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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Tuesday, January 27, 2004 - Vol. 38 N° 26

Consultations particulières sur le projet de loi n° 35 - Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures trente-cinq minutes)

La Présidente (Mme Thériault): Nous avons le quorum, nous allons débuter nos travaux, donc la séance est ouverte.

J'aimerais rappeler le mandat de la commission, qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Létourneau (Ungava) est remplacé par M. Côté (Dubuc) et Mme Papineau (Prévost) est remplacée par M. Bédard (Chicoutimi).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Thériault): Merci bien. Donc, aujourd'hui, ce matin, nous aurons le plaisir d'entendre Gains Conseils, qui est représenté ici par M. Yves Langlois, qui est accompagné de M. Christian Boivin, qui est un accidenté du travail. M. Langlois, vous connaissez nos règles. Vous avez 20 minutes pour nous faire votre présentation et, après ça, il y aura des échanges avec les parlementaires.

M. Langlois (Yves): Je vous remercie.

La Présidente (Mme Thériault): Merci.

Gains Conseils inc.

M. Langlois (Yves): Bonjour. Je remercie le ministre de la Justice, M. Bellemare, ainsi que les membres de la présente commission de me permettre de présenter mes commentaires sur le projet de loi n° 35.

Je vous présente M. Boivin; il demeure à Jonquière et est accidenté du travail. Il lui a pris plus de 24 mois pour faire reconnaître son accident de travail. M. Boivin a été victime d'un accident de travail le 2 décembre 1999, qui fut reconnu seulement le 18 février 2002 suite à une décision de la CLP. Certains nous diront qu'un an pour la révision, ce n'est pas astronomique, et d'autres diront: Un an à la CLP, ce n'est pas mauvais. Mais, pour l'accidenté, deux ans et demi pour recevoir ses premières indemnités quand tu as une famille à faire vivre, qu'en pensez-vous?

Mon nom est Yves Langlois. Je suis membre de l'Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec et président-directeur général de la compagnie Gains Conseils inc. C'est à la suite de mon expérience à titre d'accidenté du travail et avec les diverses instances administratives en matière de lésions professionnelles que j'ai décidé de fonder, le 23 septembre 1999, Gains Conseils inc. À cette époque, j'ai moi-même pu constater la complexité et la lourdeur du processus administratif et j'ai réalisé comment des individus pouvaient être démunis et désemparés face à cette instance administrative.

J'agis actuellement à titre de représentant et de conseiller des administrés auprès des instances administratives gouvernementales.

Vous aurez, pendant la période de questions, le loisir de vous informer davantage sur ce qu'a vécu personnellement M. Boivin.

Nous sommes, de prime abord, favorables au projet de loi n° 35 dans la mesure où celui-ci tend à éliminer plusieurs problèmes auxquels doit faire face l'administré au cours du processus d'appel. Nous sommes favorables à l'instauration d'un guichet unique sans égard au type de réclamation: accident de travail, de la route, victime d'acte criminel.

Nous avons procédé, dans le mémoire qui vous a été remis, en fonction des articles anciens ou modifiés de la Loi sur la justice administrative, qui auraient intérêt à être amendés. Tout d'abord, notre présence dans cette salle se veut uniquement dans le but d'apporter d'autres suggestions qui, selon nous, seraient de nature à faciliter la tâche de l'administré tout au long du processus d'appel.

Notre premier commentaire concerne l'article 2 du projet de loi n° 35, qui modifie l'article 6 de la Loi sur la justice administrative actuellement en vigueur. Selon nous, cet article se veut l'avertissement qu'une décision non favorable à l'administré est sur le point d'être prise ou déjà prise, appelons-la l'avis de décision défavorable.

Il est inutile de nous attarder sur la décision accordant l'intégralité de la demande de l'administré, car, ici même, plusieurs groupes ou individus avant moi en ont déjà discuté. Je crois qu'un consensus s'est établi sur les intervenants afin qu'il ne soit pas nécessaire, pour ce type de décision, de produire un avis.

n (10 h 40) n

Toutefois, l'avis de décision défavorable, lui, est important, car il est le premier contact de l'administré avec la Loi sur la justice administrative. Ce contact est d'une importance déterminante pour la reconnaissance du droit de l'administré. Dans le but de limiter les dangers de confusion dans les procédures et les droits qui lui sont garantis par la loi, nous proposons que le deuxième paragraphe de l'article 6 de la loi actuelle informe de façon claire que l'administré doit se prévaloir du droit de contester la décision pour avoir accès à la reconsidération de la décision par l'entité administrative gouvernementale. Des accidentés me rencontrent régulièrement à propos de décisions non contestées à l'intérieur du délai prescrit. La plupart d'entre eux m'expliquent le non-respect du délai autorisé suite à l'information qu'ils ont obtenue de l'instance administrative à l'effet qu'elle peut reconsidérer sa décision sur présentation de nouveaux documents.

Fort de cette possibilité, l'administré subit, dans un premier temps, le délai occasionné par les listes d'attente, prend rendez-vous avec le médecin et fait ensuite des démarches pour obtenir les examens prescrits et les documents qu'il croit pertinents. Lorsqu'il présente ces nouveaux éléments à l'instance administrative, ses espoirs sont anéantis, car celle-ci refuse de reconsidérer sa décision, alors que les délais de contestation se sont écoulés pendant qu'il effectuait ses démarches, le plaçant ainsi dans un cul-de-sac. Nous croyons que la décision rendue par l'instance administrative ne devrait comporter que l'information requise pour que l'administré puisse contester la décision rendue dans un délai de 90 jours en adressant simplement une requête devant le TRAQ. Une information claire, précise et complète de la contestation serait un prérequis à la possibilité de reconsidération. Il suffirait d'introduire, dans le deuxième paragraphe de l'article 6, la mention qu'il peut contester la décision. En exemple, elle doit aussi, lorsqu'elle notifie sa décision, informer l'administré qu'il peut contester la décision et communiquer avec elle.

Ça, c'est le reste de la loi, la suite relèverait du TRAQ qui, en réponse à la requête de l'administré, lui ferait parvenir un accusé de réception avec les informations suivantes: que, dès maintenant, l'administré puisse vérifier auprès de l'instance administrative la possibilité que celle-ci reconsidère sa décision, qu'une audition au TRAQ sera fixée dans un délai maximum de 30 jours suivant la contestation, et que l'administré et son représentant soient avisés par un préavis écrit d'au moins 30 jours avant l'audition, et finalement qu'il peut communiquer avec le TRAQ pour s'informer des possibilités de conciliation.

Il serait important, dans le but d'informer le justiciable, qu'il soit fait mention dans l'accusé de réception des délais prévus pour chaque étape, soit: la décision initiale, l'administré a 90 jours pour la contester; une fois la décision contestée, l'instance administrative a 90 jours pour la reconsidérer; et, à la fin du délai de reconsidération, il reste entre 90 et 120 jours pour la conciliation ou l'audition devant le TRAQ.

Bien des administrés que nous rencontrons sont très souvent peu ou pas scolarisés. Il faudrait donc éviter de leur laisser croire erronément, en raison d'un avis joint à la décision de l'agent d'indemnisation, que celle-ci puisse être modifiée sans être contestée. Par cette information portant à confusion, les administrés pourraient être hors délais et ne pouvoir bénéficier des avantages de la loi. Le projet de loi n° 35 est déjà un pas dans la bonne direction afin de faciliter l'administré avec ses interrogations sur les procédures. Si la présente commission recommande l'adoption de cette suggestion, aucune ambiguïté entre «Dois-je contester?» ou «Vont-ils reconsidérer ma décision?»

Mes prochains commentaires concernent l'article 83.1 de la loi en vigueur, que le projet de loi prévoit de modifier. J'ai vécu le paritarisme au niveau du Bureau de révision de la CSST avant 1998 et je le vis à nouveau, comme représentant d'accidentés, au niveau de la Commission des lésions professionnelles.

Notons en premier lieu que les représentants patronaux et syndicaux ne sont soumis à aucune règle de nomination. N'importe qui peut être nommé, et ce, sans exigence relative à une formation académique minimale, à une expérience pertinente ou à une compétence particulière en droit ou en médecine. Il est aberrant de constater que ces personnes vont tout de même questionner les parties, les témoins et les experts. Ce faisant, elles retardent les débats en questionnant les plaignants ou les requérants sur des points souvent futiles et non pertinents. Elles peuvent aussi perturber un travailleur qui se sent littéralement harcelé par trois individus, alors que la commission est là pour les entendre et non pour faire enquête. Régulièrement, des accidentés ayant vécu l'expérience du paritarisme sont totalement effrayés à l'idée qu'ils pourraient retourner devant la CLP et être à nouveau inondés de questions par ce banc paritaire et me demandent de régler leurs dossiers en conciliation, et ce, même à rabais.

Sans avoir une formation spécifique en droit, nous savons bien qu'il existe une notion du secret du délibéré. Qu'en est-il alors? Lorsque le commissaire chargé de rendre une décision doit tenir compte de l'avis d'un membre patronale et/ou syndical, pourquoi le travailleur ne peut-il pas présenter ses arguments en regard de ces avis? Comment pouvons-nous croire qu'une audience tenue par trois personnes, dont les compétences de deux personnes ne sont pas nécessairement pertinentes, puisse rendre le processus de contestation simple, efficace et convivial? Pour une justice administrative de qualité au Québec, il faudrait éviter le patronage et les nominations partisanes de membres au sein de la section des lésions professionnelles.

Actuellement, le Québec fait office de chef de file au niveau des provinces dans l'abolition successive des instances quasi judiciaires utilisant le principe du paritarisme. Il y a eu le démantèlement de la Commission des relations ouvrières en 1968, il y a eu la création du Tribunal du travail, l'instauration du Commissaire du travail, et, même pour l'arbitrage des différends, les parties abandonnent graduellement le modèle paritaire. Ne devons-nous pas utiliser ce projet de loi pour abolir définitivement, dans les tribunaux administratifs, toute forme de paritarisme, et ce, même au niveau des lésions professionnelles?

Dans la société québécoise d'aujourd'hui, au moment même où l'on se demande comment cesser le gaspillage, commençons donc par éliminer les salaires non nécessaires. Si le paritarisme demeure, tel que mentionné à l'article 34 du projet de loi, je serais très surpris qu'un représentant du travailleur y fasse appel, outre les représentants syndicaux, bien sûr, pour des raisons évidentes. Alors, si c'est majoritairement la CSST et l'employeur qui en font la demande, au détriment de qui ira majoritairement l'avis des représentants?

Une des façons maintes fois citées par les intervenants qui dénoncent le paritarisme est le bénévolat des personnes nommées pour siéger dans les auditions où il s'y pratique le paritarisme. Afin de réduire les opinions partisanes émises par les représentants des associations d'employeurs ou syndicales, il serait préférable qu'ils siègent sans aucune rémunération lorsque ceux-ci sont mandatés dans une audience. De cette façon, ils n'auront pas cette raison qui pourrait influencer leur décision. Mon expérience m'amène à recommander à la présente commission d'éliminer la présence de membres onéreux au processus administratif et non nécessaires aux délibérés, c'est-à-dire les membres des associations patronales et syndicales.

Si la présente commission décidait, malgré les opinions majoritairement opposées des gens qui m'ont précédé à cette commission, de maintenir le paritarisme, je vous recommande de le maintenir aux conditions suivantes: premièrement, que les membres siègent de façon bénévole; deuxièmement, que les membres des associations devront détenir une formation adéquate et que les membres pourront siéger uniquement à la demande unanime des parties impliquées dans le litige.

L'article 102 de la Loi sur la justice administrative est le prochain article qui nous préoccupe dans cette réforme. Il fait référence essentiellement du choix d'un représentant par le justiciable. La possibilité de pouvoir choisir une personne de leur choix ne garantit pas la compétence, le professionnalisme et l'intégrité de ce représentant. Afin de tenter d'exclure les faux représentants du processus de révision et de protéger les justiciables, qui sont généralement les personnes vulnérables devant ce genre de monde, le projet de loi devrait inclure une clause à l'effet que seuls les individus ci-dessous peuvent faire des représentations devant le TRAQ: soit un représentant d'une association syndicale ou un membre en règle d'un ordre ou d'une corporation professionnelle. La raison de cette suggestion est de protéger le justiciable d'une mauvaise représentation, car les personnes mentionnées précédemment détiennent toutes une assurance responsabilité dans leur pratique.

L'article 39 du projet de loi n° 35, concernant l'ajout de l'article 103.1 à la Loi sur la justice administrative, peut paraître utile, mais nous ne croyons pas qu'il est du rôle du Tribunal administratif de statuer sur la compétence du représentant. Le choix d'être représenté est un choix personnel relevant de chacun. Sur quel motif le membre du TRAQ se basera-t-il pour déterminer la compétence du représentant? Y a-t-il un danger que ce pouvoir discrétionnaire ne devienne une échappatoire quand un représentant les oblige à de laborieux délibérés? Si toutefois un administré a été mal représenté, il n'aura qu'à prendre des procédures en responsabilités contre son représentant. Dans ce cas-là, il n'y a pas de différence entre un avocat et un autre professionnel. Nous suggérons de retirer l'article.

Quant à l'article 113 de la loi actuelle, modifié par le projet de loi, il doit s'appliquer en interrelation avec l'article 6. Il faudrait insérer dans le texte de cet article une référence à l'article 6. Sur réception de la requête, le secrétaire du tribunal fixe la date de l'audition, conformément à l'article 6, en transmet copie, et le reste, c'est le reste de la loi.

n(10 h 50)n

La modification proposée à l'article 114 de la Loi sur la justice administrative crée une présomption de désistement suite à la reconsidération de la décision. C'est l'inverse de cette présomption qui fait actuellement consensus auprès des groupes qui se sont présentés devant cette commission, et j'y abonde aussi. En effet, pour que la justice administrative devienne plus accessible et efficace pour le justiciable, il devrait y avoir une présomption du maintien de la contestation tout au long du processus administratif. Plus la procédure est longue et complexe, plus l'administré risque de subir des préjudices. L'administré ne doit pas être obligé de réitérer sa volonté de contester suite à la reconsidération de la décision s'il n'est pas satisfait de celle-ci. Le deuxième paragraphe de l'article 114 devrait être retiré.

Finalement, l'article 119.6, modifié par le projet de loi, introduit l'obligation de conciliation pour la partie intimée. Quoiqu'en matière de lésions professionnelles la conciliation entre l'administré et l'employeur peut très bien se faire, toutefois la présence de la CSST ne doit pas retarder indûment le processus administratif en cours. De plus, la présence obligatoire de la partie intimée en conciliation implique que, si celle-ci ne veut ou ne peut modifier sa position, le justiciable fera face à des coûts supplémentaires pour se défendre. Si le requérant... L'exemple serait: Si le requérant accepte la conciliation, la partie contre laquelle est formé le recours est tenue d'y participer de bonne foi.

En conclusion, le projet de loi n° 35 modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives propose plusieurs changements permettant d'améliorer l'efficacité du tribunal, de simplifier les règles et les délais dans les procédures administratives. De plus, en excluant le paritarisme des auditions, il a le mérite de rendre le tribunal plus convivial et humain. Nos recommandations vont dans le sens d'alléger encore plus le processus administratif dans un premier temps, parce que la décision initiale ne mentionnera que le droit à la contestation devant le TRAQ, et, dans un deuxième temps, parce que l'accusé de réception du TRAQ comportera, pour sa part, toutes les informations sur la reconsidération, la conciliation et les délais.

Nous espérons que nos commentaires sauront aider la commission et qu'ils apporteront de nouvelles réflexions afin de continuer à rendre la justice administrative au Québec plus efficace et plus accessible à tous.

La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. Langlois. Donc, nous allons débuter les échanges. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Bellemare: Alors, merci beaucoup, M. Langlois, pour votre présence ce matin. Bienvenue à M. Boivin qui vous accompagne.

Vous avez abordé essentiellement deux questions dans votre mémoire: la question du paritarisme et la question de la représentation. Alors, le projet de loi vise à introduire une mécanique qui permettrait à un commissaire ou à un juge administratif qui se retrouverait devant un cas flagrant d'incompétence pour une personne qui n'est pas avocat ? parce que les avocats sont déjà assujettis à un code de déontologie, sont déjà assurés de par leur appartenance au Barreau ? ...quelqu'un qui n'est pas avocat et qui représente un employeur ou un accidenté du travail pourrait être disqualifié par un juge administratif qui le jugerait manifestement incompétent, par exemple, dans le but de préserver les droits de l'accidenté ou de l'employeur. Ça nous apparaît important de prévoir dans le projet de loi une mécanique à cet effet-là parce que vous avez très certainement, puisque vous oeuvrez dans le secteur des lésions professionnelles, été informé du fait qu'il y a actuellement au Québec des avocats qui ont été radiés de leur ordre professionnel pour des raisons d'incompétence et de malhonnêteté, des avocats, donc, radiés qui continuent d'oeuvrer, même s'ils ne sont plus membres du Barreau, dans le secteur des lésions professionnelles et qui causent beaucoup de dommages, qui ne peuvent pas nécessairement être poursuivis, qui ne présentent pas de preuve de solvabilité et qui mettent les accidentés dans des situations extrêmement difficiles lorsque les gens réalisent qu'ils ont été floués.

Alors, on a analysé un certain nombre de possibilités. On a regardé la possibilité, par exemple, de permettre uniquement aux avocats de représenter les accidentés; on s'est dit que ça représenterait peut-être un recul parce que, depuis 1979, les non-avocats peuvent agir dans ce domaine-là et ils l'ont fait, pour la plupart, avec brio puis ont permis à plusieurs accidentés d'être représentés à des coûts beaucoup plus modestes. Donc, ce serait un recul si on permettait juste aux avocats d'agir dans ce domaine-là.

On a également analysé la possibilité d'exiger qu'il y ait une assurance pour tous ceux qui représentent les accidentés. On nous a expliqué que ça créait des difficultés parce qu'il y a beaucoup d'assureurs qui ne veulent pas assurer les organismes qui ne sont pas... qui n'agissent pas par le biais d'avocats dans le secteur des lésions professionnelles. Alors, on a prévu cette mécanique-là qui n'est, je pense bien, pas nécessairement parfaite mais qui est la meilleure qu'on ait trouvée.

Vous, vous proposez qu'on retire du projet de loi le pouvoir qui est actuellement conféré au commissaire de pouvoir disqualifier un représentant. En pratique, avez-vous une solution à nous proposer, qui pourrait être meilleure que celle qui est avancée dans le projet de loi, pour faire en sorte qu'un représentant incompétent, dangereux ? je ne dis pas que c'est la majorité, loin de là, mais, quand ça se produit, il faut agir ? qu'un représentant incompétent et dangereux puisse être empêché d'agir avant qu'un dommage irréparable ne soit causé? Parce que, une fois que tu perds ta cause à la CLP, il n'y a pas d'appel, là, c'est final. Et on a beau dire: Il poursuivra, il poursuivra, mais on sait très bien qu'il y a des gens qui agissent comme consultants, au Québec, qui ne sont pas membres d'un ordre professionnel, qui ne sont pas assurés, qui ne sont pas assujettis à un code de déontologie, qui ne sont pas assurables non plus et qui ouvrent une boutique à un moment donné puis qui la ferment au bout de quelques mois, qui partent avec les dossiers, avec l'argent, puis les accidentés n'ont ni recours en dommages et intérêts ni moyen d'agir au plan déontologique.

Alors, j'aimerais que vous nous disiez: si, vous, vous aviez à écrire un projet de loi, qu'est-ce que vous prévoiriez dans le projet de loi pour garantir la protection des gens qui sont représentés par des consultants qui sont ceux, là, dont je viens de parler?

M. Langlois (Yves): Dans un premier temps, comme j'ai fait l'énoncé lors de mon discours, le fait d'être membre d'un ordre professionnel ou d'une corporation professionnelle fait en sorte que le représentant a une assurance responsabilité. Même, les avocats aussi font partie d'un ordre qui a cette assurance-là. À partir de ce moment-là, je crois qu'une des meilleures protections pour les accidentés, c'est effectivement que son représentant ait une assurance qui le protège d'une mauvaise représentation.

Dans le cas du commissaire, dans le tribunal, lui laisser... c'est quand même un pouvoir discrétionnaire qui est quand même relativement grand, quoique je crois qu'il a quand même la compétence pour pouvoir agir. Toutefois, si arriverait un conflit de personnalité avec un représentant, le problème pourrait survenir qu'il lui dise: Bon, bien, tu n'as pas de compétences pour le faire, puis il l'exclut du tribunal. Il y aurait... Je crois que la commission en a discuté avec d'autres intervenants, au niveau de la possibilité que le représentant demande, devant un autre palier judiciaire, d'être entendu puis puisse se défendre. Parce que la problématique est là. Si le commissaire le chasse du Tribunal administratif, après ça, c'est quand même une vie, là, c'est quand même notre orientation de carrière, puis c'est vers là qu'on se dirige pour défendre le droit des personnes qui ont besoin d'aide, là.

M. Bellemare: Si je comprends bien votre point de vue, vous estimez que l'article 103 qu'on a prévu, le pouvoir du commissaire de pouvoir disqualifier un représentant, ne devrait pas s'appliquer non seulement aux avocats, mais à d'autres membres de corporations professionnelles qui obligent leurs membres à bénéficier d'une assurance et qui prévoient un code de déontologie. C'est un petit peu ça?

M. Langlois (Yves): C'est un peu ça parce que c'est seulement... c'est uniquement à cause du danger. Remarquez qu'il pourrait y avoir une mécanique que, pour exclure un représentant du tribunal, le commissaire ajournerait l'audience. C'est sûr que là on rajoute des délais, sauf qu'il n'y aurait pas de décision qui serait fatale dans ce sens qu'une fois qu'il a ajourné l'audience, que le représentant soit soumis à un conseil de trois pour justement aller s'enquérir des qualités de représentant de cette personne-là. Si vous désirez absolument maintenir le pouvoir discrétionnaire du commissaire au niveau de est-ce qu'il est compétent ou pas, à mon avis, il ne faudrait pas que ce soit juste sur l'acte d'une personne.

M. Bellemare: Si on prévoyait que la décision d'un commissaire disqualifiant un représentant pour faute, pour question de compétence, si on prévoyait que cette décision-là était appelable devant la Cour du Québec, c'est-à-dire qu'un consultant qui se voit disqualifié pourrait en appeler à la Cour du Québec de la décision de le disqualifier pour assurer une plus grande indépendance du processus et pour protéger le consultant en question contre des abus éventuels ou des attitudes revanchardes de la part du commissaire, est-ce que ça vous conviendrait? Pensez-vous que ce serait une idée acceptable?

n(11 heures)n

M. Langlois (Yves): J'ose croire que ce ne sera pas la décision du commissaire d'une façon rapide, là, sur ses premières impressions sur un individu. Parce que le fait de permettre un appel, ça engage des coûts automatiquement au représentant que des fois, si... Mais, en tout cas, dépendant de comment il est... je ne sais pas comment vous expliquer ça.

Donc, écoutez, quand je parle des coûts, c'est que, si le représentant essaie de charger le moins cher possible à ces accidentés, la problématique est que, premièrement, il n'a pas... peut-être pas les moyens ou quoi que ce soit d'engranger une contestation devant un autre palier. L'important, à mon avis, serait, avant que la décision soit irrévocable ou d'être obligé d'aller en appel, qu'il y ait un comité qui se réunit puis qui juge de la pertinence de ce représentant-là à la place d'arriver puis d'être obligé d'aller plaider devant une autre instance pour venir dire que, oui, je suis un bon représentant.

M. Bellemare: Merci, M. Langlois.

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Groulx.

M. Descoteaux: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, M. Langlois et M. Boivin, de vous remercier de vos représentations devant la commission.

M. Langlois, vous abordez de façon assez... en profondeur la question du paritarisme. Et je suis heureux parce que, au fond, vous l'abordez sous un angle qu'on n'avait peut-être pas entendu devant la commission ou très peu, à tout le moins. Vous faites un parallèle au niveau de l'arbitrage et vous faites un parallèle même jusqu'au niveau des différentes matières de relations de travail. Et, moi, j'abonde un peu dans votre sens dans la mesure où un tribunal, c'est un tribunal. Et, en matière d'arbitrage, on a presque évacué la question du paritarisme en matière d'arbitrage de griefs entre autres, et la question, où, en tout cas, les raisons étaient assez simples: les coûts sont assez élevés ? on multiplie par trois généralement ? et aussi les délais additionnels.

