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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Tuesday, November 1, 2005 - Vol. 38 N° 94

Étude détaillée du projet de loi n° 109 - Loi sur le Directeur des poursuites publiques


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

 
M. Jean Dubuc, président suppléant
M. Yvon Marcoux
M. Stéphane Bédard
M. Daniel Turp
* M. Alain Gingras, ministère de la Justice
* M. Gilles Laporte, idem
* Mme Marie-José Longtin, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 

Journal des débats

(Seize heures deux minutes)

Le Président (M. Dubuc): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir fermer leurs téléphones cellulaires.

Une voix: ...

Le Président (M. Dubuc): Alors, il n'y a pas de problème.

M. Marcoux: M. le Président, compte tenu des circonstances exceptionnelles, on peut permettre au député de Chicoutimi d'avoir son téléphone cellulaire ouvert. Vous pourriez dire ça.

Une voix: ...

M. Marcoux: C'est ça. Alors ça, c'est majeur.

Une voix: ...

Le Président (M. Dubuc): Ah oui.

M. Bédard: Ça prend deux heures, descendre à Chicoutimi.

Le Président (M. Dubuc): Le mandat de la Commission des institutions est de poursuivre l'étude détaillée au projet de loi n° 109, Loi sur le Directeur des poursuites publiques.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplaçants?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Morin (Montmagny) remplace M. Cholette (Hull); M. Dubuc (La Prairie) remplace M. Descoteaux (Groulx); et M. Bédard (Chicoutimi) remplace M. Valois (Joliette).

Étude détaillée (suite)

Articles en suspens

Institution et nomination du
Directeur des poursuites publiques

Le Président (M. Dubuc): Merci. Il restait les articles 1, 3, et 4, et 91 qui n'ont pas été adoptés. À ce moment-là, M. le ministre, avez-vous la parole à prendre sur ce côté-là?

M. Marcoux: Oui. Bien, M. le Président, je pense que c'est ça, il y avait les articles 1, 2. 2 avait-il été adopté?

M. Bédard: Oui.

M. Marcoux: 2 a été adopté. 1, 3 et 4.

M. Bédard: Et vous avez un amendement à 20.

M. Marcoux: Oui. Et donc on peut commencer par 1, comme vous voudrez.

M. Bédard: Oui. Bien, comme mon collègue le député de Mercier est ici, et j'ai vu que celui qui est le plus intéressé par la question est là...

M. Marcoux: Il a déjà noté la présence de Me Laporte, d'ailleurs.

M. Bédard: ... ? bien oui ? alors on veut aller au fond des choses. Avec le député de Mercier, on va toujours au fond des choses.

Une voix: ...

M. Turp: ...du même bord, là.

M. Marcoux: Donc, on peut commencer avec l'article 1. Nous avons fait circuler un projet d'amendement. Peut-être qu'on peut l'ajouter puis discuter à la fois De l'article et/ou l'amendement peut-être, si ça va.

M. Bédard: Pour aller rondement, peut-être y aller. Je crois que nous avions déposé un amendement.

M. Marcoux: Ah, possiblement.

M. Bédard: O.K. Il est là, oui, effectivement. Alors, procédons dans l'ordre. Normalement, on dispose de l'amendement, on dispose des autres amendements après ça, mais évidemment ce sera une discussion plus générale.

M. Marcoux: ...

Le Président (M. Dubuc): O.K. On va discuter en premier lieu de l'amendement n° 1, c'est ça, de l'article 1.

M. Marcoux: Parfait. Alors, on peut commencer avec l'amendement.

M. Bédard: Parce ce que l'idée évidemment, lorsque nous avions l'idée d'ajouter au lieu de «pour l'État», c'était: on souhaitait que ce soit plutôt «pour et au nom de l'État». Pas «pour et au nom», plutôt «du Procureur général». Nous avions des préoccupations d'ordre constitutionnel simplement, et aussi, je vous dirais, autour de la logique du projet de loi, soit celle où c'est le Procureur général qui décide de lui-même à l'intérieur du projet de loi, et le gouvernement qui décide de remettre, entre guillemets, sous-traiter, là, de transférer au directeur certaines de ses responsabilités, donc. Et ce que nous souhaitions, c'était, un, finalement de rappeler ce principe qui est donc que le directeur, comme il agit sous son autorité, agit aussi pour et en son nom. Ça, c'était la première chose dans la logique du projet de loi.

La deuxième était d'un ordre plus théorique mais tout aussi importante parce que c'est le genre de projet de loi qui risque d'être évalué et, je vous dirais, même contesté de toutes les façons possibles. On sait à quel point l'imagination des plaideurs est sans borne, donc ce que nous souhaitions, c'est finalement tester la validité constitutionnelle du fait de soustraire au Procureur général et de confier maintenant au DPP ce pouvoir ultime d'agir pour et au nom de l'État, alors que plusieurs dispositions d'ordre constitutionnel et, je vous dirais, même la pratique veut qu'effectivement c'est le Procureur général. Et en même temps on sait que ce pouvoir est une prérogative royale, donc auparavant c'était le roi qui disposait de cette discrétion, et ça a toujours été comme une discrétion d'ailleurs de porter ou non des accusations sans passer par le processus autre qui est celui des autorisations prévues au Code criminel, donc. Et notre avis est à l'effet que cette façon de faire était de nature constitutionnelle. Elle nous était transférée d'ailleurs dans des pouvoirs qu'exerçait à l'époque, en Angleterre, le Procureur général, donc, évidemment, auparavant le roi.

Donc, nous avions un doute... constitutionnalité, et j'ai eu la précaution de discuter de la question avec mon collègue de Mercier, qui, en plus d'être membre de cette commission, est aussi un éminent juriste et encore professeur effectivement à la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Donc, il me disait qu'il avait sûrement les compétences nécessaires pour nous éclairer dans notre réflexion, et le ministre lui-même, j'imagine, là. Mais, comme c'est un domaine qu'il connaît moins au niveau constitutionnel, c'est plus particulier, on sait qu'il est entouré des compétences.

Donc, j'aimerais peut-être avoir les éclairages et les recherches, les constatations qu'a faits notre collègue de Mercier à ce sujet.

M. Turp: M. le Président...

Le Président (M. Dubuc): Oui, allez-y.

