(Neuf heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. Simard): Nous allons commencer nos travaux. La commission des institutions est aujourd'hui réunie pour procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques à l'égard du livre blanc intitulé La sécurité privée: partenaire de la sécurité intérieure.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements à annoncer?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Descoteaux (Groulx) est remplacé par M. Bernier (Montmorency); Mme Papineau (Prévost) est remplacée par M. Charbonneau (Borduas); et M. Létourneau (Ungava) est remplacé par M. Côté (Dubuc).
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Alors, je pense que l'ordre du jour que vous avez reçu n'a pas été modifié et qu'au-delà des remarques préliminaires du début de nos rencontres nous entendrons à 10 heures ? enfin, 10 heures, 10 h 10 ? les représentants du Barreau du Québec; ensuite, la Commission d'accès à l'information. Et après la suspension du midi, nous recevrons le Conseil du patronat du Québec, qui était devant cette commission la semaine dernière, l'Association québécoise des intervenants en sécurité et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Alors, voilà le programme de la journée, un programme qui s'annonce chargé et intéressant.
Remarques préliminaires
Sans plus tarder, puisqu'il s'agit d'un livre blanc, on aura tous compris donc qu'il s'agit d'un débat qui n'est pas rendu à sa maturité, qui est ici pour... Nous sommes ici pour entendre, discuter, et le ministre va écouter, évidemment, attentivement, tout ce qui se dira. Mais il est important au point de départ d'entendre, et c'est pour ça que les remarques préliminaires existent à ce stade-ci, d'entendre les remarques du ministre qui nous fixera l'horizon de son attente pour les prochaines semaines. Nous savons que notre commission travaille cette semaine et ensuite poursuivra, au mois de mars, ses travaux. C'est bien ça?
Alors, M. le ministre, nous vous écoutons.
M. Jacques Chagnon
M. Chagnon: M. le Président, madame ? madame? ? et messieurs... Madame ou mesdames?
Le Président (M. Simard): ...
M. Chagnon: Madame, madame. Mme et MM. les députés, mesdames, messieurs qui sont ici avec nous. Je tiens d'abord à remercier les membres... J'ai un petit problème, on va... je n'ai pas le bon dossier.
Le Président (M. Simard): C'est la conclusion que vous avez, M. le ministre?
M. Chagnon: Non, je n'ai pas le bon dossier. J'ai fait trois discours sur le sujet...
Le Président (M. Simard): Kanesatake, ce n'est pas ici, hein...
M. Chagnon: Non!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Simard): ...c'est dans le couloir.
M. Chagnon: Non, je le sais, puis c'est plus discret, hein, de ce temps-ci.
Le Président (M. Simard): Peut-être que des modèles de sécurité privée pourraient s'appliquer dans ce cas-là.
M. Chagnon: Ça se peut, on en a vus. En fait, ce n'est pas compliqué; ça va être plus court puis en même temps ça va être aussi direct.
Le Président (M. Simard): Précis.
M. Chagnon: Précis, j'espère.
Une voix: Efficace.
M. Chagnon: C'est ça. Je tiens d'abord à souligner, comme vous l'avez fait, M. le Président, que ce livre blanc, qui a été rendu public au début décembre, va faire l'objet justement d'une discussion, et j'espère puis j'en suis sûr, qui sera éclairée, compte tenu du fait qu'il y a de nombreux intervenants qui ont manifesté leur intention de participer à ce sujet-là et à ce débat-là.
L'intention gouvernementale, c'est évidemment de ne pas précipiter cette discussion-là, de ne pas précipiter une législation. Vous savez, on n'a pas légiféré sur le sujet depuis 1962. Or, en 1962, les vertus de la sécurité privée étaient beaucoup, beaucoup, beaucoup plus petites et aujourd'hui on est rendus avec une industrie qui a un chiffre d'affaires d'autour d'un milliard et demi, qui regroupe entre, dépendamment de ce dont on parle, entre 25 000 à 50 000 personnes. Si on inclut la sécurité interne en plus de la sécurité privée, on se retrouve à des chiffres assez importants de gens qui travaillent pour ce modèle de sécurité. On a des augmentations de 15 % du chiffre d'affaires et d'activités dans ce domaine-là par année. Vous voyez tout de suite l'importance que ce secteur de... ce segment de l'activité publique et privée, c'est-à-dire, segment d'activité dans notre communauté reçoit. Alors, notre intention, c'est d'abord de faire en sorte de déposer le projet de loi... le projet de livre blanc. Le projet de livre blanc va nous ouvrir à cette discussion qui commence ce matin et qui va faire en sorte de nous permettre de cheminer.
Nous allons commencer jusqu'à, me disait-on, jeudi midi, nous allons continuer au mois de mars, nous allons continuer au mois d'avril ou mai, dépendamment évidemment du temps qui sera pris pour les crédits. On sait tout de suite qu'on a à peu près un mois, là, trois semaines, de pris avec les crédits, on va continuer. Mais, quand on aura fini d'avoir entendu chacun des intervenants, eh bien, ce que nous ferons, nous préparerons à ce moment-là un projet de loi qui sera déposé peut-être d'ici la fin de la session qui s'en vient, sinon ce sera à la session de l'automne. Mais, de toute façon, l'idée, c'est de faire en sorte que le projet de loi puisse être débattu encore en commission parlementaire avant une adoption plus tard. Alors, il pourrait y avoir adoption théoriquement, soit à l'automne 2004 ou au printemps 2005.
En deux mots, il n'y a pas d'horizon bouché et manifestement pas de précipitation voulue de la part ni du ministre, ni du ministère, ni du gouvernement dans ce dossier-là. L'idée, c'est de faire en sorte que de faire la meilleure législation possible, à tout le moins de savoir ce qu'on va faire puis d'avoir regardé chacun des éléments de cette législation-là sur tous ses angles et sur tous ses côtés.
Alors, le but de cette législation éventuelle, c'est de faire en sorte de regarder différents aspects qui nous sont apparus comme étant problématiques en matière de sécurité privée. Je le disais tout à l'heure, on n'a pas légiféré sur la question depuis 1962, donc on a, depuis 42 ans, vu une évolution importante dans nos sociétés sans qu'elle soit encadrée, je dirais, puis dans le sens le plus noble du terme, sans qu'elle soit regardée par l'État.
Il y a eu bien sûr des gens qui ont travaillé avec l'État dans des commissions de travail qui ont terminé même en l'an 2000 mais qui n'ont jamais abouti en termes de législation et qui, je pense, permettraient à l'industrie de pouvoir mieux comprendre et mieux se situer si on faisait le point sur ce qui est véritablement la sécurité privée, de un; de deux, quels sont ses besoins, quels sont ses besoins en termes de formation ou... Et moi d'ailleurs, ancien ministre de l'Éducation... Vous savez, on pèche peut-être un peu, je ne dirais pas par excès, mais certainement par compréhension de la valeur ajoutée qu'amène la formation dans un domaine aussi hybride et éclectique que la sécurité privée. Alors, la reconnaissance d'une formation, pour la majorité des gens qui oeuvrent dans ce dossier, serait certainement une bonne chose. Il s'agit de savoir comment on le fait puis comment on peut conjuguer avec les réalités du terrain une dimension comme celle-là.
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(9 h 50)
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Je soulève une autre question, la déontologie. Dans ce secteur d'activité, on a plusieurs milliers de personnes qui travaillent en sécurité privée, qui font affaire avec le public, et donc, contrairement aux policiers qui ont des règles de déontologie bien connues, le secteur de la sécurité privée ne connaît pas de règles de déontologie reconnues, globalement et généralement. Souvent, les compagnies, particulièrement des grandes compagnies de sécurité privée, ont effectivement un code d'éthique ou un code de déontologie ? quoique vous comprendrez que l'un et l'autre ne veuillent pas dire exactement la même chose ? mais, dans l'esprit des gens qui y travaillent, c'est sûrement, d'un point de vue moral, un code qui permet à la société privée de pouvoir avoir un certain encadrement de la moralité de ses employés. Mais il n'en demeure pas moins que, d'un point de vue public, il y a une certaine difficulté à, par ailleurs, ne pas être capable, par exemple, de définir quelles pourraient être des allégations qui pourraient être retenues contre des gens du secteur privé qui travaillent dans un forum public.
Alors, voilà des sujets qui seront sûrement ceux qui devront être les nôtres dans les semaines à venir. Il y en a plusieurs autres qui sont intéressants. Il y a toute la question de la régularisation... ou la régulation, je devrais dire, de la sécurité interne par rapport à la sécurité privée, la sécurité interne étant des sociétés, comme par exemple ? parfois publiques ? Hydro-Québec qui a ses propres services de police, ou le CN qui a ses propres services de police, ou encore...
Une voix: CTCUM.
M. Chagnon: ...CTCUM, ou encore, privée, une compagnie comme, disons, Stadacona à Québec ou comme Domtar ou comme d'autres sociétés importantes qui ont leur propre système de sécurité interne.
Et d'autres questions assez fondamentales devront se poser comme lorsque, dans la sécurité privée ou en sécurité interne, on a par exemple une personne dans une entreprise qui commet un acte criminel: Quels types d'actes criminels devraient faire l'objet d'une dénonciation immédiate aux secteurs policiers qui, eux, veillent à l'application des... et la répression de la criminalité? Alors, c'est ce genre de débat là dans lequel je vous invite, et je vous invite tous les membres de la commission et tous les membres ici qui vont nous en parler dans les semaines à venir, à faire. Et ça m'apparaît être un débat extrêmement intéressant puis extrêmement important pour notre société, d'autant plus que, moi, je considère la sécurité privée comme étant un des piliers de l'organisation de la sécurité intérieure d'un État. On a parmi les trois autres piliers, je dirais, le corps policier: on a 14 000 policiers au Québec; on a les corps de pompiers: on a presque 22 000 pompiers au Québec dont 6 000, 5 000, 6 000 sont des pompiers professionnels, les autres sont des pompiers volontaires. On a un groupe, puis un corps extrêmement important, particulièrement quand on a des sinistres ? et je l'ai vécu beaucoup, me semble-t-il, depuis quelques mois ? de gens qui sont de la sécurité civile. Je vous dis et je vous jure, M. le Président, qu'on est très contents et très fiers du travail qu'ils font, qu'ils soient là; et on a ce quatrième pilier là pour lequel, finalement, on n'a pas passé beaucoup de temps depuis les 42 dernières années, ça n'avait pas beaucoup préoccupé, puis qui s'appelle la sécurité privée, et c'est un pilier et un membre extrêmement important et dynamique dans notre société.
Alors, peut-être qu'il serait intéressant, il sera intéressant de pouvoir débattre dans les semaines à venir avec les gens de la sécurité privée, avec les gens de la sécurité publique, de l'avenir de ce secteur-là puis comment on peut faire pour s'entraider, pour avoir la meilleure législation possible, qui ne nuise pas à la sécurité, aux sociétés qui font de la sécurité privée, puis qui, en même temps, permette de bien faire comprendre les droits du public dans ce domaine-là. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. Alors, ça commence à mettre la table. Et nous allons maintenant entendre le député de Borduas, qui est critique de l'opposition officielle sur les questions de sécurité publique, nous parler ce matin, nous énoncer ses attentes face à ces auditions sur la sécurité privée.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Bien, M. le Président, merci. Chers collègues, M. le ministre, mesdames et messieurs, je suis satisfait d'entendre répéter par le ministre ce qu'il a dit la semaine dernière au colloque du Conseil du patronat à l'effet qu'il considérait maintenant qu'il ne devait pas y avoir de précipitation dans la préparation de la modernisation de la législation qui existe à l'égard de la sécurité privée, et, dans ce sens-là, c'est peut-être aussi un constat de sa part qu'il y avait un problème, parce que, ne nous le cachons pas, la rédaction du livre blanc mais en fait surtout son contenu, son approche a été passablement critiquée au cours des dernières semaines, peu publiquement, mais beaucoup dans les réseaux qui sont en contact avec le ministre et avec le critique de l'opposition. Donc, il y a eu beaucoup de critiques sur la façon dont le livre blanc abordait la problématique et sur le ton et la façon dont on décrivait une réalité.
Si on veut faire un petit peu l'historique, d'abord, on a l'impression en lisant le livre blanc que, tout à coup, le gouvernement et l'État... puis je ne fais pas ça dans un contexte partisan, parce que, finalement, le ministre prend le relais d'une démarche qui avait été entreprise par ses prédécesseurs, mais ça donne l'impression ou ça donnait l'impression que, tout à coup, le gouvernement découvre qu'il y a un problème et que le ministère de la Sécurité découvre qu'il y a un problème, et voici comment maintenant on voudrait aborder cette problématique-là. Alors que, dans les faits, ce qu'on sait au plan, disons, de la vérification historique de ce dossier-là, c'est que ce sont les gens de l'industrie qui, il y a déjà plusieurs années, autour des années... du milieu des années quatre-vingt-dix, 1994-1995, qui ont sensibilisé le gouvernement et le ministre de l'époque sur des problèmes qu'ils vivaient et qu'ils ressentaient dans leur industrie, notamment les problématiques qui faisaient en sorte qu'on avait une législation qui était assez vieille, en fait qui datait du début des années soixante, et qui ne correspondait pas aux réalités nouvelles qui s'étaient développées, et une problématique aussi liée à une expansion, dont le ministre a parlé, de l'industrie, constante, qui n'était pas en mesure de recevoir de la part de l'État une considération adéquate en regard de ces nouvelles réalités là.
Alors, à ce moment-là, il y a eu création d'un comité consultatif sur la sécurité privée au Québec. Et là on a invité les partenaires du milieu à s'asseoir à une table avec le gouvernement pour essayer d'élaborer la problématique, en fait de bien saisir la situation puis d'élaborer finalement des pistes de solution. Et, déjà, dans la suite des choses, on a vu un problème apparaître, c'est-à-dire, à un moment donné, il y avait cette démarche de concertation, puis par la suite la concertation s'est comme estompée, sinon évanouie. Et il y a eu un rapport du Comité consultatif sur la sécurité privée, à l'époque, qui avait été préparé, si mes informations sont exactes, uniquement par des fonctionnaires du ministère de la Sécurité publique. Et donc les partenaires qui étaient là au départ étaient un peu disparus du portrait quand c'est venu le temps de préparer le rapport.
Et, par la suite, il y a eu une période de silence ou d'absence à l'égard des intentions gouvernementales, pour toutes sortes de bonnes ou de mauvaises raisons. Je sais que, au ministère de la Sécurité publique, au cours des dernières années, il y a eu beaucoup de dossiers majeurs qui ont dû être abordés. Et le fait est qu'on s'est retrouvés, quand le changement de gouvernement est intervenu, avec un projet de livre blanc, peut-être même des ébauches de rédaction, et le ministre en a pris connaissance et a décidé d'aller de l'avant, ce qui était une bonne chose et ce qui devait se faire. Le problème, c'est que la rédaction s'est faite, là aussi, un peu en vase clos, et donc on a beaucoup perdu de cette idée de départ qui était: il y a une nouvelle réalité qui s'est développée d'une façon considérable au cours des dernières années, des dernières décennies, et c'est ensemble que nous allons essayer de comprendre la nouvelle réalité puis de développer des solutions.
Alors donc, aujourd'hui, on a un livre blanc dont même... je suis convaincu que ce n'était pas une mauvaise intention, mais dont même l'image frontispice, disons, la présentation visuelle heurte, semble-t-il, les gens de l'industrie. Je ne suis pas sûr que le secteur privé de la sécurité a bien apprécié de se faire identifier comme Dupont et Dupond. Je ne suis pas sûr que les détectives privés ou les gens du milieu privé ont comme modèle de comportement les personnages célèbres de l'auteur de Tintin. Mais le fait est que c'est peut-être caricatural, mais ça témoigne ? moi, je me le suis fait souligner à quelques reprises ? d'une certaine attitude ou d'une certaine façon d'aborder, disons, l'industrie qui a heurté de front. Bon.
Ceci étant dit...
M. Chagnon: Je peux peut-être me permettre là-dessus une petite digression. C'est un choix tout à fait personnel. Alors...
Une voix: ...
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(10 heures)
n
M. Chagnon: Non, c'est vrai. Je trouvais que c'était un clin d'oeil. D'abord, c'est une oeuvre d'art, c'est un Lapalme. C'est un original de Lapalme qui se retrouve... puis le plus curieux, hein, c'est qu'il se retrouve à l'entrée de l'édifice de la Fraternité des policiers de Montréal. C'est là où je l'ai vu, puis j'ai dit: Ah! que c'est beau, ça. Ça pourrait faire une page frontispice le fun ? le fun ? pour le livre blanc. Parce que vous retrouvez aussi Dick Tracy là-dedans, vous retrouvez toutes sortes de choses, des personnages que Lapalme avait amplifiés évidemment et caricaturés. Alors, je trouvais ça tout simplement le fun, comique...
M. Charbonneau:
«Cute».
M. Chagnon: ...«cute». Alors, voilà.
M. Charbonneau: Bien, écoutez, moi, je n'avais pas l'intention...
M. Chagnon: Il ne faut pas avoir l'épiderme trop sensible face à l'art.
M. Charbonneau: Je ne savais pas qui était l'auteur de cette idée brillante. Maintenant que nous avons identifié, dans une enquête très serrée...
Le Président (M. Simard): Une enquête privée.
M. Charbonneau: ...une enquête privée qui est devenue une enquête publique, l'auteur de cette idée originale, je suis convaincu que ce n'était pas une mauvaise intention de la part du ministre. Mais le fait est que parfois des bonnes intentions sont perçues ou reçues différemment ou mal interprétées. Alors, mieux vaut mettre les choses claires sur la table. Et je ne sais pas si la Fraternité, ayant mis ça dans son hall d'entrée, avait l'intention d'indiquer qu'ils avaient un profond... je ne dirais pas mépris, mais une certaine attitude, disons, de défiance ou ironique à l'égard du secteur des enquêtes privées, mais en tout cas.
M. Chagnon: ...ça doit être ironique aussi.
M. Charbonneau: Peut-être aussi.
M. Chagnon: Il faut être capable de savoir s'élever au-dessus de ces considérations-là.
M. Charbonneau: Voilà. Mais alors on ne prendra pas beaucoup de temps sur l'oeuvre de Lapalme.
Le Président (M. Simard): Bon, la partie critique d'art étant terminée, nos propos.
M. Charbonneau: Voilà. Alors, cela étant dit, ce qui est clair, c'est que le livre blanc et les propos qui ont été tenus par les représentants de l'industrie et même du milieu de la sécurité publique ont identifié un certain nombre de problèmes. Il y en a quelques-uns qui sont plus importants, mais je pense que la semaine dernière, au Conseil du patronat, plusieurs intervenants ont mis de l'avant une problématique qui, dans le fond, est peut-être celle qui est la plus heurtante ou la plus difficile, et ça, ça va être une des tâches de la commission, d'essayer de bien cerner les rôles des uns et des autres, parce qu'il y a une problématique de chevauchement des rôles de la sécurité publique ou des agents de sécurité publique, des agents de sécurité privée.
Et, autour de ce chevauchement des rôles, il y a aussi un certain nombre de problématiques qui ont été identifiées: un cadre législatif qui est inadapté, les chevauchements de rôles dont on vient de parler, une confusion des pouvoirs octroyés aussi aux uns et aux autres, les mesures insuffisantes de contrôle de l'intégrité ou de l'éthique et une problématique de formation dont a parlé le ministre.
Ce qui est clair, c'est que, dans cette réalité-là, tout n'est pas noir et blanc, il y a une zone grise, et je ne suis pas convaincu qu'on va pouvoir facilement faire en sorte que la zone grise se restreigne à un point tel où on ait plus de noir et de blanc. J'ai l'impression que le livre gouvernemental, le livre blanc qui peut-être aurait dû être un livre vert, essaie de régler ce problème-là en visant une simplification qui va peut-être être très difficile à faire dans la réalité. Par exemple, on veut réserver au secteur privé ce qu'on appelle la dimension de la prévention à l'égard de la sécurité intérieure et laisser aux policiers tout ce qu'on appelle la répression de la criminalité.
En fait, ce n'est pas si simple que ça, et on s'en rend bien compte quand on fouille les exemples, quand on voit concrètement comment le travail se fait sur le terrain. Les policiers font de la prévention, et ils doivent en faire, ils font beaucoup de répression, ce sont des agents de la paix. Dans le secteur privé, ils n'ont pas le statut d'agents de la paix mais, par la force des choses, ils sont appelés souvent, et souvent même à la demande des pouvoirs publics, à intervenir aussi dans le secteur de la répression.
Comment faire en sorte... Puisqu'on a choisi dans notre société de distinguer les rôles, les policiers sont des agents de la paix et les agents de sécurité privée ou les enquêteurs de la sécurité privée ne sont pas des agents de la paix, alors qu'est-ce que les uns et les autres peuvent faire? Dans quelle mesure la problématique de la sécurité, qui, elle, ne se tranche pas au couteau, noir et blanc, la problématique de la criminalité, dans quelle mesure peut-on faire en sorte qu'il y ait une efficacité, parce que c'est ça qu'on cherche, une efficacité à l'égard de la sécurité dans notre société, une efficacité à un coût acceptable et une efficacité aussi en respectant les droits et libertés, et donc le fondement d'une société démocratique qui est une société de droit? Et c'est ça, la dimension.
Il est clair qu'il y a des extrêmes qu'il va falloir éviter. On ne peut pas penser qu'aujourd'hui on va donner uniquement aux agents de la paix certaines responsabilités à l'égard, par exemple, de la répression de la criminalité ou de la poursuite, des infractions, etc., parce qu'on se retrouverait, finalement, comme société, à devoir engager de plus en plus de policiers et à supporter, à cause du coût que les services policiers impliquent, des frais considérables, des fonds publics considérables pour la mise en place d'effectifs beaucoup plus importants à l'égard de la sécurité publique.
À l'inverse, il y a cette tendance qui s'est développée, une espèce de sous-traitance. Autrement dit, de plus en plus de municipalités, même de pouvoirs publics, sous-traitent une partie de leur problématique de sécurité à des agences privées avec l'espoir d'économiser des fonds, mais peut-être aussi avec le danger de voir certaines pratiques s'installer. Il y a une espèce de dichotomie entre les standards qu'on exige des policiers puis les standards qui peuvent être considérés acceptables de la part des agences privées.
Alors, je crois qu'il faut être préoccupés à la fois par le fait qu'il doit y avoir un certain équilibre. On ne peut pas faire disparaître la sécurité privée puis tout mettre ça à la sécurité publique; on ne peut pas ne confiner la sécurité privée qu'à un rôle de prévention; on ne peut pas se payer non pas 15 000, mais 30 000 ou 40 000 policiers, au Québec, municipaux ou d'État, sans que ça ait des conséquences considérables sur les budgets puis le coût que les contribuables paient.
Mais on ne peut pas non plus se retrouver avec une sécurité à deux vitesses, c'est-à-dire une sécurité avec un haut standard puis, après ça, avec une sécurité avec un standard plus bas, celle qui serait pratiquée par le secteur privé. Puis, d'ailleurs, je pense que même les gens de l'industrie soutiennent, et dans bien des cas à bon droit, que leur standard est aussi élevé que... Dans bien des cas, d'ailleurs, leurs effectifs sont d'anciens policiers, surtout dans le domaine des enquêtes. Alors, il y a cette dimension-là qu'il faut avoir à l'esprit.
Une autre dimension, c'est justement, si on veut... si on veut puis si on l'a choisi... Et le livre blanc choisit de maintenir cette approche-là dans notre approche de la sécurité intérieure. C'est-à-dire il y a des agents de la paix puis il y a des agents de sécurité, et, si on veut continuer à faire cette distinction-là, ça veut dire qu'il va falloir que les citoyens et que tout le monde puissent faire la distinction. On ne peut pas se retrouver non plus avec des situations où des agents de sécurité jouent à la police, ou font de la police, ou se font passer pour des policiers, mais, en même temps, il faut être conscient de ce qu'on leur demande. Et encore une fois on ne peut pas leur demander uniquement de faire de la prévention. Ils doivent faire de la répression, ils ne peuvent pas faire autrement que faire de la répression s'ils veulent être efficaces. Alors, il y a toute cette dimension.
Et je crois que l'objectif de la consultation qui s'amorce, ça va être vraiment de cerner ces zones grises. Dans quelle mesure on peut faire en sorte que les uns et les autres remplissent leur mission, qu'il y ait plus d'efficacité, plus de concertation, de coordination entre la sécurité privée puis la sécurité publique? Mais en même temps, comment on peut le faire à des coûts acceptables et comment on peut le faire en respectant les droits et libertés? Comment on peut le faire avec des niveaux de formation, aussi, qui soient corrects? Mais en même temps, aussi, comment faire en sorte qu'on permette à une industrie, qui existe et qui est en expansion, de pouvoir se développer sans nécessairement l'ostraciser ou sans lui imposer un fardeau, du jour au lendemain, qui serait disproportionné avec ce qu'on pourrait être capable d'accepter si on procédait autrement?
Moi, ce que j'espère, c'est que... À la limite, si... Après les consultations qui vont s'échelonner sur quelques semaines et, comme le ministre le disait, peut-être sur quelques mois aussi, compte tenu du calendrier des travaux parlementaires, moi, je n'aurais pas de problème à ce que le ministre choisisse après, avant de revenir à l'Assemblée nationale avec un avant-projet de loi, comme il l'a laissé entendre la semaine dernière, ou encore avec un projet de loi, qu'on reprenne finalement les éléments essentiels qui seront apparus dans les discussions puis les échanges que nous aurons en commission parlementaire et qu'on recrée en fait cette table de travail intersectorielle, autant privée que publique, pour que, au bout du compte, on en arrive à des solutions qui soient plus consensuelles et qui nous évitent inutilement d'encadrer, ou de bureaucratiser à l'excès, ou encore d'utiliser l'autorité législative dans des cas où ce ne serait peut-être pas nécessaire. C'est clair qu'il faut moderniser la loi, c'est clair que...
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(10 h 10)
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Le Président (M. Simard): Je vous demande de conclure, M. le député. Vous avez dépassé votre temps.
M. Charbonneau: Oui, merci, M. le Président. C'est clair qu'on ne peut pas conserver la vieille loi de 1962. Je pense qu'il y a des avancées importantes qui doivent être faites, mais tout est dans la manière. À cette étape-ci, tout doit être dans la manière. Et l'atterrissage... Si on peut faire en sorte que l'atterrissage soit un atterrissage qui satisfasse à la fois le monde policier, et le monde de la sécurité publique, et le monde de la sécurité privée, étant entendu qu'une société moderne comme la nôtre a besoin des deux et va avoir besoin peut-être de plus en plus des deux, compte tenu des problèmes de sécurité qui se développent chez nous comme dans d'autres sociétés, compte tenu de la nouvelle conjoncture internationale autant que de la nouvelle réalité du fonctionnement d'une société complexe et moderne.
Alors, c'est un peu ce que je voulais dire à ce moment-ci, M. le Président. Je suis prêt à ce qu'on aborde cette discussion-là d'une façon politique mais non partisane. Moi, je n'aime pas tellement les gens qui disent qu'on ne fait pas de politique avec ce dossier-là. La politique, c'est l'organisation du bien commun, je veux dire, je n'ai pas de problème avec le mot «politique», au contraire. Je pense qu'il n'y a pas de conflits idéologiques partisans fondamentaux dans ce cas-ci. Donc, ça va sans doute permettre des échanges qui seront peut-être plus fructueux...
Le Président (M. Simard): Et de bon niveau.
M. Charbonneau: ...et de bon niveau dans...
Le Président (M. Simard): Et relativement courts.
M. Charbonneau: Je comprends le message. De toute façon, on a une heure par groupe.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. le député de Borduas.
M. Charbonneau: Ça va.
Le Président (M. Simard): Juste avant d'entreprendre nos travaux, je constate qu'on... Nous sommes réunis d'ailleurs parce qu'il y a une motion de la Chambre, une motion du 15 décembre 2003 qui a été présentée par le leader du gouvernement en Chambre, et je vois dans la liste des organismes qu'allait apparaître deux fois la Commission d'accès à l'information. J'ai l'impression, M. le ministre, qu'il s'agit d'une erreur et qu'il doit s'agir quelque part aussi de la Commission des droits de la personne parce qu'il serait assez invraisemblable qu'on fasse l'étude de ce sujet, qui implique la charte ? la Charte québécoise autant que la Charte canadienne ? qui implique des zones grises de protection des droits des individus, sans que la Commission des droits soit consultée. Enfin, je vous demanderais donc de bien vérifier à ce que, s'il y a eu confusion comme je le crois ici, la Commission des droits soit appelée à préparer une intervention devant notre commission. Je pense qu'elle pourrait nous éclairer certainement sur plusieurs sujets importants.
Auditions
Alors, je vais tout de suite inviter les représentants du Barreau à venir se joindre à nous. Me Gagnon, je vous aperçois. M. le bâtonnier, prenez place avec vos collaborateurs.
Une voix: ...
Le Président (M. Simard): Non, je pense que Me Gagnon lui... Je ne lui expliquerai pas les règles du fonctionnement, au bâtonnier, parce qu'il est parmi nous à peu près tous les 15 jours, mais pour cette raison-là justement qu'il vient régulièrement, je vais amicalement lui souligner que les membres de cette commission apprécieraient, M. le bâtonnier, que votre groupe, qui est l'un des plus familiers de notre commission, et d'autres puissent, lorsqu'ils font des présentations ici, nous faire parvenir leurs mémoires un peu plus qu'une demi-heure à l'avance. Et j'apprécierais beaucoup que nous puissions ? et c'est la tradition ici de lire attentivement et d'analyser les mémoires avant qu'ils nous soient présentés ? que vous puissiez revenir à la grande tradition du Barreau qui nous faisait parvenir, dans des délais raisonnables, ses mémoires. Sur ce, je vous laisse la parole.
Barreau du Québec
M. Gagnon (Pierre): Alors, M. le Président, j'accepte avec humilité vos remarques. Vous avez vous-même dit qu'on en a eu beaucoup ces derniers temps, et on essaie de répondre à toutes les demandes, et je crois que c'est la huitième ou la neuvième commission où j'assiste depuis le mois de septembre. Alors, on fait ce qu'on peut sur les délais, mais on va améliorer sûrement notre... ça ne pourra pas être pire que cette fois-là, en tout cas, de toute façon.
Alors, je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. Me Jean-Claude Dubé, qui est le président de l'Association des avocats et avocates de défense du Québec; c'est un criminaliste et aussi un spécialiste de la déontologie et des lois professionnelles, alors nous avons pensé que ça pourrait être utile pour informer ou répondre aux questions des membres de la commission. Et Me Carole Brosseau, qui est du Service de recherche et législation du Barreau du Québec. Je vous dis tout de suite qu'on n'aura pas de remarques à faire sur les Dupond et Dupont. On est habitués, par contre, comme avocats, à avoir... à être l'objet de beaucoup de sarcasmes, et je pense qu'il faut faire avec. Alors, d'entrée de jeu...
Une voix: ...
M. Gagnon (Pierre): J'ai compris qu'on est à peu près au même niveau d'appréciation dans les sondages, à quelque part.
M. Charbonneau: Malgré tout, vous êtes un peu plus haut que nous autres.
Le Président (M. Simard): ...la possibilité de facturer, vous.
M. Gagnon (Pierre): Oui. Malgré que nous sommes ici à titre gracieux, comme vous le savez maintenant. Alors, d'entrée de jeu, le livre blanc tente de donner suite au rapport du Comité consultatif sur la sécurité privée au Québec qui recommandait, de façon prioritaire, la mise en place d'un nouvel encadrement législatif. Alors, par cet encadrement, on veut notamment clarifier la division des fonctions et responsabilités de sécurité publique et de protection des intérêts de la sphère socioéconomique.
Alors, l'engouement pour la sécurité de l'individu est marqué notamment par une conjoncture mondiale qui favorise son expansion. Nous assistons depuis quelques années à une réflexion sur le rôle des forces policières et des agences privées dans nos sociétés modernes. Or, dans une époque qui est caractérisée par l'interpénétration des institutions sociales contemporaines, il est nécessaire que nous puissions, à titre de citoyens, convenir d'une plus grande transparence en matière de sécurité. Alors, si, du côté des polices publiques, tout semble clair quant à la grande mission de l'institution, on ne peut pas en dire autant de la sécurité privée qui, dans son cadre législatif actuel, n'est certainement pas adaptée aux réalités nouvelles. Notamment, on pense en matière de technologie, d'échange d'informations et sur des renseignements personnels et confidentiels. On l'a dit, la loi date de 1962 et a un sérieux besoin de rafraîchissement. D'autre part, si l'industrie de la sécurité privée est devenue une activité économique importante au Québec, on peut comprendre l'urgence d'agir dans ce domaine, particulièrement à l'égard de quatre éléments: la compétence juridique, la réglementation, la formation normalisée et les responsabilités de ces agences.
Le Barreau du Québec estime donc que le dépôt du livre blanc portant sur la sécurité privée marque un pas important. Conscient de son mandat principal, à savoir la protection du public, le Barreau du Québec espère donc que les commentaires qui suivront sauront éclairer les membres de la commission qui verront éventuellement à formuler un projet de loi ainsi que les règlements en découlant qui traduiront un consensus social. Naturellement, le Barreau du Québec n'est pas spécialisé dans la sécurité. On pense connaître un peu les lois et le droit criminel, la déontologie, et, par le biais finalement de chacun de ces éléments-là, on va tenter de vous faire des remarques qui participeront de façon constructive au débat. Mais on ne prétend pas être des spécialistes qui avons la possibilité de cerner toute la problématique, par exemple, que vous avez, mais on va tenter de vous éclairer à partir des niveaux de connaissance ou d'expertise qui sont les nôtres.
Alors, par ailleurs, si le Barreau du Québec soutient l'idée de reformer l'encadrement juridique habituel concernant la sécurité privée, il ne faut pas nier l'existence d'un chevauchement entre les fonctions des organismes de sécurité privée et celles de la police publique. Les rapports entre la police publique et les services de sécurité privée sont de plus en plus étroits, surtout dans les zones urbaines, et cela est accentué du fait que certains organismes de sécurité privée ressemblent de plus en plus à la police publique et agissent comme celle-ci.
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(10 h 20)
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D'autre part, comme dans la plupart des pays occidentaux, les pressions budgétaires des dernières décennies ont mené à un nouvel examen du rôle des gouvernements. Alors qu'autrefois on offrait un vaste éventail de programmes, ces initiatives sont maintenant données en sous-traitance par le secteur privé. Il y a également un nouveau phénomène qu'on peut appeler les complexes... que nous appellerions les complexes privés, et je m'explique: il y a émergence de la propriété privée de masse et de la propriété privée accessible au public. Alors, on pense notamment aux centres commerciaux, à des parcs industriels, les aéroports, des parcs thématiques, pour ne nommer que ceux-là. Alors, les propriétaires ont donc pris l'initiative de réglementer les comportements des personnes qui s'y trouvent et d'en contrôler l'accès, et ça, c'est relativement nouveau, puisque ces propriétés seraient autrement ou étaient autrefois considérées comme un espace public et habituellement régies par la police publique. Alors, elles deviennent donc des propriétés privées régies par des services de sécurité privée, et cela entraîne nécessairement un nouveau mélange de contrôle et de gouvernance. Alors, les propriétaires de ces complexes se voient soumis à des pressions par les compagnies d'assurance qui les forcent à engager des services de sécurité privée ou exigent de ces entreprises qu'elles installent des alarmes de sécurité afin de pouvoir être assurées. Le chevauchement des services publics et privés démontre que le cadre actuel de réglementation est peut-être inadéquat. Il faut donc distinguer entre le public et le privé afin notamment de mieux représenter les réseaux de rapports qui existent dans le domaine du maintien de l'ordre.
Alors, voyons maintenant les orientations structurelles du livre blanc. À ce chapitre, le livre blanc indique tous les secteurs qui seront assujettis au nouveau cadre législatif. Ainsi, on pense aux agences de sécurité ou de gardiennage, aux agences d'investigation, aux firmes et aux consultants en sécurité, aux agences de recherche de renseignements personnels, aux agences de transport de valeurs, aux entreprises du secteur de l'alarme, vente et installation, entretien et gestion des systèmes. On voit que le livre blanc indique que le secteur de la serrurerie serait exclu de l'application de la loi. Sans avoir l'expertise nécessaire, on pense que ce n'est peut-être pas si évident que ça que des entreprises qui peuvent entrer dans chacune de nos maisons ou de nos entreprises, de jour ou de nuit, à leur gré, ne puissent pas être réglementées. Ça ne nous apparaît pas aussi évident que ça doit être mis de côté de façon immédiate, puisqu'on en est à des consultations de premier niveau. Également, est-ce que, d'un point de vue de protection du public, il ne devrait pas y avoir... quant à faire une réglementation, réglementer également certaines de ces activités?
Quant aux pouvoirs des agents de sécurité, le livre blanc insiste sur le fait que les agents de sécurité seront considérés comme des agents civils de prévention et aucun pouvoir supplémentaire ou particulier ne leur sera conféré. Alors, pour nous, c'est assez important, et là on entre vraiment dans le domaine du droit. C'est important de dire que des agents de sécurité privée auront simplement le pouvoir général de tout citoyen de protéger le bien du propriétaire et d'en jouir paisiblement. Alors, il faut bien expliquer que la différence principale entre le pouvoir d'arrestation d'un simple citoyen et les pouvoirs dont disposent les policiers, c'est que les policiers peuvent aller plus loin, ils peuvent arrêter un individu s'ils ont des motifs raisonnables et probables de croire qu'un acte criminel a été ou sera commis, alors que le simple citoyen, y compris un agent de sécurité, selon nous, doit voir l'individu en train de commettre un acte criminel avant de pouvoir l'arrêter. Toutefois, les agents de sécurité arrêtent souvent des individus qui n'ont pas commis d'acte criminel mais qui se sont engagés dans une activité interdite par le propriétaire du... locateur. Alors, en fait, c'est une deuxième façon d'intervenir finalement. La première façon d'intervenir, c'est celle qui est donnée à tout citoyen, finalement, d'intervenir s'il voit un acte criminel en train d'être commis. La deuxième, c'est qu'ils le font en vertu de la protection légale et du mandat qui leur est accordé de protéger, par exemple, une propriété. Quant à la fouille, bien, on sait qu'ils ne peuvent l'exercer, sauf avec le consentement de la personne concernée ou pour assurer sa propre sécurité lors d'une arrestation.
