alors, l'association est un syndicat accrédité au sens du Code du travail, représentant les intérêts socioéconomiques des avocats et notaires à l'emploi de la fonction publique et des organismes publics du Québec. À ce jour, l'AJE compte 870 membres, dont 360 oeuvrent au ministère de la Justice pour le compte du Procureur général et jurisconsulte de la province.
Donc, peut-être pour faire une précision, l'AJE ne représente pas les substituts du Procureur général, c'est l'Association des substituts du Procureur général qui a le mandat de représentation des substituts en vertu de la loi. Concrètement, notre association ne représente pas les substituts du Procureur général à l'emploi du Bureau de lutte au crime organisé, le BLACO, ou du Bureau de lutte aux produits de la criminalité.
Par ailleurs, nos membres ont conseillé le ministre de la Justice lors de la conception et de la rédaction du projet de loi. Vous comprendrez donc que notre devoir de réserve et de neutralité fait en sorte que nos observations et interrogations ne porteront pas sur les orientations du projet de loi, mais plutôt sur des questions de relations de travail reliées à sa mise en application éventuelle. Plus particulièrement, nous traitons des ressources humaines et matérielles nécessaires à la mise en oeuvre de la loi, de l'immunité des juristes de l'État, des mesures de sécurité, du niveau de l'effectif, de l'organisation du travail et de la formation.
Nous comprenons que le projet de loi mentionné en titre confère de nouveaux pouvoirs au Procureur général du Québec, lui permettant notamment de demander la confiscation devant les tribunaux civils d'un bien en faveur de l'État lorsqu'il existe un lien entre ce bien et une activité illégale et, dans le cas d'un instrument d'activité illégale, de la participation d'un défendeur à cette activité ou de sa connaissance de celle-ci. Le projet de loi prévoit également de nouvelles présomptions légales visant à faciliter cette confiscation.
Chacun sait qu'en matière civile le fardeau de la preuve est selon la balance des probabilités, alors qu'en matière criminelle la preuve doit être faite hors de tout doute raisonnable.
Depuis la présentation du projet de loi n° 36, au mois de juin dernier, les membres de notre syndicat s'interrogent sur la mise en oeuvre éventuelle de ces nouveaux pouvoirs confiés au Procureur général. Est-ce que les autorités du ministère de la Justice ont l'intention de confier les mandats de confiscation aux juristes de l'État, aux substituts du Procureur général ou à des avocats de pratique privée? Nous déduisons de l'invitation faite par la Commission des institutions que nous sommes concernés. Nous déplorons l'absence de l'Association des substituts du Procureur général du Québec. La présence de cette association aurait été certainement d'un apport précieux aux délibérations de cette commission.
À défaut de connaître les intentions du ministre de la Justice, nous croyons pouvoir raisonnablement émettre l'hypothèse que ces nouveaux mandats pourraient être confiés aux membres de notre association, notamment aux juristes des directions du contentieux de Montréal et de Québec sous la responsabilité de la Direction des affaires juridiques et législatives du ministère de la Justice et/ou aux juristes des contentieux de Montréal et de Québec du ministère du Revenu. Nous croyons que les juristes de ces contentieux détiennent particulièrement l'expertise en matière de perception et de procédures civiles pour mener à bon port les mandats de confiscation.
Alors, ce qui nous préoccupe: la question de l'immunité. Alors, à l'instar de la Saskatchewan et de l'Ontario, nous demandons que la loi prévoie expressément une clause d'immunité afin de rendre irrecevable devant les tribunaux civils un recours contre toute personne agissant de bonne foi dans l'application de la Loi sur la confiscation. À titre d'information, nous joignons les textes pertinents de l'Ontario et de la Saskatchewan.
Cette mesure est de nature à conférer une protection relative à l'égard des recours judiciaires frivoles ou abusifs contre les salariés de l'État impliqués. À cet égard, on ne peut sous-estimer l'effet désastreux qu'ont de tels recours sur le dossier de crédit d'un salarié.
Malgré le principe de l'immunité des agents de la couronne et les dispositions de notre convention collective prévoyant que notre employeur prend fait et cause, notre association est préoccupée par une tendance lourde observée dans les autres provinces canadiennes. Ainsi, nos confrères et consoeurs du Procureur général de plusieurs provinces canadiennes sont systématiquement poursuivis en responsabilité civile devant les tribunaux à l'égard d'actes posés de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions. Ainsi, en Ontario, un avocat du Procureur général de l'Ontario sur trois est l'objet d'une telle poursuite. En plus de porter atteinte à la sécurité économique des juristes concernés, de telles poursuites ont un effet déstabilisant et intimidant susceptible d'affecter négativement l'efficacité de leur travail.
En ce qui a trait aux mesures de sécurité, nous demandons que des mesures de sécurité soient prévues afin de protéger les membres du personnel de la fonction publique qui seront impliqués dans les mandats de confiscation. Nous demandons que ces mesures soient convenues avec toutes les associations de salariés impliquées. Ces mesures sont nécessaires pour contrôler toute tentative d'intimidation ou d'infiltration par le crime organisé. Par ailleurs, nous demandons que ces mesures de sécurité soient déclarées admissibles à titre de dépenses reliées aux confiscations civiles par le ministère de la Justice et qu'à ce titre le produit de l'aliénation des biens confisqués puisse être utilisé pour assumer le coût de ces mesures de sécurité.
L'organisation des services juridiques au ministère de la Justice. Afin de ne pas compromettre l'intégrité du processus judiciaire, nous croyons qu'il serait nécessaire de mettre en place des processus administratifs étanches notamment sur l'administration de la preuve dans les dossiers qui procéderont de manière concurrente ou non devant les tribunaux judiciaires de juridictions civile, criminelle ou pénale. Sous d'autres aspects, il serait nécessaire de coordonner les actions entre les juristes traitant du volet civil d'un dossier de confiscation et les juristes traitant du volet criminel ou pénal. Sur ces questions, nous tenons à assurer le ministre qu'il peut compter sur notre collaboration pour trouver des solutions permettant d'assurer une sécurité juridique optimale.
De même, nous sommes à la disposition du ministre et des autorités du ministère pour discuter de toute question relative à l'application de notre convention collective qui pourrait se poser à l'occasion de la mise en oeuvre de cette loi. À titre d'exemple, le projet de loi prévoit, à son article 21, que certaines dépenses peuvent être déduites du produit de l'aliénation des biens qui ont fait l'objet d'une confiscation civile, notamment les dépenses ou avances effectuées ou versées pour financer les activités reliées aux confiscations civiles par le ministère.
Afin de mettre en place un mécanisme de reddition de comptes, il pourrait être nécessaire pour les juristes au dossier de comptabiliser leurs heures de travail, de la même manière que nos confrères et consoeurs du secteur privé calculent leurs heures facturables. Or, notre convention collective ne prévoit pas un tel mécanisme. Plutôt que de gérer les griefs, nous suggérons au ministre une approche préventive en matière de relations de travail.
Les ressources humaines et matérielles. Nous avons entendu, le 16 novembre dernier, les représentations de la Sûreté du Québec et, aujourd'hui, celles du SPVM. Il nous semble évident que les corps policiers auront beau disposer de la preuve nécessaire à la confiscation civile, cette preuve sera inutile si des juristes peuvent la présenter à un tribunal.
Afin d'évaluer les ressources humaines et matérielles nécessaires à la mise en application de cette loi, nous croyons que l'intérêt de la justice, la primauté de la règle de droit, l'intérêt public et la sécurité publique doivent tous avoir préséance sur l'intérêt économique que revêtent les sommes qui pourraient être confisquées par l'État. Dans le contexte actuel des finances publiques, cela représente un défi pour les juristes de l'État.
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(11 heures)
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Afin de mesurer l'ampleur de ce défi, je vous ai donné dans mon mémoire quelques exemples. Peut-être pour attirer l'attention des membres de la commission sur un exemple très récent, alors que siégeait la commission, le 16 novembre dernier, un communiqué du 16 novembre du «district attorney» du comté de Queen's, dans la ville de New York, mentionnait qu'une procédure de confiscation civile sans précédent était déposée, prévoyant la confiscation d'une somme de 500 millions de dollars provenant d'activités illégales d'un casino en ligne.
Au Canada, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada fournit des données économiques sur l'ampleur du phénomène du blanchiment d'argent. Dans le rapport annuel 2005-2006 du centre, présenté au mois d'octobre, on peut y lire que 168 cas d'activités financières douteuses concernant plus de 5 milliards de dollars en opérations ont été communiqués aux autorités policières.
Au Québec, pour l'exercice clos le 31 mars 2006, une somme de 10 millions de dollars provenant des produits de la criminalité a été distribuée notamment aux victimes d'actes criminels et aux corps policiers. Il est raisonnable de croire que le fardeau de la preuve civile et les nouvelles présomptions civiles prévues à la loi sous étude permettront d'augmenter sensiblement cette somme.
Alors, compte tenu des enjeux, nous plaidons ici pour que les ministères concernés disposent des ressources humaines et matérielles adéquates pour assumer ce nouveau mandat. Nous plaidons pour que l'État québécois se dote d'une expertise de pointe en matière de confiscation civile.
Puisque les produits de la criminalité traversent les frontières du Québec et du Canada, les employés de l'État concernés, et plus particulièrement les juristes, devront disposer des ressources nécessaires pour collaborer et aller à la rencontre de l'expérience et de l'expertise acquises dans les autres provinces canadiennes et à l'étranger. Nous demandons que les juristes puissent recevoir une formation continue, à la fine pointe du droit, pour être en mesure d'assumer ces mandats de manière optimale.
Nous ne disposons d'aucune information nous permettant de suggérer un niveau d'effectif adéquat pour assumer les mandats de confiscation. En raison de la charge actuelle de travail de nos membres, nous sommes cependant convaincus que ces mandats ne peuvent être exécutés avec les ressources humaines actuelles du ministère de la Justice ou du ministère du Revenu sans compromettre la qualité des services ou la santé de nos membres.
En raison de la politique salariale du gouvernement à l'égard de ses juristes, nous croyons qu'il sera sans doute difficile de recruter des juristes expérimentés. En effet, la rémunération des juristes de l'État et des substituts de la couronne est l'une des plus faibles au Canada. Alors que les médecins spécialistes du Québec se plaignent d'un retard de plus de 40 % de leur rémunération, nos membres constatent que nos homologues ontariens effectuant le même travail touchent déjà le double de leur salaire, depuis avril dernier. Ainsi, au sommet de son échelle, un juriste ontarien peut gagner jusqu'à 200 000 $ par année, en incluant les primes versées au rendement.
On peut déjà anticiper une pénurie de juristes expérimentés au ministère de la Justice en raison des départs massifs à la retraite de la cohorte de juristes recrutés dans les années soixante-dix de façon contemporaine à la création du ministère de la Justice.
De plus, à notre avis, les quatre facteurs suivants risquent d'aggraver davantage la situation et de compromettre la capacité stratégique du Québec à devenir un chef de file en matière de confiscation civile: le Plan de gestion des ressources humaines du Conseil du trésor prévoyant notamment le non-remplacement d'un employé sur deux qui prendront leur retraite; la décision récente du Conseil du trésor de décréter un gel d'embauche à compter du 24 octobre jusqu'à 31 mars 2007; l'exercice semestriel de compression des dépenses auquel doivent se livrer tous les ministères et organismes de la fonction publique; et la modification, en 2000, de la Directive concernant l'attribution des taux de traitement, qui ne permet plus de reconnaître l'expérience de travail acquise aux fins de déterminer la position dans l'échelle de traitement d'un employé de la fonction publique.
Afin de mettre les choses en perspective, notons que les contentieux de Montréal et de Québec du ministère de la Justice comptent respectivement 52 juristes et 25 juristes. Les contentieux de Montréal et de Québec du ministère du Revenu comptent respectivement 29 et 13 juristes. La masse salariale de l'ensemble de tous les juristes de l'État représente annuellement 65 millions. On peut mettre ça en perspective avec le budget du SPVM, qui est de l'ordre du milliard de dollars.
L'indépendance des juristes de l'État. Nos voisins américains jouissent d'une longue expérience en matière de confiscation civile des produits ou instruments de la criminalité. En effet, depuis le Money Laundering Control Act de 1986, plusieurs États américains ainsi que les autorités fédérales ont adopté tour à tour des dispositions législatives prévoyant la confiscation civile et administrative de biens provenant d'activités illégales. Au fil du temps, ces lois ont été modifiées et raffinées. Ces lois ont fait et font encore l'objet de critiques importantes de la part des défenseurs des libertés civiles aux États-Unis. L'acronyme FEAR ? Forfeiture Endangers American Rights ? de cette association de défense américaine en dit long sur la terreur qu'inspire le système américain de confiscation civile et administrative.
Ainsi, en raison du fait que les systèmes de confiscation sont financés à même les biens confisqués, on a accusé les policiers américains et les juristes gouvernementaux d'avoir la même dépendance à l'égard de la confiscation civile que les toxicomanes à l'égard des drogues. Devant les tribunaux américains, on allègue notamment que ce mode de financement engendre un conflit d'intérêts institutionnel au sein des agences gouvernementales chargées de la confiscation. Ainsi, on prétend que l'application de la règle de droit et les droits civils sont souvent sacrifiés pour augmenter la rentabilité économique des confiscations pour le trésor public. On déplore particulièrement les abus dont sont victimes les tiers de bonne foi. De façon pragmatique, des avocats américains déconseillent à leurs clients de contester une confiscation lorsque la valeur d'un bien confisqué est inférieure aux frais juridiques de la contestation, Ainsi, ces frais représentent parfois jusqu'à 20 000 $ US. Malgré ces critiques et plusieurs contestations successives, le système américain de confiscation civile a subi jusqu'à maintenant avec succès l'examen des tribunaux américains.
Compte tenu de l'expérience américaine, nous croyons que les juristes qui assumeront ces mandats devront jouir d'une grande indépendance afin de favoriser l'exercice de ces nouveaux pouvoirs extraordinaires confiés par le législateur de manière indépendante et impartiale, conformément à la règle de droit et aux chartes des libertés. À cette fin, nous croyons que le statut d'employé permanent et la sécurité d'emploi conférée par la Loi sur la fonction publique est un outil de travail essentiel pour ces juristes qui devront affronter le crime organisé en même temps qu'ils devront répondre aux impératifs de rentabilité économique du nouveau régime de confiscation civile.
Dans un tel contexte, nous croyons que les postes devraient être dotés par des juristes permanents et non des juristes occasionnels dont le contrat est à durée déterminée. Généralement, cette durée est d'un an. Nous suggérons que de nouveaux juristes puissent être embauchés notamment pour remplacer les juristes plus expérimentés qui assumeront les mandats de confiscation.
Enfin, j'aimerais attirer l'attention des parlementaires sur un article récemment paru dans le Journal of Financial Crime.
Le Président (M. Simard): Votre temps est écoulé, alors veuillez conclure immédiatement, s'il vous plaît.
M. Lajoie (Marc): Alors, j'aimerais attirer l'attention des parlementaires sur cet article-là qui est intitulé Designing a civil forfeiture system. Et cet article-là revêt un grand intérêt pour les parlementaires parce qu'il compare tous les systèmes de confiscation civile au Canada et à l'étranger.
Donc, en espérant que ces quelques observations vous seront utiles, je vous prie d'accepter la présente comme l'expression de mon dévouement et de mon attachement à la fonction publique du Québec. Merci.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Alors, j'invite maintenant le ministre à intervenir pour débuter.
M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, Me Lajoie, d'être là. Et merci, M. Bruneau, également. On voudrait vous remercier de votre mémoire et de votre participation à la commission, comme vous le faites d'ailleurs à un certain nombre d'occasions devant des commissions parlementaires. Et vous avez également des références fort intéressantes, là, que vous avez jointes à votre mémoire en termes d'annexes.
Vous soulevez une question fort importante, là, qui est celle de l'immunité. Donc, vous faites des références à la loi ontarienne notamment. Et ce qu'on m'indique, c'est que la loi ontarienne ? bon, il y a l'article 20, là ? prévoit que les demandes en justice contre ceux qui agissent pour le Procureur général sont irrecevables lorsque les demandes introduites ou conduites en application de cette loi l'ont été de bonne foi. Je ne sais pas si c'est exact, là, l'information que j'ai.
Par ailleurs, chez nous, il y a un article aussi dans la Loi sur la fonction publique ? vous y faites référence ? qui prévoit: «Si un fonctionnaire est poursuivi en justice par un tiers pour un acte qu'il a posé ou omis de poser dans l'exercice de ses fonctions, le Procureur général prend fait et cause pour le fonctionnaire, sauf si ce dernier a commis une faute lourde.» Alors ça, il y a ça d'une part, donc, qui existe dans la Loi de la fonction publique.
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(11 h 10)
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Ce que je comprends aussi, dans la convention collective à laquelle les juristes de l'État sont partie, on prévoit aussi, et je cite, M. le Président, là: «En matière civile, lorsqu'un juriste est poursuivi en justice par un tiers à la suite d'actes, d'omissions ou de gestes professionnels posés dans l'exercice de ses attributions, l'employeur ? donc, le gouvernement ? prend fait et cause pour le juriste qui en fait la demande écrite au sous-ministre. Et, dans le cas même où le juriste est l'objet d'une plainte devant l'ordre professionnel dont il est membre ou est l'objet d'une poursuite pour outrage au tribunal, le juriste peut demander d'être assisté par un procureur. Dans tous les cas, après avoir consulté le juriste, l'employeur lui désigne, à ses frais, un procureur pour assurer sa défense. Le procureur assigné par l'employeur est choisi après consultation avec le juriste visé ? ce qui est normal. Toutefois, le juriste rembourse les frais assumés pour sa défense si le tribunal ou la déclaration de règlement révèle qu'il y a eu faute lourde ou intentionnelle. Si la poursuite entraîne pour le juriste une condamnation de nature pécuniaire, celle-ci est payée par l'employeur.» Dans le cas de faute lourde ou intentionnelle, bien là c'est le juriste qui rembourse l'employeur.
Je ne sais pas s'il y a des dispositions semblables qui existent dans d'autres provinces, là, évidemment qui ne sont pas contenues dans la loi comme telle. Ce qu'on prévoit dans la loi, c'est qu'il n'y a pas de poursuite si l'acte a été de bonne foi, si le geste posé est de bonne foi. Je me dis: Est-ce que, déjà avec cet article dans la Loi de la fonction publique et également l'article qui est dans la convention collective qui relie l'employeur aux juristes de l'État, il n'y a quand même pas déjà une bonne protection à cet égard-là? Ce n'est peut-être pas une immunité comme telle qui est stipulée, mais est-ce qu'il n'y a quand même pas déjà une très bonne protection, et qui est normale, pour les juristes de l'État dans l'exercice de leurs fonctions?
M. Lajoie (Marc): La protection, c'est qu'elle s'applique à partir du moment où les droits sont déclarés par un tribunal. Donc, le problème se pose. C'est à l'égard des tiers qui sont des créanciers, par exemple, hypothécaires, une banque, une caisse qui constaterait que, dans le dossier de crédit d'un employé de l'État, bon, il y a une poursuite, la personne a une poursuite de 1 million sur le dos. Alors, pour ce prêteur-là, ce créancier-là, de façon pragmatique, là, pour ce créancier-là, le débiteur, le futur débiteur représente un risque important. Donc, le dommage est fait à partir du moment où la poursuite, elle est déposée, peu importe si cette poursuite-là, elle est futile ou vexatoire.
