(Onze heures quarante-six minutes)
Le Président (M. Descoteaux): Puisque je constate que nous avons quorum, je déclare donc la séance ouverte.
Consultations particulières sur
le projet de loi n° 109
Je rappelle le mandat de la commission: procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi sur le Directeur des poursuites publiques. M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Valois (Joliette) est remplacé par M. Bédard (Chicoutimi).
Le Président (M. Descoteaux): Merci. Donc, bienvenue à vous devant la commission aujourd'hui. Si vous voulez peut-être vous présenter et présenter vos collègues.
Mme Dufour (Nicole): Alors, mon nom est Nicole Dufour, je suis avocate au Service de législation du Barreau du Québec. À ma droite, Me Giuseppe Battista, qui est avocat membre du Comité en droit criminel du Barreau du Québec; Mme la bâtonnière, Madeleine Lemieux; et Me Jean Asselin, qui est également membre du Comité en droit criminel du Barreau du Québec.
Remarques préliminaires
Le Président (M. Descoteaux): Bonjour, M. le ministre, et bonjour aux collègues. M. le ministre, pour vos remarques préliminaires, une période de 20 minutes, approximativement.
M. Yvon Marcoux
M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Donc, bienvenue à vous comme président de la commission. Je veux souhaiter la bienvenue également aux membres de la commission parlementaire, autant du côté gouvernemental que du côté de l'opposition officielle, et notamment le critique en matière de justice, le député de Chicoutimi. Je veux également remercier les dirigeants du ministère de la Justice: à ma gauche, Me Paul Monty, qui est sous-ministre associé aux affaires criminelles, et d'autres personnes qui m'accompagnent, que j'aurai l'occasion de vous présenter tout à l'heure.
Et, évidemment, vous me permettrez de saluer de façon particulière Me Madeleine Lemieux, qui est la nouvelle bâtonnière du Barreau du Québec, donc qui a été élue, et la passation des pouvoirs effective s'est faite samedi dernier au congrès annuel du Barreau. Donc, je pense qu'on va la saluer de façon particulière, lui souhaiter la bienvenue et certainement un mandat très fructueux à titre de bâtonnière du Québec pour la prochaine année, en saluant également les gens qui l'accompagnent.
Alors, M. le Président, quelques remarques seulement. Le projet de loi sur le Directeur des poursuites publiques s'inscrit dans le cadre des travaux de modernisation de l'État entrepris par le gouvernement. Il permettra de mieux distinguer les fonctions de ministre de la Justice et de Procureur général, notamment celles qui sont reliées à l'exercice de la fonction de poursuite publique.
Je pense que ce projet de loi marque une étape importante dans le domaine de la justice et constitue une amélioration de nos institutions. En créant ainsi un poste de Directeur des poursuites publiques, nous accentuons les garanties d'indépendance qui sont reliées à la fonction de la poursuite publique et nous renforçons la transparence du processus judiciaire. Il est important que nous puissions accroître la confiance de la population dans notre système judiciaire. Nous posons donc aujourd'hui, croyons-nous, les bons gestes en modernisant notre approche à l'égard du processus accusatoire. En définitive, l'institution de la charge de Directeur des poursuites publiques devrait mieux satisfaire aux impératifs fondamentaux de la justice.
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(11 h 50)
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Et je voudrais simplement vous signaler, M. le Président, que nous rejoignons à cet égard d'autres juridictions qui ont mis en place cet organisme ou cette institution qu'on appelle le Directeur des poursuites publiques. Je pense entre autres à l'Angleterre, où c'est différent, mais, par analogie, ça rejoint le concept qui existe, également en Australie, en Irlande, et ça, depuis un certain nombre d'années, ainsi qu'ici, au Canada, notamment en Nouvelle-Écosse. Il en existe un en Colombie-Britannique mais qui ne rejoint pas vraiment le concept que l'on retrouve, là, dans les autres juridictions. Ce n'est donc pas inédit. Cependant, je pense que, sur le plan de l'évolution des institutions, c'est extrêmement positif.
Et, selon le projet de loi, pour aller un peu plus en détail, la responsabilité donc d'assumer, de diriger, de coordonner des opérations courantes dans des affaires qui découlent de l'application du Code criminel et de toutes les autres lois fédérales pour lesquelles le Procureur général a l'autorité d'agir, y compris sur le système de justice pénal pour les adolescents ainsi que dans les affaires intentées sous l'autorité du Code de procédure pénale du Québec, donc ces attributions vont être dévolues au Directeur des poursuites publiques.
Le défi que représente la création d'un poste de directeur public est d'établir un juste équilibre entre l'indépendance du directeur et son imputabilité envers le gouvernement. Il est aussi essentiel de préserver l'imputabilité du Procureur général à l'égard de l'Assemblée nationale et de la population en général. Non seulement croyons-nous avoir atteint cet équilibre, mais le projet de loi selon nous a pour effet de rehausser l'imputabilité du Procureur général en garantissant la transparence de ses interventions éventuelles auprès du directeur. Le projet de loi comprend de nombreux mécanismes établissant l'indépendance du Directeur des poursuites publiques, autant sur les plans institutionnel, fonctionnel qu'opérationnel. Il contient également un grand nombre de mesures d'imputabilité du directeur à l'égard du Procureur général et du gouvernement, ainsi que des règles régissant les relations du directeur avec le Procureur général.
Donc, le Directeur des poursuites publiques, selon le projet de loi, aurait pour mission d'entreprendre pour l'État les poursuites criminelles et pénales au Québec. Sous l'autorité générale du ministre de la Justice et Procureur général, le directeur exécuterait des fonctions qui lui sont confiées par la loi avec l'indépendance que celle-ci lui accorde. Il agirait comme poursuivant dans les affaires qui découlent du Code criminel ou de toute autre loi pénale fédérale ou du Code de procédure pénale du Québec, comme je le mentionnais. Sur le plan organisationnel, le Directeur des poursuites publiques disposerait d'un budget distinct et aurait la responsabilité de gérer ses ressources humaines, matérielles et financières.
Le directeur donc aurait une grande indépendance sur les plans institutionnel, fonctionnel et opérationnel. Enfin, comme je le mentionnais, et c'est important, le projet de loi préserve le principe de la responsabilité gouvernementale, alors que le ministre de la Justice et Procureur général demeure responsable, comme élu membre du gouvernement, de la mise en oeuvre des politiques, des orientations et des mesures générales à prendre en matière d'affaires criminelles et pénales.
Donc, essentiellement, il y a trois principes fondamentaux qui sous-tendent le projet de loi. D'une part, l'imputabilité, et notamment celle du Procureur général qui demeure imputable à titre d'élu. Deuxièmement, la transparence. Et, vous savez, si le Procureur général veut intervenir dans un cas particulier parce qu'il le juge d'intérêt public, il devra, à ce moment-là, rendre publique son intervention. Donc, ce sera connu de tout le monde, de la population, et je pense qu'on y gagne beaucoup en termes de transparence et de crédibilité, de confiance également de la part de la population. Troisième point, c'est l'indépendance institutionnelle et fonctionnelle du Directeur des poursuites publiques dans l'exécution de ses activités quotidiennes. Donc, voilà les trois principes qui sous-tendent le projet de loi.
Comme je l'ai précisé lors de l'adoption de principe du projet de loi, le 31 mai dernier, nous avons convenu avec l'opposition officielle de tenir des consultations particulières pour entendre des groupes ou des personnes dont l'expertise est reconnue dans ce domaine d'activité, et également d'autres groupes. Nous débutons aujourd'hui ce processus de consultation. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l'expertise et les suggestions, l'expérience des personnes et des groupes qui viendront devant la commission permettront une réflexion en profondeur sur tous les aspects pertinents à l'établissement d'un Directeur des poursuites publiques.
C'est donc, M. le Président, avec beaucoup d'ouverture d'esprit que j'accueille l'ensemble des commentaires qui seront livrés au sujet du projet de loi. J'espère que les travaux permettront de fournir les explications nécessaires à l'atteinte des objectifs qui sont recherchés. Je suis persuadé que nos échanges seront constructifs, que cette commission se déroulera dans un bon esprit de collaboration de la part de tous. Et l'objectif, c'est toujours de pouvoir, le cas échéant, bonifier ce projet de loi pour qu'il puisse atteindre correctement les objectifs qui sont recherchés. Alors, je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, M. le ministre. M. le porte-parole de l'opposition officielle.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Merci, M. le Président. Donc, à mon tour, je salue le ministre, je vous salue, M. le Président. Je vous remercie de guider ces travaux avec toute la justesse... malgré que cela se fera, comme le disait le ministre, dans un esprit de totale collaboration. Je tiens à saluer la bâtonnière ? je l'ai fait personnellement tantôt ? mais la féliciter pour son nouveau mandat, en souhaitant que nous aurons l'occasion de nous côtoyer aussi souvent que vos collègues qui sont passés ici. Ça fait trois ministres que j'ai devant moi, et ça fait trois bâtonniers, bâtonnière, donc une chance que je ne m'attache pas à ceux qui occupent ces fonctions, parce que j'aurais été orphelin à plusieurs reprises.
Je tiens aussi à saluer mes collègues membres de l'opposition... membres, plutôt, du gouvernement qui vont participer aux travaux, et plus particulièrement mes collègues éminents juristes, et je le dis humblement, en tout respect, le député de Mercier et le député de Dubuc, qui, vous le savez, en plus de participer activement au projet de loi à titre de membres de cette commission, ont des compétences et un passé qui, je pense, va servir grandement les travaux de cette commission et nous permettre de nous éclairer sur les bienfaits ou les faux pas que recèle la législation actuelle. Donc, je suis heureux de compter sur cette collaboration, et je leur laisserai toute la place requise. C'est un engagement que je prends avec eux pour qu'ils puissent accomplir, comme je vais le faire, ce mandat.
Au départ, je parlerai rapidement du processus. J'aurais souhaité, M. le Président, et je l'avais indiqué au ministre dès le départ vu l'importance du sujet, qui peut paraître technique pour les gens de la population ? mais, pour les juristes, ceux et celles qui connaissent le système juridique, le système même constitutionnel, ce sujet est fort complexe et amène quand même des modifications importantes dans notre fonctionnement actuel ? j'aurais souhaité, et je l'ai demandé au ministre, de procéder à des consultations générales, pour deux motifs. Tout d'abord, pour permettre un large éventail de personnes intéressées. Parce qu'on a ciblé des gens, je pense, très compétents, dans ceux et celles qui vont venir témoigner devant nous, mais il reste qu'on aurait eu avantage, comme membres de cette commission et comme parlementaires, d'avoir un éclairage beaucoup plus vaste de ceux et celles qui se seraient sentis concernés par une telle législation.
Je dois aussi dire que le temps aurait joué pour nous. Autrement dit, M. le Président, il aurait été possible aux personnes concernées de préparer un mémoire sur un sujet complexe, complexe en termes de conséquences, complexe aussi en termes de, je vous dirais, de processus qu'on souhaite améliorer. Donc, il aurait été très, très pertinent et très utile de donner le temps nécessaire à ces gens de préparer leur mémoire. D'ailleurs, malheureusement, nous avons certaines personnes que nous avions ciblées. Et je remercie le ministre de sa collaboration quant au fait qu'il ait accepté d'allonger la liste, qui était plutôt courte au début. Le problème, c'est que, vu le temps très court qu'ils disposaient, certaines de ces personnes ne pourront nous donner l'éclairage requis pour prendre une décision pour... Et d'ailleurs plusieurs de ces personnes, dont je ne connais même pas l'opinion, s'ils sont favorables ou non, auraient pu soit donner leur avis à l'effet qu'ils ne pensent pas que c'est juste ou plutôt de proposer des amendements, des améliorations au projet de loi actuel. Dans les deux cas, la commission s'en serait trouvée, je pense, mieux éclairée, mieux servie par leur témoignage. Je souhaite que ceux et celles qui n'ont pas été entendus puissent être entendus à un autre moment.
Et je ne pense pas qu'il y ait urgence, péril en la demeure pour l'adoption rapide et empressée d'un tel projet de loi, et je pense que le ministre est d'accord avec moi. Je le souhaite. Je pense que c'est exactement le type de projet de loi qui demande une réflexion, une sérénité, une prudence, et la prudence vient du temps souvent, et c'est pour ça que notre processus législatif peut paraître, pour certains, un peu long. Il évite bien des erreurs. Il faut être efficace, mais en même temps il faut s'assurer d'un meilleur processus, d'une plus grande réflexion pour que le produit fini, soit la législation, soit, lui, à la hauteur de la qualité que les gens attendent de nous.
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(12 heures)
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Donc, je ne crois pas que la population réclame à grands cris l'adoption d'un tel projet de loi. Je ne crois pas non plus que le monde juridique souffrirait de quelques mois d'attente, puisque nous vivons dans le système actuel, du moins au Québec, depuis la Confédération, et c'est un système éprouvé, qui a ses défauts et ses qualités. Donc, je souhaite que le ministre prenne en compte ma demande et reporte l'adoption lors de la prochaine session, conformément d'ailleurs, M. le Président, aux modifications qu'on souhaite apporter au processus parlementaire. Et je pense que nous sommes exactement dans le type de projet de loi, de dossier qui réclame un tel report.
Mais, d'ici là, nous porterons une oreille attentive aux mémoires et aux personnes qui viendront nous éclairer, parce que cette recherche d'une plus grande indépendance, de plus de transparence, de plus d'imputabilité ? du moins le maintien de l'imputabilité ? d'une plus grande confiance de la population, avec toute l'ouverture d'esprit que je peux avoir actuellement, les éléments que j'ai devant moi, je constate plusieurs reculs, entre autres au niveau de l'imputabilité. On peut dire qu'il reste de l'imputabilité, qu'elle n'a pas été totalement abrogée, cette imputabilité, mais en grande partie effectivement ce projet de loi amène un déficit d'imputabilité quand même très important.
En termes de confiance, j'ai aussi des craintes, sans avoir... être rébarbatif entièrement, mais j'ai des craintes. Parce que je crois au contraire que le système de justice actuel reçoit l'assentiment et la confiance du public en général, et en général, je vous dirais, dans son immense majorité. Malgré le fait que parfois les politiciens peuvent faire l'objet de certains commentaires ou d'une certaine perception faussée ? parfois vraie, vous me direz, ou d'autres diront vraie, mais, en ce qui nous concerne, on a tendance à penser qu'elle est souvent faussée ? il reste que le poste qu'occupait le Procureur général, lui, n'a pas fait l'objet, dans les 40 dernières années, d'aucune contestation. Au contraire, il a servi la confiance que la population a envers le système de justice.
Et il est arrivé, je vous dirais, exceptionnellement des événements malheureux, il faut le dire, encore récents, mais, mis à part ces événements... Je regardais la liste des ministres de la Justice... la liste des gens qui ont occupé le poste de Procureur général, M. le Président. Vous constaterez... J'aurai l'occasion d'en faire la lecture mais rapidement. On voit que ce poste était et a toujours été considéré à la valeur qu'il avait, soit un rôle particulier où on demandait des compétences particulières aux gens et des qualités de jugement, de réflexion, de prudence. Et que je regarde: M. Jean-Jacques Bertrand, qui a été, vous le savez, par la suite premier ministre, en passant par Gérard D. Levesque, qui a occupé ce poste, Marc-André Bédard, qui a occupé le poste pendant la plus longue période, Pierre Marc Johnson, qui fut par la suite premier ministre du Québec, Raynald Fréchette, Herbert Marx, puis on sait quel juriste cet homme était...
Une voix: ...mon collègue...
M. Bédard: ... ? oui ? et qui a un apport extraordinaire, Gil Rémillard aussi, grand constitutionnaliste, homme respecté...
Une voix: Jérôme Choquette.
M. Bédard: ...Jérôme Choquette aussi, Roger Lefebvre, Paul Bégin... Et là j'ai la liste jusqu'à tout récemment: Normand Jutras, le ministre.
Donc, ce poste a toujours été considéré de façon très particulière par le premier ministre, qui fait cette nomination. À partir de là, la confiance du public est souvent liée justement à la compétence qui est exprimée par la personne qui occupe ce poste, et, dans ce cas-ci, sauf exceptionnellement et très exceptionnellement, cette compétence et cette confiance n'a pas été remise en doute, malgré les événements des fois très, très particuliers. À aucun moment la confiance du public n'a été remise en cause. Donc...
Mais je pense que tout système mérite d'être amélioré, toute procédure, toute institution mérite... doit être améliorée. Et nous ne sommes pas fermés à l'idée, par exemple, d'assurer une plus grande indépendance au Procureur général. J'ai proposé d'ailleurs au ministre: Peut-être, que, pour un plus grand souci d'indépendance... Bien que cette indépendance, M. le Président, n'est pas l'indépendance telle qu'on la connaît au sens de ceux et celles qui sont appelés à juger les causes. C'est une indépendance qui est différente. Mais, avec un certain... un recul vis-à-vis le gouvernement actuel, le gouvernement qui exécute son mandat, peut-être faut-il souhaiter que dorénavant le Procureur général ne participe pas, par exemple, au Conseil des ministres, qui serait une des façons d'éviter des événements malheureux, d'assurer vraiment une étanchéité qu'on a toujours maintenue dû au jugement qu'avaient les personnes qui exerçaient ces fonctions et qui savaient pertinemment qu'ils ne pouvaient, dû au rôle qu'ils avaient, qu'ils ne pouvaient entretenir les membres du conseil ou le premier ministre des mandats qu'ils avaient. Et cette étanchéité a toujours été maintenue et conservée par les ministres de la Justice qui ont passé. D'ailleurs, souvent, c'est des hommes très secrets ? ou des femmes ? secrets en termes de renseignements, là, qui ont occupé ces postes.
Une voix: ...des agents secrets.
M. Bédard: Non, évidemment. Et, pour assurer encore une plus grande indépendance, après extinction de leur mandat par défaite électorale, ou par démission, ou autre, ces personnes pourraient être nommées, par exemple, comme juges dans les tribunaux dont nous avons la responsabilité. Il y aurait nomination automatique, comme il y avait, on me dit, la tradition auparavant du président de l'Assemblée, à qui on offrait finalement un siège de juge, d'occuper une fonction de juge et qui confortait les gens dans son indépendance. Donc, peut-être que cette amélioration avait passé par des modifications beaucoup moins importantes, mais en même temps qui auraient rencontré l'objectif d'assurer une meilleure indépendance, bien qu'on ne parle pas de la plus grande indépendance, tel que je vous l'ai dit, soit celle des juges, mais une meilleure indépendance, et nous n'aurions pas eu à souffrir, M. le Président, d'une perte importante d'imputabilité en Chambre, où le Procureur général n'a pas à répondre strictement à des politiques, a à répondre des décisions qui sont prises par les procureurs de la couronne partout sur le territoire du Québec.
Et, pour en avoir parlé à plusieurs ministres, il s'agit là, là, d'un geste hautement démocratique, qui rehausse d'ailleurs la fonction de Procureur général. Ce n'est pas simplement quelqu'un qui donne des directives, c'est quelqu'un qui, dans notre société, prend des décisions et, je pense même, a un rôle de stabilité, pas simplement au niveau de l'appareil judiciaire, mais sur l'ensemble de la société, au niveau social. Des décisions fort épineuses sont à prendre. Et je prenais comme exemple, par exemple, sur l'avortement, où parfois des ministres de la Justice ont pris une décision que, moi, je crois, un directeur public n'aurait pas pu prendre, dû à ce défaut d'imputabilité. Et le ministre a fait en sorte que des débats ont été évités, et des débats dans le fond inutiles, et des procédures inutiles ont été évitées, et que le Procureur général a pu prendre ces décisions justement parce qu'il avait cette imputabilité.
Donc, sans être fermé aux modifications ? et j'ai lu avec attention les deux mémoires que nous avons, malheureusement, actuellement, vu le court délai ? je reste ouvert tout de même aux commentaires et aux améliorations. J'étais plutôt favorable, je vous dirais, dans une première étape. Maintenant, j'ai beaucoup plus de réticences et j'y vois beaucoup plus de désavantages, d'inconvénients pour la justice, pour nos institutions, pour aussi le rôle d'élu. Je crois aussi qu'il y a quelque chose d'important à affirmer que ceux qui aspirent au rôle, en cette Assemblée... être député... Je suis convaincu que nous serons toujours capables d'y trouver quelqu'un qui a les qualités que je vous ai parlé tout à l'heure, M. le Président: le jugement, la prudence, en même temps la clairvoyance qui nous permettra d'avoir un Procureur général qui va effectuer son mandat avec la plus grande compétence et qui va conserver cette confiance dans nos institutions.
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(12 h 10)
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Alors, je ne serai pas plus long, M. le Président. Je vous remercie d'avoir pris attention à mes commentaires. Et, encore une fois, le ministre l'a dit tantôt, mais je peux assurer le ministre et les membres de cette commission de notre ouverture totale quant aux commentaires et quant au processus que nous suivrons, tout en souhaitant encore une fois que nous puissions étendre les consultations jusque, bon, à la fin de l'été et que le processus législatif se termine lors de la prochaine session, ce qui, je pense, servirait l'intérêt du projet de loi mais aussi la prudence que requiert ce type de législation. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Merci, M. le député de Chicoutimi. Vous vous en êtes tous rendu compte, nos travaux, pour des raisons exceptionnelles et qui tiennent évidemment au bouleversement subi par l'Assemblée par le départ du député de Verchères, chef de l'opposition officielle, M. Landry, ont débuté plus tard, et je voudrais avoir le consentement des deux côtés de la chambre à ce moment-ci pour que nous dépassions l'heure limite, qui avait été fixée à 12 h 30, puisqu'il est maintenant 12 h 10, et que nous puissions entendre le groupe qui est devant nous, le Barreau, jusqu'à 12 h 45, 12 h 50. Est-ce que vous êtes, des deux côtés, d'accord pour cette prolongation?
Des voix: Ça va.
Le Président (M. Simard): Très bien. Je voudrais aussi, en débutant... S'il y a eu une démission importante en fin de semaine, il y a eu aussi une élection importante, puisque la nouvelle bâtonnière, Me Madeleine Lemieux, est avec nous ce matin. C'est à Gatineau ? le député de Hull appréciera ? que cette nomination s'est faite en fin de semaine. Madame, le Barreau est une institution fondamentale de la société québécoise, et, dans cette commission, nous vous recevons souvent parce que les projets de loi qui y sont étudiés ont souvent besoin de votre éclairage. Alors, nous aurons l'occasion de nous revoir certainement à plusieurs reprises. Nous nous sommes déjà vus dans le passé, mais, dans cette fonction essentielle de bâtonnière, permettez-moi de vous souhaiter, au nom de la commission, le plus grand succès au cours de la prochaine année.
Auditions
Alors, je vous invite, sans plus tarder, à me présenter, à nous présenter l'essentiel de vos commentaires.
Barreau du Québec
Mme Lemieux (Madeleine): Je vous remercie, M. le Président. Je pense que Me Dufour avait quelques remarques préliminaires à faire.
Mme Dufour (Nicole): Quelques petits mots d'introduction tout courts. Alors, les gens sont déjà présentés. Comme vous l'avez dit, évidemment le Barreau du Québec est l'ordre professionnel des avocats. Nous comptons plus de 20 000 membres.
Je voulais simplement vous dire que les commentaires suscités par l'étude du projet de loi vous seront présentés par la bâtonnière, Mme Madeleine Lemieux, et qu'au niveau des questions Me Asselin et Me Battista sont disposés à y répondre.
Le Président (M. Simard): Très bien. Alors, nous vous écoutons, Me Lemieux.
Mme Lemieux (Madeleine): Je vous remercie, M. le Président. M. le ministre. Le Barreau, par le biais de son Comité sur le droit criminel, a fait des remarques préliminaires, l'hiver dernier, concernant l'institution d'un poste de Directeur des poursuites publiques, et nous accueillons favorablement cette mesure proposée par le ministre de la Justice. Nous avons constaté aussi, à la lecture du projet de loi tel que déposé, que les préoccupations exprimées par le Barreau avaient été examinées attentivement et avaient permis certaines modifications au projet tel que déposé.
J'aborderai brièvement quatre sujets. D'abord, le processus de nomination du Directeur des poursuites publiques. Les objectifs énoncés par le ministre quant à cette loi, évidemment l'imputabilité, la transparence et l'indépendance, on sait tous que l'indépendance est directement reliée au processus de nomination. Le processus de nomination tel quel, tel que décrit dans la loi, à partir de l'article 2, est un processus susceptible de favoriser l'indépendance institutionnelle. Toutefois, nous avons suggéré dans notre mémoire que le poste soit doté par appel de candidatures plutôt que par le biais de candidatures soumises par le ministre au comité, dont la composition permet justement, là, cette indépendance. Alors, c'était notre première remarque, qui portait précisément sur les nominations.
Deuxième sujet que nous voulions aborder, c'est la question de la destitution. Il n'y a pas de procédure comme telle de destitution au projet de loi. Tout ce que le projet de loi énonce, c'est que le DPP ne peut être destitué que pour cause, ce qui veut dire que le débat se transportera devant les tribunaux, advenant le cas d'une destitution. Nous nous sommes interrogés sur cette procédure et s'il n'y aurait pas lieu que la loi prévoie d'ores et déjà des procédures de destitution et nous soulevons cette interrogation.
Troisième sujet que nous abordons dans notre mémoire, c'est la question des fonctions et pouvoirs du Directeur des poursuites publiques en ce qui a trait à toute affaire où le Code de procédure pénale trouve application. Le Barreau du Québec, ou une section, peut être appelé à agir comme poursuivant au nom de l'ordre professionnel, tel que c'est indiqué à l'article 140 de la Loi sur le Barreau. Les poursuites pénales en question sont des poursuites qui concernent les cas d'exercice illégal. Ce procédé de poursuite pour des cas d'exercice illégal, à notre avis... Nous soumettons que la désignation de ce poursuivant ne pourrait être modifiée que par voie législative et non par l'adoption d'un décret. À notre avis, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 11 du projet de loi s'adressent aux poursuivants désignés, qui agissent par pouvoir délégué.
Nous traitons également dans notre mémoire de la question des directives relatives à l'exercice des poursuites en matière criminelle ou pénale. Ces directives s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, après consultation des poursuivants désignés, à tout procureur qui agit en poursuite en matière criminelle et pénale. Alors, les poursuivants qui agiraient à titre de poursuivant désigné pour le Barreau seraient soumis à ces directives. Alors, la consultation préalable devient, à ce moment-là, très importante pour s'assurer des adaptations nécessaires répondant aux exigences des poursuites en matière d'exercice illégal de la profession.
Je mets de côté les propos que nous avions écrits en matière de droit disciplinaire, parce que nos discussions avec les gens du ministère nous ont permis de comprendre que les poursuites disciplinaires n'étaient pas du tout visées par le projet de loi.
La quatrième remarque traite cette fois-ci de l'ajout proposé à l'article 95 du Code de procédure civile. On sait qu'il existe déjà au Code de procédure civile l'obligation de transmettre un avis de 30 jours au Procureur général pour toute demande relative à l'annulation d'une loi ou d'un règlement de l'État. Cette fois-ci, on ajoute l'obligation de donner un tel avis à chaque fois qu'il y a demande d'une réparation fondée sur la violation ou la négation des droits et libertés fondamentaux prévus par la Charte des droits et libertés. Nous sommes d'avis qu'un tel avis, une telle exigence est susceptible de retarder les débats judiciaires, et nous sommes toujours très réticents, à moins de raisons impératives majeures, à introduire dans notre système des procédures qui ont pour effet d'allonger les débats. Il risque d'y avoir un nombre très important de situations qui sont visées par cette proposition de modification, et nous craignons qu'une telle exigence entrave le déroulement normal des instances judiciaires.
Enfin, dernier commentaire, qui porte cette fois-ci sur le pouvoir d'intervention du Procureur général, cette obligation, le processus par lequel on demande de publiciser les interventions, de les publier dans la Gazette officielle, est à notre avis une garantie suffisante pour nous assurer que cette intervention ne se ferait que de manière exceptionnelle et après consultation du DPP. La transparence risque de compenser pour le défaut d'indépendance que nous avions noté par cette possible intervention du Procureur général.
C'est là l'essentiel des commentaires que nous voulons faire à ce stade-ci, et nous sommes évidemment disposés à répondre à vos questions. Et c'est la raison pour laquelle Me Battista et Me Asselin m'accompagnent, parce qu'ils ont travaillé au Comité consultatif du Barreau, ce que j'appelle mes 20 000 experts, là. Alors, ils en sont deux.
Le Président (M. Simard): Très bien. Alors, j'invite d'abord le ministre à vous poser la première question.
M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, Mme la bâtonnière, de votre présentation et également de votre mémoire. Et je suis heureux de voir également que vous êtes accompagnée évidemment par Mme Dufour mais aussi par deux avocats d'expérience dans le domaine du droit criminel. Donc, je pense que ça nous apporte à la fois une précieuse expertise et puis également des commentaires basés sur la pratique.
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(12 h 20)
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Ce que je constate d'abord, d'entrée de jeu, c'est que... Et d'ailleurs vous avez souligné qu'il y avait eu préalablement, dans le cours du processus d'évaluation au ministère, des consultations qui avaient été faites avec le Comité de droit criminel du Barreau, et je pense que c'était tout à fait approprié. C'est Me Lapointe qui a travaillé beaucoup ? Me Pierre Lapointe ? sur ce dossier-là au ministère, qui est ici d'ailleurs, et donc il avait fait des consultations.
Ce que je comprends, c'est que, sur le principe de l'établissement, de la création d'une nouvelle institution qui s'appelle le Directeur des poursuites publiques, vous accueillez favorablement cette nouvelle orientation, ce que j'ai compris, donc où on va distinguer davantage des fonctions de ministre de la Justice et de Procureur général et où l'objectif est d'accorder une plus grande indépendance. Donc ça, vous-même, comme bâtonnière... Et, si je comprends, vos deux collègues, qui pratiquent en droit criminel, sont d'accord avec cette nouvelle orientation. Peut-être que j'aimerais tout simplement vous entendre, là, quelques mots, à cet égard-là, puis après ça on pourra reprendre les principaux éléments que vous avez mentionnés au cours de votre présentation.
Mme Lemieux (Madeleine): Me Battista, je pense...
(Consultation)
Mme Lemieux (Madeleine): Mes experts me disent qu'habituellement le Barreau ne commente pas sur les choix législatifs mais plutôt sur le comment, mais je vais me permettre quand même de réitérer, là, qu'à notre avis le projet de loi tel qu'il est présenté, sous réserve de nos quelques commentaires, est susceptible d'atteindre les objectifs énoncés par le ministre, des objectifs d'indépendance, d'imputabilité et de transparence. Ce qui nous a frappés, je pense, c'est la volonté d'assurer la confiance du public dans les institutions. Chaque mesure qui est susceptible d'ajouter à cette confiance, surtout dans les temps actuels, est souhaitable, si c'est le chemin choisi, là, pour y arriver.
M. Marcoux: Merci. Alors, je vais passer au premier point que vous avez souligné et qui est important. Je ne vous cacherai pas qu'il y a eu beaucoup de réflexion, d'ailleurs, de faite à cet égard-là parce qu'il y a différentes approches qui peuvent être aménagées. Certains ont évoqué ou évoquent, par exemple, la nomination par l'Assemblée nationale aux deux tiers; d'autres, y aller par voie de concours, un peu comme la nomination des juges, et c'est ce dont vous faites part; ou une formule un peu, je dirais, mitoyenne, là, qui est celle que nous avons proposée dans le projet de loi; et, moi, je ne suis pas fermé, là, du tout à pouvoir apporter des modifications si c'est de nature à renforcer ce que j'appellerais le caractère d'indépendance.
D'abord, c'est une institution où le directeur est quelqu'un qui aura évidemment à avoir beaucoup d'interrelations aussi à la fois avec le Procureur général, tout en étant indépendant, puis je pense que les mesures, là, dans le projet de loi, l'indiquent, et aussi sur le plan de l'administration. Est-ce que le fait de publier un concours, comme on le fait pour les juges ? et ça, je comprends ça, notre système fonctionne bien ? doit être celui qu'on applique ici? Est-ce que c'est le meilleur objectif qu'on peut atteindre? Est-ce que c'est de la même nature que des personnes qui aspirent à être juges? Parce que, oui, ça prend une expérience à mon avis en droit criminel, je pense que c'est important, là. Est-ce qu'on doit le dire dans la loi? Je ne le sais pas. Mais en tout cas au moins 10 ans de pratique, une expérience, c'est bien sûr, en droit criminel. C'est un dirigeant d'organisme avec des responsabilités importantes en matière administrative également.
Ailleurs, partout, ce que nous avons examiné ? et ça, Me Lapointe pourra en confirmer... Et ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas améliorer. Au contraire, on cherche tous à améliorer, là. Mais, sauf dans trois juridictions où ça existe, à la fois notamment en Australie, dans différentes provinces d'Australie, c'est nommé par le gouvernement. En Nouvelle-Écosse, c'est nommé... je pense qu'il y a un comité de juges de la cour... avec un juge de la Cour d'appel, et ça, je pense que ce n'est pas ce qui serait approprié au Québec et je ne suis pas sûr si la magistrature non plus serait prête à agir, à exercer ce rôle-là, parce que subséquemment ils auront à juger aussi de certains gestes ou d'actions qui sont prises par le Directeur des poursuites publiques.
Parce qu'avec un concours est-ce qu'on est susceptible d'aller chercher les bonnes personnes? Est-ce qu'il y a des personnes qui peuvent hésiter à se présenter? Est-ce qu'éventuellement aussi il doit y avoir un certain confort, du côté gouvernemental, à savoir que la personne est capable d'administrer tout ce système-là, ou est-ce qu'on peut avoir une formule mitoyenne avec un appel public puis aussi d'autres sources de candidatures? J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus. Je comprends que vous suggérez un processus à peu près analogue à celui des juges. Est-ce qu'il n'y a pas quand même une certaine différence dans la fonction à exercer par le Directeur des poursuites publiques?
M. Battista (Giuseppe): Si je peux me permettre, nous en avons débattu longuement au comité, et l'idée de transparence et du choix du meilleur candidat étaient les préoccupations principales. Le projet présentement, de la façon dont nous le comprenons, c'est que le ministre soumet son choix à un comité qui dit: Cette personne-là est apte ou non, et ensuite le gouvernement nomme. Ce que nous proposons, c'est que le comité reçoive des candidatures, propose au ministre des candidats aptes, et le gouvernement choisit. Ça, c'est une option. L'autre option, qui peut-être ne ferait pas appel à des candidatures, serait la nomination par l'Assemblée nationale. Et, je dois vous dire, on en a beaucoup débattu au comité, et le consensus, au comité, s'était fait autour de l'appel à des candidatures.
La réalité est que c'est une fonction évidemment qui va être nouvelle, sauf que ce n'est pas quelque chose qui est complètement étranger à la pratique des poursuites publiques au Québec, hein? Je pense, là ? l'intervention du critique de l'opposition a fait état de ça ? je ne pense pas que ça présente une révolution dans la façon dont les choses vont être faites. Sauf que, si on vise à atteindre ou à sélectionner les meilleurs candidats, et qu'évidemment le gouvernement aura le choix et le dernier mot évidemment par la nomination, le comité de sélection qui est proposé nous semblait un bon outil. Et, si quelqu'un effectivement réussit à atteindre le consensus parmi ce comité-là, eh bien, il y aura un certain gage, je pense, d'indépendance qui sera renforcé par cette procédure-là, et évidemment la transparence aussi, parce que les règles sont connues.
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(12 h 30)
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Ceux qui s'intéressent à cette position-là peuvent se manifester. Et je pense aussi que nous en serons bénéficiaires, c'est-à-dire que dans les faits peut-être... On peut penser que ceux qui gravitent dans la haute fonction publique québécoise seront des choix et des candidats naturels, mais il est possible que quelqu'un qui ne gravite pas dans la haute fonction présente toutes les qualités requises et soit même un candidat prestigieux mais auquel on n'aurait peut-être pas pensé. Et c'est de cette façon-là qu'on a abordé la question sur notre comité... Nous sommes composés probablement, je dirais, 50-50 de procureurs de la couronne, d'avocats de défense et des gens de toutes les régions du Québec, et c'est de cette façon-là qu'on l'a abordée, et de voir que les gens de partout au Québec pourraient se porter candidats. Et, évidemment, il y a un comité, si on veut, de sages qui vont faire des recommandations, non pas seulement une recommandation, peut-être une... Il se peut que, dans un concours, il n'y ait qu'une personne qui soit vraiment recommandable, mais l'idée est que les gens auront passé cette étape-là, et donc le choix du gouvernement... et la proposition du ministre, elle sera appuyée de ce comité-là.
L'autre solution, sans comité, évidemment, lorsque l'Assemblée nationale nomme, c'est plus difficile de concevoir un concours. Sauf que l'échange quand il y a, si on veut, un consensus à l'Assemblée nationale, lorsque les deux tiers votent, eh bien, la personne qui a réussi à atteindre ce consensus-là, on peut le dire aussi, c'est quelqu'un qui a la confiance d'un grand pourcentage.
Mais le consensus du comité allait vraiment sur l'option qui vise la candidature, le processus de sélection et les recommandations au ministre.
M. Marcoux: Mais est-ce que ? présumons que ce processus-là serait mis en place ? il n'y aurait pas lieu... Et, Me Battista, vous avez fait référence... il y aurait peut-être un ou une candidate. Est-ce qu'un ou une candidate, ce n'est pas un choix très limité pour le ministre ou le gouvernement?
M. Battista (Giuseppe): Oui, et je...
M. Marcoux: Et, à cet égard-là, moi, je serais un peu mal à l'aise, il me semble. Je vous dis ça très respectueusement.
M. Battista (Giuseppe): Oui, je vous comprends tout à fait. Je pense que le ministre aura toujours une latitude, et peut-être qu'on peut prévoir d'autres mécanismes pour faire en sorte qu'on n'oblige pas un choix unique. Je peux concevoir ça. Sauf que le comité tel que proposé par la loi est quand même assez largement constitué. Je pense qu'on fait appel aux recteurs d'université, au Barreau, à des gens du public. Donc, c'est quand même un comité de consultation, si on veut, qui est très représentatif du milieu et de la société, et évidemment tout dépend des candidatures. On peut concevoir qu'il y ait seulement une personne qui présente sa candidature, ce qui est difficile à croire, mais on peut concevoir cette situation-là. Mais nous pensons que la démarche, l'exercice... Et je pense que c'est le même cas pour la nomination des juges. J'ai eu ouï-dire qu'il y a peut-être eu des cas où on n'a fait qu'une seule nomination, mais je crois que généralement ce n'est pas le cas, et beaucoup de candidats très compétents se présentent, et donc un choix est possible, et ces gens-là ont passé par un processus qui a permis d'évaluer leur candidature par rapport à d'autres et leurs qualités personnelles par rapport à celles des autres, et donc en théorie les meilleurs candidats ressortent d'un tel processus.
M. Marcoux: Est-ce qu'on pourrait imaginer ? une dernière question là-dessus parce que c'est un enjeu important, et je ne veux surtout pas l'esquiver ? que, par exemple, on demande au comité, le cas échéant, d'avoir au moins trois candidatures qu'il juge valables, de façon à pouvoir donner un certain choix ou à permettre une certaine évaluation de la part du ministre et du gouvernement?
M. Battista (Giuseppe): Si je peux me permettre, oui, et je pense que c'était vraiment ce que les gens du comité croyaient. On ne croit pas qu'à la suite d'un tel processus et d'une mise en candidature... Nous envisageons que, si un tel processus était mis en place, des candidats très valables se présenteraient, et évidemment il y aurait plus qu'une personne de recommandable. Et, si la loi prévoit qu'on doit faire trois propositions, eh bien, soit! Ce n'est pas en soi problématique, je ne crois pas.
M. Marcoux: Merci. Un peu l'envers de la médaille de la nomination...
Une voix: ...
M. Marcoux: Oui, excusez, est-ce que vous aviez un autre commentaire à ajouter? Pardon.
Mme Lemieux (Madeleine): Je confirmais ce que mon confrère dit. C'est que la liste en fait des candidatures peut être alimentée de deux manières ? et nous avons ces discussions-là au niveau des nominations de juges au niveau fédéral ? c'est que le ministre peut soumettre des candidatures, et l'appel de candidatures peut permettre d'alimenter la liste, de sorte qu'on augmente nos chances d'avoir plusieurs candidatures valables.
M. Marcoux: Merci. Donc, l'envers de la médaille, c'est la destitution, vous l'abordez. Quelles seraient vos propositions à cet égard-là? Parce que ce n'est pas évident. Il y a des lois qui ne prévoient pas de procédure de destitution. On dit simplement qu'ils peuvent être destitués uniquement pour cause. Dans le cas de la magistrature, il y a des processus qui sont prévus, avec des enquêtes, etc. Ce n'est pas, par expérience, ce que je comprends, un processus facile non plus puis qui est des plus courts possible. Les gens peuvent faire valoir leurs droits, donc c'est normal. Est-ce qu'on pourrait spécifier dans la loi certains actes qui pourraient amener une destitution automatique? Je ne le sais pas. Parce qu'il faut être prudent aussi à cet égard-là. Il y a des lois, comme le Curateur public, je pense, qui ne prévoient pas de procédure. Donc, est-ce que vous auriez des suggestions à faire à cet égard? Je comprends très, très bien le point que vous soulevez, je comprends très bien, mais comment on pourrait aller un peu plus loin à cet égard-là?
M. Battista (Giuseppe): Si je peux me permettre, pour notre part, ce n'était pas tellement d'identifier les causes. On peut faire cela, mais ce n'est pas... La loi prévoit un critère très large, et ce n'est peut-être pas inapproprié qu'il ne soit pas défini. Ce qui nous préoccupait surtout, c'était que la décision, elle, ne semble pas encadrée, c'est-à-dire la procédure par laquelle nous arrivons à destituer.
Dans le cas d'une destitution évidente, un directeur des poursuites publiques qui aurait agi de manière inappropriée, et qui serait destitué, et qui accepterait la destitution, eh bien, il n'y a aucune difficulté. Mais, dans l'hypothèse où il y a controverse, et débat, et discussion, comment va se résoudre cette discussion ou ce litige? Bien, selon notre compréhension de l'état actuel de la loi, le Directeur des poursuites publiques serait obligé de s'adresser aux tribunaux pour prétendre qu'il ou elle a fait l'objet d'une destitution illégale, inappropriée, contraire, etc.
Si une procédure existe, ce débat-là peut se faire de manière encadrée et de manière transparente aussi, de sorte que... Évidemment, les tribunaux sont toujours là s'il y a un problème, mais on n'a pas recours aux tribunaux pour régler quelque chose qui peut être prévu de manière procédurale. C'est-à-dire, on peut établir soit un comité parlementaire, soit une procédure qui permet qu'on entende les causes qui justifient la destitution et, si nécessaire, qu'on puisse y répondre. Je sais que dans certaines juridictions c'est l'Assemblée législative qui destitue, et évidemment on ne prévoit peut-être pas de procédure. Sauf que, lorsqu'une assemblée législative agit de la sorte, les parlementaires ont toujours le loisir de s'informer et de faire en sorte qu'on puisse discuter des causes qui sous-tendent la décision. Alors, c'était plus à cet égard.