Où c'est plus complexe en matière de différends, dans le sens qu'il s'agit de créer une convention collective ou de la renouveler, parce qu'on veut avoir justement des gens, de part et d'autre, qui ont une connaissance du milieu du travail en question, et, même là, on écarte un peu ou, graduellement, on écarte, selon vos propos, le paritarisme pour garder un tribunal avec un seul décideur.

J'aimerais vous entendre un peu, parce que je vois les choses un peu de cette façon-là. Au niveau du paritarisme, ici, devant le tribunal, est-ce que le fait qu'on ait un décideur unique, c'est justement une cause où on devrait considérer que ça peut nuire à la justice, que la justice soit rendue, ou, au fond, que ça peut aider à ce qu'elle soit rendue?

M. Langlois (Yves): À notre avis, il est évident qu'un accidenté, devant un banc de trois personnes, est, de façon systématique, intimidé, là. Il y a aussi le fait que ces personnes-là qui assistent le commissaire puissent poser des questions à tout moment, puis je vous dirais même, des fois, les questions, elles n'ont vraiment pas grand rapport avec la cause qu'on entend. Je vous donnerais un exemple personnel: dans la fin des années quatre-vingt, il y a une personne qui assistait le commissaire qui m'a demandé, comme ça, dans l'audience, pendant les questions, si ma femme travaillait? On n'a jamais compris pourquoi.

Mais, bien souvent, la question qu'ils nous apportent nous fait systématiquement changer d'où on est présentement dans le fil de nos idées. Ça fait qu'à partir de là, quand tu vois comment peuvent se comporter ces personnes-là, il y a de sérieuses grosses réserves à prendre. Le commissaire, je crois, avec les habilités qu'il a, est à même d'être capable de décider, de façon très juste, les tenants et aboutissants de la cause.

M. Descoteaux: On nous a dit, M. Langlois, qu'il y avait presque une distinction fondamentale entre ce que pouvait être le Tribunal administratif et ce que pouvait être un tribunal d'arbitrage ou un tribunal en matière de différends, et je ne vois pas nécessairement ça, à prime abord. Est-ce que... Comment voyez-vous ça, de votre côté? Est-ce qu'un tribunal, c'est un tribunal, ou il y a ces distinctions fondamentales qui font qu'un tribunal, en matière de relations de travail, doit être relevé des relations de travail, puis le TRAQ, lui, suivrait un tout autre processus?

M. Langlois (Yves): Écoutez, à mon avis, une cause d'accident ? des blessés ? quand on parle de médical, peut être très bien écoutée par une autre instance en autant qu'ils sont plus ou moins spécialisés vers ce sujet. Si on regarde le TRAQ actuellement, comment il va être divisé en trois sections, il y a une section qui relève systématiquement des lésions professionnelles, des blessures. Quoique je regarde dans le projet de loi puis je trouve, à mon avis, qu'il ne va pas... qu'il pourrait aller encore un peu plus loin en ce sens que même les accidentés de la route, en première instance ou en deuxième instance, pourraient faire partie d'exactement le même tribunal, là.

M. Descoteaux: Au niveau du paritarisme, si on devait le conserver ou en conserver une partie, ou l'adapter à tout le moins, au niveau de la formation des représentants, patronal ou syndical, quel genre de formation voyez-vous? Est-ce que, effectivement, la seule formation ou la seule exigence qu'on peut exiger d'eux, c'est d'être d'un milieu ou d'un autre, patronal ou syndical? Voyez-vous que c'est particulièrement pertinent d'avoir des représentants qui ont une formation quelconque, là, peu importe dans quel domaine?

M. Langlois (Yves): Qu'ils aient une formation ou pas, vous alourdissez le processus. Il y a trois personnes sur le banc, il y a trois idées probablement différentes, ou, des fois, ils peuvent converger ensemble, mais n'empêche que vous continuez à alourdir le processus avec trois personnes qui sont là. Ça coûte plus cher, ça prend plus de temps, et il y a un paquet de raisons pourquoi qu'on devrait éliminer de façon systématique le paritarisme.

M. Descoteaux: Et, à toutes fins utiles, s'il y a des coûts reliés, j'ai bien compris de votre mémoire qu'à ce moment-là ce serait aux parties de part et d'autre d'assumer ces coûts-là, selon vous, s'il y avait des... abstraction faite du fait que ça alourdit le processus.

M. Langlois (Yves): Oui, effectivement. Quand... S'il y a demande unanime des parties, bien là il y a à diviser les coûts des deux personnes qui sont là.

M. Descoteaux: Un dernier point, si vous permettez, Mme la Présidente, au niveau... On a effectivement entendu que, au niveau des représentants de part et d'autre, ça pouvait... on voulait favoriser justement les droits, peut-être, du salarié ou de la victime d'un accident, et on en a entendu d'autres qui ont dit que c'était plutôt intimidant comme processus de se retrouver devant un tribunal à quatre. Et j'aimerais ça peut-être vous entendre juste sur ce point-là, parce que vous avez parlé de la convivialité du tribunal, à toutes fins pratiques.

M. Langlois (Yves): Effectivement, mais comme je vous ai répondu précédemment, c'est exactement ça. Un banc de trois ou de quatre, pour la personne qui n'est pas habituée d'aller devant les tribunaux, c'est intimidant sérieusement. Vous pouvez... sur n'importe quelle personne qui a eu à passer à travers le processus administratif... vont tous être du même avis. Avant de rentrer, ils n'ont pas de salive, ils n'ont rien, ils sont complètement hagards. Même, des fois, on leur pose des questions, souvent on est obligés de revenir requestionner notre accidenté parce qu'il est parti, puis tout simplement à cause de l'effet des trois ou quatre personnes qui se trouvent là.

M. Descoteaux: Merci, M. Langlois. On voit que vous êtes présenté devant les tribunaux.

La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: Bonjour, MM. Boivin et Langlois. Merci de votre contribution à cette commission. Ma question s'adresserait particulièrement à M. Boivin, qui a connu non seulement un accident de travail mais aussi le passage devant la CLP, et, bon, on entend, il y a des échanges sur la question du paritarisme. Il y a eu des représentants de syndicats qui sont venus ici vanter le paritarisme et l'importance que ça avait pour l'accidenté qui se sentait mieux écouté et mieux compris du fait qu'il y avait un représentant du monde syndical et aussi, évidemment, un représentant du monde patronal.

Pouvez-vous, à partir de votre expérience, nous informer ou nous instruire sur ce qui s'est passé dans votre cas à vous, puis votre opinion très personnelle sur cette question-là, comment vous, vous êtes senti devant le CLP, et avec cette question, là, particulière, là, d'être devant trois personnes? Avez-vous senti que le représentant syndical était un allié? Vous sentiez-vous plus à l'aise? Votre opinion très personnelle, là, là-dessus.

La Présidente (Mme Thériault): M. Boivin, vous aurez environ trois minutes pour répondre à la question du député. Merci.

n(11 h 10)n

M. Boivin (Christian): Oui. Bien, pour garder ça simple, je vais dire seulement un mot: le doute. J'ai eu un gros doute face à cette assemblée-là devant moi, il y a eu un gros doute face à cette assemblée-là devant moi, il y a eu un gros doute face au représentant que... Le commissaire, ça, ça allait, mais, au niveau représentant du travailleur, représentant syndical, qui me dit qu'ils ne sont pas de connivence ensemble? Je ne le sais pas.

Moi, les accidents de travail que j'ai eus à certains moments donnés étaient vraiment un fait accidentel, c'était vraiment un accident. Il y en a un, accident, qui n'a jamais été reconnu. J'ai retourné travailler un an de temps, un an sans... en travaillant avec des médications pour être capable de survivre, puis par la suite j'ai été opéré de cette épaule-là, j'ai été réopéré de l'autre épaule parce que j'ai eu un autre accident de travail qui a été reconnu, ça, c'est sûr. Mais tout ça pour dire que la lourdeur de l'administration, puis la machine administrative, puis la compréhension que, nous autres, on a de tout ça, c'est vraiment immense. Pour un travailleur qui est manuel, quand tu t'en vas dans un domaine où est-ce que l'intellectuel est très fort, où tu n'as pas de représentativité au niveau médical face à... O.K., tu as un représentant du syndicat du travailleur, mais au niveau médical, l'accident qu'il a eu, face à tout ça, là, les décideurs qui sont en avant sont mandatés pour juger le rapport médical, s'il est bon ou pas bon. Ça fait que, moi, je trouve que...

À prime abord, ce que je trouve déplorable, là, c'est que le représentant... les représentants qui sont en avant de nous autres, là, ils devraient au moins avoir... au niveau médical, parce que, quand on parle d'accidents, en partant, tout de suite, là, il y a l'humain, O.K. Puis le côté humain n'est pas représentatif là-dedans, au niveau physique, psychologique... Psychologique, physique, ça, c'est sûr, il n'y a rien là-dessus; tout ce que tu as, c'est bureaucratique. Mais l'avis médical, il n'y en a pas. Ça, je trouve ça déplorable.

Si, dans mon dossier, il y aurait eu un représentant médical, je ne serais pas rendu aujourd'hui avec un problème au niveau... Tu sais, aujourd'hui, là, je suis obligé de prendre des médications parce que tout ce que j'ai vécu, là, m'a amené à vivre... m'a amené dans un chemin sinueux, O.K. Je n'aurais pas eu à vivre ça, ça. C'est une lourdeur du système qui a fait qu'aujourd'hui Christian est rendu là, puis je pense que c'est des coûts supplémentaires à la société qu'on n'aurait pas eu à payer, là, puis, moi, je le paie de ma vie, tu sais. Ça fait que c'est pas mal ce que j'avais à dire.

La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député, ça va? Oui. M. le député de Dubuc, la parole est à vous.

M. Côté: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Langlois, M. Boivin, bienvenue à cette commission. M. Langlois, merci pour votre mémoire et votre contribution aux travaux de cette commission.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais, M. Langlois, peut-être que vous me donniez un petit peu de détails sur Gains Conseils inc. Qu'est-ce que c'est au juste, est-ce que vous êtes le seul actionnaire ou est-ce que vous avez aussi des représentants qui travaillent pour vous? Est-ce que vous plaidez seulement devant la Commission des lésions professionnelles ou si vous plaidez... ou si vous représentez aussi des gens devant le TAQ ou...

M. Langlois (Yves): Non, effectivement, Gains Conseils... Je suis l'unique travailleur au sein de Gains Conseils. Toutefois, il y a des liens informels et formels de tissés avec plusieurs sphères, que ce soit la médecine, que ce soit le droit aussi, parce que vous comprendrez bien que la loi actuelle nous permet de représenter le monde au niveau de la CSST devant la CLP et toutes les instances.

Toutefois, au niveau de la SAAQ, moi, la seule chose que je peux faire dans ce niveau-là, c'est: quand quelqu'un m'appelle, qui a des problèmes comme accidenté de la route ? parce que j'en vois, il y en aurait, j'en aurais, j'aurais de la clientèle, beaucoup trop pour qu'est-ce que je suis capable de faire ? il y en a qui m'appellent, et, il y a quatre ans, pas de décision de rendue dans un dossier, il n'y a rien. Qu'est-ce qu'on fait habituellement? On transfère les dossiers vers des procureurs qui sont spécialisés juste là-dedans.

Au niveau de Gains Conseils, qu'est-ce qu'on fait, c'est que la personne nous appelle, nous, on prend en charge son dossier, au niveau des accidentés du travail, puis on la dirige vers soit des expertises si on en a de besoin, parce que, veux veux pas, suite à la réception de son dossier, on analyse son dossier, puis, après ça, on voit qu'est-ce qui manque pour la preuve; donc, on s'organise pour aller chercher tout ce que l'individu a besoin pour avoir une preuve solide devant la CLP.

M. Côté: Bon, je voudrais revenir justement sur la représentation. Vous avez dit tout à l'heure que vous... surtout sur les délais, pardon, pas sur la représentation, sur les délais. Lorsque vous parlez de la révision, contestez la décision, là, du tribunal, si je comprends bien, c'est qu'une fois que l'entité administrative a rendu sa décision, vous proposez que le justiciable ait un délai de 90 jours pour contester la décision. C'est bien ça?

M. Langlois (Yves): En révision, excusez.

M. Côté: Non.

M. Langlois (Yves): Décision initiale.

M. Côté: Décision initiale, c'est ça que je comprends. Et, autrement dit, c'est que, durant cette période de 90 jours là, il pourrait y avoir, de la part de l'entité administrative, révision de la décision, il pourrait y avoir également conciliation durant ce 90 jours?

M. Langlois (Yves): C'est bien ça.

M. Côté: Bon. Maintenant, comment... si, par exemple, il y a révision, vous dites que, bon, souvent, l'entité administrative fait une révision suite à des faits nouveaux, à des documents nouveaux, ou encore à d'autres rapports médicaux qui sont produits par le justiciable, mais de quelle façon la personne, le justiciable va pouvoir, lui, refaire, demander ces documents-là, aller vers l'entité administrative pour dire: Bien, écoutez, est-ce que vous allez réviser, là... ou allez-vous réviser votre décision, ou bien si... ou c'est lui qui va demander la révision?

M. Langlois (Yves): Vous comprendrez, pour cette question-là, je vais...

M. Côté: J'ai un peu de problème à saisir, là.

M. Langlois (Yves): O.K. Je vais parler de ma paroisse, là, c'est bien entendu. Voyez-vous, moi, les décisions, dans une proportion d'à peu près 80 %, je les règle soit avec l'agent soit en révision, pour reconsidération. L'important, dans ce délai-là de 90 jours, c'est de forcer... parce que je ne parle pas ? justement j'ai laissé une proportion de 20 %, là, où est-ce que je ne réglerais pas ou quoi que ce soit, ou que ça n'avançait pas du tout ? c'est que je n'ai aucun retour d'appel, je n'ai rien, il n'y a rien qui les force à le faire, tandis qu'en ayant un délai clairement établi, là l'entité n'aura pas le choix de négocier. Ou ils peuvent toujours dire: Non, on ne reconsidère pas puis on passe à l'autre étape. Mais en l'ayant clairement sanctionné dans la loi, à mon avis, il serait mal à l'aise de dire: Bien, je ne reconsidère pas ta décision... la décision.

M. Côté: Oui, mais, si l'entité reconsidère sa décision, elle va la reconsidérer sur des faits nouveaux. Mais comment, dans ce délai de 90 jours, l'administré va-t-il pouvoir obtenir les documents nécessaires à ce que sa décision soit révisée? C'est ça que j'ai un petit peu de misère à... Vous savez qu'aujourd'hui aller obtenir un rapport médical ou une expertise médicale, des fois, c'est long, il y a des listes d'attente, vous le dites vous-même dans votre mémoire, et ça m'apparaît un petit peu aller à l'encontre de la logique même, parce qu'on va être pris, on ne pourra pas régler le problème, on ne pourra pas réviser dans le délai que vous proposez, autrement dit. C'est pour ça que j'ai un peu de misère à comprendre. Mais, si vous dites... vous me dites: Oui, ah, il va y avoir quand même le droit de réviser, mais, à ce moment-là, l'administré n'aura pas à produire d'autres documents, parce que ce sera presque impossible avec ce délai-là de 90 jours.

M. Langlois (Yves): Je vous dirais que, dans les liens qui sont tissés pour Gains Conseils, à l'intérieur d'un délai de deux mois, j'ai souvent l'expertise de ça, disponible, là. C'est sûr que ça ne s'applique pas aux justiciables comme tels, sauf que, dans plusieurs occasions, une décision est donnée suite à une interprétation des documents qui sont là, qui ne sont pas tout à fait de façon claire, là. Il y a bien souvent dans l'analyse des documents plusieurs façons... C'est surtout suite au témoignage d'un accidenté qui nous donne l'information réelle de qu'est-ce qui s'est produit, on peut arriver... avec même souvent les documents qui sont là, son médecin traitant affirme quelque chose, un physiatre vient compléter, bien souvent tout est présent dans le dossier, sauf que l'agent a rendu sa décision au sens d'un rapport médical d'un médecin précis, puis la décision est fondée là-dessus. Mais, si on regarde comme il faut... D'ailleurs, quand on va plaider, bien souvent, on sort des informations médicales qui datent du moment de l'accident puis qui fait que la décision est renversée.

n(11 h 20)n

M. Côté: Merci. En matière de représentation, vous proposez que les... vous dites que ce n'est pas, là, au commissaire de mettre de côté un représentant pour incompétence, et que c'est... Vous dites: L'administré pourra toujours prendre des procédures contre ce représentant. Bien, vous savez, écoutez, l'administré qui est souvent seul à se représenter ou qui ne sait pas trop comment ça fonctionne, croyez-vous vraiment qu'il va être capable de prendre des procédures contre son représentant? Moi, j'en doute énormément, sauf que, il faut quand même aussi donner un certain pouvoir ? le ministre l'a souligné tout à l'heure ? il faut quand même aussi se donner la possibilité justement d'éliminer ou de... éliminer, c'est un bien grand mot, mais d'avoir la possibilité justement d'écarter ces gens qui représentent mal les administrés.

Le Barreau du Québec, que nous allons recevoir cet après-midi, propose dans son mémoire une espèce de... Lorsque, par exemple, un administré est mal représenté, c'est que le Commissaire pourrait s'adresser au président du Tribunal administratif, il pourrait faire une plainte au président du tribunal qui, lui, pourrait décider de différentes sanctions, ça pourrait être une suspension, ça pourrait être une demande de parfaire ses connaissances, ça pourrait être une exclusion complète, ça pourrait aller jusque... Est-ce que vous trouvez que cette procédure-là, plutôt que d'aller en Cour du Québec, un appel à la Cour du Québec, est-ce que vous trouvez que cette procédure-là pourrait être intéressante?

M. Langlois (Yves): Absolument. D'ailleurs, dans la première question que le ministre m'a posée, je disais à peu près les mêmes choses que vous me disiez pour le justiciable, qu'il serait obligé d'amener son représentant en cour. Donc, à partir de là, la seule chose qui est importante à mes yeux, puis je ne me suis vraiment pas penché à fond sur la problématique, là, du commissaire, c'était plus le pouvoir discrétionnaire. Mais, avec la mécanique que vous m'apportez là, moi, je suis absolument d'accord avec: que le commissaire dépose une plainte ou un avis d'audition pour le représentant tel quel au président du tribunal. C'est numéro un.

M. Côté: En ce qui concerne le paritarisme, j'aimerais peut-être... Vous dites... vous prononcez contre le paritarisme et vous dites: Bon, si jamais le ministre décide de maintenir le paritarisme, vous mettez, là, des conditions dans votre mémoire, entre autres, bon, que les membres soient bénévoles, qu'ils détiennent une formation adéquate.

Ne croyez-vous pas que, si on avait une liste, une liste de personnes qui auraient été choisies, là, de façon assez stricte, là, des gens compétents qui seraient nommés par exemple pour une période, je ne sais pas, moi, un délai par exemple de cinq ans, avec une rémunération adéquate, ne croyez-vous pas que ça pourrait aider? Parce que, vous savez, le travailleur qui est tout seul... Monsieur, tout à l'heure... M. Boivin a parlé tout à l'heure en disant qu'il n'a pas vraiment senti, là, qu'il ne s'est pas vraiment senti appuyé. Mais le travailleur qui est seul, là, qui est devant le tribunal ou devant le commissaire, il me semble qu'il se sent appuyé lorsqu'il a quelqu'un, un assesseur qui est là, qui peut l'aider, qui peut répondre à des questions pour lui, qui peut l'instruire sur certaines choses, tandis que, lorsqu'il est seul, il n'a pas ces réponses-là, il n'a pas ces... Il ne se sent pas plus appuyé, là, quand il est seul que quand il y a quelqu'un qui pourrait l'aider. Alors, c'est pour ça que, moi, j'ai...

Écoutez, je suis d'accord. Je comprends ce que vous dites, là, que les membres soient... que vous trouvez que ça n'apporte pas beaucoup, mais, par contre, vous dites qu'il faudrait que ce soit bénévole, formation adéquate. Mais je pense qu'il y a moyen de le faire en exigeant par exemple, en mettant justement des listes de membres et en les nommant pour un certain nombre de temps. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Langlois (Yves): Je vais vous répondre en deux temps, dans votre question. Dans un premier temps, oui, effectivement, il y a certains membres qui peuvent avoir une certaine qualification qui pourrait même aider ? puis j'appuie sur le mot «même», là ? aider le travailleur qui est sans représentant, sans syndicat. Toutefois, l'expérience jusqu'à l'heure actuelle m'a démontré que, si la personne n'est pas syndiquée, l'avis du représentant syndical, excusez-moi, n'est pas là. Dans l'expérience que, moi, j'ai personnellement soit du Bureau de révision paritaire où, moi, je me suis présenté non syndiqué, je peux vous dire que l'avis du membre syndical n'était pas là.

Au niveau ? et je reviens sur le premier temps ? au niveau des personnes qui ont une expérience bien définie à ce niveau-là, comme je vous ai dit, même j'en connais personnellement puis je sais qu'ils sont d'ardents travailleurs à la tâche, là, puis ils l'ont vraiment, mais ce n'est pas la majorité. Donc, il faudrait vraiment qu'il y ait une sélection puis il faudrait quand même rester avec seulement: sur la demande unanime des parties. À partir de là, je ne m'oppose pas, mais je ne serai pas le représentant qui risque de demander le paritaire... le paritarisme.

M. Côté: Une dernière petite question. Vous ne vous êtes pas prononcé, dans votre mémoire, sur l'indépendance, l'impartialité des membres du tribunal, des juges administratifs. Est-ce que vous croyez que les... Vous ne vous êtes pas non plus prononcé sur l'abolition du Conseil de la justice administrative, mais est-ce que vous croyez que ce que le projet de loi apporte, nominations pour... jusqu'à aussi longtemps qu'il y a bonne conduite, est-ce que vous trouvez que c'est un pas vers cette indépendance, un grand pas vers cette indépendance, davantage d'indépendance, davantage d'impartialité?

M. Langlois (Yves): Effectivement, je ne me suis absolument pas penché sur ce point précis, sauf que j'ai écouté des débats sporadiquement, puis il y en avait quelques-uns qui débattaient au niveau justement de l'indépendance. Puis je crois que, si les tribunaux de paliers supérieurs agissent d'une façon bien particulière, je crois que le TRAQ devrait agir relativement de façon similaire. Donc, pour bonne conduite, et nommer, là... Je crois que c'est une des solutions pour l'indépendance des commissaires, du président et tout.

M. Côté: Alors, merci.

La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le député de Dubuc. Donc, M. Langlois, M. Boivin, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission. Et nous allons maintenant suspendre les travaux de la commission, nous reprendrons à 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

 

(Reprise à 14 h 7)

La Présidente (Mme Thériault): Puisque nous avons le quorum, nous allons débuter la séance. Donc, je rappelle le mandat de la commission, que nous sommes réunis afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives.

Dans l'horaire, cet après-midi, nous allons avoir le plaisir d'entendre le Service d'aide aux travailleurs et aux travailleuses accidentés du travail, qui seront représentés par M. Bernard Marquis et M. Potvin. Donc, je vous inviterais à prendre place et je vous rappelle nos règles. Donc, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire et, par la suite, il y aura deux blocs de 20 minutes avec les députés ministériels et les députés de l'opposition. Donc, M. Marquis.

Service d'aide aux travailleurs et
travailleuses accidentés du travail (SATTAT)

M. Marquis (Bernard): Merci, Mme la Présidente, Mme la vice-présidente, je crois, M. le ministre, M. le député, M. Côté du comté de Dubuc, que je connais très bien, il demeure dans mon bout d'ailleurs. Et je pensais voir M. Bédard, il n'y est pas aujourd'hui, ça m'aurait fait plaisir de le rencontrer, de Chicoutimi, vu que je viens de Chicoutimi.

Alors, avant de commencer dans mon mémoire, je vais d'abord me présenter et vous expliquer pourquoi j'en suis venu à fonder une association pour venir en aide aux travailleurs et travailleuses accidentés du travail. Il faut que je vous dise au début que je suis un accidenté du travail moi-même, et je vais vous dire à peu près qu'est-ce qui s'est passé dans ma vie avant que j'aie parti ça.