Donc, le mécanisme qu'on a dans notre loi, bien entendu, c'est un mécanisme qui protège les salariés lorsque les droits sont déclarés par un tribunal, mais, avant que ces droits-là puissent être déclarés par un tribunal, le salarié a déjà un préjudice qui est causé du simple fait du dépôt d'une poursuite dans son dossier de crédit. Donc, ça pourrait lui empêcher de façon pratique d'accéder à un prêt hypothécaire pour s'acheter une maison, de contracter un prêt pour s'acheter une voiture, ainsi de suite.
Donc, je sais qu'il y a des mécanismes administratifs au ministère de la Justice qui font en sorte que, dans certains cas, pour faciliter justement les crédits, il y a une lettre qui peut être envoyée au créancier hypothécaire, mais, nous, on pense que ça devrait être fait... on devrait avoir une espèce de signal au créancier hypothécaire: Écoutez, les employés de l'État qui sont poursuivis, de façon générale, ont une protection. Alors qu'actuellement il faut demander au créancier hypothécaire: Écoute, va lire notre convention, va lire la Loi sur la fonction publique, etc. Donc, nous, on pense qu'il faut qu'il y ait quelque part dans la loi une indication au créancier que: Attendez une minute, là...
Des voix: ...
M. Marcoux: Je ne veux pas vous interrompre, Me Lajoie, là.
M. Lajoie (Marc): Alors, nous, ce qu'on constate aussi, c'est que, malgré l'immunité actuelle des procureurs de la couronne, il y en a qui sont régulièrement poursuivis. Donc, ces gens-là ont de la difficulté à obtenir du crédit. Donc, peut-être que la solution, c'est celle de mettre une clause dans la loi. Peut-être qu'il faudrait réfléchir aussi sur la responsabilité des agents de la couronne puis peut-être le faire aussi dans d'autres lois. Nous, on voulait simplement faire part de la difficulté qu'on constate, surtout en regard de la tendance lourde qu'on observe au Canada, c'est-à-dire on sent que, dans les autres provinces canadiennes, c'est une tactique qu'utilise souvent le crime organisé pour un petit peu intimider les gens qui s'occupent de ces causes-là.
M. Marcoux: Oui, M. le Président. Merci. D'ailleurs, je pense que vos commentaires semblent aussi un peu l'inférer, il y a d'autres situations au gouvernement où la même hypothèse peut survenir. Je ne sais pas, moi, les gens du ministère du Revenu aussi, je pense bien que ça peut survenir. Alors, est-ce que ce n'est pas une question, quand vous dites: Bien, peut-être, on pourrait le considérer, puis ça demanderait des modifications à d'autres lois... ce n'est pas une question qui, dans le fond, oui, est un peu plus générale, c'est-à-dire, que celle qui peut s'appliquer uniquement dans le cas de cette loi-ci? Et c'est pour ça que je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Lajoie (Marc): Alors, c'est une préoccupation que... Jusqu'à maintenant, nos membres sont assez chanceux parce que, à part les plaintes au Barreau, bon, on est relativement épargnés par des poursuites civiles. Sauf que, nous, ce qu'on voit, avec cette loi-là et compte tenu des pouvoirs extraordinaires qu'on va donner dorénavant aux gens de l'État puis qu'on s'attaque vraiment, là, aux produits de la criminalité puis à l'argent de ce monde-là, donc on s'attend, comme il y en a dans d'autres provinces, à une réaction. Donc, on veut sensibiliser les autorités du ministère puis du gouvernement à notre préoccupation. Peut-être que la solution, c'est de repenser peut-être un peu le problème de la responsabilité des agents de la couronne plutôt que de le faire particulièrement dans ce dossier-ci, mais, nous, notre intervention, c'est pour vous sensibiliser à cette problématique-là d'abord et avant tout.
M. Marcoux: Merci. Puis je pense que c'est un point important. Une autre question, Me Lajoie. Vous avez parlé d'un mécanisme de reddition de comptes, là. Je pense que c'est important. Maintenant, je ne sais pas si je vous ai bien compris, vous auriez mentionné, c'est que les avocates, les avocats devraient aussi calculer leurs heures, avoir leurs comptes, établir leurs comptes comme s'ils pratiquaient dans le secteur privé ou dans un cabinet d'avocats. Je ne sais pas si je vous ai bien compris là-dessus.
Si c'est le cas, il reste qu'est-ce qu'il n'y a pas quand même une différence importante, là? C'est que ce soient les juristes de l'État, que ce soient les procureurs de la couronne ? parce que dans le fond ce serait la même situation, là ? vous êtes des employés à plein temps d'un employeur. Et je me dis: Est-ce qu'on doit comparer la situation, en termes de calcul de nombre d'heures ? je ne le sais pas ? avec l'avocat de la pratique privée? Est-ce que ça doit se faire partout, tout le temps? Je voudrais simplement avoir vos commentaires.
M. Lajoie (Marc): On a déjà des expériences parce qu'il y a certains du programmes du gouvernement, notamment plusieurs programmes du ministère des Finances... L'exemple, le programme que je connais le plus, c'est le programme ACCES, Actions concertées contre les économies souterraines. Alors, dans ce programme-là, ce n'est pas tout...
C'est parce que c'est difficile. Souvent, il y a des juristes qui font ce travail-là à l'intérieur de leur travail ordinaire. Alors, il y a une partie du budget qui finance l'activité qui provient d'ACCES, et les autres proviennent, par exemple, des crédits votés de l'Assemblée nationale. Donc, il faut être capable de faire la part des choses entre le travail d'un juriste de l'État qui découle de son... qui est financé par les crédits votés de l'Assemblée nationale puis des programmes, par exemple, qui seraient financés par des dépenses provenant de la confiscation des produits de la criminalité.
Donc, par exemple, pour mettre les choses concrètes, un procureur, un juriste de l'État qui travaille au contentieux de Montréal, il pourrait avoir un dossier sur 30 qui concerne la confiscation civile. Donc, comment on fait pour calculer la part, si on veut financer cette part-là, comment on fait pour financer la part de son travail pour avoir une reddition de comptes entre ce que ça coûte pour ce juriste-là pour ce dossier-là et par rapport à ce que ça coûte pour financer son activité générale, là, sa prestation de travail générale? Dans la mesure où vous allez avoir un service... Parce qu'actuellement on ne sait pas du tout comment ça va être organisé, là. Donc, dans la mesure où vous allez voir un service où l'ensemble des juristes sont exclusivement dédiés à la confiscation civile, il va y avoir moins de problèmes que si ça se ferait à l'intérieur, par exemple, du ministère de la Justice, au niveau du contentieux.
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(11 h 20)
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Donc, c'est dans ce cadre-là que notre intervention se situe, c'est-à-dire qu'il y a des questions d'organisation du travail qui devront être discutées, puis ces questions-là vont soulever des questions d'application de la convention collective. Nous, ce qu'on vous dit, c'est que, plutôt que de gérer ça en termes de griefs, c'est-à-dire des employés ne seraient pas contents de la façon dont ils sont traités, ils feraient des griefs parce que leur convention ne serait pas respectée, nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'on est prêts à s'asseoir avec vous puis discuter des questions d'organisation du travail pour éviter que ce problème-là se présente. Donc, c'est dans ce sens-là que se situe notre intervention.
M. Marcoux: Oui, c'est sûr que l'objectif, là, ce n'est pas de mettre en place une organisation qui va générer des griefs ni du côté de l'employeur ni du côté de votre syndicat, là, comme dans tous les cas, d'ailleurs. Je pense que ça... L'objectif, c'est de tenter de pouvoir mettre en place une organisation, là, où on élimine ces problèmes-là subséquemment parce que c'est tout à fait improductif et, je dirais, contre-productif pour tout le monde. Alors, on prend note de votre point.
Vous nous avez parlé enfin des montants qui peuvent être générés par l'application de cette nouvelle loi. On sait que, depuis 1998 ou 1999, je pense, avec l'application du Code criminel et avec l'institution du Bureau de lutte au crime organisé, dans le temps... je pense qu'il y a une cinquantaine de millions qui ont été confisqués. Quels seront les montants additionnels qui pourront être confisqués en vertu du projet de loi n° 36? Je pense qu'on ne peut pas établir d'hypothèse à ce stade-ci.
En Ontario ? et nous avons eu le témoignage d'un avocat qui a participé à la rédaction de la loi en Ontario et puis également qui est directeur de l'unité qui s'occupe de son application ? on mentionnait que depuis... enfin, je pense que la loi est en vigueur depuis 2001, en Ontario, M. le Président, qu'en termes de valeur de biens confisqués, c'était 2,5 millions et qu'il y avait à peu près pour une valeur de huit point quelques millions actuellement qui ont été saisis, bloqués, mais dont le jugement n'est pas encore rendu. Alors donc, tu ne peux pas en disposer. Ça dépendra bien sûr des conclusions des jugements à venir.
Alors, on peut difficilement, je pense, faire des hypothèses. Et l'objectif à mon avis, ce qui est sûr, ce n'est pas nécessairement de dire: Il faut obtenir le plus grand nombre possible de confiscations puis la plus grande valeur. Je pense que, d'une part, il faut bien respecter les prescriptions de la loi, premièrement. Ça, je pense que c'est très, très important, vous l'avez souligné, le Barreau l'a souligné également, d'une part. Et, deuxièmement, l'objectif, ce n'est pas que l'État s'enrichisse nécessairement avec ça. Je pense que l'objectif, c'est d'avoir des moyens de lutter plus efficacement contre les activités criminelles ou illégales. Et, dans ce cadre-là, avec les nouvelles pratiques, aujourd'hui...
Le Président (M. Simard): M. le ministre...
M. Marcoux: Oui?
Le Président (M. Simard): ...veuillez conclure très rapidement parce que vous n'avez plus de temps.
M. Marcoux: Souvent, c'est d'aller chercher de l'argent, c'est-à-dire les biens qui sont utilisés, de façon à faire cesser l'activité criminelle. Alors, je voulais simplement faire ce commentaire-là, je pense, comme approche et comme philosophie d'action.
Le Président (M. Simard): Voilà. Par contre, vous ne pourrez pas répliquer aux commentaires, vous n'en avez pas le temps. Alors, j'invite le représentant, le critique de l'opposition officielle, député de Chicoutimi, à vous adresser maintenant la prochaine question.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Merci, Me Lajoie, merci, Me Denis, d'être ici, avec nous. Première question, très simple. Vous avez étudié, et tout en comprenant votre réserve, comme des membres de votre association ont participé à la rédaction... Et je vous remercie d'ailleurs des différentes documentations que vous nous avez transmises, y incluant, là, un texte que je vais m'attarder à lire d'ici le rappel du projet de loi. Au niveau de l'étanchéité entre les équipes qui vont administrer de façon criminelle et celles qui vont agir au niveau civil, est-ce que, dans l'évaluation que vous avez faite des différentes législatures qui l'ont adopté tant au Canada qu'à l'extérieur du Canada, est-ce que cette étanchéité existe entre les différentes équipes?
M. Lajoie (Marc): Ce qui est intéressant de l'analyse qu'on peut effectuer, c'est qu'il existe déjà dans d'autres juridictions des manuels de procédure qui ont été établis pour traiter ces dossiers-là. Alors, c'est des manuels qui sont même disponibles sur Internet, dont on peut s'inspirer pour établir des procédures de traitement de ces dossiers-là entre le volet criminel et le volet civil. Donc, sans faire de commentaire là-dessus plus avant, on aurait intérêt, au Québec, à s'inspirer un peu de ce qui s'est passé ailleurs, dans d'autres juridictions, pour établir ces procédures-là. Alors, je sais qu'il en existe en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta, ainsi de suite, là.
M. Bédard: O.K. Donc ? parce qu'on avait demandé en Ontario ? ce que je comprends, c'est que les autres ont aussi fonctionné de façon administrative en prévoyant, à travers des manuels, dans quels cas, de quelle façon peut s'installer une collaboration entre les différentes équipes de procureurs et d'avocats.
M. Lajoie (Marc): En somme, c'est que j'ai tenté de rejoindre... On fait partie de l'association canadienne des juristes de l'État. Vous savez, c'est une organisation qui regroupe l'ensemble des procureurs de la couronne puis des juristes du gouvernement fédéral et puis des autres provinces canadiennes. Puis j'ai tenté de communiquer avec les gens de cette association-là pour un petit peu avoir leur point de vue sur la façon dont on traite ces dossiers-là dans les autres provinces. Malheureusement, en raison du bref échéancier qu'on avait, ça n'a pas été possible d'avoir leurs commentaires là-dessus. Par exemple, les gens de l'Ontario m'ont dit qu'ils auraient aimé ça me communiquer des renseignements là-dessus plus détaillés, mais le temps leur a manqué, là, étant donné qu'il y a une révision de la Loi sur la fonction publique, en Ontario, puis ils sont déjà dans ce dossier-là.
Donc, je pourrais toujours tenter... Parce que je suis censé rencontrer ces gens-là à la fin du mois de novembre, donc je pourrais toujours leur poser la question à ce moment-là puis peut-être vous communiquer les résultats de mes consultations là-dessus.
M. Bédard: Oui, j'aimerais bien pour faire en sorte de s'assurer que notre façon de procéder va subir avec succès tous les tests si le projet de loi est adopté.
L'autre élément que je voulais voir avec vous: dans les autres législatures et même, bon, à l'extérieur, ce que je comprends, en général ce sont des équipes de civilistes qui vont traiter les demandes en vertu de ces dispositions particulières, et en général... Parce que, là, vous vous donnez trois possibilités, donc: équipe de procureurs, juristes de l'État ou des mandats à l'extérieur. En général, qu'est-ce qui a été retenu comme façon de faire?
M. Lajoie (Marc): Je connais la situation de l'Ontario. La situation de l'Ontario, c'est que la partie confiscation civile est confiée aux membres de l'ALOC, l'Association of law officers of the crown. C'est un peu nos homonymes, là, en Ontario. Donc, les volets civils, c'est ces gens-là qui ont l'expertise. C'est sûr que c'est plus difficile, par exemple, de confier ces mandats-là à des procureurs de la couronne, des substituts du procureur de la couronne étant donné que ces gens-là ont généralement une expertise qui est sur le volet criminel, au niveau de la procédure pénale et criminelle. Les confiscations civiles, ça requiert vraiment une expérience au niveau de la procédure civile, donc le Code de procédure civile au Québec. Donc, qui sont les gens qui sont les plus à même de faire ce dossier-là? Nous, on pense que c'est les juristes de l'État, au Québec, parce qu'on a une expertise dans cet égard-là.
En Ontario, la question est un peu différente parce qu'il n'y a pas un code de procédure civile, là, on n'a pas le même régime que les gens de l'Ontario. Sauf que, de façon générale, on va confier ces dossiers-là à des gens qui sont spécialisés au niveau de la procédure au niveau du droit civil, là, la common law ontarienne.
M. Bédard: En Ontario. Et ailleurs vous ne le savez pas?
M. Lajoie (Marc): Non, j'ai...
M. Bédard: Comme l'exemple américain, ce n'est pas des procureurs en bureau privé qui ont ces mandats-là, c'est un bureau public.
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(11 h 30)
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M. Lajoie (Marc): Aux États-Unis, c'est un peu plus complexe parce que le niveau fédéral de pouvoir a des dispositions législatives qui concernent la confiscation civile, donc souvent c'est des juristes du niveau fédéral qui peuvent s'occuper de ça. Il y a les États américains qui ont des pouvoirs aussi en matière de confiscation civile. Et il y a aussi les «district attorneys» qui appliquent certaines dispositions, là, de certains États américains. Donc, il y a plusieurs niveaux de juridiction.
Et aussi, aux États-Unis, c'est un peu plus complexe parce que non seulement il y a la confiscation civile, mais il y a aussi la confiscation administrative, comme par exemple, au niveau des douanes américaines, les biens peuvent être saisis lorsqu'il y a des passages au niveau des frontières. Donc, il y a des procédures de confiscation administrative qui sont prévues. Donc, c'est difficile de vous répondre parce qu'aux États-Unis vraiment la situation est plus complexe que celle qu'on a au Canada en raison de la multiplicité des dispositions législatives qui concernent ça.
M. Bédard: Je vois que, dans votre mémoire, il se crée tout un problème, aux États-Unis, autour du fait que les fonds gérés et les confiscations doivent financer finalement les activités de ces bureaux-là ? c'est ce que j'ai compris ? ce qui fait que certains plaideurs disent que, bon, la machine qu'on a créée doit se nourrir, là, et ce qui fait qu'elle va agir en considération de différents facteurs, et incluant celui de se nourrir ? c'est ce que je comprends, là ? celui de se créer des revenus pour être capable de continuer à agir. C'est la voie utilisée par certains plaideurs pour, j'imagine, contester les procédures qu'ils ont entamées?
M. Lajoie (Marc): C'est notre compréhension de la situation. Nous, on pense qu'au Québec on peut peut-être s'inspirer un peu des dérapages qu'il y a eu aux États-Unis avec notamment RICO. Je pense que tout le monde connaît un peu ces systèmes-là de confiscation. Il y a eu certains dérapages, aux États-Unis, qui sont déplorables, qui ont amené des modifications aux lois américaines. Donc, on peut s'inspirer un peu de ce qui s'est passé aux États-Unis pour éviter, au Québec, les mêmes dérapages.
Nous, on pense, comme par exemple, qu'il y a des problèmes d'éthique et de déontologie qui peuvent se poser à l'occasion de ces causes-là. Comme par exemple, je ne le sais pas, je vous donne un exemple comme ça: Est-ce que, par exemple, un juriste... dans un dossier contre un criminel, au niveau du «plea bargaining», par exemple, on lui dit: Écoute, si tu ne veux pas qu'on te confisque tes biens, bien, tu pourrais peut-être plaider coupable à telle accusation. Donc, il pourrait y avoir des questions d'éthique et de déontologie qui pourraient se poser à l'occasion de ces causes-là.
Donc, c'est pour ça que c'est important, dans un contexte comme celui-là, d'avoir des procédures, des guides de conduite stricts pour gérer ces dossiers-là puis s'assurer aussi que c'est fait par des juristes qui sont relativement indépendants puis impartiaux puis qui sont formés aussi pour traiter ce genre de dossiers là et en raison de toutes les questions d'éthique et de déontologie qui peuvent se poser à l'occasion de ces dossiers-là.
M. Bédard: En plus, effectivement. Je regarde le mémoire au Conseil des ministres, et il y a un élément que je voudrais bien qu'on m'explique. On me dit qu'au départ les revenus générés par les différentes saisies vont être transmis au fonds consolidé, pour les trois premières années, pour financer les activités de l'implantation, prévue par le projet de loi donc, de l'équipe qui serait mise en place. Et ce que je comprends, en entendant les policiers et vous, c'est qu'on peut utiliser de façon alternative une procédure ou l'autre. En vrai, c'est qu'on peut générer des revenus additionnels, mais dans les faits on peut surtout donner un moyen additionnel de saisir parfois les mêmes biens.
Est-ce que vous ne trouvez pas particulier qu'on prive finalement ceux et celles qui se partagent normalement ces biens-là de ces revenus? Pourquoi l'État priverait les groupes communautaires? On sait que les montants sont répartis 50-50 et qu'il y a une obligation de l'État qui est essentielle, c'est celle justement de saisir les biens de la criminalité, que ce soit, bon, par une procédure civile ou par une procédure criminelle. Dans les deux cas, on est dans la mission principale de l'État, soit la lutte au crime organisé, le maintien de l'ordre public. Alors, il n'y a pas là un problème qui pourrait s'assimiler, je vous dirais, à ce qui se passe un peu aux États-Unis? Autrement dit, l'État aurait peut-être avantage à utiliser une autre voie pour financer des activités qui seraient réalisées de toute façon et, le pendant de tout ça, donc priver ceux et celles qui reçoivent l'argent de la répartition des sommes. Pourquoi, finalement ? et j'ai beaucoup de difficultés, d'autant plus que c'est une activité récurrente ? pourquoi priver dans les trois premières années, selon vous?