Que la cause ne soit pas définie comme telle ne pose pas tellement de problèmes, parce qu'on peut envisager des cas, et, si on les énumère, eh bien, il y aura toujours des cas qui ne sont pas prévus et qui sont peut-être plus graves que ceux qu'on avait prévus, donc il ne faut pas limiter la portée de cela. Mais c'est plutôt la procédure et la transparence du processus.
Le Président (M. Simard): Je dois vous interrompre à ce moment-ci puisque le temps est terminé pour la partie ministérielle et qu'il est 12 h 40. Alors, j'invite immédiatement le député de Chicoutimi à faire part de ses questions.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Je souhaite aussi... Je parlais de confiance tantôt et je me rappelais qu'on avait demandé, lors de l'étude des crédits, la sondage concernant d'ailleurs la confiance du public envers le système de justice. Le sondage portait justement sur cette question-là. J'espère que nous l'aurons cet après-midi.
M. Marcoux: Écoutez, ce n'est pas rendu. Je vais vérifier.
M. Bédard: Ce n'est pas rendu encore? Alors, on aimerait l'avoir pour cet après-midi. Je pense qu'on est... nous sommes dans le sujet.
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(12 h 40)
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Alors, Mme la bâtonnière, messieurs, mesdames, merci pour votre présentation. Vous m'avez entendu un peu tout à l'heure, donc vous voyez les problématiques que j'ai par rapport au projet de loi. Ce que je vois actuellement du projet de loi, j'ai l'impression qu'on fait comme une machine hybride, qu'on essaie de donner plus d'indépendance, mais en vrai, là, quand vous parlez d'indépendance institutionnelle, ça ne rencontre aucunement les conditions d'indépendance institutionnelle, que ce soit au niveau du contrôle du budget, que ce soit au niveau de la destitution évidemment, que ce soit même au niveau du processus de nomination. Alors, en vrai, si on était devant un tribunal, tout le monde dirait: Cela ne rencontre, mais d'aucune façon, l'indépendance institutionnelle. Ça renforce un petit peu, mais en vrai jusqu'à quel point? Mais je suis ouvert.
Donc, je me posais une question par rapport, par exemple, au directeur adjoint, et là ça m'inquiétait. Disons que je suis totalement en faveur du projet de loi. Je vois que le directeur adjoint, qui a un rôle important, entre autres celui de remplacer le directeur lui-même, et ce directeur-là, lui, tout ce qu'il a comme processus, c'est qu'il est nommé par le gouvernement après un avis favorable du directeur lui-même. Or, ce directeur va remplacer le directeur lorsqu'il n'occupe pas ses fonctions. Est-ce que vous y voyez, là encore, un problème d'indépendance, de transparence?
Une voix: ...
M. Bédard: À l'article 4.
M. Battista (Giuseppe): Oui. Nous en avons discuté. L'idée que... Évidemment, tout s'imbrique. Si la sélection du Directeur des poursuites publiques est faite selon l'un des deux modèles que nous proposons, soit par l'Assemblée nationale à un vote des deux tiers, soit par un comité de sélection qui propose les candidats aptes et compétents, ou recommandés, ou autrement recommandés, ou en quelque autre terme qu'on peut choisir, eh bien, le fait que le ministre doive nommer quelqu'un qui est acceptable aux yeux du Directeur des poursuites pénales nous semble acceptable, dans la mesure où cette personne-là a été nommée par un processus qui, lui, est transparent et qui assure une indépendance, parce que le directeur adjoint sera approuvé par le Directeur des poursuites pénales. C'est comme ça que nous le comprenions, et donc ça lui donne une certaine... ça donne une certaine garantie.
Le problème est que...
M. Bédard: Mais je ne suis pas beaucoup votre raisonnement, je vais vous dire, là. Le fait qu'on nomme, par exemple, un directeur, le fait de conclure que lui va nommer seulement des gens indépendants, j'ai beaucoup de misère à faire le lien entre les deux, d'autant plus qu'il aura un rôle important. Il va le remplacer en cas de maladie, par exemple. Ce n'est pas léger, là. Puis il peut même occuper, lui, pendant deux mandats plutôt qu'un. Ça peut être important. Donc, lui peut même incarner le directeur adjoint et la continuité de l'organisation, là. Ce n'est pas... Est-ce qu'on ne devrait pas être plus prudent et que lui aussi fasse l'objet d'un... Et ça, sur l'avis de candidature, moi, je pense que ça ne peut pas se faire autrement que par avis de candidature. Mais est-ce que vous ne pensez pas que l'indépendance dont vous me parlez serait mieux desservie, dans les deux cas, qu'on nomme le directeur et le directeur adjoint?
M. Battista (Giuseppe): C'est-à-dire que je ne pense pas qu'au comité il y aurait des objections à cette façon de faire. Sauf que ce que nous disons, c'est que... Acceptons le principe que la personne qui a été nommée comme Directeur de poursuites pénales, qui a passé l'épreuve d'un comité de sélection, qui a fait l'objet d'une recommandation... Donc, cette personne-là, elle a les qualités d'un directeur de poursuites pénales et qui est une personne qui incarne l'indépendance. C'est cette personne qui incarne l'indépendance qui ensuite serait requise d'acquiescer à la nomination du ministre, et c'est ça qui, pour nous, le rendait... C'est-à-dire, on peut... On ne va pas s'opposer à mieux. Ce qu'on dit, c'est que cette façon-là semble acceptable, compte tenu de ce que nous proposons en premier lieu, évidemment.
M. Bédard: D'accord, mais, moi, j'y vois un problème, même dans la logique, parce que l'indépendance, évidemment ce n'est pas quelque chose qui s'attrape, et le caractère de l'indépendance ? et là je fais ça un peu pour paraphraser ? mais le critère d'indépendance, il vient, bon, soit d'une nomination aux deux tiers ou il y a un comité de gens qui recommandent, donc qui fait vraiment un triage important. Mais ce n'est pas le cas de l'autre. Au lieu de se fier au ministre, on se fie au directeur et au ministre. Entre vous puis moi, on est... En tout cas, j'ai des doutes importants.
Et la troisième chose... je regarde l'article 7, vous avez dû le regarder aussi: «Lorsque l'adjoint est lui-même absent ou empêché d'agir, le gouvernement nomme une personne pour le remplacer pendant que dure son absence ou [...] et fixe sa rémunération.» Donc... Tu sais, l'indépendance, c'est... Ou bien on embarque dans l'indépendance telle qu'on la connaît ou bien on garde une imputabilité totale, qui est importante. Et, quand je vous disais qu'on a quelque chose d'hybride, c'est comme si je disais en cours de procès: Le gouvernement nomme l'intérim d'un juge, ou le gouvernement nomme le Directeur des élections lui-même si l'autre, si le directeur est... Donc, il n'y a pas de procédure qui assure l'indépendance. Et là je comprends qu'on est dans le domaine théorique, mais la théorie est importante, parce que, bon, il y a plein de choses qui peuvent se produire, puis surtout si on a un souci d'acquérir cette indépendance-là... Donc, est-ce que ? et là vous avez eu mon avis ? est-ce que vous pensez, vous aussi, qu'il y a un problème par rapport à cette double impossibilité d'agir du directeur et du directeur-adjoint?
M. Battista (Giuseppe): Si vous parlez spécifiquement, là, du deuxième alinéa ou du deuxième paragraphe de l'article 7, ce que je comprends, c'est que nous sommes dans la situation où le directeur est incapable de fonctionner, pour une raison sérieuse. L'adjoint devient incapable de fonctionner, et là on doit quand même faire quelque chose, hein, c'est la réalité. Je dois dire que nous ne nous y sommes pas attardés comme tel. Effectivement, il y aurait peut-être lieu de penser à une procédure dans ce cas-là. Concédons que ce sera exceptionnel. Probablement, ça ne surviendra jamais. Mais effectivement peut-être devrait-il... On pourrait penser à quelque chose qui prévoie une durée de temps, et on pourrait prévoir aussi un mécanisme de consultation pour la nomination de telle personne, parce qu'effectivement si, pendant six mois ou un an, quelqu'un qui n'a fait l'objet ni d'un comité de consultation ni d'un vaste consensus... eh bien, évidemment ça peut porter à problème. Mais je pense que la façon dont nous l'avions compris, c'est... Évidemment, c'est une situation exceptionnelle, d'urgence, mais quand même les principes doivent être présents.
M. Bédard: L'autre question que ça m'amène, c'était... ah oui! Le directeur est nommé pendant sept ans. Certains faisaient le commentaire: Qu'est-ce qu'on fait après ça avec lui? Parce que l'indépendance, elle vient du fait aussi que, vous le savez aussi bien que moi, la sécurité financière des individus... Je veux bien dire à quelqu'un: Tu es indépendant, mais, l'année d'après, je vais te nommer selon bon vouloir et... Donc, en vrai, c'est que tu as les apparences de l'indépendance, que tu n'as pas du tout, et ça, c'est inquiétant pour un système. C'est pour ça que je vous dis: Quand on joue dans l'indépendance, là, ça veut dire qu'il faut aller plus loin. Moi, si on me dit que le Directeur des poursuites publiques est quelqu'un qu'on souhaite tout le temps en indépendance, on va lui donner les attributs puis on ne jouera pas entre les deux, à la marge.
Alors, qu'est-ce qu'on fait avec cet individu-là? Est-ce qu'on le nomme comme juge? Est-ce que... Sinon, on ne peut pas parler d'indépendance. Il faut parler d'autre chose. On veut simplement nommer quelqu'un parce qu'on pense qu'un élu ne peut pas faire la job. Si on parle de plus d'indépendance, on lui dit: Maintenant, qu'est-ce qu'on fait avec le directeur? Où on l'envoie après? Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Lemieux (Madeleine): Je pense que la période de temps limitée et que, pendant cette durée de sept ans, il n'y a pas de possibilité de mettre fin au mandat, ça rencontre les exigences, les grandes exigences jurisprudentielles de l'inamovibilité. Ce n'est pas nécessairement les nominations durant bonne conduite qui font que les critères de l'arrêt Valente sont respectés.
Il existe beaucoup d'autres postes au gouvernement du Québec, dans les autres institutions, où il y a des durées limitées à un terme. Ce que le gouvernement doit faire, je pense, pour pouvoir recruter des candidatures valables: prévoir des mesures administratives de séparation. Et je ne pense pas qu'on puisse court-circuiter un autre processus de nomination qui est très rigoureux dans le cas... se faire glisser un mode de nomination pour un poste à un autre type de mode de nomination pour un autre poste, comme par exemple la nomination d'un juge. Alors, je pense que c'est des mesures administratives qui doivent être prévues pour assurer la sortie, si je peux dire, du directeur, là.
M. Bédard: Oui, mais est-ce que vous le laissez au bon plaisir du ministre par la suite, le directeur?
Mme Lemieux (Madeleine): Le décret de nomination devrait pouvoir prévoir ses conditions de départ.
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(12 h 50)
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M. Bédard: Oui, mais, vous savez, si je nomme quelqu'un de 40 ans, bon, il sort à 47 ans. Lui peut se retrouver... si je lui dis «selon bon plaisir», c'est que le ministre peut décider: Bon, bien, moi, je vais le nommer sur une tablette, puis il va attendre que sa retraite vienne, dans les 15 prochaines années. Donc, ce n'est pas vrai que ça rencontre les conditions, en tout cas selon ma lecture et en tout respect, là, de l'indépendance. D'ailleurs, on a eu bien des problèmes avec les tribunaux administratifs par rapport à ça. Mais, au-delà de... parce qu'on joue dans l'indépendance, vous ne pensez pas que, si on veut vraiment que la personne se sente libre et qu'elle ne fasse pas l'objet de pressions quelconques, bien qu'on lui dise après ça qu'est-ce qu'il va lui arriver, lui assurer cette sécurité financière ou cette nomination?
Mme Lemieux (Madeleine): À l'arrivée du terme du mandat qui est donné, on dit: «Le directeur demeure en fonction jusqu'à ce qu'il soit remplacé.» Cette période où le terme est terminé et une personne reste en fonction, il y a un grave problème, je suis bien d'accord avec vous, surtout si cette période se prolonge, et on a vu ça se faire régulièrement. Mais, pendant la période de sept ans, surtout qu'on prévoit que le mandat ne peut être renouvelé, nous ne croyons pas qu'il y a atteinte à l'indépendance. Qu'on prévoie d'ores et déjà la mesure de sortie, soit par une prime de séparation ou par des mesures financières, je pense que ce sont des questions administratives qui n'atteignent pas son indépendance. Mais ça, c'est mon avis, là.
M. Bédard: O.K. Où j'ai un problème aussi ? et là vous l'avez abordé, le ministre l'a abordé ? au niveau de la destitution. Parce que, «pour cause», selon moi... Et, vous avez vu, je ne suis pas très sympathique à... Je suis sympathique, mais je ne pense pas que la voie choisie soit la meilleure, mais, bon, si on me congédie pour cause... Et là je regardais, entre autres, les causes. Ce peut être ? et, moi, c'est un domaine que je connais bien, les relations de travail ? ce peut être, par exemple, ne pas obéir aux directives, ce peut être... Bon, des congédiements pour cause, nos tribunaux en sont pleins, là. Donc, ce que vous souhaitez, c'est carrément que le processus en tant que tel de destitution, lui, il soit formalisé de façon très précise, et pour empêcher justement cette pression... Parce que tu as beau ne pas congédier, une menace de congédiement, c'est une pression, et elle ne se fait pas dans... Le DPP n'aura pas un dossier avec: Tu es rendu au troisième avis, je te congédie. Donc, c'est des discussions qui vont se tenir. Quand il va sentir la soupe chaude, ça va avoir un impact sur les décisions.
Donc, comment on peut assurer d'abord par le processus... Est-ce qu'on fait une destitution aux deux tiers, par exemple, de l'Assemblée nationale, qui est un moyen, ou on procède par le même comité qui est proposé par le ministre? La destitution ne peut se faire qu'à l'unanimité des membres du comité qui ont procédé à la nomination du DPP. Est-ce que vous pensez que cela serait un processus? Un des deux ou un autre qui vous semble plus respectueux d'une certaine indépendance?
M. Battista (Giuseppe): Pour nous, c'est surtout la transparence. Comme vous dites, «pour cause», ça peut vouloir dire n'importe quoi. Si le processus est transparent, hein, c'est-à-dire qu'il y a eu un débat ou une discussion au sujet de la force probante de la cause, du fondement de la cause, et donc si la cause n'est pas bien fondée, eh bien, le processus, lui, va permettre de le révéler et la loi va prévoir qu'on va révéler la cause par un processus transparent. Donc, la cause elle-même n'est pas importante, parce que le processus va la révéler, et, si la cause n'est pas sérieuse, eh bien, on peut espérer que le processus va faire en sorte qu'il n'y aura pas de destitution. Le choix de parlementaires ou le choix d'un comité, ça, c'est un choix législatif, mais le principe...
M. Bédard: Lequel des deux, là, où vous seriez le plus à l'aise?
M. Battista (Giuseppe): Le comité n'a pas pris de position. Nous, ce que nous souhaitions, c'est simplement une procédure qui prévoit le cas pour éviter qu'un directeur des poursuites pénales soit obligé de s'adresser aux tribunaux pour contester une destitution qui serait non fondée, par exemple, à ses yeux ou aux yeux d'autres personnes. C'est surtout ça.
M. Bédard: Merci. Mon collègue aura d'autres questions, et là le temps file. De façon plus générale...
Le Président (M. Simard): Il ne reste que cinq minutes, je vous préviens.
M. Bédard: Oui. De façon plus générale, on parle d'indépendance, de confiance. Je vous ai nommé tout à l'heure ? vous étiez présents ? tous les ministres qui ont eu l'occasion d'agir à titre de Procureur général. Vous m'entendiez aussi sur la proposition que peut-être qu'on devrait le sortir du Conseil des ministres, lui faire occuper une fonction particulière, Procureur général tout court. Mais, des ministres que j'ai vus et que j'ai listés, j'ai de la misère à me souvenir d'événements qui auraient amené cette perte de confiance de la population.
Parce qu'un système, évidemment, s'évalue ? de justice ? comme un système démocratique. Au-delà de, je vous dirais, de la vue de l'esprit et de l'intellectualisation qu'on peut faire de ce système, il reste que son fondement de base reste encore la confiance. Avez-vous senti, depuis 1965, soit, disons, depuis l'époque de Claude Wagner, qu'à un moment ce système... ou cette confiance envers le Procureur général a pu être mise en doute, ou contestée, ou se trouver affaiblie?
Mme Lemieux (Madeleine): Rapidement, en nous consultant, et c'est peut-être un peu ce qui explique pourquoi de façon générale on ne va pas se prononcer sur les choix législatifs faits par le ministre ni sur la possibilité qu'un tel choix atteigne les objectifs énoncés, ça nous est impossible pour nous de répondre à cette question-là et de mettre le doigt sur un incident.
Je ne ferais qu'une seule remarque générale, qui est une remarque qui est reliée à un petit déficit général de confiance du public dans nos institutions, et pas nécessairement celle-là en particulier, et que les gestes qui peuvent être posés pour combler ce petit déficit là peuvent être souhaitables. Mais je ne suis pas capable d'identifier...
M. Bédard: Merci, Mme la bâtonnière.
Le Président (M. Simard): M. le député de Mercier.
M. Turp: Mme la bâtonnière, chers confrères, je suis là, M. le ministre, moi aussi, pour contribuer à ces travaux, essayer d'améliorer le projet de loi, poser des questions plus fondamentales. Et, sur l'article 95 ? parce que vous évoquez dans votre mémoire un problème relatif à l'article 95, et notamment à l'alinéa un, où on veut ajouter l'obligation de transmettre un avis lorsqu'une demande de réparation fondée sur la violation ou la négation des droits et libertés aux chartes est invoquée ? ce que je voudrais savoir, c'est qu'est-ce que vous proposez précisément. Vous dites que ça pose un problème parce que ça pourrait entraver le déroulement normal des procédures judiciaires. Mais, moi, ce que j'aimerais savoir, c'est: Est-ce que vous voulez qu'on ajoute quelque chose à cette disposition ou vous voulez tout simplement le retrait de ce paragraphe?
Le Président (M. Simard): Vous avez 1 min 30 s pour répondre.
M. Asselin (Jean): Si vous me permettez, M. le député, je pense que l'article 95 du Code de procédure civile, tel que rédigé actuellement, est acceptable selon nous. Et, n'oubliez pas une chose, si on regarde les règles de pratique, soit les règles de pratique de la Cour supérieure, soit le règlement sur la Cour du Québec, dans ces règles de pratique là, on prévoit un mécanisme qui est fort simple, c'est qu'évidemment l'avocat qui est en charge du dossier doit donner un avis d'un jour franc au poursuivant comme tel. Alors, nous, on pense que c'est suffisant. Agir autrement ferait en sorte de retarder indûment des procès.
Pour donner un exemple, en plein mégaprocès ? prenons l'exemple d'un mégaprocès qui dure depuis des mois ? vient un temps où on a des problèmes de divulgation de preuve. On fait une requête en arrêt des procédures, prévue à l'article 24 de la Charte canadienne, et on se devrait de donner un avis de 30 jours au Procureur général, et on enverrait bon nombre de jurés à la maison pendant cette période-là. Même si évidemment le Procureur général peut y renoncer, on trouve ça un petit peu absurde dans ces circonstances.
M. Turp: Je comprends que vous voudriez la suppression de l'article 41 de ce projet de loi, tout simplement.
M. Asselin (Jean): Tout simplement. Le statu quo est acceptable.
Le Président (M. Simard): Je sais que vous auriez encore beaucoup de réponses à donner. En tout cas, je suis certain qu'il y avait encore beaucoup de questions à vous poser. Ce sont nos règles de fonctionnement. Je suspends nos travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 15 h 7)
Le Président (M. Simard): Si vous permettez, nous allons reprendre nos travaux. Nous sommes donc à réaliser un mandat de l'Assemblée pour procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi sur le Directeur des poursuites publiques. Nous sommes donc à auditionner des témoins.
Le prochain est un avocat que nous connaissons bien, enfin qui est bien connu au Québec, Me Michel Proulx. Vous connaissez nos règles, vous êtes déjà venu devant notre commission: vous avez de 15 à 20 minutes pour exprimer votre point de vue, et ensuite, alternativement, la partie ministérielle et l'opposition officielle vous poseront des questions et dialogueront avec vous. Alors, Me Proulx, je vous écoute. J'aurais pu dire «M. le juge», mais...
M. Michel Proulx
M. Proulx (Michel): Non, non, mais, M. le Président, je...
Le Président (M. Simard): ...je vous ai trop connu comme avocat.
M. Proulx (Michel): ...j'apprécie énormément votre invitation. J'ai été très intéressé dans ce projet-là, par le ministre prédécesseur du ministre de la Justice, et j'ai agi comme consultant auprès de Me Pierre Lapointe, qui est ici, qui, lui, avait la responsabilité d'examiner, de réfléchir et d'éventuellement faire rapport auprès du ministre, lequel a donné lieu à ce projet de loi.
Je m'y suis intéressé particulièrement, M. le Président, aussi à cause de mon intérêt particulier pour l'administration de la justice pénale. J'ai pratiqué 26 ans avant d'être nommé à la Cour d'appel, en 1989, et mes 26 ans ont été consacrés à la pratique du droit pénal. Et, évidemment, mes 15 ans à la Cour d'appel m'ont permis une polyvalence, un détachement, si je peux dire, d'avec les intérêts marqués qui avaient précédé mon arrivée à la cour. Et j'ai quitté en septembre dernier pour retourner dans l'action, j'ai quitté le monastère, et j'ai l'impression de me retrouver aujourd'hui dans un monastère!
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(15 h 10)
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Essentiellement, ce n'est pas la première fois dans ma vie professionnelle que le projet de Directeur des poursuites publiques est mis sur la table. Pour nous, dans nos discussions de collègues, d'amis... Et je me souviens très bien que cela avait été évoqué par le ministre de la Justice Rémillard, il y a à peu près une douzaine d'années, je me souviens très bien d'une rencontre à laquelle j'avais participé. Mais, même dans les années antérieures, je me souviens que, dans les années 1970-1980, je me souviens même d'en avoir discuté avec le ministre de la Justice Choquette à l'époque. Bref, très souvent, et je vous le dis en vrac, très souvent, évidemment, on regardait du côté de l'Angleterre et on disait: Il y a bien sûr un DPP en Angleterre. Mais, évidemment, c'est toujours dangereux de comparer les institutions. Et, à un moment donné, je sais que, comme vous le savez, la Nouvelle-Écosse ? la province canadienne ? a adopté ce projet-là mais l'a adopté dans un projet de crise... c'est-à-dire dans un moment de crise. Et elle l'a adopté sans vouloir et sans donner à ce poste toute la force qu'il devait avoir, qu'il aurait dû avoir, ce qui a nécessité par la suite un réexamen en profondeur par des comités qui y ont donné suite et qui ont permis des amendements à la loi.
La problématique qui justifie à mon avis la création d'un poste, c'est bien sûr que, d'une part, le ministre de la Justice, qui est maintenant le Procureur général et membre du cabinet, et le Procureur général, qui a la responsabilité ultime, fondamentale de la poursuite des affaires criminelles, le Procureur général donc, à qui on a confié, dans notre tradition britannique, la responsabilité de gardien de l'État, le gardien de l'ordre public et aussi le protecteur des libertés individuelles, on demande donc au Procureur général, dans l'exercice de son pouvoir, qui essentiellement se définit comme un pouvoir... c'est-à-dire son pouvoir discrétionnaire, car c'est la discrétion qui définit avant tout l'exercice du pouvoir du Procureur général, donc dans l'exercice de cette discrétion, on sait que, et on exige, constitutionnellement et dans le respect des chartes, on exige des qualités particulières, soit l'indépendance, l'objectivité, l'impartialité et bien sûr l'intégrité, mais l'intégrité non pas au sens éthique, mais le respect du processus fondamental et du processus judiciaire. Et c'est dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire que le Procureur général jouit d'une extrême latitude. Et latitude que les tribunaux respectent... D'ailleurs, c'est un grand principe sur lequel la Cour suprême est revenue à plusieurs reprises. La Cour suprême a toujours exigé de dire qu'elle devait montrer une très grande retenue face à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Procureur général.
Si bien que nous sommes donc devant une institution, le Procureur général, qui est très particulière dans notre système démocratique et qui fait face par ailleurs à des réalités, à des réalités qui l'exposent, malgré lui ou malgré elle, à des difficultés dans l'exécution, dans la prise de décision et qui rend difficile ? et c'est là l'exposé de la problématique; qui rend difficile ? l'exécution de sa tâche, c'est-à-dire... et de rencontrer les objectifs que je précisais tantôt, soit de l'indépendance, de l'objectivité et d'intégrité. Bien sûr, l'exercice de ces fonctions exige également une très grande transparence.
Il y a donc un difficile équilibre à maintenir entre l'indépendance et l'imputabilité, d'où l'idée de confier à une personne indépendante, le Directeur des poursuites publiques, la responsabilité, qui permet donc d'assurer deux objectifs fondamentaux, c'est-à-dire d'accroître les garanties d'indépendance et de renforcer la transparence qui doit accompagner cet exercice ou qui doit marquer l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.
D'un point de vue structurel, on ne peut pas faire disparaître l'institution du Procureur général. La Constitution et d'ailleurs le Code criminel confient de façon très claire au Procureur général une responsabilité. Alors, cette loi... ce projet de loi n'a pas pour effet de demander au Procureur général de se faire hara-kiri, et le Procureur général ne vient pas ici céder sa fonction, il délègue sa fonction. Et la nuance est, pour moi, très importante, parce qu'une cession pourrait créer d'énormes obstacles sur le plan constitutionnel. Il s'agit d'une délégation par laquelle le Procureur général au fond, et c'est un choix fondamentalement politique, «politique» au sens pur du mot... où le Procureur général reconnaît la nécessité de s'assurer que toutes les garanties finalement au justiciable sont offertes et dans le but ultime de permettre que cette personne, cet organisme ou cette institution puisse prendre les décisions qui s'imposent.
Par ailleurs, comme il s'agit d'une délégation et comme il s'agit d'une situation où le Procureur général ne peut pas tout simplement s'écarter, puisque la loi exige qu'il y soit, le Procureur général conserve son pouvoir résiduaire, et ce pouvoir résiduaire là est consacré clairement par la loi à plusieurs articles. En somme, le Procureur général, aux articles 1, 12, 13, 16, 22, le Procureur général demeure en somme omniprésent au niveau de la philosophie qui doit inspirer le directeur. Le Procureur général éventuellement... et par le biais bien sûr de la spécificité québécoise, c'est le ministre de la Justice qui va répondre au Parlement. Donc, il y a cette imputabilité qui est maintenue.
Mais, pour revenir au pouvoir résiduaire, le Procureur général, pour faire preuve d'encore davantage de transparence mais par ailleurs pour assurer l'imputabilité, le projet de loi prévoit le mécanisme de la publication obligatoire. Alors, il s'agit donc, et mon examen des autres systèmes de droit où la totale indépendance est assurée en faveur du Directeur des poursuites publiques... il est clair... et notamment en Australie. Nous avons rencontré, l'été dernier, le Directeur des poursuites publiques de l'Australie, c'est-à-dire au niveau fédéral, et non seulement la loi le prévoit, le pouvoir résiduaire, mais également le droit... c'est-à-dire l'obligation... ou enfin la publication obligatoire, qui finalement, d'une part, consacre l'imputabilité, mais, d'autre part, assure cette transparence et une démocratisation finalement du processus, et empêche l'arbitraire, et empêche l'arbitraire finalement des deux côtés. C'est-à-dire que je dirais que, la publication obligatoire, elle est inhérente ou elle accompagne en quelque sorte l'ensemble des dispositions 1, 12, 13, 16, 22, qui reconnaît le pouvoir, la compétence d'intervention du Procureur général au niveau...
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(15 h 20)
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Et à titre d'exemple, les articles 12... 16: «Le directeur établit et publie à l'intention des poursuivants sous son autorité, etc. [...] Ces directives intègrent les orientations et mesures prises par le ministre de la Justice.» Alors, à titre d'exemple, donc, 16 nous dit que le ministre de la Justice demeure présent dans la... finalement pour s'assurer que la philosophie ou les philosophies de base soient respectées, que ce soit sur le «sentencing», que ce soit l'ensemble des critères qui doivent animer ou précéder le dépôt d'une plainte, ça peut être dans le traitement des rapports avec les médias, etc., bref, sur toutes les facettes qui intéressent la... c'est-à-dire l'éthique et l'aspect professionnel des substituts. Vous m'interromprez, M. le Président, lorsque j'excède...
Le Président (M. Descoteaux): Ah, pour l'instant, Me Proulx, vous pouvez continuer.
M. Proulx (Michel): Vous me permettrez de compléter ce bref exposé pour revenir sur la question de l'imputabilité. D'une part, il m'apparaît clair que le projet de loi consacre le principe de l'imputabilité du DPP à l'égard du Procureur général et il m'apparaît évident, sans que cela ait besoin d'être dit, que le Procureur général... Évidemment, on n'a pas besoin de dire dans un projet de loi que le Procureur général, le ministre de la Justice est imputable à l'Assemblée nationale, c'est l'évidence même. Mais, puisque... Ce qui était fondamental dans le projet de loi, c'est de s'assurer de l'imputabilité du DPP envers le Procureur général. Et bien sûr ça se chevauche ici avec mes observations précédentes quant à la question que j'exposais tantôt, sur la décision... c'est-à-dire sur l'approche entre la cession et la délégation.
Il y a un intérêt manifeste... D'abord, dans la réalité des choses, on ne pourrait pas imaginer qu'un Procureur général puisse... Dans une société où il doit rendre compte au Parlement, on ne pourrait pas imaginer que le Procureur général, qui a la responsabilité fondamentale de la poursuite criminelle, ne puisse pas être informé du service des poursuites, des décisions prises par le Directeur des poursuites publiques et n'ait pas un mot à dire sur les orientations fondamentales. Ce serait inconcevable, et c'est pour ça que la loi le consacre.
Maintenant, un mot sur l'indépendance fonctionnelle. Il est d'une part capital que l'on s'assure que le principe de l'indépendance soit consacré dans la création du poste de Directeur des poursuites publiques. Et d'ailleurs, quand on regarde l'historique de ce qui s'est passé en Nouvelle-Écosse, c'est un très bel exemple. Mais, par ailleurs, on s'entend que cette indépendance-là n'est pas absolue, elle ne l'est pas, pour les raisons que j'ai mentionnées tantôt. Et, à mon avis, cette indépendance est assurée ici par le texte même de l'article 1 et par les dispositions qui constituent cet ensemble... enfin ce projet de loi. Et, à mon avis, cette indépendance permet la transparence et bien sûr les abus possibles du Procureur général.
Et en conclusion, si on s'interroge sur un mode de contrôle, si la loi prévoyait un mécanisme de contrôle des décisions du Directeur des poursuites publiques avant la prise de décision, ce serait bien sûr contraire à toute idée ou à tout souhait d'indépendance. Alors, ici, c'est un contrôle fondamentalement ex post facto. C'est-à-dire que le Procureur général peut toujours intervenir, mais avec les conditions que nous avons mentionnées. Et cela consacre à mon sens, autant dans l'esprit que dans le contenu et dans le texte même, le principe de l'imputabilité du DPP à l'égard du Procureur général.
Le Président (M. Descoteaux): Merci, Me Proulx. Vous parliez de pouvoir résiduaire, de compétence; j'ai été sur l'impression que vous étiez pour nous parler de 91 et 92 de la Constitution, mais je crois que c'est un autre débat, ça, n'est-ce pas?
Une voix: ...
Le Président (M. Descoteaux): Je savais que le député de Mercier réagirait. Maintenant, on va passer à la période d'échange et de questions. M. le ministre.
M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, Me Proulx. Et vous aviez été consulté par notamment Me Lapointe dans le cadre de l'évaluation qui a été faite par le ministre de cette question-là. Vous avez pratiqué évidemment pendant plusieurs années en droit criminel, vous avez été juge à la Cour d'appel pendant une quinzaine d'années, et puis également professeur, je pense, pendant un certain nombre d'années, aussi.
M. Proulx (Michel): J'ai enseigné le droit pénal pendant 22 ans à l'Université McGill.
M. Marcoux: Et maintenant vous êtes, si je comprends...
M. Proulx (Michel): Je suis revenu à la pratique du droit, et je pratique dans un cabinet canadien, à Montréal et Toronto. Et ma pratique est plus variée. Je suis chez Davies Ward Phillips & Vineberg.
M. Marcoux: Merci. Chez Davies Ward Phillips & Vineberg? Alors, vous connaissez d'autres avocats également qui sont associés avec ce bureau-là. Alors, merci.
Moi, j'ai quelques questions. D'abord, je pense qu'il y a une préoccupation... et je ne voudrais pas évidemment déformer, là, mais je pense qu'il y a une préoccupation de certains milieux à l'effet suivant. On dit: Bien, écoutez, ça fonctionne bien, au Québec, depuis 50 ans ? et je pense que c'est vrai, je pense que les ministres de la Justice et procureurs généraux ont assumé leurs tâches avec beaucoup de responsabilité et de professionnalisme ? donc pourquoi est-ce nécessaire d'apporter des changements dans le sens proposé par le projet de loi n° 109? En somme, s'il n'y a rien de brisé, pourquoi on tenterait de fixer des choses?
M. Proulx (Michel): En fin de compte... C'est quoi, l'expression?
Une voix: If it's not broken, why fix it?
M. Marcoux: ...why fix it? Bon. Alors, moi, j'aimerais avoir votre point de vue à cet égard-là. Et, selon vous, pourquoi il est important de prendre une orientation comme celle qui est proposée, qui ressemble à d'autres juridictions, qui n'est pas pareille, qui n'est pas identique, mais où il y a des analogies? Alors, est-ce que vous pourriez peut-être exprimer un peu davantage ce que vous pensez à cet égard-là?
M. Proulx (Michel): M. le ministre, j'ai toujours pensé qu'il était toujours dangereux d'adopter une loi dans un moment de crise. Et, sans vouloir identifier ou référer à une loi en particulier, mon expérience de vie m'a démontré que, lorsqu'on adopte une loi pour répondre à un problème crucial ou à un moment de crise dans un domaine, dans un secteur de l'activité humaine, on fait souvent fausse route, et il y a des échecs qui suivent. L'adoption de la loi ne bénéficie pas de toute la sérénité... Je vous vois ici, aujourd'hui, il n'y a pas... on ne sent pas, par exemple, à moins que vous le cachiez très bien, mais on ne sent pas ici une tension, n'est-ce pas, qui entoure cette discussion-là. Et je ne veux pas référer à aucune autre loi, mais je regarde dans l'histoire, et il me semble qu'on ne gagne pas à chercher l'adoption d'un projet de loi, d'une loi en précipitant les choses.
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(15 h 30)
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Deuxièmement, M. le ministre, j'ajouterai, et un peu pour évoquer ce que je disais tantôt: Lorsque, l'automne dernier, on m'a demandé de m'intéresser à ce projet-là, je dois vous dire que ce n'était pas la première fois dans ma vie de juriste que j'entendais parler du projet de DPP au Québec. Ça fait au moins 30 ans. Pour avoir pratiqué en pénal ? ça a été ma vie pendant 26 ans ? et encore une fois j'insiste, je me souviens d'en avoir souvent discuté avec de vos prédécesseurs, avec des collègues, avec des gens de la couronne, avec des juges, bref nous savions que cette institution-là existait, et de temps en temps on se demandait pourquoi elle ne ferait pas partie maintenant de notre culture. Et je me souviens, encore une fois je veux insister, il y a 12 ans, M. Rémillard, M. le ministre Rémillard à l'époque en avait fait, lui, quelque chose d'un petit peu plus officiel. Donc, ce n'est pas une surprise, ce n'était pas une surprise pour moi lorsqu'à l'automne dernier j'ai vu que le ministre de la Justice, lui, avait décidé de mettre ce projet-là de l'avant.
Alors, écoutez, prenons l'exemple suivant. Depuis un an, les citoyens canadiens entendent parler et voient à la télévision les auditions devant la commission Gomery. Et, question que j'entends fréquemment: Mais va-t-il y avoir des accusations contre ces gens-là? C'est la grande question qui se pose. Il y en a eu, des accusations, contre trois ou quatre, mais pour des choses qui n'ont pas fait l'objet de témoignages devant la commission. Alors, dans la réalité, le 31 décembre 2005, le rapport va être déposé, et là ce rapport-là va être soumis aux substituts, ce sont les substituts du Québec, et encore une fois ce sera au Québec que nous aurons cette belle tâche de décider s'il doit y avoir ou non des accusations. Bon.
Alors, est-ce qu'on n'est pas dans un scénario idéal où le ministre de la Justice peut dire: Écoutez, j'ai ici confié... ces dossiers-là sont confiés... dire, expliquer à la population: C'est confié... pardon, le dossier de la commission est confié au Directeur des poursuites publiques. La loi le prévoit, le Directeur des poursuites publiques est une personne indépendante, il a un statut, il y a aussi une culture, une expérience qui s'ajoutent à ça, et, quelle que soit la décision, trois mois, six mois plus tard, qui émanera de la Direction des poursuites publiques, la décision, à ce moment-là, sera détachée de tout, parce que... de tout contexte politique. Autrement... On ne peut quand même pas oublier que tout ça est politique. Alors, c'est un bel exemple.
Et je ne dis pas que c'est une nécessité, mais je dis qu'il y a là actuellement devant l'Assemblée nationale... Je ne sais pas si on peut dire juridiquement que ce projet de loi est devant l'Assemblée nationale. Je ne sais pas si on peut le dire en ce moment. Oui, il l'est, hein? Techniquement, est-ce qu'il est devant l'Assemblée nationale, ce projet de loi là?
M. Marcoux: Oui, oui.
M. Proulx (Michel): Oui? Je m'excuse, je ne voulais pas... je ne veux pas commettre d'hérésie. Mais, en somme, M. le ministre, on a donc une opportunité en ce moment de se doter d'un mécanisme finalement qui présente une meilleure étanchéité au niveau finalement des grandes questions que tous les citoyens se posent toujours sur la justice, à savoir la transparence, et l'indépendance, et la dépolitisation du processus. Alors, M. le ministre, pour moi, c'est toujours le bon temps de le faire, et davantage lorsqu'on n'a pas besoin de précipiter les choses.
Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.
M. Marcoux: Si je comprends, en Nouvelle-Écosse, par exemple, l'institution de ce Directeur des poursuites publiques a suivi un dossier qui avait provoqué énormément de problèmes ou de suspicion dans la population. Je ne sais pas si c'est le genre de situation auquel vous référez quand vous parlez de situation de crise. Je pense qu'en Colombie-Britannique également il s'était produit un événement qui a donné lieu à une commission Owen, ou je ne sais pas trop. Je pense qu'en Australie aussi il était survenu des faits, des événements qui avaient amené le gouvernement ou les gouvernements, en Australie, à adopter... à créer cette institution-là.
Vous mentionniez qu'il y a une évaluation qui a été faite en Nouvelle-Écosse, je pense, par des comités. Est-ce que globalement... il y a sans doute eu des observations, là, mais est-ce que globalement ça avait été perçu... ce qui a découlé des comités ou du comité auquel vous avez fait référence était positif quant à l'institution de ce Public Prosecutor?
M. Proulx (Michel): M. le ministre, l'expérience de la Nouvelle-Écosse peut être utile pour les membres de la députation. D'abord, pourquoi y a-t-il eu deux révisions, deux rapports subséquents à la création du DPP? Parce que la Nouvelle-Écosse a connu des crises qui étaient liées au manque d'indépendance du poste, c'est-à-dire... et au fond au fait que le directeur n'avait pas toute l'indépendance et l'autonomie qu'il aurait dû avoir.
Mais ce qui est intéressant pour la députation davantage, c'est que, si on regarde les deux rapports, le premier est un rapport de Ghiz et Archibald ? je pense que M. Turp devrait connaître le Pr Archibald, qui oeuvre bien dans l'administration de la justice; alors, vous avez connu le Pr Archibald, qui est... donc ça, c'est un premier rapport ? et le deuxième rapport est celui de mon ancien collègue, le juge Kaufman, qui, à peine il y a quelques années... donc retiré de la Cour d'appel et qui maintenant pratique en Ontario, lui aussi, plusieurs années plus tard a aussi réévalué la fonction de Directeur des poursuites publiques. Et, quand on examine ces deux rapports-là, ces deux rapports-là, loin d'être négatifs, d'abord consacrent l'utilité, la nécessité du poste, mais aussi visent à vouloir renforcer les garanties d'indépendance qui doivent se rattacher au poste. Alors, on bénéficie beaucoup aujourd'hui, en 2005, de leur apport, de leur contribution. Et donc on a deux rapports, en Nouvelle-Écosse, subséquents à la création du poste qui illustrent à mon avis encore de façon plus claire la nécessité.
Vous savez, en Nouvelle-Écosse, par exemple ? voilà un bel exemple ? à un moment donné, un ancien premier ministre a été poursuivi. Ce n'était pas facile, ça, là, de gérer ça, cette question-là, l'affaire Regan, n'est-ce pas, pour des agressions sexuelles. Et il y avait d'autres situations. En Colombie-Britannique, à un moment donné, on a voulu... on a créé un comité d'enquête suite à une décision où il y avait encore des gens de la politique... c'est-à-dire un membre du cabinet qui était poursuivi. On a créé un comité, on a voulu suggérer un poste de directeur des poursuites publiques, mais là il y a eu une foule de compromis, parce qu'on était dans un moment de crise, justement. Et là tout le monde, dans une situation comme celle-là, est un peu... Comment dirais-je? Les gens sont sur leurs gardes parce qu'on craint que. Alors que, justement, en ce moment, on ne fait pas face à ces situations-là ici. Et à mon avis ça revient à la question de tantôt, que vous avez posée: Pourquoi maintenant, quand tout va bien? Bien, tant mieux si on peut poursuivre dans cette direction-là.
M. Marcoux: Est-ce qu'il y a encore du temps ou...
Le Président (M. Descoteaux): Oui, il y a encore cinq ou six minutes.
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(15 h 40)
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M. Marcoux: Merci, M. le Président. Me Proulx, un autre aspect, et vous l'avez touché, mais... et c'est celui qui est important dans notre système démocratique et dans notre système parlementaire, c'est celui de l'imputabilité du Procureur général, qui est un élu et qui est en Chambre. Est-ce que, pour vous, ce qu'il y a dans le projet de loi, globalement, sans aller dans tous les détails, là, maintient correctement le principe de l'imputabilité politique du Procureur général?
M. Proulx (Michel): M. le ministre, je poserais... si vous permettez, je poserais la question autrement. Car la loi ne pourra jamais, n'est-ce pas, abolir l'imputabilité ministérielle du Procureur général, à moins que l'Assemblée... à moins que l'Assemblée nationale, que le Parlement québécois décide de créer un poste de Procureur général qui serait tout autre. Mais on pourra difficilement le faire, parce que constitutionnellement ce serait difficile.
Mais, pour répondre à votre questionnement, le Procureur général demeure toujours imputable à l'Assemblée nationale, indépendamment du projet de loi. Si la loi... pour les fins de la discussion, si, dans l'opinion disons unanime des membres de cette Assemblée d'aujourd'hui, s'il apparaissait... ce n'est pas le cas, mais, s'il apparaissait, pour les fins de la discussion, que le Procureur général, ici, a cédé tout simplement ses fonctions au DPP, ça ne l'empêcherait pas quand même d'être imputable. Vous me suivez? En d'autres termes, le Procureur général devra toujours répondre à l'Assemblée nationale.