Alors, le premier accident de travail en 1968, un premier accident de travail en 1968, c'était de la chirurgie à chaque fois. Le deuxième accident de travail en 1973. Le troisième accident de travail en 1977, toujours avec des chirurgies. En 1979, j'ai eu une greffe osseuse ? en 1979 ? et puis, en 1990, j'ai eu une implantation d'un neurostimulateur, pour enlever la douleur que j'avais aux jambes. Il n'y avait aucun médicament, il n'y avait plus de chirurgie à faire pour ça. J'ai été le premier à Chicoutimi qui a eu ça, c'était nouveau, c'est un... implanté à l'intérieur, que je fais partir, marcher, fonctionner avec un petit aimant et qui, au besoin, arrête les douleurs, puis, quand je n'en ai plus, alors j'arrête ça avec un aimant.

n(14 h 10)n

Ceci pour vous dire que c'est ça qui m'a amené, un jour, à fonder l'association que j'ai faite. Je continue. J'ai fondé un OSBL en 1991. Ayant été hospitalisé ? veuillez excuser ma voix, parce qu'elle est enrouée, il y a de la grippe un peu ? ayant été hospitalisé plusieurs fois sur une longue période, vous comprendrez que j'ai eu le temps d'étudier la Loi sur les accidentés du travail. Je me suis défendu seul et j'ai gagné ma cause ? ...c'est normal ? alors, j'ai décidé de mettre mes expertises au service des accidentés du travail. C'est comme ça que je suis venu à fonder l'Association qui s'appelle le SATTAT, Service d'aide aux travailleurs et travailleuses accidentés du travail. Et je suis très heureux, depuis plusieurs années, de pouvoir continuer encore malgré mon âge assez avancé ? ça ne paraît peut-être pas, moi, je le sais, ma blonde aussi...

Premièrement, Mme la vice-présidente, un bref historique de la justice administrative. Il y aura bientôt une trentaine d'années que le gouvernement s'est vu remettre un premier bilan complet de l'état de la justice administrative au Québec. Le rapport Dussault, de 1971, proposait déjà la reconnaissance d'un ordre judiciaire indépendant pour ces tribunaux spécialisés. À l'époque, on pouvait croire que le sujet était marginal et n'intéressait que le Barreau et les technocrates de la justice, vu le nombre réduit de ces tribunaux et leur rôle limité dans la vie des citoyens. Mais le très sérieux rapport Ouellette de 1987 est venu vous le rappeler... rappeler au gouvernement du Québec qu'il avait mis en place une quantité impressionnante de structures quasi judiciaires depuis la Révolution tranquille. Cette année-là encore, la quarantaine de tribunaux administratifs ont rendu quelque 250 000 décisions. Elles ont touché des citoyens individuellement, souvent dans leurs droits sociaux et économiques fondamentaux. Excusez-moi.

La Présidente (Mme Thériault): Avec le consentement des membres, je pense qu'on va suspendre quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 12)

 

(Reprise à 14 h 13)

La Présidente (Mme Thériault): Donc, nous allons reprendre les travaux, et, M. Marquis, je vais vous inviter à continuer votre exposé. Prenez votre temps.

M. Marquis (Bernard): Merci, Mme la vice-présidente. Je vais recommencer.

Le rapport Ouellette de 1987 est venu rappeler au gouvernement du Québec qu'il avait mis en place une quantité impressionnante de structures quasi judiciaires depuis la Révolution tranquille. Cette année-là encore, la quarantaine de tribunaux administratifs a rendu quelque 250 000 décisions. Elles ont touché des citoyens individuellement, souvent dans leurs droits sociaux et économiques fondamentaux.

Dès son entrée en fonction à l'automne 1994, le ministre de la Justice, Me Paul Bégin, a annoncé son intention ferme de structurer ce secteur marqué par la désorganisation et le favoritisme. L'absence de procédure publique de sélection et de nomination des juges administratifs, dont le mandat est généralement limité à cinq ans, a été maintes fois décriée par les observateurs. Les vertus d'indépendance et d'impartialité sont naturellement invoquées par le ministre. C'était toutefois le cas aussi pour ses prédécesseurs qui n'ont rien fait, au-delà des études, des réflexions et des promesses.

Tous les espoirs étaient alors permis. Cependant, le ministre Bégin a été incapable de compléter toute la réforme souhaitée. Le moment est maintenant venu, avec le projet de loi n° 35, d'aller au bout de la réforme du ministre Bégin.

La création d'un seul tribunal. La Commission des affaires sociales, la CAS, fondée en 1975, et la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, CALP, créée en 1985, devraient être fusionnées à un guichet unique, centralisé, pour les citoyens insatisfaits d'une décision d'un organisme de l'État, que ce soit la CSST, la SAAQ, le service d'aide sociale ou encore la Régie des rentes. L'existence actuelle des deux tribunaux administratifs d'appel n'entraîne que des coûts inutiles ? ça, on le sait très bien ? sans compter la confusion, les complications et l'incohérence qu'elle génère pour les citoyens ordinaires qui ont bien raison de s'en plaindre. Le rapport Garant (1994) proposait déjà cette fusion au sein d'un éventuel «Tribunal administratif du Québec» ? que j'ai mis entre parenthèses.

Malheureusement, encore une fois, cette réforme n'a été complétée, puisque... n'a pas été complétée ? excusez ? puisque la CLP n'était pas intégrée au Tribunal administratif du Québec. Le projet de loi n° 35 prévoit heureusement la fusion de la CLP et du TAQ.

Troisièmement, l'abolition des structures de révision. Le système actuel est lourd et complexe. Les accidentés du travail, les accidentés de la route, les assistés sociaux et les victimes d'actes criminels se voient imposer un système à trois niveaux: les fonctionnaires en première instance, le palier de révision interne de l'organisme et le tribunal d'appel qui rend les décisions finales. Les instances de révision ne présentent aucune apparence d'impartialité et d'indépendance puisqu'elles relèvent entièrement de l'organisme qui a déjà décidé en premier lieu. Elles impliquent des délais et des coûts, sans compter qu'elles découragent souvent les citoyens aux prises avec des refus répétés et souvent systématiques.

Un citoyen insatisfait d'une décision de la SAAQ ? en passant, je vous dis que c'est encore plus compliqué et plus dur que la CSST, je me suis essayé là-dedans puis j'ai poigné le mur de Berlin, j'ai reviré tout de suite, j'ai resté avec la CSST ? ou de l'aide sociale ou de la CSST devrait pouvoir s'adresser immédiatement à un forum indépendant sans être contraint de s'expliquer devant une structure de révision interne.

Enfin, pour tout le monde, les instances intermédiaires de révision ne constituent pas de véritables tribunaux. Aussi bien les abolir complètement comme le réclament d'ailleurs bien des associations représentant les victimes des accidents du travail et de la route.

Quatrièmement, le statut de juge administratif. C'est bien important, bien intéressant, ça. Toutes les décisions rendues par la Commission des affaires sociales et la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles résultent d'un litige entre un citoyen, un employeur ou un organisme de l'État. De là la nécessité de doter les juges administratifs d'une indépendance véritable face au gouvernement actuel. Les nominations et les renouvellements se font selon l'arbitraire du ministre responsable du tribunal ? le bon vouloir du prince, dit-on. La procédure de sélection et de nomination devrait plutôt faire l'objet d'avis publics, d'entrevues de sélection en regard des critères de compétence connus.

Il est essentiel que le juge administratif ait un statut inamovible comme le prévoit l'article 18 au projet de loi n° 35. Enfin, l'indépendance du tribunal implique que les juges administratifs n'ont pas à vivre avec l'épée de Damoclès que constituait le fait qu'ils étaient nommés pour une durée déterminée. Le projet de loi n° 35 corrige cette situation. D'ailleurs, ce projet de loi prévoit une procédure de contrôle des décideurs administratifs, ce qui apparaît suffisant.

n(14 h 20)n

Cinquièmement, le rejet du paritarisme. Il est impossible que les objectifs d'indépendance et d'impartialité soient atteints comme le souhaitent les milieux syndicaux et patronaux ? je pèse fort sur ces mots-là, vous comprendrez ? de même que la CSST ? rapport Durand, 1994 ? le tribunal d'appel chargé d'entendre les causes en matière d'accidents du travail est composé d'une structure paritaire. Cela impliquait la présence d'un juge patronal, d'un juge syndical et d'un président. Cette formule mériterait peut-être d'être maintenue au stade du bureau de révision paritaire, où elle existait déjà depuis 1985. Les décisions du bureau de révision paritaire pouvaient cependant être portées en appel devant la CALP, qui n'était pas paritaire, ce qui assurait le respect ultime de la règle de droit.

Exporter le paritarisme judiciaire au sein de l'instance finale permettrait d'introduire le militantisme au sein même du tribunal. Elle tolérerait le marchandage sur le dos des justiciables à partir de considérations politiques qui n'ont aucun rapport avec la loi. Elle empêcherait l'uniformité tant souhaitée au sein d'un tribunal d'appel unifié, unique et cohérent.

Les lobbys patronaux et syndicaux sont déjà très influents, puis pas à peu près. Ils sont représentés au conseil d'administration de la CSST ? 14 sièges sur 15 ? depuis 1980, au sein des associations paritaires de santé et sécurité du travail dans la plupart des secteurs industriels et aux instances de révision qui rendent chaque année quelque 18 000 décisions.

Toutefois, puisque leur intérêt à influer sur les grands courants jurisprudentiels est parfaitement légitime, le gouvernement pourrait songer à leur permettre de jouer un rôle plus important dans la représentation des citoyens devant les tribunaux administratifs chargés d'appliquer la loi sociale. Depuis 1979, ils ont assuré une représentation souvent fort utile de travailleurs accidentés. Pourquoi ne pas leur donner la possibilité de représenter les victimes de la route ? très important, elles en auraient besoin ? les assistés sociaux ou encore les rentiers aux prises avec les puissants organismes d'État?

Sixièmement, la conciliation. La procédure de conciliation, mise en place depuis plusieurs années à la Commission des lésions professionnelles ? CLP ? a maintenant fait ses preuves. En fait, tous les représentants en la matière vont facilement reconnaître que cette conciliation est maintenant au coeur de tous les processus relatifs à la justice administrative. Il faut étendre cette conciliation à toutes les sections du nouveau Tribunal administratif. D'ailleurs, le projet de loi prend parti en faveur de la conciliation.

La conclusion. Le ministre de la Justice doit présenter un projet corsé qui répondra aux attentes bien légitimes des citoyens. Une justice administrative indépendante, fonctionnelle et transparente n'est certainement pas un luxe dans une démocratie comme la nôtre. C'est à ce prix que les citoyens pourraient enfin développer la nécessaire impression que des juges administratifs qui tranchent les litiges les opposant à une puissante société gouvernementale ne craindront pas pour leur poste en leur donnant gain de cause. Et ce, surtout si, pour y arriver, ils doivent rendre une décision aux impacts financiers ou administratifs considérables pour le gouvernement qui les a nommés. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. Marquis, pour votre présentation. Donc, je vais céder la parole au ministre pour les premiers échanges. M. le ministre.

M. Bellemare: Bienvenue, M. Marquis, M. Potvin, dans la commission des institutions. Vous êtes représentants d'un groupe qui vient du Saguenay.

M. Marquis (Bernard): Laterrière, Chicoutimi... Saguenay. Voilà! On va régler ça. Saguenay.

M. Bellemare: Saguenay, c'est ça?

M. Marquis (Bernard): C'est fusionné.

M. Bellemare: Il ne faut pas se tromper, là, je n'ai pas dit Lac-Saint-Jean, j'ai dit Saguenay.

M. Marquis (Bernard): Ce n'est pas la même grosseur de bleuets, M. le ministre.

M. Bellemare: Vous êtes, j'imagine, également présent au Lac-Saint-Jean, dans toute la belle région du Saguenay?Lac-Saint-Jean.

M. Marquis (Bernard): Lac-Saint-Jean, Côte-Nord, jusqu'à Sept-Îles.

M. Bellemare: Et j'aimerais savoir, vu des gens du Saguenay?Lac-Saint-Jean, vous avez à l'heure actuelle et depuis 1998, comme toutes les régions du Québec, une Commission des lésions professionnelles décentralisée, avec des juges régionaux, des juges qui sont souvent issus, même, de la région, qui entendent des causes en région comme Chicoutimi. Je sais qu'à Chicoutimi la CLP possède des locaux qui sont loués à l'intérieur du palais de justice, sur la rue Racine.

Par contre, le Tribunal administratif du Québec, lui, qui dessert tous les autres groupes de citoyens qui sont aux prises avec l'État ? je parle de l'assurance automobile, je parle également du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, pour l'aide sociale, je parle de la Régie des rentes ? donc, tous les autres citoyens, eux, sont entendus en région aussi mais par des juges administratifs du TAQ qui quittent Montréal ou Québec, le lundi matin, pour venir entendre des citoyens de votre région.

J'aimerais que vous nous disiez s'il est prometteur pour la région que vous habitez que le Tribunal administratif du Québec puisse être décentralisé, comme la CLP l'est actuellement. C'est-à-dire que vous auriez à Chicoutimi un greffe qui permettrait de regrouper non seulement les victimes du travail, mais aussi les accidentés de la route, les personnes sur l'aide sociale. Au fond, développer le greffe de la CLP pour faire en sorte que les autres catégories de citoyens puissent être entendues, comme les accidentés du travail, par des juges qui ont résidence au Saguenay.

M. Marquis (Bernard): M. le ministre, je suis entièrement d'accord pour qu'il y ait les deux tribunaux, je veux dire, administratifs, le TRAQ puis la CLP; ils peuvent se réunir. Pour moi, le TAQ, ça ne me touche pas vraiment, c'est la CLP.

Aujourd'hui, la CLP, moi, ça va très, très bien. Le TAQ, bien, ça, je n'ai pas connaissance de ça tellement dans mon bout. Peut-être que ce serait bon pour les personnes au Saguenay?Lac-Saint-Jean, comme vous dites, s'il n'y en a pas pour le TAQ. Essayez d'arranger ça, les fusionner, mais en autant que ce ne soit pas trop mélangé quand on s'en va à la CLP au palais de justice de Chicoutimi, que... il y a un commissaire qui est là, là, il entend un problème à la CLP et puis, tout de suite après, il s'en va au TAQ pour l'assurance automobile du Québec. Je ne sais pas si je réponds bien à votre question.

Moi, M. le ministre, je parle toujours en conséquence de la CLP. Je sais bien que, si un jour ça s'en venait comme ça, je serais prêt à l'accepter mais en autant que, moi, je puisse continuer à défendre les accidentés du travail. Parce que vous savez très bien qu'à la SAAQ je ne peux pas m'y rendre parce que je ne suis pas membre du Barreau. Ceci étant dit, je ne suis pas membre du Barreau du Québec, mais le seul barreau que j'ai, M. le ministre, c'est mes barreaux de chaises, puis j'y tiens beaucoup.

M. Bellemare: En ce qui concerne la possibilité d'en appeler directement à la CLP ou au tribunal éventuellement qui sera créé par la loi et que nous proposons dans le projet de loi n° 35, certains groupes sont venus nous parler, et je leur ai posé la question: Est-ce que vous verriez d'un bon oeil que toutes les décisions résultant d'un avis du Bureau d'évaluation médicale, c'est-à-dire toutes les décisions donnant suite à un avis du BEM, qu'elles puissent être contestées non pas en révision administrative, mais tout de suite et directement devant la CLP?

M. Marquis (Bernard): Voilà.

M. Bellemare: Est-ce que ce serait une hypothèse qui vous sourirait?

M. Marquis (Bernard): Ah, absolument. Je serais très heureux.

M. Bellemare: Maintenant...

M. Marquis (Bernard): Je serais très heureux si c'était comme ça, mais il y aurait des petites choses ? en tout cas, je reviendrai peut-être plus tard là-dessus ? au niveau des évaluations médicales du BEM.

M. Bellemare: Allez-y. Allez-y.

M. Marquis (Bernard): Peut-être... Vous n'en parlez pas tellement, mais je vous ferai remarquer que j'ai tout suivi à chaque jour, du matin au soir, tout ce qui s'est passé ici depuis le 13 de janvier, j'ai tout fait finir ça sur cassette. J'ai payé quelqu'un pour ça. Alors, j'ai tout entendu, j'ai tout vu. Puis, à date, aujourd'hui, je pense que la majorité pense comme moi je pense au niveau de la CLP, au niveau du TAQ, que... je ne sais pas trop si je me mêle de questions, là. Si j'étais d'accord, O.K., pour les expertises médicales qu'on peut contester directement à la CLP.

n(14 h 30)n

J'irais même plus loin que ça, M. le ministre. J'aimerais, moi ? comme j'ai toujours chanté, crié à la radio, à la télévision puis dans les journaux... Je n'ai jamais eu de «comeback» de personne du système. Mais pourtant j'ai parlé fort. Que, suite à une décision de la CSST, un refus, que ce refus-là, on le conteste, on a 30 jours. Ça, ça ne me dérange pas, ça. Mais de contester directement à la Commission des lésions professionnelles... Si on veut sauver des mois d'attente pour la personne qui est accidentée ou pour une analyse professionnelle ? beaucoup d'adhérents, en passant par la direction régionale administrative ? vous savez que ça prend bien du temps, là, avant d'avoir tout ça, la décision. D'ailleurs, les directions régionales administratives maintiennent à 99,9 % les décisions de la première instance de la CSST.

...donne raison pour le maintien de la décision comme de quoi mon client a raison. Ils l'accordent, ils l'acceptent, la décision. C'est l'employeur qui va contester à la CLP. Si c'est le contraire, c'est moi qui vais contester à la CLP. Alors, on finit toujours à la CLP. Pourquoi? Le bureau de la direction régionale administrative est utile à quoi?

Dans le temps, M. le ministre, du Bureau de révision paritaire, ce n'était pas la même chose. On pouvait aller plaider devant un président avec les deux membres représentants, les deux parties, avant 1998. Ça, ça pouvait aller. Mais, moi, mon idée à moi, M. le ministre, c'est ça. Peut-être que je suis un petit peu... ça irait un peu trop vite; ça pourrait refouler aussi à la Commission des normes professionnelles. Mais, par contre, ils s'en viennent full pleins. S'il arrive une personne devant le Bureau de révision administrative, je n'appelle plus ça un bureau de révision administrative, une direction régionale administrative, j'appelle plutôt ça un bureau provincial administratif. Je vais vous dire pourquoi. Depuis quelques mois, j'ai fait une contestation à la direction régionale administrative à Chicoutimi. Ce dossier ou rapport, c'est un... pas un représentant, mais un réviseur ou une réviseuse. Le dossier est à Laval. Ils m'appellent pour voir mes commentaires.

J'en ai d'autres qui viennent de Saint-Hyacinthe, j'en ai d'autres de Québec, Rimouski, Baie-Comeau, Sept-Îles. Alors, je me demande: C'est-u régional ou bien donc provincial? C'est pour ça que, moi, je trouverais peut-être que j'y vais un peu fort quand je vous dis: En partant de la CSST. Mais ça nous prendrait un délai, comme vous avez expliqué, 90 jours, mais avec la possibilité de rallonger si on a besoin d'une expertise médicale. Vous savez très bien qu'avoir une résonance magnétique, c'est très long. Ça, c'est sûr qu'avec la direction administrative, comme c'est là, on a du temps, là, pour le faire. Autrement, ça irait vite. Mais je serais d'accord, par exemple, pour éliminer ces choses-là.

M. Bellemare: Merci.

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Marquis. Bienvenue, M. Potvin. Moi, j'ai le défaut d'être un membre du Barreau et je vais vous poser une question qui m'intéresse au plus haut point parce que, d'entrée de jeu, vous nous avez parlé de votre expérience personnelle, ce qui est très important pour les membres de la commission d'avoir quelqu'un qui a eu le malheur ? parce que je pense qu'on appelle ça comme ça ? de passer à travers, d'abord, une situation physique difficile puis, après, de voir comment le système fonctionne. Et, vous nous avez dit que vous aviez choisi de vous représenter seul, pourquoi est-ce que vous avez fait ce choix-là?

M. Marquis (Bernard): Je n'ai pas complètement... Pourquoi? C'est peut-être parce que je n'avais pas les sous pour avoir quelqu'un, parce que, dans une situation quand tu te bats contre la CSST, comme je comprends depuis 14 ans que les personnes qui viennent me voir au bureau sont sans le sou... Alors, probablement, dans ce temps-là, je n'en avais pas et puis j'ai décidé... j'ai pris une chance puis j'ai réussi, mais ça a été du travail pendant des années. J'ai réussi.

M. Moreau: Ça a pris combien de temps depuis le début, là, jusqu'à ce que vous ayez finalement satisfaction au bout de la ligne?

M. Marquis (Bernard): Ça a arrêté... D'abord, ma dernière chirurgie, c'était en 1990... 1989, quelque chose de même, 1990, mon implantation de mon nouveau stimulateur. Après ça, là, à ce moment-là, la CSST, bien là ils voulaient se débarrasser de moi, ils m'ont trouvé un emploi convenable. Bien, c'est parfait. Qu'est-ce que je peux faire? Je ne peux plus travailler. Mon métier, c'est mécanicien diesel d'équipement lourd. Je travaillais avec mes bras. C'était très dur pour un dos. Je l'ai défait quatre, cinq fois dans mon temps. Alors, c'est ça que j'en suis venu à me défendre. Même, il y a une chose, par exemple, je peux vous dire, monsieur, c'est que je n'ai pas eu besoin de me rendre à la CALP dans mon dossier. Ça s'est arrêté au Bureau de révision paritaire. Voilà.

M. Moreau: Il y a deux éléments sur lesquels je voudrais que vous m'expliquiez davantage votre pensée. Votre mémoire, soit dit en passant, est très bien écrit, et je voulais vous le mentionner. Le premier point, au point 3 du mémoire, l'abolition des structures de révision, vous êtes assez direct là-dessus. Dans le fond, vous dites: On devrait carrément éliminer ça. On a eu des gens la semaine dernière ? bien, vous avez suivi les auditions, dites-vous ? qui sont venus nous dire que la révision, en réalité, il faudrait peut-être davantage l'encadrer, voir à séparer les réviseurs pour qu'ils aient une indépendance. Vous, vous dites: Non, on devrait mettre la hache là-dedans carrément. Là, je ne veux pas faire obstacle à votre propos, dites-moi pourquoi.

M. Marquis (Bernard): C'est parce que c'est une perte de temps totale. Ça ne donne absolument rien à personne qui a eu un accident de travail, ça le fait seulement qu'attendre, ça le décourage. Il y a trop de paperasserie là-dedans, il y a trop d'histoires à passer, puis attendre, puis attendre, puis attendre, alors que ce serait plus vite si on passe la première instance puis on s'en va à la CLP, mais avec des délais de 90 jours. Ça pourrait arriver dans certains dossiers, mais, peut-être, ça prendrait 190 si on a besoin d'expertise, résonance magnétique.

C'est drôle que la CSST, quand ils veulent avoir une expertise, là, ce n'est pas long, eux autres, mais, nous autres, c'est très long pour avoir un spécialiste. Même, pour passer une résonance magnétique, c'est six, sept mois d'attente, à moins que quelqu'un aurait le moyen d'aller au public. C'est cinq, six semaines.

M. Moreau: À cet égard-là, la Commission des services juridiques est venue se faire entendre, et ils sont de votre avis à l'égard de la révision. Un élément... un dernier élément, et c'est la dernière question que je vous poserai, la conciliation.

Vous avez passé au travers du système, vous aidez des gens qui ont à y passer régulièrement et vous dites qu'il faut étendre cette conciliation à toutes les sections du nouveau Tribunal administratif. En réalité, vous êtes un militant favorable à l'élargissement de la conciliation. On a eu des chercheurs universitaires qui sont venus nous dire ? et je pense que ça a surpris un peu les membres de la commission, et j'aimerais vous entendre là-dessus ? que la conciliation pouvait être une étape très traumatisante pour une personne, contrairement à ce qu'on pourrait croire. Vous semblez être très favorable à la conciliation, est-ce que vous avez d'abord vécu ça personnellement? Et, pour l'avoir vécu, est-ce qu'effectivement c'est une expérience qui est traumatisante?

M. Marquis (Bernard): Pas à mon idée, pas du tout. Écoutez, des conciliations à la CLP aujourd'hui, là, ce n'est plus comme c'était dans le temps de la Commission des lésions professionnelles, la CALP. C'est qu'on a le conciliateur qui nous appelle pour voir si on va en conciliation, bien oui, puis, moi, je n'ai pas de problème. Mais le seul trouble qu'on a en conciliation, c'est que ça arrive de temps en temps que toutes les parties sont réunies: le travailleur, un représentant, l'employeur, la CSST. On se réunit dans un bureau puis on discute. Ça dépend du litige, ça dépend qu'est-ce qui se passe... c'est tout du cas par cas. Il y en a qu'on ne peut pas régler en conciliation. Mais, par contre, si on va en conciliation puis qu'on réussit à s'entendre sur un certain montant, c'est toujours un montant forfaitaire. Et, surtout, ça arrive souvent quand c'est rendu l'année de recherche d'emploi qui arrive à la fin, que tu as contesté au début, tu as un 30 jours, puis là la CSST, ils se rendent compte que l'emploi convenable ne convient pas tellement pour le monsieur. Là, ils sont ouverts, ça va bien. Soit qu'on accepte un montant forfaitaire avec une IRR réduite. C'est déjà... Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Mais, quand tu vois ça, là, que la CSST, ils sont ouverts à te payer un 25 000, 30 000, 35 000, 40 000, ça donne un très bon indice, que tu dis: Oui, je vais procéder devant le commissaire, puis ça va me donner plus que ça. Il faut faire attention à ça.