M. Turp: ...quand mon collègue le député de Chicoutimi m'a appelé un soir où vous étiez rassemblés ici, là, il m'a demandé de réfléchir à cette question ou à examiner l'article 1 puis l'économie générale du projet de loi. S'agissant de ce transfert de compétences du Procureur général vers un directeur des poursuites publiques et un adjoint, le cas échéant, de ses compétences, alors je me suis donc intéressé à la question à la lumière de la Loi constitutionnelle de 1867, puis de la jurisprudence constitutionnelle, puis des travaux aussi de la doctrine en la matière. Et j'ai eu le privilège d'avoir l'aide de mon stagiaire Bonenfant, aussi Michel Bédard, qui est un jeune juriste formé à McGill, dans une autre très bonne faculté de droit, qui s'intéresse à ces questions.

Alors, d'abord, la Loi constitutionnelle de 1867, à un certain moment d'ailleurs, nous a préoccupés parce qu'on se demandait si le Procureur général pourrait notamment être élu par l'Assemblée nationale, parce que c'est une hypothèse qui a pu circuler ou qui circule parfois.

n (16 h 10) n

Et là on a laissé entendre qu'il y aurait des objections constitutionnelles à ce que l'on fasse, là, que le Procureur général soit élu par l'Assemblée, ne soit donc plus membre du Conseil des ministres, du Conseil exécutif du Québec, et l'on laissait entendre que c'était contraire à la Constitution du Canada, la Loi constitutionnelle de 1867. La réponse à ça, c'est que, même si ce l'était, le Québec aurait la compétence de modifier l'article 63 parce qu'il s'agit d'un article qui est dans la partie relative à la constitution provinciale qui peut être amendée par le Québec et même par une simple loi, comme on a jadis amendé ou mis fin à l'existence du Conseil législatif par une simple loi. Alors donc, ce n'est pas tellement ça, le problème. De toute façon, ce n'est pas une hypothèse qui a été proposée encore par l'opposition officielle.

Mais là j'ai lu encore le texte de la Loi constitutionnelle de 1867 qui, en son article 135, lui, semble même autoriser le transfert des compétences du Procureur général vers un autre fonctionnaire. Je ne sais pas si vous l'aviez lu, si vous le connaissez, mais l'article 135 dit: «Jusqu'à ce que la législature d'Ontario ou du Québec en ordonne autrement, tous les droits, pouvoirs, devoirs, fonctions, obligations, attributions conférés [...] au Procureur général  [...] seront conférés ou imposés à tout fonctionnaire qui sera nommé par le lieutenant-gouverneur pour l'exécution de ces fonctions ou d'aucune d'elles.» Alors, c'est assez intéressant, le texte de la Loi constitutionnelle de 1867 dit lui-même que l'on pourrait envisager de transférer les droits, pouvoirs du Procureur général à un autre fonctionnaire, et ici en l'occurrence, dans le projet de loi, c'est le Directeur des poursuite publiques.

Alors, ceci étant, ça ne règle pas nécessairement le problème parce qu'il faudrait que, dans l'exercice de ce transfert, la personne à qui les compétences sont transférées jouisse de la même indépendance, et c'est peut-être là le noeud du problème, ici. Et cette indépendance du Procureur général en est une dont on a rappelé l'importance dans plusieurs affaires, dans l'affaire Krieger, Krieger contre Law Society of Alberta, qui est une affaire décidée par la Cour suprême en 2002, et l'affaire Proulx contre Québec, une affaire de 2001 ? peut-être qu'il y a plusieurs d'entre vous qui ont plaidé cette affaire ? en tout cas l'affaire Proulx. Dans Krieger, je n'ai pas vu si le Québec était intervenu dans l'affaire Krieger.

Une voix: ...

M. Turp: Oui? Alors donc, il y a cette jurisprudence qui parle de l'indépendance du Procureur général et de l'importance que son indépendance soit vraiment respectée, et je crois que c'est ça qui nous préoccupe ici: Est-ce que cette loi ? et peut-être j'ajouterais...

Et on a trouvé, dans nos recherches doctrinales cette fois-là, une étude tout à fait intéressante de la Commission de réforme du droit du Canada, là... c'est la Commission du droit du Canada maintenant, dans un ouvrage, là, ou une de ses études, Les poursuites pénales: responsabilité politique et judiciaire, une étude de 1975, je vous en lis un extrait ? je pense que c'est très pertinent dans le cas qui nous occupe ? à la page 27: «Nous avons hérité du droit britannique un autre principe constitutionnel, qui apporte une réserve à la responsabilité politique du Procureur général et est censé imposer en lui-même un contrôle au pouvoir de la couronne. Le Procureur général est investi, lorsqu'il s'acquitte de son devoir de poursuivant dans chaque cas particulier, d'une responsabilité quasi judiciaire qui emporte un degré d'indépendance à laquelle ne donne habituellement pas droit l'appartenance au cabinet. De par la tradition, il doit décider en toute indépendance ce qu'exige l'intérêt public, sans tenir compte de considérations partisanes ou de pressions provenant de ses collègues à la législature ou au Conseil des ministres. Par conséquent, le Procureur général doit répondre politiquement de la politique générale ou de l'administration de son ministère, de même que des décisions relatives à des poursuites particulières, une fois que les décisions ont été arrêtées.»

Alors, c'est ce qui, je crois, nous amène à vouloir vraiment être convaincus que la façon dont le projet de loi n° 109 est rédigé dans sa terminologie, mais aussi dans la façon de nommer le Directeur des poursuites publiques mais pas seulement le Directeur des poursuites publiques, son adjoint, donne le degré d'indépendance que doit avoir la personne à qui est transféré le pouvoir de poursuite. Et c'est là, je pense, qu'on est prêts à avoir un dialogue constructif avec vous sur cette question-là parce qu'il nous semble d'abord que le libellé de l'article 1, qui laisse entendre que le Directeur des poursuites publiques a la mission de diriger pour l'État, pour l'État, ce n'est pas tout à fait respectueux de l'idée de la responsabilité politique qui découle de la fonction du Procureur général, qui doit maintenir, à l'égard de ce que fera le Directeur des poursuites publiques, une certaine responsabilité politique.

Et on n'est pas convaincus que l'article 21 en est un qui permet l'exercice de la responsabilité politique tel qu'on l'entend de celui qui détient un pouvoir, comme on l'a lu, de nature quasi judiciaire.