Le livre blanc insiste par ailleurs sur le fait que les agents de sécurité privée devront, de façon systématique, rapporter les incidents qu'ils auront constatés auprès des corps policiers publics. Il nous apparaît, à l'instar des pouvoirs qui sont conférés à un citoyen, qu'on doit peut-être les laisser libres de rapporter ou non l'incident en question. Il nous apparaît peut-être... On comprend l'idée, que c'est d'éviter des abus peut-être en leur demandant de rapporter les événements qui se seront produits. Par contre, il faut penser qu'on est dans... Est-ce qu'on va judiciariser tous les petits événements qui se passent dans une journée dans un centre d'achats, par exemple, ou dans une grande surface? Nous, ça ne nous apparaît pas évident. En tout cas, de prime abord, ça ne nous apparaît pas évident qu'on doive laisser cette disposition-là pour rapporter ce qu'on appelle des incidents, pour ne pas faire en sorte de recommencer à judiciariser alors que la tendance est plutôt à ne pas judiciariser les événements qui sont de peu d'importance. Nous croyons comprendre que le législateur voulait peut-être effectivement éviter des abus dans une perspective globale de protection du public, mais, comme on dit parfois, le mieux est l'ennemi du bien.
Je le dis à chaque fois, de toute façon, que le mieux est l'ennemi du bien, comme vous voyez. Je l'aurai placé pour aujourd'hui. Alors... Bien qu'il n'était pas dans mon texte.
Alors, le livre blanc constate que les municipalités et d'autres organismes publics font appel à l'exercice de certaines fonctions confiées à des agences de sécurité. Afin d'éviter une confusion potentielle des rôles de chacun, on prévoit assujettir l'exercice de ces fonctions à des protocoles de services qui s'appliqueront lors de contrats entre les municipalités, les organismes publics et les entreprises de sécurité privée. Alors, ces protocoles-là, selon nous, devront respecter certains principes et être soumis à l'approbation administrative du ministère de la Sécurité publique. Et dans cette perspective on créerait un partenariat formel et une collaboration intéressante entre l'industrie de la sécurité et les pouvoirs publics. Dans une perspective de protection du public, ces protocoles confirmeront les rôles de chacun, et ce, au bénéfice des organismes signataires des protocoles de services. Par ailleurs, il y aurait peut-être lieu de prévoir un mécanisme de publicité de ces protocoles dans les municipalités, notamment, soit par un affichage, ou un registre, ou... Il y a beaucoup de choses possibles par l'Internet aujourd'hui, de sorte qu'on sache bien quelle est la limite du protocole, de ce qu'on permettrait à des agences privées dans leurs agissements.
Enfin, le livre blanc insiste sur le fait qu'un mécanisme souple permettant de modifier la liste des fonctions permises dans la loi devrait être prévu afin d'être en mesure d'apporter rapidement tout ajustement nécessaire lié au développement de l'industrie de la sécurité privée ou soit pour mettre fin à des pratiques contraires à l'intérêt collectif. Alors, compte tenu du lien étroit entre la loi et les règlements dans ces circonstances, il serait opportun qu'au moment du dépôt du projet de loi le règlement portant sur l'exercice des fonctions et activités soit déposé pour fins d'analyse et d'étude.
Le livre blanc tente d'assujettir à la future loi les nouveaux secteurs d'activité associés à la sécurité privée. En conséquence, on prévoit, pour les agences détentrices de permis, l'obligation d'obtenir des permis comportant des catégories distinctes répondant aux différentes fonctions qui seront autorisées. Par ailleurs, le livre blanc insiste sur le fait que le personnel à l'emploi d'une agence de sécurité doit être également titulaire d'un permis. Alors, le Barreau estime que seules les personnes qui décideront d'exercer l'une des fonctions réglementées devraient être assujetties à l'obligation de détenir un permis. Par ailleurs, nous pensons qu'il serait inapproprié que tout le personnel soit assujetti à de telles obligations, surtout lorsqu'il s'agit de personnel clérical. Donc, il faudrait vraiment limiter aux personnes qui y exercent des fonctions réglementées.
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(10 h 30)
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Pour l'obtention des permis, les agents qui les sollicitent devront obtenir une formation préalable. Alors, le Barreau du Québec, sans se prononcer sur les règles qui seront applicables dans le cas des différentes catégories projetées dans le livre blanc, est favorable à l'obtention d'une formation minimale obligatoire. Alors, par ailleurs, dans un objectif de protection du public, il serait prudent que les programmes de formation qui seront développés ne répondent pas uniquement aux besoins de l'industrie mais puissent, dans une certaine mesure, indépendamment des catégories de permis qui seront visées, offrir une formation qui s'adresse également au public et à la protection de ses droits.
Alors, on pourrait, par la même occasion, informer le public qu'il pourrait assister à des séances d'information sur la protection de ses droits et sur les limites de ce qui pourrait être permis à ces agences. Le Barreau estime qu'on doit tenir compte des partenaires et de l'expertise développée par les institutions d'enseignement au niveau collégial ou universitaire. À notre avis, une saine compétition entraînera des programmes plus compétitifs, diversifiés et menant, si possible, à l'excellence.
Le livre blanc prévoit également deux types de registres: un, relatif aux agences, et l'autre, relatif aux agents de sécurité privée. Alors, dans les deux cas, on prévoit dorénavant qu'il y aura un exercice de contrôle lors de la délivrance ou du renouvellement du permis ou encore un changement à la propriété ou à l'actionnariat de l'entreprise titulaire du permis. Le Barreau du Québec croit qu'il serait important de clarifier les mécanismes qui seront établis selon la teneur du livre blanc. Nous avons le sentiment qu'il reste malheureusement beaucoup d'interrogations qui demeurent sans réponses.
Le livre blanc prévoit également que la personne qui veut maintenir son permis ne doit pas avoir été reconnue coupable en quelque lieu que ce soit d'un acte que le Code criminel définit comme une infraction. Alors, certaines lois connexes, comme la loi réglementant certaines drogues et autres substances, la loi sur les armes à feu, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, pour ne nommer que celles-là, peuvent également avoir le même impact et ne sont pas considérées. Nous croyons qu'il faudra, au même titre que... on parle du Code criminel, ajouter ces lois, dans la mesure où elles sont aujourd'hui des lois qui considèrent des crimes qui sont significatifs, et ça pourrait bonifier considérablement la loi, nous semble-t-il.
Le Barreau du Québec voudrait également que le législateur ne vise que les infractions qu'il considère objectivement graves. D'autre part, lorsqu'une personne coupable reçoit l'absolution selon 730 du Code criminel, c'est-à-dire lorsqu'elle est réputée ne jamais avoir été condamnée pour l'infraction, il faudrait se demander: Est-ce que son permis sera alors révoqué? Qu'est-ce qui arrivera d'une révocation déjà prononcée au niveau du permis? On pose la question. On n'a pas de réponse dans l'immédiat, mais, à ce stade-ci, on pense que c'est intéressant de la poser.
Le livre blanc propose également un mécanisme d'inspection des agences et l'élaboration de dispositions en matière de déontologie qui seraient applicables aussi bien aux agences qu'aux agents de sécurité privée. Alors...
Le Président (M. Simard): M. le bâtonnier, je suis obligé de vous couper dans votre élan, là, votre temps est terminé.
M. Gagnon (Pierre): Oui.
Le Président (M. Simard): Est-ce que vous pourriez prendre quelques minutes pour conclure? Et je suis certain que nous aurons l'occasion de revenir sur les autres points au cours de la...
M. Gagnon (Pierre): Oui, d'autant plus qu'on parle de déontologie, d'éthique et de formation continue, alors qui, pour nous... On aurait peut-être dû commencer par là, mais voilà, c'est comme ça.
Le Barreau, on voulait vous dire qu'on connaît à juste titre les difficultés liées à l'organisation de mécanismes de contrôle d'une profession; qu'en matière de déontologie on sait que, lorsqu'on commence à traiter de la déontologie, ce n'est pas... il n'y a rien de simple et c'est très coûteux et facilement très complexe parce qu'il y a toujours beaucoup de mécanismes qui donnent lieu à des appels, à des révisions judiciaires. Et on pense que vous devriez y penser très, très, très sérieusement, là, avant d'installer un système de déontologie parce que ce n'est pas facile; le défi d'encadrer l'industrie est un défi important. Et, comme mon temps est écoulé, je m'arrête ici.
M. Chagnon: Et que le mieux...
M. Gagnon (Pierre): Et que le mieux est l'ennemi du bien, il faut savoir où s'arrêter.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Simard): Sur ces profondes et sages paroles...
M. Gagnon (Pierre): Et retenez que la déontologie... Quand on commence à faire de la déontologie, là, ce n'est pas... ça ne peut jamais être simple. On peut se poser la question: Est-ce une bonne idée de créer un nouveau système ou ? je ne le sais pas, là, je lance l'idée ? peut-être de se rattacher à quelque chose de déjà, peut-être... peut-être déjà existant et qui n'exigerait pas de créer un nouveau système? Parce que tout ça est très coûteux, et, au niveau de l'industrie, certainement représenterait des coûts excessivement importants.
Le Président (M. Simard): Je vous remercie à nouveau. Avant de procéder à nos échanges, simplement pour être bien certains qu'on se comprenne bien, si, des deux côtés, on est d'accord, j'apprécierais que ça se fasse en alternance. Ça compliquera un peu notre travail de comptabilité, mais ça devient plus intéressant que d'épuiser des 20 minutes pour ensuite... On voit à ce moment-là le député de Marguerite-D'Youville réduit à deux minutes, c'est toujours un peu frustrant pour lui et pour nous.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: ...un peu raide à matin, là.
M. Chagnon: C'est, dans cette commission, M. le Président, la méthode de travail que nous avons toujours utilisée ou presque...
Le Président (M. Simard): Voilà.
M. Chagnon: Si mon collègue de Borduas est d'accord.
Le Président (M. Simard): Si tout le monde est d'accord, on va fonctionner comme ça.
M. Chagnon: D'abord, c'est plus intéressant...
Une voix: Oui, oui.
M. Chagnon: ...puis c'est plus enrichissant pour tout le monde, puis c'est plus efficace aussi.
Le Président (M. Simard): C'est ce que je crois. Alors, à vous la parole, M. le ministre.
M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. M. le bâtonnier, je tiens à vous remercier de votre présentation qui nous est arrivée un peu à la dernière minute mais, quand même, qui était bien, bien intéressante. Je reprends quelques-uns de vos points.
Vous, vous dites, dans le fond: Il est temps de dépoussiérer cette loi-là de 1962. Le livre blanc vient s'inscrire dans cette lignée-là, donc il faut le regarder. Et vous suggérez, entre autres, que la serrurerie devrait être réassujettie. Vous n'êtes pas le seul, hein? Il y a plusieurs autres groupes qui vont nous dire ça dans les semaines à venir, de réassujettir la serrurerie. Ce qui n'est peut-être pas une mauvaise idée, compte tenu du fait qu'elle est souvent à proximité du dossier alarme. Le dossier alarme et serrurerie est très souvent très près l'un de l'autre. Et ce n'est pas mauvais de savoir que la première réglementation en matière de sécurité privée, au XVIe siècle, en France, touchait justement la serrurerie. Alors, on est... on va rester dans le filigrane de ce développement de société.
Deuxièmement, vous suggérez... puisque les municipalités et les organismes privés sont liés avec certains contrats, vous suggérez... Vous reprenez la suggestion du livre blanc, qui est celle de la mise en place de protocoles, et vous... La critique que vous en faites est généralement bonne, mais vous suggérez de les rendre publics, de faire en sorte qu'on publicise l'approche de ces protocoles-là.
Et, troisièmement, et là j'ai une question peut-être un peu plus complexe parce qu'elle touche un certain coeur de l'organisation des services publics et privés, vous exprimez l'opinion que, dans les services de sécurité privée ? vous venez de le refaire ? on ne devrait pas compter sur les services de sécurité privée pour déposer une plainte d'ordre criminel à la police s'il y avait lieu de le faire. Est-ce que je vous ai bien compris?
Si, par exemple... Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une obligation faite aux gens de la sécurité privée lorsqu'ils constatent un crime... Puis on pourrait peut-être identifier le genre de crimes, peut-être un crime sur la personne plutôt qu'un crime sur d'autres moyens. Est-ce que certains crimes ne devraient pas être automatiquement référés à la police, aux forces policières publiques?
M. Gagnon (Pierre): Bien, en fait, M. le ministre, rapidement sur la serrurerie, on ne dit pas nécessairement que ça devrait l'être, mais on dit que ça ne devrait pas être écarté assez rapidement, là, pour ne pas même en discuter, là. Mais on ne va pas plus loin, parce qu'on n'est pas beaucoup spécialisés dans ça. Sauf que, comme vous dites, c'est très, très relié aux systèmes d'alarme et pourquoi un l'est puis l'autre ne l'est pas juste à côté? Souvent, il va être la moitié de son temps assujetti, j'imagine, puis, l'autre moitié, non assujettie. En tout cas, c'est...
M. Chagnon: Probablement qu'il va nous falloir réviser ça, là. Ce n'est pas...
M. Gagnon (Pierre): Les protocoles, ça va. Alors, pour... Non, je pense que ce qu'on dit, c'est qu'on ne pense pas que tous les événements, sans distinction, doivent être rapportés. Je pense, en tout cas.... je pense que l'idée...
M. Chagnon: Précisez votre pensée là-dessus.
M. Gagnon (Pierre): Oui, je pense que l'idée de préciser peut-être les catégories d'événements est peut-être plus... c'est certainement plus important, là. Il faut certainement qu'ils soient rapportés, naturellement. On pense à des crimes contre la personne, par exemple, ou qui concernent la sécurité publique. Mais, par exemple, on ne pense pas qu'il y a lieu d'envoyer tous les enfants, là, au Tribunal de la jeunesse, ceux qui ont pris un paquet de gomme, là, ou, tu sais... Il va falloir bâtir d'autres...
M. Chagnon: Vente de drogue?
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(10 h 40)
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M. Gagnon (Pierre): Bien là je pense qu'on pourrait effectivement mettre ce qui est important dans certaines catégories ou baliser ça. Mais, de dire qu'on rapporte très, très, très... complètement tout ce qui se passe dans une journée comme...
M. Chagnon: C'est quand même un dossier extrêmement important qui touche beaucoup le Barreau. Vous connaissez l'application de l'article 141 du Code criminel. Est-ce que vous pourriez baliser ça un petit peu davantage, pas pour aujourd'hui, mais, éventuellement, nous envoyer un document qui pourrait préciser un peu votre pensée à ce sujet-là?
Parce que c'est assez fondamental. Les organismes qui vont venir nous voir vont nous dire des choses comme celles que vous nous dites. Il y a des objets qui, techniquement, même les policiers ne viennent pas les ramasser; alors, ça ne nous donne rien d'en faire une nomenclature énorme. Moi, j'ai rencontré des gens, la semaine dernière, qui m'ont encore dit ça.
Alors, je pense qu'il faut préciser davantage, là où il y aurait un lien, une obligation, là, de divulgation aux corps policiers pour qu'effectivement il y ait une enquête criminelle qui soit faite. Et ça, on apprécierait beaucoup.
M. Gagnon (Pierre): J'accepte avec plaisir ce mandat-là. Comme vous voyez, on repart toujours d'ici avec des devoirs à faire. Donc, notre comité, je pense, pourrait certainement vous être utile en ce qui serait de déterminer, peut-être de façon préliminaire, une liste des actes qui mériteraient d'être rapportés, par exemple. Alors, j'accepte de demander à notre comité de faire ce travail-là.
M. Chagnon: Et, maintenant que vous avez des devoirs, je vais vous donner quelques leçons.
M. Gagnon (Pierre): Ah! Bien ça, on en prend toujours.
M. Chagnon: Maintenant, les leçons... Mais c'est devoirs et leçons dans le sens non pas... Mais vous pourriez peut-être, dans vos autres devoirs, faire en sorte de rendre plus spécifique exactement votre vision et ce que vous vouliez dire en matière d'application déontologique, parce que, un, on n'a pas eu le temps d'en parler, mais, deuxièmement, il y a certainement un intérêt d'avoir le point de vue du Barreau de façon plus précise sur l'organisation de la déontologie en matière... et de dire ce que vous voyez comme problème et possibilité en matière de sécurité privée. On n'a pas besoin de ça pour demain matin, on s'entend, mais ce serait absolument...
M. Gagnon (Pierre): Non. C'est sûr qu'on y va avec des remarques préliminaires. Je ne vous cache pas aussi qu'on a eu le document ? votre document ? et on l'a étudié assez récemment, et on n'a pas fait une étude, là, très exhaustive jusqu'à présent, préférant être capables de nous présenter à la commission que d'avoir un document plus parfait.
Cependant, ce qu'on vous dit, c'est que de la déontologie, quand on installe un système de déontologie, c'est complexe...
M. Chagnon: Complexe.
M. Gagnon (Pierre): ...et, avant de penser à installer, instaurer un régime de déontologie autonome en soi et complètement, disons, indépendant de tout le reste ou presque, sauf les tribunaux qui font de la révision judiciaire, vous devriez y penser peut-être... peut-être y penser très sérieusement... on me fait signe: «deux fois», et même trois fois parce qu'on se rend compte que, par exemple, au Barreau, on dépense des sommes importantes au niveau de la déontologie ? presque 6 à 10 millions par année ? sans que nécessairement les gens aient le sentiment qu'on fait tout ce qu'on devrait faire en déontologie. Alors, en quelque part, il existe déjà, je pense, des organismes qui font de la déontologie et qui pourraient peut-être se voir ajouter une...
M. Chagnon: Compte tenu...
M. Gagnon (Pierre): Il y a la division, par exemple, pour le secteur privé ou... mais on va vous ajouter quelques...
M. Chagnon: Compte tenu de votre expérience justement, faites-nous part de vos lumières, de vos suggestions dans ce domaine-là. Ce sera certainement intéressant pour tout le monde ici, pour être capables de regarder...
Le Président (M. Simard): M. le ministre, est-ce qu'on ne pourrait pas même envisager, à la suite des devoirs que vous donnez au Barreau, puisque nous sommes au début d'un processus qui va durer quelques mois, de réentendre peut-être le Barreau ici, en commission?
M. Chagnon: Je n'ai pas...
Le Président (M. Simard): Ça pourrait être très éclairant à partir de ces...
M. Chagnon: Je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Simard): Je pense qu'il y a largement de quoi avoir une discussion intéressante, notamment sur les deux sujets qui viennent d'être mentionnés.
M. Chagnon: Je n'ai pas de problème. Ce n'est pas une mauvaise idée.
M. Gagnon (Pierre): Alors, on est toujours présents lorsque nous sommes invités. Surtout, là, si on a des devoirs à faire, la semaine prochaine, quelqu'un va nous dire qu'on dépose notre mémoire à la dernière minute ou quelque chose comme ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Simard): Vous le rappellerez. Vous le rappellerez.
M. Chagnon: On commencera par entendre tous les autres qui ont demandé à être entendus avant de vous réentendre. Ça va vous donner une chance.
M. Gagnon (Pierre): Oui. Me Dubé voudrait ajouter quelque chose au niveau de la déontologie.
M. Dubé (Jean-Claude): Oui. Au niveau de la perspective déontologique, il faut être capable d'asseoir finalement qu'est-ce qu'on cherche au niveau de la déontologie. Parce qu'il y a deux perspectives: est-ce qu'on met des règles en fonction de la protection du public, est-ce que c'est ça, l'objectif, de vouloir régir déontologiquement? Et est-ce qu'on va aussi jusqu'à verser dans l'intérêt de l'industrie dans son propre comportement à vouloir faire les choses de telle façon qu'ils considèrent que ça, c'est bien fait ou mal fait? Alors, il faut faire une certaine distinction au niveau déontologique sur ces besoins-là précisément, et, à partir du moment où on est capables de cibler, là je pense qu'on est capables d'uniformiser en grande partie des règles de base à tout le monde.
Un peu ce qu'on connaît dans le système déontologique au niveau policier où on sait que ça s'adresse à tous les corps policiers. Il faut dire évidemment que la Loi de police uniformise un peu les règles qu'on connaît aussi en matière de droit disciplinaire avec le Code des professions. Bien que chaque professionnel ou chaque profession a des particularités, on en connaît des grandes lignes de base pour tous et on y amène évidemment, spécifiquement à chacun dans son domaine, les particularités qu'il faut.
M. Chagnon: Les nuances que vous faites sont tout à fait appropriées et justes, mais vous comprendrez certainement qu'en ce qui me concerne puis probablement en ce qui nous concerne notre premier intérêt, notre première priorité est celle de la protection du public.
M. Dubé (Jean-Claude): Tout à fait. Et de là où le Barreau, vous verrez dans le mémoire, a non pas favorisé plus une règle que l'autre, mais il est sûr que, pour nous, la protection du public devrait être la primauté dans l'établissement de ces types de règles là, plus que de permettre à l'industrie de s'autoréglementer par sa déontologie. Il me semble que c'est plus peut-être la meilleure approche qu'on devrait faire au niveau de ces industries-là.
Et je fais la dernière remarque, sans prendre plus longtemps de votre temps, pour vous dire qu'il est bien évident que, pour certains secteurs de cette industrie-là, certaines règles devraient s'appliquer et ne pourraient pas nécessairement trouver application de la même façon dans d'autres types d'enquêtes... ou dans d'autres types, je m'excuse, de secteurs d'activité. Il y aura toujours des distinctions à faire là-dessus. Et le dernier choix évidemment, c'est toujours le coût financier, et ça, on pense, tout le monde est conscient de cette situation-là alentour de la table.
Le Président (M. Simard): Très bien. M. le député de Borduas.
M. Charbonneau: Bien, dans ce que vous allez évaluer à l'égard de la déontologie ? je commence par ça ? est-ce qu'il ne va pas falloir éventuellement se demander si, sur certaines questions... puisqu'il y a une zone grise entre justement la sécurité publique puis la sécurité privée, est-ce qu'il peut y avoir des règles déontologiques différentes ou des standards différents selon qu'on est agent de la paix ou agent de sécurité?
Autrement dit, est-ce qu'on peut se retrouver dans une situation où on force, où on oblige, où on encadre le travail policier par des règles déontologiques strictes, avec des conséquences graves quand il y a bavure policière ? c'est l'expression qu'on utilise ? et qu'on puisse avoir un standard différent quand c'est le secteur privé qui se retrouve à faire le même type de sécurité?
Ça, je pense qu'il va falloir que vous réfléchissiez à ça et que d'autres aussi réfléchissent à ça, parce que, si notre premier intérêt, c'est l'intérêt du public, il ne peut pas y avoir des standards déontologiques différents pour des actions ou des tâches qui sont similaires ou semblables, connexes. Je pense qu'il va falloir qu'à un moment donné on se demande si le fait qu'il y ait un chevauchement qu'on ne peut pas faire disparaître n'obligera pas à avoir aussi des règles déontologiques qui s'apparentent plutôt que des standards très différents entre le secteur public et le secteur privé.
Ça, c'est la première chose. Peut-être que, si vous avez des commentaires...
La deuxième, c'est sur l'obligation de divulgation. Encore là, le problème... Puis là j'imagine que, comme avocat, vous pouvez peut-être clarifier, mais est-ce que c'est possible de rapporter nécessairement tous les crimes graves dont on est témoin ou devant lesquels... lorsqu'on est témoin, donc il y a possibilité de flagrant délit, sans compromettre le type de travail qu'on fait? Par exemple, les policiers ont un pouvoir discrétionnaire. S'il fallait que tous les policiers qui font des enquêtes puis de l'infiltration ou de la surveillance interviennent à chaque fois qu'il y a un crime grave ou un crime... bien, je veux dire, c'est à se demander jusqu'où ils pourraient pousser certains types d'enquêtes. C'est clair qu'à un moment donné il faut qu'ils en laissent aller pour pouvoir accumuler suffisamment d'informations ou de preuves.
Dans ce cas-là, est-ce que... si on encadre trop le travail au niveau de la sécurité privée, est-ce qu'on ne va pas finalement en quelque part se retrouver à compromettre l'efficacité même de cette sécurité privée dans certaines situations? Ça, ce sont les deux remarques par rapport à ce qui vient d'être discuté avec le ministre.
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(10 h 50)
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J'ajouterais un troisième élément, et je profite du fait que le président de l'Association des avocats de la défense, qui est ici, M. le bâtonnier... est-ce que... Parce que les avocats de la défense en particulier sont des employeurs ou des utilisateurs de la sécurité privée au niveau des enquêtes en particulier, et est-ce que le fait de limiter, comme le livre blanc le propose, ou d'encadrer, ou de vouloir circonscrire la tâche du secteur de la sécurité privée uniquement à la prévention ne va pas finalement, à la limite, à l'encontre de la réalité qui se vit sur le terrain, c'est-à-dire quand vous faites faire des enquêtes, de la vérification, ce n'est pas juste de la prévention, hein? Des enquêtes criminelles, c'est des compléments d'enquête ou c'est des ajouts d'enquête qui ont été faits par les services policiers. J'aimerais ça aussi avoir peut-être des commentaires à cet égard-là.
M. Dubé (Jean-Claude): Alors, je dépasse peut-être un peu mon mandat, mais je me dois de vous répondre au moins, la question m'étant adressée. Je dépasse peut-être mon mandat par rapport à la position du Barreau.
Ce que le Barreau prétend en ce qui a trait à la dénonciation... et c'est pour ça qu'on vous dit des crimes graves. On parle de crime grave dans la connotation criminelle de l'esprit du Code criminel, on parle de crime contre la sécurité et évidemment l'intégrité de la personne physique. M. le ministre parlait des drogues tout à l'heure, je ne suis pas certain... je ne veux pas lier le Barreau par cette position-là, mais je ne suis pas certain que c'est nécessaire nécessairement lorsqu'on parle en matière de drogue.
Évidemment, l'obligation de divulguer, c'est une chose. Il faut peut-être se poser la question pour celui qui est dans l'industrie privée: Quand devrait-il le divulguer?, si on veut lui obliger de le faire. Parce que c'est dans la nature même de faire des enquêtes, cette clandestinité-là de la connaissance d'activités qui sont illicites qui nous permet évidemment d'amasser, d'accumuler des preuves et évidemment de cheminer dans le dossier au niveau de la preuve criminelle.
En contrepartie, par rapport aux associations, par rapport aux avocats de défense, il est constant et régulier chez nous d'engager des investigateurs privés sur la base et sur la foi de récolter des informations, à contre-preuve évidemment, du fardeau que le procureur de la couronne évidemment nous a déjà remis au niveau de sa communication de preuves et de vérifier ou contre-vérifier certains de ces éléments-là.
Il est clair que nos intervenants effectivement prennent connaissance de certains actes. C'est évident que, s'ils doivent sortir immédiatement de la cachette pour vous dire: «Je vous ai observé», comprenez-vous qu'on vient de dénaturer même ce que veut être l'enquête en soi et du rôle qu'ils doivent exercer?
Or, si on voulait les encadrer, ce sur quoi je vais vous dire, je pense que dénoncer sur les choses graves, c'est la position du Barreau: si on veut absolument les encadrer à dénoncer, je pense qu'il faudrait passer dans une autre étape et de voir s'il n'y a pas un autre moyen que de penser aller dénoncer immédiatement une situation qui viendrait contrecarrer.
Il ne faut pas oublier, là, qu'il y a un enchevêtrement, là, d'informations et de connaissances entre les deux enquêtes, autant au niveau policier et secteur privé. Ce ne sont pas des cloisons closes dans lesquelles ne circule aucune information, et je dis ça dans le sens où, souvent justement, c'est l'avantage de savoir dans telles circonstances et ne pas avoir eu à le dénoncer.
M. Chagnon: La non-dénonciation dans ce cas-ci, est-ce qu'elle ne vient pas créer une espèce de justice parallèle, une deuxième forme de justice? Si vous ne dénoncez pas quelqu'un, par exemple, qui fait un trafic de drogues dans une entreprise par la sécurité interne, est-ce qu'on ne se trouve pas à faire en sorte pour le trafiquant de lui laisser un espace... un espace, un espace public qu'il n'aurait certainement pas s'il était ailleurs?
M. Dubé (Jean-Claude): Je vous répondrai, M. le ministre, bien respectueusement que, à la base même, le Code criminel ne donne aucune obligation à quelque citoyen que ce soit de dénoncer; c'est la règle de droit. Et, en deuxième lieu, je vois mal, si on voulait justement intervenir immédiatement, à tout moment, dès la première opportunité, exemple l'individu qui fait un trafic de stupéfiants dans un endroit comme à l'intérieur d'une industrie, je vois mal qu'on ne puisse pas aller chercher plus loin au niveau de la preuve. La simple dénonciation, là, vous empêcherait peut-être d'enquêter pour savoir qui en est le fournisseur ou d'où vient l'approvisionnement, quel est l'étendue de son réseau au sein de l'industrie. Est-ce que toute intervention doit être faite et faite immédiatement? Ça, c'est l'autre question, c'est ce que je vous soulignais tout à l'heure. Si vous imposez l'obligation, il faut peut-être se demander à ce moment-là: Quand? Mais la position en ce qui a trait au Barreau, c'est de dénoncer mais de dénoncer par rapport à des crimes graves qui, là, susciteraient une intervention immédiate.
M. Chagnon: Mais vous comprendrez... vous comprenez quand même la problématique d'avoir comme orientation sociale deux formes de justice pour les mêmes individus.
M. Dubé (Jean-Claude): Deux formes... Je ne le concevrais pas nécessairement sous deux formes de justice, je veux dire... Un, la première abstention permettra justement de bien accomplir notre devoir au niveau de la justice.
M. Charbonneau: Bien, dans le fond, le problème, c'est: est-ce qu'on permet aux agents privés d'avoir un peu ou beaucoup ce que les policiers ont, c'est-à-dire une espèce de pouvoir discrétionnaire qui leur permet justement de choisir le moment d'intervenir puis dans quel contexte? Parce que encore là les policiers aussi, si on leur faisait l'obligation, ne seraient pas en mesure de pousser très loin plusieurs des enquêtes. On aurait la superficialité de la criminalité mais on n'aurait pas nécessairement une connaissance approfondie, puis on ne serait pas en mesure...
L'autre élément, vous n'avez pas commenté ? peut-être que c'est le bâtonnier qui va le faire ? sur la problématique, là, d'une déontologie distincte. Est-ce que... ce dont j'ai parlé tantôt.
M. Gagnon (Pierre): Selon le troisième point que vous avez soulevé, moi, je pense qu'il va y avoir des éléments, là, des zones grises, là, qui sont effectivement... où les deux font la même chose. Je pense qu'ils vont devoir... ou qu'ils devraient répondre aux mêmes règles, là, de déontologie. Mais c'est sûr qu'à un moment donné ça va se distinguer parce qu'il n'y a pas de... Il n'y a pas par exemple tout l'aspect disciplinaire. Je pense bien que, pour un agent de sécurité, s'il commet un crime, par exemple, dans l'exécution de ses fonctions, ça va se terminer assez rapidement, alors que, par exemple, pour ceux qui sont membres de syndicats ou d'associations, il y a toute une gradation, il y a tout un aspect, là, autre qui entre en ligne de compte, là. Mais je pense qu'il faudrait trouver une façon, oui, que, pour les mêmes gestes, ce soient les mêmes règles qui s'appliquent.
Puis, sans aller plus loin, comme disait mon collègue, sans lier plus avant le comité, on pourrait penser que ce serait plus facile aussi si c'était le même genre d'organisme de déontologie qui pouvait agir dans les deux cas. Par exemple, ce serait plus facile de penser que le traitement pourra être équitable à ce moment-là.
Le Président (M. Simard): Madame, vous vouliez compléter?
Mme Brosseau (Carole): Oui, si je peux me permettre de compléter ce que vient de dire M. le bâtonnier. Dans l'arrêt Buhay, la Cour suprême a distingué le rôle. D'où l'importance, quand on parle de déontologie, de la distinction des rôles de chacun où, dans un cas, ça impliquait des agents de sécurité privée qui, lors d'une fouille d'un casier initial, n'ont pas été assujettis à la Charte, à l'article 8 précisément de la Charte canadienne ? et là je ne préjudicie pas, là, pour l'application de la Charte québécoise, là n'est pas la question ? alors que les policiers, eux, dans un geste de perquisition dite illégale, eux, auraient... parce que leurs rôles étaient différents, leurs responsabilités étaient différentes.
Donc, comme vous allez le constater à la lecture du mémoire, l'importance de clarifier les rôles est fondamentale pour déterminer les règles qui seraient applicables à chacun. Et, à l'instar de ce que vient de dire M. le bâtonnier, évidemment, pour des rôles semblables, la justification d'avoir deux régimes déontologiques différents est plus difficile ou moins acceptable. Mais, dans le cas où les rôles sont distinctifs, dans le cas où précisément ils seront distinctifs, à ce moment-là il peut y avoir des régimes qui sont beaucoup plus souples ou différents à certains égards également.
M. Gagnon (Pierre): Pour arriver à... que le même geste posé par un soit une faute parce qu'il n'a pas le droit de le...
Le Président (M. Simard): ...M. le bâtonnier.
M. Gagnon (Pierre): ...de le poser, alors que le policier, par exemple, lui, a plus de pouvoir et peut poser un geste de façon tout à fait déontologique, alors que l'autre pourrait... Ça pourrait être une faute pour un agent privé, par exemple, d'aller sur des motifs... d'arrêter quelqu'un, par exemple, sur des motifs raisonnables et probables de croire que, alors qu'il n'a pas le droit de le faire, bien là il faudra faire les distinctions qui s'imposent.
Le Président (M. Simard): En même temps, M. le bâtonnier, vous disiez tout à l'heure: Ça va se régler rapidement, il y aura congédiement. Mais ce dont...
M. Gagnon (Pierre): Ce que je veux dire, c'est que c'est moins...
Le Président (M. Simard): Ce dont les partenaires... Nous, ce qu'il faut nous assurer, c'est qu'ils ne se retrouvent pas chez le concurrent de l'autre côté de la rue, le lendemain matin, hein? C'est un des buts du projet de loi, d'éviter ce genre de chose là.
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(11 heures)
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M. Gagnon (Pierre): Oui. D'où un système quelque part, là, qui serait... on en parle dans le mémoire aussi, là, un système plus unifié, là, qu'il n'y ait pas autant de systèmes qu'il y ait d'entreprises, par exemple, parce que là, effectivement, ça ne donnerait rien.
Le Président (M. Simard): M. le député de Trois-Rivières avait demandé une question.
M. Gabias: Oui. Merci, M. le Président. Alors, merci, Me Brosseau, Me Dubé, M. le bâtonnier, de venir ouvrir ce débat. Je veux également souligner, je dirais, le courage du ministre de lancer ce débat-là, parce que je crois qu'au fur et à mesure que nous allons progresser on va se rendre compte de l'ampleur de cette question-là.
Et je reviens sur l'illustration que, moi, je qualifie d'une excellente idée, l'illustration que nous avons sur le livre blanc, parce que ça amène une réflexion, je pense. Dans notre société, on connaît très bien les pouvoirs des policiers, et je pense que les gens reconnaissent ça assez facilement. Quand on parle d'enquêteurs que sont Dupond et Dupont, là, pour toutes sortes de raisons, on sait qui ils sont, mais l'ensemble des gens qu'on voit dans l'illustration qui ne sont pas connus, qui ne sont pas reconnaissables, on ne sait pas ce qu'ils font puis on ne sait pas non plus ce qu'ils ont droit de faire, et je pense que ça illustre très bien la problématique de la sécurité privée.
Et, peut-être que ma question s'adresse davantage à Me Dubé, là, qui est membre du Comité de droit criminel et président de l'Association des avocats de pratique privée en droit criminel, comment le Barreau... ou comment vous voyez, là, cette question de sécurité privée qui, dans le fond, comme ça le dit, c'est un peu le secteur privé et c'est une activité économique, et par rapport aux protections des droits individuels? Et là on parle nécessairement de chartes et de... On discute quand même d'une remise potentielle, là, de la sécurité puis, en quelque part, une notion de sanction et de criminalité, là, au secteur privé par rapport à ce que nous connaissons habituellement. C'est-à-dire que c'est le pouvoir public, ce sont les corps policiers puis les substituts des procureurs de la couronne qui ont une totale indépendance quant à cette intervention-là, alors que, dans la mesure où on touche à un secteur privé avec une connotation économique, il y a, il me semble, un risque important. Alors, j'aimerais peut-être avoir votre éclairage là-dessus.
M. Dubé (Jean-Claude): Alors, ça va me faire plaisir, M. le Président, de répondre, surtout à un collègue de classe. Nous avons fait nos études ensemble. Alors...
Une voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dubé (Jean-Claude): Oui. Ça dépend sur quel côté de la table qu'on s'installe, parce que j'ai aussi un autre collègue que je connais très bien aussi et qui a déjà été mon associé.
Alors, écoutez, la réflexion exacte, là, de... Et, je fais référence à la discussion qu'on a eue la semaine dernière ? je pense, c'est jeudi dernier ? c'est évident, la première de toutes les préoccupations, autant pour le Barreau que ce devrait l'être, respectueusement soumis, pour le gouvernement, c'est la protection du public, la protection des droits individuels des gens. On n'a pas adopté des chartes pour le plaisir de les regarder ou de les lire, on veut les avoir appliquées, d'où la nécessité croissante d'aller légiférer chez l'industrie privée.