Ce qui est en cause et ce qui était nécessaire, quant à moi, c'était de s'assurer que le Procureur général, parce qu'on vit dans une démocratie... que la justice ne soit pas non plus finalement une affaire qui va devenir le contrôle de personnes qui ne répondent plus devant l'Assemblée nationale. Au fond, ce qui est important, c'est que le DPP soit imputable envers le Procureur général. S'il n'est pas imputable... L'imputabilité du Procureur général à l'Assemblée nationale bien sûr est toujours là. Mais, si on crée une césure trop étanche entre le DPP et le Procureur général, le Procureur général ne répondra de rien, fondamentalement.
Alors que dans le projet de loi il est clair notamment ? notamment ? par la reconnaissance très explicite du pouvoir du Procureur général même de prendre une décision contraire à celle du directeur et par contre, en corrélation, d'exiger la publication obligatoire, alors on a donc une imputabilité du DPP envers le Procureur général, et le Procureur général, sur le plan démocratique, pourra toujours répondre des actions du DPP.
M. Marcoux: Merci.
Le Président (M. Descoteaux): Ça va? Merci, M. le ministre. M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, M. le juge Proulx, c'est un honneur de vous accueillir ici. Ça fait plaisir de vous poser des questions sur un sujet qui m'intéresse. Vous l'avez vu, on est très ouverts aux discussions, effectivement nous ne sommes pas à couteaux tirés. Mais je pense que le projet de loi, sans attirer l'attention médiatique, est très important en ce qui concerne la justice au Québec.
Je vais finir un peu où le ministre a commencé. D'abord vous dire: Ce n'est pas parce que tout va bien qu'on ne change pas quelque chose, on ne change pas quelque chose quand elle a fait ses preuves. Et là ce n'est pas par leçon que je vous dis ça, mais le ministre semblait mettre dans mes... reprendre des propos que j'ai pris ce matin. C'était plutôt de dire: Quand un système a fait ses preuves, quand il a atteint cette qualité en termes, ce que vous parliez, d'objectivité, de décisions sereines, le système a fait ses preuves, alors le changer implique effectivement qu'on n'est pas satisfait.
Et c'est pour ça que je fais attention. Parce que j'ai posé une question au Barreau à l'effet: Dans les 40 dernières années, est-ce que ça a déjà posé un problème? Et ils m'ont répondu effectivement: Non, à aucun moment ça a posé un problème. Pourquoi? Parce que le système a fait ses preuves. Parce que, dans la liste des ministres de la Justice et des procureurs généraux, il y avait des gens effectivement qui avaient cette sérénité et cette capacité d'assumer ces fonctions.
Sur l'imputabilité, et là j'ai de la misère à vous suivre, en tout respect, vous dites que le DPP... le Procureur général va rester imputable. Comment peut-il être imputable de décisions qu'il ne prend pas et dont il n'a pas la responsabilité? Parce que les décisions sont individuelles. Au-delà des directives qu'il va donner, le DPP a des décisions individuelles à prendre, et il n'assume pas... le projet de loi est clair, il n'assume pas de responsabilité quant aux décisions individuelles du Directeur des poursuites publiques. Alors, le lien d'imputabilité est brisé.
À ça j'ajouterais: On ne peut pas parler d'indépendance et parler d'imputabilité en même temps, et ça vient de pair. Pourquoi les organismes indépendants soumettent leurs rapports et sont imputables directement à l'Assemblée? C'est justement parce qu'ils acquièrent cette indépendance, cette qualité d'indépendance qui fait en sorte qu'ils doivent répondre à l'Assemblée de leurs gestes. Par exemple, le Directeur général des élections, aucun ministre n'est responsable de répondre au nom du Directeur général des élections, aucun ministre n'est responsable de répondre au nom du Commissaire à l'éthique, parce que ces gens-là ont acquis justement ce degré d'indépendance.
Alors, ma question. Et, moi, je veux voir les avantages et les inconvénients. Mon but n'est pas de détruire le projet de loi. Au contraire. Je pense que la situation peut être améliorée, peut-être pas de la façon qui a été choisie, et je vous entretiens... je vais vous en entretenir un peu plus loin là-dessus. Mais est-ce qu'on peut convenir ensemble que le fait d'adopter comme il est le projet de loi et de consacrer un directeur des poursuites publiques, la règle de l'imputabilité, où le ministre doit répondre des actes de ses sous-procureurs et des décisions qui ont été prises, va s'en trouver affectée et diminuée? Parce que lui ne peut que donner des directives, et exceptionnellement il peut décider de reprendre un dossier et de décider d'aller à l'encontre de la décision du Directeur des poursuites publiques.
Alors, moi, j'en déduis que, lorsqu'il se lève et lorsqu'il répond aux journalistes, mais peu importe, ici, en cette Chambre, le lien d'imputabilité s'en trouve amoindri, sinon brisé.
Le Président (M. Descoteaux): Me Proulx.
M. Proulx (Michel): M. le député, dans le régime actuel, est-ce que le Procureur général est plus imputable? Pas plus.
M. Bédard: Je vais vous dire pourquoi. Parce que...
M. Proulx (Michel): Non, mais, écoutez, je veux juste répondre à votre question.
M. Bédard: Allez-y, allez-y.
M. Proulx (Michel): C'est en jésuite que je réponds à votre question. Mais, dans le vécu, dans la réalité des choses, le Procureur général, dans le régime actuel, répond bien sûr des actes de ses substituts, répond des décisions qu'ils ont prises. Mais la Direction des poursuites publiques, actuellement, qui prend des décisions de ne pas aller en appel, de déposer une plainte ou d'arrêter les procédures, etc., le ministre, dans son vécu, ne participe pas à ces décisions-là, on en convient. Alors, si, en Chambre, se pose une question, le ministre va faire quoi? Il va aller chercher les renseignements, mais c'est une illusion de croire qu'il est imputable.
Non, non, mais regardez ce que je veux dire, là, qu'on s'entende sur les mots. Je veux dire: c'est une illusion de dire qu'il est imputable... Il est imputable bien sûr constitutionnellement, mais dans la réalité il doit bien sûr se renseigner. Bon. Alors...
M. Bédard: Permettez-moi quand même de vous dire que ça implique autre chose aussi. L'imputabilité fait en sorte que, s'il y a une erreur grave qui est commise, le ministre est responsable de ces erreurs, ce qui implique parfois même que des erreurs commises, graves, par des fonctionnaires vont parfois entraîner des démissions de ministre, parce qu'il en va, dans notre système constitutionnel, de la responsabilité ministérielle. Quand le DGE commet... fait un faux pas ? on ne se souvient pas, dans l'histoire, où c'est arrivé, mais s'il en faisait un ? aucun ministre du gouvernement ne va démissionner. Voyez-vous? Le lien est quand même important. La responsabilité et l'imputabilité... L'imputabilité, plutôt, amène la responsabilité, et, dans ce cas-ci, moi, je pense que ce lien est brisé, en tout respect. Mais j'y vois peut-être un inconvénient, mais il y a peut-être d'autres avantages que j'aimerais peut-être discuter avec vous.
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(15 h 50)
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M. Proulx (Michel): Écoutez, moi, encore une fois, la façon pour moi de voir... La nouvelle approche qui est proposée, bon, dit quoi, dit essentiellement: Le ministre dit: Qu'est-ce que je fais? Je demeure imputable, je demeure imputable, comme je le suis actuellement, mais qu'est-ce que je viens faire par ce projet de loi? Je viens donner une garantie additionnelle dans le processus, dans l'application, dans la responsabilité qui m'incombe. Je demeure responsable, Procureur général, le Code pénal m'oblige, me confie une tâche fondamentale, je suis le gardien de l'ordre public, je suis le gardien des libertés individuelles, j'ai une fonction qui se distingue de toutes les autres, parce que je dois le faire avec indépendance, je dois même être impartial. C'est même une fonction quasi judiciaire. Et, à cause de la noblesse de cette fonction-là mais à cause de ses exigences, qu'est-ce que je fais comme Procureur général? Je viens me doter d'une façon d'accroître la transparence et la qualité de justice dans le processus décisionnel. Mais je demeure toujours imputable.
M. Bédard: M. le... Maître... Je partais pour dire «M. le juge»... Me Proulx, la qualité, j'ai de la misère à vous suivre. La qualité, elle provient de l'individu. La qualité des décisions, peu importe le système qu'on va mettre en place, il y a quelqu'un ultimement qui prend une décision, et on sait que ce ne sera pas plus le DPP actuellement que c'est le cas du ministre de la Justice. Les substituts du procureur prennent des décisions à tous les jours sur des accusations où ils vont... qu'ils portent, et le ministre n'est pas plus au courant que vous et moi de ces accusations qui sont portées. Bon. Ça, c'est réglé. Alors, la qualité dépend de l'individu.
Après ça, on se dit: Pour qu'il prenne des meilleures décisions, donnons-lui un peu plus d'indépendance. C'est un peu votre argument, vous dites: Donc, il sera plus indépendant. J'ai de la misère à trouver... Parce que l'indépendance ne vient pas d'un processus... ne vient pas du fait qu'il est nommé. On est d'accord, tous les deux, que quelqu'un... Demain matin, nous sommes nommés à la Cour d'appel... Mais, étant donné mon statut de souverainiste, j'ai peu de chances... Mais je suis nommé à la Cour d'appel; ce n'est pas le fait que j'ai cette nomination qui m'amène à être indépendant, c'est le processus qui est suivi qui va m'amener à être indépendant. C'est les qualités qui sont liées...
Une voix: ...
M. Bédard: Mais je vais terminer simplement mon argument à l'effet... et je veux en venir sur le projet de loi, où j'ai des inquiétudes. Parce que, si on veut améliorer l'indépendance, bien jouons dans ce film-là, mais au moins allons jusqu'au bout de notre philosophie. Donc, ça va être le cadre qu'on me donne, la liberté, la sécurité ? on connaît, bon, tous les critères relatifs à l'indépendance institutionnelle; alors sécurité ? et que toute personne raisonnablement qui regarde le système va conclure effectivement à une apparence d'impartialité. Et même, par la suite, les conditions même de mise à la retraite vont être importantes pour s'assurer que cette personne-là n'est pas prise dans un... ou pourrait laisser croire que cette personne-là peut être soumise à des pressions.
Alors, la qualité d'indépendance est améliorée, pas à partir du fait qu'il est nommé ou élu. À partir du fait qu'il est nommé, on perd, et ça, en tout respect pour vous, moi, je vous dis, on perd un côté d'imputabilité. Alors, moi, je veux dire... moi, je veux voir d'abord comment, d'abord, on peut améliorer l'indépendance. Et là je regarde le processus de nomination.
Le processus de nomination ne se fait pas par avis public. Le ministre soumet des noms, et à la limite on lui dit... à l'article 2, on dit que le comité qui est mis en place va recommander... va plutôt analyser les dossiers de toute personne que lui soumet le ministre. À la limite, le ministre peut en soumettre un seul, et le resoumettre, le resoumettre et le resoumettre encore, jusqu'à temps qu'il puisse obtenir gain de cause ou à la limite... Donc, en faussant d'abord le processus d'appel...
Est-ce que vous ne pensez pas finalement, pour être plus court, parce qu'on peut en parler longtemps, mais, un, est-ce qu'on ne devrait pas faire comme les juges à la Cour du Québec, faire un... et là j'ai «appel d'offres»...
M. Turp: Appel de candidatures.
M. Bédard: ...un appel de candidatures, voilà, des candidatures? Vous ne pensez pas dès au départ...
M. Proulx (Michel): Vous êtes venu pour dire «un appel d'offres».
M. Bédard: Bien, exactement, c'est le terme qui me venait, là, c'est... Mais est-ce que vous ne pensez pas que déjà, là, ce serait... on améliorerait un peu le système, que simplement, sur recommandation du ministre, des noms qui sont soumis à un comité?
M.Proulx (Michel): Moi, là-dessus, M. le député, je dois vous dire que, sur la... Je pense qu'il y a plusieurs approches, il y a plusieurs solutions. Il y a celle qui est proposée dans le projet de loi, et puis, moi, personnellement, j'ai donné mon opinion là-dessus, mais je n'ai pas d'opinion définitive sur la façon de faire à ce niveau-là. Peut-être que...
M. Bédard: Il n'y a pas de problème. Je ne veux pas vous indisposer, parce que vous avez aussi consulté.
M. Proulx (Michel): Non, non, mais ce que je veux dire: je n'ai vraiment pas d'idée arrêtée; c'est une façon. Moi, je me suis dit... Franchement, M. le député, je me suis dit qu'il n'y a pas un Procureur général qui va avoir intérêt à bousculer ce processus-là, parce que ce processus-là nécessairement doit être entouré de transparence.
M. Bédard: C'est ça. Mais là on n'est pas dans la transparence. Parce que, vous savez, comment faire de la transparence quand c'est le ministre qui décide quels noms il envoie, quels noms qui vont être analysés? Là, je vous dis: On a un problème, premièrement. Mais là je vais aller plus loin pour être... Il y a un autre élément qui me cause problème, parce que je suis le raisonnement du ministre, je me dis: Je veux assurer un peu plus d'indépendance. Je lis l'article 4 ? et j'ai posé la même question au Barreau ? l'article 4 qui prévoit le directeur adjoint...
M. Proulx (Michel): Juste un instant, s'il vous plaît.
M. Bédard: L'article, plutôt... Oui, article 4. Bon. On me dit que le directeur adjoint, lui, qui a des pouvoirs exceptionnels aussi, qui remplace le directeur lorsqu'il est malade, absent ou lorsqu'il n'y a pas de directeur, il peut y avoir des intérims, donc il a un pouvoir important, et lui peut être reconduit pour deux mandats. Et la représentation que je faisais: Cette personne peut représenter la continuité au niveau de la Direction des poursuites publiques. Cette personne est nommée par le ministre strictement, sans autre processus qu'après avoir obtenu un avis favorable du Directeur des poursuites publiques. Et là je vais plus loin: L'article 7 prévoit que, si les deux sont incapables d'agir, bien là, à ce moment-là, c'est le gouvernement qui nomme quelqu'un, comme ça.
Et je regarde, moi, tous les processus qu'on a dans les institutions, que ce soit le DGE, le Directeur général des élections, le commissaire... la Commission d'accès à l'information, il y a des processus intérimaires, il y a des garanties qui sont données quant à ces nominations-là ou quant à l'intérim. Mais vous ne pensez pas qu'un directeur des poursuites publiques adjoint, qui aura autant de pouvoirs et qui peut rester 14 ans en poste, ne devrait pas avoir la même qualité, le même processus de nomination que le Directeur des poursuites publiques?
Le Président (M. Descoteaux): M. Proulx.
M. Proulx (Michel): M. le député, si vous avez un doute sur la garantie d'indépendance du processus... Je peux comprendre très bien votre questionnement, parce que vous avez raison de dire que ce poste de directeur adjoint est fondamental pour l'institution. Et alors, si, dans la tradition québécoise... Parce que je me souviens d'avoir discuté de cette question-là, par exemple, il y a eu d'autres solutions, et, moi, je me suis dit: Je ne connais pas la façon de nommer, par exemple, le Directeur général des élections, le président de la Commission d'accès à l'information. Comprenez-vous? Je ne suis pas au parfum, je ne maîtrise pas, là, la culture québécoise à cet égard-là. Moi, je m'en remets, là-dessus. Mais il y a une chose avec laquelle je suis d'accord avec vous, c'est bien sûr la nécessité que cette fonction-là, n'est-ce pas, présente la même garantie d'indépendance.
M. Bédard: Je suis d'accord avec vous. Une dernière chose. Vous me parlez d'étanchéité, et j'ai proposé une chose ? parce que je ne suis pas fermé au changement, au contraire, on peut améliorer l'institution sans sacrifier ces éléments positifs dont vous parliez plus tôt, entre autres l'imputabilité. Pour améliorer cette étanchéité du ministre... du Procureur général, certains ont proposé l'idée de s'assurer que le Procureur général serait nommé mais qu'il ne siège pas au Conseil des ministres, qu'on lui donne un peu... bien, beaucoup cette indépendance par rapport aux élus, un peu comme le président de l'Assemblée, qui est ici ou qui sort même des caucus, qui n'est pas présent. Et, pour garantir cette indépendance, moi, j'allais plus loin, je me dirais: Peut-être faudrait-il s'assurer que cette personne-là fasse l'objet d'une nomination automatique, à sa demande, évidemment, par exemple à la Cour du Québec ou dans un tribunal dont le Québec a la compétence.
Est-ce que vous ne pensez pas qu'en procédant comme ça on aurait le meilleur des deux mondes, on aurait plus d'imputabilité mais aussi plus d'étanchéité?
M. Proulx (Michel): M. le député, je me suis intéressé à cette question-là dans ma réflexion, et, écoutez, ce ne serait pas impossible, mais la réponse que je me suis donnée, après une longue réflexion, est la suivante. D'une part, je suis dans une situation où je ne peux pas changer la tâche du Procureur général. Le Procureur général est responsable de l'administration... c'est-à-dire de la justice pénale, fondamentalement, c'est sa responsabilité de poursuivre. Je ne peux pas avoir un Procureur général qui est décroché de la politique au sens pur du mot. Je veux...
Une voix: ...
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(16 heures)
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M. Proulx (Michel): Non, mais, regardez, je me suis dit: On ne peut pas, dans nos moeurs... On pourrait difficilement... Écoutez, on aurait pu très bien, lorsque la Constitution de 1867 a reconnu l'existence du Procureur général, on aurait très bien pu suivre un autre parcours au Canada et au Québec, mais on ne l'a pas suivi.
Le Procureur général a toujours été membre du cabinet. Mais l'Angleterre... Regardez, c'est intéressant. Parce que l'Angleterre... c'est vrai que l'Angleterre a connu un autre système, mais regardez le Lord Chancelier, qu'est-ce qu'on fait actuellement? On ne veut plus... On va modifier complètement, substantiellement la fonction du Lord Chancelier. On n'a jamais trop compris, nous, comment la fonction de Lord Chancelier...
M. Bédard: ...en Angleterre, parce qu'il combine...
M. Proulx (Michel): Non, mais ce que j'essaie de dire, M. le député, il faut toujours faire attention de comparer nos institutions, parce que... pour voir comment on a évolué.
Alors, en bref, pour répondre à votre question, je ne dis pas que ce serait impossible, mais pourquoi je ne pense pas qu'on aurait le meilleur des deux mondes, c'est que d'une part il me semble préférable que, sur le plan démocratique, on ait un procureur général qui soit membre du cabinet, qui est au... c'est-à-dire qui a, comment dirais-je, qui est rattaché à la vie politique de sa société dans laquelle il évolue. C'est important. M. le député, c'est important pour... Il y a des décisions fondamentales sur les... la philosophie de base...
M. Bédard: C'est un élu, là. Je vous le dis, c'est un élu, là. La seule chose, c'est qu'il n'est pas rattaché au cabinet.
M. Proulx (Michel): Non, non, je le sais que c'est un élu, mais, ce que je veux dire, je préfère un procureur général qui participe aux travaux du cabinet également, c'est-à-dire qui est rattaché à la vie politique, qui connaît sa société, qui connaît son monde, qui connaît les difficultés de sa société, et qui vont l'influencer dans les politiques, dans la philosophie fondamentale qui va se dégager de son administration de la justice. Mais, à ce moment-là, pour moi, le meilleur des deux mondes, c'est qu'on a un ministre... un procureur général qui réponde toujours mais qui se dote de mécanismes, que ce soit le DPP ou autre chose... Nous, on l'appelle le DPP puis, en ce sens-là, on suit finalement une approche qui est universelle. Alors, je pense que le meilleur des deux mondes, c'est le Procureur général, dans sa forme actuelle, qui vient se doter d'un mécanisme qui vient renforcer, qui donne des meilleures garanties de justice.
M. Bédard: Combien reste-t-il de temps?
Une voix: 30 secondes.
M. Bédard: 30 secondes.
Le Président (M. Descoteaux): Le temps est écoulé. Trente secondes.
M. Bédard: Il est écoulé, bon. Je vous remercie, M. le juge Proulx. Ça va être...
M. Proulx (Michel): Ça me fait plaisir.
M. Bédard: ...une discussion qui va être à continuer. Merci de votre témoignage.
Le Président (M. Descoteaux): Merci, Me Proulx, de votre présence devant la commission, de votre contribution à nos travaux. Merci bien. On va suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 3)
(Reprise à 16 h 9)
Le Président (M. Descoteaux): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Bienvenue, Me Anne-Marie Boisvert, doyenne de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, et vous êtes accompagnée de Me Louise Viau, professeure et aussi secrétaire de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, mon alma mater. Donc, à nouveau, bienvenue. Vous avez une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire, suivi d'une période d'échange avec le côté ministériel et l'opposition officielle. La parole est à vous.
Mmes Anne-Marie Boisvert et Louise Viau
Mme Boisvert (Anne-Marie): Merci beaucoup. Tout d'abord, je tiens peut-être à vous dire, là, qu'il s'agit d'une présentation conjointe de mémoire conjoint, et on va donc, toutes les deux, présenter et répondre à vos questions.
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(16 h 10)
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Dans un premier temps, nous tenons vraiment à vous remercier de l'invitation à participer à la présente consultation. C'est un privilège, je dirais, que nous apprécions beaucoup que de pouvoir participer aux débats démocratiques autrement qu'en rencontrant notre réputation de professeurs, où on dit qu'on critique toujours après coup. Donc, nous apprécions l'invitation à venir avant coup, donc vous faire part de nos commentaires et de nos critiques.
Le projet de loi qui est présenté, à notre avis, constitue un exercice réussi, dans l'ensemble, de tenter d'accroître l'indépendance des fonctions de poursuite et d'assurer la transparence au niveau des décisions qui sont prises. L'exercice est réussi, même si nous tenons à vous faire part de certaines critiques ou de certains questionnements que nous avons par rapport un peu à certains éléments qui ont trait à l'indépendance de la poursuite. Nous avons aussi quelques préoccupations, mais qui sont plus marginales, nous le confessons, relativement à l'administration de la justice criminelle en général. Et, finalement, c'est les professeurs de droit en nous qui ne peuvent se retenir, nous avons quelques commentaires au niveau de la rédaction législative.
Alors, tout d'abord, et pour aller au coeur du sujet sur l'indépendance ou pour l'institution d'un DPP ou d'un service des poursuites indépendant, nous sommes d'accord avec l'initiative et nous comprenons, là, que... je ne peux pas m'empêcher de réagir un peu à ce que j'ai entendu tout à l'heure. Il faut savoir que la Constitution, la Loi constitutionnelle de 1867 ne permet pas de divorcer complètement la fonction de poursuite de la fonction de ministre de la Justice, et donc je pense que le modèle qui est proposé est raisonnable.
Alors, arrivons-en donc à quelques commentaires. Tout d'abord, le processus de nomination du DPP. Le projet de loi propose un processus de nomination qui est unique en son genre, et nous avons quelques remarques à faire valoir. Tout d'abord, nous sommes ravies de constater que pour une fois, nous devons le mentionner... Mais, quand on parle de la création d'un comité qui pourrait conseiller le ministre, nous sommes ravies de voir que les doyens des facultés de droit sont considérés par le projet de loi comme un interlocuteur valable lorsqu'il s'agit de débattre de questions de justice. Donc, nous saluons l'initiative et nous espérons que cette initiative sera répétée, ne sera pas un cas isolé, je dirais.
Ceci dit, nous avons des préoccupations quant au rôle extrêmement limité que le projet de loi consent au comité qui accompagne, si vous voulez, le ministre. Nous aurions préféré qu'une plus grande distance existe dès le départ entre le ministre de la Justice et le DPP et que le comité éclaire le ministre ou lui fasse des suggestions suite à un appel de candidatures. Et donc nous proposons ou nous pensons qu'il serait préférable de développer un processus qui s'apparente un peu plus au processus de nomination des juges au provincial. Nous pensons que le ministre de la Justice devrait être tenu de recommander au poste de DPP un candidat qui ferait partie d'une courte liste qui aurait été préparée.
Nous avons aussi quelques réserves quant à la durée du mandat et quant à son caractère non renouvelable, la durée du mandat du DPP et son caractère non renouvelable. Nous n'avons pu nous empêcher de nous questionner sur, je dirais, les ambitions légitimes de carrière ou la fin de carrière que pourrait avoir un DPP, quand il est nommé pour un mandat non renouvelable de sept ans. Il existe plusieurs modèles, nous n'en préconisons pas un en particulier, mais nous faisons remarquer que le modèle qui est avancé nous condamne, je dirais, presque à nommer comme DPP quelqu'un qui est soit en fin de carrière et qui n'aspire à plus rien d'autre qu'à la retraite ou à la magistrature. Et donc il nous semblait que soit deux mandats de cinq ans ou un mandat plus long, de 10 ans, offraient peut-être plus de garanties à cet égard.
Il nous apparaît d'autant plus souhaitable qu'on revoie cet aspect un peu, là, sur la durée du mandat du DPP, que le mandat du DPP adjoint, lui, est renouvelable, donc. Et on pourrait se retrouver dans une situation, quand on voit par ailleurs qu'il n'y a pas de mécanisme de prévu en cas de vacance longue, on pourrait se retrouver dans la situation où l'adjoint occuperait de facto la fonction de DPP sans que le processus de nomination n'ait été enclenché. Donc, il nous apparaîtrait que le projet de loi ou la loi devrait prévoir expressément dans quel délai, en cas de vacance, là, ou d'impossibilité d'agir, dans quel délai devrait être enclenchée la procédure pour nommer un nouveau DPP.
Par ailleurs, nous avons noté que, pour ce qui concerne le... Je passe vite, là, je passe... on a écrit sur ces questions-là... Nous avons noté qu'aucun processus de destitution n'est prévu. Les articles 3 et 4 du projet de loi précisent simplement que le DPP ne peut être destitué que pour cause. Il faut comprendre que... je pense qu'on pourrait élaborer, là, dans un projet de loi sur... et prévoir un processus de destitution qui serait peut-être un peu plus lourd que la simple destitution par le ministre de la Justice. Et, là aussi, si vous avez lu notre mémoire, nous ne proposons pas un modèle unique, mais nous faisons valoir qu'un modèle un peu plus lourd de destitution, à la rigueur un modèle qui serait le pendant ou l'équivalent du processus de nomination, devrait être envisagé. Donc, si on tient un parallélisme, on pourrait envisager un modèle équivalent.
Par ailleurs, nous souhaiterions... ou nous pensons qu'il serait souhaitable que certaines situations ou certains motifs de destitution soient prévus dans la loi, de destitution automatique. Comme nous le savons tous, la Loi sur la police prévoit qu'en cas de condamnation pour un acte criminel, pour une infraction poursuivable par voie de mise en accusation seulement, un policier doit être automatiquement destitué. Nous ne voyons pas qu'un directeur des poursuites publiques pourrait continuer à officier en pareilles circonstances. Donc, nous suggérons que... et nous élargissons même à tous les poursuivants, tous les substituts, là, si on veut, du DPP cette suggestion.
Par ailleurs, dans la mesure où le projet de loi n° 109 établit véritablement un régime de poursuites publiques, nous pensons qu'il y aurait peut-être lieu de codifier le droit existant quant à l'immunité dont jouit le DPP dans l'exercice de ses fonctions. La jurisprudence canadienne a pourvu, si vous voulez, à la question, mais, dans la tradition québécoise, je dirais, de codifier dans des lois les règles applicables, dans la mesure où on prévoit un régime pour le DPP, il nous apparaît qu'il y aurait lieu de prévoir tout de suite l'immunité applicable au DPP dans l'exercice de ses fonctions, surtout dans un contexte où on le fait expressément dans la Loi sur les commissions d'enquête ou encore dans la loi sur... étant donné que je n'ai pas encore appris le titre, là... la Loi sur les coroners... la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, en ce qui concerne l'immunité dont jouit le coroner. Alors ceci... ça, je dirais, c'est sur le processus de nomination ou sur l'aspect le plus fonctionnel.
En ce qui concerne les attributions du DPP, nous pensons qu'il serait sage ou plus avisé de prévoir dans la loi dans quelles circonstances ou pour quelles infractions relevant du Code de procédure pénale la fonction de poursuite serait attribuée à quelqu'un d'autre qu'au DPP. Nous ne voyons... en tout cas, nous ne voyons pas d'un très bon oeil qu'on puisse par décret retirer au DPP certains champs de compétence.
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(16 h 20)
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Par ailleurs... bien, dans un autre ordre d'idées mais un peu dans le même ordre d'idées quand même, en ce qui concerne les cours municipales, nous pensons qu'il serait nettement préférable que tous les poursuivants, y compris les procureurs des cours municipales, relèvent directement du DPP plutôt que de relever de simples directives de celui-ci. Et, ici, je me permets de réitérer ? je l'avais écrit dans un mémoire du Barreau du Québec, un mémoire qui avait été présenté au mandataire du gouvernement lors de la réorganisation des cours municipales suivant la fusion des municipalités au Québec... Je pense que dorénavant... nous pensons que l'organisation des cours municipales permet des procureurs ou la mise en place de procureurs de la poursuite, sur le plan municipal, plus indépendants, qui devraient, comme les autres poursuivants, relever directement du DPP. Nous croyons qu'il est peut-être temps, là, de mettre fin à ce régime des poursuivants, que j'appellerais presque quasi privé, en matière municipale.
Ceci étant, nous saluons, là, l'idée que les directives applicables aux poursuivants soient publiées. Ceci étant, nous suggérons que, outre la Gazette officielle, les directives soient publiées aussi dans les endroits plus accessibles au public, et on a souligné l'Internet. Il faut rappeler qu'en matière criminelle un bon nombre de justiciables ne sont pas représentés par avocat et donc devraient avoir accès assez facilement à des renseignements comme ceux-ci.
Et, finalement, je dirais, pour ce qui est des attributions du DPP, après discussion, nous sommes d'avis que... nous voyons d'un bon oeil que le DPP puisse être impliqué dans les enquêtes de police. Je sais que cette question-là fait l'objet de controverse, et, pour notre part, nous pensons qu'il n'y a pas lieu de présumer que les procureurs de la poursuite qui encadrent ou qui dirigent des enquêtes de police vont nécessairement être contaminés par la police. Je pense qu'il est temps que le poursuivant, celui qui va au bâton, celui qui mène le procès, soit en mesure d'intervenir et d'encadrer l'enquête policière. Il y a beaucoup de juridictions où c'est le parquet, où c'est le poursuivant qui encadre l'enquête de police. Et donc nous voyons ça d'un bon oeil.
Quelques mots très, très rapidement sur des aspects beaucoup plus secondaires du projet de loi. Il nous apparaît... Nous sommes au courant de certaines pratiques, bien sûr, mais nous ne pouvons résister à l'envie de vous faire reconnaître qu'il est incongru de faire prêter serment au DPP devant le juge en chef de la Cour du Québec. La Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit que le juge... le juge en chef de la Cour d'appel du Québec et le juge en chef du Québec... et il nous apparaît incongru qu'au Québec on fasse prêter serment devant un juge d'une cour inférieure, surtout que la Cour du Québec n'a pas le monopole en matière d'application du droit criminel.
Par ailleurs, nous nous interrogeons aussi sur la pertinence, là, tout en étant bien sûr sensibles au symbole, de prévoir législativement que le siège de l'organisme du DPP doit être dans la ville de Québec, quand on sait que le vaste... la vaste... le volume des affaires pénales et criminelles est géré à Montréal. Les poursuites ont lieu à Montréal. Comme citoyennes payeuses de taxes, nous nous interrogeons sur les coûts d'avoir un DPP situé dans la ville où ne se situe pas l'action.
Par ailleurs, et j'achève, nous pensons qu'en ce qui concerne ce qui devrait être requis le projet de loi requiert pour la nomination, si vous voulez, du DPP que ce dernier ait été avocat ou membre du Barreau pendant 10 ans. Nous pensons qu'on devrait prévoir aussi que le DPP devrait justifier d'une solide expérience en droit criminel. Ça va peut-être sans dire, mais ça ne fait pas de mal de le dire. Et nous pensons aussi que le DPP devrait être bilingue. Ça fait partie de ses attributions de conclure des ententes avec les organismes ailleurs au Canada, et nous vous rappelons qu'en droit criminel la Constitution prévoit que l'accusé a droit au procès dans la langue officielle de son choix. Donc, il nous apparaîtrait normal que le DPP ait une connaissance fonctionnelle des deux langues officielles.
Finalement, parce que je ne veux pas excéder, quelques préoccupations relativement à l'administration de la justice. Nous avons noté une modification proposée à l'article 95 du Code de procédure civile du Québec, concernant l'avis au Procureur général. Nous comprenons que le projet de loi prévoit qu'un avis devrait être signifié au Procureur général et au DPP chaque fois qu'une personne veut demander une réparation en vertu de l'article 24, paragraphe 1 de la Charte canadienne.
Nous tenons à vous rappeler que le droit criminel est peu formaliste, que nombre de requêtes sont présentées aux tribunaux de façon orale. Il faut mentionner aussi qu'en droit criminel beaucoup de requêtes formulées par les accusés ont leur fondement autant dans la common law que dans la charte, donc un double fondement, et il nous apparaît peu raisonnable d'exiger qu'à chaque fois qu'une réparation aurait un fondement constitutionnel un avis de 30 jours soit présenté. En matière de procès devant jury, il faut se rendre compte, là, des délais énormes que ce genre de chose pourrait occasionner, surtout que le projet de loi ne prévoit pas que le DPP peut renoncer à l'avis.
Et nous tenons à souligner aussi... nous avons écrit dans notre mémoireque nous doutons de la constitutionnalité de l'article qui prévoit que le juge devrait être interdit d'entendre une affaire ou d'accorder réparation lorsqu'un avis n'a pas été donné. Nous sommes à peu près convaincues qu'on ne peut pas soumettre l'exercice d'un droit constitutionnel à une formalité. Je pense que le Parlement du Québec est souverain, mais il y a des limites à cette souveraineté. Et nous nous questionnons sur le nombre de litiges qu'une telle disposition pourrait occasionner, là. Je pense, vous pouvez en faire l'économie.
Nous sommes conscientes, là, de ce qui a pu motiver le projet de loi. Nous pensons qu'il serait peut-être raisonnable, au lieu d'exiger qu'à chaque fois... Parce que demander une remise en vertu de la charte, demander la divulgation d'éléments de preuve, qui requerrait un avis de 30 jours écrit au Procureur général, ça nous apparaît déraisonnable. Il nous semble qu'il serait suffisant de mentionner que, lorsque la réparation demandée a, je dirais, un impact financier important ? on pense, par exemple, à toute l'affaire des honoraires des avocats dans des affaires célèbres récentes ou encore lorsque... comme, par exemple, quand on conteste, je ne sais pas, moi, l'institution du juge de paix; lorsqu'il y a un impact important ? on pourrait demander l'avis, mais sinon ça ne nous apparaît pas raisonnable.
Par ailleurs, nous nous interrogeons aussi sur les dispositions qui prévoient que c'est les procureurs du DPP qui présenteraient la preuve devant l'institution du coroner. Dans la mesure où on veut marquer, je dirais, une différence importante entre les fonctions pénales et criminelles et les fonctions civiles du Procureur général et dans la mesure aussi où, si le DPP administre la preuve devant le coroner, pourront se soulever ensuite des questions relatives à la protection contre l'auto-incrimination ou la tenue d'un procès équitable, il nous apparaît que le DPP devrait se tenir loin de l'administration de la preuve devant le coroner et qu'on devrait laisser ça au Procureur général en tant que Procureur général et non pas en tant que poursuivant public.
Finalement, 30 secondes pour vous dire qu'une fois lancés dans l'adoption d'une loi créant la charge de DPP nous voyons ou nous comprenons mal pourquoi on conserverait une loi sur les substituts du procureur général, qui incidemment commencerait à l'article 10 et réglerait en fait des questions qui pourraient très bien être réglées dans la loi sur le DPP. Nous avons fait aussi... Bon, il y a des disposition corrélatives aussi, qu'on verrait ailleurs, là, mais je n'insisterai pas là-dessus.
Je vous remercie de votre attention. J'attendrai vos questions.
Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, Me Boisvert. Maintenant, pour la période des questions et d'échange, M. le ministre.
M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Donc, merci, Mme la doyenne, Mme Boisvert, de votre présentation, et également je veux remercier, si je comprends, Mme Viau, qui a également collaboré. Et je suis très heureux que vous ayez produit ce mémoire que je trouve de grande qualité, d'ailleurs. Vous avez touché tous les principaux enjeux et même certains aspects plus secondaires mais qui sont également importants, d'où l'apport et la contribution que, comme professeures d'université, vous pouvez apporter au débat que nous pouvons avoir. Je vois le député de Mercier qui opine, et je suis tout à fait d'accord. Moi, ça fait plusieurs années, j'ai eu l'occasion aussi d'enseigner à la Faculté de droit, mais ici, à Laval, donc dans un milieu différent. Mais je suis très, très heureux que vous l'ayez fait, et également vous remercier pour la qualité du travail que vous avez produit.
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(16 h 30)
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Nous ne pourrons pas, dans le temps imparti, aborder tous les points, mais cependant il y en a certains qui sont peut-être plus importants. Et il y a tout ce qui touche le processus de nomination, qui a été abordé également par le Barreau et que nous avons abordé, vous l'avez vu tantôt, avec Me Proulx. En fait, ce que vous proposez, c'est qu'il y ait une plus grande ouverture en termes de candidatures. Je pense que c'est certainement une orientation en tout cas à laquelle je suis fort sympathique. Il ne s'agit pas de vouloir restreindre le nombre de candidatures. Ce qui est important quant à moi, c'est de pouvoir nommer la personne qui semble la plus qualifiée pour exercer cette fonction-là.
Vous ajoutez, à la fin, certains critères relativement, par exemple, à l'expérience en droit criminel. Je pense que ça va de soi. Est-ce que ça devrait être dans la loi? Est-ce que ça devrait être dans des conditions ou certains critères qui devraient être déterminés avant l'appel de candidatures? Je ne le sais pas, mais ça, c'est certainement un élément qui quant à moi va de soi. Vous parlez également du bilinguisme. C'est peut-être aussi un autre aspect.
Maintenant, si nous revenons au processus lui-même, il y a... autant je suis sympathique à l'idée de l'ouvrir, là, puis je pense que ça, c'est toujours dans la même perspective d'aller chercher les meilleures personnes, je ne voudrais pas non plus limiter. Et je pense qu'en termes de recommandations du comité... moi, s'il n'y avait qu'une personne de recommandée par le comité, je ne suis pas sûr que je serais à l'aise comme ministre de la Justice ou pour faire une recommandation au gouvernement, puis que ce soit moi ou quelqu'un d'autre subséquemment, là, peu importe. Est-ce qu'à ce moment-là au moins on pourrait prévoir qu'un comité doit arriver avec un minimum de candidatures qu'il juge aptes, de sorte que le gouvernement peut avoir un certain choix parmi quelques personnes qui sont nommées? Parce qu'autrement je trouverais ça... je pense que ça apparaîtrait, moi, difficile. Je ne sais pas quel est votre point de vue à cet égard-là.
Le Président (M. Descoteaux): Me Boisvert, Me Viau.
Mme Viau (Louise): Je vais me permettre de répondre à cette question.
Le Président (M. Descoteaux): Me Viau.
Mme Viau (Louise): On a vu une situation peut-être assez malheureuse, à l'Université de Montréal, avec un comité qui n'a recommandé qu'une seule candidature. Effectivement, le fait de recommander plus d'une personne et de laisser à la personne qui assume finalement la responsabilité de faire la recommandation au gouvernement est certainement un avantage. Cependant, je n'en ferais pas une condition coulée dans le béton dans le texte de loi, parce que, s'il devait s'avérer qu'un seul candidat valable se présente, il faudrait au moins que le comité soit en mesure de soumettre cette candidature au ministre, qui, lui, décidera ultimement si ça le satisfait ou pas.
Mme Boisvert (Anne-Marie): Juste pour renchérir, nous parlons d'une courte liste. Je pense que, dans l'idée de liste, d'habitude il y a plus qu'un nom.
M. Marcoux: En tout cas, moi, ça m'apparaît un élément... je ne sais pas comment, là, mais pour, après ça, la recommandation qui a à être faite, d'autant plus qu'en maintenant une indépendance institutionnelle, qui est définie dans la loi d'ailleurs... dans le fond, c'est une indépendance mais qui est définie par les attributions que l'on retrouve dans la loi... il reste que c'est une personne, et je pense qu'on l'a souligné auparavant, qui va avoir des interactions avec le ministre de la Justice, le Procureur général, en termes d'information, éventuellement aussi en termes de directives. Alors ça, je pense que ça m'apparaît un élément important.
Vous suggérez aussi, vous parlez du délai d'enclenchement du renouvellement. Je comprends qu'il n'y a rien actuellement dans le projet de loi qui donne de période limite ou qui prévoit que le processus doit commencer avant. Je sais que dans la loi, par exemple comme le Protecteur du citoyen, on prévoit qu'il y a un certain délai. Évidemment, si l'Assemblée nationale n'est pas en session, là, ça peut décaler, puis on a vu des cas où ça peut décaler pas mal. Mais je comprends que c'est... Qu'on puisse fixer des balises, ça m'apparaît, ça... en tout cas, on le regardera, mais... moi, ça m'apparaît à prime abord, là, positif.
On a discuté beaucoup aussi de l'adjoint, mais on n'en a pas parlé dans votre mémoire. Si je regarde, moi, comme le Protecteur du citoyen, qui est nommé, lui, par l'Assemblée nationale, on prévoit que l'adjoint est nommé par le gouvernement, sans autre processus. Je ne suis pas sûr si c'est la même chose pour le Vérificateur général, parce qu'il y a aussi un vérificateur général adjoint. Et donc je me dis: Est-ce qu'il est nécessaire d'avoir un processus identique pour l'adjoint que pour celui de la personne qui détient, dans le fond, ou qui est titulaire du poste? Le Protecteur du citoyen... On dit: Le Protecteur du citoyen est nommé, le gouvernement nomme un adjoint, donc évidemment qui le remplace, le cas échéant, pour des courtes périodes. Quel est votre commentaire à cet égard-là? Est-ce que vous avez eu l'occasion d'y penser?
Mme Boisvert (Anne-Marie): Je dirais oui. Je dirais, il n'y a pas de modèle unique. Dans le fond, nous, ce que nous avons souligné, en passant plutôt par le processus de remplacement du DPP, c'est qu'il est clair que ce qu'il faut éviter, c'est qu'un adjoint qui serait nommé suivant un processus différent devienne de facto celui qui exerce la fonction. Alors, est-ce que, pour se prémunir contre ce risque-là, le mieux, c'est de dire: Bien, on va nommer l'adjoint de la même façon qu'on nomme le principal ou est-ce qu'on va pourvoir au remplacement du DPP? Pour nous, ça ne fait pas énormément de différence, mais il faut certainement choisir un modèle qui évite que devienne de facto le DPP pour une longue période quelqu'un qui a été nommé de façon plus légère ? disons la chose comme ça.
Mais, ceci étant dit, nous n'avons pas d'objection à ce que celui qui a été nommé choisisse avec plus de latitude celui qui va l'épauler dans l'exercice de ses fonctions.