M. Lajoie (Marc): Je pense que votre question concerne une des orientations du projet de loi. Je pense qu'on est mal placés pour commenter les orientations. Ce que j'ai compris, moi, de la façon dont le projet de loi s'articule, c'est que c'est un petit peu par rapport au système qui existe actuellement concernant le système de confiscation criminelle de produits de la criminalité.
Le système actuel, c'est qu'on va confisquer puis on va distribuer les sommes à un fonds. On va partager les sommes du fonds entre les victimes d'actes criminels, entre les corps policiers qui ont participé aux activités.
Ce que j'ai compris du projet de loi, c'est qu'avant de faire cet exercice-là de redistribution on va utiliser une partie du produit pour financer les dépenses du système. En gros, là, c'est ce que j'ai compris. Donc ça, c'est un changement important par rapport aux orientations actuelles qui existent en matière criminelle. Donc, là-dessus, moi, je n'ai pas de... Je vous ai fait part tantôt d'un petit peu mon caveat sur la question des conflits d'intérêts institutionnels. Moi, je pense que, du point de vue des juristes, on est capables d'assurer ce mandat-là de façon indépendante et impartiale, pourvu qu'on ait les outils de travail pour le faire. Sur l'orientation comme telle, je suis mal placé pour commenter, moi.
M. Bédard: Non, je comprends.
M. Lajoie (Marc): Je pense que mon devoir de neutralité et de réserve m'empêche de commenter plus avant là-dessus. Mais, dans les limites de mon intervention sur la question de l'indépendance, je pense que, moi, j'aimerais situer le débat. Pour nous autres, ce qui est important, c'est que ces confiscations-là se fassent de façon neutre et indépendante et que les droits des citoyens du Québec soient protégés, notamment ceux des tiers de bonne foi.
Vous savez aussi que ce projet de loi là présente aussi des enjeux importants en termes d'accès à la justice. Je vous ai donné l'exemple de la situation qui existe aux États-Unis, où, juste pour contester finalement, une contestation civile, ça peut coûter jusqu'à 20 000 $. Donc, pour les parlementaires, nous, on trouvait que c'était important de vous sensibiliser à cet enjeu-là également.
M. Bédard: Effectivement, puis on vous en remercie. Peut-être une dernière chose. Le mémoire prévoit une équipe en ETC, là, de 3,5 donc qui serait utilisée à la troisième année ? c'est ça ? par le ministère de la Justice, pour embaucher des avocats civilistes. J'imagine que, dans des domaines aussi complexes, quand même, là... Un, je trouve ça peu. Puis, deux, de le prévoir à l'échéance, c'est assez particulier. J'imagine, votre vision des choses, au-delà de, bon, qui doit le faire, il faut avoir une équipe quand même, une masse critique intéressante, en même temps avoir un degré de formation assez élevé, là, parce que, bien que ce soit civil, ce n'est pas simple quand même, là. Alors, est-ce que vous pensez... Et là c'est l'opportunité, là, mais en même temps, moi, mon impression, c'est que c'est peu et ce n'est pas assez. Et, si on le fait, on devrait le faire dès le départ, de prévoir une équipe formée dans un délai x qui, dès que la loi va entrer en vigueur, va être capable d'agir rapidement. Non?
Le Président (M. Simard): ...avoir une réponse très, très brève.
M. Lajoie (Marc): En effet, on trouve que... C'est parce qu'il faut situer aussi la situation, le contexte à l'intérieur de ce qu'on vit dans la fonction publique. Actuellement, dans la fonction publique, pour les contentieux concernés, il y a déjà une grosse charge de travail. Donc, quand on dit 3,5... Puis c'est des dossiers effectivement qui sont très complexes. Non seulement il va y avoir des questions civiles, mais, comme par exemple, des questions de faillites qui vont être soulevées au niveau, par exemple... ça va peut-être exiger des expertises de juricomptables pour retracer les sommes qui sont en jeu. Donc, nous, ça nous apparaît très peu comme ressources, là, consacrées à cette...
Le Président (M. Simard): Je vous remercie beaucoup. Je remercie donc les représentants des juristes de l'État pour leur contribution. Je suspends nos travaux pendant quelques secondes.
(Suspension de la séance à 11 h 40)
(Reprise à 11 h 41)
Le Président (M. Simard): Nous allons reprendre immédiatement nos travaux. Je vous rappelle que nous devons terminer dans 20 minutes. Nous en sommes à l'étape des remarques finales.
Documents déposés
Auparavant, j'aimerais déposer un échange de correspondance dont vous avez sans doute reçu copie. Il s'agit d'un courrier électronique du 8 novembre 2006, adressé au secrétaire de la commission. En fait, il s'agit d'une lettre du président de la Commission des droits de la personne concernant le projet de loi n° 36. Ensuite, une lettre, une réplique, enfin, une réponse de Me Louis Dionne, du ministère de la Justice, concernant cette lettre du président de la Commission des droits de la personne. Et finalement une lettre du président de la Commission des droits de la personne au sous-ministre. Il s'agit d'un échange de correspondance, vous l'avez compris, où il semble que certains courriels se soient égarés. Alors, je les dépose officiellement. Et c'est le résumé le plus simple que je puisse faire.
Remarques finales
Et j'invite, à ce moment-ci, je crois, dans l'ordre, le représentant de l'opposition officielle à nous faire part de ses remarques finales.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Alors, merci, M. le Président. Je serai très bref dans mes commentaires. Et c'est ce que vous souhaitez. C'est ce que je comprends? Vous avez des attentes à mon égard?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Simard): Avant que je vous...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bédard: Alors, nul n'est contre la vertu, là. Je vous dirais qu'on est tous favorables au principe de faire en sorte que ceux et celles qui utilisent les biens issus de la criminalité puissent avoir, de l'État et de la collectivité, une réponse qui est de nature à brimer leur quiétude dans l'utilisation de ces biens. Alors, il est évident, vous comprendrez, que je suis parfaitement en faveur du principe du projet de loi qui doit permettre de faire en sorte de rendre la vie plus difficile à ceux dont l'activité est de contrevenir à nos lois, et de quelque nature que ce soit, M. le Président. Donc, on ne peut pas être contre le principe d'un tel projet de loi.
Par contre, les consultations que nous avons eues dénotent à quel point cela demande une attention particulière pour ceux et celles qui ont à rédiger ces lois parce que nous traversons une certaine frontière qui est celle de l'utilisation de moyens civils contre des activités qui, elles, sont criminelles. Donc, vous comprendrez que personne ne va venir ici défendre des activités criminelles.
Par contre, le Barreau nous a mis en garde contre l'utilisation de certains termes, de précaution par rapport à la protection des tiers. Pourquoi? Parce que ces tiers, personne ne les connaît. Il n'y a pas d'association des tiers qui ont des droits liés aux biens de la criminalité, ça n'existe pas et ça n'existera jamais. Ce sont des cas individuels de gens qui ultimement peuvent être victimes d'injustice. Et ce n'est qu'au cas par cas que nous verrons, que nous pourrons voir si la loi est bonne ou elle ne l'est pas ou a des effets indésirables et indésirés.
Alors, j'invite ceux et celles qui sont appelés à rédiger, là ? parce que le projet de loi, j'imagine, ne sera pas dans la même mouture ? ceux qui seront appelés à rédiger ces textes d'avoir cette préoc... préoc... cette préoccupation ? excusez-moi, M. le Président, le mardi matin, j'ai un peu de difficultés, peut-être dû à l'autobus ? donc devront avoir ces préoccupations à l'esprit, de ceux et celles...
Une voix: ...
M. Bédard: ... ? oui ? qui ne sont pas venus témoigner et qui seront aux prises à se défendre. Et je pense que le témoignage des juristes de l'État nous a bien démontré qu'il y a quelque chose d'aberrant pour quelqu'un même qui a des droits. Un tiers de bonne foi, être pris pour payer des montants astronomiques pour faire reconnaître ses droits, il faut éviter cela à tout prix. C'est bien beau, avoir raison ? moi, j'ai défendu des gens qui ont raison ? mais, quand tu as raison au bout de 20 000 $, 30 000 $ et 40 000 $, à la fin du processus, tu ne sors pas du processus judiciaire avec une très haute idée de la justice, et au contraire, c'est que tout le monde fait en sorte que ceux et celles qui ont utilisé ces recours constatent plutôt cette forme d'injustice. Alors, assurons-nous, dans les termes employés, dans la façon de faire, que nous arriverons à un bon résultat et qui sera conforme à nos principes de justice à tous points de vue, d'autant plus que nous sommes ? encore une fois, je le répète, là ? dans un domaine où nous importons des principes de droit criminel en matière civile.
D'autres recommandations nous ont été faites. Et je regarde, bon, le Service de police de Montréal relativement aux groupes terroristes, où je vois, M. le Président, un certain intérêt à regarder cette proposition plus avant, d'autant plus que ces groupes sont clairement identifiés. Est-ce qu'il y a lieu de les introduire dans les possibilités données à l'État et aux groupes policiers de lutter contre ces groupes? J'y vois peut-être une occasion, d'autant plus que ? encore une fois, je le répète ? les groupes terroristes, ce n'est pas quelque chose, je vous dirais, d'arbitraire. Il y a en général une... pas en général, il existe une nomenclature malheureusement de ceux et celles qui exercent des activités qualifiées de terroristes.
Je m'attends aussi, M. le Président, à ce qu'on revoie toute l'idée ? et c'était ma dernière question au groupe, aux juristes de l'État ? de recueillir les fonds et de les remettre au fonds consolidé, alors de revenir sur une pratique bien établie qui est celle que ces biens doivent servir tant à la police dans, je crois... c'est 50-50, là, et aux autres fins de soutien à ceux et celles qui interviennent auprès des victimes.
Donc, j'ai beaucoup de difficultés à voir que, pour le financement d'une activité qui, elle, va être récurrente, là... C'est récurrent. C'est les équipes qu'on va créer. Ils n'y seront pas seulement pour trois ans, là, ils vont être là pour 10, 15, 20 ans. Donc, pourquoi prévoir sur trois ans? Ce qu'on me dit, c'est que l'État du Québec n'a pas les moyens actuellement de faire cela, et il le fait un peu, pendant les trois premières années, sur le dos de ceux qui recevraient ces sommes. Moi, je pense que c'est une logique plutôt douteuse. Alors, j'espère que nous conserverons ce principe bien acquis qui est celui que l'utilisation des biens soit destinée dans la répartition qui existe actuellement.
Et aussi je tiens à souligner au ministre que l'article 33, sur la mise en vigueur, l'entrée en vigueur aussi, ne pourra pas être dans la forme qu'il a actuellement, vous le savez, avec les expériences malheureuses que nous avons eues. Donc, nous ferons en sorte que la mise en vigueur soit prévue à une date précise, sinon lors de la sanction prévue par le gouvernement. Je tiens à assurer les membres du gouvernement que nous serons tout à fait disponibles pour discuter de ce projet de loi dans l'esprit de le bonifier, de l'améliorer et de faire en sorte qu'il soit adopté dans une forme améliorée le plus rapidement possible. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Je vous remercie, M. le député de Chicoutimi. Et la parole est maintenant, pour ses remarques finales, au ministre.
M. Yvon Marcoux
M. Marcoux: Oui, merci, M. le Président. Je vais être bref également. Je pense que nous connaissons l'objectif du projet de loi, c'est de mettre en place une confiscation, sur le plan civil, qui va permettre de renforcer la lutte aux activités criminelles. Et je pense qu'en allant chercher, évidemment avec toutes les protections requises, des biens qui sont issus des produits de la criminalité, en même temps ça nous permet de créer une situation où il y a beaucoup de désincitatifs à poursuivre dans des activités criminelles. Lorsqu'on dit: Le crime ne paie pas, c'est un adage, mais, à mon avis, aussi nos lois doivent permettre de mettre en pratique cet adage-là avec toutes les précautions et la protection des droits requis, et ça, c'est extrêmement important.
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(11 h 50)
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Je pense que les témoignages que nous avons eus devant la commission parlementaire indiquent que, dans l'économie, il y a beaucoup de biens acquis de façon illégitime qui sont exploités, qui font partie de l'économie sous toutes sortes de formes. On a pu également constater, je pense, de la part des gens qui sont dans le domaine, qu'il y a beaucoup de nouvelles façons d'exercer des activités illégales ou criminelles.
On me disait que, de plus en plus, l'argent qui provient de produits de la criminalité s'inscrit dans le marché boursier. On investit dans des entreprises qui semblent tout à fait légales. Et on a parlé, par exemple, notamment les représentants des services policiers, de la coexistence de l'économie légale avec l'économie clandestine. Alors ça, je pense que c'est une réalité, aujourd'hui. Les méthodes évidemment se sont beaucoup modifiées, les comportements des gens qui sont dans le crime, qui commettent des activités criminelles, et je pense qu'on doit s'ajuster à ça pour justement renforcer la lutte au crime.
Nous avons eu des commentaires intéressants à la fois de la part des personnes qui sont impliquées dans ce domaine-là, des corps policiers. Nous avons eu également un représentant de l'Ontario, un avocat qui est directeur de l'unité maintenant, qui avait travaillé à la préparation d'une loi semblable en Ontario qui est en existence depuis 2001. Une telle loi existe aussi dans d'autres provinces canadiennes. Je pense notamment à la Colombie-Britannique qui l'a mise en vigueur, je crois, à l'automne dernier; en Alberta, en Saskatchewan, donc où ce n'est pas encore en vigueur, mais la loi a été adoptée. Ça existe également dans des juridictions à l'extérieur: on a parlé des États-Unis, également au Royaume-Uni et en Australie. Donc, ce n'est pas nouveau, et ça vient complémenter ce qui est déjà dans le Code criminel, et ça s'inscrit à l'intérieur de la compétence législative du Québec en matière de droit civil.
Alors, M. le Président, il y a différents éléments qui ont été soulevés devant la commission en termes de modifications possibles, de bonifications au projet de loi. Comme vous savez, je suis toujours ouvert à apporter des bonifications, des modifications qui permettent d'améliorer un projet de loi. Ce qu'on a pu constater, c'est que les groupes qui sont venus devant la commission se sont tous dits d'accord avec le principe du projet de loi et l'objectif qui est poursuivi par le projet de loi. Et je comprends qu'également les représentants de l'opposition nous ont indiqué aussi qu'ils étaient d'accord avec le principe. Donc, M. le Président, nous reviendrons au moment de l'étude article par article.
Je voudrais vous remercier les membres de la commission des deux côtés, remercier également les fonctionnaires du ministère de la Justice qui ont travaillé au projet de loi, qui étaient ici présents, qui ont pris connaissance des commentaires qui ont été mentionnés, des suggestions qui ont été faites, remercier aussi les groupes qui ont pris le temps de venir en commission parlementaire, je pense que c'est toujours important. Et, M. le Président, donc, nous reviendrons pour l'étude article par article. Et encore une fois merci à toutes les personnes qui ont participé à ces séances de la Commission parlementaire des institutions, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, où nous poursuivrons cette fois sur un autre mandat.
(Suspension de la séance à 11 h 54)
(Reprise à 15 h 52)
Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons commencer nos travaux. Je rappelle que, pour la bonne marche de nos travaux, l'usage du téléphone cellulaire et du téléavertisseur est interdit dans la salle, et je demanderais donc aux personnes qui en font usage de bien vouloir les mettre hors tension pendant la durée de la séance.
Je vous rappelle aussi que la Commission des institutions est réunie cet après-midi afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 25, Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et d'autres dispositions législatives.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. J'informe les membres de cette commission que M. Valois (Joliette) est remplacé par M. Bédard (Chicoutimi).
Étude détaillée du projet de loi n° 25
Loi sur l'indemnisation
des victimes d'actes criminels
Remboursement de frais funéraires (suite)
Le Président (M. Simard): Alors, nous sommes évidemment à l'étude article par article. Et je vais essayer de mettre un petit peu d'ordre dans ce qui pourrait à première vue sembler...
Je vous rappelle que nous avions donc, à l'article 3, un amendement qui a été sous-amendé par le député de Mercier, et c'est là-dessus que nous parlions lorsque nous nous sommes quittés. Le député de Mercier avait terminé son temps de parole, le député de Chicoutimi également. Le député de Dubuc avait toujours 11 min 15 s à sa disposition et...
Une voix: ...
Le Président (M. Simard): Ah bon, la députée de Lotbinière n'est pas ici. Alors, voilà le portrait réel, à ce moment-ci, sur le sous-amendement du député de Mercier à l'article 3.
M. Bédard: Pourriez-vous nous dire: Sur quel amendement étions-nous, M. le Président?
Le Président (M. Simard): Alors, ce sous-amendement amende l'amendement suivant... Dans l'amendement proposé à l'article 3 du projet de loi, ajouter, à la fin, les mots ? ça, c'est le sous-amendement ? «Le gouvernement peut, par règlement, déterminer les conditions nécessaires à l'obtention d'un tel remboursement.» Quant à l'amendement lui-même, c'était: «La personne qui doit acquitter des frais de nettoyage d'un lieu où a été commis un homicide peut en obtenir le remboursement jusqu'à concurrence de 1 000 $.» Vous vous souvenez que vous avez vous-même déposé une série de sous-amendements pour changer ce montant. Maintenant, le dernier sous-amendement sur lequel nous discutions, c'était: «Le gouvernement peut, par règlement, déterminer les conditions nécessaires à l'obtention d'un tel remboursement.» Alors, sur ce sous-amendement, quelqu'un demande la parole?
Une voix: ...
Le Président (M. Simard): Vous ne l'avez pas, vous n'avez plus de temps. Alors, il reste le député de Dubuc, s'il le demande. Sinon, nous passerons au vote sur le sous-amendement.
M. Bédard: Nous sommes prêts à passer au vote, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Alors, nous passons au vote sur le sous-amendement. Et je soupçonne que vous allez demander un vote nominal. Alors, puisque c'est le cas, je demande au secrétaire d'appeler le vote, s'il vous plaît.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bédard (Chicoutimi)?
M. Bédard: Pour.
Le Secrétaire: M. Turp (Mercier)?
M. Turp: Pour.
Le Secrétaire: M. Côté (Dubuc)?
M. Côté: Pour.
Le Secrétaire: M. le ministre?
M. Marcoux: Contre.
Le Secrétaire: Mme Charest (Matane)?
Mme Charest (Matane): Contre.
Le Secrétaire: M. Blackburn (Roberval)?
M. Blackburn: Contre.
Le Secrétaire: M. Marsan (Robert-Baldwin)?
M. Marsan: Contre.
Le Secrétaire: M. Gabias (Trois-Rivières)?
M. Gabias: Contre.
Le Secrétaire: M. Descoteaux (Groulx)?
M. Descoteaux: Contre.
Le Secrétaire: M. le Président?
M. Simard: Pour.
Le Secrétaire: 4 pour, 6 contre.
Le Président (M. Simard): M. le député de Mercier me fait signe, je soupçonne qu'il a un sous-amendement à nous proposer.
M. Turp: Un sous-amendement à l'article 3, M. le Président.
Des voix: ...
Le Président (M. Simard): Oui, rejeté, vous l'avez compris.
M. Turp: Oui. Je vous le lis.
Le Président (M. Simard): Vous nous lisez le... effectivement.
M. Turp: Dans l'amendement proposé à l'article 3 du projet de loi, remplacer, dans la dernière ligne du nouvel alinéa proposé, le mot «homicide» par les mots «acte criminel».