C'est sûr que vous allez avoir peut-être un son de cloche, là, au niveau de l'industrie privée. J'ai eu des discussions, il n'y a pas très longtemps, dans les dernières semaines, avec des gens de l'industrie privée qui m'ont abordé sur cette question-là. C'est sûr qu'on n'aime pas être réglementé puis encarcané ou déjà délégué dans les actes qu'on doit faire puis dire comment le faire. Je pense que, oui, ça, c'est un peu normal. Mais justement, compte tenu de l'impact sur les droits des gens, de l'application de ces chartes-là, je pense que c'est un secteur qui ne peut plus être déterminé à lui-même. Et, lorsque je vous parlais, en déontologie, plus tôt, de l'intérêt... d'être déterminé par l'intérêt de l'industrie, est-ce que justement on ne doit pas faire cette distinction? L'intérêt de l'industrie est une chose, l'intérêt du public en est une autre, et je pense que celle-là devrait être primordiale.
Et j'en profite pour glisser peut-être un petit bémol sur la question qui était posée par M. Charbonneau pour dire... J'entends déjà l'industrie privée vous dire: Vous voulez nous imposer de la déontologie policière, mais vous ne voulez pas nous donner les mêmes droits qu'eux autres. C'est sûr, mais c'est ça, le «distinguishing» nécessaire en matière de déontologie. Si on leur accorde des droits... ou on n'accorde pas des droits aussi larges, est-ce qu'il y aura matière à se poser la question de savoir si on leur impose déontologiquement le même fardeau ou la même façon, mais toujours dans la même perspective de la protection du public, protection des droits des citoyens par les propres chartes?
M. Gagnon (Pierre): J'ajouterais que le... Ce n'est pas un phénomène nouveau, mais il ne s'agit pas de dire: On va confier au privé quelque chose que les policiers faisaient autrefois, là. Je pense qu'il y a depuis très longtemps des enquêteurs privés. Alors, je pense qu'il s'agit plutôt de baliser tout ça pour s'assurer que les droits des individus seront respectés au niveau notamment des chartes.
Le Président (M. Simard): M. le député de Dubuc maintenant.
M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, M. le bâtonnier, Me Brosseau, Me Dubé, bienvenue. Me Brosseau a répondu en partie, tout à l'heure, à ma question, mais je vais quand même la poser. Compte tenu qu'à votre mémoire, à la page 6, vous dites ceci, c'est que... Vous dites que l'utilisation courante des agents d'investigation dans les procès vous interpelle grandement et que justement on devrait clarifier les rôles, et que, en vertu de l'arrêt dont vous avez cité, Me Brosseau, l'arrêt Buhay, que je ne connais pas malheureusement, je ne connais pas toute la jurisprudence... Mais en quoi justement les agents d'investigation... Est-ce que vous référez au transport des détenus ou... En quoi, là, les rôles sont-ils confus, en matière de procès, pour les agents d'investigation? Quelle est cette confusion de rôles qui existe présentement?
Mme Brosseau (Carole): Dans certains cas, par exemple, c'est... La question qui était posée dans Buhay, c'est de savoir est-ce que l'agent de sécurité privée, ou l'agent d'investigation, ou un agent privé qui aurait fait une enquête est, à ce moment-là, le mandataire gouvernemental au même titre qu'un policier ou agit-il à titre privé. Et, dans le cas, par exemple, où au moment d'un procès... où on amène cette personne-là qui a fait l'enquête ou l'investigation à témoigner sur des faits qu'elle... Je pense, par exemple... je vous donne un exemple.
Un jury comptable qui aurait constaté des faits par lui-même sous forme d'enquête et qui viendrait témoigner, particulièrement lorsqu'il agit pour et au nom de la couronne, comme il est le témoin de la couronne, à ce moment-là la clarification de son rôle est importante parce que, s'il devient agent gouvernemental, alors la charte canadienne s'appliquerait à lui au même titre qu'à un agent de la paix. C'est ce que dit Buhay. C'est essentiellement ça.
Donc, quand on parle de clarification des rôles, essentiellement il s'agit de ça, quel rôle on confie. Est-ce qu'il s'agit d'un agent qui agit de façon privée, privément, sur une base contractuelle, ou si l'agent, il agit pour et au nom de l'État? Ça, c'est une situation.
D'autre part, quand on distinguait, on disait: On va mettre au niveau répressif, et ça, un peu pour répondre à ce que disait M. Chagnon tantôt, pour éviter d'y avoir un double système de justice, une justice parallèle, on va éviter... donc, on va donner un rôle, le rôle... ou on va asseoir le rôle des agents privés, indépendamment de leur statut, là, parce qu'il y a différentes catégories. Il faudrait peut-être aller dans les distinctions, ce qui n'est pas... qui est relaté, mais qui n'est pas approfondi dans le livre blanc, parce qu'on est toujours dans un cadre de livre blanc. Mais il y a différents rôles à jouer. Mais, dans le cas des enquêteurs ou des gens qui jouent plus au niveau des enquêtes, si on leur donne un statut de citoyen, alors, à ce moment-là, on en revient aux propos que disaient Me Dubé tantôt et Me Gagnon, il faudrait que ce rôle-là soit très bien clarifié. C'est ce qu'on semble dire dans le livre blanc, qu'il va y avoir des rôles distinctifs. Mais, quand on les regarde, on les analyse dans une pratique courante, c'est beaucoup moins évident.
Donc, je pense que, si une législation serait claire à ce niveau-là, ce serait vraiment, au niveau des acteurs, au niveau de tous ceux qui ont à composer, y compris le système judiciaire et y compris l'entreprise privée, y compris les protocoles qui vont être établis entre les organismes publics et les organismes privés... ce serait avantageux pour tout le monde parce que la reddition de comptes se fait en fonction de ce qu'on a comme obligation et comme rôle. Alors, si on l'identifie, on va être capable de qualifier les actes déontologiques pour éventuellement avoir un contrôle sur ces personnes et éviter des dérapages qu'on risque de connaître actuellement, particulièrement à l'égard de la diffusion de certains renseignements personnels et confidentiels. C'est un peu comme ça.
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(11 h 10)
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M. Gagnon (Pierre): Où c'est plus important, c'est lorsque les deux catégories, par exemple, vont agir dans un même contexte. On n'a pas de difficulté à faire la distinction entre un veilleur de nuit, par exemple, et un policier qui fait une enquête, mais, lorsque les deux, des enquêteurs privés et des enquêteurs policiers, travaillent dans un même contexte, là ça peut devenir difficile pour le citoyen de s'y retrouver: auquel des deux il est obligé de répondre puis auquel des deux il n'est pas obligé de répondre, auquel des deux... lequel des deux a le droit de fouiller ou de ne pas fouiller. Quand on parle de la clarification des rôles, là, c'est vraiment là que ça devra se faire, selon nous.
Le Président (M. Simard): Merci. M. le député de Montmorency, s'il vous plaît.
M. Bernier: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous rencontrer ce matin, M. le bâtonnier. Ma préoccupation et ma réflexion, moi, va davantage en ce qui regarde le phénomène de la sécurité à l'intérieur des entreprises, hein?
On sait qu'au cours des dernières décennies plusieurs entreprises se sont dotées de corps de sécurité ou de mesures de sécurité à l'intérieur des entreprises, et mon interrogation va jusqu'à... Jusqu'où peut-on aller? Ou de quelle façon peut-on s'assurer que les droits et libertés des personnes et des travailleurs sont protégés et qu'on ne vient pas outrepasser le droit de ces gens-là par rapport à la mise en place de mesures de sécurité ou par rapport au travail fait par des agents de sécurité, et s'assurer aussi que... Dans certaines circonstances, il peut y avoir un crime de commis, mais, pour des motifs de l'entreprise ou pour toute raison de directive, à ce moment-là, on va passer peut-être... on va pousser moins l'enquête ou on va oublier des choses, ces choses-là.
Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir justement un protocole précis, là, au moment où on voit l'implantation, dans plusieurs grandes entreprises, de mesures de sécurité ou de corps... l'organisation de sécurité de façon à protéger les travailleurs, ou que ces gens-là connaissent leurs droits face à ces organisations-là, ou, en contrepartie, si des crimes sont commis, s'assurer que le public est informé par rapport aux gestes posés? Donc, ma réflexion va dans ce sens-là, là.
M. Gagnon (Pierre): Les droits des salariés d'une entreprise ne sont pas différents, ils doivent être protégés comme les droits de tous les citoyens pour des événements qui se passent à l'extérieur. C'est sûr que le danger est plus grand, peut-être, parce qu'il y a un certain contrôle au niveau de l'employeur et une certaine crainte de perte d'emploi, par exemple, qui fait en sorte qu'on peut peut-être risquer de s'en permettre un peu plus. Mais, là où on quitte la sécurité pour la convention collective ? lorsqu'il y en a une, en tout cas ? ça peut devenir difficile de tracer la ligne, là. Mais je pense que l'idée, c'est de s'assurer que les droits sont protégés.
Et, probablement, la meilleure façon, vous l'avez mentionnée, c'est l'information. On l'a mentionnée un peu, la nécessité de faire de l'information auprès des citoyens, puis ça pourrait se faire en entreprise aussi, je pense, quelles sont les limites que peuvent... Une fois que la nouvelle loi et la nouvelle réglementation pourraient, par exemple, être adoptées, je pense que ça pourrait être intéressant de faire une campagne importante pour que tous les gens dans les entreprises connaissent leurs droits et, surtout, ceux qui ont à les faire appliquer.
M. Bernier: Merci, M. le bâtonnier. Ça va.
Le Président (M. Simard): Oui. Je pense qu'il reste quelques secondes pour le député de Marguerite-D'Youville, qui apprécie les questions courtes et efficaces.
M. Moreau: C'est gentil, M. le Président. Je suis spécialiste des deux minutes. Ma question s'adresserait probablement davantage au bâtonnier, en fait ? et il l'a abordée dans son mémoire ? sur la question de l'arrêt Buhay, où la Cour suprême, dans le contexte de l'article 32 de la charte canadienne, indique justement cette distinction, à savoir: Est-ce que, donc, l'intervenant agit au nom de l'État? Et il faudrait que ce soit dans le contexte d'une politique ou d'une organisation juridique établie.
Est-ce que... Ce que j'aimerais savoir, c'est quelle est l'opinion du Barreau sur l'intervention éventuelle de l'État, ce qui, suite au livre blanc, pourrait encadrer la question de la sécurité privée au sein d'une loi. Est-ce que ça ne pourrait pas créer un lien direct avec l'État? Et, si oui, est-ce qu'il y aurait des conséquences à l'égard, par exemple, de la responsabilité de l'État lorsque les dispositions législatives seraient enfreintes par les responsables de la sécurité privée?
M. Gagnon (Pierre): Pour le moment, on ne voit pas que cet encadrement-là devrait donner plus de pouvoirs aux agents de sécurité privée qu'aux simples citoyens. En tout cas, notre mémoire, à ce stade-ci, se limite à ça. Et on pourrait approfondir notre réflexion, mais il y a certainement danger, comme vous dites, là, à aller donner des pouvoirs autres. Quand on parle de règlements, c'est plutôt pour réglementer l'exercice de cette profession-là, mais certainement pas ? quant à nous ? certainement pas accorder des pouvoirs qui seraient, par exemple, comparables à ceux des policiers. J'aime à penser qu'ils ne peuvent procéder à l'arrestation de quelqu'un que sur vue d'un flagrant délit, là, d'un crime en train de se commettre, et je crois qu'il faudrait s'en tenir là, quant à nous.
Le Président (M. Simard): Rapidement, mais vraiment une...
M. Moreau: Sans créer de lien.
Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville, votre temps est écoulé. Mais, très, très rapidement, M. le député de Borduas, mais vraiment très rapidement.
M. Charbonneau: Rapidement, dans le livre blanc, on prévoit des exigences et des contrôles sur les détenteurs de permis, notamment les dirigeants d'entreprises. La semaine dernière, au colloque du Barreau, je ne sais pas si c'est un des deux avocats qui... En fait, le colloque du Conseil du patronat, un des avocats qui étaient là ? je me demande si ce n'était pas Me Hébert ? se demandait si c'était nécessaire d'inclure les actionnaires. Je ne sais pas si vous avez une opinion particulière, parce que, bon, il se disait: Bon, bien, finalement, les actionnaires peuvent être à l'étranger, les entreprises peuvent être propriété de conglomérats. Mais, à l'inverse, est-ce qu'il n'y a pas des risques de ne pas inclure les actionnaires? Parce qu'il y a des types d'actionnaires occultes qu'il serait peut-être intéressant de connaître et de contrôler plutôt que de laisser ça...
M. Gagnon (Pierre): Alors, Me Brosseau va répondre à cette question-là.
Une voix: ...
M. Charbonneau: Oui, ceux qui ont des blocs d'actions, mais il y a des actionnaires minoritaires ou même des actionnaires majoritaires qui sont peut-être des personnages obscurs qui mettent des filtres, et finalement vous pouvez avoir une entreprise, dans le domaine de la sécurité privée, qui pourrait éventuellement être...
Une voix: ...Barbade.
M. Charbonneau: ...oui, enregistrée ailleurs et contrôlée ou propriété d'éléments douteux de chez nous ou d'ailleurs.
Mme Brosseau (Carole): Je comprends, si je peux me permettre de répondre... Est-ce que je peux répondre, M. le Président?
Le Président (M. Simard): Oui, oui...
Mme Brosseau (Carole): Si je peux me permettre de répondre, je comprends votre préoccupation, M. Charbonneau, en disant: Qui tire les ficelles véritablement? Est-ce qu'on n'aurait pas affaire à des... comme vous dites, occultes ou même de l'infiltration d'organisations criminelles, à la limite? Ça pourrait être une possibilité. Alors, ce qu'il faut distinguer, c'est au niveau corporatif. La structure corporative elle-même pose des embûches, hein? Si vous avez une entreprise publique, là, écoutez, c'est plus que 50 actionnaires, puis là, on suppose, vous ne pouvez pas vérifier l'ensemble des actionnaires. Je pense qu'il va falloir modeler ça et qu'il va y avoir des liens de communication à voir avec le directeur des institutions financières, là, pour justement vérifier un peu ce qui se passe. Il y a déjà des organisations qui, au niveau des entreprises, peuvent avoir quand même certains indices.
Par rapport aux actionnaires qui agissent...
M. Chagnon: ...
Mme Brosseau (Carole): Pardon?
M. Chagnon: Dans le livre blanc, on faisait allusion à un bloc d'actions d'au moins 10 %, tous les blocs d'actions d'au plus de 10 %, là.
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(11 h 20)
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Le Président (M. Simard): Là-dessus, je suis obligé de mettre fin à nos discussions. Je vous remercie infiniment. Je rappelle au bâtonnier que, avec toute l'estime que j'ai pour les comités du Barreau et les services de recherche... Et je sais les charges lourdes que nous présentons au Barreau régulièrement, mais, la prochaine fois, j'aimerais qu'on puisse lire à l'avance votre brillante prose. Merci beaucoup.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Simard): Alors, si vous voulez bien prendre place, nous allons poursuivre nos travaux. Et j'invite maintenant la Commission d'accès à l'information à faire la prochaine présentation. Nous accueillons sa présidente par intérim. Elle a été renouvelée juste avant Noël, mais par intérim encore. Et donc, Mme Boissinot, merci d'être là. Même si l'ordre de la Chambre vous demande de venir deux fois, j'imagine que c'est votre seule présentation ici. Alors, je vous demande d'abord de nous présenter ceux qui vous accompagnent et ensuite de présenter et de résumer votre mémoire.
Commission d'accès à l'information (CAI)
Mme Boissinot (Diane): Merci, M. le Président. Alors, m'accompagnent pour cette présentation, aujourd'hui, à ma gauche, le directeur général de la commission, Me Denis Morency; à ma droite, Madeleine Aubé, la directrice des affaires juridiques; et, à mon extrême gauche, M. Laurent Bilodeau, qui est analyste et enquêteur à la commission; et derrière, au besoin, Me Jean Laurent, qui est au service des affaires juridiques.
Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la Commission des institutions, je vous remercie d'avoir invité la Commission d'accès à l'information à émettre ses commentaires dans le cadre de cette consultation portant sur la sécurité privée. D'entrée de jeu, qu'il nous soit permis d'indiquer que nous souscrivons aux orientations du livre blanc qui visent à clarifier les rôles des services publics et des services privés de sécurité. Nous souscrivons également à la proposition que le milieu de la sécurité privée se dote de règles de conduite et de déontologie ainsi que des règles d'éthique afin de mieux garantir le respect de règles de confidentialité des renseignements nominatifs. Nous approuvons enfin les mesures de contrôle et de formation appropriées dont il est question dans ce livre blanc.
Ceci étant dit, vous comprendrez, compte tenu des responsabilités de la commission ? la nôtre, là ? que nous attarderons aux activités de la sécurité privée qui ont trait à la recherche et au commerce de renseignements personnels.
Dans un premier temps, la commission tient à rappeler l'importance qu'accordent le législateur et la communauté internationale à la protection des renseignements personnels. Déjà, en 1991, une commission parlementaire avait tenu une consultation sur le sujet. L'étude avait mené au dépôt d'un projet de loi soumis à la consultation générale sous l'autorité de la Commission permanente de la culture en février et mars 1993. Le ministre des Communications de l'époque, M. Lawrence Cannon, rappelait que le projet de loi s'inscrivait dans la foulée des mesures prises à travers le monde face à l'utilisation croissante de l'information comme matière première et compte tenu des importantes capacités d'enregistrement et de traitement. À cette époque, la majorité des pays membres de l'OCDE s'étaient déjà dotés de législations en matière de protection de renseignements personnels. Ces législations, en permettant la circulation des renseignements personnels, visaient également leur protection lors des échanges transfrontaliers.
Je vous ferai part tout d'abord de quelques réflexions suscitées par la lecture du livre blanc. Il s'agit des trois points suivants: premièrement, la formation des agents d'investigation et de sécurité et les mécanismes de contrôle; deuxièmement, l'émergence des nouvelles technologies; et, troisièmement, le respect de la vie privée lors du contrôle de l'intégrité des agents. Enfin, je ferai état de quelques autres considérations liées au secteur de la sécurité privée.
Alors, d'emblée, il importe de rappeler que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé prévoit des règles qui encadrent les pratiques de toute entreprise qui recueille, détient, utilise ou communique des renseignements personnels sur autrui. Donc, les entreprises du secteur de la sécurité privée sont assujetties à la loi sur le secteur privé dans la perspective où les agents de la sécurité privée recueillent, détiennent ou communiquent des renseignements personnels. Précisons simplement qu'en ce qui les concerne la loi prévoit l'établissement de règles de conduite permettant à toute personne l'accès à son dossier et permettant à celle-ci de prendre connaissance gratuitement de son contenu.
Alors, le premier point, c'était la formation des agents et les mécanismes de contrôle. La commission approuve les orientations prises par le ministère de la Sécurité publique dans le cadre de son livre blanc visant à instaurer un programme de formation de qualité. En tête de liste du contenu de ce programme, la commission croit que devraient figurer les enjeux éthiques dans le commerce des renseignements personnels ainsi que les lois et règlements à observer. De plus, il serait impératif que la réussite de ce programme de formation soit un préalable à l'obtention d'un permis. Nous croyons que cette formation obligatoire imposera un changement de culture et valorisera les professions liées au secteur de la sécurité privée.
Cela dit, les mécanismes de contrôle sont des outils essentiels afin d'assurer le respect des lois et des règlements par ces entreprises. L'inspection des agences, l'adoption d'un code de déontologie, la création de registres, pour ne citer que ceux-là, sont des mécanismes qui, nous le croyons, contribueront à assurer un meilleur encadrement de l'industrie. Au chapitre de la création de registres pour les agences et les agents, la commission estime qu'il serait pertinent de préciser que ces registres ont un caractère public. Le caractère public de ces registres assurerait une transparence qui permettrait à la fois une meilleure information du public et aux organismes de contrôle de mieux s'assurer de la conformité des agences aux lois et aux règlements.
Le deuxième point qui a attiré notre attention, c'est l'émergence des nouvelles technologies qui est soulignée dans le livre blanc. Le livre blanc mentionne fort à propos l'utilisation marquée de produits et moyens technologiquement avancés. Les techniques disponibles pour pratiquer les activités de surveillance sont de plus en plus variées et sophistiquées. Il est donc impératif d'assurer une pleine protection des renseignements personnels. Il faut rappeler que la loi sur le secteur privé s'applique aux renseignements personnels, quelle que soit la nature de leur support et de leur forme, écrite, sonore, visuelle ou autre.
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(11 h 30)
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La Commission d'accès à l'information est sensible à la façon dont sont pratiquées les recherches et les investigations sur autrui. La nature même du travail de certains agents du secteur de la sécurité privée appelle une vigilance particulière dans la mesure où ces agents pourraient avoir recours à ces technologies de surveillance. À titre d'exemples de pratiques pouvant porter atteinte à la vie privée, pensons à l'écoute de conversations par des moyens électroniques, à leur enregistrement, pensons à la prise de photos, à la vidéo de surveillance ou encore à l'installation de dispositifs incluant boîte noire, renifleurs ou virus permettant la surveillance de réseaux d'information, du courriel ou d'Internet. Cette importante question de l'utilisation des nouvelles technologies ne peut être ignorée dans le cadre d'une éventuelle réforme. La commission invite donc le ministère à encadrer l'utilisation des nouvelles technologies par les agents à la sécurité privée.
Le troisième point serait le respect de la vie privée lors du contrôle de l'intégrité des agents. Le livre blanc propose, d'une part, un contrôle des antécédents judiciaires et, d'autre part, une vérification de la conduite antérieure d'une personne qui voudrait travailler dans le domaine de la sécurité privée. La commission abonde dans le sens du ministère lorsqu'il exprime la nécessité de s'assurer de la conduite irréprochable des intervenants dans l'exercice leurs fonctions. En revanche, la commission souligne qu'il est important d'encadrer rigoureusement cette vérification. Cette vérification passerait par le contrôle des antécédents judiciaires et par la vérification de la conduite passée de ces personnes. La commission a déjà émis par le passé des réserves quant à l'utilisation de soupçons ou d'allégations dans l'évaluation de la conduite d'une personne. La commission a demandé que la personne concernée ait la possibilité de fournir son point de vue avant qu'une décision ne soit prise. Il serait donc avantageux de privilégier cette pratique dans le présent cadre, d'autant plus que la procédure de vérification serait annuelle.
D'autres considérations nous guident également. J'aimerais profiter de l'occasion qui est donnée à la Commission d'accès à l'information de s'exprimer dans le cadre de cette consultation pour vous faire part de deux autres préoccupations. Il a été porté à la connaissance de la commission que certains agents de renseignements personnels invoquent parfois le fait d'être inscrits auprès de la commission afin de prétendre que leur conduite, leur compétence ou leurs opérations sont reconnues ou approuvées par celle-ci. L'inscription seule ne devrait pas leur permettre de soutenir une pareille prétention. La commission pense que cette pratique devrait être interdite expressément par la loi à l'instar de la Loi sur la protection du consommateur qui contient une disposition à cet effet. Une telle disposition aurait le mérite de dissiper toute ambiguïté sur la portée d'inscription à la commission et d'éviter les confusions pour le citoyen faisant affaire avec certaines agences.
Enfin, la commission estime qu'il ne serait pas trop exiger des organismes publics que ceux-ci soient tenus, avant d'entreprendre une relation d'affaires avec une agence de recouvrement, une agence d'investigation ou un agent de renseignements personnels, de vérifier, selon le cas, la validité de leur permis ou de leur inscription à la Commission d'accès à l'information. Cette obligation constituerait un incitatif pour les entreprises à se conformer aux lois et règlements.
Voilà donc l'essentiel de nos observations qui, je l'espère, contribueront à la réflexion du ministère de la Sécurité publique relativement à la sécurité privée. Je réitère l'appui de la Commission d'accès à l'information à ce que le ministère de la Sécurité publique encadre le secteur de la sécurité privée et à ce que cet encadrement se fasse dans le souci de la protection des renseignements personnels et de la vie privée.
Maintenant, M. le Président, nous sommes prêts à répondre aux questions des membres de la commission que vous présidez.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, Mme Boissinot. Alors, nous allons procéder de façon souple à cet échange. J'invite d'abord le ministre à vous poser la première question.
M. Chagnon: Bon, Mme Boissinot, et les gens qui vous accompagnent, permettez-moi de vous remercier pour le témoignage que vous apportez ce matin à la commission. La Commission d'accès à l'information du Québec est évidemment un organisme incontournable dans un sujet comme celui que nous avons aujourd'hui. Tout comme vous avez souligné plus tôt, M. le Président, la Commission des droits de la personne, que je souhaite bien aussi recevoir à cette commission... puisse nous témoigner aussi ce qu'elle juge ou ce qu'elle trouve à propos ou non à propos dans le livre blanc que j'ai déposé avant les Fêtes.
J'aurais peut-être quelques petites questions à vous poser, Mme Boissinot. Première, vous faites référence plusieurs fois sur la loi sur le secteur privé. La loi sur le secteur privé, c'est la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Il y a une mesure d'exception qu'on retrouve dans cette loi-là à l'égard des agences d'investigation et de sécurité privée, qui leur permet de communiquer des renseignements nécessaires à la conduite d'une enquête sans le consentement de la personne concernée. Avez-vous, peut-être, quelques conseils, quelques mises en garde peut-être à me faire à ce sujet-là? Je ne vous ai pas entendue finalement là-dessus.
Mme Boissinot (Diane): Oui. Alors, c'est dans l'article 18 évidemment de la loi, il y a des exceptions. Il y a plusieurs personnes qui sont visées par cet article, il y a plusieurs exceptions qui sont prévues, c'est-à-dire que les renseignements recueillis par une personne, une entreprise peuvent être communiqués à des tiers sans le consentement de la personne qui est concernée par ces renseignements nominatifs là. Il y a une série, là, de personnes: les procureurs des entreprises, évidemment, on peut comprendre qu'il y a une exception en faveur de cette communication-là de renseignements personnels d'une personne au procureur de l'entreprise qui les détient, etc., mais il y a aussi à la fin évidemment, qui avait été rajouté... enfin, je ne le sais pas à quel... on voit que ça a été rajouté à la suite de tous les autres: «Une agence d'investigation ou de sécurité qui est titulaire d'un permis conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité [...] peuvent, sans le consentement de la personne concernée, se communiquer les renseignements nécessaires à la conduite d'une enquête.» Alors, effectivement...
Une voix: ...
Mme Boissinot (Diane): C'est assez... Oui, bien, enfin, je dis oui... C'est prévu comme ça. J'imagine que, si la loi devait être modifiée... Il y a aussi la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité qui encadre déjà ces gens-là aussi de façon très succincte, à mon avis.
M. Chagnon: Ce matin, vous ajoutez quelque chose. Vous parlez de certaines agences qui se sont inscrites auprès de la commission afin... et qui prétendent que leur conduite, leurs compétences et leurs opérations sont reconnues ou approuvées par votre commission. Il n'y a pas de mécanismes internes chez vous qui les empêchent de profiter du fait d'être membres, d'être inscrites à la commission et de... et ce n'est pas... évidemment, d'être inscrit à la commission, ce n'est pas une preuve de tout. J'ai remarqué que vous en aviez 70, des entreprises qui sont inscrites à la commission. Il y en a 233 chez nous, ça fait qu'il y en a au moins 163 qui ne sont pas inscrites à la bonne place, là.
Mme Boissinot (Diane): Bien, enfin, je ne le sais pas, ça dépend. On pourrait faire le calcul comme ça. Mais en plus que, chez vous, vous n'avez pas des agents de renseignements personnels, là, qui font des enquêtes de crédit puis ils ne sont pas... Je pense qu'ils sont exclus de l'application de votre loi actuellement. Chez nous, ils doivent s'inscrire chez nous, alors imaginez qu'il nous en manque, je pense. Je pense qu'il nous en manque quelques-unes.
M. Chagnon: Ah! il vous en manque beaucoup, puis nous autres aussi, il nous en manque. Ça fait que c'est ça, l'idée du projet de loi... du livre blanc, d'ailleurs. Bon.
Le Président (M. Simard): Sur l'inscription, madame ? pendant que le ministre prépare sa prochaine question ? plus précisément, qu'est-ce que prévoit la loi actuelle? Qui est obligé de s'inscrire? Est-ce que c'est une invitation et quelles sont les conséquences de cette inscription?
M. Chagnon: Une autre question dans le même ordre: Est-ce qu'il y a des frais d'inscription pour s'inscrire chez vous?
Mme Boissinot (Diane): Non. Bien, il n'y a pas de frais d'inscription exigés pour le moment, en fait, non.
Le Président (M. Simard): Pour le moment.
Mme Boissinot (Diane): Alors, c'est: Toute personne, tout agent de renseignements personnels qui exploite une entreprise doit s'inscrire. Alors, pour nous... ou qui font le commerce des renseignements personnels qu'ils recueillent sur autrui. Pour nous, ça comprend les agents de recouvrement, ils sont couverts par la Loi sur la protection des consommateurs, le recouvrement de créances, ça comprend les agences d'investigation, les agences de sécurité, ça comprend également les agents de renseignements personnels qui font de... qui établissent ? comment on appelle ça, là? ? des vérifications de crédit ou des habitudes de paiement. Ça comprend, c'est à peu près... C'est ça. L'inscription vise ces gens-là. Mais chez nous, on a, je pense, déjà...
Je vais donner la parole à M. Bilodeau, qui est enquêteur dans le... chez moi.
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(11 h 40)
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M. Bilodeau (Laurent): Oui. En fait, Mme la présidente vient de résumer un peu qui était assujetti à l'obligation de s'inscrire. Bon. Comme M. le ministre vient de le souligner, effectivement, il y a des entreprises qui ne sont pas inscrites chez nous. Le sens de l'inscription qui était prévue initialement, c'était d'accorder au public la possibilité de connaître l'existence de ces entreprises-là, leurs places d'affaires, la possibilité que, effectivement, les personnes concernées ou se croyant concernées par un dossier de ces entreprises-là... le droit que ces personnes-là avaient d'aller consulter leur dossier auprès de ces entreprises-là. Il n'y a pas de frais comme tels d'inscription, comme on le mentionnait, mais par contre il y a l'obligation dans la loi de publier à tous les deux ans un modèle, une affiche, un contenu qui est déjà prévu et où, par exemple, les personnes morales, qu'on appelle chez nous des agents de renseignements personnels, ces entreprises-là doivent publier. Donc, le frais, entre guillemets, c'est cette publication-là, mais c'est...
Le Président (M. Simard): ...publication?
M. Bilodeau (Laurent): Pardon?
Le Président (M. Simard): Que contient cette publication?
M. Bilodeau (Laurent): Bien, en fait, c'est les coordonnées de l'entreprise qui reconnaît... l'entreprise reconnaît qu'elle fait le commerce de détenir, de recueillir et de revendre des renseignements qu'elle recueille sur autrui, et elle donne la place d'affaires, elle dit, finalement, quels seraient les mécanismes pour avoir accès, par une personne, à son dossier. Essentiellement, c'est ce que ça prévoit. Le contenu de ça, il est spécifié dans la loi, comme je le mentionnais. Il est évident qu'actuellement nous avons les clients chez nous ? on va les appeler de même ? qui sont des clients du ministère aussi, puis ils sont aussi des clients de l'Office de la protection du consommateur. On a finalement... pas un chevauchement, mais on est un peu dans le même secteur d'activité.
Le Président (M. Simard): M. le député de Borduas, pour la suite.
M. Charbonneau: Est-ce qu'on doit comprendre de votre propos que les dispositions actuelles de la loi sur la vie privée ne sont pas respectées ou elles ne sont pas suffisantes par rapport à justement la pratique ou les pratiques qui ont cours dans le secteur de la sécurité privée?
Mme Boissinot (Diane): Bien, pour ce qui est... On voit qu'il y a sûrement une lacune, là, du côté des enregistrements de ces entreprises-là chez nous, c'est certain. Il y en a...
M. Charbonneau: ...que la loi n'est pas respectée ou parce que la loi n'est pas assez claire ou contraignante?
Mme Boissinot (Diane): Il peut y avoir des problèmes de clarté de loi chez nous aussi, là. Aussi, le fait que... C'est difficile de faire la surveillance de ces entreprises-là parce que, un, elles ne sont pas toutes enregistrées, et deux... Souvent, notre rôle de surveillance est amené... on est forcé à agir parce que les gens portent plainte, alors on a beaucoup... On a une activité quand même assez appréciable pour ce qui est des enquêtes sur les agents de renseignements personnels qui font des rapports de crédit, par exemple, parce que les citoyens ici, au Québec, savent très bien qu'ils sont fichés quelque part, leur... tout le monde a des cotes de crédit. Donc, les citoyens font facilement appel à la loi pour avoir accès à leur dossier de cote de crédit et, à cette occasion-là, constatent certains problèmes et portent plainte.
Tandis que c'est évident que le citoyen moyen ne sait pas, pour ce qui est des agences d'investigation, qu'il fait l'objet d'une enquête par un détective privé. Alors, c'est évident que... comme j'ai entendu tout à l'heure, ces entreprises-là fonctionnent plus ou moins dans la clandestinité, donc les gens ne savent pas que des dossiers sont ouverts chez ces entreprises-là. Ils ne font pas de demande d'accès, évidemment. Donc, ne faisant pas de demande d'accès, sont moins portés à... ils ne peuvent pas porter plainte puis ils ne savent pas, ils ne sont pas au courant des activités de ces gens-là.
M. Charbonneau: Mais est-ce que c'est vraisemblable de penser que, bon, disons, les agences, tout comme les policiers, seraient obligées de dévoiler tous leurs dossiers? Autrement dit, si tu fais une enquête sur quelqu'un qui est suspecté, on ne va pas l'avertir à l'avance que tu fais une enquête sur lui, là, autrement tu es mieux de ne pas en faire du tout.
Mme Boissinot (Diane): Bien, c'est un peu la quadrature du cercle, là. Quand on regarde tout ça, on se demande comment... c'est pour ça que, si le ministre veut écrire une loi, mais il faudrait qu'il pense à tout ça parce que c'est évident qu'il y a vraiment un problème, là, pratique.
M. Charbonneau: Bien. Deuxième chose, vous dites: Il faut faire attention quand on va contrôler l'intégrité des agents ou des gens qui sont embauchés, qui travaillent dans le domaine de la sécurité privée. Bon, vous dites: Il faut faire attention, mais est-ce que, encore là... il ne faut pas être naïfs, tu sais, il y a comme une limite, là. Je veux bien qu'on ne tienne pas uniquement compte des antécédents, tout ça, mais des fréquentations. Autrement dit, il y a des gens qui, sans avoir commis d'acte criminel, ont un comportement ou des fréquentations qui, elles-mêmes, peuvent porter préjudice.
Écoutez, si une agence de sécurité veut engager des gens qui fréquentent un lieu qui est notoirement un lieu de rendez-vous du monde criminel ou qui a, dans son réseau de fréquentations régulier, des criminels professionnels, je veux bien qu'on respecte la vie privée, mais en même temps, là aussi, il faut se permettre d'avoir suffisamment d'information sur la vie privée pour faire en sorte que le contrôle soit effectif. Autrement, si on ne contrôle rien, à la limite on se retrouve dans une situation où on donnerait des permis ou des autorisations à des gens qui ne devraient pas en avoir.
Mme Boissinot (Diane): Oui, c'est certain, c'est certain. Vous avez raison. La Commission avait déjà... La Commission n'est pas contre ces contrôles-là d'intégrité des gens, comme on l'a fait valoir quand il s'est agi de contrôler, là, l'intégrité des gens qui prennent soin des enfants...
M. Chagnon: Dans les CPE.
Mme Boissinot (Diane): Oui, les CPE, exactement, ou les gens qui prennent soin des personnes âgées ou des personnes qui sont un peu démunies intellectuellement ou qui ont eu... Bon. C'est évident qu'on n'est pas contre qu'il y ait des contrôles de l'intégrité de ces gens-là, mais tout ce qu'on dit, nous, c'est que ces gens-là devraient pouvoir émettre un point de vue, je veux dire, leur point de vue sur ce qu'on découvre là, là, avant qu'on prenne une décision. Avant qu'on prenne la décision de leur refuser ces emplois-là ou de leur refuser ces permis-là, qu'il leur soit permis de donner leur point de vue, tout simplement.
M. Charbonneau: Oui, mais donner leur point de vue, mais au bout du compte il faudrait que l'appréciation reste la responsabilité de ceux et celles qui ont le devoir... en fait, le pouvoir d'engager, là. Tu sais, vous avez... moi, je ne sais pas, moi, si vous enquêtez sur le comportement privé de gens qui ont des relations avec des gens de la mafia, je veux bien qu'on leur demande de venir s'expliquer, mais en bout de piste, malgré les explications, on a comme à quelque part la responsabilité de tenir compte de.
Mme Boissinot (Diane): Vous avez raison, oui. Si vous voulez, Me Aubé...
Mme Aubé (Madeleine): Si vous voulez... C'est certain qu'il y a toujours des exemples qui sont à l'extrême, la position extrême, puis il y a des exemples qui peuvent être aux deux pôles. Par exemple, on parle toujours du pédophile dans les garderies puis on parle toujours de la criminalité, mais entre ça il y a toutes sortes de gens. Parce que, dans les enquêtes qui se font sur la conduite des gens, évidemment ce ne sont pas des données hors de tout doute raisonnable, là, on parle de soupçons, de ouï-dire, de l'homme qui a... une rumeur qui a circulé que, peut-être, le monsieur ou la madame enquêté n'a pas l'intégrité nécessaire, et tout ça.