Alors, là, on va parler de votre amendement parce qu'on vient de recevoir un amendement pour l'alinéa quatre, je crois, de l'article premier, qui semble vouloir tenir compte de nos préoccupations avec le sous-procureur général, mais il semble qu'il y a encore un problème avec le «pour l'État». Ensuite, je pense qu'il y a aussi un problème plus grave lorsqu'il s'agit du mode de désignation du directeur, et peut-être encore plus grave, de son adjoint, où là on n'est pas du tout convaincus que l'indépendance de l'adjoint est assurée par les dispositions contenues dans le projet de loi n° 109 ou même des amendements que vous nous proposez aujourd'hui. Et je crois que c'est également vrai pour le mode de désignation du Directeur des poursuites publiques, bien que, là, il y ait eu des amendements qui ont été proposés et qui vont dans le sens d'assurer une meilleure indépendance de ce directeur dans son processus de nomination et destitution.

Alors, c'est là-dessus que je crois qu'on est prêts, avec mon collègue, de discuter avec vous pour faire la meilleure loi, assurer l'indépendance, dont on a besoin, et pourquoi finalement? Pour qu'à un moment donné il n'y ait pas un accusé qui conteste la constitutionnalité non seulement de la loi, mais qui demande que les poursuites soient arrêtées parce que le Directeur des poursuites publiques ou son adjoint, s'il devient le Directeur des poursuites publiques, n'a pas l'indépendance et qu'on ne respecte donc pas le principe constitutionnel de l'indépendance du Procureur général.

Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Marcoux: Oui, bien, M. le Président, je pense que c'est un point important qui est soulevé. Ça avait été évoqué au début de la commission parlementaire, je pense, et ça a été aussi réexaminé. Parce que je pense que ce que vous mentionnez, là, c'est important que ce soit le plus clair possible, et donc les gens au ministère aussi dans l'équipe constitutionnelle ont revu évidemment ces aspects-là. Et je pense que c'est très fructueux, là, qu'on puisse avoir un dialogue à cet égard-là et je demanderais peut-être avec votre permission à maître...

Le Président (M. Dubuc): Si vous voulez bien vous présenter.

M. Gingras (Alain): Alain Gingras.

M. Marcoux: ...Alain Gingras...

Le Président (M. Dubuc): Consentement.

M. Marcoux: ...qui est dans l'équipe aussi de M. Laporte, qui est directeur d'équipe, peut-être de commenter et puis d'échanger sur cet aspect, qui est important.

Le Président (M. Dubuc): Allez-y, M. Gingras.

n(16 h 20)n

M. Gingras (Alain): Oui, eh bien, ce principe d'indépendance du Procureur général, bon, la Cour suprême du Canada nous l'a rappelé récemment dans Krieger, quoiqu'en soulignant qu'il n'y a rien dans la Constitution qui indique c'est quoi, le rôle comme tel du Procureur général et ses fonctions. La cour réfère à l'article 135 pour dire que ce qui existait avant la Confédération a été maintenu dans les termes prévus à l'article 135.

Donc, l'article 135, lui, à sa face même, voulait transférer les pouvoirs et les fonctions qui appartenaient, avant la Confédération, au Procureur général de la province du Canada, et le litige évidemment s'est produit lors de l'amendement du Code criminel de 1969 où on a élargi le rôle de poursuivant du Procureur général du Canada. Et la question a été soumise à la Cour suprême en 1983, dans l'affaire Transports nationaux du Canada, et le juge en chef Laskin pour la majorité, dans cet arrêt-là, a donné une interprétation de l'article 135 en quelque sorte en disant que tout ce qui est là-dedans peut être modifié en vertu de l'article 129. Et ça permettait à la Cour suprême d'affirmer que le Parlement du Canada pouvait valablement transférer les fonctions du Procureur général de la province du Canada au Procureur général du Canada pour ce qui est des poursuites criminelles, vu sa compétence dans le domaine de la procédure criminelle en vertu de l'article 91.27. Et le même raisonnement s'applique évidemment pour le pouvoir des législatures provinciales... et de Québec de modifier également ces fonctions-là en passant par l'article 129, c'est-à-dire une modification des lois préconfédérales.

Et on arrive ici, à ce moment-là, avec un principe de l'indépendance du Procureur général, qui en quelque sorte pourrait être considéré comme un principe non écrit de la Constitution. Et, comme la Cour suprême l'a dit récemment, dans l'affaire Imperial Tobacco, ces principes ne peuvent pas servir à invalider une loi mais plutôt un acte gouvernemental, sauf quelques exceptions où la loi viendrait soumettre les tribunaux, par exemple, à l'arbitraire de l'État.

Donc, c'est évident que la loi pourrait être déclarée inconstitutionnelle en vertu du principe non écrit de l'indépendance judiciaire, mais, hormis ces cas-là, la loi peut modifier ces principes non écrits, et c'est la situation ici.

Et l'autre aspect, c'est que, vu l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Transports nationaux du Canada, on a deux volets maintenant au niveau des poursuites. Il y a les poursuites criminelles dont notre autorité maintenant dépend seulement de la délégation prévue à la définition de Procureur général à l'article 2 du Code criminel, qui a été ajoutée en 1969, et cette disposition définit le Procureur général comme étant évidemment le Procureur général de la province ou encore son substitut légitime, qui, dans la version anglaise, est plus révélateur, c'est «his deputy». Donc, c'est l'équivalent du sous-procureur général. Et, pour ce qui est des procureurs de la couronne comme tels, maintenant quel est leur statut face à l'article 2 du Code criminel? Bien, la Cour suprême l'a précisé dans l'affaire Harrisson, en 1977, où ça comprend évidemment non seulement le sous-procureur général, mais aussi tout avocat, là, autorisé à prendre les poursuites pour le Procureur.

Donc ça, ça correspond à la définition de Procureur général au sens du Code criminel, et c'est pourquoi... l'amendement qu'on vous propose aujourd'hui, c'est pour être plus clairs en fonction de... Harrisson simplement, au niveau des poursuites intentées en vertu du Code criminel.

Pour ce qui est des poursuites pénales provinciales, bien, là, encore une fois le Québec a le pouvoir d'adopter une loi qui modifie le principe non écrit d'indépendance compte tenu de l'article 129 de la Loi constitutionnelle de 1867. Donc, au niveau strictement des principes du droit constitutionnel, le projet, tel qu'il est, nous apparaît constitutionnellement valide à ce point de vue là.

M. Turp: ...donc un peu de l'indépendance. Vous dites que la loi peut modifier le principe d'indépendance ou aménager le principe d'indépendance, et quelles sont les limites de l'aménagement du principe d'indépendance ou de l'atteinte qu'on pourrait porter au principe d'indépendance? Est-ce que vous admettez que, dans le projet de loi, on porte atteinte au principe d'indépendance?