M. Marcoux: Sur la durée du mandat, bon, il y a sept ans, ça peut être cinq ans. D'autres institutions, c'est cinq ans, renouvelable. Le Protecteur du citoyen, je pense, c'est cinq ans. Le Vérificateur général, de mémoire, c'est cinq ans aussi.
Une voix: ...
M. Marcoux: C'est 10 ans, le Vérificateur général? Le Protecteur du citoyen, c'est cinq ans. Ça peut varier. Cinq ans pour l'accès à l'information, et renouvelable, je pense.
Et une question qui se pose, et vous l'avez évoquée, je pense, en disant: Bien, on ne veut pas avoir seulement des personnes qui sont en fin de carrière ? même si on ne peut pas discriminer quant à l'âge. Mais il reste que, si je comprends, dans un cas comme le Protecteur du citoyen, ou la Commission d'accès à l'information, le Vérificateur général, il n'y a rien de prévu à la fin de leur mandat, là. Je veux dire, il y a des mesures transitoires. Par exemple, ils vont avoir droit à une indemnité, je ne sais pas quoi, ou, s'ils étaient dans la fonction publique, ils pourront revenir dans la fonction publique. Mais ce que je comprends, il n'y a rien de prévu, là, de particulier pour la fin du mandat, et on ne semble pas dire: Bien, ça compromet nécessairement leur indépendance.
Mme Viau (Louise): Je vais me permettre de répondre à cette question. Nous avons réfléchi assez longuement et nous en avons discuté entre nous. Vous noterez que le Vérificateur général est le seul de ces trois personnages qui a un mandat non renouvelable. Son mandat est de 10 ans. Donc, s'il y avait, pour le DPP, un mandat non renouvelable mais de 10 ans, ça nous semblerait acceptable. Si le mandat doit être plus court, cinq ou sept ans... Les deux autres personnages importants que sont le Protecteur du citoyen et le Directeur général des élections ont des mandats qui peuvent être renouvelés. Vous avez raison de dire que pour aucun de ces trois personnages il n'y a quoi que ce soit qui est prévu dans la législation sur qu'est-ce qui se passe par la suite, mais il reste que, par exemple, ils peuvent être renouvelés, donc pour deux d'entre eux, et on peut penser que les chances sont relativement bonnes qu'ils le seront s'ils font un excellent travail.
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(16 h 40)
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Quant au Directeur général... pardon, au Vérificateur général, c'est un comptable. S'il n'agit pas comme Vérificateur général pour le gouvernement, il peut exercer beaucoup de fonctions. Vous allez me dire: Le DPP, c'est un avocat, il pourrait agir comme avocat. Cependant, le DPP, selon notre conception, ça doit être un spécialiste en droit criminel. Le patron des patrons, hein, celui qui a été le Directeur des poursuites publiques, on voit mal comment il pourrait redevenir un simple procureur de la poursuite. Quelqu'un qui par ailleurs a fait toute sa carrière comme poursuivant peut-il du jour au lendemain devenir un avocat de la défense? Le Barreau ne reconnaît pas une spécialité en droit pénal, mais il reste que c'est en bonne partie une pratique qui est très spécialisée, pour la plupart de ceux qui exercent dans ce domaine, ce qui nous a amenées à dire: Bon, il y aura la retraite ou la nomination à la magistrature. C'est deux bonnes avenues, bien entendu. Mais un mandat de sept ans... Si vous nommez quelqu'un qui a une excellente expérience, qui aurait 45, 47 ans, sept ans, ça nous mène à 54 ans. C'est jeune pour prendre sa retraite.
M. Marcoux: Il y en a qui la prennent même avant ça, mais...
Mme Viau (Louise): Évidemment.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Marcoux: Je comprends... Évidemment, je pense que, quand même, l'exercice d'une fonction comme celle-là, c'est bien sûr qu'il y a une spécialité en droit criminel et du côté de la poursuite. Par ailleurs, je pense que le rôle déborde aussi, là, tu sais, il y a un rôle de gestion en même temps, hein? Je pense que c'est une expérience possiblement que bien des personnes, des avocats ou des avocates, voudraient avoir également et qui peut être très utile ailleurs, aussi. Je pense que... même à l'université.
Mme Boisvert (Anne-Marie): Je veux juste ajouter. C'est que dans le fond on essaie de créer un mécanisme qui va garantir l'indépendance. On avait tout simplement un souci de ne pas limiter indûment, à cause des instructions, le bassin de candidatures. Il faut comprendre qu'il y a peut-être... ou, à notre avis, il y a moins d'horizon de carrière pour un DPP que pour un vérificateur général ou un protecteur du citoyen, par exemple. C'est notre avis. Mais, bon, on le souligne.
M. Marcoux: Quant au processus de destitution, c'est une question qui revient également, et je dois comprendre que ce n'est pas facile, il n'y a pas de modèle unique qui existe, il y a des cas où ça n'existe pas, on dit simplement «peut être destitué pour cause». Moi, je peux vous dire que je souhaiterais bien avoir vos lumières à cet égard-là. Vous faites certaines propositions, vous indiquez que peut-être on pourrait préciser certains actes qui entraîneraient ? je ne sais pas si c'est correct ? une destitution automatique. Ça n'existe pas beaucoup, je pense, quand même, ça, une nomenclature d'un certain nombre d'actes qui entraîneraient une destitution automatique, pour d'autres institutions ou présidents d'organismes.
Mme Viau (Louise): Ça n'existe peut-être pas beaucoup pour d'autres présidents d'organismes, vous avez raison, M. le ministre, mais on le retrouve dans plusieurs législations concernant le DPP. En Australie notamment, vous le retrouvez dans plusieurs des États où vous avez une liste de situations qui peuvent amener une destitution, dont la faillite, qui y est mentionnée. Écoutez, je les ai toutes vérifiées, là, mais je ne pourrais pas vous dire s'il y en a d'autres qui prévoient expressément... Il me semble qu'il y a dans un cas, mais je ne pourrais pas vous dire où, où on prévoit le cas du DPP qui aurait commis un acte criminel.
Écoutez, je ne pense pas que ça va se produire, qu'un DPP va commettre un acte criminel punissable par voie de mise en accusation, je ne le souhaite pas. Cependant, si on veut être cohérent, ici, au Québec, à partir du moment où on a prévu une telle règle, notamment pour les policiers... Vous savez que les policiers, ils l'ont un petit peu en travers de la gorge, cette disposition de la Loi sur la police, avec laquelle je suis en parfait accord. Mais ça me semblerait pertinent qu'on ait une règle semblable qui s'applique pour un directeur des poursuites publiques. Je vois mal le Procureur général qui soit en mesure de défendre le maintien en fonction de son DPP trouvé coupable d'un acte criminel punissable par voie de mise en accusation seulement. Et là on va voir des gestes... Ça peut se produire, ça va être rare, ça peut être purement symbolique, mais les symboles sont quand même importants.
Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.
M. Marcoux: Oui. En ce qui a trait à l'immunité, vous en parlez, je pense, à la page 13 ou un petit peu avant. Attendez un petit peu, là. Pour vous, c'est important, ça, de le prévoir.
Mme Boisvert (Anne-Marie): Bien, dans un contexte... La règle existe, de toute façon. On le prévoit dans la Loi sur la recherche, là, des causes de décès, on le prévoit dans la Loi sur les commissions d'enquête, mais je ne vois pas pourquoi on ne le prévoirait pas dans la loi créant l'office du DPP. Dans un contexte aussi où on note... Je vous dirais, il y a quelques années, on n'y était pas... Je ne pense pas qu'on va vivre, là, une inflation des poursuites, mais le phénomène contre les gens qui exercent ce genre de charge là, mais c'est courant maintenant, ce genre de... Et je pense que c'est important de passer le message dans la loi. À partir du moment où on codifie la fonction, pourquoi pas codifier la règle qui vient avec, la règle de l'immunité? Je ne sais pas si tu veux rajouter quelque chose?
Mme Viau (Louise): Bien, je rajouterais ceci, que le Québec, c'est une terre de droit codifié, si on se compare au reste du pays. Et, quand on parle de l'immunité, on voit immédiatement immunité de poursuite civile contre le Procureur général, d'autant que, dans notre mémoire, nous avons référé à l'arrêt Proulx de la Cour suprême, mais il y a aussi les possibilités d'intenter contre le Procureur général des recours extraordinaires pour le forcer à agir. Ça s'est vu dans le passé, par exemple dans un cas où le Procureur général avait décidé d'arrêter une poursuite qui avait été intentée par un poursuivant privé dans une affaire d'avortement. Alors, il pourrait arriver dans certaines situations où, pour des raisons tout à fait valables, le Directeur des poursuites publiques décide d'arrêter une poursuite qui a été entamée par un poursuivant privé, et vous pourriez avoir ce même poursuivant privé qui s'adresse aux tribunaux pour forcer le DPP à agir. Je ne vous dis pas qu'il aura gain de cause, je dirais même que j'en doute, mais il reste que, si on l'inscrivait expressément à la loi, ça éviterait certains débats.
M. Marcoux: Dans un cas comme celui-là, parce que ce que vous mentionnez, là, la question de l'immunité... mais, si le Procureur général juge que dans le cas... un exemple comme celui que vous avez mentionné, il est d'intérêt public soit de dire au Directeur des poursuites publiques, justement: Vous arrêtez la poursuite, vous ne poursuivez pas, ou encore vous continuez si vous voulez arrêter... Selon le projet de loi, le Procureur général pourrait le faire, ça, actuellement, sauf qu'il devrait expliquer pourquoi et rendre ça public, donc l'expliquer.
Mme Viau (Louise): Tout à fait. Cependant, ce que nous avons vu, ce à quoi nous avons assisté, c'est des individus, des poursuivants privés qui voulaient contester la décision du Procureur général. Alors, de la même façon, ils pourraient contester une décision prise par le DPP. Alors, si on met cette petite barrière de plus qui va faciliter la tâche des tribunaux pour dire: Non, nous n'intervenons pas dans ce genre de dossier; nous, tribunaux, nous n'exerçons pas un contrôle judiciaire sur ce genre de geste...
M. Marcoux: Vous faites référence d'ailleurs... et, quand vous parlez des directives et de leur publicisation, totalement d'accord, je pense, au-delà de la Gazette officielle, là, ça devrait être accessible au public. Et ça, là, même actuellement, je pense qu'il n'y a aucun problème. Totalement d'accord pour la plus grande ouverture à cet égard-là, puis les gens du ministère également. C'est une très, très bonne suggestion.
Vous faites référence à l'article 11, je crois, paragraphe 2°, concernant les attributions du DPP, où on indique «d'agir comme poursuivant[...], sous réserve des cas qui sont exclus par décret du gouvernement». Évidemment, l'intention à cet égard-là n'est pas d'aller ou de modifier indirectement des dispositions législatives actuelles. Ce que vous suggériez, vous, c'est: S'il y en a, décrivez-les tout de suite dans le projet de loi?
Mme Boisvert (Anne-Marie): Oui, pour qu'il y ait un débat public là-dessus, aussi. Je prendrais un exemple...
M. Marcoux: Donnez donc un exemple.
Le Président (M. Descoteaux): Vous allez devoir terminer en quelques secondes.
Mme Boisvert (Anne-Marie): Oui. Bien, tout simplement, il y a des domaines où on peut se poser des questions. En matière de valeurs mobilières, vous savez, on peut dire: Ah! bien, c'est technique, et puis on va retirer ça, puis on va mettre ça... on va avoir des poursuivants spécialistes. Mais, écoutez, ça pose des questions, on l'a vu, là, les tergiversations sur le marché des valeurs mobilières, peut-être qu'on pourrait avoir un débat public avant d'enlever ça des mains du DPP. On pense qu'on ne devrait pas pouvoir, entre guillemets, jouer avec sa juridiction par décret seulement, on devrait le prévoir dans la loi.
M. Marcoux: Merci.
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(16 h 50)
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Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. Nous allons aller du côté de l'opposition. M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, Me Boisvert, Mme la doyenne, Me Viau, très heureux d'avoir effectivement la chance de disposer d'un mémoire aussi fouillé. Vous avez vu les gens... ça s'est passé un peu vite, donc, malheureusement... Comme je regardais Me Proulx, malheureusement, qui n'a pas pu rédiger son mémoire, le vôtre est bien fouillé, vous analysez l'ensemble des problématiques. Plusieurs des éléments que vous mentionnez d'ailleurs, bien que vous connaissez maintenant mes réticences quant à aller plus loin sur certains aspects... Mais, si c'était le cas, effectivement il y a beaucoup d'éléments à améliorer.
Vous allez me permettre, en tout respect, deux petits commentaires. Le premier, c'est relatif aux questions fondamentales de votre mémoire et où vous traitez de... où vous avez une vision des nominations, à l'Assemblée, qui personnellement, je vais vous dire, me trouble un petit peu. Vous mentionnez que... Bon, vous regardez le mode de nomination, vous proposez un mode aux deux tiers et là vous dites: «À prime abord, on pourrait penser que c'est là le meilleur mode de nomination, mais il n'est pas sans certaines faiblesses, telle la difficulté de s'entendre dans une Assemblée nationale divisée où l'opposition peut faire obstruction à tout candidat proposé par le parti au pouvoir.» Et là vous en concluez que «nous ne pouvons nous payer le luxe de voir ainsi politisée la charge de Directeur des poursuites publiques».
Je n'ai pas votre connaissance profonde du droit pénal. Bien que j'aie suivi le cours Droit pénal avancé, je ne crois pas avoir toutes vos compétences. Par contre, j'ai une bonne expérience dans le processus de nomination pour avoir participé, même personnellement, à la nomination de la présidente de la Commission d'accès à l'information, aux suggestions qui sont faites.
Vos conclusions m'étonnent. Une nomination gouvernementale, par exemple, à la Caisse de dépôt a une couleur partisane. Une nomination aux deux tiers... dans l'histoire de l'Assemblée nationale, le fait que les deux parties doivent donner leur accord décolore totalement, totalement la nomination, et j'en prends pour preuve le Directeur général des élections. À quel moment cette personne-là, depuis que nous avons créé ce poste, s'est vu contester ou attribuer une couleur politique? Le fait que l'opposition ? et je pense que c'est ça, en démocratie ? donne son avis assure que la personne va être dépolitisée. Le fait qu'ils n'aient pas leur mot à dire, il y a des gens compétents mais politisés et... je veux dire «partisans» plutôt. Et là je le dis avec toute la conviction parce que je pense que notre système de nomination aux deux tiers a assuré que le Vérificateur général aussi soit quelqu'un dont on a toujours accepté la non-partisanerie et l'impartialité. Et j'aurais souhaité... et je me surprends à voir que vous ne souhaitez pas adopter une telle procédure qui justement éviterait toute partisanerie. Parce qu'en plus de la compétence on s'assure effectivement que cette personne-là n'a jamais été reconnue pour ses couleurs politiques.
Mme Boisvert (Anne-Marie): Ce qu'on dit. c'est qu'on ne la préconise pas plus nécessairement que d'autres. Effectivement, je pense qu'au Québec on n'a pas connu de graves problèmes, mais on était au... en tout cas, on a discuté du fait que... Disons que la nomination du Protecteur du citoyen, ces dernières années, a été... si ce n'était pas un exemple de partisanerie, ce n'était pas un exemple de célérité non plus. Et on pensait aussi... c'est que des fois on pense et... Bon, avec des exemples dans notre tête, en Belgique, je pense qu'ils sont rendus... ça fait six ans qu'ils n'arrivent pas à nommer un protecteur du citoyen suivant une procédure comme celle-là. Alors, je pense que ce qu'il faut retenir premièrement, c'est qu'il n'y a aucun modèle magique ou à l'abri de difficultés. Ça, c'est une chose, Mais ça ne veut dire que le modèle que, nous, on dit n'est pas nécessaire est déficient, loin de là, loin de là.
M. Bédard: Je vais finir mon raisonnement, Me Boisvert, d'autant plus que vous prévoyez sa destitution aux deux tiers de l'Assemblée. Donc, vous consacrez l'idée qu'un vote aux deux tiers dépolitise. Donc, là, je me dis... et c'est pour ça, comme vous avez mis la règle de la destitution aux deux tiers, qui, je pense, crée une sorte d'indépendance et s'assure que le DPP ne fera pas l'objet de pressions indues de la part... Là, on parle en théorie. On sait bien qu'en réalité ce serait rarissime, là, mais du moins n'aura pas cette impression de subir une pression indue. Donc, si on prévoit la destitution aux deux tiers, je me dis: Il serait logique effectivement de prévoir la nomination aux deux tiers.
Mme Viau (Louise): Je vais répondre. On s'est penchées aussi sur cette question. La question de destitution aux deux tiers, c'est un modèle parmi d'autres qu'on a évoqué, qu'on a retrouvé dans d'autres législations où il n'y avait pas de parallèle entre le mode de nomination et le mode de destitution. Pourquoi ne pas opter pour la nomination par l'Assemblée nationale? Bien, le DPP n'est pas un personnage qui est aussi indépendant que ne l'est le Vérificateur général, le Protecteur du citoyen ou le Directeur général des élections. La loi d'ailleurs le consacre en prévoyant cette ligne d'autorité qui demeure entre le Procureur général et le DPP, pour les raisons que l'on connaît. Et, si on adoptait un mode de nomination aux deux tiers, je le verrais pour ma part comme une... comme si on avait retiré au Procureur général une part de ses responsabilités. C'est le Procureur général qui ultimement doit être responsable du choix du bon DPP, c'est lui qui doit en répondre.
Bien sûr, ce sera une nomination du gouvernement, mais sur recommandation du ministre de la Justice, qui est également Procureur général. Et, dans la ligne d'autorité, selon notre tradition, hein, le DPP relèvera du Procureur général, qui, lui, tout ministre qu'il soit, tout membre du cabinet qu'il soit... il n'en demeure pas moins que la relation en sera une pour laquelle le DPP est seul à répondre. Ce n'est pas le cabinet qui répondra des décisions en matière de poursuites, c'est le Procureur général qui en répond.
M. Bédard: Je suis d'accord avec vous. Et d'ailleurs c'est ce qui brise un peu ce que j'avançais, là, avec Me Proulx, l'imputabilité; il faut être conscient qu'il y a une partie de l'imputabilité qui va se dissoudre, du moins qui va diminuer beaucoup, mais on se dit: On y va un peu plus avec l'indépendance; un peu moins d'imputabilité, un peu plus d'indépendance.
Donc, je comprends aussi que vous êtes d'accord avec le principe d'ouvrir les candidatures, de faire un appel de candidatures, et pas strictement, là, des noms recommandés. Et c'est ce qui apparaît... ce que je comprends dans votre mémoire, donc de procéder de cette façon-là.
J'aimerais peut-être revenir à un élément. On m'a parlé de la Nouvelle-Écosse, et je comprends que vous avez été consultées dans l'adoption, dans la rédaction ou du moins dans la proposition du projet de loi? Non? Mais vous semblez avoir une bonne connaissance, bon, de tout ce qui se passe en Australie, en Nouvelle-Écosse. Les événements auxquels on fait référence, est-ce qu'à l'époque le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Justice étaient regroupés? Est-ce qu'il y avait un titulaire unique de ces deux fonctions à l'époque où ces événements sont arrivés?
Une voix: ...
M. Bédard: Et Procureur général. Comme c'était le cas d'ailleurs au Québec jusqu'au milieu des années quatre-vingt.
Mme Viau (Louise): Je ne pourrais pas vous répondre spécifiquement à cette question. Effectivement, vous dites: On a l'air de connaître un petit peu cette question. Pour ma part, je vous confesserai que, dans une autre... pas tout à fait dans une autre vie, mais, dans une autre décennie, j'ai oeuvré pendant deux ans au ministère fédéral de la Justice, dans une section d'élaboration des politiques, et un des mandats qui m'a été confié, ça a été de réfléchir sur la question du DPP, mais avec un sous-ministre qui, lui, ne souhaitait pas la création d'un DPP. Il souhaitait tout simplement que l'on mette de la distance, une certaine distance entre le ministre de la Justice, dans ses fonctions de ministre de la Justice, et les fonctions de poursuivant. Et c'est ce qui s'est fait à Ottawa.
Et j'irais au-delà de votre question, mais peut-être un peu au bond avec les questions que vous avez posées plus tôt à Me Proulx. À Ottawa, le choix qui a été fait n'a pas été sans conséquences et sans inconvénients. Me Proulx évoquait les décisions qui devront être prises à la suite du dépôt du rapport Gomery. À Ottawa, il y a eu ce qu'on a qualifié de scandale Airbus. On a reproché au ministre de la Justice de n'avoir pas été informé, alors que c'était tout à fait conforme à la distance qu'on avait souhaité mettre. Mais la distance n'est pas suffisante, le public ne comprend pas. Si vous créez une institution distincte et que c'est compris, acquis par la population, le ministre s'en portera mieux et l'administration de la justice s'en portera mieux.
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(17 heures)
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M. Bédard: J'avouerais que... j'aurais tendance peut-être à vous dire: Il y a peut-être d'autres arguments qui militeraient contre. Quand vous dites: La conscience de la population face à ça, qu'on mette un DPP ou non, on va avoir le même problème, moi, je pense. La perception de la population, dans des cas très précis, qui sont extrêmement rares, de quelle façon va se manifester cette perception populaire? Dans les faits, on n'a pas beaucoup de problèmes, parce que, lorsque les juristes se posent les bonnes questions, ou évaluent effectivement est-ce qu'il y a eu intervention ou non, ou est-ce qu'on a suivi les règles, dans tous les cas jusqu'à maintenant, la problématique ne s'est pas posée. Les gens ont toujours exercé... Le ministère a ses mécanismes de protection, les ministres ont aussi la même prudence, alors...
Et là je vais plus loin, et vous m'avez entendu aussi, si on veut vraiment séparer et prévoir l'étanchéité ? et c'est ce qui nous inquiète un peu ? pourquoi ne pas séparer carrément le rôle du Procureur général, bien qu'il soit élu, de ne pas perdre cette imputabilité que, moi, je pense... qui est nécessaire et qui est un élément qui fait en sorte que la population a confiance? Quand elle entend le ministre de la Justice dire: Voici les raisons, aujourd'hui, pourquoi je ne porte pas d'accusations, ou j'en porte, ou que mes substituts du Procureur portent des accusations, il y a une explication qui se donne, et les gens, bon, peuvent être d'accord ou non, mais il y a une transparence qui est importante, et elle vient de cette imputabilité. Elle vient du fait aussi que, si les gens ne sont pas contents des décisions ou s'ils trouvent que le Procureur fait mal son travail, à la limite ils peuvent même le battre en élection. Je me dis: Si, lors d'une élection, ce Procureur sortait du Conseil des ministres et siégeait en Chambre, il répondrait accessoirement, rarement, il faut bien le dire, à des questions, mais donc ne serait pas mélangé à toute la trame gouvernementale, serait par contre un élu, serait imputable.
Est-ce que vous ne pensez pas qu'on aurait là des garanties d'indépendance intéressantes avec, assorti à cela, un processus de nomination directe à la fin du mandat, peu importent les raisons, sauf évidemment inconduite, là, et, comme vous le disiez tantôt, inconduite qu'on pourrait définir? Mais là, à ce moment-là, est-ce qu'on rejoindrait ce degré d'indépendance et d'apparence, tout en ne sacrifiant pas cette imputabilité?
Mme Viau (Louise): Je pense que, même la façon dont vous décrivez cette imputabilité, je suis portée à la contester quelque peu. On a tendance à confondre les rôles de ministre de la Justice et de Procureur général responsable des poursuites. Le ministre de la Justice peut donner des directives, des directives très précises. J'ai encore le souvenir quand le ministre Marx avait donné des directives à ses procureurs de la poursuite, aux procureurs de la couronne, en disant: Écoutez, là, les affaires de violence conjugale, c'est important, et qu'il avait fait la sortie publique: Battre sa femme, c'est un crime. Ça, c'est une mission de ministre de la Justice qui donne des orientations. Un ministre de la Justice peut donner des orientations et il portera son chapeau de Procureur général, si le projet de loi est adopté, pour donner des directives au DPP, pour lui dire: Écoutez, pour tel genre de crime, moi, ministre de la Justice, je considère que c'est un crime très grave, vous devriez demander des peines de prison dans tel genre de situation. Ça, c'est une fonction.
Maintenant, la question de la population qui ne comprend pas, la population qui souhaiterait que le ministre vienne expliquer pourquoi, dans le cas de monsieur X, accusé du crime Y, le procureur de la couronne ne va pas en appel, le ministre de la Justice ne devrait pas avoir à en répondre en Chambre. Et, si on crée une fonction, comme celle du Directeur des poursuites publiques, qui est indépendante, ça prendra sans doute du temps, mais éventuellement la population comprendra les rôles exercés par l'un et par l'autre, et, au plan de l'exercice de notre démocratie, je crois qu'on en sortira tous gagnants.
Mme Boisvert (Anne-Marie): Je voudrais peut-être juste rajouter, très, très brièvement, que, quand on parle d'imputabilité justement, le ministre de la Justice est imputable de ses politiques de poursuite. Je vais donner l'autre exemple. Vous vous rappellerez, au Québec, quand on a décidé d'arrêter de poursuivre le Dr Morgentaler ou d'arrêter de poursuivre en matière d'avortement, c'est une décision dont le ministre de la Justice doit être imputable.
Maintenant, la décision d'instituer des procédures, elle, est de nature quasi judiciaire, là. J'abonderais dans le même sens que M. Proulx tout à l'heure, ou Me Proulx, et je verrais d'un très mauvais oeil et je trouverais navrant qu'on commence à demander des comptes sur des affaires individuelles. Ce n'est pas dans notre tradition et ça ne devrait pas le devenir. Alors, quand on parle d'imputabilité en matière de poursuite, on ne devrait jamais s'attendre à ce qu'en Chambre on réponde d'un dossier en particulier.
M. Bédard: Je vais laisser mon collègue... parce qu'il aura d'autres questions. Mais simplement vous dire que je ne suis mais pas du tout d'accord avec votre dernière affirmation, bien que la réserve... il y a une réserve de l'institution, mais que l'imputabilité implique la réponse, implique la justification, et c'est là que se crée la confiance du public. C'est à partir des explications, pas de la décision. C'est ce que je pense, en tout respect, mais je vais laisser à mon collègue et votre ex-collègue le soin de finir les questionnements. Merci.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Mercier, vous avez quatre minutes.
M. Turp: Merci, M. le Président. Ma chère doyenne, chère collègue, qui a une autorité limitée sur moi parce que je suis en congé au moment où on se parle, moi, je voudrais juste faire un commentaire puis ensuite vous poser une question sur l'article 95 du Code de procédure civile, parce que vous avez fait des commentaires dans votre mémoire. Les gens du Barreau, ce matin, ont aussi fait des commentaires, mais, dans le début de votre mémoire, vous dites: Il ne faut pas toucher au Procureur général, là, puis à ses fonctions, à cause de l'article 63 de la Loi constitutionnelle de 1867. Je vous rappellerai, là, que ça, c'est dans une partie de la Loi constitutionnelle concernant les constitutions provinciales, puis on peut changer ça, on peut changer ça tout seuls. Alors donc, ce n'est pas un obstacle. Ce qui ferait que, si on voulait, par exemple, décider que le Procureur général du Québec ne soit plus dans le Conseil des ministres, ne soit même plus un député, on pourrait le faire, mais on amenderait la constitution provinciale et on pourrait donc créer une fonction tout à fait indépendante du Procureur général. Et je sais que ce n'est pas dans les propositions, mais il y a des pays du Commonwealth où c'est le cas, et peut-être que ça pourrait être une hypothèse sérieuse, parce que là il y aurait une imputabilité directe mais sans problème de participation au Conseil des ministres.
Alors, peut-être que vous pourriez dire un mot là-dessus. Est-ce qu'on pourrait envisager, dans les hypothèses, le fait que le Procureur général soit nommé, désigné par l'Assemblée nationale elle-même et que l'on crée une fonction qui serait très, très différente de la fonction actuelle du Procureur général, qui est presque nécessairement liée avec celle du ministre de la Justice?
Et, sur l'article 45... ou 95, Code de procédure civile, les gens du Barreau ont dit: On l'enlève. L'article 41 dans le projet de loi ne devrait même pas être là. Alors, vous, vous êtes peut-être un petit peu moins radicales, vous dites que le dernier paragraphe, il est inconstitutionnel, celui-là, il faudrait peut-être l'enlever. Mais j'aimerais avoir votre position sur 95 tel qu'amendé. Qu'est-ce qu'on devrait faire avec ce qu'il y a dans le projet de loi précisément?
Le Président (M. Descoteaux): Me Boisvert.
Mme Boisvert (Anne-Marie): Bien, précisément, quand... Je pense... Moi, il ne serait pas là, ça ne me dérangerait pas, là, on pourrait à peu près tout enlever. Maintenant, on s'est montrées sensibles à ce qui a dû motiver l'inclusion de ça puis on a pensé à certaines affaires précises où l'enjeu quand même pour le gouvernement, là, compte tenu de la nature de la réparation, était important. On parlait de millions de dollars, d'un côté, puis d'une institution complète des juges de paix, de l'autre. Alors, on pensait qu'on pouvait peut-être tout simplement prévoir que, quand le remède aura des incidences financières importantes pour le gouvernement, bien le Procureur général devrait être notifié. Mais on ne pourrait pas aller plus loin que ça puis on ne pourrait pas empêcher le juge de se prononcer en l'absence d'avis.
M. Turp: Vous voudriez qu'on ajoute cette formule que vous mentionnez dans votre mémoire?
Mme Boisvert (Anne-Marie): Bien, ça nous semblerait raisonnable mais pas nécessaire. On pourrait carrément...
M. Turp: Ça fait deux groupes qui disent ça, M. le ministre, là, que... Alors, sur le Procureur général, Me Viau.
Mme Boisvert (Anne-Marie): Ah, sur le Procureur général, écoutez, je pense que là aussi il n'y a pas de modèle magique. J'ai l'impression qu'avec le modèle dont vous parlez, si on le divorçait complètement, ce qui est possible, bien, là, c'est l'imputabilité dont on parlait, au moins sur les politiques de poursuite qu'on perdrait peut-être, à un moment donné. Alors, c'est une question d'équilibre. Pour nous, le modèle proposé réussit à atteindre un équilibre, et, avant de le critiquer plus, je pense qu'on pourrait lui donner la chance de le voir en action.
M. Turp: Merci.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Mercier, le temps est écoulé. Merci, Me Boisvert, merci, Me Viau, de votre présence devant la commission. Nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 10)
(Reprise à 17 h 13)
Le Président (M. Descoteaux): Si vous permettez, nous allons débuter. Me Jean-Claude Hébert, bienvenue devant la Commission des institutions. Donc, selon nos règles, vous avez approximativement 20 minutes pour vos représentations, votre mémoire, suivies d'une période d'échange et de questions de part et d'autre, du côté du ministre et du côté de l'opposition officielle. Donc, la parole est à vous, Me Hébert.
M. Jean-Claude Hébert
M. Hébert (Jean-Claude): Merci. Je n'ai pas confectionné de mémoire. D'autres l'ont fait, et je suis convaincu que vous avez un éclairage assez considérable sur les questions qui vous intéressent. Je m'en excuse pour ma part, mais j'ai eu l'invitation peut-être un petit peu tardivement ? ce n'est pas un reproche à personne ? mais j'ai quand même accepté l'invitation. Et j'essaierai de réfléchir en vrac, en faisant part de certaines observations sur différentes dispositions du projet de loi, et, à ce moment-là, vous aurez, je pense, un peu l'essentiel de ce que je peux en penser et apporter comme suggestions.
J'ai tantôt relevé, là, qu'il a été question, avec les personnes qui m'ont précédé, de la question de nomination-destitution. Commençons à l'envers, parlons de destitution. J'ai vu, dans le projet de loi, qu'on parle de destitution pour cause. On sait tous à peu près ce que ça veut dire. On pense notamment aux mesures qui existent dans la Loi sur les tribunaux judiciaires et la Loi sur la justice administrative. Lorsqu'il s'agit de destituer un juge judiciaire ou un juge administratif, il y a quand même un mécanisme qui est installé, mis en place pour permettre à ces personnes-là de se faire entendre. Autrement dit, l'autorité compétente peut dire: J'ai une juste cause pour demander la destitution du directeur ou de son adjoint. Mais, une fois que lui pense la chose ou une fois que l'autorité compétente pense la chose, peut-être qu'il faudra donner la chance à la personne qui risque de perdre sa fonction de se faire entendre convenablement par un tiers, et c'est là que la loi est silencieuse là-dessus. On parle de destitution pour cause, mais comment et devant qui? Ça pourrait être simplement un renvoi à la Loi sur les tribunaux judiciaires ou à la Loi sur la justice administrative, en disant: Bien, le directeur ou son adjoint auront droit à la même mesure de justice qui existe dans les lois existantes au Québec à cet égard-là.
Quant à la nomination, j'ai entendu des gens dire: Bien, ce serait peut-être préférable que l'Assemblée nationale le fasse. Je n'en vois pas une absolue nécessité. Je veux dire, le gouvernement, quand il nomme des juges, l'Assemblée nationale n'intervient pas, que je sache. C'est une fonction, traditionnellement, qui relève du pouvoir du gouvernement. Maintenant, si on veut, pour des fins pédagogiques, si on veut, pour des fins d'apparence d'indépendance, lancer un message clair à la l'opinion publique que le DPP sera vraiment quelqu'un de tout à fait indépendant et qu'on veut sanctionner tout ça avec un vote de l'Assemblée nationale, ça devient plus cosmétique que réel, mais c'est peut-être un détail qui pourrait ajouter une apparence plus consolidée d'indépendance au DPP.
Je saute rapidement. Et tantôt j'entendais les interventions, de part et d'autre, sur le second paragraphe de l'article 11, où il est question, là, et je cite, «d'agir comme poursuivant dans toute affaire où le Code de procédure pénale trouve application ? et là j'en suis ? sous réserve des cas qui sont exclus par décret du gouvernement». J'ignore si c'est le cas à propos de l'Autorité des marchés financiers, ce qu'on appelait autrefois la Commission des valeurs mobilières, mais je pense que le Procureur général du Québec et son délégué, le Directeur des poursuites, devraient s'afficher clairement. Parce que, s'il y a un domaine qui est important, c'est bien la criminalité financière ou la délinquance financière, et, si vous n'affichez pas clairement un rôle prépondérant au DPP là-dessus, bien, je veux dire, c'est le PG fédéral qui va continuer à occuper tout le terrain.
Vous savez très bien qu'il y a eu des amendements importants au Code criminel en matière de crimes financiers. Vous savez que le gouvernement fédéral a mis beaucoup d'argent pour la mise sur pied d'escouades spécialisées en la matière, sous la gouverne de la GRC, et c'est évident que, quand ils vont passer à l'action, quand ils vont déposer des poursuites, ce sont des avocats du Procureur général fédéral qui vont faire les poursuites et qui vont probablement recueillir les amendes aussi, c'est logique.
Moi, je pense que, si on s'inspire, par exemple, de ce qui se fait aux États-Unis... Je regarde, moi, le bras de fer qui existe entre la SEC, la Securities and Exchange Commission, qui est un organisme fédéral américain, versus le Procureur général de l'État de New York, Elliot Spitzer, qui a pris véritablement le taureau par les cornes en matière de délinquance financière ? c'est lui qui mène le bal actuellement, c'est lui qui est en train de policer les délinquants, qui recueille des amendes faramineuses pour l'État de New York. Alors, si ça se fait aux États-Unis, c'est-à-dire que l'État de New York prend les devants et la direction dans la délinquance financière, je ne vois pas pourquoi l'État québécois ne jouerait pas un rôle important avec son Autorité des marchés financiers. Mais seulement que le Procureur général ou son délégué exerce cette fonction-là et ne laisse pas ce domaine de poursuite là à des avocats de l'autorité financière. C'est trop important.
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(17 h 20)
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Maintenant, je vois également la dernière phrase au dernier paragraphe de l'article 11: «Enfin, il exerce toute autre fonction qui lui est confiée par le Procureur général.» Nous savons que le Procureur général du Québec, c'est le jurisconsulte du gouvernement. La question que je me pose, c'est la suivante. Évidemment, comme jurisconsulte, le Procureur général est appelé à donner des opinions juridiques au gouvernement, dans toutes sortes de domaines et parfois des domaines extrêmement sensibles. Est-ce que ça veut dire que le DPP va exercer en partie, ou en totalité, ou pas du tout cette fonction de jurisconsulte ? en tout cas, dans le domaine des poursuites pénales et criminelles ? ou si on veut garder en exclusivité pour le Procureur général cette fonction-là? Si le Procureur général garde pour lui en exclusivité sa fonction de jurisconsulte, ça veut dire qu'il va faire affaire avec ses avocats, ses conseillers juridiques de son ministère, et il obtiendra des opinions juridiques sur des domaines qui peuvent recouper la matière du DPP. Mais je pense qu'on aurait intérêt peut-être ici à clarifier les zones et les compétences de l'un et de l'autre.
Je saute à l'article 15. On dit que «le directeur participe aux enquêtes». Alors, vous avez toute une série d'enquêtes, coroners, commissaires enquêteurs, Loi des commissions d'enquête. Moi, je serais tenté de suggérer que l'on dise «le directeur peut participer». Parce que, là, de la façon que c'est écrit, ça a l'air de dire que d'office il est quasiment obligé de participer, du moins ne serait-ce que pour surveiller. Si je prends l'exemple, qu'on a actuellement, de la commission Gomery, je trouve très ambigu le rôle qui est joué par le Procureur général du Canada actuellement, qui, par ses avocats intervient plus ou moins agressivement, selon les témoins qui sont là, et à la longue on s'aperçoit que l'agressivité de ses interventions est en fonction des intérêts du gouvernement qu'il représente, et parfois au détriment de l'ancien gouvernement libéral qui était en cause. Ça, c'est le genre d'intervention qu'on ne souhaite pas voir de la part d'un Procureur général dans une commission d'enquête.
Et, à partir du moment où le Procureur général peut participer à une commission d'enquête, et dans certains cas peut-être qu'il le devrait, bien son rôle doit être un rôle neutre et prendre ses distances vis-à-vis le commissaire ou les commissaires enquêteurs, qui sont là finalement pour rédiger une analyse et des recommandations pour le gouvernement, parce que c'est le gouvernement qui aura à appliquer les recommandations de la commission d'enquête. Alors, le Procureur général ne doit pas d'office être considéré comme un participant qui intervient, parce qu'il a un rôle prépondérant s'il intervient. Et, encore là, on pourra toujours dire: Ah, le Procureur général, il est en train de vouloir tirer les ficelles de son côté, il a un intérêt politique, etc. Alors, sur cette question de participation, je pense qu'on devrait peut-être dire qu'il peut participer, mais non pas participe, parce que, de la façon que c'est rédigé là, c'est comme si c'était une obligation de le faire.
Je saute à l'article 16. Quand on parle de l'application des directives, notamment aux municipalités, moi, le problème que j'ai avec ça, c'est le suivant. Les municipalités peuvent agir en poursuite, mais, quand on est, par exemple, en matière sommaire du Code criminel ? je pense, je ne sais pas, moi, aux facultés affaiblies ? ce n'est pas les municipalités qui agissent en poursuite, ce sont des agents de la paix qui se portent dénonciateurs. Et, à ce moment-là, un peu comme à la Cour municipale de Montréal, la municipalité fournit les services d'un avocat. Mais l'avocat de la ville de Montréal, techniquement parlant, là, si on lit le Code criminel correctement, c'est un avocat d'un poursuivant privé. Parce que l'agent de la paix qui signe la dénonciation, c'est un poursuivant privé. Comme d'ailleurs un poursuivant privé irait porter une plainte lui-même et s'engage un avocat privé. Est-ce que les directives du Procureur général vont s'appliquer à l'avocat du poursuivant privé? Je serais porté à dire que non.
À ce moment-là, je pense, il y aurait peut-être lieu de clarifier cette question-là: Qui est vraiment visé par les directives quand on parle de poursuites qui sont prises notamment devant les cours municipales? Parce que, devant les cours municipales, il y a toutes sortes de poursuites qui sont prises, par toute sorte de monde, et à ce moment-là l'avocat qui est là n'est pas nécessairement quelqu'un qui est en lien d'autorité avec la municipalité ou avec le gouvernement, plus tard. Donc, les directives... Remarquez, rien n'empêche quelqu'un, un avocat, de vouloir respecter en général les directives qui viennent du gouvernement, parce que ce sont sans doute des directives de bon sens. Mais, si quelqu'un veut porter une plainte privée puis il dit: Moi, je me sens à l'étroit dans les directives du gouvernement, je ne me sens pas lié, je pense qu'il ne s'avouerait pas lié par ces directives-là.
Article 18, on parle du devoir de conseil... en fait du pouvoir de conseil des agents de la paix. Si je me réfère à la décision de la Cour suprême dans l'affaire... je pense que c'est Regan, où la Cour suprême a discuté longtemps cette question-là de distance entre les procureurs de la couronne et les corps de police, on a fait plein de nuances dans ce jugement-là. On a dit: Bien, au Québec, on a une certaine tradition où les procureurs de la couronne spécialisés dans les crimes sexuels ont tendance à intervenir assez tôt dans le processus du dossier pour questionner, par exemple, les plaignantes, les victimes, etc., et donc c'est une excellente méthode. Par contre, dans d'autres provinces, on ne le fait pas, et, à d'autres niveaux, pour d'autres crimes, on recommande plutôt une certaine distance pour que la police fasse son travail d'enquêteur puis que le procureur de la couronne juge définitivement si les plaintes doivent être portées.
J'avoue que je n'ai pas d'opinion tranchée là-dessus, mais je serais porté à dire que généralement il faut que le Procureur général, et donc le DPP, conserve une certaine distance vis-à-vis de la police, parce que les grands corps de police, ils en ont, des conseillers juridiques. Et, si on veut que le DPP ne soit pas à la solde de la police, il faut que la police accepte les conseils mais ne soit pas constamment en train de se sentir obligée d'accepter les conseils et les directives du DPP. Il faut que les deux entités soient autonomes, quoique bien sûr dans la pratique tout le monde accepte qu'ils travaillent en collégialité.
L'article 19, je pense que c'est une excellente suggestion que de prévoir ? et l'affaire Homolka en est un exemple récent; de prévoir ? des possibilités d'entente avec d'autres provinces et peut-être même le fédéral pour que, dans certains cas, des poursuites puissent être prises avec la collaboration des officiers de justice des autres provinces. Et le meilleur exemple, c'est encore l'affaire Homolka. On a vu récemment que, de façon extrêmement rapide et expéditive, on a trouvé une façon de faire en sorte que les avocats de l'Ontario, qui avaient l'expertise, la connaissance du dossier, ont pu s'adresser au tribunal avec évidemment, je dirais, la toge du Procureur général du Québec, et évidemment je présume que ces gens-là avaient tous obtenu l'autorisation du Barreau. Donc, ça s'est fait conformément à la Loi du Barreau. Alors ça, cette initiative-là, je la trouve heureuse, parce que parfois il faut agir rapidement. Et, si on peut justement débloquer ce problème de compétence ou de juridiction entre les provinces rapidement, comme c'est prévu ici, bien je pense que l'efficacité de la justice y gagne au compte.