Et je vous demanderais d'en examiner la recevabilité, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Alors, l'amendement se lirait dorénavant... Par contre, vous me passez l'amendement original, s'il vous plaît. Non, vous l'avez devant vous. Alors, si votre sous-amendement était accepté, «la personne qui doit acquitter des frais de nettoyage d'un lieu où a été commis un acte criminel ? plutôt qu'un homicide ? peut en obtenir le remboursement jusqu'à concurrence de 1 000 $». Donc, c'est l'ensemble des actes criminels qui est maintenant visé. Alors, voilà. J'écoute maintenant le député de Chicoutimi sur le sous-amendement du député de Mercier.
M. Bédard: Merci, M. le Président. J'avais cru, de la part du ministre, que nous aurions, après avoir annulé les jours de séance prévus la semaine dernière, une proposition acceptable. Malheureusement, ce ne sera pas le cas. Donc, nous continuerons dans cette voie, M. le Président.
Entre-temps, nous avons eu certaines correspondances de gens qui sont intéressés par nos travaux, entre autres le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour les femmes victimes de violence conjugale. J'imagine que le ministre en a eu une copie aussi. S'il n'en a pas, ça me fera un plaisir de faire une copie au ministre, M. le Président.
Alors, ce regroupement nous demande d'apporter certaines modifications au projet de loi. Et, vous le savez, à quelques reprises, le ministre nous disait qu'il y avait un consensus, que tous les gens appuyaient les modifications qu'il amenait dans le règlement, entre autres, un des éléments sur lequel j'ai émis des doutes importants, celui qu'on limitait à un seul proche. Et je l'ai adopté sur division, mais le ministre m'avait dit à l'époque que c'était un consensus et que les gens concernés acceptaient cette modification. À mon grand désarroi, je dois constater que ce n'est pas le cas.
Je ne sais pas comment on peut réagir face à ça, là, mais ceux qui ont été consultés, et là on parle... Le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition des femmes victimes de violence conjugale. Je pense que c'est des gens qui ont le droit à tout notre respect, là. Quand on invoque un consensus, au moins on s'assure qu'il existe. Dans ce cas-ci, ces gens reprochent deux choses ? et il n'est jamais trop tard pour bien faire les choses, là ? d'abord, un, de limiter à un seul proche.
Bon, je lis rapidement, là, ce qu'ils nous disent: «Nous nous opposons toutefois à ce qu'on restreigne l'aide thérapeutique à une seule personne proche. Il est des cas où le traumatisme subi par plusieurs proches doit être pris en considération. Prenons l'exemple d'une femme agressée sexuellement qui aurait cherché du réconfort auprès de sa meilleure amie ou sa mère et lui aurait ainsi raconté son agression; cette proche peut subir un traumatisme secondaire. Son conjoint court aussi un grand risque d'être choqué, bouleversé et lui-même atteint par les conséquences que ce crime aura sur leur vie intime. Ces proches auront besoin de réadaptation, sans quoi ils pourraient nuire à celle de la victime. Prenons aussi l'exemple d'une femme agressée sauvagement au couteau ou avec une autre arme par son ex-conjoint, retrouvée[...] ? et là j'épargne les détails, parce qu'eux sont plus concernés, pas à tous les jours mais presque, face à de telles situations, là. On peut facilement penser que cet homme sera hanté par ces images, par les éclaboussures de sang dans la pièce. On peut aussi raisonnablement penser que l'enfant ou les enfants de cette femme, qui aura survécu à ses blessures, aura ou auront aussi besoin de réadaptation, sans quoi ils risquent de constituer un poids supplémentaire pour la victime directe. Ces cas sont sans doute rares heureusement, comme le sont également les cas d'homicide, mais nous croyons que l'esprit et la lettre de la loi doivent faire preuve de compassion, de générosité et d'ouverture pour tous les proches touchés par des situations extrêmes.»n(16 heures)n Alors, eux auraient souhaité effectivement qu'on donne une discrétion. Je pense que c'est encore possible, M. le Président, et je le souhaite, qu'on le fasse, d'autant plus qu'il semble y avoir eu des discussions à ce niveau avec les gens concernés. Bon, ils avaient les mêmes questions relativement à la question d'enlèvement. Et eux étaient du même avis qu'on avait représenté, mais ils auraient souhaité avoir un appui plus sensible à ceux et celles qui sont les proches de victimes d'enlèvement.
Un autre élément aussi, soit la définition de «proche», où on considère que la définition est trop restrictive, parce qu'elle aurait dû, dans même d'autres cas, inclure les personnes significatives dans les autres cas que finalement dans les cas d'homicide ou d'enlèvement. Donc, eux auraient souhaité voir cette notion où on aurait pu ajouter, maintenir les personnes significatives... ou la personne ayant un lien ? je crois qu'on l'a modifié d'ailleurs, on ne parle plus de personne significative ? ayant un lien significatif conformément aux bons usages. Alors, ça s'ajoute, M. le Président, aux éléments, là, sur lesquels les groupes se sont déclarés insatisfaits malgré les assurances que nous avions eues de la part du ministre. Et voilà.
Et même on nous dit: Lors de la rencontre relativement à cet élément-là... Il y a d'autres éléments sur lesquels ils sont surpris de voir apparaître certains textes, contrairement à ce que les gens s'étaient entendus. Concernant le nombre maximal de séances, ils disent: «En ce qui concerne les orientations réglementaires...» Et là on parle d'orientations, vous comprendrez à quel point je souhaitais voir adopter le projet de règlement en commission, ce qu'a refusé encore le ministre. Et vous comprendrez, à la lumière de ce que je viens de dire, comment on peut douter, là, des choses qui nous sont parfois représentées par rapport à la réalité.
Eux disent, en ce qui concerne le nombre maximal de séances: «Le nombre maximal de séances pouvant être autorisé par la CSST serait de 20 séances dans le cas d'un crime d'homicide ou d'enlèvement et de 15 séances dans le cas d'un autre crime. Lors de la rencontre du 23 août, nous avions plaidé pour une application souple du nombre de séances. Le document présenté [...] par le ministère prévoyait également, et ce, pour l'ensemble des actes criminels: [que le] nombre de séances peut être doublé dans le cas de circonstances exceptionnelles.» Ce que je comprends du document qui nous a été déposé, le projet de... les directives finalement qui pourront servir à l'élaboration d'un règlement sur lequel nous n'aurons absolument rien à dire, M. le Président, c'est qu'il n'est pas conforme à l'entente qu'il y avait eu avec les groupes. Donc, ça ne fait qu'appuyer nos représentations à l'effet qu'on ne peut pas faire confiance. Et l'entente que nous avions eue, mais qui, elle, a été aussi reniée comme combien d'autres, M. le Président, j'en suis habitué, je vous dirais, je ne m'en formalise même plus: qu'au moins on prévoie en commission parlementaire l'adoption d'un tel règlement. Mais je le dis sans grands espoirs, là, de succès, M. le Président. Alors, je fais simplement relayer ce que ces groupes ont dit ou dans certains cas ont convenu avec le ministre mais qui dans les faits n'a pas trouvé de réponse satisfaisante dans le projet de loi actuel.
Alors, vous voyez à quel point des fois il faut s'attarder aux détails, hein, surtout dans des cas comme ça où, on le sait, et je l'ai répété je ne sais pas combien de fois, là, on fait de très petits pas. Comme on fait de très petits pas, au moins on va tenter de les faire comme il faut, M. le Président.
Alors, dans le cas des proches, il aurait été facile de prévoir de donner un pouvoir exceptionnel pour justement faire en sorte qu'on puisse l'étendre et ne pas le limiter dans les cas des actes criminels autres que les homicides, mais il me semble que le ministre a décidé de ne pas en tenir compte tout simplement pour des raisons, encore là, plutôt obscures sur lesquelles je ne m'attarderai pas, M. le Président, je vous dirais. Et ça rejoint d'ailleurs l'amendement qu'on fait actuellement, de modifications qui ont une portée très limitée et dont le ministre refuse maintenant depuis plusieurs heures leur adoption. Mais le temps passé n'a pas affecté, je vous dirais, notre volonté, M. le Président. Et vous connaissez comment elle est grande, surtout quand nous sommes appuyés, je vous dirais, sur des points qui sont au-delà des questions de bon sens mais bien d'humanisme et des questions de respect des individus, du respect de ceux et celles qui sont face à des situations extrêmes.
Et je suis pris encore une fois à plaider encore tout l'après-midi pour faire en sorte que le Conseil du trésor autorise le ministre à accorder environ... on a estimé entre 4 000 $ à 5 000 $ par année les montants qui seront dévolus aux proches des victimes, et dans le cas précisément des actes criminels, donc pour leur permettre d'avoir au moins, dans des cas assez rares... pour faire en sorte que ces gens ne soient pas obligés de nettoyer eux-mêmes les scènes de crime. Alors, j'en suis encore là, M. le Président, après... Pour 5 000 $, j'en suis encore là après sept heures, mais j'y serai encore jusqu'à temps que nous obtenions cet amendement.
Alors, je sais que malheureusement le député de Mercier devra nous quitter un peu plus tard, donc je lui laisserais quelque temps et je reviendrai pour compléter ma présentation, M. le Président, parce qu'à cette étape on peut parler de présentation, oui.
Le Président (M. Simard): Il vous restera 10 minutes, M. le député. Alors, quelqu'un veut intervenir de ce côté-ci? Non. Alors, j'invite le député de Mercier à le faire.
M. Turp: Merci, M. le Président. En effet, moi aussi, je suis un petit peu perplexe devant le résultat de la réflexion, là, du ministre parce que je me serais attendu à ce que l'on puisse examiner maintenant un projet... le texte qu'il nous aurait apporté pour tenir compte des discussions que nous avions eues lors de la dernière séance de la commission sur cette question quand même importante, là, du remboursement des frais de nettoyage. Et, tu sais, cette période de réflexion était quand même assez longue, je croyais qu'elle était suffisante, là, pour que le ministre et son entourage viennent à comprendre que c'était quelque chose de tout à fait légitime, que l'opposition réclamait un amendement au projet de loi qui était un amendement qui était réclamé par des groupes importants, par M. Boisvenu et son groupe.
J'ai lu à quelques reprises la lettre et cette partie de la lettre qui démontre jusqu'à quel point cette question demeure importante aux yeux de gens qui protègent les victimes d'actes criminels. Et on se rend bien compte que cette réflexion n'a pas donné les résultats que souhaitait l'opposition officielle. Et l'opposition officielle va continuer d'exiger du gouvernement... et de le faire en présentant des amendements et en discutant de ces divers projets d'amendement jusqu'à ce qu'on vienne à donner raison non pas à l'opposition officielle puis à ses députés, à des gens qui souhaitent cet amendement dont on rappelle que les conséquences, les incidences financières seront d'une portée très limitée.
Vous vous rappelez, M. le Président, que le secrétaire de la commission nous avait fait un petit calcul rapide. Il avait même fait un calcul mental et nous avait rendu en quelques secondes à peine cette statistique voulant que ce serait, quoi, un dix-millionième du budget de l'État québécois qui serait consacré à cette question et que les 5 000 $ qui seraient remboursés et devaient être remboursés seraient une portion infime du budget de l'État québécois.
n(16 h 10)n Alors, je vois le ministre qui dit: Ah, peut-être que ça va être un peu plus, qui nous avait invité d'ailleurs, la dernière fois, à écouter les propos que tiendrait un de ses fonctionnaires. On se rappelle très bien de cela. Mais je crois que, même si on devait écouter son collègue, on se rendrait bien compte que la somme qu'il présenterait serait une somme que l'État québécois aurait les moyens de dépenser et que cette dépense serait vue comme raisonnable. Et je crois que, sur cette question-là, l'opposition va continuer d'insister, M. le Président, parce que c'est une question de dignité, c'est une question d'humanité. Et, comme je l'ai dit la dernière fois, ça choque un peu ma conscience, l'idée qu'on ne veuille pas donner suite à cette demande.
Et là, nous, on est amenés à faire un autre amendement qui propose que ce remboursement se fasse dans le cas plus général de tout acte criminel, non plus seulement dans le cas de l'homicide, comme c'était prévu dans notre projet d'amendement original. Alors, c'est vrai qu'on élargit la portée, ici, parce que ce n'est pas seulement l'homicide qui serait couvert, mais bien l'acte criminel, et il y a d'autres actes criminels que l'homicide. Et je pense qu'on aura des amendements analogues à présenter dans les prochains jours. Mais, s'agissant de cette question-là, je ne crois pas d'ailleurs qu'en élargissant l'article aux actes criminels l'incidence financière serait beaucoup plus grande.
Et, dans ce sens-là, je crois qu'il est important de rappeler pourquoi l'on fait cela et il est important de rappeler ce que nous écrivait, là, M. Boisvenu. Et, puisque mes collègues ont peut-être oublié, là, ce que M. Boisvenu écrivait, je veux leur rappeler à nouveau ce qu'il nous disait au sujet de cette question qui est une question de principe. C'est une question de principe, celle du remboursement des frais de nettoyage. Et ce n'est pas un caprice de l'opposition, là, de faire le travail qu'elle fait maintenant. C'est un travail qui, pour certains, paraîtra comme un travail où l'on insiste, où on utilise le temps précieux de cette commission, mais utiliser le temps précieux de cette commission pour une bonne cause, c'est bien utiliser le temps de cette commission. Et, pour ceux et celles qui nous écoutent, là, bien je pense que c'est intéressant de voir comment fonctionnent aussi l'Assemblée nationale puis une commission parlementaire et comment l'opposition fonctionne dans un cas et dans des circonstances où le ministre ne veut pas donner suite à une demande qui apparaît éminemment raisonnable de la part de l'opposition parce qu'elle est fondée sur des demandes qui viennent des citoyens eux-mêmes et des groupes de citoyens eux-mêmes.
Et un de ces citoyens que les gens connaissent maintenant, qu'ils apprécient, notamment à cause de son passage à Tout le monde en parle, hein... Le passage de M. Boisvenu à Tout le monde en parle nous a démontré la crédibilité de cet homme, la crédibilité du combat de cet homme, d'un homme dont vous savez très bien qu'il a vécu des choses très difficiles et qui fait un combat pas seulement parce qu'il a vécu des choses difficiles, parce qu'il sait très bien, il sait pertinemment ce que vivent d'autres personnes dans la situation qui a été la sienne. Et il y en aura malheureusement d'autres personnes qui vivront des moments aussi douloureux qu'il a vécus.
Et je vous rappelle que M. Boisvenu, dans sa lettre du 16 octobre 2006, donc il y a au-delà d'un mois maintenant... Puis, tu sais, dans les prochains jours, prochaines semaines, cette lettre du 16 octobre va continuer de nous inspirer dans notre action. Et M. Boisvenu disait, et je le cite à nouveau: «Quelques familles qui ont dû effectuer cette tâche révoltante ? celle de nettoyer après un crime qui a été commis et dont a été victime un proche ? m'ont confié leurs angoisses à la suite de cette effroyable expérience. D'autres, trop traumatisés, ne peuvent même pas en parler! Encore ce week-end, M. le ministre ? dit-il ? à notre réunion de l'antenne de Québec, une nouvelle famille membre m'a raconté que leur frère a dû nettoyer l'appartement de sa fille assassinée afin d'éviter à son épouse un tel traumatisme. Pensez, M. le ministre, votre fille vient d'être assassinée, et vous devez nettoyer le tapis, murs, matelas ensanglantés. Ce n'est pas étonnant que ni lui ni son épouse ne soient en mesure d'en parler!» Alors, M. le ministre, M. le Président, chers collègues, moi, je vais la lire et la relire, cette lettre, parce que je crois qu'en la lisant et la relisant le ministre et son entourage vont venir à la conclusion qu'il faut donner suite à la demande qui est faite, là, et qui est une demande qui est très légitime et très raisonnable: d'indemniser les personnes qui méritent de l'être dans ces circonstances.
Et c'est nous qui avons d'ailleurs demandé au ministre de nous indiquer si d'autres juridictions, si d'autres Parlements ou d'autres gouvernements s'étaient engagés à prévoir un remboursement dans des cas analogues, dans des situations analogues, et effectivement on nous est revenu, après avoir fait une étude, que, dans au moins trois provinces canadiennes, il y avait des dispositions législatives ou des règlements qui prévoyaient justement une indemnisation et un remboursement de ce type.
En Colombie-Britannique, c'est même dans une loi et c'est un règlement, et l'article 19 d'un règlement qui s'intitule Crime Victim Assistance (General) Regulation, là, qui a été adopté en 2002, donc il y a déjà quatre ans, que l'on prévoit cette possibilité d'indemniser ou d'octroyer à une personne un remboursement des dépenses de nettoyage. Et l'article 19 prévoit un certain nombre de conditions. Nous avons d'ailleurs nous-mêmes présenté un amendement pour vérifier l'ouverture du ministre et lui demander donc s'il serait mieux disposé si la question de ce remboursement devait se faire mais à certaines conditions, mais le ministre n'a pas trouvé, n'a pas cherché à... ou n'a pas voulu prendre cette ouverture ou saisir l'occasion qu'on lui donnait d'accepter un amendement qui allait dans le sens d'une disposition législative qui a été faite en Colombie-Britannique.
D'ailleurs, les gens de la Colombie-Britannique doivent être bien heureux, là, à cause de la victoire des Lions de la Colombie-Britannique. S'il y a des amateurs de football, là, on va peut-être réveiller la passion des gens d'en face, là, par une référence à ce qui est arrivé à la coupe Grey. Moi, j'ai trouvé ça bien difficile quand ils ont échappé le ballon sur la ligne d'une verge, là... ou d'un mètre. On n'a pas encore changé ça, hein, au football canadien, on n'a pas encore choisi de transformer les mesures dans le système métrique. Comment ça se fait qu'on n'a pas encore fait ça? Il n'y a pas d'obligation de faire ça en vertu d'une loi du Parlement du Canada? Il me semble qu'il y a une loi sur le système métrique qui a été adoptée au Parlement du Canada.
Bien, écoutez, M. le Président, avant que vous invoquiez la règle de la pertinence, je voudrais quand même... Ah non? Vous m'invitez à continuer à parler de football?
Le Président (M. Simard): ...c'est très large.
n(16 h 20)nM. Turp: C'est très large, hein? C'est vrai qu'il y a une espèce de... Mes collègues pourraient la soulever, mais ils ne l'ont pas fait jusqu'à présent, pour m'indiquer leur grande déception de la défaite des Alouettes, dimanche dernier.
Mais revenons quand même à quelque chose qui est très, très important pour nous de l'opposition officielle, ici, c'est de convaincre le ministre, de convaincre le ministre de légiférer dans le sens que les gens de la Colombie-Britannique l'ont fait, là, il y a déjà quatre ans, comme on le voit, et de faire comme l'ont fait les Manitobains aussi. Les Manitobains l'ont fait également. Ils ont prévu, dans une politique que l'on nomme la Compensation for Victims of Crime Program, ils ont prévu que des remboursements pourraient être effectués dans les cas qui nous occupent, et nous préoccupent, et préoccupent M. Boisvenu et son association. Et même la Saskatchewan l'a fait et, la Saskatchewan, dans les cas d'homicide. C'est vrai, on en convient, elle prévoit les cas d'homicide. Mais, nous aussi, nous aussi, on a prévu les cas d'homicide, là. Et là on veut quand même tester l'intérêt du ministre pour une autre proposition, plus large, plus large, élargir ça à l'acte criminel.