M. Gingras (Alain): Pas du tout. À mon avis, non. Mais, même si quelqu'un soulevait les arguments dans ce sens-là, parce qu'on modifie le rôle traditionnel du Procureur général... qu'on a la compétence constitutionnelle pour le faire, même si on venait brimer le principe traditionnel d'indépendance, ce qui n'est pas le cas à mon avis dans le projet de loi, d'ailleurs.

M. Turp: Ma question devient alors: Est-ce que... Parce que ce n'était pas évident, hein? On sait un peu ce que veut dire l'indépendance judiciaire, là, et la Cour suprême a statué à plusieurs reprises sur la portée de l'indépendance puis les critères qui doivent être respectés. Mais, l'indépendance du Procureur général ou l'indépendance d'un directeur des poursuites publiques, qu'est-ce qui l'assure en définitive, selon vous?

M. Gingras (Alain): D'ailleurs, dans Krieger, en fait la cour a souligné la différence avec le principe de l'indépendance en Angleterre. C'est qu'au Québec et en Ontario, vu l'article 63 de la Constitution, les membres du Conseil des ministres, le Procureur général font partie du gouvernement, ce qui est assez singulier à l'Ontario et au Québec. Donc, comment doit-on interpréter l'indépendance dans ces contextes-là? La cour pose la question à Krieger sans y répondre carrément.

M. Turp: Mais, dans ce cas-là, justement à cause de ce caractère singulier, là, du Québec ? puis c'est vrai qu'on a de la difficulté à dire et à croire qu'un Procureur général peut être indépendant quand il fait partie du Conseil des ministres, qu'il est placé parfois dans des situations très difficiles, très complexes, s'agissant de l'indépendance ? est-ce qu'en transférant le pouvoir au Directeur des poursuites publiques est-ce qu'on ne devrait pas justement mettre fin à ce caractère singulier, là, et peut-être avoir des conditions de nomination et de destitution qui protègent le Directeur des poursuites publiques et le rendent plus indépendant que ne l'est d'ailleurs le Procureur général dans un système parlementaire où on a accepté qu'il fasse partie du Conseil des ministres, là, alors que ce n'est pas toujours le cas ailleurs?

M. Gingras (Alain): Je crois que la question relève plutôt de la politique législative que du droit constitutionnel.

M. Turp: Oui, peut-être, là, mais on fait de la politique législative ici aussi, hein, sortons un peu du droit constitutionnel.

M. Gingras (Alain): J'ai mes...

M. Turp: Oui. Mais peut-être puis qui sait si la Cour suprême un jour ne changera pas d'idée sur les principes non écrits, les principes constitutionnels puis elle n'ira pas beaucoup plus loin sur la possibilité qu'il y aurait de déclarer invalides des lois ou inopérants des actes du gouvernement, par exemple, et des poursuites? Alors ça, il faut peut-être se prémunir contre l'évolution de la jurisprudence de la Cour suprême, s'agissant des principes.

M. Gingras (Alain): ...que sur cette question-là évidemment le droit constitutionnel canadien, c'est de la common law, c'est de la common law constitutionnelle, ça varie avec les époques, le temps. Il est difficile de prévoir toutes les éventualités. Donc, ici il s'agissait de faire une modification, bon, à une institution, et ça a été fait. Et, comme toute chose nouvelle évidemment, l'interprétation qu'y donnera la Cour suprême du Canada éventuellement, bon, nous on prétend avoir, dans l'état actuel du droit constitutionnel canadien, avoir de bonnes assises pour justifier ce projet de loi.

Maintenant, évidemment, on ne peut pas prévoir quel sera l'éventuel jugement de la Cour suprême. Dans un contexte, aussi souvent les faits orientent un dossier au niveau des questions de... Autrement dit, c'est que, dans l'état actuel du droit constitutionnel, notre analyse a été que le projet est valide constitutionnellement.

n(16 h 30)n

M. Turp: Écoutez, je pense que notre échange est utile. Je pense qu'il faut alors, connaissant votre position sur la question constitutionnelle, s'interroger sur l'indépendance, là, sans égard nécessairement à la contestation constitutionnelle du projet de loi, parce que l'indépendance, c'est important. Qu'elle puisse être contestée constitutionnellement ou non en vertu d'un principe non écrit, c'est une chose, mais l'assurer par la loi, dans notre politique législative, c'est une autre chose aussi. Et peut-être que la discussion qu'on devrait continuer d'avoir porterait là-dessus, sur l'indépendance.

Et est-ce que la loi assure suffisamment, selon nous et selon vous, l'indépendance du Directeur des poursuites publiques et de son adjoint? Est-ce que le langage du projet et des amendements crée l'indépendance, ou une apparence d'indépendance, ou tout cela à la fois?

M. Laporte (Gilles): Gilles Laporte de la Direction du droit constitutionnel. Si vous me permettez, c'est ça, peut-être juste pour en fait, effectivement, élargir un peu plus le débat, comme on dit, un peu plus à la politique législative, puis tout ça, au-delà du débat constitutionnel, c'est qu'il me semble assez clair que la réforme qui est proposée nous amène quand même, finalement, à un degré plus grand au niveau de l'indépendance, là, du poursuivant que partout ailleurs au Canada. Donc, moi, ce qui me semble évident, c'est que c'est une grosse amélioration par rapport à la situation actuelle.

Par ailleurs, il faut aussi tenir compte aussi du principe du gouvernement responsable, et puis c'est pour ça que c'est important que le Procureur général finalement ait un contrôle sur le DPP puis qu'il soit responsable devant le Parlement. Donc, c'est un équilibre parfois difficile à réaliser entre ces deux principes-là, mais je pense que, quand on regarde ça de façon globale, là, on voit quand même, je pense, qu'avec une réforme comme ça le Québec serait la province au Canada qui assurerait le plus d'indépendance du poursuivant. Puis, jusqu'à maintenant, c'est ça, au niveau de la jurisprudence canadienne, concernant la situation dans toutes les provinces, il n'y a jamais aucun tribunal qui a soulevé cette difficulté-là. C'est vrai qu'il y a, au niveau de la doctrine, des gens qui disent qu'on devrait viser une plus grande indépendance finalement du poursuivant, puis c'est ça que le projet de loi, je pense, vise à faire mais tout en tenant compte aussi du principe aussi d'une responsabilité ministérielle, là.