Et ce que la commission... la préoccupation de la commission, c'est de dire: Écoutez, si ces faits-là sont portés à la connaissance de l'enquêteur, mais cette personne-là devrait pouvoir faire valoir son point de vue de ce qui est dit sur lui, à ce moment-là. Mais évidemment il y a des cas où c'est extrême, où c'est tellement clair que ça ne s'appliquera pas. Puis c'est toujours ces exemples-là qui ressortent habituellement, qui sont très, très, très colorés, dans les discussions. C'est certain qu'il y a des éléments qui permettent de clairement l'établir, mais ce à quoi la commission se préoccupe, c'est des espèces de soupçons et de ouï-dire qui peuvent circuler sur une personne puis qui peuvent, dans tous les domaines de l'emploi, empêcher une personne d'exercer un métier valablement et même d'avoir accès à exercer ce métier-là sur de simples soupçons, puis de simples rumeurs, puis de simples propos tenus par des tiers sans que la personne puisse même savoir que ces propos-là ont été faits sur sa conduite.
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(11 h 50)
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Le Président (M. Simard): Bien, M. le député de Trois-Rivières.
M. Gabias: Bonjour, madame et messieurs. Je voudrais revenir sur un point qui a été souligné par le ministre en début et qui a soulevé d'autres questions ou des réponses, en tout cas, à mon point de vue, qui ne me sont pas satisfaisantes, quand on fait référence à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et quand on a fait référence à la mesure d'exception à l'égard des agences d'investigation et de sécurité, là, cette exception-là qui leur permet de communiquer des renseignements nécessaires à la conduite d'une enquête, sans le consentement de la personne concernée. Alors, dès qu'il s'agit d'une agence d'investigation et de sécurité, ils ne sont pas soumis à la loi qui oblige d'avoir la permission de la personne sur laquelle on fait enquête ou, du moins, on demande des renseignements. Et votre mémoire n'en parle pas. Ce n'est pas, il me semble, une exception qui est très importante.
Et même, tout à l'heure, vous disiez, Mme la présidente, que tout le monde sait, ou à peu près, au Québec, là, qu'on a un dossier de crédit mais que, si nous sommes l'objet d'une enquête, quelle qu'elle soit, on ne le sait pas trop puis, donc, si on ne le sait pas, on ne peut pas s'en plaindre. Et, quand on part avec la prémisse que tout le monde sait ou devrait savoir qu'on a un dossier de crédit, ça nous oblige de communiquer pour vérifier si le dossier de crédit qu'on a est exact et, à partir de ça, demander qu'il soit corrigé. Est-ce que ce n'est pas une situation qui est, en tout cas, pour le moins inquiétante, du moins qui devrait inquiéter la commission... il me semble?
Mme Boissinot (Diane): Oui. Me Morency, est-ce que vous auriez une position spéciale là-dessus?
M. Morency (Denis): Non, ce n'est pas effectivement quelque chose qu'on a examiné, puis qu'on aurait peut-être dû examiner, comme vous le soulignez. Je crois que c'est une disposition qui... je me demande si elle n'a pas été introduite dans les dernières années, cette disposition-là. Et, vu que je n'étais pas à la commission à l'époque, je ne peux pas vous dire quelle a été la position de la commission lors de son introduction. Ça fait que c'est pour ça que... C'est quelque chose que la commission pourrait venir éclairer la commission ultérieurement sur ce point-là spécifique, vu que ça fait l'objet d'une demande, d'un intérêt de la part de la commission de recevoir le point de vue de la Commission d'accès à cet effet.
M. Gabias: Bien, je ne veux pas parler pour la commission, mais, moi, en tout cas, c'est un point qui me semble absolument important et, en tout cas, moi, je serais tout à fait satisfait d'avoir vos lumières éventuellement là-dessus, dans le cadre des travaux, là.
Mme Boissinot (Diane): Ce que ça dit, c'est que l'agence d'investigation peut communiquer à un corps policier, par exemple, certaines choses, sans le consentement... sans le consentement de la personne concernée, là. Mais c'est sûr que c'est assez... Je suis comme vous, là, c'est assez préoccupant, mais il semble que le législateur a voulu l'introduire au même titre que toutes les autres exceptions. Une communication d'une personne qui détient un renseignement personnel, communication à son procureur, c'est permis; communication au Procureur général, c'est permis; communication à une personne à qui il est nécessaire de communiquer le renseignement dans le cadre de l'application de la loi, tout ça, alors ce serait... on les a mis au même niveau.
M. Gabias: Je ne suis pas certain que c'est nécessairement de même niveau. C'est une opinion bien personnelle, là. Mais c'est parce qu'on crée une exception d'une classe de... On dit, bon: Dès qu'il s'agit d'une agence d'investigation et de sécurité, qui sont reconnues comme telles, on les exclut complètement de la loi. Alors, il s'agit que j'aie mon permis d'agence, et, finalement, je m'exclus totalement de la loi. Il me semble que c'est... En tout cas, c'est lourd de conséquences, en tout cas. Je ne dis pas que c'est mauvais nécessairement, mais c'est très lourd de conséquences.
Mme Boissinot (Diane): Bien, on ne l'a pas interprété comme étant complètement exclu de la loi, parce que, finalement, les autres obligations de la loi... Là c'est une permission de communiquer à un tiers, mais toutes les autres obligations de la loi demeurent, obligation de tenir un... d'ouvrir un dossier. C'est évident qu'on voit mal comment un détective privé, il va aller, en ouvrant un dossier ou en cueillant des renseignements personnels sur quelqu'un à son insu, aller l'avertir qu'il a un dossier sur lui. Mais enfin.
M. Gabias: Bien, savez-vous que, si, moi, on me demande la permission d'abord si on peut obtenir des renseignements sur mon compte, je suis au moins informé qu'il y a des gens qui s'intéressent à moi et je peux intervenir. Mais, si je ne le sais jamais, ça va très mal de pouvoir... Et je ne saurai jamais quand ça pourra jouer contre moi et je ne le saurai jamais... si j'avais à faire corriger quelque chose, je ne l'aurai jamais su puis ce ne sera jamais corrigé. Il me semble en tout cas que c'est assez lourd de conséquences pour s'y arrêter un peu.
Mme Boissinot (Diane): Mais, si la personne le sait, et, à ce moment-là, il fait une demande d'accès à son dossier, là il est... normalement il est censé l'offrir, le dossier, la consultation, et tout.
M. Gabias: Ah, je comprends!
M. Charbonneau: Là on est dans un domaine où finalement il y a les droits des individus, mais il y a aussi les nécessités puis l'efficacité à l'égard de la sécurité, tu sais. Autrement dit, si tu passes ton temps à avertir des gens qui sont criminels et qui agissent de façon criminelle...
Le Président (M. Simard): Que l'on soupçonne en tout cas de le faire.
M. Charbonneau: ...c'est ça, là on n'a plus aucune efficacité.
M. Gabias: Non, mais on parle d'agences de sécurité, on ne parle pas de policiers, là, ils sont totalement exclus.
M. Charbonneau: Non, non, non, même les agences, je veux dire... Encore là, puis on va le voir au fur et à mesure de la commission, c'est qu'on ne peut pas trancher ça au couteau. Les agences de sécurité, quand ils font de l'investigation, ils font de l'investigation criminelle. On ne peut pas leur dire de ne pas faire d'enquêtes; autrement, un détective privé, il n'en aura plus. On va dire: La fonction d'enquête, c'est une affaire publique.
À partir du moment où on enquête sur des situations... et nécessairement on monte des dossiers. Et, si les situations s'avèrent délicates au plan de la sécurité, on a, quoi... là, à un moment donné, c'est la sécurité de plusieurs par rapport aux droits de la personne, encore là. Là, il y a une zone grise qu'on ne peut pas trancher au couteau, là. Et je ne pense pas que les lois vont pouvoir nous... tu sais. Bon. Ce sont des guides, mais on ne peut pas avoir des lois qui vont faire en sorte qu'à chaque fois on va devoir le dire.
Je ne le sais pas, là, mais c'est une problématique, en tout cas, de respect de la vie privée par rapport à... d'efficacité d'une sécurité qui est demandée puis nécessaire dans une société aussi. Et, comme on se rend compte que la sécurité ne peut pas juste être faite par les corps publics ou des agences publiques, puis qu'elle doive aussi être faite par les agences privées...
Le Président (M. Simard): Est-ce que vous désirez commenter, Mme Boissinot?
Mme Boissinot (Diane): Sur...
Le Président (M. Simard): Oui.
Mme Boissinot (Diane): Bien, en fait, c'est là que, quand vous rédigerez votre loi, il faudrait peut-être y penser, à cet aspect-là, ou... Je ne sais pas si notre loi pourrait être touchée par ricochet, là, mais c'est certain qu'il y a un problème; c'est la zone grise et c'est l'équilibre entre la sécurité des gens et la protection de la vie privée. Mais, à ce moment-là, il faudrait peut-être penser que, si une nouvelle loi est écrite au sujet des entreprises d'investigation... de sécurité privée, cette loi-là serait postérieure à la nôtre, et là il y a peut-être... là c'est clair que votre loi ne pourrait pas contredire la nôtre, qui serait à ce moment-là prépondérante.
Le Président (M. Simard): Je suis convaincu que les juristes du ministère de la Sécurité publique respecteront votre loi. J'invite le député de Marguerite-D'Youville à ce moment-ci, peut-être, à prendre la relève.
M. Moreau: Merci, M. le Président. Je comprends que le député de Borduas disait qu'il y avait des zones grises, ce à quoi, Me Aubé, vous acquiescez, mais il y a aussi des zones qui le sont moins, grises. Exemple, que l'on considère, je ne sais pas, les gens qui font... les détectives privés sur le même pied que les agences de recherche de crédit, il y aurait moyen de faire... je pense, d'élaguer un peu. Et, quand on voit que le trou béant de l'article 18 permet, par exemple, à quelqu'un qui fait des recherches de crédit, de les communiquer à un tiers, le tiers n'étant pas autrement défini lui-même, pas réglementé, alors on pourrait se retrouver avec une annonce publique sur le crédit d'une personne qui, objectivement, par ailleurs, dans l'esprit de la loi sur la protection des renseignements privés et de la vie personnelle, ferait en sorte qu'on aurait contourné directement la loi.
Mme Boissinot (Diane): Je ne sais pas si les agences qui font des rapports de crédit sont assujetties à la Loi sur les agences d'investigation, qui est visée, là, par le dernier paragraphe de l'article 18. Je pense que cette loi-là, la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, exclut les agences de renseignements personnels, que, nous, on appelle les agences de renseignements personnels, qui font des rapports de crédit.
M. Moreau: Et qui, eux, ne pourraient pas transmettre à des tiers des renseignements semblables?
Mme Boissinot (Diane): Oui, exact.
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(12 heures)
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M. Moreau: O.K. Dans votre mémoire, vous attirez notre attention, à la page 4 particulièrement, sur... lorsque vous parlez d'émergence des nouvelles technologies sur des pratiques pouvant porter atteinte à la vie privée, puis, bon, vous dites l'écoute des conversations, moyens électroniques et leur enregistrement...
Mais, à l'heure actuelle ? je ne suis pas un spécialiste de la matière ? mais est-ce que le Code criminel ne prévoit pas que l'écoute électronique est illégale et que ça prend une autorisation de la cour à tout le moins pour le pratiquer? Est-ce qu'on a besoin de... Est-ce que vous nous dites... vous nous parlez de ces remarques-là pour faire en sorte que, suite au livre blanc, dans la loi sur la sécurité privée, on supplée à une carence du Code criminel?
Mme Boissinot (Diane): Me Aubé.
Mme Aubé (Madeleine): C'est-à-dire que ce n'est pas aussi clair que ça. C'est que ... Il n'y a pas lieu de reprendre, là, les interdictions du Code criminel dans une loi particulière, là.
M. Moreau: Non?
Mme Aubé (Madeleine): Je pense que ce n'est pas le commentaire que la Commission voulait faire.
Par contre, il y a toute une problématique. Ce qui est un acte criminel, c'est l'interception de conversations téléphoniques de tiers alors qu'on n'est pas partie à la conversation, et dans la définition de «conversation privée». Et, dans la définition de «conversation privée», il y a toute une longue jurisprudence qui élabore sur ce que c'est, une conversation privée, et, par exemple, c'est qu'il faut que tu aies une expectative de vie privée lorsque tu fais ta communication. Et ça, c'est... Ce qui est un acte criminel puis les fins pour lesquelles ça a été défini d'encadrer ou non... c'est un acte criminel, c'est une chose. Mais d'utiliser au niveau civil ces mêmes moyens là, ce n'est pas évident qu'il y a une adéquation entre ce qui va être un acte criminel puis ce qui va être permis pour une protection de la vie privée, par exemple pour le respect de l'article 5 de la Charte québécoise des droits et libertés ou de l'article 8 de la Charte canadienne. Ce n'est vraiment pas... Pour les fins de l'acte criminel, c'est déjà compliqué. On a une interprétation très restrictive parce qu'évidemment il faut sciemment intercepter volontairement, tout ça, une conversation. Ce qui peut ne pas être exactement un acte criminel pourrait être non acceptable non plus dans des relations civiles. Et c'est là qu'on dit: Il y a une zone, là, à préciser puis à... Est-ce que c'est permis ou non, l'utilisation de ces techniques-là, puis dans quelle mesure? Et ce n'est pas de la science-fiction aussi de... Il existe énormément de moyens dont l'utilisation n'est pas nécessairement interdite par le Code criminel, là.
M. Moreau: Non, mais, à ce moment-là, est-ce que... Ce que vous avez en tête... Le Code criminel interdit de capter de façon électronique la conversation de deux parties alors que la partie qui capte la conversation n'est pas une des parties à la conversation. Est-ce que je dois comprendre que ce que vous avez en tête, vous, ce serait même d'avoir des normes qui, par exemple pour les agences de sécurité privée, régiraient des conversations auxquelles l'agent de sécurité, sub nominem un tiers ou... est partie à la conversation et utilise l'enregistrement alors qu'il détient l'information pour être partie lui-même à la conversation?
Mme Aubé (Madeleine): Ça pourrait être ça, mais ça pourrait être d'autre chose aussi. Quand je vous dis que la conversation qui est interdite... l'interception de communication qui est interdite dans le Code criminel, c'est lorsqu'il y a une expectative raisonnable de vie privée qui est attendue.
M. Moreau: Oui.
Mme Aubé (Madeleine): Si je suis chez mon employeur et que je parle au téléphone, est-ce que j'ai une expectative de vie privée? Pour les fins du droit criminel, c'est une chose; mais, pour les fins d'une enquête civile, ça peut être une autre chose. Il y a énormément de jurisprudence que j'ai regardée assez rapidement, là, mais qui... Ce n'est pas clair. Pour les fins d'interdire l'interception au niveau du Code criminel, c'est... mais est-ce que cette... quand est-ce que j'ai une attente raisonnable de vie privée? Est-ce que... si je téléphone avec un téléphone cellulaire par exemple, est-ce que j'ai une expectative raisonnable de vie privée? Est-ce qu'on ne peut pas penser, par exemple, que, sur Internet, mon courriel va être facilement capté? Il passe par un serveur, donc il est enregistré en quelque part. Est-ce que je suis encore dans ma zone, dans ma sphère de vie privée? Et c'est tout ça que le Code criminel... quand on accuse quelqu'un d'interception définie pour les fins criminelles... mais c'est ça aussi qu'on doit se poser comme question. Est-ce que... Si je n'ai pas d'attente de vie privée, ce n'est pas un acte criminel. Est-ce que, par exemple, je peux m'attendre à ce que le détective ait accès à mes courriels, ait accès à la technologie qui permet de capter mes conversations, sur un téléphone cellulaire par exemple? Parce que l'expectative de vie privée sur un téléphone cellulaire, ce n'est pas certain. Et c'est tout ça qu'on dit: Bien, il faudrait réfléchir à ça pour voir que finalement la protection de la vie privée des gens puis l'émergence de nouvelles technologies... bref, il va falloir, à un moment donné, se demander à quoi aura accès...
Et la filature, la vidéosurveillance. La vidéosurveillance, elle n'est pas interdite au niveau du Code criminel. Jusqu'où ça va, de filmer quelqu'un par les agents de sécurité ou les agents d'investigation? Est-ce qu'on permet que ça aille jusque dans la maison, est-ce qu'on permet à l'extérieur? C'est tout ça qu'il y a à prendre en considération, en tout cas, quand on sait toutes les techniques qui existent aujourd'hui, là.
M. Moreau: Je vous remercie.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Est-ce que de part et d'autre il y a d'autres questions? Ça va? Ah! M. le député de Montmorency, vous aviez une dernière question.
M. Bernier: Juste une petite question en ce qui regarde justement les renseignements détenus par des organisations privées. Est-ce que, dans la loi d'accès à l'information... est-ce qu'il est prévu une période de temps que ces informations-là peuvent être conservées?
Mme Boissinot (Diane): Non. Il n'y a pas de période de temps. C'est-à-dire qu'il y a toujours la limite, tant que les objets du dossier ne sont pas atteints... les fins pour lesquelles on a cueilli ces renseignements-là, tant qu'elles ne sont pas atteintes, la personne peut conserver les renseignements qu'elle a recueillis sur autrui. Mais, en principe... On a eu, sur les... par exemple, les entreprises qui font des dossiers de crédit, ils les gardent un certain... c'est une année... un certain nombre d'années; les renseignements s'éliminent, je pense que c'est au bout de sept ans.
Une voix: C'est sept ans, oui.
Mme Boissinot (Diane): C'est sept ans. Alors, il y a comme une espèce de consensus dans le milieu. Mais, nous, dans notre loi, non. Il n'y a pas vraiment de...
M. Bernier: Est-ce que vous croyez qu'il y aurait lieu, dans le cadre de votre loi, de baliser dans ce sens-là, en ce qui regarde les informations détenues par des organisations privées, aux fins des renseignements personnels, d'être... de venir le baliser? Parce qu'on sait que, dans le cadre de ministères ou d'organismes, quand des informations sont obtenues d'un autre ministère ou d'un autre organisme, il y a une période de temps qui est imposée au ministère ou à l'organisme qu'elle peut consulter les informations dans ces fichiers-là, hein? Et, par la suite, elle doit en disposer, du fichier, en regard des informations obtenues d'un autre organisme. O.K.?
Donc, ma question va dans ce sens-là: Si on l'a fait pour des organisations, gouvernementales principalement, qui obtiennent des informations sur des fichiers d'autres organisations et qu'on vient baliser le temps, est-ce qu'on ne devrait pas faire la même chose dans le cadre des informations obtenues par des organisations privées sur des personnes, de façon à venir baliser dans le temps ces renseignements-là? Parce que, à ce moment-là, si c'est à leur bon vouloir, ils peuvent le garder un an, 10 ans, 20 ans, on ne le sait pas.
Le Président (M. Simard): Une très courte réponse, puisque nous sommes déjà hors délai.
Mme Boissinot (Diane): Oui. Bien, je pense que la loi prévoyait que le gouvernement puisse réglementer cette question-là, réglementer la question de la conservation des renseignements par les entreprises privées, mais il n'y a jamais eu de réglementation qui a été proposée, oui.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Boissinot, merci beaucoup à ceux qui vous accompagnent de la commission de...
Une voix: Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard): À bientôt.
(Suspension de la séance à 12 h 8)
(Reprise à 14 h 4)
Le Président (M. Simard): Veuillez prendre place, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux.
On me prévient de ne pas trop faire la leçon au Conseil du patronat sur le côté tardif de son mémoire, m'expliquant qu'il y a eu un colloque, il y a quelques jours à peine, et que c'est à la suite de ce colloque que le Conseil a mis un point final à la rédaction de son rapport. Donc, nous serons, pour cette fois-ci, indulgents, M. le président du CPQ, et nous vous écouterons avec attention.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, M. le Président. Je trouve ça très, très gentil. Que vous m'excusiez d'entrée de jeu, c'est absolument extraordinaire. Mais vous avez les bonnes raisons, c'est un fait, on a eu un colloque.
Alors, j'aimerais vous présenter ceux qui m'accompagnent: d'abord, à ma droite, M. Benoît Grenier, qui est directeur de la Gestion des risques et de la sécurité chez Couche-Tard et qui est aussi président de l'Association québécoise des intervenants en sécurité, un membre du Conseil du patronat du Québec; et, à ma gauche, Me Anne Le Bel, qui est la vice-présidente aux communications et développement organisationnel chez nous.
Or, compte tenu de notre retard, M. le Président, je vais, pour permettre aux membres de la commission de suivre un peu le débat, vous faire la lecture des trois premières pages de façon intégrale ? donc, ça permet aux gens de se mettre dedans ? et, ensuite, je ferai le résumé du reste du mémoire autour de quatre grandes attentes pour nous qui représentons les entreprises et celles oeuvrant en sécurité privée.
Donc, d'entrée de jeu, nous vous remercions de nous offrir la possibilité de nous prononcer sur le livre blanc La sécurité privée: partenaire de la sécurité intérieure, déposé par le ministre de la Sécurité publique. Nous sommes heureux d'intervenir dans le cadre d'un livre blanc. Ça donne place à beaucoup plus de discussions, ça nous laisse du temps, et ça permet bien sûr au ministre et au gouvernement de pondre un projet de loi qui sera sans doute beaucoup mieux à l'écoute de la population et des intérêts qui sont en cause ici.
Le Conseil du patronat représente plusieurs entreprises susceptibles de voir leurs pratiques d'affaires sensiblement modifiées par une législation découlant des principes et des orientations développés dans le livre blanc. Il importe que l'industrie de la sécurité privée et les entreprises privées qui ont recours à de tels services aient le temps d'apprécier comment leur réalité d'affaires en serait affectée.
L'industrie de la sécurité privée est un secteur économique en pleine croissance qui ne saurait être mésestimé. Bien que peu de données précises existent sur son apport financier, le livre blanc énonce lui-même comme volume d'affaires quelque 1,5 milliard de dollars, à l'exclusion des services de sécurité interne, qui représentent un secteur en développement de plus en plus important dans les entreprises. Selon les intervenants du milieu, le nombre d'emplois qu'elle génère dépasse largement 45 000 personnes. Donc, nous parlons d'un secteur d'activité économique prolifique.
Outre ce secteur de l'industrie de la sécurité privée, la sécurité des affaires de la presque totalité des entreprises du Québec est aussi en cause, puisqu'elles dépendent ? pour leur sécurité et pour la sécurité de leurs investissements et la croissance à laquelle elles aspirent ? de professionnels, de biens et de services que la sécurité publique n'offre pas.
La complexité du monde dans lequel nous vivons, le vieillissement de la population, ses besoins de protection pour se sentir en sécurité, les vastes espaces de propriété privée ouverts au public, les attentes de la population en matière de protection et les limites financières de l'État pour y répondre ont naturellement entraîné le développement de ce marché qu'il convient de définir comme une industrie, ce qui n'est pas non plus en soi un mauvais signe ou un mauvais signal. Toutes ces circonstances donc militent en faveur de l'établissement d'un véritable partenariat public-privé, et nous avons un secteur où ce partenariat est déjà existant; il faut le renforcer plutôt que l'amoindrir.
À prime abord, devant l'inquiétude suscitée par le dépôt de cette réflexion ministérielle au sein des entreprises privées qui requièrent des services de sécurité à l'externe, celles qui ont développé en entreprise un secteur de sécurité interne dont les responsabilités sont assumées par des cadres et des employés chargés de veiller à la gestion des risques en entreprise, les agences d'investigation, les agences de sécurité comme les équipementiers, le CPQ a choisi d'organiser un colloque tenu le 5 février dernier ? auquel référait le président tantôt ? visant à refléter la complexité de ce secteur d'activité, l'étendue des biens et des services qu'ils offrent, les interrelations entre les acteurs de la sécurité privée comme publique, dans une perspective de voir reconnaître l'apport de cette industrie de façon plus positive que la présentation qui en est faite dans le livre blanc.
Je signalais, à l'ouverture de ce colloque, au ministre que, habituellement, le Conseil du patronat, nous planifions nos colloques. Dans ce cas-ci, ce sont les entreprises qui nous ont dit: On a besoin d'un colloque, véritablement, pour réagir à une rédaction qui nous apparaît négative dans sa présentation. Le ministre a été accueillant de ces remarques-là; il a lui-même accepté de venir au colloque, et nous voulons l'en remercier.
Quelque 150 personnes inscrites à ce colloque-là ont voulu sensibiliser le ministre et le ministère de la Sécurité publique à la nécessité de collaborer avec tous les partenaires impliqués, et, surtout, de prendre le temps de réviser l'approche préconisée dans le livre blanc pour mieux tenir compte des impacts, tant financiers qu'organisationnels, de la sécurité privée au Québec dans les entreprises.
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(14 h 10)
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Le principal reproche adressé au livre blanc ? je le soulignais tantôt ? est ce qui est apparu dans le libellé, dans la façon dont c'était rédigé: Le dénigrement de l'apport de la sécurité privée qui contribue à assurer sécurité et protection. Le ton du document serait davantage empreint d'a priori sur le peu de professionnalisme des intervenants en sécurité privée et d'un souci bien énoncé de les assujettir au contrôle des intervenants en sécurité publique.
D'entrée de jeu, le livre blanc souligne le phénomène de la sécurité privée en signalant que l'un des principaux problèmes que pose aujourd'hui son intervention est le chevauchement des rôles entre les services publics et privés de la sécurité. On y prend bien soin de faire valoir les dérapages susceptibles de porter atteinte aux valeurs démocratiques de la société. On cherche à délimiter de façon très nette la sécurité privée dans le champ de la prévention de la criminalité, en traçant une ligne entre les responsabilités des intervenants publics et privés.
Cette approche s'éloigne de la réflexion suggérée par la Commission des droits du Canada intitulée En quête de sécurité: le rôle des forces policières et des agences privées, une réflexion qui a été déposée en 2002, laquelle a le mérite de reconnaître que le maintien de l'ordre a considérablement changé et qu'un retour à l'omniprésence de l'État est chose du passé. Benoît va vous parler de ça tantôt. Donc, je ne ferai pas la lecture de la citation comme telle.
Dès l'ouverture du colloque, le ministre de la Sécurité publique a reconnu la sécurité privée comme quatrième composante de la sécurité intérieure. Il s'est engagé à former des comités de travail pour mieux cerner la portée de cette industrie, plutôt que de l'envisager comme un problème en raison du chevauchement observé. Cette ouverture de la part du gouvernement est bienvenue et elle suggère une approche qui soit plus respectueuse de l'apport de cette industrie.
La présente commission parlementaire engage le dialogue et le débat sur le livre blanc qui propose certaines pistes intéressantes, reconnues et souhaitées par l'industrie ? j'y reviendrai ? à savoir: la formation des intervenants, l'octroi de permis, la mise en place de mécanismes d'inspection et de contrôle des agences. Donc, voilà des points positifs. Ce ne sont pas tant ces principes qui posent problème que leur articulation sans prendre en compte la réalité du travail des différents segments de l'industrie.
En synthèse. En résumé, voici quatre grandes attentes du CPQ à l'égard de cette réflexion. Et là je vais un peu vous résumer la suite du mémoire de façon plus synthétique.
D'abord, notre première attente, M. le ministre, MM. les parlementaires: assurez-vous de bien définir la sécurité interne comme une activité propre aux entreprises visant la gestion des risques en entreprise en fonction d'objectifs d'abord commerciaux et organisationnels.
Il faut bien réaliser qu'il y a eu une évolution extrêmement rapide de tout le phénomène de la sécurité en entreprise, sécurité interne, sécurité des biens et des immeubles. Il y a 10 ans, il y a 15 ans, on ne parlait que de sécurité des biens physiques, biens meubles, immeubles; aujourd'hui, on parle de la sécurité des équipements bien sûr, mais on parle aussi de la sécurité de l'information, de la sécurité des personnes en entreprise. On parle donc de l'ensemble des fonctions qui touchent la vie des entreprises, et cela, la définition qui coiffera la loi devra bien prendre en compte cette réalité-là.
La sécurité aujourd'hui est conçue en fonction bien sûr des biens de l'entreprise mais aussi de ses employés et de ses actifs. Elle est l'objet d'interventions multiples et rapides en gestion des ressources humaines, en relations de travail, en assurance, en comptabilité, en informatique.
Assujettir, comme le laisse entendre le livre blanc, les services de sécurité interne à des agences de sécurité avec une simple vision de prévention des crimes est une approche trop restrictive. On vous le dit, c'est une approche qui est peut-être bonne pour 10 % des activités et des services mais pas pour l'ensemble, pas, donc, suffisamment préoccupée de l'ensemble. Il faut, à notre avis ? donc, premier constat, première attente ? tirer profit des expertises des entreprises plutôt que de les limiter.
Deuxième attente. Il faut éviter une judiciarisation excessive à l'exercice des fonctions de sécurité privée. Il faut tenir compte de la gravité de l'acte, de l'exercice d'une discrétion de bon sens plutôt que la délation automatique. Le projet de loi doit bien baliser l'obligation de déclarer, resserrer la définition pour la limiter à des violations qui menacent la sécurité publique ou la sécurité physique. Deuxième attente, donc: éviter le style de texte qu'on a, là où c'est une délation obligatoire automatique.
Troisième préoccupation, la formation continue. Je vous disais tantôt: le Conseil du patronat, les entreprises concernées sont favorables à une formation dans un secteur d'activité qui est de plus en plus complexe, qui touche un plus grand nombre... de plus en plus un grand nombre de domaines. Ce qu'on vous demande, c'est d'ouvrir la porte à une formation continue, donc une formation qui serait en constante évolution. Et, pour ce faire, plutôt que de décrire des projets dans un projet de loi, nous vous invitons à plutôt créer un comité mixte ? des représentants de la sécurité privée, de la sécurité publique, du gouvernement ? pour définir un cadre de formation qui pourra ensuite être assumé par les entreprises elles-mêmes ou leurs associations.
Quatrième attente à l'égard des pouvoirs et des coûts. Il est important que le projet de loi à venir assure à la sécurité privée les pouvoirs nécessaires pour accomplir efficacement, dans les normes de sécurité et de confidentialité qui s'imposent, le travail attendu d'elles, à savoir la protection de ses clients et du public. Qu'on envisage un partenariat authentique entre la sécurité privée et publique ? c'est ce que nous souhaitons ? et que le ministre résiste à la création d'un monopole de la sécurité authentiquement publique.
Là où les coûts et les services sont susceptibles d'être mieux pris en compte par la sécurité privée, nous souhaitons que vous favorisiez le développement de ce secteur d'activité, en complémentarité bien sûr avec les services de protection publique. Et, de grâce, MM. les parlementaires, renoncez à ce vieux réflexe facile de refiler toujours la facture aux entreprises pour assumer des services de protection publique.
Pour le CPQ, c'est clair, il faut rajeunir la loi, l'adapter à la réalité d'aujourd'hui, et, comme le ministre l'a souligné devant nos membres, il faut prendre le temps de le faire correctement.
Nous espérons que nos réflexions d'aujourd'hui sauront alimenter le débat, et nous vous prions instamment de travailler, dans l'élaboration du projet de loi prévu à cet effet, de travailler en collaboration avec les entreprises et les associations directement concernées. Le CPQ n'a pas besoin d'être là.
Le Président (M. Simard): Merci, M. Taillon. Le résumé fut court, mais je suis sûr que le débat va être assez... il y aura beaucoup de contenu. Vous avez ouvert beaucoup de champs à la discussion. Je pense que le premier à réagir va être l'auteur, enfin, celui qui a présenté ce livre blanc, le ministre lui-même, et, en alternance, nous vous poserons des questions.
M. Chagnon: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue. Et je remercie en même temps le Conseil du patronat et le président, M. Taillon, ainsi que les gens qui l'accompagnent, de cette présentation, tardive un peu, mais on comprend, compte tenu du fait que le Conseil a lui-même... s'est fait pousser dans le dos, semble-t-il, pour organiser un colloque sur la question la semaine dernière, et il a eu à se faire pousser dans le dos, probablement pour écrire son mémoire, pour arriver ici aujourd'hui, en même temps que le début de la commission parlementaire, et nous pouvons certainement le comprendre.
Il y a en fait quatre points que vous soulevez. Vous en soulevez plusieurs, mais vous en tenez à quatre points particuliers sur lesquels vous faites part d'un intérêt spécifique: la formation, la sécurité interne, l'obligation de déclarer, l'urgence... bien, les coûts ? en fait, c'est surtout les coûts que l'urgence de légiférer.
Je pense que vous convenez, j'ai compris que vous convenez qu'il était nécessaire de regarder la loi de 1962, de l'actualiser, de la remettre... de faire en sorte que l'ensemble des activités des entreprises de sécurité privée puissent être reconnues fondamentalement, comme je l'ai déjà dit et vous l'avez répété ici, comme un des quatre piliers de l'organisation de la sécurité intérieure d'un État. Et vous avez en même temps manifesté un questionnement tout à fait sain ? d'ailleurs, c'est l'objet et la raison d'être du livre blanc ? sur la sécurité interne en entreprise, sur l'obligation de déclarer. Je m'en tiendrai à cela pour l'instant.
Sécurité interne en entreprise. Vous nous faites part de la volonté ou de votre vision à l'effet que nous ne devrions pas inclure la sécurité interne dans le cadre de la législation sur la sécurité privée. Il y a toutefois, dans certains cas ? je pense entre autres à Alcan, à Hydro-Québec ? des cas où on parle plus que de la sécurité interne, on parle de, pratiquement, un corps de police interne... alors, que ce soit le CN... où des gens sont susceptibles d'être armés aussi parfois. Est-ce que cela n'est pas éventuellement, potentiellement, eu égard à ce genre de société, est-ce que ça ne peut pas avoir un effet sur la sécurité du public à un moment donné ou à un autre, d'une part? J'arrête là, je continuerai après.
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(14 h 20)
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M. Taillon (Gilles): C'est beau. Alors, M. le ministre, d'abord, votre remarque préliminaire me réjouit. Vous faites la démonstration, puis on en a fait aussi la démonstration, que nous sommes à l'écoute de nos membres. Certains collègues de la commission en doutaient, la semaine dernière. Donc, on aime ça se faire pousser dans le dos, ça veut dire que c'est nos membres qui nous pressent d'agir, et c'est bien.
Deux...
M. Chagnon: ...augmenter vos cotisations.
M. Taillon (Gilles): Absolument pas.
M. Chagnon: Bon! Je vous ai donné une chance, moi.
M. Taillon (Gilles): Deux: au niveau de la sécurité interne, notre objectif n'est pas que la loi soit muette et silencieuse dans ce dossier-là. Ce qu'on veut éviter par contre, c'est qu'il y ait des balises qui fassent en sorte que les services de sécurité interne deviennent des agences et donc soient entièrement pris en charge par la sécurité publique. Donc, on vous dit: Balisons bien cela, évitons cela.
Si ça va bien actuellement, chez Alcan ou chez d'autres entreprises où il y a des services qui s'apparentent à des services de sécurité policière, et que ça marche bien, et que ça rend service à la fois à l'entreprise et au public, pourquoi ne pas continuer? Mais, bien sûr, quand on sera dans des services de sécurité interne, attention pour ne pas venir tout assujettir à la sécurité publique. On pense de toute façon que l'État n'en aurait pas les moyens et, bien sûr, les entreprises, encore moins.
M. Chagnon: L'idée n'étant pas de tout assujettir, de tout bureaucratiser, de tout aseptiser, mais est-ce que vous pensez que la sécurité interne... Est-ce que vous pensez que les sociétés qui font de la sécurité interne devraient être membres, devraient être inscrites dans un registre de la sécurité privée au Québec?
M. Taillon (Gilles): Je vais demander à Benoît, peut-être, de réagir là-dessus, M. le Président.
M. Grenier (Benoît): Je vous répondrai que, bien, la question est très pertinente, parce que effectivement le cadre d'un éventuel projet de loi, d'une loi permettrait... on veut faire un certain ménage de personnes qui pourraient... puis faire en sorte d'encadrer de façon plus positive puis donner un environnement de travail qui peut être intéressant...
La notion de certifier dans une entreprise une ou des personnes pour s'assurer qu'ils n'ont pas de dossier criminel, je pense que c'est quelque chose de très bien. Le fait même d'avoir dans certains cas de la formation et même de l'adhésion à certains codes d'éthique, oui, mais trop tôt. Je pense qu'actuellement l'objectif de la loi, c'était de refaire revivre la loi sur les agences de sécurité et d'investigation, de la moderniser, et automatiquement, de par ce travail-là qu'il va faire, il va y avoir, au cours des années, une adhésion des services de sécurité de la même façon que, il y a 10 ans, les services de sécurité interne ont pris beaucoup de... sont venus se professionnaliser de par certaines agences de sécurité et d'investigation qui ont amené... les leaders de l'industrie ont amené un professionnalisme. Donc, j'oserais croire que ça va se passer de la même façon, dans quelques années.
Pourquoi pelleter tout ça à ce moment-ci et les inclure? Je crois que ce serait prématuré. Il y a beaucoup de choses qui se font très bien, et de la même façon que notre autorégulation, elle se fait dans l'entreprise. Si, chez nous, on fait des choses pas correctes, bien, on va avoir des poursuites. On a des règles de la Commission des valeurs mobilières; on a le vérificateur interne qui va venir; les nouvelles lois américaines. On va venir nous toucher. De toute façon, il va y avoir des impacts. Et je suis déjà... pas menotté, mais je suis déjà dans un cadre très précis. Donc, dans ce sens-là, je pense que ce serait prématuré d'adhérer.
On n'est pas en désaccord qu'il faut qu'il y ait de l'adhésion à des codes d'éthique, ce n'est pas ça. C'est que, pour le moment...
M. Chagnon: Et je n'en suis même pas là. Juste imaginer... pour le registre, savoir qui au Québec travaille dans la sécurité privée. Parce qu'il peut y avoir... On a souvent... En cas de sinistre par exemple, on sait qu'on fait appel à la sécurité civile, on sait qu'on fait appel aux pompiers, on sait qu'on fait appel aux policiers, et, éventuellement, on pourrait avoir à faire appel aux gens qui sont dans la sécurité privée. On aurait un sinistre majeur, là, alors on prend les morceaux, morceau par morceau, puis on a besoin de tout le monde. Il faut au moins être capable de savoir où ils sont. Et, si on a un registre avec les 24 000 personnes qu'on connaît actuellement et qu'il nous en manque un autre 24 000 parce qu'elles sont dites de sécurité interne, le Québec risque... le Québec ou n'importe quel État risquerait d'y perdre dans une circonstance particulière comme celle que j'évoque.