Et, comme le dit le député de Chicoutimi, c'est une question qui nous permet de vérifier si le ministre a une nouvelle ouverture ou son ouverture dépend des termes que nous allons utiliser, des expressions que nous allons lui proposer, celle-là et les autres propositions que nous allons formuler dans les prochains jours, les prochaines semaines, jusqu'à l'ajournement des travaux s'il le faut, là, au mois de décembre prochain.
Mais, vous savez, nous, on aime ça bien faire de la législation, puis faire de la législation pas seulement qui est bonne dans les termes utilisés, dans la rigueur des termes, mais sur le fond des choses. Et une bonne législation, dans ce cas-ci, sur le fond des choses, en est une qui prévoit un remboursement qui va dans le sens de l'amendement qu'on a proposé et du sous-amendement que nous avons proposé, qui bonifie, on le croit, l'amendement que nous proposons.
Et je serais curieux, puis peut-être qu'on pourrait demander aux fonctionnaires du ministère de la Justice de poursuivre un peu plus loin la recherche comparative, je suis certain qu'avec un petit coup de fil, là, les gens du ministère pourraient nous permettre de savoir s'il y a dans d'autres juridictions que des juridictions canadiennes des dispositions qui prévoient justement le remboursement de dépenses qui sont faites, là, à l'occasion de crimes ou d'actes criminels d'homicides ou d'actes criminels, là, s'agissant du nettoyage et des dépenses de nettoyage.
D'ailleurs, ça me fait penser que, dans les travaux que nous avons commencés au sujet du projet de loi n° 36, hein... Nous les avons commencés, nous les avons terminés pour ce qui est de la partie des consultations particulières. Et nous avons constaté jusqu'à quel point plusieurs lois ont été adoptées, là, sur la question de la confiscation des biens obtenus par des activités illégales. Et nous avons d'ailleurs eu, ce matin, de la part d'un juriste de l'État, Marc Lavoie, un document, une référence, là, un document absolument incroyable, hein, qui fait une analyse comparative de la législation sur les questions de la confiscation de biens à l'occasion d'activités illégales, qui a été publié dans le Journal of... Comment ça s'appelle déjà, là? Journal of Financial Crime. C'est incroyable, il y a un périodique spécialisé sur le crime financier ? les Américains, là, c'est incroyable ? il y a déjà 13 volumes de ce périodique qui ont été... Le Journal of Financial Crime.
Je remarquais d'ailleurs, dans les notes infrapaginales de cet article, là ? il y en a 242 d'ailleurs, on va avoir beaucoup de travail à faire pour lire cet article et l'ensemble des notes infrapaginales de cet article ? il y a aussi un «journal»... donc un périodique, mais, lui, il y a juste huit volumes qui ont été publiés, donc la publication a commencé en 1998. un «journal on monetary laundering»... Je ne me rappelle plus du nom exact, là. Il y a un périodique qui publie des articles exclusivement sur le blanchiment d'argent. Donc, à chaque année ou à chaque mois ? je ne sais pas quelle est la périodicité de cette revue ? on publie des articles sur le blanchiment d'argent, des articles scientifiques, là, sérieux, qui sont écrits, j'imagine, par des gens qui ont des connaissances en finances publiques, ou en droit, ou en sciences politiques, je ne sais pas trop, en criminologie bien sûr, en anthropologie peut-être même en sémiologie, hein? Peut-être que les gens qui s'intéressent au langage puis à tout ce qui concerne le blanchiment d'argent...
Bien, ce que je retiens de cet article, c'est qu'il y a des législations un peu partout: Fidji, provinces canadiennes bien sûr qui sont mentionnées, Royaume-Uni, États-Unis, plusieurs États américains. Alors là, c'est juste pour faire une autre demande au ministre de la Justice puis à son équipe, là, pour voir s'il n'y aurait pas d'autres juridictions dans lesquelles il y aurait des dispositions équivalentes à celles que l'on trouve en Colombie-Britannique, au Manitoba ou Saskatchewan.
Je suis assez convaincu ? je regarde les grands spécialistes qui sont devant moi, là ? qu'il y en a dans plusieurs autres juridictions du Commonwealth. Minimalement, il doit y en avoir en Australie, dans les États australiens, Nouvelle-Zélande, dans d'autres juridictions du Commonwealth où on a donc choisi d'indemniser comme il se doit des victimes d'actes criminels et qui pourraient nous inspirer ou démontrer jusqu'à point soit qu'on est en retard, là, sur toutes ces juridictions ou soit, bien, parce qu'il y a ce retard, qu'il est temps qu'on agisse et qu'on inclue une disposition dans cette loi que nous sommes sur le point... Ah, sur le point d'adopter, ça, on va voir, là. Mais en tout cas, si on veut qu'elle soit adoptée, je rappelle ? il me reste quelques secondes ? que l'opposition officielle va continuer d'insister pour qu'il y ait une disposition sur cette question du remboursement des dépenses de nettoyage sur les scènes du crime. Alors, M. le Président, je crois que mon temps est écoulé, je vous remercie de votre patience.
Le Président (M. Simard): Absolument. Vous avez bien compris. Alors, je me tourne maintenant du côté ministériel, et le ministre voudrait intervenir à ce moment-ci.
M. Marcoux: Alors, M. le Président, je vous remercie. Je voudrais peut-être faire quelques commentaires. Évidemment, je n'irai pas dans les «financial crimes» parce que je suis ici pour parler des victimes d'actes criminels et de leurs proches. On se rappellera que le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels n'a pas été revu depuis 1972. Si nous avons déposé un projet de loi pour toucher deux aspects pour augmenter le montant de remboursement des frais funéraires, qui était demeuré à 600 $ depuis 1972, qui n'avait aucunement été indexé, c'est pour mieux refléter la réalité, bien que ça ne rembourse peut-être pas totalement, ça on le reconnaît et ça faisait l'objet de demandes des groupes représentant les familles des personnes assassinées ou disparues, depuis longtemps. Donc, nous faisons cet ajustement parce qu'on veut mieux refléter la réalité, donc un geste qui n'avait pas été posé depuis 1972. Premièrement.
Deuxièmement, ce que nous prévoyons dans le projet de loi, et le Québec sera la deuxième province au Canada à le faire, c'est de prévoir de l'aide psychothérapeutique non seulement pour les proches des victimes d'homicide, mais également pour les proches de victimes d'autres crimes. Et ça, c'est la deuxième province seulement. Il y en a trois ou quatre qui prévoient pour des proches de victimes d'homicide. Les autres, seulement la Colombie-Britannique le prévoit pour des proches de victimes de d'autres crimes. Et, à cet égard-là, si le projet de loi a été déposé, je pense que ça témoigne de notre préoccupation à mieux supporter les proches des victimes, à respecter leur dignité, et je pense que c'est là faire preuve d'humanisme.
n(16 h 30)n Il y a bien des... en fait des choses qui ont été dites, et jamais non plus je ne voudrais de quelque façon que ce soit donner l'impression ? et, si jamais c'était le cas, je le corrigerai ? qu'il y a des raisons obscures pour lesquelles des choses ne sont pas faites. Et, quand j'ai parlé de consensus, M. le Président, dans mes notes préliminaires, j'ai indiqué ceci: «Les auditions tenues devant la commission parlementaire auront permis de constater que la majorité des représentations qui nous ont été faites concordent pour qu'il soit donné suite à ce projet de loi, et ce, le plus rapidement possible. Il s'agit là d'un consensus important donc dans la majorité des représentations qui ont été faites.» Subséquemment, sur le projet de règlement et sur le projet de loi, il y a eu des consultations qui ont été tenues avec les groupes, et c'est Me Jean Turmel, qui est ici présent, qui a tenu ces consultations, et on pourra revenir à cet égard-là.
M. le Président, les impacts financiers du projet de loi qui est déposé pour aider les proches des victimes sont d'un minimum de 1,5 million de dollars. D'ailleurs, il y a quelqu'un du ministère, M. Pierre Dion, qui est venu faire état de ça, qui a fait un exposé sur des simulations de projection de coûts. M. le Président, c'est sûr qu'on ne peut pas le calculer de façon arithmétique, mais, avec la Commission sur les accidents du travail, qui est responsable de la gestion, on a pu, le ministère avec la commission, faire des prévisions de coûts basées sur des hypothèses, là, qui sont prévues à la fois dans la loi et dans les orientations réglementaires.
M. le Président, actuellement, au Québec, pour l'année qui s'est terminée en 2005, le coût des investissements qui ont été faits dans le cadre du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels est de l'ordre de 73 millions de dollars, et c'est correct, je pense que ça correspond à des valeurs sociales que nous avons. Mais je fais remarquer que c'est le régime pour l'indemnisation pour les victimes qui est le plus généreux au Canada, je pense que tout le monde le reconnaît. Et, si vous prenez d'autres régimes, même en Ontario, et ça, ce sont des chiffres qui me sont fournis par le ministère de la Justice, qui me sont donnés par les fonctionnaires du ministère ? les sources: ministère de la Justice du Canada et Statistique Canada 2006 et 2005 ? en Ontario, les coûts seraient de l'ordre de 27 millions de dollars pour une population qui est à peu près le double de la nôtre, et le taux de criminalité, là, est plus élevé que chez nous. Et donc ici c'est un coût total de 73 millions. C'est un régime social qui est financé à même les impôts des contribuables, comme les autres régimes sociaux du Québec.
L'opposition a, au point de départ, déposé une modification pour demander que les proches de victimes d'homicide puissent être remboursés pour des frais de nettoyage qu'ils pourraient avoir à effectuer suite à un homicide. Et je comprends très bien le traumatisme que peuvent vivre d'abord les parents des proches, d'une part, en raison d'homicide et, c'est bien sûr, avec l'obligation de dire: On va aussi nettoyer l'appartement ou la maison. Et la demande qui a été faite par l'opposition était suite à une lettre qui a été transmise par le président de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues, dans une lettre de la mi-octobre. Et, M. le Président, je reconnais très bien que c'est un traumatisme important que les gens vivent.
Par ailleurs, ce que j'ai indiqué dès le point de départ, c'est qu'il y a d'autres crimes également qui peuvent provoquer des situations où des gens, les proches ont des traumatismes à vivre d'une part et aussi dans beaucoup d'autres crimes où on peut avoir à faire le nettoyage d'un appartement ou d'une maison au même titre que les proches d'homicide, et, pour moi, M. le Président, il est important de ne pas faire de distinction dans le type de crime quand l'impact pour les proches est le même.
D'ailleurs, lors des consultations qui ont été faites au mois de juin dernier, il y avait Mme Tremblay du regroupement des fédérations d'hébergement, je pense, et qui dit: «La seule admission qu'on peut faire, que je suis autorisée à faire ? après avoir consulté son groupe ? c'est qu'on est inconfortables», c'est-à-dire la hiérarchisation des douleurs, on n'est pas d'accord avec ça. Donc, d'où le principe à mon avis, et je l'ai indiqué dès le point de départ, que la loi doit traiter également les proches de victimes d'actes criminels pour des impacts qui sont les mêmes quel que soit le type de crime commis.
Et, pour moi, une violence conjugale où la conjointe est poignardée, avec tous les impacts que vous pouvez imaginer, c'est aussi important, je pense, que dans le cas d'homicide, même parfois, dépendant des circonstances, peut-être davantage. D'où le principe de ne pas établir de distinction quant aux services ou des indemnités qui peuvent être payées à des proches de victimes d'actes criminels quand ces crimes ont un impact qui est le même pour les proches.
Nous en avons discuté, M. le Président, de ça, pendant une couple d'heures. L'opposition indiquait que le coût pour les cas d'homicide serait de l'ordre de 5 000 $ à 10 000 $, donc. Et, comme j'ai bien confiance en la compétence du secrétaire de la commission et pour reprendre le député de Mercier qui me disait: Un millionième ou 10 millionième du budget de l'État québécois...
M. le Président, aujourd'hui, la proposition, si je comprends bien, de l'opposition, c'est d'ouvrir et de dire: Dorénavant, donc, ce ne serait plus uniquement pour les victimes d'homicide, les proches des victimes d'homicide, mais ça pourrait être élargi aux proches des victimes de d'autres actes criminels, si je comprends bien le sens de la proposition faite par l'opposition. Donc, si je comprends, on revient au principe que j'avais énoncé au point de départ, me disant que, oui, l'homicide, c'est un crime qui est très grave, mais, moi, en principe, je ne peux hiérarchiser les crimes. Et ça, on se rappelle que Mme Tremblay l'avait indiqué ici.
Le député de Mercier a dit: Écoutez, donc on présente un amendement pour l'élargir à l'ensemble des crimes, si je comprends bien la portée de l'amendement. Et il dit: Écoutez, ça va coûter à peu près 5 000 $, donc on ne comprend pas que le ministre ne puisse pas convaincre le Conseil du trésor, ne puisse pas dire... écoutez, pour 5 000 $, on ne comprend pas pourquoi le ministre n'est pas d'accord.
M. le Président, j'avais indiqué au député de Mercier, la semaine dernière, qu'il était... Et là je ne voudrais pas être antiparlementaire. Mais, si nous faisons les projections pour l'impact financier si nous incluons l'ensemble des crimes, avec un remboursement de 1 000 $, ce n'est pas 5 000 $ et ce n'est pas 10 000 $. Ça, je pense que c'est important qu'on puisse bien l'exprimer et ne pas donner l'impression que la proposition d'amendement déposée par l'opposition se limite à un impact financier de 5 000 $ à 10 000 $, à moins que... C'est ça, le député de Mercier devrait me montrer la façon dont il fait ses calculs.
n(16 h 40)n Et c'est pour cette raison, M. le Président, que j'ai offert, la semaine dernière, aux représentants de l'opposition que l'officier du ministère qui a, avec la Commission des accidents du travail, examiné le rapport, le dernier rapport annuel, le régime d'indemnisation, qui a fait des hypothèses de projection puisse ici venir, à la commission, et indiquer aux parlementaires, aux membres de la commission le coût projeté sur une base annuelle de la proposition de modification qui est déposée par l'opposition officielle. Je refais, cet après-midi, la même offre aux membres de la commission parlementaire d'inviter M. Pierre Dion, du ministère de la Justice, de venir partager avec les membres de la commission ses projections de coûts si nous appliquions, si nous devions adopter, mettre en vigueur l'amendement qui est déposé par l'opposition officielle, où on extensionne à tous les crimes la portée d'un remboursement de coûts de nettoyage. M. le Président, je refais exactement la même offre. Il s'agit d'être très transparent, on n'a rien à cacher là-dessus. Et puis je pense que ce serait important en termes d'information pour les membres de la commission.
On fait référence à d'autres provinces canadiennes qui prévoient le remboursement de frais de nettoyage dans le cas ? pour deux provinces ? d'homicide seulement, soit le Manitoba et la Saskatchewan, et une autre province, la Colombie-Britannique, qui le prévoit également, quel que soit le type de crime, donc pour permettre à des proches, là, qui ont à nettoyer un endroit de pouvoir se faire rembourser jusqu'à un certain montant.
Je pense que vous le savez, M. le Président, en termes de politique publique, il est toujours essentiel de voir le portrait global. Et, dans ce cas-là, je voudrais vous ramener au Manitoba, le Manitoba qui prévoit le remboursement pour les proches de victimes d'homicide des frais de nettoyage qu'ils ont à encourir. Le Manitoba, l'investissement total fait par la province envers les victimes d'actes criminels ou leurs proches est de 3 millions de dollars; le Québec, c'est 73 millions de dollars.
On nous parle de la Saskatchewan, où on le prévoit également en matière d'homicide, pour les proches des victimes d'homicide, M. le Président. Les informations que j'ai ? le tableau, je pense que les membres de la commission l'ont également ? nous indiquent qu'en Saskatchewan le coût du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels et de leurs proches est de 465 000 $, M. le Président.
En Colombie-Britannique, l'ensemble du régime est de 15 millions de dollars; le Québec, c'est 73 millions, et, avec le projet de loi n° 25 qui vient prévoir le remboursement de frais d'aide psychothérapeutique, nous rajoutons au moins 1,5 million de dollars récurrent par année.
Alors, M. le Président, je pense qu'il est important de faire ces commentaires, de situer à la fois le projet de loi n° 25 et l'amendement déposé par l'opposition dans le contexte plus général et de dire, de rappeler encore une fois que le projet de loi n° 25 d'une part vient énoncer un principe qui est nouveau dans notre régime, c'est celui de rembourser avec des paramètres définis ? parce que nous avons un budget défini ? des frais d'aide psychothérapeutique pour les proches de victimes d'homicide ou d'enlèvement dans les circonstances prévues ou encore pour des proches avec une limitation dans le cas de victimes de d'autres types d'actes criminels. Et ça, s'il y a un exemple ou quelque chose qui prouve l'importance que nous attachons à aider les victimes d'actes criminels et leurs proches, M. le Président, c'est un geste concret, ce ne sont pas seulement des paroles, ce ne sont pas seulement des velléités, c'est le premier geste concret dans ce sens depuis 1972.
Alors, M. le Président, vous le savez, le projet de loi n° 25 répond à des besoins et à des préoccupations importantes. C'est sûr qu'il y a d'autres éléments du régime d'indemnisation qui doivent être revus. Ça, je l'ai indiqué dès le mois de mai, au moment du dépôt du projet de loi n° 25, et ça a été clair, très clair également en commission parlementaire, lors de la consultation, et très clair vis-à-vis les groupes de victimes. Je peux vous dire que nous avons été tout à fait, avec les groupes de victimes, tout à fait transparents. Il y a eu des consultations; nous l'avons indiqué. Sur certains plans, ils disaient: On voudrait avoir plus. Maintenant, il y a déjà un pas en avant qui est considérable.
Alors, M. le Président, c'est pour ça qu'on a créé un groupe de travail, pour revoir l'ensemble du régime d'indemnisation, parce qu'il y a des modifications à apporter en ce qui a trait aux modalités d'indemnisation: assurer une meilleure équité entre les victimes quant à l'indemnisation, mieux répondre aux besoins actuels des victimes et de leurs proches.
Alors, M. le Président, je suis très, très compatissant. Je comprends très, très bien. Mais notre compassion le démontre, là, par le projet de loi n° 25 lui-même qui a été déposé et qui est la première bonification du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels depuis 1972, alors que le régime, au Québec, aussi, et c'est correct, c'est un régime social mais qui est le plus généreux au Canada. Et, moi, M. le Président, pour...
Le Président (M. Simard): En conclusion.
M. Marcoux: Alors, M. le Président, simplement, et je refais l'offre, on pourrait demander à M. Dion de pouvoir exposer les hypothèses de coûts. Et je pense que ça, là, il n'y a rien qui veut être tenu sous le boisseau, les membres de la commission pourront poser toutes les questions qu'ils voudront bien poser. Alors, merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Très bien, merci. Alors, vous consentez évidemment à cette décision?
M. Bédard: Non. Pour le moment, je vais continuer. Je vais d'abord remercier, M. le Président, le ministre pour ses bons mots. Souvent, les arguments se confrontent. Ce qui m'étonne du ministre, c'est qu'à un argument on va y répondre, mais il va revenir avec, et c'est pour ça qu'on n'avance pas dans cette commission, je vous dirais. C'est tout simplement ça. J'ai été confronté à pareil exercice souvent, là, mais on avance. Quand je propose quelque chose, j'ai un argument qui est invoqué devant moi et, moi, je réponds d'autre chose. Et là, s'il n'y a pas de réponse, si on revient à la première, bien là, c'est là où il y a un blocage.