Je suis également d'accord avec la philosophie, à l'article 20, où on parle d'orientations et de mesures qui doivent venir d'en haut, c'est-à-dire du Procureur général et du ministre de la Justice. On s'aperçoit qu'en droit criminel il y a de la technique, mais il y a aussi beaucoup de politique. On ne peut pas défaire la politique des lois. Dans toute loi à sanction pénale, il y a une motivation politique derrière ça. Et vouloir complètement isoler le Procureur général et le tenir à l'écart de la direction des poursuites pénales serait une grave erreur. Je pense que, dans une loi où il y a des sanctions pénales, il y a aussi beaucoup d'autres volets qui sont importants. Il y a des volets sociaux, il y a des volets culturels, il y a des volets politiques. Alors, la responsabilité politique doit quand même toujours s'exercer dans ce sens-là. C'est tout à fait justifié que le Procureur général émette des orientations et des mesures.
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(17 h 30)
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L'article 21, qui est un peu le pendant de l'article précédent, je pense qu'on fait bien de souligner que le Procureur général ne peut intervenir que de manière exceptionnelle, mais, moi, je rajouterais une clause supplémentaire pour être sûr que le message est bien compris. Je dirais, après l'expression «de manière exceptionnelle»? virgule ? «après consultation préalable avec le directeur à ce sujet et uniquement si l'intérêt de la justice l'exige». Alors là on comprendrait que c'est tellement exceptionnel que son intervention, au Procureur général, doit être commandée par l'intérêt de la justice. Bon, ça pourrait être aussi l'intérêt public, quoique ce sont deux concepts qui parfois se rejoignent mais ne se superposent pas toujours. À mon humble avis, l'intérêt de la justice, sur une question territoriale, en embrasse moins large que l'intérêt public. L'intérêt public, ce peut être subtil. Mais, quoi qu'il en soit, j'aimerais que l'on définisse davantage, peut-être par l'ajout d'une phrase ou d'une périphrase, ce que signifie la portée de l'expression «de manière exceptionnelle».
Le Président (M. Descoteaux): Me Hébert, en deux minutes.
M. Hébert (Jean-Claude): Oui. J'arrivais justement à ma conclusion. J'aimerais aussi que l'on prévoie, dans ce projet de loi là, la possibilité de recourir à un procureur indépendant. Non pas que la direction des poursuites pénales et publiques ne soit pas indépendante, mais je pense, par exemple, à une situation où il y aurait un conflit d'ordre politique, un conflit où il y a un scandale quelconque, et que là on puisse penser en quelque part que le directeur ne serait pas à l'aise d'intenter une poursuite pénale contre peut-être son patron ou des gens du cabinet. Il faudrait peut-être garder la possibilité ou la porte ouverte à ce que le Procureur général puisse désigner un procureur indépendant et s'assurer que justice suive son cours sans que la direction des poursuites pénales ne soit mise en cause ou ne puisse être soupçonnée de complaisance vis-à-vis le gouvernement.
Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, Me Hébert. Puisque nous avons pris quelques minutes de retard, est-ce qu'il y a consentement pour que nous débordions un peu 6 heures... 18 heures? Oui? Ça va? Consentement? Merci bien. M. le ministre.
M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, Me Hébert, d'être présent. Vous oeuvrez dans ce domaine-là depuis un certain nombre d'années déjà. Votre réputation est reconnue, et je dois vous dire que, comme tous les membres de la commission, je pense, là, j'apprécie beaucoup que vous ayez pris le temps de venir aujourd'hui faire vos commentaires devant la commission. Vous êtes un praticien d'expérience, et, je pense, c'est ça, le point de vue que vous vouliez apporter, et je pense que, pour tous les membres de la commission puis pour le gouvernement, c'est extrêmement important.
Moi, j'ai une question générale à vous poser et, après ça, je vais reprendre certains des commentaires fort pertinents que vous avez faits.
Comme praticien, comme personne, là, qui depuis plusieurs années avez oeuvré dans ce domaine de droit criminel ou droit pénal, j'oserais vous demander évidemment: Est-ce que vous êtes globalement d'accord avec l'orientation prévue par le projet de loi, c'est-à-dire quant à la création d'une fonction, d'une institution de Directeur des poursuites publiques, avec l'attribution de certaines responsabilités spécifiquement, là, prévues dans la loi?
Le Président (M. Descoteaux): Me Hébert.
M. Hébert (Jean-Claude): J'aurais peut-être dû le dire d'entrée de jeu: Effectivement, je suis entièrement d'accord avec la philosophie et le fondement de ce projet de loi là. Effectivement, j'ai commencé à pratiquer à peu près au même moment où Me Monty a commencé, donc ça fait déjà un petit bout de temps, et déjà à l'époque, je me souviens, quand nous étions jeunes avocats, on parlait de cette chose-là, qu'il y aurait peut-être avantage d'avoir un tel organisme. Donc, je suis content de voir qu'avant que nous accrochions nos toges, Me Monty et moi, enfin l'institution va naître et, j'en suis convaincu, va connaître un certain succès. Donc, au niveau de la philosophie du projet de loi, moi, je souscris entièrement à ça.
M. Marcoux: Merci. Peut-être reprendre et... Vous avez soulevé un certain nombre de points. Vous avez commencé avec l'aspect de la destitution. Évidemment, il en a été question avec d'autres intervenants précédemment. Vous dites: Peut-être pourrions-nous référer, si j'ai bien compris, au processus qui est prévu entre autres dans la Loi des tribunaux judiciaires ou la loi des tribunaux administratifs. Évidemment, tout en voulant assurer l'indépendance, il n'a pas un statut de juge ou de membre du Tribunal administratif. Est-ce qu'on peut vraiment réconcilier les deux en disant: Bien oui, on peut suivre ce qui est prévu dans la loi sur les tribunaux administratifs, par exemple?
M. Hébert (Jean-Claude): Je pense aussi à la Loi sur la fonction publique. Il y a des mécanismes beaucoup plus souples que ceux qui sont prévus dans la Loi sur les tribunaux judiciaires mais qui assurent quand même aux personnes qui seraient sur la voie peut-être d'être destituées, ou congédiées plutôt, d'avoir un mécanisme de défense et de se faire entendre. Alors, il serait plutôt singulier qu'une personne qui occupe une haute fonction, comme le directeur, n'ait pas ce minimum de moyens de défense ou moyens de se faire entendre. Et je comprends que, quand on dit dans la loi qu'il ne peut être destitué que pour cause, ça signifie qu'en quelque part il va bien falloir que quelqu'un l'entende et puisse lui permettre de faire valoir une défense pleine et entière, si vous me passez l'expression. Mais on le fait devant qui et on le fait comment? Alors, c'est pour ça que je pensais que, pour éviter l'ambiguïté, dans le futur, peut-être qu'il vaudrait mieux déjà faire une référence à des mécanismes qui existent déjà dans d'autres lois. Bon, l'exemple des tribunaux judiciaires est probablement mal choisi parce que c'est un des mécanismes les plus lourds. Il faudrait un mécanisme qui soit adapté à l'importance de la fonction.
M. Marcoux: Bien, écoutez, ce que je retiens, je pense, c'est l'essence de pouvoir donner à la personne concernée le pouvoir de se faire entendre. Ça, je pense que c'est fondamental, je suis d'accord avec vous là-dessus, mais de trouver le forum où elle pourrait le faire et qui soit un forum, dans le fond, qui soit déjà reconnu, au lieu de recommencer à vouloir créer d'autre chose. Alors ça, je retiens ça.
Vous nous avez parlé aussi de l'article 11, paragraphe 2°, et vous avez fait référence notamment aux marchés financiers. Il est clair que l'objectif ? et je pourrais demander à Me Monty de dire un mot là-dessus, si les gens de la commission sont d'accord ? ce n'est pas de vouloir indirectement, là, exclure d'autres dispositions législatives. Je pense que ça, c'est clair, et peut-être que ça ne donne pas vraiment, là... ou ça semble ratisser plus large que ce qui est prévu, parce que l'objectif, ce n'est certainement pas de vouloir exclure, là, des responsabilités actuelles du DPP. Je ne sais pas si vous avez des commentaires, Me Monty, à ajouter là-dessus?
Le Président (M. Descoteaux): Consentement? Consentement que Me Monty...
M. Bédard: ...tout le temps, mais, lors d'une consultation, c'est assez exceptionnel.
Une voix: Je n'ai pas de problème.
M. Bédard: Oui, c'est pour ça. Et ce n'est pas ? en tout respect pour Me Monty ? mais normalement ce n'est pas la même chose lorsqu'on adopte un projet de loi et on pose des questions.
M. Marcoux: Bon, je... Mais ce n'est certainement pas l'objectif. Donc... Alors, c'est un aspect qu'on va demander d'examiner, là, de bien préciser, parce que je comprends que ça soulève des préoccupations. Vous l'avez fait, d'autres l'ont fait avant vous, alors ça veut dire que ce n'est pas clair. Il y a de quoi qu'on doit préciser.
Pour ce qui est de...
M. Hébert (Jean-Claude): Ce que je voulais vous dire aussi, c'est que je ne voudrais pas que le gouvernement du Québec soit absent de ce domaine extrêmement important de la délinquance financière. Je pense que nous avons des compétences au Québec, nous avons des gens qui sont formés à ça, mais je souhaiterais que la direction soit prise clairement par la DPP dans le domaine de la délinquance financière et qu'on ne laisse pas uniquement au gouvernement fédéral ce secteur-là d'activité qui est très important.
M. Marcoux: Et d'ailleurs c'est conforme aussi avec les positions qu'ont prises les différents gouvernements, au Québec, et aussi en ce qui a trait à la réglementation, par exemple, des valeurs mobilières. Je pense que c'est consistant, c'est continu, et il faut maintenir cette orientation-là, je suis tout à fait d'accord avec vous.
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(17 h 40)
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L'article 11 ? et c'est une bonne question ? quand vous dites: «Il exerce toute autre fonction qui lui est confiée par le Procureur général», est-ce que le DPP deviendrait en quelque sorte un bras de jurisconsulte du Procureur général? Ça, ce n'est certainement pas l'intention. Donc, je pense que ça viendrait contredire un peu les attributions de fonction qui sont prévues dans d'autres articles de la loi. Alors, si ce n'est pas clair, on le verra, mais ce n'est certainement pas l'objectif, d'autant plus... Et vous aviez fait référence... Si vous allez à l'article 17, où là on précise que le Procureur général pourrait demander au directeur «une expertise liée à l'application des droits dans le domaine de sa compétence, notamment par la production d'avis. Il peut faire des recommandations [...] concernant l'application de ces lois et l'exercice de leurs fonctions». Alors, en tout cas, ce n'est certainement pas l'objectif, là, de vouloir lui faire jouer un rôle de jurisconsulte en matière d'avis du Procureur général et du ministre de la Justice. Alors ça, je pense que c'est important.
Vous suggérez de prévoir la possibilité de recourir à un procureur indépendant. Et je ne sais pas si... Il y a un article qui touche ça ? je ne sais pas si ça rencontre ce que vous souhaitez ? et c'est l'article 26, où on dit: «Le directeur peut désigner [...] tout avocat autorisé en vertu de la loi à exercer sa profession au Québec pour le représenter devant les tribunaux en matière criminelle ou pénale. Les personnes ainsi nommées sont considérées comme des procureurs aux poursuites publiques, mais pour le seul mandat qui leur est confié.» Bon. Ma question: Est-ce que ça, ça répond à votre préoccupation ou si c'est un peu différent de celle que vous exprimez?
M. Hébert (Jean-Claude): C'est un peu différent, parce que je vois ici que cette compétence-là est exercée par le directeur, c'est-à-dire que... Bon, je ne sais pas, moi, je pensais justement que 26 pourrait à la limite couvrir des situations d'urgence, comme, je ne sais pas, moi, il y a des moyens de pression qui sont faits par les procureurs de la couronne. Malheureusement, ça arrive de temps à autre. Là, il y a un procès extrêmement important qui doit commencer. Les personnes sont détenues. Bon, le directeur peut dire: Bien, je vais combler le vide, je vais nommer un procureur indépendant, puis au moins ce procès-là va fonctionner, puis les personnes sont détenues. Bon.
Mais, moi, je pensais plutôt à la difficulté qu'on peut rencontrer ? et ce n'est pas quelque chose que je suis en train de souhaiter à personne ? mais à supposer qu'il y a un énorme scandale politique qui arrive, qui secoue le gouvernement. Et ce serait peut-être une des façons justement pour le Procureur général de dire: Je ne suis pas en train d'essayer de mettre les choses sous le tapis. Au contraire, je vais nommer un procureur indépendant qui n'a rien à voir avec le gouvernement, qui n'a rien à avoir avec le DPP, et puis, lui, là, il va superviser l'enquête de police, puis, s'il y a des accusations à porter, il va les porter, puis, à part de ça, il va agir comme poursuivant. C'est ce que je veux dire par «procureur indépendant». Et de fait c'est quelque chose qui existe dans d'autres pays. Aux États-Unis, assez fréquemment, on l'utilise justement pour des raisons de dépolitiser un problème.
Alors, je ne dis pas que c'est quelque chose qui serait fréquent et utilisé, mais, si jamais on en a besoin, bien ce sera prévu dans la loi. C'est comme ça que je vois les choses.
M. Marcoux: Évidemment, si je comprends... Moi, je ne suis pas un criminaliste, là, mais ce n'est pas dans notre culture, ici, au Canada. Est-ce que ça existe ailleurs au Canada, à votre connaissance?
M. Hébert (Jean-Claude): Bien, c'est-à-dire, ce n'est pas dans notre culture... Vous ne verrez pas, dans aucune loi, je ne pense pas du moins, d'écrit qu'effectivement on peut prévoir le statut de procureur indépendant, mais il y a des poursuites qui ont été prises, au Québec et dans d'autres provinces, par ce qu'on appelait des substituts ad hoc. Si on retourne juste, par exemple, à la crise d'Octobre, en 1970, je peux vous dire que la plupart des poursuites criminelles devant les tribunaux ont été prises par des avocats qui étaient mandatés spécifiquement par le gouvernement comme procureurs de la couronne ad hoc. Il y avait des raisons à ce moment-là pourquoi on voulait faire ça. Mais ce que je dis est: Dans des situations de crise, on peut également avoir besoin de ce genre de procureur là, pour des raisons très variable d'un cas à l'autre.
M. Marcoux: O.K. Mais donc ça pourrait se faire dans le cadre de l'économie générale de nos lois actuelles, c'est-à-dire en le prévoyant cependant, là... le prévoyant, mais...
M. Hébert (Jean-Claude): Oui, oui. Oui, moi, je pense qu'il faut empêcher que quelqu'un, plus tard, qui interprète la loi dise: Ah, je vais contester la nomination d'un avocat procureur de la poursuite ad hoc en disant: Ce n'est pas prévu par la loi. Alors, si c'est clairement prévisible ou que ça peut être fait en vertu de la loi, bien, je veux dire, il n'y a personne qui va contester le mandat de quelqu'un d'agir.
M. Marcoux: Est-ce que, par analogie... Puis évidemment il y a eu au cours des dernières années, notamment aux États-Unis, là, cette notion de procureur spécial, là. Vous parliez de Kenneth Starr ou vous parliez tantôt du procureur de l'État de New York, est-ce que c'est un peu ça auquel vous faites allusion en disant, c'est...
M. Hébert (Jean-Claude): C'est-à-dire que, quand je parlais, par exemple, d'Eliot Spitzer, à New York, lui, il est Procureur général de l'État de New York. Alors, lui, d'office en vertu de sa loi, là, il peut faire tout ce qu'il fait. Dans le cas de Kenneth Starr, il avait un mandat du Procureur général fédéral des États-Unis. Donc, c'était une délégation de pouvoir. Alors, vous savez, quand j'emploie l'expression «procureur indépendant», ce n'est pas une question de terminologie, ça, ça m'est indifférent. C'est plus de prévoir la possibilité que, dans un cas tout à fait spécial, le Procureur général... vous puissiez dire: Bien, là, j'interviens, puis ce n'est pas le DPP qui va s'occuper de ce dossier-là. C'est un dossier, là, où je veux absolument que quelqu'un qui soit très loin du gouvernement et de tout l'appareil gouvernemental, y compris le DPP, va examiner l'affaire, va censurer l'enquête de police, dans le sens positif du terme, va s'assurer, là, qu'il y a eu vraiment complément d'enquête sur complément d'enquête, puis là, hélas, il faut accuser, je ne sais pas, moi, un sénateur, un juge ou n'importe qui, parce que c'est ça, la preuve est là. Bien, je veux dire, personne ne pourra dire: Il y a eu de la politique là-dedans. Il n'y en a pas eu. C'est transparent.
M. Marcoux: Excellent. Merci. L'article 15, où vous mentionniez qu'en ce qui a trait à la participation aux enquêtes il serait peut-être préférable de bien indiquer que ce n'est pas une obligation, c'est plutôt «peut participer», ce qu'on m'indiquait, c'est que le texte actuel était... on a pris à peu près le texte actuel, mais je conviens... je pense qu'il y aurait peut-être lieu d'y aller avec un «peut» plutôt que de...
M. Hébert (Jean-Claude): Oui, parce que, regardez, si vous avez un cas donné où le Procureur général ou le directeur, plutôt, ne participe pas à une enquête, il y a quelqu'un en quelque part qui va dire: Comment ça se fait qu'il n'est pas là, le directeur? La loi dit qu'il participe, il ne participe pas. Tandis que, si on dit: Bien non, regarde, il peut participer, puis il a décidé que, dans ce cas-là, c'était préférable de ne pas participer, bien, je veux dire, c'est clair pour tout le monde. Alors, je comprends que la loi actuelle dit «il participe», mais là on a un projet de loi. Si on peut améliorer et clarifier la situation, dire: Regarde, c'est un pouvoir qu'il a, ce n'est pas une obligation, là...
M. Marcoux: Et donc, quand c'est possible d'améliorer, parfois de clarifier... Je suis d'accord avec vous à cet égard-là.
L'article 21, où vous suggérez en quelque sorte de hausser, je dirais, le critère d'intervention du Procureur général, donc de manière exceptionnelle mais uniquement si l'intérêt de la justice l'exige, comment ça vient ajouter en disant «si l'intérêt de la justice l'exige»?
M. Hébert (Jean-Claude): Bien parce que, tôt ou tard, s'il y a un conflit à propos de l'interprétation de cette disposition-là, il y a une contestation par quelqu'un, les juges qui vont entendre la contestation, ils vont dire: Bon, bien, le critère qu'on nous dit, «de manière exceptionnelle», qu'est-ce que ça veut dire, ça, «de manière exceptionnelle»? Si on dit: Bien, regardez, M. le juge, vous êtes habitué, là, c'est plein de références dans les lois, le Code criminel, qui réfèrent à l'intérêt de la justice, hein, on a constamment cette expression-là. Déjà vous indiquez à votre juge qui va arbitrer le débat qu'il doit se référer à quelque chose qu'il connaît: l'intérêt de la justice. Il peut prendre les comparaisons, il peut faire des analogies. Là, à la fin de la journée, le juge va dire: Bien, là, «de manière exceptionnelle», pour moi, ça signifie ceci. Mais ce n'est pas capricieux, ce n'est pas arbitraire, c'est vraiment, là, dans l'intérêt de la justice. Pas dans l'intérêt du Procureur général ni dans l'intérêt du DPP, c'est l'intérêt collectif, l'administration de la justice. Ça me semble renforcer un peu le critère d'exception parce que c'est une mesure d'exception.
Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre, en moins deux minutes.
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(17 h 50)
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M. Marcoux: Oui. Merci. Vous avez également fait quelques commentaires sur l'article 18 en référant entre autres à l'affaire Regan. C'est en Nouvelle-Écosse, ça. Est-ce que vous dites: Je suis d'accord avec l'article 18, ou je suggérerais d'y apporter certaines précisions?
M. Hébert (Jean-Claude): Je suis d'accord avec cette idée que le directeur peut conseiller les agents de la paix, parce que forcément le directeur et les gens qui travaillent sous ses ordres, ils ont constamment à donner leur avis à l'orientation d'une enquête de police. Le procureur de la poursuite qui dit aux policiers: Donnez-moi un complément d'enquête, forcément il va expliquer aux policiers pourquoi la preuve est incomplète, qu'est-ce qu'il manque. Alors, il est appelé à leur donner des conseils et leur dire: Bien, là, il va falloir aller chercher des documents, ça prend un mandat de perquisition, puis, je veux dire, il va falloir s'y prendre de telle façon pour respecter la loi. Donc, il donne des conseils, ça, c'est correct.
Mais je ne voudrais pas que systématiquement l'un soit arrimé à l'autre puis qu'on considère la DPP comme une boîte-conseil pour la police. En tout cas, peut-être que dans des petits districts judiciaires on ne peut pas se payer le luxe de demander à la police de constamment avoir des avis juridiques à gauche et à droite, mais on sait très bien que les grands corps de police, Montréal, Longueuil, Sûreté du Québec, ils ont eux-mêmes, à l'interne, d'excellents conseillers juridiques. Il faut que les réflexes se développent, qu'ils fassent affaire avec leurs conseillers juridiques puis que les avocats de la poursuite fassent de la poursuite.
C'est pour ça que je dis que je suis d'accord. Je ne sais pas s'il y a une meilleure façon d'écrire le texte de loi pour que ce soit clair et que ce soit bien compris par les corps de police que la DPP, là, elle n'est pas à leur service comme boîte-conseil.
Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre, le temps est écoulé du côté ministériel.
M. Marcoux: Merci, Me Hébert.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Me Hébert, merci de nous faire la lumière, là, et de nous faire profiter plutôt de votre expertise dans le domaine. Je vois que c'est un projet de loi que vous sembliez attendre depuis longtemps. En même temps, ça nous amène une certaine prudence, parce que, si on l'attend depuis longtemps, c'est parce que plusieurs des ministres de la Justice qui ont eu la réflexion ont préféré effectivement choisir une autre voie. Et, bien que cette voie ait des mérites, et je le concède, elle a aussi des inconvénients.
Parlons du projet de loi en tant que tel. Vous l'avez fait sans mémoire ? et je vous remercie, là ? presque en lisant à brûle-pourpoint les articles et en voyant ce que vous voyez qui peut faire problème. Ce qui semble faire consensus depuis... et trois personnes avant vous, y incluant le Barreau, là, sont venues faire des recommandations quant au processus de nomination, qui semble problématique pour différentes raisons, qui procède à l'envers, où, vous l'avez vu dans le projet de loi, c'est le ministre finalement qui choisit les personnes qui seront examinées par un comité et qui le nomme. Plusieurs nous ont dit: Non, ça devrait être plutôt le contraire. On devrait ouvrir le processus, faire un appel public de candidatures, et par la suite le comité regarde les noms qui sont devant lui et procède à des recommandations, peut-être une liste de deux ou de trois et pas une liste de 50, disons, là, pour faire un travail...
Donc, est-ce qu'on aurait intérêt d'abord, un, à changer la procédure actuelle, deux, à la préciser de façon beaucoup plus importante? Même, combien de noms doivent être transmis? Parce que quelqu'un qui veut vraiment... Par exemple, il y a un nom... Et il faut éviter ça. Si on veut aller du côté de l'indépendance, il faut y aller jusqu'au bout. Alors, est-ce qu'on aurait intérêt à beaucoup plus préciser ce processus de nomination? Même avant leur... Et, après ça, on peut prévoir, comme vous le disiez tantôt, peut-être une nomination aux deux tiers, mais du moins avant cette...
M. Hébert (Jean-Claude): Oui, je serais porté à être d'accord avec votre proposition, dans le sens qu'il faudrait procéder un petit peu dans le même esprit qu'on le fait lorsqu'on fait des appels de candidatures pour les postes de procureur de la couronne, pour les postes de juge. Il y a des avis de sélection, les gens qui ont un intérêt se manifestent, ou encore quelqu'un peut manifester le nom de quelqu'un d'autre parce que la personne est trop humble pour se manifester elle-même et elle a toutes les compétences.
Et il ne faudrait pas non plus que se perpétue cette culture de la tradition, où toujours... Les postes, autrefois, de sous-ministre de la Justice, en matière pénale, c'étaient toujours des anciens procureurs de la couronne. Moi, je pense qu'il faudrait au moins ouvrir ou donner la chance à des gens qui ont oeuvré en pratique privée et en défense, en couronne ou en défense encore, de s'intéresser à ces fonctions-là. Parce que quelqu'un qui, après 20 ans de pratique privée, dit: Bien, moi, je pense que je pourrais apporter beaucoup dans une fonction comme celle-là, et manifeste l'intérêt, si son nom ne sort pas nulle part, s'il n'y a pas un concours où il peut se manifester, bien, je veux dire, on va passer à côté de sa candidature, qui peut par ailleurs être excellente. Alors, oui, effectivement il faudrait partir d'un certain réservoir d'intérêts. Les gens se manifestent. Ensuite, ce fameux comité, que j'appelle un comité de sages, pourrait...
M. Bédard: Les membres du comité actuel... Tel qu'il est formé, est-ce qu'il vous satisfait? Est-ce qu'il faut l'élargir? Est-ce qu'il faut le composer du secrétaire général, de la doyenne de la faculté et le Barreau?
M. Hébert (Jean-Claude): Bien, moi, que les doyens des facultés de droit commencent à s'intéresser activement à la pratique, je trouve ça sympathique, parce qu'on leur reproche parfois d'être un peu éloignés, mais je pense qu'il faut aller chercher leur expertise et peut-être leur neutralité. Dans ce genre de situation là, ce sont des gens qui ont plutôt tendance à avoir la tête froide, et donc ça peut être intéressant.
Du côté du Barreau, c'est sûr que c'est un incontournable, hein? Le Barreau a toujours une connaissance, par les gens qui travaillent dans les comités, etc., de ceux qui s'intéressent de près aux affaires de la justice. Je pense que le comité, tel qu'il est proposé, me satisfait, en termes de personnes qui constitueraient le comité. Mais effectivement ces gens-là devraient partir avec l'examen d'un bagage de candidatures qui leur parviennent, puis c'est une espèce d'entonnoir, ce comité-là, finalement.
M. Bédard: Merci. Est-ce qu'on devrait peut-être ajouter quelqu'un du public, comme c'est le cas pour les juges? Est-ce que ça pourrait avoir un intérêt?
M. Hébert (Jean-Claude): Ça peut avoir un intérêt, effectivement. En tout cas, si ça n'en a pas un au moment de l'exercice, ça en a un après. Ça permet toujours au gouvernement de dire: Regardez, nous, on est démocrates, on a consulté le public. Et ça permet de dire aux gens du public: Ce n'est pas une affaire entre amis, ça. On a vraiment consulté. Il y a eu un processus démocratique. Dans ce sens-là, ce n'est pas mauvais.
M. Bédard: Parce que tout ce beau monde là se côtoie, à part le secrétaire général, là.
M. Hébert (Jean-Claude): Bien, voilà, exactement, effectivement. Puis il faut toujours essayer d'éviter des situations où, comme ça arrive parfois dans la fonction publique ? en tout cas, il y a des gens qui ont cette impression-là ? on fait une annonce d'un concours, puis on sait que le poste a été comblé d'avance, alors... Bien, je veux dire, si au moins, au niveau du concours de sélection, d'abord et avant tout, il y a une espèce d'élan démocratique, par la suite on présume que ça se poursuit.
M. Bédard: Est-ce que vous considérez que le délai... pas le délai, mais le mandat de sept ans est suffisant? Est-ce qu'on devrait l'étendre? Est-ce qu'il devrait être renouvelable?
M. Hébert (Jean-Claude): Non. Moi, je trouve que c'est une fonction qui est probablement extrêmement exigeante. Sept ans, là, c'est beaucoup. J'ai vu dans la loi qu'une fois que le sept ans est expiré, s'il n'y a pas de nouvelle nomination immédiate, la personne continue à exercer sa fonction. Je me suis posé la question: Est-ce que c'est une façon de faire en sorte que, par exemple, la personne pourrait poursuivre sa fonction de façon intérimaire pendant deux ans, trois ans? Parce que, si on ne se dépêche pas pour la remplacer, c'est peut-être parce qu'elle fait l'affaire. Si elle fait l'affaire, ça peut être parce que c'est une personne très compétente. À ce moment-là, on ne veut pas s'en débarrasser parce qu'on ne peut pas la renommer. Il y a comme une situation un peu ambiguë là-dessus, là.
M. Bédard: Vous avez vu les articles concernant le directeur adjoint. J'avais des questionnements quant à son indépendance. Quand on prévoit un processus de nomination et on voit que le directeur adjoint, lui... Et je comprends que ça prend comme une certaine... complicité, plutôt, avec le directeur, et en même temps on sacrifie, là, carrément l'indépendance pour cette complicité-là. Est-ce que vous ne pensez pas que le directeur adjoint, qui doit remplacer en cas d'incapacité le directeur actuel, ne devrait pas faire l'objet d'une nomination à peu près similaire que le directeur, si on veut rencontrer les conditions d'indépendance qu'on se fixe?
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(18 heures)
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M. Hébert (Jean-Claude): Oui, mais c'est un... Moi... Il serait plus démocratique, au niveau institutionnel, que le directeur adjoint soit choisi ou nommé par un processus semblable au directeur. Ça pourrait se faire en même temps. Parce que je pense toujours... Je ne sais pas, moi, quand vous avez un vice-premier ministre ou un vice-président qui remplace le président parce que l'autre est malade ou ne peut pas... etc., je veux dire, la charge est tellement importante que cette personne-là, si elle a été nommée de façon indirecte, sans l'approbation du système, va se sentir un petit peu mal à l'aise devant le Procureur général, qui pourrait lui dire: Tu sais, au fond tu n'as pas de légitimité, toi, tu as été choisi ou désigné indirectement. Si on veut vraiment que la personne se sente indépendante vis-à-vis le Procureur général, il faudrait qu'elle puisse dire: Moi, j'ai été nommée de la façon la plus conforme à la loi possible, la plus démocratique, et je n'ai pas de directives à recevoir de vous autrement que dans le cadre prévu par la loi.
M. Bédard: Est-ce que la proposition que je faisais... Parce que le fait qu'il retourne après ça dans sa vie ou qu'il soit tabletté après avoir occupé des fonctions comme ça ou... il n'y aurait pas lieu de prévoir un mécanisme précis qui lui permette d'accéder, par exemple, à sa demande, à la magistrature ou à un poste quelconque qui lui assurerait de ne pas... tu sais, qui rencontrerait en partie, et là je dis vraiment, là, en partie, des critères d'indépendance qu'on souhaite avoir au niveau institutionnel?
M. Hébert (Jean-Claude): Ça, je ne suis pas très familier avec les rouages de la Loi de la fonction publique puis ces choses-là. C'est certain que c'est un peu ingrat, une fois que quelqu'un a sacrifié sept ans de carrière, de lui dire: Vous ne pouvez pas être renommé, puis, je veux dire, trouvez-vous un autre emploi. Ce n'est pas humain de faire ça. La personne peut difficilement partir en pratique privée puis s'ouvrir un cabinet. Je veux dire, c'est... D'un autre côté, je ne voudrais pas qu'on lui garantisse non plus d'office qu'en soumettant son nom dans un concours à la magistrature c'est sûr qu'il va nommé juge. Je trouve que...
M. Bédard: ...
M. Hébert (Jean-Claude): Les personnes qui sont nommées juges doivent l'être pour les critères qui sont prévus dans la loi, pas parce qu'on a occupé une autre fonction à un moment donné comme directeur...
M. Bédard: Mais j'avais la même réflexion que vous, mais en même temps je me dis: Si on a un concours presque analogue à celui de juge et qu'il l'a passé, à partir de là on peut en conclure effectivement qu'il rencontre les critères pour accéder à la magistrature.
M. Hébert (Jean-Claude): Bien, je ne le sais pas. Moi, pour avoir lu attentivement le règlement sur les concours de sélection de juges, je ne suis pas certain que c'est tout à fait les mêmes critères. Il y a des critères qui se rejoignent, mais ce n'est pas tout à fait la même chose, les mêmes préoccupations. Quand vous venez de venir directeur des poursuites, ça demande bien sûr des grandes compétences, ça demande certaines préoccupations, mais, je veux dire, juge, c'est autre chose, ce n'est pas la même mission.
M. Bédard: Les critères ne sont pas établis. C'est pour ça que je vous dis: Moi, je pense d'ailleurs qu'on aurait avantage à beaucoup plus définir... à établir des critères, si on veut vraiment... sur quelle base vont être appelés les gens à déterminer quels noms qu'on peut recommander ou non.
M. Hébert (Jean-Claude): Bien, vous avez raison. Si vous regardez les règlements sur la nomination de la magistrature, il y a quand même... ce n'est pas des critères très, très fixes, mais il y a des critères de base. Et, si vous ne les rencontrez pas devant le comité de sélection, en partant ces gens-là vont vous dire: Non, non, mais qu'est-ce que vous faites ici? Les personnes qui voudraient aspirer à devenir directeur de la DPP, bien, je veux dire, ils sauront qu'est-ce qu'on demande en retour.
M. Bédard: Peut-être de façon plus générale... Vous m'avez... Je me suis interrogé par rapport à une de vos affirmations. En même temps, je me dis: C'est peut-être une des preuves que le système fonctionne bien. Vous êtes un partisan de la modification, et je le comprends par rapport aux arguments que vous développez. Et vous avez fait référence, dans votre souci d'avoir un procureur... la possibilité d'avoir un procureur indépendant. Vous avez fait référence à la crise d'Octobre et vous semblez avoir une... bon, avoir participé, dans le sens avoir eu connaissance, une connaissance juridique. Vous comprendrez que, moi, je suis né en 1968, donc j'ai une connaissance historique mais sûrement pas personnelle de ces événements-là.
Pouvez-vous me dire... Et là où on voit... On teste la limite d'un système quand on vit des moments aussi instabilisants. Et j'ai vu... ce n'est pas vous que j'ai vu témoigner à... ou à nos émissions de soir qui montraient certains avocats qui s'étaient élevés et qui avaient défendu ceux et celles qui étaient accusés, souvent injustement d'ailleurs parfois, ou injustement du moins, selon les lois en vigueur qui étaient très restrictives. D'ailleurs, depuis ce temps-là, la Loi sur les mesures de guerre a été abrogée, du moins dans sa forme actuelle... dans la forme qu'elle avait. Par contre, le système, lui, semble avoir bien réagi. Vous dites: Le système a nommé des procureurs ad hoc donc qui, eux, ont regardé les procédures, donc ont analysé, indépendamment du système, si cela justifiait de porter des accusations ou non en vertu des lois existantes. Évidemment, ils regardent toujours en vertu des lois existantes et pas simplement selon ce qu'ils pensent être strictement la bonne chose à faire.
Est-ce que vous ne pensez pas que modifier un système qui a si bien réagi à des événements aussi extrêmes... qu'il n'est pas dangereux ou peut-être pas prudent de pouvoir... de le modifier, alors qu'il a montré, dans toute cette recherche de la justesse du jugement, qu'il était... qu'il réagissait adéquatement et qu'il avait un souci de participer à une justice qui est équitable et qui est respectueuse des individus?
M. Hébert (Jean-Claude): Je vais vous donner un exemple. Lorsqu'il s'est agi, il y a quelques années de ça, c'est tout récent, de poursuivre un juge de la Cour supérieure pour blanchiment d'argent, la question s'est posée... Avant d'accuser un juge ? ça rejaillit sur toutes les institutions judiciaires, la magistrature ? on va mettre des gants blancs. Et, à ce moment-là, la question s'est posée: Oui, mais on fait comment? Puis on fait quoi? Est-ce qu'on donne ça comme ça, le dossier, aux procureurs de la couronne? Ils ne sont pas habitués de manipuler des dossiers comme ça, ils fréquentent les juges dans le palais de justice. Alors, ils sont allés chercher un avocat senior du Barreau à la réputation impeccable. Lui, il a pris le dossier, il a fait le tour, il a refait faire l'enquête, et puis à un moment donné il a dit: Bien, il faut porter des accusations. Et le gouvernement lui a dit: Bien, très bien, on se tient loin de vous, vous avez mandat de faire tout ce qu'il faut. Et, je veux dire, bon, justice a suivi son cours, puis il y a eu condamnation.
Voilà un exemple où justement tout le monde a eu l'impression que la justice a été bien menée là-dedans, de façon objective, indépendante, impartiale, toutes les qualités qu'on recherche. Et c'était un procureur indépendant. Moi, j'estime que ça a contribué beaucoup à la conduite d'un dossier extrêmement délicat, délicat pour tout le monde. Et puis les commentaires qu'on a vus dans les journaux étaient tout à fait corrects, les gens ont trouvé que ça avait été bien fait, bien mené. La justice a été... est sortie gagnante de cette aventure-là, où on aurait pu avoir un oeil au beurre noir.
M. Bédard: Alors, je vous pose la question: En quoi l'instauration d'un directeur public changerait la situation? Dans le sens que ce qu'on voit, c'est que chaque décision... c'est par rapport à celui ou celle qui a à prendre la décision, qui va commettre ou non une erreur. Et, que ce soit un directeur public, un procureur général, un sous-ministre en titre, c'est la qualité de la personne qui est importante. Et peut-être qu'un directeur des poursuites publiques aurait pris une décision différente, lui, parce qu'il se sentait moins lié ou que, bon... l'individu aurait été différent.
La prudence qu'a un procureur général... Il connaît bien les conséquences et même le jugement public. Donc, il va avoir tendance toujours normalement, et quand il est bien constitué, d'avoir cette prudence-là. Il est arrivé rarement qu'il ne se méfie pas ou qu'il n'ait pas cette prudence-là. Mais est-ce que ça va être la même chose qu'un directeur des poursuites publiques, qui, lui, n'est pas... n'a... parfois même jamais été confronté à l'opinion publique?
M. Hébert (Jean-Claude): Je reprends votre exemple, ou votre proposition, puis je la replace dans le cadre des articles 20 et 21 de la loi, et je reprends l'exemple de tantôt. C'est justement l'un des cas où le directeur peut lui-même dire: C'est un cas tellement extraordinaire qu'on va confier ça à un procureur dit indépendant. Si le Directeur des poursuites ne le fait pas ou ne veut pas le faire, je pense que là le Procureur général pourrait justement, de manière exceptionnelle, dire: Non, non, non, nous, là, on va s'éloigner de ce dossier-là, on va donner vraiment une impression très forte d'indépendance, d'apparence de... d'impartialité puis d'objectivité, on va confier ça à un procureur indépendant, et ce sera son devoir, à mon avis, d'intervenir et de le faire si le directeur ne le fait pas.
M. Bédard: Oui, mais actuellement il a ce pouvoir.
M. Hébert (Jean-Claude): Il a le pouvoir, bien sûr.
M. Bédard: Mais ce que je veux vous dire, c'est que, s'il le fait alors que le Directeur des poursuites publiques ne le fait pas, c'est un désaveu. Ça veut dire que le ministre de la Justice, le Procureur général porte un jugement sur le travail qui a été fait. Et, moi, si j'étais DPP et que je réponds en disant: Non, non, non, moi, ça ne me cause pas de problème, et que le ministre de la Justice, il dit: Moi, je nomme un procureur indépendant, est-ce qu'on s'entend entre nous que le Directeur des poursuites publiques, normalement il va commencer à préparer sa lettre de démission?
M. Hébert (Jean-Claude): Non, pas du tout. Moi, je ne vois pas de contradiction entre le fait que le Directeur des poursuites publiques dise: Bien, là, moi, je serais à l'aise qu'on la fasse, la poursuite, et puis que le Procureur général dise: Mais non, il y a trop de sensibilité dans ce dossier-là. Je pense que, pour satisfaire le besoin d'objectivité de l'opinion publique, etc., on va demander à un procureur indépendant, qui n'est pas quelqu'un de près du gouvernement, qui n'est pas un employé du gouvernement de le faire.
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(18 h 10)
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M. Bédard: Je vous pose autrement la question, d'abord: Est-ce que vous ne pensez pas que ça va être plus dur pour le Procureur général, vu les conséquences qu'il va y avoir sur le Directeur des poursuites publiques? Parce qu'il reste quand même que c'est une forme de désaveu, dans le sens... pas désaveu: Regardez, vous avez exercé votre jugement, je pense que la façon que vous l'avez exercé n'est pas la bonne. Il y a quand même une conséquence, ce qui fait que le Procureur général, avant d'aller à l'encontre d'une décision du Directeur des poursuites publiques... déjà, c'est très exceptionnel, ça va devenir presque impossible pour le Procureur général d'utiliser une telle façon de faire. Est-ce que ça ne conduit pas finalement à l'émasculation tout simplement du Procureur général?
M. Hébert (Jean-Claude): Oui, mais regardez, là, on parlait tantôt de cas exceptionnels, de manière exceptionnelle, on parlait de l'exemple du juge en question. C'est un cas qui est arrivé dans, je ne sais pas, moi, 30 ans de pratique. Alors, ce n'est pas parce qu'un cas de cette nature-là se produit qu'on va commencer à dire: Le directeur a perdu la confiance du Procureur général puis il va faire ses valises. C'est simplement que le Procureur général, lui, voit la chose sous un angle plus élevé, il n'est pas au niveau de la pratique quotidienne. Le directeur s'occupe des cas quotidiens. C'est un cas extraordinaire, puis le Procureur général dit: Ce cas-là, on va le traiter différemment. Je ne vois pas de désaveu là-dedans.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Chicoutimi, en une minute, une minute et demie.
M. Bédard: C'est ça, c'est deux jugements différents. Il y a une forme de désaveu dans le sens qu'il y a un jugement qui s'est effectué de façon différente. Du moins, il y a une pression supplémentaire sur le Procureur général. Mais ultimement, Me Hébert, en quoi l'indépendance du DPP, même par rapport à ce type de questions, va être plus grande qu'un directeur... un directeur des poursuites publiques versus le Procureur général actuel? Où est la bonification de cette indépendance par rapport aux situations qu'on parle actuellement?
Le Président (M. Descoteaux): En conclusion, Me Hébert, brièvement.
M. Hébert (Jean-Claude): Bien, écoutez, moi, je veux dire, l'indépendance du DPP, je la vois dans le sens que généralement c'est lui qui mène la baraque, et puis, je veux dire, c'est vraiment de façon tout à fait exceptionnelle que le Procureur général peut intervenir. C'est déjà pas mal, parce qu'à ce moment-là le Procureur général, il va falloir qu'il justifie son intervention, sinon l'opposition va lui demander des comptes.
Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, le temps étant écoulé.
M. Bédard: Merci, Me Hébert.
Le Président (M. Descoteaux): Merci, Me Hébert, de votre présence devant la commission. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 12)
(Reprise à 20 h 8)
Le Président (M. Simard): Alors, nous allons commencer nos travaux avec quelques minutes de retard, mais c'est des choses qui arrivent, à l'Assemblée nationale.
Le prochain groupe que nous entendrons, c'est le groupe de l'Association des substituts du Procureur général. Alors, nous avons, et c'est la deuxième fois aujourd'hui que ça se produit, des gens qui nous arrivent de Gatineau. Alors, Me Pierre DesRosiers et Me Jean Campeau sont avec nous. Bienvenue parmi nous. Je pense que c'est la première fois que vous venez témoigner en commission parlementaire, alors soyez bien à l'aise, ça se passe de façon très simple. D'abord, vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter l'essentiel du message que vous voulez nous transmettre. Ensuite, le parti ministériel, par la voie du ministre mais aussi d'autres députés, selon le cas, vous posera des questions, tentera avec vous d'entreprendre un dialogue, et ensuite nous passerons, pour une autre période de 20 minutes, avec l'opposition officielle qui agira de la même façon. Et vous verrez à la fin que vous n'aviez aucune raison d'être nerveux. Alors, je vous passe la parole.