Donc, le fait d'être strictement dans un registre, faire partie d'un registre, savoir qui en fait partie ou pas, ce n'est pas... Est-ce que c'est selon vous une mesure qui serait de mauvais aloi?
M. Grenier (Benoît): Il est difficile de pouvoir identifier, parce que la majorité des fonctions, il y a beaucoup... puis, je dirais, la majorité de ceux qui sont dans ces services de sécurité interne ne font que ? M. Taillon en mentionnait ? 10 % de sécurité qu'on pourrait appeler pure. Ils font de la gestion d'assurance, le financement de risques, vont faire de la prévention et du conseil au niveau du service des ressources humaines, vont faire un plan pour la construction d'un nouveau point de vente. Les fonctions sont tellement larges que ce ne sont pas nécessairement des gens attribués qu'à la sécurité et qui ne font que des interventions.
M. Chagnon: Si je prends l'exemple Domtar, chez Domtar il y a des gens qui sont marqués sécurité, ils font la sécurité, le gardiennage, dans le fond, de l'entreprise et des terrains de l'entreprise et des sites de l'entreprise. Ces gens-là, ils sont connus, ils font du gardiennage, ils ne font pas de la juricomptabilité, là. Mais pourquoi on ne pourrait pas les avoir en registre pour savoir effectivement que ce sont des gens qui sont susceptibles de travailler en matière de sécurité?
M. Taillon (Gilles): Bien, je vous dirais, M. le ministre, quand vous en arriverez à rédiger votre projet de loi, on connaîtra mieux vos intentions d'incursion...
M. Chagnon: ...j'aime autant poser la question avant de faire le projet de loi. C'est ça, l'idée.
M. Taillon (Gilles): C'est ça ? vos intentions d'incursion. Si ce n'est qu'à des fins d'information, je pense que personne va déchirer sa chemise, mais il faudra voir dans quelle intention on le fait, pourquoi aussi vous avez besoin de cette information-là. Si c'est à des fins, par exemple, de sécurité civile, il peut être intéressant de le savoir. Je ne pense pas qu'il y ait de réticences de ce côté-ci. Ce qu'on vise, ce qu'on vous dit, c'est: Attention de ne pas assimiler tous les services de sécurité interne dans l'entreprise à maintenant un service public de sécurité à l'emploi du gouvernement. C'est un peu ça qu'on...
M. Chagnon: Mais vous comprendrez que je vous pose des questions justement pour permettre d'écrire le projet de loi.
M. Taillon (Gilles): Oui, exact.
M. Chagnon: Il vaut mieux les poser avant qu'après.
M. Taillon (Gilles): Absolument.
M. Chagnon: Concernant l'obligation de déclarer. Vous suggérez, dans le fond, des balises, qu'il y ait des balises. En fait, vous ne dites pas qu'on ne doit pas avoir une obligation de déclarer, vous dites: Il doit y en avoir une, obligation de déclarer, mais elle doit être mieux balisée que ce qui est écrit dans le texte.
M. Taillon (Gilles): Exact.
M. Chagnon: Et vous suggérez comme balise, un, la protection du public, et, deux, la protection physique. Je vous repose la même question que j'ai posée ce matin à un autre groupe: Qu'est-ce qui arrive dans le cas d'une personne qui fait du trafic de narcotiques sur un plancher d'entreprise dans laquelle il y a, par exemple, une sécurité interne? Est-ce que vous pensez que, dans un cas comme celui-là, il ne devrait pas y avoir une obligation de dire: Bien, on a un employé qu'on a pris à faire du trafic chez nous?
M. Taillon (Gilles): Bon. Moi, je vous dirais, là: Là-dessus, d'abord il faut tenir compte ? et c'est un peu ce qu'on vous signale ? qu'il y a dans ce type de dossier là des dispositions qui par ailleurs encadrent l'exercice du droit de gérance dans l'entreprise. Il y a des conventions collectives ou des politiques de personnels, etc. Il y a sans doute des gestes à poser qui ne sont pas d'ordre de déclaration d'un acte criminel.
On vous dit aussi: Regardez la gravité du geste.
M. Chagnon: C'est ça. Mais je ne parlais pas, là... je parlais du trafic de stupéfiants. Alors, généralement, ça fait moins l'affaire du droit du travail et davantage partie du droit criminel.
M. Taillon (Gilles): Oui, mais, en même temps, vous le savez, dépendamment du type de convention collective qu'on a, il peut y avoir des gestes à poser en termes de relations de travail qui mèneront peut-être à une déclaration criminelle. Il faudra voir... Je vous dis: Il faut juger de la gravité du geste.
M. Chagnon: Selon vous...
M. Taillon (Gilles): Maintenant, vous avez à préciser. Ce qu'on vous demande de faire, c'est de le préciser dans votre projet de loi.
M. Chagnon: Selon vous, ce n'est pas...
M. Taillon (Gilles): Je ne pense pas qu'on puisse écrire chacun des cas, mais je vous dis: Attention, voilà un exemple où... quel type de trafic, on est en présence de quel type de trafic, de possession simple, est-ce qu'on est en présence...
M. Chagnon: Je ne parle pas de possession, je parle de trafic.
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(14 h 30)
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M. Taillon (Gilles): Trafic. Bon, il faudrait voir: est-ce que c'est un trafic étendu à l'entreprise, est-ce que... il faudra donc voir. Et, moi, je pense que le service de sécurité interne, ce sera dans son intérêt d'aviser les autorités publiques dans un cas comme celui-là, si c'est un trafic qui est bien installé. C'est certainement de son intérêt, mais, je vous dis, il va devoir tenir compte aussi de toute la situation de gestion interne dans l'entreprise. Mais, moi, je vous invite à préciser cela; c'est un peu ça qu'on dit. Mais une déclaration, là, sur présomption, un peu comme il apparaît dans le livre blanc, ça nous apparaît sérieux. O.K.? On va tous devenir des délateurs, et je ne pense pas que ce soit le souhait.
M. Chagnon: J'ai fait exprès pour suggérer un cas un peu précis pas de délation, mais d'obligation. Si vous avez connaissance, vous n'êtes pas obligé de le déclarer, mais, si on trouve quelqu'un à faire du trafic de stupéfiants, en général, il va y avoir une enquête et puis on fera un procès, s'il y a lieu. Mais, si une entreprise de sécurité interne capte cette information-là, ma question, c'est: Devrait-elle transférer ce dossier-là directement à la Sécurité publique? Et ce n'est pas évident, selon vous.
M. Taillon (Gilles): Non, ce n'est pas évident. Et j'ai l'impression qu'il y a tout le lien de confiance entre l'entreprise de sécurité et l'entreprise elle-même, là. Il faudra voir. En fait, votre question n'est pas suffisamment précise pour qu'on donne une réponse précise. Mais je vous dis d'entrée de jeu: Si c'est une situation de trafic qui est installée puis qui nuit à l'entreprise, je suis sûr que les services de sécurité vont le déclarer.
M. Chagnon: Même si elle ne nuisait pas à l'entreprise... le trafic n'est pas considéré comme étant un bienfait social ou en tout cas public. Toutefois, est-ce que ça ne risque pas d'amener un niveau... Enfin, est-ce qu'on ne risque pas d'avoir une justice à deux vitesses, une pour le secteur privé et une pour le secteur public?
M. Taillon (Gilles): Non, je ne crois pas. Écoutez, si la police est efficace en termes de sécurité publique, elle va certainement réussir à découvrir ce trafic-là. Je suis persuadé que, dans 90 % des cas, il va y avoir un signalement. Mais ce qu'on veut éviter, c'est qu'une loi dise: À chaque fois qu'il y a un geste qui est connu, qu'on en fasse une déclaration automatique. Précisez les cas qui seront sérieux, puis je pense que ce sera fait.
M. Chagnon: O.K. Je ne veux pas vous emberlificoter davantage entre le trafic de stupéfiants et l'intérêt public.
M. Taillon (Gilles): Vous avez compris, je pense, le sens de nos interventions.
M. Chagnon: La formation, c'est un sujet que vous soulevez aussi, puis c'est le dernier point. Je veux faire en sorte que mes collègues puissent vous poser des questions. En fait, ce que vous nous suggérez, c'est que la formation soit... qu'un projet de formation soit établi, par exemple, par le ministère de l'Éducation, qu'il soit fait en concordance avec les intérêts et les besoins de l'entreprise et qu'il puisse être disponible un peu partout à travers le territoire pour permettre particulièrement à la plus vaste partie des travailleurs du secteur de la sécurité privée, c'est-à-dire les gens qui font dans le gardiennage, de pouvoir avoir accès à une scolarisation ou une spécialisation professionnelle relativement près de chez eux. C'est un peu ce que vous nous envoyez comme message?
M. Taillon (Gilles): Ce qu'on vous dit, dans le fond: Oui à la formation; deux, il faut éviter, compte tenu de la multiplicité des secteurs où il se fait de la sécurité privée, une formation qui serait, par exemple, uniquement scolaire et déterminée à l'avance, il faut la rendre adaptée et il faut composer avec les intervenants de l'industrie pour définir quelle est la meilleure formation. Il y a certainement un minimum qui est requis, mais ensuite, dépendamment des spécialisations, il pourrait y avoir de la formation adaptée. C'est ce qu'on souhaite. Et on dit: Il y a des gens qui sont des spécialistes là-dessus; nous n'en sommes pas. Référez à eux, créez un comité mixte qui définira la formation à offrir. S'il y avait une association, un comité sectoriel dans ce secteur-là, on vous dirait: Référez au comité sectoriel. Il y en aura peut-être un éventuellement, mais là il n'y en a pas.
M. Chagnon: Quand vous dites: Nous ne sommes pas des spécialistes sur cette question-là, vous excluez vous-mêmes, hein, c'est ça?
M. Taillon (Gilles): Je ne sais pas. C'est vous qui tirez cette conclusion-là, M. le ministre.
M. Chagnon: Vous avez déjà une forte expérience dans le monde scolaire.
M. Taillon (Gilles): On a déjà oeuvré pas mal là.
M. Chagnon: Oui, oui, oui, bien sûr.
M. Taillon (Gilles): Ensemble, évidemment, à l'époque.
M. Chagnon: Alors, évidemment, ça doit, j'imagine, selon vous aussi, tenir compte des acquis, c'est-à-dire de l'expérience que les gens ont acquise qui doit être considérée lorsqu'il s'agira de...
M. Taillon (Gilles): Oui. Quand on parle de formation continue, il y a comme un préalable à l'effet qu'on doit tenir compte de la reconnaissance des acquis et tout ça. Et là-dessus, votre collègue à l'Éducation a un travail important à faire...
M. Chagnon: C'est amorcé d'ailleurs.
M. Taillon (Gilles): ...parce qu'on n'est pas très avancé en reconnaissance des acquis.
M. Chagnon: Non, mais qui est amorcé sur le sujet précis de la sécurité privée, qui est avancé.
M. Taillon (Gilles): Bravo! Bravo!
Le Président (M. Simard): Comme membre de la Commission consultative sur le travail, vous avez participé vous-même aux travaux qui ont donné naissance à cette politique. Vous savez très bien ? je ne comprends pas d'ailleurs la méfiance de votre document là-dessus ? vous savez très bien qu'il y a très longtemps que l'on ne crée plus des formations sans une consultation en profondeur avec les gens de l'industrie, les gens du milieu. Donc, à méfiance, méfiance et demie, M. Taillon, là, je peux vous dire que je ne crois pas que, quel que soit le gouvernement au pouvoir actuellement, je ne crois pas que le ministère de l'Éducation se mette à ignorer dans une formation le secteur en question, je vous avoue, vous le savez très bien.
M. Taillon (Gilles): Oui. Ce qu'on veut surtout signaler, c'est qu'il doit le faire avec les intervenants appropriés. Je ne vous dirai pas que le ministère de l'Éducation va le faire seul, mais il pourrait le faire en l'absence de certains intervenants qui ont drôlement voix au chapitre.
Le Président (M. Simard): Vous avez parfaitement raison. M. le député de Borduas, je pense que vous pouvez prendre la suite.
M. Charbonneau: Oui. Alors, en ce qui concerne la sécurité interne en entreprise, c'est un des sujets sur lequel vous êtes étendu un peu. Est-ce que vous faites une distinction entre les... Parce qu'il y a une problématique de droits aussi, là, entre les droits des dirigeants de protéger leurs biens et leur obligation aussi de protéger les personnes de leurs entreprises et l'obligation aussi, au niveau de la sécurité, de la façon dont la sécurité s'exerce, de respecter les chartes des droits et libertés de leurs employés autant que de leurs... qu'ils soient syndiqués ou pas. Donc, il y a comme une zone de façons de gérer la sécurité interne qui est particulière. Ça, c'est la première chose sur laquelle j'aimerais vous entendre.
La deuxième, est-ce que... Bon, vous avez parlé de la sécurité interne, de l'obligation de déclarer, mais vous n'avez pas vraiment élaboré sur... Parce que j'imagine qu'ils sont aussi membres du Conseil du patronat, en tout cas qu'ils ont été invités à participer au colloque la semaine dernière. C'est une chose, la sécurité interne; c'est une deuxième, la sécurité privée dans l'espace public. Il y a des entreprises du domaine de la sécurité privée qui oeuvrent dans les espaces publics et qui oeuvrent dans les espaces publics avec ? comment je pourrais dire? ? une visibilité ou une apparence de sécurité publique. Et comment faire en sorte que... Parce que ce que je comprends, ce qui... Quand on parle de la zone grise, ce qui est un peu embêtant, c'est peut-être moins la sécurité interne, tout le monde convient que les entreprises privées ont le droit de protéger leurs biens, leurs personnels, etc., mais dans la mesure où l'entreprise privée intervient non pas pour faire sa propre sécurité, mais pour faire la sécurité dans le domaine public, ou dans la sphère publique, ou dans l'espace public, alors là il y a des exigences ou des différences qui doivent être marquées. Et ce que je comprends de votre...
Je vois bien que, dans votre mémoire, vous n'avez pas du tout abordé la problématique des entreprises privées que vous représentez mais qui ont un marché dans le domaine de la sphère publique, soit parce que c'est vraiment une sphère publique, soit parce qu'une sphère privée, elle finit par être une sphère semi-publique ou quasi publique. À un moment donné, je ne sais pas, moi, vous avez le Festival de jazz de Montréal. Sur le territoire ou l'enceinte, en fait, le territoire ou l'espace qui est couvert par le Festival de jazz, c'est comme un espace privé, en fait c'est un espace public. Et là ce sont des entreprises privées qui agissent pour le maintien de l'ordre dans un espace public.
Comment vous voyez le livre blanc à cet égard-là? Et comment vous définissez les responsabilités ou les prérogatives qui doivent être celles du secteur privé... ou les obligations du secteur privé par rapport à justement leur action dans un espace public ou semi-public?
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(14 h 40)
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M. Taillon (Gilles): Je vais commenter ou répondre à vos deux questions et je vais demander à Benoît de compléter la deuxième partie.
Au niveau de la zone, là, de gestion de la sécurité interne, je pense que vous avez bien compris, et je l'ai signalé au ministre tantôt, que, évidemment, dans la sécurité interne, il faut respecter l'ensemble des lois, des chartes et des droits des individus. Je pense que c'est une partie intrinsèque de la fonction. Et je vous disais: Ça doit être pris en compte autant que la nécessité de protéger le public contre des infractions criminelles ? autant. Donc, moi, je pense que, là, il y a une zone à définir de façon assez précise. Il faut créer un climat qui permette aux entreprises de faire cette gestion-là. Mais, Benoît l'a signalé tantôt, les entreprises sont tenues à respecter les lois et les règlements existants, et elles vont continuer à le faire, dans ce domaine-là comme dans d'autres.
Au niveau de la sécurité privée qui agit en lieu et place de la sécurité publique, probablement en sous-traitance ? vous savez que c'est un domaine qu'on affectionne particulièrement ? donc, c'est sûr que celui qui utilise les services de la sécurité privée dans une fonction qui est plus publique, dans un domaine public, je pense qu'il doit y avoir... il doit mettre des exigences particulières dans ce cas-là. Il y a une fonction de remplacement, il y a une fonction... Donc, il y a des exigences particulières qui, à mon avis, vont se définir mal dans une loi mais qui devraient se définir dans le contrat que le domaine public va passer avec le secteur privé. Je pense que je m'en tiendrais davantage à cela. Mais je sais que nos collègues réfléchissent à cette question-là, et sans doute que Benoît pourrait compléter ma réponse.
M. Grenier (Benoît): Si on prend, par exemple... Si je vous donnais l'exemple ? j'essaie de l'imager ? d'un propriétaire de centre commercial ou d'une multitude de centres commerciaux, qui a à son emploi son propre service de sécurité interne, qu'il ne le sous-traite pas par une agence de sécurité privée, et a ses propres agents, je me pose la question... Et c'est un peu la réflexion qu'on a eue depuis longtemps, il y a des rapports qui nous indiquent, des lectures qui m'amènent à dire: Est-ce que la population se questionne entre qui est un agent de sécurité privée qui agit dans un espace public et qui est un policier? Est-ce qu'on a de la misère à les distinguer l'un et l'autre? Et, d'après les lectures que j'ai faites, on sait si on a affaire à un policier ou à un agent de sécurité privée. C'est évident qu'il faut le baliser. Il faut le baliser en termes de... si l'uniforme du policier est le même que l'uniforme de l'agent de sécurité privée. Mais il y aura peut-être des distinctions, mais on revient à des vieux, vieux débats, là. Mais je me pose la question.
Il est évident que, à ce stade-ci, beaucoup de réponses ne sont pas là. Il y a des questionnements. Est-ce que ces gens-là sont dédiés à interagir avec le public en tout temps? Est-ce qu'il y a une forme de collaboration qui pourrait être là? Mais est-ce que ça vaut la peine de régir ça ? et peut-être que je me répète ? à ce stade-ci, quand on a beaucoup de travail à faire dans une loi existante, qui est à moderniser, dans un encadrement qui devrait venir... l'amener en 2004? Et, par la suite, moi, j'appelle ça ces cas particuliers là, ils vont venir à se régler. Mais je pense qu'on est prématurés de se poser cette question-là, là, pour le service de sécurité interne. Il y en a, mais je pense que la majorité font appel, lorsqu'ils vont travailler, à des sous-traitants, déjà, qui, eux, seraient régis par la Loi sur les agences de sécurité.
M. Charbonneau: O.K. Mais j'essaie de voir, là, de faire la distinction. Vous faites la distinction, dans le mémoire du Conseil du patronat, dans la présentation, avec la sécurité interne en entreprise. Bon. Il y a des entreprises qui ont une sphère privée, tu sais. Je ne sais pas, moi, une entreprise, une industrie... une entreprise manufacturière, une grande entreprise manufacturière opère dans un espace où, finalement, c'est son seul personnel qui se retrouve sur le lieu ou sur le territoire géographique. Alors que, dans d'autres cas, les entreprises privées ont un espace ouvert au public, les centres commerciaux... Autrement dit, tout ce qui est relié aux services est déjà... fait en sorte que le public a accès au territoire d'entreprises privées, et ça peut être la sécurité interne en entreprise.
Mais il peut aussi arriver, et ça arrive beaucoup, que c'est dans l'espace public qu'on demande à des agences privées d'intervenir. Bon. Vous, vous dites: Faisons... Si je comprends bien, vous dites: Faisons attention, peut-être que la sécurité interne en entreprise ne devrait pas être encadrée par la loi. C'est ça que je comprends. Mais est-ce que vous allez jusqu'à dire que la sécurité externe ou celle qui est dans l'espace public, faite par l'entreprise privée, ne devrait pas, elle aussi, être encadrée?
M. Taillon (Gilles): On pense qu'on peut l'encadrer, mais on n'est pas obligé de transformer toutes ces agences-là en services de police publics. C'est un peu ce qu'on vous dit. Mais c'est évident que celui qui donne... qui embauche une agence comme ça, de sécurité, pose des conditions, va définir un mandat puis un champ d'activité. Moi, je pense que c'est ce que la loi doit baliser. Il y a une différence, là, entre un travail de sécurité interne propre, là, sur le terrain même de l'entreprise ou un travail d'agence de sécurité ou de firme de sécurité qui intervient dans un cadre, appelons-le, de remplacement.
M. Charbonneau: Et est-ce que, dans ce contexte-là, le mandat de sécurité donné par une entreprise privée ou par un corps public ? ça peut être une municipalité, ça peut être un ministère, ça peut être un organisme gouvernemental, un hôpital, une commission scolaire ou peu importe ? est-ce que vous considérez qu'il y a une responsabilité du donneur d'ouvrage ou de celui qui contracte avec une agence privée? Parce que c'est clair que, finalement, il y a une dynamique souvent de plus bas soumissionnaire quand c'est un corps public et, à ce moment-là, on peut se retrouver avec des situations où finalement la préoccupation, c'est d'abord avoir le service de protection au moindre coût possible et ne pas nécessairement se retrouver avec une exigence ou des standards de sécurité qui soient nécessaires et qui soient reconnus. Finalement, on fait une soumission, le plus bas soumissionnaire, et on ne se préoccupe pas trop finalement de la façon dont le travail est fait. À partir du moment où on a l'assurance, on se dit: C'est le problème de l'agence de sécurité privée. Est-ce que ce n'est pas aussi le problème, par exemple, des corps publics, du gouvernement, ou de ses agences, ou encore des municipalités, ou de leurs services de se préoccuper de la façon dont la sécurité privée exerce son mandat en lieu et place, comme vous dites, de la sécurité publique?
M. Taillon (Gilles): Je vous répondrais: Oui, ça doit être une préoccupation. Et il y a une préoccupation de protection du public, là, qui doit être présente aussi. On le disait d'ailleurs dans notre mémoire.
M. Charbonneau: Dans ce contexte-là, vous dites... Parce qu'on parlait ce matin avec le Barreau de la problématique de la déontologie. Est-ce qu'à ce moment-là vous considérez que, quand ils oeuvrent en lieu et place des services publics, avec ou sans entente, parce que le livre blanc parle de protocole d'entente quelconque, une collaboration... Est-ce que les standards devraient être différents? Autrement dit, vous pouvez faire affaire avec la police municipale ou bien vous pouvez, pour une raison ou pour une autre, décider que vous confiez certaines tâches à une agence de sécurité privée. Est-ce que les standards déontologiques devraient être différents, peuvent être différents ou si, dans l'espace public, ils devraient être les mêmes?
M. Taillon (Gilles): ...je pense qu'ils peuvent être différents, mais ils doivent tenir compte, dans le cas de la sécurité privée, de la nécessité de protéger le public adéquatement, mais pas nécessaire qu'il y ait les mêmes standards puis le même code de déontologie parce que, vous le savez, si on avait les mêmes standards et le même code de déontologie, on aurait rapidement ? pardonnez-moi l'expression anglaise, mais ? un «catch over» du secteur des services de sécurité publique sur le secteur privé en prétendant qu'ils remplissent leurs fonctions. Donc, je pense que ce n'est pas ce que souhaite le donneur d'ouvrage, mais il y a nécessité sans doute de standards dans ces cas-là, oui.
M. Charbonneau: Sauf que ? on en parlait ce matin avec le Barreau ? il y a une problématique de protection du public. Est-ce qu'on peut se retrouver avec des standards déontologiques différents parce que le donneur d'ouvrage, on considère que ça lui coûte moins cher s'il va avec le privé que si, finalement, il augmente ses effectifs dans le secteur public? Autrement dit, je ne sais pas, moi, une municipalité dit: J'ai le choix d'augmenter les effectifs, je ne sais pas, moi, de 25 ? c'est un chiffre hypothétique ? policiers ou bien, pour le même coût, je peux avoir 100 agents de sécurité privée et, à ce moment-là, bien, mes standards sont moins exigeants; et pas juste les coûts seront moins exigeants, mais les standards seront moins exigeants.
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(14 h 50)
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M. Taillon (Gilles): En fait, moi, je vous dis là-dessus, là, qu'on est en situation de sous-traitance, donc c'est au donneur d'ouvrage, responsable d'assurer la sécurité du public, de fixer les standards à celui avec qui il sous-traite.
M. Charbonneau: O.K. Donc, ce que vous dites, c'est...
M. Taillon (Gilles): Et il va définir probablement la tâche de façon spécialisée, qui n'ira probablement pas aussi loin que ce qu'on demande à un service de sécurité publique globalement. On va confier des tâches particulières à cette agence privée là. Mais on n'est pas dans la sécurité interne ici.
M. Charbonneau: Non, non, je comprends. Mais justement, c'est parce qu'on est... c'est parce que le livre blanc concerne la sécurité privée...
M. Taillon (Gilles): ...la sécurité privée, effectivement.
M. Charbonneau: ...pas juste la sécurité interne des entreprises.
M. Taillon (Gilles): Effectivement, effectivement.
M. Charbonneau: Je comprends que beaucoup de vos membres, eux, sont préoccupés par leur droit de gérance et par l'ingérence, dans le fond, de l'État dans la gestion de leurs affaires privées. Ça, on...
M. Taillon (Gilles): Ça, c'est une première préoccupation.
M. Charbonneau: Ça, c'est une préoccupation.
M. Taillon (Gilles): Puis on en a une deuxième: s'assurer que la sécurité privée ait sa juste reconnaissance et qu'on ne fasse pas disparaître tout ce qui s'appelle sécurité privée hors des murs de l'entreprise pour le confier nécessairement au secteur public. Il faut voir ce dont la société du Québec a besoin puis peut se payer aussi.
M. Charbonneau: C'est ça, effectivement, on l'a signalé ce matin. Est-ce que ça veut dire que, pour vous, au niveau, disons, de la sécurité publique, si vous dites: C'est les donneurs d'ouvrage qui devraient définir, ça veut dire que l'État et le gouvernement, par législation ou autrement, devraient avoir un contrôle sur les exigences ou les contrats de donation d'ouvrage? C'est-à-dire... Autrement dit, si, je ne sais pas, moi, un ministère ou une municipalité contracte avec une entreprise privée des éléments de sécurité, il faudrait qu'on s'assure que finalement le contrat ou l'offre de service comprenne des standards qui fassent en sorte qu'on ne se retrouve pas finalement à baisser le niveau d'une façon inacceptable.
M. Taillon (Gilles): J'espère qu'il y en a déjà, hein? J'espère qu'il y en a déjà. Sinon, le gouvernement a un problème, puis ses agences aussi.
M. Charbonneau: Bien, j'aimerais ça que vous précisiez un petit peu, là.
M. Taillon (Gilles): Bien, écoutez, je vous dis, moi, là: Si, actuellement, vous confiez des services en sous-traitance à des agences puis vous ne savez pas ce qu'ils font, puis il n'y a pas de standards, vous avez un problème.
M. Charbonneau: Mais parlons-nous franchement. Est-ce que vous... O.K. Oui. Mais parlons-nous franchement. Est-ce que vous considérez, actuellement, que justement il y a un problème parce que ça ne se fait pas assez? Autrement dit, est-ce que des municipalités, des agences publiques, des gouvernements, des ministères sont suffisamment soucieux de ça ou si leur principal souci, actuellement, c'est d'abord le faible coût, c'est-à-dire on va au plus bas soumissionnaire...
M. Taillon (Gilles): Non. Moi, je... Bon, on n'a pas fait d'analyse, là, mais, je vous dirais, moi, je pense que le souci est double, à la fois d'avoir un service de qualité et au meilleur coût, compte tenu de la capacité de payer des contribuables, puisqu'on parle ici de contribuables, qu'ils soient municipaux ou... Bon. Je pense que c'est le double souci, et on essaie de faire en sorte d'offrir le meilleur service. Puis c'est des choses qui évoluent, aussi. Il y a des secteurs de la gestion de la sécurité qui étaient autrefois confiés à des policiers, qui sont passés au secteur privé, puis à l'inverse. Alors, je pense qu'il appartient aux élus de décider de la meilleure formule, en ayant à coeur un service de qualité puis au meilleur coût.
Le Président (M. Simard): Très bien. M. le député de Trois-Rivières, il vous reste 2 min 30 s. Vous succédez au député de Marguerite-D'Youville dans cette lourde tâche.
M. Gabias: Oui. Je connais la longueur des deux minutes de mon collègue de Marguerite-D'Youville, ça fait que je ne suis pas inquiet, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Ne soyez pas inquiet.
M. Moreau: C'est des attaques personnelles!
M. Gabias: Alors, je comprends bien... Je comprends bien, M. Taillon, que... Et évidemment, ce que je recherche, là, c'est de reconnaître vos préoccupations en prévision d'une législation. Mais on parle, je pense bien, d'intérêt public et d'intérêt privé, et ce n'est pas toujours évident. Il fut un temps où l'État, via l'intérêt public, bon, assumait la sécurité publique et, comme vous venez de le dire, progressivement, il y a une partie qui est laissée au privé, et là on va convenir que c'est parce qu'il y a eu une évaluation qu'il s'agissait là d'intérêt privé plutôt que d'intérêt public. Quand on parle, habituellement, de sécurité publique, bien, on pense tout de suite aux corps policiers, qui sont des corps publics, qui assument la sécurité.
Et maintenant, vos préoccupations ? vous allez me dire si je suis dans la bonne voie ? vous faites une distinction entre la sécurité interne qui est assurée via des agences privées et la sécurité interne qui est assumée par l'entreprise privée elle-même. Je ne me trompe pas en disant que vous en faites une, distinction, et vous dites: Bien, comme législateurs, peut-être, là, il y a lieu d'aller voir et d'encadrer les agences privées qui vont effectuer de la sécurité privée dans le domaine... chez l'entreprise privée, mais, si vous touchez à la sécurité privée de l'entreprise privée elle-même, qu'elle assume, là, soyez prudents parce que, là, vous êtes chez nous et vous êtes vraiment dans le cadre d'un intérêt privé, et n'allez pas trop vite. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?
M. Taillon (Gilles): Oui. On vous dit, dans le fond, que tout ce qui touche la sécurité interne, il faut faire attention parce qu'elle est à facettes multiples et elle n'est pas qu'une sécurité d'ordre criminel, il y a d'autres facteurs. Les entreprises privées qui utilisent des agences de sécurité pour des fins internes, là aussi, on dit: Il y a une responsabilité de l'entreprise, mais il faut sans doute baliser l'exercice de la profession. C'est un peu ce qu'on souligne, c'est un peu ce que nos collègues... pour baliser ça à l'intérieur. Personne dit qu'il ne faut pas de loi. Il en faut une. Maintenant, attention, n'allons pas trop loin. Assurons-nous qu'on est capables de permettre l'exercice du bon droit et que la tâche se fasse à un coût acceptable.
M. Gabias: Mais vous admettez quand même que, lorsqu'on est à l'intérieur de l'entreprise privée, il y a de la sécurité, il y a une notion d'intérêt public quand même, mais d'y aller avec prudence.
M. Taillon (Gilles): Définitivement. Oui.
M. Gabias: Parfait, je comprends bien. Ça marche. Merci.
M. Taillon (Gilles): Et on ne dit pas qu'il faut travailler en vase clos puis qu'il n'y a pas d'obligation de dénoncer, mais on dit: Balisons l'obligation de dénoncer de telle sorte qu'on ne se ramasse pas avec l'effet inverse à ce qu'on recherche.
M. Charbonneau: Mais, pour être très clair, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que, quand le livre blanc prévoit considérer les services de sécurité des entreprises...
M. Taillon (Gilles): Comme des agences, on est bien malheureux.
M. Charbonneau: ...comme des agences, ça, vous trouvez que ça...
M. Taillon (Gilles): Ça n'a pas de bon sens.
M. Charbonneau: ...ça n'a pas de bon sens, qu'on va trop loin.
M. Taillon (Gilles): C'est ça. Exactement.
Le Président (M. Simard): Sur cette...
M. Charbonneau: Mais vous dites...
Le Président (M. Simard): Vraiment une petite minute, là.
M. Charbonneau: Je m'excuse, M. le Président. Ce que vous dites, c'est que, par ailleurs, si une entreprise engage une agence, ça, c'est correct que ces entreprises qui sont spécialisées dans ce type de services, donc des services de sécurité, eux, répondent à des standards qui soient régis par une loi.
M. Taillon (Gilles): Oui. Exactement.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup et...
M. Taillon (Gilles): En autant que les standards sont raisonnables.
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(15 heures)
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Le Président (M. Simard): Notre temps est écoulé. Je vous remercie à nouveau, et à la prochaine.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Simard): ...s'il vous plaît! Nous allons commencer nos travaux. Alors, j'invite maintenant l'Association québécoise des intervenants en sécurité. Je ne demanderai pas à son porte-parole de s'identifier, on vient de l'entendre il y a deux minutes. Et, vu ce qu'il a sur la tête, je ne lui dirai pas qu'il a changé de chapeau non plus.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Simard): Alors, nous allons vous écouter. Vous connaissez nos règles du jeu, vous venez de les appliquer il y a quelques minutes. Alors, nous vous écoutons. Veuillez présenter les gens qui sont avec vous.
Association québécoise
des intervenants en sécurité (AQIS)
M. Grenier (Benoît): Oui. M. le Président, membres de la Commission des institutions, bonjour. Comme je vous le disais, vous le savez, mon nom est Benoît Grenier. Je travaille chez Couche-Tard. Je préside l'AQIS, l'Association québécoise des intervenants en sécurité. Et, aujourd'hui, je vous parle avec le groupe comme porte-parole de la coalition regroupant les professionnels de la sécurité privée au Québec. Permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: Gaétan Lizotte, qui est vice-président entreprises de l'AQIS et également directeur de la sécurité chez Gaz Métropolitain; Jacques Lachance, qui a collaboré à la rédaction aussi, entre autres, du mémoire et qui travaille au Service de sécurité de l'Université Concordia; Louis Laframboise, à ma gauche, qui est président de Chartrand Laframboise et Associés, également président de l'Association professionnelle des enquêteurs privés du Québec, et aussi vice-président de l'AQIS ? vous voyez, on se transforme déjà ? la vice-présidence agences; vous avez Richard Poirier qui, le 6 février, a accepté de représenter... on était 65 directeurs de sécurité corporative, il représente ce sous-comité de l'AQIS là des directeurs de sécurité corporative; Jacques Boucher, qui est directeur à la sécurité chez Provigo, également membre du conseil d'administration de l'AQIS, et aussi président d'Info-crime Québec; François Rousseau, qui... Je ne sais pas s'il est avec nous, il doit être à l'arrière. On a plein de gens qui nous accompagnent.
Bien, on tient, premièrement, à vous remercier de nous avoir invités à participer aux travaux de cette commission parlementaire. L'AQIS est un regroupement d'individus, de représentants d'organismes issus du milieu de la sécurité. Nous représentons plus de 275 membres individuels et corporatifs. L'AQIS est née il y a cinq ans, à la suite d'une décision de prendre la destinée de notre industrie provinciale de la sécurité en main comme pendant québécois de la Société canadienne de sûreté industrielle et commerciale.
L'AQIS a récemment décidé de regrouper sous une coalition tous les professionnels de la sécurité privée pour répondre à la publication du livre blanc sur la sécurité privée en communiquant une position commune. Ce qu'on a tenté de faire, c'est de dégager ce qui plaît à tout le monde, donc ce qui plaît à l'industrie privée, ce qui peut dégager le tronc commun.
Notre regroupement de professionnels a aussi sensibilisé et obtenu plusieurs appuis et des accords de principe au présent mémoire. On mentionne, entre autres, le Conseil du patronat ? bien, je pense, c'est évident ? l'Association des détaillants alimentaires du Québec, le Conseil québécois du commerce de détail, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, l'Association des maîtres serruriers, le Réseau souterrain des services de sécurité de Montréal, Festivals et événements Québec, la Société des attractions touristiques du Québec, le chapitre de Montréal d'ASIS International où est-ce que... La majorité des membres de l'AQIS sont également membres d'ASIS parce que tout le monde a plein d'associations qui se regroupent.
Afin de produire le mémoire, un regroupement de près de 30 entreprises et d'associations nous ont offert leur appui. La liste des entreprises se retrouve à la page 2 de notre mémoire, puis on tient à remercier ces entreprises-là d'avoir pu contribuer et nous soutenir dans les efforts.
On a également consulté activement d'autres associations représentatives telles que CANASA Québec, le chapitre de Québec ? c'est tous les équipementiers, installateurs alarmes ? la CASIQ, l'ASIEQ pour la rédaction de ce mémoire ? ce sont toutes les agences de sécurité ? et également l'APEPQ, qui est l'Association des professionnels enquêteurs privés du Québec, dont Louis. Ces gens-là, vous savez qu'il y en a certains qui sont membres et également que ces trois associations-là seront également entendues par la présente commission, ultérieurement vont faire valoir leurs particularités inhérentes des entreprises qui oeuvrent dans leurs secteurs respectifs. Donc, chacun d'eux va venir parler de façon beaucoup plus pointue des agences de sécurité, d'investigation, les agences de sécurité, les installateurs, et, nous, on se retrouve à parler un peu plus du tronc commun.
À plusieurs égards, nous tenons d'entrée de jeu à exprimer notre vive surprise. Nos membres ne reconnaissent tout simplement pas leur industrie à la lecture du livre blanc. Il y a bien sûr le ton négatif qui laisse planer à de nombreux endroits des doutes sur l'intégrité des entreprises qui oeuvrent dans notre secteur, mais il y a plus. Selon nous, il y a méconnaissance du gouvernement à l'égard de notre industrie. Plusieurs passages du livre blanc portent à croire que le gouvernement n'a pas une vision claire et adéquate de notre fonction et de nos activités: la définition désuète de la sécurité privée; l'omission d'une partie importante de nos intervenants, de nos interventions et du contexte global dans lequel s'inscrit la sécurité privée en 2004 au Québec; l'accent mis sur les intervenants de première ligne; la volonté de borner notre industrie à la prévention de la criminalité; ainsi que des situations négatives exceptionnelles que le livre blanc semble présenter comme étant courantes.