M. Turp: Peut-être juste une question, puis là on pourra peut-être passer aux amendements, là: dans le paragraphe premier de l'article premier, là, l'alinéa 1°: «La présente loi institue la charge de Directeur des poursuites publiques et confie au directeur la mission de diriger pour l'État ? pour l'État ? les poursuites criminelles et pénales au Québec», je veux savoir pourquoi.

Je pense qu'on apprécierait de savoir pourquoi vous avez rédigé ça comme ça. Pourquoi «pour l'État»? Pourquoi c'est écrit comme ça?

Mme Longtin (Marie-José): Marie-José Longtin. Alors, d'une part parce que la poursuite criminelle ou pénale est toujours au fond une atteinte à des lois d'ordre public qui sont adoptées par l'État législatif, le pouvoir législatif de l'État, et, dans la pratique en matière criminelle, toutes les poursuites sont intentées au nom de la reine et non pas du Procureur général, qui est l'avocat au fond de l'État strictement. Et, en matière pénale, bien, alors, là, c'est une attribution directe, dans le... de procédure pénale, d'une responsabilité qui est donnée au Directeur des poursuites publiques d'agir pour la poursuite.

Donc, au fond, la loi organise une forme de délégation, là, au Directeur des poursuites publiques de la responsabilité publique de poursuivre.

M. Bédard: Et ce qui m'étonne, c'est que, dans notre discussion, on disait, lorsqu'on a soulevé la première fois la question, que le Procureur général restait la personne habilitée à exercer ce pouvoir mais que le projet de loi faisait en sorte qu'il le déléguait, qu'on déléguait de façon législative ce pouvoir au directeur et qu'il prévoyait en même temps les cas où il pouvait effectivement réexercer ce pouvoir-là en vertu de l'article 21.

Et notre questionnement, c'était: Lorsqu'on indique qu'il a la mission de diriger pour l'État, là on fait abstraction de cette idée justement que c'est le Procureur général généralement qui a ce pouvoir, le projet de loi a pour effet de le transférer plutôt au Directeur des poursuites publiques et que 21 n'était pas un pouvoir habilitant mais plutôt un pouvoir résiduaire, si on veut, du pouvoir du Procureur général, celui de se réapproprier finalement des dossiers de poursuite. Si on lit le texte comme je le lis, c'est comme si le Procureur général n'existait plus. À partir du moment où il agit pour l'État, on fait abstraction de ce pouvoir-là.

Tout ce qui reste finalement, c'est le pouvoir prévu à 21 ? c'était notre discussion de ce moment-là ? qui devenait un pouvoir habilitant et non un pouvoir résiduaire. Et ce qu'on a prétendu: Non, non, que ce n'était pas ça, au contraire qu'on voulait vraiment opérer cette délégation du Procureur général vers le Directeur des poursuites publiques, et c'est pour ça qu'on avait déposé... Si c'est ça qu'on veut, pourquoi ne pas indiquer strictement qu'il agit pour et au nom du Procureur général?

Mme Longtin (Marie-José): Je pense qu'à cet égard-là, strictement sur ce point-là, le deuxième alinéa vient le dire, il agit sous l'autorité générale du ministre de la Justice et Procureur général. Par ailleurs, le Procureur général ne perd pas ses pouvoirs. Vous vous souviendrez qu'on a modifié l'article 54, entre autres, pour prévoir qu'il peut agir en matière pénale. Et par ailleurs l'article 2 du Code criminel n'est pas modifié non plus, il reste un poursuivant, sauf que la loi vient justement encadrer de quelle manière il va exercer ses pouvoirs qui lui demeurent lorsqu'il voudra le faire. Et là c'est l'article 21 effectivement qui dit: Bon, bien, ce jour-là, si le Procureur général veut prendre une affaire, il va donner un avis puis il va publier son intention.

Mais en propre il ne perd pas ce pouvoir qui lui demeure, par la Loi du ministère de la Justice, en matière pénale et, par le Code criminel, en matière criminelle.

M. Turp: Alors, je reviens sur un autre mot alors, le mot «diriger». Alors, quel sens doit-on lui donner? Les mots «diriger pour l'État», ce qu'on doit comprendre, là, c'est que ça veut dire qu'il a la responsabilité essentielle pour l'État. Est-ce que c'est ça? C'est comme ça qu'on doit comprendre «diriger contre l'État ou pour l'État»? Ou est-ce que c'est... Je prends l'article 21: Lorsqu'une affaire relève de la responsabilité du directeur, hein, donc, là, il a la charge, le directeur, la mission de diriger l'État, mais il a sa responsabilité, s'agissant d'une affaire, ce qui m'amène à penser: Est-ce que le directeur n'est pas celui plutôt qui est responsable de faire des poursuites plutôt que de diriger pour l'État les poursuites?

Est-ce que ça ne devrait pas encore être le Procureur général qui dirige les poursuites pour l'État, parce qu'il a encore cette compétence, même si elle est résiduaire, puis il devrait avoir la responsabilité politique de l'ensemble des poursuites faites pour l'État et que le Directeur des poursuites publiques est celui dont relève de la responsabilité des affaires criminelles et pénales? Est-ce que ce n'est pas ça, la différence, là? Est-ce qu'on ne devrait pas dire que c'est encore le Procureur général qui dirige pour l'État les poursuites criminelles et pénales, même s'il transfère une partie de ses compétences au Directeur des poursuites publiques?

Une voix: Mme Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): L'objet même de la loi est de dire que c'est le Directeur des poursuites publiques qui, dans toutes les opérations, au quotidien, a cette responsabilité qui est décrite un petit peu plus en détail, dans d'autres articles. La notion de direction, ça veut dire que c'est la coordination des activités, c'est la planification des poursuites, enfin c'est tout ce qui est la gestion des poursuites publiques. C'est ça qu'on lui confie dans ce projet-là.

n(16 h 40)n

M. Turp: Mais est-ce que, quand on ne dit pas «diriger pour l'État», ça peut entraîner la responsabilité politique qui incombe au Procureur général et non au Directeur des poursuites publiques? Utiliser ces mots-là, ça ne tend pas à faire du Directeur des poursuites publiques celui qui sera perçu même comme assumant des responsabilités politiques? Non?

Une voix: M. le ministre.

M. Marcoux: ...Longtin pourra commenter, mais je pense que l'économie de la loi avec le deuxième alinéa, c'est quand même sous l'autorité générale du ministre de la Justice et Procureur général. Le directeur exerce les fonctions qui lui sont confiées par la présente loi, et le ministre de la Justice ou le Procureur général, selon le cas, demeure responsable d'élaborer les orientations et les mesures aussi, les directives selon lesquelles le Directeur des poursuites publiques devra exercer dans ses décisions relatives aux actes de poursuite ou de... poursuite, d'appel.