Le ministre nous dit... Il ne veut pas hiérarchiser. Et, je le lui ai dit, là, il le fait. Là, ça fait je ne sais pas combien de fois que je vais devoir le répéter, là, mais j'espère que c'est la dernière fois: Il l'a fait dans son projet de loi. Moi, je n'ai pas été tout seul à le dire, la députée de Lotbinière, qui était ici, a dit la même chose que moi. Puis, vous savez, on nous qualifie, nous, de centre gauche, et les libéraux seraient quelque part juste centre droit, et l'ADQ est de droite. Alors, on a quand même un écart dans nos... souvent nos philosophies. Bien là, on dit exactement la même chose: Le projet de loi crée une hiérarchie. Et là je le répète, j'espère, pour la dernière fois. Alors, quand le ministre me dit: Je ne veux pas hiérarchiser, je lui dis: Vous le faites déjà. Alors là, ce que je m'attends normalement, c'est que je ne me ferai pas dire une nouvelle fois: Je ne veux pas hiérarchiser.
Il y en a une: les proches. Dans un cas, on dit seulement un proche, dans les autres, c'est une autre chose pour les victimes d'homicide. Là, qu'on soit d'accord ou pas, là, il y a une hiérarchie qui est faite là. Et là je n'ai pas dit que je n'étais pas d'accord avec ça, je suis d'accord avec ça, pas d'accord de le limiter à un proche, mais je suis d'accord effectivement au moins de l'étendre pour les homicides. Mais le ministre au moins, s'il était cohérent, il plaiderait contre lui, là, il dirait: Je hiérarchise. Pourriez-vous battre mon article qui dit que je limite à un seul proche?
C'est pour ça qu'on ne peut pas dire... Puis là on n'a pas 50 articles, là, on en a sept dans le projet de loi, là. Dans un, on dit une chose, puis on l'adopte en plus, puis on me dit le contraire après. Alors, rendu à cette étape-là, je ne m'attends pas à me faire dire la même chose, je m'attends à me faire dire d'autre chose. Mais on revient: Je ne veux pas hiérarchiser. Et là, moi, c'est pour ça que la réplique me vient à chaque fois: Vous le faites déjà. Bon. Est-ce qu'on peut passer à d'autre chose, là, comme argumentaire?
n(16 h 50)n L'autre, c'est lui dire: Je ne veux pas être injuste envers les autres victimes. On l'est déjà dans le cas des proches. Mais en plus je lui donne l'exemple: j'ai deux personnes à sauver ? et je le lui ai donné je ne sais pas combien de fois, là ? j'ai la main à tendre à deux qui sont en train de se nettoyer, est-ce que la justice, c'est de ne la tendre à aucun ou plutôt d'au moins en aider un? Alors, c'est seulement ça, la distinction, là. Est-ce qu'on commence par en aider un? Pourquoi? Parce qu'en vrai mon amendement, tel qu'il est, c'est comme ça qu'on devrait l'adopter, je suis d'accord, on devrait dire que tout le monde devrait avoir droit à ça. Mais est-ce qu'on peut au moins commencer par faire un pas pour ces gens-là, au moins dans les cas extrêmes? Parce que ça reste extrême, la mort, ça reste encore l'épreuve, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, la plus douloureuse qu'un être peut vivre, l'absence. Alors, on dit: Est-ce qu'on peut le faire au moins là-dessus? Bon.
Quant à la proposition de M. Dion. Moi, j'aime bien M. Dion, vous le savez, on l'a entendu plusieurs fois sur différents aspects. Je le vois d'ailleurs, et il sait comment je n'en ai pas contre lui. Écoutez, là, j'ai dit au ministre en plus ? je n'ai jamais fait une demande aussi raisonnable, je pense, de toute ma vie ? j'ai même dit: On peut limiter, on peut limiter par règlement, on peut limiter dans les cas de couverture d'assurance, on peut... D'ailleurs, on arrivera avec un amendement avec ça, je l'annonce tout de suite au président, au secrétaire. Il peut tout de suite juger de la recevabilité, immédiatement. Mais on peut faire ça. Alors, dans les cas de figure, effectivement ça devient encore plus limité.
Et là, moi, je pourrais le dire comme ça, souvent on est pris dans ces travaux-là à dire ce qui nous vient à la tête au moment où on le pense et, bon, des fois, on ne vérifie pas chacun des détails. Là, j'ai M. Boisvenu qui nous dit la même chose ? et là je ne vous dis pas seulement M. Boisvenu ? parce que M. Boisvenu, il représente une cause, l'Association des personnes assassinées ou disparues, il dit: Voici les cas pratiques que j'ai. Lui, il les connaît, là, il les appelle, il les connaît, il les connaît presque par leur prénom, les gens qui sont face à ces événements ultimes, soit les cas d'homicide ou d'enlèvement, personnes disparues. Bien, lui, il nous dit: C'est ça, il y en a en moyenne quatre par année. Il y a 70 homicides. J'ai beau faire venir M. Dion ici, quand je limite à 1 000 $, là... On n'arrivera pas à 30, on n'arrivera pas à 15, je le sais, il le sait, mais je sais qu'on va commencer à tracer un grand portrait... Non, sur l'ensemble des dépenses du programme, ce n'est pas ça.
Moi, je vous dis: Je veux une seule mesure, là, elle est toute petite, elle n'est presque rien. Puis on ne le fait pas. Puis on ne le fait pas, pourquoi? Parce que le ministre n'a pas mis son poing sur la table face à la présidente du Conseil du trésor ? que j'aime bien, par ailleurs. Je me vois dans telle situation, ça fait longtemps que j'aurais dit, là ? vous savez comment on ne peut pas employer les prénoms: Très chère, ça n'a pas de bon sens, là, tu peux au moins m'allonger ce petit montant. Puis tout le monde a été pris face à des situations où quelqu'un disait: Sylvain, là, le bon sens demande au moins, s'il vous plaît... et je comprends tes... Normalement, 99,9 % des cas ? et là c'est un nom fictif, M. le Président ? ça se règle. Joseph, je connais ta rigueur, mais là tu en demandes trop, politiquement ça n'a aucun sens. Puis ça finit par se régler comme ça. Et tout le monde constate que les quelques milliers, là ? je parle de milliers de dollars par année, là ? ça va être bien investi, puis tout le monde va être heureux, d'autant plus qu'on limite à 1 000 $.
Même, ça pourrait coûter plus cher, là, puis je suis convaincu que ça coûte plus cher, mais on dit: Au moins 1 000 $, au moins pour ces gens-là, ne les forçons pas à nettoyer les lieux. Ils vont trouver quelqu'un qui va le faire à 1 000 $. Parce que souvent le problème, ce n'est pas de les rembourser, c'est le fait qu'ils sont obligés de le faire eux-mêmes ou de le confier à quelqu'un de la famille. C'est ça qui n'a pas de sens, ce n'est pas le 1 000 $, c'est qu'on les oblige à le faire ou de le faire faire par quelqu'un qui connaît la victime.
Alors, je suis rendu là dans mes arguments. Puis peut-être que j'en aurai d'autres tantôt, j'en souhaite. Mais là qu'on parte au moins de ce point de vue là, là. Si le ministre me dit: Écoutez, là, je ne suis pas capable d'aller chercher le 5 000 $, ou le 6 000 $, ou le 7 000 $ de plus par année, qu'il nous le dise ouvertement, ouvertement, puis, moi, regardez, je vais poser une question, à l'Assemblée nationale, à la présidente du Conseil du trésor: Pourriez-vous, Mme la présidente du Conseil du trésor, nous accorder 7 000 $ pour l'an prochain? Puis là on parlerait déjà des autres articles. J'y reviendrai, M. le Président.
Je tiens aussi à souligner que le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, qui sont confrontés tous les jours à des situations, vous savez à quel point... à quel point, vous le savez, pénibles, sont aussi déçus d'un élément, et je tiens à le souligner, là, pour que les gens de la commission le sachent. Ils ont demandé en commission le fait d'étendre l'annexe à certains crimes. Je peux vous dire que, là, avoir su, l'annexe... Est-ce qu'on l'adopte, l'annexe, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: ...
M. Bédard: Ultimement, oui? Alors, je peux vous dire que normalement on va avoir des amendements, là. Écoutez, là, ils ne demandent pas grand-chose, là: «...depuis de très nombreuses années, des victimes directes de harcèlement criminel ? il y en a au moins là-dedans qu'on est capables de rentrer ? enlèvement d'enfants, proxénétisme et traite des être humains.» Alors, moi, je n'ai pas vu d'amendement encore à cet article-là. Mais on peut-u faire un pas, là? On a une série, là. Est-ce qu'on peut faire un pas, un, deux, trois? Je parlerai avec ces gens-là. Mais on ne peut pas dire qu'on est dans l'abus, là, dans la folie furieuse, là. On est dans des éléments assez de base.
Oui, ils sont venus. Puis, quand on me dit... Là, j'invite le ministre à être très prudent. Quand il me dit: J'ai un consensus, il n'y en a pas, de consensus. Il n'y en a pas. On va faire notre travail du mieux qu'on le peut, puis, moi, je suis payé pour ça, ici, puis je vais le faire.
M. Marcoux: M. le Président...
M. Bédard: Mais ce que je m'attends, c'est que le ministre ne nous dise pas qu'il y a un consensus quand il n'y en a pas. Ça, c'est au moins la moindre des choses.
Le Président (M. Simard): Je m'excuse, il y a une demande d'intervention sur...
M. Bédard: De règlement?
Le Président (M. Simard): Question de règlement ou...
M. Marcoux: Si vous permettez, je pense que, pour simplement indiquer, si le député de Chicoutimi le permet... M. le Président, ce que j'ai indiqué, c'est qu'il y avait eu une consultation des groupes. J'ai indiqué qu'il y avait eu un consensus d'exprimé, lors des consultations, sur l'ensemble... sur l'importance ? et je l'ai répété tout à l'heure ? que le projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. Sur le reste, j'ai indiqué qu'il y avait eu des consultations. M. Turmel a fait des consultations. Je n'ai pas dit qu'il y avait des consensus sur tout, tout, tout, je regrette, là. Mais il y a eu des consultations, il y a des choses qui ont été exprimées aux groupes, M. le Président. Et, à cet égard-là, je veux être très, très transparent. Je ne veux pas, absolument pas, là, faire croire à la commission des choses qui ne seraient pas correctes.
M. Bédard: Alors, simplement, je prends acte de la déclaration, simplement, effectivement, que le projet de loi n'est pas l'objet d'un consensus, mais bien qu'il fait suite à des représentations, dont certaines n'ont pas été retenues, par les groupes. Et je tiens à dissiper tout doute quant à nos travaux, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Bon. Alors, votre temps est écoulé. J'invite le député de Dubuc maintenant à prendre la parole.
M. Côté: Oui. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Pardon. À moins que quelqu'un de ce côté-ci le demande.
M. Marcoux: Est-ce que nous pourrions avoir une copie du texte du dernier amendement? Parce que...
Le Président (M. Simard): Oui, on vient de le distribuer, là.
M. Marcoux: Ah! Parfait. Merci. Très bien.
Le Président (M. Simard): Alors, la parole maintenant est au député de Dubuc. Nous vous écoutons.
M. Côté: Oui. Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de parler en faveur de cet amendement, M. le Président. J'ai écouté bien attentivement, tout à l'heure, le ministre qui nous disait que, bon, la loi n'avait pas été revue depuis 1972 et qu'il s'agissait du régime le plus généreux au Canada. Oui, d'accord, le régime le plus généreux au Canada, mais un régime qui est quand même différent de trois provinces, là, provinces de la Saskatchewan, du Manitoba et de la Colombie-Britannique, où on accorde justement des indemnités dans le cas de nettoyage des lieux suite à un crime.
Et, lorsqu'on suit le raisonnement du ministre, on s'aperçoit... Il nous dit au début: Bien, écoutez, je veux inclure tous les actes, non seulement les homicides, mais les actes criminels, tous les actes criminels, par respect pour les victimes. Et qu'il y a des problèmes aussi forts lorsque c'est une attaque qui ne s'ensuit pas d'homicide, je suis bien d'accord avec ça. Mais on voit, à travers les propos du ministre, que c'est une question, je pense, monétaire qui empêche le ministre d'acquiescer à notre amendement. Et mon collègue de Chicoutimi l'a bien dit tout à l'heure, c'est quelques milliers de dollars par année que ça coûterait si on acceptait d'y inclure les homicides. Je pense que ce serait une première étape.
Le ministre nous dit: J'ai un comité qui a été mis sur pied, il faut attendre le rapport du comité qui va revoir toutes les indemnisations, et, à ce moment-là, il verra, là, à prendre une décision. Mais nous sommes bien d'accord, là, pour que le comité fasse son travail, mais, si au moins... On serait prêts, nous-mêmes, actuellement, à l'étendre à tous les actes criminels.
n(17 heures)n Je crois que le ministre est tiraillé, présentement. Ça se voit. Il est confronté avec d'autres collègues ou avec le Conseil du trésor. Et je pense que ce serait une occasion extraordinaire actuellement, si le ministre acceptait cet amendement, de le bonifier, son projet de loi. Le ministre doit être ouvert à cet amendement, puisque lui-même, dans ses commentaires sur le projet de loi n° 25, à plusieurs endroits, le ministre dit reconnaître la souffrance ou la détresse psychologique que subissent les proches d'une victime. C'est un peu un leitmotiv pour lui, c'est un peu un grand principe qui sous-tend ce projet de loi. Et je le crois lorsqu'il dit ça, mais qu'il passe de la parole aux actes et qu'il accepte cet amendement-là qui viendrait bonifier son projet de loi et qui justement permettrait à des victimes de ne pas être obligées de procéder au nettoyage d'un appartement ou d'une propriété suite à un acte criminel. Pourquoi retarder cet amendement? Parce que, moi, je pense que, si, M. le Président, on retarde cet amendement, ça ne se fera pas, ça va être reporté aux calendes grecques.
Le ministre parlait tout à l'heure qu'il était prêt à faire preuve d'humanisme, qu'il était compatissant. Alors, qu'il le démontre, M. le Président, qu'il nous donne cette assurance que les victimes n'auront pas à supporter cette charge. Parce que c'est une charge pour eux. Comme le disaient mes collègues, ceux qui sont pris pour faire ce nettoyage-là, ça doit être horrible, ça doit être...
La lettre de M. Boisvenu que mon collègue de Mercier a citée tout à l'heure est très explicative et elle le dit très bien, hein? Le fait que certaines familles doivent accomplir elles-mêmes, faute de ressources... ? alors, faute de ressources, c'est faute d'assurances; lorsque les gens n'ont pas d'assurances, c'est évident qu'il faut qu'elles fassent elles-mêmes le nettoyage de la scène de crime d'un des leurs ? est une situation moralement inacceptable. Et le projet de loi n° 25 pourrait corriger.
Alors, M. le Président, encore une fois, je m'adresse au ministre afin qu'il accepte cet amendement de la part de l'opposition officielle parce que justement les coûts ne seront pas si élevés que lui prétend parce qu'évidemment, avec 70 homicides par année, il y a des gens qui sont assurés, il y a beaucoup d'homicides qui se font... en moyenne, là, il y a beaucoup d'homicides qui se font à l'extérieur des propriétés, et ça ne serait sûrement pas un coût énorme. En plus, si on l'étendait aux actes criminels, effectivement on aurait un amendement qui viendrait justement bonifier le projet de loi. Et, quand le ministre parle de dignité et d'humanisme, je pense qu'il en ferait la preuve que cet humanisme dont il parle, cette dignité dont il se targue... bien il l'aurait très bien, là, dans l'amendement de son projet de loi.
C'est une question de bon sens. Moi, je pense que, quand on voit la Colombie-Britannique, là, qui dit que, le nettoyage du crime, on parle d'un maximum de 2 500 $ mais sujet à trois conditions, que les dépenses doivent être... si elles satisfont le directeur, si l'offense qui est apparue est éligible ? ça peut même se produire dans un véhicule automobile ? si c'est un nettoyage spécial qui est requis et si la dépense est raisonnable et nécessaire.
Alors, M. le Président, moi, je pense que cet amendement devrait être adopté. Pourquoi? Parce que l'État est là pour aider les gens qui sont dans le besoin, l'État est là pour aider les personnes qui n'ont pas les moyens de s'aider elles-mêmes. Les proches, entre autres, il faut les supporter par des services psychothérapeutiques, on le fait présentement dans le projet de loi, mais il faut aller plus loin, il faut les aider aussi de façon monétaire. Personne n'est obligé de souffrir, M. le Président, surtout lorsqu'on peut soulager. Nous, comme législateurs, on pourrait soulager cette souffrance-là.
J'ai lu, la semaine passée, un article sur un colloque qu'il y a eu, où on parlait des fragiles victimes en quête de droits. Et on dit que, lorsqu'on parle de l'IVAC... Et je cite M. Yves Lavertu: «Je pense qu'il y a des dossiers où les droits sont perdus parce que les gens sont tellement pris dans leur problématique psychologique qu'ils n'ont [même] pas la force de répondre aux fonctionnaires et ne savent même pas comment [faire].» Et on nous dit également qu'il y a des victimes qui ne font rien, qui ne font pas de démarches parce que... «Faute d'être encadrées assez tôt par des ressources juridiques, psychologiques ou autres, un certain nombre d'entre elles n'apparaissent pas dans les statistiques, tandis que d'autres disparaissent de l'écran radar du Programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels.» Et ça, c'est un avocat qui a dit ça, c'est Me Maurice Chayer.
On nous dit plus loin, on dit: On devrait communiquer... «Le juriste a suffisamment défendu de victimes dans des cas d'agressions sexuelles ou physiques pour connaître la détresse dans laquelle elles se trouvent. "J'ai connu une victime, raconte-t-il, à qui il a fallu quasiment deux ans avant de réussir à contacter un avocat." Une autre vivait une dépression nerveuse au moment où elle devait communiquer avec l'IVAC. "Ces personnes reçoivent une lettre dans laquelle on leur demande telle ou telle clarification. Elles ont de la difficulté à s'occuper d'elles-mêmes physiquement ainsi que de leur vie quotidienne. Et il faut qu'elles courent après des documents."» Alors, on voit tout de suite que ces personnes-là sont en détresse psychologique. On voit aussi qu'elles ont besoin d'être conseillées, qu'elles ont besoin d'avoir de l'aide, que ce soit de l'aide psychologique, oui, le projet de loi, je pense, le fait, le fait bien, mais elles ont aussi besoin d'aide matérielle, elles ont besoin de...
Mme Arlène Gaudreault, dont le collègue de Robert-Baldwin avait cité, fait également des commentaires sur ce dossier et elle dit elle-même que c'est David contre Goliath parce que le citoyen qui fait face à l'État se sent souvent seul, se sent souvent petit face à toute cette machine administrative.
Et même M. Boisvenu, lorsqu'il parle d'humanisme, dit que son «association milite [...] pour des réformes qui concernent l'ensemble des victimes d'actes criminels. "Mes rapports avec l'IVAC, après la mort de Julie, déplore M. Boisvenu, ont été deux timbres de 0,45 $. Un timbre pour écrire et me plaindre du traitement des victimes: j'ai reçu une réponse laconique de la part du vice-président de l'IVAC. Et ensuite, un timbre pour envoyer le certificat de décès de Julie. Jamais personne de l'IVAC n'a appelé notre famille. Jamais on n'a reçu un message de sympathie de leur part. Et, lorsqu'on appelait, on tombait dans une boîte vocale. Il faut humaniser ces services-là."» Alors, c'est dans ce sens-là, M. le Président, que l'opposition fait cet amendement, parce qu'on veut justement éviter un travail qui, pour les proches, est inhumain. On est même prêts à ce que le gouvernement encadre cette décision-là par réglementation. Ça compléterait le projet de loi et ça le bonifierait justement en donnant cette aide matérielle à ceux qui seraient obligés de faire nettoyer leur appartement ou leur propriété et qui n'ont pas justement d'assurances, qui ne sont pas assurés.