Mais c'est très rare que ça arrive, parce que ça nous donne une idée qu'est-ce qui peut se passer si on se concilie ou pas. Mais je suis favorable à la conciliation, même peut-être... Ça va prendre plus de personnes, des conciliateurs. Pas des conciliateurs comme, moi, j'ai déjà vu. Quand ils ont changé la loi en 1998, j'ai vu des membres du Barreau... des membres formant le tribunal de la direction... du Bureau de révision paritaire, les deux représentants. Quand, en 1998, ça a été changé, on s'en va au palais de justice à Chicoutimi, au quatrième étage, qu'est-ce qu'on voit? Les deux membres représentants qui étaient au Bureau de révision, ils sont à la Commission des lésions professionnelles. J'ai dit: Coudon, ils ont changé le Bureau de révision, ils l'ont amené ici. C'est quoi, l'affaire? Ça, depuis ce temps-là, moi, ça... J'ai dit: Non, ce n'est pas bon, ça. Ce n'est pas bon, c'est... Pourquoi qu'ils les ont tous engagés?

n(14 h 40)n

Je vous ferai remarquer que la plupart des personnes qui travaillaient au Bureau de révision paritaire travaillent toutes à la CLP, un grand nombre. Il y en a beaucoup qui sont devenus commissaires, d'autres, conciliateurs, d'autres, avocats, mais pour la CSST. Mais j'ai vu un conciliateur de Chicoutimi m'appeler un jour... qui était président au Bureau de révision paritaire, m'appeler: M. Marquis? Oui. Dans tel dossier, là, ça me prend un désistement. Pardon? Ça me prend un désistement. Coudon, là, enlevez votre robe, là. Vous n'êtes plus président, vous êtes conciliateur, M. Tel, Untel. Oui, il dit: Savez-vous, j'ai été vite un peu. Ce n'est pas de la conciliation, ça. Mais, il n'est plus là aujourd'hui, je vais vous dire, non. C'est la seule fois.

M. Moreau: ...que la conciliation peut être une étape positive.

M. Marquis (Bernard): Oui.

M. Moreau: Merci.

M. Marquis (Bernard): Ah, oui, oui, j'y tiens beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais aborder juste un aspect, celui du paritarisme.

M. Marquis (Bernard): Du paritarisme?

M. Bordeleau: Oui. En fait, il y a deux questions que je veux vous poser. Je vais le faire tout de suite, et vous pourrez les prendre une à la suite. Dans votre document, à la page 6, vous nous dites, et je vais citer, là: «Exporter le paritarisme judiciaire au sein de l'instance finale permettrait d'introduire le militantisme au sein même du tribunal. Elle tolérerait le marchandage sur le dos des justiciables à partir de considérations politiques qui n'ont aucun rapport avec la loi. Elle empêcherait l'uniformité tant souhaitée au sein d'un tribunal d'appel unifié, unique et cohérent.»

J'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu plus à quoi vous faites référence et qu'est-ce que vous avez en tête quand vous écrivez cette question-là, quand vous parlez du marchandage sur le dos des justiciables. J'aimerais ça que vous nous mettiez ça un peu plus concret.

M. Marquis (Bernard): Le marchandage sur le dos des justiciables?

M. Bordeleau: Oui. La deuxième question, je vais vous la poser tout de suite, c'est: à la suite de ça, vous parlez des lobbys patronaux et syndicaux et vous nous dites que «le gouvernement pourrait songer à leur permettre de jouer un rôle plus important dans la représentation des citoyens devant les tribunaux administratifs chargés d'appliquer le droit social». Alors, j'aimerais ça que vous nous expliquiez un petit peu les deux.

M. Marquis (Bernard): ...répondre à la deuxième question, ça, je parlais des deux représentants qui forment le tribunal. O.K.? Plutôt que de les enlever de là, leur permettre de faire comme moi ou d'autres, de venir défendre les travailleurs et les travailleuses au lieu d'être là pour rendre une décision. C'est ça que je voulais dire. Ça peut donner une chance pour qu'au moins ils ne perdent pas leur travail, là, tu sais. Je pense, ce serait plus profitable pour l'accidenté et le justiciable, là, dans ce sens-là. En enlevant ces deux personnes-là, les représentants, les envoyer de l'autre côté de la clôture pour venir défendre ces personnes-là, là, je pense, ce serait mieux pour la personne parce que...

M. Bordeleau: O.K. Puis vous voyez les deux? Peu importe, l'un ou l'autre?

M. Marquis (Bernard): Ah non, les deux.

M. Bordeleau: Les deux peuvent effectivement jouer un rôle avec un...

M. Marquis (Bernard): Bien, le représentant syndical, il peut au moins défendre l'employé.

M. Bordeleau: Mais le représentant patronal ferait quoi exactement là-dedans?

M. Marquis (Bernard): Le représentant patronal, il ne serait peut-être pas nécessaire parce que l'employeur, il a toujours un avocat avec lui, quelqu'un pour le défendre, et aussi il a l'avocat de la CSST, vous savez. Ça fait l'avocat de la CSST, le procureur de l'employeur, puis on a celui qui était sur le banc, qui est du côté des employeurs. Ça, ça fait trois personnes, là. Ça fait du monde, ça. Moi, je suis tout seul avec mon client puis j'ai celui qui représente le travailleur au niveau syndical.

M. Bordeleau: O.K. Alors, vous voyez plus le représentant syndical agir, là, au niveau de la représentation.

M. Marquis (Bernard): Oui, parce que, de l'autre côté, ils en ont déjà un.

M. Bordeleau: O.K. Bon, ça, ça va pour cette partie-là. L'autre question, là, que je vous avais posée concernant le marchandage sur le dos des justiciables: comment vous voyez ça, le fait que, sur le tribunal, il y ait un représentant patronal, un représentant syndical, qu'il puisse y avoir du marchandage sur le dos du justiciable? Je ne sais pas si vous avez des expériences, là, que vous pourriez...

M. Marquis (Bernard): C'est bien simple. C'est bien simple, si j'ai dit ça comme ça, peut-être que... j'ai peut-être mal écrit, mais je vais vous dire pourquoi. C'est que, quand on reçoit une décision du tribunal, de la CLP, O.K., le commissaire rend sa décision et il écrit: Selon l'avis des membres, sont en désaccord ou ne sont pas en accord avec le litige présentement, n'acceptent pas. Monsieur n'a pas droit à l'IRR, et sa contestation est refusée. Tout de suite là, on a déjà la décision du tribunal. Le commissaire n'a pas dit un mot, là on sait qu'on a perdu ou on a gagné, là. On arrive en dernier, le commissaire signe ça, il est d'accord avec ça, mais c'est seulement l'avis des deux membres. Moi, je dis que les deux membres, ce n'est pas des juges, ils n'ont pas... Le commissaire, il ne devrait même pas écrire ça, c'est insultant pour nous autres. Si c'est des juges... non. Ils sont là peut-être pour aider. Puis ça cause des maudits problèmes ? excusez, des batinces de problèmes ? entre celui qui représente l'employeur et celui qui représente l'accidenté.

Puis, je vous dirais plus que ça, avant qu'on procède, là, on s'en va en audience, ces trois personnes-là sont dans un bureau qui étudient le dossier à trois, puis il y a des choses que je pourrais vous dire, que leur décision est déjà rendue quand ils arrivent sur le banc, on s'en rend compte. Autant que pour les commissaires qui sont élus pour là pour cinq ans, on se rend même compte que le commissaire, il n'a pas la même attitude que dans les premières années. On dirait qu'il manque d'intérêt parce qu'il n'est peut-être pas encore sûr d'avoir un autre cinq ans. C'est pour ça qu'on tient à ce que la loi procède, que le commissaire qui va être nommé puisse continuer sans être inquiet pour avoir son travail. S'il est rendu à 50, 55 ans, ça fait 10 ans qu'il n'a pas pratiqué, alors il tombe vis-à-vis rien ou presque.

La Présidente (Mme Thériault): M. Marquis...

M. Marquis (Bernard): Oui?

La Présidente (Mme Thériault): ...je vais devoir mettre fin à votre échange avec le parti ministériel...

M. Marquis (Bernard): Déjà?

La Présidente (Mme Thériault): ...puisque le temps du parti ministériel est écoulé, mais, par contre...

M. Marquis (Bernard): Je vais entendre quelqu'un que je connais très bien.

La Présidente (Mme Thériault): ...le député de Chicoutimi et porte-parole de l'opposition officielle va se faire un plaisir de continuer les débats avec vous. M. le député, la parole est à vous.

M. Bédard: Merci. C'est à notre tour, M. Marquis, là. Ça va bien, vous?

M. Marquis (Bernard): Très bien, surtout que, dans le parc, ça a bien été hier.

M. Bédard: Oui, moi aussi, effectivement, en montant. Et je m'excuse de ne pas avoir assisté à votre présentation, M. Potvin aussi, j'avais des obligations familiales. Et, vous savez, on est membres de cette Assemblée, mais on a aussi des... on est parents aussi, alors ça m'a amené à l'extérieur de... J'ai manqué votre témoignage et je m'en excuse, mais j'ai eu le temps de lire votre mémoire quand même, M. Marquis, alors...

M. Marquis (Bernard): Je vais vous demander d'être, M. le député... Vu la situation à Arvida puis à La Baie, ménagez-moi un petit peu parce que ça va mal là-bas, là.

M. Bédard: Promis. Ha, ha, ha!

M. Marquis (Bernard): Vous allez avoir beaucoup de travail à faire.

M. Bédard: Vous le savez, vous, je vous ai toujours ménagé, M. Marquis.

M. Marquis (Bernard): C'est vrai, c'est vrai.

M. Bédard: Alors, pour continuer sur le paritarisme, certains nous disaient... D'abord, on vous remercie de vous être déplacés, effectivement. Ces temps-ci, traverser le parc, c'est déjà une preuve de courage et de détermination, donc... Et votre mémoire est fort bien fait. Donc, sur le paritarisme, plusieurs membres sont venus... ou regroupements, plutôt, deux principalement, et vous les connaissez, la FTQ et la CSN, et je dirais que la CSN a plaidé avec beaucoup de vigueur le maintien du paritarisme.

Une voix: CSQ.

M. Bédard: La CSQ. Pas la CSN, excusez-moi, la CSN va venir bientôt. C'est la CSQ, et ils ont été quand même assez... ils étaient bien outillés et avec des arguments qui étaient impressionnants, là, parce que, évidemment, à prime abord, je vous dirais, on est presque défavorable dans le sens de maintenir une telle structure. Et je vous en suggère un, un de ces arguments.

Vous êtes... Vous nous dites à plusieurs occasions que vous êtes représenté seul, même dans vos causes à vous, M. Marquis. Est-ce que c'est un avantage pour vous, pas comme représentant des travailleurs, mais comme membre, comme travailleur seul qui se présente devant le tribunal... est-ce que c'est un avantage d'avoir quelqu'un qui était assesseur syndical, donc qui, et ce qu'on nous disait, là, avait un préjugé favorable qui... évidemment, plus que favorable, qui vous conseillait, conseillait le tribunal, vous aidait dans vos démarches auprès du tribunal, avait une connaissance plus profonde peut-être qu'un travailleur qui n'a pas une connaissance... qui arrive là pour une première fois ou une deuxième fois et qui n'a pas une très grande connaissance du fonctionnement du tribunal? Est-ce que vous pensez que c'est un avantage pour ce travailleur-là d'avoir quelqu'un sur le banc ou qui conseille le président du tribunal?

M. Marquis (Bernard): Non, ce n'est pas un avantage pour la personne parce qu'on ne sait pas tout ce qui se passe en arrière des rideaux, hein? J'ai même vu des représentants syndicaux qui formaient le tribunal pas dire un mot, pas poser aucune question, prendre aucune note. Puis, avec sa chaise, se tourner un peu comme ça, tu sais, en voulant dire: Bien oui, continuez, moi, je ne suis pas intéressé. J'ai vu ça souvent. Ça regarde mal pour le justiciable qui est là, là, s'il était tout seul. Je les ai replacés.

M. Bédard: Là, vous parlez plus quand vous étiez le représentant, mais moi... quand vous étiez le représentant, puis il y a plusieurs qui sont venus nous dire: On a un problème d'ailleurs parce qu'on mène notre preuve, puis on a quelqu'un qui est là normalement, il peut jouer dans notre preuve, commencer à intervenir, et là il vient un moment... Il ne connaît pas notre stratégie, donc il peut briser notre stratégie. Ça, je comprends ça.

Moi, le point sur lequel je suis le plus empathique, je vous dirais, ou que je me dis: Bon, est-ce que ça peut aider ces gens-là? c'est dans le cas où les gens ne sont pas représentés. Et vous, vous me dites, à une certaine époque, que vous êtes présenté seul parce que vous n'aviez pas les moyens effectivement d'avoir un procureur ou un autre représentant, peu importe, et est-ce que ça a été quand même d'une quelconque utilité d'avoir quelqu'un au tribunal qui avait un penchant pour vous, là?

M. Marquis (Bernard): De mon expertise à moi, personnelle, là, aucunement. Aucunement, c'était la présidente qui a décidé. Personne n'a parlé ni d'un côté ni de l'autre. Mais peut-être que j'étais spécial dans mon histoire. Mais j'avais un très bon dossier bien monté. Mais, pour aider le justiciable, là, non. Côté syndical, là, avec tout ce que j'ai vu et ce qui se passe quand ils s'occupent des accidentés du travail, qu'ils les laissent tomber en dernier, qu'ils viennent les voir puis ils ont oublié de contester après neuf mois... Puis ça se voit très souvent, même à l'Alcan. Alors, ce n'est pas fort, les syndicats. Je ne parle de la FTQ, je parle de la CSN. La FTQ aussi un peu. Mais je vous ferai remarquer qu'au tribunal il y a bien plus de personnes du mouvement syndical à la CSN qu'à la FTQ à Chicoutimi.

n(14 h 50)n

M. Bédard: À Chicoutimi?

M. Marquis (Bernard): Oui.

M. Bédard: Vous êtes en faveur évidemment, là, maintenant, des nominations selon bonne conduite, c'est une avancée, j'ai vu ça dans votre mémoire.

Sur la révision, effectivement, vous avez un jugement assez sévère, vous dites que c'est quasi inutile. Et on voyait dans certains secteurs qu'il y avait des difficultés et que ça ne semblait pas porter tous les fruits normalement que... ou donner tous les fruits que ça devrait, là, dans votre secteur. Il y a peut-être aussi dans le secteur de l'assurance automobile où on semble avoir une propension à confirmer à peu près dans la très grande, large majorité les décisions qui sont prises par l'administration.

Par contre, dans d'autres secteurs, on trouve que cette révision est favorable et elle est bonne pour le salarié ou la personne qui se présente et, entre autres, devant... pour l'aide sociale où on nous dit que même... Je ne sais pas si vous êtes plus au courant de cet aspect-là, parce que, vous, évidemment, c'est plus les travailleurs et travailleuses, mais vous avez mentionné dans votre mémoire que, même à l'aide sociale, ce serait bien. Là je voulais savoir si vous avez une expertise là-dedans ou c'était spécifiquement au niveau des travailleurs accidentés?

M. Marquis (Bernard): Écoutez, je n'ai pas d'expertise dans ces domaines-là, là, à part que de la CSST. Mais, avec tout ce que je sais et je connais, et que j'étudie, et je regarde tout ce qui se passe dans le monde, tout ce qui se passe dans les tribunaux, même ici, depuis le 13 de janvier que...

M. Bédard: Vous suivez ça depuis le 13 de janvier, vous?

M. Marquis (Bernard): Je n'ai pas perdu une heure. Bien, je ne l'ai pas suivi, c'était tout enregistré. Je veillais tard le soir, des soirs puis des fins de semaine, puis j'ai pas rien manqué.

M. Bédard: Est-ce qu'on est dans le ton?

M. Marquis (Bernard): Si j'étais en tort, dans le tort?

M. Bédard: On est-u dans le ton? Est-ce qu'on est bien enligné, vous pensez, jusqu'à maintenant?

M. Marquis (Bernard): Je ne suis pas sûr si je sais très bien ce que c'est que vous me dites. Vous êtes bien enlignés? Peut-être pour vous, oui, mais, pour moi, non.

M. Bédard: O.K. Bien, c'est pour ça, on est là d'ailleurs... C'est pour ça qu'on vous fait témoigner, c'est pour bien s'enligner puis avoir... Parce que, après ça, vous savez, il y a des amendements puis il y a le dépôt d'un nouveau... bien, le même projet de loi, mais amendé. Et c'est pour ça qu'on pose des questions, pour, évidemment, que le projet de loi soit... Et là, d'un côté comme de l'autre, parce que ce n'est pas partisan. Vous le savez, là, il faut se sortir de cette partisanerie, surtout en ce qui concerne les tribunaux administratifs, il faut... Ce n'est pas sur une base partisane qu'on l'évalue, mais bien pour faire en sorte que les justiciables aient une justice de plus grande qualité.

Ma dernière question... Et, vous savez, votre problème et le problème de plusieurs citoyens, vous dites: Au départ, quand j'ai eu les accidents, je n'avais pas... bon, je me suis représenté seul. Et, effectivement, plusieurs personnes se représentent seules. Pourquoi? Ce n'est pas parce qu'ils ont le choix, parce que, s'ils pouvaient se payer le meilleur des procureurs, ils le feraient, hein, souvent. Mais ils n'ont pas les moyens d'avoir de tels procureurs. Est-ce que vous pensez que ce serait une avancée?

Vous avez écouté depuis le 13 janvier, donc vous avez entendu Me Lippel nous faire état, là, que dans d'autres endroits, entre autres au Canada, il existe plusieurs fonds qui viennent en aide aux salariés, tout particulièrement en matière de lésions professionnelles et de maladies professionnelles, est-ce que vous seriez... accidents de travail, plutôt, et maladies professionnelles. Est-ce que vous seriez en faveur de la création de tels fonds, quitte à... Évidemment, vous comprenez que ce serait payé par les employeurs et les syndiqués, mais est-ce que vous croyez que ce serait une avancée pour notre société?

M. Marquis (Bernard): Oui. S'il y avait un fonds de créé pour venir en aide aux justiciables, en autant que les deux représentants que je parle qu'on veut faire enlever... Ce serait parfait. Au moins, ils ne seraient pas tout seuls, comme moi, j'ai été tout seul à l'époque.

M. Bédard: À l'époque.

M. Marquis (Bernard): À l'époque. Mais, en 1968, ce n'était pas comme aujourd'hui, là, plus différent.

M. Bédard: C'est en 1968. O.K. Mon Dieu, oui.

M. Marquis (Bernard): La première, en 1968. Ce n'était pas comme aujourd'hui, là, c'était la CAT dans le temps, C-A-T, Commission d'accidents de travail.

M. Bédard: Oui, je me souviens d'avoir vu la jurisprudence.

M. Marquis (Bernard): Je ne sais pas si vous étiez...

M. Bédard: Non, je n'étais même... J'étais né, je suis né en 1968. Alors, on se comprend que je n'ai pas plaidé devant. Ha, ha, ha! Alors, ça me fait plaisir, M. Marquis.

M. Marquis (Bernard): Merci.

M. Bédard: ...puis je vais vous laisser, il y a mon collègue Jacques, le député de Dubuc, qui veut vous poser des questions. Merci.

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Dubuc, la parole est à vous.

M. Côté: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Marquis, M. Potvin, bienvenue à cette commission. Merci pour la contribution que vous apportez à nos travaux. J'aimerais, M. Marquis, vous poser une couple de questions.

La première question, c'est concernant le statut de juge administratif. Vous mentionnez dans votre mémoire que, naturellement, vous êtes pour une plus grande indépendance, une plus grande impartialité des membres du tribunal, des juges administratifs, et vous allez même jusqu'à dire que le processus de sélection, de nomination des juges devrait faire l'objet d'avis publics.

Est-ce que vous seriez d'accord pour que le projet de loi prévoie justement un processus de nomination pour les juges administratifs, comme il s'en fait... comme le processus se fait, par exemple, pour les juges de la Cour du Québec, avec des appels de candidatures, des comités de sélection? Est-ce que vous seriez d'accord pour que le projet de loi spécifie vraiment dans le texte de la loi, là, cette façon de procéder, ou si vous laissez plutôt ce processus, là, de façon réglementaire, ou...

M. Marquis (Bernard): Dans le processus des juges administratifs, le changement que je veux, moi, ce n'est plus qu'ils soient nommés pour cinq ans, d'ailleurs. O.K.? Je veux que ce soit continuel.

M. Côté: Oui, ça, c'est actuellement prévu dans le projet de loi.

M. Marquis (Bernard): Mais, pour la préparation, pour nommer un juge administratif, c'est sûr qu'il faut prendre de l'information. Et puis, peut-être, il va avoir besoin de l'expérience de d'autres et suivre des cours, quelque chose. Je ne le sais pas, moi, je ne connais pas ça, la magistrature, je ne suis pas avocat, mais c'est sûr qu'on ne nommera pas un juge administratif sans qu'il soit au courant du système. Ce serait très bien aussi qu'il ait la chance d'étudier, d'aller plus loin puis d'apprendre, puis arriver là puis avec de l'expérience, puis tranquillement, avec quelqu'un qui pourrait le guider un peu, si vous voulez, dans les premières semaines, premiers mois. Parce que, à date, les juges administratifs, moi, je n'ai pas à me plaindre, là, ils sont bons. Mais ce qui me dérange, c'est les deux autres, là, qui rendent des décisions à sa place. Ça, je n'aime pas ça.

M. Côté: Ce qui vous dérange, ce sont...

M. Marquis (Bernard): C'est les deux représentants qui me dérangent, qui rendent des décisions à la place du juge. Ça, je n'aime pas ça. Ça semble être de même. Ce n'est peut-être pas la vérité, là, moi, ce n'est peut-être pas exactement ça, mais, tant et aussi longtemps qu'il va y avoir ces représentants-là, là, je vais être malheureux. Pas pour moi, je suis capable de vivre avec ça, mais pour le justiciable. Ça le dérange, surtout quand tu vois que tu as un représentant syndical qui est là pour t'aider puis qui est comme ça, accoté de même, là, puis, tu sais, il ne prend pas de notes, il ne pose pas de questions. Pas trop fort... J'aimerais mieux qu'il y ait un représentant syndical qui soit de ce bord, ici, à ma place, si vous voulez, pour aller le défendre; il trouverait que c'est plus compliqué que de faire ce qu'il fait là, assis à côté du juge administratif.

M. Côté: Alors, c'est que la personne qui est non syndiquée n'a pas avantage à avoir un représentant syndical ou un représentant patronal...

M. Marquis (Bernard): Puis qui n'est pas syndiquée, bien, écoutez, si vous dites: Je veux avoir un fonds, est-ce qu'il va servir pour les non-syndiqués? Probablement qu'il ne servira pas, ça va être juste pour les syndiqués. Parce que, si j'ai bien compris votre question, le fonds que, vous, vous voulez composer, que vous voulez faire, là, c'est-u pour représenter seulement ceux-là qui sont syndiqués ou pas? Celui qui n'est pas syndiqué... Pardon?

M. Côté: Le fonds, c'est pour tout le monde, dans le fond. C'est pour payer les expertises au même titre qu'elles sont assumées par la Société de l'assurance automobile du Québec.

M. Marquis (Bernard): Mais, je vais vous répondre, M. Côté... M. le député, que je ne suis pas d'accord qu'un justiciable se présente tout seul devant ça, devant le Tribunal administratif. Il va se faire bombarder de tous les bords, de tous les côtés; ils sont trois, là.