Association des substituts du
Procureur général du Québec (ASPGQ)
M. Campeau (Jean): Tout d'abord, nous vous remercions de l'invitation à participer à la présente consultation sur le projet de loi visant à la création d'un directeur des poursuites publiques.
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(20 h 10)
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Nous sommes tous deux membres du conseil d'administration de l'Association des substituts du Procureur général du Québec. Cette association représente l'intérêt de 400 procureurs qui appliquent au quotidien le droit pénal et criminel, et ce, en poursuite. Nous sommes le représentant exclusif de nos membres, qui sont communément appelés procureurs de la couronne. Et l'association considère que la volonté de créer cette nouvelle institution est une bonne affaire et va nous aider pour la saine gestion des affaires pénales et criminelles. D'ailleurs, la création d'un DPP, c'est une revendication historique de notre association. Nous devons être à l'abri, en tant que procureurs, des pressions politiques partisanes.
La décision de poursuivre un citoyen doit être prise sereinement par un procureur qui est moralement convaincu qu'une infraction a été commise par le prévenu et est raisonnablement convaincu de pouvoir établir sa culpabilité devant un tribunal. Et ce tribunal doit être impartial, et ce, c'est après un procès juste et équitable. On doit juger de l'opportunité de poursuivre ou non en tenant compte de l'intérêt public.
Nous sommes au courant que certaines affaires récentes ont démontré l'importance d'assurer une grande indépendance des procureurs chargés des poursuites criminelles. Et, en procédant ainsi, on considère que le DPP peut mettre un frein à la possibilité de l'arbitraire et favorise une transparence dans le processus judiciaire, et ce, au bénéfice de la population. La jurisprudence, les jugements ont considéré que les procureurs de la couronne ont un statut particulier. C'est des décisions en fait qui doivent représenter le ministère public avec fermeté et en insistant sur la valeur légitime du procès ou de la preuve qu'on a, mais on doit le faire de façon juste. Notre rôle doit être dépourvu de toute notion de gain ou de perte de la cause. On s'acquitte d'un devoir public, et, dans la vie civile, aucun autre rôle, selon la cour, ne comporte une plus grande responsabilité personnelle.
Or, l'indépendance du Directeur des poursuites publiques est primordiale pour notre association. Celui-ci doit pouvoir avoir les moyens d'exécuter sa mission avec impartialité et en toute justice. Cette indépendance devrait également se refléter dans les relations de travail entre son directeur et les procureurs qui sont sous sa gouverne.
Donc, après la lecture du projet de loi, nous aimerions discuter de trois points principaux: le premier, c'est le mode de nomination du Directeur des poursuites publiques; deux, la modification de l'article 95 du Code de procédure civile; et finalement le point qui est le plus important pour nous, c'est le mode de négociation des conditions salariales et d'emploi entre notre association et le Directeur des poursuites publiques, qui inclut l'autorisation du Conseil du trésor, à son article 12 de la loi ou du projet de loi.
Le mode de nomination du Directeur des poursuites publiques. On a deux commentaires qui sont relativement généraux. On mentionne que le mode de nomination devrait être apolitique, et le simple fait que seules les candidatures soumises par le ministre de la Justice soient examinées par le comité crée de fait une situation potentiellement partisane. Quant à la qualité du Directeur des poursuites publiques et de son adjoint, nous considérons que, dans sa définition de tâches, le candidat recherché devrait avoir comme prérequis une expérience pertinente en droit criminel afin de comprendre les mécanismes inhérents à cette fonction et pouvoir discuter librement avec lui.
La modification de l'article 95 au Code de procédure civile. Comme vous avez déjà eu des représentations à ce niveau-là, c'est que l'article 41 prévoit qu'à chaque fois qu'un prévenu ou son avocat entend demander une réparation au sens du paragraphe 1 de l'article 24 de la Charte canadienne dans le cadre d'un procès, un avis suspensif de 30 jours des procédures en cours devrait être expédié au Procureur général du Québec. En tant que praticiens, on est en mesure de vous dire que, compte tenu du nombre très élevé et de la popularité de ce type de demande ainsi que du fait que seul le Procureur général du Québec peut y renoncer, cette modification risque de paralyser systématiquement le processus judiciaire criminel. Cela irait à l'encontre d'une saine administration de la justice, en plus de nuire au droit de l'accusé à subir un procès dans un délai raisonnable et de faire subir aux citoyens membres d'un jury des suspensions inutiles affectant la tenue de ces procès.
Notre point le plus important pour nous, c'est le mode de négociation des conditions salariales et d'emploi entre notre association et le Directeur des poursuites publiques, qui inclut une autorisation du Conseil du trésor. L'article 77 du projet de loi reprend essentiellement l'article 12 de la Loi sur les substituts du Procureur général, dont le nom va changer ultérieurement par la Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites publiques. Il y a un article qui mentionne que... J'ai repris l'article dans mon texte. Par contre, ce qu'on en a, c'est sur l'autorisation du Conseil du trésor, c'est-à-dire que les négociations se feraient entre nous, le directeur et sur autorisation du Conseil du trésor.
Notre position est à l'effet que, puisque le Directeur des poursuites publiques doit conserver le maximum d'indépendance face au gouvernement, celui-ci devrait pouvoir décider de la façon dont il gère les sommes qui lui sont octroyées par ce même gouvernement, tout en ayant l'obligation de rendre compte. Cependant, le fait d'obliger le directeur à obtenir l'autorisation du Conseil du trésor pour tout ce qui touche les règles, normes et barèmes relatifs à la nomination, à la rémunération ainsi qu'aux avantages sociaux et autres conditions de travail affecte nécessairement cette indépendance. Le directeur devient alors entièrement soumis au bon vouloir du gouvernement.
L'application quotidienne des poursuites pénales au Québec est du ressort des procureurs. Nous sommes les bras et le coeur du directeur dans l'application de ses fonctions.
Nous nous interrogeons quant aux motifs pour ce contrôle extérieur à l'institution. Le maintien de l'intervention du Conseil du trésor constitue le cheval de Troie de ce nouveau directeur, puisque sa gestion quotidienne sera gouvernée par les limites imposées par le Conseil du trésor quant aux conditions de travail accordées à ses employés. En fait, le Conseil du trésor a la capacité d'affaiblir la capacité d'agir du directeur en coupant son alimentation, ce que le gouvernement ne peut pas faire directement puisque les dispositions financières du chapitre IV du projet de loi excluent le refus de paiement des budgets et de sa suspension, le tout pour assurer l'indépendance du directeur. Le Conseil du trésor a la propension à niveler par le bas en ne tenant pas compte de la condition particulière des procureurs. Il ne répond pas aux besoins de notre organisation en imposant un paramètre universel mésadapté à notre spécificité.
À titre d'exemples concrets, le gouvernement a le pouvoir de maintenir un grand nombre de procureurs dans un statut précaire en ne leur accordant pas le statut de procureur permanent. Le Conseil du trésor, en n'octroyant pas les ressources humaines et économiques nécessaires au bon fonctionnement de l'appareil criminel et pénal, pourrait affaiblir la force de frappe d'une équipe spécialisée telle que le Bureau de lutte contre la criminalité organisée, qu'on appelle communément Blaco, par l'imposition de conditions de travail insatisfaisantes pour une charge de travail énorme et nuire à la création de nouvelles équipes nécessaires à la bonne administration de la justice ? on dit, à titre d'exemple, une éventuelle équipe spécialisée dans les crimes économiques pour contrer des montages financiers et frauduleux qui sont contre l'ordre public. Il en est de même pour le centre 24/7, un service de procureurs qui travaillent de soir, de nuit et les fins de semaine, qui s'assurent de la bonne administration de la justice en dehors des heures normales de travail, puisque le crime n'arrête pas après 16 h 30, l'après-midi. Ça pourrait nuire aussi à l'imposition de mesures de sécurité pour protéger les procureurs, qui peuvent potentiellement être à risque et/ou sont victimes de représailles criminelles qui sont liées à leurs fonctions.
La justice, dans un territoire donné, pourrait être mal desservie volontairement par une mauvaise répartition des effectifs.
Un changement dans les classes d'emploi, jugé nécessaire par le directeur et ses procureurs, pourrait ne pas convenir à l'exécutif du gouvernement.
Le refus par le Conseil du trésor d'accorder des salaires et conditions de travail décents aux procureurs, malgré l'opinion favorable du Directeur des poursuites publiques, le placerait dans l'obligation de faire des interventions de nature politique afin de corriger la situation. Or, chaque intervention de nature politique serait susceptible de miner l'indépendance du directeur.
Ce dernier deviendrait alors dépendant d'une décision du Conseil du trésor pour assurer à ses troupes les moyens d'assumer les poursuites. On se pose les questions suivantes: Devrait-il alors négocier les crédits contre la promesse de résultats? Cela va foncièrement à l'encontre de son mandat. Devrait-il négocier ces crédits contre le fait d'assumer des poursuites pénales à des lois pour lesquelles il n'avait pas le mandat d'agir?
Nous estimons que le directeur doit avoir la plus grande indépendance financière possible pour que celui-ci puisse faire la gestion de son budget sans les contraintes généralement dévolues aux organismes ordinaires de l'État.
Le Président (M. Simard): Alors, j'invite maintenant le ministre à poser la première question.
M. Marcoux: Oui, merci, M. le Président. Alors, merci, Me DesRosiers, Me Campeau, pour votre présentation. Merci également pour votre mémoire, et merci d'être là pour exprimer votre opinion sur le projet de loi.
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(20 h 20)
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Peut-être quelques questions. D'abord, la première, c'est sur le mode de nomination. Vous dites que ce mode de nomination devrait être apolitique. Je suis d'accord évidemment, on est ultimement le gouvernement, là, mais... qui fera la nomination. Qu'est-ce que vous pourriez proposer comme mode différent de nomination qui rencontrerait des objectifs, là... Dans le fond, fondamentalement, c'est de pouvoir nommer la personne qui est la plus apte et la mieux qualifiée pour exercer ces responsabilités-là. Je pense que ça, c'est l'objectif que nous recherchons tous. Donc, est-ce que vous avez en tête un processus différent? On en a évoqué cet après-midi d'ailleurs, des groupes ou des personnes qui sont venues devant la commission. Je pense que ça a été intéressant. Alors, comment vous verriez ça?
M. Campeau (Jean): Ce serait le même mode de nomination des juges de la Cour du Québec.
M. Marcoux: Donc, d'avoir, si je comprends, un avis ou enfin un avis de concours. Dans le cas de la nomination des juges de la Cour du Québec, bon, le comité fait sa recommandation. Moi, il y a un peu... enfin, un aspect qui m'embêterait un peu, là, puis je vous le dis bien franchement, c'est si le comité arrivait uniquement avec une recommandation. Et il m'apparaît que, tout en étant ouvert à avoir un concours, puis ça, je pense que je suis fort sympathique à ça pour avoir le meilleur bassin de recrutement possible... Mais, moi, il m'apparaîtrait que le comité devrait pouvoir au moins recommander plus qu'une candidature, de sorte à laisser un peu de marge de manoeuvre aussi parmi des personnes qui sont mesurées puis qui sont établies comme étant qualifiées. Quelle est votre réaction là-dessus?
M. Campeau (Jean): Les personnes généralement qui vont être appelées à être suggérées par le ministre, on va demander sûrement quel est leur intérêt à agir à ce titre de directeur. Il n'y a rien qui empêcherait nécessairement d'encourager certaines personnes à se présenter audit concours.
M. Marcoux: Moi, je suis ouvert à un concours, c'est ça que je veux dire, mais que, dans le cadre de la recommandation du comité... D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez des commentaires sur la composition du comité aussi, mais qu'on puisse au moins, il me semble...
M. DesRosiers (Pierre): Au niveau de la composition...
M. Marcoux: Oui, allez.
M. DesRosiers (Pierre): Si vous permettez. Au niveau de la composition du comité, au niveau du projet de loi, effectivement il y a des aspects qui sont extrêmement intéressants. Le fait, entre autres, là, qu'on sorte des voies habituelles qu'on retrouve et, entre autres, qu'on demande l'opinion des doyens d'universités, effectivement je pense que c'est une avenue qui est intéressante et qui n'avait pas été utilisée par le passé. Je pense que ça, ça devrait nécessairement se poursuivre.
Maintenant, pour le problème que vous souleviez tantôt, à savoir s'il y avait seulement une candidature, je peux vous dire qu'à l'inverse, dans le projet de loi actuel, le problème peut être tout à fait similaire. Le ministre de la Justice pourrait soumettre le nom d'une seule personne. Alors, à l'un ou à l'autre, le problème pourrait être tout aussi existant.
M. Marcoux: Oui, O.K. Parce que la... C'est sûr que, dans le cadre du processus de nomination des juges... dans certains cas, il peut y en avoir deux, ou trois, ou quatre; dans d'autres cas, tu peux peut-être en avoir un. Ça dépend des... ça peut varier, selon les... Oui, des fois, il peut y avoir des cas où le comité de sélection juge que...
Le Président (M. Simard): Il y a eu peu de candidats.
M. Marcoux: Pardon?
Le Président (M. Simard): Parce qu'il y aurait eu peu de candidats ou...
M. Marcoux: Oui, mais il y en a, vous savez, des candidats qui ne sont pas qualifiés non plus par le comité de sélection. Ça, là, c'est ce qui se passe dans la vie réelle, là, des concours de sélection, et c'est normal, je pense, compte tenu qu'il y a des comités.
Pour ce qui est de l'adjoint du directeur, parce qu'on prévoit que l'adjoint serait nommé par le gouvernement, ça ressemble d'ailleurs... Je prends l'exemple du Protecteur du citoyen, qui est nommé par l'Assemblée nationale mais dont l'adjoint est nommé par le gouvernement, alors c'est un peu le même système. Je ne sais pas si vous avez des commentaires là-dessus?
Deuxièmement, j'aimerais peut-être vous entendre aussi sur la durée du mandat prévu relativement au Directeur des poursuites publiques. Bon, on prévoit sept ans, non renouvelable. Est-ce que pour vous c'est une suggestion qui vous apparaît correcte ou vous avez des commentaires là-dessus?
M. Campeau (Jean): C'est une suggestion... La durée du mandat nous semble correcte, étant donné que la durée de sept ans, c'est une durée qui fait en sorte qu'on peut établir des politiques, veiller à leur application puis voir le résultat. On considère aussi que le fait que le mandat est non renouvelable ne fait pas en sorte que le directeur va faire des actes pour plaire au gouvernement, pour se faire renommer.
Et, en ce qui a trait aussi à l'adjoint, on n'a rien à redire sur le mode de nomination, puisque le DPP définitivement va avoir à travailler avec cette personne-là en étroite relation, puis je pense qu'il a un gros mot à dire en fonction des personnes qui veulent travailler, là, pour mener un groupe qui est assez important.
M. Marcoux: O.K. Comme qualité du directeur, vous suggérez évidemment qu'il devra avoir une expérience pertinente en droit criminel. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Dans la loi, on prévoit... déjà, je pense que c'est 10 ans de pratique au moins. Est-ce que ça devrait être dans la loi ou dans des critères qui seraient à déterminer pour la sélection, un peu comme c'est le cas pour les juges? Parce qu'il y a un règlement de sélection pour les juges. Quel est votre point de vue à cet égard-là?
M. DesRosiers (Pierre): Sur le critère de la connaissance minimale du droit criminel, l'application du droit criminel, on estime que ça devrait être dans le projet de loi même. Qu'il y ait de la réglementation par la suite qui fixe d'autres critères, ça, ça pourrait aller de soi, et le gouvernement pourra choisir les critères qu'il fixe. Mais on estime que minimalement il devrait y avoir cette condition-là qui apparaisse au projet de loi pour garantir que d'aucune façon... cette condition-là soit respectée lors de la nomination.
M. Marcoux: Donc, ce ne serait pas nécessairement 10 ans de pratique en droit criminel ? je veux simplement bien vous comprendre ? mais une expérience pertinente ou suffisante en droit criminel.
M. DesRosiers (Pierre): Alors effectivement ce que l'on mentionne, c'est qu'on demande ou... on croit qu'à l'intérieur du projet de loi ça puisse être mentionné comme une expérience pertinente en droit criminel et non pas l'exigence du 10 ans. On comprend par ailleurs qu'une personne, un avocat qui ne serait pas nécessairement un praticien de longue date dans le domaine pourrait quand même avoir des connaissances suffisantes pour exercer les fonctions et pour connaître les rouages pratiques de la poursuite ou de la couronne.
M. Marcoux: Vous abordez la question de l'article 95 du Code de procédure civile. Il y a d'autres personnes, aujourd'hui, qui sont venues devant la commission qui ont également abordé cet aspect-là. Ce que vous indiquez et votre inquiétude, c'est que ça puisse retarder en tout cas le processus judiciaire. Il existe quand même déjà, là, sur soit le plan constitutionnel ou... une question constitutionnelle, il y a un avis à donner actuellement. Donc, il y a déjà certains éléments, certains cas où un avis doit être donné.
Vous dites: Là, l'élargissement qu'on fait en l'étendant à la réparation, ça nous apparaît trop grand. Et pourquoi vous dites «dans de nombreux cas»? C'est votre expérience, ça, que c'est de nombreux cas? Ça pourrait être invoqué. Donc, l'avis, puis le Procureur général doit réagir, et là vous dites: Ça entraînerait des délais qui, à votre avis, seraient indus dans un certain nombre de cas.
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(20 h 30)
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M. DesRosiers (Pierre): Écoutez, on peut vous dire par une expérience pratique que c'est le type de situation qui va se retrouver de façon quotidienne dans à peu près tous les palais de justice de la province, parce que... À l'heure actuelle, l'article 95 vise une situation particulière. Maintenant, si on élargit le cadre dans lequel l'article 95 peut être invoqué, pour toutes les situations où il y a une demande de remède, à ce moment-là, je peux vous dire: Oui, ça va être d'application quotidienne.
Et l'effet second à ça est que, puisqu'il ne peut pas y avoir de renonciation au délai, à ce moment-là, systématiquement, dans tous les cas, quelque procès qui va se débuter auquel il va y avoir une requête de ce type-là, le procès va être nécessairement ajourné pour un minimum de 30 jours. Et, si on considère que c'est un type de requête qui est très fréquent dans une très grande quantité de dossiers, ça risque de perturber de façon assez importante la bonne administration de la justice.
Maintenant, il y a vraisemblablement des moyens, là, de combler les lacunes. Entre autres, on sait qu'il y a... il pourrait... on a vent qu'il pourrait y avoir, par exemple, des délégations de pouvoir qui pourraient être faites sur la question de la renonciation. Ça pourrait être effectivement une solution, là, au problème, là, qui est soulevé dans la rédaction actuelle.
M. Campeau (Jean): Le problème ne se pose pas nécessairement aujourd'hui, aussi, parce qu'on est les représentants du Procureur général du Québec et, dans la pratique, si on voit que ce n'est pas une requête qui a une importance à tout prix pour le Procureur général, on peut renoncer au délai et procéder immédiatement, aussi. Ça fait que c'est une question d'évaluation du procureur qui a à vivre avec ladite requête. Mais souvent ces requêtes-là, elles n'ont pas besoin d'avoir un délai de 30 jours pour être entendues. Nous-mêmes, on est la personne la plus proche du juge, et souvent on a comme des échos de personnes qui disent: Qu'on procède, là, parce que ce n'est pas nécessairement important, ou encore il n'y a pas beaucoup d'arguments au soutien de cette dite requête là.
M. Marcoux: Et est-ce qu'une hypothèse ça pourrait être d'accorder au Directeur des poursuites publiques le droit de lui-même pouvoir renoncer ou qu'il y ait une délégation, par exemple, là, ce qui n'existe pas, je pense, actuellement dans le projet de loi, là?
M. DesRosiers (Pierre): Non, actuellement, dans le projet de loi, il n'y a pas de telle délégation. Si cette délégation-là était faite, à ce moment-là ça pourrait faciliter de beaucoup la gestion de ce type de situation là. Et ce qu'on comprend, c'est que le projet de loi voulait viser à s'assurer que le gouvernement puisse être avisé en temps utile dans toutes les contestations pour lesquelles le gouvernement pourrait être imputable de façon financière. Je pense que ça, c'est tout à fait normal de le faire, là, dû à la séparation des pouvoirs. S'il y avait, à ce moment-là, un tel type de délégation, ça rendrait peut-être la situation plus vivable.
M. Marcoux: Ça, ça peut être envisagé. Il y a un autre point que vous soulevez qui est fort intéressant, c'est celui des conditions de travail. Le président de la commission a déjà été président du Conseil du trésor, comme vous savez, donc il est certainement au courant. Il y a évidemment certains éléments où il y a même une dérogation à la Loi sur l'administration financière, même pas de réduction de budget ou... en cours d'année. Donc ça, c'est déjà un élément, je pense, qui est positif.
Et je comprends très bien votre point de vue, mais finalement il y a peu d'organismes au gouvernement, à ma connaissance ? et ça ne minimise en rien l'importance du travail du procureur, au contraire, mais ? où il n'y a pas de règles ou de normes du Conseil du trésor. Il y en a peut-être quelques-uns, là, mais il n'y en a pas beaucoup, je pense. Et je me dis: Qu'est-ce qui justifierait fondamentalement une approche différente pour les substituts du procureur par rapport à bien d'autres personnels, là, où il y a aussi des organismes qui ont une certaine indépendance?
Alors, je vous pose la question, là, bien naïvement et j'aimerais avoir vos commentaires à cet égard-là. Puis on pourra aussi aborder quelques autres points que vous mentionnez.
M. DesRosiers (Pierre): Écoutez, rien n'empêche, parce qu'il n'y a pas d'autre organisme qui aurait un tel pouvoir, rien n'empêche d'être innovateur dans le projet de loi qui va être présenté. En fait, c'est que, jusqu'à un certain point, on se dit: Si on veut assurer le maximum d'indépendance possible au Directeur des poursuites publiques à l'endroit du gouvernement, on doit lui donner également, et de la plus grande façon, une indépendance financière, et ce, pour séparer véritablement les pouvoirs de chacun et pour éviter qu'il y ait quelque forme d'ingérence qui puisse être faite de l'État par rapport au Directeur des poursuites publiques.
Parce qu'à un certain moment donné, bien qu'on puisse donner une apparence d'indépendance dans les faits, si, au point de vue financier, le Directeur des poursuites publiques n'est pas en mesure d'assumer la totalité de son mandat parce qu'il y a des situations qui lui sont imposées par le Conseil du trésor, c'est là où il peut devenir de facto une espèce de situation où cette indépendance disparaîtrait. Et c'est ça qu'on veut éviter.
Pour ce qui est de l'association, on croit que, dans la mesure où l'État peut garantir au Directeur des poursuites publiques une enveloppe budgétaire qui lui est octroyée, mais qu'il est... pour laquelle le directeur aurait seul droit de regard, on croit, à ce moment-là, que ça pourrait lui donner cette distance-là par rapport au ministère ou par rapport à l'État de façon générale.
M. Marcoux: Parce que, si je regarde depuis deux ou trois ans... puis il y avait une question importante, c'est celle des effectifs, je pense que vous l'aviez déjà soulignée. Même dans le cadre actuel, il y a quand même eu une augmentation, puis c'était tout à fait justifié, là, je pense, une augmentation importante du nombre de substituts, d'une part. D'autre part, il est sûr que dans l'ensemble du gouvernement je pense bien qu'on a toujours examiné un peu ce qui, par analogie, se compare dans d'autres organismes qui peuvent être de nature similaire, où il y a une indépendance fonctionnelle et institutionnelle, dans le sens où il y a des attributions particulières qui sont prévues dans la loi.
Et, d'autre part, le directeur va avoir un rapport à soumettre également. Le Directeur des poursuites publiques va à chaque année préparer un rapport pour soumission à l'Assemblée nationale. Et est-ce que... Si le directeur considère qu'il y a des empêchements ou qu'il y a certains éléments qui l'empêchent de remplir son rôle correctement, tel que la loi le prévoit, il va toujours pouvoir le mentionner dans son rapport, et je pense qu'à ce moment-là l'imputabilité même du Procureur général va faire que les gens vont se poser des questions, ils vont dire: Écoutez, là, il y a de quoi qui ne marche pas. Donc, il n'y a pas, de cette façon-là également, ce n'est pas un moyen pour le directeur de faire valoir ? évidemment, c'est son point de vue ? s'il juge, lui, qu'il n'a pas les moyens nécessaires pour accomplir les attributions, là, qui lui sont prévues par la loi?
Le Président (M. Simard): Une très courte réponse. Il vous reste une minute.
M. DesRosiers (Pierre): Bien, écoutez, c'est que le problème est plus simple. C'est que, si le directeur fait valoir, par exemple, lui, au nom des substituts ou des procureurs, là, selon le cas, certaines améliorations à être faites mais qu'en bout de ligne le Conseil du trésor dit ou amène un non catégorique, à ce moment-là ça s'arrête là, et le directeur lui-même va être coincé par la décision qui va lui avoir été imposée par le Conseil du trésor.
M. Campeau (Jean): J'ai peut-être une réplique aussi relativement à l'augmentation des effectifs des membres ou des substituts du procureur. Cette augmentation-là a été mitigée par le fait qu'actuellement il y a un moratoire sur la nomination des nouveaux procureurs. Ils ne sont pas remplacés, ça fait qu'il y a comme un équilibre qui est après se faire à la baisse actuellement.
Le Président (M. Simard): Le message est passé. Alors, je passe maintenant la parole au député de Chicoutimi, qui va maintenant vous poser les prochaines questions.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci, Me DesRosiers et Me Campeau, pour vos représentations dans un délai relativement court. Donc, on comprend que souvent on aurait voulu en ajouter, mieux plaider, bien que ce soit bien fait, nos présentations. C'est sûr que, dans un délai aussi restreint pour un sujet qui a quand même des complexités importantes, on doit raccourcir un peu notre propos. Donc, je vous remercie d'avoir pris le temps de préparer un mémoire.
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(20 h 40)
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Je le lisais et j'ai écouté votre présentation, et ça m'a amené une chose, une réflexion, et je la partage avec vous. Notre recherche d'indépendance auprès du DPP: demain matin, on crée le DPP, il ne prendra pas plus de décisions que le Procureur général actuel. En vrai, ceux qui prennent des décisions au jour le jour, ce sont des substituts du procureur dans les différents districts. Eux sont appelés à différents moments à prendre des décisions par rapport à des dossiers qui leur sont présentés.
Ce que vous dites dans votre mémoire un peu, c'est que, si on recherche vraiment une plus grande indépendance, bien allons au bout de notre raisonnement, allons aussi vers ceux qui au quotidien, eux, prennent des décisions et qui n'ont pas cette latitude ? et je vois vos dispositions ? par rapport au Conseil du trésor, latitude par rapport au budget. Donc, ce que vous prétendez finalement, ce que vous dites, c'est que, si on a un souci d'indépendance du directeur lui-même, pourquoi ne pas l'avoir de la même façon auprès des substituts du procureur? Est-ce que c'est une partie de votre argumentation?
M. Desrosiers (Pierre): ...vraiment dans le sens où c'est le directeur lui-même qui doit avoir cette indépendance-là, et si, lui, il l'a, par effet direct, les substituts ou les procureurs vont l'obtenir. Maintenant, le projet de loi tel qu'il est à l'heure actuelle conserve certaines dispositions de l'ancienne Loi sur les substituts, et on croit, là, que par la simple modification de cette ancienne loi là, et non pas par son incorporation complète, on pourrait peut-être régler certaines de ces difficultés là.
M. Bédard: Merci. Sur, bon ce souci d'indépendance que vous avez du Directeur des poursuites publiques. D'abord, là je comprends que vous souhaitez effectivement faire un appel de candidatures, c'est ce que j'ai compris de vos représentations. Donc, cela ne procède pas strictement d'une demande du ministre qui propose des noms ou un seul, mais plutôt d'une ouverture large du poste de Directeur des poursuites publiques, si j'ai bien compris votre propos.
M. Desrosiers (Pierre): Exactement. Oui.
M. Bédard: Est-ce que vous pensez que c'est trop en faire, en termes d'indépendance, que d'y ajouter la condition d'une... parce que plusieurs nous recommandent, comme mesure de protection du Directeur des poursuites publiques, que ce congédiement ne peut se faire... ou son renvoi pour cause, par exemple, ne peut se faire qu'avec l'assentiment des deux tiers de l'Assemblée nationale. Est-ce que vous pensez qu'il serait utile d'y ajouter... si on souhaite, comme vous dites dans votre mémoire, enlever toute espèce de partisanerie, que celui-ci reçoive l'assentiment des deux tiers des membres de l'Assemblée?
M. Desrosiers (Pierre): Écoutez, je pense que, sur cet aspect-là, on n'aurait pas vraiment de réponse à donner.
M. Bédard: Parfait. Est-ce que vous croyez, dans ce souci d'indépendance, aussi, que le processus de décision est important? Autrement dit, si... On s'attarde beaucoup à la nomination mais parfois peu à la destitution, mais ce qui peut entraîner une modification du comportement ou du moins les conséquences d'un comportement de quelqu'un à qui on veut conférer une certaine indépendance, c'est de lui assurer... c'est de prévoir un processus de décision qui est difficile à passer au travers, autrement dit, qui est plus élevé qu'un citoyen ordinaire.
Là, ce qu'on nous prévoit actuellement dans le projet de loi, c'est un congédiement pour cause. Ça, ça veut dire: Vous et moi, là, demain matin, on est... pas moi, mais... ni vous ? c'est difficile d'être congédié ? mais, disons, à peu près 99 % des travailleurs ne jouissent pas de conditions particulières, donc on fait appel aux tribunaux ou on poursuit le procureur, puis il fait valoir les motifs sous-tendant le congédiement.
Est-ce que vous ne pensez pas que, comme pour les juges, comme les juges administratifs, comme les juges des tribunaux judiciaires, comme pour... et ça, de toutes les instances, comme pour les commissaires, de prévoir un mode de destitution plus important, plus... où il y a plus de difficultés ou plutôt... ou il est définit à l'avance et qui va faire en sorte d'éviter justement un congédiement arbitraire ou une menace de congédiement arbitraire?
M. Desrosiers (Pierre): Bien, écoutez, dans la logique des choses, je pense que ce serait probablement le corollaire au mode de nomination garantissant cette indépendance. Je pense que, si on veut assurer l'indépendance, on ne doit pas pouvoir le destituer effectivement selon un mode ordinaire, là, je pense que ça devrait être plus contraignant. Maintenant, quelle est la méthode la plus appropriée? Ça, on n'a pas nécessairement de suggestion à faire.
M. Bédard: Merci. J'ai entendu vos commentaires quant aux directeur adjoint, et vous avez vu, à travers la loi, que le directeur adjoint est nommé aussi pour sept ans, et, lui, son mandat est renouvelable, alors ce qui fait qu'il peut être nommé pour 14 ans, ce qui n'est quand même pas rien. Et le nouveau directeur, j'imagine, va avoir tendance à garder... Donc, c'est lui qui représente un peu la continuité de l'organisation, surtout que le projet de loi prévoit une nomination seulement de sept ans du Directeur des poursuites publiques, sans possibilité de renouvellement. Ce qui fait que le Directeur des poursuites publiques incarne beaucoup, là, cette continuité, cette stabilité de l'organisation, bien que sept ans assurent une stabilité, mais lui risque d'avoir plus d'expérience, même, que le Directeur des poursuites publiques.
En même temps, je comprends la réalité au jour le jour, qu'un directeur des poursuites publiques aime avoir un adjoint qui... avec qui... qui va le seconder, qui va l'appuyer dans ses réflexions et dans son travail. Donc, ça prend quand même une certaine collégialité, un rapport entre les deux qui est positif.
Par contre, et là je fais référence à votre souci d'indépendance, vous souhaitez... Parce que, même Me Louise Viau l'a reconnu et Me Anne-Marie Boisvert, on sacrifie une partie ? et ça se défend, il y a des arguments en faveur; mais ? de cette imputabilité pour plus d'indépendance. Alors, allons vers l'indépendance, assurons-nous vraiment d'une indépendance. Parce que, quand on sacrifie l'imputabilité, ça a un impact, ça un impact quant au... même au processus. Donc, il faut vraiment s'assurer que cette personne-là puisse jouir de conditions, sans être les conditions prévues par la jurisprudence sur l'indépendance, mais du moins qu'il puisse jouir vraiment d'une sérénité totale dans l'application des lois qu'il aura à interpréter et aux décisions qu'il aura à prendre.
Donc, tout ça pour vous dire: le directeur adjoint, qui est nommé strictement sur avis du directeur et qui risque d'occuper ses fonctions si la personne se trouve malade ou... si le directeur se trouve incapable d'agir et qui risque d'être... pendant 14 ans occuper les mêmes fonctions, est-ce que vous ne pensez pas que cela va à l'encontre de ce principe d'une meilleure recherche d'indépendance?
M. DesRosiers (Pierre): On n'avait pas fait de mention spécifique pour ce qui est de l'adjoint, parce que, partant du principe où, à l'article 4 du projet de loi, il était déjà prévu que cette nomination-là était faite, bon sur recommandation du ministre de la Justice mais après avoir obtenu l'avis favorable du directeur, on a estimé que ça nous apparaissait suffisant. Maintenant, on n'aura pas d'autres commentaires à faire sur la question de l'adjoint.
M. Bédard: Avez-vous entendu Me Hébert tantôt?
M. DesRosiers (Pierre): Non.
M. Bédard: Non, vous n'étiez pas présent? Parce que, donc, si on souhaite cette indépendance-là, ça prend une logique, parce que, lui, il risque d'occuper la même fonction et il risque d'être là beaucoup plus longtemps. Donc, est-ce que ça vous amène... Je comprends, comme le délai est court, on ne peut pas prévoir chacun des éléments que contient le projet de loi. Mais est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a une certaine logique à celui de prévoir un mode de nomination qui est assimilable ou qui semble de même nature que le Directeur des poursuites publiques?
M. DesRosiers (Pierre): On n'aura pas de réponse à apporter à cette question-là.
n
(20 h 50)
n
M. Bédard: Le fait que le mandat est prévu pour sept ans non renouvelable, est-ce que ça vous cause un problème? Est-ce que vous pensez que le Directeur des poursuites publiques devrait faire l'objet d'une nomination? Après ça, est-ce qu'il doit retourner dans ses terres finalement et occuper les fonctions qu'il occupait auparavant, ou on devrait lui assurer... Vous proposiez tantôt d'ailleurs d'avoir le même comité de sélection qu'un juge à la Cour du Québec, le comité de sélection qui existe. Est-ce que vous pensez qu'on devrait... encore dans un souci d'indépendance, que cette personne puisse bénéficier d'un poste à la magistrature, qu'on lui offre du moins cette possibilité-là? Beaucoup de colles ce soir, hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. DesRosiers (Pierre): Écoutez, c'est parce qu'évidemment, là, le mandat de notre association, jusqu'à un certain point, ne nous permet pas de répondre à l'ensemble de ces questions-là. Pour ce qui est...
M. Bédard: O.K. Je vais prendre pour acquis que ce n'est pas l'avis de l'association, parce qu'il y a un moment effectivement où on ne peut pas tout prévoir. Mais vous êtes quelqu'un qui pratiquez dans le domaine... Donc, je constate que l'avis des substituts du procureur, il est là. Mais, vous qui avez une expérience et qui avez une expertise à nous faire valoir, disons, pour ajouter une plus value encore ? et je vais être d'accord, après ça, je ne dirai pas: Les substituts du procureur ont dit ça, je vais dire: Me Campeau et Me DesRosiers nous ont dit ça ? alors, vous, est-ce que vous pensez que cela ajouterait à l'indépendance, le fait de prévoir une nomination à un poste... de lui rendre possible la nomination à un poste de juge, d'autant plus qu'il aura passé un test... ou plutôt un comité et un processus qui est assimilable à celui d'un juge de la Cour du Québec, comme vous le proposez?
M. DesRosiers (Pierre): Bien, écoutez, en tout cas, si vous faites l'assertion à l'effet que cette personne-là devrait obtenir un poste à la magistrature, je vous dirais personnellement ? et là je réponds en mon nom ? pas nécessairement, parce que les qualités de l'un n'emportent pas nécessairement les qualités de l'autre. Alors, je pense qu'il serait peut-être incorrect de tenter de prétendre que parce qu'une personne va avoir occupé la fonction du Directeur des poursuites publiques pendant un certain nombre d'années il doive nécessairement obtenir un poste à la magistrature. En tout cas, pour moi, là, ça ne va pas nécessairement de soi.
M. Bédard: Actuellement, dans le projet de loi, il n'est rien de prévu pour l'intérim. Par exemple, si le gouvernement prend deux ans avant d'instituer le processus, on n'a pas de disposition, ou en tout cas je n'ai rien vu là qui va autoriser quoi que ce soit, et là je sens comme un vide à ce niveau-là. Qu'est-ce que vous pensez qu'il devrait arriver? Parce qu'on peut finalement décider de prolonger le mandat tout court du Directeur des poursuites publiques, ou on peut décider de nommer en attendant parce qu'on considérera à ce moment-là que le directeur... et là je vais me référer au texte du projet de loi, que le Directeur des poursuites publiques ne peut plus occuper ses fonctions, donc à ce moment-là ce sera le directeur adjoint qui occupera les fonctions jusqu'à nomination d'un autre. Est-ce que vous pensez que c'est un bon mode, de laisser un flou comme ça dans l'intérim ou dans la possibilité d'intérim du Directeur des poursuites publiques?
M. DesRosiers (Pierre): Bien, je pense que, jusqu'à un certain point, normalement, le gouvernement devrait avoir l'obligation par lui-même de combler le plus rapidement possible ces postes-là. Maintenant, est-ce que le projet de loi devrait prévoir des mécanismes peut-être plus contraignants pour la mise en marche d'un nouveau mode de nomination ou de la mise en marche d'un remplacement dans un certain délai? Ça peut avoir une certaine logique.
M. Bédard: Par exemple, je vous propose: six mois avant, obligation de tenir le concours, l'ouverture du concours six mois avant la nomination du... six mois, plutôt, avant la terminaison, donc de prévoir une disposition très claire qui va assurer ce renouvellement, vous seriez confortables?
M. DesRosiers (Pierre): Oui, essentiellement.
M. Bédard: Sur l'indépendance, de la même façon, on voit que lorsque... Et là évidemment on est dans le théorique, mais en même temps, le théorique... Lorsqu'on parle d'indépendance, c'est sûr qu'on va plus dans la théorie, et c'est important, parce que le processus, on dit: Il veut inspirer confiance à la population, donc il doit apparaître aussi que l'ensemble du processus correspond à un standard d'indépendance minimal. Il y a un petit défaut du projet de loi, qui ne prévoit pas, si le directeur ne peut pas agir, le Directeur des poursuites publiques ne peut pas agir... le projet de loi prévoit que c'est quelqu'un nommé par le gouvernement qui va occuper ses fonctions. Vous ne pensez pas qu'il y a un problème?
M. DesRosiers (Pierre): Écoutez, je reviens à la réponse que je vous avais donnée tantôt: à partir du moment où on estime, là, que l'avis favorable pour la nomination de l'adjoint en vient... En toute logique, là, si cette personne-là, l'adjoint, est nommée par le directeur, on... À moins que je comprenne mal votre question...
M. Bédard: Oui, c'est ça. L'élément, c'est que le projet de loi prévoit... Bon, le directeur ne peut pas agir, le directeur adjoint ne peut pas agir non plus. Et là on dit: Dans la logique de l'indépendance, ça prendrait quelque chose qui va assurer, qui va maintenir cette indépendance. On ne peut pas être indépendant un jour puis, le lendemain, dû à des circonstances incontrôlables, on n'est plus indépendant ou on vient de perdre totalement l'indépendance. Alors, dans le projet de loi, il n'y a rien qui est prévu pour la perte de fonction des deux personnes en même temps, pour des raisons de maladie par exemple. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un vide qui est inquiétant?
Une voix: ...
M. Bédard: C'est l'article 7, oui.
M. DesRosiers (Pierre): Je n'aurais pas de réponse à cette question-là.
M. Bédard: Vous ne sauriez pas? Je vais laisser à mon collègue le député de Mercier, qui avait une question. Je m'excuse. Merci.
Le Président (M. Simard): À vous, M. le député de Mercier.
M. Turp: Sur l'article 95 du Code de procédure civile, deux questions. La première: Est-ce que ? j'ai posé la question au témoin précédent; est-ce que ? vous proposez la suppression pure et simple de l'article 41 du projet de loi et donc que l'article 95 ne soit pas modifié du tout? Ça, c'est ma première question.
Et est-ce qu'on pourrait comprendre que cette suppression serait justifiée? Parce qu'en fait les juges connaissent très bien la jurisprudence relative à l'application de l'article 24 de la charte et l'équivalent de la charte québécoise, et que donc la présence du Procureur général n'est pas nécessairement... ou n'est pas nécessaire dans tous ces cas. Est-ce que c'est ça sur quoi on pourrait appuyer l'idée qu'on n'a pas nécessairement besoin de cet avis-là?
M. DesRosiers (Pierre): Bien, écoutez, pour notre part, on estime qu'il n'y a pas obligation de la suppression de l'article 41. Qu'il y ait des modifications à l'article 95 du Code de procédure civile, c'est des choses qui peuvent être possibles et envisageables. Les réticences qu'on a, c'est dans l'application pratique de ça. Maintenant, il peut y avoir des amendements qui sont faits ou des modifications qui sont faites pour rendre, je dirais, praticable l'application de ça; si, entre autres, par exemple, il y avait peut-être une restriction à l'application de 95, aux remèdes sur la charte qui ont un impact, disons, financier à l'égard de l'État. En tout cas, notre compréhension de ce que voulait... de ce qui est visé par le projet de loi, c'est ça, c'est d'avertir le Procureur général qu'il y a une décision qui est susceptible de le toucher à ce point-là. Alors ça, je pense que c'est légitime que ce soit fait.
Maintenant, quant à la façon de le modifier, je pense qu'il peut y avoir, tel qu'il avait été avancé, la possibilité d'une délégation qui soit faite, ou ça peut être dans une rédaction différente de ce qui... de l'application de 24. Mais maintenant, nous, ce qu'on voulait souligner simplement, c'est que, dans la rédaction actuelle de l'article, ça risque d'avoir un impact considérable.
Une voix: Puis je dois rajouter aussi que...
M. Turp: ...moi, M. le ministre, je pense qu'on constate qu'ils ont une position analogue à celle de la doyenne de la Faculté de droit de l'Université de Montréal et sa collègue Louise Viau. Parce qu'eux aussi suggèrent, plutôt que la suppression, une modification du texte pour le permettre ou l'obliger lorsqu'il y a des incidences financières. Vas-y, Stéphane.
Le Président (M. Simard): Alors, c'est malheureusement tout le temps dont on dispose, donc nous ne pourrons pas aller plus loin. Je me permets de remercier les témoins, Me DesRosiers, Me Campeau, et les remercier pour leur contribution aux travaux de cette commission.
Avant de suspendre nos travaux, puisque nous passerons tout à l'heure à l'étude d'un projet de loi, je vous propose de prendre 10 minutes pour nous permettre d'étirer nos jambes.