Nous réclamons l'actualisation législative sur la sécurité privée depuis plus de 10 ans. Nous avons participé avec enthousiasme aux travaux ayant mené, il y a deux ans, au rapport du Comité consultatif sur la sécurité privée. Or, nous devons avouer que le livre blanc est venu un peu refroidir cet enthousiasme par bon nombre de ses intentions qui, établies sur des bases erronées, conduiraient, si elles étaient formulées telles quelles dans la prochaine loi, à amplifier les problèmes actuels et à en créer de nouveaux. Non seulement le livre blanc semble indiquer la création de nouvelles notions de droit, comme l'obligation de rapporter un crime d'après un simple soupçon, ou des notions que contredisent d'autres lois, comme le Code criminel, mais il indique aussi la volonté de restreindre nos activités, ce qui serait néfaste pour notre industrie et pour la sécurité des Québécoises et des Québécois.
n(15 h 10)n Dans cette optique, nous formulons notre première recommandation que vous trouverez.... Parce que le livre... notre mémoire est assez volumineux, et je tente de vous les présenter recommandation par recommandation. Donc, dans cette optique-là, nous souhaitons que le gouvernement du Québec, comme préalable à l'élaboration d'une prochaine loi concernant la sécurité privée, révise sa définition de notre industrie, et ce, en collaboration avec des représentants de celle-ci, afin que cette définition reflète mieux les réalités, les intervenants et le but premier de notre industrie.
L'industrie de la sécurité privée s'est développée à un rythme fulgurant au cours des dernières années, et ce n'est que le début de cette forte croissance. L'émergence et l'apparition de certains crimes, l'augmentation de la criminalité violente, des changements socioéconomiques importants ainsi qu'un sentiment d'insécurité croissant au cours des dernières années ne sont que quelques exemples décrits dans notre mémoire. Le désengagement, en de nombreuses situations, des services de sécurité publique et la concentration de la propriété ont aussi permis à cette industrie de se développer. Les données présentées dans ce livre blanc ne sont pas à jour et requièrent, selon nous, une actualisation majeure pour bien comprendre l'industrie. Les technologies ont aussi fait leur apparition, et nous assistons à un développement de ce secteur qui permet un déploiement très rapide à des coûts moindres.
Plusieurs facteurs expliquent aussi ce phénomène de croissance: l'efficacité économique, la non-disponibilité des services de sécurité publique, possiblement à cause des restrictions budgétaires, et l'expertise de haut niveau de la sécurité privée.
L'interrelation entre les fonctions de sécurité privée et plusieurs acteurs est également absente de notre lecture du livre blanc. C'est pour cette raison que nous recommandons que le gouvernement indique mieux qui sont les intervenants de la sécurité privée, même si ceux-ci ne sont pas inclus dans une nouvelle loi de notre industrie. D'individus offrant des services aux entreprises, de corporations offrant des services de toutes sortes, de gardiennage, d'investigation en passant par les services de sécurité interne et l'offre d'équipements de plus en plus spécialisés, nous croyons que le livre blanc n'a pas bien saisi la portée de toute l'industrie. Il est clair que la définition de la sécurité et le confinement strict au rôle de prévention de la criminalité n'ont pas permis d'avoir une idée juste de la réalité. C'est pourquoi nous permettons d'alimenter la réflexion du législateur en créant deux notions, soit les intervenants de première et deuxième ligne si bien expliqués dans le mémoire.
De plus, une mauvaise compréhension du rôle de la sécurité corporative nous oblige à proposer une définition beaucoup plus réaliste de ce qui se vit en entreprise. La sécurité interne ? et je le mentionnais plus tôt ? n'est qu'un moyen pour réaliser de nombreuses fonctions de protection d'actifs humains, matériels, financiers et informationnels. Ce côté hybride ? M. le ministre en parlait ce matin ? de la sécurité nous amène à conclure qu'il est prématuré d'inclure les services de sécurité interne dans un projet de loi éventuel. Donc, je me répète, mais souhaitons donc que le gouvernement revoie sa position concernant toute obligation réglementaire éventuelle à l'intention des services ou des employés de sécurité corporative pour ne pas entraver le droit de gérance des entreprises et leurs activités visant à satisfaire leurs ambitions légitimes de rentabilité et de croissance.
Nous sommes d'accord avec le fait qu'il fallait actualiser la loi. Nous en sommes venus également à la conclusion que les liens étroits entre les différents intervenants en sécurité ne permettent pas d'envisager une loi trop uniforme, qui saurait tenir compte de la multitude des intervenants, de leur spécificité et de leurs interrelations. En effet, dans un tel contexte, il est clair qu'une nouvelle loi sur la sécurité privée doit tenir compte de ces interrelations. Il faudra par ailleurs considérer les nombreuses lois existantes qui touchent notre industrie: Code du travail, Code civil, Code criminel, et j'en passe.
En voulant exclure les responsabilités de nos intervenants privés de la répression du crime, le maintien de la paix et l'enquête criminelle, le livre blanc, selon nous, se heurte de plus aux dispositions d'une de ces lois existantes qui donne des moyens aux citoyens, donc aux agents de sécurité privée, de répression du crime et de maintien de la paix. Cette contradiction nous incite à recommander au gouvernement la plus grande prudence pour que l'élaboration de nouvelles mesures législatives tienne compte de ces lois existantes, fédérales, provinciales et autres.
Il nous apparaît aussi clair que la connaissance qu'a le ministère de la Sécurité publique du secteur de l'alarme est loin d'être conforme à la réalité. Les équipementiers membres de l'AQIS, ceux qui fabriquent des systèmes avertisseurs intrusion et autres nous ont fait remarquer comment la Sécurité publique cherche, par la porte d'en arrière, à prendre le contrôle de la réglementation de la réponse-alarme. Ceci est inacceptable selon nous. Alors, non seulement recommandons-nous que le gouvernement légifère pour harmoniser à l'échelle du Québec les règlements municipaux en rapport avec l'installation et la réponse aux alarmes afin de garantir la sécurité du public ? CANASA, il viendra dans son propre mémoire et expliquera pourquoi, nous, on fait le survol ? mais aussi il nous apparaît nécessaire que le gouvernement retire de son livre blanc l'exclusivité des réponses-alarmes aux services de sécurité publique ainsi que la notion de protocole de service telle que définie. Le gouvernement devra s'assurer de la présence de la CANASA Québec et celle des agences de sécurité afin de mieux définir le rôle essentiel de la sécurité privée dans le domaine de la réponse-alarme. Quant aux serruriers, bien, il est évident que, comme premier moyen de protection, ils doivent être inclus dans cette nouvelle législation là à venir.
Le Conference Board du Canada décrit la gestion de risques en entreprise comme «une politique, une structure et des méthodes communes qui permettent aux entreprises d'identifier, d'analyser et d'évaluer un éventail de risques et d'y trouver une solution cohérente faisant partie intégrante de leurs stratégies et de leur planification». Chaque entreprise est un cas particulier, et la fonction de gestion des risques est de plus en plus une fonction stratégique de la haute direction des entreprises québécoises.
Or, le livre blanc n'aborde pas ce but premier qu'est la gestion de risques pour la sécurité privée. En fait, le gouvernement semble associer notre industrie surtout à la prévention de la criminalité, et c'est d'ailleurs à ce seul champ qu'il veut situer la sécurité privée. Nous comprenons et acceptons aussi que la sécurité privée n'a pas, de toute façon, de pouvoirs d'agent de la paix, n'agit pas comme si elle en avait et ne veut pas de ces pouvoirs. Les agents de sécurité privée sont de simples citoyens avec les droits et obligations de simples citoyens, ni plus ni moins.
Cependant, rien n'indique que des pratiques de la sécurité privée, par leur nature et leur nombre, pourraient permettre d'évoquer l'émergence d'une justice parallèle. Si le ministère de la Sécurité publique est en désaccord avec une telle affirmation, nous lui demandons respectueusement de prouver sa position par des faits. Nous lui rappellerons aussi que Sir Robert Peel disait: La police, c'est tout le monde, et tout le monde, c'est la police. Donc, on a tous cette responsabilité, même moi face à mon voisin, chez nous.
Le livre blanc ne définit en aucun temps les notions d'enquête criminelle. Qu'est-ce qu'une telle enquête? Est-ce une enquête sur un crime ou un criminel supposé ou seulement avéré? Est-ce une investigation pour vérifier une réclamation d'assurance ou une irrégularité dans un compte de dépenses devient criminelle dès qu'une fraude patente est révélée? Bien des questions, mais peu de réponses. Quant aux allégations criminelles, aucune disposition du Code criminel n'oblige un citoyen à déclarer un crime à la police. Pourquoi le prévoit-on dans le livre blanc?
À cause d'un tel système, l'industrie de la sécurité privée et ses clients seraient de grands perdants. Si le livre blanc se traduisait tel quel en une loi, cette dernière irait aussi à l'encontre des tendances lourdes visant la décentralisation des institutions, la déjudiciarisation et la réinsertion sociale. En subordonnant d'une telle façon la sécurité privée à la sécurité publique, le gouvernement risque de créer une perception néfaste dans la population, l'impression qu'il instaure un État policier. Limiter les pouvoirs et les activités de la sécurité privée n'est pas la solution à la prévention et à la diminution de la criminalité au Québec. Procéder en ce sens n'aboutirait qu'à obtenir l'effet contraire à celui qui est recherché.
Que, sur le plan législatif, le gouvernement tire profit des capacités et de l'expertise acquises par notre industrie; que la sécurité privée ait tous les pouvoirs nécessaires pour accomplir efficacement le travail dans les normes de sécurité et de confidentialité élevées qu'attendent d'elle ses clients pour assurer la meilleure protection du public; que le droit de gérance de nos entreprises clientes ainsi que le droit de notre industrie à se développer soit respecté; que la collaboration ainsi qu'un authentique partenariat et non des tensions soient favorisés entre la sécurité publique et privée; l'objectif soit de réduire le nombre de cas de criminalité ainsi que l'engorgement et les coûts de système, et non de les augmenter; qu'un comité de travail regroupant, entre autres, les intervenants de la sécurité privée soit créé pour étudier la question de tous les types de coûts qui seraient générés par les obligations de la prochaine loi sur la sécurité privée en examinant aussi la répartition juste et équitable de ces coûts entre l'État et l'industrie de la sécurité privée.
n(15 h 20)n Tout comme le gouvernement, nous souhaitons éviter la confusion possible entre les rôles de la sécurité publique et privée. Le livre blanc en vient à postuler que les chevauchements qui existent présentement doivent être compris dans une avenue négative. Lors du récent colloque La sécurité privée: toute une industrie ? Les mauvais calculs du livre blanc, organisé par le Conseil du patronat le 5 février dernier ? et on y revient et on y revient, à ce fameux colloque ? M. Chagnon, vous avez témoigné ? et on était tellement heureux ? qu'il fallait accorder à la sécurité privée comme étant... avoir un statut, une reconnaissance comme quatrième bras de la sécurité intérieure, civile, incendie et publique. On se réjouit de cette intervention. Et, selon nous, la sécurité privée, si elle est le quatrième bras du système, c'est qu'il a la même importance stratégique que les trois autres et qu'il doit être traité comme ceux-ci afin de permettre à notre industrie de contribuer harmonieusement et efficacement à la sécurité des Québécois et Québécoises. À ce titre, il nous importe que le gouvernement considère l'industrie comme l'une des quatre parties fondamentales de la sécurité intérieure.
Nous en arrivons maintenant aux points du livre blanc que notre industrie a toujours identifiés, depuis au moins 10 ans, comme étant les vrais problèmes: les conditions nécessaires à l'obtention de permis, concernant formation, intégrité, titulaire; le type et le nombre de permis; la question des enquêtes effectuées sur... par les demandeurs: les questions d'éthique, représentation par une association.
Ces points sont cruciaux, car la professionnalisation et l'intégrité de la sécurité privée en dépendent comme, au bout du compte, la sécurité des citoyens. Or, nous sommes heureux de constater que les recommandations du livre blanc répondent, au moins sur le plan des principes, à la plupart de nos inquiétudes sur ces questions. Cependant, certaines des intentions du gouvernement sur ces points doivent être précisées ou modifiées, et nous souhaitons que le présent mémoire puisse contribuer à cela.
Nous souhaitons ainsi que des groupes de travail, auxquels participeraient des membres de l'industrie, puissent étudier en profondeur les questions des permis, de formation et de déontologie régissant les services entre la sécurité privée et la sécurité publique. À ce sujet, nous espérons que le gouvernement tiendra compte des recommandations de ces groupes de travail, contrairement à ce qui s'est produit après le dépôt, en 2000, du rapport du Comité consultatif sur la sécurité privée au Québec. Il n'y en a pas eu, de suite. On ne l'a pas vue, la suite.
Ces problèmes mettent en relief ? et je termine là-dessus ? la nécessité d'envisager: une formation de base minimale aux détenteurs de permis; la délivrance des bons permis aux bonnes personnes; une définition précise des critères d'attribution des permis; le resserrement des procédures d'attribution, de contrôle et de renouvellement des permis ainsi que la vérification des antécédents judiciaires.
C'est dans cette optique que nous recommandons que le gouvernement crée des groupes de travail mixtes, comportant des intervenants de notre industrie, en précisant les sujets à aborder et les échéanciers précis pour revoir ses positions en matière de permis, formation, déontologie, éthique. Donc, il faudrait qu'il y ait un groupe de travail sur la formation, la déontologie et les permis.
M. le ministre, vous avez témoigné clairement de l'importance que vous accordiez à la sécurité privée lors du colloque. Nous tenons à vous assurer, ainsi qu'à tous les Québécois et Québécoises, de notre collaboration la plus ouverte et entière dans les travaux qui mèneront à l'élaboration d'une nouvelle loi. Nous demandons à être là. Cette industrie-là, elle est prête, elle l'a prouvé. C'est juste qu'elle n'était pas vue, elle n'était pas reconnue. Elle était là, nous y sommes et, aujourd'hui, nous sommes prêts à travailler avec vous. Allons-y, embarquez-nous dans le bateau avec vous. Merci.
Le Président (M. Simard): M. Grenier, nous avons regardé avec beaucoup d'intérêt les 46 pages extrêmement serrées de votre mémoire. Que vous ayez réussi à nous synthétiser ça en 20 minutes, chapeau! J'invite le ministre à lancer non pas les hostilités, mais la discussion.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Il n'y a pas de barricades.
M. Chagnon: M. le Président, je voudrais...
Le Président (M. Simard): Vous n'êtes pas des «peacekeepers», vous?
Une voix: ...
M. Chagnon: Personne ne se sent insécure ici, hein? Alors, je voudrais évidemment remercier M. Grenier, de l'Association québécoise des intervenants en sécurité. D'ailleurs, soit dit en passant, c'est peut-être... pas peut-être, c'est l'organisme le plus représentatif, je dirais, de la grande famille des agences de la sécurité privée. Vous représentez pas mal de monde, tout le monde ensemble, là, chez vous. C'est un des gros organismes sûrement, sinon le plus gros.
Alors, évidemment, ce que j'ai dit le 5 février dernier, au colloque organisé sur l'initiative, j'ai bien compris, de... sur l'initiative du Conseil du patronat a fait en sorte évidemment que j'aille vous dire exactement ce que je ressentais. Je vous l'ai redit ce matin ? et, c'est sans flagornerie que je le disais, c'est parce que j'y crois vraiment ? il y a quatre piliers, là, dans l'organisation de la sécurité intérieure, et vous en êtes un majeur. Et, je n'ai pas de difficultés à le dire, je le crois. Ça fait que ce n'est pas compliqué.
Évidemment, la lecture de votre mémoire, qui est bien fait, effectivement ? M. le Président, vous avez raison ? est bien campé, m'a amené quand même à trouver quelques petites verrues, peut-être, dans le mémoire. Mais j'avais hâte d'arriver... Je comprends qu'il y a plusieurs points là-dedans qui sont intéressants, et votre offre de partnership de services, elle est acceptée évidemment à l'avance. Ça, là-dessus, je ne veux pas revenir. Mais j'avais hâte d'arriver à la page 38, quand on arrive: Selon vous, c'est quoi, les vrais problèmes? Il y a 44, 46 pages dans le mémoire, puis on arrive à la page 38 pour savoir c'est quoi, les vrais problèmes.
Mais, avant d'arriver là, je ne pouvais pas m'empêcher... C'est parce que j'ai reçu votre mémoire, finalement, hier soir. Ça fait que je l'ai lu en rentrant sur Québec, et je me disais... Ça commence comme ça, hein, votre mémoire, je peux en faire un petit bout ? puis, je te jure, ce n'est pas le petit bout le plus flatteur; ça fait que je peux le faire, personne ne m'en voudra: «À plusieurs égards, nous tenons d'entrée de jeu à exprimer notre vive surprise. Nos membres ne reconnaissent tout simplement pas leur industrie à la lecture du livre blanc. Il a bien sûr le ton négatif qui laisse planer à de nombreux endroits des doutes sur l'intégrité des entreprises qui oeuvrent dans notre secteur. Mais il y a plus: la méconnaissance du gouvernement à l'égard de notre industrie.» Bien, tu sais... Bon, tu avales, tu dis: Bon, c'est correct, ils ont le droit de le penser. Puis, c'est d'ailleurs l'avantage de procéder par un livre blanc, c'est que tu n'es pas encarcané dans un projet de loi dans lequel tu vas avoir de la difficulté à sortir puis à essayer de refaire ton... trouver ton angle pour avancer.
Mais j'essayais de trouver le cheminement avec une autre partie de votre texte, en page 17 cette fois-là, deuxième paragraphe: «Il est tout à fait légitime pour le gouvernement de s'inquiéter d'abus possibles, comme l'embauche de personnel non qualifié, le fait que des personnes non compétentes deviennent agents de sécurité ou fondent leur agence, etc. La Loi sur les agences d'investigation et de sécurité ? on parle toujours de celle de 1962, là ? peut même, par ses insuffisances, permettre à des groupes criminels de s'infiltrer dans l'industrie de la sécurité privée, comme cela s'est vu.» Bien, je trouvais que ça relativisait un peu le premier paragraphe et je ne voulais pas vous... je voulais au moins être capable de savoir... Je pense qu'on se comprend quand on se disait, puis comme vous avez dit, qu'il est important que la loi de 1962 soit réactualisée, qu'on puisse repartir sur des bases modernes, des bases des années post 2000, pour faire en sorte de regarder la situation d'ensemble de la sécurité privée avec un point de vue le plus pragmatique possible pour faire en sorte justement de nous amener à regarder cette entreprise-là en fonction de critères qui ont déjà été soulevés.
Quand on a parlé... Toute la question de la sécurité interne est une question intéressante et que l'on doit approcher. Toute la question de la formation est une question extrêmement intéressante qu'on ne peut pas éviter. Toute la question de l'éthique ou de la déontologie, ce qui n'est pas, évidemment, la même chose... Mais parlons de déontologie. Toute la question de la déontologie est une question extrêmement intéressante qu'on ne pourra pas mettre en dessous du tapis puis décider qu'on n'en parle pas. Donc, il va falloir se parler de ces choses-là, et ensuite, inévitablement, on sera capable d'avoir un projet de loi qui se tienne et qui soit le plus... en fait, qui réponde le mieux aux aspirations de l'industrie puis aux aspirations, en même temps... Puis, c'est ça qui est le jeu et le rôle du politique, et en même temps, d'abord, chercher à répondre aux aspirations du besoin public, de la réponse à la sécurité publique, à la sécurité publique dans le sens de l'intérêt public, et ensuite, en même temps, faire en sorte de pouvoir aider l'entreprise ou les entreprises comme il se doit.
L'idée, ce n'est pas de contrevenir à l'émergence de plusieurs expériences que vous avez faites dans plusieurs domaines. Votre taux de croissance de 15 % par année parle par lui-même. Mais, si on prend morceau par morceau, en ce qui concerne par exemple un autre dossier dont je n'ai pas évoqué, le quatrième, ce serait cette obligation de divulguer... est aussi une question qu'on va devoir se poser comme question de fond parmi celles que je mentionnais tout à l'heure.
n(15 h 30)n Commençons par celle-là: Est-ce que vous êtes à l'aise avec l'obligation de divulgation, à la condition qu'elle soit balisée et qui nous amène à déterminer les objets sur lesquels il devrait y avoir une obligation de divulgation de la part de la sécurité privée vers la sécurité publique?
M. Grenier (Benoît): Je vais laisser M. Laframboise, à ma gauche, répondre à... Le spécialiste des enquêtes.
M. Laframboise (Louis): M. le ministre, pour répondre précisément à votre question, l'obligation est un peu dangereux, parce que, ce qui se passe dans l'industrie, ça fait 18 ans que j'y oeuvre, dans le domaine du privé, et des gens que je connais, ceux que je respecte énormément, que je qualifie de professionnels, soit qu'on dénonce directement ou indirectement ou on recommande à nos clients de dénoncer à chaque fois qu'il y a un crime important et que l'enquête démontre effectivement qu'il y a un crime, parce qu'il faut d'abord le démontrer pour pouvoir... il faut plus qu'alléguer, il faut le démontrer, qu'il y a un crime de commis, pour pouvoir le dénoncer.
Mais il reste que, comme citoyens, on est tous un peu concernés à l'obligation de dénoncer. C'est un droit fondamental canadien. Je ne crois pas qu'une victime d'un crime ait l'obligation de dénoncer. Alors, comment nous, un tiers contractuel, pouvons-nous être forcés à dénoncer alors que le client, il peut être un avocat, ça peut être un avocat en défense dans un cas qui est déjà devant une instance criminelle, ça peut être un avocat dans un litige civil, ça peut être une entreprise, comment sommes-nous, nous, les tiers, placés pour dénoncer de façon obligatoire? C'est cette notion-là qui...
Parce que la notion de dénoncer, on est tout à fait d'accord avec vous. Un crime sérieux... vous mentionniez tantôt une question un peu plus tôt concernant le trafic de stupéfiants. Bien, pour que la police intervienne dans une entreprise, il faut d'abord démontrer qu'il y a plus qu'une allégation. Parce que, souvent, M. le ministre, dans le domaine de la sécurité privée des entreprises, ce qui se passe, c'est que l'entreprise très souvent voit à la sécurité publique d'abord et se fait dire, de par les priorités et les budgets et les disponibilités, qu'elle doit faire son travail d'elle-même et démontrer qu'effectivement il y a crime pour après revenir porter plainte. Alors, on se trouve un peu à être pris entre l'arbre et l'écorce, en nous obligeant de dénoncer. Et, d'une autre partie, lorsque les clients le font à la sécurité publique, on se fait dire souvent de faire nos devoirs à l'interne et de démontrer clairement qu'il y a effectivement un crime qui a été commis. Parce qu'alléguer un crime et prouver qu'il y a un crime, c'est toute une différence.
M. Chagnon: Je le mentionne parce que, ce matin par exemple, on se souviendra que le Barreau, un peu plus tôt le Conseil du patronat, semblaient s'accorder avec l'idée d'avoir des balises, des balises qui viendraient... qui viendraient en fait baliser cette obligation de divulgation, comme par exemple la protection du public ou l'intégrité physique, la protection de l'intégrité physique. Et ça, ça apparaît, en tout cas, pour quelqu'un qui regarde ça ? j'admets, je vous donne le crédit du spécialiste ? mais, pour quelqu'un qui regarde ça comme représentant l'intérêt public, ça n'apparaît pas folichon que de s'assurer que, s'il y a menace à l'intégrité physique ou s'il y a ? plus que menace, s'il y a ? eu attaque à l'intégrité physique, qu'il y a pas dénonciation obligatoire, ça, c'est un peu curieux.
M. Laframboise (Louis): M. le ministre, la raison principale à ça, c'est qu'il y a deux articles dans le Code criminel qui prévoient à la sécurité publique et qui sont très clairs. Et je crois que n'importe quel intervenant en sécurité aussi puis même les professionnels et nous, tous citoyens qui contrevenons au devoir de dénoncer certains types de crime qui mettent justement la vie des gens en danger, on est passibles d'être accusés au criminel. L'article 219 du Code criminel stipule: Est coupable de négligence criminelle quiconque, soit en faisant quelque chose, soit en omettant de faire quelque chose qu'il est de son devoir d'accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui. Je pense que c'est un article qui en dit très large, que, si, moi, comme professionnel, j'ai vu un crime important, je ne l'ai pas rapporté, je le savais, à ce moment-là qu'on démontre que j'ai fait cette faille-là de la part de la sécurité publique, et qu'on aille, en vertu du Code criminel canadien, porter les accusations qu'il se doit. En vertu de la sécurité qui est encore plus large et plus publique, face à un acte de terrorisme ou à une possibilité d'acte de terrorisme, d'une enquête qui pourrait démontrer qu'effectivement il y a une tendance ou il y a un soupçon de, je crois que c'est notre devoir, comme Canadiens et, surtout, comme intervenants en sécurité, d'agir ou de recommander fortement au client ou d'agir nous-mêmes, parce que, encore là, en vertu des articles 83.2 et suivants du Code criminel, c'est déjà prévu. Alors, j'ai de la difficulté à voir qu'une autre obligation... il y aurait des contradictions.
M. Chagnon: Je ne veux pas en faire un débat légaliste ni particulièrement juridique, mais je vous rappelle que l'article 219, Négligence criminelle: «Est coupable de négligence criminelle quiconque: a. soit en faisant quelque chose; b. soit en omettant de faire quelque chose qu'il est de son devoir d'accomplir...» C'est le motif que vous aviez soulevé.
Mais je vous rappelle que, dans l'article 219, deuxième alinéa, la définition de devoir s'inscrit comme suit: «Pour l'application du présent article, "devoir" désigne une obligation imposée par la loi.»M. Laframboise (Louis): M. le ministre...
M. Chagnon: Alors, évidemment, inévitablement, vous avez raison, mais il faut que l'obligation... il faut que ce devoir-là soit imposé par la loi, dans le sens qu'il doit y avoir l'idée de la dénonciation, ou l'obligation de la dénonciation doit connaître son imposition en quelque part.
M. Laframboise (Louis): Est-ce qu'on doit comprendre...
M. Chagnon: Encore là, vous avez raison, il faut regarder ça puis le baliser. Il ne faut pas virer fou, mais une chose certaine, c'est qu'on doit s'assurer, comme je le disais, de l'intérêt public dans une question comme celle-là. Et c'est une question qu'on ne réglera pas cet après-midi, mais c'est une question qui, vous le constatez, mérite d'être regardée et a beaucoup d'intérêt.
M. Laframboise (Louis): Absolument.
M. Lachance (Jacques): M. le ministre, si vous permettez?
M. Chagnon: Oui, bien sûr.
M. Lachance (Jacques): L'expérience dans les services internes des grands ensembles privés qui reçoivent une masse de public, comme les universités ou les hôpitaux, font que nos services de sécurité répondent pour environ 50 % des infractions criminelles soit à des délits commis contre leurs propriétés ou des délits commis contre les clients. Et il est très fréquent que nous tentions de convaincre les clients, les étudiants, les personnes qui utilisent ces services publics là, qui ont subi un crime, de rapporter eux-mêmes ces crimes-là au service policier. Et c'est le choix de ces clients de ne pas le faire ou quelquefois de se présenter à la station policière, où le policier, dans son pouvoir discrétionnaire, décide qu'il n'y a pas de matière à enregistrer une plainte. Donc, une délation qui irait à l'encontre du droit de ces personnes-là, d'eux-mêmes de déposer une plainte, nous semble un petit peu problématique dans son application.
M. Chagnon: C'est pour ça qu'il faut baliser les questions, mais, si vous avez un cas à l'université où une personne frappe un étudiant, par exemple, à un point tel que l'étudiant se retrouve dans un état comateux, c'est une agression qui fait en sorte d'avoir contrevenu à l'intégrité physique de l'étudiant, et, si vous avez un membre de la force de sécurité interne et privée de l'université qui en a été témoin, il me semble qu'il devrait y avoir obligation de divulgation... comme exemple.
Revenons... puisqu'on est à l'université, revenons...
Le Président (M. Simard): On reste à Concordia.
M. Chagnon: On reste à Concordia, et... prenons la formation. Est-ce que vous êtes... Vous le dites à la page 38, si je me souviens bien. Vous êtes plutôt ouverts à l'idée qu'il y ait une... Je suis rendu trop loin, 40.
Certification, information. Bon, ce que vous nous dites, c'est que dans le fond les gens en ont, une formation; elle pourrait être meilleure, mais ils en ont une. Est-ce que vous ne jugez pas à propos de s'assurer que les gens qui travaillent pour vous aient des critères... aient un niveau de formation qui soit comparable pour des emplois comparables? Si je fais du gardiennage, je fais du gardiennage. Est-ce qu'il n'y a pas lieu d'avoir un niveau de formation qui soit reconnu globalement, un peu partout à travers le Québec, pour dire: Bien, cet élève-là, Mlle ou M. Untel, a reçu une Attestation d'études professionnelles ou encore un Diplôme d'enseignement professionnel au niveau secondaire qui lui permet de faire du gardiennage?
n(15 h 40)n Est-ce que ce ne serait pas plus simple et plus efficace pour l'ensemble de votre industrie de savoir que vous avez des formations, des formations faites, préparées et qui ne seront jamais spécifiquement adaptées à chacun des objets que vous avez à garder, mais qu'ils auront une base de formation qui permettra de pouvoir être capables de fonctionner chez vous, puis, plus tard, peut-être chez un de vos concurrents, mais qu'il y aura des standards de formation aux niveaux secondaire, collégial et éventuellement universitaire pour ceux qu'on appelle les consultants, ceux que vous faites et que vous représentez... dont vous faites partie souvent, des consultants en matière de sécurité, qui avez, plus souvent qu'autrement, une formation universitaire? Est-ce que ce ne serait pas un avantage pour l'ensemble de l'industrie de pouvoir s'assurer d'avoir des bases de formation connues et comprises et acceptées par l'ensemble de la société, y compris évidemment l'industrie?
M. Lachance (Jacques): Absolument, M. le ministre. Et, là-dessus, la position de l'association est très claire que des normes de qualification doivent être formées. Déjà, les programmes qui sont à faire au niveau des intervenants de première ligne nous semblent passablement adéquats au niveau secondaire, au niveau collégial. Cependant, on doit dire que, dans les niveaux supérieurs, on s'interroge un peu plus sur la définition présentement qu'on fait du programme adéquat pour un consultant, étant donné les niveaux de salaire réclamés par ces gens, étant donné aussi les différents types de consultants qu'on doit rencontrer. Mais on vous rejoint absolument sur la nécessité d'une meilleure qualification du personnel, qui laisse énormément à désirer présentement.
M. Chagnon: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu... Je m'excuse.
Le Président (M. Simard): Il y a quelqu'un qui voulait rajouter un brin de réponse ici, à notre droite.
M. Boucher (Jacques): Mais il y a quelque chose au niveau de la formation, c'est qu'un juricomptable qui va avoir une maîtrise ou un doctorat va être obligé d'aller prendre un cours d'agent de sécurité, selon ça, là.
M. Chagnon: Non, pas du tout.
M. Boucher (Jacques): Non?
M. Chagnon: Non, c'est une mauvaise compréhension.
M. Boucher (Jacques): O.K. C'est beau. C'est comme ça qu'on l'a interprété, là.
M. Chagnon: O.K. Mais méfiez-vous de l'interprétation que vous avez faite. Mais ce n'est pas du tout l'intention.
M. Boucher (Jacques): O.K.
M. Chagnon: À moins que votre juricomptable, qui a son doctorat, décide qu'il veut aller faire du gardiennage.
M. Boucher (Jacques): Non.
M. Chagnon: Ah bon! O.K. Ça va.
Le Président (M. Simard): Mais ça coûterait moins cher.
Une voix: Alors, on s'entend tous; on s'entend tous.
M. Boucher (Jacques): Mais, dans la charte, là, dans le livre blanc, c'est ça qui était mentionné, je crois, hein, en quelque part.
M. Chagnon: Je ne l'ai pas lu comme ça, tu sais. On peut y donner l'interprétation qu'on comprend évidemment, puis je ne blâme pas la vôtre, mais je vous dis que ce n'est pas comme ça que je l'ai compris, mais pas du tout. Ce n'est pas ça que j'ai voulu dire puis ce n'est pas ça... ce n'est pas là-dessus que je m'enlignais, du tout. Par contre, je pense que, si je veux avoir un jurisconsulte puis que j'ai une personne qui a fait son cours en gardiennage, je ne serai pas plus avancé. O.K. On se comprend.
Mais, à partir du moment où le ministère de l'Éducation est prêt à fonctionner, donc à travailler, comme on l'a dit un peu plus tôt, en collaboration avec l'industrie pour s'assurer de l'organisation des cours, s'organiser aussi en même temps pour qu'il y ait une reconnaissance des acquis... Parce que, si vous avez des centaines de personnes qui travaillent dans le gardiennage, ce serait un peu bizarre de leur demander que, d'ici trois mois, ils aillent faire, je ne sais pas quoi, moi, 320... 50 heures de cours pour apprendre à garder leurs immeubles qu'ils gardent depuis 15 ans. Il y a quelque chose qui ne marcherait pas en quelque part, là-dedans. Sauf qu'il n'y a personne qui n'a pas besoin d'un «refresher», là, qui n'a pas besoin d'avoir une certaine...
Le Président (M. Simard): Mise à niveau.
M. Chagnon: ...mise à niveau ? merci, M. le Président ? qui pourrait lui être bénéfique ainsi qu'à l'entreprise. Mais ça, c'est une approche qui vous va aussi, c'est une approche avec laquelle vous pourriez fonctionner?
M. Grenier (Benoît): Je crois que toute cette notion de formation, oui. Le comment il est défini dans le livre blanc, je pense qu'on doit s'asseoir puis regarder ces mécanismes, ces détails-là, les niveaux et toutes ces choses-là. Parce qu'il y a beaucoup de joueurs, que je ne pense qu'à... Regardez aujourd'hui, il y a le Conseil des agences de sécurité qui, eux, là... c'est eux qui emploient le plus d'agents de sécurité. Ils vont avoir un mot à dire. Il faut qu'ils soient là, à cette table-là. Il faut se rasseoir. Et ce qu'on disait, bien, il faut que ce soit dans un mécanisme formel. Bon. On reconnaît, on s'assoit après. Mais on n'est pas contre la formation, mais on veut aussi... on en veut, on le dit. Le comment, bien, il faudrait s'asseoir et le regarder.
Une voix: M. le Président, je peux-tu...
M. Chagnon: En tout cas, un des bons côtés de ce livre blanc là, c'est qu'on aura permis de tous se connaître, on ne se connaissait pas avant.
Une voix: L'amour vient de la connaissance.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Simard): Alors, le temps étant utilisé complètement du côté ministériel, nous allons passer...
M. Gabias: ...
Le Président (M. Simard): Je m'excuse, M. le député de Trois-Rivières, mais c'est ainsi. Alors, j'invite le député de Borduas à entreprendre les questions pour l'opposition.
Une voix: ...à la prochaine consultation.
Le Président (M. Simard): À la prochaine consultation.
M. Charbonneau: D'entrée de jeu, maintenant que le ministre connaît et va connaître encore plus, dans les prochains jours et semaines, l'ensemble des intervenants du milieu, je reviens à son acceptation de l'offre qui a été faite, finalement, et ça correspond un peu à ce que je disais ce matin dans mes remarques préliminaires, c'est-à-dire qu'une fois que cette consultation va être faite on a deux choix: ou le ministère s'occupe tout seul de préparer la suite des choses ou bien... et puis on se retrouve à nouveau soit avec un projet de loi ou un avant-projet de loi, ou bien on crée une table de travail dans l'esprit, à l'époque, du comité de consultation qui avait été mis en place, et puis là finalement les différents intervenants, avec le ministère, définissent la problématique... c'est-à-dire non pas définissent la problématique parce qu'on va l'avoir pas mal définie en consultation, mais définissent finalement les mécanismes qui devront être placés au niveau de la législation.
Et, à cet égard-là, la question que je pourrais peut-être poser d'entrée de jeu, c'est: Est-ce que vous pensez que, actuellement, le livre blanc qui propose un cadre législatif pour l'ensemble de ce qu'on appelle la sécurité publique, c'est une ambition démesurée et qu'il devrait y avoir plutôt soit quelques législations ou encore qu'on définisse clairement que certaines... qu'à la limite on exclue certaines dimensions de la sécurité publique et privée qui n'auraient pas à être encadrées par législation?
M. Grenier (Benoît): Je commencerai... D'abord, je pense que, je le disais plus tôt, la Loi sur les agences... de sécurité ou d'investigation doit être mise à niveau. Commençons par ça. Faisons-le bien.
On parle de la loi, on parle des mécanismes juste de contrôle des permis. Quand est-ce qu'on a vu, dans la loi de 1962, des agences... C'est quoi, le mécanisme qui était existant? On n'en a jamais entendu parler. Commençons par ça. Créons ces tables de travail là, puis peut-être que je me répète, mais, tout de suite, pour amener une roue. Et, quand la roue va commencer, peut-être qu'il y aura d'autres règlements ? qui sait? ça pourrait être une réglementation ? qui amèneront le reste à suivre. Et, Louis, si tu veux ajouter d'autres choses...
M. Laframboise (Louis): Bien, j'en ferais un portrait ou une comparaison à un étang d'eau limpide, puis, tranquillement, plusieurs personnes perçoivent qu'il y a des sillons d'eau qui est plus brouillée puis on est en train... et, toute une table, on s'assoit pour discuter comment on va assainir l'eau, et tout ça, alors que tout le monde sait que le filtre... il y a un petit filtre en quelque part et ça rentre par là. Pourquoi on ne change pas le filtre pour cesser, justement, l'entrée de cette eau-là avant de commencer à penser à nettoyer l'étang?