M. Côté: Mais il y en a qui le font.

M. Marquis (Bernard): C'est plutôt rare.

M. Côté: C'est plutôt rare?

M. Marquis (Bernard): C'est plutôt rare. En tout cas, dans mon bout à moi, là, c'est plutôt rare.

M. Côté: L'autre question que je voulais vous demander, c'est que j'aimerais connaître vos expériences devant la Commission des lésions professionnelles. Vous avez agi comme conciliateur, est-ce que vous avez une expérience de la conciliation? Peut-être nous donner un petit peu ce que vous avez vécu. Puis est-ce que vous voulez que ce modèle-là de conciliation que vous avez vécu à la commission, à la CLP... est-ce que c'est ce modèle-là que vous voulez qu'il soit appliqué à l'ensemble de la conciliation?

M. Marquis (Bernard): Il y aurait des changements à apporter là-dessus. À la CLP, il y aurait des changements à apporter. D'abord, quand on va en conciliation, hein, on appelle le conciliateur. On a toujours son nom quand on a le dossier sur un tel, un tel. C'est n'importe où, ça se fait par téléphone. O.K.? Moi, je suis à mon bureau, mon client est chez eux, j'ai un conciliateur qui est à la CLP, puis l'employeur est là. Ça, j'aime moins ça. Ce que je voudrais ? ça s'est déjà fait d'ailleurs ? que toutes les parties se réunissent dans un petit bureau, on discute de la conciliation avant. Alors, le justiciable, il va être au courant de ce qui se passe. Autrement, il ne sait pas qu'est-ce que le conciliateur a dit à la CSST, au procureur de la CSST, il ne sait pas qu'est-ce qu'il a parlé avec son employeur. Ça fait que lui, là, il est là puis il attend. M. Marquis, avez-vous des nouvelles? Il appelle. Non, j'attends, là.

n(15 heures)n

Ça, il ne faudrait pas ça, il faudrait que... pouvoir se réunir, toutes les parties. C'est sûr que ça ferait un petit peu plus, mais je suis convaincu qu'il y aurait beaucoup plus de conciliations qui se régleraient là avec toutes les parties ensemble. D'ailleurs, à chaque fois que c'est arrivé, ça a toujours très bien fonctionné.

M. Côté: Donc, vous souhaitez un encadrement beaucoup plus...

M. Marquis (Bernard): Oui.

M. Côté: ...du processus...

M. Marquis (Bernard): Surtout pour le justiciable. Puis il ne sait pas ce qui se passe à la conciliation, lui, là. Moi, je sais, mais il n'est pas là. Il faut que je l'appelle pour lui dire: Bien, écoute ça. Non, ce n'est pas transparent. C'est pour lui. Je l'ai vécu, moi. Bien, pas dans la conciliation... personnellement, moi, pour moi, mon cas. Aujourd'hui, je l'ai vécu sur les deux manières, comme j'ai expliqué tout à l'heure. Tous les groupes ensemble, puis par téléphone. Par téléphone, ce n'est pas fort. Pour les justiciables, c'est inquiétant puis... Vous savez que ces personnes-là, qui ont des accidents de travail, ce n'est pas que c'est voulu.

M. Côté: Mais est-ce que c'est fréquent, ça, la conciliation par...

M. Marquis (Bernard): Pardon?

M. Côté: Est-ce que c'est fréquent, la conciliation par téléphone?

M. Marquis (Bernard): Oui, oui. Ça fait bien deux, trois ans, certain, par téléphone, peut-être plus. Mais, par contre, on en a, puis on se réunit, mais moins. C'est plus souvent par téléphone. J'en ai fait trois la semaine passée, là. Puis j'en ai réglé une hier, de Sept-Îles, hier, pour que ce soit à Sept-Îles vendredi prochain. Ça, ça a très bien été. Ça a très bien allé. Mais on ne s'est pas réunis, mais c'est fait par téléphone, c'était à longue distance, là. Par contre, quand même qu'on va en conciliation, puis on réussit à avoir une entente, c'est sûr que ce n'est pas le représentant qui décide pour le justiciable, c'est lui qui prend la décision, avec toutes les informations qu'on peut lui apporter. Comprenez-vous? Alors, c'est à lui à décider. Moi, c'est à lui à le conseiller: Écoute, si tu acceptes ça, tu vas avoir l'IRR réduite jusqu'à 65 ans ? après ça, ça ne compte plus ? là, ça va donner peut-être 50 $, 75 $ par semaine. Alors que, si on se réunit tous ensemble, ça peut changer le tempo. Comprenez-vous?

La conciliation, elle est bonne et pas seulement dans une manière de faire, mais dans les deux manières. Il y a la première que j'ai dit: au téléphone, ça arrive que ça fonctionne, j'en ai réglé une dernièrement. Mais en groupe, ça a toujours été meilleur, puis plus solide, puis le justiciable, là, il est plus heureux, il est au courant de ce qui se passe. Puis en plus que ça ne ferme pas son dossier après ça, là. Il peut retourner au travail, il peut se faire plein de rechutes à ces aggravations. Ça, c'est un peu consolant. Je ne souhaite pas de recommencer comme moi, être opéré quatre, cinq fois, mais il y en a qui sont obligés de le faire.

M. Côté: ...transparence, de plus en plus, que vous souhaitez plus de transparence versus le processus de conciliation?

M. Marquis (Bernard): Oui. Quand toutes les parties sont là. Je pense que c'est la logique, M. Côté.

M. Côté: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. Marquis, d'avoir participé à l'avancement des travaux de cette commission. Donc, nous allons présentement suspendre pour quelques instants, le temps de laisser au Barreau le temps de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 3)

 

(Reprise à 15 h 6)

La Présidente (Mme Thériault): Nous allons reprendre nos travaux et nous avons le plaisir d'accueillir les membres du Barreau du Québec avec le bâtonnier, Me Pierre Gagnon. Donc, M. Gagnon, je vous demanderais de nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Barreau du Québec

M. Gagnon (Pierre): Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent: alors, Me Lise Bergeron, à ma gauche, qui est membre de notre Comité sur le droit administratif; à ma droite, Me Denis Blouin, qui est le président de notre Comité sur les lésions professionnelles; également Me Louis Masson, membre aussi de notre Comité sur le droit administratif; et Me Marc Sauvé, qui est le directeur par intérim de notre Service de recherche et législation.

Alors, le Barreau du Québec a pris connaissance du projet de loi n° 35, qui a été présenté à l'Assemblée nationale le 13 novembre dernier, et désire vous livrer certains commentaires et observations à ce sujet.

Alors, de l'avis du Barreau, l'élément central de la réforme concerne la notion de justice elle-même. Du point de vue du citoyen, celui qui est appelé ou celle qui est appelée à décider de ses droits au sein d'un tribunal, qu'il s'agisse d'un commissaire, d'un régisseur ou d'un membre du tribunal, constitue un juge. Alors, les citoyens ne font pas de distinction entre ces notions-là. Pour le citoyen, il s'agit d'un juge. C'est un juge qui a le pouvoir de rendre justice et qui doit obligatoirement jouir d'un statut et des garanties d'indépendance et d'impartialité.

Comme l'énonçait la Cour suprême dans l'arrêt Valente que tout le monde prétend sans doute connaître mais qu'il n'est pas mauvais de répéter de temps à autre: «L'indépendance et l'impartialité sont fondamentales non seulement pour pouvoir rendre justice dans un cas donné, mais aussi pour assurer la confiance de l'individu comme du public dans l'administration de la justice. Sans cette confiance, le système ne peut commander le respect et l'acceptation qui sont essentiels à son fonctionnement efficace.»

Il n'est pas inutile non plus de rappeler les garanties de l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui se lit comme suit: «Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle.»

Alors donc, notre prétention, c'est qu'il n'y a pas deux justices, même si on parle beaucoup de justice administrative. Il n'y a qu'une seule justice, celle qui mérite la confiance des citoyens, celle qui, par essence, est indépendante et impartiale.

Alors, les tribunaux administratifs ne sont pas comme tels des cours de justice, mais ils n'en sont pas moins des organismes chargés de rendre justice et, dans ce sens, le Barreau a toujours insisté sur le fait que l'indépendance et l'impartialité constituent la pierre angulaire de toute réforme véritable de la justice administrative.

n(15 h 10)n

Les citoyens doivent être convaincus que leurs droits seront tranchés en fonction de la loi et de la preuve et non tributaires de considérations étrangères ou de pressions occultes, d'autant plus, naturellement, qu'il s'agit toujours de dossiers où les citoyens et les citoyennes sont face à l'État. Il y a un degré de confiance qu'il est important d'atteindre.

Alors, cela est particulièrement crucial en matière de justice effectivement administrative, puisque c'est l'Exécutif qui nomme et renouvelle les membres des tribunaux administratifs. Donc, la principale lacune du régime actuel, selon nous, réside dans le processus de renouvellement des mandats. Ce régime laisse encore beaucoup trop de discrétion à l'Exécutif. Malgré que la Cour d'appel a pu accepter que ça puisse être légal ou acceptable, nous avons toujours prétendu qu'il fallait aller plus loin.

Alors, dans les circonstances, on pense qu'un citoyen raisonnablement informé pourrait craindre qu'un décideur hésitera à déplaire à l'Exécutif en rendant des décisions importantes contre l'État, surtout en fin de mandat. Alors, le projet de loi n° 35 vient corriger les lacunes du régime actuel en prévoyant l'inamovibilité selon bonne conduite. Alors, le Barreau félicite le ministre de la Justice pour les efforts qu'il déploie afin de rehausser le statut des décideurs administratifs pour en faire en quelque sorte de véritables juges administratifs. Ainsi, il confortera la confiance des citoyens dans l'institution de la justice au Québec.

Cela, selon nous, est d'autant plus important que le citoyen a beaucoup plus de chances de se retrouver devant un tribunal administratif que devant une cour de justice, compte tenu des nombreux programmes et activités de l'État et des nombreuses interactions entre le citoyen et le gouvernement. Alors, l'inamovibilité selon bonne conduite place la barre très haute en fait de garantie d'indépendance et d'impartialité, et nous félicitons le ministre à nouveau pour cette... pour avoir accepté de faire ce pas-là. Je pense qu'en matière de justice administrative, à tout le moins au Canada... je ne pense pas que ça existe ailleurs. Et, pour nous, c'est quelque chose de vraiment appréciable.

Dans ce contexte, cependant ? on va peut-être mettre quelques bémols maintenant ? l'évaluation des membres du tribunal pourrait être acceptable. Cependant, il faudrait qu'elle n'existe que pour avoir un caractère formatif visant à améliorer la qualité et l'efficacité de la justice rendue par les juges administratifs.

La notion de bonne conduite est de nature disciplinaire, elle ne concerne pas les critères de rendement ou de performance. En somme, l'évaluation doit servir à identifier les besoins de formation des membres et non à établir leur bonne conduite et leur inamovibilité. En fait, cette évaluation-là, selon nous, ne devrait pas venir défaire ce qu'on vient de faire en disant qu'on nomme les juges selon bonne conduite et, après ça, dire qu'avec une évaluation on peut finalement mettre fin à leur mandat. On pense qu'il faudrait vraiment préciser le rôle de cette question d'évaluation là.

Nous suggérons que ce rôle-là soit inclus dans la loi, donc, qu'il ne puisse pas être changé sans que le législateur en fasse le choix, et que finalement cette évaluation-là serve à améliorer la qualité des décideurs. Par exemple, l'évaluation pourrait servir à déterminer des lacunes de quelqu'un, mettons, dans tel ou tel domaine et faire en sorte qu'on puisse lui offrir une formation additionnelle, et non pas pour dire... relier ça à la question de la bonne conduite.

On voit également, à l'article 28 du projet, que le président a d'autres fonctions: donc, la question de l'évaluation périodique selon des règles établies par règlement du gouvernement, cette évaluation des connaissances, habiletés, attitudes et comportements des membres dans l'exercice de leurs fonctions et leur contribution dans le traitement des dossiers du tribunal.

Alors, c'est quoi, leur contribution dans le traitement des dossiers du tribunal? Nous comprenons que l'objectif est l'inamovibilité. Cependant, l'évaluation de la contribution des membres dans le traitement des dossiers soulève des inquiétudes et des interrogations. Que signifie cette expression, «la contribution des membres dans le traitement des dossiers»? On pense que ça constitue une notion assez imprécise ouvrant la porte à une forme de contrôle des décisions plus ou moins compatible avec le niveau d'indépendance recherché. Alors, le Barreau est d'avis qu'il faut préciser, dans la loi elle-même, la finalité formative de cette évaluation et faire en sorte que l'inamovibilité et la rémunération des membres du tribunal ne dépendent pas des critères de performance et de rendement.

Par ailleurs, nous pensons qu'il convient de baliser davantage les périodes d'évaluation. S'agit-il d'une évaluation à tous les mois, à tous les ans, à tous les six mois? Cette question d'évaluation, comme vous pouvez peut-être le constater, est quelque chose qui nous inquiète dans la mesure où on ne voudrait pas que ça ouvre des portes qu'on essaie de fermer pour la question de la nomination des membres selon bonne conduite.

Également, compte tenu de ce contexte-là, assez délicat, selon nous, de la question d'évaluation quant à l'indépendance... eu égard à l'indépendance et à l'impartialité, disons, le Barreau souhaiterait pouvoir examiner le règlement concernant les règles d'évaluation des membres du tribunal et, si possible, avant que la loi puisse être adoptée, pour finalement rassurer... se rassurer et rassurer tout le monde sur le fait que ces évaluations-là ne viennent pas à avoir des effets pervers par rapport à la volonté de modification qui a été exprimée. Alors, il existe déjà un règlement sur la rémunération qui comporte, en annexe, des critères d'évaluation du rendement des membres. Alors, ce règlement sera-t-il modifié? Ce sont toutes des questions auxquelles on aimerait peut-être pouvoir avoir des réponses.

Ensuite, d'autres questions méritent d'être soulevées, et je vais attirer votre attention sur sept ? je ne sais pas où j'en suis dans mon temps, là ? sur sept points. Je vais essayer d'aller plus rapidement. Alors, 1° la régionalisation; 2° la formation des bancs de décideurs; 3° le rôle des experts; 4° la protection contre les professionnels radiés; 5° le traitement des plaintes en matière de déontologie; 6° la révision administrative et la présomption de désistement; et 7° le paritarisme.

Alors, je commence tout de suite: régionalisation. L'article 5 du projet modifie l'article 16 de la loi en prévoyant des bureaux du tribunal dans diverses régions administratives si le nombre de recours le justifie. Alors, le Barreau appuie cet effort de régionalisation qui vise à rapprocher la justice et le citoyen. On rappelle toutefois que la Commission des lésions professionnelles a des bureaux dans une quinzaine de régions. Il ne faudrait donc pas se servir de la disposition proposée à l'article 5 du projet de loi pour niveler par le bas et réduire le nombre de bureaux déjà en place, comme on s'est fait jouer un tour de cette nature-là avec la Commission des relations de travail. Et on profite de chaque occasion et on ne le dira jamais assez que la Commission des relations de travail a décidé tout simplement d'agir et de pouvoir tenir des audiences dans 12 villes du Québec, alors qu'elle le faisait dans 30 villes, il y a quelques mois, et ce, pour sauver un maigre 150 000 $ par année. Nous attendons toujours que des remèdes soient apportés, et on ne voudrait pas que des choses semblables se reproduisent parce qu'on ne peut pas, d'un côté, parler de régionalisation et, d'un autre côté, centraliser les décisions. Les gens ne font pas la distinction entre un système de justice qui relève du ministère du Travail ou du ministère de la Justice, et on en profite pour passer notre message sur ce point-là.

Alors, il y a l'expression également «si le nombre de recours le justifie» qui pourrait ouvrir la porte à un certain nivellement, même si l'on retrouve cette expression à l'article 368 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

n(15 h 20)n

La formation des bancs de décideurs. Alors, sur la question de bancs des décideurs, j'ai envie, pour l'instant, de passer par-dessus. C'est un peu... beaucoup semblable à ce qu'on a prétendu avec le projet de loi n° 4. Nous n'avons pas de représentation différente, nous pourrons peut-être attendre vos questions ou, s'il me reste un petit peu de temps sur mon 20 minutes, j'y reviendrai à la fin, mais j'en doute.

Alors, le rôle des experts. Le Barreau s'interroge sur le rôle des experts nommés en vertu de l'article 86 de la loi tel que modifié par l'article 36 du projet de loi. Quel sera le rôle de ces experts par rapport à celui des membres du tribunal? Ces experts risquent-ils de devenir dans les faits des décideurs cachés qui influencent directement des décisions à l'insu des parties? Les communications entre les membres du Tribunal et les experts sur les questions d'opinion, selon nous, doivent être faites à l'audition, devant les parties, afin de respecter la règle fondamentale de l'audi alteram partem. Alors, ça va être bien important, selon nous, de préciser le rôle de ces experts-là parce que, si ça devient quelqu'un qui tourne autour et qui fait des représentations en l'absence des parties, ça devient assez inquiétant, vous l'avouerez, pour quelqu'un qui voudrait pouvoir interroger, par exemple, ces experts-là ou faire une contre-expertise ou simplement voir quel genre de raisonnement il peut faire valoir.

Quatrième point, la protection contre des professionnels radiés. Alors, dans les secteurs où le public n'est pas protégé en regard de représentants qui n'offrent pas des garanties de déontologie, d'assurance responsabilité, d'indemnisation et de formation que l'appartenance au Barreau procure, nous vous le rappelons, des mesures de protection s'imposent. C'est notamment le cas lorsque les professionnels radiés peuvent agir dans le secteur des lésions professionnelles. Alors, le Barreau du Québec est tout à fait d'accord avec ces mesures de protection prévues à l'article 38 de la loi. On pourrait aussi penser à d'autres mesures de protection du public, par exemple l'assurance responsabilité obligatoire ou un cautionnement qui pourrait être fourni par quelqu'un qui vient représenter des gens devant un organisme administratif.

Toutefois, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de préciser les motifs de radiation ou de suspension? En effet, lorsqu'un ex-professionnel a été radié, par exemple, pour non-paiement de la cotisation, est-ce qu'il doit être exclu? On pense qu'il y aurait peut-être lieu d'amener certains tempéraments. Ce serait un peu malheureux que quelqu'un qui, par exemple, serait député puis oublierait de payer sa cotisation au Barreau, qu'il se retrouvait dans ceux qui n'auraient pas le droit d'agir par la suite, comme étant radiés. On pense qu'il y a quand même une distinction entre la personne qui est radiée pour cause, si on veut, et pour fraude ou toutes sortes de raisons et peut-être pour un motif comme celui de non-paiement, là, de cotisation pendant une certaine période, pour des raisons souvent qui peuvent être justifiées. Alors, ces distinctions-là, on est parfaitement d'accord avec ça. On a assez de misère parfois à faire radier des gens du Barreau et on met tellement d'efforts que ça nous fait toujours de la peine de les voir réapparaître et commencer à représenter des gens dans des champs non exclusifs.

Cinquièmement, le traitement des plaintes en matière de déontologie. Le projet propose la création d'un comité pour examiner les plaintes en matière de déontologie. À l'égard d'un membre du tribunal, ce comité est constitué à partir d'une liste établie par le président et d'une liste établie par le gouvernement. N'y a-t-il pas lieu de prévoir un nombre minimal de personnes sur ces listes? Au lieu d'un simple comité ad hoc, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de créer un comité composé majoritairement de pairs nommés, par exemple, pour une durée de trois ans et dont peut-être le tiers pourrait être renouvelable à chaque année, assurant ainsi une plus grande cohérence et peut-être une plus grande indépendance pour le comité qui entendrait ces plaintes? En somme, les dispositions concernant les plaintes en matière de déontologie peuvent être, selon nous, considérablement bonifiées.

Sixième point, la révision administrative et la présomption de désistement. Alors, d'une façon générale, le Barreau est favorable à l'encadrement des mécanismes de révision, tel que le prévoient diverses dispositions du projet de loi. Le fonctionnaire qui a rendu la décision initiale sera-t-il celui qui procédera à la révision? N'y aurait-il pas lieu de préciser qui sera habilité à réviser la décision initiale de l'organisme? On retrouve aux articles 85, 92, 116, 126 et 129 des dispositions qui établissent une présomption de désistement qui veut qu'à défaut de se manifester le requérant est réputé s'être désisté de son recours devant le Tribunal administratif. Alors, le Barreau a vraiment beaucoup de problèmes avec ce mécanisme de présomption. Il rappelle que, dans plusieurs cas, les administrés ne sont pas représentés par avocat et que les conséquences d'une présomption de désistement pourraient être très graves, en particulier pour les accidentés du travail. Il faut donc réexaminer, selon nous, ces dispositions afin d'éviter de faire perdre de façon injuste des droits aux administrés.

Septième et dernier point, le paritarisme. Alors, l'article 34 du projet de loi apporte un nouvel article 83.1 à la Loi sur la justice administrative qui introduit le paritarisme au niveau de la section des lésions professionnelles pour les recours portant sur l'existence d'une lésion professionnelle autre qu'une rechute, une récidive ou une aggravation. Même si le Barreau reconnaît qu'un lien pourrait être établi entre les conditions de travail, les relations de travail et une lésion professionnelle, il est d'avis que ce recours relève d'un droit individuel et que le paritarisme n'a pas sa place au sein d'un tribunal décidant de droits individuels.

La Présidente (Mme Thériault): M. le bâtonnier...

M. Gagnon (Pierre): Le Barreau est d'avis que la présence de représentants...

La Présidente (Mme Thériault): M. le bâtonnier, je m'excuse de vous interrompre. Je vais vous demander de conclure, puisqu'il vous reste à peine une minute...

M. Gagnon (Pierre): Une minute?

La Présidente (Mme Thériault): ...et je suis convaincue que les membres de la commission vont vous poser des questions qui vont vous permettre d'élaborer sur ce que vous n'avez pas eu le temps de lire.

M. Gagnon (Pierre): Je termine, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault): Merci.

M. Gagnon (Pierre): Alors, je disais que le Barreau est d'avis que la présence de représentants syndicaux et patronaux siégeant au tribunal n'ajoute en rien à l'efficacité et est plutôt de nature à compromettre les droits individuels du justiciable dans un contexte de dynamique de relations de travail, que cela implique des coûts additionnels pour l'administration de la justice et rend plus complexe la gestion des agendas et des auditions. Voilà. Merci.

La Présidente (Mme Thériault): Merci.

M. Gagnon (Pierre): Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault): Merci, M. le bâtonnier. Donc, immédiatement, je vais passer la parole au ministre de la Justice.

M. Bellemare: Alors, merci beaucoup, M. le bâtonnier. Bienvenue, Me Bergeron, Me Blouin, Me Masson et Me Sauvé, devant la commission des institutions. Et j'aborderai immédiatement la question de la présomption d'abandon d'appel. On a prévu, dans le projet de loi, une présomption d'abandon pour les cas particuliers où la révision donnerait satisfaction entièrement au citoyen. On se demandait comment faire pour que le dossier finisse par se fermer, parce que, évidemment, une fois que l'appel serait logé devant le Tribunal d'appel et que la révision aurait fait son oeuvre de façon positive, donnant satisfaction au citoyen, il faut prévoir un mécanisme; autrement, on se retrouve avec des dossiers en quantité importante devant le tribunal, où l'appel serait à peu près déserté, on n'a pas de nouvelles du citoyen qui hésiterait à signer un désistement de peur de ci, de peur de ça. Alors, on a prévu une mécanique.

Vous la jugez sévère et même inacceptable, cette mécanique, si je comprends bien, qui prévoit que, à défaut de se manifester après la révision, le citoyen est réputé ? c'est ce qui est écrit dans le projet de loi ? est réputé s'en être désisté. La Commission des services juridiques, qui s'est présentée ici il y a quelques jours, a proposé de modifier le terme «réputé» par le terme «présumé» pour que la présomption puisse être renversée, ce qui est un mécanisme moins drastique. En prévoyant «présumé» plutôt que «réputé», le type de présomption est différent.

Est-ce que vous seriez d'accord avec le fait qu'on modifie le terme à la faveur de «présumé»? Ou avez-vous d'autres hypothèses à présenter, d'autres solutions?

M. Gagnon (Pierre): Nous n'en avons pas parlé entre nous, M. le ministre, mais, à première vue, en tout cas, c'est sûr que ça améliore grandement la possibilité, en laissant cette possibilité de pouvoir renverser cette présomption-là. À première vue, je vous dirai, si je ne suis pas désavoué dans les cinq secondes, que ça pourrait être une voie qui pourrait nous sembler acceptable.

M. Bellemare: Ça pourrait à tout le moins permettre au citoyen de renverser la présomption et permettre au tribunal de développer sa propre jurisprudence et d'accepter un certain nombre de cas comme l'ignorance ou la...