(Suspension de la séance à 21 heures)
(Reprise à 21 h 16)
Étude détaillée du projet de loi n° 105
Le Président (M. Simard): Alors, la commission poursuit ses travaux, et, cette fois-ci, le mandat que nous avons, c'est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 105, Loi modifiant le Code de procédure pénale et la Loi sur les tribunaux judiciaires.
Code de procédure pénale (suite)
Procédure préalable à l'instruction
Nous en étions rendus à l'article 9. Alors, je vais donc me tourner vers le ministre et ses collaborateurs pour commencer cette étude de l'article 9. Peut-être, pendant que tout le monde se place, pourrais-je en faire la lecture, et ainsi le ministre pourra ensuite donner les explications.
L'article 163 de ce code est modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant:
«Toutefois, s'il s'agit d'une infraction visée à la section II du chapitre VI qui a été constatée personnellement par un agent de la paix ou une autre personne chargée de l'application de la loi, le défendeur qui ne transmet ni plaidoyer, ni la totalité ou une partie du montant d'amende et de frais réclamé est réputé ne pas contester la poursuite.» M. le ministre.
M. Marcoux: Bien, M. le Président, je pense que c'est vraiment, là, un article charnière où justement on change ce qui existe actuellement. C'est que, si présentement vous ne faites aucune réponse au constat que vous recevez, vous êtes présumé réputé de plaider non coupable. Dorénavant, si vous ne transmettez ni plaidoyer et vous ne payez pas l'amende non plus, la totalité ou une partie, vous êtes réputé ne pas contester la poursuite. Alors, il y a une différence entre les deux concepts, ce qui, à ce moment-là, permettrait, selon un certain nombre de formalités, au juge de paix fonctionnaire de déterminer l'amende et de transmettre le tout pour exécution.
M. Bédard: Petite question. Le fait d'être réputé non présumé évidemment amène un fardeau plus lourd à celui ou celle qui ne conteste pas. Quel aurait été l'impact si on avait dit simplement «présumé»?
M. Marcoux: Alors, M. le Président, si le député de Chicoutimi le permet, il y a Me Paul Monty, qui est sous-ministre associé, à ma gauche, et Me Jacques Mercier, à ma droite, qui a travaillé beaucoup sur le projet de loi. Et, avec votre accord, j'inviterais Me Mercier ou Me Monty à répondre, là.
Le Président (M. Simard): Me Mercier. Si on... politesse ? alors, j'imagine que les deux peuvent répondre ? mais... Me Mercier, je vous écoute.
M. Mercier (Jacques): La règle actuelle de l'article 163 du code, c'est une réputation, c'est déjà le cas, on n'a fait qu'établir le parallèle à cet égard. Je suis bien d'accord avec vous que, si on avait dit «présumé», le test n'aurait pas été le même. «Présumé» permet une preuve contraire; «réputé», c'est une présomption irréfragable.
Une voix: ...
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(21 h 20)
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M. Mercier (Jacques): Tout à fait. C'était le but, parce qu'autrement ça amènerait une série de contestations, puis on n'oublie pas ici que ça procédera par défaut en l'absence du défendeur, par conséquent. Alors, c'était déjà le cas. En droit actuel, la personne qui ne réagit pas, elle sera réputée avoir transmis un plaidoyer de non-culpabilité, ce qui ne l'empêchera pas d'avoir une instruction par défaut, sans qu'elle soit présente. Alors, on a établi le parallèle dans la nouvelle procédure allégée. Et, dans les autres provinces canadiennes, c'est la même règle, c'est une réputation, c'est une preuve absolue, si on veut.
M. Bédard: O.K. Présomption irréfragable. O.K. Parce que je lis l'article 163 tel qu'il est rédigé actuellement, mais est-ce que c'est à cet article que vous faisiez référence, article 163?
M. Mercier (Jacques): Oui. Voilà, voilà, c'est ça.
M. Bédard: Parce que lui: «...le défendeur qui ne transmet ni plaidoyer, ni la totalité [...] du montant d'amende et de frais réclamé est réputé avoir transmis un plaidoyer de non culpabilité». C'est une présomption irréfragable, mais à l'inverse, de non-culpabilité.
M. Mercier (Jacques): Oui.
M. Bédard: O.K.
M. Mercier (Jacques): Mais ça n'empêche qu'en vertu de l'article 187 cette personne-là, parce qu'elle n'a pas réagi, se verra appliquer... pardon, 188, la poursuite sera quand même instruite en l'absence du défendeur, qui n'aura pas d'avis d'audition, et par conséquent l'effet ultime sera le même, si on peut dire.
M. Bédard: Comme les effets sont importants, je me disais ? bien, importants, on parle évidemment d'infractions pénales, on n'est pas dans le domaine criminel, mais ? le fait d'être réputé... Si on présumait, cela n'empêcherait pas de reconnaître cette personne-là coupable de toute façon, mais, si quelqu'un se réveillait sur le tard, il pourrait quand même faire une preuve contraire strictement, alors que, s'il se réveille après le jugement, dans tous les cas, ce sera la procédure de rétractation de jugement qui va s'appliquer.
M. Mercier (Jacques): Tout à fait, oui, tout à fait.
M. Bédard: Alors, est-ce qu'on alourdit le test finalement, avant le plaider de culpabilité, avant, plutôt, la reconnaissance? Alors qu'après la rétractation de jugement quelle est la preuve qu'on doit faire pour... Je vous pose la question, là, parce que je ne me souviens plus de la preuve qu'on doit faire pour obtenir une rétraction de jugement, mais...
M. Monty (Paul): Rapidement, il y a deux choses que l'on doit faire: Premièrement, de s'expliquer sur la raison pour laquelle on n'a pas répondu, et, la deuxième chose, qu'on ait une défense à apporter, parce qu'on ne doit pas simplement y arriver.
M. Bédard: Non, non, dire qu'on a levé la tête.
M. Monty (Paul): Donc, c'est ça. Puis, les tribunaux n'ont pas un niveau très élevé. D'abord qu'il y a une apparence de défense puis qu'il y a une raison de ne pas être présent...
M. Bédard: Pour la rétractation.
M. Monty (Paul): ...pour la rétractation. Puis c'est la même procédure qui va s'appliquer dans l'un ou dans l'autre cas, dans le projet.
M. Bédard: O.K. Je lisais, on a eu le... J'en profite, comme c'est l'article, disons, charnière du projet de loi. On a eu copie, là, de la correspondance du Barreau relativement à l'application du projet de loi, où on nous dit, bon: «D'autre part ? à la deuxième page, là ? il convient d'assurer un juste équilibre dans l'exercice des droits des parties impliquées en simplifiant la procédure de rétractation de jugement afin d'en faciliter l'accès.» Donc, le Barreau a une inquiétude... juge que, comme, j'imagine, le fait d'être réputé et que... pas simplement réputé, mais le fait aussi que la procédure va être simple, donc afin de protéger les droits des gens, d'alléger, c'est ce que je comprends de leur... De quelle façon on pourrait alléger cette procédure de rétractation?
M. Mercier (Jacques): On a bien examiné les propositions du Barreau, et effectivement on ne voit pas bien de quelle façon on pourrait la rendre plus souple ou plus accessible, parce qu'elle l'est déjà. Vérification faite de la jurisprudence, c'est assez bien accessible. Il suffira qu'il démontre que... que le défendeur puisse démontrer, suivant la balance des probabilités, pas une preuve hors de tout doute donc, une preuve prépondérante, peut-on dire, qu'il n'a pas eu la possibilité de présenter sa défense, soit parce que le constat ne lui a pas été signifié, soit parce que, même s'il l'a reçu, un contretemps ou quelque autre circonstance l'ont empêché d'agir, malgré la diligence qu'une personne raisonnable doit avoir en pareilles circonstances. C'est ça, le test de la jurisprudence.
M. Bédard: C'est ça. Ça, ce n'est pas au projet de loi, c'est vraiment le test établi par la jurisprudence.
M. Mercier (Jacques): Oui. Et ça, ça permet, si vous n'avez pas reçu la signification, c'est un très bon motif, encore si vous l'avez reçu mais que des circonstances exceptionnelles, par exemple je suis admis à l'hôpital pendant un mois, bien évidemment que c'est un très bon motif de défense. C'est un motif sérieux au sens de l'article 250, bien évidemment.
M. Bédard: Et ces critères ont été appliqués, là, assez largement par les...
M. Mercier (Jacques): Oui, oui, c'est ça. Pour nous, il nous a semblé que, en plus, comme on a dit tout à l'heure, le défendeur devra montrer qu'il a un moyen de défense à faire valoir au fond, c'est-à-dire qu'il n'a pas pu se défendre en temps utile, mais, s'il l'avait fait, il aurait eu un moyen de défense valable à faire valoir au juge du fond.
M. Bédard: Je vais un peu plus loin dans la lettre du Barreau. Le paragraphe qui suit, on nous dit: «Par ailleurs, nous notons l'absence de dispositions dans le projet de loi concernant les frais pouvant être réclamés d'un inculpé.» D'abord, «inculpé», est-ce qu'on parle de la personne, à ce moment-là, qui est reconnue coupable ou... On parle de frais, donc ce n'est pas de l'inculpé, là; on parle de la personne qui est reconnue coupable, donc après jugement?
M. Monty (Paul): Après décision.
M. Marcoux: Après décision.
M. Bédard: Après décision, après décision du... Et, «l'absence de dispositions concernant les frais pouvant être réclamés», quelles sont les craintes? Pour bien comprendre. Je n'ai pas eu le temps malheureusement de parler à Me Mondor. On aurait dû poser la question tantôt d'ailleurs à la nouvelle bâtonnière. Mais est-ce que c'est une crainte finalement que les frais réclamés explosent, soient encore plus importants? Ce n'est pas défini par règlement, ça, normalement que les...
M. Marcoux: Bien, M. le Président, c'est déjà... Il y a un règlement qui établit le tarif, et puis la tarification est déjà distincte. D'ailleurs, vous l'avez, le règlement, ici, là, vous aviez les tableaux tantôt. C'est une tarification distincte pour les jugements qui ont été rendus par défaut et ça s'applique à une instruction de toutes les poursuites par défaut. Alors, je ne sais pas... Il y a un tableau. On peut faire circuler une copie.
Une voix: ...règlement, si vous le voulez.
M. Bédard: ...qui s'applique tout simplement d'une façon...
M. Monty (Paul): Une copie des frais qui s'appliquent déjà actuellement.
Document déposé
Le Président (M. Simard): Alors, j'en reçois le dépôt, et la commission va le diffuser aux membres de la commission.
M. Bédard: Bien, avez-vous... Comme j'ai un profond respect de notre institution qu'est le Barreau, je me demande quelle fin recherchaient-ils en inscrivant cela, si c'était inscrit par règlement? Avez-vous eu l'occasion de discuter avec eux?
M. Marcoux: Bien, c'est ça que... Moi, non, mais je ne sais pas si lui a eu l'occasion de le faire, parce que c'était vendredi, et je vous l'ai envoyé tout de suite, d'ailleurs.
M. Monty (Paul): Et malheureusement j'ai oublié ? et je m'en excuse ? j'ai oublié d'en discuter ce matin. Il y avait des gens du Barreau, j'aurais pu en discuter. Ce qui se pose, c'est que le juge de paix fonctionnaire, n'ayant pas de discrétion, ne pourra pas jouer ? je le dis en toute... ? comme le juge de paix magistrat, avec les frais puis faire des réductions. Lui, il va appliquer la loi. Mais, de toute façon, le juge de paix magistrat qui entendait par défaut, il n'a aucune représentation pour jouer sur les frais non plus, c'est pour... «modifier», je dis «jouer», ce n'est pas très... je m'excuse...
M. Bédard: Non, non. Avoir une discrétion là-dessus.
M. Monty (Paul): Une discrétion pour modifier les frais, parce qu'il n'a aucune représentation devant lui.
M. Bédard: Même le procureur n'est pas là, même le...
M. Monty (Paul): Bien non, il n'a personne devant lui. Alors ça, j'ai de la misère à comprendre le point de vue du Barreau là-dessus, qui dit... Parce que, nous, on a dit que les... Parce que, comme on ne donne pas de discrétion à ces juges de paix fonctionnaires là, ils n'ont pas la discrétion nécessairement de modifier les frais.
Le Président (M. Simard): Qui sont toujours l'amende maximale.
M. Monty (Paul): Qui sont toujours l'amende minimale...
M. Bédard: Minimale, minimale.
M. Monty (Paul): ...et les frais qui sont prévus par règlement.
M. Bédard: ...l'autre qui... là, évidemment, on devance, mais on parle de l'article 23 du projet de loi, qui modifie l'annexe IV de la Loi sur les tribunaux... prévoit que le juge de paix habilité à traiter des causes par défaut ne peut émettre l'ordonnance relative à la réduction des frais. Là, le Barreau dit... soumet qu'il y a lieu que ces frais soient, par équité, inférieurs... Alors ça, c'est une autre chose effectivement, là. Je comprends. Eux disent que, comme ce n'est pas un procès, on aimera ça avoir moins de frais. Est-ce que je comprends bien leur argument?
M. Monty (Paul): Oui, c'est exactement ça. Mais, si on regarde un peu, la procédure est de même niveau.
M. Bédard: Êtes-vous sensible à de tels arguments?
M. Monty (Paul): Bien là, écoutez, là, je vais laisser...
Le Président (M. Simard): Vous vous expliquez très clairement.
M. Marcoux: Allez, allez.
n
(21 h 30)
n
M. Monty (Paul): La procédure est la même en pratique, et il faut bien comprendre que, s'il fallait modifier les frais, il faut également tenir compte que le monde municipal applique ces frais-là aussi. Alors, il faudrait discuter, il va falloir discuter avec le monde municipal. Mais, dans la réalité quotidienne, je comprends que le juge qui va entendre ça n'aura pas le même salaire, mais c'est la seule chose qui est modifiée, parce qu'il va faire le même nombre de dossiers par jour. Puis, écoutez, les frais sont de 50 $ quand vous ne contestez pas.
M. Marcoux: Et c'est ce qui existe actuellement. Il n'y a pas de changement là-dessus, c'est-à-dire que le tarif applicable est le même que celui qui est prévu actuellement pour les décisions par défaut, là-dedans.
M. Bédard: Mais le juge de paix magistrat, lui, a une discrétion. Il peut même décider de ne pas ordonner de frais, par exemple.
M. Monty (Paul): Oui, mais, dans le cas où il y a des représentations... Puis, comme c'est par défaut, il n'y a pas de représentation. Il n'a même pas de poursuivant devant lui, ni même l'autre juge de paix.
M. Bédard: Alors, si c'est une journée qu'il se lève du bon pied, il ne peut pas commencer à dire à tout le monde: On enlève les frais ce matin.
M. Monty (Paul): Non. C'est exactement... Voilà. Mais un juge doit avoir une discrétion.
M. Bédard: Oui, je recherche... la recherche d'équité, là, et c'est pour ça, en discutant avec vous... De toute façon, on parle de montants qui sont importants ? je veux dire, 50 $, ce n'est pas rien ? mais ça ne peut aller au-delà de ces sommes-là. Parfait. Merci.
Le Président (M. Simard): Merci. Alors, est-ce qu'il y a d'autres questions sur l'article 9? Nous sommes prêts à voter. Est-ce que l'article 9 est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): Nous passons à l'article 10: Ce code est modifié par l'insertion, après l'article 168, du suivant:
«168.1. Aucune demande préliminaire ne peut être présentée par l'une ou l'autre des parties s'il s'agit d'une infraction visée à la section II du chapitre VI.» Voilà. M. le ministre.
M. Marcoux: Oui. Alors, c'est un article qui exclut la présentation de moyens préliminaires par les parties devant un juge qui instruit une poursuite et rend jugement par défaut. Et ce qu'on m'indique, c'est que c'est en concordance avec la particularité du nouveau régime à l'effet que le juge ne devra pas apprécier la preuve ni exercer une discrétion mais devra plutôt procéder à la vérification d'un certain nombre d'éléments objectifs, là, qui sont décrits dans l'article du Code de procédure pénale, là, un peu plus loin.
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Simard): Adopté. L'article 11: Le chapitre VI de ce code est modifié par l'insertion, entre l'intitulé de ce chapitre et l'article 187, de ce qui suit:
«Section I.
«Dispositions générales.»M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Simard): Est-ce qu'il y a eu une hésitation là-dessus?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Simard): 12: Ce code est modifié par l'insertion, à la fin du chapitre VI, de la section suivante:
«Section II.
«Dispositions particulières à l'instruction des poursuites que le défendeur est réputé ne pas contester.»M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Simard): Adopté... Attendez un petit peu, là. C'est plus compliqué que ça. C'est plus compliqué que ça. 12 comprend beaucoup plus que ce que j'en ai dit. Il reprend 218.2, 218.3...
M. Bédard: Bien oui, hein? Il y a comme deux parties.
Le Président (M. Simard): Oui, oui, oui. Donc, en fait...
M. Bédard: On va revenir sur notre adoption?
Le Président (M. Simard): Il faut revenir sur l'adoption, là, parce qu'en fait je n'ai donné que l'intitulé et en fait...
M. Marcoux: Il y a la section I, la section II.
Le Président (M. Simard): Il y a en fait 218, de 1 à 7. On pourrait commencer par ça. Ça, c'est dans l'article 12. Alors, bien, M. le ministre, vous voulez nous présenter cet article, s'il vous plaît, qui est l'article, je le rappelle, l'article 12?
M. Bédard: Un des articles importants.
M. Marcoux: Oui, bien, écoutez, on peut y aller peut-être par section, là, je pense que ce serait peut-être préférable. Alors, la section II, qui prévoit des dispositions particulières, là, pour la nouvelle procédure. Alors, le 218.2, où on prévoit que les formalités, là, qui devront être vérifiées, c'est que «l'infraction ? 218.2, premier paragraphe; l'infraction ? a été constatée personnellement par un agent de la paix ou une personne chargée de l'application de la loi; si les faits constitutifs de l'infraction ont été constatés en partie par l'agent de la paix qui a délivré le constat d'infraction et en partie par un autre agent de la paix, celui qui l'a délivré l'atteste sur le constat;
«2° le constat d'infraction a été signifié personnellement au défendeur, sauf dans la mesure prévue par les articles 158 et 158.1 ? on verra qu'est-ce que ça veut dire;
«3° le défendeur avait 18 ans ou plus au moment de la perpétration [...] ? on a indiqué que ça ne s'appliquait pas aux conducteurs de moins de 18 ans; et
«4° le défendeur, en application du deuxième alinéa de l'article 163, est réputé ne pas contester la poursuite.» Et 163...
Le Président (M. Simard): ...discussion sur le point 2, 218.2, on passera après ça à l'autre partie de l'article.
M. Marcoux: Oui, je pense que oui. Oui. Et je pourrais...
M. Bédard: ...des commentaires, je pense, parce que ça risque d'être interprété, là.
M. Marcoux: Oui, oui, tout à fait. Oui, puis je reviendrai... Parce qu'il y aurait un petit amendement au paragraphe 2. Alors, on reviendra, puis je...
Donc, ce sont les conditions d'application de la nouvelle procédure d'instruction par défaut. On précise les infractions de la nouvelle procédure d'instruction par défaut. Donc ça, on l'a déjà rappelé, ce sont les règlements relatifs à la circulation, ou au stationnement, ou encore au Code de la sécurité routière, où il n'y a pas d'emprisonnement. Donc, c'est ce qu'on mentionne.
Alors, les conditions d'application sont les suivantes... Et là on reprend les paragraphes que nous avons lus. Donc, le paragraphe 1° prévoit que les faits constitutifs de l'infraction devront avoir été constatés par un agent de la paix ou une personne chargée de l'application de la loi. Cette mesure vise à faciliter le déroulement de l'instruction et à éviter que le décideur n'ait à soupeser les éléments de preuve au dossier. Le paragraphe 2° vise à s'assurer que le défendeur a eu connaissance personnellement de l'infraction dont il est accusé et que, par son silence, il a choisi de ne pas contester l'infraction. Le paragraphe 3° exclut expressément les personnes mineures de la nouvelle procédure, compte tenu de la compétence exclusive des juges de la Cour du Québec et des cours municipales. Et la procédure n'est applicable au défendeur qu'en défaut de se manifester d'une façon ou d'une autre.
J'aurais, au...
Le Président (M. Simard): ...un amendement à proposer.
M. Marcoux: ...au paragraphe 2°, et je pense qu'on vient de le faire circuler.
Le Président (M. Simard): Oui, nous l'avons.
M. Marcoux: Et, Me Monty, je vais vous demander de pouvoir en expliquer la portée. Donc, le constat d'infraction a été signifié personnellement au défendeur. Donc, après le mot «défendeur», les mots «lors de la perpétration de l'infraction». Alors, peut-être, Me Monty, si vous voulez, s'il vous plaît, expliquer pourquoi on suggère une modification.
M. Monty (Paul): Le but de l'amendement est de faire en sorte que ce soit très clairement indiqué que ça a été remis personnellement et non pas... Parce que le mot «personnellement» placé dans le texte réfère à la loi générale, qui permet une signification personnelle par la poste ou par un autre mode. Or, le problème qu'on constate, c'est que certains greffiers des cours municipales... Et j'en avais discuté, puis on avait hésité, si on le présenterait ou pas. Je m'excuse, je vous avais laissé entendre que fort probablement on ne présenterait pas d'amendement, mais on a réfléchi...
M. Bédard: ...
M. Monty (Paul): Merci. Ça fait que ce qu'on s'est aperçu, c'est qu'il est probable qu'ayant constaté qu'il n'a pas été signifié personnellement, c'est-à-dire qu'on va recevoir la copie de la poste, on va s'apercevoir que la personne qui a signé n'est pas la personne qui est visée par l'infraction, n'est pas le contrevenant. À ce moment-là, le greffier pourrait dire: Bien, on va envoyer ça devant le régime régulier, c'est-à-dire des juges de paix. Et là c'était l'intention de certains greffiers de cours municipales. La peur qu'on a, c'est que, quand on va devoir informer le citoyen de ses droits, s'il y a... Il y a beaucoup de régimes. D'ailleurs, j'ai plusieurs constats pour vous montrer après. Ça devient compliqué pour quelqu'un qui n'est pas un avocat de comprendre ce qui est écrit. Alors, on préfère blinder les régimes, c'est-à-dire, quand ça va être un régime allégé, comme ça, ça va être un régime fermé.
Le Président (M. Simard): Sans interprétation.
M. Monty (Paul): Sans interprétation. Ça va se faire comme ça. Il faut que ce soit signifié personnellement, physiquement.
Le Président (M. Simard): Main à main.
n(21 h 40)nM. Monty (Paul): Main à main. Le policier... Bon. Il y a eu des représentations parce que... Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des moyens de pression à l'heure actuelle qui font que la Sûreté refuse de signifier... les agents de la Sûreté... Mais, écoutez, l'intention, c'est de ne pas faire un projet de loi qui tienne compte de la situation actuelle. On n'est pas pour corriger une situation qui est due à une grève perlée des agents de la Sûreté du Québec. Donc, pour l'information du contrevenant, il vaut mieux que l'information qu'on lui mettra sur son constat lui dise clairement ce qui va se passer. Sinon, on va se retrouver... Ça peut se passer comme ça ou ça peut se passer comme ça, mais là le citoyen, là, il ne saura plus qu'est-ce qui va se passer. Alors, c'est le but de l'amendement: que ce soit très clair qu'il faut que ce soit signifié personnellement, pour ne pas que personne puisse interpréter ça de façon différente.
Le Président (M. Simard): Sur l'amendement, M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Non, ça me convainc.
Le Président (M. Simard): Ça vous convient? Sur cette partie de l'article, avant que... On ne l'adoptera pas, mais est-ce que vous voulez poursuivre les questions sur la partie 218.2?
M. Bédard: Bien, j'aurais peut-être une petite question, mais là très rapidement. Je regardais le paragraphe 3°. Le défendeur avait 18 ans ou plus, et là on en avait discuté auparavant, sur les compétences des cours. Mais là je vois que le paragraphe 2°, lui, ne s'applique pas, par exemple, aux billets d'infraction de stationnement. C'est ça? Donc ça, c'est 158, 158.1, c'est aussi... 158, c'est les stationnements, et...
M. Marcoux: 158.1, c'est concernant les véhicules lourds, au Code de la sécurité routière, mais concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds.
M. Bédard: O.K. Et là je me fais la réflexion... et là je vois le paragraphe 3°, où là l'exception... on dit «18 ans ou plus». Ça veut dire que quelqu'un qui a un billet d'infraction, qui a 16 ans, un billet de stationnement, son automobile... Qui vérifie qu'il a 16 ans? Si, moi, par exemple, je confie l'auto à ma fille, elle part avec l'auto ? elle a 16 ans ? elle reçoit le billet, c'est elle qui a commis l'infraction...
Une voix: ...
M. Bédard: Oui, c'est des choses qui arrivent, on me disait! Elle n'a que trois ans et demi, je vous dirais que j'ai encore du temps, mais...
Une voix: Vos enfants sont trop jeunes.
M. Bédard: Oui, oui, pour l'instant, mais en même temps je veux leur assurer les meilleurs moyens de défense. S'il est reconnu coupable, il peut prétendre que le troisième paragraphe n'a pas été rencontré. Et là je me disais: Quel est le moyen pour vérifier l'âge de quelqu'un qui a un billet d'infraction?
M. Monty (Paul): Le billet d'infraction, dans le stationnement, est remis au propriétaire de l'automobile. C'est le propriétaire de l'automobile immatriculée qui est le responsable.
M. Bédard: Qui est responsable selon la loi.
M. Monty (Paul): Ce n'est pas la personne qui a stationné l'auto, parce qu'on ne sait jamais qui a stationné l'auto. D'ailleurs, l'infractaire, c'est le numéro de la plaque d'immatriculation. D'accord? Quand l'individu...
M. Bédard: Attendez un peu. Vous me dites qu'au niveau pénal le propriétaire devient responsable de la mauvaise utilisation d'une tierce personne?
M. Monty (Paul): Dans le seul cas du stationnement, parce que, sans ça, ce serait impossible de savoir qui a garé la voiture.
M. Bédard: Bien non, c'est ça.
M. Monty (Paul): Votre épouse, votre fils, votre mère... C'est un accroc au droit pénal régulier.
M. Bédard: Oui, O.K., c'est une exception. O.K. Puis ça ne tient pas compte du droit d'utilisation, c'est carrément le détenteur de la plaque d'immatriculation. O.K.
On me disait... Et pour le véhicule lourd?
M. Monty (Paul): C'est qu'on peut signifier à un chauffeur... et ça, c'est réputé être signifié au propriétaire de l'entreprise. Là on lui signifie personnellement, là, à monsieur... à moi-même, Paul Monty, mais je travaille pour M. Marcoux. Donc, j'accepte signification pour M. Marcoux.
Une voix: Et vous payez.
Le Président (M. Simard): Si c'est lui qui paie, adopté.
M. Monty (Paul): C'est vraiment pour le commerce... le transport.
M. Bédard: O.K. Bon, donc, j'en conclus qu'il y a carrément une disposition qui prévoit cela. Et finalement ça se limite strictement... le moyen de défense appartient seulement à quelqu'un de moins de 18 ans qui détient un certificat d'immatriculation de son automobile. Là, à ce moment-là ? évidemment, c'est peut-être plus théorique, là, mais ça doit arriver assez régulièrement dans les cégeps ? cette personne-là, elle fait quoi? Qui vérifie ça? Parce que celui qui fait le constat ne le sait pas. Il écrit, marque la plaque. Donc, là, je comprends que le greffier, lui, il va avoir le nom, la date de naissance de la personne, et il va dire: Non, bien, finalement je n'ai pas compétence. Est-ce que la date de naissance est indiquée?
M. Monty (Paul): Non. C'est parce que, là, il faut qu'il fasse une vérification à la Société d'assurance automobile pour avoir...
M. Bédard: Est-ce que ça se fait, ça?
M. Monty (Paul): Oui, parce que sinon ils ne pourront jamais exécuter. Ils ne savent pas qui est le propriétaire, ils n'ont pas l'adresse. Donc, il faut qu'ils fassent la vérification auprès de l'assurance automobile pour savoir le nom du propriétaire et son adresse, pour pouvoir lui signifier, après, l'amende.
M. Bédard: Mais on n'a pas son âge, on n'a pas son âge.
M. Monty (Paul): Je ne pense pas qu'on ait son âge.
M. Bédard: C'est ça que je vous dis, moi. On vient de trouver un beau moyen de défense, là.
M. Monty (Paul): Il faudrait que je fasse une vérification, mais je dois vous dire que je pense qu'il y a moyen de...
M. Bédard: Je vais me partir un petit bureau privé, là, puis je vais leur demander un pourcentage.
M. Monty (Paul): Parce qu'il y a des limites, aussi, au montant qu'un mineur peut payer.
M. Mercier (Jacques): Alors, le numéro de plaque donne un accès au numéro de dossier, par l'intermédiaire de la SAAQ, et le numéro de dossier comporte l'indication de la date...
M. Bédard: ...de sa naissance.
M. Mercier (Jacques): Oui. En soi, dessus...
M. Bédard: Du propriétaire.
M. Mercier (Jacques): Oui, voilà, c'est ça. Et c'est par ce moyen-là qu'on l'a, ce renseignement.
M. Bédard: Parfait.
Le Président (M. Simard): Ça va? On va se coucher moins idiots ce soir, on a appris ça. Bon, on va passer à 218.3, vous êtes d'accord, étant entendu que l'amendement au point 2, 218.2, a été adopté?
Alors: «218.3. La poursuite est instruite par un juge du district judiciaire où elle a été intentée.
«Elle peut également être instruite par un juge du district judiciaire où est situé l'endroit où faire parvenir le plaidoyer et, le cas échéant, le montant de l'amende et des frais.»M. Marcoux: Alors, ça s'inspire de l'article 187 du Code de procédure pénale, qui concerne le lieu de l'instruction d'une poursuite pénale. Et le deuxième alinéa prévoit, comme pour l'article 187, la possibilité de centraliser l'instruction des poursuites dans un greffe central. Et 187 du Code de procédure pénale...
M. Bédard: Ça raconte quoi, l'article 187 du code...
M. Marcoux: Oui, bien on va vous le donner. On dit: «Lorsque le défendeur a transmis un plaidoyer de non-culpabilité, la poursuite est instruite [...] par un juge du district judiciaire où elle a été intentée [sous réserve des articles 175, 176, 177] ? on nous a expliqué qu'est-ce que...
«Lorsque le défendeur est réputé avoir transmis un plaidoyer de non-culpabilité, la poursuite peut [...] être instruite et le jugement rendu par un juge du district judiciaire où est situé l'endroit où faire parvenir le plaidoyer et, le cas échéant, le montant de l'amende et des frais, à moins que le poursuivant n'indique que la poursuite doit être instruite par un juge du district judiciaire où elle a été intentée.» Alors, pouvez-vous nous indiquer... Oui.
M. Mercier (Jacques): Alors, 187, c'est une règle qui s'applique à l'instruction des poursuites pénales par défaut, dans le cadre de la procédure actuelle, et qui sera maintenue par ailleurs pour les autres catégories d'infractions. Et, dans ce cadre-là...
M. Marcoux: Autres que celles qui vont faire l'objet de la nouvelle procédure.
M. Mercier (Jacques): Voilà. Et donc cette procédure-là était permise devant... non seulement dans le district où l'infraction avait été commise, mais aussi pour les poursuites pénales par défaut. L'exception du deuxième alinéa permettait la constitution d'un greffe pénal central à Québec même, où toutes les poursuites par défaut étaient faites. Pour une raison bien simple: ils procèdent en l'absence du défendeur, par conséquent ça permettait de les centraliser partout. Et c'est dans ces greffes que... avant la décision de la Cour suprême dans Ell, les juges de paix fonctionnaires traitaient ces défauts.
M. Bédard: Auparavant, vous dites, ils étaient centralisés?
M. Mercier (Jacques): Oui, ils l'étaient, dans le cadre de la procédure actuelle des défauts. Alors, ce qu'on vient faire aujourd'hui, c'est qu'on crée la nouvelle procédure allégée et on crée aussi de la même règle un greffe pénal central pour les catégories d'infractions de la nouvelle procédure. Mais ce sera de la même nature que l'ancien greffe pénal central, qui était constitué à la Cour du Québec donc ? parce que ce dont on parle ici, c'est au niveau de la Cour du Québec, pas des cours municipales.
M. Bédard: O.K. Là vous me dites: Au niveau de la Cour du Québec, pas des cours municipales actuelles?
M. Mercier (Jacques): Non. C'est ça. Parce que...
n(21 h 50)nM. Bédard: Mais la plupart sont instruites devant les cours municipales?
M. Mercier (Jacques): Non. Je dirais qu'il y en a un bon nombre. Bon an mal an, on dit que le Procureur général délivre 500 000 constats, à l'heure actuelle, en matière pénale provinciale. Dans l'ensemble des cours municipales, c'est peut-être 2 à 3 millions. C'est beaucoup. C'est un bon nombre.
Le Président (M. Simard): Ça, ce sont des infractions aux règlements de stationnement?
M. Mercier (Jacques): Oui, mais ça, c'est toutes les lois pénales confondues, au Québec.
Le Président (M. Simard): Toutes les lois pénales confondues?
M. Marcoux: Mais, sur 500 000, ce qui touche la circulation représente...
M. Mercier (Jacques): 80 %.
M. Marcoux: ...80 % du 500 000.
M. Mercier (Jacques): C'est beaucoup.
Le Président (M. Simard): Que se passe-t-il dans les zones frontalières? Je pense notamment à Gatineau et aux villes... Comment... Parce que c'est tous les jours que des gens reçoivent des constats d'infraction, des deux côtés de la rivière, j'imagine. Là, le greffe central ne peut pas évidemment contenir les références des dossiers... Comment c'est réglé?
M. Mercier (Jacques): Je dirais que, si ces poursuites pénales procèdent par défaut, elles vont être instruites au greffe pénal à Québec.
Une voix: ...
M. Mercier (Jacques): Oui, absolument. Parce que c'est en l'absence du défendeur. Le défendeur n'a pas contesté, n'a pas plaidé coupable, n'a pas payé son amende...
Le Président (M. Simard): ...si le défendeur est... je ne sais pas, habite Ottawa ou... Comment c'est signifié?
M. Mercier (Jacques): La signification doit se faire à son lieu de résidence.
Le Président (M. Simard): Il y a des accords?
M. Mercier (Jacques): S'il est intercepté au Québec, par exemple, sur une route québécoise, on peut croire que, dans la plupart des cas, c'est l'agent de la paix qui lui remet le constat au moment de l'infraction même. Dans la plupart des cas. Lorsque ce n'est pas possible et que c'est fait après coup...
Le Président (M. Simard): Ça, quand on se fait arrêter à Ottawa, c'est ce qui se passe en général, donc ça doit être la même chose à Québec.
M. Mercier (Jacques): Là, ce que je vous parle, évidemment c'est... Ah, je ne le sais pas.
Le Président (M. Simard): Tout est parfait. Donc, la signification, quand elle est faite directement, de main à main, il n'y a pas de problème, là, mais, dans le cas d'un stationnement sur la rue Principale à Hull, secteur de Gatineau ? non, c'est à Gatineau, secteur de Hull ? qu'est-ce qui se passe à ce moment-là?
Me Monty (Paul): Il y a des accords de réciprocité entre la Société de l'assurance automobile puis ses collègues des... Ils ont une entente nord-américaine qui permet d'obtenir... Il y a même eu des ententes signées pour l'exécution de certains jugements, ce qui veut dire que, si vous avez votre permis suspendu au Québec, il va être suspendu dans l'État de New York, si vous êtes un citoyen de l'État de New York.
Le Président (M. Simard): ...une infraction dans une autre province qui vous ferait perdre, par exemple, des points de démérite, c'est appliqué ici, c'est versé au dossier?
Me Monty (Paul): Exactement. Voilà. Il y a des ententes de réciprocité.
Le Président (M. Simard): Voilà.
M. Bédard: Très rapidement, est-ce que, dans les faits, c'est une pratique généralisée, celle de centraliser ces dossiers?
Me Monty (Paul): C'est déjà la situation au Québec depuis plusieurs années. Est-ce que ça se fait ailleurs? Ça, je ne saurais le dire, mais...
M. Bédard: Je vous parle, au Québec?
Me Monty (Paul): Au Québec, ça fait des années qu'on centralise à Québec tout ce qui touche la sécurité routière fait par la Sûreté du Québec.
M. Bédard: Partout sur le territoire du Québec?
Me Monty (Paul): Partout sur le territoire du Québec.
Le Président (M. Simard): De toute façon, c'est informatisé...
Me Monty (Paul): Tout ça est informatisé et, comme il n'y a personne qui se déplace puis qu'il n'y a pas véritablement d'audition, ça se fait dans des... Même les juges de paix magistrats, là, les vrais juges, vont entendre ça au palais de justice, mais à Québec. Dans les autres cas que nos lois...
M. Bédard: ...contestation.
Me Monty (Paul): Non, pas quand il y a contestation. Quand il n'y a pas contestation, même si on n'est pas dans la procédure allégée, ça va être entendu au palais de justice de Québec, mais pour toute la province de Québec, pour des raisons de facilité administrative, pour qu'il y ait un seul lieu de paiement puis un seul lieu de traitement.
M. Marcoux: Et ce n'est pas nouveau par rapport au processus qui existe déjà pour ce qui est des causes par défaut.
Me Monty (Paul): Exactement. On ne fait que maintenir la situation actuelle.
Le Président (M. Simard): Ça va pour 218.3. 218.4. Alors, 218.4, je vais le lire: «Le juge instruit la poursuite et rend le jugement par défaut, en l'absence du défendeur et du poursuivant, en se fondant sur les documents versés au dossier.
«Le dossier est constitué du constat d'infraction et de l'attestation de sa signification ainsi que, dans les cas visés aux articles 158 et 158.1, de l'attestation de l'envoi de l'avis au défendeur.
«Le dossier contient également un certificat du greffier ou d'une personne autorisée à cette fin par le poursuivant attestant que le défendeur n'a pas, dans le délai prévu à l'article 160, transmis un plaidoyer de culpabilité ou de non-culpabilité et n'a pas versé la totalité ou une partie du montant d'amende et de frais réclamé.»M. Marcoux: Bien, M. le Président, dans le fond c'est dans la nouvelle procédure, où le juge n'a pu apprécier la preuve mais doit vérifier la régularité de toutes les pièces et de toutes procédures. Et puis on prévoit, dans l'article, quelles sont les pièces qui constituent le dossier.
Le Président (M. Simard): M. le député de Chicoutimi, est-ce que...
M. Bédard: Parfait.
Le Président (M. Simard):«218.5. Le juge examine le constat d'infraction et l'attestation de sa signification. Il examine en outre toute attestation d'envoi d'un avis, le cas échéant.
«Le juge s'assure qu'a été versé au dossier un certificat attestant que le défendeur n'a pas, dans le délai prévu à l'article 160, transmis un plaidoyer de culpabilité ou de non-culpabilité et n'a pas versé la totalité ou une partie du montant d'amende et de frais réclamé ? ce que nous disions tout à l'heure. Il s'assure également que le dossier comporte une indication que le défendeur, s'il s'agit d'une personne physique, n'est pas mineur.
«Il s'assure de plus, au vu du dossier, que le constat d'infraction a été complété correctement et notamment:
«1° que la date à laquelle l'infraction a été commise ainsi que le lieu où elle a été commise soient indiqués au constat;
«2° que l'infraction a été constatée par un agent de la paix ou par une personne chargée de l'application de la loi;
«3° que l'agent de la paix qui a délivré le constat y atteste que les faits constitutifs de l'infraction ont été, le cas échéant, constatés en partie par lui-même et en partie par un autre agent de la paix;
«4° que le constat identifie le défendeur et la personne qui a délivré le constat;
«5° que les signatures requises ont été apposées.» Il n'y a pas grand-chose à en dire, hein?
M. Marcoux: Je pense que non. Je pense que l'article en lui-même reprend les différents éléments qui doivent être constatés et vérifiés par le juge dans ces cas-là.
M. Bédard: Simplement, au troisième alinéa, «que l'agent de paix», par rapport au deuxième, où on parle «que l'infraction a été constatée par un agent de la paix ou par une personne chargée de l'application de la loi», alors qu'ici on ne parle que de l'agent de la paix qui a délivré le constat. Est-ce qu'il aurait fallu y ajouter: dans le cas d'une infraction constatée par une personne chargée de l'application de la loi?
Le Président (M. Simard): Me Mercier.
M. Mercier (Jacques): Ce qu'on vise ici... C'est qu'au paragraphe 2° on vise une infraction constatée totalement soit par un agent de la paix soit par une personne qui est chargée de l'application de la loi. Et je vous rappelle, par exemple, que les contractuels qui remettent les...
Une voix: ...stationnement.
M. Mercier (Jacques): ... ? voilà ? n'ont pas le statut d'un agent de la paix. Ce sont des personnes chargées de l'application de la loi. Ce que vise le 2°, c'est donc une infraction constatée entièrement par l'une ou l'autre de ces personnes-là. Ce que vise le paragraphe 3°, c'est la continuité d'une infraction, par exemple de l'excès de vitesse qui est constaté par le radariste et de l'interception qui est faite par un autre agent de la paix. Mais, dans l'un et l'autre cas, ce sont deux agents de la paix. Et celui qui va remettre...
M. Bédard: ...
M. Mercier (Jacques): Voilà. Tout à fait.
M. Bédard: Parfait.
Le Président (M. Simard): Alors, voilà pour cet article... cette partie-là. «218.6. Le juge peut d'office modifier un constat d'infraction pour y corriger une erreur d'écriture ou de calcul ou toute erreur matérielle. Toutefois, aucune correction défavorable au défendeur ne peut y être apportée.
«Dans le cadre de son pouvoir de correction, le juge peut notamment modifier le montant d'amende réclamé sur le constat pour le réduire à l'amende minimale établie par la loi.»M. Marcoux: Bien, je pense que... Un exemple: si le constat indiquait comme amende minimale un montant de 200 $ ? ce qui pourrait arriver, semble-t-il ? alors que la peine minimale est de 100 $, ce ne sera pas pour autant invalide, le constat, mais ça devra être corrigé par le juge pour spécifier que c'est 100 $, et non pas 200 $, donc, l'amende minimale.
Le Président (M. Simard): C'est le pouvoir de correction du juge.
M. Marcoux: Oui. Et il ne pourra jamais augmenter le montant de l'amende.
n(22 heures)nM. Bédard: O.K. Mais là on parle... «Le juge peut d'office...» On parle du juge.
M. Marcoux: C'est le juge de paix fonctionnaire.
M. Bédard: O.K., on parle du juge de paix fonctionnaire, exactement. O.K., donc, là, on lui donne le pouvoir... Le seul pouvoir qu'il a, c'est de corriger à la baisse, s'il y a eu une erreur dans le...
M. Marcoux: Oui.
M. Bédard: Très rapidement aussi... tantôt on parlait de «complété correctement et notamment», avant l'énoncé des cinq...
Le Président (M. Simard): Dans quelle partie de l'article?
M. Bédard: Bien, 218.5.
Le Président (M. Simard): Point 5.