Mais il y a des politiques générales qui vont être publiques et selon lesquelles il devra, dans l'exercice de ses fonctions, qu'il devra respecter. Je pense qu'avec ça la responsabilité politique avec un grand P demeure. Il y a une... qui demeure, d'aspect général, mais il y a une indépendance selon les fonctions qui lui sont attribuées par... dans l'exercice quotidien, là, des décisions qu'il a à prendre dans l'application soit du Code criminel ou des lois pénales.

(Consultation)

M. Bédard: Parce que l'idée, c'est vraiment de consacrer le sous-procureur général, ce que faisait le sous-ministre à ce niveau-là et lui donner le titre de directeur. Le but n'est pas de remplacer le Procureur général par le Directeur des poursuites publiques, ce n'est pas le but. Mais évidemment, actuellement, la personne qui a pour mission de diriger pour l'État, c'est le Procureur général. Alors, si on le met, c'est à ce moment-là qu'on opère le transfert. Mais on dit: Ce n'est pas ça qu'on veut faire, ce qu'on veut dire, ce qu'on veut consacrer par le projet de loi, c'est l'idée qu'on va faire en sorte que le directeur acquiert une indépendance dans le cadre de ses fonctions et qu'il devient avec beaucoup plus de distance qu'il a actuellement, malgré qu'il doit en avoir beaucoup, là. Mais, de façon plus institutionnelle, il a cette distance-là. Mais là le premier alinéa, lui, alors que les deux autres ne visent pas ça ? parce qu'on consacre l'autorité générale du ministre de la Justice, donc on confirme le fait qu'il agit pour et en son nom, finalement... Parce que, si on y dit qu'il a une autorité générale, c'est que normalement c'est une autorité donc à partir du moment où il exerce ces pouvoirs-là qui sont la responsabilité finalement du Procureur général ou qui étaient sa responsabilité.

Donc, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi l'idée de modifier qu'il agit pour et en son nom appauvrit le projet de loi. Ce que je constate, c'est qu'il serait cohérent avec ce qui se retrouve par la suite, soit qu'il agit pour et en son nom, et on prévoit les modes où il peut intervenir d'ailleurs, mais en même temps il a une autorité générale qui, on le sait, se limite, bien se circonscrit beaucoup autour de l'idée de donner des directives.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Mercier, je crois, voulait prendre la parole. M. le député de Mercier, vous avez un bloc de 20 minutes chacun. Il vous reste environ deux minutes et demie, M. le député de Mercier.

M. Marcoux: ...à venir jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Dubuc): Un échange?

M. Marcoux: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Dubuc): O.K. D'accord.

M. Turp: En fait, est-ce qu'il est nécessaire d'ajouter, au premier alinéa, «et confie au directeur la mission de diriger pour l'État les poursuites criminelles et pénales»?

Est-ce que la loi ne devrait pas tout simplement dire, un: «La présente loi institue la charge de Directeur des poursuites publiques. Sous l'autorité générale du ministre de la Justice et du Procureur général, le directeur exerce les fonctions qui lui sont confiées par la présente loi», donc les fonctions avec l'indépendance? Là, on parlera de l'indépendance. Nous, on pense qu'il n'y en a pas assez, là.

Et il me semble que c'est confirmé d'ailleurs dans votre propre amendement, là, qu'on regardera éventuellement plus tard, quand vous dites qu'il est d'office sous-procureur général pour les poursuites criminelles et pénales. Alors, s'il est sous-procureur général pour les poursuites criminelles et pénales, est-ce que le Procureur général pour les poursuites criminelles et pénales n'est pas la personne qui dirige pour l'État les poursuites criminelles et pénales et qu'il délègue au sous-procureur général des fonctions importantes, s'agissant de ces poursuites criminelles et pénales?

Alors, je ne sais pas, il me semble que ça prête à confusion de dire qu'il dirige pour l'État. C'est vrai que ça a peut-être un sens au plan de l'administration publique, si effectivement le Directeur des poursuites publiques qui, au plan de l'administration, de la gestion, de la de coordination, comme vous avez dit tout à l'heure, M. Laporte, qu'il assume ces fonctions, mais il me semble que ça devrait être encore le Procureur général qui est vu comme dirigeant pour l'État les poursuites criminelles et pénales.

Une voix: Si on mettait un point après «publiques», effectivement.

M. Turp: Est-ce que ça ajoute quelque chose vraiment de dire qu'il faut qu'on lui confie la mission de diriger pour l'État les poursuites criminelles et pénales?

(Consultation)

Mme Longtin (Marie-José): Tout organisme institué par une loi quelconque a une mission. Il est constitué à une fin précise, et sa fin ici, c'est de diriger les poursuites criminelles et pénales et de le faire pour la société, donc l'État comme institution en général. C'est dans ce sens-là.

M. Turp: Alors, si c'est ça, le problème demeure. Est-ce que la mission est de diriger pour l'État les poursuites criminelles et pénales au Québec? Il faudrait presque dire, si on voulait être, il me semble, cohérent avec l'article 21, «dirige principalement les poursuites criminelles et pénales», parce qu'il y a un pouvoir résiduaire du Directeur des poursuites publiques.

Alors donc, ce n'est pas dans tous les cas qu'il dirige pour l'État les poursuites criminelles et pénales.

Mme Longtin (Marie-José): ...quand même 99,9 % des cas et probablement plus. Mais le Procureur général, lui n'est pas régi par cette loi-là, il est régi par la Loi du ministère de la Justice, il est régi par d'autres lois. Et, dans ces lois-là, ses pouvoirs, ils lui demeurent des pouvoirs.

M. Turp: Donc, en vertu de...

Mme Longtin (Marie-José): Mais ici on crée l'institution Directeur des poursuites publiques et donc on organise sa fonction et sa mission.

M. Turp: Donc, si je comprends bien, là on a une loi qui dit qu'il y en a un qui dirige, pour l'État, des poursuites criminelles et pénales, puis il y en a d'autres, une autre loi ou plusieurs autres lois, qui disent qu'on a un autre personne qui dirige, pour l'État, les poursuites criminelles et pénales. C'est ça, la conséquence de ce que vous m'avez dit, là. Parce que les lois qui confèrent le droit de poursuite au Procureur général sont des... qui disent que, dans ce cas-là, c'est lui qui dirige, pour l'État, les poursuites criminelles et pénales.