M. Gagnon (Pierre): L'idée...

M. Bellemare: Bon, dans la mesure où c'est une intention qui est présumée, on peut, par une preuve contraire, établir que l'intention n'était pas celle-là. En tout cas, ce serait moins drastique puis ça permettrait peut-être de répondre à un besoin de l'administration.

n(15 h 30)n

Mais j'irai tout de suite à la question des représentants. Comme vous le savez, depuis le 1er janvier 1979, des gens qui ne sont pas membres du Barreau peuvent agir devant la Division des lésions professionnelles en matière d'accidents du travail, tant pour les employeurs que pour les travailleurs, et on réalise, plusieurs années plus tard, que ça a permis une augmentation considérable du nombre de contestations, ça a permis au citoyen d'être représenté non seulement par des avocats, mais par les non-avocats aussi. Et je pense que le bilan est, somme toute, positif que des non-avocats puissent représenter, mais il y a le revers de la médaille, et c'est évidemment le cas des représentants qui sont peu nombreux, mais qui existent quand même, des représentants dits incompétents ou dangereux, ceux qui causent beaucoup de dommages et qui agissent sans scrupules ou sans compétence élémentaire, et je crois qu'il est important de prévoir, dans le projet de loi, une mécanique qui va permettre d'éviter le pire. Parce qu'on a beau prévoir la nécessité, par exemple, que tous les représentants s'assurent, dans les faits, il y en a qui ne s'assureront pas, et ça prend des mécaniques de contrôle extrêmement sophistiquées pour assurer la certification de tout le monde. Alors, on a prévu un moyen qui est probablement le moins imparfait et qui prévoit que le commissaire peut disqualifier un représentant lorsqu'il estime qu'il fait preuve d'incompétence.

Maintenant, ce matin, le député de Dubuc, avec justesse, soumettait à un témoin devant cette commission votre proposition qui est à l'effet que le commissaire, si je la comprends bien... Vous me l'expliquerez tantôt, là, de toute façon, mais votre proposition est à l'effet que le commissaire, lorsqu'il est devant un cas d'incompétence, puisse saisir le président du tribunal de ce cas pour que le président puisse éventuellement en disposer. C'est quoi au juste, là, votre proposition à cet égard?

M. Sauvé (Marc): Bien, il s'agissait essentiellement de mesures beaucoup plus souples que ce qui est exprimé dans le projet de loi. Le projet de loi nous apparaissait, à première vue, donner des pouvoirs, enfin, qui pourraient, à la limite, verser dans l'arbitraire, et on trouvait ça largement excessif. Alors, avant d'arriver là, avant d'arriver à l'exclusion, il y a peut-être un gradualisme, là, qui pouvait être adopté, qu'il y ait peut-être des règles internes de pratique et que le président puisse intervenir de façon graduelle auprès d'un représentant, et ne pas arriver avec la matraque, là, dès le départ. Ça nous semblait beaucoup et ne pas reposer non plus sur un encadrement suffisant. Alors, on avait peur à l'arbitraire avec ces mesures-là, avec ces règles-là. Mais, c'est à peu près le sens des discussions qu'on a eues en comité à ce sujet-là, on n'est pas allé plus loin que cela.

M. Bellemare: ...pratique, dans la pratique, c'est parce qu'il faut éviter l'irréparable. L'irréparable, c'est un travailleur accidenté qui n'a pas les moyens, qui est démuni, qui ne connaît pas le système ou un employeur même, c'est... On voit des cas d'employeurs, des fois, qui sont floués et qui se retrouvent dans les mains d'un consultant X qui vient d'ouvrir ses portes et, bon, qui assume une représentation très douteuse. Et, dans la mesure où les décisions de la CLP sont finales et sans appel, ça peut avoir des effets dramatiques sur l'orientation, le devenir de quelqu'un. Alors, dans la mécanique que vous proposez, est-ce qu'il serait possible pour le président de décider que ce représentant déficient est déficient et de l'écarter du dossier?

M. Masson (Louis): ...M. le ministre, le but de la proposition formulée par le Barreau est, d'une part, de parer au caractère innovateur de l'amendement proposé à la loi en s'inspirant, dans la mesure du possible, bien sûr, des mécanismes qui nous apparaissent exister actuellement devant les cours supérieures, c'est-à-dire que lorsqu'une personne est taxée, est taxée, oui, de procédures abusives ou encore d'incompétence, alors cela relève des pouvoirs inhérents de la Cour supérieure qui peut, à l'occasion, émettre des ordonnances appropriées. C'est donc dans ce contexte, en s'inspirant de ce qui existe déjà dans des situations qui nous apparaissent s'apparenter au mal auquel veut parer le gouvernement, eh bien, que cette proposition-là, donc, s'inscrit. C'est donc en s'inspirant des ordonnances émises par les cours supérieures dans le cadre de leurs pouvoirs inhérents qui visent à assortir le droit d'une personne de citer devant le tribunal ou son représentant de l'autorisation du juge en chef. Donc, nous avons cru utile d'apporter notre réflexion aux travaux de votre gouvernement dans ce sens-là.

M. Bellemare: Toujours concernant les représentants déficients, là on fait face à une justice de masse, il n'y a pas d'ordre professionnel pour ces consultants-là. Parce que je suis conscient du fait que les tribunaux, de temps à autre, et même peuvent agir de façon très discrète auprès de l'ordre professionnel, du Barreau, etc., pour que des mesures soient prises, mais là on est dans le cas d'une justice de masse où il y a des consultants partout au Québec, et il y a des dommages qui sont causés. Alors, pour aller vraiment au fond des choses, hypothèse, le commissaire est devant un cas flagrant d'incompétence, il soumet l'affaire au président, qui décide de la question de compétence. Et, après avoir entendu le consultant sur sa pratique, sur sa démarche particulière dans ce dossier, le président pourrait dire: Monsieur, madame, vous n'êtes plus habilité à défendre cet individu. Cette décision pourrait être appelable devant la Cour du Québec. Est-ce que ça vous apparaîtrait être un scénario acceptable?

M. Gagnon (Pierre): Ça améliore un peu...

M. Bellemare: Parce qu'il faut qu'il y ait des décisions qui soient prises là-dedans, là, on ne peut pas juste demander au président de décider s'il faut qu'il y ait des décisions. On est devant un cas flagrant: un individu est susceptible de tout perdre, là.

M. Gagnon (Pierre): L'idée, M. le ministre, est de faire en sorte que... Je pense, tout le monde on s'entend, là, sur l'objectif et puis c'est correct de faire ça, mais il faut le faire d'une façon telle que les décisions ne soient pas... ne passent pas pour être arbitraires, où quelqu'un est fatigué d'entendre une personne de répéter la même chose depuis trois heures puis décide qu'il est incompétent. Alors, il faut quand même qu'il y ait une certaine distance ou une certaine crédibilité aussi à ces décisions-là. Alors, c'est ça qu'il faut essayer peut-être, de trouver la formule.

On ne prétend pas, là, bien honnêtement, avoir trouvé la pierre philosophale là-dedans non plus, là, on réagit à cette proposition-là en suggérant qu'en référant à quelque chose qui existe déjà, à savoir le pouvoir inhérent... C'est comme le pouvoir inhérent de la Cour supérieure ou du Québec, par exemple, de traiter... pas de traiter, mais de considérer quelqu'un comme plaideur vexatoire, par exemple, ou... J'ai même vu une ordonnance interdisant à quelqu'un de s'approcher à plus de 500 m du palais de justice parce qu'il avait déposé 500 procédures à la cour. Alors, ça pourrait être quelque chose qui se rapprocherait de ça puis qui ne donnerait pas l'impression que le décideur lui-même a... Autrement dit, il va d'une saute d'humeur, parce que finalement, le mieux étant l'ennemi du bien, ça peut faire en sorte que quelque part, si les trois premières fois que ça se fait, c'est casé en quelque part en révision judiciaire, ça va avoir l'effet contraire, finalement, de dire que n'importe qui peut faire n'importe quoi. Alors, ce n'est pas encore à point, disons, là, selon nous.

M. Sauvé (Marc): Un élément, peut-être, qui peut être ajouté, puis vous faisiez allusion à ça, c'est de noter dans la loi les cas d'application aussi de ces mesures qui sont quand même assez extraordinaires. Vous avez mentionné des cas d'urgence, des cas où, d'une façon immédiate, il faut prendre une décision, sinon il va arriver quelque chose de grave. Je pense qu'un des éléments des solutions doit prévoir ces cas d'ouverture, là, et non pas dans n'importe quel cas ou n'importe quand, mais ça doit être des mesures quand même assez exceptionnelles.

M. Bellemare: Merci.

M. Blouin (Denis-Luc): ...que la mesure que vous envisagez est prudente là-dessus, parce que, dans le concret, vous le savez comme moi, nous avons un contribuable qui est là, et quelque chose va s'arrêter devant lui, lui qui avait confiance en un représentant ou une représentante. Alors, on doit, je crois, prévoir dans la loi les circonstances le plus objectivement possible qui vont générer ce mécanisme et qui vont systématiquement arrêter un processus d'enquête pour que le contribuable ? l'un et l'autre, puisque c'est un système adverse ? soit en mesure de comprendre qu'est-ce qui arrive et là, par la suite, qu'effectivement les ordonnances prémunissant le contribuable contre les effets soit pervers d'un préjugé défavorable tout simplement parce que les atomes crochus ne fonctionnent pas entre l'adjudicateur et le plaideur téméraire à ce moment, que ce sera... on y pourvoira et où, par ailleurs, si on parle vraiment d'incompétence, que ça pourra être ratifié, mais au moins prévoir dans la loi que tout plaideur, tout représentant va être exposé à ce contrôle critique de l'adjudicateur. Et je pense qu'il faut aller très rapidement, puisque là on parle de liens de confiance entre les individus et qui vont être brisés soudainement, et il y aura une présomption que l'adjudicateur a raison. Alors, il faut faire attention également aussi. Alors, je pense que la mécanique doit être clairement annoncée dans la loi.

n(15 h 40)n

M. Gagnon (Pierre): Ça pourrait être une suspension, par exemple. Je comprenais votre préoccupation de ne pas laisser cette personne-là continuer parce que, dans l'immédiat, elle pouvait causer un tort incroyable à quelqu'un en admettant ou en lui faisant, par exemple, admettre des choses qui n'ont pas de sens, alors peut-être qu'il pourrait émettre de façon immédiate une ordonnance de suspension jusqu'à ce que, par exemple, cette conduite-là soit examinée, ou cette compétence-là, par peut-être quelqu'un d'autre. En tout cas, ça pourrait peut-être avoir un effet immédiat, là, sur la protection de l'individu et, en même temps, donner, je pense bien, une image d'un peu plus d'impartialité ou de justice par rapport à la personne qui se fasse considérer comme étant incompétente. Mais c'est salué comme étant très... C'est nouveau, hein, puis c'est pour ça qu'il faut inventer la formule, là, qui n'existe pas, je pense, ailleurs. En tout cas, pas à notre connaissance.

La Présidente (Mme Thériault): Merci. M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. le bâtonnier, Mes Sauvé, Bergeron, Masson et Blouin, merci de votre collaboration et de votre contribution. J'aurais deux questions qui me préoccupent. Puis, Mme la Présidente, il nous reste, quoi, une dizaine de minutes?

La Présidente (Mme Thériault): Non, moins que ça...

M. Gabias: Moins que ça.

La Présidente (Mme Thériault): ...je vous dirais qu'il doit rester cinq minutes.

M. Gabias: Alors, je vais tenter d'être bref de façon à permettre une réponse aux deux questions. Vous me permettrez, M. le bâtonnier, de poser ma question à Me Masson, que je connais pour ses compétences, particulièrement en droit administratif.

Une voix: ...

M. Gabias: D'abord, sur le paritarisme et, dans un deuxième temps, sur la question d'experts. Et, là je réfère à la proposition de l'article 83.1, j'ai compris du mémoire du Barreau que la position quant au paritarisme, c'est de dire: On est, là, devant une question de droits individuels, il n'y a pas... le paritarisme n'a pas de place. Il y a des groupes qui sont venus, particulièrement les syndicats, qui nous ont évidemment vanté les vertus du paritarisme, et allant jusqu'à dire que ça venait même protéger la personne, le justiciable qui se trouvait devant le Tribunal administratif, et également ont défendu cette position-là en mentionnant que nous étions, lorsqu'on est devant un tribunal administratif, là, particulièrement à la CLP, dans un contexte de droit de travail. À la limite, là, il s'agissait de négociation de convention collective.

Alors, j'aimerais avoir votre opinion sur cette question-là d'abord puis je reviendrai après, là, sur la question d'experts.

M. Masson (Louis): Oui. Bien, merci, M. le député. Je vais peut-être... un préambule, parce que, effectivement, nous avons préparé cet aspect de la problématique, et Me Blouin va répondre à cela. Mais je vous dirais, d'entrée de jeu, qu'à nos yeux l'augmentation des standards en matière d'indépendance judiciaire que propose le projet de loi, eh bien, ça rime mal et ça cohabite mal avec le paritarisme qui, en d'autres temps et d'autres circonstances, était peut-être approprié. Donc, aux yeux du Barreau, comme position de principe, l'indépendance judiciaire améliorée et augmentée que propose le ministre cohabite mal avec le paritarisme qui, en d'autres instances, peut-être, pouvait être approprié, en d'autres temps. Mais Me Blouin va compléter sur cet aspect-là, car c'est lui qui était préparé à répondre à vos questions là-dessus.

M. Blouin (Denis-Luc): Et j'aurais dit la même chose que mon collègue sur son liminaire là-dessus, et je veux aussi coller notre position sur les effets pratiques. Ayant eu le bénéfice de pratiquer dans ces matières, surtout en matière de santé et sécurité au travail, depuis 1979 ? donc, j'ai commencé alors que c'était à 75 % du revenu net retenu, là, alors c'était une autre époque ? alors, on a vu l'évolution de la loi, et avec 1985... en 1985 arrivait effectivement l'instauration du vrai paritarisme qui s'installait au niveau du Bureau de révision paritaire. Et, comme mon confrère l'indiquait, peut-être qu'à ces époques, pour roder le système, il était nécessaire, effectivement, dans un système où les présidents étaient nommés d'une manière temporaire, effectivement, de s'assurer que ce monde fonctionnait bien.

Cependant, depuis la CLP et jusqu'à aujourd'hui, on sent que les présidents de la CLP, de la Commission des lésions professionnelles, font de plus en plus abstraction de cette dynamique des relations de travail qui, à toutes fins pratiques, est un contaminant. Et ça, c'est le reflet de l'expérience. Quand vous avez une personne qui veut vérifier si effectivement l'objet de la loi est rencontré, à savoir si sa lésion est admissible ou non, alors c'est ça qu'il veut savoir, il ne veut pas savoir s'il s'inscrit dans un contexte de relations patronales-syndicales entre un représentant et un assesseur qui se haïssent déjà comme chien et chat, alors ce qui vient dénaturer toutes les choses. Et, avec l'arrivée de la CLP, on voit que, de plus en plus, les présidents contrôlent très bien... et font la part des choses entre la dynamique des relations de travail et la réalité de ce qu'ils ont à décider, tenant compte aussi que les intérêts sont très différents. Pour un travailleur, est-ce que sa lésion est admissible ou non? Pour un employeur, la raison et l'objet de la loi vont lui commander de vérifier: Est-ce que ça va avoir un impact sur mon financement ou non, sur mes cotisations d'assurance dans cette grande mutuelle qui est là? Et c'est ça, l'objet de la loi, et c'est pour ça que traditionnellement on s'inscrit à dire que, effectivement, la dynamique des relations de travail doit être expurgée.

Et ce serait juste normal sous l'angle, qu'on sorte effectivement... Comme le disaient les représentants précédents ici, on en est rendu aujourd'hui à lire dans des décisions de la CLP deux paragraphes: Le représentant des travailleurs a dit ci, le représentant des employeurs est d'opinion que ça, et, je vous dis, ça n'a aucun effet pratique. Alors, à quoi ça sert d'avoir des personnes qui viendront peut-être contribuer à contaminer encore par une dynamique de relations de travail qui n'a pas sa place devant un tribunal administratif là-dessus?

M. Gabias: Vous permettez, Mme la Présidente, rapidement...

La Présidente (Mme Thériault): Rapidement.

M. Gabias: ...ma seconde question sur l'article 86 proposé. Et vous en parlez à la page 6 de votre mémoire, et vous questionnez évidemment la question des nominations d'experts. Le Collège des médecins est venu et a fait une représentation, en tout cas, qui a eu écho, en tout cas de mon côté, sur le fait qu'un expert, lorsqu'il a agi comme expert pendant cinq ans, risque de devenir de moins en moins un expert, n'étant pas dans la pratique, et particulièrement la pratique médicale.

Or, est-ce que vous êtes d'opinion que le recours à un expert, et sous cette forme-là, c'est-à-dire un mandat de cinq ans non renouvelable de façon à ce qu'il revienne dans son champ d'expertise de façon très pratique, est souhaitable? Et est-ce que, selon vous, ça peut répondre au besoin d'expertise d'un tribunal dans la mesure où on demande un expert?

La Présidente (Mme Thériault): Je vais vous demander de répondre à l'intérieur de 30 secondes, puisque c'est le temps qu'il reste pour conclure l'échange.

M. Masson (Louis): Disons que le modèle que nous proposons est celui, dans le fond, qui existe actuellement devant les tribunaux supérieurs, c'est-à-dire que, dès lors que le juge est réellement indépendant, alors l'expert tel que nous le voyons sera celui qui existe conformément à ce qui existe maintenant devant les tribunaux... devant les cours supérieures.

La Présidente (Mme Thériault): Merci.

M. Gabias: Pour bien comprendre, c'est le juge qui demande la collaboration d'un expert qu'il nommera lui-même.

M. Masson (Louis): Voilà. Voilà.

M. Gabias: Parfait, merci.

La Présidente (Mme Thériault): Merci beaucoup. Donc, je céderai maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Alors, salutations au bâtonnier et à tous ceux qui l'accompagnent. Tout d'abord, ma première question va porter sur la régionalisation. Vous comprendrez que nous avons accueilli avec beaucoup d'enthousiasme cette volonté de régionalisation, du moins aux opérations du Tribunal administratif du Québec. Donc, je pense, ce serait une bonne chose pour tous les justiciables sur le territoire québécois. Et nous avons aussi des craintes par rapport au fait, je vous dirais... plutôt à l'évaluation que peut en faire le tribunal de façon administrative là où le nombre le justifie, et on sait que ça pourrait peut-être conduire effectivement à des... finalement à une moins grande régionalisation. Et nous sommes beaucoup plus favorables, je vous dirais, à cette idée de régionalisation, même au statut de juge administratif résident, donc qu'à travers les régions du Québec il y ait des gens qui soient nommés après l'écoulement de ceux qui sont là actuellement.

Afin d'éviter, M. le bâtonnier, ces décisions administratives qui seraient malheureuses, je pense, pour les justiciables québécois, nous avons proposé au ministre peut-être d'inclure dans la loi, le... de spécifier dans la loi le nombre de... je vous dirais, le nombre de tribunaux et dans quelles régions ils devraient être, et même, à la limite, pourquoi pas, à quel endroit. Donc, autrement dit, le tribunal pourrait peut-être faire... on pourrait donner le pouvoir au tribunal de faire des recommandations au ministre quant au maintien par rapport au nombre, mais il n'aurait pas le pouvoir de l'abolir ou de le faire disparaître. Est-ce que vous pensez que cela serait de nature à vous réconforter?

n(15 h 50)n

M. Gagnon (Pierre): Bien, ce serait probablement une partie de la réponse, parce que, déjà, on a déjà ça d'inscrit, par exemple, en ce qui concerne les juges de la Cour du Québec, comme vous le savez, puis, même si c'est inscrit dans la loi, il faut se battre pour les garder dans nos régions, pour ne pas qu'il y ait de glissement. Et c'est encore plus... si ce n'est pas écrit en nulle part, je pense, le seul élément où il faudrait trouver un certain tempérament. C'est une question de spécialisation par ailleurs, là, et de... Il ne faudrait pas que la justice administrative, dans une région, parce qu'elle est toujours faite par un type de commissaire ou de membre, par exemple, soit différente d'une autre région. Ou il ne faudrait pas non plus ? et ça, c'est important ? que le Tribunal administratif, à cause de ça, perde son caractère spécialisé. Vous savez l'importance, au niveau de la révision judiciaire, du fait que... Le caractère spécialisé, ce n'est pas la même hauteur de barrière à franchir pour... et il ne faudrait pas qu'à ce moment-là, systématiquement, les décisions, dans une région, puissent être plus facilement ouvertes à la révision. Mais je pense que de mettre quelque chose, un nombre en quelque part qui dise, bien, qu'il y en a au moins minimalement tant, là, dans cette région pourrait être, je pense, intéressant.

M. Bédard: Et de compléter cette formule peut-être en... C'est ce que nous avons proposé au ministre avec, d'ailleurs, d'autres groupes qui étaient là avant vous, peut-être même d'avoir le statut de, entre guillemets, là, juge administratif résident... de membre du Tribunal administratif résident, plutôt, entre guillemets, mais dans deux régions, par exemple, en particulier pour éviter... pour s'assurer que, dans les domaines où effectivement il risque d'avoir beaucoup moins de décisions à prendre... pour éviter qu'il y ait un seul décideur, par exemple, pour un seul cas, et donc de maintenir cette spécialisation, d'assurer une régionalisation. En tout cas, si vous avez d'autres propositions de façon à assurer et à maintenir cette régionalisation... Mais c'est la voie que nous avons proposée, et je pense que le ministre ne s'est pas montré fermé à cette proposition, au contraire.

M. Gagnon (Pierre): ...que c'est sur la bonne voie. Cependant, il s'agit... C'est sûr qu'il ne faut pas que... il ne faut pas avoir un décideur qui va décider dans une seule région et qui ne croit pas au mal de dos, par exemple. Ça pourrait durer longtemps pour une région, là, d'être assuré qu'à chaque fois que tel genre de dossier va devant tel commissaire ça passe... ça ne passe pas, par exemple, ça viendrait vraiment débalancer le...

M. Bédard: On est d'accord qu'une voie... d'y aller dans cette voie vous serait beaucoup plus... vous seriez réconforté quant au maintien de la régionalisation. Il resterait à trouver des modulations pour s'assurer justement à... comme il se fait d'ailleurs même dans les tribunaux. Je comprends qu'il y a un appel au niveau des tribunaux de droit commun, mais que, parfois, il y a un juge extérieur qui vienne à l'occasion, je vous dirai, juger de certaines causes, ça arrive assez régulier. Peut-être de prévoir la double résidence, des modalités qui feraient en sorte de maintenir les deux préoccupations que vous avez, soit celle d'une justice de qualité et spécialisée et, en même temps, de maintenir la régionalisation.

M. Gagnon (Pierre): Oui. Je crois que oui.

M. Bédard: Vous êtes en faveur? Merci. Quant à toute la question relativement aux plaideurs, aux... je vous dirais, à ceux qui s'improvisent, plutôt, dans la fonction de représentant devant les tribunaux administratifs, plusieurs propositions ont été faites par le ministre. Il y en a dans le projet de loi, d'autres sont à l'étude, et évidemment celle qui est dans le projet de loi est quand même difficile d'application. Le fait de donner au Tribunal le pouvoir de déterminer qui est compétent ou non à l'exclusion des avocats... Et je vous dirais que, dans le cas des avocats, à la limite, il pourrait le faire. Et je ne suis pas sûr que ce serait toujours à l'avantage des plaideurs parce que c'est une question de spécialisation.

Mais la différence évidemment, c'est que, dans un des cas, évidemment, les gens sont assurés. Dans l'autre, souvent on a affaire à des gens qui s'improvisent, et finalement la personne subit les conséquences sans avoir aucun recours. Et le pire, c'est que la personne peut le refaire presque ad vitam aeternam, alors ce qui fait que c'est très dommageable pour les justiciables. Et ça n'empêche pas, même, souvent ces gens-là d'avoir une totale confiance ? et je l'ai déjà vu, là ? en leur représentant totalement inadéquat et même incompétent, et c'est très malheureux.