De cette façon, naturellement, on va un peu plus loin. Mais pourquoi on le fait? C'est parce qu'on le fait par souci d'équité. On le fait pas souci d'équité. On le fait justement pour permettre que des gens ne soient pas justement, là, atteints dans leur dignité. Et, par l'amendement proposé, je pense, on permet aussi... Si le ministre veut le faire par réglementation, on lui donne ce qu'on appelle une disposition habilitante, là, il pourrait lui-même mettre les balises à cette acceptation. Et ça, ça n'empêchera pas le comité de faire son travail. Le comité que le ministre a mis sur pied, il va faire son travail, il produira son rapport. Et, s'il y a d'autres bonifications à faire dans la loi, bon, on les fera. Mais au moins le ministre aura fait un pas, aura fait un pas dans la bonne direction, il aura permis à des gens d'être un peu plus écoutés et d'amenuiser un peu leur peine, leur chagrin, par suite de la perte d'un être cher ou par suite aussi d'un acte criminel qui s'est produit sans nécessairement que la personne décède.
Le ministre l'a dit lui-même, je dois le reconnaître, tout à l'heure, il a dit que nous avons un système généreux. C'est une valeur de société, effectivement. Nous avons choisi, dans la société québécoise, d'être compatissants envers ces victimes. Et c'est sûr qu'on ne peut pas couvrir tout, on ne peut pas couvrir tout ce qui se passe, mais au moins on en couvre une partie. Et je pense que notre amendement aiderait justement à être davantage compatissant et que l'État doit aider justement toutes ces victimes d'actes criminels en venant les supporter, en venant les aider de façon non seulement psychologique, mais aussi matérielle. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Dubuc. Mme la députée de Matane.
n(17 h 10)nMme Charest (Matane): Merci, M. le Président. J'aimerais rappeler, M. le Président, que l'objectif du projet de loi que nous analysons actuellement est de permettre une accessibilité aux proches des victimes à des services de réadaptation psychothérapeutique et également d'augmenter les indemnités pouvant être versées à titre de frais funéraires.
Ces visées ou ces objectifs du projet de loi, ils sont là, ils sont revendiqués par les proches des victimes depuis, si je ne m'abuse, 1972. Et cet exercice que nous faisons aujourd'hui et ce projet de loi qui est soumis à la commission visent à répondre en partie et de la meilleure manière possible aux attentes des proches des victimes. C'est ce que je crois que nous devrions, en tant que commission, viser à faire le plus rapidement possible mais à l'intérieur des limites qui nous sont imposées.
Et, nous le savons tous, ces lois, elles nécessitent des déboursés, elles nécessitent des budgets qui, comme nous le savons, sont limités. Doit-on, parce que nous voulons à tout prix couvrir un élément qui à la base, qui au départ n'était pas prévu dans le projet de loi, mettre un frein à tout cet exercice attendu depuis si longtemps par les proches des victimes d'actes criminels? Et pourquoi, si les propositions ou les modifications proposées sont si importantes, ne nous laisse-t-on pas la possibilité de pouvoir évaluer si nous ne créons pas chez les proches des victimes des attentes que nous ne pourrons réaliser dans l'avenir compte tenu des budgets dont nous disposons?
Et je fais simplement référence à un tableau qui nous a été produit dans le cadre de la Loi sur l'IVAC: la répartition des demandes de prestations acceptées du Code criminel. Et je constate que, sur la base des modifications qui nous sont demandées, notamment à l'article 3, pour couvrir non seulement les homicides, mais les actes criminels, nous nous retrouvons dans une situation où le type d'acte qui peut être sujet à cette modification augmente de façon considérable. Et donc, s'il augmente de façon considérable, si minime soit le montant d'indemnisation ? on parle de 1 000 $ ? serait-on capables de pouvoir rencontrer et respecter ces attentes?
C'est pourquoi je pense, M. le Président, que la requête de notre ministre à entendre des spécialistes qui pourraient nous permettre d'évaluer si très sincèrement nous sommes en mesure de respecter ces attentes que nous créons serait une chose très légitime pour les proches des victimes, et les gens qui les représentent, et entre autres M. Boisvenu. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, Mme la députée de Matane. M. le député de Dubuc.
M. Côté: M. le Président, est-ce qu'on pourrait avoir une copie du document auquel Mme la députée de Matane...
Le Président (M. Simard): Oui. Bien, enfin, ce serait quand même intéressant que tout le monde puisse en disposer. Alors, nous en ferons faire immédiatement des copies.
M. Marcoux: ...M. le Président, du rapport annuel.
Document déposé
Le Président (M. Simard): Comme on n'a pas distribué le rapport à tout le monde, alors... Alors, j'en accepte le dépôt. Voilà.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement du député de... Mercier, je crois? Voilà. Est-ce qu'il y a d'autres demandes d'interventions?
Puisqu'il n'y a plus de demande d'intervention, nous allons passer au vote sur cet amendement. M. le secrétaire, pouvez-vous appeler le vote?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bédard (Chicoutimi)?
M. Bédard: Pour.
Le Secrétaire: M. Côté (Dubuc)?
M. Côté: Pour.
Le Secrétaire: M. Marcoux (Vaudreuil)?
M. Marcoux: Contre.
Le Secrétaire: Mme Charest (Matane)?
Mme Charest (Matane): Contre.
Le Secrétaire: M. Blackburn (Roberval)?
M. Blackburn: Contre.
Le Secrétaire: M. Marsan (Robert-Baldwin)?
M. Marsan: Contre.
Le Secrétaire: M. Descoteaux (Groulx)?
M. Descoteaux: Contre.
Le Secrétaire: M. Cholette (Hull)?
M. Cholette: Contre.
Le Secrétaire: M. le Président?
Le Président (M. Simard): Pour.
Le Secrétaire: 3 pour, 6 contre, aucune abstention.
Le Président (M. Simard): Donc, le sous-amendement est défait, rejeté. Il y a...
M. Côté: Un sous-amendement, monsieur...
Le Président (M. Simard): Vous avez un sous-amendement, M. le député de Dubuc, à nous présenter. Donc, selon nos règles, nos règlements, nous vous écoutons.
M. Côté: Alors, dans l'amendement proposé à l'article 3 du projet de loi, ajouter, à la fin, les mots suivants: «, sauf s'il détient une couverture d'assurance à cet effet».
Le Président (M. Simard): Pouvons-nous en avoir une copie? Oui, on peut commencer à...
M. Marcoux: ...bien comprendre l'impact de la disposition?
Le Président (M. Simard): Oui, très bien. Alors, je suspends pendant quelques minutes, de façon à ce que nous ayons le texte de l'amendement. Très bien.
(Suspension de la séance à 17 h 15)
(Reprise à 17 h 23)
Le Président (M. Simard): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Alors, nous avons donc copie, tout le monde a eu copie de l'amendement et a été à même de le lire... du sous-amendement, pardon. Alors, évidemment, il faut en comprendre ici... le sous-amendement qui se lit: Dans l'amendement proposé à l'article 3 du projet de loi, ajouter, à la fin, les mots suivants: «, sauf si elle détient une couverture d'assurance à cet effet».
Évidemment, il faut lire toute la phrase au complet maintenant, ce qui ferait que l'amendement se lirait ainsi, si le sous-amendement était adopté: «La personne qui doit acquitter des frais de nettoyage d'un lieu où a été commis un homicide peut en obtenir le remboursement jusqu'à concurrence de 1 000 $, sauf si elle ? la personne ? détient une couverture d'assurance à cet effet.»«Couverture d'assurance» ne me semble pas d'un français idéal, mais on aura peut-être l'occasion d'en parler. Mais, dans la forme actuelle, je considère que cet amendement est recevable. Donc, nous passons à l'étude de ce sous-amendement. Et j'invite tout d'abord les porte-parole des proposeurs, c'est-à-dire de l'opposition officielle. Ce n'est pas le député de Dubuc dans un premier temps, mais le député de Chicoutimi qui interviendra.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Je vous dirais que je prends une partie du blâme avec mon collègue. J'ai participé à la rédaction de cet article, et, vous savez, des fois il arrive qu'on va s'inspirer d'une idée qui nous arrive...
Le Président (M. Simard): Il n'y a pas de reconnaissance des droits d'auteur, hein, il ne faut pas...
M. Bédard: Et voilà, c'est ça. D'ailleurs, je le laisse... J'ai vu des projets de loi des fois arriver avec des coquilles plus importantes, alors. Mais en même temps je prends bien vos reproches et normalement je l'aurais rédigé autrement, avoir pris un peu plus de temps, M. le Président. Et je sais tout votre attachement aux bonnes pratiques de l'utilisation de la langue française. Alors, dans ce cas-ci, je crois avoir fait... nous croyons avoir fait peut-être une petite erreur tout à fait explicable. Et je tiens à vous remercier d'avoir du moins corrigé en ce qui concerne l'emploi du «il».
Quant à la couverture, je vous dirais qu'à brûle-pourpoint ? et c'est un peu ce que j'expliquais tout à l'heure ? des fois, lorsqu'on est en commission, comme cela, on n'a pas le mot exact. Alors, au lieu de ne pas déposer l'esprit, on va risquer de se tromper. Alors, considérez que ce qui est devant vous est l'esprit. Et je suis tout à fait disposé...
Le Président (M. Simard): ...l'esprit, oui.
M. Bédard: Alors, il est dans les quelques mots que vous avez devant vous. Et, comme vous le savez, je ne suis ni entêté ni dogmatique, donc très ouvert aux propositions ? bien qu'on ne puisse sous-amender, paraît-il ? très ouvert de modifier moi-même mon... On peut sous-sous-amender?
Le Président (M. Simard): Non, ce n'est pas possible. Je pense que, là, de consentement, s'il y a une... Si votre sous-amendement était adopté, nous pourrions, par consentement, en modifier la rédaction.
M. Bédard: En modifier... Bon, alors, parfait. Ça me rassure.
Le Président (M. Simard): Mais rendons-nous d'abord jusque-là.
M. Bédard: Ça me rassure, M. le Président, d'autant plus que vous comprenez l'esprit, qui est celui simplement de faire en sorte... Et c'est ce qu'on disait dès le départ. Ceux et celles qui auraient contracté une assurance qui prévoit ce type de nettoyage, et ce qui est... Ce qu'on me dit d'ailleurs, c'est: La plupart des cas, c'est ce qui est prévu, on peut demander l'application de telles dispositions, et c'est souvent dans les clauses générales des contrats d'assurance propriété. Alors donc, ça ferait en sorte que, dans la plupart des cas et la grande majorité, il ne serait pas possible pour ceux et celles... dans les cas d'homicide, de réclamer une telle indemnité.
Je vous avouerais que je serais beaucoup plus, beaucoup plus... je considérerais qu'il serait beaucoup plus prudent de donner le pouvoir habilitant, un peu comme on retrouve d'ailleurs dans la loi, je crois, de Colombie-Britannique ? malgré que le montant est plus élevé, là ? de prévoir peut-être des conditions ou: Par règlement, voici ce qui pourrait être admis, et tout en donnant une discrétion. Parce que je pense que là-dessus il faudrait toujours se fier au bon sens de ceux qui appliquent de telles normes. Les gens ne souhaitent pas rendre des décisions qui sont complètement inéquitables ou... Alors, surtout quand le nombre de cas est relativement limité, donnons le plus de latitude possible à ceux et celles qui vont l'appliquer. Et, moi, je leur fais confiance, M. le Président, pour qu'ils utilisent leur jugement à bon escient.
J'ai écouté attentivement les propos de la députée de Matane concernant un argument qu'avait pris le ministre d'ailleurs, qui est celui de: Ne donnons pas de faux espoirs aux autres victimes... aux autres, plutôt, proches ou victimes des actes criminels en dehors des homicides. Ce que j'ai répondu à cela, et c'est un peu ce qu'on retrouve d'ailleurs dans les autres législatures, c'est que peu importent les recherches que nous allons faire, peu importent les études qui porteront sur ces questions, nous conclurons tous que, dans les cas d'homicide, nous devrons le faire. Pourquoi? Pour les raisons qu'on a explicitées plus avant, parce qu'on est dans les cas ultimes.
D'ailleurs, si j'étais le seul à dire cela, encore une fois, vous savez, M. le Président, je me sentirais un peu isolé. Mais je tiens à souligner que le Manitoba et la Saskatchewan ont adopté des règlements, de la réglementation. Je pense que c'est dans la réglementation dans les deux cas, dans le cas d'une politique pour le Manitoba et aussi une politique dans le cas de la Saskatchewan, qui, eux, ont prévu le nettoyage des scènes de crime seulement dans les cas d'homicide, dans les deux cas. Et je suis convaincu que tous ceux et celles qui vont être amenés à réviser leur loi vont agir de la même façon, ils vont pouvoir l'étendre, comme le fait la Colombie-Britannique, mais avec un pouvoir presque discrétionnaire, à celui ou celle... le directeur donc qui va appliquer ces dispositions, ou plutôt prendre la voie du Manitoba et de la Saskatchewan pour dire: Dans les cas d'homicide seulement.
n(17 h 30)n Alors, c'est pour cela qu'on ne crée pas de fausses attentes. On fait le strict minimum, comme ont décidé de le faire le Manitoba et la Saskatchewan: dans les cas d'homicide, automatique. Mais, moi, je pense que nous devons garder cette précaution qui est incluse dans l'esprit de l'amendement actuel: les cas où il y a couverture d'assurance, autrement dit, si la personne a les moyens ou peut se référer à sa propre assurance, l'État n'a pas à payer pour ça. Et, dès le départ, là, dans la première demi-heure, c'est ce que j'ai dit, M. le Président. Et là je me retrouve peut-être sept, huit heures plus tard à le redire. Mais c'est la précaution que nous avons eue au départ. Et jamais je n'ai dit: Je veux l'appliquer tous azimuts, là. Au contraire, je souhaite...
Le but de tout cela, ce n'est même pas d'indemniser, et je le dis et je le répète, c'est d'éviter à des gens qui n'ont pas les moyens d'être obligés de le faire eux-mêmes ou de le confier à des gens près de la victime assassinée. Puis souvent, M. le Président, on va dire ça, mais on va le dire dans des cas hypothétiques. Là, on a les témoignages pour nous dire que c'est arrivé. Et on nous dit, au moins à quatre occasions par année, que ça pourrait arriver, entre quatre ou cinq. Alors, à partir du moment où on est informés de cela, on est dans la réforme de la loi, ce qu'on va éviter, ce n'est pas une question d'argent parce que, pour 5 000 $, 6 000 $, là, on n'est pas... Là, je répète, à chaque fois ça m'étonne qu'on discute de montants aussi peu importants, là, 5 000 $, 6 000 $. Mais on va peut-être éviter à quatre, cinq, maximum six reprises... on limite en plus à 1 000 $, là, mais on va éviter de telles situations. C'est drôle, hein, qu'on soit pris pour dire ça aussi longtemps.
Et, écoutez, moi, ce que je voudrais éviter, M. le Président, c'est que, si on demandait des consultations particulières... Imaginez-vous en train d'entendre des gens qui nous raconteraient ça. Et là tout le monde aurait un élan. Mais les gens, ils ne viendront pas nous le dire, ils ne viendront pas, ils ne veulent même pas en parler. Puis je les comprends, je ne voudrais pas en parler, parce qu'il y a deux choses: un, tu vis un drame effroyable puis, deux, tu es sans moyens, là. Parce que quelqu'un qui n'a pas les moyens de payer pour cela... puis, de subir un tel préjudice, c'est quelqu'un normalement qui est dans le trouble, là, ça ne va pas très bien. Alors, ils ne viendront pas, ils ne se plaindront pas, ces gens-là. Mais il y a quelqu'un qui parle en leur nom puis qui a dit: Cette situation est intolérable, pourriez-vous la corriger? Et, je vous dirais, dans 99,9 % des cas, ce serait déjà réglé. Mettez n'importe quel ministre depuis... et il l'aurait déjà réglée, cette situation-là.
Une voix: ...
M. Bédard: Ah oui! Mme Ménard n'est pas d'accord, mais c'est effectivement le cas. Pour un cas aussi bénin, là, ce serait déjà réglé. Là, on est pris à argumenter que ça ne coûtera pas trop cher, qu'en limitant à 1 000 $ il ne peut pas y avoir de conditions d'application qui vont mener à faire en sorte que le Trésor québécois va se trouver dans une situation où il ne pourra pas balancer. Il y a en moyenne tant d'homicides qui peuvent être couverts; dans les cas qui ne sont pas couverts par assurance, on restreint et on ne peut pas arriver avec un constat autre qu'un nombre relativement minime, que ce soit dans la maison ou dans le véhicule automobile. Parce qu'on l'a mis dans la maison, mais je pense qu'on pourrait effectivement l'étendre au véhicule automobile, dans les cas ultimes.
J'ai encore laissé la... j'ai même dit: On peut le donner... faire en sorte que le fonctionnaire puisse le traiter avec tout le bon jugement qu'il doit avoir. J'ai même proposé de mettre un montant limite. J'ai dit: Un montant limite, mettons un montant limite, 10 000 $. Je suis prêt à le faire. Ce n'est pas drôle, je suis prêt: 10 000 $. Puis, quand le 10 000 $ est dépensé, c'est fini. C'est pour ça que l'argument de l'argent ne tient pas. Puis ça arrive, il y a des programmes qui s'appliquent jusqu'à un montant limite ? moi, j'en ai vu ? et là, quand l'enveloppe est dépensée, bon, bien, c'est terminé. On n'arrivera pas aux 10 000 $.
Alors, les gens ne sont pas très demandants. Je ne sais pas combien de fois je l'ai dit, ça. Je lis les mémoires, les gens s'attendent à très peu de choses, là. Ils ont des demandes précises, comme, là, ajouter... au niveau du Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition des femmes victimes de violence conjugale ? je ne sais pas si ça fait rire Mme Ménard aussi, ça ? où ils ont des demandes qui ne sont pas très élevées, je vous dirais. Puis, si on insistait sur chacun...
On a adopté d'ailleurs une partie du projet de loi, actuellement. Puis je ne pense pas avoir été désagréable, M. le Président. Il y a des choses, je n'étais pas d'accord. Puis d'ailleurs je me sentais seul par certains moments, mais là je vois qu'il y en a d'autres qui ont eu la même attitude que moi concernant la limitation à une personne proche. Alors, moi, c'est un réflexe que j'ai: Pourquoi être une seule, d'autant plus que c'était très limité? Vous savez comment j'ai plaidé là-dessus. Pas plaidé pendant 12 heures, là, j'ai dit ce que je pensais. Mais il y en a d'autres aussi qui ne sont pas contents de ça.
Dans le cas d'enlèvement, vous le savez, j'ai fait mes représentations, je pense qu'on s'est trompé. J'ai voté contre l'amendement, mais j'ai reconnu que le ministre peut se tromper. Il peut décider des voix, puis on verra à l'usure, mais encore là j'étais seul. C'est un réflexe que j'ai eu à ce moment-là. Puis on parlait d'enlèvement: Est-ce que ça couvre? Bien, le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition de femmes victimes de violence conjugale, qui m'ont écrit après ? donc la lettre est datée du 8 novembre ? ont eu le même réflexe que moi. Mais l'amendement était quand même... a été accepté. Alors, moi, je vais leur écrire pour leur dire malheureusement, suite à nos représentations, qu'on a décidé d'enlever «ou d'enlèvement». Puis j'ai pris les arguments qui m'étaient présentés, on est allés au bout des choses. Moi, je pense qu'il y a un secteur qu'on a oublié, mais, que voulez-vous, ça arrive. Alors, je suis prêt à vivre avec ça.