M. Bédard: Dans le même article. Simplement, bon, on dit «notamment». Ça me semble assez exhaustif comme constat, là.
M. Marcoux: Est-ce qu'il y a autre chose?
M. Bédard: Oui, est-ce qu'il y a autre chose?
M. Marcoux: Bien, est-ce qu'il pourrait y avoir autre chose?
M. Mercier (Jacques): Je crois même, pour vous dire, que, s'il y avait autre chose, on aurait avantage à l'écrire, parce que le juge de paix ne doit pas avoir de discrétion et aucune, aucune appréciation, de sorte que...
M. Bédard: Pourquoi employer «notamment»?
M. Mercier (Jacques): ...si vous êtes d'accord, je vous recommanderais d'amender et de retirer ce «notamment». Si vous êtes d'accord.
Le Président (M. Simard): La vigilance du député de Chicoutimi et de son adjointe est remarquable.
M. Marcoux: Enlever le mot «notamment», moi, je... «Correctement et que...», «...et que la date... que... que... que...» Ça va.
Le Président (M. Simard): Est-ce que vous allez nous... Il faudrait quand même un papillon, un amendement écrit, s'il vous plaît.
M. Bédard: Supprimer après...
Le Président (M. Simard): On pourra suspendre l'adoption de l'article et poursuivre, et...
M. Marcoux: Oui. À moins qu'il y ait un autre élément, là. Mais, si c'est inutile, nous allons l'enlever.
M. Bédard: En plus, c'est qu'il ne doit pas avoir d'appréciation.
M. Marcoux: C'est vrai. Oui.
M. Bédard: Ça doit être factuel et on doit lui enlever toute discrétion. Ce n'est pas double utilité de...
Le Président (M. Simard): Il n'y a pas d'autre chose à corriger que ça, à constater que ça.
M. Marcoux: Ça va. On préparera l'amendement, à moins qu'il y ait quelque chose de...
Le Président (M. Simard): Écoutez, on va adopter l'amendement, mais il faudrait qu'on nous l'apporte de façon écrite très rapidement. Tout le monde a compris qu'il s'agit de supprimer «notamment».
M. Marcoux: Ils sont en train de le faire.
Le Président (M. Simard): Est-ce que l'amendement est adopté? Est-ce que l'article 12, tel qu'amendé ? ce deuxième amendement ? est adopté?
M. Bédard: Il vous manque encore...
Le Président (M. Simard): Pardon?
M. Bédard: Excusez-moi de vous rappeler à l'ordre.
Le Président (M. Simard): Ah, il reste 218.7, je m'excuse.
M. Marcoux: Nous sommes encore dans l'article 12.
M. Bédard: C'est tout court, là, mais...
Le Président (M. Simard): Je m'excuse. Il y avait 218.7 dont on n'a pas parlé: «Les dispositions de la section I ne s'appliquent pas à l'instruction des poursuites visées par la présente section.»M. Marcoux: Alors, c'est de concordance avec l'introduction des règles particulières qui concernent l'instruction d'une poursuite suivant la nouvelle procédure par défaut. Et il prévoit, avec la non-application des dispositions de la section I du chapitre VI, la procédure pénale qui concerne l'instruction d'une poursuite suivant le régime d'application générale à la nouvelle procédure. Donc, ce sont des éléments spécifiques à cette nouvelle procédure, là, qui s'appliquent.
Le Président (M. Simard): Est-ce que l'article 12, tel qu'amendé, cette fois est adopté? Adopté.
Jugement
L'article 13: L'article 222 [du] code est modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: «Lorsque le juge qui a rendu le jugement n'a pas la compétence d'attribution pour rendre les ordonnances visées au présent article, celles-ci peuvent être rendues par tout autre juge ayant compétence pour le faire.»M. Mercier (Jacques): Si vous permettez, cet article prévoit qu'en règle générale c'est le juge qui prononce le jugement au fond qui en même temps ordonne la disposition des biens qui auraient pu être saisis. Par exemple, quelqu'un qui est intercepté sur la route et qui a un appareil pour repérer les radars. Cet appareil est bien évidemment illégal. L'agent de la paix va le saisir, et il faudra que le juge du procès, lorsqu'il reconnaît le défendeur coupable, s'il le reconnaît coupable, ordonne la disposition de ce bien, c'est-à-dire...
Le Président (M. Simard): ...pas le réutiliser.
M. Mercier (Jacques): ...la destruction en fait, là. C'est ça. Or, on n'a pas voulu que les juges de paix fonctionnaires puissent exercer ce pouvoir, parce que ça implique encore une fois qu'ils...
Le Président (M. Simard): L'appréciation.
M. Mercier (Jacques): Voilà. Mais ça ne veut pas dire que ça ne pourra pas être fait, mais ça devra être fait par un véritable juge, qui pourra l'ordonner, lui.
M. Bédard: ...obligé de lui conférer compétence? Un juge pourrait le faire sans que vous ajoutiez...
M. Mercier (Jacques): En vertu de l'article 3 du Code de procédure pénale, un juge... un véritable juge a la plénitude des pouvoirs...
M. Bédard: C'est pour ça que je me demandais...
M. Mercier (Jacques): ...alors que le juge de paix n'a que des pouvoirs spécifiques.
M. Bédard: Je me demandais pourquoi ajouter, d'abord: «Celles-ci peuvent être rendues par tout autre juge ayant compétence pour le faire»?
M. Mercier (Jacques): C'est...
M. Bédard: Ça a un petit côté superfétatoire.
M. Mercier (Jacques): Non, parce que ça pourrait... on craignait que ça puisse vouloir dire qu'il y a comme un vide juridique puis qu'il n'y a personne pour l'ordonner. Et, en matière d'attribution de compétence, le doute n'est jamais permis, de sorte qu'on aime mieux ne pas prendre le risque.
M. Bédard: O.K., et de l'ajouter spécifiquement. Parfait. Adopté.
Le Président (M. Simard): 200... pardon, l'article 13 est adopté. 14: Ce code est modifié par l'insertion, après l'article 228, de ce qui suit... Alors là, c'est:
«Section I.1.» Alors, d'abord le titre:
«Dispositions particulières aux jugements relatifs aux poursuites que le défendeur est réputé ne pas contester.» C'est le titre de la section. En 228.1, «le juge, après instruction d'une poursuite que le défendeur est réputé ne pas contester, déclare, dans son jugement, le défendeur coupable de l'infraction reprochée, à moins qu'il ne considère que le constat d'infraction est manifestement inexact ou entaché d'une irrégularité autre que celle visée à l'article 218.6, auquel cas il annule la poursuite. Le poursuivant peut signifier un autre constat au défendeur pourvu que la prescription ne soit pas acquise.
«Lorsqu'il déclare le défendeur coupable, le juge lui impose l'amende prévue par la loi et les frais fixés par règlement.» On va arrêter ici pour l'instant. Explications, M. le ministre, si nécessaire.
M. Marcoux: Oui. Bien, écoutez, le premier alinéa prévoit le pouvoir du juge de déclarer coupable un défendeur de l'infraction qui lui est reprochée ou soit d'annuler la poursuite s'il constate que le constat est inexact ou entaché d'irrégularités autres qu'une simple erreur de calcul ou d'écriture. On a vu tantôt qu'il pouvait corriger une erreur d'écriture, et donc l'article renvoie à 218.6, que nous avons vu tout à l'heure, qui permet au juge de corriger d'office une telle erreur sur un constat, en autant que la correction ne soit pas défavorable au défendeur.
Et le deuxième alinéa consacre le devoir du juge d'appliquer la loi lorsqu'il déclare un défendeur coupable de l'infraction reprochée, donc lui impose l'amende prévue par la loi et les frais fixés par règlement. Et, lorsque le juge annule la poursuite pour cause d'irrégularité, le poursuivant peut la reprendre en signifiant un nouveau constat, sauf si l'infraction est prescrite. Est-ce que c'est vrai, ça, autant en matière de circulation qu'en matière de stationnement, Me Monty?
M. Monty (Paul): Oui. Il peut le faire. S'ils sont dans l'année qui suit la commission de l'infraction, ils pourraient refaire un nouveau constat.
M. Marcoux: En somme, le juge constate qu'il y a irrégularité...
M. Monty (Paul): Et il annule...
M. Marcoux: ...donc il annule.
M. Monty (Paul): ...et la poursuite a le choix de laisser tomber ou d'émettre un nouveau constat. Mais, dans la pratique des choses, il est fort probable que ça va être annulé, parce que l'année, là... C'est très court, une année. Avant que les délais d'audition, etc., soient, là... ça peut...
M. Bédard: M. le Président, j'ai peut-être mal compris l'explication, mais pourquoi prévoir que le poursuivant peut signifier un autre constat au défendeur?
M. Monty (Paul): C'est parce que, s'il y a une erreur du constat, le poursuivant, lui, peut faire un constat général, comme un avocat peut écrire un nouveau constat, mais là il devra le faire selon la procédure générale.
M. Bédard: Mais il a ce pouvoir, vous n'avez pas à l'indiquer. Si les délais... Parce que, là, ça vous oblige à dire: Pourvu que la prescription ne soit pas acquise. Mais généralement, lorsqu'on annule, comme on disait, ce n'est pas un plaidoyer de non-culpabilité... pas un plaidoyer, mais plutôt une reconnaissance de non-culpabilité, simplement une annulation. Ce n'est pas un arrêt de procédure non plus, donc ce qu'on a dit... ce qui donne entière latitude au poursuivant d'émettre un nouveau constat d'infraction. Alors, comme c'est le cas, pourquoi habiliter quelqu'un qui l'est déjà?
M. Monty (Paul): Parce que l'annulation, ce n'est pas un terme régulier en droit pénal, en droit criminel. Le juge généralement condamne, ou acquitte, ou rejette.
M. Bédard: Ou ordonne l'arrêt des procédures.
M. Monty (Paul): Ou ordonne l'arrêt des... Donc, ce n'est pas un terme usuel, là. Alors, pour éviter toute ambiguïté, on le spécifie.
M. Bédard: ...déduise que ça peut être assimilable à une...
n(22 h 10)nM. Monty (Paul): À un arrêt des procédures. L'annulation pourrait être assimilable, par certains juristes, comme un arrêt de procédures. Alors, on le spécifie clairement.
M. Marcoux: Et ce qu'on m'indique, semble-t-il, c'est que les municipalités aussi souhaitaient avoir cette précision-là de façon particulière.
M. Bédard: Bien, là, les municipalités, ça ne me surprend pas. On est là pour s'occuper de... Eux, ils veulent des billets d'infraction.
M. Marcoux: Oui. Me Mercier... Oui.
Le Président (M. Simard): ...refusent rarement.
M. Bédard: Je comprends que... D'ailleurs, je suis surpris qu'ils vous aient fait ajouter «pourvu que la prescription ne soit [...] acquise». J'imagine que ce n'est pas eux qui vous ont proposé ça, sûrement?
M. Mercier (Jacques): Simplement pour vous dire que... À tel point qu'on peut avoir un doute, là, si on pourrait le faire, c'est que les lois de toutes les autres provinces canadiennes qui ont...
M. Bédard: Adopté.
M. Mercier (Jacques): ...un système comme le nôtre ont pris le soin de dire: Et le poursuivant pourra le faire. C'est donc qu'il y avait un doute un peu, puis ils voulaient être certains qu'il n'y en ait pas.
M. Bédard: Parfait. Merci.
Le Président (M. Simard): Alors, ça va pour 228.1.
«228.2. Dans les meilleurs délais suivant la déclaration de culpabilité, le greffier envoie au défendeur, par courrier, un avis à cet effet.»M. Bédard: Oui. Permettez-moi, M. le Président, peut-être...
Le Président (M. Simard): Oui. Allez-y, oui.
M. Bédard: Je viens d'avoir l'amendement. Pour le corriger, vous enlevez seulement le mot «amendement». Il faut enlever aussi le mot «et», je crois.
M. Marcoux: ...le mot «notamment», tout à l'heure, là.
M. Bédard:«Notamment», excusez-moi.
Le Président (M. Simard): On ne refera pas un amendement, on va considérer... on va corriger l'amendement.
M. Bédard: Non, non, non, mais de l'écrire, le mot. Enlever les mots «et notamment».
Le Président (M. Simard):«Et notamment».
M. Marcoux: Je pense qu'il faut laisser, le «et», si on le relit.
M. Bédard:«Il s'assure de plus, au vu du dossier, que le constat d'infraction...
M. Marcoux: ...que le constat d'infraction a été complété correctement et que la date... que l'infraction...
M. Bédard: Et, deux points... Ah oui, effectivement... Correctement par... O.K. Non, non, excusez-moi.
M. Marcoux: ...que l'agent... que le constat, que les...» Oui.
Le Président (M. Simard): Alors, revenons à 228...
M. Bédard: J'avais écrit ? c'est pour ça ? j'avais écrit mon amendement. Finalement, le vôtre était meilleur.
Le Président (M. Simard):«228.2. Dans les meilleures délais suivant la déclaration de culpabilité, le greffier envoie au défendeur, par courrier, un avis à cet effet.» Avez-vous des questions à poser sur...
M. Bédard: Non, non, je n'ai pas de question, M. le Président.
M. Marcoux: Non, ça va.
Le Président (M. Simard): Merci. «228.3. Les dispositions de la section I ne s'appliquent pas aux jugements rendus en application de la présente section, à l'exception des articles 222 et 225 à 227.»M. Bédard: C'est beau. Je n'ai pas de question, monsieur, ça va.
Le Président (M. Simard): Ce qui veut dire que l'article 14 est adopté.
Des voix: Adopté.
Rectification du jugement
Le Président (M. Simard): 15: L'article 244 de ce code est modifié:
1° par l'insertion, dans la deuxième ligne du deuxième alinéa et après le mot «disponible», des mots «ou n'a pas la compétence d'attribution pour effectuer la rectification»;
2° par l'insertion, dans la cinquième ligne du deuxième alinéa et après «187», de ce qui suit: «ou au deuxième alinéa de l'article 218.3».
Je suis certain que vous allez nous rendre ça plus clair.
M. Marcoux: C'est tout à fait limpide.
M. Mercier (Jacques): Alors, c'est un peu la même approche que ce qu'on a vu tout à l'heure, quant à une ordonnance de disposition des biens saisis. Ici, comme on le verra plus loin, le juge de paix fonctionnaire n'aura pas, dans ses pouvoirs, la compétence de procéder à des rectifications de jugement, et c'est la réserve qu'on a faite ici. En d'autres termes, la rectification pourra être faite, mais par un juge avec pleins pouvoirs, un juge de l'ordre judiciaire. Et par ailleurs le 218.3, c'est que... La référence à 218.3, ce sont les dispositions, comme on l'a vu plus haut, qui permettent la constitution du greffe pénal central. C'est-à-dire que la rectification pourra être obtenue d'un juge du district judiciaire ou instituer l'endroit où faire parvenir le plaidoyer de culpabilité, donc le greffe pénal central à Québec, mais non pas par un juge de paix fonctionnaire, mais par un juge de l'ordre judiciaire, mais du district judiciaire de Québec. Je m'excuse si je n'ai pas pu être plus clair, j'aurais aimé l'être davantage.
M. Bédard: ...empiré la lecture du projet de loi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Simard): ...je ne comprenais pas, mais là je suis sûr de ne pas comprendre. Le député de Roberval va m'expliquer ça, là.
M. Bédard: En tout respect. Mais je comprends que c'est lié effectivement aux pouvoirs qu'on a donnés lors du changement de district, lors de la centralisation.
M. Mercier (Jacques): Ils ne peuvent pas le faire, mais ça pourra être obtenu non pas d'un véritable juge du district où l'infraction a été commise, mais, parce que ça procède par défaut, par un véritable juge du district où est constitué le greffe pénal central de la Cour du Québec.
M. Bédard: Alors, on va voter pour.
Une voix: C'était plus clair.
Le Président (M. Simard): Oui. Donc, adopté, 15.
Rétractation de jugement
16: L'article 250 de ce code est modifié:
1° par l'insertion, dans la troisième ligne du premier alinéa et après le mot «disponible», des mots «ou n'a pas la compétence d'attribution pour entendre une demande de rétractation»; et
2° par l'insertion, dans la deuxième ligne du deuxième alinéa et après «187», de ce qui suit: «ou au deuxième alinéa de l'article 218.3».
Ça se ressemble beaucoup, hein?
M. Marcoux: Oui, sauf que c'est pour la rétractation de jugement, dans ce cas-là.
Le Président (M. Simard): Bon. Adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Simard): 17: L'article [217] de ce code est modifié... Est-ce que c'est la même chose? Cette fois-ci, c'est pour...
Des voix: ...
Le Président (M. Simard): Cette fois-ci...
M. Bédard: Erreur administrative.
Le Président (M. Simard): La compétence d'attribution...
M. Marcoux: Ça, c'est pour la rétractation de jugement à la demande du poursuivant. Alors, dans quels cas ça peut se produire ou...
Le Président (M. Simard): C'est toujours la même chose.
M. Monty (Paul): Bien, c'est... Peut-être dire, c'est quand le poursuivant est avisé qu'il y a eu une erreur, puis il demande au juge de rétracter le jugement. C'est pour éviter, dans certains cas, que quelqu'un ait des frais quand il passe par le poursuivant puis que le poursuivant constate à sa face même qu'il y a eu une erreur...
M. Bédard: Il va le faire lui-même.
M. Monty (Paul): Il va le faire pour le défendeur pour qu'il y ait justice.
M. Bédard: O.K. Puis il n'y a pas... Parfait, adopté.
Le Président (M. Simard): 17 est adopté. L'article 18, maintenant. Il s'agit cette fois-ci de la réduction de frais. N'est-ce pas que c'est le même procédé?
M. Marcoux: Même procédé.
Une voix: Tout à fait.
Le Président (M. Simard): 18, adopté?
M. Bédard: Adopté, M. le Président.
Appel à la Cour supérieure
Le Président (M. Simard): 19: L'article 270 de ce code est modifié par l'insertion, dans la deuxième ligne du deuxième alinéa et près «187», de ce qui suit: «ou du deuxième alinéa de l'article 218.3».
Là, on aimerait bien savoir de quoi nous causons.
M. Marcoux: Oui. Me Mercier, pour l'article 19.
M. Mercier (Jacques): Oui. Alors actuellement l'appel... Cet article 270, dans sa teneur actuelle, prévoit dans quel district judiciaire l'appel de plein droit à la Cour supérieure peut être porté. Et, lorsque c'est une cause qui procède par défaut, la disposition actuelle prévoit bien que, dans le cas des défauts, dans la procédure actuelle, peut être interjeté dans le district judiciaire... que, lorsque le jugement a été rendu dans le district où se trouve le greffe pénal central, l'appel pourra non seulement être porté dans le district où se trouve le greffe pénal central, mais aussi dans le district où la poursuite a été intentée. En d'autres termes, c'est le choix du district où on porte l'appel en Cour supérieure pour tenir compte de la réalité, qu'on retrouve à tous les articles, qu'il y a constitution d'un greffe pénal central.
M. Bédard: C'est ça. La rétractation aussi, c'est la même chose, c'est ce que je vois.
Le Président (M. Simard): J'avais un doute, je m'apprêtais à demander au député de Montmorency, mais là je pense que c'est assez clair.
Une voix: C'est de la concordance.
Le Président (M. Simard): Une concordance. L'article 19 est adopté.
Appel à la Cour d'appel
L'article 20: L'article 294 de ce code est modifié par l'insertion, dans la quatrième ligne et après «187», de ce qui suit: «ou au deuxième alinéa de l'article 218.3». Qu'es aquò?
M. Marcoux: C'est un peu la même chose...
M. Mercier (Jacques): C'est la même chose, mais ce dont il s'agit ici...
Le Président (M. Simard): Même chose.
Exécution des jugements
21: L'article 316 ? maintenant ? de ce code est modifié:
1° par l'insertion, dans la deuxième ligne du premier alinéa et après le mot «disponible», des mots «ou n'a pas la compétence d'attribution pour exercer les pouvoirs conférés à un juge par le présent chapitre»;
2° par l'insertion, dans la deuxième ligne du deuxième alinéa et après «187», de ce qui suit: «ou au deuxième alinéa de l'article 218.3».
M. Mercier, vous voulez peut-être nous expliquer? Est-ce que le député de Chicoutimi veut une explication?
M. Bédard: Non, non, c'est bien.
n(22 h 20)nM. Mercier (Jacques): Il s'agit ici des pouvoirs qui peuvent être exercés par un juge dans le cadre de tout le chapitre du code qui gouverne l'exécution des jugements. Alors, lorsque le jugement au fond a été rendu, que le juge m'a reconnu coupable, une procédure en exécution de jugement, on ne veut pas que le juge de paix puisse exercer ces pouvoirs-là, parce que ça comporte, encore une fois, une preuve à présenter, des requêtes à entendre, et on ne veut pas qu'il puisse le faire. Par conséquent, les aménagements ont été faits pour que ces requêtes-là soient présentées plutôt à un juge de l'ordre judiciaire.
Le Président (M. Simard): Article 21, adopté?
M. Bédard: Adopté.
Loi sur les tribunaux judiciaires
Le Président (M. Simard): 22. Il s'agit ici de l'annexe de la loi des tribunaux. Vous pouvez nous expliquer ce que c'est? Ça ira plus vite.
M. Marcoux: Oui. M. le Président, je pense que, là, en fait, rendus à l'article 22...
Le Président (M. Simard): On est dans une concordance.
M. Marcoux: ...nous arrivons dans la Loi sur les tribunaux judiciaires et nous sortons du Code de procédure pénale. Et on m'indique que nous aurions ? et je ne sais pas si on l'a fait circuler ? un autre amendement à l'article 7 du projet de loi et qui reprend ce que nous avons, si je comprends, fait tout à l'heure à l'article... lorsqu'on a parlé de la perpétration de l'infraction.
Le Président (M. Simard): Ça veut dire que vous voulez amender un article que nous avons déjà adopté?
M. Marcoux: Écoutez, ça, c'est la commission qui est souveraine, M. le Président.
Le Président (M. Simard): J'espère que vous n'en avez pas trop.
M. Mercier (Jacques): Alors, c'est un amendement qui résulte de l'autre amendement qu'on a apporté à l'article 12, à 218.2, pour préciser, pour ajouter les mots: «lors de la perpétration de l'infraction».
Code de procédure pénale
Introduction de la poursuite (suite)
Le Président (M. Simard): Pour bien clarifier les choses, là, nous réouvrons l'étude de l'article 7, pour lequel le ministre dépose un amendement, et maintenant vous l'expliquez rapidement.
M. Mercier (Jacques): Alors, comme on l'a vu tout à l'heure, un autre amendement a été apporté à l'article 12, et particulièrement à l'article 218.2, pour y prévoir que la signification du constat, pour être assujettie à la nouvelle procédure, doit avoir été faite lors de la perpétration de l'infraction. Alors, si on relit l'article 7...
Le Président (M. Simard): C'est concordant, c'est exactement la même chose, là.
M. Mercier (Jacques): ...on dit «est signifié personnellement au défendeur». On propose de dire en plus «lors de la perpétration». C'est une stricte concordance technique.
Le Président (M. Simard): M. le député de Chicoutimi, ça vous convient? L'amendement est adopté. L'article 7, tel qu'amendé, est adopté.
Loi sur les tribunaux judiciaires (suite)
Nous revenons à l'article 22. Là, il s'agit de l'annexe I de la Loi des tribunaux judiciaires ? on vient de changer effectivement ? qui est modifiée, et ce sont des... l'énumération de districts judiciaires.
M. Marcoux: C'est pour permettre, dans le cas de Longueuil et Iberville... Pour certaines municipalités, notamment les villes de Chambly, Carignan, La Prairie et Saint-Rémi, il y aurait, pour les causes originant du territoire de ces municipalités, une juridiction concurrente des deux districts judiciaires de Longueuil et Iberville, de sorte que... Parce que, dans certaines matières, les rôles sont très, très encombrés dans le district judiciaire de Longueuil.
Le Président (M. Simard): Si ça ne vient pas jusqu'à Sorel, ça va.
M. Marcoux: Oui. Bien, peut-être que ce n'est pas nécessaire. Donc, à ce moment-là, les causes pourraient être inscrites au palais de justice de Saint-Jean, qui est situé à Saint-Jean-sur-Richelieu, c'est ça? Alors, c'était demandé par les gens qui pratiquent notamment dans ces municipalités-là, parce que ça va permettre davantage de possibilités d'inscription des causes et, dans certaines matières, d'accélérer les processus.
Le Président (M. Simard): Ça a été vérifié, il y a eu des...
M. Marcoux: Oui, oui, puis tous les gens... Oui. S'il y a des questions...
M. Bédard: M. le Président, bien, j'imagine que les gens des municipalités concernées ont effectivement été consultés.
M. Marcoux: Oui, puis c'est une demande dans le fond qui vient... ça va leur faciliter, ça va leur permettre une option qu'ils n'avaient pas avant. Au lieu d'aller uniquement à Longueuil, ils pourraient également aller au palais de justice de Saint-Jean-sur-Richelieu.
M. Bédard: C'est le cas aussi de Terrebonne et Joliette et de Terrebonne et Labelle?
M. Marcoux: Dans le cas de Terrebonne et Joliette, il y a eu des regroupements de municipalités dans ces territoires-là. Donc, par exemple pour ce qui est de la ville de Terrebonne, il y a eu des fusions de municipalités.
M. Bédard: Mais pas avec Joliette.
M. Marcoux: Certaines municipalités étaient à un des districts puis certaines municipalités étaient dans d'autres, là. Alors, maintenant, pour le nouveau territoire de la ville de Terrebonne, ça pourrait être soit dans le district judiciaire de Terrebonne ou de Joliette, un ou l'autre.
M. Bédard: O.K. Parce que je vois la même chose, Terrebonne-Labelle. Terrebonne-Labelle, mais Terrebonne, là, ce n'est pas une histoire de fusion municipale, là.
M. Marcoux: C'est pour le territoire de la ville de Mont-Tremblant.
M. Bédard: Pardon?
M. Marcoux: Pour Terrebonne et Labelle, c'est la ville de Mont-Tremblant, où il y a eu des fusions également. Alors, ils pourront aller soit dans le district du territoire... le district judiciaire de Terrebonne ou celui de Labelle.
M. Bédard: O.K. Mais là je voulais être sûr...
Le Président (M. Simard): Est-ce que Mont-Tremblant a été défusionné?
M. Bédard: Pardon? Est-ce que Mont-Tremblant a été défusionné?
Une voix: Non, pas encore.
Le Président (M. Simard): Pas encore.
Une voix: Pas encore, non.
M. Bédard: Pas encore? Ce désastre va finir par se produire, en ce qui concerne Mont-Tremblant.
Terrebonne et Labelle... Et là je veux être sûr que les gens concernés, les maires, ceux qui sont concernés par cela ont été consultés et ont exprimé qu'ils étaient d'accord avec les modifications.
M. Marcoux: Je ne peux pas vous dire. On va vérifier, là.
(Consultation)
M. Marcoux: M. le Président, si vous permettez... Alors, peut-être vous identifier.
M. Lahaie (Marc): Oui. Me Marc Lahaie, ministère de la Justice du Québec.
Le Président (M. Simard): Oui, Me Lahaie, veuillez nous éclairer sur les districts.
M. Lahaie (Marc): Bon. Pour la question des districts, la question relativement à Terrebonne et Joliette, là, ça, c'est clair que c'est une demande de la municipalité de Terrebonne une fois qu'elle est fusionnée.
Mont-Tremblant, c'est un peu la même opportunité. C'est que la problématique se présentait exactement de la même façon. Ils ont été informés des demandes de Terrebonne, et on les a contactés et on leur a demandé: Écoutez, est-ce que vous avez un intérêt, vous autres aussi? Parce qu'on entend à travers les branches que vous avez un intérêt. Alors, ils ont dit: Oui, parce qu'on a exactement la même problématique. Alors, c'est plus une question, à ce moment-là, d'embarquer dans le train en marche par rapport à l'idée de suivre Terrebonne, puisque la problématique était essentiellement la même.
M. Bédard: O.K. Puis, le choix de la ville de Mont-Tremblant s'est fait parce que... Est-ce que d'autres municipalités auraient souhaité obtenir un...
M. Lahaie (Marc): ...municipalité, parce que c'est regroupé, là. Je ne comprends pas...
M. Bédard: C'est ça, mais donc le territoire où s'exerce la compétence concurrente... maintenant elle se fait sur le territoire de la ville de Mont-Tremblant pour les districts judiciaires de Terrebonne et Labelle. C'est ça? C'est ce que je comprends du tableau?
M. Lahaie (Marc): Oui. Vous voulez dire: Est-ce qu'il y avait d'autres cas au Québec qui étaient similaires et qui auraient...
M. Bédard: Non, pas au Québec, mais peut-être... Bon, on a choisi la ville de Mont-Tremblant.
M. Lahaie (Marc): Bien, ce n'est pas... ce n'est pas un choix, c'est la situation qui imposait le choix.
M. Bédard: Dans quel sens?
M. Marcoux: Parce qu'il y a eu des regroupements, et, des anciennes municipalités, certaines étaient dans un des districts judiciaires mentionnés puis d'autres étaient dans l'autre. Alors, une fois la fusion faite, ils disent: Bien, écoutez, là, on voudrait continuer d'avoir la possibilité maintenant, pour tout le territoire de la nouvelle ville ? parce qu'il y a des parties qui avant étaient dans l'un et dans l'autre ? d'avoir accès à l'un ou l'autre des deux districts judiciaires concernés. Ça fait que c'est ça.
M. Lahaie (Marc): C'est exactement ça, et à notre connaissance ça s'est produit, suite aux fusions municipales, à deux endroits précis: Terrebonne et Mont-Tremblant. À ma connaissance, il n'y avait pas d'autre...
M. Marcoux: S'il y en a d'autres, je ne pourrais pas vous dire, mais on n'a pas eu de...
M. Lahaie (Marc): On a fait une espèce de sondage et on n'en a pas trouvé d'autre, monsieur.
M. Bédard: O.K. Ce que je veux être sûr, c'est que tout le monde est heureux là-dedans, tu sais. Des petites modifications, là, des fois les maires pourraient y trouver...
M. Marcoux: Oui. Je pense que... Écoutez, c'est d'ailleurs favorable. Je pense que ça donne davantage de flexibilité et ça diminue les coûts pour certains.
M. Lahaie (Marc): Là où les demandes ont été faites, ça facilite l'administration de la justice municipale, notamment pour l'assignation des policiers en matière criminelle, qui est la base essentielle des demandes, justement pour faciliter, rendre plus souple l'administration de la justice, à cause qu'il va y avoir une juridiction concurrente et non plus deux districts judiciaires séparés pour un même territoire municipal.
M. Marcoux: Alors qu'avant la fusion des parties de ce territoire municipal étaient incluses dans un des districts, puis d'autres parties de ce nouveau territoire dans l'autre district. Alors, après la fusion, on a dit: Écoutez, là, on voudrait avoir accès à l'un ou l'autre des districts. Peut-être que la partie du territoire de la ville fusionnée qui faisait affaire avec le district judiciaire de Joliette, bien ils pourront continuer d'y aller s'ils veulent. C'est ça.
M. Bédard: De toute façon, il y avait une cour municipale à la ville de Mont-Tremblant?
M. Lahaie (Marc): La ville de Mont-Tremblant, il y en a une... Ils viennent de demander d'en créer une. Il n'y en a pas présentement, là, il y a une demande pendante d'en créer une actuellement. Il y en a une à...
n(22 h 30)nM. Bédard: O.K. Mais ils n'en ont pas actuellement.
M. Lahaie (Marc): À Mont-Tremblant...
M. Marcoux: C'est à Sainte-Agathe actuellement.
M. Bédard: À Sainte-Agathe? Pourquoi vous n'avez pas prévu à Sainte-Agathe, d'abord?
M. Lahaie (Marc): C'est dans un autre...
M. Marcoux: Mais là c'est pour les causes qui vont aller... pas nécessairement les cours municipales. C'est pour les causes qui vont être inscrites en Cour du Québec ou en Cour supérieure.
M. Bédard: Aussi.
M. Marcoux: C'est principalement ça. Parce que la cour municipale... Ça ne touche pas la cour municipale.
M. Lahaie (Marc): Non. La cour municipale...
M. Marcoux: Ça touche pour les causes ou les actions qui vont être...
M. Bédard: Mais pourquoi vous... Mais actuellement est-ce qu'il y a une cour du Québec à ville de... Bon, il y a le district, là, mais...
Une voix: À Saint-Jérôme.
M. Bédard: ...le secteur de ville de Mont-Tremblant, est-ce que ça comprend Sainte-Agathe?
M. Marcoux: Je ne le sais pas, mais... Parce qu'il y a le palais de justice à Saint-Jérôme.
M. Monty (Paul): À Saint-Jérôme, dans Terrebonne puis à Mont-Laurier, dans Labelle.
M. Marcoux: Mont-Laurier, il y a un nouveau palais de justice dans Labelle. Et Joliette... c'est à Joliette, le palais de justice de Joliette.
M. Monty (Paul): Puis l'autre est à Saint-Jérôme.
M. Marcoux: Et celui de Terrebonne, c'est à Saint-Jérôme, c'est ça?
Une voix: À Saint-Jérôme.
M. Marcoux: Le district judiciaire de Terrebonne, le palais de justice est à Saint-Jérôme. Alors, là, c'est vraiment pour les causes inscrites en Cour du Québec ou Cour supérieure, ça. Dans le fond, il n'y a pas d'impact sur les cours municipales, avec ça.
M. Lahaie (Marc): C'est plus pour les corps de police municipaux, qui font aussi de l'administration judiciaire non pas seulement qu'à l'égard de la cour municipale, mais à l'égard de la Cour du Québec et de la Cour supérieure, les infractions criminelles sur ces territoires-là. Et, eux, ça leur permet une souplesse que cette juridiction concurrente là va leur apporter.
M. Bédard: O.K. Mais auparavant... C'est ça, ils allaient où auparavant?
M. Lahaie (Marc): Bien, comme Terrebonne, ils étaient obligés d'aller aux deux places, et il y a des...
M. Bédard: Ils se déplaçaient puis ils s'en allaient...
M. Lahaie (Marc): Actuellement, c'est ça, ils sont obligés d'aller aux deux endroits, et ils sont assignés des fois en même temps aux deux endroits. Ça crée des difficultés de gestion importantes. Parce que, les poursuites, si elles se produisent sur le territoire... par exemple dans le district de Joliette, ils vont aller déposer la poursuite criminelle à Joliette. Si elle se produit... une autre partie de la ville qui est Terrebonne, ils vont aller déposer la poursuite criminelle à Saint-Jérôme. Alors que, pour eux, ils aimeraient avoir la faculté de pouvoir déposer dans l'un ou dans l'autre.
M. Bédard: Et, si c'est à Mont-Tremblant, ils s'en vont où?
M. Lahaie (Marc): Mont-Tremblant, bien... Le problème était davantage avec la ville de Lac-Tremblant-Nord, qui, elle, est située dans le district judiciaire de Labelle, alors que Mont-Tremblant est dans Terrebonne, dans le district judiciaire de Terrebonne. Et la police de Mont-Tremblant fait la police à Lac-Tremblant-Nord. Alors, encore une fois, passez-moi l'expression, mais ils se trouvaient à être écartelés entre deux districts judiciaires, dépendamment de l'endroit où on constatait l'infraction. Si l'infraction était constatée dans le district judiciaire de Labelle, on allait déposer la poursuite criminelle à Mont-Laurier.
M. Bédard: Oui, bien, là, évidemment je ne suis pas résident du secteur, donc...
M. Lahaie (Marc): Moi non plus.
M. Marcoux: C'est comme si... Moi, je dessine un peu mal, comme vous voyez, mais c'est comme si c'était le territoire de la nouvelle ville de Terrebonne, et je ne sais pas quelles sont les municipalités qui ont été regroupées dans la nouvelle ville...
M. Lahaie (Marc): La Plaine et Terrebonne.
M. Marcoux: Alors, c'est comme si La Plaine, ici, avant était dans le district judiciaire de Joliette ? parce que les districts judiciaires, il y a des limites ? et puis l'autre, ici, était dans le district judiciaire de Terrebonne. Alors, là, la ville, maintenant, qui ne fusionne qu'un territoire, a une partie de son territoire dans un des districts judiciaires...
M. Bédard: C'est beau.
M. Marcoux: ...une partie du territoire dans l'autre district judiciaire. Alors, je pense, c'est pour faciliter, notamment pour les poursuites en matière criminelle.
M. Bédard: Je souhaiterais le dépôt du document du ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Je peux, M. le député de Chicoutimi...
M. Bédard: C'est la première fois qu'on va déposer un dessin, M. le Président. C'est quand même un précédent qui m'intéresse.
M. Lahaie (Marc): On va plutôt vous déposer la carte.
M. Bédard: Non, non, je veux le dessin. On va le coter.
Le Président (M. Simard): Ce serait pas mal plus simple. Non, non, mais c'est un artiste qu'on a à la tête du ministère!
M. Bédard: Impressionnant. Alors, simplement, en terminant, vous dire: Ce que je veux être sûr, c'est que ça n'a aucun impact sur les cours municipales. C'est ce que vous me dites?
M. Lahaie: Non, parce que les cours municipales n'ont juridiction que sur leur propre territoire, et la Cour municipale de Terrebonne actuellement est comme autosuffisante sur son propre territoire, sans égard au district judiciaire. Et la même chose pour Mont-Tremblant, éventuellement.
Le Président (M. Simard): Est-ce que l'article 22 est adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Simard): Sans dessin.
M. Bédard: Malheureusement.
Le Président (M. Simard): 23, c'est un long article que je ne vais pas lire. Est-ce que quelqu'un peut nous l'expliquer, peut-être nous épargner du temps en explications assez simples. Me Monty, brièvement.
M. Monty (Paul): Brièvement, c'est de donner au juge de paix fonctionnaire la juridiction que le Code de procédure pénale modifié va lui donner. C'est de le mettre dans la Loi sur les tribunaux judiciaires. On vient de leur donner le pouvoir d'entendre un certain nombre de choses, d'instruire des procès par défaut...
M. Bédard: Il faut l'inclure dans la nomenclature.
M. Monty (Paul): ...il faut l'inclure dans leurs pouvoirs, dans l'annexe de la Loi sur les tribunaux judiciaires.
M. Simard: Donc, c'est dans l'annexe que ça ira.
M. Monty (Paul): Oui, c'est ça.
Le Président (M. Simard): M. le député de Chicoutimi, est-ce que vous avez des questions à poser?
M. Bédard: Il faut aller directement, j'imagine, à la troisième page... quatrième?
M. Monty (Paul): Il y a une place que c'est à la troisième page, on le voit, là.
M. Bédard: Quatrième, qui modifie l'attribution des juges de paix fonctionnaires, O.K., dans le projet de loi qu'on avait adopté...
Me Monty (Paul): Alors, vous voyez, là...
M. Marcoux: Je pense que, dans votre cahier, vous avez justement, en gris, là...
Me Monty (Paul): Vous avez les ajouts qui sont faits en gris.
M. Bédard: Oui, c'est ça, là, je le vois dans les encadrés. Pourquoi autoriser le retrait d'un chef d'accusation, article 12 du Code de procédure pénale?
M. Mercier (Jacques): Tout simplement parce qu'encore une fois ça présupposait une appréciation de preuve...
M. Bédard: Ah, O.K. Le retrait... Oui, oui, oui, O.K. Qu'est-ce que ça prend pour faire un retrait? Ah, non, ça... Moi, je pense que ça demande la présence du poursuivant.
Me Monty (Paul): Exactement.
M. Mercier (Jacques): C'est le poursuivant qui peut le demander, effectivement. Il n'y a que lui qui peut le faire.
M. Bédard: C'est ça. Exactement. Donc, comme il n'est pas là, il ne peut pas y avoir...
M. Mercier (Jacques): Comme c'est en l'absence des parties....
Le Président (M. Simard): ...ici pour demander de ralentir l'adoption du projet de loi.
M. Marcoux: Est-ce que ça va?
M. Bédard: Ça va.
Le Président (M. Simard): Alors, est-ce que l'article 23 est adopté?
Des voix: Adopté.
Réglementation
Le Président (M. Simard): L'article 24: «Malgré l'article 11 de la Loi sur les règlements (L.R.Q., chapitre R-18.1), les premiers règlements pris par le gouvernement pour prescrire la forme des constats d'infraction ainsi que celle des rapports d'infraction qui seront requis pour l'application de la présente loi pourront être pris à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la date de leur publication à la Gazette officielle du Québec.»M. Marcoux: Ça va?
M. Bédard: Oui. Je lisais le cahier du ministre, puis c'était plus compliqué, là. Là, je me réfère à la loi...
Le Président (M. Simard): C'est plus simple dans la loi que dans le cahier du ministre. C'est souvent le cas, hein?
M. Bédard: Oui, c'est ça. Ça nous induit en erreur, là.
M. Marcoux: Ce n'était pas l'intention.
M. Bédard: Non, non, non. Je ne vous prête pas de mauvaise foi... de mauvaises intentions, plutôt. Il n'y a pas de prépublication. Le premier règlement pris par le gouvernement prescrit le mode de constat ainsi que celui des rapports d'infraction.
Le Président (M. Simard): Alors, on passe de 45 à 15 jours, là, hein?
M. Marcoux: Il y aurait une prépublication, si je... ? est-ce que c'est une prépublication?
Une voix: Oui.
M. Marcoux: ... ? mais dont le délai, au lieu d'être de 45 jours, serait réduit à 15 jours. C'est bien ça?
Une voix: C'est ça.
Le Président (M. Simard): Ça va? Alors, l'article 24 est adopté.
Entrée en vigueur
L'article 25, c'est l'entrée en vigueur de la loi aux dates fixées par le gouvernement, à l'exception de l'article 22, qui entrera en vigueur...
M. Marcoux: L'article 22 touche la juridiction concurrente des districts judiciaires.
Le Président (M. Simard): Alors ça, c'est à la sanction.
M. Marcoux: Alors, celle-là entrerait en vigueur à la date de la sanction. Pour ce qui est de...
M. Bédard: À l'exception de l'article 22, qui entrera en vigueur...
M. Marcoux: L'article 22 touche les districts judiciaires...
M. Bédard: Ah, O.K., vous voulez le faire immédiatement?
M. Marcoux: ...et ça, tout le monde l'attend, tu sais. Alors, on le ferait au moment... ça entrerait en vigueur au moment de la sanction de la loi...
M. Bédard: Mais j'imagine...
M. Marcoux: ...alors que les autres articles, certains dépendant... Parce qu'il va falloir préparer des nouveaux constats d'infraction, par exemple, s'entendre avec les municipalités. Alors, les autres articles entreraient en vigueur sur décret en attendant que tout ça soit prêt. Mais, pour ce qui est des districts judiciaires, c'est prêt, et les gens l'attendent.
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Simard): Est-ce que les intitulés des titres, chapitres, sections et sous-sections du projet de loi sont adoptés?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): Est-ce que le projet de loi n° 105, Loi modifiant le Code de procédure pénale et la Loi sur les tribunaux judiciaires, est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Simard): Tel qu'amendé.
M. Marcoux: Tel qu'amendé.
Le Président (M. Simard): Est-ce qu'il y a besoin d'une motion de renumérotation? Non. Tout est parfait. Alors, je vous remercie de votre collaboration. Et je vais suspendre nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 40)