Je vous propose quelque chose, est-ce qu'on pourrait... Et le ministre regarde certaines propositions, celle d'instaurer un recours, mais qui est quand même... je le trouve quand même assez lourd, mais qui est, en tout cas, du moins une amélioration. Poussons plus loin, est-ce qu'on pourrait peut-être y aller par les voies d'une accréditation, comme il se fait en matière de médiation familiale où le gouvernement accrédite un nombre de plaideurs x qui, sans avoir un statut, je vous dirais... Ça ne leur donne pas une compétence professionnelle ou une carte de compétence... ou, plutôt, un statut professionnel, mais il reste qu'il y a quand même une vérification de certains éléments. Et, si la personne est mécontente, à ce moment-là, elle peut même demander une révision de la décision, mais devant d'autres instances, ce qui fait que finalement on ne pénalise pas un justiciable, et c'est à l'étape de l'accréditation qu'on bloque les gens totalement incompétents. Est-ce que vous pensez que ce serait peut-être une voie à regarder?

M. Gagnon (Pierre): Moi, je crois que non parce que, là, on crée... L'exemple avec la médiation ? et, je pense, avec respect ? n'est pas applicable parce que ces gens-là sont déjà membres d'un ordre professionnel. Alors, on a des notaires médiateurs, on a des avocats, on a des travailleurs sociaux, on a déjà une réglementation pour chacun de ces ordres-là, et je ne sache pas que la réglementation autorisant la médiation, là, fait la discipline, la déontologie. Le danger avec ça, et on le vit actuellement au niveau du gouvernement fédéral qui est en train de créer un sous-ordre professionnel ou une sous-catégorie en autorisant les consultants avec rien comme formation, avec pas d'assurance probablement parce qu'ils n'en trouveront pas, avec une déontologie douteuse et avec des... Personne de ces gens-là va être capable de garantir un fonds d'indemnisation au citoyen, de garantir, comme on le fait au Barreau, jusqu'à 10 millions d'assurance responsabilité.

En quelque part, on a enlevé à l'article... on a ajouté à l'article 128 de la Loi du Barreau des exceptions, puis là on veut comme recréer quelque chose qui existe déjà, qui s'appelle un ordre professionnel, et je pense que...

M. Bédard: Ce n'est pas le but.

M. Gagnon (Pierre): Pardon?

M. Bédard: Ce n'est pas le but, évidemment, de la proposition que je fais...

M. Gagnon (Pierre): Non, je comprends.

M. Bédard: ...mais, en même temps, on conçoit tous les deux que le gouvernement ne reviendra pas en arrière. C'est ce que j'ai compris du ministre, les tribunaux administratifs sont ouverts à d'autres représentants. Et, bon, il y a des inconvénients, j'en suis, j'en ai vu, mais il y a certains avantages quand même, et ce n'est que le côté de permettre à des gens au moins d'être soutenus dans leur procédure parce qu'ils n'ont pas les moyens de se payer un avocat. C'est réel, là, et on ne peut pas se le cacher. Est-ce que vous pensez qu'il... Donc, le but de l'opération, ce n'est pas de juger qui est bon et qui est mauvais, là. Vous savez, il y a des mauvais avocats aussi qui plaident. Bon, ils peuvent se retrouver devant leur syndic à l'occasion, mais ils peuvent faire toute leur carrière tout en étant, je vous dirais, d'une compétence vraiment en bas de la moyenne, là, à la limite, et ça n'empêche pas de... Mais là on parle de quelque chose de plus dommageable, là, de personnes qui s'improvisent totalement et qui même, je vous dirais, profitent de la bonne foi des gens, chargent des montants importants et finalement, je vous dirais, qui ont pour effet finalement de placer les gens qui ont confiance en eux devant une pire situation que s'ils étaient représentés seuls, là. Et, là on ne parle pas de 1 000 personnes, là, on serait même, à la limite, capable du moins d'en situer quelques-unes, là.

Et, pour éviter cela, donc de créer... Et, là je ne vous parle pas de créer un ordre, là, là je vous parle de, finalement, qu'il y ait une liste accréditée où le président du tribunal n'a pas de discrétion, lui. Lui, il vérifie simplement si la personne est sur la liste ou elle n'est pas sur la liste. Si elle est sur la liste, alors ça ne lui donne pas le statut de professionnel et sans aucun, non plus, bénéfice d'assurance ? et c'est malheureux, mais il n'y a pas d'autre solution que celle-là ? mais, du moins, ça évite d'avoir les quelques cas qui sont vraiment, là, purement dommageables et qui sont vraiment, là, d'une incompétence crasse, je vous dirais.

Est-ce que vous ne penseriez pas que cette façon de faire là... Et là, évidemment, j'ai pris le parallèle de la médiation familiale, mais elle a des limites, là, je veux dire, dans le sens que là on parle de professionnels accrédités. Là on parle d'individus tout simplement accrédités dont on ne vérifie pas toutes les compétences, mais, du moins, dont on est capable de vérifier certains aspects. Est-ce que vous pensez que ce serait de nature à empêcher certaines personnes de s'improviser dans ce domaine?

M. Gagnon (Pierre): Ça m'apparaît difficile pour les raisons que je vous donnais tout à l'heure, c'est qu'il faudrait avoir des processus d'accréditation, il faudrait avoir des critères, il faudrait savoir jusqu'où on baisse la barre pour faire en sorte qu'on n'en refuse pas trop ou n'en rejette pas trop. Et puis, à un moment donné, si quelqu'un s'aperçoit qu'il a juste à aller remplir un formulaire pour être accrédité pour gagner sa vie, que lui donnera-t-il de faire partie d'un ordre professionnel? Et on va niveler par le bas. Honnêtement, je préfère bonifier la proposition qui est dans la loi, peut-être en allant vers la suggestion que faisait Me Masson.

M. Bédard: Parfait.

n(16 heures)n

M. Blouin (Denis-Luc): Si vous permettez, juste pour compléter sur ce sujet-là. Ayant vu tout le spectre, beaucoup de situations, ce que vous suggérez ou ce qui est suggéré de ce côté, ça ne couvre pas effectivement toutes les situations, parce qu'on pourrait avoir des personnes compétentes qui sont accréditées mais qui ratent leur cause, en ce sens qu'ils vont défendre la leur et non pas celle de leur client. Certains individus, là, sont là-dessus plus sensationnels, alors que j'ai vu des situations où c'est le voisin qui venait aider son chum, tout simplement, parce que le chum était trop gêné, et l'autre y allait de bonne foi. Et, comme on part du principe qu'une personne a le droit d'être représentée par une personne de son choix, je pense que le Commissaire qui a devant lui une situation d'évidence, qu'il peut qualifier et nommer, il est peut-être le plus à même de situer, là, quel curatif qu'il va pouvoir lui donner. Alors, c'est dans ce sens-là, en tout cas... Ça ne couvre pas tout, là.

M. Bédard: Mais l'inconvénient que ça a, cette procédure-là, c'est qu'elle retarde la cause indûment, et le but du projet de loi, c'est d'empêcher les délais. Et là on se retrouve devant une révision et même peut-être même une perte de confiance totale de l'individu, du processus administratif: on lui empêche, en plus, d'avoir son plaideur, alors vous comprenez à quel point il vient de subir une injustice. Et, moi, je me dis: Si on est capable d'empêcher au moins, dans la grande majorité de ces gens-là, au moins de se présenter devant le tribunal, puis ils contesteront devant les tribunaux, après ça, leurs droits justement de les représenter, déjà on a évité... Mais je comprends votre positionnement aussi; le mien, c'est de dire: quel est la meilleure solution? Ce n'est pas clair mais, du moins, c'est un objet de réflexion.

Comme il reste peu de temps, je vais me permettre une autre question. Les évaluateurs agréés sont venus nous voir ? évidemment, ils sont membres à part entière du tribunal et ils vont continuer dans l'avenir ? et ils ne sont pas admissibles aux fonctions administratives du tribunal. Et ils sont venus demander effectivement: Pourquoi on ne pourrait pas être, on ne pourrait pas avoir un statut au niveau administratif dans le Tribunal administratif du Québec? Et je vous avouerais que je n'ai pas encore trouvé de réponse qui pourrait les empêcher.

J'ai demandé la même question, je pense, à la conférence ou aux membres du tribunal, et ils m'ont répondu que eux non plus ne voyaient pas de difficultés à ce qu'ils aient accès à des postes administratifs au sein du tribunal, comme président, vice-président, du TAQ, à la limite.

Vous, M. le bâtonnier, est-ce que vous pensez qu'il y a des motifs qui pourraient empêcher ces membres d'accéder à des fonctions administratives au sein du TAQ?

M. Gagnon (Pierre): Bien, nous, on pense que les membres et les décideurs devraient être des juristes, là. On comprend qu'il existe certaines situations où ce n'est pas le cas et on a déjà fait nos représentations là-dessus, au moment du projet de loi n° 4. Mais, à quelque part, vous savez, l'administration de la justice, ça fait partie... c'est une... On a étudié 20 quelques années pour ça, vous savez, pour essayer de bien comprendre ça, comment administrer la justice, comment ça fonctionne, tout comme je n'essaierai pas d'aller évaluer le Centre Bell, par exemple. Je pense qu'à quelque part qu'on puisse utiliser l'expertise des évaluateurs pour ce qu'elle est dans leur domaine, mais je me demande bien franchement en quoi on peut dire qu'ils sont... ils ont, par exemple, ce qu'il faut comme formation pour gérer...

Imaginons, par exemple, pour poursuivre l'exemple de tantôt, que l'évaluateur, vice-président d'un tribunal, recevrait une requête en disqualification d'une personne, puis se retrouverait avec une batterie d'avocats, de part et d'autre, devant lui et toute la cause, l'arrêt Valente, et mettez-en, là ? vous savez comment ça peut partir, cette question-là à un moment donné ? à mon avis, et avec respect pour la science qui est la leur, la science de l'administration et de la gestion juridique, à mon avis est tout autre.

M. Bédard: Autre question. Vous faites état dans votre mémoire de la... et vous êtes les seuls, et c'est pour ça... mais qui est très importante, c'est celle relativement aux sections du tribunal. Et le tribunal, le TAQ est un tribunal qui est administratif, par sa fonction, est spécialisé, donc qui amène une spécialisation des tribunaux... plutôt de ses membres, et vous le dites vous-même. Évidemment, les tribunaux de droit supérieur vont déterminer, à partir de cette spécialisation, le degré de protection qu'aura la clause, et chaque modification peut avoir un impact.

Et là vous nous dites dans votre mémoire ? et vous me dites si je fais erreur ? aux pages 6 et 7, que la composition... le fait de ramener à trois sections peut avoir un impact négatif. Donc, le fait d'amoindrir la spécialisation pourrait avoir un impact négatif sur cette clause... donc sur le pouvoir de révision des tribunaux supérieurs.

Et allons plus loin: est-ce que vous pensez même que le fait que certains membres du tribunal, mais dans des causes, je vous dirais, qui pourraient être, en termes de compétence, qui pourraient être assimilables... Par exemple, l'assurance automobile, en terme médical, je vous dirais là, l'assurance automobile, mais seulement médical pas légal évidemment, l'assurance automobile versus CLP sur des causes médicales, sur des causes qui comportent des... accidentés du travail plutôt, qui pourraient avoir des problématiques relatives évidemment au corps humain. Est-ce que vous pensez que cela aussi pourra avoir des impacts sur le degré de protection pour avoir le tribunal?

M. Gagnon (Pierre): Le fait est qu'actuellement on a quatre sections du TAQ puis on a la CLP, là. Alors, on a cinq...

M. Bédard: Cinq?

M. Gagnon (Pierre): On a cinq sections. Puis là, bon, on aura finalement trois sections en tout. Et, à quelque part, on allume la lumière peut-être pas rouge mais jaune, en tout cas, pour dire: Bien, faisons attention parce qu'à quelque part, si on décide que ça se rapproche trop de l'équivalent d'un tribunal de droit commun par exemple, qui décide de trop de matières, bien, un tribunal en Cour supérieure ou d'appel pourrait décider que ce n'est pas...

M. Bédard: Excusez-moi, M. le bâtonnier, il reste une minute. Dans votre mémoire, vous ne dites pas le nombre de sections. Est-ce que vous dites de garder le nombre de sections actuelles? Est-ce que c'est cela que vous dites? Cinq.

M. Gagnon (Pierre): Honnêtement, on ne le dit pas, mais on dit...

M. Bédard: Mais c'est ça. C'est pour ça que je vous le dis.

M. Gagnon (Pierre): On ne le dit pas parce qu'on n'a pas toutes les réponses à tout. On n'a pas cette prétention-là, mais on...

M. Bédard: Alors, entre trois et cinq, c'est quoi? Quatre, c'est-u...

M. Gagnon (Pierre): On pense qu'il pourrait peut-être... il faudrait peut-être penser à en... éventuellement, peut-être, là...

M. Bédard: Une autre?

M. Gagnon (Pierre): ...peut-être voir à l'usage aussi, là, si... Voir comment ça va, là, tu sais, si la Cour supérieure, par exemple, trouve que c'est correct, on n'aura pas ce problème-là; si vous voyez qu'on l'a, bien, on pourrait toujours en diviser d'autres, mais il faut comme garder une ouverture peut-être dans la loi. Je pense que ce serait peut-être le message qu'on voudrait vous livrer, c'est garder une ouverture qui ferait que, peut-être, on puisse créer ou modifier les sections sans avoir à refaire toute la... réinventer la roue.

Mme Bergeron (Lise): Mais garder une ouverture, si vous me permettez de compléter sur ce point-là, il y a des références jurisprudentielles, il y a déjà des précédents parce qu'il y a une section qui a déjà eu des problèmes relativement à ça, que la Cour d'appel a déjà fait certains commentaires. Et il ne faudrait pas, pour reprendre l'expression de mon collègue tout à l'heure, contaminer l'expertise d'une section en la diluant.

M. Bédard: Noyant dans l'autre, oui.

Mme Bergeron (Lise): Et voilà! puis perdre tout le caractère de spécialité et de spécialisation des gens de cette section-là, parce que, là, l'effet serait tout à fait contraire à l'objectif recherché.

M. Bédard: Et le fait de permettre aux membres du tribunal d'aller d'une section à une autre dans des cas qui impliquent, par exemple, la connaissance médicale, est-ce que vous pensez que ça, ça aura un impact sur la spécialisation du tribunal?

Mme Bergeron (Lise): Moi, je ne suis pas en mesure de répondre sur des connaissances médicales parce que je suis plutôt attachée aux affaires immobilières. Alors, je ne sais pas quel... si un de mes collègues qui peut prêter main-forte là-dessus.

M. Gagnon (Pierre): Oui, nous-mêmes, on est très... on est très spécialisés, nous-mêmes, effectivement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gagnon (Pierre): Je n'ai pas l'impression, en tout cas, à première vue, je n'ai pas l'impression qu'effectivement ça pourrait enlever le caractère spécialisé, là. Ça ne se tranche pas, comme vous le savez, au couteau, là. C'est comme une impression générale à un ensemble de facteurs qui fait que la Cour supérieure décide que c'est un tribunal spécialisé ou non.

M. Sauvé (Marc): Peut-être ajouter simplement que le rapport Garant prévoyait, là, sauf erreur, cinq divisions, en incluant les lésions professionnelles. Alors, c'est une référence comme une autre, là, mais c'est une indication. Merci.

La Présidente (Mme Thériault): Donc, M. le bâtonnier, merci beaucoup. Merci, maître, pour votre contribution aux travaux de la commission. Nous allons maintenant suspendre pour une période de 10 minutes et nous reprendrons les travaux avec le Jeune Barreau du Québec. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

 

(Reprise à 16 h 26)

La Présidente (Mme Thériault): Nous allons reprendre les travaux de la commission et nous accueillons donc l'Association du Jeune Barreau du Québec. La parole est à vous, Me Lemay.

Association du Jeune Barreau de Québec

M. Lemay (Jean-Louis): Alors, bonjour. Premièrement, une petite correction, c'est l'Association du Jeune Barreau de Québec ? de Québec. Je me présente, Jean-Louis Lemay, je suis président de cette association; je suis accompagné de Bruno Lévesque, qui est membre du conseil d'administration et trésorier du Jeune Barreau de Québec.

Le Jeune Barreau existe depuis 1914. Nous sommes une association qui regroupe tous les jeunes avocats de la région de Québec qui ont moins de 10 ans de pratique. On est une association qui comprend environ 1 300 membres, ce qui représente près de 40 % du membership du Barreau de la ville de Québec. Alors, la justice administrative est un sujet qui nous préoccupe grandement au Jeune Barreau parce qu'il s'agit d'un champ de pratique occupé par plusieurs membres de notre association.

Alors, en premier lieu, on voudrait remercier la Commission des institutions de l'invitation qui nous a été faite à exposer notre point de vue sur un sujet, comme je vous l'ai dit, qui nous préoccupe.

D'entrée de jeu, comme vous le voyez au mémoire qui a été déposé, nous appuyons l'initiative du ministre qui est faite au projet de loi n° 35. On pense que ça marque un progrès important pour les justiciables et on croit que ce projet de loi là permettra une justice plus efficace, plus accessible, et une qualité accrue également. Nous appuyons également, comme nous vous l'avons mentionné dans notre mémoire, et soutenons le mémoire du Barreau du Québec qui vient de vous être présenté à l'instant et sur lequel vous avez posé de nombreuses questions.

Mais nous tenions à participer à la commission aujourd'hui pour rajouter quelques commentaires spécifiques qui nous touchent plus particulièrement, au Jeune Barreau. Premièrement, on salue l'initiative qui a été d'établir le siège social du tribunal, du TRAQ, à Québec, premièrement parce que je suis un peu chauvin, et ce, deuxièmement ? de façon plus sérieuse ? parce qu'on croit que la capitale doit être le centre de l'administration du gouvernement. Et, de plus, ça facilitera sûrement les procédures entre le TRAQ et les différents organismes qui ont déjà leurs sièges sociaux, ici, à Québec. On n'a qu'à penser à la SAAQ, à la Régie des rentes ou à la Commission de la sécurité du travail.

En second lieu, ce qu'on vous mentionne dans notre mémoire, c'est concernant un petit détail de sémantique au niveau du nom du futur TRAQ, Tribunal des recours administratifs du Québec. Il existe déjà un tribunal administratif du Québec, le TAQ, qui est bien connu des Québécois. Je pense que ce nom, le Tribunal administratif du Québec, représente bien la fonction et la compétence du tribunal et, au surplus, je pense que c'est un nom qui sonne quand même assez bien à l'oreille, contrairement peut-être à un tribunal des recours administratifs du Québec, le TRAQ, qui est inutilement long, que je ne vois pas la nécessité de rajouter cet acronyme-là à notre vocabulaire déjà lourd, et qui ? selon moi, c'est une opinion personnelle ? sonne beaucoup moins bien à l'oreille que le TAQ.

Cependant, vous remarquerez à notre mémoire que notre point principal pour bonifier le projet de loi n° 35 est la représentation par avocat. Vous avez pu constater qu'ultimement nous demandons que le projet de loi n° 35 prévoie expressément l'obligation d'être membre du Barreau pour faire des représentations devant le TRAQ, et ce, pour différentes raisons, mais la raison majeure étant la protection du public. Je crois que, si les justiciables sont représentés par des avocats devant le TRAQ, on acquiert ainsi une garantie de compétence, on acquiert ici la garantie de personnes qui connaissent la loi, qui connaissent les règles de preuve, de procédure. On a également des personnes qui sont soumises déjà à un code de déontologie qui existe, alors on fait face également à des personnes qui possèdent déjà une assurance responsabilité et on fait face à des gens qui ont une expérience accrue dans les litiges.

n(16 h 30)n

Mais vous remarquerez qu'à défaut nous soulignons que le projet de loi n° 35 devrait de façon minimale prévoir, et ce, dans l'intérêt du public et du Tribunal, la promotion de la représentation par avocats, et ce, la représentation par avocats devrait être encouragée autant pour les justiciables que pour les organismes. Peut-être que, pour certains d'entre vous, pour les organismes, ça peut paraître particulier que je le spécifie, mais, cependant, on croit, au Jeune Barreau, que, dans la foulée du projet de loi n° 35, le gouvernement devrait peut-être en profiter pour réviser l'article 128.2 de la Loi du Barreau, qui est devenue selon nous peut-être désuète. On se retrouve parfois face à des situations particulières et bizarres devant certains organismes gouvernementaux, où des agents représentant ces organismes gouvernementaux là violent cette Loi du Barreau, cet article 128 du Barreau.

On peut retrouver, par exemple au ministère de la Solidarité sociale, des agents ou des non-avocats qui ne font pas juste appliquer la loi au soutien du revenu comme le prévoit l'article 128 et qui peuvent être poussés à faire des requêtes introductives prévues aux articles 107 ou 154 de la Loi sur la justice administrative ou plaider d'autres lois, exemple la Loi sur la faillite. D'ailleurs, on voit cette préoccupation du gouvernement à l'article 103.1 du projet de loi où, comme vous l'avez discuté tout à l'heure avec les membres du Barreau... la possibilité d'exclusion d'un non-avocat pour des causes de compétence. Ce que nous soutenons dans notre mémoire, c'est que le problème serait, peut-être de façon simpliste, mais c'est ce que nous soutenons, réglé si justement la représentation exclusive par avocats était suggérée dans le projet de loi. Ça éviterait justement des évaluations de critères arbitraires, comme vous avez discuté longuement tantôt avec le bâtonnier du Québec.

D'ailleurs, depuis un an, le TAQ, par une initiative du Barreau de Québec, insère un signet informant les citoyens qui contestent au TAQ la possibilité et l'intérêt d'être représentés par un avocat. Alors, nous suggérons également, et encore une fois au minimum, que, si le projet de loi est appliqué de la façon proposée... on devrait y voir cette obligation pour le TRAQ d'informer les citoyens de leur possibilité d'être représentés par avocat, d'ailleurs comme on oblige les organismes administratifs à informer les citoyens de leur droit ou de leur possibilité d'appel.

Vous avez discuté tantôt également avec le Barreau du Québec de l'assurance responsabilité. Bien, dans la même foulée de ce que je vous suggère au niveau de la représentation par avocats, je pense qu'il est important pour la protection du public d'imposer cette obligation d'assurance responsabilité aux représentants non avocats pour que du moins il existe un recours valide ou au moins une possibilité de solvabilité contre ces représentants qui auraient fait une faute. Il ne faut pas perdre de vue que les droits et décisions qui sont discutés devant le TRAQ peuvent avoir des conséquences majeures sur le futur et la vie des citoyens qui sont présents devant ce tribunal-là. D'ailleurs, cette preuve d'assurance là devait être non seulement exigée devant le TRAQ, mais devant certains autres organismes comme la CSST ou le ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

En terminant, je voulais souligner à la commission que le Jeune Barreau est inquiet que certains organismes comme, par exemple, la SAAQ ou la Régie des rentes du Québec tolèrent des interventions de personnes non membres du Barreau du Québec. Vous avez même d'ailleurs eu, je crois, la semaine dernière, un exemple en commission, lorsqu'un M. Domenico Scalise, de l'Association des accidentés de la route du Québec, s'est présenté devant vous et il vous a répondu candidement qu'il faisait de la représentation devant la SAAQ, ce qui est interdit par l'article 128 de la Loi sur le Barreau. Selon nous, c'est inacceptable, ça encourage des contraventions à cette Loi sur le Barreau, ça diminue en bout de ligne la confiance du public et ça favorise des règlements à rabais pour les justiciables, les organismes sachant très bien que le représentant ne pourra aller en révision devant le TAQ parce que la loi ne lui permet pas.

Et, avant de conclure, je vais céder la parole à Me Lévesque qui voulait vous entretenir sur un point particulier.

M. Lévesque (Bruno): Bonjour. Ce n'est pas contenu à notre mémoire, je voulais le porter à votre attention. Par exemple, à l'article 187 du projet de loi qui fait référence à la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, il est de coutume, et c'est prévu évidemment à la loi... puis l'article 139.2 de la loi qui est proposé dit qu'un représentant de l'administration doit communiquer aux parties une copie du dossier relatif à l'affaire. Par expérience, et notre suggestion est la suivante, c'est que cette obligation-là soit toujours présente, c'est-à-dire que l'administration communique aux parties ce qu'elle entend se servir dans le dossier du justiciable, en sections numérotées et avec un index, comme il est fait actuellement. Mais nous croyons souhaitable que l'administration communique également, dans le même envoi mais dans une section qui soit un peu pêle-mêle, sans nécessairement l'indexer et la numéroter, le reste du dossier du justiciable.