Les mêmes gens ne sont pas contents pour un seul proche. «Nous nous opposons toutefois à ce qu'on restreigne l'aide thérapeutique à une seule personne proche.» Et là ils racontent les cas auxquels ils sont confrontés. Puis, encore là, regardez, là, le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition des femmes victimes de violence conjugale, là, ils sont confrontés à ça tous les jours. On en a tous une dans nos comtés, là, ou dans notre région, je vous dirais, dans certains cas. Alors, eux ? puis ils n'ont pas beaucoup d'attentes, là ? ils savent que c'est un petit pas, mais ils disent: Bon, bien, au moins, on va faire ça. Puis là ils ont des petites choses. Et le ministre, lui, continue à dire non.
Ils nous disent en même temps, quant au nombre de séances... Puis ils nous donnent raison encore. Et ça, je l'ai répété tout à l'heure, on devrait adopter le règlement par la commission, parce qu'encore une fois eux disent que ce qui avait reçu l'aval des groupes, c'était que le nombre de séances peut être doublé dans des cas de circonstances exceptionnelles. Puis là on me dit que ça a été enlevé. Moi, je n'ai pas participé à ces discussions-là, mais les gens qui ont participé nous disent cela, et ils sont déçus. Puis encore là on revient au monétaire, là.
n(17 h 40)n Et finalement tout ça manque un peu d'ambition. On essaie de mettre des petits éléments, des petits éléments pour bonifier à gauche, à droite, puis le ministre, lui, il est supposé les prendre puis dire: Bon, bien... D'autant plus, il dit: La loi n'a pas été amendée depuis 1972. Il peut aussi dire que plusieurs ont tenté de l'amender, puis ils se sont confrontés puis, dans des cas, ils souhaitaient des amendements beaucoup plus larges que cela, là. Puis son deuxième prédécesseur, ça a été le cas, mais il s'est fait dire non. Alors, lui a dit: Moi, je vais plutôt y aller dans le plus petit, on verra pour la suite. Sauf qu'est-ce qu'on peut au moins bien faire les choses?
Alors, ce qu'on propose aujourd'hui, M. le Président, c'est tout simple, et depuis maintenant deux jours, c'est de permettre au moins, au moins à ceux, dans les cas d'homicide, les proches qui n'ont pas les moyens, qui n'ont pas les couvertures d'assurance à ce niveau-là de pouvoir le faire faire par quelqu'un d'autre. Et on prévoit à cet effet un montant de 1 000 $, qu'on a monté puis malheureusement qui n'a pas été accepté, mais 1 000 $. C'est la demande... pas simplement la nôtre. Si c'était simplement la nôtre... Remarquez que c'est arrivé que j'insiste sur une demande personnelle, mais, dans ce cas-ci, elle vient de ceux et celles qui ont été confrontés à cette réalité-là, qui leur ont parlé, à ces gens-là. Et, comme je le disais, dans tous les cas de figure, peu importent les comités qu'on va mettre là-dessus, ils vont décider que, dans les cas d'homicide, on est prêt à payer. Deux législatures ont agi dans ce sens-là: Manitoba, Saskatchewan. Alors, souhaitons, M. le Président, que le ministre se serve un peu...
Une voix: ...
M. Bédard: Manitoba, Saskatchewan, c'est ça. Et, dans le cas de la Colombie-Britannique, on l'a même élargi, c'est ça. Mais en plus chacun prévoit des montants plus importants, là: 2 500 $ en Colombie-Britannique; Saskatchewan, 1 500 $. Ça vous démontre à quel point ces gens-là ne sont pas demandants, là. On est vraiment dans la compassion, c'est presque symbolique, avec une application prévisible, limitée.
Alors, je souhaite que le ministre, qui va avoir du temps encore ? je pense qu'on se revoit jeudi ? puisse convaincre sa collègue que ça n'a aucun sens, ça n'a aucun sens de ne pas donner suite à une telle demande. Puis on m'invitera, là. Au pis aller, moi, j'irai plaider devant elle. Ça doit être encore dans l'ancien bunker, le Conseil du trésor, j'imagine, dans la petite salle, dans le fond. Je vais y retourner, j'irai plaider devant elle avec plaisir. Puis, c'est drôle, j'ai le sentiment qu'on va trouver une solution. Pour quelque chose d'aussi simple, là, on va trouver une solution. À moins que le ministre me dise: Je ne veux pas parce que je ne veux pas. Si c'est une question d'argent, M. le Président, on va en trouver une parce que c'est indéfendable de ne pas le faire.
Auparavant, on ne le savait même pas. C'est un trou qu'il y a dans la loi. Dans la loi de 1972, comme dans toutes les loi, il y a des trous. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on a la loi au niveau municipal, là, l'omnibus municipal. Pourquoi? Parce que, dans les lois, il y a parfois des trous. Puis même, on connaît tous la pertinence et la compétence de nos légistes, on finit par en oublier. Et là qu'est-ce que fait le gouvernement? À chaque session, il y a un bill omnibus, une loi omnibus qui a pour effet de patcher finalement à peu près un peu partout quels sont les endroits où on n'a pas réussi à... où on n'a pas prévu ou qui font en sorte que l'application de la loi conduit à des aberrations. Et nous terminons là-dessus, M. le Président. Donc, nous faisons face à un de ces trous. J'espère ne pas être pris d'être obligé de le rentrer dans la loi omnibus. Faisons-le, on est justement dans la Loi sur les victimes d'actes criminels, M. le Président.
Le Président (M. Simard): J'aperçois le député de Hull qui réclame le privilège et le plaisir d'intervenir à ce moment-ci.
M. Cholette: Merci, M. le Président. Chers collègues, M. le ministre, porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, content de participer à vos travaux. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt et de respect les commentaires du député de Chicoutimi, qui m'ont étonné, bien humblement m'ont étonné pour différentes raisons.
On est devant un projet de loi je pense qu'on peut dire historique, qui vient bonifier de façon importante les compensations versées tantôt aux victimes, tantôt aux familles des victimes d'actes criminels. Je voudrais vous rappeler, collègues, que c'est depuis 1972 qu'il n'y a pas eu de modification à cette loi-là. Le député de Chicoutimi devrait se souvenir de ça, il y avait quelqu'un de près de lui, depuis 1976, qui a été ministre de la Justice et qui a décidé de ne pas bouger sur cette loi-là. Pendant neuf ans, l'ancienne administration a décidé de ne pas bouger sur cette loi-là. Et aujourd'hui on a un ministre de la Justice qui a pris le taureau par les cornes puis fait des avancées majeures.
Mais notre système parlementaire est fait de la façon suivante ? et je vous l'explique ? qui fait en sorte que, par des moyens tout à fait légaux mais questionnables, l'opposition officielle va retarder, voire empêcher l'adoption de ce projet de loi là pour, aux propres paroles du député de Chicoutimi, pour 5 000 $...
M. Bédard: ...
M. Cholette: Et ça commence.
M. Bédard: Moi, je ne le retarde pas.
M. Cholette: Je n'ai pas dit ça.
M. Bédard: Oui, «retarder», alors...
M. Cholette: Ça commence. Vous voyez, vous avez besoin de contrôler cette assemblée-là, M. le Président.
M. Bédard: Voilà. Alors, question de règlement.
M. Cholette: C'était respectueux, mes propos.
Le Président (M. Simard): Bon, écoutez, là, un intervenant à la fois. J'ai une question ici, un point d'ordre qui m'est amené par le député de Chicoutimi. Je vais l'entendre pendant quelques minutes, et ensuite nous verrons.
M. Bédard: Vous savez, sur ces questions, on ne peut pas imputer de motifs indignes. Quand je fais mon devoir de parlementaire de proposer des amendements, à la limite, des sous-amendements, je ne retarde pas, mon but n'est pas de retarder, mais bien d'adopter et de convaincre. Et j'ai toujours dit d'ailleurs que mon but était d'adopter ce projet de loi. Alors, on ne peut pas m'imputer de motif qui serait indigne, celui de ne pas vouloir l'adopter ou de tenter de le retarder indûment, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Alors, j'ai bien entendu votre propos et je suis sûr que le député de Hull va revenir sur ses propos et il ne vous imputera pas de motif mais poursuivra maintenant ses arguments.
M. Cholette: Question de directive.
Le Président (M. Simard): Pardon?
M. Cholette: Question de directive. J'ai une question de directive pour vous, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Est-ce que vous voulez en discuter? Est-ce que vous voulez...
M. Cholette: J'ai une question pour vous, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Allez-y.
M. Cholette: Est-ce que vous avez jugé que mes propos étaient indignes par rapport au député de Chicoutimi?
Le Président (M. Simard): Il n'est pas question de propos indignes. D'ailleurs, vous n'êtes pas accusé d'avoir...
M. Cholette: Des intentions? Est-ce que j'ai...
Le Président (M. Simard): ...tenu des propos indignes, mais d'avoir prêté des intentions. Le député de Chicoutimi vous dit que ce n'est pas son intention. Donc, poursuivez prudemment.
M. Cholette: Et vous prenez sa parole, j'imagine.
Le Président (M. Simard): Pardon?
M. Cholette: Et vous prenez sa parole que ce n'est pas ses intentions.
Le Président (M. Simard): Ici, le principe de base, c'est que nous prenons la parole des autres.
M. Cholette: Et vous allez prendre la mienne également.
Le Président (M. Simard): Absolument.
M. Cholette: Bon. Alors, mes propos, ce n'est pas que je veux prêter des intentions, je fais juste parler de la conséquence des mesures utilisées ? que j'ai dit tout à fait légales ? par l'opposition officielle, la conséquence de parler pendant deux jours d'un amendement qui traite de 5 000 $. La conséquence là-dessus, c'est qu'il est possible que le temps file et que nous ne puissions pas adopter le projet de loi qui va venir bonifier de façon importante les compensations versées aux familles de victimes d'actes criminels. Ça, c'est permis par le règlement, mais c'est comme ça que c'est fait, il y a donc une conséquence à utiliser le temps d'une commission parlementaire sur ? et prenons ses propos ? une question de 5 000 $ sur un projet de loi qui historiquement n'a jamais fait autant pour bonifier les compensations versées aux victimes d'actes criminels. Jamais, depuis 1972, l'Assemblée nationale n'a été saisie d'un projet de loi aussi gratifiant pour un sujet aussi délicat. Parce qu'il faut...
C'est bien évident que, lorsqu'on parle de ces sujets-là, c'est difficile, c'est émotif, c'est quelque chose qui n'est pas facile à aborder mais que le ministre de la Justice, le gouvernement du Québec actuel a eu le courage d'aborder. Puis on arrive avec un projet de loi qui favorise largement les victimes. Est-il parfait? Non. Y a-t-il un seul projet de loi à l'Assemblée nationale qui est parfait? Non. Mais est-ce que c'est un pas en avant? Très certainement.
n(17 h 50)n Et là je veux revenir sur le fond de la pensée du député de Chicoutimi parce que j'ai un problème avec la logique du député de Chicoutimi. Ou bien c'est une question de principe ? puis on va l'aborder dans un instant ? ou bien c'est une question d'argent. Et, si c'est une question d'argent et que son argument massue, c'est que ça coûte juste 5 000 $, pourquoi se refuse-t-il d'écouter un expert qui viendrait dire combien ça va coûter? Pourquoi s'objecte-t-il à ce qu'un comité fasse l'évaluation de sa proposition? Et pourquoi est-ce qu'on ne peut pas avancer dans le projet de loi tout en faisant ces analyses de façon parallèle? Quels sont les motifs qui poussent l'opposition officielle à refuser ces propositions?
Le député de Chicoutimi décide de faire deux classes de victimes, sa classe, à lui, puis les autres, décide que son projet de loi ou ses amendements au projet de loi ne vont traiter que d'une seule catégorie de victimes, c'est-à-dire les homicides. Et les autres? On fait quoi avec les femmes violentées? Qu'est-ce qu'on fait avec les victimes de viol? Qu'est-ce qu'on fait avec les 1 000 victimes de voie de fait, au Québec, par année? Eux autres, ils n'auraient pas droit à une compensation, si je prends la logique du député de Chicoutimi? Lui décide de faire deux classes de victimes, évidemment pour nous retrouver ici, au salon rouge, dans un an, si on écoutait le député, avec des gens qui logiquement nous diraient: Ça n'a pas de bon sens, pourquoi, moi, je n'ai pas droit au 1 000 $ pour faire du ménage? C'est-u parce que je ne suis pas mort? C'est ça qu'il nous propose, le député de Chicoutimi, de faire deux catégories de victimes.
Puis là ça va au-delà de ça, il dit en plus: Si jamais on se limite juste aux homicides, je veux mettre un plafond, 10 000 $. Si vous êtes la 11e victime, vous repasserez, la caisse est fermée. Ça, c'est la logique de l'opposition officielle qui, en utilisant le temps de l'Assemblée nationale puis du salon rouge, décide de faire... en tout cas, utilise beaucoup de temps sur un amendement qui va faire d'autres victimes, va pénaliser des victimes qui déjà vivent une situation difficile.
Il y a eu des évaluations de faites sur ce qu'il a proposé, évidemment. Et les évaluations, c'est que, si on décide de ne pas faire des catégorisations de victimes puis de ne pas dire: Vous êtes plus victimes que d'autres, bien tout ce qui s'appelle crime violent avec peut-être des conséquences, par exemple, dans les lieux physiques où le crime s'est produit, bien ça représenterait environ 2 000 crimes par année, ça, 2 000 crimes. Parce que, moi, je ne pense pas que, comme législateur, je veuille faire une discrimination pour quelqu'un qui a été victime de voie de fait par rapport à un homicide, pour quelqu'un, par exemple, qui a été victime d'agression sexuelle par rapport à un homicide. Alors, 2 000 victimes. Peu importe ce qu'on applique comme critères, que ce soient 10 % de ces gens-là qui font une réclamation ou 60 % de ces gens-là qui fassent des réclamations, on est ? en anglais, on dirait «ballpark» ? dans un écart, dans une échelle, dans une fourchette de montants allant de soit 200 000 $ à 1,2 million de dollars de compensations. 200 000 $ à 1,2 million de dollars de compensations.
Ça me rappelle. Ça, c'était la façon de gérer d'avant: Dépensons sans compter, de façon irréfléchie, catégorisons certains citoyens. Pensons aux garderies, par exemple, programme universel, avec des listes d'attente. Ça, c'est comme si, à l'aide sociale, on disait que, le 22 du mois, ah, c'est fermé: Tu y as droit, tu rencontres tous les critères, mais, pour ce mois-ci, on n'a plus d'argent. Ça, c'était le modèle du Parti québécois pour les garderies, ce qu'on a appelé les garderies à Pauline, où, d'une bonne idée, on a décidé de fermer les valves. Et conséquemment on avait des lignes d'attente puis on avait deux genres de citoyens, deux genres de citoyens: des citoyens qui avaient droit aux garderies à 5 $ puis d'autres citoyens qui étaient obligés de payer le gros prix, pas parce qu'ils étaient des citoyens de deuxième ordre, juste qu'ils n'étaient pas chanceux.
Et c'est ça que le député de Chicoutimi veut faire avec les victimes d'actes criminels, il veut faire deux catégories de victimes: les homicides d'une part, mais ceux-là seulement pourraient bénéficier de leur amendement, puis tous les autres, non. Ça, ce n'est pas notre façon de voir ça. Je suis convaincu que ce n'est pas la façon du ministre de voir ça, puis du ministère de la Justice. L'équilibre. Et, lorsqu'on regarde les évaluations, bien c'est de l'ordre de 200 000 $ à 1,2 million de dollars de plus qui n'étaient pas prévus. Et, quand on gère de façon responsable, on ne décide pas ça sur le coin de la table, ça mérite qu'on y pense, puis qu'on réfléchisse, puis qu'on fasse une évaluation minimale. Et c'est ce qu'on propose au député de Chicoutimi, mais, pour des motifs qui m'échappent, il ne veut pas. Il décide de passer deux jours au salon rouge pour parler de ce qu'il dit, lui, que c'est une question de 5 000 $. Moi, je lui propose que c'est une question de 1 million puis que ça vaille la peine qu'on en fasse une évaluation un peu plus poussée.
Somme toute, M. le Président, c'est assez simple, ce qu'on a devant nous, on a ? et c'est une perception personnelle ? un parti de l'opposition qui ne souhaite pas nécessairement adopter ce projet de loi là. C'est leur droit. Mais saviez-vous, M. le Président, que, dans nos règlements, dans nos règlements...
Des voix: ...
M. Cholette: ...dans nos règlements, il n'y a pas de temps...
Le Président (M. Simard): Je m'excuse de vous interrompre, M. le député de Hull, il y a un appel au règlement ici, à ma gauche.
M. Bédard: Vous savez comme j'aime écouter le député de Hull, mais je vous dirais qu'il ne doit pas imputer de motifs, et là... Bon. Alors, je vous inviterais d'aller aux galées parce que, là, il y a comme un litige, là, il ne sait n'est pas ce qu'il a dit qui est incorrect. Ce qu'il a dit, c'est qu'encore une fois, et il ne s'en souvient pas, il a dit que l'opposition ne souhaitait pas adopter le projet de loi. Alors, et ça, malheureusement pour lui, c'est imputer des motifs indignes. Ce que je lui demanderais... et contraire d'ailleurs à nos propres intentions. On ne peut pas... Il faut prendre la parole des gens, vous le savez.
Le Président (M. Simard): Je vous ai entendu. Pour moi, disons que c'est une évaluation de sa part. Alors, disons que vous refusez son évaluation, vous n'êtes pas d'accord. Mais je pense qu'il peut avoir cette évaluation-là et poursuivre ses travaux en faisant attention, la ligne est mince.
M. Cholette: Non, non. Écoutez, là, je prends ça sur moi tout à fait, c'est mon évaluation. Moi, je pense que l'opposition ne souhaite pas adopter le projet de loi. Mais tant mieux si je me trompe, ce ne serait pas la première fois, mais je le souhaite ardemment.
Le Président (M. Simard): Tout le monde va être d'accord avec vous sur la dernière partie de votre intervention.
M. Cholette: Oui. D'accord, M. le Président. Mais ce serait plaisant, comme législateur, d'avoir un signe, hein, de la part de l'opposition officielle, parce que j'ai des signaux mêlés. Je ne sais pas s'ils le souhaitent. Je ne pense pas qu'ils souhaitent adopter ça, ce projet de loi là. C'est dommage parce que c'est un projet qui, pour la première fois depuis 1972... Je le réfère au ministre de la Justice à l'époque de 1976, il pourrait peut-être lui en parler. On me dit d'ailleurs qu'il va faire campagne, cet ancien ministre là, à ses côtés. Peut-être pourrait-il lui en parler. Pourquoi, en 1976, n'a-t-il pas bonifié ça, n'est-ce pas? Pourquoi n'a-t-il pas bonifié cette loi-là, alors que c'est nous qui le faisons cette fois-ci?
Alors, M. le Président, en terminant, ce que je souhaite, moi, c'est qu'on puisse passer à autre chose. Je pense que le débat a été fait. J'ai expliqué certains motifs qui font en sorte qu'il ne faut pas catégoriser ou discriminer contre certaines victimes, déjà qu'ils ont été victimes. Je pense que c'est une mauvaise idée de la part de l'opposition officielle. Et procédons à l'adoption le plus rapidement possible de ce projet de loi là qui vient au bénéfice des familles des victimes d'actes criminels.
Le Président (M. Simard): Alors, l'heure étant avancée, nous allons ajourner nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 58)