Et j'en reviens à la loi. C'est un peu pour ça que le groupe qui a été précurseur du comité consultatif justement, c'était la loi qui existait et qui existe toujours aujourd'hui, et on est 12 ans de ça, et on décriait, plusieurs de nous, les professionnels justement, ce droit... on appelle ça ce droit d'entrée, qui était à nos yeux insuffisant. Et, en plus, il y avait une dualité par rapport au gardiennage et à l'investigation. C'est deux besoins séparés, et on n'est pas venus... depuis 1992 qu'on sait ça, c'est connu aux yeux et au su de tous, dont le ministère, et là on discute aujourd'hui de prendre une industrie au complet et de vouloir légiférer. C'est un gros morceau. Il y a peut-être une loi-cadre qui pourrait être appliquée, qui serait vraiment sommaire, une base sur laquelle... une réglementation sectorielle pour chacun des groupes concernés; à ce moment-là, ce serait peut-être plus facile d'ajustement. Et, si on y allait par petits morceaux, prendre ce qui est déjà légiféré, où les intervenants ont déjà fait des choses avec le ministère il y a plusieurs années, se rasseoir et rapidement régler ces cas-là, en servir d'exemples et puis prêcher par l'exemple à travers toute l'industrie plutôt que d'imposer des choses. Je crois qu'avec du leadership et puis avec le bon exemple on est capables de tourner bien des choses.
M. Charbonneau: Est-ce que je me trompe en pensant que, finalement, ce qui était encadré par la loi existante ? celle de 1962 ? c'est-à-dire les agences de sécurité et d'investigation, comprend pour l'essentiel la bonne partie des gens qui travaillent dans le secteur de la sécurité privée, ou est-ce que je me trompe?
M. Laframboise (Louis): Une grosse partie, sauf la sécurité interne des entreprises où l'employeur engage son personnel, et c'est là, dans la loi, qu'il y a la différence entre les deux: un salarié d'une entreprise n'est pas obligé d'être licencié. Donc, pour nous, contractuels, un tiers, oui; si on est à l'interne, non. C'est la différence, la distinction entre les deux entre... la même profession mais les deux endroits.
n(15 h 50)nM. Charbonneau: Mais, si on comprend ce que le Conseil du patronat a dit précédemment et ce que vous dites, c'est que, dans le fond, si la législation ou le gouvernement puis éventuellement l'Assemblée, on disait: Pour le moment, la sécurité interne en entreprise, on ne l'associe pas à des agences de sécurité. Mais, je veux dire, il y a des responsabilités de direction d'entreprises, en fait de propriété d'entreprises qui ont à assumer leur propre sécurité, en tout cas, toute une dimension à laquelle... ils ont le droit de protéger leurs actifs, comme le disait M. Grenier tantôt, mais que, par ailleurs, tout ce qui concerne la sécurité assumée par un tiers, c'est-à-dire, dans le fond, le secteur privé, parce que, dans le fond, ce sont les agences de sécurité et les agences d'investigation, là il y avait lieu d'avoir une modernisation majeure de l'encadrement législatif qui existe depuis déjà un certain nombre d'années mais, ce que j'ai compris aussi, qui est non seulement défaillant, mais qui n'a pas non plus été appliqué. C'est-à-dire qu'il y a bien des aspects de la loi de 1962 qui n'ont jamais, là, été suivis par un encadrement gouvernemental pour faire en sorte que les obligations soient assumées, là. Est-ce que je me trompe en disant ça?
M. Grenier (Benoît): Votre lecture, elle est très bonne. Et, si on rajoute pour les entreprises, si on ne fait que faire ce pas-là, moi, je suis convaincu, je pense qu'on l'a démontré: le leadership, il sort, là, l'industrie est là, que... à faire connaître ça. Vous ne savez pas combien de personnes, dans les deux dernières semaines, ont bougé autour de ce livre blanc là; moi, je n'en reviens pas. C'est une industrie qui s'est réveillée... Oui, il a fallu faire des bonnes actions, mais je pense qu'on a...
M. Chagnon: C'est un livre blanc.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Grenier (Benoît): Ah oui! Bien, on vous en remercie, puis, en même temps, ça a créé l'urgence de bouger; on a bougé. Et...
Une voix: On ne l'oubliera pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Grenier (Benoît): ...en même temps, ce qu'il faut faire, c'est que... Je pense qu'au moins on en a la démonstration, et que, si le leadership se prend, l'adhésion à des associations représentatives, des codes d'éthique, ça va suivre automatiquement. On a parti quelque chose, vous parliez de la majorité des entreprises même contractuelles, les municipalités vont sous-traiter des agences, vont continuer à le faire; bien, revampons cette loi-là, mettons-la à jour avec les gens de l'industrie.
Évidemment, on ne mettra pas, là, cinq polices puis un gars du privé, puis on va dire que c'est un comité de sécurité privée, là. Ça, je pense que ça n'aurait pas d'allure, là. Si on parle de la sécurité privée, je verrais plus cinq privés puis une police, le ratio serait peut-être l'inverse. Puis on n'a rien... on travaille avec eux tous les jours. Mais qu'on voie des comités qui soient ensemble, là. Donc, il faut pouvoir légitimer ça par l'industrie.
M. Charbonneau: Est-ce que, quand vous dites dans le fond... Vous souhaitez que la législation éventuelle ou que la politique gouvernementale... Parce que ça peut être aussi dans la façon d'organiser ou de reconnaître l'importance de la sécurité privée...
Quand vous parlez de la valorisation de la sécurité privée dans le contexte de la sécurité intérieure de la société ? donc pas juste de l'État, mais de la société ? est-ce que vous avez des recommandations particulières, là? Par exemple...
Je sais que le ministre, en quelque part, a mis un peu la table sans aller au bout de sa logique. Mais, quand il a parlé, au colloque, d'une chaise à quatre pattes, dont la quatrième, fondamentale, étant votre industrie, j'imagine qu'en quelque part il doit y avoir une lacune, si vous considérez que... peut-être dans le plan organisationnel du ministère, si vous considérez que vous n'êtes pas entendus ou que vous n'avez pas justement cette reconnaissance qui ferait en sorte que, si vous êtes la quatrième patte de la chaise, que cette patte-là existe formellement pour l'ensemble de l'industrie et que vous êtes convaincus que le ministre passe de la parole à l'action.
M. Grenier (Benoît): Je vais inviter...
M. Verreault (Michel): ...Verreault, du CASIQ. Je ne voudrais pas...
M. Grenier (Benoît): Exactement.
M. Verreault (Michel): ...mon intervention de demain après-midi, mais je pense que j'ai eu l'occasion de transmettre au ministre notre préoccupation du milieu.
M. Chagnon: C'est dans votre mémoire.
M. Verreault (Michel): Bon, elle est dans le mémoire. C'est pour ça que, pour les gens qui sont ici, là, qui n'ont pas eu l'occasion de lire notre mémoire, on dit qu'on représente un milieu dynamique qui a 25 000 employés, une masse salariale de 400 quelques millions... un potentiel de 2 milliards. Mais on aimerait avoir ? je pense, M. le ministre, on vous l'a dit ? quelqu'un au ministère qui puisse nous représenter.
Alors, le poste, on parlait d'un sous-ministre adjoint, puis d'avoir aussi un directorat qui puisse prendre le pouls du milieu et de vous transmettre la bonne information. C'est un petit peu, là...
M. Charbonneau: Bien. Écoutez, j'avais entendu parler de cette... Mais je crois que, comme on est en commission parlementaire et que c'est un exercice public au Parlement, alors les choses dites à huis clos, ça n'a pas grand intérêt pour une commission parlementaire. Je pense qu'il faut que les choses soient dites clairement.
Une voix: ...
M. Charbonneau: Bon. Mais, donc, j'essaie de préciser, là. Vous dites dans le fond: Occupez-vous d'abord de la loi actuelle, c'est-à-dire de ce qui se fait à l'externe... c'est-à-dire par l'externe, que ce soient des entreprises privées qui engagent ou des corps publics qui engagent, ceux qui ont la job professionnelle de faire de la sécurité privée, concentrez-vous sur ça.
Et est-ce que je comprends bien en disant que la problématique de chevauchement aussi dont il a été question abondamment ? puis je pense que le milieu policier autant que vous le constate, la problématique du chevauchement, c'est une problématique que tout le monde déplore ? est-ce que ça concerne d'abord et essentiellement ça, là? J'imagine qu'il n'y a pas beaucoup de chevauchement quand on parle de la sécurité interne. Le chevauchement, c'est, dans le fond, quand des agences font du travail d'enquête ou encore plus quand des agences travaillent en uniforme et, en quelque part, sont dans des lieux où il peut y avoir de la confusion de rôle et où, à un moment donné, il y a non seulement confusion de rôle de la part du public, mais confusion de rôle aussi de la part des uns et des autres? Est-ce que je me trompe en...
M. Grenier (Benoît): Bien, je vais répondre, si vous permettez, en trois points. La première, vous avez une lecture des agences, là, de sous-traitance; oui, la lecture, elle est bonne. Ce que M. Verreault, de CASIQ, propose tantôt, moi, je n'ajouterais qu'un mot: il ne faut pas créer plus de choses à l'État, mais il faut créer une fonction de facilitateur que l'industrie se prenne en charge. Et ce facilitateur-là va aider l'industrie à se prendre en charge, puis je pense qu'on est tous d'accord.
Et, à votre question, Jacques va vous répondre.
M. Lachance (Jacques): Un des points qui ressort du livre blanc est que, à notre avis, on a interprété de façon très large deux champs d'intervention dans le domaine de la sécurité: le domaine de la prévention et le domaine de la répression. Dans la vraie vie, ce n'est pas tout à fait comment on le vit.
Autant le service de la sécurité publique que le service de la sécurité privée doivent faire de l'anticipation du crime, de la prévention, de la dissuasion, de la détection, de l'arrestation, de l'intervention, de la punition, de la récupération, et les deux le font.
M. Chagnon: ...récupération, prévention...
M. Lachance (Jacques): Tout à fait. Mais les deux ont besoin un peu de le faire chacun dans leur milieu, et il va, de façon tout à fait normale, M. le Président, M. le ministre, y avoir des chevauchements qui vont se reproduire.
Dans certains cas, on est d'accord qu'il pourrait y avoir des problématiques par exemple où on a un festival qui occupe un espace du domaine public où est-ce qu'on ceinture une rue, qu'on tient des activités à caractère plus ou moins privé et que des gens pourraient se demander est-ce que la police peut intervenir, est-ce que le privé peut intervenir? On pourrait se retrouver avec des besoins de protocole. On pourrait se retrouver aussi en conflit d'intérêts entre celui qui fixerait la norme de sécurité à rencontrer et celui qui voudrait offrir le service contre rémunération, versus l'entreprise privée. Et ça, je pense que ça demande un débat approfondi pour un peu délimiter ou s'entendre sur...
Parce qu'on a beaucoup parlé de partenariat sur la page titre, mais on semble mettre beaucoup l'emphase, dans le livre blanc, sur la compétition entre les deux secteurs, et je pense qu'il y a aussi cet aspect-là. Et, à tous les jours, la compétition et le partenariat, c'est une chose qui se fait à tous les jours, et c'est sain, jusqu'à preuve du contraire. Maintenant, on doit quand même réglementer certaines activités.
M. Grenier (Benoît): Et j'ajouterai qu'il y a beaucoup... Même entre nous, il y a toutes sortes de questionnements. Le débat, il ne débute... On peut en arriver à continuer ce débat-là, puis on le souhaite. Mais je pense que tenter une réponse précise, précise, serait bien difficile à ce stade-ci.
M. Charbonneau: Comment vous voyez... Parce qu'on va le voir avec eux de l'autre côté, mais je pense que c'est intéressant de voir votre point de vue. C'est: Comment vous voyez la présence dans, je dirais, dans le secteur privé ou dans l'offre de services privés de services publics? Par exemple, je sais que ? je me demande si ce n'est pas la police de Montréal qui a un service de commercialisation des... en fait, des services de sécurité.
M. Grenier (Benoît): Je vais laisser Louis répondre à cette question-là.
n(16 heures)nM. Laframboise (Louis): Bien, brièvement, tout ça est une entente un peu contractuelle pour, d'abord, pour l'aspect du public. Aller par commercialisation, je crois que, dans certains corps, c'est justifié. Mais il ne faut pas l'étendre non plus, parce que, à ce moment-là, il y a un empiètement, il y a un danger par rapport à la déontologie policière d'agir pour quelqu'un dans le secteur privé à titre pécunier, alors que ces personnes-là ont une fonction vraiment publique. Par contre, quand le privé fait des activités qui forcent en quelque part un ajout de personnel public vraiment dans son environnement à cause de, disons, un party privé de grande entreprise au centre-ville de Montréal, bien là, à ce moment-là, si des policiers supplémentaires devaient être là par rapport à ce besoin privé là qui crée un embouteillage public, bon, bien, commercialisation dans cette avenue-là, je n'y vois pas un grand problème.
L'autre pendant, quand on parle de festivals et d'événements privés dans un lieu public, à moins que je n'erre carrément, je crois que, chaque fois qu'il y a une demande pour oeuvrer dans une rue de la part d'un festival quelconque, il y a un permis d'émis par la ville, la sécurité de la ville, l'exécutif regarde ça et la police a un mot à dire sur ça. Donc, ce serait relativement simple, de façon contractuelle, d'établir les normes, les responsabilités et les critères avec quelque chose qui existe déjà avant de mettre quelque chose de nouveau. On ne semble pas pratiquer ce qui existe déjà et on veut mettre quelque chose de nouveau.
Je crois que, comme consultants, lorsqu'on travaille avec les villes ou avec des clients privés, c'est ce qu'on leur recommande, d'établir par protocole, par contrat à quoi ils s'attendent, qu'est-ce qu'ils veulent, quel est le besoin par rapport à la sécurité privée, quel est le besoin par rapport à la sécurité publique et que ce soit clair.
Ça fait que, si on part de ce principe-là du client utilisateur, bien, on va à la source et non pas à l'autre bout de la ligne pour légiférer et réglementer. Et, s'il y a un problème dans un festival de jazz ou un grand événement privé dans un lieu public, je crois que la ville où ça se tient a une responsabilité, un devoir d'en parler à sa sécurité publique. Et si, les services privés qui y oeuvrent, il y a un problème quelconque, que ces gens-là, en partenariat, le règlent. C'est réglable, les gens ont juste à parler et délimiter ce qu'ils vont faire et ce qu'ils ne feront pas, et ne pas en faire un grand débat.
M. Charbonneau: Ça pourrait aller jusqu'à, par exemple, dans un cas de festival ou... J'imagine que... Dans des grands événements où il y a des centaines, en fait, des milliers, des dizaines de milliers de personnes qui participent à un événement public, Festival d'été de Québec, Festival de jazz, on en a plusieurs au Québec, là, est-ce qu'on ne se retrouve pas parfois à confier la sécurité sur le territoire concerné à une agence privée qui, elle, se retourne de bord, parce qu'elle n'a pas assez d'effectifs, puis va chercher les effectifs bénévoles ou payés et sur lesquels on n'a à peu près aucun contrôle, et que, là, on ne se retrouve pas finalement à avoir des problèmes de comportement éthique? Parce qu'on pourrait bien dire... À la limite, on a des obligations de formation pour bien des gens puis on se retrouve dans des situations où il faut faire appel à des sous-contractants ou encore à des gens qui, pour des actions ponctuelles, vont agir comme agents de sécurité, puis se retrouver dans une situation où on se retrouve avec des gros bras qui n'ont pas aucune formation puis qui, dans certains cas, ont été recrutés dans des lieux questionnables.
M. Laframboise (Louis): M. le député, en réponse à ça, pourquoi au départ on leur donne un permis d'agence et un permis d'opération, à ces gens-là? Si on va à la source du problème et qu'on augmente le niveau, d'entrée de jeu, j'oserais même dire qu'il faudrait peut-être faire un moratoire et ne pas émettre de nouveaux permis tant qu'on n'aura pas réglé le débat, à ce moment-là, on va arrêter de diluer puis on va ramener à un endroit où on va pouvoir s'entendre sur une base et, après ça, nettoyer graduellement.
S'il y a des gens comme ça qui abusent de leurs droits et de leurs devoirs, pourquoi, au départ, ils ont... Parce que, même s'ils n'étaient pas légiférés... même si on était légiféré, ils pourraient aussi bien agir au noir et de façon inverse puis ça ne dérangerait pas personne. C'est leur intention personnelle de le faire comme ça. Ils n'ont pas d'éthique, ils n'ont pas d'intégrité, donc ce n'est pas d'ajouter des lois qui va régler ce bout-là. Mais, par contre, si l'agence qui a le contrat a une obligation et qu'au départ elle est qualifiée, elle est vraiment dans des standards qu'on a toujours décriés qu'ils devraient être plus élevés, bien, on n'aura peut-être pas ce problème-là en bout de ligne parce que les gens vont être responsables d'engager des gens qui ont les qualifications pour faire le travail et la formation.
M. Charbonneau: Est-ce que je vous comprends bien? Puis je voudrais... avec ça parce que je pense qu'il ne reste pas grand temps. Est-ce qu'on peut se retrouver dans des situations...
Bien là j'ai perdu mon affaire, torvis! Je vais laisser mon collègue de Trois-Rivières aller puis je vais revenir avec l'idée que j'ai perdue, là, à cause d'une interruption involontaire et du temps... Non, non, mais...
Une voix: ...
La Présidente (Mme Thériault): Allez, monsieur...
M. Charbonneau: C'est ça.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Trois-Rivières, brièvement.
M. Gabias: Merci, Mme la Présidente. Merci au député de Borduas de me permettre... Je ne prendrai pas de votre temps, je vais vous le remettre, là.
Mais ma préoccupation, et je l'ai mentionné tout à l'heure à M. Grenier, c'est l'intérêt public versus l'intérêt privé. Puis vous l'avez mentionné en début de... au début de votre intervention. Bon, évidemment, la loi date de 1962, vous avez dit que la définition de sécurité privée est certainement désuète. On est en 2004; la notion de sécurité publique également a changé beaucoup depuis 1962. Il y a des interventions qui n'existaient pas, faites par la sécurité publique, qui n'existaient pas en 1962. Elles étaient carrément du domaine privé, puis on n'allait pas jusque-là. Aujourd'hui, ce n'est plus ça.
Ce qui m'amène... et toujours avec l'idée de nous éclairer sur ce que sera un projet de loi, compte tenu justement que ces définitions-là sont à revoir, autant, je pense, la sécurité publique ou du moins jusqu'où doit aller la sécurité publique puis jusqu'où doit aller la sécurité privée. Est-ce qu'on ne doit pas distinguer... Parce que je comprends qu'on cherche à élargir ou du moins à circonscrire davantage la définition de sécurité privée, et là on peut discuter longtemps, et l'impact que ça peut avoir que de changer cette définition-là. Est-ce qu'on ne doit pas parler également d'une sécurité publique qui serait assumée par des corps privés, alors qu'on fait toujours l'association sécurité publique et corps publics qui contrôlent ou réglementent ça? Là, est-ce qu'on ne devrait pas parler aussi d'une sécurité publique qui serait en partie assumée par un bras privé, par la sécurité privée, et définir ce qu'on entend par «sécurité privée», qui est tout à fait autre chose?
Parce que vous le mentionnez dans votre mémoire... Et, entre autres, je vous souligne une réalité d'aujourd'hui, des commerçants qui, avec une agence de sécurité privée, ont connaissance d'infractions criminelles et, sous une pénalité ou du moins... on n'appelle pas ça une pénalité, mais une indemnité financière, ne portent pas de plainte sur un plan criminel. Et là on parle d'une sécurité publique qui est assumée carrément par le privé, je pense. Et je pense qu'il va falloir mettre des balises là-dessus et savoir ce qu'on veut.
Alors, est-ce qu'on ne devrait pas regarder tout ça sous l'angle d'une sécurité privée, d'une définition qui est carrément de l'ordre privé et sur lequel le législateur a à s'avancer de façon très prudente, mais, en même temps, être conscient qu'il y a une sécurité publique qui est assumée par un bras privé et, là, l'encadrer correctement pour s'assurer que l'intérêt public est correctement rejoint?
M. Lachance (Jacques): Effectivement, vous arrivez, je pense, à un constat qui a été fait au sein de commissions semblables dans plusieurs autres Parlements ou organisations où les circonstances, la concentration de la propriété privée dans des grands ensembles immobiliers, la concentration des centres d'achats, par exemple, où on a remplacé les rues d'autrefois par des corridors, est-ce que le corridor devient une rue qui est tout simplement à l'intérieur? Est-ce que le Montréal souterrain devrait être considéré comme étant du domaine public carrément ou est-ce que c'est du domaine privé parce que c'est une...
Toute cette réflexion-là, à savoir qu'est-ce qui est maintenant du domaine public et du domaine privé, différents Parlements sont arrivés à différentes solutions pour définir et décider... Par exemple, la police publique va patrouiller le stationnement du centre d'achats, tandis que d'autres législations sont arrivées à dire: Ce même stationnement-là demeure du domaine privé et va être réglementé par la sécurité privée. Et effectivement c'est un débat qui nous semble avoir été légèrement escamoté dans le cadre de la rédaction du livre blanc. Cependant, on a apporté des approches de solution en définissant les activités et qu'est-ce que la sécurité privée aurait le droit de faire et à quel endroit.
Maintenant, il ne nous semble pas que, nous, on a participé à ce débat-là de dire: Cet emplacement-là est du domaine public ou cet emplacement-là est du domaine privé, et il y a tout l'aspect légal de la juridiction civile et criminelle qui est primordiale dans la définition de ces espaces.
La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Borduas.
M. Charbonneau: J'ai retrouvé mon idée, Mme la Présidente. Ce dont je voulais parler, c'est de contrôle gouvernemental au cours des dernières années et dans l'avenir, parce qu'on a une législation, il y a des permis qui existent déjà, donc il y a des exigences, puis on voudrait consolider, moderniser tout ça mais, en bout de piste, si on donne des permis, même si on améliore les définitions, etc., s'il n'y a pas de mécanismes de contrôle quelconque ou de vérification, ça ne donne pas grand-chose.
n(16 h 10)n Je ne sais pas si vous avez réfléchi sur les contrôles actuels ? passés, actuels ou futurs ? mais est-ce que vous avez des constats à nous livrer? Parce qu'on a l'impression que peut-être une partie de la problématique, c'est que l'État n'a pas fait sa job, puis indépendamment, là, encore une fois, des gouvernements qui se sont succédé depuis 1962 mais qui avaient une partie de responsabilité étatique à l'égard du fait qu'il y avait une législation qui imposait des critères, des normes, et qu'on se retrouve peut-être avec une réalité, aujourd'hui, qui est la conséquence d'une négligence ou d'une absence d'exercice de la responsabilité étatique.
M. Grenier (Benoît): Je pense qu'il y a deux volets. Il y en a un où je vais laisser répondre M. Verreault, qui est directement concerné par les agences. Et l'autre volet, c'est qu'il y a une partie qui doit être faite par l'industrie. Moi, je dirais qu'il y a un volet par l'industrie, qui... Le bon exemple apporte le bon exemple, puis le fait d'y adhérer et de faire publiciser des associations représentatives, de faire en sorte qu'on y adhère, que des conditions d'emploi exigent qu'on fasse partie de tel type d'association qui, elle-même, a un code d'éthique, qu'on pense aux conseillers en relations industrielles, pour les directeurs de ressources humaines, les avocats, le Barreau, il y a toutes sortes de mécanismes. On peut se questionner, mais il y a une piste de solution, là.
L'autre volet... Bien, je vais laisser Michel parce qu'il est directement concerné, puis je pense qu'il est la personne qui soit en mesure de pouvoir...
Une voix: ...
M. Charbonneau: ...vienne à la table.
M. Grenier (Benoît): ...pour que mon distingué collègue puisse prendre son micro.
La Présidente (Mme Thériault): Je vais vous demander de vous identifier aussi.
M. Verreault (Michel): Alors, au niveau de la loi, actuellement...
Des voix: ...
M. Verreault (Michel): Excusez, ça porte, la voix, hein? Alors, au niveau des agences de sécurité, la loi actuelle couvre les agences de sécurité, et je pense que vous avez touché à un point très important. Le cadre législatif actuel, peut-être, n'est pas appliqué. On regarde au niveau des inspections, mais, moi, ça fait une vingtaine d'années que je suis dans ce secteur-là, on n'en a pas eu beaucoup. Alors, c'est peut-être ce renforcement-là qui pourrait être inclus.
Une voix: ...
M. Verreault (Michel): Bien, je veux dire... Regardez, nous... Puis on va vous le dire demain, je ne veux pas... Qu'est-ce qu'on veut, là, c'est qu'on ait certaines barrières, à ce niveau-là, qu'il y ait des contrôles appliqués, puis qu'on puisse enlever tout doute au niveau de la population. Alors, les règles de vie, on veut qu'elles soient appliquées, qu'elles soient édictées, qu'on nous consulte pour les mettre en place; par la suite, qu'on les applique. Alors, c'est un petit peu ça, là, qu'on...
La Présidente (Mme Thériault): Je vous remercie. Je vous demanderais de vous identifier, aussi, s'il vous plaît, pour les fins de l'enregistrement.
M. Verreault (Michel): Michel Verreault, je représente CASIQ, qui est une des agences qui regroupent les agents de sécurité.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. Verreault. Et je vais laisser 30 secondes à M. Laframboise.
M. Laframboise (Louis): Brièvement, il y a... C'est justement, on perçoit, pour nous, un manque de volonté, parce que je crois qu'il y a des outils, actuellement, qui existent. Et, oui, ils ont besoin d'être actualisés, modernisés, mais dans l'article 11 de la loi qui nous concerne, le gouvernement peut faire des règlements pour régir «les qualités requises de toute personne qui sollicite un permis ou son renouvellement et les conditions qu'elle doit remplir, notamment les documents et cautionnement qu'elle doit fournir et les examens qu'elle doit subir».
Et, ayant été parmi le groupe dans le processus du comité consultatif, on en a étudié, des pistes de solution très précises, à savoir: la distinction entre le gardiennage et l'investigation, certains critères de base, incluant même des normes de formation. Ces pistes-là ont été abordées en 1998, à la fin des travaux. Un rapport en 2000, publié en 2001, et on est en 2004, aujourd'hui, pour débattre de la même question. Ça fait que vous voyez un peu en quelque part une contradiction. Notre impatience qu'il y ait quelque chose qui se fasse... Et là, rapidement, il faut débattre la question sur la place publique, et on est très heureux de le faire, et on est très heureux de vous offrir notre aide et notre support, ce qu'on fait depuis 1992.
Et on ne blâme pas personne. Ce qu'on dit, c'est que, si on veut arrêter le processus, il faut vraiment l'adresser. Ça fait plusieurs fois qu'on le demande, ça fait plusieurs fois qu'on le dit, et puis on est en accord... et puis l'industrie en général. Ceux qui ne sont pas en accord sont peut-être justement ceux de qui on parle dans le livre blanc. Alors, il ne faudrait pas punir toute une industrie par rapport à un groupe minoritaire qu'on pourrait fort bien, en partenariat, régler.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. Laframboise. Ceci mettra fin à l'échange avec les parlementaires. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.
Nous allons suspendre quelques minutes pour laisser le temps à la Fédération canadienne des entreprises indépendantes de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 14)
(Reprise à 16 h 21)
La Présidente (Mme Thériault): Nous allons donc reprendre nos travaux. Je souhaite la bienvenue à M. Richard Fahey, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. M. Fahey, vous êtes familier avec nos règles?
M. Fahey (Richard): Oui.
La Présidente (Mme Thériault): Donc, allez-y.
M. Fahey (Richard): Dans l'objectif de finir à 5 heures, on va essayer d'être concis, clairs et précis.
Une voix: On ne vous torturera pas.
M. Fahey (Richard): Ah!
M. Charbonneau: On va prendre le temps qu'il faut, là.
Fédération canadienne
de l'entreprise indépendante (FCEI)
M. Fahey (Richard): C'est beau. Écoutez, la FCEI est l'association patronale qui représente les PME au Québec. Nous avons 24 000 membres à travers le Québec, présents dans toutes les régions et dans tous les secteurs industriels de la nomenclature canadienne. La particularité de l'organisation, c'est qu'elle fonde ses interventions publiques, que ce soit, ici, d'un point de vue de lobbying ou par l'entremise des médias, sur des sondages auprès de nos membres et sur les quelque 8 000 appels d'assistance qu'on reçoit des PME du Québec. Donc, ce qu'on vient vous présenter en quelque sorte, c'est le point de vue de la PME.
Il y a quelques statistiques qui sont importantes à garder en tête quand on entreprend une réforme comme ça: 75 % des entreprises au Québec ont moins de cinq employés; 98 % en ont moins de 50; et donc l'univers des entreprises au Québec, c'est essentiellement de très petites entreprises. Et, dans le cas qui nous occupe, nous avons recensé une centaine de membres qui ont, dans leur nom de dénomination sociale, un élément type sécurité, services conseils en sécurité, alarme, services techniques en sécurité, et ainsi de suite. Donc, il y en a certainement d'autres. Il y a Jean-Guy Tremblay, consultant, qui peut être un consultant en sécurité, mais on n'a aucun moyen de le déceler par l'entremise de la catégorie 779 du code CIM.
Ce portrait statistique là est important parce que, encore une fois, dans le cadre de la réforme, il y a une réalité propre aux PME, qui est très différente de la grande organisation des grandes entreprises, et nos commentaires que nous allons vous formuler cet après-midi porteront essentiellement sur cette réalité propre aux PME, sur l'accès à la profession et sur le nécessaire partenariat entre la sécurité privée et publique dans un objectif, encore une fois, de mieux circonscrire le cadre réglementaire nécessaire et de limiter les coûts économiques qui vont être imposés aux entreprises.
Dans notre mémoire, en page 2, on faisait état d'une étude d'impact économique sur laquelle on voulait mettre la main. Nous l'avons obtenue et nous vous en ferons part dans le cadre de nos remarques. Il y a des éléments... des failles dans l'étude, des failles importantes dans l'étude d'impact. On a, bien entendu, analysé les coûts des permis, les coûts d'encadrement pour l'obtention des permis, mais jamais on n'a estimé le coût salarial d'une entreprise qui devait se conformer à l'obtention d'un permis, jamais on n'a analysé l'impact du coût de formation, jamais on n'a analysé les coûts indirects de cette formation et de cette conformité-là.
Et, plus important, et ça, je pense que c'est un des éléments à prendre en considération quand on regarde la sécurité privée, si jamais on enlève des rôles qui sont actuellement réalisés par la sécurité privée, si on la cantonne dans un secteur de prévention strictement, il y a quelqu'un d'autre qu'il va falloir qu'il s'occupe de la criminalité. Je ne sais pas si le gouvernement a bien de l'argent à mettre dans le budget du ministère pour la sécurité privée, mais il va y avoir la police qui va demander des nouveaux budgets, des nouvelles ressources et, à ce niveau-là, il va falloir analyser l'impact que ça représente au niveau du budget du ministère.
Donc, d'entrée de jeu, sur l'accès à la sécurité, tout le monde s'entend, là, tout le monde est plus insécure aujourd'hui, on est plus... on comprend l'importance, là, pour les entreprises de protection physique, de protection de l'intégrité des renseignements, de protection des serveurs informatiques, et ainsi de suite ? j'en passe.
Ce qu'il faut réaliser, c'est que, si l'industrie privée, si la sécurité privée a pris la place qu'elle a aujourd'hui, c'est dans bien des cas parce que les acteurs, les entreprises, les municipalités, les gouvernements ont réalisé que peut-être le service public d'ordre, de police avait moins de ressources à consacrer aux vols à l'étalage, avait moins de ressources à consacrer à des enquêtes de fraude de CSST ou ainsi de suite et qu'il y avait un partenariat qui devait s'inclure. Donc, il est faux de penser que la sécurité privée vient de gadgets technologiques qui sont disponibles, la société privée a pris la place qu'on lui a laissée parce que le secteur public voulait se concentrer et devait se concentrer sur des fonctions plus nobles, en quelque sorte, comme la criminalité, le crime organisé, le trafic de drogue, les grosses enquêtes de crimes économiques qui nécessitent plusieurs années. Et donc, dans ce contexte-là, c'est la raison pour laquelle on a assisté à la prolifération de l'entreprise de sécurité privée.
Quand on définit c'est quoi, de la sécurité privée, je pense qu'il vaut la peine de s'arrêter à celle qui est proposée dans le livre blanc, on parle de sécurité privée: «Qui correspond à l'ensemble des activités de services, mesures, dispositifs destinés à la protection des biens, des renseignements, des personnes et qui sont offerts et assurés [dans un contexte] dans le cadre ? pardon ? d'un marché privé.» Les mots sont importants ici, et c'est ce qui explique un peu notre première interrogation. Pourquoi est-ce que le ministère veut réglementer la sécurité interne d'une entreprise?
Tu sais, une entreprise comme Gaz Métro où j'ai travaillé il y a plusieurs années, il y avait un système de sécurité interne. Parce qu'on a quand même des infrastructures qui sont assez importantes pour l'essor économique du Québec, et donc il faut la protéger. Pourquoi est-ce que le ministère doit réglementer ça? La question est entière. Dans le cadre de la définition, il n'y a pas de marché privé. Gaz Métro en tant qu'entité corporative se dote d'un service, c'est sa décision, et il va chercher l'expertise qu'il a besoin. Ainsi, la qualification, les compétences, la probité des employés de ce service de sécurité interne sont contrôlées à l'embauche.
Si on prend du côté de la protection du public, maintenant, si jamais un agent de sécurité intervient auprès d'un consommateur de gaz qui ne veut pas payer sa facture chez Gaz Métro et commence à brasser un peu la cage du conseiller qui est là, au recouvrement, bien, l'intervention de l'agent de sécurité, qui est un agent employé de Gaz Métro, si jamais il outrepasse les rôles et responsabilités ? parce qu'on le sait, hein, l'agent de sécurité, ça n'a pas plus de droits ni de pouvoirs que moi, vous et autres ? s'il outrepasse et qu'il commence à appliquer la force, fait des voies de fait et ainsi de suite au-delà de la légitime défense, bien, la personne qui va avoir subi des sévices va pouvoir poursuivre l'entreprise parce qu'elle est responsable du fait de ses employés. Et donc il y a une protection du public qui est assurée.
Donc, on comprend mal pourquoi la sécurité interne d'une entreprise devrait être couverte dans le cadre de la réforme qu'on propose. D'ailleurs, le comité consultatif n'entrevoyait pas la sécurité interne, n'entrevoyait pas l'assujettissement de la sécurité interne, et il n'y a aucune législation à travers le Canada qui prévoit ça. Nulle part au Canada est-ce qu'on réglemente la sécurité interne d'une entreprise. Donc, premier élément, la sécurité interne devrait être à l'extérieur du cadre législatif proposé.
n(16 h 30)n Le deuxième point que je voudrais faire valoir, c'est lorsqu'on réglemente, lorsqu'un gouvernement réglemente ? et c'est son rôle ? qu'il le réalise ou non, il instaure des barrières à l'entrée. Si on parle de normes minimales de qualité, si on parle de normes d'opération d'entreprise, ça impose un fardeau réglementaire sur les entreprises, ça ralentit peut-être l'esprit entrepreneurial, et on le sait, au Québec, on est peut-être en retard par rapport au reste du Canada à ce niveau-là. Il est important de ne pas créer, par la réglementation, des barrières à l'entrée, à la création d'entreprises ou à l'essor de petites entreprises, parce que, trop souvent, on a vu des grandes entreprises être favorables à de la réglementation parce que ça limite en quelque sorte la compétition qui pourrait venir d'une petite PME qui se lancerait en affaires pour offrir des services de sécurité dans une région. Donc, il importe de s'assurer que la réglementation soit balancée et qu'elle n'impose pas des coûts trop onéreux aux entreprises parce que ça pourrait les désinciter à se lancer en affaires.
Le fait qu'on veuille que les dirigeants de PME ou de grandes entreprises de sécurité fassent l'objet d'une probité qui ne soit pas du crime organisé, comme on semble voir une menace poindre à ce niveau-là, c'est normal, c'est justifié, c'est déjà prévu dans la Loi sur les agences d'investigation... et de sécurité. Il suffirait que les enquêtes soient faites à ce niveau-là et qu'on mette à jour peut-être, au fil des ans, les fichiers du ministère ou s'assurer que les dirigeants qui sont là ne sont pas, pour reprendre l'expression, des bandits de grand chemin. À ce niveau-là, la mise à jour des fichiers, il y a un lien qui pourrait être fait avec le registraire des entreprises pour obtenir la mise à jour constante de l'information de qui dirige l'entreprise, qui sont les associés, qui sont les administrateurs, et ainsi de suite.
Quand le livre blanc propose sept permis d'agence de sécurité selon les différentes segmentations, là-dessus on a un problème, parce qu'il faut se mettre du côté de la PME qui démarre en affaires. L'entrepreneur qui veut se lancer et qui veut offrir ses services de sécurité, il ne se posera pas la question s'il va faire du gardiennage, de la surveillance, de l'investigation, de l'enquête d'intervention, des renseignements personnels, et ainsi de suite, non. Il va offrir tous ces services-là, il va aller chercher des clients, puis, quand il aura des clients au bout de cinq, 10 ans, qu'il aura du personnel plus spécialisé, il va dire: Bon, bien, moi, je vais me concentrer dans un créneau ou un autre.