Pourquoi? Bien, écoutez, c'est pour éviter des situations où est-ce que, finalement, un représentant d'un ministère fait lui-même une certaine étude du dossier et décide quels documents seront expédiés et quels documents ne seront pas expédiés. Dans les faits, il arrive souvent qu'un justiciable, par exemple de l'aide sociale, ne sache pas qu'un enquêteur qui a fait une enquête sur lui ait trouvé certains éléments de preuve qui seraient à son avantage, et ce qui arrive dans la pratique c'est qu'évidemment, et bien malheureusement à mon avis, cette information n'est pas communiquée au justiciable qui ne peut pas s'en servir pour sa défense. Je crois à ce moment-là qu'un devoir et des modifications qui s'apparenteraient à ce qui existe en droit criminel au niveau de l'obligation complète de la divulgation de la preuve seraient intéressantes, et la solution qu'on propose, je pense, est simple. Alors, le principe actuel, l'indexation numérotée des pages que l'administration entend se servir, mais automatiquement, dans le même envoi, la communication du reste des documents au dossier, le justiciable pouvant ainsi décider de ce que lui utilisera et ce qui est disponible au dossier. Voilà. Merci.

La Présidente (Mme Thériault): Merci, Me Lévesque. Merci, Me Lemay. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre de la Justice. M. le ministre.

M. Bellemare: Me Lévesque, Me Lemay, bienvenue devant la commission des institutions, et je suis très réjoui de constater que les jeunes avocats s'intéressent à la justice administrative, et je sais que bon nombre de vos membres pratiquent devant les tribunaux administratifs qui est un domaine en pleine expansion, et je profite de l'occasion et de votre présence pour vous inciter à faire beaucoup de promotion auprès des jeunes avocats pour les intéresser au droit administratif. C'est un domaine passionnant, on l'a réalisé depuis le 13 janvier de façon particulière à entendre tous les gens qui sont intéressés à la justice administrative au Québec, et ce sera l'objet de ma première question.

Faites-vous de la promotion? Avez-vous des outils pour intéresser des jeunes avocats à représenter davantage les gens qui sont aux prises avec des décisions de l'administration?

M. Lemay (Jean-Louis): Au niveau du Jeune Barreau, je dois vous dire que ? d'ailleurs, je crois c'est dans la dernière édition de notre journal qui s'appelle Pro Forma, ou l'avant-dernière édition ? il y a d'ailleurs eu un dossier sur les champs de pratique qui étaient offerts aux jeunes avocats, aux étudiants qui sortaient de l'université, et la justice administrative, comme d'autres domaines du droit, a été mentionnée comme une possibilité justement de pratique du droit.

M. Bellemare: Parce que, quand je vous demande si vous faites de la promotion, c'est qu'on réalise, et on l'a vu depuis le tout début, les gens nous parlent d'un déséquilibre entre le citoyen et le gouvernement. Ce n'est pas très compliqué à comprendre, les machines gouvernementales versus un citoyen qui, souvent, est démuni, qui ne connaît pas le système, qui ne connaît pas la complexité de la loi non plus, qui n'a pas d'expérience devant les tribunaux. Alors, il y a un déséquilibre apparent qui se confirme dans la réalité.

Mais, au point de vue de la formation, de l'intérêt, avez-vous prévu des incitatifs ou allez-vous en mettre sur pied pour encourager les jeunes avocats qui sont de plus en plus nombreux à s'intéresser à défendre les accidentés de la route, les gens sur l'aide sociale, les personnes qui bénéficient de la Régie des rentes du Québec, des champs de pratique où on a un taux de représentation dramatiquement faible, qui oscille entre 50 % et 65 % encore en 2004?

M. Lemay (Jean-Louis): Je vais laisser Me Lévesque répondre à votre question.

n(16 h 40)n

M. Lévesque (Bruno): Alors, pour répondre à la question, M. le ministre, je dirais que l'attitude du Jeune Barreau jusqu'à présent a été d'être très actif dans les différents comités du Barreau du Québec et du Barreau de Québec. À Québec, se tiendra incessamment un projet-pilote qui aura pour objet de faire la promotion des services d'un avocat en matière de justice administrative, gratuitement, pour une période d'une heure, ou une période... pardon, d'une première entrevue d'une durée indéterminée, l'objectif étant évidemment marketing, étant de la promotion et étant finalement là pour sensibiliser les gens que les avocats ne sont pas si dispendieux que ça malgré le préjugé qui peut exister. Il est à notre connaissance par exemple que certains organismes supposément spécialisés dans le domaine vont charger des sommes comme 1 000 $, 1 500 $, 2 000 $ pour l'étude et la représentation devant... de certains dossiers. Les particuliers ou les gens ont tendance à aller voir ces organismes-là, alors que le service aurait pu être offert par un avocat dans certains dossiers pour 500 $ ou 1 000 $. Alors, cette initiative-là, elle est prise, les membres du Jeune Barreau participent activement, et c'est quelque chose qui est également... qui fait l'objet d'une promotion par le Service de référence du Barreau de Québec.

En ce qui concerne la formation, nous savons que le Barreau du Québec a fait ? il y a eu certains rapports récemment ? beaucoup de publicité, est très actif dans le domaine. Nous surveillons ça de près évidemment pour l'intérêt des jeunes avocats. Voilà.

La Présidente (Mme Thériault): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, Me Lemay, bienvenue, Me Lévesque. Nous avons eu l'occasion de nous rendre compte que la relève en droit était bien assurée au Québec. La semaine dernière, nous avions des étudiants qui étaient en formation, en stage dans le cadre d'un cours et qui sont venus faire des représentations de façon très énergique. Et de voir le Jeune Barreau qui suit le Barreau et qui fait des représentations d'aussi bonne qualité, c'est tout à l'honneur de la profession, et je vous en félicite.

J'aimerais attirer votre attention sur un point que vous avez soulevé dans le court mémoire que vous nous présentez, sur le fait que, à la Société de l'assurance automobile du Québec, et je pense que vous l'avez souligné à juste titre, Me Lemay, on a eu un exemple devant cette commission la semaine dernière où il y a une tolérance, et c'est inquiétant en réalité, une tolérance où on permet, où l'administration finalement permet la représentation d'individus par des gens qui ne sont pas avocats, en contravention avec les dispositions de l'article 128 de la Loi sur le Barreau, comme vous le souligniez tantôt.

Bon, évidemment, on peut toujours prendre des recours basés sur l'article 128, mais est-ce que vous auriez une suggestion à faire qui serait de nature à d'abord faire cesser cette tolérance auprès de l'administration? Et est-ce que vous avez des suggestions à faire à la commission sur soit une modification à apporter au projet de loi n° 35 tel qu'il est actuellement ou encore simplement une directive qui serait de nature à nous assurer qu'au niveau de la justice administrative les dispositions de la loi sont respectées?

M. Lemay (Jean-Louis): Écoutez, la façon dont la loi est rédigée pour l'instant est assez claire, au niveau de l'article 128, le paragraphe 2. Outre une directive supplémentaire qui pourrait être émise dans le projet de loi, je crois que les organismes administratifs devraient tout simplement appliquer la loi ou les lois auxquelles ils doivent se conformer. Et la représentation par avocats, par exemple devant la SAAQ et la Régie des rentes, la solution que je vais vous proposer est peut-être candide, mais elle est très simple: c'est d'appliquer la loi tout simplement. Il est interdit qu'un non-avocat fasse des représentations devant la SAAQ ou la Régie des rentes. Par exemple, dans l'exemple que je donnais, tout simplement appliquer cette loi-là de façon conforme.

M. Moreau: Et est-ce que le Jeune Barreau, outre le mémoire que vous déposez aujourd'hui, est-ce que le Jeune Barreau a émis des recommandations ou transmis des lettres pour se plaindre de cette situation-là devant les instances administratives où, maintenant, nous le savons par les travaux de la commission, cette tolérance-là existe? D'ailleurs, on l'a rendue publique dans le cadre des travaux de la commission de façon éclatante, je pense. Est-ce que le Jeune Barreau a l'intention de faire quelque chose ou est-ce qu'il a déjà fait quelque chose là-dessus pour sensibiliser les instances administratives?

M. Lemay (Jean-Louis): Alors, par rapport à l'exemple qui a été donné la semaine dernière, que vous avez entendu en commission, non, pas encore. Cependant, je dois vous dire que le Jeune Barreau a un siège sur le Comité de pratique illégale du Barreau de Québec et, chaque fois qu'une plainte est faite ou que des noms sont communiqués de personnes agissant en contravention avec les lois sur le Barreau, les noms sont soumis et la pratique est soumise au Comité de pratique illégale. Et il y a une évaluation qui est faite, et les sanctions appropriées ou les plaintes appropriées sont faites en conséquence de l'étude justement du dossier en l'espèce, alors.

M. Moreau: Je comprends que vous avez suivi les travaux de notre commission.

M. Lemay (Jean-Louis): J'ai suivi les travaux de la commission. Je vous mentirais que je l'ai regardée en entier, mais j'en ai suivi de bonnes parties.

M. Moreau: Pour le sujet qui nous occupe, vous avez suivi au moins cette partie-là.

M. Lemay (Jean-Louis): Au moins cette partie-là.

M. Moreau: Bien. J'attire votre attention maintenant sur les dispositions de l'article 39 du projet de loi qui modifie l'article 103... l'article 103.1, je vous en fais la lecture pour le cas où vous n'auriez pas le texte sous les yeux, où on dit: «Le tribunal peut exclure de l'instance le représentant d'une partie qui n'est pas avocat, s'il estime qu'il n'a pas la compétence requise ou n'exécute pas de façon responsable les devoirs de cette tâche.»

Vous avez entendu avant vous les représentants du Barreau du Québec, le bâtonnier, qui ont fait des suggestions sur la procédure qui pourrait être suivie dans ce cas-là pour éviter que, et je pense citer le bâtonnier au texte, que le mieux soit l'ennemi du bien, à l'effet qu'on aurait peut-être des situations où le décideur direct ou celui qui entend la cause puisse, de façon exagérée, se prévaloir des dispositions de l'article 103.1 et exclure une personne, ce qui pourrait causer une situation difficile où l'administré, lui, a fait confiance dans l'exemple que je donne à tort à une personne pour le représenter, mais qui pourrait avoir des conséquences immédiates ou peut-être trop drastiques.

Je sais que le Jeune Barreau est souvent une inspiration pour le Barreau. Est-ce que vous avez, vous, des suggestions différentes de celles qui nous sont proposées par le Barreau du Québec relativement à une procédure à mettre en place pour assurer, d'une part, la compétence des gens qui représentent et, d'autre part, que cet exercice fort louable auquel nous convie la loi puisse être maintenu?

M. Lemay (Jean-Louis): Je comprends de votre question que c'est à défaut de la suggestion initiale qu'on vous fait de la représentation exclusive des avocats devant les tribunaux administratifs.

M. Moreau: Bien, supposons que celle-là n'était pas retenue.

M. Lemay (Jean-Louis): Alors, non, comme je vous ai dit d'entrée de jeu, sur la majorité des points, nous soutenons et nous appuyons le mémoire du Barreau. Tantôt, vous avez discuté longuement justement avec le bâtonnier et les membres qui l'accompagnaient de cette question-là. Je suis d'opinion effectivement qu'il peut peut-être être hasardeux et dangereux de laisser le soin au président de la commission ou aux membres du tribunal de créer une jurisprudence au niveau de la compétence, premièrement parce qu'une jurisprudence prend un certain nombre de temps, voire même un certain nombre d'années avant d'établir des tendances. On parle d'un point très important, la compétence de gens représentant les citoyens pour des questions qui sont majeures dans leur cas et qui ont des conséquences majeures pour le reste de leur vie. Outre le mécanisme de laisser cette évaluation de compétence là à des instances comme, on vous a suggéré tout à l'heure, la Cour supérieure qui a ce pouvoir inhérent là justement, je crois que c'est la solution peut-être qui est la plus acceptable dans les circonstances, mais en vous soulignant également, ce que je vous souligne dans le mémoire, que les avocats ont déjà leur code de déontologie et ont déjà un syndic qui peut s'occuper de ces questions-là.

M. Moreau: Votre réponse est un argument subsidiaire à votre mémoire.

M. Lemay (Jean-Louis): Voilà.

M. Moreau: Merci.

La Présidente (Mme Thériault): Donc, nous entamons maintenant la partie des échanges avec le porte-parole de l'opposition officielle qui est le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci à vous deux d'être venus nous faire part de vos commentaires. D'abord, je vais vous féliciter pour votre chauvinisme pour la capitale nationale, c'est une belle préoccupation. Je vous inviterais à l'étendre aussi à d'autres domaines que le droit, et j'espère aussi en même temps qu'elle n'inclut pas... l'aspect de la régionalisation. Est-ce que vous êtes penchés sur cet aspect de la régionalisation? Est-ce que vous êtes en faveur de cette régionalisation du Tribunal administratif?

M. Lemay (Jean-Louis): Effectivement, avec la réunion, qui est proposée, de la Commission des lésions professionnelles et du Tribunal administratif du Québec, je crois qu'on va favoriser justement cette régionalisation-là. La Commission des lésions professionnelles possédant déjà des greffes et des juges permanents résidents à travers les régions, alors il sera justement l'occasion pour le Tribunal administratif du Québec d'utiliser une structure déjà existante justement pour favoriser la justice en région.

M. Bédard: Merci. Quant à votre recommandation du TAQ, de maintenir le TAQ, je vous avouerais qu'elle est presque unanime, effectivement. Mais je pense que le ministre, bien qu'il n'ait pas fait encore d'ouverture sur ce point, mais tous semblent d'avis effectivement qu'il faut conserver le TAQ qui semble plus solide que le TRAQ... Donc, c'est des petites choses, je vous dirais, mais qui ont quand même un impact, et les acronymes ont parfois de drôles de résultats, et le TRAQ fait un peu moins solide effectivement que le TAQ.

n(16 h 50)n

Sur l'accessibilité, vous avez... Évidemment, la représentativité par avocats est la meilleure solution dans tous les domaines, on le sait, dû au fait évidemment que les gens ont une formation, sont reconnus, peuvent avoir accès même à de la formation additionnelle, permanente, et aussi permet de sanctionner les mauvais, donc d'empêcher que des gens se retrouvent pendant de longues périodes à aller à l'encontre d'une bonne pratique. Alors, c'est le mieux, ce n'est pas la Cadillac, dans le sens que c'est la normalité même. Mais il reste qu'elle est coûteuse, cette forme de justice, et on ne peut pas être insensible à cette réalité qui fait en sorte que la plupart... beaucoup de Québécois n'ont pas les moyens de se payer un représentant tout court, et je vous dirais même que parfois des litiges font en sorte qu'il est même économiquement injustifié de se prendre un avocat tout simplement, d'avoir les conseils d'un avocat. Et c'est pourquoi d'ailleurs que, même dans les litiges civils, on retrouve le tribunal des petites créances qui permet que les gens se représentent seuls, et maintenant c'est même rendu à des montants quand même assez élevés, pour empêcher justement que, même quand tu es gagnant, tu es perdant au niveau financier.

La réalité des tribunaux administratifs, vous le savez, fait en sorte qu'il faut... elle implique des montants des fois qui sont relativement peu élevés ou qui ont une forme de récurrence, mais qui fait que, dans le temps, le montant peut être élevé mais sur une très longue période, ce qui fait que les gens économiquement ne peuvent pas justifier le fait d'avoir un avocat, et souvent ils sont même dans des périodes qui les empêchent d'avoir accès à l'aide juridique, alors ils ont un revenu pendant l'année, ils ne se qualifient pas à l'aide juridique, donc n'ont pas cette protection que leur donne un procureur.

Et là je ne veux pas vous amener en terrain miné, je veux être clair, vous défendez une forme de représentativité qui est légitime, un peu corporative, mais elle est normale parce qu'elle est bonne effectivement. Allons plus loin. Comme membres du Jeune Barreau, avez-vous réfléchi à cette problématique qui demeure et qui n'est pas résolue? Parce que vous êtes assez drastiques, vous dites: Dans tous les cas, et vous dites même: Il est inconcevable que des gens puissent être représentés par des non-avocats. C'est quand même assez drastique, mais, au-delà de ça, même si on les obligeait, ceux qui n'ont pas les moyens d'être représentés, ceux que le litige ne justifie pas le paiement d'honoraires, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce que vous avez réfléchi à cette problématique?

M. Lemay (Jean-Louis): Effectivement, et on en parle un peu brièvement dans notre mémoire et je vous en ai parlé dans ma présentation, il faudrait faire attention, distinguer deux problèmes: distinguer le problème des personnes qui se représentent seules versus les problèmes des personnes qui sont représentées par des non-avocats. Notre système de justice actuel permet à des personnes dans différents domaines de se représenter seules. Je n'en ai pas traité dans le mémoire et je n'en ai pas traité dans ma présentation: si, au niveau de la justice administrative, il y a des personnes qui veulent se représenter seules, sans l'encourager, ça peut être... c'est le droit des citoyens; dans certains cas, peut-être que c'est préférable également.

Cependant, ce sur quoi on attire l'attention de la commission, c'est les personnes qui sont représentées par des non-avocats. Comme mon collègue vous l'a dit tout à l'heure, il faut faire attention aux préjugés, il faut faire attention aux idées préconçues; ce n'est pas porté à mon attention que certains représentants qui agissent devant les tribunaux administratifs offrent une représentation de meilleure qualité à coûts moins élevés aux justiciables, c'est plutôt le contraire qui peut se produire et, dans certains cas, pour des coûts plus élevés. Alors, cette idée-là ou ces idées-là qui sont véhiculées sont fausses déjà à la base. Et il existe une panoplie de moyens pour un justiciable de se faire représenter. Vous l'avez mentionné tout à l'heure, le premier palier est l'aide juridique. Alors, pour les citoyens qui sont admissibles, il existe des moyens de se faire représenter devant les instances administratives par des avocats rémunérés par l'État... de l'aide juridique.

Le problème est plus criant lorsqu'on aborde la classe moyenne, il y a des gens qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique et qui, dit-on, n'ont pas les moyens de se payer un avocat, mais je vous répéterai que, s'ils n'ont pas les moyens de se payer un avocat, je ne crois pas qu'ils ont plus les moyens de se payer un non-avocat. Il existe d'autres méthodes pour se faire représenter, le Barreau de Québec, le bâtonnier Gagnon, en l'occurrence, a fait des efforts énormes, à l'automne, de publicité sur ce qu'on appelle l'assurance juridique. Dans le projet d'assurance juridique, pour un montant mensuel minime, on peut justement s'assurer pour être représenté devant les tribunaux administratifs jusqu'à, à moins de me tromper, une concurrence de 5 000 $. Alors, je pense qu'il existe de multiples moyens pour les citoyens de se faire représenter par des avocats, et c'est pourquoi on encourage cette... et c'est ce qu'on suggère dans notre mémoire.

M. Lévesque (Bruno): Je me permettrai d'ajouter que, là-dessus, je pense qu'il y a un travail de sensibilisation de la population, c'est-à-dire que, et c'est un peu ce que je vous disais tout à l'heure, le projet-pilote à Québec de sensibiliser les gens que finalement les avocats ne coûtent pas les yeux de la tête et surtout dans des matières administratives où est-ce que les avocats développent une certaine spécialité et, très rapidement, sont capables de cerner les intérêts juridiques et faire les représentations adéquates.

Ce qui arrive, c'est que les organismes à but lucratif, je ne veux pas mentionner de noms, mais qui vont offrir un certain service, vont souvent le faire à forfait, 500 $, 750 $, 1 000 $. Ces forfaits-là peuvent être aussi négociés avec les avocats. Personnellement, j'en fais, du droit administratif, et il est très fréquent que, pour une somme de 500 $, dépendamment du dossier évidemment, après une brève étude, 500 $, 750 $, 1 000 $, tout inclus, je vais faire les services, je vais rendre les services. Parce que c'est possible en matière administrative; la procédure, elle est moins lourde, elle est plus informelle, et le service se rend. Évidemment, il ne serait pas correct de dire que tous les avocats devraient le faire pour un tel montant; ce n'est pas le cas, tous les dossiers ne sont pas les mêmes, au même titre qu'un organisme à but lucratif ou une compagnie ne fera pas ce genre d'entente là non plus. Mais ces moyens-là existent et ils sont souvent offerts au même prix par les avocats, par les professionnels qui ont les assurances et les compétences nécessaires.

M. Bédard: O.K. Il me reste une minute et quelques, ça ne fera pas une longue discussion.

La Présidente (Mme Thériault): Une réponse courte à une question courte.

M. Bédard: Alors, allons un peu plus loin aussi. Il va toujours rester quand même un nombre de gens qui n'auront pas accès à la représentativité. Si vous avez écouté les travaux de notre commission, vous avez vu une avocate, entre autres, de droit administratif, qui est venue proposer, entre autres au niveau des lésions professionnelles, la création de fonds ou peut-être même elle proposait que, dans d'autres législatures, il y avait, comme en matière de Commission des normes du travail, des avocats payés à part qui vont représenter les justiciables.

Est-ce que vous pensez que ce type de... est-ce que ce serait une amélioration par rapport à ce qui se vit actuellement?

M. Lemay (Jean-Louis): Mais, d'entrée de jeu, je dois vous dire que je n'ai pas pris connaissance de ces mémoires-là, et cette partie de votre commission, je ne l'ai pas entendue. Mais de la façon que vous me l'exposez, ça me semblerait peut-être être un dédoublement de service d'aide juridique qui existe déjà. Alors, à ce moment-là, il y aurait peut-être...

M. Bédard: Non, parce que, sur l'aide juridique, vous savez, les paliers sont très bas, alors c'est jusqu'à concurrence de... Écoute, tu as un salaire de 8 000 $, de 8 000 $ à 9 000 $, 10 000 $, et, après ça, tu as des paliers, ce qui fait en sorte que les gens finalement, c'est des très, très bas revenus. Toute personne en haut d'à peu près 19 000 $, et là, sans risque, je vous dirais, n'a aucune aide juridique. Qu'est-ce qu'on fait? Vous savez, les plus de 100 000 $, on n'a pas beaucoup de problèmes avec eux. Entre 19 000 $ et, je vous dirais, 30 000 $, là, quand tu as deux enfants, tu as une famille, le revenu familial est autour de 22 000 $, c'est sûr que ça devient compliqué. Qu'est-ce qu'on fait pour ces gens-là qui sont la majorité des Québécois, en passant? La majorité, le revenu moyen est autour de 20 000 $, le revenu familial est à peu près 35 000 $, moyen. Qu'est-ce qu'on fait pour ces gens-là?

M. Lévesque (Bruno): Je vais me permettre de voler la parole à mon président. Je reviens avec l'assurance protection juridique. Je ne dirai pas le nom de la compagnie, mais son siège social n'est pas très loin d'ici. 39 $ par année pour l'assurance protection juridique, ça couvre des litiges jusqu'à 5 000 $ par litige. Je ne peux pas concevoir que les gens, même avec la situation que vous dites, à 35 000 $, deux adultes, deux enfants... je pense que ces gens-là, pour la plupart, et là ne faisons pas une chasse aux sorcières pour trouver le cas, là, mais, pour la plupart, vont avoir une assurance habitation à laquelle ils peuvent greffer une assurance protection juridique pour 39 $ par année.

Moi, personnellement, je ne comprends pas pourquoi les gens n'auraient pas cette assurance-là parce que... Faisons le calcul rapidement: un litige par période de 10 ans, il y a 400 $ de primes qui ont été payées, hein, sur 10 ans, puis un litige va être couvert. La statistique, je crois, et je vous dis ça totalement sans filet, c'est que les particuliers ont un litige environ par sept ans. Alors, il est clair, net et précis que ce moyen-là devrait faire l'objet de promotion. Et pour répondre plus spécifiquement à votre question, je crois, et je ne veux pas parler pour le gouvernement, mais, économiquement parlant, de créer un organisme qui serait le pendant, selon ce que j'ai compris de votre affirmation, de la Commission des normes du travail, par exemple, serait économiquement beaucoup plus coûteux à court, moyen et long terme que, par exemple, d'aider par des campagnes de... des subventions pour des campagnes de publicité, sensibiliser la population du Québec à acquérir cette assurance protection juridique là.

n(17 heures)n

Le problème actuellement, c'est que les gens ne le connaissent pas, ce produit-là. Et je pense qu'un 100 000 $, par exemple, investi à cet effet-là serait beaucoup plus, mieux utilisé à long terme. Voilà.

M. Bédard: En tout cas, vous en faites une belle publicité. Merci.

M. Lévesque (Bruno): Ça fait plaisir.

La Présidente (Mme Thériault): Merci, Me Lemay, et merci, Me Lévesque. Je remercie donc l'Association du Jeune Barreau de Québec d'avoir contribué à l'avancement des travaux de la Commission des institutions et j'ajourne les travaux à demain, mercredi le 28 janvier, à 10 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 1)


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