Mme Longtin (Marie-José): Ce ne sera pas ce que les autres lois vont dire. Ce que je soulignais, c'est que le Procureur général lui-même est une institution régie par la Loi du ministère de la Justice, qui demeure et à qui on a dit, dans l'amendement qu'on a apporté l'autre jour, à l'article 54 de la loi... qui a encore la possibilité, conformément à la loi, donc conformément aussi à cette loi-là, entre autres, d'agir en matière pénale pour assurer le respect des droits et règlements du Québec. Bon.

n(16 h 50)n

Et par ailleurs, en matière criminelle, il y a encore le Code criminel qui le reconnaît comme poursuivant, sauf qu'au Québec le Procureur général, en raison de l'adoption de cette loi-là, vient accomplir... Ce qu'il lui reste comme pouvoir, il l'exerce que conformément à cette loi-là.

M. Turp: Oui, ça, je comprends ça, mais il me semble curieux que, prises dans leur ensemble, nos lois disent ou nos lois révèlent qu'il y a au moins deux personnes qui dirigent, pour l'État, des poursuites criminelles et pénales ? dans certaines lois, c'est le Procureur général et, dans d'autres cas, c'est le Directeur des poursuites publiques ? mais qu'il y a une loi, celle-ci, celle qu'on veut adopter, qui dit et qui laisse croire que c'est une personne qui fait ça parce qu'on affirme que c'est le Directeur des poursuites publiques qui a la mission de diriger pour l'État les poursuites criminelles.

Alors, c'est ça qui me paraît un peu incohérent dans la perspective que donne cet article premier.

M. Bédard: D'autant plus que les fonctions sont bien décrites à l'article 11, il ne peut agir d'ailleurs qu'en fonction de l'article 11, dans le cadre de ses fonctions. Donc, l'idée...

Une voix: ...

M. Bédard: ...c'est ça, ne me semble pas, là, des plus utiles, ça n'irait pas à l'encontre, donc on n'assumerait pas, dans deux lois différentes, deux choses qui pourraient sembler contraires. Mais elle clarifie le texte à l'effet que la présente loi institue la charge de directeur, et ce qu'on souhaite d'ailleurs, on souhaite instaurer la charge du Directeur des poursuites publiques qui exerce ses fonctions conformément à la loi. C'est ça, le but pour lequel on crée le Directeur des poursuites publiques, c'est pour qu'il agisse conformément à la présente loi ? et là je ne vous dis pas de l'écrire ? mais évidemment à partir du moment où les fonctions sont décrites à l'article 11 et suivants, aux articles 11 et suivants.

Donc, si on limitait à «la présente loi institue la charge de Directeur des poursuites publiques» et qu'il agit sous l'autorité générale, je pense qu'on rejoindrait, là, ce que vous souhaitez faire par l'introduction du directeur.

Une voix: ...

M. Bédard: Oui, O.K.

Le Président (M. Dubuc): On va suspendre.

Une voix: ...

Le Président (M. Dubuc): Oui. C'est bien.

(Suspension de la séance à 16 h 53)

 

(Reprise à 17 h 43)

Le Président (M. Dubuc): On peut débuter les travaux. O.K. Bon. On débute les travaux.

Allez-y, M. le ministre, on vous laisse la parole.

M. Marcoux: Oui. Bien, en fait, je pense qu'il y a eu beaucoup de discussions, là, sur l'article 1 et d'échanges entre les membres de la commission, de l'opposition notamment, et des légistes du ministère, je pense, avec nous pour voir comment on pourrait répondre à certaines préoccupations.

Donc, il y avait un amendement qui avait été proposé par le député de Chicoutimi, je crois.

M. Bédard: Oui.

M. Marcoux: Il y en avait un autre, qui avait été déposé par nous, aussi sur un autre point. Nous serions d'accord, je crois, pour retirer les deux amendements et revenir avec un article amendé qui remplacerait l'article 1.

M. Bédard: Qui modifierait.

M. Marcoux: Qui modifierait l'article 1, là, qui modifierait.

(Consultation)

M. Bédard: ...1 et 2 qui seraient modifiés effectivement par ce qu'on vient de discuter.

M. Marcoux: Oui. Et, l'autre modification, on a une proposition de modification pour l'alinéa 3 également.

M. Turp: Mais là on va pouvoir l'étudier de façon distincte, celle-là?

M. Marcoux: Ah, bien, écoutez...

M. Turp: Parce qu'on n'a pas parlé de celle-là encore.

M. Marcoux: C'est comme vous voudrez. On peut d'ailleurs en discuter peut-être en attendant.

M. Bédard: ...comme on est dans l'article 1.

M. Marcoux: Je pense qu'il y aurait lieu de le faire en même temps, puisque ça répond aux mêmes objectifs.

(Consultation)

M. Bédard: On n'a pas encore discuté de cet amendement-là.

M. Marcoux: Lequel?

Une voix: C'est ça.

M. Marcoux: Ah, bien on peut peut-être le déposer.

Le Président (M. Dubuc): Oui, mais... déposer?

M. Marcoux: On peut déposer celui-là.

M. Bédard: C'est ça.

Le Président (M. Dubuc): O.K. D'accord, le déposer.

Une voix: ...

Le Président (M. Dubuc): Oui, mais en avez-vous tous eu une?

M. Marcoux: Oui, oui.

Une voix: Oui, on en a tous.

M. Turp: Il y a Mme Longtin qui, avec sa belle... là, est en train de faire l'autre.

Le Président (M. Dubuc): ...

M. Bédard: O.K. Voulez-vous qu'on discute, M. le ministre, de votre amendement au troisième alinéa?

M. Marcoux: ...

M. Bédard: O.K. Peut-être lire.

M. Marcoux: On peut lire l'amendement, là, donc au troisième alinéa, et ça se lirait: À l'article 1 du projet de loi, non pas insérer mais supprimer, à la fin troisième alinéa, ce qui suit...

Une voix: ...

M. Marcoux: Pardon?

Mme Longtin (Marie-José): Ce qui suit le mot «est».

M. Marcoux: O.K. Donc, supprimer, à la fin du troisième alinéa, ce qui suit le mot «est», et insérer ce qui suit...

M. Bédard: Ce qui suit le mot «est». O.K.

M. Marcoux: ...et insérer ce qui suit: «d'office "sous-procureur général"».

(Consultation)

M. Bédard: ...pas «remplacer»?

Mme Longtin (Marie-José): On pourrait faire effectivement: Remplacer, à la fin du troisième alinéa, ce qui suit le mot «est» par ce qui suit.