Donc, en offrant... en ouvrant sept permis différents, vous forcez une PME qui se lance en affaires à restreindre sa capacité d'aller chercher des contrats. Donc, dans ce contexte-là, ce qu'on proposerait au ministère, c'est d'avoir une approche plus type famille de permis. Tu sais, surveillance, gardiennage, enquête et investigation peut faire un bloc, une famille. Deuxième famille, où tu as des consultants, des conseillers et des services qui sont plus technologiques, là, que ça prend une meilleure expertise, comme la langue et les autres... contrôle d'accès et télésurveillance pourraient faire l'objet d'une deuxième famille de permis. Transport de valeurs, je pense que ça devrait être à l'extérieur. Et là, là-dessus, il y a une question constitutionnelle qu'il faudra vérifier dans le sens: est-ce qu'on peut réglementer une entreprise qui a des opérations transfrontalières et qui, par définition, va être sous charte fédérale, là il y a une question constitutionnelle. Et donc, celle-là, ce serait pour moi une troisième famille de permis.
En supposant que le gouvernement adopte ce regroupement, ces familles-là, plutôt que d'avoir huit permis différents, il en serait de même pour les agents de sécurité. On aurait trois familles de permis pour les agents de sécurité avec des formations correspondantes aux trois familles de permis.
Demander qu'il y ait une formation de base, on est d'accord avec ça. C'est normal. Cette formation-là doit être en ligne avec les besoins du marché, cette formation-là doit être disponible au moment où on l'édicte, dans le sens qu'on ne peut pas mettre une obligation si le ministère de l'Éducation n'a pas réalisé les programmes, mis en place les programmes. Et, de façon plus importante, les gens qui font la job actuellement devraient être exemptés de devoir subir cette nouvelle formation là. Ces gens-là font le travail, ils exercent la fonction, sont au courant, et donc la clause grand-père doit s'appliquer. Qu'on l'impose aux nouvelles personnes qui veulent accéder à la profession, «fine», mais pas pour ceux qui exercent déjà le travail et qui, dans bien des cas, ont des compétences bien au-delà de ce que pourrait être la formation de base.
D'ailleurs, au niveau de l'analyse d'impact économique, et ça vaut la peine de s'arrêter quelques secondes, si les caractéristiques d'une agence, s'il faut avoir sept types de permis d'agence ou huit types de permis d'agent, on trouve un peu surprenant que l'analyse d'impact économique établit un coût pour tous les permis d'agence ou tous les permis d'agents. Donc, s'il faut avoir des formations différentes, des permis différents, bien, il y aurait des coûts différents associés à l'obtention d'un permis. Pour nous, il est important que la mise en place d'un régime d'agences de sécurité et d'agents de sécurité ne serve pas à financer d'autres services gouvernementaux. Alors, en clair, si ça vous coûte 1 million pour mettre en place toute l'organisation réglementaire par rapport aux agences de sécurité privée, ne venez pas percevoir 2 millions dans la poche des entreprises, sinon ça pourrait être considéré taxation déguisée. Et important, quand on fera l'analyse d'impact ? et là-dessus on peut collaborer parce qu'on en est devenus presque des experts ? il faut s'assurer de prendre en considération pas juste le coût du permis, mais les coûts indirects associés à l'imposition d'une obligation réglementaire.
Au niveau du partenariat public-privé, et je vais passer assez rapidement, je l'ai dit d'entrée de jeu, si on cantonne la sécurité privée dans un rôle de prévention, il y a des fonctions qui sont actuellement assumées par la sécurité privée qui vont devoir l'être par les corps policiers, et là vous allez recevoir une facture, vous allez recevoir des demandes de ces mêmes corps policiers là pour avoir plus de ressources, plus de taux, plus d'argent, et là c'est une question de capacité de payer. D'ailleurs, c'est assez intéressant, quand on a vu la réforme de la Sûreté du Québec et l'offre de service en région, les niveaux de service, puis les coûts associés à la livraison des services de la SQ ont été contestés par beaucoup de municipalités parce qu'on trouvait qu'ils étaient trop chers. Qu'est-ce qu'elles ont fait, ces municipalités-là, à ce moment-là? Elles se sont dit: Bien, si je veux avoir plus de patrouille dans ma municipalité ou si je veux le faire à moindre coût, parce qu'il faut que je paie pour, et diminuer la charge fiscale, bien, j'ai lancé un appel d'offres à une firme d'entreprise privée qui fait la patrouille dans les rues, et qui me coûte moins cher, qui assure ce rôle de prévention, et là, s'il y a constatation dans le crime, là on appelle la SQ parce que c'est là que sa compétence, son expertise, apporte une valeur ajoutée. Mais ça se fait toujours dans le cadre de normes, cahier de charges important, et là les élus sont redevables de cette situation-là.
Bien entendu, si encore une fois on cantonne la sécurité privée dans un rôle de prévention, puis que la SQ demande plus d'argent, ou la police de Montréal demande plus d'argent, ou la police de Québec, puis qu'on n'a pas plus d'argent, bien, on va assister à l'augmentation de la criminalité, on va assister pour les entreprises à une augmentation des primes d'assurance. Puis, quand vous venez d'assumer 30 % en 2002, puis un autre 30 % en 2003, puis qu'on s'enligne pour un 20 % en 2004, bien, ce n'est pas sûr que ça nous tente d'avoir une réforme qui va faire augmenter nos primes d'assurance encore une fois.
n(16 h 40)n Donc, en conclusion, M. le ministre, j'ai lu, moi aussi, vos propos tenus la semaine passée à l'idée de mieux baliser, resserrer en quelque sorte la réforme en collaboration avec l'industrie. Sage décision, on l'appuie grandement. La FCEI est prête à collaborer, mais, d'entrée de jeu, on peut vous dire qu'à ce moment-ci il va falloir, de notre avis, exclure la sécurité interne des entreprises et prendre une approche qui est en ligne avec la réalité des PME, qui est en démarrage et la réalité des entreprises au Québec qui, comme on le sait, dans la très grande proportion, ont très peu d'employés mais qui se caractérisent par la flexibilité et la polyvalence des employés. Puis c'est le fun, mais les PME ont juste créé 80 % des nouveaux emplois l'an passé, et les 20 dernières années. Donc, il y aurait peut-être lieu d'être en ligne avec leurs besoins et leurs réalités, puis ça, c'est porteur pour toute l'économie du Québec. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. Fahey. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre de la Justice. M. le ministre.
M. Chagnon: De la Sécurité publique.
La Présidente (Mme Thériault): De la Sécurité publique, désolée. C'est un mois de réforme des tribunaux administratifs, ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chagnon: Ah, j'ai eu peur qu'il y ait eu un remaniement ministériel puis que personne ne me l'ait dit.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Thériault): Je n'oserais pas. M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Chagnon: Mme la Présidente, je voudrais remercier le représentant, le président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, M. Fahey, de son mémoire. C'est un mémoire intéressant. Je vais essayer de vous aider... Au départ, bon, j'étais assez clair sur les dimensions, puisque la portée de ce qu'on voulait faire...
Est-ce que vous êtes d'accord avec l'idée qu'il faille légiférer pour remettre... reprendre la législation de 1962, la réactualiser, la... faire en sorte qu'elle soit collée aux réalités de 2004?
M. Fahey (Richard): Je pense que 1962 a besoin d'un dépoussiérage. La réponse, c'est oui. Maintenant, est-ce qu'on doit aller à une vision que j'ai qualifiée de darwinienne, là, le «Big Brother», là? Je ne suis pas sûr, là-dessus. Donc, je pense que, oui, il y a besoin de clarifier des rôles, clarifier des situations, mais là je pense qu'on est allés un petit peu trop loin dans le livre blanc, à mon avis, au détriment des petites entreprises.
M. Chagnon: Si on parle de sécurité interne, parce que c'est un sujet qui vous a préoccupé beaucoup, est-ce que vous êtes d'avis que... Ça a été soulevé, peut-être n'étiez-vous pas ici, mais si vous y étiez, je l'ai soulevé un peu plus tôt, est-ce que vous n'êtes pas d'avis que, à tout le moins, il faille faire en sorte que les gens qui font du gardiennage, qui font de la sécurisation de lieux en sécurité interne, soient parties au registre de la sécurité privée en général?
M. Fahey (Richard): Ce que vous dites... Ce que vous dites, c'est que l'agent ait un permis. C'est ça que vous dites?
M. Chagnon: Mais qu'il soit enregistré, qu'on sache qu'il existe.
M. Fahey (Richard): L'agent?
M. Chagnon: Oui.
M. Fahey (Richard): L'agent, oui. Ça, je n'ai pas de problème qu'on mette un critère d'entrée à la profession d'agent de sécurité, à savoir d'obtenir un permis.
M. Chagnon: Est-ce que votre compréhension, c'est: Domtar a un service de sécurité interne, Domtar est un... dans votre compréhension, c'est que Domtar serait considérée comme une agence de sécurité privée? C'est ça qui est votre compréhension?
M. Fahey (Richard): Dans le livre blanc, c'est ce que j'ai compris.
M. Chagnon: Mais c'est comme ça que vous le comprenez. O.K.
M. Fahey (Richard): Devrait, devrait? Non, il ne serait pas considéré une agence. Il devrait obtenir un permis d'agence.
M. Chagnon: O.K. O.K. C'est... Oui, il y a une nuance, là.
M. Fahey (Richard): C'est ça.
M. Chagnon: O.K. Je reviens...
M. Fahey (Richard): Moi, je reviens... Revenons à l'agent, O.K., parce que, de mon avis, Domtar, là, son service de sécurité, elle se le dote à des fins de protection, de gestion de ses risques, protection de ses biens, ou «whatever».
M. Chagnon: Vous avez connu... vous avez connu Gaz Métropolitain, prenons cet exemple-là.
M. Fahey (Richard): Gaz Métro s'est dotée d'un service de protection de ses installations, de ses lieux physiques, de ses bureaux, ainsi de suite, et donc, à ce niveau-là, elle s'est dotée, elle-même, d'un propre service.
M. Chagnon: Alors, ces agences et Gaz Métropolitain, selon vous, devraient-ils être membres du registre?
M. Fahey (Richard): Non.
M. Chagnon: Pourquoi?
M. Fahey (Richard): Parce que Gaz Métropolitain a décidé de s'employer des gens qui sont responsables de sa sécurité et pour les biens de son complexe physique, de ses installations qui lui sont en propre. Ces personnes-là sont des employés de l'entreprise, et donc, dans ce contexte-là, ils n'ont pas besoin d'avoir un permis d'agence de sécurité.
M. Chagnon: Est-ce que vous pensez qu'un avocat chez Gaz Métropolitain n'a pas besoin d'être membre du Barreau?
M. Fahey (Richard): Oui, mais je pense que, ici, on ne parle pas d'agence de sécurité, là. Un membre du Barreau, c'est un officier de l'ordre public, O.K., et donc il y a une distinction très importante à faire. En l'occurrence, ici, que Gaz Métropolitain se dote d'un conseiller qui va analyser ses systèmes de sécurité pour le protéger... n'a pas besoin d'avoir un permis d'agence. Qu'on dise que les agents qui vont travailler chez Gaz Métro et que le directeur des services de sécurité de Gaz Métro va décider d'engager des gens qui sont certifiés dans l'industrie, et donc qui ont obtenu un permis d'agent de sécurité, qu'on dise que tous les agents de sécurité au Québec aient besoin d'un permis, «fine». M. Lizotte, il est directeur de la sécurité chez Gaz Métro, va prendre le C.V. de la personne et va dire: As-tu ton permis d'agent? Oui, parfait, je peux t'engager. Ce sera sa décision à lui.
Ma question, c'est: Quel est le bénéfice pour le ministère de la Sécurité privée... publique, pardon, petit lapsus.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fahey (Richard): C'est ça que j'allais dire, méchant lapsus, ici, le ministère de la Sécurité publique, quel est l'avantage d'avoir un permis d'agence pour Gaz Métro?
M. Chagnon: Au moins, si vous aviez parlé de la sécurité intérieure, on se serait compris un peu.
M. Fahey (Richard): Ça s'en vient. Ça a l'air à ça.
M. Chagnon: Bien, je vais répondre à votre question. Je l'ai évoqué un peu plus tôt. Si effectivement, puis comme je le crois, que... la sécurité privée est un des quatre piliers de la sécurité intérieure d'un État, eh bien, quand l'État a besoin, quand l'État... ça arrive que l'État a besoin de l'ensemble de ses forces, de ses quatre forces pour assurer sa sécurité intérieure, dans le cas d'un sinistre, dans le cas d'un sinistre. Prenons le cas du verglas. Eh bien, on se retrouverait dans une situation où on aurait évidemment l'assurance de pouvoir compter sur nos trois autres piliers: la sécurité civile, les pompiers, les policiers, puis en même temps la sécurité privée. Mais, si je ne connais pas la moitié du monde qui sont dans la sécurité privée, ça m'amène à un problème.
M. Fahey (Richard): Mais là je parle de la sécurité interne, à l'intérieur de Gaz Métro.
M. Chagnon: Oui, mais la...
M. Fahey (Richard): Vous connaissez Gaz Métro, vous savez qu'ils sont des partenaires de la sécurité.
M. Chagnon: Oui. Bien, je voudrais qu'ils le soient davantage.
M. Fahey (Richard): Ah oui! En tout cas, je ne pense pas qu'ils puissent... en tout cas.
M. Chagnon: Mais vous comprenez, là... vous comprenez ce que je...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chagnon: J'en ai manqué une. On les aura un peu plus tard.
M. Fahey (Richard): Mon collègue Lizotte démange en arrière.
M. Lizotte (Gaétan): C'est parce qu'on parle de Gaz Métro, je suis responsable de la sécurité. Comment on est structurés en ce moment, je fais partie prenante de l'organisation comme gestionnaire des risques chez Gaz Métropolitain. En ce moment, j'engage une agence... De votre question à ce que Gaz Métro voudrait être sur un registre, je n'ai pas de trouble avec ça, parce que toute la trame de fond, la loi n° 112, n° 173, fait effet qu'on a des responsabilités, qu'on est partie prenante comme infrastructure essentielle, de s'assurer de participer à la sécurité du public. De là à devenir une agence, ça, c'est une autre question. On ne veut pas devenir une agence...
M. Chagnon: Non, je n'ai jamais suggéré ça.
M. Lizotte (Gaétan): ...mais que nos agents soient de l'interne ou de l'externe, qu'ils demandent un permis, je n'ai pas de trouble avec ça. Ça, c'est clair.
M. Chagnon: O.K. Mais ça, c'est très... c'est très... Ça, ce n'est pas tout à fait ce que vous nous dites.
M. Fahey (Richard): Et ça, je pense... Bien, c'est ça. La distinction que je dis, moi, c'est que Gaz Métro a-t-il besoin d'un permis d'agence?
M. Chagnon: Ce n'est pas ça que j'ai dit.
M. Fahey (Richard): O.K. Parfait. Donc, moi, c'est ce que j'avais compris.
M. Chagnon: O.K.
M. Fahey (Richard): Que si vous me dites qu'un service de sécurité à l'intérieur d'une entreprise n'a pas besoin d'un permis d'agence, je suis d'accord avec vous.
M. Chagnon: Parce que, si, un jour...
M. Fahey (Richard): Parce qu'on dit que tous les employés...
M. Chagnon: Parce que, si, un jour, j'ai besoin, pour des raisons de force majeure, de pouvoir compter sur une force humaine, là, de gens qui vont pouvoir assurer la sécurité, et que j'ai besoin d'aller chercher des gens chez Gaz Métro dans sa sécurité interne, des gens qui font de la surveillance et du gardiennage, je pourrais appeler, là, puis savoir que, oui, j'ai huit hommes ? huit hommes ou femmes ? huit, 10, 12, 15, 20 personnes qui sont disponibles pour venir aider à une cause commune à l'extérieur. C'est important, ça.
M. Fahey (Richard): En tout cas.
M. Chagnon: Charte fédérale.
M. Fahey (Richard): Oui.
M. Chagnon: Ce qu'on me dit, on va me l'écrire, là, mais ce qu'on me dit, c'est que ça ne pose pas un véritable problème constitutionnel, tant et aussi longtemps que les activités se font dans la province de Québec ou de l'Ontario, de n'importe où. La problématique, elle est intéressante sur le plan du droit, mais, semble-t-il qu'elle n'est pas contraire à... qu'elle n'est pas irréconciliable.
La reconnaissance des acquis. Vous avez raison, je pense qu'il faut reconnaître les acquis des gens qui seront éventuellement... qui travaillent dans des... que ce soit en gardiennage ou en n'importe quoi, il faut absolument faire une reconnaissance d'acquis. Est-ce que la reconnaissance d'acquis doit équivaloir à 100 % de la valeur de la formation? Je ne le sais pas. Je pense c'est trop tôt pour le dire. Ça m'apparaîtrait... pas sûr de ça. Mais...
M. Fahey (Richard): Bien, en tout cas, je pense que les gens qui font la job aujourd'hui, on devrait la reconnaître.
M. Chagnon: Justement, absolument. Il faut la reconnaître sûrement en partie, peu importe, dépendamment ce qu'ils font, évidemment. Ce sera assez. Merci.
La Présidente (Mme Thériault): Ça va? Merci. Je me tourne maintenant du côté du porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique.
M. Charbonneau: C'est vrai.
La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Borduas.
n(16 h 50)nM. Charbonneau: Alors, je voudrais savoir, parce que vous avez parlé tantôt de ne pas créer des barrières à l'entrée pour la création d'entreprises ou pour l'embauche... pour des entreprises, des PME qui seraient déjà existantes. Est-ce que, par ailleurs...
Moi, je comprends votre raisonnement, mais est-ce que ça veut dire que, parce qu'on est nouveau, qu'on veut se lancer en affaires dans ce secteur-là, qu'on n'aurait aucune exigence à supporter, que dans le fond, parce que là on rentre dans un nouveau secteur, dire: Le champ est vierge, et on peut tout faire, puis quand on sera installé, bien là on va nous poigner dans le détour puis on va nous encadrer? Mais que j'ai l'impression que ce n'est peut-être pas ça que vous vouliez dire, mais que ça peut donner l'impression que, à quelque part, il n'y aurait pas d'obligation au départ pour des gens qui veulent se lancer en affaires dans le secteur de la sécurité privée.
M. Fahey (Richard): En fait, je pense que j'ai mal expliqué, là, l'élément. C'est qu'on se rappellera, il y a quelques années, il y a eu le rapport Lemaire sur l'allégement réglementaire puis on avait, tout le monde, donné le même exemple du terrain de camping qui a besoin de 27 permis pour commencer à opérer.
Pensons à notre entreprise de sécurité qui se lance et qui veut offrir tout type de service possible. S'il faut qu'elle obtienne sept permis à la Sécurité publique, qu'elle s'inscrive à la CSST, à l'IGIF, aux normes du travail et au ministère du Revenu ? tu sais, j'en passe, là ? on se rendrait à 27.
Mon point, c'est juste de dire, c'est que: Est-ce qu'on a besoin... et c'est un peu la réalité des PME. Une PME et le personnel qui y oeuvre sont polyvalents, vont faire autant de la surveillance, des enquêtes, du gardiennage, et ainsi de suite. Ils vont offrir tous ces services-là pour aller chercher de la clientèle pour faire vivre cette entreprise-là, faire vivre ce rêve-là quand ils se lancent en affaires.
Mon point, c'est: Est-ce qu'on a besoin d'avoir sept types de permis? Est-ce qu'il ne pourrait pas y en avoir trois, deux, et ainsi de suite, de faire des familles de permis où là on dirait: Bien, la différence entre du gardiennage puis de la surveillance, pas trop grande. L'investigation, peut-être un petit peu plus, mais, tu sais, est-ce que ça mérite un permis indépendant? Puis, tu sais, ça évite aussi des... du cloisonnement où tu dis: Bien oui, j'ai un permis de surveillance, mais je n'ai pas un permis d'investigation. Mais là je viens de constater quelque chose: je ne peux pas aller plus loin. Il faudrait... tu sais.
Et puis là on parle de sanctions aussi par rapport à quelqu'un qui n'aurait pas le permis pour faire un acte donné, et ainsi de suite. Donc, plus tu multiplies le nombre de permis, plus tu crées de la confusion, plus tu crées des barrières à l'entrée, à la création d'entreprises. Donc, c'est plus... Ce n'est pas de dire: Mettez pas de normes de qualification, de compétence, ou ainsi de suite. C'est que, si vous en mettez, mettez-en pas trop, puis ne multipliez pas le nombre de permis parce que ça, ça rend le démarrage d'une entreprise plus compliqué.
M. Charbonneau: Incidemment, les recommandations qui étaient issues du comité consultatif prévoyaient moins de permis que ce que le livre blanc nous propose.
M. Fahey (Richard): Tout à fait. Exact.
M. Charbonneau: Bien, je reviendrais sur un élément, là, sur lequel le ministre est intervenu, c'est-à-dire la reconnaissance ou non des acquis. À partir du moment où on reconnaît, on reconnaît dans l'industrie qu'il y a des failles encore, ce n'est pas une industrie parfaite... et dans le fond personne ne l'est.
Est-ce qu'on ne serait pas corrects de prévoir une espèce de formation continue ou une espèce d'ajustement pour ceux qui sont déjà dans l'industrie, sans nécessairement leur dire qu'ils n'ont plus aucune promotion à aller chercher? Autrement dit, il me semble qu'il y a une différence entre dire: On va former seulement les nouveaux puis on va... ou d'autre part on va former tout le monde, mais on va tenir compte du niveau de compétence et d'acquis qui sont déjà... qui sont déjà là. Puis, dans certains cas, ça peut vouloir dire que les gens ont une reconnaissance totale de leurs expériences, de leurs années d'expérience ou de travail puis, dans d'autres cas, moins, justement parce que... la variété de leur, de leur expérience de vie ou professionnelle est plus petite.
M. Fahey (Richard): En fait, il y a deux éléments, je pense, et c'est deux temps sur un spectrum, là. Si on dit demain matin: Tous les agents doivent obtenir un permis et ils doivent avoir passé une certaine formation, en supposant que c'est ça, la décision qui est prise par le gouvernement, à ce moment-là, selon nous, il faut qu'il y ait reconnaissance des acquis de compétence, que quelqu'un, par exemple, que ça fait 10 ans qu'il fait de la sécurité n'ait pas besoin de faire un programme de formation professionnelle ou technique qui pouvait être développé par le MEQ, alors que cette personne a probablement beaucoup plus de compétence que la personne qui a même bâti le programme, O.K. Ça, c'est le premier élément, donc une reconnaissance des acquis au jour 1 de la réforme. L'industrie de la sécurité, c'est une industrie qui se transforme au jour le jour. Qu'il y ait un programme de formation continue ensuite, la réponse, c'est oui. Ce programme de formation continue devrait être mis en place par l'industrie elle-même parce que c'est eux qui sont au courant de comment l'industrie évolue, et donc à ce moment-là que les entreprises peuvent référer à leur association, leur regroupement, pour obtenir une bonification de formation au fil des ans, mais je pense qu'il y a une distinction entre l'instauration de la réforme versus la formation continue, par ailleurs.
M. Charbonneau: Moi, je reviendrais aussi sur une autre question, là, c'était sur l'obligation que le livre blanc veut faire justement pour les entreprises qui s'occupent de leur propre sécurité. Vous aviez l'air à la fin à dire: Bon, bien, écoutez, nous, on serait d'accord pour que les... M. Lizotte de Gaz Métropolitain avait l'air à dire la même chose. Je ne sais pas si c'est ça que j'ai compris, mais je voulais juste être bien sûr. Vous dites: Les gens qui travaillent dans notre service de sécurité, qu'ils soient certifiés, on n'a pas de problème.
M. Fahey (Richard): En fait, je pense que l'entreprise, elle... Admettons que, aujourd'hui, on me dit: Tous les agents de sécurité doivent avoir une formation ou un permis, O.K., à partir de maintenant, l'entreprise qui a un service de sécurité interne et qui veut se doter d'agents va recevoir des C.V., et, dans les C.V., une des qualifications qu'on va rechercher, c'est: As-tu un permis, as-tu suivi la formation? Donc, qu'on dise que pour être un agent au Québec, il faut avoir suivi telle formation et tel permis à partir de maintenant, ça, c'est une question. Que les entreprises décident d'engager ces gens-là sur la base du permis, je pense que ça va être tout à fait légitime puis ça va même, de leur point de vue, diminuer le risque de bavure qu'ils pourraient avoir, en quelque sorte.
Ce qu'on n'est pas d'accord ? et ça, je pense que c'est... je veux être très clair là-dessus ? que Gaz Métro se dote d'un dispositif de sécurité interne et du personnel en sécurité interne, c'est sa décision corporative, et il n'a pas besoin d'obtenir un permis d'agence.
M. Charbonneau: Et ce que vous dites, c'est que, dans le fond, si le gouvernement, si le ministère de la Sécurité publique, pour toutes sortes de raisons, y compris la coordination en cas de problématique, je ne sais pas, moi, de sécurité civile, là, veut avoir la liste des gens qui travaillent, il pourrait l'avoir autrement qu'en ayant l'exigence d'avoir une certification particulière.
M. Fahey (Richard): Exact. Tout à fait. Quand il y a eu les événements du Sommet de Québec, là, Gaz Métro faisait partie des intervenants liés à la sécurité.
M. Chagnon: ...puis il y avait du gaz, là, puis on travaillait sur le gaz.
M. Fahey (Richard): Au Saguenay, Gaz Métro faisait partie... Quand il y a eu la crise du Saguenay, on était des partenaires dans la crise du Saguenay, pas d'un point de vue de sécurité, de gardiennage et de surveillance, je suis d'accord avec vous, M. le ministre, mais on était là. Le ministère savait qu'on était là, et on collaborait avec les autorités pour rétablir en quelque sorte une situation un petit peu plus normale.
M. Charbonneau: Mais ce que ça voudrait peut-être dire, c'est qu'il faudrait peut-être que le ministère ou le gouvernement établisse des critères d'utilité publique, là, parce que, à cet égard-là, n'importe quelle entreprise qui décide de faire un peu de sécurité serait contrainte d'avoir un permis, là...
n(17 heures)nM. Fahey (Richard): Domtar, Hydro-Québec, les universités, les... Parce que les universités se sont dotées de patrouilles, là, qui patrouillent les campus, ainsi de suite. Est-ce qu'ils ont besoin d'un permis d'agence de sécurité? Je ne pense pas. Et c'est une décision corporative. Tu sais, il y a des arrondissements à Montréal qui sont dotés d'un service de patrouille qui sont différents de la police de Montréal, puis c'est une allocation de ressources à ça; c'est une décision corporative, c'est une décision des élus municipaux des arrondissements à Montréal, c'est une décision des universités, et ça, je pense qu'il faut respecter cette décision-là et éviter qu'il y ait de l'ingérence à ce niveau-là.
M. Charbonneau: Bien. Merci beaucoup. Merci.
Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a encore... Le député de Marguerite-D'Youville a des questions à vous poser.
M. Moreau: M. Fahey, vous savez...
Le Président (M. Simard): Et beaucoup de temps devant lui.
M. Moreau: Oui, ce qui le change de ses habitudes.
M. Fahey, il y a trois points qui m'ont, je vous le dis, fait sursauter dans vos exemples. Le premier, c'est lorsque vous avez fait notre exemple du gardien de sécurité chez Gaz Métro ? je suis convaincu qu'ils n'agissent pas tous comme ça, au recouvrement ? et vous avez estimé que le public était protégé s'il y avait des voies de fait qui étaient commises par l'agent de sécurité parce qu'il avait le droit de poursuivre.
Je vais vous dire avec beaucoup d'égards: Je ne trouve pas que c'est un exemple qui indique que le public est protégé. L'individu peut peut-être poursuivre pour des voies de fait, mais là où le public serait protégé, c'est s'il y avait une procédure déontologique qui permettait de mettre à l'écart cet agent-là qui s'avérerait être une pomme pourrie. Et un peu comme ce que le ministre suggérait à l'égard des avocats de Gaz Métro qui sont membres du Barreau, s'ils pratiquaient d'une façon incorrecte par rapport à la déontologie, ce ne serait pas à sa victime à le poursuivre, mais ce serait à son ordre professionnel de s'assurer qu'il soit mis hors service. Or, dans votre exemple, je trouvais que ça coupait court un peu au niveau de la protection du public pour cet agent de sécurité qui aurait un comportement un peu étrange.
Le deuxième point. Vous dites que le souci fait par les membres de la commission ? et le député de Borduas le soulignait ce matin, lors d'une intervention ? que, dans les sociétés ou les agences d'investigation et de sécurité que, par exemple, des groupes d'actions détenues, lorsqu'elle est en forme corporative, puissent être détenues par des gens d'un milieu criminalisé, vous avez indiqué: Bien, écoutez, tout ce qu'on a à faire, c'est de faire les enquêtes que la loi prévoit.
J'ai sous les yeux la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité et son règlement d'application particulier, et on prévoit, à l'article 8, les dispositions ou, en fait, les renseignements qu'une personne dans une forme corporative doit donner au ministère de la Sécurité publique, et j'aimerais que vous m'indiquiez, dans ces dispositions-là, là, où vous voyez que quelques-uns, ou l'un ou l'autre de ces renseignements-là est suffisant pour m'assurer qu'il n'y aurait pas infiltration d'un groupe criminalisé dans une agence sous forme corporative en matière de sécurité ou d'investigation.
Et enfin, dernier élément, votre clause grand-père qui ferait en sorte que, si on avait demain des exigences pour réglementer la sécurité privée, où on passe automatiquement tous ceux qui sont là parce qu'ils ont de l'expérience et qu'on demande de la formation seulement pour les nouveaux arrivés, moi, je veux bien vous croire sur parole que tous ceux qui sont là depuis longtemps sont bons, mais, à supposer qu'il y en a une couple qui ont passé dans la craque, comme on dit, comment on va faire pour faire en sorte que ces gens-là ne soient plus en circulation avec un permis pour faire de la sécurité privée?
M. Fahey (Richard): Bonne question. En fait, au niveau de la déontologie, dans notre mémoire, on le dit: éthique et déontologie devraient être régies par le regroupement des intervenants de la sécurité. Donc, les associations, les regroupements qui vont être créés vont mettre en place des règles de déontologie de bonne conduite, et là que cette personne-là, cette pomme pourrie, comme vous l'appelez, fasse l'objet d'enquêtes déontologiques, aucun problème.
Ce que je disais, c'est que, du point de vue de la personne, elle a un recours contre l'entité-parapluie que représente l'entreprise privée qui a décidé de se doter d'un service de sécurité privée, puis ce n'est pas un permis d'agence qui va la protéger plus contre des baveux. Des baveux, il y en a dans la police, puis elle est déjà régie par la sécurité privée. Donc... la sécurité publique, encore une fois, M. le ministre... Donc, dans ce contexte-là, ce n'est pas ça qui va protéger le public. Le public est protégé par l'entité corporative qui engage ces gens-là, premier élément.
En ce qui concerne les...
M. Moreau: Je ne vois pas comment le public est protégé par l'entité corporative, parce que vous dites: La protection du public, c'est de poursuivre l'entité pour les voies de fait, ça...
M. Fahey (Richard): Tout à fait.
M. Moreau: Bien, qu'est-ce qui protège le public? Parce que, moi, si je me fais bardasser par M. Lizotte ? il est plus gros que moi, lui ? si lui commence à me bardasser et que, pour me protéger, membre du public, je suis obligé de fouiller dans mes poches pour le poursuivre, j'ai une protection qui est relative, vous ne trouvez pas?
M. Fahey (Richard): Pourquoi fouiller dans vos poches? Je ne comprends pas.
M. Moreau: Bien, pour le poursuivre, là. Moi, dans mon ancienne vie, j'étais avocat, j'envoyais des comptes.
M. Fahey (Richard): Ah! Au civil? Bien, moi aussi, je suis avocat, c'est ça...
Une voix: ...au civil.
M. Fahey (Richard): Non, c'est ça. Au civil, si vous me poursuivez au civil. Les voies de fait, c'est criminel, donc vous pouvez poursuivre.
Le Président (M. Simard): ...
M. Fahey (Richard): C'est ça.
M. Moreau: Oui, oui.
Des voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fahey (Richard): C'est ça. Mais mon point, c'est juste que, du point de vue du Code criminel, une voie de fait est poursuivable.
Pour ce qui est des enquêtes, vous parlez, dites: Quelles informations là-dedans on nous donne? Il y a une clause ? puis je la cherchais puis je ne l'ai pas trouvée ? mais il y a une disposition là-dedans où on demande à la SQ de faire enquête sur les entreprises. Or, on nous a dit tantôt que cette possibilité d'enquête là était rarement mise en application auprès des agences.
Je pense que c'est là qu'est le rôle de la Sécurité publique ? de la police en l'occurrence ? de vérifier les antécédents, de vérifier justement s'il y a des criminels de grand chemin qui sont à la tête d'agences de sécurité.
Mais, moi, au moment où on se parle, je n'ai pas vu de scandale dans Le Journal de Montréal la semaine passée, d'une agence de sécurité qui est infiltrée par le crime organisé qui justifierait un tel encadrement.
Deuxième élément: ça ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir d'encadrement. Les dispositions de la loi doivent être appliquées, O.K.? Mais le point, c'est juste de dire: Il y a des mécanismes dans la loi et dans les règlements, qui sont déjà là. On ne les utilise pas. Ça, c'est peut-être une réalité où les services policiers pourraient en faire plus. Maintenant, c'est une question de ressources, j'y reviens au début.
Et le dernier élément que vous avez soulevé...
M. Moreau: La clause grand-père...
M. Fahey (Richard): La clause grand-père.
M. Moreau: ...où ils sont tous bons parce que ça fait longtemps qu'ils sont là.
M. Fahey (Richard): Bien, écoutez...
M. Moreau: Je trouvais ça cool.
M. Fahey (Richard): ...allons expliquer... allons expliquer, O.K., à la personne qui fait 10 ans de sécurité privée...
M. Moreau: Qu'il n'est pas bon.
M. Fahey (Richard): ...qu'il n'est pas bon. Vous irez lui expliquer.
M. Moreau: Mais, parfois, ça peut être utile de lui expliquer.
M. Fahey (Richard): Tout à fait.
M. Moreau: Parce que ça se peut. Il y a des gens qui peuvent être là depuis fort longtemps, et je ne dis pas, je ne porte pas un jugement de valeur sur ces gens-là, mais...
Une voix: ...
M. Moreau: ...est-ce qu'il n'y a pas...
M. Fahey (Richard): Et là c'est tout le phénomène de formation continue, de code de déontologie de l'association qui va en quelque sorte ramasser ces pommes pourries là, comme vous les appelez, pour faire en sorte qu'on ait de meilleurs agents de sécurité au Québec. Mais je ne suis pas sûr, encore une fois, que ça nécessite une réglementation tous azimuts.
Le Président (M. Simard): Il y avait M. le député de Trois-Rivières qui voulait poser une dernière question.
M. Gabias: Oui, M. le Président. Alors, je comprends que personne ici ne veut bénéficier d'une clause grand-père. Ne pensez-vous pas, M. Fahey, que...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: ...pour les députés.
Des voix: ...quatre ans...
M. Gabias: Absolument. Vous avez raison. Si on revient, ne pensez-vous pas que...
Une voix: ...
M. Gabias: ...parce qu'on cherche... ou, du moins, je comprends, de votre intervention, qu'on doit faire une distinction s'il s'agit d'une personne qui agit en sécurité, à l'intérieur d'une entreprise et, par contre, si c'est une personne qui est à l'emploi d'une entreprise de sécurité, c'est autre chose. Bon.
Une voix: ...
M. Gabias: Ne pensez-vous pas qu'il est important, à partir du moment où une personne, qu'elle se trouve avec quelque employeur que ce soit, dès le moment où elle a à travailler en matière de sécurité, donc en interface avec le public en général, il est nécessaire qu'il y ait de la formation, qu'il y ait de l'encadrement, qu'il y ait un encadrement dans une législation, parce qu'il ne s'agit plus seulement des intérêts privés, mais aussi ça fait appel à l'intérêt public, et, sur cette base-là... Parce que je comprends que, vous, vous regardez ça avec la lunette d'entreprise, là, mais il faut voir ça aussi, lorsqu'on parle de personnes qui sont en interface avec des individus, au niveau de la sécurité, il est important qu'on parle de formation, d'encadrement.
M. Fahey (Richard): En fait, je pense qu'il faut distinguer entre...
Une voix: ...
M. Fahey (Richard): ...l'agent et l'entreprise. Que l'agent fasse l'objet de formation, de certification, de ci ou de ça, j'ai déjà dit oui à ça. Là où j'ai un problème, c'est que l'entreprise privée qui n'est pas une entreprise de sécurité... Domtar, qui se dote d'un service de sécurité pour protéger ses installations, là... Tout le monde est en relation avec le public, tu sais, n'importe qui... Il y a un fournisseur qui va rentrer sur le plant de Domtar pour aller rencontrer quelqu'un. Il va être en contact avec l'agent de sécurité. Donc, tout le monde est sujet à être en contact avec le public.
n(17 h 10)n Ce que je dis, c'est que l'entreprise a un rôle, dans l'embauche, de bien analyser la candidature, de bien analyser les compétences, de bien analyser les certificats, permis et autres que cette personne-là doit détenir, mais elle n'a pas besoin d'un permis d'agence. Ça, je m'excuse, là, je vais avoir beaucoup de difficultés à vous concéder ça.
M. Gabias: Oui, je comprends. Je comprends votre...
Le Président (M. Simard): M. le député de Trois-Rivières...
M. Gabias: Vous m'interrompez, M. le Président.
Le Président (M. Simard): ...de vous interrompre, c'est parce que...
M. Gabias: Je vais accepter votre interruption.
Le Président (M. Simard): Vous m'intéressez toujours, vous le savez beaucoup, mais là ça fait déjà un moment que vous avez passé votre temps.
M. Fahey, je vous remercie, vous êtes un habitué de nos commissions parlementaires. Vous arrivez ici, toujours tout feu tout flamme, pour défendre les causes que vous voulez défendre. Ça a été intéressant, et je vous remercie.
Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à... J'ajourne, plutôt, jusqu'à demain, 14 heures.
(Fin de la séance à 17 h 11)