Une voix: Remplacer, oui, ce serait plus clair.

(Consultation)

M. Marcoux: Donc, «est d'office "sous-procureur général" pour les poursuites criminelles et pénales. Il est en outre, ainsi que les poursuivants sous son autorité, le substitut légitime du Procureur général du Québec au sens du Code criminel».

M. Bédard: O.K.

M. Marcoux: Est-ce que ça va?

M. Bédard: Oui, oui.

M. Turp: Bien, moi, est-ce que je peux faire une suggestion? Pourquoi est-ce que vous avez mis le mot «mandat», là, dans le troisième alinéa? Ça ne devrait pas être «dans l'exercice de ses fonctions» par référence à l'alinéa précédent, là, «le directeur exerce les fonctions qui lui sont confiées»?

Une voix: ...

M. Turp: Hein? C'est-u vous autres qui avez demandé ça?

Mme Longtin (Marie-José): Non, non, non. C'est parce que tout à l'heure on soulevait...

Une voix: ...

M. Turp: Est-ce qu'on ne devrait pas... Je pense que ça devrait être «dans l'exercice de ses fonctions», celles auxquelles on vient de référer dans l'alinéa précédent, «dans l'exercice de ses fonctions, le directeur est d'office».

M. Marcoux: Ou «dans l'exercice de sa charge».

Une voix: Oui, «charge», ce serait mieux.

M. Marcoux: Je pense que «de sa charge», c'est ce qu'on dit au premier alinéa.

M. Turp: La charge dont il est question, la charge dans l'alinéa premier. Alors ça, j'aime ça.

M. Marcoux: Donc, «dans l'exercice de sa charge», je pense que ça réfère à l'alinéa premier.

M. Bédard: Bien, au lieu de «son mandat», c'est de «sa charge»?

Une voix: Oui.

(Consultation)

M. Turp: ...La charge ? comment ça s'appelait, l'affaire de Claude Gauvreau? ? La charge de l'orignal épormyable, hein, l'avez-vous déjà vue, ça, une pièce de Claude Gauvreau comme Les oranges sont vertes? On ne comprend rien, mais Claude Gauvreau, il a utilisé un langage incompréhensible.

(Consultation)

Le Président (M. Dubuc): On va suspendre les travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 50)

 

(Reprise à 17 h 55)

Le Président (M. Dubuc): On reprend nos travaux. Je demanderais à M. le ministre de lire l'amendement, s'il vous plaît.

M. Marcoux: On peut reprendre l'article en entier:

«La présente loi institue la charge de Directeur des poursuites publiques.

«Le directeur dirige pour l'État, sous l'autorité générale du ministre de la Justice et Procureur général, les poursuites criminelles et pénales au Québec. Il exerce les fonctions qui lui sont confiées par la présente loi, avec l'indépendance que celle-ci lui accorde.

«Dans l'exercice de sa charge, le directeur est d'office "sous-procureur général" pour les poursuites criminelles et pénales. Il est en outre, ainsi que les poursuivants sous son autorité, le substitut légitime du Procureur général du Québec au sens du Code criminel.»

Le Président (M. Dubuc): Y a-tu des questions ou bien si on passe au vote immédiatement?

M. Bédard: Peut-être simplement sur le dernier bout, là. Là, on a modifié. Bon. «Sa charge», ça, c'était correct. On a plutôt modifié «le substitut légitime du Procureur général est d'office sous-procureur général». «Est d'office sous-procureur général». On a inversé en ajoutant «pour les poursuites criminelles et pénales». Il y avait une crainte d'ambiguïté?

M. Gingras (Alain): Alain Gingras, si vous me permettez. Cette disposition-là a été ajoutée pour rendre la situation la plus claire possible au regard de la définition de Procureur général qu'on retrouve à l'article 2 du Code criminel.

On sait que, depuis l'arrêt de Transports nationaux du Canada, la Cour suprême a décidé que les poursuites en matière criminelle, c'est fédéral, donc c'est le fédéral qui peut déléguer ce pouvoir aux procureurs généraux provinciaux. Et, dans un arrêt rendu le même jour, dans Wetmore, la cour a confirmé que c'est seulement les dispositions du Code criminel qui attribuent au Procureur général d'une province le pouvoir de poursuivre. Le problème dans tout ça, c'est que, suite à l'amendement de 1969 où on a élargi les pouvoirs de poursuite du Procureur général du Canada dans le Code criminel, on a également modifié la définition de Procureur général des provinces pour ajouter «le substitut légitime». Dans la version anglaise, c'est «his lawful deputy». Et tout ça apportait confusion, ce qui a donné lieu à l'affaire Harrisson en 1977, devant la Cour suprême du Canada. Et bon, dans cette affaire-là, c'était simplement pour un avis d'appel qui normalement devait être fait par le Procureur général de la province et qui avait été signé par... du Procureur général, comme ça, et ça s'est... pour l'interprétation de l'amendement de 1969, à savoir qu'est-ce que ça veut dire, le «substitut légitime». Et la cour a tranché en disant: Bien, le Procureur général, c'est évident qu'il ne peut pas lui-même exercé toutes les poursuites, ce serait impensable.

Donc, la définition comprend non seulement le «lawful deputy», mais aussi tout avocat autorisé à agir en son nom. Et c'était pour dissiper l'ambiguïté qui aurait pu être provoquée par le fait que le projet de loi évidemment délègue des fonctions de poursuite aux procureurs, ce qu'on appelle des procureurs de la couronne, maintenant qui sont les procureurs aux poursuites publiques. Il y aurait peut-être eu... Parce qu'on est en droit criminel évidemment, souvent, les procès pour question... les gens contestent pour... ou à quelque fin que ce soit, il y aurait pu y avoir une ambiguïté, à savoir, bien: Est-ce que les procureurs individuels aux poursuites publiques sont bien visés dans la définition à l'article 2 du Code criminel? Et c'est pour éviter ce doute-là qu'on a précisé, là, davantage, la situation.

Le Président (M. Dubuc): Vu l'heure, cet amendement-là est-il accepté ou bien s'il est rapporté pour la prochaine séance?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Dubuc): Adopté. Compte tenu de l'heure...

Une voix: ...

Le Président (M. Dubuc): Bien oui. Compte tenu de l'heure, 18 heures, on va ajourner les travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 heures)


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